93 Days of Summer : Iris

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Jeune styliste originaire du sud de la France, Iris partage avec nous ses inspirations et nous présente la ville de Marseille sous un nouveau jour. Authentique, cosmopolite et engagée, elle nous donne sa version de la mode, un monde dans lequel elle ne pensait plus trouver sa place.

 

T’as grandi où Iris?

J’ai grandi dans le sud de la France, pas très loin de Marseille et je suis arrivé à Paris il y a 6 ans.

 

C’est comment le sud?

C’est inspirant. Plus jeune, j’étais dans une école catholique et j’avais besoin d’aller à Marseille pour me retrouver. Marseille c’est une ville hyper authentique et qui assume sa diversité. À Marseille tout le monde est fier d’être marseillais, c’est vraiment une ville à part. Même au niveau vestimentaire, tu regardes la cagole, pour moi ce sont des femmes fortes, certes très séxualisées, mais qui justement se moquent de l’image qu’elles peuvent renvoyer et du coup, du regard des autres. À la base une cagole c’est connoté comme quelqu’un de sale, ça vient de “caguer” en provençal, c’était les courtisanes de l’époque en fait, et moi je trouve ça beau des femmes qui se moquent du regard des hommes et qui s’habillent et vivent comme elles l’entendent.

Il y a vraiment un style marseillais et c’est une source d’inspiration pour mon travail. Il a été longtemps négligé et maintenant ça revient à la mode et c’est même réutilisé par les marques de luxe. Que ce soit le bling-bling, les baskets, ces marques reprennent tout ce qui vient de la rue. Marseille ça a été une ville longtemps dénigrée, connotée comme dangereuse ou mal famée et maintenant c’est une source d’inspiration pour beaucoup de gens et je suis très fière de venir de là-bas.

 

Pourquoi t’es montée à Paris?

Pour faire une école de mode après avoir fait arts appliqués. J’ai fait pas mal d’éditos puis j’ai fait un premier stage qui m’a un peu refroidi, parce qu’il n’y avait aucune diversité et on travaillait uniquement une seule version de la mode, très luxe, très occidentale. C’est seulement avec mon deuxième stage, que j’ai fait au WAD, que j’ai découvert une autre version de la mode, beaucoup plus ouverte. C’est à partir de ce moment là que je me suis intéressé à des magazines indépendants comme Dazed ou I-D qui proposaient une mode plus authentique, qui vient de la rue. Par la suite j’ai fait beaucoup plus de streetwear, de sportswear et maintenant je suis en plein dedans et ça me convient parfaitement. J’ai trouvé ma place dans la mode alors que je ne pensais plus la trouver.

 


“Marseille c’est une ville hyper authentique et qui assume sa diversité. Même au niveau vestimentaire, tu regardes la cagole, moi je trouve ça beau des femmes qui se moquent du regard des hommes et qui sont fières de ce qu’elles sont.”


 

Tu m’as beaucoup parlé de Marseille, c’est de là que tu tires toute ton inspiration?

Oui mais depuis peu je m’inspire aussi beaucoup de mes origines. J’ai toujours eu du mal à les accepter. Je viens d’un petit village dans le sud où le racisme est très présent et depuis toute petite on me lançait des petites réflexions qui peuvent paraître anodines mais qui marquent, surtout à cet âge-là. C’était pas méchant mais c’est juste parce que j’étais différente et du coup toute ma vie, j’ai caché ces différences, mes origines, j’essayais de m’occidentaliser, de me lisser les cheveux, de ne pas trop bronzer l’été, de porter des blouses, des chemises, des ballerines… des trucs qui ne me ressemblaient pas du tout! C’est uniquement quand je suis arrivée à Paris, qui est une ville tellement cosmopolite, que j’ai appris à être fière de ce côté latino et de mes origines cubaines. Du coup, Cuba ça devient une inspiration en terme de lifestyle, d’histoire, de manière de penser et j’ai aussi ce côté contestataire, cet instinct de révolution. J’ai un tempérament assez fort et pour les combats qui en valent la peine je me mobilise. C’était très important pour moi d’aller manifester pour Théo ou même il y a quatre ans, j’étais dans la rue pour soutenir le mariage pour tous par exemple.

 


“Quand tu utilises les codes d’une culture, il faut la mettre en valeur par la suite, sinon c’est du déguisement et la mode ce n’est pas ça. Pour moi la mode, c’est censé raconter une histoire, ce n’est pas juste de l’image pour l’image.”


 

Quand tu prépares tes looks ou quand tu travailles sur un shoot, qu’est-ce qui te rend créative?

Alors ma première source d’inspiration c’est la rue. Quand je prépare mes éditos ou mes looks, je ne regarde vraiment pas ce qu’ont fait les autres stylistes ou les créateurs sur les défilés. Je fais mes recherches, dans pleins de domaines différents, que ce soit dans la culture hip-hop ou dans la culture japonaise. J’aime beaucoup mélanger le luxe avec le sportswear et des éléments qui appartiennent à des cultures en essayant de ne pas tomber dans la réappropriation culturelle. De toute façon quand tu utilises les codes d’une culture, il faut la mettre en valeur par la suite, sinon c’est du déguisement et la mode ce n’est pas ça. Pour moi la mode, c’est censé raconter une histoire, ce n’est pas juste de l’image pour l’image. J’essaye au maximum de donner du fond à mon travail.

 

C’est quoi tes projets pour cet été?

Déjà je vais passer un peu de temps chez moi, dans le sud. Je vais prendre du temps pour dessiner. C’est quelque chose que je faisais souvent par le passé, notamment pendant la fashion week, je faisais des croquis des tenues qui me faisaient tilt sur les shows. C’est pas quelque chose que je mets en valeur mais j’ai toujours dessiné, notamment en arts appliqués et en école de mode.

J’ai un peu laissé tomber le dessin par manque de temps et l’été ça me permet aussi de prendre du temps pour ça. C’est compliqué pour moi d’être créative à Paris. D’ailleurs, il y a quelque temps j’ai vraiment ressenti de la lassitude, je n’arrivais plus à capter l’énergie parisienne. Après j’ai intégré le Paris Running Club et ça m’a fait du bien de courir le soir dans Paris avec une énergie de groupe, ça m’a fait redécouvrir Paris.

Ensuite, je vais aussi passer quelques jours sur Marseille, sans but précis, juste pour capter l’ambiance de la ville et regarder le style des gens. D’ailleurs il y a un créateur qui vient du sud, Jacquemus, ses collections en sont inspirés et ça me plait beaucoup parce ce qu’il n’est pas dans le cliché et c’est vraiment beau. Il a fait un défilé récemment à Marseille et c’était magnifique. On peut être fier d’avoir des créateurs comme ça parce qu’on a trop dénigré Marseille à tort et à travers. Il faut venir visiter Marseille pour la comprendre. Le voyage c’est important, c’est la seule chose qui te demande de l’argent mais qui te rend riche.

 


“Il faut venir visiter Marseille pour la comprendre. Le voyage c’est important, c’est la seule chose qui te demande de l’argent mais qui te rend riche.”


 

Et t’as quel âge?

J’ai 23 ans.

 

 

Instagram : @irisgzs

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