93 Days of Summer : Pepper

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Pepper mixe depuis seulement 2 ans et il a déjà réussi à inscrire son nom sur les line-ups des lieux les plus pointus de la capitale. Le jeune dj (mais pas que) apprend vite mais toujours avec l’humilité de prendre son temps. Créatif par essence, entre Grande Ville, la sape et Danube, il nous donne sa version de la jeunesse et nous transporte à travers son Paris.

 

Tu as grandi où?
Je suis né sur Toulouse et je suis arrivé à un ou deux ans à Paris. Après je passais mes étés à Toulouse. J’ai grandi dans le 19, j’suis un gars de Danube, Oxmo, Wati B tout ça. J’ai habité à Château Rouge, dans le 10ème aussi, c’est marrant parce que ce sont des endroits où je traîne maintenant.

 

Comment est-ce que t’as commencé la musique?
J’ai commencé à mixer il y a deux ans, dans des petits bars comme le Jeune ou l’Isolé à Pigalle. La première ouverture que j’ai eu c’est le Pompon, à Opéra. En terme de visibilité c’est hyper fat. Avec les périodes de fashion week, ça allait quand même assez vite, le bouche à oreilles a pas mal aidé aussi. À un moment il y a eu un truc pour Jordan, Michael Jordan est venu à Paris, il est passé au Pompon et je mixais ce soir là. C’est pleins de petits événements qui ont fait que…

 

Il y a des personnes qui t’ont aidé dans le milieu?
Il y a des gars qui sont là pour moi et qui me poussent, comme par exemple le gars de Pain O Chokolat, Charaf. Il y a des gens qui sentent que t’as la dalle et qui te donnent l’exposition dont tu as besoin. Il y a aussi des gens qui font partie de structures comme par exemple les mecs de Yard. Il n’y a pas de meilleur endroit l’été quand tu sais mixer pour avoir de l’exposition.
La Yard j’ai eu la chance d’y mixer l’été dernier plusieurs fois avec un format que je kiffais mais c’était pas forcément la musique que je préférais jouer. Moi j’aime bien varier les plaisirs avec du dancehall, afrobeat, hip-hop à l’ancienne, et forcément de la trap. Du coup, j’ai kiffé le format de La Machine cet hiver, dans la salle du bas, avec les femmes tout ça. Ca s’est bien passé et là j’ai joué pour l’opening de cet été donc c’est bien, parce que ça prouve qu’ils donnent une chance aux jeunes dj qui n’ont pas 10 ans de carrière mais qui ont la passion et l’envie. Tu vois moi j’ai un taf à côté et pourtant j’ai ce truc qui me permet de vivre comme un jeune de mon âge.
Là il y a deux semaines je suis parti à Berlin donc j’ai eu la chance de jouer dans un club là-bas, au Saint-Georges, grâce à un gars hyper validé que j’ai rencontré dans un bar et qui connaissait le groupe dont je fais partie, Grande Ville. C’était lourd mais le hip hop c’est pas comme ici. C’est comme chez nous il y a 5 ans quand il y avait que des soirées électro avec la French Touch. Quand il n’y avait que le Gibus pour le hip-hop. Maintenant même les meufs elles écoutent de la trap [rires].

 


“Il y a des gens qui donnent leur chance aux jeunes dj qui n’ont pas 10 ans de carrière et qui sentent qu’ils ont la passion et l’envie. Tu vois moi j’ai un taff à côté et pourtant j’ai ce truc qui me permet de vivre comme un jeune de mon âge.”


 

Tu parlais d’afrobeat et de différentes sonorités toute à l’heure, comment tes origines influencent ta musique?
Moi j’suis congolais et j’ai grandi avec la rumba congolaise, les Papa Wemba, Koffi Olomidé, etc… Et là on arrive dans une ère où toutes ces sonorités qui ont longtemps germé, on les entend dans des sons de Drake, qui collabore avec Wizkid par exemple. C’est bien d’un côté et d’un autre t’as envie de lui dire “Mec ça fait 20 ans que j’écoute cette musique là…”. Et puis t’as un gars comme Ed Sheeran qui va surfer aussi sur la vibe tropicale. Bon après no offense, chacun fait ce qu’il veut. Mais sinon cette vibe là c’est même pas que je l’adore, je l’ai dans le sang. C’est cool de voir que ça a son exposition, parce qu’en Afrique la musique c‘est vraiment un état d’esprit.

 

Donc t’as commencé la musique il y a deux ans?
En fait, à la base j’ai commencé avec la musique parce que j’ai fréquenté des gars qui faisaient des vidéos, des clips, des prods,… Quand t’es pote avec autant de gens qui sont créatifs, ils déteignent sur toi et tu te dis que ça te plait… Pendant un moment je cherchais ma place et je me demandais comment les aider et c’est comme ça que j’ai découvert ce que je kiffais, ce truc de passer de la musique. Là je suis à un stade, j’y vais petit à petit, je fréquente des gars qui font des prods et je me dis pourquoi pas.
C’est marrant j’ai toujours eu cette espèce de fibre artistique. J’ai intégré les origines et les influences africaines de mes parents mais aussi tout ce que je voyais à la télé donc toute cette Amérique, et ça se voit dans l’afrotrap, en fait c’est naturel, ce sont les enfants qui sont nés ici et qui combinent leurs origines avec ce qu’ils vivent. Tu sais j’étais à Berlin et je vois un mariage turc, j’entends de l’afrotrap et quand je tends l’oreille, j’entends MHD mec! A Berlin dans un mariage turc! Bon après là-bas ils sont grave réceptifs au rap français.

 

Du coup tu fais des prods, t’essayes des nouvelles choses?
Ben non, si tu veux je suis super humble par rapport à tout ce truc du djing, ça va vite, donc je veux prendre mon temps et pas me prétendre producteur. 2 ans c’est super jeune encore, et j’ai beaucoup de chance d’avoir tourné dans beaucoup de clubs déjà.
C’est vrai que ce serait cool que j’amène mon truc perso. Mais chaque chose en son temps, 2 ans c‘est jeune de ouf et même s’il faut prendre des risques, il faut le faire intelligemment. J’ai une deadline dans la tête et je sais qu’à la rentrée je vais m’y mettre, j’ai des potes qui me poussent comme J. Whoo qui produit de la funk et qui a même lancé un projet, Motel Music, après avoir traversé les States pendant un mois avec d’autres membres de Grande Ville.

 

Comment t’arrives à être créatif quand tu prépares un dj set, ou sur le moment, qu’est ce qui t’inspires?
Qu’est ce qui m’inspire… Ben j’ai 27 ans et j’ai pris beaucoup de vibes qu’on a un peu de mal à assumer, quand t’as 13-15 ans, toute cette vibe R&B. Si tu me vois un mercredi soir au Jeune, tu verras que j’adore passer de la musique qui a été samplée avec l’originale. Mais j’essaye au maximum de varier les plaisirs et de m’adapter au lieu dans lequel je me trouve, les gens il faut qu’ils comprennent que je raconte quelque chose. J’essaye aussi de faire des intros ou des rappels, que le set ne soit pas trop linéaire, ou ennuyeux mais même s’il y a ce truc qui veut que tu passes tes sons, il faut que ça parte dans tous les sens des fois et c’est ce que le hip hop permet de faire.
Quand j’ai commencé à apprendre, moi c’est Poivre et donc celui qui m’a appris beaucoup de choses c’est Sel. Lui il a une formation electro, deep house et donc ses sets sont hyper calés, j’respecte à fond, mais c’est un peu linéaire, un peu boring. C’est hyper facile à mixer alors que le hip hop ça part dans tous les sens.
Aussi, il y a beaucoup de feeling, je regarde beaucoup les gens et surtout les femmes. C’est mon leitmotiv. Un bon dj il a compris que c’est super important de faire danser les femmes, que ta musique elle soit light ou hardcore, les mecs vont suivre. Après ça dépend, soit tu fais un set des plus kaïra du monde, tu fais kiffer tes potes, soit tu veux vraiment que les gens se souviennent de ta soirée et qu’ils reviennent alors tu fais danser tout le monde. Après si t’arrives à faire danser les meufs sur des musiques trap ou un peu plus girly, les gars aussi ils vont danser et ils vont kiffer. Peu importe où tu mixes, même sur les Champs tu peux mixer de la trap, c’est juste la manière dont tu l’amènes. J’ai toujours une playlist de prête et après je m’adapte aux gens. Le public c’est la base. Si j’ai personne en face de oim je ne vais nulle part.

 


“Je ne fais pas encore de prods, je suis hyper humble par rapport à tout ce truc du djing. Chaque chose en son temps, même s’il faut prendre des risques, il faut le faire intelligemment.”


 

Tu m’as parlé de Grande Ville, c’est quoi ton rôle au sein de Grande Ville?
Bon là je suis devenu plus ou moins officiellement le dj de Grande Ville. On prépare une grosse soirée et donc là je suis sur ça aussi. Après je donne un coup de main sur quelques clips, je donne des conseils, des coups de pouce à mon pote Jazzy Bazz, même sur la sape, ou pour contacter quelques marques. Si tu lui demandes il va dire que je suis son styliste mais je me prétends pas du tout styliste (rires). Comme je connais quelques personnes chez Nike ou Converse j’ai réussi à les mettre en contact avec lui et d’ailleurs mes potes m’appellent le “plug” à cause de ça ahah!

 

Tu m’as parlé de pleins d’endroits et de gens que je connais, on a tendance à dire que Paris c’est un petit village, qu’est ce que t’en penses?
Ben je pense que ça a plusieurs avantages parce qu’en connaissant les bonnes personnes, j’ai réussi à entrer dans des lieux super pointus. Et moi dans ma logique, j’ai envie qu’il y ait pleins de gars comme oim sur Paris. Donc dès que je suis en soirée et que je vois que le dj est bon, je prends son contact et je le relaie au niveau de plus grosses structures. C’est arrivé avec Yard il y a quelques jours d’ailleurs.
Les gens qui se plaignent que Paris c’est un village, ils ne font rien pour que ça change, ils ne restent qu’entre eux, toujours aux mêmes endroits. Tu vas croiser les mêmes personnes mais au final tu les connais pas, tu fais rien de plus pour connecter et faire un gros truc avec eux.
Nous c’est comme ça que ça a commencé avec Grande Ville. On s’est posé chez Ivan (Jazzy Bazz), on était 20 gars et on s’est dit bon maintenant toi qu’est ce qu’on peut faire? Toi tu fais des vidéos, toi tu peux tenir un blog, toi des photos… Mais avant on s’est dit qu’il fallait qu’on se connaisse et voilà maintenant c’est mes meilleurs potes et tout le monde se donne de la force. Et comme à Paris tout le monde se connaît, ça marche assez bien.
J’ai des potes qui font la Cigale ou le Zénith, et quand tu te retrouves sur la scène devant des milliers de personnes qui sont en train de crier, tu ne peux pas décrire cette sensation là. Je suis parti à New York il y a deux ans, Ivan enregistrait son album à cette époque et il m’a dit de venir, ensuite il avait une date à Montréal, il m’a dit de venir et de mixer pour lui et c’est toujours comme ça. Quand t’es avec tes gars et que tu perces tout seul t’as aucun plaisir, donc tout le monde monte ensemble. Ce principe je l’applique à un cercle un peu plus élargi c’est tout.
Ça dépend vraiment de ta définition de village, Paris c’est mon village mais il y a des millions de personnes et je ne connais pas tout le monde. Moi j’adore les rencontres que je fais la nuit, il y a un côté obscur certes, mais j’kiffe quand à la fin de mon set la personne elle est ivre et elle vient te faire un hug, et au final tu te dis que la journée elle a des problèmes et le soir elle est là pour se défouler et tu la fais kiffer. C’est le retour que tu as en dehors de l’aspect financier, et il est vraiment cool.

 


“Les gens qui se plaignent que Paris c’est un village, ils ne font rien pour que ça change. Tu vas croiser les mêmes personnes aux mêmes endroits mais au final tu ne les connais pas, tu ne fais rien de plus pour connecter et faire un gros truc avec eux.”


 

Et sinon, c’est quoi les projets à venir?
Voyager plus. À titre personnel, t’as toujours envie de voyager pour revenir chez toi plus fort. J’ai envie de vivre, d’aller à Londres, à LA. Dans tous les lieux où je vais je me débrouille pour piocher de la musique et c’est comme ça que t’amasses une vraie base, quand tu vas en soirée pour écouter des sets. D’ailleurs je vais à Copenhague bientôt pour le festival Distortion. On m’a parlé d’un club qui passe que de la disco et j’ai envie de me prendre cette vibe!
Je vais essayer aussi de pousser un peu la sape, quand je donne des conseils à mes potes tout ça, c’est un truc que je kiffe donc pourquoi pas. Je verrais bien où ça me mènera. Avant je me prenais grave la tête mais plus maintenant. En France, t’as pas cette culture de l’entertainment. Ici ce qui compte c’est le collège, le lycée, le BAC, l’école de commerce et le Bac +5. Maintenant j’ai des potes ils ont tout ça et on leur propose des tafs de stockists sur les Champs, mais c’est pas ça la vie qu’on veut. Nous on a entre 25 et 30 ans et on a ce modèle états-uniens où tu fais tes preuves et les mecs te donnent ta chance. Ici on dirait qu’il faut avoir 40 ans pour être validé auprès de la société.
Avant j’étais dans ce modèle là mais j’ai changé pour avoir mon propre style de vie parce que c’est pas cette vie là qu’on veut. Taffer en 35h, payer tes impôts, ta taxe d’habitation, à la fin t’as même plus de quoi te payer un resto. Alors qu’en vrai tu veux juste vivre normalement, tu veux juste kiffer. Ca m’a pris du temps pour comprendre. Quand t’as un salaire correct, mais t’es pas un baller à Paris, quand t’es middle, ben en fait c’est super dur, t’as le couteau sous la gorge. T’as un job safe mais t’as ni le temps ni les thunes de kiffer à côté. Là ce qui me manque c’est même pas les thunes, c’est le temps.

 


“Taffer en 35h, payer tes impôts, ta taxe d’habitation, à la fin t’as même plus de quoi te payer un resto..  Moi j’ai changé mon style de vie parce que c’est pas cette vie là qu’on veut.”


 

Du coup qu’est ce que tu vas faire cet été?
Je vais voyager un peu. J’ai fait une rencontre à la boutique Carhartt, un couple de new yorkais, je sais qu’ils sont très réseau là-bas, et il se passe que ça match. Après j’apprends qu’il mixe, moi je mixais au Pompon et je lui ai dit de venir, il me dit qu’il mixe depuis longtemps je sais pas ce qu’il donne mais on verra il y a pas de soucis. Je l’ai fait rider dans Paris et après il me dit de venir à New York. Il organise une Pool Summer Party et il m’a invité. C’est ça qu’il manque à Paname, il faut juste se donner les moyens!
Je lisais un truc qui disait que les meilleurs choses qui peuvent t’arriver dans la vie, c’est toi qui les empêches de se produire. T’es ton meilleur ami et t’es ton pire adversaire. Il y a pleins de mecs qui ont du talent autour de nous mais qui n’osent pas prendre ce risque.

 

Dernière question, t’as quel âge?
27 ans, ça passe super vite en fait.

 

Instagram : @hasael_julane

Photo header : Bilal Hadjeb

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