Six mois qu’avec Kalash, elle décroche La Flamme du morceau caribéen de l’année avec « Laptop », 3 ans que son titre « Tic », après avoir été confectionné sur son île natale de la Martinique – finit par résonner à 3000km de là à New York, accompagnant Bella Hadid lors du défilé Mugler Printemps-Été 2021. 40 petites secondes qui vont propulser Maureen, d’artiste d’un genre encore méconnu en métropole à ambassadrice du shatta. Depuis, c’est une multitude de festivals aux 4 coins du monde qui voient cette jeune mère tracer son parcours à vitesse grand V. 

Semaines après semaines, le circuit des soirées YARD Winter Club commençait à devenir habituel, limite instinctif : passé 2h30, après le live de la sensation rap du moment, la foule déserte la Centrale pour aller s’empiler entre les murs étroits du Havana Basement. C’est l’heure de la session shatta.

Le plébiscite pour cette musique féroce, variante martiniquaise du dancehall aux basses lourdes, ne fait décidément plus de doute. On s’y frotte en chantant des morceaux qui ne passent pas en radio, mais que le public connaît par coeur, sans pour autant connaître les interprètes. « Aux Antilles, les artistes ne sont pas des marques à proprement parler », concède Tito, booker en Martinique. Mais il faut croire qu’avec Maureen, le shatta s’en est peut-être trouvé une belle.

En une poignée de titres fiévreux, Maureen s’est imposée comme le nouveau visage de cette musique sans concession. Un son fièrement créole, qui voyage à travers le monde et emmène avec elle la jeune martiniquaise de 24 ans, là où l’on a pas l’habitude de retrouver des talents antillais, qu’il s’agisse de défilés de mode ou de cérémonie musicales. Ce succès fulgurant, Maureen apprend à le dompter avec la tête sur les épaules, et un bébé sous le bras. Petit bout de femme, grande force de caractère. On est allé la retrouver sur son Île chérie, là où elle s’est forgée, pour un On The Corner exclusif.

Il a su être patient : près de 10 ans après ses débuts dans la musique, Knucks a explosé aux yeux du grand public avec la sortie de son album Alpha Place. Pour l’occasion, on était avec lui à Londres pour un On The Corner exclusif où l’artiste se mue en narrateur de son ascension, et en guide d’un Londres dont la mutation ne bénéficie pas à tout le monde.

« Young bull at the top of the block with the white front door and the corner subtle. Cool, but he always in trouble – why you think his bredrins called him Knuckles? » Ce jeudi 21 septembre 2023, Paris est gris. Il pleut, il fait humide, et la capitale française prend des aires de Londres. De bon augure : ce soir, un rappeur de Kilburn joue dans une salle de concert de la ville. La date est complète depuis des mois : Knucks attire, rassemble, bien au-delà des boroughs anglais. Logique pour un artiste dont le rap transporte, dont la musique sonne comme une bande-son universelle à l’élévation, à l’envie de déjouer le déterminisme social.

« Can’t you see London’s burning?
And you can’t duck this smoke »

Témoin privilégié d’un Londres qui se gentrifie, d’une ville à plusieurs vitesses dans laquelle des populations se croisent sans réalité commune, Knucks développe un propos artistique fort et inspirant. Au moment de la sortie de son album Alpha Place, on a fait le déplacement dans le Nord de Londres pour le comprendre un peu mieux, pour un On The Corner exclusif, notre premier en terre britannique.

Le 10 octobre dernier, nous accueillions média généralistes et spécialisés au Théâtre du Châtelet, pour une conférence de presse autour des Flammes. Voici ce qu’il faut en retenir.

Les Flammes, La Cérémonie des Cultures Populaires

Née d’une initiative commune entre Yard, Booska-P et Smile, Les Flammes© est la cérémonie qui célèbre et repositionne les cultures populaires.

Elle récompense les artistes, entertainers et acteur.rice.s de ces cultures.

Pourquoi « Cultures Populaires » ?

Parce qu’on y célèbre les cultures issues des quartiers populaires et la créativité de celles et ceux qui les font grandir.

Parce que ces cultures sont aujourd’hui parmi les plus populaires de la francophonie : jadis minimisées, elles transparaissent aujourd’hui dans le langage, les codes et références de générations qui s’en réclament et intègrent le grand public.

Parce que dans un pays aussi divers, la notion de « culture populaire » ne peut plus être unique : elle doit être plurielle.

Les Flammes – 11 mai 2023 – Théâtre du Châtelet – Paris
Conférence de Presse des Flammes

Pourquoi « Les Flammes » ?

Comme symbole de cultures ardentes qui se propagent, s’imposent, et dont la vigueur n’a que peu d’égal aujourd’hui.

Comme source de lumière : ces cultures éclairent des zones d’ombre qui ont souvent été laissées loin des projecteurs. Elles influencent et irradient aujourd’hui la France à travers bien des domaines, au-delà de la musique et de l’image : de la mode au cinéma, en passant par le sport, la gastronomie et bien plus encore.

Les Flammes, parce qu’une flamme constamment nourrie est éternelle, que sa chaleur rassemble et que sa vivacité captive. A l’image de cultures qui grandissent, réunissent et traversent le temps.

Quel est le processus de vote ?

Le processus de vote des Flammes est découpé en trois grandes étapes :

La première est celle des soumissions : les acteurs de l’industrie de la musique et du divertissement inscrivent leurs candidats dans les catégories dans lesquelles ils souhaitent les voir concourir, sous réserve qu’elles ou ils correspondent aux critères préétablis.

Pour la première édition de la cérémonie, les inscriptions sont gratuites et l’équipe des Flammes suggère une liste de pré-nominé.e.s aux décideurs, pour leur faciliter la tâche.

La deuxième étape est celle des pré-sélections : la liste des pré-nominé.e.s est envoyée à une cinquantaine de journalistes, média spécialisés et média généralistes qui sont chargés de sélectionner leurs 10 nominé.e.s par catégorie.

Chaque média dispose de 72 heures pour envoyer sa liste de nominé.e.s.

La troisième et dernière étape est confiée à deux typologies de votants qui représentent chacune 50% du vote final : le public, et le jury.

À travers une plateforme en ligne développée spécialement pour les Flammes avec un tout nouveau système de vote simple et ludique, toutes celles et ceux qui le désirent peuvent faire leur choix et déterminer un top 3 de nominé.e.s par catégories.

Un top 3, et non un gagnant unique, pour que même des artistes unanimement reconnus comme brillants, mais moins populaires, bénéficient de l’impact des grosses bases fan qui doivent donc élever trois noms plutôt que de voter seulement pour leur unique champion.

Le jury fait de même de son côté, et les grand.e.s gagnant.e.s sont révélé.e.s le soir de la cérémonie, au Théâtre du Châtelet.

Comment est composé le jury ?

Le jury des Flammes, dont les voix pèsent pour 50% du résultat final de chaque vote, est paritaire.

Chacun.e est le porte-voix d’un domaine d’activité particulier ; la composition globale du jury donne une représentation équilibrée et honnête de l’industrie : maisons de disque, professionnels du spectacle, personnalités publiques, indépendants, journalistes…

Une fois notifiés, les jurés doivent envoyer leurs votes dans un temps imparti. Leur anonymat est certifié par une clause de confidentialité pour empêcher toute forme de concertation. L’identité des jurés sera néanmoins révélée en amont de la cérémonie, une fois les votes terminés.

Pour encourager le mouvement et garantir la pluralité d’avis, le jury est amené à être renouvelé chaque année. La répartition par secteur d’activité, elle, est amenée à rester la même.

Toutes les informations à propos des Flammes sont disponibles sur le site lesflammesawards.com.

En quelques années, Le Juiice s’est imposée comme l’une des femmes fortes du rap français. Depuis la sortie de son projet Iconique en 2022, elle a charbonné dans l’ombre, est apparue sur de nombreux featurings et a aussi pris du temps pour elle. Quand c’est le cas, elle part à Abidjan, dans son pays d’origine, la Côte d’Ivoire pour se ressourcer.

Il y a bientôt un mois Le Juiice sortait « Trap Mama 2 », mais avant l’artiste il y a Joyce qu’on a rencontrée 7 mois plus tôt sur ses terres, à Abidjan. En fond : Cocody, une finale de Coupe du monde, attiéké et youki, de la trap ivoirienne, Diam’s et Patricia Kaas en passant par le zouglou. Autant d’ingrédients qui lui ont permis de se dévoiler sans langue de bois. C’est un peu pour ceux qui savent déjà, et beaucoup pour les autres, car « C’est la femme on ne connait pas, on appelle Heee ».

Pour le retour du format #OnTheCorner on vous livre un format exceptionnel tourné en Côte d’Ivoire avec une des rappeuses les plus fortes du game. En quelques années, Le Juiice s’est imposé comme l’une des femmes fortes du rap français. Depuis la sortie de son album Iconique en 2022, elle a charbonné dans l’ombre, est apparu sur des nombreux featurings et a aussi pris du temps pour elle. Quand c’est le cas, elle part à Abidjan, dans son pays d’origine, la Côte d’Ivoire pour se ressourcer. En pleine finale de la Coupe du Monde on est parti avec elle sur le continent pour la suivre. Au détour des rues de sa ville de coeur, elle nous a livré un peu d’elle-même et de sa culture, Le Juiice a révélé Joyce, on a rencontré Babi.

Bien avant les coups de 19h, c’est déjà l’effervescence. Derrière les barrières mises en place autour du tapis rouge qui recouvre le sol de la place du Châtelet, le public s’amasse, les premiers invités aussi. Quelques minutes de battement, les premières gouttes de pluies avant que tout ne s’enchaîne. Nous sommes le jeudi 11 mai 2023, et dans un peu plus d’une heure commence la première édition de la cérémonie Les Flammes. 

Devant l’objectif des nombreux photographes s’enchaînent les personnalités de la musique française, il ne faut rater personne, immortaliser l’histoire. Les clics des appareils s’enchaînent derrière les poses des artistes. Sans étonnement, à l’ère 2023, certains professionnels sont armés d’un smartphone pour capturer ce moment iconique. Dans leurs mains, un Google Pixel 7a, partenaire officiel choisi non sans réflexion pour l’évènement. Au fil des heures qui passent, de l’eau qui tombe du ciel, le mode Vision de nuit et Anti-flou embellissent nombre d’images. Pour la première cérémonie qui honore et repositionne les cultures populaires, il fallait respecter l’image et les identités de ses acteurs, la fonctionnalité Real Tone du Google Pixel permet de sublimer toutes les carnations de peau de manière authentique : nécessaire. 

 Ce qui se passe à la sortie du tapis rouge, sous les ors de ce théâtre symbolique de la vie culturelle parisienne, vous avez déjà pu le suivre en live sur le YouTube de Booska-P, sur Twitch, sur 6play ou en différé sur W9. Pour celles et ceux qui auraient quand même rater la soirée de l’année – et des prochaines qui vont suivre -, on vous résume qui sont les grands gagnants de ce premier événement mémorable.

Les lauréats 2023 : 

La Flamme Spotify de l’album de l’année : « KMT », Gazo
La Flamme de l’album rap de l’année : « Hiver à Paris », Dinos
La Flamme de l’album nouvelle pop de l’année : « Mélo », Tiakola
La Flamme du morceau de l’année : « Intro », Josman
La Flamme du featuring de l’année : « Rencontre », Disiz ft. Damso
La Flamme du morceau de performance rap de l’année : « Djamel », Dosseh
La Flamme du morceau R’n’B de l’année : « Atasanté », Tiakola ft. Hamza
La Flamme du morceau afro ou d’inspiration afro de l’année : « Soza », Tiakola
La Flamme du morceau caribéen ou d’inspiration caribéenne de l’année : « Laptop », Kalash ft. Maureen
La Flamme de la révélation féminine de l’année : Ronisia
La Flamme de la révélation masculine de l’année : WeRenoi
La Flamme du clip de l’année : « Intro », Josman
La Flamme de la cover d’album de l’année : « M.A.N. (Black Roses & Lost Feelings) », Josman
La Flamme du compositeur de l’année : Tarik Azzouz
La Flamme du concert de l’année : Laylow, à l’Accor Arena
La Flamme de l’artiste féminine de l’année : Aya Nakamura
La Flamme de l’artiste masculin de l’année : Gazo
La Flamme éternelle : Le Rat Luciano
La Flamme exceptionnelle : Fally Ipupa
La Flamme de la stratégie de lancement de l’année : BigFlo & Oli
La Flamme du label de l’année : Epic Records
La Flamme du label indépendant de l’année : SPKTAQLR
La Flamme de l’engagement social de l’année : Ghost Killer Track pour Que de l’Amour

Toutes les photos ont été prises avec un Google Pixel 7a.

Pour ceux qui nous suivent depuis plusieurs années, vous le savez déjà : on a à coeur de créer des initiatives qui permettent d’ouvrir les portes du monde de la culture à notre jeunesse. On essaie toujours de faire plus, de proposer des Yard School de qualité – et on a encore pleins d’idées. Cette année, on a décidé d’aller plus loin et de créer un pôle entier pour regrouper tous ces projets et pouvoir les centraliser sous un seul et même nom, celui de ce qui est à présent notre association : Yard For Good. 

En 2019, YARD lance ses journées Yard School. Quand on le décide, on part d’un constat : beaucoup de jeunes ne trouvent pas leur voie, ne savent pas par où commencer pour se lancer dans les branches qui leur plaisent, n’ont pas tous le même accès à l’information et à une bonne orientation. Ce constat, on le fait parce qu’il est aussi personnel, qu’il a touché les membres de nos équipes qui pour la plupart sont issus de parcours atypiques, et qui ont dû évoluer hors des sentiers battus et créer leurs propres opportunités pour exister dans le monde de la culture. Notre team qui ne savaient pas que leurs métiers existaient il y a peu, aujourd’hui les incarnent. C’était pour nous important donc de prendre cette responsabilité et de saisir le moment pour rendre à notre communauté, à notre jeunesse. Notre but avec les Yard School, c’était justement de pouvoir offrir à tous les jeunes les clés de métiers qui leur sont souvent inconnus – que nous n’avons nous-mêmes pas forcément eues.

Trois ans plus tard, c’est 16 Yard School et plus de 400 jeunes passés par nos journées de formation. Pour pouvoir accompagner toujours plus de jeunes et diversifier nos programmes, on a décidé d’officiellement créer notre propre structure associative. Au fond, on l’avait déjà depuis des années, on l’avait juste pas acté. 

Depuis le début de Yard, on a toujours essayé de prendre part à des projets qui permettent d’aider notre communauté en France ou sur le continent africain. Yard School c’était la première pierre à l’édifice de ce qu’on espère sera une grande aventure. Durant les dernières années, on a eu l’honneur d’accueillir de nombreuses personnalités de notre culture lors de nos formations et même d’exporter la Yard School en dehors de ses murs.

Au travers de toutes ces rencontres et ateliers, on a pu valoriser des parcours de réussite et montrer à notre jeunesse que le succès a des visages multiples et n’est pas synonyme d’exception. Pour rendre leurs expériences les plus complètes possibles, et accompagner nos « étudiants » lorsqu’ils ont passé la sortie de nos locaux, on a voulu au maximum les ouvrir aussi à des événements culturels et à ses personnalités. Notre school à nous, elle ne s’arrête pas qu’aux heures de formation. En ces quelques années, on a pu aller à des expositions et même à une randonnée, on a aussi implanté un système de mentorat pendant un an et un groupe Discord où sont rassemblés tous ceux qu’ont a pu entourés pour avoir un suivi sur le long terme : une oreille pour leurs questions, une voix pour les réponses et une main tendue pour leur proposer des stages chez Yard, ou ailleurs.

Nos projets de coeur ils nous ont parfois aussi mené en dehors de nos murs, et même de notre continent. Entre Dakar et Lomé, on a réussi à créer un vrai lien avec plusieurs associations locales et diversifier nos champs d’actions sur place. Basé à Dakar, au Sénégal, Speak Up Africa est une association dont le champ d’action se concentre sur la sensibilisation à la santé publique en Afrique et plus particulièrement les grandes maladies qui touchent le continent.

En 2019, l’association lançait le mouvement « Non aux maladies tropicales négligées ». Le 30 janvier 2021, pour marquer la Journée mondiale des Maladies Tropicales Négligées, nous nous sommes associés à eux, au RBS Crew, la Basketball Africain League, la Fondation Ecobank, Special Olympics et Sarah Diouf, directeur créatif et fondateur de Tongoro, pour réhabiliter un terrain de basket à Ouakam, au pied de la Monument de la Renaissance, et pour y inscrire le mot « Négligées ». Le but, attirer l’attention sur ces maladies dévastatrices et appeler à la solidarité des citoyens et demander aux dirigeants de faire de  l’élimination de ces maladies une priorité sur le territoire africain. 

Le 8 mars 2022, dans le cadre de la journée internationale de la femme, on était de retour dans le quartier de Ouakam avec l’ONG et l’escrimeuse Ysaora Thibus, la danseuse BadGyal Cassie et la basketteuse Diandra Tchatchouang. Pendant 3 jours, Speak Up Africa organisait African LeadHers, un forum autour de l’empowerment des femmes. Les championnes ont pu échanger et participer à des ateliers avec les jeunes sur la représentation des femmes, l’acceptation de soi à travers le sport ou encore la masculinité positive. L’occasion pour elles de de déconstruire les stéréotypes sur le genre dans le sport mais aussi plus largement dans la société, et de partager leurs passions avec la jeunesse sénégalaise. 

Pousser la jeunesse à s’engager, à s’insérer, à entreprendre, c’est globalement ce qu’on a toujours essayé de faire dans nos initiatives et projets. Depuis 2019, on tente donc aussi de créer des liens étroits avec des acteurs qui sur différents territoires tentent d’appliquer cette même vision. Au Togo, Milédou est un programme qui s’engage sur le terrain de la cohésion sociale, du développement humain, de l’éducation, de la question du genre, de l’insertion et de l’employabilité des jeunes et de leur engagement au sein de leur communauté. A travers la réhabilitation d’un terrain de basket-ball dans la ville d’Aného, en juin 2021, on a réaffirmé notre soutien à leurs projets. On espère pouvoir encore renforcer cette connexion dans le futur grâce au sponsoring que nous leur offrons, à l’image du lien indefectible qui noue lie aux clubs parisiens Basket Paris 14 et de foot Paris Alésia F.C et FC Montmorency depuis des années maintenant. 

Faire le bilan de tout cela, avec un recul honoré sur tout ce qu’on a pu accomplir, c’est ce qui nous a fait comprendre l’importance d’avoir notre propre structure associative, pour accompagner plus de projets, et en développer plus de notre côté. C’est pour cela qu’est né Yard For Good, avec pour objet de favoriser la diversité au sein de la société, de lutter contre les inégalités en favorisant l’inclusion de tous. Pour ce faire, l’association a pour mission de concevoir, mettre en œuvre et diffuser des projets et des actions innovantes pour résoudre les problématiques d’inclusion sociale. Yard For Good souhaite contribuer à la construction d’une société variée et diverse, source de richesse et de valeur ajoutée pour tous. 

Immédiatement après sa création, on a pu s’associer à Apple pour mettre en place notre premier projet sous notre nouveau nom. Today at Apple Creative Studios a mis en place pour le Grand Paris des formations axées sur la création de podcasts. En association avec d’autres structures locales 1000 Visages, Mouvement UP, 27 jeunes originaires du Grand Paris ont été invités à rejoindre ce programme.

Durant trois semaines, ils ont pu assister à des ateliers et conférences animés par des professionnels de l’industrie au sein de l’Apple Champs-Elysées Ils ont également reçu un accompagnement personnalisé par des mentors – les créatrices de podcasts Anne Lamotte (France Culture), Noémie Landreau (France Inter, France Culture) et Géraldine Sarratia (Podcast ”Le Goût de M” du Monde) – mais aussi par les équipes Today at Apple, afin d’appréhender le matériel mis à leur disposition. 

A partir du thème « Les Origines », les participants ont créé leurs propres podcasts, sous des formats divers : le reportage, la fiction, et l’émission culturelle. Les podcasts sont d’ores et déjà disponibles sur Apple Podcasts depuis le 26 septembre. Avec l’aide de leur mentor Géraldine Sarratia et de sa collègue Imène Benlachtar, les neuf jeunes de Yard For Good ont rendu un projet d’émission. Claudia Rivera, Mila Nejim, Maïmouna Tirera, Meidhi Benbetka, Il Ham Mohamed Said, Lowan Taupe, Nacim Saïdi et Amandine Zacsongo ont enregistré trois épisodes avec l’artiste Johanna Tordjman, le photographe Marvin Bonheur et le rappeur Tuerie. Après trois semaines de dur labeur, ils vous offrent le fruit de leur travail : leur podcast « Ça vient d’où ? », l’émission qui rend accessible les métiers créatifs, est disponible ici. 

YARD FOR GOOD c’est officiel : Yard pour le bien, Yard pour les siens.

Nike Paris organise son festival de danse le « Join Forces Battle » Event le 26 & 27 novembre. Si tu souhaites y prendre part, rendez-vous ci-dessous.

À l’occasion des 40 ans de l’iconique Air Force 1, Nike et Diablo Premier organisent le festival de danse « Join Forces Battle ». Le samedi 26 novembre, Diablo, Brui5er et Nelson hosteront chacun un Workshop de 14h à 21h30, et le dimanche 27 novembre, place aux battles de danse de 12h30 à 21h, puis à l’after party jusqu’à 2h.
Pour célébrer la symbolique paire de Nike : des showcases (Kerchak et Hamza), de la danse, des DJ sets et plein d’autres surprises te feront  turn up. 

Le festival est gratuit et ouvert à tous sur inscription.
Si tu veux participer au battle, ton crew doit être composé de 5 personnes. Chaud de Join Forces le samedi 26 et/ou le dimanche 27 ? Inscris-toi dès maintenant à l’événement.

Inscription aux Workshops du samedi 26 novembre
Si tu souhaites participer aux différents workshops inscris-toi à ces liens :
Workshop avec Diablo
Workshop avec Brui5er
Workshop avec Nelson

Inscriptions aux qualifications du Battle de Danse le dimanche 27 novembre, en tant que danseurs, pour tenter de gagner les 10 000€ :
Inscris-toi à ce lien !

Inscriptions en tant que public au Battle de Danse le dimanche 27 novembre :
Les inscriptions sont complètes !

On se retrouve dimanche prochain !


Pour notre premier On The Corner tourné à l’étranger, le rappeur TIF nous a laissé accompagner son retour à Alger, quelques semaines avant la sortie de son album Houma Sweet Houma.

Depuis 2014, nos caméras s’invitent là où les talents de notre culture écrivent les premières pages de leur histoire. On The Corner. Là où ils sont parfois plus appelé par leur prénom que par le pseudonyme qu’ils font scander à des foules en liesse. Le quartier, la zone, la calle, la tess, le binks : des dénominations nombreuses qui désignent les théâtres de scènes et de récits souvent semblables les uns des autres, mais pourtant foncièrement singuliers. Et depuis huit ans, les artistes nous ouvre les portes de leur « corner » pour donner corps à ces récits, de Sevran à Gonesse, de Barbès au Triangle d’or, du Plan d’Aou à Fond Vert, en passant par Le Havre et Perpignan. Mais pour chaque « tieks » de France, il y a des « favelas » au Brésil, des « barrios » dans le monde hispanique, des « blocks » dans les pays anglophones. Et jamais, jusqu’à présent, On The Corner ne s’était aventuré au-delà du territoire français. C’est désormais chose faite avec Tif, rappeur algérien qui nous a ouvert les portes de « son » Alger.

Plus connu des acteurs phares du rap algérien que du public qui en consomme, TIF n’est pourtant pas un nouveau venu. En effet, Toufik – de son vrai nom – s’adonne à son art depuis le début des années 2010, soutenu par une petite équipe dont les rêves semblaient aller plus loin que l’Algérie. Pour les concrétiser, le départ apparaissait alors inéluctable. À 18 ans, TIF quitte Alger pour Lyon, puis Paris, et constate qu’ailleurs n’est pas forcément mieux, juste différent : les opportunités sont plus nombreuses mais les rapports humains sont plus froids, et il n’y a que loin de chez lui qu’il est un « blédard », avec toutes les perceptions – souvent négatives – que cela peut impliquer. L’histoire de TIF, c’est celle d’une jeunesse tiraillée par le besoin de partir pour prendre son envol, et un déracinement qui laisse forcément des séquelles. Mais c’est aussi celle de ceux qui parcourent le monde pour finalement se rendre compte qu’on est jamais mieux que dans son Houma Sweet Houma.

Fini les restrictions sanitaires et les jauges réduites : en 2022, plus rien ne pouvait gâcher la fête au Quai 54. Le célèbre tournoi de streetball était retour en full effect les 9 et 10 juillet, toujours au pied de la Tour Eiffel, au Centre Sportif Emile Anthoine. Un décor de rêve pour un programme toujours aussi riche entre concerts, Slam Dunk Contest et deux tournois – l’un féminin, l’autre masculin – extrêmement relevés. Près de 8000 fans avaient fait le déplacement sur les deux jours, tous vêtus de plus bel outfit pour apprécier le spectacle, sur le terrain mais également tout autour.

La compétition s’est ouverte sous un soleil de plomb, qui annonçait la couleur pour le week-end à venir : le Quai 54, c’est chaud. Mais il n’y avait pas que le soleil qui brillait de mille feux, au vu des nombreuses étoiles qui se sont succedées sur les terrains. À commencer par les stars de la NBA Zion Williamson et Luka Doncic, de passage à Paris spécialement pour l’occasion. Les deux all-stars ont été les juges d’un concours de dunk spectaculaire, remporté par l’américain Tyler Currie après un tomar par-dessus Doncic et ses 2,01 mètres. La taille et le talent de l’arrière des Dallas Mavericks auraient sans doute été plus utiles sur le terrain pour aider ses compatriotes, l’équipe slovène du tournoi masculin se faisant lourdement sortir par les allemands de Der Stamm, et ce dès le premier tour (défaite 10-34)…

L’équipe allemande se hissera jusqu’en demi-finales, où elle sera défaite par l’équipe championne en titre, Le Cartel. En finale, Le Cartel retrouvait La Fusion pour un remake de la finale de 2021. Mais pas de back to back pour l’équipe menée par Jordan Aboudou, puisque c’est La Fusion qui accrochera un septième titre au terme d’une rencontre tendue. Côté féminin, l’équipe I Can Play est entré dans l’histoire du Quai 54 en étant la première équipe française à remporter le tournoi, succédant aux espagnoles d’El Palo. Et passé les hostilités, place à la fête : comme à son habitude le week-end s’est conclu par une série de concerts en apothéose. Après Chily, Ya Levis, N’seven7, Naza, 1da Banton et Yemi Alade, c’est l’américain DaBaby qui ouvrait le bal dimanche. Auteur d’un show pas franchement mémorable, qui l’aura plus vu saluer l’audience que prendre le micro, le rappeur aura rappelé qu’au Quai 54, les noms importent décidément moins que le jeu, et c’est ceux qui mouillent le maillot que le public acclame. « Bring Your Game, Not Your Name ».

Et à ce petit jeu, comme sur le terrain, ce sont les français qui gagnent. Les étoiles locales Leto, Tiakola et Franglish se sont rejoint sur scène pour électriser les foules avec leurs bangers respectifs, avant de faire place au père de tous ces artistes d’origine congolaise qui font la richesse de la musique française d’aujourd’hui : la légende Fally Ipupa. On ne pouvait pas imaginer mieux pour boucler cette édition 2022 qui se voulait être une célébration de la diaspora ouest-africaine et son influence sur la culture à Paris, en France et dans le monde. Un focus qui transparaît dans la nouvelle collection Jordan x Quai 54, inspirée des motifs et des techniques de teinture traditionnelles répandues en Afrique de l’Ouest.

La collection 2022 est disponible sur Nike.com.

La jeunesse française, diverse et solidaire, est le moteur de la France d’aujourd’hui et incarne la France de demain. C’est elle qui la représentera. Alors pourquoi personne ne lui demande vraiment son avis, mais la pointe du doigt parce qu’elle ne se prête pas au jeu électoral ?

Les politiques s’adressent peu à la jeunesse, dont les attentes ne sont que rarement cernées, entendues et débattues.

Absente des débats de campagne, globalement absente des propositions, elle est logiquement absente dans les bureaux de vote : 42% des 18-24 ans n’ont pas voté au premier tour de l’élection présidentielle.

Des chiffres en constante augmentation depuis 15 ans sur les scrutins nationaux : en 2017, ce chiffre était de 29%.

À un mois du premier tour, on a décidé de donner la parole à 80 jeunes de France, entre Paris et Marseille. Pour que la jeunesse ne reste pas sans voix en abandonnant à d’autres le soin de parler à sa place.

Tou(te)s ont répondu volontairement à un appel lancé sur nos réseaux sociaux, tou(te)s ont entre 16 et 30 ans, tou(te)s ont répondu aux mêmes questions. La version condensée de leur réponse est disponible sur YouTube et l’ensemble des entretiens, en version non-coupée, est disponible sur le lien suivant : tous les entretiens complets.

Est-ce qu’on ne s’intéresse pas à la jeunesse parce qu’elle ne vote pas ? Ou est-ce que les jeunes ne votent pas parce qu’on ne leur parle pas ?

« La France sera nôtre » est le plaidoyer d’une jeunesse française proposé aux représentant(e)s politiques, élu(e)s ou non.

Il contient leurs colères, leurs espoirs, leurs doutes et une partie de leur énergie. Pour savoir ce que pense et ce que veut la jeunesse, il faut déjà lui demander.

Demain la France, c’est elle.

Pour accompagner « La France sera nôtre », YARD a confié un drapeau tricolore au typographe Tyrsa sur lequel il a peint à la main le message qui soutient tout le projet. Pendant les entretiens, chaque interviewé(e) était invité(e) à nous donner une pièce de vêtement bleue, blanche ou rouge à intégrer au drapeau « La France sera nôtre », découpé et recomposé par Ornement.

L’objet final est le drapeau d’une jeunesse plurielle qui n’accepte pas qu’on lui dicte les contours de son identité française.

Participant(e)s : Adda (21 ans), Adem (18 ans), Aïf (21 ans), Alvin (21 ans), Amelle (22 ans), Aouatia, Célia (20 ans), Chiarah Lee (21 ans), Clémence (19 ans), Cookie (22 ans), Diaby (20 ans), Edyah (21 ans), Élise (18 ans), Fatou (22 ans), Fiona (18 ans), Gaïa (30 ans), Giogia (26 ans), Hajar (22 ans), Hanna (21 ans), Hendrik (25 ans), Hobiana (23 ans) Hugo (18 ans), Hugo (21 ans), Hugo (25 ans), Irvin (30 ans), Joévin (26 ans), John (30 ans), Johnatan (29 ans), Judith (28 ans), Jules (23 ans), Kirsten (24 ans), Kysha (22 ans), Lara (27 ans), Lansky (24 ans), Le Maire (22 ans), Lenny (26 ans), Leo (22 ans), Léo (22 ans), Lilia (21 ans), Lina (18 ans), Livio (27 ans), Louis-Harry (22 ans), Luca (19 ans), Maeva (18 ans), Maëva (18 ans), Mamadou (23 ans), Manel (24 ans), Margaux (25 ans), Marianne (24 ans), Matthieu (25 ans), Maxime (24 ans), Maxime (25 ans), Med (29 ans), Mirabelle (24 ans), Moïse, Naïma (25 ans), Nassim (21 ans), Nathan (19 ans), Nawel (27 ans), Nelson (16 ans), Nisrine (26 ans), Enzo (30 ans), Oussama (24 ans), Rayane (20 ans), Rayane (25 ans), Raymond (22 ans), Romane (18 ans), Sandy (27 ans), Sarah (23 ans), Sarah-Maria (22 ans), Souhaiel (21 ans), Tanguy (24 ans), Theodoa (18 ans), Ugo (26 ans), William (29 ans), Yann (22 ans), Yasmine (19 ans), Zakaria (26 ans), Zaya (18 ans).

Vidéo réalisée par Hugo Bembi, avec l’aide de Hobiana Rabiazamaholy et de Léo Joubert.

Édito orchestré par Lenny Sorbé, Antoine Laurent et Gaspard Goigoux.

En Y est un talk participatif organisé par YARD dans ses bureaux et diffusé en radio sur Rinse France. Ouvert à tous ceux qui ont des choses à dire, et aux autres, il permet à chacun de nourrir sa réflexion ou d’exprimer son avis sur un sujet majeur de notre culture. Le 13 avril, on a délocalisé notre talk à quelques centaines de mètres de nos bureaux, au théâtre Les Etoiles, pour questionner la place des femmes racisées dans l’industrie culturelle française.

L’année dernière, on vous annonçait le nouveau mode de fonctionnement de notre média. Petit recap’ pour ceux qui auraient loupé l’info : au milieu des contenus courts et des initiatives qu’on poste régulièrement, on a décidé de traiter de plus grands sujets sous forme de thématiques. Une thématique c’est plusieurs formats pour apporter la réponse la plus complète à une problématique donnée. Ce mois-ci, on donnait la parole à des femmes d’origines diverses pour interroger leurs représentations et leurs places dans la culture. A travers premièrement un article sur la représentation des femmes maghrébines dans le cinéma français accompagné de son Zohra Test diffusé sur Instagram, grille de lecture pour améliorer cette dite-représentation. Dans un second temps, la chanteuse du titre « Bye Bye » avec Menelik, Medina Koné, nous a partagé l’histoire de son invisibilisation lors d’une interview. En discutant avec l’autrice Jennifer Padjemi, on a ensuite tenté de comprendre l’engouement autour de la série Insecure et quelle image des femmes noires l’œuvre nous lègue. Enfin, avec la photographe Wendy Huynh, on est allé à la rencontre de 8 femmes d’origine asiatique pour leur permettre de se raconter.

Comme à notre habitude, pour conclure la thématique, on a invité des intervenantes et notre public à venir s’exprimer pour un En Y sur ce large sujet. Pour nourrir la discussion, on a reçu l’autrice et animatrice du podcast « Kiffe ta race » Grace Ly, la journaliste et autrice d’Illégitimes Nesrine Slaoui, Sarah Tesnieres, journaliste YARD, et enfin la journaliste et autrice de Féminismes et pop culture Jennifer Padjemi. Le tout était chapeauté par Dolorès Bakela, journaliste déjà présente en tant qu’intervenante sur notre dernier talk autour de l’héritage afro-caribéen dans la musique actuelle.

Le replay du talk est disponible ci-dessous.

Pour réécouter nos précédents talks participatifs En Y :

Le débat dépasse-t-il Freeze Corleone ?

Mode éthique : comment passer des paroles aux actes ?

Quels nouveaux enjeux pour le rap jeu ?

Explorer pour mieux se renouveler ?

Héritage afro-caribéen dans la nouvelle pop : pourquoi se cacher ?

Elles sont journalistes, restauratrices, influenceuses ou encore directrices artistiques et ont une chose en commun : leurs origines asiatiques. De la petite fille sage à l’adulte sexualisée, les clichés qui collent à la peau de ces femmes au quotidien les enferment dans une définition objectifiée et fétichisée d’elles-mêmes. Avec la photographe Wendy Huynh, on est parti à la rencontre de huit d’entre elles pour partager leurs expériences.

Être une femme asiatique, ce serait être chinoise, japonaise ou coréenne. Ça nécessiterait apparement d’être fine, blanche et d’avoir les cheveux noirs, longs et lisses. Ça impliquerait également d’être discrète, sage – mais qui cache quelque chose – et docile. Ça inclut d’être objectifiée, sexualisée et fetichisée. Être une femme asiatique, c’est faire partie d’un groupe de plus de 2 milliards d’individus mais être constamment réduite à une unique vision occidentalisée. C’est, enfin, être totalement invisibilisée et absente des représentations. Quand le débat public voudrait réduire ces femmes à des clichés et des stéréotypes, on a souhaité les rencontrer pour leur permettre de se définir.

Dans leur intimité, la photographe Wendy Huynh a capturé les personnalités de ces huit femmes, pour montrer les vrais visages des femmes asiatiques : pluriels. Elles nous livrent leurs témoignages, leurs interrogations et leurs perceptions d’elles-mêmes. Montrer la diversité, ça relève dans ce cas d’une nécessité : la nécessité d’infiltrer les représentations quotidiennes, de faire entendre la voix des personnes concernées quand celles-ci ne sont jamais interrogées, de donner à des femmes la parole qui leur a été confisquée.

Grace, 43 ans

« Quand j’étais adolescente, je ressentais ce stéréotype très fort de l’hypersexualisation. La sexualisation du corps des femmes en général à cette époque-là est déjà très présente, mais quand on subit du racisme ça prend une autre tournure. Je me rappelle de ce magazine qui m’a marqué, il y avait un article des ‘100 choses à faire avant de mourir’ et il y avait : coucher avec une asiatique. Avec le recul, je comprends qu’on projette sur nous des fantasmes qui sont issus des imaginaires de la période coloniale. Ils descendent tout droit des bordels militaires en Asie, des cartes postales. Il y a cette idée que c’est une ‘expérience’ à tenter, qu’on aurait des vagins très serrés, c’est très humiliant. À un âge où toi-même tu ne connais pas bien ton corps, tu n’as pas exploré cette question : t’es pas prête à ce qu’un étranger t’en parle. C’est choquant. Mais au début quand tu viens d’une communauté invisibilisée, t’as l’impression que c’est pas si mal d’être enfin vue. Tu te rends pas compte que c’est extrêmement raciste et négatif. Le racisme c’est rarement très franc. C’est des regards, c’est une attitude et parfois tu ne perçois pas les signaux. C’est très difficile de savoir pour sûr si c’est du sexisme, du racisme. Tu t’en rends compte avec la multiplication des expériences, mais quand j’étais plus jeune et que j’avais pas cette grille de lecture. Je me disais, c’est rien, je trouvais beaucoup d’excuses. C’est comme ça que le racisme perdure. On dit : ‘Non mais il est sympa.’ Oui, mais tu peux être raciste et sympa. »

Jenn, 25 ans

« Les gens ne me considèrent pas comme asiatique. L’Asie du Sud, on nous met tous dans le même sac en disant ‘indien’, mais en plus ils savent pas où c’est, encore moins le Sri Lanka. J’y ai grandi jusqu’à mes 5 ans avant de déménager en France. Ma culture est forcément très ancrée en moi. À la maison en France, c’était pareil, on parlait la langue, on regardait les films Bollywood… Personnellement la rupture elle se faisait vraiment avec l’école. Il y avait deux moi : celle devant mes camarades, et celle quand je rentrais à la maison. Jusqu’à mes 15 ans, j’étais entourée principalement de personnes blanches et inévitablement, je voulais leur ressembler. J’ai renié mon identité culturelle. Je me suis même transformée, je voulais éclaircir ma peau, je ne me trouvais pas belle. ‘Tu sens les épices. Tu sens le curry.’ C’est un classique qu’on dit aux personnes d’Asie du Sud. Moi personnellement, j’ai eu la chance de pas avoir ce genre de remarque mais il y avait le : ‘T’es belle pour une sri-lankaise.’ Je savais pas quoi répondre. Je le prenais comme un compliment mais aujourd’hui je me rends compte que c’était pas du tout le cas. Avec le recul, je me rends compte que j’avais normalisé ce type de comportement, aujourd’hui, je laisserais jamais passer ça. »

Katia et Tatiana, 34 et 37 ans

« On est moitié-moitié du coup on est jamais vraiment l’un, jamais vraiment l’autre. Quand on était aux Philippines, on était plus considérées comme françaises et inversement en France. On a toujours été fières d’avoir une culture mélangée, de connaitre plusieurs langues. On a toujours compris que culturellement c’était une richesse. Le constat frappant qu’on a eu, c’est que le racisme nous a heurté même à Double Dragon, notre restaurant. Les gens ont une image très figée de ce qu’ils attendent d’un restaurant asiatique. Ça se remarque immédiatement sur le prix par exemple. Les gens sont absolument pas enclins à payer le même prix pour un plat de cuisine française que d’un pays d’Asie. Ils s’attendent à ce que ce soit pas cher. On nous demande aussi si on a pas des nems ou des sushis. Si on n’a pas de pain, alors que c’est un restaurant asiatique. La cuisine, c’est un milieu très masculin et blanc, donc pas très inclusive. On rentre pas du tout dans les codes, dans les cases de l’industrie française de la gastronomie. On a des clients plutôt que des récompenses. »

To Van Kao, 33 ans

« Je suis vietnamienne et quand je le dis on me répond souvent des stéréotypes, on me parle de cuisine ou de voyage, je sais jamais quoi répondre. C’est du racisme bizarre parce que les gens veulent être sympas en montrant qu’ils connaissent notre culture. L’acte est gentil en soit, mais il est quand même raciste. Au niveau de la sexualisation par exemple, c’est jamais vraiment dit, donc c’est un peu latent. On s’en rend compte petit à petit. Au début c’est pas forcément visible, puis tu comprends tout ce qui peut teinter ton identité de femme asiatique : la soumission, les clichés sur notre corps qui serait plus souple, plus serré à d’autres endroits… Honnêtement, quand tu prends conscience de l’objectification dont tu es l’objet par certains hommes, ça fait mal. Tu peux pas t’empêcher de te demander : il est intéressé par moi parce que je suis moi ou parce que il veut essayer une asiatique ? Le fait de se dire que la personne en face de toi te voit comme ça, c’est flippant. Quand ça t’arrive plusieurs fois, tu te poses des questions. Après, j’ai pas envie d’en faire une généralité parce que c’est pas le cas, faut juste apprendre à déceler les personnes qui te voient comme ça et à ne pas se culpabiliser si on a pas réussi. J’aurais eu envie qu’on me dise : c’est pas toi le problème. T’es déçue, tu prends un grand coup à ta confiance. En tant que jeune femme c’est horrible, t’as l’impression que t’as fait quelque chose de mal, que t’es pas assez, alors que non. Faut savoir qu’on est pas toute seule, c’est là que c’est important la représentation. Il faut dire à ces femmes : c’est pas toi le soucis, ça arrive à d’autres femmes. Il y a quelqu’un qui va t’apprécier à ta juste valeur. Aujourd’hui, j’ai appris à être fière de qui je suis et c’est pour ça que je ne pourrais plus m’enfermer dans ces mêmes dynamiques que quand j’étais plus jeune. Pour moi c’est beaucoup passé par la musique. Je suis très inspirée par les musiques traditionnelles, en les utilisant dans mon travail, je me réapproprie ma culture, et donc mon identité. »

Fei, 28 ans

« Je suis originaire du nord de la Chine, je suis née et j’ai grandi là-bas. Du coup, je me rendais pas compte du racisme qu’il pouvait y avoir à l’extérieur. C’était très naïf de ma part mais j’avais une image très clichée de la France : tout est beau, tout le monde est gentil… J’arrive en France et je suis choquée. Je viens en tant qu’étudiante et j’entends des gens me dirent ‘rentre chez toi’, je me fais agressée, on me regarde mal. Ma première réaction ça a été la peur. Comme j’étais très jeune, je parlais mal français à l’époque, je me comportais de manière maladroite. Les gens avaient cette image de la petite étudiante chinoise : manipulable, innocente, naïve, influençable. Et j’en ai fait les frais. J’étais en France depuis quelques semaines et ça se passait mal avec l’agence qui me louait mon logement. J’ai demandé de l’aide à une amie pour trouver un autre endroit. Elle me met en contact avec un homme qui propose un logement. Au début, je pensais qu’il était de bonne intention, et en apprenant à le connaître je me suis rendue compte qu’il était complètement fétichiste des asiatiques. Il me parlait constamment d’actrices asiatiques, me disait à quel point elles étaient belles. Il avait 50 ans à l’époque, il était marié à une asiatique et la manière dont il se comportait avec moi était étrange. Avec le temps, j’ai appris à gérer ce genre de comportements et surtout à ne pas les laisser m’atteindre. La France m’a apporté tellement de choses et je suis très heureuse ici, je ne sens pas le besoin de me concentrer sur ça. J’ai la chance d’être bien entourée, je préfère ignorer leur vision et me définir par moi-même. Je suis juste un être humain, fruit d’un mélange de cultures, si les gens veulent me catégoriser comme ‘femme asiatique’, moi je sais qui je suis, ce n’est pas mon problème. »

Aveline, 24 ans

« Je me rappelle que je me promenais souvent avec ma grand-mère et que tout le monde nous disait ‘ni hao’ dans la rue et ma grand-mère répondait à ces gens. Personnellement, j’avais déjà conscience du fait qu’on se moquait de nous. Je lui disais qu’il ne fallait pas répondre. J’avais environ 6 ans et je me rappelle que j’ai commencé à me sentir mal. Je sais pas si ma grand-mère se rendait compte qu’on se moquait de nous, elle pensait peut-être que les gens étaient juste gentils avec elle. Quand on est enfant, on comprend pas le racisme, on a juste honte, ça joue beaucoup sur l’image qu’on a de nous-mêmes. Quand j’étais petite, je me trouvais juste moche en fait. Je me demandais pourquoi j’étais pas jolie, blonde aux yeux bleus. Quand j’étais en primaire et au collège, j’étais entouré de blancs et j’avais l’impression d’être vraiment moins belle que mes camarades. Je me détestais. Au fur et à mesure, les gens ont commencé à me renvoyer à mes origines et j’ai pris conscience que je n’étais pas moche : j’étais chinoise. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de représentations, notamment avec la K-pop. C’est bien que ce soit mis en avant, mais ça nourrit une seule représentation parfois fétichiste. C’est la coréenne, fine, archi blanche, la peau lisse. Je trouve ça limite bizarre, on nous a tellement dit qu’on était moche dans notre jeunesse, je comprends pas comment soudainement, tout le monde nous trouve magnifiques : j’ai l’impression d’avoir loupé un épisode. »

Odonchimeg, 32 ans

« En France, il y a une vision de la Mongolie très réductrice. Les gens n’ont que la vision que leur donnent les documentaires sur les yourtes, la plupart ne savent même pas où c’est. Après, évidemment, on me considère comme chinoise. Quand t’as les yeux bridés, t’es forcément chinoise. C’est un manque d’éducation et de culture qui crée ce racisme. Quand on est une femme, on vit pas le racisme de la même manière. Je me rappelle un gars qui me draguait et qui me disait que son ex était coréenne, qu’elle cuisinait bien. Je lui ai rapidement fait comprendre que premièrement j’étais pas coréenne, deuxièmement je ne suis pas son ex et enfin, je ne sais pas cuisiner. On me m’a déjà fait des remarques plus clairement : « Tu dois bien masser ! » Le fait qu’on te drague parce que tu es d’une certaine origine, c’est du racisme. Les gens ont du mal à le comprendre. C’est pas parce que quelqu’un est gentil, ou qu’il tente de te charmer que c’est bon. Draguer une femme asiatique juste pour son origine, c’est du mépris envers la personne qu’elle est. »

Leah, 22 ans

« Je suis d’origine algérienne, japonaise et philippine. J’ai grandi en France, j’ai les yeux bridés, donc on m’a rapidement appelé ‘la noiche’. Je me suis construis avec cette image, on m’a mis dans cette catégorie. J’ai beau être algérienne, je me sens asiatique, j’ai pris cette identité-là par réflexe parce qu’on me l’a collé dès le début. Je me suis même pas appropriée mon identité par moi-même, alors que pourtant j’ai grandi plus avec ma mère qui elle est algérienne. Par réflexe, c’est le truc que je vais dire en dernier. J’ai été consciente du racisme assez tôt, on te dit : ‘Sale nem, tu manges du chien.’ Ça fait mal, t’es un enfant, tu sais pas quoi faire donc t’encaisses. Quand t’es adulte, t’appréhendes différemment les choses, tu peux répondre. Après il y a toujours des moments où tu sais pas comment réagir : le Covid par exemple, c’était compliqué, le racisme il était beaucoup plus présent. J’ai pas vécu de choses graves, mais les regards étaient insistants. Je ressentais que les gens s’éloignaient. Et puis soyons honnêtes, j’étais le mauvais combo pendant le Covid. Une femme voilée et asiatique ? Je me tape une triple peine. C’était pesant et je me sentais parfois en danger. En ce moment, pour être honnête, avec l’approche des élections, je me sens de moins en moins en sécurité dans ce pays. »

Pour beaucoup, la sortie de Kung-Fu Zohra, film où une femme d’origine maghrébine, installée en banlieue, apprend le kung-fu pour se libérer de son mari violent, fut la goutte de trop. Aujourd’hui, il est plus que temps d’interroger la place des femmes maghrébines dans le septième art français. On a décidé de rencontrer actrices, journalistes, chercheuse en cinéma : elles nous parlent de leur passion, de leur quotidien et reviennent sur leur perception d’elles-mêmes. Pourquoi en est-on encore là ?

Vous vous souvenez de vos modèles quand vous étiez jeunes ? Du premier personnage public ou de fiction auquel vous vous êtes identifiés ? De la première fois que vous avez eu l’impression qu’une histoire racontait la vôtre ? Pour la plupart des femmes franco-maghrébines, répondre à ces questions est plus compliqué qu’on ne pourrait penser. « On n’avait pas de représentation de femmes arabes, à l’adolescence j’étais très fan de Kate Moss, c’était mon modèle », nous confie par exemple Sarah Diffalah, journaliste et co-autrice de Beurettes : un fantasme français. Son cas, c’est celui de la plupart des femmes françaises qui lui ressemblent, et le cinéma n’y est pas pour rien.

Tour à tour prostituée ou femme pieuse et voilée, dévergondée ou bonne épouse docile, émancipée ou soumise aux traditions, la femme d’origine maghrébine en France reste cantonnée à des représentations réductrices au cinéma. Difficile donc pour une jeune femme de se retrouver dans les rôles à l’écran. Avec Kung-Fu Zohra, film sorti le 9 mars dernier, c’est pourtant ce que Mabrouk El Mechri et son casting tentent de faire : donner aux jeunes filles l’occasion de se sentir représentées à l’écran par une Zohra puissante, combative, comme le confie Sabrina Ouazani dans une interview pour Pathé Gaumont : « [Zohra] va au combat botter le cul des méchants. Je joue une superhéroïne qui me ressemble dans laquelle moi, il y a 15 ans ou 20 ans, j’aurais pu m’identifier. »

Mais ce que Kung-Fu Zohra fait surtout, c’est ramener sur la table plusieurs débats, notamment la question vieille comme la colonisation de la représentation souvent très clichée des minorités dans les films et séries.

Je joue une superhéroïne dans laquelle moi, il y a 15 ans ou 20 ans, j’aurais pu m’identifier.

Sabrina Ouazani

L’histoire du film, c’est celle de cette femme arrivée du « bled » après être tombée amoureuse et s’être mariée à Omar. Au début, ils s’aiment follement. Après quelques mois seulement, le couple se fracture : Omar n’aime pas son quotidien, il perd son emploi et sombre dans l’alcool et la dépression au point de s’en prendre physiquement à sa femme. Six ans après, pour ne plus subir les coups de son mari et trouver la force de le quitter, Zohra s’initie au kung-fu.

En sortant de la salle de cinéma, dur de comprendre quel message ce film tente de faire passer. Outre le synopsis cliché, l’image des violences conjugales renvoyée est tout à fait critiquable. Le personnage de Omar est celui d’un homme sympathique, un père génial : seul hic, il frappe sa femme. On ne le sait pas parce qu’on nous montre des scènes de violences à répétition, mais plutôt parce que Zohra porte des lunettes de soleil jour après jour pour masquer les marques des coups. Pourquoi nourrir inévitablement une vision humanisée d’un mari violent ? C’est un autre débat.

Malgré les louanges de plusieurs médias sur l’aspect féministe du personnage de Zohra qui se révolte contre son mari, déconstruire cette première lecture est nécessaire. Oui, c’est un film avec un personnage principal féminin « superhéroïne » si on leur permet le terme, mais avoir un personnage féminin qui se bat contre la violence de son mari ne suffit pas à définir un film comme féministe ou à donner le bon exemple aux jeunes filles. N’est-ce pas contre féministe, d’une certaine manière, de dire aux filles qu’il faut apprendre le kung-fu pour combattre un homme violent plutôt que d’apprendre aux garçons à ne pas l’être ? Si ton mec te frappe, tu restes avec lui, tu serres les dents jusqu’à que tu sois en capacité de lui casser la gueule ? C’est, encore, un autre débat.

Lors de la scène finale de Kung-Fu Zohra, ça nous revient en pleine face. Au milieu d’une interminable scène de combat entre Zohra et son mari, ce dernier attrape une bouteille et la boit d’une traite avant de regarder sa femme et de lui dire : « T’as un patron qui te dit sale bougnoule toute la journée, toi ?! »

On y est, donc. En prononçant cette ligne, on plonge dans ce qu’on redoutait tous : il justifie ses violences par son origine, ou du moins par l’oppression qu’il subit à cause de celle-ci. Une représentation qui, même sans le vouloir, contribue à nourrir des clichés racistes et à reproduire une représentation unique des femmes maghrébines dans le cinéma. Zohra a beau être une héroïne de kung-fu qui se bat et gagne contre son mari violent, elle est et reste une femme arabe violentée par son mari, car celui-ci est arabe.

La hchouma, ça veut dire la honte. La honte d’être invisibilisées des narrations, ou d’y être encore mal représentées comme dans ce film en 2022. Le cinéma reste pourtant un puissant outil de transmission : il touche toutes les classes sociales, et à travers la télévision infiltre les foyers. Il devrait donc être un miroir dans lequel se reflète la société dans sa réalité et sa diversité. On est pourtant loin du compte : la télévision française reflète encore trop peu les visages de ceux qui la regardent. D’après le baromètre de la diversité publié par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, on recense seulement 20 % de personnes « perçues comme non blanches » dans les 700 fictions diffusées à la télévision française en 2018.

Un chiffre qui descend à 14 % si l’on considère les fictions françaises uniquement. Quant à savoir quelle est la représentation des personnes d’origine arabe, l’étude du CSA indique 19 % de personnes « perçues comme arabes » parmi les « non-Blancs ». En quatre ans les statistiques ont peut-être progressé mais si révolution il y avait eu entre temps, on le saurait.

Entre représentation, stéréotypes et imaginaires, il faut choisir

Sarah Diffalah, qu’on a fait intervenir dans le premier paragraphe de ce papier, est donc la co-autrice de Beurettes : un fantasme français. À 38 ans, elle a les yeux sombres, le teint clair, les cheveux décolorés en blond, lissés, mais ses traits comme son nom la trahissent. Pourtant, elle a renié pendant longtemps l’image qu’elle renvoyait. Au milieu d’une société blanche, qui fixe les critères de beauté et les placarde sur des affiches et magazines, la femme arabe n’a que peu sa place. Alors on désire adolescente être comme ces femmes blanches, se persuade que c’est possible, on lisse ses boucles, blanchit son teint et s’imagine autre comme l’explique la journaliste : « Moi, j’avais des amies plutôt blanches et j’avais l’impression de leur ressembler. Je pouvais même me voir comme elles si je le souhaitais, je ne me voyais pas tel que j’étais réellement dans un miroir. Je ne me sens pas encore tout à fait arabe. Mon identité, elle me revient en tête quand les gens, eux, la remarquent. »

« T’es de quelle origine ? Non, mais tes parents, eux, ils viennent d’où ? » Qu’elle le veuille ou non, Sarah a toujours fait face à ce genre de remarques et la manière dont les autres la perçoivent. Quand on est issu d’une minorité, on est conscient de comment les gens nous voient et on est aussi conscient de ce que, nous, on est réellement. C’est ce qu’on appelle la « double conscience ». Quand on rencontre quelqu’un, malgré nous, on jauge ce que cette personne a comme perception de qui nous sommes. Avant d’être pleinement soi-même, on adapte son comportement en fonction de ce que cette personne voit, comme un système de protection.

Cette « double conscience » donc, même si niée par Sarah, lui revient immédiatement en tête quand on la ramène à son apparence et les stéréotypes qui l’entourent. C’est un conflit interne aux personnes issues de minorités qui oppose le regard blanc au regard racisé. Ce que met en exergue le type de film comme Kung-Fu Zohra : c’est que le cinéma français ne voit qu’à travers une seule vision, et ne perçoit donc les femmes arabes que d’une seule manière. « Dans le monde du cinéma, ils vont instaurer un regard blanc sur la condition des femmes nord-africaines en France et le regard blanc ce n’est pas forcément un réalisateur blanc, explique Anas Daif, journaliste et créateur du podcast ‘à l’intersection’. On peut nous en tant que personnes racisées intérioriser ce regard blanc là. » Mais qu’est-ce qu’on y voit quand on plonge dans ce « regard blanc » des femmes arabes ?

Pour comprendre, Anas a posé la question à sa communauté. Sur son compte Instagram @jnounaliste aux 27 000 abonnés, il fait un sondage sur la représentation des minorités dans le cinéma, il reçoit près de 2000 votes et de 300 à 400 DM. « L’idée de sondage m’est venue après avoir vu la bande-annonce de Kung-Fu Zohra et l’intervention d’un journaliste de Decolonial News à l’avant-première. Ça m’a emmené à me et leur demander : nous les personnes racisées, quelle réception on fait de ces œuvres-là ? Comment on perçoit ces stéréotypes ? Pour qui ces films sont faits et qui sont les publics visés et sur quels imaginaires ils se basent ? »

la-hchouma-cinema-francais-femmes-maghrebines

La réponse qui revient inlassablement : c’est qu’il existe un manque de représentation totale. Puis rapidement, les personnes citent les mêmes stéréotypes concernant la femme nord-africaine : « Soit la femme musulmane soumise, soit la femme voilée soumise qui va se dévoiler pour s’émanciper, soit la femme arabe ‘libérée’ qui vit en banlieue avec un frère ou père autoritaire et qui, pour s’émanciper, va sortir avec un blanc. » Anas souffle : « Les gens sont fatigués. »

Les gens sont fatigués.

Anas Daif

Fatigués, parce que ça fait des décennies — même des siècles — que ces narrations habitent notre imaginaire collectif. En remontant un peu l’histoire de notre pays, on comprend rapidement l’obsession autour d’une prétendue « libération » des femmes maghrébines, de leurs corps et de leur sexualité en se penchant sur les cérémonies de dévoilement qui avaient lieu sur les places publiques dans les années 50 en Algérie. L’armée et les autorités coloniales françaises de l’époque ont fait de l’émancipation des femmes musulmanes un instrument pour tenter de rester au pouvoir. Cette vision de la femme arabe, c’est celle qui plane encore sur le cinéma français. « L’idée de la libération sexuelle de la femme maghrébine par l’homme blanc elle est tout droit issue de l’expérience coloniale, et c’est ce sur quoi vont se baser tous ces films sur la beurette qui se libère, la femme voilée qui se libère sexuellement », souligne Saima Tenfiche, seconde autrice de Beurettes : un fantasme français et chercheuse en cinéma.

Alors pourquoi tant de temps après, rien ne semble avoir vraiment changé ? Premièrement, tout n’est pas si noir que ça. Certains avancent qu’on peut déjà s’estimer heureux qu’une représentation tout court soit amorcée. Bon. On n’ira pas jusque-là mais, effectivement, avant les années 80 il était presque impossible de croiser une femme d’origine maghrébine à l’écran, nous dit Salima : « Avant dans le cinéma colonial, quand on représentait une femme ‘indigène’, comme ils disaient, c’était souvent une actrice blanche qui la jouait. On ne parle pas de ‘black face’ dans le cinéma colonial mais ce sont dans l’idée toujours des Européennes qui interprétaient des personnages maghrébins. » Globalement, même quand on doit représenter la femme maghrébine, on ne donne pas la place aux concernées. Dans le film Rai, en 1995, le personnage de Sahlia est joué par Tabatha Cash, une ancienne actrice pornographique qui n’est pas du tout d’origine maghrébine. Pas besoin d’en dire plus.

Aujourd’hui, qu’on apprécie les rôles qu’elles jouent ou pas, à l’image de Sabrina Ouazani dans Kung-Fu Zohra, admettons déjà l’avancée qu’est sa présence sur les écrans avance la chercheuse en cinéma : « De plus en plus, il y a des actrices arabes ! Ça arrive ! Et le fait même que ce genre de critique émerge, c’est déjà une avancée, il y a polémique et c’est une liberté de parole qui émerge, estime Salima Tenfiche. On a le droit de dénoncer un film et de dire attention, on ne se sent pas représentés. »

Plus encore que de dénoncer : nos voix ont aujourd’hui de vraies répercussions sur ces films et leurs succès aux box-offices. Après une semaine dans les salles, le bilan est tombé pour le film de Mabrouk El Mechri. 28 119 entrées pour 225 salles, soit une moyenne de 125 spectateurs/cinéma, 1,3 étoile sur 5 par les spectateurs sur Allociné, pour un budget de 6,2 M€. Trois semaines après sa sortie, le film passe à peine la barre des 40 000 entrées. C’est pour l’instant un démarrage plus que faible pour une comédie française qui a pour acteurs principaux des personnalités connues et appréciées du grand public. Pour cause : un boycott demandé sur les réseaux.

Les limites du « pour nous par nous »

Et ce n’est pas la première fois que des œuvres sont critiquées et appelées au boycott pour les clichés qu’ils véhiculent. L’année dernière déjà, le réalisateur Franck Gastambide était pointé du doigt après la sortie de la saison 2 de Validé parce qu’il baserait trop ses productions sur les clichés autour des personnes de banlieues et des minorités. Le Bondy Blog écrivait un article et l’invitait à leur répondre dans leurs locaux. Face à ces accusations, Franck Gastambide répond qu’il vient lui-même de banlieue et que ses histoires sont regardées et font rire les personnes concernées.

Un bilan qui n’est plus si vrai, souligne Lisa Bouteldja, personnalité et artiste touche-à-tout qu’on peut notamment voir dans Supernova, un court-métrage de Juliette Saint-Sardos disponible sur Arte : « Évidemment, avant on rigolait nous aussi de ces clichés, mais c’était une autre époque. On a tous accès à Internet, il y a beaucoup de débats qu’on n’avait pas avant, on se rend compte qu’on a normalisé plein de comportements problématiques durant longtemps, dont ces films. On se rend compte que le racisme c’est pas seulement frontal, les insultes, etc. Tous ces clichés de femmes arabes, on a tous les outils pour déconstruire et comprendre en quoi c’est un problème, on peut plus avaler ça aujourd’hui. »

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Alors pour qui sont réellement faits ces films aujourd’hui ? Qui est leur public ? « J’ai l’impression que c’est des films qui sont destinés à des gens pas concernés. Il y a 2000 personnes qui ont répondu à mon sondage, et à 90 % se sont accordées à dire que c’était des films stéréotypés qui faisaient passer des formes de racisme et de préjugés sous couvert d’humour, précise Anas. Les personnes non concernées qui vont voir ce film vont calquer des idées préconçues qu’ils ont déjà sur les femmes arabes. Et les personnes concernées qui vont voir ce genre de film, ça rentre dans un processus d’autodévalorisation. On a presque que ce genre de représentation, alors elles s’y habituent. »

Alors même si on peut avoir détesté ces films et l’image qu’ils renvoient de nos communautés, la bonne réponse réside-t-elle vraiment dans le boycott et la division ? En tant que femme arabe derrière tous les mots que vous êtes en train de lire, je n’ai pas envie de culpabiliser et pointer du doigt une autre femme arabe, quel que soit son rôle dans un film ou une série. Dans une industrie cinématographique en France très discriminante, souvent ces femmes peuvent être amenées à accepter ces rôles dégradants pour survivre dans le métier.

« Non, elle n’est pas assez noire ou non, elle ne fait pas assez arabe »

Tasnim Jamlaoui est une jeune actrice, elle joue un second rôle dans le film Les Meilleures qui passe actuellement au cinéma. Ses cheveux sont tressés, son teint halé. « Je suis presque inclassable : je ne suis ni arabe ni noire. Il y a toujours un truc de ‘non, elle n’est pas assez noire ou non, elle ne fait pas assez arabe’. Ce sont des trucs que j’ai déjà entendus, et au final il me reste quoi ? Quelques propositions pour me faire ma place. » Pour son profil, les castings sont rares. Souvent, on lui propose des rôles où elle joue une femme arabe. D’après elle, les clichés continueront toujours d’exister. C’est en les contrebalançant et en multipliant les films qui représentent d’autres types de femmes qu’on améliorera l’image qu’on se fait d’elles : « Montrons autre chose, montrons la complexité de ces femmes. Si on montre autre chose, le cliché il sera contré. Il faut qu’on nous donne de la visibilité pour montrer justement aux gens que ce sont des clichés. Les clichés posent problème parce que c’est la seule chose qu’on voit. »

Pour Tasnim comme pour d’autre, ce n’est donc pas par la censure que les choses avanceront, mais par la création. Kung-Fu Zohra n’aurait sûrement pas poser problème dans un monde où ces représentations ne nourrissaient pas un discours politique, s’il n’y avait pas des inégalités systémiques. Une polémique sur ce film n’aurait pas eu lieu d’être dans un monde où l’industrie cinématographique française offrait des représentations plurielles de la femme maghrébine. La solution : la représenter plus et mieux.

Et tant qu’il n’y aura pas assez de femmes noires ou arabes derrière la caméra et dans les postes de pouvoir du cinéma, la situation au niveau de l’écriture et du casting aura du mal à changer. Le changement doit ainsi se faire tout en haut de l’échelle, au niveau des personnes qui financent, écrivent et pensent les fictions. « C’est d’abord une question de déterminisme sociale, moi je suis enseignante en cinéma, et il y a des très peu d’Arabes, souligne Salima Tenfiche. C’est encore plus vrai dans les écoles, notamment à la Fémis, c’est une extrême minorité. Mais ça commence à changer, chaque année il y en a un peu plus. Tant qu’il n’y aura pas de femmes arabes pour penser leur représentation dans le cinéma, nécessairement il y aura ces mêmes critiques : on vous laissera faire des films sur nous quand nous on pourra faire des films sur nous ! »

Ce que révèle la polémique autour de Kung-Fu Zohra et les entretiens menés pour la rédaction de ce papier, c’est surtout ce point de non-retour que nous avons atteint. « Je pense qu’on a atteint un moment crucial. Il y a tellement de films qui vont se faire cancel qu’ils vont devoir comprendre en quoi c’est problématique, acquiesce Lisa Bouteldja. Là, ce qu’il s’est passé avec Kung-Fu Zohra, c’est révélateur. » Dans le futur, qu’ils soient d’accord ou non avec ce que les gens reprochent à leurs idées, scénarios et synopsis, les protagonistes de ces films vont devoir se poser les bonnes questions s’ils ne veulent pas être victimes d’un boycott similaire.

Pour les aider à comprendre en quoi certaines représentations peuvent être problématiques, on a décidé de créer un test disponible sur notre Instagram : le Zohra Test. Inspiré du Bechdel Test développé pour dénoncer la sous-représentation des femmes au cinéma, et du Riz Test qui tente de gommer les représentations négatives de la communauté musulmane, vous pouvez y soumettre n’importe quel film pour vous assurer qu’il n’est pas discriminant envers les femmes d’origine maghrébine. Le Zohra Test est à vous. Utilisez-le.

Les agents de Sabrina Ouazani, Souheila Yacoub, Shirine Boutella, Hafzia Herzi, Lyna Khoudri, Kenza Fortas et Leïla Bekhti ont été contactés mais n’ont pas pu donner suite à nos demandes d’interviews. Les agents de Lina El Arabi, Oulaya Amamra, Nailia Harzoune et Mounia Meddour n’ont jamais répondu.

Certains veulent mettre le monde à leurs pieds. D’autres s’en servent pour faire prospérer leur business.

Avec Les Titulaires, YARD est fier de présenter son dernier documentaire : 48 minutes en immersion avec (tous) les débrouillards du resell pour comprendre les enjeux d’un milieu d’initiés à la fois hermétique et passionnant. Un milieu où le charbon est ingrat, où les visionnaires deviennent chefs d’entreprise, où les malins ont une longueur d’avance. Un game où personne n’accepte d’être sur le banc de touche.

« It’s gotta be the shoes. » Depuis que Nike a réussi en 1989 à faire passer l’idée que Michael Jordan était ce qu’il était grâce à sa paire de shoes, le cours de la basket – ou sneakers, selon les tendances – a pointé vers les sommets sans plus jamais redescendre. Depuis plus de 30 ans, les paires sortent à un rythme effréné, mais scrupuleusement contrôlé, dans un jeu de passe-passe entre marques et acheteurs. De nombreux documentaires ou films ont raconté l’impact sur la culture au sens large de cet amour douteux entre vendeurs et collectionneurs – on pense notamment à Sneakers, le Culte des baskets réalisé par Thibaut de Longeville et Lisa Leone dès 2006.

Mais depuis, les collections et collaborations pullulent, les prix flambent, et un nouvel acteur s’impose dans cette danse à deux pour en faire un plan à trois : les resellers. Qu’ils aient campé des nuits durant devant les stores de Paris, qu’ils aient déjoué les algorithmes où qu’ils aient bâti leur empire, tous ont compris qu’ils devaient transformer leur passion en business rentable en s’octroyant la plus grosse part possible du gâteau, jusqu’à l’indigestion. Dans un monde guidé par la spéculation à outrance, qui pourra leur jeter la première paire ?

Réalisé par Moriba Koné et Guillaume Lebel, avec le soutien d’un maximum d’acteurs du milieu – s/o Doudou, Farah, David, Jordan, Guy, Zuukou, Wethenew, et tous les mecs floutés qui ont quand même accepté de nous livrer leur secret -, Les Titulaires est le premier documentaire qui raconte le resell à travers les yeux de ceux pour qui ce n’est plus un jeu.

Réalisation : Moriba Koné et Guillaume Lebel
Édito YARD : Antoine Laurent et Jesse Adangblenou
Mix : Bastien Michel
Étalonnage : Faneva Rabetsimamanga
Sous-titres : Fabrice Vergez et Sarah Tesnieres

« love nwantiti » : un hit, une dizaine de versions et des millions de vidéos sur TikTok. Mais CKay n’est-il pour autant que l’homme d’un titre ?

Bien que sorti en 2019, « love nwantiti » est indéniablement l’un des morceaux phares de 2021, poussé par d’innombrables remix et autres challenges TikTok. Un succès monstre, qui a peut-être plus fait connaître le morceau que son auteur, le nigérian CKay, premier artiste africain à avoir dépassé les 20 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. Il s’est installé avec nous pour retracer la trajectoire de ce hit et son omniprésence.

Colobane, la brocante 2.0 par YARD a enfin une date !
Rendez-vous le week-end du 17-18 avril 2022.

On ne connaît que trop bien votre goût pour la sape. Vous nous le donnez à voir à chacune de nos soirées, quand vous ne manquez jamais de dégainer la dernière sortie sneaker, la collab’ que tout le monde s’arrache ou votre outfit le plus travaillé. Et parce que nous partageons avec vous cet amour du beau linge, nous avons décidé de créer : Colobane, une brocante 2.0 spécialisée dans l’achat et la vente de vintage avec une touche YARD.

Cette initiative est une réponse au problème écologique que pose notre façon de consommer les vêtements. L’industrie du textile est la deuxième plus polluante au monde. Parce que nous consommons encore trop de vêtements neufs. Parce que nous conservons dans nos garde-robes trop de vêtements qu’on ne met plus.

Ainsi la brocante était la solution la plus efficace. Elle permet de se débarrasser de ce qu’on stock sans jamais porter et favorise la seconde main. À travers Colobane, nous voulons offrir la meilleure selection de vêtements de seconde main possible. Pour se faire, vous êtes tous invités (particuliers & professionnels) à participer à cette aventure.

C’est le devoir de tout passionné de textile de commencer à se responsabiliser. Et nous voyons en Colobane un premier pas vers un drip plus vert. Venez vendre vos vêtements « vasy lui » d’hier et trouver vos pépites de demain.

Infos Pratiques:
7, rue Paradis 75010 Paris
Entrée : 2€
Horaires : 11h-19h
Paiement CB disponible – Cabine d’essayage disponible
Vous pourrez également faire des dons(vêtements, accessoires uniquement)

VENDRE
Réservez un stand et venez vendre les vêtements que vous ne mettez plus. Inscrivez-vous sur notre site pour réservez un espace de vente ! Il y a 2 tailles de stands en fonction de la quantité de vêtements que vous souhaitez vendre.

ACHETER
Venez chiner les vêtements vintage de vos rêves entre pépites et bonnes affaires dans les sélections de nos 40 exposants. Colobane réuni pendant 2 jours tous les univers du vintage !

DONNER
C’est une occasion pour donner ! Colobane collabore avec les associations de tri & distribution de textile qui redonnent un sens aux vêtements dont vous ne voulez plus. Venez déposer vos dons à Colobane.

ÉCOUTER
Profitez de Colobane pour en apprendre sur votre style, à travers notre programme de talks, de tutos et de workshops sur la mode éthique et les enjeux écologique de l’industrie fashion.

KIFFER
Aux fourneaux c’est toujours YARD donc la recette est la même, Colobane c’est un moment pour venir se détendre avec de la musique, à boire et à manger toujours en esprit sinon c’est pas fun.

Votre brocante préférée.

Throwback : En Y

Première prise de parole : un talk En Y organisé le jeudi 1er octobre 2020 avec pour thème « Les vrais enjeux de la mode éthique : comment passer des paroles aux actes ? », avec la présence de Youssouf Fofana de Maison Château Rouge, du collectif Éthique sur l’Etiquette, de Kim Hou de la marque About A Worker et des militantes Samia Larouiche de Casa 93 et Nadia Le Gendre, notamment expert international pour les Nations unies en mode et tissage traditionnel, ou encore Pablo Attal de YARD, en charge du projet Colobane. Le replay est d’ores et déjà disponible.

À quel moment un sportif de haut niveau doit-il penser à l’après-carrière ? Surtout pas quand celle-ci est sur le point de terminer. Les sportifs 2.0 l’ont bien compris : il faut faire quand t’es chaud. Axel Toupane, dernière recrue du Paris Basketball, débarque dans la capitale avec une grosse bague de champion au doigt, son éducation française, ses enseignements américains et, surtout, la vision d’un mec qui a toujours su créer ses opportunités. Interview.

« À moins d’être Tony Parker ou Zidane, il faut ouvrir les portes quand tu as le mojo. » À 29 ans, Axel Toupane ne se contente pas d’être basketteur professionnel : la dernière recrue du Paris Basketball a connu de très nombreux clubs au fil d’une décennie de carrière accomplie, mais qui ne lui permet pas forcément de se reposer sur ni sur ses acquis, ni sur ses lauriers. Et quand le parcours d’un sportif de haut niveau n’est pas un long fleuve tranquille, il est essentiel de voir au-delà. Aujourd’hui, le joueur aux 25 sélections en équipe de France défend aussi bien sur le terrain qu’il gère ses activités en dehors.

Devenu le sixième Français de l’histoire à décrocher un titre NBA avec Milwaukee en juillet 2021, Axel Toupane vient de se lancer un nouveau défi en rejoignant donc l’ambitieux projet du club de Paris. Un choix qui a surpris la planète basket mais pas ceux qui connaissent la mentalité d’un international qui a toujours dû se battre plus que les autres pour se faire une place. À 29 ans, il a aussi fait le choix de « l’énergie parisienne » qu’il met à profit en dehors des terrains pour son association « Les Prochains Leaders » et sa culture business importée des US.

Interview entre Mamba mentality, Jay-Z et amour de Paris.

Tu as récemment publié sur tes réseaux sociaux une vidéo d’extraits de ta carrière avec des critiques comme « tu ne seras jamais pro », « tu n’as pas le talent pour jouer en Euroligue », « ce sera difficile pour toi de jouer en équipe de France ». Que des commentaires que tu as fait mentir.

J’ai beaucoup de fierté pour mon parcours, car quand j’ai commencé à jouer en pro à Strasbourg, à 19 ans, très peu pensaient que je pourrais jouer au plus haut niveau. J’en parlais encore l’an dernier, avec des dirigeants de la SIG de l’époque qui m’ont avoué qu’ils ne pensaient pas que je ferais un carrière ne serait-ce qu’en France. Je me suis construit dans cette envie de leur démontrer qu’ils avaient tort.

Finalement, « ne pas être le plus talentueux t’a permis de développer ta détermination et ta persévérance », selon Jean-Aimé, ton père – ancien joueur pro et entraîneur de l’équipe de France féminine de basket. Tu es d’accord avec ça ?

Au cours de ma carrière je n’ai jamais été la tête de série numéro 1, ni la 2, ni la 3. Et je pense que c’est ce qui m’a permis d’être dans un bon mindset pour bosser, ne pas se relâcher et continuer à avancer malgré les difficultés. Encore aujourd’hui, je suis fier, mais pas satisfait. Je taffe chaque jour pour devenir le meilleur joueur que je puisse devenir, car j’ai encore quelques belles années devant moi. Je reste focus.

Dans leur éducation, tes parents n’ont jamais mis le basket en priorité…

Ils ont toujours privilégié mon éducation en tant qu’homme plutôt que ma formation de basketteur. Et je leur dois beaucoup, car ils m’ont inculqué une bonne mentalité. Contrairement à certains parents, ils ne m’ont jamais mis la pression. Cela m’a appris à toujours aller chercher les choses à mon rythme et par moi-même.

Entre ton départ de Strasbourg en 2015 et ta signature à Paris en décembre, tu as connu pas moins de dix clubs entre l’Europe et les US. Comment on gère cette instabilité ?

J’y ai été habitué très jeune, car j’avais déjà déménagé cinq fois pendant la carrière de mon père. Changer d’école, rencontrer de nouvelles personnes, c’est un peu devenu une deuxième nature pour moi. Mais, même si je m’adapte n’importe où, ce n’est jamais facile à gérer pour un joueur d’être loin de ses proches et de ne pas savoir de quoi sera fait son lendemain… Je me rappelle notamment d’un départ brutal de Toronto à Denver. C’était un lundi soir, je mangeais au restaurant avec des amis et à minuit mon agent m’appelle pour me dire que les Nuggets me proposent un contrat… Dans le même temps, en France, mes parents se levaient pour prendre l’avion pour venir me voir au Canada. J’ai dû les appeler pour leur dire que j’avais une bonne et une mauvaise nouvelle, et heureusement, ils ont pu venir à temps à Denver pour mes premiers matchs.

Personne ne va mourir du basket et il existe beaucoup de métiers ou de choses plus difficiles dans la vie.

Au moment de signer avec les Bucks pour ton deuxième passage en NBA, tu as déclaré « la peur de perdre, d’être en échec, ce sont des choses qui t’aident ». À une époque où on n’a jamais eu autant de témoignages sur la santé mentale des sportifs, comment apprend-on à maîtriser cette peur ?

Au quotidien, j’essaie de toujours relativiser : personne ne va mourir du basket et il existe beaucoup de métiers ou de choses plus difficiles dans la vie. J’ai récemment réécouté une interview de Kobe Bryant dans laquelle il raconte qu’adolescent, durant un été, il a fait une summer league affreuse, ne rentrant pas un panier. Son père lui a alors dit : « Que tu marques 0 ou 60 paniers, je t’aimerais toujours. » A partir du moment où tu as l’amour de tes proches, même s’il y a énormément de pression médiatique tu dois éviter de te mettre dans des états pas possible.

Tu es un grand fan de Kobe. En quoi t’a-t-il inspiré ?

Je suis tombé amoureux de la NBA avec les finales de 2000 entre les Lakers et Indiana (4-2). C’est à ce moment-là que je me dis que je voulais y jouer un jour. Je suis aussi tombé  amoureux de Kobe et ai vécu mon meilleur souvenir de basket all-time lorsque j’ai joué contre ses Lakers en 2016. J’ai pu défendre sur lui, lui parler, c’était surnaturel. Sur le moment, tu as l’impression d’être dans un film. Et, à 38 ans, il m’a sorti deux trois moves incroyables. Sa mamba mentality est devenue une inspiration pour de nombreux joueurs car il incarne des valeurs de travail, de résilience, de sacrifice… Exceptionnelles.

Il y a d’autres joueurs qui t’ont impressionné durant tes passages en NBA ?

KD ! La première fois que j’ai joué contre Kevin Durant en 2016, lorsque je suis sorti du terrain, je me suis même demandé pourquoi je continuais à jouer au basket, si je ne pouvais jamais atteindre ce niveau-là. Impressionnant… Et j’ai également eu la chance de jouer aux côtés de Giannis Antetokounmpo, qui est incroyable. Son histoire familiale et son parcours hors-normes ont fait de lui et ses frères de gros bosseurs, qui ont la main sur le cœur et surtout n’ont peur de rien. C’est un joueur et une personne extraordinaire.

Tu t’es toujours battu pour jouer en NBA et en juillet tu es devenu le sixième Français champion de l’histoire. Est-ce que tu as vécu cela comme une fin du game pour toi ?

J’ai vécu ce titre à Milwaukee comme une récompense de quinze années faites de sacrifices,  de hauts et de bas, mais je ne me suis pas dit que c’était la fin du game. En septembre, je suis vraiment retourné en G-League, à San Francisco, avec l’intention de rejouer en NBA et d’y décrocher des minutes et un contrat.

Pourtant, tu as fait le choix en décembre de revenir en France dans un club jeune, promu dans l’élite et qui manque peut-être lui aussi de reconnaissance… Tu savais que les gens seraient surpris ?

De nature, je fais peu attention à ce que les gens pensent. Quand j’ai pris ma décision, elle me paraissait limpide. Je ne me suis jamais dit que je faisais un truc de ouf donc j’ai été surpris que les gens le soient, car pour moi le Paris Basketball est un projet qui a un potentiel extraordinaire et qui mérite d’avoir des joueurs et une organisation de haut niveau. Même si le club est jeune, c’était un choix logique.

Avec le Paris Basketball, on partage la même envie de prouver des choses aux gens

À l’image de ta vidéo, le clip d’entrée des joueurs du Paris Basketball reprend lui aussi des critiques de haters sur le club. Vous vous êtes bien trouvés…

On partage la même envie de prouver des choses aux gens, c’est pour ça que ça a si bien collé. Je n’ai jamais eu de problème à être un role player à très haut niveau, mais j’ai estimé que j’avais fait assez de sacrifices. Je me devais à moi-même, car je passe beaucoup de temps à la salle, d’exprimer ce boulot sur le terrain. Sans aucune amertume, je me suis dit qu’il fallait trouver une équipe dans laquelle j’aurais des responsabilités pour être un leader. Paris cochait toutes les cases.

C’est facile de devenir un leader ?

Il y a d’abord une part d’inné, mais, contrairement à ce que peuvent penser les gens, il n’y a pas qu’une seule manière d’exprimer son leadership. Je n’ai jamais été une grande gueule ou quelqu’un qui parle énormément, mais je me suis toujours considéré comme un leader par l’exemple et lors de discussions en tête à tête.

Entre la médaille d’argent aux JO chez les hommes, celle de bronze chez les filles, la réussite des Frenchies en NBA, l’Asvel et Monaco en Euroligue, le basket français a le vent en poupe… Qu’est ce qui manque pour qu’il soit plus reconnu ?

Pas grand chose ! Peut-être un bon résultat d’un club sur la scène européenne ou un diffuseur stable. Mais avec des projets comme ceux de Paris, l’Asvel ou Monaco, je pense que ça va se faire naturellement. Il ne faut pas oublier que dans les autres pays européens, les meilleurs joueurs jouent dans leurs clubs nationaux. En France, on arrive à faire des résultats alors que nos plus gros joueurs sont à l’étranger… Mais ça aussi, c’est en train d’évoluer et nos meilleurs prospects comme Victor Wembanyama ou Juhann Begarin restent de plus en plus longtemps dans le championnat. Il y a encore du boulot, mais le basket français va dans la bonne direction.

« Paris pour Paris », le slogan du Paris Basketball, et l’image street que le club véhicule, cela a compté aussi dans ton choix ?

En termes de valeurs et d’ADN, c’est le club parfait en France pour moi. J’ai d’ailleurs été agréablement surpris par l’ambiance à Carpentier dont je n’avais pourtant pas de super souvenirs. Mais avec la manière dont c’est organisé et les fans, c’est vraiment sympa. La nouvelle salle va être exceptionnelle, Paris est une ville avec une énergie différente de ce que j’ai pu vivre… Je suis vraiment amoureux de cette ville et de son lifestyle.

Evan Fournier nous parlait d’une mentalité différente à Paris…

C’est Paris quoi ! Il y a une sorte de mentalité caillera, une fierté, et un mindset qui font que tu ne doutes pas et développe un énorme esprit de compétition, qu’on retrouve beaucoup en équipe de France d’ailleurs.

Il y a encore une différence de considération des sportifs entre les Etats-Unis et la France.

Tu te considères « Parisien d’adoption’, c’est quoi pour toi une journée idéale à Paris ?

J’aime m’entraîner le matin donc work out, puis petit brunch dans Paris avant de voir mes potes au bureau. Ensuite, balade. J’adore mettre mes airpods et juste marcher dans la ville. C’est un kiff de ouf. Et le soir, on va dire petit restau au Malro pour conclure une très belle journée. Sauf s’il y a un match du PSG car dans ce cas, on fonce au Parc… Je suis supporter du club depuis Anelka-Okocha, on a eu des années difficiles, donc on en profite en ce moment.

Business, mode, association… Tu as également une vie très riche à côté du basket. Est-ce que tu as adopté cette mentalité en NBA, où de nombreux joueurs sont aussi des entrepreneurs et s’engagent pour des causes ?

Oui ! J’ai eu le déclic lorsque je suis arrivé pour la première fois aux Etats-Unis, en 2015. J’ai compris le potentiel et les opportunités qu’on pouvait avoir en tant que sportif. Culturellement, tout le monde partage une vision entrepreneuriale dès le college et veut jouer sa carte à fond. La NBA et le syndicat des joueurs (NBPA) font aussi un boulot de ouf pour accompagner et offrir des opportunités aux joueurs, les encadrer et être présents à la moindre interrogation. Ils te font comprendre que même si tu es une star, tu dois vraiment capitaliser sur ton image pendant ta carrière car à moins d’être Tony Parker ou Zidane, il faut ouvrir les portes quand tu as le mojo. Dans un vestiaire NBA, tu côtoies de nombreux joueurs qui, à l’image d’un Lebron James, inspirent par leurs réussites.

Pourquoi penses-tu que c’est plus rare en France ?

En Europe même ! Mais même s’il existe une différence historique et culturelle avec les US, de plus en plus de sportifs s’impliquent dans des projets entrepreneuriaux. Je pense aussi qu’il y a encore une différence de considération des sportifs entre les Etats-Unis où ils sont très respectés, et en France qui, en caricaturant un peu, a toujours été un pays d’intellectuels dans lequel le sport était secondaire. A nous de changer cette image et de prouver qu’on peut être les deux. C’est quelque chose qui me tient à cœur !

À commencer par la start-up Heex Technologies dont tu es investisseur et ambassadeur.

Il s’agit de gestion de données pour véhicules autonomes et l’idée est née en 2017, lorsqu’on était en Lituanie avec mes deux meilleurs amis. En quatre ans, on a des bureaux, des salariés et de grosses boîtes comme Google ont investi dans notre projet, donc ça avance bien et on est confiant pour la suite… A l’image d’une carrière de sportif, c’est très dur, ça demande beaucoup de travail. Je vois mes potes charbonner comme pas possible et même si je n’ai pas de rôle au quotidien, j’ai suivi une formation à HEC et je suis leur premier supporter. Cette expérience a été un super moyen pour moi de me remettre dans le coup sur le plan scolaire.

Tu as aussi créé une association, Les Prochains Leaders, pour accompagner des lycéens en Île-de-France…

Il s’agit d’un programme d’empowerment à travers l’entreprenariat et le sport. On fait rencontrer des entrepreneurs ou des athlètes à des jeunes pour qu’ils fassent office de role model. L’élément déclencheur a été le mouvement de Black Lives Matters aux Etats-Unis. Suite à l’assassinat de George Floyd, Jay-Z a fait un move qui est pour moi un exemple ultime de leadership en achetant une pleine page dans de nombreux journaux pour lui rendre hommage. J’avais 27-28 ans et commençais à avoir un petit réseau en dehors du basket. Je me suis dit que j’étais en capacité de connecter des jeunes qui avaient besoin de figures avec des gens qui voulaient être leurs mentors. Toujours avec les mêmes valeurs de persévérance.

« Tellement la dalle de manger qu’on s’lave pas les mains. » Le 26 février 2021, Gazo sortait Drill FR, vrai point de départ d’une ascension fulgurante. Un an plus tard jour pour jour, il était l’invité surprise du retour du YARD Winter Club à la Machine du Mouline Rouge, à Paris. Et vous nous connaissez : une bonne surprise n’arrive jamais seule et l’étoile montante Tiakola, le « Facteur feat. », l’a rejoint sur scène.

Vidéo réalisée par Léo Joubert et Hobiana Rabiazamaholy.

On devait ouvrir notre espace Djing Reload ce mois-ci mais la situation sanitaire ne nous l’a pas permis. Mais promis, on vous a pas oublié, on revient en force en février et on est hyper pressés de vous accueillir avec un petit peu de retard !

Voici les premières dates :
– Vendredi 4 Février de 13 à 21h (débutants)
– Vendredi 11 Février de13 à 21h (intermédiaires/avancés)
– Vendredi 18 Février de 13 à 21h

Cliquez sur les liens ci-dessous pour vous inscrire :
– Inscriptions aux créneaux : débutants ou intermédiaires/avancés.
Informations de contact.

Inscrivez-vous impérativement à un créneau et renseignez vos informations de contact pour que votre inscription soit prise en compte.

Pour que tous ceux qui viennent puissent profiter des platines comme il se doit, on limite le nombre de participants, et on vous réserve des créneaux privilégiés pour y avoir accès avec l’aide de nos DJs résidents !

L’espace sera ouvert à tous les inscrits les deux premiers après-midi pour vous poser, discuter et vous écouter les uns les autres et on finira par un temps d’accès libre aux platines pour tous.La dernière session sera un peu plus particulière, elle est réservée exclusivement aux participants des deux premières ainsi qu’à ceux de la YARD School.

Ce sera le moment pour vous de mettre en pratique ce que vous avez appris et nous montrer de quoi vous êtes capables en enregistrant vos propres sets vous gagner une surprise.

En effet, chose promise, chose due : les sets enregistrés serviront à départager les deux d’entre vous qui repartiront avec un Setup DJ (Pioneer DDJ FLX-6 + Casques et Enceintes) à ramener à la maison de la part de Rinse et l’opportunité de faire un set de Warm-up à l’une de prochaines Winter. 

On vous attend !

Une photo, deux types qui posent sous signe Jul. Paire d’Asics aux pieds, jogging Nike, maillot d’Arsenal et veste Kalenji. Un starter-pack qu’on connait tous et qui ne surprend plus. C’est en regardant la localisation de plus près qu’on est davantage surpris : on est à Comunidade do Real Parque, quartier de São Paulo, au Brésil. Et ce style-là, au pays des artistes du ballon rond, est en train d’émerger comme une véritable sous-culture : le sportlife.

Un, deux, puis des centaines de commentaires et de messages en portugais. Au début, d’un revers du doigt, le community manager du compte Instagram de Kalenji ne s’en souciait pas réellement. Puis, face au nombre grandissant de demandes, il finit par les ouvrir, par les traduire, par se renseigner. « Le compte Instagram de Kalenji a été créé il y a un an et demi, et la part du Brésil en un an n’a fait qu’augmenter. Aujourd’hui, elle compte pourquasiment 20% de notre audience. On a été sollicité par beaucoup de messages en portugais. Du coup on a commencé à chercher des articles, des comptes, on en a trouvé carrément avec le nom de Kalenji devant le mot ‘sportlife’, » nous explique Paul Gonnet, social media manager chez Kalenji justement, branche de Décathlon dédiée à la course à pied.

En cliquant sur un hashtag #kalenjisportlife, c’est tout un monde de l’autre côté de l’Atlantique qui s’ouvre à eux. Des centaines de comptes, des milliers de photos de jeunes brésiliens portant fièrement le logo Kalenji et revendiquant leur appartenance à un mouvement auquel, jusque-là, la marque n’avait pas conscience d’appartenir. Celui d’une jeunesse défavorisée des favelas brésiliennes qui ne demande qu’à créer. Le sportlife, c’est leur style mais c’est surtout leur vie : les sneakers et les vêtements de running sont les uniformes de ces jeunes créatifs qui vivent leur vie comme une course. « J’ai l’habitude de dire qu’on est des athlètes du quotidien. » Lui, c’est Vinicios Souza, jeune rappeur originaire de Sao Paulo dont l’identité gravite autour du phénomène comme en témoignent le son qu’il a consacré au mouvement ou encore la réplique du crocodile Lacoste tatoué au milieu de son torse.

Sportlife, c’est fondamentalement le style du jeune de banlieue française, mais au Brésil. Les marques de prédilections sont les même : Lacoste, Kalenji, Nike, Umbro, Oakley, Asics ou encore The North Face. Depuis plusieurs décennies, les quartiers de France ont adopté un style caractéristique reconnaissable entre mille. Ces codes vestimentaires s’exportent aujourd’hui hors de nos frontières grâce aux réseaux sociaux et portés par les artistes et athlètes issues de ces dits-quartiers.

On est des athlètes du quotidien

Vinicios Souza

« Ça s’est imposé de manière assez naturelle, on a été beaucoup influencés par les artistes européens et quand c’est devenu vraiment une mode alors on a mis un mot dessus : sportlife. Ça a commencé en 2018, aujourd’hui dans tous les quartiers au Brésil, les jeunes sont sportlife. Ce n’est pas qu’un style, c’est un mode de vie, ça englobe ce que les gens écoutent, où ils trainent, » nous explique Danton Vasconcelos, jeune artiste brésilien et aficionado du sportlife. Son compte Instagram ressemble à celui de beaucoup d’hommes de banlieue francilienne ou de Marseille, à une exception près : il pose. Les allures sont identiques : TN, casquette Gucci, sacoche… Mais tout semble sublimé, réfléchi. Dan, en effet, prend son style au sérieux. C’est pour ça qu’il a été choisi par Samir Bertoli et Amanda Adász, deux réalisateurs, pour représenter le sportlife dans un projet vidéo dédié à ces « athlètes du quotidien ». Aux côtés de Vinicios Souza et Raphaela Nathany, plus qu’un style, il incarne une communauté.

« On est tombé sur des photos plus artistiques, en argentique, ça nous a beaucoup étonné mais plu aussi. Samir Bertoli nous a contacté sur Instagram pour nous parler d’un projet qu’il avait, de ce mouvement au Brésil qu’on ne connaissait pas, détaille Paul Gonnet. Et du coup il nous a proposé de raconter ce mouvement-là à travers une mini vidéo et des portraits de trois personnes. Sportlife, chez nous c’est le sportswear du quotidien, le fait de sortir de chez soi en jogging, en veste technique ou en maillot de foot, quelque chose que nous on vit assez normalement mais qu’ils se sont eux réappropriés dans leur environnement. »

Le mouvement est né dans les favelas de São Paulo il y a quelques années sans qu’on ne sache exactement comment. « Avant que ce terme ne devienne populaire au Brésil, on s’habillait déjà avec des vêtements de sport, mais pas comme ça, assure Raphaela. En copiant les footballeurs, on avait un ‘style favela’ pendant des années mais quand les références européennes ont été introduites, ça a tout changé. C’est vraiment Lacoste qui a percé dans les favelas en premier. Dans n’importe quel quartier où vous allez, il y aura toujours un jeune avec du Lacoste, même si c’est du faux. » Lacoste était l’une des premières marques européennes à vraiment se faire une place dans les outfits de ceux qui se surnomment aujourd’hui fièrement les « lacosteiros ». Ces soldats de la marque au logo crocodile ne jurent que par elle, revendent chaque article à prix d’or sur des groupes Facebook dédiés qui pullulent sur la plateforme et ont même leur hymne, « Tropa da Lacoste » (La troupe de Lacoste), par le rappeur Kyan.

Mais dans un pays où le salaire moyen avoisine les 300 dollars par mois, s’offrir un ensemble de la maison française reste un luxe, rappelle le rappeur Vinicios : « C’est très important de discuter de l’accessibilité de ces vêtements qu’on porte. De nombreuses marques ne s’en soucient pas, et elles ne veulent même pas être associées à notre public. Kalenji, par exemple, ça offre à ceux qui veulent reproduire ce style, la possibilité de pouvoir le faire à des prix abordables. L’expansion de la marque permettrait de nourrir cette communauté et à plus de monde de rejoindre le mouvement. »

On savait déjà que dans l’hexagone la marque de running était adorée du rap, et Stavo n’a pas manqué de nous le rappeler cette année avec sa série de titres rendant hommage à Décathlon dans laquelle Kalenji à son morceau éponyme. Pourtant, quand ils ont vu MC PH, un rappeur qui cumule tout de même 73 millions de vues pour son clip « Noite Especial« , s’immiscer dans leurs messages privés, ils étaient un peu surpris « Ca nous ait tombé dessus, on était assez étonnés, après on reste une marque de sport donc notre priorité c’est rendre accessible ces produits à tous, pas seulement aux rappeurs ou à ces auditeurs, mais le fait que ça nourrisse ce mouvement, c’est aussi bien. » se réjouit Paul Gonnet. Un point de vue qui n’est pas partagé par toutes les marques, notamment Lacoste qui était accusé cet été de ne pas vouloir s’associer au rap et à la funk après la sortie d’une publicité sur son compte Instagram Lacoste Brasil, polémique qui s’empira quand le rappeur Kyan révéla que la marque l’a ensuite approché avec des bons d’achats pour qu’il soutienne le crocodile sur les réseaux.

Aujourd’hui, la marque de l’enseigne créée en 1976 doit donc faire face à une forte demande outre-Atlantique notamment grâce à l’influence de ces artistes brésiliens. Une expansion qui n’est malheureusement pas uniquement dans les mains des dirigeants de Kalenji. Entre 10% et 35% : c’est le taux moyen des taxes d’importations sur les produits au Brésil, raison pour laquelle les marques européennes ne peuvent pas se permettre d’exporter l’entièreté de leur catalogue vers le marché brésilien. « On aimerait être plus présent au Brésil pour répondre à la demande du public, donc on travaille avec la branche locale de Decathlon. On aimerait créer un truc sur le long terme, un vrai lien avec le Brésil et sa population, on aimerait pouvoir faire des pop-up stores, et ramener nos produits qui ne sont pas aujourd’hui présents sur le territoire pour qu’ils aient la possibilité d’avoir accès à l’entièreté de la gamme, » commente Paul Gonnet.

Au Brésil ton flow s’achète au détail

Freeze Corleone

Le jeune artiste Danton explique avoir toujours suivi l’actualité culturelle française, même s’il n’a jamais mis les pieds dans le pays : « Je n’en ai pas encore eu l’occasion mais j’espère vraiment venir un jour ! Le sportlife est très similaire à ce qu’est le streetwear français, je suis évidemment très inspiré par ce qui est fait chez vous. Je trouve ça fascinant que dans les quartiers, au Brésil ou en France, on finit par porter les mêmes choses et écouter la même musique. A São Paulo, nous avons la communauté Real Parque, c’est comme La Castellane à Marseille ! Qu’on parle de vos quartiers ou des favelas ici, on parle de personnes qui vivent en marge de la société, n’importe où dans le monde, elles auront toujours ça en commun, alors on s’inspire tous des autres. »

Évidemment, l’influence du style « urbain », faute d’un meilleur terme, n’est plus quelque chose de nouveau. Déjà dans la mode depuis plusieurs années, les maisons de haute couture s’inspirent copieusement de cette culture : on ne parle plus que de streetwear. Mais comme toutes les tendances de la mode, le streetwear n’est pas quelque chose d’immobile, qui ne bouge ni ne change. En effet, depuis quelques temps, le débat de comptoir favori des « fashions », c’est justement sur l’emploi des mots. On se crêpe le chignon à savoir ce qui est streetwear ou ce qui ne l’est pas, et malgré l’importance de la discussion, nombreux sont ceux qui ont fini par laisser le sujet de côté et se sont résignés à nommer par le même terme les tenues de Jul et celles d’A$AP Rocky. Finalement, est-ce que ce ne serait pas le Brésil qui aurait trouvé la réponse à nos interrogations ?

 « Le mot ‘sportlife’ est né du besoin d’avoir un nom qui définirait notre identité. Le style de la rue, techniquement c’est du sportswear, mais les gens vont avoir tendance à dire streetwear, la différence est un peu floue, mais on sentait bien qu’on ne se reconnaissait dans aucun de ces mots. Alors on a commencé à dire sportlife, pour sportswear et lifestyle, parce que dans les favelas, c’est ce qu’on fait, on vit dans des vêtements de sport », explique Vinicios. Importée directement des quartiers français, ces codes vestimentaires sont donc pour la énième fois repris, mais pour une fois, c’est la rue qui reprend la rue.

Socrate Petnga, alias Mac Tyer, est clairement un personnage à part du rap français. L’ex-membre de Tandem fait partie de la cour des grands dans l’imaginaire collectif, de ceux qu’il faut avoir écouter pour prétendre connaitre ce qui aujourd’hui compose « la culture ». Six ans après qu’il soit passé pour la première fois devant notre caméra, juste avant qu’il nous ouvre les portes d’Aubervilliers avec Nicolas Anelka, il s’est prêtée à l’exercice du Hier encore en re-répondant aux questions de notre première interview.

Tout au long de sa carrière, le rappeur n’a jamais eu peur de surprendre, d’aller là où on ne l’attends pas. De prendre son public à contre-pieds en rappant sur de l’électro, ou de se lancer dans la mode avec le lancement d’une marque entièrement produite en France (Ntuch). Une curiosité qui a pu lui porter préjudice par moment d’un point de vue commercial, mais qui lui a surtout permis de ne jamais être dépassé par son époque. Au point d’être, plus de 20 ans après ses débuts dans la musique, plus que jamais en phase avec son temps.

À 42 ans, Mac Tyer sortait en octobre le troisième EP de sa série Noir. Le rappeur d’Aubervilliers, engagé dans son quotidien à travers l’associatif, semble plus productif que jamais. Engagé donc, le Général l’a aussi toujours été dans ses textes et cet EP ne déroge pas à la règle. 16 ans après les émeutes de 2005 et son hymne référence « 93 Hardcore », où on pouvait entendre au refrain « je baiserai la France jusqu’à ce qu’elle m’aime », le rappeur écrit au président de la République dans « Président » : « Je veux juste des réponses pour ne pas propager la haine. » Au fil des années, ses textes ont évolué, Socrate aussi. Six ans après, pour YARD, il s’est prêtée à l’exercice du Hier encore en re-répondant aux questions de notre première interview.

La légende d’Aubervilliers nous a fait l’honneur de se prêter à l’exercice du Hier encore : six ans après sa première interview YARD, on lui a posé les mêmes questions, comme on l’a fait avec Niska, Niro et Casey.

En voyant que de plus en plus d’entre vous se mettent au DJing, on a eu l’idée de s’associer avec Pioneer Dj et Rinse France pour une « classe » exceptionnelle qui aura lieu dans nos locaux. Mais pas que, on vous en dit plus.

Ce samedi 11 décembre, la YARD School ouvre ses portes aux futurs DJs YARD !

Comme d’habitude, on commencera l’après-midi par un talk mené par plusieurs intervenants suivi d’une séance de questions-réponses. Pour mener les échanges, on laisse la parole à des experts du milieu : les DJ Andy 4000, Hony Zuka et Marouan MG ainsi Caroline Travers, cheffe de projet événementiel chez Yard et ancienne manager d’Andy. Notre dernier intervenant, Blokys, nous rejoindra pour les ateliers où vous allez pouvoir passer derrière les platines fournies par Pioneer DJ.

Le temps d’une journée, un groupe de jeunes passionnés de 15 à 25ans pourra découvrir les métiers du DJing. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’être sélectionnés ou ne pouvaient pas être présents, on vous réserve d’autres choses.

Le set-up de club que Pioneer DJ nous met à disposition restera un certain temps dans nos bureaux. On annoncera trois après-midi de mentoring avec une équipe de DJs avec qui vous allez pouvoir vous perfectionner.

Enfin, on vous prépare deux surprises, le premier de la part de Pioneer DJ et Rinse qui offrira à l’un d’entre vous un Setup DJ à ramener à la maison, l’autre de notre part : l’opportunité de faire un set de warm-up à l’un des prochains Winter Club.

Les infos à propos des concours, de l’espace DJing et des après-midi de mentoring arrivent très bientôt.

Restez bien connectés !

Il se rêvait pilote de chasse, mais se présente aujourd’hui comme un artiste des fourneaux, et l’une des plus excitantes promesses de la gastronomie à Paris. Récit de la trajectoire en constant mouvement du chef Diadié Diombana, a.k.a Freddy’s Kitchen.

« Viens manger ! Viens winer ! » C’est ce qu’on lit sur l’affiche colorée de la Coco Block Party, largement relayée sur les réseaux. Au sortir d’un troisième confinement, et à l’heure où les mesures sanitaires se relâchent enfin, l’appel est largement entendu. Le 29 mai dernier, des centaines de gens se rassemblent à Pantin pour danser sur les sets de OG.D, Kirou Kirou ou Bamao Yendé, et déguster les spécialités afro-véganes issues de la nouvelle carte estivale du restaurant Chéri Coco, imaginée par un chef dont le nom circule dans Paris et ses alentours. Ils sont si nombreux que la police est forcée d’interrompre les festivités. C’est pas rien.

Diadié Diombana ne tient pas en place. Aîné d’une famille de cinq enfants, ce natif du 20e arrondissement a passé sa jeunesse à bouger d’un quartier à l’autre de la capitale, de la rue de la Roquette à Bibliothèque François Mitterrand. Toujours en mouvement, il n’est pas rare de l’apercevoir sur son vélo, casquette ou béret sur le crâne, à pédaler entre Pantin et le 10e. C’est d’ailleurs dans un studio photo de ce même arrondissement que nous le retrouvons. Et si son mètre 92 et ses traits droits suggèrent qu’il pourrait bel et bien être modèle, celui qu’on surnomme Freddy’s Kitchen se présente surtout comme l’une des plus excitantes promesses de la gastronomie à Paris.

Diadié porte des Nike Air Huarache LE Black/White/University Red/Bison.

La cuisine n’était pourtant pas sa première vocation, quand bien même les arômes des plats préparés par ses aïeules ont vite alerté ses sens. « C’était quelque chose de si instinctif chez moi que je me disais que c’était juste “un truc que je savais faire” et non pas un métier dans lequel je pourrais évoluer », concède-t-il aujourd’hui. Comme bon nombre de jeunes garçons issus des quartiers populaires, Diadié s’imagine d’abord en footballeur. Puis, de manière plus concrète, il caresse le rêve de devenir pilote de chasse. « J’étais à la recherche du voyage, surtout. Je voulais faire quelque chose qui allait me faire voir le monde. » Entre 2010 et 2012, il effectue deux périodes militaires découvertes qui lui inculquent rigueur, ténacité et savoir-vivre en équipe… mais lui révèlent aussi son rapport conflictuel à l’autorité bête et méchante. Il rebrousse alors chemin, sans regret, d’autant que son daltonisme aurait de toutes façons constitué un obstacle insurmontable.

J’avais l’impression de faire peur, de ne pas être légitime.

L’heure est alors venue pour lui de suivre ses instincts. À l’époque, Top Chef reprend l’antenne pour une troisième saison, et les émissions de cuisine en général ont le vent en poupe. Une « énergie nouvelle » autour de la profession de chef qui – de son aveu – incite le malien d’origine à s’adonner à sa passion jusqu’à présent réfrénée. Il se lance alors dans un CAP de mise à niveau en apprentissage, cursus au cours duquel il intègre la brigade du Café Bibliothèque, dans le 13e. Avec une cheffe qui le laisse s’exprimer, lui donnant notamment la responsabilité de confectionner les plats du jour, Diadié s’épanouit et se conforte dans cette voie.

Diadié porte des Nike Air Huarache White/Red Oxide/Black/Varsity Red

Le CAP en poche, notre apprenti chef embraye sur un BTS Hôtellerie-Restauration, option « Arts de la table ». Il intègre cette fois les équipes de RECH, le restaurant de la Maison de l’Amérique latine, plus gastronomique cette fois. Une expérience qui le ramène à sa réalité. « Je suis tombé sur une brigade où j’étais en infériorité numérique de part ma couleur de peau, et il y avait pas mal de manques de considérations. On ne me faisait pas me sentir à ma place, tout simplement' », assure-t-il. En cours, ce n’est pas beaucoup mieux : c’est trop scolaire, trop théorique, trop strict pour celui qui n’aspire qu’à aller en cuisine et laisser libre court à ses savoureuses pulsions créatrices. Viré de son BTS après un an d’absences à répétition, Diadié se décide à aller bosser. Le point de départ d’un marathon de petits boulots qui le verra exercer ses talents dans une quarantaine d’établissements en tous genres. Une manière de toucher un peu à tout, de faire le plein de techniques et savoir-faire. Mais surtout : une manière de chercher – et pourquoi pas trouver – véritablement sa place dans le milieu. Ce qui n’est pas chose aisée. « Soit je me faisais virer, soit je partais de moi-même parce que ça ne rentrait pas dans mes codes ou que je pensais avoir fait le tour », se rappelle-t-il. Il y a encore du conflit, et des esprits trop étriqués qui le redoutent, le freinent, le relèguent à des tâches secondaires. « J’avais l’impression de faire peur, de ne pas être légitime », affirme le cuisto. Peut-être valait-il donc mieux se créer soi-même un espace pour exprimer sa vision de la cuisine.

Je m’attendais absolument pas à être chef à 24 ans à la base.

Et quelle est donc cette vision ? Sur Instagram, le profil de Freddy’s Kitchen est délibérément répertorié dans la catégorie « Art ». Car pour Diadié Diombana, la cuisine, ce n’est pas juste « faire à manger » : c’est une manière d’exprimer sa sensibilité, de procurer des émotions, de réunir les gens… un peu comme la musique, le cinéma ou la peinture. Tout un art. « Si je n’avais pas fait de la cuisine, j’aurais été soit dans la photo, la mode ou dans la musique », souffle-t-il. Constamment entouré de créatifs, le chef entend mettre en évidence les liens entre la cuisine et les autres domaines artistiques. Pour ce faire, il lui a fallu s’émanciper du circuit traditionnel des restos et ainsi opérer sur des pop-up, des festivals… jusqu’à donner son propre événement. En juin 2019, avec quatre amis artistes, il organise une « exposition gastronomique » intitulée ArTABLE. Le concept ? Un thème, autour duquel sont conçues des œuvres d’arts dont Diadié livre son interprétation culinaire. L’évènement se déroule sur cinq jours et s’avère être une franche réussite.

Diadié n’a même pas le temps de le réitérer que deux établissements le sollicitent coup sur coup pour occuper le poste de chef : La Chope des Artistes, un troquet historique de la rue du Faubourg Saint-Martin, et donc Chéri Coco, le premier restaurant végétal de Pantin, qui sert une cuisine fusion d’inspiration afro-caribéenne et coréenne. Diadié cherchait à se faire une place dans un resto, désormais ce sont des restos qui lui font une place. « Je m’attendais absolument pas à être chef à 24 ans à la base », reconnaît-il. De quoi lui donner des ailes, et l’envie – à terme – de posséder son propre établissement ? Pas nécessairement, si l’on en croit ses dires. Car le jeune parisien n’a pas perdu de vue ce qui, au final, l’anime depuis le début : le voyage. « Je sais que je suis amené, dans mes désirs, à voyager. Je ne pense pas rester sédentaire. Je vais peut-être ouvrir un restaurant à un moment donné, mais ce n’est pas forcément mon objectif. » À croire que Diadié Diombana n’est pas prêt de tenir en place.

Dans ce shoot, Diadié porte des paires Nike issues de la nouvelles collection Air Huarache, à shopper ici.

En Y est un talk participatif organisé par YARD dans ses bureaux et diffusé en radio sur Rinse France. Ouvert à tous ceux qui ont des choses à dire, et aux autres, il permet à chacun de nourrir sa réflexion ou d’exprimer son avis sur un sujet majeur de notre culture. Le 29 octobre, on se réunissait de nouveau dans nos bureaux pour évoquer l’héritage afro-caribéen de la nouvelle musique populaire.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi : en 2021, YARD a adopté un nouveau modus operandi quant à son approche média. Plutôt qu’une multitude de sujets divers et variés, un focus sur thématique majeure, déclinée en plusieurs contenus pour apporter la réponse la plus complète possible. Et cette fois, on s’intéressait à l’héritage afro-caribéenne dans la nouvelle musique populaire. D’abord à travers un article retraçant l’influence inavouée du zouk sur la musique dite « urbaine », puis via une interview de Mokobé, un des premiers artistes rap à avoir embrassé pleinement les sonorités du Continent. C’est ensuite Kaysha qui nous a fait part de son expérience et son regard sur l’évolution et les limites de l’écosystème zouk. Il nous fallait aussi aborder l’absence inexplicable de Spotify dans les Caraïbes, à l’heure où le streaming constitue un revenu majeur pour les artistes. Dans un autre contenu, ce sont les pionniers Kim, Kamnouze et Admiral T qui ont décortiqué pour nous les nouveaux hits d’inspiration zouk et kompa. Et évidemment, impossible pour nous de ne pas conclure un tel sujet en musique, à travers un set de Hony Zuka Zoukeur, bientôt décliné en playlist.

Et pour échanger avec nous sur ce grand sujet, on invitait ce vendredi 29 octobre Claudy Siar, fondateur de Tropiques FM, l’artiste congolais Hiro et la journaliste Dolorès Bakela, qui avait traité cette question en mai dernier sur Libération. Sans oublier vos interventions toujours très pertinentes.

Artistes issus de la culture afro-caribéenne, Admiral T, Kim et Kamnouze passent en revue les nouveaux hits d’inspiration zouk et kompa.

Depuis quelques mois, les sonorités zouk et kompa résonnent dans les titres de certains poids lourds de l’industrie musicale française. Une reconnaissance qui se traduit cependant plus dans le son que dans les appellations, ces genres restant encore trop souvent absents des conversations. Pas cette fois. Pour ce nouveau « Toujours En Y », on a sollicité trois artistes issus de cette culture, pour qui le zouk et le kompa représentent infiniment plus qu’une inspiration d’un jour, afin qu’ils passent en revue les nouveaux hits aux influences afro-caribéennes : Admiral T, l’un des rares artistes antillais à avoir rempli l’AccorHotel Arena, Kamnouze, qui dès les années 2000 infusait dans son rap le son de ses racines et Kim, dont les classiques zouk love ont bercé jusqu’à la grande Aya Nakamura. L’occasion de revenir sur la place, la considération et l’évolution de la musique afro-caribéenne et son écosystème.

On lance la YARDFam sur Whatsapp. Et non, c’est pas un énième groupe bourbier, on a fait les choses bien : c’est notre ligne directe pour vous partager des expériences et contenus exclusifs, des infos en avant-première sur nos events, et recevoir vos messages – tous ceux auxquels on répond pas par mail.

Non, promis on fera pas passer les mêmes messages complotistes que nos tantines. 

Pourquoi on crée la YARDFam, et pourquoi tu devrais nous y rejoindre ? On fait de plus en plus de choses, on propose de plus en plus d’expériences.

Et on est de plus en plus nombreux : on veut pouvoir communiquer plus directement avec ceux qui sont chauds de ne rien rater, chauds d’être au courant avant tout le monde, ou chauds tout court.

On y diffusera des infos en avant-première comme les dates de nos sessions YARD School ou de nos soirées, des bons plans billetterie, des photos et vidéos exclus de nos formats média… seulement pour la YARDFam.

Mais si on lance la YARDFam, c’est surtout pour vous permettre de nous texter en direct dans un espace 100% fait pour. On sait qu’on a du mal à répondre aux mails – avec Whatsapp, c’est plus simple d’échanger directement avec vous. Pour en être, clique sur ce lien !

Qu’est-ce qu’on va faire de vos données perso ?

Votre inscription à ce service conduit ONE YARD responsable de traitement, à conserver votre numéro de téléphone pour vous donner accès aux statuts publiés par YARD ou répondre à une discussion que vous seriez susceptible d’initier. Vos données ne sont transmises à aucun tiers. Elles sont conservées jusqu’à votre désinscription du service, que vous pouvez demander à tout moment en envoyant le message « STOP ». Conformément à la loi du 6 janvier 1978 modifiée et au règlement européen du 27 avril 2016, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de modification, de portabilité, de suppression et d’opposition au traitement des informations vous concernant. Vous pouvez exercer ces droits en écrivant au Délégué à la protection des données, 67-69 avenue Pierre-Mendès-France, 75013 Paris. Pour toute information complémentaire ou réclamation www.cnil.fr.

Marseille se targue d’avoir une étoile sur le maillot. En 2021, la capitale du Sud peut surtout se vanter d’avoir tout un tas d’étoiles qui illuminent les charts français. Unie, plus forte que jamais, la scène marseillaise semble aussi inarrêtable que le son qu’elle produit est contagieux. Les générations d’hier et d’aujourd’hui se croisent, s’inspirent, et une figure locale tient sa force de sa capacité à naviguer naturellement entre les deux : Alonzo. Le capo nous ouvre les portes de Marseille dans notre dernier On The Corner.

Si en 2021, Marseille est la capitale du rap français, beaucoup peuvent prétendre au siège de maire. Pourtant, il n’y a qu’un seul capo : Kassim Djae, alias Alonzo, traverse les époques sans jamais regarder dans le rétro. Amoureux d’un rap qui lui coule dans les veines depuis ses 12 piges, il peut se targuer d’avoir participer à la construction d’un genre qui domine aujourd’hui, tellement il résonne autant dans les caisses, dans les clubs, que dans les supérettes. « Mes grands frères me disaient que le rap, ça n’allait pas tenir. J’avais 13 ans et je leur répondais déjà que c’était la musique du peuple : j’ai toujours voulu que le rap devienne ce qu’il est aujourd’hui. »

Celui qui a tout vécu avec les Psy4, d’abord, puis en solo avec une dizaine de projets, est aujourd’hui l’élément qui lie véritablement toutes les générations de rappeurs marseillais. Si d’un côté il y a Jul et SCH, et de l’autre Akhenaton et Soprano, Alonzo est pile poil à mi-chemin entre ces légendes phocéennes qui n’étaient pas forcément amener à se croiser avant 13’Organisé.

Quelques mois après la sortie de sa mixtape Capo Dei Capi Vol. II & III, disque d’or (22e certification pour Alonzo), près de 7 ans après notre première interview, le rappeur du Plan d’Aou nous a guidé à travers son Marseille, nous a présenté ses étoiles, et nous a permis de comprendre pourquoi l’avenir du son marseillais restait sans nuage.

Réalisation : Léo Joubert
Montage : Léo Joubert / Samir Bouadla
Journaliste : Antoine Laurent
Photos : Samir Bouadla / Antoine Laurent
Son : Bastien Michel

Aya Nakamura, Naza, Dadju : dans le paysage musical dit « urbain » de 2021, le zouk est omniprésent dans les sonorités, mais peu nommé tel quel dans les conversations. Pourquoi un tel tabou ?

Le 13 novembre dernier, Aya Nakamura publiait AYA, son troisième album évènement. Une sortie très attendue, et qui n’a logiquement pas manqué d’être commentée par les médias hexagonaux. Le jour-même, en déblayant les gros titres, certains adjectifs reviennent avec récurrence pour caractériser l’opus, tels que « catchy », « authentique » ou « solaire ». Et quand il s’agit d’évoquer sa couleur musicale, assez peu s’y essayent, et quand ils le font, c’est à travers des dénominations se voulant englobantes pour ne pas dire fourre-tout, « pop urbaine » en tête.

Côté français, la revue de presse apparaît comme incomplète, elle ne dit pas les termes. Et c’est finalement les américains de Pitchfork, experts dans l’art de la critique musicale, qui finissent par poser les mots justes concernant AYA. Sous la plume de la journaliste Shamira Ibrahim, AYA est présenté comme un album important, à la croisée des genres « afrobeats, zouk, R&B » et ce, dès la première phrase de l’article. « Zouk », ça y est, c’est dit. Preuve – s’il en fallait une autre – que ceux qui parlent le mieux d’Aya Nakamura et de sa musique sont décidément à l’étranger.

À l’heure où Aya Nakamura est l’artiste française la plus écoutée dans le monde, « Sentiments Grandissants » résonne comme un clin d’œil à sa fan base originelle, celles et ceux qui l’ont vu grandir en chantant du zouk.

Quand on tape « Aya Nakamura » et « zouk » sur Google, la première occurrence qui apparaît est une interview de Trace Urban, média de référence des cultures afro-caribéennes en Métropole. Le reste des résultats consiste principalement en des remix de ses chansons sur YouTube. C’est maigre. Pourtant à nos yeux et nos oreilles, Aya Nakamura et le zouk, c’est une évidence. Avant même que l’album sorte, dès les teasings et la parution de la tracklist, on a su qu’il allait en être question – ne serait-ce que par l’intitulé de la septième piste du disque, « Sentiments Grandissants ». Comme beaucoup l’avaient relevé, il s’agit d’une reprise du titre du même nom de la chanteuse Karima sorti en 2008.

La simple évocation de ces mots nous a ramené quinze ans en arrière, à l’époque des Skyblogs et des « aprems ». Ce choix n’est pas anodin, car en reprenant cette chanson et son air vieux de vingt-six ans, Aya Nakamura s’inscrit dans l’héritage du zouk. À l’heure où elle est l’artiste française la plus écoutée dans le monde, « Sentiments Grandissants » résonne comme un clin d’œil à sa fan base originelle, à celles et ceux qui ont grandi dans les années 2000 en écoutant du zouk, et qui l’ont vu grandir elle, en chantant du zouk. On se rappelle de « J’ai mal », l’un de ses premiers titres, sorti en 2015, pur produit zouk de l’époque, tant dans les sonorités que dans l’esthétique. Pour Aya Nakamura, reprendre du zouk, c’est normal : elle ne fait que s’inspirer des codes qui l’ont nourrie dans son développement musical et identitaire.

Et « Sentiments Grandissants » n’est qu’un des nombreux titres d’inspiration zouk ou konpa nés depuis la pandémie. Des rythmiques qui ont pu résonner dans le « Joli Bébé » de Naza et Niska, dans les multiples travaux de Bramsito, ou du côté de Dadju, dont le « Va dire à ton ex » est par exemple produit par le haïtien Joé Dwèt Filé. En 2021 plus que jamais, nombre d’artistes dits « urbains » piochent dans les codes afro-caribéens francophones des années 2000. Et le zouk semble alors doucement connaître un nouvel âge d’or, porté majoritairement par des hommes afro-descendants, souvent congolais, et soutenu par des rappeurs au phrasé mélodique comme Niska. Sans pour autant récolter ses lauriers.

En remontant le fil de l’histoire, on constate que les liens entre rap, R&B et zouk remontent assez loin. Dans l’imaginaire collectif, ils ont connu leur heure de gloire dans les années 2000. À cette époque, tout se mélange, et la rotation de chaînes TV comme Trace mêlent aisément Gage, Les Déesses et Beyoncé. Côté radio, on se souvient du remix Ado de « Pom Pom Pom » de Facteur X, qui scellait les liens entre la « hip-hop-R&B radio » et les Caraïbes. Dans ces années-là, on écoute aussi bien du zouk que du R&B, et la plupart des interprètes représentent cette jeunesse diasporique noire, née en France, mais nourrie de partout ailleurs. Traditions musicales afro-caribéennes, rap et R&B cohabitent dans les foyers.

Dans la décennie 2000, le zouk est bien loin des précurseurs comme Kassav, et des vulgarisateurs comme Francky Vincent. Entre temps, il a connu Jean-Michel Rotin, un des premiers artistes à incarner un zouk-R&B, savant mélange de Kassav, Michael Jackson et Jodeci. Il a aussi connu Kaysha, qui dès 1998, est l’un des premiers rappeurs francophones à mêler zouk et rap, en samplant Kassav’ dans son titre « Bounce Baby ». « Les rappeurs américains samplent James Brown parce que c’est ça qui représente leur jeunesse et leur enfance, mais pour nous, enfants africains des années 1970-1980, c’est Kassav' », nous explique t-il. « Kassav’ c’est vraiment le groupe antillais qui a remplacé les slow jams par le zouk love. » Dès lors, on voit un point commun entre le zouk et le R&B : c’est la musique de l’amour, des sentiments, des danses et des slows.

On nous voyait comme des artistes soleil. Certains ont été signés, mais ce sont surtout des singles qui ont été exploités. C’était ponctuellement, pour l’été.

Nesly

Pour le public diasporique qui a grandi avec, le zouk est plutôt la musique des parents, ce fond sonore qu’on entend tous les dimanches à la maison, qui éveille des souvenirs et titille notre nostalgie. C’est aussi de surcroit une musique résolument française, dont les principaux représentants sont originaires de Guadeloupe, Martinique et Guyane, là où le R&B – même s’il est apprécié – reste une musique importée, sans attache identitaire, et dont l’histoire reste très mince en métropole. Les labels ayant raté la marche du R&B en France, le zouk sert alors de refuge aux naufragés du genre. « Tout l’écosystème zouk accueillait les gens qui ne se voyaient pas faire du zouk à la base, mais qui dans ma musique, dans celle d’Ali Angel, de Nichols, et de Jean-Michel Rotin, retrouvaient le R&B qu’ils avaient dans leur cœur. Quand on est arrivés avec ce zouk aux accords R&B, il y a tout un tas de gens qui se sont reconnus dedans. Ils se sont dit : « Ça, on peut faire ». Et effectivement, c’est un peu devenu le R&B de France », explique Kaysha. Ces va-et-vient ont continué des années durant, notamment avec des chanteuses comme Lynnsha et K-Reen, qui, ne souhaitant pas voir leur musique figée dans des cases, s’illustraient et se marketaient tantôt R&B, tantôt zouk.

Et si les médias nationaux le dépeignent encore souvent comme une musique communautaire, chasse gardée de la population antillaise, le zouk s’inscrit en réalité dans la culture noire au sens large. C’est pourquoi de nombreux afrodescendants s’y identifient, du côté des auditeurs, mais aussi des artistes : le congolais Kaysha, mais aussi Soumia, d’origine marocaine, ou encore Marvin, dont les fans redécouvrent régulièrement les origines ivoiro-bretonnes. Cela ne choque pas, au contraire. Le zouk n’est plus cette musique exclusivement insulaire, elle s’est depuis nourrie de l’esthétique rap et R&B américaine, afin de trouver sa place en métropole. Ainsi, Les Déesses deviennent les avatars francophones des Destiny’s Child, tandis que Fanny J s’inspire des grandes voix des années 1990, de Mariah Carey, Whitney Houston ou Toni Braxton. Le zouk et le R&B des années 2000 sont construits sur des modèles similaires et quasi-interchangeables, le quart d’heure zouk ayant remplacé le quart d’heure slow jam en soirée.

De manière assez clichée, la métropole aime le zouk pour ce qu’il a de festif, solaire, convivial. Une énergie qui a pu transparaître à l’échelle nationale à travers des projets collaboratifs comme Dis L’Heure 2 Zouk, sorti en 2003. « Laisse parler les gens », au même titre qu’un morceau comme « Un gaou à Oran » sur Raï’n’B Fever, c’est cette dose d’ailleurs que la France aime entendre et accepte. Ou du moins, le temps d’une saison. « On nous voyait comme des artistes soleil, rappelle Nesly, artiste zouk active depuis le début des années 2010. « L’été arrive : qu’est-ce qu’on va faire comme titre soleil ? » Il y a eu des artistes qui ont été signés. Il y a eu Slaï, Perle Lama, Princess Lover, etc. Mais si certains ont fait des albums, ce sont plutôt des singles qui ont été exploités. C’était ponctuellement, pour l’été. » Kaysha va même plus loin : « On navigue dans un pays qui a une culture dominante et qui, pour le reste, donne la parole à une personne à la fois : Thierry Cham cette année, Slaï l’année prochaine, et puis en afro, tous les ans, Magic System. Alors qu’il y a un million d’artistes zouglou et coupé décalé… » Pour lutter contre cette précarité, une économie parallèle s’est construite. Maîtrisée d’une main de fer par des producteurs comme Ali Angel, Warren ou Kaysha, et des labels comme Section Zouk, elle a permis l’explosion d’artistes comme Les Déesses ou Fanny J en 2007.

Mais le zouk en tant que genre a depuis connu un certain déclin. Dès 2009, le groupe Trace, a crée sa chaîne Trace Tropical, isolant ainsi le zouk de sa chaîne principale. Et dans les médias mainstream, l’idylle n’a pas duré non plus. Ce qui ne veut pas pour autant dire que les rythmiques du genre ont soudainement disparu du devant de la scène, au contraire : elles ne cessent de revenir ici et là, cachées derrière différentes formes et appellations. On les entendait déjà en 2015 avec Booba et son hit « Validé » ou en 2018, via le featuring « Sucette » entre Aya Nakamura et Niska. L’année écoulée n’a fait que confirmer la tendance, avec pléthore de singles ayant cette couleur musicale. Si bien qu’en 2021, la playlist d’une radio « rap » comme Skyrock pourrait très bien passer de « Jolie madame » à « Préféré », de « Baby Mama » à « Bobo » ou encore « Sosa ». Autant de titres qu’on préfèrera qualifier au choix de pop urbaine, d’afro ou de zumba, voire même de R&B pour les plus audacieux.

En France, on n’aime pas appeler les choses par leur nom, on préfère leur donner de nouveaux noms parce qu’on a décidé qu’il y avait une connotation ‘Francky Vincent’ au mot zouk.

Kaysha

Comme si le seul zouk qui pouvait effectivement être qualifié comme tel restait celui des vétérans comme Kassav, des défunts comme Edith Lefel, ou celui des années 2000, que l’on s’autorise à aimer par nostalgie, la honte ne trouvant pas sa place dans celle-ci. Autrement, le zouk reste, pour beaucoup, une musique que l’on écoute dans un entre soi, dans la voiture, ou en soirée. Ça reste acceptable tant que c’est « un délire », ou tant que ça a été validé par l’histoire. Le mot est péjoratif chez les uns, sacré chez les autres. Dans les deux cas, il demande à être manipulé avec extrêmement de précaution. À tel point qu’il a fini par ne plus être manipulé tout court, même quand il s’agit d’appeler un chat un chat.

Pour Kaysha, « le zouk a perdu la bataille du branding ». La faute – selon lui – au conservatisme des producteurs de musique antillaise eux-mêmes, qui ont abordé le zouk avec plus de sentimentalisme que d’approche business. Par peur de voir leur musique et leur culture être dénaturée, les insulaires ont plus cherché à protéger le zouk des éventuels clins d’oeil que pouvaient lui faire la nouvelle génération qu’à laisser le genre vivre et évoluer avec son temps. « Sauf qu’à l’heure du streaming, où tout le monde a accès à toute la musique du monde, si tu n’es pas capable d’exporter ta musique, c’est la musique des autres qui va t’être exportée », assure le producteur congolais. D’où le fait que le zouk ait fini par être absorbé par des registres mieux markétés que lui. Le comble pour ce marché qui, il y a 20 ans de ça, accueillait justement les naufragés du rap et du R&B. Et pour ne rien arranger, le terme se heurte également aux éternels préjugés qui entourent les antillais et leur patrimoine. « En France, on n’aime pas appeler les choses par leur nom, on préfère leur donner de nouveaux noms parce qu’on a décidé qu’il y avait une connotation Francky Vincent au mot zouk, une connotation soleil. »

La France aurait pourtant bien des raisons d’être fière de « son » zouk. Dans son autobiographie parue en 1989, le légendaire trompettiste américain Miles Davis évoquait déjà le son de Kassav’ comme étant « la musique du futur ». Et en 2021, à l’heure où l’on célèbre la popularité de certains hits français à l’international, il n’y a certainement pas de hasard à ce que ce soit la musique aux inspirations zouk d’une artiste comme Aya Nakamura qui soit la plus plébiscitée. Qui plus est quand, de l’autre côté de l’Atlantique, le reggaeton et ses rythmiques similaires « à 5 BPM près » – dixit Kaysha – cumule des milliards de vues. « Toutes ces musiques sont cousines, rappelle-t-il. Elles ont été créées par des descendants d’esclaves et trouvent leurs origines en Afrique, dans la culture vaudou, la kadans en Haïti ou même dans la dancehall. » D’où le fait que des artistes aussi différents que J Balvin et Hatik aient pu reprendre un morceau comme « Angela » du Saïan Supa Crew, ou que « Bobo » se soit classé à la seconde place du top iTunes en République Dominicaine. Alors peut-être que, le zouk saura trouver grâce sous d’autres cieux, toujours plus loin du territoire auquel il est (politiquement) rattaché. Après tout, ne dit-on pas que nul n’est prophète en son pays ?

Entre le rêve américain et les nouvelles dynamiques européennes, y’a t-il réellement un potentiel pour la musique française à l’international ?

Gazo, Ashe 22, Gambino LaMG, Tiitof, Gotti Maras… Ces derniers mois, de plus en plus d’artistes francophones ont pris le réflexe de sous-titrer leurs clips en anglais. Simple hasard ou réelle volonté d’aller chercher un public au-delà de l’Hexagone ? À l’heure où la musique d’Aya Nakamura séduit des centaines de milliers d’auditeurs au Mexique, aux Philippines ou aux Pays-Bas, tout semble possible. Dans Toujours En Y, notre nouveau format qui prolonge les débats En Y, on s’est donc posés la question du potentiel de la musique française à l’international, avant d’aller interroger un panel d’experts : William Edorh, label manager chez Rec 118, Tiffany Calver, DJ et radio host sur la BBC et Shamira Ibrahim, journaliste culture basée à New York, qui a notamment écrit une critique de l’album AYA sur le média américain Pitchfork.

Guy2Bezbar porte son quartier jusque dans son nom, et ça en dit déjà beaucoup. Mais pour ce On The Corner, on a préféré suivre Guy-Fernand, le footeux, qui renouait avec le ballon rond à l’occasion de la CAN du 18ème.

« TOC-TOC, BOUM-BOUM, ON DÉFONCE TA PORTE COMME LE 36 ! » Avec ses gimmicks à foison et son énergie contagieuse, le fracassant « Bebeto » est assurément le titre qu’il fallait pour faire découvrir au public rap français son nouveau rookie de l’année, le fougueux Guy2Bezbar. « Découvrir » pour beaucoup, « redécouvrir » pour certains. Car s’il n’est encore âgé que de 23 ans, le flingueur du 18ème n’est pas tout à fait « nouveau » dans le rap : sa carrière se traîne déjà depuis le milieu des années 2010, et cumule bon nombre de faits d’armes que beaucoup lui envieraient. Dès 2015, il signe le street hit « Ah non c’est terrible » aux côtés de Niska, qui culmine aujourd’hui à 13 millions de vues sur YouTube. Quelques années plus tard, c’est Lacrim qui sent venir la frappe et lui accorde un titre de sa tape R.I.P.R.O 3. Sans pour autant que sa carrière ne décolle outre-mesure. Et si les fans s’impatientent, craignant que son heure ne soit déjà passée, c’est qu’ils ignorent que dans la tête du jeune Guy, le rap n’était pas vraiment une priorité.

Car dans son quartier de la Goutte-d’Or, avant de connaître Guy2Bezbar, on connaît Guy-Fernand, le footballeur. Ce joueur créatif, « à la Griezmann » dixit son ancien éducateur Nacer, qui a écumé tous les clubs de l’arrondissement avant d’emmener ses talents jusqu’au Paris FC puis au Red Star. Le Barbès tel qu’il nous le montre, c’est un quartier auquel on s’attache, et qui s’auto-régénère à travers l’énergie de ses grands, plus soucieux de guider leur prochain que de s’émanciper de la zone. Qu’ils soient des rappeurs de l’âge d’or, designer d’un label de mode en pleine ascension ou président d’associations de quartier, tous participent à la vie de ce secteur qui s’affiche en long et en large dans chacun des clips du prodige. Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard s’il faut se rendre au square Léon pour voir Guy2Bezbar renfiler sa tunique de footeux, pour participer à la CAN du 18e sous les couleurs du Congo. Bienvenue dans la Calle.

Photos : Aïda Dahmani

Pour les jeux, la FFBB et Jordan sortent le nouveau maillot des équipes françaises de basket. L’opportunité parfaite pour mettre en lumière les communautés qui font vivre ce sport pas toujours en haut de l’affiche en France, mais qui compte pourtant trois fois plus de licenciés que le rugby.

Au quatre coins du pays, on est allé à la rencontre de ceux qui sont les miroirs des joueurs des équipes de France : à travers Winona, Yebta, Laura, Emrys et Sydney résonnent les parcours de Diandra Tchatchouang, Evan Fournier, Marine Johannès, Nicolas Batum et Rudy Gobert. Autant d’histoires croisées et de parcours qui montrent que si le basket français en est là aujourd’hui, c’est pas pour rien. Et surtout qu’il n’est pas prêt de stopper son ascension.

Yebta

Yebta a 21 ans, il vient de Pantin.

Il commence le basket comme beaucoup, un peu par hasard parce qu’il suffit de peu pour s’y essayer. « Mon premier souvenir de basket je pense que c’était en bas de chez moi quand je jouais au basket avec mes potes. » C’est aussi avec eux, pour s’amuser, qu’il commence à filmer des vidéos humoristiques sur leur pratique du sport. Il les prend aujourd’hui très au sérieux : « Les vidéos de basket sont accès sur la performance mais nous, on a essayé de dériver un peu la chose sur l’humour, parce qu’il y a tellement de sujets drôles à aborder dans le sport et surtout dans le basket. » C’est aujourd’hui ce qui fait son succès sur les réseaux sociaux.

Au milieu des entrainements, des compétitions, le rire et les bonnes vibes permettent de relâcher la pression. Elles permettent aussi d’attirer l’attention, à travers l’humour, d’un nouveau public sur ce sport finalement peu médiatisé en France. Mais Yebta reste un joueur et sur le terrain, même si la bonne humeur reste, la concentration prend le dessus : « Sur le terrain je trashtalk pas, je suis pas trop du genre à parler. Sauf à mes coéquipiers, donc si je dois prouver quelque chose, ce sera avec le ballon. »

Une bonne humeur et une dérision qui dans des compétitions comme celle de Tokyo peut rassembler une team et la pousser vers le haut. Dans notre équipe nationale, c’est Evan Fournier qui allégera la tension de son groupe. Trashtalkeur de renom, jamais dans la retenue quand il s’agit de dégainer les bons tweets ou les bons shoots. Tranchant sur tous les terrains. « Il est super drôle, super cool, toujours de bonne humeur. C’est un pro dans ça, si on fait un un contre un de trashtalk, Evan Fournier gagne de loin. »

Depuis sa télé, Yebta suivra avec assiduité l’aventure de notre équipe. Des joueurs qui seront amenés à changer dans les années à venir pour laisser les nouvelles générations faire leurs preuves. « C’est dur de se projeter dans le futur du basket français, mais avec toutes les pépites qui arrive en ce moment, il y a moyen d’avoir une des meilleures équipes au monde. » Se hisser jusqu’en haut du classement, ce ne sera possible dans les sports collectifs qu’avec une parfaite cohésion de groupe. Les nouveaux arrivants pourront compter sur les membres avenants comme Evan pour prendre les marques et trouver leur place dans un groupe.

« Pour les nouveaux dans l’équipe, Evan Fournier c’est un vétéran, il a beaucoup d’expérience, ça leur permet de pouvoir prendre leur repères assez facilement, il met à l’aise. » Mettre à l’aise les siens, mais déstabiliser les autres : une gymnastique que le natif du Val-de-Marne maitrise désormais.

Emrys

Emrys a 14 ans, il vient de Reux.

Malgré son jeune âge, il a déjà tout d’un grand joueur. Les coudes posés sur ses genoux, mains croisés, il se tient comme s’il était né pour répondre aux questions. Devant sa maison, il s’accorde ce moment dans un emploi du temps déjà bien chargé pour un adolescent. Tous les jours, il parcourt près de 50km pour rejoindre le Pôle Espoirs de Caen. « On commence les cours à 8h, après on a cours jusqu’à 11h25, puis on enchaine avec l’entrainement, on mange, après on a encore cours et encore entrainement. » Un rythme qui semble lui aller, et qu’il aimerait même l’accélérer. « Actuellement je suis en U15, et l’année prochaine je passe en deuxième année de U15 à Caen. J’aimerais bien après rentrer dans un centre de formation pour ensuite essayer d’atterrir au plus haut niveau, en France et évidemment – si possible – aux Etats-Unis en NBA. »

Le jeune homme marche dans les pas du capitaine de l’équipe de France masculine, Nicolas Batum : né dans la même ville, entrainé au même club, avec la même envie. La ressemblance avec le parcours de son modèle est trop flagrante pour être une coïncidence. « Mon plus beau souvenir de basket, c’est ma sélection de MVP au stage de basket de Nicolas Batum, je m’y attendais pas forcément, mais c’était un objectif pour moi en participant à son camp que d’être MVP. C’était important pour moi que Nicolas Batum dise que je sois MVP, c’est un modèle pour moi depuis que je suis petit. Pendant ses vacances, Nicolas vient souvent à Pont-l’Evêque et on se croise au gymnase, il est souvent présent.« 

Chaque été, les joueurs d’aujourd’hui et ceux de demain se retrouvent, échangent ; le grand-frère à côté du petit-frère pour lui montrer la voie. Mais cet été là précisément, son talent lui fait traverser l’Atlantique. Le jeune MVP ne remporte pas seulement son titre mais aussi la chance de pouvoir suivre son joueur favori dans son quotidien. Celui-ci lui prodigue ses précieux conseils : ne rien lâcher, travailler dur pour atteindre ses objectifs et surtout ne pas oublier d’où l’on vient. « C’était vraiment trop bien ! Le voir dans son quotidien, c’était vraiment très intéressant. Je me suis rendu compte que le rythme était plus difficile que je pensais. Les entrainements sont très durs, ils ont beaucoup de travail, leurs journées s’enchainent. Il a des matchs presque chaque jour ! Mais ca m’a motivé à travailler plus pour en arriver là. C’est un rythme à prendre, il faut s’habituer mais j’y arriverai. »

Comme un miroir de Batum, Emrys s’inspire de sa carrière, de sa détermination et plus encore de son style de jeu. Une manière de faire singulière, à milles lieus de celle de la capitale. À Paris, les joueurs sont plus agressifs, plus individuels. « À Pont-L’Evêque, on est plus collectif au moins. Dans les équipes à Paris, tout le monde veut être le meilleur de l’équipe, alors qu’ici, on veut que notre équipe soit la meilleure. » Une manière de pensée qui fait la différence dans des compétitions internationale où l’on se bat, unis sous le même drapeau. Comme Nicolas Batum, Emrys se rêve fédérateur et a déjà pleinement conscience des sacrifices qu’il devra faire. « Pour moi, le rôle de capitaine, c’est quelqu’un qui joue bien – évidemment – mais aussi qui est toujours là pour ses coéquipiers. »

Alors que la pression de tous les supporters sera sur les épaules du capitaine durant la compétition, Emrys sera celui qui sera sûrement le plus clément avec son grand-frère de coeur. « Là, l’Equipe de France est clairement là pour gagner, pour avoir une médaille, donc ils sont là pour performer. Mais même si on ne gagne pas, ils sont aussi là pour faire profiter les supporters, pour les rendre heureux. Donc quoi qu’il arrive, ils ne sont pas là pour rien. »

Laura

Laura a 23 ans, elle vient du Val-de-Marne.

« Mes premiers souvenirs de basket, c’est quand j’ai commencé le basket avec mon père à l’âge de 9 ans. Lui ne faisait pas de basket et on a commencé en même temps dans le club de ma ville, à l’Hay-Les-Roses. »
Elle tâte la balle orange depuis longtemps mais son sport préféré, c’est le combat. Aujourd’hui elle ne joue plus de manière professionnelle, mais ne s’est pas tant éloigné du milieu. Au quotidien, elle se bat pour l’égalité des sexes dans le basketball. « Le basket, c’est surtout un loisir maintenant, je continue à m’entrainer parce qu’il faut tenir la forme et je suis souvent amenée à être avec des joueuses pros du coup je me dit vaut mieux que je devienne pas trop nul, on ne sait jamais. »

En créant son média I Can Play, elle met en avant le basket féminin et utilise le sport comme un moyen d’encourager le changement. « Je peux jouer. » Le message est clair, démontrer que les femmes ont autant les capacités que les hommes de pratiquer le basket et surtout que c’est possible d’être une femme et d’évoluer à haut niveau dans la discipline. Au fil des portraits, des vidéos et des chroniques, elle tend à pousser la jeune génération à oublier les préjugés entourant le sport féminin. Et peut-être, en passant, recruter la future équipe nationale féminine. « Le but c’est de mettre en avant toutes les basketteuses françaises. Qu’elles jouent en France, aux USA, en Espagne, partout dans le monde, ça m’est égal du moment qu’elle sont françaises. On s’en fout de l’âge, on s’en fout du niveau, on veut juste mettre en avant les joueuses. Je veux que les filles aient confiance en elles et les inspirer, qu’elles se disent que c’est possible. »

Dans un milieu réputé pour être masculin, donner de la visibilité à ces femmes et célébrer le basket féminin c’est contribuer à créer un futur plus inclusif. Une tâche pas si facile lorsqu’il faut se confronter aux avis divergents et aux préjugés tenaces. « Avec la page I Can Play je vois des commentaires qui m’insupportent, je veux montrer à ces gens que la femme peut offrir du beau jeu. Oui, il y a peut-être pas beaucoup de dunks, mais il y aura des belles actions collectives, et même du un contre un, n’en doutez pas ! »

Ancienne joueuse au niveau national, elle connaît l’importance d’avoir toute une équipe derrière elle et prend son rôle de leader à coeur. Sur le terrain, chaque joueur à son rôle et contribue d’une manière différente à son équipe. Laura y croit dur comme fer : ce rôle s’applique aussi en quittant le gymnase. « Pour moi c’est important d’être leader sur le terrain et en dehors, parce que les valeurs qu’on nous inculque sur le terrain, c’est des choses que tu vas garder dans ta vie de tous les jours, donc si t’es leader sur le terrain, il faut que tu le sois aussi au quotidien, que tu inspires les gens. »

Rassembler, inspirer pour atteindre un but, c’est le rôle de Laura dans sa vie… et de la capitaine de l’équipe de France féminine Marine Johannès, qui doit enflammer Tokyo. « Marine, c’est une leadeuse sur le terrain, par rapport à ses actions, son style de jeu, c’est elle qui fait monter son équipe de plus en plus haut, c’est pour ça qu’on dit que c’est une leadeuse, elle montre l’exemple mais sur le terrain avec ses actes. » Deux femmes dont les parcours se répondent, déterminées à remettre en question les codes pour changer la culture et l’avenir du basket féminin chacune à leur niveau mais derrière le même drapeau. Une équipe, un objectif, une leader.

Sidney

Sidney a 28 ans. Il vient des Yvelines. Il arrive sur le terrain du gymnase Cosec Manouchian en souriant, maillot de l’équipe de France sur les épaules, ses tresses ramenées en un chignon serré. Il se raconte :

« Mes premiers souvenirs du basket sont très lointains, je ne pourrais même pas te les raconter. Le basket, je pense que je suis né avec. » Un ballon à la main depuis le plus jeune âge, il est de ceux pour qui le sport est comme une évidence. Il a les pieds dedans depuis toujours, même quand ceux-ci ont arrêté de marcher, après un accident survenu à l’âge de 13 ans. Quand la réaction logique attendue après un événement si tragique est l’effondrement, Sydney fait front et se bat. Continuer. Avancer. Se réinventer. Pour lui, abandonner n’a jamais été une des options. « Il n’y a rien qui m’arrête et surtout pas le handicap. Cette dalle, elle vient de mon éducation et de ma famille. Quand j’ai eu mon accident, ils ne m’ont jamais traité différemment, ils m’ont dit qu’il fallait que je me batte et que je vive comme tout le monde. J’ai repris l’école même pas deux mois après. »

Une force de caractère pour continuer sa vie. Mais comment poursuivre une carrière d’athlète ? Doit-il renoncer à ce qui est sa passion depuis qu’il a apprit à marcher parce qu’il n’est justement plus capable de le faire ? Sa mère ne lui laisse pas vraiment le choix et l’inscrit dans un établissement spécialisé. C’est finalement là que sa vie changera vraiment. Quand il commence le basket fauteuil, il le fait plein de préjugés. « Ma transition entre basket valide et basket fauteuil, honnêtement elle s’est pas fait naturellement, elle était même très difficile. Déjà, je ne voulais pas en faire, j’en avais une très mauvaise image. Il y avait une équipe dans mon lycée, ma mère m’a forcé à essayer, et en fait dès le premier entrainement j’ai adoré. Basket valide ou basket fauteuil, une fois que t’es sur le terrain, c’est la même chose. »

Pour Sydney, le sport permet de gommer les différences. Sur le terrain, il n’y a plus que le jeu qui compte. Les règles sont les mêmes pour tous, peu importe la manière de se déplacer sur le parquet. Quand il comprend que son handicap ne sera pas un frein à sa carrière, sa détermination et sa compétitivité refont rapidement surface. Il évolue pendant quelques temps en Nationale A à Bordeaux et Toulouse, où il enchaîne les déceptions. « J’ai eu une période difficile en première division où j’avais très peu de temps de jeu. Je le vivais assez mal », se remémore t-il. Encore une fois, c’est sa force de caractère qui le pousse à prendre une décision. Pour côtoyer les sommets, il faut se réinventer et ne pas se contenter. Pour atteindre le plus haut niveau, il prend la direction des Etats-Unis et décide de suivre une formation à l’Université de Missouri-Columbia. Sa vie s’organise autour des cours, qu’il suit au sein de la faculté et des entraînements, des matches et des déplacements. Il progresse, travaille ses points faibles, développe ses points forts.  « Mon plus grand accomplissement dans ma carrière, c’était mes 4 ans d’études aux Etats-Unis. J’ai réussi, je suis diplômé, je suis très fier de ça. Cette expérience m’a vraiment aidé à être un joueur accompli. C’était très intense et très compétitif, ça m’a forgé. »

Le basket, c’est finalement la passion de sa vie. Rien ne semble pouvoir l’arrêter, quoi qu’il arrive, il retrouvera son chemin jusqu’aux paniers. Son motto, c’est le même que celui de Rudy Gobert : « bounce back ». « L’expression ‘bounce back’ est vraiment importante pour moi. C’est ne pas se laisser abattre, ne pas baisser les bras devant les épreuves. C’est vraiment le message que je veux porter, et Rudy Gobert c’est un joueur qui est vraiment symbole de ça, il a eu des désillusions dans sa carrière, il était pas forcément hypé, et pourtant il a rebondit et aujourd’hui il est trois fois meilleur défenseur de l’année. Comme quoi, il ne faut pas baisser les bras. » Rebondir malgré les obstacles, les désillusions. Et avancer.

Winona

Winona a 26 ans, elle vient de Paris.

« Mon premier souvenir de basket c’est quand j’ai commencé à 14 ans, dans un club du 18ème arrondissement. Mon entraineur et mes coéquipiers étaient supers, ils ont été ma première rencontre avec le basket, et ca a été un vrai coup de coeur. » Pour elle, le basket n’est pas qu’un sport, c’est le moyen de faire résonner sa voix et de s’assumer. Dans les rues de Montmartre, elle raconte son histoire d’amour avec le basket mais pas que.

C’est dans son club que Winona rencontre sa compagne, Romane. Elles évoluent dans la même équipe pendant quelques années, puis choisissent de jouer dans des clubs différents. Pendant tout ce temps, Winona tente de garder leur relation quelque peu secrète. Lors des rencontres, dans les gymnases, elle reste distante.

Leurs deux équipes finissent par se rencontrer sur le terrain lors de poules d’une compétition francilienne, un 8 mars, journée de la femme. Tout était prévu, elle achète la bague, apprends au passage ce qu’est un écrin, préviens les joueuses et les coaches des deux équipes. Entre deux cross, elle la demande en fiançailles. Quand son genou touche le bois du terrain, c’est son discours qui s’élève. Assumer son homosexualité et sa relation sur le terrain, c’était pour elle une nécessité. « Le basketball c’est un terrain d’expression pour moi. J’ai eu du mal à assumer pleinement mon homosexualité dans le basket. C’est pour ça que j’ai voulu la demander en fiançailles sur un terrain. Si j’assume qui je suis dans ma vie, il faut aussi que je l’assume dans le sport. »

À travers son acte, elle aborde un sujet encore tabou dans le milieu sportif. Et s’affirmer publiquement, c’est – par ricochet – montrer la voie à tou(te)s les autres. Winona est une femme engagée sur le terrain et en dehors, qui prône l’amour comme solution à l’image de Diandra Tchatchouang. En première ligne lors des manifestations pour Adama Traoré et Georges Floyd, la joueuse militante dirige aussi une association pour aider les jeunes de Seine-Saint-Denis et anime un podcast nommé « Super Humains » où elle nous fait découvrir les parcours hors du commun d’athlètes. Une femme inspirée et inspirante dans sa discipline, ce qui a nourri son engagement en dehors. Pour Winona, ce n’est pas un hasard, le basket est plus qu’un sport, c’est un vecteur éducatif. « Le basketball m’a beaucoup appris en dehors du terrain, c’est un sport collectif tu dois penser aux autres avant de penser à toi, vous évoluez ensemble et partager l’amour du basket. »

Aujourd’hui, Winona espère elle aussi insuffler son message : « one love ». Celui d’une histoire d’amour avec le sport qui l’a amené à aimer les autres, Romane, et finalement surtout elle-même.

En Y est un talk participatif organisé par YARD dans ses bureaux et diffusé en radio sur Rinse France. Ouvert à tous ceux qui ont des choses à dire, et aux autres, il permet à chacun de nourrir sa réflexion ou d’exprimer son avis sur un sujet majeur de notre culture. Mardi 6 juillet, pour la reprise des En Y, on s’est interrogés sur les nouveaux enjeux qui attendaient le rap jeu.

Sur YARD, on a décidé de repenser la manière dont on traite les sujets qui comptent. Dans ce qu’on fait en tant que média, on cherche à être toujours le plus pertinent possible et pour aller encore plus loin sur les questions auxquelles il nous parait important de répondre, et avec l’envie d’en parler sous tous leurs angles, on va maintenant se concentrer sur une thématique majeure chaque mois. En clair, on traitera notre sujet du mois à travers différents formats qui, ensemble, apporteront la réponse la plus complète possible. Pas forcément lié à l’actualité, mais sans jamais se priver de prendre la parole si ça nous semble nécessaire.Évidemment, parce que votre avis nous importe : la conclusion de chacune de ces thématiques sera un En Y où vous serez invités à vous exprimer.

Pour la première thématique de juin 2021, on s’est interrogé sur « Les nouveaux enjeux du rap jeu ». Dans un premier contenu on s’est demandé si on devait s’inquiéter de l’influence grandissante des stars de l’Internet et des réseaux sur le rap, qu’elles prennent le micro ou non. Dans un second temps, on a détaillé le parcours de Doja Cat pour mettre en lumière une stratégie 3.0 implacable. Dans un dernier temps, on a creusé en profondeur la révolution qui se profile dans le streaming pourrait entrainer une baisse des revenus du rap de plus de 20%. Un ultime contenu sur l’internationalisation du rap français va bientôt voir le jour.

Autant de sujets qu’on aborde le mardi 6 juillet en live avec Juliette Thimoreau (Bendo Music), Florian Lecerf (135 Media, Booska-P-, Some-1ne (compositeur), Vincent Le Nen (juriste, journaliste Virgules, YARD), Lenny Sorbé (journaliste YARD) et vous tous.

La révolution qui se profile dans le streaming pourrait entrainer une baisse des revenus du rap de plus de 20%. Cette révolution, c’est celle d’un passage de répartition des revenus sur le modèle du User Centric. Ça veut dire quoi ? Pourquoi ça fait débat ? Pourquoi le rap prend-il trop d’argent pour certains ? On vous explique.

Comment artistes et labels sont-ils payés pour les streams qu’ils génèrent sur les plateformes ? Est-ce que la manière dont ces plateformes calculent actuellement leurs revenus est équitable ? Certains pensent que non et estiment que le rap accapare de manière injustifiée une trop grande part du gâteau. Ils sont nombreux depuis des années dans l’industrie et une actualité récente est venue apporter de l’eau à leurs moulins.

Le modèle du User Centric c’est une méthode de répartition des revenus générés par les abonnements streaming que défendent un certain nombre d’acteurs de l’industrie. Impossible à mettre en place lors des premières années de Spotify, Deezer et consorts, la méthode du User Centric pourrait demain être utilisée pour décider dans les poches de quels artistes vont les revenus générés par nos abonnements aux plateformes de streaming. Et, en toile de fond, se dessine une opposition entre les acteurs du rap et des musiques dites « urbaines » (à défaut de mieux) et les professionnels œuvrant dans d’autres genres musicaux. Les uns appelant à plus de justice, les autres y voyant une nouvelle manière pour une partie de l’industrie de mettre des bâtons dans les roues d’un genre qu’elle n’a jamais vraiment apprécié. Avec un enjeu que l’on peut résumer ainsi en grossissant le trait : la baisse non-négligeable des revenus d’une bonne partie des rappeurs et labels de rap et de rnb, au profit du reste de l’industrie. Et ce 27 janvier, un rapport du Centre National de la Musique est revenu raviver les débats.

Abonnement contre abonnements

Imaginez que votre abonnement à une plateforme génère chaque mois 6€ à répartir aux labels et artistes. Puis que vous allez une seule fois dans le mois sur la plateforme, pour y streamer 3 fois le même morceau de Laylow. À qui vos 6 euros vont-ils être envoyés ? À Laylow, son label et son distributeur, puisque vous n’avez écouté que lui ? Il s’avère que non. En fait, la plateforme de streaming additionne l’intégralité des revenus générés par les abonnements et la publicité dans un pays sur un mois donné, et divise cette somme globale selon le nombre d’écoutes de chaque morceau (avec une valeur différente selon le type d’abonnement). Donc, selon leur volume. Alors, sur vos 6 euros, seules quelques poussières de centimes seront reversées à Laylow et ses partenaires. Et Ninho, Jul, Maes ou Nekfeu toucheront plus que Laylow sur ce que vous avez payé. Un modèle dit Market Centric, en place, que certains voudraient remplacer par un modèle où les sommes payées par chaque abonné(e) reviendraient uniquement aux artistes que cet abonné(e) écoute. Ce changement consisterait en un passage au modèle du User Centric, grâce auquel vos 6€ seraient alors effectivement reversés uniquement à Laylow, son label et son distributeur.

Ceux qui subiraient les conséquences d’un tel changement de système, ce sont les artistes écoutés par les consommateurs intensifs. Une fois cela compris, le lien de causalité avec le rap est simple à établir. Puisque qui sont ces auditeurs très actifs sur les plateformes de streaming ? Essentiellement les adolescents et jeunes adultes, qui écoutent beaucoup de musique, la plupart du temps en streaming (comme le montre le schéma ci-dessous à gauche). C’est-à-dire : la partie de la population qui permet au rap d’être la musique reine du streaming en France. Voilà donc pourquoi il semble à première vue que les revendications pour le changement de méthode de répartition des revenus soient objectivement préjudiciables pour le rap. Tandis que parmi les arguments historiques des défenseurs du User Centric, il y a l’idée que cela soit profitable aux genres qui ont particulièrement souffert du passage au streaming. Notamment la musique classique ou le jazz, voire le rock.

L’étude menée par le CNM, co-pilotée par le Ministère de la Culture et menée avec l’appui du cabinet Deloitte, s’appuie notamment sur l’intégralité des statistiques d’écoute et d’abonnement de Deezer en France, en 2019. A partir de ces données, elle compare les répartitions de revenus dans le modèle actuel avec ce qu’elles auraient été si le modèle du User Centric avait été mis en place.

De la lecture de celle-ci ressortent plusieurs enseignements principaux. D’abord, le rap serait de très loin le genre le plus impacté négativement : dans son ensemble, ses pertes se situeraient aux alentours des 20%. Suivi de musiques proches, notamment de par leur auditorat : afrobeat, rnb, reggaeton, … Les grands gagnants seraient la musique classique, le hard rock, le blues, la pop rock et la disco. On y apprend également que sur Deezer en 2019, ce sont 31% des utilisateurs qui généraient 69% des sommes reversées. On réalise ainsi que les plus impactés seraient de loin les artistes du top 10 : Jul, Maes, Gims, Ninho et consorts. Des artistes tous produits en France, ce qui nous amène à un autre constat : la production musicale française serait légèrement pénalisée par ce changement de système.

Des acteurs de l’industrie partagés

Voilà donc ce qui semble attendre l’industrie de la musique en cas de fin du Market Centric sur les plateformes de streaming. « En cas de » car pour l’instant, l’avenir est encore flou. En fait, les acteurs (plateformes comme professionnels de la production) sont partagés sur cette transition. Dans un article pour Les Jours revenant sur le rapport du CNM, le journaliste et suiveur actif de ce dossier Sophian Fanen établit ainsi un bilan des forces en présence. Il rappelle la volonté de Deezer de changer de système à l’avenir. Un enthousiasme non-partagé par Spotify ou Apple Music (qui a refusé de participer à l’étude), qui se satisfont largement du système actuel. Du côté des gros labels, Because est – entre autres indépendants – un défenseur de longue date du User Centric via son emblématique patron Emmanuel de Buretel. Les majors, elles, ne prennent pas publiquement position pour le moment. Sans leur accord, difficile d’imaginer un quelconque changement en l’absence de dispositions légales. Du côté du législateur justement, il ne semble pas y avoir de volonté de s’immiscer très franchement malgré un intérêt pour la question. Ainsi, la rapporteure du Projet de Loi Finances 2020, Françoise Laborde, y évoque ce sujet en rappelant qu’il « ne (lui) appartient pas […] de se prononcer sur ce débat complexe », sauf pour rappeler les objectifs que sont la diversité culturelle et l’existence d’un niveau correct de rémunération des artistes. Toutefois, elle y précise que les modalités de rémunération par les plateformes « doivent être a minima connues du Parlement », « compte tenu de la place majeure prise par les plateformes de streaming ». Les pouvoirs publics se souciant également, c’est logique, de l’intérêt global de la production musicale française.

Alors, pas mal de professionnels du rap espèrent que ce changement reste un simple projet souhaité par certains, qu’il ne voit jamais vraiment le jour. Leur réaction est celle d’acteurs d’un genre grandement méprisé et mis de côté par l’industrie depuis à peu près toujours. Qui ont l’impression qu’encore une fois, les détracteurs du genre cherchent à lui nuire, en trouvant la parade pour dégager le rap de sa place de genre-roi qu’il a acquis après avoir lutté contre vents et marées pour s’imposer. Malgré tout, il est difficile de ne pas reconnaitre qu’une telle réforme serait juste sur le plan éthique. Quand on achète un CD à la Fnac, on paye pour rémunérer le label et l’artiste, pas pour qu’une partie du prix d’achat soit redistribué à d’autres. Un cadre de label rap, qui souhaite rester anonyme, est favorable au changement et résume cela de manière simple : « Il y a quelque chose de très illogique actuellement : l’argent entre par une porte et ressort par une autre ». Ce à quoi il ajoute que « ça nous ferait perdre de l’argent aujourd’hui, mais demain on ne sait pas si l’on sera dans le bon wagon. Donc autant partir sur des bases équitables ». Pour lui, « c’est déjà grave qu’un changement ne soit pas intervenu plus tôt. Puisque des labels ont construit leur stratégie à long-terme sur le User Centric (c’est-à-dire en mettant le trait sur la production de rap). Donc leur back catalogue est moins diversifié musicalement, toute leur économie se base sur un seul genre musical. Et pour faire bouger des gens qui ont tout construit sur ce modèle, c’est compliqué. Mais voilà, si on laisse la situation actuelle prospérer, ça va se révéler dramatique pour certains genres. »

Malgré tout, il y a des contre-arguments qui s’entendent, mis en avant par des acteurs du monde du rap. Le fait que la production de rap soit moins subventionnée que d’autres genres, notamment. Certains rappellent aussi que le streaming ne suit pas une logique d’achat, mais une logique d’accès, qu’en conséquence les règles de rémunération n’ont pas forcément à être les mêmes. Puis, un argument fort en faveur d’un maintien du système actuel, c’est que l’essentiel du rap qui vend beaucoup chez nous est produit en France. Plus que ça encore : les artistes produits en France qui s’exportent le mieux semble essentiellement venir du rap, du rnb et de l’electro (voir le top des certifications à l’export en 2019 d’albums produits par des labels français ci-dessous). Pour être clair : si le public français et les publics étrangers achètent plus de musique produite par des labels français aujourd’hui, le rap et le rnb y sont pour quelque chose. Ce serait donc dommage de mettre à ces genres des bâtons dans les roues.

Enfin, le co-fondateur du média VentesFRap, spécialiste de ces questions, explique que si le principe du User Centric est juste, « il existe en dehors du streaming de nombreux défauts structurels qui, eux, n’ont pas été corrigés. Si on veut associer le rap à des pratiques plus vertueuses, il faut que ce soit au niveau global et pas seulement sur le terrain qui lui fait perdre du chiffre d’affaires ! Je fais notamment allusion à la faible place qui lui est accordée dans les diffusions en radio et télévision, mais aussi aux revenus associés à la sonorisation des bars à chicha. »

Un chamboulement pour l’économie du rap

Maintenant que les éléments de l’équation sont posés : quelles conséquences aurait ce changement ? Déjà, il n’y a pas que les portefeuilles des artistes qui en pâtiraient : leur présence aussi. Du côté des majors et gros indépendants en effet, produire du rap est aujourd’hui plus intéressant financièrement que d’autres sous-genres. Donc, les artistes de rap signent plus facilement, et même des labels historiquement hermétiques au rap cherchent à diversifier leurs catalogues. Dans cette même logique, les passionnés de rap se font plus facilement une place dans les labels. Un passage au User Centric pourrait mettre un frein à tout cela. Il est concevable de penser que le rap ne se portera pas plus mal sans certains labels anciennement méprisants, qui cherchent désormais à récupérer une petite part du gâteau. Mais à la fin, cela signifierait moins de signatures et de prises de risque sur des talents émergents dans le rap. Ce qui serait dommageable, à une époque d’ailleurs où les artistes avec des univers travaillés semblent plus bankables que jamais. Puis, cette importance nouvelle du rap lui permet d’avoir enfin du poids, et donc de gagner en respect et de prise en compte auprès des institutions centrales de l’industrie musicale. Un tel changement poserait un frein à cette évolution vers plus de représentation des professionnels du rap au sein des institutions qui comptent.

Du point de vue des artistes, ce rapport doit également mener à un autre questionnement. Les articles sur le sujet ont souvent tendance à considérer que les économies de tous les artistes se ressemblent plus ou moins. Or, la réalité est plus fine que cela, dans le rap notamment. Est-ce que tous les artistes de rap seraient touchés par un passage au User Centric de la même manière, ou cette méthode de répartition pourrait-elle finalement profiter aux rappeurs « de niche », qui subiraient beaucoup moins de dégâts que les plus gros vendeurs ? le co-fondateur de VentesFRap explique qu’en réalité, « certains artistes rap de niche, avec des publics très engagés, pourraient au contraire en bénéficier dans des proportions plus légères ». C’est-à-dire que des artistes comme Alpha Wann ou Triplego (et même PNL) par exemple, avec leurs fanbases fidèles, pourraient sortir gagnants de ce changement. Le cadre de label qui témoigne va dans le même sens, et ajoute que « la réflexion va au-delà d’une esthétique, puisque le User Centric serait bénéfique à n’importe quel groupe avec des fans engagés qui n’ont juste pas énormément de temps à passer sur les plateformes. Ce qui renvoie plus à des gens d’une certaine tranche d’âge, or le rap il n’y a pas d’âge pour en écouter ». Ce qui permettrait de relativiser l’impact du User Centric. Poursuivant, le spécialiste de VentesFRap précise lui que « c’est aussi un modèle qui pourrait pousser les labels indépendants à favoriser les collaborations en interne et à essayer de développer des circuits algorithmiques regroupant leurs catalogues respectifs ». En somme, cela pourrait donc être un atout dans la recherche d’identité des labels qui cherchent à construire des catalogues cohérents dans les identités artistiques et/ou dans les publics visés.

Le User Centric serait bénéfique à n’importe quel groupe avec des fans engagés.

Un cadre de label anonyme

Puis, un point mis en évidence par l’étude ne doit pas être mis de côté : ce sont les artistes du top 10 qui seraient les plus grands perdants. C’est-à-dire une minorité des artistes de rap par comparaison avec toutes les signatures en labels, en licence ou en distribution. Eux qui sont des moteurs pour leurs labels, mais qui ne sont pas les seuls à permettre de générer des grosses sommes et des emplois grâce à leur carrière. Des artistes du top 10 qui sont logiquement favorisés par les algorithmes, ce qui doit également amener à s’intéresser – au-delà des questions d’User Centric – à la manière dont les plateformes de streaming font marcher ces algorithmes qui pèsent un poids conséquent dans les volumes d’écoutes.

On l’a donc compris, cette petite révolution qui pourrait tôt ou tard arriver serait pénalisante pour  une partie de l’industrie du rap. C’est ce qui explique certains propos passionnés tenus par des acteurs du milieu. Malgré tout, les arguments en faveur d’un changement de système y compris au sein du monde du rap existent. Alors, quelle suite aura cette étude et les débats qui l’entourent ? En mars, Soundcloud annonçait passé au modèle du User Centric, qu’ils rebaptisent « fan-powered ». Fièrement, ils annoncent sur leur site être la première entreprise de l’industrie musicale à payer équitablement leurs artistes. Si Soundcloud se permet ce changement c’est qu’il n’aura d’impact que sur les comptes payants de la plateforme, c’est-à-dire très peu de personnes. Donc les premiers, certes, mais surtout les seuls qui peuvent pour l’instant se le permettre. Dans son étude, le CNM souligne la difficulté pour les plateformes de développer le modèle User Centric, notamment de par ses coûts élevés. Le changement, c’est pas pour maintenant.

Qu’elles prennent le micro ou non, les stars de l’Internet et des réseaux exercent une influence grandissante sur le rap. Doit-on s’en inquiéter ?

Twitter. Mardi 5 janvier 2021. Pendant que les PP Thomas Shelby affrontent les PP manga pour savoir qui arrivera à tweeter le plus d’horreurs à la minute et que les twittos calvitiés multiplient les placements produits pour des greffes capillaires hasardeuses en Turquie, Booba tire sur tout ce qui bouge. Une journée comme les autres sur l’internet français, somme toute. À une exception près : cette fois-ci ce ne sont pas sur ses ennemi.e.s ou sur un média un peu trop mainstream à son goût que s’abattent les foudres du Duc. Ce sont deux youtubeurs, Squeezie et Mister V, qui sont pris pour cible dans un tweet qui les qualifie de « rappeurs imposteurs ».

Pour le meilleur ou pour le pire, s’essayer à la musique est devenu la norme pour les influencers. Et si les singles et albums de ces artistes improvisé.e.s ont longtemps eu des fins exclusivement parodiques ou promotionnelles, leurs ambitions musicales ont largement été revues à la hausse ces dernières années. Désormais, ces gens font de la musique « pour de vrai ». Et difficile de leur en vouloir : sans tomber dans le procès d’intention, sortir un projet est un excellent moyen de capitaliser sur une audience déjà acquise à leur cause. D’autant que le rap est le parfait terrain de jeu pour ce genre d’entreprise. En plus d’être la musique la plus écoutée du moment, il a l’avantage de l’accessibilité : pas besoin d’instruments ou de cours de solfège, il vous suffit de pasticher des flows déjà bien connus sous Auto-Tune pour produire un morceau a minima écoutable. La prise de risque en terme commerciale est donc moindre et peu importe si la plupart ne parvient pas à se créer une identité musicale propre. Pour le YouTuber SEB, qui s’est également essayé à l’exercice, c’est une évidence : « Je ne pense pas qu’un YouTuber, en France en tout cas, n’a fait avancer la culture. Pas la culture rap, en tout cas. »

En effet, si le rap nous a habitué depuis longtemps à un fonctionnement par recette, chaque morceau à succès donnant immédiatement naissance à une nuée de clones, le phénomène se ressent particulièrement dans la musique de ces rappeurs et rappeuses d’internet : « La musique de youtubeur est fade parce qu’on calque des choses qui n’apportent pas vraiment de valeur artistique […] On fait ce qui existe, peut-être en aussi bien fait. Il y a des sons de Mister V qui passent crème », poursuit SEB. Pourquoi alors est-ce que l’arrivée des personnalités du web en tant qu’acteurs et actrices – primaires ou secondaires – de cette culture fait-elle naître la crainte de voir apparaitre une vague d’œuvres plus formatées que jamais ?

Car c’est en leur qualité de youtubeurs que Mister V et Squeezie sont attaqués. Aux yeux de certain.e.s, celle-ci discrédite immédiatement toute entreprise musicale potentielle. Puisque leur carrière est née sur internet, ils se heurtent à deux critiques concernant leur légitimité. La première est celle de la posture adoptée dans leurs textes et leur esthétique. Dans un genre tel que le rap, dont les codes sont si profondément liés tant à des mécanismes de lutte qu’à des phénomènes identitaires, il est aisé de comprendre pourquoi certain.e.s grincent des dents lorsqu’un YouTuber jusque là humoriste se proclame « gang » au détour d’un refrain. La deuxième est celle de la surexposition de ces nouveaux et nouvelles arrivant.e.s par rapport aux acteurs et actrices habituel.le.s du monde du rap, jugé.e.s plus méritant.e.s et historiquement sous-représenté.e.s dans les grandes fêtes médiatiques françaises. Pour SEB, c’est là que se trouve le nœud du problème : « Quand NRJ joue le jeu de mettre en avant un Squeezie, lui-même est le premier à reconnaitre que ce n’est pas cohérent [vis-à-vis des] gens qui tentent de percer depuis des années. La mauvaise jonction vient du poids que les influenceurs ont de base. »

C’est d’ailleurs sur ce point en particulier que se focalisent les attaques de Booba, le tweet en question reprenant un post Instagram montrant Squeezie posant avec son NRJ Music Award. Prix dont l’obtention a d’ailleurs été qualifiée par le youtubeur lui-même de « hold-up de l’année ». Faute avouée ? Oui et non. Si on peut leur reprocher d’en profiter avec plus ou moins de délicatesse, ni Squeezie ni Mister V ne sont responsables des biais d’une industrie au sein de laquelle l’influence des personnalités d’internet attise de plus en plus de convoitises.

La surexposition des rappeurs et rappeuses de YouTube n’est qu’un symptôme des changements d’un système en pleine mutation au sein duquel les influencers deviennent petit à petit un rouage essentiel d’une gigantesque machine promotionnelle. À une époque où les hits naissent et meurent au gré des tendances TikTok et où YouTube a remplacé la télévision dans le cœur des 13-25, les réseaux sociaux sont devenus un passage quasi-obligatoire afin de toucher la jeunesse, public cible du rap.

De nouveaux leaders d’opinion, mais à quel prix ?

La puissance des réseaux sociaux ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Booba l’avait déjà parfaitement compris lorsqu’il expliquait en interview pour l’Abcdr que sa force de frappe sur Instagram lui permettrait de se passer entièrement des médias pour faire sa promo, si l’envie lui en prenait. Et même si ses récentes aventures sur Twitter se sont plutôt mal passées (et c’est un euphémisme), sa critique n’émane donc pas, a priori, d’un dédain pour les réseaux sociaux et leurs utilisateurs et utilisatrices. Il s’agit donc plutôt d’une remise en question du formatage que les acteurs et actrices d’internet risquent d’imposer au rap : « collaborer avec ces rappeurs imposteurs » revient au même que d’aller se « prostituer chez Skyrock », d’après sa publication. Plus que les youtubeurs qui se mettent (sérieusement) à la musique, ce sont les relations qui se lient entre les deux scènes, rendant le rap dépendant des réseaux, qui sont pointées du doigt.

Le développement de cette relation, SEB y a assisté au premier rang. Dès 2017, il lance #COUPDEPOUCE, intitulé de ce qui se veut être une série de vidéos destinées à mettre en avant des artistes émergents. « Quand j’ai commencé à faire des #COUPDEPOUCE il y a quelques années, [j’ai eu un] nombre colossal de [rappeurs et rappeuses] dans mes DMs. C’est la guerre aussi, n’importe qui a besoin de visibilité et a envie de ça. » L’effet est immédiat et la carrière des rappeurs mis en avant explose. SEB reconnait d’ailleurs avoir stoppé cette série de vidéos en réalisant l’impact qu’elles pouvaient avoir : « J’en ai fait que deux, j’ai arrêté. Ça donne du pouvoir, tu peux faire n’importe quoi avec ce truc. »

L’arrivée des influenceurs comme outil marketing vient perturber le paradigme mis en place par le streaming parce que leur position de leader d’opinion les place directement entre l’artiste et son public.

En devenant un moyen de promotion privilégié pour le rap, les influencers s’imposent comme les nouveaux et nouvelles leaders d’opinion d’une culture subversive par essence. Seulement voilà, aussi bien intentionnées et passionnées que peuvent l’être les célébrités des réseaux dans leur approche du rap, elles restent dépendantes de plateformes gérées unilatéralement par de grandes entreprises privées, aux règles strictement kid-friendly. Le danger est donc la démocratisation d’un rap toujours plus lisse, formaté pour toucher directement le jeune public des réseaux sociaux. Similairement à ce que la toute-puissance de Skyrock a pu, d’après Booba, imposer aux rappeurs et rappeuses jusqu’à l’arrivée du streaming et ce au mépris de l’intégrité de leur art. Si la cible est différente, le fond reste le même et le tweet qui a enflammé les réseaux mardi 5 janvier s’inscrit dans la continuité de la sempiternelle guerre que mène le duc de Boulogne contre les médias de masse et leur traitement du rap.

De carcan en carcan

Karim Hammou, dans son excellente Histoire du rap en France, résumait le formatage que Skyrock, en tant que seule grande radio rap dans les années 2000, imposait aux rappeurs français. Pour devenir un tube diffusable, le morceau ne devait pas dépasser les quatre minutes et contenir trois refrains au minimum. L’instrumentale idéale était à base de violon et de piano, la mélodie et le ton mélancolique. Quant au fond, il fallait aborder un thème dépeignant la rue, peu importe qu’elle soit réelle ou fantasmée. Le rappeur ou la rappeuse s’attribuait la position du vilain de sa propre histoire, regrettant tout le mal que la vie de gangster l’avait poussé.e à commettre. Et si le morceau se finissait par une repentance, alors c’était un sans-faute. C’est la naissance de ce qui a longtemps été qualifié de « rap commercial », avec toutes les dérives, affublées d’un t-shirt « le rap c’était mieux avant », que l’appellation a pu causer par la suite.

Ce format a marqué de son empreinte le rap français, en conditionnant durablement notre conception même de cette musique. Mais l’arrivée du streaming a bouleversé le statu quo. Son avènement a renversé la toute-puissance des grosses radios, qui se contentent maintenant de programmer les titres qui fonctionnent le mieux sur Spotify ou Deezer. En donnant aux auditeurs et auditrices un contrôle quasi-absolu sur ce qui passe dans leurs oreilles, ce nouveau mode de consommation a inversé la route que suivait traditionnellement la musique en général et les hits en particulier. Ils ne vont alors plus de radios à audience mais d’audience à radios. Cette primauté des consommateur.trice.s dans le choix des musiques qui fonctionnent a permis l’explosion d’un rap français beaucoup plus diversifié, libéré des contraintes qui avaient jusqu’alors limité ses ambitions et condamné ses artistes les plus audacieux et audacieuses à ne connaitre qu’un succès d’estime.

L’arrivée des influencers comme outil marketing vient perturber le paradigme mis en place par le streaming parce que leur position de leader d’opinion, similaire à celle qu’occupait la radio auparavant, les place directement entre l’artiste et son public. Moyen privilégié d’atteindre une jeunesse avide de découvertes musicales, bientôt chainon obligatoire de promotion de la musique rap ? Car la scène internet et le rap partagent une similarité : ils appartiennent aux jeunes. Leurs acteurs et actrices le sont, leurs publics également et les rappeur.euse.s ont depuis toujours affiché leur volonté de s’adresser en priorité aux nouvelles générations. Commençant souvent très tôt leur carrière, ces artistes parlent ainsi à ceux et celles qui leur ressemblent et qui peuvent les comprendre. D’ailleurs, les Wejdene et autres RK rencontrant le succès avant leur 18e anniversaires sont, sans pour autant devenir la norme, loin d’être des exceptions et font parfois figure de retardataires face aux kids du rap game américain.

Une musique faite par des jeunes, pour les jeunes donc. Et il en va de même pour les stars des réseaux sociaux et leur public. Pour une certaine génération, ayant grandi dans les années 2000/2010, le rapprochement semble donc se faire instinctivement. Un passage dans Le QG de Jimmy Labeeu et Guillaume Pley équivaut à un passage dans Taratata, avoir Inoxtag dans son clip amène plus de vues que le caméo d’une célébrité plus traditionnelle. Si la connexion est naturelle et que les stars des deux scènes peuvent se donner des coups de mains, tant mieux. Que tout le monde mange tant qu’il y a à manger. Les risques de formatage viennent de la pré-sélection nécessaire pour correspondre aux critères des plateformes dont les célébrités-internet dépendent.

Car les stars des réseaux sociaux ne sont pas libres de leur contenu. Si ces plateformes offrent à première vue une liberté totale de création, la professionnalisation de leurs acteurs et actrices impose des contraintes strictes sur ce qui peut être diffusé. Le modèle publicitaire qui les régit pousse les compagnies privées qui possèdent lesdites plateformes, et dont les objectifs sont purement pécuniaires, à mettre en place des règles les plus familiales possible. Sur YouTube, la simple utilisation de langage grossier, de référence à de la violence, à de la drogue ou au moindre sujet controversé peut entraîner la démonétisation d’un contenu ou pire : interdire son visionnage aux moins de 18 ans. De plus, la mise en avant de certains contenus par les plateformes dépend grandement des formats proposés et de l’engagement créé avec le public.

La recette n’est pas secrète, le fonctionnement de l’algorithme de TikTok est public et nombre de sites vous expliquent comment en tirer parti : une vidéo sera plus mise en avant si elle est consommée jusqu’au bout et engage son public, à travers les commentaires, likes et partages. Pour s’assurer de la viralité d’un morceau et en faire idéalement la promotion sur la plateforme, celui-ci doit être formaté pour inclure un passage d’environ 15 secondes au rythme entrainant, si possible avec un drop, et aux paroles pouvant être prises hors de contexte pour créer un challenge, un meme ou une danse qui boostera sa viralité, tout en étant le moins vulgaire possible (une version censurée fera l’affaire) pour pouvoir toucher la très jeune audience du réseau social. Engager quelques influencers pour lancer l’opération est également monnaie courante.

Afin d’attirer les annonceurs sur leur site, ainsi que pour s’assurer le maintien de leur audience, particulièrement jeune, les différentes plateformes se doivent de « punir » les créateurs et créatrices qui pourraient leur apposer une image un tant soit peu différente. Pour les influencers, dont le revenu dépend directement des publicités (mises en place par le site ou au moyen de placements de produit), le respect de ces règles est vital. Et c’est là que le bât blesse : comment est-ce qu’une culture comme le rap, qui a depuis toujours fait de la subversion une partie de son ADN et qui a finalement acquis le droit à une liberté artistique commercialement rentable peut-elle préserver son intégrité une fois soumise à de telles contraintes ?

À Paris, c’est comme aux States…

Les effets de cette nouvelle stratégie marketing se font déjà ressentir outre-Atlantique. « Toosie Slide » de Drake par exemple a été pensé pour devenir viral sur TikTok. La danse qui accompagne le morceau, d’ailleurs nommé d’après l’influencer qui l’a créée, est simple à reproduire, les paroles dénuées de tout langage vulgaire. Le clip qui accompagne le son montre un Drake confiné dans son luxeux manoir, performant une chorégraphie enfantine tout en étant affublé d’une cagoule rappelant les drilleurs londoniens. Si une partie des paroles évoque une danse « on some street shit » et les « opps » de Drake, le rappeur canadien y multiplie aussi les références à Michael Jackson et y raconte jouer à « elle m’aime, un peu, beaucoup… » avec une rose. L’ensemble de l’œuvre est schizophrène, zigzagant entre l’intention manifeste d’être le plus grand public possible, à commencer par la danse enfantine, et l’esthétique vaguement « gangster » entretenue dans la vidéo et les paroles. Les aspérités du rap qui rendent cette culture intéressante ne sont ici plus qu’un cache-misère, l’ensemble sonne terriblement faux et semble formaté pour les réseaux sociaux.

Ce n’est pas la première fois que Drake flirte avec cette stratégie. « Hotline Bling » a explosé grâce aux memes tirés du clip. De façon déjà moins organique, le Canadien et son équipe ont choisi d’exploiter « In My Feelings » comme single uniquement après que le morceau ait donné naissance à un challenge viral, porté par l’influencer Instagram Shiggy. Comme si Drake avait petit à petit perfectionné ses techniques de marketing sur les réseaux pour aboutir à un « Toosie Slide » sorti parfaitement lisse et aseptisé d’un laboratoire.

D’autres artistes s’y sont essayé : le clip de « Wrong » de The Kid LAROI avec Lil Mosey en invité, est réalisé par le YouTuber Logan Paul. Ce dernier est un mastodonte sur la plateforme de partage de vidéo où sa chaîne comptabilise plus de 22 millions d’abonnés. Le poids marketing de son nom est colossal. Par exemple, son combat contre Floyd Mayweather, le plus grand boxeur de tous les temps, a dépassé le million de visionnage en pay-per-view malgré l’évidente différence de niveau entre les deux adversaires et la, prévisible, piètre performance qui en a découlé. Si le morceau mis en image s’inscrit de façon assez logique dans la discographie de l’Australien, laissant penser que cette étape n’a pas subi de calibrage, le clip est une succession de lieux communs faussement « edgy » : LAROI et Mosey font la fête dans un lycée américain, tiré du plus cliché des teen movies. Pour compléter le tableau de cette mauvaise reprise des codes d’American Pie, l’Australien de 17 ans tente de séduire la pornstar Lana Rhoades, grimée en bibliothécaire sexy. L’ensemble donne une terrible sensation de vide, d’artificiel. Rien ne marche, rien n’est intéressant. Comme si on avait demandé à un cinquantenaire en costard de fournir une liste de « ce qui fait fantasmer les ados ». Mais oui, commercialement c’est un succès. La vidéo est l’une des plus vues de la chaîne de l’artiste, devancée seulement par ses hits « Without You » et « Go ».

Si cette stratégie fait de ces œuvres de puissantes machines marketing, il est difficile de ne pas remarquer leur aspects prémâchées et prévisibles. D’autant plus que le succès beaucoup plus organique que certain.e.s – Megan Thee Stallion et ses innombrables hits TikTok en tête – rencontrent sur les réseaux sociaux prouve que la démarche n’est pas obligatoire. Et surtout, est-ce vraiment quelque chose que nous voulons transposer dans le rap français ?

… mais enlève au moins dix ans

A priori, il n’en est pas encore là. SEB semble d’ailleurs lucide quant à la position des stars du web qui se mettent au rap : « N’importe quel influencer qui fait de la musique, s’il respecte la culture, il a intérêt à venir avec une certaine humilité […] Moi je fais des sons, mais les gens qui aiment vraiment le rap ils s’en battent les couilles et c’est normal. » Pour lui, les deux scènes n’entrent même pas vraiment en collision : « Je pense que les YouTubers et les influencers ne prennent la place de personne. Ils prennent peut-être de la visibilité de partout mais ils prennent la place de personne et la légitimité de personne dans le rap […] Il y a une case qui est en train de se créer, et on sera là, ça sera un peu les rigolos sans être du Fatal Bazooka. »

Les deux scènes ne se sont donc pas aussi publiquement liées qu’aux États-Unis où les collaborations se multiplient, notamment autour de la tentaculaire organisation qu’est FaZe Clan. Cependant des tentatives de cross-over existent depuis l’émergence des influencers aux débuts des années 2010. On se souvient de Norman et Hugo dans le clip « En soum-soum » d’Alpha Wann et Nekfeu. Ce dernier qui récidive d’ailleurs avec l’apparition remarquée de Mister V dans le clip « On verra », une chanson presque unanimement reconnue comme la plus consensuelle du rappeur. Finalement, citons le titre « Abuzeur » de Disiz La Peste dont toute la promotion a reposée sur la présence de YouTubers dans son clip. Toutes ces vidéos se classent parmi les plus vues des chaine YouTube de leurs auteurs respectifs.

Dans l’autre sens, les crossovers en France semblent encore naturels et les rappeurs et rappeuses qui utilisent ses canaux sont souvent déjà catégorisé.e.s comme « gentil.le.s ». Ainsi, quand Big Flo et Oli se rendent sur la chaine de McFly et Carlito pour faire la promotion de leur dernier album, ça ne choque personne de même que les multiples apparitions de Wejdene aux côtés de Michou ou de Just Riadh ne font qu’alimenter la passion des fans pour une artiste dont l’émergence est intrinsèquement liée à TikTok. Les choses changent cependant petit à petit et alors que l’organisation Webedia, qui chapeaute la plupart des gros influencers français, souhaite entamer un virage « urbain », les frontières entres les scènes se brouillent. Tandis que ses talents web continuent de s’aventurer dans le rap, le géant de l’internet a déjà signé plusieurs rappeurs pour la production de contenus dit gaming.

Et d’ailleurs, les tentatives marketing sont déjà là : pour en revenir à nos influencers-rappeurs, illustrant succès inhabituel que rencontrent ceux-ci en France, le morceau « Dans le club » de Michou a longtemps traîné dans le top 40 des sons les plus utilisés sur TikTok. La formule est la même que décrite précédemment : un clip et des paroles inspirés des codes du rap, un refrain qui décrit une chorégraphie basique sur une mélodie entrainante et une terrible sensation de préfabriqué quand on s’arrête sur l’ensemble.

En parallèle, d’autres artistes, plus mainstream, s’y essayent. Black M, par exemple, a proposé en exclusivité son single « Cesar », en featuring avec Gims, sur TikTok. Le son est visiblement pensé pour fonctionner sur le réseau social : l’extrait partagé est calibré pour devenir viral sur la plateforme et encourage les utilisateurs à « bouger le cou à la mode de chez nous » puis, après un drop, à « bouger comme Cesar », peu importe ce que cela signifie. En plus d’être assez peu inspiré, c’est le morceau qui semble être né de la campagne publicitaire et non l’inverse. Sur son compte, Black M demande à ses abonné.e.s d’inventer un challenge pour accompagner le morceau puisqu’il avoue lui-même ne pas avoir d’idée. « C’est inévitable qu’il y ait un formatage », explique SEB. « Est-ce que c’est une mauvaise chose ? Moi je vois que de la comm’. On ne parle pas de musique, on parle de comm’ quand on parle de ça. » Et c’est vrai que l’ensemble transparait comme une gigantesque opération marketing, le mercantile primant sur l’artistique.

Il ne fait aucun doute que la tentation de transformer les utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux en outils promotionnels est grande. Les coûts sont limités et le résultat peut être gargantuesque. Booba lui-même, pourtant si critique, est récemment passé chez les TikTokers de la French House à l’occasion de la promo de son album Ultra. Mais s’il se trompe peut-être dans ses cibles, Mister V ayant prouvé maintes et maintes fois son amour du rap, son tweet incendiaire met le doigt sur un réel danger. Celui d’un formatage de cette musique par et pour un internet cloisonné. L’entrée en scène des influencers et de leur audience particulièrement jeune, à une époque où le rap est la musique à la mode, ouvre la porte à la production massive de tubes ennuyeux, calibrés pour cette nouvelle forme de diffusion alors même que les récents succès commerciaux d’artistes au profil plus atypique les un.e.s que les autres laissaient finalement apercevoir la fin progressive des limites artistiques imposées depuis trop longtemps à cette musique. Là où le streaming avait libéré la création, les algorithmes des réseaux sociaux risquent de recréer un carcan similaire à celui des grosses radios. Espérons que le rap finira par réussir à s’en affranchir, parce qu’il est plus qu’une esthétique, plus que l’habillage d’œuvres aux allures de coquilles vides.

Incontournable depuis presque deux ans sur les ondes et les réseaux sans nécessairement l’être dans les médias, Joé Dwèt Filé est un artiste avec un grand A. Musicien ayant fait ses classes sur des bancs d’églises évangélique, l’homme se défini avant tout comme un artiste puis comme un producteur. Passé par le rap pour finalement embrasser ses origines haïtiennes, Joé dresse un constat limpide et pragmatique de sa musique et par extension de sa vie.

La communauté afro-caraïbénne a toujours mis un point d’honneur à supporter assidument ses artistes de showcases en concerts. À tel point que certains sont même parvenus à bâtir une carrière pérenne et honorable sans pour autant avoir bénéficié de toute la force de frappe que permettent les maisons de disques. Mais en dépit de ce soutien sans faille, et de chiffres plus que défendables, ils ont longtemps été mis au ban des charts. Et puis, comme s’ils se réveillaient enfin et découvraient cette mine d’or, les labels se sont engouffrés dans la brèche ne pouvant nier le plébiscite d’une audience urbaine biberonnée aux musiques ultra marines, les anciens DOM-TOM.

« Tu ne m’aimes pas moi, tu aimes ma musique ! » Joé Dwèt Filé maitrise les formules gagnantes qui vous rentrent dans le cerveau jusqu’à saturation. L’artiste retrace une carrière en deux temps – un tempo dont il a l’habitude – et se félicite de voir ce style musical – qu’il infuse dans bon nombre de ses titres, de ses débuts jusque dans son dernier album Calypso, sorti le 4 juin dernier – résonner sur des disques à succès. De Dadju à Fally Ipupa en passant par Vegedream ou encore Naza, qui l’ont tous sollicités pour ses productions voluptueuses ou son timbre de miel, Joé Dwèt Filé a su se rendre incontournable dans le paysage « urbain » français.

Photos : @samirlebabtou

À l’aube d’une carrière solo, Tiakola se raconte à travers les témoignages des artistes avec lesquels il a collaboré.

Dans une industrie qui comprend parfois mieux les chiffres que la musique, en voici un qui dit beaucoup de Tiakola : 1 384 954 auditeurs mensuels sur sa page artiste Spotify au 19 mai 2021. C’est plus que sur celle de son groupe 4keus, mais c’est surtout beaucoup pour un artiste qui n’a, pour l’heure, balancé qu’un seul titre solo, « Sombre mélodie », sorti il y a déjà deux ans de ça sur la compile CRCLR Mouvement.

La discographie naissante du phénomène de La Courneuve a cela de paradoxal : elle est aussi maigre qu’elle est bien remplie. En s’invitant sur les morceaux de Dadju, Franglish ou Gazo – pour ne citer qu’eux -, Tiakola a, au cours des derniers mois, inscrit son nom sur pas mal de succès qu’il a porté à la force de ses mélodies chaloupées et de ses gimmicks mémorables. Il est le facteur feat : celui dont on fait sonner le téléphone quand il faut transformer un bon single en hit imparable. Ce qui fait déjà peser sur lui certaines attentes, hautes comme le potentiel qu’on lui prête, à l’heure où se profile devant lui une carrière en solitaire.

Depuis ses débuts fracassants – dans tous les sens du terme – au sein de 4keus, Tiakola est une étoile qui brille plus que les autres. Il y a d’abord ce sourire, cette gueule d’ange, cette énergie radiante qui semblent le prédisposer aux sommets – tel un MHD en 2015. Et puis il y a ce « pouvoir », tel qu’il l’évoquait sur « Paris la nuit » : un flow chantonné, agile et élastique, qui l’a amené à s’auto-proclamer « La mélo ».

Foulard Dior, Veste Louis Gabriel Nouchi,
Haut Vlone, Pantalon Louis Gabriel Nouchi

Ce don, le prodige d’origine congolaise présume l’avoir hérité de ses heures passées à chanter à l’Église, avec sa mère et ses tantes. Mais c’est bel et bien dans le cocon de son groupe qu’il a identifié puis dompté, sur conseil de ses frères d’armes : « Je me suis beaucoup cherché, ils m’ont beaucoup aidé à me trouver. Parce que j’ai remarqué que quand je rappais, ça sonnait comme tout le monde. Et la première fois que j’ai mis de l’Auto-Tune sur ma voix, HK et Bné m’ont dit de continuer avec ça. »

« O’KCLH », « Kassav », « Mignon garçon », « Biberon », « M.D » : autant de tubes qui promettent, autant de promesses que Tiakola devra confirmer par lui-même. Briller sur le terrain des autres, c’est une chose, être capable de définir son propre terrain, c’en est un autre. Alors le talent de 21 ans prend son temps pour arriver avec « la bonne frappe », celle qui balayera l’hypothèse qu’il puisse n’être qu’un homme de featuring. Le premier extrait d’un album solo à venir arrivera dès juin, pour donner un aperçu du véritable univers de Tiakola.

Mais pour l’heure, Tiakola reste reconnu comme étant maître dans l’art de la collaboration. Alors peut-être que ce sont ceux avec qui il a collaboré sont les plus à-mêmes de nous raconter l’homme et l’artiste, pour l’avoir cotoyé dans son élément. De sa personnalité à son potentiel, en passant par quelques anecdotes sur les hits auxquels il a contribué, Niska, Alonzo, Prototype, Gazo ou encore l’anglaise Darkoo – connue au UK pour son banger « Gangsta » – ont évoqué avec nous le Tiako qu’ils connaissent, en attendant que ce dernier se dévoile de lui-même au public rap français.

Haut Daily Paper, Bas Daily Paper, Chaussures Nike

Alonzo, « Ami ou ennemi »

Ca faisait très longtemps déjà que je voulais faire un feat avec Tiakola. J’avais déjà fait un morceau avec son groupe sur la réédition de leur album [sur le titre « C’est la vie », ndlr], et depuis, vu que j’étais en train de bosser sur Capo Dei Capi Vol. II & III, j’attendais la bonne instru pour lui proposer. Quand j’ai écouté celle de « Ami ou ennemi », je ne me suis pas privé de commencer le son, puis je lui ai envoyé. Il a commencé à le bosser de son côté, mais on s’est vite rendu compte qu’on avait besoin d’être ensemble donc il a fini par descendre sur Marseille. Je pense que c’est un morceau qui nous ressemble beaucoup, et je suis d’ailleurs très content des retours vu qu’il fait partie des morceaux qui streament le plus.

Est-ce qu’il est de la trempe des anciennes têtes de Wati-B ? Ça me paraît encore tôt pour le dire. C’est comme on m’avait demandé, à l’époque des Psy4 de la rime, si un mec comme Soprano avait le potentiel pour remplir des stades comme il le fait si bien aujourd’hui. La seule certitude que j’ai concernant Tiakola, c’est que c’est un artiste avec énormément de talent, dont l’album est – je pense – très attendu. Et un premier album, c’est important dans une carrière. Donc il a besoin de concentration, mais aussi de spontanéité parce qu’il est jeune et que c’est cette génération qui va donner le ton du game pour les années à venir. J’ai énormément confiance en lui.

Chemise Louis Gabriel Nouchi, Pull sans manches Louis Gabriel Nouchi,
Bas Walk in Paris, Chaussures Nike

Il y a certains artistes qui ont des larmes dans la voix, Tiakola, c’est l’inverse : il a un sourire dans la voix. Et j’ai tendance à considérer que le plus important chez un artiste, c’est sa voix. Ça l’est d’autant plus chez un artiste comme Tiakola qui fait beaucoup de mélodies, mais même chez un rappeur qui kicke, la voix est primordiale. Pour moi, c’est ce qui résonne autant dans la musique de Tiako : il a un sourire dans sa voix qui ne laisse que très peu de gens indifférent.

Comme moi, Tiakola fait partie d’un groupe. Et quand tu es dans un groupe, tu apprends très vite à partager, à tout donner sur un seul couplet. Et quand tu passes en solo, il faut redoubler d’effort : il s’agit de construire des morceaux tout seul, de faire ses propres refrains, de raconter des histoires, etc. Donc je pense que la transition va se jouer en studio. Les heures de studio vont permettre à Tiakola de mieux se connaître et quand il aura trouvé son rythme, sa vitesse de croisière, il va pouvoir enchainer des performances solo qui vont donner petit à petit un album. Et peu importe la réception du public, il faudra poursuivre cet effort. Il y a des gens qui réussissent du premier coup, d’autres qui ont besoin de deux albums pour réussir – on a pu le voir avec moi et Sopra. Mais avec le studio et l’entraînement, la transition devrait bien se passer.

Une anecdote sur notre morceau ? Comme on le sait, Tiako est le roi de la mélo, c’est comme ça qu’on l’appelle. Et sur notre morceau, c’est lui qui fait le pré-refrain. Quand il a trouvé la mélodie de ce pré-refrain, il était en train de fredonner mais il ne voulait pas mettre de mots dessus. Il m’a dit : « Fais-moi confiance ! Regarde : dans le refrain qu’on a fait avec Dadju, il n’y a pas de mots. C’est comme ça. » Il voulait que ce soit juste une topline sans paroles. Mais ça me paraissait fou, je n’étais pas encore sur sa planète. Donc j’ai fini par le persuader d’écrire et on a trouvé cette phrase simple : « Mon ami, j’ai pas les mots. »

Chemise Daily Paper, Bas Diesel, Lunettes Ventura Magic

Prototype, « Bob Marley »

Tiakola et moi, on se connaît depuis petit. Depuis petit, à chaque vacances, il venait à la cité parce qu’il a un cousin qui habite vers chez moi. Ça fait que c’est quelqu’un avec qui j’ai beaucoup d’affinités, que ce soit humainement ou artistiquement. Déjà on est tous les deux congolais, donc on a la mélo dans le sang. [rires] Ensuite on a les mêmes délires, on est de la même génération, on écoute à peu près la même musique donc on se capte très facilement. Tout est très naturel quand tu bosses avec lui, il n’y a rien de forcé. D’autant qu’il est grave ouvert, ce n’est pas le genre de personne qui reste dans son coin. À chaque morceau, on réfléchit ensemble, on écrit ensemble… Et on rigole ensemble, avant même de parler de musique. C’est vraiment une fusion.

Quant à « Bob Marley », déjà il faut savoir que, de base, c’était un autre de nos sons qui devait se retrouver sur mon projet. Puis un jour, comme ça, Tiakola m’appelle. Il avait envie de sortir, juste comme ça, sans raison, donc on est allés en studio. C’est souvent comme ça avec lui : quand il galère, il fait du son. Une fois là-bas, on commence à écouter des instrus, et la première nous tape dans le crâne. On l’a joué en boucle, puis la topline du refrain nous est venue. Lui commence à fredonner, j’enchaîne direct derrière, et dans la foulée on enregistre ce refrain – juste pour nous, comme ça. Après quoi on quitte le studio, on part faire écouter ça à nos producteurs… Et ils étaient comme des oufs. C’est limite si ils nous on pas tiré par les cheveux, en mode : « Retournez au studio et finissez ce son. » Et c’est ce qu’on a fait. Quand on a fini, on s’est regardés dans les yeux, et c’était déjà clair pour nous qu’il fallait faire sauter l’autre son et mettre celui-ci à la place.

Il y a certains artistes qui ont des larmes dans la voix, Tiakola, c’est l’inverse : il a un sourire dans la voix.

Alonzo
Pull Polo Ralph Lauren, Bas Louis Gabriel Nouchi,
Chaussures Nike, Chaussettes Fred Perry

Darkoo, « Cinderella »

Je crois avoir entendu parler de 4keus pour la première fois en 2018, quand ils ont sorti le son « Mignon Garçon ». J’avais une amie qui était congolaise qui écoutait beaucoup ce morceau, et c’est elle qui me les avait fait découvrir. À partir de là, j’ai commencé à beaucoup écouter 4keus. C’était en 2018, donc un peu avant que ma carrière ne décolle. Par la suite, quand mon premier son a pété, j’ai relevé que beaucoup de français écoutaient ma musique. Et comme de mon côté, j’écoutais beaucoup 4keus, je me disais que si je devais collaborer avec un artiste français, ce serait avec eux.

Quand j’ai voulu établir la connexion avec les gars, c’est Tiakola que j’ai DM et il était directement partant pour ce feat. Je kiffe particulièrement ce qu’il fait parce qu’on opère plus ou moins dans le même registre, à savoir les mélodies, les flows un peu chantonnés, etc. Pour moi, c’est ce qui rend sa musique accessible même pour les auditeurs étrangers. Je ne parle pas français mais la manière dont il chante fait que ca reste très catchy que tu comprennes la langue ou non. Tout est dans la mélo. Je pense que Tiakola est conscient que c’est une star. Il a une palette large qui lui permet de briller sur les morceaux des autres, mais aussi sur ses propres morceaux – qui sont déjà presque des featurings avec lui-même. Je l’imagine totalement percer même au-delà de la France, à l’international.

Chemise Jacquemus, Bas Louis Gabriel Nouchi

Une anecdote sur « Cinderella » ? On était parti tourner une moitié du clip en France, et je me rappelle que les gars étaient arrivés hyper en retard, genre une heure avant la fin du tournage. On a du shooter le clip en à peine 45 minutes mais pendant les 45 minutes où ils étaient tous là, c’était vraiment beaucoup de bonnes vibes. Donc c’était à la fois un bon et un mauvais souvenir. [rires] Tiakola et moi sommes restés en contact depuis. On se parle souvent en DM, même parfois en live sur Instagram. Et ce qui est marrant, c’est que malgré le fait que je ne parle pas français, ni lui anglais, on trouve toujours un moyen de communiquer. Des fois je me surprends à passer tout ce que je veux lui dire par Google Traduction avant de lui envoyer par message. [rires] Une chose est sûre : on sera amené à collaborer de nouveau ensemble à l’avenir.

Gazo, « Kassav »

À une période, Tiakola et moi posions dans le même studio, par l’intermédiaire d’un ancien [MG Records, ndlr] qui s’occupait d’eux et qui venait du même quartier que moi. On donnait tous les deux de la force à cet ancien, ce qui fait qu’on se croisait beaucoup dans ce même studio. Ça fait qu’on voyait leurs exploits, ils voyaient les nôtres, donc la connexion s’est fait naturellement et ça a donné un premier morceau, quelques années avant « Kassav ». À cette époque, on sentait déjà un petit potentiel, il arrivait déjà à se démarquer des autres par la mélodie, sa façon de faire. 4keus avait déjà un petit succès, donc je me disais que si il continuait comme ça, ça pouvait aller loin.

Chemise Prada

Je ne suis pas un gars qui écoute ce que les gens disent. Au contraire, j’aime plutôt aller à l’encontre de ce qu’ils attendent de moi. Avec Tiakola, on avait un bon feeling, c’est quelqu’un que j’apprécie et même si lui est plus dans la mélodie alors que de mon côté, effectivement, c’est un style plus « brut », mais dans ma tête, j’étais déjà convaincu que ça allait donner un bon mélange – et lui aussi, je pense. Et jusqu’à preuve du contraire, on ne s’est pas trompés. Après, je ne vais pas mentir : je n’avais pas imaginé que « Kassav » deviendrait un tel hit. Mais en sortant du studio, je savais au moins qu’on tenait un gros son.

Il faut pas oublier que Tiakola vient d’une ville, d’un milieu que tout le monde connaît [La cité des 4000 à La Courneuve, ndlr]. C’est la rue. Ça veut dire que même s’il ne va pas le laisser paraître à travers ses mélodies, il connaît cette réalité – et tu l’entends quand tu fais un peu attention à ce qu’il dit dans ses morceaux. Je le vois un peu comme les petits chanteurs américains : ils arrivent, ils chantent donc tu crois que ce sont des belles paroles, mais quand tu traduis, tu réalises ce qu’ils te racontent vraiment. Il n’y a que la mélodie qui va te faire croire autre chose.

Tiakola, c’est la rue. Même s’il ne le laisse pas transparaître à travers ses mélodies, il connaît cette réalité.

Gazo

Niska, « M.D »

Tiakola m’avait contacté à une période où je bossais sur mon projet. Du coup, il fallait qu’on fasse un truc assez rapide, efficace, alors les gars de 4keus se sont mis d’accord pour en envoyer un du groupe faire ce titre, et c’est lui qui a été choisi. De base, c’était déjà celui avec qui j’échangeais le plus sur Internet donc ça faisait sens. 

Si je n’avais pas senti que « M.D » pouvait être un hit, je ne l’aurais pas sorti. Clairement. La musicalité de ce morceau est très forte, on a pas mal bataillé au studio pour réussir à trouver la bonne alchimie et je me souviens que, quand j’ai entendu le morceau à la fin de la session. j’aimais beaucoup comment il sonnait. C’était assez original, assez afro, puis il y avait une puissance dans le morceau qui m’a fait dire que c’était la cartouche qu’il fallait sortir. Et je pense que je me suis pas trompé.

Chemise Louis Gabriel Nouchi, Pull sans manches Louis Gabriel Nouchi,
Bas Walk in Paris, Chaussures Nike

Si je devais comparer la trajectoire de Tiakola à celle de quelqu’un d’autre, peu importe le domaine, je te dirais que c’est un Mbappé. C’est comme ca que je le vois : il est jeune, très talentueux et surtout très complet. Musicalement parlant, il sait à peu près tout faire et quand je regarde ses clips, je trouve qu’il dégage déjà quelque chose de fort à l’image. Donc je lui souhaite de prendre ma route et d’aller plus loin encore. Il en a les capacités.

Une anecdote sur « M.D » ? C’est un morceau qu’on a dû faire à l’étranger et qu’on a galéré à faire. De base, Tiakola était venu me rejoindre au Maroc pour deux-trois jours, durant lesquels on a enregistré deux premiers titres qui étaient bons, mais lui comme moi savions que ce n’était pas ceux-là. On savait qu’on voulait un truc fort. Après ces deux jours, il était censé rentrer mais je me suis dit que je ne pouvais pas le laisser partir comme ça : il était venu jusqu’au Maroc pour des morceaux dont on n’était même pas à 100% satisfaits. Donc il a fini par prolonger son séjour pour un jour de plus, et c’est justement ce jour-là qu’on a réussi à créer le morceau « M.D ». C’est la preuve que le travail paie.

Remerciements : Streamshop, Afterdrop, La Maison Du Lunetier.

Artiste incontournable du continent africain, Fally Ipupa s’impose progressivement dans la nouvelle musique populaire française. Quelques mois après la sortie de Tokooos 2, son sixième album, nous avons eu l’honneur de revenir avec lui sur sa carrière, et ses liens entre le Congo, la France, et les autres continents.

Photos : @samirlebabtou

Loin de se révéler d’emblée, Fally Ipupa se cache, insaisissable. Derrière ses lunettes noires, il ne laisse rien transparaître. Nous le rencontrons aujourd’hui pour la première fois. Celui qu’on appelle « aigle » compte plus de vingt ans de carrière. 

Après quelques minutes de conversation, la glace se brise d’elle-même et son regard, quoiqu’imperceptible, s’anime. On découvre alors, loin de tous les artifices et autres remparts artistiques, quelqu’un de véritablement sensible. Un amoureux des mélodies, des mots, de l’effervescence, et de la musique. Un amoureux, tout simplement. 

Depuis plusieurs décennies, Fally est déjà une superstar au Congo et en Afrique. Ses premiers succès, il les connaît en 1999 au sein du groupe Quartier Latin. C’est cette formation, créée par Koffi Olomidé – superstar lui aussi et de vingt-et-un ans son ainé –, qui le voit naître. Là-bas, il se démarque grâce à la rumba, musique et emblème de la culture congolaise. Elle permet à Fally de briller et de s’émanciper. Véritable étoile montante de la scène congolaise, il emporte avec lui toute une partie de la jeunesse et de la diaspora africaine. En 2006, alors qu’il n’en est qu’à son premier album, Droit Chemin, son plan est déjà rodé. Comme l’indique son titre, il sait où il va. Il veut moderniser et structurer la musique congolaise, grâce à un savant mélange de rumba, ndombolo et R&B.

Plus de dix ans après, au regard des accomplissements de l’Empereur 4K, le pari est réussi : six albums studios, un Bercy complet en février 2020, des premières collaborations sur le sol américain, et une influence indéniable sur le rap français et ses courants dérivés. Aujourd’hui, il collectionne les featurings. Ninho, Dadju, Naza, MHD… à peu près tous se proclament de son héritage. Preuve que si les mélodies de Fally sont omniprésentes en Afrique, elles planent aussi sur le rap et le R&B français.

En un an, la carrière de Gazo a explosé. Le driller de Saint-Denis s’est imposé comme le porte-drapeau français d’un sous-genre qui floute encore un peu plus la frontière qui sépare le rap du réel. Pour un On The Corner exclusif, il nous ouvre des portes fermées, et se raconte.

Photos : @antoine_sarl

Octobre 2019. Gazo sort le visuel de « Drill FR 1 », et tout s’accélère. Celui qui rappe déjà depuis plusieurs années et que son entourage pousse à ne rien lâcher sent que le vent tourne. À l’aise sur un terrain de jeu qui correspond à ce qu’il est, à ce qu’il vit, aux sonorités qui le transcendent, il brûle les micros des studios parisiens d’une drill authentique, sombre, qui puise dans la noirceur de ce qui se fait au UK et dans le côté club de ce qui explose à New York. L’objectif : recracher toutes ses influences pour en faire une sauce estampillée Saint-Denis, ville cosmopolite pleine de paradoxes.

En France, personne n’est épargné. Et tout le rap sent que le diamant noir qu’est Gazo a quelque chose en plus, qu’il irradie d’une manière rare. Les demandes de featurings pleuvent : Jul, Maitre Gims, Kaaris, S.Pri Noir, Mister V, Django, Dosseh, Hamza… Et surtout, un track avec Freeze Corleone, « Drill FR 4 », qui sera synonyme de réelle détonation pour deux artistes passés depuis de l’ombre à la lumière noire. Sans le covid-19, tous les clubs de France auraient téma la taille d’la kichta.

Le 26 février, Gazo sort son premier projet, sobrement intitulé Drill FR, parce qu’on ne change pas une formule qui marche. Pour l’occasion, un an après que Maes nous ait ouvert les portes de Sevran, la première signature d’Epic Records France, BSB sur les épaules et Rolex sur le poignet, nous ramène aux origines de sa réussite.

De la côte Ouest à la côte Est, de 2Pac à Biggie, le photographe Chi Modu a shooté à partir des années 90′ tous ceux qui ont participé à la génèse de la culture hip-hop telle qu’on la connait aujourd’hui. Entretien avec l’homme derrière l’objectif en six rencontres de légende.

Aujourd’hui, Chi Modu a 54 ans. 54 années d’existence, plus d’une trentaine passées à photographier Tupac, Notorious B.I.G., Snoop Dogg, Diddy et tous les artistes qui ont construit ensemble ce que l’on considère aujourd’hui comme la culture hip-hop. Beaucoup de photographes sont emblématiques dans cette culture, de Jonathan Mannion à Carl Posey en passant, entre autres par Josh Cheuse. Mais Chi Modu, lui, comptabilise 33 couvertures de The Source, premier magazine spécialisé des Etats-Unis. Il en était le directeur de la photographie.

Ancienne gloire peut-être, mais Chi Modu n’appartient pas au passé. Depuis qu’il a créé sa marque UNCATEGORIZED en 2013, ce débrouillard n’a pas chômé. De New York à Lagos en passant par la Norvège, le photographe de légende enchaine les expositions à travers le monde. Mais il n’y a pas que dans les galeries que son talent se fait voir. En 2016, il publie le livre Tupac Shakur | UNCATEGORIZED qui regroupe des photos candides de Tupac prises par lui-même. Il réalise ensuite une collaboration textile avec le designer David Helwani à l’automne 2020, puis vend huit de ses photos aux enchères chez Sotheby’s pour plusieurs milliers de dollars à la fin de cette même année. Un peu plus de 20 ans après ses clichés iconiques de tous ceux qui ont participé à l’explosion de la culture hip-hop, Chi Modu suscite toujours autant d’intérêt.

Il revient avec nous sur le travail d’un photographe hip-hop dans les années 90, « the defining years of hip hop » comme il les appelle. Oh, et il nous a également concocté une sélection des clichés les plus marquants de ces années-là.

chi-modu

YARD : Quand le hip-hop a véritablement émergé dans la société comme une culture à part entière, tu étais là pour le documenter. Comment tu l’as vécu en tant que photographe ?

Chi Modu : Je vais être direct : c’était vachement fun. J’ai toujours senti que c’était une grosse responsabilité que de capturer les images du mouvement hip hop dans leur forme la plus pure possible, pour que les artistes soient immortalisés à jamais. Là, au moment où je te parle, je me rappelle par exemple devoir sortir Biggie du lit pour lui demander s’il était prêt pour le shooting que nous avions prévu. Je revois Snoop repasser ses jeans dans un appartement trois pièces de Venice Beach, histoire de se préparer pour le shooting de son premier album, Doggystyle. Je repense à Diddy, « Puffy » comme on l’appelait à l’époque, qui avait rendez-vous avec son partenaire D.O. pour des essayages en vue d’une couverture de The Source. Dans le temps, tout n’était pas autour des Rolls Royce et du fin spiritueux, Puffy avait une Golf semi-décapotable avec des petits trous dans le toit. Je te parle de ces histoires pour te faire un portrait de ce que c’était d’être photographe dans ces années-là, ces années où le hip hop était en train de se définir. Le début des années 90 en hip hop est vraiment une période à part, à l’écart de ce qu’il y avait avant et de ce que l’on écoute depuis. C’est propre à toutes les formes d’art musical : le rock avait Hendrix, Joplin, Morrison, les Beatles ; le jazz avait Miles, Coltrane, Monk ; le hip hop avait Tupac, Biggie, Nas, Snoop et les autres qui se sont démarqués pendant cette époque pour en faire une culture à part. J’avais la chance de pouvoir être là pour le documenter à une époque tournant entre le début de cette culture, quand elle n’était que pour la propagation d’un message via l’amour de la musique, et ce qu’elle allait devenir avec la montée du consumérisme. C’était vraiment une période unique à couvrir, d’autant plus que des mecs que je t’ai cité sont toujours actifs et restent les piliers de cette culture aujourd’hui, plus 20 ans après leurs débuts.

Puffy avait une Golf semi-décapotable avec des petits trous dans le toit.

33 couvertures de The Source. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu t’identifies ?

Je ne sais pas si cela montre autre chose que le fait que quand je décide de faire quelque chose, I go all in. La beauté du travail d’une couverture de magazine réside dans l’idée que c’est éditorial, c’est à dire qu’elle émane d’une vision, de concepts pensés par une équipe de créateurs. Ces concepts là doivent être évidents dans le résultat final. Tu n’as pas toujours la même synergie quand tu réalises un travail purement commercial, c’est moins créatif. Tu fais plus d’argent en faisant du travail commercial, à court terme, mais des images plus « éditoriales » que j’ai faites sont utilisées partout dans le monde et me rapportent de l’argent chaque mois depuis plus de 20 ans. J’ai fait aussi pas mal de cover d’albums. Le truc vraiment cool avec les jaquettes, c’est qu’une fois que l’album est sorti, l’image y reste attachée pour toujours. Je suis encore capable de dire aujourd’hui aux gens qui ont le premier album de Snoop Dogg de l’ouvrir, de lire les crédits et d’y trouver mon nom. Mon nom suit Snoop Dogg à travers sa carrière, et ça c’est plutôt cool.

Quel genre de relation avais-tu avec eux ? Etait-ce principalement professionnel ou bien certains d’entre eux te considèrent comme un ami aujourd’hui ?

Mes relations avec mes sujets sont toujours centrées autour d’une forme mutuelle de respect. La plupart des artistes que j’ai photographiés étaient au sommet de leur art. Je me devais également d’être au top pour saisir leur envergure à travers une photo. Ça pose les bases de nos relations parce qu’aucun des deux partis ne regarde l’autre de haut. Quand on travaille sur des images, c’est un partenariat qui requiert une vraie confiance, et nos récompenses communes sont les clichés finaux. Le processus peut être très rapide, en une après-midi, dans un studio, ou ça pourrait s’étaler sur plusieurs jours et s’exporter sur divers endroits. Il faut arriver à créer un lien entre le photographe et l’artiste. Donc oui, j’ai ce que j’aime considérer comme une relation amicale de travail avec mes sujets à l’exception de certains d’entre eux que je vois vraiment comme des amis. Tupac et Biggie étaient, par exemple, deux des artistes avec qui j’étais ami.

Qu’est-ce que tu as le plus apprécié au final dans ton travail ? Les rappeurs étaient-ils vraiment de telles sources d’inspiration ?

Le hip hop est un mouvement. Apporter des photographies dans un style photojournalistique à ce mouvement était un concept novateur, à l’époque, et on a pris cette responsabilité très au sérieux. D’être au milieu de ce phénomène, à un moment aussi important de son développement, et d’être capable de capturer les images de cette ère était un gigantesque honneur. Plusieurs artistes laissent leur héritage dans la musique qu’ils laissent derrière eux. Mes images de Tupac, pour beaucoup de personnes autour du monde, représentent la manière dont les gens se souviennent de lui. Tous les clichés d’un photographe ne sont pas iconiques, mais j’ai eu la chance de capturer un nombre important d’images des plus grands artistes hip hop qu’il soit.

Tupac et Biggie étaient deux des artistes avec qui j’étais ami.

Aujourd’hui, tu es plus que « le photographe aux 33 couvertures de The Source ». Tu voyages beaucoup et documente tes voyages, es-tu moins intéressé l’idée de photographier les acteurs du mouvement hip hop d’aujourd’hui ? C’est une question de personnalité, de décalage ?

J’ai toujours été un photographe documentariste. Je m’efforce de raconter des histoires visuellement avec mon appareil photo. C’est toujours avec cette approche que je travaille, que je sois dans les rues du Yemen ou le long d’une rivière au Cambodge. Quand je photographiais dans le hip hop, je voulais aussi être un documentariste. J’ai vu une importante révolution musicale émergée de la rue et je voulais être là pour l’accompagner d’images. Ce qui était vraiment génial au début des années 90, c’est que les gens qui bossaient autour de l’industrie de la musique étaient également fans de cette musique là. D’être dans ce milieu là et de le vivre de l’intérieur nous donnait l’énergie nécessaire, c’était notre carburant. Il n’y avait quasiment pas d’argent à cette époque. La passion seule suffisait à alimenter notre engagement et à nous faire faire du super boulot. Comme exemple, je peux te parler de cette histoire qui date de 93. Je devais faire des photos de Tupac pour sa première couverture de The Source. Je m’envole pour Atlanta avec mon directeur artistique, Chris Callaway. On amène près de sept valises d’appareils photos et d’équipements, avec des lumières et tout. Le jour d’après, Tupac arrive dans la salle de conférence de l’hôtel que nous avions réservé pour le shoot. Sans que je sache pourquoi, aucune de mes lumières ne marchaient. Tout le monde était en place, mais mon équipement m’avait lâché. Je savais que je devais dire à Tupac de revenir le lendemain et de me faire envoyer de nouvelles lumières dans la nuit, depuis New York. Je lui annonce la nouvelle, il sourit et me dit « No problem Chi, I’ll see you tomorrow ». Le lendemain, il arrive en avance. Après la session, il a invité toute mon équipe chez lui pour traîner. C’était ce genre d’homme, Tupac. Toujours un professionnel. Je ne suis pas sûr de pouvoir revivre ce genre de moment aujourd’hui. Certaines de mes plus belles images sont issues de ce genre de photo shoot tranquilles, simples.

Article initialement publié en 2015 sur SURL.

Snoop Dogg

« Cette photo a été prise avant la sortie du premier album de Snoop Dogg, Doggystyle. Je le shootais à Los Angeles pour la couverture d’un magazine et le courant est passé. Quand on a fini la session, il m’a juste dit que je serai le photographe de son premier album. Il a tenu sa promesse, and the rest is history. C’était aux alentours de South Central, à Los Angeles, vers 1993. »

Notorious B.I.G

« C’est rare d’avoir un portrait de Biggie sans lunettes de soleil, et là il regarde directement l’objectif. C’est une photo de 1996, prise à New York [gauche]. L’autre cliché [droite], je l’ai pris dans le côté New Jersey de Manhattan et non de Brooklyn, comme beaucoup le pensaient. Je voulais le représenter comme le king de New York en le mettant devant les deux immeubles qui représentaient NYC autant que lui. C’est dingue de penser que peu de temps après, ces deux symboles disparaîtraient. Après, j’aime beaucoup cette autre photo de BIG [en-dessous], jeune, devant son quartier de Bedford Stuyvesant, à Brooklyn. Avant les caisses, la popularité et les femmes, there was the block. »

Notorious BIG in Bedford Stuyvesant

Nas

« Nas avait 18 ans à l’époque. J’ai pris cette photo juste en dehors du Queensbridge projects, à New York. On venait de quitter une session d’enregistrement de la track « Half Time » pour la bande originale du film Zebrahead. Il n’avait pas encore sorti Illmatic mais les gens savaient déjà qu’il allait devenir quelqu’un sur qui l’on devrait compter. »

Gang Starr

« Guru et DJ Premier de Gang Starr, dans le métro new-yorkais. Ils sont venus dans les bureaux de The Source et je leur ai proposé d’aller dans le métro prendre quelques photos. Ils étaient d’accord et après quelques arrêts on a eu l’image qu’on voulait. C’est devenu la couverture du magazine. »

Tupac

« Tupac venait de se faire tatouer la croix que tu peux voir sur son dos au moment où j’ai pris la photo [gauche]. Il m’a autorisé à prendre une photo mais m’a demandé de la garder pour moi et de ne pas la publier dans le magazine. J’ai tenu ma promesse et ne l’ai jamais utilisée de son vivant. L’autre cliché [droite],  je l’ai pris lors du même photoshoot que la photo précédente, à Atlanta. C’est assurément l’une de mes photos de lui les plus populaires, mais c’est en réalité un outtake. Elle n’était pas prévue, c’était un moment spontané que j’ai réussi à saisir entre deux prises, donc ça me fait rire quand je pense que c’est une de mes photos que le public préfère. »

« Une de mes préférées de Tupac. C’est assez rare de voir des photos de Tupac en train de sourire, même s’il avait toujours le sourire aux lèvres. Je l’ai prise à Los Angeles neuf mois avant qu’il soit assassiné. »

Method Man

« Quand Method Man m’a demandé de réaliser la couverture de son premier album Tical, j’étais vachement heureux. C’était un honneur pour moi, d’une parce que j’étais un grand fan du Wu-Tang et aussi parce que je le considérais comme un ami. Beaucoup de gens aiment ce cliché, je suis assez content d’avoir pu le prendre. »

Pour faire du R&B depuis plus de dix ans, Monsieur Nov est à la fois acteur, pionnier et témoin de l’évolution poussive du genre en France. Un genre auquel il a juré amour et fidélité, que le succès soit là ou non. Entretien rare avec un convaincu.

Photos : @alextrèscool

La France l’a connu en 2008, avec « Trop Fresh ». Un titre soul, où Quốc Bảo – son vrai nom – fait la cour à une femme, à sa manière. Il impose sa patte et ce personnage du « chinois chauve », à la fois gauche et sympathique, à l’image du jeune homme de vingt-deux ans qu’il était.

De projets en EP, Monsieur Nov a su frayer son chemin et consolider sa carrière, avec Sans Dessus 2 Soul et Groove Therapy, qui lui permettent de s’octroyer la reconnaissance des amateurs français de R&B. Pilier de la discipline dans l’Hexagone, il arbore fièrement ses couleurs et ce fardeau : arrivé à la fin des années 2000, il n’a pas connu la consécration de ses pairs ni les grandes heures du genre en France. Monsieur Nov, c’est un peu un rendez-vous manqué, « un roi sans couronne » de cette époque-là.

Comme d’autres, il aurait pu sombrer dans les méandres de vieux clips nostalgiques et poussiéreux, ou au contraire changer drastiquement de cap musical. Mais notre crooner s’est accroché. Et plus que de la survie, c’est une passion : tant que l’inspiration est là, tout va bien, et son heure arrive, il le sent. Peut-être viendra t-elle avec Evo 3 or, son onzième projet, sorti le 25 septembre dernier en indépendant, à un moment où le R&B semble doucement reconquérir les coeurs du public français.

Au détour d’un long entretien avec ce témoin privilégié de l’évolution du R&B en France, on évoque les cas de Freeze Corleone ou Alpha Wann – avec qui il a d’ailleurs collaboré – : ces artistes jusqu’au-boutistes et droits dans leurs bottes qui ont conquis le public à l’usure, à force de travail et de constance. Après tout, Monsieur Nov c’est ça aussi. Un artiste droit, qui fait ce qu’il aime, et attend de voir « l’univers faire les choses ». Et si le temps lui donnait enfin raison ?

Avec son équipe, Din Records, il a placé Le Havre sur la carte du rap français. Médine est une figure importante de la scène, un artiste aux mutations régulières, pour l’amour de l’art et de la vérité. Après plus de 15 ans de métier, le rappeur continue de faire événement grâce à ses textes tranchants, reflets de ses préoccupations et de la vie qu’il mène. Pour YARD, l’Arabian Panther parle de Grand Médine, son 7e album, de rap, d’amour, des polémiques et du prix à payer pour continuer de tracer sa voie dans une société qui ne l’a jamais vu d’un bon oeil.

Photos : @aida_dahmani

On le retrouve à son point de chute parisien, où il a élu domicile le temps de parler de présenter Grand Médine aux médias. Médine débarque en famille. Le temps de se changer et de se glisser dans les habits du rappeur, qu’il n’a pas quittés depuis 2004 et son premier opus. Pour ce septième album, comme pour les précédents, la direction artistique est un poil différente du projet qui le précède, comme dictée par une volonté moins de déranger que d’apparaître comme l’homme complet qu’il est : un artiste, un citoyen, un père de famille.

Les maisons de disques, l’actualité politique, dont le traitement des personnes musulmanes en France et dans le monde… Médine continue d’utiliser son art pour porter la plume dans les (ses) plaies, sans négliger les fondamentaux du rap, comme l’egotrip et le storytelling conscient. Il oppose de plus en plus à cela une démarche plus intime, voire intimiste. Des Ouïghours à sa présence sur les réseaux sociaux avec sa famille, son regard sur le monde est toujours acéré, mais aussi plus apaisé. Des nuances et des subtilités que certain.e.s verront comme des contradictions, d’autres comme le chemin d’un homme qui n’en finit pas de se construire avec tout l’exigence et la légèreté que requiert celui qui se revendique volontiers autant rejeton de Booba que de Kery James.

Personnage omniprésent dans l’espace médiatique rap grâce à la création de sa plate-forme Guette l’ascension, Feuneu se positionne comme un protagoniste incontournable de ce jeu. Encore plus depuis qu’il a pris sous son aile la chanteuse Wejdene il y a quelques années. L’homme aux talents multiples a gouté à différents métiers avant de se rendre compte que le business et l’entrepreneuriat étaient sa destinée. Parfois mal compris, direct et entier, Feuneu se livre sans concessions.

Photos : @aida_dahmani

Un appel pour justifier son retard, une poigne de main vigoureuse et dans son sillage celle qui ne le quitte plus depuis ses débuts : Wejdene. Entre deux avions, Feuneu prend le temps de mettre les pendules à l’heure. Comme s’il devait justifier sa réussite, l’homme aux multiple casquettes se confie sans langue de bois, chose rare dans la profession. Dadou, de son vrai prénom, est un gars qui a été biberonné aux réseaux sociaux, maitrise ses jutsu et sait ce qu’il veut, ce qu’il fait et où il va.

« Pourquoi lui et pourquoi pas moi ? Ma mentalité se résumait à ça avant. » Le producteur l’assume mais fait de cette frustration un moteur intarissable : il charbonne et dissèque toutes les plateformes de média d’éco-système rap/r&b, analyse les stratégies et la communication d’autres artistes ou encore d’une de ses plus grandes références : Conor McGregor, le champion de MMA. Mais voilà, den France, il est mal vu d’avoir trop d’assurance ou d’être trop ambitieux. Une mentalité qu’il regrette. C’est pourquoi selon lui, il est la cible de critiques et de mauvaises langues sur les réseaux sociaux principalement. Son discours se tient, et un arrière goût de revanche anime chacune de ses actions même si l’on s’aperçoit assez clairement que cette situation lui pèse. Si ses épaules sont assez solides pour supporter l’opinion négative de ses détracteurs, Feuneu se montre surpris de ne pas jouir du soutien des gens qui lui ressemblent, ceux qui ont grandi avec lui ou ceux qui ont évolué dans les mêmes décors que lui.


Du côté du 13e arrondissement de Paris, à quelques mètres du métro Porte d’Ivry, un club est en train de prendre une place laissée bien trop longtemps vacante dans la capitale. Le basket professionnel parisien renait doucement — mais surement — de ses cendres et n’a besoin que d’une nouvelle étincelle pour briller plus fort. Spoiler : elle pourrait venir de deux gamins qui se donnent un an pour finir de séduire la NBA.

Un mercredi matin de septembre. D’ordinaire si agitée, la Halle Carpentier est comme endormie. Les tribunes sont repliées le long des murs, les vestiaires sont vides. Seul le terrain est toujours là, dans l’attente de la reprise de la saison. L’éclairage de la salle est concentré sur un parquet ciré dont la brillance est à peine marquée par quelques traces de semelle, témoins de chaussures qui glissent sur des changements de direction à faire plier les chevilles fragiles. Dans le rond central, on retrouve le logo bleu, noir et rouge du Paris Basketball, club qui, depuis un peu plus de deux ans, s’efforce de donner à Paname le projet basket qu’il mérite.

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Rapide retour en arrière : le 12 juillet 2018, David Kahn, ancien président des Minnesota Timberwolves et ancien directeur des Indiana Pacers en NBA, s’associe à Anne Hidalgo pour annoncer la création du Paris Basketball. Après la fin de l’ère Paris-Levallois (2007/2016), la capitale retrouve donc un club de basket professionnel qu’elle ne partage cette fois avec personne – et « Levallois c’est pas Paris » pour reprendre les mots de Jok’Air –, avec une volonté : en faire un grand de France et d’Europe. Depuis, le club du 13e arrondissement s’efforce de grandir et de se donner les moyens de ses ambitions. Côté terrain, l’équipe mise sur un mélange de joueurs d’expérience et de ballers de renom du Grand Paris, qui jouaient au très haut niveau et qui ont été attirés par le projet ; celui qu’on appelle « L’Amiral », Amara Sy (39 ans), légende du Quai 54 et vrai ambassadeur du basket parisien a rejoint le projet l’année dernière, fort de deux décennies d’expérience en championnat de France, suivi rapidement par l’International français Nobel Boungou-colo qui a joué aux quatre coins de l’Europe. Outre quelques Américains qui s’insèrent dans la rotation depuis deux saisons, l’effectif du club se démarque surtout par sa jeunesse : quatre des onze joueurs qui porteront le maillot du Paris Basketball la saison prochaine ont entre 18 et 20 ans.

La jeunesse, un élément clef de l’ADN du club de basket de Paris qui veut s’inscrire dans l’élan de la Ville lumière, qui veut se nourrir de son bouillonnement culturel et en devenir l’une des flammes. « Depuis sa création, le Paris Basketball s’est construit sur une énergie unique, un savant mix entre la culture NBA et l’âme du basket parisien dans la plus belle ville au monde, explique David Kahn. L’énergie de celles et ceux qui courent de playground en gymnase, des équipes jeunes aux associations, celles et ceux qui partagent la passion du basketball, sur les terrains et en dehors, celles et ceux qui nous accompagnent, à Carpentier et sur les réseaux. Cette énergie, c’est la raison d’être de ce club. » Au bord du parquet, quand la Halle Carpentier se remplit les soirs de match, l’énergie dont parle l’homme d’affaires américain se respire presque. Rien de surprenant quand on connait l’histoire de ce théâtre presque mythique du basket à Paris : « L’été, c’est tous les jeunes basketteurs de la région qui se réunissaient à Carpentier, se rappelle Arthur Oriol, président du Basket Paris 14, l’un des principaux clubs amateurs de France avec 700 licenciés. Quand ça ne jouait pas sur les terrains extérieurs, bondés en été et réputés pour leur niveau, c’est dans la halle même que ça jouait : pendant presque dix ans il y avait quatre ou cinq terrains qui étaient ouverts à tous pendant les vacances, tu pouvais venir avec ta team et un système de montée/descente était mis en place. Si tu finissais sur le premier terrain en fin d’après-midi, t’avais gagné ta journée. »

Tout un passif, toute une culture qui dépasse le sport même. Les soirs de match du Paris Basketball, quand ce n’est pas une fillette en hoverboard qui annonce les différents quarts-temps sur du Niska, que « WIN » de Jay Rock ne résonne pas dans l’enceinte à chaque victoire, ce sont des visages culturels forts qu’on croise en courtside, de 13 Block à Timal en pensant par Ohmondieusalva ou Jok’Air donc, pour ne citer qu’eux. Le dernier nommé s’est d’ailleurs pris d’amour pour le club au point de participer notamment au lancement du maillot de la saison dernière — pour cette nouvelle saison, c’est le phénomène drill Gazo qui s’en est chargé.

Ce mercredi de matin de septembre, Carpentier est donc affreusement silencieux par rapport au souvenir qu’on en a. Depuis la suspension de la saison 2019/2020 en avril en réponse à la situation sanitaire, les amateurs de basket et néo-fans du club prennent leur mal en patience. Le premier match à domicile de la saison 2020/2021 est prévu pour le samedi 24 octobre, et même si le covid-19 nous force à freiner toute forme d’enthousiasme, l’impatience est réelle. Elle se justifie en deux noms : Juhann Bégarin et Ismael Kamagate, deux gamins de 18 et 19 ans sur qui les franchises américaines ont des vues.

À l’aube d’une saison qui devrait leur permettre de prendre leur envol, les deux secrets les mieux gardés du basket à Paris nous ont rejoints sur le parquet qui sera bientôt pleinement le leur, pour qu’on comprenne qui ils sont vraiment.

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Si un jour il foule un parquet NBA, Ismael Kamagate aimerait entrer sur « Deux Deux », le featuring entre Kaaris et Bosh. « Je ne suis pas trop musique moi ! Mais quand je l’écoute, ça me donne envie de tout casser, ça me donne envie de proposer un tête à mon daron ! Mais je ne vais pas le faire, je ne suis pas fou. »

Un choix presque surprenant par rapport à ce que dégage Ismael, 19 ans, qui n’a pas l’habitude d’être questionné.

Quand on lui demande combien il mesure, Ismael nous dit ne pas savoir vraiment. « J’aurais dit 1 mètre 98 mais… Je ne sais pas. » D’un rapide coup d’œil, et par la torsion de nuque qu’implique le fait de le regarder dans les yeux, on se dit que ce n’est pas possible. En réalité, il mesure 2m11, soit… 13 centimètres de plus que ce qu’il avance. Un colosse, un vrai qui, à 19 ans, n’a peut-être pas tout à fait fini de grandir. Une dimension que peu de basketteurs renieraient tellement c’est un avantage essentiel au très haut niveau — Kevin Durant et Anthony Davis font officiellement 2m08, LeBron James 2m06. En dehors du terrain, Ismael Kamagate ne se vante pas forcément d’être surdimensionné, mais une fois dans la peinture il ne fait pas bon d’être sur son chemin – il faut le voir briser l’arceau dunk après dunk avec une violence tout sauf contenue. Ce natif du 19e arrondissement de Paris a commencé le basket sur le tard, à 13 ans, presque par défaut. « Avant ça je faisais du foot, j’étais goal et à chaque fois je me cognais la tête contre la barre transversale donc ça m’a saoulé, se rappelle-t-il. Et dans tous les cas, je n’aimais pas trop le foot. Je suis parti chez le médecin et il m’a conseillé de faire du basket. Ma mère pensait que ça serait bien pour moi, et je pense qu’elle a eu raison. »

« Il n’était pas bon au début, comme ça arrive souvent pour les grands gabarits, se rappelle Saad Kouadri, l’un des piliers de la JAM (Jeunesse Athlétique de Montrouge, devenu depuis Basket Paris 14), premier club d’Ismael. Mais il avait une capacité d’écoute et de répétition des efforts que les autres jeunes de sa catégorie d’âge n’avaient pas. » Saad décrit un garçon gentil, attaché au club du quartier. « Il a fait une grosse saison en jouant avec la catégorie d’âge au-dessus, et c’est à ce moment-là qu’on s’est dit qu’il avait un petit quelque chose chez lui. Ses coachs de l’époque ont tout fait pour lui trouver un meilleur club. »

« J’aurais dit 1 mètre 98 mais… Je ne sais pas. » En réalité, Ismael mesure 2m11.

L’environnement du club 14e arrondissement est propice à son développement et à sa prise de confiance. Les rencontres qu’il fait au sein de la JAM lui donnent envie d’aller aux entrainements, alors que la balle orange ne le passionne pas encore. « À la JAM, on me donnait des conseils tous les jours. C’était un environnement super chaleureux qui m’a beaucoup aidé. On faisait tout le temps des un contre un, on pariait des grecs, sourie-t-il. C’est pas une bande de potes que je me suis fait, c’est des frères. » En minime, il signe au Basket Paris Avenir pour jouer au niveau régional, puis enchaine avec Levallois l’année d’après au niveau national et termine à Orléans en cadet où, auteur d’une saison pleine en deuxième année, il aura le déclic et réalise qu’il est un bon joueur de basket. Pour autant, même lorsqu’à 17 ans il se retrouve titulaire dans l’effectif des Espoirs du club, Ismael ne se dit toujours pas qu’il va en faire sa vie. « Ce sont des occasions qui se sont offertes à moi, je les ai saisies. Je ne me fixais pas d’objectif par rapport à ça, je pensais surtout à m’amuser. »

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Paris Basketball voit en lui un vrai potentiel, et lui propose de signer avec l’effectif professionnel alors que d’autres clubs, intéressés, ne le croient pas forcément capable d’avoir déjà un impact à ce niveau. Outre ses qualités sur le terrain, c’est tout ce qu’il représente qui séduit : un natif de Paris, fortement attaché à sa ville, qui a trouvé une partie de son identité à travers l’environnement du basket parisien. « Pour moi, cette première saison au Paris Basket est une énorme réussite : j’étais censé être le 12e homme de l’équipe. J’ai eu de la chance, mais j’ai su saisir les opportunités. » L’opportunité a été la blessure de l’ailier-fort américain du Paris Basketball Dustin Sleva, 24 ans, qui l’a écarté des terrains pendant cinq mois, laissant des minutes dans la rotation au jeune Ismael. « Je me sens à l’aise là où je suis aujourd’hui, je sens que j’ai gagné une partie de la confiance du coach. » 

« L’envergure d’Ismael est impressionnante, et rappellerait presque celle du jeune Rudy Gobert à ses débuts outre-Atlantique, juge Samuel Zagury journaliste et commentateur des matchs du Paris Basketball. Bien que son surnom sur les réseaux fasse croire le contraire (@Iampaslong), Kamagaté est grand et long. Il est donc déjà très présent au rebond et dissuasif en défense, malgré encore un peu de naïveté. Logique, lorsqu’on est à peine majeur. Mais pour un intérieur, il est très mobile et peut faire mal à ses vis-à-vis en un contre un. Seul petit bémol, qui n’en est finalement pas un, c’est qu’on sent qu’il peut s’affirmer de façon plus tranchée, qu’il peut explorer une marge de progression énorme. Quand cela sera le cas, ça risque de faire encore plus mal. »

Et ça, tout le monde l’a bien compris. Très tôt, l’équipe nationale de Côte d’Ivoire lui avait proposé de faire les qualificatifs pour la Coupe du monde. Ismael refuse, et est finalement sélectionné en équipe de France U20. Ismael s’est fait à Paris, sur les terrains des clubs et des playgrounds parisiens, où sa timidité s’efface quelque peu. « Sur les playgrounds, le trashtalk c’est trop important. À Paris, on a trop la bouche, ça parle beaucoup ! Mais il y a du talent derrière, ce n’est pas forcément reconnu mais les gars ne parlent pas pour rien. Si t’es sur un terrain et que tu perds ta gagne, tu dois attendre plus d’une heure pour rejouer. Ça tire tout le monde vers le haut, ça t’oblige à avoir un niveau. »

Et Ismael, le « haut » est clairement le passage en ligue nord-américaine. « Le but c’est d’aller le plus haut possible, donc c’est la NBA. Et on fait tout pour. C’est un objectif : si je me donne les moyens, je peux me présenter à la draft l’année prochaine, en 2021. Il y a des scouts qui parlent de moi, des listes qui sont sorties… L’essentiel c’est d’être drafté, après je ferai mes preuves. » A-t-il vraiment sa chance ? La saison prochaine sera essentielle pour qu’Ismael démontre qu’il veule faire plus qu’inscrire son nom sur une liste, mais qu’il compte bien serrer la main d’Adam Silver, casquette d’une équipe serrée sur le front. Mais on sait que les basketteurs européens ont le vent en poupe dans la grande ligue nord-américaine, alors pourquoi pas ? « Quand on nous compare avec les Américains, on a tendance à dire qu’en tant qu’Européens on a une plus grande intelligence de jeu. De voir autant d’Européens réussir en NBA maintenant, c’est sûr que c’est rassurant, mais je me dis que c’est pas étonnant non plus : on joue beaucoup au basket ici aussi et on a beaucoup de talents. Tous les joueurs français qui ont réussi en NBA sont des exemples à suivre, c’est sûr, mais aujourd’hui je ne me situe pas encore par rapport à un joueur en particulier, j’essaie de progresser pour avoir déjà une vraie chance. »

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Dans l’esprit de Juhann, quand il s’agit de rejoindre l’ultime élite du basket, on ne parle pas en « si », mais en « quand ».

Et quand il se lèvera du banc de touche à l’appel de son nom par un speaker NBA, Juhann Bégarin aimerait rentrer sur « Yaourt » de l’artiste guadeloupéen Mata. « J’aime bien ce son parce qu’il dit dedans : “Ceux qui se moquaient de moi au fond de la classe, aujourd’hui c’est eux qui me demandent des dédicaces.” Je pense que ça pourrait bien représenter mon parcours. Parce que je n’ai pas toujours été considéré comme un bon joueur, quand j’étais plus jeune on faisait passer avant moi des joueurs qui pourtant n’étaient pas meilleurs que moi. »

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Dans le regard de Juhann, on sent sa détermination. Le natif des Abymes, à 10 minutes de Pointe-à-Pitre, est revanchard : depuis son arrivée en métropole en 2017 pour répondre à l’appel de l’INSEP et de l’équipe de France, l’athlète de 18 ans est en mission. Il a rejoint le Paris Basketball la saison dernière, alors qu’il était « promis » à l’ASVEL de Tony Parker dès son départ de Guadeloupe. « Le plus important c’est de jouer. À partir du moment où je sens que le coach il a l’intention et l’envie de me faire jouer, c’est le plus important pour moi, peu importe le niveau. Après, Paris Basketball c’est un beau projet : on jouait la montée, c’est le club de Paris donc c’est une belle exposition… »

Juhann est concentré, focus sur ses objectifs. Paris, il ne connait finalement que très peu : il ne sort pas, n’aime pas particulièrement se promener et découvrir la ville. « Ce n’est pas dans mes habitudes, et je n’ai pas forcément le temps. Quand je sors, c’est pour un but précis. »

Contrairement à Ismael Kamagate, il a eu le déclic très tôt. Sûr de son talent, il a rapidement réalisé qu’il avait une carte à jouer et qu’il fallait qu’il s’en donne les moyens. « Quand je suis rentré au Pôle en Guadeloupe, à 14 ans, je me suis dit que je pouvais faire quelque chose dans le basket. J’avais déjà dans la tête d’aller à l’INSEP, et tout le monde me disait que j’en étais capable. À l’époque, l’INSEP c’était comme ce que représente la NBA pour moi aujourd’hui : un rêve. Mais quand j’ai fait les tests, en fait je me suis rendu compte que c’était assez facile, se rappelle-t-il. Je n’ai pas trouvé ça extraordinaire, et ça m’a donné encore plus confiance en ma capacité à faire mon avenir dans le basket. » Cette confiance lui permet d’envisager la prochaine étape, la NBA, plus forcément comme un rêve mais comme un objectif atteignable à condition qu’il réussisse les objectifs qu’il s’est fixé pour la saison à venir. « Je veux montrer le maximum de mon potentiel cette année pour me présenter à la draft sans avoir de doute sur le fait que je sois sélectionné ou non. Je ne veux pas me présenter en n’étant pas sûr d’être pris. »

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« Si Juhann et Ismael sont pressentis pour être sélectionnés à la draft 2021 de la NBA, c’est qu’ils ont des qualités indéniables, estime Samuel Zagury. Juhann est physiquement au top. Cela se ressent au niveau de sa vivacité et de ses appuis qui lui permettent de monter très haut et très facilement au dunk. Quand Juhann est lancé et qu’il s’approche du panier, c’est terminé. Lui n’a pas froid aux yeux et vise les sommets. Ce qui se ressent sur mais aussi hors du terrain. Comme tous les jeunes prospects, il a encore quelques faiblesses. La justesse de ses choix est quelques fois discutable mais ce sont des défauts de jeunesse qui se gommeront avec le temps — notamment en bossant avec des joueurs NBA français, comme il l’a fait récemment avec Frank Ntilikina. »

Car si Juhann ne surnage pas encore en Pro B, au deuxième niveau français – il réalise actuellement un très bon début de saison -, c’est une autre histoire quand il est face à des joueurs de son âge. En juin de l’année dernière, il a été désigné MVP de l’édition européenne de l’événement Basketball Without Borders, organisé par la NBA et la fédération internationale de basket (Fiba) en Lettonie. En survolant les débats contre les autres prospects de sa génération, Juhann a tapé dans l’œil des scouts sur place : le journaliste Jonathan Givony de DraftExpress parle lui comme étant peut-être le « meilleur espoir NBA de sa génération », et « le prospect le plus athlétique d’Europe ». En février 2020, l’arrière du Paris Basketball s’est envolé pour Chicago pour l’édition américaine du BWB où étaient réunis les meilleurs jeunes du monde entier : 41 garçons et 20 filles étaient présents pour se montrer devant les recruteurs des franchises NBA ou des plus prestigieux clubs européens. Juhann a atteint la finale avec son équipe et a été élu dans l’équipe type du tournoi. Une déception pour celui qui ne supporte pas ne pas être le meilleur, et qui en fait son carburant.

Je n’ai aucun complexe, je me trouve meilleur qu’eux.

Juhann Bégharin

« Au niveau des qualités en tant que basketteur, je n’ai aucun complexe par rapport aux joueurs de Pro B, assure-t-il. Je me trouve meilleur qu’eux, ils ont juste plus d’expérience. Eux savent davantage comment utiliser leurs qualités, dans quelles situations précises ils doivent les mettre en action, et c’est sur ça qu’on doit encore progresser. »

Tout transpire l’assurance chez le cadet des Bégarin, comme si le basket avait toujours était une évidence dans sa vie, avec une volonté de calquer son grand frère Jessie qui attaque sa 15e saison en championnat de France. Mais non. « Je ne voulais pas du tout faire du basket avant, ce sont mes parents qui m’ont poussé. Avant le basket, j’ai failli aller plus loin en tennis. » Juhann raconte qu’étant gamin, après 15 jours de tennis il a tapé dans l’œil d’un recruteur qui est passé au bord du terrain et qui a demandé à sa mère depuis combien d’années il jouait. Quand Madame Bégarin lui a indiqué que ça ne faisait que deux petites semaines, le recruteur, persuadé d’avoir trouvé une pépite, leur demande leur contact et force, indirectement, une discussion au sein de la famille de Juhann. « Ma mère m’a demandé si je voulais continuer dans le tennis ou si je voulais faire autre chose. Je lui ai dit que je voulais tout essayer, et mes parents m’ont tous les deux dit que le prochain sport dans lequel ils m’inscriraient serait le dernier. »

éJ’ai négocié pour pouvoir essayer le basket en club, et le foot. Quand je suis arrivé à l’entrainement de foot, le coach n’était pas là, les jeunes jouaient entre eux et je ne pouvais pas avoir les informations qu’il me fallait. Ma mère n’a pas voulu attendre et m’a conduit au gymnase où elle m’a inscrit au basket. C’était un choix par défaut mais avec le temps, je me suis pris au jeu. Aujourd’hui je suis sûr que c’était un bon choix, je suis heureux, c’est ma passion. »

« Je veux faire lever la foule, mettre la salle en feu. Quand je mets des tomars et que toute la salle se lève… C’est ce genre de vibration, ce genre de frisson que je veux ressentir en jouant au basket. » Et si, ce qu’on ne lui souhaite évidemment pas, il n’y avait pas de rêve NBA ? « Si je ne me suis pas donné les moyens, je le verrai comme un échec. Si je donne ce que j’ai que je ne réussis quand même pas, je me dirais que ce n’était pas pour moi. Si je dois rester en Europe, je le verrais comme une autre étape de ma vie mais pas forcément comme un échec. J’ai beaucoup de choses à travailler encore : un an c’est court, mais c’est aussi très long. Je peux énormément progresser en un an et gommer tous les doutes qui subsistent. »

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Un an. Une saison avec le Paris Basketball pour prouver un peu plus, et convaincre les sceptiques. Ismael Kamagate et Juhann Bégarin ont tous les deux coché une date sur leur calendrier qu’ils gardent en tête. Mais ils sont dans l’obligation de regarder devant eux dès aujourd’hui, dans le 13e arrondissement, pour continuer de faire vibrer un projet excitant qui serait fier de les avoir comme ambassadeurs de l’autre côté de l’Atlantique où, avant d’être appelés par un speaker à l’accent américain prononcé, ils se souviendraient que c’est à Paris que tout commence.

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En Y est un talk participatif organisé par YARD dans ses bureaux et diffusé en radio sur Rinse France. Ouvert à tous ceux qui ont des choses à dire, et aux autres, il permet à chacun de nourrir sa réflexion ou d’exprimer son avis sur un sujet majeur de notre culture. Jeudi 1er octobre, dans la cadre de Colobane, la brocante 2.0 de YARD, nous nous sommes interrogés sur les vrais enjeux de la mode éthique : comment passer des paroles aux actes ?

Alternative à la fast-fashion, consommation responsable, green washing… Des termes encore flous pour beaucoup, et pas mal de questions qui restent. Quelles alternatives pour consommer de manière plus éthique ? Comment revoir ses priorités et consommer moins pour consommer mieux ? Quelles dont les responsabilités des acteurs du domaine et du gouvernement ? Ou se trouve la responsabilité du consommateur ?

En vous invitant dans nos bureaux et en donnant la parole aux référents de la problématique, on a souhaite avec ce En Y spécial Colobane aborder de long en large la grande question de la mode éthique, avec la présence de Youssouf Fofana de Maison Château Rouge, du collectif Éthique sur l’Etiquette, de Kim Hou de la marque About A Worker et des militantes Samia Larouiche de Fashion Revolution France, Casa 93 et fondatrice du média @waoff, et Nadia Le Gendre, notamment expert international pour les Nations unies en mode et Tissage traditionnel, ou encore Pablo Attal de YARD, en charge du projet Colobane. Le replay est d’ores et déjà disponible.

Talk modéré par Kawthar Laoufi, pour YARD et Colobane.

Le replay du talk sera progressivement disponible sur toutes les plateformes de podcast, les délais de mise en ligne n’étant pas les mêmes pour tous.

« Et qui va s’ramener à la fête ? J’ramène les boîtes à la tess. » Chez lui dans le 77, le phénomène Uzi nous a reçu pour sa première interview. Après « À la fête », décryptage d’un succès qui n’est surement pas le dernier.

Photos : @alextrescool

2020 a été une année dure pour tout le monde – ou presque. Pour Uzi, rappeur de 21 ans de Noisiel (77), ça a été l’année de l’explosion : près de 20 millions de vues pour « À la fête » en trois mois, une rotation lourde sur les radios françaises et un morceau qui ne sort toujours pas du top 10 Spotify avec… plus de 160 000 streams par jour (!) encore aujourd’hui. Un hit comme seul le rap sait en produire en France, un vrai. 

Neuf mois après qu’il ait donné un nouvel an à sa carrière en embrassant les mots d’ordre « rigueur, principe et boulot », Uzi s’est imposé à la table du rap français fort de ses 40 millions de vues en six sorties et d’une vision qui donne envie d’y croire : la pépite de Noisiel voit loin, très loin, et ne laisse rien au hasard. Celui qui rappe depuis 2015 a, cinq ans après ses débuts, trouvé sa formule, celle qui rime avec le succès et qui lui permettra de ne pas être de passage dans un milieu qui a tendance à se lasser vite de ceux qui ne confirment pas.

Chez lui, il nous a reçu pour sa première véritable interview.

En Y est un talk participatif organisé par YARD dans ses bureaux et diffusé en radio sur Rinse France. Ouvert à tous ceux qui ont des choses à dire, et aux autres, il permet à chacun de nourrir sa réflexion ou d’exprimer son avis sur un sujet majeur de notre culture. Ce vendredi 25 septembre, nous nous sommes posés la question : le débat dépasse-t-il Freeze Corleone ?

Dans son histoire, le rap français est habitué aux polémiques qui le dépassent. Tellement habitué qu’il n’a désormais plus de mal à les voir venir. Quand la nouvelle de la signature de Freeze Corleone chez Neuve, tout récent label du groupe Universal, avait été annoncée, aucun de ceux qui connaissaient l’artiste et la nature de son oeuvre ne pouvaient s’empêcher d’être surpris : une major s’était donc finalement autorisée à miser sur le potentiel risqué du rappeur cryptique. 

Et le risque était réel : on en a aujourd’hui la plus claire démonstration.

C’est plus ou moins par ces mots qu’on lance l’article qu’on a publié la semaine dernière, précisément intitulé « Freeze Corleone : ils sont hypocrites, avons-nous tort de l’être ? ». Dans la foulée, on vous a donc tous invités dans les bureaux de YARD pour participer à un talk sur ce sujet délicat, mais qu’on estime majeur.

Il est délicat d’ailleurs de parler de « sujet », au singulier, tellement les questions que soulève la polémique Freeze Corleone sont multiples. Elle mélange des questions de droit et des questions morales, interroge la nature de la relation qu’entretiennent l’industrie de la musique et du rap, notre rapport à l’art, mais aussi la polarisation de la société française et le deux poids/deux mesures qui caractérise que trop une grande partie des médias généralistes et nos gouvernants, quand il s’agit d’entendre les appels des communautés qui souffrent dans notre pays.

Pour essayer d’y voir plus clair, on a ouvert la discussion avec :

+ Samim Bolaky, avocat à la Cour qui nous avait apporté son éclairage à travers le projet Sur écoute dans laquelle YARD, Booska P, Echos des Banlieues, Rapelite et StreetPress abordait la question des violences policières en France
+ Simon Rollin, avocat en droit de l’art, passionné d’art contemporain
+ François Oulac, journaliste et créateur du podcast Le Tchip, auteur de l’article « Rap français, je ne suis pas ton négro » sur YARD
+ Gianluca, chef de projet YARD, habitué de la première saison des En Y
+ Dolores Bakèla, journaliste indépendante, co-fondatrice de L’Afro et du festival Fraîches Women, auteure des portraits de Juliette Fievet et de Mahalia et Hamzaa sur YARD
+ Napoléon Lafossette, juriste spécialisé dans les contrats, auteur de temps en temps sur YARD et qui s’occupe du blog de vulgarisation business et juridique Virgules
+ Lenny Sorbé, journaliste YARD, auteur dudit article sur Freeze Corleone
+ Olivier Lamm, journaliste et chef adjoint du service culture de Libération, auteur de l’article « Freeze Corleone : après l’omerta »

Talk modéré par Antoine Laurent, co-rédacteur en chef de YARD.

Le replay du talk sera progressivement disponible sur toutes les plateformes de podcast, les délais de mise en ligne n’étant pas les mêmes pour tous.

A-t-on le droit de dire qu’on n’en a « rien à foutre de la Shoah » ? Légalement, c’est très possible. Est-ce moralement condamnable ? Clairement. Est-ce qu’on peut considérer que le sujet Freeze Corleone, tel que s’en est emparé la sphère politico-médiatique avec un populisme à peine masqué, dépasse aujourd’hui ce simple débat et demande de notre part à tous un recul général, et nécessaire ? Essayons.

Quand un individu, qui plus est un rappeur noir comme Freeze Corleone, est taxé d’antisémitisme, les voix des politiques comme celles des médias sont promptes à s’élever. Leurs condamnations sont fermes et les premières sanctions ne tardent pas à tomber : à peine un jour après que le parquet de Paris ait ouvert une enquête le concernant, Universal – son distributeur – annonçait déjà mettre un terme à leur collaboration. Si seulement les choses pouvaient être aussi expéditives quand on demande de nettoyer (« au karcher » ?) les chaînes de télé de ces éditorialistes et autres philosophes et leurs sorties nauséeuses sur les Noirs, l’Islam ou les femmes.

Dans son histoire, le rap français est habitué aux polémiques qui le dépassent. Tellement habitué qu’il n’a désormais plus de mal à les voir venir. Quand la nouvelle de la signature de Freeze Corleone chez Neuve, tout récent label du groupe Universal, avait été annoncée, aucun de ceux qui connaissaient l’artiste et la nature de son oeuvre ne pouvaient s’empêcher d’être surpris : une major s’était donc finalement autorisée à miser sur le potentiel à risques du rappeur cryptique. Mais savait-elle vraiment dans quoi elle mettait les pieds ? Visiblement pas assez.

De son côté, Freeze Corlone ne l’a faite à l’envers à personne. Depuis le milieu de la décennie 2010, celui qu’on surnomme (notamment) Chen Zen s’est affirmé comme l’un des tous meilleurs artificiers de France auprès d’un public averti, friant de son rap mécanique et ultra-référencé. Il semblait néanmoins acquis pour tous que le natif des Lilas ne resterait que la lubie d’une niche d’auditeurs, un underground king condamné à ne jamais sentir le poids de sa couronne.

On évoque plusieurs raisons à cela. Déjà, son choix de la discrétion (« Tu m’verras jamais en entrevue sur Booska-P ou sur Rapelite ») et sa proposition artistique sans concession, sans recherche de single, ni de refrains auto-tunés ou de productions radio-friendly n’en faisait pas un investissement commercial évident.

Surtout, sa fascination pour les théories complotistes et ses clins d’oeils répétés à l’Allemagne nazie – explicites mais sujets à interprétation – rendaient son profil problématique et clairement incompatible avec les sensibilités du grand public et les intérêts commerciaux et politiques d’une maison de disques. Et pourtant, après au moins six projets solo et des dizaines d’apparition en collectif sur lesquelles Freeze Corleone n’a jamais changé de disque, Universal a tenté le coup. La rumeur dit même qu’avant eux, Sony avait entamé des discussions avant de faire marche à arrière.

Il faut dire que la tentation était devenue trop grande pour une industrie fascinée par le rap et l’intérêt qu’il suscite – et les montants qu’il génère. L’angoisse de passer à côté d’une opportunité, de rater un coup, force parfois les décisions. Il faut donc croire que l’énigme Freeze Corleone, « rappeur de rappeur » dont l’influence technique se faisait ressentir dans de plus en plus de projets à succès dès 2015, constituait une opportunité visiblement trop belle pour ne pas prendre le risque. Pourtant, les enjeux sont clairs depuis le début, bien avant la polémique lancée par LMF, et ne permet à aucun protagoniste de mener une quelconque politique de l’autruche aujourd’hui.

Tout commence par la fin (des temps)

2016. Le 11 septembre, précisément. À minuit, heure du Sénégal, Freeze Corleone sort FDT (pour Fin des temps), un projet de 13 titres sans filtre qui concentre tout ce qu’on connait de l’artiste. Sur la forme, pas de chichi : Freeze est en roue libre, à l’aise dans des schémas de rimes répétitifs qui tracent le relief de son terrain de jeu.

FDT est codé, quasi occulte. Morceau après morceau, les phases sont livrées sans notice : à chaque « comme » sa comparaison, à chaque « s/o » sa référence, à chaque métaphore son invitation à aller se renseigner. Mais aucune vulgarisation, et aucune volonté de faciliter la tâche à qui que ce soit ; il revient à chacun de déchiffrer son propos, de décrypter une œuvre qui se veut ésotérique, presque inaccessible pour les non-initiés. Et les couleurs qui composent chaque tableau sont toujours, toujours les mêmes. Freeze convoque en tourbillonnant des références larges de la culture populaire (mangas, films, etc.), de puriste de culture rap francophone, historiques et, ce qui est moins commun, de culture africaine – principalement sénégalaises, mais aussi panafricanistes.

Mais ce n’est pas tout : les sociétés secrètes, les théories du complot, une fascination pour le mal et une rhétorique borderline antisémite viennent donc compléter la colonne vertébrale d’une œuvre qui, année après année, garde la même recette. Parfois subtile, parfois moins, Freeze Corleone s’arrange néanmoins toujours pour ne jamais clairement franchir une barrière qui entraînerait son œuvre dans une autre dimension, dans laquelle cet article n’existerait pas.

Quatre ans plus tard. Le 11 septembre 2020, précisément. À minuit, heure du Sénégal, Freeze Corleone sort donc LMF et tout ce qui a été dit sur FDT se calque à l’identique sur ce nouvel album de l’artiste du 667.

Une victoire à la Pyrrhus pour le rap ?

À une différence près : depuis 2016, Freeze a pris de l’ampleur et la sortie de LMF (pour La Menace fantôme) est un évènement tout sauf confidentiel. À l’heure où le rap domine les charts et donne le LA, à l’heure où les artistes qui développent une vision et une fanbase fidèle depuis plusieurs années sont enfin récompensés (s/o Laylow, s/o Josman), Freeze a pris une autre dimension en glanant des milliers de fans divers terriblement fiers de faire partie de « la secte ». Le fruit d’années de charbon. Les mois précédant la sortie de LMF ont vu le nombre de ces nouveaux adeptes grimper de manière exponentielle, grâce notamment à une production accrue, à des featurings remarqués – « Drill FR 4 » en tête – mais aussi à des collisions inattendues.

Comme celle avec Sardoche. Le 22 avril 2020, le ponte français de Twitch s’est amouraché de l’artiste devant 20 000 personnes, en plein stream « réaction rap français ». Deux-trois échanges Twitter et un trending topic plus tard, et c’est près de 17 000 personnes qui s’en vont suivre Freeze le jour-même sur le réseau, lui qui n’en gagnait « que » 2 000 par mois. Une explosion qui n’est en aucun cas à négliger, puisqu’elle explique une partie du succès qu’a connu l’artiste. De la même manière que Seb (ex-La Frite) a donné une carrière à Rilès, Sardoche a involontairement fait découvrir à son public le rappeur qui les représentait le plus : un « geek », bourré de références jeux-vidéos autant nichées qu’universelles, enfant d’Internet et de ses codes, qui, par ses provocations sur la communauté juive ou par son utilisation des figures du Nazisme, excite l’adolescent pré-pubère fanatique de positionnements radicaux.

Peut-être allait-il finalement devenir plus que ce qu’il aurait dû être. Une semaine et un démarrage à 26 499 ventes plus tard, soit plus que les derniers efforts d’artistes établis comme Kaaris ou SCH, cela ne fait plus de doute.

Artistiquement, LMF sonne comme la victoire des convictions dans un rap habitué à céder (trop ?) facilement à la tendance. Le casting de l’album convoque d’ailleurs quelques figures connues pour être restées solides sur leurs appuis, et dont on pourrait dire qu’ils sont « trop vrais pour l’industrie » : Despo Rutti, Alpha 5.20 ou encore Alpha Wann et sa promesse de continuer d’être coûte que coûte « le dernier rappeur qui rappe ». Mais un tel succès allait inévitablement ramener sur la place publique la dimension problématique de ses textes. Vous connaissez l’histoire : le 26 août dernier, Valeurs Actuelles allume la mèche sur Twitter à travers une vidéo compilant quelques-unes de ses phases jugées antisémites et négationnistes. Première alerte. Le 16 septembre, cinq jours après la sortie de l’album, s’en suivent les condamnations de la LICRA, puis du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin le lendemain, et l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris. Les médias généralistes s’emparent de l’affaire, les articles et indignations se multiplient, Roselyne Bachelot condamne fermement un artiste au « talent indéniable » en pleine assemblée, et Freeze Corleone se retrouve avec ce qu’il a toujours voulu : un album qui cartonne, sans concession, validé par la critique rap, conspué par la LICRA et, bientôt peut-être, interdit par le gouvernement. Le graal du conspi game.

« J’ai des rimes à prendre avec des pincettes »

C’est indéniable : sans recul ou gymnastique de conscience, certaines images dépeintes par l’artiste peuvent laisser un arrière-goût. « J’ai des rimes à prendre avec des pincettes », prévient-il dans « Pas de refrain ». De manière habile (et sans doute irréprochable au niveau légal), il laisse toujours une place au double sens, à la double interprétation. Et toute la complexité de l’appréhension objective de son œuvre réside dans l’idée de laisser la liberté à l’auditeur de comprendre ce qu’il veut comprendre. Et quand il s’agit d’une œuvre volontairement cryptique (soit dit en passant, une stratégie marketing en vogue dans la musique, cf. Damso et PNL), ça ne laisse que planer le flou sur ses réelles intentions. Pas étonnant qu’il regroupe aujourd’hui un public aussi varié, opposé, et que les critiques fusent.

En outre, une difficulté supplémentaire réside dans le fait qu’il n’a jamais eu de propos clair en dehors de ses morceaux. Aucune interview, aucune intervention ou prise de position en dehors de son expression artistique. À l’inverse de Dieudonné, par exemple, à qui on a tendance à comparer la situation de Freeze Corleone aujourd’hui et qui lui a toujours défendu l’idée d’utiliser la provocation comme une manière de susciter le débat et la réflexion, en exagérant, en créant un « rire dont les racines doivent être dérangeantes ».

Le problème, c’est que les paroles de Freeze sont les seules à être condamnées au milieu d’une cacophonie constante de propos condamnables.

Aujourd’hui, avec l’approche nécessaire, on peut ne pas être indigné à l’écoute des morceaux du chef de file du 667. Et ce, sans pour autant en avoir “R.A.F. de la Shoah”, ni n’être à l’aise avec l’idée de cracher sur la souffrance d’une communauté à laquelle on n’appartient pas. De même, dans le contexte qui est le nôtre en 2020, si on se réjouit de voir s’écrouler les statues des figures de la France coloniale, ce n’est à priori pas pour, en parallèle, admirer la « détermination » ou les « grandes ambitions«  d’Adolf Hitler. Si les textes de Freeze ne nous provoquent pas un sentiment automatique de répulsion, c’est que depuis le début on peut être convaincu de comprendre son intention, le propos dissimulé en filigrane : une manière délibérément provocatrice de mettre sur la table d’autres crimes contre l’Humanité plus ou moins occultés des mémoires collectives (« s/o les indiens d’Amérique, s/o l’esclavage »). Parce que derrière « Tous les jours, R à F de la Shoah », il y a un « s/o Congo » que les médias généralistes omettent souvent. Et quand il ne fait pas référence à Nations nègres et cultures de Cheikh Anta Diop, il affirme « dans la lignée des Malcolm et des Rosa ». Et cet aspect-là de son œuvre, qui donne une profondeur – une justification ? – autre à sa volonté de provoquer, est bizarrement laissée pour compte quand vient son grand procès.

À attaque hypocrite, défense hypocrite

Dans un article intitulé « Rien à foutre de la Shoah » : voyage dans l’antisémitisme obsessionnel du rappeur Freeze Corleone, le journaliste de Marianne Paul Dider a ces mots : « On voudrait surtout leur faire comprendre que cette compétition victimaire n’a pas de sens, qu’un Juif qui souffre n’enlève rien au Noir qui souffre aussi, qu’on peut parler à la fois de l’esclavage ET de la Shoah. » Des mots justes, qu’on est ravi de lire et auxquels il est a priori difficile d’objecter quoi que ce soit. Seulement voilà : quand est-ce que ça se traduit dans la vraie vie ? Quand parlons-nous de la Shoah ET de l’esclavage ? Puis cette « compétition victimaire » est-elle réellement entretenue par Freeze Corleone ou par ces élites qui ne cessent de mépriser les expressions de souffrances provenant d’autres minorités ? On a parfois le sentiment amer que la douleur du peuple juif est plus facilement entendue, comprise, remémorée. Que c’est l’une des rares offenses que la France s’est promise de ne jamais laisser passer. Et cela a pour conséquence de placer la communauté juive à part des autres communautés qui souffrent ou ont souffert, celles dont la soif de justice n’est jamais étanchée. Au point de moins monter au créneau quand la question juive est attaquée, parce qu’on sait qu’elle sera d’office défendue par des instances bien plus influentes que l’est notre indignation ? Un manque d’empathie qui n’est jamais à l’abri de virer à l’hostilité. Jeu dangereux.

Encore une fois : certaines paroles de Freeze Corleone méritent-elles d’être condamnées, du moins moralement ? Assurément. Le problème, c’est qu’elles sont les seules à l’être au milieu d’une cacophonie constante de propos condamnables. Le soutenir apparaît alors comme un mécanisme d’auto-défense, une manière de combattre le feu par le feu : ils sont hypocrites, alors nous finissons par l’être à notre tour, histoire de ne pas laisser passer une injustice de plus – subie par « un des nôtres », qui plus est. Le rap, culture profondément antiraciste dans son essence, se retrouve ainsi à faire bloc autour d’un individu aux propos presque aussi ambigus que ceux qu’il dénonce habituellement. Tout un paradoxe.

Réagirions-nous pareil si un artiste affirmait qu’il n’en avait « R.A.F » de l’esclavage ? Évidemment que non. Mais en même temps, il suffit d’ouvrir un livre d’Histoire pour se rappeler qu’on nous le dit déjà un peu tous les jours. À côté, certains argueront que nous pourrions aussi faire preuve de hauteur et ne pas s’abaisser à défendre des propos dont on ne tolère certainement pas la teneur dans l’absolu. Mais il n’est jamais simple de réagir de manière censée et raisonnée quand on est témoin d’une injustice. Mac Tyer vous l’expliquera mieux que nous.

À tomber aussi lourdement sur Freeze Corleone, la classe politico-médiatique est peut-être celle qui stimule le plus la polarisation de notre société et, indirectement, l’antisémitisme. Aujourd’hui plus que jamais, la haine des juifs se manifeste sur la base de clichés qui voudraient qu’ils soient une communauté riche, puissante, dominante et protégée. Chercher à tout prix à bâillonner le rappeur de la sorte ne reviendrait-il pas à mettre de l’eau dans son moulin ? Certains des fans les plus extrêmes du 667 se persuaderont sans doute que la communauté juive est « à la tête du complot » au regard de comment on aura cherché à faire taire leur artiste favori. Et demain, quand le COVID-19 sera derrière nous et que Freeze sera en mesure de faire des concerts à nouveau, « R.A.F. de la Shoah » sera peut-être scandé tel un cri de ralliement par une foule qui l’aura pris pour symbole. Et personne n’a envie de ça, pas même ceux qui ne le réalisent pas encore. N’y avait-il pas de meilleure manière d’appréhender le caractère problématique de son oeuvre ? Encore fallait-il s’intéresser à celle-ci. Il n’y a qu’à voir l’ancien ministre de l’intérieur Christophe Castaner dénoncer le « clip » de Freeze Corleone en faisant référence… à une compilation de punchlines rassemblées par la LICRA. S’ils ne sont pas capables d’écouter correctement l’œuvre corrosive d’un artiste, comment pourraient-ils écouter une jeunesse qu’ils s’efforcent de museler depuis tant d’années ?

La carrière de Leto parait déjà longue. Pourtant, le rappeur de Porte de Saint-Ouen n’a sorti son premier véritable album, 100 Visages, qu’en 2020 alors qu’il éclate YouTube depuis 2013. Partenaire idéal en featuring, éternelle promesse du rap français, secret le mieux gardé du 17ème arrondissement… Mais aussi, et surtout, pas mal d’autres choses dont il ne parle jamais. On a essayé de comprendre pourquoi.

Leto a donc sorti son premier véritable album, 100 Visages. En 2020, soit sept ans après ses premiers freestyles filmés et le début du séisme que lui, Aero et les autres rappeurs du 17ème arrondissement ont imposé au rap français. Une éternité quand on sait à quel point les choses vont vite aujourd’hui. Alors oui, Leto n’a pas chômé : sur les quatre dernières années, outre des dizaines de featurings, il a quand même sorti sept projets en comptant 100 Visages – trois avec PSO Thug, quatre en solo. Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser que tout ne s’est pas déroulé comme prévu, et de considérer toutes ses apparitions discographiques jusqu’à aujourd’hui comme des amuse-bouches. Un problème quand on a faim depuis ses premiers textes crachés sans filtre devant la caméra de Keasy en 2013.

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Il faut peut-être le rappeler : au milieu des années 2010, PSO Thug et XVBarbar embraille le pas de Kaaris et giflent les amateurs de rimes en France avec une trap brute, énergique, sans détail. On s’attend à une déferlante dans les années qui suivent, mais elle n’arrivera finalement jamais. Ou pas aussi forte qu’on l’attendait, en tout cas. Alors que les vues explosent sur YouTube, pas de tournée à travers le France, très peu de concerts de manière générale et pas de véritable album. Pourquoi ?

« Tu me poses la question mais tu sais déjà », nous dit Leto. La carrière du rappeur de Porte de Saint-Ouen se construit autour de hauts et de bas, de fiertés et de déceptions, et d’un parcours pas si linéaire qui pourrait avoir ralenti son ascension. Mais lui « ne regrette absolument rien », et rappelle à tous qu’il a le temps. De grandir, de voir le monde au-delà des limite du 17ème arrondissement de Paris, de peaufiner un rap à la technique cinq étoiles mais au sens parfois redondant. Il n’a jamais quitté Porte de Saint-Ouen et ses briques rouges, et s’est promis de ne pas le faire tant qu’il ne sera pas devenu un exemple, un vrai.

Et tout ça s’explique. C’est en tout cas ce qu’on s’est efforcé de faire en l’emmenant sur les toits de Paris, ville magique qu’il touche du doigt depuis son bâtiment rempli de crachats, pour sa première interview sur YARD.

Après 3 ans d’exploitation sur Netflix, le premier Ballon sur Bitume, qui a lancé notre série de documentaires sur la culture street football, est enfin de retour sur notre chaîne YouTube. Avec Riyad Mahrez, Niska, Gradur, Ousmane Dembélé, Serge Aurier et plein d’autres.

Avant « Le Jardin », avant « Footeuses » et avant « Ousmane », il y avait « Ballon sur Bitume ». Le premier documentaire sur la culture street football en a depuis enfanté d’autres qui ont chacun permis de compléter le tableau que YARD et Miles ont souhaité peindre d’un mouvement que tout le monde ressent, mais que personne n’a vraiment cherché à comprendre : le lien si particulier qui unit le foot et les quartiers français. Après 3 ans à tourner sur Netflix, le docu fondateur revient sur notre chaîne YouTube pour poursuivre sa vie.

Bienvenue dans un monde où trashtalk côtoie générosité, où la frontière entre réussite et désillusion est bien trop poreuse et où le code vestimentaire a autant d’importance que le geste technique.

Que l’on soit à Argenteuil, Paris, Sarcelles ou Sevran, une seule et unique vérité existe : celle du terrain. BSB donne la parole à des footballeurs professionnels de calibre international (Riyad Mahrez, Serge Aurier, Mehdi Benatia, Ousmane Dembélé…), à des artistes rap (MHD, Niska et Gradur), à des joueurs de l’équipe de France de futsal (Adrien Gasmi, Landry N’gala, Kevin Ramirez) et surtout à des amateurs, passionnés, éducateurs et « grands frères » qui tous les jours font vivre le football de rue, véritable phénomène culturel de nos quartiers.

Référence internationale du basket, le Quai 54 perdure et ne cesse de grandir depuis sa première édition en 2003. Inspiré des célèbres tournois américains comme le EBC de New York sur le Rucker Park, et impulsé par Hammadoun Sidibé, le tournoi parisien est aujourd’hui devenu un rendez-vous culturel immanquable, symbolisé par une collaboration avec la marque Jordan qui lui permet de briller à la hauteur de ce qu’il représente. On refait l’histoire.

Les playgrounds parisiens, terrains qui sont chaque été le théâtre d’affrontements à haute intensité entre tous types de basketteurs. On y retrouve des pros qui viennent garder la forme, de jeunes espoirs, ou encore des amateurs ambitieux qui n’ont pas peur de se frotter à plus fort qu’eux. Car c’est ça, l’esprit basket : une audace et un esprit de compétition qui fait qu’aucun n’adversaire n’est craint. Un rituel estival qui existe et perdure depuis des décennies mais qui, à Paris, prend une autre envergure au début des années 2000. Son envol est étroitement lié à un homme, Hammadoun Sidibé, qui va faire passer le basket de rue français dans une autre dimension.

Natif de Choisy-le-Roi, Hammadoun tombe amoureux de ce sport en visite chez son oncle et sa tante à New York, alors qu’il a 16 ans. En 2003, sous la canicule parisienne, il décide, avec des proches qui deviendront les piliers du Quai 54, de mettre sur pied le tournoi qui donnera une vraie réponse à la question que tous les joueurs se posent : qui sont meilleurs ballers de la capitale ?

Hammadoun Sidibé (gauche) avec le joueur NBA Bismack Biyombo (droite)

« Depuis mes 16 ans, je baigne dans le basket. Il y a un lieu culte à Paris où se réunissent tous les fans de basket qui s’appelle la Halle Carpentier – on avait un terrain pour nous chaque été car je connaissais les gens qui s’occupaient des terrains. J’avais une grosse communauté basket autour de moi et l’idée du Quai est née en 2003. Je voyais le niveau augmenter fortement alors je me suis dit qu’il fallait faire un tournoi. C’était le moment, car le marketing lié au basket était en baisse avec la fin de l’ère Jordan« , raconte le fondateur historique de ce qu’on appelle aussi le « World Streetball Championship ».

L’été 2003 rime effectivement avec la retraite définitive de Michael Jordan en NBA. Entre 1984 et 2003, Jordan est devenu une icône dans le monde du basket et a fait de la NBA ce qu’elle est aujourd’hui, à savoir un sport connu à l’international regardé par des centaines de millions de personnes. Au début des années 2000, la fin de l’ère MJ approche et malgré l’éclosion du jeune Kobe Bryant outre-Atlantique, l’intérêt pour le basketball est en baisse. Les marques cessent de sponsoriser les évènements liés au basketball et en France, l’avènement du jeune Tony Parker, fraichement champion NBA, n’a pas encore assez d’impact. C’est cette flamme, en cours d’extinction, qu’Hammadoun Sidibé a souhaité rallumer, grâce notamment à ses amis d’enfance, ses connexions et sa vision.

Pigalle Basketball

Basket Paris 14

« Je suis dans la musique et le basket. C’était assez facile de réunir les deux. J’ai grandi avec une équipe, la Mafia K’ 1 Fry. En 2003 quand je dis à tout le monde que je vais organiser un vrai tournoi, les gens de l’équipe sont venus. Nike aussi était au courant car je leur recrutais quelques joueurs pour des évènements. Je les ai donc prévenus de mon idée : le directeur marketing est venu voir ce qu’on faisait et je lui ai dit que j’avais besoin de maillots. Il était super cool et nous en a donnés. La première était réussie : il n’y avait pas de réseaux sociaux à l’époque et pourtant on a réussi à réunir près de 1500 personnes ! On ne s’y attendait pas du tout. »

Terminus de la ligne 3, du métro parisien, station Pont de Levallois. À peu près un kilomètre après la sortie Anatole France, sans jamais traverser le pont pour rester sur le bon côté des bords de Seine, on trouve un playground haut de gamme – pas de goudron daté ni d’arceau rigide – juste au bord de l’eau. C’est là, au 54, quai Michelet, que se tient la première édition du tournoi que l’on connait aujourd’hui. Une adresse qui deviendra une étiquette, une marque, et qui incarnera une promesse. Les bases sont posées. Le Quai 54 est un tournoi de « streetball » (comprendre un basket non-joué dans un gymnase), mais pas seulement : il devient rapidement une vitrine de ce qu’on appelle aujourd’hui encore trop vulgairement, à défaut d’alternative, la « culture urbaine ».

Aujourd’hui, des jeunes des quartiers n’ont plus à aller chercher des personnages anglo-saxons comme exemples.

Hammadoun Sidibé

Les ingrédients qui font l’ambiance du Quai sont déjà là : déjà animée par Mokobe, le tournoi peut déjà compter sur les turntablists Izo, Nas ou Lord Issa qui sont aujourd’hui des figures majeures de l’événement et qui se chargent que la musique soit « on point ». Si le Quai 54 est à la base un « tournoi entre potes » comme le définit entre autres Amara Sy, MVP en 2012 et multiple vainqueur du tournoi, il est également le moyen de faire passer un message. « On voulait montrer qu’on peut venir des quartiers et être organisé. On voulait aussi montrer que tout ce qui a une résonance hip-hop et street n’est pas forcément négatif », commente Hammadoun Sidibé. « Pour une fois que ça vient des banlieues, personne ne va s’en plaindre. C’est une réalité positive qu’il fallait aussi mettre en avant », ajoute le légendaire Amara Sy, aujourd’hui joueur de Paris Basketball.

Inspirer les gens. C’est l’un des nombreux objectifs du Quai 54. Gratuit et ouvert à ses débuts, l’évènement a été victime de son succès et a dû devenir payant après l’édition 2015 et la rumeur d’une présence surprise de Michael Jordan, lui-même. La journée passe, la rumeur enfle, et 15 000 personnes se hâtent devant le Quai qui ne pouvaient même pas en accueillir la moitié, malheureusement. Les années suivantes, il a fallu limiter le nombre de places. « En réalité, c’est la meilleure chose qu’on a faite. Les gens sont plus cool mais l’envie est toujours là. Avec les récents et tragiques évènements en France, il y a des choses qu’on ne peut plus se permettre », témoigne Hammadoun Sidibé.

Le public du Quai 54 étant en grande partie composé de jeunes fans de basket, un des objectifs est aujourd’hui rempli pour Hammadoun Sidibé. « J’ai 44 ans aujourd’hui. Tous mes exemples de réussite sont des personnages anglo-saxons. Je n’ai jamais eu de figure de ce type en France. Aujourd’hui, à notre échelle, des jeunes des quartiers viennent chercher Hammadoun Sidibé et n’ont pas besoin d’aller chercher Russel Simmons ou Spike Lee comme j’ai pu le faire. Ça nous rend super heureux. On se dit qu’on a réussi à faire naitre quelque chose. »

Comme Hammadoun, le Quai 54 est évidemment inspiré des playground et tournois de streetball américains, véritable berceau de ces évènements. Mais cet esprit compétitif propre au basketball s’applique à tous les domaines. Si Rucker Park — mythique playground situé à Harlem et théâtre du fameux tournoi EBC — est le « papa » du Quai 54 comme le dit Hammadoun Sidibé, l’élève a aujourd’hui dépassé le maître. Parmi ces « petits frères » inspirés par Hammadoun, figure Sylvain Francisco, ancien meneur du Paris Basketball et nouveau joueur de Roanne en Jeep Elite. Malgré ses 22 ans, la pépite de Sevran était là depuis le début et a pu constater l’évolution du tournoi. « Je suis présent depuis la première édition parce que mes grands y jouaient quand j’étais gamin. Je connais Hammadoun et Amara depuis que je suis tout petit. C’est tout simplement devenu le plus gros tournoi de streetball au monde. » En 2019, Sylvain Francisco a soulevé le titre de champion du Quai 54 avec la mythique équipe de La Fusion, la plus titrée de l’histoire du Quai. « Mes grands perdaient souvent en finale alors un jour je leur ai dit que je gagnerai le Quai 54, et je l’ai fait. J’aime trop le challenge. »

Sylvain Francisco à Sevran

Cette inspiration américaine est d’ailleurs devenue une source de motivation, puis de fierté. Rapidement l’événement est passé d’un tournoi de basket entre Français à quelque chose d’international. Le Quai 54 a commencé à faire parler de lui, si bien qu’il n’y a jamais eu besoin de démarcher les équipes du monde entier car c’est elles qui réclamaient de venir se confronter aux teams présentes au Quai. Hammadou Sidibé recevait des appels d’équipes britanniques et allemandes, pour ne citer qu’elles. En 2019, Leandro Barbosa, champion NBA en 2015 avec les Warriors, a composé une team brésilienne qui s’est inclinée en finale. C’est d’ailleurs en réponse à ce phénomène que l’équipe de La Fusion a été créée. « De base, on voulait jouer entre potes. Donc sur les premières éditions on avait réparti les forces sur plusieurs équipes. Et le nombre de pros par effectif était limité. Mais on s’est vite aperçu que le niveau montait considérablement. Cela ne suffisait plus de jouer avec le cercle très proche. On a donc rassemblé les forces pour créer La Fusion qui est aujourd’hui l’équipe la plus titrée. C’est important de le préciser », explique Amara Sy, membre emblématique de La Fusion – battue par l’équipe YARD La Relève en 2015, on doit le rappeler !

La dimension internationale du Quai s’exprime aussi à travers son extrêmement réputé concours de dunk, dont Kadour Ziani, légende tricolore de la discipline, est aujourd’hui l’architecte : « Le Quai 54, c’est l’un des rendez-vous préférés des meilleurs dunkers du moment et de ceux en devenir. Chaque année ou presque, un dunkeur qui sort un peu de nulle part y est révélé. C’est le niveau à atteindre pour l’élite de la discipline, c’est la Champions League. » Kadour, plus de 20 ans après l’épopée de la Slam Nation qui l’a révélé comme phénomène aérien de la planète basket, martyrise aujourd’hui les cercles par procuration en s’occupant de la sélection d’athlètes pour le fameux concours. « Je fais un écrémage toute l’année. Je récompense au mérite les figures déjà confirmées que je propose à Hammadoun, mais je donne aussi la chance aux pépites du moment pour qu’ils explosent au Quai 54, comme Isaiah Rivera l’année dernière. C’est donc l’endroit favori pour les meilleurs du monde de venir s’expliquer et de remettre les pendules : c’est là où on montre vraiment qui est le boss. »

Il ne faut pas se méprendre sur les enjeux du Quai 54. Les joueurs s’y accordent : ils viennent pour s’amuser, mais pas uniquement. « J’y vais clairement pour gagner, témoigne Andrew Albicy, International français et vainqueur des éditions 2018 et 2019. On a des choses à prouver. Il y a beaucoup de trashtalk, ça fait partie du basket. Donc il faut répondre aux attentes. » Pour Amara Sy, il y a une dimension émotionnelle qu’il faut prendre en compte. « Pour les premiers participants, c’est notre bébé. On est là depuis le début, on a vu l’évènement grandir et prendre une dimension internationale. C’est une énorme fierté quand on en parle. Quand on participe, on met toute notre énergie. »

L’Amiral pèse ses mots. Cet esprit de compétition, cette détermination et cette énergie mise dans le tournoi sont telles qu’elles ont interpellé la Ligue nationale de basket. « Attention. On n’a jamais pris la compétition à la légère. Le porte-drapeau de cette compétition, Amara Sy, est comme mon petit frère. Il a emmené l’évènement très haut. On s’amuse mais on ne veut pas perdre. Des gens de la ligue nous ont même demandé comment nous faisions pour les rendre encore plus motivés qu’en club  ! », nous explique Hammadoun Sidibé.

Lapelcha-Goutte d’or BasketBall

Une anecdote contée par Andrew Albicy témoigne parfaitement de cet esprit de trashtalk et de compétition au Quai 54. « Pour l’édition 2018 Boris Diaw [champion NBA, champion d’Europe avec l’équipe de France, 247 sélections, ndlr] et moi étions en équipe de France donc nous sommes arrivés pour les quarts de finale. Notre équipe s’était qualifiée. Nous devions jouer avec La Fusion. Mais ils ont commencé à dire que comme on sortait de l’avion, on avait les jambes lourdes. Ils ont trouvé des excuses pour nous sortir de l’équipe. Ils ont même dit que le type de jeu pratiqué au Quai 54 ce n’était pas pour Boris. Mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’ils l’ont chauffé. Bismack Biyombo nous a fait de la place dans son équipe, Child Of Africa, qui jouait pour une association. Boris m’a dit : ‘Ils ont dit ça sur moi ? On va voir.’ Et finalement on a éclaté tout le monde, jusqu’à gagner le titre. Boris était injouable. Ils ont fait les malins, ils ont perdu. »

Mais ce n’est finalement rien d’étonnant. Que l’on soit en club, au Quai 54 ou sur un autre playground, on joue au basket pour se faire plaisir et gagner. Avec le Quai 54, certains retrouvent ce pour quoi ils ont commencé à jouer au basket. « C’est un basket 100 % plaisir. Quand ils sont en club, ils ont des restrictions », témoigne Hammadoun Sidibé. « C’est vraiment le show. Tu peux faire ce que tu veux, personne ne te dira rien. Au Quai 54 tu es plus libéré. En club c’est différent. Tu peux faire le show mais il faut marquer derrière, sinon le coach te crie dessus », admet Sylvain Francisco. « Au Quai je fais mes cross, mes passes dans le dos, mes petits dribbles. Les trucs que tu évites en club. Sylvain fait la distinction mais il joue comme ça que cela soit en club ou au quai. Il aime trop ça  ! », sourit Andrew.

Beaucoup se demandent si le niveau du Quai 54 est plus élevé que dans le monde professionnel, comme en Jeep Elite par exemple. Le basket du Quai, c’est un basket différent. Mais les principaux intéressés ont noté ce qui faisait la différence. « Les contrastes de niveau ne sont pas aussi visibles que dans le foot. Un amateur peut jouer contre un professionnel et être fort. C’est aussi pour ça qu’on a créé le Quai 54. Il n’y a pas de petits joueurs au Quai. Tu peux mélanger les niveaux sans que cela soit perceptible à l’œil nu », commente Hammadoun Sidibé. Amara Sy est plus nuancé sur la question. « C’est plus faible que la Jeep Elite, évidemment. Même si on arrive faire des additions de grosses individualités. Au Quai, il n’y pas de stratégies poussées comme en club. La cohésion n’est pas la même. »

Andrew Albicy

Cette motivation et cette énergie qu’on retrouve chez les joueurs lors du quai, c’est la même qu’Hammadoun et son équipe ont mis pour faire grandir le projet. Si Rucker Park fut une source d’inspiration, le but n’était pas d’imiter, mais de concurrencer. « L’important c’était de rivaliser. Quand je fais cet évènement, je suis en compétition. Il faut dire les choses comme elles sont. Le papa de tout ça, c’est le Rucker Park. Mais avec tout le respect que j’ai pour lui, je voulais faire une version encore plus grosse. Aujourd’hui, en termes d’impact, le Quai 54 est très puissant. On a bossé pour ça. » Mais pour dépasser le maître, il faut le battre. En 2005, Hammadoun Sidibé fut confronté à un premier gros test pour le Quai 54. L’équipe du rappeur américain Fat Joe avait fait le déplacement en France, avec le titre de « plus grosse équipe de streetball au monde » car sacrée à Rucker Park : l’équipe Terror Squad. Mais elle s’est cassée les dents sur les joueurs parisiens. « Quand ils sont venus et qu’ils ont perdu, j’étais content. Je me servais de ça pour légitimer mon tournoi, pour clamer le titre du plus gros tournoi de streetball au monde« , affirme fièrement Hammadoun Sidibé.

Battre une équipe américaine de streetball, en France, à Paris, ne pouvait pas passer inaperçu. Un an plus tard, en 2006, les premiers contacts sont pris avec la mythique marque Jordan. La reconnaissance ultime pour Hammadoun et son équipe. En 2009, Jordan devient sponsor officiel du tournoi. Une date marquante dans l’histoire du Quai 54. C’est à ce moment que le tournoi de streetball devient une marque. « Je tiens à remercier Gentry Humphrey, VP – Jordan, qui est à l’origine de cette collaboration. Il est venu à Paris et lorsqu’il a vu ce que nous faisions, il a voulu que le Quai soit un évènement Jordan. » Depuis, Jordan et le Quai 54 sont indissociables. « Quand tu es avec Jordan, tu es avec un label ‘basketball’ pur. De plus, avec la série ‘The Last Dance’, les gens nous disent qu’ils comprennent pourquoi on aime tant Michael Jordan. » Chaque année, une collection unique Jordan x Quai 54  est lancée et portée par les joueurs, le staff, ainsi que des athlètes NBA Jordan, comme le joueur des Celtics Jayson Tatum pour l’édition de 2020. En 2019, une collection exclusive aux couleurs franco-africaines fut créée, avec sur ses tissus les motifs et les couleurs du drapeau français, mais également un combiné de verts, de rouge et de jaunes, qui sont les couleurs panafricaines. Avec la collection 2020, les motifs choisis vont dans le sens de ce qui a été débuté en 2019 avec des patterns distinctifs qui rappellent que le Quai est aujourd’hui aussi tourné vers l’Afrique. Visuellement immanquable, symboliquement fort.

« Quand Jordan ramène des joueurs NBA, c’est super cool pour les jeunes. Tous n’ont pas la possibilité d’aller aux États-Unis et de voir un match NBA. Voir une star de si près, c’est génial pour eux. Si on les fait rêver, on est heureux. » L’édition 2019 a vu les présences Kemba Walker, Carmelo Anthony, Blake Griffin, Russell Westbrook et Maya Moore, véritable figure mondiale du basket féminin. Ils ont notamment pu juger le spectaculaire concours de dunk remporté par le talentueux Isaiah Rivera.

Auparavant, des légendes comme Scottie Pippen, Ray Allen ou encore Chris Paul avaient aussi foulé le parquet du Quai. Du côté des joueurs, ce partenariat et la présence des joueurs NBA a aussi un impact. « Ça ne change rien pour nous, témoigne Amara Sy. Qu’ils soient là ou pas, on jouera de la même manière. » Pour Andrew Albicy, Jordan a fait prendre une dimension totalement différente au Quai. « Tu ressens immédiatement l’influence car le quai c’est devenu l’occasion pour les gens de sortir leur meilleure paire de Jordan. Mais surtout ils font un gros travail au niveau de l’équipement et de l’organisation. On sent l’évolution en tant que joueur. On a beaucoup plus de privilèges qu’avant ; on a des vestiaires, des douches, des places pour nous, un espace pour manger… Le Quai de base, c’était le feu. Là ça l’est encore plus. » Pour les plus jeunes, Jordan rime automatiquement avec le Quai 54. « J’avais participé à une animation de mi-temps. J’avais 11 ans et si on gagnait on pouvait avoir une paire de Jordan. Ça m’a marqué », raconte Sylvain Francisco qui ne manque pas aujourd’hui de jouer en Jordan XIII dès qu’il en a l’occasion.

Le Quai de base, c’était le feu, là ça l’est encore plus.

Andrew Albicy

Mais il est important de rappeler que c’est le Quai 54, en tant que marque, en tant qu’événement incontournable, qui attire ce si beau monde. Que cela soit Jordan, les athlètes NBA, ou bien même les artistes. L’année 2010 est également considérée comme beaucoup pour un tournant. L’anecdote qui va suivre est le meilleur exemple pour comprendre à quel point l’attrait pour le Quai 54 va dans les deux sens. Cette année-là, Hammadoun Sidibé arrive à faire venir Ludacris pour une performance au Quai 54, grâce à Jordan. « C’était déjà beaucoup. On savait qu’on attirait des équipes américaines mais là il s’agit d’artistes. » Pendant le show de Ludacris, qui a succédé à Kery James, Usher était sur le bord du terrain. Le légendaire crooner n’était pas censé performer. Mais pris dans l’atmosphère électrique du Quai, il a demandé un micro et s’est invité sur la scène. « Personne n’était prêt. Il est arrivé comme ça par surprise. C’est à ce moment précis que le Quai a pris une autre dimension. Rien que d’en parler, je me rappelle de la folie que c’était. On a vécu un truc exceptionnel. C’est un des moments qui m’a le plus marqué au Quai », en frissonne encore Amara Sy, qui en a pourtant vécu.

Usher a été impressionné par le Quai. Et ce n’est pas le seul. Les athlètes NBA sont surpris de ce qu’ils voient à Paris, malgré leur statut de super guest chaque année. « Quand ils viennent, ils disent que même aux États-Unis il n’y a pas ça. Et ce sont les mots de Carmelo Anthony, pas les miens [« C’est le nouveau Rucker Park, pour le reste du monde », déclarait l’ancien joueur des Knicks de New York en 2014, ndlr]. On est arrivé à un stade où des stars NBA contactent directement Hammadoun. Tout le monde veut venir voir ce que ça donne de ses propres yeux. Carmelo Anthony a gardé un selfie réalisé au Quai 54 en photo de profil pendant deux ans  ! », commente Amara Sy.

Outre le basketball, c’est aussi Paris et sa culture que le Quai 54 fait briller. Place de la Concorde, le Palais Tokyo et le Trocadéro pour ne citer qu’eux. Tous ces lieux mythiques parisiens se sont vus poser sur leur sol le parquet du Quai 54. « On est un cas d’école. Des gens ne comprennent pas qu’on nous ait accordé tous ces endroits. Pourquoi  ? Parce qu’on est organisés. On est dans une super ville, c’est beau de le montrer. Je suis fier de vivre à Paris. On reste dans notre esprit d’authenticité et on remercie la ville de Paris pour ça », se félicite Hammadoun Sidibé.

D’un tournoi de basket, à une marque planétaire, le Quai 54 est devenu un véritable évènement culturel. Un lieu d’exposition pour le basket et toute sa culture. Cela passe par le rayonnement des banlieues, par l’affirmation du hip-hop, mais aussi du monde de la mode. « La provocation ce n’est pas que dans les matches de basket. La manière de s’habiller est importante. C’est un tournoi de basket mais je dirais aussi que c’est un tournoi de mode. Un véritable défilé. Grâce au Quai 54 les gens découvrent toute cette culture », analyse justement Sylvain Francisco. « Il y a tous les gens de Paris. On y voit les artistes parisiens. Il y a aussi des artistes américains mais c’est surtout le monde parisien qui est enveloppé dans le Quai. C’est devenu le lieu où il faut être », ajoute Andrew Albicy.

On reproche aujourd’hui au Quai 54 d’être devenu bling bling, mais pour les concernés, ce n’est pas une critique car cela fait partie de la culture basket. Une marque qui collabore avec Jordan ne peut qu’être bling bling, c’est même fait pour ça. Pour briller. « Les gens qui disent ça confondent beaucoup de choses. Le Quai 54 a toujours été bling bling parce qu’on est « street chic » et pas « street ghetto ». Il y a des personnes bien habillées. C’est un évènement culturel. C’est notre Roland Garros. On peut briller et être authentique. Jay-Z, c’est un rappeur. Il est authentique dans son rap mais il brille beaucoup. Nous c’est pareil », nuance habilement Hamadou Sidibé.

Aujourd’hui, tous ces ingrédients font que le Quai 54 fête cette année sa 17e bougie. Mais parmi tous ces facteurs de réussite, un sort du lot pour Hammadoun Sidibé. « Si je dois sortir un ingrédient, c’est mon équipe. Les gens avec qui je travaille.  L’idée vient de moi mais je n’aurais pas pu obtenir ce résultat sans mon équipe : Thibault de Longeville, Said Elouardi, Ama Gassama et Almamy Kanouté. Sans oublier Mokobe, évidemment, et les DJs qui sont venus dès la première édition, avec le cœur : Lord Issa, Izo et Nas. Si je dois recommencer 100 fois, ça sera avec la même équipe. Je suis persuadé que sans eux, le quai ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. »

Et le Grand Paris comme théâtre, toujours, tant le Quai 54 symbolise la culture basket parisienne autant qu’il s’en nourrit. Le vrai « pour nous, par nous », depuis le début de l’aventure il y a 17 ans au 54, quai Michelet à Levallois, et jusqu’au bout d’une histoire pas prête de s’éteindre.

Le format album règne en maître sur l’industrie musicale alors qu’une grande majorité des albums produits par les majors ne sont pas rentables. Véritable proposition artistique ou format établi par défaut, cette prédominance interroge. Est-il toujours utile et pertinent de produire des albums ?

C’est le même rituel qui s’impose chaque vendredi, jour sacro-saint des sorties musicales. Captures d’écran partagées en stories, trending topics sur Twitter : passé minuit, on se presse sur les réseaux pour évoquer les albums rap de la semaine, entre débats, éloges et disputes. C’est devenu une norme, une sorte de train-train quotidien auquel toute une partie du public prend part. Mais si l’on scrute toujours avec attention l’arrivée de nouveaux projets, notre manière de les consommer n’est plus toujours aussi poussée. Sans doute y en a-t-il trop ? Aujourd’hui, écouter des albums, c’est limite se mettre en scène : montrer qu’on est avertis, qu’on possède une certaine culture, et surtout qu’on a le temps. Car toutes les semaines, on est abreuvés de musique, jusqu’à en être submergés – même si le Covid nous a permis de respirer un peu. Des dizaines de projets sortent, les uns à la suite des autres, et il est impossible ou alors illusoire de trouver le temps de tous les écouter. C’est dans ce flux permanent que les playlists se révèlent à nous. Synthétiques, personnalisées et thématisées, elles résument l’essentiel des sorties selon une ambiance donnée et permettent au public de tout écouter, ou du moins d’en avoir l’impression. Et plus que jamais, elles sont indispensables aux artistes, qui cherchent à tout prix à s’y faire une place.

Deux réalités s’entremêlent : celle du public qui n’écoute pas forcément d’albums, et celle de l’industrie qui continue d’en faire. Les formats, pour beaucoup, sont souvent désuets. La preuve en est, selon une enquête anglaise réalisée par Deezer en 2019, 15% des moins de 25 ans n’ont jamais écouté un album entier de leur vie. Ces chiffres interpellent, sans être forcément surprenants, car ils assoient une réalité : l’écoute des albums est intellectuelle et générationnelle. On en écoute parce qu’on a grandi avec, et au fond, on reste attachés à ce format parce qu’on l’a connu. Ça peut et ça risque de se perdre, comme tout. Pourtant le regard n’est pas le même dans les labels, car les albums restent le cœur de l’industrie et le nerf de la guerre. À raison ?

La musique n’est pas née avec les albums.

Mehdi Maïzi

Un album est un œuvre phonographique produite par un ou plusieurs artistes. Elle est composée d’une succession de titres, censés « [former] une unité artistique » d’après le Larousse. C’est la définition basique d’un LP : un format plus ou moins long, originellement associé aux 33 tours puis aux CDs. Mehdi Maïzi, ambassadeur français d’Apple Music et animateur de l’émission Rap Jeu, le souligne à juste titre, « un album est un format imposé par l’industrie parce qu’elle avait besoin de vendre, mais la musique n’est pas née avec les albums ».

Un album, c’est donc un format, une « production », pour reprendre les mots du dictionnaire. C’est une création industrielle et parfois mécanique. On touche là au paradoxe même des albums : c’est du mécanisme, et aussi de l’art. C’est un jeu entre créatifs et techniciens, une balance à trouver.

Alors parfois, l’art prime. Parmi ses adeptes, il y a Kendrick Lamar, partisan des « bodies of work », ces projets à la ligne directrice claire et forte, construits de manière à prendre de l’épaisseur au fil des titres. good kid, m.A.A.d city en est le parfait exemple : à travers un storytelling incarné, le rappeur de Compton raconte son histoire, ses origines et sa ville. Ici, le format est sacralisé. Le fond s’allie à la forme pour créer une œuvre d’art, et le format sert de support à un message profond. Si cela peut s’avérer classiciste, il s’agit uniquement d’une perception reposant sur la valeur artistique des albums. Une vision où l’album est perçu comme un aboutissement, à la fois personnel et esthétique.

Ces « bodies of work » sont appréciés par une partie du public et de l’industrie. C’est le cas de Pauline Raignault Ali Gabir, anciennement directrice artistique chez Polydor, aujourd’hui project manager chez Redbull. Elle en parle en expliquant son travail sur Les Étoiles vagabondes de Nekfeu et Gentleman 2.0 de Dadju. « Ces albums, on ne les a pas construits en se concentrant sur l’impact individuel et la performance potentielle de chaque titre dans une individualité, mais on les a pensés comme des ensembles. » La clé est là : les bodies of work sont des appareils, des ensembles. Ce sont des labyrinthes qui bercent le public. Qu’il s’agisse des interludes de TRINITY de Laylow, ou du film auditif Le Regard Qui Tue de Varnish La Piscine, les deux embarquent l’auditeur dans un voyage sonore construit comme un tout.

Mais ces albums conceptuels ne sont que l’apanage d’une poignée d’artistes. Ils ne sont pas généralisés : un Naza ne fait pas (encore) de body of work, pas plus qu’Aya Nakamura. Et ce n’est pas grave, car ce ne sont que des formats. Les albums ne répondent pas nécessairement à une direction artistique poussée et unifiée. Tous coexistent, car tous s’adressent à des publics différents, et tous sont nécessaires, car tous répondent à des émotions distinctes. Ainsi, faire un album ou un body of work n’est pas une obligation, mais il est toujours important d’en faire, car ils restent « une expérience pour les fans », d’après Narjes Bahhar, journaliste et éditrice des playlists rap de Deezer. L’idée « d’expérience » est révélatrice, car elle répond à la fonction première des albums : créer une expérience et un divertissement pour l’auditeur.

La symbolique des albums

Reste qu’en 2020, la plupart des artistes se s’embarrasse pas de toutes ces considérations. Ils semblent aujourd’hui plus attachés à l’idée de publier de nouveaux morceaux que d’assouvir les ambitions artistiques auxquelles répondent un body of work. Mais leurs nouveaux morceaux continuent de paraître sous forme de projets. Un rapport du SNEP paru en 2019 nous apprend pourtant que « 90% des albums produits par les majors n’atteignent pas le seuil de rentabilité ». Et c’est encore plus frappant que « seulement 10% des albums français sortis en 2018 dépassent les 50 000 exemplaires vendus ». Le rap se porte bien, mais les ventes rapportent moins et peu d’artistes peuvent réellement en vivre. Beaucoup s’en moquent, car ce sont les showcases et les concerts qui payent. Pas les albums. On peut en faire parce qu’on a envie, mais pas pour être riches. Dès lors, les albums ne sont plus des évidences. Mais ils s’inscrivent toujours dans une logique commerciale. « La question des albums est encore importante car on continue de vendre des albums et des CDs dans ce pays. Ce format compte encore pour des artistes », le rappelle Mehdi.

La machine promotionnelle s’articule toujours autour de ce même format : quand les artistes débarquent sur Planète Rap ou partent faire le tour des médias, ils viennent systématiquement défendre un nouveau disque, jamais un nouveau single. Dans l’imaginaire populaire, comme celui des artistes, l’album induit un cap symbolique. On l’imagine nécessairement plus abouti qu’un EP ou une mixtape, qui seraient pour leur part moins travaillés, plus foutoir. Passer de l’un à l’autre signifierait dès lors « passer aux choses sérieuses ». Mais ça, c’est en théorie. Car plus le temps passe, moins on constate de réelle différence entre les deux. Si 13 Block parle de leur projet Triple S comme d’une mixtape, personne ne pourra lui reprocher de manquer d’exigence ou de cohérence artistique.

Le flou et la confusion autour des termes réside plus dans un souci marketing et promotionnel, que dans une réflexion approfondie autour des formats. Aujourd’hui, une mixtape n’est plus un brouillon devant mener à un album, elle ne possède plus cet aspect bricolage et amateur qui l’a longtemps défini. 1994 de Hamza n’est pas un brouillon, et pourrait tout à fait être considéré comme un album. Dans le cas de l’artiste belge, le terme mixtape semble surtout signifier « premier essai en major », et non premier essai tout court. Parler de mixtape, c’est être prudent. On ne peut s’empêcher de voir dans cette appellation, une forme de syndrome de l’imposteur : on choisit d’être humble, pour mieux se valoriser, comme une forme de fausse (ou réelle ?) modestie.

Stratégie > body of work

Les albums ne cessent de s’adapter aux usages des publics. Et quand ces usages évoluent, de nouveaux formats apparaissent, comme celui des albums-playlists. Il s’agit de projets conçus comme des compilations, qui répondent ainsi à une consommation actuelle et parsemée de la musique. Le meilleur exemple en la matière est sans doute Chris Brown. En l’espace de deux ans, il est passé de projets de quatorze titres (Royalty, 2015) à des double CDs de quarante titres combinés (Heartbreak on a Full Moon, 2017). La quantité de tracks permet de satisfaire une large palette d’auditeurs. Amateurs de R&B traditionnel, férus de rap, ou auditeurs pop, chacun peut y trouver son compte, et chacun le trouve. En bref, on mise sur la quantité pour plaire et vendre à tout le monde. Plus il y a de chansons, et plus il y a de marchés et de possibles.

De son côté, Chris Brown l’assume pleinement : il interroge ses fans, et leur dit comment streamer. Dans un post Instagram aujourd’hui supprimé, il leur donnait des instructions précises : acheter l’album, partager la facture d’achat sur les réseaux sociaux, créer des comptes sur les plateformes Spotify et Apple Music pour streamer en boucle… Autant de tactiques pour assurer les chiffres, car encore une fois, il n’est ici que question de chiffres. Récemment, Justin Bieber s’est prêté au même jeu. Après avoir fourni des instructions similaires pour s’accaparer la première place du Billboard Hot 100, il a franchi un cap, en transformant littéralement son dernier album Changes en playlists.

Dans un souci de marketing et de ventes, il a choisi de fragmenter son album de dix-sept titres en une série de six EP, de cinq titres chacun. La règle est simple : un EP pour une ambiance. Pour un mood R&B, il y a R&Bieber, pour les chansons d’amour, il y a Couple Goals, pour faire la fête, il y a Party, et ainsi de suite. Il va même jusqu’à reprendre l’esthétique des playlists en jouant sur les covers, avec une image de fond colorée, et une police aguicheuse. Les visuels parlent d’eux-mêmes. Ses chansons sont réorganisées sous de nouveaux formats attractifs, et il va plus loin, en incluant d’anciens titres dans ces nouveaux EP. C’est le cas de l’EP Work From Home, composé d’anciens singles, attisant ainsi les foudres et le dédain de certains fans. L’EP devient le best-of, en plus actuel, plus court, et plus moderne.

Finalement, on donne des projets courts, car ils sont plus faciles à écouter. Niro, en France, a aussi opté pour la fragmentation. En 2019, il a sorti son album Stupéfiant en quatre fois, pas à pas, en une série d’EP intitulés « Chapitres ». Dans un écosystème où l’attention est rare, Niro a créé des micro-sorties. Stratégie audacieuse, car elle permet de tenir en haleine tout un public sous plusieurs mois, dans l’attente des chapitres à venir. Elle permet une promotion plus longue, et un intérêt étalé dans le temps. Tel un phénix, l’album se découvre plusieurs vies. « On n’a pas forcément [le temps d’écouter un album] donc on va le survoler. On va prendre deux-trois titres qu’on aime bien, et puis le reste c’est aux oubliettes. […] En envoyant quatre titres par quatre, tu laisses le temps aux gens de découvrir les sons. […] Par EP de quatre titres que j’envoyais, sur les trois premiers chapitres, les gens ont tous eu un ou deux titres préférés par EP. Donc on passe vite de deux à trois titres préférés sur un album, à six ou sept titres sur treize. C’est quasi la moitié. En termes de marketing, c’est beaucoup plus sérieux », commente Niro dans sa dernière interview pour YARD. « C’est beaucoup mieux d’envoyer au coup par coup et de faire découvrir plutôt que d’envoyer une galette de dix-sept tracks qui fait peur aux gens d’un coup. »

L’industrie produit en masse, et le public peine à suivre. Dès lors, promouvoir les formats courts, c’est mettre toutes les chances de son côté pour s’assurer un créneau dans l’agenda d’écoute déjà surchargé des auditeurs. Certains comme PNL – ou plus récemment Gambi – choisissent ainsi de miser sur les singles pour élever leur profil. Il s’agit de fédérer plus facilement et plus efficacement, en créant des micro micro-événements pour des sorties de titres, plutôt qu’un unique événement pour une sortie d’album. Une stratégie qui lui a permis d’envoyer ses trois dernières cartouches « Hé oh », « Popopop » et « Dans l’espace » au sommet du top Single. Ateyaba, dans un autre registre, dévoile une stratégie similaire. Il crée l’attente et rassemble davantage son public à chaque sortie. Il repousse l’album et démystifie cette obligation. Mehdi les défend : « Tu peux très bien sortir un morceau tous les mois et faire ta tournée des chichas ou des festivals l’été une fois que tu as un vrai répertoire. Gambi est programmé à des festivals alors qu’il n’a que trois ou quatre morceaux officiels. Je pense que sortir un album n’est plus un passage obligé. Par contre, tu dois avoir tout un écosystème qui doit aller avec. Et pour tout dire, je ne suis pas convaincu que la France ait besoin d’un album entier de 24 titres de Keblack par exemple. Par contre, je pense que si tu as un bon single de Keblack tous les deux mois, on sera tous contents et ce sera cool. »

Malgré tout, en France, le format album prédomine toujours, et les singles continuent de mener aux albums. Vieux modèle ou vieille industrie ? Il n’en existe pourtant pas d’autre chez nous. « La consommation a tendance à nous tirer vers du track by track et rend l’apparat de l’album désuet, suggère Pauline. Mais encore une fois, on a de très beaux contre-exemples, comme avec Ninho. Alors qu’on a beau consommer du track by track, in fine on finit par consommer l’intégralité de l’album. »

Quels modèles pour l’avenir ?

Certains rappeurs n’ont peut-être pas d’intérêt à sortir d’albums. Et si on entrevoit la possibilité d’une carrière de singles avec Gambi, il est fort probable qu’un projet finisse par arriver tôt ou tard. Il n’y a donc pas de réalité tangible pour un artiste qui se détacherait de cette structure. Les contrats restent basés sur un nombre de disques à produire, et aucun ne semble y échapper pour le moment. Pourtant certains devraient, car tous ne rentrent pas dans le même moule. Pour Mehdi, c’est aux DA de bousculer les choses, et non aux artistes : « Eux, ils font de la musique, et ce n’est peut-être pas à eux de se poser ces questions-là. Les questions qu’on est en train de se poser, en vrai de vrai, ce sont des questions de journalistes ou d’observateurs de l’industrie. Il y a plein de rappeurs qui s’en foutent complètement de savoir si c’est une mixtape ou un EP. Pour beaucoup, ils font de la musique et c’est tout. C’est à nous et aux gens de l’industrie de remettre, si c’est nécessaire, ce format en cause. »

Si ça ne vient pas des DA, ça peut aussi venir des rappeurs, « de gens très forts en terme d’aura et d’impact médiatique » selon Mehdi. Kanye l’a fait une première fois avec The Life of Pablo en 2016. L’injonction du format entravait sa liberté au moment où il créait, alors il s’en est défait. Après la sortie de l’album, il a continué de le modifier et de l’enrichir. Il s’est libéré de ces limites jugées despotiques. Il a remasterisé des tracks, modifié les paroles comme sur « Famous », ou ajouté des titres comme « Saint Pablo », introduit le 14 juin, soit quatre mois après la sortie initiale du projet. Il montre ainsi que l’album n’est pas un objet immuable, et détourne la notion de format, en déterrant une infinité de possibles. C’est une première, mais c’est réel : les albums s’allongent car les plateformes le permettent. Ils deviennent ainsi la matérialisation d’une actualité et d’une industrie où tout change.

Par son entreprise, Kanye fait donc une première dans le rap. Si on peut modifier et ajouter des morceaux, alors un album peut être potentiellement infini. C’est une révolution majeure, car il n’y a plus de contrainte matérielle. « Il a mis dans la tête des gens qu’un album ça pouvait se changer autant qu’on voulait, à l’heure où on voulait, et si on le voulait. Il a montré qu’un album n’est pas définitif. À notre échelle et à l’échelle de la musique, c’est révolutionnaire », relate Mehdi. Et on le voit jusqu’en France, où les rééditions et autres versions « deluxe » pullulent ces derniers mois. À l’époque où l’on achetait encore des CDs, la réédition consistait en une nouvelle sortie physique agrémentée de nouveaux titres, qui intervenait souvent des mois après la sortie initiale, et n’était réservée qu’aux disques ayant déjà rencontré un grand succès. Avec le streaming, il n’est désormais pas rare de voir un album au succès relatif se garnir de morceaux additionnels quelques semaines – voire quelques jours – après avoir débarqué sur les plateformes. Pour aller chercher une certification qui est aujourd’hui essentielle en image ? Le roro, c’est la preuve objective pour un rappeur qu’il joue en première division et nombreux sont ceux qui font tout ce qui est en leur possible pour jouer les barrages. Si on a pas un disque d’or après 6 mois d’exploitation, on a raté son album – si Jacques Séguéla était communiquant dans le rap, c’est surement ce qu’il aurait dit.

En 2018, Kanye réitérait son exploit, quand il produisait une série d’albums d’à peine sept titres pour des artistes comme Nas, Pusha T, ou Teyana Taylor. Ce faisant, il s’adaptait à l’écoute volatile d’un auditoire fugace. « Techniquement, on ne sait pas ce que ça veut dire un « album ». Il n’y a pas de règle qui stipule qu’un album doit faire tant de morceaux, ou doit durer tant de temps, persiste Mehdi. Donc en vrai, un rappeur pourrait très bien se défaire d’un contrat qui lui impose de sortir des albums comme on les imagine habituellement. Dans l’absolu tout est possible. » Dans une interview pour Clique, Le Motif confirmait ces propos : « Je pense qu’artistiquement, le format album n’a jamais existé. Il y a très peu de projets qui durent 60 minutes, en étant cohérents et consistants tout le long, et qui essaient de raconter une histoire de la première seconde à la dernière seconde. Tu vas toujours trouver un single radio par là, une petite ballade par ci. Il y a toujours un son ou un featuring qui n’a rien à faire là. Je n’ai jamais cru au format album comme l’industrie nous l’impose. » Dans le pire des cas, des artistes forcent la cohérence entre leurs singles radio, leurs ballades et leurs autres morceaux pour dessiner une histoire qui n’a jamais existé : on pense notamment à l’album I Told You de Tory Lanez et ses 14 skits placés entre chaque morceau pour les lier entre eux. On salue l’initiative, mais en aucun cas c’est crédible.

De son côté, Mehdi s’amuse de toute la considération portée à ces modèles : « C’est fou parce que maintenant, on parle d’un album parfait qui ferait quinze titres. Mais dans un album, à la base, la contrainte était de tenir sur un objet physique qui ne pouvait pas avoir plus de X minutes sur le CD. S’il n’y avait pas eu cette contrainte-là, les albums auraient duré beaucoup moins longtemps, ou au contraire beaucoup plus longtemps. » Alors non, les albums ne vont pas mourir. Il reste une réelle attache à ce format, autant affective que commerciale. Donc oui, il continuera d’y avoir des sorties tous les vendredis et oui, les top albums continueront. La preuve : Gambi, nouveau roi du streaming, vient de sortir son premier album La vie est belle.

Un symbole, plus qu’autre chose

Pour autant, bien que l’appellation reste, il est peu probable que le format ne continue pas d’évoluer tellement il a autant besoin de gagner en pertinence que de redevenir rentable. À la place « d’albums », on peut imaginer la généralisation des compilations, playlists et autres formats hybrides : des albums évolutifs, dont les morceaux sont dès le départ ajoutés au compte-gouttes. Un album qu’on verrait grandir, qu’on découvrirait petit à petit et non via la livraison plus forcément digeste d’une quinzaine de morceaux d’un coup.

Il faudrait alors s’affranchir du diktat de la sortie physique qui, bien qu’en baisse au niveau des ventes, impose toujours ce format de livraison de musiques par lot – beaucoup moins de consommateurs iraient acheter un album physique dont ils connaitraient déjà tous les morceaux par coeur. Il faudrait aussi que les règles de comptabilité des ventes d’un album évoluent pour que la fameuse première semaine cesse de donner le rang d’un artiste et, par définition, son classement par rapport aux autres. Mais aussi parce que les règles de comptabilité sont pipées pour que « l’urbain », qui fait office de nouvelle variété, ne squatte pas davantage les bonnes places du top album : les 300 millions de streams enregistrés par Gambi avant la sortie de de son album ne comptent pas dans ses chiffres de vente, alors que ses tubes phares figurent dans la tracklist. Un non-sens qui est pour l’instant toléré, à défaut d’alternative.

Le format album a régné sur tout un âge de la musique, il ne risque pas de disparaître de sitôt. Sa force symbolique garantira surement sa survie, mais il ne s’agit que de ça. Parce que le jour où Kanye West décidera de définitivement révolutionner le format comme il l’a fait il y a 4 ans, pas sûr que les albums qui suivront auront quelque chose à voir avec les disques qui s’empilent sur nos étagères, seulement protégés de la poussière par leur emballage plastique d’origine.

Près de deux ans après notre rencontre à Font Vert avec Soso Maness, le rappeur marseillais a fait du chemin. C’est peut-être lui qui, de tous, en a fait le plus, passant de rappeur quasi inconnu en dehors des quartiers Nord à personnage phare du rap français. Quelques jours après la sortie de son deuxième album Mistral, attendu et surprenant, on a de nouveau discuté sans langue de bois.

Photos et vidéo : @samirlebabtou

« Alors l’équipe ça va ou quoi ? Moi impeccable, ça purge dans les ténèbres lol. Je fais du sport, le ramadan ça se passe tranquille et surtout j’écris énervé de chez énervé. Quand je sors ils vont tous comprendre, wallah. Je vous laisse mon adresse, envoyez-moi des lettres je répondrai à chacun de vous. Allez faites attention à vous l’équipe, à bientôt.

Adresse : Sofien Manessour
Numéro d’écrou : 181104
Bâtiment B, cellule 2060
Maison d’arrêt des Baumettes, 239 chemin de Morgiou, 13009 Marseille »

En juin 2016, Soso Maness s’adressait à ses fans sur Facebook depuis les quatre murs de sa cellule. Il leur promet qu’à sa sortie, « ils vont tous comprendre ». Il faut comprendre que Soso n’a jamais douté, mais qu’il n’a jamais non plus pensé que la vie lui devait quoi que ce soit. Sofien Manessour ne se pense pas plus talentueux qu’un autre, mais il est persuadé qu’à force de travail il peut se faire une place dans un milieu qui constitue pour lui bien plus qu’une opportunité : le rap lui permettra d’éviter les Baumettes, les « ténèbres », et de trouver la lumière.

Quatre ans après ce message, Soso Maness sort Mistral, son deuxième album après Rescapé. Entre les deux sorties du rappeur des quartiers Nord de Marseille, il y a un formidable bond en avant : l’artiste a travaillé, progressé, et se donne les moyens de ses ambitions pour proposer un projet varié, complet, original. À son image. Après notre On The Corner au coeur de Font Vert publié fin 2018, Soso a senti qu’une opportunité s’offrait à lui et s’est rendu omniprésent en passant devant les caméras de tous les médias qui lui offraient une tribune. Et à chaque fois, il gagnait une poignée de nouveaux auditeurs potentiels, séduits par ce Marseillais à la langue bien pendue.

Il savait qu’ils n’avaient jamais écouté sa musique, qu’ils appréciaient son franc-parler, mais lui voulait les rendre curieux. Parce qu’il savait que le vent allait tourner, et que Mistral aurait les arguments pour les convaincre. Aujourd’hui, le rappeur a gagné le respect de ses pairs, du public rap, et de l’ensemble des personnes qui lui ont un jour fait confiance en travaillant avec lui. Parce qu’il n’a jamais rien lâché, qu’il a redoublé d’efforts pour honorer le boulot de tous ceux qui ont participé à son ascension, il peut, exténué en quittant Paris dans un TGV qui la ramène vers la citée Phocéenne, enfin se reposer avec le sentiment du travail accompli.

Invitée régulière de Planète Rap, apparue chez Red Binks et Rentre Dans le Cercle, Leys cherche à faire sa place dans le milieu du rap français. Un peu plus aiguisée à chaque nouvelle apparition, la rappeuse aux 1001 freestyles pourrait bien forcer des portes qui ne lui sont, pour l’instant, qu’à moitié ouvertes. Rencontre. 

Photos : Yoann Guerini

Leys ne fait pas dans la dentelle. Repérée par Chilla, KPoint, Marwa Loud ou encore Hayce Lemsi, celle dont le flow pétarade de freestyles en freestyles a déjà ouvert un Zénith, bombarde Instagram de rimes et promet une sortie de projet pour très bientôt. Dans la plus pure tradition rap, Leys a fait le choix de travailler pour sa place, sans prendre les raccourcis propres à l’époque.

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« J’en ai rien à faire, j’suis Makelele », lançait Leys dans un Planète Rap qu’on n’était pas prêts d’oublier. Leslie, de son vrai nom, est née en 1997 à Verdun, mais c’est de la scène rap de Reims qu’elle est aujourd’hui la figure de proue. D’origine congolaise et centrafricaine, Leys est la plus jeune de sa fratrie et l’un de ses frères est aujourd’hui son manager : il l’accompagne pendant l’interview, bienveillant. C’est donc à Reims que s’est installée la famille, une ville qui peine à mettre son nom sur la carte et à pousser ses rappeurs locaux : « Quand je ne faisais pas encore de rap, il y avait beaucoup de rappeurs mais ils ont arrêté depuis. Au début, j’ai commencé à enregistrer dans un studio de ma ville mais en fait je n’aime pas trop la mentalité d’ici. Les gens aiment avoir la lumière sur eux mais pas sur les autres, il n’y a pas d’entraide. Sur les réseaux, Reims est la dernière ville à me suivre, alors que la plupart des gens me connaît. Il y a une forme de retenue. Ça ne s’est pas toujours bien passé alors j’ai préféré travailler avec ceux de Paris, ça m’a beaucoup plus fait avancer. » 

« Les gens de mon quartier qui m’insultaient au début ont fini par venir me demander des dédicaces »

Ainsi sa performance en première partie de Kery James au Zénith de Paris se passe plus que bien et tout porte à croire que la jeune artiste a ça dans la peau. C’est que Leys est une habituée du micro, sorte de partenaire de vie depuis ses seize ans. « En fait, on avait organisé un rendez-vous avec les gens du quartier parce qu’on voulait monter un groupe. On était allés se caler chez l’un d’entre nous, j’avais ramené un texte écrit sur une feuille que j’avais posé sur une instru de Nicki Minaj, et on m’avait dit que c’était bien ! On jouait à écrire des sons. » La future MC s’amuse même à poster des vidéos où elle chante sur Facebook et YouTube, à ses risques et périls. « On croyait que ce qu’on faisait c’était bien, on était dans le déni total ! Avec une amie, on avait partagé une vidéo de nous en train de faire une cover de ‘Where Have You Been’ de Rihanna en criant : tout le monde nous avait insultées, ma pote ne voulait même plus retourner au lycée après ça. Le pire, c’est que j’avais perdu les codes et que je ne pouvais pas la supprimer ! Mais parmi tous les commentaires qui nous clashaient, certains ont vu qu’il y avait quelque chose à faire. » Qu’à cela ne tienne, après cet épisode, les étoiles finissent bel et bien par s’aligner. Il aura suffit d’un freestyle filmé dans un parc pour que Leys trouve sa voix et ne s’arrête plus jamais. « Les gens de mon quartier qui m’insultaient au début ont fini par venir me demander des dédicaces », ironise-t-elle. Et même s’il faut apprendre encore, entendre sa voix enregistrée en cabine pour la première fois — une étape parfois déroutante — dans le home studio improvisé d’une connaissance, sans surprise, Leys est à l’aise, et le rideau s’ouvre. 

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« Quand ma première manager m’a contactée, on a fait un clip… Il était nul, mais c’était pro ! Donc j’étais contente. On est souvent insouciants quand on ne connaît rien sur le milieu. On se dit : ‘Ah bah ouais, là je vais percer’, alors que pas du tout ! » En effet, tout ne se passe pas comme prévu et l’industrie de la musique qui semblait lui avoir déroulé le tapis rouge est en fait loin d’être un long fleuve tranquille. « J’ai mis du temps à prendre conscience de certaines choses. C’est une compétition et il faut garder ça en tête. Je ne suis pas du genre à voir le mal partout mais dans cet environnement, beaucoup de gens peuvent prendre ta force. » Rappeuses comme rappeurs, « c’est dur pour tout le monde » soupire Leys. Pourtant, l’artiste en herbe ne passe pas inaperçue et se fait vite remarquer par Fababy, chez qui elle signe son premier contrat. Et lorsque ce dernier partage un freestyle de la rappeuse, les vues explosent. Leys performe alors dans Rentre dans le cercle, accompagnée de son frère, qui, comme toujours, veille sur elle. « J’ai besoin d’avoir de bonnes ondes autour de moi, sinon c’est mort. J’étais un peu stressée mais c’était un truc de ouf. » Sur scène comme à la maison, la jeune artiste enchaîne les plateaux d’émissions. « Après ça, les gens se mettent à croire en toi. » Leys la première n’a jamais cessé d’avoir confiance, travaille dur à accroître ses skills et multiplie les punchlines marquantes. « Mon flow commence à me satisfaire » écrit l’artiste… 

« Le rap, c’est ma marque de fabrique »

« Je me suis vue m’améliorer. Au début, je rappais bien mais je n’arrivais pas à m’écouter. Puis, j’ai appris à faire des sons, ce qui est toute autre chose. En allant au studio plus souvent, je suis parvenue à structurer mes morceaux. J’ai appris à poser sur des vraies prods et pas sur des typebeats. Je ne demande plus l’avis de tout le monde avant de faire un post sur Instagram, désormais, si je poste un freestyle, c’est parce que moi je le trouve lourd. » D’ailleurs, quand on interroge la rappeuse sur son freestyle « Optimum », véritable condensé de réflexions tenaces et de rimes qui tapent, elle nous répond : « ‘Optimum’ signifie ‘meilleur’ en latin… Parce que je suis la meilleure. Ce n’est pas pour faire la meuf, il y a plein de rappeuses super fortes, mais je sais que je peux encore faire beaucoup mieux et je suis très productive… » Et si Leys a su démontrer son savoir-faire en matière de mélodies et de toplines, comme dans ses titres « Sommet » et « Bad Gyal », le rap demeure et demeurera « [sa] marque de fabrique ». « Avant, quand j’entendais d’autres artistes changer de style, je ne comprenais pas, maintenant, je sais qu’on ne peut pas faire tout le temps la même chose. Mais j’ai besoin de garder des parties rap pour montrer que je n’ai pas changé.  » À son instar, les artistes d’où Leys tire ses influences se distinguent par leur naturel et leur force de caractère, et sont le plus souvent des artistes internationaux — une façon pour elle d’élargir ses connaissances et de minimiser son attention sur la concu. « J’observe beaucoup le travail de la rappeuse allemande Loredana, j’aime son charisme de garçon manqué, elle utilise ses propres armes. »

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Leys aussi possède ses propres armes fatales, « le fond et la forme », et a su s’emparer de l’art de la pointe jusqu’à embarquer toute sa famille avec elle. Soutenue au jour le jour par sa mère, Leys plaisante : « Ils attendent que ça explose. Ma mère regarde mes freestyles en boucle et elle me dit : ‘Il faut que ça fasse des vues’, j’en peux plus ! » Et alors que les conditions sont plus mauvaises que jamais, des festivals annulés aux sorties de projets repoussés, Leys continue de faire son petit bonhomme de chemin. Et même si on ne la verra finalement ni au Printemps de Bourges ni au Cabaret Vert cette saison, son single « Sortir de la tess » vient de paraître et l’artiste ne cesse de puiser l’inspiration et de la recracher sur Instagram dans des freestyles qui frôlent toujours plus la virtuosité. « Je ne me force plus à rien. Je suis à 200% focus sur ma musique et je veux faire des sons qui me ressemblent. Vous devriez rester branchés… » 

L’embrouille entre Ateyaba et Kekra, en mars dernier, soulève l’un des derniers tabous du rap français : le mot « négro ». À l’heure où les codes du hip-hop se généralisent, ce terme ultrasensible échappe aux mains de la communauté noire. Pourtant, il serait temps que les rappeurs et le public se demandent qui a le droit, et qui n’a pas le droit de le dire. Mais sommes-nous prêts à avoir cette discussion ?

Illustrations : @shingekko

Vous savez pourquoi j’aime le hip-hop ? Parce que je m’y sens chez moi.

Être un homme noir français, c’est rêver de vivre dans un clip de JAY-Z et se réveiller dans une comédie de Christian Clavier. Cinéma, médias, télévision, politique… les personnes noires sont quasiment absentes des espaces où se forge la conscience collective. Les rares fois où l’on pénètre ces milieux, on y est assignés à des rôles stéréotypés, ou alors on y est accueillis comme Vald chez Ardisson : pas super bien. La France est ce pays, étrange et un brin sadique, qui nie son histoire coloniale et l’existence de ses rejetons mais continue à les mépriser sourdement. De temps à autre le masque tombe, des Césars à LCI en passant par Le Slip Français. Je suis obsédé par cette violence symbolique.

Heureusement, il y a le rap. Le rap a été créé par et pour des gens qui me ressemblent. Le rap me présente des visages noirs qui s’expriment, se révoltent, vivent, réussissent. Avec la même peau, les mêmes cheveux, la même langue, les mêmes codes que moi. La même colère, aussi. Pour faire simple, j’aime le rap parce qu’il me laisse être Noir, sans discuter, sans négocier, dans un pays qui nous autorise rarement à l’être vraiment. Mais il y a deux ans, un événement est venu éclater cette bulle. 

Révélation

J’étais au concert triomphal de Kendrick Lamar à Paris avec des amis blancs. En pénétrant dans l’immense arène, j’avais d’abord été surpris par la composition du public, lui aussi très majoritairement blanc. Je connais bien la démographie des concerts de rap, mais allez savoir pourquoi, cette fois-ci j’étais surpris. Ma révélation, je l’ai eue au moment où, sur « HUMBLE« , Kendrick rappe : « If I kill a nigga it won’t be the alcohol ». J’ignore pourquoi, mais à ce moment-là, je me suis retourné vers mes amis pour savoir s’ils allaient dire le mot « nigga ». Ils l’ont fait. À chaque fois. Pendant toute la soirée.

Terme issu de l’esclavage et de la colonisation devenu injure négrophobe, le mot « nigger » (et « nègre », son pendant francophone) a fait l’objet d’une réappropriation par la communauté noire. Il y a d’abord eu la subversion, avec la négritude d’Aimé Césaire, puis le réinvestissement par le hip-hop, de nigger à nigga. La règle est simple : les Noirs peuvent l’utiliser entre eux comme on dirait « bro » ou « frérot », mais un individu extérieur à la communauté ne le peut pas. Aux Etats-Unis, des débats font régulièrement surface sur l’utilisation du n-word par des rappeurs pas blancs, mais pas noirs non plus, comme 6ix9ine, Fat Joe ou French Montana.

En France, l’ambiance est différente. Un flou artistique règne autour de l’héritage et de l’usage du n-word. Quelques artistes non-Noirs comme Hamza, Kekra, ou plus anciennement La Fouine, utilisent régulièrement « nigga » et « négro » sans que cela ne choque personne. Même ambiance dans les concerts : le public non-Noir reprend allègrement les n-word, qu’ils viennent de la bouche d’un Freddie Gibbs ou d’un Kaaris. Bref, le hip-hop a rendu le mot cool et acceptable.

J’avoue que j’étais très laxiste auparavant sur la règle du n-word. Je me fichais d’entendre des rebeu, des asiatiques, des babtous prononcer le mot, du moment qu’ils l’utilisaient sans malveillance. J’avais même déjà laissé des amis proches m’appeler ainsi. En tant que puissant milieu offensif du FC Kekra, je fermais aussi les yeux sur l’usage qu’en font les rappeurs non-Noirs. D’abord, parce qu’ils sont très peu à le faire. Et puis, pour être tout à fait honnête, Kekra est street crédible et a probablement plus d’amis noirs que moi, alors je me disais que c’était « pas bien grave ».

Alors, pourquoi ai-je eu une épiphanie précisément à ce moment ? Je suppose que l’ironie de la situation a causé un électrochoc. C’était Kendrick fucking Lamar. L’icône quasi-messianique du hip-hop qui avait su capturer le vécu, la douleur, la fierté, la créativité afro-américaine comme peu de rappeurs avant lui. C’était aussi l’année de la sortie de Black Panther, dont Kendrick avait réalisé la bande-originale, et dont j’avais assisté à l’avant-première parisienne, un autre moment d’intense black joy collective. Bref, dans mon esprit, ce concert avait une dimension sacrée pour nous. Et voilà que je me retrouvais au milieu d’une marée de visages blancs scandant en choeur : « nègre, nègre, nègre », et personne n’y voyait de souci. Le paradoxe m’a éclaté à la figure. J’ai compris qu’en France, on avait un problème.

« J’espère qu’il a arrêté de dire négro »

Vous savez qui pense pareil ? Ateyaba. Le rappeur montpelliérain avait fait parler de lui en mai 2019 pour s’être battu avec Kekra, en coulisses d’un événement organisé par Redbull. Jusque-là, les raisons de la bagarre relevaient de la spéculation, mais Ateyaba, qui s’exprime rarement en public, a livré fin mars sa version des faits : « Il y a quelques années j’ai envoyé un tweet pour dire aux rappeurs qui étaient pas noirs d’arrêter de dire négro. Je savais pas qu’il [Kekra] le disait, je l’écoute pas je le trouve nul, c’est SCH qui l’avait dit dans un titre [probablement sur “Neuer”, ndlr], ça m’a dérangé. »

Il faut dire que Kekra est un habitué du genre. Rien que sur « Faut que je fasse« , issu de Vréel, il prononce « nigga » près d’une vingtaine de fois. Selon Ateyaba, le rappeur de Courbevoie a pris le tweet pour lui. De là, échange de mots durs en DM, montée en pression et la suite qu’on connaît. « Mes ancêtres ont souffert, mon peuple souffre toujours, utilisez pas ce mot pour le style dans vos raps parce que vous avez un pote renoi, quand le monde sera équilibré et que l’Afrique se fera plus violer on en reparlera. Pour l’instant respectez », tweetait, il y a quelques semaines, le rappeur de Montpellier.

Différence culturelle

Comment expliquer la relation du rap français avec le n-word ? La première piste de réflexion, c’est que les Français manquent de conscience historique. Dans l’Hexagone, on utilise peu le n-word au quotidien. Son usage contemporain est en grande partie associé au rap américain. On a donc tendance à minimiser son impact, comme si la musique et le divertissement étaient déconnectés de la société. « Le n-word est devenu un mot-accessoire, comme turn-up ou bling-bling. Il a été vidé de sa substance », analyse Neefa, ex-chroniqueuse sur OKLM Radio. « C’est devenu un gimmick que les rappeurs répètent pour imiter les Américains. J’ai vraiment ce sentiment de méconnaissance et d’appropriation culturelle ».

Alors que les Etats-Unis portent bien visibles les traces de leur passé esclavagiste puis ségrégationniste, la France perpétue une tradition de mémoire sélective et de déni historique. « Je pense que la France se pense comme aveugle à la race alors qu’elle a produit de la race dans le monde entier, mais en dehors de l’Hexagone, contrairement aux Etats-Unis où la présence africaine-américaine était sur le territoire […] En France, on a l’impression que cette histoire hyper racialisée, caractéristique de l’Occident moderne, ne concernerait que les Amériques, alors que nous avons notre propre histoire.. Et il est temps de le dire à haute voix depuis l’Hexagone », décryptait la civilisationniste Maboula Soumahoro sur France 24. D’où ce tic, bien de chez nous, qui consiste à dépolitiser les questions d’identité raciale et à les renvoyer aux pays anglo-saxons.

Le rap n’échappe pas à cette dynamique. « En France, il n’y a pas de débat, déplore Amélien, rédacteur en chef du site Cul7ure. L’histoire autour du mot est occultée. En tant que Noir, je trouve ça dérangeant. Je me dis que c’est impossible que personne, dans toutes les étapes de production d’un album, ne s’oppose jamais au n-word. Y’a forcément au moins un Noir dans les équipes des rappeurs ! »

Who gets a pass?

Le n-word doit sa diffusion, en France, à l’entrelacement culturel des quartiers populaires. Originaire de banlieue parisienne, Neefa raconte : « Quand j’étais enfant, on utilisait le mot « négro » entre banlieusards, entre gens d’origine maghrébine, africaine… À l’époque, le hip-hop c’était un truc entre nous, entre gens pauvres. Il y avait une autorisation implicite. »

Neefa garde un souvenir net de la première fois qu’elle a écouté Hamza : « Quand j’ai entendu « Police Ass Nigga« , j’ai pensé : ça ne peut pas fonctionner. Vue l’histoire coloniale de la Belgique, je me suis dit que ça allait être bloquant pour la suite de sa carrière, et qu’il n’arriverait pas en France. » Interrogé en 2016 par un média montréalais sur son usage récurrent du n-word, le rappeur belge se défendait : « J’ai beaucoup d’amis blacks. Les gens avec qui je traîne, ils fuck avec moi quand je dis ça, ils me connaissent. C’est la famille et ils m’appellent aussi comme ça. J’ai pas de problème avec ça, mes amis n’ont pas de problème avec ça. »

Cependant cette autorisation par proximité sociale, que les ricains surnomment le pass, ne fait pas l’unanimité. En 2017, NAV faisait son mea culpa public, affirmant avoir compris que ses origines indiennes ne lui donnaient pas le droit de dire « nigga » dans ses chansons. « Moi, c’est la façon dont les rappeurs réagissent qui me déçoit », observe le rappeur et consultant Petio Rolecks. « Quand on lui demande d’arrêter de dire « négro », Kekra répond : « Je vous emmerde » et il se bat avec Ateyaba. Quant à Hamza, il ramène sa caution noire. Il aurait dû dire : « Je m’excuse auprès des personnes que je blesse, mais c’est un délire avec mes potes », au lieu de faire sa Nadine Morano… »

Mot hautement inflammable

Le problème du pass, c’est que les cartes ont été redistribuées, rendant ce régime d’exception de plus en plus difficile à tenir. Le rap, devenu la première musique de France, s’est ouvert puis a transcendé les quartiers et la classe sociale qui l’ont vu naître. L’entre-soi dont parle Neefa n’existe plus. Gentrifié, le hip-hop circule désormais entre toutes les mains, avec le n-word dans ses bagages. Quitte à tomber dans des bouches non-averties.

« Ce débat n’a pas lieu d’être en France. Ce n’est pas un mot qu’on utilise couramment ici. Et la stigmatisation n’est pas la même qu’aux Etats-Unis. »

Djibril Thiam, directeur artistique et fondateur de Pastel pour la culture

Résultat : des shitstorms comme celui provoqué par Roméo Elvis avec son freestyle Planète Rap, mais aussi des situations inconfortables, comme celle que j’ai vécue, ou celle que m’a raconté Neefa : « J’étais au concert de Watch The Throne [en 2012, ndlr]. Pendant « Niggas in Paris », j’ai entendu un mec blanc dire le n-word derrière moi. Ça m’a gênée terriblement. Je me retourne, je le fusille du regard pour lui faire comprendre qu’il me gâche la fête. Mais bon, c’est le seul truc que je pouvais faire. »

Avec la démocratisation du hip-hop, on risque de devoir distribuer des pass à tout le monde. Petio Rolecks : « Si on laisse faire, le mot va circuler. Combien de gens disaient « pute nègre » à l’époque pour imiter le Roi Heenok, alors que ça faisait grincer des dents ? » L’absence d’une réponse forte et audible de la communauté noire n’aide pas à y voir plus clair. « J’ai des copines très en colère parce que j’écoute Hamza. C’est un vrai sujet de débat, mais seulement entre nous », confie Neefa. Le sujet gagnerait pourtant à être débattu en dehors du « black Twitter ».

« C’est que de la musique »

Au-delà de la musique se pose une question essentielle : le n-word peut-il être débarrassé de sa connotation raciste ? Il y a une tension entre l’acception originelle du n-word et sa réappropriation « positive » récente, opérée par le rap. Djibril Thiam, qui travaille au sein d’un label et a créé la page Pastel pour la culture, penche plutôt pour la seconde option. Il ne nie pas le poids de l’Histoire, mais estime que le contexte et l’intention du locuteur prennent le pas sur l’étymologie : « Ca reste de la musique. Si c’est un homme politique ou un journaliste de BFM qui l’utilise, évidemment ça ne passe pas. Mais on sait tous que Hamza, par exemple, le dit comme il dirait « mon pote, mon gars ». C’est comme quand Tyler, the Creator racontait en interview qu’il appelait Frank Ocean « tapette » tous les jours. Il expliquait que pour lui, c’est un mot comme un autre. »

Même origine mais trajectoires différentes, selon Djibril, le n-word n’a pas autant de poids en France que son jumeau américain. « Ce débat n’a pas lieu d’être en France. Ce n’est pas un mot qu’on utilise couramment ici. La stigmatisation n’est pas la même qu’aux Etats-Unis. Ma mère est de culture afro-américaine et la seule fois qu’elle a été qualifiée du n-word, c’était là-bas. Je trouve dommage que des gens s’offensent pour être politiquement corrects. »

Tout le monde ne partage pas cette vision. « Ce mot désigne nos putains d’ancêtres », assène Petio Rolecks. « Ma mère travaille à l’hôpital, elle côtoie des personnes âgées qui avaient des boys [mot désignant les autochtones employés comme domestiques dans les colonies françaises, ndlr]. Dans un pays comme la France où il y avait des skinheads, je ne pense pas que le mot « négro » n’ait plus d’impact. »

Le sens de l’Histoire

Alors que faire ? Appeler les artistes à s’exprimer sur le sujet en interview ? Risqué, selon Amélien : « Le problème c’est de mettre des convictions dans la bouche de gens qui n’en ont pas forcément. D’ailleurs, est-ce que ça changerait quelque chose ? Est-ce que la plupart des rappeurs français ne s’en battent pas tout simplement les couilles ? »

Demander à des faiseurs d’opinion comme Booba d’agir comme Kendrick lorsque des fans crient « négro » sans crier gare ? Mauvaise idée, selon Neefa : « Il ne faut pas interdire ou être dans l’injonction, c’est contre-productif. L’idéal, ce serait que les non-Noirs se disent d’eux-mêmes qu’il ne faut pas le dire. »

« En 2020, on ne peut plus fermer les yeux. »

Petio Rolecks, artiste et consultant

Ce qui est sûr, selon Petio Rolecks, c’est qu’aujourd’hui – à l’heure où la parole des différentes communautés se fait de plus en plus consciente et organisée grâce aux réseaux sociaux –, ceux qui défendent l’usage du n-word vont contre le sens de l’Histoire. « Déjà à l’époque où Ateyaba avait fait son premier tweet [en 2016 ndlr], il y avait plein de concepts comme le colorisme, l’afroféminisme etc, qu’on commençait à nommer. On a commencé à désigner ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas. Il y a eu le mouvement #NtaRajel chez les femmes maghrébines, les Asiatiques aussi s’y sont mis… En 2020, on ne peut plus fermer les yeux. »

« F.U.B.U. »

Dernier souvenir de concert : Solange Knowles, We Love Green 2017. La Houstonienne était venue défendre son opus magnum, A Seat at the Table. Au milieu de la foule extatique, beaucoup d’afros et de tissages, mais aussi pas mal de Stan Smith. Solange se met à entonner « F.U.B.U » : « All my niggas let the whole world know, made this song to make it all y’alls turn, this shit is for us ». À côté de moi, une jeune femme blanche comme neige, perchée sur les épaules de son mec, s’époumone sur le morceau, le poing levé. Peu importe que « F.U.B.U. » soit un hymne à la fierté noire et que le « nous » dont parle Solange ne l’inclue absolument pas : la meuf vit le morceau. C’est à la fois beau et un peu étrange.

Ce qui poussait la jeune femme du festival à s’identifier à Solange Knowles, c’est le phénomène que nous vivons actuellement avec le n-word. C’est la même force irrésistible qui pousse des personnes blanches à porter des Du-Rag et Miley Cyrus à twerker. Le hip-hop a réalisé ce tour de force : transformer l’art des dominés en langue universelle. C’est à la fois un miracle et un danger, et il est urgent qu’on s’interroge là-dessus. Mais ça ne m’a pas empêché d’aimer Freebase 4.

Le COVID-19 et le confinement ont tout chamboulé, l’industrie de la musique française accuse le coup et cherche à s’organiser. Les acteurs du rap ont peu réagi concernant cette situation qui empêche l’ensemble des artistes de se produire sur scène depuis mars et jusqu’au moins la fin de l’été. Le rap est-il trop populaire pour souffrir de cette crise ?

On adore les chiffres dans le rap français. Tant mieux, parce qu’on arrête pas de battre des records en ce moment : de salles vides, de festivals annulés ou reportés, de chute de ventes de disques physiques… La crise sanitaire et la période de confinement liée au COVID-19 ont évidemment un impact sur tout, même la musique numéro 1. On s’est habitués à s’extasier sur les milliards de vues, les millions de streams, les centaines de milliers de likes, cette fois on porte le regard vers l’autre extrême : les milliards perdus par l’industrie du spectacle vivant, les millions d’euros de promesses d’investissement gouvernemental, les centaines de milliers de travailleurs à l’avenir et au présent flou.

Et dire qu’on avait prévu de revoir PNL pour la tournée Deux Frères, de découvrir le duo inédit SCH & Hamza, ou d’aller écouter les meilleurs DJs jouer les nouveaux bangers en clubs, en concerts, en festivals, où le rap est de plus en plus bienvenu… Finalement, cet été, personne ne criera « DOUREUUH » à Dour, aucun jeune artiste talentueux ne devrait se faire découvrir lors d’un tremplin, et aucune chicha ne paiera trop cher un showcase trop court. Alors, les préoccupations du monde du divertissement et de l’art peuvent paraître illusoires étant donné la gravité globale de la situation sur l’ensemble du monde et des métiers. Pourtant, l’interdiction de rassemblement et la fermeture des espaces de représentation publique, depuis début mars et jusqu’au moins la fin de l’été, met le secteur culturel dans une impasse particulière. « Nous étions les premiers à devoir arrêter le travail et nous serons sans doute les derniers à le reprendre.« 

Dans chaque pays à l’industrie culturelle forte, on s’organise. À Berlin, est rapidement né un projet autour d’une des sous-cultures dominantes : la musique de club. Les portes se sont fermées le 13 mars. Le 18 naissait United We Stream, initiative en ligne qui permet d’accéder aux plus grands clubs digitaux du monde gratuitement, et de suivre des sets de DJs de tous bords en direct de chez soi. Associée à cette démarche, United We Talk fait intervenir les acteurs de l’écosystème de la nuit pour discuter des enjeux liés à l’actuelle crise sanitaire et son impact sur la musique électronique. Divertissement, information, et aussi, levée de fonds. United We Stream a appelé à la solidarité, et à déjà récolté plus de 500 000 euros pour sauver la culture club berlinoise. Pour les fans qui ont envie de soutenir les lieux de fête qu’ils aiment. Pour la culture, pour de vrai.

Qu’en est-il pour la sous-culture préférée de la jeunesse française ? Le rap FR, au sommet des charts pendant ce printemps pandémique, a surtout utilisé de son influence pour inciter à la générosité pour les soignants et au respect des règles sanitaires, et de ses espaces médiatiques pour divertir une audience friande de contenus. Pendant que cartonnaient « Lettre à une femme » de Ninho et « Angela » d’Hatik, quels étaient les premiers signes de conséquences du COVID-19 sur le 5e marché musical mondial ?

De nombreux dispositifs ont été mis en place dès les premières annonces d’arrêt d’activité mi-mars pour les artistes et professionnels.

Ce n’est pas toujours simple d’y voir clair dans toutes ces formalités. Pour la plupart de ces aides, l’IRMA (Institut de Recherche sur les Musiques Actuelles) propose des formats vidéos sur leur chaîne YouTube qui aident à remplir les formulaires, ainsi qu’une veille avec toutes les informations et actualités liées à la situation. Tout comme la GAM (Guilde des Artistes de la Musique), présidée par Issam Krimi qui orchestre le Hip-Hop Symphonique et qu’on a récemment vu sur France 2 avec Ninho, qui propose aussi une aide gratuite via le cabinet Jouclards Avocats (les questions juridiques et comptables sont à adresser à la directrice générale, Suzanne Combo : contact@lagam.org). Des ateliers de relaxation, de nutrition ou de respiration ont été dispensés sur Instagram Live par Sandrine Bileci et CURA pour ceux qui voyaient leur bien-être impacté par la situation.

Qui aident les aides ?

Vous êtes toujours là ? Si vous êtes vous-même artiste et donc concerné par ce qui vient d’être écrit et que vous êtes toujours en train de lire… vous êtes spécial. En effet, les musiciens ne font pas vraiment partie de la population la plus à l’aise avec sa propre gestion administrative. Dans un article publié sur Libération en 2019 à propos des perspectives de reconversion, l’AFDAS (encore un acronyme ! — c’est l’organisme d’accompagnement et de formation dans les activités du spectacle) peignait ce tableau : « Les musiciens sont ceux chez qui on observe le plus de phobie administrative. Beaucoup ne savent pas écrire un CV et ne cherchent pas à comprendre les droits auxquels ils ont accès. »

Y’all throwin’ contracts at me / you know that niggas can’t read!

Kanye West – « New Slaves » (2013)

Dans un milieu dynamique qui évolue souvent et où sont encouragées les approches auto-didactes, on est pas forcément formé, ni pour comprendre l’organisation de son métier ni sur la manière d’interagir avec les interlocuteurs qui peuvent aider. Les limites du DIY. Pour ceux qui savent quand même écrire un CV, les modèles d’aides restent généralement archaïques et pensés pour des profils qui ne correspondent pas nécessairement aux usages actuels. Ces aides, il faut les trouver, et quand on les trouve, il faut savoir comment les remplir. « C’est le moment de repenser en profondeur les modes de fonctionnement et d’accompagnement du secteur culturel. Cette crise démontre l’extrême fragilité de tous les acteurs culturels, dont près de 30% à 50% pourraient voir disparaître leur activité en quelques mois, commente Tommy Vaudecrane, président de Technopol, qui propose sur leur site un sondage pour repenser et simplifier les démarches d’obtention des aides destinées au secteur culturel, et pense l’après avec Danser Demain. « Nous saluons bien évidemment les dispositifs existants et la rapidité avec laquelle ils ont été mis en place. Cependant, nous constatons aussi leurs limites, souvent liées au fait que ces aides ne sont pas pensées pour les nouveaux métiers, les nouveaux régimes et prennent en compte des modèles du passé qui ne fonctionnent plus aujourd’hui. »

Fonds d’urgence à Nantes, annonce d’un mois de la culture à Paris, réactions immédiates du tout nouveau Centre National de la Musique ou de la SACEM… On pourra difficilement reprocher aux organismes responsables, municipaux comme nationaux, une avarice d’annonces de mises en places de dispositifs. S’exprimant le 6 mai, le Président de la République a réuni une douzaine d’artistes, parmi lesquels les musiciens Catherine Ringer & Abd Al-Malik, pour évoquer le sujet de la culture. Les annonces évoquées ce jour là n’ont pas encore abouti sur du concert et le flou reste de mise quant aux dates d’effectivité.

L’inquiétude est donc de mise. Elle concerne autant les intermittents, qui ont pu être rassurés par l’engagement du Président de prolonger leurs droits jusqu’à août 2021 mais ne savent pas quand ils pourront concrètement reprendre le chemin du travail, que leurs employeurs qui ne savent pas s’ils doivent honorer les promesses d’embauches faites et payer les cachets de concerts qui ne se tiendront pas. Ils sont nombreux à ne trouver de l’espoir que dans la rédaction de lettres et de tribunes : les attachés de presse, les travailleurs indépendants et les « extras » — beaucoup des métiers qui permettent de faire exister la musique physiquement se retrouvent parfois en marge des réflexes d’aides d’un pays qui a la chance d’avoir autant de programmes de subventions qui sont nécessaires pour conserver sa diversité, son exception culturelle et les nombreux emplois qui viennent avec.

Ce sont des aides moindres, fake et inadaptées. On sent déjà qu’elles vont aller aux gros organisateurs de soirées et aux institutions. Pour les autres, il faut avoir un dossier de surendettement, être malade, avoir une tripotée de gosses. Ça ne concerne pas l’intermittent moyen.

Crystallmess, à Libération

Les périodes de crises sont toujours des bons moments pour se rappeler que les artistes sont altruistes et ont le coeur sur la main. Plus de 300 000 euros ont été récoltés par JuL grâce à la vente de ses certifications, des colis alimentaires ont été envoyés par PNL à des ONG, le ban de nombreux fdp par Bigflo sur Twitch a fait gagner 11 000 euros au Secours Populaire… Les stars ont voulu se montrer solidaires. On a même vu Alonzo faire un showcase dans le jeu GTA San Andreas pour la Fondation de Marseille. Aux États-Unis, Dr. Dre & Jimmy Iovine ont distribué des tests et de la nourriture à Compton, Post Malone a récolté plus de 4 millions de dons pour la lutte contre le covid-19… L’heure était aux genkidamas.

Mais qui aide les artistes eux-mêmes ? Il y a certes la GAM, seul groupement français qui fédère les artistes dans leur diversité d’activités, et divers syndicats de musiciens salariés, d’auteurs/compositeurs — mais pas sur qu’ils évoquent quoi que ce soit à beaucoup d’artistes. La situation est pourtant particulière pour ce métier. Entre autres parce que, à l’inverse des caissiers ou des soignants qui pourront légitimement décider d’aller manifester pour leurs droits une fois la situation passée, il y a peu de chances que l’opinion populaire soit attendrie par une manifestation de techniciens et de saltimbanques qui trouvent injuste d’avoir soudainement été privés de l’intégralité de leurs activités et de leurs revenus. 

Dans le rap en France, on a pris l’habitude de ne pas se plaindre de sa condition. Les questions liées à une rémunération plus juste, par exemple, n’ont pas vraiment été incarnées par un des visages de ce genre musical. Sans doute parce qu’on a trouvé la formule pour ne pas avoir à redire. C’est la musique numéro 1 en France. On s’en sort très bien sans avoir à se battre publiquement avec les pourcentages des maisons de disques et les rétributions de YouTube. L’argent dans le rap, c’est la culture du braquage. L’avance astronomique, le sponsoring aveugle d’une marque, les salaires à 5 zéros pour 15 minutes de showcase, un très bon ratio temps de production/argent récolté… On se contente de ça plutôt que d’aller se battre pour des bénéfices plus justes et des conditions plus avantageuses, plus adaptées. Il n’a pas fallu être archi subventionné pour arriver jusque là. Peut-être donc que comme ce genre a peu été aidé, et par les institutions et par les relais médiatiques, pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, il se dit qu’il trouvera bien un moyen de se débrouiller, et de finesse d’une façon ou d’une autre.

Avant que le chemin industriel reprenne son cours et revienne à peu près dans l’ordre, il faudra du temps, et d’ici-là, l’embouteillage s’annonce. Pour les sorties physiques, les programmations de concerts, les opportunités de publicités et de synchronisation : pour renflouer la trésorerie perdue, il est possible qu’on prenne peu de risques et que les plus gros mangent plus. Cela risque de rogner sur des principes de diversité et d’indépendance qui ont leur importance. Et l’ensemble des décisions politiques et syndicales, qui permettront de soutenir les structures et les profils qui survivraient s’ils étaient béquillés, n’inclut pas beaucoup d’acteurs du rap. On a pris l’habitude confortable de se plaindre du manque de représentativité des genres, des disciplines voire des couleurs de peaux aux Victoires de la Musique ou dans les médias généralistes. Qu’en est-il de la représentativité au sein même des instances, qui servent aux remises de prix, mais aussi aux aides et aux subventions ?

La musique urbaine représente 70% du marché, et nous ne sommes toujours pas représentés à la SACEM

Tefa, lors d’une conférence au MaMa Festival & Convention enregistrée en 2018

Heureusement que Tefa, producteur à qui l’on doit les développements de Vald, Fianso ou Chilla, siège depuis 2017 au Conseil d’Administration de la SPPF (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France). Parce qu’à part lui et Antoine Guéna/Fonky Flav actuellement secrétaire de la GAM, on siège et on impacte peu. Il ne manque pourtant pas d’espaces : Les Victoires, le CNM, le SNEP… Comment la musique numéro 1 a t-elle été capable de ne produire aucun intervenant éligible au Conseil d’Administration de la SACEM ? Braquer les maisons de disques ne devrait plus suffir, il faut être capable de braquer aussi les espaces d’influence. Le rap a créé ses propres médias parce que ceux qui existaient ne lui faisaient pas une belle place. Faut-il créer des organismes où ce genre existe ? S’il y a un combat à mener médiatiquement, plutôt que de se plaindre des remises de prix à la télévision, ce serait plutôt : pourquoi ne sommes nous pas représentés là où les décisions nous concernant sont prises ?

En attendant, on se souviendra donc de qui s’est exprimé sur l’urgence de cette situation : presque personne dans le rap. Les combats pour les artistes sont-ils voués à n’être incarnés que par des intermittents terrifiés ou des réunions Zoom de représentants qu’aucune personne de moins de 30 ans n’a jamais croisé ? La crise à venir a la politesse de se faire discrète. On a quasiment pas entendu parler de l’impact de ce moment dans les nombreux médias spécialisés et comptes influents qui traitent quotidiennement de ce genre musical. Pourtant, les interventions médiatiques ont de la force et de l’utilité. Elles peuvent servir par exemple, à relayer la parole des organisateurs de festivals, désabusés face aux résistances de leurs assureurs. À informer et défendre les causes des profils de ceux qui peuvent être perdus et contribuent à faire vivre cette musique : DJs, managers, attachés de presse, tourneurs, beatmakers… Elles montrent de l’unité, de la force, de l’intelligence. C’est comme ça qu’on passe d’avoir des numéros 1 à avoir des leaders.

Qui va payer ?

L’impact direct du covid-19 sur l’industrie de la musique, c’est l’impossibilité de produire un spectacle pour les 2500 salles de spectacles françaises pendant une période, pour l’instant, d’au moins 5 mois. Le PRODISS, syndicat national du spectacle de musical et de variété, diffusait dès le 20 mars une étude évaluant à 590 millions d’euros la perte totale de chiffre d’affaires causée par l’interruption forcée des activités entre mars et mai. Des chiffres renforcés par une note de France Festivals, estimant après un premier bilan provisoire un manque à gagner entre 2,3 et 5,8 milliards d’euros. L’impact indirect aussi, pour les auteurs & compositeurs, de la perception de leurs droits liés à la diffusion de leurs oeuvres dans les salons de coiffure, les supermarchés, les clubs, qui se fera sentir en 2021 au moment de la répartition des droits des diffusions qui auraient dû avoir lieu en 2020. Les temps de balades ou passés dans les transports ayant été réduits, le streaming a lui aussi été en baisse au début du confinement. « Les abonnements sont toujours à la hausse, voir même en accélération avec le confinement. Par contre l’écoute de musique est en baisse de 15 à 20 %. Mais comme les revenus des abonnements ne sont pas touchés, cela pourrait conduire à une élévation du prix du stream« , explique Romain Vivien, DG Believe France pour l’IRMA le 17 avril.

La réponse immédiate, avant même de penser aux aides, à pourtant été de continuer à être actif. Les indépendants ont été plus actifs que jamais. Ceux qui ont pu se sont précipités sur les réseaux afin de pouvoir continuer à se produire en live, pour garder le contact avec le public, et permettre de distraire des gens stressés par l’actuelle situation. Parce que, sans structures ou schéma juridique, c’est à ça que ressemble un artiste : ça cherche à s’exprimer même s’il n’y a pas d’argent à se faire.Les plateformes avancent chacune vers des solutions qui permettront à ces concerts virtuels d’être rémunérateurs. Facebook compte permettre de monétiser les vidéos streamées directement depuis Facebook Live, Instagram envisage d’ajouter des options de pourboires et d’achat de merchandising depuis Instagram Live… Les premières mesures concernant une nouvelle rémunération spécifique pour les livestream ont début mai été évoquées par le Conseil d’Administration de la SACEM.

Il faudra bien trouver des solutions si les concerts, source de revenus très importante pour les musiciens, ne peuvent plus se tenir comme avant. Certes, on teste à Aarhus au Danemark le concert installé dans sa voiture, ambiance drive-in. On pense au bike-in pour une alternative plus écolo. À Paris, Les Petits Bains (salle évidemment fermée), paie les cachets des concerts de leurs artistes confinés, et appelle même aux candidatures pour jouer. L’infectiologue François Bricaire, dans une note pour Audiens Care, évoque des recommandations générales pour la tenue d’événements après le déconfinement : distanciation d’au moins 1 mètre, port du masque, solutions hydro-alcooliques à l’entrée, aération des lieux et nettoyage des surfaces fréquemment touchées… On imagine mal cette ambiance dans des clubs où l’on va pour dépenser notre argent dans les boissons des limonadiers et entendre des sons beaucoup trop vulgaires beaucoup trop fort. Le modèle du concert de demain risque de bouleverser notre rapport au corps. Pour le rap, la question est absolument primordiale : comment une génération entière qui s’est persuadée qu’on ne pouvait être heureux en concert qu’en se lançant les uns contre les autres dans des pogos va t-elle accepter de cesser de se toucher ?

Un concert a pourtant eu lieu là où nous avions encore le droit d’aller : sur Fortnite. La performance de Travis Scott, énormément commentée et vécue en live par des dizaines de millions de gamers, pousse à réfléchir sur comment le modèle du gaming peut offrir des perspective aux concerts de demain. « La culture gaming donne des outils pour payer les créateurs en live, et aussi, les streamers et les gamers nous renseignent sur comment avoir une économie créative qui peut être maintenue par le gaming », selon Fabien Gaetan, qui a monté avec Fortnite, la WWF et l’agence We Are Social la campagne #NoBuildChallenge en 2019.

Tous les jeux vidéos ne permettent pas d’accueillir des évènements virtuels, et surtout, tous les artistes n’ont pas le budget du papa de Stormi, mais ils peuvent tirer bénéfice d’un modèle qui s’est habitué à s’organiser de communauté habituée à payer. L’augmentation des audiences de e-sport peuvent laisser imaginer que demain, le sport professionnel étant également un domaine impacté par les mesures de distanciations sociales, on regardera des compétitions sur FIFA en attendant des concerts de nos stars préférés qui se tiendront pendant les mi-temps. Cette sorte de formule, qui dans le cas de Travis Scott n’est pas réellement un concert mais plutôt une expérience augmentée qui permet aux fans de vivre un moment. L’isolement social a conduit à une augmentation de la demande de technologies musicales sociales. C’est peut-être une solution d’avenir pour le rap, qui est fort en images et en idées de communication, mais pas toujours créatif ou motivé pour la scène.

J’monte sur scène, j’aime pas du tout, c’est khéné

PNL – « Bang » (2019)

Comme “curateur de playlists” n’était pas un métier il y a dix ans, spécialiste d’association entre jeux vidéos et musique peut en devenir un très vite, en témoignent les récents appels de travail de Sony Music. En attendant, le secteur virtuel reste sous-monétisé, et si des idées payantes se mettent en place sur Twitch, sur Zoom ou si on est un groupe de K-Pop avec une grosse audience, elles sont encore naissantes. Qu’elles concernent la performance ou le divertissement, comme pour les Verzus de Timbaland et Swizz Beats, la Quarantine Radio de Tory Lanez, ou le ConfineMouse de Mehdi Maizi du côté de chez nous. 

C’est en tout cas l’idée de communauté plutôt que l’idée de performance qui ressort comme l’élément principal de ces moments d’interaction. Les plateformes Twitch (pour le jeu vidéo), Patreon (pour les créateurs de contenu) ou OnlyFans (pour le contenu disons… privé) ont réussi à fidéliser des audiences prêtes à payer des donations ou des abonnements pour les profils qu’ils souhaitent suivre. Leurs nombres d’abonnés à bondi pendant ces deux mois. Cette accélération vers la transformation digitale va t-elle créer de nouveaux réflexes de dépenses pour les fans qui n’auront pas touché à ces 100 euros qu’ils avaient prévu de mettre dans le festival de cet été ?

Pour Jean-Michel Jarre, musicien électronique légendaire et président de la CISAC (la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs, le premier réseau mondial de sociétés d’auteurs), ce sera aux GAFA de payer. « Dans ces temps de crise généralisée, ces grandes plateformes sont les seules qui s’enrichissent sur le dos du virus. Elles font leur beurre avec du contenu créé par des gens qui, pour la plupart, n’ont pas de quoi manger. » En effet, d’après l’Hadopi, la musique et la presse sont les deux activités le plus en progression pendant cette période de confinement. La musique, objet culturel massivement consommé sur YouTube, la plateforme qui la rémunère le moins bien. Ambassadeur de bonne volonté pour l’UNESCO, Jean-Michel Jarre a lancé Résiliart, un mouvement encourageant chaque pays a porter les débats autour de la culture sur le devant de la scène publique. « We’re not asking for charity, just for fair remuneration. »

Les artistes n’ont pas besoin d’un téléthon. Ce ne sont pas des malades qu’il faut aider

Jean-Michel Jarre

La récente proposition de Spotify n’a donc pas du lui plaire. En plus de s’être engagée, en créant le Covid-19 Music Relief, auprès des initiatives internationales de soutien aux musiciens en s’engageant à doubler les dons leur étant adressés, la plateforme a lancé the Artist Fundraising Pick. SoundCloud avait également mis en place une telle fonctionnalité, permettant aux artistes d’indiquer sur leur profil un lien direct permettant aux fans de leur adresser des dons. N’est-ce pas un aveu d’échec de la part de la plateforme suédoise, de proposer aux fans de faire des dons aux musiciens parce que le streaming ne les rémunère pas assez ? Les artistes ont très peu relayé cette fonctionnalité, sans doute pour ne pas donner l’impression de mendier auprès d’utilisateurs moins habitués à consommer dans le but de soutenir, à l’inverse de ceux qui utilisent BandCamp. Connu pour être beaucoup utilisé par les artistes indépendants, des journées spéciales poussant au support au cours desquels la plateforme ne touche pas sa commission ont été mises en place sur le site. Résultat de la première journée : 800 000 articles vendus, soit une recette de 4,3 millions de dollars, des ventes 15 fois plus élevées qu’à l’habitude.

PartyNextYear

Dans le scénario le moins optimiste, il faudra bien de la solidarité pour tenir et s’adapter aux évolutions. Il sera intéressant de regarder le comportement des marques. De plus en plus investies dans la musique, elles placent des produits dans les vidéos, en contractant des deals de sponsoring avec des artistes, en mettant en place des évènements voire en créant des médias. Si la situation est amenée à durer, et que les mesures de distanciations sociales continuent à empêcher la réactivation des tournages (et donc la réalisation de contenus originaux), ou la mise en place d’évènements où le public peut se déplacer en sécurité, de nombreuses économies sous-culturelles habituées à être abondées en argent de marques risquent d’être chamboulées. RedBull, Les Produits Laitiers, Puma… Qui sera toujours là, après la pandémie, pour la culture ?

Le secteur de la musique est un écosystème hautement interconnecté. C’est peut-être la fin du modèle DIY (Do It Yourself), et la naissance d’un modèle DIS (Do It Smarter). Ce moment d’interruption des programmes est aussi un moyen de réfléchir à son existence dans le monde globalisé. Demain, les artistes internationaux auront moins de facilités à accepter de jouer hors de leurs frontières. On risque d’entrer dans une ère de la musique live à l’empreinte carbone réduite, plus recentrée sur l’intérieur de ses frontières. Il faudra ainsi s’adapter à de nombreux cas de figure. Quand est-ce qu’un musicien américain pourra à nouveau tourner en Europe ? Quand est-ce qu’un musicien africain pourra à nouveau voyager vers le Nord ? Les hypothèses et annonces optimistes parlent de lieux qui ré-ouvriraient dès l’été en Irlande, en Italie, en Autriche ou Espagne, si les conditions sanitaires le permettent. Une chance d’explorer la fête de demain, qui devra se trouver un autre modèle que les larges jauges pour exister, et qui peut permettre de repenser l’expression scénique, et donner des chances aux artistes aux plus petites audiences.

Dans le scénario d’un prochain retour aux jours meilleurs et aux jours heureux, cette crise peut permettre d’ouvrir des voies pour un système plus juste pour les artistes du XXIe siècle. Mieux renseigné, comme avec le groupe Believe qui propose des webinaires et des Creative Marketing Playbook pour encourager les musiciens à profiter au mieux de cette période, et mieux entouré, par des structures plus en lien avec ceux qui font la musique aujourd’hui – artistes, techniciens et extras. Les nouveaux bohèmes digitaux méritent mieux que des pétitions sur change.org. En Allemagne, l’exemple United We Stream/United We Talk a montré quelle fierté cette ville tirait de sa culture club. Le modèle a été repris dans l’électronique et sera lancé dès le 4 juin via Technopol. Quel serait les résultats si les différents acteurs, organisateurs et médias rap s’organisaient de la même façon ?

« Conscient de la conjoncture actuelle et des changements radicaux qu’elle induit, Saint Laurent prend la décision de repenser son approche au temps et d’instaurer son propre calendrier. » Le 27 avril, la griffe parisienne annonçait qu’elle ne participerait pas à la fashion week de septembre. La décision a réveillé un débat qui jaillit régulièrement : les défilés de mode ont-ils encore une raison d’être ?

Photos : Vogue Runway

Il aura toujours refusé de se plier aux contraintes du calendrier officiel de la mode, Azzedine Alaïa. Le couturier dévoilait ses collections hors piste, comme ça lui chantait, quand il le sentait. Il conviait une centaine de privilégiés dans son showroom du Marais, ambiance cocon. « Elle doit se terminer cette période de débauche de vêtements. Cette crise devrait pousser à prendre conscience que ce rythme doit changer », commentait Alaïa auprès de la journaliste Isabelle Cerboneschi, en mai 2009. Quelques années plus tard, il renchérissait dans les pages de Vogue Hommes : « Les stylistes sont écrasés de travail : ils ont un trop grand nombre de collections à produire par an. Cette surcharge de travail tue toute possibilité d’avoir des idées fortes et de changer la mode. »

Les fédérations de la mode imposent chaque année aux créateurs deux périodes de fashion weeks, printemps-été et automne-hiver, par catégorie (femme, homme et haute couture en France). Pour combler l’entre-deux-saisons, des pré-collections s’enchaînent façon épisodes de feuilleton : « croisière » pour le printemps, « pre-fall » pour l’automne, « high summer » pour la fin de l’été,  « high winter » pour les derniers jours d’hiver – certaines d’entre elles (« croisière » et « pre-fall ») défilent même, lorsque le budget l’autorise. On précipite le temps de création, raccourci la réflexion, presse l’âme, use le corps. La cadence ne mollit jamais. L’année dernière, Virgil Abloh, qui chapeaute la création d’Off-White et Louis Vuitton homme, s’était vu sommé, par son médecin, de prendre trois mois de congés pour épuisement. Les créatifs surchauffent, frôlent le burn-out. Ils sont de plus en plus nombreux à choisir de défiler en dehors du calendrier officiel, réunir les présentations de leurs lignes féminines et masculines, ou sécher simplement les podiums.

« Cette collection a été réalisée en trois semaines. Quand je me rappelle du premier show couture pour Dior en juillet 2012, j’étais préoccupé parce que nous devions le faire en huit semaines. »

Raf Simons, à propos de sa collection
automne-hiver 2016 pour Dior

En octobre 2015, Raf Simons quittait la direction artistique des collections femme de Dior. Quelques mois plus tôt, dans une interview accordée au magazine System au lendemain du défilé automne-hiver 2016, il confiait : « Cette collection a été réalisée en trois semaines. En réalité, tout est fait en trois semaines, cinq maximum. Quand je me rappelle du premier show couture pour Dior en juillet 2012, j’étais préoccupé parce que nous devions le faire en huit semaines. Et aujourd’hui, nous n’avons jamais plus autant de temps. […] Quand vous faites six shows par an, vous n’avez pas assez de temps pour réaliser l’ensemble du processus. Techniquement oui – les personnes qui font les prototypes, les assemblages, peuvent le faire. Mais vous n’avez pas le temps de cogiter alors que c’est très important ». Produire encore, toujours plus, avec moins d’énergie, de jours, d’envie.

La mode consacre l’éphémère, exige un renouvellement permanent. Elle crée aussi vite qu’elle défait. Gaspille la créativité comme les matières. Ses produits, qui obéissent à des tendances cycliques, perdent tout intérêt dès lors qu’ils ne collent plus au goût du moment. En quinze ans, sous l’impulsion de la multiplication des collections, la durée de vie des vêtements s’est réduite de moitié, la production textile a doublé. La mode est devenue l’une des industries les plus polluantes au monde. Selon l’ONU, elle génèrerait 20 % des eaux usées et 10 % des émissions de carbone de la planète.

À l’été 2019, Stockholm décidait de suspendre sa semaine de la mode, au nom de l’environnement. La fashion week de Copenhague, elle, a préféré soumettre les labels participants à des exigences écologiques, parmi lesquelles l’utilisation d’au moins 50% de textile certifié biologique, recyclé, ou upcyclé, le recours à des emballages « verts », et une scénographie zéro déchet. Les griffes réfléchissent à de nouvelles manières de concevoir, intègrent de plus en plus de matières éco-responsables dans leurs collections. D’autres combattent le principe même de mode jetable, pour échapper aux cycles gloutons de la consommation. En septembre 2019, Prada ouvrait le bal des défilés milanais avec des looks ultra classiques, qui contrariaient l’exubérance de ses concurrents. « Je n’ai pas voulu faire de la mode, j’ai voulu créer un style, une collection de basiques qui resteront des incontournables pour longtemps, qui brisent le rythme effréné de la mode », expliquait Miuccia Prada, directrice artistique de la Maison. « On produit énormément, on jette, on oublie… Cela doit changer et on doit retrouver l’attachement aux vêtements que l’on achète ». Freiner la production qui s’emballe, retrouver la valeur du temps.

Expédié en quatorze minutes,
un défilé coûte au minimum 100 000 euros, déborde souvent les 5 millions pour les plus grandes Maisons.

Si l’on questionne aujourd’hui le système traditionnel des défilés, c’est aussi parce que la révolution digitale est venue le bousculer. L’émergence du numérique a redéfini nos modes de consommation, en éveillant un besoin d’immédiateté. Tout doit être disponible là, dans l’instant. Un phénomène à rebours du modèle économique de la mode, qui expose ses collections en boutique quatre à six mois après les défilés. En réponse, beaucoup de griffes pratiquent le « See now, Buy now », pour permettre aux clients d’acheter les créations aussitôt après qu’elles aient défilé. Mais le concept entretient l’urgence permanente et accélère de plus belle le rythme de production. Non, ce que les nouveaux médias interrogent davantage, c’est l’existence même des fashion shows.

Pour le printemps-été 2018, juste après avoir annoncé qu’il renonçait à défiler, Demna Gvasalia orchestrait son « no-show » Vetements – une exposition photos, relayée sur Instagram, mettant en scène des pièces « archives » sur des modèles qui n’en étaient pas. Le designer avait avoué à Vogue ne plus croire au bien-fondé des défilés. « Répétitifs ». « Epuisants ». Filmés au smartphone par l’assemblée entière, qui vit le moment à travers ses écrans. « J’ai réalisé que 80% des vêtements n’étaient pas vraiment vus ou compris. […] Et ça coûte tellement cher. Je pense que c’est un gaspillage total ». Expédié en quatorze minutes, un défilé coûte au minimum 100 000 euros, déborde souvent les 5 millions pour les plus grandes Maisons. Pourquoi ne pas se contenter de présentations digitales, à découvrir dedans, chez soi ?

« Je ne considère pas le numérique comme moins chargé d’émotions, je vois le numérique comme une expérience où l’on peut pousser nos rêves encore plus loin »

Olivier Rousteing

Certaines marques ont déjà franchi le cap, par choix ou par défaut. Face à la pandémie de Covid-19, Giorgio Armani optait en février dernier pour un défilé à huis clos, diffusé en direct sur son site internet et ses réseaux sociaux. Les prochaines fashion weeks homme offriront, elles, un accès pour tous à des contenus (interviews, films, photos, webinaires…) et des showrooms virtuels, depuis une plateforme numérique. Sans invitations ni premiers rangs, ces initiatives favorisent la démocratisation, l’ouverture, l’inclusivité. À l’occasion des Vogue Global Conversations 2020, Cédric Charbit, PDG de Balenciaga, révélait que la Maison, qui invite généralement 600 personnes à ses défilés, rassemblait plus de 8000 webspectacteurs sur YouTube lors des retransmissions en direct, 60 000 sur Instagram. Sans compter les centaines de milliers de tweets. En additionnant « le tout avec les rediffusions [des streams], on obtient un public de plus de 10 millions de spectateurs ».

Si l’audience est majoritairement numérique, les spectacles physiques ont-ils toujours leur place ? Les défilés sont en réalité presque intouchables, avec leurs airs de cérémonie rituelle, de grand-messe délivrant une expérience esthétique et émotionnelle. Ils donnent corps à l’imaginaire symbolique des marques, démontrent leur exceptionnalité créative, nourrissent leur sacralité, tout en renforçant le sentiment d’appartenance de leurs invités, privilégiés. Olivier Rousteing, pourtant, croit au pouvoir émotionnel des contenus digitaux : « Je ne considère pas le numérique comme moins chargé d’émotions, je vois le numérique comme une expérience où l’on peut pousser nos rêves encore plus loin. […] Avant, les gens applaudissaient, et maintenant ils s’expriment sur Instagram, ce qui est une autre sorte d’émotion. »

Les futurs défilés seront peut-être plus inclusifs et digitalisés, moins contraints et systématiques. Plus respectueux de l’humain et de l’environnement. « Il existe un moyen, après la crise, d’améliorer l’univers de la mode », estime Cédric Charbit. « Je pense qu’il y a là un bel espoir. »

Depuis son apparition en 2018 sur un featuring avec Myth Syzer, Lolo Zouaï a donné jour à son premier album, High Highs and Low Lows, écrit une chanson pour H.E.R, collaboré avec le rappeur E-40 et tant d’autres choses encore. Il était grand temps pour nous d’apprendre à connaître la plus française des artistes West Coast, qui vient tout juste de sortir son nouveau single « It’s My Fault ».

Photos : Alex Dobé

Ballades tire-larmes, chansons d’amour, piano-voix mielleux… Très peu pour Lolo Zouaï. Véritable nuancier d’émotions, la musique de l’artiste n’est jamais unilatérale, explore les frontières des genres musicaux et s’offre toujours le charme de la contradiction.

Née à Paris d’un père algérien, la musicienne grandit à San Francisco avant de quitter la Californie pour tenter de lancer sa carrière à New York. Beatmakeuse autodidacte à la voix satinée, bien déterminée à ne rien laisser se mettre en travers de son chemin, la force douce de Lolo Zouaï résonne soudainement partout lorsqu’elle publie le titre « High highs to Low Lows » sur SoundCloud en 2017. 

Bientôt, Lolo Zouaï reçoit un prix pour avoir écrit  le titre « Still Down » de H.E.R, issu de l’album pour lequel cette dernière a reçu un Grammy, apparaît en featuring avec Blood Orange, et invite E-40 sur son propre album. La chanteuse, qui n’était pas non plus passée inaperçue en France, dont elle est originaire, accueillait d’ores et déjà à bras ouverts son éclectisme et sa double culture. Aux côtés de Myth Syzer sur le titre « Austin Power » comme en première partie d’Angèle, Lolo Zouaï réinvente un r&b nonchalant et délicat, tantôt électrique, tantôt réconfortant.  

En anglais, en français, en arabe, à travers des collaborations rap ou pop, la détermination de Lolo Zouaï comme l’expression de ses sentiments les plus bruts s’illustrent sans grande pompe, mais plutôt avec l’humilité des paroles à double-sens. Entre deux rêves éveillés, l’artiste questionne, tourne en dérision, et se révèle sacrément douée pour alléger nos soucis de tous les jours. Un an après la sortie de son premier album High Highs to Low Lows, augmenté depuis de trois titres en version Deluxe, on a remonté le temps avec elle. 

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Tu as quitté San Franciso pour New York. C’était pour la musique ? 

J’ai d’abord obtenu mon Bac car je songeais à aller à l’université. Je suis donc partie à Nashville pour quelques mois, j’ai fait un semestre là-bas. Mais j’ai abandonné car ça ne me plaisait pas. Ma mère a trouvé un job à New York alors je me suis dit que j’allais emménager là-bas avec elle. Je voulais me lancer dans la musique et L.A. ne m’intéressait pas parce que j’ai toujours vécu en Californie. Je cherchais quelque chose de différent… 

Qu’est-ce que tu voulais étudier ? 

J’ai étudié la musique et le songwriting mais je n’avais pas l’impression d’apprendre quoique ce soit !  

Est-ce que la ville de New York a changé ta vision de la musique ? Est-ce que, en quelque sorte, c’est cette ville qui a décidé de ta carrière ? 

Oui, je pense que c’est grâce à la mentalité de hustler locale. J’adorais être entourée de gens qui étaient vraiment passionnés et qui voulaient avoir du succès. Je pense que j’ai la même mentalité qu’eux, donc je me suis sentie comme à la maison depuis le début.

À quel point est-ce différent entre New York et San Francisco à ce niveau-là ? 

Il y a une vraie scène musicale à San Francisco mais ce n’est pas si facile de se faire connaître là-bas. La plupart des artistes ont tendance à déménager à Los Angeles. En fait, tous ceux qui ont réussi sont partis là-bas. À San Francisco, il n’y a pas de labels — non pas que tu en aies nécessairement besoin — mais il n’y  a pas tant de tremplins musicaux que ça non plus. À New York et Los Angeles, il y a Spotify, Apple, il y a tout. Il faut y aller si tu veux t’en sortir. 

« Les gens doivent écouter mes chansons plusieurs fois pour les comprendre vraiment » 

Est-ce que tu as rencontré Stellios, ton beatmaker actuel, dès le début ?

Non, il s’est passé deux ans avant que cette rencontre ait lieu. J’ai d’abord bossé dans des restaurants, je contactais des producteurs sur Internet, sur Instagram. Je faisais des covers… Puis, j’ai fait des morceaux avec quelques uns d’entre eux et je les ai postés sur SoundCloud. J’ai commencé à produire moi-même aussi et j’ai rencontré mon manager : c’est lui qui m’a présentée à Stellios. C’est à ce moment-là que tout s’est mis en place. 

Qu’est-ce que t’a apporté Stellios ?

Il m’a vraiment aidée à trouver mon son. Les gens le comprennent peut-être mieux maintenant qu’il y a une vingtaine de chansons disponibles aussi. J’avais une idée de ce que je voulais faire mais je ne connaissais personne qui pouvait le réaliser techniquement. Stellios est grec, il vient de Chypre et il a cette superbe culture musicale dans le sang. Et je me retrouve là-dedans avec mes racines algériennes et françaises. On a vraiment connecté de ce point de vue-là. 

Mais tu faisais déjà des beats toi-même. 

J’en fais toujours ! Je fais des beats, je les envoie à Stellios ou à d’autres personnes d’ailleurs. Mais il sera toujours au cœur de tout le processus je pense. 

Tu dis que tu aimes « orner [tes] chansons » et que tu aimes faire de la musique douce-amère, pour créer un contraste quand le beat est un peu triste par exemple… 

J’aime le contraste en musique. Si c’est sombre, j’aime bien ajouter des thèmes légèrement drôles ; et si c’est joyeux, comme « Brooklyn Love », j’aime me dire qu’au fond c’est peut-être une chanson triste. Parfois je vais carrément d’un seul côté mais je trouve ça plus imprévisible de le faire de cette façon. C’est plus difficile et plus excitant à faire. Ça met les gens dans le doute, c’est intriguant : les gens doivent écouter la chanson plusieurs fois pour la comprendre vraiment. 

De quoi peut-on dire que parle l’album High Highs and Low Lows

C’est un album sur mes émotions. Sur mes sentiments à propos de certaines choses. Il n’y a pas vraiment de chansons d’amour mais il y a des ruptures, du fun, du flirt, de la déprime… Je pense que ce sont les thématiques principales. C’est plus facile pour moi de m’exprimer en chanson. Je n’aime pas la confrontation, les conversations sérieuses, je suis plus genre : « Je vais écrire une chanson là-dessus. » Ce que j’ai écrit dans la chanson sur ma famille [«Desert Rose« , NDLR], je ne leur aurais jamais dit… 

« Ce n’est plus un label qui te dit que tu vas être la prochaine pop star, que tu dois être sexy, que tu dois faire ceci ou cela… »

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Avant de vivre de ta musique, tu as enchaîné les petits boulots. Tu penses que la vie d’artiste émergente est particulièrement complexe et difficile ?

Oui, mais en quelque sorte, bosser dans des restaus, dans des cafés ou dans des boutiques te permet d’apprendre ce que c’est que le travail. Après… Certains artistes explosent du jour au lendemain, ou du moins c’est ce qu’on croit. Ça n’a pas été mon cas. J’ai dû travailler beaucoup. Mais je ne voulais pas bosser dans un restaurant toute ma vie. Il fallait que je m’en sorte dans la musique. Je ne voulais plus faire ça ! Parfois ça me manque quand même, parce que c’était assez marrant, toute cette galère ! 

Est-ce qu’être une artiste indépendante est un avantage, voire la meilleure façon d’y arriver aujourd’hui ?

Je crois que ça dépend. Si tu vis à New York ou dans une autre ville pleine de ressources, tu auras des opportunités, mais si tu vis dans un no man’s land et que tu n’as pas accès aux grandes villes, et qu’un label te propose un gros contrat, je peux comprendre qu’on l’accepte. Un début de carrière, quand tu n’as pas de soutien… Ça dépend d’où tu vis et de comment tu veux faire les choses. 

Beaucoup d’artistes se montrent sur les réseaux et se comportent comme s’ils étaient déjà au top, comme si c’était une façon pour eux de montrer qu’ils avaient l’étoffe pour une carrière. Est-ce que tu crois à une forme de ‘fake it till you make it’ ?

Moi, je n’aime pas trop les gens qui font semblant sur les réseaux sociaux. Quand je parle de « fake gold on my hoops » par exemple, je sais que ce n’est pas du vrai, et je ne vais pas prétendre le contraire, ce sont les autres qui pensent que c’est du vrai. Les gens peuvent voir ce qu’ils veulent. Mais je pense qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, le mieux est d’être honnête. Si t’as pas de thunes, t’as pas de thunes. Je pense pas que ce soit cool de faire semblant. 

« Je trouve simplement que c’est important d’embrasser ta culture, même si ce n’est pas celle à laquelle tu es confronté tous les jours »

Mais il y a tout de même une pression sur les artistes pour qu’ils fassent bonne figure sur les réseaux : j’imagine qu’ils se sentent toujours obligés de dripper, d’affirmer qu’ils sont ou qu’ils peuvent devenir quelqu’un… Et peut-être encore davantage les femmes. 

Tu peux dripper avec des fringues achetées en frippes ! Je ne sais pas, je trouve qu’il y a tellement d’opportunités pour les femmes dans la musique avec le streaming, les réseaux sociaux… Aujourd’hui, c’est le public qui décide, les labels sont paumés. L’industrie de la musique est tellement imprévisible ! Ce n’est plus un label qui te dit que tu vas être la prochaine pop star, que tu dois être sexy, que tu dois faire ceci ou cela… On peut toutes être nous-mêmes, mettre nos créations en ligne et créer notre propre fanbase. Et les labels se diront : « Bon ben ça y est, elle a percé ! » Ça n’a pas d’importance, tant que tu as une fanbase. 

Est-ce que tu dirais qu’il y a de la sororité entre femmes artistes en ce moment ?

Oui, j’ai ressenti ça récemment. Cette année, pas mal d’artistes ont fait appel à moi, et j’ai moi-même fait appel à plein de personnes. J’ai essayé d’ouvrir mon cœur et mon esprit, quitte à prendre des risques en faisant signe à des plus gros artistes. Et les réactions sont bonnes donc c’est excitant ! 

En France, il y a une obsession autour de l’idée de trouver « la prochaine artiste féminine ». Est-ce que tu as déjà ressenti cette contrainte toi-même, qui consiste à devoir incarner quelque chose qui te dépasse et qui est beaucoup plus vaste que toi ? Cette question en est d’ailleurs une bonne illustration ! 

Oui, c’est oppressant ! Mais aux États-Unis, il y a énormément d’artistes féminines. Et je pense que beaucoup d’entre elles sont mises en lumière. Je sais qu’il y a des festivals dont les têtes d’affiches sont principalement des hommes, mais les femmes prennent la parole. Même certains hommes le font, et se retirent parfois de ces programmations car elles ne comptent pas assez de femmes. Ça, c’est génial. Mais je ne sais pas vraiment comment ça se passe en France. Je suis davantage impliquée sur la scène US, j’ai eu ouïe dire que c’était comme ça… Ça craint.

Il me semble que l’attachement des diasporas à leurs pays d’origine n’est pas le même en France et aux États-Unis. À quel moment est-ce que tu as voulu mettre en valeur ta double culture dans ta musique ? 

C’est vrai qu’ici, les gens ne savent même pas placer l’Algérie sur une carte. « Est-ce que c’est en Europe ? Est-ce que tu es Noire ? » Ils n’y connaissent rien… Moi, j’ai toujours écouté de la musique algérienne car mon père passait souvent des chansons arabes. De fait, j’ai toujours voulu amener ça dans ma musique, c’est quelque chose de naturel dont j’ai hérité dans ma voix. Mais je ne suis pas la seule à avoir cet héritage pour autant, il y a French Montana, Bibi Borelli… Je ne peux pas en nommer beaucoup, mais bon… En fait, c’est très dur d’expliquer pourquoi c’est aussi important pour moi. Je trouve simplement que c’est important d’embrasser ta culture, même si ce n’est pas celle à laquelle tu es confronté tous les jours. Juste, trouver des moyens d’y revenir de temps en temps…

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La nouvelle a été éclipsée par le succès des Quarantine Radios, mais Tory Lanez a quitté son label avec lequel il était en froid depuis plusieurs mois. Une véritable libération pour le rappeur canadien, qui entame un tournant majeur de sa carrière au moment où il s’est hissé en MVP du confinement. Beaucoup d’enseignements peuvent être tirés de son parcours.

Photos : @MidJordan

Confinement ou pas, hors de question pour Tory Lanez de lâcher le micro. À cela près que depuis mars, il s’en sert moins pour chanter que pour s’improviser host de sa désormais fameuse « Quarantine Radio ». En live sur Instagram, Daystar Peterson (de son vrai nom) anime le quotidien morne de ses fans en leur proposant un divertissement impliquant de la tise, du bon son, beaucoup de twerk et, depuis quelques temps, du lait ou de l’huile de massage… Et alors que la plupart des artistes subissent les conséquences du COVID-19, sa Quarantine Radio est carrément devenu un rendez-vous incontournable du game. À tel point point que de nombreuses stars – telles que Jordyn Woods, Wiz Khalifa, Alexis Texas, Chris Brown et même Drake – y viennent pour « passer le salam » et s’enquiller un shot, profitant de l’ambiance et de la visibilité permise par cette plateforme, qui dépasse régulièrement les 350 000 viewers en simultané.

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Le soir du 9 avril, justement, Lanez a réitéré l’exploit des +300 000 participants. Alors que la fête touche à sa fin, il ne lui reste plus qu’à profiter de toute cette audience pour sortir The New Toronto 3 (TN3), son cinquième album au sein du label Mad Love Records, en distribution avec Interscope Records. Annoncé en février, TN3 devait clôturer de manière opportune la Quarantine Radio du jour. Difficile de faire mieux niveau promo’.

Mais ce qui aurait pu s’apparenter à une banale sortie prend des airs de libération dans une ambiance grave, solennelle, en contraste avec le reste du live. Plusieurs fois, une petite phrase lâchée par-ci, par-là, avait pu nous rencarder sur la hâte du rappeur, malgré tout concentré sur son show. Mais à 23h55, le temps s’accélère. Le Canadien approche ce moment dont il a tant rêvé. Son émotion grimpe à mesure que les minutes s’écoulent… avant que ne sonne 00h. Nous sommes le vendredi 10 avril, et Tory Lanez est officiellement libéré de ses obligations contractuelles. « Je veux partager ce moment avec tous ceux qui sont présents ici. Je suis officiellement, officiellement… […] indépendant… Je suis libéré de ce putain de label ! […] On est libre, bébé ! ». Au bord des larmes, il exulte de joie et s’offrir naturellement un shot pour fêter ça.

Avec le label, ce n’est pas l’amour fou

Pourtant, 5 ans plus tôt, lorsqu’il signe avec le hit-maker Benny Blanco, le jeune Tory est plein d’enthousiasme. Avec des titres comme « Tik Tok » de Kesha, « Moove Like Jagger » de Maroon 5, « Love Yourself » de Justin Bieber ou encore « Work Hard, Play Hard » de Wiz Khalifa, la discographie du producteur a de quoi impressionner notre jeune canadien, qui compte tout de même déjà une dizaine de projets à son actif. Il sort d’une brève relation contractuelle avec Sean Kingston, au sein de sa structure Time is Money Entertainment, qui lui a permis de faire un peu parler de lui à l’échelon national américain. Empêché d’aller au bout de cette aventure pour des raisons administratives, Tory cherche désormais un label qui lui permettra de révéler son talent au monde.

D’où sa quête d’un mentor, qu’il trouve en la personne de Benny Blanco, dont il annonce rejoindre le label à la sortie de « Say It », issu de son premier album studio I Told You (2016). Interrogé à l’époque par The Guardian sur sa place dans l’écurie Mad Love, le Canadien est formel : « [Benny Blanco] est l’un des plus grands producteurs avec lesquels j’aurais pu travailler, c’est une légende et je ne serais pas ici sans lui ». Dans un premier temps, l’histoire semble lui donner raison. Le producteur l’aidera en effet à confectionner « Luv », son deuxième plus gros hit, avec un double platine décroché aux États-Unis et au Canada, 20 semaines passées dans les charts, plusieurs nominations et même un remix avec Sean Paul. L’album lui-même tapera fort, décrochant la quatrième place du US Billboard 200 et la deuxième place du US Top R&B/Hip-Hop Albums dès sa sortie. Il est le premier des cinq que Peterson doit à Mad Love/Interscope. Mais comme il l’explique dans « Letter To The City 2″ , sa maison de disque lui en soutirera 12 : « Au moment où vous entendrez ce couplet, j’aurai fini mon contrat / Ils [m’ont eu sur] 12 albums, quatre ans, et c’est encore un record ».

Difficile de comprendre le calcul du rappeur. Outre les deux mixtapes The Chixtape IV et The New Toronto 2 (janvier 2017) et les albums studios Memories Don’t Die (mars 2018), Love Me Now (octobre 2018), The Chixtape 5 (novembre 2019) et The New Toronto 3 (avril 2020), ses autres projets n’apparaissent pas comme estampillés « Mad Love / Interscope Records ». Une incohérence qui illustre les parts d’ombres de la querelle l’opposant à sa maison de disque. Malgré les déclarations publiques de Peterson, il est encore difficile de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. Dans « Letter To The City 2 », Tory fustige Blanco sans le nommer, détaillant son ressenti sur 5 années de relation professionnelle éprouvante, entre exploitation, dénigrement et litiges financiers. Un malaise qui éclate au grand jour après la sortie de Chixtape 5.  

The Chixtape 5 : tout ce qui brille…

Dans la lignée des autres « Chixtapes », Chixtape 5 est une nouvelle ode aux classiques des années 2000. Sorti en novembre 2019, le projet reprend les samples de « Beautiful » de Snoop Dogg et Pharrell Williams, « I’m Sprung » de T-Pain, « Your Body » de Pretty Ricky ou encore « You » de Lloyd et Lil Wayne. Mais le coût des droits d’utilisation de ces samples fut particulièrement élevé. Logique car pour chacun d’eux, il a fallu obtenir l’autorisation pour le titre en question, pour le sample originel figurant sur le titre, auprès de l’auteur qui avait écrit le titre, de l’artiste ayant interprété le titre, de l’éditeur de musique du label détenteur du titre et dudit label, comme l’explique Tory Lanez au cours d’une interview avec Hot97. Un exploit qui a pris 6 mois de négociations.

Et si le fait d’inviter leurs interprètes sur le projet a bien aidé – pour un album « blockbuster » où figurent Snoop Dogg, Jermaine Dupri, T-Pain, Trey Songz, Lil Wayne, Chris Brown, Mario, The Dream, Fabolous et même Ashanti –, l’addition fut salée. Une production déficitaire malgré le succès de Chixtape 5, qui a décroché une première place aux US Top R&B/Hip-Hop Albums (Billboard) et une seconde place aux Canadian Top Albums (Billboard) – derrière Céline Dion – pour 83 000 copies écoulées sa première semaine d’exploitation. Tory lui-même a généreusement mis la main à la poche : « En fait, nous ne l’avons pas fait d’un point de vue financier, nous l’avons fait d’un point de vue [artistique] du genre, je perds de l’argent en faisant l’album, […] mais bien sûr, ça va être incroyable. »

« Interscope Records… Si vous n’arrêtez pas de jouer avec moi… Je vais révéler ce qui se passe réellement dans votre boîte !!! »

Quant au label, il n’aurait que partiellement contribué à l’effort, d’après les propos de Sascha Stone Guttfrend, l’un des membres de l’équipe du Torontois, dans les pages de DJBooth. Ce refus d’investir dans sa musique constituerait le dernier épisode d’une longue série de désaccords entre le chanteur et sa major.

Tory Lanez en sursis

Cette ultime brouille l’aurait poussé à porter ses griefs sur la place publique en décembre 2019 – près d’un mois après la sortie de TC5. D’abord le 14 décembre, avec une première sommation sur Instagram menaçant Interscope de révéler « ce qui se passe vraiment dans ce putain de bâtiment si Interscope n’arrête pas de « jouer avec lui », puis le 20 décembre sur Twitter.

Fait étrange, certains de ses fans affirment craindre pour la vie de l’artiste en pleine rébellion contre sa maison de disque. Si Tory répond être plus concerné par le « respect de son intégrité » et son « chemin vers la lumière » que par sa sécurité, il tweetera tout de même ce message alarmant 5 jours plus tard : « À tous mes amis artistes, si quelque chose devait m’arriver à n’importe quel moment de ce processus. J’ai fait tout ça pour que mes artistes montants soient plus malins dans ces deals et soient dans une meilleure position pour leurs familles et qu’ils soient conscients des dangers MÊME QUAND LES AFFAIRES MARCHENT !!!! »

Se sentait-il menacé professionnellement ou physiquement ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que déjà à l’époque de son deuxième album Memories Don’t Die, Tory Lanez avait indiqué sa lassitude. Dans une interview pour Billboard, il affirmait ne plus attendre de sa maison de disque qu’elle débloque le budget nécessaire pour réaliser l’un de ses clips – préférant la mettre devant le fait accompli en apportant la facture contre remboursement. Ces restrictions dans ses choix artistiques l’auraient poussé à sortir ses titres les plus moyens ces quatre dernières années. S’y est ajouté la volonté de « sauver ses pépites«  de sa maison de disque. Ce qui expliquerait la certaine monotonie de ses derniers disques, à l’exception de Chixtape 5, où il aurait accepté de monter à « 60% » pour ne pas perdre ses fans. Ultime preuve à l’appui, The New Toronto 3 est une mixtape et non un album per se. La différence avec Chixtape 5 est de taille et a nourri les discussions sur Twitter. Néanmoins, tout porte à croire que cette mixtape a offert à Lanez sa carte de sortie. Une sortie vers le haut qui le place dans une trajectoire prometteuse, avec une indépendance qu’il entend mettre à bon escient et une notoriété qui atteint des sommets.   

Capitaliser sur le confinement avec Instagram, un micro et des litres de lait

Car avec les Quarantine Radios, Tory Lanez a peut-être pris une nouvelle envergure. Rappeur-chanteur à l’auditoire fidèle mais célébrité de second rang, il est devenu un phénomène international grâce à une recette aussi simple qu’efficace. Durag posé sur le crâne, backwood dans une main, micro dans l’autre. À droite, un hype-man qui enchaîne des gimmicks devenus mythiques (« Quarantine-Quarantine ! »), certains étant même samplés sur des morceaux ou vidéos populaires, comme les fameux « Ain’t nobody got time for that », « Take a shot for me » et « Coronavirus ». À gauche, une bouteille de liqueur que le rappeur dégaine dès que l’occasion se présente. Mais c’est à l’écran que se joue le clou du spectacle. Révélant son incroyable talent de maître de cérémonie, Tory s’agite, crie, chante, juge des twerks, boit, fume et challenge ses participants et participantes pendant près de deux heures nonstop. En quelques épisodes, il parvient à faire évoluer son show d’un live Instagram parmi tant d’autres à un rendez-vous culte, dont même le patron d’Instagram est fan. Résultat : un show qui explose largement le record de 150 000 viewers live précédemment détenu par Taylor Swift, un compte Instagram qui gagne 1 million d’abonnés sur le mois, un autre record sur la plateforme TikTok de 77 000 viewers live – « sans montrer de culs » cette fois…

Et l’auteur de « Who Needs Love » ne compte pas s’arrêter là. Capitalisant sur son concept, il s’associe avec YouTube pour produire un concert d’un tout nouveau genre : « The Tory Lanez Social Distancing Tour », dont la première date s’est tenue le 1er mai dernier (cf vidéo ci-dessus). Dans une salle aménagée à cet effet, le rappeur chante devant 50 000 viewers en simultané, épaulé par un guitariste, un batteur, son DJ et, bien entendu, le fameux hype-man des Quarantine Radios. Quant aux fans, ils interagissent avec lui via une plateforme de chat sur laquelle ils peuvent poser de l’argent contre un changement de lumière ou la requête de leur choix. Plusieurs d’entre eux vont jusqu’à lâcher 500$ pour qu’il leur interprète « The Take », « B.I.D » ou encore « K Lo K », son dernier hit avec Fivio Foreign. Poussant l’expérience à son paroxysme, il freestyle, remix certains de ses titres avec ses deux musiciens et va jusqu’à offrir une exclu, « Temperature Rising », à ses fans pour clôturer le live. Live qui sera visionné par plus d’un 1 million de personnes au total.

« The next move is goin’ fully independent »

Savourant ses performances et cette indépendance nouvelle, le Canadien semble prêt à monter au créneau avec son propre label. Il est pour le moment incarné par sa structure One Umbrella Records (dont les initiales forment « OUR », soit « notre » en anglais), qui compte le rappeur Davo, le crooner Mansa et la chanteuse Melii… Le choix du parapluie pour illustrer sa maison de disque n’est pas anodin. Un parapluie est constitué d’un mât central et de tiges articulées permettant de déployer la toile protectrice qui fait son utilité. Aux yeux de Tory Lanez, chacun des artistes d’OUR – lui y compris – constitue une tige, représentant un business indépendant. L’addition de ces business, s’ils sont fructueux, garantie la solidité de la structure globale. Gardant en tête ses expériences passées, il ambitionne ainsi de corriger le tir en adoptant une posture équitable, compréhensive, qui voudrait que ses protégés ne soient pas « ses employés » mais « des partenaires » qu’il peut aider grâce à son expérience d’artiste et de businessman.

Dans cette aventure, Lanez sera épaulé par ses acolytes Sascha Stone Guttfrend, Philip Payne ou encore Troy Dubrowsky, avec lesquels il avait mis sur pied sa première tournée en indé. Sur trois dates à Los Angeles, New York et Toronto, le « Tory Lanez & Friends Tour » avait réussi à engranger 600 000$ de recettes pour 15 000 participants. En mesure de discuter d’égal à égal avec les majors, il semble évident que l’artiste souhaitera conserver les droits sur ses futures tournées ainsi que sur son « nouveau » catalogue musical. D’autant plus qu’il aurait encore ses meilleurs titres sous le coude. Ses fans trépignent d’impatience.

Après « Ousmane » et « Footeuses », le nouveau documentaire Ballon sur Bitume pousse les portes d’habitude fermées du centre de formation du PSG : « Le Jardin », une nouvelle production YARD et Miles, sort ce vendredi 8 mai en premiere sur YouTube, à 23h15 (après Koh-Lanta).

La série Ballon sur Bitume continue avec le documentaire « Le Jardin », une immersion dans un univers ultra compétitif où une vingtaine d’adolescents partagent une ambition commune : accéder à l’élite après avoir complété leur formation.

Au-delà du sport, il s’agit avant tout d’une magnifique aventure humaine où l’on découvre les pépites du PSG, notamment Adil Aouchiche, Tanguy Nianzou Kouassi ou encore Kays Ruiz-Atil, à travers leurs études, des entraînements ou des moments de vie.

Tourné dans les derniers mois de la saison 2018-2019 de l’équipe U19 du Paris Saint-Germain, « Le Jardin » vous plonge dans la réalité parfois fantasmée du parcours d’un jeune pousse. Le club nous a ouvert les portes de son centre de formation comme très rarement il n’a été vu auparavant. Vous découvrirez des personnes attachantes, souvent dans l’ombre, mais au travail tout aussi important qu’un entraîneur et dont le seul but est de faire éclore le talent mais aussi la personnalité de ces jeunes joueurs.

« Le Jardin », réalisé par Hugo Bembi et Jesse Adang (YARD), produit par Eliott Brunet (Miles), monté par Samir Bouadla (avec l’aide d’Eriola Yanhoui au cadrage) et musique originale par Julien Villa.

Featuring Adil Aouchiche, Tanguy Nianzou, Romaric Yapi, Timothée Pembélé, Kays, Ruiz-Atil, Massinissa Oufella, Raphaël Nya, Arnaud Kalimuendo, Bandiougou Fadiga, Maxen Kapo, Omar Yaisien, Alexandre Fressange, Richard Makutungu, Ruben Providence, Ziyad Larkeche, Cawdy Williams, Tanguy Coulibaly, Curtis Fiawoo, Garissone Innocent, Yanis Saidani, Will, Césaire Matimbou, Trey Vimalin et tout le staff des U19 du PSG.

Tou(te)s les documentaires et vidéos classiques de YARD ont été pimpé(e)s et sont disponibles sur YARDFLIX.

Après l’Everest pop Starboy et l’EP inégal My Dear Melancholy, Abel Tesfaye revient trois ans plus tard avec After Hours, un album aussi flamboyant que torturé. À première vue, The Weeknd n’y change pas sa formule, déclinant encore son dark R&B alternatif. Mais cette fois-ci, les ratures de la cover de Beauty Behind the Madness saignent à vif sur son visage amoché de crooner déchu. Lecture détaillée où les sillons du vinyle se mêlent aux lignes de coke, aux cicatrices et aux néons de Las Vegas.

« Cette maison n’est pas un abri pour toi. » Tels étaient les mots qui ouvraient « Twenty Eight ». Presque neuf ans plus tôt, ce bonus track de Trilogy fermait le victory lap d’un artiste en pleine explosion. Imbu de lui-même, froid, obsédé, manipulateur et drogué jusqu’au bout des dreads. Le fait qu’After Hours sorte quasiment une décennie jour pour jour après House of Balloons, la première mixtape d’Abel Tesfaye, appuie un peu plus cette boucle qui se ferme. Sentiment confirmé à la fin du disque dans le titre éponyme « After Hours » où la formule se transforme en « cette maison n’est pas un abri sans toi ».

Du chemin, l’artiste en a fait. Des expérimentations inégales aussi. Et c’est le cœur brisé qu’il nous revient sur son quatrième album studio. Un grand torturé sociopathe, The Weeknd l’a toujours été. Ici, l’attitude ne change pas mais l’univers, le costume et les textures sonores ouvrent de nouvelles pistes fascinantes. Alors est-ce que toute cette peine a servi à quelque chose ? En plus des amantes, quelle est la source d’inspiration larvée de cette nouvelle aventure ?

A l’image de ses illustres modèles Prince et Michael Jackson, The Weeknd construit des projets concept. Même si tous ne se valent pas, une cohérence esthétique se dessine entre eux. Chaque itération devient la mort de la précédente. Un peu comme si Tesfaye était une créature des ténèbres qui saignait une idée jusqu’à l’épuisement. Rappelons l’ouverture du clip glaçant de « Starboy » où Abel étouffait son ancien lui avec sa coupe de cheveux à la Basquiat. Mais le talon d’Achille de ses LP était cet appétit du top des charts, créant une succession de hits efficaces sans fil conducteur. Si des sommets pop des années 2010 existent au sein de son catalogue (« Tell Your Friends », « The Hills », « Can’t Feel My Face », « In the Night », « Reminder », « I Feel It Coming », « Die For You »), des morceaux oubliables jalonnent aussi son CV (« Rockin », « Six Feet Under », « All I Know », « As You Are », « Acquainted », « Losers »).

Vampire Weeknd

Car le Canadien portait jusqu’ici un poids : celui d’une fanbase XO ouverte aux featurings et aux mix des genres mais qui considère ses trois premières mixtapes comme des classiques intouchables. Difficile pour les tracklists suivantes de se forger une même destinée. À ce stade, The Weeknd rêvait d’être une star absolue. Entre 2013 et 2018, il martela sa présence aux quatre coins du rap game et de la variété. L’empreinte de sa voix se grava dans l’inconscient des auditeurs pour devenir l’une des plus reconnaissables de l’industrie. Mais cela ne suffisait plus.

2019 l’a montré à travers le film Uncut Gems où le chanteur se fritte dans une boîte de nuit avec Adam Sandler. Ses débuts au cinéma ressuscitent le look période « The Morning » pour mieux l’amocher, sorte de crachat jeté au passé. Cette note d’intention, il la prolonge lors de l’avant-première à Toronto en septembre où son look déroute. Moustache ringarde et coupe afro eighties, le retour du canadien paraît imminent mais aucune news ne fuite durant trois mois. Désactivé depuis juin 2019, son compte Instagram se réveille pour deux messages cryptiques le 26 novembre puis diffuse les jours suivants les tubes « Heartless » et « Blinding Lights ». Et les clips et visuels confirment qu’After Hours sera l’album studio le plus abouti de son auteur.

Cinéphile pointu, Abel assume enfin son désir de long-métrage bigger than life et rassemble une équipe unique pour l’identité esthétique et sonore de l’album. Les frères Tammi (Aleksi au design et Anton à la réalisation) chapotent toute son imagerie, des clips aux photos promotionnelles. Ce pot-pourri chic déborde de références cinématographiques à Martin Scorsese sur le titre du CD, Las Vegas Parano sur « Heartless », American Psycho sur « After Hours » voire Massacre à la tronçonneuse sur « In Your Eyes ». « No more daytime music », prévenait The Weeknd sur Twitter en janvier 2019. Nocturne, psychédélique et violente, cette vision hallucinée de L.A et Las Vegas plante directement un monde inédit, négatif à la pop colorée des Daft Punk. Exit les invités d’ailleurs : le cauchemar éveillé est un confessionnal entre Abel, ses démons et son amour perdu. Le voici seul face à ses regrets et ses ex. On se demanderait presque si au détour d’un plan cul sur « Escape From LA » ou d’un souvenir brumeux sur « Save Your Tears », Abel ne s’adresserait pas à Bella Hadid ou Selena Gomez – les fans sont d’ailleurs persuadés que le léger rire qu’on entend sur « Snowchild » est celui de Bella.

« Dois-je m’assumer comme un méchant ? »

Seule une icône accompagne en secret cette grande ODyssée : celle du clown triste. En août 2015, Abel ne cachait pas sa fascination pour le personnage du Joker dans une interview à Pitchfork : « Dois-je m’assumer comme un méchant ? Ouais, c’est cool. J’adore les méchants : ce sont les meilleurs personnages de films, non ? Le Joker est mon méchant préféré de tous les temps : vous ne connaissez pas son passé, vous savez simplement quels sont ses plans. Le Joker que Christopher Nolan a créé dans The Dark Knight avait une cicatrice en travers de sa bouche, et la première fois qu’il l’explique, il te fait croire qu’il l’a obtenu d’une certaine manière. Mais plus tard dans le film, et chaque fois qu’il parle de sa cicatrice, c’est une histoire totalement différente. Cela te dit quel genre de personne il est ; il ne te dit pas qui il est. Je suis un peu comme ça : tu me connais, mais tu ne me connais pas. Je te donne ce que je veux te donner. »

Une philosophie qui résume bien son processus artistique au passage. Sa dévotion au vilain, il la pousse jusqu’aux photos d’Halloween 2019 où le costume de Jack Nicholson lui va comme un gant. Le nemesis de Batman explique en partie le look rétro destroy d’After Hours. Avec ses bleus, cicatrices et pansements, The Weeknd tient plus de la version de Joaquin Phoenix, sortie en salles durant la production de l’album. Outre les parallèles esthétiques que beaucoup d’articles ont trouvé dans le clip de « Blinding Lights », Joker, le film, traite de la descente aux enfers d’un comédien de stand-up dans le Gotham City des années 80. Et si un humoriste américain n’a jamais aussi bien porté le costard rouge, la clope, l’afro et la moustache, c’est bien Richard Pryor dans son spectacle Live on Sunset Strip en 1982. The Weeknd n’emprunte pas que le costume du comédien ; les deux hommes partagent énormément de points communs qui se retranscrivent dans leurs travaux respectifs : le désespoir d’une rupture, les addictions, l’alcool, la drogue, l’amour, la fête, la célébrité etc. Au point de devenir la ligne directrice souterraine pour le nouvel avatar maudit du chanteur. Tantôt cachette pour Abel, tantôt révélateur pour Richard, Las Vegas représente le catalyseur de leur autodestruction.

De son aveu dans « Alone Again », The Weeknd n’a plus la paix à Los Angeles et voit Vegas comme un échappatoire. « À Vegas, je me sens tellement chez moi », assène-t-il d’entrée. « Escape From L.A » raconte bien cette rancœur envers la ville qui l’a déçu, se mouvant en ex-conquête : « Les filles de L.A se ressemblent toutes / Je ne les reconnais pas / Les mêmes modifs sur leur visage / Je ne critique pas / Elle est une garce au cœur froid sans honte / Mais sa gorge est trop bonne ». Plus les chansons passent et plus Las Vegas se transforme en supplice. « Nous sommes en enfer / Il est déguisé en paradis avec des lumières scintillantes », réalise-t-il dès « Too Late ». Au point de l’appeler Sin City à partir de « Blinding Lights ». Pour rappel, en janvier 2015, The Weeknd avait été arrêté à Las Vegas pour avoir frappé un policier lors d’une violente dispute au Cromwell Hotel.

« Qu’est-ce que je fous ici putain ? »

Richard Pryor subit cette même ambiguïté vénéneuse de Las Vegas. En pleine gloire montante et du haut de ses 27 ans, il commençait à se faire un nom dans les cabarets. Déjà addict à la cocaïne, Pryor se décrira plus tard victime d’une « dépression nerveuse ». Il ne croyait plus à ses blagues racontées dans une ville en pleine ségrégation. En septembre 1967, il monta sur scène devant une foule à guichets fermés. Pryor se figea, lâcha un « Qu’est-ce que je fous ici putain ? » et quitta la scène sous les huées du public.

La drogue joue un rôle central dans la vie privée et public des deux artistes. « L’amphétamine m’a pourri le bide », dit Abel dans « Heartless », montée trap de came et d’alcool. « Faith » surenchérit jusqu’à l’overdose glauque : « Mais si j’ai une OD / Je veux que tu la fasses aussi à mes côtés / Je veux que tu me suives juste derrière / Je veux que tu me tiennes pendant que je souris / Pendant que je meurs ».

« J’étais en train de devenir sans dessus dessous, et je vivais pas mal de trucs personnels, avoue The Weeknd à Variety en avril 2020 à propos du morceau. C’était une ère de rock-star, ce dont je ne suis pas du tout fier. Vous entendez des sirènes à la fin de la chanson – c’est moi à l’arrière de la voiture de police, à ce moment-là. J’ai toujours voulu faire ce titre mais je ne l’ai jamais fait, et cet album était le moment parfait parce que je cherchais une échappatoire après un chagrin d’amour. Je voulais être ce gars encore une fois – le mec qui a le cœur brisé et qui déteste Dieu et qui perd sa putain de religion et qui déteste ce qu’il voit dans le miroir donc il ne fait que se défoncer. »

En 1980, Richard Pryor avait vécu aussi une expérience de mort imminente liée à la freebase, un dérivé du crack. Lors d’une fête chez lui, il sniffa de la coke devant un documentaire sur la guerre du Vietnam. Un de ses amis lui parla de l’immolation du moine Thích Quảng Đức et de son courage. Pryor se couvrit alors de rhum et se crama devant ses invités. Changé en torche humaine, il s’en tira avec des blessures au troisième degré sur le torse, sauvé par les 23g de poudre dans ses veines. « J’ai tenté de me suicider, c’est tout ce que j’ai à dire », expliqua-t-il plus tard. D’après le site Macleans, le clip de « Can’t Feel My Face » où The Weeknd rôtit dans un club s’inspire directement de cet épisode traumatisant.

After Hours et Live on Sunset Strip parlent d’hommes qui ont vu le vide et en sont revenus, incapables de répondre aux questions des fantômes du passé ou de leurs proches. « Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vas t’arrêter ou tu vas me perdre ? », prévenait Jim Brown, l’ami de Richard Pryor à ce dernier. La maison est bien devenue un abri, mais il est trop tard.

La culture en PLS. Avec l’épidémie de coronavirus et ce qu’on appelle désormais le « Grand confinement », le monde culturel traverse une crise inédite : report des événements, annulation des festivals, industrie à l’arrêt… Beaucoup d’acteurs ne se laissent pas abattre, d’autres font des appels à l’aide. Dans cet article mis à jour plusieurs fois par semaine, nous regrouperons les informations et actions qui concernent les domaines culturels dont YARD se revendique, pour que chacun puisse comprendre un peu plus les enjeux et trouver des réponses.

Dernière mise à jour : jeudi 7 mai.

« Maintenant, c’est des ‘Bonjour’ à distance. » Depuis le 17 mars, les Français sont officiellement en confinement. Loin les uns des autres mais tous ensemble sur les réseaux sociaux, beaucoup essaient de voir le verre à moitié plein : plusieurs initiatives se sont progressivement mises en place, entre rendez-vous quotidiens sur Instagram pour des Lives toujours plus nombreux et initiatives solidaires malheureusement nécessaires.

Comme de très nombreux secteurs d’activité, le monde de la culture galère. Clairement, certains acteurs ne s’en relèveront pas. Pour autant personne ne baisse vraiment les bras et tout le monde s’interroge : qu’est-ce qu’on peut faire à l’heure actuelle ? Qu’est-ce qu’on pourra faire demain ? Qu’est-ce qui doit changer ? Qu’est-ce qu’on annule, qu’est-ce qu’on reporte, comment doit-on agir ? Beaucoup, beaucoup de questions, parfois précises mais aussi générales, auxquelles il n’est pas toujours évident de trouver des réponses.

Alors que depuis le début de l’épidémie, les médias culturels dont nous faisons partie s’efforcent de trouver des moyens de contourner les contraintes pour continuer à produire, pour créer de nouveaux formats et faire (presque) comme si de rien n’était, les milieux dans lesquels on baigne tous souffrent, agissent, et envisagent demain. Plutôt que de se contenter d’attendre que l’orage passe, il faut aussi faire face à l’orage qui gronde.

Avec cet article, nous souhaitons lancer un fil actualisé plusieurs fois par semaine, dès que ça semblera nécessaire, pour y regrouper info par info, action par action, tout ce qui concerne l’impact du coronavirus sur nos secteurs culturels : le monde de la musique, celui de la mode et, sans rentrer dans le détail des compétitions, de la culture sport. Une veille qui n’a pas pour but d’être exhaustive mais qui s’efforcera d’être le plus pertinente possible pour permettre à tous de mieux comprendre les enjeux sur la culture de la crise que nous traversons, donner des solutions, et anticiper demain.

L’intervention d’Emmanuel Macron à propos de la Culture| 07.05.20

Le Président de la République a pris la parole hier après s’être entretenu avec une douzaine d’artistes, dont Abd Al Malik et Catherine Ringer pour la musique. Concernant l’impact de la crise sanitaire sur le monde de la culture, il a évoqué des grandes lignes et les plans de soutiens du gouvernement pour le secteur. Pour les intermittents qui le réclamaient, ce ne sera pas exactement “l’année blanche”, mais plutôt la prolongation du droit à l’assurance chômage, jusqu’à l’été 2021. Pour les encourager à faire leur nombre d’heures dès lors que les conditions sanitaires seront réunies, le gouvernement envisage de créer une plateforme mettant en relation artistes, techniciens et mairies pour leur permettre d’intervenir en écoles, voir de participer à des colonies de vacances.

Les salles de répétition vont progressivement rouvrir dès le 11 mai, ainsi que les magasins de disques. Le lancement “d’un grand programme de commande publique” impliquant notamment “les jeunes créateurs de moins de 30 ans” a été évoqué, ainsi que la consolidation d’une “Europe de la culture”, sans que les détails n’aient été précisés. Le ministre de la Culture a indiqué que les artistes-auteurs qui ne pouvaient jusqu’alors pas bénéficier du fonds de soutiens mis en place par l’État, pourront désormais y avoir accès.

Des fashion weeks digitales à Milan et Paris| 07.05.20

Après Londres, Milan et Paris ont annoncé à leur tour l’organisation d’une fashion week digitale. La capitale lombarde présentera en ligne les collections printemps-été 2021 homme ainsi que les pré-collections printemps 2021 homme et femme, du 14 au 17 juillet. Une plateforme numérique, accessible depuis le site et les réseaux sociaux de la Camera Nazionale della Moda italiana, proposera des contenus photos et vidéos, des interviews, des images en coulisses, des webinaires, des performances live, des showrooms virtuels… 

De son côté, la Fédération de la Haute Couture et de la Mode orchestrera sa « Paris Fashion Week online » du 9 au 13 juillet, autour, elle aussi, d’une plateforme numérique. « Chaque maison sera présente sous la forme d’un film-vidéo créatif et libre » explique la fédération. « D’autres contenus figureront dans un volet éditorialisé de la plateforme. L’ensemble sera largement relayé sur les principaux réseaux de diffusion mondiaux. »

Plus d’infos sur Fashion Network.

Le WAN organise une réflexion sur l’Afrique post-coronavirus et un concert digital géant| 06.05.20

Le 25 mai prochain, le WAN (Worldwide Afro Network) organise une campagne de sensibilisation et de réflexion autour du coronavirus et de ses conséquences sur le continent Africain. Au programme des échanges sur les réseaux sociaux avec des leaders, artistes et innovateurs, et un concert 2.0 diffusé en direct sur les différentes chaînes nationales africaines.
Au lineup entre autres : Youssou N’Dour, Oumou Sangaré, Baaba Maal, Lenine, Tiken Jah Fakoly, Wizkid, Hiro, Fally Ipupa, Jocelyne Beroard, Jacob Desvarieux, Cheick Tidiane Seck…

Plus d’infos sur WAN.AFRICA.

AC Milan : un concert en collaboration avec Jay-Z pour la bonne cause| 05.05.20

Un concert virtuel va être organisé ce dimanche soir à 21h (heure française) afin de lever des fonds pour les travailleurs qui prennent des risques chaque jour malgré la pandémie de coronavirus. L’argent récolté sur cette page web ira directement aux organisations Direct Relief et Fondazione Milan. Le concert sera retransmis sur les réseaux sociaux de l’AC Milan. À noter que certains footballeurs tels que Thierry Henry ou Kaka seront également de la partie et laisseront des messages dans de courtes vidéos.

Plus d’infos sur Foot Mercato.

Quentin Bordin, Tyrsa et Julien Pham lancent « La Vida Locale »| 05.05.20

Née d’une conversation avec Julien et Alexis et de la triste constatation de de nombreuses commerces locaux et indépendants n’auront certainement pas la chance de réouvrir suite au 11 Mai. Nous avons souhaité créer un moyen simple de soutenir et partager nos enseignes préférées. L’idée est de promouvoir une approche différente, de rappeler qu’il y a d’autres options.
Ce n’est pas une initiative personnelle, ce n’est pas un label de qualité, ce n’est pas un nouveau message alarmiste. Mais une invitation à réfléchir à nos habitudes de consommation.

Dans une volonté de voir ce message se propager organiquement, comme il doit l’être, la mécanique est très simple. Les deux visuels ci-dessous expliquent la démarche, on peut les partager en post ou en story. Puis de partager en story vos commerces et vos restaurants locaux et indépendants en y ajoutant le #LaVidaLocale.

#MODE | #MUSIQUE | #SPORT

#MODE

StockX lance « Campaign for a Cause » pour aider l’Organisation Mondiale de la Santé | 01.05.20

Afin de venir en aide à l’organisation dans la lutte mondiale contre le COVID-19, StockX a rallié sa communauté pour qu’elle fasse don de pièces uniques et très convoitées qui seront tirées au sort sur la plate-forme: des baskets, des vêtements, des accessoires et des objets d’art ‘collector’. Sarah Andelman, Don C, Karlie Kloss, Futura, Usain Bolt, Lionel Messi, Hasan Minhaj, Steve Aoki, Ludacris et bien d’autre sont répondu présent au rendez-vous et ont fait don d’articles personnels pour la cause.

Chacun peut participer au tirage au sort en faisant un don de 13€sur l’un des articles du catalogue de la campagne. Chaque don permet également au participant de gagner une boîte cadeau qui contient des pièces uniques vendues sur le site.

Plus d’infos sur StockX.

Carine Roitfeld organise le premier défilé virtuel à domicile, contre le Covid-19| 30.04.20

Chaque année, en clôture du Festival de Cannes, Carine Roitfeld organise un défilé de mode dans le cadre du gala de l’amfAR, fondation qui lutte contre le sida. Mais ce vendredi, à 22h, l’événement prendra une toute autre forme : il mettra en scène, en direct sur YouTube, des mannequins qui défileront chez elles, avec ce qu’elles auront trouvé dans leur garde-robe. 

De nombreuses personnalité ont répondu à l’appel de Carine Roitfeld : Kim Kardashian, Simon Porte Jacquemus, Hailey Bieber, Virgil Abloh, Alexander Wang, Heron Preston, Maria Grazia Chiuri… Elles participeront bénévolement à l’événement et feront des dons à l’amfAR, qui seront reversés à la recherche contre le Covid-19.

Saint Laurent ne défilera plus| 27.04.20

Conscient[e] de la conjoncture actuelle et des changements radicaux qu’elle induit”, la Maison Saint Laurent a annoncé qu’elle ne défilera pas dans le cadre du calendrier officiel de la fashion week en 2020, mais qu’elle avancera à son rythme, selon son propre agenda. Elle souhaite légitimer“la valeur du temps” et privilégier “le rapport aux personnes et à leur quotidien”.

La campagne FaceTime de Jacquemus | 27.04.20

Les mesures de confinement empêchent la réalisation de shootings mode léchés, dans des décors spectaculaires. Alors, pour promouvoir sa collection Printemps-Eté 2020, Jacquemus s’est adapté. Dans le cadre d’une campagne baptisée « Jacquemus at home », Bella Hadid et Barbara Ferreira (Euphoria) ont posé pour le créateur chez elles, via FaceTime, devant l’objectif du photographe Pierre-Ange Carlotti.

Découvrez les images sur Instagram.

Supreme et Takashi Murakami contre le COVID-19 | 24.04.20

Mardi 21 avril, la griffe Supreme a dévoilé un t-shirt créé en collaboration avec l’artiste japonais Takashi Murakami, dont les recettes seront versées à HELP USA, une association qui vient en aide aux sans-abris, très vulnérables pendant la pandémie. Flanqué du « box logo » orné des fleurettes pop caractéristiques de l’artiste, ce t-shirt blanc minimaliste sera vendu au prix de 60 dollars.

Plus d’infos sur Vanity Fair.

La consommation d’habillement chute de 60,9% en mars | 22.04.20

Contraints d’avoir fermé boutique en raison des mesures de confinement, les distributeurs français de textile/habillement ont lourdement souffert au mois de mars. Au total, leurs chiffres d’affaires ont chuté de 60,9 % au cours du troisième mois de l’année, selon les premiers résultats transmis par l’Institut Français de la Mode.

Les hypermarchés, qui ont continué de vendre des vêtements, enregistrent la baisse la moins prononcée (-52,1 %), tandis que les grands magasins son

t ceux qui ont le plus subi (-67,1 %). L’activité en ligne des distributeurs physiques, qui a reculé de 13 % sur la période en moyenne, n’a pas permis de compenser la baisse des ventes en magasin

La fashion week de Londres sera non genrée et digitale | 21.04.20

Si les prochaines fashion week homme ont été annulées, Londres a décidé de repenser l’événement sous une autre forme. Le British Fashion Council a annoncé aujourd’hui qu’une fashion week mêlant les collections homme et femme se tiendrait du 12 au 14 juin via une plateforme digitale, accessible aux professionnels comme au grand public.

Les designers communiqueront à travers des interviews, des podcasts, des journaux de bord, des webinaires et des showrooms virtuels, qui permettront de réaliser des ventes directement auprès du public, comme des revendeurs. Cette initiative représente tout à la fois une opportunité de contourner les contraintes imposées par la pandémie et de démocratiser un événement d’ordinaire hypra exclusif, en s’adressant à une audience massive et mondiale.

Une baisse de 20% de la valeur des marques de mode ? | 20.04.20

Selon le cabinet de conseil londonien Brand Finance, la valeur des 500 plus grandes marques au monde pourrait accuser une baisse d’1 trillion de dollars, avec la pandémie de Covid-19. Le secteur de la mode serait l’un des plus affectés.

« La pandémie de Covid-19 va sans aucun doute frapper de plein fouet le secteur de l’habillement — Brand Finance estime que les marques de vêtements pourraient subir une chute de 20% de leur valorisation. Ces marques, qui font actuellement face à des fermetures de magasins et d’usines, des ruptures dans leurs chaînes d’approvisionnement et une clientèle confrontée à une incertitude économique sans précédent, vont devoir se préparer à vivre une période éprouvante et tumultueuse » commente Richard Haigh, Directeur Général de Brand Finance.

Plus d’infos sur Brand Finance

Mode et coronavirus : « Ils ont tous franchi la ligne rouge » selon Jean Touitou

Le fondateur d’A.P.C. a répondu aux questions de Business of Fashion au sujet de l’impact du coronavirus sur l’industrie de la mode. Et il n’a pas mâché ses mots : « Il y a trop de marchandises qui font le tour du monde comme des fous, à la recherche de plus gros profits. […] Il devrait y avoir un montant d’argent raisonnable qui peut être toléré, après lequel il y aurait une ligne rouge. Et ils ont tous franchi la ligne rouge.“

Plus d’infos sur Business of Fashion

Cours mode et culture avec des experts de chez Chanel ou encore Yves Saint Laurent par l’Institut Français de la Mode

Nouvelle offre de divertissement en cette période de confinement. L’Institut Français de la Mode (IFM) va mettre en place des cours de mode en ligne dès le 30 mars prochain. Et les professeurs ne seront autre que Simon Porte Jacquemus, Christelle Kocher, Sidney Toledano CEO de LVMH Fashion Group ou encore le styliste anglais Paul Smith.

Plus d’infos sur Future Learn

Les marques de mode se mobilisent

Pour faire face à la crise sanitaire actuelle, l’industrie de la mode se mobilise. Focus sur plusieurs initiatives solidaires : 

Kering a effectué un don auprès de plusieurs fondations d’hôpitaux italiennes ainsi qu’à l’Institut Pasteur, pour soutenir ses recherches contre le Covid-19. Balenciaga, Saint Laurent et Gucci ont également mobilisé leurs ateliers pour produire masques et blouses à destination du personnel hospitalier, en Italie et en France. Le groupe a par ailleurs prévu de fournir 3 millions de masques chirurgicaux en provenance de Chine aux services de santé français. De son côté, Gucci a annoncé un don de 2 millions d’euros au profit de deux campagnes de financement participatif, l’une pour le Fonds d’aide créé par les Nations Unies, l’autre pour l’Office italien de la protection civile. 

Les unités de production de parfums de Christian Dior, Guerlain et Givenchy ont adapté leur activité au contexte pour fabriquer en grande quantité du gel hydroalcoolique à l’usage des hôpitaux français. Des commandes de plusieurs millions de masques chirurgicaux et FFP2 ainsi que d’appareils respiratoires ont été également sécurisées par le groupe pour les autorités sanitaires françaises. Louis Vuitton a par ailleurs mobilisé ses ateliers pour confectionner des masques et des blouses.

Chanel a décidé de maintenir à 100% la rémunération de ses 8500 salariés, plutôt que de recourir au chômage partiel. La Maison s’est également engagée auprès des structures hospitalières françaises à hauteur de 1,2 millions d’euros, à travers des contributions au fonds d’urgence créé par la Fondation de l’AP-HP, à la Fondation Georges Pompidou et aux services du SAMU. Chanel a par ailleurs offert plus de 50 000 masques au personnel hospitalier et mobilise désormais ses usines pour en confectionner de nouveaux, ainsi que des blouses. 

A l’instar de Chanel, Hermès a annoncé qu’elle maintiendrait le salaire de base de ses 15 500 collaborateurs en France et dans le monde. La maison a également produit plus de trente tonnes de gel hydroalcoolique et fait don de plus de 30 000 masques de protections. À cela, s’ajoute un don à hauteur de 20 millions d’euros pour l’AP-HP. 

La directrice artistique Miuccia Prada et son mari Patrizio Bertelli (PDG du groupe Prada) ainsi que Carlo Mazzi (Président du groupe) ont décidé d’offrir à titre personnel une donation de deux unités de soins intensifs et de réanimation à trois hôpitaux de Milan. Prada propose également une série de talks hebdomadaires en live sur son Instagram, accompagnés de dons auprès de l’UNESCO. La Maison orchestre par ailleurs des visites virtuelles de sa Fondation pour l’art contemporain et mobilise ses ateliers pour produire masques de protection et blouses à destination du personnel hospitalier. 

Moncler a effectué un don de 10 millions d’euros pour soutenir la construction d’un hôpital en Italie. 

Nike a annoncé faire un don de 15 millions de dollars, réparti entre plusieurs organisations luttant contre la propagation du virus. La marque a par ailleurs développé plusieurs autres initiatives : la conception, en partenariat avec l’Oregon Health & Science University, de masques à visière à partir de semelles de Nike Air recyclées, une campagne virale relayée par les athlètes Nike sur les réseaux sociaux autour du message « If you ever dreamed of playing for millions around the world, now is your chance » et l’organisation de la Living Room Cup, une série de défis à réaliser à la Maison, inaugurée par Cristiano Ronaldo lors de la première semaine.

New Balance a engagé une partie de sa main-d’œuvre américaine pour développer des masques dans ses usines. La marque a également annoncé un versement de 2 millions de dollars auprès de différentes organisations impliquées dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19. 

Donatella Versace, ainsi que sa fille Allegra Versace Beck, ont annoncé faire un don de 200 000 euros auprès d’un hôpital de Milan. 

Dolce & Gabbana s’est engagé à financer une grande étude scientifique en Italie, visant à constituer une base pour la mise au point d’outils diagnostiques et thérapeutiques.

La Ralph Lauren Corporate Foundation a fait un don de 10 millions de dollars pour aider les personnes impactées par la pandémie. L’organisation s’est également engagée à produire 250 000 masques et surblouses avec ses partenaires américains. 

Burberry s’est engagé à faciliter la livraison de matériel médical (masques, blouses…), fournir plus de 100 000 masques au National Health Service, réorganiser ses usines de trench-coat dans la production de blouses et de masques ou encore financer la recherche d’un vaccin mise au point par l’Université d’Oxford. La marque a également effectué plusieurs dons auprès d’associations caritatives. 

Valentino a imaginé un programme pour divertir ses 4500 employés dans le monde pendant le confinement: cours de Vinyasa et de Yin Yoga avec Louise Von Celsing, cours de cuisine avec un laboratoire créatif milanais ou encore playlist créée en exclusivité par Michel Gaubert. Le groupe Mayhoola, dont font partie Valentino ainsi que Balmain et Pal Zileri, participe également à hauteur d’1 million d’euros au projet d’agrandissement d’un hôpital à Madrid, dans le but d’accueillir 1300 patients atteints du Covid-19.

Levi’s s’est engagé à donner 3 millions de dollars pour sa communauté de collaborateurs et de partenaires. La Fondation Levi Strauss soutient également de nombreuses organisations comme Chinese for Affirmative Action, Médecins Sans Frontières et le Fonds d’action urgente pour les droits des femmes. La marque a par ailleurs lancé une campagne de dons auprès de ses employés, initié la série “5:01 Live” avec différents artistes (comme Snoop Dogg) sur son Instagram ou encore fourni des masques aux hôpitaux du monde entier. 

H&M a annoncé mettre sa chaîne d’approvisionnement au service de la production d’équipements de protection individuelle pour les hôpitaux et le personnel du secteur de la santé. La Fondation H&M s’est également engagée à effectuer un don de 500 000 dollars au Fonds d’aide de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Le groupe Fast Retailing (Uniqlo, Theory, Comptoir des Cotonniers…) a offert 10 millions de masques aux institutions médicales du Japon et dans le monde. 

Helmut Lang a lancé sur Instagram un concours de design de t-shirts, pour réveiller la créativité en période de confinement : la marque partagera ses favoris sur sa page Instagram et produira en édition limitée les trois meilleurs, qui seront commercialisés sur son e-shop. 

Skims, la marque shapewear de Kim Kardashian, s’est engagée à effectuer un don d’un million de dollars pour venir en aide aux mères et enfants touchés par le virus.

Mango s’est engagé à fournir deux millions de masques à différents hôpitaux espagnols.

Chloé a initié Chloé Voices, une série de contenus avec des talents inspirants, autour de performances, de concerts maison et de discussions en direct, diffusée sur sa page Instagram, ses Lives et ses Stories. La Maison s’est également engagée à reverser 10% du montant de ses ventes en faveur du plan d’action d’urgence de l’UNICEf. 

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#MUSIQUE

Artistes : les aides disponibles dans le cadre de la crise COVID | 01.05.20

La crise du COVID et la situation inédite du confinement se sont soldés par des conséquences désastreuses sur le plan économique. Dans ce contexte, de nombreux artistes ont mis à profit leurs audiences et leur popularité pour s’organiser autour d’actions et récolter des fonds pour personnel soignant. Le site REVRSE fait le point sur toutes les aides disponibles aujourd’hui.

Plus d’infos sur REVRSE.

De nouvelles aides pour la musique proposées par le Centre National de la Musique| 30.04.20

Première institution du monde de la musique à avoir réagi suite aux annonces de confinement du gouvernement, le CNM avait dès mi-mars lancé un fonds de secours pour les PME/TPE du monde du spectacle. Annoncé hier lors d’un Webinaire organisé par le groupe Believe, une nouvelle aide est en cours de mise en place. Un fonds concernant la musique enregistrée, les labels, les disquaires et les éditeurs va être ouvert au mois de mai et sera destiné à aider les trésoreries à court terme.

L’Amoeba Music, disquaire mythique de L.A., ne rouvrira pas ses portes | 29.04.20

« It is with a very heavy heart that we must announce that the massive impact from COVID-19 has forced Amoeba Hollywood to remain closed until we move to our new location this fall. We are devastated. We know you are too. » Il était un des plus beaux bâtiments d’Hollywood, siégeant sur le Sunset Boulevard. La pandémie de coronavirus aura été fatale et le disque s’arrête de tourner : après un mois de spéculation, le célèbre disquaire indépendant Amoeba Music a annoncé qu’il ne rouvrirait pas sa boutique d’origine, située à l’angle de Sunset et Cahuenga, comme le rapporte The New York Times. La boutique avait fermé ses portes depuis le mois de mars et les premières consignes de confinement.
L’entreprise a annoncé consacrer son énergie à l’ouverture d’un nouveau site, à l’automne prochain, non loin sur Hollywood Boulevard.

Plus d’infos sur Forbes.

570 000 euros de fonds récoltés par United We Stream pour la culture club berlinoise| 24.04.20

Vous l’aurez remarqué, on ne fait pas beaucoup la fête en ce moment. Il y a bien des événements qui s’organisent en ligne, sur Instagram Live ou sur Zoom, mais malgré des initiatives de plus en plus originales et populaires, on est encore loin d’avoir trouvé un véritable modèle qui permet aux DJ et aux artistes d’être rémunérés à la hauteur de leurs talents.

Lancé le 18 mars 2020, United We Stream est une initiative allemande qui permet d’accéder aux plus grands clubs digitaux du monde gratuitement, et de suivre des sets de DJ de tous bords en direct de chez soi. Associée à cette démarche, United We Talk fait intervenir les acteurs de l’écosystème de la nuit pour discuter des enjeux liés à l’actuelle crise sanitaire et son impact sur la musique électronique. Divertissement, information, et aussi levée de fonds. United We Stream a appelé à la solidarité, et à déjà récolté plus de 570 000 euros pour la culture club berlinoise. Un modèle à suivre pour le monde de la nuit en France ?

Plus d’infos sur Technopol.

Des dons pour les artistes sur Spotify | 23.04.20

Spotify a annoncé hier qu’une nouvelle fonctionnalité serait lancée, nommée the Artist Fundraising Pick. Elle permet aux artistes d’indiquer sur leur profil un lien direct permettant aux fans de leur adresser des dons. Les temps de balades ou passés dans les transports ayant été réduits et ainsi, ayant fait baisser une partie de la consommation de la musique en streaming, cette contribution peut venir à point nommé pour de nombreux artistes. Cette initiative est menée en partenariat avec les applications et sites Cash App, GoFundMe et PayPal. Dans le cas de Cash App, 1 million a déjà été donné de leur part afin de soutenir les artistes. Ceux qui utiliseront cette fonctionnalité seront d’emblée crédités de 100 dollars leur étant donnés par l’application. Spotify a précisé qu’ils ne prendraient aucune commission sur les transactions générées.

Accepter des donations plutôt que rémunérer justement, la décision sera sans doute discutée à un moment où un autre. Le musicien électronique Jean-Michel Jarre, également président du CISAC (Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs), à souvent répété “we’re not asking for charity, just fair remuneration”. “Les artistes n’ont pas besoin d’un téléthon. Ce ne sont pas des malades qu’il faut aider”.

Plus d’infos sur Spotify.

Orelsan et Keblack rejoignent la vente aux enchères de JuL | 23.04.20

La semaine dernière, JuL annonçait mettre aux enchères la totalité de ses certifications singles et albums reçues tout au long de sa carrière pour aider les hôpitaux pendant la crise sanitaire du COVID-19. Rejoint très vite par d’autres artistes, la cagnotte monte aujourd’hui à plus de 100.000 euros. Orelsan et Keblack viennent de suivre le pas à leur tour. La vente aux enchères se finira lundi 27 avril.

Plus d’infos sur Drout Online.

La fête est-elle finie ? | 21.04.20

Pas de YARD Summer Club cet été, c’est presque sur. Pas de YARD Winter Club, c’est fortement possible également. Difficile de prévoir quoi que ce soit avec certitude tant les scénarios sont faits d’improbabilités et de doutes, mais la majorité des professionnels de l’industrie du spectacle s’accordent pour dire que la reprise des concerts et des festivals devrait se faire parmi les derniers. Le Président de la République a annoncé qu’aucun rassemblement de type concert ou festival ne pourra avoir lieu avant au moins mi-juillet. Le Ministère de la Culture a ouvert une cellule d’accompagnement (festivals-covid19@culture.gouv.fr), mais selon Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes, «pour l’instant, la cellule de crise du ministère de la Culture envoie des réponses automatiques aux demandes adressées par les festivals» (Libération). Et les assurances jouent pour l’instant sur les détails, ce qui rend l’incertitude économique terrible pour les évènements ayant été contraints d’annuler.

En attendant, le Centre National de la Musique a mis en place un fonds de secours de 11,5 millions pour les TPE et PME du spectacle et de variété. En partenariat, Spotify s’est engagé à soutenir l’initiative du CNM, et à doubler les dons qui leur sont accordés. Les modalités concernant ce fonds ont été explicitées en vidéo par Mary Vercauteren dans l’émission En-Quête d’Info Covid-19 & Musique sur la chaîne de l’IRMA. Les alternatives type Live sur Instagram n’étant pas encore des solutions lucratives pour les artistes, peut-être que finira par se mettre en place un live avec des dons pour le secteur, envoyant un signal d’entraide et d’espoir aussi pour les organisateurs de fêtes et d’évènements de musique.

Plus d’infos ici.

Les disquaires et labels indépendants s’activent face à la crise | 20.04.20

Comme tous les secteurs de la musique, les disquaires et labels indépendants sont actuellement dans une impasse : leurs boutiques et bureaux fermées, ils ne peuvent plus vendre d’albums physiquement. Pour faire face à la crise, labels et disquaires s’organisent ainsi différemment : la plupart passent maintenant leurs commandes en lignes sur les réseaux sociaux ou sur Discogs, tandis que le label Beggars a lui ouvert une carte mondiale des disquaires indépendant à travers le monde pour aider les commerces à côté de chez soi. Mardi 14 avril, la SCCP, Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) annonçait un plan de soutien de 9 millions d’euros pour ces structures. Leur avenir reste complexe : “Des disques mort-nés vont sortir et des carrières d’artistes en développement vont prendre cher. Dans six mois, ce sera la chute des répartitions des droits voisins et des programmes d’aides. Sur les équilibres financiers, on est dans le sauvetage de la distribution dans un premier temps. »

Plus d’infos sur Libération

La plateforme BandCamp renonce à nouveau à sa commission pour soutenir les artistes | 20.04.20

Dès les premiers jours de confinement mi-mars, la plateforme d’hébergement de musique BandCamp a pris une décision forte pour soutenir les artistes dont les revenus allaient être impactés par l’impossibilité de se produire sur scène. Ils ont levé leurs commissions habituelles afin que les revenus générés atterrissent directement dans les poches des artistes et des labels, sans intermédiaire le temps d’une journée. 800 000 articles ont alors été vendus, soit une recette de 4,3 millions d dollars, des ventes 15 fois plus élevées qu’à l’habitude. BandCamp étant un des seuls espaces d’hébergement gratuit permettant une rémunération, il s’agit d’un site très prisé par les musiciens indépendants. Cette mesure a donc été massivement soutenue par un public de consommateur qui a l’habitude d’avoir une démarche de solidarité envers la musique qui lui plait.

Hier, la plateforme a annoncé que cet évènement était sur le point de se reproduire. Le vendredi 1er mai à nouveau, les commissions BandCamp seront intégralement levés et l’argent versé par les fans reviendra totalement aux artistes et aux labels les publiant.

Plus d’infos sur Bandcamp.

Le Centre National de la Musique lance fonds de secours de 11,5 millions d’euros

La crise sanitaire que traverse le pays crée, pour le secteur de la musique et des variétés, une situation extrêmement critique, en particulier pour de nombreuses TPE/PME qui peuvent connaître dès à présent des difficultés de trésorerie. En conséquence, le conseil d’administration du Centre national de la musique a voté la création d’un fonds de secours aux entreprises du spectacle de musique et de variétés. Le fonds de secours est abondé par le Centre national de la musique à hauteur de 10M€, par la SACEM, l’ADAMI et la SPEDIDAM à hauteur de 500K€ chacun.

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Tu achètes des bonbons au CBD, Kalash donne de l’argent aux infirmiers

« Vous achetez un paquet de bonbons CBD, Ligne Verte et Kalash financent le personnel hospitalier. » Efficace. Le mwaka boss fait dans l’originalité : pour chaque paquet acheté (un peu moins de 8 euros), Ligne Verte reverse 2 euros pour l’achat de matériel médical à un groupement d’infirmières basé en Martinique. Kalash s’engage ensuite à doubler la somme récoltée.

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Les effets du confinement sur le streaming : moins de streams mais toujours plus d’abonnements

Si l’industrie de la musique enregistrée est touchée par la crise liée à la propagation du COVID-19, du fait de la quasi-absence de revenus sur les ventes physiques et de la baisse du nombre de streams quotidiens dans le monde, le tableau n’est pas intégralement noirci. Ainsi, le New York Times s’est penché sur des données relatives à l’évolution des dépenses par carte bancaire des habitants des Etats-Unis, du 26 mars au 1er avril dernier. Une analyse de données qui a révélé une augmentation de 20% des dépenses en abonnements premium à Spotify et Apple Music, en comparaison du 26 mars au 1er avril 2019. Alors certes, le nombre d’abonnés aux plateformes de streaming augmente en permanence, ce qui oblige à tempérer l’impact positif des mesures de confinement sur ces chiffres. Néanmoins, aucune nouvelle positive n’est de refus en ces temps économiquement rudes.

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Lady Gaga organise un concert caritatif à travers le monde avec Christine & The Queens et Angèle

Déjà très active depuis plusieurs semaines sur le sujet (elle a déjà récolté 35 millions de dollars de dons pour l’OMS auprès de grandes entreprises) Lady Gaga organisera dans la nuit de samedi à dimanche un concert caritatif retransmis dans le monde entier. Intitulé One World : Together At Home, l’événement invitera des stars de la musique mondiale (Taylor Swift, Billie Eilish, Pharrell Williams, Paul McCartney, Lizzo, Burna Boy…) à jouer depuis chez eux des morceaux de leur répertoire en direct sur tous les réseaux sociaux et à la télévision, puisque en France, CStar et France 2 diffuseront l’événement en direct  de 2h à 4h du matin (un replay sera disponible). À noter que deux artistes francophones participeront à l’événement, Christine & The Queens et Angèle.

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La SCPP lance un plan d’aide de 9 millions d’euros

Les droits voisins des producteurs de musique sont gérés en France par 2 sociétés: la SCPP et la SPPF. La première d’entre elles a annoncé le 14 avril lancer un plan de 9 millions d’euros d’aides à destination de ses membres producteurs. 5,22 millions d’euros sont consacrés à des aides financières, tandis que 3,78 millions sont consacrés à un supplément d’aides à la création, afin de “favoriser la relance de l’activité à l’issue du confinement”.

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La PPL débloque des fonds pour aider les producteurs et interprètes du marché britannique

Au Royaume-Uni, les droits voisins sont gérés pour les producteurs de phonogrammes et pour les interprètes par une seule et unique société de gestion de droits : la PPL. Celle-ci vient d’annoncer une donation de 700.000 livres à 3 organisations soutenant divers acteurs du monde de la musique impactés par la crise du COVID-19. 500 000 livres reviennent à Help Musicians UK qui cherche à aider les professionnels de la musique dans leur ensemble, 100 000 à The Musician’s Union qui vient en soutien aux musiciens et 100 000 à AIM, qui soutient les entrepreneurs et travailleurs free-lance indépendants. Un don qui suit le mouvement initié par la SACEM, qui a prévu de verser 6 millions d’euros de fonds et d’avances sur royalties à ses membres, également suivi par la GEMA, équivalent allemand de la Sacem, qui a elle mis en place un fonds d’aide de 40 millions d’euros au profit de ses membres.

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Westside Gunn est venu à bout du coronavirus

Alors que la sortie de son projet Pray For Paris est prévue ce 17 avril, le rappeur Westside Gunn a révélé sur Instagram avoir été touché par le coronavirus, mais s’en est depuis rétabli. « Je ne voulais pas que qui que ce soit ressente de la pitié pour moi, je me suis battu pendant des semaines, je ne pouvais pas voir mes enfants, je suis allé à l’hôpital avec le sentiment que c’était mon dernier souffle. Ce sont les fans et tout l’amour que j’ai reçu qui m’ont permis de tenir le coup. »

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NSS : 200 créatifs prennent la parole face au COVID-19

Le magazine NSS a donné la parole à plus de 200 créatifs à travers le monde pour évoquer leurs projets, leurs rêves et leurs inquiétudes.

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Vers un échange des billets de festival et concert en bons d’achat ?

Afin de soutenir la culture, le gouvernement allemand a décidé de transformer les billets achetés pour des concerts, festivals, ou événements sportifs par des bons, valables jusqu’en fin 2021. Une solution pour éviter de pénaliser les organisateurs avec des remboursements qu’ils ne pourraient assurer. Une solution à l’échelle européenne ?

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Le Dour Festival reporté à 2021 : une décision plus sage qu’un report en 2020 ?

Le festival belge, qui devait se tenir du 15 au 19 juillet prochain, a pris une décision radicale mais logique en préférant zapper complètement l’année 2020 de leur calendrier. « Même si nous espérions sauver l’été, force est de constater que la saison des festivals approche à grands pas et que la situation, elle, n’a pas suffisamment évolué. Nous avons sollicité les avis de nombreux experts, longuement parlé avec les artistes. Le Conseil national de sécurité a annoncé des nouvelles mesures. Toutes les activités culturelles, festives sont interdites jusqu’au 31 août inclus. […] Contribuons à stopper la propagation de ce virus. C’est désormais le seul véritable enjeu. Nos festivals feront une pause, tous les préparatifs sont à présent arrêtés. Nous serons de retour pour vous faire danser 2021. »

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Franck Riester, ministre de la Culture, annonce que des petits festivals « pourront se tenir »

Bizarre. Sur France Inter, le ministre de la culture Franck Riester a évoqué les conséquences de la crise sanitaire actuelle sur la culture, avec des annulations en cascade de festivals, mais aussi sur l’audiovisuel public et privé. « Si des festivals sont adaptés à des jauges petites, qu’il n’y a pas de problème de sécurité, nous les accompagnerons. »

Plus d’infos sur France Inter

Solidays annulé, la lutte contre le sida affaiblie

Alors qu’Emmanuel Macron a interdit tous les festivals jusqu’à mi-juillet pour l’instant, certains organisateurs mettent en avant le cas de force majeure, tandis que d’autres s’appuient sur l’annulation des tournées de leurs têtes d’affiche pour passer leur tour cette année. Les enjeux sont très lourds tant les cachets des artistes ont grimpé dans un contexte de vive concurrence. Après notamment Lollapalozza et le Hellfest il y a quelques jours, Solidays vient d’annoncer son annulation. L’ardoise est lourde pour le festival avec 400.000 à 500.000 euros déjà engagés, ce qui met en péril les actions de lutte contre le sida dans une vingtaine de pays. Solidays avait rapporté l’an dernier 3,2 millions d’euros et fait travailler 10 000 personnes.

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Timbaland et Swizz Beatz créent Verzuz et organisent des battles de songwriters sur Instagram Live

Depuis le début du confinement les producteurs de légende Timbaland et Swizz Beatz on fait jouer leur carnet d’adresse pour organiser des battles de songwriters et producteurs sur Instagram Live.
L’idée est née d’une performance à SummerJam 2017 où les deux producteurs ont à tour de rôle joué leurs titres les plus emblématiques, laissant le public les départager.
Jusqu’ici ils ont réussi à programmer entre autre Boi-1da vs. Hit Boy, RZA vs. DJ Premier ou encore Teddy Riley vs. Babyface.

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Les effets du confinement sur le streaming : moins de streams mais toujours plus d’abonnements

Si l’industrie de la musique enregistrée est touchée par la crise liée à la propagation du COVID-19, du fait de la quasi-absence de revenus sur les ventes physiques et de la baisse du nombre de streams quotidiens dans le monde, le tableau n’est pas intégralement noirci. Ainsi, le New York Times s’est penché sur des données relatives à l’évolution des dépenses par carte bancaire des habitants des Etats-Unis, du 26 mars au 1er avril dernier. Une analyse de données qui a révélé une augmentation de 20% des dépenses en abonnements premium à Spotify et Apple Music, en comparaison du 26 mars au 1er avril 2019. Alors certes, le nombre d’abonnés aux plateformes de streaming augmente en permanence, ce qui oblige à tempérer l’impact positif des mesures de confinement sur ces chiffres. Néanmoins, aucune nouvelle positive n’est de refus en ces temps économiquement rudes.

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L’Adami lance à son tour un plan d’aide de 11,3 millions d’euros

L’Adami, l’une des deux sociétés de gestion de droits des artistes-interprètes, a annoncé le 15 avril le lancement d’un plan de 11,3 millions d’euros à destination des artistes. L’essentiel des dépenses consiste en le versement de paiements exceptionnels directement aux artistes. L’Adami a profité de ce communiqué de presse pour annoncer que ses collaborateurs sont en situation de télétravail pour 95% d’entre eux, ce qui a permis le versement des droits des artistes de mars dans son intégralité et dans les délais.

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Les mesures d’aides de la SACEM pour ses auteurs, compositeurs et éditeurs

La SACEM a peut-être du mal à payer Maitre Gims, mais pas le reste de ses sociétaires. Pour les auteurs, compositeurs et éditeurs inscrits, la société de gestion collective principale en France à ouvert un fonds de secours pour faire face à l’actuelle crise sanitaire.

Le Conseil d’Administration s’est réuni dès le 26 mars pour proposer ces options :

Le fonds de secours
Une aide d’urgence non remboursable de 1500, 3000 ou 5000 euros peut être versée selon votre situation. Des justificatifs sont à fournir afin d’expliquer l’urgence de votre situation professionnelle. Un document PDF d’une vingtaine de pages est disponible pour vous aider dans la rédaction de cette demande. Pour accéder au formulaire de demande d’aide, vous devez être connecté à votre espace membre sur le site de la SACEM. Ce fonds de secours exceptionnel est actuellement ouvert jusqu’à la fin de l’année 2020, mais il est recommandé d’envoyer son dossier plus tôt que tard.

Les documents demandés sont : un courrier explicatif détaillé de votre situation, un CV, le dernier avis d’imposition, un RIB, et toute pièce attestant des difficultés exceptionnelles que vous rencontrez. Le site de la SACEM est assez laborieux, ne vous laissez pas décourager par les formalités.

Avances exceptionnelles
Des avances exceptionnelles de droits d’auteur sont mises en place. Disponibles à partir de mai 2020, elles sont remboursables à partir de janvier 2022 et avec un lissage des remboursements sur 5 ans. Elles sont à envisager en prenant en compte que l’impact de la crise actuelle en termes de droits d’auteurs répartis se fera ressentir principalement à partir de janvier 2021, lorsque seront collectés les droits générés dans la période que nous vivons.

Vous pouvez réclamer cette avance remboursable si vous avez généré au moins 2700 euros de droits sur l’année 2019 (montant net réparti). L’avance est ensuite calculée en prenant en compte 10% de la moyenne de vos droits sur les trois dernières années. Ce dispositif d’avances exceptionnelles est ouvert jusqu’en juillet 2021. N’oubliez pas de prendre en compte qu’une avance n’est pas un cadeau, il s’agit de votre propre argent que la SACEM vous donne avant que vous l’ayez gagné.

Aide aux éditeurs
Pour les éditeurs de musique, il existe déjà un programme d’aide. Il est augmenté d’1 millions d’euros, et élargi dans ses critères. Ce programme d’aide au développement éditorial a pour objectif d’accompagner durant la période de crise et d’aider à relancer les activités. Les demandes d’aides aux éditeurs sont disponibles à partir du 15 avril.

Ces aides ne bénéficient donc qu’aux inscrits SACEM. Si vous n’êtes pas sociétaires, ou si vous l’êtes mais que vous avez des questions quant à la constitution des dossiers ou l’engagement qu’implique l’avance exceptionnelle, voici deux options.

Les équipes de la SACEM sont joignables par e-mail (societaires@sacem.fr) ou par téléphone (01 47 15 47 15).

Aide juridique
La GAM, Guilde des Artistes de la Musique, met à disposition une aide juridique gratuite via le cabinet Jouclards Avocats. Adressez vos questions juridiques et comptables à contact@lagam.org

Plus d’infos sur la SACEM

Ghost Killer Track organise la Producers Champion League sur Instagram

Le producteur français Ghost Killer Track, notamment connu pour avoir produit le hit français « Popopop » de Gambi, a eu la bonne idée début avril de lancer la « Producers Champion League » pour décorer le meilleur producteur francophone. Le concept est simple : tous les jours, il invite deux beatmakers en live sur Instagram à s’affronter pendant trois rounds, prod contre prod. Après un débrief en fin de journée façon Canal Football Club, il laisse le public voter pour celui dont les prods ont le plus enflammé le live. L’occasion de voir de voir le grand cru de la production à la française montrer l’étendue de leur talent.

Plus d’infos sur l’Instagram de Ghost Killer Track

Jul met toutes ses certifications aux enchères pour aider les hôpitaux

Avec plus de 3 millions de disques vendus à travers sa carrière, Jul s’est hissé à la place du plus gros vendeur de l’histoire du rap français. Avec la crise sanitaire que nous traversons, l’artiste a décidé de mettre aux enchères la totalité des certifications (or, platine, double-platine, triple-platine, diamant) reçues pour ses singles et ses albums aux enchères. L’initiative se tient jusqu’au 27 avril et a déjà été rejointe par Djadja et Dinaz, S.pri Noir, Kalash Criminel et Yseult.

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#SPORT

L’Olympique de Marseille accueille des femmes victimes de violence | 20.04.20

Ses infrastructures actuellement vacantes, l’Olympique de Marseille vient de s’associer avec l’association SOS Femmes 33 pour accueillir durant toute la période de confinement des femmes victimes de violences. Depuis la semaine dernière, une vingtaines de femmes avec leurs enfants sont donc accueillies dans les locaux du centre d’entrainement Robert Louis Dreyfus du club, pour 44 places disponibles au total. Toutes les personnes sont prises en charges par les membres de l’association SOS Femmes 33, tandis que le club offre 3 repas par jours via son partenaire de la Sodexo ainsi que l’accès à un de ses terrains d’entrainements pour les enfants. “Quand les femmes sont dans des hôtels, le suivi est différent. Il y a moins d’espace et le contact se fait plus par téléphone. J’ajoute un paramètre symbolique mais très important: pour les adolescents qui aiment l’OM, être ici à la Commanderie leur permet de retrouver le sourire, ce qui est déjà une petite victoire. »

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Reprise du foot en juillet vs joueurs en fin de contrat en juin

L’UEFA a demandé aux Ligues de terminer les épreuves nationales le 3 août prochain, et se réserve la possibilité de disputer la Ligue des champions et la Ligue Europa sur tout le mois d’août – si les compétitions peuvent reprendre. De nombreux contrats de joueurs s’achèvent le 30 juin 2020, dont à peu près 120 footballeurs de Ligue 1. Quelles solutions ?

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Les joueurs de foot au chômage partiel : normal ou choquant ?

La grande majorité des clubs de Ligue 1 a opté pour la mise en chômage partiel de leurs salariés, dont leurs joueurs professionnels. Concrètement, le club indemnise ses joueurs, ses secrétaires, ses kinés ou encore ses jardiniers à 70% de leur rémunération brute (environ 84% en net). Puis l’État le rembourse, dans la limite de 4.850 euros par salarié, selon un décret dont la publication est attendue cette semaine. Un recours tout à fait légal, mais qui pose une question morale : l’assurance chômage a-t-elle vocation à combler des salaires mensuels de plusieurs centaines de milliers d’euros ?

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Antoine Griezmann s’associe avec Squeezie, Gotaga et Doigby pour la Croix Rouge

Très présent sur Twitch en ce moment, Antoine Griezmann participait à une émission caritative avec trois personnalités du monde du jeu vidéo et habitués de la plateforme de streaming ce lundi soir : Gotaga, Squeezie et Doigby. Le quatuor a récolté plus de 30 000 euros pour la Croix Rouge.

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L’Équipe organise un Tournoi FIFA en direct pour aider l’AP-HP

L’Équipe s’est associé à Gamersducoeur et E-Sport-stadium pour diffuser un deuxième tournoi FIFA de personnalités, afin de promouvoir les dons en faveur de l’AP-HP. Suivez le tournoi en direct vidéo de vendredi à dimanche sur L’Équipe.

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La NBA vend des masques au profit d’œuvres de charité

Alors que Westbrook a donné 650 ordinateurs aux écoliers de Houston, que Jeremy Lin a promis un million de dollars de don et que de très nombreux joueurs suivent cet exemple (le Français Rudy Gobert, premier joueur a avoir été testé positif au coronavirus, avait donné 500 000 dollars dès le début de la crise aux USA), la NBA et la WNBA y vont aussi de leurs initiatives. Les deux ligues se sont associées pour lancer des masques de protection pour le public à l’effigie des franchises, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Les masques proposent les logos de l’ensemble des équipes qui sont à l’arrêt depuis le 11 mars dernier.

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La baisse momentanée des salaires est-elle illégitime ?

La baisse momentanée des salaires souhaitée par les clubs a provoqué un large débat en Angleterre. Stijn Francis, l’agent du défenseur Toby Alderweireld, a décidé de dénoncer l’attitude des clubs dans cette situation de crise. « Les clubs qui demandent maintenant de réduire les salaires des joueurs sapent le principe de stabilité contractuelle. Si les clubs insistent sur une baisse de salaire, les joueurs doivent être placés dans la même situation que tout travailleur régulier. Les clubs qui réduisent le salaire de leurs joueurs devraient accepter que les joueurs puissent mettre fin à leur emploi gratuitement et ces clubs ne devraient plus pouvoir demander de frais de transfert si le joueur souhaitait partir. » Critiqués publiquement pour le fait de ne pas se plier aux souhaits de leurs clubs, les joueurs ont rétorqué qu’ils voulaient faire un geste financier, mais dont le but n’était pas uniquement de faire une ristourne pour leurs employeurs.

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Après avoir clamé haut et fort être loin dans le futur, les rappeurs aujourd’hui font dans le répertoire passé. En un tour de maître, des morceaux originaux à la mélodie familière alimentent les nouvelles playlists rap des plateformes, interrogeant les notions de propriété intellectuelle, de la pop et de réflexes générationnels.

Décomplexés. C’est bien ce qui caractérise aujourd’hui les artistes du genre le plus plébiscité sur les plateformes de streaming. Après des années d’installation en top des écoutes, plus le temps de s’évertuer à définir ce qu’est le rap, qui le fait ni pourquoi ni comment. Plus besoin peut-être, de prouver par une référence validée sa crédibilité non plus. Mais sont-ils vraiment décomplexés au point de faire une place à Enrico Macias, Les Choristes ou encore Indochine en playlist sur Skyrock ? C’est ce qu’il semblerait. Chaque vendredi, les nouveautés mêlent de plus en plus prods originales et airs déjà connus de tous. Souvent, la limite est mince entre la réappropriation audacieuse de vieux hits et le réchauffé plutôt facile d’un refrain déjà inscrit dans les mémoires. Ce qui est certain en revanche, c’est que le phénomène révèle comment les artistes contemporains font évoluer la culture avec des codes caractéristiques de notre ère — c’est-à-dire en balayant justement tous ces codes.

Plus de honte donc à assumer des références plutôt pop ou variétés à l’ancienne pour emmener le public dans un univers familier qui va bien au-delà des références communément validées. Les nouvelles figures du genre n’ont de cesse de reprendre de courts passages ou simplement l’air de morceaux déjà classiques, en y ajoutant leur touche personnelle. Pas exactement une cover, ni un basique sample non plus. Ce qu’on appelle aux USA l’interpolation (ou replayed sample, « sample rejoué ») foisonne sur les récents projets et donne un souffle universel à chaque morceau qui réussit à dégainer une référence sans tomber dans le plagiat inassumé. Cette tendance — qui s’est fait entendre dernièrement chez Heuss L’enfoiré, Aya Nakamura, Vegedream et avant ça chez Jul, précurseur passé maître en la matière — en dit long sur ces nouveaux artistes et l’époque que l’on vit.

Écrire le futur à l’encre du passé n’en demeure pas moins quelque chose de classique dans la culture hip-hop. Aux premières heures avec le sample, il était question de retravailler une portion d’un morceau déjà existant pour créer une œuvre neuve et complètement personnelle. La qualité de celle-ci était cependant appréciée selon le degré de transformation du morceau original, toujours plus déconstruit, au point de devenir à peine reconnaissable. Aujourd’hui, c’est plutôt sans vergogne que les artistes brandissent fièrement l’imitation de mélodies, assez flagrante pour que ce soit considéré comme un clin d’œil plutôt qu’un plagiat. C’est ainsi qu’on observait DJ Khaled faire rejouer le riff de guitare d’un classique de Santana dans « Wild Thoughts », tandis que les nouvelles étoiles de la musique latine redonnent vie au « It Wasn’t Me » de Shaggy dans « China » de Anuel AA. Et nous auditeurs acceptons de nous laisser surprendre comme pour la première fois.

Si aux États-Unis, la pratique de l’interpolation suscite des questions de propriété intellectuelle — Sting, par exemple, revendique aujourd’hui le succès et 85 % des droits de la chanson « Lucid Dreams » du défunt Juice WRLD qui interpole des éléments instrumentaux de « Shape Of My Heart » de Police —, le rap francophone emprunte de plus en plus allègrement dans un répertoire au succès avéré sans que les artistes originaux s’en émeuvent plus que ça, du moins en public. Ce qui sonne comme des hommages brefs et spontanés implique pourtant des enjeux artistiques et juridiques aux contours très peu nets.

Pillage sauce digitale

Ces emprunts et surtout leur récurrence à l’heure actuelle confirment la tendance d’une nouvelle lignée d’artistes rap qui volontairement ou inconsciemment brouillent les définitions de la pop, de la rue, de la culture légitime et des classes sociales, plaçant ainsi toutes ces cases dans l’ancien temps. L’interpolation est symptomatique de cette ère du spontané, propre à une génération de rappeurs qui n’a plus vraiment de tabou à revendiquer ce qui l’a construite, quand bien même ce ne sont pas des références de puriste, autrefois les seules acceptables.

Aucune œuvre ne peut être complètement nouvelle : la créativité réside dès lors dans le fait de pouvoir se réapproprier ce qui a déjà été créé auparavant.

Savoir qu’un rappeur apprécié se plaît à chantonner les mêmes airs vieux ou grand public suscite le sentiment immédiat de proximité, d’identification et d’attachement. Pas étonnant alors que l’interpolation soit devenue la spécialité du rappeur le plus authentique de tous. Celui qui avant tout le monde est allé jusqu’à oser interpoler « Les démons de minuit » sans entacher un seul instant sa (street) crédibilité. Pour Jul, l’interpolation est devenue coutume et a bien souvent été l’argument phare des haters du rap-pop.

Entre « Barbie Girl » de Aqua, « Thong Song » de Sisqo, « Freed from Desire » de Gala, le rappeur marseillais a joué sans le savoir avec notre inconscient et ce que nous croyons savoir du cloisonnement des mondes. Il titille à sa manière nos souvenirs d’enfance et confirme aussi la recette de sa réussite : des airs qui nous habitent, qui à peine entendus intègrent instantanément le lobe frontal nous replongeant dans un univers familier et rassurant. Ses interpolations confèrent à sa musique une dimension subconsciente et instinctive, jonglant entre facile et génie, entre réchauffé et moderne et ne fait finalement qu’exprimer comment ces références l’ont traversé comme elles nous ont tous traversés. Un des derniers tubes en date de Jul, « Moulaga », sur lequel il accompagne Heuss L’enfoiré, reprend subtilement le refrain de « Le mendiant de l’amour » d’Enrico Macias (1987). Heuss d’ailleurs, récupère le flambeau et s’est de nouveau adonné à la pratique avec Gradur sur « Ne reviens pas » qui imite la mélodie de « Blue (Da Ba Dee) » d’Eiffel 65 (1998), un autre vieux hit.

Par l’interpolation, les rappeurs revendiquent ainsi une appartenance à une ère, à un patrimoine culturel qui nous rassemblent au-delà des ancrages géographiques et des âges, tout en s’inscrivant dans une tradition pop de copier-coller, à l’heure du rap des réseaux sociaux, qui circule, s’échange et inclut quantité de mondes différents.

Car il n’y a rien de plus facile que de prendre, de modifier et de faire du neuf avec du vieux. Et si l’électro et le sample ont été précurseurs dans la musique, les rappeurs réaffirment cette tendance-là avec une confiance à en faire pâlir les défenseurs d’une culture noble complètement imperméable. Aucune œuvre aujourd’hui ne peut être complètement nouvelle : la créativité réside dès lors dans le fait de pouvoir s’inspirer et se réapproprier ce qui nous entoure, incluant ce qui a déjà été créé auparavant. C’est ce qu’affirmait en 2012 Austin Kleon, dans ce qu’est devenu le best-seller Steal Like an Artist (« Vole comme un artiste »). Il définit donc la Remix culture (ou Read-Write culture)  : une culture dans laquelle tout le monde participe créé, en réinventant l’existant. Un concept qui avait perdu de sa superbe avec le renforcement des lois protégeant la propriété intellectuelle, et qui perpétuait donc une certaine notion d’originalité fantasmée, voire illusoire. Très blâmée jusqu’au début des années 2000, la Read-Write culture reprend ses galons avec Internet et les réseaux sociaux qui ont rendu normal de copier/coller/retoucher/reposter. Des réflexes qui nous imprègnent désormais, autant qu’ils imprègnent les compositeurs ou lyricistes.

Encadrement légal sensible

Mais peut-on attribuer à ces artistes le succès de ces nouveaux tubes basés sur des recettes ayant déjà fait leurs preuves ? Il semble difficile d’encadrer ce qui ressemble à un hommage ou un geste d’humilité. D’un point de vue juridique, en droit français, l’interpolation n’existe pas. On parle toujours de sample ou de réadaptation d’œuvre préexistante. Me Michael Majster, avocat de SCH et Soprano entre autres, confirme : « On doit demander l’autorisation aux ayants droit pour reprendre les paroles et la composition d’un morceau, quelle que soit la longueur, car cela pose un problème de droit patrimonial et porte atteinte au droit moral. Cela peut, devrait, aboutir à une négociation pour un partage des droits. » Aux États-Unis, ce partage constitue majoritairement une question d’argent et de bénéfices qu’on reverse à l’artiste original. En France, ce partage des recettes est souvent minime et l’obtention du droit d’interpoler relève plutôt du résultat artistique final et de l’impact sur l’image des artistes originaux. Difficile donc d’établir un cadre légal à ce qui relève davantage de la sensibilité et de la perception de chacun. Évidemment, il est plus facile de négocier quand c’est Soprano qui souhaite chantonner un air légendaire des Rita Mitsouko, comme dans « Zoom » avec Niska, créant ainsi des ponts entre musique populaire, hip-hop et patrimoine culturel national sans que ces deux grandes figures du paysage musical français n’en soient affectées. L’accueil n’est pas toujours le même pour les rappeurs plus nouveaux, dont le succès est moins avéré, voire moins grand public-friendly.

À cela s’ajoute la particularité même de l’interpolation qui souvent correspond à des micromoments d’improvisation spontanée, ce qui implique que la régularisation des autorisations se fait après l’enregistrement. « Les artistes des œuvres originales ainsi repris, dans le rap, sont au courant quand ça sort seulement, et après ça donne lieu à des négos post-sortie… ou pas, nous livre Romain Bordes, à l’édition chez Sony ATV. C’est assez rare que dans le rush des sorties, ça soit pré-clearé en avance. » Le processus de demandes d’autorisations se fait principalement entre éditeurs, entre maisons de disques. Les artistes originaux ne sont que rarement, voire jamais prévenus. « Surtout quand aucun élément de l’œuvre originale n’est repris », précise Romain Bordes [pour rappel : l’interpolation rejoue, rechante — parfois mot pour mot —, mais ne prend pas tel quel un bout de l’enregistrement original, ndlr]. Vicelow, ancien membre emblématique du Saïan. Supa Crew, en sait quelque chose. C’est par le texto d’ami qu’il reçoit le titre de Maes et Dabs, intitulé « Tes rêves ». La piste déroule depuis un peu plus d’une minute quand Maes entonne l’air indémodable de « Angela », classique du répertoire du « Noir à lunettes », en mettant les paroles à sa sauce : « Je suis dans le binks / J’ai pas quitté le four / J’rentre chez toi quand t’es pas là. » Vicelow confirme ne jamais avoir été prévenu par ses éditeurs, et ne semble pas toucher de droit de regard sur l’utilisation de son tube.

Le passage de Maes donne l’impression d’être spontané, ajoute une sensation de proximité avec l’auditeur. Maes se lâche comme s’il décrochait de son morceau pour livrer une référence plus perso, lui qui a grandi et ingéré ce tube comme nous tous. « Angela » est devenu légendaire au point d’appartenir à tout le monde, et Vicelow comprend cette ampleur : « J’ai pris ça comme un clin d’œil, ça me rappelle les pratiques des légendes dancehall où les chanteurs se shout out entre eux, ou même lorsque les légendes du hip-hop reprennent les gimmicks par exemple des Fugees. Angela est devenu un standard ce qui fait que je ne prends plus personnellement ces micro-reprises, je le prends ni bien ni mal en fait, presque dans l’indifférence. » Pas le temps vraiment de donner son avis puisque l’artiste original le découvre après-coup. « Dans le cas de Maes, ça m’a fait plaisir : c’est un bon son d’ambiance et je ressens que « Angela » voyage et traverse le temps et les différentes cultures. Je le prends comme un vrai clin d’œil. Mais parfois, je constate juste que, 20 ans après, on sait ce que c’est d’être chez un éditeur », dit-il amer après avoir avoué ne pas aimer un son de Hatik qui s’appuyait sur la même référence.

Dans ce cas précis, l’interpolation semble avoir été réfléchie en amont tant elle constitue toute la magie du son : le rappeur star de la série Validé reprend l’air du refrain dont le succès a déjà été prouvé, et pousse le clin d’œil jusqu’à réutiliser le titre originel. La barrière entre le plagiat et le shout-out est plutôt poreuse, surtout lorsque l’on sait que c’est une tambouille d’éditeurs, réaffirme Vicelow. Le rappeur du Saïan semble placer sa limite à l’utilisation du mot principal du titre phare, ainsi qu’au thème de la « reprise » : Maes bombe le torse et énumère ses faits d’armes sur la mélodie de « Angela », Hatik, tout comme le Saïan, s’adresse à une femme du même prénom en poussant la chansonnette de la même manière.

On connaît la chanson

Usurpation ou pas, difficile d’avoir la réponse claire et nette à cette question. Cependant, une tentative d’explication pourrait être la part d’autonomie du public à comprendre la référence pour pouvoir l’intégrer et s’y identifier. Aya Nakamura par exemple interpole « Pom Pom Pom » de Facteur X, en reprenant (tout comme Hatik) le titre et le refrain — ce morceau a été clearé en avance. L’artiste donne aux paroles un sens symétrique en inversant les rôles, devenant la femme qui prend le lead sur un garçon qui danse, et laisse ainsi à l’auditeur du jeu dans la compréhension de la référence et de son évolution. D’abord parce qu’une bonne partie du public d’Aya Nakamura ne le connaît probablement pas, « Pom Pom Pom » étant sorti en 2004 et ayant moins circulé qu’Angela. Mais surtout parce que la réappropriation du morceau par la chanteuse paraît aboutie, personnelle : le sens s’adapte à l’époque et la sonorité est retravaillée pour coller davantage à une ère plus contemporaine. La sincérité de la démarche artistique transparait : chez ceux pour qui le morceau est familier à la première écoute, Aya devient très rapidement cette « reine » qui « danse avec style » contre Jango, en lui donnant une voix, plutôt que de prendre la place du chanteur du Factor X en l’écartant de — sa ? — la piste.

Le risque est moindre lorsque l’artiste ne base pas son titre entier sur une vieille recette mais qu’il utilise l’interpolation pour subtilement s’adresser au public. La courte interpolation peut être habilement manipulée pour inclure les auditeurs dans la création. Soolking économise tout un couplet en ne fredonnant que « Paroles, paroles, paroles » plutôt que de prendre le temps d’expliquer à quel point il se sent dupé lorsqu’une fille essaie de le séduire « pas pour son buzz ». Mieux encore, il nomme son titre « Dalida » et effectue ainsi le rapprochement entre lui et la chanteuse légendaire, tout en adressant cet indice directement à son public, comme s’il confirmait de manière performative qu’on est ensemble. Il ne s’agit pas simplement d’une vieille référence, Soolking intègre ici tout un système de représentation qui permet à tous de s’attacher à une lecture et écoute personnelle. Tellement proche du public que les private jokes sont même permises, comme lorsque les références sont détournées pour simplement amuser en donnant une vie nouvelle à des mélodies de l’enfance. Vegedream et Ninho qui chantent sur l’air des Choristes « Elle est bonne sa mère, elle twerke sur la piste » prouvent au monde que plus la confiance est là, plus l’interpolation est efficace. En témoignent les commentaires sous la vidéo YouTube à 60 millions de vues, où les gens se demandent si Ninho et Végédream ont vraiment osé.

L’interpolation crée donc des morceaux que tout le monde peut chanter sans rougir de ses références culturelles ou de son appartenance sociale. Commercialement préméditée dans une ère où tout s’hybride ? Ou moment de spontanéité pure ? Plus la tendance s’affirme, moins on se doit d’être naïf : quand on voit que « Ne reviens pas » a dépassé la barre des 50 000 000 de streams (premium) en un mois et demi et que « Moulaga », sorti en décembre, s’apprête à faire de même, on se dit que les rappeurs ont bien noté les cheat codes sur un coin de leur cahier de rime. Mais rassembler les publics divers, voire opposés, autour d’un son qui traverse le temps et l’espace semble être la recette gagnante pour faire les tubes d’aujourd’hui. Rien de nouveau ? Lââm reprenait déjà un classique de Michel Berger avec « Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux » (1998) et pétait les scores. Mais elle se contentait de reprendre mot pour mot le texte de 1985 et l’instrumentale, d’y rajouter un kick pour rendre le tout plus R&B, et de le chanter avec sa voix singulière. On parlera de reprise, et non d’un morceau original à la mélodie familière. Et ça fait toute la différence ; si Heuss L’enfoiré avait repris les mots d’Enrico Macias ou l’anglais à l’accent italien d’Eiffel 65, pas sûr qu’il aurait pondu deux tubes de « pop urbaine » en 2020.

Au moment où l’on rédige cet article, Hornet la Frappe ouvre son album avec « Plus fort » qui interpole « Les rois du monde » de la comédie musicale Roméo et Juliette, tandis que Naps s’attaque au légendaire « Ring My Bell » d’Anita Ward pour son morceau « Dans ma villa ». L’utilisation de références musicales vient indéniablement marquer au fer la place grandissante du rap dans la culture validée de tous. Et si la copie ou le pillage ont toujours été une position honteuse dans le monde de l’art, assumer le choix et la démarche artistique a l’air d’annuler toute accusation ingrate, pour laisser place au pouvoir magique fédérateur de la culture pop.

Sur sa page Instagram, Balenciaga cumule des publications vaguement tordues, à rebours de l’esthétique léchée du luxe. Qu’est-ce qui a piqué la marque ?

Là, un cliché flou comme pris par accident. Ici, des doigts fourrés dans le nez. Plus loin, un chien de vieille dame chaussé de bottines vernies. Puis, une main gribouillée de smileys multicolores. Rien n’est cadré, précis, filtré. Depuis mai 2018, le compte Instagram de Balenciaga poste des bizarreries comme un pied-de-nez à la beauté bien normée du luxe. On imite le réel, l’improvisé, l’aléa. On célèbre le laid, le déviant, l’imparfait. La liberté esthétique quoi.

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Demna Gvasalia s’en fout bien de la bienséance, des canons normatifs, de la hiérarchie des goûts. « La mode, c’est s’amuser avant tout », prônait-il auprès de Vogue en 2018. Ses défilés recrutent dans la rue et sur les réseaux sociaux, ses créations refusent de se prendre au sérieux. Avec son label Vetements, le directeur artistique avait consacré le t-shirt promotionnel, le survêtement en nylon, le peau de pêche Juicy Couture…l’héritage des années 90-2000, décennies signature du « mauvais goût ». Depuis sa nomination à la tête de Balenciaga, Gvasalia s’est osé à revisiter les Crocs dans une version à plateforme, le sac en plastique bleu Ikea ou les dad shoes, avec ses iconiques Triple S. Quelque part entre l’ironie et la dissidence, il réhabilite le vulgaire, les styles qu’on snobe, comme piliers de son business model.

Le compte Instagram de Balenciaga se pose comme le prolongement naturel de ses valeurs et son imaginaire. « Honnêtement, je trouve pitoyable qu’une marque se préoccupe du nombre de « likes » qu’elle reçoit et courtise désespérément les abonnés. » peste Demna Gvasalia auprès de SSENSE. « À mon avis, quand Instagram devient un simple catalogue commercial – qui dit « Achetez-moi ! » « Achetez-moi ! » – c’est plus nuisible que bénéfique pour la marque. […] Il faut utiliser ces nouveaux canaux de manière visuellement innovante et intelligente. » Sur la page de Balenciaga, aucun mot, tag, lien de redirection. Ni it-girls ou mannequins du moment. Pas plus de tableaux spectaculaires, immortalisés par des noms ronflants. On glorifie l’infra-ordinaire, la beauté de l’accident, la créativité DIY et populaire. Les modèles sont des anonymes qui nous ressemblent, souvent auto-capturés au smartphone. Parfois, les corps sont fragmentés (selfies main ou pieds, sac sur la tête…) ou entièrement éludés, en faveur d’animaux ou de natures mortes loufoques. L’intention n’est pas expressément commerciale, dissimulée dans une galerie qui pourrait appartenir à à peu près n’importe qui. Les images induisent un « effet de réel » au sens de Roland Barthes – elles masquent leur construction derrière l’apparente spontanéité d’un instantané.

Dans le même temps, l’effet de gag de leur propos décalé s’inscrit dans la culture mème, propre à ceux qu’on appelle Millennials. Les pièces griffées, elles, se trouvent naturalisées dans une mise en scène du quotidien. Elles se font détails, un simple élément de la photographie. Balenciaga s’échappe alors d’un discours promotionnel « totalitaire », centré sur une hyperfocalisation et starification du produit. La relation semble s’établir de personne à personne, plutôt que de marque à consommateur. Là où le luxe pratique traditionnellement l’écart vers le haut, la Maison, à l’inverse, s’approprie les codes de tout ce qui se trouve en-dessous. Elle se livre brute, authentique et « désacralisée », avec autodérision. Une manière de créer de la familiarité et de la proximité avec ses 11 millions d’abonnés, qui likent et commentent proportionnellement beaucoup plus ses posts que ceux de ses concurrents.

Il faut dire que le hors-norme a la côte. Sur les réseaux sociaux, là où tout est magnifié et photoshopé, de plus en plus d’utilisateurs revendiquent un droit à l’imperfection. Ça expose ses bourrelets, sa cellulite, ses poils, sa peau démaquillée. Ça hashtague #nofilter. La mode entend le besoin d’authenticité, le refus de rentrer tout bien dans les rangs. Surtout, elle ne peut plus nier la diversité, quand tous les physiques ont désormais accès à la représentation. Après avoir longtemps diffusé un modèle d’identification unique, elle fait  aujourd’hui de la place pour des corps charnus, âgés, noirs, transgenres ou handicapés. Certaines agences, comme Ugly Models, l’Anti-Agency ou No Agency New York, se sont même spécialisées dans la déconstruction des standards. 

Contrarier les idéaux esthétiques représente aussi une nouvelle façon d’exister et de se distinguer, parmi le flux d’images impeccables. La mode ne crée plus vraiment rien de nouveau. C’est de la disruption visuelle, de l’exaltation de l’étrange, qu’émerge l’originalité. Tiens qu’on l’avait trouvé frais et audacieux, le passage de Leon Dame lors du défilé Margiela Printemps-été 2020 – on n’en pouvait plus de s’amuser de l’absurdité de sa démarche, avec son dos voûté et ses guiboles tordues, glissées dans des bottes à talon. Une dissonance dans les bataillons bien rangés de la Fashion Week. Forte et virale, l’image avait été bien plus commentée que la collection en soi. Pour attirer l’oeil et séduire la nouvelle génération, on joue à défier les codes. Assez de l’élégance arrogante, stricte et soignée. Faut de l’attitude, de l’irrévérent, du bordel.

Sur son compte Instagram, Balenciaga loue une esthétique disgracieuse, par opposition à la celle qui domine. Jusqu’à ce qu’elle devienne un jour à son tour la norme. C’est le propre de la mode.

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Sorti le 25 octobre 2019, JESUS IS KING représentait un aboutissement pour Kanye West. Celui d’un salut tant désiré, presque commandé depuis un an à coup de Sunday Services épiques aux quatre coins des Etats-Unis. Pour renouer avec le peuple. Pour renouer avec lui-même. Mais cette arche ne ressemble-t-elle pas au radeau de fortune d’un homme se rêvant Noé mais finissant noyé ? Alors que la #KanyeWestIsOverParty bat son plein sur Twitter, retour sur le prix de ce refuge religieux et le sacrifice de Yandhi, son plus grand album abandonné.

Le 12 mars dernier, Teyana Taylor lâchait par surprise le clip coloré de « We Got Love » featuring Lauryn Hill. Une manière comme une autre de rappeler que la chanteuse prépare son troisième album courant 2020 mais aussi que le catalogue G.O.O.D Music reste un bordel sans nom. Car si l’on déroule l’historique de cet hymne, son parcours n’a pas été de tout repos. Et pour cause, il remonte à 2018, période charnière pour le grand patron de son label natal, Kanye West.

« Chaotique », le mot serait presque faible pour décrire son run de l’époque, chargé de hauts et de bas monumentaux : le retour sur Twitter après le breakdown du Saint Pablo Tour, le soutien à Donald Trump et le port de la casquette MAGA, le diagnostic de sa bipolarité, le meme « Lift Yourself », son interview chez TMZ avec le tristement célèbre « slavery was a choice » et la sortie en juin de 5 albums produits par ses soins. Sur ces 5 œuvres, « We Got Love » devait apparaître dans K.T.S.E, l’opus R&B de Teyana Taylor mais la tracklist limitée à 7 ou 8 morceaux tout au plus empêcha son addition.

Comme si la folie et l’énergie de Ye ne connaissaient pas de fin, il boucle l’été sur deux coups de poings courant septembre : le tube « I Love It » avec Lil Pump qui explose Internet et l’annonce d’un neuvième album, Yandhi, prévu pour le 29 septembre 2018. Loin de son ye minimaliste, l’artiste souhaite compléter, avec cette nouvelle œuvre express, un arc de rédemption. Dans le style grandiose de My Beautiful Dark Twisted Fantasy.

Mais voilà, le succès n’a pas la même saveur pour Yeezy sans sa dose de drame. Quitte à franchir souvent la ligne blanche. Jamais timide niveau controverse, il rouvre son compte Instagram une semaine avant le lancement de Yandhi et attaque directement Drake, en beef souterrain depuis des lustres. Le jour de la sortie du disque, une triple performance au Saturday Night Live enfonce le clou de son cercueil médiatique. « We Got Love » y est bien jouée avec Teyana Taylor (au même titre que « I Love It » et « Ghost Town ») mais une logorrhée confuse de Kanye au terme de sa performance finit d’enterrer nos espoirs.

Arborant fièrement le MAGA hat, il y mélange racisme, liberté d’expression et démocrates. Effet kiss cool garanti : ses crises puériles fatiguent l’opinion. Comble du comble, Yandhi ne sort pas le soir même. L’album est d’abord repoussé à novembre 2018 d’après Kim Kardashian, puis silence radio. Un voyage en Uganda et une performance unique de Kids See Ghosts au Camp Flog Gnaw Carnival plus tard, toujours rien. Ce n’est qu’en janvier 2019 que Kanye dévoile sa chorale gospel Sunday Service à travers des stories Instagram. Dès lors, l’artiste utilise cette plateforme pour des coups de com malins et payants : certains extraits de Kanye en pleine liesse musicale font le tour du web. Une dévotion qu’il met en scène jusqu’à la programmation du Sunday Service à Coachella en avril 2019, et plus encore.

La suite, on la connaît : le retour des abysses culmine à l’abandon complet de Yandhi l’été suivant et la sortie de JESUS IS KING en octobre. « Everybody wanted Yandhi / Then Jesus Christ did the laundry, » résumera Kanye sur Selah. Ce qui ne veut pas pour autant dire que tout est perdu.

De Yandhi, il reste aujourd’hui quelques traces à l’intérieur et en dehors du catalogue de Kanye West. Ce n’est pas le premier projet abandonné qui hante une de ses œuvres majeures, voire celle d’un autre artiste. On pense notamment aux fantômes de So Help Me God sur The Life Of Pablo ou de Good Ass Job chez Chance The Rapper, qui essaya d’en faire son premier album en commun avec Ye à l’été 2018, avant de se concentrer sur The Big Day.

Crédits : Christopher Latouche

Le 18 juillet 2019, à la surprise générale et alors que le projet semble oublié, une « version » de Yandhi leak sur le net. Avides de news, les médias comme les fans se jettent dessus, salivant d’avance le produit fini. Du côté de G.O.O.D Music, personne ne commente, laissant supposer un fake ou une version de travail sans intérêt. Sauf le président, Pusha T, quelques semaines plus tard. Sur Twitter, il ne cache pas sa déception, avouant que cette fuite « ruine tout ce qu’[ils] avaient en réserve ». Ce commentaire du bras droit de Kanye révèle à quel point les ingénieurs touchaient au but sur cette mouture de juillet. Et nous nous baserons donc sur ces 28 minutes de tape abstraites, folles, vives, cruelles et virtuoses, relayées par HYPEBEAST, pour appuyer sa place unique dans la discographie du rappeur.

En premier lieu, Yandhi symbolise peut-être le dernier arrêt de Kanye dans la musique profane. En octobre 2019, il annonçait sa volonté de s’éloigner du rap, « musique du diable » selon ses dires. Une piété nouvelle qu’il appuyait avec la sortie le jour de Noël 2019 de l’album gospel JESUS IS BORN et la mise en chantier d’une suite à JESUS IS KING co-produite avec Dr.Dre. Si Ye tient sa parole et ne revient plus aux bases du hip-hop et de la soul, il tournera définitivement le dos à une grande partie de son éducation, de ses influences et de sa carrière. Le risque : un manque d’expérimentation et de pertinence dans ses futurs travaux.

Un autre élément place Yandhi au-dessus des autres albums dont il n’a jamais accouché. Kanye a souvent changé de peau, d’idée, de style et de mentalité au cours de son existence. En tant qu’essais avortés, il serait injuste de les juger au même niveau que ses œuvres officielles, style My Beautiful Dark Twisted Fantasy ou The Life Of Pablo. Pourtant, le Yandhi bootleg n’a pas à rougir de la comparaison avec ses ainés prestigieux. Son manque de finition, il le compense par ce qui rend chaque création neuve : une ligne directrice. À mille lieux de l’ordre original teasé par Ye himself, la tracklist comporte neuf titres : « New Body », « The Storm », « Alien », « Law of Attraction » (parfois appelé « Chakras »), « Bye Bye Baby », « Hurricane » (ou « 80 Degrees »), « We Got Love », « Garden » et « Last Name ». Exit donc « I Love It » et d’autres morceaux entendus lors de précédentes listening parties.

Yandhi est à ce croisement bâtard de l’embryon et de l’album accompli. Mais même à l’état impressionniste, il dessine une vraie progression émotionnelle sur neuf pistes. Il s’ouvre sur le banger « New Body », avec Nicki Minaj et Ty Dolla $ign, hymne à la chirurgie esthétique et à la luxure 2.0 qui plonge d’entrée l’auditeur dans les tourments de Kanye de retour à L.A. Fini les atermoiments lo-fi de ye : place au scandale ! Tongue-in-cheek, sale gosse et sexuel au point de frôler l’absurde (Nicki qui rappe : « Si tu me baises, tu baises tout mon coeur »), « New Body » nous fait redescendre des montagnes pures du Wyoming, prêts à vivre une nuit de débauche. Après avoir exploité ce tabou, « The Storm », également par Ronny J, apaise un temps la fièvre, genre de slow de fin de soirée dans une boîte de San Fernando Valley. Seule l’énergie de feu XXXTENTACION électrise la beauté des harmonies de Ty Dolla $ign. Son couplet, enregistré à l’arrache, le rend spectral. Comme s’il parasitait l’esprit de Ye jusqu’au bad trip d' »Alien », qui démarre sur une intro IA : « Très chers, nous cherchons à vous apporter l’illumination, à offrir un éclairage dans un ciel orageux. Nous sommes ici en tant qu’êtres de lumière, bienveillants, investis dans l’humanité et son évolution. »

Là, Kanye n’est plus dans le nightclub mais sur son parking, emporté par le faisceau d’un OVNI. Sur « Alien », l’artiste balance des bouts de ce qui aurait pu être une de ses diatribes les plus sombres et désespérées : « Ce n’est pas notre planète, c’est pourquoi je la tue / Les animaux, je les tue / L’ozone, je l’ozone / Le sang, je le verse. » Ye se sent autant étranger à ce monde que les aliens et pense même à le quitter. Depuis « I Thought About Killing You », le suicide est une thématique centrale de son oeuvre.

Le morceau « Law of Attraction » formule ici le brouillon de ce qui sera « Use This Gospel » et un vrai retour sur Terre pour le rappeur. Mais peut-être pas encore à la réalité. Alors que la version JESUS IS KING avec Clipse célèbre la rédemption du pêcheur, celle de Yandhi met en scène un homme en pleine crise existentielle, frappé par la foudre du buisson ardent. « Dis-moi ce en quoi tu crois, dis-moi ce en quoi tu crois / Grand Theft Auto, Grand Theft Auto, on est dans un jeu, on est dans un jeu / Grand Theft Auto, Grand Theft Auto, on est tous les mêmes, on est tous les mêmes / L’argent n’est pas réel, le temps n’est pas réel, l’argent n’est pas réel, le temps n’est pas réel », répète-il en boucle, prêt à basculer dans la folie.

Un délire qui se prolonge sur le track « Bye Bye Baby » où tout le linge sale doit être lavé au grand jour. Toute la bile doit sortir, comme le dégueulis d’une grosse cuite. Jusqu’à devenir pur. Sobre. Quitte à souffrir jusqu’à l’ultime question, au bord du vide, prêt à sauter : « Why y’all overdose ? » comme pour dire « Pourquoi vous mourez tous ? ».

Le vertige d’une plainte, celle d’un homme-enfant qui a fini de jouer, malade des morts, des drogues et de la vie nocturne. La snippet « Hurricane » (ou « 80 Degrees ») brosse bien ce trajet en voiture à l’aube, le ramenant dans les hauteurs de Calabasas. La folie digérée, Ye peut enfin retrouver sa famille. « We Got Love » et « Garden » réaffirment la paix d’un foyer-refuge total, forgé dans l’amour de ses enfants. Les versions du bootleg se complètent parfaitement : quand le premier est un morceau ultra produit aux cuivres flamboyants avec une invitée de prestige (le spoken word de Lauryn Hill), le second est l’enregistrement clandestin d’un Sunday Service touché par la grâce.

Crédits : Christopher Latouche

Comme Yandhi ne sera jamais rien d’autre qu’un leak, difficile de savoir si les morceaux qui sont tombés à nos oreilles étaient ceux que Ye avait prévu pour nous. On retrouve ainsi sur le net des versions alternatives de certaines pistes : des démos de « Alien » avec Migos et Young Thug, de « Garden » avec Ty Dolla $ign et Teyana Taylor, ou encore un croquis de « Last Name » où les chants de Ant Clemons épousent la compo de Mike Dean. Mais puisqu’il est placé dans la plupart des bootlegs en outro exclusivement instrumentale, ce dernier titre établit un miroir déformant avec « Every Hour », qui résume assez bien les philosophies opposées de Yandhi et JESUS IS KING. Les deux sons traitent d’un bonheur abstrait, d’une délivrance si puissante qu’elle échappe aux mots. Sauf que Yandhi est une lutte pour l’obtenir. Chez JESUS IS KING, elle est donnée d’office, toute cuite dans la bouche tel l’Ostie dominical.

JESUS IS KING parle d’un homme clamant sa foi à tue tête. Pour museler les loups et taire ses démons. Il ne décrit pas un parcours mais la construction brique par brique, note par note, d’un sanctuaire mental. Avec sa narration, Yandhi mettait en scène ce purgatoire à la manière d’un film. Celle de la nuit délirante d’un rappeur tiraillé entre ses biens et les siens. Ce qui s’est passé entre Yandhi et JESUS IS KING, c’est un peu comme si à la place d’un thriller noctambule sous champis style The Killing of a Chinese Bookie, un réalisateur nous avait offert un trip contemplatif à la The Tree of Life. Comment d’ailleurs ne pas y penser devant les trailers du film IMAX JESUS IS KING qui convoquent sans complexe l’imagerie d’un Terrence Malick ou d’un Stanley Kubrick.

Au-delà des polémiques et des préférences politiques, Kanye West a toujours été célébré en tant que musicien pour sa capacité à fusionner des idées complexes dans un format compact et simple. Un album, un EP, un sample, un vêtement, une chanson. Mais plus sa carrière avançait, plus le défi de réunir des concepts opposés semblait dur à relever. 2018 avait montré cette limite : on se souvient tous des images difficiles de l’artiste dans les bureaux de The FADER, vêtu d’un pull Colin Kaepernick et d’une casquette MAGA, dont il serait le liant maladroit. JESUS IS KING confirme peut-être ce bout de course et le dommage collatéral qu’incarne Yandhi, l’un de ses plus beaux chantiers.

Rema n’a pas vraiment le temps de grandir. Un regard d’enfant, une voix d’ange, mais la vision d’un grand. La nouvelle star de la scène afropop déborde de confiance. Deux raisons : il se rappelle d’où il vient et, surtout, il sait où il va. De passage à Paris, on a passé une après-midi avec lui.

Photos/vidéo : @leojoubert, @aida_dahmani et Guillaume Lebel

Été 2019. Dans toutes les clubs digne de ce nom, dans toutes les soirées qui ne se conjuguent pas sans sueur et déhanché, un morceau résonne un peu plus fort que les autres. « Dumebi, dumebi. » Un peu moins d’un an après l’explosion de l’African giant Burna Boy, son successeur semble tout désigné : Rema.

Une gueule d’ange, un sens inné de la mélodie, et une vraie confiance en soi : Rema, 19 ans, a tout pour être couronné à son tour. Celui qui a perdu son son père à l’âge de 8 ans et son grand-frère à 15 ans n’a pas vraiment eu le temps d’être un enfant. Profondément spirituel, convaincu du rôle de Dieu dans son destin, celui qui se prénomme Divine Okubor a vite compris que son nom devait s’inscrire à la suite de ceux de P-Square, Wizkid ou Davido.

En février 2018, il poste un freestyle sur « Gucci Gang » d’un autre Nigérian, D’Prince, ce qui lui vaut d’être repéré par le label Mavin Records, l’un des plus gros du pays (fondé par Don Jazzy, ancienne signature de… GOOD Music). De là, tout s’accélère : Mavin Records en fait sa priorité, il tape dans l’oeil d’Oliver El-Khatib, bras droit de Drake, et continue à chaque nouvelle sortie de construire son avenir. « Chacun a sa propre compréhension spirituelle et son propre don, dit-il dans sa cover story pour The FADER. J’ai ce cadeau, qui est un secret pour moi, car il fonctionne. C’est ainsi que je crois fermement en Dieu, ça va bien au-delà de la musique. Je suis guidé : tu sais où tu dois aller quand tu es capable de lire les signes. »

Lors de son passage à Paris, nous avons guidé le phénomène à travers le capitale pour qu’il nous explique d’où il vient, où il va, juste avant qu’il ne vole si haut qu’on le perde de vue.

Casey rappe et tape du poing sur table depuis 25 ans. Rappeuse iconique de la scène francophone, elle revient avec un nouveau projet, AUSGANG, et un album baptisé Gangrène qui sort ce vendredi. Du rock, du rap, et les mots lourds de sens d’une Casey dont la parole parait plus que jamais nécessaire. Pour YARD, elle s’est prêtée à l’exercice du Hier encore en re-répondant aux questions de notre première interview.

Photos : @aida_dahmani

«  Désormais, on se lève et on se casse. » Les mots de l’écrivaine et réalisatrice Virignie Despentes dans Libération, frappés sur un clavier en réaction à l’impudence de la 45e cérémonie de César, ont fait du bien à beaucoup. À beaucoup de femmes, surtout, écoeurées qu’on puisse continuer à leur cracher dessus en toute impunité – l’actrice Adèle Haenel en tête de cortège, elle qui s’est levée et qui s’est cassée devant ce moment de honte nationale.

Lors de cette même cérémonie, une autre femme, Aïssa Maïga, s’est retrouvée « sur le banc des accusés » pour avoir plaider pour une plus grande représentation des minorités dans le cinéma français. Quand on pointe du doigt et qu’on s’insurge, quand on tourne le dos et qu’on se barre, on se rend apparemment coupable d’un plus grand affront que celui de défendre un ordre établi au mieux écœurant, au pire dangereux. « Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule », poursuit Virginie dans sa tribune.

Casey, personnage mythique du rap français et proche de Despentes, ne s’est jamais retenue de gueuler. Surtout, elle ne s’est jamais retenue de mettre le doigt sur ce qui dérange et d’appuyer fort, très fort, jusqu’à ce que l’ongle perce. La rappeuse, qui revient avec le projet AUSGANG dont l’album Gangrène est sorti ce vendredi, nous a fait l’honneur de se prêter à l’exercice du Hier encore : trois ans après sa première interview YARD, nous lui avons posé les mêmes questions, comme nous l’avons fait avec Niska et Niro.

Pour insister d’abord sur le fait qu’en trois ans, peu de choses avaient vraiment changé. Mais aussi parce que la parole d’une artiste femme, noire, française, dans un contexte comme le nôtre, ne peut qu’entraîner des secousses terriblement nécessaires.

Le projet Gangrène d’AUSGANG est disponible sur toutes les plateformes. Il sera joué en concert le 17 mars prochain à la Maroquinerie, à Paris.

Tyler, The Creator était l’invité surprise de l’évènement Creative All Star Series de Converse. À travers une conférence de plus d’une heure, l’artiste a répondu aux questions de ses fans et abordé tous les sujets de son actualité chaude.

Les 13, 14 et 15 février dernier, Converse réunissait à Londres les grandes énergies créatives qui gravitent autour de la marque pour un évènement spécial, les Creative All Star Series. Celles-ci étaient articulées autour de trois principaux axes, « LEARN », « CRAFT » et « CELEBRATE », avec l’idée de permettre à chacun de laisser libre court à son imagination. C’est ainsi que le public a pu retravailler le modèle Pro Leather à travers divers workshops menés par les designers anglais Feng Chen Weng ou Eastwood Danso, échanger avec Stéphane Ashpool et l’illustrateur Wu Yue sur ce qui inspire leur processus créatif, et se déchainer lors de soirées hostées par le rappeur Octavian ou le crew de skateurs nigérians Motherlan.

Mais un tel évènement n’aurait pu se dérouler sans la figure numéro 1 de Converse en 2020, à savoir Tyler, The Creator. Tout récent lauréat du Meilleur album rap aux Grammy Awards, cérémonie qui l’a vu délivrer une performance époustouflante, l’artiste de 28 ans est venu conclure une programmation riche par une conférence au cours de laquelle il a répondu aux questions de ses fans. L’occasion pour lui d’évoquer sur son actualité récente, sa perception du monde de la mode et (toujours) une hypothétique reformation de Odd Future… Morceaux choisis.

… sur sa victoire aux Grammy Awards et le déroulement de la cérémonie :

« J’en suis reconnaissant mais d’un côté, c’est tout ce que je mérite. Je sais que je suis chaud. Je sais que je suis bourré de talent. Je sais que je suis frais. [rires] Je sais déjà tout ça. Ça a mis du temps avant de j’en prenne conscience et que j’arrive à ces conclusions, mais je savais que tout ça allait m’arriver. Et je suis déjà excité pour les dix prochaines années parce que je ne sais pas encore ce que je ferai, mais je sais que ce sera un truc de malade. Après c’est vrai que monter sur la scène des Grammy et être finalement reconnu pour la musique que je fais, quand tu vois le nombre de trucs qui sortent tous les jours et qui pètent tout, ça fait putain de plaisir. Et c’est pourquoi j’étais aussi excité. »

« Mais autant ça m’a fait plaisir de gagner un prix, autant je disais déjà à mes proches avant la cérémonie que réaliser cette performance était tout ce qui m’importait réellement. Faire un show de ce genre sur une plateforme aussi importante, en ayant la possibilité de faire un album cut… Parce que c’est pas comme si j’avais fait « EARFQUAKE » ou un single quelqu’il soit, au contraire : j’ai choisi de performer la piste 6 de ce disque. Et ils m’ont laissé faire. À partir de là, mon but était de tout exploser sur la scène des Grammy. Et c’est ce qui s’est passé. On a plus parlé de cette performance que toutes les autres qui ont eu lieu ce soir-là. Je ne voulais pas seulement faire une « bonne » performance au sens où ils l’entendent, une performance faite pour plaire à tout le monde. Je voulais leur dire : ‘Voilà ! Pour moi, c’est ÇA qui est chaud !' »

… sur ce qu’il n’aime pas dans le monde de la mode :

« La course à l’édition limitée et au sold out rapide. Tout n’a pas nécessairement besoin d’être toujours sold out, c’est aussi cool quand les vêtements sont là et qu’on peut se les procurer. Beaucoup de marques sortent des pièces en seulement dix exemplaires juste pour dire qu’elle sont sold out. »

« Je n’aime pas non plus le resell. Ça commence à devenir n’importe quoi. Avant ça allait encore, mais des fois je me dis : « Mais gros, pourquoi est-ce que t’as mis ça à la revente ? Ce sont des putains de boxers usagés ! » [rires]« 

« Autrement, les ambiances tapis rouges peuvent être sympas, mais je trouve ça bête de voir les gens porter des vêtements qui ne sont pas les leurs juste pour le tapis rouge. Tout ça pour que les gens les voient super bien habillés dans des vêtements qu’ils ne porterait pas autrement. Et quand la cérémonie est finie, ils doivent les rendre à quelqu’un… Portez vos vêtements, c’est tout ! À quoi bon se montrer en robe Gucci si la robe en question ne t’appartient pas ? Tu es juste en train de mentir aux gens qui te voient dans cette tenue en pensant que c’est la tienne parce que c’est ce que tu as voulu leur faire croire. C’est tellement ridicule, juste venez en t-shirt ! »

« Le concept de la Fashion Week est un peu dépassé. Tu dépenses énormément d’argent, de temps et de stress pour sept minutes de défilé devant des gens qui n’en ont pas grand chose à foutre. »

Tyler, The Creator

… sur une hypothétique reformation de Odd Future :

« Il y a 9 chances sur 7 que ça n’arrive jamais. Je serais ouvert à l’idée, mais je pense que tout le monde est passé à autre chose et que ceux qui réclament un nouveau projet Odd Future parlent à travers la nostalgie, sans se demander si ce serait vraiment une bonne chose. On n’a pas forcément besoin d’un Bad Boys 5 – quand bien même j’ai aimé le dernier. Il y a des tapes Odd Future qui sont toujours là, donc si ça vous manque : juste écoutez-les. Puis honnêtement, ces tapes n’étaient pas si bonnes que ça. C’était juste marrant de les faire à l’époque, on s’amusait bien. Mais musicalement, on aurait pu faire mieux. C’était bien pour l’époque, mais aujourd’hui… En plus de ça, je ne sais même pas si nos styles respectifs pourraient bien se mélanger dans un projet cohérent. Mais qui sait ? Tout pourrait très bien changer en l’espace de six semaines. »

… sur l’influence de son environnement sur ses créations :

« Ton environnement joue un rôle par rapport à tes goûts, et tout plein de choses comme ça. Je me rappelle que pour la collection 2014 de Golf Wang, j’avais imaginé des caleçons de bains. Et je me souviens que les commentaires disaient : « Mais pourquoi est-ce que tu sors des caleçons de bain en décembre ? Imbécile ! » Et de mon côté, je regardais la météo de chez moi et je me disais : « Bah… Parce qu’il fait grave chaud, vous êtes cons ou quoi ? » J’étais tellement dans ma bulle, que je n’avais même pas réalisé que dans plein d’autres endroits, il faisait super froid. Parce que moi, je ne vois jamais la neige. Donc quand je prépare mes collections, je fais des shorts parce que je sais que le soleil sera là en décembre. À Los Angeles, il fait toujours très clair, les couleur sont très saturées, et j’imagine que c’est pour ça que j’aime ce genre de tons, le roses, les bleus très vifs, etc. Pareil pour le fait que dans l’esthétique, j’aime les montagnes, ou le fait de rider à vélo : c’est tout ce que je connais. Et ce que je dis là sera peut-être évident pour tout le monde, mais vu comme je suis con, je ne l’ai réalisé que la semaine dernière. [rires]« 

… sur sa consommation de drogue et d’alcool :

« Je n’ai jamais voulu boire. Ça ne m’a jamais intéressé. Ne vous méprenez pas : j’ai été défoncé à peine deux fois dans ma vie. La première, c’était quand j’avais 17 ans, j’ai fumé de la weed et je me juste suis dit : « C’est pas fun. » Et la seconde, c’était lors du nouvel an 2010, j’étais au studio et j’ai pris un petit morceau de space cake en mode « Nique, ça ne va pas me tuer » et ça m’a suffit pour me dire qu’on ne m’y reprendra pas. Chacun son truc, mais ce n’est pas pour moi. Je suis quelqu’un qui peut très vite être addict, donc j’ai le sentiment que si je commençais à boire ou fumer, ce serait le début de la fin pour moi. Puis je n’en ai même pas envie, c’est toi. Quand je vois les gens qui, au lendemain d’une cuite, sont là en train de pleurer à base de « Je regrette ce que j’ai dit », j’ai envie de leur répondre : 1- Ne remet pas la faute sur l’alcool, et 2- C’est probablement tout ce que tu voulais dire, mais tu étais juste trop lâche pour être honnête. Je ne veux pas être ce genre de personne et avoir à me cacher derrière l’alcool : je préfère te dire les choses droit dans les yeux, sobre, et ne pas avoir de regret. »

« Je peux t’assurer qu’aucun des autres nommés dans ma catégorie n’aurait pu monter la scène des Grammy et donner la performance que j’ai donnée. »

Tyler, The Creator

… sur la Fashion Week :

« Ce n’est que mon avis, mais je trouve que le concept de la Fashion Week est un peu dépassé. C’est pour ça que je mets plus l’accent sur la vidéo quand il s’agit de dévoiler mes collections. Parce que la Fashion Week, ça revient à quoi ? Tu dépenses énormément d’argent, de temps et de stress pour sept minutes de défilé devant des gens qui n’en ont pas grand chose à foutre et sont juste là pour poster sur Instagram et faire savoir qu’ils sont là. En plus, tu fais se déplacer des gens à travers le monde, et à part si tu es Chanel ou Louis Vuitton, ça te coûte très cher. »

« Pour quel résultat ? Aujourd’hui, si tu veux voir les images du défilé de telle ou telle marque, tu vas où ? [Quelqu’un dans le public répond : “Internet”] C’est ça, Internet ! C’est là que ça va finir. Alors au lieu d’organiser un défilé, autant faire une vidéo à travers laquelle je fais vivre les vêtements dans un univers que j’ai défini, en choisissant les angles et les détails que je veux mettre en avant – et que les gens n’auraient sans doute pas remarqué sur le runway. Ça me permet d’économiser de l’argent, en sachant que, de toutes façons, la vidéo finira au même endroit que finissent les vidéos des défilés de Chanel, Louis Vuitton ou n’importe quelle autre marque. Et je peux avoir le contrôle sur tout, simplement parce que j’ai décidé de ne pas suivre ces règles qui sont là depuis 40 ans. C’est important de réaliser que même si ça marche peut-être pour eux, je ne suis pas nécessairement obligé de faire pareil. »

… sur les étiquettes qu’on lui colle dans le milieu :

« Tout au long de ma vie, j’ai été plus ou moins rejeté par bon nombre de mes pairs. Et ça ne me posait pas de problèmes parce que j’étais content de pouvoir faire les choses à ma manière. Puis c’est ce qui me pousse, dans le fond. Par exemple, DJ Akademiks ne poste jamais quoique ce soit de positif à mon sujet. Ok, pas de soucis. Dans ce cas on ira faire la cover de GQ ou Fantastic Man. Les rappeurs dorment sur moi ? Je balance “Telephone Calls” et je prouve que je peux tenir tête à n’importe lequel de ces n*gros. C’est ce qui me motive parce que dans tous les cas, je ne me suis jamais vraiment senti accepté – notamment dans le rap. Vous dites que je ne mérite pas mon Grammy ? Je peux t’assurer qu’aucun des autres nommés dans ma catégorie n’aurait pu monter sur scène et donner la performance que j’ai donnée. Je te le garantis. « 

Meryl ne pouvait demeurer un secret de l’industrie. Celle qui a contribué aux hits des stars du rap hexagonal s’est décidée à s’inviter dans leur cour avec Jour avant caviar, une première mixtape qui fait de la jeune antillaise la partie visible du renouveau des musiques d’outre-mer.

Photos : @alextrescool

Plus de deux ans que Meryl s’est fait connaître de l’industrie, à peine quelques mois pour ce qui est des auditeurs. « AH LALA », « Wollan », « La brume »… Autant de bastos calibrées avec précision, qui ont permis d’introduire au public la large palette de la martiniquaise, ainsi que sa virtuosité mélodique. Des qualités que l’artiste de 24 ans a d’abord mis au service des autres – de Niska à Shay, en passant par SCH, Soprano ou encore Evan & Marco -, à travers son rôle de toplineuse chez ETMG, maison des hitmakers Pyroman et Junior Alaprod. Sa mission ? Imaginer les airs qui vont squatter nos têtes et décider des tubes de demain. Et si certains semblaient douter que cela suffise à en faire une « artiste » à part entière, Meryl leur apporte la meilleure des réponses avec sa première mixtape, sortie ce 21 février.

Intitulé Jour avant caviar, ce projet capture la hargne de ses périodes de galère pour mieux la catapulter vers des lendemains plus glorieux. Né au Saint-Esprit, en Martinique, Meryl s’est rêvée artiste dans cette autre France que la Métropole se refuse à considérer. Et parce qu’elle a cru en son rêve, ses morceaux accumulent aujourd’hui les millions de vues, au point de la positionner malgré elle en porte-drapeau de la nouvelle scène musicale ultramarine. Une scène dont le spectre s’étend bien au-delà de l’idée qu’on peut se faire de la musique des îles, et Jour avant caviar en un bel exemple. Meryl livre ici une collection de hits potentiels non-étiquetés, souvent trap, parfois dancehall, qui laissent à penser que la haute gastronomie n’est effectivement plus très loin.

Après Ballon sur Bitume et Ousmane, YARD et MILES ont le plaisir de présenter Footeuses, un documentaire dédié au football féminin et à ses protagonistes.

Inscrit au sein de la collection Ballon sur Bitume, Footeuses plonge le spectateur dans la réalité des joueuses : qu’elles soient en Equipe de France ou au Paris Saint Germain, jeunes amatrices ou artistes engagées.

De leurs premiers dribbles effectués au sein des clubs ou en bas des tours entre amis, jusqu’aux rencontres internationales, l’itinéraire de ces femmes incarne une facette du ballon rond encore trop peu médiatisée.

Si pour certaines, l’accès au monde professionnel est un but assumé, d’autres ont fait du football un vecteur d’affirmation et d’émancipation pour se faire accepter au sein d’un univers encore trop attaché à des paradigmes tenaces.

Pour toutes, le football est une tranche indissociable de leur vie de femmes issues de Paris et de sa banlieue. En cela, le documentaire vient offrir une photographie de leurs pratiques du football. Footeuses a été conçu avant tout comme une ode à leur courage et à leur abnégation.

C’est un message d’espoir pour toute une génération de joueuses. Ici, la parole est rendue à celles qui font et qui inspireront des millions d’autres joueuses, quel que soit leur génération ou leur niveau social.

En ce qu’il est un vecteur d’engouements et d’échanges humains sans nul autre pareil, le football que Footeuses met à l’image est un football fait de touchantes sororités, un football de combat face aux préjugés qui perdurent, un football replacé dans l’authenticité, la réalité et la passion de ses ambassadrices.

Des hits en pagaille, des projets solo et un statut de boss de label : en moins de 10 ans, Mustard a presque accompli tout ce qu’il était donné à un producteur de faire. Et il en veut encore.

Photos : @aida_dahmani

« Je pensais seulement que je serais un DJ à L.A. pour le restant de mes jours. » Mustard n’a peut-être pas su voir son avenir, mais il a eu ce qu’il fallait de vision pour le rendre plus radieux qu’il ne devait l’être. Lui qui ne s’imaginait pas quitter Los Angeles se retrouve aujourd’hui à Paris pour la Fashion Week, après avoir déjà fait voyager sa musique à travers le globe. Et s’il n’est pas forcément connu de tous ceux qui rodent autour des défilés, impossible de ne pas le remarquer à sa large panoplie de bijoux clinquants, signes extérieurs d’une vie des plus fastes.

On interroge souvent les compositeurs sur ce qui fait la réussite dans leur corps de métier. Certains la mesurent au nombre de hits. D’autres voient comme un aboutissement ultime le fait de pouvoir sortir des projets à son nom, sans être contraint de rester l’ombre d’un interprète. Quant à Scott Storch, il considère que le vrai tour de force d’un producteur réside en sa capacité à développer un artiste. Mustard ne s’est pas embêté à chercher la bonne réponse : il a préféré coché toutes les cases.

Sa discographie s’étend de Tyga à Rihanna, de YG à Roddy Ricch, empile les certifications en tout genre. Il se fait voir sur scène ou dans les clips, reconnu par un public qui n’a pas pour habitude de prêter attention à ceux qui opèrent derrière les machines. Ajoutez à ça trois albums studio à son actif, dont le dernier en date, Perfect Ten, est sorti le 28 juin 2019 sous la bannière de 10 Summers, le label qu’il a fondé en 2015. Extrait de ce même projet, le titre « Ballin' » lui a valu une nomination aux derniers Grammy Awards. Rien ne neuf pour celui qui un an plus tôt obtenait déjà le Grammy de la meilleure chanson R&B avec « Boo’d Up », morceau composé pour « son » artiste Ella Mai, encore inconnue quelques années plus tôt.

Mieux encore : Mustard peut depuis peu se targuer d’être propriétaire de l’intégralité des droits des hits qu’il produit, depuis qu’il a (paradoxalement ?) consenti à vendre une partie des morceaux de son répertoire. Et si ces quelques lignes ne vous semblent pas parfaitement claires, laissez-vous donc guider à travers cet entretien avec un DJ de Californie qui, à force de travail et de gamberge, est parvenu à devenir bien plus que ça.

La décennie vient de s’achever. Tu l’avais commencé avec ton premier hit, « Rack City » en 2011, et tu l’as finie en ayant fait tout ce qu’un producteur peut imaginer faire de nos jours. Quel est ton plus grand accomplissement ?

Mon plus grand accomplissement, ça doit sûrement être le succès d’Ella Mai. C’est celui dont je suis le plus fier à ce jour, en tout cas. Parce que selon moi, le plus dur en tant que producteur, c’est de faire exploser une artiste que personne ne connait et qui n’est pas encore établie dans le game. Puis il y a une connexion très naturelle entre elle et moi. Et aujourd’hui, le monde entier la connait.

Quand tu as commencé en tant que DJ, imaginais-tu déjà que ton activité pourrait s’étendre à ce point ?

Clairement pas. Je ne pense pas avoir un jour pu voir aussi loin. Je pensais seulement que je serais un DJ à L.A. pour le restant de mes jours. C’est tout ce que j’aspirais à être. Je n’ai jamais vraiment pensé à devenir un producteur jusqu’à ce que je commence à produire. Et à partir de là, je me suis laissé emporter.

Comment as-tu commencé ?

J’ai commencé à mixer parce que mon oncle était lui-même DJ. Quand j’avais quelque chose comme 11 ans, il m’a emmené avec lui à une soirée et m’a laissé prendre le contrôle. À partir de là, je mixais dès que j’en avais l’occasion. Quant à la production, tout est parti de mon ami YG. Je savais qu’il avait besoin de prods parce que jusqu’à présent c’était Ty [Ty Dolla $ign, ndlr] qui gérait ça pour lui, mais Ty commençait à prendre au sérieux sa propre carrière d’artiste, alors j’ai pris le relai. J’ai dit : « Moi aussi, je peux faire des prods. » Puis je m’y suis essayé. Ty m’a un peu montré comment on faisait, et j’ai continué tout seul ensuite.

Mais aujourd’hui, tu n’es plus « DJ Mustard » mais juste « Mustard ». Qu’est-ce ça signifie pour toi ?

Ça veut simplement dire que je suis un homme de beaucoup de casquettes. Je ne suis pas seulement un DJ, je ne suis pas seulement un producteur, je ne suis pas seulement un artiste : je suis un peu de tout ça à la fois. Et je trouvais que « DJ », c’était un peu… Sans manquer de respect aux DJs – parce que je viens quand même de là -, j’ai l’impression qu’avoir « DJ » dans ton nom te contraint à n’être qu’un DJ. Sauf que je fais beaucoup d’autres choses au-delà de ça.

Justement : comment est-ce qu’on devient « plus » qu’un DJ, « plus » qu’un producteur ?

Ça implique beaucoup de travail, de nuits sans sommeil, d’investissement dans tout ce qu’il a autour de ton activité principale. Certains DJs veulent être DJ pour le restant de leurs jours et c’est très bien comme ça. Pour ma part, je savais que j’avais de plus grandes choses à accomplir. Donc il y a eu la production, qui m’a ensuite permis de créer un label. Avec mon label sont venus mes artistes. Puis en devenant moi-même un artiste, j’ai finis par vouloir faire mes propres sons parce que j’en ai eu assez de bosser avec des artistes qui n’étaient pas disposés à me suivre pleinement dans ma vision. En vrai, ça implique surtout de ne pas écouter qui que ce soit et de se faire confiance. C’est la confiance que je me suis accordée qui m’a emmené où je suis actuellement.

Quid des tags ? Le tien est particulièrement connu, quel rôle a t-il joué dans le développement de Mustard ?

Ça m’a permis de m’établir en tant que marque. Ce tag, c’est comme ma signature. Je ne savais pas trop ce que je faisais quand je l’ai fais. Je savais juste que ça allait être comme ça que les gens allaient me connaître. Il n’y avait pas d’autres moyen pour les auditeurs de savoir qui a faisait la prod, surtout que je n’étais pas forcément le seul à faire le genre de prod que je fais. Donc j’ai commencé à foutre mon tag partout. Et avant même que je m’en sois rendu compte, c’est devenu un truc que tout le monde retenait.

J’ai cru comprendre que tu avais récemment dû vendre une partie de ton catalogue pour obtenir l’entière propriété de ton oeuvre. Peux-tu nous éclairer un peu là-dessus ?

Déjà, il faut savoir que c’est un quelque chose que tu ne peux pas faire à peine arrivé dans le game – je précise, parce que je ne veux pas vendre de rêves aux jeunes artistes. J’ai dû travailler pour arriver au stade où j’ai eu assez d’argent pour me permettre de vendre mon catalogue. Mais pour résumer, j’ai vendu mes droits sur une partie des morceaux que j’ai produit. Tous les titres que j’ai placé jusqu’en 2016, à peu de choses près, je ne les possède plus. Le truc, c’est que j’avais des contrat d’éditions sur ces morceaux. Ça veut dire que je ne les possédais même pas à moitié dans tous les cas, je ne touchais que des petits pourcentages dessus. À partir du moment où je me suis débarrassé de ces titres, j’ai pu prendre un nouveau départ. Je n’ai gardé que les nouveaux morceaux, ceux que j’ai sorti à partir de 2017 comme « Boo’d Up » ou « BIG BANK », des morceaux dont je possède l’intégralité des droits parce que désormais j’ai des contrats de gestion et non des contrats d’édition. Et ce sera le cas de chaque morceau que je publierai désormais.

« J’ai signé chacun de mes contrats d’édition en partant du principe que je serai un jour capable d’en voir le bout. »

Mustard

Ça n’a pas été dur de se séparer de ces titres qui au final font partie de la légende de Mustard ?

Non parce que je n’ai que 29 ans, et j’ai encore une longue carrière devant moi. Pendant un moment, j’ai eu ce truc de me dire : « Wow, je suis vraiment en train de me vendre mes morceaux… » Mais comme je t’ai dit, je ne possédais même pas la moitié de chacun de ces titres. J’ai juste vendu la petite part que j’avais sur ces morceaux. Puis aujourd’hui, la machine est déjà lancée. Ça veut dire que mes nouveaux morceaux démarrent mieux que les anciens. C’est un peu comme si j’avais vidé mon premier chargeur et que je refaisais le plein de munitions. La différence, c’est que je peux tirer un maximum de profit sur ces nouvelles cartouches parce que pour le coup, elles m’appartiennent pleinement.

C’est un pari sur toi même, en gros ?

Grave ! Mais à vrai dire, avant même que je vende mon catalogue, je pariais déjà sur moi-même. Parce que j’ai signé chacun de ces contrats d’édition en partant du principe que je serai un jour capable d’en voir le bout. L’argent que j’ai récupéré en vendant ces titres, je l’ai utilisé pour justement rembourser tout ces contrats que j’avais, et derrière j’ai refais d’autres contrats avec des termes qui me correspondaient mieux.

Tu as collaboré à de nombreuses reprises avec Nipsey Hussle, qui était précisément un de ceux qui ont contribué à faire avancer la discussion sur la propriété de la musique. Que devrait-on retenir de lui et de son combat ?

Beaucoup de gens ne se focalisent que sur une partie du propos de Nipsey. Parfois, je vois des petits qui arrivent dans le game en disant vouloir être propriétaire de leurs masters, et je me dis : « Mais as-tu seulement une idée de tout ce que ça implique d’être propriétaire de ses masters ? » Tout le monde est tellement obnubilé par sa réussite qu’ils en oublient tout le struggle qu’il y a derrière. Certes, Nipsey est parvenu à mettre la main sur ses masters, mais il a pu le faire après avoir décliné une dizaine voire une vingtaine de contrats. Et il se l’est permis parce qu’il savait ce qu’il voulait et qu’il avait une très bonne équipe avec lui. Beaucoup de nouveaux dans le game disent « Je veux être propriétaire de mes masters » mais ils n’ont même pas d’équipe ou de management. Ils ne savent pas quoi faire, ni même comment le faire. Il le disent seulement parce qu’ils l’ont entendu d’autres jeunes artistes qui prétendent être propriétaire de leurs masters alors que ce n’est pas le cas.

Pour être propriétaire de ses masters, il faut d’abord en avoir les moyens. Nip était arrivé à un stade de sa carrière où il pouvait se permettre de dire : « Je peux tout faire moi-même, j’en ai les moyens, donc tu vas me donner l’intégralité de mes masters ou je ne ferai pas de business avec toi. » Il s’en sortait déjà très bien tout seul, et c’est pour ça qu’il s’est retrouvé en position d’obtenir 100% de ses masters. Parce qu’il avait déjà une réflexion très business, qu’il savait ce qu’il faisait et qu’il s’est tracé sa propre voie dans l’industrie. Mais ça, les gens ne l’ont pas réellement entendu.

Comment peut-on continuer son marathon et faire en sorte que les petits nouveaux ne se fasse plus piéger par cette industrie ?

Pour moi, tout repose sur le fait d’être bien accompagné, d’avoir quelqu’un de franc et de réfléchi à ses côtés. Ou alors de se bâtir une équipe en conséquence. Une équipe qui te fera faire les bons moves, et qui saura faire le travail nécessaire pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’industrie du disque. Parce que beaucoup avancent dans le milieu tête baissée, sans savoir ce qu’ils font. Et le seul moyen pour que ça cesse, c’est de développer ses connaissance et se construire une équipe solide, avec des gens plus intelligents quoi, des gens qui connaissent mieux la musique que toi, etc. Des gens qui seront vraiment là pour t’aider. Vaut mieux ça que de suivre les premiers conseils qu’on te donne une fois arrivé dans le game, ce que beaucoup de rappeurs signés font. Sauf que ça revient à jouer avec ta carrière, ni plus ni moins.

On l’a dit au début de l’interview, tu as débarqué dans le game au tout début de la décennie et aujourd’hui, tu es plus que solidement installé. Qu’est-ce qui a permis cette longévité, selon toi ?

J’ai toujours voulu que les gens qui écoutent ma discographie puissent être en mesure d’apprécier son évolution au fil des années. Donc ça ne m’a jamais posé de soucis que les gens disent que mes beats sont trop simples ou que je n’utilise que trois éléments. Pour moi, il n’y a rien de mieux que la simplicité. Les auditeurs prêtent souvent attention aux choses les plus simples, à tel point que parfois, tu peux avoir la palette musicale la plus large du monde et ne pas être en mesure de pondre le moindre hit. Puis il fallait que je grandisse en tant que compositeur. J’ai commencé avec des « Rack City » ou des « I’m Different » qui effectivement n’avaient que trois éléments, mais aujourd’hui je suis aussi en mesure de produire des « Boo’d Up », « Want Her », « Pure Water », « Ballin » ou « Needed Me ». C’est une toute autre version de Mustard que tu n’aurais sans doute jamais pensé entendre. Et je pense que c’est pour ça que je suis toujours en place : les gens me voient évoluer et changer de style tellement souvent qu’ils ne savent jamais à quoi s’attendre pour la suite.

À 37 ans, Dandyguel se retrouve face à un drôle de dilemme : ce représentant du 91 a à la fois tout et plus grand chose à prouver. Exaltant en tant qu’MC, précieux comme guide pour la jeunesse, celui qui se dit influencé par « James Brown, [ses] grandes soeurs et Godé, un boug de Viry » cherche aussi à faire passer ses messages par le rap à travers la sortie d’un nouvel album, Histoires Vraies. Pas vraiment dans la tendance, moins loin d’être en marge. Portrait d’un homme aux mille casquettes, mais à l’unique conviction.

Photos : @lebougmelo, @alyasmusic, @hlenie

Des années à animer des ateliers pour les gamins du Grand Paris. Des années à ambiancer Giánnis Antetokokúnmpo, LeBron James, ou encore feu Kobe Bryant lors de leurs passages à Paris. Des années à improviser des battles de danse à La Grande Borne pour le Summer Park de Nike, ou à en être officiellement le MC pour Red Bull. Des années de générosité, de sourire, avec une carrière de rappeur qu’il gardait en tête jusqu’au jour où il pourrait relancer les choses de la bonne manière.

Aujourd’hui, dans une volonté de rassembler tous ses univers dans un projet qui lui ressemble, Dandyguel sort un nouvel album, le premier qu’il sort de manière si « professionnelle ». Même si par le passé il a déjà livré des disques ou été programmé au Printemps de Bourges, ce nouveau projet fait figure d’accomplissement pour lui. Un projet composé de samples et d’histoires optimistes, surement à contre-courant de la tendance, mais assurément fidèle à ses combats, ainsi qu’à une certaine vision du hip-hop.

Hip-hop, un mot dont le sens est trouble aujourd’hui en France, à l’heure où la culture rap a pris d’assaut la culture populaire. Le hip-hop fait presque référence au passé, à une époque révolue, mais que certains s’efforcent de dépoussiérer. « Aujourd’hui quand les gens entendent hip-hop, ils pensent à l’ancienne, au mec qui va mettre un carton au sol et qui va commencer à tourner sur la tête. » Dandyguel, lui, reste persuadé que le mouvement hip-hop, dans l’état d’esprit, rassemble des valeurs essentielles encore aujourd’hui. Au sens d’un code de l’honneur qui se transmet. Un lot de valeurs positives qui dicte toutes ses activités, depuis toujours. « Certains me connaissent qu’en tant que rappeur, certains apprennent par hasard que je rappe, pour les gens c’est compliqué de comprendre que tu évolues dans plusieurs prismes. C’est même contradictoire pour certaines personnes que je puisse kiffer sur du Niska et valider des valeurs autres du hip-hop plus “élevantes”. »

« En France il faut faire un seul truc pour être reconnu ou qu’on comprenne ce que tu fais »

Déjà accompli et couronné de succès en tant que speaker, beatmaker, chroniqueur sur France Ô, animateur dans les écoles ou pour Nike, Dandyguel recentre désormais sur son album l’énergie qu’il dépense tant pour les autres. « Je fais plein de trucs, et en France il faut faire un seul truc pour être reconnu ou qu’on comprenne ce que tu fais. La multiple compétence est dure à présenter. Il n’y a pas de mot décrit mon profil. Cet album me permet d’accepter ça, de le défendre de manière authentique, je le fais pour moi. »

Mais difficile de diriger les spotlights autrement que vers les autres, qui demeurent souvent le sujet de ses sons quand il laisse de côté l’egotrip — qu’il affectionne particulièrement, comme tout rappeur normalement constitué. Chaque track de cet album nommé Histoires Vraies narre des histoires de vies qui ne sont pas forcément les siennes, mais qui sont toutes vraies. Contrairement aux jeunes rappeurs qu’on aime voir débarquer dans le rap, brûler de rage et d’envie de prendre place sans trop se demander pourquoi, Dandyguel ne s’est jamais vraiment senti pressé et a su canaliser son énergie pour livrer une musique fidèle à lui-même, en accord avec ce qu’il représente. Légitime.

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Ses multiples casquettes ont le point commun d’être toutes à destination d’un tiers. Que ce soit les jeunes que Dandyguel aide à se révéler dans ses ateliers, ou les véritables audiences qui n’attendent que lui pour s’ambiancer aux événements qu’il anime. Ce qui est certain aussi, c’est que l’artiste excelle dans l’art de transmettre et se nourrit d’ailleurs de cette énergie collective. « Ça fait du bien de s’exprimer, c’est une réalité. Quand j’anime des ateliers dans des écoles primaires, dans des MJC, pour de jeunes handicapés, ça m’apporte au niveau personnel de les voir être capables de s’exprimer sur leur réalité, c’est un exemple pour moi. M’exprimer ça me donne de la force, et pour les petits c’est pareil. » Et si la passion et l’amour de l’autre ont toujours guidé l’artiste dans ses choix d’activités, ils lui ont aussi beaucoup donné l’impression de s’éparpiller. De s’oublier peut-être. L’album arrive alors à point nommé, après des années de doutes, de perfectionnisme, de quête personnelle, de besoin d’actions concrètes.

Lorsqu’il se présente aujourd’hui, Dandy semble avoir digéré certaines de ses insécurités et pris le temps de mûrement autoanalyser ses expériences. « Quand je travaillais à côté avant, en tant que consultant en recrutement, je ne disais pas à mes collègues que je rappais, il y avait trop de clichés autour du rap. Aujourd’hui, je peux dire que je suis un MC. C’est l’étiquette qui me correspond le plus, car elle symbolise une part de la culture hip-hop et recoupe toutes mes activités. » Le MC est celui qui va insuffler l’énergie au public pour que l’expérience soit maximale. En plus d’être une figure authentique du mouvement original, le rôle du MC permet à l’artiste de donner une ligne directrice sensée à ce qui rythme son quotidien.

MC sonne comme une évidence. Rien de surprenant quand on connait le parcours de l’artiste, pour qui tout est une célébration de la culture hip-hop. Gagnant du battle de rap international End of the Weak en 2012, au moment où l’effervescence rap à Paris bat son plein, il se retrouve sur France Ô, dans l’émission Le LabÔ², à accueillir les invités en freestylant. Là aussi pourtant, Dandy n’assumait pas l’étiquette de rappeur. Ce n’était encore juste qu’un état d’esprit. Surtout, l’idée que le rap puisse devenir une vraie source de revenus commence à peine à faire son trou dans sa gamberge. « Au début des années 2000, c’était impossible de considérer l’activité de rappeur comme un métier, comme une voie d’avenir. » Il aura fallu qu’un collègue l’aperçoive à la TV pour que Dandy assume pleinement cette nouvelle casquette au-delà des limites de ses proches et de son quartier.

« Le ghetto, c’est pas de l’entertainment »

Le « premier album » de Dandyguel arrive donc le 21 février 2020, près de 10 ans après ses débuts. Après des années d’expériences de proximité. Des activités de terrain qui ont cultivé sa sensibilité au monde… ainsi que son scepticisme vis-à-vis de ceux qu’il considère s’éloigner du vrai. « Déjà à l’époque quand je commençais à rapper j’étais à contre-courant. Il y avait un truc un peu ghetto dans le rap, mais je ne me reconnaissais pas vraiment dedans. » Pas de rap fataliste, triste ou noir. « Je suis en première ligne pour savoir que les fantasmes de la street, ça fuck up grave, surtout les petits. Et en vrai, le ghetto, c’est pas de l’entertainment. » L’animateur en lui reprend le dessus, campant sur ses good vibes pour défendre sa démarche et l’idée qu’il faut être capable de faire la part des choses. « Tu peux écouter de la trap autant que tu veux, j’en écoute énormément, mais tous les petits n’ont parfois pas le recul nécessaire pour détacher réalité et fiction. »

Les enfants qu’il côtoie au quotidien restent inévitablement en tête lorsqu’il pense à sa musique et ce qu’il souhaite y véhiculer. « Ils ne sont pas encore matrixés, quand tu leur montres autre chose, ils le prennent. » Et là en l’occurrence, l’album est un concentré d’autre chose, toujours aussi authentique. Jusqu’au bout de sa passion et de sa mission. En clin d’œil à sa la culture, les samples, funk et soul, sont très fréquents sur Histoires Vraies. L’écriture, elle, découle directement de la vie de ses rencontres, et de son impact à lui, optimiste, sur les jeunes qui sont la force du futur pour changer le monde.  

« Quand j’ai commencé le rap, je voulais tout péter. » Tout écraser certes, mais pas les autres. Tout écraser en faisant le meilleur plutôt. Sans surprise, sa musique pense aux autres : les 200 premiers CDs disponibles en précommande contenaient quatre titres inédits en plus de la version streaming, et les premiers à prendre leur place pour la release party du 12 mars au FGO avaient le droit à l’album gratuit en lui écrivant sur son mail perso. Accessible. Un pied dans l’industrie, à condition d’avoir le reste du corps dans la vraie vie.

Il est l’un des nouveaux visages importants de l’art contemporain français : exposé aux quatre coins du monde depuis dix ans maintenant, Mohamed Bourouissa tente de retranscrire autant que possible le réel dans ses photos. C’est lui qui est derrière les clichés de Jul en Une du magazine Trax qui ont fait le tour des Internets la semaine dernière : l’occasion pour lui de nous raconter ses images les plus importantes. 

Mohamed Bourouissa est un type qui ne fait pas exactement les choses comme on pourrait s’y attendre. Lorsqu’on l’invite aux Rencontres d’Arles, il expose ses photos dans un Monoprix de la ville. Quand la Nuit Blanche de Paris l’invite à investir la Monnaie de Paris, il expose une pièce de monnaie à l’effigie de Booba. Et lorsqu’il découvre un livre sur des cow-boys noirs des quartiers populaires de Philadelphie, il part s’installer pendant une année dans la ville pour explorer le sujet. Vu de loin, on pourrait croire que l’artiste-photographe de 42 ans, finaliste du prix Marcel Duchamp 2018, est un personnage farfelu et rêveur. Lorsqu’on le rencontre, c’est une autre réalité qui s’impose : exposé aux quatre coins du monde depuis une décennie maintenant, Bourouissa se démarque par son travail photographique ancré dans le réel, à mi-chemin entre art contemporain, reportage photographique et création audiovisuelle. Qu’il travaille avec Virgil Abloh, un ami à lui incarcéré, ou avec Jul dans les rues de Marseille, le Franco-Algérien cherche en fait constamment à donner un autre sens au monde et aux gens qui l’entourent, pour en montrer de nouvelles facettes. Des visages qu’il tente ici de nous présenter à travers quelques-unes de ses œuvres commentées, à l’occasion de la parution du nouveau numéro de Trax Magazine — dédié au rappeur Jul — dont il a réalisé la couverture.

Nous Sommes « Halles » (2002)

C’est avec Nous Somme « Halles », ma première vraie série, que j’ai compris ce qu’était la photographie. Jusque là je prenais en photo mes amis et ma famille, sans vraiment avoir de sujet, et c’est en rencontrant une personne qui s’appelle Anoushka Shoot que je me suis réellement lancé là-dedans. Elle m’avait fait découvrir le travail de Jamel Shabazz un photographe des années 70-80 qui prenait les gens du quartier du Bronx et de Harlem en photo, et j’ai eu un véritable déclic en voyant son travail. Il avait un regard non pas social, mais culturel, il observait une culture, sans jugement, un peu comme August Sanders, et je me suis dit que je me retrouvais vraiment là-dedans. J’ai alors eu envie de faire pareil à mon niveau, et on était en pleine époque de la culture caillera/banlieue française du début des années 2000, quand tout le monde s’habillait en Lacoste. J’avais vraiment envie de documenter ça, c’était ce qui m’entourait depuis tout jeune à Courbevoie et c’était une culture qui commençait à disparaître peu à peu. On a alors décidé avec Anoushka d’aller à Châtelet pour prendre les gens en photo là-bas pendant plusieurs mois, pour livrer une sorte de portrait de la jeunesse banlieusarde de l’époque, avec leurs codes, leur identité, leur histoire. J’avais acheté un appareil semi-automatique à Cash Converter, je crois que c’était un 24-36 de chez Pentax, et je travaillais au même moment dans un restaurant. Tout l’argent que je faisais, je l’utilisais pour imprimer des photos de cette série, avec les tirages de pellicules. J’ai choisi cette photo précisément parce que je la trouve très belle, mais aussi parce ce n’est pas une photo de moi, mais d’Anoushka — même si j’étais avec elle à ce moment-là. C’est important pour moi de montrer une photo de la personne qui m’a fait découvrir ce médium. Et évidemment je trouve l’image vraiment très belle, avec ces quatre filles autour de ce gars. Il y a une forme d’affection, d’amour qu’on peut ressentir dans cette image, une vraie relation d’amitié qui ressort de cette photo. Cette série m’a énormément appris, parce qu’elle m’a poussé à me confronter aux autres et à aller vers les gens. Jusque là, j’avais une pratique très introspective et isolée avec le dessin. Et le fait de devoir sortir pour faire des portraits m’a appris à m’ouvrir aux autres. Nous Sommes « Halles » a vraiment été ma formation à la photographie en quelque sorte.

Périphérie (2005)

Au moment où démarrent les émeutes des banlieues en 2005, je me trouve en Algérie avec ma famille. Je suivais les événements depuis là-bas et c’était assez étrange comme sensation, surtout que j’avais commencé à faire quelques photos sur ce thème avant que tout s’embrase. J’ai alors décidé de continuer à prendre la banlieue en photo, et ce durant deux ou trois ans. Mon but, c’était de faire des mises en scène qui rappelleraient des peintures, un peu comme des tableaux photographiques inspirés des maîtres de la Renaissance. Je reprenais leurs poses, leurs positions, mais en prenant comme thème l’histoire de la banlieue parisienne. J’ai donc fait des photos à Grigny, La Courneuve, Gennevilliers, Sarcelles, pendant deux-trois ans. Cette photo s’appelle Les Cercles Imaginaires et elle ne devait même pas exister à la base : j’étais parti à Grigny un soir et je voulais faire une mise en scène d’une arrestation de police juste à l’entrée de la cité de La Grande Borne. On avait tout préparé, les gens étaient prêts, on avait loué une fausse voiture et de faux costumes de police, et j’avais demandé une autorisation à la mairie, qui ne me répondait pas. C’était assez tendu à l’époque et la police a débarqué pour nous faire tout remballer. Donc on était super déçus. On s’est retrouvé dans un local pas loin de l’endroit où on devait shooter, et je réfléchissais en me disant que la chose la plus dure dans cette histoire, c’est qu’on se sentait limités dans nos possibilités. On s’est alors dit qu’on n’allait pas lâcher l’affaire, qu’on allait faire une image qui défonce, et on a eu cette idée de cercle de feu, pour représenter cette barrière infranchissable qu’on avait eu l’impression de se prendre quelques heures auparavant. On a pris un peu d’essence, on a tracé un cercle, et j’ai proposé à Trésor, un gars de 20 ans de Grigny, d’aller se mettre au milieu avec cette veste squelette que je trouvais super belle, surtout avec la capuche relevée. On a allumé un cercle autour de lui et je me suis mis à prendre mes photos. Avec l’affaire Zyed et Bouna, on a vu qu’il y avait un mépris total des gens de banlieue : même le terme « émeutes » me dérangeait. Pour moi c’était des révoltes. Et j’avais envie de retranscrire ça à travers mes photos, via des mises en scène. Comme des tableaux photographiques, qui questionnent le regard qu’on peut porter sur des gens qui vivent à un certain endroit.

Blida (2008)

J’ai toujours été fasciné par des photographes comme Diane Arbus ou August Sanders, des gens qui travaillent beaucoup sur l’intime, et j’avais envie de faire pareil dans mon travail. Je voulais à ce moment-là raconter quelque chose de personnel en parlant de la ville où je suis né, Blida, et je suis donc parti en Algérie pendant trois ou quatre mois pour prendre en photo ma famille et les habitants de la ville. Ce qu’on voit sur cette image, c’est ma tante qui tient sa tante dans ses bras. J’étais hébergé chez elle, et cette photo est arrivée par hasard quand elle m’a proposé d’aller la voir. Visuellement, on a quelqu’un de plus jeune qui est en train de porter quelqu’un de plus âgé, avec une forme de tendresse dans le regard qui est vraiment touchante. Ça me rend super fier de voir cette photo, je la trouve vraiment belle dans tout ce qu’elle raconte, tant au niveau de l’image que de son histoire. Elle est très forte cette image, visuellement, avec les couleurs, le regard, les mains de ma tante. J’ai d’ailleurs offert la photo à ma tante qui l’a gardée chez elle. Cette série représente pour moi l’endroit d’où je viens, mon histoire personnelle, et je trouvais ça important de lier ça à mon travail photographique.

Temps Mort (2009)

Temps Mort est né au moment où j’ai découvert qu’un de mes amis était parti en prison. On ne s’était pas parlé depuis un moment, on s’était un peu perdus de vue, et il m’a appelé un jour par hasard. Je lui ai alors dit naïvement : « Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas donné de nouvelles, tu deviens quoi ? » et il m’a expliqué qu’il était actuellement incarcéré. Il avait réussi à récupérer un téléphone entre temps, et il m’a demandé si je pouvais lui envoyer des recharges téléphoniques. J’ai accepté et on a naturellement commencé à se reparler, notamment via des photos qu’il m’envoyait depuis sa cellule de temps en temps. Quand j’ai vu ça, je me suis dit qu’il y avait toute une histoire à raconter. Je lui ai alors proposé qu’on fasse une série photo où je lui proposerais des mises en scène de son quotidien, qu’il devrait reproduire ensuite avec ses potes dans sa cellule. Il a accepté direct, même si c’était risqué pour lui, mais il n’a pas eu de problèmes. Et ça valait le coup de le faire, parce que c’était important de raconter la vie des personnes incarcérées à travers cette série. L’image est de très basse qualité parce qu’elle a été prise avec un vieux téléphone pourri des années 2000 : en tout on a dû faire au final une vingtaine d’images ensemble que j’ai ensuite exposées dans ma galerie. Il m’envoyait plein d’images en photo, je dessinais ensuite des mises en scène en m’inspirant de ce que je voyais, et je les lui envoyais par messages pour qu’il les reproduise. Et oui, le titre de la série est effectivement lié à Booba. Je l’ai appelé Temps Mort pour ne pas faire directement référence à « La Lettre », mais c’est l’inspiration principale qui m’est venue en tête quand j’ai commencé à travailler sur cette série. Et puis il y a aussi la question du temps : en prison, le temps est suspendu. Il ne s’écoule pas de la même manière que quand tu es à l’extérieur. Ça correspondait parfaitement je trouve.

Urban Riders (2014)

En 2014, je découvre un livre de Marta Camarillo, une photographe du Bronx qui avait été commanditée par le New York Times pour faire un reportage sur des écuries dans un quartier noir de Philadelphie. J’ai alors découvert qu’il y avait, à travers cette série photo, des cow-boys noirs aux États-Unis, et j’ai eu envie de me rendre là-bas pour explorer le sujet. Je suis parti vivre pendant une année à Philadelphie, en me faisant héberger dans le quartier, pour réaliser des photos des écuries et des gens qui gravitent autour. Au début, on me regardait un peu bizarrement, les gens se demandaient ce que je foutais là, surtout que ce n’était pas un quartier simple, mais j’ai persévéré en m’adaptant. Tu as à peu près une trentaine d’étables, et ces chevaux sont tenus par différentes personnes de la communauté qui sont des riders, des propriétaires de chevaux ou des gens qui veulent faire des courses. Parmi tous ces chevaux, tu as aussi des poneys, et leurs propriétaires les laissent aux enfants pour qu’ils puissent aller se balader. Du coup tu as des gamins en ville qui partent à cheval dans un parc, Fairmount Park, et tout le monde va là-bas pour faire des tours de cheval, alors qu’on est dans un ghetto de Philadelphie. Sur cette photo, on peut voir Caleb, un jeune rider de la ville. C’était à l’époque où je venais d’arriver en ville, j’étais à vélo, et lui et ses potes m’ont proposé de les accompagner à North West Philly où ils allaient rider. Je les ai suivis et Caleb s’est retrouvé à cheval face à cet escalier. Il me dit alors que je devrais prendre une photo, et sans trop savoir ce qu’il va se passer je sors mon appareil. Caleb se met à monter l’escalier, et je shoot sans trop savoir ce que je fais sur le moment. C’est finalement devenu une des photos les plus fortes de mon année passée là-bas : avec ce gamin noir sur un cheval blanc, elle me rappelle les peintures de Napoléon à cheval. Urban Rider a vraiment été une étape importante pour moi, tant sur le plan photographique que humain. En restant là-bas plusieurs mois, j’ai fait des rencontres fortes — je garde encore contact avec des gens là-bas — et surtout ma perception des choses a évolué sur plein de sujets traités dans mes photos, comme l’Amérique, les origines, la ségrégation… Je voulais comprendre où j’étais et ça n’a pas été simple parfois. Mais c’était une vraie expérience.

Jul (2020)

Trax Magazine m’a contacté pour faire les photos de Jul pour la couverture de leur numéro de février, et j’aimais beaucoup l’idée. J’ai par le passé déjà travaillé sur une campagne pour Virgil Abloh dans laquelle je l’avais mis en scène avec tous ses potes, en m’inspirant de L’Atelier du Peintre de Gustave Courbet, et j’avais envie de garder cette idée avec Jul. On est descendu à Marseille en décembre dernier, et la photo s’est faite très rapidement. Il nous a accueillis à côté de son studio dans la ville et j’avais en tête de le faire poser avec ses potes pour le raconter à travers ses amis : on fait tous partie d’un groupe, d’un environnement, et Jul le retranscrit parfaitement dans sa musique, c’est la raison pour laquelle je ne voulais pas qu’il soit tout seul sur les photos. Il l’a très bien compris et a complètement joué le jeu, en demandant à tous ses potes de venir sur les photos. Sur ce cliché tu rentres d’abord dans l’image en regardant son pote devant, puis tu vois Jul en arrière, c’est une perspective intéressante, qui lui ressemble puisque c’est quelqu’un qui ne se met jamais trop en avant. En fait, je voulais le laisser être comme il avait envie d’être. J’aurais pu le faire, mais je ne lui ai par exemple pas demandé d’enlever sa chapka, parce que je voulais qu’il se sente à l’aise et que les photos soient vraiment naturelles. Ça donne au final une série de photos avec beaucoup de sourires, et c’était vraiment important pour moi d’essayer d’aller vers ça, pour ne pas avoir le côté vener’ des photos de rap. Ça représente pas mal la musique de Jul et d’autres rappeurs actuels d’ailleurs : on a quelque chose de plus festif dans le rap français aujourd’hui avec Jul, Heuss L’Enfoiré ou Gambi, et c’était intéressant d’avoir un rappeur qui sourit sur ses photos. Ce n’est pas quelque chose que l’on voit tout le temps.

Rien ne prédisposait Sals’a (de son vrai nom Alassane) à être une personnalité importante dans le monde du rap français. C’est à la force de son caractère et de fortuites rencontres qu’il a réussi à se frayer un chemin dans cette jungle musicale, lui l’enfant du Havre. Rencontre avec un homme qui a su se créer ses chances.

Ceux qui le pratiquent ou ont croisé son chemin le savent, Alassane Konaté n’a pas la langue dans sa poche. Le quadragénaire qui parait dix ans de moins parle avec assurance et une cadence impressionnante. Maniant les mots aux gestes, il peint devant les yeux de son interlocuteur une fresque presque aussi vivante que les récits qu’il se remémore.

L’homme a beau vivre constamment dans le mouvement, il prend quand même le temps de s’asseoir dans nos bureaux pour une réminiscence qui l’emmènera tour à tour dans son quartier de la ville portuaire normande, à New York, dans le sud de la France ou encore à Pigalle. Le tout sans perdre de vue son objectif avoué depuis le début : devenir la meilleure version de lui-même. Son téléphone vibrant toutes les deux minutes, il se décide à le confier à son assistant non sans un dernier regard vers l’appareil. Celui qui se catégorise comme un meneur d’hommes nous narre son histoire et à travers elle, celle de Din Records, des siens et de toute une génération d’entrepreneurs.

Photos : @samirlebabtou
Retranscription : Fabrice Vergez

Avant d’aborder le parcours de Salsa l’entrepreneur-meneur d’homme, j’aimerais qu’on revienne d’abord sur Alassane et son enfance.

Prénom : Alassane, nom de famille : Konaté. Aîné des garçons d’une famille de sept enfants, quatre filles et trois garçons. Mes parents sont originaires du Sénégal et moi je suis né au Havre. Qu’est-ce que je pourrais dire de plus ? Cursus scolaire banal… [Il réfléchit.] Non, pas si banal que ça, parce que j’avais redoublé mon CM1. Et je me rappelle que pour nous et nos parents, c’était une dinguerie de redoubler. D’autant que j’étais l’aîné, on m’avait éduqué pour montrer le chemin. Alors le fait d’avoir redoublé… Il y avait une telle déception de mon père que je voulais vraiment qu’il me crie dessus, qu’il m’engueule ou qu’il me frappe, mais il ne m’a rien dit du tout. Et ça, c’était pire !

Qu’est-ce qui se passe, culturellement parlant à cette époque ?

C’est la période où je découvre le Prince de Bel Air puis le Cosby Show. Donc les Noirs commencent à avoir la cote. On grandit, les hormones travaillent et on se détourne un petit peu de l’école. Puis vient le rap et l’identification avec les États-Unis. Les Noirs qu’on voit sont des renois stylés et c’était très important pour nous, on s’identifiait de ouf à eux – plus qu’à l’Afrique même. Tu vois quand Booba rappait : « Je me rappelle quand les négros n’étaient pas à la mode » [dans le morceau « Je me souviens », ndlr] ? Cette phrase-là, elle était tellement vraie !

« Je me rappelle qu’en cours d’histoire, quand ça parlait d’esclavage, on était gênés de ouf ! Les gens pensaient que chez nous c’était comme ça. »

Sals’a

C’était important ce phénomène d’identification à ceux qui cristallisaient une culture et ses codes, avec des références différentes ? Une fois que t’as éteint la télé, que t’as éteint le poste radio, Alassane l’adolescent, il lui reste quoi ?

La réalité. Le béton ! Après tu dis que c’était différent, mais pas tant que ça. Quand on voyait NWA, on s’identifiait de ouf – quand bien même la violence qu’on vivait n’était pas aussi exacerbée vu qu’on était encore jeunes et que toute la grosse délinquance n’était pas encore arrivée. Ils nous ressemblaient plus que ce qu’on voyait dans les bouquins. Je me rappelle qu’en cours d’histoire, quand ça parlait de l’esclavage, on était gênés de ouf ! Les gens pensaient que chez nous c’était comme ça, en fait. Quand il y avait des dons pour l’Ethiopie, ils pensaient que chez nous c’était l’Ethiopie !

Tu écoutais qui comme artiste à cette époque ?

Celui qui m’a fait kiffer le son, c’est MC Solaar. Mon père, aujourd’hui, il m’appelle encore MC Solaar. C’était un bon compromis : j’avais dit à mon père que je faisais du rap mais je ne pouvais pas lui montrer Joey Starr, c’était trop cru. Alors je montrais Solaar, ça passait mieux. Mon père aimait bien le son « Bouge de là ». Jusqu’au jour où il y a un pote qui me montre Ministère A.M.E.R. À l’époque, j’étais parti à Nice pour faire de la plonge pendant les vacances scolaires, j’avais 17 ans. Au début, c’était trop pour moi. C’était plus du bruit que de la musique à mes yeux. Pendant tout l’été, je me mange quand même le groupe avec des morceaux comme « Je cours plus vite que les balles », « Brigitte femme de flic »… Je me rend alors compte qu’il y a de la mélodie même dans le hardcore, et c’est là que j’accroche. Ca a été une claque !

Malgré ça, je ne pouvais pas trop être dans la revendication hardcore, parce que j’avais papa-maman à la maison. Même si j’habitais au quartier, mon père s’est toujours saigné pour nous pour qu’on ait les meilleures sapes. Il fonctionnait à la carotte et au bâton. Lorsqu’il considérait que ça allait bien, il nous mettait bien ; lorsque ça n’allait pas… Tu connais, à l’africaine. Mais toujours avec une bienveillance, avec amour, même quand il nous chicotait. Et moi, je ne pouvais pas trop revendiquer la rue, la galère, parce que je voyais mes potes qui étaient beaucoup plus en galère que moi. Même si on vivait dans les mêmes endroits, certains n’avaient pas de daron, c’était plus compliqué. Ils devaient voler pour avoir des paires de Nike. Moi je n’avais pas besoin de voler, j’avais juste à bien travailler à l’école. Mon père travaillait à l’usine Renault, de nuit. Il s’est privé pour tout miser sur ses enfants.

« Lorsque j’avais des interlocuteurs qui me disaient que c’était impossible, je pouvais me battre contre eux. »

Sals’a

À aucun moment tu t’es dit que pour vivre pleinement le truc il fallait que tu t’installes à Paris ou sa banlieue ?

Non. Pourquoi faire ? Quand je voyais mes cousins de Paris, ils n’étaient pas nécessairement mieux que moi, c’était la même galère. Je n’ai pas eu ce déclic-là, même si je me suis quand même rendu compte qu’il y avait des vraies infrastructures. Mais pour moi, je vivais déjà le truc. Pendant tout mon BEP, j’avais des notes incroyables. Et à côté de ça, je faisais du rap. C’était les années 95-96-97 : Expression Direkt, Rimeurs à Gages, Lunatic, L432…

Nous, on faisait du mimétisme. On écoutait ce que faisait Paris et on faisait la même chose. Que ce soit La Cliqua quand elle est arrivée avec Conçu pour durer ou Les Sages Poètes de la Rue. Je t’ai parlé aussi de la compil L432 où t’avais Lunatic et Time Bomb ! On n’avait pas du tout le côté : « Ouais, on veut développer un réseau hip-hop au Havre. » La vérité c’est que la Normandie, c’était pété ! C’était quoi ? Les vaches ? À côté, Paris c’était comme New York ! Nous on venait à Paris, on allait à Ticaret, on voyait les vinyles, on voyait des mecs qui rappaient, etc. On s’imprégnait de tout ça. On ne voulait surtout pas avoir une identité havraise. Au départ, non, surtout pas. On mimait ce qui se passait à Paris.

Et puis un jour, tu décides d’arrêter de rapper.

La transition s’est faite beaucoup plus lentement que ce que tu dis, mais je me suis vite rendu compte que j’étais plus un meneur d’hommes qu’un artiste. J’avais cette sensibilité artistique mais j’arrivais beaucoup plus à galvaniser quelqu’un en lui parlant qu’en rappant. Autour de moi, il y avait des gens comme Brav, comme Tiers Monde, comme Médine, comme Proof, qui étaient beaucoup plus talentueux que moi. Mon talent, c’était de les révéler, eux. En plus, j’étais un peu « l’ancien » : ils me respectaient parce que j’étais plus grand. Vu mon âge et parce que j’ai été éduqué en tant que l’aîné de la famille, j’avais le sens des responsabilités, et le sens des risques aussi. Par exemple, lorsque j’avais des interlocuteurs qui me disaient que c’était impossible, je pouvais me battre contre eux. Tu vois comment je suis là ? Dis-toi que j’ai 42 ans, alors imagine quand j’en avais 20… J’étais insupportable !

De façon schématique, on passe d’une lutte extériorisée avec Ness & Cité ton ancien groupe, à un combat plus interne avec le collectif La Boussole. Le bien et le mal avec vous au milieu, ou les prémices du label Din Records.

C’est une période où le Dîn arrive chez nous au Havre et plus généralement en France. On est dans un truc où on est, pour la plupart, de confession musulmane. Au même moment chez les américains il se passe la même chose avec la Nation of Islam, etc. On commence à revendiquer le Dîn qui n’était pas du tout mal vu avant, au contraire : c’était un cadre dans un cadre. Mes parents ont toujours été religieux, nous priions à la maison, nous faisions le Ramadan et les autres fêtes. Avec du recul, on a pris l’habitude de se dire qu’entre le bien et le mal, il y a Dîn. Et c’est ça qui va faire en sorte qu’on va réussir à ne pas tomber dans le mal. Ce concept nous a énormément structuré. C’est pour ça qu’on a décidé de s’appeler Din Records.

Donc effectivement, le nom La Boussole venait du fait qu’on priait cinq fois par jours en direction de La Mecque. S’appeler Din Records c’est avant tout se positionner comme garde-fou puisque la musique peut être un espace de débauche. Se cadrer ainsi nous a permis de ne pas tomber dans le piège tout en apprenant et en s’organisant autrement. On voulait simplement vivre de notre musique mais on s’est vite rendu compte que venant de province, on n’était pas pris au sérieux, les titres qu’on envoyait allaient dans les maisons de quartier mais pas dans les maisons de disque. On n’était ni de Paris ni de sa banlieue, et personne ne parlait de la province à cette époque. Il n’y avait pas encore internet, rien. Alors pourquoi les labels miseraient sur un groupe de province ? Nous on y croyait quand même alors on a décidé de se prendre en main. Avec le label Din Records on a été très matures au niveau de l’organisation. On ne savait pas, on ne connaissait pas mais on allait de l’avant. On était dans une démarche de professionnalisation pour avoir l’impression de faire parti du truc. Être professionnel, c’est juste être un passionné qui s’y croit de ouf et qui se prend au sérieux, toutes proportions gardées.

« Contrairement à beaucoup d’équipes, moi lorsque je sais où je veux aller, je sais trancher. Je ne laisse pas quelque chose pourrir. »

Sals’a

De là à faire de Din Records un label important, c’est impressionnant à quel point la vision d’un homme peut déplacer des montagnes. Tu as réussi à mettre ça en place tout seul ?

Je vais dire « on », parce qu’il y a eu des hommes clés. Si tu parles d’Alassane Konaté, j’ai une compétence et je m’en vante parce que c’est vrai : c’est ma capacité à m’entourer. Je n’ai pas de compétences techniques précises, mais je sais très bien m’entourer et je sais valoriser les gens qui sont autour de moi. C’est ça qui fait que je suis encore là aujourd’hui.

Tu te considères comme un leader ?

Exactement ! Le leadership je l’ai, j’ai été élevé comme ça. Dire que je ne suis pas un leader, ça serait un mensonge. Je suis un leader naturel. À l’époque, je faisais parti du groupe KORUSS. Aux répétitions, il y avait des mecs plus âgés que moi, mes grands quoi. Mais s’ils ne venaient pas en répèt’, je les virais ! Barrez-vous de là ! Alors qu’aucun de nous n’avait décidé que j’étais le chef. J’ouvrais ma grande gueule et c’était naturel.

Pour en revenir au groupe, je ne m’y retrouvais plus, c’était devenu trop cheap et ça avançait pas. En bref : on n’était pas sur la même longueur d’onde. Contrairement à beaucoup d’équipes, moi lorsque je sais où je veux aller, je sais trancher. Je ne laisse pas quelque chose pourrir. Je voyais beaucoup de groupes qui étaient peut-être beaucoup plus talentueux que nous, mais qui n’avaient pas de leader, donc ça a crée des scissions.

Ça se traduit comment dans les actes, être un leader ?

L’une des premières choses qui a été importante, et où je me suis rendu compte que je prenais un risque,  c’est avec cette histoire de sampler. Proof faisait des prods mais il n’en avait pas, il avait juste une boîte à rythmes comme unique matos. On entendait des samplers partout, les Parisiens dédicaçaient le S-1000 [le Akai S-1000, sorti en 1988, était l’un des premiers samplers 16 bits à arriver sur le marché, ndlr]. On ne savait même pas ce que c’était, mais il nous en fallait un. On n’avait pas de thunes, on avait 16 ou 17 ans, on n’était pas sur le rain-té, on n’avait rien. À la même période, j’obtiens mon bac, donc je suis au max vis-à-vis de mon père, il est fier de moi. Il me disait : « Si tu veux continuer la musique, il faut avoir le bac. » Je l’ai eu. À partir de là, je vais m’inscrire à la fac et je tombe sur un fascicule de mutuelle pour étudiants qui dit qu’en s’inscrivant à la Société Générale, tu peux faire un prêt différé jusqu’à 15 000 francs. Je commence à me renseigner et on me dit qu’il faut un garant, donc il faut que je demande à mon père qui ne comprend rien à ce genre de charabia ! Donc je vais le voir en lui expliquant la situation, et il me répond « Oui » en me disant qu’il a confiance en moi. De notre côté, on avait plein de baskets, plein de disques. J’avais un téléphone Ericsson à clapet que j’ai revendu pour 1200 Francs. Proof, il avait plein de disques de rap FR et US et il revend tout ! Il avait des sapes FUBU, Pelle Pelle, il revend tout ! On arrive à se faire 20 000 Francs. Et avec ça, direction Paris !

Ce jour-là, IAM était à Caen, ils faisaient le concert de L’école du micro d’argent. Nous, on a dit : « Non, on va à Paris, chez Star’s Music, vers Pigalle, on achète un sampler, un expander, plus un Atari, et on met tout ça dans la chambre de Proof. » À ce moment-là, on sait que quelque chose se passe. Mon entourage me disait : « Alassane, t’es fou d’avoir fait ça ! » Mais j’étais tellement déterminé. Au bout de trois ans, j’ai fait un chèque de 15 000 francs pour régler le truc, en deux secondes. Et c’est vraiment là que ça a commencé, je me suis dit que si je n’avais pas impulsé ça, personne ne l’aurait fait.

Flash forward : Din Records devient un label incontournable, et l’un de ses artistes, Médine cristallise l’esprit du label. Le climat social étant ce qu’il est, il devient rapidement le bouc émissaire d’une frange de la population. À ce propos, j’aimerais qu’on se concentre un peu sur un fait qui a défrayé la chronique pendant un petit moment, je parle de la période qui succède aux attentats du 13 novembre 2017.

C’est bien que tu me poses cette question-là, par rapport au Bataclan. Il s’avère que ce titre, « Bataclan », c’est moi qui l’ai soufflé à Médine. Lorsque je rappais, dans les années 99 avec le collectif La Boussole, on faisait un posse cut dans lequel je faisais le refrain. Je rappais : « Mon but, c’est le Bataclan/Pas de voir des clans se battre et des cons se botter le cul pour des sales histoires qui valent pas le coup ». Lorsqu’on a entendu ce qui s’était passé, on a dit à Médine que c’était le moment de faire notre déclaration d’amour au Bataclan. En plus, on savait très bien que c’était faire un pied de nez. On lui a dit : « Écris une chanson où tu fais la déclaration d’amour qu’on a faite il y a vingt ans et écris-le comme tu sais écrire, comme t’écrirais un ‘Lecture Aléatoire’. » Médine, ça le touche de ouf. Et il l’écrit. Quand tu écoutes le titre, c’est des frissons. Et tout ce qu’il dit, c’est vrai. Le titre sort au mois de février, on fait un beau clip avec un concept et on arrive à tourner au Bataclan. On a demandé, le Bataclan a écouté le titre et lu les textes, et ils acceptent. Mieux, ils kiffent de ouf et ne voient aucun problème. Dans le clip, on annonce la date du Bataclan qu’on va faire au mois de septembre. Première date complète, on décide d’en faire une deuxième, qui est également complète. Juste avant la polémique, on décide de faire une réunion avec l’équipe de Yuma [Tourneur de Médine, ndlr] et on se dit : « Ça serait bien qu’on fasse un troisième Bataclan. On va le péter, on va réussir à le faire ! » Et trois jours après, la polémique arrive. Avec un gars de mon équipe, on dit à Médine : « Il ne faut surtout pas que tu répondes. C’est l’émotion, c’est le Bataclan, il y a les familles, donc ta réponse va être inaudible. Ne cherche pas à te défendre, à expliquer. Laisse passer, ton message est clair. »

Le Rassemblement National, aujourd’hui, il a du power ! La polémique a commencé sur Twitter, et ça n’arrête pas, ça prend de l’ampleur. Côté Médine, silence radio. Il fait juste un communiqué de presse. On se dit que ce n’est qu’une polémique, que ça va passer. Il va y avoir la Coupe du Monde, les gens vont passer à autre chose. Effectivement, l’été arrive et en plus on gagne donc tout se passe bien. À la rentrée, re-pression. Mais ce sont toujours des extrémistes qui manipulent certaines familles de victimes. Les associations des victimes étaient d’accord, c’est juste une famille qui fout la merde et qu’on entend énormément. On se dit que notre public va arriver en mode guerre, le RN commence à fomenter des cars pour aller manifester… Mauvais mood ! On ne fait pas des concerts pour que les gens aillent s’embrouiller, même si c’est symbolique — parce qu’il y a une symbolique derrière : la liberté d’expression. Médine, aujourd’hui est là pour fédérer. En plus, il y a l’émotion, il y a eu des morts et là des gens se font manipuler. C’est l’incompréhension totale, il y a même des familles qui sont avec Médine, mais qui ne savent plus quoi faire, parce qu’on leur parle de leurs enfants qui sont morts là bas. Trop hardcore.

« Nous, ce qu’on ne veut surtout pas, c’est se faire annuler le concert. On préfère annuler nous-mêmes, et aller au Zénith. »

Sals’a

À quel moment vous décidez de prendre de la hauteur et de ne pas avoir une « victoire à la Pyrrhus » ?

Dans l’équipe du Bataclan, les personnes en charge de l’organisation polémiquent entre elles : certains ne veulent surtout pas que Médine annule, d’autres disent que ce serait mieux. Nous, ce qu’on ne veut surtout pas, c’est se faire annuler le concert. On préfère annuler nous-mêmes, et aller au Zénith. Là, heureusement que l’équipe de Yuma nous suit et nous connait. On est touchés quand mêmes… On se dit que c’est une réelle injustice, que Médine ne puisse pas jouer au Bataclan. S’il y en a un qui doit jouer là-bas, c’est bien lui. Deux ans avant, son nom est sur une liste de gens à abattre publiée par Daesh. Et là, on vient faire croire aux gens que c’est un terroriste ! On sort les choses de leur contexte : il avait sorti un album qui s’appelait Jihad, le plus grand combat est contre soi-même il y a de ça dix ans, mais il n’aurait jamais sorti ça dans le contexte actuel. Quand il l’a fait, c’était pour un public averti et ceux qui l’écoutent savent pourquoi il le fait. On était en avance sur les questions sociales et raciales qui se posent aujourd’hui ! Médine a sorti un album qui s’appelait 11 septembre, il prévenait de tout ça et il disait de faire attention à ce qui se passe actuellement.

Faire ces projets-là, c’était de la prévention, on faisait du déminage. Médine a été beaucoup touché – et Médine, c’est un groupe ; il y a Proof, moi et d’autres personnes aussi, comme Julien Thollard ou Florian Lecerf. On est la psychologie du truc, il faut qu’on prenne du recul. On se sent personnellement attaqués. On se dit : « Vous êtes des oufs, vous ! Vous tuez le démineur en le prenant pour un poseur de bombes ». Médine prend du recul, et nous avec lui. On se dit que ça risque de faire jurisprudence dans dix ou quinze ans, lorsqu’on va se rappeler qu’un artiste comme Médine s’est fait refuser le Bataclan alors qu’il faisait une chanson d’amour pour cette salle, juste parce que c’était un barbu. Il le dit : « Ce que je suis est tellement fort qu’on en oublie ce que je dis ».

L’artiste fait le trait d’union entre la société et le mal qui la parcourt et fonctionne comme un caisson de résonance. À chaque période, son bouc émissaire et les mêmes schémas pour cibler puis discréditer. Ce sont de faux problèmes qu’on colle sur des faits culturels et sociaux puis qu’on érige comme une vérité. Maintenant que la loi a disposé que ces personnes sont dans leur droit, ils invoquent la tradition française. Je me surprends à réécouter des artistes comme NAP, ou même Booba, qui disaient des trucs hyper réels et actuels. Si on musèle les artistes, qu’advient-il de la liberté d’expression et même de la liberté tout court ?

Mais surtout : Médine fait la sale besogne ! Et tu veux buter ce mec-là ? C’est ce qui fait l’ADN artistique de Médine, dans sa musicalité, dans ses choix. Il le dit : « Je me suis suicidé cinquante fois ». C’est ça qui définit Médine aujourd’hui, et c’est ce qui fait son influence sur le moyen et le long terme.  Il y a un titre de lui, « 17 octobre 1961 », qui est rentré dans les manuels scolaires. Ça, ça vaut des disques d’or ! Et en plus, le marché de la musique revient. On a de l’expérience, de la maturité, du recul. Quand tu passes par tout ça, tu prends du recul sur les choses. Le meilleur reste à venir, et pourquoi ? Parce qu’on vient du Havre. Tu réécoutes l’album Jihad aujourd’hui, tu comprends qu’il était dans l’avant-garde. Il fallait qu’on choque avec l’image ! On vient du Havre, on vient de province, on va pas nous calculer. Médine avait cette image là, elle a certes choqué. Mais, lorsque tu veux aller plus loin, ça ne choque que les autres. Toi, dans ton quotidien, tu vois toujours ça. Si tu prenais chaque barbu que tu vois pour un terroriste, on serait dans la merde ! Aujourd’hui, Médine a un rôle indispensable au-delà de sa musique, dans la personne qu’il incarne. Il fait chier tout le monde ! Il fait chier les extrêmes. Pourquoi ? Parce qu’il a une remise en question. Il veut être sincère avec lui-même. Ce n’est pas un produit, Médine. Il prend réellement des risques, sur plein de choses. Il va faire tout ce qui te fait chier. T’aimes pas ça ? Il va le faire !

Je ne sais pas si t’es au courant, mais t’es un des mecs qui revient souvent quand je parle aux gens du milieu de la musique. Comme Keyser Söze, on parle de toi, mais on ne te voit pas. À chaque fois, on me parle de Sals’a. C’est une posture pour mieux mettre la lumière sur tes artistes ou ça te permet aussi de mieux observer les choses, de mieux calculer tes prochains moves ?

Tu ne peux pas observer lorsque tu parles. Quand vous êtes trois, tu vas toujours avoir un poto qui vient et qui parle beaucoup et un autre qui va observer puis te faire des retours sur ce qui s’est dit. Après, l’ombre… Tu sais, moi j’aime la lumière ! Avant la musique, j’étais danseur alors dire que je n’aime pas la lumière, ça serait mentir. Ton interview, c’est super flatteur pour moi, je suis super content. Mais pas trop de lumière quand même. La lumière, c’est ce que tu vas faire. Aujourd’hui, on est dans un autre système, j’ai 42 ans, donc j’ai passé l’âge du mec de 35 ans qui dit « Non mais Instagram et les réseaux sociaux, c’est important ». J’ai dépassé ça. Je suis à un âge où je cherche à comprendre et j’accepte les choses. Je ne veux pas être réac. Je le dis tout le temps, c’est une de mes phases : j’ai l’âge de chercher à comprendre et non pas d’aimer ou pas. Je n’ai plus vingt ans. Et souvent, le problème qu’il y a, ce sont ceux qui font du jeunisme, qui croient qu’ils ont vingt ans et qui commencent à critiquer le rap d’aujourd’hui. Mec, t’es vieux, tu vas mourir, et c’est pour ça que t’es énervé ! Tu commences à jouer le rôle de tous ceux qui nous ont cassé les couilles, qui disaient que le rap, ça ne devrait pas exister, ça ne devrait même pas être à la SACEM. T’es en train de faire la même chose ! Donc tu peux avoir ton point de vue, mais tu n’es plus dans le coup. Et moi, je suis plus dans la démarche de chercher à comprendre, d’aller voir quelqu’un en lui disant : « Je ne suis pas dans le coup, fais moi comprendre. »

C’est un vrai travail sur soi-meme, mine de rien. Peu de gens sont capables de réfléchir comme ça.

Il y a eu beaucoup de remises en question, je n’ai pas toujours eu cet état d’esprit. Quand j’étais plus jeune, j’étais beaucoup plus offensif. J’ai un garçon de quinze ans, une fille de douze ans, j’ai traversé des étapes pour pouvoir aujourd’hui te parler comme ça. Le pouvoir, c’est de diffuser l’information. Tu retiens beaucoup plus une personne qui t’as dit quelque chose qui a changé ta vie. Inspirer, c’est ce que je cherche. Plus même que de payer. Notre discussion qu’on a eue là, quand tu vas rentrer chez toi, c’est comme si je t’avais donné cent euros d’information. Ça va générer beaucoup plus que de l’argent, ça va générer un état d’esprit. Je cherche à inspirer et à être inspiré. Tu me parles de Kenzy : moi, je suis fan de Kenzy ! L’autre jour, je suis allé le voir et je l’ai regardé avec les yeux d’un gosse. C’est trop important ce qu’il a suscité en moi, la symbolique qu’il a donné. La transmission, révéler les gens ! Quand tu révèles les gens, ils te seront reconnaissants tout le temps. Et puis au final, ce n’est même pas une question de chercher la reconnaissance.

Je ne sors pas d’une haute école, pas du tout. J’ai fait l’école de la vie. Tu vois quelqu’un faire quelque chose, tu lui dis : « Je te conseille de faire ça. ». Aujourd’hui on fait payer aux jeunes esprits le partage d’expérience. Mais non ! Donne lui ça ! Laisse le s’envoler, ça va être le meilleur des trucs. Celui qui a le pouvoir, c’est celui qui diffuse. Et si jamais il n’est pas reconnaissant, il le sera envers quelqu’un d’autre. Réellement, pour moi, l’un des maux qu’on a aujourd’hui, c’est le manque de considération. Lorsque tu vas voir quelqu’un et que tu lui dis : « Tu sais que ça tue ce que tu fais ? Et tu sais qu’avec ça, tu peux faire d’autres choses ? » Moi, ça a changé ma vie ! Après, peut-être qu’on dira que je suis un bisounours ou quoi. Mais je ne pense pas être un bisounours, je suis pragmatique.

« Fais du bon son, envoie du love, c’est la meilleure géopolitique du monde. Pousse les gens et tu vas voir. Fais des gros morceaux, remets toi en question. »

Sals’a

Il y a une sorte de Game of Thrones dans le rap français en ce moment. Les gens ne se rendent pas forcément compte des alliances de certains artistes, des pics et des pactes de non-agression. C’est hyper politique en fait et j’ai l’impression que vous, vous êtes un peu la Suisse.

Non, pas la Suisse ! Les gens voudraient qu’on soit la Suisse mais attention : on ne va pas se laisser faire. On est la Suisse, mais on n’est pas gentils. À un moment, pourquoi tu veux qu’on rentre dans des bagarres alors qu’on a toujours prôné la même chose ? Celui qui veut qu’on prenne ses patins pour quoi que ce soit, on lui dit : « Mais t’es un ouf ou quoi ? » On est arrivés à pied du Havre, tout seuls ! Il n’y a personne qui nous a monté, et les gens ne comptaient pas sur nous. Donc aujourd’hui, pourquoi tu veux qu’on rentre dans des jeux politiques qui nous arrangent même pas ? En plus, ça, c’est toujours une vision à court terme. Fais du bon son, envoie du love, c’est la meilleure géopolitique du monde. Pousse les gens et tu vas voir. Fais des gros morceaux, remets toi en question. Et puis impulse, et tu vas voir. Pour nous, c’est la meilleure géopolitique.

Après, il y a des affinités ici et là, c’est vrai. On ne va pas dire qu’on aime tout le monde. Mais nous on fait du rap, on n’est pas là pour chercher la merde, c’est que du rap. Il y a beaucoup de gens qui sont venus nous clasher, des artistes ou autre. À un moment, Médine voulait répondre, nous on lui demandait si ça valait le coup. Et finalement, ça s’est tassé tout seul, la personne est revenue et nous a dit : « Finalement, j’aurais pas dû. » Pourquoi ? Parce qu’à un moment, il ne faut pas être con. Aujourd’hui il a 35 ans, plus 24. Il a grandi aussi, les gens ne comprennent pas qu’il a commencé à 15 ou 17 ans. Aujourd’hui, il en a 35, il a des enfants, avec sa posture, avec tout ce qu’il a vécu, les polémiques… Parce quand t’es attaqué de partout, tu te remets en question, tu te dis : « C’est vrai que je dois bien faire chier les gens, quand même. » Médine, c’est un artiste sulfureux, comme Booba. Ce sont des artistes qui font chier, des Despo Rutti.

Tu disais tout à l’heure que certains artistes sont aigris et vivent dans le passé. Mais chez vous, il y a vraiment une question de développement et d’évolution. Comment vous voyez votre label ? Comment vous voyez l’évolution de Din Records, artistiquement ? Est-ce que vous prospectez pour trouver des profils qui vous intéressent ?

L’évolution, on la prépare depuis très longtemps. Moi, j’habite à Paris la semaine et le week-end, je rentre chez moi au Havre. Là, un studio a ouvert à Bastille ; il s’appelle Studio Grand Paris. Là le marché est clairement en faveur de l’urbain, donc on en profite pour récolter. On a de l’expertise, on a de l’authenticité et on a de l’adaptabilité – on sait se remettre en question et on sait nager dans le contexte où on vit. Le plus important, c’est de durer le plus longtemps possible en restant passionnés.

Din Records, c’est un label historique. Dans le B2B, chez le public, les gens connaissent le nom : groupe carré, qui vient du Havre et qui est sérieux. Aujourd’hui, il y a des artistes phares. Il y a Médine. Il y a Proof, le beatmaker et l’architecte sonore, c’est l’artiste le plus important même, il a presque tout fait, c’est lui qui a réalisé les albums. Il y a Tiers Monde et Brav. Mais aujourd’hui, un nouveau label est en train de se créer. Je cherche à développer de nouveaux artistes, avec de nouveaux horizons, avec une éthique très différente de l’éthique Din Records. Même nous, on a évolué sur beaucoup de choses entre l’éthique Din Records d’il y a quinze ans et aujourd’hui. Din Records va rester officieusement, mais officiellement je ne communique plus sous ce nom là, c’est les gens qui m’appellent comme ça. Ça fait partie de mon histoire, c’est important pour moi.

Comment te projettes-tu ?

Aujourd’hui, je me projette à court et moyen terme, avec le studio d’enregistrement pour pouvoir développer de nouveaux artistes et pour créer un nouveau label. Mais j’attends avant de le créer, parce que pour avoir un nouveau label, il faut les nouveaux artistes qui vont avec. Ça ne sert à rien d’annoncer un nouveau nom si après tu continues à chercher de nouveaux artistes. Donc là, clairement, depuis deux ou trois ans, on prépare la venue à Paris. Au niveau de nos compétences, de notre remise en question, moi je m’entoure de gens très jeunes. Pourquoi ? Parce que je cherche à comprendre. Ce que je dis aux gens qui sont avec moi, que ce soit Chavez ou Fabien par exemple, c’est que si tu ne m’apprends pas 75% de choses quand tu parles avec moi, tu ne me sers à rien ! Il faut que tu m’apprennes beaucoup plus de choses que ce que moi je t’apprends. Et ça marche très bien.

Ma façon de leader, c’est « fais ce que t’as à faire ». Je suis le plus feignant du monde, je ne suis pas flic. J’exhorte les gens à avoir beaucoup d’autonomie et c’est pour ça qu’après, ils sont super formés, parce qu’il y a tellement de choses à faire qu’ils ont 10000 casquettes. Et après, ils deviennent des Rémy Corduant [Tour manager de Din Records, ndlr], qui a travaillé pendant dix ans avec moi sur les tournées et qui est aujourd’hui numéro 2 de Yuma. Ou Julien Thollard, qui a commencé avec moi quand je sortais de l’école qui ne connaissait rien du tout à la musique à part la passion et qui aujourd’hui fait des choses énormes aux éditions chez Universal. Ou Florian Lecerf qui est venu chez moi pendant 2-3 ans et qui aujourd’hui à une boîte de management, 135 Media, et qui fait des choses incroyables, notamment chez Booska-P, mais aussi dans le développement des artistes. Des exemples comme ça, je peux t’en donner plein ! Je sais que je suis un révélateur de talents ; aujourd’hui, ce que je veux, c’est récolter le fruit des années où j’ai planté des choses. Tout ce que j’ai semé, tout l’amour, la bienveillance, les compétences, les remises en question, le temps… Aujourd’hui, je vais les récolter.

Par exemple, on signe de nouveaux artistes et on essaie de les développer. Pourquoi on arrive sur Paris ? Parce que j’avais tendance à signer uniquement des gens de chez moi, et aujourd’hui je veux amener les choses beaucoup de manière plus large. Et surtout, Proof est un homme-clé aujourd’hui. Les gens le connaissent peu ou pas ; on parle beaucoup de moi, on parle de Proof à travers le beatmaking, mais c’est lui qui réalise les albums. En l’espace d’un mois, il te fait un album complet, de n’importe quel artiste. Aujourd’hui, nous allons à Paris, nous venons aux gens. Les gens nous aiment, mais de là à aller jusqu’au Havre par amour de Sals’a ou de Din Records ? Aujourd’hui ce qu’on veut, c’est l’éthique Din Records, mais Alassane Konaté ne veut pas vivre sa vie uniquement à travers Din Records. Il y a des gens qui m’appellent encore Sals’a de Ness & Cité ! Ça fait partie de mon histoire, mais je veux faire de nouvelles choses, toujours avec le même état d’esprit, mais à quarante ans.

« Comme disait Akhenaton, avant le rap était en marge de la société, maintenant le rap est à l’image de la société. Donc t’as tout ! T’as du rap bio, t’as du rap pouce vert… »

Sals’a

Où vois-tu ce nouveau label dans dix ans ?

Plusieurs hypothèses. Je vois un gros label indépendant, avec énormément de filières. Il y a beaucoup de styles de rap aujourd’hui, donc des DA et des chefs de projet plus au fait de ce genre de rap. Comme disait Akhenaton, avant le rap était en marge de la société, maintenant le rap est à l’image de la société. Donc t’as tout ! T’as du rap bio, t’as du rap pouce vert…. Dans dix ans, je me vois encore à Paris, avec ce label. Très certainement un partenariat avec une major, mais pas obligatoirement. Toujours avec une liberté de faire, mais je veux avoir la puissance financière pour atteindre les objectifs que j’ai sans pour autant avoir de comptes à rendre.

Aujourd’hui, les majors ont très bien compris que travailler avec des indépendants et les laisser faire, c’est la meilleure choses à faire. Je ne suis pas dans une guerre entre indépendants et majors. Je pense qu’aujourd’hui, l’indépendance est différente d’avant. Regarde un artiste comme Jul, il est arrivé, il a mis ses trucs sur YouTube et il a tout pété. On demande beaucoup plus de choses aux artistes. Avant, on leur demandait juste d’écrire des textes, ; peut-être que maintenant on ne leur demandera même plus ça. Rien que dans le rap ça a beaucoup changé : on leur demande d’avoir une personnalité, un personnage, de raconter une histoire, de valoriser quelque chose, une singularité. Dans dix ans, je me vois dans l’entertainment, même au delà de la musique. Mais c’est vrai que mon ADN, c’est la musique et le fait d’inspirer.

Comment Alassane se voit dans dix ans, au-delà du label ? En train d’inspirer et de transmettre, que ce soit sur du développement d’artiste ou sur de l’entreprenariat. C’est très important pour moi. Aujourd’hui, avec toute l’expérience que j’ai vécue, j’ai des très bonnes notions entrepreneuriales, ça vaut une grosse école de commerce – par contre, je me suis planté plein de fois. C’est important de transmettre ça, d’ailleurs : se planter pour apprendre des choses. Aujourd’hui, quand on va me parler d’un bilan ou de comment faire pour gérer une boîte dans la musique ou n’importe quoi d’autre, j’ai une expertise. Pourquoi ? Parce que je me suis pété les dents plusieurs fois. Je le dis avec le sourire, et avec des grandes dents blanches.

À différentes périodes de l’histoire du rap, il y a de grandes personnalités qui l’ont fait avancer. Depuis le début, des gens ont été très intelligents – aux États Unis, il y a eu des Damon Dash, des Puff Daddy, des Jay Z… Des mecs à la tête de labels indépendants et qui à un moment se disent qu’ils ont plus à faire gagner au mouvement rap en étant à un poste clé dans une major qu’en restant à se battre contre des moulins à vent en indépendant.

Tu penses que beaucoup de personnes clés en indé auraient dû aller en major ?

« Aujourd’hui, le renoi est stylé, pareil pour « l »urbain ». À partir de là, le champ des possibles est ouvert. »

Sals’a

Pas forcément beaucoup, mais certains avaient le bagage et le talent nécessaire, mais aussi le bagout, les contacts, l’intelligence et surtout la pertinence – pas la légitimité, la pertinence – pour être en maison de disques et faire avancer ce mouvement à un autre niveau, comme les Américains ont pu le faire. Roc-A-Fella, Puff Daddy, il y a plein d’autres exemples. Je pense à des gars comme toi, comme Kenzy ou comme Jean-Pierre Seck. Pourquoi il n’y en a pas un qui s’est dit : « Je vais aller en maison de disque, et je vais faire avancer le truc. »

Déjà, il faut rappeler la différence entre les Etats-Unis et la France. Aux Etats-Unis, il y a une culture noire américaine. À travers le hip-hop mais aussi la Blaxploitation, plein de choses se sont passées. T’as Spike Lee, Oprah Winfrey, etc. 1 : c’est un marché beaucoup plus gros. 2 : le rap aux Etats-Unis, c’est la soul, le jazz, le blues, c’est Aretha Franklin, c’est James Brown, et tu peux aller encore beaucoup plus loin. En France, il y a une première génération, issue d’Afrique essentiellement, qui se met à faire du rap. Mais t’as la chanson française qui est forte, qui est là. Aux Etats-Unis, dans les années 60-70, il y avait déjà des labels qui existaient. Quand tu me parles d’un Roc-A-Fella, c’est comme si tu me parlais de moi dans trente ans. Et ensuite, il y a le marché. En France, la population qui écoute du rap n’est pas du tout la même ; par rapport aux Etats-Unis, c’est un micro-marché. C’est devenu beaucoup plus gros maintenant. Quand tu entends des chansons de Niska un peu partout, chez les 6-15 ans, un peu partout, rappelle-toi que c’était déjà comme ça aux États-Unis il y a plus de 10 ans. Tu avais des vieux qui écoutaient « In da Club » de 50 Cent.

En France, tout se passe aujourd’hui. Pourquoi ? À cause du marché. Parce que la réalité c’est qu’à un moment, c’était la crise du disque. Secteur Ä, lorsqu’ils sont arrivés, c’était la fin des belles années. Pendant longtemps, il y a eu la crise du disque. Ça a commencé en 2004-2005, et c’est reparti en 2013 ou 2014, grâce à la monétisation de YouTube. Là, ça va monter jusqu’en 2030 ou 2040, au moins. Donc quand tu dis ça, c’est que la temporalité n’est pas la même. Quand nous on va parler de Zyed et Bouna décédés en 2005, eux parleront des émeutes de Watts [du 11 au 17 août 1965, ndlr]. Maintenant, tu me dis pourquoi moi ? Aujourd’hui, j’ai quarante ans, je fais le mouvement sur Paris. Si j’ai une opportunité, je la prends. Plein de gens sont là depuis longtemps, Azzedine Fall [ex-rédacteur en chef musique des inRocks, ndlr] est à Barclay aujourd’hui… Ca commence de plus en plus, et ça va arriver ! Dans dix ans, tu vas voir. Il y a plein de choses qui se passent, Tefa a fait une joint venture avec Monarchy et ce mec a fait des choses incroyables. On s’en rend pas compte, mais il a bossé Sinik, Kery James, Diam’s, 2 Bal 2 Neg, Fianso, Fatal Bazooka, etc. C’est un exemple pour moi, comme Berry Gordy qui a fait la Motown et qui disait : « Maintenant, je veux faire de la musique pour les Blancs. » On n’a pas la même histoire, et le temps est long. Il est très long pour nous, peut-être même que ce sera mon fils qui reprendra le flambeau. Aujourd’hui, le renoi est stylé, pareil pour « l’urbain ». Il suffit juste d’allumer la télé pour s’en rendre compte ! À partir de là, le champ des possibles est ouvert.

Heureusement qu’il y a des Kenzy pour créer des mecs comme moi, qui vont créer des mecs comme d’autres. C’est de la transmission. Tout ce que je sais, c’est que ce n’est que le début. Patiente, ton diamant arrive. Regarde ce qui se passe ! Pourquoi aujourd’hui, à 42 ans, j’ai envie de dire « Ça y est, j’ai 20 ans, je vais refaire du rap » ? Parce que c’est incroyable ce qui se passe ! Regarde les collaborations avec les marques. On aurait jamais cru que ça arriverait. Ça veut dire qu’aujourd’hui, le rapport de force est clairement en notre faveur. Booba, c’est une influence, Booska-P aussi… Tout va bien ! Il y a des moments, c’est plus long. Et comme on est connectés aux Etats-Unis, on est frustrés parce que ça met du temps. Mais je pourrais te dire qu’avant les Damon Dash, les Jay-Z ou les Puff Daddy, plein de gars ont essayé de faire des choses sans aller aussi loin. Pourquoi ? Parce que marché n’était pas aussi favorable. Mais ils ont quand même fait avancer le mouvement, c’était une petite marche qui a mené à une autre petite marche.

Je vais quand même te challenger : je pense à Pauline Duarte, qui jusqu’à très récemment a été la responsable chez Def Jam France.

Lourd ! Une meuf renoi qui y arrive, rends-toi compte !

J’entends ton discours selon lequel ça va arriver, mais j’ai un problème quand je vois les Victoires de la Musique, je ne nous reconnais pas. Je ne reconnais pas notre culture, notre rap, notre art, je ne reconnais rien. Il y a une sorte de schizophrénie qui fait que ceux qui font notre culture ne sont pas visibles et nourrissent une rancune envers des décideurs parfois plus attachés à une image qu’ils veulent véhiculer de cette même culture. Ce qui pourrait convenir à la ménagère de 50 ans et à son fils à qui elle ira acheter le projet de Bigflo & Oli, par exemple.

Si on est là, c’est grâce au marché, grâce à Sexion D’Assaut. S’il n’y avait pas de marché, on ne serait pas là. Mais aujourd’hui, on a quand même une certaine force. Il y a des gens qui veulent organiser des Awards aujourd’hui, des équipes de médias qui se disent : « Venez, on se met ensemble pour organiser des bails. » Tu sais de quoi je parle ? Donc tout va bien. T’as cette frustration là mais aujourd’hui, t’as les armes pour le faire, alors qu’on les avait moins avant. On est tous smart maintenant, on vient du hood mais on a compris comment ça se passe, on est plus au premier degré, on sait calmer le jeu, on a un petit peu d’influence. Tout va bien. Et ça va venir naturellement ; un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais.

Est-ce que je peux te souhaiter d’être à la tête de quelque chose d’encore plus grand dans quinze ans, ou est-ce que je dois te souhaiter que ton fils soit à la tête de ce truc là ?

J’ai la chance de vivre mes 20 ans vingt ans après – quand je dis ça, je me challenge. Mon fils a 15 ans, je ne sais même pas s’il va faire de la musique. Je suis tellement dans la musique que lui veut faire autre chose, il est dans d’autres bails. Il est plus sur l’Asie, les mangas tout ça. De mon côté, je suis plus ambitieux que jamais. Je l’ai moins été pendant une période, j’étais plus dans la gestion d’un modèle, pour qu’on puisse survivre de la musique avec les gens avec qui j’avais commencé, que ce soit Médine, Brav ou Tiers. Maintenant, ce qu’on veut, c’est bien en vivre. Et pourquoi on le mérite ? Parce qu’on va aller le chercher. Tu peux me souhaiter de piloter du grand. Oui, je suis ambitieux et c’est ce que je souhaite. Plus je serai ambitieux, plus j’inspirerai de l’ambition, et toujours avec des valeurs.

J’ai regardé ONPC récemment – je ne regarde pas souvent – et il y avait une meuf en plateau qui s’appelait Céline Alvarez. Elle a créé un truc, pas comme la méthode Montessori – parce qu’elle ne veut pas qu’on parle de « méthode » -, mais c’est un peu ça. J’ai kiffé ce qu’elle disait ! Il faut apprendre les choses primordiales et universelles aux gens : la persévérance, la concentration… Fais ce que t’as envie de faire, vas au bout, ça va être dur. Et développe ta singularité à toi. Mais c’est quoi ma singularité ? Bah tu vas prendre du temps pour la rechercher, et pour ça tu vas souffrir. Le mot « travail », ça vient du mot « torture », donc dès que tu parles de travail, ça envoie des signaux négatifs. Mais en vrai, moi j’aurais payé pour faire ce que je fais ! Pour faire un concert en première partie, je croyais qu’il fallait que je paye. Je me suis rendu compte que c’était le contraire ! Donc tout va bien, on est dans notre passion.

Après, il y a toujours une zone de souffrance dans ce que tu fais. Même quand tu fais du sport, même quand tu fais de la bouffe… Ça fait partie du jeu, le passage des frustrations. Mais quand tu me dis que t’as trente ans, je te jalouse ! Qu’est-ce que je voudrais avoir ton âge, avec ta gamberge aujourd’hui. Bande d’enfoirés ! Et les jeunes me disent « Ouais, mais vous avez rien fait pour les générations futures ! » ? Alors qu’eux, ils sont trop bien ! Et s’ils ne font rien, je serais sur leur dos. Parce que nous, quand on écoutait du rap, c’était marginal. Aujourd’hui, Ideal J, c’est hype – limite bobo maintenant. Et Regarde le Banlieusards de Kery : 2 800 000 entrées en une semaine ! C’est magnifique. Il y a les lacunes du premier film, certes , mais j’ai eu le petit frisson. Je me suis dit : « Mais si j’avais vu ça à 20 ans avec ma femme, j’aurais été à fond dedans, j’aurais voulu être avocat ! » Tu captes le processus de transmission qu’il y a ? Après, il y en aura toujours qui vont critiquer… Mais arrête : c’est son premier film, ça tue. Kery, on sait d’où il vient, frère. Ça fait des émules, maintenant on a envie de faire un film nous aussi ! Bon, je vais arrêter de t’engueuler. [rires]

Le 7 février prochain, Chily sort son premier album 5ème chambre, porté par l’un des plus gros hits de 2019 : « San Pellegrino ». En l’espace d’une année, l’artiste du 94 a réussi à séduire un public avec une musique inédite, au carrefour entre un rap très français et des sonorités très africaines. Interview.

Photos : @terencebk

38 millions. C’est le nombre de vues que cumule « San Pellegrino » en six petits mois. Des chiffres digne d’un véritable hit, pour un morceau qui touche, captive et amène toutes les générations à lever sa jambe haut dans le ciel. Une première consécration pour Chily, encore inconnu six autres petits mois avant. Depuis, le rappeur du 94 ne cesse d’approfondir et d’affiner son « délire » à coup de singles efficaces, de visuels explosifs ou de featurings bien sentis. Son « délire », c’est un mélange parfait de rumba congolaise, de mumble-rap, de trap, de rap, et de chant… le tout saupoudré d’une gestuelle marquante. Bref, une recette personnelle qui fonctionne, car elle est faite d’influences universelles, au carrefour entre la France et l’Afrique, plus précisément le Congo.

Après avoir conquis le coeur et les oreilles de beaucoup en 2019, Chily décide d’entamer cette nouvelle décennie avec son premier album, 5ème chambre, disponible le 7 février prochain. D’aucuns diront que c’est un poil tôt pour un artiste qui « vient seulement d’arriver »… Pas pour lui, qui depuis le début, brûle les étapes de développement à une vitesse considérable. Le genre de vitesse qui appartient souvent à ceux qui seront des possibles têtes d’affiches. Il fallait qu’on arrive à l’attraper avant qu’il aille trop vite, histoire de pouvoir éclairer les faces encore sombres de sa musique.

Le 17 janvier dernier, la famille de Mac Miller a libéré Circles, album jumeau de Swimming sorti un an et demi plus tôt, juste avant sa mort. « Il nous reste à imaginer où allait Malcolm, et à apprécier où il en était. » Un sobre message sur Instagram en guise d’annonce pour un projet beau et triste à la fois, qui a été présenté à la presse musicale du monde entier dans les mythiques studios d’Abbey Road à Londres, en novembre 2019. Récit d’une expérience, et décryptage d’une mise en abyme pleine de leçons.

Trois larges fauteuils scandinaves, des tapis sur le sol. Une insonorisation en tapisserie sur les murs, et le fameux piano « Lady Madonna » sur lequel Paul McCartney a joué le morceau du même nom dans un coin dans cette immense pièce. Nous sommes dans le légendaire Studio 2 d’Abbey Road, à quelques mètres du passage piéton où des dizaines de touristes attendent panurgiquement leur tour pour poser comme les Beatles. Nous sommes un lundi de novembre 2019 et trois hommes s’installent devant nous, micro en main, pour nous dire quelques mots sur ce que l’on s’apprête à écouter : l’album posthume du regretté Mac Miller, mort en pleine lutte de son addiction aux opiacés, le vendredi 7 septembre 2018.

Chemise de la veille, chapeau trilby sur le crâne, les cheveux tombant sur les épaules. Un nom résonne un peu plus fort que les autres quand il s’agit d’énumérer les architectes de Circles : celui de Jon Brion. Ce chanteur, compositeur et producteur et américain s’inscrit dans une lignée d’artistes pas forcément connus du grand public mais dont l’aura s’étend à perte de vue ; c’est notamment lui qui, sur recommandation de Rick Rubin, a produit la majorité de Late Registration de Kanye West, puis fait les arrangements de Lemonade de Beyonce ou encore co-produit Blonde de Frank Ocean. Rien que ça.

Sa rencontre avec Mac Miller s’orchestre en deux temps. Alors qu’il rend visite à un proche en cure de désintoxication, Jon Brion est présenté à un musicien qui mène lui aussi sa propre bataille contre l’addiction. Le jeune homme, que Brion a décrit dans l’interview ci-dessous comme « nerveux et un peu timide« , ne semble chercher rien d’autre qu’une discussion légère : en aucun cas ce dernier ne parle de collaboration future ni ne laisse entrevoir ce qu’il pense vraiment du compositeur. C’est un disquaire de Los Angeles qui dévoilera le secret, quelques semaines plus tard : « As-tu déjà rencontré Mac Miller« , demande le commerçant au compositeur, un habitué de sa boutique, qui répond par la positive sans vraiment comprendre le pourquoi de la question. « Eh bien, je viens de lui vendre une guitare, une Fender Telecaster. Il m’a dit qu’il en voulait une parce qu’il t’avait vu en jouer !« 

Une histoire que Jon Brion, devenu ami et mentor de Mac Miller dans les mois qui suivent cet épisode, ne lui a jamais racontée. Surement par pudeur, ou par volonté de respecter le rythme de Malcolm, admirateur secret qui ne voulait pas d’une relation biaisée. Lui rêvait d’une attraction artistique véritable. C’est finalement Jeff Sosnow, vice-président exécutif et directeur artistique de Warner Bros. Records, qui est derrière la (vraie) rencontre entre Mac Miller et Jon Brion. Une rencontre qui lui paraissait nécessaire pour terminer un projet qui manquait de cadres au moment où le rappeur lui en révèle les prémices, dans le salon de sa dernière maison, sur les hauteurs du quartier de Studio City. « J’ai l’impression d’écouter deux albums« , commente Jeff Sosnow une fois la session achevée. « YES, YOU GET IT!« , lui répond un Malcolm enjoué, et surtout fier d’être compris.

Jeff Sosnow comprend surtout que le rappeur de Pittsburgh est en train d’opérer un vrai tournant créatif, et qu’il a besoin d’aide pour s’y retrouver. C’est de là que vient cette longue nuit en studio, entre fin 2017 et début 2018, où un Jon Brion — convié par Jeff mais réclamé par Malcolm — rencontre véritablement l’artiste Mac Miller, en gardant pour le secret révélé plus tôt entre deux bacs de vinyles. « C’était un garçon d’une extrêmement douceur, foncièrement gentil, se rappelle Brion. Il était brillant, quatre ou cinq fois plus intelligent que ce que l’on pouvait penser. Lors de cette première nuit en studio, il me fait timidement écouter deux ou trois morceaux qui m’ont mis sur le cul. C’était très, très bon. » L’auteur des splendides « Stay« , « 100 Grandkids« , ou « Self Care » a prouvé à multiples reprises qu’il s’était élevé bien au-delà du rap adolescent qui caractérisait ses premières années dans la musique — pour autant, face à un monument, il n’est plus sûr de rien. « Ça te plait ? Tu trouves que ça passe ? »

Oui, ça passe. Mais Malcolm n’est pas tout à fait à l’aise avec ce qu’il livre sur (ce qui va devenir) Swimming et Circles — particulièrement le second. Christian Clancy, manager de Mac de 2013 jusqu’au son décès, décrit Circles comme un album « vulnérable« , dont l’artiste avait lui-même peur. « Toute son évolution artistique a mené à cet album, un projet sur lequel il a pu s’exprimer en étant, pour la première fois, vraiment libre. » On ne parle pas ici de superficiel, de peine passagère ou de phase ; on parle d’un homme qui voit sa vie lui échapper. Un homme, la tête dans les étoiles depuis ses 20 ans, qui doit accepter son inexorable chute tout en préparant un atterrissage qu’il languit. Mac Miller aimerait toucher terre, aimerait digérer son existence. « Le hip-hop a un problème avec la vulnérabilité. La véritable vulnérabilité n’y a pas encore tout à fait sa place, estime Jon Brion. L’album parle de ce que ça fait de se sentir coupable, des difficultés que cela implique d’être humain, d’être vivant. Pour moi, l’art c’est voir le monde à travers le filtre d’un autre : Malcolm nous permettait cela.« 

Celui qui signait huit des treize tracks de Swimming prend en main l’ensemble des tracks de Circles : un projet à deux qu’il terminera seul, endeuillé, avec le poids des responsabilités en plus. « Il y avait plus que deux albums, il y avait de quoi en faire au moins un troisième. On passait de longues nuits à discuter par SMS, on s’envoyer des idées de titres pour les projets, toujours dans cette volonté de rester dans l’analogie de l’eau. » En la personne de Jon, Mac avait trouvé l’esthète qui lui redonnait confiance en sa musique : une forme de caution qui pouvait gommer des lacunes qu’il s’inventait parfois. Il était amoureux des instruments, et bien qu’il ait appris à maitriser guitare, basse et batterie dès l’âge de 6 ans, il complexait de son statut d’autodidacte. « La mélodie du morceau ’That’s On Me’ m’a mise les larmes aux yeux. Le piano est fabuleux. Il voulait que je rejoue tout ce qu’il avait composé, il n’avait pas confiance en son propre talent, alors qu’il jouait merveilleusement bien. » L’appui de Brion était devenu une forme d’aplomb libérateur, de clef pour débloquer les verrous qui se mettaient entre Mac Miller et les 12 titres de Circles, touchant manifeste d’un astre qui préparait son retour au calme.

Dans le calme du grand studio d’Abbey Road, l’album se lance. Les premières notes résonnent contre ces longs murs feutrés qui en ont tant vu, tant entendu. Certains citeront l’album éponyme des Beatles, The Dark Side of the Moon de Pink Floyd, ou le concert The Late Orchestration que Kanye West y a donné il y a 15 ans. À chacun ses références, à chacun ses classiques. Classique, cet instant le devient au moment où les premières notes de « Circles » plongent la salle dans le silence. Les lumières se tamisent, les oreilles s’affutent, et le temps s’arrête.

Jeff Sosnow s’installe au fond de la salle, fixe le plafond, puis ferme les yeux. Adossé contre le renforcement du mur, il se fait discret. Il restera ainsi jusqu’à la toute fin d’un disque qu’il a probablement déjà écouté des dizaines et des dizaines de fois. Christian Clancy est assis à sa droite sur un large canapé ocre. Il semble inviter quiconque à le rejoindre pour partager ce moment, ce qu’un journaliste anglais fera au cours de l’écoute. De son côté, Jon Brion se dirige vers le fond de la salle, passe devant Jeff, et monte machinalement les escaliers qui le mènent dans la régie son. En hauteur, elle surplombe le studio et fait office de tour de contrôle. Brion entrouvre la porte, se retourne et s’arrête, la poignée dans la main droite, le corps entre les deux espaces. Il réécoute les premiers pincements de guitare d’un album qu’il n’avait pas conçu comme ultime, acceptant sur le moment que c’était, d’une manière ou d’une autre, la fin d’une histoire.

« Some people say they want to live forever That’s way too long, I’ll just get through today »

Mac Miller, « Complicated »

JMK$ a le rap dans les veines. Et pour cause : il est le fils du grand Akhenaton, qui l’invitait en novembre dernier à croiser le micro sur l’un des titres de Yasuke, le dernier album d’IAM. Mais « père » ne rime pas nécessairement avec « repère » pour cet artiste de 24 ans qui se construit une carrière aux antipodes de celle du paternel.

Photos : @alextrescool

Jordi Cruyff, Lil Eazy-E, Enzo Zidane, Jojo Simmons : l’expérience a déjà prouvé à maintes reprises à quel point l’étiquette de « fils de » pouvait être inconfortable. Car marcher dans les pas d’un glorieux parent, c’est risquer de se brûler sous le feu de projecteurs braqués trop vite, et décevoir ceux qui imaginent que le talent se transmet avec le patronyme. Alors JMK$, rappeur marseillais de 24 ans, a préféré avancer sans le poids du sien. Son nom d’artiste, il l’écrit avec le même « $ » que les autres rappeurs bien de son temps. Car il n’est pas son père, la légende Akhenaton, dont le nom suffit à évoquer presque à lui seul tout un pan de l’histoire du rap français.

Mais là où son daron fait figure d’icône populaire de tout un genre, JMK$ se complait dans les profondeurs de SoundCloud, où il a trouvé des compagnons de route qui lui ressemblent. Il navigue entre Paris, Lyon et Marseille, et côtoie différentes formations créatives en marge de l’industrie, comme Lyonzon, 667 ou le MoneyMakerClan. Le son qu’ils fabriquent a plus l’odeur du nouveau Miami et ses basses vrombissantes que du vieux New York et ses samples nostalgiques. Papa a beau l’avoir biberonné aux classiques, fiston se devait de trouver sa voie. Depuis ses débuts en 2014, JMK$ n’a jamais cherché à profiter des avantages qu’il aurait pu tirer à être le fils d’Akhenaton, préférant écrire une histoire qui lui est propre. Les deux hommes ont toutefois fini par se retrouver sur « Once Upon A Time », titre extrait de Yasuke, le dixième album d’IAM, paru le 22 novembre dernier. Comme un passage de témoin entre les générations ?

C’est une question qui peut paraitre bête quand on sait qui est ton père, mais j’ai quand même envie de te la poser : quel a été ton premier contact avec le rap ?

Mon premier contact avec le rap, c’était tout petit. J’ai limite été bercé avec cette musique. Depuis que je suis nourrisson, j’ai grandi avec des CDs de rap, mais aussi beaucoup de soul et de jazz parce que mon père en écoutait énormément.

Les CDs de rap, c’était ceux de ton père ?

Non, c’était plus du rap américain, new-yorkais plus précisément.

À quel moment tu as senti que c’était ce que tu voulais faire toi aussi ?

En vrai, je ne l’ai jamais vraiment « senti ». J’ai commencé avec un groupe de potes, je devais avoir entre 17 et 18 ans. Mes premiers textes sont venus tard, j’ai du sortir mon premier son en 2014, si je ne dis pas de bêtise. Et à l’époque, il n’y avait rien de bien sérieux. C’est seulement en 2017 que je m’y suis mis plus franchement, quand j’ai vu que j’avais un petit public et que ça commençait à suivre.

Pour quelqu’un qui a été très vite dedans, qu’est-ce qui explique que tu aies commencé aussi tard ?

Je ne sais pas trop. J’imagine que comme j’ai grandi dedans, j’ai toujours été plus à l’écoute que dans la pratique pratiquer. Puis surtout, dans mon entourage à Marseille – où je suis né et ai vécu jusqu’à mes 17 ans -, il n’y avait pas de rappeurs au départ. C’est quand j’ai passé trois années sur Paris, entre mes 17 et mes 20 ans, que j’ai commencé à rapper, parce que du coup j’étais avec des gens qui eux-aussi pratiquaient, et ça m’a donné envie. À partir de là, on a crée un collectif.

Avant ça, tu te prédestinais à quoi ?

Sans mentir, je n’avais même pas d’idée de ce que je voulais faire. J’étais encore au lycée et je n’avais pas vraiment d’objectif défini, je pensais juste à m’amuser. Tout ce que je sais, c’est que j’étais passionné de musique, donc j’imagine que c’était ce que je devais faire. Parce qu’au-delà de ça, il y a plein d’autres choses que j’aime, mais au point de vouloir en faire ma vie…

Est-ce que ton père était content de savoir que son fils voulait lui aussi vivre la vie d’artiste ?

Mon père, du moment qu’il me sait heureux, il est heureux lui aussi. J’aurais pu choisir n’importe quelle autre voie il aurait quand été même content. Après, bien sûr, il est quand même fier que je prenne plus ou moins le même chemin que lui. Je dis « plus ou moins » parce que nos styles sont quand même très différents. Mais au final, on fait la même chose, à savoir de la musique. Il ne checke pas spécialement mes morceaux [rires], mais il me pousse de fou.

T’a t-il proposé de t’accompagner dans le milieu ? Ou encore : t’a t-il donné des conseils au moment de te lancer ?

Non, pas vraiment. Mais ça va avec l’éducation qu’il m’a donné : il ne fallait pas que je sois assisté. Parce que même lui s’est débrouillé seul super tôt, donc il m’a laissé vivre, faire ce que je voulais, découvrir les choses par moi-même – même s’il reste un père et qu’il surveille quand même un peu ce que je fais. Depuis le tout début, je suis mon seul guide. Même financièrement, j’essaie de me débrouiller totalement tout seul.

C’est marrant parce que beaucoup de parents qui réussissent en partant de rien le font souvent pour que leurs enfants n’aient besoin de rien…

Après, attention : j’ai toujours été bien. Je parle surtout par rapport à mes projets professionnels où là, il faut que j’aie une autonomie. C’est comme ça que je vois les choses en tout cas. D’autant que si j’avais demandé de l’aide, j’aurais sûrement été catégorisé, on aurait dit que je suis là parce que « je suis le fils de… ». Et même si on a beaucoup de choses en commun, notamment au niveau des influences – parce que j’ai quand même grandi avec sa musique et celle qu’il écoutait -, notre musique est très différente l’une de l’autre. Donc c’était important pour moi de marquer une certaine distinction et surtout de créer mon propre univers. Après on s’est quand même rejoint sur un son récemment, et j’étais super fier de le faire, parce que même si ça n’avait pas été mon père, IAM reste des légendes du rap français.

Quels ont été les artistes qui t’ont donné envie de faire du rap ou du moins qui ont influencé la musique que tu fais aujourd’hui ?

Il y a eu plusieurs artistes, mais en vrai, c’est plus l’influence de mes potes qui m’a poussé à faire du rap plutôt qu’un artiste en particulier. Mais avec mes potes, j’ai beaucoup écouté du A$AP Mob, Raider Klan… Toute cette branche de rap là. Et chacun a plus ou moins développé son style à travers ça.

Comment expliques-tu que tu n’aies jamais été tenté de reprendre le flambeau de ton père et t’inscrire dans un rap plus « classique » ?

C’est l’environnement dans lequel je suis qui a joué. Mais ça viendra peut-être plus tard. Parce que pour moi, il faut une certaine maturité pour pratiquer ce genre de rap-là. Quand tu fais du rap qui se veut « conscient », il y a toute une part d’engagement qu’il faut entretenir à côté. Ça va au-delà de la musique. Après j’ai une conscience, que ce soit par rapport à la politique ou en général. J’ai mes convictions. Et j’essaie de me cultiver un maximum, de lire des livres, des articles, etc. Mais de là à aborder ça dans mes sons, non. Pas pour l’instant. À mes yeux, ça reste de la musique de « papa », même si c’est toujours à la nouvelle génération que ce genre de messages sont adressés. Mais pour pouvoir tenir ce genre de positions artistiques, j’estime qu’il faut avoir un certain vécu. Et moi, à 24 ans, je ne peux pas refaire le monde. À l’heure qu’il est, je pense surtout à vivre ma meilleure vie.

Je sais que tu as évolué dans différentes formations, avec différents artistes, au sein de différentes villes. Peux-tu retracer brièvement ton parcours dans le rap ?

Il y a d’abord eu EradoubleV, à Paris, vers 2014-2015. EradoubleV, c’était un collectif où tu avais plusieurs groupes ou duos, notamment Summum Klan, dont je ne faisais pas partie au début. Mais au fil du temps, en fonction des connexions et des affinités, j’ai fini par rejoindre le Summum Klan et depuis 2015, c’est mon groupe. Je suis ensuite retourné à Marseille, où je suis encore actuellement. Et là-bas, on a une sorte de grande « traphouse » où on fait du son. Au premier étage, il y a un studio, Mhood Records, et vu que le bâtiment appartient à Dil, rappeur du MoneyMakerClan, il y a tous leurs appartements au deuxième. Plein d’artistes viennent, et pas forcément que des artistes du Sud : on peut retrouver Zeu de Panama Bende – qui est quasiment tout le temps là-bas -, Azur de Lyonzon, etc. Ça fait que même quand je ne suis pas à Paris avec mon groupe, j’ai quand même tout ce qu’il faut pour faire de la musique. Mais oui, j’ai pas mal bougé, j’ai fait plein de connexions – notamment les gars de Lyonzon à Lyon.

Au final, tu as fini par trouver par trouver ta place au sein de la scène SoundCloud française, une scène très en marge de l’industrie. Pourquoi celle-ci et pas une autre ?

Parce que le premier son que j’avais sorti en 2014, je l’avais direct release sur SoundCloud. Ce n’était pas vraiment la plateforme numéro 1 à l’époque, mais il y avait une qualité qu’on n’avait pas sur les autres plateformes où les sons sont vachement compressés. Ce qui faisait que nous, qui n’avions pas de mix conséquents à l’époque, si on décidait de poster sur YouTube, le rendu était horrible. SoundCloud, c’était d’abord le choix de la qualité. Puis c’est aussi une plateforme où il n’y vraiment que le musique, tu ne te soucies pas de l’image, des sapes, etc. Donc au début, c’était vraiment un choix artistique mais au fur et à mesure, on s’est retrouvés à être plusieurs dans la même démarche et ça a créé une scène, le SoundCloud rap FR. Et aujourd’hui, tu as certains artistes de cette scène comme Freeze Corleone et 667, qui en 2020 peuvent devenir des artistes majeurs du rap français.

En sachant qui est Akhenaton, on se dit que si tu aurais pu voir certaines portes s’ouvrir plus facilement. Pourquoi n’as-tu jamais pu ou voulu en tirer avantage ?

Parce que je tiens vraiment à développer d’abord mon univers. C’est quelque chose de très personnel, donc je me dois de le faire moi-même pour que les gens qui s’intéressent à mon projet d’art s’intéressent vraiment à mon projet d’art, et pas à autre chose. Même si j’y avais pensé, c’est trop tôt. Puis ce n’est pas non plus ce que je veux faire. Je vois vraiment plus large. Mon rêve, ce serait vraiment d’arriver et de tout baiser en Europe – au-delà même la France. Alors suivre le même chemin que tous les autres artistes, ça n’est pas mon but.

« Si j’avais voulu, j’aurais pu demander de l’aide à mon daron et rentrer dans le moule. Ça aurait sans doute été dix fois plus facile pour moi. Mais est-ce que ça aurait vraiment été ce que je voulais, artistiquement ? »

JMK$

Le propre de cette scène SoundCloud, c’est son indépendance. Et sur tes réseaux, notamment Twitter, tu revendiques beaucoup ce côté « débrouillard », le fait que sans personne tu réussisses à faire des concerts, à publier ta musique, à faire un peu d’argent. En quoi est-ce important pour toi ?

Quand je mets ça en avant, c’est surtout histoire de motiver tous ces gens qui vivent à travers les autres. On a tous un truc spécial, mais c’est à toi et toi seul de le cultiver. Parce qu’effectivement, si j’avais voulu, j’aurais pu demander de l’aide à mon daron et rentrer dans le moule. Ça aurait sans doute été dix fois plus facile pour moi, j’aurais peut-être eu de meilleures opportunités, mais est-ce que ça aurait vraiment été ce que je voulais, moi, artistiquement ? Je ne pense pas. Je veux que les gens voient qu’on peut faire les choses par soi-même. Oui, j’aurais pu a voir des contacts mais je les ai pas pris en compte et malgré tout j’arrive à monter mon petit truc tout seul de mon côté. Et j’ai jamais eu besoin de dire quue mon daron c’est quelqu’un.

Dans un milieu comme le rap où la plupart partent des bas-fonds pour ensuite raconter leur ascension, on dirait que c’est ta manière à toi de vraiment partir de zéro.

On peut considérer que c’est mon propre vécu, oui. Mais en vrai, je ne pense même pas à ça. J’ai toujours voulu faire les choses par moi-même. Et même si des fois je suis en galère – comme ça peut être le cas de tout le monde -, bah au pire ça me motive quatre fois plus à aller de l’avant. Mais ce n’est même pas pour pouvoir m’inventer une belle histoire. C’est juste naturel. Je pense même que c’est de famille, parce que mon père a fait la même avant moi.

Le rap que tu fais et le rap que faisait ton père sont presque diamétralement opposés. Quel regard portez-vous chacun sur l’œuvre de l’autre ?

Je sais qu’il n’écoute pas du tout mes sons, mais c’est plus par pudeur. C’est-à-dire que si ce n’est pas moi qui vais avoir la démarche de lui faire écouter ma musique, il n’ira jamais chercher de lui-même. Sauf que j’ai tendance à rester très discret avec mes proches en général – et pas seulement mes parents -, je vais pas forcément leur montrer ce que je fais. Et s’ils tiennent vraiment découvrir ma musique non pas par eux-mêmes mais à travers moi, ça se fera via un concert où je les inviterai. Après, de mon côté, j’ai toujours écouté du IAM, sans même forcément me dire que c’est mon père. Comme j’ai dit tout à l’heure, ce sont des légendes. Ils ont marqué l’histoire du hip-hop. Et comme je vais toujours super profond dans tout ce qui me passionne, quand je me suis intéressé au rap, j’ai d’abord écouté du old school, que ce soit du IAM, Lunatic, Sages Po, Pit Baccardi, etc.

Jusqu’à présent, tu avais été assez discret sur le fait d’être le fils d’Akh. Mais là, tu figures au tracklisting de Yasuke, le dernier album d’IAM. Qu’est-ce qui fait que tu te sens prêt à mettre en avant cette filiation ?

En vrai, je n’étais pas plus prêt que ça. Ce dont il faut prendre conscience, c’est que rien n’est éternel dans une vie. Mon père commence à vieillir, et arrivé à un moment donné, il faut être lucide : il ne va pas faire du rap toute sa vie. Donc je pense que c’était le moment de faire ce morceau. En plus, c’est mon père qui a vraiment insisté pour que je sois dessus. Ça m’a mis une petite pression mais quelque part, j’étais super fier parce que ça représente quelque chose de fort pour moi.

Peux-tu nous raconter la genèse de ce morceau ?

On est allé dans un studio pas très loin de Marseille où il y avait tout le monde : ma mère, mon père, tout le groupe. Le morceau était déjà enregistré de leur côté, et ils m’ont dit : « Voilà, on a composé cette partie pour toi, on veut que tu poses dessus ». Tu as probablement dû remarquer en l’écoutant, mais la prod évolue au fil du morceau et retrace un peu toutes les époques du hip-hop pour arriver jusqu’à la trap. J’ai lâché mon huit mesures sur la partie trap de l’instru, puis on a fait une écoute tous ensemble, ils ont validé et c’était carré.

Que ce soit dans le foot avec les fils Zidane ou Jordi Cruyff ou dans le rap avec les fils Simmons, on se rend compte ce n’est jamais facile pour les « fils de » d’écrire leur propre histoire. Qu’est-ce qui te fait dire que tu feras exception ?

Le point commun que tous ces gens que tu as cité, c’est que leurs pères étaient des légendes qui ont marqué l’histoire dans leur domaine. De la même manière que mon père a marqué l’histoire du hip-hop. Mais que ce soit les fils Zidane ou Cruyff, ils ont été médiatisés très jeunes. Tout le monde savait qui ils étaient, donc il y a eu beaucoup d’attentes autour d’eux. Alors que de mon côté, le fait d’avoir été discret m’a laissé le temps de développer ma propre identité artistique sans qu’il n’y ait vraiment d’attente en mode : « Regardez, c’est le fils d’Akhenaton, il va préparer un projet, il va faire ci, il va faire ça. » Après c’est différent parce que le foot reste quand même beaucoup plus populaire que le rap, donc il y a encore plus d’attentes et de pression. C’est comme le fils de Cristiano : il est seulement en U9, mais tu vois déjà les gens parler du fait qu’il ait marqué 40 buts, il y a des vidéos highlights de tous ses dribbles, etc. Et tout ça, ça va créer une sorte d’attente que les fans de son père vont créer. Les fans revoient le père à travers le fils, et dès qu’il n’y aura plus Cristiano Ronaldo, ils vont tous se focaliser sur le petit. Et si le fils ne répond pas aux exigences, ils seront encore dix fois plus dur envers lui qu’ils ne l’auraient été envers quelqu’un d’autre.

Comment s’annonce la suite pour toi ?

Je viens de sortir deux projet, Candy Ballers 1 et Gunshot: Shooting Range 2, et il y a un troisième épisode qui arrive. Mais il faut que les gens les prennent comme des compilations de morceaux plus que comme des vrais mixtapes. Et le vrai projet que je vais bosser en tant que troisième mixtape officielle, ce sera pour mi-2020/fin 2020. En attendant, je vais plus concentrer sur des projets de groupe, on va essayer d’en placer un pour février ou mars avec Summum Klan.

Pour l’instant, tu réussis à t’en sortir pour faire un peu d’argent avec ta musique. Mais dans l’hypothèse où tu n’arriverais pas à passer le cap supérieur et réellement vivre de ça, que feras-tu ?

[Il réfléchit longuement.] Je sais pas. Je serais bien dans la merde. [rires] J’imagine que je pourrais reprendre mes études, vu que j’ai mon bac. Après, dans quoi ? Je sais pas. Ce n’est pas quelque chose que j’envisage là pour l’instant. [rires]

Le 17 janvier, Maes sortait son deuxième album : Les derniers salopards. Une semaine plus tard, le rappeur en écoulait près de 40 000 copies. Un score impressionnant mais pas si surprenant pour un artiste de 25 ans qui s’installe sur le trône de Sevran : seul lui pouvait nous en ouvrir les portes. L’occasion de partir une journée avec lui faire le tour de Sevran et de ses rappeurs pour un On The Corner exclusif.

Photo : @aida_dahmani

Dimanche, 12h. Rendez-vous devant la maison d’arrêt de Villepinte. Il fait froid, on appelle Diosang, qui appelle son grand frère, Las, qui vient nous chercher en voiture. « Maes vient de se réveiller là, il arrive bientôt« , nous dit-il. En attendant, Las nous fait monter dans sa voiture et on part faire un tour des villes frontières de Sevran : Tremblay et Villepinte. Puis retour à la maison d’arrêt, où Maes nous attend. Le-voilà, qui sort d’un van, face à ses murs gris entre lesquels il était confiné pendant 18 longs mois.

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Deux ans après notre première interview avec l’artiste du 93, beaucoup de choses ont changé pour lui. Déjà, il est devenu l’une des têtes d’affiches du rap français. Rien que ça. Et puis, il est plus à l’aise face aux caméras (l’habitude), et se sent mieux, comme à sa place. Celle qu’il convoitait depuis sa cellule début 2017. Le chemin a été rapide en vérité, mais intense.

Le but de la journée est simple : nous ouvrir les portes des Sevran et de ses multiples visages. Autant de Sotof, de Kims, de 13 Block, de Dabs, de DA Uzi, de Benab ou de Bersa qui ont tous répondu présent quand Maes les a appelé. Solidarité sevranaise oblige. Sur son premier freestyle Booska-P, il rappait « j’me balade partout dans la ville, mais est-ce que tu peux faire de même ? » Vu la tournure qu’a pris cet On The Corner spécial Sevran on peut dire que oui, il avait raison.

On est le 17 janvier 2020. C’est la première soirée de l’année, en même temps que celle qui marque le début d’une nouvelle décennie. Après avoir invité Gambi et N’Seven7, on ne pouvait pas décevoir.

Surtout, on veut continuer à vous surprendre : Ateyaba (ex-Joke) est cet oiseau rare qu’on aperçoit pas assez souvent. Son premier live était au YARD Summer Club, le 6 juin 2014. Presque six ans après, à l’aube d’une année qu’on espère chargée pour lui, on se devait de le réinviter chez nous – sa performance au YARD x Pitchfork Music Festival ne nous suffisait pas. Accompagné de son DJ Dtweezer, le nouveau pharaon du rap français nous a fait l’honneur de venir brûler la mainstage du troisième YARD Winter Club de la saison pendant 30 intenses minutes. En voici les meilleures images.

Merci à Havana Club, notre fournisseur officiel de vibes !

KIDZ dresse le portrait d’une nouvelle génération de créatifs du monde entier. Conversation avec Raphaëlle Bellanger et Anna Gardere, à l’initiative de cet ouvrage produit par YARD, autour de la deuxième édition du livre, qui vient tout juste de paraître.

Photos : @alextrescool

La deuxième édition du livre KIDZ donne carte blanche à 50 jeunes créatifs du monde entier âgés de 10 à 30 ans. « On voulait faire un bel objet qui élève les jeunes artistes », résument les deux curatrices de cet ouvrage un peu spécial, Raphaëlle Bellanger et Anna Gardere. 

C’est que ce livre fige une époque où les tendances filent à toute allure, raconte des dizaines de processus créatifs et illustrent des identités plurielles, de la Chine au Brésil, en passant par l’Europe de l’Est, Brooklyn et le Nigeria. Voué à être renouvelé chaque année, à devenir cet album de photos un peu vieillies et de mots gribouillés de cette jeunesse insaisissable à l’aube du XXIème siècle, KIDZ met en lumière des silhouettes et des œuvres uniques. Mais ce, sans jamais perdre de vue les goûts, les centres d’intérêts, les références, qui lient ces individus en une vaste communauté, nébuleuse certes, mais toujours connectée. 

On a voulu en savoir plus sur le regard que portent Anna Gardere et Raphaëlle Bellanger sur leur génération. Conversation. 

Comment avez-vous commencé à travailler ensemble toutes les deux ? 

Raphaëlle Bellanger : On a 21 ans, on est amies depuis le collège. On se faisait chier dans nos études et on s’est dit que ce n’était peut-être pas ça qu’il nous fallait. En parallèle, on avait cette idée, on s’est complètement concentrées là-dessus et on a arrêté l’école. 

Anna Gardere : KIDZ est l’un de nos nombreux projets communs, on ne pensait d’ailleurs pas que ça allait aboutir. Quand on est allées voir une première maison d’édition, au bout de trois rendez-vous, on nous a dit de parler de ce qu’était la jeunesse, de ses problèmes les plus clichés, d’aller sur les plateaux télé… Nous, on voulait parler de la jeunesse avec un spectre légitime, on ne se sentait pas de parler en notre nom, on voulait plutôt être des porte-paroles. Finalement, on a fait le premier livre, qui a plutôt bien marché.

Quelle est la genèse de cette deuxième édition ? 

Anna : On a changé de concept. Le premier était sur les jeunes en général. Cette fois-ci, on a axé notre démarche sur les créatifs. On a longtemps cherché un fil rouge, on s’est posé beaucoup de questions mais on s’est rendus compte que le fil rouge, c’était nous. 

Raphaëlle : On a basé notre sélection de profils sur ce qui nous plaisait, sur notre sensibilité. Ce n’est pas une vision objective de la société, on n’a pas la légitimité de faire ça. C’est quelque chose de très personnel finalement.

Anna : On ne fait pas le portrait d’une génération. Mais chacun a la même place et c’est ça aussi que l’on trouvait intéressant. Tout le monde est logé à la même enseigne. On s’est battues pour que les profils ne soient pas choisis en fonction de la notoriété. On veut parler à l’artiste et co-créer avec lui, on ne veut pas faire de com.

Pourquoi êtes-vous attachées au livre ?

Raphaëlle : Quand on était au lycée, on en avait marre de voir toujours les mêmes gens, on se faisait un peu chier, on cherchait un moyen de rencontrer des gens qui créaient des choses. Un prétexte comme un livre comme ça, c’est génial parce que ça nous a permis d’inviter des gens chez nous, de discuter avec eux pendant des heures. On pouvait leur poser toutes les questions du monde. Où as-tu grandi ? C’est quoi ton rapport à ta mère ? Comment était ton école ? Où te vois-tu dans 20 ans ? Quelles sont tes ambitions ? 

Anna : On trouvait le format du livre intéressant, c’est très différent de ce qu’on connaît. Quand tu publies un post sur Instagram, tu peux le modifier ou le supprimer demain. Là, c’est imprimé, les gens font beaucoup plus attention à comment ils vont écrire et aborder les choses. Ce n’était pas pour contrer les réseaux sociaux, mais c’est une alternative. Et il y a une chose qui ne change pas, c’est qu’on leur propose de se présenter eux-mêmes.

Raphaëlle : Lorsque Instagram a commencé à « popper », tout le monde était fasciné par des gens qu’ils pouvaient peut-être connaître et il y avait un truc qui nous gênait vachement là-dedans, même si esthétiquement c’était attrayant. Ça avait un tel impact sur les relations humaines, les réseaux sociaux, on trouvait ça fou… Et on se disait que ce serait intéressant de revenir à un exercice papier, à quelque chose de beaucoup plus ancestral et surtout d’aller dans l’intimité des gens, pour de vrai. Dans le livre, on demande à tous les participants d’écrire mille mots. C’est tellement maladroit et c’est tellement touchant quand des gens de notre âge écrivent, parce qu’ils n’ont pas l’habitude, et parce que pour s’évader, ils vont regarder une série Netflix ou aller sur Pinterest, mais ils ne vont pas aller lire un livre ou écrire dans un journal intime. 

Écrire, ça fait peur aux jeunes d’aujourd’hui ? 

Raphaëlle : Oui, carrément. Ils ont été plein à commencer leurs textes par « I hate writing »… 

Anna : On a utilisé d’autres moyens pour ceux qui n’aimaient pas ça, on leur posait des questions, ils s’enregistraient… 

Raphaëlle : Les gens ne savent pas écrire aujourd’hui et c’est ça qui est hyper beau. Très vite, ils se mettent à nu. Alors qu’une photo, ils vont la retoucher, vérifier s’ils peuvent la poster, etc. On dirait que quand ils écrivent un texte ils n’appréhendent pas une seconde que les gens vont le lire, et ça, c’est génial. 

« La génération qui nous précède soit nous idolâtre sans nous comprendre, soit pense nous comprendre et nous méprise »

Qu’est-ce qu’ils ont en commun, ces 50 créatifs ? Autrement dit, c’est quoi, pour vous, l’archétype du jeune créatif aujourd’hui ?

Raphaëlle : Au fil du livre, on voit des références se répéter. Aussi, les chanteurs ont tous la même façon d’organiser leurs pages. Il y a toujours un portrait d’eux. Ils ont l’habitude de faire des textes qui ne sont pas très personnels. Ceux qui font du cinéma, eux, vont vers le dialogue. Mais il n’y a pas que ça. Il y a plus de dix personnes dans le livre qui ne se définissent ni comme homme ni comme femme. Il y a un rapport à l’écologie qui revient tout le temps aussi. 

Anna : Moi, ce qui me marque, c’est que, si je fais la comparaison avec le livre de Patti Smith, Just Kids par exemple, j’avais le sentiment qu’à cette époque les gens se laissaient vivre, sans se regarder. Là, tu te rends compte que les gens se regardent. C’est une espèce de conscience de soi super forte. 

Raphaëlle : Tous sont en quête d’identité. « Je suis retournée dans le pays d’origine de ma grand-mère », « J’ai voulu connaître mes racines »… Tout le monde prône les valeurs de l’endroit d’où il vient. Et il y a un engagement. Pour quoique ce soit.

À l’inverse, j’imagine qu’il y a des différences notables entre certains de ces jeunes créatifs qui ne viennent pas du tout des mêmes cultures.

Raphaëlle : C’est simple, en France, les gens sont fermés, snobs, ils ont peur de la réussite… 

Anna : En réalité, on s’aperçoit quand même qu’il y a une uniformité de la culture. On sait de quoi on parle. C’est pas Rendez-vous en Terre Inconnue : « Regarde, j’arrive avec un disque de Chris Brown ! » Tout le monde a les mêmes classiques. On connaît tous les mêmes choses.

Raphaëlle : C’est vrai qu’on rencontre les gens par Skype et que lorsqu’on leur explique le projet, ils ont souvent cette réaction positive liée à cette idée de communauté, qui est cool à voir. On aime cette idée de troupe, de tribu. 

Dans cette homogénéisation de la culture ou de la création, quelle est la place de la culture dite « urbaine », aujourd’hui, selon vous ? 

Anna : C’est l’équivalent de la culture pop. 

Raphaëlle : Mais il y a des exceptions. En Russie, ce n’est pas du tout comme ça. Ils sont vraiment techno, techno, techno. 

Anna : Dans les pays où il y a des tensions sociales fortes, qui sont ou qui sortent de guerre, la jeunesse est sanguine. Mais au Nigeria et à Londres par exemple, ils écoutent la même chose. 

Raphaëlle : Dans les pays qui s’américanisent, tout le monde essaye de se ressembler. 

Malgré tout, est-ce que vous diriez que ces créatifs cultivent leur différence ? Si oui, comment cultive-t-on une différence au sein d’une culture qui tend à s’uniformiser ? 

Anna : Moi, je me souviens qu’à 18 ans, quand je commençais à sortir, on me disait que si tu n’avais pas explosé à 25 ans, ta vie était finie. Il y a cet impératif d’ « avoir fait un truc ». Mais c’est trompeur, les jeunes artistes se montrent énormément sur les réseaux mais ils n’ont pas forcément déjà leur propre patte. Parfois, on dirait qu’ils copient, mais ce n’est pas toujours le cas. Andy Warhol n’est pas devenu Andy Warhol à 22 ans. C’est normal, en fait. La culture est tellement énorme aujourd’hui, il y a tellement de choses à emmagasiner… Et parfois tu ne fais même pas exprès de copier.

Raphaëlle : Être artiste, c’est matérialiser une émotion. On considère qu’une nail artist est une artiste, qu’une make-up artist est une artiste, qu’une digital artist est une artiste, même si ce n’est pas encore reconnu comme tel. Mais dans 10 ans, ce sera le cas. Il y a une espèce de hasard où il y a des artistes qui vont « popper » parce qu’ils vont toucher une communauté qui va se reconnaître en eux. Pour te distinguer, je pense que tu ne réfléchis pas, tu essayes d’exprimer le plus profond de ce que tu ressens. Et si tu as un message fort à faire passer, ton travail sera fort. 

Anna : Pour certains, ça prend plus de temps, parce que tu ne vis pas forcément des choses fortes avant tes 30 ans. 

Raphaëlle : En fait, un artiste, c’est quelqu’un qui a des choses à dire et qui les exprime.

« Tous les artistes se sentent obligés de se mettre en scène pour être populaires »

Est-ce que vous pensez qu’on est une génération d’artistes ? 

Raphaëlle : On se révèle beaucoup plus vite, avec ce qu’ont engendré les réseaux sociaux.

Anna : Artistes pas sûr, mais créatifs oui. 

Raphaëlle : Tu prends un petit de huit ans, tu lui files un iPhone, il sait tout faire. Il n’y a plus de légitimité. 

Vous ne trouvez pas qu’il y a une injonction générale à créer, à être original, etc. ? Il y a une véritable pression sociale, non ? Si l’on veut être cool, ou plus simplement, si l’on veut exister socialement, il faut apporter quelque chose, une image nouvelle, vous ne croyez pas ? 

Raphaëlle : Je pense qu’il n’y a aucune obligation mais que tout est devenu accessible. Demain, tu peux faire un album, tu peux faire un film. Billie Eilish, elle prend son Mac… et hop ! Et puis Instagram prône la créativité, clairement. Les profils qui « pop » sont créatifs, ce qui est plutôt positif. Les consommateurs sont attirés par ça, et c’est trop cool. 

Anna : L’art a perdu la place qu’il avait avant. Aujourd’hui, tu as la télé, ton ordi… Avant, quand tu sortais de chez toi, c’était occasionnel et les gens étaient émerveillés. Nous, on voit des images de gens qui se font couper la tête en Afghanista, on se dit : « Ah ok », et on pose notre téléphone. Depuis qu’on est petits, on est tellement habitués à voir des choses qui nous plaisent, qui nous émeuvent, ou encore qui nous choquent, que c’est dur aujourd’hui d’arriver à toucher les gens. Mais si tu prends le milieu des influenceuses, on ne va pas se mentir, ce n’est pas créatif. C’est toujours la même chose. 

Raphaëlle : Les gens préfèrent voir des boules et des sourires que des papiers crayonnés. Tout pousse à l’égotrip.

Justement, ce n’est pas un problème, ça, pour les artistes ? 

Raphaëlle : Je ne sais pas. Moi, ce que je remarque c’est que dans le premier livre les gens mettaient des photos d’eux, et là, ce n’est plus le cas. Je pense que tous les artistes se sentent obligés de se mettre en scène pour être populaires, et que leurs œuvres montent en cote du même coup. Puis, des Prada et des Gucci viendront les voir, ils pourront faire un solo show, ce qui les rendra encore plus cotés. En deux ans, tu peux faire x15 avec ta toile. S’ils ne montrent pas leurs têtes, le processus sera beaucoup plus lent. Est-ce qu’il va même se faire ? Les artistes populaires qui vendent cher sont souvent beaux, ils sont à tous les défilés en front row… 

Anna : Ce n’est pas forcément ton visage, mais il te faut un personnage. Il y a un artiste dans notre livre, qui est venu à Paris pour vendre ses toiles entre 2000 et 3000 euros, mais six mois plus tard il les vendait à 15 000 euros. Il poste tout le temps des photos de lui, il fait la couverture des magazines, il revendique sa queerness, il représente une communauté, et ça aide. 

Raphaëlle : Étonnament, alors qu’on s’éloigne les uns des autres, les gens ont besoin de se sentir proches, de s’identifier. 

Est-ce que vous pensez qu’on se comprend, entre nous ?

Raphaëlle : Moi, je n’ai pas l’impression. J’ai l’impression qu’on se segmente. Il y a tellement de choses… Donc on se divise.

Anna : On est dans un monde tellement complexe, tu ne peux plus dire qu’un truc est tout noir ou tout blanc. 

Raphaëlle : Et tu n’as plus le droit à la parole. Si tu n’es pas politiquement correct, tu te fais laminer, tu es détesté. Tu n’as plus le droit de donner un avis sincère. Ça manque d’un truc un peu hippie où tout le monde se prend la main ! 

Anna : Les gens s’engagent dans des sujets faciles. On a envie d’entendre des gens qui prennent position. 

Raphaëlle : Les marques sont opportunistes, tout est très faux, tout est très superficiel, tout est très plat… L’idée de donner la parole aux artistes dans ce livre, c’était aussi d’être au plus proche de leurs réalités.  

Nous, on ne se comprend pas. Et nos aînés non plus, ne nous comprennent pas. Votre livre me donne l’impression que l’on doit s’octroyer une forme de légitimité par nous-mêmes. Finalement, c’est peut-être ça qui nous fédère… 

Raphaëlle : Le paradoxe avec la génération qui nous précède, c’est que, soit, elle nous idolâtre sans nous comprendre, soit, elle pense nous comprendre et elle nous méprise. Par rapport à ce qu’on fait dans notre livre, il y a un truc assez beau aux yeux de la génération précédente, c’est qu’on prend un médium qui était le leur, qui, finalement, n’est plus le nôtre. Pourtant, c’est un objet que l’on respecte. On prend des profils que l’on a l’habitude de liker sur Instagram, et on les met sur un beau papier, grainé, dans un format noble. Ça, ça donne de la légitimité.

Les auteures Raphaëlle Bellanger et Anna Gardere seront en dédicace aux Galeries Lafayette Champs-Elysées le samedi 18 janvier 2020.


Horaires : 18h-20h
Adresse : 60, av. des Champs-Elysées – Paris 8e | Observatory – Deuxième étage

KIDZ

© YARD
Raphaëlle Bellanger
Anna Gardere
Édition Limitée

En vente chez 0fr., aux Galeries Lafayette Champs-Elysées et sur KIDZParis.com

En dix ans, le rap français s’est posé beaucoup de questions. Peu d’entre-elles ont trouvé réponses. Il fallait agir, alors on a demandé à un panel d’experts, de rappeurs et de professionnels d’apporter les vraies réponses que l’on attendait.

Illustrations : Pauline Andrieu, Bilel Allem, Bobby Dollar

Fin d’une décennie. Depuis le 1er janvier 2020, on parle désormais du rap des années 2010 comme du rap des « 10’s » – comme on parlait déjà du rap des nineties à l’aube du nouveau millénaire. Et c’est dire si le parallèle entre ces deux époques est bien trouvé : 1995 ou 2015, même combat. Deux dates charnières, essentielles. Des virages pour le rap. Un genre changé à tout jamais. Comme tous les dix ans, une rétrospective est de mise : on a commencé avec le dernier album de Salif, on termine avec le dix-neuvième de JuL (sans compter les rééditions). En 2010, Sexion d’Assaut asseyait sa domination sur les Charts, neuf ans plus tard PNL s’assoit sur le toit de la Tour Eiffel… Il s’en est passé des choses en dix ans. Bien assez pour qu’on fasse plus que de simples tops des meilleurs albums, des meilleurs artistes ou des meilleurs morceaux. Car en plus de 3 650 jours, les rappeurs français (on dit dorénavant « francophones ») se sont posés de sacrées questions, jusqu’à interroger le genre ou la société eux-mêmes.

Qui prétend faire du rap sans prendre position ? Et surtout, qui prétend poser ces questions sans apporter de réponses ? Certainement pas nous, alors on s’en est allé quérir différentes expertises. Une doctorante en civilisation américaine, un journaliste bientôt centenaire ou Rohff lui-même, qui nous a fait l’honneur de sa première prise de parole médiatique depuis des lustres… Voilà les vraies réponses aux grandes questions que s’est posé le rap français ses dix dernières années.

« Hello papí mais qué pasa ? »
– Aya Nakamura

On ne pouvait pas passer à côté d’elle. Après tout, elle est devenue l’une des nouvelles icônes de la musique française. En l’espace de deux petites années. Rien que ça. « Djadja« , « Pookie« , « Pompom« , « Comportement« , « 40%« … des hits internationaux. Après avoir déclassé Edith Piaf aux Pays-Bas, voilà qu’elle s’affiche à l’édition 2020 du festival le plus prestigieux du monde : Coachella. Aux côtés des plus grands noms de la Musique avec un grand M. Rien de surprenant en réalité, c’est à cette place-là qu’elle est et qu’elle compte rester. Surtout si elle continue d’adopter la recette classique pour faire des hits populaires : dire n’importe quoi, tant que ça sonne bien c’est l’essentiel. Mais dit-elle vraiment n’importe quoi ? Pour les quarantenaires, peut-être. Pour les nouvelles générations, c’est un français limpide. « Djadja » commence de la plus simple des manières : cinq mots, mélangés de français, d’anglais, et d’espagnol. C’est ça, être cosmopolite. Ms. Worldwide, comme dirait l’autre.

On a cherché à être le plus littéral possible, et on s’est rendu compte qu’on avait l’occasion de faire un magnifique contre-pied : donner une réponse poussée et intéressante à une question qui ne veut, de base, rien dire : « Hello papí mais qué pasa ? » Quelle meilleure réponse que de demander à un papi plein de sagesse de nous expliquer ce qu’il se passait vraiment dans cette France de 2020 en pleine rupture sociale. Les populations ne se comprennent plus, les écarts se creusent, et la police tape tout le monde : Maurice Rajsfus, journaliste de 91 ans, historien de la répression et acteur des luttes de son temps documente les violences policières depuis près de 50 ans. Un combat justifié par son histoire : déporté en 1942 sur dénonciation d’un policier, son voisin de palier, il fait parti des quelques centaines de rescapés du Vél d’Hiv – ses deux parents n’ont pas eu cette chance. Aujourd’hui, il nous explique qué pasa.

« Je ne dirais pas que l’ensemble de la population française déteste la police, mais une grande partie oui. La police de la République n’a jamais été républicaine. Il y a des confrontations avec la police qui se terminent souvent soit par des blessés soit par des morts. Georges Clémenceau, en 1906, faisait charger des policiers à cheval en travers des manifestants. Pour revenir à des temps plus récents, il se trouve que, étant moi-même victime directe de la police, amené avec mes parents en 1942, au moment où la police était à la solde de Vichy, en même temps que 70.000 juifs déportés. Je suis persuadé que, actuellement, si un gouvernement décidait de faire expulser les maghrébins, même si les conséquences ne sont pas les mêmes, et même s’il n’y a plus de camps de concentration, la police serait à la solde de ce gouvernement et les expulserait. Le vrai problème c’est que le policier n’est pas justiciable comme les autres. Par exemple, dans les manifestations où les gens se font matraquer et frapper par la police, les policiers portent plainte contre leur victime au même titre que la victime porte plainte contre la police. C’est une chose assez courante.

Depuis l’après-guerre, il y a eu beaucoup de violences policières qui n’ont jamais troublées profondément l’opinion publique. C’est précisément depuis les Gilets Jaunes qu’il y a eu ce revirement de la population vis-à-vis de la police. Rappelez-vous en janvier 2015, après l’affaire de Charlie Hebdo, la police a été encensé. À toutes les périodes importantes de l’histoire récente, aussi bien en 1948 quand des mineurs en grève sont tués ou gravement blessés, en 1953 quand la police a tiré sur une manifestation d’algériens résultant à sept morts et une cinquantaine de blessés graves, en mai 68 où les comportements policiers ont été, comme on le sait tous, épouvantables. Ça n’a pas provoqué une réaction ou un sentiment que l’on ressent depuis le mouvement des Gilets Jaunes où on a pu voir des actions terribles avec les tirs de flashball ou les grenades de désencerclement.

Pour tous les banlieusards, ça a été horrible depuis si longtemps. Pensons juste à Mantes-la-Jolie. Et bien d’autres endroits où les gens étaient pourchassés sans aucune raison particulière. D’où les émeutes de 2005 d’ailleurs. Si vous allez à Londres, les policiers n’ont pas d’arme à la ceinture. Et quand vous vous approchez d’un policier pour avoir un renseignement, il sort le carnet touristique de la ville en vous indiquant votre chemin. En France, bien souvent il y a des contrôles d’identité, des voitures… tout ça avec un révolver à la ceinture. Il y a une sorte de volonté de montrer une puissance et une supériorité. Ce qui est curieux, c’est qu’avec le temps, les policiers eux-mêmes ont changé. Il y a trente ou quarante ans, le policier faisait un mois en école de police et oui, c’est vrai, il n’était pas forcément « câlin ». Maintenant, l’école de police dure un an et c’est de pire en pire. Normalement, l’école de police doit préparer à avoir un rapport conviviale avec la population. Les policiers ont une surpuissance, un pouvoir qui n’a pas de limites. C’est préoccupant. D’autant plus qu’à plusieurs reprises, le gouvernement a affirmé qu’il n’y avait pas de violences policières. Et que, quand quelqu’un est blessé, comme avant-hier [Cédric Chouviat, décédé depuis, ndlr] à la suite d’un étranglement, on voit bien que ce sont des gestes techniques enseignées à l’école de police.« 

« Qu’est-ce que je vais faire de tout cette oseille ? » – Booba

On est en 2012. Une période un poil douloureuse pour les auditeurs, il parait. La réalité est toute autre. Certes, Fababy et Hayce Lemsi étaient encore considérés comme la relève du rap français… mais ce n’est pas tout. La Sexion d’Assaut est à son apogée, Youssoupha signe son classique avec Noir Désir, et avec Z.E.R.O Kaaris commence à choquer la petite ville de Sevran, encore bien loin d’être l’un des meilleurs et plus prolifiques centres de formation actuels. Et quant à Booba… ah, Booba. Le voilà qui récidive. Après le succès de Lunatic en novembre 2010, il réitère avec Futur quasiment deux ans jour pour jour, en 2012. Et surtout, il débarque avec l’une des meilleures collaborations de la décennie : « Kalash ». Un couplet, un refrain, un autre couplet, un refrain, un dernier couplet… Il ne suffisait que de ça à l’époque – tout était plus simple quand on entendait « back to the future » à chaque début de morceau. Et quoi de mieux que de commencer une dictature par une question si simple – sa « préférée » – et pourtant si symbolique du succès que le rap allait connaitre : « Qu’est-ce que je vais faire de tout cette oseille ? » Pour y répondre, on est allé voir Sacha Lussamaki, CEO du label BlueSky, souvent confronté aux désirs d’investissement de jeunes rappeurs nouveaux-riches.

« Avant tout je n’ai pas la prétention ni la qualification professionnelle d’être conseiller financier, mais de mon expérience dans la musique et avec les artistes, je pense avoir certaines réponses à la question. Ces réponses changent selon l’interlocuteur, selon la somme, selon la provenance de la somme, etc. Bon. Demain, si un artiste qui débute tout juste et signe son premier contrat en maison de disque en contrat d’artiste, sans forcément avoir un gros buzz, ça veut dire qu’il prendra une somme inférieure à 30.000 euros. Probablement hein, c’est du cas par cas. La première chose que je lui conseillerais, c’est de ne pas vivre que de ça. D’essayer de garder un travail à mi-temps ou de continuer ses études à côté s’il est toujours en cours. Car s’il vit uniquement sur son avance, elle va s’écouler rapidement. Il n’aura plus de rentrée d’argent, et en tant qu’artiste débutant, les revenus issus de la musique peuvent se faire attendre. Donc de la frustration et des situations précaires peuvent naître de ça.

Si c’est un artiste qui est en contrat de distribution et qui touche entre 75% et 80% de ce que génère ses ventes d’albums (CD, streams, vues, droits voisins) qui sort de 500.000 albums vendus, une tournée complète, qui fait des showcases et qui vient me demander quoi faire de son million d’euros reçus pour avance de sa re-signature… je lui conseillerais de réinvestir une partie dans sa musique, ou de faire un bon album et des bons clips. Mais aussi d’investir le reste peut-être dans l’immobilier, dans un commerce, dans un studio d’enregistrement. Pour ça, il peut se rapprocher d’un conseiller financier ou fiscaliste. En réalité, il y a vraiment beaucoup de cas de figures est dans chacun de ces cas de figures, il y a plusieurs choix possibles. »

« Pourquoi j’ai pas écouté ma mère ? » – Maes

C’est vrai ça. Pourquoi personne n’écoute jamais sa mère ? C’est dingue quand même. Sans elle, personne ne serait là. Toi, nous, vous, eux. Personne. Si tu nous crois pas, demande à Pit’ j’t’assure, perdre sa mère c’est pire, et si t’as pas saisi enlève la mer de la Côte d’Azur. Le rap lui a toujours rendu hommage, depuis le début. Tout le monde blesse ses parents, volontairement ou non, au moins une fois. Certains font des sacrifices, se privent d’amour pour une cause plus grande : le besoin d’argent. Et après avoir accumulé assez, s’excusent, se repentent. Normal. Le rap fait aussi parti de ses sacrifices – l’art en général. Plus une vocation qu’une carrière. Personne ne naît artiste, on le devient. Et pour le devenir, on se prive. Dans le hip-hop, les rappeurs se servent toujours de la musique pour dire à leur mère ce qu’ils ne peuvent pas lui dire en face, par fierté ou peur. C’est après être sorti de prison que Maes, lui, dédie un morceau à sa maternelle. Second morceau de Pure, son premier album, l’artiste de Sevran pose une question presqu’existentielle au refrain : « Pourquoi j’ai pas écouté ma mère ? » On a cherché la personne la mieux placée pour y répondre : Kanoé, jeune rappeur de 16 ans.

« Pourquoi j’ai pas écouté ma mère ? C’est parce que je passe ma vie à n’en faire qu’à ma tête. Ma mère est quelqu’un de très inquiète de nature, et quand je n’écoute pas ses conseils je fais beaucoup de conneries. Les professeurs et les directeurs d’école l’appelaient tout le temps pour lui donner de mes nouvelles. Là en ce moment même, et depuis le début de ma vie, je me suis déjà fait virer de quatre collèges. Actuellement je n’ai rien du tout. Depuis mes quatre ans, mes parents sont convoqués tous les trois mois par les profs. Donc mes parents ont bien compris que les cours, c’était mort.

Depuis que je fais du rap on a mis les choses au clair : tant que je déconne pas dans la vie de tous les jours et que je ne fais pas de dingueries, elle me laisse profiter du rap. Du coup, elle me laisse faire ce que j’aime parce qu’elle sait que c’est la seule chose que je kiffe. C’est ma seule passion. Avec mon père, ma mère est pas mal impliquée dans ma « carrière ». Ils suivent ça de près. Ils m’incitent quand même à trouver un bagage dans la vie, parce que le rap c’est pas une fin en soi. Là, à 16 ans, si je trouve rien à faire scolairement parlant, je devrais payer un loyer. Ma mère me donne le même conseil tous les jours depuis que je suis petit : « Quand tu n’as pas ce que tu veux, aime ce que tu as. » C’est la phrase que j’ai du le plus entendre de toute ma vie, c’est un truc de ouf… Mais même si j’ai jamais écouté ma mère, je conseille à tout le monde de le faire. En tout cas plus que moi je ne l’ai fait. »

« Mais comment ça se fait ? J’ai des bougs en plus depuis ‘Boug an mwen' » – Niska

Phrase culte, devenu un internet-meme. Niska sait frapper fort. Le succès apporte bien des emmerdes, autant que son lot de bénédictions. Suffit de regarder la plupart des albums sortis juste après le premier succès. Dépression, faux-amis, danger de la célébrité, michtonnerie, bandeurs.es de gadji, bandeurs.es de gadjos… C’est compliqué d’être célèbre, même si c’est dur à entendre : c’est la stricte vérité. Car l’humain n’est pas fait pour recevoir autant d’amour, n’est pas fait pour être la source d’un quelconque fanatisme. Il faut s’armer, garder la tête sur les épaules, les pieds sur terre. Depuis le début de sa carrière, Niska a vécu une multitude de succès, toujours plus importants les uns que les autres. De « Matuidi Charo (PSG) » à « Sapés comme jamais » (avec Maître Gims), en passant par « Réseaux » : il n’y a que trois ans. Sachant que les deux premiers sont sortis tous deux en 2015… L’année d’après, le rappeur d’Evry sort « Boug en plus« . Outre la punchline « Cupidon est mort, les petits de la Tess ont volé ses flèches », il pose la question centrale que tout artiste ayant connu un succès connait : « Mais comment ça se fait ? J’ai des boug en plus depuis Boug an mwen. » On apporte une réponse aujourd’hui avec le point de vue de Soso Maness, qui après avoir commencé le rap tout petit avec la Mafia K’1fry et un séjour en prison, a fait un retour payant l’année dernière. Les hauts et les bas, les suiveurs et les lâcheurs, ça le connait.

« Je pense que ça existe depuis la nuit des temps. On aime briller à côté du soleil. On se dit que c’est tout à fait normal que les abeilles viennent butiner autour du miel parce que y a tout qui va derrière. Les showcases, les meufs, la célébrité, d’être l’ami d’untel, mais ce qui est intéressant dans cette question c’est aussi : qu’est-ce qui se passe après, finalement ? Tu es l’ami d’un rappeur ok : tous les week-end t’es en showcase, tous les week-end tu kiffes, t’es à Skyrock, avec des groupies, t’es à Marrakech, t’es à Bangkok, etc. Mais tu dépends d’un rappeur. C’est à dire que pendant un an t’es sur un nuage, ok, mais imaginons après à ce rappeur-là t’es plus trop son boug, tu fais quoi ? Sur un texto, il peut te faire revenir à la réalité de la vie normale. Et c’est là où ça devient dangereux. Si tu surfes trop avec un artiste, le jour où il te calcule plus et il fait sa vie, revenir à une vie au quartier, tout ça, c’est un jeu dangereux. Et je te parle en connaissance de cause parce qu’on est plein à dire ça.

Tous ces gens-là vont t’aduler pendant un an ou deux, pendant que t’es leur ami, mais si tu leur dis que vous êtes plus trop potes, il va automatiquement te dire que t’es le roi des fils de pute. Alors que pendant des années tu l’as fait vibrer comme jamais. C’est une question intéressante, même pour moi qui aie la chance de connaitre une accélération dans ma carrière, et je sais que j’ai la chance d’être entouré de mes amis d’enfance. Et je m’entoure que de ces personnes-là depuis toujours. Je suis quelqu’un de très solitaire et de direct, dans le sens où je vais rarement crée des affinités avec des gens. Mais les colleurs – j’appelle ces gens les colleurs de rappeurs -, ils sont spécialistes dans leur savoir-faire. Donc la morale, en vrai, c’est que si t’as des bougs en plus qui te tirent vers le haut c’est mieux, s’ils te tirent vers le bas alors écarte-toi d’eux. Il faut s’écarter de tous ces arrivistes dans ta carrière, qui n’ont jamais rien fait pour toi, qui viennent une fois qu’il fait beau et que tout va bien. Ce sont les personnes les plus dangereuses et néfastes. Plusieurs rappeurs qui ont payé le coup à cause de leur entourage. Et pas que dans le rap, dans le foot aussi… des carrières se sont brisées. Il faut s’avoir s’entourer.« 

« Keski ce passe dans
l’espace ? » – JuL

S’il y a bien une chose que la décennie 2000 n’avait pas connu à son apogée, ce sont les réseaux sociaux. Facebook, Twitter, Instagram… Que serait le rap français des 2010’s sans ça ? Que ça soit dans la communication, la stratégie, la promotion ou le simple échange avec son public : beaucoup de choses ont changé. On en a vécu des moments mémorables ; les hashtags de Rohff, les montages de Booba (dont le très fin « #NiqueTesMortsNarvalo » envoyé à Laurent Ruquier), la photo compromettante de Fababy dans sa douche, ou encore la baston filmée de Take A Mic avec un twittos qui avait taillé sa dernière paire… On pourrait continuer des heures tant la décennie est remplie de perles. Mais rien de tout ça n’arrive pourtant à la cheville de JuL, qui avait compris, une nouvelle fois avant tout le monde, que le naturel paie toujours. Le « o pire mange moi le poiro » en 2017, le « c’est rien mahmoudi c’est la teamjul » il y a quelques mois… Le marseillais, c’est l’As des réponses. Alors quand un journaliste demande simplement au rappeur de « passer dm« , celui-ci lui rétorque : « Keski ce passe dans l’espace ?«  Une question qui, malgré tout, mérite de trouver sa réponse. Du coup, on est allé demander à Benjamin Cuxac, passé par l’antenne cosmologie du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) de nous expliquer un peu ce qui se trafique tout là-haut.

« Aux origines de l’univers, il y a quelques 13.8 milliards d’années, dans un milieu plus petit qu’une tête d’épingle et si dense, si chaud que la matière telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas, les quatre forces fondamentales de la nature étaient unifiées. Pour des raisons encore inconnues, cette soupe primordiale – dans laquelle naissaient et mouraient spontanément des trous noirs – s’est rapidement étendue, laissant dans un premier temps la force de gravité et la force nucléaire forte s’en détacher alors que la taille de l’univers gonflait d’un facteur 1030. Les théories mathématiques et les expériences en laboratoire prouvent qu’à cette époque l’univers était suffisamment chaud pour que les photons convertissent leurs énergies en paires de particules de matière et d’antimatière, brièvement avant de se recombiner en photons ; mais cette symétrie fût brisée, de sorte que la matière l’emporta sur l’antimatière. L’annihilation des paires restantes rempli alors l’univers de lumière, tandis qu’il continuait sa grande expansion. 

Les deux autres forces de la nature, la force électromagnétique et la force nucléaire faible, se détachèrent à leur tour, permettant la naissance de noyaux atomiques simples composés des protons et des neutrons de l’ex-soupe cosmique. Lorsque la température de l’univers atteignit celle d’un four à pizza, les électrons rejoignirent les noyaux pour former les premiers atomes ; l’univers continua alors à s’étendre pendant les premiers milliards d’années tandis que la matière qu’il contenait se condensait pour former d’inombrables galaxies. C’est dans le coeur des étoiles contenues dans ces galaxies, que la fusion thermonucléaire donne naissance à des atomes plus lourds, coincés en leur sein jusqu’à leur mort – très violente –  durant laquelle ces atomes sont envoyés aux 4 coins de l’espace dans une gigantesque explosion. Après presque 8 milliards d’années d’enrichissement de l’univers par ces cadavres d’étoiles, une étoile quelconque naquit dans une galaxie quelconque, dans un endroit tout aussi quelconque de l’univers. La matière présente autour de l’astre se condensa pour former des planètes, qui, après avoir subi pendant des centaines de millions d’années le bombardement de comètes en fusion, finirent enfin par se refroidir.

C’est sur l’une de ces planètes, celle que l’on nomme Terre, que dans des océans enrichis en carbone se formèrent les premières bactéries, qui via de complexes processus d’évolution devinrent une espèce de primates, l’homo sapiens, qui se dressa en maître conquérant de la Terre. Jul naquit le 14 janvier 1990 à Marseille.« 

« Tu viens à Sevran tu t’fais agresser, qui t’a invité ? »
– Kalash Criminel

« Brraaah la bécane se lève, faut pas qu’ça part en soleil. » C’est avec cette phrase qu’on a entendu le nom de Kalash Criminel pour la première fois. On est en 2015, dans le studio de Skyrock. Direct-live de la semaine Planète Rap de Kaaris, alors en pleine promo pour Le bruit de mon âme. Punaise que cette époque est loin. L’arrivée du cagoulé est fracassante, et tout le studio le ressent. Une énergie différente se dégage alors, loin de l’endurance qu’il a fallu adopter pour écouter les rappeurs qui le précédaient. Quelques mois plus tard, Kaaris enchaîne avec la mixtape Double-Fuck et ré-invite Kalash Criminel… Une nouvelle fois : un studio choqué de la brutalité. Choqué, parce que chaque phrase est une punchline ou à l’ambition de le devenir, avec en tête de file l’interrogation majeure qu’aurait du se poser Bernard de La Villardière s’il avait eu un peu de jugeote : « Tu viens à Sevran, tu t’fais agresser, qui t’a invité ? » Une jugeote que Arnold et Kahena, fondateurs de « L’écho des Banlieues », ont adopté depuis le tout début de l’aventure. Média indépendant sur Instagram et YouTube, L’Echo des banlieues donne une tribune à tous les quartiers de France pour s’exprimer sur ce qu’ils sont et leur environnement. Alors forcément, c’était à eux de répondre.

« Quand j’ai commencé à créer L’écho des Banlieues, je ne le faisais que dans mon secteur. Je suis du 92, donc tout ce qui est Clichy, Asnières, Gennevilliers, Colombes… toutes ces villes sont collées donc on se connait tous. C’était facile d’aller dans les autres quartiers parce que je connaissais les grands ; on avait globalement tous le même âge. Quand la page a pris de l’ampleur et s’est fait connaître, les gens venaient voir sur Instagram ou Snapchat et nous contactaient. Jusqu’à aujourd’hui encore on en reçoit. « Venez à Marseille », « venez à Toulouse »… Tous ceux qui nous disent ça ce sont soit des grands, soit des associations, soit des rappeurs du quartier, anciens ou petits. Dès qu’on reçoit un message, genre « venez à Lyon », on s’organise direct. On dit aux jeunes « Ok, donne nous le contact de vos grands pour leur expliquer le concept. »

« Ensuite on parle aux grands et généralement tous kiffent le concept. Donc le premier contact se fait au téléphone, on s’organise un à deux mois en avance, on leur explique bien, ils regardent bien les vidéos ou les photos sur Instagram. On prépare les freestyle, on prépare les gens qui vont parler ou intervenir. Une fois que c’est bon, on pose une date et quand on se déplace en cités hors Île-de-France, c’est même eux qui nous payent le billet de train ou l’hôtel. Jamais on a eu de problème, que ce soit à Marseille ou à Clermont-Ferrand, dans le 93 ou le 95. Parce qu’on s’assure que tout le monde soit au courant de notre venue. Qu’il n’y ait pas de problème de « c’est qui lahuiss ». Maintenant, il y a de plus en plus de gens qui connaissent la page. À chaque fois qu’on finit un tournage, tout le quartier s’abonne et propage le truc. Donc le contact se fait plus facilement aujourd’hui.« 

« C’est beaucoup de bouche à oreille. Quand on fait une cité, souvent les autres d’à côté sont au courant. Que ça soit amis ou ennemis, ça nous invite. Par exemple il n’y a pas longtemps on est allés à Marseille, on avait été invité par une association. On est restés deux jours, et le lendemain y a un clip qui se tournait dans une cité à côté et on a été invité. Même si on a des freestyle dans le concept, la vraie direction c’est de raconter le récit du quartier. Saisir comment les gens cohabitent, entre-eux, leurs habitudes, leurs petites manières. L’histoire du lieu. Donc on clarifie ça très vite avec les personnes, pour éviter de devenir une énième page de rap. Ce qui fait que, quand on est vient à Sevran on ne se fait pas agresser, vu qu’on est invités. Et c’est pareil dans toutes les cités de France où on a été : on est toujours bien accueilli, avec beaucoup de respect et une grosse ambiance. »

« Mais qui est JP Morgan ? Qui a financé la deuxième guerre ? »
– Freeze Corleone

Ah, Freeze Corleone. Pour tous passionnés du genre, impossible de passer à côté des faits d’armes du rappeur et de son collectif. Chef suprême d’une organisation souterraine et suzeraine d’un royaume cloisonné par un labyrinthe d’énigmes, Freeze Corleone est la croix inversée du rap français. Tout est scellé sous symboles, tout est référencé, tout est codé. Le texte est un puit sans fond de savoir, où nagent ésotérisme, religion, sciences, pop-culture, histoire, complots… Dans tout ce méli-mélo de réflexions, il fallait bien choisir l’une des interrogations centrales de 2018 : « Mais qui est JP Morgan ? Qui a financé la deuxième guerre ?«  Après tout, on nous parle de la guerre pendant les 3/4 de notre scolarité mais en grandissant, on découvre que l’histoire cache en réalité plusieurs histoires, qui elles-mêmes sont une autre version de l’histoire… Et on ne sait toujours pas qui est JP. Morgan. Bref. Pour répondre à la question, on est parti interroger D. Melfi, doctorante en civilisation américaine. Rien que ça.

« J.P Morgan Jr. est l’héritier d’un empire financier J.P. Morgan & Co. présent sur la quasi-totalité des industries américaines et mondiales. Par exemple, durant la Première Guerre mondiale, ce sont les Morgan qui ont vendu toutes les munitions à la France et à l’Allemagne. Ils étaient absolument partout comme le drapeau algérien. La Seconde Guerre mondiale n’a pas démarré aussi rapidement qu’on ne le pense avec l’invasion de la Pologne. En vérité, la deuxième guerre mondiale est née des ruines de la première car, de toute évidence, les conditions d’abdications ne faisaient pas les affaires de tout le monde. Je pense notamment au traité de Versailles et surtout à la volonté de faire tomber le communisme Russe. C’est donc les immenses fortunes américaines qui ont pas mal tirées les ficelles dans l’ombre. « Qui revient foutre la merde ? C’est toujours les mêmes ! » comme dirait un rappeur à succès du Val-de-Marne.

Les Rockefeller et les Morgan (les plus riches empires de la planète) ont décidé de transférer un maximum d’argent vers Allemagne, afin d’aider le pays à se relever économiquement à coup d’investissement colossaux dans les secteurs de l’industrie allemande les plus importants. C’était vraiment incroyable. Par exemple, les Morgan avaient la main mise sur toute l’industrie chimique, et Ford détenait 100% (100% !) des actions Volkswagen. Tout ceci dans le but d’avoir un pied en Europe. Donc au moment où Hitler devient chancelier en 33, les USA sont en Allemagne comme à la maison. Les grosses banques Allemandes sont aussi contrôlées par J.P Morgan ou Rockefeller et consorts. Ils font partis de ces groupes qui ont notamment contribué à la création de la BRI (Banque de Règlements Internationaux) qui devient la première institution financière mondiale et la plus secrète, afin de gérer les dettes de l’Allemagne à l’issue de la première guerre mondiale. Mais pendant la deuxième, ils ont surtout blanchi tout l’argent et l’or que les nazis volaient Une véritable laverie !

La candidature d’Hitler avait été passée au crible lors d’une réunion secrète des grands financiers des États-Unis. Puis les banquiers américains ont convaincu les banquiers allemands de rédiger une lettre au président Hindenburg afin qu’il nomme Hitler chancelier. En gros, il s’est mangé ce qu’on appelle un coup de pression. Hitler arrive au pouvoir et commence à demander des prêts aux USA et à l’Angleterre. Ces derniers les accordent car au même moment l’Union Soviétique lance un plan quinquennale pour emmener l’URSS au next level en tant que puissance industrielle. Il fallait absolument pouvoir leur tenir tête. L’URSS n’importait presque plus, l’empire était en autarcie, les Américains n’avaient plus de visibilité… Alors ils ont commencé à paniquer et à re-militariser l’Allemagne en se torchant allègrement avec le Traité de Versailles. Hitler arrive au pouvoir presque en même temps que Roosevelt et son « New Deal » qui se casse magistralement la gueule. Le capitalisme US est en danger et les grands financiers font tout ce qu’ils peuvent pour qu’Hitler parte en guerre contre l’Est.

J.P Morgan était tellement à l’aise avec l’idéologie nazie que durant l’Occupation, il a maintenu ses banques ouvertes en France et a collaboré avec les nazis en saisissant les comptes des clients juifs et en finançant la gestapo ! Les bijoux, les dents en or et tout ce qui comportait de l’or étaient arrachés aux personnes envoyées dans les camps de concentration, fondus en lingots et déposés tranquillement à la BRI ou dans les coffres de la JP Morgan Chase… En résumé c’était un sacré loubard et il a du sang sur les mains. »

« Qui a conseillé la conseillère d’orientation ? » – Nekfeu

Nekfeu. Six lettres, trente ans, bientôt trois disques de diamant pour trois albums studios. Le C.V. est rare, quoiqu’on en dise. La décennie a commencé avec lui, entouré de l’Entourage, de 5 Majeur et de 1995. En un peu moins de dix ans, Nekfeu s’est inscrit au panthéon des rappeurs francophones ; de ceux qui marquent un genre, une industrie, leurs homologues, un public… Dont on se rappellera sans aucun doute en 2030 même s’il arrêtait sa carrière demain. Déjà pour son passage aux premières éditions de Rap Contenders et son devenu culte : « Clap, clap : c’est le bruit de mes boules contre tes fesses. » Puis, pour avoir repris le flambeau d’Orelsan en convaincant tous les blancs de France avec une bonne diction de se lancer dans le rap. Enfin (et surtout) pour des morceaux comme « Égérie« , « Humanoïde« , « Όλα Καλά« , « Réalité augmentée« , « Ciel noir« … et bien d’autres. D’ailleurs, c’est dans le premier couplet d »Humanoïde » (intro de Cyborg), qu’il pose la question qui fâche autant que l’oeuf ou la poule. Pour y répondre, on a demandé à plusieurs conseillères d’orientation de nous aider, mais toutes ont opté pour un refus. Le monde étant bien fait quand il le veut, Le Monde Campus a sorti un article où Margaux, ancienne conseillère d’orientation, explique son choix de départ et sa décision de quitter le profession. La magie de noël, sans doute. On s’est permis d’en extraire une partie pour enfin comprendre « qui a conseillé la conseillère d’orientation ».

« Le comble pour une conseillère d’orientation ne serait-il pas de se tromper elle-même d’orientation ? Eh bien, c’est mon histoire. Après mon bac et un début d’études d’art, j’ai suivi une licence et un master de psychologie, dans plusieurs universités de l’ouest de la France. Puis j’ai choisi de passer le concours de conseiller d’orientation psychologue – qu’on appelle aujourd’hui psychologue de l’Éducation nationale. J’avais cette envie d’accompagner des jeunes dans leurs moments de réflexion et de choix. Mais dès que je suis admise, des questions m’assaillent. Est-ce vraiment ce que je veux ? Ce métier me plaît-il assez pour accepter de l’exercer n’importe où ? Car qui dit fonction publique dit emploi à vie, mais dit aussi mutation forcée pour de nombreux jeunes fonctionnaires. Je songe à renoncer.

Mais, ayant toujours été très raisonnable, et entendant le discours autour de moi vantant les avantages du statut de fonctionnaire, je mets une croix sur mes doutes et entre dans la fonction publique. […] C’est un métier passionnant, où chaque personne rencontrée, chaque situation, est unique. Mais, malgré tout, je ne m’y sens pas à ma place. Je ne me sens pas les épaules pour accompagner ces personnes et ces situations, aussi intéressantes soient-elles. Mon besoin d’aller « voir ailleurs si j’y suis » est de plus en plus fort.

[…] Stress, pleurs, perte de poids, et surtout grand sentiment d’imposture sont mon lot quotidien. Je suis fière d’avoir réussi à quitter cet emploi de conseillère d’orientation, alors que c’était mon premier « vrai » emploi, qu’il était la suite logique de mes études, qu’il avait certains avantages. Et qu’il ne semblait pas « raisonnable » de le quitter. J’ai certes perdu en salaire, en week-end et en congés, en liberté et en autonomie de travail. Mais j’ai gagné en sérénité et en légèreté, et pour moi ça n’a pas de prix. »

L’art contemporain est un jeu d’enfants. Du moins, c’est ce que l’on pourrait croire en déambulant dans l’exposition « One To Rule Them All » de Lucien Murat à la Galerie Suzanne Tarasieve (75003). Personnages héroïques et décors fabuleux nous y rappellent nos vieux comics et nos jeux-vidéos préférés… dans un monde où l’on aurait perdu le contrôle du joystick. 

« Je vivais la nuit, je dormais le jour et j’écrivais beaucoup », raconte Lucien Murat de son séjour dans le New Jersey, pendant lequel il a imaginé sa « néo-mythologie ». Inspiré par ses lectures de Crash, Le Roi des Aulnes de Michel Tournier ou encore la Grèce Antique, le monde contemporain se métamorphose entre ses deux mains et se réinvente dans des peintures aux airs de bas-reliefs. 

Tout se passe comme si l’artiste mixait ses matériaux : bâches et tapisseries anciennes se superposent dans des scènes explosives dont la dimension grotesque fait parfois sourire. « Pendant que j’imaginais ces pièces, j’écoutais deux albums en boucle. Lunatic de Booba et Sad Hill de Khéops. Ce côté très découpé du rap dans le phrasé se retrouve dans mon travail, où l’on retrouve aussi la technique du sampling. C’est une musique qui m’a conditionné à l’écriture de mes petits textes. » 

Dans la galerie, un récit se poursuit d’œuvres en œuvres. Comme des extraits de films qui s’enchaîneraient, le travail de Lucien Murat constitue une saga inédite, dont les personnages et les décors ne sont jamais laissés au hasard. Bien au contraire, tous questionnent. 

S’agit-il d’un point de tapisserie ou d’un pixel ? Faisons-nous face à une scène mythique ou à une projection dans le futur ? Là où science-fiction et esthétique post-Internet se mêlent, le visiteur est invité à interroger ses propres références. Partageons-nous tous la même culture, devenue homogène et dominante ? Les flux d’images, de vidéos et d’informations ont-ils aboli toutes les frontières ?

Tantôt réjouissantes, tantôt inquiétantes, les œuvres de Lucien Murat réveillent l’enfant turbulent qui sommeille en nous, celui que le monde des adultes fascinait, mais pas assez pour quitter l’écran des yeux.

« One to rule them all »
Jusqu’au 25 janvier 2020
Galerie Suzanne Tarasieve 
7, rue Pastourelle 75003

Performance le 24 janvier 2020
Thomas Laigle et Lucien Murat

Au terme d’une année 2019 monumentale, Stormzy a cimenté un peu plus sa place dans l’histoire du paysage rap britannique... et ne cesse d’ouvrir la voie pour les siens. Entretien exclusif, à l’occasion de son très attendu second album, Heavy Is The Head, sorti ce vendredi 13 décembre.

Photos : @alextrescool

L’existence artistique de Stormzy est courte. À peine six années se sont écoulées depuis la parution du premier « WickedSkengMan », la série de freestyles qui lui a permis de faire biper les radars des amateurs de grime. C’est peu. D’autant qu’avant ce vendredi 13 septembre, sa discographie ne comptait encore qu’un seul album studio. Beaucoup d’autres au même stade ne sont encore que des rookies, des artistes sur lesquels on mise, dont on se dit « lui, il va percer ». Mais pas Stormzy.

En échangeant avec l’homme, il faut bien peu de temps pour réaliser qu’en dépit de sa jeune carrière, le londonien est déjà de la trempe de ceux qui l’ont sans doute inspiré, tel JAY-Z – à qui il s’est même permis de refuser le feat. Il est de ses figures qui incarnent quelque chose, dont la parole compte et les accomplissements inspirent le respect. Et pour cause : depuis son entrée en jeu, Stormzy ne fait qu’écrire l’histoire encore fraîche d’un rap à l’anglaise dont l’avènement semble plus que jamais proche.

Premier artiste grime à classer son album en tête des charts UK. Premier rappeur noir anglais à performer en tête d’affiche du prestigieux festival Glastonbury. Premier, tout court. À 26 ans, Stormzy trône dans les dans hauteurs du paysage musical britannique. Et en bon roi, il guide son peuple vers les sommets qu’il côtoie désormais. Quand l’Université de Cambridge concédait en 2018 qu’un quart de ses 31 établissements n’avaient admis aucun étudiant noir entre 2012 et 2016, il lancait les bourses d’études Stormzy pour lutter contre cette sous-représentation. Et avec sa maison d’édition Merky Books, il offre aux écrivains noirs une plateforme on ne peut plus nécessaire pour publier leurs oeuvres. Sa manière à lui d’endosser ses responsabilités, aussi lourdes puissent-elles être, comme en témoigne l’intitulé de son nouvel album, Heavy Is The Head, sorti aujourd’hui. Telle est la vie qu’il a choisie.

Entre ton set à Glastonbury, ta Une du TIME Magazine et tes deux premiers morceaux classés numéro 1 des charts britanniques, 2019 a été une grande année pour toi. De quel accomplissement es-tu le plus fier ?

Glastonbury, clairement. Mon set en tant qu’headliner de Glastonbury, c’est le plus grand moment de ma vie – pas seulement de mon année 2019. C’est ce que j’ai accompli de plus glorieux de toute mon existence. Après, la couverture du TIME, c’était aussi quelque chose de grand. C’est vrai que j’ai été pas mal gâté en 2019.

Dans ton interview avec TIME, tu disais qu’avant le rap, tu voulais être Premier ministre. Tu as toujours voulu avoir un impact, changer les choses autour de toi ?

Tu sais quoi ? [rires] Aujourd’hui, je te dirais que oui, mais si je suis parfaitement honnête avec toi, à l’époque, le fait de vouloir devenir Premier ministre n’avait rien à voir avec un quelconque impact ou quoique ce soit. Il était seulement question d’ambition. C’était juste moi en tant que gosse de 8 ou 9 ans qui se demandait : « Quel est le meilleur job que je puisse avoir ? Genre le meilleur job du monde ? C’est ça : Premier ministre. » Il ne s’agissait que de ça. C’était le jeune moi ambitieux, sûr de son intelligence et de ses capacités qui parlait. Grâce à Dieu et grâce à ma mère, j’ai toujours su que je pouvais être tout ce que je voulais être. Qu’il s’agisse d’être Premier ministre, artiste, CEO ou quoique ce soit d’autre.

Malgré tout, t’es-tu déjà dit que la musique pouvait te permettre d’avoir de l’impact ?

C’est marrant parce qu’honnêtement, non. Quand j’ai commencé la musique, je me disais juste que j’aurais aimé devenir un artiste à succès. Je voulais être un de ces artistes dont les gens disent : « Mec, t’as écouté le dernier Stormzy ? C’est trop chaud ! » Je voulais faire une musique qui puisse toucher beaucoup de monde. Puis petit à petit, j’ai commencé à me rendre compte que j’avais une plateforme, une audience, un impact. Je ne pense pas avoir un jour cherché à changer le monde ou avoir de l’influence à travers la musique, c’est juste qu’avec le temps, ça a fini par être une sorte de devoir, une fin en soi. C’était une responsabilité que je devais prendre, entre Dieu et moi.

« Les Noirs doivent atteindre de tels sommets pour avoir une voix qui compte… C’est comme si on avait pas d’autre choix que de devenir JAY-Z ou LeBron James. »

Tu te sens comme en mission ?

Totalement. Mais je pense que ma mission change selon les saisons, selon ce qui se passe dans mon coeur, dans le monde, dans mon pays ou même au sein de ma communauté. Je n’ai pas « une » mission. Ceci dit, s’il y a bien une chose pour laquelle je suis reconnaissant envers Dieu, c’est d’avoir des objectifs. Les objectifs sont les plus grandes bénédictions qu’un homme puisse avoir. Quand je me lance dans quelque chose, je ne suis jamais hésitant ou dans la demi-mesure. À partir du moment où j’ai dit que je le faisais, je n’ai plus le choix. Il n’y a pas de « Est-ce que je devrais vraiment ? » – non, on y va.

En général, l’impact va de pair avec le pouvoir et l’argent. Et quand on pense aux figures noires qui ont de l’argent et essayent bouger les choses, la plupart provient de domaines liés à l’art ou au sport. Comme si les minorités n’avait pas d’autres voies pour s’élever socialement. Qu’en dis-tu ?

D’un côté, je trouve que c’est une très bonne chose, parce qu’on parvient à avoir une plateforme et à se faire entendre. Mais rien qu’à la manière dont tu poses les faits, on voit très bien où est le problème. Quand tu penses à toutes ces figures qui inspirent et ont de l’influence : JAY-Z dans la musique, LeBron James ou Raheem Sterling dans le sport… C’est génial, mais on a aussi besoin de comptables, de politiciens, de grands patrons, etc. Il faudrait qu’il y ait des Noirs dans tous ces domaines. Et le fait qu’on doive atteindre de tels sommets pour avoir une voix qui compte, c’est assez fou quand on y pense. On ne peut pas juste aller au collège et avoir un parcours normal. C’est comme si on avait pas d’autres choix que de devenir JAY-Z ou Lebron James – de devenir milliardaires, en gros. C’est cool parce que parfois, on y arrive, mais je pense que ça en dit long sur notre société.

Dans le morceau « Crown », tu rappes d’ailleurs : « Try to put a hole in our ships, we’ll build boats » – et je trouve que ça résume bien la manière dont les minorités doivent se construire. Dans une société où rien n’est fait pour qu’elles puissent s’élever, elles trouvent toujours un moyen de s’en sortir – et parfois même mieux qu’on aurait pu penser.

Tout à fait. Pendant longtemps, on a entendu beaucoup de choses qui n’étaient pas tolérables, et il ne s’agissait pour nous que de pondérer nos réactions et faire profil bas. Mais aujourd’hui, le débat est différent. Par exemple, dernièrement, il y a eu ce tollé autour de Rapman et son film Blue Story qui a été interdit en salles après un incident survenu à sa sortie. Et d’un côté, tu avais beaucoup de gens qui disaient c’était n’importe quoi, que c’était injuste, que c’était du racisme, etc. Mais de l’autre, tu avais aussi beaucoup de gens qui étaient plus dans la logique de se dire : « On devrait avoir nos propres salles de ciné. » Il faut toujours qu’on nous ferme des portes pour qu’on fasse les choses de nous-mêmes. Le truc, c’est que quand on entreprend des choses destinées à notre communauté – comme j’ai pu le faire avec les bourses d’études Stormzy -, on a droit à des « Comment ça se fait que ce soit uniquement pour les Noirs ? ». Mais on a bien besoin de ça, vu que personne ne le fait pour nous. Par rapport aux bourses, je pourrais très bien continuer d’espérer que les Noirs puissent intégrer les meilleures Université du pays, mais ça n’arrive pas. À partir de là, qu’est-ce qu’on est censé faire ? Je vais te le dire : on va s’octroyer nous-mêmes des moyens.

« Le fait que mes amis ne veulent pas voter ne signifie rien de négatif concernant mes amis, ça en dit plus sur le gouvernement, sur ces gens en qui on a pu croire par le passé. »

Et puisqu’on parle d’impact : peux-tu comprendre que certains n’arrivent pas à imaginer qu’ils puissent en avoir simplement en votant ? D’autant plus quand il ne font pas confiance aux politiques.

C’est un gros travail. J’ai beau être de ceux qui s’expriment beaucoup sur le sujet et incitent les gens à voter, j’ai toujours des amis qui me regardent dans les yeux et me disent : « Frère, ne crois pas que je vais voter. » Et je les comprends. Ça fait 26 ans que je suis sur cette terre et rien n’a vraiment changé pour notre communauté, peu importe le gouvernement en place. Jamais personne n’est apparu comme par magie pour venir tendre la main aux Noirs. Donc c’est difficile de faire entendre aux gens qu’un changement peut survenir à travers un vote. Beaucoup prennent ça pour de l’indifférence, alors qu’en réalité, les gens ont simplement perdu espoir. Le fait que mes amis ne veulent pas voter ne signifie rien de négatif concernant mes amis, ça en dit plus sur le gouvernement, sur ces gens en qui on a pu croire par le passé. S’ils considèrent que leur vote n’a pas d’incidence, c’est parce qu’il n’en a jamais jamais eu. Et ce quelque soit la personne pour qui ils ont voté.

Malgré le fait que « rien n’ait jamais vraiment changé », tu as tout de même tout fait en sorte pour que le plus de personnes possible aillent voter et tu aussi apporté ton soutien à un candidat en particulier.

Parce que c’est quelque chose qui pesait dans mon esprit et mon coeur depuis un petit moment. Je vais presque parler en tant que porte-parole, mais je comprends mieux que personne pourquoi mes gens ne vont pas voter. Je sais qu’on ne fait pas confiance à aucun de ces politiques. Je sais qu’aucun d’entre eux n’a jamais aidé la classe populaire, les Noirs, les non-privilégiés. Mais il y a ce gars, qui s’appelle Jeremy Corbyn, en qui j’ai foi. C’est ce que j’ai dit à mes frères. Et ce n’est pas une confiance aveugle, basée sur des promesses ou de la poudre aux yeux. Non, je l’ai écouté, regardé, étudié, je suis allé voir ce qu’il a pu dire par le passé, et j’ai fini par lui dire : « Tu te bats pour des choses qui sont en adéquation avec ce que les gens de ma communauté peuvent ressentir, et ce qu’ils aimeraient voir mis en oeuvre, donc tu as mon soutien. » Et c’est beaucoup.

En 2015, Kanye West avait donné aux BRIT Awards une performance monumentale avec de nombreux artistes grime – dont tu faisais parti. Ça avait été quelque chose d’énorme, commenté à travers le monde, qui avait mis l’Angleterre et ses artistes sous le feu des projecteurs. Mais cette performance avait aussi donné lieu à cette séquence sur le morceau « Shutdown » de Skepta, où une femme se plaignait d’avoir vu des Noirs danser « agressivement » sur scène à la TV anglaise. Deux perceptions totalement différente. Comment expliques-tu qu’un pays puisse passer à ce point à côté de sa propre grandeur ?

Ce qui est marrant avec la performance de Kanye aux BRITs, c’est que pour le public britannique, c’était quelque chose d’invraisemblable. Il n’y avait pas qu’un Noir sur scène, il y en avait 30, 40, 50, tous habillés en noir… Tu vois ce que je veux dire ? Ils ne voyaient même pas ça comme une forme d’art, une démonstration en terme de mise en scène, ni même une performance incroyable. Pour eux, ça se limitait à une équipe de renois sur scène. Et c’est d’autant plus drôle que dernièrement, je suis tombé sur une brillante performance de Dua Lipa. C’était aux MTV EMAs, elle avait tout déchiré. Elle était sur scène, accompagnée d’une soixantaine de filles, la plupart d’entre elles blanche. Et je me disais que cette image n’avait rien de choquant. Personne ne trouve ça effrayant ou quoique ce soit. Mais quand c’est des Noirs en sweats à capuche, c’est tout de suite différent. Là encore, c’est seulement le reflet de la société, et la manière dont on perçoit les choses. C’est profond. Ça montre ce que les gens ressentent instinctivement lorsqu’ils voient des Noirs.

Jusqu’à pas si longtemps, il y avait en Angleterre le formulaire 696 qui obligeait les promoteurs à préciser aux autorités « l’origine ethnique du public » de leur évènements. Aujourd’hui, on accuse la drill UK d’être à l’origine de la vague de violence qui frappe Londres. Pourquoi la musique et la culture noire semble être sujette à plus de défiance en Angleterre qu’en France ou aux États-Unis ?

Je ne suis pas trop sûr de comment ça se passe en France, mais ce que j’aime avec vous, c’est qu’à chaque fois que j’entends un de vos rappeurs, c’est brut. On sent que ce n’est pas policé ou quoique ce soit.

… et pourtant les morceaux passent en radio, et sont très populaires au sens large. Ce qui n’est pas forcément le cas en Angleterre.

Mais justement, je pense que côté UK, on commence à arriver à ce stade-là. Le truc, c’est que pendant longtemps en Angleterre, on a tiré le rideau sur les Noirs. Il ne fallait pas qu’on soit trop mis en avant. Et c’est seulement maintenant que l’Angleterre commence à embracer cette part de sa culture et sa population, et que ça se ressent auprès du grand public, avec les radios qui jouent nos titres, etc. Mais pour ce qui est de la drill qui serait « responsable de la violence à Londres », non. La musique est toujours le reflet de son époque, de ce que les gens traversent. De la même manière que tu peux avoir des groupes de rock indie qui parlent de drogues, de sexe, de cocaïne, sans que personne ne dise que ça a poussé toute une génération à déglinguer des chambres d’hôtels ou à boire et se droguer jusqu’à l’overdose. Personne ne reproche ça au rock indie. C’est toujours une question de perception, et plus précisément de la manière dont on voit les Noirs.

« Je veux que mon nom reste dans l’Histoire juste à côté des Kanye West, JAY-Z, Beyoncé, Chris Martin, Adele, Frank Ocean. »

Que ce soit pour sa musique ou grâce à des séries comme Top Boy, la culture UK est en train de faire de plus en plus de bruit en dehors de ses frontières. Paradoxalement, le pays donne l’impression d’être de plus en plus conservateur, de se refermer sur lui-même. Comment expliques-tu ça ?

J’imagine que la jeunesse a beaucoup à voir là-dedans. Parce que le pays qui devient de plus en plus conservateur, ça correspond à un certain âge de la population, une démographie précise. Mais les jeunes n’ont pas envie d’entendre ces choses-là. C’est pour ça que le grime, la drill ou le rap prennent de plus en plus de place. Parce que c’est la voix des jeunes. La plus pure, la plus honnête. la plus vraie – bien plus que celle de tous ces politiciens. Nous les jeunes, on ne croit pas pas en leurs conneries. On ne veut rien avoir à faire avec ça. On veut nos propres voix, nos propres plateformes. Et tout ça, ça va avec les cultures dites « underground ».

Quand on parle de la scène musicale anglaise, tes chiffres indiquent que tu es le roi. Et le titre de ton nouvel album, Heavy Is The Head, a l’air de faire référence à ce statut que tu as. Que peux-tu me dire là-dessus ?

Ce titre, c’est un titre que je partage parce qu’il ne peut y avoir qu’un seul roi en Angleterre. En tant que rappeurs, on a beau aimer la compétition, clamer qu’on est les meilleurs, on sait qu’on est nombreux à faire notre truc, et à le faire bien. Tout le monde essaye d’être le meilleur. Pour ce qui est de l’album, l’intitulé a plus à voir avec moi qui, tout au long de mon parcours, a toujours prié pour avoir des responsabilités, des devoirs, de l’influence – toutes ces choses qui ont fini par me tomber dessus. D’une certaine manière, je me sens comme un roi et je pense que ça devrait être le cas de tout le monde. En tant que Noirs, tout a été fait pour qu’on se sente tellement inférieurs toute notre vie… On est des rois. Je suis un roi, Dave est un roi, J Hus est un roi, MoStack est un roi, Krept & Konan sont des rois. On est chacun les rois dans ce que nous faisons. Pour endosser toutes ces responsabilités, en sachant d’où l’on vient, il faut être un roi. Mais Heavy Is The Head, ça fait aussi référence à ça : parfois, je suis totalement prêt pour être cette personne qui accepte d’être celui qui parle fort, celui qui est en première ligne. Mais de temps en temps, un roi n’est rien de plus qu’un homme. Et tout ce poids qui pèse sur nos épaules peut s’avérer être très lourd. Parfois tu te réveilles et tu dis : « Je n’en voulais pas tant. »

Tu te dis que c’est trop pour un seul homme ?

Très souvent. C’est réellement trop. Mais c’est ce pourquoi j’ai signé. Ce n’est pas comme si je m’étais levé un matin et toutes ses responsabilités m’étaient tombées dessus. Quand je regarde mon parcours, je me rends compte que c’est ce pourquoi j’ai travaillé. Je voulais être une personne dans cette position. Mais en tant qu’homme, je ne suis pas invincible. Du tout. Et je suis parfois fatigué d’avoir constamment à être celui qui prend position. Je ne regrette jamais d’avoir pris position pour quoique ce soit, parce que j’ai le sentiment d’être dans le vrai, mais ça m’arrive de me dire : « Merde, il y a quand même pas de critiques et de gens énervés que j’aie pu dire telle ou telle chose. » Après, il faut accepter les bons comme les mauvais côtés. Et l’album est à propos de ça. Dans un bon jour, je suis votre homme et je sais que je bâti pour ça. Mais dans un mauvais jour, ça me terrifie.

Cet album, au même titre que le précédent, est très soulful : tu t’essayes de plus en plus au chant, il y a beaucoup de choeurs, d’instruments, de samples, etc. Ce sont des sonorités qu’on entend pas sur énormément de disques anglais. Qu’est-ce que ça dit de toi ?

Je suis tellement content que tu me dises ça. Ce que ça dit de moi ? Ça dit que j’aime la musique. Je suis dévoué à l’art, à l’idée de devenir un vrai artiste, un brillant musicien. C’est tout ce que j’ai toujours voulu être. Toutes ces responsabilités et ces à-côtés qui vont avec la musique, c’est une chose. Mais au-delà de ça, je suis entré dans la musique avec le but de devenir un putain d’artiste. Je veux que mon nom reste dans l’Histoire juste à côté des Kanye West, JAY-Z, Beyoncé, Chris Martin, Adele, Frank Ocean. Toutes ces sonorités, ces saveurs que tu perçois de ma musique, c’est juste moi qui utilise différents pinceaux pour atteindre ce but. Si je rentre dans le studio et je veux te faire savoir que Stormzy est le meilleur rappeur de ce pays, je prends une prod qui tue et je découpe. Mais si je veux te faire ressentir ma tristesse, mon histoire, comment tout ça pèse sur moi, je dois utiliser un autre pinceau pour amener d’autres couleurs à mon tableau. C’est juste une preuve de mon exigence artistique. Dieu merci, j’ai l’impression d’être devenu l’artiste que je voulais être. Quand j’écoute mon album, je me dis que c’est vraiment la musique que je voulais faire, la manière dont je voulais amener mes histoires à la vie.

Pour conclure, comment 2020 pourrait être une encore plus belle année pour toi ?

[Il réfléchit] Une tournée mondiale. Parce que Dieu merci j’ai eu la chance de pouvoir faire des concerts partout dans le monde, mais je n’ai jamais encore fait de véritable tournée mondiale. J’ai toujours voulu que le monde entende ce que j’ai à dire. Je veux que les gens qui checkent cette interview aient l’impression de mieux me comprendre, et qu’ils aient envie d’écouter ma musique après ça. J’ai travaillé tellement dur au studio, j’ai consacré tellement de temps à peaufiner mon art et être fier de ce que je produis que je veux que le monde l’entende. Une tournée mondiale, c’est moi qui prend cet album et le fait voyager à travers le globe. « Hello Paris, Dubaï, Tokyo, Amsterdam, voici mon art, laissez-moi vous le présenter. » Et au-delà de cette tournée mondiale, j’aimerais juste continuer à poursuivre mes objectifs, quel qu’ils soient. Je suis très instinctif, j’arrive à sentir quand je fais ce que je dois faire. Donc 2020, toujours plus de progrès. Il faut que ma carrière continue d’aller vers les sommets.

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Avec son verbe musclé et ses rythmiques qui appellent au déhanché, la scène musicale UK se fait de plus en plus connaître en dehors de ses frontières. Mieux vaut donc vite vous familiariser avec Ms Banks, qui pourrait bien s’imposer en first lady.

Ms Banks en impose. C’est une femme forte, dans tous les sens du terme. Et il fallait bien ça pour tirer son épingle d’un jeu qui ne prévoit pas nécessairement d’issues favorables à celles qui, comme elle, ont la peau ébène. La rappeuse du Sud de Londres a toutefois su en faire une force, distillant un peu de ses origines nigérianes et ougandaises dans chacun de ses « Bad B Bop » : des hymnes au twerk et à la fête qui lui permettent aujourd’hui de toquer à la porte de l’international. Après s’être invitée avec Dadju sur le titre « Nossa », extrait de Diamond Rock, le dernier album de Kalash, Ms Banks s’apprête désormais à envoyer son premier disque, sans avoir eu besoin de s’engager auprès d’une major. Boss lady. De passage à Paris, l’artiste nous a accueillis dans son hôtel du 10e arrondissement pour évoquer avec nous l’essor récent de la scène UK, le struggle d’une femme noire dans l’industrie et le succès de Aya Nakamura – dont elle ne cache pas être une grande fan.

Vu de France, on a l’impression qu’aujourd’hui plus que jamais, il fait bon d’être un artiste anglais. Qu’en est-il ?

Grave ! J’ai l’impression que notre musique est de mieux en mieux, et qu’elle commence à se mettre au niveau des sonorités qu’on peut entendre ailleurs. Ça fait depuis un petit moment qu’il y a un vrai marché pour la musique française, avec un public conséquent. Désormais, il y a également un gros marché pour l’afrobeat, et donc pour la musique UK.

Comment expliques-tu que la musique et la culture UK soient en pleine expansion ?

Pour moi, ça fait déjà un petit moment que c’est le cas. C’est juste que maintenant, les gens commencent  réellement à accrocher à notre délire. Mais il y avait déjà plusieurs gros noms qui nous donnaient de la force, notamment Drake. Les gens commencent finalement à voir comment on évolue, ce qui se passe dans nos quartiers –  et pas seulement du côté de l’Angleterre blanche et bourgeoise. C’est réel. Il y a tellement de cultures différentes en Angleterre – et plus particulièrement à Londres -, tellement de personnes avec des backgrounds n’ayant rien à voir les uns des autres, qui viennent d’Afrique de l’Ouest, de l’Est, des Caraïbes ou d’Asie et qui travaillent ensemble, que notre musique s’en imprègne et sonne plus « internationale ».

On remarque effectivement que l’essor de la musique anglaise va de pair avec celui de la musique africaine, notamment via des artistes comme Burna Boy ou WizKid. 

C’est vrai. Comme tu l’as dit, la scène anglaise est en train de grandir, et l’Afrique a toujours été grande, mais ça y contribue. On a toujours été assez unis : la Grande-Bretagne a eu beaucoup d’amour pour la musique africaine et l’afroswing, et aujourd’hui on l’incorpore dans notre propre musique. Tu peux l’entendre dans « Location » de Dave, ou même le dernier morceau de Stormzy, « Own It ». Ce n’est plus que du rap maintenant, on fait de l’afrobeat. Et je pense que ça aide à populariser ce genre de sonorités, parce qu’on est plus nombreux à en faire.

« Je n’ai jamais vu une Noire dark skin être aussi big qu’Aya en France ou même en Europe. Elle a d’office tout notre soutien. »

Dans quelle mesure tes racines nigérianes et ougandaises ont influencé la musique que tu fais aujourd’hui ?

Énormément. Depuis que je suis jeune, j’ai toujours voulu trouvé une manière de mettre en valeur ma culture vu qu’étant née an Angleterre, je ne parlais pas ma langue couramment. J’ai toujours eu envie de représenter cette partie de moi, que ce soit à travers les prods, la manière dont je m’habille, ou même de l’argot et des expressions de mon pays. C’était une manière de ramener un peu de ma culture nigériane et ougandaise. C’est très important pour moi.

Quel genre de musique as-tu écouté en grandissant ?

Beaucoup de hip-hop et de R&B, et beaucoup de musiques africaines. Ma mère adorait Koffi Olomidé, 2Face… [Elle croise un regard complice dans la salle.] Tu t’en souviens ? Il était trop chaud, avec toutes ses tenues de taré. Voilà ce sur quoi j’ai grandi.

Culturellement parlant, la France et l’Angleterre se ressemblent beaucoup : le football est notre sport national, nos quartiers s’habillent avec les mêmes survets, les mêmes sneakers, etc. Comment se fait-il qu’on soit encore si peu connectés ?

Déjà, il faut rappeler que vous avez énormément de musique de qualité. Peut-être que vous avez tellement d’options d’écoute que vous ne ressentez pas le besoin de checker ce qui se fait en Angleterre. Après en Angleterre, on a aussi énormément de bonne musique. Puis des fois, j’ai l’impression que la barrière de la langue joue beaucoup. Mon manager et moi avons pensé à apprendre le français, mais on sait que c’est un pas une langue facile à apprendre. [rires] Ça reste dans un coin de notre tête cela dit. Mais c’est vrai qu’au-delà de ça, il y a énormément de similarités entre nous. Et je pense que le jour où les gens passeront outre la barrière de la langue, et vont entendre à quel point notre son ou nos prods peuvent se ressembler, les connexions se feront plus naturellement. Il faut qu’il y en ait plus. D’autant qu’il y a tellement d’artistes français avec qui j’aimerais travailler. J’ai déjà eu la chance de bosser avec Kalash et Dadju, sur le morceau « Nossa », mais j’adorerais bosser avec Aya, par exemple. C’est ce genre de moves qui vont créer des ponts.

Justement, parlons de cette collaboration avec Kalash et Dadju : comment a t-elle eu lieu ?

J’ai cru comprendre que son management était tombé sur mon morceau « Snack » et l’avait kiffé. Et vu qu’ils connaissaient mon management, ça s’est fait comme ça. Ils m’ont contacté, et j’ai fait le morceau. Je suis une grande fan de Kalash. Je le trouve très fort.

Sur Twitter, tu avais déjà exprimé ta sympathie pour Aya Nakamura et sa musique. Qu’est-ce qui te plaît tant chez elle ?

J’aime beaucoup son attitude, je la trouve très brave. Puis je n’arrêtais pas d’entendre ses morceaux dans les clubs, et les gens devenaient fous. Je ne comprenais rien à ce qu’elle disait, mais j’ai pris le temps de checker les vidéos, de faire mes petites recherches, et j’ai fini par capter un peu mieux. C’est cool ce qu’elle fait. Je me retrouve un peu en elle, dans son attitude, le caractère dont elle fait preuve. Puis c’est aussi bien dans le sens où c’est une femme noire. Je n’ai jamais vu une artiste oire dark skin être aussi big qu’Aya en France ou même en Europe. C’est fou. Elle a d’office tout notre soutien.

Tu as aussi dit qu’elle « représentait si bien [les] soeurs ». Peux-tu préciser ?

Je parle en tant que femme noire. Elle nous représente bien parce que sa musique est bonne, et c’est indéniable. C’est toute une vibe. J’aime les gens qui font leur taf et qui le font bien, et Aya fait clairement partie de ces gens-là. Musicalement, elle est brillante.

En France, les gens reprochent souvent à Aya Nakamura d’être « hautaine » ou « arrogante » dès lors que ses réactions ne sont pas celles que le public attend d’elle. Et on remarque qu’aux États-Unis, quelqu’un comme Summer Walker fait l’objet des mêmes reproches par rapport à son « anxiété sociale ». Est-ce que les gens n’en demandent pas trop aux femmes noires ?

Oui ! Je n’en connais aucune des deux personnellement, donc je ne peux pas dire qui est une diva et qui ne l’est pas, mais j’ai l’impression qu’on met beaucoup de pression aux femmes noires pour qu’elles restent calmes, qu’elles s’adaptent à toutes les situations et qu’elles restent très dociles même quand elles n’ont pas à l’être. Une femme qui travaille dur et est sa propre patronne, sait ce qu’elle veut et a le droit d’avoir certains standards. Ça ne devrait pas être un problème. Et s’il faut que des gens prennent du temps pour qu’elles puissent obtenir ce qu’elles veulent comme il se doit, ça ne me semble pas être trop demander. En tant que femme noire, je sais ce que c’est que de manœuvrer dans cette industrie. Ce n’est pas facile.

« Dans nos communautés, ce n’est pas mal vu d’être un peu ‘chargée’, d’être grande, d’avoir un nez épaté ou des grosses lèvres : c’est juste la norme. »

Quel genre de difficultés as-tu rencontré ? 

Déjà, au niveau de ma musique et surtout de mon image, tout doit toujours être parfait : que ce soit mes cheveux, mon maquillage, mes tenues, etc. J’aime me faire belle, mais je réalise quand même que dans les médias, les femmes noires se font quand même un peu plus juger que les autres couleurs de peau. Les gens ont des problèmes avec nos cheveux, avec la manière dont on s’habille, donc je dois m’assurer que tout est toujours carré. Pareil pour le message que je transmets dans ma musique, j’ai l’impression qu’on en attend plus de moi en tant que femme noire. Rien que le fait de faire en sorte que des gens puissent croire en ta vision, c’est compliqué. Puis parfois, en regardant juste au sein de la communauté noire, j’ai l’impression qu’une fille avec la peau plus claire pourra se tirer de situations auxquelles moi je n’échapperai pas. Pourtant, à mes yeux, il n’y a pas de différences entre light skin et dark skin, c’est la même. Et quand il s’agit d’avoir un impact à l’international, quand tu es noire, les gens n’arrivent pas à voir à quel point tu peux être une star, simplement parce qu’ils ne sont pas attirés par toi. Or ça ne devrait même pas être le sujet, il ne devrait y avoir que le talent qui compte. Parce que si une blanche ou une femme plus claire faisait la même musique que moi, tu lui donnerais probablement un gros chèque. Alors pourquoi moi, j’ai besoin de travailler dix fois plus dur ?

Toi, Aya Nakamura, Megan Thee Stallion, ou même Lizzo, êtes toutes des femmes noires qui ne correspondent pas forcément à ce qu’étaient jusqu’à présent « les standards de beauté ». Et j’ai l’impression que sans cette culture et cette musique, il n’y aurait sans doute toujours pas de place pour les femmes comme vous.

C’est totalement vrai. Il a fallu qu’on se crée cet espace. Toutes les femmes que tu as mentionnées ont eu besoin de travailler super dur pour arriver là où elles sont. Et oui, ce ne sont peut-être pas les standards de beauté « normaux », mais c’est notre beauté. Dans nos communautés, ce n’est pas mal vu d’être un peu ‘chargées’, d’être grande, d’avoir un nez épaté ou des grosses lèvres : c’est juste la norme. Et j’espère sincèrement qu’on continuera à incarner ça. Il n’y a pas qu’un standard de beauté.

Mais est-ce que les gens mesurent vraiment l’impact que cette culture peut avoir ?

Ils s’en rendent compte, mais ils ne veulent pas avouer à quel point c’est grand. C’est bien plus grand qu’ils ne veulent le reconnaitre. L’impact de la culture urbaine, de la culture noire ? C’est fou. Massif. International.

Tu as un morceau intitulé « Bad B Bop ». C’est quoi pour toi, une « Bad B » ?

Une « Bad B », c’est une femme sûre d’elle, qui fait son propre argent, prend soin de sa famille, travaille dur et qui défonce tout, tout en étant on fleek et en restant elle-même. Voilà ce que c’est qu’une Bad B.

Pendant tes concerts, il t’arrive souvent de faire monter des gens du public sur scène pour une danse, un twerk, voire même pour performer un morceau. Pourquoi est-ce si important pour toi ?

J’adore être sur scène. À mes yeux, c’est ce qu’il y a de mieux quand tu fais de la musique – au-delà d’être en studio. Et pourquoi ça m’importe ? Parce que je pense que c’est bien d’interagir avec son public, mais c’est encore mieux de faire en sorte qu’il se sentent réellement impliqué dans ton show. De leur dire : « Monte sur scène avec moi, partage cet espace avec moi. Ce n’est pas seulement mon espace, c’est le tien. » Puis, ça détend un peu les gens du public, parce qu’ils voient d’autres gens venir sur scène et passer un bon moment.

Ton nom est en train de prendre de l’ampleur, mais tu as choisi de ne pas t’engager pleinement auprès d’une major. Pourquoi ?

Je n’ai simplement pas encore trouvé de label qui m’aie fait me sentir chez moi. Je cherche une équipe compétente, avec des gens qui me comprennent, qui captent ma vision et qui peuvent m’aider à l’élargir, et à toucher une plus grande audience. Quand je trouverai tout ça, je prendrai la bonne décision.

Que peut-on attendre de ton prochain album ?

Beaucoup de fun, de légèreté. Beaucoup de morceau pour s’ambiancer en soirée : j’ai été beaucoup en club récemment, donc c’est ce à quoi ça va ressembler. Que tout le monde s’amuse bien, avant que je revienne aux choses sérieuses. [rires]

Qui n’a jamais fredonné « Right Now (Na na na) » au volant de sa voiture nous jette la première pierre. C’est la force d’Akon, qui après une carrière bien remplie, s’engage pour aider le Sénégal et l’Afrique ; quitte à devenir président des Etats-Unis. De passage à Paris, l’artiste a répondu à toutes nos questions.

Photos : @antoine_sarl

Pour la plupart des français, Akon est ce type qui a collaboré trois fois avec Booba : « Locked Up Remix », « Gun in Hand » et « Lunatic ». Pour d’autres, surtout les Américains, c’est un ancien de la musique, avec une tonne de classiques à son actif, qu’on n’écoute plus tellement aujourd’hui mais dont on est ravis d’entendre la voix sur les compilations YouTube « Best 2000 hits we will never forget« . Pour les sénégalais, et peut-être l’Afrique de manière générale, c’est une icône et un philanthrope, entre autres. En réalité, Akon c’est un peu tout ça à la fois.

Car pour sauver son pays et son continent, l’artiste met tout en ordre pour devenir le prochain président des Etats-Unis. Un nouvel album ? C’est une collecte de fonds pour la campagne présidentielle. Une interview ? C’est une prise de parole non négligeable pour exposer ses idées. Alors, de passage à Paris il y a quelques semaines pour présenter son dernier opus, on a profité de sa venue pour lui poser les questions essentielles : Booba serait-il un bon président ? Comment aider l’Afrique ? Un artiste doit-il s’engager publiquement ? Est-il impossible de changer les choses sans passer en politique ? Autant de questions qu’on lui a posées, et auxquelles le hitmaker nous a répondu dans un entretien surprenant, mais extrêmement riche.

SCH aime aller là où on ne l’attend pas. Alors que les auditeurs de rap français fabulaient sur la sortie de la suite de JVLIVS, son précédent album, le prince d’Aubagne a surpris son monde en annonçant Rooftop, un 19-titres variés et puissants qui a tout pour lui faire (encore) passer un cap. Rencontre.

Photos : @aida_dahmani

Le 19 octobre 2018 sortait JVLIVS, le story-telling pas si inventé de Julien Shwarzer à l’orée de ses 25 ans. Un an et un mois plus tard, SCH est de passage dans nos bureaux pour nous présenter Rooftop. Le temps passe vite vers Marseille, et alors qu’il n’a plus rien a prouvé, SCH continue de rapper avec hargne et élégance. Comme au premier jour, comme un éternel rookie. Et ce cinquième album ne déroge pas à la règle. Réalisé entre le Tome 1 et le Tome 2 de la saga JVLIVS, l’opus était nécessaire : SCH avait envie de rapper, de découper, de se raconter encore. Aussi vite quitté, le rap lui manque aussitôt ; c’est le virus des passionnés.

De 2015 à 2019, SCH n’a cessé de gravir les échelons un par un, album après album : du jeune d’Aubagne au parvenu magnifique. Aujourd’hui, il avait bien besoin de hauteur, et nous aussi. Interview.

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Billie Eilish, Lizzo, Lil Nas X… La sélection 2020 des Grammy Awards fait la part belle aux artistes littéralement hors-normes. Dès lors, quoi de plus normal que de voir Tyler, The Creator, papa d’une génération de weirdo, se présenter en favori pour le titre de « meilleur album rap » ?

« Je voulais ce truc depuis mes 9 ans », lâchait Tyler, the Creator en recevant le prix du « meilleur nouvel artiste » en 2011 aux MTV Video Music Awards. Selena Gomez et Taylor Lautner fuyaient presque la scène à la remise du trophée, alors que tout le collectif OFWGKTA prenait le micro d’assaut, criant et sautant comme des enfants possédés. C’était le signe d’un bouleversement : une nouvelle génération s’installait à la grande table du rap U.S, renversant les couverts et les ronds de serviette des anciens. Huit ans après cette première récompense, voici que Tyler Okonma en revendique une autre, et pas des moindres : son album IGOR a tout récemment été nominé aux Grammy Awards 2020 dans la catégorie « album rap de l’année ». Une place que notre trublion, qui vient d’annoncer un concert exclusif au Zénith de Paris le 3 juin 2020, est loin d’avoir volée.

Car en cette fin de décennie, les locomotives de l’industrie ont semblé en perte de vitesse, en témoigne Kanye West, qui s’est égaré sur le chemin de la foi avec JESUS IS KING, ou encore Chance The Rapper, dont le premier album The Big Day a globalement déçu. De quoi permettre à une nouvelle génération d’artistes décomplexés de tirer son épingle du jeu : tandis que Lil Nas X se jouait des réseaux sociaux pour imposer son « Old Town Road » en tube planétaire, Lizzo signait avec Cuz I Love You un LP en tous points hors-normes, et le tomboy Billie Eilish envoûtait son monde avec les ballades noires de WHEN WE ALL FALL ASLEEP, WHERE DO WE GO?. Autant de personnalités qui, au-delà même de leur art, questionnent les notions de genre, de sexualité et les standards de beauté. Pas étonnant donc que la sélection 2020 de la plus prestigieuse cérémonie musicale se soit placée sous le signe de la quête d’identité, assumée ou toujours en work in progress.

Ces nouvelles têtes du rap et de la pop n’ont pas de hiérarchie référentielle comme le mélomane borné du coin. Produits géniaux de la génération Z, ils créent leurs univers sur des textures sonores variées, corrompant la trap, l’électro ou n’importe quelle tendance du moment à la force de leur bizarrerie. Ce qui explique que la plupart de ces nouvelles œuvres soit de tels rollercoasters émotionnels, capables d’émouvoir et d’exciter à deux mesures d’intervalle. Une Nouvelle Vague weirdo qui n’aurait peut-être jamais vu le jour sous cette forme sans Tyler The Creator et ses excès arty. C’est donc un peu en grand-frère pionnier que @feliciathegoat entre dans cette course aux Grammy, menant la horde de petits monstres qu’il a engendré comme le Brain Gremlin qui invite les autres mogwais à saccager cette « civilisation » en chantant « New-York, New-York ».

Le Fantôme de l’OpéRap

De l’eau a coulé sous les ponts. Dans IGOR, Tyler n’est plus cette figure controversée d’autrefois qui blaguait sur les salaceries de R. Kelly ou Chris Brown. Il n’est plus dans cette rébellion juvénile, où il se fantasmait en serial-killer pour effrayer et choquer son prochain, traquant l’ombre de Slim Shady à la première occasion. « Si j’avais commencé à 24 ans avec Flower Boy, mec, je serais un dieu », avouait-t-il d’ailleurs à Zane Lowe dans une interview en juillet 2019 pour Beats 1. Avec du recul, l’artiste portait une analyse lucide de ses trois premiers disques : « Si le projet était cool 65 ou 70 %, il y avait quand même 30 % de ‘Putain Tyler, juste ferme ta gueule !’ Je n’avais pas réalisé que je devrais arrêter de crier sur mes sons avant mes 24 ans. » Ce cheminement se constate lorsque nous revient le cauchemar qu’était « VCR » de l’époque Bastard. 9 ans plus tôt, l’un des premiers clips d’Odd Future voyait Tyler kidnapper quelqu’un, l’enfermer dans sa cave glauque et lui raconter ses fantasmes de viol.

Flashforward : exit Ted Bundy, bonjour Igor ! Là encore le rappeur y projette ses désirs sur l’être aimé dans ce personnage de freak à la coupe au bol peroxydée. Album concept total, IGOR peint autant le début et la fin d’une relation amoureuse que sa pure affabulation. Il s’ouvre sur la création du personnage d’Igor (« IGOR’S THEME »), puis raconte son coup de foudre (« EARFQUAKE », « I THINK »), sa rupture (« RUNNING OUT OF TIME », « NEW MAGIC WAND »), son désespoir (« A BOY IS GUN », « PUPPET »), son déni (« WHAT’S GOOD », « GONE, GONE / THANK YOU », « I DON’T LOVE YOU ANYMORE ») avant de se conclure sur une impossible relation amicale (« ARE WE STILL FRIENDS? »).

Toutes ses émotions placent l’alter-ego Igor à l’opposé des psychopathes qu’interprétait Tyler à ses débuts en lui conférant un romantisme flamboyant. Cela passe d’abord par les bridges soyeux, déjà policés sur Flower Boy, qui explosent ici dans « PUPPET » et « ARE WE STILL FRIENDS? » (pour ne citer qu’eux). Mais aussi par la progression émotionnelle poignante du personnage-titre, qui s’éprend de l’autre, s’en éloigne, la pourchasse avant de capituler et de demander grâce. Mister Hyde des Temps Modernes, Igor rappelle des figures beaucoup plus anciennes et ancrées dans la culture populaire, comme celle d’Erik, protagoniste principal du roman Le Fantôme de l’Opéra, publié en 1910 par Gaston Leroux. Également désigné par son seul prénom, Erik, monstre à l’origine de plusieurs mort mystérieuses dans l’opéra Garnier, s’était amouraché d’une cantatrice du nom de Christine Daaé. Il se révélait finalement âme torturée et artiste maudit en la séquestrant dans son antre pour lui faire écouter le chef d’œuvre symphonique qu’il composait en secret. Comme si l’auditeur était la captive et Igor nous faisait écouter son album. Comme si sa virtuosité était la seule issue à sa vie, sa seule beauté face à sa laideur, sa seule promesse d’amour devant le monde entier.

Tyler, The Creator viendra défendre son album IGOR au Zénith de Paris le mercredi 3 juin 2020. Les places seront en vente dès le 27 novembre à 10h sur DICE.

Sous couvert d’égotrip, le rap de Le Juiice est avisé et clairvoyant. Jeune artiste de Boissy-Saint-Léger (94), Joyce — de son vrai nom — s’est passionnée pour la musique au fil des rencontres qui l’ont poussée à suivre son instinct. Conversation aux prémisses d’une carrière. 

Photos : @callmedebi_

« Quand Juiicy trap, tout le monde écoute. » De clips en freestyles, dans Rentre dans le cercle ou dans ses nombreuses apparitions sur Planète Rap (Marwa Loud, Joé Dwèt Filé, Kpoint, Hayce Lemsi…), la verve de Le Juiice résonne et laisse difficilement indifférent. Membre de l’écosystème Guette L’ascension — collectif créatif fondé par Feuneu —, la rappeuse a la punchline facile au point qu’on en oublierait que ses bons mots sont toujours le fruit de réflexions longuement mûries. Posée et mesurée, Le Juiice nous raconte ses débuts. Celle qui tente le tout pour le tout en se mettant au rap sait ce qu’elle a à faire. Prendre la parole. Créer sa propre catégorie. Et petit à petit, les choses se font. No cap. 

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Comment est-ce que Joyce est devenue Le Juiice ? 

J’ai toujours été entourée de rappeurs, il y a beaucoup de talents près de chez moi. Ce qui m’a boostée, c’est quand j’ai accompagné Baka, un gars de mon quartier qui rappe, faire Rentre dans le cercle lors de la première saison. On était tous venus le soutenir et lorsque Fianso m’a vue, il m’a dit : « Tu rappes ? ». Je ne rappais pas à l’époque mais il a insisté : « Wallah ma sœur, il faut que tu rappes, tu as une dégaine de rappeuse ! ». Plus tard, j’étais en voyage à New-York, j’avais un ami qui enregistrait et qui m’a demandé de poser une voix française sur un son. Ça m’a un peu chauffée, j’ai commencé à écrire et un jour ma cousine m’a proposé de faire une vidéo pour rire. Je l’ai mise sur mon Instagram, et j’ai eu des bons retours, même de la part de rappeurs… À la deuxième vidéo, même chose. Ça a commencé comme ça.

C’était qui Joyce, avant la musique ? 

Je voulais être conseiller patrimoine ! Ce qui n’a rien à voir : j’ai fait des études de finance. Aujourd’hui, ça fait huit mois que je ne fais que de la musique, mais je n’ai pas arrêté pour la musique. En fait, j’ai saturé, j’ai ouvert une société, je voulais tenter l’entreprenariat mais tout ça m’a donné le courage d’aller en studio. Au début, j’ai enregistré deux sons, pas plus. Je les ai faits pour moi, je les faisais écouter à mes potes.

Tu n’avais jamais posé de mots nulle part auparavant ? 

Si, j’ai toujours écrit. J’ai toujours aimé ça. Je lis beaucoup. Mais moi, j’écrivais de la poésie, depuis l’école primaire. Ça s’est transformé avec le rap.

« Je viens d’un milieu d’hommes, ça ne m’effraie pas, au contraire. »

J’imagine que le rap faisait partie de ta vie depuis longtemps déjà. 

Ma mère écoutait Passi, MC Solaar, beaucoup de soul et de reggae aussi. Moi, je n’ai pas de grand frère ou quoi mais dès la 6ème, à l’époque où l’on découvrait des artistes sur des mixtapes, j’écoutais des compils de rap français. Avant, ce n’était pas pareil, surtout chez les filles, elles n’écoutaient pas de rap. Quand j’en écoutais, les meufs me disaient que c’était juste pour plaire aux garçons. Ça fait plaisir que ça se démocratise comme ça aujourd’hui. 

Quels sont les artistes ou les sonorités qui t’ont inspiré ? 

Quand j’ai commencé, j’aimais bien les classiques U.S., un peu old school. Ma génération a un peu le cul entre deux chaises. Entre l’époque où tout le monde ne pouvait pas rapper et la nouvelle génération, avec des sonortités beaucoup plus trap, avec de l’égotrip à fond. Il y a une petite transition à faire… Pour moi c’est fait, j’écoute de tout : je peux écouter du rap conscient comme de la trap bête et méchante. J’écoute beaucoup de rap français, mais on n’a pas la culture rap en France, et comme ça vient des U.S., j’essaye de prendre exemple sur les meilleurs. Et en particulier sur la musique d’Atlanta. Sur Gucci Mane.

À quel moment tu as commencé à te projeter à ton tour, à prendre les choses au sérieux ? 

Après le premier son, j’étais encore dans l’amusement. Et là, boum, on me contacte pour Rentre dans le cercle. Je me suis dit : « Il faut que je les tue : je n’ai rien à perdre, je m’en fous, je ne suis pas connue. Je fais ce que j’ai à faire. » Je viens d’un milieu d’hommes, ça ne m’effraie pas, au contraire. J’étais très contente. C’était une bonne expérience, avec des artistes confirmés comme Maska ou Bosh. Voir que certaines personnes aiment bien… En fait, ça m’a débridée. Parce qu’en vrai, j’aime trop la musique. Avant, je pouvais passer des heures à en parler et je me suis re-découverte. Je me suis dit : « Peut-être que c’est moi ».

« Ça manque de jeunes femmes qui viennent de milieux qui ne sont pas aisés et qui se battent pour avoir ce qu’elles veulent. »

Est-ce que tu t’es immédiatement posé la question des obstacles que tu pourrais rencontrer, comme par anticipation ? En tant que rappeuse, en 2019 ? 

J’ai eu des petits moments de doute, mais je suis vraiment dans l’optique que je n’ai rien à perdre. Ça marche, tant mieux. Ça ne marche pas, tant pis. J’aurais fait ce que je kiffe. Après, les obstacles, ça me connaît, j’en ai toujours rencontré. Tout est dur. J’étais dans le secteur bancaire avant : je suis une fille, jeune, noire, qui travaille avec des gens aisés qui me parlent avec des termes techniques… Tu es souvent impressionnée, même si tu as les compétences. C’était déjà un combat. Alors quand les gens me demandent si, en tant que meuf dans la musique, c’est compliqué, je peux dire que je n’ai pas à me plaindre. Ça ne fait même pas deux ans que je rappe et ça bouge bien.

Dans « No Cap », tu dis : « Peut-être que je pourrais vivre de ma passion mais pour l’instant je me pose encore plein de questions »… 

Oui, c’est incertain encore. Ça reste un petit milieu, avec des gens que tu n’as pas forcément envie de côtoyer. Tu te demandes si ça ne va pas te travestir. Mais je pense que mon pire ennemi, c’est moi. Avant que quelqu’un me mette des embûches, je pense que je le ferai moi-même. 

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Pourtant, j’ai l’impression que tu viens combler un vide. Il ne t’arrive pas de penser que si tu ne prends pas la parole, personne n’ira le faire à ta place ?

Si, c’est exactement ça. Car en tant qu’auditrice de rap, il n’y a aucune rappeuse qui dit ce que j’aimerais entendre. Je pense qu’il y a plein de meufs avec ma mentalité qui ne sont pas représentées. Sans critiquer les autres artistes femmes, moi, je n’ai pas envie de pleurer sur mon sort. Je parle en mon nom mais je sais qu’on est plein et que ma voix résonne dans la tête d’autres personnes. 

Qu’est-ce qui manque selon toi ?

Ça manque de jeunes femmes qui viennent de milieux qui ne sont pas aisés et qui se battent pour avoir ce qu’elles veulent.

Qu’en est-il de Shay, pour ne citer qu’elle ?

Je respecte son travail mais je ne suis pas dedans. Je fais très attention aux lyrics, et je suis d’ailleurs très critique envers moi-même : même si je n’ai pas une grande discographie, je trouve que mes titres ne me représentent pas encore assez. Et quand j’écoute les paroles de Shay, il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Dans le fond. En ce qui concerne les hommes notamment. Je l’écoutais et je l’appréciais à ses débuts, je me suis identifiée à cette femme noire de banlieue entourée de gars. Mais les « Il faut que mon mec ait des billets verts », c’est trop superficiel. Aujourd’hui, j’aime bien Lala &ce. J’aime bien Angèle. J’aime bien Yseult. 

Mais il ne s’agit pas que des femmes. Dans « Wells Fargo », tu charries : « Ils se mettent à faire de la zumba, donc je me dois de faire le sale job ». En fait, tu mets une correction à tout le monde, comme si tu ne trouvais pas ton compte dans ce qui se fait déjà.

Je trouve que la scène du rap français se travestit un peu en ce moment. Je ne peux pas leur en vouloir de faire de l’argent et de faire ce qui marche. Mais les artistes qui ont commencé avec une base hardcore et qui, maintenant, utilisent toujours les mêmes rythmes, etc., bon… 

La perte de l’authenticité, c’est quelque chose à laquelle il ne faut fléchir sous aucun prétexte selon toi ? 

Je veux pas rentrer dans un moule. Quand tu commences la musique, au début, il n’y a que ça. Il y a juste la musique. Mais en vrai, il y a le business. Il y a les stratégies. Tout commence à devenir calculé. Tu ne fais plus les choses par instinct. Et moi, je suis quelqu’un de très spontané. Donc ça me bloque un peu. J’aime bien faire ce que je veux. L’arrivée dans l’industrie, c’est le plus dur.

« Quand j’écoute le rap d’un homme, j’ai vite l’impression que c’est adressé à des femmes, en les descendant… Donc en quelque sorte, il faut une réponse. »

À qui est-ce que tu t’adresses dans tes textes ?

J’ai plutôt l’impression que je parle à des gars quand j’écris. Sans rester trop focus non plus. Quand j’écoute le rap d’un homme, j’ai vite l’impression que c’est adressé à des femmes, en les descendant… Donc en quelque sorte, il faut une réponse. Il y a beaucoup de choses à dire sur eux aussi. 

Mais tu dois aussi avoir beaucoup de réactions venant du public féminin. 

La phrase qui revient toujours, c’est : « Enfin ! » 

Comme tu le rappes toi-même, tu es en pleine ascension. Dans cette trajectoire, qu’est-ce que tu as envie d’apporter à ceux qui t’écoutent ? 

Je vais prendre l’exemple de Missy Eliott. Je voudrais ramener un univers complet. Créer ma propre case. En ce moment, je me concentre sur les sons. J’essaye de me livrer un peu plus. Parce que ce que j’ai fait jusqu’ici reste encore léger. C’est comme si j’avais amusé la galerie, c’est du turn up. J’ai envie de faire des choses un peu plus travaillées, où je me confie. Je suis en pleine ascension, mais l’ascension, c’est du travail. Je travaille, je travaille, je travaille, et on verra.

Finalement, c’est quoi être une « Trap Mama » ? 

C’est un lifestyle ! L’univers de la trap, c’est musical avant tout. Mais c’est aussi la rue, c’est la street. Je représente mon quartier. Et « mama », c’est pour dire que je suis au-dessus. C’est de l’égotrip. Les autres, ce sont mes enfants. Dans le clip de ce morceau, je voulais mélanger le côté africain et le côté street. Je voulais mettre en avant mes origines car je suis ivoirienne. Mais je voulais aussi montrer toutes les casquettes que peut avoir la femme. Il y a la femme indépendante, qui va travailler, mais qui doit faire à manger pour ses petits frères et sœurs quand elle rentre, puis qui va au studio, ou qui reste avec ses potes à la cité. On peut tout faire.

Cinq ans après sa première interview pour YARD, voilà que l’on retrouve Niro à l’occasion de la sortie de son dixième album solo Stupéfiant. Le but : répondre aux mêmes questions qu’à l’époque, histoire de constater l’évolution d’un des rappeurs les plus importants de la décennie.

Paraplégique, Rééducation, Miraculé, Si je me souviens, Or Game, Les Autres, OX7, M8RE, Mens Rea, Stupéfiant… 10 albums. Une discographie aussi large est rare, surtout pour un artiste qui l’a débutée en 2012. Il n’y a « que » sept ans. D’autant plus quand cette discographie n’a rien à envier au quart de celles des autres. Que ce soit dans sa musique, sa communication, sa stratégie, ses business naissants ou son personnage, Niro est de ceux qui s’auto-proclament « meilleur de sa génération ».

Mais sa génération, c’est quoi ? Celle des Talents fâchés, des mixtapes Autopsie. Celle des enfants du rap, étudiants de la forme et du fond, prêts à tout donner sur un featuring, une apparition Planète Rap ; se faisant connaître par la technique, le propos, le découpage en bonne et due forme. Niro est sûrement, à date, le dernier roi sans couronne du rap français. Héritier des « Salif, Le Rat, Despo, Socrate, Zesau, Lino, Koro et Kery », il s’inscrit dans la lignée des rappeurs respectés du milieu, admirés par ses fans, souvent ignorés par le grand public mais tous les ans présents. Toujours forts et vivants.

Avec la sortie de Stupéfiant, divisé en quatre EP de 4 titres + ceux à venir sur l’album, Niro s’évertue à repousser les limites de la communication. Logique pour celui qui s’est peu à peu transformé en businessman après avoir quitté le label Street Lourd, créant structure sur structure. « Je ne travaille plus pour les labels, mais avec les maisons de disques » nous dit-il aujourd’hui. Une maturité qu’il a gagné et dont il est fier quand il (re)regarde sa première interview cinq ans plus tard.

En 2018, il sortait son premier album C’est Rémy. Aujourd’hui, il continue sur sa lancée avec Rémy d’Auber. À l’occasion de la sortie de son second projet en solo, on s’est assis avec Rémy pour discuter de ce qui nous semble être essentiel : la place d’un artiste en marge des tendances. 

Le 18 avril 2018, YARD était parti faire la rencontre d’un jeune talent du 93, héritier direct du rap d’Aubervilliers : Rémy. Avec sa mélancolie, son style à l’ancienne, et sa volonté de porter un message, le rappeur était loin d’être certain de pouvoir trouver sa place dans le rap français actuel. Et pourtant, un an et quelques mois plus tard c’est chose faite : C’est Rémy est certifié disque d’or. Après une tournée de concerts dans toute la France, des apparitions sur la compilation 93 Empire, Rémy s’est fait une place de choix dans le paysage du rap francophone. Pilier actuel d’une musique dont le sens de ses mots est une priorité, sans jamais être un frein aux bonnes sonorités, le rappeur a réussi à trouver le juste équilibre entre deux époques d’un même genre. S’il aime qu’on le voit comme un mélancolique, un lyriciste de première zone, Rémy reste lucide et se sait capable d’avoir une palette musicale large : à la hauteur de son talent. C’est cette modernité, cette remise à niveau du rap d’antan qui interpelle la curiosité de plus en plus d’auditeurs et qui lui a permis de se construire un réel éco-système dans lequel il se sent bien et légitime. À l’occasion de notre émission « En Y » sur Rinse France, on a invité le natif d’Aubervillers à participer à un débat presqu’éternel pour l’histoire du hip-hop : les mots ont-ils encore un sens et quelle place réserve-t’on à ceux que l’on considère comme des lyricistes en 2019 ? Interview.

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On s’était rencontrés à l’occasion de ton premier album, C’est Rémy, l’année dernière. Depuis, tu as été certifié disque d’or, tu as fait une tournée, tu as été présent sur la compilation 93 Empire, et tu as sorti ton second projet Rémy d’Auber. Est-ce que tu te situes à la place que tu souhaitais ?

Pour l’instant, je me sens à la place que je veux. Parce qu’on ne peut pas griller les étapes. Je suis très content de là où je suis maintenant. Je ne vais pas te mentir, depuis que je suis petit, je me suis vu percer. Mais si un jour on me l’avait dit, je ne l’aurais jamais cru. Donc aujourd’hui, je suis à la place où je veux être parce que j’ai des objectifs, qui sont plus personnels que professionnels, qui sont justement en train de se réaliser. Autour de la musique bien sûr, mais pas que.

Quand tu as signé chez Def Jam, tu n’avais aucun morceau. Tu as été signé sur une promesse, celle d’un échange entre toi et la maison de disque pour faire quelque chose ensemble qui devait fonctionner. Personne ne te connaissait vraiment et aujourd’hui, tu es certifié disque d’or. Est-ce qu’il n’y a pas une meilleure manière de commencer dans le rap ?

Je ne pense pas. Avant, je n’étais pas connu, mon premier album est disque d’or… Clairement, je ne pense pas. Le disque d’or en plus, je ne le voyais pas vraiment venir. Je demandais mes chiffres de temps à autres, et au bout d’un an et quelques mois, l’album était à 40.000 ventes et quelques ; je me suis dit qu’il allait arriver au même moment que le deuxième album. Mais il est venu juste avant.

J’ai l’impression que tu as réussi à trouver ton rythme…

J’ai réussi à me connaître. À me comprendre. Avant d’être signé, j’avais déjà posé une quinzaine de sons au studio, j’avais fait deux-trois clips mais c’était des choses que seul mon entourage proche savait. Je n’avais jamais été dans le « vrai rap », donc je ne connaissais rien. C’est comme si tu rentres en seconde au lycée, tu ne connais rien de cette vie-là. C’est Mac Tyer qui m’a tout appris, surtout les mauvaises choses, les vrais vices. Il me disait : « Lui, c’est une merde », « Lui, c’est un bon. » Il m’a montré les vrais dessous du métier, donc ça m’a aidé à comprendre plus vite. C’est aussi lui qui m’a dit que faire un album, c’est important. Ce n’est pas juste réaliser un quinze ou seize titres, c’est plus que ça. C’est lui qui m’a appris à rapper en vérité. J’ai eu un bon professeur.

Est-ce que tu penses que c’est facile pour un artiste comme toi de trouver son écosystème dans le rap ?

Non, ce n’est pas facile, vraiment pas. Personnellement, les gens ont adhéré à ma personne, à mon image et je pense savoir pourquoi parce que j’ai une bonne auto-analyse. Mais la réalité du milieu c’est qu’il faut avoir quelque chose maintenant. Moi, par exemple, c’est que je suis un gros, blanc, de cité. Voilà, c’est ça la vérité. Si j’avais été maigre, peut-être que je ne me serais pas fait connaître de la même manière. Ce que les gens veulent voir c’est quelque chose qu’ils n’ont pas l’habitude de voir et c’est pour cette raison que maintenant des artistes font le buzz pour tout et n’importe quoi. Dès qu’un mec lève sa jambe plus haut que sa tête, il perce. C’est là que tu vois que la mentalité française s’américanise petit à petit.

On parlait avec Niska récemment, qui nous disait que pour que ton album marche, il faut que tes sons passent en club. Toi, Rémy, tu as très peu de morceaux qui passent en club. Et on sait que pour les rappeurs, la partie showcase, c’est ultra-important financièrement.

Je suis quelqu’un de simple, je suis devant ma feuille et j’écris ce qu’il me passe par la tête selon l’instrumentale. On pourrait croire que je ne fais que du mélancolique, du conscient avec un message, un engagement particulier… Mais dans mon premier album, tu peux trouver quelques morceaux qui sont loin de cette image. Et ce sont des morceaux que j’ai fait peut-être encore plus naturellement que d’autres sons mélancoliques. Dans le rap, il y a deux écoles. Celle des concerts, et celle des clubs. Tout dépend du style de musique que tu as. Personnellement, je ne suis pas un mec des showcases, mais je suis un mec des concerts. Moi, ce que je veux, c’est remplir les salles et faire rêver les gens à travers ça. Selon moi les showcases, c’est plus le côté « je prends mon argent et je me barre », ça perd un peu sa saveur. Il y a un truc important que les gens oublient souvent, c’est que les clubs appartiennent au monde de la nuit. Aujourd’hui, il y a plein d’artistes qui font des millions de vues et qui écument tous les clubs de France mais je ne les connais pas et personne que je connais ne les connaît. C’est un autre monde, comme un autre rap. Quand tu fais des showcases, tu rappes à 2h ou 3h, quand tu fais un concert, tu commences à 21h. Tout est différent.

« Ce que je veux, c’est remplir les salles et faire rêver les gens à travers ça »

Tu parlais de Mac Tyer tout à l’heure, qui te disait combien un album était important. Quand on regarde le rythme de production dans le rap aujourd’hui, c’est presque un rythme d’usine. Toi pourtant, tu sembles faire un rap qui demande plus de temps et de réflexion. Est-ce que tu as une pression particulière des labels ?

Je n’ai aucune pression du label. Je travaille comme je veux et comme j’en ai envie. Si tu regardes aux États-Unis, certains artistes envoient leur album tous les deux ou trois ans, mais pourquoi ? Parce qu’ils font 17 titres qui, quand tu les écoutes, te font comprendre pourquoi ils ont mis deux ou trois ans à les sortir. Moi, je me suis bien découvert maintenant, donc je sais que je suis quelqu’un qui écrit doucement. Je n’ai pas l’inspiration tout le temps et tous les jours. Ce que je sors, ce sont des trucs vrais. Alors je pourrais écrire tous les jours, mais ce ne sera pas le même rendu ni le même résultat. Maintenant, je connais ma manière de travailler et je sais que je ne peux pas sortir deux albums en un an dont je suis totalement fier et content. Mais le fait de sortir 3 sons par jour n’enlève en rien la qualité de la musique si tu prends en exemple un mec comme Jul. C’est juste que chacun a sa manière de travailler.

Est-ce que tu n’as pas l’angoisse de ne plus pouvoir écrire un jour ? De ne plus avoir quelque chose à dire ?

Tous les jours. C’est une grosse peur que j’ai. Si demain t’es signé pour quoique ce soit qui découle de ton inspiration ou de ton prétendu « génie », et que du jour au lendemain tu n’es plus inspiré, tu fais quoi ? Moi, maintenant, je me connais, mais j’ai toujours cette peur permanente. À chaque fois que je ne rappe pas pendant une semaine, j’ai cette peur. Mais c’est logique, on est des humains. C’est comme ça, on se remet en question souvent mais on continue.

Est-ce que tu penses que les « lyricistes » ont toujours leur place aujourd’hui dans le rap français ? Quand on écoute ton rap, on pourrait presque se dire que tu ne vis pas à la bonne époque. 

Je pense au contraire que j’arrive au bon moment. Pour moi les mots ont un sens, mais ce n’est que de la musique, donc selon moi, tout dépend de la mentalité dans laquelle tu as grandi, et l’environnement musical dans lequel tu as évolué. Par exemple, si tu grandis avec des sons plutôt dansants, tu as plus de chance qu’à un moment dans ta vie le côté musical passe devant les paroles. Pour ma part, les mots sont super importants.

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Est-ce que tu arrives à être un consommateur d’un rap purement divertissant ? 

Je vais en consommer bien sûr, mais en consommateur averti. J’aime tous les styles de musique, et je n’écoute pas que des morceaux avec des mots qui ont un sens, parce que notre cerveau n’a pas tout le temps envie de recevoir autant d’informations tout le temps. Moi, je sais que les gens qui m’écoutent ne m’écoutent pas tout le temps, 24 heures sur 24, même moi je ne m’écoute pas tout le temps, je deviendrais fou sinon. Mais, selon moi, les mots ont un sens, oui, car il ne faut pas oublier que le rap, à la base, c’est ça. Cependant, on peut se permettre de faire de la musique sans porter un message quelconque, aussi parce que tout le monde le fait aujourd’hui.

Comment tu construis ton rap ? Entre, d’un côté, la brutalité de ce que tu vois et de ce que tu vis au quotidien, et, de l’autre, la volonté de traduire cette brutalité de la bonne manière, façon rap ?

Au début, quand je rappais, ce n’était que du naturel. C’est-à-dire que la manière que j’avais d’accompagner mon propos, avec les flows, c’était une manière qui me semblait être la bonne parce qu’elle me venait naturellement. En réalité, c’était surtout mon propos qui guidait ‘ma manière’, je trouvais le flow suivant les mots que j’écrivais. C’est en ça que, selon moi, les mots sont super importants : ils définissent ton flow. Aujourd’hui, on ne parle pas beaucoup de Nekfeu, mais pour moi c’est quelqu’un qui a réussi à allier le flow et le fond comme peu de gens. Quand j’écoute Nekfeu, je comprends pourquoi le public a, aujourd’hui, besoin de mots et de sens dans les phrases qu’ils écoutent. Après, je sais qu’on est peu à avoir la volonté de faire ça, mais on revient petit à petit. Je pense que dans le rap français, il y a eu un moment il y a quelques années où les mots n’étaient plus du tout importants car les gens n’avaient pas envie de ça. Quand je suis arrivé avec le morceau « Réminem », j’ai senti que les gens se remettaient au ‘mélancolique’, parce qu’il n’y avait personne qui le faisait. Après, les artistes commençaient à ressortir un son mélancolique par-ci par-là, genre : « Regardez, moi aussi je sais rapper comme ça. » C’est ça les tendances de toute façon. Ils sont moins plébiscités parce que maintenant tout est une question de buzz. C’est le buzz qu’on plébiscite.

Trappes (78190), août 2019. C’est là-bas, cet été, que YARD s’est rendu pour rencontrer Le Youngpapiline, un personnage étonnant. Parce qu’il a construit sa propre entreprise de façon quelque peu exemplaire, autour d’un mode de pensée inspirant, nous lui avons laissé la parole. 

Photos : @zakanakin
Modèles : @alassanediong, @marcmaloisel et @youngpapiline

Des limons naît parfois la plus claire des lumières. Celui qu’on appelle Le Youngpapiline ressemble à cette fleur de lotus qui germe et qui s’élève dans les marécages hostiles, mais qui finit par éclore à la surface de l’eau, afin d’attraper quelques rayons lumineux. Originaire de Trappes, ce personnage hors du commun aux multiples surnoms traduit avec finesse une vision progressiste de l’Hédonisme et du plaisir, tout en questionnant la condition humaine à laquelle nous sommes tous confrontés. À travers sa marque de textile HEDONISM, il incarne un état d’esprit et un art de vivre qui lui sont propres. Le vêtement serait, selon lui, le meilleur médium pour exprimer sa pensée et toucher le plus coeurs. Nous sommes partis à la rencontre du Youngpapiline chez lui, à Trappes. Le récit qui suit est celui d’un penseur de son temps et de son environnement : nous l’avons écouté nous parler de plaisir et de passion.

« Le bonheur ne consomme pas beaucoup d’énergie »

« J’habite à Trappes et j’ai vingt-sept ans. Tu sais, ici, Trappes, on la surnomme « le piège ». Ce n’est pas un surnom très valorisant pour cette ville. En anglais, « trap » veut dire piège et ça colle bien avec ce que cette ville nous offre : rien de plus qu’un piège, un énorme fossé entre notre réalité et nos ambitions. Trappes, c’est une zone tellement éloignée de la capitale, qui est inaccessible pour nous géographiquement et socialement, que lorsqu’on l’atteint, elle nous appartient. Cet environnement hostile qu’on retrouve partout en banlieue conditionne notre capacité ou non à aspirer à une vie différente. Nicolas Anelka, Omar Sy ou encore Jamel Debbouze sont tous les trois originaires de Trappes et ont été conditionnés de la sorte, mais tous les trois ont esquivé ce piège. Trappes en a été l’exemple, mais aujourd’hui le neuf-un, qui est une zone similaire à la nôtre de par sa localisation et son exclusion, est en train de tout rafler. Le quatre-vingt-onze a aujourd’hui un impact culturel colossal sur notre jeunesse. À l’instar du trio trappistes, PNL, de Niska ou encore de Koba LaD, chacun est en train, dans son registre, de donner à son territoire une place dans la société. La rue fait vendre et on l’a bien compris. Savoir tourner à son avantage chaque aspect de ton environnement est la première leçon que j’essaye de transmettre autour de moi. »

« Quand je quitte la A13, c’est pour vivre »

« La première fois où j’ai entendu le mot ‘Hédonisme’, c’était au collège, par mon prof d’histoire, avant même de savoir ce que c’était que la philosophie. On sortait de cours et j’avais lâché une réflexion bête sur le moment : ‘Les cours c’est frais, mais les devoirs, ça casse les couilles.’ Le professeur a entendu ce que j’ai dit et m’a répondu : ‘T’es un hédoniste toi en fait !’ Ce mot m’a immédiatement interpellé comme si c’était un signal, une balise que je devais suivre. Mais ce n’est que quelques années plus tard, le temps que je découvre la philosophie, que je me mette étudier et à lire sur le sujet de l’Hédonisme que je m’y suis véritablement intéressé. Le premier ouvrage que j’ai lu sur ce courant, c’était La Lettre à Ménécée d’Épicure, le premier auteur à parler d’Hédonisme. Selon lui, il s’agit d’une doctrine dure, dictant à l’homme d’apprendre à se contenter de ce qu’il a, à être heureux avec du pain et de l’eau. Puis, j’ai découvert et lu Michel Onfray, mon philosophe contemporain préféré. Il définit l’Hédonisme comme un art de vivre, de mieux vivre, qui permet de se débarrasser de ses illusions. »

Youngpapiline hedonism yard

HÉDONISME :

Nom masculin. Du grec hêdonê, plaisir.

Doctrine philosophique selon laquelle la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance constituent le but de l’existence humaine.

« Ce qui m’a tout de suite fait accrocher à la philosophie, c’est qu’elle introduit le rapport à la vie, le questionnement sur notre condition et notre existence. Il existe une multitude de courants philosophiques, mais l’Hédonisme est le courant qui m’a le plus touché. Je me dois de me questionner sur mon existence. En observant la société que nous avons bâtie, j’ai constaté que l’humain passe plus de temps à faire croire aux autres qu’il vit, qu’à vivre réellement. Les gens prêtent plus attention à leur image, à montrer aux autres que leur existence est justifiée plutôt qu’à justifier leur existence. Finalement, ces gens-là sont malheureux. Le matériel et l’argent ne sont que de toutes petites figures de notre vie, et je suis sûr qu’il y a une grande majorité de gens qui sont beaucoup plus riches que moi, mais qui vivent moins bien que moi. Je le dis sans prétention, je ne me le permettrais pas. Mais je pense que me poser toutes ces questions sur ma personne m’a permis de découvrir qui j’étais réellement.

L’Hédonisme va au-delà du plaisir même des choses et des acquis, il est en réalité un art de vivre qui permet de bâtir une éthique, également fondée sur l’esthétique. Ce n’est pas une doctrine ou encore quelque chose de générique, c’est une part de notre existence qui sommeille en chacun d’entre nous et qu’il faut aller chercher. L’une des idées reçues au sujet de cette philosophie consiste à penser qu’il s’agit d’un état d’esprit que les personnes fortunées ont développé, ou bien qu’il s’agit d’un culte du matériel et de l’argent. Or pour moi, l’hédoniste peut très bien être ce type qui se pose sur son canapé devant sa télé un samedi soir devant un télé-film poussiéreux. C’est aussi celui ou celle qui ressent la satisfaction d’avoir fini sa course de 10 kilomètres. D’ailleurs, les plus grands hédonistes restent les enfants, ils ont le bonheur facile et leur innocence caractérise leur Hédonisme. »

« Mon patrimoine le plus cher, ce sont mes souvenirs »

« Je porte plusieurs surnoms qui me caractérisent bien, à mon avis. On m’appelle « Le Stefano » car j’admire beaucoup le travail de Stefano Pilati, l’ancien directeur artistique du prêt-à-porter homme chez Yves Saint-Laurent. Je m’identifie pas mal à lui et à son travail, je me voyais un jour à sa place, d’où ce surnom. Mon deuxième blaze, c’est « Le Youngpapiline ». Ce surnom vient de « Papi », ce fameux surnom que les femmes hispaniques donnent à leur chéri. On a commencé à m’appeler comme ça car j’ai commencé à fumer des cigares très tôt ! À l’époque, j’étais au square, dans ma Clio 3 Initiale, tout seul, à fumer des Cohiba. Les gens pensaient que j’étais fou, alors que c’était petit mon plaisir à moi. Aujourd’hui, on m’appelle « El Patriarca Del Hedonismo » car j’ai pris l’Hédonisme à bras le corps, lorsqu’on parle de moi, on associe directement cette philosophie à mon nom. C’est vraiment cet état d’esprit que je promeus dans mon quotidien. »

« Je laisserai l’amour fleurir,
Même en ayant connu sa forme la plus obscure,
Car Hédonisme est Amour »

Haïku par Le Youngpapiline

Il est partout, et nulle part en même temps : Gambi s’impose en nouvelle sensation du rap français avec des tubes ultra addictifs. Mais personne (ou presque) ne l’avait encore vu sur scène : on a invité le phénomène en surprise au premier YARD Winter Club de la saison.

La Belgique ne cesse de souffler son vent de fraîcheur musicale sur l’Hexagone et amène en cet automne une brise des plus ébouriffantes : Lous and the Yakuza. Avec son premier single « Dilemme », la jeune chanteuse propose un univers impudique sur ses sentiments, honnête sur ses intentions et audacieux dans sa vision.

Photos : @alextrescool

C’est avec un énorme sourire aux lèvres et des yeux pétillants que Lous nous accueille pour l’entretien. Non pas qu’on ne s’attendait pas à sa bonne humeur, mais cette joie extrême peut être surprenante venant d’une artiste dont les textes sont assez sombres. Car à 23 ans, la jeune femme a traversé de nombreuses épreuves, se retrouvant plusieurs fois à la rue, s’accrochant à son rêve de devenir chanteuse pour garder la tête hors de l’eau. Ce sont donc logiquement ces moments-là qui l’inspirent le plus, moments indispensables pour offrir la musique la plus proche d’elle et donner un album, intitulé Gore et prévu pour début 2020.

Jamais dans l’entre-deux, la musique de Lous vacille d’un extrême à l’autre, comme ses sentiments. La Belge aime les combinaisons, mais pas comme deux couleurs qui se mélangeraient pour en donner une troisième, plutôt comme l’eau et l’huile qui se superposent sans jamais se diluer, sans jamais perdre de leurs caractéristiques fondamentales. Celle qui prône l’amour H24 a saisi qui elle était depuis sa plus tendre enfance et compte bien le faire découvrir au monde entier. Pas pour elle non, mais au nom de causes bien plus grandes. Entretien à cœur ouvert.

Comment tu te sens après la sortie de ce premier single ?

Je suis en extase. Je n’étais pas prête mais c’est tout ce que je voulais dans la vie. Je suis la première à dire que je veux niquer le game, et là je suis en mode : « Ah, du coup, tout le monde est d’accord avec moi ?! ». Mais franchement, je n’avais aucune attente. Je voulais juste que les gens écoutent et il y en a eu plus que prévu en peu de temps. Je me prépare toujours pour le pire flop du monde et pour la plus grande réussite. Je suis prête psychologiquement pour les deux, j’anticipe ce moment depuis que je suis née.

Signer en major était un objectif pour toi ?

C’était une étape à passer parce qu’en tant que Belge, si tu ne signes pas en label, tu ne vas nulle part. On en parle souvent entre nous. Il faut des fonds pour faire de la bonne musique et appliquer ta vision. Quand je vois mon clip, je me dis que jamais je n’aurais pu le faire en indépendant, à moins que je sois fille de millionnaires. Quand tu vois Damso, Shay, Angèle, Hamza, L’Or du Commun… visuellement, il y a une exigence au premier single. On a l’impression de n’avoir qu’une seule chance. On a tellement galéré pour en arriver là que lâcher deux ou trois freestyles « juste pour voir comment ça prend », non… Ce n’est pas du tout ma mentalité en tout cas.

Ce n’était donc pas ton but avec les six petits « Actes » que tu as sortis sur Instagram ?

Non, mon ambition était différente. Comme je connais déjà la direction de mon album, je voulais que les gens comprennent que je ne sais pas faire que ça. Que je suis ouverte d’esprit. Mon album est tellement calibré que je voulais un peu de légèreté avant de le sortir. Ces capsules étaient très spontanées, j’ai appris à jouer du piano en janvier, je me suis torchée à m’entraîner 15 heures par jour. En mars, j’avais déjà composé une vingtaine de morceaux. Trois mois plus tard, je me suis dit que j’allais écrire une pièce de théâtre sous forme de petites chansons, c’est pour ça que ça s’appelle « Actes ». J’ai ensuite demandé à Krisy de me les produire et on a fait ces petites vidéos. Avec Krisy, on se voit toute la journée, c’est comme mon frère, on fait quasiment tous nos projets ensemble. On a pris une pièce, on l’a décorée selon nos envies, selon la prod’… c’était vraiment home made. Il n’y avait pas de marketing. C’était juste nous qui sortions de la musique pour nous amuser. Là où un album, c’est beaucoup plus de travail. Mais je suis de nature trop versatile, j’ai du mal à rester focus : travailler la communication autour de la sortie d’un single, et donc ne pas trop faire la ouf sur Instagram, c’est compliqué pour moi, mais je sais que c’est pour mon bien. Si je le pouvais, j’aurais déjà lâché mon album en mode : « Écoutez-le, s’il vous plaît » !

Le premier single, « Dilemme », c’est le morceau qui te représente le mieux ?

Ouais, c’est un panorama visuel et artistique de mon album, ça englobe plusieurs styles sans tout dévoiler. C’est flou et clair en même temps. Musicalement, quand je prends le refrain de « Dilemme », je trouve qu’il exprime bien la mélodie, et le couplet exprime bien un truc plus rap. J’ai des sons extrêmement hip-hop, trap, pop ou R&B, j’espère que les gens vont comprendre cet univers. « Dilemme » est vraiment à l’image de mon existence : entre la joie et la peine, la peur et l’audace, le calme et le stress. Il est l’un des derniers titres que j’ai écrits et c’est le premier qui sort. Finalement, il fallait avoir écrit tous les autres pour faire ce constat.

« En fait, je ne m’identifie à personne, je me suis toujours suffi à moi-même, et c’est ce qui rend le chemin plus dur. »

Où sera finalement posé ton album dans les bacs ?

Dans la pop, j’espère ! Je veux faire de la musique populaire, je veux que ça touche n’importe qui, qu’il puisse être proposé à n’importe quel public.

Et en ce qui concerne les thèmes, il est accessible ?

Je pense que si les thèmes sont bien apportés aux auditeurs, ils seront compris. C’est là où c’est important d’avoir une stratégie de lancement et de marketing parce que j’ai ce côté très narcissique dans ma musique et il y a une narration bien précise à choisir, à appliquer et à défendre pour que le message de l’album soit correctement introduit pour être compris.

Comment s’est construit ce projet musicalement ?

Une grande partie de l’album a été écrite avant de signer. La production a pris beaucoup de temps parce que je suis exigeante. Je voulais que la musique soit unique. Pour l’écriture et les toplines, je sais que je vais tout donner, puisque je fais les mélodies, que je travaille mes rimes… Par contre, pour la prod’, je voulais quelque chose de lunaire, que ce soit de la pop nouvelle. C’est pour ça que je voulais bosser avec El Guincho, qui est devenu mon producteur et mon réalisateur. Quand j’ai entendu « MALAMENTE » de ROSALÍA, du flamenco et du hip-hop ensemble, avec une meuf super strong, qui « empower », j’ai pensé : « C’est quoi ce délire ? ». J’aimais la folie de El Guincho sur El Mal Querer, et même si je ne savais pas s’il allait pouvoir produire du hip-hop pur, je savais qu’il en avait les capacités, il m’a complètement surprise. Et maintenant, on se parle tous les jours, il est très investi dans le projet. C’est pour ça aussi que je m’appelle Lous and the Yakuza, pour attribuer du crédit aux gens qui font réellement partie du propos.

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Tu as commencé à écrire très jeune…

J’écris depuis que je sais écrire. J’écrivais mon prénom : Marie-Pierra. J’étais complètement fascinée du fait que l’on puisse écrire quelque chose pour se souvenir. Je pouvais me souvenir de tout ce que j’avais fait la veille dans les moindres détails. J’ai tenu énormément de journaux intimes depuis mes 7 ans. J’ai aussi compris en même temps que la musique n’était pas que des ondes. Quand tu es petit, tu écoutes tout en phonétique, et puis à un moment donné j’ai entendu : « Je ne veux pas travailler » au lieu d’entendre des sons, j’ai compris que c’était des mots. Je pouvais alors chanter ce que j’écrivais.

C’est important pour toi de ne pas oublier ?

Oui, je ne sais pas pourquoi. On ne peut jamais me mentir sur quelque chose que j’ai dite ou non. Écrire permet qu’on ne puisse pas jouer avec mes mots qui sont souvent choisis avec soin. Toutes les questions que tu me poses, j’avais déjà prévu d’y répondre. Comme dit Makala : « J’ai toujours été prête pour cette vie ». Et je suis trop nostalgique. Je peux être nostalgique de moi ce matin comme si c’était il y a 20 ans.

Tu veux passer des bons moments quitte à en être nostalgique juste après ?

C’est ça. Je suis complètement amoureuse de l’amour, de la joie et de tous les sentiments positifs autour. Je vis pour les moments heureux alors qu’ils ne m’inspirent quasiment jamais. Je préfère les vivre profondément qu’y penser et les écrire. Je suis très extrême, même quand je me réfère à la joie, je parle presque d’extase tellement c’est jouissif. Quand je suis heureuse, je le ressens. Je suis le genre de personne à tomber amoureuse 700 fois ! J’aime trop vite. Je suis convaincue que Dieu m’a donné un don, c’est d’aimer, mais trash ! Quand j’étais petite, j’étais amoureuse de six personnes dans ma classe. Je tombais surtout amoureuse des gens qui étaient très timides ou considérés comme les bizarres. J’étais attendrie par les gens qui étaient rejetés. Les gens se demandaient ce que je faisais avec eux mais je me sentais plus à l’aise en leur compagnie. Ce que j’aimais c’est qu’ils ne se travestissaient pas, ils restaient eux-mêmes. Là où moi, j’avais un bon masque. J’étais étrange, obsédée par le Japon, par la culture. J’étais extrêmement disciplinée.

Tu disais vouloir être une femme noire qui réussit, tu avais des modèles, plus jeune ?

En fait, je ne m’identifie à personne, je me suis toujours suffi à moi-même, et c’est ce qui rend le chemin plus dur. En France, en tant que chanteuse, il n’y a qu’Aya Nakamura pour moi, et je félicite son chemin. C’est extraordinaire ce qu’elle a fait. On écoute tous « Djadja ». Elle a réussi à fédérer un peuple français en étant une femme noire. Après, c’est dans un style festif et il y a moins de discriminations. Je pense que moi, je ferai face à davantage de discriminations parce que je dis des choses qu’on ne veut pas entendre d’une femme noire. Des Noirs en général, on veut entendre : « Vous faites du foot, vous êtes heureux, vous êtes un peu Magic System, vous êtes des guignols ». Mais pour revenir à Aya, ce que je kiffe chez elle, c’est que quoi qu’on lui dise, quand elle arrive sur scène, elle est en mode : « Je suis trop fraîche ». C’est tellement imposant une femme qui se trouve fraîche. On habitue tellement les femmes à ne pas dire qu’elles sont belles. Déjà, la beauté, c’est tellement dérisoire. Je me trouve belle, tu peux me trouver moche, on s’en fout. Mes deux parents étaient médecins et toute notre vie, ma mère a assimilé la notion de beauté à la santé. « Vous êtes en bonne santé, donc vous êtes beaux ». Je n’ai jamais eu de complexes.

« Je ne veux pas du tout être nichée, mais être populaire pour aider les gens à long terme. »

Tu sens que c’est le moment pour toi d’apporter une nouvelle voix ?

En tout cas, je suis prête ! On arrive dans une ère où les femmes noires se sentent on fleek, fraîches, là où il y a 10 ans ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, tu as un mouvement de femmes noires qui sont fières d’être noires et c’est normal, ce n’est pas une atteinte à qui que ce soit d’être fier de ce que tu es. Oui, je suis noire, ça fait partie de moi. Je ne suis pas définie par ma couleur mais culturellement, oui, il y a une histoire, et j’en suis fière. Je suis extrêmement reconnaissante envers Dieu et tous les gens qui travaillent avec moi, tous les Yakuza qui y mettent de la hargne. Ils participent à mettre une femme noire en lumière, ce qui est inédit et c’est triste. Généralement, c’est : « 23 ans ? femme ? noire ? belge ? Ok, ferme ta gueule ». Alors que là, c’est tout l’inverse.

Ton patronyme montre en effet que tu es entourée, mais en même temps dans ta biographie tu dis vouloir réussir toute seule…

Quand je dis « toute seule », c’est sans l’aide d’un tierce homme blanc précis. Je n’arrive pas avec quelqu’un qui me pousse. Je suis arrivée ici par mes propRES moyens. J’ai créé mes opportunités et j’ai réussi à fédérer autour de moi. Je travaille toujours en groupe parce que je pense qu’on ne peut rien faire sans un bon producteur, un bon attaché de presse, un bon management… Il faut s’entourer et il est primordial de bien choisir les gens qui nous entourent. Tu sens tout de suite les énergies qui communiquent avec toi et les gens qui peuvent faire preuve de patience. Je suis tellement extrême qu’il me faut des gens passionnés autour de moi, qu’ils puissent me comprendre sans tout prendre au premier degré, qu’on puisse être nous-mêmes ensemble.

Sur un morceau, tu dis que tu n’as plus peur de rien, que c’est parfois déroutant…

Le pire est déjà arrivé dans ma vie. Désormais, il n’y a que du bon à venir. On me demande souvent si j’ai peur de la célébrité. Je ne veux pas être célèbre mais être un personnage public, populaire, pour pouvoir aider à plus grande échelle. Par exemple, au Congo, qui est mon objectif ultime, je veux construire des hôpitaux. Et tu ne fais rien sans thunes. Je ne veux pas du tout être nichée, mais être populaire pour aider les gens à long terme.

Et la peur de l’échec ?

Elle était violente, toute ma vie, parce qu’on m’a habituée à l’excellence, à l’école, en sport, en dessin… Et après ça, à 18 ans, il y a eu cet épisode où mes parents m’ont déshéritée parce que je voulais être chanteuse. L’échec résonnait dans ma tête, pour moi c’était la mort, il n’y avait pas pire comme fin. Mais j’ai besoin d’être digne quand je crève. Je n’ai rien contre la mort, je peux mourir maintenant, mais je ne veux pas mourir en échouant. Puis, j’ai compris que tout ce que j’ai vécu n’est en réalité pas un échec. À l’époque, c’est ce que je pensais, parce que ma famille et mes potes me le faisaient comprendre. « Mais qu’est-ce que tu fous ? Tu fonces dans le mur. » Mais si tu fonces assez fort dans ce mur, tu le défonces et tu arrives de l’autre côté… Et de l’autre côté, c’est ici, mais j’étais la seule à le voir. Les derniers sont les premiers.

Tu es plutôt impitoyable ou conciliante avec toi-même ?

Les deux. Je m’en demande beaucoup mais pas trop. Je connais mes limites, je n’ai pas peur de les pousser mais je sais quand j’arrive à bout. Je ne veux pas travailler dans la douleur, je la déteste même si je suis très proche d’elle. Tous les sentiments que j’aime bien, l’extase, la passion, la lamentation, en sont proches aussi.

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Pourquoi avoir choisi d’appeler ton album Gore ? Est-ce lié à ta façon très détachée de parler des épreuves difficiles de ta vie ? 

Par définition, le « gore », c’est le genre dans l’horreur qui est tellement sanglant qu’il en devient une forme d’humour. Ma vie a été tellement hardcore, qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer ! C’est à l’image de ma vie. Voilà pourquoi cet album est ce qu’il est, avec ces mots-là, pourquoi c’est aussi dur et festif à la fois. C’est autobiographique, à quoi ça servirait de mentir ? Mes textes sont trop révélateurs et dénonciateurs pour être complètement secrets. Je suis une artiste, je raconte ma vie, j’ai plein de secrets mais je partage les grandes lignes. Après, il y a un degré de détails que tu ne donnes pas pour garder ton intimité. Mais ce sont des choses dont j’ai guéri, il m’aurait été impossible de sortir cet album il y a deux ans. Je fais un travail très fort pour dévoiler autant de choses, au-delà de ma vie, c’est un but bien plus grand, de pointer du doigt certaines choses qui se passent très mal dans société. Au niveau du système social, ce n’est pas normal qu’à 19 ans, en étant belge, tu te retrouves autant de fois à la rue en voulant juste faire de la musique. Ce n’est pas possible qu’une femme sur trois se fasse agresser. Il y a tellement de choses qui sont ignobles. Il faut que je sacrifie un peu de mon intimité pour une cause plus grande.

La musique a été un exutoire ?

Je ne pense même pas que ce soit thérapeutique, c’est plus politique. J’ai vraiment envie de défendre tellement de causes, et la musique me le permet. J’ai écrit des chansons sur la prostitution, sur le viol, sur la pauvreté… Ça me permet de mettre en lumière certaines thématiques…

Tu considères qu’il y a encore des sujets tabous ou qu’un artiste peut aborder tous les thèmes ?

Je pense que la moitié de mon album est taboue mais je me suis permise de le faire. Si j’étais née au Moyen-Âge, j’aurais finie sur un bûcher ! J’ai toujours ouvert ma gueule, pour moi, il n’y a pas de tabous. Mais je ne pense pas que ce soit toujours nécessaire de donner son avis, seulement quand ça pousse les gens à aller de l’avant. J’ai 23 ans, je suis très consciente de la marge d’erreur que je peux faire dans tous les combats. Je n’ai pas la vérité absolue, je ne connais que ce que je peux connaître en ce moment. J’essaie de m’instruire au maximum sur toutes les choses que je défends. Je n’ai pas de réponse à tout mais je m’accepte comme ça. Je fais un effort phénoménal pour essayer d’être au mieux un bon être humain, ça compte pour moi d’être quelqu’un de bien qui pense aux autres.

Que représente la marque sur ton front ?

C’est un bonhomme que j’ai appelé Les mains levées vers le ciel. C’est un mouvement qu’on fait dans la joie extrême et dans la pire lamentation. Et c’est à mon image, le juste milieu est inexistant. Aujourd’hui j’ai pensé à mes deux oncles décédés il y a un an et j’ai dessiné deux larmes. J’ai longtemps mis une seule ligne sur mon visage qui symbolise l’infini. D’habitude, il y a plus de dessins. J’en ai énormément, j’ai un petit carnet où je les crée, mais très souvent, ils existent déjà ! Tous les Marocains me disent que leurs grands-mères font ça sur leur front. Je ne connaissais pas du tout. Il n’y a pas une infinité de signes possibles. C’est comme la fleur de vie qui s’est retrouvée dans plusieurs empires et qui avait une signification différente à chaque fois.

C’est toi qui as dessiné ce signe sur la pochette de « Dilemme » ?

Je l’ai dessiné, je l’ai donné à Krisy qui l’a vectorisé, puis on a contacté des graphistes, BOLD, qui l’ont magnifié avec la pierre de malachite, très présente au Congo.

Étant donné que tout part des mots pour toi, est-ce que le mot « résilience » te définit bien ?

Oui, vraiment. Je suis très résiliente. Et je rajouterais « amour ». Si je peux en placer une pour le love, je le fais.

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En 2019, les succès majeurs du rap français sont portés par les voix singulières des rappeurs de 20 ans : Gambi, Koba LaD et Diddi Trix en tête de file. Des succès qui auraient été improbables il y a encore quelques années. Car s’il a pu être influencé par leurs homologues américains et quelques précurseurs français, le trio n’aurait jamais pu prendre cette liberté si les nouvelles générations d’auditeurs n’avaient pas changé la conception que l’on se faisait de la virilité et du talent dans le rap. Explication.

Illustrations : @cherifkid

« Ne me dis pas qui je suis, ne me juge pas le ciel le fait déjà. Tant d’ennemis qui me fuient, 9.2.i n’en laisse pas le choix. » On est en novembre 2008 et Booba pousse la chansonnette sur les refrains. Au revoir les chanteuses r&b, bonjour les envolées aiguës autotunées. Avec 0.9, la carrière du rappeur prend un tournant décisif. Déprécié à sa sortie, ré-évalué dix ans après, le disque marque un moment de l’histoire du genre francophone où celui-ci se cherchait… et a mis onze ans à se trouver. À l’époque, la prise de risque était réelle. Après tout, ce Booba au high pitch de 2008, c’est le même Booba qui avouait forcer sur sa voix volontairement en 1995 et qui laissait Kayna Samet gérer ses refrains. Alors forcément, la virilité en a pris un coup. L’image du rappeur bling-bling également. Booba s’affirme pourtant, musclé sur la cover, le regard froid, à la 50 Cent. Les propos ne changent pas non plus : toujours aussi forts, virulents. Comme pour équilibrer un produit dont la qualité n’était destinée à être jugée comme elle se devait que des années après.

Évolution de la voix de Booba de 1995 à 2008 :

Homme assumé, rappeur androgyne

Le constat témoigne de toute la difficulté que le rap français avait à se ré-inventer en entamant la décennie 2010. Des années aussi décisives dans le développement des artistes des nouvelles générations que dévastatrices pour ceux qui étaient déjà en place. Au-delà de l’auto-tune et des avancées technologiques liées au traitement de la voix dans la musique, les années 2010 ont été le lieu d’une nouvelle ère où les artistes se sont émancipés et ont cherché à cultiver leur différence, à la faire entendre.

Et si auparavant cette recherche passait par la capacité à être techniquement meilleur qu’un autre, les ascensions d’artistes comme Young Thug, Playboi Carti ou Lil Uzi Vert témoignent surtout d’un affranchissement global des nouvelles générations face à la charte établie par l’opinion commune de ce que devait être un « rappeur » : un homme grand, musclé, viril, à la voix grave, musclée, virile.

« Thank God for Auto-Tune. »
– Kanye West.

Pourtant, rares ont été les artistes français qui ont réussi à capter en amont la vague révolutionnaire qui s’opérait outre-atlantique avec l’auto-tune. Car chez l’Oncle Sam, bien avant que Booba, La Fouine ou Mala s’y mettent en France, c’était le duo T-Pain/Kanye West qui a bousculé les codes de la pop music. Avec Epiphany et 808’s and Heartbreak, respectivement sortis en 2007 et 2008, les deux artistes propulsent un outil utilisé auparavant comme un accessoire à celui de nouvelle arme du processus créatif.

D’un côté, T-Pain cristallise avant l’heure le mariage que le rap va connaître avec le chant au cours de la décennie 2010. De l’autre, Kanye West (au travers de l’influence et avec l’aide de Kid Cudi) érige avec 808’s and Heartbreak l’hypersensibilité, et dans une moindre mesure les troubles dépressifs, comme un nouveau format à approfondir, bien loin des carcans thématiques récurrents de l’époque.

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Résultat, au fil des années qui suivirent, c’est toute une imagerie de la masculinité façon pub Gillette qui s’est déconstruite, autant dans l’apparat que dans le propos. Young Thug pose nu sur la cover de Barter 6, enfile une robe sur Jeffery, appelle ses potes « baby », « boo », « bae », et avoue sans problèmes que « 90% of [his] clothes are women’s ». Lil Uzi Vert assume s’habiller chez les femmes parce qu’il a déjà tout acheté dans les rayons hommes. Lil B porte des boucles d’oreille de grand-mère dans un clip en 2011 et s’en explique : « It’s just being yourself and embracing what connects to you. I think life is a constant growing. You grow everyday and that links back to fashion. You grow. » Jaden Smith, Trippie Redd, A$AP Rocky, Playboi Carti, Kanye West… tous s’amusent à s’assumer dans un style qui leur est unique et absolument personnel.

« Young Thug : pédé ; Lil Uzi : pédé »
– Alpha 5.20.

Cette ouverture de la masculinité vers des horizons plus larges suit les évolutions naturelles de la société. Elle a notamment été stimulée dans le rap des 2010’s grâce à Young Thug et à Playboi Carti, qui n’auraient jamais pu devenir ce qu’ils sont aujourd’hui sans avoir été les artistes majeurs de ce renouvellement. Dès ses premiers hits en 2014, Young Thug s’affiche comme un OVNI de la musique par sa capacité à moduler sa voix comme un pitch ambulant. En s’approchant d’une expression presqu’androgyne sur certains morceaux, il participe à l’explosion de la « voix » dans la musique rap et interpelle la curiosité de ses pairs et des auditeurs par la facilité avec laquelle il la manie sans avoir pris un seul cours de chant.

Quant à Playboi Carti, son ascension depuis 2017 a bien plus à voir avec son aptitude unique à adopter une baby-voice qu’avec ses réels talents de rappeur. Un fait que l’on peut vérifier en écoutant sa performance sur « EARFQUAKE », single du dernier album de Tyler, The Creator. Une performance que Tyler lui-même a considéré comme étant impossible à retranscrire (“CARTI LYRICS CANNOT BE TRANSCRIBED”). Car les paroles n’ont aucune autre utilité que d’accompagner la dense composition du morceau : elles deviennent un instrument en plus, comme si Tyler avait ajouté une guitare, un saxo ou une ligne de basse. Une chose que Kendrick Lamar, Eminem ou Redman avaient compris dès le début de leur carrière, bien au courant qu’il y a certes les bons mots à choisir, mais surtout plusieurs bonnes manières de les dire.

La voix : l’arme principale du rappeur français pour cultiver sa différence en 2019

Dans une décennie portée majoritairement par la génération 2000, sujette à une élévation notoire des problématiques liées à l’identité et au genre ; la musique rap, en étant celle qui rassemble le plus de millenials aux États-Unis et en France, devient naturellement le principal vecteur de ces dits questionnements. On l’a bien vu avec l’ascension monumentale de XXXTENTACION : s’il a pu devenir a lui seul le symbole de toute une génération, c’est en partie dû au fait que ses deux albums 17 et ? abordaient des sujets qui faisaient échos auprès de la génération Z, à savoir les troubles dépressifs et la quête d’identité.

Normal donc, qu’un artiste avec une voix singulière, un style personnel et une attitude unique captent l’attention d’un public qui, toute sa vie durant, cherche à se différencier du monde qui l’entoure. Que le grand public ait pu s’intéresser à Young Thug ou à Playboi Carti, forcé par l’incapacité de les ignorer, c’est un fait. Que les diggers se soient plongés dans l’avant-carrière de ces artistes, portés par la volonté de rechercher leur absolue différence avec ce qui était à l’époque mainstream, c’est aussi un fait. Néanmoins, leurs succès respectifs tiennent beaucoup plus de leur singularité vocale, musicale et vestimentaire que de leurs propos ou de leur technicité.

C’est justement ce qu’affirme Dr. Sharese King qui, interrogée par Genius, a décortiqué l’une des raisons premières pour laquelle le public d’aujourd’hui peut s’intéresser à Playboi Carti : « Les auditeurs des nouvelles générations veulent être subversifs. Ils veulent être différents et être entendus différemment ; alors ils estiment sans doute que ce genre de performance rejoint ce désir. » 

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Un propos que Sacha Lussamaki, A&R pour Def Jam France et président du label BlueSky s’est permis d’affiner lorsqu’on l’a questionné au sujet de sa décision de signer Koba LaD début 2018 : « Moi aussi, je suis victime de ce phénomène. Aujourd’hui, il y a tellement de rappeurs que dès que l’un d’eux se démarque par sa voix, il sort du lot. Ça ne veut pas dire qu’il va vendre des disques et avoir une économie fructueuse, mais c’est déjà une grande étape de franchie de sortir du lot. Alors si j’entends une voix différente, ça va naturellement capter mon attention plus facilement.  C’est comme dans un monde où toutes les publicités sont en noires et blancs, et tout à coup, tu vois une publicité en couleur : avant de savoir si elle est bien ou pas, elle va capter ton attention. » 

C’est aussi ça, le problème. C’est qu’avec le baby-boom des rappeurs depuis 2015/2016, les chiffres ont explosé. Résultat : les contrats tombent, les signatures se multiplient et les carrières se défont encore plus rapidement qu’elles ont débuté. Le marché actuel étant ce qu’il est, dur, complexe et sanguinolant, bien malin est le rappeur qui profite de la particularité de son timbre vocal pour s’en sortir indemne – enfin, si tant est que l’équipe qui l’entoure lui apporte des bons conseils. Car en 2019, il ne suffit que de ça. C’est la culture du buzz, et c’est ce qu’ont vécu respectivement Koba LaD, Diddi Trix et, tout récemment, Gambi.

« Si on remonte plus loin, on voit qu’un Gainsbourg avait une nonchalance et une voix bien marquée, Cabrel un accent prononcé, idem pour Brel. »
– Sacha Lussamaki.

Quand le premier sort « Freestyle #Ténébreux1 », on s’amuse à le comparer à Homer Simpson. Quand le second envoie « Pétou », on pense à l’accent des vieilles femmes riches du 16ème arrondissement de Paris-anh. Et quand le dernier envoie sa série « Makak« , on ferme les yeux et on imagine Mbappé poser le son au studio. Ces seules comparaisons venant du public, stimulées par les rappeurs eux-mêmes, ont suffit à les élever au rang de rookies presque impossibles à ignorer sur les réseaux.

Il ne restait plus qu’à capitaliser dessus et le tour était joué pour en faire les stars de demain. « Quand Koba et son équipe ont signé, ils avaient déjà ‘Train de vie’, rappelle Sacha Lussamaki. On a mis rapidement en place une stratégie pour clore la série de freestyles et envoyer un son au format album. Ils ont automatiquement proposé le morceau. C’était le tout début de Koba, et c’était une grosse prise de risque vu comment l’auto-tune est poussée. Mais ça a été et c’est toujours son plus gros succès en solo. » 

Le constat est d’autant plus visible avec l’ascension de Diddi Trix ou de Gambi, deux rappeurs qui, à la différence de Koba, n’ont pas naturellement la même voix que celle qui sort du micro en studio. Tandis que le premier connaît un succès en appuyant sur les syllabes de fin de phrases et en augmentant sa tonalité vocale d’une octave, le second s’accapare la prétendue ressemblance avec le joueur de foot français et connait son premier hit avec le morceau… « C’est moi Mbappé ».

« Il y a clairement de plus en plus de rappeurs avec des voix particulières, mais certains forcent le délire, en pensant qu’il suffit uniquement d’avoir ou de faire une voix bizarre pour réussir. »
– Diddi Trix.

Propulsé par la particularité de leur timbre vocal, le trio enchaîne les millions de vues. Facile. Et quand on l’interroge sur le sujet, Diddi Trix est assez lucide quant aux raisons qui ont fait ses premiers succès : « J’ai su que ma voix pouvait être un atout en plus à partir de ‘La Puenta’. Et je pense que les gens ont d’abord kiffé le délire matrixé que je faisais avec, avant de se pencher sur mon talent réel. Je ne sais pas trop si les Américains ont influencé la France sur ce point, mais ce que je sais c’est que la voix particulière, c’est quelque chose de nouveau pour les français. Du coup, ça frappe fort si c’est de la bonne musique. Et ce dernier point est important : quand je regarde le rap français aujourd’hui, il y a clairement de plus en plus de rappeurs avec des voix particulières, mais certains forcent le délire, en pensant qu’il suffit uniquement d’avoir ou de faire une voix bizarre pour réussir. Le talent, ça reste quand même important, il ne faut pas forcer non plus. »

Il est certain que la prochaine décennie du rap va connaître beaucoup de nouveaux artistes qui souhaiteront cultiver leur singularité par tous les moyens. Et si les cheveux colorés, les face-tattoos et la lean ont servi d’outils majeurs pour les artistes de la fin des années 2010, la voix en est aujourd’hui l’utilitaire principal. Il suffit de regarder les moyens-succès de cette année, où les rappeurs que l’on considère comme les rookies 2019 bénéficient tous d’une voix particulière ou travaillée en ce sens : Chily, Digba (Key Largo)… Pourtant une question demeure : seront-ils vraiment des artistes intéressants à suivre ?

« Être au ban, la bande, l’abandon, l’aubaine, banal, bannir, éloigner, excentrer, interdir, écarter, finir par se rassembler. » Des notions que les jeunes licenciés du Red Star – entre 14 et 16 ans – ont décidé d’aborder avec leurs propres mots en se faisant commissaires d’exposition. Dans le cadre du Red Star Lab, et leadée par Marie Benaych, cette dizaine de footballeurs et footballeuses en herbe a pris les rennes de la curation, de la production et de la médiation d’une exposition de photographies autour de la banlieue : BAN. Pendant plusieurs semaines de workshops, ils ont commenté des œuvres de douze artistes émergents et confirmés et écrit les textes qui les accompagnent. Au casting, on retrouve Henrike Stahl, Anton Renborg, Valerie Kaczynski, Leo d’Oriano, Jerome Taub,  Adrien Vautier, Louisa Ben, Marvin Bonheur, Tabatini / Alcaide, Aurelien Gillier, Antoine Massari et Lucien Courtine.

« Je connais Bauer et l’ambiance de ses tribunes depuis longtemps, raconte Shane, responsable des ateliers d’écriture. J’ai souvent vu l’ambition, l’enthousiasme des jeunes supporters.rices et joueurs.ses. Mais travailler avec eux, de près, les regarder exister dans ce stade, ça m’a permis de comprendre à quel point ce lieu est important. J’ai eu l’impression que c’était chez eux. Et très vite, j’ai eu l’impression que c’était chez moi. Je redoutais un peu les moments d’écriture comme on peut redouter le public  quand on monte sur une scène. Cette joie de vivre, ces blagues, ce flow qu’ils avaient se sont retrouvés dans leurs textes, je crois. Ils ont canalisé et recraché tout ce qu’ils avaient à dire sans se poser la question du vocabulaire, de la grammaire, de l’orthographe. Pour moi c’est ça rendre l’écriture et la culture ouvertes ; simplement dire, sans se soucier des règles. »

Cette sélection d’œuvres faite avec soin et réflexion par les apprentis commissaires d’exposition qu’ont été, le temps d’un projet, les jeunes du Red Star, évoque de près ou de loin à cet autre des villes que l’on ne montre pas, que l’on montre trop peu ou trop mal, et qui, toujours, sert de levier pour ouvrir d’autres discussions. Elles interrogent, illustrent ou pointent du doigt, font écho aux souvenirs de chacun ou donnent à voir de nouveaux horizons. Des perspectives nouvelles, peut-être.

Après une première édition à l’Orfèvrerie, l’exposition BAN se déplace aux Magasins Généraux du 14 mars au 5 avril 2020. Cette fois-ci, des travaux réalisés par les jeunes footballeurs du Red Star, initiés à la photographie lors d’ateliers autour du thème « Qu’est-ce qu’être à part ? », seront également présentés.

Des workshops d’écriture ainsi qu’une visite guidée aux côtés de l’équipe de l’exposition auront lieu chaque mercredi à 14h

BAN aux Magasins Généraux
Du 14 mars au 5 avril 2020
1, rue de l’Ancien Canal
Pantin

« Conversation : Sport, Art et Culture »
Samedi 4 avril et dimanche 5 avril

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85 débats sur le voile, 286 intervenants et aucune femme voilée. C’est le triste bilan comptable que nous a livré CheckNews concernant la semaine écoulée sur les chaines d’infos. En ce début de semaine, enfin, Sara El Attar a été invitée à s’exprimer sur CNews. Une seconde femme sur le plateau de Cyril Hanouna aussi – on peine à trouver son nom, tout un symbole. Parce que l’équilibre est encore (très) loin, YARD a souhaité rendre la parole à celles qui sont directement touchées par la crispation d’une partie de la population française.

Photos : Aïda Dahmani

Vendredi 11 octobre 2019. Julien Odoul, conseiller régional de Bourgogne, interpelle la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté suite à l’apparition d’une accompagnatrice d’élèves en sortie scolaire dans l’hémicycle. Porteuse du voile, il souhaite que cette dernière quitte la salle « au nom de nos principes laïcs ».

Plus de dix jours après cette intervention polémique, il nous semblait important que YARD prenne position. D’abord pour défendre l’honneur d’une femme, d’une mère, d’une soeur. Ensuite, parce que ce désormais triste 11 octobre 2019 a ouvert la porte à une multitude de débats, il a libéré l’opinion et l’avis de millions de gens. L’espace médiatique en a littéralement été saturé et sous couvert d’une liberté d’expression, certains se sont permis de dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Pourtant, rare fut la place donnée à des femmes voilées, ces minorités visibles qu’on a une fois de plus tenté d’effacer de la discussion. Il nous a semblé logique et nécessaire d’offrir une tribune à quelques-unes d’entre elles que nous côtoyons, que nous croisons tous les jours et qui font partie de notre culture.

Sara, 27 ans

Parmi les signes de radicalisation qui doivent être relevés : une pratique nationaliste rigoriste, particulièrement exacerbée en période de crise sociale nationale, un changement de comportement dans l’entourage, la tenue de propos incitant à la haine ou encore la pratique régulière ou ostentatoire de discriminations quelles qu’elles soient. Ceci afin de préserver notre société de la menace extrémiste, actuellement forte, que présentent les individus racistes, xénophobes ou encore intolérants.

– Sara EL ATTAR, ministre du Vivre-ensemble en France.

Extrémisme, intégrisme, terrorisme, radicalisation : qui peut, aujourd’hui en France, nier penser à l’islam à la simple évocation de ces mots. Musulmans ou non, islamophobes ou non, les médias et les politiques ont réussi à instaurer, dans les esprits, une bijection entre la religion musulmane et les actes de personnes qui ont une lecture absolument erronée de cette religion, dont l’appellation en arabe n’a d’autre signification que « paix ».

Aînée d’une fratrie de quatre sœurs, fille de parents immigrés, je n’ai pas eu de modèle français auquel m’identifier (je pourrais parler des heures du manque de représentativité en France, mais nous nous étalerions bien trop). Très tôt, et de manière naturelle, j’ai dû forger ma personnalité à travers l’apprentissage des fondamentaux : savoir ce que je veux puis mettre en œuvre les efforts nécessaires pour l’obtenir.

La petite banlieusarde (petite, mais puissante, comme Skip !) que j’étais à l’époque a intégré, le bac scientifique et la mention en poche, l’ESILV à La Défense (dite « l’école de Pasqua »). Le parcours ne fût pas sans embûches — mais la victoire est encore plus savoureuse quand le chemin a été laborieux — et la plus belle de mes péripéties fut le recours juridique grâce auquel j’ai pu faire appliquer la loi française, en imposant le changement du règlement intérieur de l’établissement, qui interdisait illégalement le port du voile. Depuis plusieurs années, je cumule de nombreuses casquettes : d’ingénieur au sein d’une multinationale à présidente associative, en passant par membre du conseil citoyen jeunesse de ma ville, créatrice ou encore entrepreneure. J’ai — à de trop nombreuses reprises — reçu de faux compliments (c’est ainsi que j’aime à les appeler) tels que « tu n’es pas une voilée comme les autres » ou même « tu es voilée et pourtant tu fais tout ça ».

« C’est la réalité : je me sens prisonnière, […] prisonnière de l’image que la sphère politico-médiatique donne de moi. »
– Sara

L’unique pensée qui me vient à l’esprit dans ces moments est la liste de filles ou femmes portant le foulard aux profils similaires au mien, sinon mieux (et Dieu sait à quel point elles sont nombreuses). Le fait est que ce sont des femmes de l’ombre, non par choix, mais parce que les médias ne les mettent pas en lumière ni ne leur donnent la parole. Ai-je tort de penser que ce refus s’explique par la crainte que les amalgames et les clichés qui alimentent la peur et la division — facilitant le règne — ne s’effondrent ?

Je suis musulmane, française et je porte le foulard. Selon l’opinion générale véhiculée par l’État, je serais soumise, j’incarnerais la supériorité de la gent masculine sur la féminine, je ne serais pas libre de mes choix, mais subjuguée par l’autorité d’un frère, d’un père, d’un mari (ou même d’un voisin de quartier) et prisonnière de diktats.

C’est la réalité : je me sens prisonnière, à l’étroit, j’étouffe même. Et je ne me sens pas tout à fait libre.

Je me sens prisonnière de l’image que la sphère politico-médiatique donne de moi.
Je suis harassée que l’on s’arrête à ma coiffe au lieu de ma personnalité.
Je me sens écrasée par le machisme et la misogynie lorsque, sur des plateaux de télévision, des hommes — n’ayant aucun point commun avec moi de surcroît — sont invités à prendre la parole en mon nom.
Je ne me sens pas libre de travailler où je veux, d’aller à la piscine, de faire du sport, d’accompagner des enfants en sortie scolaire ou encore d’exercer mon devoir de citoyenne en assistant, par exemple, au conseil régional.
Je suis étouffée par le diktat de l’homme, mais également par celui du féminisme blanc qui impose sa vision, et qui – par-dessus tout – démontre que : plus de 50 ans après la décolonisation, les normes occidentales tendent encore à être présentées comme des vérités absolues et universelles.

Je rêve de ce jour où je m’exprimerai sur un plateau télé, à un moment de forte audience, sans être interrompue ou censurée, ce jour où j’aurai le privilège de ne pas avoir été représentée par une personne dont les idées sont à des années-lumière des miennes.

En attendant, il y a une chose que j’ai tôt fait de comprendre :
Je ne suis pas voilée, je porte un foulard.
Je ne suis pas voilée, ce sont les yeux, les esprits et les cœurs de beaucoup qui le sont.
Je ne hisserai la grand-voile que lorsque cette vérité aura été dévoilée au grand jour.
Ce jour-là seulement, je pourrai sereinement prendre le large vers d’autres horizons.

Taqwa, 21 ans

Quand j’ai décidé de porter le voile en terminale, j’avais qu’une idée en tête : aller à l’université. Car je savais que là-bas je pouvais garder mon voile, que je n’aurais pas à retirer une partie de mon identité à l’entrée de l’établissement pour avoir accès à l’éducation, que je serais enfin moi-même. J’ai enlevé les BTS et écoles de commerce de ma liste, j’ai choisi mon orientation en fonction de la possibilité de garder mon voile ou non. Je ne sais pas comment s’est passé votre premier jour à la fac, mais le mien a été plutôt simple. On m’a convoquée ainsi qu’une autre étudiante voilée (on était les seules de la promo) dans le bureau d’un des responsables du département pour nous dire, tout simplement, que pour valider l’année il fallait avoir un stage. Et qu’on ne trouverait jamais de stage avec le voile, donc qu’il serait préférable de l’enlever pour le stage. Et je cite : « Si vous l’enlevez pour votre stage, je ne vois pas pourquoi vous le garderiez à l’université ».

Là, je suis vite redescendue sur Terre, j’ai compris qu’en France, je n’ai pas de genre ou d’identité : je suis « une voilée » qui ne pourra jamais s’épanouir professionnellement et qui doit revoir ses ambitions à la baisse. Quand en classe de Cinquième un professeur te demande si tu es née en France malgré le fait que tu parles un français parfait, tu commences à te remettre en question. Tu t’efforces d’en faire plus que les autres, comme si le fait d’être assise ici et de garder le voile était une faveur qu’on te faisait. Tu te sens illégitime. On vit dans une société hypocrite qui, tous les jours, parle de nous pour dire qu’on est soumises à notre mari/père/frère, qu’on n’a aucune aspiration ou ambition dans la vie, mais lorsqu’on entreprend quelque chose, quand on souhaite étudier ou travailler, là, cela dérange.

« Il y a une volonté de nous exclure de la société, de nous rendre invisibles, on ne nous octroie aucune âme, aucun droit. »
– Taqwa

On vient même débattre sur le simple droit d’accompagner ses enfants en sortie scolaire avec le foulard : ironiquement, la plupart des mères qui sont disponibles afin d’accompagner les élèves en sortie scolaire sont voilées, car elles ne peuvent pas travailler avec. Encore une fois, silence radio des féministes blanches face au harcèlement et au déferlement de haine que subissent les femmes voilées en France. Il y a une volonté de nous exclure de la société, de nous rendre invisibles, on ne nous octroie aucune âme, aucun droit. Nos actions, nos travaux, nos rêves ne sont jamais pris en considération, nos aspirations ne se réduisent qu’à un bout de tissu.

Finalement, je ne me suis pas soumise à leurs standards, je n’ai pas attendu que les entreprises changent leur mentalité vis-à-vis de mon voile, personne ne voulait me donner une chance alors je me suis donné une chance à moi-même. À défaut de les écouter, à 19 ans j’ai créé ma propre entreprise : une plateforme mettant en avant la scène créative musulmane dans la mode et l’art en France - où j’effectue mes stages désormais.

Yousra, 20 ans

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Instagram : @nomatter.ysr

« La liberté, c’est de choisir. »

J’ai obtenu un Bac S avec mention pour finalement me diriger vers des études d’économie. Motivée par mes sœurs, j’ai décidé de développer ma passion pour l’art et de partager mes illustrations sur les réseaux. J’ai la chance d’être entourée de ma famille et de personnes positives et bienveillantes qui m’ont toujours motivée et tirée vers le haut.

Je pense que les réseaux sociaux peuvent vraiment faire bouger les choses. Pouvoir véhiculer ses idées et ses pensées à travers des illustrations sur internet est une chance, ça peut être plus parlant et permettre de toucher un plus grand nombre de personnes.

J’ai pris la décision de porter le voile au lycée après un cheminement spirituel ; je sentais simplement que c’était quelque chose qui me manquait. D’ailleurs, je suis la seule parmi mes trois sœurs à porter le voile. Cependant, je n’ai jamais voulu qu’on me réduise à mon voile. Je ne suis pas « la voilée » : la personne que je suis n’a pas changé par rapport au voile, le voile m’a juste « complétée ».

Je suis fière d’être française d’origine algérienne. Ce pays nous assure en théorie une liberté d’être et de penser admirable, cependant, certains individus manquent de tolérance. On aura beau répéter mille et une fois que l’on porte le voile par conviction religieuse et non par soumission à l’homme, on ne cesse de véhiculer une image méprisante du voile et de son symbole dans les médias. Le voile ne regarde que la foi de la croyante. Il n’a pas à être imposé ni à être retiré de force. Aucune personne ne devrait être réduite à sa tenue et ce peu importe ses croyances et ses convictions.

« On se rend compte notamment sur internet qu’une femme qui porte le voile est jugée, peu importe ce qu’elle fait. »
– Yousra

Chacun est libre de se faire son propre avis, mais il faut comprendre qu’une énorme partie des femmes musulmanes portent le voile par envie et s’épanouissent avec. Il ne m’empêche en rien, que ce soit d’étudier, de travailler, de se cultiver, pratiquer un sport, voyager… On s’en rendrait bien vite compte si on laissait la parole aux femmes qui portent le voile au lieu de laisser des hommes – qui n’ont, au passage, aucun lien avec le voile – ou des femmes non concernées parler à leur place. Malheureusement, on se rend compte, notamment sur internet, qu’une femme qui porte le voile est jugée, peu importe ce qu’elle fait. On oublie qu’elle reste une personne à part entière et que le voile ne change pas sa personnalité.

Chacun devrait être libre de porter ce qu’il veut dans la mesure où cela découle d’un choix purement personnel ; et personne ne devrait juger les choix des autres.

Le message que j’aimerais véhiculer aujourd’hui est de pousser les personnes à être curieuses du monde qui les entoure, de faire des recherches, de discuter dans le respect avec des personnes d’autres horizons afin de cultiver le Vivre-ensemble, le respect et la bienveillance.

Restez positifs et optimistes et les bonnes choses viendront à vous.

Ilham, 31 ans

« Je considère que le voile islamique n’est pas l’avenir souhaitable de la culture et de la société française. »

– Bruno Le Maire, ministre de l’Économie – Octobre 2019

Parce que je vis dans ce monde de brutes et que je tente de le comprendre. Parce que j’ai envie de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide…

C’était en 1989 déjà… Je lisais, j’entendais les informations et je ne comprenais pas pourquoi on parlait tant de « femmes voilées ». Ces femmes discriminées et humiliées, dans lesquelles je me reconnaissais. Pourtant, je ne leur ressemblais pas vraiment. C’était en 1989 déjà, et on y est encore. Ces femmes voilées pour qui nous voudrions tant de liberté. Alors oui : changeons donc leurs modes de vie et leurs croyances, fondements de leur identité qui leur permettaient d’avancer… jusqu’à présent.

Aujourd’hui, j’entends de moi, être victime d’une injonction fantasmée, contrainte de me couvrir par autrui. Alors ils me demandent de me découvrir, mais sans découverte ! Ils souhaiteraient que j’enlève ce tissu de ma tête, mais ils ne veulent pas savoir qui je suis, ce que je fais, ni même comment je m’appelle. Mon image parle sans mot. Qui sont ces gens qui se placent au-dessus des autres ? Qui sont ces gens qui classent et catégorisent ? Je ne suis la porte-parole de personne, si ce n’est : de la Liberté. Liberté de pouvoir faire mes propres choix sans que l’on cherche à m’y soustraire, sous couvert d’une pseudo-protection ou bienveillance. Il y a la place que l’on nous assigne et celle que l’on prend.

« Je devrais m’habiller ‘comme tout le monde’ et ‘faire comme tout le monde’. Mais je ne sais pas qui est ce ‘tout le monde’. »
– Ilham

Je suis née en France, de parents maghrébins. Je n’ai pas nécessairement baigné dans une croyance spécifique et depuis toute petite on m’enseigne à l’école de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Dans mon répertoire, les prénoms à consonances diverses se mêlent. Je parle français, arabe, anglais, j’ai grandi aux sons du rap français. J’ai été vendeuse, comptable, contrôleuse de gestion, éducatrice spécialisée, bénévole… Un jour, j’ai décidé de m’habiller modestement et pudiquement… Bon, j’ai quand même gardé mes paires de baskets coûteuses aux pieds, car dans cette société du paraître – dont je suis aussi victime -, il faut avoir pour être.

J’ai eu la chance de voyager, car mon père m’a dit que cela forgeait la jeunesse. Ailleurs, j’ai cherché à voir comment vivaient les gens pour m’enrichir des idées des autres. Un jour, un chauffeur de taxi balinais m’a dit : « Ici, nos mosquées sont construites à côté des églises, elles-mêmes bâties à côté des temples hindous, et nous n’avons aucun problème à vivre ensemble ! ». Ce fameux « vivre-ensemble » qu’on nous présente comme un concept, n’est-il pas en réalité un pléonasme ? Qu’est-ce qu’on attend de plus ?

J’ai appris aussi le sourire, le respect et le non-jugement, la curiosité et l’échange. J’ai décidé un jour de ne plus être gênée, de ne plus être ma propre barrière. Je suis celle que je suis et mon attitude à elle seule, dans bien des situations, a renversé la vapeur. On veut nous imposer un mode de pensée. Je devrais m’habiller « comme tout le monde » et « faire comme tout le monde ». Mais je ne sais pas qui est ce « tout le monde ».

À l’ignorance, j’ai envie de répondre par l’intelligence. J’ai confiance en ceux qui m’entourent et qui utilisent leurs connaissances, savoirs et richesses culturelles pour défendre leurs droits et leurs libertés humaines. Le Pays des Droits de l’homme n’est-il pas aussi et d’abord le nôtre ?

Par les artistes et pour eux, par les jeunes et pour eux, la Biennale de Paname fait figure d’exception dans le paysage des foires d’art contemporain à Paris. Fondée par les artistes Salomé Partouche et Jean-Samuel Halifi, la Biennale de Paname n’est pas seulement une exposition et diffère d’un simple salon d’art. À l’occasion de sa deuxième édition, des showcases, des DJ sets (parmi lesquels Kitsune Kendra, qu’on vous présentait ici) et des conférences sont mis en place afin de contextualiser et de donner vie à la jeune création contemporaine d’aujourd’hui.

Photographies, dessins, projections, sculptures et installations de 25 artistes se juxtaposent pendant 3 jours dans le lieu qui abritait encore récemment la Maison Rouge. Parmi les artistes présentés, Mounir Ayache questionne les représentations du monde arabe en Occident en jouant avec les frontières de l’entertainment, Johan Papaconstantino, fait de la pratique de la peinture un art de nouveau à notre image et Sung Lee, elle, met bout à bout l’aquarelle avec le monde de la mode. D’œuvres en œuvres, les artistes émergents de la Biennale de Paname jonglent entre sujets de société et innovations esthétiques, interrogent des sujets tels que l’homophobie dans le sport, la marginalité ou les médias de masse. Quelles sont les préoccupations des jeunes créateurs ? Comment réinventent-ils des médiums et des styles parfois vieux comme le monde ? Qui sont les artistes émergents à suivre ? On pense avoir trouvé quelques réponses.

Biennale de Paname
Du 17 au 20 octobre
10, Boulevard de la Bastille
75012
Gratuit

Informations pratiques

Quatre ans après sa première interview, Niska doit répondre aux mêmes questions et constater par lui-même le chemin parcouru. C’est le concept de Hier encore, nouveau format d’interview YARD pour qui le rappeur d’Evry, qui avait fait sa première prise de parole en tant qu’artiste sur notre média, était tout désigné.

Photos : @antoine_sarl

Il est venu dans l’inconnu, il repartira inoubliable. Aujourd’hui, Niska est dans la tête de millions de personnes grâce à un rap qui, en 2019, ne laisse plus personne indifférent. En France, mais pas que : en cinq petites années de carrière, le rappeur de l’Essonne s’est imposé comme l’un des plus flamboyants porte-drapeaux de la musique francophone en dehors des frontières hexagonales. Et c’est tout sauf un hasard, tellement l’impertinence de Niska déroute tout autant qu’elle fascine : chacun de ses tubes est une piqûre d’adrénaline dont on ne se peut passer. Une invitation à danser, un hymne émancipatoire qui libère les corps et pousse au lâcher-prise. « Je suis le symbole de ce que le rap est devenu : une musique décomplexée, qui touche tout le monde. » Ce n’est pas ses 21 singles d’or, 5 de platine et 5 de diamant, certifiés par le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), qui diront le contraire.

niska mr sal interview yard 2019

Un itinéraire incroyable pour un artiste que YARD rencontre pour la première fois en 2015, quand il s’installe devant notre caméra pour sa première prise de parole en tant qu’artiste. Aujourd’hui, Niska a sorti son troisième album, Mr. Sal, et il nous a semblé bon de le mettre face au chemin parcouru. Avec notre format d’interview Hier encore, on a reposé à l’artiste du Champtier-du-Coq les mêmes questions qu’il y a quatre ans, pour que lui-même puisse mesurer son évolution. Symbole d’une France multiple, leader d’une culture en passe de se faire accepter à grande échelle, Niska a réussi « à faire de la musique plus populaire tout en gardant [son] identité ». Parce qu’au fond, même quatre ans et plus d’un million de disques vendus plus tard, il reste le même.

niska mr sal interview yard 2019

Alors que ses derniers titres « Popopop » et « Hé oh » trustent les premières places des charts, Gambi s’impose en nouvelle sensation du rap français. Et ce n’est assurément pas du goût de tous : sur les réseaux, le rappeur de Val de Fontenay fait l’objet de vives critiques. Mais est-ce vraiment un problème ?

Un million de vues en à peine 6 heures, plus de 3 millions d’écoutes sur Spotify en un week-end et le 9e meilleur démarrage mondial sur la plateforme pour la journée du 4 octobre. Ces chiffres, ce ne sont pas ceux de Niska, Booba, Orelsan ou autre poids lourd de l’industrie. Ils sont revendiqués avec malice par Gambi, nouveau trublion de la scène rap française, qui affole les compteurs avec son dernier titre « Popopop ». Sortie après sortie, l’artiste Rec 118 fait jacter les réseaux sociaux, qui ne savent comment accueillir le phénomène. « Ai-je raison de trouver ça nul ? », « Pourquoi suscite t-il tant de haine ? », « Peut-on réellement prétendre aimer le rap et cautionner ce genre de bêtises ? » : le cas Gambi questionne, et donne des migraines à ceux qui pensaient encore avoir des standards quant à cette musique. Reste qu’à force d’être le sujet de toutes les conversations, le rappeur de Val de Fontenay devient incontournable.

On ne saurait dire si Gambi se préoccupe des commentaires qui inondent les réseaux à son sujet, mais il donne au moins l’impression de s’avoir s’en jouer. Été 2018, le jeune artiste se présente aux auditeurs en publiant le premier volet de sa série de freestyle « Makak ». Si la formule musicale ne sort clairement pas du lot, ce coup d’essai pose déjà quelques bases de ce qui fera l’identité de son interprète : un goût pour les onomatopées (ici sous forme de cris de singe) et une agitation de tous les instants. S’ensuit « Makak 2 », puis « Makak 3 », « Makak 4 », etc. Mais alors que les freestyles s’enchainent, les internautes préfèrent s’arrêter sur un autre détail qui caractérise le val-de-marnais : sa ressemblance vocale avec Kylian Mbappé. Les tweets soulignant ce grain de voix commun se multiplient – certains cumulant des dizaines de milliers de RTs – et Gambi choisi alors d’enfoncer la porte ouverte en publiant le bien-nommé « C’est moi Mbappé », 3 millions de vue à ce jour. Le voici désormais connu comme « le gars qui rappe avec la voix de Mbappé ». Mais dans ce qu’est devenu l’industrie en 2019, mieux vaut ça que de n’être personne.

L’art de la caricature

C’est ici qu’intervient Rec 118. Devenu référence en France après avoir travaillé sur les succès de Ninho ou encore Aya Nakamura, le label de Warner flaire le bon coup et décide de signer Gambi en mai 2019. Et depuis, c’est un peu comme si le rappeur tirait chaque jour un peu plus vers la caricature – au sens premier du terme. Le Larousse définit la caricature comme une « représentation grotesque obtenue par l’exagération et la déformation des traits caractéristiques » et c’est précisément ce qu’on constate chez le phénomène du 94, qui exacerbe au maximum chacune de ses singularités. Les onomatopées fonctionnent ? Alors économisons les mots, et allons-y franchement : les intitulés de ses trois derniers morceaux n’en comportent pas un, préférant les « Popopop », « Hé oh », et autre « Oulalah ». Le prochain sera peut-être « Tralalalalère », et Gambi aurait bien tort de s’en priver.

Car en faisant ça, l’artiste (et son label ?) parvient à capitaliser sur un potentiel de hate certain. Celui qui ne parvient pas à cerner la proposition de Gambi peut vite avoir l’impression qu’on se fout de sa gueule, à voir ses gesticulations hasardeuses et ses couplets où les paroles s’enchainent sans logique apparente. Comment ça « je suis dans l’sas, on danse la salsa » ? Puis qu’est-ce qu’ils ont tous avec leur sas ? Le personnage et sa réussite insolente en deviennent agaçants. En réalité, Gambi est juste un kid de 19 ans qui fait de la musique pour la génération Fortnite : des morceaux rythmés et entêtants sur lesquels tes petits frères et soeurs s’amuseront à caler tous les moves de danses viraux parus au cours des cinq dernières années. Rien de bien méchant. Quant à ses détracteurs, il leur répond de la plus belle des manières : un grand sourire narquois, et des chiffres qui grimpent, encore et toujours.

Ce sourire – qui a toute les raisons d’être au regard de la bonne tournure des choses -, Gambi en a presque fait sa marque de fabrique. Il s’affiche en long et en large dans chacun des très beaux clips auquel il a droit depuis sa signature chez Rec 118. Un important travail visuel qui joue un rôle central dans tout ce que peut véhiculer le rappeur fontenaysien. Sous l’oeil des caméras, Gambi incarne pleinement ce rôle de gamin facétieux et trop plein d’énergie, à coups de mimiques, de petits pas chaloupés et de gags cartoonesques (cf. la fin du clip de « Popopop »). Prendre les rues de sa ville pour un circuit de Mario Kart, zbeuler une soirée des beaux quartiers, s’exciter à la vue d’un sachet de bonbon : tout concorde avec cette image d’intenable qu’on peut se faire de lui. Mais surtout, dans plusieurs de ses vidéos, Gambi se dédouble, donne l’impression d’être partout à la fois ; ce qui se vérifie dès lors que l’on ouvre les réseaux sociaux, où les récentes discussions se focalisent sur son personnage clivant.

La répulsion manifeste (et manifestée) que suscite Gambi est le moteur de sa vertinigeuse ascension. Sans doute parce que celui-ci a compris qu’il y avait un public à aller chercher au-delà des haters. Car 10 000 personnes qui tweetent pour dire à quel point ils trouvent ça nul, c’est aussi 10 000 personnes qui évoquent Gambi auprès de leurs followers, et l’introduisent donc à une plus large audience. À partir de là, il suffit d’un peu de curiosité, une écoute, un refrain efficace et voici que le rappeur se trouve de nouveaux fans. D’autant que, malin, le jeune artiste sait préparer le terrain pour ses morceaux à venir. Publié sur Twitter et Instagram, le snippet de « Popopop » a ainsi cumulé plus de 2,5 millions sur ces mêmes plateformes, à force d’être cité, commenté, critiqué. Le morceau était déjà viral avant même sa sortie. Une stratégie à laquelle avait régulièrement recours 6ix9ine, autre pestiféré des réseaux qui affolait lui aussi les compteurs de streams et de vues YouTube. Comme quoi, il y a définitivement du bon à être détesté.

Un projet : Arcades. Une photographe : Wendy Huynh. Et une revanche à prendre sur l’ensemble des médias, l’industrie de la mode, le milieu de l’art… et des phénomènes bien plus larges tels que l’appropriation culturelle et son lot de conséquences. On est partis à la rencontre de Wendy Huynh, artiste et rédactrice en chef qui tente d’immortaliser les visages multiples de ce qu’on n’appelle jamais sans arrières-pensées la banlieue

Avec les années, Wendy Huynh a fini par regarder sa banlieue d’un autre œil, au point d’en faire une source d’inspiration majeure pour ses travaux. Après ses études, ​elle se consacre à la photographie et ​s’aperçoit que beaucoup ont une vision stéréotypée des quartiers. La jeune artiste a alors pour ambition de montrer que son lieu de vie de toujours n’a rien d’un monolithe, à l’instar de là où elle a grandi : Marne-la-Vallée​. Fondatrice du magazine Arcades, elle cherche à donner une vision honnête et transparente ainsi qu’à donner de l’attention à des endroits rarement perçus par l’œil de ceux qui en connaissent les moindres recoins.

Fantasmée et adulée par le milieu du luxe, ce que l’on désigne aujourd’hui comme « l’esthétique de la banlieue » — notamment à travers l’architecture brutaliste —, n’a jamais été autant la cible d’appropriation culturelle que ces cinq dernières années. De Louis Vuitton à Supreme, le luxe a notamment fait du survêtement le nouveau branché, voire le nouveau chic. ​Pour ​Wendy Huynh, il s’agit de reprendre la voix. ​Le premier numéro d’Arcades était consacré à la banlieue parisienne, le deuxième à celle de Londres et le troisième et dernier en date à la ville de Berlin et à ses alentours. Le magazine comprend des séries photos, des éditos ainsi que des interviews de différentes personnalités et artistes. À travers ses photographies, Wendy Huynh narre une autre version de l’histoire.

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Mairie de Créteil, par Wendy Huynh

Qui es-tu ?

Je m’appelle Wendy, j’ai 26 ans. Je suis photographe et en ce moment, j’habite entre Londres et Paris, mais je suis le plus souvent à Londres pour le travail. Je suis partie vivre là-bas après le lycée pour faire un bachelor en communication et mode.

Comment en es-tu venue à créer ton propre média, Arcades

L’idée m’est venue quand j’étais à Londres. J’ai toujours grandi en banlieue : à Lognes, à Torcy et à Bussy… Mais j’ai toujours détesté la banlieue. À cette époque, je ne pensais pas que je travaillerais un jour sur cette thématique. Petite, je voulais aller sur Paris, dans un lycée parisien. Mon rêve, c’était de partir de Bussy. Finalement, je suis partie à Londres, un autre de mes rêves. La culture britannique me plaisait et je visais une école en particulier, la Central Saint-Martins. Ce sont ces allers-retours entre Londres et Bussy qui m’ont permis de prendre du recul et de me rendre compte à quel point ma banlieue était différente de Londres et de Paris. Arcades incarne un peu cette relation amour/haine que j’ai entretenue avec la banlieue. Quand j’ai commencé à parler du projet à mes potes et camarades de classe, qui ne connaissaient pas vraiment la banlieue de Paris, ils ont immédiatement pensé au film La Haine, aux banlieues « difficiles », etc. Or, paradoxalement, là où j’ai grandi, ce n’est pas du tout comme ça, c’est très vert, très résidentiel. Je n’ai pas grandi dans une banlieue telle que la société peut se l’imaginer, une banlieue « dure », parce que la banlieue a plusieurs visages.

Quels sont les souvenirs marquants que tu gardes de cette époque ?

En grandissant à Bussy, vers 15 ans, je m’intéressais déjà à la photo et à l’art mais je n’avais aucun accès à ça : aucune option au lycée, aucun cours théorique sur l’art. J’ai trouvé injuste qu’il faille que je sois sur Paris pour avoir une option ou même pour faire des études d’art. C’est quelque chose qui manque énormément en banlieue et ça reflète aussi l’exclusion de la banlieue par rapport à Paris. On n’a pas les mêmes ressources, forcément, cela ne pousse que très peu les jeunes à étudier l’art ou la photographie. C’est un sujet qui me touche énormément car c’est quelque chose que j’ai vécu. Je me souviens que lorsque j’étais en prépa à l’Atelier de Sèvres dans le 6ème arrondissement, qui est une prépa un peu « bobo », avec une majorité de parisiens qui savaient tout ce qui se passait à Paris, je me sentais exclue. Je ne savais pas où il fallait sortir, je ne connaissais ni les bars, ni les expos, ni les restos cool… Je trouvais que c’était une autre vie. J’avais d’un côté mes potes à Paris et puis d’un autre mes potes à Bussy. Le délire est différent, les discussions sont différentes. Le week-end, mes potes de Bussy restaient dans le secteur ; à Paris, c’était autre chose : on sort, on boit des verres, on reste plus tard, parce qu’il y a plus de choses à faire. J’avais l’impression de vivre une double vie.

« Quand j’ai commencé à parler du projet Arcades à mes potes, ils ont immédiatement pensé au film ‘La Haine’, aux banlieues « difficiles », etc. Or, paradoxalement, là où j’ai grandi, ce n’est pas du tout comme ça, c’est très vert, très résidentiel. »

Depuis, beaucoup de choses ont changé, et tu t’es donné les moyens de partager ton point de vue.

Arcades, pour moi, c’est un travail qui consiste à montrer les différents types de banlieues à travers un regard honnête. Il y a un aspect documentaire dans ce projet. ​Avec Arcades, il y a une véritable volonté d’immersion. Je ne donne pas vraiment d’avis dans mon travail ; à travers le magazine, je souhaite surtout livrer un message neutre et archiver. Ce sont principalement des photographies, des séries sur une ville en particulier, beaucoup d’architecture et de visages aussi. Mais le texte est important également : je travaille avec une amie qui s’en occupe et qui réalise des interviews avec des artistes qui vivent en banlieue ou qui réfléchissent au thème de la banlieue. C’est important pour moi d’avoir des échanges. Il y a aussi des éditos mode, car la mode fait partie de l’histoire de la banlieue. Prendre en photo une personne, c’est déjà de la mode. Trois numéros d’Arcades sont déjà parus, en vente dans différentes boutiques et librairies et accessibles en ligne. Je suis actuellement en train de travailler sur le prochain numéro, qui sortira l’année prochaine.

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Royals Allstars Cheerleaders, Surrey, par Wendy Huynh

Pourquoi ce nom, Arcades

Le nom vient du centre commercial « Les Arcades », à Noisy-le-Grand. Les Arcades, c’était l’endroit où l’on se retrouvait. Lorsque j’étais petite, en grandissant près de Noisy, c’était le seul centre commercial : on n’avait pas de lieux comme Val d’Europe ou Disney à cette époque, ce n’était pas vraiment développé. On se rendait tous aux Arcades.

Est-ce qu’on peut dire que tu portes un message à travers ce projet ?

Avec Arcades, je voulais montrer qu’il existait plusieurs types de banlieues. Il y a encore beaucoup de clichés qui perdurent. Le fait de savoir que l’on est à trente minutes de Paris en RER, qu’on n’est pas loin de la capitale, mais qu’on a des vies complètement différentes : la façon dont les gens s’habillent, parlent… Par exemple, en ce qui concerne le trajet : beaucoup s’imaginent qu’on met plus de deux heures pour venir à Paris lorsque l’on habite en banlieue. Avec le Grand Paris par exemple, les parisiens vont peut-être avoir davantage envie de se rendre en banlieue. Mais est-ce que c’est si facile de changer les mentalités ? Parce qu’aujourd’hui, tout ça est bien ancré dans l’imaginaire collectif. ​Les médias ont une telle influence… Or la banlieue change énormément et tout le temps. Il ne faut pas seulement avoir un regard réel et sincère mais aussi actuel et moderne.

« En grandissant à Bussy, vers 15 ans, je m’intéressais déjà à la photo et à l’art mais je n’avais aucun accès à ça. J’ai trouvé injuste qu’il faille que je sois sur Paris pour avoir une option ou même pour faire des études d’art. »

Qu’est-ce qui, de cet environnement, te nourrit encore maintenant que tu vis à Londres ?

Je pense qu’il ne faut pas perpétuer le cliché banlieue égale rap mais mon grand-frère était très branché hip-hop donc j’ai grandi avec ça et c’était aussi une de mes inspirations pour Arcades. Le rap, c’est un genre musical avec lequel il est plus facile de faire passer un message. Mais c’est vrai que je n’en écoute plus trop.  Il y a surtout la mode. C’est un sujet qui me passionne tout particulièrement. ​À chaque fois que je reviens sur Bussy, j’adore voir comment les jeunes s’habillent ; j’ai remarqué que le style des jeunes aujourd’hui a énormément changé, j’ai l’impression que le style en banlieue est un peu plus classique, moins street. Le style reste toujours une question importante en banlieue.

Aujourd’hui, il y tout un fantasme autour de la banlieue et celle-ci est victime d’appropriation culturelle, notamment par la mode…

Oui, on voit beaucoup de shootings mode en banlieue, qui n’ont aucun sens. Personnellement, c’est vraiment quelque chose qui m’énerve : c’est ce qu’on pourrait appeler un tourisme de banlieue. C’est pour ça que j’insiste sur la question de l’échange. La banlieue, c’est avant tout une ville et ses habitants et je pense qu’il faut qu’on respecte ça. ​J’ai vu plein de shootings réalisés à Noisy-le-Grand, avec des mannequins vêtus de tenues hors de prix qui posaient devant ​les Espaces d’Abraxas, parce que c’est en banlieue et que ça fascine les gens de la mode. Je ne comprends pas le principe. C’est important que les gens sachent que c’est avant tout un lieu de vie, avec une culture qu’il faut respecter. C’est le cas aussi de manière globale, lorsque l’on voyage. Pour créer quelque chose de fort artistiquement et visuellement, les échanges sont la base de la création.

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Maison de Rod à Canvey Island, Essex, par Wendy Huynh

Dans une interview, tu parles de « regarder la banlieue d’un autre oeil »,​ qu’entends-tu par là ​?

C’est plutôt regarder la banlieue à travers mon oeil. Je voulais montrer ce que je voyais tous les jours, là où j’ai grandi, mon quotidien de fille de banlieue de ​l’est parisien. Il y a vraiment quelque chose de dynamique en banlieue, on en parle de plus en plus. Beaucoup de jeunes se lancent dans des projets artistiques, ils n’ont pas forcément les ressources autour d’eux et ça les poussent à s’accrocher.

Tu perçois des différences entre Paris et Londres à travers ton travail ?

À Paris, on a des banlieues qui sont beaucoup plus marquées géographiquement, déterminées par notre périphérie. Tout ce qui est en dehors de la périphérie, c’est la banlieue. Londres, c’est tellement énorme, c’est difficile de définir la banlieue, il y a des « banlieues » qui sont dans Londres même.

« C’est important que les gens sachent que la banlieue est avant tout un lieu de vie, avec une culture qu’il faut respecter. »

Comment choisis-tu tes modèles ?

Je prends en photo les gens que je vois, c’est aussi simple que ça. Le choix des visages se fait naturellement. Bien évidemment, ce ne sont pas des visages que l’on voit partout, et c’est aussi cela qui m’intéresse. ​Parmi les personnes que je photographie, il peut aussi y avoir des amis. ​On voit très souvent la diversité comme un outil marketing, notamment dans la mode. C’est important de parler de diversité, mais en même temps dans ces milieux, est-ce que c’est vraiment honnête ? C’est pour cela que dans mon travail, je ne me dis pas qu’il faut absolument que je montre un seul et même type de personnes : je montre ceux que je vois, ceux que je croise et ceux que je connais, de manière organique. ​Pour le moment, j’ai des retours positifs. J’essaie d’établir une confiance avec les personnes que je photographie. Mais ils sont aussi conscients qu’il y a tout un mythe autour des banlieues. En général, je suis très bien accueillie, les gens sont enthousiastes, car ils n’ont pas l’habitude que l’on s’intéresse à la banlieue de cette manière. Ce ne sont pas des gens que l’on représente dans les médias.

On voit à travers tes images que tu aimes déambuler dans les rues pour aller à la rencontre de ces personnes-là. Dans quelles situations est-ce que tu déclenches ton appareil photo ?

J’aime arrêter les gens. Prendre leur contact et créer un dialogue. Je pense que c’est primordial, cette prise de contact dans la photographie, d’avoir un échange. La photographie ne se résume pas à une image, ce sont aussi des discussions et des rencontres. J’aime beaucoup écouter les conversations dans le RER autour de Paris, et ça m’arrive même de prendre les coordonnées des personnes que je croise et qui m’interpellent.

Quels sont tes projets pour la suite ?

J’ai envie de développer Arcades et de lui donner une vision à 360°. C’est super de pouvoir avoir le magazine imprimé et de le tenir en main, mais j’ai envie de pousser le projet plus loin. Je pense à créer un lieu d’échange, sous la forme d’une exposition qui présente le travail de différents artistes, des conférences avec sociologues et des écrivains, et enfin à créer un espace de documentation avec une mise à disposition de livres d’art, d’essais et de romans qui évoquent la banlieue.

Wendy Huynh, par Alex Dobé

Evan Fournier, 26 ans, est aujourd’hui le meilleur basketteur français. Et finalement, il l’a un peu toujours été. Ce gamin de Charenton a passé sa vie à gagner, au point d’être allergique à toute idée de défaite. Une semaine après la troisième place glanée par l’équipe de France à la Coupe du monde FIBA, à l’aube de sa huitième saison en NBA, Evan Fournier nous a parlé de fierté française et de mentalité parisienne. Interview.

Photos : @lebougmelo
Retranscription :
Fabrice Vergez

« Ce serait mentir de dire que je suis heureux de cette médaille de bronze. Ma réaction… c’est juste que je ne sais pas faire semblant. Certains me comprendront, d’autres pas, mais je suis comme ça et ce n’est pas prêt de changer. » Submergé par l’émotion après la victoire des Bleus en Coupe du monde de basket face aux Australiens, synonyme de médaille de bronze, Evan Fournier laisse couler quelques larmes dans une serviette éponge, à l’écart des scènes de liesse. Ce ne sont pas des larmes de joie. Le meilleur marqueur français en NBA (15,14 pt par match en 2018/2019) n’a toujours pas digéré la défaite des Bleus deux jours plus tôt, en demi-finales. Lors de la cérémonie de remise des médailles, il n’a pas gardé la sienne autour du cou et a préféré la placer dans l’une de ses chaussettes. Critiqué par certains pour ce geste, compris par d’autres, Evan Fournier s’en est expliqué sur son compte Instagram. Il y parle de fierté, et de déception. Sur un toit de Paris, une semaine après cette défaite douloureuse, on a poursuivi cette discussion autour de la culture de la non-exigence.

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Est-ce que la France s’est trop habituée à perdre ?

Je ne sais pas si on est trop habitués à perdre, mais en tout cas ce qui est sûr, c’est qu’on est OK avec le fait d’être deuxièmes ou troisièmes. On est même trop OK avec ça. Parce que mine de rien, on a beaucoup de résultats : nos handballeurs sont les meilleurs au monde, en foot on cartonne tout ; même au basket, il y a eu un titre récemment, en 2013. On a beaucoup de grands champions, mais je pense que l’avis du grand public est trop… trop cool. Trop clément. On est vraiment OK avec des résultats qui sont parfois moyens, et on verra une médaille comme satisfaisante alors qu’on aurait pu faire plus.

On a l’impression que gagner n’est jamais « logique ». C’est toujours surprenant, toujours un exploit, on parle toujours de « l’exploit français » – alors qu’en réalité, on a un vivier sportif incroyable en France. Être numéro 1, gagner les prochaines médailles d’or, c’est quelque chose de logique au vu de notre potentiel.

Comme tu l’as dit, je pense que dans tout ce que l’on fait, on devrait viser la première place. C’est le but. Bien sûr, il faut rester réalistes, c’est-à-dire que si tu es assez fort pour décrocher la première place, tu te dois d’être déçu de ne pas être premier. Après, chaque personne a sa limite. Mais quand tu es fort et que tu fais partie des favoris, c’est vrai qu’il faut arrêter de parler d’exploit, et parler plutôt de performance, parce que c’est ce qu’on attend de nos champions et de nos grands athlètes. Mais ça, c’est quelque chose qui se lit à travers les médias, qui se lit sur les blogs : c’est un petit peu la mentalité qu’on a en France. Je ne sais pas d’où ça vient, mais c’est vrai que l’on voit les choses comme ça.

Tu es fier d’une troisième place en Coupe du Monde non pas pour ce qu’elle représente en tant que telle, mais plutôt parce que c’est un processus que tu te forces à accepter. « OK, là on fait une troisième place, j’en suis fier, demain on aura les épaules pour décrocher la première. » L’opinion voit déjà le fait que vous ayez gagné une médaille comme quelque chose d’exceptionnel.

Alors, quand j’ai dit que j’étais fier… Je ne suis pas nécessairement fier d’avoir fini troisième, mais je suis fier de la réaction qu’on a pu avoir pour cette troisième place, parce qu’on était extrêmement déçus et qu’on a joué contre l’Australie qui est très forte, et qui n’a jamais eu de médaille mondiale –  ils finissent toujours quatrièmes ! On perd de 15 points dans le dernier quart-temps donc on est très, très mal embarqués. Et on a eu une très belle réaction, je suis fier par rapport à ça. Je suis fier du groupe qu’on a, parce que c’était notre première campagne ensemble, et on a réussi à créer un groupe extrêmement soudé. On a pris beaucoup de plaisir ensemble, donc par rapport à ça, je suis fier. Après, si tu regardes juste le résultat en lui-même, non, je ne suis pas fier d’avoir fini troisième. C’est pas mal, mais je sais qu’on aurait pu faire beaucoup mieux. Donc c’est là où j’ai été déçu, d’avoir perdu la demi-finale.

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Récemment, sur un plateau télé, tu disais : « Nous, on part pour gagner, on est venus pour l’or. » La réaction des autres intervenants a été de dire : « En fait, il est devenu américain ! » Tu es focalisé sur un objectif ultime, tu ne te satisfais pas d’un résultat tiède, et du coup tu deviens un Américain tellement ça ne correspond pas à l’image qu’on se fait du sport français.

C’est vrai que c’est dommage de dire ça, mais en même temps ça reflète quelque chose. On sait que les américains sont extrêmement élitistes, et je pense qu’il faut qu’on se mette à penser comme ça. Ils ont clairement une longueur d’avance dans plein de compartiments dans le sport, que ce soit dans la façon dont ils s’entraînent, dans les infrastructures ou dans la manière dont ils gèrent leurs sportifs. Je pense que ça serait bien qu’on s’y mette aussi. Le problème c’est qu’en France, on privilégie l’intellectuel plutôt que les athlètes, c’est à dire qu’être athlète en France, ce n’est pas forcément bien vu. On dit souvent qu’on est bêtes, qu’on ne sait pas écrire… Je pense que l’on souffre beaucoup de ça en France, et donc forcément, la mentalité de gagnant, de tout le temps finir premier et de faire partie de l’élite, ça passe un peu à côté.

On a l’impression qu’en France, on a du mal à accepter qu’on puisse promouvoir l’idée qu’il faut aller chercher la première place, et qu’en sport, il faut être performant, il faut être au top niveau. Comme si c’était une vitrine de la société, où on a aussi du mal à mettre en avant les gens qui réussissent, comme les chefs d’entreprise ou les entrepreneurs. On a un peu un complexe par rapport à cette réussite qui nous empêche, dans le sport aussi, de nous focaliser sur la réussite ultime. On a du mal avec les gagnants, en fait.

Paradoxalement, je trouve qu’au niveau des médias, les seuls sportifs qui sont un peu pointés du doigt sur des manques de résultats ce sont les footballeurs. Ce sont eux de qui on attend vraiment le meilleur, mais le reste,  je trouve qu’on s’en fout un peu. On a des équipes de France qui cartonnent, qui dominent le monde — je parle notamment des handballeurs —, et je trouve qu’elles ne sont pas assez mises en avant.

« Être athlète en France, ce n’est pas forcément bien vu »

Je n’aime pas dire ça parce que ça fait un peu cliché, de dire que « c’est très français ». Mais c’est une vérité : on a du mal avec les gens qui réussissent, avec les gagnants. Je pense qu’il y a un mode de pensée qui fait que quand tu réussis, ça veut dire que tu as réussi sur le dos de quelqu’un, malheureusement. Donc peut-être que ça ne nous dérange pas trop de ne pas être à la première place.

Toujours sur un plateau télé, on te dit que vous n’aviez peut-être pas peur des Américains « parce que vous les connaissez ». Tu réponds que la peur, c’est un mot très fort et que vous n’avez peur de personne. Est-ce qu’on n’a pas tendance à s’inventer des complexes, comme si on avait peur de sembler prétentieux en regardant un rival droit dans les yeux ?

Dans le sport, ce n’est pas possible de faire un complexe si tu veux faire un résultat, peu importe qui est en face de toi. Tu abordes toujours le match, le combat ou peu importe le sport que tu fais de la même façon : tu le fais pour gagner. Que ce soit des Américains ou non, que tu les connaisses ou pas, tu les joues de la même façon.

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La victoire contre les USA, dans le fond, ce n’est pas un exploit. C’est un exploit parce qu’ils n’ont pas perdu depuis 13 ans dans une compétition internationale, donc il fallait que ça s’arrête ; mais c’était un match qui était à votre portée, et que vous avez su gagner. Vous ne vous êtes pas dit : « Il faut qu’on les tape, parce que comme ça on va créer l’exploit. » Vous vous êtes dits : « On va le faire parce qu’on peut le faire. »

Chaque année, dans une compétition sportive, on parle d’exploit. Ce n’est pas possible, il ne peut pas y avoir des exploits chaque année, ça n’existe pas ! Un exploit, ça aurait été de battre Team USA en 92, avec la Dream Team. Là, les équipes sont différentes, le basket a changé. Bien sûr que les États-Unis au complet nous restent supérieurs, mais ça n’empêche pas que tu peux les battre. Il faut arrêter de voir ça comme un exploit, mais juste comme une performance de très haut vol. Surtout que sur ce match-là, on les a dominés de la première à la dernière minute. Il y a juste eu un passage à vide chez nous pendant cinq minutes, où ils sont passés à +7,  mais sinon on les a vraiment dominés. Notre victoire, on l’a méritée de A à Z.

La victoire contre l’Espagne en 2014 à Madrid, contre la meilleure Espagne de l’histoire, c’est davantage un exploit ?

Pour moi, c’est une performance encore plus dure à réaliser. Il faut remettre les choses dans leur contexte. On était une équipe de France très jeune, moi j’avais 21 ans seulement, Rudy avait 21 ans… On n’avait aucune expérience. Sur le papier, c’était sûrement la meilleure Espagne qu’ils avaient jamais eue, avec les frères Gasol, Rubio, Serge Ibaka… C’était en Espagne, ils ont mis des branlées à tout le monde, c’était la meilleure attaque de la compétition avec 95 points de moyenne par match, et on les garde à moins de 50 points ! En termes de performance, c’était plus fort, bien sûr.

On a beaucoup parlé de la culture française, est-ce que Paris, c’est à part ? Est-ce qu’il y a une culture parisienne qui n’est pas la même que la culture française ?

Ouais, clairement. Après, je suis parisien, donc c’est facile pour moi de parler mais bien sûr, je pense qu’il y a une mentalité différente à Paris. Le fait qu’il y ait des gens de divers horizons te fait voir les choses un peu différemment, et tu as un vécu différent. Je pense que globalement de toute façon, dans les très grandes villes comme Paris, il y a forcément une mentalité différente. Aux États-Unis c’est pareil, on parle tout le temps de New-York comme d’une ville différente. Je pense que c’est la même chose à Paris, c’est tout.

« Il y a une mentalité différente à Paris »

Comment tu définirais la mentalité parisienne ? En quoi elle est à part de la mentalité française ?

On se la raconte un petit peu ! Je sais pas comment ça se dit en français mais on a un edge. Il y a une fierté parisienne, le fait qu’on se sente un petit peu au-dessus des autres. Il y a un esprit de compétition déjà, à Paris. Et ça se ressent dans pas mal de choses, quand tu vas sur les playgrounds par exemple. Je pense que pour le sport en tout cas, c’est très, très bon de grandir sur Paris.

Tu étais très heureux de pouvoir passer un peu de temps à Paris, tu l’as exprimé. Tu sens que tu te ressources quand tu es ici, ça te redonne de l’énergie ? Dans ce que tu représentes, dans ton identité à toi, avant d’attaquer une saison à Orlando ?

Je suis chez moi donc forcément, je me sens bien. Je reprends de l’énergie, je vois mes amis. Je fréquente les endroits où je passais beaucoup de temps quand j’étais plus jeune, je vais manger dans mes spots préférés… J’ai mes habitudes. J’attendais qu’une chose, c’était de manger un kebab ! Tu vois, un truc tout con. Et d’aller dans des bons restos aussi.

Du coup, c’est quoi ton grec préféré à Paname ?

J’aime beaucoup celui du château de Vincennes, mais je suis obligé de faire un shout out à celui qui est Quai des Carrières, à Charenton, c’est le grec qui est juste en bas de chez moi.

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Tu parles des playgrounds de Paris et de ce que ça représente. Quand tu participes au Quai 54 par exemple, c’est justement parce que tu as ce sentiment d’appartenance à Paris qui est un petit peu au-dessus de tout ? Tu es un joueur NBA, tu n’es pas obligé d’aller jouer sur un playground, de prendre le risque de te blesser ou autre mais dans le fond, c’est important pour toi de garder ce lien-là ?

J’ai grandi dans ça, en fait. J’ai grandi avec les tournois sur des playgrounds durant l’été, et même durant l’année. Avec mes potes, on allait jouer à la halle Carpentier, on allait à PV aussi. C’est quelque chose que j’ai toujours fait, et ce n’est pas parce que je suis joueur NBA maintenant que je compte arrêter. Surtout que là, c’était une année un peu particulière, déjà parce que j’avais le temps de le faire et surtout parce que le Quai 54 était de retour à porte de Charenton, dans le bois de Vincennes, donc en face de là où j’ai grandi. Moi, j’ai grandi rue des Bordeaux à Charenton, à pied c’est sept minutes ! C’était un plaisir pour moi de le faire, j’ai toujours dit que je voulais participer au Quai. Je pense que je vais y retourner d’ailleurs. Et puis j’ai joué avec mes potes, Lahaou Konaté et tout ça, c’était cool !

Rudy, toi et d’autres, vous sentez pas mal le besoin de faire progresser l’image du basket en France et son implantation. Je pense notamment à la Hoops Factory, mais pas seulement, même votre présence dans les médias ou la manière dont vous parlez et mettez en avant ce sport-là… Pourquoi vous avez ce besoin ? Pourquoi vous êtes aussi impliqués là-dedans ?

Ouais, c’est vrai que j’ai une vraie volonté de faire avancer le basket français. Pas en termes d’infrastructures, mais j’aimerais vraiment que la mentalité française dans le basket évolue. J’ai la chance d’avoir beaucoup voyagé, d’avoir vu beaucoup de choses différentes. Je vis aux États-Unis, donc j’ai des éléments de comparaison et c’est vrai que pour être honnête, on est un peu en retard sur pas mal de choses. Et j’aime profondément la France et tous les gens qui m’ont apporté, donc j’ai envie de redonner. Il faut qu’on pousse le basket français dans l’élite, dans tout ce que l’on fait ; et je pense que plus on aura d’ambassadeurs comme Rudy, plus on fera avancer les choses.  Il faut que le basket français soit top mondial ; c’est-à-dire qu’on fait des résultats, et c’est bien, mais il faut vraiment qu’on s’installe dans l’élite mondiale du basket. Ça commence par nous, les joueurs, avec notre volonté personnelle de faire avancer les choses.

Après Key Largo, Diddi Trix ou Soso Maness, YARD est parti à Perpignan rencontrer Némir à l’occasion d’un On The Corner haut en couleurs. En plein Saint-Jacques, dans le quartier gitan historique de la ville, le Perpignanais nous ouvre les portes de son monde.

Dernière semaine d’août, lundi matin, réveil à 6h. On dit souvent que le monde appartient aux gens qui s’lèvent tôt. Rohff, lui, dit qu’il se lève tard pour prendre c’qui appartient aux gens qui s’couchent tôt. Deux écoles. Quitte à choisir, je préfèrerai me coucher tard et me lever tard… À peine le temps d’ouvrir les yeux et on est déjà à Gare de Lyon, TGV direction Perpignan. Il est 7h15, et dans un peu plus de cinq heures, on a rendez-vous avec Némir chez lui, en plein Perpignan. Le programme est simple : se balader, tourner, parler, se découvrir.

Perpignan sort du lot. Ce n’est pas le même sud qu’a Marseille, Nice ou Toulouse. Sans aucun doute, le quartier Gitan en plein centre-ville fait la différence. À déambuler dans les rues étroites et labyrinthiques, l’on pourrait presque se croire à Cuba. Le temps semble s’y être arrêté. Logique, étant donné que la mairie a décidé de raser l’école primaire la plus proche sans la moindre explication et de ne rénover aucun bâtiment ; les habitations tombent en ruines. Drôle de paradoxe, sachant que les gitans de Perpignan en sont les vestiges historiques.

C’est là que Némir s’est épris d’un amour inconditionnel pour la musique. D’abord avec la danse, puis le rap, enfin le chant. Il monte à la capitale pour la première fois à 11 ans. Plus tard, il y retournera et croisera le chemin de l’Entourage. Delà naît une relation Nord-Sud éternelle. Un EP sort en 2012 : Ailleurs. Les six prochaines années, on n’entendra le perpignanais qu’en featurings, aux côtés de Deen Burbigo, Nekfeu, Alpha Wann, Gringe… Le grand retour débute en 2018 avec un second EP : Hors-série. Pierre fondamentale d’un premier véritable album annoncé pour le 6 septembre 2019. C’est avec son compère de toujours, Enzoo, qu’il produit, écrit et compose intégralement le fruit d’une vie de travail qui portera son nom : Nemir.

Alors il fallait bien marquer le coup. Car le rappeur est autant une source de mystère qu’il semble avoir gagné le grand combat de l’artiste : pouvoir créer à son rythme. Oui, le chemin a été long, mais il n’a jamais été fastidieux, car chaque épreuve a été réussi l’une après l’autre avec sincérité et détermination. Un parcours pour la toute première fois mis à l’honneur ici, loin du tumulte de la promotion académique, au naturel.

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Qu’est-ce que la « bonne » musique ? Depuis près de 30 ans, Charlie Ray Wiggins, de son vrai nom, fait la pluie et le beau temps dans la néo-soul, la funk et le r&b. Raphael Saadiq est un intellectuel de la musique dont le nom évoque le respect et dont les partenaires de notes, de Prince à Kendrick Lamar en passant par Mick Jagger, donnent le LA dans leur genre respectif. Huit ans après son dernier album, il revient avec l’attendu Jimmy Lee. Interview.

Photos : @antoine_sarl
Retranscription/traduction : Fabrice Vergez

Raphael Saadiq, l’artiste préféré de ton artiste préférée. À la fin du mois d’août, le maître funk d’Oakland est revenu avec son cinquième album, Jimmy Lee, huit ans après le précédent. Une éternité à l’ère du streaming où tout va (trop) vite. Après l’album Stone Rollin’ en 2011, le crooner de légende a préféré se ressourcer en mettant ses talents de musicien-producteur au service d’artiste comme Elton John, Joss Stone, Mary J. Blige, John Legend ou encore Solange, dont il était le producteur exécutif du projet A Seat At The Table. Rien que ça. Une longue pause discographique pendant laquelle le bassiste et chanteur s’est entouré d’une nouvelle équipe pour écrire et graver son cinquième album Jimmy Lee, sans doute son oeuvre la plus personnelle. Inspiré en partie par la mort de son frère, décédé tragiquement d’une overdose le 20 février 1998, l’album, avec Kendrick Lamar en featuring sur l’ultime morceau, s’articule autour de la dépendance et l’emprisonnement. Autant de sujets dont nous avons parlé avec le mythique Raphael Saadiq à Paris, là où cet esthète se sent le mieux.

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Pourquoi doit-on attendre 10 ans avant de pouvoir entendre des nouveaux morceaux de Raphael Saadiq ?

Je me suis retrouvé à passer beaucoup de temps à travailler pour tout le monde sauf moi-même. J’ai fait beaucoup de production. J’ai aussi passé du temps en famille, avec ma mère, mes nièces et mes neveux. Pendant mes 30 ans dans la musique, je n’ai pas arrêté de bouger. Il faut dire aussi que ma carrière solo a commencé sur le tard, mon premier disque est sorti quand j’avais 36 ou 37 ans. Quand on se lance en solo aussi tard, tout a l’air nouveau et on passe beaucoup de temps à voyager et à travailler. J’avais simplement besoin de prendre le temps de collaborer avec d’autres artistes, pour continuer à apprendre. J’adore travailler avec d’autres personnes, ça me permet de grandir encore davantage en tant que producteur.

Travailler avec d’autres, c’est plus important pour toi que de travailler sur ta propre musique ?

Je pense, oui. C’est important, ça t’aide à progresser.

Comment ça ?

Chacun a sa façon de travailler, et en travaillant avec eux on apprend de nouvelles méthodes. C’est comme de se familiariser avec une nouvelle interface.

On sait que tu as collaboré avec de nombreux artistes talentueux, de Mick Jagger à Prince en passant par Elton John, Solange, D’Angelo ou encore Jay-Z, sans oublier les musiciens des différents groupes dont tu as fait partie. Vois-tu un point commun entre tous ces artistes avec lesquels tu as travaillé ?

L’exigence, un très haut niveau d’exigence. Ce sont tous d’excellent frontmen – ou frontladies, des leaders hors-norme, des gens sur qui on sait qu’on peut compter pour occuper le devant de la scène. C’est ce que je veux dire quand je parle d’exigence : ils savent susciter le respect et l’attention. En tant que leaders, il est fondamental de les laisser occuper la place d’honneur.

Est-ce que tu dirais que toi aussi, tu as ces qualités en commun avec eux ?

Oh, absolument, c’est sûr et certain.

Être le frontman, c’est quelque chose d’important pour toi ?

Je n’ai jamais vraiment voulu de cette position, mais une fois qu’on y est, il faut donner aux gens ce qu’ils attendent, donc tout doit être parfait. A la base, j’accompagne des gens sur scène, je suis un bassiste. Pendant une bonne partie de ma vie, je jouais derrière les autres, comme un genre d’homme de l’hombre. Et j’adorais ça, vraiment. Et c’est ce que je retrouve en composant pour d’autres artistes, la même sensation qu’à mes débuts. Le chant n’est arrivé qu’ensuite. Mais dès que j’ai commencé à faire le métier de chanteur, j’ai su qu’après avoir joué pour tant de gens talentueux, il fallait que je sois au niveau.

« Pendant une bonne partie de ma vie, je jouais derrière les autres »

Tu parlais de donner aux gens ce qu’ils attendent. Que veux-tu transmettre à travers cet album, Jimmy Lee ?

Je cherche simplement à partager mes failles et mes doutes, ma vulnérabilité. Je voulais raconter mon histoire, celle de mon frère et de la relation qu’on avait tous les deux. Et ça va plus loin que simplement mon frère, je parle de ce que ça fait de côtoyer ça tous les jours. Je me lève le matin, je descends dans la rue et je vois des gens qui dorment dehors, des gens marqués par la drogue. Je le constate aussi dans mon milieu celui de la musique, ou même chez les sportifs. La drogue est partout, et c’est comme à Vegas : c’est toujours le casino qui gagne. A la télé, sur les réseaux sociaux… Il y a tout un tas de choses qu’on nous montre qui nous rendent accro. Tout le monde est accro à quelque chose, la drogue n’est pas le seul problème. Il y a plein de formes d’addiction, je pense par exemple que nous sommes tous addicts à nos smartphones.

Quelle est ton addiction à toi ?

Les pains au chocolat ! En fait, j’essaie même d’éviter d’en manger quand je suis en France, parce que c’est ici-même, à Paris, que mon addiction a commencé. Sinon, je me suis aussi surpris à passer trop de temps sur Instagram. Maintenant que je l’ai remarqué, ça me dérange un peu. C’est obsédant, l’addiction.

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C’est le mal du siècle, on a tous deux ou trois addictions qui cohabitent, donc on n’a plus vraiment le temps de se concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Pourquoi partager ça avec ton public aujourd’hui ? En as-tu ressenti le besoin ? Est-ce que ces préoccupations te travaillaient depuis longtemps, jusqu’à ce que tu te dises que le moment était venu de partager cette expérience ?

C’est exactement ça. Ça me travaillait un peu, et c’est ce qui m’a permis d’écrire et de raconter ces histoires. Ce qui est intéressant, c’est que même si l’album n’est pas encore sorti, dès que je l’ai terminé, je me suis dit qu’il y avait des critiques et des petits malins parmi mes auditeurs qui allaient interpréter mon disque mieux que je ne pourrais le faire moi-même. En écoutant Jimmy Lee, tu vas peut-être te poser tout un tas de questions auxquelles je n’ai pas pensé, et c’est exactement ce type de projet que je voulais sortir. Tout était dans ma tête, et j’avais besoin de le sortir pour le donner aux gens, qu’ils puissent me dire ce qui se putain de passe.

C’est presque une démarche égoïste : tu veux sortir ton album pour que les gens t’en parlent et te permettent d’y réfléchir différemment.

C’est tout à fait ça. Après avoir réécouté ce que je raconte dans certains morceaux, je savais que ça allait se passer ainsi. Même si je comprends ce que je dis, je sais que quand les morceaux vont me revenir, les gens les auront interprété différemment, et certains les auront compris mieux que moi-même. C’est comme si le monde entier pouvait être mon psy.

Tu as dit que Paris était probablement ton marché le plus important, j’aimerais que tu reviennes sur ces mots. Saurais-tu dire pourquoi ? Pourquoi les Français aiment-ils autant ta musique ?

Parce qu’en tant qu’artiste solo, c’est à Paris que j’ai joué devant le plus de gens.

Plus qu’aux États-Unis ?

Oui !

Pourquoi les Français aiment-ils autant ta musique, même sans parler la langue ?

Peut-être simplement à cause des percussions, de la sophistication, et de tous les rythmes africains que j’utilise. La musique et les gens qui ont été ramenés ici par la colonisation. Ça fait des années qu’ils sont exposés à énormément de musique africaine. Je crois que ce qu’ils entendent, c’est ce mélange de soul, de jazz, et de tout le reste. Ils entendent le swing, les influences hip-hop, les guitares acoustiques, les cordes… L’art est partout ici. Pendant un de mes concerts à Paris, je regardais les gens bouger sur un de mes morceaux, « Moving Down the Line », et ils dansaient comme ma mère ! Elle a une super routine sur ce morceau, et j’ai vu des filles dans la foule faire exactement les mêmes mouvements qu’elle. Je me suis arrêté et je me suis dit : « Merde… C’est spécial. »

« C’est comme si le monde entier pouvait être mon psy. »

Le public en Amérique ne réagit pas comme ça ?

C’est pas pareil quand on ne te regarde pas. Tu joues tes morceaux, et les gens baissent la tête pour danser… Ils n’ont même pas l’air de vraiment s’amuser. Une fois, je jouais ici et  je te jure, j’ai cru qu’on se foutait de moi ! C’était l’une de mes première fois en France – enfin, pas la toute première, parce que j’étais déjà venu très souvent avant de sortir Instant Vintage, mon premier album solo. Le disque était sorti depuis deux semaines, et je jouais le morceau « Sure Hope You Mean It ». C’était un concert promo pour Nova, je crois, et tout le monde dans le public chantait les paroles de « Love That Girl » et de « Sure Hope You Mean It ». Je n’en revenais pas : « Comment ils peuvent connaître aussi bien une chanson qui est sortie il y a tout juste deux semaines ?! Même moi, je suis encore en train de l’apprendre ! » Ils connaissaient toutes les paroles, mot pour mot.

Je regardais ton interview pour le Breakfast Club hier, et le top commentaire te qualifiait d’« artiste le plus sous-coté de ces 30 dernières années ». Qu’est-ce que tu en penses ?

Il a dit que j’étais le plus sous-coté ?

Oui, de ces 30 dernières années.

Il faut bien être le meilleur dans quelques chose ! Je n’ai pas de problème avec ça, j’ai l’habitude de prendre mon temps, que ce soit avec les filles ou dans la mode j’ai toujours commencé un peu plus tard que les autres. Mais la musique c’est différent, c’est quelque chose que j’ai toujours fait, donc j’ai l’impression que ce sont les gens qui s’intéressent à ce que je fais sur le tard. Ils continuent encore à me découvrir. Je préfère que ce soit comme ça, plutôt que de percer d’un seul coup. Le succès, ça s’en va. Il y a tellement d’artistes qui étaient des stars quand j’ai commencé à faire de la musique et que tu ne connais peut-être même pas ! Je préfère m’inscrire dans la durée plutôt que d’exploser d’un seul coup et de ne plus savoir quoi faire après. Je ne pense pas non pus que je suis aussi sous-coté que je l’étais il y a dix ans. Je veux dire, il y a mon nom au générique sur HBO, ce n’est plus la même chose.

Si ça ne te définit pas vraiment, alors quels artistes qualifierais-tu de « sous-cotés » ?

Little Dragon, peut-être ? Je pense qu’on peut dire qu’ils sont sous-cotés. J’adore ce qu’ils font. Ils n’ont pas assez de reconnaissance en Suède, leur pays d’origine. Ils ont plus de succès aux États-Unis que là-bas, à ce qu’ils m’ont dit.

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On parlait de tous ces artistes talentueux avec lesquels tu as collaboré tout au long de ta carrière. Ta première expérience de tournée, c’était avec Prince, c’est bien ça ? On dit que tout le monde a une anecdote avec Prince, et je n’ai pas encore entendu la tienne.

En fait, je jouais avec Sheila Escovedo, Sheila E, et c’est comme ça que je me suis retrouvé à travailler avec Prince. Je jouais à un festival à Copenhague qui s’appelle le Purple Festival, ou quelque chose comme ça. Prince adorait la chanson « Stone Rollin' », c’est un vrai fan de ce morceau. J’étais donc sur scène, le public s’ambiançait, je chante cette chanson et je vois que la foule commence à faire encore plus de bruit. Je pensais juste que j’étais en train d’assurer comme jamais, et en fait il était en train de danser derrière moi.

Et tu n’avais pas remarqué ? 

Je ne l’avais même pas vu. J’ai continué à chanter, c’est tout. Mon choriste l’a vu. Je n’ai même pas la vidéo !

Toujours au sujet de Prince, tu as dit : « Je crois que Prince détestait ce que la musique était en train de devenir, et qu’il ne voulait plus rien avoir à faire avec ce milieu. Je crois qu’il aimait énormément la musique, et qu’il se disait « si c’est ce qu’ils en font, je crois que je ne vais pas le supporter. » Qu’est-ce que tu voulais dire par « si c’est ce qu’ils en font » ?

Je pense que pour lui, les gens n’essayaient pas vraiment. Parce que c’était un véritable étudiant de la musique, il ne plaisantait pas avec ça, c’était un vrai militant. Pourtant, il y avait des artistes qu’il aimait bien, dans le hip-hop par exemple il avait trouvé des personnes avec qui il s’entendait, des personnalités qui lui plaisaient ; mais musicalement, je ne pense pas qu’il respectait ce qu’ils faisaient. Et il ne voulait rien avoir à faire avec ça.

Ça m’amène à ma prochaine question. Il n’y a pas vraiment de méthode exacte pour déterminer ce qui fait qu’un morceau est « bon ». La manière dont on consomme la musique aujourd’hui rend encore plus difficile pour le public de faire la distinction entre la musique « de qualité » est celle qui est simplement facile. Par « facile », je veux dire de la musique catchy qui est fabriquée pour qu’on l’aime, pour qu’elle fonctionne. Les morceaux se retrouvent partagées sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming, et on ne peut pas s’empêcher de les aimer parce qu’ils sont conçus pour ça. En essayant d’être le moins subjectif possible, qu’est ce qui définit la bonne musique ?

À mon avis, c’est le fait de prendre des risques. Prends Lucky Daye, par exemple, un artiste que j’aime bien qui vient de la Nouvelle Orléans. Il est en phase avec la musique d’aujourd’hui, mais il propose quelque chose de différent. Et il a pris des risques ! Pour faire de la bonne musique, prendre des risques, c’est fondamental. S’il n’y a pas de prise de risque, pour moi, c’est du préfabriqué. Ça peut quand même bien sonner, comme tu le disais, c’est de la musique conçue pour qu’on l’aime. Mais si tu prends un Cee-Lo Green ou un Gnarls Barkley, des artistes qui prennent de vrais risques, le résultat est incroyable. Quand ils ont commencé à percer, c’était complètement  différent de tout ce qu’on avait pu entendre jusque là. Ils sortaient du lot. Parmi les disques qui sortent ces temps-ci, il n’y en a pas tant que ça qui se démarquent vraiment du reste, du moins dans ceux qui ont un succès mainstream. Il y a probablement des tas de disques originaux dans la scène indie, qui ne reçoivent pas autant d’attention. Mais j’ai l’impression que les gens n’osent pas prendre le risque de sortir un projet qui sort du lot, ou même que les artistes n’osent pas essayer de créer quelque chose qui leur plaît réellement. Remarque, peut-être qu’ils aiment ce qu’ils font, même s’ils ne cherchent pas à sortir du lot. Peut-être qu’on vit une époque dans laquelle être préfabriqué est devenu cool.

En soirée, à 2h du matin, un morceau catchy peu avoir beaucoup d’effet sur toi. Il peut sembler « bon » mais c’est très fréquent que dans un autre contexte, tu réalises par toi-même que ce n’est pas vraiment de la « bonne musique ». Les nouvelles générations, inondées de tracks à l’ère du streaming, peinent parfois à faire la différence en érigeant ce qui fait plus de bruit que le reste.

Je comprends. C’est pour ça que j’aime la house sud-africaine, ou même juste africaine, comme par exemple Black Coffee ou d’autres mecs de là bas qui sont vraiment dans l’underground. La dernière fois que j’y étais, je me suis retrouvé dans une fête organisée en journée – je ne connaissais pas grand monde, donc j’ai dû demander à un ami de m’emmener faire la fête. Ils jouaient de la très bonne house.

C’est un genre qui s’appelle le gqom, c’est ça ?

Exactement, du gqom. Je trouve que ce sont des gens qui fuient ce qu’on nous force à écouter, et qui créent leur propre univers. La house a toujours marché un peu comme ça. Ce n’est pas la même chose que d’être un selector ou un DJ. Si tu as un public devant toi, il va falloir jouer de la musique qu’ils aiment, qui va les faire bouger et payer des consos. Il peut m’arriver d’écouter ce genre de musique conçue pour plaire. Si je sors boire un verre dans un bar, ça peut me plaire. Mais je n’écouterais pas ça chez moi.

Tu as déclaré que tu voulais que tes disques te survivent. Tu ne penses pas que tu as déjà atteint ce stade ?

Si, j’en suis déjà là. Mais ce n’est que le début. Quand j’ai commencé, ça n’était pas vraiment mon objectif. Il y a une phrase qu’un ami à moi, Tony Draper, répète toujours. C’est le patron de Suave House Records, un label de Houston, tu sais, Eight Ball et MJG ? Il disait toujours : « Il faut que tes disques te survivent. C’est ça, la musique ! Si tes disques ne te survivent pas, c’est qu’ils sont mauvais ! » J’ai trouvé cette phrase vraiment profonde, donc j’ai commencé à la répéter dans mes interviews.

« Si tes disques ne te survivent pas, c’est qu’ils sont mauvais ! »

Mais tu pense tout de même y être arrivé. Est-ce que tu penses que tu as réussi à faire ton « That’s the Way of the World », le classique d’Earth Wind & Fire dont tu parles souvent ?

Je n’en suis pas là ! Peut-être avec « Anniversary » ? J’en ai parlé avec RZA du Wu-Tang Clan, et il m’a dit : « Tu vas être connu pour toujours comme le mec qui a fait ce fameux morceau, ‘Anniversary’, je suis sûr que les gens vont se rappeler de toi pour ça. Et moi, pourquoi les gens vont se souvenir de moi ? J’arrête pas de me poser la question, qu’est-ce qui restera de moi ? Je pense qu’on se souviendra juste que j’ai mis le bordel ! » (rires) [RZA dit : « I’m gonna be known for just bringing a ruckus », référence au morceau « Bring da Ruckus » du Wu-Tang, dont le titre signifie littéralement « mettre le bordel »]. Donc oui, j’ai fait ce morceau et j’en suis fier, mais l’air de « That’s the Way of the World », quand il démarre… Et « That’s the Way of the World », quel titre incroyable pour un morceau !

« Be Here » est aussi un morceau de ce calibre. Peux-tu me citer trois morceaux qui survivront à leurs auteurs ?

Je dirais « Doves Cry » de Prince. [Il hésite] Il y a eu tellement de reprises, je suis obligé de citer Donnie Hathaway, « Take it Away From Me, Someday We’ll All Be Free ». Et pour la troisième, je dirais… On pourrait y passer la journée ! Je dirais « Bennie and the Jets » d’Elton John.

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Kendrick Lamar est invité sur ton album, que penses tu de lui en tant qu’artiste ?

C’est un des meilleurs. J’aime bien Kendrick parce que je peux entendre son empreinte carbone qui transpire de sa musique. C’est ce que je cherche quand j’écoute un morceau, je veux savoir d’où tu viens, où tu as grandi et où tu vas.

Est-ce que tu penses que Kendrick et toi, vous avez la même vision ?

Je crois, oui.

Kendrick parle beaucoup de ce qu’il a ressenti en étant témoin de la violence de Compton, et de ce qu’elle implique. C’est la même chose pour toi, qui as grandi à East Oakland et as dû endurer le décès de plusieurs de tes proches. Votre vision commune est-elle liée à vos parcours similaires ?

Ça s’entend dans sa musique, il est très fort pour raconter les histoires, il le fait avec une puissance qui te captive immédiatement. Il écoute aussi de la très bonne musique, il invite de très grands musiciens, comme par exemple Kamasi Washington ou Thundercat, et aussi des producteurs et beatmakers très talentueux. Il sait choisir ses instrus, et c’est quelque chose de très important.

Il apparaît sur Rearview, le dernier morceau de l’album. Est-ce que c’était un choix symbolique de collaborer avec lui sur l’ultime morceau ? Je n’irai pas jusqu’à dire que tu lui passes le flambeau mais il y a de ça, c’est presque comme une validation.

Il n’a pas besoin de moi pour être adoubé.

Bien sûr. Mais d’une certaine façon, c’est aussi important pour lui d’être le seul rappeur à apparaître sur un album de Raphael Saadiq, un phénomène qui ne se produit que tous les huit ans.

J’ai travaillé sur son projet, DAMN. On devait travailler ensemble, il est venu au studio et on a passé du temps ensemble. Il s’est amusé, je lui jouais des instrus et il essayait différentes ambiances. J’ai ressorti un de ces enregistrements il y a quelques mois. J’écoutais « Brooklyn Zoo » du Wu-Tang en venant au studio, j’ai bondi hors de ma voiture, je me suis mis à l’orgue et j’ai joué une mélodie. Puis j’ai posé la batterie, puis la basse, puis la guitare. J’ai ressorti un des morceaux sur lesquels j’avais travaillé avec Kendrick, j’ai extrait son refrain et je l’ai ajouté à ce morceau. Deux de mes amis, Charlie Bereal et Jairus, ont rajouté des pistes de guitare à ce que j’avais déjà joué, et puis je me suis mis à chanter comme David Bowie. C’est donc un mélange de toutes ces influences différentes, auquel j’ai ajouté Kendrick. C’est l’un de mes seuls invités à venir du hip-hop. Il y a aussi Ernest [Turner], un pianiste de jazz et Rob Bacon, qui a posé un solo de guitare sur « Something Keeps Calling ».

Après la fermeture administrative de Dehors Brut qui nous aura fait annuler la grande date parisienne du YARD Summer Club, on se devait de marquer un grand coup pour la dernière de la saison. Rendez-vous à Lyon, la ville qui, après Paris, nous donne le plus de plaisir. Alors on a loué un bus, on l’a pimpé comme des fous, on a amené cinquante chanceux.ses de notre public et on est partis en direction de l’ancienne capitale française dans son club le plus réputé : Le Sucre. Comme une surprise n’arrive jamais seule, on est allé chercher l’un des nouveaux phéno’ du rap français : après Koba LaD, Zola et 13 Block, on a ramené Larry avec nous. Résultat : un live bouillant qui marquera le millier de personnes présentes.

S/o le sang JD Sports et les potos de Artjacking qui nous ont accompagné sur cette date épique.

 

Cet été, le YARD Summer Club s’est exporté en dehors de l’Hexagone, le temps de deux chaudes dates à Londres et Amsterdam avec Hamza. On vous fait vivre cette ride de l’intérieur.

Réalisation : @hugobembi
Second cadreur : @leojoubert

C’était acté : en 2019, le YARD Summer Club s’est fait connaître au-delà des frontières hexagonales. Le temps de deux soirées espacées en quelques jours, au bout du mois de juillet, Londres et Amsterdam allaient se prendre la fièvre de nos soirées parisiennes, avec les pogos, les cassages de reins, les sets enflammés de nos DJs maison et tout ce qui va avec. Mais exporter les meilleurs vibes de la capitale ne pouvait se faire sans les acteurs qui font de la francophonie une place forte du rap mondial. Et puis, nos parisiens le savent, les lives sont une part non-négligeable de l’expérience YARD.

Naturellement, notre choix s’est porté sur Hamza, dont les anglicismes et le sens aïgu de la mélodie transcendent toutes les barrières de la langue – Pitchfork et OVO Sound Radio en savent quelque chose. Dans la continuité de son Paradise Tour, le bruxellois nous a accompagné dans notre trip européen pour retourner les salles du Village Underground (Londres) et du Paradiso (Amsterdam). Une manière pour l’artiste de faire vivre sa musique sur d’autres terres, lui qui ne cachait d’ailleurs pas ses ambitions de conquête mondiale, quand nous l’avions interrogé à ce sujet à la sortie de l’album Paradise. À notre tour de vous faire vivre cette ride.

Hamza sera en live de la Grande Hall de la Villette le 31 octobre prochain lors de la journée YARD au Pitchfork Music Festival, avec Skepta, Mura Masa, Zola, Ateyaba et plein d’autres. Billetterie ici.

En pleine crise migratoire, Karim Kharbouch alias French Montana nous rappelle son parcours, nous parle de son rapport à la France, évoque Max B et 6ix9ine et envoie un message à Donald Trump. Interview.

Photos : @lebougmelo

Arabe avec attitude. Quand French Montana prend la parole, on se doit de l’écouter. À 34 ans, l’Américano-marocain est un exemple : un parcours de vie inspirant entre Casablanca et New York, un charbon de tous les jours en tant qu’immigrés aux rêves de grandeur, et des faits d’armes dans la musique qui le placent dans le panthéon du rap outre-Atlantique. Son featuring avec Lacrim est, sans aucun doute, l’une des meilleures collaborations franco-américaine qui soit.

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Quand nous venons à sa rencontre, le rappeur est confortablement installé dans le large sofa d’une suite d’hôtel du VIIIe arrondissement. Ici, dans ce décor des plus précieux, French Montana est comme dans son élément. Fourrure sur les épaules, diamants autour du cou, « Frenchie » n’a pas peur d’afficher sa réussite. Quand il gagne, il redonne. Quand il brille, il ne le doit à personne.

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L’un a une voix reconnaissable entre mille, l’autre est un technicien scolaire du rap : voilà Key Largo. Arrivés il y a peu, Digba (La Purple) et Sku (Cru La Rue) ont gravi les échelons de la musique un à un, prêt à sortir aujourd’hui leur premier projet : « 500 Key ». Direction Gonesse, chez eux, pour un On The Corner exclusif avec le nouveau duo excitant du rap français. C’est important !

Vidéo : @leojoubert

Tout commence sur Twitter. Un nouveau duo fait parler de lui, notamment suite à un featuring avec un autre nouveau rappeur qui ne cesse de grandir : Zola. On bouge la tête, la nuque prête à se briser façon Mortal Kombat. On se renseigne, on étudie le dossier. On a un nom : Key Largo. On approfondit, on analyse le décor et on a un lieu : Le Vieux Gonesse. Les mois passent, se succèdent une signature chez Def Jam, une série de freestyles « CRU », une première scène à l’occasion du concert de « Guette l’ascension »… et le rendez-vous est pris.

Gare de Villiers-Le-Bel, 15h. Grosse chaleur. Benny (La B), manager du groupe, passe nous prendre en voiture. 15 minutes plus tard, on est devant le duo. Postés aux abords d’un Casino Shop tout de bois construit et entourée d’une bonne quinzaine de personnes, les deux compères sont tout sourire. Ça boit, ça mange, ça rigole. La bonne humeur d’un été passé au tieks. On part en vadrouille, caméra au poing. Avec Key Largo, dont le premier projet sort le 11 octobre, le mode de vie est rapide, alors il faut suivre la cadence. Car le duo compte bien autant marquer le 95 que les esprits de toutes celles et tous ceux qui les verront à l’oeuvre. Après Diddi Trix, Soso Maness ou Kofs, focus sur un binôme à suivre dans un nouveau On The Corner.

La scène britannique a l’habitude de voir émerger des talents soul aussi différents qu’inspirants. Mahalia qui, avec le track « Sober » en 2017, avait inauguré une nouvelle ère dans la manière de raconter l’amour et ses désagréments à l’âge d’Internet. Son premier album, Love and compromises, compte des feats de qualité, notamment avec Hamzaa, nouvelle voix puissante et touchante from London. Rencontre avec deux artistes et amies qui, sous couvert de textes qui parlent d’amour, affirment leurs présences au monde sans avoir à s’excuser. 

Photos : @lebougmelo

Paris, fin de matinée. Fraîchement débarquées de Londres, Mahalia et Hamzaa démarrent une journée express pour parler de leurs projets respectifs. On nous dit qu’elles s’entendent parfaitement. « On s’est connues via Instagram, d’abord parce qu’on appréciait ce que l’une et l’autre faisait artistiquement et puis on est devenues amies », nous dit Mahalia, pour expliquer elle-même ce qui la lie à Hamzaa, dont le projet Phases EP est sorti début août. Elles échangent d’ailleurs quelques couplets sur « Regular People » dans Love and Compromises, le premier album de Mahalia, sorti le 6 septembre. On confirme : l’amitié promise entre les deux artistes n’est pas feinte. Mieux : l’une finit les phrases de l’autre, l’autre claque des doigts de manière répétée pour valider les propos de l’une, et toutes les deux soulignent d’entrée de jeu leur respect mutuel.

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Et quand on écoute leurs deux projets, qui parlent beaucoup d’amour — n’en déplaise à ceux qui sont blasés par la thématique —, les similitudes entre les sujets qu’elles abordent semblent évidentes. « À chaque fois que des hommes plus âgés m’ont interviewée, ils me demandaient pourquoi je parlais encore et toujours d’amour. J’ai vingt ans. De quoi suis-je censée parler, sinon de ce que je vis en ce moment ? », sourit-elle avec ironie. Hamzaa, à son côté, acquiesce. Et rien que pour le titre « What you did » en duo avec Ella Mai, une jam plutôt douce qui revisite le « Oh Boy » de Cam’ron et Juelz Santana et réussit à le rendre encore plus sensuel et plus classique, ce qu’a à dire Mahalia des tourments de son cœur, de l’amour et de ses complications vaut le détour. Mais ça, on le savait depuis notre première rencontre avec l’artiste, il y a un peu plus d’un an.

La chanteuse nous donne une des clés dès le début du projet. Aimer, ce n’est pas se compromettre pour l’autre. Plus loin, on récupère l’autre clé. Mahalia explique qu’elle doit avant tout tomber amoureuse d’elle-même pour se sentir prête à partager l’amour avec quelqu’un ; l’expérience fait que tout le monde – même les hommes plus âgés qui lui posent des questions — n’a pas forcément une connaissance aussi accrue des relations amoureuses pour les aborder de manière aussi mature. «  Il y a exactement tout ce que je voulais dire. J’y parle d’aimer donc, de la fin de l’amour, d’avoir le cœur brisé, de briser des cœurs, de ne pas faire de compromis, de ne rien lâcher », précise-t-elle en rappelant qu’il s’agit de son premier album.

On reconsidère soudainement les deux jeunes artistes : Hamzaa en est déjà à son deuxième EP. On revoit Mahalia, sur Colors, toute de rouge vêtue, en doudoune et débardeur, poser sur « Sober », le titre délicat et insolent qui l’a faite connaître jusqu’en France. La flopée de titres qui ont suivi et l’ont installée comme l’une des voix les plus faussement fragiles de la soul anglaise nous ont presque fait oublié que c’est son premier projet long. Dans ce premier album, outre Ella Mai, Mahalia montre qu’elle sait ce qu’elle fait quand il s’agit de choisir avec qui elle doit collaborer. Elle a d’ailleurs donné sa place à Burna Boy dans « Simmer », un titre qu’on a entendu cet été.

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« C’était très bizarre. Quand je l’ai écrite, je savais que je voulais que quelqu’un chante avec moi dessus. Ça part de moi, Mahalia, une jeune femme anglaise, jamaïcaine, irlandaise, qui fait une chanson aux influences afro-caribéennes, et qui contient un sample d’un très vieux classique reggae. La question, c’était : qui peut venir apporter sa touche ? Un ami m’a dit d’inviter Burna Boy. Je connaissais son morceau ‘Ye’, je savais qu’il avait collaboré avec Dave cette année, sur ‘Location’, du coup je savais que c’était un artiste incroyable, une légende. » Hamzaa hoche la tête fermement. « Il est né au Nigéria, il a été à la fac à Brighton, a vécu à Londres, aux Etats-Unis… Ce type est fantastique. J’ai été hyper inspirée par sa manière de parler, de chanter. On m’a beaucoup demandé pourquoi je n’avais pas fait appel à un artiste jamaïcain pour ce titre, mais dans mon esprit, Burna Boy était aussi authentique que n’importe qui, qui fait de la très bonne musique. J’ai vraiment le sentiment que nos deux mondes s’entrechoquent dans ce disque. » Cette alliance, outre qu’elle souligne la cote méritée de Burna Boy parmi ses pairs, célèbre à sa manière l’essence d’une ville comme Londres et de ses habitants, un melting-pot où s’est jetée notamment l’histoire coloniale de l’Angleterre. C’est cette même ville qu’Hamzaa avait décidé de célébrer dans son premier EP, avec le titre « London ».

Une ville à l’énergie folle donc, où de nombreux genres musicaux sont apparus récemment mais aussi où la gentrification grandissante pourrit la vie de nombreux habitants et Hamzaa en sait quelque chose. « C’est là où j’ai grandi, une ville où il peut y avoir tous ces problèmes, ces tensions, mais c’est chez moi malgré tout. C’est pour ça et comme ça que j’avais envie d’en parler. » Sa façon à elle d’être politique, sans en évacuer la beauté. Et dans son nouvel EP, la jeune artiste qui se dit volontiers « pas romantique », exulte dans « Someday » où elle se dit à la recherche de l’amour puis se ravise comme dans « Hard to Love ». On met quiconque au défi de ne pas vibrer à l’écoute de sa voix hors du commun.

Elle qui dit vouloir « faire la musique qui lui permette de se sentir aussi bien que la musique qu’elle écoutait » raconte aussi ses doutes, son manque de confiance. Si on rabâche à Mahalia qu’elle parle trop d’amour, c’est son nom de scène qui interpelle chez Hamzaa. On n’est pas les premiers à noter que c’est un nom qu’on donne généralement aux personnes qu’on genre au masculin. Ce qu’elle sait et assume parfaitement. « C’est un nom d’homme, en effet, que je trouve très beau. Je l’ai pris de quelqu’un qui admire et prend soin de ma mère – dans le civil, Hamzaa s’appelle Malika [« reine » en arabe, ndlrr]. Je lui ai demandé ce qu’il en pensait. Ça veut dire fort, comme un lion, en arabe. C’est très puissant et c’est quelque chose que je veux incarner. Même dans la vie de tous les jours, les gens qui ne me connaissent pas m’appellent Hamzaa désormais et ça me va  ! »

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Un parti-pris que Mahalia, qui l’écoute avec attention, juge « totalement féministe ». Comme l’amour, voilà un autre mot qui ne fait pas peur aux deux jeunes femmes. Pour Hamzaa, le fait que les femmes et les hommes devraient avoir les mêmes droits n’en fait pas un mouvement « d’extrémistes » comme on aime à caricaturer ce courant de pensée. « Put your hands up if you love your body / put your hands up if you love your mind / put your hands up if you love your skin », clame Mahalia dans « Regular People ». Parler d’amour, c’est aussi parler d’amour de soi, et d’acceptation dans toutes les sens du terme.

D’ailleurs, pour Mahalia, être une femme noire et artiste, c’est « un privilège ». « En tant qu’artiste femme ET noire, je peux utiliser cette plateforme pour diffuser de bons messages. Je pense aussi que, désormais, je suis un exemple. Vous savez, beaucoup d’artistes ont tendance à dire qu’ils s’en fichent… Pas moi. » Et la possibilité de se livrer à cœur totalement ouvert est aussi un privilège qu’elle assume depuis toujours jusque dans les titres de ses projets, comme le très explicite « Diary of me ». Un titre qui nous rappelle le « Journal intime » d’Aya Nakamura. On leur demande alors si elle connaisse notre héroïne nationale. Ça ne dit visiblement rien à Mahalia. Hamzaa chantonne « Djadja ». On les quitte en se disant que c’est vraiment une belle époque pour être une jeune femme, noire, artiste.

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Du haut de ses vingt-six ans, Thebe Magugu peut non seulement se targuer d’être déjà détenteur du prix LVMH, mais également d’être le premier africain à remporter ce précieux prix. Retour sur un parcours impressionnant, aussi bien en termes de mode que d’engagement.

Originaire de Johannesburg en Afrique du Sud, Thebe Magugu a très vite su gravir les échelons le menant au mercredi 4 septembre, jour sacré de sa réception du prix LVMH à la Fondation Louis Vuitton. Une récompense bien méritée. Cette dernière est décernée depuis 2013 à de jeunes créateurs de mode par le leader mondial du luxe. Jeune, Thebe Magugu l’est. Il détonne surtout par la palette de couleurs et de formes graphiques qu’il offre à travers ses collections de vêtements pour femmes. Des pièces esthétiques, certes, mais également engagées : Thebe Magugu allie mode et activisme en faisant passer des messages politiques à travers ses créations. C’est grâce à ce parti pris que le designer a été primé par l’actrice suédoise Alicia Vikander en cette fin d’été. En plus de mettre à l’honneur tout un continent avec ce prix, le designer obtient ainsi une dotation de 300 000 euros et une année de mentorat assurée par LVMH pour se perfectionner dans des sphères telles que la propriété intellectuelle, ou encore l’image et la communication. De quoi “structurer sa marque” et consolider la petite équipe de trois personnes qui l’entouraient jusqu’à aujourd’hui.

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Se pose alors la question de l’identité et du parcours du jeune lauréat. La sensibilité de ce dernier a sûrement joué un rôle important dans son développement en tant que designer. Sur les conseils de sa mère, Thebe Magugu a pris l’habitude de narrer ses cauchemars dans un journal. Des écrits qui l’ont inspiré dans son travail lorsqu’il est retombé dessus dernièrement. Ainsi, si le styliste aime incorporer des couleurs vives dans ses collections, il y a ajouté une touche plus sombre, inspirée par un rêve sur la mort de chevaux, que l’on retrouve dans ses pièces au ton plus grave présentées lors de son défilé Automne 2019 en octobre dernier. Une manière pour lui de “transformer les périodes de souffrance en une chose belle et positive”.

Autre inspiration, les silhouettes de femmes traditionnelles, dont sa mère, encore et toujours. Thebe Magugu affirme avoir “toujours été entouré de femmes”, qu’il qualifie “d’indépendantes, de fortes et de déterminées”. Une raison pour lui, lors de la création de sa marque en 2016, de rendre hommage à la complexité des femmes d’Afrique du Sud. De quoi également faire une déclaration politique par le biais de ses pièces, toujours flatteuses — bien que déstructurées — pour celles qui les portent. Autre exemple, sa collection automne 2018, à travers laquelle Magugu a fait allusion à une série de féminicides qui ont eut lieu dans son pays d’origine entre 2017 et 2018 et mettant le doigt sur la violence misogyne. Avec ses doigts de fée, il a su passer le message en dessinant des pièces qui interrogent les rôles traditionnels assignés aux femmes. Une manière de considérer les couleurs autrement, puisque certaines correspondent par exemple aux teintes des vêtements utilisés pour laver les produits chimiques.

Magugu, qui affirme ne pas être timide et ne pas avoir peur de “célébrer les corps” en tant que sud africain, n’hésite jamais à dénoncer ce qui le dérange. Il compte bien faire parler son héritage grâce à ses collections éthiques, toutes conçues et fabriquées à Johannesburg dans le but de “créer une marque africaine avec de vraies conséquences à l’international” et de bénéficier d’une qualité de tissus incontournable. On peut d’ores et déjà constater que son travail a atteint d’autres parties du globe, malgré le fait que selon lui, “la question de la distribution et de l’exportation reste particulièrement difficile”. Mais sa marque livre aujourd’hui dans 70 pays dans le monde. De plus, Magugu a notamment saisi l’opportunité d’exposer une récente collection capsule avec 24 Sèvres à Paris, alors qu’il gagnait une autre récompense : le prix le plus prestigieux de l’International Fashion Showcase à Londres. Du même coup, il créait Faculty Press, un magazine mettant en lumière les nombreux talents émergents des scènes de la mode et de la créativité issus d’Afrique du Sud. Sa collection Printemps 2019 portait justement le nom de African Studies. Inutile donc de se demander pourquoi d’après Alicia Vikander, Thebe Magugu fait partie intègre du “futur de la mode” — promesse qui n’est plus à vérifier.

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Depuis quelques années, le Carnaval de Notting Hill à Londres prend de plus en plus d’ampleur, notamment grâce à la montée en popularité des sonorités africaines et caribéennes auprès du grand public. Présent lors de l’édition 2019, le photographe @unpopularkams a pris des photos au coeur du festival anglais. 

Le Carnaval de Notting Hill à Londres est un évènement annuel se déroulant sur 2 jours (le week-end précédant le dernier lundi d’août) dans le célèbre quartier londonien à la fin du mois d’août. Crée en 1966 par la communauté caraïbéenne et plus précisément par l’activiste et rédactrice-en-chef trinidadienne Claudia Jones qui fut affublée du surnom « La mère du Carnaval de Notting Hill ». Cette célébration sert à perpétuer les traditions et à réunir toutes les communautés que composent la ville et succès oblige, elle attire chaque année des milliers de touristes français (spécialement ceux originaires des Antilles) et du monde entier.

Durant ces deux jours de fête, femmes, hommes et enfants arborent des tenues et costumes dont l’inspiration remonte à des temps anciens et à un folklore propre à chacun des pays des Caraïbes présents lors du carnaval. Des chars paradent équipés de systèmes audio jouant principalement de la Soca, mais il est vrai, que de plus en plus de genres musicaux type ragga, hip-hop et même de l’afro beat.

S’il est vrai que l’évènement a commencé sans l’autorisation des autorités locales dans les années 70 jusqu’à créer des émeutes entre la police et la foule, car cet événement était mal vu par l’opinion publique, un accord fut trouvé afin que les forces de police puissent encadrer l’évènement afin de protéger les fêtards et les nombreuses familles participant à la célébration.

Photos : @unpopularkams

Tawsen n’est ni tout à fait chanteur, ni tout à fait rappeur. Il est belge, italien, marocain. On l’a découvert à travers son premier EP Al Warda, et, plus récemment, avec le single « Only 1 & only ». À vrai dire, pendant notre entretien, tout porte à croire que Tawsen se découvre en même temps que nous. Première page d’une histoire qui commence tout juste à s’écrire. 

San Matteo, en Lombardie, dans le Nord de l’Italie. À l’occasion, El Borouj, au Maroc. Puis Anderlecht, Bruxelles. C’est là que réside Tawsen depuis son adolescence. « Taws » (son nom de famille), le paon, « en », la dualité, en arabe. Dualité significative pour le jeune artiste né en 1997, qui, pendant ses années lycée, mélange rap et chant au sein d’un petit groupe de quartier. Tawsen répond à toutes les dichotomies. Solitaire et soucieux en musique, le jeune artiste est extraverti et farceur dans le dialogue. Tout passe par le filtre de l’autodérision et une atmosphère familiale s’installe lorsque Tawsen, encore méconnu du grand public, raconte.

« Je suis né dans un petit village en Italie, on habitait dans un HLM où il y avait tous les étrangers du village. Il y avait trois autres familles arabes et une famille sénégalaise, mais à l’école j’étais le seul arabe. Puis, quand j’avais onze ans, on a déménagé à Bruxelles. Au premier contact, c’est une grande ville, ça n’a rien à voir. Mais en arrivant à Anderlecht, tu te dis, mais on est au Maroc là en fait ? Moi, je ne parlais absolument pas français et je faisais mes courses en arabe. La dernière année de mes études, il n’y avait aucun belge dans ma classe. Je parle souvent de ‘quitter le quartier’, parce que tout ça c’est marrant au début, être tous ensemble… mais il y a des côtés négatifs aussi. Là où on habitait, il y avait beaucoup de caméras, beaucoup de contrôles… T’es petit, tu joues au foot et tu te retrouves avec les menottes en plastique au poignet ! Tu te dis : ‘C’est bizarre, on ne m’avait pas vendu ça comme ça’. »

Passées les trois premières années, les fautes de français et le souvenir de bullying qui leur est attaché, Tawsen arrête de dire qu’il est né en Italie. « Tu es l’étranger au début. Après ça passe. » Finalement, le petit nouveau a tout loisir de se créer son propre monde. « Au bout d’un moment, mon père m’avait interdit de traîner dans certains quartiers. J’ai découvert une bibliothèque près de chez moi. J’ai commencé à lire des livres, puis à les relire. Harry Potter, Hunger Games… Je relisais toujours les mêmes livres, c’est la bulle que je m’étais construite et dans laquelle je me sentais bien. » D’ailleurs, certaines choses n’ont pas beaucoup changé depuis cette époque où Tawsen pensait se lancer dans le théâtre ou le cinéma : « Je suis tout seul et c’est par choix », chante ce dernier, qui continue d’éviter les soirées et les mondanités. « Je n’aime pas ça, c’est très récent que j’aille à des concerts aussi. J’ai vu Hamza, Sfera Ebbasta et SCH. Mais je préfère quand c’est moi qui suis sur scène ! » Ainsi, pour celui que l’on doit retrouver bientôt dans un court-métrage et dont les études firent toujours office de plan B en arrière-plan, rien ne présageait que la musique deviendrait une priorité.

« Malheureusement, je ne viens pas d’une famille de musiciens. Quand j’étais petit, j’écoutais principalement des anachid, ce sont des chansonnettes pour enfants musulmans. » Mais lorsqu’il a 16 ans, tout le monde s’échange ses dernières trouvailles .mp3. Tawsen écoute indifféremment La Fouine, Kamelancien, Lartiste et les Black Eyed Peas. « J’écoutais ça sur le chemin de chez moi à l’école, pour m’accompagner dans mon silence. Puis, avec Internet, j’ai découvert les billboards et le téléchargement illégal. » Good ol’days. « Je téléchargeais les cinq premiers du classement. Il y avait de l’électro, de la country, du rock… Je ne connaissais rien, mon truc c’était Adele ou Justin Bieber. » Et c’est d’ailleurs à force de remarques encourageantes de ses camarades lorsqu’il chantonnait Adele en falcetto, que Tawsen finit par comprendre. Une bande de copains qui rappe dans son coin fait le premier pas vers lui : « Viens toi, t’aimes bien chanter. »

Tawsen rapplique et gratte ses premiers textes, et comme les mélodies lui viennent facilement, son poste est aux refrains. « C’était façon Sexion d’Assaut, je faisais ‘yeah yeah’, c’était super nul ! » Après ces longues heures passées à la maison de jeunes à se rêver MCs et les premières apparitions de Tawsen sur le web, il se passe pourtant plusieurs années à se demander ce qu’il allait advenir de tout ça. Le jeune artiste tâtonne, fabrique de la musique tout seul dans son coin, traverse des moments de doute. « J’ai fait mon premier clip moi-même. Tu vois le moment où tu envoies des messages à tout le monde et où personne ne te répond ? » On voit.

Ce n’est donc que trois ans plus tard que Tawsen rencontre la manager de Damso, signe en édition chez Universal et présente Al Warda. Dans ce premier projet de dix titres, Tawsen se confie avec pudeur. Et si le chanteur raconte avoir du mal avec l’égotrip, c’est qu’il sonne faux dans sa bouche. « Je viens d’un petit village près de Casa… Dire : ‘Je suis le meilleur, je te baise’, je n’y arrive pas. Quand tu arrives là-bas, tu ne viens pas beau gosse. Tu prends tes pires vêtements ! Je n’ai pas été éduqué genre, aller claquer de l’argent à Tanger… Je vais au Maroc avec le strict minimum, et après tout je sors surtout pour aller au marché acheter des pommes de terre et des tomates ! Et pour voir ma famille, qui est très religieuse. Donc je ne vais pas dire à mon cousin : ‘Eh, regarde ma nouvelle paire !’ »

Tawsen apprivoise en effet un tout autre mood, à son image, plus sentimental, « plein de trucs romantiques », mais toujours dans la retenue. « J’ai peur de ce que les gens peuvent penser de mes textes. Quand l’inspiration m’arrive d’un coup, ce sont souvent des choses très déprimantes. Le jour où je serai sûr que personne ne me posera de questions, je les enregistrerai. Mais sept fois sur dix, c’est triste. Donc je n’ose pas. » En attendant, il s’inspire des petites et des grandes choses de la vie, et travaille son esthétique bourgeonnante avec une équipe de fidèles que la Belgique connaît déjà bien. À ses côtés, le photographe-graphiste Romain Garcin ainsi que les réalisateurs Guillaume Durand et Sat Gevorkian façonnent pour lui une imagerie hybride, entre imaginaire urbain et rêveries bucoliques. Difficile de ne pas voir la proximité de ses visuels avec les clips déjà mythiques du groupe The Blaze, que Tawsen cite comme une source d’inspiration majeure et, qui, à l’instar d’autres artistes, comme le collectif Naar, ont à cœur de sublimer les paysages du Maghreb d’aujourd’hui.

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En attendant de remplir des salles dans son pays natal, Tawsen s’entraîne, dans les bars bruxellois, dans le lieu incontournable qu’y est Le Botanique et… au Zénith, où l’avait convié le rappeur Disiz en avril dernier. Une expérience fondatrice, mais qui, plutôt que de faire planer le jeune entertainer, le renvoie directement à sa méfiance de l’industrie musicale telle qu’on la connaît aujourd’hui. « Je n’ai pas envie de percer maintenant », finit par glisser  Tawsen. « Être le phénomène du moment, pop d’un coup… Je trouve que ça perd en authenticité… Mettre de l’argent ici ou là, chanter en anglais, tout ça… Je suis né en Italie, je suis d’origine marocaine, je suis belge. Ce sont mes trois vérités. J’en ai rien à foutre du reste. » En effet, comment ne pas voir que l’industrie peut brusquer et avaler en moins de deux ses artistes ? Et, surtout, comment faire ses premiers pas dans la cour des grands lorsqu’on agit sans arrières-pensées et qu’on n’a connu que des relations sans filtre ?

Voilà qu’il faut apprendre à se faire connaître, exhiber les faces cachées de sa personnalité sans détour. Autrement dit, jouer le jeu des médias et des réseaux sociaux, et ça, Tawsen l’a compris. Certes, plaire n’a rien d’une épreuve pour celui qui a la tchatche bruxelloise, et qui a bien en tête l’importance de créer le buzz. Mais pour Tawsen, rien ne presse. Il faut laisser le temps au temps et la musique parlera. Surtout, il ne faut pas trop en céder à la comédie, au risque de perdre de son authenticité. Alors oui, l’artiste se réjouit de ses petits succès, des followers qui augmentent et des grands noms qui font appel à lui. Mais tout n’est pas donné. « Je n’aime pas ce milieu, je veux juste faire de la musique, confie-t-il. Mais c’est peut-être aussi que je manque d’expérience niveau studio, niveau écriture, niveau tout. »

Peut-être. Mais à  l’écouter parler, l’industrie en fait trop et a quelque chose d’incompréhensible, quand la musique, elle, est instinctive et surgit naturellement. « Dans le fond, je n’aime pas réécrire une chanson, la mixer, la remixer… Pas plus que je n’aime les tournages et rester à attendre pendant des heures sans bouger parce que tu vas salir tes vêtements ! Parfois, j’aimerais bien arriver en studio et chanter en yaourt, ou simplement faire des vibes. Si seulement je pouvais dire deux, trois mots… Je ne suis pas le lyriciste suprême, et je ne me verrais pas dire non plus : ‘Allez, lève les bras en l’air !’, mais je trouve qu’on perd facilement la magie d’une chanson. » Le défi est lancé, il va falloir garder la tête froide et ne brûler aucune étape. Rien ne sert de courir.

Comme on vous l’avait annoncé, Pitchfork Music Festival s’associe avec YARD pour sa 9e edition parisienne. Le festival, qui se tiendra du jeudi 31 octobre au samedi 2 novembre, a compté sur nous pour insuffler notre ADN à la programmation de sa première journée. Voici les quatre noms qui viennent compléter notre line-up. 

Depuis 1996, Pitchfork est la référence du journalisme musical outre-Atlantique. Il était donc logique qu’ils usent de leur bon goût pour proposer un festival ambitieux à la programmation pointue. Cela fait maintenant 9 ans que Pitchfork s’est aussi installé à Paris, et les 31 octobre, 1er et 2 novembre 2019, son festival envahira les Grandes Halles de la Villette avec une programmation grosse de plus de 50 noms. Pour axer le jeudi sur l’urbain, Pitchfork a naturellement confié les reines de sa programmation à YARD.

On vous avait déjà annoncé de gros noms. Skepta, Mura Masa, Hamza, Ateyaba (ex-Joke), Kojey Radical, Master Peace, Flohio ou encore slowthai se partagent notre afficge. Le futur d’un cerrtain rap francophone vient s’ajouter à cette journée de festival avec Retro X, figure insaisissable ayant tapé dans l’oeil de Frank Ocean, et dont le dernier projet 24 fait figure d’OVNI dans le paysage musical. Mais aussi avec sean, mystérieux auteur de l’excellent Mercutio qui mêle rap mélancolique et nappes électroniques.

La scène internationale ne sera pas en reste avec les apparitions de Kojaque, porte-étendard du rap irlandais dont l’excellent Deli Daydream a marqué les esprit, et Charlotte Dos Santos, chanteuse brasiliano-norvégienne qui a déployé sa nu-soul dépouillée et touchante dans le très bon Cleo.

C’est donc définitif, vous ne voudrez pas manquer ça ! Dépêchez-vous de prendre vos places, les early-birds partent très vite.

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Après une longue période d’absence depuis leur dernière mixtape Antisocial, Les Alchimistes signent leur retour dans le paysage du rap francophone. « H », single d’un prochain projet bientôt annoncé. Le « h » de la haine, celle qui est mâture, réfléchie, passionnée. Une haine partagée par les deux membres du duo, à commencer par Ruskov, l’image d’une Russie froide, emplie de mélancolie et de colère, puis sublimée par Rizno, vitrail d’une jeunesse belge perdue, en recherche de repères.

Pour les épauler dans ces retrouvailles avec le public, les Alchimistes s’arment de l’œil, de la vision et du talent de Bishop Nast qui signe ici son premier véritable clip en tant que réalisateur. Alors, forcément, nous l’avons contacté.

Bishop Nast : « Quand j’ai reçu la proposition, j’ai pris ça comme un véritable challenge. Je n’avais jamais fait de clip avec une maison de disque, avec un budget défini. C’était une grande première alors pour être honnête, j’avais une pression. Je n’avais jamais dirigé une équipe, donné des directives… Au final je n’ai jamais été réalisateur. J’avais la pression, forcément, mais j’ai kiffé. À la base, c’est BlueSky (le label, ndlr) qui est venu avec l’idée. On a beaucoup échangé sur les réseaux, histoire de trouver les meilleures références, les meilleures idées, et au final j’ai peaufiné tout le reste. Avec mon équipe, on a finalisé le moodboard, le synopsis, le découpage, etc. Et pour que le tournage se passe au mieux, on est passés par une boîte de prod, « Comme Un Film ». Je suis venu leur montrer l’idée et ils ont directement été chaud pour me suivre sur le projet alors tout s’est fait naturellement par la suite. »

« Jeunesse incompris j’ai pas à m’expliquer, moralité parait qu’elle nous a quitté »

« Pour être tout à fait transparent, le morceau des Alchimistes ne parlait pas beaucoup au début. J’avais du mal à voir où je pouvais aller et ce que je pouvais faire. Mais au fur et à mesure des écoutes, j’ai commencé à prendre et comprendre le truc. Puis, quand j’ai bossé avec eux le jour du tournage, je suis tombé nez à nez avec deux vrais bons gars. Carrés dans le travail, jamais à rechigner sur quoi que ce soit, à l’écoute. Et clairement, ils sont très, très forts. J’ai eu l’occasion d’écouter plusieurs morceaux et ils sont véritablement bons. La confiance s’est installée entre tout le monde alors même que chacun n’était pas forcément au courant de tout ce que faisait l’autre. BlueSky par exemple, ils n’avaient jamais vu mon travail de réalisateur, mais étant donné que la photographie et la vidéo sont très similaires, et bien ils souhaitaient que j’apporte ma touche et mon œil à l’image du clip. Au final, je pense que c’est réussi. »

Sans qu’il ne sache trop pourquoi, le rappeur français Retro X a atterri dans la playlist Blonded de Frank Ocean. On voudrait penser que c’est parce que la signature artistique du rappeur, figure complexe parfois obscure de la scène francophone, défie le rythme effréné du rap jeu au nom de quelque chose de plus grand. Au cours d’une longue discussion, on a tenté de reconstituer l’itinéraire de cette personnalité centrale de l’autre rap

Co-auteur : Napoléon LaFossette
Photos :
@alextrescool

DISCLAIMER : On vous invite à lire l’enquête publiée par StreetPress le jeudi 1er octobre 2020 sur Retro X, qui s’exprime dans cet article. On prend connaissance de tout ça plus d’un an après la publication de cette interview : peu importe les conclusions pénales, les comportements décrits par les 14 témoignages recueillis par Inès Belgacem et Caroline Varon sont, dans l’état, évidement opposés à toutes nos valeurs et n’ont pas leur place dans un milieu comme le nôtre.

Un certain Gianni. À vingt-cinq ans, celui qui a troqué les promesses du ballon rond pour celles du micro se fait désormais connaître sous le pseudonyme Retro X et multiplie les projets en solo ou en groupe depuis 2015. Difficile en effet de ne pas associer son nom à ceux de ses confrères, parmi lesquels Lala &Ce et Jorrdee, dont les plus récents EPs, respectivement Le son d’après et The Underdog Project, sont de discrètes pépites qui continuent de résister aux étiquettes du journalisme musical. Sous le regard intrigué de leur public, Retro X et son entourage cultivent l’aura inquiétante du mystère tout en donnant l’impression rassurante de rester intègres, fidèles à eux-mêmes, soudés coûte que coûte. À la fois étrangers au rap jeu et game changers par leur audace artistique, apparemment éparpillés entre Lyon, Londres et la banlieue parisienne, les membres de cette bande d’artistes élaborent un peu plus à chaque sortie l’ébauche d’un mouvement exemplaire de la créativité du rap à la française.

Derrière cette initiative, une véritable nébuleuse donc, que l’on a voulu cartographier pour mieux comprendre la posture de Retro X en son sein. Mais quand on lui demande son aide, le rappeur se fait mathématicien fou et énumère scrupuleusement les connexions de chacun : Sahara Hardcore Records, avec qui il collabore toujours dans le cadre de son travail avec Terrence_31 ; DGBE, le label qu’il a fondé lui-même chez Because Music ; Maison Blanch., aka 387, celui de son manager, Gizo Evoracci ; 3317 ou CR Thug, l’affiliation à son oncle, Majesté Mondo… Tout compte fait, c’est à mesure que l’on s’essaye à dessiner la trajectoire de l’artiste que ce dernier devient cette silhouette mobile, intraçable et volatile qui nous échappe.

Retro X, sorte de vagabond des temps modernes, raconte avoir vécu à Saint-Denis, Montmagny, Melun, Garges et Châtenay-Malabry ; ses goûts musicaux unissent Steve Lacy et Tyler, The Creator à Daniel Darc et Peter Tosh et même la pochette de sa dernière mixtape, 24, parue en juin dernier, reflète son goût de l’insaisissable. « Tout ce que je peux dire, c’est que c’est quelque chose d’illégal et de très nocif. Je voulais que la cover soit à l’inverse de ce qui est à l’intérieur. » On en conclut qu’il faut peut-être avoir vu Retro X incarner sa musique et ses mots dans les nombreux clips qu’il publie ou sur scène pour comprendre la pesanteur du personnage et le poids de ses intentions. Ou encore, qu’il faut, tant bien que mal, essayer de lui poser les bonnes questions. Celles qui mettront en lumière ce qui rend l’artiste si singulier dans le paysage musical d’aujourd’hui. C’est donc lourdes chaussures de punk aux pieds, voix posée et vocabulaire choisi avec exactitude qu’il a discuté avec nous des errances qui l’ont mené jusqu’ici.

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Tu as sorti ton premier EP, Flamant Rose, en 2015. Est-ce que cela correspond au moment où tu as choisi le rap plutôt que le foot ?

Oui, j’ai pris une décision, mais je n’étais pas non plus Neymar. J’ai joué à Sarcelles, à Montmagny et au Paris FC. Je n’étais ni le numéro un, ni le numéro neuf. Je me disais : « Je sais jouer, je suis fort, mais je ne suis pas le meilleur. » Donc j’ai laissé tomber. D’une certaine façon, je regrette, parce que si j’avais eu la même détermination qu’avec mes gars dans la musique aujourd’hui, je serais peut-être footballeur. Il ne faut jamais laisser tomber.

Ça t’a servi de leçon ?

Exactement. Si tu n’es pas le meilleur, il faut faire en sorte de le devenir. Là, c’est ce que j’essaye de faire, du moins dans mon domaine. Avant qu’on fasse Flamant Rose, c’était n’importe quoi. Rien n’était réfléchi, on sortait, on faisait un clip, on n’écrivait rien, on enregistrait avec un Mac… C’était il y a un bail. On a commencé à prendre ça au sérieux il y a quatre ou cinq ans. Avant, on était dans notre vie de tous les jours, on avait des choses à régler avant de faire de la musique.

Dans la chanson « Malboro », tu disais : « Je suis de plus en plus fort. » Comment tu perçois ton évolution aujourd’hui ?

Quand je dis ça, c’est aussi grâce au monde. Grâce aux voyages que je fais, aux gens qui m’écoutent et qui m’envoient des messages de soutien, à l’évolution de ma vie financière et de mes relations avec ma famille aussi. Ça se passe beaucoup mieux maintenant. Humainement.

Tu as toujours été très productif, quel projet a vraiment marqué une étape dans ta carrière ?

Je pense qu’« Etho » a été une étape. Je ne saurais pas l’expliquer. On était à la maison, on l’a clippé en une heure max… Le morceau a été enregistré avec un micro extrêmement pété. Je l’avais mis dans une boîte de fer à repasser et j’étais obligé de le tenir, sinon à chaque fois que je bougeais ça coupait. J’étais assis et je devais rester immobile. Peut-être que c’est pour ça… Et ça m’a attiré l’attention et la reconnaissance de certaines personnes.

C’est à ce moment-là que tu as commencé à être pris au sérieux ?

Moi, je pense que les gens ne nous prennent pas au sérieux. Pas dans le sens où ils nous prennent pour des rigolos, mais ils nous prennent pour des mecs un peu trop défoncés, pour des marginaux. Mais on n’est pas des marginaux. Les marginaux font ce qu’ils font. Nous, on a des vies à nous, mais on n’est pas hors système. On achète des trucs au système. On essaye juste de pas être forcément dans le moule. On aimerait juste pouvoir évoluer comme on l’aime. Avec le temps, je me suis rendu compte que beaucoup de gens étaient comme mes gars et moi.

Tu as l’impression que les médias ne te comprennent pas non plus ?

Je n’en ai pas vu beaucoup. Je ne peux pas commencer à dire qu’ils ne me comprennent pas. Ils ont du mal à cerner mon univers, mais je ne leur en veux pas. Il faut peut-être qu’on leur explique ou qu’ils prennent le temps de découvrir. Ils sont occupés par d’autres artistes, l’industrie est faite comme ça pour le moment.

Qu’est-ce qui coince selon toi ?

Je pense que le fait que les gens nous voient tels qu’on est dans nos clips, qu’on fume, qu’on marche, qu’on voit la vie qu’on mène… Ils se disent peut-être qu’on ne pense qu’à ça. Alors qu’il faut bien comprendre qu’un clip, c’est un moment, tout au plus une période. Ce n’est pas tous les jours. Peut-être qu’hier j’étais avec ma mère, qu’on devait gérer des papiers, aller voir l’avocat, des trucs comme ça… Les gens se disent qu’on veut faire de la défonce une marque de fabrique mais ce n’est pas ce qu’on veut. Il y a beaucoup de personnes plus jeunes ou plus âgées que moi qui vivent comme moi, qui se droguent comme moi, qui ne le montrent pas forcément mais qui le font. Ça ne veut pas dire qu’ils ne vont pas à l’école ou au travail. Mais ça fait partie de leur vie, certains assument plus une chose qu’une autre. Et nous on se fait passer pour des toxicos… On ne fait pas la propagande du truc. Le mot « crack » ne veut pas seulement dire « héroïne ». Moi, je vous montre authentiquement qui je suis, et vous voulez que je mente. Vous voulez que je filtre. Je trouve ça dommage.

Justement, tu te fais rare en interview, mais tu es très actif sur les réseaux sociaux. Est-ce que c’est parce que tu préfères que ton propos ne passe par aucun filtre ?

Twitter, c’est vraiment aggravé. Il faut le dire. C’est hardcore. C’est sans filtre… sans filtre. Mais oui, j’aime bien passer par des réseaux comme ça pour dire ce que je pense, et je pense que ça devrait servir à ça. Pour l’instant, c’est le moyen via lequel les gens me comprennent le mieux, je mise beaucoup dessus. À part dans ma musique et sur les réseaux, ce que je dis, je peux le dire nulle part.

Tu as conscience que certaines personnes se sentent représentées par toi ?

Je chante pour eux. Pour tous ceux qui se sentent comme nous ou qui trouvent des points communs avec nous. Je le prends vraiment à cœur : j’essaye de le faire bien, j’essaye d’être réel. Et je le ressens pendant mes concerts. Voir le public transpirer, je trouve que c’est beau… Rien que ça. L’attention de venir à mes shows, de connaître mes paroles, d’être là avec moi. Ça c’est le mieux, c’est vrai. Tu peux venir me voir dans la rue, mais ce que je kiffe c’est ça.

Il y a quelque chose d’assez paradoxal avec le vocabulaire que tu as développé d’ailleurs. En utilisant des mots comme « Digi », on dirait que tu as essayé de rendre unique et spécial un mode de vie commun à énormément de jeunes…

Ça ne sert à rien d’être différent. Ce qui compte, c’est d’évoluer. Si dans mon évolution, les gens me trouvent différent, c’est un mot qui me définira. Mais Digi, c’est la vie que je mène avec mes potes. Et que beaucoup de gens mènent. J’ai mis un nom dessus. Ça désigne une forme de mélange entre le digital et l’urbain. Se promener, vadrouiller, voyager, découvrir d’autres langues, d’autres personnes, d’autres architectures… Mais j’aimerais que d’autres gens fassent du Digi, que ce soit une petite île. Tous les projets que je sors n’en formeront qu’un plus tard, qui sera Digi, ma version du Digi.

C’est vrai que le nom de ton dernier projet, 24, a d’abord été le nom d’une chanson sur l’EP Heroes.

Oui, c’était fait exprès. Cette chanson, elle est noire. Et dans 24 , il y a beaucoup de noir. Le noir a quelque chose de très beau et de très élégant. Il y a beaucoup de noir dans ma vie, de moments noirs. C’est quelque chose que je ne dois pas oublier, que je dois garder tout le temps. Ce noir. Tout revient à ce que je vis, aux énergies, à ce que je ressens, les couleurs, le temps, la température, le climat. Tout est une palette. Tout sera seulement un seul disque. Digi, ce sera la fin. En attendant, c’est un intermédiaire. Avec 24, on rentre dans le premier chapitre.

Et l’émodrill, c’est le fil conducteur ? 

C’est mon mouvement. Je suis attiré par la drill parce que je sens que les artistes ont les mots sur ce qu’ils vivent, ils ont développé un vocabulaire. On se retrouve dans ça, plus que dans la trap. Avant même d’avoir pris connaissance de leur lifestyle, j’ai remarqué qu’on avait des points communs. Et avec mes gars, on a voulu faire cette forme de rap. Même si on a été critiqué pour ça. Nous, on a décidé de faire ce mix entre dire nos sentiments et déclarer notre haine ou notre peine. C’est comme ça dans notre tête. Une seconde on pleure, une seconde on a envie de tirer. C’est notre impulsivité. Et c’est à cause de la société dans laquelle on vit et de l’environnement duquel on est issus. Donc dans ma musique, je suis obligé d’être un peu bipolaire, si je peux dire ça.

En fait, tu ne te considères pas vraiment comme un rappeur.

Je veux apporter à la musique. Si c’est au rap ou au rap français, peu importe. Je veux apporter à la musique et j’utilise la forme qui est appelée rap. Est-ce que je peux être considéré comme un rappeur ? C’est aux gens de le décider. Je fais une nouvelle forme de rap. Une version moderne du rap, une version technologique du rap.

Et en même temps, tes morceaux ont parfois quelque chose de très proche de ce que l’on appelle le « rap de rue ».

Oui, c’est un rap de rue. C’est une rue qui a besoin d’être représentée. La rue, ce n’est pas seulement la rue. La rue est à tout le monde, elle est partout. Il faut que chacun représente sa rue. Moi, c’est ce que je fais. Ce n’est pas parce que je ne vis pas ta rue à toi que ce n’est pas la rue.

Tu te sens appartenir au « rap game », ou à cette espèce d’âge d’or qu’on est en train de traverser en ce moment ?

Non. Je pense que les rappeurs se connaissent entre eux, moi, je ne les connais pas. Ils ne me connaissent pas. J’écoute leur musique à la radio, sinon je ne les aurais jamais entendus, comme eux ne m’entendent pas : c’est ça l’industrie. Ils m’entendront le jour où l’industrie décidera de me passer à la radio. Mais il y a quelque chose de cool, je pense que maintenant on a notre place, même si on va devoir la gagner. Les gens ont besoin de changement. Ils en ont marre de cette extrapolation de fiction. On va tout faire pour ça, on va prendre cette putain de place.

Tu vas jusqu’à dire : « Le clip de ton idole est claqué », « Les rappeurs en France sont tous flingués »

Ça, c’est vraiment ce que je pense. En rap français, je n’écoute que Jorrdee et Lala &Ce, ils sont vraiment trop forts. Mais je respecte ce que j’entends à la radio. Je sais aussi que les mecs ne racontent pas que des conneries. Je ne suis pas là pour les juger, de la même façon que je n’ai pas envie qu’ils me jugent. Les rappeurs font leur travail et c’est un gros sacrifice de faire du rap. Mais je pense qu’il ne faut pas faire ça juste pour faire de l’argent.

Dans tout ça, il y a tout de même d’autres rappeurs qui cultivent une imagerie et un vocabulaire similaires au tien, je pense notamment à Laylow et Wit...

Pour moi, ce sont les seuls rappeurs du digital. Musicalement, je ne me sens pas proche mais ça peut me toucher parce qu’on a un ami en commun, on se connaît, on s’est fréquentés et je leur donne du respect. C’est le genre d’artistes qui essayent d’être authentiques. Qui sont prêts à camper sur leurs positions jusqu’au bout. Mais ils ont leur univers, ils font leur truc, et je fais le mien.

Tu évolues dans un cercle très resserré, on dirait que tes proches sont vraiment des piliers pour toi. Je me demande même si Retro X aurait existé sans Cyka (son réalisateur, NDLR).

Je pense que ni l’un ni l’autre n’existerait. L’image, pour moi, c’est la fin du texte. Pour que les gens comprennent en 2019, il faut l’image. Sans l’image, c’est comme si je faisais un texte qu’à moitié. En plus, les visuels aident à comprendre, même à l’étranger.

Vous êtes un monstre à deux têtes.

Oui, et sans les autres aussi, c’est très bizarre. Même si on ne les voit pas, il faut qu’ils soient quelque part. On est une grande entreprise. J’ai dit à Jorrdee et Lala &Ce que j’aimerais qu’on soit une économie, que l’on puisse tous vivre grâce à cette petite île. Pour ça, il faut l’entretenir et il faut qu’on se serre les coudes.

Ton entourage professionnel a beaucoup changé ces derniers mois, tu t’es entre autres rapproché de Gizo Evoracci… 

C’est un rappeur que je valide, que je respecte. Ça dépasse le fait que ce soit un grand de Grigny. C’est vraiment le fait qu’il m’a fait partagé énormément de choses de son savoir à lui et il n’était pas obligé de le faire. C’est une sorte de manager et de grand frère. Qui transmet. Et qui sait aussi se faire transmettre, c’est un échange. C’est mon associé…

Musicalement, qu’est-ce qui vous lie ?

La réalité. Quand il rappait, il disait des trucs réels, et c’est ce que j’essaye de faire.

D’ailleurs, parmi les nombreux sujets que tu abordes, l’un des plus réels ou des plus concrets qui revient constamment, c’est l’argent.

Ce n’est pas encore résolu. Il faudra m’aider à régler ce problème ! Mais ce n’est pas une obsession, c’est une mission. Après, une mission devient une obsession… Parce qu’il faut que je réussisse cette mission. Ce sera le cas quand je pourrai mettre à l’abri tous ceux qui ont travaillé avec moi et ma famille pour un moment. Ça rend fou, mais je pense que je ne suis pas le seul.

Tu es entré chez Because Music, qui est un label indépendant, mais qui est quand même une grosse structure. Qu’est-ce qui fait que tu as accepté de les laisser faire partie de ton histoire ?

J’ai fait signé mon label DGBE chez Because, pour qu’on devienne cette petite île dont je parlais, où il y aura plusieurs artistes, dans l’espoir qu’un public qui ne se reconnaît pas dans tout ce qui est actuel puisse peut-être se reconnaître dans notre grande famille. J’avais eu plusieurs propositions mais c’est l’équipe que j’ai trouvé la plus intéressée et la plus compétente à faire évoluer mon projet. Ce qu’ils me proposaient artistiquement et la liberté qu’ils me laissaient me convenait. J’ai surtout senti l’intérêt pour ma musique et qu’ils avaient hâte que je travaille avec eux. Ils m’ont offert le schéma qui me correspondait le plus pour ce que j’ai envie d’apporter dans la musique et dans le futur. C’est carré, c’est une bonne base.

Et l’univers SoundCloud, c’est toujours un état d’esprit qui te parle aujourd’hui, ou c’est un peu du vent ?

Je pense que c’est loin d’être du vent. Les gens qui font du son devraient prendre en considération SoundCloud. Ça te permet de toucher plus de frontières, ça va loin. C’est un autre réseau dans lequel il faut aller, c’est plus libre. Tout le monde peut sortir son son même s’il est moins bien mixé, on va t’écouter. Ailleurs, tout doit être 2.0, tout est un peu plus policé. SoundCloud, c’est une bonne maquette, une bonne plateforme pour tester et sortir ce que t’as envie de sortir.

Comment est-ce que tu travailles aujourd’hui, tu as des habitudes ?

Non, à part que j’écris sur mon téléphone, n’importe quand. Maintenant c’est plus ça : je préfère qu’un beatmaker vienne, qu’on écoute des sons ensemble, voire qu’on fasse une prod’, plutôt qu’on m’envoie un truc et que j’essaye de m’adapter. C’est pour ça que les gens se disent que j’utilise moins les prods que je reçois. Mais c’est simplement que je suis un peu perfectionniste : on m’envoie des prods magnfiques mais souvent j’aimerais y ajouter quelque chose, et pour ça il faut être à l’aise avec le producteur, apprendre à se connaître. Les compositeurs sont importants. Il faut qu’on sache leur nom et qu’ils gagnent leur vie. Ils sont comme nous, ce sont des artistes.

Quand on écoute 24, on a vraiment le sentiment que tu as absorbé énormément de références et de genres musicaux très variés.

Je fais attention à toutes les musiques. J’écoute de tout. J’essaye de garder tout ce que je kiffe dans un coin de ma tête. J’aime bien le rock parce que, encore une fois, c’est réel. Les rockeurs font ce qu’ils veulent et ils font ce qu’ils peuvent. J’aime bien Ian Brown des Stone Roses, The Cure, Pete Doherty, Mac Demarco, Jimi Hendrix, Serge Gainsbourg, Miles Davis… J’écoute aussi du piano…

Tes chansons sont habitées de plein de sonorités différentes, mais dans tes textes, tu fais une fixette sur le ciel.

C’est parce qu’en fait, dans le ciel, j’ai peur. Quand je suis dans l’avion, je sens que je ne suis rien. Je me dis : « Là, je peux crever, je suis vraiment rien dans ce putain de ciel, il est énorme ». Il est tellement vaste, et après on me parle de l’espace… Mais juste le ciel ! Tu peux te mettre dans toutes les positions que tu veux, il sera toujours au dessus de toi.

Alors pourquoi dans « Subaru Rouge » tu disais : « Des fois je regarde dans le ciel et je ressens rien » ?

J’aime ça en fait. C’est dingue. Là, on vient de toucher un truc important, qui ne m’est arrivé que très rarement. Et je crois que c’est l’un des plus beaux trucs de la vie, l’instant où j’arrive à ne rien penser, mais vraiment rien. Tu peux l’atteindre de deux manières, soit en te défonçant, soit je ne sais pas comment, ça dépend, en parvenant à attraper ce moment. Je ne sais pas si les gens recherchent ça mais c’est un truc de ouf. Quand j’étais petit, ça m’était arrivé. Je devais avoir huit ou neuf ans, je suis allé me coucher et j’attendais que ma mère vienne éteindre la lumière. Mais elle ne l’a jamais éteinte, alors je suis resté à fixer la lumière toute la nuit. J’avais gardé les yeux ouverts alors je voyais tout blanc, je ne pensais à rien. Et quand je suis allé à l’école, je n’étais pas fatigué. Maintenant, on dirait que je recherche ce moment-là. Je fais tout pour le retrouver.

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Depuis plusieurs mois déjà, le nom de YBN Cordae est sur toutes les lèvres du rap américain : capable d’ambiancer n’importe quelle prod’ tout en racontant aussi son vécu en détail, le rappeur de 21 ans sort maintenant son premier album pour confirmer tous les espoirs placés en lui. Au regard de son parcours, entre galères dans la banlieue de Washington, succès fulgurant, et validation des plus grands, on pourrait déjà se permettre de parler de réussite. Rencontre.

« Tiens, mon freestyle pour les XXL Freshmen vient de sortir ! »

Affalé sur son lit d’hôtel dans le 1er arrondissement parisien, YBN Cordae vit un jour comme les autres dans sa vie de nouvelle sensation du rap américain. Fatigué par le décalage horaire et les voyages, il scrute son téléphone en s’observant rapper sur YouTube pour le prestigieux magazine de rap US… sans vraiment sourciller. « C’était pas mal, mais honnêtement, j’aurais aimé faire encore mieux », nous explique-t-il une fois son téléphone rangé dans sa poche. Heureux mais pas non plus extatique : c’est comme cela que l’on pourrait décrire YBN Cordae quand il raconte son succès le jour de notre rencontre. Heureux, parce que la musique l’a sauvé de nombreux maux. Pas extatique, parce qu’elle lui a permis de fuir une réalité qui frappe encore aujourd’hui de nombreux amis à lui et qu’il continue d’observer : celle de la pauvreté et des injustices à rallonge.

Trailer parks et Jay-Z

Le premier album officiel de YBN Cordae s’intitule donc The Lost Boy. Un titre aussi équivoque que sa pochette, où l’on voit le jeune garçon prendre une route inquiétante, à base de montagnes escarpées et de corps prostrés au sol. Une bonne représentation du parcours de ce gamin de la côte Est américaine, baladé à travers différentes villes, de la Caroline du Sud en passant par le Maryland, là où sa mère trouve du travail pour faire vivre leur famille. La jeunesse du garçon n’est pas des plus faciles, puisqu’il se retrouve à vivre plusieurs années dans un trailer park, ces regroupements de mobile homes pour les populations les moins aisées en Amérique, largement moquées dans la culture populaire. « J’y ai vécu 10 ans, avec ma grand mère, ma mère, mon beau père, mes deux oncles, moi et mon frère, et plus tard la petite soeur de ma mère. On était huit personnes dans un camping-car, c’était à chier ! », peste-t-il aujourd’hui.

La famille déménage ensuite dans un petit appartement dans le Maryland dans le quartier de Suitland, juste à côté de Washington DC. « C’était un peu mieux mais pas vraiment idéal : ma mère s’est quand même fait voler deux fois sa voiture la première semaine où l’on est arrivé ». Il philosophe : « En seulement 15/20 ans, j’ai vécu dans différents endroits, des mobile home au hood en passant par un appartement un peu plus normal. C’était une jeunesse compliqué mais j’ai pu expérimenter différentes facettes de la vie en Amérique. Ca m’a aidé pour raconter des choses dans ma musique par la suite ».

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Lorsqu’il roule sur les routes du Maryland en compagnie de sa famille, le jeune Cordae Dunston – de son vrai nom – va se découvrir une passion : au fil des kilomètres, son beau père, fan de rap, passe du Jay-Z, Rakim ou Big L dans l’autoradio. Un rap précis, réaliste, ancré dans son environnement, qui va résonner avec la situation du jeune garçon. « J’ai toujours écouté du rap, depuis mes cinq ans je pense, se rappelle-t-il. Mais c’est à dix ans que j’ai commencé à vraiment m’y mettre, au point d’en faire une obsession ». Le rap devient alors un échappatoire pour Dunston. Un moyen comme un autre d’extérioriser ses soucis à Suitland, qui va, au fur et à mesure, devenir une obsession. « J’ai passé énormément d’année à m’entraîner dans le sous-sol de ma maison, sans aucun plan, juste parce que j’aimais la musique. Je le faisais un peu sans réfléchir, et je m’entrainais à utiliser différents flows, dans le but d’en maîtriser un maximum ».  Un apprentissage encyclopédique du rap, qui fait aujourd’hui la force de ses morceaux : d’une manière plus prononcée que les autres rappeurs de sa génération, YBN Cordae affiche ainsi des qualités de débit et de placement incontestables. Une exigence dans la forme qui vont, avec le temps, lui permettre d’aller loin dans le milieu de la musique. Très loin même.

Emoji feu

Il faut avoir du cran pour s’attaquer à « My Name Is » de Eminem. Un morceau bien trop ancré dans l’inconscient rap pour avoir envie de s’y frotter. C’est pourtant ce que va faire YBN Cordae. Dès sa mise en ligne sur WorldStarHipHop en mai 2018, le microcosme rap US se demande d’où sort ce gamin qui revisite sans soucis le classique de Slim Shady. Une révélation qui va donner un autre tournant à la vie du jeune rappeur : depuis quelques temps déjà, Cordae vivote entre ses cours à la Townson University et des petits boulots dans des chaînes de fast-foot au nord de Baltimore, sans vraiment donner de sens à tout ça. Une situation qu’il vit difficilement, comme le révèlent les titres de ses premières mixtapes autoproduites : I’m So Anxious et I’m So Anonymous. « J’étais un peu perdu et je ne savais pas quoi faire. La seule chose qui me rassurait, c’était de prendre des cachets de Xanax pour calmer mes angoisses. C’est aussi tout ça que j’essaie de raconter sur mon album », explique-t-il aujourd’hui, le regard plus sérieux.

Grand motif d’espoir, le rap a pris entre temps une tournure plus sérieuse pour le garçon. D’abord via sa rencontre avec YBN Nahmir et YBN Almighty Jay, qui vont l’intégrer au collectif Young Boss Niggas, ensuite via des morceaux qui vont définitivement le révéler, comme cette fameuse reprise de « My Name Is » suivie de « Old N*ggas », un titre en réponse au morceau « 1985 » dans lequel J. Cole se permettait de critiquer ouvertement la jeune génération. Et auquel il va répondre de manière malicieuse, en rappelant que si les jeunes sont – selon Cole – parfois inconsistants, les plus vieux ont aussi leurs torts.

En seulement quelques semaines, tout change pour Cordae Dunston : il lâche la fac, décide de se consacrer à la musique, et devient une star à l’échelle locale (« D’un coup, tout le monde se mettait à me demander des selfies non stop quand je trainais en ville ») avant de s’imposer comme un bel espoir du rap à l’échelle nationale. Pour connaître le succès qu’on lui connaît aujourd’hui : couverture des Freshmen XXL, collaborations diverses, première partie de la tournée de Logic, et des rencontres avec des géants de la musique, comme P. Diddy ou Quincy Jones (qu’on entend d’ailleurs par bribes sur l’album). En seulement quelques mois, le rap US ne parle que de ce jeune rappeur du Maryland, aussi à l’aise techniquement qu’habile dans sa manière de raconter sa vie et ses déboires. Et le charme va même opérer de l’autre côté de l’Atlantique… avec un certain Orelsan.

« Je l’ai découvert dans une playlist je crois et j’ai kiffé directement sa musique », nous raconte l’artiste caenais, entre deux dates de sa tournée d’été. « J’aimais sa musique parce qu’il avait des vraies paroles, et qu’on était pile à mi-chemin entre la old school et la new school. C’est un rappeur différent des autres parce qu’il fait déjà pas mal de thème et de storytelling et aussi parce qu’il est très à l’aise sur de la trap comme sur le reste. Il est fan de mangas, il a des punchlines et du flow, en gros il a tout pour devenir mon rappeur préféré ». Un coup de coeur qui va même donner lieu à un morceau sur la réédition de son dernier album, « Tout ce que je sais », entre français et anglais. « Je l’ai suivi sur Insta, il m’a renvoyé un emoji feu quelque jours plus tard en me disant qu’il avait écouté ma musique, je l’ai invité sur un morceau ». Fan de musique devant l’éternel, Cordae a ainsi l’habitude de guetter les rappeurs de chaque pays où il passe : « C’est fou parce que je l’ai découvert en passant en France et il m’a écrit un peu au même moment. Quand je voyage je cherche toujours des rappeurs du coin, je suis un fan de musique alors je diggue non stop, surtout à l’étranger. Et j’ai adoré ce que faisait Orelsan ». Aussi simple que ça.

Good kid du rap US

Cordae Dunston le sait, son premier album doit être une réussite : après des mois passés à recevoir l’aval des plus grands et à sortir des collaborations enthousiasmantes, il ne peut plus se permettre de faire de la musique générique. C’est tout le challenge de The Lost Boy selon lui : « Je voulais sortir un vrai album avec un vrai son global sur le disque, tout en racontant mon parcours durant ma jeunesse, avance-t-il. Du coup j’ai eu envie de faire quelque chose un peu plus dans l’émotion, avec de la musique très soul dans l’esprit ». À l’écoute des 15 titres du disque, entre trap, jazz et influences gospel, le pari semble réussi : tout dans The Lost Boy respire la cohérence. Et l’authenticité aussi : de ses factures impayées (« Been Around ») au décès de sa grand mère et de son cousin (« Broke As Fuck ») en passant par ses rêves pour l’avenir (« We Gon Make It ») le jeune rappeur revisite vingt années de galères, de doutes, et d’espoirs entre la Caroline du Sud et le Maryland le temps de 45 minutes, aidé de featurings prestigieux (Ty Dolla $ign, Pusha T, Anderson .Paak, Meek Mill) qui jouent tous le jeu de l’introspection douce-amère.

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Un disque mûri avec le temps qui confirme aussi son statut de good kid du rap américain, bien décidé à rendre à cette musique tout ce qu’elle a pu lui apporter par le passé, tout en installant définitivement son statut de chouchou des plus grands. À l’image de ces interludes où on l’entend discuter de la vie en général avec Quincy Jones. « Des mecs qui savent rapper il y en a pleins. Des mecs qui savent écrire il y en a moins. Et c’est clairement le cas de Cordae », s’enthousiasme Orelsan. « Il y a clairement de la place pour des nouveaux artistes à la Chance The Rapper/Kendrick/J.Cole aux Etats Unis et c’est sûr que Cordae a ce genre de profil. Et puis comme il est cool et méga jeune ca donne envie de bosser avec. C’est pour ça que je l’ai invité aussi ».

Mais Orelsan n’est pas le seul à avoir eu un coup de coeur sur Cordae Duncan. Pour son 21eme anniversaire en août dernier, le jeune homme a décidé de se passer des festivités habituelles. Pas parce qu’il voulait fuir la fête. Plutôt parce qu’on lui a envoyé une invitation à une session studio un peu particulière : « J’ai été invité à bosser sur des morceaux pendant toute une nuit entière avec Dr Dre. C’est lui qui m’a proposé et on a passé 16 heures enfermés à faire de la musique ». Toujours affalé sur son lit, il se redresse et réfléchis d’un coup à voix haute. « J’ai passé la nuit de mon anniversaire à faire des morceaux avec Dr Dre. » Il se met à sourire : « Putain d’anniversaire quand même ».

Parti de rien, Angelo Gopée a su s’offrir le luxe de transformer sa passion en profession. Aujourd’hui à la tête de la branche française de Live Nation, numéro 1 mondial de la production de spectacles, il savoure sa réussite. Rencontre avec un monument qui s’ignore.

Photos : @alextrèscool

Une réunion qui s’éternise, et voici Angelo Gopée contraint de se dérober d’un entretien pourtant marbré depuis des semaines sur l’une des pages de son agenda. Partie remise. Au lendemain, tant qu’à faire, car le temps du bonhomme est précieux. Au moins autant que ses mocassins en cuir noir, ornés d’une boucle Louis Vuitton, rare signe de richesse d’une tenue qui se veut plutôt sobre au demeurant. Sa chemise légèrement déboutonnée, enveloppée par un cardigan bleu nuit, le ferait presque passer pour un chef d’entreprise comme un autre… mais elle est trahie par son jean, porté à peine plus haut qu’un baggy. Résolument décontracté.

Le bureau dans lequel il accueille, situé dans un bâtiment du IIe arrondissement, se présente comme une sorte de musée dont chacun des objets exposés serait une pièce du puzzle de son histoire. Une affiche de la tournée de Britney Spears, un vinyle d’IAM, le premier disque d’or hexagonal du groupe Blackstreet : pas de doute, nous sommes bien aux côtés du Directeur général de la branche française de Live Nation, leader mondial de la production de spectacles. Dans le rush précédant la troisième édition parisienne du festival Lollapalooza, qui s’est tenu les 20 et 21 juillet à l’Hippodrome de Longchamp, Angelo Gopée parvient tout de même à trouver une heure pour en dévoiler un peu plus sur sa vertigineuse ascension sociale, impulsée par le hip-hop.

« Quand on vient de banlieue au départ, on ne se prédestine pas à faire quoi que ce soit. Réussir, c’est au mieux travailler à la ville comme employé municipal ou être ouvrier comme tes parents », s’ouvre-t-il. Parti des bas-fonds de Saint-Ouen, le patron mesure le chemin parcouru, conscient de la chance qu’il a su provoquer. Celui qui bricolait les premiers concerts de rap dans les années 80 se retrouve aujourd’hui à orchestrer les tournées des grandes vedettes de notre époque. À la tête de la machine qui a mis si longtemps à accorder une place digne de ce nom à cette culture qu’il chérit tant. Paradoxal, vous dites ? Ceux qui le connaissent de longue date ne s’étonnent cependant pas de le voir à la position qu’il occupe aujourd’hui. C’est le cas de Stéphane « Sear » Bégoc, ami d’Angelo depuis les balbutiements du mouvement hip-hop et fondateur du magazine Get Busy, pionnier du genre. « À l’époque, on était un peu ‘anti-tout’ tandis qu’Angelo avait déjà ce truc de se dire qu’il fallait entrer dans le système pour le changer. Il était plus dans l’infiltration », se souvient-il.

« Dans nos banlieues, il y a des gens exceptionnels, qui ont un talent fou, qui sont intelligents, et il faut leur donner la parole. » – Angelo Gopée

Quand les deux hommes se rencontrent, Angelo et son frère Jean-Marc sont les jeunes passionnés qui fédèrent tous les b-boys, emcees, graffeurs et DJs de la capitale autour d’évènements estampillés IZB, du nom de leur collectif devenu association. Entrepreneurs par la force des choses. « Je pense qu’Angelo avait une idée de ce qu’il pouvait faire en organisant des soirées et des concerts. Il était assez visionnaire à ce niveau-là en tout cas », raconte Gérard, autrefois proche de la nébuleuse. De son côté, l’intéressé s’en cache bien. Pour lui, il ne s’agissait que de passer du bon temps à travers une passion commune, sans se soucier de ce que ce sera demain : « On ne pensait à rien du tout : on vivait notre passion. À cet âge-là, tu ne calcules pas. On ne s’est pas dit : « Est-ce que dans 10 ou 12 ans… ? ». On voulait surtout vivre l’instant T. » D’autant que ses véritables perspectives d’avenir se trouvent alors ailleurs, sur gazon ou sur terre battue. « À ce moment-là, j’étais en sport-étude tennis, donc c’était ce vers quoi je me dirigeais. Pas du tout dans le hip-hop, encore moins entrepreneur. Toute ma vie,  j’ai rêvé d’être sportif. J’ai fait tous les sports : du handball, du football, du rugby, du ping-pong, etc. À partir de 14-15 ans, je savais que ce serait ma vie. Et si ce n’était pas ça, ce serait prof de sport », explique l’homme aux multiples vies.

Reste que petit à petit, l’activité des International Zulu Boys prend de l’ampleur, sans pour autant rapporter des mille et des cents. « Pendant un an voire un an et demi, on a travaillé pour rembourser nos dettes », confie-t-il d’ailleurs à ce sujet. Les après-midis organisées dans un collège à Pantin deviennent progressivement des soirées à l’Élysée Montmartre, puis des concerts. On y produit les premières dates des jeunes membres d’IAM ou de NTM, la tournée du groupe américain Public Enemy, avec comme point d’orgue une date mouvementée au Zénith de Paris en 1990. « Les gens voulaient interdire le concert parce que c’était l’album Fear of a Black Planet et ils pensaient que les noirs allaient tuer les blancs. On a fait une conférence de presse, il y avait 200 journalistes, je me disais : ‘Mais qu’est-ce qui se passe ?!’ C’est à ce moment que je me suis dit que j’allais faire une pause dans le tennis. » Et pour cause, le développement d’IZB est tel que l’association de loi 1901 est vite forcée d’abandonner son statut : la passion se mue en profession. Le voici officiellement « producteur de spectacles ».

Un métier qu’Angelo Gopée exerce depuis bientôt 30 ans. Les disques d’or, de platine voire de diamant qui tapissent les murs de son bureau témoignent de sa relation privilégiée avec ces artistes qu’il épaule depuis des années, parfois des décennies. C’est d’ailleurs par le biais de ces mêmes relations qu’il a pu se retrouver en 2010 à la direction de Live Nation France, sur recommandation un ami très spécial : « Un jour, le manager de Jay-Z m’appelle et me dit : “Viens nous voir à Londres, on est en concert après-demain au Elizabeth Hall”. C’était le 4 novembre 2009. Je viens au concert et je kiffe – comme je kiffe tous les concerts de Jay-Z. Après on va dans les loges, où il y a Chris Martin, Gwyneth Paltrow, Jay-Z, son manager et des gens que je ne connais pas. Puis là, il me fait : “Tiens, eux c’est les gars de Live Nation, on leur a parlé de toi, ils veulent que tu viennes chez eux”. »

Pour ce modeste fils de peintre en bâtiment, qui observait l’émergence de cette culture avec un regard émerveillé, cela représente beaucoup. Angelo Gopée a vécu des choses qu’il n’aurait pu imaginer dans ses rêves les plus fous, comme par exemple gérer le catalogue du prestigieux label Def Jam – avec lequel il travaille au milieu des années 90, via Polygram. Mais l’industrie a changé, au même titre que le regard qu’il porte sur elle. « J’essaie de prendre plus de recul », reconnaît-il d’ailleurs. Alors quand il définit les artistes avec lesquels il souhaite désormais bosser, le Mauricien d’origine a ses propres critères : « Avant c’était purement de la passion, donc il fallait que ce soit bien ET que j’aime. Aujourd’hui, on est là pour faire un métier donc on cherche surtout à accompagner ceux qui ont un talent. » Et le talent, Angelo le trouve paradoxalement moins dans le genre de ses débuts : « Là où j’ai le plus de mal, c’est avec le rap français. Parce que j’ai été rappeur, et ça ne ressemble plus à ce qu’on faisait avant. » Il lui préfère volontiers Burna Boy, Masego, Khalid, Aya Nakamura, ou encore ses bons vieux disques de funk à l’ancienne, Shalamar et Kool & The Gang en tête.

Depuis son arrivée en France en 2010, Live Nation est passé de 4 à 85 employés, de 10 à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Entrepreneur assumé, Angelo ne l’est devenu qu’après avoir essuyé ses premiers échecs. À la fin des années 90, le producteur se manque sur quelques concerts – notamment les Backstreet Boys -, entraînant des pertes conséquentes. « Je me suis retourné, et il n’y avait plus personne derrière moi », rumine-t-il. « Là, je me suis dit que le hip-hop était devenu un véritable business. » Mieux vaut donc couper, s’en éloigner un temps, faire une pause. Le tourneur opte toutefois pour un changement de cap plutôt radical.

Parti se ressourcer à Maurice en 2000, Angelo est sollicité par son ami Alan Ganoo, alors en campagne pour le Ministère de l’énergie, qui se cherche quelqu’un pour l’épauler. Il se découvre ainsi conseiller politique, sans pour autant avoir les notions ni le background qui s’y prêtent habituellement. Mais qu’importe, car Angelo a fait sa propre école, autrement plus formatrice. « Une fois que tu t’es occupé de rappeurs, les élections c’est facile ! », s’amuse-t-il, avant de préciser : « L’Île Maurice des années 2000… Laisse tomber, ils n’étaient pas structurés. Quand j’ai commencé à faire des plannings, à trouver des sponsors pour avoir des t-shirts, pour avoir à manger, etc. Pour eux, c’était le 21e siècle. » Cette expérience institutionnelle s’avère cependant particulièrement enrichissante, et dessine pour le fondateur IZB un nouvel itinéraire jusqu’alors insoupçonné : « J’avais un destin tracé : deux ans après je devais être député, 3 ans après j’allais être ministre, et ainsi de suite. » Contraint de retourner dans l’Hexagone en 2003, après le décès de son beau-père, le boss garde de cette parenthèse diplomatique un bagage qui le suit encore aujourd’hui. Avec des résultats probants : depuis son arrivée en France en 2010, le géant américain du spectacle est passé de 4 à 85 employés, de 10 à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Imposant.

Ce qui ne lui fait pas pour autant oublier les siens : sa famille – qu’il a parfois fait travailler à ses côtés chez Live Nation -, ses frères d’armes des premières heures du hip-hop, mais surtout ceux issus du milieu social duquel il provient. « Dans nos banlieues, il y a des gens exceptionnels, qui ont un talent fou, qui sont intelligents, et il faut leur donner la parole », affirme-t-il avec conviction. En septembre, il lancera avec Audencia un Mastère spécialisé en Management de la Filière Musicale, pour transmettre tout ce que l’école n’a jamais pu lui apprendre. Plusieurs décennies de terrain condensé en une année et 490 heures d’apprentissage. Le tout soutenu par un programme de bourses, pour être sûr que tout le monde ait les mêmes chances. Et preuve que son moi d’aujourd’hui n’est pas si différent de celui qu’il a été, Angelo Gopée continue de représenter sur ses réseaux trois lettres qui ne cessent de lui rappeler qui il est : « @AngeloIZB ».

Si, comme beaucoup, vous passez du temps sur les réseaux sociaux, alors ces trois lettres ne vous sont peut-être pas inconnues. Parce qu’elle s’affiche sobrement sur le torse d’un Booba, sur le crâne d’un Ferland Mendy ou dans les vidéos de l’humoriste Sambich, la marque MJK bénéficie d’une exposition rare qui n’a rien à voir avec le hasard. Ses créateurs sont originaires de la rue mais ne le revendiquent pas, soucieux de véhiculer un message plus fort que de simples clichés. Un discours nourri de valeurs familiales et de très fortes convictions glanées au cours de leurs trajectoires de vie tortueuses. Mais qu’est-ce qu’un combat sans fin lorsqu’on est obstiné ?

Photos : @samirlebabtou

« Tout le monde peut s’en sortir, aucune cité n’a de barreaux », rappait Booba en 2008 sur le titre « Game Over ». Un peu plus de dix ans plus tard, ce postulat est mis à mal, malgré le développement des systèmes de transport au cours de la dernière décennie. Car avoir le choix, avoir une liberté de mouvement est un luxe que trop de jeunes négligent, comme s’ils se sabotaient eux-mêmes. Pourtant, certains voient un modèle de réussite dans l’image d’un Tony Montana passant devant la fameuse statuette comportant l’inscription « The World is Yours », tandis que d’autres sont fascinés par le duo PNL grâce à leur clips tournés aux quatre coins du monde. Un état d’esprit diamétralement opposé de la vie que s’imagine le duo à l’origine de la marque MJK pour les jeunes de leur quartiers – et pour les jeunes tout court, d’ailleurs. Des héros ordinaires comme il s’en fait partout, dans l’ombre d’autres plus flamboyant mais à l’impact plus incertain. Dans cet entretien fleuve, nous ont sauté aux yeux deux choses : la vie est la plus instructive des écoles et le voyage forme non seulement la jeunesse mais aussi l’esprit. C’est dans leur bureaux du Val-d’Oise que les deux hommes nous ont accueillis et ne vous méprenez pas : si seul l’un des deux a accepté de s’exprimer, c’est avant tout parce que les cousins se comprennent sans se parler et sont sur la même longueur d’onde.

Qui se cache derrière MJK ?

Yannick : Derrière MJK, il y a deux cousins trentenaires. L’un vient de Noisy-le-Grand dans le 93, l’autre vient d’Argenteuil dans le 95. On a tous les deux grandi en cité mais nos parcours sont différents, même si l’état d’esprit est le même. D’ailleurs c’est ce qui nous a donné envie de travailler ensemble parce que c’est beaucoup plus facile de travailler en binôme quand la vision des choses – et particulièrement celle du business – est identique.

Pendant longtemps, les parcours atypiques étaient mal vus ou incompris. Aujourd’hui, tu penses que ça a fait votre force d’avoir un peu touché à tout ?

C’est indéniable, l’expérience et les contacts accumulés en faisant les choses a été d’une grande importance. C’est clairement ce qui fait notre force. La plupart des gens se basent sur l’aspect business des relations mais nous on a toujours privilégié les rapports humains avant tout. D’où on vient, perdre de l’argent avant d’en gagner est monnaie courante mais on sait que c’est important de maintenir le bon équilibre entre pertes et profits. Les connexions qu’on s’est créées avant de lancer MJK nous ont permis d’avoir une meilleure visibilité et une expansion plus rapide de la marque. Les gens se demandent comment on arrive à avoir autant de visibilité alors qu’on est une marque qui se développe depuis à peine un an. Grâce à des relations fortes et sincères, des soutiens se sont vite présentés en proposant de porter la marque.

Ca veut dire quoi « MJK » ?

Ca veut dire « manjak » dans la langue manjaque [peuple originaire de Guinée-Bissau avec une diaspora présente dans toute l’Afrique de l’Ouest, ndlr], qu’on peut traduire littéralement par : « Je t’ai dit ». En plus de ça, mon surnom dans la rue a toujours été Manjak. Au-delà du terme, « manjak » représente une communauté à travers son histoire. La diaspora manjaque est présente partout dans le monde, dans des coins inimaginables, parce que c’est un peuple de charbonneurs qui a dû trouver des moyens de gagner de l’argent pour survivre. Et comme beaucoup d’autres peuples dans la difficulté, les Manjaques ont un grand esprit de solidarité. Il y a une expression qui dit « Abuc manjako » et qui veut dire qu’à chaque fois que tu vois un Manjaque arriver là où toi tu es déjà installé, il faut tout de suite être solidaire envers lui et lui donner un coup de main. C’est toujours plus simple de s’en sortir quand tu as un repère et que tu ressens de la bienveillance autour de toi. Et c’est cet état d’esprit qu’on voulait véhiculer : la solidarité, le travail et toutes ces valeurs qu’on nous a inculquées. Les Manjaques sont réputés pour être têtus, mais on ne voit pas ça comme quelque chose de négatif parce que bien utilisé, ça se transforme en persévérance.

D’où « Endless fight », cette phrase qui accompagne la marque.

La vie est un combat, dès l’instant où tu nais, il y a cette notion de lutte. Contre l’adversité mais aussi contre soi. Du premier au dernier souffle, il faut te battre pour tes convictions et pour ta réussite. On n’a pas envie de s’inventer une vie mais nos existences ont été compliquées et si nous n’avions pas eu ce mantra de toujours continuer sans baisser les bras, on ne serait plus là aujourd’hui.

C’est une rigueur de vie que vous avez pu observer en côtoyant des artistes expérimentés comme le 113 ou des sportifs de haut niveau tels que Giannelli Imbula ou Mario Lémina.

Exactement. Tu ne dures pas dans le temps sans abattre une charge de travail considérable. Si tu as des objectifs, tu dois avoir le cadre de travail correspondant à tes aspirations. Il n’y a pas de formule magique. Nous on a grandi avec le titre « Princes de la ville » du 113, et il suffit de lire les paroles pour comprendre de quoi on parle. Évoluer autour d’entrepreneurs comme eux m’a permis de voir les erreurs à ne pas faire mais surtout observer ce qui fonctionnait.

« J’aurais souhaité qu’on nous explique comment se structurer en tant qu’entreprise. Plein de gens jettent l’éponge face à la difficulté administrative, c’est une réalité. »

Il y a tellement eu de marques de streetwear qu’on pourrait être en droit de se demander en quoi la votre se distinguerait des autres.

Le fait qu’on soit là à parler aujourd’hui montre déjà qu’on a réussi à se démarquer. Il y a un lien affectif qui s’est créé à travers les réseaux sociaux, avec les gens qui nous suivent depuis le début. C’est l’histoire de deux cousins qui ont démarré leur projet assez bêtement, en vendant leurs sappes dans la rue. Un jour, on a chargé le coffre de vêtements et on est parti à l’aventure. On n’avait pas d’itinéraire défini mais plus les jours passaient, plus les gens nous suivaient sur les réseaux. J’avais surnommé mon cousin « Don Pablito » et lui m’a appelé « Petit Prince », c’était un truc entre nous puis on s’est rendu compte que de villes en villes les gens commençaient à nous appeler comme ça lorsqu’on les croisait. De fil en aiguille, la marque apparaissait un peu partout parce qu’on faisait les sorties de boites de nuit ou on vendait directement dans les rues. Les gens qui suivaient le truc ont vu la marque se développer directement à travers leur téléphones. Ce qu’on disait, on le vivait. Pour nous c’était important de passer de la parole aux actes et je crois que les gens ont vécu cette évolution comme si c’était la leur.

Cette campagne de communication – même si pour vous ç’en n’était pas une – m’a fait penser à ce que Marc Ecko a fait il y a une quinzaine d’années dans les rues de New York, en habillant les SDF de la ville. De la publicité gratuite avec le bouche à oreille et surtout, le fait que ces personnes se déplacent partout et continuellement lui a offert une visibilité immédiate et continue. Se servir de ce qu’on a à disposition et en tirer le meilleur, pour moi c’est vraiment ça le street marketing ou la street communication.

Je connaissais le nom de Marc Ecko mais pas son histoire et c’est marrant que tu en parles parce que j’avais cette idée de fournir des vêtements aux plus démunis également. Même pas pour faire de la pub – vu qu’on n’en a plus vraiment besoin grâce aux réseaux sociaux – mais parce qu’on sait d’où on vient. D’ailleurs on a une expression entre nous : « On a trop souffert ». Pas pour exagérer et faire les victimes, mais parce qu’on ne fait que de montrer le contraire. On se bat pour nos ambitions mais aussi afin d’apporter une espèce de fierté à nos parents et notre entourage. Cette réussite à laquelle on aspire, on veut la vivre à travers le regard des gens qui nous sont chers, spécialement les plus petits qui pourront se dire « Ah ouais, tonton il a réussi à monter sa marque » ou « Si tonton a réussi, ça veut dire que moi aussi je peux ».

Aujourd’hui les placements de produits sont légion sur les réseaux sociaux : paris sportifs, produits de beauté, barbershops… On a limite l’impression que c’est forcé et que certains le font pour un billet rapide ou pour rendre un service. Bizarrement, pour vous, l’effet inverse s’est produit : ce sont les artistes qui vous ont démarché pour vous proposer leur soutien. Sans contrepartie ?

Il y a des relations qui se sont crées avant ce business, et ces relations sont très fortes. C’est par respect qu’on va voir ces personnalités en leur disant qu’on se lance dans un nouveau projet, mais en aucun cas on leur demande de nous pousser. On est reconnaissant envers toutes ces personnes qui nous ont aidé. Booba, par exemple, c’est la famille. Aujourd’hui, quand lui, Gato ou Benash portent nos vêtements, tu sens que c’est d’abord une validation. Puis c’est aussi une manière d’afficher leur soutien vis-à-vis le travail qui est fait. Ce que Booba fait, c’est magnifique et on est conscient qu’il pourrait ne pas le faire ou le faire d’une manière moins investie. Encore une fois, ça prouve la solidité de notre relation avec lui.

Vous avez des modèles de réussite, que ce soit dans leur carrière ou dans leur façon de travailler ?

On parlait de lui juste avant mais la carrière de Booba matérialise complètement cette idée de « endless fight ». Pourquoi je dis ça ? Son parcours parle de lui-même : il a fait parti d’un collectif, d’un mouvement et il a percé individuellement. Son rêve était de vivre aux States et il y est arrivé en constituant un empire. Je sais qu’en France ça fait grincer des dents mais le mec a quand même crée son propre média, il s’investit dans le sport, il a des fringues en plus d’être à la tête d’un label et de produire des artistes. Après, je pourrais tout aussi bien te parler de Rim’K qui force le respect de par sa longévité. C’est un mec que j’ai découvert en étant au collège et aujourd’hui, quand j’ai besoin de conseils, je vais le voir. Là on est dans le domaine de l’entertainment mais on a d’autres sources d’inspiration comme Phil Knight, le créateur de Nike. Qu’on aime l’individu ou pas, en lisant son autobiographie, on ne peut qu’être d’accord avec son parcours. Jordan également. J’aime aussi les écrivains comme Amadou Hampâté Bâ, qui a été une grande source de motivation.

Les américains ont l’expression « D.I.Y » [« Do It Yourself » ou « à faire par soi-même », ndlr] qui vous correspond assez bien. Mais arrivé à un certain stade, il faut fonctionner à travers des schémas bien définis. Avez-vous senti qu’on essaie trop souvent de mettre dans des cases les nouveaux projets hybrides ou difficilement compréhensibles au premier abord ?

J’en était grave conscient parce que j’avais déjà eu une première expérience dans le textile. Et, au risque de choquer, autant dire les choses comme elles le sont : nous sommes en France. Ici, tu sens direct qu’on essaie de te catégoriser parce que les choses sont ainsi faites et qu’on est très vieux jeu. La société a du mal à concevoir que chaque individu est nourri par plusieurs influences, qu’elles soient culturelles, sociales, etc. N’importe où ailleurs, cette pluralité serait récompensée. L’exemple le plus criant est la façon dont les personnalités françaises sont traitées. Tu ne peux pas être acteur et chanteur ou entrepreneur et sportif en même temps. La nouvelle génération est beaucoup plus ouverte et c’est pour ça qu’on s’inscrit dans cette démarche de touche-à-tout. Ne me parle pas de limites.

On voit de plus en plus de marques – hors équipementiers historiques – récupérer l’imagerie street, ce côté brut, pas du tout aseptisé. Quand on est justement issu de ce milieu, quel est le sentiment qui se dégage de ce constat ?

À ce jeu-là, c’est à nous de faire attention. On le sait, on est déjà passés par là. C’est comme les partis politiques : à l’approche d’élections, on voit ces gens venir à notre rencontre en nous faisant miroiter monts et merveilles. Ou alors ils paient un mec et lui disent : « Allez toi, tu vas aller parler aux tiens ». Ce n’est pas dérangeant mais comme dans toute collaboration, il faut que chacun y trouve son compte. Bien sûr que c’est une relation d’intérêts, on serait bêtes de se voiler la face. Si une marque fait appel à une égérie qui vient de chez nous et qu’elle joue sur nos codes, c’est à cette personne de faire attention à ce qu’eux vont vouloir véhiculer, comment et surtout pourquoi. Je suis convaincu que des marques comme Dior, Lacoste ou Vuitton devaient nous chier dessus avant, mais aujourd’hui elles raffolent d’artistes comme Moha La Squale. C’est pour ça que je booste l’état d’esprit de PNL : ils se sont fait invité à un défilé mais ont refusé parce qu’ils ont senti la patate. Et finalement, ils y ont assisté cette année, mais après avoir fait une collaboration avec Virgil Abloh.

Quels conseils t’aurais aimé recevoir au moment de te lancer, soit pour optimiser ton temps, soit pour éviter de faire des erreurs ?

J’aurais souhaité qu’on nous explique comment se structurer en tant qu’entreprise. Tout le monde peut avoir des idées, tout le monde peut fournir une somme de travail conséquente, mais savoir comment se structurer – spécialement en France – est quelque chose de très complexe quand tu ne connais pas. Plein de gens jettent l’éponge face à la difficulté administrative, c’est une réalité. Tout ce qui est charges, impôts, fiscalité… Il faut prendre ça au sérieux car lorsque tu te loupes, ça ne pardonne pas. C’est épuisant d’être procédurier mais il faut passer par là.

« Je veux voir si ces marques qui prétendent avoir une conscience sociale oseront aller faire leurs castings directement dans les cités en élevant un petit sorti de nulle part et en le poussant. »

C’est intéressant que tu abordes ce sujet parce que j’ai remarqué que cette transmission de savoir n’était pas vraiment inculquée aux jeunes. On ne nous apprend pas à gérer des budgets ou à remplir ses impôts, encore moins à développer un capital. Aux États-Unis en revanche, ceux qui ont réussi à travers la musique ou le business le font de plus en plus. Tu vas avoir 21 Savage qui donne des cours de micro-management, Nipsey Hussle qui avait mis en place un plan éducatif destinés aux enfants désoeuvrés ou encore Jay-Z qui explique comment gérer un business tout au long de sa carrière. Savoir gérer de l’argent, c’est l’affaire de tous et on doit éduquer les gens dès qu’ils ont l’âge de comprendre pourquoi.

Quand tu parles de ça, je pense à toutes les discussions que j’ai pu avoir avec des amis. C’est vrai qu’il y a un manque de synergie dans nos communautés. J’ai eu pas mal d’expériences dans l’entrepreneuriat où j’ai pu côtoyer pas mal de jeunes. Je m’étais juré de ne jamais faire de social, mais au bout du compte, à chaque fois que j’ai eu l’occasion d’échanger avec eux, ça a été parmi les expériences les plus enrichissantes de ma vie. Une fois, par exemple, j’ai pu emmener des jeunes qui avaient entre 16 et 18 ans au Festival de Cannes, et pour les taquiner je leur demandais où se situaient certaines villes en France. Je demande à un des petits où se situe Bordeaux et il bloque en me disant qu’il ne sait pas.

Pourquoi je te raconte cette histoire ? Parce qu’avant de leur offrir un savoir, je crois qu’il faut vraiment élargir leur champ de vision. Leur offrir un savoir sans qu’ils ne sachent où l’utiliser, ça me parait dangereux. C’est un truc que je leur répétais souvent : « Le quartier est trop petit pour vous, il y a tellement de choses que vous pouvez accomplir ailleurs ». Parce que j’ai vu des plus vieux qu’eux avoir loupé ce coche par manque de perspective. Aller voir ailleurs te permets de découvrir de nouvelles choses, de te confronter à d’autres réalités et surtout ne plus te sentir redevable envers son quartier. Tout ça pour dire que j’aurais aimé faire voyager des petits à Los Angeles et les faire rencontrer des mecs comme Nipsey Hussle, paix à son âme. Je l’ai découvert – lui et ses actions – après sa mort, mais t’imagines l’impact qu’il aurait pu avoir sur nos jeunes s’ils lui avaient parlé ?

Mais en France…

En France, on critique beaucoup les rappeurs et autres personnalités issues de la rue. Un mec comme Booba par exemple, on ne va s’intéresser qu’à ses clashs, ses histoires, etc. Mais combien de gens a t-il aidé depuis le début de sa carrière ? Combien de business a t-il monté pour sortir des gens de la merde et combien de gens eux-mêmes ont-ils pu aider par la suite ? À un moment donné, il faut voir plus loin que l’artiste et parler de l’homme tout court, ou alors les deux. Ce sont des gens comme lui qui donnent de la force, soit par ce qu’ils véhiculent, soit par ce qu’ils disent ou font. C’est ça le concept de « endless fight » : pousser les gens à aller plus loin, ne pas s’imposer de limites. C’est ça qui m’intéresse, le reste n’est que divertissement.

À l’image de marques comme Nike qui s’investissent de plus en plus dans l’extra-sportif, est-ce que tu penses que l’avenir des marques passent par un lien avec le consommateur qui serait moins axé lifestyle et performance, mais plus engagé socialement et culturellement ? Ou alors ce n’est qu’un phénomène qui est voué à disparaitre peu à peu ?

J’appelle ça du « social business ». Pour rester sur le cas de Nike, après avoir lu l’autobiographie de Phil Knight, je me suis rendu compte qu’eux étaient déjà investis depuis bien longtemps. Je pense notamment à l’impact que cette marque a eu sur nos vies à travers les différentes publicités qu’ils ont fait autour du sport et qui nous ont marqué. Maintenant, il faut essayer de comprendre comment et pourquoi Nike est toujours du bon côté de l’Histoire. Sûrement parce qu’ils ont des équipes qui sont jeunes, qui vivent vraiment les choses au moment T et qui du coup n’ont pas d’autre choix que d’être présents et actifs au niveau social. Ce qui sous-entend aussi qu’ils ont un impact politique, qu’ils le veuillent ou non : je prends en exemple ce qui s’est passé avec Colin Kaepernick aux USA sur la question raciale ou dernièrement avec Caster Semenya sur la question du genre.

Après, je pense que bien évidemment il y aura toujours des marques qui s’engouffreront dans la brèche en tentant de s’inventer une conscience sociale… Des marques qui vont aller récupérer le dernier mec de cité qui a un buzz pour dire que les conditions de vie des jeunes en zone urbaine les concernent. Mais la vérité, c’est que ce mec qui va faire l’objet d’une récupération, les marques savent qu’il parle à des milliers d’autres jeunes et que son influence leur sera bénéfique. Je veux voir si ces même marques oseront aller faire leurs castings directement sur place en élevant un petit sorti de nulle part et en le poussant. Le jour où ça arrivera, là je serai d’accord.

On parlait tout à l’heure des conseils que t’aurais souhaité recevoir : aujourd’hui, quels conseils tu donnerais à ton tour à un petit qui souhaite se lancer ?

Plus qu’un conseil, je préfère faire un constat. Je veux que tous ceux qui s’engageront dans n’importe quel projet sachent dès le début qu’ils vont galérer et que c’est tout à fait normal. Il faut qu’ils sachent aussi qu’après avoir dépassé ces difficultés, ils trouveront certaines choses plus faciles. « Endless fight ».

Dacca, Lagos, Manille et Téhéran. En choisissant ces quatre métropoles, l’exposition Prince.sse.s des villes (qui doit son titre au morceau mythique de 113) redéfinit ce qu’on ne cesse d’étiqueter d’urbain. À quoi ressemblent nos villes aujourd’hui ? Plutôt, en quoi sont-elles le reflet de nos identités diffractées ? Des dizaines d’artistes bangladais, nigérians, philippins et iraniens répondent.

Les nombreuses œuvres proposées ici font moins voyager — au sens touristique — qu’elles nous guident vers une meilleure compréhension de nos singularités et de nos points communs au cœur même d’une culture mondialisée tantôt fédératrice, tantôt sournoise. En se défaisant d’un potentiel regard occidentalo-centré, l’exposition s’attache à nous faire découvrir des réalités et des imaginaires bien plus proches de nous qu’on serait portés de le croire. Le textile, la photographie de rue, le tag, l’installation, la vidéo et le clip, la peinture et la sculpture aussi, apportent chacun matière à repenser un avenir commun.

Politique et artisanat ont étonnamment convergé tout le long de l’exposition et questionnent le spectateur, sans filtres ni tabous, comme pour l’aider à trouver ici de la beauté au sein du chaos et de l’espoir au cœur du désastre. Et, finalement, le queer, la création expérimentale et le sens du collectif apparaissent comme autant de solutions pour transgresser des défis tels que ceux lancés par la globalisation. Le Palais de Tokyo signe une exposition à ne pas manquer, où l’art contemporain embrasse la diversité de ses pratiques et de ses discours.

Prince.sse.s des villes, jusqu’au 8 septembre 2019 au Palais de Tokyo

13, avenue du Président Wilson
75116 Paris

Depuis 2018, le football semble définitivement entré dans la vie de TOUS les Français : Coupe du monde masculine, Coupe du monde féminine, Coupe d’Afrique des Nations… Et CAN des quartiers. Tout a commencé à Évry, avec la CAN Epinetzo, soutenue cette année bien en dehors du 91 par Karim Benzema, Didier Drogba et Benjamin Mendy ou encore Niska, Koba LaD et Sadek. Pendant un mois, à partir des quarts de finale, deux journalistes indépendants sont partis se mêler à la vie des Epinettes et des Aunettes le temps d’une compétition non-officielle pour en tirer le meilleur documentaire possible.

Personne n’est passé à côté : avant-hier, l’Algérie a crucifié le Nigéria dans le temps additionnel et s’est offert une place en finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Presqu’un an tout juste après que la France ait gagné la coupe du monde et quelques semaines après que les Bleues soient arrivées en demi-finale de sa version féminine. En France, en 2018 et en 2019, tout le monde a gagné. Même ceux qui ne sont pas professionnels, ceux que l’on ne voit jamais mais qui tous les jours jouent au ballon rond, entre grands et petits, de toutes nationalités : le street-football. Pourtant, cette année a été différente des autres. Les choses ont été vues et faites en grand au travers des « CAN des quartiers » étendues dans tout le pays. À l’origine du phénomène il y a une ville, Évry, et un rassemblement de deux quartiers, les Epinettes et les Aunettes. Bienvenue dans la CAN Epinetzo.

La première fois que l’on en entend parler, c’est via une vidéo ultra-virale sur Twitter. Un joueur inconnu marque et ce sont des centaines de personnes qui accourent sur le terrain pour célébrer. Une dizaine de drapeaux différents sur le dos : Algérie, Mali, Tunisie, Maroc, Nigéria… Les médias généralistes s’emparent du contenu à leur manière, bien connue. On voulait nous aussi y aller, mais n’avons pas réussi à libérer le temps nécessaire pour réaliser quelque chose à la hauteur de nos attentes. Néanmoins la nature fait bien les choses et Tristan Baudenaille-Pessotto et Thomas Porlon, deux journalistes indépendants de France 3 devenus amis, décident de prendre une caméra, un micro, et partir sur le terrain.

C’est avec une approche naturelle, organique, humaine finalement, que les deux compères ont rejoint l’aventure de la CAN Epinetzo : « On s’est dit qu’il fallait qu’on aille voir ça de nos propres yeux, et on a commencé à envisager d’en faire un docu/reportage. J’ai acheté le matériel nécessaire, on a contacté un joueur sur Twitter (Baro dans le reportage), puis le ‘chargé de communication du tournoi’. Le week-end suivant nous étions au bord du terrain comme spectateurs. Nous ne sommes pas originaires d’Évry à la base, on n’y avait presque jamais mis les pieds avant le documentaire. C’est pour cela que nous sommes d’abord venus sans matériel, histoire de rencontrer les gens. Et de fil en aiguille le courant est passé et nous avons été présentés à plusieurs personnes impliquées dans le tournoi. Nous sommes revenus une nouvelle fois au quartier sans tourner une seule image, simplement pour expliquer aux habitants notre projet et qu’ils commencent à s’habituer à notre présence. »

Tous ont compris que dans cette histoire, le résultat était secondaire

L’essentiel pour eux, c’était de ne pas dénaturer l’essence de l’initiative. Se mêler aux habitants, grands comme petits. « Nous avons vraiment aimé le temps passé aux Aunettes ou aux Epinettes, tous les liens que nous avons tissés avec les gars du quartier… Pendant un mois, nous avons été totalement intégré au point parfois de venir toute une journée pour simplement tourner 15min d’images. C’était aussi pour nous une manière de vraiment ressentir la vie de ce quartier très spécial et de mieux le faire ressortir dans le documentaire. » Mais les personnes concernées le savent, dur de s’organiser avec des gens de quartiers, encore plus dans une effervescence locale comme celle que peut générer un tournoi de foot entre dix équipes de dix nationalités différentes. « Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part, ils étaient d’ailleurs plutôt volontaires mais c’est leur mode de fonctionnement. On a appris à ne pas se fier aux ‘Je te rappelle dans 15min’ ou les ‘Je me douche et j’arrive’. On attendait parfois plusieurs heures pour débloquer un tournage et filmer la séquence qu’on voulait et nous faisions parfois l’aller-retour pour ne rien filmer. Mais ça fait partie du jeu et ça reste au final des bons souvenirs. »

Si la CAN Epinetzo a pu influencer plusieurs autres quartiers dans le reste du pays à, eux-aussi, organiser une réunion semblable, c’est qu’elle symbolise toute la force et l’essence de ce que vivre et avoir grandi dans un quartier signifie et représente. Alors,  Tristan et Thomas se devaient de respecter cette ligne de conduite et de la mettre en exergue tout au long du documentaire -c’est chose faite. « La fraternité, le vivre-ensemble et la débrouillardise. C’est tout ça la CAN Epinetzo. C’est vraiment ce qui nous a marqués, loin de l’image que l’on veut bien donner d’Évry. Il y a énormément de respect entre les origines et les générations. Le simple fait qu’il y ait une équipe ‘Reste du Monde’ « multi-ethnique » avec plusieurs pays représentés c’est tout à fait à l’image de cette CAN. Et cela montre aussi et surtout à quel point les habitants ont des choses à montrer. Dans l’organisation, la volonté et l’envie de réussir… Au final, le foot n’était qu’un prétexte à tout cela. »

La bande-annonce du documentaire sort le 5 juillet 2019, teasé par Baro sur ses réseaux. Il s’appelle « EVRY, L’AUTRE CAN ». Twitter fait son travail de plateforme de partage et elle tombe sous nos yeux et sous les yeux du plus grand nombre. La date de sortie est donnée : le 15 juillet. Jour de gloire, de fête et de célébration, car c’est le premier anniversaire de la victoire des bleus en finale de la coupe du monde. Un jour chargé en symbolisme et en espoir pour tous les habitants de quartiers, car c’est autant de Dembélé, de Mbappé, de Pogba, de Kanté, de Fékir et d’autres qui y sont nés, y ont grandi et y ont commencé pour la première fois le football ; encore enfants. « On voulait autant se focaliser sur le quartier en lui-même que sur les matchs de foot. Tous ont compris que dans cette histoire, le résultat était secondaire. Alors, un grand merci à tous les habitants des Aunettes et des Epinettes pour leur accueil. Une mention spéciale aux anciens, Moro, Zuc, Mehjdi, Hollywood, Bambou, Brahima, Moody et tous les autres. Epinetzo c’est carré, les quartiers ont du talent », conclut Thomas.

Forte d’une tournée mondiale qui a débuté l’automne dernier et programmée dans presque tous les festivals français cette année, Mayra Andrade a fait un retour triomphant avec son dernier album Manga. Véritable bête de scène, la chanteuse cap-verdienne est plus émancipée que jamais et offre un album afro-contemporain des plus actuels. Interview.

Photos : @alextrescool
Outfit : Andrea Crews

Si son nom ne vous dit rien, la musique française et les scènes parisiennes, elles, connaissent Mayra Andrade depuis son adolescence. C’est en 2003 que l’artiste cap-verdienne s’installe à Paris pour s’inspirer de l’atmosphère cosmopolite de la ville lumière. Enfant prodige et autodidacte, la jeune chanteuse remporte en 2001, à l’âge de 16 ans, la médaille d’or du concours des jeux de la francophonie à Ottawa ; véritable rampe de lancement pour celle qui a goûté à la scène un an auparavant sur son île du Cap-Vert, pour fouler et ne plus quitter les planches du monde entier jusqu’à maintenant. Dès ses débuts, sa voix envoûtante séduit une multitude d’artistes de l’Hexagone, de Charles Aznavour qui l’invite sur le morceau « Insolitement vôtre » en 2005, en passant par La MC Malcriado, groupe de Stomy Bugsy et de Jacky des Neg’ Marrons, qui l’expose à une autre frange du public français avec le titre « Mas amor » en 2006.

Mayra Andrade est une artiste débridée qui a toujours voulu créer ses propres codes. Comme chacune de ses prestations scéniques, sa musique est un renouvellement constant, guidée par ses mouvements géographiques et sa curiosité sans frontières. Ouverte et chaleureuse, sa musique est le fruit de ses influences : rythmes traditionnels du Cap-Vert, jazz, r&b, soul, musiques afro-contemporaines, trap… l’industrie l’adore mais ne sait pas où la placer, elle est impossible à définir, et ce n’est pas plus mal ! Celle qui n’a jamais cessé de voyager et qui a vécu dans plusieurs pays, aime créer en s’enracinant dans un lieu, pour que chaque album soit le reflet d’un instant. Dans son cinquième album Manga, Mayra a compilé des bouts de vie de ces cinq dernières années passées à Lisbonne pour produire un album complet. « Manga » pour la mangue, son fruit préféré, dont la texture change en fonction de sa maturité, tout comme son parfum ou ses couleurs. Exactement comme sa musique.

Mayra-Andrade-chanteuse

Je t’ai connue grâce au morceau « Place 54 » de Hocus Pocus, dans lequel 20syl cite des artistes qu’il écoute durant son voyage en train. Ta musique semble très liée à cette notion de voyage, d’autant que tu as vécu dans de nombreux pays : Cuba, Allemagne, Angola, Sénégal

C’est intrinsèque, c’est sûr que ça a un impact sur ma musique, et au-delà de ça, un impact sur qui je suis.

Qu’est-ce qui te faisait voyager au-delà des déplacements géographiques ?

J’avais un monde intérieur qui était très busy, j’étais l’enfant qui réfléchissait beaucoup. Ma sœur avait huit ans de plus de moi, donc je jouais beaucoup toute seule, et on déménageait tous les deux ou trois ans. Je devais à chaque fois dire au revoir à mes amis et m’en faire des nouveaux. J’ai vécu beaucoup de moments comme ça, j’observais beaucoup le monde l’extérieur. Je lisais pas mal aussi. Je me souviens d’un livre, Meu pé de laranja lima (Mon bel oranger) de José Mauro Vasconcelos. C’était un livre brésilien qui était très triste, c’était l’histoire d’un enfant de rue…

Ta musique est finalement le fruit de l’union des différentes cultures que tu as rencontrées et de ton monde intérieur.

Oui, je suis d’accord avec ça. Je suis née chanteuse donc ce n’était pas un choix conscient, c’était juste ce que j’étais, et quand c’est une vocation, je pense que ça force le respect. C’est-à-dire qu’il y a énormément de choses que j’aurais pu faire depuis le début de ma carrière, qui l’auraient peut-être facilitée, mais qui n’auraient pas été authentiques. J’ai depuis toujours compris que ma carrière serait un marathon et pas un sprint.

Ces choix étaient liés au business et au marketing ?

Exactement. C’est ça l’authenticité. C’est important de savoir où se placer.

Comment fais-tu pour trouver l’équilibre entre une totale liberté artistique et garder une touche traditionnelle ?

C’est la grande difficulté de ma musique parce que j’ai toujours su que je voulais apporter une pierre différente à cet édifice qu’est la musique cap-verdienne. Je viens d’un pays très petit mais avec une culture très forte. On sent une forme de protectionnisme là-bas, vis-à-vis des influences extérieures justement. Alors que si on connaît un peu l’histoire de la musique cap-verdienne, on sait qu’elle s’est toujours nourrie d’influences extérieures, c’était un port, donc tout ce qui passait par là laissait une partie, un ton, une sonorité, un rythme différent, et c’est comme ça que s’est bâtie toute cette diversité qu’il y a dans la musique cap-verdienne. Donc je pense que l’idée de faire une musique traditionnelle 100 % pure n’existe pas et mon parcours de vie a fait que j’ai toujours revendiqué ma place dans l’hybride. Ok, le traditionnel, je peux le faire, mais je pense que mon propos est différent. Par rapport aux opportunités que j’ai eues, je trouverais ça étrange de faire une musique 100 % traditionnelle. J’appartiens à cette famille mais j’ai toujours été un peu en marge, et je le suis de plus en plus.

Tu t’es encore plus affranchie de ça avec Manga ?

Ce disque ouvre un nouveau chapitre dans ma carrière, j’ai envie de m’émanciper de plus en plus, même si j’ai toujours été dans cette perspective-là, j’ai toujours dit ce que je voulais, ce que je ressentais… Mais j’étais quand même très attachée à l’idée d’être connectée au Cap-Vert ; que les crédits aillent au Cap-Vert et non pas au Brésil ou au Portugal ou je ne sais où. C’était important pour moi de mettre des piliers pour que les gens identifient ma musique à une culture et à un pays. Maintenant, je me sens plus libre de faire ce que je veux, ce qui m’attire a un peu évolué. Je dirais que mes défis sont un peu plus grands. Parce qu’au départ je mélangeais la musique traditionnelle au jazz, à des influences de la MPB (musique populaire brésilienne, ndlr) ou à des rythmiques africaines plus traditionnelles. Là, je suis dans un album qui est afro-contemporain, beaucoup plus actuel.

Quels ont été les défis pour cet album ?

Dans le son, il y a des beats, des programmations, donc je découvre aussi une nouvelle façon de travailler, je m’intéresse de plus en plus à des jeunes producteurs alors que je viens d’un monde où tous les gens avec qui je travaillais pouvaient être mes parents. Je travaillais avec des orchestres, les albums étaient enregistrés en live avec je ne sais combien de musiciens en studio. Cette autre façon de travailler est hyper excitante pour moi. Au fond, je recherche toujours l’excitation dans la musique, mais surtout à défendre une essence, l’essence de ce que je suis. En composant mes chansons, j’essaie d’apporter un matériel brut qui soit le plus authentique, le plus vrai possible, dans ce que je raconte, dans le type de mélodies, d’harmonies. J’ai envie de m’ouvrir tous les jours un peu plus et de flirter avec des choses de plus en plus différentes et éloignées. Le but est de trouver l’alchimie exacte, l’équilibre des ingrédients, pour que ça ne soit pas juste un patchwork de choses hyper clichées et décousues qu’on met ensemble, ça serait terrible pour moi. La gestation de l’album prend donc énormément de temps. Quand on écoute, je veux qu’on se dise « c’est elle, et en même temps c’est sa culture, et en même temps c’est de la modernité, et en même temps c’est un nouveau son », parce que ce mélange-là n’avait jamais été fait.

Tu crées ta propre branche ?

Voilà ! J’ai envie de m’amuser plus, j’ai l’impression que ce sont des risques de plus en plus en grands mais en même temps, si on ne les prend pas, le choses ne sont pas aussi grandes que on les aurait voulues.

Mayra-Andrade-chanteuse

Tu parlais d’hybridité, est-ce difficile en tant qu’artiste d’imposer un son nouveau ?

Non parce que ça s’est fait progressivement. L’album précédent, Lovely Difficult, représente un tournant : j’y chante en anglais et je l’ai enregistré à Brighton en Angleterre. Pour la première fois, j’ai travaillé avec des compositeurs qui n’étaient pas cap-verdiens : Benjamin Biolay, Krystle Warren, Hugh Coltman, Piers Faccini, Yael Naïm, etc. Après douze ans de vie à Paris, j’avais envie de travailler avec des gens de ma génération, qui étaient actifs sur cette scène parisienne, qui m’inspiraient, et qui étaient tous des amis en fait. Je m’éloignais un peu plus du traditionnel et j’ai compris que les gens l’acceptaient parce que c’était fait avec sincérité. J’ai aussi compris que c’était un album peut-être un peu plus pop et que ce n’était pas trop mon truc, en réalité. Aujourd’hui, je me sens très épanouie avec Manga parce que le message est très aligné avec qui je suis. Il y a quand même cinq ans d’écart entre Lovely Difficult et Manga, il s’est passé tellement de choses dans ma vie de femme, d’être humain. Des évolutions intérieures, mais aussi mes déménagements… Ça a été un chemin assez solitaire pendant un bon moment, j’étais un peu toute seule avec mes chansons parce que les gens qui m’entouraient ne comprenaient pas forcément ce que je voulais faire. C’était un peu frustrant. Mais à un moment, j’ai trouvé les bonnes personnes, les bons partenaires, et puis ça a commencé.

Tu as déménagé de Paris à Lisbonne, Manga a-t-il les couleurs de cette ville ?

Je n’aurais pas fait cet album si je n’étais pas allée vivre à Lisbonne parce que c’est tout mon état d’esprit qui a changé. Cette envie de juste célébrer la vie avec plus de légèreté, avec cette reconnexion à l’Afrique aussi, à travers cette communauté lusophone qui est y est très présente. J’ai l’impression que la communauté luso-africaine est plus présente dans la vie de la ville à Lisbonne que la communauté africaine à Paris. Donc rien que le fait d’être exposée à un certain son quand tu vas en soirée, à des concerts, juste la façon dont les gens vivent et ont le temps de se parler, les rapports humains font que tu te reconnectes avec tes racines, avec une essence qui pour moi est nécessaire à mon équilibre, à ma joie, et j’avais envie de plus m’amuser avec ma propre musique et sur scène. Mon ingé m’a dit ce matin « mais qu’est-ce que t’es belle depuis que t’es à Lisbonne », et en fait, c’est ça : il faut se débarrasser de la morosité. Si on n’est pas bien quelque part pour une raison ou une autre, si on n’est plus bien dans un couple, dans une ville ou dans un travail, il faut faire le pas pour changer parce que ça se ressent dans tout.

Comment s’est passé l’enregistrement de l’album ?

Enregistrer en général est une forme de pression pour moi, parce que je sais que je grave la musique dans le marbre à jamais. Je me souviens de l’enregistrement de mon premier album Navega, qui est le résultat de plusieurs années de scène. Je n’avais eu qu’un mois pour l’enregistrer, C’était très difficile. Et en studio je dois accepter qu’une prise de voix soit définitive, ne choisir qu’une seule version. Mais je l’accepte plus facilement aujourd’hui. Alors que sur scène, je change tous les soirs ce que j’ai fait avant. Je crée des versions d’un instant avec tout ce qui peut l’influencer comme la fatigue, l’inexpérience, etc. J’ai 34 ans, je fais de la scène depuis plus de 19 ans et c’est vraiment là où je me sens la plus forte.

Est-ce que tu fais tes morceaux en pensant à l’effet qu’ils produiront sur scène ?

Pas du tout ! C’est comme si tu demandais à une femme qui accouche comment elle va habiller son enfant. C’est un peu comme être en gestation, t’es en accouchement, la compo ça peut être très cérébral, très couteux parfois, mais c’est aussi dans mon cas un moment où tu es…

Face à toi-même ?

Oui, face à toi-même. Et en même temps tu essaies de constamment traduire dans un langage universel quelque chose de très personnel. Je raconte des histoires très personnelles mais je voulais le faire d’une manière différente. Je voulais trouver une poésie plus directe, sans nécessairement donner trop de détails sur l’ensemble. Chacun y trouve des blancs pour pouvoir caler ses propres histoires, ses propres expériences. Je me souviens m’être entretenue avec plusieurs potes rappeurs à ce sujet, je voulais m’inspirer de leur écriture moins abstraite.

Comment se reflète concrètement cette écriture plus directe ? Si on reste sur le rap, la trap a permis de réduire les mots et de miser sur des intonations et des placements par exemple.

J’ai envie de dire que c’est plus facile d’écrire de façon abstraite, un peu etérea — aérienne, légère , parce que tu es moins engagé sur un message. Tu sais de quoi tu parles mais les gens ne le savent pas forcément et l’adhésion est moins grande quand ils ne comprennent pas les mots. Je parle des lusophones ici, ils comprennent les mots mais pas forcément leur signification, mais du coup ils se raccrochent et c’est plus facile. C’est plus simple d’écrire un truc que personne ne comprend que de trouver les bons mots pour synthétiser une émotion, une histoire. C’est un travail un peu plus cérébral. En général, j’essaie d’écrire d’une traite sans m’éditer, sans me censurer, et ensuite de tailler un petit peu plus et trouver les emboîtements, les formules.

On ressent aussi cette évolution en termes de flows, de voix. Il y a plus de liberté, des accélérations, des roulements, des choses un peu urbaines, reggaeton.

C’est marrant parce que je trouve qu’il y a beaucoup de choses en commun entre ces musiques et les musiques traditionnelles africaines. Des choses peuvent sonner urbaines mais elles viennent en réalité de la campagne de Santiago au Cap-Vert, des rythmes de bateaux, les gens y chantent avec un débit assez accéléré. J’ai un rapport au rythme qui est très proche de ça, je joue beaucoup avec le temps, je chante à l’arrière du temps puis j’anticipe, j’ai toujours eu beaucoup d’aisance à jouer avec le rythme mais c’est vrai que ces dernières années j’écoute plus de rap, même si ça n’a jamais été mon background. Quand tu regardes mon Spotify, j’écoute des tas de choses que je n’écoutais pas avant, en soul, en R&B, en rap. Frank Ocean a été une référence intéressante pour moi parce que je trouve que ses morceaux sont comme des scènes de film, on se retrouve dans la pièce avec lui. Son écriture et sa manière de peindre son univers sonore ont été hyper inspirantes. Il y a aussi un morceau d’afrobeat, « Ojuelegba » de WizKid, celui qui l’a un peu révélé, où tu as du beat mais aussi tu as de la progra, mais tout sonne hyper organique, tu as l’impression que ce sont des instruments acoustiques qui jouent. De mon côté, je savais que je voulais apporter des instruments traditionnels mélangés à des beats, donc cette liberté est aussi inspirée par des musiques actuelles. Tu parlais de la trap music [elle imite le rythme de la trap], tu peux vraiment te lâcher, t’amuser plus, tu peux traiter des sujets tout aussi sérieux mais d’une manière beaucoup plus entraînante. Parfois marrante même et qui va attirer l’attention parce que justement, c’est une façon de faire un peu décalée.

Une forme plus légère peut être une manière de ramener les plus jeunes vers un message, comme certains rappeurs le font.

Je ne sais jamais quoi penser de ça justement, parce qu’en même temps, il faut suivre son temps. Je me dis aujourd’hui qu’on devient vraiment paresseux. Tout est trop long, dès que t’écris un paragraphe, c’est trop long, dès que tu pitches un truc, c’est trop long. Il faut faire cinq phrases mais avec du slang, des demi-mots, du verlan. Est-ce que les rappeurs doivent toujours aller dans le sens du plus accessible, du plus commercial, du plus facile ? Ou est-ce qu’ils ont un rôle aussi de préservation, d’éducation, de cette jeunesse-là ? Franchement, je ne sais pas.

Prévu les 4, 5 et 6 juillet entre Rosny-sous-Bois et des quartiers parisiens traversés par la ligne 11 du métro, le festival Tapis Bleu ouvre les portes du cinéma à ceux devant qui elles sont habituellement fermées. Entretien avec ses fondateurs. 

Notre récent entretien avec l’acteur Césarisé Rod Paradot nous l’a confirmé : infiltrer ce milieu en vase clos qu’est le cinéma n’est pas donné à tout le monde, encore moins à ceux issus des quartiers populaires. Fort heureusement, pour chaque route barrée, on trouve des gens altruistes qui s’efforcent de creuser d’autres chemins, d’ouvrir d’autres portes. C’est le cas de l’acteur Soufiane Guerrab et de Sonia Kaoutar, cofondateurs du festival de cinéma Tapis Bleu. Ici, il n’est pas seulement de diffuser les dernières productions de cinéastes de renom, mais d’accompagner des jeunes en quête d’opportunités dans la réalisation de six courts-métrages, avec le soutien de professionnels.

Après une première édition centrée sur Rosny-sous-Bois, le festival – désormais étendu au Grand Paris – revient les 4, 5, 6 juillet à l’UGC de Rosny. Au programme : masterclass, avant-premières et visionnage des films de nos Scorsese en herbe avec des invités de prestige, comme le parrain Grand Corps Malade, l’actrice Leïla Bekhti ou encore le réalisateur Ladj Ly, dernièrement primé à Cannes pour son film Les Misérables. On a laissé les initiateurs de ce beau projet l’évoquer avec nous.

Photos : @samirlebabtou

Pouvez-vous nous présenter le festival Tapis Bleu ?

Soufiane Guerrab : L’idée de ce festival est née il y a déjà quelques années. J’avais envie de créer quelque chose pour les jeunes, suite à leurs nombreux témoignages et leur envie d’intégrer le cinéma français. J’en ai parlé à Sonia. Ça a tout de suite fait écho chez elle, et derrière les choses se sont très vite accélérées. Aujourd’hui on arrive à la seconde édition et on en est très heureux.

La création de ce festival répond-elle à un manque, selon vous ?

SG : On remarque chez les jeunes un certain fatalisme qui se manifeste de plus en plus tôt. Beaucoup de choses leur paraissent très vite impossibles. Le cinéma étant un milieu considéré comme l’un des plus fermés, le festival souhaite casser les barrières de l’impossible pour laisser place à un certain espoir. On espère que cette expérience servira à ces jeunes pour tout ce qu’ils entreprendront dans la vie.

En quoi Tapis Bleu se différencie-t-il des autres festivals ? 

Sonia Kaoutar : On sélectionne des jeunes issus des quartiers populaires du Grand Paris après casting, selon les différents scénarios. Ils se retrouvent ensuite dans des conditions réelles de tournage, avec une véritable équipe technique de cinéma et des réalisateurs et réalisatrices. Les films produits par le Festival Tapis Bleu sont ensuite projetés pendant les trois jours. Cette année, six films seront en compétition et soumis aux votes du public et d’un jury prestigieux, qui compte notamment Assaâd Bouab de la série Dix pour cent, ou encore Ladj Ly.

SG : Le public ne se contente pas de voir des oeuvres. On y découvre des visages, des parcours, des chemins de vie totalement différents, mais guidés par la même énergie : celle de la création. Tapis Bleu, c’est l’inverse du tapis rouge. [rires] Ici ce sont les professionnels qui viennent à la rencontre des inconnus.

Quel serait le discours que vous adresseriez aux jeunes voulant s’inscrire, mais manquant encore de motivation ?

SG : Venez, tout simplement ! Quelle que soit votre origine sociale ou culturelle : tout le monde a sa place au festival de cinéma Tapis Bleu. Celles et ceux qui veulent se joindre à l’événement sont les bienvenus. Vous avez un talent ou êtes prêts à ce qu’on le découvre ensemble ? Venez, on vous attend !

Quel est le profil de ces jeunes qui viennent s’essayer au 7e art ?

SG : Les profils sont très variés, et c’est exactement ce qui nous intéresse. C’est à ça que sert l’art. L’art est un prétexte pour réunir des gens différents autour d’une oeuvre, qu’ils puissent en parler et débattre. Tous les points de vue sont intéressants. Tapis Bleu, c’est un peu comme cette fameuse chaîne de restauration : « Venez comme vous êtes ! ». [rires]

Y’a-t-il une anecdote qui vous a particulièrement marqué depuis la création de ce festival ?

SG : Il y en a même trop ! [rires] Et il y en aura encore plein pour la seconde édition. Un documentaire retraçant les activités des jeunes pendant la préparation de leurs films sera projeté à la cérémonie d’ouverture du festival, et on rit beaucoup. J’invite vraiment tout le monde à venir découvrir ces jeunes, les professionnels du cinéma et leurs histoires.

Soufiane Guerrab, cofondateur du festival Tapis Bleu.

Existe-t-il une évolution par rapport à l’édition précédente ?

SK : Bien sûr ! L’effervescence autour du festival Tapis Bleu est juste incroyable. Lors de la première édition, on a pu découvrir le travail de jeunes venant pour la plupart de Rosny-Sous-Bois (93) et les réalisateurs étaient envoyés dans différents quartiers de la ville. Pour cette seconde édition, on s’est quelque peu « expatrié » puisqu’on y découvrira l’oeuvre de jeunes de Saint-Denis (93), La Courneuve (93), Courbevoie (92), Chevilly-Larue (94), Place d’Italie et Belleville (75), en plus de Rosny-sous-Bois. La jeunesse du Grand Paris, en gros ! Nous avons en plus la chance d’être accompagnés cette année par la sublime actrice Leïla Bekhti et l’incroyable réalisateur Olivier Nakache pour des masterclass qui s’annoncent exceptionnelles. Puis on est super heureux de présenter en ouverture du festival, l’avant-première du film La Vie Scolaire, réalisé par le duo de génies Mehdi Idir et Grand Corps Malade, qui est notre parrain depuis le début.

Quelles sont vos attentes pour l’édition à venir ?

SG : On attend du monde, des souvenirs, des découvertes, des histoires, du rêve, de la passion… et c’est tout ! [rires]

Un dernier mot ?

SK : Un grand merci à la mairie de Rosny-Sous-Bois, à nos partenaires Verrechia, Loca Images, Mouv’, UGC et la RATP, à notre parrain Grand Corps Malade, à toutes les personnalités qui nous accompagnent, à toutes celles et ceux qui font partie du projet, qui nous soutiennent et nous encouragent. Et bien sûr une immense pensée pour tous les jeunes qui font partie de l’aventure.   Venez découvrir des nouveaux talents au Festival Tapis Bleu, on vous attend !

Toutes les informations concernant le Festival Tapis Bleu sont à retrouver sur leur site officiel, et leurs réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram). 

En s’associant avec Converse, le joueur des Suns de Phoenix et le fondateur de Pigalle réinventent une histoire qui s’écrivait en pointillés depuis la démocratisation de la Chuck Taylor. Interview croisée.

Photos : @alextrescool

À droite un basketteur NBA féru de sapes, à gauche un designer qui ball. La rencontre entre Kelly Oubre, prometteur ailier des Suns de Phoenix, et Stéphane Ashpool, créateur de la marque Pigalle, sonnait comme une évidence. Au croisement de la Fashion Week et du Quai 54, il est coutume de croiser dans la capitale des joueurs de NBA venus se détendre à l’issue d’une longue et éprouvante saison passée sur les parquets. Ce n’était nullement le cas du « sapologue 3.0 de la ligue », dixit TrashTalk, qui se tenait prêt à défiler pour la première fois à l’occasion du show donné le 23 juin dernier par le label du 18e arrondissement.

Outre d’évidentes passions communes, c’est surtout Converse qui a fait office de trait d’union entre les deux hommes. En novembre 2018, Kelly Oubre s’était en effet engagé avec la marque à l’étoile, amorçant le retour de celle-ci sur les terrains de basket, qu’elle avait délaissé depuis 2012. De l’iconique Chuck Taylor à Dwayne Wade, en passant par Wilt Chamberlain et Magic Johnson, l’histoire de Converse a pourtant toujours été intimement liée à la balle orange. Dès lors, qui de mieux que Pigalle et Stéphane Ashpool – à qui l’on doit déjà plusieurs collections sportswear conçues avec Nike – pour l’épauler dans cette périlleuse reconquête ? Leur collaboration donne naissance à une nouvelle itération de la All Star Pro BB, modèle pensé précisément pour la pratique du basket, à même de répondre aux besoins techniques des athlètes sans négliger leur allure.

La veille du défilé, on s’est donc installé aux côtés de la nouvelle figure du basket selon Converse et du premier designer à travailler avec la multinationale sur une paire de baller pour évoquer avec eux cette collaboration, et les rapports entre sport et mode.

Kelly, tu t’apprêtes à défiler pour la toute première fois à l’occasion du show Pigalle. Comment tu te sens ?

Kelly Oubre : Je suis super excité. Pour le moment, je ne ressens pas de nervosité ou quoique ce soit, même si j’imagine que juste avant le début du show, ça va être un peu comme avant un match : je vais peut-être avoir un peu la pression. Heureusement, Stéphane me facilite la vie niveau « préparation mentale » parce que je comprends l’énergie et le message derrière sa collection. Je suis juste là pour honorer son travail.

Quel est donc ce message ? 

Stéphane Ashpool : Je vais toujours très loin dans ma tête donc je ne m’attends pas toujours à ce que tout le monde comprenne tout. Mais pour résumer le concept du show, c’est une sorte d’empereur égyptien qui débarque dans une ville futuristique, et cette ville s’avère être Paris.

KO : C’est justement pour ça que j’adhère à son idée. Moi-même à ma manière, je suis un empereur étranger venu des États-Unis qui découvre Paris à travers ce défilé. C’est quelque chose à voir, vous allez le ressentir pendant le show.

Kelly, quelle est ta relation avec la mode ?

KO : Je ne suis pas nécessairement de ceux qui sont à l’affût de toutes les nouvelles marques, je préfère laisser les marques capter mon attention. Je remarque un vêtement quand il est unique. Quand c’est les mêmes trucs vus et revus, ça ne m’intéresse même pas. Pour moi, la mode fonctionne au coup de coeur : tu te réveilles, tu veux être propre sur toi, tu admires ce qui est propre chez les autres, etc. C’est quelque chose qui coule dans mes veines, et c’est pourquoi j’aime autant la sape.

SA : Je peux confirmer que tout est très instinctif chez Kelly. Il a juste à enfiler un vêtement pour instantanément faire corps avec lui. Tu sens qu’il n’a pas besoin de forcer les choses.

KO : Ceci dit, j’aimerais un jour faire comme Stéphane et pouvoir porter mes propres vêtements.

Chacun à votre manière, vous êtes tous les deux rattachés à Converse, une marque dont l’histoire est en partie liée au basket. Est-ce que ce passif a joué un rôle dans votre envie de collaborer avec la marque ?

SA : Clairement. Je pense même que c’est une des raisons pour lesquelles ils ont fait appel à moi. À la base, j’étais en train de travailler sur une collection de vêtements pour Nike quand j’ai reçu un appel de Converse qui me disait : « On vient de signer Kelly, est-ce qu’on ne partirait pas sur une paire de Converse plutôt qu’une paire de Nike ? ». C’est comme ça que ça a commencé. Je suis donc reparti quatre jours à Portland pour penser le design, puis j’ai passé un jour et demi à Boston pour découvrir la paire. C’était le premier prototype, et je n’en étais pas particulièrement fan à ce moment-là. Puis je l’ai essayée et j’ai fini par l’apprécier. Mais c’est clair que sans cet ADN basket, ça n’aurait été ni authentique ni cohérent, donc je ne l’aurais pas fait. Je préfère faire petit mais faire bien plutôt que voir les choses en grand mais qu’il n’y ait pas d’âme.

KO : De mon côté, j’étais juste là pour m’assurer que tout ce qui concerne l’aspect « performance » ne soit pas négligé. Autrement, je n’avais pas réellement conscience de tout ce qui pouvait être fait avec la paire. C’est la première fois que j’assiste au processus de création. C’est assez fou parce que chaque détail apporté donne un nouvel éclat à la chaussure. Peu importe ce que c’est, à partir du moment où tu ajoutes un élément, tu rends ton message visible. Tu te sers vraiment de la paire comme base créative. Je n’avais jamais vu ça.

Comment cet « ADN basket » de Converse se manifeste-t-il aujourd’hui ? Sachant que beaucoup de gens n’ont même pas idée que la Chuck Taylor était à l’origine une paire destinée à la pratique du basket, par exemple.

SA : Je pense que c’est le point de départ d’un nouveau cycle pour Converse. Et le fait de nous avoir embarqué dans ce projet, Kelly et moi, rend cette histoire d’autant plus crédible. D’autant qu’ils nous ont laissé de temps de bien faire les choses. On en a écrit les premières pages, et on verra ce qui se passera par la suite.

KO : Je pense que le message qu’il y a derrière cette paire, c’est aussi justement que ce n’est pas qu’une paire pour le basket. Quand les gens verront ce modèle sur différentes tenues, ils ne réaliseront même pas que c’est une chaussure faite pour les parquets. Tu n’es pas forcé de la porter exclusivement sur le terrain, tu peux très bien l’intégrer à ta tenue de tous les jours. C’est ce qui est voulu en tout cas.

Dans quelle mesure vous vous souciez de votre style une fois sur le terrain ?

KO : C’est très important. Il faut que j’aie l’air frais. C’est ma seule manière d’opérer. [rires] Il y a probablement des gens qui n’en ont rien à foutre, mais personnellement, je tiens à rester impeccable sur même le terrain.

SA : Pour ma part, j’ai une autre manière de voir les choses. À Paris, je suis connu pour venir sur les terrains avec les mêmes vêtements que je porte quand je suis en train de bosser. Je me contente juste de réajuster un peu certains trucs, par exemple mon sweat que je vais retourner pour l’occasion, ce genre de détails.

KO : Pareil ! Je porte la tenue que j’ai sur moi, et au mieux j’enlève mon t-shirt. Mais je ne prends pas forcément la peine de changer de tenue.

SA : J’ai vu des photos et ça m’a étonné de voir Kelly comme ça. Le mec arrive à l’entraînement, il fait tomber le t-shirt et joue avec toutes chaînes en or sur lui. C’est le basketteur le plus stylé que je n’ai jamais vu.

Stéphane, qu’est-ce quin dans le basket, t’inspire tant quand il s’agit de concevoir des vêtements ? 

SA : Je suis simplement passionné par le jeu. J’entraîne des gamins depuis plus d’une dizaine d’années – depuis que j’ai 17 ans à vrai dire – donc c’est ancré dans mon ADN. Et s’il y a une chose que j’ai appris de ce sport par rapport à la mode, c’est que tu dois te sentir à l’aise dans tes vêtements. Au niveau des associations de couleurs également, le basket m’a beaucoup appris. Je me rappelle quand j’avais 7 ou 8 ans, j’adorais regarder les logos des équipes de NBA pour justement voir quel genre de couleurs allaient bien ensemble. Et en ayant grandi à Paris, j’ai pu faire ma propre cuisine avec tous ces ingrédients-là.

Quelle était l’ambition de cette collaboration entre Pigalle et Converse ? Ramener un peu plus de style sur les parquets ou au contraire faire en sorte qu’une paire de basketteur puisse devenir une paire de tous les jours ?

KO : Un peu des deux. On voulait juste s’assurer que la paire soit lourde, et qu’elle puisse l’être aux yeux de tout le monde. Peu importe que tu joues au basket ou que tu fasses de la danse, que tu sois un homme ou une femme… Une femme pourrait très bien voir ce modèle et se dire : « J’aime beaucoup, je me verrais bien la porter ! ». D’autant que la chaussure n’est pas aussi imposante que celles habituellement destinées à la pratique du basket, c’est un peu plus passe-partout.

SA : C’est vrai que pour le coup, la silhouette est assez affinée. Moi-même je prends du plaisir à la porter au quotidien. Comme vous le savez, j’ai mon propre terrain à Pigalle et parfois, quand je suis en vélo, ça m’arrive de voir des gamins en train de jouer au basket et de m’arrêter pour jouer avec eux. Dans ce genre de situation, c’est un luxe de ne pas à avoir à changer 2 ou 3 fois de paire dans la journée. J’ai envie de pouvoir faire toute la journée avec une seule paire, et celle-ci me le permet.

Pour conclure, j’aimerais Stéphane que tu me parles de ton projet Craft Studio et du travail que tu poursuis avec les jeunes de Pigalle ?

SA : Pour ce qui est des jeunes, rien de nouveau. Je suis un peu le maire underground de cet arrondissement de la ville, donc j’essaie de prendre soin de la communauté du mieux que je peux et ce depuis un petit bout de temps. Quant à Craft Studio, c’est une manière pour moi de donner une plateforme à la jeunesse, un endroit où ils peuvent fabriquer des vêtements, enregistrer un morceau, s’entraîner aux côtés de leurs amis et parfois d’invités prestigieux. Pour résumer, Craft Studio, c’est là où j’investis mon argent. C’est comme ça que j’essaie de rendre à la communauté, mais aussi de la faire participer.

Tu veux être un rappeur à succès en 2019 ? Trouve-toi la bonne idée… ou fais semblant d’en avoir une. Aujourd’hui rien ne se créé, rien ne se perd et tout s’uniformise. Oui, le rap est devenu une culture monumentale. Mais il en est autant une industrie de pareille qualité. Et si la tonne de sorties hebdomadaires paraît être une bénédiction pour tous les fans, il est de bon ton de se demander si le rap n’est pas arrivé au terme de son évolution en 2015.

Illustrations : @popiandrieu

En cette fin de décennie, le rap se porte mal. Jamais pourtant le rap n’a joui de pareille considération. Les certifications pleuvent, les dizaines de millions de vues aussi. Les artistes prolifèrent et leurs projets se succèdent pour palier aux besoins boulimiques des auditeurs. Depuis 2010, plus de 2.000 projets ont vu le jour ; c’est énorme. Et si d’aucuns estiment que le genre francophone vit son second âge d’or, à analyser brièvement la somme d’œuvres réalisées depuis cinq ans, on ne peut que constater l’omniprésence d’une odeur de réchauffé. Sommes-nous en face d’un divorce entre la pauvreté des œuvres que l’industrie produit et l’inflation des commentaires que la moindre d’entre elles suscite ? La question mérite d’être posée.

La faute à la démocratisation. À un style qui devient « pop », entendez « populaire ». Le monde entier écoute du rap, il en raffole. Résultat : tout le monde veut en faire. Alors l’industrie met les bouchées triples : il faut nourrir la machine. Histoire de satisfaire la curiosité carnivore toujours croissante de l’auditeur, on accélère et on simplifie la chaîne de création. En fin de compte, tout se ressemble : le goût s’uniformise et les tendances ne sont que d’anciens schémas recyclés au moment le plus opportun. En 2019, la majorité des albums sont des blockbusters et la plupart des rappeurs sont les pantins de producteurs avides qui construisent leurs carrières comme des type-beats.

Au revoir la technique, bonjour le concept

« Lorsque quelqu’un s’avise de mettre cinquante boîtes de soupe Campbell sur une toile, ce n’est pas le point de vue optique qui nous préoccupe. Ce qui nous intéresse, c’est le concept qui fait mettre cinquante boîtes de Campbell sur une toile. » Une citation plus tard et Marcel Duchamp signe la naissance de ce que deviendra a posteriori l’art contemporain. Depuis, la vision de l’art autant que la manière d’en faire ont drastiquement changé. Avant, l’art était considéré comme suprême, presque divin. La technique était au-dessus de tout et le milieu réservé aux esthètes et aux académiciens. Il suffit d’observer les plus grandes œuvres exposées dans les musées les plus importants du monde pour constater que la maîtrise des outils était, au-delà d’être nécessaire, indispensable à, justement, l’exposition de ces dites œuvres. 

Dans ce monde en vase clos qui se regardait le nombril, Marcel Duchamp change la donne en exposant un urinoir renversé au milieu d’une galerie. Alors directeur de la « Society of Independent Artists », dont le but était d’accueillir n’importe quelle œuvre de n’importe quel artiste tant que celui-ci payait les six dollars requis pour l’exposition, il décide de porter le concept à son maximum. Ironie du sort, l’urinoir est refusé par les autres membres et Duchamp démissionne de son poste. Ironie du sort bis, le refus aura suffi à Marcel pour prouver son point : n’importe quel objet devrait être considéré comme une œuvre d’art tant qu’on le considère comme tel.

À partir de maintenant, si untel veut mettre une armoire usée penchée dans une galerie et affirmer que « ceci est une œuvre », elle l’est. Au même titre qu’une sculpture hyper-réaliste ou qu’un portrait à l’acrylique. Fin de l’histoire. L’art n’est plus divin, ou peut-être, est divin en ce qu’il n’appartient plus à une élite, mais au quidam. Tout le monde peut devenir artiste, et tout le monde peut parler d’art. Et oui, ça change tout. Car la maîtrise technique n’est plus une nécessité mais un style, et n’importe qui peut juger, par exemple, le dernier film de Kechiche comme s’il était derrière la caméra, la dernière prod’ de Pharrell Williams sans aucune notion de solfège, ou être certifié disque de platine sans n’avoir jamais entendu le nom de IAM.

L’art qu’imaginait Duchamp, c’était l’idée au détriment de la technique. Mais dans un XXe siècle en proie à une dictature économique qui vise à transformer les cultures en industries mondiales dès lors qu’elles rapportent un pécule, la conception qu’avait Marcel va rapidement se transformer en une nouvelle manière de « faire de l’art ». Bienvenue dans un nouveau marché où les artistes ingénieux surpassent les artistes « juste » géniaux.

Au 21e siècle, l’œuvre d’art est un objet industrialisé

En 2008, le premier petit génie de YouTube Mozinor parodiait une interview de Luc Besson au sujet des schémas typiques de ses productions à l’américaine : « Alors Luc Besson, dites-nous, c’est quoi la formule magique pour produire un film à succès ? » — « Il faut que le héros, il soit costaud, et qu’il protège une fille contre des méchants. » En grossissant à peine le trait, Mozinor pointait du doigt le fait selon lequel l’idée des films de Luc se suffisait à elle-même. Un film d’EuropaCorp qui fonctionnait, c’était un film dont l’histoire s’exprimait en une phrase « sujet-verbe-complément ». En créant un faux générateur, le YouTubeur illustrait son propos de la meilleure des manières : il n’y avait aucune créativité, simplement des mots-clés à poser côte à côte de manière aléatoire selon les tendances actuelles. Après tout, il fallait bien trouver un système-réponse efficace devant l’arrivée d’un concurrent majeur et imprévu : la télévision.

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Lors des années qui succédèrent à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la télévision met à mal le règne supposé du cinéma. La fréquentation des salles est en chute libre et l’achat de poste-téléviseurs en croissance presqu’exponentielle. Hollywood n’a alors qu’une seule solution : faire du spectaculaire, jouer la carte du « shock-value » histoire d’attirer l’attention d’un public qui avait détourné le regard. Avec l’arrivée du numérique, l’invention des « blockbusters » était donc évidente et n’était qu’une réponse à un système de consommation qui comptait mettre à mal la dominance du cinéma dans l’industrie audiovisuelle. Alors, lorsque les producteurs ont compris que les films à mots-clés pouvaient leur permettre de faire du 7e art l’industrie impérialiste et hégémonique qu’elle est aujourd’hui -et ce malgré le retour en force des séries TV depuis une dizaine d’années-, ils ont forcément sauté le pas en inventant une science, une équation du « film à succès ».

Ces produits industriels se sont mis à dicter autant les tendances qu’ils ne s’y contraignaient. Des tendances qui, elles, ont dicté le goût. Un goût qui, lui, s’est uniformisé et a anesthésié les désirs personnels du public. Un public qui dès lors ne savait plus ce qu’il voulait, ou, pire, pensait le savoir. Logique. Avec une telle proposition hebdomadaire de nouveaux films en tous genres, il est normal de penser que le cinéma est varié, plaisant, en continuelle croissance et rempli de créativité. Et pourtant, si l’on prend le temps de brièvement analyser les films proposés tous les mercredis (jours de sortie officiels), on remarque finalement que chaque film est un « mot-clé » qui en remplace un autre, voire se remplace lui-même. Et comme toutes les bonnes choses qui fonctionnent sont aussitôt adoptées avant d’être recrachées par les industries, le rap n’y a pas échappé.

Toujours dans la tendance, jamais dans la bonne direction

En 2012, l’Abcdrduson rapportait dans un long — et génial — entretien les propos de Thibaut de Longeville sur vingt ans d’évolution du rap français auxquels il a directement participé : « Le rap français est devenu une espèce de sous-genre musical, marginal, avec ses propres règles. Des règles venues uniquement de succès commerciaux. (…) [les artistes] étaient dans un truc très business et personne ne les protégeait de ça. Ça a façonné la manière dont ils devaient faire des disques. Ils rentraient en studio, en disant ‘on va faire deux morceaux pour Skyrock’. Je l’ai entendu tellement de fois ça… Sans dire que cette radio est le diable, ça se voyait que les mecs voulaient réitérer la formule commerciale qui avait fait leur premier succès. » Presque 10 ans après, les analyses de Thibaut, au-delà de s’être confirmées, sont encore et toujours d’actualité. La faute à l’industrialisation de l’art, de ces œuvres devenues des produits que l’on ne juge que selon le temps qu’ils mettront à rapporter plus d’argent qu’ils n’en ont coûté. En 2019, les albums n’en sont, évidemment, pas exemptés.

Sur le même modèle que le cinéma un siècle auparavant, le rap a été mis à mal par un concurrent, lui aussi interne à sa propre évolution et explosion : le marché du streaming. En stimulant la fourmilière de l’intérieur, le rap français atterri en haut des charts pour n’en être que très rarement délogé depuis. Néanmoins, la course à la productivité, inhérente à ce nouveau système de consommation, a forcé les maisons de disques à transformer les rappeurs en mots-clés et leurs albums en produits. Pour se faire entendre à partir de 2015, où la compétition fait rage, il faut sortir du lot par tous les moyens possible. Bien malins ont été Gradur, MHD, Jul ou PNL pour avoir été, sinon les premiers, du moins ceux qui ont démocratisé la drill, l’afro-trap, « la rue au soleil » et le cloud rap à tour de rôle. Avec le succès que chacun a connu, beaucoup de rappeurs ont compris que ces néo-styles allaient truster les tendances pendant un bon bout de temps.

À l’époque donc, un rappeur qui souhaitait réussir se devait de choisir l’une des cinq routes dessinées par les nouveaux petits princes du rap français : Nekfeu, Jul, PNL, MHD, Gradur. Cinq routes qui se réduisaient finalement à un concept ; rap technique, rap vitamine D, rap atmosphérique, rap dansant, rap de rue. En réalité, en devenant une hyper-industrie au travers de l’explosion du marché du streaming, le rap français s’est segmenté en plusieurs algorithmes et équations qui se suffisent à eux-mêmes pour faire d’un artiste un produit solide et durable qui vend.

Et puisque dans un régime comme celui-ci, chaque concept qui marche fonctionne d’abord parce qu’il est nouveau, avant de devenir une tendance surexploitée, on entre dans un cercle vicieux où le consommateur sait ce qu’il ne veut pas et croit savoir ce qu’il veut. Sur le même principe que les sorties au cinéma tous les mercredis, les vendredis du rap français sont majoritairement des journées où l’on voit une série d’albums-mots-clés en remplacer une autre — à l’infini. L’exemple parfait étant le « Hit de l’été », qui se voit tous les ans être réalisé par les mêmes têtes avec les mêmes schémas perpétuels. De la même manière qu’un producteur intelligent fera de Christian Clavier et Ary Abittan les stars d’une giga-comédie française destinée à faire plusieurs millions d’entrées, un rappeur ingénieux ira chercher Naza, 4keus, Niska ou Alonzo pour sortir son morceau en juillet et réaliser sans trop de surprises plus de vingt ou trente millions de vues.

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Depuis 2015, le rap français n’a plus rien inventé

C’est un système d’offre et de demande, une gigantesque bourse où les acteurs du milieu spéculent sur ce qui peut marcher suivant une équation des tendances actuelles. Alors, comment sortir du lot ?  Les attachés de presse font des pieds et des mains pour attirer l’attention sur ce qui leur semble être la prochaine star du rap français. Les médias présentent un rookie en confondant sciemment sa valeur à date et son potentiel d’évolution pour attiser la curiosité de lecteurs et de spectateurs rompus au jeu des superlatifs. Quand tous les concepts semblent être en sur-régime complet, et qu’on n’a plus le temps de se poser plus d’une année afin de réaliser un album innovant de peur de se faire oublier du public, l’une des solutions est encore de puiser dans un concept du passé. Si bien que les jeunes auditeurs, drainés par la démocratisation du genre auront l’impression d’entendre quelque chose qu’ils n’ont jamais entendu.

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Dans toutes ces catégories nouvelles de rap, existantes depuis les fondements du genre mais désormais citées et admises comme « sous-genres », comment réussir à distinguer les créatifs des techniciens ? Les pro-concepts des professionnels ? Comment savoir si, finalement, MHD est un bon rappeur ou plutôt un illusionniste qui a fait croire au plus grand nombre à la naissance de l’afro-trap, tandis que quinze ans auparavant, Passi s’y prêtait déjà sur le projet Bisso Na Bisso avec de l’afro-rap ? Afro-rap qui est, globalement, l’exacte même chose que de l’afro-trap, à seule différence près que la trap est le rap de 2015.

Finalement, si tous les concepts ont été faits et refaits et encore refaits, que reste-t-il ? Aujourd’hui, tous les albums sortent du même moule. Il en faut pour tout le monde, mais personne n’est jamais assez content. Difficile de savoir si un rappeur comme Lil Nas X (du moins son équipe artistique) a autant de profondeur et de talent que d’intelligence pour trouver des concepts qui fonctionnent. Ça fait beaucoup d’estimations. Difficile encore de savoir qui de 6ix9ine, Lil Pump, ITSOKTOCRY, ou de Lil Xan est autre chose qu’une énième « industry plant », traduisez « une pure création de l’industrie ». Ce qui est sûr, c’est que le rap est arrivé à saturation. À servir la même soupe, l’industrie a habitué l’auditeur à manger les mêmes grumeaux, mettre discrètement un croûton, laisser le public y goûter, s’y habituer, et puis servir une soupe avec uniquement des croûtons, avant d’ajouter discrètement un bout de viande, et ainsi de suite.

Si Duchamp a rendu l’art accessible en le désacralisant au XXème siècle, il est surtout devenu inaccessible en terme monétaire pour ne finalement (re)concerner qu’un petit groupe de happy few en costumes aujourd’hui. Un schéma qui rappelle celui que connait le « cinéma d’auteur » de nos jours, anciennement le plus populaire, aujourd’hui tourné en ridicule par un public majoritaire qui estime n’y voir que des auteurs qui se masturbent sur leurs créations. Ce qui s’est finalement passé dans le rap, quand le genre a pris un tournant plus léger, où les artistes qui mettaient un point d’honneur à « bien écrire » ont de moins en moins intéressé le grand public ; jusqu’à en dégouter certains artistes. Le rap de 2029 sera peut-être fait de rappeurs qui reviennent aux bases, aux fondements, à la technique pure. Et Koba LaD devra peut-être remixer « Petit frère » de IAM pour encore plaire au public français.

Rendez-vous incontournable de la musique électro, le Peacock Society Festival revient une nouvelle fois au coeur du Parc Floral pour deux jours qui célèbrent les cultures électroniques. Cette édition 2019 s’ouvre un peu plus et propose des artistes qui flirtent avec différents styles et sont proches de l’ADN YARD. C’est le cas du rappeur franco-anglais Octavian qui collaborait notamment avec Mura Masa et de l’artiste coréenne-américaine Yaeji, qui mélange habillement house et hip-hop. En plus de ça, vous aurez également droit à un DJ set de notre chère Andy 4000, que vous pourrez retrouver au YARD Summer Club du 6 juillet.

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Le Peacock Society Festival aura lieu les 5 et 6 juillet et on vous fait gagner des places ! Pour participer, il vous suffit de remplir le formulaire juste en dessous. 

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Ils traînent leur dégaine dans le rap français depuis plus de dix ans. Ils n’ont jamais fait l’unanimité, même après s’être unis avec Alkpote le temps d’un ténébreux projet. Pourtant, les trublions de Butter Bullets sont toujours là, rendent toujours fiers ceux qui les suivent sans failles depuis le commencement, et continuent de produire une musique radicale mais précieuse. Interview pour la sortie de leur quatrième album, Noir Metal.

Photos : @antoine_sarl
Co-auteur : Yera Diaby

« Je suis une énigme depuis tout petit », entonne Sidisid, moitié du duo Butter Bullets, dans le nouvel album de ce groupe majeur de l’underground français. Noir Metal est sorti ce lundi 24 juin, à l’écart des traditionnelles sorties du vendredi propres au rap qui nous donnent, souvent, d’indigestes week-ends auditifs. Il sera célébré le 27 juin au Rude Manners, dans le 11e arrondissement de Paris, où il sera distribué sous forme de… cassette. Oui, le duo formé par Sidisid (rappeur) et Dela (producteur) est une énigme depuis plus d’une dizaine d’années. Tantôt qualifié de « groupe bizarroïde pour auditeurs perchés » tantôt de rappeurs pour intellectuels — le journaliste Victor Robert leur avait rendu hommage sur le plateau du Grand Journal de Canal+ -, Butter Bullets trace sa propre route sans jamais se compromettre dans le paysage rap francophone. Leur rap est cru, corrosif, clivant. Il prend à contrepied, à l’image de choix de carrière sans dérive : là où une partie de leur public attendrait un second volet du célèbre Ténébreuse Musique conçu avec Alkpote comme troisième roue du carrosse, Butter Bullets préfère revenir aux sources et nourrir la petite — mais solide — fanbase qui les soutient depuis une décennie, sans jamais que cela ne soit par affiliation. Noir Metal est le fruit de cette volonté. Interview avec Sidisid pour mieux comprendre, l’insaisissable Dela n’ayant pas pu quitter les circuits de course suisses.

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Pourquoi Noir Metal ?

Il n’y a pas de vraies raisons. On cherche toujours des noms à la con, on les trouve au dernier moment. Genre « Demon One », par exemple, on l’a choisi car il y a une faute de français dans le track : du coup on l’a appelé « Demon One » en hommage à Demon One de la Mafia K’1 Fry qui faisait beaucoup de fautes de français dans ces morceaux. Noir métal, c’est la couleur noire métallisée des grosses voitures — on a toujours aimé cette imagerie là. Je ne suis pas un mec qui brille, je ne suis pas dans le doré, mais j’aime ce qui est précieux.

Dans le clip de « Demon One », tu fais justement une surenchère de belles pièces vestimentaires. Comme si tu voulais envoyer un message aux amateurs de drip : « Même ma garde-robe est plus pointue que la vôtre. »

Ce n’est pas volontaire, c’est ma façon d’être. Je suis comme ça dans la vie. C’est vrai qu’il y a beaucoup de tenues dans le clip : c’est Kevin Elamrani qui m’a demandé d’avoir plein, plein de tenues. Il n’ya pas de message genre, pas de leçon de style ou autre. J’ai toujours été là-dedans : ma meuf est styliste — elle a d’ailleurs bossé sur le clip , ma mère est couturière, et elle m’a toujours fait plein de tenues. Dans ce clip, il n’y a pas de pièces si recherchées que ça. Ce sont des trucs que j’ai toujours eu, genre un full Burberry  ; ce n’est pas parce qu’aujourd’hui Burberry redevient un peu cool ou autre, j’ai toujours porté ça. Je ne suis pas à la recherche de tendances, je chine juste des vêtements tous les jours, je suis sur eBay tout le temps. Après, je comprends que ça puisse donner cette impression-là : le rap s’habille très mal, c’est une catastrophe. Même les ricains, c’est une catastrophe.

Dans « Jésus », tu dis que « tu marches sur l’eau », que tu es « le meilleur » : c’est uniquement pour l’egotrip, ou alors tu te sens vraiment au-dessus et incompris ?

C’est la base pour moi. Le rap, c’est de l’egotrip. Le rap que j’écoute c’est de l’egotrip et je fais juste le rap que j’aime écouter. Je sais faire d’autres choses pour les autres quand j’écris pour eux, mais moi je n’ai pas de trucs musicalement intéressants à raconter, des trucs qui puissent être chouette a l’écoute. Après, j’ai des thèmes très récurrents, genre l’argent et la mort, et je crois ça s’arrête là.

Tu as beaucoup écrit pour d’autres ?

Non, pas tant que ça. Mais j’ai déjà écrit pour des gens des choses qui ne sont pas sorties. Qui sortiront peut-être, je ne sais pas. J’arrive à me mettre dans un rôle, dans un personnage, quand je le fais pour d’autres. Quand je parle de moi, je ne peux pas m’inventer une vie.

C’est votre quatrième album, si on ne compte pas Crack Bizzz (2007). Comment expliques-tu que Butter Bullets reste autant niché dans le paysage rap français ?

Je parlais avec Gizo Evoracci l’autre jour. Il me disait qu’on était « trop vrais » : on fait vraiment trop ce qu’on aime, on ne va pas plus loin, on n’en a pas envie. Je le dis tout le temps, mais on ne va pas se mentir : le rap français, ça reste en France. C’est un petit pays. Des trucs un peu confidentiels comme nous marcheraient davantage si on était aux USA. On aurait une vraie carrière, on aurait bien pété, j’en suis sûr et certain. Aux USA, des mecs comme Maxo Kream ont de vraies carrières, ou les $uicideboy$, même si je n’aime pas leur musique. Je ne trouve pas qu’on soit bien plus chelous que quelqu’un comme Xxxtentacion.

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Mais du coup, quel est votre but ? Est-ce que c’est d’être écouté par cette même fanbase, petite mais fidèle depuis des années, ou alors de prendre le risque de la décevoir en rendant votre musique plus accessible ?

Forcément, il y a toujours l’envie de plus. Mais pour moi, on ne fait absolument pas de la musique « bizarre ». On fait juste du rap. Est-ce que des mecs comme Valee et Z Money, c’est du rap bizarre ? Un truc que je n’aime pas dans la musique, c’est justement les trucs bizarres. Genre des mecs qui sont en studio et qui se disent : « Viens on fait un truc bizarre. » Pour moi dans le rap, il n’y a rien de plus classique que ce que je fais. Noir Metal, c’est un album de rap pur et dur.

« Je ne trouve pas qu’on soit bien plus chelou que quelqu’un comme Xxxtentacion »

Tu rappes parce que tu en as besoin, comme un sportif qui a besoin de se défouler ?

J’en ai besoin, même si je pense qu’on en apprend plus sur moi dans une interview que dans un album. Je suis un mec qui aime rapper, clairement. Le jour où je n’aimerais plus le faire, je n’en ferais plus. Et bien sûr que j’ai envie qu’on écoute ma musique. Je pense que le fait que je me sois « séparé d’Alkpote », d’une partie de son public qui ne me connaissait qu’à travers lui, a fait que j’ai perdu une partie de mon audience qui ne comprenait pas ma musique mais que j’ai réussi à garder le public que je voulais. En vérité, je n’attends rien de particulier, j’attends que les gens soient satisfaits. Qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas, qu’ils aient un envie. Enfin, si demain je sors un clip que tout le monde déteste, là, j’arrêterai parce que ça deviendra trop bizarre. Mais les gens qui écoutent notre musique l’aiment. J’aime en faire, et je leur en donne : c’est aussi simple que ça.

« T’as jamais vu quelqu’un d’aussi têtu », tu dis dans « Jésus ». Tu te dirais têtu dans ta manière de faire de la musique depuis toutes ces années ?

Il y a une différence entre têtu et être fermé. C’est très diffèrent : être fermé, c’est négatif. Être têtu, c’est quelque chose de positif : c’est être convaincu. Quand parfois on me dit que je suis un peu fermé d’esprit, je le prends comme un truc vraiment très négatif. Je ne suis absolument pas fermé, par contre je suis radical, j’ai des certitudes qui ne concernent que moi. Je suis radical vis-à-vis de moi-même, je ne suis pas radical avec les gens. Chacun aime ce qu’il veut.

« J’ai pris des risques, j’ai pris des rides » : quel est le dernier risque que tu as pris ?

Pour moi, c’était risqué de rester à Paris parce que j’ai vraiment du mal à supporter la France actuellement. Et Bruxelles, c’est à une heure de Paris. À Bruxelles, je ne sors pas de chez moi parce que je n’en ressens pas le besoin : je ne connais pas bien la ville et je ne suis pas sûr d’avoir envie de la connaître. C’est vraiment une façon de me mettre à l’écart de la société, mais d’y être quand même. En tout cas, je n’y suis pas allé pour le rap.

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La scène belge ne t’intéresse pas ?

Faire un feat. Damso, je veux bien, mais les autres jamais.

Pourquoi tu as du mal à supporter la France ? Tu parles de la France du rap ?

Encore une fois, en France, le rap, c’est ultra compliqué. On dit qu’aujourd’hui le rap n’a jamais aussi bien marché, mais ce n’est pas vrai. Ce n’est pas le rap qui marche en France, ce sont des rythmiques afro, des rythmiques des caraïbes… Je ne suis pas un vieux con, mais ce n’est pas du rap : c’est une musique vaguement inspirée du rap, mais ce n’est pas du rap. Je n’écoute plus de rap français, alors que j’en ai toujours écouté. Je ne sais plus quoi écouter, c’est très compliqué. Avant j’écoutais tout, mais par exemple prendre le métro et écouter un petit morceau, je ne le fais pas depuis un ou deux ans. Le dernier album que j’ai écouté ? C’est celui de Nekfeu. Et non, je n’ai pas aimé : personne n’a aimé à part des jeunes de 16 ans. J’ai aimé l’album de Joe Lucazz et Éloquence, mais ce sont mes potes.

Zola, je n’ai pas trop écouté, PNL, ça m’a toujours fait un peu chier même si j’ai bien aimé « Je vis, je visser ». Après, ça m’emmerde un peu, ce n’est pas fait pour moi. Il y a toujours un truc qui ne va pas, quelque chose qui va être dit, qui va me me déranger et après je ne pourrai plus écouter. Comme je t’ai dit, je suis radical. Et je trouve ma musique beaucoup moins radicale que moi. Il ne faut pas me parler d’Xxxtentacion, c’est impossible, je ne veux pas entendre parler de ce mec. J’adorais R. Kelly, mais il m’est impossible de l’écouter aujourd’hui après tout ce qui est sorti sur lui. Donc oui, je suis radical mais ma musique, elle, ne l’est pas.

« Je suis radical mais ma musique, elle, ne l’est pas »

Encore une fois, tu dis que tu as pris des rides : comment vieillir dans le rap ? Cet album, avec une cover assez funeste, n’est pas l’ultime album de Butter Bullets ?

J’aime bien les albums, j’aime bien les univers. Faire de la musique pour moi, c’est faire des albums en entier et transmettre aux gens une ambiance, un univers. Ceux qui nous écoutent veulent écouter un album entier. Je ne me vois pas faire comme Booba et balancer des morceaux par-ci par-là, vieillir dans la musique comme ça. Vieillir dans le rap en France, c’est impossible. Il n’y aura jamais un Jay-Z en France. Jay-Z, c’est le maire de New York… Tu vois, c’est impossible en France ; on ne va pas se mentir, la France n’est pas un pays de rap.

La partie production de Butter Bullets, Dela, est horloger en Suisse. Toi, tu es exilé à Bruxelles. Comment concevez-vous vos albums ?

Avec Dela on se parle tous les jours, on s’envoie des trucs tout le temps. On produit tous les jours, mais on travaille avec des gens qui sont très lents, qui traînent… Lui s’en fiche un peu. C’est l’artiste maudit qui reste chez lui et qui s’en fout parfois un peu de tout. Ce qui l’intéresse, c’est de conduire des Porsche. Aujourd’hui, j’ai plus de temps qu’avant donc je vais produire plus de trucs. Je vais prendre le temps. Et pourquoi ça s’arrêterait ? Tant que je me sentirais légitime, je ne m’arrêterais pas. Ou alors j’arrêterais le jour où personne n’écoutera plus ma musique. Pour répondre à ta question précédente : je préfère un petit public très solide qu’un énorme public volatile qui n’a pas de goût. On fait de la musique intellectuelle pour des gens qui ont du goût. Le problème, c’est que la masse en France n’a pas énormément de goût mais ça, c’est pas nouveau.

Après une saison 2018 mouvementée et forte en émotions, on avait la pression pour cette nouvelle année. Après tout, il faut bien vous remercier d’être toujours présents et aussi fous après tout ce temps passé ensemble. Il fallait donc que l’été 2019 soit encore plus mémorable que le précédent, et quoi de mieux que de partir à l’étranger, dans cette Europe cosmopolite qu’on adore. Ah, on sait ce qu’il y a de mieux : partir à Londres et Amsterdam avec notre allié de longue-date et méga-star belge, Hamza.

Pour celles et ceux qui ne nous connaissent pas encore – vous avez le droit mais honte à vous -, les soirées YARD sont des geysers d’énergies. Il faut remercier notre troupe phare de DJs, dont la qualité suprême est d’alterner entre le meilleur cru du rap et du r&b avec la richesse de l’afrobeat et du dancehall. En bref, la synthèse de ce que la musique a de mieux à nous offrir en cette fin de décennie.

Alors après cette brève présentation, on se donne toutes et tous rendez-vous le 25 juillet à Londres et le 27 juillet à Amsterdam pour fêter comme il se doit la grande première du YARD Summer Club à l’extérieur de ses frontières françaises. Comme le dirait Nekfeu, oui, le rap nous a sauvé. Et comme le dirait Hamza qui, comme on le sait déjà, va retourner mieux que personne deux des plus grandes villes européennes : « J’vis un truc qu’ils sont sûrement pas prêts de vivre. »

Toujours avec notre fournisseur officiel de vibes, Havana Club.

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Philippe Zdar n’est plus, et sa disparition laisse un grand vide dans le monde de la musique. Du côté de l’électro, où son oeuvre au sein de Cassius l’a érigé en pionnier de la French touch, mais pas que. Retour sur ses attaches hip-hop. 

« Je fais tout ce qui est possible de faire dans la musique. » C’est ainsi que Zdar décrivait, en 2011 pour Brain, son métier. Sa disparition ce mercredi 19 juin 2019, des suites d’une « chute accidentelle par la fenêtre d’un étage élevé d’un immeuble parisien », dixit son manager Sébastien Farran, nous rappelle au mauvais souvenir de celle de DJ Mehdi, décédé en septembre 2011 dans des circonstances similaires. Moitié du tandem électro Cassius, Philippe Cerboneschi – de son vrai nom – nous a donc quitté à l’âge de 50 ans. Et si la trace qu’il a laissé en son sein n’est peut-être pas évidente pour tous, le monde du hip-hop aurait tort de ne pas s’émouvoir de sa mort comme il a pleuré celle de l’ancien membre de la Mafia K’1 Fry.

Car, à l’instar de DJ Mehdi, Zdar était un de ces artistes sans frontières, capable de puiser le meilleur du rap, comme de l’électro ou du rock, et dont l’oeuvre a largement contribué au décloisonnement des genres musicaux. Arrivé à Paris en provenance de Savoie dans le milieu des années 80, Philippe Cerboneschi commence en tant qu’ingé son au studio Marcadet, où il assiste notamment Dominique Blanc-Francard, producteur de renom et père d’Hubert – qui deviendra son plus illustre compagnon de route. Là-bas, il croise la route de quelques unes de grandes icônes de l’époque, parmi lesquelles Serge Gainsbourg, Étienne Daho ou Vanessa Paradis. Sauf que son truc à lui, c’est le rap ; cette nouvelle musique en vogue dont il apprécie la fougueuse énergie.

Zdar s’y essaye en duo avec Boom Bass, au sein d’une formation hybride appelée La Funk Mob. Au début des années 90, les deux hommes se retrouvent à travailler avec une émergente scène rap française. Premier fait d’armes notable dans le genre : l’album Qui sème le vent récolte le tempo du jeune MC Solaar, où ils opèrent aussi bien à la production de quatre morceaux (dont le titre éponyme) qu’en tant qu’ingénieurs du son. Mixé par leurs soins, « Bouge de là » deviendra le premier single à véritablement ouvrir au rap les portes du succès mainstream. Leur collaboration avec Claude MC se poursuivra quant à elle sur pas moins de quatre albums, avant qu’ils ne décident d’emprunter une autre trajectoire musicale. L’acte de naissance de Cassius.

Des collaborations avec Pharrell, Mike D ou Ghostface Killah

« Le hip-hop nous a permis de mettre un pied dans la création, mais c’est la techno qui a fait de nous des vrais acteurs de la musique », reconnaitra d’ailleurs Zdar a posteriori. Dès 1999, leur premier disque sorti en 1999, la nouvelle formation de Philippe Cerboneschi et Hubert Blanc-Francard s’impose comme pionnière de la French touch, ce son électro si singulier qui séduit au-delà même des frontières de l’Hexagone. Le nom de Cassius s’inscrit alors aux côtés de ceux d’artistes comme Daft Punk, Air, Phoenix, Laurent Garnier ou Étienne de Crécy. Mais aussi radical soit-il, leur virage artistique de leur fait aucunement oublier leurs premiers émois, qu’ils continuent de distiller au compte-gouttes tout au long de leur seconde carrière musicale.

Sur 1999, le titre « Somebody » reprend ainsi un sample de « DWYCK » de Gang Starr. Leur second album Au rêve fait figurer dans son tracklisting un featuring avec la légende du Wu-Tang Ghostface Killah, tandis que Pharrell Williams s’invite pour sa part sur « Eye Water », titre extrait du projet 15 Again, sorti en 2006. Le dandy des Neptunes retrouvera Cassius dix ans plus tard sur l’album Ibifornia, au même titre que le Beastie Boy Mike D, venu prolonger le temps de deux titres une collaboration initiée avec Zdar sur Hot Sauce Comittee (Pt. 2), coproduit par le compositeur français. En 2011, ce sont finalement les deux mastodontes Jay-Z et Kanye West qui rendront hommage au duo, en reprenant leur hit « I <3 U SO » sur « Why I Love You », extrait du désormais classique Watch The Throne. La sortie de Dreems, le cinquième album de Cassius, est toujours prévue pour ce vendredi 21 juin.

Trois pays, quatre villes. Douze soirées. Des récits. Découvrez PARTY NEXT DOOR, un documentaire YARD et Miles sur la culture house party. 

“La musique fait vivre une expérience partagée. Une house party, c’est un sanctuaire, on y va pour être nous-mêmes, ou pas. On fait comme on veut.”

La culture house party s’est développée, sans le savoir, à travers des valeurs plus humaines et organiques que celles établies entre les murs froids de certains clubs. Les soirées en appart, décors privilégié de légendes qu’on se raconte encore à l’occasion, la voix teintée de nostalgie : le premier verre, le premier baiser, une déception, un rendez-vous manqué.

Les house party associent, le temps d’une soirée, ceux qui partagent des valeurs communes. Tant pis si tout le monde ne se connait pas vraiment, ils seront amis au petit matin. Qu’importe si la conversation est timide, forcée, le but est de (re)découvrir l’autre dans une ambiance joyeuse, libre. Aucune house party ne se ressemble vraiment, pourtant la fête est un exutoire pour tous. Une volonté de se retrouver, d’oublier le temps d’une nuit, de s’ouvrir aux autres.

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Featuring : A-Trak, YesJulz, Tealer, Kyu Steed, Nick Ansom, Rachel Karp, Jermaine « Jaja » Kamp, Ride Lo…

Production : Miles Film
Réalisation : Jesse Adangblenou, Serge Bondt, César Decharme
Musique originale : Bobby The Pollywog / (p) & (c) Astral

À l’occasion de la Coupe du Monde féminine, Nike a donné carte blanche à quatre créatrices qui ne cessent de faire parler d’elles : Yoon Ahn (AMBUSH), Christelle Kocher (Koché), Erin Magee (MadeMe) et Marine Serre, pour quatre concepts de maillots uniques. Alors que la première pièce sera disponible exclusivement en France dès demain, nous avons shooté les quatre petites pépites dans un édito exclusif.

Photos : @alextrescool

Plus qu’un simple vêtement de sport, le maillot de football a dépassé les frontières du ballon rond pour s’inscrire comme une pièce mode à part entière. Il se porte en dehors des matchs depuis des années, et a percé le microcosme de la mode en 2017 grâce au retour du maillot rétro et à la tendance du détournement comme la collection « Les vêtements de football » du magazine NSS.

À l’occasion de la Coupe du Monde féminine et pour célébrer ce sport, Nike a collaboré avec quatre des designer les plus en vogue du moment que sont Yoon Ahn, Christelle Kocher, Erin Magee et Marine Serre pour la création de maillots uniques représentant chacun leur univers respectif. Ils seront vendus en exclusivité au NikeLab de Paris entre le 20 et le 23 juin, et à partir du 10 juillet dans le monde entier.

AMBUSH et le Happi Coat | Disponible le 21/06 en exclu au NikeLab P75

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À l’opposé du maillot classique, Yoon Anh de la marque AMBUSH a choisi de s’inspirer de la veste japonaise Happi, dans l’idée de mettre en valeur la culture et la diversité du football : « Même si nous célébrons le tournois et ses incroyables joueuses féminines, je pense qu’il est tout aussi important pour les fans et un plus large public d’avoir une pièce universelle dans laquelle célébrer. »

Le patchwork de Koché | Disponible le 22/06 en exclu au NikeLab P75

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On vous parlait déjà de Koché pour son implication dans l’avènement du PSG en tant que marque hype, parce que la marque s’est notamment fait un nom grâce à la déconstruction et reconstruction de maillots du club parisien. Aujourd’hui, Koché signe une robe-maillot fluide imaginée pour le mouvement et qui intègre de la dentelle.

MadeMe fait appel à Athéna Nikè | Disponible le 23/06 en exclu au NikeLab P75

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Le maillot imaginé par Erin Magee de la marque MadeMe rend hommage à l’équipe féminine américaine de la fin des années 90, qui a marqué l’histoire après une vicroire 5-4 aux tirs au but contre l’équipe chinoise. Le maillot est orné d’une image de la déesse de la victoire Athéna Nike.

Croissant et Swoosh pour Marine Serre | Disponible le 20/06 en exclu au NikeLab P75

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Fidèle à sa direction artistique, Marine Serre crée un maillot fluo à col qu’elle associe à une combinaison tout deux marqués de son désormais célèbre croissant de lune.

En plein coeur de la Fashion Week parisienne, Virgil Abloh dévoilait ce 19 juin la prochaine collection de son label Off-White au détour d’un show étoilé, où se sont invités PNL, Sheck Wes et Gigi Hadid. On s’est baladé dans les backstages pour vous ramener des clichés exclusifs. 

Photos : @alextrescool

C’est au Carreau du Temple que Virgil Abloh et son équipe d’une quarantaine de mains ont posé leurs valises pour cette nouvelle collection Off-White Printemps/Été 2020. Entre 8h et 11h, le début du show, les coulisses sont en pleine ébullition : les mannequins courent de gauche à droite pour se faire maquiller et remaquiller à cause de la chaleur, les stylistes font les dernières retouches pendant que le lookbook de la collection est shooté sur place. Off-White SS20 gravite autour de deux thèmes : l’univers de l’artiste new-yorkais Futura, qui a peint et graffé sur des trenchs coat et des pantalons, et celui de l’escalade, avec notamment les vêtements techniques en nylon et les sneakers.

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Si Offset et Playboi Carti avaient défilé pour la marque la saison dernière, Sheck Wes était le seul rappeur à marcher sur le catwalk cette année, avec aux pieds la nouvelle Dunk Low en collaboration avec Futura. Encore plus important : la présence de PNL et notamment N.O.S, habillé d’un bob Jacquemus et d’un ensemble Off-White conçu exclusivement pour les deux frères. Mais pour les photographes étrangers présents en masse ce matin-là, c’est Gigi Hadid qui est au centre de l’attention, à tel point qu’elle s’exaspère après 10 minutes sous les flashs : « Merci à tous mais il y a 40 autres looks à photographier ! ».

À l’issue du défilé, les invités n’ont pas une seconde à perdre avant le prochain show. Idem pour Virgil Abloh, qui doit préparer sa deuxième collection homme chez Louis Vuitton. The show must go on.

Les 31 octobre, 1er et 2 novembre 2019, 50 artistes joueront sur les scènes de la Grande Halle de la Villette pour le Pitchfork Music Festival, à Paris. Puisqu’il met cette année l’accent sur l’urbain, le festival ne pouvait trouver un meilleur allié que YARD : on prend donc entièrement le contrôle du jeudi 31 octobre, pour une collaboration inédite qui fera date.

À force de décortiquer avec précision les disques les plus obscurs comme les plus attendus, Pitchfork est devenu l’auto-proclamée « voix la plus fiable de la musique ». Une promesse que le média basé à Chicago prolonge chaque année à travers la programmation pointue et éclectique de son Pitchfork Music Festival, qui depuis 2011 ne manque pas de faire une halte du côté de notre capitale. Les 31 octobre, 1er et 2 novembre prochain, ce seront près de 50 artistes qui se produiront sur les 4 scènes de la Grande Halle de la Villette. Et puisqu’il met cette année l’accent sur l’urbain pour ouvrir les hostilités, le festival ne pouvait trouver à Paris un meilleur allié que YARD pour takeover complètement le premier jour de l’événement.

C’est la première fois que Pitchfork s’associe de cette manière à une entité pour lui confier une journée entière de programmation. On prend donc le contrôle du jeudi 31 octobre, avec une sélection exceptionnelle d’artistes de notre ADN, tous regroupés sur la même journée : Skepta, Mura Masa, Hamza, Ateyaba (ex-Joke), Kojey Radical, slowthai et plein d’autres qu’on annoncera au compte-gouttes. Évidemment, on vous réserve d’autres surprises pour rendre ces 24 heures les plus épiques possible – comme Young Metro, vous nous faites confiance. Croyez-nous : vous ne voulez pas manquer ça.

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Constamment en quête de découverte de talents musicaux, Spinnup s’allie à ExcuseMyParty pour une nouvelle soirée dédiée à des rappeurs qui ont tout pour devenir les têtes d’affiche de demain. Vous pourrez assister aux lives de Juice (membres du crew MQEEBD Gang, qui compte notamment Mister V et Tortoz), de Liim’s, moitié du groupe Q.E Favelas ainsi qu’à ceux des rookies Welcome Jules et Ben. En plus de tout ça, Rakoto 3000, Mara et Shkyd que vous connaissez très bien s’occuperont de fournir les vibes comme ils le font si bien aux soirées YARD. La rap party Spinnup a lieu le jeudi 13 juin dans le sous-sol du Kube Hotel et on vous fait gagner des places.

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Rendez-vous le jeudi 13 juin pour la soirée Spinnup, on fait gagner des places. Pour participer, il vous suffit de remplir le formulaire juste en dessous.

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soirée spinnup

Le foot est le sport le plus populaire. Dans le monde arabe, il est l’occasion de rassemblements mémorables, dont les enjeux politiques et sociaux dépassent parfois largement le cadre du simple sport. Le ballon rond y cristallise amitiés et tensions, histoires de légendes et récits oubliés. Qui se souvient de Larbi Ben Barek, joueur marocain dont la carrière à l’OM, au sein de l’équipe de France puis à l’Altético de Madrid a marqué l’histoire du football ? Comment fonctionne le Nejmeh SC, ce club libanais qui a cherché sans relâche à incarner l’unité des ethnies et des confessions envers et contre tout ? Que s’est-il passé le 1er février 2012 à Port-Saïd ?

Dans un décor à l’effigie d’un stade, l’exposition « Foot et Monde Arabe » à L’Institut du Monde Arabe donne à voir les grands moments du football arabe. À travers ses archives, ses photographies de figures emblématiques et ses précieuses reliques — maillots, trophées, gants et crampons —, le visiteur est happé par une autre version de l’histoire. Tantôt muse pour les artistes, tantôt instrument politique, la passion du foot fédère toujours mais jamais pour les mêmes raisons. Jusqu’à laisser planer le doute : à quel déchaînement des foules donnera lieu la Coupe du monde 2022 au Qatar ?

Avec sérieux comme avec humour, ce parcours mis en place par l’IMA offre aux visiteurs la possibilité de découvrir des parcelles trop peu connues d’une histoire commune, mais aussi se mettre à la place des acteurs du football à travers des activités ludiques.

YARD t’offre des places pour de découvrir l’exposition. Pour participer, il te suffit de remplir le questionnaire juste en dessous. 

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« Foot et Monde Arabe », jusqu’au 21 juillet 2019 à l’Institut du Monde Arabe

1, rue des Fosses Saint-Bernard

Place Mohammed V

75005 Paris

On le savait bouillant, mais pas à ce point. Jeudi 6 juin, pour la première du YARD Summer Club édition 2019, on a invité le phénomène Diddi Trix en dernière minute pour son premier vrai showcase en solo. Et le rappeur de Bondy, qu’on vous avait présenté dans un On The Corner exclusif, n’a absolument pas déçu : au milieu d’une foulée déchaîné, l’artiste d’AWA, label de DJ Kore, a montré qu’il était la bête de scène que tout le monde attendait. La preuve : pour terminer son passage, il a rejoué « Pétou » une dernière fois dans la fournaise de Concrete pour marquer tout le monde au fer rouge. Incroyable.

Cimer à JD Sports, partenaire du YARD Summer Club, qui a habillé les artistes pour leur passage on stage !

Réalisation : @leojoubert

Tous les médias parlent de rap. Mais que pensent les rappeurs, eux, des médias ? Le journalisme rap, en France, est-il toujours pertinent à leurs yeux ? Ont-ils un réel intérêt à se prêter au « jeu » de la promo ? En quoi les médias leur sont-ils utiles ? Autant de questions que l’on s’est posées, mais que l’on a surtout posées aux artistes, et que l’on compile aujourd’hui dans ce long dossier. 

Illustrations : @bobbydollaros

En 2016, Yérim Sar, dont la récente suspension par la radio Mouv’ nous questionne à point nommé, signait ici le testament du journalisme rap en France. Un peu plus tard, en 2018, notre rédacteur Shkyd nous expliquait que ce même journalisme spécialisé avait cessé de s’aventurer sur le terrain de la véritable critique, laissant copinage, manque d’objectivité et peur gangréner notre travail. Et ce, à l’endroit même où les médias généralistes, eux, peinent à dépasser approximations et préjugés dans leur approche du rap, mais ne cessent pourtant d’en parler. Parfois de façon pertinente, parfois beaucoup moins.

Parce qu’il est à double tranchant, le jeu des médias reste donc dangereux pour les acteurs du rap game. De quoi se demander si nos rappeurs ont toujours un réel intérêt à le jouer. Ces derniers ont plus que jamais leur mot à dire : à l’ère des réseaux sociaux, lyrics acerbes, vidéos parodiques, tweets à bout portant et lassitude palpable en témoignent. Alors plutôt que de continuer à réfléchir de notre côté, nous les avons interrogés à travers dix entretiens de près d’une heure, enregistrés en deux mois.

Dix entretiens, dix profils complémentaires. Le premier avec un(e) attaché(e) de presse parisien(ne) qui nous a aidé à comprendre les enjeux d’une stratégie de promotion pour un artiste, son équipe et son label. Les neuf autres, avec des rappeurs-ses représentatifs-ves de la variété de la scène rap actuelle. Bolemvn, Chilla, Disiz, Jok’AirMédineSafia Bahmed-SchwartzSoso Maness, Tengo John, Zed Yun Pavarotti : tous ont répondu pour nous à des questions trop rarement posées, afin de nous aider à mieux comprendre notre rôle.

 

L’interview : banalité ou exercice délicat ?

DISIZ :

« Les interviews, ce n’est pas quelque chose que j’aime, à la base. Ça dépend de comment elle est menée bien sûr. Je transforme toujours tout en discussion, car pour moi je n’ai pas à expliquer ce que je fais. À partir du moment où on explique, ce n’est pas qu’on dénature, mais… Moi-même je ne sais pas trop ce que je fais en fait. Encore plus maintenant : je travaille beaucoup sur l’émotion, sur l’idée de retranscrire ou de traduire une émotion, c’est vraiment compliqué à décrire. Je trouve ça plus beau et plus intense de le faire en art, avec une musique et avec un processus artistique que de le faire de manière directe. C’est un peu trop froid. En fait, je dirais que c’est un mal nécessaire. »

BOLEMVN :

« Ce n’est pas naturel, tu deviens quelqu’un d’autre. Avant, je disais : ‘Moi, les gars, je ne sais pas parler.’ C’était vraiment grave ! On me disait que ça allait bien se passer, mais ce n’est pas du tout pareil que de parler dans une chanson. Ma tête était bizarre devant la caméra, ça se voyait que j’étais stressé. Et puis, il ne faut pas se répéter. Depuis, j’ai appris et j’ai évolué. Je regarde fort les interviews des autres, pour voir si la personne parle bien. J’essaye d’apprendre d’eux. Et maintenant je m’en fous, je suis moi, fin. Je dois encore bosser là-dessus, mais en fait j’aime bien qu’on me pose des questions. »

MÉDINE :

« En fait, moi, je fantasmais les grands tribuns des années 1980, tous ces gars qui savaient s’exprimer habilement devant la caméra et devant un micro. Ça fait partie de mon patrimoine, de ce qui nourrit mes textes et mon imaginaire de leadership. Par mimétisme, j’avais envie de leur ressembler. Je prenais parfois des costumes qui pouvaient être trop grands pour moi. Je le vivais un peu à la manière de Mbappé qui voulait jouer comme Thierry Henry à l’âge de douze ans. Malcom X et Luther King étaient mes exemples. Mais j’aime bien discuter. J’aime bien le dialogue. J’aime bien qu’on s’intéresse à ma musique. Je conçois que j’incarne pas mal de choses sur le plan social et culturel, que j’additionne certaines étiquettes et que ça peut être intéressant pour un journaliste. Je suis content de ne pas servir la réponse que certains pourraient attendre de moi. J’aime bien déconstruire. »

Pourquoi toutes les portes ne sont-elles pas ouvertes ?

SAFIA BAHMED-SCHWARTZ :

« Il est arrivé que mon attachée de presse ou moi fassions un pas vers un journaliste et que la personne nous réponde que je n’avais pas assez de notoriété. Dans ces moments-là, tu as l’impression d’être sur le point de rentrer en boîte et qu’un videur te dit : ‘Désolé, c’est pour les habitués.’ Parfois, c’est ce que je ressens. Mais quand je vois que Cardi B utilise son ‘média’ à elle, Instagram ou Twitter, pour justifier et expliquer un statement, je me dis que je n’ai pas besoin de lire d’autres articles après. Les réseaux sociaux et les médias sont poreux, les journalistes ont repris sa déclaration et, pour ma part, après l’avoir lue, je n’ai pas eu besoin de lire d’articles par la suite. Je trouve ça inspirant. »

SOSO MANESS :

« Mon attachée de presse a été un radeau de sauvetage pour moi. Je n’ai rien choisi, je lui ai fait confiance les yeux fermés et elle a charbonné pour que je puisse bénéficier de toute cette lumière et de toute cette exposition. Du coup, à la sortie de mon album, j’ai enchaîné les médias et les plateaux. C’était la première fois que je participais à une séance intense de rencontres avec les médias et je trouve que c’est une chance. Je me suis tellement plaint de ne pas en faire que je m’étais dit que j’avais une carte à jouer. Et ça a changé l’image que je renvoyais, avec le quartier, la prison, et ce que j’ai pu véhiculé dans ma musique et mes paroles — même si je n’ai jamais fait l’apologie du crime ou du trafic de stup’. Finalement, on a dit à Paris que Soso Maness était un bon client pour les interviews, c’était bien la première fois de ma vie qu’on disait que j’étais un bon client ! »

JOK’AIR :

« Les médias généralistes m’ignorent. Je ne plais pas à la ménagère. Des versions du pourquoi du comment, j’en ai entendu dix mille. Je ne suis jamais entré en radio. Une fois, j’ai sorti un morceau qui devait y entrer et le programmateur m’a dit : ‘Non, ton morceau est trop bien, mes auditeurs sont des chauffeurs-livreurs.’ Du coup, en tant qu’artiste, je me dis que je n’ai rien à faire dans cette radio, mais c’est désolant. Pourtant, je n’en veux à personne. Je m’en veux à moi-même. C’est pour ça que je bosse tout le temps, pour ne plus entendre ce genre de conneries. Je suis dans un entre-deux, c’est moi-même qui l’ai cherché et le jour où j’aurai trouvé ma place c’est que j’aurai vraiment créé quelque chose, c’est ça que je trouve excitant. »

Le bad buzz peut-il être fatal ?

MÉDINE :

« ‘Qui se justifie se crucifie.’ J’y crois dur comme fer. Quand on dit des choses fausses de toi et que tu essayes de rétablir la vérité, on ne te croit qu’approximativement. ‘Il a forcément quelque chose à se reprocher.’ Tu n’as pas d’argument contre la mauvaise foi, quand quelqu’un a décidé de te mettre dans la tourmente. On va te trouver un rapprochement qui est là quelque part, du coup tu ne fais que te raccrocher à des branches cassées. Ma première réaction, c’est de vouloir répondre frontalement. Ma deuxième réaction, c’est de réagir carrément à l’inverse, en prenant le contre-pied avec beaucoup de sarcasme. Mais je ne le fais pas non plus, au risque d’être terriblement incompris. Je sais que ça va se retourner contre moi. Et je ne veux pas rajouter au malheur. Donc tout ça, je ne le fais pas. Ma posture actuelle, c’est le silence. Et de répondre en musique. En incarnant ce que j’ai envie de véhiculer. Pas en me justifiant. Je ne vais pas dire : ‘Je suis un rappeur conscient’ ou ‘Je suis un rappeur à texte, à message’. Non, je m’efforce d’incarner le texte, la conscience qu’il peut y avoir dans une action anodine. Mais pas de l’expliquer. »

JOK’AIR :

« Je ne vais pas toujours jeter la faute sur les autres. Souvent, on s’explique mal ou on dit mal les choses. On est des êtres humains, on dit ce qu’on pense et ce qu’on pense aujourd’hui, ce n’est peut-être pas ce qu’on va penser demain. Et le média, lui, reste. Parfois, tu veux bien faire et tu agis mal, parfois, tu agis bien, mais les personnes autour de toi agissent mal, parfois, tout le monde agit bien et ça se passe très bien. Mais essayer de se justifier, aujourd’hui, c’est inutile. Dans notre ère, il se passe quelque chose chaque jour. Sur Twitter, chaque heure, chaque TT [trending topic, ndlr] est différent. Ça veut dire que si tu t’es planté une fois, on va te tomber dessus, mais dans vingt-quatre heures, le lendemain, c’est fini. Tu peux te planter et t’en foutre. Tu peux dormir et te réveiller, et il y a une autre personne qui s’est plantée et c’est comme ça ! »

Quels sont les formats préférés des artistes ?

ZED YUN PAVAROTTI :

« Les médias plus généralistes se basent beaucoup sur mon histoire et peu sur la musique, alors que les interviews rap sont ciblés sur la musicalité, les codes, ils essayent de m’identifier dans le paysage rap. L’analyse est plus littéraire. Moi, c’est ce que je préfère, mais le premier est également important. En tant qu’auditeur, les mecs que j’adore, j’aime bien aussi les entendre parler de ce qu’ils ont fait le week-end dernier. Ce qui est cruel en revanche, c’est les questions/réponses, surtout à l’écrit. Tu n’es pas dans l’idée, tu es vraiment dans le mot. »

DISIZ :

« Je préfère les portraits écrits avec un journaliste. Quand c’est écrit, il n’y a pas le miroir déformant des apparences, des a priori et du body language. Parce que tu peux être stressé ou intimidé et avoir un geste qui va envoyer une information aux gens qui regardent qui signifie le contraire. Ce que j’aime bien avec Konbini, sans les défendre, c’est que ce n’est pas Le Monde, ce n’est pas Médiapart. C’est de la pop culture, tu survoles avec plaisir, tu manges un bonbon. Tu sais que c’est ça que tu vas chercher, et c’est ça qu’on te donne. Par contre, si Konbini commence à se prendre pour Médiapart ou inversement… »

CHILLA :

« J’apprécie quand un média entreprend de faire découvrir l’artiste sous un angle plus ludique que ce qu’on a l’habitude de voir, quand l’on peut cerner ma personnalité en tant qu’être humain. En tout cas, je prends du plaisir en promo à partir du moment où l’on m’amène un concept un peu délire, un peu surprenant. »

JOK’AIR :

« Mes formats préférés sont ceux où l’on suit un artiste sur une journée, un genre de télé-réalité d’artistes, un genre de vlog. Entre les DayToday de Wiz Khalifa et L’incroyable famille Kardashian, il n’y a qu’une rue. C’est ça que je kiffe, je l’ai fait avec plusieurs médias et plein de gens ont appris à me connaître comme ça : ils voient comment je suis vraiment, au réveil, quand je fais des blagues… Wiz Khalifa, je n’étais pas fan de ouf de sa musique, mais du fait de le voir jour le jour, j’avais l’impression que c’était un mec que je connaissais, et je suis “tombé fan de lui” grâce à ça. C’est con, mais apprendre à aimer humainement, ça m’a poussé à aimer l’artistique. À comprendre l’artistique. »

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Télévision et rappeurs: définitivement incompatibles ?

DISIZ :

« À l’époque, quand j’étais invité sur un plateau, j’étais content. Quand tu es un petit mec qui a grandi seul avec sa mère, qui n’a pas d’oseille, qui a vécu des trucs assez compliqués, le fait d’être là, tu le vois comme une fête. Tu es content. Il y a une espèce de célébration, et puis moi je restais poli, j’ai été éduqué comme ça. Et d’un autre côté, tu es vite désenchanté. Il y a quelque chose de faux. Le plateau est plus petit que ce que tu crois, c’est long, tu n’as pas le temps de parler, tu dois abréger. La personne en face de toi a une oreillette, il y a tous ces passages filmés qui ne seront pas diffusés alors que toi, tu es dans une discussion. C’est étrange, je n’aime pas ça. Mais à l’époque j’étais très jeune, on attaquait tout le temps les mecs de cité et en voulant redorer leur blason, je me suis un peu perdu.

En fait, il faut apprendre à dépasser la personne qui est en face de toi et qui cherche à catégoriser. Qui est dans une scénarisation de la vie sociale, où l’on attribue des rôles à chacun. Vu que je suis un rappeur et que je viens de la cité, moi, je suis considéré comme un représentant de la cité : mais non, pas du tout en fait. Je suis un individu qui a grandi là, qui représente pas mal de choses certes, mais surtout ma musique et moi-même. C’est très complexe et c’est une injustice, parce que quand on invite un artiste de variété, il n’arrive pas avec tout ce bagage et toutes ces problématiques-là. »

CHILLA :

« Les émissions comme celles de Ruquier ou Ardisson sont celles que j’appréhendais le plus. Elles existent depuis des années : des écrivains, des politiciens, des chanteurs et surtout des rappeurs y sont allés et se sont fait taper sur les doigts. Donc moi, quand j’arrivais sur ces plateaux, je me disais : “Ok, on va encore me mettre dans une case, on va peut-être essayer de tester ma culture pour prouver que je viens d’un milieu qui n’est pas assez cultivé”. Il y a des grands esprits qui vont sur ces plateaux, qui maîtrisent leur manière de parler, donc je ne me suis jamais sentie légitime de parler à la télé, j’avais peur de ne pas être assez intellectuelle pour assumer ça. Mais je me suis dit qu’on allait voir et j’ai eu la chance de tomber sur des gens bienveillants. »

MÉDINE :

« J’aime beaucoup l’attitude des spécialistes du rap qui consiste à refuser d’aller servir la soupe de la télévision, du vilipendage permanent du rap où l’on n’exprime que des choses à travers l’angle de la violence et des choux gras. Il y a un truc pervers qui s’installe, qu’on a pu constater avec le slam par exemple. Tu deviens tout de suite une espèce de singe savant en opposition au reste du rap. “Toi tu es intelligent. Toi tu n’es pas comme eux. Toi tu es différent. Eux, ils sont violents.” Mais de là à se dire : “Viens, on n’y va plus” : non. C’est à nous de nous adapter, de comprendre le système et de le casser, lui et la simulation qui est en train de se jouer devant nous. Ça va faire des dégâts, on va être maladroits une fois, deux fois, trois fois, et puis la quatrième fois, il y a un mec qui va arriver, qui aura tout compris et qui va casser cette simulation en étant brillant à la télévision. Et en ne servant pas d’instrument contre le reste du rap. C’est ça la vraie gymnastique. »

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Les médias sont-ils opportunistes ?

JOK’AIR :

« Avant, les grands médias crachaient sur le rap. Aujourd’hui, s’ils placent leurs chouchous, c’est parce que ça fait vendre. Mais ils n’aiment pas cette musique. Et ils essayent de nous imposer leur menu. Ce sont les antihéros du rap qu’ils mettent en valeur. Ce sont les anti-rap : des rappeurs qui vont à l’encontre de ce que le rap représente. Ils essayent de les faire passer pour les bons, et nous pour les mauvais. Nous les renois, nous qui utilisons des gros mots. Or quand je parle de cul c’est le rap. Quand je parle de violence, c’est le rap. Quand je parle d’amour, c’est le rap. Mais il y a beaucoup de caricatures en France, des mecs qui n’ont pas vécu le rap en grandissant. Et ce sont eux qui se goinfrent. C’est pour ça qu’aujourd’hui, Dieu merci le streaming. Il est arrivé au bon moment. Les gens commençaient à nous mentir. Merci Jimmy Iovine. Merci les réseaux sociaux. »

BOLEMVN :

« Les gens comme moi ne regardent pas les médias, mais les autres oui. La chanson que j’ai faite pour la playlist « La Relève » parle de mon expérience avec Deezer parce que c’est un tremplin de ouf, presque comme si c’était un média. C’est pour ça que je dis : ‘Ma vie change depuis que je suis sur les plateformes’. Ça fait que je n’aurais jamais imaginé que telle ou telle personne irait écouter mon son. Mais le problème c’est que maintenant, dans les interviews, les gens parlent davantage de la vie que de la musique. Mais la vie… Tu m’as connu Bolemvn, tu ne m’as pas connu autre chose… Je veux qu’on parle vraiment musique. ‘T’étais comment quand t’étais petit ?’ : ça ne sert à rien. Parlons de maintenant. Avant tu t’en foutais de moi non ? Alors parlons de ma musique, de cette étape-là. Je trouve que les médias ne viennent que quand il y a le buzz. Les artistes qu’ils mettent en avant n’ont même pas besoin de ça. Ils ne recherchent pas les talents. »

TENGO JOHN :

« Il y a tellement d’artistes aujourd’hui qui sont créés par les médias. Certains d’entre eux ont encore trop de carcans dans leur vision des choses. C’est toujours la même soupe. Moi, ça me fout la rage. Ce n’est plus la musique qui parle, c’est le personnage de l’artiste. Si c’est juste un personnage qui te montre une vitrine, mais qu’au niveau de la musique il n’y a rien, ça ne m’intéresse pas du tout. Ce qui est génial en revanche, c’est quand je vois des gens de la rue comme 13 Block devenir quasiment le groupe le plus hype du moment. C’est là où tu vois que ça sort des niches pour créer des trucs improbables. Ça emmène un changement, un regard… Ensuite, des marques comme Nike commencent à s’y intéresser… Les marques sont des médias. Elles ont une image, une vision. Donc si un artiste n’est pas hype et qu’un média hype en parle c’est cool, si c’est un artiste qui est déjà un peu hype, le média ne fera que certifier quelque chose qui est déjà là. Les médias peuvent te faire un artiste ou te le défaire. Ce sont des relations amoureuses, c’est ‘Je t’aime – Moi non plus’. »

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L’opinion des spécialistes du rap compte-t-elle plus que les autres ?

TENGO JOHN :

« C’est comme au foot. On dit qu’avec Deschamps, il y a 66 millions de sélectionneurs pendant la Coupe du monde. Dans le rap, c’est un peu pareil, tout le monde donne son avis et le trouve aussi légitime que celui de son voisin. Mais c’est un métier, d’en parler, d’y réfléchir… Pour moi, c’est plus intéressant d’avoir l’avis extérieur d’un véritable critique de musique. Quand tu as l’opinion d’une personne avisée, qui peut passer d’un Booba à un Columbine dans la même conversation, et qui s’intéresse à des trucs un peu plus underground, tu sais que tu vas pouvoir te forger un avis un peu ouvert, un minimum objectif. Parfois, j’apprends même des choses. Je suis content des médias qui m’ont invité jusque-là, ça m’honore, car je me considère encore presque comme un auditeur. »

MÉDINE :

« Il y a un problème. Il arrive que dans cette culture, on cherche à dissimuler nos défauts, alors que c’est à nous de nous questionner. Mais il n’y a pas d’espaces de communication où l’on peut tirer à boulets rouges sur nous-mêmes, sans être dans un truc de culture de clash. Pour se dire que, oui, on a des casseroles et qu’il y a des trucs sur lesquels on ne devrait pas passer. C’est trop souvent à notre corps défendant. Moi, je suis pour laver le linge sale en famille. Mais le laver. C’est comme la phase de Youssoupha qui dit : ‘Viens on s’embrouille si ça permet de mieux nous comprendre‘. Viens, on se dit : ‘Ça c’est de la merde, eh, les médias vous faites du copinage de fou, eh, ça, c’est une coquille vide, eh, toi tu fais ça parce que la maison de disque t’a envoyé un chèque dans la gueule, etc. Venez on arrête.’ Parce que ce truc-là en fait, on n’en parle pas, mais ça va péter un jour et ça va être débattu par d’autres personnes. Et c’est là, le vrai malheur. C’est quand tu as des divergences, quand tu as des problèmes et des failles, de laisser les autres en parler. »

Comment parle-t-on du travail des femmes artistes?

CHILLA :

« Les médias rap vont évoquer des choses plus techniques. Je vais souvent avoir des questions plus précises autour de ce qui concerne les prods, l’image… En quelque sorte, on met davantage en valeur le travail concret autour de ma carrière et de ma musique. Mais il y a toujours ce truc de : ‘Tu es une femme dans le rap, il n’y a que Diam’s qui a perçé, comment te positionnes-tu, etc.’ Et dans les médias généralistes, on met le point d’honneur sur le fait que je sois une femme ‘dans un milieu misogyne’. J’essaye de détourner ces questions à mon avantage. J’essaye de rappeler qu’il y a beaucoup de femmes dans le rap mais que tout le monde n’obtient pas la même lumière. J’essaye de faire intégrer aux médias que si j’en suis là aujourd’hui c’est aussi qu’être une femme a été ma force. Mais je dois mettre de la nuance, en disant : ‘Oui, je suis féministe, mais pas que’. Pour qu’on ne retienne pas que ça. Le féminisme est un sujet dans lequel je suis engagée car l’égalité ne devrait même pas être un débat. Je m’étais exprimée et j’avais pris position avant les scandales de #MeToo, mais à un moment, j’avais l’impression qu’on ne faisait appel à moi que pour évoquer ces sujets-là. Et j’avais peur que ce soit moi que l’on prenne pour une opportuniste qui surfe sur une vibe. Surtout que certains médias ont utilisé ma position, justement pour confirmer leurs clichés sur la misogynie dans le milieu du rap. Désormais, je pense avoir écrit assez de textes à ce propos pour ne plus avoir me justifier sans arrêt sur cette position. Et je tiens toujours à rappeler que ma musique ne se résume pas à ça. »

SAFIA BAHMED-SCHWARTZ :

« D’une certaine façon, ce sont presque les interviews qui ont fait de moi une militante. Plutôt que l’inverse. Parce qu’au fur et a mesure qu’on te pose des questions sur le fait d’être une femme, tu te dis : ‘Ah ouais, en fait, je suis une femme, il va falloir que je réponde à ce sujet-là…’ Et, finalement, on me donne la parole, donc évidemment, je vais parler des conditions de la femme dans la vie et en tant qu’artiste. Mon avis est assez acerbe et ma pensée est assez construite sur ce sujet pour dire des choses dans mon intérêt et dans celui des autres. Mais parfois, j’en ai marre. J’en ai marre de raconter ma vie. J’en ai marre de dire ce que je pense. J’aimerais qu’on parle de ce que je fais. Et particulièrement dans la musique. Qu’on en parle sérieusement : de mes textes, de mes références, de mes choix, des gens avec qui je travaille. Qu’on arrête de me poser tout le temps les mêmes questions. Si l’étincelle de mon travail a été quelque chose qui ressemble de près ou de loin à du militantisme, ça n’en fait pas des manifestes pour autant. Mes quatre EP, ce sont simplement des tracks ! »

La critique négative, pas toujours nécessaire ?

BOLEMVN :

« C’est un truc qui m’énerve ça : je n’ai pas de haineux. Or je pense que si l’on ne dit pas du mal de toi, c’est que ça ne marche pas. Une mauvaise critique d’un journaliste, je le prendrais trop bien. Parce que ça va tourner partout et me faire de la visibilité. »

JOK’AIR :

« Un papier négatif, ce n’est pas nécessaire, c’est de la méchanceté gratuite. Faire de la musique, ce n’est pas facile, il y a beaucoup de gens qui nous voient comme des bêtes de foire. C’est compliqué. Parce que quand on parle de cette culture, de musique noire, la plupart des mecs qui font ça le font pour nourrir les leurs. Si tu n’aimes pas, ferme ta gueule. L’une des phrases les plus connues de Booba c’est : ‘Si tu kiffes pas, t’écoutes pas, et puis c’est tout‘. Quand je n’aime pas quelque chose, je ne regarde pas, je n’en parle pas. Ça ne concerne que moi, si j’en parle, c’est avec les miens. Mais après, c’est le game. »

ZED YUN PAVAROTTI :

« Le jour où la critique négative arrivera, c’est le jeu. Les gens ont le droit de ne pas aimer et c’est tout, je peux accepter qu’il y ait des gens à qui ça parle pas. C’est juste que la notoriété, ça fausse un peu les échelles, même émotionnellement. Ça fausse la perception qu’on a des choses. Quand tu es journaliste, que tu parles de quelqu’un qui a de la notoriété, que ton média a aussi de la notoriété, tu vas vite dans l’extrême. La place à la nuance est réduite. »

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Les médias sortent-ils parfois de leur rôle ?

CHILLA :

« C’est vrai que parfois tu te retrouves dans des interviews qui se transforment en discussions et là, c’est à double tranchant. Si tu t’exprimes de manière très spontanée, il se peut que le journaliste en face de toi se positionne assez bien et que tu te mettes à livrer des choses personnelles, parce que tu te sens à l’aise et que c’est un sujet qui te touche. Moi, je suis très bavarde et si je donne un élément de ma vie privée sans m’en rendre compte, je me dis qu’effectivement, en fonction de comment ça sera intégré au contenu, ça peut finir par ressembler à Confessions Intimes ! Mais c’est le jeu : je ne peux pas en vouloir aux médias d’essayer de comprendre où j’essaye d’en venir dans mes textes et me plaindre qu’ils soient trop intrusifs, parce qu’écrire c’est ma thérapie. Donc d’une certaine manière, je me livre sur les choses que je vis. Et finalement, ça va peut-être aider mon public à mieux comprendre ma vie et mes textes. J’ai envie de lui donner l’opportunité de me voir sous un autre jour que seulement dans des clips ou dans leurs écouteurs. »

SOSO MANESS :

« Désormais, je vais freiner les interviews. Parce que très vite, tu bascules dans la caricature. C’est bien d’apparaître beaucoup à un certain moment, mais après, c’est quoi la prochaine étape, faire Les Marseillais en Australie ? Parfois, on est à la limite des médias people. Certains médias font de la merde, même des médias hip-hop. Ils récupèrent les vidéos de Snapchat, les titrent avec quelque chose qui n’a rien à voir et voilà, ça fait du contenu. On voit des trucs genre ‘Fianso arrêté par la police’, alors que quand tu cliques dessus, c’est un clip. C’est une blague ? Si demain, c’est la tecktonik qui marche, ils iront faire ça. Ils délaisseront le rap et l’urbain et ils iront braquer les lumières là-bas. Il faut arrêter de jouer le jeu avec tous ces mecs-là, ce n’est pas sérieux. On a trop galéré. Il y a des mecs qui sont devenus fous pour le hip-hop. Heureusement qu’il y a des médias qui respectent et qui aiment ce mouvement, qui le font avec le cœur, c’est ça le plus important. »

Véritable légende du grime, D Double E est une figure proéminente du paysage rap anglais. Originaire d’East London, il se fait connaître dans les années 90 avec des morceaux et des freestyle dans les genres très anglais que sont le UK garage et le jungle. Le pionnier de la culture grime a notamment inspiré Skepta ou encore Dizzee Rascal, deux MC avec qui il a déjà collaboré. À l’occasion de sa tournée 2019, D Double E sera à Paris pour une date unique le 6 juin.

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D Double E se produira en concert le jeudi 6 juin et on fait gagner des places. Pour participer, il vous suffit de remplir le formulaire juste en dessous.

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Avant que les politiques et la presse nationale ne choisissent de le faire exister pour de mauvaises raisons, Nick Conrad n’était personne. Mais l’acharnement médiatique qu’il suscite et stimule lui confrère une importance certaine. Et en dit long sur l’autre France. Analyse.

Septembre 2018. Le temps passe, mais rien ne change : le rap est de nouveau au coeur d’une polémique qui agite le pays – ou du moins une partie de celui-ci. À qui jette-t-on la pierre cette fois ? Booba ? Damso ? Non, Nick Conrad. « Nick quoi ?! », s’interroge alors en choeur le gros des acteurs du milieu, des personnalités des médias spécialisés aux auditeurs les plus passionnés. En tant qu’amateurs du genre, ils devraient pourtant connaître ce rappeur dont le nom se fait désormais entendre du côté de toute la presse nationale, BFM, Le Figaro et CNEWS en tête. Mais non. Ces médias qui à peine un mois plus tôt étaient encore capables de se demander « Qui est Kaaris, le rappeur qui s’est battu avec Booba ? » sont ainsi parvenus à faire ce qu’on n’attendait plus d’eux aujourd’hui : ils nous ont fait découvrir un rappeur.

À 35 ans, Nick Conrad est un artiste aspirant comme il en existe des milliers. Après avoir publié cinq projets plus que confidentiels, il s’est rendu coupable de « PLB » (pour « Pendez Les Blancs ») : un titre vindicatif accompagné d’un visuel du même acabit, dans lequel il fictionne une revanche du peuple noir sur les crimes commis à son encontre au cours de l’Histoire, façon « loi du Talion ». On l’y voit donc séquestrer un homme blanc, à qui il enfonce un calibre dans la bouche, avant de briser son crâne sur un trottoir – dans un remake de la fameuse scène du film American History X – et d’allumer un cigare devant son corps pendu. Des images dont on peut admettre qu’elles puissent être choquantes (la réalité ne l’est-elle pas déjà ?), mais qui n’avaient a priori aucune raison d’être vues par la France entière.

En s’emparant du sujet de la sorte, la classe politique et la fachosphère ont su faire un incendie d’un feu de paille, poussant les médias à rebondir à leur tour.

Car les chiffres ne mentent pas : à l’heure où le rap se consomme plus que jamais en streaming, Nick Conrad ne revendique qu’une moyenne de 3949 auditeurs mensuels sur Spotify, et 9 de ses 10 titres les plus écoutés sur cette plateforme ne dépassent pas les 10 000 écoutes. Seul « Doux Pays », son dernier fait d’armes, est (difficilement) parvenu à passer ce cap, et pour cause : il a récemment été la cible du ministre de l’Intérieur en personne, Christophe Castaner, qui en dénonçait « les propos inqualifiables » et « le clip odieux ». En s’emparant du sujet de la sorte, la classe politique et la fachosphère ont su faire un incendie d’un feu de paille, poussant les publications à rebondir à leur tour.

« C’est sous l’aspect polémique qu’on est amené à traiter un sujet comme ça. Si les politiques ne disent rien, je ne suis pas convaincue qu’on s’intéresse à sa dernière chanson », reconnaît d’ailleurs Gaëlle Darengosse, journaliste à France 3 Île-de-France au bureau de Seine-Saint-Denis. Quelques jours après la réaction du ministre, elle avait sollicité la rédaction en chef de YARD pour une interview au JT de 19h sur le sujet. La volonté de la journaliste était louable, à savoir de poser la question qui aurait dû être au coeur le conversation concernant Nick Conrad, tant elle détermine le poids qui devrait être accordé à son propos : celle de sa légitimité et de son importance dans le milieu duquel il se revendique. Finalement, l’interview plateau ne se fera pas. « Nick Conrad, c’est un peu Monsieur Personne qui se retrouve au milieu d’une polémique qui le dépasse clairement », poursuit celle qui a, finalement, interrogé le rappeur. « Le mec fait de la chanson – on en pense ce qu’on veut – et il se fait cartonner par tous les politiques, son nom est étalé partout… Il a aussi le droit de répondre. N’importe qui se ferait défoncer de la sorte, on irait le voir pour lui demander ce qui se passe. »

Pour expliquer le pataquès dont fait l’objet Monsieur Personne, la journaliste a sa petite idée : « Les politiques le cartonnent un peu sur cette peur terrible du racisme anti-blanc, dont Nick Conrad aurait été le porteur. » Il est encore et toujours question de jouer le jeu de l’extrême droite, en donnant à entendre des discours qui – en apparence – concordent avec le story-telling qui veut que les racisés en aient après les Blancs, et incarnent une menace pour ces derniers. Qu’importe si ces discours comportent certaines subtilités dont ne devrait pouvoir faire abstraction, tant elles sont nécessaires à leur bonne compréhension. Qu’importe l’identité de celui qui les tient.

Malheureusement pour ses farouches (et nombreux) détracteurs, l’art du rappeur originaire de Noisy-le-Grand est peut-être médiocre, il n’est tout de même pas aussi bête et plat que ceux-ci voudraient le voir. Et quand on lui laisse l’espace pour expliquer sa démarche, comme ce fut le cas du côté du Parisien, Nick Conrad ne se montre pas maladroit. Mieux : il sait rendre son approche intelligible pour ceux qui daignent ouvrir l’oreille. Selon lui, il s’agit dans « PLB » de « créer un effet miroir » et « d’inverser les rôles » : le temps d’un clip, les Noirs deviennent donc les bourreaux des Blancs, et leur font subir des atrocités pas si différentes que celles qu’ils ont subies à une autre époque, dans la vraie vie. « C’est une fiction qui montre des choses qui, du début à la fin, sont vraiment arrivées au peuple noir », expliquait-il à RTL. Sur un ton un poil plus provocateur, le trentenaire se défend d’être raciste en mettant en avant le fait que « 80% de l’équipe du clip sont des Blancs » et que « [ses] amis blancs le soutiennent ». Ironie ô combien savoureuse quand on sait la fréquence avec laquelle cet argument absurde est utilisé en totem d’immunité par ceux accusés d’avoir des propos racistes à l’encontre des communautés dites « racisées ».

Embarqué dans un procès public où le temps de parole qui lui est donné pour se défendre est délibérément cannibalisé, Nick Conrad est comme condamné à l’avance.

L’idée est de choquer, mais surtout d’interpeller. Mission accomplie haut la main pour le premier. Pour ce qui est d’interpeller, en revanche, on repassera. Car pour ce faire, encore faudrait-il que les récepteurs du message que Nick Conrad essaie de transmettre soient prêts à remettre certaines de leurs certitudes en question. Comme celle qui voudrait que le rap soit nécessairement à prendre au premier degré. Qu’il ne soit jamais question d’incarner, de jouer un rôle, de se mettre dans la peau de, comme ce peut être le cas au cinéma. Quand, sur le plateau CNEWS, le rappeur appelle ceux qui jugent son oeuvre à faire preuve de « distanciation » (sic), l’éditorialiste Ivan Rioufol, 67 ans, lui rétorque, catégorique : « Ceux qui vous écoutent ne prennent pas de distanciation ; ils vous prennent au mot, vous le savez très bien. » Comme si le public de Nick Conrad s’était réellement empressé d’aller pendre des Blancs à l’écoute de son tristement célèbre morceau. Grotesque. Autre problème au raisonnement d’Ivan Rioufol and co : Nick Conrad n’a pas de public. Ses vues sont générées par des non-auditeurs de rap curieux de connaitre la suite d’une drôle de saga médiatique.

Avec les polémiques « PLB » et « Doux Pays », le bonhomme a pu faire le tour des plateaux télé. Stratégie payante. À chaque fois, il est pris dans un dialogue de sourds, où il fait face à des requins qui prétendent généreusement lui accorder une tribune, mais qui ne lui témoignent que du mépris, et ne cessent de l’interrompre tandis qu’il essaye poussivement de dérouler un speech parfois trop écrit. La France du petit écran dans toute sa splendeur. Embarqué dans un procès public où le temps de parole qui lui est donné pour se défendre est délibérément cannibalisé, Nick Conrad est comme condamné à l’avance. Une situation injuste qui finit par générer une empathie inattendue envers sa personne. Sur les réseaux, de plus en plus d’individus qui, de base, n’en avaient que faire de lui comme de son « art », finissent par se ranger à ses côtés, à mesure qu’ils cernent la véritable identité de ses opposants.

Car Nick Conrad a déjà fait l’objet d’un (vrai) procès, au bout duquel il a été condamné le 19 mars à 5000 euros d’amende avec sursis pour provocation au crime. Celui-ci était intenté par l’AGRIF, dont le président n’est autre qu’un ancien du FN, et la LICRA, qui, récemment encore, soutenait la tenue d’une pièce d’Eschyle à La Sorbonne où des acteurs blancs étaient grimés en Noirs. Deux associations dont on ne saurait vraiment dire de quel côté elles combattent. En janvier dernier, la journaliste Sihame Assbague faisait sur son compte Twitter le récit en direct de cette audience pour le moins lunaire. Malcolm X y aurait été dépeint comme « un raciste anti-blanc et un suprémaciste noir » par l’avocat de l’AGRIF, tandis que celui de la LICRA en serait venu à questionner le statut d’artiste de Nick Conrad (et donc son droit à la liberté d’expression qui va avec) sous prétexte que « peu de gens [le] connaissaient avant cette polémique ». Ce à quoi la défense de l’accusé aurait répondu : « Est-ce qu’il faut avoir un contrat chez Universal pour être considéré comme artiste et avoir le droit de créer librement ? »

Sans surprise : une bon tollé diffusé par tous les médias nationaux, c’est toujours plus de visibilité qu’une collection de parutions dans la presse spécialisée.

Une autre point qu’aurait soulevé la cour porterait sur le fait que les français n’auraient peut-être pas connaissance des références utilisées par l’artiste dans « PLB », comme si l’ignorance crasse des uns justifiait le procès d’intention fait à son oeuvre. Dans le même genre, on s’étonne de voir l’avocate Marie-Anne Soubré s’indigner sur RMC que Nick Conrad ait choisi de représenter la « mentalité française » à travers une femme blanche dans le clip de « Doux Pays ». Peut-être un jour sera t-elle familière avec la figure pourtant symbolique – et pas méconnue – de Marianne.

Motivés par des intentions carrément douteuses, politiques et médias nationaux n’ont fait que signer l’acte de naissance de Nick Conrad. Grâce à eux, le rappeur anonyme a pu obtenir deux choses qu’il n’aurait sans doute jamais pu espérer : des soutiens, ralliés à sa cause devant l’acharnement malsain et absurde dont il fait l’objet, et une vitrine. En l’espace de seulement six jours, le clip controversé de « Doux Pays » est ainsi parvenu à cumuler plus de 300 000 vues – avec près de 80% d’avis négatifs. C’est plus que toutes les vidéos d’un talent émergent comme Zed Yun Pavarotti, que nous vous présentions récemment et qui jouit d’une très belle couverture des médias culturels. Sans surprise : une bon tollé diffusé par tous les médias nationaux, c’est toujours plus de visibilité qu’une collection de parutions dans la presse spécialisée. Nick Conrad avait donc toutes les raisons de remettre une pièce dans la machine après la polémique « PLB ».

Peut-être même finira-t-il par convaincre une major pas effrayée à l’idée de raquer à chaque procès de miser sur un artiste qui, contrairement à bien d’autres, peut désormais se targuer d’être « identifié ». Après tout, ce ne serait pas la première fois qu’un label essayerait de capitaliser sur un bad buzz, les États-Unis en savent quelque chose. Peut-être se contentera t-il de continuer à exister en jouant la carte de la provoc’ à intervalle régulier. En attendant, Nick Conrad est ce monstre créé de toutes pièces par l’autre France qui réussit, à sa manière, à dévoiler un peu plus au grand jour tous les vices et les incohérences dont elle fait sans cesse preuve.

La Villette Sonique revient une nouvelle fois cet été avec une équipe toute fraîche et un programme toujours axé vers la découverte de petites perles musicales.

Le festival s’étend sur quatre jours et le vendredi met en tête d’affiche Danny Brown : un ovni du rap US qui a déjà collaboré avec A$AP Rocky, Kendrick Lamar ou encore Pusha T. En plus de ça, vous pourrez découvrir l’univers house de Channel Tres, les vibes grime/garage de la londonienne SHYGIRL et BbyMutha, une rappeuse américaine et mère de deux paires de jumeaux.

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La soirée Villette Sonique avec Danny Brown, Channel Tres, BbyMutha et Shygirl, aura lieu le vendredi 7 juin et on fait gagner des places. Pour participer, il vous suffit de remplir le formulaire juste en dessous.

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It’s gettin’ hot in here. Depuis six ans, le YARD Summer Club réchauffe vos étés : rassurez-vous, on n’a absolument pas prévu de refroidir. Au contraire : en 2019, YARD passe un nouveau cap avec une tournée de neuf dates à travers l’Europe qu’on dévoilera au compte-gouttes. Et notre nouvelle ambition commence par Paris, notre QG, où vous continuez de marquer avec nous l’histoire des soirées urbaines de Paname saison après saison.

C’était le mardi 3 juin 2015. Premier YARD Summer Club au Wanderlust, et première frénésie : près de 8000 personnes étaient présentes pour une release party de Joke (aujourd’hui Ateyaba), pour une soirée qui restera dans les mémoires. Ont suivi pléthores d’artistes, de Booba à Migos, en passant par Sfera Ebbasta, Koba LaD ou encore 13 Block, Maes ou Dinos l’année dernière. Après cinq étés, il était temps pour nous de trouver un lieu à la hauteur de nos ambitions, capable de nous apporter cette bouffée d’air frais et reconnu en Europe : Concrete.

Temple iconique de l’électro à Paris, Concrete n’a accueilli que trop peu de soirées à l’ADN urbain. On prend donc le contrôle du bateau tout l’été, à raison d’une nuit par mois, et on y ramène toute la sauce YARD : les meilleures vibes NEW RAP, R&B, AFROBEAT et DANCEHALL, avec toujours la crème de la crème des DJs de la capitale. Et, bien sûr, le passage des artistes d’aujourd’hui et de demain.

Toujours avec le sang JD Sports et notre fournisseur de vibes Havana Club, tu connais.

Événements

Jeudi 6 juin / Paris : EVENT
Jeudi 27 juin / Marseille : EVENT
Samedi 6 juillet / Paris : EVENT
Samedi 20 juillet / ?
Jeudi 25 juillet / ?
Samedi 27 juillet / ?
Vendredi 2 août / Paris : EVENT
Jeudi 5 septembre / Paris : EVENT
Samedi 21 septembre / ?

26 avril 2019. BLO est dans les bacs. Le premier véritable album de 13 Block est enfin disponible. « Véritable » car avant il ne s’agissait que de mixtapes. Des projets ne répondant sans doute pas – à leur yeux – à l’exigence nécessaire pour faire office d’album au sens qu’on lui entend dans le rap français. BLO, c’est dix-neuf titres, une heure et quatre minutes de pure intensité. L’aventure est longue, éreintante, mais le jeu en vaut la chandelle. Car épaulé par le meilleur cru de producteurs francophones, le quatuor sevranais brille de mille feux et confirme toutes les attentes qu’on aurait pu avoir ; et les surpasse même dans la direction prise sur certains morceaux.

Oui… Zed est toujours aussi percutant dans les toplines, Oldpee ingénieux dans l’interprétation, Zefor talentueux dans les ambiances et Stavo marquant dans les couplets. Pourtant, aucun ne prend la place d’un autre. Chacun est là où il doit être, aux moments où il doit l’être. Rien de plus, rien de moins. BLO est un univers parallèle où chaque membre se nourrit des forces de l’autre, non pas pour combler une faiblesse, mais pour en sublimer les particularités. Émerveillé par une langue française remixée à la sauce 93, spécifiquement sevranaise, BLO est un album déterminant dans la carrière de 13 Block.

Alors forcément, on se devait de marquer le coup. On a eu l’idée d’une interview. Puis l’idée de rider avec. Juste avant d’organiser une release-party. Finalement, on s’est décidés à mélanger les trois concepts. Histoire de faire les choses en grand. Entre vocabulaire, carrière, ascension, vision d’un groupe, identité, et l’état du rap français actuel, 13 Block nous accueille dans le hall froid de BLO. Nonante.

Photos : @lebougmelo

Sorti de nulle part, Lil Nas X s’installe tout en haut des charts Billboard il y a plusieurs semaines avec « Old Town Road », un ultra catchy mélange de country et de rap qui ne laisse personne indifférent. Le remix du tube, avec le chanteur Billy Ray Cyrus, accessoirement papa de Miley, efface même le record de streams enregistrés en une semaine, anciennement détenu par Drake. Pourquoi ? Comment ? Mais qui est ce cowboy-rappeur qui se rêvait en chanteur de country ? On vous aide à mieux comprendre.

Atlanta. Un homme apparaît au loin sur un cheval noir, chapeau de cowboy vissé sur la tête. Montero Lamar Hill, plus connu sous le nom de Lil Nas X, a seulement 19 ans mais déjà un beau fait d’armes à son actif : il vient de battre le record d’écoutes en streaming sur une semaine aux États-Unis, anciennement détenu par Drake avec le morceau « In My Feelings ». Son tube « Old Town Road » a ainsi récolté pas moins de 143 millions de stream, soit 27 millions de plus que son prédécesseur. Et comme Cardi B et “Bodak Yellow”, le plus texan des rappeurs géorgiens est parvenu à s’accaparer la première position des charts Billboard Hot 100 dès sa première apparition dans la classement. « Ce n’était pas un accident », assure cependant le jeune Montero, qui a su utiliser habilement les réseaux sociaux pour promouvoir au mieux son morceau. Plus qu’un amateur de rodeo, Lil Nas X est surtout le plus aiguisé des enfants d’Internet, ayant tout pour lancer sa ruée vers l’or.

Grand fan de Nicki Minaj, Lil Nas X se distingue d’abord sur Twitter, où il se construit une base de following solide à travers le compte fan « @thenasmaraj » (maintenant @viewsfromnas), notamment grâce à ses memes ou ses thread interactifs qui permettent à ses followers de choisir le déroulement d’une histoire, façon Black Mirror: Bandersnatch. Par la suite, très conscient de son pouvoir sur les réseaux et de la proximité qu’il a avec sa communauté, il se sert de cette notoriété pour faire exister « Old Town Road » sur les plateformes à grands coups de memes et autres détournements – le morceau étant notamment réutilisé en fond sonore pour toutes sortes de vidéo délirantes impliquant chevaux, cavaliers et bottes de cuir. Sur YouTube, à défaut d’un véritable clip – qui a finalement vu le jour aujourd’hui, cf ci-dessous -, ce sont des images extraites de Red Dead Redemption 2 qui illustrent le hit du cowboy-rappeur (ci-dessus). Un choix décalé, mais plus que pertinent quand on sait que le second volet de la filière Rockstar Games s’est avéré être le grand rendez-vous de l’année jeu vidéo 2018, et donc un sujet de discussion inépuisable sur ces-mêmes réseaux sociaux. De fil en aiguille, les internautes se prennent au jeu et de gros comptes comme @elitelife_kd s’amusent de la chanson, en font des memes à leur tour, et l’aident à se faire une place confortable en top des tendances sur Twitter et Instagram.

Mais la notoriété de « Old Town Road » va atteindre un tout autre cap lorsque @nicemichael, 123K followers sur TikTok, envoie un DM à Lil Nas X pour lui demander s’il peut utiliser sa musique dans une vidéo. Au moment du beat drop, ce-dernier se « transforme » soudainement en cowboy et se déhanche sur la chanson. De là naît le « Yeehaw Challenge » : des milliers de personnes, chapeau sur la tête et éperons aux talons, se filment sur l’hymne country-trap, et libèrent ainsi tout son potentiel viral, comme ce fut le cas pour le « Harlem Shake » en 2013 ou plus récemment en France, toute échelle gardée, avec « Khapta » de Heuss L’enfoiré. Montero va jusqu’à se rendre dans la catégorie « Name That Song » de Reddit pour demander lui-même « c’est quoi le nom du son qui fait ‘I’m gonna take my horse to the old town road’ ? », parce qu’il « savait que c’est ce que les gens allaient demander », comme il l’explique au New York Times. Le 16 mars, sa stratégie ingénieuse et sa parfaite maîtrise des codes de l’internet moderne finissent par porter leur fruits : « Old Town Road » entre à la 19ème place du top Country de Billboard.

À mi-chemin entre le rap et la country, « Old Town Road » était le premier morceau à figurer simultanément dans les charts Billboard Hot 100, Hot R&B/Hip-Hop et Hot Country. Jusqu’à ce que Billboard décide de retirer le morceau de ce dernier classement, prétextant qu’il « ne comporte pas assez d’éléments du genre » pour rester dans le top country. Qu’à cela ne tienne, Lil Nas X a un plan : il s’en va solliciter de nouveau sa communauté pour cette fois obtenir un featuring de Billy Ray Cyrus, père de Miley et figure historique de la musique country. Ce-dernier n’avait pas manqué de témoigner son soutien au rappeur, arguant sur Twitter qu’il n’y avait pas de raison que « Old Town Road » soit éjecté des classements du genre : « Je me suis dit : ‘Qu’est-ce qui n’est pas country dans le morceau ?’ Les éléments rudimentaires de la country sont l’honnêteté, l’humilité, un refrain entêtant et un banjo. Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ? ». Sorti le 4 avril, le remix de la chanson avec Cyrus remplace finalement la version originale, et fait une semaine plus tard son entrée dans le Billboard Hot 100, directement à la première place.

Depuis, tout s’est accéléré pour le cowboy d’Internet : il signe en major chez Columbia Records, performe en live avec Diplo (qui a d’ailleurs lui-même publié un remix du tube) au Stagecoach Country Festival, lors de l’évènement Fashion Nova de Cardi B ou sur la scène du festival Rolling Loud à Miami. Sur Twitter, il se permet même d’interpeller Kim Kardashian pour lui demander une photo prise de lui et Kanye West au Sunday Service, photo qu’elle va bien évidemment lui faire parvenir, avant que sa fille North ne publie sa propre version du « Yeehaaw Challenge ». Bilan ? 17 millions de vues en à peine deux jours. Évidemment.

« Old Town Road » s’ajoute à une longue liste de hits propulsés et alimentés par Internet, à cela près que dans ce cas précis, tout semble avoir été comme calculé par l’esprit malin de Lil Nas X. Une belle histoire, d’autant que le nouveau favori des réseaux ne bénéficiait pas du soutien de sa propre famille, comme il le confiait à Time : « Mon père m’a dit: ‘Il y a un million de rappeurs dans cette industrie’. Mes parents voulaient que je retourne à l’école. » Peut-être est-ce là ce qui a incité le jeune Montero à se positionner aux portes de la country, et ainsi se distinguer dans un saloon du rap déjà bondé de monde. Ou peut-être qu’il s’est trop pris pour Arthur Morgan en multipliant les aller-retours sur les plaines qui séparent Valentine et Saint-Denis, au point de vouloir vraiment chantonner avec un épi entre les dents. Le cowboy trace désormais sa route, et s’en va vers de meilleurs horizons – ceux qu’il aura choisis, ou les plus viraux. Vous l’aurez compris : ce n’est pas tant son attrait pour la country ni son large chapeau qui définissent Lil Nas X en tant que cowboy, mais davantage sa capacité à chevaucher les tendances. Double poney, izi money.

Booba, Future, Hamza, Tame Impala, Aya Nakamura, Vald, 13 Block, Zola, Columbine, Flohio, FKA Twigs, Blu Samu, Erykah Badu, Rosalìa, Kali Uchis, Tierra Whack et Lolo Zouaï. 17 noms. C’est le total d’artistes que tu dois avoir envie de voir sur scène à l’édition 2019 de WE LOVE GREEN si tu partages le même ADN que nous. Et en deux jours, ça fait quand même pas mal.

Le samedi 1er et dimanche 2 juin 2019, au cœur du Bois de Vincennes, 80 000 personnes viendront donc danser, manger, explorer et partager durant les deux jours du plus vert des festivals de musique parisiens. Pourquoi ? Parce qu’il est temps de s’engager. Parce que WE LOVE GREEN n’est pas une simple déclaration, mais une réalité à vivre le temps d’un week-end, jours après jours, de génération en génération. 2019, on n’attend plus, on le fait.

Un week-end de 50 concerts et DJ sets avec cinq scènes musicales, une scène conférences en collaboration avec Le Monde, plus de 50 restaurants engagés, un grand banquet, un programme scéno & artistique international, des projections films & documentaires et toujours une production technique et logistique éco-responsable et innovante sous le soleil, les pieds dans l’herbe. Chope ta place.

Et comme on veut que tu profites de ce moment même si t’es à sec, on fait gagner deux pass pour le festival. Rendez-vous sur notre Instagram pour tenter ta chance.

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Sorti au début d’année, le dernier « film auditif » du suisse Varnish La Piscine avec Bonnie Banane, intitulé Le Regard Qui Tue, puise toute sa qualité dans l’insouciance avec laquelle il a été conçu. Rencontre avec deux kids devant l’éternel. 

Un journaliste a souvent conscience de ce que l’exercice de l’interview peut avoir de barbant pour un artiste en pleine promo. Alors pour éviter d’obtenir les mêmes réponses aux mêmes questions qui – parfois – s’imposent, on creuse d’autres pistes, envisage d’autres angles, aborde d’autres thématiques pour donner à notre interlocuteur l’envie de se laisser prendre au jeu. Mais il arrive que nos efforts de réflexion ne suffisent pas à créer l’échange espéré. Comme lors de cet entretien avec le producteur suisse Varnish La Piscine – membre éminent de la Superwak Clique, aux côtés de Di-Meh – et son acolyte Bonnie Banane, avec qui il publiait le 18 janvier un curieux projet intitulé Le Regard Qui Tue.

Un peu moins de trente minutes passées avec ces deux joyeux lurons nous auront donné l’impression d’être comme un professeur rigide face à deux gamins un tantinet dissipés. Quand la discussion leur semble trop sérieuse, Jephté et Anaïs – leurs vrais noms – répliquent au second degré, s’échappent à travers des private jokes dont on ne voit pas la fin. Quand vient le moment de prendre les photos, ils délaissent soudainement leur escorte pour faire le même chemin… en trottinette électrique. Intenables. Reste que leurs vagues réponses à nos interrogations ne nous ont pas franchement permis d’en apprendre plus sur l’OVNI qu’est Le Regard Qui Tue. Leur attitude, en revanche, en a sans doute dit plus qu’il n’en fallait.

Car après tout, pourquoi devrait-on absolument chercher à poser des questions à ceux qui ne s’en posent pas ? Chez Varnish La Piscine, l’imagination n’est jamais contenue. Son cerveau est un bouillonnement d’idées qu’il s’efforce de concrétiser dès la minute où celles-ci germent dans son esprit, sans vraiment questionner leur bien-fondé. Plus dans l’action que dans la réflexion. « Les petits de 5 ou 6 ans n’ont pas de limites. Tu as beau leur dire : « Non, ne fais pas ça », ils ne vont pas pouvoir s’empêcher de le faire. Sur ce projet, on était un peu comme ça », raconte-t-il à propos de son dernier bébé.

Celui-ci prend la forme d’un « film d’auditif » de 29 minutes, où l’Helvète de 24 ans se veut à la fois acteur, réalisateur et directeur de casting. Dans un Monaco des années 60, il campe le personnage de Sydney Franco, un policier dérangé qui poursuit Gabrielle Solstice, une tueuse en série dotée – comme le suggère le nom du projet – d’un regard meurtrier. Un rôle que le compositeur a donc confié à la chanteuse Bonnie Banane. Les deux s’étaient croisés dans des circonstances assez floues lors de la dernière édition de We Love Green (« quand je l’ai vu à Genève pour la première fois, je me suis rendue compte que c’était lui qui hurlait pendant le set de Tyler The Creator », se rappelle Anaïs, amusée), avant de se découvrir en musique. Bonnie évoque notamment un coup de coeur pour « Youjizz », titre composé par Varnish pour son compatriote Makala : « Je n’écoute pas souvent les nouveaux morceaux qui sortent, et c’est très rare que j’aime quelque chose depuis quelques années. D’habitude, je n’écoute que des vieux sons. Mais « Youjizz », j’étais choquée. Ça correspondait tout ce que j’attends dans la musique francophone, un truc qui contrebalance en termes de groove et de funk. »

Une fois réunis à Genève, tout se fait là encore à l’instinct, au gré des pulsions créatrices de Varnish. « Je n’ai pas écrit le scénario, c’est venu direct. À la base, on voulait juste faire un son mais quand on est arrivés au studio, j’ai décidé qu’on allait carrément partir sur un projet et elle était opé. Puis finalement, je lui ai dit : « Tu sais quoi ? Viens on fait un film ! » Tout venait d’un coup, comme ça », raconte-t-il. Jamais il n’est question de calculs, comme l’assure Bonnie Banane : « Parfois, tu tiens un fil et il suffit juste de dérouler. Là en l’occurrence, c’était hyper spontané. Varnish est vachement comme ça. Souvent, il est là pour te rappeler de ne pas se prendre la tête. »

J’aime que ma musique ne soit pas ancrée dans le réel. Tout ce qui est trop terre-à-terre, ça me casse les couilles. La réalité, on la vit déjà tous les jours, ça suffit.

Varnish La Piscine

Le compositeur suisse s’évertue de conserver ce petit quelque chose qui distingue le métier de la passion quand il est question de musique, à savoir : le plaisir qu’il prend à créer. En naviguant dans son univers loufoque et déluré, qui convoque aussi bien Pharrell Williams – son idole – et Tyler, The Creator, que Jamiroquai et Stereolab, Varnish La Piscine s’amuse. « Je suis vraiment comme un gosse. Je fais juste ce que j’ai envie de faire et je fais en sorte de partager ça avec le monde. Comme un fils qui gribouille un dessin et qui le tend fièrement à son papa. » À côté de ça, qu’est-ce qu’une interview ? Un moment qui éloigne l’artiste de son terrain de jeu, et lui impose une réflexion sur son art, alors qu’il s’en dispense habituellement. Quelque chose de concret, de sérieux, quand lui cherche avant tout le fun, la déconne.

C’est aussi sans doute ce qui explique son goût pour le concept de « film auditif ». Car avant Le Regard Qui Tue, il y avait Escape (F+R Prelude), un premier EP publié en 2016 en tant que Pink Flamingo, dans lequel il s’improvisait déjà en père Castor de ce rap jeu. Toujours des histoires à raconter, Varnish. De fiction en fiction, l’artiste prend ses distances avec une réalité qui l’ennuie. « J’aime que ma musique ne soit pas ancrée dans le réel, que ce ne soit pas trop terre-à-terre. Tout ce qui est trop terre-à-terre, ça me casse les couilles. La réalité, on la vit déjà tous les jours, ça suffit. » Bonnie n’aurait pas pu être plus d’accord : « C’est trop chiant les trucs réalistes. Je pense qu’en musique, il faut rêver le truc… sinon autant faire des documentaires. »

Mais le monde de la musique n’est pas toujours ouvert aux originaux, excentriques, weirdos et autre N*E*R*D. Ceux qui se détachent justement parce qu’ils daignent penser en dehors du moule ne sont jamais à l’abri de voir l’industrie du disque les transformer en produit d’usine. Dès lors, comment réussir à conserver cette insouciance qui caractérise aujourd’hui les auteurs du Regard Qui Tue ? « Le truc, c’est de ne pas faire de concessions quant à ses idées. Le problème sur la longueur, que tu sois rookie ou confirmé, c’est que les gens vont venir te dire : « Non, on ne peut pas faire ça. » Mais en tant qu’artiste, il faut savoir s’imposer face à ça. Il faut continuer à insister, à croire en sa propre vision des choses plutôt qu’à celle que les gens projettent en toi », affirme pour sa part la chanteuse. Espérons donc que Varnish La Piscine et Bonnie Banane puissent poursuivre leur chemin en faisant les choses à leur manière. Comme des gosses.

À l’occasion de la sortie de Mortal Kombat 11, Kalash Criminel a été sollicité pour enregistrer un nouveau banger, intitulé « Fatality ». YARD l’a accompagné lors du tournage de son clip, assurément sauvage. 

« Comme Dolfa, n***o pour moi la school c’est finish him », « La déferlante de violence peut donner froid dans le dos à Sub-Zero » : de Damso à Kaaris, le rap français n’a cessé de puiser des références dans l’univers gore et ultra-violent de Mortal Kombat. Ce n’était alors qu’un juste retour des choses que la série phare de jeux de baston fassent appel à un artiste de cette culture pour pousser la sortie de son 11e volet, disponible depuis 23 avril 2019. Les honneurs sont retombés sur Kalash Criminel, lui-même joueur aguerri, qui a donc enregistré pour l’occasion le bien nommé « Fatality », accompagné de son clip, fidèle à l’univers de la saga. On vous plonge dans ses coulisses.

Photos : @alyasmusic

Épicentre des nuits bruxelloises, le Bloody Louis a déjà accueilli des artistes comme Tory Lanez, Aya Nakamura ou plus récemment Drake. Mais ce samedi 4 mai, le club de Bruxelles va mettre la barre encore plus haute lors de sa soirée Brussels Block Party avec un lineup bouillant : Zola, SCH et 13 Block. Comme si tout ça ne suffisait pas, vous aurez droit aux DJ sets de Ikaz Boi, Manare, Ritchie Santos et Zoe Hasselbank. Autant dire que BXL devient la nouvelle capitale française le temps d’un week-end. On t’y invite.

La soirée Brussels Block Party a lieu ce samedi 4 mai et on fait gagner des places. Pour participer, il vous suffit de remplir le formulaire juste en dessous.

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De passage à Paris, la Londonienne nous a accordé un instant pour parler de sa musique à la fois ensorcelante et engagée, qui contribue à renouveler l’héritage du jazz tout en remettant en cause les standards normatifs de notre société.

Photos : @alextrescool

Peu exposé sur les ondes mainstream, le jazz constitue néanmoins une source d’inspiration majeure pour quelques-uns des artistes les plus médiatisés de la scène anglo-saxonne. Il est au cœur de To Pimp a Butterfly, le sixième album de Kendrick Lamar qui a valu au rappeur de Compton le titre de « John Coltrane du hip-hop » ; il nourrit l’ADN de Leon Bridges, les chansons du groupe The Internet ou encore le dernier album de Solange, l’onirique When I Get Home. Et il se retrouve également dans l’œuvre, encore peu connue du grand public, de Poppy Adjudha, nouvel espoir de la scène londonienne. Récemment nommée dans la catégorie « Soul Act of the Year » dans le cadre des Jazz FM Awards 2019, cette chanteuse, guitariste et songwriteuse de 23 ans est considérée comme l’une des voix les plus prometteuses du moment, grâce à sa musique enivrante, coincée quelque part entre jazz et soul, et des textes à la fois thérapeutiques et engagés.

Originaire de Londres, Poppy Ajudha grandit aux abords du Paradise Bar, une boîte de nuit située dans le sud-est de la capitale anglaise dont son père n’est autre que le propriétaire. « Aussi longtemps que je m’en souvienne, la musique a toujours été là », dit-elle. D’abord bercée par le jazz, le reggae et la soul joués par ses parents, elle manifeste très tôt un intérêt pour des grandes chanteuses aux propos puissants, à l’instar de Billie Holiday, Amy Winehouse, Lauryn Hill ou encore P!nk. « Je ne savais pas encore comment fonctionnait l’industrie musicale à l’époque, commente-t-elle, mais j’ai le sentiment que j’étais attirée par ces femmes parce qu’elles incarnaient une forme d’indépendance et de rébellion qui m’a beaucoup inspirée, et continue encore de ma fasciner – ouais, je n’ai pas beaucoup changé depuis mes 7 ans [rires]. »

Inconsciemment influencée par ces chanteuses donc, mais aussi par l’envionnement musical dans lequel elle évoluait alors (en plus de la boîte de nuit tenue par son père, ses deux grandes sœurs faisaient partie d’un groupe de musique), Poppy Ajudha commence très tôt à écrire de la poésie avant de se décider, à l’âge de 13 ans, d’apprendre à jouer de la guitare pour composer ses propres chansons. « Je me souviens encore de ce Noël où je suppliais ma mère pour avoir une guitare, qui me rétorquait que je n’allais jamais m’en servir », lance-t-elle dans un rire. « Quand j’y repense, je n’ai jamais eu envie de faire autre chose que ça. La musique a pour moi été un moyen de comprendre le monde. »

« Pour qu’une chanson soit crédible aux yeux de ceux qui l’écoutent, il faut avant tout qu’elle le soit à tes propres yeux. »

Après des études en anthropolgie (« où j’ai notamment étudié la notion de genre et le rôle joué par la musique dans différentes cultures », précise-t-elle), la jeune femme décide en 2015 de se jeter à l’eau en délivrant « David’s Song ». Un premier single envoûtant, qui lui permet de préciser les contours de sa musique enchanteresse et d’affiner son écriture cathartique. « C’était un morceau difficile, car écrit suite au décès d’un ami », nous confie-t-elle. « C’était le premier décès que j’ai eu à affronter, et je ne savais vraiment pas comment le gérer… Écrire cette chanson m’a aidé à accepter la situation. C’était donc important qu’il constitue mon premier single, parce qu’il avait une réelle et sincère signification à mes yeux. »

Forte de cette première expérience, Poppy Ajudha s’allie au producteur Tom Misch pour créer « Disco Yes », un morceau qui finira par atterrir dans la liste des chansons préférées de Barack Obama en 2018, et partage également « Love Falls Down » – le morceau qui lancera véritablement sa carrière. Avec cette chanson, interprétée dans les très convoités studios de COLORS, la Londonienne nous immerge avec brio au cœur de sa toute première histoire d’amour et, comme pour mieux les condamner, nous fait revivre toutes les difficultés émotionnelles qu’elle y a traversées.

« J’écris toujours à partir d’expériences personnelles, ou alors à partir de choses qui me touchent, comme des livres qui parlent de féminisme, de masculinité ou de race, décrypte-t-elle. Mais il faut absolument que ce soit un sujet qui fasse écho en moi : pour qu’une chanson soit crédible aux yeux de ceux qui l’écoutent, il faut avant tout qu’elle le soit à tes propres yeux. D’autant que j’ai à cœur que ma musique soit instructive, qu’elle permette aux gens de penser de façon critique ou de remettre certaines choses en question… et ainsi, inscrire mes chansons dans une certaine réalité sociale. »

Et en effet : depuis son ascension avec « Love Falls Down », celle qui a choisi de se raser le crâne dans un souci de rejeter « les idéaux normatifs de beauté » n’a cessé de donner vie à des hymnes qui questionnent les standards et stéréotypes véhiculés par notre notre société, notamment ceux concernant les femmes, dont elle s’efforce continuellement de décontruire les clichés. Avec Femme, son premier EP paru en 2018, elle explorait ainsi les notions de « race, de genre et de sexualité à travers [ses] propres perceptions ».

Sur « Tepid Soul », la troisième piste de ce projet, elle relatait des expériences vécues en tant que métisse (ses parents sont d’origine anglaise, caribéenne et indienne). Et sur « Spilling Into You », elle contait une histoire d’amour racontée d’un point de vue féministe au côté de son comparse britannique Kojey Radical – dont la présence est tout sauf le fruit du hasard. « Kojey a un côté très masculin, mais la façon dont il délivre son art est aussi très subversive, notamment lorsqu’il danse, lorsqu’il est torse nu avec toutes ses grosses chaînes en or… » décrypte notre artiste. « Il offre une autre vision de la virilité, et c’est ce qui m’a plu. Et puis, on a eu de longues conversations sur le féminisme, j’ai senti qu’on était connecté. [‘Spilling Into You’] reste l’un de mes morceaux préférés à ce jour. »

Un premier album dans les tuyaux

Après un second EP Patience sorti l’an passé, Poppy Ajudha a récemment présenté l’entêtant « Devil’s Juice ». Une single né d’un séjour déconcertant aux États-Unis et de la lecture d’un livre, qui affirme un peu plus le caractère politique de sa soul teintée de jazz. « J’ai écrit ce morceau quand j’étais à Los Angeles, raconte-t-elle. C’était la première fois que je faisais des concerts aux États-Unis et c’était assez bizarre pour moi d’être là-bas parce que je suis une personne très politique, et… j’ai trouvé que les Américains fermaient complètement les yeux sur la politique de leur pays, notamment en matière de racisme et d’égalité de genre. Et puis au même moment, je lisais ce livre, Oranges Are Not the Only Fruit [de Jeanette Winterson, ndlr], qui parle de cette fille qui réalise qu’elle est gay en rencontrant une autre fille à l’Église (évidemment, ça se passe mal…). Tout ça a fait germer en moi l’idée de ce morceau. » Et d’ajouter :

« C’est un morceau qui parle tout à la fois d’une société consumériste, de la religion, de la sexualité, et surtout de comment on contrôle la façon dont les gens se comportent, ce en quoi ils croient et ce à quoi ils aspirent devenir. L’idée de ce single, c’est d’interroger les gens et de leur demander : êtes-vous réellement satisfaits de cette vie ? De cette société binaire, qui nous explique que les choses ne peuvent être que bonnes ou mauvaises, qu’on ne peut être qu’homme ou femme, qu’on ne peut que réussir ou échouer ? Les choses sont bien plus complexes que ça. »

Bien décidée à faire de sa voix un outil de contestation sociale, Poppy Ajudha travaille actuellement à la création de son tout premier album. Un disque qui devrait toujours plus raviver la flamme du jazz, un des genres qui a d’ailleurs le plus œuvré dans la lutte contre les discriminations raciales et sociales, et appuyer de plus belle l’engagement féministe de cette prometteuse artiste.

« C’est vraiment important pour moi de montrer aux gens qu’ils n’ont pas à se conformer à ce qu’on leur demande d’être, et qu’ils peuvent être ce qu’ils veulent », conclut, de sa voix suave, Poppy Ajudha. « C’est quelque chose que j’ai réellement envie de prouver à travers ma musique. Surtout aux femmes. Tu peux clairement être une femme et avoir les cheveux rasés, ne pas porter de maquillage, ne pas porter de talons… Tu peux être une femme sexy sans pour autant être soumise. Mon but, c’est de montrer à tous et à toutes qu’il n’y a pas qu’une seule et unique façon d’exister dans cette société. »

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Il y a six ans, un fan convaincu de la suréminence de Kanye West et sa capacité à chambouler l’humanité imaginait une religion baptisée « Yeezianity ». Les « Ye’ciples » n’étaient, au vrai, pas si illuminés que le reste du monde voulait penser. Chaque dimanche depuis maintenant quatre mois, leur héros orchestre des Sunday Services, genres d’offices religieux en musique. Comme pour impulser un nouveau mouvement spirituel, dont il serait le gourou. Yeezus se révèlerait-il prophète en son pays ?

Il est 9h15 en ce dimanche de Pâques, dans la vallée de Coachella. C’est l’heure, passée de quelques minutes. Les micro shorts en jean ont déjà englouti la pelouse. Au loin, sur le ciel bleu franc, des montagnes se découpent joliment. L’air est doux, pas encore brûlant, bercé par des accords d’orgue. Là, perché sur un monticule, quelqu’un joue du synthé. Bientôt, des dizaines de silhouettes monochromes s’avancent façon parade militaire, s’alignent, se figent. Drôle de ballet à la Vanessa Beecroft, la scénographe des défilés Yeezy. Puis voilà que ça s’emballe, qu’une ribambelle d’instruments se met en branle. Guitares, batterie, tambours, trompettes et saxophone donnent le rythme. Jason White, le chef de choeur, a grimpé sur quelque chose. Il libère sa voix enveloppante. Peu après, c’est l’architecte de l’événement qui rallie la troupe. Kanye West.

Ç’avait commencé en janvier, les Sunday Services. Des cultes gospel inspirés des églises baptistes afro-américaines, mouvant d’un lieu à l’autre. Une adresse secrète à Burbank, la propriété des West à Calabasas, une forêt en bordure de Los Angeles, le siège d’adidas à Portland. On y chante des hymnes gospel, des morceaux soul et des classiques de Ye. Ce matin, c’est « Ultralight Beam » et son outro « Ultralight Prayer » qui ouvrent le bal. Sur The Life of Pablo, qu’il définissait comme un album gospel, le rappeur expulsait ses remords et quémandait la rédemption. Dieu l’a semble-t-il pris sous son aile. Depuis, il n’a de cesse de prêcher la bonne parole, comme l’ancien pécheur devenu apôtre Paul, Pablo.

Kanye est un miraculé. Dieu l’avait épargné en 2002, après un accident de voiture qui aurait dû lui être fatal. Dès son premier album, l’artiste clamait sa foi au monde avec un morceau devenu culte, « Jesus Walks ». En 2006, il posait couronne d’épines sur le crâne en couverture du magazine Rolling Stones, qui titrait « The Passion of Kanye West ». Quelques années plus tard, Ye filait la métaphore en baptisant son album « Yeezus », contraction de Yeezy et Jésus. Qu’on ne s’y méprenne, Kanye ne se croit pas le Christ, pas exactement. Plutôt son égal, un plus qu’homme, un messager de Dieu. Pendant son Yeezus Tour, un ersatz de Jésus venait passer une tête sur scène. Face à lui, Kanye retirait son masque en diamants et s’agenouillait. En présence du divin, il ne peut pas tricher, se cacher. Il tombe la façade, se montre tel qu’il est, avec ses failles et ses vérités.

Le Christ exerçait son influence dans la modestie et la simplicité, sans orgueil, sans éclat. En s’identifiant à lui, Kanye a rencontré l’humilité. Il s’assume humain, vulnérable même. Expose ses limites, ses faiblesses, ses névroses, comme ses troubles mentaux. Avant Yeezus, celui qui s’auto-surnommait encore le « Louis Vuitton Don » accumulait et superposait les sonorités et les goûts, les effets et les idées, les chaînes en or et les vêtements bariolés. Le packaging était saturé et tapageur. Depuis, il s’est purgé du toc artistique, des dorures et des oripeaux. Besoin de se dépouiller comme pour revenir à l’essentiel.

Lors de ses cultes, Kanye se fout de sa mise en lumière, tait son égo. Il ne se place plus « au-dessus » mais « parmi ». Chacun enfile un complet monochrome en coton, crème, nude, blanc, beurre ou carbone. Ça gomme les différences, les inégalités, les positions statutaires. Choristes et musiciens ne forment plus qu’un. Une même tribu au service de Dieu. Yeezus le prophète est devenu Pablo le disciple, un prédicateur plus proche des hommes, un bienfaiteur qui nous ressemble.

À Coachella, Kanye se confond entre tous les uniformes roses et violets. Des couleurs qui ne doivent rien au hasard. Le rose convoque la tendresse, l’amour, le bonheur, quand le violet symbolise la transcendance, la spiritualité, l’introspection. Les deux chasseraient les ondes négatives, apaiseraient les émotions. À Jimmy Kimmel il y a quelques semaines, Kim Kardashian parlait des Sunday Services comme d’une « expérience qui guérit ». Par sa seule parole, Jésus secourait, soulageait, guérissait. A son tour, Kanye veut lécher les plaies, alléger les coeurs. Chaudes et lancinantes, les voix de la chorale caressent et soignent l’âme. Ça lève les bras au ciel, danse, s’étreint, s’enivre ou bien se recueille. Ils sont 50 000 à s’être massés au pied de la colline, à se vider de tout ce qui pèse. Beaucoup plus encore devant leurs écrans, à travers le monde. On a réparti la foule, les choristes et les musiciens de manière à former un œil, vu du ciel. Celui de Dieu, qui surveille et protège.

Lors de ses cultes, Kanye se fout de sa mise en lumière, tait son égo. Il ne se place plus « au-dessus » mais « parmi ».

Après la cérémonie, Philip Cornish, le joueur de synthé, écrivait sur Instagram : « Kanye West est clairement en mission divine ». Celle de répandre l’amour, comme Jésus le fit tout au long de sa vie. « Si vous commencez à ressentir de l’amour et à penser au pardon, alors vous pourrez surmonter beaucoup de choses… Je pense que l’amour triomphe de tout. Je sais, du plus profond de mon cœur, de mes tripes, de mon esprit et de mon subconscient, que l’amour est la plus force la plus puissante de l’univers. Et aujourd’hui, nous avons besoin d’amour », professait Kanye l’an passé sur TMZ, entre deux déclarations bancales. En interview ou sur Twitter, il n’en finit plus de distribuer des « love », même à ses propres ennemis. Jusqu’à vouloir « pardonner et arrêter de haïr » le chirurgien qui avait mené l’opération qui coûta à sa mère la vie. « Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi » (Matthieu 5:38-45).

11h et des poussières. La voix de Kanye tremble et se brise sur « Jesus Walks ». Le bonhomme tombe à genoux, se relève, puis rechute, les jambes alourdies par un trop-plein d’allégresse. « To the hustlers, killers, murderers, drug dealers, even the scrippers (Jesus walks for them) / To the victims of welfare feel we livin’ in Hell here, hell yeah (Jesus walks for them) ». Kanye rappelle que l’amour du Christ enveloppe tous les hommes. Inconditionnel et miséricordieux, il pardonne les péchés, n’exclut personne. Quelques minutes plus tôt, DMX s’égosillait sur une prière : « Soyons jugés à travers notre cœur et non nos erreurs ». Derrière sa main, Kanye laissait rouler des larmes émues.

À l’entrée, sous un chapiteau blanc qui annonce « Church clothes » en grosses lettres, on vend des sweats et des t-shirts estampés « Holy Spirit », « Trust God » ou « Sunday Service ». Un merch également disponible sur kanyewest.com. Obsédé par l’idée de vulgariser, démocratiser, Kanye cherche à naturaliser le message religieux dans la culture pop. L’artiste en est persuadé, il l’a tweeté, « Dieu [lui] a donné cette voix pour une raison ». Faire entendre au plus grand nombre un message d’amour, de foi, de tolérance, de compassion.

Parmi la setlist de la cérémonie, on a glissé deux inédits, « Everything We Need » et « Water ». Des morceaux qui pourraient figurer sur le prochain album de Kanye, Yandhi. Si le disque devrait sonner gospel, son titre suggère une émancipation de la figure du Christ pour se rapprocher d’un autre guide spirituel, Gandhi. Icône de la non-violence et de la désobéissance civile, Gandhi croyait aussi que le plus grand des combats se jouait dedans soi. Vaincre ses propres démons, ses angoisses, ses insécurités. Une pensée qui résonne profondément chez Kanye. Le rappeur ne se confine pas à un seul dogme, une seule doctrine spirituelle. Sa vision et son langage se veulent universels, ils transcendent les carcans dans lesquels les religions s’enferment. Son Dieu à lui n’appartient à personne.

« I feel it’s fadin’/Oh, I get lifted, yes ». Après près de trois heures, les corps commencent de se disperser, un peu ailleurs, un peu habités. On murmure que Kanye voudrait fonder sa propre Église. Une qu’on imagine à son image, libre, ouverte, œcuménique, avec du cœur dedans. Du christianisme elle s’affranchirait, mais emprunterait sa maxime : « Aimons-nous les uns les autres. »

Ce samedi 27 avril, le show-room du Faubourg et Converse invitent l’artiste multimédia Johanna Tordjman à l’occasion de la présentation de son nouveau projet, Pastèques & Paraboles. Rencontre avec la parisienne qui incarne le mieux la peinture 2.0.

« Je n’ai pas de personnage », me dit Johanna Tordjman lorsqu’elle me reçoit dans son atelier, après une fin d’après-midi bien remplie. Elle revient d’une séance photos avec le rappeur suisse Di-Meh une muse de plus pour la portraitiste mélomane. Directrice artistique, graphiste, musicienne, photographe, vidéaste et peintre, celle qui s’identifie davantage au modèle des entertainers américains qu’aux parcours unilatéraux à la française évoque ses réussites et ses doutes sans filtre. Son intégrité et son naturel bon vivant contrastent avec les clichés de l’artiste bohème perdue dans les nuées de l’art contemporain. Ce qui, par ailleurs, ne l’a pas empêchée de passer par des structures aussi prestigieuses que les salons Art Basel et Art Paris, et, plus récemment, la Halle des Blancs Manteaux, avec un solo show à grande échelle. Habitée par ses créations, généreuse et solaire, Johanna Tordjman nous a donné envie d’apprendre à la connaître.

« J’ai vingt-huit ans, je suis née à Créteil, j’ai grandi là-bas pendant quinze ans. Après, je suis partie à Saint-Maur, puis à Joinville-Le-Pont. Je ne connaissais que le RER [rires]. J’ai eu mon premier appart’ à Paris dans le XIème quand j’avais vingt-et-un ans. Ça fait donc sept ans que j’y suis maintenant ». « Et je fais de la peinture », complète-t-elle finalement, en s’essayant à un résumé de son parcours. Mais sa trajectoire de vie est loin de former une ligne droite. Très vite, on comprend ce que les déambulations évoquées par l’artiste recouvrent comme expériences et comme expérimentations. Ses souvenirs, ses idées et ses préoccupations se bousculent à mesure qu’on l’interroge sur son travail — comme pour former une immense fresque.

De huit à vingt-huit ans, Johanna Tordjman n’a jamais cessé d’explorer les différents médiums artistiques. En fait, c’est même tardivement que l’artiste touche-à-tout viendra à la peinture. Au gré de ses envies et de son désir de s’exprimer, l’artiste imagine, façonne et projette un univers à la fois digital et onirique que l’on reconnaîtra bientôt comme le sien. « J’ai toujours dessiné. J’ai toujours été un peu l’artiste de la famille d’ailleurs. Quand j’étais enfant et qu’on prenait la voiture, j’étais fascinée par le fer forgé des balcons. Je disais : ‘Ils sont beaux les graphismes !’ Je ne sais pas où j’avais appris ce mot. » Peut-être au cours de l’une de ses visites à sa famille, aux États-Unis. « On a tous un oncle un peu fou, un peu cool. Le mien habite à Los Angeles, il a travaillé pour Disney. On allait tout le temps le voir et il nous faisait visiter les studios de DreamWorks ou de Warner. Je voyais comment ça fonctionnait. C’était fascinant. Une de ses collègues faisait les poils de Stuart Little en 3D et je m’étais dit : ‘Je veux faire ça plus tard’. »

« Je refuse complètement le truc de se consacrer à une seule activité. Aux États-Unis, il y a une valorisation de la prise de risque, alors qu’en France, tu n’as pas trop le droit de faire plusieurs choses. »

Mais déjà, les ambitions de la jeune Johanna sont multiples. Elle apprend à faire du skate avec sa mère, sympathise avec ceux qui font du roller et du BMX sur le terrain vague de Créteil ou dans un skate park de Los Angeles pendant les vacances. « À l’époque, on écoutait du rock, je découvrais les Spring et Blink-182. Après avoir vu les Red Hot en concert, je m’étais acheté une basse avec toutes mes économies. Ma sœur faisait de la batterie alors on a formé le groupe de drum’n’bass le plus pourri du 94 ! » Mine de rien, la carrière que poursuit la jeune artiste dans sa chambre d’ado prend une autre tournure, lorsque, plus tard, elle fait la première partie d’un rappeur à New-York et enchaîne les petits concerts.

Pour la chanteuse et musicienne amateur, la musique devient une véritable option. Enfin, un temps seulement. « En fait, je faisais un peu de tout mais j’étais nulle ! Ça ressemblait à beaucoup d’autres choses, je n’étais pas assez ouverte. Je n’ai que des passions dans ma vie, mais je ne peux pas vivre de toutes. Je dois garder quelque chose qui soit pour moi. Et puis, je faisais mes études d’art en même temps, on m’a appris à assurer mes arrières. » C’est donc plus ou moins comme prévu que Johanna Tordjman devient directrice artistique et enchaîne les collaborations avec Nike, Converse ou encore des marques de cosmétiques.

Le job idéal pour qui a horreur de l’ennui et se laisse aller aux va-et-vient de l’inspiration. « Ce qui me fait kiffer dans ce métier-là, c’est que tu peux t’imposer un challenge. Ça peut être un échec, mais pour moi, si tu as tout donné, ton échec est tolérable. Si je ne prends pas de risque, je me fais chier. Je ne vais pas savourer. »

Johanna Tordjman appartient à cette mouvance de créatifs dont la soif d’aventures s’assouvit à coups de tutos YouTube et de skills capitalisées en autodidacte. « Moi, je refuse complètement le truc de se consacrer à une seule activité. Aux États-Unis, il y a une valorisation de la prise de risque, et je crois avoir cette double éducation-là qui me permet de m’en foutre, peu importe où je suis. Mais c’est vrai qu’en France, tu n’as pas trop le droit de faire plusieurs choses. Si tu es peintre, tu restes un peintre. Si tu pratiques un style pictural en particulier, il faut que tu le gardes, parce que les gens n’ont pas envie de voir autre chose de toi. »

Ainsi c’est moins par hasard que par audace que la peinture prend place dans la vie de la graphiste. Une chose est sûre : qui ne tente rien n’a rien. « Je n’avais jamais pris de pinceaux pour faire quelque chose de beau. Puis, il y a eu les attentats. Et quelques temps plus tard, j’étais chez moi, je n’arrivais plus à travailler, je crois que c’était le jour où David Bowie est mort… J’avais acheté du matériel de peinture, alors j’ai peint David Bowie vert parce que je n’avais pas d’autres couleurs [rires] ! C’étaient des moments spéciaux, je ne m’en rappelle même pas. » Mais culot et témérité portent leurs fruits. « Quand on m’a proposé ma première expo, je n’avais que deux peintures et une espèce de sculpture bizarre. C’était au Badaboum. »

Depuis, la peintre a trouvé ses marques et ses toiles ont voyagé entre Paris, Lille, Los Angeles, et Hong Kong. Les thèmes et les modèles varient au fil du temps, mais un processus créatif s’instaure. Johanna Tordjman photographie des personnalités choisies avec soin (souvent, aussi, avec amour), retravaille ses images puis les projette sur le mur afin de les peindre. Sur la toile, technologie et réminiscences d’un art ancestral se rejoignent. « J’essaye de m’approprier ce mélange-là » précise l’artiste, fille d’une époque avantageuse où « l’on peut figer les gens sans qu’ils aient à poser pendant des heures ». Depuis son ordinateur, Dinos, Frank Ocean ou A$AP Rocky trouvent une forme et des couleurs nouvelles.

Car la musique n’est jamais bien loin. « C’est devenu mon exutoire. Je rentre chez moi, je joue, je compose, et après je peins. Et quand je peins, je dois écouter de la musique. Souvent, je choisis des choses très cinématographiques, comme The Blaze, Philip Glass ou Ludovico Einaudi. Mais j’aime toujours la musique un peu énervée, qu’il s’agisse de XXXTENTACION, des Flatbush Zombies, de Niro, de SCH ou de Moha La Squale… » C’est ce même mélange entre image, vidéo, peinture, musique et voix que l’on retrouvait lors de la dernière exposition de la peintre à la Halle des Blancs Manteaux, DN41R. Johanna Tordjman y avait imaginé une trajectoire quasiment synesthésique, pensée pour être parcourue avec des compositions inédites des artistes Pepper et Lonely Band dans les oreilles. « Personne ne s’attendait à ça. Je sais que pour certains il y a eu un ‘wow effect’ et c’est ce que je recherche. Je suis un humain avec des émotions, ce serait mentir que de faire la même chose en boucle tout le temps. »

Dans son tout nouveau projet, ‘Pastèques & Paraboles’, l’artiste se fait voyeur à son tour. Un livre, des toiles et des vidéos rendent compte de ses errances virtuelles sur Google Street View.

Pourtant, le travail de l’artiste a bien ses propres refrains. Dans un tableau de sa série Royal Outcasts, Johanna Tordjman représentait la famille Ndjoli, sur fond du corps menaçant d’un tigre gigantesque. « Cette série s’inspirait de la devise française », explique l’artiste. « À l’instar de ce tigre, j’ai une image de la France qui est à la fois celle d’un cocon protecteur et d’un truc effrayant. Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité sont chanmées sur le papier mais je ne les ai jamais vues passer. On t’apprend que la France, c’est bien pour toi, mais on ne te donne que dalle. J’aime la France dans l’idée. Mais on ne nous montre pas l’exemple. Il faut un événement tragique pour que l’on s’aime. La fratrie Ndjoli, je l’ai utilisée comme modèle pour mon message. Ils sont mes porte-paroles. »

L’idée qu’une ombre plane et qu’un regard inquiétant surplombe nos vies continue de hanter l’œuvre de l’artiste. Du tag vandal essayé une ou deux fois, un peu pour rire, mais où l’on apprend vite à être à l’affût, à la vidéo performative qu’elle a réalisée en installant une GoPro dans son appartement, Johanna Tordjman s’interroge. Le souvenir des attentats, lui aussi, obsède. Pourquoi la France n’a-t-elle pas vu passer le camion sur la promenade de Nice, ville la plus surveillée du pays ? « Ils justifient tout par la surveillance. Nous sommes des datas : on est des données et on le veut bien. » Reste à la peintre de cyber-inverser les rôles.

Dans son tout nouveau projet, Pastèques & Paraboles, l’artiste se fait voyeur à son tour. Un livre, des toiles et des vidéos rendent compte de ses errances virtuelles sur Google Street View. « J’étais en train de me perdre. Je voyais des choses incroyables. Des gars qui cachaient de la drogue, d’autres qui se battaient, un type qui s’échappait de prison. J’ai trouvé que c’était cinématographique et j’ai voulu représenter ça en y ajoutant du texte. »  Sur plusieurs supports, son carnet de voyages fait le récit d’escapades entre réel et virtuel. Johanna Tordjman raconte comment sa démarche a évolué en étudiant son sujet, jusqu’à prendre des tournures inattendues.

Si l’on clique sur l’horloge, on peut voir la Nouvelle Orléans avant et après Katrina. L’outil des internautes est devenu un témoin de l’histoire. Mais il n’est pas encore au point, nous fait remarquer l’artiste. En 2007, le floutage n’existait pas. Aujourd’hui encore, il fonctionne mal. L’ambiguïté de l’anonymat sur Google Street View fascine la peintre, celle-là même qui aime à représenter ses proches, ceux avec qui, au moins, elle a ouvert un dialogue. Certains animaux sont floutés, des humains ne le sont pas. Mais atteindre ces mystérieux inconnus pour rentrer en contact avec eux demeure une mission impossible. « J’ai essayé de retrouver un homme qui se trouvait au Ghana. Il avait suivi le camion Google et posait dans différents endroits ! Mais de façon générale, ce qui me plaît avec ce projet, c’est qu’il n’y a que moi. Je ne suis pas influencée par qui ces personnes sont, c’est uniquement mon imaginaire qui fait tout le travail. »

D’ailleurs, tout porte à croire que Johanna Tordjman ne cesse jamais d’imaginer, de combiner, de scénariser. Les concepts fusent, et les projets de films, de livres ou d’expositions s’imposent à elle sans prévenir. Entre deux éclats de rire, l’artiste fait œuvre. Elle nous confie : « J’ai toujours été fascinée par ce que l’humain créait ». C’est celui qui dit qui est.

Toutes les informations sur l’évènement Pastèques & Paraboles du 27 avril sont à retrouver ici.

L’hiver s’annonçait plus que jamais icy, et inutile de dire qu’il l’a été. Douze dates durant, de novembre à mars, le YARD Winter Club a soufflé un vent de fraîcheur inégalé sur l’Hexagone, de Lille à Bordeaux, en passant par Lyon, Bordeaux, Rennes et bien sûr Paris. Avec à chaque fois, son lot de surprises mémorables : des lives du phénomène Sheck Wes, Koba LaD, 13 Block, Josman, Leto, Oboy ou encore Kopp Johnson, les release party des albums très attendus de Kalash Criminel et Maes, ainsi qu’une quantité de petites attentions offertes avec Havana Club, notre fournisseur officiel de vibes. Il nous a donc semblé naturel de revenir sur cette belle saison passée avec vous, pour mieux la clôturer, avant de faire rapidement remonter la température cet été. On commence dès le 27 avril, avec un YARD Special Club que vous ne voulez pas manquer. Croyez-nous.

De passage en France pour confirmer que son succès n’est pas seulement national, l’italien Capo Plaza s’est arrêté à nos côtés pour raconter 20, son déjà très mature premier album. Un projet qui doit beaucoup au son de l’Hexagone, dont le rappeur est un fervent amateur.

Après Sfera Ebbasta, venu consolider son empire en terres étrangères au YARD Summer Club, la France accueillait en mars un nouveau phénomène issu de la Botte. Le 19 du mois, Capo Plaza – que nous vous présentions déjà ici – nous donnait rendez-vous à La Boule Noire, avec dans son bagage 20, un disque de jeune premier certifié double platine en Italie. Une date parisienne a la saveur particulière pour cet artiste qui, malgré les dizaines de millions qui s’accumulent sur ses clips et une première tournée européenne sold out, chérit la France comme la mère des rappeurs qui ont forgé une part importante de sa culture musicale. On a donc évoqué avec lui la nouvelle scène hexagonale, sa récente connexion avec Ninho et la conception de son album révélation.

Photos : @alextrescool

En avril dernier, tu as sorti 20, ton premier album, dont le titre faisait référence à ton âge. Pourquoi avoir choisi de mettre ça en avant ?

Je voulais faire comprendre que le moment était venu pour moi de grandir, parce que 20 ans, c’est un âge à part, où tu es plus que jamais responsable de ce que tu fais. D’autant qu’en étant né le 20 avril, le chiffre 20 est particulièrement significatif pour moi. C’est ce qui explique autant le titre de l’album que celui du morceau éponyme, dans lequel je dis justement : « Avant je n’étais qu’un gamin, aujourd’hui j’en ai 20. » C’est une manière de retracer les étapes par lesquelles on passe avant d’avoir 20 ans et aussi de se projeter celles à venir. J’ai d’ailleurs appelé ma tournée « Da Zero a 20 » [« de zero à 20 », ndlr], comme pour dire que c’est « du début à aujourd’hui ». Puis dans les prochains disques, on parlera de la suite.

Au-delà du concept de 20 ans, y a t-il d’autres idées qui ont alimenté la conception de ce disque ?

Pour être honnête, au début, je ne pensais même pas à faire un album parce que je ne m’attendais pas à ce que les choses pètent de la sorte. Ensuite, il y a eu deux titres qui ont rentré un certain succès – « Allenamento #2 » et « Giovane Fuoriclasse » – et qui nous ont donné la force ainsi que l’envie de faire ce disque, à notre façon, sans se fixer d’objectif. À l’arrivée, on a quand même pu obtenir d’excellents résultats avec un double disque de platine en 9 mois, et 12 morceaux sur 14 certifiés platine. Le tout s’est fait de manière très spontanée avec Luca, mon producteur. On était en studio, les morceaux qu’on enregistrait sonnaient bien, alors on a continué à charbonner encore et encore, et à bien confectionner le tout pour sortir ce disque.

Tu te souviens de tes débuts, quand tu as commencé à écrire ?

Oui, ce sont de beaux souvenirs car à l’époque, je ne pensais pas être capable de faire des rimes. Alors qu’aujourd’hui, avec le recul, ça me semble être un talent naturel vu que je ne l’ai pas appris quelque part ou avec quelqu’un. Je n’ai pas fait d’école de musique ou quoi que ce soit : j’écoutais simplement de la musique sur YouTube. À douze ans, j’ai commencé à faire mes premiers titres et en continuant à écrire, en persévérant, j’ai affiné ma technique pour arriver là où je suis aujourd’hui.

Et la première fois que tu es allé en studio ?

C’était à 13 ans, pour enregistrer le tout premier morceau que j’ai sorti, qui s’appelait « Sto giù ». C’était dans mon quartier, juste à côté des bancs où je trainais le soir.

« Quand Ninho est venu en Italie, il avait envie de rencontrer des locaux, des gens des quartiers. »

Ce quartier, justement, parlons-en. Tu as grandi dans la petite ville de Salerne, que tu as très vite dû quitter pour Milan. Que peux-tu nous dire là-dessus ?

Salerne est un endroit magnifique, entre mer et montagne. C’est une petite ville très pittoresque, mais quand les choses avancent et que les intérêts grossissent, tu es obligé de te délocaliser. C’est un peu comme un footballeur qui se fait remarquer en jouant à Lille ; à un moment donné, il sait qu’il va devoir partir au Paris Saint-Germain pour passer un cap. En termes de business, les choses se passent à Milan, c’est la capitale du rap italien, de la même manière que Paris est la capitale du rap français. On court tous pour aller à Milan parce que c’est là-bas qu’on a les meilleures opportunités et parce qu’on y bosse mieux. Puis c’est plus simple que de faire des allers-retours en train, même si Salerne est un endroit vraiment sublime.

Ça t’arrive encore d’y retourner ?

Pas dernièrement, mais au début j’ai fait beaucoup d’efforts pour rester là-bas. Je faisais environ 5 allers-retours par mois en étant 4 jours à Milan et 3 jours à Salerne.

Dans le rap il est souvent question de représenter sa ville, ses gens, d’où l’on vient. Qu’en est-il pour toi, qui te retrouves à être le porte-drapeau d’une ville dans laquelle tu ne vis plus ?

Les racines demeurent quoiqu’il arrive. Ma base, c’est Salerne : mes textes parlent de ma ville et ma ville fait partie de moi, c’est dans le coeur. Mais ça fait aussi parti du jeu de sauter le pas et d’aller à Milan pour te procurer des opportunités meilleures et faire des choses plus abouties. Tu t’éloignes pour devenir plus fort et représenter ta ville ailleurs, que ce soit à Milan ou en Europe, comme je le fais en ce moment.

Dernièrement, on t’a aperçu dans le clip « Fendi » de Ninho, avec qui tu as ensuite collaboré sur le titre « Billets ». Comment s’est faite la connexion ?

Je suis devenu fan de Ninho quand il a commencé sa série de freestyles « Binks to Binks ». Ensuite, nos succès respectifs ont fait que l’on s’est tous les deux retrouvés sous contrat chez Warner, c’est Warner qui l’a amené en Italie pour tourner le clip de « Fendi ». Lui avait envie de rencontrer des locaux, des gens des quartiers tandis que de mon côté, j’ai demandé à Warner de lui faire savoir que j’appréciais ce qu’il faisait et que j’avais envie de le rencontrer. Ce à quoi il a répondu qu’il me connaissait aussi, alors on a fini par se capter à Milan, d’abord en studio – où l’on a commencé à enregistrer « Billets » – puis pour tourner son clip. Il est ensuite retourné en France et on a terminé le morceau à distance, en se parlant par mail ou sur Instagram. Quelques mois plus tard, je venais en France pour clipper « Billets ».

Qu’est-ce qui t’a plu dans sa musique ?

Je pense avoir vu beaucoup de similitudes entre nous. Même si on ne fait pas forcément le même style de rap, lorsqu’il pose, tu n’as pas besoin de comprendre ce qu’il dit pour entendre que le mec est très porté sur la technique et c’est aussi mon cas. Honnêtement, c’est le rappeur français qui me plaît le plus après Booba. Il y a aussi le fait qu’on est de la même génération, lui étant un 96 et moi un 98. J’imagine que l’on s’est retrouvé autour de tout ça et je pense que c’est pareil pour lui.

Au-delà de Ninho et Booba, il y a d’autres rappeurs français qui te plaisent ?

Bien sûr. Déjà, il faut savoir que j’écoute peu de rap italien en dehors de mes gars, à savoir Sfera, Guè, Ghali, Dref, etc. À part ça, je n’écoute que du rap français et américain. Ça va de Booba à Koba LaD récemment, en passant par Damso, Kalash, Kalash Criminel ou encore Lacrim, que j’adore. Il y a aussi Zola, un jeune très fort dans ce qu’il fait. Franchement, si je devais te faire une liste de rappeurs français, on en aurait pour toute la soirée.

Y’a t-il des morceaux ou des projets auxquels tu as particulièrement accroché dernièrement ?

Je dirais les derniers morceaux de Koba : « R44 », « Aventador », « FEFE », etc. Il est très fort, son dernier album m’a beaucoup plu et j’attends le prochain.

« Les italiens sont réputés pour être un peuple très fier, mais ceux qui vivent à l’étranger expriment cette fierté d’une manière encore plus forte »

C’est marrant parce ce qu’en France, les rappeurs ont beaucoup de difficultés à parler de leur influences, souvent par orgueil. Alors qu’en Italie, vous avez l’air d’être beaucoup plus décomplexés vis-à-vis de ça.

Disons que de notre côté, on a grandi en ayant des rappeurs français pour idoles, et même en s’inspirant de certains rappeurs français de notre génération. Autant tu n’avais pas forcément de modèles de rappeurs italiens, autant tu pouvais ériger Booba comme ton rappeur préféré, te dire que ce gars-là était le boss et que tu avais envie de t’en rapprocher. C’est toute une dynamique : il s’agit de trouver une figure qui t’inspires et qui te motive à te dépasser. En France, vous n’êtes pas comme ça et c’est sans doute tant mieux?

Aujourd’hui, tu te retrouves à faire une tournée européenne, ce qui n’est pas négligeable. Est-ce une manière de prendre la température et voir comment ta musique prend en dehors de tes frontières  ?

Totalement, ça me donne à voir comment ma musique est reçue à l’étranger, que ce soit à Londres, Berlin, Zurich ou Paris. Et jusqu’à présent, je suis très content de voir comment les choses se passent car je n’aurais imaginé pouvoir recevoir un tel accueil. Puis c’est aussi une occasion de rencontrer les fans italiens qui sont à l’étranger.

Ça tombe bien que tu en parles, parce que l’été dernier, nous avions programmé Sfera Ebbasta au YARD Summer Club et nous avions été surpris de voir le nombre d’italiens qui étaient venus juste pour lui.

C’est beau à voir parce que de manière générale, les italiens sont réputés pour être un peuple très fier, mais ceux qui vivent à l’étranger expriment cette fierté d’une manière encore plus forte. Ils contribuent tout autant à notre succès, quand bien même ils sont à Paris ou à Londres. Du coup, la chaleur avec laquelle on est reçus en dehors d’Italie est invraisemblable, tu te sens limite à la maison !

Ton morceau le plus connu s’intitule « Giovane Fuoriclasse », et « fuoriclasse » se trouve être un terme très lié au ballon rond. On sait qu’en France, le foot et le rap sont souvent très liés : qu’en est-il en Italie ?

Chez nous aussi, c’est comme ça ou du moins, ça l’est de plus en plus. Pour ma part, je suis pote avec Romagnoli, le capitaine du Milan, mais aussi avec Calhanoğlu et plein d’autres joueurs du Milan parce que c’est mon équipe. En France, ce phénomène est un peu plus vieux mais en Italie, ça ne fait que 2 ou 3 ans que c’est comme ça. Vu qu’on domine l’industrie, les clubs nous invitent aux matchs et en tant que fan du Milan AC, je suis donc régulièrement amené à me rendre à San Siro. Il y a un beau rapport entre le foot et le rap, surtout qu’en Italie, le foot est notre oxygène.

Italien :In Francia per confermare che il suo successo non è soltante nazionale, Capo Plaza si è fermato con noi per raconter 20, il suo primo – e molto maturo – album. Un progetto che ha molto a vedere con il rap transalpino, molto apprezzato dal rapper.

Dopo Sfera Ebbasta, sbarcato al YARD Summer Club per rafforzare il suo impero straniero, la Francia accoglieva in marzo un nuovo fenomeno italiano. Il 19 del mese, Capo Plaza – di cui avevamo gia parlato qui – è arrivato a Parigi con 20 nel suo bagaglio, un disco ricco di promesse certificato doppio platino in Italia. Un tappa parigina speciale per un artista che, al di là del suo successo, ha un rapporto speciale con la Francia, un paese i cui rapper fanno parte della cultura musicale del rapper di Salerno. Scena francese, connessione con Ninho e produzione di questo disco rivelazione, ecco di cosa ci ha parlato Capo Plaza.

Foto : @alextrescool

Nel scorso aprile, hai uscito 20, il tuo primo album, il cui titolo è una referenza alla tua età. Perché questa scelta ?

Volevo fare capire che era il momento di crescere perché comunque arrivare a 20 anni è una maggior età, quindi bisogna essere più responsabile… E poi, essendo nato il 20 aprile, il numero 20 ha un fascino particolare per me. Cio spiega il perché del nome sia del album che del title track « 20 » in cui dico che proprio « Prima ero solo un bambino ora ne ho venti« . E un modo di descrivere le tappe che viviamo prima di arrivare fino a 20 anni e di proiettarsi nelle prossime. Appunto ho deciso di chiamare il tour « Da Zero a 20 », come per dire “dall’ inizio ad oggi. Poi nei prossimi dischi, si parlerà del futuro.

Oltre questo concetto di 20 anni, hai avuto un altra idea per concepire questo disco ?

Per essere onesto, all’inizio, non pensavo di fare un album, non aspettavo che le cose esplodessero così. Poi ci sono stati due pezzi che mi hanno fatto esplodere – « Allenamento #2 » e « Giovane Fuoriclasse » – che ci hanno dato la forza e la volontà di fare questo disco al modo nostro, senza pretendere determinati risultati. E abbiamo raggiunto ottimi risultati come un doppio disco di platino in nove mesi, 12 pezzi su 14 certificati platino. E stato una cosa spontanea con Luca, il mio producer. Eravamo in studio, con i pezzi che sono stati cacciati uscendo bene e abbiamo continuato a cacciare roba, roba, roba, roba confezionando tutto per far accadere quest’album.

Ti ricordi come è stato all’inizio ? Quando hai iniziato a scrivere ?

Si, è un bel ricordo perchè non credevo di saper fare le rime. Oggi, con la distanza, penso che sia un talento naturale, non me l’ha imparato nessuno, non ero in una scuola di musica. Ascoltavo soltanto i pezzi su YouTube. A dodici anni ho fatto i primi pezzi e scrivendo, scrivendo, ho affinato sempre di più la mia tecnica fino ad arrivare dove sono adesso.

E la prima volta in cui sei stato in studio ?

Avevo 13 anni, per registrare il primo pezzo che avevo cacciato che si chiama « Sto giù ». Era nel mio quartiere che era fianco alle panchine dove uscivo la sera.

« Quando Ninho è venuto in Italia, aveva voglia di incontrare genti di qua, gente di quartiere. »

Parliamo ne appunto di questo quartiere. Sei cresciuto a Salerno, une città che hai dovuto lasciare per Milano. Che ci puoi dire a proposito di Salerno ?

Salerno è un bellissimo posto, col mare e le montagna. La chiamo un piccola bomboniera ma purtroppo quando le cose diventano grandi, le interessi diventano grandi ti devi spostare… E il stesso argomento per un calciatore che gioca nel Lille e poi dalla primavera del Lille passa al Paris Saint Germain in prima squadra. In termine di business, le cose si fanno a Milano e la patria del rap italiano è Milano come qua lo è Parigi. Tutti quanti corrono per arrivare a Milano perché ci sono offerte buone, ci si lavora bene e ci sono molto più opportunità di lavoro per noi rapper. Invece di fare treni e sbattimenti e vai… Però Salerno è bellissimo.

Ci torni spesso ?

Ultimamento no, ma prima ho lottato molto per rimanere nella mia città. Facevo quasi 5 viaggi nel mese a Salerno, essendo 4 giorni a Milano e 3 giorni a Salerno.

Nel rap, la questione di rappresentare la tua città, la tua gente, è una cosa molto importante. Che cosa ne pensi, essendo il portabandiera di una città dove ormai non vivi più ?

Le radici rimangono, qualche sia. La mia basi è Salerno, i miei contenuti parlano della mia città, fa parte di me. Però fa pure parte del gioco di fare uno step avanti e andare a Milano per cacciare opportunità migliori. Però la tua città ti rimane nel cuore. Lo fai semplicemente per migliorare te stesso, portare la tua città in alto e rappresentare la tua città a Milano o in Europa come sto facendo.

Ti abbiamo visto ultimamente nel clip « Fendi » di Ninho, con chi hai fatto il pezzo « Billets ». Come si è fatta la connessione ?

Innanzitutto ero fan di Ninho da quando uscì i freestyle « Binks to Binks ». Poi grazie ai nostri successi rispettivi, ci siamo ritrovati con la Warner. Ed è proprio la Warner che lo aveva portato a fare il video di « Fendi » in Italia. Lui voleva fare qualcosa con gente di quartiere e dalla mia parte, avevo chiesto alla Warner di farglielo sapere che il suo rap mi piaceva e che volevo conoscerlo. Poi lui ha risposto che già mi conosceva quindi ci siamo beccati a Milano, prima in studio – dove abbiamo iniziato il pezzo « Billets » – e poi per fare il video. Poi è tornato in Francia e abbiamo terminato il pezzo a distanza sempre parlando su Instagram. Dopo un paio di mesi, sono venuto in Francia e abbiamo fatto il clip di « Billets ».

Che ti è piaciuto nella sua musica ?

Lo vedo molto simile a me. Nonostante che non facciamo lo stesso tipo di rap, quanta sta sulla base, ha delle tecniche assurde. Si sente che la tecnica è importante per lui, e lo è pure per me. Onestamente, dopo Booba, il rapper francese che mi piace di più è Ninho perché ha delle tecniche giuste e ciò che mi è piaciuto di lui . E siamo pure coetanei : lui è del 96, io del 98. Ci siamo trovati per tutto questo e penso che sia stato la stesse cosa per lui.

Oltre a Ninho e Booba, ci sono altre figure del rap francese che ti piacciono ?

Certo. Ascolto poco rap italiano, soltanto i miei socii cioè Sfera, Gue, Ghali, Dref… Oltre questo, ascolto soltanto rap francese e americano. Da Booba a Koba LaD ultimamente, e pure Damso, Kalash, Kalash Criminel, Lacrim che mi piace un sacco. C’è un giovane che si chiama Zola pure. Di rap francese, potrei farti una lista e finiremo domani.

Ci sono stati dei pezzi che ti ha colpito un po di più ?

Direi gli ultimi pezzi di Koba : « R44 », « Aventador », « FEFE »… Quel ragazzo è forte, pure il suo disco mi è piaciuto ed aspetto il nuovo.

« Gli Italiani hanno la reputazione di avere tanto orgoglio, ma quelli che sono all’estero esprimono quest’ orgoglio in un modo ancor più forte. »

In Francia, c’è un orgoglio dei rapper che non parlano delle loro influenze. Mentre in Italia, ne parlate con molto più liberta…

Diciamo che siamo cresciuti guardando i rapper francesi come idoli, ispirandosi di alcuni coetanei vostri. Ispirarci tra di noi non va bene pero il mio rapper preferito è Booba e avere un icona e dire ‘quello è il boss e voglio comunque diventare come lui’ è importante. La dinamica è quella : trovare una figura e cercare di raggiungerla. Magari in Francia non si parla cosi. Meglio cosi forse !

Oggi, stai facendo un tour europeo, un modo di prendere la temperatura del tuo successo ?

Appunto, per capire come la mia musica viene percepita all’ estero. Per vedere le reazione a Londra, Berlino, Zurigo, Parigi … Fino adesso, sono felice del risultato, soprattutto perché non me l’aspettavo. E serve pure a vedere i fan italiani che sono in giro per l’Europa.

Quest’estate avevamo programmato Sfera Ebbasta e l’orgoglio dei fan italiani ci aveva colpito.

E una cosa bella perchè, di solito gli Italiani in Italia hanno l’orgoglio della patria ma quello fuori dalla patria sono orgogliosissimi e il calore è sempre assurdo quindi ti senti a casa. E poi loro partecipano del successo, sono a Parigi o a Londra e cantano le tue canzoni, è bello, ti senti a casa.

Il tuo pezzo più conosciuto è « Giovane Fuoriclasse », essendo molto legato al calcio. Come il legame tra rap e calcio in Italia ?

Pure da noi, ultimamente il legame è sempre più forte. Io sono amico del capitano del Milan, Alessio Romagnoli , e di molti giocatori del Milan perché è la mia squadra. Piano piano si fa. In Francia, questo fenomeno è più vecchio, in Italia sono da due o tre anni che siamo comandando sull’industria quindi è da poco che le società ci invitano a vedere le partite. Io, da tifoso del Milan, sono invitato dal Milan a vedere le partite. Quindi, ci sta un bel rapporto con il calcio in Italia che poi, il calcio è il nostro pane !

Les belles histoires sont rares dans la musique. Celles des groupes souvent tragiques. « L’industrie est vraiment noire, très noire… » nous affirme Hache-P. Après plus de dix ans passés dans le rap, l’artiste a su prendre le temps qu’il fallait pour se faire une place. Avec la sortie de son premier album le 19 avril, il compte bien concrétiser le travail d’une décennie. Interview.

Photos : @alextrescool

Attablés à une terrasse d’un bar PMU du 13ème arrondissement, on se découvre au travers de nos histoires. « Tu sais pourquoi j’adore cet endroit ? Parce que d’ici, j’ai une vision sur tout le quartier. » Ce quartier, c’est la triangulaire des rues Patay, Chevaleret et le quartier du Passage. Un quadrillage à deux pas de Porte de France, de la Bibliothèque François Mitterand, du cinéma MK2 bibliothèque… de tout un Paris qui se rénove. Sans cesse depuis l’annonce du « Grand Paris ». À deux pas pourtant, des murs plus anciens résistent à l’innovation environnante. Comme un village gaulois dans un empire romain. C’est là que Hache-P a grandi.

Avant lui, il y a eu la MZ. Fondé par amitié, détruit par déception : l’histoire du groupe est sanglante. En 2015 déjà, le trio se séparait des producteurs Melopheelo et Zoxea. Un an plus tard, le groupe implosait. Depuis, le public fantasme sur les raisons en filigrane. Toujours aujourd’hui, « l’autre » comme l’appelle Hache-P, continue de parler, de mentir. Les règles du jeu. « Ce qui se dit sur internet, je m’en bats les couilles. C’est naze de s’insulter sur les réseaux sociaux. » Belle morale. L’artiste est détendu quand il en parle : « On a fait des trucs de dingue ensemble. Mais c’est la vie et ses aléas. »

Ces « trucs » dont Hache-P parle, ce sont les morceaux « Lune de Fiel » et « Les Princes feat. Nekfeu », entre autres. Les deux plus gros succès de la carrière du groupe. Puis les concerts aussi. Pendant un temps, ils accompagnaient Niro en tournée pour sa première partie. « Personne ne nous connaissait quand on arrivait sur scène. Dès que les premières notes de ‘Lune de fiel’ résonnaient, tout le monde chantait. Ils ne savaient pas que c’était nous, la MZ. » Depuis, le temps a passé et chacun est parti en solo. Et si Dehmo et « l’autre » ont su prendre un virage rapide, Hache-P s’est fait attendre jusqu’à ce 19 avril 2019.

Trois ans d’absence dans une existence, c’est risible. Et pourtant, trois ans d’absence dans le rap français post-2015, c’est gigantesque. Tu n’as pas eu l’impression, avec le temps que tu as pris en solo pour t’installer, d’avoir raté le virage ?

Non pas du tout. La musique aujourd’hui, ça va vite. Très vite. Tu fais un morceau, tu pètes, puis tu peux redescendre aussi vite que t’es monté. Voire plus vite encore. En réalité, et les gens l’oublient souvent, mais il y a le rap et la vraie vie. Moi, dans ma vie, j’entreprends énormément. J’ai fait mon label (Chap Chap Record, ndlr), et d’autres choses dont je n’ai pas encore envie de parler. Donc ça prend du temps. Après, c’est du boulot. À côté t’as aussi les problèmes de la vie. Aujourd’hui, je suis entouré des bonnes personnes, ce qui n’était pas forcément le cas avant. Donc j’ai le temps et la possibilité de pouvoir m’installer en solo. De me lancer à fond dans la musique.

Tu fais parti d’une génération maudite dans le rap français : la génération 2011-2014. À l’instar de Joke, Dinos, ou 1995 (hors Nekfeu), vous êtes arrivés à un moment où le rap prenait son virage décisif. Pourtant, alors même que vous y avez contribué, ce n’est que quatre à cinq ans plus tard que vous connaissez – enfin – le succès. 

Je pense que ces années-là ont été un tournant majeur dans le rap français. Internet a commencé a prendre beaucoup plus de place dans la communication de l’oeuvre. YouTube a donné un coup de boost à presque tous les rappeurs. Et surtout, il y a eu nettement plus de signatures en maison de disque qu’à l’époque. Je me rappelle avant, quand je parlais avec des anciens du rap, ils me disaient que vers 2006-2009 les signatures en maisons de disque étaient rares. Aujourd’hui, tous les quinze jours un nouveau est signé. Les premiers buzz, les premiers épi-phénomènes de ce type, ça a commencé vers 2011/2012 avec Gradur, Joke… Certains ont réussi à transformer l’essai, d’autres non. Mais ce sont les aléas de la vie. Ce qui est essentiel à retenir, c’est qu’il y a de la place pour tout le monde Chacun a son histoire, et ça se trouve, moi demain je ne vais pas péter. Chacun trace sa route, fait son chemin. Faut juste travailler et croire en soi. Si tu ne crois pas en toi, personne ne le fera à ta place. Faut juste travailler et le reste viendra tout seul.

En 2015, le premier album de la MZ est – forcément – attendu. Pourtant, les ventes n’ont pas suivi. 

J’estime que c’est un très bon album. Mais je me rappelle que l’on s’était mangés une gifle à l’époque, quand on a regardé les scores. On s’attendait à faire des ventes de dingues, vu que « Lune de fiel » était devenu notre single numéro 1. On avait fait 3000 ou 2000 ventes en première semaine… On est reparti direct au boulot. On revient en 2016, avec le streaming pour nous épauler : 21.000 ventes en first week. Le travail a payé.

Raconte moi ce qu’il s’est passé dans ta vie entre 2017 et 2019. Pourquoi avoir pris tout ce temps avant de revenir ? 

C’est les aléas de la vie. J’ai sorti un EP en décembre 2017, et depuis la vie a fait que. En réalité, depuis tout petit, j’ai toujours adoré donner des idées, trouver des concepts, et accompagner la musique. À l’époque, je faisais les stickers de la MZ avec mon propre argent. J’emmenais tous les petits de la cité les coller dans toute la ville. J’ai toujours aimé le faire pour les autres, mais jamais pour moi. C’est marrant, je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut mais c’est ainsi. Je suis un branleur (rires), mais quand il s’agit des autres par contre, je suis pro-actif. En ce moment je produis Chily, via le label que j’ai fondé avec mes amis d’enfance. On bosse tous ensemble et il faut savoir quelque chose de très important : Chily et moi on est au même niveau. Je ne suis pas son grand et ce n’est pas mon petit. Dans la musique, on est sur un même piédestal.

On a l’impression aujourd’hui qu’il devient difficile de perdurer dans le rap si l’on n’a pas plusieurs casquettes. Être juste un artiste semble compliqué, il faut savoir produire, manager… 

C’est une évidence. Toutes les 15 minutes, un rappeur fait le buzz. Toutes les 30 minutes, un nouveau rookie apparaît. En plus aujourd’hui, le rap est écouté par les petits. Et la force que donnent ces petits aux rappeurs est incroyable. Il ne faut jamais la négliger, surtout quand on la compare à celle donnée à l’époque. Je vais te donner un exemple pour illustrer. À mon époque, Paul, un français pur souche, était plus souvent fan de Linkin Park et de Tokyo Hotel que de Sefyu ou Salif. Aujourd’hui, ce même Paul écoute du rap et surtout, n’écoute plus que ça. Il est fan de PNL, de Booba… À l’époque, c’était nettement plus rare. Ce qui a changé, c’est que la musique est bonne. Les visuels aussi. Le rap, c’est la meilleure musique au monde. Regarde l’évolution du genre, c’est incroyable. Aujourd’hui, tous les rappeurs font de la zumba, de la pop, du métal, de l’afro, du zouk… Une tonne de styles de musiques différents. Alors forcément, il faut avoir plusieurs casquettes.

Justement, avec ce panel gigantesque et ce mélange entre le rap et tout le reste, n’est-il pas difficile de donner une définition du rap ?

Avant, le rap était cliché. C’était la banlieue, les quartiers, la drogue, les armes… Aujourd’hui, des mecs qui viennent du fin fond de la campagne buzz nationalement. Un mec comme Lorenzo ne se prend pas au sérieux par exemple. Et ça tue. La même chose à l’époque n’aurait jamais pu exister. Il se serait fait monter en l’air. Aujourd’hui, il y a des rappeurs qui n’auraient jamais pu rapper avant. Crois moi, c’était inconcevable. Le rap a évolué positivement, et c’est très bien comme ça. C’est le même modèle qu’aux US : si tu rappes et que t’es fort, tu mets tout le monde d’accord. Après, il y a des limites évidentes. La mentalité française est dure, et même si on tend à se rapprocher des US, des mecs comme 6ix9ine ici se feraient arracher la tête. Imagine ; tu viens, t’es fou, t’insultes tout le monde, tu ne respectes rien ni personne… T’es foutu.

On va parler de ton album. « Rock’n’Roll » sort le 19 avril, pourquoi avoir choisi ce titre ?

Rock’n’Roll ? Parce qu’à l’époque de la MZ, c’était aussi l’image que j’avais. Puis, entre-nous, aujourd’hui les rappeurs ont remplacé les rockstars. En France et dans la musique mondiale. Actuellement, les plus grosses stars ce sont Drake, Tory Lanez, Lil Pump… Même en France. Regarde les concerts ou les festivals ; le rap, c’est la musique numéro une dans le monde. C’est celle qui, je crois, vend le plus. À une autre époque, c’était le Rock. Donc le lien est facile. Puis, c’est aussi par rapport à l’image, à l’état d’esprit des rappeurs. On est tous Rock’n’Roll.

Quand est-ce que tu as commencé la conception de ce projet ? 

Depuis que j’ai 13 ans (rires). Dès que j’ai commencé le rap en réalité. Je me suis toujours dit que j’allais faire un album. Je suis dessus depuis mes débuts. Et voilà le résultat. Je veux ré-installer ma place dans le rap français. Essayer de faire quelque dates, en plus de celle du 11 juin à la Boule Noire. Être écouté un peu partout, propager ma musique le plus loin possible. Et entre-nous, pour être vraiment honnête et lucide, ce n’est pas un album à chiffres. C’est une sorte de carte de visite : on attaque le terrain.

Tu parles de disque d’or. Avec l’évolution que connaît le rap actuellement en terme de chiffres, est-ce que tu penses que la certification signifie encore quelque chose aux yeux du public ou des artistes ? 

Oui toujours, évidemment. Le disque d’or, c’est le fruit de ton travail. La récolte. C’est une récompense qui signifie que tu as sans doute travaillé de la meilleure des manières. Dans la musique, il y en a qui pètent vite, et d’autres qui prennent plus de temps. Chacun à son histoire, sa vie. Ça prendra le temps qu’il faudra, mais je pense qu’on y arrivera un jour. Le vrai problème aujourd’hui, c’est que les gens ont le regard tourné vers les chiffres. Alors qu’en réalité, il faudrait simplement fermer sa gueule et écouter la musique. Il y a des gens qui vont écouter des rappeurs uniquement parce qu’ils font 15 millions de vues alors que le morceau pue la merde. Il faut écouter d’abord avant de pouvoir juger. Depuis quelques années, les gens écoutent moins et regardent plus.

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Sur ce premier album, tu t’es entouré d’un casting 4 étoiles : Seth Gueko, Lartiste, Black M… En plus de ton entourage proche composé de Marlo, Dehmo, Chily, Jecy Jess. Pourquoi avoir fait ces choix ?  

C’était plus personnel et humain qu’autre chose. Avec Seth on a fait un film ensemble, Chily c’est la famille, Jecy, Marlo et Dehmo également. Quant à Black M, on se parlait et on se connait depuis très longtemps. On s’était croisés en session freestyle il y a plus de 10 ans… Lartiste c’est la connexion de quartier, de famille. L’album ne sera disponible que sur les plateformes. Pour moi, le CD est mort aujourd’hui alors il n’y aura pas de versions physiques. Je ne voulais pas faire énormément de titres, et je trouve même que 14 c’est déjà long. Le prochain va surement en faire 12 ou 13. De toute manière, quand c’est plus de 15, ça me soule. Les albums à 17 ou 20 titres m’énerve. Je vais évidemment les écouter, mais avant même de commencer je vais me dire qu’il y a trop de sons.

Tu parles de la rencontre avec Seth Gueko. C’est aussi ta première rencontre avec le monde du cinéma. Quelle(s) expérience(s) en tires-tu ?

Le cinéma m’a beaucoup aidé dans le visuel, et dans la conception que je me fais de ma musique. Ça m’a donné une autre sensibilité et une autre visibilité. Mais entre-nous, les tournages sont réellement plus durs que les sessions studio (rires). J’ai remarqué que c’est plus facile de toucher les gens avec la musique que le cinéma. À un certain âge, tu sais que le cinéma c’est de la fiction… Bon, dans la musique et dans le rap aussi (rires), mais il y a des artistes qui, quand ils te racontent leur vrai vécu, te touchent organiquement car tu sens que c’est réel. C’est un sentiment pur. Les rappeurs qui mentent, moi ça me fait rire. Et en vérité, je m’en fiche. À mon sens, tu peux faire ce que tu veux quand tu fais de la musique. Il ne faut pas oublier que c’est un art avant d’être le nôtre. T’as le droit de venir, faire le fou, alors que dans la vie de tous les jours tu es tranquille. Tu peux jouer un rôle, tu as le droit de faire exactement ce que tu veux. Moi je ne suis pas très bon narrateur, alors je suis bien obligé de raconter la vérité. Et je ne me censure jamais. Tout à l’heure, on parlait des petits qui n’écoutent plus que du rap très tôt. Il y a des artistes qui te disent de faire attention, mais moi personnellement, j’ai écouté du rap toute ma vie et ce n’est pas pour autant que j’ai pété les plombs. J’écoutais des rappeurs hardcore à la mort, mais avec l’éducation que j’ai eu, je ne suis pas parti en couilles.

Après toutes ces années passées à rapper, penses-tu avoir trouver le style qui te définit et te correspond le plus ? 

J’ai une voix reconnaissable, particulière. Ça je le sais. À mon sens, ma voix me différencie des gens. Après, en terme de style pur, j’aime beaucoup les bangers, les grosses basses. Je suis plus là-dedans et ça se ressent dans l’album. J’ai un gars dans mon quartier qui me dit souvent que je devrais essayer de jouer beaucoup plus avec ma voix justement. Je sais que je sais chanter, mais j’ai d’abord envie de faire ce que j’ai vraiment volonté à faire. Dans le projet, il y a un morceau qui s’appelle « Dose » qui est plutôt Dubstep dans la production. C’est un peu spé… J’aime ça.

Avec la carrière qui est la tienne, on pourrait difficilement savoir où tu vas te diriger dans les années à venir. Tellement ton histoire est parsemée d’obstacles. Dans cinq ans, où est-ce que tu penses être ? Où te vois-tu ?

En vie déjà, ce serait pas mal. Demain je peux me manger un camion et tout s’arrête. Ça, les gens l’oublient souvent. Sinon,  j’espère que mon travail aura porté ses fruits. Puis, j’espère que Chily sera une tête d’affiche du rap français car il en a les capacités. Mon plus grand désir, c’est que la musique parle avant tout le reste. Déjà là, on aura fait un grand pas.

Tout droit venu des terres anglaises, Bakar est, à l’instar d’un slowthai, un OVNI du paysage musical européen. Son univers mêle indie rock, grime, post-punk et hip-hop pour un cocktail ultra personnel et irrésistible. En 2017, Bakar se produisait dans COLORS avec l’abrasif  « Scott Free », et montrait toute l’étendue de son talent. Son premier album, Badkid, retrace la jeunesse londonienne de l’artiste et l’importance de sa mère dans son développement musical.

Bakar se produira au Badaboum le 23 avril et on vous fait gagner quelques places. Pour jouer, vous pouvez remplir le questionnaire plus bas.

 

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Il y a six mois, notre journaliste Shkyd recevait le rappeur belge ISHA pour retracer son parcours cabossé dans le monde de la musique et évoquer les troubles qu’il a pu y traverser. Première consultation.

En novembre dernier, notre rédacteur Shkyd – producteur de son activité principale – publiait sur YARD un article intitulé « La santé mentale : succès dans le rap américain, silence dans le rap français ». Un papier nourri de son propre parcours au sein de l’industrie musicale, rédigé à l’encre des ses propres craintes et des maux qui ont parfois pu ronger les artistes qu’il y a fréquenté. Récompensés d’un prix de journalisme au Reeperbahn Festival, les écrits de Shkyd ont contribué modestement à ouvrir le débat sur la question de la santé mentale des artistes, que nous avons depuis eu l’occasion d’évoquer avec Schoolboy Q, ou encore après la perte de Mac Miller. De quoi inciter l’auteur à prendre véritablement le sujet à bras le corps, pour libérer la parole des principaux concernés et pourquoi pas réfléchir à des solutions adéquates. C’est ainsi que voit aujourd’hui le jour « Première consultation », une série d’entretiens vidéos sans filtre dans lesquels des artistes viennent expier leurs démons et leurs peurs. Premier épisode avec le belge ISHA.

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Quel est le point commun entre l’icône de la bounce music Big Freedia, les danseurs Javier Ninja, Archie Burnett et Dejiavu Ferguson et les artistes Charli XCX et Princess Nokia ? Leur audace, à n’en pas douter. Au détour de l’évènement Martell Home Live, qui se tenait à NYC, nous avons eu l’opportunité d’interroger la rappeuse new-yorkaise. Entretien.

Photos: @antoine_sarl

Le 11 avril dernier, Maison Martell publiait le tout premier épisode des Martell Home Live, alors animé par le légendaire Killer Mike au Greystone Court, à New York. Une plateforme digitale qui entend donner un coup de projecteur à des profils créatifs évoluant dans la musique, les arts et le divertissement, diffusée en direct sur les pages Facebook et YouTube de Maison Martell. Martell Home Live Episode 01 était donc le premier volet d’une série de talk culturels, qui auront systématiquement lieu dans des endroits peu conventionnels aux quatre coins du monde. Chaque épisode conviera des visionnaires issus de domaines d’activité très vastes, qui inspirent leur semblables à emmener la culture toujours plus loin.

La première édition du show était centrée autour de la musique, la danse et l’entertainment, avec des performances spéciales de Princess Nokia, Big Freedia et ses danseurs Javier Ninja, Archie Burnett et Dejiavu Ferguson, mais aussi Charli XCX. Autant d’artistes qui, à force de prises de position, se sont fait une place à part au sein de leur discipline. En bon hôte, Killer Mike a échangé avec l’ensemble de ses convives du jour, les invitant à livrer de délicieuses anecdotes sur leurs débuts ou à raconter la manière dont il ont su rester fidèles à eux-mêmes et à leurs convictions tout au long de leurs glorieux itinéraires.

À l’issue du programme, nous avons eu le privilège de retrouver Destiny Frasqueri, plus connue en tant que Princess Nokia, pour évoquer avec elle la question du féminisme, ainsi que sa volonté assidue de faire bouger les choses.

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Je t’avais rencontré à Paris il y a un peu plus de deux ans, quand tu avais fait un concert sold out devant une foule de femmes qui pleuraient en entendant tes discours. Tu te souviens de ce moment ?

Je me rappelle effectivement de ce moment, qui était assez spécial, très sentimental. C’était ma toute première année passée en tournée. Avant ça, il y avait eu quelques workshops et autres rassemblements au cours desquels j’avais déjà pu avoir un aperçu de l’effet que ma musique pouvait provoquer, mais jamais avec une telle intensité. Quand j’ai vu les réactions de certaines femmes de mon public lors de ma tournée pour 1992, j’ai été réellement émue. Ça m’a aidé à me trouver intérieurement.

Y’a t-il des choses qui ont changé chez toi depuis ? 

Toutes mes intentions demeurent les mêmes. Mon objectif était de créer un espace libre dans le hip-hop pour les gens comme moi qui ne se conforment pas toujours aux stéréotypes du milieu. J’aspire à rendre cet environnement plus sain pour les femmes. On n’y est pas encore totalement, mais il y a déjà eu plusieurs initiatives notables où les femmes ont pu avoir un espace au sein duquel elles n’avaient pas à craindre d’être agressées ou de subir une quelconque atteinte de ce genre. J’ai toujours souhaité propager l’amour, le bonheur, la joie auprès des plus jeunes, et aider à faire en sorte que les femmes puissent être fières d’êtres féministes. Ma carrière avance, mais je n’ai pas changé sur ce point.

À Paris, tu avais dit au public que le rap était « un endroit très dangereux pour les femmes ». As-tu toujours ce ressenti ?

Toujours. Mais je pense que tous les milieux sont dangereux pour les femmes. En ce qui concerne le rap, j’ai le sentiment que, à mesure que les mentalités évoluent dans le monde, on parvient à trouver des leviers de progression au sein même de la communauté. Puis je ne suis pas spécialement là pour en parler en mal.

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Tu avais aussi parlé de lancer « ton propre afro-féminisme à travers le hip-hop » : te considères-tu toujours comme la « grande soeur » de ces femmes qui se réfèrent à toi ? Quel genre d’inspiration souhaites-tu leur donner ?

Je n’ai pas lancé l’afro-féminisme dans le hip-hop, je suis simplement une femme qui a investi du temps et qui accorde de l’importance à cette cause. Je suis une féministe noire, mais l’afro-féminisme ne vient évidemment pas de moi. Ça a commencé il y a 400 ans déjà. Mais oui, je me considère toujours comme une grande soeur. J’ai moi-même eu une grande soeur, qui m’a appris tout ce que je sais dans la vie et qui était cette figure qui m’a aidée à me sentir plus à l’aise avec moi-même, moins bizarre, plus cool, etc. J’ai le sentiment d’avoir endossé un rôle qui impliqué beaucoup de maturité par rapport à l’âge que j’ai. Ça me permet de coexister avec un monde d’amour, d’amitié et de féminité plutôt qu’un monde où les femmes artistes ne se soutiennent pas, ne s’inspirent, et ne sont pas dans une démarche positive. L’idée que les femmes puissent se rassembler d’une manière très affectueuse et bienveillante est souvent perçue comme fausse. Donc oui, je me plais à être une grande soeur.

Tu viens juste de donner une performance et de débattre au cours de cette expérience Martell Home Live. Tu as pu rencontrer et échanger avec des personnalités fortes : dans quelle mesure est-il important pour des artistes issus d’une même culture de partager leurs expériences respectives ? 

Les échanges intellectuels génèrent des idées neuves, c’est à travers ça qu’on façonne le présent et le futur. Je pense qu’il est très important pour les gens issus d’une même culture d’être soudés les uns vis-à-vis des autres, et je pense aussi qu’il est essentiel que les gens de cultures différentes s’organisent en communauté. Parce que c’est seulement comme ça que tu peux en apprendre plus sur les différents parcours de vie, et c’est quelque chose que ni les livres, ni l’école ne peuvent t’enseigner.

Au court de ce concert à Paris, tu as parlé de ton ex et du fait qu’il t’avait recommandé de ne pas changer ton nom en Princess Nokia. As-tu le sentiment que ce changement de nom a été la chose la plus audacieuse que tu aies faite ?

Il ne m’a pas explicitement dit de ne pas changer mon nom en Princess Nokia. Mais je pense effectivement que c’était la chose la plus audacieuse que j’aie faite. J’ai l’impression que les gens comptaient vraiment sur Wavy Spice [son précédent nom d’artiste, ndlr], pour beaucoup de personnes dans l’industrie, c’était comme un investissement. Et j’ai ruiné cet investissement. À vrai dire, je dirais plutôt plutôt que j’ai ruiné un investissement pour en obtenir un meilleur. Donc oui, c’est à la fois la plus grande, la plus courageuse et la plus stupide des décisions que j’ai pu faire. Pourquoi stupide ? Parce que je suis déjà fatiguée de ce nom.

« Changer de nom pour Princess Nokia a été la chose la plus audacieuse que j’aie faite. »

Envisages-tu de changer à nouveau ?

Tout à fait !

As-tu déjà de nouvelles idées ?

Je ne sais pas encore, on verra bien.

Pourquoi ressens-tu le besoin de changer ?

Je pense ça représente la personne que j’étais il y a cinq ans et j’ai le sentiment d’avoir déjà bien grandi depuis. J’adore ce nom mais mes amis ne m’appellent pas comme ça. Je me présente toujours en tant que Destiny, même quand je suis avec d’autres personnes célèbres, donc je ne me sens pas particulièrement attachée à ce nom. Peut-être aussi que je ne me sens pas attachée à quoi que ce soit, qui sait ?

Tu ne te sens attachée à rien dans cette vie ?

Ce sont les principes du bouddhisme et de l’hindouisme, de ne pas être attachée. L’attachement est à la base de toutes les souffrances. Alors en n’étant attachée à rien, tu peux connaître la paix et le nirvana, puisque tu es à l’abri de la souffrance.

Tu n’es donc pas attachée aux gens que tu aimes ?

Si, évidemment, mais je suis en paix avec l’idée qu’ils puissent se retrouver dans le monde des esprits. C’est une bénédiction, leur être est transcendé et je suis à l’aise avec cette idée. Mais je te donne trop de réponses sur moi maintenant. [rires]

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Une écoute a suffi : sean est fort. Très fort. Loin d’être régulier ou productif, sa musique trahit pourtant une maturité rare. Partisan du mystère, fanatique du moindre détail, il conçoit la musique comme un produit qui n’est bon que s’il est parfait. Et ce, jusque dans la communication. Portrait d’un artiste qui n’a de rookie que le statut. 

Photos : @tomgotthekey et @clementmbath

La vingtaine admise, sean impressionne. Malgré une carrière à peine entamée. C’est que derrière la façade, le jeune artiste noue une relation fusionnelle avec la musique. Après avoir grandi à Gambetta, exilé à Montreuil, Elio – de son vrai nom – est de ceux qui chantent la mélancolie mais jamais ne la sublime. Portrait d’une génération désabusée, où virtuel et réel s’entrechoquent, il bidouille, trafique, triche, tente, recommence et crée. Comme un inventeur fou, à l’image d’un Roland Moreno. Les bruits des villes l’ont inspiré à créer une entité : ce « sean ». Version digitale d’une facette de sa personnalité, il aborde le sentiment humain par essence, celui qui change, évolue, se construit, avec ses doses de bonheur et ses sachets de déception. Une courbe représentée par le bouton « pitch », celui qui va du plus grave au plus aigu, métaphore de l’émotion. Traduit chez sean, il s’agirait plus d’e-motion : un mouvement électronique.

Rendez-vous à 13h, dans un lointain 95. On emprunte la route stratégique qui mène au Fort de Domont. Lieu de tournage. Les bâtiments en pierres impressionnent par leur superbe. Leur origine remonte à 150 ans. Le Fort, aujourd’hui, sert de centre de formation incendie pour les pompiers. Il y a quelques temps, les nazis s’en étaient emparés. Encore avant, il servait de dernier rempart contre l’armée prussienne. Une page d’histoire s’est immiscée sous le ciment de ces murs, qui n’ont de cesse de connaître la chaleur étouffante des flammes. Arrivés sur place, on comprend mieux pourquoi le choix de ce lieu tombait sous le sens : sean doit clipper « Mauvaise nouvelle »suite logique de « Mercutio ». Ici, les passions s’embrasent.

On rejoint l’équipe de tournage, Dissidence Production, connue – entre autres – pour avoir collaboré avec Josman, Alpha Wann, Dosseh, PLK ou Tengo John. Rayan, le manager et ami d’enfance d’Elio – de son vrai nom  – nous accueille. On remarque sean au loin, devant une caravane pimpée pour l’occasion. La raison derrière est simple : « Quand j’étais petit, on allait souvent dans un camp qui s’appelait le Vallon Vert à la colle sur Loup, dans les hauteurs de Nice. Il y avait une dizaine de caravanes dont celle de mon grand-père qu’il a gardé pendant vingt ans. On a grandi là-bas. Dès que mes parents partaient en vacances, on y était. J’en garde de bons souvenirs car l’esthétique du lieu m’a beaucoup marqué. J’aime bien tout cet esprit « gitan ». »

Autour de lui, Marguerite Thiam, jeune actrice en devenir, et Lou Menais, co-fondatrice de JOUR/NÉ. Un entourage auquel l’artiste tient, mais s’engage à ne jamais mettre au centre de sa carrière. L’angoisse de se perdre, sans doute. « Je préfère développer mon truc tout seul, que ma famille en soit préservée. Je veux séparer sean d’Elio. Je pense que c’est important, car aujourd’hui, quand tu es artiste, tu te retrouves très vite seul. C’est compliqué de gérer toutes les retombées que ce milieu implique. »

Une maturité acquise très tôt pour une carrière qui vient à peine de débuter. Enfin, qui « semble » à peine avoir débuté. Car en réalité, sean est un personnage qui remonte à loin. Tout commence dès l’enfance, où le jeune Elio découvre la musique via une des légendes de l’ombre du hip-hop français, dont on doit malheureusement taire le nom. « C’est quelqu’un dont je suis très proche depuis petit, mon père et lui sont de grands amis. On allait regarder les matchs de foot dans son studio. C’était incroyable, parce qu’il y avait une tonne d’instruments, du monde entier. On s’y posait et je prenais tantôt la batterie, tantôt la basse… J’ai commencé la guitare là-bas. »

La vie suit son court et, naturellement, Elio devient le freestyler notoire de sa cour d’école au collège. « C’était le boss, vraiment. Personne ne rivalisait avec lui, pourtant ce n’était pas faute d’essayer », nous raconte Clément, un ami d’époque. Le schéma est semblable à beaucoup ; chaque individu de la génération pré-2000 peut témoigner avoir eu un pote qui rappait mieux que tout le monde. Encore loin de penser à en faire une quelconque profession, le jeune de Montreuil s’en « battait les couilles ».

Le mystery-marketing, c’est le schéma qui me semble marcher le mieux. Tu donnes ta musique, tu vends ton produit mais jamais tu ne te vends toi-même.

Le déclic est arrivé plus tard, au lycée : « À l’époque j’avais monté une chaîne YouTube qui s’appelait XB Records. On avait un monté un petit studio, les gens venaient y enregistrer et voulaient absolument sortir le morceau sur la chaîne. Moi, ça me débectait. Plus je grandissais, plus je comprenais que tout ça, c’était seulement un truc entre potes. Je voulais prendre le temps de me trouver musicalement parce qu’on était persuadés avec Rayan qu’il y avait quelque chose à faire. Alors je suis parti travailler en solo. Pendant un an j’ai écrit comme un dingue, encore et encore. Je n’ai rien enregistré. J’ai sorti « WAPEN » en 2016, et un gars de label m’a contacté. On lui doit beaucoup. Il nous a donné confiance en nous, à moi et à Rayan, en tant qu’artiste et en tant que manager. »

Il revient en 2017 avec le morceau « Souvenir », signé sean. La machine est lancée. Tout ce qui existait avant est supprimé. Décision radicale mais bénéfique. Surtout à une époque où les brouillons d’un artiste en devenir sont constamment épiés par un public avide de la moindre faille. Pas de visuel, une simple photo. La musique parle d’elle-même. C’est le parti pris admis par l’artiste et son manager. Rester secret, mystérieux, ne pas trop en dévoiler, laissez les gens se faire leur propre idée. « Le mystery-marketing, c’est le schéma qui me semble marcher le mieux. Tu donnes ta musique, tu vends ton produit mais jamais tu ne te vends toi-même. Le produit va bouleverser l’imaginaire des gens, et chacun va s’imaginer des histoires par rapport à toi, qui tu es vraiment, à ce que tu racontes. Créer une distance entre toi et ton public, c’est important. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai voulu faire de la musique, faire travailler l’imaginaire des gens. » 

Le mystère était peut-être trop présent car Elio disparait une année de plus. Avec cette irrégularité, dur de créer une fan-base solide, un socle sur lequel fonder une carrière durable. Alors il part s’enfermer une nouvelle fois avec sa machine, joue avec sa voix, écrit de mieux en mieux, crée des sonorités électroniques qui correspondent à la vision qu’il souhaite amener. Le produit est à moitié fini. Il fallait y ajouter des références visuelles, des images, et surtout un but. Shakespeare l’y aide. Il se reconnait à travers l’ambivalence de Mercutio, personnage central de l’oeuvre Roméo et Juliette. Un homme qui comble sa vision désenchantée du monde dans lequel il vit par le rire, qui n’appartient à aucune des deux maisons ennemies, et qui peut donc librement flotter entre deux mondes. Mercutio, c’est l’ange et le petit démon.

Elio en fait l’alter-ego d’une couleur de sa vie, la mélancolie. sean est créé. Pour faire parler Mercutio, le pitch est grave, la voix presque oppressante. « Le moment crucial de l’EP, c’est l’interlude. C’est un monologue de Mercutio. Le morceau commence par : ‘on s’en bat les couilles de la vie, je pourrai tuer le temps à fumer dans une laverie.’ C’est l’image du vice, il devient fou. Quand tu tends l’oreille, il y a des énormes cris en fond sonore. À la fin du morceau sean revient, avec un pitch différent, plus aigu. Il lui dit : ‘meurs… j’crois que j’vais faire un meurtre.’ Ce morceau, c’est une exorcisation. » 

Vous l’aurez compris, chez Elio, tout est une question de personnages, car l’humain a de multiples facettes. Si sean est l’allégorie de la mélancolie, c’est que ce sentiment est palpable chez toute une génération. De Paris et d’ailleurs. « J’ai des facilités à écrire sur la mélancolie. Tout le monde a un truc à cracher, une haine, un regret… Quelque chose qui ne lui plait pas ou un constat hyper cru. » Chez l’artiste, ces constats sont ceux d’un jeune banlieusard de vingt ans, entre ambition démesurée, débrouillardise, cynisme, difficulté à aimer et facilité à rêver.

Ce truc à cracher, Elio y tient plus que de naturel. Rapper, chez lui, ne signifie pas ‘parler de soi’. Bien au contraire, il s’agit de parler de l’autre, de l’un, du tout. Saisir l’humain dans ce qu’il est, non pas dans ce qu’il montre. Influencé par les contes de Perrault ou les Fables de la Fontaine, Elio utilise sean pour émettre son constat sur la société : « J’aime faire une satire de ce que je vois. Je n’ai jamais fait de la musique pour raconter ce que j’ai fait la veille. Je suis persuadé qu’il y a quelque chose de bon à faire dans le fait de raconter une histoire, avec des sonorités qui m’inspirent et que j’ai envie de constamment rénover. » 

En février 2019, la machine est (re)lancée. Le clip de « Mercutio », single d’un EP du même nom, sort sur YouTube et installe sean d’office dans la case des artistes qui méritent une attention plus particulière que d’autre. Visuellement et musicalement, le produit semble fonctionner. Pour ce qui est de la communication, elle est telle qu’il se l’imaginait : simple, efficace, discrète. « Quand tu as ton morceau, l’oeuvre musicale est finie. Mais le produit ne l’est pas. Il y a toute une réflexion à avoir sur la diffusion à utiliser. C’est aussi de l’art de communiquer. » 

Je n’ai pas envie de me retrouver à 40 ans et de toujours faire de la musique. J’ai une vision à apporter, qui, je pense, n’a pas encore été apportée.

Cette phrase résonne et interpelle. Car cette idée de « communication » est le pilier central de l’art façon sean. La musique est sans doute un exutoire, peut-être même que l’image de Mercutio sert de catharsis, ou de catalyseur de passions. Qu’importe, tout semble découler d’une difficulté à communiquer avec soi, autrui et le monde. « Je pense que, quand tu inventes, tu deviens fou. Tu passes tellement de temps sur une oeuvre, et il n’y a que toi qui va réellement saisir ce que tu veux dire… C’est proche de la folie. » Cette folie, ce manque de modération de l’homme, Elio tient à le rendre visuel. Que ce soit par les images de ses textes ou les images de ses clips, comme suggérées. Le personnage de sean lui permet d’en tirer une morale : au fond, on est seuls, entourés d’anges et de démons.

La journée se termine avec un dernier plan, l’incendie de la caravane. Pas de retour en arrière possible. Le silence règne. Tous les esprits sont absorbés par le rouge qui dégouline au sol, comme des gouttes de sang. Avant de partir, Elio tient à nous dire une dernière chose : « Je sais que je vais être amené à faire un autre art. J’ai envie de tout explorer. Je n’ai pas envie de me retrouver à 40 ans et de toujours faire de la musique. J’ai une vision à apporter, qui, je pense, n’a pas encore été apportée. En la travaillant, en l’exploitant, je peux réussir à réaliser la chose à laquelle j’ai pensé. Et je n’arrêterai pas tant que je ne l’aurais pas fait. » On essaye de creuser en profondeur, de savoir ce qu’est cette « chose », mais on n’en saura pas plus. Qu’importe. La dernière note est solennelle, alors on en restera là.

Depuis le succès des type beats, la communauté des beatmakers se fédère de plus en plus. Et le champ des possibles s’élargit : Internet permet de plus simplement vendre ses beats, ses boucles, ses sons de batterie, et les adresser aux professionnels comme aux amateurs, aux interprètes comme aux formats web ou télé.  

Illustrations : @bilelal

Ce sont des choses qui arrivent : le petit frère d’un de mes meilleurs amis s’est mis à rapper. 17 ans. Customisé aux habitudes de son époque, il est habillé en Supreme dans un vidéoclip où il parade à moitié dans une épicerie, à moitié dans les coins les plus esthétiques de sa ville, éclairés sommairement par des néons bleus, roses et violets. Il parle de lean et de drip en ponctuant ses meilleures punchlines de « hey », de « sku sku ». Un starter-pack de l’aspirant rappeur de 2019, qui ne saurait pourtant se montrer complet sans un accessoire ultime : la prod. Après trois accords de synthé planants et l’entrée d’une rythmique trap sur la cinquième mesure, un tag m’interpelle. Une voix de petite fille, qui identifie avec fougue le nom du compositeur : « CashMoneyAP ! ».

CashMoneyAP… Mais oui, ce tag, je le connais et vous l’avez certainement déjà entendu vous aussi.

CashMoneyAP est un des premiers noms qu’on trouve lorsqu’on cherche un type beat sur YouTube. Une plateforme sur laquelle il compte plus de 600 000 abonnés, et héberge des centaines de beats utiles pour tous ceux qui auraient un couplet à tester. Sa présence couvre l’ensemble du terrain. C’est ainsi qu’il a déjà produit pour Migos, Tory Lanez, Moha La Squale, Bigflo & Oli… et aussi votre cousin qui rappe. Sans forcément avoir été en contact direct avec ne serait-ce que l’une de ces personnes.

Avant, pour placer sur un album, il fallait travailler avec un artiste, ou bénéficier d’un réseau (label, éditeur, manager, etc.). Mais l’expansion d’Internet et de l’hébergement de contenus libres ont musclé le champ des possibles : les beatmakers ont pu rendre leurs catalogues – alors encore réservés à la discrétion des artistes – disponibles aux oreilles et aux portefeuilles de tous. D’abord décriée pour son manque de créativité, l’idée derrière le business des type beats est finalement devenue un modèle de réussite incontestable, jusqu’à intriguer les colonnes de Forbes et redonner enfin des lettres de pouvoir à une fonction qui est souvent la dernière roue du carrosse.

Taz Taylor, Nick Mira, MjNichols… Ils sont nombreux à avoir forgé les premiers rails de leurs carrières en proposant des créations « à la façon de… ». Et à se faire un nom sans être profondément associés à des rappeurs en particulier. Les type-beatmakers jouent à la grande loterie : un jour, c’est John l’inconnu amateur du Tennessee qui envoie 150$ pour son rap qui sera écouté 57 fois sur SoundCloud, un autre, c’est Desiigner qui paie le même prix et devient numéro 1 du Billboard. Dans ce beatmaking égalitaire où tout le monde mérite son beat de qualité, la bruit de la notification PayPal sonne de la même façon, qu’importe l’acheteur. On peut produire à la fois pour le meilleur et pour le pire, sans aucune discrimination.

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Ce n’est plus uniquement le beatmaker qui va à l’interprète, mais aussi l’interprète qui va au beat. Le destin d’une production n’a presque plus de fin. Les « Shook Ones, Pt. II » et « C.R.E.A.M » des open mics d’antan sont devenus les « (FREE) Drake Type Beat — “GUCCI” » ou « 21 Savage Type Beat 2016 – “Goons” » de tous les freestyleurs de soirées de la Terre. Pour le plus consulté d’entre eux, on compte 20 millions d’écoutes. Ça en fait de la concurrence pour le petit frère de mon pote…

Combien vaut un beat ? Une question que de nombreux compositeurs se sont posés en se lançant dans la production. Si la réalité de cette réponse dépend de nombreuses conditions et usages, certaines plateformes permettent de solidifier des prix fermes et affichés. Sur la principale, BeatStars, fondée par Abe Batshon en 2007, un fichier mp3 peut valoir 40$, un wav 60$, les pistes séparées entre 150$ et 300$, tandis que les prix sont négociables pour obtenir une exclusivité. Au plus bas, une composition qui vaut 40$ peut se faire acheter de nombreuses fois et finir par valoir 40 fois son prix initial. Alors, le beatmaker ne dépend plus nécessairement du bon vouloir d’un rappeur ou d’un projet – ni même du succès du titre. Son œuvre peut devenir sa propre locomotive.

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Le calcul est simple : il y a plus d’amateurs que de professionnels. Si l’on arrive pas à atteindre les grands rappeurs avec qui on rêve de collaborer, on peut toujours s’adresser à une cible moins prestigieuse mais potentiellement rémunératrice. Et qui sait ? Via une plateforme comme BeatStars, le chemin d’achat est particulièrement simplifié. YouTube a beau être le pire de tous les rémunérateurs pour la musique, il demeure la meilleure vitrine pour les musiciens, et permet ici la connexion jusqu’à cette plateforme centralisatrice. De l’argent potentiellement bien investi pour un acheteur qui a foi en son succès, et du cash « facile » pour un créateur, comme l’indique Tay Keith (« Look Alive », « SICKO MODE ») dans les colonnes de DJ Booth, lui qui était satisfait de toucher 250$ pour un pack de cinq type beats à l’époque où produire était un simple hobby pour lui.

« Ces 250$ qu’un artiste dépense pour créer une chanson peuvent lui permettre d’obtenir des deals à plusieurs millions de dollars. »
—  Steven Victor (Def Jam), désormais manager de CashMoneyAP, dans Forbes

La vision de l’artisan l’emporte sur la vision de l’artiste, et les catalogues de beatmakers doivent répondre au marché et à l’offre. Et ce que permet une plateforme comme BeatStars, ce n’est pas seulement l’établissement d’un modèle économique plus clair pour les créateurs. C’est aussi quelque chose qui leur manquait encore cruellement : un espace d’entraide. Ainsi, on retrouve sur cet espace des vidéos tutoriels, des masterclass, des facilités pour collaborer avec d’autres compositeurs, des mots pour conseiller les créatifs angoissés/anxieux… et des conseils business. CashMoneyAP y explique comment il génère des sommes mensuelles à 6 chiffres par mois, Menace [producteur du « Panda » de Desiigner, ndlr] parle de l’importance du publishing. Tout y passe pour renforcer les cerveaux et les poches de cette catégorie de musiciens qui a une fâcheuse tendance à se faire arnaquer et à ignorer sa valeur.

« 100% d’un raisin, c’est toujours moins que 10% d’une pastèque. »
— Le Motif, à propos de l’importance du travail en collaboration au cours de la Masterclass Sommetique

Les beatmakers ont peut-être compris qu’ils ont autant besoin des autres beatmakers que des rappeurs. Tantôt on partage ses connaissances, tantôt on partage les rôles dans une composition. Via des sites comme Looperman, Wavsupply, Sounds ou une plateforme comme Splice, le business des loops est en train d’exploser. Sur cette dernière, pour 7,99$ par mois, on accède aux boucles ou aux séquences pré-composées de cet iTunes Store du sample, dont on peut se servir pour créer, ou composer à plusieurs. Splice met à disposition des banques de sons comme des plug-ins à louer, et maximise les capacités de production de tous les aspirants producteurs. Le syndrome de la page blanche n’existe plus. Pour produire un titre de rap ou de pop aujourd’hui, on pioche parfois dans des banques de sons en ligne comme on se servait des vieux disques de soul dans les années 90.

« Le pourcentage de titres dans le top 40 réalisés avec notre plateforme me stupéfie. »
— Steve Marcocci, co-fondateur de Splice dans TechCrunch

Dans les vidéos du format Deconstructed de Genius, qui reviennent sur les coulisses de la création de productions à succès, le beatmaker est toujours ce geek bizarroïde qui crée des sons derrière son ordinateur – une figure énigmatique que de nombreux, nombreux, nombreux formats cherchent à démythifier. Alors même que cette fonction semble devenir de moins en moins complexe et de plus en plus assistée par l’ordinateur. TM88 l’illustre en montrant que pour créer la mélodie de « XO Tour Llif3 » (Lil Uzi Vert), il a simplement été piocher dans le bon pack. La formule fonctionne pour « FEEL » de Kendrick Lamar qui utilise « COF_125_Am_LaidOut_Underwater », « BAD! » de feu XXXTENTACION qui reprend « GNEALZ_melodic_loop_culture_140bpm_Cmaj », « WRLD On Drugs » du tandem JuiceWRLD/Future qui utilise « Luv 4 Ever ». Le talent peut consister à trouver la bonne mélodie dans une banque de son, sur le bon instrument virtuel, et la mener au bon artiste ou l’associer aux bons drums et à la bonne topline. Parfois je me dit que le petit frère de mon pote pourrait même s’y mettre. Le bonheur est dans le pack.

Pour composer « Mob Ties » de Drake, Boi-1da explique qu’il a trouvé la boucle dans un pack composé par le producteur Sonny Digital sur Splice. Avant ça, ce fanatique de sample allait aussi piocher chez son collègue Frank Dukes. Avec sa Kingsway Music Library, ce compositeur canadien fournit des matières premières pensées pour être samplées, des type songs soul, funk, jazz, avec des sons originaux. Plus simples et moins chers à clearer. Metro Boomin n’a pas eu besoin de composer les synthés menaçants de « Bad and Boujee » : ils avaient déjà été composés par G Koop, dont c’est la spécialité. Pour certains, l’une des facettes du métier consiste à créer les sons qui seront utilisés pour les tubes. Les snares de Jake One, la sirène trap de Gezin de la 808 mafia, les BlapKits d’!llmind… Comme être beatmaker, être sound designer est une activité rémunératrice. Voir un nouvel angle pour imaginer son futur, comme cette campagne Splice en grande pompe pour leur campagne autour des sons iconiques de l’immense J Dilla.

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Un bon beatmaker est parfois aujourd’hui en réalité un super curateur de loops. Et si on est incapable de placer en produisant intégralement un titre, on peut trouver une forme de salut en composant des boucles. On dirait qu’on vit l’âge de raison écologique du beatmaking. Pensez au gâchis que c’est d’être un créateur dans ce métier. Pendant longtemps, vous passiez votre vie à créer à perte, à attendre des retours sur une prod par courrier, par mail, par DM. Maintenant, tout se recycle. Quelqu’un a une idée de mélodie ? Qu’il la mette dans un pack qu’un autre beatmaker associera à une idée de rythmique piochée ailleurs. Quelqu’un a une bonne loop de 14 secondes ? Parfait, elle ira très bien pour ce nouveau format web qui a besoin d’un habillage musical.

Quid de l’originalité, du son unique, personnalisé ? Une boucle de guitare artificielle inspirée du « No Scrubs » de TLC peut être utilisée quasiment de la même manière qu’il s’agisse d’un morceau réalisé au Canada par Gaza, au Portugal par WAZE, en Espagne par Rels B, ou en France par Moha La Squale, YL, Bolémvn, Dooz Kawa, etc. Les éléments musicaux ne sont plus pensés pour être uniques. Un beat ou une boucle peuvent avoir des vies différentes en parallèle, et comme le grand public y porte peu d’attention, pourquoi se priver d’utiliser des boucles déjà entendues ?

Tout va si vite qu’on peut même oublier que toutes les boucles ne sont pas libres de droit. C’est la mauvaise surprise à laquelle Taz Taylor a fait face en découvrant une de ses boucles utilisées sur le titre « Blue Tint » de Drake. Il n’y a pas que des avantages à travailler majoritairement dans le virtuel.

« Supah Mario m’appelle genre : ‘Je suis désolé, je pensais que la boucle était libre de droit’. Je lui ai dit: ‘Non, il faut qu’on parle de comment on va partager maintenant’. »
— Taz Taylor dans XXL

La production musicale est un domaine de plus en plus open source, où tout le monde compose sur les mêmes logiciels, en se servant des mêmes plugs-in, des mêmes banques de sons, des mêmes tutoriels. Tout est accessible : si ils peuvent le faire, vous pouvez le faire. Une situation parfois encore incomprise, à l’image de la polémique ayant entouré une sortie de Christine & the Queen. En ré-orchestrant des boucles pré-composées dans le logiciel GarageBand pour son single « Damn, dis-moi », elle avait subi les foudres d’une frange d’auditeurs mal à l’aise avec l’idée d’être un créateur qui ne fait qu’emprunter. En réalité, cette technique est loin de n’être propre qu’à Chris : il n’y avait pas de flûtiste pour siffler la mélodie de « Praise the Lord » d’A$AP Rocky & Skepta, comme il n’y avait pas de batteur pour le « Umbrella » de Rihanna dix ans plus tôt. Pour être un grand beatmaker, faut-il être doué en création ou en assemblage ?

« Je n’ai pas plagié, j’ai samplé une boucle libre de droits, sur laquelle j’ai ajouté des paroles, la mélodie de chant, les arrangements. C’est une technique de création comme une autre. Démocratiquement, je suis libre de prendre ce que je veux dans Logic Pro. Quand Gainsbourg empruntait des mélodies à Chopin, est-ce que c’était du plagiat ? »
– Chris pour L’Obs.

En France, on se sensibilise petit à petit à ce beatmaking augmenté. Seezy et Junior Alaprod ne font pas que produire des tubes pour Vald ou MHD : ils mettent à disposition leurs drum kits. Les habitués de YouTube peuvent suivre les processus créatifs et re-créatifs des compositeurs comme Pandrezz ou KezahProd. Depuis 2 ans, la Music Production Convention réunit les beatmakers et les professionnels du métier autour de conférences et de rencontres. En mars, le collectif Le Sommet (représenté par Le Motif, Junior Alaprod et S2keyz) a organisé deux Masterclass Sommetique au cours desquelles ils ont convié 70 beatmakers curieux pour leur permettre d’avoir accès à leur savoir : des conseils cruciaux face à sa propre création, à des informations concrètes sur combien génère la SACEM de producteurs à succès.

En 2017, Sonny Digital évoquait, un peu frustré, la couverture du magazine XXL qui met en avant les nouveaux talents rap à suivre. « Chacun d’eux aurait dû poser sur la couver­ture de XXL avec le beat­ma­ker qui a fait le morceau qui leur a permis d’être en couver­ture. Si vous enlevez les beats de ces ‘hits’, qu’est-ce qu’il nous reste  ? », demandait-il alors sur Twitter.

Les beatmakers ont-ils besoin d’une Union ? Une idée toujours en l’air mais qui ne cesse d’avoir du sens les années venant. Être beatmaker n’est plus se limiter à travailler pour un artiste. On peut difficilement imaginer un écosystème dans lequel les beatmakers pourraient exister sans les rappeurs : il n’existe toujours pas d’exemple d’auditeurs qui auraient envie de n’écouter que des beats, et Metro Boomin comme Ikaz Boi seraient bien seuls sans un 21 Savage ou un Ateyaba. Mais on peut de plus en plus envisager son chemin de carrière sans une collaboration avec un artiste comme point central des revenus. Il ne manque plus que les rémunérations de YouTube soient justes et équitables, et tant de beatmakers dans le monde pourront réaliser leurs rêves de vivre de leurs clics sur des logiciels crackés.

« Last request, can all producers please get paid? »
– Rick Ross, « Idols Become Rivals »

Je viens de recevoir un WhatsApp du petit frère de mon pote : finalement, il a décidé d’arrêter le rap. Si vous avez 150$ à dépenser sur sa nouvelle chaîne de beatmaking…

Lors de la dernière Masterclass Sommetique, les hitmakers Junior Alaprod, Le Motif et S2keyz ont prodigué de précieux conseils à l’avis de tous les beatmakers, en plus de signer un potentiel tube en moins d’une heure.

« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » Et si les beatmakers avaient enfin compris ce qu’il leur fallait faire pour obtenir la considération qu’ils méritent ? Petit à petit, cette communauté d’hommes de l’ombre de l’industrie musicale se soude et prend du poids à force d’entraide, de partage et de collaborations. Organisée les 23 et 24 mars dernier, à l’initiative du collectif de compositeurs Le Sommet, la Masterclass Sommetique s’efforçait de diffuser un peu plus ces neuves valeurs. Un week-end durant, les hitmakers Junior Alaprod, Le Motif, S2keyz et l’ingé-son Raoul Le Pennec ont fait part de leur expérience et de leur précieux conseils à 70 beatmakers soucieux d’être bien guidés dans le milieu, avant de composer une prod à leurs côtés. Notre journaliste Shkyd, également présent, nous a convié au Human Studio pour voir la magie opérer.

Il y a un an, YARD annonçait son soutien à la team U11 de Basket Paris 14.
Aujourd’hui, YARD les accompagne sur un nouveau projet : une collection exclusive imaginée par et pour le club.

Ces trois surmaillots sont immortalisés par Melo, dans le 14ème arrondissement, près des infrastructures du club. Présent ce jour-là, on retrouve Mamadou, l’un des jeunes espoirs du Basket Paris 14, originaire du quartier.

Toujours dans un esprit famille, c’est la mère de deux jeunes joueurs – anciennement publicitaire, reconvertie à la couture – qui a conçu le surmaillot. Sur une base de wax importé du Togo, le logo brodé de YARD et le sigle du BP14 s’apposent sur ces jerseys disponibles en édition très limitée.

Actuellement vendus sur le shop du BP14, il prendra encore plus de valeur si vous l’avez chopé pendant un de leurs matchs.

Basket Paris 14 (shop)
Instagram

Modèles
Mams :  @mams.k014
Mina :  @chkamn
Karla :  @kayaah__

Stylisme : @biaziouka
Surmaillot : @jeanineemoi
Vêtements : @agogogang
Chaussures : @nike

Photographe : @lebougmelo
Direction Artistique produit : @arthuroriol

De chanteuse pour Synapson à artiste solo, Tessa B a tracé sa route entre discrétion et foules en délire, parfois dans les plus grandes salles de France. On l’a redécouverte avec les singles « Jamais » et « Repose en paix », dans lesquels elle se réapproprie les sonorités r&b à la française. Son premier EP paraîtra cet été, et elle sera en concert à la Boule Noire le 17 mai prochain. 

Photos : @alextrescool

Tessa B. De son vrai nom Marine Basset — on vous confie la tâche d’en inverser le sens —, la chanteuse, auteure et interprète que l’on a pu voir sur les plus grandes scènes des festivals français revient aujourd’hui sous le feu des projecteurs mais, cette fois-ci, avec un projet qui lui appartient. L’artiste de vingt-cinq ans, qui a grandi aux Lilas puis en Seine-et-Marne, a sillonné les routes de France aux côtés de têtes d’affiche de la pop française (Synapson, Jabberwocky, Arigato Massaï…) pendant plusieurs années, avant de chercher de nouveau à définir son identité musicale. Tessa B fait des blagues, a tout l’air d’une hyperactive et bavarde allègrement : « Si je meurs c’est de rire que je vais clamser » projette la chanteuse dans « Repose en paix ». La bonne humeur a l’air de toujours l’emporter mais se teinte parfois de cynisme, comme traversée d’une inquiétude : qu’est-ce qui pourrait bien nous arriver demain ? En attendant de le savoir, on vous fait les présentations.  

D’où vient la musique dans ta vie ?

Mes parents ne sont pas de grands mélomanes. Ma mère est fonctionnaire et maître nageur, mon père est dans le transport… Mais mon grand-père était DJ dans les mariages [rires] ! Mine de rien, quand on allait le voir en week-end, il partageait cette passion pour la musique… En tout cas, ma petite sœur et moi, on a toujours chanté. J’ai toujours été fascinée par les grandes voix, c’est ce qui me touche le plus. J’essayais de reproduire, d’imiter. Inconsciemment, je travaillais sur ma voix, j’imagine que j’ai aussi évolué comme ça. Et la scène m’a toujours intriguée.

Tu te souviens de la première fois que tu es montée sur scène ?

Oh la la, il y avait un festival des jeunes talents à Meaux… C’était à l’espace Caravalle. Ma mère voulait absolument que je le fasse, elle me disait : « Monte sur scène, ça va te faire de l’expérience », alors je me suis inscrite. J’avais quinze ans. C’était une salle de trois cents personnes. J’avais chanté « What’s Up » des 4 Non Blondes, « Thinking Of You » de Katy Perry, et « Black Horse And The Cherry Tree » de KT Tunstall. C’était une catastrophe, j’avais un look de chanteuse country, genre Miley Cyrus période Hannah Montana ! Et pourtant… J’ai gagné ! J’étais choquée. Mais ça a débloqué un truc.

Tu as fait tes classes très jeune au sein de l’industrie musicale.

Au lycée, je passais ma vie à envoyer des candidatures. J’avais besoin de m’exprimer, de faire du théâtre, de la figuration… J’ai été dans deux écoles de théâtre différentes. Je n’écrivais pas de chansons, mais à dix-sept ans, j’avais déjà rencontré mon premier producteur, après qu’il soit tombé sur une démo où je reprenais « Atlas » de Etta James. On a fait un album hyper rapidement après, mais ce n’est jamais sorti. Et j’ai signé chez Parlophone. Pour moi, c’était normal d’être signée au bout de trois mois en maison de disque, alors qu’en fait, les gens galèrent ! Plus tard, je me suis dit : « Putain, j’ai sauté une étape ». Et je suis très reconnaissante pour ça.

Tessa B

C’est à partir de ce moment-là que tu as enchaîné sur des tournées pendant plusieurs années ?

Mon directeur artistique m’avait appelée pour me dire qu’il manquait une chanteuse sur une tournée de Synapson. Je pensais faire deux trois dates et en fait, deux semaines après, on m’a proposé les Zéniths. Il y a également eu les concerts avec Jabberwocky et d’autres encore. Moi, j’avais une petite expérience scénique avec le théâtre. Mais j’ai compris que la musique me correspondait beaucoup mieux. Peut-être parce que ce n’était pas mon projet, j’avais donc un certain nombre de libertés et je pouvais me permettre plus de choses.

Quels ont été les grands moments d’enseignement pour toi, pendant cette période ?

Clairement, les Zéniths m’ont marquée. On a fait toute une tournée « Flash Deep » : je me suis retrouvée devant six mille, huit mille personnes… Je n’avais jamais vécu ça, donc c’était fou. J’avais le trac mais j’ai pris goût à l’adrénaline. Avec Alexandre et Paul de Synapson, mais aussi le reste de l’équipe, on est devenus une famille. Et la dernière date à Rouen restera à vie gravée dans ma mémoire. C’est le concert où j’ai le plus réussi à être moi-même et à profiter de chaque instant avec les gens sur scène. En fait, le concert où j’ai le plus aimé être sur scène.

Justement, je me demande si la scène n’est pas ton réel premier amour, avant même la musique.

C’est cliché ce que je vais dire, mais quand je suis sur scène, je me sens hyper bien. J’ai appris avec Synapson que j’adorais faire le show et partager avec les gens, les voir danser, des trucs bêtes comme ça. Ça me fascine à quel point la musique rassemble les gens, et quand tu te prends ça dans la gueule, c’est quelque chose. Avec le temps, je me dis que c’est ma place, je ne pourrais pas faire autre chose. Le jeu m’attire beaucoup aussi, je sais que ça va être quelque chose qui va faire partie de ma vie. Je commence un peu à faire des démarches d’acting. Que ce soit au théâtre ou au cinéma, je ne veux pas être frustrée dans dix ans et me dire que je n’ai pas essayé au moment où j’aurais dû le faire.

Tessa B

Tu étais tout le temps occupée à travailler pour d’autres artistes, comment est apparue l’artiste solo ?

Je t’avoue que les deux premières années, je n’y pensais pas du tout. C’était tellement fou… Je n’avais pas le temps de réfléchir ! Mais quand tu es signée en label et que tu n’as plus de projet… Ça te revient. Alors j’ai testé des choses. Mais l’anglais me perdait, et puis ça ne fait pas longtemps que j’écris. J’ai eu envie d’autre chose mais j’ai eu une mauvaise expérience avec le français sur mon premier album, du coup, je pensais que ce n’était pas pour moi. Alors que c’est ma langue. Et c’est tellement riche, il y a tellement de choses à faire avec, il fallait que j’arrête avec l’anglais ! En fait, c’est Benny Adam qui m’a débloqué un truc de dingue. C’est très rare de tomber sur son alter ego musical.

Comment est-ce que vous avez commencé à travailler ensemble ?

Je l’ai rencontré complètement par hasard. Je devais enregistrer une chanson avec Anna, du groupe Haute. Benny était là, il m’avait entendue chanter et il voulait qu’on se revoie. On s’est vus et on a écrit des prods qu’il avait mises de côté. J’ai écouté ma voix et je l’ai entendue différemment : j’ai entendu une autre personne. Je ne pouvais pas passer à côté de ça. Humainement et musicalement, il a compris qui j’étais et ce que je voulais. Moi, je n’arrivais pas à mettre les mots dessus. On a fait des sons comme ça, pendant plusieurs semaines, ça a été un long processus musical. Quand j’y pense, ma rencontre avec Benny Adam, c’est le destin. La Tessa B actuelle est née à ce moment-là. Mais ce projet, c’est nous.

Est-ce que tu as le sentiment de tout recommencer à zéro ?

Oui, c’est très bizarre. Déjà, le public ne sera pas le même, j’ai été habituée à faire des scènes où les gens sautent, font des pogos… Là, je sais que je dois me recentrer. Ce n’est pas la même musique, pas la même scénographie… On travaille là-dessus d’ailleurs… Jusqu’à maintenant, j’ai fait des petits concerts ici et là en tant que Tessa B, pour Deezer, et une première partie pour Moha La Squale. Cette fois-là, j’avais trop peur et ça s’est très bien passé. Moha La Squale est adorable. Et puis je me sens moi en fait, ce projet me représente.

Qu’est-ce que tu as envie de transmettre désormais ?

Je mise beaucoup sur l’interprétation, sur les paroles… Mais je vais danser hein ! Je songe à intégrer la danse à mes live car c’est vraiment une passion.

La chanson « Jamais » aborde beaucoup de sujets différents. C’est une chanson d’amour qui parle de loyer !

Elle a été écrite en collaboration avec Benny, peu de temps avant qu’elle sorte. On n’avait pas prévu de faire une session. Il m’a fait écouter cette prod et ça s’est fait naturellement. On écrit tout ensemble. C’est un texte d’amour, comme presque toujours… Il y a aussi des constatations. Et j’aimais beaucoup les vibes hispaniques et orientales. Je ne sais pas pourquoi. J’ai très peu de références, à part Rosalía maintenant ! J’avais aussi envie d’un son un peu urbain mais ça s’est fait au fur et à mesure, à force de travailler.

Tu as un début de carrière assez singulier. Est-ce que, malgré cela, tu as le sentiment de faire partie d’une génération qui renouvelle la chanson française ?

Oui, pour moi, je fais de la chanson française. Je n’arrive jamais à décrire ma musique parce qu’il y a beaucoup d’influences mais finalement, j’ai écouté assez peu d’artistes qui chantent en français, à part Stromae, ou encore Bashung, Barbara, Brel.…  En tout cas, j’ai plutôt l’impression que j’arrive avec une force en plus : je sais que rien n’est acquis mais j’ai déjà développé des choses. Au niveau de la musicalité, j’avais besoin de trouver mon truc à moi. Et maintenant, je sais ce que je veux. Je ne me sens pas en décalage.

Tessa B

Un freestyle a suffi, suivi d’un autre. Trois millions de vues plus tard, le premier projet est annoncé : Trix City. Un treize titres où l’auteur présente sa ville, Bondy, et son quartier, le Radar. Portrait de son époque, où le rap français produit des épi-phénomènes tous les jours, Diddi n’est pourtant pas de ceux qui viennent pour partir. Balade chez lui pour un On The Corner exclusif.

Photo : @alextrescool

Rendez-vous à 16h, armé d’une caméra et d’un feuillet de questions. On nous attend devant le bâtiment que l’on voit dans la plupart de ses clips. Dans le hall, Diddi roule son joint à l’accoutumée. Comme s’il re-tournait les images du freestyle « Pétou ». Le morceau-phare de sa carrière, pour le moment. Entouré des siens, le rappeur de Bondy est tout sourire, se fait entendre et ne laisse jamais un instant de silence. Le programme de l’après-midi est simple : tourner dans la ville et coller des panneaux « Trix City » partout où on le peut. Naturellement, on profite de l’occasion pour lui poser une tonne de questions.

C’est aussi que Diddi Trix n’est pas si « jeune » dans la musique. Son début de carrière remonte à 2015, où il suivait la tendance drill/trap de l’époque avec son groupe, le Batara Gang. Comme tous les jeunes de ce temps là, il fallait trouver un refrain entraînant, deux-trois punchlines marquantes et une gestuelle personnalisée pour espérer gratter son million de vues symbolique. Finalement, il l’aura eu en solo, presque 4 ans après. Comme quoi la patience est bel et bien mère de toutes les vertus.

Repéré par DJ Kore, retombé dans la fontaine de jouvence il y a peu, Diddi Trix signe sur le label AWA et entame la conception de son projet à la suite. Féru d’écriture, car la musique est sa passion et le rap son nouveau boulot, il travaille déjà sur son premier album. Il n’y a pas de temps à perdre, tout va si vite aujourd’hui. Alors il est bien décidé à marquer son époque : le rap français de demain.

L’Appel à la Danse au Sénégal est le premier volet d’une série de films documentaires sur la danse dans le monde d’aujourd’hui. Dans ce film, les réalisateurs du collectif ScreenSkin (composé de Diane Fardoun, Hugo Bembi, Pierre Durosoy et Julien Villa) montrent comment danses traditionnelles et danses urbaines se mélangent désormais dans les nouvelles créations sénégalaises, tout en faisant le récit d’un voyage au cœur du quotidien d’une jeunesse passionnée.

Véritable moment d’immersion, la projection du film sera suivie d’un talk avec l’équipe du film, de performances des danseurs Ablaye Diop et Odile, accompagnés par les musiciens Lamine Sow et Eliane Bangoura puis d’un Dj Set de Julien Villa.

Cinéma Batignolles 7
25, allée Colette Heilbronner
75017 Paris
Tarifs : 12 euros en ligne ou 15 euros sur place
Billetterie en ligne : bit.ly/appelaladanse

Un événement organisé par ScreenSkin production et l’association Accent Parisien

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Après avoir mis longtemps son talent au service des autres, Anderson .Paak a mué en un artiste flamboyant pour donner à entendre sa Californie natale album après album. Entretien avec un artiste qui ne se voyait pas forcément en haut de l’affiche. 

« Tu as interviewé Anderson .Paak ? Ça devait être cool, il a trop l’air d’être un gars hyper chaleureux », me dit le message que je reçois après avoir teasé cet entretien sur mes réseaux personnels. Un a priori qui ne se base pas sur la moindre donnée concrète, mais qui revient de manière quasi-systématique à l’évocation du natif d’Oxnard. Artiste « solaire » par excellence, Anderson .Paak rayonne. Il se dégage de sa personne et de sa musique enjouée une forme d’énergie résolument positive qui finit de nous convaincre que nous avons là affaire à un chic type, sans qu’on ne sache réellement expliquer pourquoi.

Qu’en est-il réellement ? Si quinze minutes d’interview semblent bien maigres pour prétendre cerner un individu quel qu’il soit, notre échange avec celui qui se faisait appeler « Breezy Lovejoy » a au moins le mérite de conforter cette première impression. On y découvre un homme dévoué à sa passion et à ses proches, qui a forcé son destin pour passer du fond de la scène à la lumière des projecteurs. Il sort en ce vendredi 12 avril son nouvel album, Ventura, dont le titre fait une nouvelle fois référence à la Californie qu’il chérit tant.

Photos : @alextrescool

Tu as commencé la musique en tant que batteur, et les batteurs ne sont généralement pas sous le feu des projecteurs. Aurais-tu pu imaginer faire une carrière dans l’ombre ?

J’ai bien cru que ça allait être ça. Je n’étais pas particulièrement attiré par le devant de la scène, ou du moins pas en tant que chanteur. Je suis d’abord tombé amoureux de la batterie, puis j’ai commencé à simplement aimer faire danser les gens et c’est comme ça que je me suis retrouvé à mixer et produire très tôt. À l’époque, ça me convenait bien d’être juste dans les coulisses et de contribuer à la conception de la musique. Puis j’ai commencé à me développer en tant qu’artiste principal et j’y ai pris goût. De même que j’ai pris goût à l’idée de devenir chaque jour meilleur là-dedans. Je me souviens que les gens me disaient : « Tu devrais t’en tenir à la batterie, c’est ce que tu fais de mieux ». Mais ça me donnait d’autant plus envie d’aller vers autre chose. Cela dit, quand on a commencé à chercher un batteur pour notre groupe, on était tellement pointilleux qu’au bout du compte on a décidé que je ferai les deux. D’autant qu’on s’est rendu compte que ça pouvait faire notre singularité. D’où l’on vient à Los Angeles, il n’est jamais uniquement question de musique : il s’agit de trouver quelque chose qui te rend unique et que tu es le seul à savoir faire. C’est en partie pour ça que je continue encore la batterie.

As-tu déjà conçu la musique comme un job alimentaire ?

Totalement. Je ne voulais pas d’un job classique, pas plus que je ne voulais travailler pour qui que ce soit. Ma mère était une entrepreneuse, je l’ai vue lancer sa propre affaire et travailler d’arrache-pied pour s’en sortir et je pense que ça a joué sur moi. En grandissant, j’ai touché à plein de choses : j’ai travaillé dans un magasin de chaussures, dans un supermarché, etc. C’était l’enfer. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que tout ce que j’aimais c’était jouer de la batterie et que je pouvais peut-être être payé pour ça. La première fois que j’ai pris un billet avec la musique, c’était à l’église. Ça a été une révélation pour moi, et j’ai continué ainsi pendant un bon moment. Mais ce n’était pas assez pour subvenir aux besoins de ma famille. C’est seulement quand je suis devenu père que j’ai su que je devais faire passer ça au niveau supérieur. Je ne pouvais pas me contenter de quelques centaines de dollars la semaine. Ça n’allait pas être assez pour offrir aux miens la vie qu’ils méritaient. C’est là que j’ai compris que mon talent n’allait pas suffire. Il fallait que je pense business et que je m’organise pour sortir ma musique et la rendre accessible à un plus large public, sans pour autant la travestir.

Tout le monde peut apprendre à jouer d’un instrument, à exécuter une partition déjà écrite, mais tout le monde ne peut pas forcément créer quelque chose de nouveau. Est-ce ce qui définit un « artiste », selon toi ?

Ce qui définit un artiste, c’est le fait de s’investir à 100% dans ce qu’il fait. De ne pas avoir un pied en-dedans et un pied en dehors.  Quand j’ai commencé la batterie, c’était la seule chose qui me séparait des meilleurs de la discipline. Je suis allé à l’université avec quelques uns des musiciens les plus doués que j’ai connus, et je me suis rendu compte que beaucoup d’entre eux se contentaient de jouer pour d’autres artistes ou de jouer la musique de quelqu’un d’autre. J’ai mis du temps à développer la confiance nécessaire pour faire ma propre route. Mais je pense juste avoir été assez stupide pour croire que ma musique était suffisamment bonne pour que je n’aie pas à être dépendant de qui que ce soit. À partir de là, je ne savais pas si ça allait marcher, ni même « quand », mais je savais que j’allais donner tout ce que j’avais. Quand aujourd’hui je me retrouve à jouer dans de grandes salles, je comprends que tout ce que j’ai obtenu dans la vie n’est que le fruit de cette assiduité vis-à-vis mon rêve et ma passion. Et effectivement, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Beaucoup de musiciens qui ont appris à jouer d’un instrument et sont très doués là-dedans font leur propre musique à côté, mais sont souvent trop timides pour la dévoiler au monde. J’ai moi-même été comme ça, mais au fil du temps, j’ai eu l’impression de vivre en deçà de ma valeur. Heureusement, il y a des gens autour de moi qui m’ont encouragé et m’ont aidé à trouver au fond de moi la confiance dont j’avais besoin.

« Quand je suis devenu père, j’ai su que je devais faire passer la musique au niveau supérieur. Parce que ce que je gagnais n’allait pas être assez pour offrir aux miens la vie qu’ils méritaient. »

En mai 2018, Dr. Dre avait annoncé lors d’un Instagram live que ton premier album en major s’appellerait Oxnard Ventura. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on se retrouve finalement avec un album intitulé Oxnard et un autre intitulé Ventura ?

C’était censé être un double album mais il y a eu beaucoup de reports de la part du label, qui pensait que ça allait faire beaucoup de morceaux à digérer d’une traite. Puis au moment où j’ai pensé que le projet était fini, Dre a suggéré que nous avions peut-être un peu plus de temps pour le peaufiner, ce qui a fait qu’on n’a pas sorti aussi tôt que je l’avais prévu. Le mix des deux albums a été bouclé en même temps, mais l’idée de les sortir ensemble a été un peu abandonné en cours de route. C’est pourquoi Ventura ne voit le jour que maintenant.

Entre Venice, Malibu, Oxnard et maintenant Ventura, la Californie est au centre de ton oeuvre. Comment peut-elle continuer à t’inspirer après tout ce temps ?

Que puis-je te dire si ce n’est que c’est l’un des plus beaux endroits au monde ? J’ai la chance de pouvoir voyager à travers le monde, de voir d’autres paysages et ainsi de me rendre compte de la chance que j’ai d’avoir grandi dans cet endroit où il fait si beau, et qui est un carrefour pour les gens qui ont de l’ambition, qui sont progressistes et qui cherchent à accomplir de grandes choses. Où que j’aille dans le monde, les gens ne cessent de me dire qu’ils rêvent de venir ici. Et ce n’est pas moins vrai dans des villes ou des États qui sont très proches de la Californie : tu as des gens qui vivent en Arizona et veulent absolument partir à Los Angeles alors que c’est juste à côté. Mais je ne serais sûrement pas aussi reconnaissant de vivre ici si je n’avais pas autant voyagé et pris conscience de cette bénédiction. J’ai retrouvé des petites parties de ma ville un peu partout dans le monde, mais il n’y a vraiment aucun endroit de comparable. Je ne fais donc que rendre hommage à l’endroit qui m’a fait naître et qui a façonné ma personnalité, notamment musicale.

N’as-tu pas peur de tourner en rond au bout d’un moment ?

Non, parce que j’en ai fini avec les plages après Ventura. Je le promets. [rires]

Peu après la sortie de Malibu, tu as signé un contrat avec Aftermath, le label de Dr. Dre. Peux-tu nous raconter l’histoire de ta rencontre avec lui ?

J’ai reçu un appel me demandant de rejoindre Dr. Dre en studio pour travailler sur son album. Je n’y ai pas cru. Je me suis dit : « Je ne vais pas y aller. Je sais d’avance ce qui va se passer : on va venir au studio et écrire des morceaux qui ne sortiront jamais. » De mon côté, j’avais envie de me concentrer sur ma musique. Je venais de publier un single intitulé « Suede » avec mon groupe NxWorries, Venice était déjà sorti et j’en étais à peut-être 60% de Malibu. Mais ils ont insisté donc j’y suis finalement allé, et une fois au studio, les deux premières personnes que j’ai rencontré étaient The D.O.C. et Dr. Dre. Là, j’ai commencé à me dire que c’était du sérieux. Puis j’ai rencontré King Mez et Justus et j’ai compris qu’ils travaillaient sur ce qui allait être Compton.

Eux me disent qu’ils ont adoré mon morceau « Suede », puis me font écouter ce qu’ils ont commencé à bosser. Ils lancent l’instru de « All In a Day’s Work », le morceau est chaud, je me motive à écrire dessus mais ils me coupent et me disent : « Tu sais quoi ? On devrait faire écouter ton morceau à Dre d’abord, il ne l’a pas encore entendu. » Je ne clairement suis pas serein, je n’ai aucune idée de si ça va lui plaire ou non. Dre entre dans la pièce, ils lui font écouter « Suede » et à trois reprises, il demande à rejouer le morceau. Au bout de trois écoutes, il veut qu’on se mette à travailler, lance une prod et me dit les idées qu’il a pour ce morceau. Je rentre donc dans la cabine, je ferme les yeux et je me mets à improviser, parce que c’est comme ça que j’avais l’habitude de travailler à l’époque, simplement en lâchant tout ce qui me passait par la tête sur le moment. Quand j’ai rouvert les yeux après la prise, Dre était choqué. On continue de bosser ensemble depuis ce jour.

L’album Deux frères signe un épilogue. En quatre ans, le public de PNL a assisté à la genèse d’un monde et à son dénouement. Fleurs fanées, pétales éparpillés, le bouquet final est morose. Non sans nostalgie, Ademo et N.O.S sont parvenus au terme de leur quête première vers le million, vers la reconnaissance internationale et vers l’accalmie. « Pour le globe », les deux rappeurs ont fait cavaliers seuls et ont conçu leur œuvre dans un entre-soi pour certains encore hors d’atteinte. Et pourtant.

Illustrations : @bobbydollaros

530 avant Jésus-Christ. Une idée fait surface. On commence à croire que le mouvement des planètes engendre une musique à l’origine de l’harmonie universelle. La Lune, Jupiter, Saturne, Uranus et les astres seraient séparés par des intervalles musicaux.

2019. Tout va mal dans le cosmos mais un petit pays d’Europe de l’Ouest a retrouvé son unité de mesure. C’est tout un peuple qui émerge alors même que ceux qui l’ont fédéré sont déjà loin de la Terre. PNL a remplacé le monde qui les avait tant rejetés par un « Autre monde », lui, ouvert à tous.

Pourtant, parce qu’il a été créé par eux et pour eux, envers et contre le « rien », tout porte à croire que ce dernier ne nous était pas destiné.

Vraiment « que la famille »

Regardons les choses en face, le sigle « QLF » ne nous a jamais été adressé. Les fans audacieux qui ont essayé de monter sur le bus le 5 avril dernier n’ont pas manqué de nous le rappeler, mais tout ça ne date pas d’hier. Depuis 2015, année de parution de leur deux premiers albums, Que La Famille et Le Monde Chico, Ademo et N.O.S. ont donné naissance à un espace parallèle qui fonctionne en vase clos : personnages récurrents dans les textes et dans les clips, gimmicks qui sonnent comme des private jokes, tics de langage, décor unique ou paysages similaires élus avec soin, et, surtout, constance impérieuse d’une équipe artistique formée entièrement de fidèles. Mess et Kamerameha à la réalisation, BBP, MKSB et Trackbastardz à la production et au mixage, pour ne citer qu’eux.

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En bloc, d’autres proches de PNL, des rappeurs des Tarterêts comme la MMZ, DTF et F430 — des duos, eux aussi —, ont également participé à l’avènement d’un univers homogène que rien ne semble pouvoir altérer. Nous revoilà en transit entre Corbeil-Essonnes, le Japon et la Floride ; ici aussi, les hublots ont vue sur les nuages et les voix enregistrées viennent d’autres cieux : le vocabulaire est le même, les textes, eux, sont hantés par l’idée de s’en sortir et sont toujours marqués du sceau de « la famille », concept qui finit par être aussi rassurant qu’un dîner de mafieux dans un bon film américain.

Il faut dire que l’imagerie originellement mise en place par les Andrieu est potentiellement hermétique à celui qui ne partage pas certaines de leurs références : télé-réalité, cinéma, science-fiction, gaming, mangas, bande dessinées, sitcoms, fantasy, nouvelles technologies et leurs lots de récits, de héros et de mythes resurgissent sans cesse au détour d’un titre d’album, d’un couplet ou d’une phase d’egotrip… et évincent de leurs chansons toutes les allusions à une possible réalité commune.

On n’écoute pas PNL

Jusqu’à l’album Dans la légende et encore et toujours dans Deux frères, la recette reste la même. Tout concorde à donner cohérence et consistance à la narration (à la matrice ?) imaginée par PNL. Mais pour peu qu’il manque de bonne volonté, qu’il refuse d’essayer d’en comprendre les codes, qu’il ne vienne pas du 91 ou, plus largement, de la rue, celui qui écoute PNL a tout l’air d’un touriste que seule une vitre sépare de la fosse aux lions, oscillant entre divertissement et inquiétude.

De façon assez prévisible, certains médias, comme à la recherche d’une branche à laquelle s’agripper, ont donc focalisé toute leur attention sur la parade marketing du groupe. On s’étale sur les talents commerciaux des deux rappeurs, on les survole, on les examine, et même, on crie au génie (par complaisance ?). Certains journalistes font des ronds, font des ronds, font des ronds autour de l’œuvre de PNL sans jamais vraiment y mettre les pieds, comme si rien n’avait changé depuis 2016, où déjà l’on s’arrêtait à la « manière dont ils diffusent leurs morceaux et, surtout, la manière dont on les écoute » pour expliquer son succès. L’hypothèse ne tient pas la route. Mais l’intuition, elle, n’est peut-être pas tout à fait erronée. Que nous dit la promotion de Deux frères, si ce n’est que PNL a pensé son album jusque dans sa réception ? Partie visible de l’iceberg, elle semble avoir été échafaudée pour guider l’auditeur au cœur de l’œuvre.

Le génie du groupe ne serait peut-être pas tant celui d’être des Super Saiyan de la stratégie, mais plutôt d’avoir conçu bon gré mal gré une œuvre à 360°, ouverte sur tous les médiums artistiques. Il faudrait reconnaître aux deux rappeurs d’avoir emprunté la grande voie de l’œuvre d’art totale à l’ère de la culture de masse. À l’instar d’une Björk, d’un Michael Jackson, d’une Miley Cyrus, de l’auteur de l’ASTROWORLD ou pourquoi pas d’une saga de films fantastiques, on n’écoute pas PNL, on y plonge. On s’y abîme.

Bienvenue à PNLand

De la même façon que « Matrix n’est pas un film », ce que nous apprend le sociologue David Peyron lorsqu’il explique que cette œuvre a été conçue comme un monde à part entière, Ademo et N.O.S « du PNL » ne sont pas de simples rappeurs : ils sont les fondateurs d’un monde Chico, auquel des millions de français ont désormais accès. Les films The Matrix Reloaded, The Matrix Revolutions et le jeu vidéo Enter The Matrix ont été tournés en même temps. Intelligible de plusieurs façons différentes, l’univers de Matrix était par ailleurs déjà complexe en soi, ultra-référencé (parfois à lui-même), presque codé, et, de fait, vertigineusement immersif. Tiens, tiens.

Throwback. Si l’on en croit le duo, tout s’est écrit depuis une chaise du hall 27, où le passage des heures a nourri les prémisses d’un monde merveilleux, dans lequel monstres et fantasmes affrontent le vide et l’ennui. Alors confinée dans un périmètre circonscrit, l’imagination seule peut s’autoriser des vacances – naissance d’une bulle. À défaut d’avoir la liberté, Ademo et N.O.S choisissent des prods qui font office d’échappatoires vers des ailleurs lointains. À défaut d’avoir déjà le million, ils coupent et recoupent la langue française, font des bijoux avec les mots. Tantôt Midas, tantôt Orphée, ils redonnent vie aux êtres inanimés qui les entourent, offrent des corps à leurs sentiments et fabriquent des allégories avec des bouts de ficelles.

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Avant de le faire en grandes pompes. Lors de ses concerts, PNL diffuse des animations inspirées par les jeux vidéos et réalisées par Arnaud Deroudilhe, dont on évoquait le travail ici. Plus tard, c’est l’équipe de Cutback Live qui matérialise en lumières et en scénos l’univers des deux rappeurs. Puis viendront La Géode et son « musée QLF ». En fait, dès le début et jusqu’à ce jour, Ademo et N.O.S ont mis en place des leviers efficaces permettant d’activer leur scénario en 3D. Et plus encore. Avec un live YouTube la nuit du 22 mars, un défilé en bus à impériale sur les Champs Élysées et une opération Uber, les deux rappeurs ont fait de leur œuvre un véritable open world participatif. Certes, le duo affirme rejeter le trône, mais il n’en livre pas moins un royaume habitable tout entier à ses auditeurs. Leur travail (herculéen) accompli — quatre albums, des dizaines de clips, des courts-métrages, l’Accor Hotel Arena sous le charme, des records d’écoute mondiaux et ce n’est pas fini —, les deux rappeurs se rapprochent du soleil, se rapprochent d’eux-mêmes, de leur public aussi.

Humains, trop humains

Car avec tout ça, Deux frères boucle la boucle du labeur de PNL sans être envahi par une possible folie des grandeurs. Au contraire, l’album montre par plusieurs endroits la volonté d’un retour à une forme de simplicité. L’idée de famille se voit réduite dès le titre à ses piliers originels — Que Tarik et Nabil —, et, comme pris par une sorte de vertige, les deux rappeurs s’inquiètent de leur changement de vie, regrettent le chemin de la maison et vont jusqu’à suggérer des adieux prochains. En émettant le souhait de vouloir « moins de monde », PNL met ce même monde à la disposition de ses auditeurs.

Fan artsfan fictionsrevendications « QLF » en veux-tu en voilà, programmationsexpositions et autres diffusions dans les défilés de mode continuent de se multiplier. « La vie n’a pas d’prix à part c’qu’elle m’a appris / J’ressens l’vide mais j’sais pas c’qu’elle m’a pris » rappe N.O.S dans « Celsius ». Nous on sait. Les deux artistes redeviennent des semblables, et voilà que deux E.T. retrouvent leur forme humaine sur le toit du monde. Les vieilles maximes résonnent. « La solitude des poètes s’efface. Voici qu’ils sont des hommes parmi les hommes, voici qu’ils ont des frères. »

19 ans, 100 millions de streams et une association singulière avec l’un des piliers fondateurs du rap français. Mais d’où vient Zola et, surtout, jusqu’où ira-t-il ?

12 janvier 2018. Dans la loge froide du Wanderlust, à Paris, où le vent d’hiver des quais d’Austerlitz siffle entre les lattes de bois, le jeune Zola se prépare. Locks dans la capuche, les siens autour de lui, il se concentre pour mobiliser le maximum de ressources et affronter ce qui l’attend. Ce soir, quelques mois à peine après ses premières sessions studio, il fait face à son public. Il ne sait pas ce qu’il va se passer, il ne sait pas encore s’il est légitime. Discret de nature, il n’est pas à l’aise à l’idée de faire le show. Il doute, sans réaliser que, bien avant l’ouverture des portes, ils étaient très, très nombreux à s’être regroupés devant le club des bords de Seine pour ne pas rater la première apparition du nouveau phénomène. Je n’invente rien : cette soirée, j’en suis l’auteur.

1h. Nous quittons les loges, slalomons à travers les cuisines du Wanderlust pour éviter la foule et passer par une entrée plus discrète, derrière le bar. On se positionne sur le côté de la scène intérieur du club. La moiteur traditionnelle des soirées rap parisiennes se fait sentir, la buée s’est emparée des vitres du club et le sol tremble sous les coups de semelle. Les premiers rangs commencent à comprendre que Zola est là, sur le point de se lancer. Il ne lui manque q’un ultime coup de boost ; ils l’appellent en scandant son blaze. Le DJ s’installe, balance « Cru », et le jeune rappeur débarque sur scène avec le duo Key Largo.

Deux phases, un couplet, un refrain, je ne sais plus : il n’aura pas fallu grand-chose pour que les flammes prennent. Zola prend ses marques en même temps qu’il prend confiance. Ce sont bien ses mots que le public back, ce sont bien ses tracks qui lui font plier les coudes, c’est bien lui qu’ils sont tous venus voir. Au moment de terminer le show, le gamin d’Evry se hisse sur le DJ booth, et conclut son passage en regardant la foule de haut, maillot de Dortmund floqué « Zoladiñho » sur le dos, bouteille de champagne à la main. Plus de doute à avoir, et surtout pas pour lui : Zola est à sa place.

Veste et Pantalon : Andrea Crews, T-shirt : BOYHOOD.

Un 5 avril pour vivre ou mourir

Aujourd’hui, il est fou d’imaginer que cette soirée remonte à légèrement plus d’un an tellement Zola a fait du chemin. Depuis cette fameuse date, celui qui était locksé bien avant toi a été invité à faire la première partie d’Hamza, a été annoncé sur la programmation du gigantesque festival We Love Green, a sold-out une Cigale huit mois en avance et vient tout juste de sortir son premier album, Cicatrices. Un disque dont il va vraisemblablement écouler près de 15 000 unités en une semaine, la même semaine que celle de la sortie du quatrième album de… PNL. Pari réussi. « Étant donné qu’on est tous du 91 et que mon frère habite aux Tarterêts, on savait que c’était pour avril, mais on ne savait pas que ça allait tomber le 5, nous explique-t-il. Après, c’est chacun de son côté : j’ai mon business, ils ont le leur. C’est un hasard et il a fallu faire avec. Évidemment, c’était un moment décisif pour ma carrière. Mais quoiqu’il arrive, je devais le sortir : je sais que des gens l’attendaient et voulaient l’écouter, donc je ne concevais pas de ne plus assumer. » Lui ne s’est pas caché, lui n’a pas décalé la date : il s’est rappelé qu’il était sûr de sa musique et, encore une fois, qu’il était à sa place. Même si beaucoup ne l’ont pas vu venir.

Il faut dire que depuis le début, Zola va beaucoup, beaucoup trop vite. Une course avec lui-même qu’il survole, au point de passer du circuit amateur au professionnel sans aucun passage au stand, sans jamais freiner, pour s’imposer comme l’un des pilotes de demain dont il faut se méfier dès aujourd’hui, sous peine d’être dépassé. Un peu comme un joueur de Mario Kart qui jouerait constamment avec l’étoile d’invincibilité, sans se soucier de la compétition. N’y voyez pas de la tricherie : Zola, 19 ans, a juste trouvé les codes du succès. Comment ? Et faut-il craindre un dérapage ?

Veste et Pantalon : Arthur Avellano ; T-shirt : One Culture.

Allers-retours vers le succès

« L1, L2, R1, R2, haut, bas, gauche, droite ». Depuis fin 2016, le natif d’Evry n’a jamais décéléré : une quinzaine de clips balancée, une centaine de millions de streams enregistrée. Le phénomène est réel, aussi bruyant que le pot d’une bécane en ligne droite, et personne ne passe à côté. En 2019, pour sortir son premier album dans les meilleures conditions possibles, Zola et Truth Records, sa structure, se sont donc associés à AWA, label fondé par l’éminent hitmaker Kore. Autant dire qu’il y en a sous le capot. « J’ai des amis en commun avec l’entourage de Zola, surtout avec son grand frère, se rappelle Kore. On m’a parlé de lui, je suivais de loin, j’avais vu deux, trois trucs. J’aimais ce qu’il faisait et je me suis positionné rapidement. Zola a un vrai son à lui, un vrai état d’esprit, il incarne cette différence. Le lifestyle US, il ne le mime pas, il le vit en vrai et c’est pour moi la différence principale avec la génération précédente. Il n’intellectualise rien, il vit le truc au day to day à l’image de la musique qu’il consomme lui-même. Il a une vraie facilité à le retranscrire lorsqu’il est studio. C’est un discret, qui a du mal à définir sa musique justement parce que c’est très naturel pour lui. Dans le travail, il sait ce qu’il veut mais il ne sera jamais précis dans la demande : c’est juste un feeling, une prod qui tourne et qui l’inspire, ou seulement deux notes sur lesquelles je suis en train de bosser. »

« Travailler avec Kore, un aussi gros producteur, ça te booste à faire un album, insiste Zola quand on lui demande pourquoi il n’est pas passé par la case EP, ou mixtape. Quand tu travailles avec le top du top, tu ne peux que fournir un album. Surtout que c’est une carte de visite, c’est un truc qui reste, ta carte d’identité. » Toujours cette même volonté de griller les étapes.

Le lifestyle US, Zola ne le mime pas, il le vit en vrai et c’est pour moi la différence principale avec la génération précédente.

Kore
Veste et Pantalon : Andrea Crews ; T-shirt : BOYHOOD.

Un projet tournant pour la carrière d’un jeune artiste qui a néanmoins su être patient, avant de passer aujourd’hui à la vitesse supérieure. Il y a encore quelques mois, Zola n’avait pas le luxe de se consacrer pleinement à la musique. Adolescent, il suit sa mère, seule, qui part trouver du travail dans l’Est de la France. Pendant sept ans, il vit entre deux mondes : le calme d’un bled de province la semaine, où il enfume son imaginaire sur les routes de GTA San Andreas, et la banlieue parisienne qu’il retrouve chaque week-end. Un déracinement qu’il subit malgré lui, mais qui développe ce qu’il est aujourd’hui. Loin de la capitale, il cabre tous les moteurs qu’il trouve – une passion depuis l’âge de 8 ans – et se prend à envisager demain, le poignet cassé sur l’accélérateur. Il faudra réussir, d’une manière ou d’une autre. Dès qu’il sera en âge et qu’il aura rempli ses engagements auprès de celle qui l’a élevé, il retrouvera Paris.

Fils de son époque

Son compte Instagram devient son terrain de jeu ; il y met en image tout ce qu’il a en tête sur la vie qu’il veut mener, et la vie qu’il mènera. Celle d’un enfant d’Internet, une éponge d’influence qui ne voit pas d’autres options d’existence que la vie rapide. Son esthétique résonne, sa communauté grandit. Il sait qu’il doit en tirer profit. Le désœuvrement fait le reste : en 2016, il freestyle avec des amis et comprend d’instinct qu’il y a quelque chose à creuser. Pas du genre à faire les choses à moitié, il embraye et forme OSIRIS, son premier groupe. « On vendait nos paires de pompe pour aller enregistrer en studio sur Strasbourg, on faisait des sessions à 5h du matin. » De là, plus question de ralentir, quitte à rouler seul. Son cousin germain, Nosky, croit en lui et devient son premier investisseur : il finance clips et séances studios, et le fait charbonner dès qu’il retourne en Ile-de-France. Entre mars et septembre 2017, Zola balance (presque) un clip par mois, tous plus efficaces les uns que les autres : « Puce&Pussy », « Cru » et « Mia Wallace » l’installent dans la case des jeunes à suivre. « Belles Femmes », sorti en novembre, déchire cette étiquette et le propulse comme l’un de ces phénomènes que seul le rap français parvient encore à enfanter.

Les labels se jettent sur la pépite d’Evry. Entre temps, son grand frère apporte le cadre qu’il manquait à Zola en jouant le rôle d’un père qu’ils n’ont tous deux que peu croisé. Il répond aux sollicitations et fait en sorte que Zola soit la priorité de la maison dans laquelle il signera. Ce sera donc AWA et Sony, avec Kore aux manettes. Le rapport sincère – voire candide – que Zola entretient avec la musique séduit un Kore qui, au-delà d’une carrière de légende, ne peut pas se reposer sur ses acquis et doit s’adapter au feu de Zolaski. « Zola savait à peine qui j’étais, se souvient Kore. Ça a créé une sorte de magie du débutant, mais pour tous les deux. Et moi, ça me va : la musique, c’est ça, ce n’est pas un truc où tu restes dans ta zone de confort. Surtout quand t’as pour ambition d’essayer de ramener un truc nouveau. Pour amener un truc nouveau, il faut tout reconstruire. Plein de gens te diront que je n’ai plus rien à prouver ; oui, c’est vrai j’ai fait beaucoup de choses dans ma carrière. Mais comme on est dans l’immédiat, tout ça c’est un peu anecdotique finalement. Je dois prendre du recul sur ce que j’ai pu faire. »

Veste : Andrea Crews, T-shirt : BOYHOOD.

L’association entre le producteur vétéran et le rappeur rookie n’est pas évidente, doit être travaillée. Mais une fois trouvée, elle devient la plus naturelle qui soit, car centrée sur la musique. « Des fois il aimera ce que je lui propose, des fois il n’aimera pas. J’ai fait l’erreur d’intellectualiser dans un premier temps, d’essayer de comprendre, mais en vrai il n’y a rien à comprendre : on fait de la musique, il n’y a pas de règle. J’essaie juste de donner une cohérence à l’ensemble, de lui faire part de mon expérience et je pense que c’est ce qui a fonctionné entre nous. Je devais transcender ce qu’il proposait. Autant pour lui que pour moi, c’est un éternel recommencement : j’essaie de ramener un truc nouveau à chaque fois, et c’est ce qu’il cherche à faire à chaque séance studio. »

Dans les studios de Kore, Zola apprend à oser, à se lâcher davantage : « Ça m’a beaucoup aidé vis à vis de la voix. Il y avait des choses que je n’aimais pas faire, mais j’ai essayé et ça a marché. L’auto-tune par exemple. C’est cet environnement qui a créé la magie, qui m’a mis à l’aise. »

Choisir la bonne pilule

L’alchimie entre les deux artistes débute véritablement sur le tube « Extasy » avec un beat sur-mesure réalisé pour un Zola qui savait exactement ce qu’il voulait et qui définira la relation entre le rappeur et le producteur. « Le morceau ‘Extasy’, c’est le moment où on a vraiment commencé à se comprendre, explique Kore. On a trouvé notre langage, celui qui nous était propre. Il me donne des références de ce qu’il aime bien, de manière presque naïve : ‘J’aime bien ça, et j’aime bien ça.’ Ok, mais on ne peut pas refaire la même chose frérot. Dans ses codes, ce n’est pas forcément un problème. Du coup j’avais compris ce qu’il souhaitait [Zola lui avait amené un snippet de Lil Pump, ndlr] et je me suis concentré pour le faire. J’avais peut-être plus la pression que lui : j’arrivais avec une nouvelle proposition sur un artiste qui avait déjà une base assez solide, et je ne voulais surtout pas être le mec qui allait dénaturer ce truc-là. »

La pression, pour un producteur qui ne sait plus où ranger ses disques certifiés, de ne pas guider l’artiste dans une voie qui serait trop éloignée du chemin qu’il s’est déjà tracé. « L’écosystème artistique de Zola, ou de cette génération de manière plus générale, est quand même super fragile. C’est un public qui réagit beaucoup plus aux freestyles qu’à des morceaux bien structurés, bien faits et parfois qui peuvent paraître un peu trop propres. Le succès qu’on a rencontré sur ‘Extasy’ nous a permis d’avoir une super base de travail pour la suite. Ça reste du Zola, mais avec une touche un peu plus spectaculaire que les autres. La première fois que je l’ai vu en live à la soirée YARD, j’étais choqué, surtout pour quelqu’un comme moi qui reste pas mal en studio. C’est aussi ce qui est bien avec cette génération : tu fais le truc, et les gens se le prennent en HD quatre jours après, et en deux semaines tout le monde le connaît par coeur. »

Veste et Pantalon : Arthur Avellano, T-shirt : One Culture.

Ne pas abîmer un rapport aussi instinctif à la musique, et qui a tant fait ses preuves jusque-là. « Zola a un vrai truc à lui, il comprend vite. Un artiste, c’est un mec qui sait un minimum où aller, peu importe qu’il soit avec moi, avec eux ou avec n’importe qui. Ce n’est pas de la nonchalance ou du manque de respect, c’est de l’exigence et de la confiance en soi. » Avec Cicatrices, Zola estime « avoir fait de [son] mieux ». Rien de plus, rien de moins. Et finalement, c’est peut-être l’essentiel : il a fait le disque qu’il voulait, qu’il est capable de défendre. Non pas le disque qu’il aurait pu faire et qui aurait pu le conduire vers une sortie de route, alors que lui-même mène file droit depuis le début. Comme quand Kore l’a emmené avec lui à Miami, et qu’il a rejeté 45 productions de Jimmy Duval, auteur de « Look At Me! » de XXXTENTACION, et qui travaille aujourd’hui avec pléthore d’artiste que Zola écoute aussi. Mais les écouter n’implique pas de vouloir leur ressembler. « Je l’ai vu comme un putain de trait de caractère : il s’affirme, il sait ce qu’il veut, se réjouit Kore. On ne perd pas de temps et on avance. » Non, il n’y a pas de temps à perdre quand on a une course à gagner.

Avant de signer son contrat, Zola en avait rempli un autre : en décrochant un bac L symbolique, il a rendu fier une mère qui l’a toujours poussé à s’investir dans la musique, et qui le laisse aujourd’hui faire son retour définitif à Evry. Sans frein aucun, avec un album débridé au possible en guise de CV, Zola a tout pour bombarder sur la route de 2019 sans se soucier de ce qu’il y a dans le rétro.

Pull : Ralph Lauren, Pantalon : Carhartt WIP, Baskets : Adidas.

Petit à petit, de haut en bas, Pièce par Pièce. C’est de cette façon qu’un(e) styliste construit un outfit, dans une démarche artistique qui lui est propre. Au cœur d’une capitale qui regorge de ces architectes de mode, nous sommes allés à la rencontre de ceux pour qui l’habit fait le moine. Aujourd’hui, on entre dans le monde coloré de Jeanne Faucher.

Photos : @alextrescool

Que ce soit grâce à des accessoires, des fruits ou les vêtements eux-même, l’univers de Jeanne Faucher est comme elle le dit: “all about colors“. Rencontre avec une styliste qui apporte sa touche arc-en-ciel à ses clients comme Nike, Sarenza ou encore Roger Vivier.

Photo Jeanne Faucher x YARD

Bucket: Asos, top: Daily Paper, bijoux: Aurore Havenne Make Up: @malory_simon

Qui es-tu ?

Je suis Jeanne Faucher, j’ai 32 ans. Je vis à Paris pour l’instant et je suis un couteau suisse : styliste, directeur artistique, consultante, designer, conseillère en image et bien plus à venir ! Plus j’entreprends, mieux je me porte.

Qu’est-ce qui a éveillé ton intérêt pour la mode ? 

J’ai toujours aimé les vêtements mais je n’ai pas tout de suite compris que j’en ferais mon métier et que ça deviendrait toute ma vie. J’ai étudié l’histoire de l’art à la Sorbonne, puis le marché de l’art à l’IESA pour devenir commissaire priseur. C’est ma passion pour le chinage qui m’y a poussée, je tiens ça de mes parents.

Ensuite, j’ai eu l’opportunité de faire un stage de fin d’études dans un petit magazine et mes profs m’ont soutenue et m’ont encouragée à quitter le marché de l’art pour faire une école de couture. J’avais 23 ans à ce moment là. J’ai alors intégré le studio Berçot où j’ai fait deux années de design, mais j’ai vite vu que je portais plus d’importance à la composition d’une silhouette qu’au vêtement en lui-même. Je suis entrée au magazine Vogue Homme International pour quatre mois, puis j’ai fait six mois au Vogue Paris pour apprendre le métier de styliste photo. J’ai tout de suite été freelance après ça,  je savais que j’avais besoin d’autonomie et de liberté.

Photo Jeanne Faucher x YARD

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Est-ce que tu peux nous décrire ton style ? 

J’aime ce qui est simple, les coupes et matières lisibles et claires. J’écoute mes intuitions et j’essaye de ne pas m’inspirer de ce que je vois: on a tellement d’informations et d’images avec les réseaux sociaux que tout se ressemble. En me fiant à ce que je ressens et pas à ce que je vois je tente de me créer un univers propre.

Quelles sont tes inspirations ?

J’aime la couleur, les pastels, et les contrastes qu’on peut apporter en les associant. J’aime aussi tout ce qui est végétal. Enfin je suis inspirée par le modèle que je shoot, je pars du principe que c’est la personne qui porte le vêtement et pas le vêtement qui habille la personne.

De quel taf es-tu la plus fière pour le moment ? 

Les missions sont toutes différentes, et j’ai appris à être fière de moi, quoi qu’il arrive. Cela m’a pris du temps, le temps amène l’expérience, et avoir de l’expérience demande du temps. Je dirais donc que je suis globalement fière de mon parcours avec ces bas qui ont amené les hauts.

Photo Jeanne Faucher x YARD

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Quel serait ton dream job et avec qui aimerais-tu travailler ? 

Je pense que j’aimerais beaucoup travailler pour une marque comme GLOSSIER par exemple, ou sinon  j’aime beaucoup Jacquemus, ou Reformation. J’aime l’image et la simplicité de ces marques.  J’admire beaucoup les personnes qui ont su atteindre leur rêve, tout en restant elles-mêmes et en s’éclatant. Les produits GLOSSIER sont addictifs pour moi, c’est une histoire de gamme de couleur, de produit, de packaging et d’identité visuelle à fois. La désirabilité du produit est très forte.

Reformation c’est vraiment une démarche que j’adore : recycler, créer un produit de manière instantanée sans créer d’évènement: pas de défilé. Je suis un peu contre le calendrier de la mode, c’est une sorte de dictature commerciale. J’aime l’idée de consommer différemment et intelligemment, celle d’être libre de ressentir les choses et de les faire sans se mettre de contrainte.

Qu’est ce que tu aimes le plus dans ton métier de styliste ?

J’aime la liberté que ce métier offre: je suis mon moteur, mon patron, mon employée, mon stagiaire, mon banquier. C’est un métier à multiple casquettes et c’est une opportunité de dingue, j’ai énormément appris.

La pièce de ta garde-robe dont tu ne te sépareras jamais ?

Alors là, je change tout le temps, rien n’est constant et je me lasse vite. Je revends et je donne à des associations ce que je ne porte plus.

Qu’est-ce qui t’énerve le plus dans la mode ? 

La mode. Sans surprise, le milieu de la mode comme tous les milieux similaires est une dictature, et particulièrement à Paris. J’ai su immédiatement que ce milieu pouvait me détruire si je partais dans la mauvaise direction: il y a des branches du métier qui n’étaient pas faites pour moi. Je pense qu’il faut réussir à s’imposer de travailler pour vivre, et ne pas vivre pour son travail, car la mode te demande toutes tes ressources mentales et physiques en permanence. Tu peux oublier ta vie personnelle très vite et te sentir satisfait alors que tu n’as rien construit de solide.

Photo Jeanne Faucher x YARD

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Je n’aime pas “la mode“ donc, mais j’aime le vêtement, ce qu’il raconte, et ce qu’on peut faire avec. J’aime la personne qui le porte, l’humain, et la manière dont ils se complètent l’un l’autre. Pour moi c’est la personne qui porte le vêtement, et pas le vêtement qui habille la personne. Je me focalise sur l’humain avant de me focaliser sur la mode. À mon sens, cela fait une grosse différence et définit autrement la relation que j’ai avec ce milieu. J’aime aussi étudier les tendances, les déceler un peu comme si je chinais une pièce ou que je voyais la fin d’une série culte avant tout le monde, et j’aime voir le comportement social qui en découle.

Présente nous le look que tu as fait aujourd’hui.

Thalila, le mannequin, a une attitude très androgyne, elle est volontaire et féminine. Je voulais retranscrire ça dans une image, un maquillage et un look naturel et frais. J’avais vu ce top de chez Daily Paper, et j’ai eu un coup de coeur sur le côté technique/utile car il est inspiré des hauts de cyclistes, et également sur le dégradé de couleurs. J’ai ajouté les mules en zèbre, comme un caprice, je n’explique pas trop cet élément mais j’aimais le contraste du noir blanc sur les couleurs pastel.

Photo Jeanne Faucher x YARD

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Le sac en plastique Prada est un dust bag, je ne jette pas le plastique donc je le recycle souvent en shopping bag en créant une ouverture. Les oranges, c’est joli, et c’est orange. Puis j’ai réfléchi aux marques de make up que je souhaitais utiliser, j’adore personnellement GLOSSIER pour son rendu frais et naturel, et Malory qui a réalisé le make up a proposé les produits Dior backstage qui font de super palettes ainsi que des produits de chez Oh my cream.

J’ai ajouté les bagues et bracelet créés par Aurore Havenne, je ne mets que rarement des bijoux sur mes looks, mais j’aime particulièrement son travail que je trouve fin et minimaliste, unisexe, et qui apporte beaucoup de lumière. Je voulais un rendu lumineux, mais surtout pas chargé. Pour la touche finale, j’ai vu qu’Alex le photographe shootait beaucoup de bucket hat, alors j’ai eu une grande envie d’en prendre. J’en ai trouvé un jaune et un transparent puis je les ai empilés comme un double bucket hat. Ça fait comme un soleil , j’adore !

Quelle est ta vision du style de 2019 ?

Je n’ai pas vraiment de vision de style 2019, mais il y a un retour au beau et ça fait du bien. Je suis rassurée de voir que le bon goût existe toujours, en tous cas comme je le définis, et j’ai plaisir a faire des silhouettes plus posées. Avec l’arrivée du normcore on assiste depuis quelques années a des compositions de looks super étranges et qui ne parlent qu’aux concernés, pour les autres c’est juste… moche.

Photo Jeanne Faucher x YARD

Bucket: Asos, top: Daily Paper, bijoux: Aurore Havenne Make Up: @malory_simon

Ça me tient vraiment à coeur qu’on recentre un peu tout ça et qu’on distingue a nouveau le beau du laid, le bon goût du mauvais. Je pense que d’ici fin 2019 on évoluera dans ce sens. Il y a aussi un grand retour de la couleur, on en voit partout: fluo, bold, pastel et c’est très cool et positif. Enfin je pense que plein de choses se débloquent en ce moment et en 2019 on ressent cette vague de liberté dans l’expression du style de chacun. C’est très cool aussi !

Quel styliste aimerais-tu challenger ? 

Je m’inspire peu des autres pour respecter l’univers de chacun donc je dirais personne, mais il y a des stylistes dont j’admire le travail comme Ibrahim Kamara (@ibkamara) et qui ont pour moi un niveau tel qu’on s’approche de l’art, je n’aimerais ni faire pareil, ni les challenger mais j’ai beaucoup de respect pour ce qu’ils ont produit.

« C’est un sentiment étrange, mais quand tu es un enfant de la rue et que tu as grandi comme ça, tu as un état d’esprit particulier. Tu ne te contentes pas de vivre : tu te demandes chaque jour si c’est ton dernier. » Au cours des derniers mois, vous avez probablement chantonné l’une des balades du phénomène de Compton Roddy Ricch. Son track « Die Young », détaille ses craintes et sa paranoïa d’une mort prématurée, conséquence potentielle d’une lifestyle dangereux. Quelques mois avant la mort tragique du premier artiste à l’avoir mis en lumière, Nipsey Hussle, nous avons discuté avec la nouvelle star de la côte Ouest.

Photos : @jesseadang

« Die Young » de Roddy Ricch n’est pas exactement ce qu’on pourrait imaginer d’un tube, de prime abord. Un hymne préventif, une balade lacrymale. Pourtant, le track produit par Rex Kudo et London on da Track, écrit en réaction à l’assassinat d’XXXTENTACION cumule aujourd’hui 40 millions de vues et a terminé de propulser le jeune rappeur de Compton en haut de l’affiche. Catchy, puissant dans l’écriture, « Die Young » met en lumière un sujet majeur dans le paysage rap aujourd’hui : les morts prématurées de ses jeunes figures. Ultime symbole funeste : dans le clip dudit morceau, Roddy prend un appel Facetime de feu Nipsey Hussle, dont le rap pleurera la mort pendant encore longtemps.

Une grande partie du petit catalogue du rappeur Compton raconte ces mêmes expériences : la menace d’une mort prématurée ou d’une longue peine de prison, pour lui-même et pour les êtres chers de son quartier de Wilmington Arms, à Compton. Balancé sur le devant de la scène par Nipsey, invité sur le dernier album de Meek Mill, Championships et convié sur la tournée mondiale de Post Malone dont il a assuré les premières parties, le jeune homme de 20 ans a l’avenir pour lui. Craint-il de ne pas avoir l’occasion de le vivre ? À Paris, quelques mois avant la mort de son big bro, nous l’avons rencontré pour parler de vie, de mort, et de peur.

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Des attentes aussi hautes que les sommets de la Cordillère des Andes. Le chanteur, compositeur et producteur natif du Pérou, A.CHAL, a un style très distinct. Celui qui vient tout juste de signer sur Epic Records mélange espagnol et anglais, mélodies pop et lyrics inspirants, dans une musique à la fois entraînante et profonde. À l’aube de son 30e anniversaire, quelques mois avant la sortie d’un album très attendu, son premier avec le soutien d’un label majeur, nous l’avons rencontré dans un château à la sortie de Paris, sur le tournage du clip « 000000 ». Interview.

Photos : @adrelanine

« This a fast life, mami, things gon’ change. » Alejandro Chal, plus connu sous le nom de A.CHAL, pourrait s’élever très haut dans les prochains mois. Né au Pérou et élevé dans le Queens, l’artiste a la capacité rare d’insuffler ses racines dans un mélange de r&b, de trap et de pop. Son dernier EP, EXOTIGAZ, fait office d’apéritif avant son prochain album. Six titres en guise d’impressionnante démonstration de ses talents, mettant en lumière sa capacité à composer des chansons pour tous les goûts tout en honorant son héritage et son désir de créer un art puissant et significatif. La récente signature en major de celui qui a appris à fabriquer des tubes en travaillant pour Jennifer Lopez en 2014 nous autorise à croire que, plus que jamais, tout est possible pour lui : 2019 pourrait être l’année où le musicien aux multiples talents plantera son drapeau au sommet des charts. Nous avons passé la journée avec lui dans un château juste en dehors de Paris, à l’occasion du tournage du clip de l’ultra-addictif « 000000 » — un titre qui serait diffusé à toutes les stations de radio si Justin Bieber en avait été l’interprète.

Ça veut dire quoi être un artiste en 2019 ?

Pour moi, pour A.CHAL, je peux dire que la boucle est bouclée. J’ai pris tout ce que j’avais fait sur le plan artistique, tout ce que j’ai ingéré, tout ce que j’ai appris dans ma vie depuis trois ans, et je fais au mieux pour inclure tout ça dans ma musique.

En dehors de sa musique, considères-tu qu’un artiste a un rôle en particulier ?

C’est une opinion personnelle. Moi, je veux défendre certaines choses. Je suis né au Pérou : il y a des latinos dans l’industrie, mais pas des latinos qui viennent vraiment du Pérou ou d’Amérique du Sud. Pas des latinos noirs. Pour moi, le fait d’être à Paris en ce moment même, l’idée que certaines personnes savent qui je suis et me connaissent même en tant qu’Américain… C’est nouveau pour moi. Je me sens responsable de représenter ces gens-là. Représenter les immigrés qui ont grandi aux États-Unis. Et pas seulement ceux-là : il y a des immigrés à Paris, en Russie, en Afrique, etc. Cette hybridation culturelle est devenue tellement commune, surtout en 2019, et principalement grâce à Internet : les gens mélangent les cultures constamment. Et c’est ça que je veux représenter.

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En 2017, tu as dit : « La musique est une industrie : il faut être conscient que tout a à voir avec le business et le commerce, ce n’est pas une question de savoir-faire, mais plutôt de chiffres. » Être un artiste en 2019, c’est comprendre son propre positionnement et ce que l’on doit faire pour réussir, ça ne consiste pas seulement à créer de la musique. Qu’est-ce qu’il faut faire pour devenir artiste ?

Ça dépend du genre d’artiste que tu es. Pour être « artiste », il ne faut pas spécialement être dans le business ou faire de l’argent. Mais pour être artiste et vivre de son art, vivre de sa musique… Je crois que c’est différent avec Internet maintenant. Il faut l’utiliser comme un outil. Il y a de nouveaux trucs : avant c’était juste des bonnes chansons, de la bonne musique et des bons concerts. Aujourd’hui, les gens doivent s’intéresser à toi aussi, en dehors de ta musique, et le tout sur Internet. Donc j’imagine qu’il y a de nouvelles responsabilités, même si c’est normal puisque tout le monde est sur les réseaux sociaux. Pour moi, dans la mesure où je n’y suis pas non plus tant que ça, je dois trouver d’autres moyens pour faire mon bonhomme de chemin en me basant seulement sur mon talent. D’un point de vue business, je suis propriétaire de GAZI, mon label, via lequel j’ai négocié un partenariat avec Sony. J’ai énormément appris pendant mes dernières années passées en tant qu’artiste indépendant : pourquoi une maison de disque comme Sony investit dans ceci ou dans cela, pourquoi ils attendent tels ou tels résultats. Je ne comprends pas tout non plus, mais j’arrive à faire la part des choses avec ce que ça dit de mon art.

Tu as aussi dit : « De mon point de vue, les labels sont en quelque sorte une banque d’argent et une banque de ressources. Tout dépend des ressources dont tu as besoin. » Quelles étaient les ressources dont tu avais besoin en mars 2018 quand tu as signé avec Epic Records ? Quelles étaient tes limites ?

Je dirais, la promotion… Et aussi…  (il réfléchit) Ce n’est pas juste ça, en définitive, ce qui compte le plus, ce sont les relations. Silvia Rhone, qui m’a signé, a été là dans ce milieu depuis si longtemps… Elle est dans le jeu depuis les débuts de la Motown [Silvia Rhone a été présidente de Motown de 2004 à 2011, ndlr]. Elle est dans le jeu plus longtemps que presque n’importe quel cadre. Ses connaissances, son intuition, sa vision, ses relations : ce sont des choses qui n’ont pas de prix, mais qui compte dans au moment de se serrer la main. Je pense qu’il est très important de bosser avec des professionnels avec qui tu peux avoir une vraie relation de confiance, des pros que tu respectes et qui peuvent utiliser leur expérience et leurs relations pour t’aider. C’est la raison ultime d’un partenariat avec un label. C’est pourquoi moi, je l’ai fait.

Il y a un vrai engouement pour les artistes latino-américains en ce moment, en particulier pour ceux qui sont capables de mélanger les langues et les genres. Tu le ressens ?

C’est une bonne période pour mélanger les langues et les genres. J’ai l’impression que maintenant, il n’y a plus que les hispanophones qui écoutent cette musique-là : tout le monde en écoute, grâce aux vibes, aux rythmes… Et si tu parviens à rajouter à ça des mots que tout le monde comprend aussi, c’est génial.

Tu vas sur tes 30 ans, et tu bosses sur ta musique depuis une dizaine d’années. Tu as pas mal charbonné : qu’est-ce qui fonctionne pour toi aujourd’hui qui ne fonctionnait pas hier ?

Tout fonctionne pour moi maintenant. Mais je pense pouvoir répondre ceci : être un artiste un peu aguerri, être un artiste qui a eu des expériences et qui a pris son temps, non seulement avec sa musique mais aussi avec sa carrière, m’a permis d’acquérir une sagesse qui manque à beaucoup d’artistes qui montent, qui sont très jeunes, qui explosent aussi vite qu’ils sortent du paysage. J’ai l’impression que je peux voir dix ans dans le futur, grâce à mon expérience. C’est vraiment ça : ce qui fonctionne pour moi maintenant, c’est l’utilisation de mon expérience comme outil pour avoir un vrai impact. On a parlé un peu plus tôt de mon rôle en tant qu’artiste : je sens que je suis en mesure d’offrir aux jeunes une perspective différente du traditionnel argent, drogue, faites ceci et cela. Je veux leur transmettre ce genre de lumière. Un peu comme Bob Marley, un peu comme Prince. C’est en tout cas ce à quoi j’aspire.

« Je veux faire un album qui sera encore écouté dans 100 ans »

Il y a deux ans, tu disais te considérer toujours un outsider. Est-ce  toujours le cas aujourd’hui ?

Évidemment, je n’ai pas sorti de musique depuis un an et demi. D’album, je veux dire.

EXOTIGAZ, sorti il ​​y a moins de six mois, est un projet très solide…

Clairement. Mais ce n’est pas comme… (il réfléchit) Tu verras quand mon album tombera. EXOTIGAZ, c’est déjà derrière moi. Ce n’est plus ce sur quoi je travaille. Je travaille sur quelque chose qui changera ma vie. Quand je pense à mon album, j’ai en tête des disques comme Legend de Bob Marley, 25 d’Adele, Paranoid de Black Sabbath, n’importe quel album des Beatles, où chaque chanson est excellente tout en te transmettant quelque chose. Je ne me focalise plus sur ce qui est chaud sur le moment, sur ce qui fonctionne l’espace d’un temps. Je veux faire un album qui sera encore écouté dans 100 ans. C’est ce que je recherche, c’est mon but, c’est pourquoi je prends des risques ici et là, c’est pourquoi je prends mon temps. Je me fiche de la gloire, je me fiche d’être celui qui aura le plus d’argent. Je cherche à produire une œuvre éternelle, qui marque notre époque. Beaucoup de choses se passent dans le monde. Il s’est toujours passé beaucoup de choses, mais aujourd’hui Internet te le balance en pleine gueule… Je dois utiliser la sagesse que j’ai acquise comme ressource principale de mon travail. Et je crois que c’est le bon moment que mon timing ne pourrait pas être mieux. Je suis heureux d’en être là où je suis, je suis heureux que cela ne soit pas arrivé plus tôt dans ma vie, au moment de mes débuts, car j’aurais commis beaucoup d’erreurs.

Quand tu as écrit et produit « Never Satisfied » pour Jennifer Lopez en 2014, tu dis avoir reçu une note pour Max Martin, que tu décris comme « le plus grand producteur pop de tous les temps ». L’un des enseignements « les plus percutants » que tu n’aies jamais eus, via lequel tu as appris les « mathématiques suédoises », à savoir la formule pour créer des tubes. C’est fini pour toi la période où tu as été à la recherche constante de hits ?

En 2014, j’ai appris à fabriquer des hits sur le plan « mathématique », mélodique. Mais aujourd’hui, je pense que pour qu’un morceau soit un hit, il doit toucher le cœur de l’auditeur autant qu’il lui reste en tête. Pour moi, ça ne peut plus marcher l’un sans l’autre. Tout est lié à ce qui se passe dans ma vie, à mon histoire : je suis né au Pérou, mon père était dans un camp de réfugiés, il a beaucoup bourlingué. Tout ce qu’il m’a transmis, sa faculté à toujours me pousser à faire mieux… Je n’aurais jamais pu être quelqu’un d’autre que l’homme que je suis maintenant, par rapport à ce que j’ai vu et ce que j’ai vécu.

Tu suis le football ?

Je suis obligé, ma famille en regarde en permanence à la télévision.

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Certains matches de foot au Pérou sont joués dans des stades situés en haute altitude, où les étrangers ont du mal à trouver leur souffle alors que les Péruviens sont à l’aise. L’endurance péruvienne est légendaire : tu penses que c’est quelque chose qui te définit en tant qu’artiste ?

Absolument. Tous les jours je grimpe. C’est dans mes gènes : je dois me lever chaque matin et partir courir sur les reliefs que j’ai autour de chez moi. Mais tu as raison, je n’avais jamais considéré cela de façon métaphorique, c’est fou. C’est vrai que ça fait sens. Oui, je suis sur le point d’avoir 30 ans et mon timing n’a jamais été meilleur alors qu’on pourrait penser que c’est le contraire.

Quand les autres seront à bout de souffle, tu continueras d’avancer.

J’écoute la même merde que tout le monde. J’écoutais Gunna juste avant qu’on démarre cette interview. Mais je pense néanmoins qu’il y a la place pour une voix de la raison autour de laquelle les gens se reconnaissent. Je déteste la musique qui prêche, mais quand un artiste partage avec toi son expérience et que cela peut avoir une influence sur toi, je trouve ça magnifique. Et je pense qu’aujourd’hui, c’est quelque chose dont on a besoin.

Le grand Nipsey Hussle n’est plus. Le rappeur, nommé en février aux Grammy Awards, a été tué par balle lors d’une fusillade qui a blessé deux autres personnes, ce dimanche 31 mars à Los Angeles. Son nom vient s’ajouter à la trop longue liste de personnes assassinées ayant œuvré dans l’intérêt de leur communauté : hommage à un artiste dont les combats dépassent ses mots.

Illustrations : @bilelal

Des paroles et des actes. C’est sur ses terres, au numéro 3420 de Slauson Avenue à Crenshaw, que Nipsey Hussle avait ouvert en juin 2017 le store « The Marathon Clothing ». Il y vendait sa marque de vêtements, devenue iconique dans la région. Une enseigne de plus à son nom sur ce block au croisement de deux rues mythiques de Los Angeles où la moitié des commerces lui appartient — un magasin de première nécessité, un barbershop et un restaurant de fruits de mer. Il y faisait bosser les gens du coin. Mais il fallait aller plus loin encore, encourager une élévation plus radicale du quartier : dans le but d’attirer des entrepreneurs à Crenshaw, il avait participé à la création de Vector 90, mi-incubateur d’entreprises, mi-espace de travail collaboratif, à une douzaine de rues de son block. Son but ? Inspirer et créer une émulation parmi les siens.

Une finalité pour un entrepreneur aguerri qui avait prouvé, au fur et à mesure des années, qu’il voulait montrer l’exemple à ses pairs, qu’ils soient artistes ou débrouillards. Ou les deux en même temps. Un exemple pour ceux qui sous-évaluaient leur influence et laissaient d’autres profiter de leur labeur. Dans son titre « Moment of Clarity » sorti en 2003, Jay Z rappait : « En tant que rappeurs, nous devons décider de ce qui est le plus important. Et je ne peux pas aider les pauvres si j’en suis un aussi. Alors je suis devenu riche et j’ai donné en retour. Pour moi, c’est gagnant/gagnant. » Un état d’esprit qu’il incarnait, avec le regard dépourvu de doute de l’homme qui n’a jamais repensé son chemin de vie.

L’American dream d’un Black Superman qui a fait de sa carrière une lutte, encourageant chacun à marcher dans son sillage : Nipsey Hussle était aimé au-delà de son quartier, de sa ville et du milieu du rap. Peu de temps après l’annonce de son décès, des milliers d’hommages apparaissent sur les réseaux où chacun y va de sa petite anecdote personnelle : beaucoup d’honneurs pour un homme dont tous louent l’intégrité, la vision et sa capacité à fédérer autour d’une idée visant à élever les plus démunis.  » C’est quelqu’un qui a fait résonner notre communauté, s’est exprimé l’un des nombres riverains de Slauson à s’être réunis devant The Marathon Clothing ce dimanche, après les faits. Les gens pensaient que Crenshaw n’était que violence, et Nipsey a mis un terme à cela. Il a changé les mentalités, il nous a fait comprendre que même si nous appartenions à des communautés pauvres et défavorisées, nous pouvions toujours devenir quelque chose. »

Ce qui avait démarré comme un baroud d’honneur s’est lentement mué en marathon victorieux. Le 3420 de Slauson Avenue, ce starting-block où la course de toute une vie s’était lancée, et une ligne d’arrivée qui semblait s’approcher au rythme des foulées d’Ermias Davidson Asghedom. Dimanche 31 mars 2019 fut son dernier tour de piste. Nipsey Hussle n’est plus.

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En tant que témoin de cette culture, le plus bel hommage que nous pouvons lui faire est de ne surtout pas l’oublier — son quartier, lui, ne l’oubliera probablement jamais. Ni lui, ni ses combats. Si le rap sourit aux entrepreneurs, c’est aussi grâce à lui : en dehors de ce qu’il a fait pour les siens, Nipsey Hussle s’est battu pendant près d’une décennie pour que le rapport de force entre rappeurs et majors s’inverse. Davantage activiste que startuper, il est sorti victorieux de son bras de fer avec la sortie de son attendu premier album, Victory Lap, en 2018. Une lutte qui sert et continuera de servir les intérêts de tous les artistes assez intelligents pour suivre son exemple.

Le motto de Nipsey Hussle se résumait en deux points : n’être l’esclave de personne, et bouleverser les règles du jeu en faveur des artistes dans l’industrie de la musique. Quitte à mettre une petite dizaine d’années à dévoiler son premier album. Un projet dont la sortie n’a pu être qu’unanimement célébrée, outre sa nomination aux derniers Grammy Awards en tant que Best Rap Album, tellement elle marquait le dénouement d’une négociation qui ferait date. Appréciez ce qui restera l’unique album de Nipsey pas seulement pour la musique — un aller simple pour Crenshaw dont vous ne sortirez pas indemne —, mais surtout pour ce qu’il représente : le projet d’une vie, sortie avec le soutien de la major Atlantic Records, sans pour autant que son auteur n’ait dealé ses masters. Pendant dix ans, Ermias Davidson Asghedom s’est construit, s’est instruit, et n’a jamais cédé à la facilité pour arriver à la table des négociations avec suffisamment de pouvoir et d’influence pour dicter les discussions. De quoi s’installer aux côtés des moguls que sont Master P ou Jay-Z, et d’ouvrir la voix à 21 Savage, Chris Brown ou 2 Chainz, qui aurait renégocié son contrat avec Def Jam quelques mois après la sortie de Victory Lap pour récupérer 100 % de ses masters.

Nothing like you fucking rap nigg*s

Le premier album de Nipsey Hussle, définitivement annoncé par l’important « Rap Niggas » balancé en toute fin d’année 2017, est sorti sous la double étiquette All Money In No Money Out/Atlantic Records, le premier étant évidemment le label du Slauson Boy. Une signature avec Atlantic Records qui faisait figure de milestone pour Nipsey : si Ermias Asghedom s’est finalement engagé avec une major, cela signifie qu’il a eu le deal qu’il voulait. Celui qu’il cherchait depuis 2009, année où son debut album, initialement intitulé South Central State of Mind, était déjà dans toutes les bouches. De quel genre de deal parle-t-on ?

D’un deal lui permettant de rester maître de son art, libre dans sa création et, surtout, propriétaire de tous les droits de sa musique. « I am nothing like you fucking rap niggas, I own all the rights to all my raps, nigga. » Cette phase de « Rap Niggas » est lourde de sens : comme Prince dans un tout autre registre, Nipsey Hussle n’a jamais accepté que sa musique ne lui appartienne qu’en partie et qu’elle soit vendue au rabais. Premières cibles : les majors, les grandes sociétés qui régissent l’industrie musicale. « Notre ambition n’a jamais été simplement de s’intégrer au moule des grandes entreprises, mais d’en prendre le contrôle pour refaire le monde à notre image », explique Shawn Carter dans l’ouvrage Decoded, paru en 2010. Des mots que l’on retrouve en filigrane dans l’ensemble de l’œuvre de Nipsey, pour qui Jay-Z, comme d’autres, a toujours été une source d’inspiration.

L’indépendance, maître-mot d’un homme qui, à 11 ans, cirait des chaussures à Chambers — un cordonnier mythique de Slauson — parce qu’il ne voulait pas ruiner sa mère pour s’acheter des fringues pour l’école. Six jours par semaine à faire briller des pompes, 90 dollars par jour dans sa poche de jeune adolescent, et un goût pour l’indépendance financière qui s’ancre durement dans son ADN.

Quand il quitte Epic Records en 2010 après la série de mixtapes Bullets Ain’t Got No Name et crée donc son propre label, All Money In No Money Out, il annonce clairement la nouvelle direction de sa carrière. Sa fameuse mixtape à 100 $ (Crenshaw, 2013) — dont il vendra la totalité du millier de copies pressées — n’est que la première pierre d’un édifice bien plus grand : l’homme récidive et propose, en 2014, le projet Mailbox Money au surprenant tarif de 1000 $. Il en aurait écoulé une grosse soixantaine, sur la centaine d’exemplaires disponibles (si vous avez un millier de dollars à dépenser, le projet est toujours en vente en ligne). Toutes ces initiatives s’inscrivent sous l’étendard de la campagne Proud 2 Pay lancée par Nipsey Hussle, dont l’objectif est clair : encourager les artistes à redevenir seuls maîtres de leur carrière, tout en sensibilisant les publics aux rapports (souvent) malsains, iniques, entre les rappeurs et les majors. Que ceux qui peuvent se permettre de débourser 100 ou 1000 $ dans une mixtape le fassent, payent pour ceux qui ne le peuvent pas — les projets sont disponibles de manière « normale » dans leur version digitale —, et endossent le costume de mécènes en sachant que leur argent finance directement l’artiste. Un lien de confiance s’établit : « J’aime ta musique, je ne veux pas que tu te sentes contraint de faire des compromis artistiques qui ne te correspondent pas, alors je te finance pour que cela n’arrive pas. » Le financement participatif avant l’heure, sans intermédiaire, version XXL.

L’héritage Victory Lap

Pas étonnant que Jay-Z, qui a lancé Tidal pour les mêmes raisons quelques années plus tard, ait acheté lui-même 100 copies de Crenshaw pour exprimer à Nipsey tout son soutien. Des idées enfumées, le respect de ses confrères, une vraie fanbase ainsi qu’une flopée d’auteurs (Jonah Berger, Pete Diamandis, Michio Kaku, entre autres) pour l’inspirer et l’aider à assimiler les concepts de viralité et de « monnaie sociale » jusqu’à ce qu’il se sente prêt à passer à l’offensive. Le fanion de Crenshaw n’avait besoin de rien d’autre. Ou presque.

Pour s’attaquer pleinement au monde, Ermias Asghedom avait néanmoins besoin d’appuis. Il l’a toujours su : pour que son debut album ait l’impact qu’il méritait et qu’il lui permette de devenir un mogul bien au-delà de la Californie, il lui fallait s’allier. Surtout au niveau de la distribution ; pas facile de gérer l’approvisionnement de centaines de pays en Victory Lap depuis Slauson. Mais la puissance grandissante de son label depuis 2014 lui avait donné de beaux arguments de négociation qui lui avaient donc permis, l’année dernière, d’avoir l’aval dans la négociation de cette alliance.

Quand il ramène Victory Lap chez Atlantic Records, Nipsey Hussle sait à qui il s’adresse : Craig Kallman, Julie Greenwald et Mike Keyser, qui viennent de Big Beat Records et Def Jam Recordings. Des noms qui en imposent, qui transpirent l’authenticité et qui confortent Nipsey dans sa vision. « Roc-A-Fella était en co-entreprise avec Def Jam quand Mike Keyser et Julie Greenwald y étaient, explique-t-il dans le podcast de Tidal, Rap Radar. Irv Gotti était également en co-entreprise avec Def Jam, avec Murder Inc, même chose pour Ruff Ruders ou Ludacris et DTP. Jason Geter et T.I. [avec le label Grand Hustle, ndlr] étaient en co-entreprise avec Julie et Mike quand ils sont arrivés à Atlantic. Je savais que je pouvais m’appuyer sur ces deals pour leur faire comprendre ma vision, et que tout le monde réalise que c’était possible que chacun y trouve son compte. » C’est ainsi que la co-entreprise All Money In No Money Out/Atlantic Records est née. Même si les détails de l’alliance n’ont pas été donnés, nous sommes en droit d’imaginer qu’il s’inscrit à mi-chemin entre un deal de distribution simple et un deal de partage de profits avec une répartition des royalties en faveur de l’artiste — la « mailbox money », l’ultime combat de Nipsey Hussle. Dans tous les cas, il est certain que Nipsey est allé prendre exactement ce qu’il voulait chez Atlantic Records, et rien d’autre.

Le drame d’hier a fait de Victory Lap l’unique album de la carrière de Nipsey Hussle. Ce qui était un très bon disque à la sortie lourde de sens devient un testament musical, un héritage. Nipsey Hussle est un symbole : celui des patients, des stratèges, des audacieux. Celui d’un homme qui a inspiré l’homme à côté de lui, aidé celui qu’il croisait tous les jours, et guidé tous ceux que ni son bras, ni son argent ne pouvaient atteindre. Un bâtisseur, qui construisait des ponts entre les communautés : entre Crips et Bloods autour notamment du rejet de Donald Trump, ou entre la police et ces mêmes gangs pour que les tueries dénuées de sens cessent. Le lendemain du jour de sa mort, Nipsey avait rendez-vous avec les responsables de la LAPD pour échanger sur les méthodes de prévention des violences urbaines. Tout un symbole, encore un. Un guide, et un rappeur sorti par le haut d’un panier crabes — l’industrie de la musique — sans y laisser de plumes, grâce à la confiance qu’il avait placée en lui-même et en sa vision. Le maire officieux d’un district qui saigne, un peu plus aujourd’hui qu’hier, et dont il a tout fait pour stopper l’hémorragie. Quitte à saigner lui-même, au numéro 3420 de sa Slauson Avenue, pour que l’asphalte soit à tout jamais marqué par son sacrifice.

Last night, it was a cold killin’
You gotta keep the devil in his hole, nigga
But you know how it go, nigga
I’m front line every time it’s on, nigga

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Cet hommage est une réécriture d’un article publié sur YARD le 22 février 2018, au moment de la sortie de l’album ‘Victory Lap’, intitulé « Et à la fin, c’est Nipsey Hussle qui gagne ».

Lire davantage sur Nipsey Hussle :

 

Après avoir séduit Shy’m dans la Nouvelle Star, c’est Booba qui s’est épris du talent bourgeonnant de Dixon, un jeune chanteur autodidacte originaire du 93. Son premier single aussitôt paru, l’artiste en développement a accepté de répondre à nos questions.

Photos : @alextrescool

Une histoire d’amour dans le téléphone et des sentiments doux-amers en poche, Dixon a déployé ses ailes au grand jour avec le titre « En vue ». Mais le jeune chanteur de Bondy n’en est pas à sa première apparition publique. Du haut de ses vingt-deux ans, Loïc Bukolo a fait ses premiers pas sous le feu des projecteurs de M6 en 2017, dans le cadre de l’émission Nouvelle Star, où les présentations avaient eu lieu sous les auspices de Ray Charles et Stromae dont il avait repris les chansons. Repéré depuis par le fondateur du label de musique pop 7CORP — un certain Booba —, l’artiste élabore actuellement son premier album en toute discrétion, non loin du rayonnement de Bramsito, l’autre signature du label, et de leurs proches collaborateurs, Dany Synthé en tête de file. On voit déjà poindre les tubes à l’horizon, ce pourquoi on a voulu prendre de l’avance et partir à la rencontre de Dixon lui-même. Douceur en vue.

« En vue » est ton tout premier single. C’est en quelque sorte ton passeport musical. Pourquoi avoir choisi de t’introduire avec cette chanson ?

À l’origine, ça ne devait pas être celle-ci. Finalement, on a changé d’avis parce qu’elle a quelque chose de différent. Même au niveau de l’esthétique du clip. On m’a proposé le pitch de Frédéric de Pontcharra et on a travaillé sur la direction artistique avec Adrien Galo. Et le titre marche bien alors que quand on est en studio, on est un peu enfermés dans notre processus créatif et on ne sait pas ce qui va plaire. On a juste des espérances. Maintenant, on sait que c’est cool comme carte de visite. Mais il va falloir bien enchaîner.

Tu as toujours voulu faire de la musique ton métier ?

J’ai d’abord rêvé de devenir journaliste. Ensuite, j’ai fait des études pour devenir historien. Et encore après, je me suis retrouvé dans le prêt-à-porter, donc j’ai voulu continuer dans cette direction. Avant la musique, c’était vraiment ce vers quoi je me tournais.

Et la danse ?

C’était plutôt un hobby pour moi.

Comment la musique a-t-elle pris le pas sur le reste ?

C’est une question de feeling. On m’a dit que je savais chanter, alors j’ai persévéré. Mes proches, mes amis… Ma mère m’a acheté une guitare pour mes quinze ans, puis un piano. J’avais donc déjà commencé à apprendre la musique en autodidacte mais les conseils de mon entourage m’ont poussé à aller plus loin. Si on ne m’avait rien dit, je n’aurais peut-être jamais continué. Je serais toujours seul dans ma chambre avec ma guitare…

On dirait que tu t’intéresses à des domaines artistiques assez variés. De façon générale, quelles sont les figures qui t’ont marqué ?

Au niveau de la danse, j’ai beaucoup suivi les Twins. Et au niveau de la mode, Olivier Rousteing est vraiment une influence. J’aime beaucoup son histoire. Mais musicalement, j’ai toujours été plutôt dans la soul, avec Lauryn Hill, Ray Charles… Je suis aussi très attaché à la chanson française, à des chanteurs tels que Brel ou Aznavour. Et bien sûr, Stromae. Je trouve qu’il a tout. C’est important pour moi.

On est en pleine ère du DIY, de l’immédiateté et de l’indépendance dans la musique. Pourquoi avoir choisi un télé-crochet [la Nouvelle Star, ndlr] pour te faire connaître ? La plupart des artistes d’aujourd’hui ont le réflexe de poster leurs morceaux directement sur une plateforme.

La pub de la Nouvelle Star passait à la télé… Et comme on me disait souvent que je chantais bien, je me suis dit qu’il fallait que j’aie un avis professionnel. Je voulais savoir si j’avais quelque chose à offrir dans ce milieu-là.

Tu n’es pas allé frapper à la porte du prof de musique du conservatoire de ton quartier, tu t’es directement dit : « je vais demander l’avis de Benjamin Biolay » [rires] ?

Voilà, je me suis dit : « autant y aller tout de suite » !

Avec l’expérience de la Nouvelle Star, les caméras braquées sur toi, la pression du concours et la profusion d’opinions qu’on a dû te donner sur ta musique, je me demande comment tu es parvenu à te construire une identité musicale.

L’émission m’a juste confirmé que j’avais quelque chose à exploiter. Ce sont plutôt les séances de studio après ma signature qui m’ont aidé à me bâtir une vision artistique.

Tu es actuellement en train de concevoir ton premier album, comment ça se passe ?

On travaille dessus depuis ma signature, donc je suis encore en pleine préparation. Ça devrait sortir pour 2019.

À quoi va-t-il ressembler ? On a écouté « En vue » bien sûr, mais on a aussi entendu parler d’un autre titre, « Ce soir ».

C’est vraiment quelque chose de poétique, de pop, nourri d’influences variées. Parce que moi, je ne sais pas encore où me situer musicalement. Non pas que je ne sache pas où je veux aller. C’est plutôt que je suis traversé d’inspirations tellement différentes… La chanson « Ce soir », par exemple, est assez calme et parle de mon père, alors que ce n’était pas quelque chose que j’avais prévu de faire à l’origine. On était à Miami et dès que la prod est apparue, c’est venu tout seul. À la fin, on a rendu le titre vraiment orchestral, je me suis dit : « pourquoi pas ? » La plume était là.

Qui sont les artistes qui t’accompagnent dans la construction de ce projet ? Tu as l’air très entouré.

J’ai des personnes talentueuses avec moi. Notamment Dany Synthé, avec qui je travaille étroitement, et qui réalise l’album. On me propose aussi d’autres personnes qui interviennent à différents niveaux, comme Junior Alaprod ou Le Motif.

Comment est-ce que tu fais pour trouver ta place quand tu es en studio avec des artistes aussi imposants ?

C’est encore compliqué aujourd’hui. Il faut vraiment avoir confiance en soi pour oser dire quelque chose quand on a un studio rempli de ces personnes-là. Mais elles sont bienveillantes. On me laisse faire des propositions, et après on voit.

Tu composes toi-même ? Ou est-ce que tu te vois plutôt comme un interprète ? 

Au début, je faisais surtout des covers. J’ai commencé à composer très tardivement, mais les autres le font mieux que moi. Donc c’est un peu des deux, je tiens quand même à ce qu’un morceau ait ma signature.

Est-ce que tu as parfois l’impression, peut-être pas d’avoir brûlé des étapes, mais d’avoir tout appris à vitesse grand V ?

J’ai pris conscience de ça dès le départ, que tout allait aller très vite. Et c’est assez effrayant…

Ça va, tu tiens le rythme ?

Oui [rires] !

Vous n’êtes que deux à être signés sur le label 7CORP pour le moment. Quelle est ta relation avec Bramsito ?

Bramisto, c’est un ami. Qui est très très fou d’ailleurs ! On a une très bonne relation. Il était là à Miami aussi, on a un échange artistique, on s’entraide.

Et Booba, qu’est-ce qu’il représente pour toi aujourd’hui ? Quels sont les modèles de carrière qui t’inspirent ? 

Booba, c’est mon producteur, et c’est la personne qui me met en avant aujourd’hui. Et musicalement… Ben, c’est Booba quoi [rires] ! Sinon, j’aime beaucoup le parcours de Stromae et d’Angèle. Son ascension, comment elle a gravi les étapes… C’est devenu quelque chose de très très grand en peu de temps.

C’est un objectif pour toi de pouvoir être « pop », de parvenir à toucher le plus de monde possible ?

En fait, avant, je n’arrivais pas à mettre de mots sur ce qui était pop, ce qui était variet », ce qui était urbain, ce qui était trap etc… Désormais, j’ai pris le réflexe de demander autour de moi : « pour vous, c’est quel style ça ? » quand je fais un son. Mais Dany me dit que c’est du Dixon !  Quand « En vue » est sorti, j’ai reçu des vidéos d’enfants de cinq ans ou de pères de famille… Là, j’ai compris que c’était beaucoup plus intéressant de faire de la musique qui touche tout le monde.

Les retours ont l’air satisfaisants…

C’est cool, il y a même quelqu’un qui m’a dit qu’il s’était remis avec son ex grâce à ma musique…

Depuis qu’Odd Future est en pause, seule une poignée de membres survit encore en solitaire. Alors que Frank Ocean et Syd Tha Kyd se sont définitivement tournés vers le r&b, Tyler The Creator et Earl Sweatshirt ne se désenvoutent toujours pas de la hargne anticonformiste d’MF Doom, renouvelant les attentes du public rap. Petit zoom sur deux artistes séparés à la naissance et leurs œuvres miroirs, Flower Boy et Some Rap Songs.

En mai 2015, Tyler The Creator, leader d’Odd Future annonçait la séparation du groupe sur Twitter. Dés lors, l’information a été démentie, reconfirmée avant d’être redémentie jusqu’à épuisement. Disons que le collectif n’a plus donné signe de vie depuis un paquet de lunes. Et comment leur en vouloir au vu du succès que les piliers du clan récoltent en solo. Syd Tha Kyd a sorti Fin, un premier album r&b d’une grande qualité et cartonne avec The Internet, Frank Ocean est quasiment devenu un demi-dieu et malgré les polémiques qui les entourent, Tyler The Creator et Earl Sweatshirt sortent des projets aussi populaires qu’expérimentaux. C’est d’ailleurs sur ces deux subversifs qu’on va s’arrêter aujourd’hui. En novembre 2018, Thebe Kgositsile annonçait son grand retour avec Some Rap Songs, nouvel album après trois ans d’absence. Flashback : en 2017, Tyler The Creator sortait l’un des LP rap les plus adulés de ces dernières années, Flower Boy. À travers ces travaux charnières, les deux rappeurs créent des trajectoires parallèles fascinantes. Autopsie croisée de deux astres qui s’éloignent.

MF Doom, figure paternelle

Lorsqu’on découvre Thebe en 2009 sur la chanson « Assmilk », il doigte des filles après les avoir déterrées pour « les brouter avec un peu de moutarde » [sic]. C’est un gamin d’à peine quinze ans qui crame déjà le micro aux côtés de Tyler. Mixtape culte, Bastard place la famille Odd Future sur la scène rap et crée, en un morceau, une amitié/collaboration épique. Les deux se sont rencontrés sur MySpace et leurs univers ont très vite accroché. Earl n’existe pas encore dans la tête de Thebe mais son alter-ego Sly Tendencies charbonne sur le projet Kitchen Cutlery. Même s’il n’aboutira jamais, le rappeur en herbe s’inspire beaucoup d’MF Doom, comme Tyler. Ne serait-ce que dans les samples de « Deerskin », directement empruntés au Madlib période Madvillainy ou le morceau « Rebellious Shit », pompage mignon de « Bistro ». L’influence de Daniel Dumile se ressent toujours chez lui dans ses flows et ses beats (« The Bends » sur SRS) mais c’est Syd qui en parle le mieux. « Quand j’ai rencontré ces mecs, c’est tout ce dont ils parlaient », décrit-elle à Nardwuar. Un niveau de fanatisme commun qui amuse dans les images du EarlWolf EU Summer Tour en 2013.

Il y a quelque chose d’émouvant à les voir checker avec Doom, se transformer en groupies face à lui et s’enjailler sur « Curls » en live. Ce petit reportage s’ouvre d’ailleurs avec OFWGKTA décortiquant les paroles absurdes de « Salute To The Bitch » de Lil B.

remember when lil b did everything people are doing now in 2010 and didnt get credited for it

— thebe kgositsile SRS 11/30 (@earlxsweat) October 25, 2013

vince staples best rapper lil b rawest rapper earl sweatshirt ___

— thebe kgositsile SRS 11/30 (@earlxsweat) May 9, 2014

Inventeur du cloud rap et meme vivant, The Basedgod a probablement été une source d’inspiration pour cette bande de parias fantasques. Allant de Tina et ses prods lo-fi bardées de rap offbeat sur Bastard à la volonté affichée d’indépendance vis à vis des majors. Ainsi, Tyler devient patron de label (Odd Future Records) et styliste (Golf) comme Thebe avec sa propre marque de vêtements, Deathworld. Aujourd’hui, ce dernier est même libéré de son contrat chez Columbia Records. De quoi le rapprocher un peu plus du Basedgod, toujours pas signé en maison de disque. Mais il existe un lien encore plus étroit que les références partagées unissant Tyler The Creator et Earl Sweatshirt. Ce n’est pas pour rien que l’union se soit faite sur Bastard : les deux rappeurs ont une relation difficile avec leur père.

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Tyler ne l’a jamais connu et celui de Thebe, Keorapetse Kgositsile, un poète et militant politique sud-africain, a quitté le foyer vers ses six ans. Même si les fondations du hip-hop s’inspirent de ces travaux (The Last Poets ont trouvé leur nom dans un de ses poèmes), il n’aimait pas le rap. Ça n’arrange rien lorsque votre fils sort le morceau Earl où il déclare avoir été « envoyé sur Terre pour troncher des catholiques dans le cul avec des scies ». C’est aussi sur cette douce mélopée horrorcore que nait Earl Sweatshirt en 2010, au sein d’une mixtape chapotée par Tyler. Les deux freaks feront allusion à leurs pères entre autres dans « Burgundy » pour Thebe, avec son premier album studio, Doris et l’outro de « Tamale » pour Tyler, avec son deuxième album, Wolf. Entre temps, Thebe subit une fin d’adolescence compliquée, tuant dans l’œuf sa gloire naissante. Sa mère l’envoie aux Samoa pour qu’il soigne sa déprime et ses addictions dans un centre pour jeunes en difficulté. Tyler le soutient depuis les Etats-Unis au moment où Odd Future explose en 2012 avec The OF Tape Vol.2 : le slogan « Free Earl » jalonne le disque entier. Il revient ensuite aux U.S pour ses 18 ans et à partir de là, les trajectoires artistiques de Tyler et Thebe vont doucement se ceindre. Très proche d’Odd Future sur Doris, Thebe se lance en solo avec son deuxième projet, sans pour autant quitter le groupe. I don’t like shit, I don’t go outside : An Album by Earl Sweatshirt et Cherry Bomb sortent respectivement en mars et avril 2015 et marquent le début de leurs routes parallèles. Elles aboutissent aujourd’hui à deux oeuvres opposées mais complémentaires : Flower Boy sorti le 21 juillet 2017 et Some Rap Songs sorti le 30 novembre 2018.

Bonjour, au revoir

La première offre une ouverture sur le monde et la deuxième une fermeture. Tyler choisit le symbole d’une fleur qui s’épanouit et des textures chaudes dans ses artworks et ses instruments. Il n’essaie plus de choquer derrière une ref à Ted Bundy mais assume une introspection neuve où une nuée d’émotions traverse chaque track. Dés le magnifique « Foreword », Tyler élargie la richesse de l’univers entrevu sur « Fucking Young ». Par le biais de ponts musicaux soyeux, il n’essaie plus d’impressionner et lève le voile sur son intimité. Cependant, la presse s’intéressa plus à son coming-out sur « I Ain’t Got Time » — “J’embrasse des mecs blancs depuis 2004” — qu’à son éveil politique. On peut citer sa référence à l’esclave afro-américain Nat Turner, Black Lives Matter et le sample « Express Yourself » d’N.W.A sur « Droppin’ Seeds » featuring Lil Wayne.

De son côté, Thebe appuie l’ambition militante amorcée sur son précédent LP. Ce dernier devait s’appeler « Gnossos » en référence au protagoniste de L’avenir n’est plus ce qu’il était de Richard Fariña, roman de la contre-culture sixties. En un sens, il rejoint le virage afro conscient popularisé par Solange Knowles depuis A Seat at the Table.

my third album (counting earl as the first) is called Gnossos. if you were wondering

— thebe kgositsile SRS 11/30 (@earlxsweat) November 12, 2012

Pour ouvrir « Shattered Dreams », c’est à James Baldwin qu’il sample la formule « imprecise words ». Idem pour « The Mint » qui pioche un extrait dialogué du film Black Dynamite, pastiche de la blaxploitation. Et que dire du brillant « Azucar », rollercoaster sensitif emprunté au disque Afrodisiac de The Main Ingredient, co-produit par Stevie Wonder. Mais là où la mélomanie de Tyler guérissait ses démons intérieurs, celle de Thebe les agrandit, comme une lampe placée trop près d’un objet sombre. Some Rap Songs arrive quelques mois après la mort de Keorapetse, son père, et de son ami, le rappeur Mac Miller, dégageant une ambiance mortifère. À mille bornes de sa snippet boom bap teasée sur FM! de Vince Staples. En témoigne l’enchainement « Playing Possum » et « Peanut », acmé poignante où Thebe célèbre sa famille avant de la pleurer, ivre au moment de l’enregistrement.

Flower Boy et SRS reflètent en cela des quêtes identitaires où les réponses ne seront jamais garanties. Pour bien mesurer leur complémentarité, il suffit de s’attarder sur leurs conclusions, « Enjoy Right Now, Today » et « Riot! ». Tous deux instrumentaux, ces épilogues n’ont rien à voir sur le plan émotionnel. Victory lap optimiste, le premier exulte un bonheur assumé. Un beau soleil couchant de quatre minutes où Tyler arrête sa voiture et rentre chez lui, telle une abeille retrouvant sa ruche. Le deuxième, plus succint à l’image de l’album, reprend un morceau éponyme de l’oncle de Thebe, Hugh Masekela, disparu lui aussi en 2018. Du coup, son muddy mixage parachève la mélancolie de cette lumineuse ballade. Comme si les beaux jours étaient proches mais encore trop loin. Comme si ces deux grands gamins autodestructeurs ne savaient toujours pas répondre aux questions que posait Keorapetse Kgositsile, en 2002 dans Random Notes To My Son : « De quels jours hériteras-tu ? Quelles ombres habiteront tes silences ? »

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Rap murmuré, nappes électroniques, réminiscences chaâbi, invocations reggaeton… La musique de TripleGo n’est que métamorphoses, mais MoMo Spazz et Sanguee ont tout l’air de vouloir rester fidèles à eux-mêmes, envers et contre tout. Pas toujours pour le meilleur, mais toujours suffisamment pour parvenir à fidéliser à leur tour. Que peut bien avoir en tête le groupe, pendant que le public se languit de les voir rayonner en têtes d’affiche ? Interview. 

Photos : @antoine_sarl

Depuis 2014, TripleGo chuchote dans l’oreille du rap français. Formé par le producteur MoMo Spazz et le rappeur Sanguee, tous deux originaires de Montreuil, le duo navigue entre collaborations prestigieuses (Myth Syzer, Ikaz Boi ou encore Harry Fraud côté production, Arnaud Deroudilhe et Kevin Elamrani-Lince côté vidéo, pour ne citer qu’eux) et promenades en solitaire. Pour le moins hybride, leur œuvre fait tantôt d’eux des marginaux, tantôt des précurseurs à la cote de popularité grimpante, selon le point de vue que l’on veut adopter.

Leur projet Eau Calme, plus embruns que tsunami, présageait (peut-être maladroitement ou avec trop d’avance) l’avènement du cloud rap à la française. « Les vrais savent », voilà ce qui se dit depuis, et TripleGo semble tracer sa route sans trop se soucier de regarder dans les rétroviseurs. Le flow grave de Sanguee nous berce de chanson en chanson, puis d’EP en EP, jusqu’à Machakil, le premier album du groupe tout juste paru. Le ton est resté inquiétant et les rythmes les plus entêtants sont toujours aussi sombres, comme en présence d’une menace qui n’aurait cessé de planer.

C’est qu’il est fini le temps où la bédave servait de prétexte pour ne pas parler de soi. De la débrouille au studio, les mois ont passé et le temps n’est plus vraiment ni à la discrétion ni à l’hésitation pour les deux artistes. En faire plus, aller plus loin, plus vite, rien de tout ça ne paraissait jamais séduire le tandem. Mais malgré leurs improvisations et en dépit de leur désorganisation, l’attente du public se fait aujourd’hui de plus en plus pressante. « On n’en a fait qu’à notre tête », confesse Sanguee, entre prise de conscience et refus de sur-intellectualisation de la chose. Une attitude mystérieuse qu’on a essayé de comprendre aux termes d’un long entretien avec le groupe — les deux étaient présents, mais seul Sanguee s’est véritablement exprimé. À l’horizon, des situations qui se débloquent peu à peu et des décisions davantage mûries. TripleGo est dans le couloir. Enfin. « Tchi tchi ».

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Comment est-ce que vous vous êtes connus, MoMo Spazz et toi ?

On s’est rencontrés au collège, en 6ème. C’était le jour de la rentrée et on s’est croisés en achetant nos fournitures scolaires chez Auchan [rires]. Comme on était dans la même classe, on a sympathisé, on est devenus potes, et voilà.

Vous vouliez tous les deux faire de la musique quand vous étiez plus jeunes ?

MoMo s’est intéressé à la prod vers la fin du lycée, en terminale. C’était un peu un geek donc c’est venu naturellement. Il est autodidacte. Moi, j’ai commencé à rapper avant la fin du collège, au quartier. Mais avant de faire de la musique ensemble, on en parlait beaucoup, pendant des heures parfois.

Ça donnait quoi, Sanguee adolescent qui rappe ?

C’était du rap revendicatif, je parlais de bavures policières, tout ça… J’écoutais Alpha 5.20, Booba, Tandem, ou alors Tupac et Bone Thugs-N-Harmony. J’ai commencé le live vers quinze ans. On jouait devant mille-deux-cent personnes parce qu’on était dans des ateliers d’écriture avec plein d’autres rappeurs. On bougeait, on faisait des open mics, on avait même fait un concert à Marseille. D’ailleurs, les gens sont surpris quand ils nous voient sur scène, parce qu’il y a plus de patate que dans le CD. Le live, ça ne ment pas. Un mec qui ne sait pas rapper, qui n’a plus de souffle… Ça ne pardonne pas, c’est fini. Moi, j’ai fait ça bien avant d’entrer en studio et je n’utilisais pas de vocoder. Ça, c’est arrivé après.

Comment est né TripleGo ?

Au début, MoMo était à fond dans l’électro. C’est lui qui m’a fait découvrir ça et j’ai adoré. À l’époque, personne n’avait rappé sur de l’électro. Donc c’était le premier défi. « Viens, on fait un son où on mélange ci et ça… » C’était nul de ouf ce qu’on avait fait, mais on a commencé comme ça ! Puis, on a voulu faire un son mieux, puis un son encore mieux, et un son encore encore mieux. Et on a créé le groupe.

C’était primordial pour vous de faire quelque chose qui n’a jamais été fait ?

Oui, ça, c’est le but depuis le départ. Je rappe depuis que je suis petit donc je connaissais déjà tous les bails de fast flows, j’avais entendu ça mille fois. On voulait vraiment créer un truc. C’était un feeling, on était encore en train d’apprendre et il fallait qu’on se perfectionne, mais on voulait faire quelque chose de nouveau. Il y a eu une période où on faisait de la merde, puis quand c’est devenu potable, on a commencé à sortir des sons. Je crois que le premier qu’on a envoyé, c’était « Monnaie » [2013, ndlr]. Il faisait quelques vues sur YouTube et c’était totalement ouf pour nous. On s’est dit qu’il y avait un délire à faire.

J’ai le sentiment que votre identité musicale était là dès le début, et que vous la déployez depuis. « TripleGo » existait déjà foncièrement dans Eau Calme et Putana.

La base a toujours été là. On veut raconter ce qu’on vit et en même temps que l’auditeur s’évade. C’est le fil rouge entre la musique qu’on faisait à l’ancienne et celle d’aujourd’hui.

Ça ressemble à quoi, une session studio avec TripleGo ? Vous avez vraiment la faculté de créer des atmosphères à part.

Ça ne ressemble à rien. Ça va vite, c’est impulsif. Quand j’ai une idée, je l’enregistre. On garde ce qu’on aime bien et on jette le reste. Pour les atmosphères, je pense que ça se passe à l’intérieur. C’est l’émotion. Ce n’est pas une question de synthé ou de sample, mais plutôt de ce que l’on ressent sur le moment.

Est-ce que l’on peut considérer que vous mettez en musique et en images la solitude, voire même une forme d’autarcie ? 

C’est le point commun de tout le monde : on est tous seuls à un moment donné, surtout quand ça ne va pas. Quand ça va bien, il y a toujours grave du monde. C’est l’un des premiers apprentissages que tu reçois en grandissant, quand tu dépasses l’adolescence. Quand c’est la hess, tu es seul. Tu finis par comprendre, par accepter. Mais tu ne peux pas réussir en solo. TripleGo est déjà un duo en soi, et on a une équipe. Disons seulement que les vrais combats, ceux qui sont décisifs, ils se règlent tout seul. Et ça forge. Nous, on tient vraiment à se débrouiller tout seul, ça va être notre mode de vie.

« Se débrouiller tout seul, ça devient notre mode de vie »

À quel moment vous avez entendu parler de cloud rap ? Est-ce que vous vous y êtes identifiés tout de suite ?

MoMo et moi, on n’avait pas de nom pour parler de notre musique ! C’était de la musique trippy, pour fumer des joints. Après, PNL a tellement pété que l’expression « cloud rap » était partout. On nous a mis dans cette catégorie-là, mais ce n’était pas un truc qu’on calculait. On faisait même des sons où ça ne rappait pas, où ça chantait, ou alors qui étaient uniquement instrumentaux…

On vous a d’ailleurs beaucoup comparés à PNL.

Oui, c’est le jeu. En vérité, je peux comprendre. Le mec qui découvre PNL avant nous va trouver que ce qu’on fait ressemble à du PNL, alors qu’un mec qui nous a découverts avant va trouver que ce qu’ils font ressemble à du TripleGo. Comme je le disais, c’est le jeu. Moi je ne les écoute jamais, même s’ils sont chauds et qu’ils font de la bonne musique. C’est indéniable, ils tirent le rap vers le haut. En fait, j’évite d’écouter tous ceux qui font de la musique un peu proche de la mienne, je préfère écouter des trucs qui n’ont rien à voir.

Vos featurings avec Prince Waly en sont un peu le résultat.

Avec lui, il y a un feeling humain. On se connaît depuis longtemps. Il a sa vibe et nous la nôtre, du coup on mélange. En quelque sorte, c’est plus intéressant quand on est différents que quand on est dans le même game.

En écoutant le refrain de « YZ », on se demande si vous avez une réelle méfiance d’autrui.

Non, on est des mecs très ouverts d’esprit. On fréquente des gens de milieux très différents et c’est plaisant : on apprend des choses avec eux et eux nous en apprennent d’autres. C’est un échange constructif. Quand je dis ça, c’est plus pour évoquer les gens avec qui on n’a pas la même mentalité ou le même état d’esprit. Tu peux chanter comme tu veux, tu peux avoir l’oseille que tu veux, être qui tu veux… Si on te trouve chelou, on ne va pas parler avec toi. On n’a pas les mêmes principes. La parole, l’éthique, le respect des anciens… Par exemple, si je vois un mec qui parle mal à sa daronne, pour moi, c’est un guignol. Une merde.

Montreuil a une scène artistique très active, qui a l’air d’être assez solidaire. Est-ce que c’est un lieu fédérateur pour vous aussi ?

On ne se rallie pas à la scène artistique de Montreuil. On a toujours évolué dans notre délire, tous seuls. On n’a jamais cherché à feater. On est des twaregs de Montreuil. Depuis que je suis petit, j’ai le réflexe de vouloir représenter ma ville et mon quartier, parce que c’est là qu’on a grandi, mais je ne me vois pas finir ma vie ici. Ce serait un échec.

Pourtant, vos ambitions ont dû changer avec le temps et vous pousser à vous ouvrir, non ?

Forcément… À l’époque où on a sorti Eau max et 2020, on n’avait rien de rien. Zéro. Rien du tout. On voulait juste que notre musique soit écoutée par d’autres gens que nos potes, c’était notre seule ambition. C’était sans prétention aucune. On voulait rallier les gens à notre cause, pas forcément avoir un disque d’or ou passer sur Skyrock. Maintenant qu’on commence à être écoutés, on aspire à passer des steps. On reçoit des messages du Canada, du Maroc, du Mexique… On se dit que ça en vaut la peine alors que ce n’était pas le cas avant.

« On voulait rallier les gens à notre cause, pas forcément avoir un disque d’or »

J’ai l’impression que vous faites de la musique pour vous, sans stratégies pour capter l’attention du public, et qu’aujourd’hui c’est lui qui se voit obligé de venir vous chercher.

C’est carrément vrai. À la base, on fait le son qui n’existe pas et qu’on aimerait écouter. On se fait kiffer. Il y a des codes faciles, par exemple, si tu répètes : « Mi amor » avec un beat reggaeton, tu sais d’avance que les gens vont apprécier et que ça va tourner en voiture. On a envie d’essayer de le faire à notre sauce, plutôt que d’aller vers la facilité et de ressembler à tout le monde. On aurait pu signer en major, mais ce n’est pas encore le moment. On préfère jouir encore un peu de notre liberté. Aller là on on veut aller, éviter les contraintes. Et puis, chacun sa communication : sans être arrogants, on connaît notre musique et on sait qu’elle ne va pas vieillir au bout de trois écoutes. Mais avec Machakil, on va être plus structurés.

Vous ressentez quoi quand vous entendez que vous êtes sous-cotés ?

Je ne sais pas quoi penser. En vérité, on n’a jamais vraiment envoyé la sauce, tu vois ce que je veux dire ? On a toujours fait les choses de manière très impulsive. « Viens on fait un clip à l’iPhone, viens on filme ici, viens on envoie un clip reggaeton, un autre avec un dromadaire… » On a l’impression qu’on était un peu à l’échauffement et qu’on a enfin notre minute à jouer sur le terrain. Mais comme on ne s’était pas donné les moyens de péter le score, on est un peu à notre place. C’est logique.

Est-ce que Machakil a permis un nouveau dialogue avec votre public et avec les médias ?

Franchement, ça commence. Avant, les gens nous prenaient un peu pour des fous. Ils déchiffrent de plus en plus les subtilités de notre travail. On a toujours été dans un entre-deux. On fait partie d’une scène « hype » alors qu’on n’a pas du tout le même train de vie que certains rappeurs de cette scène-là. Beaucoup sont des fils d’artistes ou font des allers-retours à Londres… Nous, c’est la vie de la rue. Il y avait un mélange à capter, et les gens commencent à le comprendre.

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Comment vous percevez cette contradiction, le fait d’être à cheval entre la « hype » et la rue ?

T’as vu, on n’est pas le genre de gens que tu vois en Supreme en train de poser. On n’a jamais été là-dedans, mais c’est flatteur, car la scène « hype » a bon goût. Ça veut dire qu’on ne propose pas quelque chose de grossier. Les médias nous comprennent petit à petit et ça devient intéressant. Ils jouent le jeu, le spectre s’élargit, des profils différents nous écoutent. Nous, on a de l’amour pour tous ceux qui écoutent notre musique, peu importe d’où ils viennent.

Dans « Habeeba », tu dis : « Mes frères ne verront jamais Paris. » À quoi est-ce que tu fais référence ?

J’évoque les gens de chez moi, au Maroc. Mais ça pourrait tout aussi bien être l’Algérie, la Tunisie, le Mali… C’est une allusion à mes frères qui ne viendront jamais en France ou en Europe et qui s’en foutent en vrai. Ils sont bien là-bas. Ils fantasment parfois sur la France, mais quand ils viennent ici, ils se rendent compte que ce n’est pas l’eldorado, qu’il faut charbonner au black, qu’il pleut, qu’il fait froid, qu’ils n’ont pas de papiers. C’est une dédicace à ceux qui font ce qu’ils ont à faire en Afrique.

« On a été tiraillés entre plusieurs cultures »

Il y a une image frappante de cette dichotomie dans le clip « PPP », réalisé par Arnaud Deroudilhe, ce dromadaire devant les barres d’immeubles…

C’est comme ça, on a été tiraillés entre plusieurs cultures. MoMo est égyptien et algérien, moi je suis marocain et j’ai grandi en France dans le 93 à Montreuil, où il y a beaucoup de Maliens et de gitans. On est imprégnés de cette richesse, donc on recrache ça sans s’en rendre compte.

Finalement, votre impulsivité est peut-être ce que vous avez de plus précieux.

Je pense qu’il faut qu’on la garde, mais sans doute qu’on la tempère aussi. Parfois, c’est un peu trop. Mais ça fait partie de notre ADN. On ne peut pas changer du jour au lendemain. Même nous, on ne se plairait pas si on rentrait dans des normes. Si on se plaît plus à nous-mêmes, ça ne sert à rien.

TripleGo fêtera la sortie de Machakil ce vendredi 22 mars, à Petit Bain

Après être passé par New York, Dubai, Tokyo Los Angeles et Beyrouth, Paris accueille enfin le projet Beirut Youth. Étroite collaboration entre le photographe équato-américain Gogy Esparza et Jey Perie, le fondateur et directeur artistique de Kinfolk, l’exposition documente à travers différents médiums les vies multiples de la jeunesse beyrouthine. Vidéos, photographies et impressions sur tissus dépeignent en images bribes de vie et instants partagés entre les habitants de la capitale libanaise et les deux artistes, captivés par la ville qui les entoure. Après avoir voyagé dans le monde, l’exposition constitue le premier projet curaté par La Pierre, un collectif de  7 jeunes talents créatifs parisiens, et sera accessible aux visiteurs du 22 février au 24 mars.

Honnête, brut, sensible ; l’exposition cristallise l’émotion que Gogy et Jey ont ressentie dans la ville, et à travers ses habitants. La beauté et l’intensité de sa ferveur, la douleur et les fruits de son histoire. Bien que déchirée par la guerre et fracturé, la juxtaposition d’une telle diversité de cultures, de religions et d’opinions engendre son chaos, séduisant, magnifique, comme seul un enchanteur Beyrouthin pourrait le faire.

Les œuvres, un livre de photographies, des tirages, des t-shirts et des posters commémorant l’histoire et la culturelle de la ville sont en vente. 50% des recettes sont reversés à des organismes qui apportent leur aide aux réfugiés syriens.

À voir au 7, rue de Paradis dans la galerie Sid Lee, au rez-de-chaussée des locaux de YARD, jusqu’au dimanche 24 mars.

Récompensé d’un César et d’un Molière, Rod Paradot est, à bientôt 23 ans, l’une des nouvelles étoiles d’un cinéma français qu’il a infiltré un peu par hasard. Issu d’une classe modeste, son profil aucunement formaté contraste dans un milieu qui peut paraître très élitiste vu de l’extérieur. Entretien avec un acteur qui assure garder « la tête haute, mais froide ».

Photos : @lebougmelo

« On a combien de temps pour parler déjà ? » C’est la toute première question posée par un Rod Paradot ému, après être timidement monté sur la scène du théâtre du Châtelet, le soir du 26 février 2016. Au cours de la 41e cérémonie des Césars, le discours du jeune acteur — tout juste désigné meilleur espoir masculin — détonne au milieu de ceux des habitués, plus léchés, plus attendus, plus préparés. Du côté du natif de Stains, rien n’était prévu. Pas même le fait de devenir acteur.

Le rôle de Malony dans La Tête haute, qui lui a ouvert les portes du 7e art, Rod Paradot n’a pas véritablement cherché à l’obtenir, ayant été repéré par la directrice de casting Elsa Pharaon alors qu’il préparait un CAP en Menuiserie. Mais depuis, le comédien crève l’écran à chacune de ses apparitions. Après avoir obtenu un César pour son premier rôle, il débute en 2018 sur les planches de théâtre dans Le Fils, et se voit immédiatement récompensé d’un Molière. Comme si tout cela était inné chez lui. Alors il y a quelque chose de surprenant à voir le voir débarquer sur les plateaux télé, auréolé de toutes ces prestigieuses récompenses, avec un phrasé aussi honnête que sommaire, sans manières ou autres tournures chaloupées. Mais c’est sans doute ça, l’authenticité. Et le monde du cinéma en avait grand besoin.

À la base, rien ne te prédestinait à devenir acteur, mais aujourd’hui, toutes tes prestations sont saluées. Avec le recul, est-ce que tu te dis que tu aurais réellement pu faire autre chose de ta vie ?

Déjà, je dois avouer que la menuiserie, j’aimais bien parce que c’était un beau métier, que c’est beau de pouvoir faire des choses avec ses mains, mais ce n’est pas quelque chose qui m’intéressait vraiment non plus. J’étais plus en train de souffrir au lycée qu’autre chose. Du coup, c’est vrai que le cinéma est vraiment bien tombé, d’autant que je ne m’y attendais pas du tout. Quand j’étais plus jeune, j’ai pensé un tout petit peu à faire des sketchs, des trucs un peu humoristiques à la Jamel Debbouze — je connaissais ses sketchs par cœur, pareil pour Fary aujourd’hui — mais je ne me suis jamais projeté. C’est juste arrivé comme ça et c’est vrai que c’est assez ouf parce qu’effectivement, je ne sais pas si c’est ce que j’aurais fait au final. Je pense que j’aurais plus été dans l’animation ou un truc dans le genre… Animateur dans un club de voyage, quelque chose comme ça. Je ne sais pas trop ce que je voulais faire mais c’est vrai que la menuiserie ce n’était pas trop mon truc. Et c’est ouf que ce soit tombé sur moi d’un coup.

Aujourd’hui, est-ce que ça te paraît être une évidence ?

Je ne me dis même pas que c’est une évidence, je me dis juste : « Kiffe, va au bout des choses et construis ce que tu as à construire. Si ça marche, tant mieux et si ça ne marche pas, tu feras autre chose. » Ce n’est pas une évidence. Oui, je suis comédien aujourd’hui mais je peux très bien ne plus l’être demain. Ça va très vite dans les deux sens.

As-tu mis du temps avant de réellement te considérer comme un acteur ?

J’ai du mettre facilement un an et demi avant de dire « je suis comédien » en parlant aux gens. Le truc, c’est qu’assez souvent, je me sous-estime. Je me dis que je ne suis pas assez cultivé pour ça, que je n’ai pas vu non plus vu tant de films que ça comparé à d’autres gens dans le cinéma qui en bouffent tous les jours. Mais à force de faire des films, à force d’entendre les gens me rassurer, me dire « Mais non, arrête, t’es intéressant », j’ai fini par me dire que j’étais acteur. Maintenant, il faut tout mettre en œuvre pour continuer de l’être.

Tu es passé d’un métier où tu crées du solide à un métier où tu crées de l’émotion. Est-ce que ça te semble moins « concret », quelque part ?

Ouais, je t’avoue que j’ai du mal avoir du recul sur ce que je fais. En ce moment, par exemple, je joue tous les soirs dans Le Fils, une pièce de Florian Zeller mise en scène par Lasdislas Chollat, et je vois que les spectateurs sont vraiment contents de ce que je leur donne ou leur apporte comme émotions. Mais pour moi, il n’y a rien d’extraordinaire dans ce que je fais. Je n’arrive pas à me rendre compte de ce que je peux transmettre à l’écran. Après je sais quand même dire si ça me plaît et, d’une certaine façon, si c’est « bien ». J’ai de l’intuition à des moments où ça fonctionne mais je ne suis jamais vraiment sûr de moi. Mais c’est peut-être justement ce qui fait que ça marche.

Jusqu’à présent, tu t’es essentiellement retrouvé à jouer des rôles de gamins torturés ou au moins écorchés vifs. Comment tu te l’expliques ?

Je pense que tout part de La Tête haute. Après, si tu regardes bien, ne serait-ce qu’entre La Tête haute et Luna, ce sont quand même deux rôles très différents même si ça reste des jeunes à problèmes. Dans Luna, c’est un jeune qui est calme, posé, plutôt intéressé par des choses artistiques, très recentré sur lui-même, et ce qui lui arrive qui fait qu’il devient un peu plus comme Malony [le personnage principal de La Tête haute, incarné par Rod Paradot, ndlr]. Donc il y a toujours une petite subtilité qui fait que ça change un peu, même qu’il y a de quoi se dire « il a toujours des rôles un peu souffrants ».

« Après Cannes, je suis allé bosser au McDo pour ma mère. Pour qu’elle se dise que […] je n’attends pas le cinéma pour vivre. »

Quand bien même tout partirait de La Tête haute, les réalisateurs ont quand même l’air de se dire que tu as « la tête de l’emploi ».

Il y aura toujours des gens qui vont se dire « c’est CE rôle-là qu’il peut jouer » mais c’est juste parce qu’un réalisateur, quand il écrit son film, il pense à tout qu’est-ce qui peut s’en rapprocher le plus. Et c’est vrai que quand tu regardes La Tête haute, tu te dis « OK, il va pouvoir jouer ce rôle ». Mais ça ne veut pas dire que je ne peux jouer que ça. En ce moment, je reçois d’autres scénarios et tout doucement, je commence à changer un peu de registre. Dans la pièce, par exemple, je suis plus dans une famille aisée que dans une famille délaissée, plus en galère. Après c’est vrai qu’avec La Tête haute, j’avais super peur d’être catégorisé dans la tête d’un jeune à problèmes, délinquant, un peu vénère. Mais au final, c’est à toi de faire les bons choix et de savoir ce que tu veux.

Est-ce que ce sont des rôles qui te ressemblent ?

Il faut savoir que dès que j’accepte un scénario, c’est que j’adore le projet. Que ça me touche, que j’ai déjà ressenti les mêmes émotions quand j’étais plus jeune ou que j’ai des proches qui ont vécu quelque chose de semblable. C’est un peu comme un rappeur qui écrit ce qu’il a vécu ou ce qu’il ressent chez les gens. Sauf que dans mon cas, au lieu de l’écrire, je le joue.

En tout cas, tes performances sont si remarquables que chacune de tes premières apparitions — d’abord au ciné, puis sur les planches — t’ont valu une prestigieuse récompense. Te sens-tu attendu ? Y a-t-il une sorte de pression qui pèse sur toi ?

Ça me met grave la pression parce que je me dis que j’aurais peut-être préféré obtenir ces prix-là plus tard. Quand je me présente devant quelqu’un, les gens pensent directement au fait que j’ai un César et un Molière. Alors qu’au final, je suis comme tout le monde. Tu peux très bien avoir un César et un Molière et faire un film de merde. Ça ne veut rien dire. Mais c’est vrai que je me dis qu’il faut vraiment que je fasse attention à ce que j’accepte. Avant de faire du théâtre, par exemple, ça faisait un an que je me posais des questions, que je me disais que ce serait peut-être bien de prendre des cours de théâtre. Au final, je ne l’ai jamais fait parce que j’avais peur d’être avec de jeunes acteurs qui n’ont fait que des cours, qui n’ont jamais tourné et n’ont donc pas de prix, et qu’ils se disent « il y a un Césarisé avec nous » alors qu’en réalité, je suis comme eux. J’aurais limite plus à apprendre qu’eux. C’est plus ça qui peut être stressant.

Ta réussite « hasardeuse » dans le cinéma tend-elle à prouver que le cinéma est accessible à n’importe qui ?

C’est tellement complexe comme question… Parce que oui, tout le monde peut faire du cinéma mais c’est le destin qui fait que tu as un casting ou que tu te retrouves à passer des essais après avoir accompagné un pote à un casting. En fait, le milieu est surtout fermé pour avoir les contacts. Mais une fois que t’es rentré dedans, si tu bosses et tu fais ce qu’il faut pour que tu être bon, ça marche. Après j’avoue qu’il y a des petites choses qui m’énervent un peu dans le cinéma comme, par exemple, le fait qu’un rappeur qui se lance va peut-être être pris directement dans une production avec un certain budget, juste parce qu’il est connu, alors qu’un jeune comédien qui n’a pas encore fait de films mais qui a autant à prouver que le rappeur n’y aura pas droit. Alors que si ça se trouve, le jeune acteur va mieux jouer que le rappeur. Mais à part ça, une fois que la porte est ouverte, c’est à toi de foncer.

J’ai lu que tu t’étais retrouvé à bosser au McDo peu après ta victoire aux Césars. Était-ce de ta propre volonté ?

En vrai, ce n’était pas après les Césars, mais juste après Cannes. Je suis allé bosser à MacDo d’abord pour ma mère. Pour qu’elle se dise que si demain j’ai envie de faire un métier plus « courant », dans la restauration ou autre, je peux le faire et que je n’attends pas le cinéma pour vivre. Puis c’est bien beau de faire des plateaux télé, d’être « Rod Paradot », mais une fois que tu rentres chez toi, toute cette magie retombe. Parce qu’au final, t’es qui ? Quand tu rentres chez toi et que tu te fais ton petit steak tranquillement, tu n’es plus personne. À Cannes, j’ai été un peu la star pendant deux jours, mais une fois que c’est fini, tout le monde s’en bat les couilles de toi. Je parle comme ça parce que c’est vraiment le terme. Dès qu’il y a un projet, tu deviens important mais dans ta tête, tu ne dois pas oublier que tu es important juste parce qu’il y a ce film-là. C’est ce qui est cruel dans le milieu du cinéma : aujourd’hui tu es là, mais tu n’es jamais sûr que ce soit le cas demain. C’est pour ça que je garde la tête haute mais froide. Parce que je suis un petit jeune de Stains et que demain je peux être menuisier, comme je peux continuer d’être acteur.

Ni toi, ni tes parents ne vous êtes dit à un moment donné « maintenant qu’il y a une opportunité concrète de ne plus jamais avoir à bosser dans un MacDo, mieux vaut juste la saisir et foncer » ?

Le truc c’est que je ne savais pas du tout si ça allait marcher le cinéma. J’avais tourné dans ce film-là, mais je ne savais pas du tout l’importance qu’il allait avoir. Je n’ai pas vraiment eu de nouvelle après coup et Emmanuelle Bercot m’avait dit que le cinéma après La Tête haute, c’était fini. Donc moi j’ai uniquement travaillé au MacDo pour faire comprendre à ma mère que je pouvais taffer si je voulais taffer. Mais dès que j’ai pu me refocaliser sur le cinéma, j’y suis allé.

Dans les commentaires de certaines interviews que tu as déjà accordées, j’ai pu voir que certains internautes te reprochaient un français un peu « approximatif ». Te sens-tu un peu comme un « intrus » dans cet univers qui se veut parfaitement lettré, limite élitiste ?

Ouais, c’est sûr. Mais en vrai, je m’en fous un peu de ne pas parler bien. Ce qui est important, c’est que je parle français et qu’on me comprenne. Après j’essaye quand même de travailler là-dessus, même si je fais aussi en sorte de garder ce qui fait la personne que je suis parce que c’est ce qui est intéressant. Pour ce qui est des commentaires, je t’avoue que je n’avais pas vu et ça m’importe peu en vrai. Il y aura toujours des gens qui seront là pour te foutre la misère, pour te clasher. Mais si un mec qui passe du temps à regarder ma vidéo pour critiquer, ça veut dire que j’ai déjà gagné, quelque part. C’est toujours mieux quand les gens commentent pour dire des choses plus positives, mais même s’ils critiquent, ce n’est pas bien grave.

Ces critiques font penser à celles que peut recevoir Jul quant à sa communication sur les réseaux. Je crois savoir que c’est un artiste que tu apprécies particulièrement. Qu’est-ce qui te plaît tant chez lui ?

Je ne sais pas si c’est le moment pour ça, mais je tiens déjà à dire que j’aimerais beaucoup le rencontrer. [rires] Ce qui me plaît chez lui, c’est d’abord le fait qu’il reste simple. Il n’a jamais essayé de changer ou d’être quelqu’un d’autre. Ça se voit dans la manière dont il s’habille, dont il parle, dont il va travailler ses projets, etc. Je pense que c’est un gars qui bosse beaucoup, qui doit passer beaucoup de temps en studio. Après, je ne vais pas te mentir : sur un album de Jul de 16 ou 17 sons, ça dépend de l’album, il y en a 4 ou 5 que je vais vraiment, vraiment, vraiment kiffer. Mais quand c’est un peu trop commercial, que c’est un peu plus des sons pour danser, pour les boîtes de nuit, c’est moins mon truc.

« J’ai l’impression que quand tu viens de banlieue ou d’un milieu plus modeste, tu as plus tendance à avoir des facilités à t’entendre avec des gens de milieux très différents. »

Tu te retrouves un peu en lui ?

Il y a des trucs dans lesquels je me retrouve quand j’écoute ses sons, où je me dis « j’étais un peu comme ça et je le suis des fois ». Après ça dépend des sons, bien sûr. Quand il lâche un « Sors le cross volé », par exemple, ce n’est pas ma vie. [rires] Mais dans certains morceaux où il parle de sa mère, de la vie, de comment il est, de comment les gens parlent de lui ou de ceux qui le clashent, là j’aime bien. J’aime quand il parle avec le cœur.

Dans le cas de Jul et des critiques qu’il avait reçues, certains avaient parlé de « mépris de classe ». Est-ce ce dont il s’agit, selon toi ?

Ouais, c’est ça. Et je ne vais pas te mentir, ça m’est déjà arrivé. Au tout début, par exemple, quand je suis allé à Cannes avec La Tête haute et que j’arrivais à une table pour un dîner, je n’avais pas trop de sujets sur lesquels je pouvais échanger parce que c’était des gens d’une classe sociale très différente. Et autant ça m’intéressait de parler avec eux, autant eux n’étaient pas trop intéressés de parler avec moi. Je ne me sentais pas spécialement considéré. Alors qu’au final, c’est con parce que j’aurais aussi pu leur apprendre beaucoup de choses. J’ai juste une autre approche de la vie qu’eux, c’est tout. Après, sans faire de généralités, j’ai l’impression que quand tu viens de banlieue ou d’un milieu plus modeste, tu as plus tendance à avoir des facilités à t’entendre avec des gens de milieux très différents, que quand tu viens d’un environnement plus aisé. Sur ce que j’ai vu, en tout cas.

De ton côté, tu as justement des origines sociales plutôt modestes : originaire de Stains, fils de plombier et de fonctionnaire, etc. Comment ton environnement a-t-il forgé la personne que tu es aujourd’hui ?

C’est un tout. Ça va de la manière dont ma mère m’a éduqué à l’esprit d’entraide et d’échange dans lequel j’ai grandi à Stains. J’ai toujours été seul avec ma mère, qui m’a apporté tout l’amour qu’il fallait et qui a toujours fait à la fois le père et la mère. J’ai pu compter que sur moi-même, ma mère et mes amis. Donc il y a beaucoup de choses que j’ai du apprendre seul. À l’école je n’étais pas bien parti, je n’avais pas de très bons résultats, mais je me suis quand même démerdé pour trouver moi-même mon entreprise quand j’ai fait mon CAP en menuiserie. C’était déjà une petite fierté et c’est de là que j’ai eu le casting de La Tête haute. Comme quoi, dans la vie on n’a rien sans rien. C’est ce que j’apprends. Après je ne peux pas non plus tout te raconter maintenant parce qu’il y a toute une période de ma vie que je tiens à dévoiler plus tard… Mais pour faire court, il y a eu des moments de ma vie qui m’ont obligé à prendre en maturité très vite.

En parlant de « prendre en maturité » : est-ce qu’on grandit plus vite quand on change de vie et de milieu, comme ce qui t’est plus ou moins arrivé ?

Limite ça me fait grandir tout court, en fait. Aujourd’hui je peux dire que j’ai mon propre appart, je suis tranquille chez moi avec ma meuf. Et rien que le fait de ne plus habiter chez ta mère, de devoir faire ton steak, tes machines, ta paperasse toi-même, de t’émanciper en gros, tu deviens beaucoup plus grand et t’apprends. Puis voir que tout doucement j’arrive à vivre du cinéma, ça me rend super fier mais en même temps ça me fait peur. Parce que t’as vu comment je suis monté vite ? Bah je me dis que demain ça peut redescendre aussi vite. C’est pour ça que je dis toujours la phrase « la tête haute, mais froide ». Je sais que c’est une chance que j’ai aujourd’hui de pouvoir connaître un peu plus le cinéma, avoir de plus en plus de films, de plus en plus d’échanges et de dialogues avec des gens du cinéma et de grandir justement dans ce milieu-là.

Un Marseillais à Miami. Il y a un peu plus de trois mois, à travers un long On The Corner, Soso Maness nous faisait visiter les quartiers Nord de la Cité phocéenne avec une balade entre Font Vert et le Vallon des Auffes. Une vidéo qui fera date pour l’artiste marseillais : « J’ai l’impression que cette interview a changé ma vie », nous avait-il confié quelques semaines plus tard. Nous n’aurons pas cette prétention. Debut février, nous l’avons accompagné en Floride pour le tournage de son clip « Mal luné », réalisé par notre Samir Le Babtou national. On en dévoile aujourd’hui les coulisses.

Encore méconnu du grand public, Wit. est l’un des protagonistes les plus actifs dans la recherche de ce que le rap français deviendra demain. Mais pas seulement. Son projet NĒO appelle tantôt à la romance, tantôt à « danser le mia ». Et ce, le plus souvent, avec une lucidité pénétrante. Il ne nous en faut pas plus.

Photos : @lebougmelo

Wit. vient tout juste de sortir son EP NĒO, un nouveau départ soigneusement mis en œuvre après plusieurs projets disséminés ici et là sur les plateformes depuis deux ans. Le rappeur montpelliérain, souvent catégorisé dans le rap alternatif et jusqu’alors plutôt discret, ne livre que peu de références quant à ses influences lorsque l’on cherche à en savoir plus : ScHoolboy Q, le rap U.S. en général et des tas de films (parmi lesquels Matrix, sans trop de surprises).

Sa principale motivation et source d’inspiration est peut-être à chercher dans le sillage de Laylow et de TBMA, le collectif avec lequel il a évolué, à l’origine d’une esthétique « digitale » parmi les plus marquantes du rap actuel. « C’est comme si on se connaissait vraiment de l’intérieur. C’est un truc de ouf notre équipe. » Fusionnel et productif, le groupe mélange glitch art, post-internet et images de synthèse futuristes sous la forme de clips parfaitement réalisés. Des visuels avant tout nés de la musique « bousillée mais de plus en plus clean » des deux rappeurs, dont Wit. demeure à ce jour la figure la plus mystérieuse. 

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« Jeune rebeu entêté », ce dernier chante, mumble ou tambourine sur la langue française avec une aisance égale. Wit. appartient à cette génération de musiciens allant de Johan Papaconstantino à ROSALÍA, en passant par Soolking, qui se réapproprie les musiques traditionnelles avec lesquelles ils ont été bercés mais dont le résultat parvient toujours à se faire syncrétique, apatride, universel — en bref, à devenir pop. « Les étoiles c’est mon habitat » rappe Wit., concluant ses discours les plus terre-à-terre (« Ils demandent au coupable de chercher le coupable/Du coup, à la fin de l’histoire, le peuple on l’écoute pas ») par des envolées métaphoriques imprévisibles.

L’artiste, qui a trouvé son pseudonyme au détour d’une recherche Google sur la pureté et l’esprit, inspiré par sa volonté de « dire les choses telles qu’elles sont, d’être transparent », confronte les sujets qui font mal, martèle des phases au premier degré et d’autres dont on n’a pas fini de déployer les double-sens. On a voulu l’entendre parler de la vision du monde qu’il a entrepris de traduire en musique.

À quel moment tu t’es dit que ta vie, ce serait le rap ?

Je suis quelqu’un qui, dès qu’il est investi dans quelque chose, pense qu’il va faire ça toute sa vie. J’ai eu le même délire avec le basket et avec tout ce que j’ai entrepris. Et pour une raison ou pour une autre, ça n’a pas abouti. Mais pour la musique, je crois que j’avais envie de dire des choses. Si je peux changer des mentalités, passer des messages… J’ai vu comment la musique me transcendait et je me suis dit que je voulais faire pareil avec d’autres gens, même si je ne m’en suis pas tout de suite donné les moyens. Mais quant à savoir à quel moment j’ai capté ce que je voulais faire musicalement… Ça, jamais. Tous les jours, j’entends des nouvelles sonorités, des nouveaux trucs, et ça me donne de nouvelles idées. Donc si je peux ne jamais être dans une case, ça me va. Je préfère que les gens ne sachent pas par où je vais les surprendre.

Quel rôle a eu ta rencontre avec Laylow dans tout ça ?

Je pense que je ne ferais même pas de musique si on ne se connaissait pas. Je l’ai connu à quinze ans, j’ai habité chez lui, on s’est côtoyés longtemps avant de faire du son. Quand on a commencé à faire de la musique, lui avait le professionnalisme et la maîtrise des codes. Moi, j’avais cette fougue parce que je débutais et que j’arrivais avec quelque chose de nouveau. On s’est influencés mutuellement. Une fois qu’on a élaboré un délire, Osman, l’un des réalisateurs de TBMA, s’est mis à réaliser des vidéos. Il n’avait jamais touché à une caméra. Jey [Laylow, ndlr] avait un petit poids, mais sinon, on s’y est tous mis ensemble, en même temps. On est tous partis dans une direction qu’on n’avait jamais testée auparavant. 

Tu avais déjà fait de la musique en duo, on dirait que tu as une facilité à créer de la synergie avec d’autres artistes.

C’est parce que c’est humain avant tout. Avec Laylow, on se connaît personnellement, ça se passe bien, c’est mon frérot.

« Je suis toujours à la recherche de la musique de demain »

Est-ce que l’Auto-Tune a changé quelque chose dans ta façon de concevoir la musique ? 

Carrément. Parce qu’avant je voulais rapper dur et sec. Ça a un peu agrandi mon panel : si je veux rapper, je rappe, si je veux chanter, je chante. Alors qu’au début, j’étais un peu réticent. Mais maintenant je ne m’en passe presque plus. Je suis content parce que ça m’a donné une nouvelle vision, une nouvelle évolution de moi. D’ailleurs, c’est Jey qui l’utilisait beaucoup à l’époque. On a fait une tape tous les deux qui s’appelle Digital Night et c’est à ce moment-là qu’il m’a poussé à l’utiliser.

J’ai écouté ce projet. Il est très brut, comme s’il était à peine mixé, mais il a conservé sa force expérimentale. C’était votre première collaboration ?

Oui, le premier qu’on a fait de A à Z. En vrai, pour l’histoire, Jey m’avait proposé qu’on fasse un projet tous les deux, alors je suis monté à Paris de Montpellier. Dans la foulée, on a acheté je ne sais pas combien de bouteilles et on a commencé à proder. En l’espace d’une semaine, on avait tout. On est revenus dessus après pour rendre le truc un peu plus « propre » mais on ne s’est pas cassé la tête à mixer ça dans un studio. C’était notre premier concept : on voulait tous les clipper, et on l’a fait, dans un seul et même lieu. Ce qui en est surtout sorti c’est la volonté d’innover et d’expérimenter. Je ne regrette pas… Même si c’était un peu bousillé comme délire.

Est-ce que tu as déjà envisagé la possibilité de créer une sorte d’avant-garde dans le rap ?

Complètement. Pour moi, c’était même évident. Dès les premiers trucs que j’ai faits, je me suis dit que c’était stylé, mais je savais que ce n’était pas très commun non plus. Donc créer une avant-garde, j’y ai pensé direct. J’ai toujours eu ça en tête. Après, avec le temps, c’est difficile de penser autrement. Je suis toujours à la recherche de la musique de demain. C’est ce que j’essaye de faire en tout cas.

Qu’est-ce qui a évolué entre tes projets précédents et NĒO ?

J’ai pris de la maturité dans mes choix. Au niveau des productions mais aussi de ce que j’ai envie de dire et de comment je vais le dire. C’est une nouvelle vision, parce que ça correspond à un nouveau départ dans ma vie. J’ai quitté Montpellier où j’avais un certain quotidien. J’ai arrêté toutes mes activités pour tout miser sur le son. Tout ce qui se passe maintenant, c’est mon commencement. Ce n’est pas le moment de faire un faux pas. Ce qui était là avant, j’ai conscience que je l’ai fait, mais c’est comme un entraînement avant une première compétition. J’ai expérimenté et maintenant je sais davantage où je veux aller.

Tu es toi-même producteur. Que t’ont apporté les autres beatmakers avec lesquels tu travailles ?

En quelque sorte, je sais que j’ai un truc pour créer, mais la qualité de mes productions ne sera jamais aussi clean que celle d’un producteur qui ne fait que ça. Du coup, ça me permet d’avoir des sons plus propres et au fil du temps, j’apprends à connaître de mieux en mieux les gens avec qui je travaille, et eux commencent à savoir ce que je veux. On a réussi à développer quelque chose. Mais j’ai aussi envie d’aller vers eux parce que ce qui est cool, c’est qu’ils ramènent une idée qui m’est vraiment extérieure, alors que souvent, quand je produis de mon côté, j’écris, je suis dans mon monde, et je n’ai pas de recul, c’est un peu dommage. Ça diversifie.

Tu parles d’être « dans ton monde » : au-delà de la simple musique, créer une « matrice », un univers, une œuvre à 360 °, pourrait être une perspective pour toi ?

Complètement. Je kifferais. C’est le but même. Mais ce sont des choses qui se font petit à petit. Pour le moment, j’essaye de me focus sur la musique et sur l’image. Bien sûr, on va essayer de taffer des trucs pour les concerts : la scénographie, les mises en scène, etc. Et plus je pourrais trouver des concepts pour définir l’image à part entière de Wit., plus je serai content, c’est certain.

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Ambiancer le public est parfois devenu une priorité dans le rap actuel, est-ce que ça fait aussi partie de tes objectifs ? Tu dis dans « Bella » : « Je veux les faire danser comme Guetta toute la night ».

Ce n’est pas simplement faire danser. J’ai commencé à faire des concerts à Montpellier dans une cave blindée où tout le monde transpirait et jumpait comme des malades. C’est ce soir-là que j’ai ressenti de l’énergie et de l’amour. Donc c’est ce qui m’a le plus fait plaisir et le plus marqué. Je ne veux pas juste faire un spectacle, je veux partager ma musique avec les gens. Les gens écoutent David Guetta de 19h à 5h du matin et j’aimerais qu’on écoute ma musique de la même manière. Qu’on danse ou qu’on saute, je m’en fous. C’est une question de partage.

NĒO est sorti depuis plus d’un mois maintenant. Quels ont été les retours ? Est-ce que tu as le sentiment d’être mieux compris qu’avant ?

Beaucoup plus. C’est ça qui m’a surpris. Ça me donne de l’espoir. J’étais toujours dans le même mode qu’avant, c’est-à-dire que j’avais conscience qu’il pouvait y avoir une petite réticence et que tout le monde ne me comprenait pas forcément. De base, ce que j’aime, c’est faire des trucs niqués. Ça restera toujours ainsi, mais si je peux faire des trucs un peu plus propres — et quand je dis « propres », j’entends « plus audibles » — ça me permet de faire un pas vers l’auditeur. Il y a plein de gens qui se sont pris une claque à chaque son de ce projet et ça me fait vraiment plaisir. Ça me chauffe pour continuer à pousser encore plus le délire.

Tu as employé tout à l’heure un mot que plus personne ne veut utiliser, le mot « message ». Ça me rappelle une phase dans le morceau « NĒO » : « Je suis né pour lutter »

C’est la vérité. Parfois, tu es au fin fond de ta défonce et tu te dis : « Putain, il faut que je me réveille ». Il ne faut pas oublier pourquoi tu es là, quelle est ta mission. Tu n’es pas là pour rien, tu n’es pas là juste pour te détruire. Tu es là pour faire passer quelque chose, il faut marquer ton époque. Pour ma part, je n’ai pas envie de la marquer en faisant quelque chose de mauvais ou en dégageant une mauvaise image. Si j’ai la chance d’avoir des auditeurs et une notoriété, alors dans ce cas-là, je préfère l’utiliser pour faire passer des messages, même s’ils sont maquillés de haine. Au fond, ce sont des messages d’amour.

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Dans tes chansons, tu donnes à raison une vision de la société assez sombre. Qu’est-ce qui t’énerve profondément ?

[Son manager : « C’est le moment de te lâcher ! (rires) »]

Il y a énormément de choses. Déjà, cette mentalité qui a été instaurée petit à petit et qui pousse naturellement les gens à être dans le paraître et à être hypocrites. Je ne dis pas ça pour clasher, je dis ça parce que je le sais. Je l’ai vécu. Je le vois encore. Il y a aussi le fait que j’ai l’impression que les trois quarts des humains sont un peu des esclaves. Ils travaillent puis ils vont se coucher. Que tout le monde pisse sur ses rêves, je ne trouve pas ça normal. Pour manger trois miettes ? Ce n’est pas normal. Ça ne devrait pas coûter un bras de pouvoir manger ou se loger. J’ai vraiment l’impression qu’il y a un petit groupe au-dessus de nous qui profite de tout le reste et ça me répugne. Chaque fois qu’il y a de nouveaux présidents, j’essaye de m’intéresser à leurs discours. Mais j’écoute les discussions à l’assemblée et je vois juste que ces gens-là sont payés 7000 € et qu’ils ont un œil ouvert et un œil fermé pendant que d’autres personnes se cassent le dos. Je pourrais relever des tas d’autres points, mais en soi, ce qui m’énerve, c’est l’injustice.

Est-ce que tu considères qu’il est plus facile de transmettre un message s’il est subtil ou dit de manière détournée ? S’il est « maquillé » ?

Moi, je pense qu’il faut dire les choses subtilement si c’est possible. Là, par exemple, j’ai fait un morceau qui sortira dans le prochain projet où je dis les choses un peu crûment et je vois bien la différence. Je trouve que quand tu dis les choses subtilement, tu as moins de chance d’être compris, mais quand on te comprend, on se dit que c’est vraiment fort. Et j’aime mieux laisser des petits points d’interrogation pour ne pas être simplement un haineux qui dit : « Nique la société. » Je veux juste dire mes trucs avec une certaine poésie pour marquer les esprits. En tout cas, ceux qui me comprendront, ça les marquera. Quant à ceux qui ne comprennent pas, tant pis.

Là-dessus, j’ai envie de te demander : où vas-tu aller, là, maintenant ?

Dieu seul sait.

C’est à croire que Kodie Shane est née dans un studio : Atlanta et Chicago ont donné naissance à un enfant turbulent dont on n’est pas prêt d’oublier le nom. Délicate bête de scène, rappeuse-chanteuse à l’autotune romantique, l’artiste de vingt ans a déjà volé la vedette à Lil Yachty, Lil Uzi Vert ou encore Trippie Redd sur des collaborations bluffantes et vient de sortir son premier album, Young HeartThrob (« Jeune Idole », en français). On a voulu revenir sur le parcours un peu hors du commun de l’artiste. 

Photos : @adrelanine

« Tiens ta langue quand tu m’adresses la parole », rappait Kodie Shane dans son tout premier titre, « Crown Me ». À l’époque, l’artiste n’a que quinze ans et se fait appeler The Don, après le personnage principal du film Don Jon, un coureur de jupons à qui aucune femme ne résiste. Depuis, Kodie Shantiu Williams se fait presque appeler par son vrai nom mais n’a rien perdu de son flow et de son assurance, même lorsqu’elle passe du rap à la chanson avec assez de naturel pour qu’on ne se soit aperçus de rien. Du haut de ses vingt ans, l’artiste n’est déjà plus une rookie et dissimule à peine l’intensité de son caractère de rock star derrière sa candeur. Entière et explosive, voilà deux qualités qui nous ont donné envie d’attraper au vol le phénomène d’Atlanta.

Mais Kodie Shane ne tient pas en place. Surexcitée à l’idée d’être en tournée en Europe, elle s’interrompt pendant l’entretien pour faire des grimaces, se met en scène avec humour, chante ou danse depuis le canapé sur lequel elle est assise. En évoquant son premier concert à Paris le soir même, la chanteuse s’agite comme une môme et s’écrit « bonjour » en français à tout bout de champ, sans qu’on n’ait jamais envie de mettre fin à ses joyeux élans. « Je n’arrive pas à croire que je joue en France ce soir… C’est surréaliste ! Je n’arrive même plus à parler. Je ne sais pas quoi dire, j’hallucine encore. Peut-être que quand je serai rentrée aux États-Unis, je vais finir par réaliser » . Celle qui a toujours rêvé de « faire de la musique universelle » assure avoir pris en grandissant une direction moins consensuelle, plus proche de sa propre vérité. Et, comme consciente de son énergie juvénile débordante, elle confesse au détour d’une phrase qu’elle aurait bien voulu avoir dix-huit ans toute sa vie, un air de regret dans la voix.

Vingt ans, c’est déjà trop tard pour ne pas savoir que le succès est traître — tout comme pour continuer à chanter des textes sans réfléchir, ignorer que les mots ont un poids et les paroles des conséquences. « Je m’améliore en grandissant. Je fais de plus en plus attention aux choses que je dis et à celles à propos desquelles je plaisante. J’ai conscience que des gens peuvent me prendre pour modèle. » Auto-proclamée idole dans le titre de son dernier projet, Young HeartThrob, Kodie Shane, dont la carrière a en quelque sorte été parrainée par Lil Yachty, ne prend rien pour acquis.

Au sujet de sa chanson « Normal », parue en 2017 dans l’EP Back From The Future, elle rebondit : « Il n’y a que cinq personnes au monde qui me connaissent, m’aiment et payeraient pour venir me voir. Ce n’est même pas normal. Ce qui serait normal, ce serait de n’en avoir aucune. Je vis ma vie comme si personne ne me regardait, pas comme si on était en train de me passer au microscope en permanence. Quand une fille me brise le cœur, je ne suis pas quelqu’un de « cool », je suis juste moi. Triste histoire [rires]. » Mais la chanteuse n’a pas l’air très rancunière. Tout est bien qui finit bien semble être son mantra.

Preuve en est, la jeune Kodie met les pieds en studio pour la première fois après avoir été renvoyée de l’école pendant dix jours. Une idée de punition de sa mère, depuis devenue sa manager, qui n’a fait qu’accélérer une destinée toute tracée. Et, si, en dépit de sa précocité, elle ne gagne pas son premier et dernier télécrochet, il en faut bien plus à la jeune rappeuse pour s’arrêter en si bon chemin. « Quand j’étais plus jeune, j’ai participé à un talent show, et à ce moment-là, j’ai su que j’aimais la scène. Mais j’ai perdu. Ils m’ont dit que j’étais trop jeune mais j’avais l’impression qu’ils mentaient. Ils m’ont laissée auditionner et me produire, et quand est venu le moment de déclarer le nom du vainqueur — et c’était clairement moi, car la foule criait mon nom —, ils ont dit que j’étais trop jeune. J’ai perdu contre trois enfants qui chantaient du Usher… J’aimerais bien voir ce qu’ils sont devenus. »

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La famille de l’artiste, elle, se montre plus encourageante. Pas surprenant quand on sait que son père, Danny C. Williams, est un ex-membre du groupe Rick, Ran & Dan, que sa tante, Cherrelle, est une chanteuse de R & B et que sa grande sœur faisait partie du girls band Blaque à l’album éponyme certifié platine aux États-Unis. Lorsque Kodie Shane rencontre le producteur Matty P en 2013, c’est donc tout naturellement que ses journées s’étendent sur les canapés du studio, à rêvasser d’abord, puis, rapidement, à écrire pour d’autres artistes et enfin pour elle-même. « Rien que le fait d’être là-bas, de voir comment ça se passait… Sachant que j’ai toujours su que je voulais divertir, et être sur scène de quelque manière que ce soit… Être en studio, c’est vraiment ce qui m’a poussée à le faire. Matty m’avait donné ce vieil ordinateur, j’étais chez moi et je voulais essayer de rapper… Ça a donné « Crown Me ». Ensuite, je l’ai rappé devant ma mère et elle m’a dit que c’était le feu, et qu’il fallait absolument montrer ça à Matty. Puis, on a sorti le morceau. Honnêtement, j’étais un peu dans la retenue parce que c’était vraiment bien, j’avais quelques bonnes punchlines mais… Je me disais : « Qu’est-ce que t’es en train de faire ? » Je rappais en mode hardcore. J’ai tellement évolué depuis. »  Petite rappeuse deviendra grande, et son jeune âge n’a plus l’air d’être un obstacle : « Tout le monde veut être la « lil sis ». Bientôt, moi, je serai « big sis ». »

Qu’à cela ne tienne, c’est sûrement ce que s’est dit Matty P en faisant découvrir Kodie Shane à Coach K, le manager de Migos et Gucci Mane qui la présentera plus tard à Lil Yachty. Pas de doute, Atlanta a de quoi revendre à l’enfant de Chicago. « Moi, je considère que je viens de l’univers… Je plaisante ! Chicago m’a donné beaucoup d’amour mais Atlanta m’a adoptée quand j’ai commencé à créer ma propre musique. Ce que je veux dire, c’est que je viens des deux villes et que j’ai tellement des deux en moi. Mais j’ai fait quelques-uns de mes premiers concerts à Atlanta… »  Là-bas, les rencontres et les collaborations se multiplient, depuis une première apparition sur le titre groupé « All In », jusqu’au morceau « Hold Up (Dough Up) » avec Lil Uzi Vert, en passant par « Sad ». « Quand j’ai fait « Sad », je me suis dit « Wahouh ! », je peux faire des vraies chansons. Je savais en quelque sorte que je pouvais chanter mais je crois que j’avais envie de rapper. Je pensais que c’était plus cool. Mais je n’ai pas à me cantonner au rôle de rappeuse. J’ai le sentiment que je peux faire n’importe quel type de son ou de musique. On essaye des choses. »

C’est avec Matty P que Kodie Shane se rend à L.A. pour expérimenter et travailler sur ce qui deviendra son premier album, Young HeartThrob (2018). Si l’on peut voir apparaître d’autres producteurs, comme Wondagurl, sur la tracklist du projet, Matty P n’en demeure pas moins son home-producer, DJ et frère de cœur. « La plupart du temps, on est sur la même longueur d’onde. Peut-être qu’on n’écoute pas la même chose dans la vie de tous les jours, mais quand il s’agit de créer, ça fonctionne. On a évolué ensemble. » Avant Kodie Shane, Matty P produit pour G-Eazy, Whiz Khalifa ou Travis Scott. « Il apporte une certaine diversité. J’ai l’impression que ses beats sont en avance sur notre temps. Beaucoup de producteurs ne structurent pas leurs beats, c’est toujours la même boucle six, voire vingt-quatre fois de suite. Beaucoup n’essayent pas d’être différents. » Non négligeable, en effet, pour celle qui se considère comme une « R & B-rock star, avec quelque chose de pop » pendant que d’autres « rêvent d’être une rock star mais ne font rien pour ça, et ça devient ennuyeux ».

On essaye alors de comprendre la recette que nous décrit l’artiste, plus complexe celle-ci, mais qui implique de mettre dans la balance la légèreté du R & B et la dimension plus subversive, plus brute, du rock’n’roll. « Rock ». C’est bien ce qu’on se disait en regardant les premiers live VEVO de l’artiste, et son art semble avoir continué à s’améliorer encore et toujours. « Le meilleur se passe sur scène », confirme la chanteuse avec insistance cette après-midi-là avant de nous en faire la démonstration le soir même, à travers un jeu de scène et une maîtrise du show imparables. « Je m’inspire du rock’n’roll parce que j’aime les instruments. Ça me donne envie de sauter du haut d’une falaise, et si tu ajoutes à ça des mélodies… Tu t’envoles ! »

Et ce, sans jamais oublier l’importance d’un message plus si évident à transmettre. Alors qu’elle chante les titres de son album, qui évoquent souvent les relations amoureuses, « l’idée d’embrasser sa souffrance, de ne pas se mentir à soi-même et faire comme si de rien n’était », Kodie Shane distribue des roses à un public hypnotisé. « Il y a tellement de haine dans ma génération. Avec Internet, les réseaux sociaux… Et si on faisait les choses avec plus d’amour ? Kanye West le fait souvent remarquer. Si tout le monde faisait ça, il y aurait clairement moins de haine. Tout ce que je fais, je le fais avec amour, c’est de l’amour ». Et lorsqu’on demande à l’artiste comment elle réagirait si l’une de ses chansons devenait un hymne LGBTQ+, elle répond : « Ce serait tellement génial ! D’abord, parce qu’après ça, je serai à toutes les prides ! [rires] Ce serait un rêve qui se réalise. En fait, c’est même un objectif. Ce serait fou. D’avoir le soutien de la communauté et de montrer que je les soutiens en retour… Ce serait énorme. » À part un hymne et une collaboration rêvée avec Frank Ocean, on voit donc peu de choses à souhaiter à l’artiste. La promesse du futur proche en fait déjà beaucoup : « 2019 va être incroyable. J’ai hâte. Je vais sortir de la musique toute l’année ». Difficile de ne pas voir, en fait, que Kodie Shane pense musique et vit musique, quel que soit le moment. « La musique c’est tout pour moi. La musique c’est tout le temps, toujours. »

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Le 18 mars prochain, un battle hip-hop d’un nouveau genre, mêlant design et danse, investit le célèbre Centre Pompidou. Envahisseurs Battle tente d’amener une vision progressiste à cette discipline vue aujourd’hui comme peu évolutive.

Teddy Sanches est étudiant à l’ENSCI (Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle) et membre du studio de création pluridisciplinaire wwwesh studio. À travers son projet, Teddy, danseur depuis l’âge de 16 ans, revoit le cahier des charges du battle qui est de nature assez simple en lui apportant une direction artistique affirmée. En tant que designer, Teddy s’est posée la question suivante : comment investir un lieu pour un battle ?

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Évoluer dans la mise en scène

« Depuis que j’ai commencé à faire des battles de hip-hop, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de mise en scène ou de scénographie mise en place. Il suffisait tout simplement d’une sono, d’un DJ et de danseurs. Le cahier des charges du battle est très simple, de plus quand la danse hip-hop est entrée dans les institutions de danse, son évolution était tout simplement un changement d’échelle. On est passé des premiers battles qui réunissaient des dizaines de personnes à de grandes compétitions pouvant réunir des milliers de personnes, sans pour autant avoir une évolution dans la mise en scène. »

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Définir le ‘terrain de jeu’ du hip-hop

« Aujourd’hui, à travers ce projet, je souhaite proposer une autre évolution aux battles de hip-hop. Une évolution fondée sur les bases de ces réunions de danses tout en y introduisant mon regard de designer. Naturellement, j’ai effectué mes premières recherches dans l’univers du sport. En observant les différentes disciplines, collectives ou individuelles, je me suis rendu compte qu’il y avait cette même notion de ‘terrain de jeux’. Les lignes et les contours de l’univers graphique sportif m’ont beaucoup inspirés. Dans ce projet, j’ai essayé de faire un lien graphique et architectural entre le sport et le hip-hop, c’est à dire de créer ‘le terrain de jeu’ du battle. J’ai aussi eu la chance de voyager au Japon, le fait d’être loin de mon école m’a permis de prendre du recul sur ce que j’étais entrain de construire. En plein processus de recherche sur d’autres champs comme l’architecture, les arts de la scène ou la mode, j’ai essayé de définir le ‘terrain de jeu’ du hip-hop. »

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Dans un battle, la scénographie est le corps

« À la naissance du hip-hop dans les 70’s dans le Bronx à New York, la force motrice du mouvement était d’envahir les rues par le corps. Toutes les recherches dans les autres domaines artistiques m’ont permis de comprendre un point essentiel de mon travail ; ce qui selon moi faisait défaut aux battle – l’absence de scénographie et de décors – est en réalité la solution à mes questions.la scénographie est le corps ! »

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Comment envahir un lieu par le corps ?

« Ce retour à la source, à la naissance même du mouvement hip-hop m’a permis de comprendre que le corps traduisait à la fois performance artistique mais également la scénographie. En ayant compris que le corps était la solution aux questions que je m’étais posé, une nouvelle problématique m’est venue : comment envahir un lieu par le corps ? C’est en tentant de répondre à cette question que mon projet commençait à prendre forme. J’ai commencé à chercher quel était le meilleur moyen de mettre le corps en valeur. En faisant des recherches poussées dans le monde du théâtre en rond, de la tauromachie (l’art d’affronter le taureau) et du cirque, j’ai décidé de construire le ‘terrain de jeu’ de mon battle autour du cercle. Ma formation de designer industriel m’a permis d’acquérir une méthode de travail basée sur la recherche de la qualité et de la vertu de ce qui existe déjà. C’est dans ce sens là que j’ai essayé de trouver, dans un premier temps, les qualités du cercle et de voir une autre évolution de ce cercle avec les moyens techniques et technologiques d’aujourd’hui. »

Inclure chaque corps dans la performance

« La forme du cercle est démocratique, elle permet à ceux qui n’ont jamais assisté à un battle de Hip-Hop de se projeter dans la performance artistique. Envahisseurs Battle inclut chaque corps dans la performance, même le public à son rôle à jouer. Son cahier des charges est le suivant : faire un battle uniquement à partir de corps formant un cercle. À partir de ces codes, j’ai défini huit rôles dans mon battle : Le DJ, Le MC, Le Jury, Les Danseuses/Danseurs, Les Ambianceuses/Ambianceurs, Les Voyantes/Voyant, Les Sabliers, Les Sauceuses/Sauceurs. À chaque rôle est attribué un accessoire qui va lui permettre d’exercer ses fonctions durant le battle. » Envahisseurs Battle c’est un cercle, deux camps et vous. Rendez-vous le 18 mars prochain au centre Pompidou, au niveau -1 dans le studio 13/16, pour assister à ce qui sera peut-être le symbole du renouveau des battles de hip-hop.

Envahisseurs Battle est sur Instagram : @envahisseurs_battle

Entendue du coté de COLORS ou du Pitchfork Avant-Garde, Biig Piig est une petite bulle de délicatesse cachée derrière un alias qui rappelle qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Entretien.

Photos : @alextrescool

Il y a chez Biig Piig quelque chose de Cassie Ainsworth, personnage étrange mais attachant de la série britannique Skins. Si elle peut paraître assez lunaire au premier abord, avec son regard qui s’égare et son débit nonchalant, ses interventions témoignent généralement d’une grande lucidité. Et preuve – s’il en fallait – qu’il ne faut décidément pas se fier aux apparences, sa musique ne correspond en rien à ce qu’on aurait tendance à imaginer d’une petite rouquine venue d’Irlande. D’un single à l’autre, Apple Music la classe tantôt côté « Hip-Hop/Rap », tantôt côté « R&B/Soul ». « Soulful » semble effectivement être un terme adéquat pour qualifier les sons que Biig Piig entonne d’une voix poussive mais particulièrement délicate, et qui se sont dernièrement fait entendre sur la fameuse chaîne COLORS ou lors du Pitchfork Avant-Garde. À l’occasion de son dernier passage dans la capitale, on a rencontré Jess Smyth – son nom à l’état civil – pour une première présentation, qui suit la sortie de son EP Big Fan of the Sesh, Vol.1.

J’ai pu lire que tu avais pas mal bougé d’un pays à un autre au cours de ton enfance et ton adolescence. Est-ce que tu peux nous aider à retracer un peu d’où tu viens et où tu as été ?

Alors je suis née en Irlande, puis j’ai été élevée en Espagne de 4 à 12 ans. Je suis ensuite revenue brièvement en Irlande, puis je suis partie à Londres quand j’avais 14 ans. Donc ouais, j’ai eu une enfance assez dispersée… Mais c’était cool. Il y a quelque chose de vraiment bénéfique à grandir entre plusieurs cultures.

Qu’en est-il de la France ? C’est ta première fois ici ?

En France ? Du tout ! Je suis déjà venue l’année dernière, puis je viens assez souvent en général. La première fois, ça a du être quand j’avais 16 ou 17 ans et depuis, c’est presque devenu une habitude. J’ai dû y revenir genre cinq fois, à peu près chaque année. C’est un endroit vraiment charmant. Parfois, j’ai un peu le sentiment que Londres peut être un peu harassant. Quand je viens ici, je peux réellement décompresser.

C’est drôle de t’entendre dire ça parce que Paris a justement la réputation d’être une ville particulièrement usante.

Pour le coup, je n’ai jamais eu ce ressenti-là. Ici c’est juste cool, je n’ai pas besoin de me précipiter pour quoique ce soit.

Qu’est-ce que tu as tiré de toutes ces expériences à l’étranger ?

Je pense qu’en grandissant dans différents pays, tu apprends à t’adapter d’un environnement à un autre et tu te rends compte que les communautés ne sont pas si différentes que ça les unes des autres. Même si on se ressemble pas sur tous les points, on reste tous des êtres humains au bout du compte. Puis tu apprends à communiquer, à te faire comprendre et à faire en sorte de trouver du confort dans un endroit qui ne l’est pas forcément au premier abord.

Et comment ça te sert dans l’industrie de la musique ? 

Dans l’industrie de la musique… [Elle réfléchit] C’est assez étrange, en vrai. Parce que c’est difficile de se sentir vraiment confortable dans un environnement qui change constamment. Le monde de la musique a quelque chose d’assez effrayant, pour être honnête. Pour grandir en tant que musicienne, je pense qu’il te faut savoir ce dans quoi tu es bonne au départ, et ne pas avoir peur de changer et d’évoluer à mesure que tu avances. Il faut toujours essayer de garder la tête haute.

Comment en es-tu arrivée à faire la musique que tu fais aujourd’hui ?

J’ai commencé à faire de la musique autour de mes 14 ans, principalement des trucs acoustiques au départ. J’ai arrêté pendant un petit moment quand j’avais 16 ans. Puis j’ai rencontré un tas de très bons amis quand je suis allée au College, notamment Lava La Rue et Mac Wetha, dont je suis très proche. Ils font tous deux partie de mon collectif NINE8. Un jour, Lava avait organisé une soirée et m’avait dit de venir parce qu’on ne s’était pas vues depuis longtemps. À un moment donné, ils faisaient un cypher dans la chambre d’à côté, et je me rappelle d’être entrée dans la pièce, avoir attrapé le micro pour improviser sur le beat. Et là, Lava me dit : « Putain, c’était trop chaud ce que tu as fait ! » À l’époque, elle faisait déjà une sorte de hip-hop expérimental, donc elle m’a dit : « Il faut que tu viennes avec moi pour qu’on enregistre ». Donc on a commencé à aller régulièrement chez Lloyd [le vrai nom de Mac Wetha, ndlr], et tout est parti de là. C’est important d’avoir cette dynamique de groupe, parce que tout va tellement vite dans ce milieu, tu peux facilement te sentir un peu isolée.

« Beaucoup de noms peuvent te mettre dans une case, et ce que mon nom fait, c’est dire ‘Tu as le droit d’en avoir rien à foutre’. »

Quels artistes t’ont inspirée étant plus jeune ?

Quand j’étais vraiment petite, j’adorais Gabrielle. C’était une grande chanteuse de soul britannique. Puis en grandissant, j’ai eu un petit faible pour Ben Harper, et le côté très acoustique de sa musique. Otis Redding, également. Après je n’ai pas réellement cherché à découvrir de la musique avant d’être bien plus âgée. J’aimais juste écouter la radio, et notamment cette station qui s’appelait Smooth et qui passait tous les classiques.

Que veux-tu faire ressentir à l’auditeur qui écoute ta musique ?

Je veux que ma musique soit presque comme une confrontation. Comme si on était assis dans une chambre face à face, et qu’on avait une conversation. Je veux qu’il puisse se sentir impliqué, lui communiquer des émotions qu’il est en mesure de comprendre précisément. À côté de ça, je veux que mon message soit compréhensible par tous, et pas uniquement par ceux qui me sont proches. Genre ceux qui m’ont déjà vue, qui me connaissent en tant que personne, ou qui parlent la même langue que moi. Je ne veux pas me limiter à ces gens-là. Même si tu ne comprends pas les lyrics, il faut que tu puisses comprendre les émotions, que la mélodie puisse te parler d’une certaine manière.

Parle-moi de ton nom, « Biig Piig ». D’où est-ce que ça vient ?

Ça vient d’une fois où j’étais chez moi avec des amis. L’un d’eux a dit : « Venez, on commande des pizzas ? » Donc j’ai attrapé un menu au hasard et dessus, il y a avait une pizza qui s’appelait Biig Piig. On l’a commandée et logiquement elle était assez écoeurante. [rires] Mais c’est limite devenu une blague entre nous, et comme je n’arrivais pas à trouver un nom pour mon compte SoundCloud j’ai dit « Allons-y pour Biig Piig ».

Qu’est-ce qui t’a fait dire que ce nom te convenait ?

Je pense que beaucoup de noms peuvent te mettre dans une case, et ce que mon nom fait – ou du moins, ce que j’espère qu’il fait – c’est dire : « Tu as le droit d’en avoir rien à foutre ». Tu n’as pas à être parfaitement belle et soignée tout le temps, tu peux aussi te négliger et il n’y pas de problème à ça. Ça te donne la liberté de faire ce que tu veux. Enfin, c’est ce que je pense.

Parlons de ton dernier EP, Big Fan of the Sesh EP, Vol. 1. Dans quel état d’esprit étais-tu au moment de l’écrire et de l’enregistrer ?

Ça m’a pris pas mal de temps pour l’écrire, certains sons remontent à pas mal de temps. À cette époque, c’était un peu les montagnes russes pour moi. Le projet évoque beaucoup de moments intenses que j’ai vécus quand j’avais genre 17 ans, et écrire m’a fait me replonger dans ces moments. Tu te rends vulnérable. Mais je pense que le travail n’est jamais meilleur que quand il est difficile. Si faire cet EP avait été facile, je ne pense pas que j’en aurais été aussi fière.

Et puisque que ce projet est le « volume 1 », que peut-on attendre des autres volumes ?

C’est une histoire en trois parties que je voulais raconter. La première est sortie, je travaille actuellement sur la seconde qui devrait sortir cette année et la troisième… On verra. Je voulais raconter trois périodes de ma vie qui ont fait la personne que je suis. Mais c’est assez compliqué parce que je suis en constante évolution à mesure que j’avance. Tout est si différent depuis que j’ai commencé ce projet… Mais oui, le second sera cool et il aura un titre différent d’ailleurs.

J’ai demandé ce que nous pouvions attendre de ce projet, mais qu’est-ce que tu en attends personnellement ?

C’est difficile à dire. J’espère que ce projet m’aidera à mieux me comprendre encore. Depuis j’ai commencé, la musique a été une sorte de bénédiction qui m’aide à réaliser pourquoi je fais ce que je fais et pourquoi certaines choses m’affectent plus que d’autres. Aujourd’hui, tout a plus de sens. Je prends beaucoup en maturité à travers la musique. D’un point de vue carrière, j’adorerais dire « C’est CE projet qui va tout péter ! » Mais je n’en ai aucune idée en réalité. Tu ne sais jamais. À vrai dire, je ne m’en soucie pas vraiment. Du moment que je suis heureuse avec ça, contente de ce que je sors, que les gens écoutent les morceaux et comprennent ce que je dis, ça me va.

Alors que son nouvel album Death Race For Love est sorti vendredi, Juice WRLD est déjà rentré dans la catégorie des artistes au succès foudroyant de sa génération. En y regardant de plus près, on peut comprendre pourquoi : tout dans la musique du musicien de Chicago semble être calculé pour réussir. Rencontre.

Photos : @bricebossaviephotos

Paris, octobre 2018. Dans le XIIeme arrondissement parisien, une bande de huit Chicagoains débarque d’un pas nonchalant dans les bureaux de la radio musicale parisienne Génération. Installé dans de grands canapés, le squad ressemble plus à une colonie de vacances qu’à autre chose : « C’est la première fois qu’on vient en Europe, c’est cool quand même ! » nous confie Pete, la vingtaine, capuche sur la tête et l’air hilare, tout en zieutant son téléphone portable. De l’autre côté de la salle, une partie de babyfoot démarre tandis que l’équipe se commande des burgers sur les coups de 16h. Vu de loin, on croirait voir des potes en road trip Erasmus. En réalité, le crew est surtout là pour veiller sur le plus petit de la bande. “On accompagne Jarad sur toute sa tournée européenne », explique Pete. Il prend une pause : « Avec tout ce qu’il lui arrive depuis quelques mois il a un peu besoin d’être protégé par ses cousins. »

Dire que Juice WRLD est au cœur d’un tourbillon dingue depuis plusieurs mois serait un euphémisme. Les chiffres sont là pour le rappeler : plus d’un milliard d’écoutes sur les plateformes de streaming, un contrat de 3 millions de dollars avec Interscope, et un album commun avec Future classé en haut des charts américains. Tout ça en seulement sept ou huit mois. Qu’en pense l’intéressé ? « Voir mon nom sur un contrat à trois millions de dollars, à seulement vingt ans, honnêtement, ça me fait bizarre », confie-t-il alors qu’il rejoint sa bande après un freestyle donné à la radio. « Mais j’essaie de ne pas trop y faire attention ». Il sourit, un burger à la main : « Je fais juste mon truc et j’essaie d’aller chercher encore plus de zéros sur mes contrats. »

Chief Keef et Guitar Hero

À l’origine de la success-story Juice WRLD, il y a un morceau : « Lucid Dreams ». Quatre minutes de pop basées sur un sample (une reprise ?) de « Shape Of My Heart » de Sting, entre rythmiques rap et guitares rock, proches de la perfection tant il remplit toutes les cases du tube moderne. Facile d’accès, triste à souhait, entêtant, « Lucid Dreams » va tout simplement changer la vie de Jarad Higgins alors qu’il vit encore chez sa mère dans le sud de la ville de Chicago. « Je postais ma musique sur mon compte Soundcloud sans faire de vague. Et d’un coup tout Chicago a commencé à m’écrire », se souvient-il. Un retournement de situation inattendu pour un jeune jusqu’ici resté dans l’ombre. Garçon plutôt réservé, Higgins grandit seul avec sa mère dans l’East Side de Chicago sans faire de bruit. Si le quartier dans lequel il passe son adolescence n’est pas des plus dangereux, Higgins reste souvent chez lui, sur injonction de sa mère. « Elle refusait même que j’écoute du rap, à cause des paroles ! Elle voulait me tenir à distance de tout ce qui tournait autour de la rue, et elle a au final eu raison. » Le garçon va pourtant se plonger la tête dans le rap de Chicago dès son plus jeune âge. De l’autre côté de la pièce, Pete, le cousin de Juice WRLD, sort de sa sieste le temps de quelques secondes : « Il venait jouer à la console tous les week-ends chez moi. » Il se marre, pas peu fier de lui : « Vu que sa mère n’était pas là, je lui faisais écouter du Chief Keef à balle ! »

Ces week-ends passés à jouer à la console vont être essentiels dans la trajectoire musicale du futur auteur de « Lucid Dreams ». Sans doute aussi la raison pour laquelle la pochette de son dernier album imite la jaquette d’un jeu de PlayStation 1 : « J’allais tout le temps chez mon cousin, il me passait du rap que je ne pouvais pas écouter à la maison, et on après on jouait à Tony Hawk Pro Skater sur la PlayStation. » Dans la bande-son, des morceaux de groupes de rock comme Bullet For My Valentine ou les Ramones. « Et après on enchaînait avec des parties de Guitar Hero, où j’écoutais du Fall Out Boy et du Ozzy Osbourne. En vrai, c’est en jouant à la console que je me suis aussi mis au rock ! » De ce mélange 100 % années 2000 va alors naître quelques années plus tard Goodbye & Good Riddance, premier projet sorti en 2018 aux frontières du rap, de la pop, et du rock, qui va lui ouvrir les portes d’une autre vie. Celle du succès à l’ère de Soundcloud.

New Avril Lavigne

Alors qu’il n’était personne il y a un an, Juice WRLD s’affiche aujourd’hui en couv’ du magazine Billboard. Interviewé dans sa nouvelle demeure XXL de Los Angeles, on trouve à l’intérieur du portrait du garçon des déclarations fracassantes de sa maison de disque : « Quand on a écouté sa musique pour la première fois, on savait qu’il deviendrait énorme, et c’est ce qu’il s’est passé », se vante ainsi Joie Manda, ponte du label Interscope. Aaron Sherrod, autre tête du label, rajoute : « Aujourd’hui, on a envie qu’il devienne la voix de sa génération. Et aussi qu’il rentre dans l’histoire d’Interscope. » Plus loin dans l’article, Sherrod va même encore plus loin dans les grandes déclarations, qualifiant Death Race For Love de classique du rap américain à la Reasonable Doubt ou Life After Death dans l’histoire du rap américain. Si elles paraissent — à raison — démesurées, ces déclarations choc ne sont pas vides de sens : tout dans le son de Juice WRLD semble être calibré pour qu’il touche une large audience.

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Avec ses productions rap, son chant pop, et ses guitares rock, le Chicagoan s’inscrit directement dans la catégorie emo-rap, soit le genre musical le plus en hausse sur Spotify en 2018 (+292 % d’écoute pour ce genre musical) à l’instar de Post Malone, dont le dernier album Beerbongs & Bentleys était classé 2eme au classement des albums les plus écoutés sur les plateformes de streaming après Scorpion de Drake. Surtout, la musique de Juice WRLD tape plus fort que les autres dans sa catégorie parce qu’elle prend le pli du grand public, et donc du politiquement correct : là où un XXXTentacion parlera parfois de crimes ou de suicide dans des détails crus, Juice WRLD fait lui le choix d’évoquer dans ses paroles presque uniquement le thème de la rupture amoureuse, et des drogues qu’il va consommer pour oublier son malheur. Une manière d’édulcorer la musique rap dans son propos, tout en en gardant son image désinvolte et neuve. Lorsqu’on lui pose la question, il parle d’une envie de faire différemment : « J’avais juste envie de parler d’autre chose que de la rue, parce qu’on ne parlait pas assez d’émotions dans le rap. J’ai envie que les gens sachent qu’ils ne sont pas seuls avec leurs problèmes, et créer des connexions pour qu’ils s’en sortent », confie-t-il, nous assurant d’ailleurs recevoir quotidiennement des centaines de MP de fans le remerciant pour ses morceaux qui les aide dans des épisodes de déprime. Ce recentrage des paroles (en plus d’un son pop avéré) a d’ailleurs permis à Juice WRLD d’avoir accès à une plateforme essentielle en Amérique : celle des grosses radios FM mainstream, son « Lucid Dreams » ayant réussi à rentrer dans le top 10 des titres diffusés sur ce support à travers le pays, fait encore rare pour un rappeur aux États-Unis aujourd’hui.

Prendre une musique en vogue, lui donner une touche pop, et gommer au maximum ses aspects polémiques, voilà la formule (sans doute inconsciente) de Juice WRLD. Un postulat qui pourrait — aussi étonnant que cela puisse paraître — rappeler une autre star de la musique des années 2000 : Avril Lavigne. Tandis que les années 90 marquent un véritable retour du rock aux États-Unis avec Nirvana, Nine Inch Nails, No Doubt ou les Smashing Pumpkins, Lavigne va elle exploser quelques années plus tard en reprenant les codes de cette vague rock précédente, tout en y ajoutant des paroles largement plus édulcorées, parlant essentiellement des hauts et des bas de sa vie de jeune fille de banlieue canadienne. Le succès sera immédiat puisqu’elle vendra au final 16 millions d’exemplaires de son premier album… tout en devenant une référence pour les Soundcloud rappeurs d’aujourd’hui. Preuve en est : Juice WRLD vient de donner une interview croisée en compagnie de la chanteuse canadienne pour promouvoir son nouvel album. De là à dire que le jeune rappeur est en passe de devenir le successeur de l’interprète de « Sk8ter Boy » dans le monde du rap, il n’y a qu’un pas. Le succès (ou non) de Death Race For Love nous permettra en tout cas d’y voir plus clair.

Had so much fun interviewing @JuiceWorlddd for @InterviewMag 🖤 #interviewmag https://t.co/UnoHA4h2sP

— Avril Lavigne (@AvrilLavigne) 13 février 2019

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À tout juste 22 ans, WondaGurl a les faveurs des plus grands, de Drake à Rihanna, en passant par Travis Scott. Entretien exclusif, au détour de son passage au YARD Winter Club.

Photos : @los.bledos

« Antidote », « NO BYSTANDERS » ou encore « Uptown » pour Travis Scott, « Bitch Better Have My Money » pour Rihanna, « Used To » et « Company » pour Drake… Pour avoir signé autant de bangers pour autant de prestigieux artistes, WondaGurl est l’une des rares étoiles féminines de sa discipline : le beatmaking. Une wonderkid qui s’est révélée au monde dès l’âge de 16 ans, quand son nom est apparu au tracklisting de l’album Magna Carta… Holy Grail de JAY-Z. Rien que ça. Depuis on ne présente plus la talentueuse canadienne, qui a multiplié les placements au point d’être nominé à plusieurs reprises au Grammy Awards. Le 18 janvier dernier, elle nous faisait l’honneur de se produire sur la scène du YARD Winter Club, où son set furieux a parfaitement chauffé l’arène dans laquelle s’est jeté la révélation Sheck Wes. Une rare occasion pour nous de nous entretenir avec la jeune productrice, et ainsi d’évoquer pêle-mêle sa relation avec Travis Scott, le développement d’artistes, Ikaz Boi et le rap français.

Comment faire évoluer ce qui plaît déjà tel quel ? C’est la question à laquelle nous avons essayé de répondre avec Nate Iott, en charge du footwear design chez Vans, une marque qui doit une part importante de son succès à quelques classiques indéboulonnables.

Photos : @alextrescool

Dans un article de juillet 2017 faisant état des récentes collaborations mode de Tyler, The Creator, nous évoquions le style du rappeur californien en ces termes : « Un vieux proverbe dit que même une horloge cassée donne la bonne heure au moins deux fois dans la journée. C’est un peu le sentiment qu’on est obligé d’avoir avec Tyler, the Creator. Dans un monde de la mode cyclique, où la tendance d’aujourd’hui est souvent celle d’hier, et sans doute celle de demain, le style intemporel de Tyler sonne juste. » Et cela a assurément à voir avec les marques qui se sont affiliées à l’ancien leader du collectif Odd Future, en l’occurrence Vans et Converse.

Tandis que les leaders du sneaker game comme Nike ou Adidas ne cessent de proposer de nouveaux designs dont beaucoup se révèlent immanquables, le succès de Vans repose essentiellement sur quelques grands classiques qui traversent les années et trouvent aisément leur place dans tous les dressings. Et ce, que la mode soit au luxe ou au streetwear, au triple XL comme aux coupes plus cintrées. Une intemporalité remarquable… mais qui pose tout de même un certain nombre de questions : comment renouveler ce qui plaît déjà tel quel ? Comment faire exister de nouveaux modèles en parallèle de ces indémodables ? Quel travail effectuent ceux qui opèrent dans la section « design » de chez Vans ?

À la première, la marque fondée en 1966 par Steve Van Doren répond « ComfyCush » : une nouvelle technologie censée apporter plus de confort et de durabilité aux classiques de Vans, dévoilée en grande pompe à Brooklyn, lors d’un évènement qui a vu Lil Wayne performer devant un parterre de journalistes venus du monde entier. C’est là que nous avons pu rencontrer Nate Iott, aujourd’hui Senior Director of Footwear Design après près de 18 ans passés au sein de la compagnie californienne, qui s’est efforcé de nous éclairer quant à nos autres interrogations.

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton travail ?

Je gère tout ce qui concerne le design des paires, de ce à quoi la paire ressemble à la manière dont elle fonctionne, et je dirige nos équipes de designers. On n’en compte plus d’une vingtaine, qui travaillent sur différents domaines.

Quelle est l’ambition de Vans en ce qui concerne le footwear design ?

C’est difficile à expliquer précisément dans la mesure où Vans attache beaucoup d’importance à la fonctionnalité : on ne considère pas qu’un modèle est achevé quand le design est abouti, on considère qu’il est achevé quand il est prêt à être porté. Ce qu’on recherche en priorité à travers nos chaussures, c’est la qualité et la durabilité : on veut que les gens puissent les garder suffisamment  longtemps pour créer un lien avec leurs Vans. Qu’elles deviennent précieuses, non pas parce que leur design a l’air d’être tout droit sorti d’un vaisseau spatial, mais parce que tu finis par t’y attacher.

Vans est essentiellement réputé pour quelques modèles classiques que les gens semblent aimer tels qu’ils sont. Comment faites-vous en sorte de les faire évoluer ?

À vrai dire, on fait deux choses. La première, c’est d’essayer d’en déconstruire le design, de les emmener au-delà de leur contexte original de conception pour essayer des choses plus expérimentales. La seconde, c’est qu’on cherche encore et toujours à faire évoluer la fonctionnalité de ces modèles, comme avec cette technologie ComfyCush. Il s’agit d’apporter plus de confort à ces silhouettes classiques, de manière à ce que les gens puissent les porter toute la journée et être plus à l’aise dedans qu’ils ne le seraient dans un modèle qui a initialement été conçu pour les skateurs dans les années 70.

En ce qui concerne les collaborations, Vans est-il prêt à laisser une autre marque ou un designer déconstruire ses classiques, un peu comme ce que Virgil Abloh a fait avec Nike sur sa collection « The Ten » ?

C’est assez difficile à dire pour nous. On cherche d’abord à collaborer avec des marques et des personnes qui partagent nos valeurs, et ce qui en aboutit est finalement assez secondaire. Donc c’est compliqué de comparer avec les autres marques. Mais oui, j’imagine que si on parvient à s’accorder sur une direction, ça pourrait très bien être envisageable. On n’est pas si attachés à… [il réfléchit.] Disons juste qu’on sait d’où l’on vient. Mais il n’y a pas de raison de rester trop fermement accrochés à ces silhouettes classiques parce que le temps passe et on se doit être ouvert à ce dont le futur est fait. Ce qui nous importe avant tout, c’est d’avoir des valeurs communes. À partir de là, tout est envisageable.

Qu’en est-il des nouveaux designs ?

On a différentes manières de travailler nos nouveaux designs. Clairement, Vans a beaucoup à voir avec la chaussure de skateboard donc c’est de là que viennent beaucoup de nos nouveaux produits. Mais c’est une donnée qui peut être assez contraignante, il faut qu’il y ait beaucoup de coussins dans la structure histoire d’avoir une bonne expérience pendant que tu skates. Sur les lignes de snowboard, on réfléchit à ce qui peut être porté pendant 12 heures ou plus, au sommet d’une montagne, sous des températures frigorifiantes, de manière à ce que tu ne fatigues pas trop pendant ta pratique du snow. Enfin, au niveau des modèles lifestyle, on les conçoit vraiment pour qu’ils aient une certaine allure, on réfléchit beaucoup à ce à quoi ils doivent ressembler.

Certes, Vans a son identité « skate » mais ses modèles les plus connus ne sont pas uniquement des chaussures de skate. Aujourd’hui, qu’est-ce qui te semble le plus important : concevoir des paires qui vont parler aux skates et ainsi rester fidèle à l’identité de Vans ou concevoir des paires que n’importe qui peut porter au quotidien ?

Chacune de nos catégories se focalise sur des profils différents. Dans la catégorie skate, notre souci est de répondre aux besoins du skateboard moderne, donc il s’agit d’atténuer les chocs, d’assurer une certaine durabilité, etc. Pour ce qui est de nos lignes de classiques, on essaie de les rendre un peu plus folles, de changer quelques éléments pour qu’elles restent excitantes. Puis il y a une autre ligne lifestyle dans laquelle on essaie d’oublier un peu toutes les règles pour juste se fier à notre instinct, à ce qui nous semble bon. C’est beaucoup plus expérimental, moins conditionné par l’histoire de la marque, tout en restant pensé pour le consommateur : il faut toujours que ça soit fonctionnel et que les gens se plaisent à les porter.

Pour ce qui est du footwear design, quels challenges une marque comme Vans doit-elle relever ?

Il y a beaucoup de challenges et comme j’ai pu le dire plutôt, chaque catégorie a ses propres challenges selon les profils à qui elle s’adresse. La ligne skate est pour les skateurs, la ligne snowboard est pour les snowboarders, etc. Du côté de la mode et du lifestyle, l’idée est de faire dans l’inattendu. On passe à travers tout le processus de design, c’est assez long, on lance plein d’idées en l’air qui sont parfois surprenantes, parfois décapantes, et si ça nous semble bien, il se pourrait bien que ces idées se concrétisent.

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La hype, très peu pour elle. Funmi Ohiosumah, alias Flohio, est cette artiste effrontée de 25 ans qui représente le sud de Londres et dont l’incroyable énergie laisse une impression instantanée. À Paris pour un concert électrique lors du showroom de Pièces Uniques, la Britannique a laissé filtrer quelques informations sur son parcours à travers ses grillz : échanges avec une rookie qu’il faut garder à l’œil.

Photos : @alextrescool

Avec slowthai, elle constitue ce qu’il y a de plus excitant dans la nouvelle scène rap UK. Flohio a 25 ans, elle a grandi au Nigéria, puis dans le Sud-Est de Londres, à Bermondsey. Graphiste de métier mais rappeuse à plein temps, l’artiste au flow buriné a récemment sorti son premier EP, Wild Yout. Ses couplets sont féroces, les beats sur lesquels elle pose sont froids et mécaniques. Funmi Ohiosumah — de son vrai nom — est membre du collectif TruLuvCru, figure sur un titre des pontes de la techno berlinoise Modeselektor et a déjà été validée par Naomi Campbell. On a réussi à lui faire prendre une courte pause après son showcase turbulent pour qu’elle nous en dise plus sur sa musique.

Tu rappes en solo mais à l’origine, tu fais partie d’un collectif, le TruLuvCru. Quelle est votre histoire ?

On est juste un groupe d’amis qui créent des choses. En ce moment, tout le monde fait son truc. Il y a deux rappeurs, un autre gars et moi-même. Lui est plus dans la vidéo, la photo, et il produit aussi. On fait ce qu’on a toujours fait depuis qu’on est petits, mais maintenant on est tous adultes, et c’est pour ça que ça s’appelle TruLuvCru, parce qu’on aime profondément ce qu’on fait.

Comment a eu lieu ta rencontre avec la musique ?

Tu ne tombes pas vraiment sur la musique, c’est plutôt elle qui te trouve. Pour la faire courte, c’était mon environnement : j’étais influencée par ce que ma sœur écoutait, puis je suis tombée amoureuse de ça. J’ai fini par me dire que je voulais faire la même chose, pas seulement écouter, mais être impliquée là-dedans. À ce moment-là, tu te mets à écrire, et après tu te demandes comment ça sonnerait si tu lisais ton texte à voix haute, puis si tu performais, et ainsi de suite.

J’ai cru comprendre que tu as toujours aimé écrire des histoires mais est-ce que ça aurait pu se faire à travers un autre mode d’expression que le rap ?

Ce n’était pas nécessairement la musique mais je réalise que c’est mon meilleur exutoire. J’écris juste des histoires et ce que j’ai en tête, c’est ça qui me plaît. Je vois où le mic me mène.

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Est-ce que tu te souviens de la première fois que tu as été en studio ?

Oui, c’était dans mon centre pour les jeunes. Ils avaient un studio là-bas, c’est là qu’on enregistrait et je touchais un peu à tout, je découvrais sans arrêt des trucs nouveaux.

Tu as sorti un EP en 2016, Nowhere Near. C’était comment de montrer ton travail pour la première fois ?

C’était flippant, j’ai hésité. Un de mes amis a dû me forcer et choisir une date. Il l’a fait et il m’a dit : « Quand ce jour viendra, tu ne pourras plus fuir, il faudra que ça sorte. » S’il n’avait pas fait ça je ne sais pas si je l’aurais sorti.

Pourquoi pas ? Par timidité ?

Oui, je suis comme ça. Je ne veux pas être embêtée. C’est juste tellement long avec moi ! Mais il faut le faire, arrêter de trop réfléchir à la situation. Et finalement tout s’est très bien passé, cette sortie m’a donné envie de sortir plus. Ça m’a guidée vers mon deuxième EP, mais oui, j’ai dû passer par ça, par cette date fixée sur le calendrier…

Ça t’a aidé d’avoir des featurings dessus ? Tu as notamment travaillé avec un autre rappeur londonien, Cassive.

Oui, carrément, c’est un membre du TruLuvCru. De toute façon, c’est un truc qu’on fait tout le temps, on débarque sur les chansons des uns des autres, on crée ensemble. C’est une vibe qui fonctionne.

Du coup, qu’est-ce que ça signifie pour toi d’avoir un public en France aujourd’hui ?

C’est cool ! L’accueil était super, je ne savais pas quoi à m’attendre, je ne sais jamais en fait, mais l’énergie était bonne. Les réactions sont tellement fortes et chaleureuses, c’est encourageant.

D’ailleurs, tu dis dans une interview que ton père écoutait beaucoup Céline Dion, est-ce que tu as écouté toi-même de la musique française ?

Oui, j’aime bien le nouveau rappeur là, comment il s’appelle ? MCR ?

MHD ?

Oui, MHD fait partie de ceux que j’ai écoutés, c’est cool ! Sinon je ne sais pas, j’aime bien Les Twins. Ce sont surtout des danseurs. Mais j’essaye d’écouter plus de musique, même si je prends le Uber ou quelque chose comme ça, j’essaye de faire attention, je Shazam toujours si ça sonne bien.

Quels sont les artistes que tu écoutes ces temps-ci ?

J’écoute différents styles d’artistes, Trippie Redd, Chip de Londres, 21 Savage… J’écoute de la trap mais pas seulement. J’écoute aussi Laura Mvula. J’aime des vibes différentes, ça varie en fonction de mon humeur, je vais sur mon iTunes et je lance une playlist.

J’ai vu que Missy avait été très importante pour toi aussi…

Oui, quand j’étais plus jeune, même si maintenant elle produit et exécute surtout le travail de l’ombre.

Alors à quel moment la musique électronique est entrée dans ta vie ?

J’ai un peu erré dans ce monde musical vers 2015, des copains m’ont présenté à des amis à eux, on est allés en studio, j’ai entendu un beat… C’était clairement différent de ce sur quoi j’avais l’habitude de rapper, et depuis c’est comme un challenge. J’ai vraiment découvert un tout autre monde. Et ça m’a guidé vers ce qui est aujourd’hui mon son, car comme je l’ai dit, je suis inspirée par ce qui m’entoure et ce qui m’environne maintenant, c’est la musique électronique, les vibes électro mais aussi la trap, le hip-hop old school, le nouveau afro swing… Il y a tellement de sons différents en ce moment, j’ai juste pris un peu de tout ça. Mais originellement, tout a démarré par cette entrée dans la musique électro en 2015, c’est là que mes oreilles ont commencé à graviter autour de ces sonorités-là.

Tu parles de ces sons-là en disant qu’ils sont « extraterrestres » et « angéliques »…

J’ai appelé ça comme ça ? Oui, c’est ça, ces sons-là sont tellement lourds : une ligne de basse, des mélodies… C’est agréable à écouter, mais en même temps ça donne une vraie assurance.

« Je sens que ma musique est transcendante »

Et ça fait son petit effet sur la foule aussi.

Oui, comment dire, c’est transcendant. Je sens que ma musique est transcendante. Quand je crée, il m’arrive d’imaginer ce que ça donnerait sur scène d’emmener les gens à un autre niveau, pour faire de la musique qui nous dépasse.

Tu peux me parler de ton featuring avec Modeselektor ? Comment s’est passée cette rencontre ?

Mmh… Quelqu’un nous a présentés, je crois que c’était mon management. Je suis allée à Berlin pour faire ma vidéo Colors, et j’ai rencontré Modeselektor là-bas. On traînait juste ensemble, puis ils m’ont envoyé un beat, je suis allée en studio, on a pas mal parlé et c’était sympa, ils sont vraiment cool.

Tu connaissais déjà leur musique ?

Non, j’ai dû faire mes recherches ! J’ai kiffé leur vibe.

Qu’est-ce qui te pousse à mélanger les genres musicaux de cette façon ?

La musique est ainsi faite, je crois. C’est plein d’influences en soi, de sons et de genres différents. En fait, j’entends un hi-hat ici, une mélodie là, ou même une tonalité, ou encore quelque chose qui vient du rock’n’roll qui pourrait juste être une batterie ou une guitare et je m’en inspire. Ce sont des petits bouts de trucs que tu remarquerais à peine quand tu écoutes une chanson en entier, mais qui te permettent d’obtenir une nouvelle vibe que tu vas pouvoir transmettre à quelqu’un d’autre. Je pourrais ajouter quelque chose de reggaeton et ça changerait toute la dynamique. Dans ma tête, je lâche des couplets agressifs et quelqu’un d’autre va dire genre « j’aime bien la mélodie » : on va tous percevoir des aspects différents d’une même chanson. Je mélange des sons c’est vrai, mais c’est surtout que les gens se les approprient différemment.

Selon toi, qu’est-ce qui a évolué musicalement entre tes deux EPs ?

Je crois que j’ai appris à me connaître, à connaître ce qui me va et à avoir plus confiance dans ma voix et ma manière de m’exprimer. J’ai compris qui je suis en tant qu’artiste.

Tu considères que tu as trouvé ton son ?

Oui, ça a évolué et ça continue d’évoluer mais le dernier EP marque le changement de la petite fille qui a sorti un EP à quelque chose de plus brut, je sens que c’est le moment.

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Comment est-ce que tu travailles ? Tu penses beaucoup à la scène quand tu es en studio ?

Pas vraiment, la prod doit avant tout m’émouvoir. Si j’écoute un beat, il doit me toucher. Quand je suis au studio en train de produire ou de co-produire avec un collègue ou un ami, on sait que ça marche quand on aura trouvé le bon groove qui va nous faire un truc, peu importe où il sera joué. C’est plutôt : si ça marche ici et maintenant et qu’on le sent bien… Mais parfois, avec un son, ça commence bien mais ça ne finit pas comme tu l’aurais pensé, tu le mets de côté et tu recommences, c’est comme ça qu’on fonctionne.

Tu as collaboré avec plusieurs producteurs, dont God Colony et HLMNSRA. Tu t’associes toujours avec les mêmes artistes ?

Pas nécessairement mais de plus en plus. Je reste à domicile.

Jusqu’à ce jour, quel a été le moment le plus important de ta carrière, qu’est-ce qui t’a le plus émue ?

Ce qui m’émeut le plus c’est le live, puisque c’est là que tu rencontres les gens. C’est spécial.

La vidéo Colors a changé quelque chose pour toi ?

Oui, ça a changé des choses, ça a été un grand moment c’est vrai. Ça a ouvert une toute nouvelle perspective pour moi. Mais rien ne vaut plus que les concerts, ça c’est fou.

En parlant de ça, Skepta a créé un festival au Nigéria qui s’appelle Homecoming, est-ce que ce type de projets te parle ?

Oui j’en ai entendu parler. Ça a l’air cool et intéressant ! C’est un beau projet pour les diasporas.

Dans « Toxic » (Wild Yout), tu dis : « I wanna be iconic. »

Oui, je veux être une icône. Non, en fait, je veux laisser un héritage, je n’ai pas besoin d’être une icône, je veux juste laisser une trace. Mais je veux être un modèle pour les enfants aussi, on devrait tous aspirer à ça.

Koba LaD, Leto, Kopp Johnson, Oboy, Sheck Wes, Josman. Pour les quatre premières dates sur YARD Winter Club à Paris, on a alterné entre le nouveau phénomène et l’artiste confirmé, le one-hit wonder et le pari de demain, le Français et l’Américain. À Lyon, le 2 février, on a ramené 13 Block qui nous ont rappelé à quel point leur son était conçu pour retourner des clubs. Les inviter sur la dernière date parisienne était donc évident. Pour la petite histoire : on avait aussi prévu de faire jouer Hamza pour le season finale. Mais l’émeute provoquée par sa venue la saison dernière, et ce qui s’en est suivi avec la Préfecture, nous en ont empêché à la dernière minute. Ce n’est que partie remise. Autant de raisons qui faisaient que samedi, on venait tous d’là où on fuck les cops : la preuve avec ce live incroyable de « Zidane » comme bouquet final d’une soirée dantesque.

Photo : @alyasmusic

Ni Beyoncé, ni Rihanna, ni Drake, ni Nekfeu, ni personne. Remplir le stade de France en moins de 20 minutes, c’est à dire écouler à peu près 60 000 places en un claquement de doigts, c’est du jamais vu et c’est ce qu’a fait le groupe de K-Pop BTS vendredi dernier. Après avoir rempli Bercy par deux fois en septembre 2018, le boys band que Billboard considère comme « le plus influent au monde » sera au Stade de France les 7 et 8 juin prochain – oui, ils ont rajouté une date entre temps, sinon c’est pas fun. Peu connu du grand public, le groupe de sept Coréens déchaîne pourtant les foules à un niveau rarement atteint. On vous aide à comprendre.

On ne cesse de le répéter : année après année, le rap confirme sa position de style dominant sur les plateformes de streaming. Selon les classements des artistes les plus écoutés en France publiés fin décembre 2018 par Spotify et Deezer, les artistes « urbains » trustent toujours les meilleures places avec Jul, Damso, Maître Gims, Dadju, Ninho, Booba, Vald et Lartiste dans le top 10. Mais même si Jul a annoncé un concert au Stade Vélodrome le 6 juin 2020 et qu’il aurait vendu, selon Laurent Bouneau, 5000 places en une matinée, on reste loin des 60 000 tickets que se sont arrachés les fans du groupe de K-Pop BTS vendredi dernier, jour de mise en vente de leur premier concert au Stade de France. Au point de remettre en question l’adage « le rap, première musique de France » ? Pas forcément, mais une mise en perspective s’impose.

— bouneau (@Laurentbouneau) 27 février 2019

La K-Pop ne laisse rien au hasard

Nous ne sommes pas complètement dans le flou par rapport à cette incontrôlable ferveur : le phénomène des boys band ne nous est pas totalement inconnu. Les années 90 voient fleurir dans le monde occidental des dizaines de groupes comme les Backstreet Boys, NSYNC, Boyz II Men du côté des USA, ou Alliage, 2Be3 et G-Squad en France. Des chorégraphies millimétrées, des looks toujours soignés, des clips qui valent des centaines de milliers de dollars et des hordes de fans, principalement féminines, en transe lors de lives bouillonnants. La tendance s’essouffle au cours des années 2000, laissant place aux carrières solo des plus talentueux, Justin Timberlake en tête.

Puis vient la K-Pop. Début 2010, le phénomène venant d’Asie du Sud s’implante doucement mais sûrement, en France. Les groupes plus connus à cette époque sont BIG BANG et Super Junior, déjà populaire en Corée du Sud depuis plus de cinq ans – on parle toujours de groupe, quasiment jamais d’acte solo. Le schéma est quasi le même que celui énoncé précédemment : un ensemble de morceaux catchy, des chorégraphies ultra travaillées et, bien sûr, des personnalités bien propres à chacun, pour que les fans puissent s’identifier à leur boy « préféré ». La seule différence avec les boys band de jadis est que les stars de la K-Pop ne brillent absolument pas grâce à leur bonne étoile : elles ont été entraînées, voire taillées sur mesure par les maisons de disques depuis leurs plus jeunes âges pour que leur rencontre avec le succès soit tout sauf un hasard et, surtout, que l’argent pleuve.

Abréviation de « Korean Pop », le terme regroupe différents genres musicaux : dance-pop, électro, hip-hop et parfois rock. Mouvement inventé après la guerre de Corée dans les années 60 pour aider à la crise financière que traversait le pays, la K-Pop est propulsée sur le devant de la scène dans les années 90 par le groupe de rap Seo Taiji & Boys, premiers véritable Idols – c’est ainsi que sont désignées les stars du genre. À la suite de ce succès national arrive l’industrialisation de la K-Pop : la fondation des maisons de disques qui, plus tard, fabriqueront sur mesure les futurs Idols sud-coréennes. YG Entertainment, JYP Entertainment et SM Entertainment — surnommés The Big Three — se partagent aujourd’hui à elles seules la quasi totalité des revenus de l’industrie du divertissement coréen.

En décembre 2017, le suicide de l’une des plus grandes personnalités K-Pop Jong-Hyun, appartenant au groupe SHINee, révèle au monde entier les tréfonds, souvent malsains, de cette industrie à l’allure dorée et plutôt sage. Les contrats que signent les futures stars sont couramment appelés « slaves contracts » (contrats d’esclaves), en référence aux clauses très sévères signées par les artistes. Castés très jeunes, ils sont entraînés au chant et à la danse quotidiennement, sont logés dans des dortoirs. Leurs vies personnelles sont totalement contrôlées – aucune relation amoureuse n’est autorisée – avec des régimes alimentaires drastiques et tout ce qui va avec. La formation n’étant pas gratuite, tous contractent une dette envers la maison de disque qu’ils sont censés rembourser quand ils commencent leurs carrières. Il leur faudra dépenser le triple de la somme investie sur eux pour rompre leur engagement.

Vous l’aurez compris : le monde de la K-Pop est très dur, et sans pitié. Il faut se faire remarquer, être innovant et original dans un univers souvent aseptisé. « Un groupe ne dure généralement pas plus de trois à cinq ans », expliquait en 2011 l’ex PDG de SM Entertainment. « Leur survie dépend des membres, s’ils savent répondre aux évolutions rapides de l’époque. » Donc remplir un stade de foot pour un concert à 10 000 kilomètres de ses frontières n’est, pour ses grosses machines, tout sauf un exploit : ce n’est que la suite d’un plan finement établi.

BangTan Sonyeondan, les « boyscouts à l’épreuve des balles »

BTS, le groupe qui a donc sold-out le Stade de France vendredi et qui s’apprête à le faire une deuxième fois – la mise en vente de la seconde date est prévue ce vendredi 8 mars –, voit le jour en juin 2013. Comme pour chaque nouveau groupe créé de toute pièce par les maisons de disques, ils sont annoncés sur YouTube comme un produit tout neuf sur le marché, à consommer dans l’absolu. Ils ont une image modulable, allant du style bad boy à une image plus jeune. Une différence est à noter : ils ne sont pas lancés par l’une des trois plus grosses maisons de disque du pays, mais par Big Hit Entertainment, une agence plutôt modeste qui ne comptait encore aucun artiste célèbre.

Leur premier album 2 Cool 4 Skool est un réel succès et se fait connaître rapidement dans toute l’Asie. Mais c’est par le biais des réseaux sociaux qu’ils vont très vite conquérir le cœur de leur public à l’International, à l’inverse de leurs confrères. En créant un compte Twitter pour garder un contact constant avec leur fan base nommé A.R.M.Y (Adorable Representative M.C for Youth), ils enregistrent, en 2018, plus de 5,3 millions de mentions, devenant le compte le plus tweeté de l’année.

La communication étant l’un des axes principaux de la réussite d’un groupe de K-Pop, chaque nouveau clip est annoncé comme un nouveau film à ne surtout pas louper. Énergisants, faits d’images de synthèse, de fonds multicolores et d’une surenchère d’effets qui ferait blêmir tout bon épileptique, les visuels viennent illustrer des morceaux qui séduisent la jeunesse occidentale avec des thématiques fortes telles que le féminisme, l’estime de soi, la pression que peuvent subir les moins de 18 ans ou encore la dépression chanté par un seul des membres. « You can’t stop me lovin’ myself », est martelé sur chaque refrain. En août 2018, le clip « Idol » devient la vidéo la plus vue en l’espace de 24 heures. Ils feront, par la suite, poser la voix de Nicki Minaj sur le remix.

S’ils percent mieux et plus vite que les autres, c’est parce qu’ils sont arrivés au bon moment : 2013, l’excentrique Psy et son Gangnam Style est aux commandes de la montée de la K-Pop en Europe avec sa chanson parodique. Les BTS véhiculent une image plus sérieuse, presque mature. Ils se distinguent, inspirent, sont très impliqués socialement et parlent de harcèlement scolaire au siège de l’ONU en partenariat avec l’UNICEF. Ils apportent un message positif aux jeunes d’aujourd’hui, qui sont les plus touchés par la dépression. Ils deviennent rapidement une figure emblématique de la « Hallyu » (la vague de la culture coréenne à l’étranger), invité d’honneur lors des Grammy Awards 2019 et reçoivent même les louanges du président sud-coréen.

Ok, mais un Stade de France quand même ?!

La vraie force du groupe réside dans sa fanbase multiculturelle, chantant à l’unisson les paroles en coréen lors des représentations. Chaque concert est un incroyable spectacle : chorégraphies, jeux de lumière, décors, tout est surdimensionnée et calculé pour en mettre plein la vue. Une overdose de forme qui rend contagieuse une musique qui n’est potentiellement comprise que par… 1% de la population mondiale. Oui, le coréen est aujourd’hui parlé par 80 millions de personnes autour du globe et s’installe au 13ème rang des langues les plus parlées au monde derrière l’allemand, selon Ethnologue. Et comme les groupes de K-Pop sont tous comme PNL avec « le monde ou rien » comme motto, il faut compenser pour toucher plus de gens : plus de couleurs, plus d’images, plus de spectacles, une phrase en anglais toutes les quatre mesures pour permettre aux non-Coréens d’avoir quelques repères lyricaux. Et le tour est plus ou moins joué.

Surtout, en créant un lien extrêmement fort avec sa fan base via les réseaux sociaux, en s’attirant la fascination de milliers d’adolescentes qui, comme pour les boys band jadis, adoptent un rapport quasi obsessionnel avec leur groupe préféré, il crée un incroyable réseau de consommateurs-trices ultra engagé(e)s. Des supporters plus que des fans qui soutiennent hardiment chaque initiative de leur groupe et entretiennent une passion sans égale à leur égard. Un peu comme des socios finalement, des ultras, qui cumulent les milliers de kilomètres dans l’année pour suivre leur équipe de foot de coeur partout où elle joue, et remplissent eux aussi des stades.

On se souviendra d’un article de Genono publié sur Noisey il y a près de quatre ans : « Comment mesurer le succès d’un rappeur français en 2015 ? » Il y comparait l’écart entre les vues YouTube d’un artiste et ses ventes effectives de disques, pour mesurer le taux d’engagement des fans des artistes de rap français. « Zifou et ses 8 millions de vues – à l’époque de la sortie de l’album – pour « Chicha toute la night » écoule au final … 3000 galettes de son premier disque solo, Zifou 2 dingue. En gros : une vente toutes les 2600 vues, un ratio sympathique qui correspondrait à un disque d’or pour 130 millions de vues. En comparaison, Nekfeu qui fait ostensiblement le même nombre de vues, a déjà vendu plus de 80 000 exemplaires de son album. Je fais le calcul pour vous : une vente toutes les 100 vues, prends-ça Internet. » Aujourd’hui, « Idol » de BTS enregistre près de 400 millions de vues. Un beau score, mais un score qui ne ferait pas rougir Maître Gims (près de 400 millions de vues sur « Sapés comme jamais » et « Bella »), L’Algérino (470 millions sur « Les Menottes (Tching Tchang Tchong) »), Niska (260 millions sur « Réseaux ») ou Aya Nakamura (330 millions sur « Djadja »). Autant de tubes que le public a consommé plus que de raison, mais sans jamais développer un semblant de fascination pour leurs auteurs.

À l’inverse, à travers l’ensemble de sa stratégie et du développement de son image, BTS, premier groupe K-Pop plus connu à l’étranger que dans son pays d’origine, a réussi à susciter un niveau d’engagement inégalé auprès de ses fans. Pour reprendre la comparaison de Genono, on peut facilement imaginer qu’un millier de vues de BTS équivaut à 15 ventes d’albums, trois places de concert et des dizaines de produits dérivés achetés. À quand Jul en live à Séoul ?

Un album est l’oeuvre d’un artiste, mais pas que. Autour d’une table ronde exclusive, nous avons réunis Hamza, Nico Bellagio (D.A., producteur exécutif) et Oz (réalisateur artistique), qui ont tous oeuvré pour que le LP Paradise, sorti aujourd’hui, soit à la hauteur des attentes. Ajoutez à ça l’humoriste Malik Bentalha et les équipes de YARD, et vous obtenu un panel apte à décortiquer l’album et dévoiler les coulisses de sa conception.

Le 28 octobre 2017, le YARD Winter Club réouvre ses portes en célébrant la sortie de la mixtape 1994 du rappeur belge Hamza, alors considéré comme un artiste « émergent ». La soirée se solde finalement par plus de 2000 entrées et rameute tellement de monde devant la Machine du Moulin Rouge que les forces de l’ordre sont obligées d’intervenir. Une première pour le Winter Club, et une confirmation désormais évidente : Hamza est un véritable phénomène. Depuis cette fameuse date, le Bruxellois a accroché un premier disque d’or à sa discographie, remplit coup sur coup la Cigale et L’Olympia et s’est vu auréolé d’un nouveau statut dans l’industrie.

L’attente était donc plus que palpable à l’approche de son premier album, Paradise, apparu dans les bacs et sur les plateformes de streaming en ce vendredi 1er mars. Et au vu des premiers retours, Hamza n’a pas déçu. Les 17 titres qui le composent sont un condensé de vibes et de mélodies envoûtantes qui explorent toujours plus loin les multiples directions que l’artiste belge a exploré depuis 2015 et la révélation H24. Et ils sont tous été conçus avec l’aide d’une équipe plus que rapprochée, qui n’a cessé d’accompagner le H et de l’aider à concrétiser ses visions créatives, parmi laquelle figurent notamment Oz, ancien de la team Street Fabolous, et Nico Bellagio, directeur artistique touche-à-tout, apparu au tracklisting du dernier album de Damso. Tous se sont réunis avec nous autour d’une nouvelle émission YARD x Rinse France pour nous raconter la genèse de cet album, entre anecdotes et notes humour semées ici et là par Malik Bentalha, ami et fan du rappeur.

En l’espace de cinq ans, Jul s’est installé comme l’un des rares rappeurs-poids lourds de l’industrie musicale en France. Et si beaucoup estiment que le rappeur marseillais fait toujours la même chose, sa discographie prouve au contraire que sa recette est celle qui, finalement, fédère le plus les nombreux publics du rap français. 

Illustrations : @bilelal

350 morceaux distendus sur seize projets, c’est beaucoup. Alors quand il faut écrire un article autour de ce que représente Jul dans l’industrie et la musique, il faut tous les écouter. Et plusieurs fois. Il y a un moment où le cerveau se met en mode veille ; il entend mais n’écoute plus. Et c’est précisément dans ces moments-là que surgit la révélation. Petite anecdote : un soir, je suis en voiture avec deux amis et le morceau « Au pire » résonne à fond sur les baffles de la Clio 2. Jusque-là, rien de bien intéressant. On est donc trois et, comme sur toutes les routes, il y a des dos d’âne. C’est au moment où les roues de la voiture franchissent l’un d’eux que Jul lance : « Ils ont pris l’dos d’âne à trois ». S’ensuivent des cris de joies et des beuglements de surprise.

Alors, on passe la soirée entière à écouter la discographie de Jul en boucle, et en aléatoire. On s’amuse de ces moments où, pendant qu’untel raconte une anecdote, Jul lâche une rime qui semble lui répondre du tac-au-tac. Comme s’il était dans la même pièce, avec nous. Plus que tout autre rappeur qui raconterait son quotidien, Jul narre sa vie comme il la vit, dans ses moindres détails et particularités, sans jamais broder ou surcharger ses textes de figures de styles. Son storytelling emprunte au naturalisme, au lyrisme, à la country — on y reviendra —, aux registres qui privilégient le sentiment personnel, les passions exaltées, la musique rythmique, entraînante et émouvante qui raconte la vie des petites gens sans maquillage. Jul, c’est de la musique « telle quelle ». Et c’est très bien comme ça.

« J’écoute pas trop ce qui se fait, mode de vie béton en repeat »

Sur cet aspect, il se rapproche d’un gigantesque pilier du genre urbain avec lequel il a collaboré plusieurs fois : Le Rat Luciano. Maître incontesté du storytelling de proximité et de la narration du sentiment humain face à la vie de rue, le Rat a tellement marqué son temps qu’il s’est hissé au rang d’influence estimée aujourd’hui, malgré son statut de Roi sans couronne (« Fuck le succès d’estime Niro n’a pas c’qu’il mérite comme Salif, Le Rat, Despo, Socrate, Zesau, Lino, Koro et Kery »). Tout naturellement, Jul n’y a pas échappé, et vu que les preuves sont parfois plus importantes que les mots, on vous met au défi de trouver à qui appartiennent ces textes :

Le succès de Jul a ses raisons que la raison ignore

Quand l’artiste connait son premier succès national en 2013, la Cité phocéenne rugit et les scooters grondent. Le morceau, « Sors le cross volé » est fait pour être efficace, toucher sa cible et servir de projecteur. Qu’importe s’il est apprécié ou déprécié ; puisque quatre ans plus tard, c’est autant de disques de diamant, d’or et de platine qui récompensent une dizaine d’albums studio et six mixtapes. Personne n’aurait pu le prévoir, car personne encore n’avait fait ce que Jul s’apprêtait à faire : trouver une formule, si personnelle qu’appliquée sur un autre, rien ne fonctionnerait. Si l’on est fan du rap street on aimera « Dans l’appart » ; si l’on est fan du rap zumba on aimera « Tchikita » ; si l’on est fan du rap pop on aimera « Ma jolie » ; si l’on est fan du rap mélancolique on aimera « J’oublie tout » ; et si l’on est fan de variété on aimera « En quarantaine ».

Dans un Marseille discret depuis l’avènement de Soprano ou d’Alonzo, et où Keny Arkana a esquivé le grand public, le succès retentissant de Jul casse toutes les portes et permet les entrées en club de Naps, Elams, Soso Maness, Ghetto Phénomène, Sch, et plein d’autres. En plus de toute une nouvelle scène, c’est le Grand Paris qui se met à faire « comme à Marseille ». Une énième manière de faire du rap, sous tempo accéléré plein de poum-poum-poum, d’auto-tune, de guitares acoustiques et de synthés aigus ; influencée par des sonorités funk, afro, raï, pop, reggaeton et variétoche.

Les dizaines de millions de vues s’enchainent tandis qu’une incompréhension totale se lit sur le visage de l’ensemble des acteurs de l’industrie. On aime ou on déteste, il n’y a pas de juste milieu. Pour certains ce n’est plus du rap, c’est mal écrit, mal produit, mal mixé ; le mal est partout et c’est parce que c’est mal que ça marche aussi bien. Pour d’autres, les zumbistes principalement, c’est la nouvelle vibe des chichas et des quarts d’heure rap français en boîte. Pour le reste, c’est juste une mode, rien de bien méchant.

« Poussette sur poussette, aïe j’en ai mal à la tête / J’ai perdu un pote, au tél on s’était dit ‘à toute' »

Au même moment, non loin de la capitale, dans un 91 poussiéreux, le duo PNL enflamme de la même manière les débats avec son école : le cloud-rap de dealer. Les productions y sont bien plus étoffées mais les paroles laissent de marbre le « vieux con » biberonné aux textes d’Oxmo Puccino ou à ceux d’Akhenaton. Ce qui le fera taire, bien sûr, c’est le jour où le premier dira de PNL qu’« on n’avait pas aussi bien chanté la rue depuis longtemps ». Alors les puristes y voient l’avènement d’un genre qui ne se respecte plus, qui ne connaît plus ses codes ni son essence, encore moins son prétendu but subversif : celui de dénoncer, constater, analyser son temps et raconter le malheur des plus démunis, de tout le mal qu’a produit Babylone depuis la naissance du genre au début des années 70. « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ? »

Pour nous, les séismes commerciaux que provoquent Jul et PNL dans les deux plus grandes scènes du rap français ne sont juste qu’une confirmation d’un constat clair : ils sont la synthèse d’une trentaine d’années d’évolution d’un genre qui se mélange avec tous les autres, sans contrefaçons. Peu importe le style visé, Jul y calque ce qu’il est et le morceau fonctionne. En bref, l’artiste marseillais cristallise à sa manière l’harmonie parfaite entre le storytelling de proximité (propre au rap) et la touche commerciale propre à la pop-variété, à coup de lalala et de yeayeayea : « Oh, lala, j’roule, j’rase le co-llant-llant / Shit et beuh d’Ho-llan-llande, on s’retrouvera comme Lalanne / Lelele, on est devant l’bloc quatre, ouais, ouais, ouais, lelele / On appréhende à voir la flicaille débouler-ler / Eh vas-y fais-moi tirer deux barres, lelele / On m’a niqué mon briquet encore, lelele. »

Ne le classez pas dans la variet’

Cette relation entre le rap et la variété est loin d’être nouvelle, surtout quand, aujourd’hui, le genre nouveau tend à remplacer un autre plus vieillissant. Booba reprend Renaud par trois fois, et on retrouve le « Rive Gauche » d’Alain Souchon sur « Mon Pays ». Patrick Bruel feat avec La Fouine, Passi avec Calogero, Oxmo Puccino avec Olivia Ruiz et Maitre Gims est invité à collaborer sur la composition de l’album de Florent Pagny avant de feater avec Vianney sur « La même », le titre le plus diffusé sur les ondes en 2018. Bref, le rap et la variété sont comme cul et chemise. La première différence avec Jul, c’est que le clin d’oeil se transforme presque toujours en véritable reprise.

Sur son premier album en 2014, c’est le morceau « Mon son vient d’ailleurs » qui reprend « Freed From Desire » de Gala, sur la réedition de My World c’est au tour de « Barbie Girl » d’Aqua de connaître son remix. Sur L’Ovni, le morceau « Je suis pas fou » est inspiré de « Sabali » d’Amadou et Mariam ainsi que de « Hey there Delilah » des Plain White T’s. Avec Alonzo, ils s’amusent à reprendre « Les démons de minuit » d’Émile et Images sur « Normal« , et finalement, c’est dans La tête dans les nuages qu’on reconnait la formule de « La Lettre » de Renan Luce sur le morceau « Comme les gens d’ici ».

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Si l’emprunt du rap à la variété n’a rien de nouveau, et que le duo Soprano-Maitre Gims avait déjà brisé la barrière entre les deux genres, Jul, malgré son style musical proche de ce que font les deux bonhommes, est pourtant toujours considéré comme un rappeur au sens principal où on l’entend. Reste à comprendre pourquoi. Le fait est qu’on a tous en nous quelque chose de sentimental. Une corde raide qui vibre sous le coup de l’émotion – that’s what she said – et comme une partie des auditeurs de rap, on ne grandit pas uniquement avec les rappeurs, puisque les morceaux avec lesquels nos parents ont grandi, eux aussi, peuvent contribuer à notre éducation musicale.

Quand on prend de l’âge, accompagné d’une passion pour le rap, on passe naturellement et souvent par différentes postures d’écoute. Un jour, on ne jure que par le style des années 90, un autre, on aime se divertir avec un genre très actuel, et puis, organiquement, on s’assagit et le téléphone se remplit d’un mélange de tous les styles. Si Jul maintient son statut de « rappeur » tout en arrivant à plaire à une grande partie du public francophone, du puriste – on se rappelle de DJ Duke, turntablist du groupe Assassin, qui vantait ses mérites il y a quelques années – à l’individu le plus ouvert, c’est que sa musique rappelle la soupe commerciale qu’on écoutait tous mômes, encore trop jeunes pour s’attarder sur le texte. Mais son écriture de proximité nous renvoie indéniablement à ce que nous aimions jadis dans le rap. Elle ravive le souvenir d’un temps où l’on dansait sur « Femme like you » de K-Maro à la boom de Loïc et Nathan avant de réciter « Petit frère » d’IAM sur le chemin du retour.

« J’dis c’que j’vis, j’fais des tubes »

En bref, là où Soprano et Maître Gims peuvent être tâclés sur leur résolution à, si ce n’est reléguer le texte au second plan, au moins se calquer sur les schémas textuels et thématiques de la pop-variété à laquelle ils souhaitent se rattacher, il serait inconcevable de ranger Jul dans une case similaire. Chez lui, il n’est pas question de se « travestir » car le naturel prime sur tout le reste. D’ailleurs, on le remarque dans tous les singles les plus importants de sa carrière ; alors même que le morceau « On m’appelle l’Ovni » embrasse les sonorités de la pop-club, ça ne l’empêche pas de rapper : « Alcoolisé au guidon, je fais des doigts d’honneur aux schmits / Faut voir ce que nous vivons entre les histoires et les flûtes. » 

Finalement, c’est en 2017 et en 2018 que Jul signe son dernier virage vers la variété pure sur plusieurs morceaux. Avec le trio d’albums La tête dans les nuages, Inspi d’ailleurs et La Zone en Personne, l’artiste marseillais centralise toute son évolution vers le genre depuis Dans ma paranoïa, sorti en 2014. Il délaisse les drum patterns et embrasse la guitare et/ou le piano comme seuls instruments. Les morceaux en question n’ont plus de rap que les thématiques textuelles, en témoignent les tracks « Comme les gens d’ici », « Je ne veux pas partir », « Mauvaise journée », « Petit frère », « Je vais danser », « Dors petit dors », « Je t’aimais bien » et finalement « En quarantaine ».

Ce virage n’a donc rien de brutal, et ne fait que suivre la trajectoire qu’a pris l’artiste depuis le début de sa jeune mais intense carrière. Fondé sur un principe en dehors de tous carcans promotionnels ou à volonté strictement commerciale, son naturel est, justement, naturel. Au final, si Jul est un OVNI tant pour les auditeurs que pour les acteurs de l’industrie, c’est qu’il continue de rapper avec simplicité, candeur, bonhomie et humilité. À rapper comme à l’époque où les strass et les paillettes étaient encore réservées à Jean-Jacques Goldman, Calogero ou Charles Aznavour ; avec la même hargne qu’au début, au temps où on voulait « juste nager dans l’eau » car on s’en foutait « de nager dans l’or ».

Petit à petit, de haut en bas, Pièce par Pièce. C’est de cette façon qu’un(e) styliste construit un outfit, dans une démarche artistique qui lui est propre. Au cœur d’une capitale qui regorge de ces architectes de mode, nous sommes allés à la rencontre de ceux pour qui l’habit fait le moine. Aujourd’hui, focus sur Mickael Kidumu.

Photos : @alextrescool

Après avoir découvert Risco Runner, nous rencontrons aujourd’hui Mickael Kidumu, un jeune styliste qui travaille dans l’ombre et préfère mettre en avant ses looks et ses muses (ici @atassel), plutôt que sa personne.

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Blazer : Vivetta, robe : Anaïs Jourden, chaussures : Martin Margiela, accessoires : Djula

Qui es-tu ?

Je suis Mickael Kidumu, styliste photo et rédacteur de mode. J’ai commencé les shootings éditoriaux entre 2013 et 2014 et travaille particulièrement pour des magazines de mode en France et à l’International, ainsi que pour des campagnes publicitaires, des lookbooks ou encore pour des célébrités.

Qu’est-ce qui a éveillé ton intérêt pour la mode ? 

Beaucoup de choses ont éveillé mon intérêt pour la mode, mais on peut dire que tout cela m’est venu naturellement. Au commencement, il y a ma famille : dans sa jeunesse, mon père était couturier et aimait énormément les vêtements. J’ai connu les grands couturiers comme Yohji Yamamoto ou encore Jean Paul Gaultier grâce à mes parents, étant gosse. Après ça, mon grand frère a pris le relais : il a commencé la peinture, dessinait des croquis de mode et s’intéressait à cet univers et j’ai fini par tomber dedans à mon tour. J’ai commencé à m’intéresser à la mode à partir du collège durant ma troisième ou quatrième année, après notre sortie scolaire dans les bureaux de LVMH ainsi que dans la grande boutique Louis Vuitton aux Champs Elysées. C’est là qu’on a pu découvrir en exclusivité la dernière collection Louis Vuitton, à l’époque.

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Blazer : Vivetta, robe : Anaïs Jourden, chaussures : Martin Margiela, accessoires : Djula

D’autres choses avaient également attiré mon attention comme l’esthétique, le set design, les photos des campagnes, les archives ainsi que les équipes derrière chaque projet. En entrant au lycée, je savais déjà ce que je voulais faire, mais je ne savais pas par où commencer. En parallèle de mes études, je commençais à faire des stages, c’était un bon moyen de se faire des contacts et de rencontrer de nouvelles personnes. Après avoir obtenu mon Bac et par la suite mon diplôme de mode, je me suis totalement donné au stylisme. Le reste de l’histoire est en train de s’écrire…

Est-ce que tu peux nous décrire ton style ? 

Si je dois décrire mon style en quatre mots – pourquoi quatre ? Je ne sais pas, sûrement parce que c’est mon chiffre préféré. Ce serait : nonchalant, versatile, sans effort, évolution. Mon style est le produit de mon environnement, mais d’une manière améliorée. Quand je jette mon dévolu sur quelque chose, je le porte dans le but de lui donner du sens même si les autres ne le trouvent pas spécialement intéressant ou pas assez dans l’actualité. Mes proches ont tendance à me dire : « Même en jogging et sweat à capuche tu rentres n’importe où comme si c’était une tenue passe-partout. » Ça me fait penser à la série Mr. Robot et le personnage Elliot Alderson : il va au travail en t-shirt, sweat à capuche, jeans et sneakers dans une entreprise où tout le monde est en suit & tie. C’est assez insolite, car sa personnalité matche parfaitement avec sa tenue, j’aimerais bien tenter l’expérience pour confirmer les dires de mes homies. [rires]

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Blazer : Vivetta, robe : Anaïs Jourden, chaussures : Martin Margiela, accessoires : Djula

Quelles sont tes inspirations ?

Je dirais l’environnement, l’humain, l’attitude, le comportement, le mode de vie, les villes que je visite, mais aussi et surtout, la jeunesse et sa diversité. Cela peut se voir ou se faire ressentir à chaque shooting ou autres projets sur lesquels je travaille… Il y a toujours ma petite touche. Puis j’aimerais également ajouter la musique et la nuit. La nuit parce que ce n’est pas juste un temps, c’est aussi un endroit, un lieu dans lequel tu peux vraiment te retrouver avec toi-même, car tout paraît différent… Les choses peuvent aller doucement et puis s’accélérer d’un coup. C’est dans ce genre de moment que mon processus de pensée prend de la couleur et me pousse à aller plus loin, du coup, je ne dors pas assez, car ce même processus me garde constamment éveillé et occupé.

De quel taf es-tu le plus fier pour le moment ? 

Je vais sûrement te donner une réponse connue de tous, et surtout de la part des artistes chanteurs, c’est toujours amusant quand ils te sortent ça… De quel taf suis-je le plus fier ? Obligatoirement du dernier en date ou encore mieux, mon meilleur projet sera le prochain qui sortira et pour ça, faut rester in touch. « Qui m’aime me like et me follow« , comme dirait notre Dems national.

Quel serait ton dream job et avec qui aimerais-tu travailler ? 

Bonne question, déjà je ne vais pas te parler des noms qui ressortent souvent, car bien évidemment on veut tous bosser avec ces personnes-là. Je dirais sans hésiter 21 Savage, Wizkid, PNL, BØRNS, Morgane Saint, Teyana Taylor, Tom Odell ou encore Jared Leto. Et j’aurais aimé travailler avec Aaliyah, Michael Jackson, Tupac, Rick James, Prince, Mac Miller, David Bowie et Jahseh Onfroy. Bosser dans le secteur de la mode et réussir à vivre de cette passion, c’est déjà un peu vivre son dream job et qui ne rêverait pas d’être son propre patron ? Ce n’est pas génial de ne pas avoir de patron ? Pouvoir gérer mes horaires et travailler quand je veux, même si en vérité je travaille tout le temps [rires].

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Blazer : Vivetta, robe : Anaïs Jourden, chaussures : Martin Margiela, accessoires : Djula

Il n’y a pas vraiment de place pour une journée de congé, mais bon… Comment peux-tu te plaindre quand tu fais ce que tu veux et dans l’industrie que tu aimes ? Mais si je devais me fixer un but, ce serait évidemment de faire ce que je fais dans une grande ville, où les gens sont à la pointe de la mode, ou du moins, s’y intéressent tout particulièrement. Par exemple, New York, LA, Milan, Berlin ou Tokyo. Ces villes sont très axées sur la mode et offrent beaucoup d’opportunités, ce sont de bons endroits pour exercer ce métier.

Qu’est ce que tu aimes le plus dans ton métier de styliste ? 

C’est un métier qui est tout sauf ennuyeux. Je suis rarement au même endroit, dans la plupart des cas je suis soit chez moi, soit en showroom ou en rendez-vous. Le processus et le rythme de travail avant et après un shooting sont aussi fatigants qu’excitants… La préparation est plus compliquée que le travail en lui-même sur le set. En plus de réaliser plusieurs tâches dans la journée, mon appartement devient rapidement un dépôt pour vêtements de toute beauté, mais le moment que j’apprécie le plus c’est quand je commence à créer les looks, je m’inspire de tout et tout peut m’inspirer sur le moment.

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Blazer : Vivetta, robe : Anaïs Jourden, chaussures : Martin Margiela, accessoires : Djula

Le but est vraiment de briser les limites stylistiquement parlant surtout avec, en arrière-plan, de la grosse trap musique ou même de la musique un peu plus nostalgique du style Gwen Stefani, Empire of The Sun ou Depeche Mode quand je pète vraiment la forme et que je rentre dans ma folie [rires]. 

La pièce de ta garde-robe dont tu ne te sépareras jamais ? 

Toutes mes pièces marquées S.P. BADU, c’est pour me rappeler que le travail paye toujours.

Qu’est-ce qui t’énerve le plus dans la mode ? 

La mode est un milieu génial, mais énervant et détestable à la fois, je trouve qu’il y a pas mal d’ignorance… Quand je vois les dérapages des grandes enseignes sur des sujets sensibles, je me demande vraiment si avant d’officialiser et commercialiser un produit, les membres du studio ne réfléchissent pas à une ou deux fois avant de confirmer ce même produit. Par la suite, quand l’erreur est déjà faite, ils font un communiqué pour s’excuser… Mais pourquoi ne pas simplement éviter cette maladresse dès le départ ?

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Blazer : Vivetta, robe : Anaïs Jourden, chaussures : Martin Margiela, accessoires : Djula

Dans le secteur de la mode et dans l’art il y a aussi cette envie de catégoriser les personnes par rapport à leur âge, leur couleur ou autre… C’est très fatigant quand vous arrivez avec un projet ambitieux ou des idées géniales, mais qu’elles sont mises au second plan. Beaucoup ne mentionnent tout simplement pas leur âge, car si tu le mentionnes, c’est comme si tu te mettais une épingle dans ton savoir-faire, ton intelligence et ta maturité. Pour moi, le savoir-faire, l’intelligence et tout ce qui va avec s’acquiert avec l’expérience et le chemin parcouru, c’est tout ce qui doit compter !

Quelle est ta vision du style de 2019 ?

Toujours plus de couleurs. D’ailleurs, je pense que les couleurs tendance vont être l’orange, le beige, le vert et le violet. Le look monochrome a encore quelques beaux jours devant lui ainsi que le total look imprimé qui s’invite sur toutes nos pièces préférées. Il y a aussi le retour du tailoring façon années 90, slim et ajusté, ou le layering avec un costume. Au niveau des accessoires, les mini sacs et le transparent vont vivre leurs meilleurs jours, mais j’espère qu’on verra beaucoup plus de looks western avec du cuir, des santiags et des accessoires osés.

Quel styliste aimerais-tu challenger ? 

Sans aucun doute mon co-worker Brian Placide. J’adore travailler avec Brian, on s’entend super bien, mais en même temps, on est tous les deux différents… Nous avons une approche qui se distingue légèrement dans le stylisme, nous parvenons à créer des looks complètement différents laissant apparaître chacune de nos personnalités et c’est tant mieux, car il faut de tout pour remplir son compte en banque.

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Il avait tout pour devenir le rookie de ce début d’année 2019, la justice va peut-être le rattraper. Soupçonné du meurtre de deux proches, le jeune Floridien YNW Melly est un nouveau cas récent à inscrire dans la longue liste des rappeurs au passé trouble, tout en étant adoubés par les auditeurs sur les plateformes de streaming. Retour sur un paradoxe qui pose de plus en plus question.

Étrange jour que celui du 16 février 2019 pour la musique américaine. Alors qu’Ariana Grande surclasse la concurrence dans les charts avec son dernier album, que Cardi B et Bruno Mars dévoilent un nouveau potentiel tube avec « Please Me », c’est un titre daté d’il y a deux années, signé d’un jeune rappeur originaire de Floride, qui va finalement prendre la première place du classement Apple Music ce jour-là.

.@YNWMelly's "Murder On My Mind" has reached #1 on US Apple Music.

— chart data (@chartdata) February 16, 2019

Depuis plusieurs jours, l’Amérique du rap – voire l’Amérique tout court – n’a que ce titre en tête : « Murder On My Mind » de YNW Melly. Le track du jeune rappeur originaire de Floride explose subitement dans les charts, et ce alors qu’il date déjà de 2017. Et si le morceau a indéniablement la carrure d’un tube, la chronologie de son explosion pose question. Rappel pour ceux qui n’ont pas suivi l’actualité récente des faits divers : alors que son premier véritable album solo We All Shine vient de sortir le 18 janvier dernier (avec Kanye West au tracklisting) YNW Melly, jeune rappeur originaire de Floride considéré comme un des grands rookie de 2019, est arrêté par les autorités pour une sordide affaire de double meurtre. Selon la police, Melly et un complice auraient assassiné le matin du 26 octobre 2018 deux de leurs proches, YNW Sakchaser et YNW Juvy, eux aussi aspirants rappeurs, avant de maquiller la scène du crime, à proximité de la ville de Fort Lauderdale en Floride. Une version des faits que réfutera Melly sur son Instagram dans la foulée.

Celui qui était jusque là une star à l’échelle de la Floride va pourtant se retrouver tête d’affiche du rap américain en l’espace de quelques heures. La musique de Jamell Maurice Demons, entre rap dur hérité de sa jeunesse passée entre la prison et la rue, et sonorités chantées à la limite de la pop, va en effet squatter tous les classements possibles du pays, par le biais d’un morceau, « Murder On My Mind », au second couplet particulièrement équivoque :

Yellow tape around his body, it’s a fucking homicide
His face is on a T-shirt and his family traumatized
I didn’t even mean to shoot him, he just caught me by surprise
I reloaded my pistol, cocked it back, and shot him twice

Déjà plébiscité par les auditeurs de Soundcloud (le morceau venait d’être certifié single d’or quelques semaines auparavant), « Murder On My Mind » sonne alors pour beaucoup de nouveaux auditeurs comme la confession d’un homicide, ou autrement dit comme une œuvre musicale dans laquelle fiction et réalité semblent définitivement se mélanger. Problème : le morceau a été écrit par YNW Melly des années avant le décès des deux victimes. Ce qui ne l’empêchera pas de s’inscrire dans le top 10 des morceaux les plus streamés sur Spotify aux États Unis et dans le top 50 mondial de la même plateforme. De quoi se poser (à nouveau) des questions sur le rapport qu’entretiennent les auditeurs avec les artistes qu’ils écoutent.

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C’est un fait : YNW Melly est (était ?) l’un des jeunes rappeurs les plus prometteurs de ce début d’année, et son « Murder On My Mind », triste et mélodique, avait tout d’un tube. À lire les commentaires postés sous la vidéo YouTube du morceau, on se rend pourtant compte que la question de savoir si le titre sonne comme un aveu d’un meurtre perpétré par YNW Melly anime plus les internautes que celle de la qualité avérée de sa musique. En réalité, l’histoire de Melly est même loin d’être isolée, de nombreux autres (jeunes) artistes ayant été autant suivis ces derniers mois pour leurs déboires judiciaires que pour leur musique.

Il suffit de se souvenir de « The Race » du rappeur Tay-K pour le comprendre. Véritable banger de 2017 aux États Unis, le morceau avait été écrit et publié alors que son auteur (aujourd’hui incarcéré) était en fuite suite à des accusations de meurtre. Quelques mois plus tard, c’est 6ix9ine qui prendra d’assaut les charts en 2018, en posant aux côtés de différents gangs américains dans ses clips (ou en les trollant au choix) avant de finir lui aussi emprisonné en décembre dernier pour des accusations de meurtre commandité. Ce qui n’empêchera aucun des deux artistes de faire fructifier leurs affaires, Tay-K signant par exemple un contrat de plusieurs centaines de milliers de dollars avec une maison de disque alors qu’il était toujours en prison (la famille de la victime du meurtre, Ethan Walker, portera d’ailleurs plainte contre Tay-K pour avoir capitalisé financièrement sur son acte).

Abreuvé d’images et d’informations sur les réseaux sociaux, constamment fournis en nouveaux morceaux sur les plateformes de streaming, l’auditeur de rap d’aujourd’hui n’a jamais été aussi attentif aux artistes et à leur quotidien. Au point que cela impacte la vie personnelle de rappeurs prêts à tout pour attirer l’attention sur eux ? Sans doute. Et même encore plus lorsque cela concerne une jeunesse américaine démunie, parfois prête à tout pour s’en sortir. « J’ai sacrifié une partie de ma jeunesse en prison, mais je suis passé à autre chose », déclarait YNW Melly en interview dans le magazine The Fader l’année dernière. Avant de rajouter : « J’ai juste fait ça pour le rap game. On me disait que j’étais stupide à rester dans la rue à faire ces sacrifices, mais aujourd’hui je pense que j’ai eu raison de le faire. » Une phrase, qui – innocent ou pas – ne sonne malheureusement plus vraiment de la même manière aujourd’hui.

On les croise dans la rue, en club le soir ou dans les clips. De plus en plus assumés, de moins en moins rares. Ces visages marqués, qui intriguent et interpellent. Nous souhaitions en parler, pour comprendre :  aujourd’hui, YARD sort « DES VISAGES », le premier mini-documentaire sur la culture du face tattoo en France.

« Quand tu choisis un tatouage, tu révèles quelque chose sur toi-même qui est déjà présent, même si ce n’est qu’un espoir. Et même le tatouage le plus personnel, qui semble n’être qu’une réflexion de tes propres rêves et idéaux, est aussi le miroir de ta place dans le monde. » Anna Felicity Friedman, éminente chercheuse et auteure sur la culture du tatouage, n’a pas choisi ses mots à la légère.

« Ta place dans le monde. » C’est bien là que les gens tendent à se rejoindre, tatoués ou non. On passe sa vie à la chercher, à s’interroger, se questionner, se remettre en question, délibérer et peut-être, si on a de la chance, la trouver. Le tatouage est intimement lié à l’identité, à cette recherche humaine. Longtemps décrié par la société civile, historiquement joint aux criminels, esclaves, sectaires et marginaux, le tatouage est, depuis plusieurs années, une pratique démocratisée en France. Une question reste en suspens : si c’est à la mode d’être marginal, qu’y a t’il encore de marginal à être à la mode ? 

Comme une réponse, certain(e)s décident de s’attaquer à leur visage. Et de plus en plus jeunes – la faute, en partie, au rap. Pourtant, la pratique du face tattoo est mal-vue, autant dans le milieu du tatouage que dans la rue. Après tout, le visage est la première chose que l’on voit quand on rencontre quelqu’un. Il aura beau vous présenter sa main en guise de salutations, c’est dans ses yeux que vous plongez votre regard. Qu’ils soient musiciens, sportifs, acteurs ou même mannequins, ceux qui ont décidé de franchir ce cap symbolique ont tous fait un choix : celui de signer un contrat de vie avec eux-mêmes, à même la chair, pour s’empêcher tout retour à une existence « classique ».

Se tatouer le visage, c’est choisir. Être marqué à vie pour ne jamais revenir en arrière. Avec le réalisateur Hugo Bembi, YARD est parti à la rencontre de ces visages et c’est à vous, maintenant, de découvrir la culture du face tattoo à travers les yeux de Seth Gueko, Kendra Kitsuné, Youv Dee, Guizmo, 8Ruki, Sidisid, et tant d’autres. Ne détournez-pas le regard.

Un certain rap a entrepris de soigner des plaies encore grandes ouvertes. C’est de celui-là dont nous avions envie de parler aujourd’hui. Plus que minoritaire, ce rap est anecdotique : il survient ici ou là, avec sa frénésie et sa sagesse, ses mélodies bouleversantes et ses rimes cassantes, ses beats bariolés et ses phases enragées. Quels sont les artistes qui ont emprunté ce chemin en musique ? À quoi ressemblent les hymnes LGBTQ+ de la nouvelle pop, ceux façonnés par les rappeurs ? On a sélectionné dix morceaux qui pourraient ouvrir la voie à d’autres discours.

Illustrations : @blackchildish

« Si l’une de mes chansons devenait un hymne gay, ce serait un rêve qui se réalise », nous disait la rappeuse d’Atlanta Kodie Shane, lors d’une interview à paraître sous peu sur YARD. Mais l’existence de titres rap qui rendent hommage à la communauté LGBTQ+ commence tout juste à ne plus être qu’un idéal.

Dans le meilleur des cas, cet hymne LGBTQ+ potentiel, pop ou rap, si tant est que la distinction ait du sens, évite les dérapages hétéronormés. Dans le meilleur des cas aussi, il est possible de tenir compte des prises de position de l’artiste sans avoir à pointer du doigt son orientation sexuelle (« Why do we care ? It’s so crazy, right ? »), ses stratégies marketing (pourtant, ça pinkwash sec) ou sa frankoceanisation, néologisme entendu à plusieurs reprises au café du commerce, terrifiant par son caractère homophobe et/ou par ce qu’il révélerait de la cupidité de certains labels prêts à tout pour vendre. Enfin, dans le meilleur des cas, les intentions de la chanson sont suffisamment claires pour que les internautes et les commentateurs en tout genre n’aient pas à séparer le bon grain de l’ivraie.

Qu’importe la sexualité de l’artiste lui-même et qu’il s’agisse de pop ou de rap, les foudres du public s’abattent lorsque l’accolade est douteuse ou intéressée. Ainsi la communauté LGBTQ+, « à qui [Azealia Banks doit] toute sa carrière », a fait descendre la rappeuse de son piédestal et pourrait bien en avoir définitivement fini avec elle. En 2012, ces soupçons de mauvaise foi avaient également plané au-dessus de Macklemore et Ryan Lewis pour s’être servis des droits de la communauté LGBTQ+ à des fins, si ce n’est financières — les artistes avaient annoncé vouloir partager la recette du single à la Yes Campaign australienne —, du moins promotionnelles.

Des centaines de millions de vues et une autre ère du hip-hop plus tard, la chanson « Same Love » est toujours aussi mielleuse mais son caractère pionnier dans le paysage du rap mainstream a conservé un peu de sa magie. « If I was gay I would think hip-hop hates me », rappait Macklemore. Fact. Mais, on touche du bois, cette observation a depuis été reconduite et dénoncée par plusieurs magnats du rap US, parmi lesquels Kanye West et JAY-Z. Le changement est plus lent que sûr, mais, comme chacun sait, les coming-outs d’artistes dits hip-hop comme Frank Ocean, Tyler, The Creator ou encore iLoveMakonnen, ont en quelque sorte mis en lumière l’urgence qu’il y avait de proposer un discours nouveau, débarrassé de ses tics homophobes (s’il n’y avait que ça…). D’ailleurs, on peut shout out en passant ce troisième couplet salutaire de Common dans « Me, You And Liberation » (2003), d’autant plus surprenant qu’il nous vient tout droit de l’ère pré-Young Thug.

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En France en revanche, c’est à peine s’il y a matière à gloser. Chez nous, le silence est d’or et de platine en matière de rap et d’homosexualité, il l’a toujours été, et continue de l’être. On peut tout de même espérer qu’une ouverture puisse se mettre en place grâce à des interventions comme celle-ci ou celle-là, et l’on garde un souvenir ému de l’apparition de Booba sur la track « Here » de la chanteuse Christine and The Queens, ouvertement pansexuelle. Spoiler alert : ce clip de BFG aussi se révèle plus inclusif qu’il ne pourrait le laisser croire. Cependant, aux États-Unis, les langues semblent s’être véritablement déliées dans les revendications des rappeurs, et c’est toute une scène queer qui s’est imposée avec talent au fil des années. Le1f, Cakes Da Killa, Zebra Katz, Mykki Blanco, Angel Haze et bien d’autres encore œuvrent à tordre certains poncifs du hip-hop pour le rendre plus inclusif mais aussi plus accueillant.

Certes, les chansons rap pro-LGBTQ+ ne courent pas les rues. Mais celles-ci ne sont plus l’apanage des seules grandes voix de la chanson, et ce n’est pas un hasard si, à l’heure où le rap a été absorbé par la musique pop, l’on finit — non sans effort — par mettre la main sur des morceaux dans lesquels des rappeurs kickent avec pride ou soulignent simplement la nécessité de « casser les codes et laisser nos gamins s’épanouir ». Les valeurs louées dans les hymnes LGBTQ+ rappellent d’ailleurs souvent des rengaines bien connues du rap : confiance en soi, autonomie, honnêteté, indépendance financière, respect, ambition, liberté, esprit d’équipe… Pas étonnant, donc, que certains titres marquants fassent le pont avec éloquence.

CupcaKKe – « LGBT » (2016)

https://www.youtube.com/watch?v=hu_XwnAiMXg

Ici, pas de doute possible : Cupcakke n’y va pas par quatre chemins pour mettre en valeur la communauté LGBTQ+. On pourrait presque parler de militantisme pour désigner cette chanson dansante clairement conçue pour se trémousser avec joie et rendre hommage aux enfants de l’arc-en-ciel. Qui d’autre que la rappeuse de Chicago, connue pour son sens de l’humour culotté, ses titres explicites, mais surtout son activisme, pour réclamer sans détour l’égalité en musique ?

Lauren Sanderson – « Shut Em Up » (2018)

Difficile de croire que ce single énervé (on ne va pas se mentir, ça réveille) a été écrit par une ex-youtubeuse pédagogue, connue pour son énergie positive, sa maîtrise des émotions et ses discours activistes pro-LGBTQ+. Offerte par Lauren Sanderson donc, cette petite décharge fait miroiter les bénéfices de l’indépendance et de l’accomplissement personnel, de quoi motiver les troupes.

070 Shake – « I Laugh When I’m With Friends But Sad When I’m Alone » (2018)

Personne n’attendait l’époustouflante 070 Shake avant qu’elle n’apparaisse sur les projets de Kanye West, de Pusha T et de Nas. Toute en gravité et en nonchalance, la rappeuse n’invite certes pas à faire la fête, mais révèle avec poigne les sentiments d’exclusion et d’isolement liés de près ou de loin à son homosexualité. Sans prétention apparente à l’universalisme pour commencer, le récit de sa propre expérience — « fuck this little dyke » — prend aux tripes et se convertit en message d’espoir à mesure que la chanson progresse. De la tentation de la mort aux éclaircies de l’acceptation et de la confiance en soi, cet ovni musical brut de décoffrage mérite d’être écouté et réécouté, et réécouté…

Taylor Bennett – « BE YOURSELF » ft. Bianca Shaw (2018)

Taylor Bennett, rappeur au grand frère illustre, Chancelor Bennett, a.k.a. Chance The Rapper, a, comme qui dirait, bluffé tout le monde avec la pochette de son projet Be Yourself. Aux couleurs du drapeau LGBTQ+ et pleine d’autodérision, elle laissait prédire la fierté éhontée et adolescente de sa chanson éponyme, « Be Yourself ». Dans cette sorte d’hymne anti-prise de tête, Bennett, out depuis janvier 2017, rappelle entre deux lignes : « And niggas still call me faggots, but bitch my shit lookin’ fabulous. » Et si les autres chansons du projet flirtent sans trop de surprise avec le conformisme américain, « Be Yourself » a tout du feel good song à avoir avec soi en cas de coup de blues.

Quay Dash – « Decline Him » (2016)

Dans ce titre, paru sur l’EP Transphobic, Quay Dash se montre féroce face à l’ignorance des haters. Sur fond de trap et d’égotrip, elle donne ici à entendre un flow maîtrisé et magnétique. Au-delà des ingrédients rapologiques parfaitement dosés de la chanson, on devine les revendications sociales que la rappeuse noire et transgenre s’est appliquée à souligner dans son projet, tout en donnant toujours la priorité à la qualité de sa musique.

Young M.A – « OOOUUU » (2016)

Attention, prise de recul exigée. La rappeuse de Brooklyn, désormais incontournable, a absorbé tous les codes du hip-hop, pour le meilleur et pour le pire. Young M.A est cette potentielle icône gay générationnelle qui a l’ambition de raconter « her side of the story », mais celui-ci, quoiqu’on en dise, emprunte sans vergogne au sexisme et à l’objectification de la femme en veux-tu en voilà. Pourtant, on ne peut pas s’empêcher de penser que « OOOUUU » a tout du turn up irrésistible… et ses punchlines graveleuses — du genre de celles qu’on peut retrouver chez la rappeuse française Lala &ce — finissent toujours par nous décrocher un sourire (« You call her Stephanie ? I call her Headphanie »). Outre son flow addictif, quelque chose de l’ordre de l’empowerment finit par l’emporter, en attendant que l’artiste prenne ses responsabilités ?

Mykki Blanco – « For The Cunts » (2016)

Créée dans le but de devenir un hymne gay (et pourquoi pas d’être jouée dans l’émission de RuPaul), cette chanson au beat frénétique incarne bien l’art de Mykki Blanco. Toujours drôle et paré pour l’enjaillement, celui qui pensait mettre fin à sa carrière après avoir annoncé qu’il était séropositif a affirmé avoir réalisé un titre très « bubblegum rap » conçu tout spécialement pour le club et continue de servir son public en sonorités festives et exaltantes.

Syd – « All About Me » (2017)

Ironiquement, ce sont peut-être les membres du collectif Odd Future, réputé pour ses phases homophobes, qui ont fait le plus parler d’eux lors de leurs coming-outs respectifs. Frank Ocean et Tyler, The Creator font tous les deux écho à leur sexualité dans leurs chansons : « I believe that marriage isn’t between a man and woman but between love and love », chantait le premier dans sa debut mixtape nostalgia, ULTRA ; « Next line I’ll have them like woah, I’ve been kissing boys since 2004 », rappe le deuxième, un poil racoleur, dans son morceau « I Ain’t Got Time! » (Flower Boy). L’artiste Syd, elle, n’a jamais caché son homosexualité mais cette chanson, produite par Steve Lacy, est peut-être la moins littérale de toutes celles citées dans cet article. Plus chuchotée que rappée, plus intimiste que revendicatrice, elle a tout l’air d’une confession mais donne à voir une Syd en place, parfaitement sûre d’elle.

JAY-Z – « Smile » ft. Gloria Carter (2017)

Basée sur une ritournelle apparemment simple, l’injonction « Smile », cette chanson de JAY-Z parue sur l’album 4:44 est depuis devenue indissociable de son clip. Dans ce dernier, on peut suivre la romance naissante et inavouée entre deux femmes noires et mères de famille. Autobiographique, le clip rejoue l’histoire de Gloria Carter, la mère du rappeur, qui apparaît à la fin pour nous lire le discours suivant, qui se passe de commentaire : « Vivre dans l’ombre. Pouvez-vous imaginer ce que c’est que de vivre cette vie ? Dans l’ombre, les gens pensent que vous êtes heureux et libre, car c’est ce que vous voulez leur faire croire. Vivre deux vies, heureux mais pas libre. Vous vivez dans l’ombre par peur de faire du tort à votre famille ou à votre bien-aimé. Le monde change et il est temps d’être libre. Mais vous vivez avec la peur d’être comme moi. Vivre dans l’ombre est une sécurité. Personne n’y risque rien, ni eux, ni moi. Mais la vie est courte et il est temps d’être libre. Aimez qui vous aimez, car la vie n’est pas garantie. Souriez. »

Prince Waly – « Bo y z » ft. Feu! Chatterton (2018)

Le même Jay Z rappelait dans sa chanson et son clip « Moonlight » sa consternation — c’est le moins qu’on puisse dire — face à l’attitude du jury des Oscars qui décerna le prix du meilleur film à La La Land plutôt qu’à Moonlight, avant de corriger son erreur. Réalisé par Barry Jenkins, le long-métrage raconte l’histoire d’un jeune homme afro-américain de Miami qui découvre son homosexualité. C’est ce même film qui a inspiré à Prince Waly ce qui pourrait bien être la première chanson de rap français à aborder ces questions. Le mariage improbable entre le flow old school du rappeur montreuillois et la voix unique d’Arthur Teboul tient presque du miracle et, qu’on se le dise, le refrain continue de résonner passées les quatre minutes d’écoute…

On connait la Fashion Week à travers les célèbres villes accueillant tour à tour – et chacune avec leur spécificités – cet évènement : New York, Londres, Milan et bien sûr, Paris. Pourtant, se développent dans l’ombre de leurs ainées d’autres pôles qui regorgent de créateurs méritant d’être reconnus à leur juste valeur. À commencer par Séoul.

Assez avant-gardiste et très orientée sur le streetwear et les sneakers, la Fashion Week de Séoul est devenue un phénomène mondial au cours de ces dernières années. Par leur goût prononcé pour les vêtements dits « oversize », les coréens sont passés maitres dans le lancement de tendances et il n’y a qu’à voir les groupes de K-Pop BTS, BIG BANG, ou les K-Rappeurs DEAN, SIK-K, pour qui les controversées « dad shoes » sont depuis bien longtemps incontournables. À tel point que petit à petit, Séoul est en train de devenir LA capitale de la mode en Asie du Sud, et ce devant sa grande cousine Tokyo. À travers 13 marques incontournables, de Ader ERROR à Juun.J en passant par 99%IS, on vous présente les futures tendances du pays du Matin calme.

Ader ERROR

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Ader ERROR est sûrement le label coréen le plus connu en Europe, notamment grâce à une récente collaboration avec Puma. Portée par le rappeur Orelsan dans le clip « Rêves Bizarres » en collaboration avec Damso, cette marque de streetwear unisexe a été crée par un collectif de designers anonymes en 2014. Elle cherche à revisiter les vêtements du quotidien de manière novatrice, voire surprenante. Le lexique visuel de la marque se veut minimaliste et épuré, et jongle entre des tons primaires et d’autres plus vifs.

Site web : http://en.adererror.com/

Instagram : @ader_error

Où se la procurer : 19-18 Wausan-ro 21-gil, Seogyo-dong, Mapo-gu, Séoul ou chez Tom Greyhound, 19 rue Saintonge, Paris 3ème arrondissement.

 

JUUN.J

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S’inspirant de la modernité insufflée par la ville ultra connectée qu’est Séoul, le créateur de la marque répondant au doux nom de Jung Wook Jun propose des modèles qui illustrent sa vision futuriste. Défilant à la Fashion Week de Paris, il remet en questions les stéréotypes de genre et réinterprète les classiques avec une vibe streetwear. Des coupes conceptuelles aux jeux de drapés, certaines pièces peuvent rappeler le grand créateur belge Raf Simons.

Site web : http://www.juunj.com

Instagram : @juun_j

Où se la procurer : Beaker Cheongdam, 208, Apgujeong-ro, Gangnam-ru, Séoul ou chez L’éclaireur, 10 rue Boissy D’anglas, Paris 8ème arrondissement.

 

CHARM’S

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C’est l’une ses plus convoitées par la communauté K-Pop, car aperçue dans de nombreux clips « d’Idols » [terme employé pour désigner les stars de la chanson sud-coréenne, ndlr]. CHARM’S incarne le style sportif et coloré omniprésent dans la culture coréenne. Elle renforce son positionnement dans la « logomania » – signature des marques dans les années 90, notamment incarnée la méduse de Versace ou les deux F de Fendi – par une collaboration avec la célèbre marque de streetwear italienne Kappa, qui dure depuis plusieurs saisons. La marque est également présente sur les podiums de la Fashion Week Hanguk, avec des vêtements plus structurés et des formes classiques revisitées.

Site web : http://store-charms.com

Instagram : @official_charms

Où se la procurer : A-land, 30 Myeongdong 6-gil, Jung-gu, Seoul

 

CRES. E DIM

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Le nom CRES. E DIM est issu du terme musical « crescendo e diminuendo », CRES signifiant « qui devient progressivement plus fort » et DIM « qui devient progressivement plus doux ». Le créateur a appliqué cette formule à son identité dans la mode ainsi que dans sa philosophie. Il propose de nouvelles silhouettes en expérimentant différents tissus recouvrant le corps de la femme. La forme est coupée en morceaux pour donner du rythme tandis que les couleurs donnent de la vitalité au rendu final. Il existe également une seconde ligne « DIM. E CRES » qui elle, se veut mixte et disponible à un prix plus abordable.

Site web : http://www.cresedim.com

Instagram : @cresedim

Où se la procurer : online uniquement

 

YOUSER

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YOUSER est une combinaison des mots anglais « You » et « User ». Un nom qui découle d’un idéal philosophique sur l’importance de la relation entre les designers et les consommateurs. Connue pour ses vêtements adaptables grâce à des liens et des sangles, la marque s’accommode en fonction du style de vie et des envies de chaque individu.

Site web : https://www.youser.co.kr

Instagram : @youser_official

Où se la procurer : chez L’éclaireur, 10 rue Boissy D’anglas, Paris 8ème arrondissement.

 

D-ANTIDOTE

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Portée par un grand nombre de chanteurs de K-Pop, D-ANTIDOTE est très réputée en Corée du Sud, notamment via ses nombreuses collaborations avec la célèbre marque italienne Fila. Se voulant unisexe, la marque suit le style « gender fluid » en croisant les vêtements masculins et féminins. Aussi bien inspirée de Séoul que de Londres, D-ANTIDOTE essaie toujours de trouver les points de contact entre les codes, les tendances et les caractéristiques de chacune de ces deux villes.

Site web : http://d-antidote.com

Instagram : @d_antidote

Où se la procurer : chez Merci, 111 boulevard Beaumarchais, Paris 3ème arrondissement.

 

 

99%IS

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Bajowoo, le créateur de 99%IS, a fait du mouvement punk – pour lequel il nourrit une véritable fascination – la première source d’inspiration de sa marque. À cela près qu’il l’inscrit sur des terrains plus streetwear et futuristes, en habillant des sweats et des joggings avec des zips et de grosses épingles à nourrice, tout en prenant soin de les déstructurer. Lors de la dernière Fashion Week, 99%IS a choisi de défiler à Londres, ce qui tombe sous le sens tant cette ville semble correspondre à l’esthétisme de la marque.

Site web : https://99percentis.com

Instagram : @99percentis  

Où se la procurer : 10 Corso Como, 79 Cheongdam-dong, Gangnam-gu, Séoul

 

Hyein Seo

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Hyein Seo est la pro du look « Bad Gal Riri », parfait mélange entre extravagance, féminité et streetwear. Mise sur le devant de la scène en 2017 par la plateforme VFILES – média présentant les différents acteurs de la mode new-yorkaise (créateurs, collectionneurs, shops et dénicheurs de talents) – sa marque Hyein Seo est alors repérée par la styliste de Rihanna, puis par des it-girls comme Kendall Jenner ou Iggy Azalea. La mention « School Kills », que l’on retrouve sur certains de ses vêtements, est l’une des signatures de la jeune coréenne. Slogans accrocheurs et gamme monochrome sont la base de l’esthétique de cette marque.

Site web : https://www.hyeinseo.com

Instagram : @hyeinantwerp

Où se la procurer : Rare Market, 95-5 Cheongdam-dong, Gangnam-gu, Séoul

 

51PERCENT

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Derrière l’intitulé 51PERCENT, se cache un label qui se veut être « 1% plus attractif » que les autres. Avant tout réputée pour ses sacs, dont le très prisé Utility Cross Bag brandé « prototype », la marque revendique également un vestiaire très intéressant, avec une gamme de basics et une autre plus travaillée qui comprend des trench coats et des bombers revisités. Le tout restant accessible à des prix plutôt abordables pour une marque de créateur.

Site web : http://51percent.co.kr

Instagram : @51percent_official

Où se la procurer : online uniquement

 

PushBUTTON

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Nommé d’après une parole culte de la chanson « Hollywood » de Madonna, PushBUTTON est un des labels streetwear émergeant les plus intrigants, dont les collections se distinguent par des silhouettes ludiques et juvéniles. Notons par ailleurs que la marque fondée par Park Seung Gun, une ancienne star de la K-Pop, a eu en 2018 l’opportunité de défiler pour la première fois à Londres. À suivre de près.

Site web : http://pushbutton.co.kr

Instagram : @pushbutton_official

Où se la procurer : Online uniquement

 

IISE

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IISE, dont le nom signifie « la deuxième génération », est une marque qui délivre sa propre interprétation urbaine du patrimoine coréen. Chaque pièce est fabriquée à Séoul, utilisant une combinaison de tissus et de techniques coréennes, avec une esthétique qui mélange design moderne et traditionnel. La dernière collection surfe sur la tendance de l’utilitaire, avec des vestons militaires et des sacs multi-poches.

Site web : https://iise.co

Instagram : @iiseseoul

Où se la procurer : 465-5, Jongno-gu, Pyeongchang-dong, Séoul

 

HUPOT

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Crée en 2008, HUPOT (pour « Human Potential ») veut démontrer que le potentiel humain est illimité et que tout le monde peut réaliser ses rêves. Loins d’être aussi candides que les créateurs de la marque, il nous est cependant impossible de ne pas apprécier la vision idéale que propose HUPOT. L’objectif principal du collectif est de faire passer la qualité avant la quantité, en valorisant des motifs d’impression uniques qui attirent irrémédiablement l’oeil. Les collections sont principalement streetwear, et se démarquent par des matières réfléchissantes et déperlantes. Un vestiaire simple mais efficace.

Site web : http://hupot.net

Instagram : @hupot_official

Où se la procurer : Online uniquement

 

D.GNAK

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D.GNAK présente des silhouettes innovantes et achromatiques, associant son goût pour le sur-mesure occidental et le style plus ample des vêtements coréens. Le nom de la marque joue directement avec celui de son créateur Kang D., réputé pour ses lignes créatives et ses superpositions audacieuses. Certaines pièces rappellent Rick Owens, dans leur déstructuration et leur caractère monochrome.

Site web : http://www.dgnak.kr

Instagram : @dgnakofficial

Où se la procurer : Hide Store, 657-5 Sinsa-dong, Seoul

 

Bonus : STRETCH ANGELS

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Connu pour son concept store emblématique en forme d’avion, situé au coeur du quartier de Gangnam, Stretch Angels est principalement une marque d’accessoires. Sacs à dos, sacs banane et sacoches trouvent parfois l’inspiration chez de grandes marques européennes (telles que Off-White) où les logos sont placés sur les sangles. Les couleurs phares de la marque sont le bleu et le rouge, qui se font voir sur beaucoup de pièces de la dernière collection.

Site web : http://stretch-angels.com

Instagram : @stretchangels

Où se la procurer : 26, Apgujeong-ro 8-gil, Gangnam-gu, Séoul

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Décidément, basket et art font bon ménage à Paris. Du 13 février au 15 mars 2019, certaines oeuvres de l’artiste Tyrrell Winston seront visibles à la galerie La Cité dans le cadre de son exposition Lines. L’Américain de 34 ans reconfigure des objets abandonnés, brisés ou oubliés, qu’il a amassés en se promenant dans les quartiers de New York.

Après Trajectoire, la balle orange retrouve les galerie parisiennes. Pendant un mois, la galerie La Cité (Paris 9) présente donc la première exposition personnelle de Tyrrell Winston à Paris, intitulée donc Lines. Winston reconfigure des objets abandonnés qu’il a récupérés en se baladant dans les rues de la Grosse Pomme. Pourquoi Lines ? Parce que les lignes représentent les liens que chacun des groupes d’objets apparemment disparates ont les uns avec les autres, établissant des parallèles dans l’absurdité et le symbolisme qui les unissent. Le mélange intentionnel de ces éléments examine l’espoir et le désespoir, la résurrection et la régénération, la vitalité et l’insouciance.

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Le travail de Winston est à la fois un service public (tous les filets de basketball qu’il utilise dans son travail sont remplacés par de nouveaux), un examen et une captivation partielle avec les récits que ces enregistrements apparemment insignifiants de l’existence humaine. Chaque élément individuel utilisé dans le travail de Winston a sa propre identité, son propre contexte et sa propre association indissociable – créant un dialogue automatique. Alors que la nostalgie joue un rôle dans le travail, il existe un niveau d’indifférence envers le passé. Winston exalte ces « anciens » objets dans un travail prescient.

Le vernissage est prévu ce mardi 13 février, de 18h à 21h, et l’exposition restera donc en place jusqu’au 15 mars.

Vrai de vrai. Cette expression ne pourrait pas mieux caractériser celui qui se revendique comme un pur produit de sa ville. De Sevran, DA Uzi en connaît tous les ressorts. De la vie, il connaît trop son importance et son caractère éphémère. Encore plus depuis qu’il a pris sa carrière professionnelle au sérieux en sortant récemment le projet Mexico. Rendre à l’authenticité et à la réalité ses lettres de noblesse avec poésie, telle est sa mission. 

Photos : @lebougmelo

Être artiste c’est constamment jongler avec la réalité et le fantasme, entre les cachets en showcase à 4 ou 5 chiffres et une brûlure au 2nd degré à la paume résultant d’une tenue de couteau chauffé à blanc très approximative. Si un grand nombre de rappeurs profitent de cette largesse qu’offre leur art, d’autres s’en méfient comme de la peste. DA Uzi fait partie de ceux-là. Le libanais tout droit venu de Sevran côté Mexico pue la rue, mais l’odeur n’a rien de répulsif si vous aimez l’authenticité. Après plusieurs séjours derrière les barreaux, l’auteur de la très solide série de titres La D en Personne sortie en 2017 revient, semble-t-il apaisé. Signé chez REC 118 comme son comparse Ninho, le rappeur poursuit le quasi-sans-faute du label parisien.

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Dans cette conversation, difficile à imaginer le point commun entre l’artiste et Charles Baudelaire ou encore de sa filiation avec des maîtres du cinéma. Et pourtant. C’est un artiste pleinement conscient du chemin parcouru, totalement au fait que la réalité d’aujourd’hui a complètement dépassé la fiction d’hier.

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Rookie à 26 ans, le Belge Kobo n’a jamais planifié de faire carrière dans le rap. Il lui aura pourtant suffi d’un Rentre dans le Cercle et quelques morceaux plein de promesses pour décrocher un contrat chez Polydor et susciter l’intérêt du public et de ses favoris, Damso en tête. Rencontre avec un artiste carpe diem.

Photos : @antoine_sarl

À l’heure où l’on distingue volontiers le rappeur dit « de studio » du performeur tout-terrain, l’exercice du freestyle apparaît comme secondaire. Il fut pourtant un temps où celui-ci s’imposait comme une étape incontournable pour établir son nom et gagner le respect des acteurs du milieu, armé de sa voix, son coffre et sa plume. Combien de moments phares de l’histoire de cette culture se sont écrits au détour d’une cabine remplie de emcees animé par l’envie de se surpasser et de défier leurs semblables ? Aujourd’hui, ce qu’on appelle « freestyle » s’apparente plus à des morceaux préenregistrés ou des instants promos où l’on balance un couplet déjà connu sans réelle volonté d’époustoufler. En routier chevronné de la discipline, Sofiane a bien essayé de revenir à cette forme « d’essence » du hip-hop et son Rentre dans le Cercle se voulait être un tremplin pour bon nombre de jeunes artistes. En théorie.

Car en pratique, ils semblent être très peu à aborder le cypher de la sorte. Entre les noms déjà établis qui ne ressentent peut-être pas la nécessité d’aller au-delà de leur rythme de croisière et les rookies qui seront assurément mieux mis en valeur sur un titre bien mixé et des mélodies sous Auto-Tune, il n’y a pas vraiment matière au sursaut d’orgueil… À quelques exceptions près, comme le Belge Kobo. Passé après Roméo Elvis ou Caballero & JeanJass, grands champions des festivals de France et de Navarre, le jeune loup bruxellois sort les crocs dans un couplet à rallonge, rapidement extrait de l’émission et republié à part sur YouTube et les réseaux sociaux. Une prestation remarquée et remarquable, qui fait immédiatement gonfler les vues de ses titres jusqu’alors très confidentiels et le guide vers une signature chez Polydor. « J’ai été assez surpris au premier abord », se rappelle-t-il. « C’est vrai qu’en général, les labels ne font plus beaucoup de développement, ils préfèrent d’abord laisser l’artiste grandir, faire son petit chemin en solo et ensuite ils le signent. Mais ça montre qu’il y a des gens passionnés qui ne se fient pas qu’aux chiffres et se laissent convaincre par la musique. » Si Rentre dans le Cercle n’est pas un tremplin pour tous, il l’aura été pour lui.

Mais pourquoi donc Kobo donnait-il l’impression d’avoir plus de hargne, plus de choses à prouver qu’un autre au moment de se jeter dans l’arène ? Peut-être sentait-il qu’il n’y avait plus de temps à perdre pour lui. Sa signature effective, l’artiste d’origine congolaise s’apprête désormais à véritablement lancer sa carrière de rappeur. À 26 ans. Pas vraiment un âge à être un rookie. Il faut dire que pour Kobo, la musique n’a jamais réellement été une option, même s’il dit avoir été sensibilisé très tôt au son par l’intermédiaire de sa mère. Le hasard a juste bien fait les choses. « J’avais des amis qui faisaient déjà de la musique et qui voulaient vraiment faire en sorte de percer là-dedans. Je pense que le fait de les côtoyer, de les accompagner au studio, d’être H24 dans cette ambiance musicale, ça m’a poussé à vouloir tester aussi. Puis les gens se sont mis à me dire que je devrais peut-être prendre mon talent au sérieux. » Quand on sait que son titre « What’s My Name », sorti à l’été 2016, n’est que le deuxième morceau qu’il a enregistré, on comprend vite pourquoi.

« Quand on commence à se fixer des objectifs tels que juste ‘avoir de l’argent’, on peut facilement se perdre. Là, avec la musique, je peux avoir de l’argent, mais aussi faire ce que j’aime. »

« Comme quoi, c’est important d’être bien entouré », s’amuse-t-il. Entouré, Kobo tient encore à l’être aujourd’hui, ce qui explique notamment la poursuite en major : « J’avais besoin d’avoir un cadre, d’avoir des personnes autour de moi qui me donnent les bons conseils et qui m’aident un petit peu à bien ajuster ma stratégie. Parce que c’est vrai que quand on est tout seul, on peut faire beaucoup d’erreurs. » Le Belge en sait quelque chose. Avant la musique, il tentait tant bien que mal de se concentrer sur ses études en droit, même si la nécessité de s’en sortir le poussait à faire de l’argent à droite, à gauche. « Comme tout le monde. » La débrouille, quels qu’en soient les moyens, est d’ailleurs un thème récurrent de son rap.

Aujourd’hui, il n’en est logiquement plus question. Mais au regard du chemin hasardeux qui l’a mené à la musique, celle-ci ne serait-elle pas pour lui un simple moyen de faire de l’argent ? Après tout, dans un des principaux tubes de 2018, son presque homonyme Koba rappait : « Si dans trois mois j’ai pas percé, j’me remets à revendre la C. » S’il reconnaît ne jamais avoir rêvé de faire carrière, Kobo assure tout de même le faire avant tout par plaisir. Même s’il précise : « C’est un moyen de m’en sortir en prenant les bons chemins. Quand on commence à se fixer des objectifs tels que juste ‘avoir de l’argent’, on peut facilement se perdre. Là, avec la musique, je peux avoir de l’argent, mais aussi faire ce que j’aime. Ce n’est pas donné à tout le monde. »

Un autre sujet est régulièrement évoqué par l’artiste masqué dans ses morceaux : celui de la conscience noire. Il fait même partie intégrante de l’identité artistique du rappeur du Plat Pays, « Kobo » signifiant « le noir » en lingala. Mais à l’instar d’un Kalash Criminel, également congolais d’origine, Kobo ne prend que rarement la peine d’aborder le sujet de plain-pied, en lui consacrant — par exemple — un morceau entier. Au contraire, celui-ci revient par à-coups, à travers des punchlines qui s’intercalent frénétiquement dans des textes à propos du hustle, de la foi voire même égotrip. Comme s’il ne pouvait se contenir de l’aborder. « Après, j’essaye de ne pas trop être dans la revendication pour ne pas soûler les gens, parce qu’il y en a qui écoutent la musique pour justement penser à autre chose. C’est plus une sorte de rappel », nuance-t-il.

« Il faut se laisser le temps de vivre. Parce que si tu ne vis rien, tu ne peux pas parler de choses différentes. »

Cette sensibilité lui a été héritée d’une enfance cyclique, partagée entre la Belgique et le Congo. Après avoir passé ses plus jeunes années dans sa ville de naissance Bruxelles — années dont il ne garde que peu de souvenirs —, Kobo regagne le continent africain, avec sa famille, « pour 3 ou 4 ans », avant que la chute du régime de Mobutu ne précipite son départ. Il assiste aux pillages et autres violences des groupes armés qui sévissent dans le pays. « À 4 ou 5 ans, c’est particulier quand même… Le fait d’être confronté très jeune à des évènements violents, ça a forgé une partie de mon identité. Tu découvres directement une autre facette de l’être humain : d’un côté, il y a tes parents qui te chérissent et te donnent plein d’amour, et de l’autre, il y a de choses atroces qui te frappent à la figure. Et on vit avec. » S’en suivent encore deux allers-retours entre sa terre natale et sa terre d’origine avant de s’installer définitivement à Bruxelles, où il comprend que la couleur de son épiderme n’est pas sans importance : « Je pense que je ne m’en rendais pas vraiment compte avant de rentrer en Belgique. Là, j’ai dû faire ma propre expérience de la vie : me battre, passer par certaines difficultés et réaliser qu’effectivement sur nous il y a des préjugés, certains stéréotypes qui, quoi qu’on fasse, existeront toujours. »

Le rap de Kobo s’écrit à l’encre de son vécu, et c’est en partie la raison pour laquelle on entend encore si peu de lui. Suite à sa prestation dans Rentre dans le Cercle, et sans parler du soutien dont il bénéficie de la part de Damso, qui avait teasé la mixtape BruxelleVie avec un de ses morceaux, l’artiste belge aurait pu être tenté de matraquer, abreuver le public de nouveaux titres pour souffler sur l’étincelle d’un buzz naissant. Il n’en a rien été. « Je pense qu’il faut laisser le temps à ton inspiration de grandir. Et pour ça, il faut se laisser le temps de vivre. Parce que si tu ne vis rien, tu ne peux pas parler de choses différentes », se justifie-t-il habilement.

Alors en 2018, Kobo s’est étonnamment fait discret : quelques freestyles ici et , et quelques singles bien éparpillés dans le temps. Avec, à chaque fois, un soin particulier sur l’image. Le clip très remarqué de « Baltimore », réalisé par l’anglais Felix Brady, s’est carrément vu récompensé par deux distinctions aux Kinsale Shark Awards. « Notre génération est très portée sur le visuel, entre Instagram, les selfies, le fait de tout le temps se prendre en vidéo, etc. C’est un peu la marque de notre époque. Je pense que les gens écoutent la musique avec leurs oreilles, mais aussi de plus en plus avec leurs yeux. » Le masque qui recouvre la moitié de son visage s’inscrit également dans cette logique d’un concept fort à l’image. « Autrement, ça ne représente pas grand-chose », balaye-t-il simplement, même si « un petit peu d’anonymat, ça ne fait pas de mal ».

Pour Kobo, la suite prend la forme d’un premier projet, dont on connaît déjà le titre : Période d’essai. « C’est ce qui correspond à l’état d’esprit dans lequel je suis depuis que j’ai commencé dans la musique. Dans ma tête, c’est un peu ‘On expérimente et on voit ce que ça donne’,  mais je pense que vous comprendrez mieux la logique sur les prochains projets. » Le rappeur bruxellois parle comme s’il imaginait que tout pourrait s’arrêter demain, envisage que sa « période d’essai » pourrait ne pas déboucher sur aucun contrat à long terme, mais se projette déjà sur ses prochaines sorties. Paradoxal, vous dites ? « Une partie de moi me dit que ça va aller, mais une autre m’impose de rester humble. Période d’essai, c’est un titre qui me permet de garder les pieds sur terre. Ça passe ou ça casse. De mon côté, je vais tout faire pour que ça passe, mais la vie peut en décider autrement. »

Blanc. Comme ce ballon sur lequel les milliers de regards de supporters seront fixés durant 90 minutes. Comme ces lignes délimitant la zone de jeu, comme ces filets ou telle cette fameuse ligne que le ballon devra franchir. Blanc comme ces maillots et survêtements fièrement arborés par le jeune homme dans le virage qui attend ce moment depuis des mois ou encore cette fille tribune Auteuil, des étoiles plein les yeux. Eux et beaucoup plus auront la main sur le blason — côté cœur — lorsque les chants parcourront les travées du stade. Appelez ces bouts de tissus comme vous le voulez, mais pour eux, il s’agit d’une seconde peau.

Saurez-vous vous transcender en créant un bruit assourdissant, fixant dans le blanc des yeux ceux d’en face ? Saurez-vous laisser sans voix les fans de l’équipe adverse ? Oui, blanc. Comme cette page sur laquelle vous écrirez à propos de cette magnifique soirée. Vous raconterez alors aux amis absents et même à d’illustres inconnus, l’effervescence et l’ambiance électrique qu’ils n’auront pu vivre.

Le bon côté d’être le 12e homme, c’est que l’issue de la rencontre est entre vos mains, libre à vous de décider ce que vous laisserez comme trace. Cette année, on remet le bleu de chauffe, blanc immaculé pour l’occasion. On se sait, on se jauge, mais on se connaît. C’est pour cela que nos différences nous rassemblent. La mentalité parisienne est ce qu’elle est : déterminée. Tellement déterminés qu’une expression en est née. « Que du sale ». Ça signifie aussi que vous êtes prêts à aller au charbon et jusqu’au bout dans les tribunes ou derrière vos écrans. Vous êtes prêts à y laisser cette seconde peau parce que vous y croyez. Et si cela devait arriver, ce sera avec le sentiment d’avoir tout donné.

Ne vous trompez pas, car chauffée à blanc, l’antre du Parc des Princes deviendra un véritable fourneau.

Photos : @BilalElKadhi pour YARD
DA : @pabloattal
Models : Chad, David, Félix, Kenna, Maya, Noah, Sophia
Production : MILES

S’engager auprès d’une entité sportive, que ce soit sur les terrains ou en tribunes, c’est accepter de ne faire qu’un avec celle-ci, de conditionner son humeur aux prestations qu’elle accomplit, et qui peuvent varier du tout au tout. On rira dans la victoire comme on pleurera dans la défaite. L’athlète est contraint de ressasser longuement le moindre de ses ratés, tandis que le supporter se réveille avec une gueule de bois au lendemain de chaque contre-performance. Pour cette raison, ce ne sera jamais « que du sport ».

Cette notion « d’engagement » prend une tout autre dimension quand, en plus de l’attachement au club, il est question d’appartenance à la ville. Cela vaut aussi bien pour les titis parisiens, que pour les minots de Marseille. Et ce n’est pas moins vrai à une échelle encore plus locale, avec des clubs de périphérie qui font partie intégrante de la vie de leur communauté, représentée par chacun de leurs licenciés. Comme le C.A. Montreuil 93.

Une entité née en 1943 de la volonté de commerçants et médecins montreuillois d’offrir aux jeunes des alentours une perspective d’avenir plus radieuse, par l’intermédiaire du sport. Le CAM 93 s’est depuis taillé une belle place dans le petit monde de l’athlétisme français, ayant formé ou accueilli en son sein quelques grands champions comme Teddy Tamgho, Françoise Mbango Etone, Serge Hélan, Roger Bambuck ou encore Michel Jazy. Ce dernier avait, en son temps, croisé à Paris la route de Steve Prefontaine, légende américaine de la course à pied et premier athlète de running signé par Nike, avec qui il avait partagé quelques foulées dans le Bois de Vincennes. Le lien qui lie le CAM 93 avec la commune qui le porte est tel que le club a même hérité de ses couleurs traditionnelles (le bleu et le jaune, ndlr) parsa proximité avec la société Pernod, implantée dans le bas de la ville.

Pour toutes ces raisons, il nous a paru on ne peut plus naturel, au moment de shooter le nouveau merch du CAM 93, de le faire porter sur les épaules de ceux pour qui ces initiales signifient quelque chose. À commencer par Aurel Manga, sprinter du club montreuillois ou Sanguee, moitié du groupe de rap TripleGo. Sans oublier les cuistots du Sultan, le kebab de référence du coin, le gérant du Staxs Barber Shop, mais aussi Insa et Aïda, deux jeunes du quartier de La Noue. Tous produits de leur environnement.

Photos : @martinmougeot

« Il y a trois ans, Madagascar m’a permis de découvrir la photographie. » Et pour YARD, ce voyage à travers l’Île Rouge a permis de découvrir le talentueux Ernest Bouvier. Aujourd’hui, le Parisien a ramené son appareil photo du côté de son pays d’origine, le Maroc, dont il est allé faire le tour objectif au poing. « Tout le long de ce road trip de plus de 2500 km, des images et des scènes de vies quotidiennes se rythmaient sous mes yeux. Je n’avais qu’à être vif et être prêt à faire des rencontres, afin de se rapprocher d’un pays qui n’est pas si loin. Je repartirais là-bas, mais cette fois avec une caméra. »

Instagram : @ernestbouvier

Tee Grizzley plaît aux très grands. Il y a un an aux États-Unis, avec le track « First Day Out », son nom était sur toutes les bouches. Logique quand on retient l’attention de LeBron James et JAY Z. Il faut dire que l’artiste originaire de Détroit s’est constitué un portfolio sonore des plus redoutables. Depuis, il navigue entre concerts et showcases histoire de tire profit de cette passe du « real MVP », émigré du côté du soleil californien durant l’intersaison. Mais Terry Sanchez Wallace mesure-t-il toute la distance parcourue entre le quartier de Joy road à l’est de Motor City et la Place Vendôme, à Paris ? Deux « salles » donc, à qui l’artiste a décidé de donner la même ambiance. 

Photos : @pabloattal

Son titre « First Day Out », enregistré le jour même de sa libération de prison en 2017, rencontre un vrai succès, en tout cas assez pour attiser la convoitise des labels américains, toujours à l’affût du prochain gros coup. Et au jeu de la flatterie, c’est Atlantic via 300 Entertainment qui rafle la mise. Mais qui est donc ce Tee Grizzley dont la majorité des rappeurs nous vantent les mérites ? Impossible pour nous de répondre à cela à travers d’insipides questions-réponses durant lesquelles les artistes tentent de dissimuler (parfois avec brio) leur ennui ou pire, leur aversion.

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Aussi, l’idée d’une rencontre moins formelle dans un contexte pouvant prêter à l’échange s’impose organiquement. Le rendez-vous est pris sur Paris, du côté des joailliers, dans le 1er arrondissement. Si, de notre côté, les paroles de « Window Shopper » de 50 Cent résonnent dans nos têtes au fur et à mesure que nous poussons les portes de grandes maisons d’orfèvres, précédés par le garde du corps massif de Tee Grizzley et l’entourage de l’artiste, ce dernier se délecte de tout ce faste, n’hésitant pas à tester certaines pièces et à sortir une liasse de billets à rendre jaloux Picsou. Tant mieux, car entre l’accent à couper au couteau des employés et celui entouré de chewing-gum du natif de Détroit, l’argent servira de traducteur. Money Talks.

Les extraits qui vont suivre sont tirés de la journée passée ensemble.

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Nous venons de rentrer dans le Viano, quelques minutes après avoir rencontré l’artiste à son hôtel. Tee Grizzley est accompagné d’une partie de son entourage, et veut qu’on le guide vers quelques bonnes adresses. « Est-ce que vous avez déjà commencé à filmer ? Que je sorte mes billets et que je vous montre ce que je vais dépenser. On peut payer en dollars ici ? Non ?! Bon, bah… Il faut qu’on s’arrête quelque part pour que je puisse changer cette liasse pour des euros », murmure-t-il un peu contrarié.

« Je viens tout juste de finir ma conditionnelle. Je suis enfin un homme libre, dans tous les sens du terme. T’imagines ? »

Je remarque qu’il y a quelques « intrus » parmi tous ces billets de 100 dollars. Tee Grizzley croise mon regard et me dit qu’il collectionne ceux de 5 dollars, car ce sont « les premiers émis » et qu’on les reconnaît « grâce aux traits à l’encre rouge les parcourant ».

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On parle de tout et surtout de rien, les « small talks », comme aiment les appeler les amerloques. C’est aussi une façon de connaître ses centres d’intérêt. On en vient à sa vie et forcément, on aborde la question de la prison. « J’ai tout juste fini ma conditionnelle. Je suis enfin un homme libre, dans tous les sens du terme. T’imagines ? Ça ne fait qu’un mois que je suis libre et que je peux voyager en dehors des États-Unis [l’interview a eu lieu fin novembre 2018, ndlr]. Avant ça, tout ce que je pouvais faire se réduisait seulement à mon pays. » J’essaie d’en savoir un peu plus sur sa nouvelle vie, ce qu’il a ressenti en quittant sles États-Unis pour la première fois. Je lui parle du vol plutôt long entre Détroit et Paris. « Ce n’est pas tant le vol en soi qui m’a marqué. Disons que l’atterrissage m’a mis une claque parce que c’est à ce moment précis que l’avion a touché le sol français. J’ai 24 ans et je suis à Paris ».

J’apprends qu’il ne connaît pas grand-chose sur la France si ce n’est ses marques de luxe et le mot « bonjour », prononcé comme un gars bien de chez nous. JB, la jeune femme qui l’accompagne — et qui semble être la représentante du label de l’artiste — me redemande si on fera bien une escale au bureau de change. Je comprends alors que d’autres membres de son entourage nous suivent en voiture lorsque JB nous prévient qu’il faudra récupérer dans un autre véhicule son sac rempli de bijoux. « C’est pour les photos. C’est beaucoup mieux quand ça brille ».

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L’artiste souhaite écouter du rap français, histoire de se faire une idée. Je lui explique que la plus grosse star hexagonale s’appelle Booba. Tee semble tiré de sa torpeur et m’interroge : « Est-ce que ses albums se vendent aux États-Unis ? », ce à quoi je réponds par l’incertitude en précisant qu’à défaut d’écouler des projets là-bas, le rappeur y vit depuis un bon moment. Je poursuis en lui disant que la France est le second marché mondial en termes de musique urbaine. « Mais quel est l’artiste américain qui marche le mieux ici ? » Je lui dis qu’à peu de choses près, leur classement musical Hot 100 est le même que le notre. Même si notre chauvinisme musical est très ancré, nous sommes très au fait de ce qu’il se passe chez eux, notamment grâce à internet et les réseaux sociaux. « Future ? Migos ? » Bien sûr qu’on les connaît ! Le tube « ESSKEETIT » du floridien Lil Pump se fait alors entendre à la radio. Quand Tee me demande si ce titre passe en soirée ici, j’acquiesce en lui disant que le rappeur était même présent au festival Lollapalooza à Longchamp (en vrai, j’ai dit « Paris ») l’été dernier.

« En gros, t’es en train de me dire que les meilleurs rappeurs viennent de banlieue ? »

Notre voiture traverse les rues menant à la Place Vendôme et le regard de Tee Grizzley brille en voyant défiler les devantures de luxe. « Ah ! Il y a un Valentino ici ? Il faut absolument qu’on fasse un tour là-bas », prévient-il d’une voix monocorde. Je décide alors de lui faire écouter Booba et son titre « 92i Veyron ». Sa tête se retourne de suite. « J’adore l’instru, c’est chaud ! » s’exclame JB, tandis que le rappeur de Détroit bouge frénétiquement le crâne. « Tu sens que le mec maîtrise les vibes. Qu’est-ce qu’il raconte dans le morceau ? » me demande ce dernier. J’essaie de traduire ses paroles puis je décide de résumer le premier couplet en quelques mots : l’histoire d’un nouvel homme riche qui parle de son passé, de l’adversité et de son isolement face à cette situation. « C’est nouveau comme son, ça ? » J’ai presque l’impression qu’il est déçu de ne pas saisir le sens des mots qui s’échappent de la radio. C’est alors que je décide de passer « Chasse à l’homme » de Niska, je lui explique qu’on joue ce titre dans toutes nos soirées et que ça crée l’anarchie à chaque fois. « Pourquoi tu ne traduis pas ce qu’il dit là ? » me demande JB. « J’ai vraiment envie de rapper sur ce track, il est très chaud ! » enchaîne Tee avec un grand sourire, notant en même temps le nom du morceau ainsi que celui du rappeur. Sans blague.

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C’est fou comment la musique aide géographiquement. En décrivant à Tee Grizzley où sont les places fortes du rap en France et dans la capitale, j’arrive à lui expliquer la notion de Grand Paris. Je parviens à lui faire comprendre notre système des banlieues grâce au groupe PNL et leur très cher 91, en lui racontant le raz-de-marée provoqué par le duo à travers toute sa stratégie marketing, son concert avorté à Coachella, son univers. « Ok donc si je cherche un truc à faire, il vaut mieux que j’aille en banlieue, c’est ça ? » Euh… Tout dépend de ce qu’on recherche, mais Paris reste Paris et jusqu’à preuve du contraire, la ville centralise beaucoup de choses. « En gros, t’es en train de me dire que les meilleurs rappeurs viennent de banlieue ? » demande-t-il avec sa question rhétorique. Je décide de ne pas me mouiller. Les goûts et les couleurs, dirons-nous.

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« Est-ce que les rappeurs d’ici sont dans les bijoux comme nous aux États-Unis ? » La question me rappelle une conversation eue avec Roy Woods quelques mois plus tôt, l’artiste canadien étant venu avec les mêmes interrogations. Je lui réponds que certains ont adopté ce style « bling-bling » sans qu’il soit réellement ostentatoire. Cela s’arrête généralement à une grosse marque de montres. J’essaie d’expliquer que notre démographie ainsi que l’économie du disque ne permet pas d’avoir des rappeurs aussi riches qu’aux États-Unis. Qu’à un moment se pose la question du choix entre le fond et la forme lorsque ces rappeurs souhaitent franchir un palier « économique ». Le peu d’argent investi dans la communauté à travers restaurants, marques de vêtements ou autres ne rejaillit pas suffisamment sur les artistes et ne permet pas de concurrencer les USA et leurs strip clubs, par exemple. Dans ces lieux, tous les business (musique, drogue, sexe, entertainment, etc.) semblent s’imbriquer, créant alors un cercle « vertueux », car l’argent « réinvesti » entre ces murs est réutilisé dans d’autres business liés à la musique, de près ou de loin.

« Il faut que tu me connectes avec des mecs d’ici, que je pose sur des prods pendant que je suis là. »

On n’avait pas anticipé le fait que de filmer ou prendre des photos dans certains stores poserait problème. De toute façon, Tee Grizzley n’a pas vraiment l’air d’être dans une phase d’achats compulsifs. La quinzaine de minutes à rentrer puis sortir des magasins chauffés à souhait, couplé à la température chutant de plus en plus ont raison de notre hardiesse. On décide de quitter la zone et de rejoindre son hôtel.

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« Combien de temps dois-je rester en France pour pouvoir parler couramment la langue ? », demande prudemment Tee. « Je dirais qu’il faut séjourner ici pendant 6 mois minimum, mais si tu cherches à parler avec notre argot, ça va te prendre un peu plus de temps. Déjà que la langue française est plus compliquée, alors si tu dois te taper toutes les déclinaisons… En fait, on récupère principalement des mots d’origines maghrébine et d’Afrique subsaharienne à cause de nos origines. Comme vous avec le créole ou le patois jamaïcain. » 

Après avoir écouté Lacrim et son titre « On Fait Pas Ça », Tee Grizzley me demande si je connais des producteurs de rap à Paris. « Je ne comprends pas ce que les mecs racontent mais les instrus sont très bonnes. Il faut que tu me connectes avec des gars d’ici, que je pose sur des prods pendant que je suis là. Échangeons nos numéros, ça sera plus simple. »

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Il y a quelques mois, nous vous présentions Trajectoire, un projet derrière lequel se cache Jérémie Nassir, passionné de basketball et d’art. Si le projet a récolté de très bons retours et suscité un engouement certain chez les férus de ces deux disciplines, le point de convergence entre ces deux univers se matérialisera au coeur de Paris, à travers une exposition réunissant 30 artistes et créatifs d’univers différents dans un espace de 5000m2, sur 6 étages; de 10h à 20h le 8-9-10 février prochain. 

Photos : @antoine_sarl

Histoire de vous donner un avant-goût de l’exposition Trajectoire, nous avons décidé de vous présenter – jusqu’au jour J – cinq des artistes qui présenteront leurs oeuvres lors de l’exposition. L’occasion pour nous d’en savoir un peu plus sur eux, leurs inspirations et leurs visions. Aujourd’hui, nous mettons à l’honneur Ana Castillo & Bardamu, binôme le temps d’un week-end.

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Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre travail ?

Ana Castillo : Je suis artiste, je dessine et peints pour exposer ou illustrer dans la presse.

Bardamu : J’écris sous le pseudonyme de Bardamu, ça va de chroniques sur ma vie d’adulescent alcoolique à des projets plus « sérieux » tels un livre/carnet de voyage sur l’Algérie, à paraitre cette année.

Comment êtes-vous arrivés sur l’exposition ?

A C : J’avais fait une collaboration avec AIMKO, une agence parisienne pour un showroom adidas avec des dessins en noir et blanc sur du bois et c’est à cette occasion que Jérémie m’a repérée.

B : Jérémie, qui a monté l’expo Trajectoire et avec qui je joue au basket depuis plusieurs années, m’a sollicité pour écrire un texte. On a brainstormé et on s’est bien marré à en poser les premiers jalons.

« On s’est dit que ce serait drôle d’en faire découvrir les coulisses en révélant des trucs que seuls les initiés savent. »

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Il a fallu concevoir un œuvre pour cette exposition. Qu’elle a été votre démarche ?

A C : Jérémie a eu l’idée de la collaboration avec Serge, il m’a filé le lien de son album rap, j’ai kiffé son écriture et la suite c’était d’illustrer son texte sur les commandements du street basketball avec des dessins imprimés sur des toiles grand format.

B : Mon expérience de basket est à 90% du basket de rue en playground, on a donc réfléchi autour de cet axe du street basketteur et on s’est dit que ce serait drôle d’en faire découvrir les coulisses en révélant des trucs que seuls les initiés savent. Une fois que j’avais une version quasi définitive du texte Jérémie a recherché quelqu’un pour les illustrer et Ana est rentrée dans la danse.

Quel est votre rapport au basket ?

A C : Je n’ai jamais vraiment joué au basketball, cependant j’ai toujours trouvé intéressant l’esthétique, l’ambiance de ce sport, dans la rue ou dans les films. Pour le projet, les mecs m’ont aidés en mimant des gestes pour illustrer correctement les situations dans le texte.

B : Viscéral. J’ai 40 piges et je joue depuis 25 ans. Jérémie pareil. Comme dit Ana ça nous a permis de lui mimer des gestes pour que ses illustrations soient plus crédibles. On était ridicules, Ana peut anéantir nos vies professionnelles en divulguant certaines photos… Blague à part on s’est vraiment bien entendu et le projet des « X Commandements Du Street Basket » s’est fait naturellement.

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Quelle est l’importance d’un tel évènement à Paris ?

A C : Pour moi c’est une première grande exposition à Paris avec une sélection d’artistes reconnus et dans ce lieu immense, chaque installation spécialement conçue pour l’évènement va être dingue !

B : Déjà cet axe de l’art et du Basket est inédit. Ensuite ce que je vois sur les réseaux avec des images d’autres oeuvres annoncent un évènement assez fou en terme de qualité. Le lieu de l’expo, un parking gigantesque en plein XIème arrondissement, ajoute à la force d’attraction. Je crois que Trajectoire fera date.

Avez-vous d’autres projets à venir ?

A C : Je suis actuellement en résidence d’artiste à Leipzig en Allemagne, deux expositions sont prévues, je vais présenter une installation de peintures.

B : Non, j’ai prévu de rien foutre cette année. C’est évidemment une blague mais ceux qui me connaissent savent que cette posture de branleur est tout à fait crédible. Le livre sur l’Algérie va se finaliser et j’ai d’autres projets qu’il est inutile de dévoiler pour le moment. Et bien sûr, du basket encore et toujours jusqu’à ce que mort s’en suive…

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Le YARD Winter Club, where amazing happens. Le samedi 2 février, à Lyon, au Diskret, on a débarqué en terre gone avec 13 Block. Devant une salle pleine à craquer, le groupe a déchainé les enfers. Et summum de la soirée : les Sevranais ont balancé l’hyper attendu « Fuck le 17 » en exclu pour les Lyonnais. Évidemment, on a immortalisé ça.

Photo : @los.bledos

Binbinks. Après avoir sué tout l’été, YARD s’est paré de ses plus beaux apparats d’hiver pour réchauffer les nuits froides de France. Après deux passages à Lyon cet été avec Koba LaD et Zola, le YARD Winter Club est retourné Lyon ce samedi 2 février pour détruire ça une troisième fois, avec nos gars de Propagang Productions. Et on a ramené le meilleur groupe de rap français avec nous : 13 Block. Sur la scène du Diskret, les Sevranais n’ont pas fait dans la dentelle et ont choqué les Lyonnais avec un live d’anthologie. Et cerise sur le gâteau, le groupe a balancé l’hyper attendu « Fuck le 17 » en exclu, véritable hymne à la révolte qui n’engage qu’eux, mais qui ambiance tout le monde. Un « Fuck Tha Police » version 2019 que ne renieraient pas Eazy E et Ice Cube – pas impossible que tu l’entendes dès la prochaine manif des gilets jaunes.

Il y a quelques mois, nous vous présentions Trajectoire, un projet derrière lequel se cache Jérémie Nassir, passionné de basketball et d’art. Si le projet a récolté de très bons retours et suscité un engouement certain chez les férus de ces deux disciplines, le point de convergence entre ces deux univers se matérialisera au coeur de Paris, à travers une exposition réunissant 30 artistes et créatifs d’univers différents dans un espace de 5000m2, sur 6 étages; de 10h à 20h le 8-9-10 février prochain. 

Photos : @antoine_sarl

Histoire de vous donner un avant-goût, nous avons décidé de vous présenter – jusqu’au jour J – cinq des artistes qui présenteront leurs oeuvres lors de l’exposition. L’occasion pour nous d’en savoir un peu plus sur eux, leurs inspirations et leurs visions. Aujourd’hui, nous mettons à l’honneur Emir Shiro.

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Peux-tu te présenter, toi et ton travail ? 

Je suis Emir Shiro. Je me considère principalement comme un artiste mais je suis aussi graphiste. Les gens me connaissent surtout pour mes collages, mais aussi par mon travail autour de la censure. C’est un travail que j’ai développé il y a un an déjà, et que je continue de développer aujourd’hui. À la base je suis illustrateur, et quand j’étais en école d’art, je dessinais principalement du corps nu. Quand j’ai voulu publier mes dessins sur les réseaux sociaux, je me suis fais censurer par les chartes et les règlements. Surtout sur Instagram, qui avait fait sauter mon premier compte. Donc j’en suis venu au collage, puisque c’était une technique qui me permettait toujours de parler du corps « en jouant avec le cachet dévoilé ». C’est clairement de la suggestion. Et depuis, j’existe essentiellement sur les réseaux grâce à ça, et étrangement je me suis fait un « nom » par le même biais. On peut dire que c’est un accident qui est devenu quelque chose de grand.

Quel est ton rapport à la censure ? 

Je travaille sur le corps dans le but d’enlever tous les tabous qui l’entourent. En fin de compte, on est tous nés à poil. Je réalise que plus on avance dans le temps plus les médias censurent la nudité. Je peux prendre l’exemple de Tumblr qui l’a fait récemment. Instagram le fait depuis longtemps. Facebook est rattaché à Instagram… Internet a une discipline assez stricte sur le sujet, alors qu’il y a d’autres choses qui mériteraient une même autorité. J’ai fait une interview pour Playboy avec un journaliste américain il y a quelques temps et il m’a posé là question suivante : « Y’a t’-il de vraies différences entre les façons de penser américaine et française/européennes ? » Je lui ai répondu qu’il y a des prises de positions que je trouve étrange et qu’ici en France on n’a pas forcément.
Aux Etats-Unis, l’apologie de l’armement est banalisée. Pourtant, cela me parait nettement moins dramatique de montrer une paire de fesses ou une paire de seins , mais c’est censuré. En France, la nudité est dans notre culture et j’ai l’impression qu’aujourd’hui on fait marche arrière au lieu d’avancer. J’estime que je suis là pour m’amuser de cela, je me moque de ce contraste avec mon art.

« Le basket, c’est rattaché à cette culture street, du street-art, du streetwear… »

Quel est ton processus de création ? 

En réalité, parfois j’ai déjà le titre ou l’idée dès le début. Alors je vais essayer de l’illustrer avec les photos que je prends ou avec celles d’amis photographes qui travaillent avec moi. Dès lors, soit on essaye de développer l’idée ou le thème, soit je recycle des images que je trouve dans les magazines, sur des affiches, sur Internet, etc. C’est un autre processus de création.

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Comment es-tu arrivé sur l’exposition Trajectoire ? 

Jérémie Nassir me suivait sur Instagram. Il m’a simplement écrit pour me faire la proposition, histoire de savoir si j’étais intéressé. Personnellement, j’aime bien le contact avec le public. Le retour réel, que tu n’as pas sur Internet, est super intéressant. C’est un autre feeling que tu partages avec le public finalement. Donc j’ai naturellement accepté, surtout qu’il y a aussi de très bons artistes. Quant au lieu, il est super.

Quel est ton rapport avec le basket ? 

En fait, pour être honnête, Jérémie ne savait pas du tout que j’avais un lien avec le basket. Son idée de base, c’était de faire venir des gens qui n’étaient pas obligatoirement dans la culture street, mais j’ai fait du basket quand j’étais plus jeune. Puis, je suis tout le temps dans cette culture, je fais du sport avec mes potes, et le basket c’est rattaché à cette culture street, du street-art, du streetwear… J’ai un lien avec ce sport. Après, je ne peux malheureusement pas regarder tous les matchs qui passent, puisque ce sont les heures auxquelles je travaille. Je travaille principalement la nuit, donc je me couche très tard. Mais j’essaye de suivre au maximum. J’aime bien les Lakers, et quand j’étais petit j’adorais Iverson, quand il jouait chez les Sixers. C’était incroyable, c’est une légende pour beaucoup.

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Il a fallu concevoir une oeuvre pour cette exposition. Quelle a été ta démarche ?

Pour l’exposition, j’ai voulu sortir de ma zone de confort, alors « plastiquement » j’ai beaucoup testé. Ça ne va pas forcément être de l’image plate, on va travailler sur l’espace, sur de l’installation, sur des matières un peu particulières. J’aime bien me mettre en danger, et Jérémie a justement mis à disposition des moyens qui sont très intéressants pour un artiste ayant cette volonté-là. Du coup, je me suis dit que c’était l’occasion rêvée pour tester. On n’a pas encore terminé, on est entré en phase de production pour tout le mois de janvier [l’interview a eu lieu au début du mois de janvier, ndlr]. Ensuite on entame la phase d’installation et puis ce sera bon. Je suis pressé de rencontrer du monde. Il y a des artistes présents qui exposent et que je n’ai jamais eu la chance de rencontrer. J’aime beaucoup le travail typographique de Tyrsa par exemple. Pareil pour Ana Castillo et ses dessins… Mais il y en a plein d’autres. LX.ONE aussi, qui est très fort. C’est l’occasion pour moi d’avoir un lien avec ces artistes, de partager et de vivre l’expérience ensemble. J’ai vraiment hâte d’y être.

Peux-tu nous en dire plus sur tes projets à venir ? 

En 2019, je vais travailler avec plusieurs marques. J’aimerais beaucoup faire de la direction artistique. Je travaille également avec des artistes issus du milieu de la musique donc je suis souvent en collaboration avec Universal et, plus généralement avec des labels, plus ou moins importants. Pochettes d’albums, affiches… J’ai beaucoup d’amis qui sont dans la musique, c’est pour ça je suis rattaché à l’univers musical. Je fais souvent du graphisme. Mon souhait dans l’année, ce serait de pouvoir exposer au maximum ; multiplier les expositions parce que je trouve ça super. J’en ai déjà fait quelques-unes, quatre ou cinq, mais j’ai une toute jeune carrière en réalité. Ça doit faire un an  que je vis réellement de l’art. Je me suis structuré, j’ai monté ma société, ce qui me permet donc de pouvoir vivre par mes travaux.

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Personne ne regarde Rick Ross de haut. Et quand le boss des boss s’exprime sur la réussite, la mort d’Xxxtentacion, la scène rap de Floride, Meek Mill, les failles du système pénitentiaire américain et son nouvel album Port of Miami 2, on écoute. Interview rare Teflon Don à Paris, devant trois kilos de viande fumante.

Photos : @antoine_sarl

The biggest boss. Rick Ross a sorti son premier album, Port of Miami, il y a plus d’une décennie. Aujourd’hui, Rozay fait partie de ceux qui n’ont plus rien à prouver. En homme chevronné qu’il est, le pilier de Carol City s’est fait une place à laquelle peut peuvent prétendre : il est entre deux générations de rappeurs, deux courant, d’un côté héritier du mouvement hip-hop originel, de l’autre OG de ce que cette culture incarne en 2019. Rather You Than Me, son neuvième album, le premier sur Epic Records (2017), marquait l’émergence d’un sous-genre que Ross estime manquant et nécessaire : le « big boy » rap. Un courant qui reste fidèle à ses racines Southern rap et à l’impudence avec lesquelles il s’est fait une place dans l’industrie – du rap pour bonhomme en gros, pour ceux qui respectent et se délectent autant de ce qui date d’hier que d’aujourd’hui.

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Depuis près d’une année, Rick Ross prépare avec soin son retour, avec l’album Porto of Miami II. Un retour au source extrêmement attendu sur lequel on devrait retrouver Nas, Future, Yo Gotti et Young Jeezy, Wale et évidemment Meek Mill. Rozay, ambassadeur du vin mousseux Luc Belaire, propriétaire de dix franchises Wingstop et business man accompli, rappe pour le sport, parce qu’il a ça dans le sang et que personne n’incarne ce qu’il incarne. Un vrai mogul qui n’est jamais regardé de haut, peu importe les strates. Nous l’avons rencontré à Paris, dans le restaurant The Beast, pour une interview rare.

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Il y a quelques mois, nous vous présentions Trajectoire, un projet derrière lequel se cache Jérémie Nassir, passionné de basketball et d’art. Si le projet a récolté de très bons retours et suscité un engouement certain chez les férus de ces deux disciplines, le point de convergence entre ces deux univers se matérialisera au coeur de Paris, à travers une exposition réunissant 30 artistes et créatifs d’univers différents dans un espace de 5000m2, sur 6 étages; de 10h à 20h le 8-9-10 février prochain. 

Photos : @antoine_sarl

Histoire de vous donner un avant-goût, nous avons décidé de vous présenter – jusqu’au jour J – cinq des artistes qui présenteront leurs oeuvres lors de l’exposition. L’occasion pour nous d’en savoir un peu plus sur eux, leurs inspirations et leurs visions. Aujourd’hui, nous mettons à l’honneur Laurent Perbos.

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Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Laurent Perbos, je suis artiste plasticien, plutôt dans le domaine de la sculpture. À vrai dire, mon domaine d’intervention, c’est l’art contemporain : les centres d’art, les musées, les galeries, etc. En général, j’utilise dans ma pratique des objets issus de la grande consommation comme matériaux dans un travail de sculpture. C’est à dire que je choisis des matériaux, ensuite je les assemble et je les modèle de façon à ce qu’il en résulte des formes qui ne vont pas nécessairement représenter des objets. Au contraire, elles vont représenter des choses du naturel. L’objet est quelque chose que l’homme fabrique pour améliorer son propre confort, une production pure et simple. Alors moi, je me sers de ces objets pour « domestiquer » une nature. C’est pour cela que les pièces que je réalise, sont plutôt des évocations de la nature, un questionnement sur l’art contemporain ou sur l’art en général.

On utilise des objets créés de façon artificielle, donc par les hommes, pour s’adapter à l’individu et de l’autre côté, il y a la nature, qui ne s’adapte pas forcément à lui… Est-ce que c’est cette position que tu adoptes ou est-ce encore autre chose ?

Non, je ne voyais juste rien d’intéressant à utiliser des objets pour en reproduire d’autres. J’ai plutôt préféré questionner la place de l’homme dans son environnement, aussi bien naturel qu’artificiel. Quant à la question de représenter la nature : nous, nous connaissons les objets que nous fabriquons parce qu’ils sont de notre fait, mais on ne sait pas qui nous « fabrique ». Représenter la nature, c’est quelque part une représentation du divin. Et c’est une fabrique qui a été faite tout au long de l’histoire de l’art et des sociétés. Il s’agit là de questionner sa présence, ses actions et par extension le but de sa vie.

Comment es-tu es arrivé sur l’exposition Trajectoire ?

J’utilise des objets de la grande industrie, de l’industrie de masse, en l’occurence des objets que l’on trouve principalement dans les grandes surfaces, et donc dans les magasins de bricolage ou de de sport. Mes premières sculptures ont été des objets liés au sport que j’ai détourné. Il s’agissait à l’époque de détourner une des caractéristiques d’un objet – en l’occurence sportif – comme le poids, la taille ou la couleur, et de le restituer tel quel avec les mêmes règles et signes qui vont permettre au spectateur de le comprendre. Puisqu’une caractéristique a été changé, cela induit un changement, un autre rapport à l’objet. Par exemple, prenons une fourchette. Si elle est à la dimension de la main et de la bouche, en changeant une de ses caractéristiques, elle ne tiendra plus dans la main ou ne rentrera plus dans la bouche. En étant assez simpliste, c’est le type de rapport que j’essaie d’instaurer avec des objets sportifs. Après, on pourrait se demander pourquoi des objets sportifs. Ce qui m’intéresse dans ces objets, c’est que cela touche un plus grand nombre de gens. J’ai alors la possibilité – avec les pièces que je vais faire – d’avoir le maximum d’impact sur le spectateur. Il ne s’agit pas de faire une proposition artistique complexe avec des signes ou des matériaux qui vont créer une distance avec le spectateur. Au contraire : le spectateur ou le visiteur reconnait de suite les objets qui sont liés à son univers sportif et du coup, il rentre dans l’oeuvre beaucoup plus facilement.

Il a fallu créer des oeuvres spécifiquement pour cette exposition. Comment s’est passée toute la démarche de réflexion sur ce thème ?

Les sculptures que j’ai réalisées et qui sont liées au sport, je les ai fait au début des années 2000 mais je continue à en faire avec des perspectives différentes. C’est à dire que je vais continuer à utiliser des objets liés au sport, mais peut-être plus pour questionner la sculpture et la peinture contemporaine que pour déformer des caractéristiques. C’est pour ça que dernièrement j’ai réutilisé les ballons de basket tout comme les accessoires de vélo (des roues, des guidons, les moyeux, etc.) mais plus pour réaliser des oeuvres qui vont questionner la peinture et la peinture contemporaine, que pour réellement questionner l’objet sportif en soi. Je vais faire une progression, une évolution de ma démarche artistique en utilisant toujours ce répertoire d’objet. Aussi, quand Jérémie est venu vers moi en me proposant cette exposition, j’avais déjà un répertoire d’idées pouvant répondre à ses attentes. C’est d’ailleurs là-dedans qu’on a pioché.

« Je suis assez content de pouvoir faire ce pas de côté pour à la fois aussi m’oxygéner, parce qu’une fois qu’on est dans une niche ou dans un réseau, on est un petit peu bloqué. »

Et ton rapport au basket, quel est-il ?

Pour être honnête, je n’en ai pas. Avec aucun sport de balle d’ailleurs, moi je suis plus dans les sports de glisse.

En même temps, le but de l’exposition n’est pas forcément de s’entourer de spécialistes de basket. C’était ça aussi l’intérêt.

Oui, et je pense qu’en général les artistes surfent un peu sur tout ce qui est… [Il réflechit] Après il faut quand même des atomes crochus. J’ai pratiqué pas mal de sport quand j’étais jeune et c’est quelque chose qui m’a toujours un peu intéressé, passionné, voire amusé. J’ai plus d’affinités avec le basket qu’avec le rugby, par exemple, mais je n’ai pas de préférence pour un sport plutôt qu’un autre. D’ailleurs, je ne suis pas encore arrivé à traiter des sports que je pratique, dans mon expression plastique.

Mais avec les sports de glisse, oui ?

Effectivement. Je pourrais aussi m’intéresser au curling, mais pour l’instant je n’ai pas trouvé de…

[rires] Je ne vois même plus ce qu’il y a comme matériel dans le curling. Un balai et un palais ?

Oui, un balai et la glace. Après, ce qui est pas mal – enfin, ce que je trouve aussi intéressant – c’est de s’attaquer à des choses qui semblent ne pas avoir été achevées, presque bloquées. Des choses sur lesquelles on n’a pas de projection. Par exemple, c’est vrai qu’avec le curling, on ne voit pas ce qu’on pourrait tirer d’artistique. Mais justement, c’est là où ça peut être intéressant : essayer d’inverser la chose et essayer de trouver des solutions.

C’est un prétexte pour être encore plus créatif et à repousser encore plus ses limites.

Voilà. Exactement.

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Peux-tu nous parler de tes projets en dehors de cette exposition ?

J’ai une pratique d’atelier, c’est-à-dire que je travaille dans mon atelier et je construis des formes. Comme j’ai un répertoire d’oeuvres à échelle humaine, donc assez volumineuses, ce sont quand même des grandes pièces. Je postule assez régulièrement pour des commandes publiques.

C’est-à-dire ?

C’est ce qu’on appelle des 1% et des oeuvres dans l’espace urbain. C’est le même style de pièces mais ça répond à des attentes qui vont être différentes. Il faut des matériaux costauds et faire appel à des bureaux d’études pour éviter qu’ils ne tombent. C’est une autre façon de faire, qui nécessite de travailler avec différents corps de métiers spécialisés mais aussi avec des assurances, des bureaux d’études, des bureaux de contrôle, etc. Ça prend énormément de temps. J’ai des projets d’exposition avec à la fois des oeuvres que je vais faire voyager et qui existent déjà, mais aussi des oeuvres que je vais devoir réaliser pour l’occasion. Ça et un projet de résidence pour le moment en pointillés que j’aimerais bien mener à terme, à Shanghai. Puis même, de manière générale, l’Asie est une région qui me parle beaucoup.

Cela implique t-il de déplacer l’atelier ?

La résidence est plutôt un lieu de travail qui peut s’accompagner d’une exposition, ou pas. Mais c’est plutôt un endroit où on se déplace avec l’idée d’avoir un espace où l’on va réfléchir et installer son univers. En effet, dans mon cas c’est beaucoup de machines et il me serait très compliqué de tout prendre avec moi à chaque fois.

 

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Londres, Milan, Paris… Après vous avoir parlé des 5 défilés féminins nous ayant marqués il y a de ça quelques mois, la fashion week masculine a présenté les grandes tendances à venir pour l’hiver prochain. Si la capitale italienne voit le nombre de ses défilés se réduire, le calendrier de la Ville Lumière ne cesse de s’étoffer avec l’arrivée de nouveaux designers. Au total, 56 créateurs ont répondu présent. Mais que faut-il retenir de cette fashion week ?

Cette saison, Paris est sous l’influence japonaise : 12 designers venant de l’autre côté du globe ont choisi la capitale pour présenter leur collection. Un record mené par des têtes d’affiche historiques tels que Yohji Yamamoto et Issey Miyake, les habitués comme Undercover, Facetasm ou Sacai, et l’arrivée de nouvelles têtes : Takahiromiyashita The Soloist, Mihara Yasuhiro et Fumito Ganryu. J.W Anderson fait faux bond à sa ville favorite – Londres – pour son premier runway à la tête de l’homme Loewe, tandis que les défilés les plus attendus des deux « cool kids » du luxe ont vu Virgil Abloh rendre hommage à Michael Jackson chez Louis Vuitton et Kim Jones réinterpréter le costume masculin en défilant sur tapis roulant chez Dior.

La doudoune : OVERSIZE

Long ou court, le manteau matelassé se porte oversize. Présent depuis plusieurs saisons, il se présente sous de nouvelles formes comme le tailleur chez Fumito Ganryu et le kimono chez Sacai. Le matelassage est embossé du célèbre monogramme chez Louis Vuitton et se porte sanglé chez Private Policy et Takahiromiyashita The Soloist. Extra longue chez Angus Chiang ou chez Off-White, la doudoune se décline avec son sac banane intégré, presque semblable à une couette.

L’écharpe : XXL

En plus de la doudoune, l’écharpe se porte elle aussi en taille XXL. Matelassée chez Dries Van Noten et Dunhill, ultra épaisse, rayée et en maille chez Loewe ou Bobby Abley, elle va jusqu’à traîner au sol chez Acne Studios et AMI. Elle se porte autour du cou et simplement jeté sur l’épaule comme chez Sunnei, ou à la taille comme chez Dior.

La taille : CINTRÉE ET SANGLÉE

Si sur certains shows la tendance est à l’oversize, chez d’autres elle est à la taille cintrée, voire corsetée, avec de multiples ceintures en cuir comme chez Prada. Une boucle plus travaillée chez Pièces Uniques, agrémentée d’une fermeture à code qu’on retrouve habituellement sur les valises. On redécouvre la célèbre boucle devenue iconique chez Alyx, mise en avant sur des vestes de costumes ceinturées.

Les couleurs : FLASH ET ACIDE WASH

L’hiver prochain, le motif tie and dye multicolore arrive en force. Habituellement porté en été, il apparaît classe en neutre ou coloré chez Dries Van Noten, sur du jean, des doudounes et en total look chez Dsquared2 ou chez Marcelo Burlon. La couleur orange, déjà introduite depuis plusieurs saisons, arrive à son apogée : présente en total look chez Off-White, Angus Chiang, Acne Studio et A Cold Wall. On retrouve d’autres couleurs flashy en monochromes comme le rose chez Raf Simons et le vert chez Craig Green.

La tête : CAGOULÉE

À l’ère où la plupart d’entre nous souhaite avoir son quart d’heure de gloire sur les réseaux sociaux, la fashion week cherche cette saison l’anonymat. Des grandes capuches et des cols cachant la moitié du visage chez Alyx et chez Juun.J. Vetements portent des cagoules en référence au monde sombre du Dark Net et les mannequins du show de Takahiromiyashita The Soloist ressemblent à des membres furtifs d’une escouade militaire d’un monde dystopique.

Sorti le 7 janvier 2018, le clip du morceau « KYLL » comptabilise aujourd’hui plus de sept millions de vues. Véritable tour de force du rappeur havrais, le clip met en images l’alchimie naissante et véritable de  Médine et Booba. Une alchimie autant musicale que personnelle, qu’on vous invite à voir dans ce Behind The Scenes.

Photos : @samirlebabtou

« Non, il n’y a pas de projets en vue. Malheureusement, parce que je considère Booba comme le numéro 1 du rap game. C’est quelqu’un qui a su dépasser les générations, qui a su traverser les époques, qui a su s’adapter, qui fait la tendance aujourd’hui, et qui reste dans la qualité (…) Je suis en désaccord avec Booba sur pas mal de positions qu’il prend, mais de manière générale, qualitativement parlant c’est un meneur d’opinions, c’est lui qui fait la tendance et il faut le reconnaître. » En 2012, c’est avec ces mots que Médine couvre de louanges Booba dans une interview pour Rapelite. Il aura pourtant fallu attendre six ans pour que la première collaboration entre les deux rappeurs voient le jour, après tant de teasing vidéos, de lettre envoyée et d’appels de phares.

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Si les deux rappeurs appartiennent aux yeux du public à deux écoles différentes, ils se sont finalement rejoints sur une même posture : « Du nègre, de l’algérien font du Kylian Mbappé. » Assez pour se retrouver en studio et en faire un morceau entier, dont le nom « KYLL » doit surement tirer son origine de l’amour de Médine pour les jeux de mots. Le morceau sort le 30 novembre 2018 et finit de contenter les attentes du public francophone. Un mois et demi et quelques trois millions de vues plus tard, c’est le clip qui voit le jour, tourné à Alger à l’occasion du concert de Booba à la Coupole.

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Réalisé par Samir Bouadla, proche de Médine et soldat le plus sûr de YARD, le visuel fait sensation : la gestuelle de Booba se transforme en challenge sur les réseaux par l’entremise de Mehdi Maïzi, et les fervents électeurs du Rassemblement National montent au créneau devant la piñata de Marine le Pen. Il était donc tout naturel de vous montrer les Behind The Scenes d’une collaboration aussi folle entre deux grosses têtes d’affiches du rap français. Et puis, voir Booba au naturel fait toujours plaisir. Alors régalez-vous.

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De KITH à Round Two, de Nepenthes à Metropolis : New York regorge de boutiques qui valent le détour. Tour d’horizon des meilleures adresses sapes de la ville qui ne dort jamais.

Photos : @pabloattal

Octobre 2018, une partie de l’équipe YARD se rend à New York pour assister à la première édition du Hypefest, nouvelle messe annuelle du cool où se réunissent des labels allant de Heron Preston à A-COLD WALL*, de Ambush à A Bathing Ape. Mais tandis que les regards se braquent sur les pièces et autres collabs qui y sont dévoilés en exclusivité, notre petite délégation se décide plutôt à arpenter les rues de la Grosse Pomme pour fouiner les véritables pépites dans quelques uns des shops les plus pointus de la ville. Le fruit de ses emplettes est ici mis en scène dans un édito-guide produit par La Pierre.

Maati (à gauche) porte des lunettes Céline, un hoodie Pariah Farzaneh, un denim jean Levi’s vintage de chez What Goes Around Comes Around et des adidas YEEZY 500 Utility Black.
Vincent (à droite) porte un chapeau Engineered Garments et un track pant Needles en velours de chez Nepenthes, un long sleeve thermal Indera de chez Uncle Sam Army Navy, et des Hoka One One SpeedGoat 2 de chez REI Co-op.

What Goes Around Comes Around

Un vintage store réputé qui propose une sélection de produits hyper raffinée, entre sacs et robes de designer, t-shirts rétro ainsi qu’une offre très interessante de jean Levi’s, certains datant même des années 1890. Des denims particulièrement rares, dont les prix varient de 180 à 3000€. Mais au-delà des produits, What Goes Around Comes Around se distingue surtout au niveau de l’experience shopping, à travers un sourcing précis qui retrace fidèlement l’origine des pièces.

Uncle Sam Army Navy

Uncle Sam Army Navy est un des nombreux magasins « surplus » de New York, les « surplus » étant des enseignes spécialisées dans les vêtements militaires : cargo pants, parkas, life vests, boots, etc. On les appelle ainsi car il s’agit d’unités d’équipement commando produites en trop grande quantité par les fournisseurs, et qui sont donc revendues à ces magasins. Et puisque la mode militaire a pris du galon, ces produits sont devenus très populaires au cours des dernières années, car solides et peu cher.

Nepenthes

À travers un craft inimitable et une sélection méticuleuse de produits rares aux silhouettes chiadées et avant-gardistes, Nepenthes incarne à merveille l’excellence du streetwear japonais moderne. Le groupe nippon ne compte que deux enseignes à travers le monde – à Tokyo et à New York – où sont distribuées de façon assez exclusive les quelques griffes dont il revendique la paternité, un peu à la manière de COMME des GARÇONS et son Dover Street Market. Parmi les griffes en question, on peut citer Engineered Garments ou encore Needles, qui a largement contribué a popularisé la coupe de jogging avec un passepoil au milieu de la jambe (cf. celui porté par Vincent sur la photo ci-dessus). Un plaisir de shopping si le budget suit.

REI Co-op

Aperçues du côté de Balenciaga, Prada ou Cottweiler, les inspirations trekking ont fait sensation récemment, et on compte clairement Hoka parmi les marques leader du segment. Celle-ci est notamment vendue chez REI Co-op, une enseigne de choix pour les produits techniques liés à tous les sports d’hiver. Pantalon Mammut, windbreaker Arc’teryx, short Patagonia : autant de pépites qu’on a tenté de dénicher chez le spécialiste de la montagne de Lafayette Street.

Vincent (à gauche) porte un flannel hooded shirt NUMBER (N)INE et un denim Junya Watanabe x COMME des GARÇONS x Corso Como 2001 de chez EMPTY R_ _M (pop-up store) et des YEEZY Season 6 Desert Rat Boot de chez KITH.
Maati (à droite) porte des lunettes Gucci, un crewneck Champion x MoMA du MoMA Design Store, et des Asics [nom du modèle] de chez Nordstrom Racks.

MoMA Design Store

Le design store du MoMA est un bel exemple de cette facilité bien américaine à faire collaborer les institutions artistiques légitimes avec des instances créatives plus jeunes et cool. Une alchimie qu’on a plus de mal à retrouver en France. Ainsi, depuis quelques années, le Musée d’Art Moderne de New York multiplie les collaborations avec Champion, New Era ou encore Uniqlo, créant ainsi parmi les pièces streetwear les plus en vue du moment. Il n’en fallait pas plus pour en faire un arrêt incontournable de notre shopping trip. À quand un box logo Musée du Louvre ?

Nordstrom Rack

Les « racks » sont de véritables cavernes d’Ali Baba façon outlet. Il s’agit de magasins de destockage de grosses enseignes multi-marques disséminés un peu partout dans la ville. Un peu comme si Galerie Lafayette avait un magasin outlet ouvert tout au long de l’année. On y trouve des centaines de vêtements et de chaussures à prix bradés qui s’entassent sur des étagère et des portants. C’est toujours du temps à consacrer mais en cherchant bien, impossible de ne pas trouver des perles.

EMPTY R_ _M

Ok, il ne s’agit pas là d’un shop « local » à proprement parler mais il nous était impossible de ne pas le mentionner. On a eu la chance d’être à New York pendant que les archivistes de designers japonais EMPTY ROOM étaient de passage en ville pour un pop-up de quelques jours. L’occasion de mettre la main sur des pépites parfois vieilles de 20 ans, qu’on ne saurait trouver nulle part ailleurs en magasin.

KITH

Le multi-marque nouvellement installé à Lafayette Street est un autre point de passage incontournable quand il est question d’un shopping trip new-yorkais. On apprécie l’ampleur de l’espace, l’exécution de la décoration, le corner yaourt glacé, la galerie d’art miniature aiguillée par Daniel Arsham, mais surtout la finesse de la sélection streetwear. Car c’est bien là l’essentiel.

Maati (à gauche) porte un hoodie UNDERCOVER JohnUNDERCOVER de chez EMPTY R_ _M (pop-up store), un track pant Needles en velours de chez Round Two et des chaussures Quechua de chez Décathlon.
Vincent (à droite) porte un bonnet Noah Clothing de chez Noah, des lunettes Oakley de chez REI Co-op, un t-shirt Harley Davidson vintage de chez Metropolis Vintage Clothing, une chemise flannel rebuild Needles de chez Nepenthes, un denim Acne Studios du Acne Studios Flagship Soho, des chaussettes Anonymous ISM et des sandales Suicoke de chez KITH.

Round Two

Round Two est un autre arrêt indispensable, propre au territoire américain. Il s’agit d’un magasin de revente de produits streetwear neuf ou de seconde main, allant derniers drops Supreme aux exclus Nike, en passant par du vintage Polo.
Mais ce qui fait véritablement la singularité de Round Two, c’est qu’on y entre avec de la sape rare et qu’on y sort avec une liasse ou un chèque, un format interdit en France où seul le dépôt-vente est autorisé. L’atmosphère du shop est assez unique, car très détendue, avec un vrai sentiment de communauté. Un temple de la sape où tout le monde est animé par la même passion.

Noah

La marque de Brendon Babenzien nous offre une expérience simple et efficace, qui n’est pas sans rappeler celle proposée par Supreme, entreprise à laquelle Babenzien a donné bon nombre d’années de loyaux services. Il suffit de remplacer le skateur par le jeune créatif urbain et Noah a tout, de la griffe au box logo qui siège plus haut sur Lafayette.

Metropolis Vintage Clothing

Le meilleur pour la fin. Metropolis est le temple de ce que les États-Unis nous ont offert de meilleur après les billets de 1 dollar et Frank Ocean, à savoir : la culture du t-shirt graphic. Si vous voulez un t-shirt vintage, celui d’un rappeur ou d’un illustre groupe de rock, d’un vieux dessin animé ou d’une marque iconique, Metropolis l’a. Il n’attend que vous, bien sagement rangé sur son portant, non loin des membres du staff qui se tiennent prêt à vous conter l’histoire de sa conception. Et si vous avez un deuxième coup de coeur, il vous est bradé à -50%. On ne dit pas « rêve américain » pour rien.

Bonus : Décathlon

Une fois de plus, on se sent obligé de tricher un peu. Pourquoi Décathlon ? Parce qu’on vous la dit plus haut, les chaussures de trekking ont une esthétique hyper intéressante, très populaire en 2018. Puis honnêtement : pour arpenter les rues de New York des journées entières, quel choix si ce n’est Quechua ? Les membres de 13 Block ne nous contrediraient sûrement pas, eux qui sont « Toujours en Quechua, taille M Quechua ». Plus sérieusement, le rapport qualité-prix qu’offre Décathlon a peu d’égal, avec une mention spéciale pour l’authenticité des designs. Et les gens se sont tellement attachés à l’ultra-exclusif, à ce que personne ne peut avoir, que l’ultra-disponibilité est devenu le nouveau rare. Tellement facile à avoir qu’au final personne ne l’a.

Sa mode tout à la fois luxe, grunge et urbaine habille Justin Bieber, Kanye West, Travis Scott, Future, 2 Chainz, Kendall Jenner et Rihanna. Avec son label Fear of God, Jerry Lorenzo est devenu l’une des icônes d’une culture qui n’en finit plus de croquer le monde. Ce week-end, il présentait sa première collection pour Nike à Paris. Rencontre.

Photos : @alextrescool

Ça se bouscule, ça s’enfièvre, dans l’entrée du Nike Lab. Ça tend très haut les bras pour capturer à l’iPhone la vedette du jour. Celui qui dévore l’espace, là, avec sa belle gueule, ses boucles déliées et sa façon d’être cool. Aujourd’hui, Jerry Lorenzo fête sa première collaboration avec la griffe au swoosh. Ç’avait d’abord commencé par une chaussure de basket, la Nike Air Fear of God 1. En cuir gris clair ou tissu et daim noirs, posée sur une épaisse semelle blanche, avec une cage zippée à l’arrière et des lacets qui se croisent joliment. Puis on avait pensé tout un vestiaire pour les terrains et au-delà, une parka argent, un maillot de basket, des shorts à la Michael Jordan, un sweat manches courtes en molleton ou un jogging à boutons pression. Jerry Lorenzo voulait sa collection belle, fonctionnelle et confortable, avec de l’émotion dedans. Emballer les cœurs comme au jour de sa première Jordan.

Rejeton de la même génération autodidacte que Virgil Abloh, Kanye West ou Matthew Williams, Lorenzo a fondé en 2013 une marque devenue déjà culte, Fear of God. Du basket et du baseball, il tient sa détermination, son esprit de compétition et ses inspirations. Ensemble, on a causé connexions entre sport et mode.

Quelles sont tes icônes mode dans le sport, celles qui ont inspiré ton style ?

Facile, André Agassi et Michael Jordan.

C’est marrant parce que beaucoup disent que Michael Jordan n’a pas vraiment de « swag ».

Non, mais sur le terrain ! Quand j’étais plus jeune, j’adorais ce que dégageait Michael Jordan sur le terrain. Et Agassi quand il jouait. La différence avec aujourd’hui, c’est que l’on regarde le look des athlètes en-dehors du terrain. Dans les années 90, c’était le style qu’ils avaient lorsqu’ils performaient qui nous inspirait. La façon dont Michael Jordan portait ses shorts ou dont Agassi associait les couleurs par exemple.

Et Allen Iverson ?

Oui c’est une inspiration, bien sûr, à 100%. Mais ce que j’aimais chez Allen, c’était son approche. Je n’étais pas fan de ses vêtements super oversize, mais j’aimais son approche, le fait qu’il soit lui-même, se batte contre le système.

Que penses-tu du fait qu’il ait déclaré que le dress code NBA devrait être appliqué aujourd’hui parce que c’est « Halloween tous les soirs » avant les matchs ?

Allen a vraiment dit ça ? Je n’arrive pas à le croire. Il est la raison pour laquelle le dress code a été mis en place. Je pense que l’une des meilleures choses que la NBA ait faite, c’est justement de permettre aux joueurs de s’exprimer en tant qu’individus. Lorsque s’ils se sentent bien dans leur peau, ils jouent forcément mieux.

« Colin Kaepernick ne joue plus au football mais la marque continue de soutenir pour ce qu’il représente lui, en tant que personne. J’aime penser que Nike s’intéresse à moi au-delà de l’aspect créatif. »

Comment le sportswear, qui était considéré à l’époque comme très « anti-fashion » par les gens qui ne faisaient pas partie de la culture street, est-il devenu aujourd’hui aussi cool et populaire ?

Je pense que la culture de la jeunesse a toujours plus ou moins influencé la culture globale. Nous avons accès aux réseaux sociaux, nous avons accès à tellement d’informations, ce qui force en quelque sorte le monde à suivre ce que l’on fait. Personnellement, j’aime m’habiller de façon confortable. Avec le sportswear, il y a tout de suite cette notion de confort. Les gens veulent juste se sentir à l’aise.

Je crois qu’il y a quelque chose à propos de liberté là-dedans. En refusant de compromettre leur confort, le sportswear libère les gens. Et je pense que ça répond au besoin de liberté de la nouvelle génération.

Oui, à 100%. Ce que l’on essaie de faire avec Fear of God, c’est de libérer les consommateurs, leur montrer que l’on peut porter des produits de luxe qui soient confortables. Le luxe, ce n’est pas forcément un costume serré. Vous pouvez porter des vêtements avec des proportions dans lesquels vous vous sentez vraiment à l’aise, tout en étant du luxe. Ça sera toujours notre but avec Fear of God et c’est ce que j’aime dans ce projet avec Nike, le fait qu’il soit basé sur la fonctionnalité, le confort et la performance. Il y a toute une réflexion autour de la chaussure, sur comment vous pouvez marcher, courir et sauter avec. Ça repose sur une démarche honnête et c’est ce que j’adore. Parfois, le luxe peut être un peu malhonnête. Travailler avec Nike m’a permis d’être vraiment honnête vis-à-vis de mes idées.

À l’occasion de la sortie de sa collection pour Nike, Yoon, de la marque Ambush, avait dit qu’elle se sentait comme une « athlète créative ». Partages-tu ce sentiment ?

Je ne me sens pas spécialement comme un « athlète créatif ». Je pense que tout le monde est un athlète, un styliste, un créateur. On se lève tous le matin et décide de ce que l’on va porter, de la manière dont on va se représenter. Nous performons tous, nous sommes un peu les athlètes de notre propre vie. Je pense que Nike ne cherche pas nécessairement à travailler avec des créatifs ou des créateurs mais avec des individus, des gens. On peut le voir avec Colin Kaepernick, qui ne joue plus au football mais que la marque continue de soutenir pour ce qu’il représente lui, en tant que personne. J’aime penser que Nike s’intéresse à moi au-delà de l’aspect créatif.

Ces dernières années, les nouveaux modèles performance de chaussures de basket qui sont sortis n’ont pas vraiment été portés en-dehors du terrain. Et, dans le même temps, certains créateurs de mode ont dessiné des chaussures de basket que l’on pouvait porter en-dehors mais pas sur le terrain, parce qu’elles n’étaient pas assez techniques. Comment as-tu réussi à allier les deux avec Nike ?

Pour moi, ça a été assez facile, c’était une question de forme. Le design est plutôt épuré. Je pense que l’une des raisons principales pour lesquelles les modèles performance n’ont pas réussi à transgresser le terrain, c’est qu’ils étaient un peu trop massifs et ronds, pas assez sexy, pas assez élégants. Les chaussures de luxe sont parfaites avec un jean ou un survêtement, elles permettent des styles différents. Quand j’ai rencontré Nike, je leur ai dis que je n’y connaissais pas grand-chose en termes de performance mais que je pouvais apporter ma vision sur la forme, que je savais ce qui était beau.

Si l’on regarde la collection dans son intégralité, avec le logo inspiré de la Air Flight, le jogging à boutons pression ou le short de basket assez court, on a l’impression qu’elle est très nostalgique, très années 90. T’es-tu inspiré de tes souvenirs d’enfance ?

A 100%. Pour contrebalancer la chaussure très futuriste, il fallait des silhouettes très années 90. La collection est très bien équilibrée, les logos sont discrets, les couleurs ne sont pas excentriques, tout repose sur la coupe.

Les frontières se brouillant de plus en plus entre marques de sport et marques de mode, penses-tu qu’une marque de mode puisse sponsoriser un jour une équipe ou une ligue de sport ?

Oui je pense que c’est possible. C’est drôle de dire que tout est possible aujourd’hui, en cette période de Martin Luther King weekend. Si vous rêvez et croyez en quelque chose, tout ce dont vous avez besoin c’est de vos convictions, pour trouver comment y parvenir. Je pense que le monde continue d’évoluer et la culture montre toujours la voie. Regardez toutes les choses incroyables que réalise Virgil Abloh, avec la liberté de créer et de s’exprimer que lui offre Louis Vuitton, sans aucune restriction. De mon côté, je détiens ma propre marque et je dois faire face à certaines restrictions, il y a des choses que je ne peux pas réaliser parce que je n’ai pas les fonds et les ressources nécessaires. C’est vraiment génial de voir Virgil pouvoir s’exprimer sans aucune contrainte et limite. Et vous pouvez voir à quel point un produit est plus puissant lorsque vous incorporez de la culture dedans.

Quand Sheck Wes débarque par surprise au YARD Winter Club, c’est pas pour faire semblant. Ce vendredi 18 janvier, pour bien lancer l’année 2019, on a invité l’auteur de « Mo Bamba » à retourner La Machine du Moulin Rouge pour un nouveau club sold-out, en pleine Fashion Week. Et le petit de Travis Scott nous a montré pourquoi toute l’industrie lorgne sur lui et s’emballe de le voir devenir la star qu’il est.

On est de passe à Lyon le 2 février avec 13 Block et on revient le 8 février à Paris pour faire tout aussi fort – toujours avec Havana Club, notre fournisseur officiel. Si vous avez raté, prenez vos places tout de suite.

Photo : @alyasmusic

Tout a commencé avec des freestyles d’une minute. Un « iencli » vient chercher sa dose, se retourne face à la caméra et rappe. À la fin se dessine un visage, celui de Gianni : la curiosité est titillée. Depuis 2017, le rappeur place de solides piquets sur le versant abrupt de son ascension à coups de visuels novateurs et de morceaux identifiés. Il parle du temps qui passe, de la nostalgie de son présent et de ses regrets d’hier. L’ironie de l’histoire, c’est qu’à force de le faire aussi bien, il fait partie du futur du rap français. 

Photographe : @lebougmelo

Si 2015 est considérée comme la dernière plus grosse année du rap français en date, c’est qu’au-delà de la qualité et quantité d’albums délivrés, le genre, de par son ouverture à la pop, l’afro, la variété, le chant, etc. s’est vu segmenté en plusieurs – et nouvelles – grandes écoles, avec chacune un public majoritairement ciblé. Parmi celles-ci, le duo PNL s’est érigé en figure de proue de la mélodie lancinante et du verbe sanglant ; et depuis, des dizaines (centaines, en réalité) d’artistes rêvent de voir leur reflets dans le miroir construit par les deux frères des Tarterêts. Pourtant, la plupart des apprentis ont du mal à se détacher du populaire « wesh, on dirait grave du PNL », et peinent à affirmer leur identité artistique. Enfin, ça, c’était avant Gianni.

Vendredi matin. Rendez-vous au 3 rue André Malraux, Romainville. Sur le chemin, on reconnaît les bâtiments qui entourent Gianni dans ses clips. Loin des immenses tours délabrées de cité, le quartier Marcel-Cachin rayonne différemment depuis 2011, date de la fin de ses rénovations lancées en 2001. Les rues sont désertes, jour de marché oblige. Faute à la pluie aussi ; fine, elle renvoie à une humeur morose. Comme à la capitale, tout est gris et urbain, l’odeur de neuf des murs mélangée au vieux bitume froid. À observer les alentours, on commence à comprendre un peu mieux la nature de la musique de Gianni : tout est propice à la mélancolie.

C’est aussi qu’entre sentiment et art, c’est une grande histoire d’amour. Baudelaire, Nerval, Jeff Buckley… Forcément, le rap n’en est pas exempté. D’ailleurs, si « la mélancolie est le petit luxe des âmes pauvres » comme l’entendait l’écrivain français Henry de Montherlant, alors son omniprésence chez les rappeurs s’explique plus facilement. Après tout, quand on n’a rien il ne reste que les larmes pour pleurer, les regrets pour rêver et les remords pour se souvenir. Tout ça appartient aux petites gens, au « peuple », comme inhérent à sa condition : « Tu vois ce moment de remords, même là actuellement je l’ai encore. » nous dit-il. « Après, tu peux en avoir et continuer ce que tu fais parce que tu comprends que sans ça, tu ne vis pas. Il faut juste passer au dessus. Tout ce que j’ai fait dans ma vie, je l’ai fait parce que je devais le faire. Je n’avais pas le choix, alors je le referai encore et encore. »

C’est un fait, il est difficile de rêver de belles choses quand on est confronté à la précarité de son quotidien. Alors, si en plus de grandir dans une pauvreté monétaire et une carence, de fait, culturelle, on évolue au sein d’un monde régit par la violence autant physique que psychologique, en dehors des carcans habituels dans lesquels l’enfant se moule en adulte, il est naturel d’être condamné à se remémorer le temps où l’on pensait encore avoir un avenir « comme les autres ». Habitué du mélange révolte-tristesse, Kery James visait juste quand il disait que « si tu sens de la mélancolie dans nos écrits, c’est qu’on est d’ceux que la vie en té-ci a meurtri ».

Les meurtrissures de la « vie de rue », Gianni en a et en fait toujours les frais. Entre Romainville et Nemours, le jeune rappeur a évolué là où « les p’tits d’hier ont mal grandi » et « sont devenus des pourritures ». Cette réalité, si ancrée dans le quotidien, pousse l’individu à changer son passé de rêveur – naturel étant enfant – à un présent lucide ; à garder la tête haute, comme attirée par le ciel et la vision onirique qui en découle, mais à baisser les yeux vers le bitume froid, traduction du réel. Par conséquent, emprisonné dans la certitude d’être « des corps sans vie », la mélancolie devient le seul confort vers lequel on y voit « des âmes qui s’enfuient ».

Globalement, la transition de l’individu du bien vers le mal est l’arc de voûte de l’art façon Gianni. Les complexités internes de l’être humain lui servent de leitmotiv, d’abord les siennes puis celles des autres, de ses proches et ex-compagnons d’armes, morts ou trahis : « À 13 ans ; c’est à cet âge que j’ai pris le mauvais virage. Quand tu restes avec des gens plus grands que toi tu découvres des choses et tu vas vouloir faire plus qu’avec des gens de ton âge parce que t’as quelque chose à prouver. Pour certains cela arrive plus tôt, d’autres plus tard. Généralement quand c’est plus tard, ça fait encore plus de dégâts parce que tu ne vois plus la vie pareille qu’à 13 ans. Tu n’encaisses pas les choses de la même manière, et tu ne prends pas le même recul. À 13 ans si tu fais n’importe quoi, tu peux te calmer à 17 ou 18. Par contre à 18 ans tu vas en prison, tu ressors à 20, et à 20 tu continues. C’est un cercle vicieux. Tu retombes toujours dans des histoires. Moi, Dieu merci, je ne suis jamais allé en prison. »

En réalité, Gianni, c’est la féérie froide d’une réalité ensevelie dans un marécage de lamentations. L’innocence d’un enfant confrontée à des rêves impossibles à exaucer ; qui en grandissant, ne trouve lieu que dans le souvenir d’un temps où les moins de vingt ans trouvaient le bonheur dans un sac de billes, un ballon de foot ou bien le sourire d’un grand frère. Devenir adulte n’est pas un âge mais une conception mentale, une question de maturité : »Il y a les problèmes de la vie, et il y a les problèmes de la rue. Les premiers ce sont des problèmes qui te tombent dessus sans que tu n’aies rien demandé à personne, parce que tu viens de x famille…etc. Les problèmes de la rue, c’est parce que t’as adopté ce style de vie-là. On devient adulte à partir du moment où arrivent les problèmes de la vie. Si t’as des problèmes de rue, tu pars d’ici et c’est fini, tu n’en a plus. Il y a  des gens dont les parents sont divorcés, il y a des gens qui ont vécu dehors. Là, ce sont de vrais problèmes. Des trucs auxquels tu ne t’attends pas, que tu ne peux pas prévoir et qui te tombent dessus sans que tu les aies cherchés. C’est là que tu deviens adulte. Je suis arrivé ici à 7 ans, et à partir de 8/9 ans, j’ai commencé à comprendre comment fonctionnaient certaines choses, c’est à cet âge-là que j’ai commencé à avoir une prise de conscience qui m’a rendu adulte plus vite. »

Pourtant, il n’est pas question pour le rappeur de larmoyer ou de s’apitoyer sur son sort, c’est la routine, le quotidien, il ne fait que mettre en exergue le caractère « banal » et – de fait – cynique des problèmes qui l’incombent. En vérité, si sa musique laisse autant place aux sentiments, c’est que le dehors l’oblige à les laisser chez lui : « Dehors c’est méchant. Si tu réfléchis trop, si t’as trop de sentiments… tu te fais manger. Pour faire certaines choses tu ne dois pas réfléchir, même si tu sais qu’à la fin ta mère va pleurer. C’est la survie. Tu vas aller le faire parce que tu le dois, c’est à dire que tu dois laisser tes états d’âme à la maison. » D’ailleurs, ce traitement impudent et brutal de la réalité se retrouve dans l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste, et c’est ce qui plait depuis son premier morceau, « Coté Rio », sorti en 2017.

La seule différence, c’est que Gianni n’a jamais voulu faire de la musique son métier : « Si je fais de la musique c’est vraiment par hasard. Quand le morceau est sorti sur Daymolition, j’avais posé le texte un an avant. J’ai réfléchi au maximum avant de me lancer, parce qu’ensuite il n’y a pas de marche arrière. Tu ne vas pas montrer ta tête et partir comme ça. Quand tu fais quelque chose, il faut le faire jusqu’au bout pour voir le résultat final, sinon ça ne sert à rien. Il y a encore deux ans et demi je ne me voyais pas du tout dans la musique. Carrément, parfois je suis au studio, je m’arrête d’un coup et je me dis « Genre là, je fais de la musique. » Il y a des gens, quand ils sont petits ils ont des rêves, des objectifs. Moi, la musique, ça ne faisait ni partie de mes rêves, ni de mes objectifs. Je n’en avais pas particulièrement. Après, comme tout jeunes de cité, j’ai fait du sport, j’ai été bon dans certains sports et on te dit « ça se trouve tu peux réussir », mais la réalité te rattrape et tu ne peux pas. Moi, avant la musique, j’étais plus dans l’optique de vivre au jour le jour. »

Ce concept de hasard est inhérent à sa musique jusque dans la conception des morceaux. Au départ, il n’était pas question d’Auto-tune, de mélodies, de flow lancinant ou de vocalises aigües : « De base je devais poser le texte sur une autre instru, beaucoup plus kickée. Le mec qui devait m’envoyer la production ne m’a pas envoyé la bonne et c’est celle de ‘Côté Rio’ qui est arrivée. En studio, devant le micro, j’ai dis à l’ingé de mettre de l’Auto-tune, je me suis essayé à la mélodie et ça a donné ce morceau. Mais je ne me suis jamais dit, avant de venir, qu’il fallait que je fasse ça. Aujourd’hui, ça a changé, je ne suis plus dans la même optique qu’avant. Je veux que ce que je ressens sur le moment, la personne qui m’écoute le ressente aussi. »

Cette notion d’empathie a séduit le label BlueSky, à l’origine du concept de la série de visuels D.D.M, sigle de ‘Dose De Moi’, son premier EP. Rappel évident à la vente de stup (« J’ai fait tout c’qu’il fallait, frappé toutes les portes, j’en ai mal aux phalanges, personne qui répondait, donc c’est la vente de drogue ou vol à l’étalage ») la « dose » couvre surtout les parcelles d’une vie. L’existence de « l’âme » humaine est une question majeure que se partagent philosophie et science depuis le berceau, et si l’on suit la théorie du médecin Duncan MacDougall, cette « âme » pèserait, si elle existait, 21 grammes. Côté religion, on parle de péchés et de leur poids ; chacun pèse plus ou moins lourd. En bref, Gianni disperse des parties de son âme comme le ferait un Voldemort en TN : chaque morceau se transforme en dose d’un gramme, le iencli est fidélisé devient horcruxe. De 21, le poids passe à 5g.

À la suite de « Coté Rio », Gianni gagne en assurance et s’assume dans la musique. S’enchaînent « La Pelota », « ADN », « À la vie, à la mort », « Même Hood », « Métronome », « Blessé »… La recette est la même, seuls changent l’art et la manière, couplée à une amélioration évidente d’un style qui mûri petit à petit : « Il y a des choses que je pouvais faire mais je ne le savais pas encore. C’est quand tu t’entoures des bonnes personnes, qui développent ce qu’il y’a de plus fort en toi, que tu t’ouvres et que tu te découvres. Au début, j’enregistrais dans le studio de BlueSky. Le premier morceau que j’ai fait là-bas, c’était étrange, je n’étais pas dans le même délire émotionnel que d’habitude. J’avais envie de tout lâcher. C’est une expression de chez nous ça, « tout lâcher » ; c’est à dire que tu parles vraiment de la vie. Ce jour-là, j’ai voulu faire un morceau sur la vie, et depuis ça n’a pas changé. Bien sûr, je parle de la rue, mais jamais pour la glorifier. J’ai préféré garder l’esprit à l’ancienne, malgré le style d’instru et l’auto-tune. Le même message qu’il y’avait avant. Dans ma musique, je veux vraiment développer cet aspect-là : t’es dans la rue, mais la rue te blesse. En sortant dehors, tu te rends un mauvais service. »

À discuter avec l’artiste, dans la MJC du quartier, on découvre un homme profondément vériste, qui ne se plaint pas mais se dit que c’est la vie. Réservé au premier abord, Gianni nous fait comprendre une chose simple mais pourtant centrale chez lui, la musique parle à sa place. Et si la mélancolie est la clé de voûte de son art, c’est qu’elle sert d’exutoire et de catharsis : « Au début je me suis dit ’Tu vas dire ci, tu vas dire ça… Tu vas trop te livrer’. Puis je me suis dit que c’était sans doute le moment d’enfin dire ce que je ressentais. Un jour, un pote à moi m’a dit ‘Gianni, je te vois tous les jours mais je sais rien de toi, on dirait que tu sors de nulle part.’ Alors je me suis dit que les gens allaient en apprendre plus sur moi si je faisais de la musique. En réalité, chacun a des choses dans sa vie qu’il n’a jamais dit à personne. Toi, lui, moi… Plus tu t’empêches de parler de quelque chose, plus ça devient une graine à l’intérieur de toi. Puis, avec le temps elle va germer et les sentiments seront décuplés. Il y a des choses dont tu ne parles pas, mais au fil des années ça te fait de plus en plus mal. Tu commences de plus en plus à réfléchir. Et si la mélancolie est centrale dans ce que je fais, c’est parce qu’après plusieurs années, des choses que je n’ai jamais dites je les mets dans une musique. Et vu que c’est la première fois que ça sort, c’est comme si je le revivais directement. »

Pendant la séance photo, on déambule dans le quartier Marcel-Cachin à la recherche des meilleurs spots. Au croisement de la rue André Malraux, résonne au loin le morceau « Rétro« , à fond dans un petit appartement du deuxième étage. Toute l’équipe sourit mais Gianni paraît n’être toujours pas habitué à entendre sa voix sur les enceintes de ses voisins. C’est aussi qu’à Romainville, les rappeurs se comptent sur les doigts d’une seule main, et cela faisait longtemps que la ville n’avait pas connu un artiste aussi proche d’un succès probable : « Je ne serai pas le premier. Avant moi, il y avait un mec qui s’appelait Kily. À l’époque, YouTube ce n’était pas comme maintenant, les millions de vues ce n’était pas aussi facile. Lui, il faisait déjà du 300.000 facile. Carrément, quand j’ai déménagé dans le 77, il y a un gars que je ne connaissais pas qui venait du 78 qui m’a demandé si je le connaissais. C’est un mec qui a fait des trucs avec Truand2LaGalère. Donc c’est le premier qui a été connu un peu, avant moi. »

Aujourd’hui, après presque deux années officielles dans la musique, Gianni nous donne l’impression d’avoir peur du succès, d’essayer de s’en écarter le plus possible, « moi j’ai toujours eu un problème, c’est que les trucs positifs, je ne m’en rends compte qu’après. Pour l’instant, je me vois juste comme un mec qui vient derrière un micro et qui dit ce qu’il a à dire. C’est tout. Je ne me dis pas qu’il y a une attente autour de moi ». Pourtant, aux vues des réactions positives autour de son freestyle Booska-P et de ses deux derniers morceaux, tout parait concorder de manière à ce que 2019 contrecarre ses plans de discrétion. Courant février, le rappeur sort son premier véritable projet, une mixtape de dix-titres, en solo, majoritairement composée par des producteurs méconnus du grand public. Il décide de prendre le temps dont il a besoin : « Là, ce ne sont que les présentations, ça ne sert à rien d’arriver avec un projet de niveau 3 si je suis encore au niveau 1. Il faut juste s’affirmer. J’ai un schéma en tête. »

Le PSG rêve en grand. De trophées européens mais aussi de conquête marketing mondiale. Représentant d’une ville crâne, le club s’est taillé une place de choix sur le terrain de la mode et du cool. Vulgarisée par ses partenariats avec Jordan et BAPE, sa stratégie hors rectangle vert s’est mise en train il y a déjà quelques poussières d’années.

Paris, sa tour coquette en fer, ses immeubles bien moulés, sa plus belle avenue du monde, ses Maisons de mode qui flambent. Puis son club de foot qui profite de ce qu’elle soit grande. En février 2013, le PSG dévoilait un logo tout neuf, qui réaffirmait sa filiation à la Ville Lumière. On avait effacé la date de création – 1970 – parce qu’elle sentait trop le frais, avec son âge pas même cinquantenaire. En revanche, on avait écrit « Paris », la sublime, la pleine d’histoire, en lettres bien grosses, reléguant « Saint-Germain » tout bas, en petit. Elément toujours central du logo, la Tour Eiffel est, elle, depuis presque toutes les communications. Le maillot third 2017/2018 lui empruntait même ses lignes croisées graphiques, qui habillaient ses numéros dans le dos et ses bandes blanches aux épaules. Le phare de Paname et tous ses jolis monuments se glissent dans des iconographies, des covers Facebook ou des posts Instagram.

« Paris symbolise la mode, le style, la créativité et l’énergie », pose Nasser al-Khelaïfi. « Nous voulons que le PSG embrasse ces valeurs, qui font la singularité de la ville. » Depuis sa nomination en 2011, le président du club martèle la même ambition : faire du PSG l’une des plus grandes marques de sport au monde, une qui résonne et rassemble dehors les stades. Bien né, le PSG ne défend pas n’importe quelle ville ; la sienne est capitale de la mode. Comme elle, il doit produire du beau, humer l’air du temps, innover, inspirer. Ici, c’est Paris. Au coeur de l’ADN du club, l’ancrage géographique a composé un mantra, qu’on blasonne et qu’on rebat.

Il y a quelques années, le maillot de foot avait ce truc ringard dans la dégaine, qu’on assumait pas trop. Aujourd’hui, il se fait voir en ville, flashy sur un jogging ou sage avec un jean.

Elles se sont bien brouillées, les frontières entre mode et ballon rond. Il y a quelques années, le maillot de foot avait ce truc ringard dans la dégaine, qu’on assumait pas trop. Aujourd’hui, il se fait voir en ville, flashy sur un jogging ou sage avec un jean. Il faut dire qu’entre temps, la tendance athleisure est passée par là, celle qui prône le vêtement de sport pour tous les jours. En dessinant une marinière puis un polo pour l’Equipe de France, Nike avait senti la vague. Fatalement, la mode qu’on dit d’en haut n’avait pas tardé à revisiter la panoplie du supporter. Façon de « faire peuple ». Gosha Rubchinskiy et Demna Gvasalia les premiers, avant les grandes Maisons comme Versace, Dolce & Gabbana et Diesel. Puis tout ce que le streetwear compte de labels hype : Supreme, Bape, Patta, KITH, Stüssy, Palace.

« Les codes ont changé. Il est possible de porter un maillot de foot avec une jupe de créateur ! Une fille peut être très sexy en portant un maillot de foot », observe Christelle Kocher, fondatrice du label Koché. Cet été, Virgil Abloh et Kim Jones révélaient même chacun une collection-capsule pour Nike, Gosha Rubchinskiy pour adidas, rapport au Mondial en Russie. Adoubé par l’élite créative, le foot convoque un nouvel imaginaire, à contre-pied du bar PMU et des bières qu’on siffle en hâte. Le PSG, lui, a accompagné, et peut-être même surtout dopé, la glamourisation du genre.

Le PSG version Qataris rutile, rayonne. Floqués au nom de joueurs-marques – hier Javier Pastore, Zlatan Ibrahimovic ou David Beckham, aujourd’hui Edinson Cavani, Neymar ou Kylian Mbappé – ses maillots s’écoulent par centaines de milliers chaque année. 900 000 en 2017, à ça de chatouiller le million. Tout aussi footballeurs qu’égéries, les stars du PSG projettent leur image sur le club et gonflent sa grandeur, son prestige, sa popularité. « Grâce à ça, les populations qui ne sont pas ‘club orientées’ mais ‘icônes orientées’ ont commencé à consommer des produits Paris Saint-Germain », relève Fabien Allègre, directeur du développement de la marque PSG. Puis voilà que le gratin médiatique mondial – sportifs de haut niveau (LeBron James, Stephen Curry, Ben Simmons, Kevin Durant, Jimmy Butler…), chanteurs (Jay-Z, Beyoncé, Rihanna, 6ix9ine, Lil Pump, Tyga, Ciara…) ou figures mode (Virgil Abloh, Kendall Jenner, Gigi & Bella Hadid, Naomi Campbell…) – porte beau le rouge et bleu ou se presse en tribune VIP. Des idoles qu’on adule, qu’on écoute, qu’on imite. VRP de luxe, qui étendent l’influence du PSG au monde, à la mode, au cool.

L’emballage se veut élégant, à la parisienne. Depuis 2011, on n’en finit plus de réinventer l’uniforme, en du moderne, du différent, du qui-vend. La saison dernière, il se déclinait en jaune Brésil pour l’extérieur, collant à l’humeur maillots fluo du moment. Une version qui s’était mieux vendue que celle maison, avait même paradé dans un clip sur J. Cole. Imaginé par feu le président Daniel Hechter, le design originel s’oublie dans des bandes rouges déformées ou amincies, des bords blancs qui s’éclipsent, des touches roses ou lie-de-vin qui jaillissent. Ça crée un brin de tension entre l’identité historique du club et son développement commercial, les supporters de toujours et les nouveaux fans. « Ceux qui défendent le maillot Hechter, c’est une cible que l’on respecte pleinement », rassure Fabien Allègre. « Nous faisons toujours en sorte d’avoir des ‘produits fans’ qui représentent le logo dans son pur ADN foot, mais, derrière, nous essayons aussi de suivre une évolution qui fait partie du projet du club, pour aller chercher une autre clientèle. C’est ce qui nous a notamment amené à faire des collaborations. »

Porte-drapeau d’une ville dont il revendique l’essence créative, le club est le seul au monde à nouer des partenariats – hors contrats de sponsoring – avec des créateurs de mode.

Ç’avait vraiment commencé au printemps 2014, les collab’ branchées. Avec une dizaine d’œuvres hommage et une ligne de produits dérivés, exposés chez colette. Le concept-store avait accueilli ensuite tout un tas de capsules co-griffées PSG, avec Civissum, Commune de Paris, Maison Labiche, Iro, George Esquivel… Juste avant de fermer définitivement ses portes, colette s’était offert un dernier partenariat avec le club, un coffret de deux maillots collector à 380€, limité à 100 exemplaires. Sous la caution du temple du cool parigot, le PSG a assis son positionnement lifestyle, gagné ses galons mode et hype.

Pour conforter sa légitimité toute fraîche, le club a continué de collaborer avec l’avant-garde de la création parisienne. Afterhomework, un label ultra pointu, a revisité son maillot dans des versions déstructurées, mais surtout, Koché lui a dédié deux collections. En septembre 2017, la marque faisait défiler des maillots rebrodés de cristaux, ornés de grosses fleurs ou gansés de dentelle, des robes patchwork et des sweats portés sous des bustiers. Des pièces offertes au regard des modeux du monde entier pendant la sacro-sainte Fashion Week. La pré-collection Automne 2018 récidivait, en apposant le logo du club sur des survêtements, des chemises d’homme et des robes. « Koché porte dans son ADN un mix entre la Couture et le streetwear. Il était naturel pour moi de travailler avec ce club emblématique qui lie tous les parisiens et fans du PSG, quelles que soient leurs origines », explique Christelle Kocher. « Le PSG a découvert un nouvel univers, celui de la mode. C’était très stimulant pour eux comme pour nous d’un point de vue créatif. » Porte-drapeau d’une ville dont il revendique l’essence créative, le club est le seul au monde à nouer des partenariats – hors contrats de sponsoring – avec des créateurs de mode.

À la rentrée 2018, le PSG s’était piqué d’audace et avait vu plus grand, avec un co-branding sans précédent. Pour la première fois dans l’histoire, Jordan brodait son « Jumpman » sur la poitrine d’un maillot de foot. « C’est une exclusivité, c’est ça qui est important. Ce n’est pas comme si c’était quelque chose de beau que quelqu’un avait déjà, tu en es l’unique détenteur », soufflait Thomas Meunier dans une vidéo de promotion de la collaboration. Par son esthétique, son caractère inédit et son exclusivité, le maillot suggère à ses possesseurs qu’ils sont privilégiés, presque uniques. La valeur d’un objet est d’autant plus grande qu’il est rare. En même temps que les équipements de la Champions League, le PSG et Jordan avaient dévoilé une série de pièces lifestyle en noir et blanc : t-shirts, hoodie, joggings, casquettes, maillots de basket, vestes, Air Jordan 5… Tout s’était épuisé trop vite, façon drop Supreme du jeudi. Le communiqué de presse s’était enorgueilli, comme quoi c’était « une nouvelle ère dans l’alliance du football et du style ». On voulait tout à la fois affirmer son avant-gardisme et séduire un public plus large, pluriel, international.

« La rue, c’est de là d’où tout part. Quoi de plus urbain que la ville de Paris. » – Fabien Allègre, directeur du développement de la marque PSG

Des modèles de la collection avaient été offerts en avant-première à une sélection pointue de personnalités ; ça avait renforcé le sentiment d’exceptionnalité. Sur les vedettes, l’ordinaire devient extra. Là, on avait aperçu Travis Scott avec un maillot de basket (au festival du Cabaret Vert à Charleville-Mézières). Ici, Justin Timberlake en veste coach (lors d’un concert à Bercy). On avait choisi des ambassadeurs qui inspirent, puis façonné un imaginaire genre cool urbain. Le 13 septembre, quelques dizaines de journalistes et influenceurs s’étaient serrés dans les entrailles du Parc, pour le lancement de la collection. Dans un décor tamisé, des danseurs se contorsionnaient sur une bande-son lo-fi hip hop, autour d’une installation à base de filets de buts qui se croisent et de paniers de basket éclairés par des tubes néons. Puis les spots crachaient leur lumière blanche sur Kylian Mbappé et Dani Alves, entourés de Wale, de Fabolous, d’Aleali May et des Twins, étendards de la culture street. C’était frais, bien senti. Comme l’ensemble du projet, abouti. En interne, on se flatte de ce que les retombées ventes soient formidables.

Quelques semaines plus tard, le frisson était à peine retombé quand le PSG et BAPE livraient main dans la main une collection streetwear ultra limitée. Sa production bien serrée, sa rangée de prix élevés (jusqu’à 750€ pour la doudoune) et sa distribution sélective avaient fonctionné comme des marqueurs de préciosité, créant de la survaleur, excitant la désirabilité. Pour l’incarner, on avait tranché pour un visage street mais un peu niche, le rappeur Kekra. Un référent pour la jeunesse urbaine, le cœur de cible du PSG. « Cette collection s’adresse à une communauté qui aime le foot mais surtout la rue », commente Fabien Allègre. « La rue, c’est de là d’où tout part. Quoi de plus urbain que la ville de Paris. » Dans la même veine, le logo du PSG s’était récemment décliné sur des planches de skate Primitive à Los Angeles, Andrew à Miami. La rue inspire, contamine. Elle dicte les goûts, les tendances. La nouvelle génération, celle qu’on appelle Y ou Z, lui emprunte ses codes esthétiques comme une norme. Le PSG s’était associé à BAPE pour son identité territoriale, aussi. Le Japon et le PSG se ressemblent, dans leur approche créative. Question technicité, design et excellence. En 2015, déjà, le club confiait la conception d’une collection à Hirofumi Kiyonaga, l’une des figures les plus influentes du streetwear nippon. Le PSG a étendu son univers et son expertise, vers plus de style, de savoir-faire, d’innovation. Là, mais aussi ailleurs.

Sur la seule année 2018, le PSG a inspiré une dizaine de collaborations, dont certaines exclusives à des marchés spécifiques, comme Edifice à Tokyo ou Dover Street Market à Singapour. Une volonté d’envelopper le monde tout entier. Avec du Hello Kitty pour les adolescentes, du Levi’s pour le grand public, du Manish Arora pour les gens du luxe. Le PSG ne veut pas faire dans l’élitisme, le triage. Fabien Allègre dit qu’il doit pouvoir proposer des produits qui répondent aux demandes de tous les supporters, quels qu’ils soient. Être partout, mais surtout, « là où on ne l’attend pas ».

Pour célébrer l’iconique Air Max Plus (« TN » ou « Requins » pour les plus intimes), Nike s’est fait le plaisir de ramener à Montreuil quelques unes des principales coqueluches de la nouvelle scène rap francophone, entre Koba LaD, 13 Block, Di-Meh et Myth Syzer. Autant dire qu’au milieu de ce beau casting, le jeune anglais slowthai ne s’avançait pas nécessairement en terrain conquis, malgré une flatteuse réputation qui a poussé Pitchfork a le désigner comme « le rappeur anglais le plus excitant du moment ». Ceux qui nous lisent savaient cependant que l’enfant terrible de Northampton était d’une espèce rare, en voie de disparition : une bête de scène. Alors quand le public n’est pas acquis à sa cause, slowthai s’en va le chercher au charisme et à l’énergie. Peu après être monté sur scène, l’Anglais descend au plus près de la foule, qu’il interpelle avec affront, pour finalement créer un moment de communion assez unique, capturé par nos caméras.

On invite slowthai en concert au Trabendo le 24 mars prochain. Infos et réservations ici.  

 

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« Montréal made me. » Comme un symbole, l’inscription est écrite en lettres rouges sur le dos de Loud lorsqu’on le rencontre pour la première fois. Le rappeur québécois est de passage à Paris pour donner deux concerts sold-out d’affilée, mais aussi pour rencontrer les média français. Histoire de les prévenir qu’il sera le premier rappeur francophone nord-américain à vraiment pénétrer le marché français. À l’époque où l’on écrit qu’il « s’apprête à devenir le chouchou québecquois de la métropole », le Canadien est sur le point d’annoncer que sa date au MTELUS (ancien Métropolis, 2 300 personnes), mise en vente en février 2018 dans le cadre du festival M pour Montréal, est déjà sold-out. Sept mois avant le jour du concert. Sept. Mois.

Sept mois plus tard, nous sommes donc invités par M pour Montréal pour voir de nos propres yeux l’effervescence de la culture rap Montréalaise, et attester de la place que Loud y a prise. Depuis l’automne 2017 et le succès de son clip « 56K », la réputation du rappeur du groupe Loud Lary Ajust grossit à vue d’œil dans l’Hexagone. Mais ce n’est rien du tout à côté de ce qui se trame outre-Atlantique où Loud, avec l’album Une année record, s’est hissé comme porte-drapeau d’une communauté qui en manquait cruellement. Dans les coulisses de ce show extrêmement attendu, toute la scène rap montréalaise est rassemblée, comme pour marquer encore davantage l’idée que ce concert fera date : après le MTELUS, Loud prendra définitivement son envol. Pour marquer le coup, l’artiste profite même de la soirée pour tourner le clip de « TTTTT » (pour « These Things They Take Time »), toujours en plan séquence. Nouveau symbole.

Le 31 mai 2019, il deviendra le premier rappeur montréalais à jouer au Centre Bell en tant que tête d’affiche – le groupe Omnikrom y avait fait une première partie en 2007. Centre Bell, une énorme arène modulable de plus de 20 000 personnes dans sa capacité maximale. Grâce aux équipes de Sid Lee Montreal (Guillaume Lebel, Jeanbart, Alex Miglierina, Kelly St-Pierre, René-Charles Arseneau et Félix Arsenault), nous avons pu capturer l’intimité de cette date palier.

Ils ne s’étaient jamais vus, jamais rencontrés, jamais parlés. Pourtant, au fil de la discussion, surgissait l’impression de voir deux vieux amis de jeunesse se retrouver et se raconter leurs belles années. Fary et Camélia Jordana vivent au naturel et marchent au feeling : quand ça match, ils pourraient échanger des heures entières. On en a compilé 30 minutes pour vous.

Beatmaker : François Bucur
Photos : @lebougmelo

On s’était donné rendez-vous dans dix ans dans le 10ème arrondissement de la capitale. Après avoir mixé Alban Ivanov avec Guizmo et Thomas N’Gijol avec Eddy de Pretto, c’était au tour de Camélia Jordana et Fary de se rencontrer, pour la première fois. Quand elle navigue entre musique et cinéma, faisant fit de toute langue de bois, au risque de s’attirer les foudres d’une frange de la société ne se reconnaissant pas dans ses traits, lui manie les mots et provoque le rire d’une audience toujours plus grande, profitant de sa tribune pour mettre en lumière des incohérences sociétales. Tous les deux sont artistes, avec un grand A.

On les retrouve dans la petite cour d’un hôtel-café, rue de Paradis. Fary arrive le premier ; avec son flegme habituel, il enchaîne les taquineries à tire-larigot avant de parler du très bon concert de Damso à Bercy où il a eu la chance d’être invité. Camélia Jordana arrive peu après, un grand sourire sur le visage et avec une joie de vivre rare. Les deux artistes ont beau rassembler les foules en concert ou sur les planches, dans les salles ou à la télé, ils n’en oublient pas ce qu’ils sont : des individus normaux, à qui a été donné la chance de pouvoir vivre de leur passion. Cette réminiscence continuelle leur a sans doute permis de ne jamais prendre la grosse tête, et de toujours prendre un recul immédiat sur leur travail malgré qu’ils font tous deux salles combles et qu’ils reçoivent un amour qui ne leur semble pas être dû. Fary et Camélia rassemblent le peuple, et sans vouloir en être un porte-drapeau, se voient obligés de le raconter sous tous ses angles, bons et mauvais. Et s’ils se questionnent sur leur rôle, leurs prérogatives, c’est avant tout pour vaincre certains maux et prouver que le silence n’est pas toujours d’or.

Fary sera en représentation à l’AccorHotels Arena le 1er mars 2019. Réservations ici.

L’album LOST de Camélia Jordana est toujours disponible ici.

Les deux maxis sortis en 2018 par Green Montana ont permis d’esquisser le potentiel du jeune rappeur belge : un sens de la mélodie aiguisé – chose rare dans le rap francophone – au service de morceaux froidement envoûtants. Celui qui s’est fait repérer par Isha travaille aujourd’hui sur un projet plus conséquent, prévu pour le début de l’année 2019.

Il fait nuit à Bruxelles, Koekelberg. Dans une pièce à l’étage du Jet Studio, la lumière bleue d’un ordinateur inonde la pièce calme. Des nappes de fumée s’échappent de la cabine d’enregistrement. Les volutes laissent filtrer les germes d’une mélodie, une topline à peine marmonnée, et pourtant déjà terriblement efficace. Seul avec « le noir, l’écran, et le micro ». C’est dans ces conditions que Green Montana, de son propre aveu, préfère travailler. Ambiance Bleu Nuit, comme l’indique le titre de son premier maxi sorti en juillet 2018. On y retrouve, sous une forme plus élaborée, les ingrédients qui définissent sa musique depuis les premiers morceaux disponibles sur son SoundCloud.

Green se lance dans le rap il y a environ trois ou quatre ans, chez lui, à Verviers près de Liège. D’abord de manière confidentielle. Déjà, sa polyvalence et sa faculté à surfer sur les instrus sans jamais perdre la vague se font remarquer. Par l’intermédiaire de son cousin Chico, il prend contact avec Isha qui prévient son manager Stan : « Y’a un petit, il est trop ». Avec leur acolyte Six, qui deviendra son directeur créatif, ils décident de lui donner sa chance et lui proposent d’enregistrer en studio puis de réaliser ses premiers clips : Le Mort et TDS. « Les ingrédients étaient déjà là », nous dit Stan. « Même sur des maquettes de mauvaise qualité, dont on comprenait à peine les paroles, on entendait cette musicalité, on sentait que tout était en place. » Les thèmes sont récurrents : la drogue qui est consommée, celles qui sont vendues. L’argent donc, et le désir de réussite. Puis les femmes. La Sainte Trinité du quartier. Des thèmes rebattus, mais qui témoignent d’une sincérité affichée. « Lorsque ma vie sera différente, les thèmes seront différents », nous dit-il. Peu importe, sa spécificité est ailleurs.

Il y a dans sa voix quelque chose de nonchalamment brut, des intonations farouches qui donnent à sa musique une certaine âpreté. Peut-être la trace de ses premières écoutes. « Au début, je rappais sur les couplets des rappeurs que je kiffais : Kery James, la Mafia K’1 Fry, la Sexion d’Assaut… » Des influences qui affleurent toujours dans ses sons les plus récents. Mais, entre temps, d’autres figures tutélaires sont passées par là. Green s’inscrit en effet dans la lignée de ces rappeurs qui lévitent au-dessus des instrus. À l’instar d’un Lil Wayne ou d’un Young Thug – lui-même nous confie avoir été choqué par les héritiers Gunna et Lil Baby -, il est d’une versatilité extrême. Un rap en souplesse, sans anfractuosités, qui glisse en deux mesures, et autant de bouffées de weed, du salon de la daronne au balcon d’une penthouse. En pantoufles ou dans une paire de TN, Green est tout confort. Peut-être parce qu’il rappe depuis peu, il a cette facilité qui donne l’impression qu’il pourrait s’accommoder de n’importe quelle prod, sans forcer.

Il enregistre beaucoup, en peu de prises, à l’intuition. Ça sort. Il suffit de le voir esquisser un refrain pour s’en rendre compte. La bouche à peine entrouverte, il souffle spontanément des mélodies qui vous enveloppent comme une fumée épaisse. Hautement addictif. Lui-même semble ne pas toujours avoir conscience de ses qualités. « Quand j’entends l’instru, je sais instinctivement quelles sont les notes et comment placer ma voix. Ça vient tout seul. » Pas de fausse modestie, mais une naïveté impressionnante tant elle dissimule une aisance rare. Stan, qui est dorénavant son manager, nous assure que l’Auto-Tune n’est pas pour lui une béquille servant à camoufler ses faiblesses au chant, mais un instrument véritable. La vidéo de sa session Flag Box chez nos confrères de Tarmac nous le confirme.

Au début de l’été 2018 sortait donc Bleu Nuit, maxi avec lequel Green ouvrait la porte à sa manière : en crachant des ronds de fumée glacée. D’abord avec le désabusé « Maman le sait », dans lequel la quête du chiffre est décrite comme une voie inéluctable mais sans issue. « Y’a tout qui est cheum ici et maman le sait. » Cette mélancolie suinte même des sons les plus lumineux du jeune rappeur. En témoigne le refrain du tube « Briquet », parfaitement représentatif de ce style doux-amer, comme des caresses qui nous font tâter du sol gris et humide. En octobre, il surenchérit avec un nouveau maxi deux titres, Orange Métallique. Encore une affaire de couleurs, pour illustrer ce mélange de sonorités suaves et magnétiques, pessimistes mais tout en pudeur, sans jamais sombrer dans le pathos. Il est de toute façon trop tard pour les leçons de morale, comme le rappelle « Rester Dîner » : « Perds pas ton temps on a déjà perdu la raison ». « C’est une phrase que j’aurais pu sortir à ma mère, comme pour lui dire que c’est foutu, il n’y a plus d’espoir de ce côté-là », nous dit-il.

La suite, c’est un projet plus long qui devrait sortir début 2019. Toujours sous le patronage avisé de Stan, Six et Isha, accompagnés notamment des beatmakers Kendo (qui a produit, entre autres, « Briquet ») et Benjay (Alonzo, Damso, Rim’K…). « Il nous faut plus de morceaux, notamment pour pouvoir faire des scènes. On prend notre temps pour faire les choses bien mais on arrive fort », répond-il quand on l’interroge sur les étapes qu’il lui reste à franchir. Un feat avec Isha est bien sûr prévu, mais « on attend d’avoir un son suffisamment lourd. Il y a déjà des choses qui ont été enregistrées. Green devait être sur La vie augmente, Vol. 2, Isha voulait poser un couplet sur ‘Briquet’, mais on ne veut pas forcer les choses, ça doit se faire naturellement. Leur premier son commun sera une tuerie », explique Stan. Une stratégie honorable, qui laisse présager du meilleur. Après deux premiers essais réussis, mais qui nous laissent déjà sur notre faim, la nouvelle dose s’annonce donc encore plus pure. Le titre du prochain opus, Alaska, annonce un programme alléchant : comme un souffle chaud qui s’apprête à souffler sur la banquise.

Que ce soit pour juger simplement un morceau ou pour affirmer que « x » album est un classique, il faut prendre du recul. Depuis 2010, le rap français a enfanté près de 1 900 projets, trois fois plus que sur les huit années précédentes. Et si le genre n’est à l’origine d’aucun classique sur cette décennie, c’est peut-être qu’il est encore trop tôt pour l’affirmer.

A7 est un classique”, “Dans la légende est un classique”, “FEU est un classique”, “Nero Nemesis est un classique”, “UMLA est un classique”… Les réseaux sociaux sont jonchés de ces affirmations. Tous les vendredis, le rap français semble être à l’origine d’un nouveau postulat du genre. S’enchaînent les débats, les argumentations, les « je suis d’accord », les « t’es sérieux ? », les « mdr tout est classique avec vous »… Pour certains, le tampon classique n’est pas de ceux que l’on peut apposer sur n’importe quoi, n’importe quand : il faut le mériter, cocher des cases, suivre une charte, respecter des conditions pré-établies. Pour d’autres, le jugement subjectif est primordial et tout peut être considéré comme un classique du rap français tant que la majorité pense, a priori, la même chose du disque ou du morceau en question.

Le fait est que la définition même du mot « classique » est complexe à détailler précisément. Sans doute que la pluie diluvienne de certifications commerciales depuis 2015 s’est mêlée à la conception que l’on se fait du mot, ou bien que l’hyper-productivité du rap sur la même période a contraint l’auditeur à se faire un avis soudain, rapide et prématuré, histoire de rester à jour. Cette interrogation met en exergue toute la difficulté qui incombe à l’auditeur quand il doit énumérer tous les classiques que le rap français a enfanté depuis 2010, puisque, qu’importe la définition que l’on décide de suivre, il y a toujours, forcément, un disque qui fait exception.

Ipséité c’est le dernier classique en date du rap français pour moi, je vois aucun album qui peut prétendre à ce titre en 2018 même s’il y a eu d’excellents albums

— Squale (@MrSquale) 6 janvier 2019

Si l’on se fie à une approche littérale, le classique est une oeuvre qui fait autorité dans son domaine, en gros, une référence pour tous les acteurs du milieu, qu’ils soient artistes, journalistes, spécialistes, professionnels, managers, auditeurs… Le Concerto n°23 de Mozart, Le Parrain de Francis Ford Coppola, Thriller de Michael Jackson, le premier album de Ninh… Madame Bovary de Flaubert : ça, ce sont des classiques. Étonnement, même si l’on n’a jamais été fan de Beethoven, il est inconcevable d’affirmer que ses oeuvres ne sont pas des références académiques, autant dans la musique de manière générale que dans le genre « classique » plus spécifiquement.

La question ici, c’est de savoir pourquoi ce constat est admis de tous comme étant une évidence ? Après tout, l’art par essence, c’est subjectif. On est libre d’adorer écouter « Les Sardines » de Patrick Sébastien et de détester Temps Mort de Booba ; libre de pleurer devant Friends et rire devant Titanic ; danser le Logobi GT en 2018 et s’asseoir quand le DJ met « Ténébreux #1 » de Koba LaD en club… « Les goûts et les couleurs« , comme on dit. Et c’est à ce sujet, d’ailleurs, que Voltaire disait « qu’en musique, en poésie, en peinture, c’est le goût qui tient lieu de montre ; et celui qui n’en juge que par des règles en juge mal« . En gros, il est vain d’être objectif, seule la subjectivité importe.

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Jusque-là, il semble assez difficile de donner tort à qui que ce soit, et encore moins à Voltaire. Le problème, c’est que le goût est par essence non-quantifiable : il n’y a pas d’équation précise puisqu’il est personnel. Il faut comprendre ici que c’est la notion elle-même du beau qui entre en jeu. Le beau se traduit de bien des manières, et si cela fait des siècles et des siècles que des philosophes s’emmerdent à essayer de le définir, c’est bien pour une raison évidente : à chacun sa définition. Le coeur du problème se trouve en réalité dans le tampon « classique » que l’on appose à telle ou telle oeuvre.

Parce que dire que Sélection naturelle de Nessbeal est un très bon album c’est une chose, mais affirmer que c’est un classique du rap français en est une autre, puisqu’il s’agit ici d’un avis qui, a priori, doit être partagée de la grande majorité. Si le « classique » fait autorité dans son domaine, c’est qu’il dépasse le cadre du goût personnel et qu’il englobe, par essence, un ensemble de critères pré-définis : ventes, impact, qualité, longévité dans le temps, avant-gardisme, influence, etc.

On pourrait compter la réception du public de l’époque et d’aujourd’hui, de la reconnaissance a posteriori, de l’impact commercial à la sortie et sur la durée, des récompenses qui lui sont données, de son esthétique, de son rapport aux autres oeuvres de l’artiste ou des artistes qui officient à la même époque, de la maîtrise parfaite qu’a fait l’artiste des outils de son temps ou de l’avant-gardisme dont il a pu faire preuve ; finalement de l’importance que lui octroie la culture et le genre dans lesquelles le disque devient, dès lors, un fondement.

Mais s’il suffisait simplement d’avoir une grille et cocher les cases en fonction, on pourrait aisément choisir ce qui est classique ou non ; le problème, c’est que les prétendus pré-requis sont pour la plupart non quantifiables. L’impact sur la culture ? La qualité ? Ce sont des mirages. Eli Pariser avait vu juste quand il démontrait que nous sommes tous enfermés dans une bulle de filtres, c’est à dire un état d’isolement où toutes les informations qui nous parviennent sur Internet sont en réalité personnalisées selon nos goûts, idées et envies. Il est alors vain de tenter de dessiner une courbe représentative de l’évolution de la pensée moyenne de l’ensemble des auditeurs sur un disque X dans le temps.

Évidemment que, pour la majorité des « professionnels » du milieu et des auditeurs centrés autour des grandes métropoles françaises, Or Noir est un classique du rap français ; mais c’est aussi parce que tous autour de nous tendent à avoir la même pensée. Si on se déplace en province, à Reims, Brest ou un petit village du fin fond de la Lorraine, le dernier classique du rap français sera peut-être Dans ma bulle de Diams, ou La Vraie Vie de Big Flo et Oli. Peut-être qu’à Montpellier, c’est l’album Ateyaba de Joke (devenu Ateyaba). À Marseille, À l’instinct de Naps. Vu qu’il est impossible de quantifier l’ensemble des avis de tous les auditeurs de rap français, on ne peut prendre la « réception » du public et de la critique comme des facteurs réellement cruciaux. Et forcément, ça remet un peu tout en cause.

Si l’on se fie maintenant à des données essentiellement mathématiques, à savoir les chiffres de ventes selon un panel de publics, on se rend compte que la capitale centralise des centaines de milliers d’écoutes d’albums qui sont largement moins écoutés en dehors des banlieues parisiennes. Si Timal est disque d’or et remplit le Bataclan, pas sûr qu’il remplisse une salle avec la même capacité à Bordeaux ou Perpignan. De la même manière, si Rilès déchaine les festivals, pas sur qu’il puisse trouver un public aussi large à la capitale.

La raison de ce contraste est simple : dans les années 90, le rap français était un tout indivisible, centralisé autour de Paris, ses banlieues et la Cité phocéenne. Il était plus facile de voir quels étaient les disques qui survivaient au temps car, d’une part il y en avait cinq fois moins, et de l’autre il n’y avait que très peu de diversité du public. Il n’y avait pas de pop-rap, de zumba, d’afro-trap, de rap de blanc, de rap de iencli, de rap2Tess, de cloud-rap, de 2step-rap…etc. Il y avait le rap, juste le rap.

Depuis 2010, tout a changé. L’année 2015 a marqué l’avènement d’un genre qui pouvait s’ouvrir à tous les styles extra-rap, et a dessiné les prémisses d’une dizaines de publics avec ses différences et ses goûts propres. Feu de Nekfeu n’est pas un classique chez les gens qui aiment le rap façon « Daymolition », au même titre que L’homme au bob de Gradur n’est pas un classique chez les gens qui aiment le côté « pop » qu’apporte Lomepal à son rap. C’est ainsi.

De plus, dans le nouveau monde du rap français, devenu la musique la plus écoutée en France avec ses 2000 projets annuels, il est normal que certains disques mieux travaillés que la plupart sortent du lot. Est-ce que ce sont des classiques pour autant ? Pas sûr. La fréquence de sortie des projets est différente, il y a une urgence qui fait qu’on sait reconnaître la qualité et la dimension d’impact d’un album plus facilement.

Quand tout un mois de février 2018 est noyé sous des projets à faibles publics, la sortie de XEU de Vald nous parait être de suite une bombe historique à retenir dans l’année. L’effet était encore plus puissant avec la sortie surprise de Cyborg de Nekfeu en 2016, ou le leak prématuré de Nero Nemesis de Booba l’année d’avant. Dans un univers où l’ultra-productivité est de mise, le très bon disque, le bon, quelconque et le mauvais se mêlent constamment ; alors le quelconque peut devenir bon, et le très bon disque peut nous paraître déjà classique.

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Les « bulles de filtres », ou bulle tout court d’ailleurs, permettent de se rendre compte que les disques supposés « classiques » pour certains, ne sont ni plus ni moins que des albums « sans intérêt » ou juste « bons » et « très bons » pour d’autres. Dans son essence, le « normal » diffère du classique en ce qu’il est culturellement inapte à survivre comme tel dans le temps. Il ne survit pas aux années et ne surmonte par les évolutions, mais appartient à son époque et y reste ancré, là où le classique, lui, prend de la valeur avec l’âge comme un bon vin. Et si l’on se fie à cette approche, on peut alors affirmer qu’il est impossible et inconcevable de donner à un album le statut de classique ou de chef-d’œuvre quelques jours ou quelques mois après sa sortie.

C’est une question de logique : un classique le devient quand le temps fait son ouvrage, et ce, même s’il y a des disques qui, le jour de leur sortie, signent un tel impact dans le monde du rap francophone qu’ils pourraient déjà être à tord considérés comme des possibles classiques en devenir : Or Noir de Kaaris, Le Monde Chico de PNL, L’Ecole des points vitaux de la Sexion d’Assaut, My World de Jul, La fête est finie d’Orelsan, Commando de Niska, Ipséité de Damso…

Comme le disait Sainte-Beuve, critique et écrivain français : « Un vrai classique (…) c’est un auteur (…) qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi être celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. » Finalement, de la même manière qu’il nous a fallu dix ans pour réévaluer le jugement qu’on faisait de 0.9 de Booba, ne faudrait-il pas attendre encore un peu avant de donner les prétendus classiques de cette décennie ? Au pire, ça évitera à quelques disques d’être trop rapidement gâchés par 47ter.

Chaperonné par Jérémie Nasir, le projet Trajectoire met encore et toujours le basket en première ligne avec une nouvelle exposition baptisée « When Basketball inspires… »

Au programme de cet évènement étalé sur 3 jours, 25 artistes et leurs oeuvres qui gravitent autour de la culture basketball. Des interprétations esthétiques, ludiques et graphiquement percutantes, qui donnent à vivre une expérience inédite.

Du 7 au 10 février 2019, l’exposition « When Basketball inspires… » prendra place dans un espace de 4500 m2 au coeur de Paris.
On vous donne l’adresse bientôt !

Instagram : @trajectoire_studio

Le mercure chute, les esprits s’échauffent : 2018 touche à sa fin. Naturellement, on ne pouvait pas conclure cette 18e année du IIIe millénaire sans en faire le bilan. Habituée des grandes rétrospectives, l’équipe de YARD a cette fois la chance de compter sur un allier pour faire le point : toute la semaine, les ondes de Rinse France nous accueillent de 19h à 21h pour juger, applaudir ou descendre 2018 et ses acteurs. Pour cette dernière émission, il ne s’agit plus d’un bilan mais d’une projection : qu’attendre de 2019 ?

Ciao 2018, hello 2019. Dernière émission de nos bilans de l’année avec Rinse France et cette fois, on parle turfu : on pose les grandes questions qui importent pour 2019. De quoi l’année sera t-elle faite ? Comment le rapport des marques à notre culture doit évoluer en 2019 ? Qu’est-ce que notre culture ne doit plus faire en 2019 ? Qu’espère t-on pour cette année ? Éléments de réponse, featuring Yoan Prat (@yoanprat), Tom Brunet (@tombrunet), Jesse Adang (@jesseadang), Serge Soro (@sergesoro), Samir Bouadla (@samirlebabtou), Antoine Laurent (@antoine_sarl) et Hony Zuka (@hony_zuka).

Exclusive mix by Hony Zuka

Le mercure chute, les esprits s’échauffent : 2018 touche à sa fin. Naturellement, on ne pouvait pas conclure cette 18e année du IIIe millénaire sans en faire le bilan. Habituée des grandes rétrospectives, l’équipe de YARD a cette fois la chance de compter sur un allier pour faire le point : toute la semaine, les ondes de Rinse France nous accueillent de 19h à 21h pour juger, applaudir ou descendre 2018 et ses acteurs. En vidéo, en direct de nos bureaux : troisième bilan sur la mode en 2018.

Oui, Virgil Abloh est indéniablement l’homme mode de 2018. Mais même si cette question ne suscite aucun débat, d’autres méritent qu’on se penche dessus. L’utilisation du terme « streetwear » en 2018 ? La plus belle paire de l’année ? La collaboration qui a fait le plus de bruit ? La marque qui s’est fait une place parmi les grands ? On fait le bilan de l’année mode 2018, toujours avec Rinse France, featuring Pablo Attal (@pabloattal), Marine Desnoue (@marinedesnoue), Alex Dobé (@alextrescool), Maati Malki (@maatimalki), Moriba Koné (@moribakone) et d’autres membres émérites de l’équipe YARD.

Exclusive mix by Moriba

Le mercure chute, les esprits s’échauffent : 2018 touche à sa fin. Naturellement, on ne pouvait pas conclure cette 18e année du IIIe millénaire sans en faire le bilan. Habituée des grandes rétrospectives, l’équipe de YARD a cette fois la chance de compter sur un allier pour faire le point : toute la semaine, les ondes de Rinse France nous accueillent de 19h à 21h pour juger, applaudir ou descendre 2018 et ses acteurs. En vidéo, en direct de nos bureaux : deuxième bilan sur la musique monde en 2018.

ASTROWORLD est-il l’album de l’année ? Est-on condamné à perdre nos idoles ? Quid de la révolution espagnole ROSALÍA ou de la nouvelle vague latino incarnée par Bad Bunny ou J Balvin ? Ou de la place de Cardi B ? À travers notre seconde émission YARD Bilans 2018, après notre émission sur la musique francophone en 2018,  toujours avec Rinse France, on pose notre regard sur le monde pour répondre aux questions que vous vous posez featuring Serge Soro (@sergesoro), Lenny Sorbé (@lenny_sorbe), Lola Levent (@lolalevent), Jesse Adang (@jesseadang), Rakoto 3000 (@rakoto3000) et d’autres membres émérites de l’équipe YARD.

Exclusive mix by Rakoto 3000

YARD Best of 2018 – Monde

Le mercure chute, les esprits s’échauffent : 2018 touche à sa fin. Naturellement, on ne pouvait pas conclure cette 18e année du IIIe millénaire sans en faire le bilan. Habituée des grandes rétrospectives, l’équipe de YARD a cette fois la chance de compter sur un allier pour faire le point : toute la semaine, les ondes de Rinse France nous accueillent de 19h à 21h pour juger, applaudir ou descendre 2018 et ses acteurs. En vidéo, en direct de nos bureaux : premier bilan sur la musique francophone en 2018.

Quel est l’album de l’année en musique francophone ? L’artiste de 2018 ? Le meilleur rookie ? Les meilleurs tracks ? Autant de questions auxquelles on a souhaité répondre mardi 18 décembre pour la première de nos quatre émissions YARD Bilans 2018. Ninho ou Aya Nakamura ? L’album Triple S de 13 Block, ou Lithopédion de Damso ? Pendant une heure, on fait les bilans de l’année, featuring Serge Soro (@sergesoro), Antoine Laurent (@antoine_sarl), Lansky (@lansk.y), Shkyd (@shkyd), Andy 4000 (@yungandy4k) et d’autres membres émérites de l’équipe YARD.

Exclusive mix by Andy 4000

YARD Best of 2018 – France

Propulsé par le Jamel Comedy Club, Waly Dia a porté pendant quatre saisons un premier spectacle à succès. Joué l’acteur aussi, à la télé et au cinéma. Aujourd’hui, le stand-uppeur revient sur scène avec un nouvel opus, plus mûr et piquant.

Devant l’objectif du photographe, avec son regard qui cherche une attache et ses façons un peu pataudes, Waly Dia ne sait pas trop quoi faire de lui. Lui, préfère les images qui vivent, quand tout son visage et son corps s’animent. Son âme perce, quand ses mots coulent. Un truc pas feint qui rayonne. Sur scène, l’humoriste dévore l’espace et débite ses pensées. Le harcèlement sexuel, les gilets jaunes, Mbappé, le rap, le terrorisme, sa fille… Des vannes qui rassemblent les coeurs le temps d’un instant. « Ensemble ou rien. »

Photos : @louis_azaud

J’ai une passion dans la vie, c’est trouver des sosies. On t’a déjà dit que tu avais un air de Thilo Kehrer?

On me l’a déjà dit oui ! Plus jeune, on me comparait à Pharrell aussi. Et récemment, on m’a dit Doc Gynéco, je ne sais pas comment le prendre parce que je n’ai que trente ans. [rires]

Je te rassure, aucun rapport ! [rires] Tu as été très médiatisé après ton passage au Jamel Comedy Club et ton premier spectacle a connu un vrai gros succès. Aujourd’hui, tu ironises sur le fait de jouer dans une petite salle entre deux bars à putes. Tu as le sentiment de tout recommencer à zéro ?

La petite salle, c’était un choix pour donner au spectacle le temps d’évoluer. J’avais envie de retrouver l’énergie de la création du premier spectacle. Le premier, je l’avais d’abord joué dans des petites salles et c’est comme ça qu’il est devenu ce qu’il était. Je n’avais pas envie de changer de processus.

Dans ton nouveau spectacle, tu évoques aussi la concurrence très dense dans l’humour. Est-ce que tu as peur de lasser, de ne plus être aimé, de ne plus être dans le coup ?

Tout est une question de travail. Si tu travailles consciemment et sincèrement, je ne pense pas que tu soûleras les gens. Et puis ce n’est pas parce qu’un mec est en place que les gens n’iront voir que son spectacle. Ils iront aussi voir les autres. Il y a aussi des humoristes qui peuvent être hype en 2017, disparaître en 2018 puis revenir en 2020. C’est fluctuant.

« On parle d’humour « communautaire » parce que ce sont des origines extérieures à la France. Si j’avais parlé de ma famille en Auvergne, on n’aurait pas dit ça. »

Quand je suis allée te voir sur scène, tu avais demandé à la fin au public s’il avait des questions à te poser et une fille a pris la parole pour dire qu’elle regrettait que tu n’aies pas parlé de tes origines et de ton père, contrairement à ton spectacle précédent. As-tu l’impression d’être prisonnier d’un certain style d’humour que les médias appellent « communautaire » ?

On parle de « communautaire » parce que ce sont des origines extérieures à la France. Si j’avais parlé de ma famille en Auvergne, on n’aurait pas dit ça. Après, ce sont peut-être les gens habitués à ce format d’humour qui ont du mal à en sortir, alors que moi je ne me définis pas que par mes origines. Ce que je n’ai pas envie de faire, surtout, c’est dévaloriser mes origines. Malheureusement, beaucoup d’humoristes, moi y compris, sommes tombés dans ce piège-là pour faire rire la masse.

Ton premier spectacle était aussi une manière de te présenter au public. Dans le second, tu as d’autres choses à dire…

Voilà c’est ça, c’était le début, il fallait « montrer ses papiers » [rires], montrer d’où on vient, qui on est. C’est toujours mieux, quand tu débarques dans une soirée, de dire qui tu es. Mais c’est un socle, ce n’est pas l’entièreté de ton identité.

J’ai aussi l’impression que le rythme et ton flow sont plus posés par rapport au premier spectacle, où tu jouais quasiment en apnée, avec une énergie complètement folle.

J’ai beaucoup plus dispatché les moments mitraillette, qui sont un peu ma marque de fabrique. Parce que, si tu fais ça sur une heure, les gens n’ont pas le temps de tout suivre et capter, il y a plein de moments qui passent à la trappe. Je veux vraiment qu’aucune de mes phrases ne passe à la trappe.

En même temps, je crois qu’il y a des gens qui ont ce besoin de surconsommer le rire, d’exploser de rire à chaque minute…

Le problème du rire à la seconde c’est que ça se fait au détriment de ton propos. Il y a forcément un moment où tu es obligé de poser un contexte, sinon tu restes en surface. Quand tu prends le temps d’aller plus loin, il y a peut-être moins de rires mais le rire est plus fort.

Peut-être que ce type d’humour-là s’adresse aussi à une autre cible, un peu plus adulte ?

Non, parce que ça serait sous-estimer les plus jeunes. Les jeunes ne se bouffent pas que Les Marseillais à Cancún. Il y en a plein qui ont envie d’apprendre et je pense que, justement, c’est un moyen « d’apprendre en s’amusant ».

Tu es un peu le prof sympa !

Ouais et encore, parce que je ne donne pas de leçons, je donne juste mon avis.

Les réseaux sociaux, et notamment Twitter, sont de vraies caisses de résonance des états d’âme de l’opinion publique, qui peut très vite s’emballer contre un artiste. Aujourd’hui, avec cette donnée-là, peut-on toujours rire de tout ?

On peut rire de tout, sauf que le tout va te répondre.

C’est pas mal ça !

Ouais avant tu pouvais faire des blagues sur les noirs, les arabes, les gays, les juifs… parce qu’ils ne te répondaient pas. Aujourd’hui, ils vont te répondre et soit tu les auras fait rire et ils vont t’aimer, soit tu ne les auras pas fait rire et ils ne vont pas t’aimer. Et puis tu auras toujours les énervés qui eux n’aiment rien et veulent juste te détruire. Sur Twitter, il y a une tendance à la méchanceté parce que les gens aiment ça. C’est un peu les Jeux du Cirque, on aime bien voir quelqu’un se faire déchirer. Et, à côté de ça, il y a aussi des élans de solidarité incroyables. C’est vraiment le Yin et le Yang, Twitter.

Mais toi, en tout cas, dans la construction de tes sketchs, ça ne détermine pas ce que tu vas dire ou non…

Non, mais j’essaie de faire quelque chose qui ne peut pas être perçu comme mauvais. Et surtout, je veux être compris.

En mars dernier, tu as donné un spectacle à la Prison de Gradignan dans le cadre du festival Fous rires de Bordeaux. Je te demandais si on pouvait rire de tout, mais peut-on rire partout ?

En prison, clairement ils ont envie de rire, parce qu’ils n’ont pas grand-chose d’autre à foutre. [rires] C’est surtout moi qui m’étais demandé si des gens qui avaient déconné devaient être divertis. Mais en fait, il y avait eu un « tri » au niveau des détenus, il n’y avait pas de pédophiles, de violeurs, de meurtriers. Ce sont des gens qui n’avaient pas commis des choses trop graves et qui peuvent changer. La prison, on le sait, n’améliore personne. Plus c’est long, plus c’est pire. Et c’est peut-être une solution d’essayer d’apporter une ouverture d’esprit à des gens qui peuvent complètement tomber dans le noir.

Tu avais adapté ton humour à ce public-là ?

Ouais j’avais trouvé des trucs pour eux, autour de l’univers carcéral. Mais je ne voulais pas parler que de leur situation, parler aussi de ce qu’il se passe dehors.

Leur apporter un semblant d’évasion quoi…

Dis pas ça, parle pas d’évasion ça peut leur donner des idées. [rires] Non mais c’est surtout les garder connectés avec l’extérieur. Leur faire comprendre « Ok, vous avez foiré » – même s’ils n’ont pas tous foiré, car certains étaient là pour des histoires de papiers par exemple – « mais il y a encore des gens qui vous considèrent, ne basculez pas ». En première partie, il y avait des braqueurs qui avaient monté une pièce de théâtre. C’est bien la preuve qu’ils sont capables de faire autre chose.

« Le fait d’être sur scène, c’est forcément un besoin d’attention, de reconnaissance, de validation des autres. »

On dit souvent que l’humour guérit. Par exemple, il peut guérir la timidité de celui qui le pratique ou guérir les maux de celui qui le reçoit. Ça t’a guéri de quoi, toi, l’humour ?

Le fait d’être sur scène, c’est forcément un besoin d’attention, de reconnaissance, de validation des autres. Je n’en avais même pas conscience, mais je me dis que ça doit venir de là. Il y a quand même un truc d’ego là-dedans, dans le fait de vouloir qu’on nous regarde. Par contre, je n’ai pas encore identifié ce que j’avais précisément besoin de soigner par l’humour.

Qu’est-ce qui te fait marrer aujourd’hui?

Moi j’aime les gens qui n’en ont plus rien à foutre des codes sociaux, les gens qui ont craqué. Ça me fait hurler de rire. Ils ont accepté tout ce qu’ils étaient, aussi bien le bon que le mauvais. Ils ont décidé d’être eux-mêmes. J’ai hâte d’atteindre cette liberté-là, de péter un câble.

Contrairement à d’autres humoristes de ta génération, tu n’utilises pas les réseaux sociaux pour poster des vidéos d’humeur quotidiennes. C’est un exercice qui ne te tente pas ?

C’est compliqué… Ça peut me causer du tort parce que je serais peut-être plus suivi si je faisais ça mais j’ai du mal à rentrer là-dedans, à prendre la parole pour prendre la parole. J’ai l’impression que si tu fais ça, tu auras besoin de le faire tout le temps après, parce que si tu arrêtes, les gens vont penser que tu es mort. Je pense que si tu as un spectacle qui est fort et que tu en balances des extraits, si tu montres ton métier plutôt que ta vie, c’est plus intéressant. Des fois ça me prend quand j’ai un truc qu’il faut que j’extériorise, mais j’en parle parce qu’il faut que j’en parle, pas parce qu’il faut qu’on me voit. J’ai l’impression que c’est le nouveau besoin promo. Mais si ton travail est assez marquant, les gens ne t’oublient pas.

Tu as tourné dans plusieurs films. T’es-tu servi de l’humour comme d’une antichambre pour accéder au cinéma ?

En fait, le problème, quand tu es humoriste, c’est que tu as ton style mais on va rarement te laisser libre d’être ce que tu as envie d’être par rapport à ton rôle. Dans une interview, Louis de Funès disait : « Moi, quand je vais sur un film, personne ne me dit ce que je dois faire. Donne-moi le texte et laisse-moi faire, tu écris très bien mais c’est moi qui suis marrant. » Je ne suis pas du tout Louis de Funès mais j’adore cette logique-là. Tu ne peux pas expliquer à un humoriste comment être drôle.

Tu me parles d’être dirigé dans ta façon de faire rire. Mais tu n’as peut-être pas envie de te cantonner à des rôles drôles ?

Oui, là je viens de tourner une série pour Netflix, Osmosis, où ce n’est pas du tout le cas. La série est sombre mais je m’amuse parce que je fais un truc que je ne ferais jamais ailleurs. La comédie et l’humour, ce sont deux choses différentes, qui ne dépendent pas l’une de l’autre. Je ferai de la scène toute ma vie si on m’en donne le droit.

Tu parlais de série… On avait une image très ringarde des séries françaises, calées sur un modèle de héros à l’ancienne façon Navarro, et aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elles se sont profondément renouvelées, avec des scénarios plus fouillés et une image plus sophistiquée.

C’est l’histoire de la mondialisation. C’est bien de faire des produits français mais s’ils n’arrivent pas à concurrencer le spectaculaire américain, l’audace anglaise ou l’innovation allemande, ils meurent. Donc tu es obligé de te mettre un peu au niveau. Ça se développe, mais il y a malheureusement encore trop de chasses gardées d’idées, énormément de projets géniaux refusés…

C’est quoi ton ambition ultime dans la vie ?

C’est de continuer un travail qui me permette à la fois d’être heureux et de subvenir aux besoins de ma famille et des gens que j’aime.

Ce que tu fais aujourd’hui, donc…

Ce que je fais aujourd’hui, oui, mais avoir le droit de le faire toute ma vie.

Nouveau spectacle « Ensemble ou rien » à la Comédie de Paris jusqu’au 5 Janvier puis prolongations au Palais des Glaces à partir du 18 Janvier.

Issue de la même génération de chanteuses londoniennes que Jorja Smith, Grace Carter brille par ses interprétations imprégnées d’émotions et de sentiments. Rencontre avec une artiste pour qui la musique est plus qu’une thérapie. 

Photos : @alextrescool

Fraîchement sortie de l’Eurostar, Grace Carter traverse la Manche pour la troisième fois. Malgré ses 21 ans, la jeune chanteuse n’en est pas à son premier coup d’essai dans la capitale française, après une tournée avec sa consoeur Dua Lipa. Propulsée sous les projecteurs grâce au track « Silence », notamment utilisée dans la saison 4 de la série Grey’s Anatomy, Grace Carter offre des chansons criantes d’émotions et laissent la Londonienne vulnérable. Un style ultra personnel, qui fait écho auprès de ses fans. Quelques jours avant sa nomination aux Grammys Nous avons rencontré l’auteur-interprète à Paris, juste avant son concert aux Étoiles.

Quel a été ton premier contact avec la musique ? 

La musique est arrivée très tôt pour moi, grâce à ma mère. Je n’en faisais pas encore mais j’en écoutais beaucoup. J’adorais la musique quand j’étais enfant, c’était notre petit moment mère-fille. Quand j’ai eu 13 ans, ma mère a rencontré mon beau père, c’était un musicien et c’est lui qui m’a encouragée à en faire. J’aimais déjà chanter parce que j’étais dans une chorale mais quand je l’ai rencontré, je me suis mise à chanter des morceaux que j’ai écrits. C’est à ce moment là que je suis tombée amoureuse de la musique parce que je chantais des choses qui avaient vraiment un sens pour moi, au lieu de faire des covers.

Quels artistes tu écoutais plus jeune ? 

J’écoutais vraiment des artistes divers et variés. Mais celles qui m’attiraient étaient des artistes féminines. Même maintenant finalement, la majorité des voix que j’écoute sont féminines, je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais plus jeune j’écoutais Nina Simone ou Alicia Keys qui étaient une énorme inspiration pour moi, parce que je suis métisse et que j’ai grandi sans la partie noire de ma famille. Du coup je m’identifiais beaucoup à elle, physiquement et musicalement. Quand je l’ai vue assise sur son piano jouer un morceau qu’elle avait écrit, j’ai su que c’est ce que je voulais faire.

Grace Carter Yard

Tu as toujours voulu être chanteuse ? 

Non pas du tout, je faisais du tennis quand j’étais plus jeune ! Il y avait beaucoup de choses que je ne comprenais pas étant enfant, comme par exemple la raison pour laquelle ma mère était célibataire ou pourquoi je n’avais pas de père. J’avais juste beaucoup de questions auxquelles je n’avais pas de réponses et c’était forcément frustrant. Mais dès que j’ai rencontré mon beau-père, il a été le premier homme avec lequel j’ai vécu et il m’a encouragée à parler de toutes les choses que je ressentais. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que je voulais être chanteuse, parce que j’écrivais des chansons qui avaient vraiment du sens, des morceaux m’ont fait comprendre des choses sur moi et mes émotions. C’est ce qui m’a donné envie d’en faire mon métier.

Donc ton univers tourne autour de tes émotions ?

C’est la base pour moi. Je n’ai écrit que des chansons qui parlent de mes émotions, c’est de cette façon que j’établis des liens avec les gens, en écrivant des chansons tristes. C’est totalement une thérapie pour moi. C’est plus facile de me poser, d’écrire et de chanter les choses plutôt que d’en parler juste comme ça.

Et c’est de cette façon que tu crées un lien avec ton public.

Je fais de la musique pour faire écho avec les gens qui m’écoutent. Je veux leur faire ressentir l’émotion que je met dans ma musique. J’ai mes propres histoires et mes chansons parlent de choses qui me sont arrivées à moi, mais en même temps, la majorité d’entre elles décrivent des situations ou des émotions associées à ces situations. Et les émotions constituent un langage universel qui parle à tout le monde. Il s’agit avant tout d’émotions et de sentiments et je pense qu’on ressent tous les mêmes choses de manières différentes.

Aujourd’hui, les paroles passent parfois au second plan au profit des vibes qu’offrent un son. Qu’est ce que tu en penses, toi qui mise tout sur les paroles ?

C’est assez difficile. Je suis quelqu’un qui aime réfléchir à ce que j’écris et parler de ce que je traverse. J’aime écouter des sons pour la vibe, mais ce n’est juste pas la manière dont j’écris. Je pense que ça vient du fait que j’ai grandi en écoutant des personnes comme Adèle, Alicia Keys ou Amy Whinehouse. Leurs chansons parlaient de leur vie. Tu écoutes les paroles et c’est comme ça que la connexion se fait avec l’artiste, au lieu de vouloir danser sur la musique. Là, Tu veux t’asseoir dans une pièce sombre et pleurer.

Tu fais partie d’une nouvelle vague de chanteuses anglaises talentueuses qui inclut Jorja Smith, Ama Lou ou encore Amber Olivier. Que penses-tu de cette génération ? 

Je pense que c’est hyper cool, on a le même âge et on fait de la musique différente. C’est vraiment génial d’en faire partie parce que c’est vraiment un cercle de personnes qui se soutiennent entre elles. J’ai fait un concert avec Jorja il y a quelques mois et elle est vraiment gentille et encourageante. Ça a été la même chose avec tellement de gens que j’ai rencontré.

Comment est-ce que tu te distingues d’elles ? 

Je ne sais pas vraiment. Quand j’étais plus jeune et que j’ai écrit ma première chanson, on ne se connaissait pas, on a juste fait ce qui semblait naturel pour nous. J’imagine que les sonorités ne sont pas les mêmes, les productions sont différentes. Je dirais que mon style est plus dirigé, orienté par un piano.

Comment tu décrirais ta musique ? 

Je dirais que c’est de la pop, mais plus de la soulful pop. C’est un style vraiment important pour moi et qui m’a influencée. Les artistes que j’écoute sont plus soul que pop.

Du coup, quels sont les artistes que tu écoutes en ce moment ? 

En ce moment, Nina Simone, Erykah Badu etc. Pour les artistes plus actuels, j’aime beaucoup Daniel Caesar, je l’écoutais hier. Il est vraiment bon et il y a quelque chose de vraiment intéressant dans ce qu’il fait. Il met beaucoup de coeur dans sa musique.

Grace Carter Yard

Tu étais en tournée avec Dua Lipa récemment, comment c’était ?

C’était incroyable, j’ai chanté à Paris pour la première fois avec elle. Depuis que je suis allé en tournée avec elle, elle m’encourage vraiment sur tout ce que je fais. Je n’avais qu’une chanson à l’époque et c’était la première fois que je chantais devant des gens. Voir le public réagir à ma musique, c’était totalement fou.

Dans les commentaires de tes clips sur YouTube, les gens expriment leur désir d’un album. Des infos par rapport à ça ? 

Quand j’aurai le temps ! Non en réalité j’ai fini de l’écrire. Il ne me reste plus qu’à enregistrer et en faire quelque chose de vraiment bien. Pour l’instant je suis en tournée donc je n’ai pas le temps pour du studio. Tous les artistes qui m’ont inspirée sont des “album artists” donc pour moi c’est un but ultime dans ma carrière et je ne veux pas me presser. Je veux en faire une oeuvre qui raconte mon histoire. Donc je veux prendre mon temps et vraiment donner un partie de moi quand je sortirai un album.

Dans le clip de « Silence », tu pleures. Cela semble très authentique : ça l’était vraiment ?

Cette partie était vraiment difficile, je n’étais pas censée pleurer, ce n’était pas prévu. J’ai filmé avec une photographe qui s’appelle Nicole Nodland, elle est incroyable. On s’était rencontrées plusieurs fois et on est devenues assez proches. Cette chanson parle d’une personne et le jour où on a filmé on s’est assises et elle m’a dit: “La caméra c’est cette personne. Chante à la caméra comme si c’était cette personne.” C’était vraiment dure, je voulait qu’elle arrête de filmer mais elle m’a encouragé à continuer et je la remercie encore pour ça parce que je pense que ça a vraiment aidé les gens à comprendre le niveau d’émotion et à emmener la chanson à un tout autre niveau. C’était vraiment éprouvant mais je suis contente d’avoir pleuré.

Quelle est la chose dont tu es la plus fière jusqu’à maintenant ? 

Je pense que la video de “Why Her Not Me” est quelque chose dont je suis vraiment fière. Juste parce que je n’ai que 21 ans et ça fait vraiment peur de donner tant de soi aux gens alors qu’en même temps tu es encore en train de te trouver. Le fait que partager mes histoires ait pu réunir des gens et les aider à se sentir mieux, je trouve ça vraiment très fort. Et c’est exactement ce à quoi j’aspire dans ma carrière.

Comment tu sens ton concert de ce soir ? 

Je suis vraiment excitée ! J’adore Paris. Même arriver en Eurostar, ça donne une certaine vibe. Et la salle de concert est vraiment cool, je ne savais pas à quoi m’attendre.

Tes plans pour les mois à venir ? 

Pour le moment je suis en tournée et j’espère sortir plus de chansons dans les mois à venir. J’ai sorti le clip de “Why Her Not Me” récemment donc on fait patienter les gens avec ça. Mais oui, sortir plus de musique, partir en tournée et s’amuser !

Grace Carter Yard

Le mercure chute, les esprits s’échauffent : 2018 touche à sa fin. Naturellement, on ne pouvait pas conclure cette 18e année du IIIe millénaire sans en faire le bilan. Habituée des grandes rétrospectives, l’équipe de YARD a cette fois la chance de compter sur un allier pour faire le point : toute la semaine, les ondes de Rinse France nous accueillent de 19h à 21h pour juger, applaudir ou descendre 2018 et ses acteurs. Mieux : les quatre émissions prévues auront comme cadre inédit nos bureaux du 10ème arrondissement de Paris, pimpés pour l’occasion. Sous forme de tables rondes diffusées en live vidéo sur les pages Facebook de YARD et de Rinse mais aussi sur Rinse.fr et YARD.media directement, via le player embed ci-dessous, les différentes têtes de la rédaction – mais pas que – distribueront les bons points.

Surtout : on quitte définitivement 2018 ce samedi 22 décembre avec un gros, gros YARD Winter Club à La Machine du Moulin Rouge. Du coup, on a naturellement demandé à certains de nos DJ favoris, pour ne pas dire la crème de la crème, de nous accompagner sur ces lives en brûlant la deuxième heure de chaque émission comme ils en ont le secret. Joutes verbales et mixs d’esthètes au programme.

Mardi 18 décembre : BILAN MUSIQUE FR 2018 ft. Andy 4000

Mercredi 19 décembre : BILAN MUSIQUE MONDE 2018 ft. Rakoto 3000

Jeudi 20 décembre : BILAN MODE 2018 ft. Moriba

Vendredi 21 décembre : ANTICIPATION 2019 ft. Hony Zuka

« Who run the world? Girls. » Dimanche 9 décembre, l’internationale tricolore Diandra Tchatchouang a pris possession d’un gymnase de la Courneuve – le fameux gymnase Béatrice Hess, du nom de la nageuse handisport française – pour pousser les jeunes basketteuses de Seine-Saint-Denis à croire en leurs rêves, en se donnant les moyens de réussir. Take Your Shot, c’est une journée de sensibilisation à la pratique féminine du basket et aux parcours d’excellences, entièrement dédiée aux jeunes basketteuses U13 et U15. Pour Nike Women et Nike Basketball, nous avons suivi cette belle initiative.

Un accident de moto sur le chemin de la cérémonie des Grammy Awards. L’élaboration d’un album coupée en plein vol, un goût d’inachevé au réveil, des bruits d’appareils électroniques, des tuyaux, le goût du sang dans la bouche. Le 15 février 2016, Jay Rock a failli perdre la vie sur la route de la consécration. Deux ans plus tard, il revient avec l’album Redemption. Mieux vaut tard que jamais dit l’adage, comme ce succès derrière lequel il court. Comme cette interview.

Photos : @lebougmelo

Il y a les gens que l’on entend et ceux qu’on écoute. Difficile de dire pourquoi, encore plus de savoir comment. Et pourtant Jay Rock fait partie de la seconde catégorie. Sa voix grave et lente témoigne d’un passé pas si lointain où les gens meurent  pour un regard trop appuyé ou pour avoir arboré les mauvaises couleurs au mauvais moment. De son triste accident, l’artiste n’en garde que le positif, des cicatrices à peine visibles et la ferme intention de reconquérir son public. De sa frustration nait Redemption, un projet au titre qui interpelle et qui questionne. Rien de mieux que d’entendre un artiste de sa trempe s’épandre sur un hypothétique rachat d’âme après une vie menée tambour battant et dont seuls les excès semblent être la limite. Le ciel en est une autre, comme le disait Christopher Wallace. Preuve en est, c’est avec entrain que démarre notre rencontre à quelques encablures de l’Arc de Triomphe. Un sacré bout de chemin quand le point de départ se situe à Watts.

Presque trois années se sont écoulées depuis cet accident de moto qui a failli te coûter la vie. C’est quelque chose de difficile à prévoir, surtout quand on est sur une pente ascendante ?

Bien sûr, et c’est quelque chose que je répète souvent : quand l’accident est survenu, je n’imaginais pas qu’une telle chose puisse m’arriver. J’étais dans une bonne dynamique, entre la sortie de l’album 90059 et plein d’autres choses qu’on avait déjà planifié… Comprends-moi bien : je me projetais dans un futur proche avec tout l’engouement qu’il y avait autour de moi, et je me suis sans doute senti trop beau trop vite. Cet accident m’a ramené sur terre de la façon la plus brutale qui soit. Malheureusement ce genre de choses arrivent, il faut les prendre comme un contretemps, et ce même lorsque qu’elles te font repartir de zéro.

La vie continue, comme tu dis, et le business doit reprendre. On imagine qu’après un tel évènement, on ne voit plus les choses de la même manière. Être à deux doigts de passer l’arme à gauche t’a t-il motivé à accomplir des choses auxquelles tu ne pensais même pas avant ?

Quand j’ai ouvert les yeux et que j’ai réalisé que j’étais allongé sur un lit d’hôpital avec tous ces tubes qui me permettaient de respirer, ces moniteurs qui bipaient sans cesse et cette douleur qui me lançait dans tout le corps, j’ai ressenti de la rage, voire même de la fureur. J’avais de la haine contre personne en particulier, juste envers la vie et les gens de manière générale. Les anti-douleurs n’arrangeaient rien, tout était confus et je me posais toutes sortes de questions du style « Pourquoi cela m’est-il arrivé ? » ou encore « Qu’ai-je pu donc faire aux gens ? ». Durant cette période, j’ai pratiquement tout remis en question, que ce soit ma vie personnelle ou ma carrière d’artiste. Puis après la dernière opération chirurgicale, je me suis retrouvé dans ma chambre, seul. C’est là que je me suis dit qu’il fallait que j’avance. Tout le soutien que j’ai reçu de TDE, de ma famille, des amis et plus particulièrement des fans… C’était irréel de constater que de simples mots pouvaient se transformer en vagues de bienveillance.

Tu parlais de dynamique avec la sortie de ton précédent album avant de finir à l’hôpital mais est-ce que le contenu de ce projet aurait été différent sans ce triste évènement ?

Évidemment qu’il aurait été différent, j’avais déjà des sons quasiment bouclés et on cherchait la direction que prendrait le futur projet. Quand j’ai sorti 90059, j’avais des tournées de bookées, d’ailleurs je devais passer en Europe pour faire de la promo mais après l’accident, tout a été chamboulé. Un artiste s’inspire de ce qu’il traverse ou observe, et dans un sens c’est dur de l’avouer mais c’est peut-être un mal pour un bien. L’album Redemption m’a permis de voir les choses sous un angle différent, j’ai vu ce coup du destin comme une manière d’amorcer ce que je considère être un comeback, mon comeback. Comme si Dieu m’accordait une seconde chance avec cette nouvelle vie pour que j’en tire le meilleur. Peut-être que cet accident n’était que la partie visible de l’iceberg et que quelque chose de bien pire aurait pu m’arriver.

« Quand j’ai sorti ‘90059’, je n’ai pas eu la chance d’aller défendre le projet auprès du public. Il fallait que j’aille à leur rencontre, et j’ai loupé ce rendez-vous. »

Le destin, le karma et la foi sont très présents dans tes réponses. Te considères-tu comme quelqu’un de religieux ou plutôt comme quelqu’un de spirituel ?

Je dirais les deux. Aussi loin que je me souvienne, la religion a toujours été présente dans notre foyer. Ma mère ne loupe aucune occasion d’aller à l’église et elle me faisait lire la Bible ou des ouvrages parlant de religion. J’ai beaucoup baigné dedans depuis que je sais marcher et cela va de pair avec la spiritualité. Pour être honnête, je n’aime pas trop m’étendre sur le sujet parce que je ne veux pas cliver et privilégier une philosophie de vie à une autre. Je peux juste te dire que je crois en Dieu, que je crois en quelque chose de plus grand que nous qui serait à l’origine de l’existence. De fait, je prie toujours avant de manger, mais plus par habitude que par acte de foi, je l’admets.

Quel impact ton accident de moto a t-il eu sur ta façon de vivre ta foi ?

Même avant l’accident, j’étais très optimiste. J’ai toujours dit à mes fans de ne rien abandonner et de se battre afin d’avoir une meilleure vie. Quand l’accident est survenu, c’est vrai que j’étais au fond du trou, confus et déprimé, mais je n’avais pas compris que je devais appliquer les mêmes conseils que je donnais aux gens depuis toutes ces années. En quoi suis-je différent de mon auditeur ? C’était presque hypocrite de ma part.

En quoi es-tu reconnaissant ?

Je suis juste content d’être là, mec. Je suis heureux de pouvoir me lever tous les matins en sachant que j’ai la possibilité de faire ce que je veux. La société est devenue tellement nombriliste qu’elle ne regarde plus autour d’elle alors qu’il y a des gens avec des situations bien plus tragiques que les nôtres. Prendre les choses pour acquises peut être un jeu dangereux. Imagine-toi demain, te réveiller en étant en prison, tout en sachant que tu ne sortiras pas avant un bon moment… On doit vraiment apprendre à relativiser ce qui nous arrive. Il faut de temps en temps se mettre dans la peau d’un autre, histoire de garder les pieds sur terre. D’autant que tous ces mecs qui sont derrière les barreaux réussissent à garder leur foi et la tête froide malgré leurs situations difficiles.

Dans l’album apparait « Eastside Johnny », un alter ego ou une facette de Jay Rock plus humaine. À quel moment as-tu décidé de donner vie à ce personnage ?

Eastside Johnny et Jay Rock sont les mêmes personnes. J’aime juste dissocier les deux de temps en temps car vers chez moi, tout le monde m’appelle encore par mon vrai prénom, Johnny. Jay Rock était plutôt le mec affilié aux gangs et qui foutait la merde en terrorisant les gens.

Au point qu’il faille créer deux identités ?

On peut dire que Jay Rock est le démon qui me pousse à être dans les extrêmes tandis qu’Eastside Johnny est l’ange qui est plus terre à terre, voire réfléchi. Cette analyse à deux balles, c’est ce que tu sors à ta psy pour qu’elle te lâche la grappe. [rires] En vrai, les deux s’alimentent : il y a du bon comme du mauvais dans chacune des deux facettes, le dosage est juste différent selon les situations. Disons simplement que ceux qui m’appellent Eastside Johnny sont ceux qui m’ont vu grandir et avec qui j’ai fait les 400 coups au quartier.

On a du mal à capter le concept qui se cache derrière cet album Redemption, peut-être peux-tu nous donner ta définition du mot « rédemption » en préambule ?

Ma définition ? [Il réfléchit] Pour moi, la « rédemption », c’est avoir une seconde chance de faire le bien en essayant d’améliorer les choses pour être meilleur. C’est un peu ce que vivent les sportifs lorsqu’ils sont au top de leur carrière et qu’ils se blessent. Là, les gens commencent à dire « Mec, je ne pense pas qu’il pourra s’en relever ». J’ai lu et entendu ce genre de déclarations à mon encontre. Certaines personnes ont vraiment cru que j’étais fini, que j’avais foutu ma carrière en l’air à cause d’une putain de moto. Et pourtant, aujourd’hui je suis ici à Paris avec un nouveau projet.

Tu es toujours à sa recherche ?

Je peux dire que je l’ai déjà vécu en sortant cet album. Quand j’ai sorti 90059, je n’ai pas eu la chance d’aller défendre le projet auprès du public. Il fallait que j’aille à leur rencontre, et j’ai loupé ce rendez-vous. Mais avec cet album, j’ai su qu’il fallait que je rende aux gens ce qu’ils m’ont donné pendant toutes ces années. La façon dont tu as décrypté la dissociation entre Eastside Johnny et Jay Rock fait sens. Que le premier soit celui qui raisonne vraiment, et que Jay Rock soit celui prêt à foutre la merde… Un peu comme l’ange et le démon sur tes épaules. Et lorsque ces deux personnages fusionnent, cela donne le contenu de Redemption.

Aujourd’hui es-tu plus prompt à vivre avec des remords ou avec des pêchés ?

Je ne passe pas ma vie à regretter. Ce n’est pas une façon de vivre selon moi. Pareil pour les remords, car quand quelque chose s’est produit, tu ne peux plus revenir en arrière. Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, à force de trop y réfléchir, tu finis par rester coincé dans le passé. On ne peut rien changer, on n’a pas ce luxe. Je ne regrette aucune de mes actions passées mais c’est vrai que des fois je ressasse certaines choses. C’est drôle mais depuis l’accident, beaucoup de personnes m’ont demandé si je croyais au karma. Je ne vais pas te mentir, cette question m’a fait cogiter. Je me suis demandé si j’avais fait du mal à quelqu’un sans m’en rendre compte. N’importe quoi qui justifierait ce qui m’est arrivé. Mais tu sais quoi ? Je n’ai pas encore trouvé la réponse.

« Je voulais que les gens oublient un peu le Jay Rock qu’ils avaient l’habitude d’entendre. Qu’ils se concentrent sur Johnny, le mec qui vient de Watts. »

Pourquoi avoir choisi de nous présenter Eastside Johnny que maintenant ?

Les gens qui écoutent attentivement mes morceaux m’ont déjà entendu balancer « Johnny » ça et là. Je voulais juste proposer quelque chose de différent, apporter un petit twist au projet. Je serai toujours Jay Rock, il n’y a aucun doute à avoir là-dessus mais j’ai senti qu’il fallait que je dévoile un peu plus Eastside Johnny au public. Je voulais créer une connexion avec mes fans. En le mettant en avant, je voulais que les gens oublient un peu le Jay Rock qu’ils avaient l’habitude d’entendre. Qu’ils se concentrent sur Johnny, le mec qui vient de Watts. Pas de simagrées, aucune posture, de telle sorte qu’il n’existe plus de séparation entre eux et moi.

On ne pouvait pas parler de ce projet sans mentionner Bob Marley et son titre « Redemption Song ». Bien que chacun de vous utilise le mot rédemption avec deux significations distinctes, vos approches sont avant tout un message adressé à une audience plus large que vos fans.

J’aime avoir un retour des gens qui écoutent ma musique, surtout quand ils disent que j’ai été source de motivation, mais je ne veux pas qu’ils me voient comme un leader dans ma communauté ou comme quelqu’un qui ferait du prosélytisme. Je n’aime pas rentrer dans tout ce qui est politique ou qui y ressemble, avoir à justifier un statut et ses prérogatives. Je suis juste un rappeur qui utilise sa voix et quand des gens te disent que tu as pu les aider à sortir d’une dépression, je peux te dire que c’est un sentiment incroyable. On se nourrit du savoir des autres, c’est important pour moi et c’est ce qui m’anime jour après jour. C’est ma voix qui m’a permis d’être là où je suis actuellement. Les gens arrivent à la reconnaitre lorsqu’un morceau passe et c’est une bénédiction, un don de Dieu. Ma mère avait l’habitude de me dire à chaque fois « Ecoute, tu seras quelqu’un et tu accompliras de grandes choses. Ne lâche pas l’affaire. » Pour moi Bob Marley était un prophète et si les gens me considèrent comme tel, ça me va mais ce n’est pas un but en soi pour moi.

Mais encore ?

Je ne souhaite à personne de vivre la vie que j’ai vécue. Vraiment. Mais parfois tu dois traverser des épreuves et accumuler de l’expérience. Je ne connais pas une seule personne qui quittera ce monde sans avoir fauté une seule fois. Même les gens les plus riches traversent des périodes difficiles, alors imagine quand tu n’as rien. Quant à ceux qui veulent quand même vivre une existence de rêve, ils doivent grandir et évoluer dans des environnements où il faut passer par des actions radicales, commettre des actes répréhensibles par la loi et aux yeux de Dieu. C’est un fait, c’est ce qu’il se passe tous les jours et c’est de là que je viens. Tu sais, j’adore balancer quelques connaissances de temps en temps, j’appelle même ça les « bijoux pour l’esprit ». Quand les gens pensent que je vais rapper de la merde, je balance 2-3 scuds que les plus avertis comprendront.

On passe de Jay Rock à Jay « Woke » [« conscient » en anglais, ndlr].

Comme je te disais au début de la discussion, ces choses ont toujours été présentes à la maison, je n’allais pas à l’église ou dans d’autres lieux de culte mais cette philosophie, cette spiritualité a toujours été gravée en moi. Je connais la Bible par coeur, pourtant, je ne suis pas si religieux que cela et je ne prêcherai jamais. Durant mon existence, j’ai eu la chance d’en apprendre un peu plus sur plein de religions et selon moi, cela devrait être un devoir auquel chacun devrait se plier. Il faut essayer de comprendre la mécanique de chacune et très vite, tu te rends compte que les enjeux, les leviers sont tous les mêmes. Toutes les grandes religions sont identiques, il n’y a que leur pratiques qui les différencient.

Et la question que tout le monde se pose : à quand un album du Black Hippy ?

Essaie d’avoir Top au téléphone ! Si tu y arrives, fais-lui savoir que le monde entier a besoin de cet album. On n’est jamais sûr de rien, alors tenez-vous prêts, un album pourrait bientôt arriver. Quand je suis en studio avec les autres, c’est comme si on réunissait la Justice League. Lorsqu’on est réuni et qu’on écoute des sons, rien ne nous semble impossible, on pourrait te terminer un album en trois jours. La vérité c’est qu’actuellement, chacun est focalisé sur sa propre carrière. Kendrick a reçu les clés de la ville de Compton et il est toujours à l’affût niveau musique, il travaille sans relâche à perfectionner son talent. Ab-Soul bosse sur son album en ce moment et je crois que Q sortira son projet après le sien. Comme tu peux voir, on est assez occupé en ce moment. Mais le Black Hippy dans une même pièce ? C’est limite trop facile pour nous. Tellement facile qu’on a l’impression de ne jamais s’être quittés malgré les tournées, les promos et le reste. Comme au bon vieux temps. Alors, appelle Top et harcèle-le.

Donne-moi son numéro et je l’appelle de suite.

Doucement, ne vas pas si vite en besogne. [rires] Quoique, ça serait marrant de te passer son numéro mais je dois m’assurer que de son côté ça ne le dérange pas. T’as l’air cool mais je ne te connais que depuis 30 minutes. [rires] Le meilleur truc à faire ? Espère très fort mec, il faut y croire.

Il y a quasiment 6 ans jour pour jour, nous interviewions Kendrick dans la pièce juste à côté. Quand on lui a demandé qui au sein de TDE était le membre le plus chaud, il a simplement répondu qu’à ses yeux, il était le plus fort. Il y a 2 ans, j’ai posé la même question à Schoolboy Q et il a répondu que c’était impossible que des mecs aussi moches que vous puissiez être meilleurs que lui. Et toi, t’en penses quoi ?

[rires] Je suis le meilleur, c’est une évidence. Je suis celui qui leur a ouvert la voie. Je suis leur « top dawg » ! Je les considère comme mes petits frères.

Rappeur qui fait de l’humour ou humoriste qui fait du rap. Kader Diaby a fait le choix de ne pas véritablement choisir – même si la sortie prochaine de son premier EP n’est pas anodine. Lui se veut « artiste », dans son sens large, et ne s’interdit pas d’ajouter encore d’autres cordes à son arc. Rencontre.

Photos : @lebougmelo

Le 25 février dernier, au lendemain d’un « turn up ibérique » à la Machine du Moulin Rouge en compagnie de l’espagnol Kidd Keo, on interpelle YARD sur Instagram. Face caméra, un certain Kader Diaby ironise sur le déroulement de sa soirée, le comportement des gens qu’il y a croisé ou encore le prix des boissons, dans un débit de parole effréné. La vidéo dure un peu plus de 50 secondes, et s’achève avant même que l’intéressé n’ait pu finir sa dernière phrase. C’est brut, drôle, spontané, efficace. À ce moment précis, nous ne savons pas encore exactement qui est Kader Diaby. Mais les quelques centaines de milliers de followers qu’il revendique déjà nous suggèrent tout de même que nous passons peut-être à côté d’un petit phénomène.

Au premier abord, Kader Diaby semble pourtant être un de ces « humoristes » dont regorge Internet. Il abreuve sa communauté de brèves vidéos dans lesquelles il s’amuse de situations du quotidien, s’emporte sur le moindre petit rien. Ceux qui le suivent de longue date savent cependant qu’il existe au moins une autre facette de sa personne, qui ne se manifeste – d’abord – que les dimanches, le temps d’un freestyle hebdomadaire. Car la véritable passion de ce natif de Pithiviers, c’est le rap, qu’il commence à exercer vers l’âge de 15 ans. La comédie n’est venue qu’un an et demi plus tard, avec un plébiscite autrement plus significatif.

« Ma page Instagram, c’est moi. Demain, si je veux y mettre de la danse classique, je le ferai. Chacun aime ce qu’il veut dessus, mais au bout du compte, tu suis une personne. »

Mais celui qui survole le compte Instagram @kaderdiaby4real peut très bien passer à côté de tout ça. Si Kader Diaby n’a jamais cessé d’enfiler simultanément ses deux casquettes, les vidéos permettant d’apprécier ses talents de rimeur ont longtemps été noyées dans une abondance de contenus à vocation humoristique. « Le truc, c’est que les vidéos sont beaucoup plus virales que le rap, explique t-il simplement. Sur une même semaine, tu avais trois vidéos d’humour pour un freestyle rap. Pourquoi trois vidéos d’humour ? Parce que le buzz était en train de monter, je ne pouvais pas me permettre de n’en faire qu’une par semaine. Il fallait que je bombarde. » Mais même là, Kader Diaby se considérait comme un « rappeur qui fait des vannes », et non l’inverse, comme il le clamait déjà sur « Forreal ».

Décider de vivre de l’art, du sport ou de la comédie s’apparente souvent à un grand saut dans le vide. Combien de gosses se sont imaginés footballeurs avant d’être dissuadés par des parents leur sommant de considérer une profession plus « modeste » ? Kader Diaby, lui, a grandi à Cannes dans une famille de footeux (son frère cadet, Lamine Diaby Fadiga, a récemment signé son premier pro avec l’OGC Nice). Et ses aspirations artistiques ont été accueillies avec le même genre de scepticisme. « Ça a été difficile au début, mais c’est logique quand tu es le premier à dévier sur des générations et des générations », concède t-il. Après s’être brièvement essayé au stand up, le jeune homme décide à 18 ans de quitter le Sud pour passer des tests dans une école de théâtre en région parisienne, sans succès. « Je n’ai pas été pris mais j’avais déjà comme projet de monter à Paris, donc je me suis dit “Nique sa mère, je reste” », se remémore le cannois d’origine. « Ne pas faire l’école de théâtre, ça m’a aidé à buzzer parce que j’ai pu faire des vidéos tout le temps. »

Et si ces vidéos ont grandement contribué à la cyber-notoriété de Kader Diaby, l’intéressé s’est d’ores et déjà lassé de les faire. On ne trouve d’ailleurs presque plus de traces de celles-ci sur son compte Instagram, à l’aube de la sortie de son premier EP, 4Réal, prévu pour le 16 décembre. Un EP qui sera d’ailleurs éponyme, puisqu’à cette occasion, Kader Diaby devient 4Réal. Comme s’il cherchait à tourner la page. « J’en ai laissé quelques unes pour moi, des vidéos bien tournées dont je veux que les gens se rappellent », corrige t-il tout de même. « J’ai fait mes vidéos, c’était bien, on a bien ri une année, mais maintenant, c’est bon. » Dans une France qui aime tant définir, et qui n’envisage pas toujours que l’on puisse opérer dans plusieurs disciplines, l’artiste aujourd’hui âgé de 20 ans sent qu’il a des choses à prouver. Plutôt que de teaser son projet à travers des extraits, il a choisi de se défendre sur le terrain de prédilection des rappeurs, étant à créditer de freestyles plutôt remarqués du côté des Planète Rap de Bigflo & Oli et 4Keus, ou dans la deuxième saison de Rentre dans le Cercle.

On ne peut que le comprendre. Entre Mister V, Prime ou Yannou JR, de plus en plus de personnalités issues de YouTube ou des réseaux sociaux se lancent dans le rap, sans pour autant que le public ne semble véritablement les prendre au sérieux, et les considérer comme des « rappeurs » à proprement parler. Kader Diaby ne se considère pas de ceux-là. Pour lui, en mettant les vidéos en stand-by au profit de la musique, il ne s’agit pas d’opérer un changement de cap, mais plutôt de recontextualiser, de remettre l’église au milieu du village. De rappeler que celui qui répond désormais au nom de 4Réal, est avant tout un artiste, dans son sens large, dont la démarche se veut plus proche d’une Cardi B – toutes proportions gardées – que d’un Ohmondieusalva : ses réseaux sociaux lui servent à passer toutes sortes de « coups de gueule » qui, de par leur ton, prennent naturellement une tournure comique. « Ma page Instagram, c’est moi. Tu ne suis pas ‘Les vidéos de Kader Diaby’, mais ‘Kader Diaby’. Demain, si je veux y mettre de la danse classique, je le ferai. Chacun aime ce qu’il veut sur mon Insta, mais au bout du compte, tu suis une personne. »

Pour ne jamais s’ennuyer, Kader Diaby s’est autorisé à tout tenter, au risque de s’éparpiller. Ce sera toujours le meilleur moyen de trouver sa (ses ?) voie(s). « Ma vie sera riche en expériences. Il y a plein de gens qui sont des artistes cachés, mais qui ne le savent pas parce qu’ils se lancent pas. Si ça se trouve, j’ai peut-être un don de malade au tennis, on sait pas… », ironise t-il. Quand on lui demande où pense t-il en être dans dix ans, le jeune rappeur nous parle de détente à Los Angeles ou à Miami et d’une belle vie… d’acteur. Lui continue d’ailleurs d’être à l’affut de toutes opportunités de rôles et de castings. « Je vais re-switcher, c’est sûr et certain. Parce que je ne veux pas rapper toute ma vie. Un jour, je vais essayer d’être acteur. Il faut faire plein de trucs, faire ce que tu as envie de faire. Tu n’as une vie, si tu ne fais pas ce que tu as envie de faire, tu vas trop regretter. » Le futur de Kader Diaby ne cesse de s’écrire en pointillés, et c’est sans doute mieux comme ça.

2018 arrive doucement à son terme, l’occasion pour chacun de tirer – comme le veut la tradition – un bilan musical des douze derniers mois écoulés. En ce lundi 10 décembre, c’est JAY-Z qui s’est prêté au jeu en publiant sur TIDAL (évidemment) une playlist de 21 titres sobrement intitulée « JAY-Z’s Year End Picks ». Quand on sait à quel point la voix du riche vétéran importe dans ce jeu – on se souvient notamment de la longue énumération « d’influences » qui avait précédé son introduction au Songwriter Hall of Fame, et qui avait offert un coup de projecteur non négligeable au rappeur Tee Grizzley -, impossible de ne pas y prêter attention.

Au menu de cette playlist, une floppée de hits (« Drip Too Hard », « SICKO MODE », « Mo Bamba », « ZEZE ») qui rappelle à ceux qui pouvaient en douter que même du haut de ses 49 ans, Jigga reste très au fait ce qui fait le rap d’aujourd’hui. Si on n’est peu surpris de le voir plébisciter des as du micro tels que Pusha T, Westside Gunn ou Rapsody, on peut s’étonner d’y retrouver deux titres de l’insipide Scorpion, comme on peut s’étonner de la présence de Kanye West, dont les relations avec son « Big Brother » n’ont pas toujours été au beau fixe ces derniers temps. JAY-Z ne rate pas non plus l’occasion de mettre en avant Meek Mill et Nipsey Hussle, deux artistes qu’il a soutenu bien au-delà de la musique. On rappelle que l’incarcération du premier a ranimé sa fibre activiste, et que la vision business novatrice du second – Nipsey Hussle n’a jamais accepté que sa musique ne lui appartienne qu’en partie et qu’elle soit vendue au rabais – l’a inspiré. Shawn Carter en profite également pour s’auto-congratuler en faisant figurer « BLACK EFFECT », titre extrait du projet qu’il a sorti cette année avec sa chère et tendre Beyoncé, dans sa sélection.

Avant que l’on vous dévoile à notre tour nos bilans musicaux de l’année, retrouvez ci-dessous la playlist des morceaux favoris de JAY-Z en 2018.

 

Il n’a fallu que d’un message sur Instagram et d’un appel téléphonique pour boucler le projet. Soso Maness fonctionne ainsi, au feeling, toujours efficace. On descend à Marseille, où il nous promet avoir « le double des clés de la ville » et de nous amener dans les endroits les plus reculés et discrets de la Cité Phocéenne. Roulez jeunesse.

Photos : @_guillaumedurand

De ceux qui ont traversé les époques du rap, Soso Maness appartient à la deuxième catégorie : les jeunes pousses talentueuses, coupées à la racine, qui repoussent une génération plus tard. Originaire de Font-Vert, dans un Marseille où le rap était concentré sur le triumvirat IAM, la FF et les Psy4, dur de se faire un nom parmi les artistes qui allaient devenir des légendes du genre français. Pourtant, le petit Sofiane Manessour est déterminé ; la tête pleine de rêves il fonde avec son meilleur ami le duo des « Sales Mômes ». De fil en aiguille et de travail en rencontre, les deux minots signent un featuring sur le morceau « La Relève » avec Intouchable (Demon One, Dry) sur le premier album de la soupape Mafia K1’Fry Les points sur les I. On n’a vu pire pour débuter une carrière. Mais la vie joue souvent des mauvais tours et la dure réalité de « jobeur » marseillais a repris le dessus. Délaissant le rap pour la rue, ce qui devait être le tremplin vers un destin tout tracé ne devient finalement qu’un lointain souvenir.

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Les années passent, le rap change, et un beau jour où les travailleurs ne viennent pas, le rap revient soudainement dans les bras de Soso. Il part au studio le soir même, y fait la rencontre de Kalif Hardcore et Jul – qui d’ailleurs enregistre son premier morceau en solo – et voilà que l’aventure reprend. S’enchaînent les clips, les premiers shows, les volontés d’album(s)… Puis la prison. À l’instar de son grand frère et de son père avant lui, le rappeur se retrouve à purger aux Baumettes. Triste réalité. En sortant, il appuie sur la pédale d’accélérateur et signe chez SONY, comme si tout avait été prévu depuis le début, malgré les obstacles sur la route. Voici le On The Corner with Soso Maness, qui nous a fait l’honneur de sa première interview tous médias confondus.

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Réalisé et monté par Guillaume Durand, étalonné par Sat Gevorkian.

Bien accrochée à ses racines, sa marque n’en finit plus de grandir. Elle a l’accent qui chante et l’humeur légère. Solaire, poétique et culottée. Simon Porte Jacquemus aime le beau, vaguement brouillé au boucan. Parce qu’il vient de là où la langue est franche et les rires sont gras, là où les âmes sont spontanées et les façons sans fard. Nouveau prince de la mode et peut-être futur roi, le créateur tombe Beyoncé, Kim Kardashian, Céline Dion, Selena Gomez et Rihanna. Nous l’avons rencontré.

Photos : @bilalelkadhi

« Ça se méritait, Marseille. Ma mère me conduisait au bus du village, qui m’emmenait à Aix-en-Provence. D’Aix-en-Provence, je prenais un autre bus jusqu’à Porte d’Aix, à Marseille. Et de là, je marchais le long du port et de la corniche pour aller me baigner. Tout le monde préférait aller à Aix-en-Provence mais moi je trouvais ça trop bourgeois. J’aimais trop Marseille. » Il dit ça en beurrant ses tartines, avec son regard tout doux et son sourire très grand. Sa gentillesse enveloppe, elle contamine. Simon Porte Jacquemus a grandi dans une vieille maison provençale, plantée devant des étendues de pommiers. Là-bas, à Mallemort, un village minuscule du Lubéron. Il se souvient de la Coupe du Monde 98, à huit ans. La télé sur la terrasse et le vieux pick up du père, où ça gueulait son bonheur à vingt derrière. Il rembobine l’époque collège et son lot de moqueries, aussi. « Parce que j’étais différent. Parce que je m’habillais d’une manière spéciale. Parce que je parlais fort. Parce que je revendiquais des choses. Parce que j’étais efféminé. Parce que je chantais. Parce que je dansais. Parce que j’étais beaucoup. » Surtout, Simon rejoue ses rêves de capitale, qu’il fantasmait façon Demoiselles de Rochefort, avec des corps qui dansent et des artistes qu’on croise un peu partout. « Je m’étais fait une image de fou de Paris… Et quand je suis arrivé à 18 ans, je me suis dit ‘oh putain de merde’. J’étais trop content et, en même temps, je trouvais ça triste. »

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Dans le Sud, le soleil lui caressait l’âme. À Paname, ses rayons se planquent sous un voile gris. Simon découvre des mines tendues, des bouches fermées et des regards qui s’évitent. Lui qui portait des couleurs flashy commence de s’habiller en noir. Un mois plus tard, il perd brutalement sa mère. Son monde s’effondre, et puis se reconstruit. « J’étais maintenant conscient que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Que parfois, on n’avait pas de deuxième chance. Je ne voulais plus perdre une minute. » Dans la foulée, le garçon crée Jacquemus, comme pour lécher sa plaie. Marmot, le fils de fermiers s’assumait moyen campagnard. À présent, il dresse ses origines en étendard. « C’était important de dire haut et fort : je suis d’ailleurs, de nulle part. Je pense que ça faisait du bien à entendre. Tout le monde ne parlait que de la Parisienne, j’en pouvais plus. » Jacquemus raconte une autre femme. Une qui sent les beaux jours et la lavande, très tchatcheuse et sensuelle. Une qui ne rentre pas tout bien dans les cases, se laisse facilement saisir. « Peut-être qu’on ne peut pas acheter mes pièces mais on peut comprendre l’univers, et se sentir en faire partie. »

« Je n’ai jamais été un suiveur »

Ses créations contrarient celles qui compliquent, intellectualisent, se prennent au sérieux. Elles vivent dans l’air des balades à vélo, l’effervescence du marché, les champs d’abricots.
Là où dans les défilés on accumule, on superpose, Jacquemus se contente d’une seule pièce forte à la fois. Lisible, en majesté. Faussement simple, au vrai sophistiquée. Les robes et les chemises sont drapées, froncées, nouées, déstructurées. Ça remonte les fentes jusqu’en haut des cuisses et descend les décolletés sous les seins lâchés. Les mailles et les manteaux se portent juste dessus la peau. Corps révélés, fétichisés, qui ne s’encombrent de rien. Le designer crée comme ça lui chante, comme ça lui vient. « Je n’ai jamais été un suiveur. Quand tout le monde faisait des hoodies, j’ai fait les santons de Provence. Quand tout le monde s’est mis à faire des baskets, je me suis mis à faire des talons pointus. »

Simon contient comme il peut les prix de sa mode luxueuse et bien coupée. Son best-seller est un micro sac, trop riquiqui pour loger un iPhone. Simon l’a baptisé « Chiquita », sans clin d’œil à Jul. Le rappeur phocéen lui attrape le cœur, pourtant. « Je trouve que ses textes sont beaux parce qu’ils sont vrais. C’est pur, c’est poétique. Quand je l’écoute ça me fait du bien, je me sens chez moi. J’ai beaucoup de respect et de tendresse pour lui. » Le voilà qui fredonne son tube, puis s’emballe pour le « Djadja » d’Aya Nakamura. Mais pour tous les jours, Simon préfère plutôt Booba.

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Ses goûts penchent souvent du côté de ceux qu’on aime hiérarchiser tout en bas. Ceux qu’on complexe, ceux qu’on snobe. « Sous le Soleil », les années 80, un survêt bleu OM. « J’absorbe énormément de choses et je n’ai pas peur de cette culture-là. Je n’ai pas peur de mettre ‘Bo Gosse’ [de Disiz la Peste, ndlr] à mon défilé et de passer pour un plouc aux yeux de certains. » Présentée en juin dernier sur le sable d’une calanque, sa première collection homme empruntait sa dégaine aux gitans et aux kékés des plages. « Je parle des clichés du Sud sans tomber dans le cliché. Ils m’inspiraient, tous ces mecs que je connais, avec lesquels j’ai grandi. C’était pas juste un délire. » Simon embrasse et sublime l’esthétique sudiste, la celle-qu’on-dit vulgos. Ce qu’il s’en fout de l’à-propos.

Sa mode conte des histoires à regarder, parce que « sans histoires, il n’y a pas de mode. Un vêtement, c’est creux. Je m’inspire de souvenirs, d’ambiances, de gens qui passent. » Simon cause en cherchant au-dehors des scènes aux airs cinématographiques. Ses looks se pensent comme des tableaux à photographier, liker, reposter. Un chapeau XXL, un ensemble rose bonbon, des talons boules, un slip sans pantalon. Ils interprètent une ouvrière en grève, une vendeuse de glaces, une bomba du Midi. Simon dit qu’il ne sait pas écrire, mais mettre en images. Ça a été son truc depuis toujours, grâce aux réseaux sociaux. Un Skyblog plein de lui, d’abord, sous l’alias Supergogol. Un Myspace, ensuite, habillé de photos sur des bandes-sons genre scandinaves. Puis un Tumblr, où ses posts se partageaient jusqu’à 1 million de fois. Un Instagram, enfin, où sa vie, ses inspirations et ses collections se lisent par trois. Compte d’influenceur à 750k, qui confond la marque et son fondateur. « Parce que c’est mes tripes, que Jacquemus c’est moi. Quand ça ne sera plus moi, ça ne sera plus Jacquemus. C’est ma vie que je raconte, ma biographie. » Sur les réseaux, le DA a croisé tout un tas de gens. Des potes, des collaborateurs, ses muses, son mec. Il y reçoit chaque jour des messages par dizaines, de gamins pleins d’espoir qui veulent marcher sur ses pas.

« Quand ça ne sera plus moi, ça ne sera plus Jacquemus »

Simon raconte comment ç’avait pas été une affaire, de faire vivre Jacquemus au départ. Seul, hors sérail, sans fric. Quand il contactait les journalistes sur Facebook, orchestrait des happenings avec ses copines, défilait en même temps qu’il vendait des vêtements. « C’était hyper dur mais c’était bon, parce que tout pouvait se passer. Le monde s’ouvrait à moi. » La presse s’emmerdait dans les beaux défilés parisiens bien rangés, qui ne débordaient pas. Elle s’est toquée bien vite de cette jeune pousse toute naïve, à l’envie grosse comme ça. Sa marque a forcé les portes, poussé les murs. Elle s’entasse aujourd’hui à quarante dans des bureaux devenus trop étroits. Se questionne sur les manières de soutenir sa croissance éclair, sans perdre son statut indépendant. Les empires du luxe lui content fleurette, à Simon, mais il a encore trop à dire dans sa propre maison. Porte-voix d’une génération bouillonnante qu’on appelle Y, il chasse doucement les fantômes de Christian Dior ou d’Yves Saint Laurent. Son label lui avait coûté le prix d’une mobylette, à sa création. Aujourd’hui, il lui rapporte 10 millions. Le jeune crack a perdu un peu de naïveté, en chemin, mais jamais vraiment son entrain.

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Chaque défilé est une grande fête, après que la pression se déboutonne. Pleine d’une joie mousseuse qu’on peine à cuver. « C’est pire qu’un mariage, c’est l’explosion. » Simon s’amuse de ce qu’on lui demande s’il se sent “jeune”, rapporte comme son cousin et sa petite sœur moquent ses vieux os de 28 ans. Le créateur se marre en faisant le signe Jul et des gestes thug n’importe comment. Et alors qu’il nous saluait sur un dab, on a compris. Si sa mode a le cœur récréatif, c’est parce que, dedans, il est resté un enfant.

Enfant méditerranéen, Kofs en est fier et le revendique. « Le plus gros péché que j’ai commis cette année, c’est mon album », cette phrase ouvre son premier album, intitulé V. À l’occasion, on est parti rencontrer le rappeur et acteur dont le nom résonne depuis déjà dix ans dans les coulisses du rap français, au coeur d’Air-Bel, dans les quartiers Sud de Marseille. On The Corner.

Instagram : @antoine_sarl

Quand Kofs entre dans une pièce, les regards se tournent et les voix baissent. C’est que le rappeur et comédien marseillais en impose, d’abord par sa carrure, puis surtout par sa voix caverneuse. Il est du genre à parler fort, se faire entendre, être le premier à rentrer, le dernier à partir. Chez lui, aucun personnage, ses presque 2 mètres symbolisent à eux-seuls l’expression « chasser le naturel, il revient au galop ». Originaire d’Air-Bel, le quartier l’a enfanté. Cette presque mini-ville de 7 000 habitants, au détour de 74 bâtiments et quatre tours, est devenu tardivement un nouveau centre de formation du rap français, comme le prouve l’essor de Naps et YL, coqueluches de la nouvelle génération. 20 ans auparavant, c’était Patrick Fiori qui révisait ses cours de chant dans son appartement. D’ailleurs, à marcher dans le quartier avec Kofs et Comm (son manager-réalisateur), les souvenirs remontent et les anecdotes fusent.

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Le rappeur peut être imposant au premier abord, on découvre vite un esprit vif, plein de second degré, pince-sans-rire et un brin moqueur. Il est comme ça dans la vraie vie, devant une caméra il ne joue pas de rôle, à part si c’est celle de Karim Dridi, réalisateur du film Chouf dans lequel il interprète le personnage froid et violent de Reda. Au départ, on était parti à Marseille rencontrer l’artiste pour tourner une simple interview ; il n’a fallu qu’un déjeuner dans un restau’ marseillais (fétiche de REDK) pour se rendre compte qu’il fallait en faire beaucoup plus. Voici Kofs, qui signe le retour du On The Corner avec une vidéo pleine d’humanité.

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Clémence Chasselon est une fada de sneakers, qui voit un support d’art là où d’autres ne verraient que de simples paires de chaussures. Et ses projets The Freshest Custom et L’Empreinte Design sont là pour aider ceux dont la vision n’irait pas aussi loin. Rencontre. 

Sans une once de mépris, Clémence Chasselon jure à qui veut l’entendre qu’elle n’est pas vraiment « dans la hype ». Si on n’a pas de mal à la croire, on constate, au regard des communautés qu’elle stimule sur ses comptes Instagram, que chacune de ses créations suscite l’enthousiasme de celles et ceux qui incarnent cette même « hype ». Avec The Freshest Custom, cette Marseillaise de 22 ans projette un regard très personnel sur les classiques de la sneaker, qu’elle remodèle à sa guise. Un support dont elle s’est épris en même temps qu’elle s’est épris de son copain, sneakerhead de longue date qui lui a transmis sa passion et qui porte le projet à ses côtés.

Mais plutôt que d’utiliser ses talents à des fins purement lucratives, Clémence s’attache à insuffler à sa discipline une véritable démarche artistique. Comme en témoigne son dernier projet, L’Empreinte Design, qui permet aux semelles iconiques de trouver une place dans les salons les plus soigneusement décorés. Entretien avec une de celles qui cultivent la culture sneakers au creux de la Cité phocéenne.

chasselon Freshest Custom Empreinte Design

Qui es-tu ?

Je m’appelle Clémence, j’ai 22 ans, je suis née et j’habite à Marseille. Depuis petite je baigne dans l’art, et en grandissant j’ai poursuivi dans cette voie selon mes kifs persos, en l’occurrence la basket. J’ai commencé donc à faire du custom, et progressivement il y a eu un petit engouement qui s’est créé à Marseille autour de ça, qui a fait que j’ai pu créer une entreprise dont je vis depuis trois ans. Au départ c’était juste du custom, puis au fil des expérimentations, toujours dans le thème de la basket, j’ai créé L’Empreinte Design, où cette fois je traite plus de déco. Là, j’essaye apporter des petites touches « street » dans un univers où je ne trouvais pas d’objets décoratifs qui ressemblaient à ce que j’avais envie d’avoir au mur.

Quand et comment es-tu tombée dans la culture sneakers ?

Disons qu’à la base, je n’ai jamais été trop girly… Mettre des talons et tout, ce n’est pas mon genre. À côté de ça, j’avais une paire de Tn qui me servait pour mes cours de danse, mais je n’étais ni dans l’histoire des paires, ni dans l’attente des nouvelles sorties. C’est en rencontrant mon mec que j’ai réellement commencé à m’y intéresser. Lui était déjà à fond. Quand on a quelqu’un à côté de soi qui attend les releases comme un ouf, on prend conscience de tout ce qu’il y a autour des sneakers. Tu comprends que ce sont pas des chaussures comme les autres, qu’il y avait des modèles et des histoires intéressantes que d’autres. Et j’ai trouvé ça kiffant. Après, encore aujourd’hui, je ne me considère pas comme une sneaker addict, mais plutôt une « sneaker enthousiast ». C’est-à-dire qu’il y a des paires que je kiffe mais je ne vais jamais me presser pour les avoir, je suis plutôt du genre à attendre la bonne occasion. À l’arrivée, j’ai une collection qui reste relativement petite, mais qui me correspond.

Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans la customisation ?

En vrai, j’ai toujours aimé retoucher mes fringues et mettre ma patte sur tout ce que je possède depuis petite. À côté de ça, mon mec avait certaines envies. Par exemple, quand on s’est rencontré, il rêvait d’avoir une paire camo et il comptait attendre qu’il y en une comme ça qui sorte. Au lieu de ça, je lui ai dit : « Bah vas-y, go, on va le faire nous-mêmes ! » Entre moi qui avait déjà l’habitude des pinceaux et la démarche du Do It Yourself, et lui qui avait plus les idées et la culture sneaker, on se complétait bien. À partir de là, on s’est lancé et ça a pris.

« Quand tu te retrouves face à des gens qui te demandent un motif Bob l’éponge, Gucci ou un logo de l’OM, tu n’es pas amené à faire ce que tu as réellement envie de faire »

Qu’est-ce qui différencie la sneaker des autres supports que tu as pu travailler par le passé ?

La sneaker, c’est vraiment un signe disctinctif. Comme je disais, étant petite, j’écrivais sur mes t-shirts, je faisais mes propres jeans et tout, mais ça se remarquait moins. Alors qu’une paire, quand elle est vraiment différente, selon où tu vas, les gens le captent tout de suite et ça crée des connexions. Nous, on fait partie de cette génération qui est un peu entre les sneakerheads « OG », qui vont te juger si tu connais pas l’Histoire de la paire, et la génération des « hypebeast », qui débarquent à peine et qui eux suivent à fond la tendance. Et quand tu as une paire custom, tu te fais remarquer par tous ces gens. J’ai l’impression que ça attire beaucoup plus l’oeil.

Comment évoluent les deux projet qui sont les tiens, à savoir The Freshest Custom et L’Empreinte Design ?

Là, sur The Freshest Custom, on vient de prendre un tournant très différent parce qu’on s’est rendu compte qu’être « tout public » et répondre à la demande des gens, ça ne nous correspondait plus vraiment. On n’avait plus assez de libertés. On a toujours cherché à se différencier, en restructant les paires, en y ajoutant des matières différentes, du tech-wear, des coutures, ou en trouvant des façons nouvelles manières de les lacer. Du coup, quand tu te retrouves face à des gens qui te demandent un motif Bob l’éponge, Gucci ou un logo de l’OM, tu n’es pas amené à faire ce que tu as réellement envie de faire. C’est pourquoi on a décidé de stopper les demandes, de ne plus du tout faire de la personnalisation, mais de plutôt de proposer des drops, un peu « à la Supreme ». Comme ça, on se permet d’avoir la main mise sur la création, puis on rend les paires disponibles à la précommande, les gens nous donnent leur tailles et on produit en très peu d’exemplaires. À côté de ça, on essaye de pousser le custom vraiment au max, de proposer une sorte de « pack » avec une boite customisée et tout plein de goodies liés à la basket. C’est là où on peut être plus créatif, et proposer des trucs qui changent de ce que tu peux trouver ailleurs, même dans le monde du custom. Parce qu’au final, le monde du custom s’uniformise énormément maintenant.

Pour L’Empreinte Design, il faut déjà savoir que je suis une swoosh girl, je suis un peu trop à fond Nike… [rires] J’essaye de trouver des alternatives, mais pour moi ce sont les semelles les plus iconiques, donc je travaille essentiellement la Air Max 1 ou la Air Force 1. Je ne me suis pas encore trop aventurée dans d’autres semelles parce que certaines ne rendent pas du tout pareil une fois en relief. Tout ce que je fais sur L’Empreinte Design est complètement personnalisé à chaque fois :  je mets les couleurs que je veux, je fais des incrustations de fleurs, de poudres, de pigments, etc.

À travers ton propos, on comprend que cette activité n’est pas qu’un gagne-pain, qu’il y a une véritable démarche artistique derrière…

Totalement ! Si tu fais du custom LV x Supreme, tu sais que tu vas pouvoir vendre. Nous, ce n’est pas notre parti pris. On préfère sortir des trucs qui vont peut-être paraître un peu plus chelous pour certains, mais qui nous correspondent carrément. D’ailleurs, même quand on faisait des customs à la demande, on ne faisait que de la pièce unique. Et ça rendait les gens fous, car ils ne comprenaient pas pourquoi on ne voulait pas refaire la même chose. Mais pour nous, l’idée était d’éduquer les gens en leur disant « Vous pouvez trouver des idées de vous-mêmes, selon vos envies, de manière à ce que ce soit vraiment VOTRE paire. » Qu’il y ait vraiment un travail de recherche ensemble, entre vous et nous, qui aboutisse sur une paire que vous êtes les seuls à l’avoir. Pensez à quand vous allez chez votre tatoueur, que vous réfléchissez à un dessin hyper perso, si quelqu’un arrive derrière et dit « Je veux la même », vous allez être dégoutés parce que c’est VOTRE réflexion, VOTRE envie. Aujourd’hui, ça a un peu changé et on se limite à trois exemplaires par paire. Ça nous semble être la bonne dose parce que de toutes façons on envoie jamais au même endroit, donc si il y a un gars à Paname, un gars à Londres, et un autre à Marseille qui l’ont, ça reste assez unique.

« J’ai toujours été impressionnée par les détails qu’il y avait au niveau des semelles, esthétiquement, je trouve ça hyper beau »

Aujourd’hui, le custom est ton activité principale, celle dont tu vis ?

On peut dire ça, oui. Mais j’ai quand même quelques petits trucs à côté.

D’autres activités en lien avec le streetwear et/ou la sneaker ?

Pas vraiment. Je m’occupe de la carrière de mon père, qui est artiste peintre. Donc je reste dans un milieu « artistique », sauf que cette fois je ne gère pas le pratique mais tout ce qu’il y a autour : la communication, les relations presse, etc.

Est-ce de lui que tu as hérité ta fibre artistique ?

Oui et non. Disons que c’est lui qui m’a incité à passer à la pratique. Mon père est toujours partant pour tester des trucs. Quand tu es petite, avoir quelqu’un qui est là, derrière toi, et qui te dit « Vas-y, on le fait », ça change la donne. J’ai toujours été poussé à faire ce que je voulais, à créer de moi-même. J’aime la mode, mais je trouve ça plus cool d’aller chercher un truc basique dans une enseigne ou dans une fripe, et le retravailler à ma manière. Ça me correspond plus.

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Pour ce qui est de L’Empreinte Design : comment en es-tu venue à considérer la sneaker comme « objet d’art » ?

Déjà parce que j’ai toujours été impressionnée par les détails qu’il y avait au niveau des semelles. Avant qu’elles soient portées, les finitions sont tellement précises, c’est ouf ! En plus, quand tu connais l’histoire des paires, tu sais qu’il y a plein d’anecdotes qui expliquent pourquoi tel ou tel endroit est designé de telle ou telle manière. Esthétiquement, je trouve ça hyper beau. Au départ, je faisais des dessins des semelles sur du papier que j’affichais chez moi. Puis je me suis dit que j’allais tenter d’en faire une sculpture de la paire entier, mais c’était plus compliqué. Alors que la semelle, c’était pas trop volumineux, et au mur je trouve que ça rend bien : il y a ce qu’il faut de 3D, c’est très graphique, et ça interroge. Plein de gens autour de moi pensent que ce que je fais peut se porter. Alors que non, celle-là tu ne la portes pas, juste tu l’observes et c’est bien assez. À côté de ça, tu pourras porter ta paire et la défoncer, mais la semelle que tu gardes au mur, elle restera intact.

Y a t-il une sneaker que tu aimes particulièrement travailler, et pourquoi ?

Ça va être une réponse très classique, mais pour moi, la meilleure base, c’est la Air Force 1 Low blanche. Déjà, c’est une des premières paires que j’ai eu pour moi, en mode lifestyle, en dehors de mes paires pour la danse. Ma meilleure amie en avait une, j’ai bavé dessus pendant longtemps, donc quand j’ai pu finalement en avoir une, j’étais trop heureuse. Je l’ai rafistolée, je l’ai reblanchie pour qu’elle ait l’air neuve… mais en même temps je l’aimais bien un peu abimée parce que ça voulait dire que je la portais de ouf. Mais pour ce qui est du custom, c’est une base géniale : le cuir est cool, il y a plein de parties différentes, on peut coudre dessus, on peut la teindre, la peindre, etc.

Où trouves-tu l’inspiration pour tes customs ?

Pinterest, énormément. J’aime bien regarder des associations de couleurs que je vois pas ailleurs. Des fois l’inspiration va venir de trucs qui n’ont rien à voir : sur Pinterest, je vais m’arrêter sur des diagrammes où il y a des couleurs de camembert qui vont très bien ensemble et me dire « Putain ça tue, j’y avais pas pensé ! » [rires] Je regarde grave des tatouages aussi. Je suis pas tatouée, je ne me verrai pas être tatouée mais je m’en inspire beaucoup. J’aime bien les dessins qui sont très minimalistes, ceux qui sont fait d’un seul trait, c’est très graphique. Maintenant qu’on fait les customs selon nos inspirations, je vais aller dans des trucs beaucoup plus artistiques.

Peux-tu nous détailler ton processus de travail ?

Au départ, je me charge plus du moodboard. C’est moi qui définit les pistes qui vont me servir pour faire le custom. Mais numériquement, je suis nulle. Autant je gère aux pinceaux, autant l’ordi, ce n’est pas mon truc. Du coup, mon mec s’occupe de matérialiser ma vision sur Photoshop. Après je vais dans mon atelier, je commande les paire quand je sais quelles pointures il faut que je fasse, je les prépare, je les peins, je les shoot, et je les envoie.

« Quelques joueurs de l’OM devenus des clients réguliers, comme Michy Batshuayi, puis son frère Aaron Leya Iseka »

J’ai pu voir que vous aviez tenu un stand au Citadium de Marseille pendant un certain temps, que peux-tu nous dire sur cette expérience ?

C’est plus ou moins Citadium qui a fait qu’on s’est lancé là-dedans pour de vrai. On nous avait proposé le stand en juin, à un moment où je terminais les cours, donc on a  eu l’été pour se préparer et faire toutes les démarches pour que l’entreprise soit créée. Avant ça, on travaillait juste pour nous ou pour nos potes. On s’est retrouvés à créer une entreprise alors qu’on était encore des gamins. Je devais avoir 18 ou 19 ans, mais je ne connaissais rien donc on n’a pas fait de pub ou de dossier de presse. Arrivés à Citadium, on devait être là deux jours par semaine où on répondait aux demandes des gens. C’est comme ça qu’on a étendu notre activité : vu qu’on y était souvent le week-end, c’est devenu un rendez-vous, les marseillais ont vite identifié que le week-end il était possible de faire customiser ses chaussures. C’était une super expérience qu’on a arrêté au bout de deux ans, parce que – comme je disais – la clientèle ne correspondait plus vraiment à ce qu’on avait envie de proposer. Il y avait beaucoup de familles qui venaient le week-end pour mettre un prénom, des oreilles de Mickey ou des trucs liés à l’OM, c’était pas notre truc. Mais si il y a de nouvelles activations à faire, ce sera toujours à Citadium parce que ça a quand même été notre tremplin, on va pas mentir.

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As-tu déjà été sollicité par des personnalités « qui comptent » ?

On a la chance d’avoir toujours été sollicité pour des trucs hyper intéressants ou qui nous ont valorisé de ouf. Le premier truc qui me vient en tête, ce n’est pas forcément « gratifiant » de dingue, mais c’est quand on a travaillé avec Soprano sur une paire vendue aux enchères pour les enfants de l’association Cekedubonheur. Ça, c’était trop kiffant. C’était nos débuts dans le custom et on se sentait trop importants parce que c’est nous que Soprano a choisi pour faire quelque chose qui le représente autant lui que l’association. Après on a eu aussi quelques joueurs de l’OM, qui sont devenus des clients réguliers comme Michy Batshuayi, puis son frère Aaron Leya Iseka. Les joueurs de l’OM avaient aussi le cran de nous laisser des sacs Louis Vuitton, par exemple. Là, on avait affaire à des grosses pièces beaucoup plus ouf à faire que les paires, parce que tu n’as pas la même surface et c’est un produit que tu n’as pas l’habitude de travailler.

Y a t-il une réalisation dont tu es particulièrement fière ?

Franchement, il y en a plein qui sont hyper cools. Je ne vais pas dire qu’on a été précurseurs sur beaucoup de trucs… mais un peu quand même, dans le sens où il y a certaines idées qu’on a commencé à faire et qui été vues et revues par la suite. Le retour du Dragon Ball Z dans le custom, par exemple, on a contribué à populariser le truc vu qu’un joueur de foot – en l’occurrence Michy Batshuayi – nous en a fait faire beaucoup. Après, un de nos premiers customs qui a « buzzé », à l’époque de Tumblr, c’était une Roshe Run blanche avec des empiècements en cuir sur lesquels on avait peint un motif baroque, un peu façon Supreme à l’ancienne. Celle-ci avait vraiment fait le tour d’Internet, il y avait même des sites chinois qui faisaient semblant de la vendre, c’était trop marrant. On l’avait fait dans notre chambre comme deux ados pour l’anniversaire de mon beau-frère, et la paire a fait le tour du monde sur les réseaux. C’était improbable. On était étonnés de voir que ça pouvait plaire autant. Surtout à une époque on ne prenait pas encore notre travail trop au sérieux. C’était encore un amusement.

Pour conclure, que peux-tu nous dire sur le développement de la culture sneakers sur Marseille ?

Depuis deux ou trois ans, on voit de plus en plus de rassemblements autour de la basket. Il y a eu des évènements comme le Bonjour Sneakers ou le DATA Sneakers qui ont ramené énormément de monde, énormément de passionnés. C’était dingue de voir le développement de ces deux events en l’espace d’un an : au départ tu te retrouves dans une petite salle où tu connais toutes les têtes, et l’année d’après tu vois aussi bien des gens de 50 balais qui viennent parce que c’est un truc nouveau que des gars qui ont 13 ans et qui ne jurent que par Supreme x Louis Vuitton. Il y a aussi à Marseille de belles boutiques qui implantent de belles marques, et qui font en sorte que Marseille rayonne plus qu’avant. On voit des projets émerger, c’est sympa. Ça manque peut-être un peu de petits talents. Par exemple, il n’y a pas si longtemps, j’ai un copain qui a lancé un média urbain avec la volonté de mettre grave en avant des gens de Marseille, sauf qu’il s’est vite rendu compte qu’il y avait beaucoup de talents dans la musique, la photographie ou la danse, mais très peu dans d’autres registres de la street culture où c’est encore un peu vide. Mais ça s’implante doucement.

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Comprendre le rap marseillais sans échanger avec Soprano n’aurait pas de sens. Comprendre Marseille sans l’éclairage de cet enfant des quartiers Nord serait délicat. Aujourd’hui, la légende des Psy4 de la rime est plus apaisée que jamais, et semble s’être véritablement trouvée. Il est lui, Sopra, père de famille accompli, heureux, et rappe/chante une musique qui lui correspond. Et si bien vieillir dans le rap, c’était devenir Soprano ? Interview.

Photos : @antoine_sarl

« Quand tu viens des quartiers Nord, qu’on t’a dit toute ta vie que jamais tu n’allais réussir et que tu finis par remplir un stade Vélodrome, ça ne peut que marquer la ville.” Bien au-delà du rap, bien au-delà de Marseille, Soprano rayonne. Le « rappeur chanteur » sillonne la France, remplit des stades – il a vendu 700 000 tickets lors de son Everest Tour en 2017 -, et vient tout juste d’être célébré, le 12 octobre dernier, par des dizaines de milliers de Marseillais dans son antre le plus cher : le Vélodrome. Autant de personnes, de familles, de grands et de moins grands, qui ne se posent pas la question de savoir si Soprano est un rappeur ou non. Autant de fans que le franco-comorien arrive à faire sourire, à rendre heureux, avec sa musique. Lui vient du rap, lui continue encore de s’en revendiquer. À raison ? Probablement. Le rap, cette musique jeune par définition, globalement alimentée et réinventée par des moins de 30 ans qui ne laissent jamais le luxe aux porte-étendards de leur mouvement de souffler, de se reposer sur leurs acquis. Et au milieu de tout ça, Soprano a réussi à toujours nager entre les requins et à se faire l’une des plus belles places : celle du respect, du calme, d’une vie sans mauvaises vagues au bord de la Méditerranée. Est-ce que vieillir dans le rap, c’est s’adoucir ? Peut-on faire du rap en étant apaisé ? On a descendu l’avenue du Prado avec Saïd pour trouver des réponses à nos questions.

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Les scores sont tombés, et l’impression générale est confirmée : Kalash Criminel a réussi son retour aux affaires avec plus de 13 000 copies de La fosse aux lions écoulées après une semaine d’exploitation. Le succès commercial vient donc donner du poids au succès critique d’un disque réussi. Le jour de sa sortie, le vendredi 23 novembre dernier, nous étions chargé d’organiser une release party secrète pour le rappeur de Sevran et 150 adeptes du mouvement R.A.S., fans de cougars, amateurs de pogo, drogués de lignes de basses saturés et autres partisans des écrasements de tête. Cagoules vissées sur le crâne, ring de boxe en guise de scène et ambiance ténébreuse : dans le cadre du YARD Winter Club, nous avons donné vie à la fosse aux lions de Kalash Criminel le temps d’un soir. Et personne n’a été épargné.

Photo : @los.bledos

Un an après son début d’éclosion avec Fruit de paix, le Belge Slim Lessio revient avec une version évolutive du projet, rebaptisée Fruit 2 paix, avec cinq nouveaux tracks. On a rencontré celui qui ouvert L’Olympia d’Hamza pour faire le point, parler de ses rêves et de l’amour des siens.

Photos : @antoine_sarl

Imaginons le rap comme étant un grand championnat de Formule 1. Si les départements de la capitale et les Bouches-du-Rhône en sont les grosses écuries depuis un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, une petite écurie a fait de furieux bonds au classement depuis 2015. La Belgique, et ses rappeurs sur lesquels on a tant écrit depuis. Une écurie qui, en trois ans, a eu le temps de passer de nouveau phénomène à constructeur en place, à même de former de sérieuses jeunes pousses dans les championnats inférieurs, en vue de les faire courir à l’avenir dans la cour des grands. Et quelle ville plus idéale pour repérer ces jeunes pousses que les alentours du mythique circuit de Spa-Francorchamps ?

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C’est dans la Perle des Ardennes que se sont baladés en dénicheur de talent les mécanos chevronnés du crew de compositeurs Street Fabulous. Pour repérer et prendre sous leur aile un jeune pilote de kart qui commençait à faire des émules dans tout le Plat-Pays, début 2017. Slim Lessio, 19 ans à l’époque, clamait à tout le monde « Chui Bien » et s’imposait comme le premier membre d’une seconde vague belge, prête à marcher dans les pas des (déjà) pionniers Damso, Hamza et autres Caballero. Des premiers mois de travail auprès des compositeurs-stars du rap français époque Autopsie et Capitale du Crime, passés directeurs artistiques, desquels naissait une mixtape : Fruit de paix. Une balade aux influences atlantiennes joliment digérées, sur le synthé du si précieux Ponko, signé chez Street Fabulous mais plus jeune que les historiques du crew, qui a produit l’intégralité du projet.

Un projet réédité le 12 octobre dernier. L’idée de cette réédition ? Elle part d’un regret. « Les morceaux n’ont pas explosé autant que leur potentiel l’aurait permis, on se dit qu’ils auraient pu avoir plus de visibilité, et moi j’ai envie de les jouer en concert. J’ai envie que les gens les connaissent un peu mieux », nous a expliqué le rappeur. Alors, Slim Lessio et son équipe ont décidé d’enlever cinq morceaux de la version sortie un an en arrière, pour les remplacer par cinq morceaux différents. La crème du travail fourni en 2018 par celui « qui passe sa vie en studio », en somme. Une continuité artistique, que sa signature en début d’année chez Columbia n’a pas affecté. « Je suis toujours en production exécutive chez XIII (le label de Street Fabulous), je travaille toujours avec Kore aussi. » Un fonctionnement autour d’une équipe resserrée, garante d’une continuité artistique qui permet à cette réédition de s’inscrire dans une réelle continuité. Tout cela sous la bienveillance d’un manager qu’il partage avec Hamza. Le Bruxellois dont l’influence sur le travail de Slim Lessio est indéniable. « Hamza, je l’écoutais il y a 3-4 ans de ça déjà, il est trop fort. Ça inspire, et il me donne de la force en m’invitant en première partie de son Olympia. Et voir un Olympia complet, les gens chanter sa musique par cœur, ça inspire. Ça donne de la force, ça me donne envie de la lui rendre. »

Un fonctionnement resserré auprès de l’élite musicale belge, presque familial. Et quelle famille de choix, au demeurant. Ce qui n’est pas vraiment étonnant, venant d’un gars qui semble accorder beaucoup de valeur à l’amitié. Le jour de la sortie du projet, était dévoilé le clip du doucement mélancolique « Le monde est à nous », intro de la réédition. « Mon pote ne t’inquiètes pas, on va y arriver, mon pote ne t’inquiètes pas, on va y arriver comme dans une bande dessinée », clame-t-il au refrain. Alors, notre devoir de curiosité nous imposait de lui demander qui est ce pote ? Là où les rappeurs namedrop habituellement des artistes proches d’eux, lui nous explique « Réussir, ça veut dire que mes gars y arrivent aussi. C’est ce que je dis à mon gars Tiago. Mon pote, c’est lui, je le cite parce que c’est mon frangin de Spa. Et il ne fait rien de spécial en rapport avec le rap, mais on va y arriver. Comme dans une bande dessinée. Parce que dans les bandes dessinées, les films, souvent ils y arrivent. Alors notre vie à mes gars et moi, ça doit être comme dans une bande dessinée. » Une spontanéité emplie d’une dalle de jeune arrivant qui veut dévorer et faire croquer ce que le monde lui permet d’entrevoir comme promesse.

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Alors, lorsqu’on lui demande quoi lui souhaiter, il nous parle « de plus grosses dates, de plus grosse visibilité, mais avec [ses] gars, toujours ». C’est ça le principal pour lui : ses gars, sa famille et faire de la bonne musique. La parole est claire, le ton est affirmé. Et ça tombe bien, puisque les amoureux de musicalité made in Belgium risquent d’en redemander.

Depuis 2015, le rap français a explosé tous les compteurs. Pourtant, l’année 2018, et ce malgré une productivité toujours aussi importante de la part des artistes francophones, a montré les premières heures de réserves sur ce que l’on considère comme étant « le nouvel âge d’or du rap français ». Les projets s’enchaînent, les nouvelles générations se succèdent à un rythme effrayant, et de nombreux rappeurs portent déjà le statut de prochaine tête d’affiche, du moins si tout se déroule comme prévu. Parmi celles-ci, l’aura de Koba LaD rayonne plus que de nature.

À tout juste 18 ans, la figure de proue du Bâtiment 7 – nouveau centre de formation du rap – cultive un buzz qui ne semble pas prêt de s’essouffler depuis la sortie du freestyle « #Ténébreux 1 ». Les millions de vues se suivent et se ressemblent et Def Jam annonce la sortie de VII, son premier album. Quelques semaines plus tard, le disque d’or tombe et finit de confirmer toutes les attentes que le public et l’industrie avaient posés sur le jeune artiste du Parc-aux-Lièvres. La certification tombe la veille de l’ouverture du YARD Winter Club à la Machine du Moulin Rouge ; naturellement, on l’y invite pour fêter ça. Une énième manière de se rendre compte qu’inviter le phénomène Koba LaD en showcase ne cesse d’être le meilleur moyen pour retourner une salle. Surtout quand c’est une surprise.

Vous étiez près de 1800 à l’accueillir sur scène le 10 novembre. Ne ratez pas le prochain YARD Winter Club à Paris, le 22 décembre, avec plein de nouvelles surprises.

Photo : @lebougmelo

 

Polak, La Fosse Aux Lions, VII, New Ventura ou encore ASTROWORLD, Stéphanie Macaigne s’inspire des albums de rap qu’elle écoute et les réinterprète de manière abstraite au pinceau. Focus sur une artiste qui a attiré l’oeil de David LaChapelle. 

« AMAZING ! You are so talented ! » C’est le commentaire qu’a laissé David LaChapelle, photographe, réalisateur et auteur de la cover d’ASTROWORLD, sur l’une des illustrations de Stéphanie Macaigne. La peintre de 29 ans a avoué avoir été « choquée » par le commentaire de la légende américaine, qui lui a même demandé si sa réinterprétation de la pochette du dernier Travis Scott était à vendre. Une sorte de consécration pour Stéphanie, qui ne fait que confirmer la force de son art : « Tout est à la main, enfin au pinceau. La seule intervention du digital c’est l’ajout de la typo d’origine et des petits logos. Quant aux techniques c’est de la peinture acrylique, ou de l’aquarelle et parfois de l’encre ». Avant toute cette effervescence, l’artiste illustrait pour nous l’article de Shkyd sur la santé mentale dans le rap, papier qui a été récompensé à l’International Music Journalism Award.

Comments Dave LaChapelle

L’idée de reprendre des covers d’album en peinture est arrivée de manière assez anodine : « Mon pote Loic Reviews m’a montré un de mes dessins – une silhouette de visage bleue foncée avec un buste rouge, qui est sur mon insta – en me disant que ça lui faisait penser à un visuel de UMLA. On avait Photoshop sous la main alors on a rajouté le dégradé bleu du fond et la typo, et ça a donné une espèce de cover alternative. Puis je me suis dit que je pouvais créer un petit concept comme ça. » De cette suggestion ont découlées les covers d’Aya Nakamura, Koba LaD, PLK, Jaden Smith, Kalash Criminel ou encore Jok’Air, que nous vous présentons ici.

Pour beaucoup, Zed Yun Pavarotti est encore un fantôme dans le paysage du rap francophone. Pour d’autres, il est tout sauf transparent, et chacune de ses rares sorties est annonciatrice de quelque chose de plus grand qui ne saurait tarder à frapper le grand public. L’énigmatique rappeur suscite son lot de questions, et attire l’oeil des grands. Portrait.

Photos : @antoine_sarl

Lundi 15 octobre, au soir. Dans un bar éphémère du troisième arrondissement de Paris, Zed Yun Pavarotti chante devant une centaine de personnes qui ont toutes quelques choses en commun : leur curiosité pour un artiste qui incarne une question, et leur volonté d’en connaître la réponse. Des journalistes, des gens de la musique, des quidam. Mais aussi S2Keyz, Junior à La Prod, Le Motif et, surtout, MHD. Ambiance intimiste, lumière rouge. Vient l’instant où le rappeur joue « Septembre », son tout dernier morceau, pour la première fois en live. Dès les premières notes de l’instrumentale d’Osha, l’atmosphère change. Quand sonne le pré-refrain, le rythme s’accélère, les hochements de tête se font concrets et une poignée de son audience du soir ne retient pas son excitation.

« Deux ailes dans le dos
J’prends l’temps pour les graille
Des plumes un manteau
Car le vent éteint »

Zed Yun s’écarte du coeur de la salle pour s’installer près des siens, sur le côté. Là, la superstar de l’Afro Trap pose son avant-bras sur son épaule et se prend à faire les backs d’un refrain qu’il est heureux d’entendre pour la première fois en dehors du secret du studio. « Septembre » doit être le track qui fera exploser son talent au grand public.

L’inconnu reconnu. Zed Yun Pavarotti est un manichéen, du genre à être complètement sous-exposé mais à taper dans l’oeil de certains noms très, très établi. Le compagnon de studio d’MHD – il a signé un contrat artiste début 2018 chez Artside, maison mère du rappeur de la Cité rouge –, se retrouve à ouvrir le premier Olympia de Columbine une semaine après sa performance quasi-secrète décrite plus haut. Quatre jours après la sortie de « Septembre » sur les plateformes de streaming, c’est le Zenith d’Orelsan, à Lille, qu’il est invité à lancer – il a été convié 24 heures avant ledit show. Le 14 novembre dernier, il figure au lineup de la Soirée Sommetique, un événement organisé par le collectif d’hitmakers Le Sommet, responsables d’énormes succès d’Aya Nakamura, Booba, Damso, Niska et consorts. Vous l’aurez compris : quand la musique clivante de Zed Yun pique, elle pique très fort, tout de suite, et donne l’inlassable envie d’en écouter davantage.

Un contrat avec lui-même, signé sur la joue

Sa signature en est la meilleure illustration. Marin Mercier, son manageur actuel chez Artside, était tombé sur un audio sur YouTube, six mois avant la sortie du projet Grand Zéro de Zed début 2018. Le titre « Lexus » d’abord, puis « Le matin », qui sera clippé. « À l’époque, il était très scred, encore plus qu’aujourd’hui. La plupart des signatures récentes interviennent quand l’artiste a 500 000 vues. Là, pour te dire, ‘Le matin’ avait quoi, 2000 vues ? Mais j’avais la volonté de créer quelque chose avec lui, de prendre le projet à la base. » Marin doit néanmoins attendre la sortie de l’EP pour confirmer son intuition, et défendre une signature qui n’a rien d’évident. Une semaine après la sortie de Grand Zéro, le mariage est acté. Adel Kaddar, label manager d’Artside et, surtout, producteur d’MHD, n’a pas compris tout de suite la musique du jeune rappeur. « Il m’a fait confiance sur la signature, et on a amené Zed en studio. Et là, il a compris. »


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Une signature surprise, soudaine, qui récompense un premier projet annonciateur de quelque chose de plus grand. Grand Zéro, c’est la première pierre de la cathédrale Zed Yun, de l’oeuvre de sa vie. « C’est le chemin de croix, on commence et on va voir où l’on va. Tout part de zéro. Je me dis que rien ne m’est dû, que rien n’est naturel, qu’il faut toujours que je travaille. » Et pour se promettre de ne jamais l’oublier, il se le note à même la joue, en s’y tatouant un apice de Boèce. « En dehors de son rôle dans l’enseignement de la musique, Boèce était un philosophe mathématicien, et le premier homme à noter les chiffres modernes. Un gros, je me suis fait tatouer le tout premier zéro – un des tous premiers en tout cas. Et celui là en particulier m’a intrigué, parce qu’il n’est pas vide. C’est le seul avec une forme à l’intérieur. » Un contrat avec lui-même, pour la vie. Un pense-bête pour se rappeler qu’en définitive, on n’est jamais vraiment rien. Grand Zéro, de Ground Zero également, à savoir l’ancien emplacement des deux tours du World Trade Center. « Quelque chose de gigantesque rasé en une demi-seconde, qui devient un trou, où il ne se passe rien. Et il faut tout reconstruire, repartir de zéro. Ça me rappelle que dans tout ce que j’entreprends, je dois toujours construire des fondations solides. »

Saint-Etienne, la triste

Des fondations solides pour palier celles qu’il n’a pas forcément eues. Zed Yun vient de Saint-Etienne, cette ancienne ville minière où le ciel est bas, où la grisaille ambiante peut donner le bourdon. Une ville qui, selon l’INSEE, enregistrait un taux de 24 % de pauvreté en 2015, bien au-delà de la moyenne nationale (14 %). En gros, un quart des stéphanois vivent avec moins de 1015 euros par mois. Une ville de 170 000 habitants dans laquelle il a été baladé, au fur et à mesure des déménagements. « C’était compliqué entre mes parents. Et les murs sont vite hantés. Il fallait trouver des murs propres à chaque fois. » Il fait un peu tous les quartiers avec sa petite famille, et fini par s’installer au Sud de la ville, du côté de Solaure. « Je viens de ma maison, nous répond-il quand on lui demande ses racines. Celle avec ma mère, ma soeur, mes chats. »

Cette même « maison » qu’il s’est fait tatouer sous l’oeil droit, juste au-dessus de la pommette. « J’ai eu deux maisons, une où cela n’allait pas, où il y avait des fantômes. Et une autre très paisible, où il y avait des oiseaux. C’est l’idée de se dire qu’il faut faire ses choix, construire son foyer, cultiver son jardin. » Zed Yun Pavarotti n’est pas forcément un être jovial, mais il ne se voit pas pour autant comme quelqu’un de terne. « Je suis rabat-joie, on me le reproche souvent. » Le rappeur nous parait davantage comme triste, car réaliste, conscient. Conscient d’où il vient, conscient de ce qu’il laisse derrière lui quand il quitte la région stéphanoise pour faire carrière dans la musique. Conscient qu’il n’a plus le choix, et qu’une demi-réussite ne l’intéresse pas et ne lui permettra pas de faire un bond de classes. « Les soucis financiers, ça casse le cerveau. Ça ne permet pas de réfléchir correctement, de se structurer, ça pousse à faire des erreurs. » Aujourd’hui, son ambition est démesurée : « Tout est basé sur le fait de ne pas avoir forcément les armes qu’il faut, mais de se comporter comme si on les avait. » Être de Saint-Etienne, ville ouvrière délaissée et méprisée par sa grande soeur bourgeoise, Lyon, il en a fait une force. « Les Gones inventaient le cinéma… Quand vos pères crevaient dans les mines », brandissaient les ultras lyonnais lors d’un derby au stade Geoffroy-Guichard il y a près de 20 ans. Tout un symbole. « Je savais que ça allait être encore plus dur, qu’il fallait que je fasse quelque chose d’encore plus grand. »

« Ma signature est un exploit »

Quelque chose de plus grand que son Grand Zéro« la première pierre », que son premier projet en tant qu’artiste d’Artside viendra consolider, début 2019. Quelque chose de plus grand, dans le monde du rap francophone de la fin des années 2010, c’est quelque chose de novateur, de complètement original. Quelque chose qui lui permettra de frapper l’auditoire comme si c’était la première fois. Pour l’instant, sa recette est (presque) définissable : un flow peu articulé, quasi mumble rap, dans lequel les consonnes se devinent tout juste, où chaque mot est phonétiquement lié au suivant – qui avait compris « la CB est full » à la première écoute du refrain de « Septembre » ? –, le tout avec une voix et des intonations qui fonctionnent par vague. Tantôt le très haut, tantôt le bas. Voilà pour la forme. Le fond, par contre, parait abyssal. « Je suis conscient que ma signature est un exploit. Je n’ai jamais vu quelqu’un autour de moi d’aussi sous-exposé signé ce type de contrat dans ce type de structure. Oui, je pense que je dégage une question, et quand on sent que l’on aura jamais la réponse, ça devient intéressant. Ma musique peut-être très étrange, mais elle a tout de même un aspect assez immédiat sur lequel je travaille. Je suis très fan de pop. Tout ça crée un questionnement, une incertitude vis à vis du personnage, de la musique, des paroles. »

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« Une incertitude vis-à-vis du personnage. » Qui est vraiment Zed Yun Pavarotti ? À la vue du jeune artiste, il est vrai que l’interrogation est immédiate. Totale. Son talent interpelle, son apparence surprend, son regard torture. Qu’a-t-il vécu ? Qu’a-t-il besoin d’expier ? « J’ai peu de tatouages aujourd’hui, mais ils sont principalement sur le visage. C’est possible que ça soit plus pour les autres que pour moi. Il y en a que je regrette. Même au moment de les faire je n’étais pas encore sûr que c’était vraiment une bonne idée. C’est peut-être de l’auto-flagellation, oui. » Une manière de détourner l’attention aussi : Zed Yun est né sans main gauche. « Je n’ai rien perdu, je n’ai rien à combler. Par contre, mettre une prothèse est impératif pour moi, je ne pourrais probablement jamais vivre sans. Être trop différent tout le temps, c’est chiant. Les regards sont chiants, et ce sont des regards très particuliers, avec un peu de pitié, ce que je ne supporte pas. Ça complexifie les premiers rapports, ce qui n’est vraiment pas agréable. Des amis m’ont dit que je si j’acceptais aussi bien l’idée de me faire tatouer le visage, c’était surement parce que ça permettait de distraire l’attention finalement. Ils n’ont peut-être pas tort. »

Aujourd’hui, le stéphanois est pleinement conscient de n’avoir d’autre choix que de réussir. « Le contrat, c’est d’arriver à mettre ma mère bien, de lui acheter une petite maison, qu’elle n’ait plus trop de soucis. C’est réussir financièrement. » Les problèmes d’argent, centraux dans son existence et dans son auto-définition en tant qu’homme, devront un jour ou l’autre appartenir au passé. Il ne peut en être autrement. Les souvenirs du passage des huissiers de justice, les « monstres assermentés » qui confondent le salon de sa mère avec une brocante, finissent eux aussi par hanter les murs. Ils devront être chassés. Aussi, un jour, il devra « révéler au grand jour qu’en France, les prises en charge, structures et assurances pour le handicap, c’est vraiment de l’énorme merde ». De multiples combats, entre reconnaissance et réussite financière, pour celui qui a souvent lutté. Comme l’éminent ténor Pavarotti, Luciano de son prénom, il est ce rescapé qui veut chanter haut et fort et faire mentir le sort. Le chef d’orchestre Carlos Kleiber disait que quand Luciano Pavarotti chantait, « le soleil se levait sur le monde ». En espérant des auspices tout aussi radieux pour l’éponyme Zed Yun, en lui rappelant que les fantômes appartiennent à la nuit.

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Pendant deux semaines au mois d’octobre, le photographe Paul Mougeot était à Cuba pour documenter à sa manière la vie cubaine, celle de la ville de Havana et de sa banlieue.
Parti éprouver le potentiel photographique reconnu de la capitale, il revient avec plusieurs clichés. Là, les lumières, qui prennent une place centrale dans son travail, se font tranchantes, subliment et décomposent les constructions de ses photos.
Le résultat est apaisant, en contraste avec le chaos urbain qu’il décrit.

En partenariat avec Leica, il dévoile finalement la série « Lost in Transition », qu’il explique en ces mots.

Ce projet photographique traite de l’aspect transitoire d’un pays. L’état des lieux d’une ville, la Havane, qui s’ouvre progressivement au monde extérieur.

Isolé d’une partie du monde pendant plusieurs dizaines d’années, cette nation est aujourd’hui le produit d’un communisme passé, où la vie semble avoir été suspendue. L’architecture, les transports, les rapports homme/femme ou encore les commerces nous transportent dans ce monde figé, unique en son genre. En revanche il apparait évident que le pays, petit à petit, se transforme vers une occidentalisation.

Ces photographies traitent d’un constat de ce qui m’entoure, fixant ma perception de la réalité de ce pays en plein changement, inscrivant ainsi les personnes comme éléments d’une globalité. Ces transitions supposent également d’autres réalités derrière ces images, tels que des événements ou des actions passés aux- quels nous n’aurions pas accès, nous plongeant vers des réalités fictives.

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Instagram : @PaulMougeot

Homosexuel, lesbienne, gay, transgenre, bi, ou encore pansexuel et poly-amoureux sans oublier le gender fluid et le genderless : autant de manières de vivre sa sexualité et son genre qui, fort heureusement, viennent bousculer le débat politique. En panne de représentation, ce public réclame des nouvelles stars à son image. L’industrie créative s’évertue alors à créer des idoles 2.0. Mais entre marketing, appropriation identitaire et communication, sont-elles réellement les porte-drapeaux d’une révolution culturelle ?

Depuis des faits de portée historique, du mariage pour tous à la PMA, en passant bien sûr par #metoo, la manière que les institutions ont de s’exprimer est en train de changer. Des catégories avant invisibles s’imposent sur la scène publique et demandent à être représentée. Par la législation mais aussi par des icônes à leur image, des personnalités capables de porter leurs messages et incarner leurs vécus.

Pour inclure enfin les femmes, les LGBTQIA (lesbienne-gay-bisexuel-trans-queer-intersexe-asexuel.le), les personnes issues de cultures plurielles, les entreprises multiplient les mea culpa à grands coups de nettoyage de conscience (washing) ; elles se mettent au féminisme, à la mode conscious (éco-responsable) et à la redécouverte du genre et de la sexualité.

L’industrie culturelle, quant à elle, se décoince et met enfin en avant des stars au discours engagé. Des artistes moins « hétéro-normées » [adjectif qui désigne une tendance à favoriser l’orientation hétérosexuelle, ndlr] prennent la parole et permettent à un public en manque de visibilité de se sentir considéré. Les vedettes queer émergées ces dernières années enfoncent bien des portes et en plus d’être artistes, elles deviennent des symboles.

Mais tout n’est pas si simple. Parler de son identité en public et, en quelques sorte, l’inclure dans sa campagne promotionnelle, peut soulever des questions. Certaines démarches paraissent peu claires et suscitent quelques scepticismes. De plus, pour la plupart, ces stars demeurent des personnes blanches qui assument leur sexualité et genre dans un cadre assez privilégié. D’aucun n’est tenu à dévoiler sa sexualité. Mais si un artiste le fait, s’il en fait un discours artistique et s’il vend son œuvre aussi à travers celle-ci, comment démêler marketing et empowerment ? En plus de son art, on élit une icône pour son propos. Pour ce qu’elle incarne. Il est alors légitime de se pencher sur l’usage qu’elle fait de son combat.

« Je suis gay et on s’en fout » : dépolitiser pour rassurer ?

« Baby, I was born this way », clamait Lady Gaga, au top de sa forme, dans un tube qui d’emblée la consacrait en tant qu’icône queer. La star allait jusqu’à créer son double masculin, Jo Calderone, présenté au public dans le clip de « Yoü and I », en brouillant toujours plus les pistes de son appartenance de genre.

Elle touchait alors un public de plus en plus visible, de plus en plus fort dans ses revendications : la communauté LGBTQIA. Lady Gaga anticipait un sentiment naissant dans la culture mainstream des sociétés occidentales : une libération sexuelle, du genre, et une prise de pouvoir réelle de certaines population traditionnellement vues – à tort – comme des « minorités ».

Dans un autre style, après avoir scandalisé la planète avec des clips ultra-sexualisants aux alentours de 2013, Miley Cyrus s’empare du discours féministe en 2015 de manière étonnement claire. Étonnement, parce que jusqu’ici, le féminisme n’est pas exactement un concept vendeur : il met la femme en position d’outsider, l’engagement n’ayant rien de « sexy » aux yeux de la gent masculine. « On parle beaucoup du féminisme. Les gens veulent prendre ce mot et en faire une chose horrible, mais c’est le truc le plus génial ! Vous êtes forcément féministe », dit-elle alors. Personne ne doute de la sincérité de l’artiste mais… que s’est-il passé ? Soudainement, une icône pop se met à revendiquer son féminisme après avoir sorti une panoplie de clips controversés et avoir posé pour Terry Richardson, photographe plusieurs fois accusé de harcèlement sexuel envers des femmes.

Cynique ou pas, la question mérite d’être posée : et si ce n’était qu’une démarche marketing ? Et si se dire bisexuelle, féministe, a-genrée était finalement un merveilleux argument de vente venant combler un vide artistique ? Là où Lady Gaga montrait une cohérence entre son discours et ses actions, Miley Cyrus paraissait quant à elle franchement contradictoire.

La musique francophone, elle aussi, a ses icônes : critiquées ou adulées, elles ont contribué à bouleverser les consciences et la manière de performer son corps dans l’espace public. En brisant des canons esthétiques, sexuels et de genre, elles ont donné du relief à la platitude d’une scène culturelle un peu trop télévisuelle. Parmi les derniers exemples en date, Eddy de Pretto. Son « Je suis gay et on s’en fout » a été du pain béni pour les médias pendant plusieurs mois. Le chanteur, d’emblée, balayait le concept même d’étiquette. Sa génération est celle du « peu importe » : l’individu fait ce qu’il veut de son être et de son corps. Il ringardisait ainsi tous les débats acharnés sur la définition du genre et du sexe en les transformant en un « non-problème ».

Si les médias n’avaient pas autant tricoté autour du « Je suis gay et on s’en fout » de de Pretto, tout le monde « s’en foutrait » vraiment.

Une question mérite néanmoins d’être posée : peut-on banaliser sa sexualité alors que la totalité de son packaging est basée là-dessus ? Si le propos est clair et vécu à la première personne, les médias et donc la promo de l’artiste insiste bien sur son être homosexuel, en oubliant presque sa musique. Aux Victoires de la Musique 2018, il est d’ailleurs primé pour son discours avant tout plus que pour son EP. À quel point donc l’affirmation de son orientation sexuelle a-t-elle joué dans le succès de son œuvre ?

Eddy de Pretto a beau faire passer son identité pour un « non-sujet », c’est précisément celle-ci qui l’a poussé aux étoiles. Est-on vraiment en train de « normaliser » la chose ou bien d’en faire, finalement, le fer de lance d’une campagne de promo ?

Il ne faudrait pas que l’industrie culturelle s’empare de combats réels et dramatiques pour une simple question d’audience. Finalement, si les médias n’avaient pas autant tricoté autour du « Je suis gay et on s’en fout » de de Pretto, tout le monde « s’en foutrait » vraiment.

Une star homosexuelle, trans ou issue de l’immigration, est une chance extraordinaire de rendre visibles certaines causes. Mais il faut être aussi lucides sur le fait que l’art est ici extrêmement lié au politique. Créer une star « à la mode » ne peut pas exclure le respect sincère de la diversité qu’elle incarne.

Le discours de Christine & the Queens mériterait, en ce sens, quelques approfondissements. Depuis Chaleur Humaine, son premier opus, la chanteuse joue sur les frontières de sa sexualité. Mais pas que. Elle brise les idées reçues sur le statut d’artiste féminine cantonnée à un fantasme masculin. Son indépendance et sa liberté créative sont notoires tout comme ses engagements. Dans les interviews, elle n’hésite pas à parler de son genre et de ses choix amoureux. Elle surprend un public ankylosé par le manque de différenciations dans les représentations des célébrités. Mais certains mots instaurent le doute auprès de la communauté qu’ils sont censés symboliser, les LGBTQIA.

La promotion de son nouvel album, Chris, se construit d’une manière bien particulière : un nouveau prénom, dénotant un nouveau genre, un trait barré sur le féminin, un corps androgyne, en transformation. « C’est simple : elle s’approprie les codes de la transition. Sans pour autant vouloir changer de sexe ni se déclarer transgenre », nous souffle une connaissance trans interrogée sur la question, qui préfère rester anonyme. D’abord, elle se dit pansexuelle. Ensuite, « lesbienne, mais pas tout le temps ». Et puis, « une femme phallique », ce qui semble être une référence à la pensée lesbienne de Monique Wittig, pour des raisons de format sans doute, pas très bien expliquée dans les pages du Figaro.

Cette rhétorique, si elle fuit les étiquettes, risque de froisser certaines sensibilités. Pour la simple et bonne raison que Chris n’est pas trans. S’il suffisait de barrer son prénom et d’être lesbienne à mi-temps, pourquoi donc recourir à des opérations chirurgicales pour changer de sexe ? Cela ne risque-t-il pas de véhiculer une image enjolivée de la transition ?

Quand une personne cis s’inspire du discours d’une personne trans, elle risque bien de lui voler la parole grâce à sa position privilégiée.

Porter une étiquette (gay, lesbienne, bi, trans, etc.) est un acte radical qui change le rapport qu’une personne entretient avec le monde et raconte une histoire de quête, de souffrance, d’identité. Etre cis-genre ou trans-genre ce n’est simplement pas la même chose et quand une personne cis s’inspire du discours d’une personne trans, elle risque bien de lui voler la parole grâce à sa position privilégiée. Si pour Chris tout ceci est un jeu artistique, un débat esthétique et philosophique aussi fascinant que vendeur, pour certains c’est un risque d’invisibilisation. La star, finalement, nuance et rend plus acceptable une lutte qui n’a rien de nuancé.

L’engagement de Chris aux côtés des communautés LGBTQIA n’est pas à remettre en question. C’est encore une fois la manière de jongler entre argument de vente et vécu réel qui peut déranger.

Assumer entièrement et sans ambiguïté qui l’on est : le secret pour réellement normaliser un discours ?

C’est avec un mélange de méfiance et d’admiration que les médias ont accueilli le coming out bisexuel de Frank Ocean. Si un déferlement d’articles salue son geste en remerciant le chanteur d’avoir émancipé le rap de l’homophobie, d’autres voix s’élèvent pour soulever un détail politiquement incorrect : la nouvelle tombe pile deux jours avant la sortie de son album Channel Orange.

Alors coup de com’ ou geste héroïque ? Dans une longue lettre postée sur Tumblr le rappeur écrit noir sur blanc qu’il aime les hommes. Il raconte sa souffrance, il la partage et défend, en somme, une sexualité et une forme de liberté à travers un geste radical. C’est probablement cette clarté et cette simplicité dans le discours qui finalement consacreront ce moment comme un tournant dans l’histoire de l’industrie musicale. Frank Ocean n’a pas mâché ses mots. Et c’est sûrement pour cela que tout le monde s’en fout qu’il soit bisexuel.

De l’autre côté de l’Atlantique, c’est seulement en 2018 que la France s’est souvenue d’avoir accouché de Kiddy Smile. Depuis plus de dix ans ce « pédé, noir, fils d’immigrés » agite la scène underground parisienne en enflammant les soirées queer et en s’exprimant avec force sur l’homosexualité, entre autres. Pendant la fête de la musique 2018, invité à l’Elysée par un gouvernement en quête de street cred, il n’hésite pas à faire passer son petit message à l’aide d’un t-shirt portant le slogan ci-dessus. Le temps lui aura enfin donné raison : le New York Times lui consacre un portrait en août et récompense ainsi l’engagement d’une personnalité qui n’a jamais fait de pirouettes avec son langage. Pourtant, par rapport à son collègue créteillois blondinet, il en aura mis du temps, Kiddy Smile, pour attirer les yeux frileux de l’industrie.

Meme de @yugnat999 sur le t-shirt porté par Kiddy Smile à l’Élysée.

Un autre coming-out on ne peut plus frontal fut celui d’Océane Rose Marie qui annonçait en mai sur Komitid sa transition vers Océan. Son discours, comme celui de Frank Ocean, est limpide. Pédagogue et émouvant, dépouillé et surtout, vécu à la première personne. Océan est un trans. Pas d’équivoques possibles. Il est trans et lui, il ne s’en fout pas.

On en arrive à l’éternel débat : peut-on séparer un artiste de son œuvre ? La réponse est non, lorsque l’identité de l’artiste est aussi son œuvre. Alors, entre empowerment réel et business, comment évoluent nos représentations ? Comment inclure sans trahir ?

Quand une célébrité s’approprie un discours dans une optique artistique ou de communication, elle endosse une responsabilité, qu’elle le veuille ou non.

Premièrement, pour parler à des publics de plus en plus visibles en 2018, on ne peut pas faire l’impasse des luttes politiques qui les animent. Comment éviter le pink, woman, trans washing ? En commençant par comprendre que ces identités ne sont pas visibles par « effet de mode », mais à force de souffrances et de mobilisations. Que ces personnes ont besoin d’idoles non pas parce que « c’est tendance » mais parce que les modèles sont un pas de plus vers la compréhension et l’acceptation.

Afin qu’un vrai changement s’opère dans les représentations culturelles, la transparence du discours semble être cruciale, tout comme la prise de risque. Fuir l’étiquette de « chanteur gay » est presque impossible à l’heure où l’on a besoin de ces figures et que des jeunes qui se sentent « différents » nécessitent d’avoir des points de repères culturels. Dans les années 2000, être une lesbienne ou une personne trans adolescente signifiait n’avoir presque aucune figure de référence qui rassure, inspire et donne confiance.

Quand une célébrité s’approprie un discours dans une optique artistique mais aussi de communication, elle endosse une responsabilité, qu’elle le veuille ou non. Ces stars exercent un rôle clé dans la signification que la société donne à certaines notions. Jouer avec les définitions, fuir les étiquettes, risque de dépolitiser un discours en desservant une cause. En véhiculant l’idée que la différence de sexualité et de genre n’est qu’un parti pris esthétique.

Il est important que différentes voix s’élèvent. Des voix réellement fortes, au moins aussi retentissantes que celle d’un rappeur noir qui, dans une Amérique compliquée, écrit sa souffrance, sa fragilité, son amour d’un homme. Que les labels et les majors osent soutenir des talents réellement différents, pas toujours blancs, pas toujours hommes, pas complexés par les étiquettes, qui, si elles peuvent faire peur, sont aussi nécessaires à la compréhension des mots.

Manager, interviewer, gérer, administrer, écrire… Juliette Fievet est l’une des activistes les plus chevronnées du rap français depuis 20 ans. Après avoir passé les week-ends sur RFI, elle accompagne le film autour de la tournée ACES de Kery James. Que de prétextes pour se pencher sur son parcours d’agent en double, triple, voire quadruple mission.

Photos : @antoine_sarl

Orly, 19h30. La salle du centre culturel Elsa-Triolet se remplit rapidement. L’un des enfants chéris de la ville, Kery James, y fait une halte pour une lecture sur les violences policières. Sur scène, l’entourent, entre autres, le rappeur Youssoupha ou encore Amal Bentounsi, une des figures françaises luttant contre les meurtres commis par les forces de l’ordre, avec son collectif Urgence Notre Police Assassine. Juliette Fievet est là ; elle qui a managé « le rappeur mélancolique », reste associée à ses projets. Une « fidélité » que Kery James lui reconnaît, comme d’autres.

Actrice d’un certain rap francophone, elle y a joué tous les rôles, ou presque. « Heureusement qu’Internet n’existait pas à l’époque, mais oui, j’ai essayé de rapper à 15 ans. Et puis j’ai fait un truc avec Doudou Masta à l’époque », évoque-t-elle en incitant, dans un rire, à ne pas la forcer à en dire plus. Évidemment, selon ses dires, c’est introuvable (si Doudou Masta nous lit, qu’il vienne inbox). « Très vite, j’ai pas assumé le côté artiste, chanteuse de r&b qui raconte ses douleurs. J’suis une warrior. »

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Aujourd’hui, Juliette Fievet, qui vient de fêter ses 40 ans, dont près de 20 ans à accompagner la « musique préférée des Français » comme le disent Laurent Bouneau et Fif Tobossi, est journaliste. Présentatrice. Qu’on connaît surtout par son rire, qui s’est beaucoup fait entendre dans Le Grand Pari, une émission rap de lives et d’interviews diffusée sur YouTube en janvier dernier et où se croisent Kalash Criminel, Lino ou encore le chanteur Cali. Si elle ne participe pas à l’épisode 2, Juliette ne chôme pas. L’été dernier, elle était à la tête de son émission, sur RFI, Légendes Urbaines. Un titre polysémique qui dit bien le trouble, largement commenté, sur les artistes qu’elle reçoit avec sa bande de chroniqueuses et de chroniqueurs. Et qui résume assez bien la tonalité des entretiens avec les invités qu’elle reçoit, essentiellement des actrices et acteurs du monde du rap.

Team double casquette

Les artistes qu’elle a interviewés sont bel et bien soumis, bien plus que d’autres, à n’incarner que des images de « bad boys » ou de « bad bitches ». Leur expérience artistique est souvent reléguée au second plan, leurs aventures entrepreunariales aussi. Restent les fantasmes qu’ils suscitent et auxquels on aime les réduire. Tous les samedis et dimanches soirs sur RFI, elle s’est fait fort de leur donner la parole et de les emmener ailleurs. Passer de l’autre côté de la barrière médiatique, celle devant laquelle elle amenait les artistes qu’elle a managés comme Expression Direkt, Féfé Typical & Tiwony, Kery James, ou les artistes dont elle a assuré le rayonnement en France en tant que manager international comme Sean Paul ou Brick & Lace – « On a passé deux ans sur les routes ensemble » – n’a pas été si évident. « Mes expériences de manager, de gestion de crise [notamment pour le rappeur Niro, ndlr] me donnent davantage de billes pour poser des questions, les faire parler, constate-t-elle. Pourtant, il a fallu des années avant que l’on me considère comme une journaliste. À la base, je suis une alliée. Une infiltrée. »

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Le travail paie – faire ses classes en radio, en télé – mais la suspicion demeure. « Pourquoi je ne pourrais pas être manager ET kiffer faire le show ? Venir du milieu rap ET parler d’actualité ? Moi, je n’ai pas envie de me limiter », pointe t-elle. Ce soir-là, à Orly, une fois de plus, elle avait coiffé sa double casquette. Elle était sur scène, au milieu des comédiens. Juste avant, les Orlysiens découvraient le film qu’elle a co-écrit avec Lisa Lebahar sur la tournée Apprendre Comprendre Entreprendre et Servir, durant laquelle Kery James donnait une bourse à un étudiant pour réaliser un projet d’études. Se pencher sur son cas, c’est entrer dans les chapelles du rap françaises dans le Nord, dans le 78, le 94 ou certains des 54 pays du continent africain, où elle fait des allers-retours réguliers, pour animer des cérémonies ou recevoir des prix.

L’époque lilloise

C’est démarrer dans le Nord, la région où une « Nuit des Noirs » est organisée pendant le cafrnaval mais où on sait aussi faire la fête « d’un rien », à une époque où écouter du rap, c’était encore (et toujours ?) être minoritaire, vénère, un poil cassos. Sa rencontre avec le son qui domine aujourd’hui les charts, se fait à travers Public Enemy et Rap Line, l’émission télé qu’animait Olivier Cachin à l’époque, et qu’elle rencontre dans des circonstances plutôt marrantes, elle qui ne se destinait pas vraiment à bosser dans la musique.

« C’était la grande époque des Fugees ; leur Zénith à Lille était complet. J’avais commencé un BTS force de vente, sans conviction. Je suis avec Zina et Patty, mes pines-co de ouf. On n’a pas de places et pas assez d’argent pour se les payer. On est postée devant la salle en espérant qu’on nous en revende. Il est 15h et là y a un mec qui passe devant nous : c’est Wyclef. Il cherchait les loges ! Vu que j’écoutais Public Enemy, l’anglais, je maîtrisais un peu. ‘Of course, we indicate you !’ On entre avec lui. Là, y a Pras, Lauryn Hill, on parle avec eux. Il y a même Olivier Cachin, qui est rédac’ chef de l’Affiche à l’époque : c’est l’hallu. Wyclef voulait visiter Lille ; on a pris le métro ensemble, il s’est retrouvé à manger du mafé chez Patty, à faire un bœuf avec des musiciens. Une semaine après, en mode grand-frère, il nous a invité à leur concert à Paris. Sauf que personne ne nous croyait. Olivier Cachin a mis notre nom dans l’article. Du coup, on a pu prouver qu’on n’était pas des mythos ! »

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À Lille, l’Aéronef est l’une des rares salles en France à jouer du rap. Son programmateur de l’époque, Manu Barron, était également en charge du festival Pas de quartiers et a depuis co-fondé le Wanderlust, le Silencio, feu le label Bromance avec Brodinski, etc. « Je lui ai dit que je connaissais des rappeurs. Il m’a engagé pour six mois. On a fait passer tout le rap français dans le Nord, dont Doudou Masta, qui me débauche. Il montait Boogotop et m’a embarquée avec lui à Paris. »

Faire ses classes

Et voilà Juliette qui déboule en région parisienne, en plein effervescence, avec les soirées B.O.S.S. « Par rapport à Lille, ça changeait ! Après le milieu rap à Paris, c’était un univers très dur, très masculin mais je ne m’en rendais pas compte, nous dit-elle. On me protégeait mais je n’étais pas une petite sœur. » Sur sa route, comme à chaque fois, une rencontre lui donne l’occasion de s’occuper d’Expression Direkt qui venait de quitter Universal et signait tout juste chez Next Music. Le premier album du jeune Rohff, Le Code de l’honneur, est produit par Phénomène Records, le label de Le T.I.N, l’un des membres du groupe. Et comme le rappelle Driver, le seul morceau rap qu’on entend dans La Haine, le film de Mathieu Kassovitz, c’est « Mon esprit part en couilles ».

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Patrick Colleony est une autre sacrée rencontre. À la tête du label Night and Day, ce-dernier se cherche alors un nouveau chef de projet pour son écurie, et la recrute pour s’occuper d’artistes reggae. « Ça me saoulait grave au début puis j’ai été à fond pendant cinq ans ! », concède t-elle. À l’époque, cette musique est associée aux « musiques urbaines » et vend, beaucoup. De cette période, elle garde des amitiés pour certains artistes comme Capleton et des bons souvenirs malgré les polémiques. Juliette marche toujours sur un fil, à la passion. C’est aussi comme ça qu’elle est arrivée en télé, multipliant les expériences – elle a officié longtemps à la présentation du show Hip-Hop Live –, les chroniques Ultramarines ou encore dans le Claudy Show, présentée par Claudy Siar sur France Ô, un autre des piliers de son entourage professionnel.

Profession : passeuse

Dans Légendes Urbaines, dont on peut retrouver les vidéos sur les réseaux sociaux et le site de RFI, elle était capitaine et parlait de rap, mais pas que. « D’autres font ça très bien. Ça ne m’intéresse pas de m’adresser uniquement à ceux qui savent déjà. » Les débats y sont donc nombreux, sur ses sujets de prédilection. L’un d’eux a porté sur la place – essentielle et souvent à l’ombre des hommes – des femmes dans l’industrie. Dans l’une des séquences de l’émission, on pouvait entendre Daphné, la réalisatrice Leïla Sy, ou encore Elga Gnaly, qui bossait à La Place, recevoir des messages de Fianso, Dry, ou Kery James, encore lui. Lors de cette soirée à Orly, un écran diffuse le film qu’elle a co-écrit, Légendes Urbaines, et qui fait une large part à l’Afrique. Brice de Saint-Albin, un des chroniqueurs, y évoque par exemple la revanche des blédards. Une manière ironique et maline de souligner que les liens entre les rappeuses et des rappeurs du continent africain et celles et ceux de la diaspora sont moins angéliques qu’il n’y paraît au demeurant…

Si à Lille, les soirées rap étaient difficiles à organiser, elles permettaient d’y entendre de la musique afro-caribéenne. « Pour contourner les interdictions de passer du rap, toutes les 30 minutes, dans les soirées, les DJs balançaient un morceau de Koffi Olomidé, de Papa Wemba – paix à son âme – ou de Kassav’ ! » Elle arpente très régulièrement le continent africain, pour hoster des événements humanitaires ou participer à des talent shows comme celui organisé il y a quelques années par Island Africa. Une plasticité professionnelle revendiquée par celle qui affirme être à l’aise avec son côté « G.O. du Club Med », « entertainer ». Celle qu’on présente comme une métisse, tantôt tchadienne, tantôt éthiopienne serait donc particulièrement à l’aise sur la terre de ses ancêtres.

Des Juliette

La réalité, c’est que son identité est beaucoup plus confuse que cela, elle qui se revendique « ch’ti et épicurienne, aussi à l’aise dans les dîners mondains que dans les chichas ». Juliette Fievet a été adoptée toute petite et élevée par deux entrepreneurs surbookés, mais attentifs à leur fille qui a reçu une éducation et des valeurs qui ne venaient pas encore de la street. « Le rap a été très vite important dans ma vie ; j’y entendais le rejet de l’injustice, la puissance politique », se souvient celle qui se rappelle avoir toujours été vue comme « à part », dans ce Nord où elle revient souvent, retrouver les femmes de sa vie, sa mère et sa grand-mère.

Antillaise ? Italienne ? De ses recherches, amorcées à l’âge de 30 ans, Juliette ressort avec des bribes de son histoire, une autre identité, « Yarda Djeo », celle de sa naissance, inscrit sur des documents administratifs qu’elle a pu récupérer. Elle assure que cela ne la trouble pas (plus ?). Encore une autre histoire de dingue, sa légende urbaine, à elle, cette fois. Pour une fois.

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Ils sont presque vingt, inondent SoundCloud, DatPiff et les plateformes digitales avec une multitude de projets annuels et pourtant, semblent encore méconnus d’une majorité d’auditeurs. On les appelle le 667, la Ligue des Ombres, la Secte ou le Mangemort Squad. Entre Montréal, Dakar, Paris et Lyon, ils contemplent les astres et rêvent de désastre depuis les sous-terrains de trois continents.  

Illustrations : @bobbydollaros

Pour tout auditeur passionné du genre, impossible de passer à côté des faits d’armes du collectif. D’ailleurs, si vous avez encore du mal à en reconnaître tous les artistes, il suffit de regarder s’il y a un « 667 » inscrit à côté du pseudo’. Avec le très peu d’informations qui entourent la Secte, tenter d’expliquer ou d’analyser le phénomène est complexe, parfois même tiré par les cheveux. Il faut revenir aux fondations de l’analyse : la musique. Et là, l’histoire est toute autre. D’autant plus que l’année 2018 a été bien garnie en sorties avec Slim C, DGK, Doc OVG, Afro S, Sobek Le Zini, Norsacce Berlusconi et tout récemment Freeze Corleone. C’est bien assez de matière pour pouvoir enfin parler de l’essence artistique du 667 : le symbolisme.

« Musique cryptée, fuck fils. » Cette phase d’Osirus Jack, l’un des membres les plus éminents de la Ligue des Ombres se suffit à elle-même. La musique est cryptée, oui, mais les clés de compréhension sont données. Il suffit de bien regarder. Le morceau s’appelle « Abydos », et il est peu probable que l’on sache ce que signifie le terme si l’on ne s’est jamais intéressé à l’histoire de l’Égypte Antique. Car Abydos, c’en est une ville, lieu de culte du dieu funéraire Osiris : tout se rejoint. C’est ainsi que la Secte cuisine toujours sa recette, en usant d’énigmes, de rébus, de hiéroglyphes modernes, de cultures antiques oubliées ou trop peu étudiées. Finalement, de ce qui se cache sous la surface pour poser les fondations de leur musique. Le 667, c’est de l’art sous-terrain ; à nous de creuser assez profond pour trouver la richesse qui s’y abrite.

« Le monde est un interminable défilé de symboles. »
– John Gardner

En réalité, le Symbolisme avec un grand S est central dans les oeuvres du Mangemort Squad car rien n’est jamais laissé au hasard. Toutes les thèses sont formalisées, toutes les pensées sont expliquées au travers de textes chiffrés par l’usage du verlan, d’acronymes, de néologismes, de symboles, de sigles… La musique, chez eux, c’est des mathématiques. Quand rappe la Secte, on entend rapper les ombres de Lil B, Alpha 5.20, le Roi Heenok, SpaceGhostPurrp, Project Pat, Pimp C, Gucci Mane, Chief Keef, Fredo Santana… tout ça sur les platines poussiéreuses de DJ Screw. Pour revenir aux fondations internes du collectif triangulaire, il faut voguer entre toutes ces figures, et de la même manière, faire l’effort de saisir les différents niveaux de lectures qui incombent à leur musique. On va y aller étapes par étapes.

Entre ésotérisme et pop-culture, le culte du secret pour les nuls

L’ésotérisme, au sens littéral, c’est « l’ensemble des enseignements secrets réservés à des initiés (…) parfois utilisé dans la culture populaire pour parler de courants de pensée marginaux à composante secrète ou étrange (sociétés secrètes, occultisme, paranormal, etc.) ». La pop-culture, quant à elle, se définit sommairement ainsi : une culture qui « se veut accessible à tous et (…) demeure compréhensible et appréciable à plusieurs niveaux, sans exiger nécessairement de connaissances culturelles approfondies au préalable ». Si tout cela est important à noter et à expliquer, c’est qu’on remarque déjà un contraste net entre les deux termes. L’un parle à des initiés, l’autre à tout le monde. En bref, l’un est le contraire de l’autre et inversement.

Le rap français emprunte très souvent ses références à la culture populaire, on pense à Alkpote et les « héros de Marvel », 95% du game avec Tony Montana et Alejandro Sosa, 100% des algériens avec Dragon Ball Z et une grosse partie de la nouvelle scène de la génération 2000+ avec les manga, les anime, et la culture asiatique plus généralement. Les artistes « urbains » francophones qui parlent de thèses complotistes, d’essais sur l’Afrique noire, de finance, de culture de masse, de gouvernements corrompus et tutti quanti se comptent sur les doigts de la main : Alpha 5.20, Despo Rutti et le Roi Heenok en sont les plus notoires (s/o Kalash Criminel, également).

« Tous mes n*gros savent / Qu’les vrais jihadistes portent des costards » – Slim C

La particularité du 667, c’est que les membres prennent un malin plaisir à mélanger la pop-culture à l’ésotérisme, à maquiller des références qui ne parlent qu’à des initiés avec des images communes à tout le monde dans un imaginaire populaire. On le voit déjà grossièrement avec les multiples pseudonymes des membres. On parle de Freeze Corleone et de Norsacce Berlusconi, un shoutout au rapport complexe et viscéral de l’Italie avec sa mafia (et à l’une des origines de Freeze également), de Ligue des Ombres, tiré de la Ligue des Assassins dans DC Comics, de l’acronyme CFR pour « Council on Foreign Relations » et des théories fumeuses qui entourent le think-tank américain, du Mangemort Squad pour le groupuscule de sorciers maléfiques dans Harry Potter, de Chen Zhen pour Bruce Lee, etc.

Pour entrer plus en profondeur dans la recette du collectif, suivons le schéma textuel de Freeze Corleone dans le morceau « Mangemort » : « Furtifs comme Splinter Cell / On s’réunit en secret comme les Bilderberg / Vision nocturne, camouflage optique / Mentalité franc-maçonnique / N*gro on va faire nos bails en famille / Sur le long terme comme les Rothschild (…) Jeune Sith, appelle-moi Darth Chen / N*gro j’recherche le pouvoir noir comme Marcus Garvey / Sans dreadlocks j’fume comme un rasta / J’me sens comme Ol’Dirty Bastard / Défracté dans mon aéronef / J’survole les géoglyphes de Nazca / J’aime le cash même si c’est satanique / Freeze Corleone fonscar dans la matrice / Plus de midi-chloriens qu’Anakin / Afro Samurai, j’suis la voie d’la tactique. »

Vous aurez deviné que ce qui est surligné en rouge appartient à la pop-culture, tandis que le vert tient d’une forme d’ésotérisme. Il est clair que si l’on n’a aucune idée de ce qu’est la Franc-maçonnerie ou de qui sont les Bilderberg, les Rothschild, Marcus Garvey ou les géoglyphes de Nazca, on ne comprend qu’un petit 40% de ce que Freeze Corleone veut (nous) dire. C’est problématique. Surtout qu’il ne s’agit pas ici de références jetées dans l’eau n’importe comment juste pour la rime, les citations en rapport avec la culture populaire servent de clés de compréhension pour les citations en rapport avec l’ésotérisme. En bref, on est face à la mise en exergue des récurrences thématiques du collectif.

« Du futur viennent nos messages, on vous laisse 667 ans pour les décrypter, c’est l’temps qu’il faut pour briser l’cristal » – Odeuxzero

« Les Bilderberg », à entendre ici comme « le rassemblement annuel et informel d’environ 130 personnes dont la plupart sont des personnalités de la diplomatie, des affaires, de la politique et des médias » sont le symbole d’une gouvernance mondial secrète et donc de l’indépendance du 667. « Les Rotchschild« , l’une des plus grandes familles multi-milliardaires de la finance et de la banque, sont la figure d’un contrôle mondial monétaire géré depuis des siècles et donc de la volonté de faire fructifier le succès ensemble et de le partager en groupe. Feu Marcus Garvey était le précurseur du panafricanisme et tête de proue du mouvement « Back to Africa » – « retour des descendants des esclaves noirs vers l’Afrique » – et symbolise à sa manière le terme de « Néo Nègre » ultra présent dans les archives musicales de la Secte.

De la même manière, le symbolisme de la religion, prépondérant dans la musique du groupe rentre, à première vue, en querelle avec les références scientifiques poussées souvent utilisées. Freeze Corleone est « dans les piles comme le dioxyde de manganèse« , au même titre qu’il se sait mieux protégé que sous 5 dômes avec « Dieu et le fer«  ; Odeuxzero, figure moins notoire de la Secte mais toute aussi talentueuse, est à « 204 parsec de votre rap game » mais la spiritualité ne quitte jamais son texte puisqu’il nous rappelle que le 667 est une « civilisation antique comme les Aztèques« . L’ésotérisme religieux rejoint l’élitisme scientifique pour parler d’une seule chose : de ce que vous ne voyez pas ou ne voulez pas voir.

Pour ce qui est du reste, on vous laisse vous noyer dans les méandres de la franc-maçonnerie et de Nazca, tout expliquer serait, d’une, mâcher le travail de développement culturel personnel, de deux beaucoup trop long à développer.

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Culture de masse et corruption : « Dans le complot comme un trafiquant »

« Efficace, les obstacles je les pète comme les tours ». C’est clair comme de l’eau de roche ; limpide. L’album s’appelle RAR., disponible le 11 septembre 2018. Dix-sept ans après les attentats. Norsacce Berlusconi, lui, en avait huit. Il y a trois ans, à la même date, le groupe CFR – composé de Freeze Corleone, Osirus Jack et lui-même – sortait la mixtape F.F.O [pour False Flag Operation]. En réalité, les dates d’attentats reviennent constamment dans les projets des membres du 667, une sorte de trame narrative : F.D.T (pour Fin Des Temps) de Freeze est sorti le 11/09, pareil pour la mixtape THC. Vielles Merdes Vol.II, publiée le 8 janvier 2016, un an après la journée de deuil national pour les attentats de l’année passée ; enfin, Projet Blue Beam, son dernier album, sort un 13 novembre 2018, journée des attentats du Bataclan.

« Chen Zen, j’ai les techniques de propagandes de Goebbels » – Freeze Corleone

C’est que les dates de sortie servent continuellement d’allégories, le plus souvent en rapport avec les conséquences des attentats terroristes sur la planète, les origines de ces attentats et ce que le collectif estiment être les « réels » coupables en filigrane. La grande majorité des théories du complot tendent à démontrer par A + B que le 11/09 ou le 13/11 – pour ne citer qu’eux – sont des manigances mondiales, le premier orchestré par le gouvernement américain pour avoir le contrôle du Moyen-Orient en légitimant la guerre en Irak, l’autre pour a priori faire passer des lois considérées comme « fascisantes » par l’opinion publique en légitimant donc la nécessité de les voter.

Le 667 est à l’image du monde dans lequel il évolue : crypté, pluriel, codifié. À l’instar du duo new-yorkais CNN – Capone N Noreaga – les membres de la Secte se font les reporters d’une frange enfouie de l’information, de théories, de ce qu’ils estiment caché aux yeux des populations endormies, trop occupées à compter leurs fins de mois et à s’abrutir devant des médias d’informations en continue. Si les théories du complot importent autant à la musique du collectif, c’est aussi qu’elles symbolisent la volonté d’un apprentissage indépendant et personnel, non-corrompu. D’un éveil global des masses à s’interroger sur la possibilité que ce que l’on voit n’est pas forcément ce qui est vrai ; quitte à, bien évidemment, dire les choses de manière frontale malgré les risques encourus. Reste à savoir s’ils détiennent une vérité ou la Vérité.

Il suffit d’écouter le dernier projet de Freeze Corleone pour s’en apercevoir. « Dans ma tête, argent sexe drogue complot, c’est obsessionnel (…) Killu’ à vie comme Majster (…) N*gro j’suis dans l’complot des détournements d’fonds humanitaires / Par les réseaux pédophiles jusqu’au trafic d’minerais uranifères » (LRH) ; « J’fume que d’la frappe comme le maire de Tanger / Bellek, j’suis dans l’complot comme le maire de Angers » (Intro) ; « Nique un sioniste comme BHL / (…) s/o le Roi Heenok, rap radical, tactique d’la Palestine / Séisme artificiel, contrôle de météo (…) Blue Beam c’est la NASA » (Fentanyl) ; « 20.18 en Lybie ça bibi des nègres à 150K » (Baton rouge) ; « HAARP (…) Soleil Noir (…) Mayer Rothschild / R.E.A.A (…) MK Ultra (…) Ben Gourion / Joseph Ratzinger (…) Treize familles / La lignée luciférienne / le Shah d’Iran (…) Société Thulé / Prescott Bush (…) J.P. Morgan » (Sacrifice de masse)… Qui prétend faire du rap sans prendre position ?

« Tout le monde se moque de la vérité […] Les vrais témoins de leur temps ne sont écoutés qu’après leur mort. Mais alors leur témoignage est sans appel. » – Jean Dutour

Le 667 écrit de la « comme-musique » pour faire de la « com-musique ». On ne parle pas de références inutiles et sans fondements, mais de réelles figures de style qui tournent en rond, se répètent, s’accentuent, mais jamais ne s’expliquent. À nous de faire les recherches, car la vérité se cache là où la paresse intellectuelle de l’individu intervient et l’empêche de penser, chercher et s’instruire par lui-même. C’est sur le chemin d’une vérité que les membres du collectif marchent et continuent de marcher inlassablement. Si Rohff « écrit des métaphores, eux des métafaibles » et que Booba a inventé la métagore, le 667 quant à lui use de la métabole : des images et figures symboliques qui à force d’être répétées et mises devant les yeux du public, entrent dans le métabolisme pour ne jamais s’y retirer.

L’exemple le plus frappant sur le sujet reste l’emblème du collectif : le triangle équilatéral, accompagné des trois chiffres 6, 6, et 7. L’addition du trio nous offre le nombre 19, qui, dans la religion islamique, représente le début et la fin (le « 1 » et le « 9 »), la sainte trinité dans la religion chrétienne et en ajoutant un triangle inversé, on obtient l’étoile de David dans la religion juive. Là, on a le symbolisme religieux. Le triangle, c’est aussi la figure géométrique qui sert d’emblème à la Franc-maçonnerie, au même titre qu’elle peut représenter à la fois le Delta du Nil et l’architecture des pyramides égyptiennes. Là, on a le symbolisme ésotérique et complotiste. Enfin, le « 19 », c’est un nombre triangulaire centré. Alors ne nous demandez pas ce que c’est, on sait juste que le résultat donne ça. Nous voilà avec le symbolisme scientifique.

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La musique est bien sûr cryptée. C’est un fait, et la codification des rimes empêche évidemment le « grand public » de s’identifier aux propos de la presque vingtaine de membres du collectif. Il semble pourtant clair que la carrière de la Secte connaîtra le destin qui lui correspond le mieux : être une figure d’influence de l’ombre, une organisation souterraine et suzeraine d’un royaume cloisonné par un labyrinthe d’énigmes. Les rappeurs de la Ligue des Ombres seront sûrement toutes et tous considérés dans une dizaine d’années comme des Rois sans couronnes, illégitimes en leur temps et reconnus de ceux qui auront fait et feront toujours l’effort de comprendre. Finalement, des iconoclastes condamnés à devenir les symboles d’une génération qui n’a plus d’idoles.

Pour les jeunes Yacine Adli, Moussa Diaby et Timothy Weah, peu de doutes : le PSG, c’est dans le coeur. Que cet amour soit hérité d’un paternel, légende rouge et bleue, ou qu’il soit là par simple fierté d’être un enfant de la capitale et de sa couronne, il entretient la flamme des titis et constitue leur principal moteur. Les yeux rivés vers le Parc des Princes, tous ont grandi en caressant l’espoir d’être un jour de ceux que tout Paris acclame.

Aujourd’hui, Yacine, Moussa et Timothy vivent ce dont ils ont toujours rêvé, eux qui endossent quotidiennement la tunique du club qu’ils chérissent tant. Un privilège qu’ils se sont accordés à force de travail et de détermination, en donnant de leur personne sur le rectangle vert pour se distinguer au milieu du riche vivier parisien et atteindre le niveau d’exigence requis pour jouer au Paris Saint-Germain. Et ce n’est là que le début pour ces « petits princes » qui aspirent à être grands.

En marge du mini-documentaire qui leur est consacré, les trois titis parisiens ont posé devant l’objectif du photographe Alyas, chaussés de la toute dernière Nike Air Force 1 Utility.

Photos : @alyasmusic

Au Parc des Princes, nul n’est Roi. On écrit son histoire avec douleur, détermination et travail. C’est la destinée de Timothy Weah, Moussa Diaby et Yacine Adli. La destinée des titis parisiens.

Née d’un marais boueux pour finalement devenir ville des Lumières, Paris abrite et couvre un vivier de talents comme nulle part ailleurs. Alors pour réussir à s’imposer le titi devra manier le cuir comme personne. Faire des sacrifices, se battre, sécher ses larmes, s’entrainer sans cesse tout en faisant abstraction des éclats de la ville.

Et tant pis s’il est noir, blanc ou jaune car ici les seules couleurs visibles sont le rouge et le bleu. Les seules valeurs promues sont celles du travail et du partage. La méritocratie, ou quand les privilèges s’arrêtent là où le carré vert du Parc débute. Petit prince deviendra grand.

Dans ce documentaire nous sommes partis à la rencontre des titis parisiens Yacine Adli, Moussa Diaby et Timothy Weah.

Une production Miles Films
Réalisé par Samuel Rixon & Jesse Adang
Musique : Bobby the Pollywog pour Astral

Binôme de longue date de Yasiin Bey (MOS DEF) avec qui il forme les Black Star, Talib Kweli est une figure emblématique de la scène hip-hop new-yorkaise. Maitre dans l’art du storytelling, le rappeur de Brooklyn nous a servi des classiques comme « State of Grace », « Get By » ou encore « Never Been In Love » et a collaboré avec Pharrell Williams, Kanye West ou encore Mary J. Blige.

Talib Kweli se produira en live au Trabendo le 21 novembre et on vous fait gagner quelques places. Pour jouer, vous pouvez remplir le questionnaire plus bas.

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talib kweli trabendo

Si le public fantasme aujourd’hui la MAG de Nike comme objet de collection, les grandes marques de sneakers cogitent réellement sur un moyen viable et pratique de se passer des lacets. Et ce, depuis longtemps. 

Photos : @laguezz

Voitures volantes, projections holographiques et domotique : voici ce que devait être le futur, tel qu’on le supposait il y a encore quelques décennies de cela. Dès 1989, Robert Zemeckis s’essayait à une représentation plutôt fidèle de cet imaginaire avec le second volet de la saga Retour vers le Futur, qui voyait Marty McFly poser sa DeLorean dans un 2015 dématérialisé et technologiquement avancé. 29 années se sont écoulées depuis, nous rapprochant fatalement d’une réalité autrement différente de celle du cinéaste américain. Nos attentes vis-à-vis de l’avenir n’ont désormais plus rien de fabuleux, et on se contenterait volontiers d’un futur où les batteries des iPhones tiendraient un peu plus d’une journée.

Ceci dit, les prédictions de Zemeckis ne s’avèrent cependant pas toutes être de simples paris manqués, bien au contraire. Tel un voyage du Doc entre deux époques, Retour vers le Futur 2 a littéralement bouleversé le continuum espace-temps. Des objets initialement conçus pour les besoins de la fiction ont fini par prendre forme dans le réel, et ainsi donner de véritables pistes de réflexion sur ce que pourrait être le futur. On pense évidemment à la MAG, cette fameuse paire de sneakers auto-laçantes pensée par Nike spécialement pour la pellicule.

Quand Robert Zemeckis propose à Mark Parker et Tinker Hatfield de réfléchir à la chaussure de demain, le laçage automatique n’est pas la première idée qui germe dans leurs esprits. Eux sont alors deux jeunes designers pour l’enseigne virgulée. « On parlait plutôt de lévitation magnétique. Le personnage pouvait marcher au plafond et sur les murs. C’était un gag classique. Mais je ne voulais pas que ça reste un gag, je voulais quelque chose de futuriste qui enthousiasme les gens », se rappelle Hatfield dans l’épisode d’Abstract : l’art du design qui lui est dédié.

Chez Nike, l’accent est mis sur la performance. On aspire à créer une chaussure qui saurait s’adapter aisément à chaque situation.

Il faut finalement attendre 2009 pour voir Nike faire breveter E.A.R.L, son système de laçage automatique. Six ans plus tard, le premier modèle de MAG qui en est équipé voit le jour, symboliquement offert à Michael J. Fox. Avec la HyperAdapt 1.0 – disponible en France depuis le 29 septembre 2017 – l’objectif est désormais de présenter ce système révolutionnaire auprès du grand public. L’aboutissement de plusieurs dizaines d’années de recherches et d’innovations technologiques visant à faire évoluer notre manière d’enfiler et de nouer nos souliers. Du côté de Nike, mais pas seulement.

Lancée par Vans en 1977, la rudimentaire Slip-On fait presque aujourd’hui figure de pionnière en son genre. Pas de grande révolution technique à l’horizon, mais une première illustration concrète de ce que peut être une paire dépourvue de lacets. De quoi donner des idées aux autres géants de la sneaker, Reebok et Puma en tête. Les premiers développent dès 1989 un mécanisme de pompage avec la fameuse Pump, tandis que les seconds privilégient DISC, un système de fils internes qui se règlent à l’aide d’un disque rotatif. Des dispositifs dont la particularité est d’être tous deux inspirés par le fonctionnement de bottes destinées à la pratique de sports d’hiver. Cela fait notamment suite à l’acquisition du groupe italien Ellesse – alors spécialisé dans la fabrication de vêtements de ski – par Reebok, en 1987.

« Ils avaient un modèle de bottes de ski avec ce mécanisme de pompage. Un jour, quelqu’un a dit à Paul Firemen [le fondateur de Reebok, ndlr] : “Hey, tu devrais mettre ce bidule sur une chaussure !” Mais pendant un certain temps, personne ne l’a pris au sérieux. Peu de temps après, on cherchait à faire une sneaker de taille customisable, donc on s’est penché sur des mousses et des straps, avant de s’arrêter sur un mécanisme à pompe creux, de manière à ce que tu puisses changer la silhouette en la gonflant », raconte Paul Litchfield, développeur de ladite paire, à SneakerFreak. À chaque fois, la vocation est la même : épouser au mieux la forme du pied.

La donne n’est pas fondamentalement différente chez Nike, si ce n’est que l’accent est mis sur la performance. Toujours. On aspire à créer une chaussure qui saurait s’adapter aisément à chaque situation. Maintenir plus fermement notre pied quand l’effort l’exige, puis relâcher automatiquement la pression au repos. E.A.R.L s’inscrit dans cette optique. Pour un tel niveau de flexibilité, il faudrait sans doute ajuster nos lacets tout au long de la journée. Là, deux boutons suffisent. Moins contraignant.

« Après la sortie de la Air MAG, on a compris que les gens n’allaient pas beaucoup les porter. Alors que nous, on avait à cœur de trouver un système viable d’auto-laçage. »
– Tiffany Beers, à Complex

C’est en 2006 que Tinker Hatfield se décide à concrétiser la Nike MAG. Le projet est alors confié à Tiffany Beers, directrice du pôle innovation de la multinationale américaine, qui aboutit sur un premier prototype fonctionnel après un an et demi d’essais. Et si la demande du public est bien focalisée sur la paire aperçue dans Retour vers le Futur 2, c’est surtout la HyperAdapt qui concentre l’attention des cerveaux de Nike. « Après la sortie de la Air Mag de 2011, on a compris que les gens n’allaient pas beaucoup les porter – c’était un objet de collection. Alors que nous, on avait à cœur de travailler sur la performance et de trouver un système viable d’auto-laçage. On connaît beaucoup d’amis qui ont des problèmes pour lacer leurs chaussures ; ça représente certes une grosse avancée au niveau de la performance, mais ça répond également à un besoin », justifie Beers dans une interview accordée à Complex.

Basée sur la Jordan XX8 et sa semelle creuse, la HyperAdapt 1.0 est ainsi dotée de capteurs qui détectent le pied et activent le mécanisme qui serre les lacets. Celui-ci embarque également une batterie dont la durée de vie pourrait aller jusqu’à deux semaines. « Le plus difficile, ça a été de s’assurer du confort quand tu enfiles la paire, parce que le mécanisme est très puissant. Tu peux tirer tes lacets plus fort que tu ne le ferais avec tes doigts, et c’était dur de faire en sorte que ce soit équilibré quand les lacets se serrent ensemble. À l’arrivée, les lacets bougent différemment parce qu’ils s’adaptent au volume de ton pied », poursuit l’ingénieure, toujours auprès de Complex. 

Interrogée par le New York Times en juillet 2017, Tiffany Beers disait alors vouloir concevoir des modèles d’HyperAdapt plus abordables, notamment pour les femmes enceintes, qui rencontrent parfois les pires difficultés du monde à lacer leurs chaussures. Si elle ne devrait pas être en mesure de poursuivre d’elle-même son projet – la demoiselle ayant depuis été débauchée de Nike par Tesla – nul doute que les prochains mouvements de la maison à la virgule devraient aller dans ce sens. Après tout, le futur, c’est maintenant.

Il y a quelques jours commençait la tournée de Ghali, figure majeure – la plus pop – du rap d’Italie. En première partie, un jeune artiste de son label Sto Records rappe des chansons que le public connaît déjà par cœur. Capo Plaza n’a en effet rien à envier à son patron, ni en termes de vues YouTube – qui se comptent en dizaine de millions – ni en termes de records Spotify. Il n’a que 20 ans mais son premier album sorti pour son anniversaire en avril 2018 fait déjà résonner les angoisses de ceux qui sont hantés par la peur de vieillir trop vite.

Il est devenu presque insignifiant de rappeler le jeune âge des artistes aujourd’hui, tant cette génération de post-adolescents a déjà prouvé l’intensité et la pertinence de leurs courtes expériences de vie. Dans cette industrie qui tourne à vitesse éclair, la jeunesse n’est plus un argument de concurrence. Capo Plaza lui, n’a qu’une chose en tête : la protéger à tout prix. Né en 1998, le rappeur a dégainé cette année un premier album qu’on pourrait déjà ironiquement qualifier d’album de la maturité.

Le 20 avril, le jour de ses 20 ans, le rappeur ouvre son album avec un morceau éponyme (« 20 ») en clamant « Avant tout, je ne suis qu’un enfant, je viens d’avoir 20 ans. » Il met ainsi un holà clair à l’industrie, aux journalistes et aux potentiels jaloux : hors de question que ceux-ci fassent passer son temps plus vite qu’il ne devrait passer. Hors de question aussi de lui rappeler que sa jeunesse est éphémère. Le jeune rappeur revendique deux fois plus, comme une provocation, l’idée d’insouciance avec un triptyque de sujets assez classique : fumer des joints, explorer son monde et faire son chemin sans écouter personne.

Biberonné à la trap US, l’artiste commence à écrire à 13 ans, avec la sincère conscience de ne pas avoir encore beaucoup de substance, mais assez d’émotions pour exploser. Trois ans plus tard en 2014, il écrit encore, il trap même, saisi par la frénésie de son temps. Car au même moment, les nouvelles têtes qui composent aujourd’hui la nouvelle scène rap italienne semble arriver avec grand fracas. Le jeune Luca d’Orso – de son vrai nom – envoie à ce moment ses sons à qui veut bien les entendre. Sfera Ebbasta, un des talents les plus avancés dans cette course, sent le truc. Une semaine plus tard, Luca et Sfera sont à Milan et enregistrent. « C’est mon fils » : c’est ainsi que Sfera Ebbasta le présentera sur ses réseaux. De là naît une amitié qu’ils qualifient tous deux de fraternelle. L’entrée dans la cour des grands est incontestablement royale.

Sto Records, label des histoires

Depuis cette rencontre, la détermination du rappeur est plus que jamais infaillible. Il ne veut rien entendre ni du temps qui passe, ni de la difficulté du milieu. Tous ses morceaux abordent le fait d’avoir un objectif et de tout faire pour l’atteindre sans aucune excuse. Rien ne semble pouvoir faire obstacle à cette philosophie. Il n’aura pas fallu attendre longtemps alors pour le voir signer chez un label significatif. Le 11 décembre 2016, Capo Plaza annonce son arrivée chez Sto Records, fondé par Ghali. Si on aurait pu s’attendre à une signature chez BHMG (le label de Sfera Ebbasta) au vu du coup de pouce de lancement de carrière, l’identité du rappeur reflète l’image de son label.

Comme Ghali, Luca a dû quitter sa ville natale pour trouver à Milan ce qu’il manque à l’aboutissement de ses rêves : l’effervescence et la structure.

À l’instar de Ghali, Capo Plaza cultive une image sensible et moins clinquante que Sfera et son Billion Headz Money Gang. Capo Plaza distille dans cet album des références à son intimité qui laissent entrevoir une vraie profondeur. Brute, la sensibilité du jeune rappeur est perceptible dans ses textes à l’apparence simple mais au méta universel. Sto Records semble être le label des histoires similaires, de jeunes plein de rêves qui partent dans la grande ville de Milan pour conquérir le monde, non sans pincement au cœur. Comme pour Ghali, Luca a dû quitter sa ville natale, Salerne, pour trouver à Milan ce qu’il manque à l’aboutissement de ses rêves : l’effervescence et la structure.« On est plein à trainer en bas des immeubles et à passer notre vie à fumer parce il n’y a juste rien d’autre à faire dans nos petites villes […] À Salerne, on ne m’aurait jamais pris au sérieux. »

Les gens du label Sto Records témoignent de cette histoire de la jeunesse qui refuse de sacrifier ce qui la constitue au profit d’une norme ou d’une supposée condition pour le succès, qui ose prendre le large pour que plein d’autres n’aient pas à le faire, qui refusent les fatalités. « Salerne a ralenti mon processus », affirme-t-il, lucide, en interview. Mais l’artiste en a fait une force, surtout pas une faiblesse. Sans faire de politique, par le simple fait de mettre en musIque ces histoires du présent, son rap témoigne du souhait de changement de la dynamique sociale et un bouleversement des prérogatives. Capo Plaza représente ceux qui ne se contentent plus de leurs quatre murs et qui veulent façonner leurs propres mondes, conscients que les limites ne sont finalement que structurelles.

Derrière la simplicité des lyrics se dévoile tout de même un sentiment particulier propre à l’identité du jeune salernitain : la sensation d’être unique qu’il ressentait au fond de lui déjà enfant, à l’instar des jeunes enfants précoces. Certainement cette flamme qui brûle et qu’il lui a donné assez de jus pour oser bâtir sa réussite. Il écrit « Sto giù » (« Je suis au-dessus ») à l’âge de 15 ans. Son single « Giovane Fuoriclasse » – littéralement « jeune champion » – est triple platine et compte plus de 32 millions de vues. Capo Plaza provoque avec son jeune âge et sa confiance déroutante. Comme s’il voulait se convaincre lui en premier avant de convaincre les autres, tout en sachant que ce pouvoir il l’a déjà entre les mains.

Passée cette étape des sons égotrip balancés au compte-gouttes et validés par le succès public, Capo Plaza était enfin en mesure de proposer un album entier dans lequel il pouvait livrer plus du Luca sensible et moins du Capo Plaza qui ne parle que de son talent. Comme si les morceaux qui précédaient l’album avaient suffi à poser les arguments de sa victoire. Dans cette position où il n’avait plus rien à prouver à personne, il pouvait désormais balayer d’un revers de main tous les gens, et par extension la société, qui de façon circonstancielle, ne lui auraient jamais donné l’opportunité d’aller aussi loin.

Insoumis 2.0

Il se souvient dans cet album, le temps où il rêvait avec seulement 2 euros en poche. Capo Plaza rappe sincère, évoque des moments douloureux comme son déclic après avoir vu sa mère pleurer en face des juges venus pour lui et bêtises. Quatre mois difficiles s’en suivirent, à introspecter, jusqu’à ce qu’il traverse une prise de conscience violente de frustration. Le Salernitain avoue aussi être passé par une longue période de douloureux vide, avant que le rap ne le sauve. Il évoque l’école comme une prison. Des émotions à vif qui refont surface au moment où l’écriture devenait une contrainte.

La signature en label a fait que la création de l’album devenait en effet concrète. Très dur de s’y mettre alors, rempli de ces bouillonnements au fond du cœur. Ce n’est qu’une semaine avant le rendu officiel du projet que la plume se débloque. Rien avant, comme si la spontanéité de Capo Plaza avait été brimée dans ce processus industriel. Comme si la remontée de ses souvenirs était trop douloureuse. L’artiste confie en interview n’avoir jamais autant pleuré que lors de l’écriture de cet album. Il se souvient avoir fondu en larmes sur sa ligne « Je me souviens de ces palais, Salerne est tout » sur « 20 ». Autre morceau intime  et aussi inattendu, « Forte e chiaro » qui évoque ses longues nuits d’éveil, angoissé et mélancolique. On retrouve aussi un featuring avec Ghali, « Ne è valsa la pena », et un featuring avec Sfera Ebbasta, « Tesla », l’œil rivé vers le futur. L’album a été numéro 1 des charts en Italie et les singles qui en sortent continuent de plafonner au sommet en suscitant la grande attente.

Il affirme haut et fort : « Je ne sais pas ce qui m’attend à l’avenir, mais je sais que je ne serai pas juste de passage. Ce n’est pas de la chance, c’est de la détermination. » Capo Plaza continue de foncer. Celui qui s’affiche dans une Maserati aux côtés de Ninho dans le clip de « Fendi » semble doucement trouver l’équilibre entre humilité, affirmation de soi et lucidité. Il ne sait rien de l’avenir à part que le prochain album sera surprise, autant dans la date de sortie que dans le contenu. Porté à la fois par les plus grands de la scène italienne et par sa témérité, Capo Plaza n’a pas fini d’écrire son histoire à la première personne, hors des narrations sociologiques habituelle.

Avant que les rappeurs ne deviennent les nouvelles popstars à qui on ne peut plus tout pardonner, il était une époque sombre et ancestrale où le hip-hop se dessinait encore comme une contre-culture où tout était permis. Ol’Dirty Bastard, connu pour être un malade mental de son vivant, était l’un des empereurs de ce royaume sans foi ni loi. Pauvre Mariah Carey.

« C’est du Hip-Hop mec, on s’en fout on fait ce qu’on veut. » Il fut un temps où cette excuse semblait légitimer n’importe quel écart ou excès de conduite venus des néo-punks des nineties. L’important était de flex, de finesse, comme disent les djeuns. Ça, ODB du Wu-Tang l’avait très, très bien compris. En témoigne l’anecdote délirante de la conception du featuring-clip entre le rappeur et Mariah Carey, raconté par Cory Rooney, proche et producteur de la star internationale, et déterrée il y a peu par Andrew Barber – fondateur du site Fake Shore Drive – sur son compte Twitter. On vous a fait le plaisir de traduire l’ensemble, histoire de mâcher le travail pour ceux qui seraient passé à côté. Prenez exemple les jeunes, c’est comme ça qu’on faisait à l’époque des jeans trop larges tombant sur les Timbs.

« J’ai contacté ODB et il voulait 15,000$ pour rapper sur le morceau. À l’époque, c’était beaucoup d’argent, mais pas pour Mariah Carey – donc, aucun problème. Il est venu, trois heures en retard, vers 22h30. Quand il est rentré dans la pièce, il avait bu et était au téléphone avec une femme. Furieux, il lui criait qu’il allait la tuer et la tabasser… puis il lui chuchotait « Je t’aime ». Et il criait encore. Ça a duré une heure.

Il raccrocha enfin et nous dit : « Yo, je suis désolé, cette pute me rend fou. J’ai besoin de Moët et de Newports avant de faire le morceau. » Je lui ai répondu, « Il est minuit et demi frère, je ne vois pas du tout où est-ce qu’on peut aller choper du Moët. » Il a commencé à hurler sur les assistants, les appelant des démons blancs : « Vous les démons blancs, vous ne voulez jamais que les noirs aient le moindre truc. » Ils partent dehors pendant une heure, et la seule chose qu’ils trouvent c’est des Heineken. Il était tellement dégoûté qu’il a lancé une canette sur le sol.

À ce moment-là Mariah appelait toutes les heures, elle voulait écouter quelque chose au bout du téléphone. Tommy était énervé parce que Mariah le retenait, donc finalement il appela ODB au téléphone – après ça, on a enfin commencé le morceau. Il a dit une phrase – « Me and Mariah, go back like babies with pacifiers » – puis s’est stoppé, a dit « Yo, faut que je prenne une pause », et est parti dormir pendant 45 minutes. Il s’est réveillé et nous a demandé « Yo, faites moi entendre ce que j’ai fait pour l’instant. »

On a joué la seule phrase qu’on avait, il a chanté une autre rime ou deux, et a dormi une autre heure. En fait, il venait avec une rime, l’enregistrait, et allait dormir. Il est parti se coucher trois fois en essayant de terminer son unique couplet. Si vous écoutez le morceau maintenant, pendant son couplet, vous pouvez entendre que c’est rappé en plusieurs bouts. Il a quand même dit à l’ingé son : « Vous avez intérêt à faire ça bien et enregistrer ça correctement, parce que je le ferai pas deux fois. »

Je suis resté au studio jusqu’à ce qu’on finisse le morceau. Donc je dormais là-bas quand Tommy et Mariah m’ont appelé pour me dire qu’ils adoraient le son. Mais Tommy avait une autre idée : ramenons ODB au studio, et au lieu de se contenter de : « New-York in the house », il fera la même chose pour chaque ville. Je lui ai dis : « Tu te fous de ma gueule ? » Bien sûr, ODB voulait de nouveau 15,000$. Il est revenu au studio, un peu plus cool mais mort de fatigue. Il est assis là, retirant des restes de nourriture de ses dents – il a sorti un bout tellement gros de sa bouche, c’était effrayant. Je lui ai demandé : « Combien de temps t’as marché avec ça dans ta bouche ? » C’était incroyable.

Il me dit : « Je n’ai aucun habit, comment je peux faire un clip si j’ai rien à porter ? » J’ai commencé à lui crier dessus.

Puis il s’est endormi sur le canapé, en retirant une de ses chaussures. Son pied puait tellement… on a dû le laisser dormir et quitter le studio. Finalement, on a eu toutes les parties désirées et c’était fini, enfin, je pensais que l’histoire était terminée.

Une semaine plus tard, il était temps de réaliser le clip. On l’a contacté, et il voulait encore 15,000$. Pas de problème. J’ai donc envoyé une voiture chez lui et il a bu tout ce qu’il y avait dans la limousine avant d’arriver à Rye Playland (à New-York), puis il est rentré dans sa caravane. Je lui ai demandé : « Est-ce que tu as besoin du styliste pour qu’il achète des vêtements pour toi ? » Il m’a répondu « Nah, là c’est du Hip-Hop – je porte juste une paire de jeans et des Timbs. » Ce même jour, il était dans sa caravane, à demi conscient, je lui ai dit : “On se prépare à faire une scène.” Il me dit : « Je n’ai aucun habit, comment je peux faire un clip si j’ai rien à porter ? » J’ai commencé à lui crier dessus.

Tommy nous dit d’aller faire les magasins avec sa carte de crédit d’entreprise. ODB a disparu pendant une minute, et on l’a trouvé dans un shop en train d’essayer d’acheter un sac Louis Vuitton. Il a dit « Je vais l’utiliser pour faire une scène. » Il est revenu sur le tournage avec plein de sacs remplis de fringues Tommy Hilfiger et Timberlands.

C’était enfin le moment pour lui de faire sa scène, et je vous promets, il a mis une paire de jeans et des Timbs, avant de dire « Je ne vais pas porter une chemise, je n’ai pas besoin de vêtements. » Je voulais lui tirer dessus. Il dit : « J’ai une idée – i want to tie up the clown » Le pire, c’est que Mariah l’avait chauffé avec des Schnapps à la pêche. Elle avait l’habitude de tout le temps en boire. Il en a bu genre deux bouteilles. Donc entre la chaleur et lui qui buvait deux bouteilles, cette journée était un désastre. Le clip a été un miracle, un réel miracle. »

Peut-être que vous n’avez toujours pas compris ce que « tu dead ça » signifie, pareil pour « en catchana », ou que vous n’avez aucune idée de ce qu’est un « hit sale » et que l’année dernière, vous aviez fait semblant de comprendre ce que Niska entendait par « pouloulou ». En 2018 plus que jamais, le vocabulaire est devenu l’instrument star des tubes : on vous explique pourquoi.

Photo de couverture : @lebougmelo

Une seule question sur les lèvres des fans de musique en 2018 :

Un des plus gros tubes de 2018, « Djadja » d’Aya Nakamura ne contient que peu de mots, comme la majorité des chansons à succès. Mais le choix de ceux-ci est crucial. Par exemple, sur la fin du refrain s’enchaînent sans complexe « En catchana baby tu dead ça »  –  des mots qui, à première vue, ne veulent absolument rien dire.

Dans un pays à la tradition littéraire, on ne peut pas se permettre de laisser passer des syllabes qui pourraient ne pas avoir de sens. L’enquête est lancée comme dans les heures les plus sombres des années de terminale L. Mais qu’à vraiment voulu dire l’auteure ?

aya-nakamura-en-catchana

Pas mal pour une artiste aux « textes dénués de toute trace d’intellect » : ce ne sont pas sa musique, son style ou son clip qui attirent ici la conversation, mais le sens de ses expressions. Il a donc fallu que la jeune star aille jusqu’à expliquer ce que être dans son comportement veut dire, au pays du shebaw pow blop wiz, du darla dirladada et du tsoin tsoin. Après tout, le genre de musique dans lequel ce tube s’inscrit (les playlists Deezer et Spotify l’appellent « pop urbaine »), atteint grâce à son succès phénoménal une frange de population qui n’a pas l’habitude d’entendre ce genre de musique  –  celle qui peut être la cible de publications du style « Quelles sont les nouvelles expressions préférées de nos ados ? ».

Si ne pas saisir le sens de « en catchana » vous trouble, ne vous aventurez pas à écouter l’album NAKAMURA, où il est question « d’adoucir des bails », les garçons et les filles sont devenus les « bougs » et les « gos », l’expression américaine « pump it up » est devenu un véritable adjectif à part entière (être « pompélup »). Dans le refrain de la chanson « Pookie », on entend « Bla bla bla, d’la pookie/Ferme la porte, t’as la pookie dans l’side » (peut-être).

Découvrir la signification libère du poids du mystère. On sait un peu mieux si on a le droit d’aimer si on sait ce que ça veut dire. Déjà l’année dernière, certains auditeurs étaient totalement désabusés face aux syllabes qui avaient permis à Niska d’atteindre le sommet des charts : « skrrrrrrt-pou-lou-lou ».

 

« Ça veut dire quoi pouloulou? C’est du français pouloulou?  » sacrés @B_Castaldi et @jmmaireofficiel 😂 LE MEILLEUR DES 4/3, ce soir à 21h ! pic.twitter.com/YFq9CFfMdk

— C8 (@C8TV) 16 novembre 2017

Un des arguments préférés des personnes qui croient que la musique était meilleure dans le passé est que les chansons étaient mieux écrites avant. Si vous pensez vraiment que votre nièce de 7 ans est capable aujourd’hui d’écrire « Comment il s’appelle ? Kanté/N’Golo, N’Golo Kanté », trouvez un moyen de lui faire signer un contrat tout de suite. Y’a-t-il vraiment de bons et de mauvais auteurs, sinon les auteurs qui savent ou non s’adresser à leur public ? Les chansons bien écrites sont celles qui trouvent écho dans une audience qui les reçoit. Quelle est la différence entre « Oh Marie, si tu savais » et « Oh Djadja, y’a pas moyen Djadja » ? Il y a de la place pour tout le monde, pour des phrases qui ont le sens que l’auteur souhaite leur donner comme pour des espaces moins opaques où l’interprétation est plus libre et le poids de l’expression moins lourd et sérieux.

« “Djadja”… J’aurais pu dire “Oh Thierry”. »
– Aya Nakamura, chez Cauet

Qu’importe ce que « en catchana » veut vraiment dire, c’est un peu à l’auditeur de se raconter son histoire, et de finir la chanson à sa manière. Les mots sont présents pour être ré-appropriés. Et ils se distinguent parce que le choix des syllabes ajoute de l’inédit à des structures et des mélodies déjà connues. Jamais auparavant une chanson n’avait associé les sons « en-ca-tcha-na-ba-by-tu-dead-ça », tout comme avant 1986 aucun tube n’avait précédemment eu l’idée de marier « je-je-suis-li-ber-ti-ne-je-suis-une-ca-tin ». On ne peut pas espérer avoir de nouveaux tubes et de nouvelles idées si les termes et les manières restent éternellement figés dans le marbre.

« Djadja » est un modèle d’écriture pop moderne, à cheval entre quelque chose de très inclusif et de très exclusif. Le choix des mots enferme la chanson dans un cadre : celui de la jeunesse. Il y a eu d’autres chansons auparavant sur des filles qui ne veulent pas être avec un garçon insistant. Mais celle-ci est la première qui associe des concepts tels que « les bails atroces », « faut pas tchouffer », voire simplement « genre ». Les usages ont évolué : pour atteindre des auditeurs qui ne disent plus « ma mère », il faut parler leur langue et dire « daronne ». Ces paroles fonctionnent parce qu’elles transpirent 2018. Le vocabulaire est l’instrument star des tubes parce qu’il redonne à la pop sa fonction populaire.

Tout le monde n’utilise pas ces expressions, qui peuvent apparaître exotiques voire déstabilisantes. Si vous ne savez pas ce que « y’a r » veut dire, vous êtes juste hors du coup. Un bon tube urbain ressemble à un club privé : si vous entrez dedans, vous avez l’impression d’être cool et spécial. Si vous n’entrez pas, vous êtes frustrés et en colère. Dans les deux cas, le lexique permet de mener la conversation.


Avec ce tweet, Julien Pernici pense avoir « dead ça ».

Le succès par les mots nouveaux n’est pas l’apanage de la musique urbaine. Quelque part, Aya Nakamura et Eddy de Pretto se ressemblent. Tous deux empruntent à l’argot  – Aya pour rendre accessible la simplicité des histoires d’amour qu’elle partage, Eddy pour désenfler l’intensité de sa poésie. Comme dans « Djadja », Eddy de Pretto évoque qu’il n’y a « R » dans « Random ». Il « chope », envoie des « sextos », il tombe « croque-love »  –  un concept frais qui ajoute de la densité rythmiques, un peu de la même façon qu’en 1987, le #1 de Guesch Patti, « Etienne », dansait au son de « l’after beat ».

L’innovation, ce n’est pas de mettre un tas d’instruments étranges et des arrangements spectaculaires. L’innovation, c’est un piano-voix qui dit « wesh ».

Dans les tubes des décennies précédentes, qu’il s’agisse de la variété la plus terre à terre telle que Gérald de Palmas, ou la pop plus estivale comme Colonel Reyel, le choix des phrases se voulait généralement relativement soutenu, moins audacieux et moins argotique, sans doute pour ne pas risquer de ne pas atteindre la radio ou la télévision. Aujourd’hui, c’est plutôt l’argot qui fait vendre. On peut reprocher aux plus jeunes de moins lire, mais pas de ne pas écrire : chaque caption Instagram, chaque tweet ou chaque snap est une manière de s’exprimer. Il faut que la musique ressemble à ceux qui utilisent les phrases, ou qu’elle puisse être ré-appropriée par eux. Les mots n’ont pas besoin d’être jolis : ils ont besoin d’être authentiques.

Une manière de communiquer que la chanson française pop plus traditionnelle est fière d’emprunter. Le poids du rap est énorme dans le marché actuel. Les plateformes de streaming sont majoritairement prises d’assaut par des auditeurs qui aiment le rap. Alors, pour les atteindre, la musique de variété à parfois essayé de la copier : on entend des roulements de snare façon Lex Luger dans des titres de Patrick Bruel, des pads façon PNL chez Benjamin Biolay. Finalement, la formule idéale n’est pas dans la ré-instrumentalisation d’une musique qui ne ressemble pas aux codes qu’elle désespère de copier. Elle est dans le choix des mots. Le succès de Thérapie Taxi serait-il le même si le groupe n’était pas marketé via un angle qui les rapproche du rap ?

Leur plus grand succès, « Hit Sale », a tous les éléments musicaux classiques d’une chanson pop/rock : la manière de chanter, la texture des voix, le rythme ou le son des guitares  – rien ne pourrait laisser penser qu’on a affaire à quelque chose de proche du rap. Et pourtant ! Cette chanson parle du « sale », un terme qu’on a plus l’habitude d’entendre chez Damso ou Niska. Les copines sont « bonnes », on y est « high » comme dans une chanson de Wiz Khalifa, on y invite un rappeur, qui n’est pas venu rapper, mais chantonner en parlant de son « seum ». Sans faire de véritable crossover ou compromis musical, Thérapie Taxi parvient à s’approcher du rap grâce à sa manière de s’exprimer. La suite logique d’une longue période de reprises folk vaguement ironiques du type Brigitte qui faisait sonner les mots de NTM (« J’veux juste que tu puisses me kiffer jusqu’à l’aube ») sur des sons de guitare très traditionnels.

L’innovation, ce n’est pas de mettre un tas d’instruments étranges et des arrangements spectaculaires. L’innovation, c’est un piano-voix qui dit « wesh ».

« N’aies pas le seum/Fais-moi la bise »

Un procédé assez similaire permet à la chanteuse Angèle de bénéficier de l’intérêt de la scène rap malgré une musique plutôt traditionnellement pop. Sur le premier single qui a fait d’elle une sensation, la charmante petite tête blonde surprend d’emblée. Sa première phrase ? « Puis là c’est trop parti en couilles ». Un choix qui lui permet d’être automatiquement attachante et authentique, une prouesse difficile à atteindre pour une musique populaire qui est souvent le fruit d’un grand travail de maisons de disques qui n’inspire pas toujours la confiance de l’auditeur. Quelques désinvoltures suffisent à donner la sensation qu’on a affaire à quelqu’un de sincère et spontané, qui parle comme nous. Les usages ont évolué : pour atteindre des auditeurs qui ne disent plus « je suis de mauvaise humeur », il faut parler leur langue et dire « j’suis dans un mauvais mood ».

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C’est sans doute grâce au choix du jargon qu’en retour, un groupe comme Trois Cafés Gourmand bénéficie d’un énorme succès. Là où cette frange de jeune pop s’encanaille pour ne pas se laisser manger toutes ses parts de marché par le rap et cherche à avoir l’air aussi vrai qu’une photo Instagram #NoFilter, la musique franchouillarde plus traditionnelle cherche à revenir vers sa propre authenticité. Avec « À nos souvenirs », le groupe du Sud-Ouest réalise aussi son petit tube inclusif. Ce morceau au conservatisme et à la nostalgie assumée ne fait dépasser aucun mot, n’en invente aucun, et conjugue à la perfection : « père » rime avec « terre », le champ lexical permet clairement de situer l’ambiance du titre (« musette », « un petit coup de gnole », « sers nous un verre »).

Est-ce une chanson mieux écrite que « Djadja » ou « Ramenez la coupe à la maison » parce qu’elle utilise des phrases plus longues ou des mots plus traditionnels ? Dans un cas comme dans l’autre, dans un pays à l’histoire littéraire aussi fournie, il faut vraiment avoir du temps à perdre pour croire qu’il y a autre chose à trouver que du beau divertissement de qualité dans l’écriture des chansons populaires.

Le vocabulaire est un instrument extrêmement fédérateur, particulièrement aujourd’hui. Il est un délimiteur qui indique des codes spécifiques : en fonction du choix de vos mots, on peut savoir si vous êtes plutôt en phase avec la communauté LGBTQ+, si vous adorez tel YouTubeur, si vous avez voté à droite, si vous allez souvent à la Mosquée, etc. Dans la musique urbaine, il permet constamment depuis la naissance du genre de dépoussiérer l’archaïque langue française, en proposant des néologismes, des ré-appropriations de l’anglais, de l’espagnol, de l’arabe, de l’italien, de nombreux dialectes africains. Il ne s’agit pas pour la jeunesse de simplement s’enamourer de nouvelles expressions, mais aussi de constamment trouver des moyens de se démarquer, de s’isoler, de délimiter un marqueur entre groupes d’âges. Les usages évoluent, le champ lexical s’élargit, tant mieux non ?

Il y a eu des « pouloulou » et des « djadja », il y aura peut-être des « shblili » ou des « zbadidou », cessons de juger les mots de demain. Un jour, nous serons comme peut-être comme le légendaire chanteur Hervé Vilard, 72 ans, et nous devrons nous ré-approprier les usages des plus jeunes pour, quand même, rester un peu à la page. Faites belek.

Columbine, la preuve par deux. Il y a un mois, nous rencontrions Foda C et Lujipeka et cherchions à comprendre davantage le duo rennais si prolifique, et si plébiscité. Leur dernier album, Adieu bientôt, écoulé à 19 000 exemplaires en première semaine, devrait être certifié disque d’or sous peu – si ce n’est pas déjà le cas. Une preuve supplémentaire du foudroyant succès de Columbine, qui ne cesse d’impressionner depuis sa mue en un phénomène bien plus intelligible qu’à ses débuts. Les 23 et 24 octobre dernier, les deux rappeurs ont fait encore pus fort en remplissant deux Olympia en deux jours ; une prouesse rare qu’ils nous ont demandé d’immortaliser pour eux, depuis les coulisses.

L’été était plus que chaud, l’hiver sera plus que cool. Le YARD Winter Club est de retour : cinq villes de France, une douzaine d’événements, et une volonté de faire, plus que jamais, les choses en grand. Entre le 10 novembre 2018 et le 24 mars 2019, on vous invite à participer à cette grande fête.

Couvrez-vous, l’hiver risque d’être icey. Et tout commence bien évidemment à Paris. Après avoir sué tout l’été, YARD se pare de ses plus beaux apparats d’hiver pour reprendre possession de La Machine du Moulin Rouge le temps de cinq dates épiques. L’heure du #YARDWinterClub a définitivement sonné : samedi 10 novembre, on met les petits plats dans les grands pour lancer la saison hivernale comme il se doit.

Au programme, toujours l’assurance du son YARD jusqu’au petit matin avec la crème de la crème des DJ frosty de la capitale. Et tous les soirs, un ou plusieurs guest(s) surprise(s) pour finir de vous achever. The icing on the cake.

En un an, 13 Block, Alkpote, Buddy, Dinos, F430, Hamza, Kalash, Kekra, Kidd Keo, Koba LaD, Maes, Moha La Squale, Rowjay, Saint JHN, SCH, Sfera Ebbasta et Zola ont répondu à nos invitations. On vous invite à retrouver les vidéos des lives sur notre chaîne YouTube. Qui sera au programme cet hiver ?

Le calendrier complet :

10 novembre – Paris (Machine du Moulin Rouge) ft. Surprise Guest
17 novembre – Rennes (1988 Live Club) ft. Koba LaD
22 novembre – Bordeaux (Iboat)
23 novembre – Secret Event
30 novembre – Secret Event
22 décembre – Paris (Machine du Moulin Rouge) ft. Surprise Guest
18 janvier – Paris (Machine du Moulin Rouge) ft. Surprise Guest
02 février – Lyon (Le Diskret) ft. Guest TBA
08 février – Paris (Machine du Moulin Rouge) ft. Surprise Guest
16 février – Lille (Magazine Club)
02 mars – Paris (Machine du Moulin Rouge) ft. Surprise Guest
24 mars – YARD Live ft. Slowthai – Paris (Trabendo)

Affecté par le décès de Mac Miller, ScHoolboy Q a annoncé qu’il ne sortirait pas d’album en 2018. Quatre ans après notre première rencontre, nous avons croisé le rappeur lors de son passage à House of Vans à Londres, pour aborder avec lui la problématique de la santé mentale dans le monde de la musique. Il nous livre une autre perspective – peu réjouissante – de ce que peut aussi être la vie d’artiste. 

Photos : @lebougmelo

ScHoolboy Q avait pris l’habitude de donner rendez-vous à ses fans tous les deux ans. Alors après Habits & Contradiction en 2012, Oxymoron en 2014 et Blank Face LP en 2016, il semblait naturel d’attendre de sa part un nouvel album en 2018. Mais même la mécanique la mieux rodée peut s’enrayer face aux imprévus de la vie. Et à l’heure où nous parlons, ScHoolboy Q n’a pas la tête à publier de nouvelles musiques, dévasté par la perte récente de son ami Mac Miller. Un décès qui a remis un énième coup de projecteur sur la question de la santé mentale des artistes. Celle du gaillard de TDE n’a pas toujours été au mieux, ScHoolboy Q ayant déjà sérieusement songé à arrêter peu après la sortie – et le succès – d’Oxymoron. Alors quand dix petites minutes nous ont été imparties pour l’interroger, en amont de son live à la House of Vans de Londres, nous avons souhaité évoqué avec lui un sujet qui importe. Plus que jamais.

Tu as toi-même reconnu avoir eu des difficultés à gérer la pression inhérente à la vie d’artiste. Comment cette pression se manifeste t-elle exactement ?

Je ne saurais pas vraiment dire. Certaines choses te tombent dessus un peu par hasard, sans que tu puisses réellement les expliquer. Juste, elle te tombent dessus. Pour ce nouvel album, par exemple, j’ai eu besoin de me reconstruire mentalement et physiquement. Des fois, tu grandis juste différemment, tu traverses certaines épreuves qui te tombent dessus sans trop que tu saches pourquoi et tu dois y faire face. Je ne saurais pas non plus te dire comment je suis devenu un rappeur, c’est juste qu’à un moment donné j’ai commencé à écrire.

Qu’est-ce qui t’as finalement donné la force de poursuivre ?

Je ne sais pas, sûrement la passion. La passion, c’est ce qui fait que tu ne t’arrêtes pas. À partir du moment où tu es passionné par quelque chose, tu n’abandonnes jamais. Tu vois ces gars sur un terrain de football qui ne rentrent jamais en jeu, qui sont comme bloqués à un certain palier, mais qui répètent sans cesse leurs gammes pour y arriver ? C’est la passion. À partir du moment où ils ne ressentent plus la passion, ils sont finis. Pour ma part, je suis passionné, donc je n’abandonne jamais. C’est quelque chose d’inconcevable pour moi, je ne sais même pas ce que c’est que d’abandonner. J’ai déjà essayé d’arrêter par le passé, mais ça ne fonctionnait pas. J’ai essayé d’arrêter le rap et ça a duré à peine deux jours. C’est juste impossible pour moi.

Que dirais-tu aux gens qui estiment que les artistes « ne sont pas à plaindre » ?

Ces gens sont stupides. Nous sommes des êtres humains comme tout le monde. On pleure, on rit, et on meurt généralement beaucoup plus jeunes que la moyenne. Puis on se met en péril juste pour que les autres puissent se sentir mieux. Beaucoup de choses que les gens font dans leur intimité sont des choses que nous faisons au grand jour, pour justement qu’il se sentent plus à l’aise au moment de les faire. Nous sommes aussi des soigneurs. Il arrive que des gens écoutent notre musique, certaines de nos paroles, et qu’ils décident de ne pas se suicider. On fait toujours en sorte de se préoccuper des autres, alors que personne n’est jamais là pour nous. Voilà la vérité en ce qui concerne les artistes.

Il suffit d’une fois où un artiste refuse de faire une photo avec un fan… As-tu seulement idée du nombre de personnes qui viennent lui demander une photo, alors qu’il est déjà triste et déprimé ? Je refuse rarement de faire des photos, mais c’est déjà arrivé que je ne sois pas forcément dans le bon mood et que je dise juste « Non ». Puis je vais sur Twitter et je vois « Connard » par ci, « Connard » par là… Mec, ça doit être seulement la deuxième fois de ma vie que je refuse une photo !

Les gens se font souvent des idées et finissent par penser que tu leur dois quelque chose alors que tu es déjà en train de leur donner ta vie. Je me mets déjà dans une position de vulnérabilité vis-à-vis de vous en vous déballant toutes mes peurs et mes doutes, tandis que les connards que vous êtes restez juste là, assis derrière votre clavier d’ordinateur, à dire tout ce qui vous passe par la tête sur nous. On prend déjà la peine de se mettre en première ligne, alors penser qu’on devrait juste « s’estimer heureux » est stupide. Jamais de la vie. On mérite le moindre dollar qui rentre dans nos poches.

« Les gens finissent par penser que tu leur dois quelque chose alors que tu es déjà en train de leur donner ta vie. »
– ScHoolboy Q

Quel conseils donnerais-tu à un jeune artiste qui pourrait traverser les mêmes épreuves ?

La dépression, c’est quelque chose que tout le monde traverse. Certaines personnes sont assez fortes pour que ça leur passe, et d’autres non. C’est difficile. J’ai déjà connu des phases de dépression, énormément même, mais j’ai réussi à m’en sortir parce que je suis fort. N’importe qui sait ce qu’est la dépression. Pour te dire : ma fille a neuf ans et je sais qu’un jour, elle connaîtra la dépression. Et c’est mon job, en tant que père, de la préparer à ce genre de choses. Parce que l’école ne te prépare pas à ça. Alors il est primordial de préparer ses gosses à certaines choses que chacun est amené à vivre.

Personne n’est à l’abri d’être pauvre, personne n’est à l’abri d’être dépressif. Même la personne la plus riche peut finir par être pauvre à un moment donné. Dis-toi que même Robin Williams s’est donné la mort. Le mec était super riche, et il a tout perdu en un clin d’oeil. Voilà pourquoi il faut toujours être entourés de personnes qui te veulent du bien. Plus tu restes proches d’eux, plus tu les autorises à rester auprès de toi, plus ils t’aideront à faire le vide dans ton esprit.

Il faut s’entourer de gens qui vont te sortir de cette dépression. Des gens qui vont de faire rire, qui vont te charier… C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important de savoir encaisser, parce que la dépression affecte moins ceux qui ont la peau dure. Tout ce que j’ai à faire en tant que père, c’est m’assurer qu’elle aussi ait la peau dure. Je ne lui dis pas qu’elle est belle tous les jours, je ne lui dit pas que tout ce qu’elle fait est génial même quand ce n’est pas le cas. Je n’ai pas peur de lui dire de temps en temps : « Non, ça c’est affreux ! » Il le faut.

Que peut-on attendre de ton prochain album ?

Je ne veux pas trop en dire. Parce qu’avec les réseaux sociaux et tout, les gens ont toujours tout sous la main. Ils peuvent savoir quand je me réveille, ils peuvent savoir quand je me couche. Si je sors un album, avant même d’écouter, l’album est déjà entièrement décodé. Ce n’est pas comme ça que la musique devrait être. La musique, ça devrait être : je sors mon album, vous l’écoutez et chacun en fait sa propre interprétation. Parfois il y aura un consensus sur le disque, et tout le monde en aura compris la même chose, puis parfois non.

Moi-même, je ne suis pas en mesure de t’expliquer un album tout entier. Souvent, il s’agit juste de pensées qui te viennent à l’esprit et que tu te mets à écrire. Alors certes, il y a tout un concept, mais ça n’en reste pas moins des pensées plus ou moins aléatoire. Donc m’asseoir ici pour vous dire ce que sera mon prochain album, ce serait me desservir, parce que ça ne correspond pas à ce que je fais en tant qu’artiste. Ce n’est pas l’approche que j’ai de la musique.

Tout ce que je peux dire, c’est que mes albums ne sonnent jamais pareil. Que ce soit Setbacks, Habits & Contradictions, Oxymoron ou Blank Face LP, aucun ne sonne comme le précédent. Donc je peux vous garantir que le prochain ne sonnera pas comme quelque chose que vous avez déjà entendu. Je n’ai jamais fait le même album deux fois. Jamais.

Avec « Habitué », Dosseh s’est surpris à signer le premier véritable tube de sa carrière. Il le doit en partie à Josh Rosinet, un petit virtuose du piano pour qui tout a commencé depuis un peu plus d’un an. Portrait. 

Photos : @samirlebabtou

Depuis quelques années, il y a comme un « paradoxe Dosseh ». La plupart des auditeurs rap s’accordent à lui reconnaître un bagage lyrical et technique au-dessus de la moyenne, sa musique n’a pas le parfum d’obsolescence qui empeste les dernières sorties d’un Rohff, par exemple, mais en apparence, rien de tout cela ne semble suffire. De part et d’autres, on entend qu’il lui manque un « truc », un « je-ne-sais-quoi », une donnée non-identifiée qui agit pourtant comme un plafond de verre lui bloquant l’accès au succès mainstream. Et si Perestroïka et Yuri, ses deux principaux projets sortis en major, ont amorcé puis affirmé la progression cohérente de l’Orléanais, la considération que le public lui porte semblait quant à elle stagner. Puis « Habitué » est sorti, comme si de rien n’était, et s’est accaparé trois semaines durant la première place du Top Singles en France.

Peu nombreux sont ceux qui auraient pu imaginer que Dosseh finisse par signer un véritable hit grand public en 2018, à ce stade de sa carrière. Encore moins avec un piano-voix, à l’heure où les succès du rap sortent rarement des carcans cloud, trap ou afro. L’intéressé lui-même a dû être surpris, puisque « Habitué » n’a pas été pensé initialement comme un premier single, et ne doit sa sortie en tant que tel qu’à l’oreille de Booba, immédiatement convaincu par le potentiel du morceau. Mais on ne peut réellement apprécier la destinée ô combien hasardeuse de ce titre avant de savoir que celui qui l’a composé n’a que 19 ans, et que ses débuts dans la production remontent à peine à septembre 2017.

Car avant d’être à l’origine du single phare de VIDALO$$A, Joshua « Josh » Rosinet est un petit virtuose du piano. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ses prouesses lui aient déjà permis de s’immiscer sans crier gare dans les feeds de vos réseaux sociaux. Les premières pages de son histoire naissante s’écrivent en Martinique, où il est né. À ses heures perdues, son paternel se prend à jouer de la gratte ou de la batterie, sous les regards émerveillés du fiston, qui initie là ses premiers contact avec la musique. Mais c’est auprès d’un autre membre de la famille que ce-dernier fait à l’âge de 6 ans la découverte de l’instrument qui deviendra le sien. « J’avais un cousin qui faisait du piano, et à chaque fois que j’allais chez lui, il jouait. Donc moi aussi, j’ai eu envie de jouer. À partir de là, il a commencé à m’apprendre quelques trucs, puis mes parents m’ont inscrit pour prendre des cours. C’est là que tout a commencé », se rappelle Josh.

« J’ai contacté des amis qui sont éditeurs, et je leur ai dit “Il faut que vous signiez ce petit.” » – Le Motif, à propos de Josh Rosinet

Un apprentissage que le jeune homme poursuit après être arrivé en Métropole, au Conservatoire d’Étampes, sa ville d’adoption. La formation qu’il suit là-bas est plutôt traditionnelle, et lui permet de se familiariser avec le jazz et le classique, en plus d’approfondir ses notions techniques – qu’il nous expose volontiers sur le piano du Human Studio, où se déroule notre entretien. Mais si Josh se prend à apprécier ces genres musicaux à mesure qu’il les joue, là n’est pas son véritable amour. « Pour tout avouer, je fais du classique et du jazz au Conservatoire – et j’aime beaucoup en faire – mais j’en écoute très peu. J’écoute surtout du rap », confesse t-il sans mal. Fort heureusement, l’apprenti pianiste va vite trouver le moyen de mettre son doigté au service du registre qu’il chérit tant.

« Je voyais déjà des gens qui mettaient des vidéos où ils reprenaient des morceaux de rap au piano, à la guitare ou avec n’importe quel instrument sur YouTube. Donc je me suis dit : “Pourquoi pas moi ? Je peux faire ça aussi.” », nous raconte le musicien, qui s’est aussitôt exécuté. De « Validée » à « Taken », de « Réseaux » à « DA », c’est tout le répertoire récent du rap français qui se voit passé en revue par Josh Rosinet et son instrument, dans de courtes vidéos à destination des réseaux. « Au début, c’était juste comme ça, pour déconner, mais après j’ai commencé à identifier des artistes et j’ai eu des premiers retours de leur part. » Non content d’obtenir retweets et partages de la part des interprètes, Josh fait aussi en sorte d’attirer l’attention des producteurs des titres dont il fait la cover au piano. Et à l’époque, beaucoup portaient la griffe d’Olivier « Swaggaguru » Lesnicki, plus connu sous le nom de Le Motif.

Ce dernier se souvient avoir été identifié à plusieurs reprises sur les vidéos de Josh : « Je l’ai vu me taguer une première fois, puis une deuxième, une troisième, une quatrième… Au bout d’un moment, je me suis dit : “C’est pas possible, ce gars est trop talentueux.” Dans mon cas, à chaque fois que je vois quelqu’un qui est consistant dans son travail et qui sait où il veut aller, peu importe d’où il vient, j’ai envie d’être la personne qui peut juste l’aider, parce que je sais que ça va fonctionner tôt ou tard. C’est ce qui s’est passé avec Josh. » Une première connexion s’établit entre les deux hommes. Le Motif interroge notamment Josh sur son intérêt pour la composition. Le pianiste s’y était déjà vaguement essayé par le passé, sans aboutir sur rien de bien concret. Il transmet tout de même ses premières expérimentations sur Fruity Loops à Swaggaguru, qui les accueille avec un certain scepticisme. Sans pour autant douter du potentiel de Rosinet.

« J’ai contacté des amis qui sont éditeurs, et je leur ai dit “Il faut que vous signiez ce petit.” Mais vu qu’il n’avait pas de références, ils voulaient que je leur envoie les prods qu’il faisait. De mon côté, je ne voulais pas, mais vu qu’ils insistaient, j’ai fini par leur envoyer. Logiquement, ils ont trouvé ça claqué. Mais je me suis dit que je ne pouvait pas laisser les choses comme ça, alors j’ai décidé de le signer moi-même. J’ai créé un deal avec ma boîte d’édition qui était fait spécialement pour lui. C’est le modèle qui va me permettre de signer d’autres artistes derrière, mais de base, c’est pour Josh », raconte celui à qui l’on doit des titres comme « PMW », « Mobali » ou « Thibault Courtois ».

En septembre 2017, Le Motif convie pour la première fois Josh à participer à une session studio. Il ne lui faudra pas plus pour se persuader du bien-fondé de son jugement.

Depuis quelques années, le piano-voix semblait pourtant être à proscrire de la musique rap, rattaché à un son du passé, qui avait fait la renommée d’un Sinik en son temps, mais aujourd’hui trop mièvre et larmoyant. Sauf qu’à force d’abuser de sonorités trap bourrines, le genre a fini par saturer, tel les basses d’un Ronny J. Et selon Le Motif, le retour à la mélodie – notamment via les instruments – sonne aujourd’hui comme une évidence : « Au fil du temps, on a découvert tout plein logiciels qui nous ont permis de faire des trucs totalement inhumains. Le Dirty South – par exemple – n’aurait pas existé si on ne pouvait pas faire des snare roll que tu ne peux pas faire humainement. Mais on a fini par exploiter toutes les différentes manières d’utiliser ces logiciels, et maintenant on revient à la base : la mélodie. Donc avoir quelqu’un comme Josh, qui lui sait créer de vraies mélodies de manière très organique, non seulement ça facilite le processus mais c’est aussi carrément dans l’ère du temps. » Mais ce n’est pas là le seul atout du compositeur néophyte : « Avec un parcours comme le sien, il a non seulement appris la musique, et les subtilités des genres – en l’occurrence le jazz – mais il a surtout appris à apprendre. Si tu l’assois à côté de quelqu’un, il va apprendre de cette personne plus vite qu’un autre ne le pourrait, et de manière plus technique, plus précise. »

Le Motif, sur la place future des musiciens dans la musique actuelle : « Il y a toujours une place, mais peut-être qu’elle n’est plus exactement dans les studios. Pendant tout un temps, les gens ne cherchaient plus à faire appel à des musiciens parce que tout se faisait sur ordinateur. Maintenant qu’on cherche à revenir vers cette musique, tu peux contribuer à distance, en enregistrant des pistes que tu envoies aux producteurs. C’est ce que fait Frank Dukes aux États-Unis. Il se met derrière son piano ou derrière des vieux synthés vintage, il joue des longs morceaux de 10 minutes qu’il publie sur son site internet, et les gens les prennent pour sampler. Mais quand tu regardes ses crédits, tu te rends compte que ce ne sont pas uniquement les débutants qui viennent le sampler, il y a aussi des gars comme Metro Boomin ou Boi-1da, donc ses morceaux atterrissent chez Drake, chez Big Sean, chez The Weeknd. Voilà le genre de choses que la technologie permet. »

En septembre 2017, Le Motif convie pour la première fois Josh à participer à une session studio. Il ne lui faudra pas plus pour se persuader du bien-fondé de son jugement. « On a fait une session au Studio de la Seine, entre Josh, Heezy Lee et moi, qui servait à remplir un peu mon catalogue, et on a fait un son juste piano-voix. Mais la raison pour laquelle on a fait un piano-voix, c’est parce qu’il nous restait juste cinq minutes de studio, et qu’il fallait qu’on fasse un son très vite pour bien finir la journée. Josh a joué quelques notes au piano, Heezy a topliné, j’ai écrit un truc en quelques minutes, et on s’est rendu compte qu’en fait, le son était incroyable. Autant Heezy Lee, que Josh, que moi sommes repartis de cette session avec la conviction qu’il fallait exploiter le piano-voix. » Une idée que Swaggaguru ira souffler jusqu’à l’oreille de Dosseh, avec le succès que l’on connait.

« Je veux juste faire en sorte qu’il ne sombre pas. Pour ce qui est de la musique, c’est lui qui m’apprend plus. »
– Le Motif, à propos de Josh Rosinet.

C’est pourtant un banger que le rappeur orléanais se cherchait pour son album VIDALO$$A, jusqu’alors dépourvu de single incontournable. Au détour d’une nouvelle session studio, Olivier lui suggère de faire parler toute la verve de sa plume sur quelques accords de piano, et en profite pour lui faire écouter les travaux de Josh. Très vite convaincu, Dosseh bloque dans un premier temps la prod de « À chaque jour… » avant de convier Heezy Lee ainsi que le jeune pianiste à travailler à ses côtés. « J’ai fait le piano et la mélodie, puis Heezy Lee a topliné. On a bouclé ça en même pas une heure », glisse ce dernier. Reste que le morceau fait immédiatement l’unanimité auprès de tous ceux qui l’écoute. « Le piano voix de “Habitué”, c’est un nouveau piano-voix. Pourquoi je dis ça ? Parce que le piano que Josh a joué est très simple. Si tu l’avais confié à un musicien ou un compositeur qui a l’habitude de faire des pianos-voix dans la variété, il n’aurait jamais eu cette simplicité. Là, ce sont presque des accords plaqués un peu tout le long. Cette simplicité, c’est le propre du rap, et même du rap moderne. Il n’y a que dans le rap qu’on fait des prods en cinq minutes. C’est quelque chose de très nouveau. C’est pour ça qu’un piano-voix comme “Habitué”, on n’aurait pu le faire que maintenant. Parce qu’il n’y a que maintenant qu’on aurait eu les couilles de faire quelque chose d’aussi simple », explique Le Motif.

À l’heure où nous parlons, Josh Rosinet s’est fait entendre sur les projets de Rim’K (« Bonhomme de neige »), Dinos (« Donne-moi un peu de temps ») et Lorenzo (« Rien à branler »), en plus de celui de Dosseh. Et plus que jamais, il érige la musique – et sa nouvelle activité de producteur – en priorité absolue. Ce qui n’a pourtant pas toujours été le cas, pour lui dont l’avenir a longtemps été incertain. « J’avais aucune idée de ce que je voulais faire plus tard », reconnaît-il. « Pendant les grandes vacances de l’année dernière, juste après avoir eu mon bac, je n’avais pas d’école parce que je n’avais été accepté nulle part sur APB, à l’exception d’une fac qui ne m’intéressait pas du tout. Vu que je ne comptais pas y aller, je m’apprêtais à faire une année sabbatique. Et c’est pile au bon moment qu’Olivier m’a appelé et m’a dit de venir au studio. Au début, ma mère n’était pas trop d’accord parce qu’elle ne savait pas où est-ce que j’allais tous les jours, ce que j’allais y faire, ni ce que ça allait me rapporter. Maintenant que j’ai signé chez Universal et que j’ai fait “Habitué”, c’est un peu plus tranquille. » D’autant que Josh peut toujours compter sur son ange-gardien dans ce milieu, Le Motif : « Mon rôle, en tant que la personne qui l’a mis là-dedans, c’est d’être sûr qu’il ne sombre pas. Je fais attention à ce qu’il ait les bons contrats, les bonnes opportunités, qu’il ne fasse pas de mauvais move, qu’il continue de respecter sa famille. J’ai d’ailleurs rencontré sa famille, pour te dire. Je veux juste faire en sorte qu’il reste là. Pour ce qui est de la musique, c’est lui qui m’apprend plus. »

Remerciements à Human Studio pour l’accueil. 

Rosalía n’est pas une rookie. Très loin de là. La jeune Espagnole subjugue le monde hispanophone depuis trois ans déjà avec un savoureux mélange de flamenco et de trap dont elle seule a le secret. Mais la Catalane a une aura telle qu’elle a de quoi exploser à tous niveaux, sans frontière aucune à son succès, même en plein coeur d’une francophonie qui a toujours eu du mal à aimer durablement un(e) artiste ibérique. À suivre.

Illustrations : @capulla.sixtina

« J’ai le cœur partagé entre le flamenco et toutes les musiques du monde. » C’est comme cela que Rosalía, le phénomène espagnol de 2018, parle d’elle-même et de sa musique. Son premier album, Los Àngeles, était un pont entre plusieurs univers musicaux ibériques ; son second opus, El mal querer, avec lequel elle revient aujourd’hui, tend la main au monde entier avec un style musical unique à la rencontre du flamenco, de la pop et du rap. Présentation d’une artiste aux multiples facettes.

Facette 1 : la flamenca

Lorsque Rosalía dévoile le clip de « MALAMENTE » en mai, on assiste à un raz-de-marée d’enthousiasme en Espagne, puis partout ailleurs. Hors de son pays natal, nombreux sont ceux qui découvrent le personnage énigmatique qu’est Rosalía grâce à ce track enivrant. Même sans vraiment comprendre ses textes, beaucoup sont touchés et intrigués par l’univers musical et visuel de la jeune espagnole. Chez elle, « MALAMENTE » fait l’effet d’une bombe et termine d’installer Rosalía, déjà connue et reconnue, tout en haut de l’affiche.

rosalía el mal querer yard 2018

Le parcours de Rosalía Vila Tobella commence dans une petite ville de la province de Barcelone. Très tôt, elle découvre le flamenco, style musical né en Andalousie dont les premières traces remontent au 18ème siècle. Ce genre artistique est formé de trois facettes le chant, la danse et la guitare. Son organisation théorique est extrêmement complexe, codifiée et précise. Le chant est par exemple organisé en palos, que l’on peut définir comme chacune des variétés traditionnelles de chant flamenco. Un palo est reconnaissable à la construction rythmique ou mélodique, par le thème ou le ton choisi pour un morceau.

Les sentiments sont au centre de ce style musical. De fait, la mort, la passion, le désespoir ou la foi sont des thèmes récurrents de ce type de chant. Pour la jeune Rosalía, dès la première écoute, c’est un véritable coup de foudre, comme elle l’explique à Pitchfork : « Particulièrement avec Camarón de la Isla [chanteur flamenco iconique, ndlr]. Il avait la voix d’un animal. C’était comme s’il m’avait jeté un sort. Pour moi, c’était comme s’il n’était possible de chanter plus honnêtement ou viscéralement que lui. » Dès ses treize ans et pendant des années, Rosalía étudie donc le chant et la danse flamenco. « Le flamenco est la musique qui m’a formée. C’est la musique que j’ai choisi comme base », confie la jeune espagnole à Billboard.

Ses premiers singles sont donc sans surprise, des morceaux de flamenco.

Mais là ou Rosalía étonne, c’est de par son interprétation moderne de ce genre classique et par son style loin du cliché de la chanteuse de flamenco, à robe rouge froufroutante et fleur dans les cheveux. C’est en pantalon, basket aux pieds, les ongles longs travaillés à la Rihanna, que la jeune Espagnole opère. Le parallèle avec Riri ne s’arrête d’ailleurs pas là. Durant l’été 2016, Rosalía et C.Tangana, le Drake madrilène, sortent plusieurs duos dont le tube « Antes de morirme » qui se classe immédiatement numéro 1 sur Spotify en Espagne.

Facette 2 : la traditionnelle with a twist

On parle de plus en plus d’elle et en 2017, Rosalía sort l’album Los Àngeles. Là où certains l’attendait dans un registre plus pop de par son âge et ses duos aux sonorités américanisantes, la jeune espagnole choisi de livrer un album résolument flamenco.

Rosalía surprend par le style musical mais aussi pas le thème choisi pour cet album : la mort. Abordée sous différents angles, sous différents points de vue. Un sujet lourd de sens pour la jeune espagnole d’à peine 24 ans. « Pour moi il y a des tristesses que l’on peut uniquement expliquer en chantant. (…) Souvent, je pleure à l’intérieur et je ne sais pas pourquoi. Et je ne pourrais pas pleurer comme ça en parlant. Je le fais seulement en chantant »explique la jeune femme dans la vidéo qui présente son premier album. Sur cet album, Rosalía s’associe avec Raül Refree guitariste et producteur habitué à l’univers flamenco. A propos de ce projet, Refree explique que le silence a volontairement une place prépondérante et beaucoup de poids. Le guitariste souhaitait que la voix de Rosalía brille et ai toute la place nécessaire pour toucher les gens comme elle l’a touché lui-même.

Un album épuré, mais qui n’empêche pas l’Espagnole de prêter une grande attention à l’aspect visuel de sa musique. En témoigne notamment le clip de « De Plata », produit par Canada la maison de production barcelonaise qui ne cesse d’impressionner par sa créativité et avec qui Rosalía travaille régulièrement.

Dès ses débuts, Rosalía choisi d’associer la tradition musicale du flamenco à une identité visuelle très moderne. Une manière d’amener davantage d’auditeurs vers cette musique savante et de faire connaître au plus grand nombre un univers qui peut sembler impressionnant, voire inaccessible. Les retombées ne se feront pas attendre : Los Àngeles rencontre un vrai succès dans le monde hispanophone. En faisant ce choix, Rosalía participe à la diffusion de ce style musical parmi les jeunes et à l’étranger. Invitée sur toutes les télés et radios d’Espagne, elle s’exprime avec clarté, parle avec passion de son projet et garde toujours une grande humilité. Lorsqu’on lui fait remarquer que certaines personnes s’intéressent au flamenco grâce à elle, elle répond : « Je ne pense pas que cela soit grâce à moi, mais grâce à une scène, une génération d’artistes qui décontextualisent le flamenco de son milieu habituel. »

Avec des qualités vocales réelles, une vraie fierté pour sa culture, un charme infini ainsi qu’un capital sympathie qui crève l’écran, Rosalía gagne le cœur de l’Espagne. À l’étranger aussi le public est conquis, son premier album lui vaudra d’être la première artiste espagnole nommée en catégorie « Meilleure nouvelle artiste » aux Latin Grammy Awards.

Facette 3 : l’artiste complète

2018 aura résolument été une année placée sous le signe de la pop culture hispanophone : entre le boom de la musique latino-américaine, avec notamment le colombien J Balvin numéro un mondial du streaming cette année, l’engouement pour les séries espagnoles telle que La casa de papel et l’émergence d’artistes comme Bad Bunny ou Ozuna, tous deux portoricains, qui explosent hors de leurs frontières et multiplient les featurings avec les artistes US – mais en espagnol dans le texte. On assiste également à un regain de latin pride parmi les artistes américains d’origines latines ; pensons à Jennifer Lopez, Becky J ou Cardi B, qui intègrent de plus en plus de paroles en espagnol dans leurs textes quand elles ne sortent pas des chansons ou des albums entiers dans cette langue.

rosalía el mal querer yard 2018

C’est dans ce contexte propice que Rosalía nous offre donc la bombe « MALAMENTE (Cap.1: Augurio) » il y a six mois. Musicalement on est loin du reggaeton latino-américain : son style musical tire un trait d’union entre flamenco, r&b américain et trap espagnole. Visuellement, sa latin pride à elle s’exprime par une réinterprétation moderne et pointue de l’imagerie flamenco et religieuse teintée d’influences années 90. De tout cela, Rosalía fait émerger une déclaration d’amour à la culture espagnole et un vrai bijou. « PIENSO EN TU MIRA (Cap.3: Celos) », le second extrait de son nouveau projet est à nouveau un perle musicale et visuelle remplie de références culturelle ibérique.

L’investissement de Rosalía quant à l’aspect visuel de son travail est loin de se limiter aux vidéos. Une attention particulière est prêtée aux chorégraphies, que cela soit dans ces clips ou dans ses lives. Pour ce nouveau projet, elle s’est d’ailleurs associée à la danseuse et chorégraphe Charm La Donna, que l’on connaît déjà pour son travail avec Kendrick Lamar, Madonna ou The Weeknd. Dans la danse aussi, Rosalía se positionne à l’opposé des clichés liés au flamenco mais sans pour autant manquer une occasion d’y faire référence de manière subtile. Son dernier clip, « DI MI NOMBRE (Cap.8: Éxtasis) », dans lequel elle met en scène l’extase amoureuse et sexuelle en rendant hommage à la Maja Desnuda du peintre espagnol Francisco Goya, en est un exemple criant.

Facette 4 : la controversée

Le cœur dans la tradition et les deux pieds bien ancrés dans le présent, Rosalía est un véritable phénomène dans son pays. Elle est adulée, présente en couverture de tous les magazines, sur analysée, décryptée par les médias et les blogueurs en tout genre, mais aussi critiquée.

Parce qu’elle fait du flamenco, qu’elle n’est ni andalouse, ni gitane, mais qu’elle chante avec un accent du sud de l’Espagne tout en étant de Catalogne, Rosalía est accusée d’appropriation culturelle. Une vague de tweet déferle sur la toile définissant la jeune espagnole comme une fille blanche, privilégiée, riche et catalane qui commercialise le flamenco pour en faire un produit de plus. Une autre frange de personnes défend l’artiste, rappelant que les catalans font également du flamenco depuis des années et que de surcroît, le succès de la jeune catalane a permis d’amener ce style musical, partie intégrante de la culture espagnole, à des sommets de popularité jamais atteint.

Ces reproches faits à Rosalía interrogent sur les limites infinies du concept d’appropriation culturelle qui s’étendent ici jusqu’à deux régions d’un même pays. De plus en plus brandis comme un bouclier contre la mondialisation culturelle, cet argument peut parfois être utilisé à juste titre lorsqu’une culture est caricaturée ou que ses origines ne sont pas reconnues. Mais ne se trompe-t-on pas de cible en accusant la jeune espagnole ? Rosalía a étudié le flamenco dès son plus jeune âge et ne cesse de rappeler l’influence que ce mouvement a eu sur sa musique. Son succès ne serait-il pas en fait une preuve que les cultures régionales font la richesse d’un pays et qu’une culture appartient à tous ceux qui la traite avec respect ? Sa musique ne serait-elle pas un pied de nez incroyable à ceux qui brandissent les différences culturelles comme justificatif de cette volonté de se séparer, ou de s’opposer ?

Facette 5 : la Rosalía

En septembre, Rosalía annonce donc la sortie de son second album, El mal querer, que l’on peut traduire comme l’amour mauvais. Ce même mois, elle est également nominée dans pas moins de cinq catégories au Latin Grammy Awards faisant de la jeune femme de 25 ans la seconde artiste la plus nominée pour cette cérémonie, derrière J Balvin. Artiste avec lequel elle a d’ailleurs collaboré sur le titre « Brillo », présent sur l’album aux millions d’écoute de l’artiste colombien.

Le disque, sorti ce vendredi 2 novembre, nous emmène durant onze capitulos (épisodes) dans les méandres d’une relation et aborde en musique tous les stades de cette passion entre deux personnes.

La communication autour de ce nouvel opus n’a rien à voir avec celle du premier album. Même si elle nie agir en suivant une stratégie de communication, Rosalía cultive le teasing avec brio, enchaînant les dates de concert unique, les photos avec des collaborateurs inattendus sur Instagram et autres vidéos annonçant la sortie de son album. Sur les réseaux, la Catalane maîtrise également le lien avec sa fanbase à qui elle ne manque jamais de livrer en photo ou en stories, les coulisses de son ascension internationale.

Avec El mal querer, c’est encore en binôme que l’on retrouve Rosalía qui s’est cette fois associé au producteur espagnol El Gincho. Issu de la pop, le jeune homme reconnaît qu’il ne connaissait rien au flamenco avant de collaborer avec Rosalía. En co-produisant l’album, elle l’initie à ce vaste univers musical. Sur ce deuxième essai qu’elle a entièrement composé, la jeune femme voulait que chaque détail soit conforme à ce qu’elle avait imaginé« Dans le flamenco, parce que tout est si codifié, il y a des gens qui ont une manière très restreinte de percevoir ce style et si tu dévie de ça, tu bafoues quelque chose de sacré, explique-t-elle toujours pour Pitchfork. Pour moi, tu dois faire les choses avec respect et avec amour, mais il n’y a rien qui soit intouchable. »

Aujourd’hui, bien que sa musique s’éloigne parfois du flamenco qu’elle défendait sur son premier album, elle revient avec un projet encore plus subtil dans la façon dont ce style musical est abordé. La voix de Rosalía est bien sûr teintée des techniques de chant apprise dès son plus jeune âge, et elle est mise au service de la diversité des styles musicaux présents dans l’album : les clappements de mains et claquements de doigts sont utilisés comme des sons de boite à rythme, les mélodies sont toujours aussi envoûtantes et le chant que nous livre la chanteuse vient parfaire ce mélange improbable et pourtant si juste qu’il prend aux tripes.

Si certains morceaux semblent très loin du style plus classique de ses débuts, c’est parce que la jeune espagnole utilise ses influences hip-hop presque comme un appât, histoire d’attirer ceux que le flamenco effraierait encore, et qui seront probablement surpris d’apprécier cet album à mille lieux de leur zone de confort, à mille lieux de leurs propres références, à mille lieux de leur propre identité.

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Le 23 novembre, Kalash Criminel sort son premier album, La fosse aux lions. Un disque extrêmement attendu, qui fait suite à deux premiers projets certifiés or. Mais un disque réalisé cette fois en indépendant, après plusieurs mois à devoir être sur ses gardes. Deux ans après notre premier entretien, le rappeur de Sevran se livre à nouveau.

Photos : @samirlebabtou

En six, sept mois, Kalash Criminel a tout vu. Aujourd’hui, à trois semaines de la sortie de son premier album, La fosse aux lions, le 23 novembre prochain, il nous assure que plus rien ne peut l’atteindre. Il y a un peu plus de deux ans, nous faisions sa rencontre au cœur de Sevran, dans la cité de Rougemont. Le rappeur de 23 ans faisait déjà beaucoup de bruit, et cela bien au-delà des murs de la petite ville de Seine Saint-Denis. Sur un épais fauteuil de cuir noir, il nous parlait du rap, de sa cagoule, de ses ambitions. Et le rap français découvrait un peu plus l’intriguant phénomène qui ne laissait personne indifférent.

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Sur le qui-vive. En créant son propre label, Sale Sonorité Records, Kalash Criminel a souhaité se préserver, s’écarter du panier de crabes que peut être l’industrie de la musique. Le rappeur avait besoin de se retrouver seul pour retrouver son énergie, pour reconstituer autour de lui un cadre de confiance dans lequel il pouvait encore évoluer. Ses deux premiers projets, R.A.S et Oyoki, sortis avec Def Jam, ont pourtant été certifiés disque d’or ; deux belles preuves de sa progression et de son assise dans la scène rap francophone. Mais le Roi des Sauvages marche à l’instinct, et a préféré tracer son propre chemin, aussi sinueux soit-il. Autant d’éléments qu’il a souhaité abordé avec nous, deux ans après, sans filtre aucun.

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Il n’y a qu’à le voir se déambuler fièrement entre les tables du patio de l’hotel Hoxton, muni de son manteau à mi chemin entre chinchilla luxueux et fausse fourrure glanée dans un marché du nord parisien. La provenance de son accoutrement du jour résume parfaitement le personnage, tiraillé par son désir de briller plus haut que le soleil à son zénith et son besoin viscéral d’afficher ses zones d’ombre, sa facette sulfureuse, alimentée par la fascination du new yorkais pour les ratchets, pour la luxure. Une chose est sûre, SAINt JHN fait dans le flamboyant. Si sa voix suave pourrait être celle d’un crooner, son phrasé le classe plutôt du côté de la nouvelle génération de rappeurs. Entretien avec celui qui veut trop devenir ce qu’il aurait peut-être dû être.

De son passé d’auteur, de toplineur, SAINt JHN ne fait pas l’étalage. Pourtant, celui qui aura écrit pour Usher, Jidenna ou encore Joey Bada$$ a un palmarès assez fourni. Comme pour commencer un nouveau chapitre, Carlos Saint John de son vrai nom décide de repartir de zéro en mettant en place une imagerie empruntant codes et symboles religieux. Son premier album Collection One, sorti en mars dernier fait office de livre sacré, de fondement pour un culte disruptif. Et y plonger s’apparenterait à jeter un coup d’oeil dans le judas de la porte d’un peep show. A l’heure où la sexualisation féminine devient un outil d’ascension sociale, l’homme érige les marie-couche-toi-là  au rang de saintes, bien loin de l’image puritaine et démodée des saintes-nitouches. Lui voit en ses concerts d’immenses messes où les plus fervents disciples vocifèrent les psaumes 3.0 comme paroles d’Evangile. Le Vatican a migré à Gommorhe, profitant par la même occasion de déshabiller Saint Pierre pour rhabiller SAINt JHN.

Qui est SAINt JHN ?

Je suis de Brooklyn, New York. Durant ma jeunesse j’ai bourlingué entre Brooklyn et Georgetown, en Guyana, parce que mes parents étaient super pauvres et c’est de là qu’ils sont originaires. Donc naturellement, je me sens guyanais même si je ne parle plus tellement la langue. Après, il faut savoir qu’il existe trois Guyanes : la Guyane anglaise ou « Guyana », la Guyane hollandaise – qu’on appelle aussi Surinam – et la Guyane française.

Quand as-tu commencé à faire de la musique ?

J’ai l’impression que je fais de la musique depuis 100 ans. C’est comme si Jay-Z et moi étions allés au collège ensemble, tellement ça fait longtemps que j’ai démarré. [rires] Plus sérieusement, ça fait un bon moment que je suis dans le milieu, assez de temps pour avoir la sensation d’y être depuis une éternité.

Dans ce cas, pourquoi n’entend-on parler de toi que depuis presque deux ans ?

Je pense que ce n’est dû qu’au timing. Il y a eu quelques revers, quelques désillusions mais en dehors de ça, ce n’était qu’une questions d’opportunités avortées. J’avais déjà sorti quelques titres jusqu’à ce qu’une nouvelle occasion se présente à moi et que je décide de la saisir.

Au-delà du chant, tu as aussi participé à l’élaboration de certains titres pour d’autres artistes.

Tu sais, j’ai écrit pour pas mal d’artistes en même temps que je m’occupais de mes projets. J’ai écrit deux singles pour le dernier album d’Usher, un titre pour mon pote Jidenna, un autre pour une fille qui se nomme Kiesza…. [Il réflechit.] Ah oui, j’ai aussi écrit une partie d’un titre du premier album de Joey Bada$$.

Comment ça fonctionne quand tu écris pour ces artistes ? Est-ce que tu essayes de te mettre à leur place ou est-ce qu’au contraire ton écriture est impersonnelle donc facilement adaptable ?

Je pense que c’est une association de plein de facteurs. Tout d’abord, je suis fan d’une grande partie des artistes pour qui j’écris, j’aime sincèrement leur travail. Donc avant même savoir ce que je pourrais leur apporter, je me pose la question « Quelle direction devraient-ils prendre pour la suite de leur carrière ? » Et si la direction que j’imagine pour eux ressemble à celle vers laquelle je pourrais me diriger, alors le processus d’écriture peut démarrer. Je ne pense pas forcément à l’interprète quand j’écris, parce que je me fiche un peu de ce qu’il risque de kiffer ou pas, mais je m’assure toujours que les mots sonnent bien. Je pense surtout vraiment à me faire plaisir, en vrai, le reste m’importe peu. Parce que je pars du principe que si j’aime les paroles, je voudrais les entendre de la bouche d’un autre. Si demain je dois écrire pour Beyoncé, par exemple, je me demanderai d’abord ce que moi j’aimerais entendre venant de Beyoncé. Une fois que je détermine le sujet, alors je peux commencer à écrire. Mais attention : parfois ça marche, parfois non…

Comment décrirais-tu ton son et ta musique ?

Je ne peux pas décrire mon son. Même essayer, je ne pourrais pas. Ce serait complètement fou de ma part. C’est comme si je me matais dans un miroir et que j’essayais de me décrire pour que tu saches à quoi je ressemble. C’est impossible car je ne me suis jamais vu, la seule chose que je peux voir c’est une réflexion, une image de moi-même. Toi par contre tu as pu me voir, alors c’est à toi de me décrire et crois-moi que je serai attentif à ce que tu diras de moi. À part si tu me racontes que tu vois une femme blanche, là je serai complètement choqué ! [rires] Tout ce que je peux te dire quant à ma musique, c’est que j’aime les mélodies, j’aime qu’il y ait du contenu, des paroles fortes.

Pourquoi as-tu choisi de garder ton vrai nom ?

C’était la chose la plus simple à faire, d’autant que je ne sais pas jouer un rôle. Mon nom complet est Carlos St. John et j’avais déjà sorti deux projets en tant que tel, avant que la transition vers SAINt JHN ne se fasse. À l’époque, je continuais à écrire pour des gens mais j’avais envie de sortir mes propres sons à moi et un de mes potes m’a dit qu’avec Carlos St. John, on avait l’impression que j’allais sortir un album de reggaeton ! [rires] À partir de là, j’ai décidé de laisser tomber le nom Carlos et de me concentrer sur mon patronyme St. John, car encore une fois je ne pouvais pas être quelqu’un d’autre. Tu me vois porter un nom bizarre du style Donovan Lue ?! Je ne sais pas faire ça. Par contre je sais qui est SAINt JHN, je me réveille à ses côtés tous les jours.

Les gens peuvent-ils être sauvés par la voix d’un artiste ? Je crois surtout que la musique motive les gens et que ces-derniers se sauvent eux-mêmes.

SAINt JHN

Si l’on se réfère à la Bible, Saint John (ou Saint Jean pour les francophones) est un patronyme plein de sens. Il était le premier apôtre de Jésus et considéré comme son préféré. John était insensible aux poisons et guérissait les gens grâce à ses prières. Ce qui est intéressant, c’est que tu as récupéré quelques symboles de l’imagerie chrétienne, que tu distilles dans ton oeuvre. Première question : pour quelqu’un qui se veut spirituel, n’est-ce pas un nom trop difficile à porter ?

Je ne pense pas que mon nom soit un fardeau car il s’agit tout simplement de mon nom de famille, qui m’a été transmis par ma mère. Notre famille est de confession catholique et comme beaucoup, ma mère s’est construite à travers la religion et l’aspect spirituel des choses. Elle a d’ailleurs un Master en Métaphysique, donc nous avons été élevé dans cette logique d’étudier les religions et de les comprendre. C’est ainsi que j’ai été initié au Bouddhisme, au Brahma Kumaris, ainsi qu’à d’autres courants du Christianisme, comme le Baptisme, le Pentecôtisme ou encore l’Église adventiste du septième jour. Mais je suis passé par une phase où plus je cherchais à comprendre les choses, moins ces dernières n’avaient de sens à mes yeux. Alors j’ai décidé de croire en tout ce qui me connectait spirituellement. Donc pour répondre à ta question : non, je ne sens pas de poids sur mes épaules. Je comprends que mon nom de famille signifie quelque chose pour les Chrétiens, mais en même temps je ne dois rien à personne hormis aux gens qui écoutent ma musique, je me sens responsable vis-à-vis de la vérité.

C’est un sujet passionnant que de savoir la place de chaque personne dans l’humanité, son apport et le fait d’avoir ou non quelque chose à transmettre aux gens : un message, une oeuvre, une technologie, de l’amour, etc. Malgré ton nom de famille et le sens qu’il a, malgré le fait que tu puisses transmettre des messages à travers ta musique ou ton attitude, il semblerait que tu ne souhaites pas incarner ou du moins adopter cette position. Dans « 3 Below », tu dis même : « Ain’t tryna be nobody’s hero, ya know » (« Tu sais, je ne cherche à être le héros de personne »).

Je ne disais spécialement pas ces mots dans cette perspective-là. Le truc, c’est que je ne suis pas là pour te sauver, je t’informe juste de ces choses que j’ai vécues ou que j’ai essayées. Ce n’est pas forcément un constat avec un point de vue religieux car je ne crois pas vraiment à ça. Est-ce que c’est une phrase à double sens ? Bien sûr ! Beaucoup de mes textes sont comme qui dirait « codés ». Tout ce que je dis en l’occurrence, c’est que ce n’est pas le chemin que je souhaite emprunter, je ne suis pas ici pour remplir ce rôle-là. Je te donne des informations, à toi de te sauver par tes propres moyens.

Malgré tout, tu gardes la foi, tes morceaux ne sont pas défaitistes. Tu crois en l’Homme et pourtant il suffit d’allumer la radio, la télé ou de lire les journaux pour se rendre compte qu’on vit une période charnière où les religions sont opposées, où la violence escalade tous les jours. En temps qu’homme et en temps qu’artiste, qu’est-ce qui te donne encore de l’espoir ?

Wow, ta question en elle-même semble désespérée… Elle est même trop sérieuse pour que je te réponde. Est-ce que vos lecteurs prendront au sérieux un mec qui parle d’un sujet aussi profonds à l’arrière d’un Uber qui l’emmène à son hôtel afin de récupérer des vêtements pour le shooting photo qui va suivre ? [rires] Il y a tellement de choses dans ce monde qui pourraient justifier qu’on devienne dépressifs, et pourtant…

Selon toi, les gens peuvent être sauvés ou guidés par la voix d’un artiste et – par extension – par sa musique ?

Je crois surtout que la musique motive les gens et que ces-derniers se sauvent eux-mêmes. Ça fait partie de ces choses qui peuvent avoir un impact tel qu’elles deviennent une sorte de catalyseur te permettant d’agir par la suite. Mais selon moi, ce n’est pas la musique qui te fait faire ces choses-là. Tu voulais déjà les faire mais tu avais besoin de quelqu’un qui te le dise, ou d’une seconde opinion qui ait un angle de vue différent. C’est comme quand tu marches dans la rue en pensant à quelque chose de précis, et que tout d’un coup, tu aperçois cette chose-là. Les gens interprètent généralement ça comme un « signe ». En réalité, il s’agit d’un signe uniquement car à ce moment précis, cela a un sens pour toi. Mais ton esprit et ton inconscient étaient déjà à la recherche de quelque chose qui permette à ton cerveau de créer cette connexion.

Un jour, un auteur a dit : « Confier son destin à un dieu, c’est se décharger de sa responsabilité humaine. » Par moments j’ai l’impression que sous couvert de religion, l’Homme a causé bien plus de mal qu’il n’a procuré de bonheur et de paix. Un peu plus tôt, tu parlais des différents cultes que tu as étudié et il y en a un qui me vient en tête depuis qu’on a abordé le sujet, c’est le Five Percent Nation où chaque personne est son propre dieu. Plusieurs artistes ont montré certaines accointances avec cette religion, que ce soit Jay-Z, Rakim, Common, Nas ou encore SZA. Être décisionnaire de ton propre destin, de tes choix ; est-ce quelque chose qui t’anime ? En outre, te considères-tu comme un dieu ou crois-tu en quelque chose de plus grand ?

Je ne me suis jamais dit que j’étais un dieu et je ne m’attendais probablement pas à dire ce genre de choses avant que ne débute l’interview, mais disons qu’on ne sait jamais de quoi demain sera fait ! [rires] Plus sérieusement, j’ai le sentiment d’être responsable de ma propre vie. Je crois… [Il coupe.] Non, je sais que j’ai le pouvoir de changer son cours comme je peux changer celui des gens qui m’entourent et qui font parti de ma communauté. C’est une responsabilité que j’ai accepté car je suis conscient du pouvoir de mes mots et de ma voix. Je vois au loin ce que le futur me réserve et c’est assez clair pour moi, il faut d’ailleurs essayer de comprendre comment l’univers fonctionne ainsi que les lois de l’attraction… Tu sais, c’est un principe que ma mère a mis un point d’honneur à nous inculquer : toujours faire attention aux mots qui sortent de nos bouches. Par exemple, ne jamais dire « je déteste ». On faisait toutes sortes d’exercices à la maison, cela nous permettait de nous servir d’autres termes ou expressions comme « cela me réfrène ». Détester est un sentiment trop puissant quand tu sais que tu peux conditionner ton esprit à voir ou entendre certaines choses tellement tu les penses fort. Alors, au vue de ces manifestations engendrées par notre esprit, cela fait-il de nous des dieux ? Oui, car à force de croire ou dire certaines choses avec volonté, elles se produisent.

Les concerts pourraient être vus comme des expériences religieuses. En tant qu’artiste, on peut avoir ce sentiment d’être comme un dieu le temps d’une représentation.

SAINt JHN

Alors imagine un artiste conscient de ce pouvoir chanter dans une salle remplie de fans. Imagine Kanye West rapper « Power » avec une foule en transe, buvant ses paroles mot pour mot en sautant et en criant. Je vais peut-être un peu loin dans la comparaison mais selon toi, cela ne ressemble t-il pas à un prêtre en train de célébrer son culte devant ses paroissiens ? Parce que je ne sais pas si les gens ont vraiment pris le temps de lire les paroles de « Power » mais il me semble qu’il y a pas mal de sous-entendus spirituels, par exemple « No one man should have all that power »

Les concerts et la musique en général pourraient être vus comme des expériences religieuses. En tant qu’artiste, on peut avoir ce sentiment d’être comme un dieu le temps d’une représentation. À chacun d’interpréter ça comme il le veut. Quant à savoir si mes mots vont changer les choses, si mes chansons vont toucher du monde… On verra, seul le temps nous le dira. Personnellement, tout ce que je peux te dire c’est que je connais mes intentions vis-à-vis de ma musique. Je connais le pouvoir de mes mots et leur valeur. Il y a quelques temps, nous étions en Belgique et j’écoutais une salle remplie de gens reprendre ma chanson « Roses ». Rien que ce moment-là me conforte dans mon opinion. Très vite, j’ai compris la valeur de cet échange : eux à l’unisson en train de renvoyer des mots que j’avais écris, à tel point que ça ressemblait à un cantique. Je ne prends rien pour acquis et je ne prends sûrement pas ça à la légère. Je sais que c’est une des responsabilités que je devrais porter avec moi sans avoir de posture passive. Et je sais au plus profond de moi que je ne dois pas tromper mes fans. Certains artistes se fichent de ça, pas moi car comme je l’ai dit plus plus tôt, je sais que mes mots peuvent avoir un impact sur eux et éveiller chez eux des envies qu’ils n’avaient pas forcément au départ.

La première étape pour moi c’est d’avoir une discussion avec toi et ce que je ferai dans le futur avec ma musique sera complètement différent. C’est drôle parce que ce matin je me suis réveillé en me posant la question suivante : si tu m’écoutes et que tu crois en mes paroles, que dois-je faire de cette influence ? Avoir du pouvoir n’est pas suffisant, il faut en faire quelque chose. Si j’avais un enfant, je lui dirais qu’il doit laisser ce monde dans de meilleures conditions que celles dans lesquelles il l’a trouvé. Qu’il apporte sa pierre à l’édifice, qu’il contribue à l’amélioration de ce monde… Je me pose constamment la question de savoir ce que je pourrais faire pour rendre ce monde meilleur. Et quand je dis ça, je n’ai pas envie de sonner comme un type qui prêche la bonne parole, loin de là.

Selon toi, le monde dans lequel nous sommes en ce moment même a-t-il besoin de la musique de SAINt JHN ? Et si oui, pourquoi ?

Probablement parce que ma musique est bonne. Arrivera un moment où ma musique sera appréciée comme il se doit car j’estime que la musique que je crée a ce qu’il faut dans son fond et dans sa forme pour résister aux dates de péremption courantes dans l’industrie musicale de nos jours. Ma musique aura un rôle très important dans le futur mais avant cela, je dois passer par certaines expériences de la vie, je dois emmagasiner des choses et je dois sortir de ces zones de conforts. Là tout de suite, je suis encore dans une phase où je rampe. Je dois me lever et marcher.

Si tu avais l’occasion de convaincre quelqu’un qui ne croit pas en ta musique, que lui dirais-tu ?

Je lui dirais d’écouter. La plupart du temps les gens entendent mais n’écoutent pas. Je ne suis pas quelqu’un que les opinions différentes effraient. Donc si tu n’aimes pas ma musique, tant pis mais si tu aimes la musique en général mais que tu n’aimes pas la mienne, est-ce parce que cette dernière manque de profondeur ? Est-ce parce qu’elle manque de valeurs ? Est-ce qu’elle n’est pas agréable à tes oreilles ? Je fais de la musique parce que je souhaite créer quelque chose de bien, d’agréable et je veux que cela marque les gens. Alors si tu n’aimes pas ma musique à cause de toutes ces choses, je te demanderais d’arrêter d’entendre et d’écouter ce que je dis et la façon dont je le dis. Ma musique n’a pas besoin d’être ultra pointue ou expérimentale du genre « Ferme tes yeux et roule en vélo » ou « Mets un porno et dis à ta meuf de danser autour d’une barre de pole dance. » Non, c’est beaucoup plus direct que ça.

Issue de la même génération d’artistes londoniennes talentueuses comme Jorja Smith, Ama Lou ou Amber Olivier, Grace Carter se fait remarquer avec son single « Silence » diffusé dans la saison 4 de la série Grey’s Anatomy. Son style, souvent dirigé par un piano, est un mélange entre une pop vulnérable et un rnb à fleur de peau. Un univers que l’on retrouve dans « Saving Grace« , son EP de quatre titres sorti en juin 2018.

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Grace Carter sera pour la première fois à Paris le 2 novembre aux Étoiles, et vous pouvez gagner deux places en remplissant le formulaire suivant.

 

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Grace Carter Flyer

Il en faut de la force pour élever un enfant toute seule. Encore plus quand on a 17 ans et que le père du bambin est décédé avant même d’avoir pu le voir. Rico Nasty en a fait son plus gros atout. En s’exprimant à travers différentes personnalités dans son rap abrasif, l’artiste américaine a su expier ses démons de la plus belle des façons. En concert à Paris, nous avons rencontré une des énergies les plus punk du rap.

Photos : @samirlebabtou

Développer plusieurs personnalités est un mécanisme de défense bien connu quand il s’agit de faire face à un traumatisme. Qu’elle soit Taco Bella, Trap Lavigne ou Rico Nasty, Maria Kelly, de son vrai nom, lutte sans relâche contre les obstacles qui ponctuent son parcours. En 2014, elle fait ses premiers pas dans l’univers du rap avec sa mixtape Summer’s Eve, dans la continuité de la drill music développées par ses consœurs de l’Illinois, Sasha Go Hard et Katie Got Bandz. Malheureusement, elle subit un violent coup d’estoc quelques mois après la sortie de son premier projet, quand son petit ami décède d’une crise d’asthme sous codéine. Comme si le destin n’en avait pas eu assez, elle apprend à 17 ans qu’elle porte l’enfant de cet homme disparu.

Dévastée, Rico redevient Maria et sous les conseils de sa mère, se concentre à préparer la venue de son futur enfant en travaillant comme réceptionniste dans un hôpital. Dur retour à la réalité pour celle qui avait à peine commencé à prendre goût au rap. Enceinte, elle rencontre alors son futur manager et petit ami, Malik Foxx. Malgré tout, la jeune femme cultive son ambition, qu’elle essaie de transmettre à Malik : « Je lui ai demandé, pourquoi fait-on ces jobs ? On a que peu de temps libre pour faire des sorties ensemble et à chaque fois on se demande comment on va faire pour finir le mois. Tous tes potes veulent être rappeurs, en deux heures de studio tu peux te faire 40$. C’était la première fois qu’un homme écoutait réellement mes conseils, et depuis ce jour on est une équipe. »

Faire partie d’une minorité, être une mère, une artiste et une femme se conjuguent aussi bien séparément qu’entrelacés et Rico Nasty a choisi d’en faire sa force.

Après un hiatus de deux ans, Rico Nasty enchaîne les projets, portée non seulement par la nécessité de réussir pour son enfant, mais aussi par l’envie d’expier les démons qui la hantent. Avec les mixtapes The Rico Story et Sugar Trap, la rappeuse du Maryland récolte ses premiers millions de vues grâce aux singles « iCarly » et « Hey Arnold » où elle emprunte beaucoup à Lil Yachty. La jeune femme y affine alors les différentes facettes personnifiées de sa musique. Quand elle est l’élégante Taco Bella, ses morceaux sont auto-tunés, chantés, sonnent presque pop. Transformée en Trap Lavigne, sa musique est vindicative, criée sur d’agressives productions. Enfin, Rico Nasty, sa principale personnalité, est une avide trappeuse qui pourchasse le succès.

Si les différents aspects de sa musique lui permettent de se diversifier et de toucher plusieurs publics, c’est également une façon d’aborder les multiples masques qu’une femme noire américaine se doit d’incarner au quotidien. Faire partie d’une minorité, être une mère, une artiste et une femme se conjuguent aussi bien séparément qu’entrelacés et Rico Nasty a choisi d’en faire sa force : « Être occupée m’aide à oublier mes problèmes. Mes fans me font également part de leurs problèmes, c’est une source de motivation, ça me fait aller encore plus fort et je fais ressortir tout ça en studio. J’essaie d’en rire. »

Une thérapie par la musique qui vient s’ajouter à l’épanouissement d’être une mère. Quand elle parle de son fils, Rico semble animée par une toute autre énergie, d’une plénitude solaire qui vient contraster celle dans laquelle elle aurait pu s’enfermer à 17 ans : « J’étais dépressive, très irresponsable. Quand j’ai eu mon fils, j’ai voulu redevenir présentable pour lui. Il m’a sauvé la vie, c’est un fait. » Détachée de tous ses freins, Rico Nasty va toujours plus vite et ne quitte plus le studio, elle se doit de réussir non seulement pour son fils, mais pour elle-même.

La convergence de tous ces efforts ont finalement payé quand elle signe avec le label Atlantic Records. Un choix qui fait sens pour l’artiste : « Ils m’ont fait me sentir à l’aise. Ils me permettent de changer mon image autant de fois que je veux, ils aiment le changement et moi, j’embrasse le changement, que ce soit dans mon style ou dans ma musique. Ils me permettent d’être moi-même. » Après les récentes signatures de Cardi B et Bhad Bhabie chez Atlantic, Rico Nasty rejoint ainsi un roster de rappeuses vouées au succès, chaperonnées par une de ses idoles : Missy Elliott. Son premier album Nasty, débarque alors une semaine avant l’été 2018.

« On ne s’arrêtera pas tant qu’ils ne nous stopperont pas. » – Rico Nasty

Repérée par Kenny Beats, qui produira la plupart des pistes du projet et l’aidera à donner de l’intensité à sa voix, Rico donne une nouvelle dimension à sa Trap Lavigne. À travers une poignée de clips acerbes, elle redéfinit son image pour coller aux explosives instrumentales de Kenny Beats. Désormais, elle abandonne ses perruques flashy pour montrer ses vrais cheveux, et va jusqu’à les styliser en piques comme une punk. Dans la lancée de « Smack A Bitch » et « Trust Issues », son single « Rage » est un exutoire évident à mi chemin entre trap et metal. Son rap hostile est crié et la production, auto-pilotée par une guitare électrique, sonne comme une tronçonneuse.

Quand il s’agit de citer ses références, elles sont d’ailleurs loin du rap : « Plus jeune, j’écoutais Slipknot, Chop Suey, Fall Out Boy, Paramore, puis je me suis intéressée aux artistes qui ont inspiré ces groupes comme David Bowie, The Smith ou Blondie. » Inspirée par Joan Jett, notamment connue grâce au succès d’ »I Love Rock N Roll », pour ses performances live, c’est une véritable énergie punk qui se dégage sur scène. Ses concerts sont également l’occasion pour Rico Nasty de se connecter à tout l’amour que lui fournit son public, majoritairement féminin, en opposition à toute la haine et la jalousie qu’elle exulte en chanson.

Après s’être cherchée pendant plusieurs années, c’est non sans sacrifices que Rico Nasty a réussi à tirer un nouvel équilibre pour aller de l’avant. Pour son prochain projet, la transformation en Trap Lavigne sera complète, toujours épaulée par Kenny Beats : « On ne s’arrêtera pas tant qu’ils ne nous stopperont pas. » En laissant tomber ses précédentes mues au profit de Trap Lavigne, elle rencontre aujourd’hui un certain succès commercial. Cette impénitente personnalité reste pour elle la meilleure des thérapies et un symbole de combativité pour ses fans. Si le punk demeure avant tout une attitude, c’est en sublimant ses multiples facettes qu’elle a réussi à s’affirmer sans concessions. En capitalisant ainsi sur son énergie propre, Rico Nasty démontre de façon indiscutable qu’elle a de beaux jours devant elle. Le slogan punk « No Future » n’est pas prêt de la concerner.

 

Comme si c’était écrit. Quelques heures avant leur showcase dans les locaux du magasin Big Wax Records, nous avions rendez-vous avec le parisien Sacha Rudy et le londonien Uzzee, les deux moitiés du groupe ZER0. Ironique quand on sait que le duo a fait connaissance… lors d’une soirée YARD. Récit d’une aventure musicale.

Dans la jungle de nouveautés musicales qu’Internet tend désespérément à nos oreilles chaque jour, il arrive qu’un son se détache. Ce fut le cas pour « Orpheus », il y a quelques mois. Un son élégant et surprenant, servi par un clip du même tonneau. C’est le travail d’un nouveau venu, un groupe nommé ZER0, composé du parisien Sacha Rudy et du londonien Uzzee. Visiblement tourné vers un objectif incertain comme une croisière sur le Styx, le duo propose une pop ténébreuse, alliant couplets de rap feutré, et nappes sonores enveloppantes. En somme, un univers qui mérite qu’on s’y arrête, tant il regorge de promesses. Un univers étayé par les huit titres de leur EP, sorti début octobre. Un projet au titre éponyme. Car comme rappaient les Sages poètes de la rue, l’histoire commence en partant du zéro.

Dès la première écoute, un constat s’impose : le son proposé est raffiné, et s’accommoderait mal d’un commentaire pressé, du type première écoute de YouTubeur. La raison à cela est simple : la densité musicale de l’univers proposé par ZER0 peut déconcerter, si l’on a a l’habitude d’avancer en territoire musical balisé. Parmi leurs premiers auditeurs, il vont trouver le producteur électro Agoria, rencontré par l’intermédiaire du plasticien Phillipe Parreno, avec qui Sacha avait travaillé. Séduit par leur son, Agoria les signe sur son jeune label Sapiens, créé en 2016. Fort de son expérience avec le label Infiné, le DJ lyonnais confiait à Tsugi son souhait d’en faire une « écurie d’artistes ouverte », accueillant des « musiciens », mais aussi des « plasticiens, soundsigners ou conférenciers ». Foisonnante, la démarche a entre autres donné naissance aux Sapiens Talks : un podcast lui aussi ouvert, ayant donné la parole à des personnages aussi divers que Emmanuelle Duez, chantre de la transformation des entreprises, ou encore le bricoleur de sons Jacques, s’adonnant au partage d’aphorismes et autres réflexions sur l’humanité.

En attendant que son acolyte Uzzee nous rejoigne, nous échangeons avec Sacha. Au détour de nos présentations, il nous parle de l’impact que peut avoir sur une œuvre artistique la présence d’une personne ou d’un évènement lors de la création, comme s’il tentait d’introduire l’idée d’un projet artistique en perpétuel mouvement. Démarrant sur des sonorités électro plutôt froides, le titre « Orpheus » évolue vers un son jazz rock qui nous plonge dans l’ambiance d’un bar enfumé. La voix de Sacha Rudy fredonne avec une nonchalance digne d’un Damon Albarn. Comme l’anglais, leader de Blur et chef d’orchestre de Gorillaz, ZER0 semble osciller entre pop feutrée et contrées musicales très larges. A l’écoute d' »Orpheus », on se trouve submergé par une palette variée de sensations sonores : supportée par une mélodie syncopée de piano, la voix de Sacha entonne un refrain nonchalant en guise d’ouverture, illustrant une démarche d’Orphée qu’on devine lourde.

« Hey, I just came back from Hell
No sound when I left
I turned my back
Watched you disappear »

Le titre évolue ensuite vers un rap smooth, grâce au flow nuageux de Uzzee, rebondissant sur des beats évolutifs. Un peu comme un balancier qui reviendrait toujours à son point zéro, après avoir emmené l’auditeur dans des chemins labyrinthiques.

Mais revenons un peu sur ce mythe qui a fait couler tant d’encre et imprimer tant de pellicule, et qui a été choisi par le duo comme thème de leur single : celui d’Orphée. Orphée filait le parfait amour avec Eurydice quand celle-ci, mordue par un serpent, fut précipitée dans les enfers. Grâce au pouvoir enjôleur de sa musique, Orphée parviendra à endormir Cerbère, le gardien de la porte des enfers, ainsi que les Euménides, pour finir par se frayer un chemin jusqu’à Hadès. Face au Dieu des enfers, Orphée obtient alors un deal. Il pourrait ramener Eurydice dans le monde des vivants, mais à une seule condition : sur l’ensemble du chemin, le jeune poète devrait se résoudre à ne pas se retourner sur l’être aimé, sous peine de le voir disparaître. Mais alors que le plus dur semble avoir été accompli, Orphée commet l’irréparable : il se retourne et voit alors Eurydice disparaître à tout jamais.

Quand on leur demande pourquoi Orphée s’est retourné, si près du but, Sacha a une réponse toute prête : « Orphée est un musicien, et quand il se retourne c’est lorsqu’il est dans une pièce silencieuse, avec Eurydice. Et ma théorie c’est qu’être musicien c’est à la fois un pouvoir, un don, mais peut-être en même temps son talon d’Achille. Parce que c’est aussi ce qui crée son manque de confiance, dans la pièce silencieuse. »

On retrouve cette idée, vieille comme les arts, d’un pacte avec des forces obscures, tel un Robert Johnson négociant son blues avec Papa Legba. Et si les gardiens de l’Enfer ne s’étaient laissés séduire que pour mieux rappeler au poète sa fragilité, et son incapacité à inverser le cours du destin, en dépit de son pouvoir de séduction hypnotique ? Toujours est-il que selon son récit le plus courant, Orphée demeurera inconsolable de la perte d’Eurydice, au point de rendre folles de jalousie les Bacchantes, qui l’assassinèrent de dépit. À l’écoute de ce premier essai de ZER0, on retrouve cette notion d’un équilibre fragile, entre pouvoir d’une musique aux accents envoûtants, et airs familiers se dérobant au moment où l’on croit les saisir.

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Du haut de ses 18 ans, Sacha, cheveux hirsutes et air affable, est un véritable touche-à-tout, passant aisément du piano aux platines, à l’occasion de sets donnés ici et là. Né dans une famille de musiciens, d’un père pianiste et d’une mère adepte du chant, Sacha se plonge dans la musique très tôt, forgeant peu à peu ses goûts, en bon autodidacte ayant comme principale ressource un PC et une connexion Internet. « Plus ou moins discipliné » dans ses cours de musique classique, il arrête de les suivre vers l’âge de 11 ans, pour se mettre à « écrire des chansons », et à « produire de la musique avec un ordinateur ». Avec sa carte son et son synthétiseur Prophet ’08, le jeune homme repousse plus loin ses compétences : « Écrire des chansons c’est venu très tôt, au début mal puis de mieux en mieux. Je chantais sur les morceaux que j’écrivais, et comme j’étais la seule personne disponible pour les chanter, je le faisais moi-même. Au début ça me plaisait moyennement, et à force de pousser, c’est devenu quelque chose. »

D’emblée, il adopte la langue de Shakespeare, influencé par ses disques de chevet : des Beatles à Syd Barret, jusqu’à Radiohead et Massive Attack. Dans le genre oecuménique musicalement, il se plonge aussi dans l’écoute de la « french touch », et vient sur le tard à la musique des années 80, dont le son l’a longtemps repoussé : « Il y avait le son qui me dérangeait, en fait il y a des choses que j’ai trouvé, certaines subtilités qui me sont apparues au fur et à mesure. » Malgré le terreau familial, qui n’est sûrement pas pour rien dans l’aisance que dégage Sacha dans son rapport à la musique, il a tissé seul le réseau de ses références musicales : avec comme principal support un PC et une connexion wi-fi, en bon autodidacte des années 2010. Très productif, il va rapidement prendre l’habitude de créer un morceau par jour. Il va ensuite se mettre naturellement à collaborer avec d’autres artistes : « C’était nécessaire pour que ma musique réalisée seul s’améliore aussi. »

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Uzzee, crâne rasé et dégaîne de dandy cosmique, est lui âgé de 25 ans. Sa première grande émotion musicale, il la situe dans son enfance, se remémorant ce jour où sa mère l’a emmené assister à un concert de Steely Dan. Le groupe lui fit une dédicace, son jeune âge attirant l’attention du batteur qui lui offrit ses baguettes. Comme un songe prémonitoire.

Originaire du quartier de Notting Hill à Londres, c’est vers l’âge de 16 ans qu’il se met à rapper avec ses potes, formant un groupe nommé Creative Elevation. Mais rapidement, il va se sentir à l’étroit dans cette configuration musicale : « J’ai réalisé que c’était pas complètement mon identité, car mes influences sont plus dans le rock, la musique africaine, le jazz. Donc j’ai compris que je devais apprendre comment jouer, produire. Et j’ai commencé à jouer de la guitare et à faire de la musique par moi-même. »

D’une YARD party à une connexion outre-Manche

Fun fact : ils se sont rencontrés à une YARD Party, il y a quatre ans. Un rapprochement facilité par un videur peu regardant sur les quatorze ans de Sacha, ainsi que par le chapeau Fez porté par Uzzee, efficace brise-glace à la conversation. Uzzee va inviter Sacha à un concert qu’il donne deux jours plus tard, organisé par Rinse France. En voyant Uzzee opérer au micro, Sacha va ressentir la pertinence d’un rapprochement musical, qui va se concrétiser par la suite. Uzzee raconte : « Il m’a envoyé quelque chose comme 25 morceaux, de la musique en vrac, des idées, des démos. Un des sons, c’était ‘Slow’, et dès que je l’ai entendu, je lui ai envoyé un texto pour lui dire que je voulais écrire dessus. » Pris d’un coup de foudre pour cette musique, il confesse l’avoir écouté des centaines de fois.

Au fil des échanges de son à distance, le besoin de passer plus de temps ensemble finit par s’imposer naturellement aux deux amis : « Internet ça reste mitigé, on apprécie ce que ça permet, mais pour créer de la musique, on aime être dans la même pièce. Parce que l’énergie que tu as n’est vraiment pas la même qu’avec quelque chose que t’envoies par le web. » Sacha va alors multiplier les aller-retours avec Londres : « À chaque fois que je venais, on faisait de la musique, on allait au studio. Mais pas de manière professionnelle, juste pour chiller et faire de la musique. »

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Il y a deux ans, Uzzee vient passer deux semaines à Paris, et les deux amis réalisent qu’ils ont accumulé pas mal de musique.  Sacha raconte : « Les chansons on les fait entièrement ensemble, tout est composé quand nous sommes réunis dans la même pièce. Pour la musique comme pour les textes, chaque composante doit être validée par l’autre. Le meilleur exemple de cette manière de travailler je pense c’est dans la musique électronique, des groupes comme Daft Punk ou Justice. » Le piano est essentiellement joué par Sacha, tandis qu’Uzzee joue les lignes de basses et des parties de guitare. Et si les couplets rap sont assurés par Uzzee, son acolyte ne s’interdit pas d’aller sur ce terrain demain. « As free as possible », nous dit Sacha , ce qui sonne comme une devise du groupe.

Autre moment fort du projet, « Inner Demons » et ses lyrics quasi-mystiques, qui font flotter une ambiance éthérée à la mélancolie gracieuse. Une musique épaisse comme le smog londonien, qui emmène l’auditeur en ballade, en flottaison.  Les démons intérieurs qu’il est question de dépasser, une source d’inspiration qui semble leur parler intensément : « C’est les désirs non accomplis, qui peuvent venir des démons si on n’y prend pas garde. » Plus loin, un autre titre comme « Whatever Shall Be » n’est pas sans rappeler certaines rythmiques entêtantes d’un Tyler, the Creator.

Conscient de son héritage, Uzzee semble conscient de ce qu’il doit à un illustre prédécesseur comme Tricky : « Les anglais comme moi, qui rappent et qui n’essaient pas de faire de la grime ou des trucs comme ça, Tricky c’est notre parrain à nous tous. C’est un des premiers qui a fait du rap qui cherchait pas à être gangsta ou mainstream. »

« Ne pas faire ce que les gens veulent entendre »

Le duo a choisi son nom comme pour symboliser un projet qui ne se limite pas à leurs seules personnes. Sacha saisit l’occasion pour voire une parenté avec Massive Attack, collectif sûrement le plus emblématique de Bristol, et dont Tricky a fait partie, pour les deux premiers albums, les excellents Blue Lines et Protection : « On a un peu la même idée qu’eux du projet de groupe. On n’a pas besoin de savoir qui a fait le disque, ça peut changer. C’était quelque chose d’assez présent dans les années 90, chez Daft Punk aussi. Les membres peuvent changer mais l’idée reste. On peut même remonter jusqu’à Pink Floyd. C’était juste une idée, les membres du groupe ont beaucoup changé. »

Comme conscients que le temps est une denrée rare, Sacha et Uzzee semblent doués d’un pouvoir philosophique. A la croisée d’un carrefour musical très ouvert, le duo franco-anglais semble mettre un point d’honneur à regarder devant, épris de liberté rythmique et mélodique. Quand on leur demande ce qu’il dirait aux auditeurs pour les convaincre de les écouter, Uzzee s’explique : « Quand tu entends le nom de ZER0, si tu te sens bien, il faut que tu sois curieux envers notre musique. On n’est pas désespéré, si un jour nos chansons deviennent numéro 1, tant mieux, mais on n’essaye pas de faire ce que les gens veulent entendre. » ZER0 a donc un programme simple : suivre son intuition, au milieu d’un labyrinthe de références. Et c’est tout ce qu’on attend des artistes en 2018.

« Il n’y a pas de gens du rap dans les majors ! » L’affirmation est aussi vieille que le genre musical que l’on chérit. Ce lieu commun – plus forcément vrai, d’ailleurs – révèle un problème qui n’est de toutes façons plus aussi important qu’avant. Pourquoi ? Parce que le rap respire de plus en plus par lui-même, s’affranchissant de l’oxygène fourni par les maisons de disque. Une prise de liberté qui se doit de continuer, pour lui permettre de définitivement s’imposer sur tous les terrains.

Illustrations : @bobbydollaros

Les majors et le rap français. La plus grande des histoires construites sur un « Je t’aime, moi non plus ». Deux personnages qui ont besoin l’un de l’autre, néanmoins beaucoup trop méfiants pour s’entendre sainement. Et ça tombe bien. Puisque grâce à ces frictions, les rappeurs se sont ouverts une voie alternative. Enfin, grâce à elles et à un petit facteur que l’on nomme Internet. Cette voie, c’est l’autoproduction.

Dessinons une métaphore, pour commencer. Il faut s’imaginer la recherche de succès musical comme une course urbaine façon Need for Speed. Comment prépare-t-on sa voiture ? D’abord le moteur est mis en place. Un pilote-ingénieur le conçoit, l’installe, aidé par ses mécanos. Au sein d’un atelier de fabrication artisanal ou au beau milieu d’un complexe industriel. Une fois prêt, le moteur est recouvert de pièces. Voilà la voiture prête, un produit fini qui nécessite désormais le remplissage de formalités pour être autorisée à se lancer dans la course. Pour cet étape, elle passe par un garage, de proximité ou au sein du même complexe industriel. Puis il n’y a plus qu’à passer à la pompe à essence, nous voilà prêts. Le pilote peut prendre place sur la ligne de départ.

L’atelier de fabrication, c’est le producteur, l’ingénieur-pilote l’artiste, les mécanos sont les ingés-son, le garage joue le rôle d’éditeur (ou « licencié ») et le pompiste porte le nom de distributeur. Le complexe industriel étant une major. Voici très grossièrement résumé le rôle des acteurs de l’industrie musicale. Être plus précis demanderait un article entier.

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Il y a deux nerfs de la guerre dans l’industrie musicale: la production et l’édition. Économiquement et juridiquement. Économiquement puisque c’est là que sont investies et récupérées le plus de sommes. Juridiquement parce que l’oeuvre et son interprétation sont des objets de droit en soi, auxquels on ne peut toucher sans l’autorisation de leur propriétaire. Comme un moteur ou un modèle de voiture en somme, qu’un concurrent n’a pas le droit de copier et qu’un consommateur n’a pas le droit de voler.

Internet : la potion magique de l’indépendance

Or, les majors étant des multinationales, elles produisent, éditent et distribuent avec des entreprises qu’elles contrôlent. Liant toutes ces boîtes entre elles, elles fonctionnement forcément à plus bas coût que les autres, et font rentrer plus facilement de l’argent dans les caisses. Et surtout, elles ont un pouvoir-clé : les relations privilégiées avec les grands médias (notamment les radios) qui ont tout pouvoir sur la visibilité de la musique. Et donc sur la santé économique de ceux qui investissent dans la création d’albums.

Enfin, avaient* tout pouvoir. Jusqu’à l’arrivée de cet outil magique qu’est Internet, qui a d’un coup brusquement élargi la voie de ceux vivant en-dehors de la matrice des maisons de disque. Elles qui empruntent toujours le couloir de taxi, mais qui ne sont pas à l’abri d’une bagnole bidouillée par un excellent mécano capable de les distancer dans la ligne droite. Des bolides artisanaux qui ont débarqué dans le rap français durant les années 2010.

Principalement deux : D’or et de Platine et QLF Records. Ces voitures, elles sont conduites par des pilotes extrêmement vifs dans la course aux ventes. Ces mecs-là n’avaient pas d’usine pour construire leur bolide. Alors, ils ont assemblé eux-mêmes les pièces dans leur atelier-garage, en montant leur SARL ou leur SAS de production (après avoir commencé dans l’atelier d’à côté, Liga One Industry, pour Jul). Résultat : plutôt que de laisser une maison de disque encaisser le gain créé par leur vitesse sur le boulevard des ventes, ils récupèrent tout ce qui est récupérable. En totale indépendance.

Les artistes montant leur label et fonctionnant avec des contrats de licence sont désormais pléthore. Les majors leurs servent de banques au lieu de siphonner les revenus qu’ils génèrent.

En fin d’année 2015, Mouv’ avait publié un excellent article sur le sujet. Écrit par Genono, il expliquait le phénomène et donnait la parole à Julien Kertudo, le boss de Musicast. Montée au début des années 2000, cette boîte de distribution est devenue le repère des indépendants, tous ces possesseurs d’entreprises artisanales. Enfin, ceux qui possédaient à la fois l’atelier de fabrication et le garage. Des producteurs/éditeurs indépendants qui passent par cette pompe à essence pour pouvoir faire avancer leur bolide. Un petit pompiste qui a vu arriver au fur et à mesure des années 2000 de plus en plus de pilotes rappeurs, pour trois raisons. La frilosité des majors [de 171 contrats d’artistes signés en 2002 à 99 en 2017, ndlr], alors que naissait un gigantesque marché de la voiture volée gratuite pour tous. Le développement du net, facilitant les échanges, les liens avec le public et la structuration de son propre business. Puis l’accessibilité plus grande des home studios, notamment dans les genres musicaux dont la composition nécessite plus de matos électronique que d’instruments. Résultat ? Bien des classiques du rap français sortaient en distribution chez Musicast, et la société devenait le leader du marché de la distribution indépendante en France. Rien que ça.

Mais, si le modèle a permis de vraies réussites économiques, ces auto-produits et auto-édités étaient très rares à se placer en haut des charts. Dès lors, le modèle le plus viable consistait à simplement s’auto-produire, via un contrat de licence. C’est à dire : la major donne une somme au pilote pour qu’il fabrique le moteur, avant qu’elle ne s’occupe de l’assemblage de la voiture. Lui arrogant le droit de profiter de ses outils de communication (le couloir de bus et taxi). Économiquement, c’était le modèle le plus viable dans le rap. Puisque si au final la major récupère la part de l’éditeur (une vingtaine de %, généralement) et son avance, l’artiste ne se contente pas de la récompense du pilote (8 à 12%, selon le potentiel commercial de l’artiste, son ancienneté dans le label, etc). Ayant profité de l’avance, il a pu investir sur une voiture de meilleure qualité pour récupérer la part du producteur (20 à 30% du revenu des ventes minorés de l’avance).

Ce fut par exemple le cas de Booba lorsqu’il monta Tallac Records avant Panthéon, négociant le 3e plus gros deal chez Barclay à l’époque. Ou de Youssoupha, qui se lança avec Bomayé Musik en 2006 (avant de passer en totale indépendance avant la sortie de Noir D****). 1995 a aussi réussi à négocier une licence d’entrée, sans oublier des équipes comme Six O Nine. Jusqu’à en arriver au succès en totale indépendance de Jul, PNL, Lartiste ou Djadja et Dinaz.

Or, nous qui aimons nous plaindre de l’hypocrisie des majors avec le rap, vivons en cela une époque formidable. Puisque les artistes montant leur label et fonctionnant avec des contrats de licence sont désormais pléthores. Les majors leurs servent de banques (ou de rien) au lieu de siphonner les revenus qu’ils génèrent. Un accaparement qui se justifie souvent, par l’aide qu’elles leur offrent et surtout par les investissements financiers qu’elles consentent. Mais un accaparement malgré tout.

L’affranchissement du rap

Dès lors, c’est un grand pas qui semble se franchir. Les revenus du rap reviennent en plus grande partie aux rappeurs et à leurs équipes, aux gens du rap en somme, qui le prennent là où ils auraient par le passé rempli les poches d’actionnaires. D’autant que cela arrive à une époque où le rap génère énormément d’argent grâce à l’explosion de la consommation en streaming. Pourquoi est-ce important ? « For the culture », diraient les Migos, déjà. Parce que des gens de l’intérieur touchent l’argent généré par des gens de l’intérieur. Puisque derrière cela leur laisse les mains libres pour construire leurs albums et mixtapes exactement comme ils en ont envie, aussi. Mais plus qu’une fin, il ne faut y voir qu’une étape.

Une partie de l’industrie du disque n’aime pas le rap. Elle partage des cafés avec lui, lui tape même dans le dos parfois, parce qu’il lui rapporte des deniers. Mais elle ne l’aime pas. Ou elle l’aime quand il ne fait pas rap. En fait, elle l’aime quand il se rapproche de ce qu’elle connaît. Le problème, c’est que c’est elle qui tient le porte-monnaie, et si le rap génère de l’argent, ce ne sont pas toujours des gens qui comprennent et respectent entièrement ce mouvement musical qui le récupèrent. La part de ceux qui le comprennent, les artistes en premier lieu, est moindre que ce qu’elle pourrait être. D’où l’intérêt de monter des structures de production. La fameuse première étape.

Le milieu du rap sera entièrement respecté le jour où de grosses structures indépendantes issues du rap existeront.

Puisque, pour enfin acquérir tout le respect qu’il mérite, et que l’argent du rap revienne à ceux qui ont un véritable amour pour ce genre musical, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. La logique est simple : dans une boite, un salarié reste inférieur au patron, qu’importe l’argent qu’il rapporte. Quand il commence à négocier des commissions, on commence à se dire qu’il n’est pas si bête. Quand il finit par monter sa propre boite et sérieusement concurrencer son ancien employeur dans un secteur d’activité, celui-ci commence à se demander ce qu’il se passe. Mais il ne le traite réellement d’égal à égal que le jour où il devient un concurrent et partenaire commercial (puisque qu’un producteur concurrent reste une personne avec qui on peut conclure des deals en licence ou distribution) aussi structuré que lui. Qui développe ses gammes de produits et peut se passer d’intermédiaires extérieurs. C’est simple : le milieu du rap sera entièrement respecté le jour où de grosses structures indépendantes issues du rap existeront.

Petit flashback. En 2000, un petit label réussit au nez et à la barbe des majors à s’offrir un disque d’or (alors 100 000 ventes de disques) sans passage radio et sans leur aide. Distribué par le balbutiant Musicast, Mauvais œil est à mettre aux côtés de Dans la légende parmi les grands coups du rap indépendant. L’unique album de Lunatic est le fruit du travail d’une équipe : 45 Scientific. Nous sommes encore dans cette période où le rap français est la nouvelle poule aux œufs d’or, et où s’ouvrent pléthore de boites de production indépendantes. Mais là où la plupart finiront par couler (deux tiers, à en croire Une histoire du rap en France de Karim Hammou), l’équipe de Geraldo et JP Seck réussit le casse du (changement de) siècle. Ironie de l’histoire ? C’est suite aux refus successifs des majors de produire et éditer l’album que fut montée cette société, immatriculée à peine deux semaines avant que la pochette bleu électrique du LP n’atterrisse dans les bacs. Un label qui a pu se servir de ces gains pour produire par la suite LIM, Hifi, la Malekal Morte ou Lalcko. Sans s’être imposé dans le temps, mais en ayant montré la voie à suivre.

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Que les rappeurs s’auto-produisent ou que se soit leurs proches qui s’en occupent, qu’importe. Pour que le rap se pérennise, il faut que l’argent qu’il a permis de récupérer soit réinvesti par les structures dans la production d’autres artistes. Afin à la fois de développer de nouveaux rappeurs et de créer des entreprises issues du milieu qui grossissent, se structurent, et puissent dès lors s’affranchir plus facilement des majors à toutes les étapes de la vie d’une mixtape, d’un album, d’un EP ou d’un single. En somme, créer de véritables structures indépendantes capables de n’avoir presque plus rien à envier aux majors. Puisque les gros labels rap en France aujourd’hui, restent des cellules de majors. Comme Def Jam France ou Rec. 118, qui aident le rap et sont en grande partie composées de gens du rap, mais restent entièrement contrôlées par des maisons de disque (respectivement Universal et Warner).

Le rap doit posséder ses superstructures

Ces grosses structures indés existent, dans d’autres genres musicaux ou dans une optique généraliste. Because Music, Naïve, Tôt ou tard, entre autres. La plupart comportant – à la manière d’une major – diverses branches, une pour la production, une pour l’édition, une pour la scène voire une pour la distribution.

Ce jour viendra pour le rap. Il existe d’ailleurs déjà des structures indé grossissant à vue d’œil fondées grâce au succès de rappeurs, de Bomayé Musik à 92i, Din Records ou Panenka Music. Certaines signent des label deal [licences avec une major qui édite tous les albums produits par la société, ndlr], d’autres éditent elles-même. L’important est que ces sociétés soient de plus en plus nombreuses, elles qui ont pu se développer initialement grâce à l’argent généré par le rap, et qu’elles aient l’ambition à terme de réellement s’accaparer le maximum de pouvoir (ce qui sous-entend des prises de risque financières, d’où le temps que cela peut prendre). Sachant que le simple fait que des sociétés de production issues du rap se fortifient, même sans élargir ses activités, est une excellente perspective.

Outre-Altantique, Quality Control a un deal simple avec Capitol : « Vous nous distribuez, nous sommes votre branche urbaine mais nous gardons le total contrôle sur notre société, nos masters et nos éditions. »

Ces grosses structures indépendantes du rap, elles se développeront aussi grâce à l’accumulation de connaissances. Plus le temps passe, plus de gens ont côtoyé l’industrie du rap et appris à en comprendre les mécanismes économiques et juridiques. Les quatre labels plus haut cités sont composés de personnes malines qui ont acquis ce savoir (Youssoupha et Philo chez Bomayé, Booba chez 92i, Lartiste chez Purple Money, Fonky Flav chez Panenka). Pas mal de gros succès électro français sont aussi de bons exemples à suivre, bien que ces musiques diffèrent dans le processus de création.

Enfin, un regard vers l’autre côté de l’Atlantique nous offre de grands modèles de réussite. Les grands labels sudistes des années 90, de Rap-A-Lot (coucou J-Prince) à Cash Money ou No Limit Records. Le légendaire label Roc-A-Fella par exemple, et sa myriade de sous-labels. Mais aussi Death Row ou, pour prendre un exemple très actuel, Quality Control. Fondé en 2012 par Kevin « Coach K » Lee (l’un des hommes de l’ombre majeurs de la trap depuis ses débuts) et Pierre « Pee » Thomas, ce label produit l’un des groupes les plus rentables au monde : Migos. Et ce, depuis une époque où « Versace » n’existait pas encore, quand Zaytoven fit découvrir ces trois gamins à Coach K. Eux qui s’occupent également de Lil Yachty (et s’occupaient de Rich The Kid ou Skippa da Flippa) ont un deal simple avec Capitol. « Vous nous distribuez, nous sommbes votre branche urbaine mais nous gardons le total contrôle sur notre société, nos masters et nos éditions. » Tout simplement. Un empire naissant qui s’est emparé des charts à l’heure du streaming. En bref, il y a des exemples outre-Atlantique et il n’y a pas de raison que les gens du rap ne puissent pas réussir ce type de smart moves en France.

Notre musique génère de l’argent, et il est sublime de voir l’histoire du rap indépendant avoir connu de nouveaux grands moments grâce à Jul et PNL. Un récit dont des pages encore plus brillantes peuvent s’écrire. Dans des lendemains qui ont le potentiel pour être radieux, où les poules aux oeufs d’or auront endossé leurs habits d’orfèvres. Aux gens du rap de le faire, pour que cesse le malentendu et que notre musique montre définitivement à l’industrie entière qu’elle n’est le petit de personne.

Ne vous y méprenez pas : la douce Ama Lou, jeune artiste émergée du si bouillonnant nord londonien, débarque avec une vision, des talents et un masterplan. Entretien avec une chanteuse à l’appétit vorace, et au futur radieux.

Photos : @alantheg

Au mois de juillet, la londonienne Ama Lou sortait son premier projet DDD (Dawn, Day, Dusk). Un EP de trois titres qu’elle a choisi de mettre en image dans un ambitieux court-métrage de treize minutes, tourné dans le désert californien. Là, les morceaux s’articulent autour du personnage de Lou, qui évolue entre les codes de l’univers mob et les situations surréalistes d’un Wes Anderson. Quant à la musique, elle détient l’efficacité de ces mélodies qu’on a l’impression d’avoir déjà entendue. Forte, entêtante, on l’écoute fatalement en boucle. En tout cas c’est ce qu’on a fait pendant une semaine avant d’envoyer notre demande d’interview.

C’est chez elle, en Angleterre, qu’on l’a rencontrée. Ama Lou nous donne rendez-vous à Hackney, là où elle a grandi, dans un restaurant familial vietnamien où elle a ses habitudes. Au moment de commander, la jeune artiste y va pour trois et coupe même l’entretien pour ne pas risquer de manger froid. Un appétit vorace qu’on lui pardonne vite tant il nous ramène à la force de la passion qui anime son travail. Du cinéma à la musique, en passant par la mode.

L’entretien débute de façon chronologique. Dès sa naissance lunaire qui sera célébrée par la réception incongrue d’une unique carte toute indiquée : « Félicitations, vous avez donné naissance à un alien. » « Ma mère m’a dit qu’enfant, j’étais un alien. Je n’étais pas réelle. La première nuit, je n’ai pas pleuré. Je ne pleurais pas beaucoup quand j’étais bébé. J’avais juste ces immenses yeux noirs ouverts et je ne dormais pas, je regardais tout autour de moi et elle me fixait en disant : “Ok, tu n’es pas réelle.” »

À l’époque déjà, son père est musicien et la musique rythme le foyer. C’est sur ce point précis que nous creusons pour retrouver l’origine de son sens de la mélodie, l’une de ses plus grandes forces. Ce qui se vérifie rapidement : « Ça a toujours été quelques chose pour lequel j’étais douée enfant. » Elle poursuit : « Je pense que la mélodie est ma zone de confort. Je peux toujours imaginer une bonne mélodie. Et j’ai toujours cru que, quoi que tu dises, tu dois toujours avoir une bonne mélodie, pour que les gens puisse absorber la chanson et ensuite, découvrir ce qu’elle raconte. C’est comme une double frappe tu vois. » C’est cette double-frappe qui a fait tout le succès de son premier titre « TBC » : une mélodie transcendante, qui décèle un message plus lourd et plus grave, un hommage au mouvement Black Lives Matter.

La première chanson que j’ai sorti, c’était « TBC » en 2016, le 10 octobre. Je me souviens littéralement de la date. Je n’avais pas vraiment d’attente. Je savais que c’était une bonne chanson. J’en étais très contente. J’étais de retour de New-York et j’ai en quelques sortes retranscrit l’expérience que j’ai eu là-bas avec le mouvement Black Lives Matter et la façon dont ça a affecté les gens avec qui je traînais là-bas. J’ai traduit ce que je ressentais par rapport à ça, pour en faire un genre d’étendard pour ce mouvement, et ceux qui ont été et sont toujours victimes de ces choses-là. Et je l’ai sorti, sans attente. C’était la première fois que je sortais un morceau. Et ça a pris, ces gens m’envoyaient des messages, en me disant ce que ma musique provoquait chez eux. Ça m’a rendu dingue, parce qu’ils m’envoyaient ces messages hyper profonds sur la vie, et me remerciaient pour ça. Pour la première fois, j’ai ressenti la responsabilité que j’avais à faire de la musique et en tant qu’artiste.

Qu’est-ce qui t’as convaincu de sortir une chanson pour la première fois ?

Ça avait l’air d’être le bon moment, c’était… [elle réfléchit] Tu vois quand l’univers te dis de faire quelque chose et que ça te suffit ? J’ai suivi mon instinct, c’est tout.

Après « TBC », Ama sort « Not Always », « Said It Already » et « Lost My Home », puis s’envole vers Los Angeles. Là, elle rencontre le mystérieux producteur anglais Jai Paul, qui lui offre toutes les ressources pour pouvoir pleinement exprimer sa créativité jusqu’à donner naissance à DDD.

J’ai rencontré l’équipe qui m’accompagne actuellement juste avant DDD. Peu de temps après, j’ai pris l’avion pour LA. J’étais un peu livrée à moi-même, jusqu’au moment où j’ai rencontré ce gars, Jai Paul, qui m’a tout simplement donné toutes les ressources. Il disait : « Yo, tu as toutes les réponses. Tu es productrice. Voilà tout ce qu’il te faut pour faire de la musique. » J’ai eu énormément de temps pour expérimenter. On a par exemple fait des sessions avec des musiciens pour chacune des chansons que j’ai enregistrées.

Tu as rencontré Jai Paul à Los Angeles ?

Oui ! DDD est né de tout ça et c’était génial. C’est mon processus de création à présent. Il ne m’a jamais dis que je ne pouvais pas le faire. Il le savait, bien avant que je ne le sache moi-même. C’était cool.

Est-ce que tu étais déjà dans la vidéo à l’époque ?

Oui, j’ai commencé à écrire un film au même moment, mais complètement séparé. Mais j’ai réalisé qu’ils étaient liés en quelques sorte. J’avais constamment ces visions de cette scène, des choses très étranges… Tu as déjà pu t’en rendre compte vu que le film est bizarre. Ma soeur travaille dans le cinéma. Elle est assistante caméra. J’ai commencé à les écrire, puis on a commencé à développer la trame du film. Après quoi, je suis retournée à la musique que j’ai produite comme une bande-son de ce film. Donc c’est devenu un monde à part et c’est très cool.

« On peut seulement prendre des références. Je ne crois pas qu’on puisse tout reproduire à l’exact, on ne devrait d’ailleurs jamais essayer de le faire. »

Le film de treize minutes, détient effectivement son propre univers, bourré de références au cinéma, une autre passion d’Ama Lou. Quand on lui demande de citer ses influences, elle commence par Les Affranchis, son film préféré. Puis enchaîne avec Comancheria, Kill Bill, la scénographie de Thelma et Louise, pour poursuivre par une référence à Wes Anderson.

Pour les couleurs ?

Oui ! J’adore Wes Anderson.

C’est toujours très coloré…

Oui, des couleurs bizarres et poussiéreuses.

Mais les tiennes étaient beaucoup plus chaudes pour le coup.

Carrément, beaucoup plus chaudes. Mais ça doit être différent. On peut seulement prendre des références. Je ne crois pas qu’on puisse tout reproduire à l’exact, on ne devrait d’ailleurs jamais essayer de le faire. Il suffit seulement de récupérer beaucoup d’éléments de différentes parties de l’univers pour ensuite faire en sortes qu’elles deviennent les tiennes.

On les transforme seulement.

C’est ce que j’essaye de faire en tout cas. Rien de ce qu’on créé sur Terre n’est nouveau, ça vient toujours de quelque chose. Ça vient juste du cours que suit ta pensée. Ce n’est pas quelque chose du genre « Oh, ça n’a jamais été fait avant. »

Si on schématise, les passions d’Ama Lou trouvent toutes un lien avec un membre de sa famille. Son père est musicien, sa soeur travaille dans le cinéma. Quant à sa mère, c’est la passion de la mode qu’elle lui a transmise. « Ma mère a étudié l’histoire de la mode. On allait souvent dans le Sud de la France et on allait toujours faire un tour dans les brocantes. Elle me montrait les vêtements en m’expliquant qu’ils venaient de telle ou telle époque et tel ou tel endroit etc. En grandissant, ça m’a vraiment intéressé. C’est devenu comme une façon de réduire le stress, mais aussi un énorme hobby pour moi : l’histoire des vêtements, d’où ils venaient, la forme des choses. J’ai une archive maintenant, avec quelques pièces. »

Elle garde secrète leur provenance mais nous ouvre en quelques mots son armoire. Elle revient notamment sur la chemise d’inspiration cow-boy qu’elle porte dans sa session COLORS. Une pièce rare datée des années 50, en fausse-fourrure, qu’elle a du faire recouper, car bien trop grande. Ou encore sur sa possession la plus chère : un cachemire en col V jaune. Toute une histoire.

Tu vois, à la fin des Affranchis, quand Robert de Niro se fait arrêter, il sort menotté, n’est-ce pas ? Il porte ce col V jaune en velours. Je l’ai vu et je suis tombée amoureuse de ce pull. C’était resté dans mon esprit. Je ne pensais pas que je pourrais le trouver où que ce soit, dans la même couleur. Un jour, je parlais à un ami qui vend des vêtements, et sorti de nulle part il m’a dit : « Oh, est-ce que tu voudrais ça? » Je te jure que c’était exactement le même, de la même période que le film.

Même coupe, même couleur ?

Même coupe, même couleur !

[rires] Pas besoin de retouche ?

Non, pas besoin ! Je te jure que j’ai presque pleuré. Il était là, genre : « Tiens, prend-le pour 20$. » Mais il ne comprenait pas ce que ça voulait dire pour moi. Exactement la même couleur. Je ne l’ai jamais porté.

À ce stade, les assiettes sont vides depuis bien longtemps. On commande la dessert avec sa manageuse présente avec nous. Puisqu’Ama est une habituée, on la laisse volontiers faire le choix, qui se porte sur un « three-colors dessert ». « Je ne sais exactement pas ce que c’est, mais ici on appelle ça comme ça », précise-t-elle toutefois. C’est un grand verre rempli de lait de coco et garni par étage de haricot rouges, de fils vert (à base de pandan) et de morceaux de glaces.

Le temps de le voir arriver et de laisser la glace fondre, on aborde rapidement le sujet de sa tournée, qu’elle préparait encore ce jour-là, en évoquant la première partie de Jorja Smith qu’elle a accompagnée tout autour du monde. « On traînait dans son salon quand je lui ai demandé qui faisait la première partie de sa tournée. Elle m’a dit : “Oh… Personne. Est-ce que tu veux la faire ? Est-ce que tu veux venir avec moi en tournée?” On a eu cette conversation où on s’est dit que ce serait cool, parce qu’on est complètement différentes. Ceux qui viendraient la voir auraient deux shows vraiment différents et pas une version moins développée de ce qu’elle fait déjà. C’est ce qui s’est passé. »

Autre chose : ça n’a pas vraiment de rapport mais Vogue a publié un article entier sur tes cheveux.

Ils l’ont fait ! [rires] Mais avant de faire l’interview, je ne savais même pas de quoi on allait parler.

Tu ne savais pas qu’ils voulaient faire ça ?

Non, mais la journaliste posait tellement de questions sur mes cheveux… Ça m’a surprise. Je me disais : « Mais je ne sais même pas comment répondre ! »

Tu en as pensé quoi ?

C’est cool qu’ils aient pensé à se poser des questions sur les cheveux bouclés. Parce qu’il y a quelques année, ils ne le faisaient pas. Je pense que c’est une bonne chose… Mais c’est un peu sorti de nulle part, non ? [elle coupe] Je pense qu’il est l’heure du dessert !

Six villes. Douze dates. Douze artistes. 23 DJs. Et au total, plus de 14 000 cramés qu’on a ambiancés pendant trois mois et demi entre Paris, Lyon, Rennes, Nantes, Calvi et Bordeaux. Entre le 1er juin et le 15 septembre 2018, la tournée du YARD Summer Club s’est répandue sur le territoire français telle la vague caniculaire de 2003, avec l’aide de notre partenaire JD Sports.

Merci aux artistes qui ont accepté notre invitation durant ce bel été : 13 Block, Buddy, Dinos, F430, Kalash, Kekra, Koba LaD, Maes, Moha La Squale, SCH, Sfera Ebbasta et Zola.

Merci à vous, surtout, et sorry pour les coups de soleil.

Aujourd’hui arborée par Koba LaD ou Niska, hier vendue chez colette. Depuis 2015, la marque parisienne applecore se plait à faire le grand écart. Ses fondateurs nous racontent leur vision.

Photos : @75streetstyle

Seulement six années séparent Moriba Koné, 31 ans, de son associé Steven Alexis, 25 ans, avec qui il a fondé en 2015 la marque applecore. À priori, c’est peu. Pourtant, à les entendre, ce maigre écart d’âge sonne comme un fossé se tenant entre les deux compères. Eux parlent d’ailleurs volontiers d’une « génération » d’écart. Au regard des tendances qui se succèdent à la chaîne, et surtout des mentalités qui – selon eux – font actuellement l’objet d’un « switch complet », on déduit que le temps avance peut-être en lecture rapide dans ce monde à part qu’est celui de la mode. Un univers que Steven n’a infiltré que tardivement, contrairement à son aîné.

« Même si j’aimais les vêtements et regarder les shows, la mode était un monde qui me dépassait totalement. De l’extérieur, ça me paraissait chelou », reconnait-il d’emblée. Lui est créatif touche-à-tout qui, par peur du cloisonnement, s’est évertué à explorer tout le champ des possibles. Son parcours est une succession de virages serrés : après le collège, le natif de Poitiers étudie les sciences de l’industrie – « une sorte de techno améliorée » – avant d’intégrer une école d’architecture, qu’il abandonne en milieu de cursus, pour prendre la direction de Bordeaux, où il se forme au graphisme. Steven Alexis force ensuite les portes de la capitale, à 20 ans, puis multiplie les missions d’agence, en tant que creative consultant« Mais à l’époque où j’étais en agence, j’avais envie de faire des projets solo, de m’exprimer sur d’autres choses », se remémore t-il. Ces « autres choses », dans un premier temps, ce seront une petite série de face masks que Steven fait produire et distribue autour de lui, et qui susciteront la curiosité de celui avec qui il fait aujourd’hui équipe, Moriba.

Ce-dernier n’a pour sa part pas mis longtemps avant de trouver sa voie. Après trois ans de fac, il passe successivement par deux écoles de mode, respectivement Mod’Art et l’IFM, avant de lancer une première marque, Maison Seine, qui sera vendue pendant près d’un an et demi chez colette. En parallèle, Moriba se fait déjà remarquer aux platines des soirées parisiennes les plus prisées, d’abord au sein du collectif Montaigne Street, puis du tandem de DJ/producteurs BLKKKOUT, avec lequel il publie un EP sur lequel figurent LaGo ou encore Papa Ghana, co-fondateur de la marque néerlandaise Daily Paper. Des accomplissement notables qui permettent à ce français d’origine malienne de se faire au forceps une petite place dans un circuit pourtant restreint. Jusqu’à applecore.

Car chez applecore, tout se construit autour de l’humain. Il s’agit constamment de connecter, de considérer l’autre, de choyer ceux aux côtés de qui on avance. « C’est ce qui justifie le nom de la marque, la relation métaphorique avec le centre de la pomme : applecore c’est l’essence, le coeur, puis tu vas avoir tout plein de gens, tout plein d’énergies qui vont se greffer autour », explique Steven. C’est dans cette logique que la marque, même naissante, a très vite pu se retrouver sur les étals du feu célèbre concept-store du 213 rue Saint-Honoré. Grâce aux bonnes relations qu’entretenaient Moriba et Sarah Andelman, depuis l’aventure Maison Seine. Ce qui ne veut pas pour autant dire que l’opportunité leur a été donnée, bien au contraire.

« Avant, je tenais vraiment à cibler LA bonne personne. Mais aujourd’hui, je me rend compte que j’ai envie que l’idée de la marque soit plus large. »
– Moriba Koné

« Au départ, elle nous a dit non, raconte Moriba. À l’époque, le rez-de-chaussée était dédié au trucs plus accessibles, plus street, et le premier étage était plus dur à intégrer, car réservé aux marques plus établies. Nous, on est arrivés avec des produits très mode, qui pouvaient limite entrer au premier étage, sauf qu’on était pas assez établis. » Alors les deux partenaires se sont adaptés. Ils cogitent, revoient la prétention de leur copie et se recentrent sur des pièces plus accessibles, qui trouvent sans mal leur place dans la fameuse boutique. Peu avant la fermeture définitive, la connexion entre applecore et colette va même s’intensifier, aboutissant sur une première véritable collaboration, présentée en grandes pompes au ComplexCon. Après seulement deux années d’existence, c’est remarquable. Mais c’est aussi prématuré. « Ce qui est marrant, c’est qu’on a fait une collaboration entre applecore, colette et ComplexCon, mais on n’était pas encore assez structuré, on n’avait pas encore assez d’oseille pour partir voir notre collection là-bas. Notre produit part, mais on ne peut pas partir avec », s’amuse Steven. Toujours trop vite.

Quand il est question de s’adresser au beau petit monde parisien, colette est une vitrine sans commune mesure. Mais les regards de Moriba et Steven se lancent bien au-delà du périphérique. Il faut qu’applecore soit à leur image, et puisse rassembler des individus aux provenances et aux parcours aussi diamétralement opposés que les leurs. La « Nouvelle France », diraient-ils sûrement, en écho à une de leur campagne du même nom. Leur communication comme leurs créations sont truffées de références censées résonner auprès de ceux qui l’incarnent. Un jour, l’argot « Lovés » se verra imprimé sur un sweat ou un pantalon à pince ; le lendemain, Marianne sera brodée sur une casquette, forte d’une nouvelle devise « Multicuturel, Fédérateur, Unité ». Leur dernière collection, présentée à Paris lors de la dernière Fashion Week, s’intitule quant à elle « Identity ». « Le thème c’est la recherche de soi-même. Moriba et moi sommes deux personnes qui se remettent beaucoup en question. On se demande sans cesse pourquoi on en est arrivé là. Dans ma famille, tout le monde faisait partie de la classe ouvrière, il n’y avait personne dans le milieu artistique, alors comment expliquer que je m’épanouisse là-dedans aujourd’hui ? D’où ça vient ? Tout ce questionnement se traduit par cette collection Identity : comment tu te construis en fonction de ton éducation, des livres que tu as lus, des gens qui sont autour de toi, de ta religion ou de tes origines », détaille Steven. applecore est en phase avec le monde qui l’entoure.

Reste qu’en allant puiser l’inspiration aussi bien du côté des slangs banlieusards que de la Renaissance, applecore a de quoi nous égarer. De même qu’il peut être surprenant de voir cette marque semblant appartenir à une niche, qui s’attache à produire localement car il était « inconcevable de créer quelque chose et de ne pas être là quand c’est fait », se retrouver sur le dos des rappeurs les plus en vogue du moment, comme Niska ou Koba LaD. Alors dans le fond, qui est la cible d’applecore ? « Des gens ouverts d’esprits », glisse Moriba. Avant de préciser : « N’importe qui : tu peux être un geois-bour, un mec de banlieue ou de Province, tant que tu as cet intérêt pour des domaines artistiques, des sujets particuliers, tant que tu es curieux, tu peux faire partie de la famille applecore. » À bas l’élitisme et la culture de l’ultra-limité, il est ici question de voir plus loin. « Pour être honnête, je ne réfléchissais pas trop comme ça avant, j’étais plus niché, je tenais vraiment à cibler LA bonne personne. Mais aujourd’hui, je me rend compte que j’ai envie que l’idée de la marque soit plus large. Que son nom soit imprégné dans l’esprit de plein de monde », poursuit-il.

Koba LaD, en ensemble applecore dans son clip « La C ».

Leur référence ? Comme des Garçons, inspirant dans leur faculté à aller du sobre au folklorique, du complexe à l’accessible. « Ce que j’aime dans cette marque-là, qui fait d’ailleurs partie de mes préférées, c’est qu’ils sont capables de faire le grand écart. Ils vont te faire à la fois des trucs giga perchés que tu peux à peine porter, limite des pièces de musée, mais à côté de ça, ils vont proposer des produits qui vont être plus abordables, autant au niveau du prix que dans la pièce en elle-même. Pouvoir accéder à la marque de plusieurs manières, je trouve ça bien », confesse Moriba. « Puis au niveau de la structure de la marque, le fait d’avoir plusieurs lignes, c’est quelque chose de très intéressant quand on a plein de choses à exprimer », complète pour sa part Steven.

Pour mener à bien ses plans de conquête globale, le tandem a pourtant paradoxalement décidé de se replier sur lui-même. De faire en sorte qu’applecore puisse être sa propre rampe de lancement, indépendamment de toutes les boutiques de sapes de France, mais aussi d’ailleurs. Ce qui n’a pas toujours été le cas, comme l’assure Moriba : « Au début, applecore était disponible dans plusieurs concept stores à travers le monde, que ce soit au Japon ou en Australie, à Londres ou à Paris. Mais on a décidé de se recentrer sur le site en ligne, de manière à développer notre propre indépendance. Il faut vraiment que ce soit la base. Comme ça, quand on sera un peu plus fort, on sera en position de choisir précisément avec qui on veut bosser. » Steven, quant à lui, est plus véhément : « Quand tu es une jeune marque, c’est très dur de travailler avec le wholesale. Pour nous, en tout cas, ce n’était vraiment pas une bonne expérience. »

« J’estime juste que le gâteau est suffisamment grand pour que tout le monde puisse se le partager. » – Steven Alexis

Chez applecore, on pense plus-value. Tout doit avoir un sens, une utilité, une valeur ajoutée. À quoi bon se forcer à faire ce que tout le monde fait déjà, sans être en mesure d’y apporter du neuf ? C’est la raison pour laquelle la marque se refuse pour le moment à organiser des défilés. « À l’heure où l’on parle, ce n’est pas intéressant pour nous. Il faut qu’il y ait quelque chose de fort dans tout ce qu’on fait, que ce soit dans l’histoire qu’on raconte, dans les activations à faire, dans le procédé, etc. Autrement, on ne fait pas », jure l’ainé du duo. Le genre de mentalité qui transforme ce qui ne devait être qu’une simple interview écrite avec Vogue, en un bel édito mode entièrement réalisé à l’initiative des interrogés, paru en 2016. « On s’est dit qu’à chaque fois qu’on allait nous donner une opportunité, on allait apporter plus que ce qu’on nous propose. Pour Vogue, c’est nous qui sommes partis faire l’édito à Étretat, qui avons fait la sélection des mannequins… Tout. Le journaliste n’avait plus qu’à envoyer les questions. »

Les mentalités, tiens. Celles du milieu – et plus encore de la capitale – n’ont longtemps généré que frustration chez le jeune Steven. Une frustration que ce-dernier s’est senti le besoin d’évacuer, au travers d’un post Instagram fiévreux, publié deux jours avant que la collection « Identity » ne se dévoile. « J’estime juste que le gâteau est suffisamment grand pour que tout le monde puisse se le partager », précise t-il. « Quand je suis arrivé à Paris, j’ai vu beaucoup de “Non je ne bosse pas avec untel parce qu’il est pote avec machin, etc.” Personne ne fonctionnait ensemble. » Avec six ans de plus au compteur, Moriba avait déjà eu le malheur de se heurter à l’inhospitalité des vétérans de la mode parisienne. Mais lui et son associé sont désormais décidés à initier le changement : « Pendant longtemps j’en ai souffert, et j’aurais pu me dire que vu que personne ne m’a aidé, je vais juste faire en sorte de me mettre bien tout seul. Mais au contraire, j’ai envie de connecter, de donner aux gens l’opportunité de se développer. La nouvelle génération est beaucoup plus altruiste, et on en a grave besoin. »

Steven aime se référer au processus de création musicale, lui qui travaille en étroite collaboration avec le collectif ETMG, fondé par Elaps et maison de talents comme Pyroman, Junior Alaprod ou la polyvalente Meryl : « La notion de partage est vraiment là, il y a une énergie de ouf. Quelqu’un va commencer une prod, puis un autre va venir ajouter un élément dessus, puis encore un autre et ainsi de suite. Il y a ce truc de “Ensemble, on va plus loin” et ça, ça m’inspire beaucoup. » Aujourd’hui, les deux créateurs nourrissent l’espoir que tout le monde se mette enfin à tirer dans le même sens, de manière à ce que Paris de la mode puisse rayonner à travers de « vrais gens ». En faisant tout de même en sorte que dans cette constellation de nouveaux labels français, applecore soit l’étoile qui brille plus que les autres. Qu’elle soit à Paname ce que Daily Paper peut être à Meda. « On aimerait que quand les gens pensent à la France, ils identifient immédiatement applecore comme une marque phare », conclut Moriba.

Quand on regarde les vidéos époustouflantes de « Malamente » et « Pienso En Tu Mirà » de Rosalía, on comprend pourquoi l’Espagnole s’impose comme une future superstar. Le réalisateur, Nicolàs Méndez de CANADA, nous en dévoile les coulisses, et nous les commente.

À 24 ans, Rosalía s’est très vite imposée comme une sensation incontournable en Espagne. Mais pas que. Sa musique est un hybride de cette vague trap qui parcourt la nouvelle scène ibérique et des codes traditionnels du flamenco qu’elle a longtemps pratiqué. Rien d’inaccessible, bien au contraire. Sa musique nous apprivoise grâce à une rythmique envoûtante et un thème universel : les relations toxiques.

Le coup de coeur opère quand on regarde les vidéos de « MALAMENTE » et « PIENSO EN TU MIRÀ ». Deux vidéos à la cryptologie mystique et à l’esthétique léchée, maîtrisée par la compagnie de production CANADA et son cofondateur, le réalisateur Nicolàs Méndez. En deux clips, on découvre un univers qui nous accroche et nous éblouis. On a donc voulu en savoir plus. Le réalisateur a accepté de répondre à nos questions et de nous transmettre quelques images du tournage capturées par Berta Pfirsich (CANADA).

Quelle était l’idée derrière les vidéos de « MALAMENTE » et « PIENSO EN TU MIRÀ » ?

Les deux vidéos ont été filmées en même temps, la conceptualisation a donc été un travail conjoint. L’imagerie et le monde dans lequels se situe « PIENSO EN TU MIRÀ » sont les mêmes que « MALAMENTE », bien que les images soient différentes car elles racontent différents moments de cette relation dont parle l’album.

« MALAMENTE » décrit le moment où deux personnes sont attirées l’une par l’autre et qui, tout en connaissant le destin tragique qui attend leur relation, y vont malgré tout. »PIENSO EN TU MIRÀ » tourne autour de la jalousie que cet homme ressent. Comment il captive sa partenaire, la façon dont il l’aime tout en étant jaloux et en l’enfermant.

Comment sont-ils liés à l’Espagne ?

J’ai voulu que l’Espagne et ses traditions soient présentes, même si c’est d’une façon assez déconnectée. Récupérer des éléments du folklore pour qu’ils se rencontrent, non pas avec de nouveaux éléments mais avec un nouveau regard, qui signifie autre chose.

D’où l’image du taureau et du matador. Je vois dans la domination du taureau, la relation établie avec lui et qui illustre les rôles qui sont incarnés dans des relations toxiques, qui peuvent être fatales.

L’épée, le genou dans le sable, le sang, l’amour profond, le soulagement de la mort de la relation.

Quelqu’un qui se laisse posséder, qui se laisse hanter, en connaissant la fin tragique de sa propre destinée. Ensuite, avec le vampire on évoque la mort dans l’amour, une créature qui aime tellement qu’il tue la chose la plus chère pour lui en embrassant sa bien-aimée.

Le prochain album de Rosalià el mar querer est prévu pour le 2 novembre. On attend la suite.💃🏻

La plage s’installe au Grand Palais, la tendance utilitaire fait l’unanimité, le Céline d’Hedi Slimane très critiqué… La Fashion Week Femme printemps/été 2019 s’est achevée la semaine dernière, on vous raconte nos cinq shows favoris.

Cette année, le PSG est en vogue. D’abord Jordan, puis un show tout en couleur avec Manish Arora, GCDS fait le buzz en faisant défiler des femmes avec 3 seins (un clin d’oeil au film culte Total Recall), le robe de mariée est de retour pour clôturer les shows, et enfin, Fila quitte les terrains de tennis le temps d’un runway.

De l’hommage rendu à la communauté noire par Pyer Moss au premier show de Fila, voici notre sélection des cinq défilés marquants de cette saison.

 

Pyer Moss

Finaliste pour le CFDA Vogue Fashion Fund, Kerby Jean-Raymond du label PYER MOSS, fait partie des talents à suivre de près. Cette saison, il rend hommage à la communauté noire. Un rappel à son premier défilé de l’été 2016, où il avait déjà mis en avant le mouvement Black Lives Matter. En 1938, James Weeks fonde Weeksville, un quartier de Brooklyn, pour rassembler et unir la première communauté noire libre. Pour célébrer ce fait historique, Kerby décide d’organiser son défilé dans le Weeksville Heritage Center, un lieu rendant hommage à l’indépendance afro-américaine.

La saison dernière était consacrée à l’histoire (souvent ignorée) du cow-boy noir. Cette fois-ci, le créateur s’est inspiré du « Negro Motorist Green Book », un guide de voyage datant de l’ère Jim Crow, regroupant les lieux de sûreté de l’époque pour les voyageurs noirs. L’inspiration a conduit Kerby Jean-Raymond à rencontrer l’artiste Derrick Adams, un artiste peintre qui a imaginé une exposition artistique sur ce même guide. Il a créé par la suite 10 tableaux exclusifs, représentant la vie insouciante et un peu utopique de familles afro-américaines. Ils sont imprimés sur un ensemble chemise/pantalon, une robe pailleté et sur beaucoup de tee-shirts.

Le créateur s’engage également à mettre en avant la culture afro-américaine en collaborant avec la marque FUBU (For Us By Us), un des piliers du streetwear des années 90. Il a également élargi son partenariat avec Reebok, qui dure depuis maintenant 2 saisons, en proposant des tracksuits en plus des sneakers revisitées.

 

FILA

Grâce à des collaborations avec certaines marques de luxe dont Fendi, Fila fait ses premiers pas sur le runway de Milan. Les directeurs de la création puisent leurs inspirations dans les nombreuses archives de la marque née en 1911. Mettant en avant le savoir-faire dans les différents domaines sportifs tel que le tennis, la natation et la voile, le show comprend un hommage au style emblématique du tennisman Bjorn Borg, l’une des figures les plus populaires de Fila.

Le défilé commence par des silhouettes immaculées, puis d’autres suivent en arborant les couleurs caractéristiques de la marque : le rouge, le bleu marine et le noir, qu’on retrouve par touches ou en total look. Le transparent est également à l’honneur. Les maillots avec logo, les t-shirts rétros, et les polos-pantalons coordonnés reflètent clairement le cœur de la marque.

Rachetée en 2007 par un entrepreneur coréen, elle connaît un succès sans précédent depuis bientôt 4 ans grâce aux amateurs de streetwear des années 90.

 

AFTERHOMEWORK

A 19 ans, Pierre Kaczmarek est le plus jeune créateur à intégrer le calendrier de la Fédération de la Haute Couture. Il crée sa marque en 2014 – alors âgé de 15 ans – et travaille sur ses silhouettes après ses devoirs (ce qui inspirera le nom de sa future marque). En 2016, il est rejoint par la styliste Elena Mottola, puis AFTERHOMEWORK devient une sorte de label regroupant plusieurs créatifs parisiens.

Si elle est résolument l’une des marques françaises émergentes les plus à suivre, c’est parce ce qu’elle s’inspire directement des phénomènes sociaux en proposant une mode à la fois jeune et moderne, cool et sophistiquée.

Sur le runway, les silhouettes non structurées ont succédé aux pantalons plissés avec des liens (une signature de la marque) puis d’autres ont suivi avec des tons plutôt neutres. Enfin, les sacs accompagnant les looks abordent quant à eux, de multiples poches en volume, suivant la tendance utilitaire.
Durant le show, quelques têtes connues ont défilé comme les rappeurs suisses Di-Meh et Slimka.

 

Marine Serre

Gagnante du prix LVMH en 2017, Marine Serre n’aura pas perdu de temps pour devenir une designer à suivre. Après avoir lancé le « Futurwear » l’année dernière, elle va plus loin avec la « Hardcore Couture » cette saison.

50% de la collection est issue de « l’Upcycling », faite à partir de matières recyclées. Ce concept de néo-vintage rappelle celui qu’utilisait Margiela dans les années 90. Des foulards, des tissus fleuris et beaucoup de t-shirts vintages sont détournés. Des gilets de pêche assemblés en une robe longue et une couverture fleuri en robe du soir.

En plus des combinaisons imprimées lune emblématique, on y trouve un long manteau noir scintillant de portes-clés, qui ferait parti d’une collection familiale. Pour la première fois, des hommes et des enfants défilent. Aux pieds des mannequins, principalement des TN et des Converses arborant le logo de la marque.

 

Comme des Garçons

Des cheveux grisonnant. Des vestes ouvertes à la taille par un zip, qui expose directement le ventre. Des chaînes nouées à même le corps sous des combinaisons en transparence et qui s’échappent des manches. Aux pieds des modèles, le retour de la total Shox de Nike, enchaînée avec logo Comme Des Garçons en pendentif.

À travers son show, la créatrice Rei Kawakubo a voulu nous faire partager sa douleur et sa peine personnelle. Au cours des 10 dernières collections, elle aura fait défiler de grandes formes abstraites tel de véritables sculptures. Cette saison, elle a voulu créer quelque chose de nouveau. Peu de temps avant le défilé, la marque a déclaré la frustration qu’avait éprouvé la créatrice, puisque cette dernière devait mener de front l’élaboration de la collection ainsi que son rôle de présidente d’une des plus grosses entreprises de mode au Japon.

Rei Kawakubo, qui a fait l’objet d’une exposition à l’Institut du Costume du Metropolitan Museum Of Art en 2017, est l’une des rares designer dont le travail puisse être qualifié d’art.

Chaque saison, les défilés font les tendances. Inattendues, culottées, recyclées ou inspirées. Éphémères, souvent. Retour sur les traits de style les plus saillants de la fashion week femme printemps-été 2019.

Photos : @75streetstyle

En Europe, sur les podiums de Paris, Londres et Milan, la femme de l’été 2019 semblait s’échapper de la plage en robe filet ou de la salle de sport en cuissard. Puis arborait de gros logos, s’armait de multiples poches et superposait les accessoires criards. Cinq tendances phares de la saison.

 

Le filet de pêche

Du torse des timals aux podiums, il n’y a qu’un pas… que les plus grandes maisons de mode se sont bousculées à franchir. Pièce phare de la saison, le filet de pêche devient robe et subitement coté. Il tombe jusqu’aux chevilles chez Dior, se brode de coquillages chez Altuzarra, combine les couleurs chez Chloé, agrandit ses mailles chez Sonia Rykiel, s’enfile sur un pantalon chez Victoria Beckham et se pare de manches soucoupe chez Louis Vuitton.

 

Le cycliste

Rayé chez Mugler, raccourci et côtelé chez Jacquemus, long chez Chanel, fleuri chez Stella McCartney, brodé chez Roberto Cavalli… le short de cycliste moulant est de tous les vestiaires. Un bout de tissu devenu l’indispensable d’une dégaine pratique, confortable et décontractée.

 

La logomania

On les lit ici ou là, un peu partout. Chez Chanel, Valentino, Chloé, Stella McCartney ou Burberry. Sur des étiquettes cousues sur l’épaule d’un trench ou d’une robe pull Balenciaga, imprimés sur le dessous d’un sac Givenchy, embossés en relief sur une jupe Fendi. Les logos et monogrammes des designers paradent en grand sur les bijoux, les ceintures, les vêtements, les casquettes, les sacs et les chaussures.

 

Les multipoches

Sur les vestes transparentes et les ceintures porte-cartouches de Fendi, les gilets army et les jupes zippées de Sacai, les pantalons satinés de Balmain ou les treillis de Givenchy, les grandes poches utilitaires, plaquées ou à soufflet, se multiplient. Un détail urbain d’inspiration commando, pour loger les essentiels d’une vie active.

 

Les accessoires stars

On ne voit qu’eux. Façon Mickey chez Gucci, accordéon chez Y/Project, coquillage chez Chanel. Mini ou XXL chez Jacquemus, arc-en-ciel chez Chloé, recouvert de gazon chez Dolce&Gabbana. Les sacs se déclinent sous toutes les formes. Chez Chanel et Fendi, on en porte jusqu’à trois tout à la fois. Puis les boucles d’oreilles futuristes, les pochettes tour de cou, les colliers en grappes, les bagues de pied, les ceintures bijoux, les manchettes oversize… Une flopée d’accessoires osés, qui volent presque la vedette aux vêtements.

Golden Blocks est de retour pour sa finale avec une nouvelle épreuve : l’excès de vitesse !

Après trois ans passé à poser et animer des pistes d’athlétisme dans la région parisienne et dans toute la France, Golden Blocks nous annonce son retour le 20 octobre, Place de la République pour une finale explosive.

Comme à son habitude, le trio vous invite à les rejoindre pour assister à la finale des épreuves Golden Block qui réuniront les 200 enfants sélectionnés qui s’affronteront sur trois épreuves : le sprint en duel, le H-Jump (high-jump) et le relais.

En plus de ça, une nouvelle épreuve s’ajoute aux festivités. « L’excès de vitesse », ouvert aux adultes, est un relai en 4 étapes sur 2000m, parcouru par une équipe mixte (2 femmes, 2 hommes). Si l’envie te prends de démontrer ta vitesse, constitue ton équipe et inscrits-toi ici.

Excessdevitesse.fr

Et si tu n’es pas du genre à courir, viens soutenir les coureurs et profiter de l’ambiance du Village des Golden Blocks avec, toujours, des animations (Double Dutch, BMX) des stands (barber, tattoo, foodtrucks) et un live tout indiqué du groupe 13 Block.

 

Golden Blocks – Excès de vitesse
Place de la République
Paris
Samedi 20 octobre

 

Il y a quelques années, il se murmurait à peine, se revendiquait trop peu. Presque un gros mot. Aujourd’hui, le terme « féminisme » se crie, s’écrit partout. Ses identités, ses visions et ses ambassadrices sont plurielles, chacune exigeant son bout de droit. Prêché par une foultitude de voix, le féminisme se schizophrénise parfois. Se confronte, se confond. En petites tenues et corps décomplexés, les idoles du rap féminin divisent. Participent-elles aussi au combat ?

Illustrations : @fanny.drw

Février 1997. Lil’Kim et Foxy Brown sourient tête contre tête dans leurs débardeurs blancs, en couverture de The Source. Le magazine titre en grosses lettres couleur Lakers : « Sex & hip-hop : harlots or heroines ? » (« Sexe & hip-hop : prostituées ou héroïnes ? »). Quelques mois plus tôt, les deux nouvelles gueules d’affiche du rap féminin livraient leurs premiers albums respectifs. Pour promouvoir Hard Core, Lil’ Kim posait cuisses écartées en bikini léopard échancré. Foxy Brown, elle, avait choisi de baptiser son projet Ill Na Na (qu’on pourrait traduire en mauvais français par « bonne chatte »). Deux disques qui bousculeront et réinventeront les standards féminins du hip-hop, libéreront la parole, raccourciront les vêtements. Révolution du plaisir et de la féminité. Liberté de baiser, mais surtout de le dire, puis de s’affirmer, même provoquer.

C’est que les rappeuses ont du clito. À deux, et même en froid, elles parviennent à détourner les codes genrés du sexe, de la séduction et du pouvoir. Du langage, aussi. Dans leur bouche, le mot « bitch », insulte sexiste qu’on dégueule comme bonjour, s’investit en « B » majuscule d’un nouveau sens, flatteur et positif. Surtout, Kim et Brown osent une esthétique ultra féminine. Avant elles, Salt-N-Pepa, MC Lyte, Queen Latifah ou Roxanne Shanté (puis Missy Elliott un peu plus tard) grattaient déjà des vers lascifs et féministes, mais étouffaient leurs formes sous des fringues trop lâches. Façon, peut-être, de se tailler une place crédible dans une industrie sur-testostéronée, régie par un devoir de virilité. « J’ai tendance à être considérée comme avant-gardiste. Mon style a toujours été différent. Avant d’arriver dans le milieu, j’étais super sexy, raconte Lil’Kim auprès de Billboard. Mon label ne comprenait pas qu’une rappeuse puisse être sexy. Ils pensaient que je devais ressembler à MC Lyte, porter des survêtements et tout ça. » Elle, s’habille comme bon lui chante, sans se soucier des regards de traviole, lubriques ou jugeants. Sur tapis rouge, elle parade en lingerie transparente ou cache juste ce qu’il faut de téton. Dans ses clips, elle ondule en sous-vêtements. De son assurance, jaillit un truc puissant. Plus imposant qu’érotique.

Souvent objetisé dans les clips des rappeurs, le corps féminin redevient, sous l’impulsion de Lil’Kim et Foxy Brown, un outil d’expression, de pouvoir et de domination. Les deux (f)emcees reprennent le contrôle de ce qui leur appartient, se réapproprient leur sexualité, s’assument dans toute leur féminité. Cheffes de file d’un féminisme nouveau genre, elles engendreront une armée de rejetonnes qui prolongeront leur idéologie. Trina, Eve, Remy Ma, Nicki Minaj ou encore Cardi B. Sans nécessairement blâmer à voix haute le système, les artistes choisissent, plutôt que de le subir, de le contrôler. Comme un clin d’oeil, on s’auto-surnomme « Black Barbie » (Lil’Kim puis Nicki Minaj) ou « Dream Doll » (du nom de la rappeuse). Poupées libérées de leur destin de jouet figé. Femmes-sujets disposant de leur corps comme elles l’entendent. Une valeur fondamentale, consignée dans les livres de droit.

En 2015, Lou Doillon s’insurgeait contre le féminisme en string de Nicki Minaj et Beyoncé. Elle, qui n’a pourtant jamais rechigné à s’effeuiller…

Emancipé, le rap féminin relègue, refoule voire malmène le désir masculin. Ainsi du clip de « Lookin Ass », où Nicki Minaj dégaine les armes pour canarder le regard masculin qui fragmente et désire son corps, charnu et tout moulé (dans le texte, Nicki pose aussi : « Stop lookin’ at my ass ass niggas […] I don’t want sex, give a fuck about your ex/I don’t even want a text from y’all niggas »). C’est pour elle-même, pas pour exciter l’oeil, que l’artiste se veut sexy. Se trouver belle, se sentir forte. Libérée d’un besoin de reconnaissance et de validation.

Plus encore, majoritairement noires, les rappeuses outre-Atlantique célèbrent des courbes dites racisées, autrefois humiliées et moquées. Un genre de revanche sur un passé colonial encore douloureux. Le destin de la sud-africaine Saartje Baartman a.k.a la « Vénus hottentote », tiens, convertie en objet de curiosité et de fantasme pour européens au début des années 1800. À Londres dans une cage sur estrade ou à Paris dans les cabarets, on donnait à voir aux curieux son derrière bombé. Exhibée, raillée et touchée comme un monstre de foire. Quelque part entre le dégoût et son contraire cochon. L’Europe coloniale s’imaginait l’anatomie africaine comme voluptueuse et difforme. Une anomalie. « Dans un contexte où les sciences européennes étaient comme polarisées par la question du corps, les canons de la normalité blanche et occidentale se sont construits en miroir d’une déviance noire, fantasmée, et hyper hétérosexualisée », écrit Patricia Hill dans son essai « Black Sexual Politics ».

Aujourd’hui, les rappeuses tout en formes redéfinissent les critères de beauté, imposent leurs rondeurs plutôt que de les cacher. « On est là dans une stratégie de « l’excès de chair », selon l’expression de l’universitaire américaine Nicole R. Fleetwood », nous éclaire Keivan Djavadzadeh, auteur d’une thèse titrée « Wild Women Don’t Have The Blues. Genre, race et sexualité dans le rap féminin ». « Il s’agit de rejouer, non sans distance critique, certains des traits constitutifs des représentations visuelles dominantes du corps féminin noir, pour en faire évoluer le sens […] Les performances de genre dans le rap féminin peuvent ainsi être lues comme une réponse aux discours et représentations médiatiques, qui altérisent les femmes noires en les présentant comme moins désirables. » Dans une interview à El País en 2015, Lou Doillon s’insurgeait contre le féminisme en string de Nicki Minaj et Beyoncé. Elle, qui n’a jamais rechigné à s’effeuiller. Comme si le corps dénudé mince et blanc, cet idéal de beauté occidental, bénéficiait d’une immunité contre la vulgarité, d’un avantage de grâce et de classe. Le twerk de Miley Cyrus serait gentiment subversif quand celui de Nicki Minaj, lui, serait carrément pornographique. « Vous avez un gros cul ? Remuez-le ! Qu’est-ce que ça peut faire ? », enjoint Nicki auprès de Rolling Stone.

Par la transformation chirurgicale de leur silhouette, notamment, les rappeuses se conforment à la représentation pulpeuse de la femme noire dans l’imaginaire populaire.

Cette culture visuelle afro-féministe, pourtant, traîne son lot d’effets indésirables. Si elle repense les normes corporelles, elle tend aussi à nourrir les stéréotypes raciaux, figer la beauté noire. Seins gorgés, fesses chargées. Par la transformation chirurgicale de leur silhouette, notamment, les rappeuses (même blanches comme Iggy Azalea) se conforment à la représentation pulpeuse de la femme noire dans l’imaginaire populaire. Se modèlent elles-mêmes selon des clichés auto-alimentés, des qualités fantasmées. Jusqu’à, parfois, servir la fétichisation du corps noir. Cette fascination obsessionnelle, dont Jean-Paul Goude a été l’un des porte-drapeaux assumés. Dans le clip de « Stupid Hoe », Nicki Minaj se trouve cloîtrée en body panthère entre des barreaux jaunes, comme Grace Jones une quarantaine d’années plus tôt, sous l’objectif de son photographe de fiancé. Sur le cliché, le modèle se livrait nue, carcasse de viande à ses pieds, dans une cage surmontée d’un écriteau « Do not feed the animal ». Une imagerie animalisante et néo-colonialiste, que Minaj aura maladroitement rejoué.

Puis, il y a la récupération. Celle de l’industrie patriarcale du rap, qui, avant les convictions, voient d’abord là du cul aux œufs dorés. Dans une interview à JetMag en 2013, Sharaya J, protégée de Missy Elliott, confiait avoir été priée de « porter des talons, des extensions, et vendre du sexe », après avoir présenté son travail auprès d’un label. « Ça nous a un peu surpris avec Missy, parce que notre but, au départ, c’était d’essayer de présenter une version authentique de ce que je suis vraiment. » Chez les femmes, le physique définit la valeur marchande. La féminité doit être tranchée, sans nuances. Injonction à la beauté et la séduction. D’autres genres de figures féminines coexistent dans le hip-hop, Angel Haze, Young M.A, Kamaiyah, Princess Nokia ou encore Little Simz. Mais sans l’appui des majors et médias de masse, elles se confinent à des succès d’estime. « Young M.A n’aurait probablement jamais été approchée par des maisons de disque si elle n’avait pas rencontré le succès en indépendance sur Internet », relève Keivan Djavadzadeh. On préfère promouvoir le sexy, le bien en chair, offrir un modèle d’identification unique, uniformisé.

Y’a beau faire, le corps féminin exposé connote fatalement l’érotisme, parfois l’obscénité. Le masculin, lui, même pecs huilés, échappe au désir, au jugement. « On n’entend jamais parler d’hypersexualisation à propos des rappeurs hommes, observe Keivan Djavadzadeh. Dans le reste de la société aussi, la nudité féminine est considérée comme plus « érotique » que la nudité masculine. Un homme qui se balade torse nu n’encourt pas la même réprobation sociale qu’une femme qui en ferait de même (et qui s’exposerait en plus à des poursuites pour exhibition sexuelle). » Ce n’est pas l’exposition du corps qui contrarie le message féministe, mais sa perception. Pour autant, les rappeuses ne doivent jamais cesser de se découvrir, s’exposer, oser, se tromper. Brandir une forme de féminisme, qui, sans elles, ne saurait s’incarner.

En 2015, il disait avoir peur de se tromper. Aujourd’hui, il nous explique avoir encore tout à prouver. Malgré le temps qui passe, et une ambition claire depuis ses 14 ans, PLK s’estime encore comme un rookie. Après tout, c’est un jeune de 21 ans, angoissé de n’avoir plus rien à dire à 25 en ayant déjà tout vécu.

Photos : @samirlebabtou

Ultra-productif. C’est avec ces mots qu’on pourrait définir PLK depuis un peu plus d’un an. Ténébreux, Platinum, maintenant POLAK ; le rappeur est omniprésent dans le rap français depuis sa signature chez Panenka Music en octobre dernier. Le début de sa carrière remonte à loin, et pourtant, elle semble n’avoir jamais vraiment commencé. Tête de proue du collectif Panama Bende, c’est d’abord en groupe que PLK fait ses classes, accompagné de ses amis de longue-date : Ormaz, Aladin, Zeu, Lesram, Elyo et ASF. Dans l’entourage de L’Entourage, le rappeur du 14ème arrondissement de Paris appartient à une génération de compétiteurs dans l’âme, que ce soit dans les freestyles, les open-mics ou les morceaux.

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Une génération de techniciens de la punchline et de spécialistes des rimes rapides ; qui interpelle la curiosité mais qui manque souvent le coche de la réussite sur le premier album. Ça, PLK le sait. Alors avant d’annoncer POLAK, il prépare son terrain, s’entoure d’une équipe sérieuse et décidée à lui apporter tout ce dont il a besoin pour transformer l’essai. Ténébreux et Platinum fidélisent son public du début et plaisent à d’autres. Afin d’agrandir sa sphère d’écoute, il s’affiche aux côtés de Krisy, Némir, Lefa ; jusqu’à être accompagné des énormes têtes d’affiches que sont Nekfeu, SCH et Paluch – star du rap polonais – aujourd’hui. Au final, on a l’impression que POLAK c’est le projet de la maturité, alors que ce n’est que le premier album solo. Cela trahit sans doute ce qui plaît chez le rappeur. Il fonctionne au naturel et au feeling mais ne cesse jamais d’analyser les moindres failles de son système pour l’améliorer. À l’occasion de la sortie de son album le 5 octobre, on a eu la chance d’en apprendre un peu plus sur PLK, qui semble enfin avoir trouvé son identité musicale, marquée par la ferveur de ses origines polonaises.

Une semaine et 19 000 ventes plus tard, le rap et ses amateurs ont de quoi faire des courbettes au nouvel album de Columbine, Adieu bientôt. Cette longue suite de productions cloud aux inspirations rock, jazz et électro démontre en tous points que Foda C et Lujipeka ont réussi à faire leur nid dans les nuées du rap mélodique. Fini de glousser, les deux artistes ont pris les rennes de leur ascension avec sincérité. Rencontre.

Photos : @antoine_sarl

Parmi ceux qui avaient entendu parler de Columbine dès le début, fin 2014, la plupart se sont plantés sur ce qu’ils étaient. Ou du moins sur ce qu’ils allaient devenir. Aujourd’hui pourtant, on ne présente plus le collectif rennais au nom morbide, également connu pour sa proximité avec le rappeur parodique Lorenzo. Après 2K16 — un premier projet reçu par le public avec confusion —, les albums Clubbing For Columbine, Enfants Terribles et le single « Pierre, Feuille, Papier, Ciseaux », les rappeurs bretons renouvellent leur séjour sur la scène française avec un album pare-balles. Il faut dire qu’Adieu bientôt fonctionne même sur celui qui en a fini avec les incertitudes de la puberté. « Le film de mon adolescence pourra se rembobiner », affirmait déjà Lujipeka dans « Bluray », et alors qu’on aurait préféré enfouir cette période de notre existence six pieds sous terre, on continue de visionner notre propre film à l’écoute de leurs vingt titres, et on ne peut s’empêcher de laisser les jeunes fondateurs de la colombe-kalashnikov nous prendre sous leur aile.

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Moitié symbole de paix, moitié symbole de mort, moitié « adieu », moitié « bientôt », Columbine s’affiche désormais davantage comme duo que comme collectif. Lujipeka, Foda, et leurs lots de contradictions sont cependant moins tourmentés par les sentiments extrêmes qui s’affrontent en eux que de parfaits représentants du normcore à la française. Flows approximatifs pour voix qui ne se maîtrisent pas encore tout à fait, hoodies où les corps disparaissent, mèches de cheveux qui tombent dans les yeux et sens de l’humour primitif parfois douteux, Columbine est arrivé dans le rap comme Salut c’est cool dans la techno il y a quelques années, avant de muer (dans tous les sens du terme) en un phénomène plus intelligible, depuis devenu incontournable — il n’y a pas à dire, le travail paye.

On a donc fini par adhérer à la sincérité de leur nonchalance (anti-qualité vraisemblablement bankable à l’heure actuelle) résumée en deux temps trois mouvements par Foda : « Tout le monde peut le faire. Il n’y a rien de fantastique dans la création. La différence c’est peut-être que nous, on a envie de sortir des trucs et d’en faire des projets, mais tout le monde peut prendre des notes et aller au bout de ses idées, c’est ça qui est décisif. » Aussi vrai que les deux rappeurs ont fait appel à leur public (une fan base hyperactive on ne peut plus enjouée) pour dénicher des sons nouveaux et choisir parmi leurs propositions un beat qui finira par figurer sur l’album. « On a fait appel à pleins de petits talents dans les gars qui nous écoutent. Certains mecs n’ont rien à envier aux grands alors qu’ils ont seize ans ! On ne veut pas forcément que ce soit super bien produit. La question est de savoir s’il y a une émotion qui nous parle et que le tout soit bien équilibré. »

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Hors de question cela dit que « le ‘fait maison’ devienne un plafond de verre » précise Lujipeka. « On ne tient pas absolument à montrer qu’on fait tout nous-mêmes au point que ce soit dégueu ! » Aujourd’hui, les rappeurs de Columbine racontent fonctionner « comme un laboratoire » un peu moins bordélique que dans le passé, époque clopes entre potes, gaming et internet jusqu’à pas d’heure, pendant laquelle Chaman et Sacha, également membres du collectif, avaient commencé à faire des freestyles. « Moi je faisais de l’impro, j’arrivais pas à écrire, et on faisait tous les deux des instrus », se souvient Foda. Depuis, la ruche Columbine s’est organisée davantage, avec la création de leur label VMS, Chaps à la scénographie du live et des projets qui arrivent de l’autre côté. « On prend la force de tout le monde, le savoir faire de chacun puis on se lance sur quelque chose de sérieux. » Et si jusqu’à récemment c’est principalement Foda qui mettait la main à la pâte pour la réalisation de leurs clips (DIY c’est vrai, mais incontestablement réussis), les rappeurs commencent peu à peu à déléguer.

On retrouve d’ailleurs sur l’album des noms de producteurs que l’on connaît déjà, comme Ponko, Junior Alaprod et Seezy. « Avant on pouvait laisser de côté une prod en se disant ‘on posera dessus plus tard’; maintenant, si elle ne nous plaît pas directement, on passe à autre chose », explique Lujipeka. Et Foda d’ajouter : « Une relation avec une prod, c’est un peu comme quand tu tombes amoureux : parfois avec la première personne, ça ne marche pas, mais il y en a une autre qui arrive et là ça peut être bien du premier coup. » Et puisqu’on en parle, la cohérence des choix artistiques de Columbine est de plus en plus pointue et semble avoir entraîné avec elle une certaine maturité, un discours plus réfléchi, notamment lorsqu’il s’agit d’évoquer des figures féminines, omniprésentes tout au long du projet (« Les grands hommes ne naissent pas dans la grandeur, non, ils grandissent », rappe un certain Youssoupha dans un album sorti le même jour qu’Adieu bientôt).

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« On fait qu’des sons qu’on regrettera après », tranchait Lujipeka dans « Temps électrique ». La réalité est plus nuancée, et Columbine ne connaît pas les remords. Pour Foda, « ce sont des formes d’écritures différentes. Quand j’écoute les sons trois ans plus tard, je trouve ça assez ouf. Mais tu penses des choses quand t’as dix-neuf ans que tu ne penses plus à vingt-deux, c’est pas que t’es complètement honteux de ton son, c’est juste que tu te dis qu’à l’heure qu’il est tu n’aurais pas dit ça. Chaque album est le reflet de notre époque. »

Et celui-ci est né des moments de solitude post-concerts, « de retour à la maison pendant trois mois avec l’impression que rien ne s’était passé ». « C’est le reflet d’un après-tournée, mais le feeling qui l’a emporté c’est un truc un peu ‘no thème’. » À l’image du titre de l’album, ouvert à toutes les interprétations. « Ça parle autant du fait de pouvoir dire au revoir, genre doigt d’honneur à tout ce qui est autour et puis tu te barres, mais aussi d’un rapport à la mort avec un côté martyr, il y a quelque chose d’épique, c’est le climax de Columbine, c’est ça qu’on kiffait, le morceau c’est une apothéose, notre révérence. »

Un salut émouvant d’antihéros, gamins épanouis qui ne cachent pas leur attirance pour les jeux d’adultes (comme on peut le voir sur la pochette du disque, « c’est comme si c’était nous dans le passé ») et, puisqu’il faut les nommer, véritables MC 2.0 — pour innover une expression que les deux rappeurs récusent comme anachronique. « On n’est pas des MC, soutient Foda. On n’est pas de cette culture, on a une conception du rap en direct, on préfère bien chanter et maîtriser nos sons. On n’est pas nostalgique d’une époque de rap et personnellement je trouve qu’on vit la meilleure période. »

Mais gare à la méprise, car loin d’eux l’idée de se démarquer artificiellement de leurs confrères. Alors que peu d’artistes marchent sur les plates-bandes du collectif, ce dernier ne cache pas son amour des codes : « On ne veut pas être différents à tout prix. On reste juste nous-mêmes, on a toujours consommé du rap et on n’est pas en marge. On a des pensées communes avec tout le monde, et notamment avec plein de rappeurs. » Entre apologie bienveillante du mainstream et introspections qui frôlent le délire, Columbine guide qui veut bien s’y risquer vers l’acceptation d’une norme (d’autant plus appréciable qu’elle est bourrée de défauts). Certes, les « Notes pour trop tard » auraient été un bon remède à tous les fléaux du passage à la vie adulte raconté par Columbine, mais n’aurait-on pas perdu au change ?

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Deux hommes autour d’une table, une interview à double sens. Nouvelle Interview(s) avec l’humoriste et homme d’écran Thomas Ngijol et le chanteur Eddy de Pretto, pour s’interroger sur les étiquettes, le(s) rap(s) et les rêves. Si votre enfant vous demande à vous aussi si vous êtes « bugattizés dans les Hauts-d’zer », alors cet entretien est pour vous.

Beatmaker : François Bucur

Un été caniculaire à Paris, des rencontres improbables. Après Alban Ivanov et Guizmo et l’interview des faux contraires, nous avons organisé, au mois de juillet dernier, un nouvel entretien croisé avec deux artistes bien différents. Thomas Ngijol et Eddy de Pretto n’ont, au premier abord, rien en commun. Pourtant, les deux hommes ont certainement la tête dans les nuages – certains diraient le même nuage – et s’efforcent chaque jour de caresser un peu plus leurs rêves. L’un brille sur les planches et devant une caméra, l’autre s’accomplit micro en main ou les doigts sur un clavier. L’un est l’auteur de Case départ, l’autre est constamment casé quelque part. Un artiste doit-il rester à sa place aujourd’hui ? Un artiste doit-il avoir une place ? Qu’est-ce que le rap en 2018 ? Thomas et Eddy se répondent l’un à l’autre.

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Le 22 juin, on fêtait avec Kekra la sortie de son premier album Kekraland, dans un lieu tenu secret. Aujourd’hui, l’artiste toujours aussi obscure part en tournée et fait évidemment un passage à Paris. Une date à ne pas manquer qui devrait enflammer la Cigale avec le feu du 92.

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À gauche, on a 6ix9ine, rappeur et spécialiste du déchaînement des foules. À droite, on a Vladimir Cauchemar, artiste Ed Banger et spécialiste du hautbois et de l’aulos. Alors quand les deux artistes décident de travailler ensemble, on a forcément le droit à une aventure pleine d’anecdotes croustillantes : on vous raconte les dessous du clip. 

Photos : @lebougmelo

La journée était plutôt banale. On s’était levé pour aller au bureau, finir de préparer l’interview du jour. Rien de bien nouveau sous le soleil. Sur le trajet, on a reçu un message étonnant : 6ix9ine est à Paris pour tourner un clip aux Ponts des Arts avec Vladimir Cauchemar. Un kamoulox total, c’est clair, mais vu qu’on a été invité au making-off du visuel, on s’est empressé d’aller y faire un tour sans trop se poser de questions.

Une seule règle nous avait été donnée : aucune photo ou vidéo ne doit être diffusée, et aucune prise de son ne doit être entendue sur les réseaux avant la sortie officielle du morceau. Bien reçu. On a envoyé deux gaillards sur place, un photographe, chargé de prendre des photos – normal –, et un journaliste, chargé d’interpeller le rappeur new-yorkais au cas où l’opportunité se présenterait. Vous imaginerez bien que ce dernier a foiré sa mission.

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Le rendez-vous était à 15 heures pétantes. Évidemment, on est arrivés en retard, aux alentours de 15h30, mais on a tout de même pu observer la séance photo de Vladimir Cauchemar, tout de noir vêtu et un casque en crâne vissé sur la tête de mort… ou un casque de tête de mort vissé sur le crâne, on ne sait plus. Depuis un peu plus d’une heure, la sécurité de l’Institut de France se posait de grosses questions mais personne ne semblait vouloir intervenir.

6ix9ine était attendu à 15 heures, comme tout le monde, et si on pensait être arrivés en retard, le rappeur américain nous a prouvé qu’on était de vulgaires amateurs en la matière. Assis sur les grandes marches de l’Institut de France, à l’ombre du soleil – et des jeunes filles en fleur, il s’agit de 6ix9ine ne l’oublions pas –, cela faisait déjà une bonne heure qu’on attendait qu’il pointe le bout de son nez. Et c’est à 16h30 que le rappeur est descendu de son van. Car oui, évidemment, il était dans un van, depuis le début, garé à 10 mètres de nous. Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, il est aussitôt re-rentré dedans, après avoir demandé de l’après-shampoing à la personne qui venait de lui ouvrir la porte. Alors, on n’y connait pas grand chose en coiffure, mais est-ce qu’on a besoin d’une journée entière pour s’apercevoir qu’on a les cheveux secs ? Pas sûr.

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Une demi-heure plus tard, le phénomène mondial sorti son petit corps de la voiture. Et histoire de nous montrer que le sens du timing, ça le connait, il est bien évidemment descendu pile au moment où une trentaine de jeunes touristes néo-zélandais passaient de l’autre côté du trottoir. Forcément, il n’a fallu que de quelques secondes à peine pour que l’un d’eux se brise les cordes vocales en criant « TR3YWAY ! », avant que l’ensemble du groupe ne s’y mette. La scène n’était pas sans rappeler celle des mouettes dans le film Némo, et c’est sans doute le meilleur souvenir de la journée. Surtout quand on apprend par la suite que la bande était de passage à Paris pour rendre hommage au 28ème bataillon Māori qui a combattu pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un bon moyen de respecter les anciens, on devrait prendre exemple.

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Pendant que 6ix9ine esquissait de timides sourires à une foule déjantée qui criait son nom et ses gimmicks, que ses agents de sécurité l’entouraient comme Eric Zemmour au sortir d’un restaurant, et que l’équipe de tournage se demandait encore ce qu’ils foutaient tous là, on s’approchait tranquillement du lieu où la magie allait opérer. La première chose à retenir, c’est que la mairie de Paris n’avait pas été prévenue. Alors on nous a dit : « À tout moment la police peut débarquer et shut down le tournage, faut être rapide et efficace. » Et alors qu’on s’apprêtait tous à crier « comme Kun Aguero » de Kalash Criminel pour clore la phrase, trois agents bleutés arrivèrent sur place, les sourcils froncés.

Ça n’avait pas l’air de déranger la star US plus que ça. Il faut dire qu’il est habitué à des cortèges plus importants, que ce soit pour arrêter brusquement ses tournages ou pour l’accompagner dans le quartier de Chief Keef. Alors pendant que la sécurité expliquait aux policiers d’une part ce qu’ils foutaient là, que ça n’allait pas être long, qu’il n’y aurait aucun mouvement de foule, et de l’autre ce que foutait un mexicain aux cheveux arc-en-ciel au beau milieu du Pont des Arts en plein mois de juillet, 6ix9ine, quant à lui, s’amusait à faire des stories Instagram pendant que les réalisateurs installaient un porte-caméra autour de sa taille. Tiens, encore un kamoulox.

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Enfin équipé, à presque seulement deux heures de l’horaire prévu, voilà que 6ix9ine entame le tournage. Alors là, deux choses essentielles à retenir. La première c’est que, non, ce n’est pas aussi impressionnant que ses clips à New-York puisqu’il porte ici des air-pods pour écouter son morceau, et qu’il est sur un pont, en train de se filmer faire du play-back, tout seul. À quelques détails près on était sur le tournage d’un Vlog d’Emma CakeUp qui écoute une playlist devant ses abonnés. La deuxième, c’est qu’un pont, vous le savez, c’est plus étroit qu’une rue de Brooklyn. Alors quand le rappeur, qui se filme de face, doit faire des virages, c’est toute la foule qui l’entoure qui doit faire un virage avec lui. Imaginez la scène, voilà ce qu’on a vécu : la danse du pont d’Avignon grandeur nature. Un rêve de gosse pour beaucoup.

En plus, l’ordre de suivre le mouvement était donné à tous ceux qui traversaient le pont. Et chose étonnante, les trois policiers de tout à l’heure s’occupaient même de faire la sécurité. Rêvaient-ils de ce moment à l’académie ? Peut-être. Dans tous les cas, une tripotée de touristes qui ne connaissaient 6ix9ine ni d’Adam ni d’Ève se mettaient à faire des rondes sur le pont sur ordre de la Police nationale. La classe à la française. Puis l’un d’eux est quand même aller voir une femme, assise sur un banc, en train d’allaiter son enfant pour lui dire de faire des tours « comme tout le monde », avant de se rendre compte, d’une part qu’il n’était pas payé pour ça, et de l’autre qu’il était entrain de demander à une femme, assise sur un banc, entrain d’allaiter son enfant, de faire des tours sur le Pont-des-Arts.

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Ça aura duré une bonne dizaine de minutes. Histoire, une nouvelle fois, de nous rappeler qu’on aurait dû un peu plus réfléchir avant de venir presque à l’heure. 6ix9ine ayant un grand sourire, on imagine donc qu’il est content de la prise. En récompense, on lui enlève l’équipement bizarre autour de sa taille. Dommage, s’il l’avait oublié on aurait pu avoir un clip vraiment intéressant. Puis vient le fameux moment des photos : bras dessus bras dessous avec une vingtaine de fans, de tout âge et de toute nationalité. Pas de blague ici, c’était vraiment un beau moment, sachant que le rappeur est loin d’être le clown insolent qu’il semble être via les réseaux.

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On est aux alentours de 17h-17h30, il est temps pour la princesse aux cheveux secs de retourner dans son carrosse. À ce moment-là on s’est rappelé de pourquoi on était venu à la base, alors notre photographe est monté avec lui pour prendre des photos en privé. Le feeling passe bien. Il nous invite à le suivre sur une autre étape du tournage, à Montmartre. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, on a poliment décliné, sans trop d’amertume – le programme de la journée était chargé, nous devions aller poser des questions à Eddy de Preto et Thomas N’Gijol. Kamoulox ter.

La journée était finie et la mission, on pensait, réussie. C’était sans compter sur le fait qu’il n’est jamais allé à Montmartre mais dans le 94, à Bry-sur-Marne, où il a tourné les meilleures images de son clip, avec un maillot du PSG, sur une voiture entouré de motos. Alors même si on n’a pas les plus belles images du making-off de « Aulos (Reloaded) » parce qu’on nous a menti sur la destination, on a quand même vécu une après-midi sympathique en compagnie du rappeur. Un grand merci à Vladimir Baranovsky et à l’équipe de Soldats Films qui ont produit et réalisé le clip, qui nous ont permis de rester dans les parages. Et un bravo à eux pour le rendu efficace de ce banger en puissance.

Omerta est jeune, d’à peine quelques mois, et pourtant le collectif a déjà deux coups d’éclat à son actif. Sur eux, on ne sait pas grand chose si ce n’est que le groupe met un point d’honneur à conserver son identité secrète. 

Omerta signifie littéralement « hommes humbles » ou « société des hommes d’honneur ». Comme pour que notre regard puisse se porter sur ce qui importe vraiment en faisant fit des lois, leurs œuvres se découvrent sous les regards circonspects des badauds, habillant ainsi leur message d’un caractère sulfureux, presque cynique. Et si leur terrain de jeu se limite pour l’instant à Paris et sa périphérie – avec notamment la grosse bâche « Crackland » posée au dessus du périphérique parisien au mois de juillet ou la carotte « Tabac » accrochée sous le métro Barbès-Rochechouart – la portée de leurs actes est elle, universelle. Aussi évident qu’un nez au milieu de la figure, leurs installations choquent parfois, gênent souvent mais questionnent. Toujours.

Qui êtes vous ?

Nous sommes un groupe d’individus ayant grandi en zone urbaine, dans le nord de Paris. Chacun de nos parcours est différent de l’autre mais nous fonctionnons de la même manière. Nous sommes tout le monde et à la fois nous ne sommes personne car nous préférons rester dans l’anonymat comme le sous-entend le nom de notre collectif.

Jusqu’à présent vos productions tournent toutes autour des symboles et par extension des codes. D’où vous vient cette envie de jouer avec ces notions ?

On a l’impression qu’apporter un angle de vue différent à la réalité, au quotidien des parisiens peut être quelque chose d’intéressant, sans pour autant offrir une grille de lecture à nos actions. On veut que les gens puissent s’interpeller, se questionner quant à la présence de nos réalisations dans leur champ de vision. Dans le fond, nous ne créons rien, les créations étaient déjà présentes. Nous nous cantonnons à les révéler, à les mettre en lumière.

On a l’impression que vous jouez avec cette confusion, il y a comme un double discours dans votre approche qui flirte avec l’antithèse. Vos actions sont visuellement brutales, le champ lexical que vous employez aussi, tout comme votre slogan « Punch 1st, ask questions later ». D’ailleurs vous auriez très bien pu vous appeler « énantiose »

C’est intéressant de voir qu’en levant le voile sur ces pratiques nous levons aussi le voile sur les façons dont les gens perçoivent et vivent ces activités qui font partie de leur quotidien. Sur nos réseaux sociaux, on reçoit des messages très différents les uns des autres. La majorité d’entre eux nous valident mais pour des raisons différentes, tandis qu’une minorité nous critique. Mais encore une fois nous n’avons rien inventé. Il s’agit de créations de la société qu’elle refuse de voir ou du moins qu’elle n’assume pas vraiment.

Histoire de continuer la métaphore filée relative à votre nom, existe-t-il un pacte entre les gens du groupe pour choisir qui vous pouviez mettre dans la confidence ? 

On se connait tous depuis suffisamment longtemps pour se faire confiance mais bien entendu, cela veut aussi dire que nous devons limiter l’information dès lors que nous sommes à l’extérieur du groupe. On évite de mettre des gens dans la confidence et nous n’en parlons pas vraiment ailleurs qu’entre nous. Le fait de prioriser le groupe sur les gens qui le compose évite les problèmes d’égo et de reconnaissance. On n’est pas là pour se starifier personnellement mais pour faire briller le collectif et surtout le travail. Chez nous, tout le monde est au même niveau.

« Aujourd’hui, tout est mis à disposition pour trouver une réponse à n’importe quelle question, il suffit d’aller sur Google et en un instant tu es fixé. »

Donc pas de dépassement de fonctions à l’ordre du jour. Qu’en est-il au niveau de la répartition des tâches, avez vous trouvé votre équilibre, chacun connait-il son rôle ?

Effectivement, dans le groupe chaque personne a un rôle attitré et des compétences propres. Tu en auras qui seront plus portés sur la construction, d’autres sur l’orchestration ou encore le graphisme. Comme tout collectif, chacun a son mot à dire et sa valeur est égale. Par contre, lorsqu’il faut trancher sur un point c’est celui qui a la plus grande expertise qui tranche.

La question de la représentation se pose depuis très longtemps, qu’elle soit religieuse, philosophique, militaire ou mercantile. En quoi votre démarche se démarque-t-elle des autres collectifs ou personnalités disruptives ?

Nous avons notre propre opinion sur ce pourquoi nous faisons cela mais nous la gardons pour nous, libre aux gens de se faire la leur. Aujourd’hui, tout est mis à disposition pour trouver une réponse à n’importe quelle question, il suffit d’aller sur Google et en un instant tu es fixé. La société a habitué les gens à cette « facilité intellectuelle », elle pré-mâche le travail. Tout doit avoir une réponse, un début et une fin pour rentrer dans une case. Tout à l’heure tu parlais de Banksy, de SpaceInvaders… C’est là-dessus qu’on essaye de se différencier.

Qu’est-ce qui motive Omerta à agir ou plutôt réagir à travers ses actions ?

Entre nous, chacun à ses propres raisons, ses propres motivations. On se pose régulièrement la question et chacun arrive avec une réponse qui diffère de celle son voisin. Mais notre leitmotiv et la raison qui nous rassemble, c’est qu’on prend plaisir à faire ça. Cela nous amuse de faire une opération commando au milieu des crackheads, ça nous amuse de voir la réaction des gens, ça nous amuse de voir comment nos actions peuvent être récupérées, par exemple quand les buralistes sous-entendent qu’ils savent qui est à l’origine de la carotte. Ça nous amuse de voir que malgré les nombreux relais médias autour de nos actions rien ne change : la société continue de fermer les yeux sur ses propres créations.

« Si on avait pris le parti d’exposer nos motivations de fond, on ne pense pas qu’il y aurait eu autant de discussions. »

Parce qu’Omerta, parce qu’avares d’explications, on a quand même un sentiment d’inachevé, comme si votre démarche n’aurait pu être complète que grâce à la compréhension totale du message par les gens. Un arrière-goût de « presque » comme avec la scène du vieux dans La Haine, John Hamon ou l’arrière-goût laissé à la fin d’Inception

On peut comprendre cette frustration mais d’un autre côté on se dit que c’est peutêtre ça qui va marquer les esprits. En levant le voile sur une activité, on lève le voile sur plein d’autres sujets : les riverains et leur mal être quant à la situation, les syndicats de buralistes et leur ras-le-bol face à cette concurrence déloyale, les gens qui soutiennent ces vendeurs en expliquant la précarité de leur situation… Idem pour les crackés.
Au final, c’est assez intéressant comme situation. Si on avait pris le parti d’exposer nos motivations de fond, on ne pense pas qu’il y aurait eu toutes ces discussions.

Votre démarche n’a-t-elle vocation qu’à être urbaine ?

Pas nécessairement. Notre terrain de jeu est beaucoup plus vaste. Les créations de la société ne se limitent par à la rue.

On parle de Banksy et de son côté subversif devenu au fil du temps quelque chose d’artistique pour finalement être « accepté » dans les moeurs, limite comme faisant parti du patrimoine culturel contemporain. Si cet artiste peut aujourd’hui vivre de ses démarches artistiques, est-ce qu’à terme c’est une situation qui pourrait vous arriver, à savoir de monétiser vos opérations ?

Il ne faut jamais dire jamais, on n’en sait rien encore aujourd’hui. On préfère vivre ça sereinement sans tirer de plan sur la comète. Après, si un mécène ou une fondation souhaite financer nos actions sans imposer aucune contrainte on se posera des questions à ce moment-là mais pour l’instant on reste dans notre bulle. En tout cas, nous n’avons pas la prétention d’imaginer un tel avenir et ce n’est pas ce qui nous motive. Bien sûr, on a une finalité en ligne de mire et on se fixe des objectifs ne serait-ce que pour avancer.

Aujourd’hui on se rend compte que de plus en plus d’artistes ont une identité graphique forte et collaborent avec des spécialistes en la matière : Stromae, PNL, Christine and The Queens, Jain et j’en passe. Est-ce qu’à terme cela vous intéresserait de collaborer avec des musiciens pour leur permettre de développer tout leur potentiel ? 

C’est très difficile de répondre à ces questions sans avoir été confronté à ça. À chaque fois, les gens qui répondent sont pris en faute quelques années plus tard. Donc on ne sait pas et puis, si un artiste se présente avec un projet qui nous parle et qui rentre dans notre champ de compétences, pourquoi pas. Mais bon, il y a de fortes chances qu’il nous impose ses contraintes donc y’a peu de chance que la collaboration voit le jour.

On en revient à la symbolique, toujours : des motifs de leur vêtements en passant par leurs clips, les artistes usent de plus en plus de ces procédés. Pour vous qui jouez avec ces codes, est-ce une manière de toucher plus de gens ?

Bien évidemment, tout est mis en oeuvre autour d’eux pour qu’ils vendent plus. Mais c’est quelque chose qui peut être assez traître dans le sens où, à partir du moment où tu mets trop de stratégie dans ton oeuvre ce n’est plus de l’art mais un produit. L’art c’est un travail, une démarche sans aucune contrainte. Dès que tu rajoutes la moindre stratégie à ton art, tu le transformes en produit commercial. Mais cela ne nous choque pas, nous respectons et comprenons ces démarches-là, même si ce n’est pas la nôtre.

Mais le propre même d’un artiste n’est-il pas de toucher le plus de personnes à travers son oeuvre ? 

Bien sûr ! C’est l’analogie un peu dépassée d’un artiste indépendant par rapport à un autre signé en major. Quoi qu’il arrive, si aujourd’hui tu n’es pas épaulé par une bonne équipe de communication c’est très compliqué d’émerger. Quitte à ce que ces spécialistes dénaturent un peu l’essence même de l’artiste en réorientant son image, voire ses textes. L’artiste devient alors un produit façonné par son équipe au gré des tendances.

« On part du principe que lorsque tu intellectualises trop ce que tu vas faire, tu finis par ne pas le faire, ou le faire de façon aseptisée. »

Autant vos créations sont très « carrées » et bien exécutées, autant votre réflexion est très « organique », pour ne pas dire à l’arrache.

Complètement et on ne s’en cache pas car on estime que c’est important de garder cette dimension-là, ce côté freestyle, afin d’éviter de rentrer dans un processus mécanique et industriel. On fuit totalement cette démarche au point qu’elle devienne une phobie. Et c’est quelque chose qui vient sûrement de nos environnements de travail respectifs, où on ne fait que se plier à un système. Omerta devient une vraie bulle d’oxygène pour nous et nous aide à sortir de tous ces principes de raisonnement qu’on applique au quotidien. Voyez ça comme notre cour de récréation.

Vous êtes en quelque sorte les versions 3.0 de Néo dans Matrix, lorsque Morpheus lui propose de choisir entre la pilule rouge et la bleue. Dans le même sens, j’ai l’impression que votre vision se rapproche aussi du message du film Fight Club.

Ah ouais, tu vas loin quand même ! En fait, on pense qu’il ne faut pas trop intellectualiser ce que l’on fait. Nous en tout cas on ne le fait pas vraiment, mais si les gens le font… Cela n’engage qu’eux. On part du principe que lorsque tu intellectualises trop ce que tu vas faire, tu finis par ne pas le faire, ou le faire de façon aseptisée. D’où notre devise « Punch first, ask questions later ». On en a ras-le-bol des gens qui parlent trop et qui agissent peu. Voilà ! Fais ! Agis ! Notre démarche s’inscrit dans ce dynamisme-là, on est assez réactifs et on peut finaliser une action une semaine après avoir décidé que ça valait le coup de se lancer dedans. Réduire le temps de réflexion permet d’éviter de produire quelque chose de générique. On se laisse donc assez de temps pour se poser toutes les questions mais pas assez pour y répondre. Avec un peu plus de réflexion et de temps, on aurait pu se dire que percer des trous afin d’accrocher la carotte c’était un peu trop brutal et qu’on aurait pu l’accrocher différemment. Mais si on avait agit ainsi, cela aurait enlevé du cachet et de la pureté à l’installation.

Instagram : Omerta

Pur produit du 18e arrondissement, Cashmire est un concentré de paradoxes, cristallisés à travers les douze titres de PoeticGhettoSound, son premier projet. Entretien avec un artiste qui porte les stigmates de son époque.

Photos : @alextrescool

Vendredi 18 mai 2018. Dans le décor feuillu du Kube Hôtel, un 4 étoiles situé non loin du métro Marx Dormoy, trentenaires et quarantenaires prennent le temps de savourer un souper des plus raffinés, dans une relative tranquillité. Dehors, un tout autre type de clientèle s’impatiente. Une jeunesse fougueuse et métissée, dont on ne saurait dire si elle est dorée ou simplement débrouillarde, au regard des sapes coûteuses avec lesquelles elle aime se vêtir. Sans doute un peu des deux. Quand tous ces jeunes gens investissent le lieu, ils s’agitent, se déhanchent, se déchainent autour du maître de cérémonie – dans une configuration aménagée façon Boiler Room – tandis que les « anciens », désarmés, tentent péniblement de reprendre le cours de leur repas. Le décalage est saisissant, et offre un bel aperçu ce qu’est l’univers de Cashmire, qui avait choisi le Kube Hôtel pour son tout premier live : un taudis avec des draps de velours.

Ce taudis dans lequel le jeune artiste est si confortablement installé, c’est le 18e arrondissement de la capitale. Un environnement hétéroclite et vivant, où le Paris des cartes postales est forcé de cohabiter avec un Paris plus « populaire » et dont les rues ne peuvent être traversées sans guide linguistique. Cashmire se plait à l’exposer sur son Instagram, conçu comme un véritable moodboard sur lequel il épingle en vrac des références, mantras et autres moments de vie dont son art se nourrit. Certaines scènes se sont sans doute déroulées aux abords du Stade des Fillettes, à Porte de la Chapelle, là où il nous donne rendez-vous. La veille, nos bleus étaient venus à bout des Diables rouges au terme d’un match disputé, décrochant par la même occasion leur ticket pour la finale de la Coupe du Monde. Le timing fait sens.

Ceci dit, notre échange avec l’autre homme au bob du rap français ne coule pas immédiatement de source. Soucieux de prendre le sujet à la racine, nous lançons d’abord Cashmire sur son enfance de « baby-rappeur », passée entre le Cameroun et le « 018 », avec entre les deux une brève halte du côté d’Angers. Nous reviennent alors des répliques particulièrement floues, qui suggèrent sans trop de mal que certaines choses relèvent de l’indicible. Peut-être préfère t-il simplement parler de sa musique. Une musique qu’il se permet de partager au monde depuis 2016, à coup de titres balancés au compte-gouttes sur SoundCloud. Et si la plateforme américaine n’est pas aussi plébiscitée de ce côté de l’Atlantique, cela n’empêche pas Cash de cumuler plus de 100 000 écoutes sur ses deux premières cartouches, « Le Parrain » et « Tam-Tam ». « Quand tu sais ce qui se fait aux États-Unis, c’est très automatique de publier ta musique sur SoundCloud. D’autant que sur cette plateforme, il ne s’agit que de musique : il n’y a pas d’image, tu ne cherches pas à savoir si le gars que tu écoutes dégage quelque chose visuellement. C’est seulement ma musique et ce que tu ressens de ma musique. Du coup, ça me paraissait très important de commencer par là », raconte t-il avec lucidité.

De ces premiers morceaux nait naturellement l’envie d’en créer de nouveaux, bientôt rassemblés en un projet, PoeticGhettoSound, sorti le 4 mai dernier. Un intitulé qui se présente avant tout comme une moyen pour le gamin de Marx Do de définir concrètement sa production, une nouvelle bannière sous laquelle se rangera sa discographie future. « PoeticGhettoSound, c’est une étiquette. C’est comme ça que je caricature ma musique », précise celui qui aime se faire appeler le « dirty crooner ». Car comme son nom le laisse deviner, Cashmire est typiquement du genre à faire dans la dentelle. « J’essaye de tout dire, tout transmettre, tout peindre en mode crooner. Ça veut dire que même quand j’ai des mots durs, je fais toujours en sorte de mettre beaucoup de volupté dans la forme », tente t-il de développer.

Entre le crépusculaire « Cookie », le mystique « Antonio Banderas » et le rock-ailleux « Vilain garçon », PoeticGhettoSound est à la fois varié et homogène, et caresse effectivement plus qu’il ne frappe. Mais derrière cette apparente douceur, sa voix perchée et chevrotante – qui tire tantôt du côté de Mala, tantôt du côté de Jorrdee – porte toute la peine et le désarroi d’une génération pourtant jeune, ambitieuse, parfois vicieuse. « À propos d’être un géant, pour l’instant yeah les deux pieds dans le néant » rappe t-il par exemple sur « Tam-Tam ». « Cette phase, c’est une vision. Vu que c’est de la musique et de l’égotrip, je m’imagine que je vais aller super loin, que je vais tutoyer le ciel, être un géant. Puis je me rappelle très vite qu’à l’instant même où j’écris, y’a R. “Les deux pieds dans le néant”, c’est une image pour dire que je suis en plein milieu du vide. Mais même en plein milieu du vide, je sais exactement ce que j’aspire à être. » Décidé.

En ça, le son de Cashmire a le propre de son temps. C’est la génération « XO Tour Llif3 », où la détresse des artistes est scandée par des foules entières qui se transcendent au rythme d’une musique précisément vouée à cet effet. Une génération qui a délibérément choisi de s’amuser de sa propre tristesse, car il vaut sans doute mieux en rire qu’en pleurer. « Si la société rend morose, forcément ça va se ressentir dans nos sons. Un Stromae, par exemple, était déjà dans ce délire de te faire danser tout en dressant un portrait sociétal pas très rigolo, rappelle t-il à juste titre. Le truc, c’est que la vie n’est déjà pas très drôle en soit, mais on a en plus le malheur d’être une génération très woke. On sait ce qui se passe dans le monde, on sait comment l’information est traitée, on a conscience de toutes ces choses. Donc forcémént, ça nous attriste. » Mais pour ce fier représentant du « XV3 », cet éveil est un mal pour un bien : « Quitte à choisir, je préfère être triste en étant conscient, qu’être gai en étant ignorant. »

D’autant que Cashmire a déjà une idée claire de ce que peut être le remède aux maux de son époque : « Je pense que les arts et l’entertainment vont finir par éteindre les discriminations, nous glissait t-il, sûr de lui. C’est ce qui va nous mettre bien, et donner une belle image de la France. » Quatre jours à peine après cet entretien, dans une enceinte sportive située à 2827 kilomètres du Stade des Fillettes, la France ornait son beau maillot bleu d’une seconde étoile en remportant son premier titre mondial depuis 1998. La victoire d’une jeunesse pas si différente de celle que l’on pouvait apercevoir à l’entrée du Kube Hôtel, et d’un groupe qui s’est cimenté autour d’un socle culturel commun, symbolisé par cette fameuse playlist réunissant Naza, Slaï ou encore Booba. Un succès fort au point au point de rassembler des centaines de milliers de français de toutes origines et classes sociales sur les Champs-Élysées. L’art en liant d’une équipe, le sport en liant d’un peuple. Le pouvoir de l’entertainment. Alors en attendant l’hypothétique jour où ce seront ses morceaux qui auront une telle portée, Cashmire se concentre sur ce qu’il a à faire, en espérant que le plaisir qu’il prend à créer soit proportionnel au plaisir de l’écoute : « Si la musique me met bien, vaut mieux que ça te mette bien toi aussi. À partir de là on est tous gagnants. »

Il le reconnait lui-même : Alpha Wann a mis du temps avant d’être pleinement satisfait de son niveau. Une rare exigence que le public prend visiblement le soin d’apprécier, au regard des éloges dont est couvert son très attendu premier album. Car sur UNE MAIN LAVE L’AUTRE, le rappeur de Pernety boxe en catégorie poids lourd avec les mots qu’il préfère économiser en entretien. Comme celui qu’il nous a accordé.

Photos : @samirlebabtou

Alpha Wann est un bousillé du rap. On le reconnait aux références pointues dont sont parsemées ses interviews, à ses premiers placements, piochés de manière un peu trop évidente du côté de Gilles et de Daniel, jusqu’à sa sonnerie de téléphone. Sur « Flingtro », piste d’introduction de la première véritable pièce de sa discographie solo, il abondait : « J’rappe sur le rap, parce qu’à cause de lui je n’ai plus de vie. » Comme pour mieux nous signifier la place prépondérante qu’occupe la discipline dans son quotidien et son esprit. Alors à force d’y consacrer temps et énergie, Alpha Wann s’est juré d’être le meilleur. Année après année, le rappeur de Pernety n’a cessé de parfaire son art, s’attirant progressivement la reconnaissance de ses plus éminents homologues, jusqu’à la sortie d’UNE MAIN LAVE L’AUTRE, son joyau le plus poli, délivré le 21 septembre 2018. Un premier album qui le voit concrétiser sa propre prophétie, lui qui boxe en heavyweight avec les mots qu’il  économise volontiers face caméra. Comme dans cette rare interview qu’il nous a accordée.

Remerciements : Restaurant 14 Paradis

Pour son programme « Share the Stage », Vans offrait la possibilité à trois newcomers de partager la scène avec ScHoolBoy Q aux House Of Vans des villes de Chicago, Guangzhou et Londres. Après deux mois de concours, les gagnants ont enfin été révélés. 

Depuis quelques années, Vans pousse son investissement dans la culture hip-hop à travers des évènements comme House Of Vans. Si le HOV a pris ses racines dans les quartiers de Greenpoint à New York et Waterloo à Londres, la maison californienne nous avait offert des lives de Giggs et Romeo Elvis pour sa première édition à Paris.

Il était possible à qui souhaitait de participer au concours « Share The Stage » pour avoir l’opportunité unique de partager la scène avec SchoolBoy Q lors de son passage à Londres. Après qu’un jury de professionnels ait sélectionné les dix meilleurs profils, le rappeur du label TDE a choisi personnellement les trois gagnants qui feront la première partie de ses lives : Black Dave à Chicago, PACT à Guangzhou et Tay Made à Londres.

Black Dave

Le premier à ouvrir le show de ScHoolboy Q le 14 septembre était Black Dave, un artiste originaire de Harlem qui passe son temps à polir à la fois son skate et son rap. Avec 6 mixtapes à son actif, les rimes du rappeur se sont autant faites remarquées que ses tricks dans les célèbres vidéos du magazine Thrasher.

PACT

Dans un pays où le rap est en pleine expansion, PACT fait partie des newcommers du mouvement chinois. Le rappeur participe depuis juillet 2018 à « The Rap of China », une compétition télévisée qui voit trois producteurs former des futures stars du rap avec un contrat en maison de disque à la clé. PACT se produira sur scène avant ScHoolboy Q le 22 septembre à Guangzhou.

Tay Made

Pour le House of Vans de Londres, ScHoolboy Q a choisi de donner sa chance à Tay Made. Le jeune londonien fait partie du collectif « Stupid Mad Fresh » et commence déjà à faire des vagues avec ses morceaux « Boujee » ou « 23 ». Vous pourrez voir le MC sur scène avant ScHoolboy Q au HOV London le 27 septembre.

Vous avez jusqu’au 23 septembre pour vous inscrire et avoir un chance d’assister gratuitement au concert de ScHoolboy Q en cliquant sur le lien juste ici.

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Pour la deuxième année consécutive, Red Bull Music a provoqué la rencontre transatlantique entre un producteur US de renom et nos talents rap francophones. Chapeautée par Harry Fraud, la mixtape Brooklyn / Paris est désormais disponible.

Photo : @antoine_sarl

Un producteur américain, huit emcees du paysage rap francophone, une mixtape inédite, un concert unique. Telle était la promesse la nouvelle promesse de ce projet du Red Bull Music Festival Paris 2018, mis en place en collaboration avec YARD et Free Your Funk. Après avoir laissé le californien The Alchemist explorer le patrimoine musical français en 2017, c’est le légendaire beatmaker Harry Fraud s’est inspiré de l’air parisien pour créer les premières maquettes de ce qui allait devenir les huit tracks du projet Brooklyn / Paris. Une compilation disponible dès aujourd’hui sur toutes les plateformes de streaming.

En tant que collaborateur privilégié du projet, YARD a accompagné sa création de bout en bout, étant notamment chargé de mettre en image 6 des 7 des morceaux de la mixtape, avec l’aide des réalisateurs Célestin Soum et Marius Gonzalez. Le MC originaire de la Courneuve Dinos, le Niçois Infinit’, la rappeuse belgo-portugaise Blu Samu, les Suisses Slimka et Di-Meh, les crooners Krisy et Jok’air ainsi que le duo originaire de Montreuil TripleGo retrouveront Harry Fraud sur scène le 28 septembre prochain, pour interpréter le contenu de ce projet exclusif lors d’un concert unique à l’Élysée Montmartre.

Préventes disponibles ici.

 

TripleGo – Mélange

Réalisé par Célestin SOUM

 

Dinos – Fausses Notes

Réalisé par Marius GONZALEZ

 

Di-Meh & Slimka – KTM

Réalisé par Marius GONZALEZ

 

Blu Samu – Fraud Saus

Réalisé par Célestin SOUM

 

Infinit’ – Quand je me lève

Réalisé par Célestin SOUM

 

Jok’air – Feux d’artifice

Réalisé par Marius GONZALEZ

Depuis une petite année, Zola explose les compteurs et devient plus excitant à chaque nouvelle sortie, au point qu’aujourd’hui on ne le présente presque plus. Pour clôturer la tournée du #YARDSummerClub, on a ramené le rappeur d’Evry à Lyon et les Gones n’ont failli pas s’en remettre.

Fort du soutien de Travis Scott et Kanye West, Sheck Wes s’est finalement décidé à partir à la conquête de l’industrie du disque, après avoir longtemps lorgné sur le basket et la mode. Retour sur le parcours déjà mouvementé d’un gamin qui n’a pourtant pas encore passé la vingtaine. 

Photos : @alyasmusic

Depuis la fermeture du Six Flags AstroWorld en octobre 2005, qui avait contraint à l’ennui tous les gamins de Houston, Travis Scott s’était promis de rouvrir les portes du célèbre parc d’attractions texan. Ce sera bientôt chose faite, le rappeur ayant d’ores et déjà annoncé un Astroworld Festival, qui se tiendra dans sa ville natale ; mais en attendant les véritables montagnes russes, le dernière étoile de la galaxie Kardashian s’est attelé à nous offrir une bonne dose de sensations fortes avec un album du même nom.

Sorti le 3 août dernier, ASTROWORLD est un projet fait de sommets et de chutes vertigineuses, qui nous donne à voir toutes sortes de numéros de haute-voltige, assurés par des funambules de premier ordre. Pour les cracheurs de feu, il faut toutefois attendre la sixième piste de l’album, intitulée « NO BYSTANDERS ». La Flame y est épaulé par l’insaisissable Juice WRLD, très en vue sur ce premier semestre 2018, mais surtout par Sheck Wes, qui s’illustre ici en charismatique chef de rébellion. Un morceau calibré pour les « ragers », ceux qui n’hésitent à jouer des coudes pour se jeter corps et âme dans les pogos, jusqu’à ce que blessure s’en suive.

Ceux qui avaient déjà eu l’occasion de se familiariser avec Sheck Wes ne devaient cependant pas être surpris de le voir se distinguer dans un tel rôle. En un peu plus d’un an, le natif d’Harlem a publié une poignée de titres furieusement enflammés, de « Do That » à « Mo Bamba », hymne dédiée à son bon pote fraichement drafté par le Magic d’Orlando. Mais n’allez pas le méprendre avec un de ces autres « SoundCloud rappers » plus à l’aise quand il s’agit d’aboyer des ad-libs que de poser un texte dans les temps. Pour avoir grandi entre la Grosse Pomme et le Milwaukee, Khadimoul Rassoul Sheck Fall – son vrai nom – est attaché à ses fondamentaux. « J’ai écouté énormément de trucs old school quand j’étais plus jeune », confiait à Pigeons & Planes celui qui désigne Seun Kuti, DMX et Ol’Dirty Bastard comme ses artistes préférés. Voilà pourquoi il avoue détester son banger « Live SheckWes Die SheckWes », qui approche pourtant le million de vues : « Les gens se perdent dans toute l’énergie au point de passer à côté du propos. Je parle de choses sérieuses ! »

Le cas de Sheck Wes aurait pu être le casse tête de tous les conseillers d’orientation. Car le bonhomme a très vite vu plusieurs routes se tracer devant lui, toutes susceptibles de le mener vers une fast life dont rêvent tant de gamins, et n’a pas souhaité se résigner à choisir quel chemin emprunter. « Toute ma vie, j’ai toujours voulu être une star. C’est la raison pour laquelle je suis très touche-à-tout », glissait-il d’ailleurs à The FADER. La musique vient à lui dès l’âge de 11 ans, alors qu’il évolue en tant que Kid Khadi – référence évidente à Kid Cudi – au sein d’une formation appelée les Milyorkers. C’est ensuite du basket qu’il s’éprend, deux ans plus tard, sans pour autant nourrir d’ambitions démesurées, du moins au départ : « Je n’ai jamais eu le rêve d’aller en NBA, je voulais juste jouer au basket à la fac. Je savais que mes notes ne m’auraient pas permis d’y accéder, alors le basket était ma seule autre issue. »

Du haut de son mètre 89, le new-yorkais semblait déjà prédisposé à être un baller. Mais au regard de sa silhouette longiligne, et de sa peau dépourvue de toute imperfection, Sheck Wes avait aussi la dégaine de ceux qui défilent le long des podiums. Ce qui n’a pas manqué : un jour qu’il attend le métro, il est repéré par un fashion scout, et lance donc à 16 ans sa carrière de mannequin. Se profile alors la YEEZY Season 3, messe gargantuesque durant laquelle Kanye West prévoit non seulement de dévoiler sa dernière collection de sapes, mais aussi le très attendu The Life of Pablo. L’évènement doit se tenir au Madison Square Garden, un jour où l’équipe de Khadimoul dispute un match de playoffs d’une importance capitale. Choix cornélien. D’autant que quelques mois plus tôt, le basket avait déjà privé le sénégalais d’origine d’une première opportunité de défiler pour Ye. Pas cette fois. « Je voulais être de cet évènement dont les gens allaient parler pour toujours. C’était quelque chose que personne n’avait jamais fait avant. Donc je suis content d’avoir fait Yeezy Season 3 parce que ça m’a ouvert énormément de portes », affirme t-il, sans remords.

Reste que cette décision ne sera pas sans conséquences. À la fac, les rapports entre Khadi et son coach deviennent tendus. Et puisque le mannequinat paye de mieux en mieux, l’impertinent ne ressent plus la nécessité de s’investir, ni sur les parquets, ni en salle de classe. Ce qui n’est bien évidemment pas du goût de ses parents, comme il le détaille à Mass Appeal : « Vu que j’étais modèle, je ratais souvent les cours, je rentrais chez moi tard après avoir retourné le centre-ville avec mes potes. Ma relation avec mes parents s’est déteriorée. À côté de ça, je faisais déjà de l’argent avec le mannequinat, parfois même plus que certains de mes profs, donc je me foutais de l’école. » Eux qui ont quitté l’Afrique pour assurer à leur fils un meilleur futur ne supportent pas de le voir gâcher ce pourquoi ils ont tant sacrifié. Ils prennent alors une décision radicale : renvoyer Sheck à Touba, au Sénégal, pour étudier l’Islam. L’intéressé pense n’en avoir que pour quelques jours, quelques semaines tout au mieux ; il s’y retrouvera bloqué jusqu’à sa majorité.

« Tu n’es pas africain si tes parents ne t’ont jamais menacé de te renvoyer au bled. » – Sheck Wes, à The FADER.

Contraint à l’exil à des milliers kilomètres de chez lui, Sheck Wes enrage. Au point même de lancer désespérément une campagne « #FreeSheckWes », en vain. Alors tant qu’à faire, autant prendre sur soi et puiser le meilleur de cette expérience incongrue. Avant de partir fouler les terres de ses ancêtres, le jeune artiste avait déjà une idée claire de ce qu’il voulait accomplir. Ce retour au bercail lui a simplement fait comprendre ce qui motivait réellement chacune de ses actions. « J’ai longtemps cherché les raisons pour lesquelles je fais ce que je fais. Puis je suis allé en Afrique et je me suis dit, “Mec, je dois le faire pour ces gens”, raconte t-il, toujours pour Pigeons & Planes. L’Afrique m’a vraiment changé. Là-bas, je devais tuer ma propre nourriture. Abattre un animal que j’ai nourri quotidiennement, pour le manger quelques heures plus tard, c’est fou. Voir des gosses de 9, 10, ou 11 ans travailler dur juste pour aider leur mère, ça te fait voir les choses autrement. Ici en Amérique, on ne travaille que pour nous. Donc au bout du compte, ma malédiction est devenu ma plus grande bénédiction. » Auprès de Mass Appeal, il concède même : « Je pensais être un homme, mais je n’étais rien. »

De retour aux États-Unis et plus que jamais focus sur son art, Sheck Wes se définit aujourd’hui comme un « Mudboy ». « C’est l’étape juste avant de devenir un homme, quand tu sors tout juste de la tourmente et que tu dois te trouver », précise t-il du côté de Pitchfork. Ce sera également l’intitulé de son premier album, qui sortira conjointement sur Cactus Jack Records et G.O.O.D. Music, les labels respectifs des influents Travis Scott et Kanye West. Un projet qui le verra suivre un peu plus les traces de ses prestigieux mentors, puisque Sheck Wes ne se contentera pas de s’illustrer en cabine : « J’ai appris moi-même à jouer du piano. Je sais même jouer certains trucs de Beethoven. Donc sur mon projet, tous les détails apportés aux productions, au mix et tout ce qui s’en suit, seront le fruit du travail de Sheck Wes. C’est ce qui a rendu des gars comme Travi$ ou Kanye si iconiques : ils produisaient tous leurs premiers sons, étaient totalement impliqués dans le processus de création de la musique et ne voulaient personne pour faire les choses à leur place. » Quoi de plus normal pour un touche-à-tout que de ne rien laisser au hasard ?

Il n’a fallu que quelques années à Sfera Ebbasta pour devenir un incontournable du rap italien. Le succès fulgurant de Rockstar, son dernier album – qui brise un à un les records de streams en Italie –, témoigne de l’étroitesse de la Botte pour un artiste de sa pointure. Les apparitions de Quavo, Tinie Tempah ou de l’allemand Miami Yacine sont elles le signe fort d’une conquête du monde annoncée – en France, on se souvient bien évidemment de ses featurings avec SCH et Lacrim. Mais Sfera imagine bien asseoir d’abord son règne sur un autre territoire : l’Europe. Quand on l’a invité au #YARDSummerClub vendredi 14 septembre, on ne saisissait pas (encore) complètement le rayonnement de la superstar italienne. Après 50 minutes d’un live époustouflant, on a vite compris.

Sortie de nulle part, et revenant de très loin, Danielle Bregoli alias Bhad Bhabie n’avait à la base rien qui la destinait à avoir une carrière dans le rap. A l’aube de la sortie de sa première mixtape 15, l’adolescente floridienne semble pourtant sur le point de réussir son pari : celui d’une gamine à problème raillée sur internet, qui finit par bosser en studio avec Lil Yachty et Ty Dolla Sign. Portrait d’un cas typique de son époque.

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« Mais du coup, y’a vraiment des gens à Paris qui vont aller voir Bhad Bhabie en concert ?? Pour de vrai ?? »

À l’annonce de la venue de la rappeuse Bhad Bhabie à Paris en mars dernier, Fanny comme à peu près tout Twitter s’est interrogée. Est-ce que oui ou non, des gens seraient prêts à dépenser trente euros pour aller voir sur scène Bhad Bhabie, ou autrement dit, une gamine de 15 ans révélée le temps d’une émission de télé qui ne rappe que depuis un an à peine ? Quelques mois plus tard, la réponse semble affirmative. Dans la chaleur et les rues vides d’une soirée de juillet à Paris, une queue se forme sur plusieurs mètres à l’entrée de la Maroquinerie. Parmi la foule, une horde d’adolescent(e)s, leurs parents qui les accompagnent, et quelques visages de l’industrie musicale venus là par curiosité. Au pas de la porte de la salle de concert, Aisha, Rina, Maren, Gladys et Soraya guettent : « Le concert était pas extrêmement cher, j’aimais bien ses musiques, et il n’y a pas grand chose d’autre sur Paris en ce moment, donc on y est allé pour l’ambiance. » Un peu comme si elle était sur le point de commettre une erreur, Soraya, 16 ans, fait la moue. Et se sent obligé de rajouter : « Mais je ne suis pas une fan hein ! » A côté d’elle ses amies acquiescent de la tête. Si cette bande de copines de la région parisienne s’est déplacée ce soir, c’est pour venir observer un « phénomène ». Voir « en vrai » la suite d’une histoire un peu dingue qu’elles suivent depuis plusieurs mois sur les réseaux sociaux : celle d’une blague internet aujourd’hui devenu objet de convoitise dans l’industrie musicale.

Jeunesse mouvementée et coup de poker

Quelques heures plus tôt, sur la terrasse de la Maroquinerie. Loin des postures et des vidéos YouTube, un autre manège s’agite autour de Danielle Bregoli. L’air pâle, et la démarche nonchalante, la jeune fille se présente à nous accompagnée d’un de ses deux managers et de Frank, colosse au crâne rasé qui lui sert de garde du corps. Quelques mois auparavant, la jeune fille pétait un plomb en frappant un passager d’un avion dans une dispute futile (évidemment relayée par le site TMZ) causant un bad buzz qui poussera son entourage à lui mettre un garde du corps dans les pattes. Le jour de notre rencontre, la bombe Bregoli semble pourtant éteinte : fatiguée de devoir parcourir toute l’Europe en l’espace de seulement une semaine, la jeune fille aux cheveux rouges parle peu, regarde ailleurs, et répond systématiquement en quelques mots dans un accent floridien à couper au couteau. Une discussion typique avec sa petite cousine lors d’un repas de Noël en quelque sorte.

Les phrases que la jeune fille distille durant l’entretien en disent pourtant beaucoup sur son parcours : « Ma jeunesse n’a pas été idéale, mais ça restait plutôt correct, explique-t-elle avec une pudeur étonnante. Jusqu’à mes 10-11 ans, je me tenais. C’est après je me suis mise à faire n’importe quoi… » Malgré les moqueries d’internet à son encontre, la jeunesse de Danielle Bregoli n’a rien d’idéal. Elle ressemble même en tout point au destin des familles blanches pauvres de Floride que dépeignait récemment Sean Baker dans son film The Florida Project. Originaire de Boynton Beach au sud de Miami, une ville au seuil de pauvreté supérieur à la moyenne nationale (« Un peu comme Los Angeles mais en plus sale et avec moins d’habitants », nous explique-t-elle) Danielle Bregoli grandit avec sa mère alors que son père quitte le foyer dès son plus jeune âge. Au même moment que sa fille fête ses quatre ans, la mère de Danielle contracte un cancer du sein qui va l’empêcher de travailler. Et résoudre le duo à vivre de l’argent que leur donne leur famille au gré d’incessants allez-retours à l’hôpital.

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Danielle vit la situation tant bien que mal : « La première fois que j’ai contracté ma ma maladie, Danielle était petite et me protégeait », confiait sa mère au magazine Dazed. Alors que la maladie semblait partie, le cancer de Barbara Bregoli se déclare à nouveau quelques années plus tard. « La deuxième fois, elle était par contre extrêmement perturbée. C’était à l’âge de ses onze ans, et je crois bien que c’est en partie à cause de ça que tout a dérapé. » Le début des ennuis : de plus en plus souvent, la police de Boynton Beach se retrouve à toquer à la porte de Barbara Bregoli. Vol de voiture, vente de drogue, menace avec une arme blanche… Danielle déraille alors qu’elle rentre à peine dans l’adolescence. Sa mère, fauchée et dépassée par les événements, va songer à l’interner dans un établissement spécialisé, mais n’en a pas les moyens. Et va alors avoir une autre idée. Un coup de poker désespéré et risqué, qui va finalement changer la vie de la famille Bregoli : un passage chez ce bon vieux Dr Phil.

Rendre populaire l’impopulaire

« Cash me outside, how ‘bout dah ?! »

Sur le plateau de l’Oprah Winfrey Network, Danielle Bregoli pète un (énième) câble. Excédée par les rires du public de l’émission de télévision Dr Phil (une sorte de mélange entre Toute Une Histoire et Pascal Le Grand Frère où les invités essaient de résoudre leurs problèmes en plateau) la jeune fille ne semble plus supporter d’être présentée comme une bête de foire aux quatre coins du pays en direct à la télévision américaine (le titre – très sobre – de l’émission : « Je veux abandonner ma fille de 13 ans qui vole des voitures, brandit des couteaux, danse le twerk et m’a accusé d’un crime ») et lâche une punchline aussi spontanée qu’incongrue, en appelant les personnes du public à venir en découdre avec elle hors du studio. Forcée à participer à l’émission de télévision par sa mère, la jeune fille vient de sauver sa vie sans vraiment le savoir. Et va devenir ce que l’on appelle un meme humain :la vidéo de sa punchline explose les compteur de YouTube, les parodies fusent sur Twitter, Instagram se met à lancer un challenge autour de sa séquence, tandis qu’un certain DJ Suede (à l’époque inconnu au bataillon) surfe sur le buzz en sortant un « remix trap » de la séquence qui finira par rentrer dans les charts américains.

Au même moment à Miami, Adam Kluger allume sa radio alors qu’il se rend à son bureau. Figure de l’industrie musicale américaine, il est l’un des premiers à avoir eu l’idée de faire payer des marques pour qu’elles soient citées dans des paroles de rappeurs ou de chanteurs à la fin des années 2000. À la recherche d’un nouveau challenge, il découvre par le biais de son autoradio le morceau de DJ Suede samplant la phrase de Bregoli. Et se renseigne alors sur la jeune fille. Retiré du milieu de la musique depuis quelques temps, le manager découvre alors les chiffres impressionnants de la gamine sur internet. Le buzz que Bregoli génère, couplé à son attitude insolente, vont alors lui donner la conviction qu’il peut à nouveau faire un « coup » : celui de rendre populaire l’impopulaire. « Je me suis dis qu’il y avait quelque chose à faire avec elle », se remémore-t-il dans Variety. « Pour faire simple, j’avais entre mes mains quelqu’un de talentueux et mon but était de la rendre célèbre. » Il ajoute, limpide : « Le seul challenge, c’était de trouver quel était son talent. »

Kluger cherche le numéro de téléphone de la famille Bregoli sur un annuaire en ligne, et prend la route de Boyton Beach à une heure de là où il se trouve. Il rencontre alors Bregoli et sa mère chez elle, présente son pedigree et leur promet qu’il va les « rendre célèbres » d’une manière ou d’une autre. Peu importe les moyens. Dans un mélange d’entertainment et de cynisme comme l’Amérique sait si bien en pondre, Bregoli et Kluger vont alors s’associer pour trouver un moyen de capitaliser sur son buzz. Une émission de téléréalité ? Trop éphémère. Une carrière d’actrice de cinéma ? Trop compliqué à monter, surtout en si peu de temps. Une carrière d’influenceuse ? Trop volatile. À mesure que les solutions se réduisent, Kluger remarque durant leurs nombreux trajets entre deux rendez-vous que Bregoli rappe par dessus des morceaux de Kodak Black (son rappeur préféré) sur Instagram live sans trop de difficultés. Il repense alors à Cardi B et ses débuts sur Instagram. Jake Paul et son succès sur YouTube. Big Shaq et son tube parodique. Et commence à songer à une nouvelle voie vers le succès : celle d’une carrière dans le rap.

« White J’s/White Horse/Hi Bich »

Il est 21h lorsque les lumières de la Maroquinerie s’éteignent. Tandis qu’une jeune fille chauffe la salle (à moitié remplie ce soir-là) pendant quinze minutes, des hurlements d’adolescentes traversent la salle de concert lorsqu’une jeune fille parée d’un survêtement rouge et à la queue de cheval interminable débarque micro en main sur scène. Ce soir-là, Danielle Bregoli, alias « Cash Me Outside », alias Bhad Bhabie va assurer son concert : sûre d’elle, énergique, et correcte au micro, la jeune adolescente déroule une dizaine de morceaux dans la capitale sans trop trembler, accompagnée d’une deuxième fille aux backs. Et si la prestation a quelque chose d’un peu surréaliste (on assiste tout de même au concert d’une fille de quinze ans) il serait mensonger de dire qu’elle ne tient pas la route. À la sortie du concert, les regards globalement surpris (dans le bon sens du terme) ne viennent que souligner une évidence : malgré son parcours, Bhad Bhabie semble bel et bien taillée pour le rap.

Depuis plusieurs mois déjà, celle qui s’est renommée Bhad Bhabie pour tenter de faire oublier ses déboires à la télé s’efforce de se faire une place dans le monde du rap. D’abord réfractaire à l’idée de retourner dans le business de la musique, Adam Kluger accepte que sa protégée tente quelques sessions studio au printemps 2017 pour voir si ses imitations de Kodak Black pourraient être exploitées. Bregoli réalise une première session studio avec le label Pulse Recordings (Ty Dolla $ign, Rich The Kid, GoldLink) sans grand succès, puis tente de travailler avec les équipes du super-producteur Dr Luke (Britney Spears, Katy Perry, Nicki Minaj). Un second échec. Démotivé, Adam Kluger va pourtant tenter une dernière session studio en compagnie d’un de ses vieux amis du milieu de la musique : Aton Ben Horin, responsable du développement d’artistes chez Warner.

Sur la terrasse de la Maroquinerie, Bregoli se souvient : « Je n’avais plus trop envie d’aller faire des sessions en studio. Et puis à un moment, je me suis dis que je pouvais vraiment y arriver et être meilleure que certains artistes que j’écoutais. Alors j’y suis allé. » Lorsque Bregoli dit qu’elle n’avait « plus trop envie », elle veut plutôt dire qu’elle en avait tout simplement marre. « Le premier jour en studio avec Danielle a été extrêmement compliqué. On lui avait proposé de rapper sur un morceau, mais elle ne l’aimait pas. Au bout de deux heures de session, rien n’avait été fait. Danielle insultait des gens qui la provoquaient en commentaire sur son Instagram Live, et son manager était à bout. Je suis alors allé discuter avec elle pour lui remettre les idées en place et elle est retournée en cabine en tirant la gueule. Elle n’en avait pas du tout envie et s’est mise à rapper sur un ton complètement blasé : “White J’s/White Horse/Hi Bitch”, se remémore Aton Ben Horin. C’était en fait putain de bien ! » Quelques mois plus tard, « Hi Bich » et son ton désabusé deviendront single d’or et attireront l’attention d’Atlantic Records qui signera la jeune fille pour plusieurs millions de dollars juste après la sessions studio de « Hi Bitch » et du morceau « These Heaux », qui fera de Bhad Bhabie la plus jeune artiste de l’histoire de la musique américaine à entrer dans le classement du Billboard top 100. Aussi simple que ça.

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Fruit de son époque

Ce que raconte la trajectoire de Bhad Bhabie, c’est que la jeune fille et l’hystérie qui l’entoure sont un pur produit de son époque. Dans ses excès comme dans ses mécanismes. Devant la Maroquinerie, Aisha et ses copines venues pour le concert racontent comment elles ont découvert la jeune fille. Rompues aux codes de leur âge, les cinq adolescentes naviguent entre les stories Instagram et les notifications YouTube au quotidien. Elles ont donc découvert le phénomène Bhad Bhabie depuis leur smartphone : « Je m’intéressais pas spécialement à elle, mais je suis tombée sur sa phrase sur Instagram, se souvient Aisha. Ca m’a fait marrer alors je me suis abonnée à son compte. Un jour elle a partagé sur Instagram un extrait d’un ses morceaux. J’ai trouvé ça pas mal. Du coup je suis allée voir sur YouTube ce qu’elle faisait et j’ai bien aimé. Aujourd’hui je continue à écouter ses sons sur les plateformes de streaming. »

Avec 15,2 millions d’abonnés sur son compte Instagram et 5,2 millions sur sa page YouTube, la force de frappe de la Floridienne est conséquente. C’est ce même facteur qui va principalement pousser les maisons de disque à se pencher sur son cas au premier abord : “On vit dans une époque de l’influence : des gosses ont une grosse bases d’abonnés sur les réseaux sociaux, et les labels regardent en priorité ces chiffres” commente Angelo Torres, responsable développement de l’agence Magnus Media, dans Rolling Stone. « Avec des millions de followers Instagram, les labels ont la certitude qu’un artiste va faire des millions de vues sur YouTube. » Une tendance qu’a très bien compris le management de Bhad Bhabie, qui incite la jeune fille à poster des vidéos de « réaction » (souvent drôles) autour de sa musique sur son compte. Et ça marche : « On regarde énormément ses vidéos sur YouTube, confie Aisha et sa bande au concert. La manière dont elle s’exprime, comment elle est naturellement, c’est vraiment drôle. » Elle réfléchit : « Elle a l’air d’être elle-même et ça nous parle. »

Comme Cardi B, Jake Paul, ou Big Shaq, Bhad Bhabie a donc réussi à infiltrer l’industrie de la musique. « Gucci Flip Flops », son (très bon) avant-dernier single vient d’être certifié single d’or (le deuxième à atteindre ce statut après « Hi Bich »), tandis que les collaborations en compagnie de noms crédibles du rap US se multiplient, à l’image de son récent single « Trust Me » avec Ty Dolla $ign. Et si les médias musicaux commencent à sérieusement s’intéresser au cas de la jeune fille (à l’instar de Complex ou de Billboard) c’est bel et bien parce que ses morceaux – à défaut d’être inspirés – sont diablement efficaces. « On a beau me critiquer sur les réseaux sociaux, j’estime que je suis tout à fait capable de rapper correctement, tranche-t-elle. J’ai toujours rappé par dessus les morceaux que j’écoutais, je me suis même plusieurs fois dit avant le succès que je devrais m’y essayer sérieusement. On peut avoir l’impression que tout le monde peut aujourd’hui rapper, mais non, ce n’est pas le cas. C’est quelque chose qui nécessite de la technique, de l’entraînement, pas juste parler dans le vide. » Elle se met à sourire : « Du coup je ne sais pas comment j’ai eu ces skills, ils me sont un peu venus de nulle part. »

Une jeunesse anormale

Entre un buzz venu de nulle part, un emballement inarrêtable des réseaux sociaux, l’arrivée de managers et de maisons de disques opportunistes pour capitaliser sur son influence, l’histoire de Bhad Bhabie est dans toutes ses mécaniques celle de l’industrie de la musique à l’ère moderne. Reste que, derrière les chiffres YouTube, les dates de concert à travers les Etats Unis, et la sortie de sa première mixtape, une évidence persiste : Danielle Bregoli a quinze ans. Un âge durant lequel la jeune fille devrait plus être sur les bancs du collège que sur les scènes de concert. « Je n’ai pas peur d’avoir une jeunesse anormale », nous affirme-t-elle d’un ton blasé. Elle réfléchit : « Si je n’avais pas connu le succès, j’aurais soit fini en prison, soit six pieds sous terre. Donc bon… » Un léger sentiment de malaise persiste pourtant tout au long de notre entretien. Un peu éteinte, constamment accompagnée d’un manager et d’un garde du corps, Danielle Bregoli ne semble pas vraiment à sa place dans un monde trop sérieux pour une adolescente de son âge. Déjà en mai dernier, la Floridienne confiait n’avoir « qu’un seul vrai ami » en la personne de… son garde du corps Franck. Après quinze minutes d’interview, on se risque à finalement lui poser la question :

Tu vas toujours à l’école ?
Oui. Mais à domicile.

Du coup, tu ne sens pas parfois un peu seule…?
Non non… J’ai mes deux meilleurs amis qui sont des jumeaux YouTubeurs, les Bell Twins. Ils m’ont suivi sur la route aux Etats Unis pour faire des vidéos. Mais là ils ne voulaient pas venir. Ils avaient peur de l’avion…

Mais tu vois d’autres personnes de ton âge ? Des gens qui ont une vie un peu plus « normale » ?
Non. Ils sont bizarres. Enfin, ils ne sont pas comme moi.

Parce que tu as une vie bizarre ?
[Elle soupire.] Je suppose.

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Un retour, deux bastos. L’un des plus gros rappeurs de France, SCH, s’apprête à sortir du jour au lendemain un très, très attendu nouvel album. Le disque s’intitulerait JVLIVS et marquerait un retour aux sources pour l’artiste, qui ne referait qu’un avec l’équipe de producteurs de Katrina Squad. Le rappeur d’Aubagne est revenu en force cet été avec « Mort de rire », puis « Otto », banger ultime qui a mis tout le monde d’accord. Charismatique, discret, le S se fait de plus en plus rare sur la capitale avant son concert à l’Olympia le 31 janvier… mais il était avec nous jeudi 13 septembre pour le YARD Summer Club. Moment d’anthologie.

« J’fais mon blé, j’suis mon boss, titulaire à mon poste. » Depuis Échecs positifs en 2015, Josman ne cesse de progresser et se place aujourd’hui comme une valeur sûre du rap en France. Vendredi 14 septembre, l’acolyte du producteur Eazy Dew a sorti l’attendu album Jo$, et s’est permis un live surprise du banger « Loto » sur la scène du YARD Summer Club, le soir-même, pour fêter ça.

Mac Miller s’est éteint ce vendredi 7 septembre, d’une overdose d’opiacés, dont il essayait de combattre l’addiction depuis des années. Il y a deux ans, le rappeur confiait à The FADER qu’il n’y avait rien de légendaire à mourir d’une overdose. Dramatique décès pour celui dont l’humilité sans borne avait touché le cœur de tous ceux qui le connaissaient, de près ou de loin.

Précoce, en tous points. Avec des titres comme « Nikes On My Feet » ou « Donald Trump », Mac Miller est arrivé à 18 ans dans l’univers du rap, bouillant et insouciant, marquant dès 2010 un auditoire très large. Depuis vendredi, les hommages de fans et d’artistes pleuvent. Tous sont plus déchirants les uns que les autres. Les voix s’accordent toutes pour évoquer la personne de Malcolm James McCormick, sans aucun doute plus attentionnée envers les autres qu’envers elle-même. Mac Miller, « known and adored » comme l’annonce sa famille, suscite une tendresse très nettement générale. Chez les fans, ce sont tantôt les années d’adolescence qui remontent avec mélancolie à la surface, tantôt leur attachement si particulier à cet artiste qu’ils ont vu grandir qui devient douloureux. Chez les artistes, ce sont des anecdotes lumineuses de mains tendues et de collaborations qui ne cessent d’être mentionnées. Chance the Rapper lui doit sa deuxième tournée et le lancement de sa carrière. Juicy J se souvient avoir organisé la fête de son 18e anniversaire. Post Malone en retient l’inspiration considérable qu’il a été, sa gentillesse extrême et leurs parties de beer pong – ils préparaient d’ailleurs un album ensemble. G-Eazy et Childish Gambino lui ont tous les deux consacré, durant leurs concerts récents, une chanson hommage, un moment pour lui dire un dernier « je t’aime et au revoir ». Macklemore et d’autres se souviennent de sa présence quand ils devaient, eux aussi, faire face à des moments de détresse.

Mac Miller semble être de ceux dont la simple vie suffisait à répandre de l’amour et de la force. En tant qu’artiste, il n’a cessé de se livrer de manière très personnelle au monde. Il nous a tout donné : ses années d’insouciance, où il donnait des pourboires accidentaux de 1000$ aux strip-teaseuses, comme les moments plus sombres évoqués quasi continuellement dans ses morceaux ou ses interviews. Lorsqu’il se hissa tout en haut du Billboard 200 avec son album Blue Slide Park, premier album indépendant à cette place depuis celui de Tha Dogg Poung en 1995, le rappeur prit immédiatement le recul pour y reconnaître la direction dans laquelle il allait et ses maladresses musicales. C’était là une autre de ses forces. Déterminé, il faisait déjà preuve d’une grande maturité d’esprit et d’une étonnante humilité, qui dessinèrent toute sa carrière. L’inattendue courte décennie d’activité du rappeur se définit en effet sous le signe de l’honnêteté intellectuelle, ce qui a sans doute contribué à créer cette unanimité rare auprès de l’audience. Une bonne foi qui l’effaça aussi, parfois, dans un rap jeu où la mise en scène crée l’attente et le succès. Encore hier, quand la question de l’importance du contrôle de son image lui est posée dans un long entretien intime avec Vulture, il répond : « Maybe I’m wrong. Maybe that’s just a game that I haven’t gotten into playing. »

Chaque nouvelle production de Malcolm était le témoignage d’une nouvelle personne, parfois grandie, souvent abîmée, aucune ne ressemblant à la précédente. En écoutant Mac Miller, on embrasse l’homme que l’on peut lire comme dans un livre ouvert. On embarque dans une intimité profondément hantée d’angoisses, de fragilités, de dépendances. Chacune de ses manifestations était le résultat de beaucoup de travail, d’une remise en question personnelle et surtout d’une entièreté totale.

L’humain au service du rappeur

L’artiste était exceptionnel dans ce que son parcours raconte de la création artistique. À jamais modeste, Rolling Stones dit de lui que « sa musique sonne comme s’il en devait toujours une aux rappeurs et producteurs du moment ». Mac Miller a assumé avec une franchise sans égo ses tourments, sa recherche de lui-même et du sens de ses actions. Il livra rapidement après ses premiers sons insouciants une mixtape fidèle à son état d’esprit de ce temps, Macadelic. Sur cette mixtape, il y évoque pour la première fois la pression qu’il ne mesurait pas. « I’m a Beatle to these young kids/But sometimes I be feelin’ like a needle to these young kids », dit-il dans « Fight the Feeling ». Il file la métaphore de l’aiguille, signifiant à la fois la mauvaise influence pour les jeunes qui l’adorent, et la drogue au sens propre. Il y exprime la pression d’être une idole, surtout lorsque lui-même ne se retrouve pas. Plus sombre mais jamais plaintif, le rappeur évoque sa dépression, son ennui profond, tous ces facteurs qui le font passer d’enfant insouciant à jeune adulte avec des responsabilités. Le rappeur de Pittsburgh étouffe ; ses chansons le crient depuis 2013.

L’humilité de Mac Miller est franche et explicite, pleine de pudeur. Au risque de réduire dans l’inconscient collectif la gravité de ses nombreux témoignages de détresse. « Hard to complain from the five stars hotel… », ose-t-il encore penser et affirmer quelques jours avant sa mort, dans « Small World » issu de son dernier album Swimming.

Un style sobre pour sujet sous influence

Après Macadelic, s’en est suivi le Macadelic Tour. Expérience trop intense pour les épaules du jeune rappeur qui devient dépendant aux opiacés, et notamment à la lean. « Sometimes I wish I took a simpler route/Instead of havin’ demons that’s as big as my house », rappait t-il encore dernièrement sur le track « 2009 », où il se rappelle la période insouciante de son existence en tant qu’inconnu. Sa première vie. Si la glace autour de la santé mentale des artistes commence à être brisée, il a fallu tout de même quelques incidents tragiques pour la prise de conscience collective. Les alertes timides de Mac Miller datent de 2012. Là où Lil Peep mettait en scène, peut-être inconsciemment, ses prises de Xanax sur Instagram – certains diraient « ses appels à l’aide » –, Mac Miller était lui dans une posture plus pudique, dont le manque criant de spectacularisation donnait peut-être l’impression d’une urgence moindre. Dans Faces, sa mixtape de 2014, il parle de son addiction à la cocaïne et au LSD. Le rappeur dissolvait son mal-être sur des beats et fondait ainsi des messages dramatiques dans notre écoute. À tel point que son décès laisse aujourd’hui un goût amer de culpabilité. L’annonce de sa mort tragique, soudaine, a fait l’effet d’une bombe.

Et comme c’est trop souvent le cas avec les deuils artistiques récents, ce n’est qu’aujourd’hui que nous l’écoutons vraiment, que les médias du monde entier analysent chacun de ses mots en réalisant presque avec complaisance les signes pourtant évidents d’une auto-destruction dépressive. Peut-être la simplicité apparente de ses messages a manqué d’alarmer. Depuis vendredi, les hommages évoquent aussi le mal-être du défunt rappeur, comme si les très nombreux messages de Mac Miller depuis 2012 n’avaient pas été assez suffisants.

Tragiquement, dans un documentaire signé The FADER, l’artiste se confiait il y a deux ans. « Je préfère être le banal rappeur blanc que le déchet drogué qui ne peut même pas sortir de chez lui. Ce n’est pas cool de faire une overdose. Il n’y a pas de romance légendaire. Tu n’entres pas dans l’histoire parce que tu fais une overdose, tu meurs tout simplement. » Funeste présage. Triste ironie : le dernier single du chanteur s’appelle « Self-Care ». Dans le clip du morceau (ci-dessus), on l’y voit enterré vivant, frappant du poing façon Uma Thurman dans Kill Bill le couvercle de son cercueil boisé, à l’endroit où il y a gravé au couteau l’expression latine « Memento mori », autrement dit : « Souviens-toi que tu vas mourir. » Sinistre augure. Depuis au moins trois ans, Mac Miller se soignait, avec plus ou moins de succès. Il en avait d’ailleurs longuement parlé sur le plateau du Breakfast Club en 2015, avec un Charlamagne Tha God qui le sermonnait comme un grand frère sans lui accorder la moindre seconde de répit. Malcolm était entouré d’amis qui lui voulaient du bien.

Cœur à vif

Dans ce flot de pensées noires qui ont hanté l’œuvre du rappeur, quelques moments de paix sont aussi apparus, notamment cristallisés dans l’album The Divine Feminine. Cette œuvre, réalisée sous l’influence de son idylle avec Ariana Grande, constitue son projet le plus lumineux. Depuis ce disque, Mac Miller avait aussi cette image médiatique du rappeur amoureux de l’amour. En toute transparence toujours, l’artiste se surprenait innocemment à être encore vivant et à aimer au grand sens du terme. Il y affirmait vouloir chercher du réconfort auprès de l’amour, la plus forte de toutes les drogues. Mac Miller exprimait sans filtre son émotivité constitutive. On lui connaît deux grandes histoires d’amour, dont les débuts et fins ont façonné le rythme de sa vie. La première avec Nomi Leasure, rencontrée au collège, avec qui il était en couple jusqu’en 2013. Cette dernière a publié, le 27 août dernier, un texte où elle narre les retrouvailles avec le rappeur, dans un bar symbolique de leur histoire, comme pour clore un long bel épisode. « On dit que vivre dans le passé cause la dépression », écrit-elle. Dans ce joli récit timide et discret, elle y décrit les genoux de l’artiste, tremblant de nervosité. Touchant. Ses langages, verbaux ou non, transpirent le respect intègre de leur histoire commune. « Avec précaution, elle parla d’un nouvel amour. Il parla d’un amour ancien », avoue-t-elle aussi, en disant long sur leurs états de pensées respectifs. La deuxième grande histoire est donc celle avec la pop-star Ariana Grande, qui prit fin au mois de mai de cette année 2018.

Quelques jours après sa rupture avec la pop-star, causée – selon cette dernière – par l’incapacité du rappeur à prendre vraiment soin de lui, Mac Miller est arrêté pour conduite en état d’ivresse après avoir foncé dans un poteau électrique. Une dizaine de jours après la publication du texte de Nomi Leasure, Mac Miller fait l’overdose qui mettra un terme à une vie de tourment. Deux chamboulements émotionnels qui précèdent deux accidents, dont le dernier lui sera fatal. Deux grosses gouttes d’eau qui ont fait déborder une existence trop pleine. Cette sensibilité-là est bien trop rare pour ne pas être légendaire.

Avec seulement une dizaine de morceaux solo révélés au grand public, Box n’est pas de ceux que l’on pourrait considérer comme productifs. Pourtant, son histoire avec le rap remonte jusqu’à sa toute jeunesse, 10 ans auparavant. Originaire du 77, département en mal d’exposition, il est l’un des rappeurs les plus à même de placer la Seine-et-Marne sur la carte. Rencontre.

Photos : @75streetstyle

Avec tous les talents qui tentent leur chance, dur de déceler le particulier du commun. On est là pour vous. Jusqu’à fin octobre, on profite de la rentrée pour présenter des artistes qui méritent de retenir votre attention. #ÀSUIVRE

Tout a commencé par une découverte. Les recommandations YouTube ne nous emmènent jamais loin et pourtant, cette fois-là, elles n’auraient pas pu mieux nous diriger. On entend un sample lancinant, puis la première phrase de l’artiste : « C’est le B.O.X… faut qu’tu l’mémorises. » L’attention est captée. Et soudain, d’un coup d’un seul, la production frappe fort, laissant Box en faire son terrain de jeu pendant deux minutes. On y reconnait un style proche de celui d’un Badjer ou d’un Boumso. Le style du 77420, ou du 77 tout court. Pendant l’écoute on vogue sur les réseaux à sa recherche, et on voit que Nekfeu vient de partager le morceau sur Twitter. Au même moment, on l’entend dédicacer Timal entre deux rimes. La conclusion est claire : il faut le rencontrer.

Mardi, 15h. Quelques temps avant que la Bataille d’Orly n’éclate. Bowie, le manager de Box, nous a donné rendez-vous à Champs-Sur-Marne. On le retrouve avec son artiste en bas de ses tours, à l’ombre d’une épicerie. Entouré des siens, un bob vissé sur la tête et lunettes noires au bout du nez, Box nous emmène dans un coin isolé. Il n’y a pas grand monde dehors ; il faut dire que la chaleur en ce premier jour de mois d’août est étouffante. »Là c’est encore trop tôt pour les gens d’ici, mais ce soir ça va commencer à sortir« , nous dit Bowie. ‘Ici’, c’est la Seine-et-Marne, le 77, un département qui représente à lui seul 50% de la région Ile-de-France. Beaucoup moqué pour ses paysages moyenâgeux et ses villes de moins de 55.000 habitants, l’endroit n’est pourtant pas si éloigné de la capitale. Néanmoins, à y traîner en journée d’été, on se croirait presque à des centaines de kilomètres de Paris.

C’est là que Box a grandi. « Je suis arrivé à Champs-Sur-Marne [stylisé CSM, ndlr], je devais avoir 14 ou 15 ans. Le secteur est petit donc je connaissais déjà du monde vu que je traînais dans le coin à Torcy ou à Noisiel. » Ce n’est cependant pas ici que son aventure avec la musique a débuté. Elle remonte à dix ans en arrière, grâce à son père. « Il était musicien. Je l’avais accompagné un jour parce qu’il avait des potes qui jouaient au New Morning. Il venait de m’apprendre un petit huit mesures et m’avait fait monter sur la scène. J’avais 4 ans, c’était un gros bordel… j’étais tout petit mais j’avais adoré le délire. C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué, encore aujourd’hui j’en ai des souvenirs. »

« Un bordel » donc. Le mot prend tout son sens quand il nous raconte la back-story de son pseudonyme : « Box, à la base ça vient de Boxon. Mais dans la rue mes potes m’appelaient plus Box donc au final j’ai gardé ça. Si on remonte encore plus loin, Boxon c’était un délire avec un zinc à moi quand j’étais tout petit. Il était plus grand que moi et avait déjà son blaze, qui était Boxon, et il me dit qu’il voulait faire la Family Boxon ! Alors du coup quand on traînait au bled tout le monde nous appelait comme ça. Après, j’ai gardé le délire. Puis, entre nous, ça collait bien avec ma personnalité. Quand j’étais petit j’étais plutôt bordélique. » C’est sans doute cette particularité qui l’a amené à faire du rap son objectif principal dans la vie. Pourtant, l’époque n’était pas la même qu’aujourd’hui et l’industrie de la musique était bien différente de celle que l’on connait.

C’était sans compter le soutien véritable de sa mère : « Elle m’a toujours soutenu, depuis le début. Elle voit bien que, même si elle ne peut pas écouter tous mes morceaux, il y a un ‘truc’ chez moi donc elle m’encourage. Ça me motive vraiment parce qu’en vérité, si ton fils est nul, en tant que mère tu es obligée de lui dire d’aller bosser et d’arrêter ces bêtises. Quand tu regardes bien, il y a plein de rappeurs qui ont le bac ou qui sont allés à la fac, parce que les parents sont derrière et veulent apporter la sécurité. Moi j’ai quitté l’école très tôt et je n’ai pas beaucoup travaillé dans ma vie. J’ai toujours baroudé en fait. Donc c’est une chance et une motivation dingue que ma mère me fasse confiance et me répète que je vais réussir. »

Le soutien de ses aïeux, il le doit aussi à l’héritage qu’ils lui ont laissé. S’il est monté sur scène à 4 ans à peine pour se lancer dans la musique 10 ans plus tard, c’est qu’il a été bercé par le rap dès sa plus tendre enfance : « Je découvre le rap dès que j’ai eu l’âge d’écouter de la musique puisque mes parents en écoutaient. » C’est à 13 ans que remonte sa première véritable expérience avec le rap, moment où il prend le micro et freestyle devant ses potes. « J’étais à une MJC et on avait un CD avec plein d’instru’ dessus en plus d’avoir une salle pour faire de la musique. J’ai rencontré un animateur, Kamal, qui faisait du rap quand il était plus jeune. Il est passé devant la salle au moment où on avait un micro et qu’on racontait n’importe quoi pour s’amuser. On pensait qu’on allait se faire engueuler mais au contraire il nous a boosté en nous disant qu’il sentait quelque chose d’intéressant. Alors on a commencé à voir avec lui pour organiser des séances studios. À l’époque, j’étais déjà en groupe avec Hankock et Silek, on était la PirateRime. Le quatrième membre, Sikz, ne nous avait pas encore rejoint. Du coup, on a enregistré à trois et franchement pour un premier morceau, c’était bien. On était fiers. Alors on l’a fait tourner autour de nous et on a eu des bons retours. À partir de ce moment-là on s’est dit ‘On va faire du rap, c’est parti.' » 

L’histoire commence en groupe. Comme, peut-être, 70% des rappeurs français aujourd’hui en solo. Ce qui diffère chez la PirateRime c’est bien l’environnement dans lequel ils ont évolué et grandi : le 77. « On a grandi ensemble au Val. On était dans le même collège. Silek, lui, vient du 13ème mais il s’était fait virer de son école et avait fini chez nous. C’est comme ça qu’on s’est rencontré. On traînait et on faisait tout ensemble. Donc le rap ça s’est fait naturellement ensemble aussi. » Reculé des tourments de la capitale, c’est sans doute cet éloignement qui a fait leur particularité depuis le début : une alchimie en triangle sur n’importe quel style de morceaux, chacun des membres ayant, pourtant, la capacité d’être couteau-suisse si besoin s’en fait sentir. Si les premiers à voir ces spécificités sont les gens avec qui ils habitent, c’est avec l’Entourage que le groupe va connaître son premier essor. « On a rencontré 2zer en premier. On avait un pote en commun qui habitait vers Serris. Un jour, il invite 2zer et on fait une petite soirée ensemble. Sans parler de rap une seule seconde. Pour tout te dire, je ne savais même pas qu’il rappait ! À la fin de la soirée, on fait un freestyle et on kiffe le délire que chacun amène donc on reste en contact. À l’époque, l’Entourage tournait dans tous les open mic. Les gars mangeaient Paris de tous les côtés. 2zer nous a invité à passer et à force d’y aller on a rencontré Nekfeu, Sneazzy, Alpha Wann… toute l’équipe.  Le feeling est super bien passé, alors on a commencé à parcourir les open mic ensemble. On a même enregistré des morceaux qui ne sont pas sortis et franchement, pour moi ils sont intemporels. On pourrait les sortir maintenant et les gens n’y verraient que du feu. »

Le collectif invite le groupe à brûler les plateaux radios de Skyrock pendant la semaine promotionnelle qui était dédiée à l’album SeineZoo du S-Crew. Le résultat a été sans appel : un feu glorieux. Dès lors, il fallait se servir du buzz grandissant autour de leur nom pour transformer l’essai. Mais l’industrie à ses mystères qu’elle seule connaît et leurs performances respectives n’auront eu que l’effet d’un pétard mouillé. Les vues stagnent et aucun morceau n’enflamme réellement les plateformes au point d’amener le groupe à un stade supérieur. Et comme un malheur n’est jamais orphelin, l’année 2015 subit l’invasion titanesque de jeunes rappeurs du nord de la capitale venus bombarder les ondes. La localisation de la PirateRime, en Seine-et-Marne, alors même qu’elle avait été à l’origine de leur particularité, devient rapidement leur plus lourd fardeau. Car à être trop reculé des tourments parisiens, on finit par être noyé dans le désintérêt que portent les médias spécialisés pour les départements trop « éloignés » de l’épicentre. Trois ans auparavant, tout se passait dans les 17, 18 et 19ème arrondissements de Paris. Sans compter les éternels 93 et 94. Seuls ceux qui bénéficiaient de l’aide extérieure d’un rappeur déjà bien installé pouvaient sortir de l’ombre. Ce n’était pas le cas de la PirateRime.

Quand on l’interroge sur la non-exposition des rappeurs du 77 par les médias, Box a sa propre pensée sur le sujet. « Je sais pourquoi c’est ainsi, donc je m’en fiche et je trace ma route. En fait, ils veulent que je parle de certaines choses et moi je ne leur donne pas ce qu’ils veulent, donc ils ne m’exposent pas. Demain, si je suis là à raconter toutes les histoires que j’ai eu ou que j’ai fais, ils vont kiffer parce qu’ils savent que les petits vont suivre le délire, mais moi c’est autre chose que j’ai envie de donner aux gens. Si j’estime que vous ne m’avez pas respecté sur le moment, je donnerai rien. Je préfère faire une ou deux interviews avec des mecs qui me posent des bonnes questions, où on parle de trucs biens, qui vont servir aux gens que venir et me parler de choses inintéressantes. Je ne viens même pas en fait, ça ne m’intéresse pas. Si tu viens juste pour faire kiffer les petits, je m’en fous reste chez toi. Et je pense que c’est ça que les médias veulent. Je suis sûr que si j’avais fait des sons ultra tournés vers les histoires de sexe, drogues, putes, ceci, cela… je sais qu’ils auraient partagé beaucoup plus. »

Pourtant, Box en est persuadé : le 77, c’est le futur. « Je pense que maintenant, les gens vont être forcés de se déplacer. Ils n’auront pas le choix parce qu’ils ne pourront pas nier le niveau qu’il y a. DjaDja et Dinaz sont connus dans toute la France. Timal commence à l’être. Badjer et Boumso c’est pareil. Petit à petit les portes vont s’ouvrir pour d’autres artistes, donc je pense que tout va dépendre de la structure que les gens vont avoir. Mais s’ils sont carrés, il n’y a pas de raisons que le 77 reste dans l’ombre. Ici, tu trouves que des petites villes. Il n’y a pas de coins de plus de 100.000 habitants, donc on se connait tous, on a fréquenté les mêmes écoles et les mêmes clubs de foot. Il y a une entente et je ne sais pas s’il y a la même partout ailleurs. Je suis convaincu que plus tard sur la carte, en tout cas dans les têtes d’affiche, ce sera le 77. Et j’ai remarqué que de plus en plus de gens commencent à dire « Oh mais en fait dans le 77 il y a des mecs chauds ! » Alors que c’est depuis toujours ! Il y a des rappeurs de dingue ici, même des beatmakers, des cameramen. Il y a de tout. »

Cette « entente » entre les artistes du 77 s’affiche partout et rappelle étrangement celle des rappeurs du 91. Peut-être que ne pas être exposé malgré le talent ou le niveau des individus en question forge un caractère tourné vers un vivre-ensemble et un évoluer-ensemble plus fort qu’autre part. En Seine-Et-Marne tout le monde se mélange et tout le monde se côtoie. Pourtant, l’idée d’un « 77 Empire » sur le même modèle que le prochain projet de Sofiane et Kalash Criminel ne semble pas avoir traversé l’esprit de Box. « On n’en a jamais discuté. Je ne veux pas parler pour les autres, mais je pense que, pour l’instant, on est tous dans une optique ‘d’avancer chacun de son côté’… Entre guillemets, parce qu’on se donne tous de la force. On est des compétiteurs, on a envie de prouver aux gens. Pas de prouver entre nous, ça on s’en fout. Après, je n’ai pas envie de parler à l’avance mais on est de la même ville, on se soutient, on aime ce qu’on fait, donc dans le futur c’est sûr qu’il se passera des trucs entre nous. »

L’alchimie que peut créer l’éloignement des tumultes parisiens n’agit pas seulement d’un point de vue strictement musical. Preuve en est la symbiose presque organique que partagent Box avec ses réalisateurs Berko, Titan, et Aden. Sur les dix morceaux que l’on retrouve sur la chaîne YouTube du rappeur, la totalité a été clippée par le trio. Dont le dernier morceau sorti aujourd’hui, « L’heure tourne », peut-être le mieux travaillé jusqu’à présent, tout ça avec très peu de moyens. « C’est une relation de zinzins. On arrive toujours à notre objectif mais c’est le bordel. Je me souviens qu’une fois on était parti à Bordeaux pour faire un clip, je sors du Burger King et là Aden crie « Oh regardez qui c’est, il y a Box, truc de ouf ! » Et là il y a des gens de Bordeaux qui ne me connaissent même pas qui se sont ramenés autour de moi, à regarder sur leur téléphone, prendre des photos…Tout ça pour te dire que ce sont des oufs. On part ensemble en général sur plusieurs jours quand on fait un clip. On s’entend super bien. Moi et Aden on se connait depuis longtemps, depuis 6 ou 7 ans. Je me lançais dans le rap et lui dans les clips. Il a rencontré Berko et Titan et tandis qu’ils montaient une équipe ensemble moi je commençais à vouloir me structurer dans la musique. Alors naturellement je suis parti vers eux. Ce que j’aime bien c’est qu’avec pas grand chose ils te font un travail archi carré. J’aime bien mettre mes petites idées en plus, il y a certains clips c’est même moi qui les ai écrit ! Mais en général on fait une table ronde, on se pose, on discute, chacun amène ses idées et on fait un mélange de tout. »

À échanger avec Box, on se rend rapidement compte que malgré son jeune âge et le peu de morceaux en ligne, il suit une direction claire depuis le début. Le rap, berceau de son enfance, est devenu son objectif principal de vie : « C’est étrange, mais depuis que je suis petit je savais que j’allais faire quelque chose de différent. Quand j’ai enregistré mon premier son, je savais que c’était ça que je voulais faire de ma vie. Après il y a eu des moments où je ne pensais même plus au rap parce qu’il y a un frigo à remplir… et on dépense plus d’argent qu’on n’en gagne à des stades comme le mien. Mais depuis un bon moment je sais que c’est ça et rien d’autre. Et puis je suis objectif, sans me jeter des fleurs, je sais qu’il y a quelque chose à faire, donc pourquoi pas. » Alors qu’il vienne du 77, qu’il n’ait toujours pas l’exposition qu’il mérite ou qu’aucun de ses sons n’ai obtenu le million de vues, il s’en fiche. Venir de CSM [Champs-Sur-Marne] lui a fait comprendre la notion de travailler plus que les autres pour avoir droit à la même chose. Avoir 24 ans et venir de Seine-Et-Marne, c’est peut-être une bénédiction : « Je suis coincé entre deux générations. Les 94/95 on a connu le rap à l’ancienne donc on a connu les codes. Moi quand j’étais petit, si je parlais de drogue dans un morceau je me prenais une baffe. Un grand me giflait. Quand tu es petit tu n’as pas à parler de ce que tu ne connais pas. Le fait d’avoir été dans cet entre-deux de générations m’a servi. Je traînais avec des plus grands et je voyais comment les plus petits faisaient. Ça me permet de comprendre le délire actuel de l’époque, mais de toujours donner quelque chose en plus quand je rap. Sans être trop profond non plus, je ne suis pas là pour changer le monde. »

Ce mélange de générations, on le sent dès les premières écoutes. Le flow saccadé propre aux rap d’après 2010 se mêle naturellement aux textes et schémas de rimes propres au rap d’hier. Cette sensible profondeur dont il parle, on l’entend au travers de la plupart des morceaux. Elle se traduit peut-être par la volonté d’interroger l’auditeur entre deux-trois phrases qui paraissent anodines. Dans « One Shot 2.0 », Box rappe : « C’est vrai qu’au quartier il y a du business mais il y a moins de trafiquants qu’à l’Elysée. » Si la rime peut paraître banale, l’explication qu’il donne en filigrane mérite d’être exprimée puisqu’elle nous a amené à débattre et échanger sur la manière avec laquelle le français moyen perçoit les « jeunes de banlieues » et la manière qu’a l’Etat de se cacher derrière une fausse-image clean tout en pointant du doigt la cité. « Dans tous les quartiers ça vend. Même à la campagne, pas que dans les banlieues ou les cités. Mais c’est rien comparé à ce qu’il se passe au niveau de l’État. Qu’ils commencent juste à nous sortir combien les mecs font sortir de la France, rien que ça déjà ça vaut 40 mecs qui vendent. Ils font des trucs de dingue sauf qu’ils ont des costards et ça change tout… Comment elle arrive la drogue ? Il n’y a que des mecs de quartier qui vont la chercher ? Faut arrêter. Quand les mecs se font attraper, ils n’ont rien. Ils en sortent blancs comme neige ou en tout cas beaucoup mieux que nous autres. Ils sont mis en examen, prennent vite fait de la garde à vue, au pire un bracelet et encore… Même s’ils vont en prison, c’est dans des quartiers sécurisés. Jamais on les mélange avec des mecs comme nous. Et t’as des gens derrière qui disent : ‘Ouais la justice elle est trop cool en France.’ Mais elle est juste trop cool avec qui elle veut. Ils ne voient pas qu’avec ce type de personnes-là elle est peut-être quatre, cinq, ou dix fois plus cool. »

Ce rejet de l’institution se ressent même dans la manière qu’il a d’en parler. Le sujet ne lui tient pas à coeur, il le lui crève. Surtout quand il sait que ce sont ceux qui n’ont jamais ce type de problèmes qui tendent toujours à pointer du doigt les oppressés plus que l’oppresseur ; la conséquence et non la cause. Et tandis qu’il a conscience que venir d’en bas est une force que personne ne peut connaître en venant d’en haut, un véritable moteur d’action, donnant le sens des affaires et la valeur du travail très tôt, il ne peut s’empêcher d’être en colère contre celles et ceux qui le montrent comme un parasite. Logique. Alors la musique de Box traduit cette colère. Contre l’industrie, l’Etat, les médias, ceux qui détournent le regard ou ne tendent l’oreille que pour entendre un rappeur dire ce qui plaît à l’audimat. Une colère contre le système de manière globale. « Le saint graal, c’est de baiser l’industrie. C’est tout. Arriver comme je suis et repartir comme je suis, plein, rempli. Rien d’autre. Moi j’aimerai bien juste venir, tout niquer, et ensuite m’occuper des petits ou gérer/organiser des projets pour les nouvelles générations, pour celles et ceux qui ont envie de faire des choses. Moi je veux vraiment passer dans le côté business, je m’en fiche de continuer à rapper ou non. Je veux monter un empire.« 

Nous l’avions annoncé il y a plusieurs semaines : au mois de mai dernier, le légendaire beatmaker Harry Fraud s’est inspiré de l’air parisien pour créer les premières maquettes de ce qui allait devenir les huit tracks du projet Brooklyn Paris. Le concept est simple : un producteur américain, huit emcees du paysage rap francophone, une mixtape inédite, un concert unique. Voilà la nouvelle promesse de ce projet du Red Bull Music Festival Paris 2018, mis en place en collaboration avec YARD et Free Your Funk.

YARD, en tant que collaborateur privilégié du projet, a accompagné sa création de bout en bout, en continuera de le faire jusqu’à cette unique date de l’Elysée Montmartre, le 28 septembre prochain. D’ailleurs, la billetterie est enfin ouverte. Contrairement à l’édition 2017 de l’événement avec le producteur californien The Alchemist et toute la fine fleur du rap franco-belgeseul le titre de Deen Burbigo avait été clippé, le projet prend une toute autre ampleur cette année : YARD a été chargé, grâce à l’aide des réalisateurs Célestin Soum et Marius Gonzalez, de mettre en image l’intégralité des morceaux de la mixtape.

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C’est le dernier cité, Marius, qui est derrière la caméra du clip du premier titre de Brooklyn Paris que nous dévoilons aujourd’hui : « Feux d’artifice », de Jok’Air. Un banger entêtant, sensuel, où l’alchimie entre le crooner parisien et le producteur new-yorkais fait des étincelles. Restez branchés : Brooklyn Paris sera disponible sur toutes les plateformes de streaming le 21 septembre.

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Il suffit d’une main-tendue de sa part pour que n’importe quel rappeur se voit déjà vivre la vie de star. Pourtant, toutes les histoires de Booba finissent mal. Et s’il est parfois à l’origine de leur succès, il est tout le temps la cause de la déroute. Qu’importe l’alchimie, chez lui, les amourettes artistiques sont éphémères et se transforment peu à peu en rivalités. Mais Booba peut-il agir autrement ?

La nouvelle a eu un air de déjà-vu. Booba se sépare de Damso, son prétendu protégé, après s’être séparé de Nessbeal, Ali, Kaaris, Mala, ou Shay depuis le début des années 2000. 20 ans de carrière derrière lui, peut-être 17 années au sommet, sans doute trois de stagnation latente. Loin d’être préjudiciable au vu du C.V. du bonhomme. Car de ceux qui ont réussi à se réinventer malgré les bouleversements musicaux du rap français, il en est bien le numéro 1. Le porte-étendard. Derrière lui sont Rim’k et dans une moindre mesure Rohff. Au final, la seule définition de Booba serait celle de se réinventer. Dans la musique ou dans le business. Alors forcément, les séparations et les clashs font partie intégrante de l’engrenage, et ce malgré l’âge du rappeur, la quarantaine admise.

Marié, officiellement, à la musique depuis 1998, il a fêté cette année ses noces de porcelaine. Celles qui auraient pu le voir changer, peut-être, sa pensée et ses habitudes sur les manières avec lesquelles il gère son empire. Que nenni. Elles nous ont prouvé, à l’inverse, qu’il a décidé de suivre ce qui lui a toujours réussi : être solitaire, expatrié, rêvant d’un trône en perpétuelle reconquête, avec comme seul leitmotiv celui de devenir ce qu’il aurait dû être. Il s’imagine bien en parrain, en roi, en empereur ou en tyran. Une épée sous l’oreiller et « Le Prince » de Machiavel sur la table de chevet. Il faut dire que le chemin qui mène à un succès durable, stable et admis de tous, Booba y goûte depuis tellement d’années qu’il en devient difficile de savoir s’il profite de sa position ou si sa position profite de lui, en desservant sa plume ou en démotivant ses intentions. Il nous répondrait peut-être qu’il n’y a rien de personnel, et que ce n’est que du business.

Après tout, peut-on lui donner tort ? Sans doute pas. L’essentiel réside surtout dans la manière avec laquelle ces histoires se terminent toutes, car si 20 ans de carrière c’est impressionnant, elles nous permettent aussi de dresser un semblant de bilan au sujet du comportement inchangé de Booba depuis Mauvais Oeil, qui ne peut s’empêcher de voir ses collaborations devenir éphémères et ses prétendues amitiés – du point de vue du public bien-sûr – muer en rivalités éternelles. Alors des interrogations méritent d’être posées.

Il suffit de regarder sa discographie dans sa totalité pour faire un constat simple : toutes les relations qu’il a entretenues depuis « Le Crime Paie » se sont finies. Souvent mal. Et les schémas sont à peu près tous similaires : divergences artistiques, conflits personnels ou rivalités. Booba agit toujours de la même manière avec ses cibles, tel un prédateur ou un directeur sportif. D’abord il y a le repérage. Lui qui affirme n’écouter que très peu de rap français semble pourtant avoir ses yeux sur n’importe quel coin de l’hexagone et ses pays limitrophes : Damso à Bruxelles, Siboy à Mulhouse, Dosseh à Orléans... Après le repérage s’ensuit le centre de formation. Ici, c’est une place dans une mixtape. Si la saga « Autopsie » a été le terrain d’entraînement de Niro, La Fouine, Dosseh, Shay et bien d’autres, la mixtape « OKLM » a été celui de Damso avec le titre « Poseidon« . L’invitation de Booba signifie autant une validation de sa part qu’un moyen pour le rappeur de tester une première fois ses recrues. Et si la logique voudrait qu’un bon morceau soit récompensé d’un featuring, « Fenwick » de Niro ou « Trashhh » de Despo Rutti nous auront montré que la notion de logique peut être parfois aléatoire dans la conception que se fait Booba de son business.

À la suite du centre de formation, place au contrat pro. De là, il reste deux directions possibles. La première, c’est celle de lui prêter allégeance pour l’éternité, soit par amitié réelle (Mala, Gato, Benash), en sachant qu’on sera éternellement vu de l’extérieur comme « le petit de Booba », et de voir à jamais son identité rattachée à celle du DUC ; soit par lucidité, en sachant qu’on aura sans doute jamais le succès rêvé si ce n’est à ses côtés. Il faut dire que le rappeur à l’un des publics les plus fidèles : les Ratpis. Sa voix résonne jusque dans leurs coeurs à chaque prise de parole et son importance est telle qu’elle empêche souvent l’auditeur de se confronter à sa propre objectivité. Alors quand il valide et expose le talent déjà bien admis d’un artiste, comme Maes dernièrement, vous pouvez être sûr que d’une, toute sa fan-base fera de même, et de deux, tous les fans de rap français connaîtront son nom. Au final, les multiples validations de Booba via ses mixtapes auront donné autant de belles collaborations entre artistes qu’une amère impression de pétard mouillé pour ceux qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’un featuring avec le DUC lui-même à la sortie.

La deuxième direction est celle de profiter le plus possible de l’exposition créée par sa présence aux côtés de Kopp avant de tracer sa route tout seul. C’est le chemin qu’a pris Nessbeal en 2006. Quand Booba se sépare d’Ali au début des années 2000, l’ex rappeur de Dicidens semble être le nouveau – et idéal – compère du DUC. Ils enchaînent une tripotée de morceaux ensembles, autant sur les projets solo de Booba que sur des compilations extérieures, jusqu’à même monter sur scène en duo pour chanter « Numéro 10 ». Leur alchimie était claire. Pourtant, après 2005, plus rien. L’année aura scellé la dernière collaboration en date entre les deux rappeurs. Sans aucune autre conclusion que celle d’un regret de la part de Nessbeal qui avait, à l’époque, décidé de s’éloigner du 92i. C’est également le chemin qu’ont pris respectivement Kaaris et Damso. Les deux rappeurs ont, à quelques différences près, vécus le même destin : des featurings marquants, des albums solos acclamés par le public, des identités musicales bien définies, une volonté de s’affranchir de Booba, la séparation et puis l’affrontement.

En 2012, Kaaris devient la nouvelle recrue de Kopp. « Criminelle League », « Kalash », « L.E.F », leur trois collaborations mettent un véritable coup de poing au rap français. En pleine époque de transition vers l’arc de la Drill/Trap. Le DUC a eu l’oreille vive en repérant le rappeur du 93, qui, en ayant signé déjà deux projets en solo (43ème Bima, Z.E.R.O) semblait être destiné, au vu de son âge à l’époque, à rejoindre le cercle des artistes maudits par un talent trop brut et foudroyant pour le public mainstream. Aux côtés de Booba, Kaaris est acclamé par la critique qui voit déjà en Or Noir un classique en puissance, et reçoit des éloges du public qui le couronne de son premier disque d’or. Placé au sommet, à deux pas du trône, tout semblait écrit : Kaaris était le digne héritier. Pourtant, un freestyle Skyrock viendra sceller leur relation à jamais. Jusqu’au dénouement qu’on lui connaitC’est peut-être que les deux rappeurs n’ont jamais entretenu une amitié réelle.

Quoiqu’il en soit, à l’époque, il semblait impossible pour Booba de retrouver un rookie d’une telle ampleur. Lui-même ne cessait – et ne cesse toujours – de rappeler à tort et à travers que sans lui, Kaaris n’existerait pas. L’arrivée tonitruante de Damso tant sur « Poseidon » que sur « Pinocchio » en 2015 ont complètement changé la donne. Signé après une seule écoute par Booba, le bruxellois devient la nouvelle star montante du rap francophone et le nouvel acolyte du DUC. Avec « Batterie Faible » il revêt l’habit de rookie de l’année. Avec « Ipséité », c’est au poste de meilleur rappeur de l’année qu’il concourt. Résultat, en 2018, Damso est devenu l’une des têtes d’affiches les plus importantes et puissantes d’aujourd’hui. Tout ça en l’espace de deux ans. Et tout ça, grâce au talent décelé par Booba avant la sortie de Nero Nemesis. Mais alors même que Damso avait coché toutes les cases nécessaires pour être la meilleure recrue du DUC, celui-ci vient de confirmer ce que le public craignait depuis le succès de « Batterie Faible » : l’inévitable séparation. Pourtant, le rappeur belge est bel et bien, d’un point de vue extérieur, le coup le plus important de la carrière de Booba. Mais bon, la relation entre Booba et Damso semblait n’être finalement qu’une amitié professionnelle plus qu’une franche camaraderie.

Si ce n’était que des séparations, il n’y aurait que de la déception de la part du public. Rien d’autre. Le problème majeur, c’est que Booba a la fâcheuse manie de « vivre à travers » le succès ou l’échec de ses ex-siens. De ne jamais lâcher le morceau, que ce soit sur les réseaux ou en musique. En témoignent les piques envoyées à Rohff, Kaaris, ou La Fouine. C’est peut-être l’unique preuve ostensible de l’unique faille de son système. Il a beau chercher inlassablement la descendance à qui léguer son héritage et son royaume, personne n’a l’air, selon lui, d’avoir les épaules assez larges pour en être le successeur. Et ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. L’épisode-40.000 Gang en est la parfaite démonstration. Aussitôt créé, aussitôt détruit, le groupe était pourtant marqué de l’empreinte 92i comme personne d’autres. Des vêtements aux flows, des clips à la musique, tout était libellé « Booba ». Comme si le rappeur avait enfin trouvé la solution : plutôt que de chercher deux épaules pour supporter autant de pouvoir, il faut le léguer à douze épaules. Mais de cette période dorée qu’était l’année 2015, Benash est le seul rescapé du groupe. Peut-être parce qu’il était le plus proche du DUC, ou bien le plus lucide quant à la direction de sa carrière s’il venait à être en solo.

Après vingt ans à côtoyer les hauts-rangs du rap français, il est peut-être temps de s’interroger sur la nature des collaborations que Booba choisit de faire, car elle tendent peut-être plus à être pour lui un moyen d’absorber des forces pour rester éternellement en place qu’une réelle volonté personnelle de collaborer avec ladite personne. De prédateur et directeur sportif, il devient finalement plus proche de Cell dans Dragon Ball Z, ayant besoin d’absorber l’énergie vitale et la force de C-17, et C-18 (à vous de choisir qui est Kaaris et qui est Damso) pour atteindre sa forme parfaite. On le voit encore de manière plus secrète avec la relation qu’il partage avec Niska (peut-être C-16). Loin d’être signé 92i ou d’appartenir à une quelconque structure, il bénéficie pourtant d’une certaine forme d’amitié professionnelle avec Booba, qui a su lui offrir un cadre d’exposition au moment où le début d’un phénomène s’est crée autour de lui. Mais contrairement à Gradur qui a su profiter un temps de la validation suprême du DUC avant d’entamer une suite de carrière moins étincelante, Niska a réussi à tirer son épingle du jeu en se servant de cette relation pour s’installer comme une tête d’affiche. Et tout ça, sans pour autant « devoir » quelque chose de réel à Booba.

De toute manière, si Booba est condamné – ou se condamne lui-même – à ne jamais trouvé de descendant légitime à son empire, il pourra toujours se consoler en regardant le nombre terrifiant d’artistes connus et moins connus qui ont grandi avec sa musique. Après tout, à regarder le nombre d’entre-eux qui le cite parmi leur plus grosses influences si ce n’est la seule, son héritage est peut-être fait depuis la sortie de Temps Mort.

Photo Booba : @etvig

Après le football, ses expositions par-ci par-là, ses fanzines et ses photographies mythiques de Juergen Teller, c’est au tour du basketball d’attirer non seulement les grands noms de l’art contemporain, mais aussi ses passeurs les plus motivés.

Trajectoire, le projet porté par Jérémie Nassir, s’inscrit dans une tendance artistique qu’il faut avoir identifiée pour en mesurer l’ampleur grandissante. Le basketball a fait son entrée dans l’art contemporain. Et ce, dès 1985, en grandes pompes (probablement des Air Jordan) avec Jeff Koons et son One Ball Total Equilibrium Tank et de façon plus ou moins recherchée dans les travaux d’artistes (souvent américains) qui se sont intéressés à ses formes, à son impact social, aux émotions qu’il transmet. Le basketball continue de fédérer et de passionner, même une fois hors du terrain. C’est là que Trajectoire prend en main le rôle de médiateur. Explications.

Benoit Lépine

Les passionnés de basketball savent que, outre l’amour du jeu, il y a la beauté du jeu, et ça n’a pas échappé aux plus esthètes d’entre eux. Les numéros léchés du magazine américain Franchise comme les livres Courts de Ward Roberts en sont autant de preuves. Le graphisme des terrains de basketball n’en finit pas d’inspirer de nouveaux lieux (plus propres à être instagrammés qu’à être muséifiés mais dont on ne se lasse pas). Parmi eux, comment ne pas citer le très populaire Duperré situé à Pigalle, lequel attire certes les jeunes joueurs, mais aussi l’oeil curieux des photographes et des réalisateurs ?

La rencontre entre le milieu artistique et l’un des sports les plus pratiqués au monde peut finalement paraître évidente : puisqu’il est beau par lui-même, certains artistes épris de basketball, comme Tyrell Winston ou le collectif New York Sunshine, ont fait de leur hobby favori la matière première de leurs oeuvres. Jérémie Nassir, le fondateur de Trajectoire, explique : «Quand tu revois Jordan, tu te dis qu’il y a un truc en plus. Il y a des gamins de quinze ans comme moi à l’époque qui attendent toute la nuit pour voir le match des Chicago Bulls contre Phoenix qui finit à six heures du matin, et qui vont à l’école après ! C’est que c’est un véritable amour, je ne pense pas que ce soit de l’art mais il y a une véritable esthétique. Je pense à la génération entière que Magic Johnson a pu inspirer… J’ai croisé Daniel Arsham à son expo chez Perrotin, et je lui ai demandé pourquoi il avait choisi le basket, lui qui avait peut-être plus à gagner en traitant un autre sujet, mais c’est par passion qu’il l’a fait.»

Jérémie Nassir

J’ai croisé Daniel Arsham à son expo chez Perrotin, et je lui ai demandé pourquoi il avait choisi le basket, lui qui avait peut-être plus à gagner en traitant un autre sujet, mais c’est par passion qu’il l’a fait.

Pourtant pour mettre en place son projet, Jérémie Nassir, qui dribble lui-même depuis vingt-cinq ans, a pensé les choses un peu autrement. Les artistes auxquels il fait appel ne sont pas nécessairement des mordus de la NBA mais ont le goût du voyage. Plutôt inviter des artistes curieux et avides de confronter leurs pratiques mais pas nécessairement passionnés de basketball que de se référer à ceux (on pense par exemple à Awol Erizku, Esmaa Mohamoud ou Victor Solomon) dont le traitement artistique de ce sport est déjà inscrit dans la démarche. Là où le grand David Hammons déclarait que «le basketball est l’art de l’improvisation», Trajectoire revendique une intention moins politique, mais dynamique dans sa volonté de «faire improviser les artistes sur le basket, ceux qui, par ailleurs, n’ont peut-être pas toujours envie de toujours répondre à un brief et veulent sortir de leur quotidien».

«Le mot trajectoire est un terme de basket, mais c’était aussi pour dire : on emmène les artistes un peu ailleurs. Tout en gardant leur style. Ça les change de leur travail de tous les jours et je vois que ça leur fait du bien.» Autrement dit, Trajectoire a pour objectif de faire naître des collaborations avec des créatifs dont les préoccupations sont plus esthétiques que sportives, de leur faire découvrir une passion qui leur est peut-être inconnue. Le concept est plutôt clair : essayer de créer une communauté qui s’intéresse aux deux thématiques que sont l’art et le basketball en faisant se rencontrer les amateurs de l’un et de l’autre. Le tout avec comme lame de fond la volonté de dépasser certains clichés récalcitrants : «Je veux montrer que l’association des deux, ce n’est pas seulement du hip-hop à fond, du rap, du street art et des chaînes en or, que ça peut être revisité différemment.» précise Jérémie Nassir.

Rien d’a priori impossible lorsque l’on sait que les joueurs de basketball eux-mêmes, ont fait leur entrée dans la cour du petit milieu qu’est l’art contemporain. Bill Russell comme Ray Allen ont en leur possession des oeuvres d’art de renom (du Chagall et du Miró, selon la rumeur), Shaquille O’neal a déjà deux commissariats d’exposition à son actif à la FLAG Art Foundation, Desmond Mason a vendu un de ses tableaux à George Clooney et il est arrivé au joueur des Suns de Phoenix Grant Hill de présenter l’émission d’art contemporain ART21. Le tout sans compter le travail de diffusion acharné sur les réseaux sociaux du désormais collectionneur d’art Amar’e Stoudemire.

Sophie Hauzer

La démarche de Trajectoire a elle aussi ce quelque chose de généreux puisqu’elle suppose que le prisme du basketball devienne à travers ses projets un moyen ludique de découvrir l’art au sens large, notamment pour les plus jeunes. «J’ai découvert des gens comme Jacques Julien ou Richard Avedon qui avait shooté Abdul-Jabbar par leurs oeuvres sur le basket. Et je pense que quand j’étais petit, si on m’avait attiré par ma passion première dans une expo comme ça, j’y serai allé avec le sourire ! Je n’aurais pas attendu mes vingt-cinq ans. On est tellement robotisés qu’on trouve quelque chose beau sans faire de recherches sur les artistes.» Une initiation qui touche aussi bien les amateurs que les artistes invités, puisque Trajectoire vise à mettre des créatifs en relation, à constituer, le temps de penser une oeuvre, une équipe, «comme au basket en fait».

Jérémie Nassir

J’ai découvert des gens comme Jacques Julien ou Richard Avedon qui avait shooté Abdul-Jabbar par leurs oeuvres sur le basket.

«Je connais très bien Kevin Couliau [alias Asphalt Chronicles, ndlr], qui est l’un des deux artistes avec lesquels j’ai collaboré pour faire le premier projet. Il avait une demande pour la marque Jordan, et j’avais déjà parlé de lui à AlëxOne qui a peint sur une de ses compositions.» Cette oeuvre unique marque le début d’une série de collaborations qui rendent autant hommage au sport qu’au goût des artistes de sortir des sentiers battus.

Collaboration Kévin Couliau &amp; AlëxOne pour Trajectoire

L’exposition pour Jordan a été suivie par quelques trois projets à ce jour, parmi lesquels une installation de Cyril Lancelin. L’artiste qui se cache derrière town.and.concrete s’est emparé du terrain de basketball pour le repenser à travers son oeil d’artiste-architecte à l’univers surréaliste. Proche du design, l’installation de ce dernier renvoie aux sensations enfantines des piscines de balles et des sucreries aux couleurs acidulées — on en oublie un peu les crissements de chaussures et la sueur pour se projeter virtuellement dans ce décor utopique.

Les réalisations de Trajectoire, visibles sur Instagram en attendant qu’elles ne soient réunies dans le cadre d’une exposition, font s’alterner les médiums et les pratiques. Pour un nostalgique du basket de sa génération, Jérémie Nassir, selon qui «la génération de Jordan a amené le basket là où il est aujourd’hui», a bien l’intention de réactualiser en permanence son sport préféré et d’en faire la source d’inspiration d’oeuvres contemporaines en tous genres. Quand on lui demande s’il est parvenu à redécouvrir son sport à travers les créations qu’il a accompagnées, il répond «Pas encore…». Mais qu’à cela ne tienne, Trajectoire pourrait bien être à l’art ce qu’une claquette est au basketball.

Town & Concrete

L’ère de l’intelligence artificielle n’est plus un mauvais scénario de film mais bien une réalité qui se précise. Dans le nouveau monde qui s’offre à nous, on peut d’ores et déjà imaginer que les artistes seront, un jour, remplacés par des avatars munis d’IA puissantes et complexes. Alors si le numérique a dématérialisé la musique, l’intelligence artificielle va-t-elle dématérialiser l’artiste lui-même ?

« Il y a des choses que les machines ne pourront jamais faire. Elles ne peuvent apprécier la beauté ou créer de l’art. » Les mots de Sarah Connor résonnent froidement aujourd’hui. Si l’on a toujours rêvé du moment où la machine s’occupera des métiers contraignants qui incombent aux hommes, l’idée qu’elle puisse remplacer l’artiste n’a jamais vraiment été débattue. Après tout, une intelligence artificielle est-elle capable de créer de l’art ? L’interrogation mérite d’être posée et ce puisque le scénario tend à devenir inévitable. Car les années passent, et elles nous montrent que le monde que l’on a fondé va quand même très vite. Les révolutions industrielles se sont enchaînées : 1765, 1870, 1969… jusqu’à ce que le numérique pointe le bout de son nez et transforme la planète en industrie du 4.0 à l’orée des années 70 et 80. Depuis, place à l’ère de l’intelligence artificielle, du trans-humanisme, de l’humain-augmenté et d’autres merveilles du darwinisme futuriste. L’ère où l’organique rencontre le robotique. Alors les fantasmes n’ont plus lieu d’être, la réalité frappe à la porte, et comme le dit Elon Musk (PDG de SpaceX et Tesla, entre autres), qui n’en manque pas une pour effrayer les consciences : « Si vous ne pouvez pas battre la machine, le mieux est d’en devenir une. »

Le fait est que le hip-hop et la technologie 4.0, c’est une grande histoire d’amour. Il suffit de voir l’impact qu’a eu la création des logiciels MAO (musique assistée par ordinateur) sur le rap, donnant au quidam l’opportunité de composer sans être un musicien dit « professionnel ». Puis, suffit d’observer la manière avec laquelle le rap s’est étendu et maintenu dans les charts quand la musique s’est dématérialisée. Finalement, la colonie d’artistes qui occupe le streaming comme une exo-planète aujourd’hui montre bien que les avancées technologiques liées au numérique alimentent directement les avancées musicales, industrielles et économiques liées au rap. Question de logique.

Il faut dire que la relation est presque celle de jumeaux : le hip-hop et le numérique voient le monde au même moment, et agissent tous les deux comme les dernières grandes révolutions en date, l’une industrielle et technologique, l’autre culturelle et musicale. Alors forcément, quand on apprend que des chercheurs à travers le monde imaginent aujourd’hui la musique du futur, ainsi que la façon dont on la consommera, il est naturel de spéculer sans trop de doutes que le rap en sera, si ce n’est le central, le prochain acteur.

Si l’on se pose la question de savoir si l’intelligence artificielle peut être capable de créer de l’art, la meilleure réponse a été apportée en 2016 avec les scientifiques et chercheurs du « Next Rembrandt. » Le projet était simple : fabriquer une I.A. capable de concevoir de toutes pièces un tableau inexistant du peintre Rembrandt, connu pour sa maîtrise unique des émotions, des ombres et des lumières. Un défi complexe. À partir d’une base de données de centaines de tableaux, l’algorithme avait pour but de déstructurer bouts par bouts les schémas de création récurrents du peintre, analysant pixels par pixels les traces de pinceaux, les pigments de couleurs, la morphologie des visages et les spectres de lumière afin de comprendre précisément ce qui relevait du talent de l’artiste. Au final, l’écran affichait un tableau qui n’avait rien à envier aux autres, même s’il manquait encore une donnée centrale de la peinture : le relief. Alors l’imprimante 3D est entrée en jeu, et à la fin du périple, le tout prit forme réelle et fut exposé en galerie, annoncé comme une toute nouvelle découverte du peintre, trompant historiens, spectateurs et spécialistes.

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« Vous pouvez dire qu’on s’est servi de la technologie et des bases de données comme Rembrandt se servait d’outils et de pinceaux pour créer quelque chose de nouveau. »

À en croire les instigateurs du « Next Rembrandt », tout semblerait n’être donc qu’une question de mathématiques et de sciences, comme si le talent d’un grand artiste n’était qu’une immense base de données et de chemins informatiques ; capable d’être décortiqué, compris, reproduit et conçu par une machine. Reste à savoir si le quidam s’intéresserait toujours plus ou moins aux tableaux appartenant à un musée s’il savait qu’une I.A. en était à l’origine. Mais quid de la musique ? Le 4ème art est, peut-être, celui qui touche le plus de monde, au même titre que le cinéma. Et si le style le plus populaire à travers le globe reste la pop, le genre trop abstrait tend à être dilué dans un rap qui en a compris et assimilé les rouages, et dont l’essence commerciale se trouve être la plus stimulée par l’industrie du streaming.

Et même si, aujourd’hui, la Pop est la musique la plus simple à digérer pour une machine, elle se tournera rapidement vers le rap, ne serait-ce que par intérêt économique pour les infrastructures en filigrane. D’autant plus que, si la voix paraît encore trop robotique et métallique, donc inhumaine, le public rap, lui, n’a que faire d’entendre un rappeur crée par intelligence artificielle bien chanter puisqu’il est habitué à l’auto-tune depuis maintenant une bonne dizaine d’années. À entendre Kanye West et Bon Iver sur Lost In The World en 2010, on aurait aisément pû être dupé et croire à une machine. Alors tout est possible et peut-être que l’auto-tune sera la porte d’entrée la plus évidente à emprunter pour que l’I.A. puisse faire du rap.

Après tout, « c’est pas du rap, c’est des mathématiques » disait Butter Bullets. Les deux vont de paires, pensez-y. On parle de rythme, de mesures, de mélodies, d’harmonies, de temps, de battements, de chiffres et de nombres… Des choses qui, au-delà de pouvoir être faite par une machine, peuvent être améliorées par elle. Les templates par exemple, existent déjà et permettent à un musicien de ne pas perdre un temps inutile à refaire et refaire encore les mêmes boucles. Un temps qu’une machine pourrait réduire de manière conséquente en les auto-générant, soit avec l’aide de l’artiste (en renseignant les informations et éléments voulus), soit par machine-learning (en laissant la machine analyser les prédictions les plus probables, tous les chemins possibles, comme d’apprendre qu’après tel ou tel accord l’artiste fait telle ou telle chose par habitude, etc.).

En 2016 déjà, des chercheurs de l’université de Toronto avaient développé un système d’intelligence artificielle capable de créer et de chanter une chanson de Noël après avoir simplement analysé une image donnée : un sapin. En entraînant le programme sur une base de données de centaines d’heures de musique, il était capable de comprendre les systèmes usuels de mesures et de mélodies. L’étape suivante étant de lui apprendre à trouver des mots-clés selon les objets ; guirlandes, étoiles, boules… il ne lui suffisait plus que de synthétiser le tout et chanter. Au final, et même si, évidemment, la chanson est sacrément nulle, il faut avouer que le résultat fonctionne et interpelle la curiosité. Mais si les chercheurs de Toronto réfléchissent à des fins d’avancées technologiques, les grandes multinationales elles, savent qu’elles ont un gros, voire un énorme coup à jouer. On pense à Google par exemple, qui la même année, expose la première oeuvre du programme « Magenta », destinée à entraîner une machine à composer de la musique toute seule et explorer de nouvelles manières de « faire sonner » les instruments, comme un synthé par exemple.

On pense également à Sony qui a monté le système d’intelligence artificielle « Flow Machine » dont le but est de reproduire le processus créatif d’un artiste : composition, arrangement, mixage, etc. Et encore une fois, le concept de machine-learning y est essentiel, puisque c’est au logiciel de proposer tous les éléments qui entrent dans la conception du morceau – instruments, styles, mesures, battements – à travers une grande base de données. Seule différence notable ici, « Flow Machine » n’est qu’une assistante informatique. Une grande place est laissée aux artistes qui, d’une choisissent les morceaux à entrer dans la base de données, et de deux peuvent retoucher tout le travail final avant de le presser sur disque. Il ne s’agit donc pas d’une création par intelligence artificielle, mais plus d’une assistance complète. De ce qu’a toujours été l’essence de l’intelligence artificielle et de la technologie plus généralement : aider, améliorer et rendre plus simple le quotidien de l’Homme. Mais comme le souligne Klaus Schwab – ingénieur et économiste – au World Economic Forum (dont il est le fondateur): « Dans le nouveau monde, ce n’est pas le gros poisson qui mange le petit ; c’est le plus rapide qui mange le plus lent. »

En ayant ça à l’esprit, la théorie du grand remplacement robotique transforme les fantasmes du public en réalité. Car même si le but de l’artiste est bien de se servir des nouveaux outils mis au point par la technologie pour fonder de nouvelles manières de créer de l’art, l’arrivée d’une I.A. capable d’apprendre, réfléchir et concevoir toute seule peut rendre instable le statut doré de l’artiste. Au final, la question présupposée n’est plus : « Est-ce qu’une intelligence artificielle peut faire de l’art ? » Mais : la création née d’une intelligence artificielle peut-elle être considérée comme une oeuvre d’art ? Question philosophique si elle en est, les réponses se devront d’être apportées à l’avenir, histoire d’éviter une complexification des rapports déjà tendus entre la science pure et l’art pur. Déjà que certaines têtes pensantes refusent encore au rap son essence artistique, imaginez si une machine venait à en faire… On se retrouverait avec le concept platonicien de l’artiste 3000 ans plus tard, réduit à être l’imitateur d’une imitation de la nature.

Mais ce n’est pas le plus gros risque que l’on pourrait prévoir. Si l’intelligence artificielle artistique se démocratise et envahit le monde de la musique, les sociétés mères comme Sony, Google, Apple et consorts vont être logiquement bloquées par des histoires de droits. En effet, pour que la machine puisse créer, elle part d’une base de données, que l’on remplit de centaines voire de milliers de morceaux. Des morceaux qui, pour la plupart, appartiennent à des particuliers, des entreprises ou encore au patrimoine culturel national. De ce principe-là, la base de données d’une compagnie quelconque ne devrait être remplie uniquement que de musiques libres de droits et/ou de morceaux d’artistes appartenant à la société en question. Alors même que la concurrence humaine entre artistes s’est exacerbée avec le streaming, la concurrence entre maisons de disques dans le futur sera sans pareille puisque le but premier sera d’acheter le maximum de musiques pour remplir le plus conséquemment possible la base de données de sa machine.

Il y aura forcément des artistes dont le quotidien se résumera à réclamer ce qui leur revient de droit et qui n’auront comme argument que : « Cette musique a été créé en étudiant les patterns de mon morceau. » On peut déjà prévoir que les politiques sur les droits de la musique, le piratage et le copyright vont se durcir sans commune mesures, et déjà imaginer que d’ici quelques années, on ne mettra plus de torrents de Fl Studio ou de VST sur thepiratebay.com, mais bien des gigantesques base de données de morceaux interdits d’utiliser à des fins de composition sans l’achat des droits. Et alors même que le rap sera partout, le sampling sera sans doute mort (Goodbye, Mr. West).

De plus, il est clair que si le machine-learning se répand comme une trainée de poudre dans le monde de la musique, les plateformes de streaming auront la main-mise dessus. En effet, les principales forces de Spotify, Deezer et Apple Music – pour ne citer qu’eux – sont leurs playlist. Alors, si une intelligence peut auto-composer et auto-générer des playlist rap, électro, pop, ambiance, etc. quelle place restera-t’il pour l’artiste ? Les plateformes de streaming prêtent plus d’attention au contenu qu’à l’art en lui-même. Si elles peuvent se remplir inlassablement de morceaux différents des autres plateformes, alors elles peuvent également supprimer les rémunérations aux artistes, puisqu’ils seront remplacés par une ou deux machines qui appartiennent à la société. Le but de Spotify ne sera plus de générer la meilleure playlist, mais de fabriquer la meilleure machine et écrire le meilleur algorithme pour se différencier de la – rude – concurrence. On ne cherchera plus le meilleur artiste, mais bien le meilleur scientifique capable de créer le meilleur artiste artificiel.

Imaginez vous en tant que particulier. Vous avez toujours rêvé de faire du rap, mais vous n’avez jamais osé pour plein de raisons qui vous sont propres. Au lieu d’économiser des mois pour acheter une guitare ou un piano qui, de toute manière, ne passeront pas l’été, vous achetez la dernière machine de chez Apple : iRapper 3.0. Devant le logiciel, vous n’avez qu’à remplir les informations et éléments que vous souhaitez ; type de musique, genre, année, style, voix, apparence…etc. d’appuyer sur « Generate » et de patientez quelques minutes pendant que l’IA concocte votre recette. Une sorte de Maskey portatif. Il ne vous restera plus qu’à créer votre profil Soundcloud, votre blaze de MC (Machine of Ceremony), gérer vos réseaux sociaux et récolter les beaux fruits de votre pas-si-dur labeur. Mais au final, ne sommes-nous pas déjà dans une période de transition ? Les rappeurs d’aujourd’hui semblent tous être des créatures tout droit sorties d’une gigantesque usine. Comme s’ils se ressemblaient tous par la volonté de se différencier les uns des autres et de se singulariser. Forcés d’évoluer dans un monde tyrannisé par une compétition commerciale qui, déjà présente à l’ère royale des CD et des radios, se trouve être de nouveau stimulée par l’industrie du streaming. Dans dix ans qui sait, peut-être que chacun aura un Lil Rapper personnel pour animer ses soirées.

D’autant plus que les laboratoires Google, devenus maîtres dans le développement de l’intelligence artificielle de pointe, travaillent d’arrache-pied pour « humaniser » les machines. Preuve en est le projet WaveNet dont le but est de faire parler les robots de manière beaucoup plus humaine et de rendre leur discours nettement plus vivant à l’écoute. Le résultat est, forcément, ultra flippant. Et si l’on couple ça avec la maîtrise scientifique et technologique des chercheurs et ingénieurs japonais au sujet de la robotique de pointe, qui mettent un point d’honneur à fabriquer les robots les plus ressemblants à l’homme, on peut déjà imaginer un avenir radieux où, en plus d’avoir des machines occupant le rôle des artistes, on pourra également construire leurs avatars en 3D. Enfin, si toutefois on arrive enfin à éviter qu’ils tombent dans la vallée de l’étrange – une théorie selon laquelle « plus un robot androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses« . En gros, on est plus à l’aise face à un bonhomme dont on voit les fils et les engrenages que face à une machine où l’aspect artificiel est maquillé derrière une peau, des cils, des lèvres, etc.

D’ici quelques dizaines d’années, on sera capable d’interviewer l’avatar artificiel d’un artiste artificiel en direct à la télévision. Capable de payer une place de concert pour aller le voir sur scène. Un jour viendra où ces mêmes concerts « artificiels » se démocratiseront, et où, finalement, le vrai privilège sera de payer une place de concert pour aller voir un « vrai » artiste. La mode du vintage passera par là. Car à terme, quelle place restera-t’il pour ces artistes ? Certains pourront sans doute surfer sur la vague d’une « musique avec de vraies émotions », comme quand ton pote te force à écouter un 33 tours des Rolling Stones parce que c’est « tellement mieux que sur Spotify », ou qu’un rappeur s’entoure de musiciens académiques pour faire un morceau parce que « c’est ça, la vraie musique ». Peut-être même que l’on verra Will Smith sauver l’humanité d’une invasion de robot avec du « rap à l’ancienne » dans un I, Robot revisité.

D’autres encore, dans une tentative de concurrencer l’ère des robots-artistes, se verront greffer des puces ou autres artefacts pour pouvoir survivre dans ce monde de l’exo-darwinisme. Et on assistera à des scènes étranges mais réelles où s’enchaîneront sur la grande scène de Coachella une Beyoncé avec une voix automatisée pour chanter parfaitement juste tout en dansant, une I.A. nommée Lil Cyborg dont raffoleront les kids de demain, et un Kendrick Lamar méconnaissable depuis qu’il s’est ajouté un transformateur de voix spécial « Tupac. » « L’augmentation est vitale«  d’Isha ne sera plus une idylle ou un but, mais bien une réalité froide. Comme dans le film Extinction, où les humains colonisent la terre pour reprendre la planète aux mains des intelligences artificielles qu’ils ont eux-mêmes crée. Car dans cet univers plus si parallèle que ça, l’homme qui a créé le robot pour l’assister sera contraint de lui ressembler. Un cycle inverse, où le professeur devient l’élève et le dominé le dominant. Ou peut-être même que les gens d’aujourd’hui et d’hier qui brandissent fièrement des t-shirts « le rap c’était mieux avant » les changeront en « le rap c’était mieux vivant ».

Petit à petit, de haut en bas, Pièce par Pièce. C’est de cette façon qu’un(e) styliste construit un outfit, dans une démarche artistique qui lui est propre. Au coeur d’une capitale qui regorge de ces architectes de mode, nous sommes allés à la rencontre de ceux pour qui l’habit fait le moine. 

Dans ce premier épisode, nous avons échangé avec Emmanuelle Sits aka Riscorunner, une styliste qui s’est découvert une passion pour l’exercice à travers son travail de photographe, son premier amour.

Qui es-tu ?

Je m’appelle Emmanuelle, j’ai 24 ans mais je mens et je dis à tout le monde que j’en ai 23. 24 ans c’est un âge bizarre, j’aime pas. Mes 23 ans sont passés tellement vite que j’ai pas l’impression d’avoir eu 23 ans, tu vois ce que je veux dire ?

stylist interview risco runner

Je me considère comme une photographe de mode avant d’être une styliste. Je travaille principalement pour les agences de mannequins, je fais les books des filles et des éditos aussi et c’est ça qui me plait le plus. Le stylisme est un peu venu en même temps. En fait j’ai tellement amassé de fringues toute ma vie que pour mon premier shooting, il y 6 ou 7 ans, j’ai ramené mes propres vêtements. J‘ai ramené une valise et j’étais sûre que j’allais pouvoir trouver un truc sympa. J’achète souvent dans des petites boutiques du Marais et du coup ils me connaissent tous, donc je réussi à leur emprunter des trucs comme des petits accessoires etc., et voilà c’est venu comme ça.

Qu’est ce qui a éveillé ton intérêt pour la mode ?

Je pense que c’est de famille. Mon père fait les boutiques très souvent. Dès qu’il peut il m’emmène… Enfin dès qu’il veut surtout. Mais s‘il ne le fait pas pour moi c’est pour lui, sinon c’est pour ma mère ou ma soeur. Ça lui fait plus plaisir à lui d’acheter qu’à nous.

Comment est-ce que tu décrirais ton style ?

C’est jamais la même chose. C’est un mélange de beaucoup de vintage et de streetwear. Mais la plupart du temps je ne mets pas de sneakers. Quand je sors, je mets des belles chaussures, des bottes, des cuissardes. Mais il y a vraiment de tout en fait. Je ne suis pas hyper streetwear, je porterais pas de Supreme dans la rue. Mon style, c’est un grand champs de possibilités, j’ai très peu de limite.

stylist interview risco runner

Quelles sont tes inspirations ?

Partout. Dans la rue, moins dans les magazines parce que je trouve que c’est devenu moche mais je trouve de l’inspiration tout le temps, partout. Ça peut être dans une peinture avec l’association de couleurs ou sur Instagram. Mais là ça va plus être la façon de prendre une photo que le style en lui-même. Parce que je trouve que c’est soit trop street, soit trop classique. J’ai pas trouvé de fille qui me correspond, qui fait à peu près la même chose que moi. Il n’y a pas une fille dont le style m’attire plus qu’une autre. Et les mecs n’en parlons pas [rires], je dois en suivre maximum dix. Je trouve qu’il n’y en a aucun qui se démarque plus qu’un autre.

stylist interview risco runner

Quel est le taff dont tu es la plus fière ?

Un édito que j’ai fait quand je suis partie cinq mois en Thaïlande. J’ai passé ma vie à shooter. Dès que j’avais une minute j’allais dans l’agence et je choisissais une meuf et on me la bookait pour la journée. Du coup déjà les filles étaient complètement différentes de celles qu’on a à Paris ; en plus là-bas, t’as des fripes où tu peux trouver plein de fringues pas chères et j’ai vraiment pu m’éclater, que ce soit avec les outfits ou les lieux, avec la lumière que t’as là-bas, c’est complètement différent.

Quel serait ton dream job ?

Styliste à plein temps à Los Angeles. J’y suis jamais allé mais ça m’attire vraiment. J’attend juste d’avoir assez d’argent pour y aller. J’adore Paris, mais je trouve que ça ne me va pas autant que L.A. m’irait. Je suis hyper concentrée sur le stylisme en ce moment, ça doit faire 6 ou 7 mois que j’ai pas fait de shooting avec une agence. C’est devenu une passion presque autant que la photo.

Une personne avec qui tu aimerais vraiment travailler ?

Si je devais travailler avec quelqu’un ça serait Rihanna. Non, l’un de ses stylistes plutôt, illjahjah sur Instagram. Il est incroyable ! Même s’il me dit d’être son assistante, d’apporter des cafés, j’accepte [rires]. Il fait des styles de ouf, toutes ses tenues de tournée, c’est de lui. Il n’y a pas une tenue que j’aime pas et en plus Riri, ça lui va trop bien !

stylist interview risco runner

Qu’est ce que tu aimes le plus dans le stylisme ?

Pouvoir rendre les gens stylé. Parfois les filles que je shoot arrivent toutes simples, elles savent pas trop où se mettre etc. Mais une fois que je les habille, elles se regardent dans le miroir et sont genre “ouuuh c’est moi ça ?”. Tu les sens prendre de la confiance et ça, j’aime beaucoup.

La pièce de ta garde robe dont tu ne te sépareras jamais ?

En vérité, je suis pas hyper attachée à mes vêtements, j’ai vraiment trop de trucs. Je suis plus du genre à vouloir tout vendre pour acheter de nouvelles choses.  Mais si je devais n’en garder un, je pense que ça serait mon sac Chanel. Un classique.

https://www.instagram.com/p/BUrlcNfD-3A/?taken-by=riscorunner

Qu’est ce qui t’énerve le plus dans la mode ?

Je trouve que tout est devenu un peu trop commun. C’est commun de travailler dans la mode, c’est commun de faire de la photo, du stylisme… C’est devenu un truc basic. Je trouve ça un peu relou parce que c’est un taff pour nous et il y en a qui font ce qu’on fait gratuitement donc c’est difficile. J’ai l’impression que les gens privilégient plus la gratuité à la qualité et c’est dommage. Mais bon, c’est comme ça.

Quelle est ta vision du style de 2018 ?

C’est un retour aux bases. Un style qui fait écho aux années entre 1990 et 2003 avec Burberry, Prada et Louis Vuitton.

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Plus d’un mois après sa sortie, Lithopédion, le solide troisième album de Damso, est une réussite en tout point, d’ores et déjà matérialisée par un disque de platine. Mais il a été bien difficile de se focaliser sur la musique avec tout le bourdonnement qui a entouré les premières semaines suivant sa sortie, entre théories fumeuses et sujets sensibles. 

Photos : @_guillaumedurand

Damso est « surcoté », nous dit le titre du dernier freestyle publié par le rappeur belge sur son compte Twitter. Si cet intitulé se veut bien évidemment ironique, il fait écho à un son de cloche de plus en plus fréquent, à travers lequel s’exprime la lassitude de bon nombre d’auditeurs vis-à-vis du natif de Kinshasa. Une lassitude qui tient généralement moins de l’appréciation de sa musique que de toute l’extrapolation que celle-ci génère.

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Le 15 juin dernier, le gaillard accouchait de Lithopédion, un troisième effort annoncé dans la discrétion d’un message subliminal, prêt à être décortiqué puis englouti d’une traite par une foule d’auditeurs affamés. Ni la sortie de nouveaux titres de Jul, ni la parution du dernier visuel de Booba, ni l’annonce du retour tant attendu de PNL ne sont parvenus à éloigner le sombre Damso du faisceau de lumière qu’il s’accapare constamment. Car il est rare qu’il n’y ait rien à dire au sujet de William Kalubi, et ce nouvel opus ne semblait aucunement voué à faire cesser le capharnaüm qui suit chacune de ses sorties, musicales ou non.

Juste après y avoir évoqué les « baltringues » qui fuient inlassablement leur propre nature, Dems en place quelques unes pour ceux que la nature a conçu avec un vice de fabrication. Sur la quatrième piste de Lithopédion, notre cavalier nwaar se risque à prendre à bras le corps le thème épineux de la pédophilie, qu’il projette à travers le visage polymorphe de « Julien ». Un titre dont l’interprétation délibérément poussive et fredonnante n’est pas sans rappeler un certain Serge Gainsbourg, qui lui aussi savait se défaire de l’étroit marquage des moeurs pour chanter le glauque et le tabou. Dans son genre, Damso est également coutumier du fait : on se souvient de la fiction incestueuse de « Ξ. Une âme pour deux » sur Ipséité, voire de la réalité sinistre de « Amnésie » sur Batterie Faible. Mais tandis que feu Gainsbarre restait dans la suggestion, en jouant habilement sur les sonorités et en usant de métaphores, le belge se veut – comme à son habitude – beaucoup plus terre à terre… Et quelque chose cloche.

Quand Damso évoque la pédophilie en nous donnant à voir le « prépuce venimeux » ou la « verge mouillée » de Julien, on peine à franchir le cap de la première écoute. Aussi douce et mélodique la balade puisse être, le sentiment de malaise est persistant. « Julien » ne sera vraisemblablement pas le morceau que l’on jouera chez soi, en voiture avec des potes ou que l’on reprendra en concert : il restera tout au mieux une curiosité d’auditeurs alertés par le fait que Damso ait osé aborder un tel sujet. Le fond du propos n’est pourtant pas dénué d’intérêt, puisqu’il est question de rappeler à juste titre que personne ne choisit d’être sexuellement attiré par les enfants et que cette déviance – certes immorale et hautement condamnable – ne concerne pas uniquement un profil type d’invidu. All facts. Ceci dit, la forme trop rustre n’aide pas à rendre ce même propos persuasif, ni même à faire de « Julien » une pièce musicale digeste et appréciable. Un ressenti que l’on pouvait déjà avoir avec « Ξ. Une âme pour deux », dont le replay value résidait essentiellement dans la compréhension que les auditeurs cherchaient à en faire, mais qui traînait largement la patte dans la course aux certifications que se sont menés chacun des titres d’Ipséité. Preuve que le public n’a pas pris autant de plaisir à écouter ce délire trash et conceptuel, en comparaison des autres morceaux qui ont fait de cet album un des grands succès de 2017. On en vient presque à se demander si ces titres s’inscrivent dans une logique autre que celle de « faire du sale », au sens le plus littéral du terme.

Reste que pour une part non-négligeable de son public, avec « Julien », Damso a simplement apporté une perspective neuve et éclairante sur un thème particulièrement sensible. Il faut dire que c’est un peu comme ça qu’on a appris à voir l’artiste belge : comme une sorte de sociologue de génie, qui lit dans la nature humaine comme dans un livre ouvert, et nous laisse à entendre des vérités qui résonnent, fâcheuses ou non. Chacune de ses phases est reprise avec émerveillement sur les réseaux sociaux, sous fond de « Incroyable, Damso a dit exactement ce que je pense » ou encore « Damso m’a fait remettre en question ma vie entière ». Comme s’il ne pouvait jamais y avoir de mesure, de juste milieu le concernant. Il y a d’un côté les fans invétérés, de l’autre les plus farouches détracteurs. Ceux qui surinterprétent le moindre de ses faits et gestes, et ceux qui s’arrêtent bêtement au premier détail qui corrobore la vision négative qu’ils se font de l’artiste. Ce sont bien évidemment ces-derniers qui lui reprocheront d’être misogyne pour un « pute » de trop, voire – pour les plus audacieux – de cautionner la pédophilie. Impossible de ne pas prendre la défense du bruxellois face à de si lourdes accusations, son propos se voulant tout de même suffisamment nuancé. Mais toute prise de parole en faveur du Dems ne devrait pas non plus nécessairement dresser de lui un portrait à sens unique. Sans l’accuser de misogynie, on pourrait parfaitement lui reprocher une vulgarité parfois inutile, et qui dessert le récit du rapport froid et complexe qu’il entretient avec les femmes. Car un « J’la baise dans le noir pour ne pas voir ses cornes » (« A. Nwaar is The New Black ») vaut bien mille « Grosse pute ! Tu crois qu’t’es où là ?/Toi et ta schnek, allez faire de la mula » (« Débrouillard »).

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Mais au regard de ceux qui l’adulent, Damso a tout du parfait génie. S’il ne s’est jamais revendiqué comme tel, l’intéressé semble parfaitement conscient de la perception que son audience a de lui, et il s’en amuse délibérément. Non sans une certaine subtilité, il suggère à ses fans que ses écrits, ses stratégies, ses réflexions sont fortes d’une profondeur insoupçonnée et encourage ces-derniers dans leurs affabulations les plus folles, à coup de vagues (re)tweets qui veulent tout et rien dire. Le public s’en donne à coeur joie. Il suffit de taper « Damso » et « théorie » dans la barre de recherche Twitter pour consulter toutes sortes de raisonnements capillotractés qui nous apprennent tantôt que Damso raconte une histoire personnelle à travers « Julien », tantôt que Lithopédion peut s’écouter à l’envers, tantôt que sa sortie en annonce une autre. Et si Damso se veut très énigmatique sur les réseaux, ses autres prises de paroles ne poussent paradoxalement pas à la constante interprétation. « J’ai compris qu’artistiquement parlant, les gens n’étaient pas prêts. C’est bizarre, ils n’arrivent tellement pas à dissocier l’artiste et la vie réelle. Je fais un son, c’est juste un son. Ne cherche pas à essayer de me connaître à travers un son. Si mes parents ne me connaissent même pas vraiment c’est pas quelqu’un d’autre qui va le faire », balayait-il déjà du côté de Genius. La donne n’est pas si différente en interview : que ce soit chez les généralistes de Quotidien ou les spécialisés de Rapelite, quand il est demandé au belge de donner une explication à « Ξ. Une âme pour deux », il ne dit pas grand chose de plus que ce que les auditeurs peuvent naturellement comprendre à la première écoute.

Ce qui ne les empêche cependant pas de partir sans cesse à la recherche de sens prétendument cachés. Il faut aussi dire que dans un rap où la mélodie a depuis bien longtemps pris le pas sur le texte, au point d’en faire un simple aspect « bonus » de cette musique, un profil comme celui de Damso est presque une bénédiction. Il est un artiste doté d’une certaine oreille quand il s’agit de choisir ses productions, qui nous livre sur un plateau toute une variété de flows minutieusement travaillés en plus de nous laisser la possibilité de cogiter sur des lyrics nettement plus recherchés que la moyenne. Pour un auditeur, saisir la subtilité d’une punchline est un sentiment particulièrement appréciable, qui crée un lien d’intimité entre lui et le rappeur qu’il écoute. Mais chez Damso, ce qui semble être perçu comme un art ne pouvant être compris que par quelques érudits s’avère en fait être à la portée de n’importe quelle oreille attentive, en témoigne les innombrables analyses qui en découlent.

Rap Genius

Cette manie de vouloir chercher la complexité là où il n’y en a pas forcément semble même être devenu le réflexe d’un public boulimique afin de s’éviter toute potentielle déception quant au produit qui lui est livré. Plutôt que d’admettre que Lithopédion puisse simplement ne pas être à son goût, il va s’auto-persuader que l’album s’étoffera au fil des lectures, ou qu’il prendra tout son sens une fois enrichi par la sortie d’un projet complémentaire (QALF ?). Comme si la dernière oeuvre de Damso ne pouvait se suffire à elle-même. Et si le public s’accorde un laps de temps salvateur pour apprécier Lithopédion, c’est avant tout parce qu’il estime l’artiste d’origine congolaise. Il n’en fera pas de même pour les rappeurs moins considérés, qui seront jugés au terme de la première écoute, à coups de tweets tranchants et tranchés.

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Bien évidemment que la production artistique du bruxellois mérite plus d’une écoute pour être appréciée à sa juste valeur. Au même titre que celle de n’importe quel artiste, d’ailleurs. Mais sur le plan de la compréhension qui doit en être faite, on prend généralement moins de temps à assimiler le sens de ses phrases qu’à déchiffrer leurs formulations volontairement alambiquées, qui jouent avec les litotes et les assonances (« Feu de bois », « Θ. Macarena ») ou font appel à un vocabulaire pas toujours très courant. L’écriture de Damso est souvent plus complexe qu’elle n’est subtile : entre retranscrire une idée compliquée de manière simple et retranscrire de manière compliquée une idée simple, le rappeur du 92i a légèrement tendance à privilégier la seconde option. Ce goût pour l’entortillé se ressent jusque dans les intitulés de ses deux derniers albums, que l’intéressé dit avoir désigné de longue date. Mais au fond, qu’est-ce qui fait l’ipséité même d’Ipséité ? Qu’il s’agisse de son format ou de son contenu, le second opus de Damso n’est pas à proprement parler un OVNI dans le paysage rap francophone. Exprimer son besoin ardent de faire du sale (« B. #QuedusaalVie »), s’essayer à rapper sur des compositions qui sortent de l’ordinaire (« Λ. Lové ») ou dédier un titre à sa patrie d’origine (« K. Kin La Belle ») ne sont pas réellement des démarches inédites dans nos contrées. Ce n’est pas tant la singularité d’Ipséité qui nous a poussé à le désigner parmi nos tops albums de 2017, ni même ses concepts « recherchés », mais bien le talent de son auteur. Le véritable tour de force de Damso, c’est avant tout de faire les choses, non pas différemment, mais mieux que les autres.

Quand nous l’avions tous remarqué à la force de prestations écrasantes sur « Pinocchio » ou « Débrouillard », le colosse bruxellois époustouflait son monde en traînant avec lui un bagage rap aussi lourd que complet. Mais quand nous l’avions interrogé un an plus tard, peu après la sortie d’Ipséité, lui nous assurait avoir vocation à emmener son art bien au-delà du rap. « C’est très insolent ce que je vais dire mais le rap français je lui mets une claque quand je veux. Mais à un moment donné, il faut aussi un sens artistique. Et ça c’est plus fort que moi, c’est même plus fort que faire du sale, c’est faire de l’art. […] Je peux te faire un album de 20 titres avec du rap hardcore, des punchlines etc. Mais je l’ai déjà donné en balançant des freestyles rap. Ce qui est aussi un kiff en soi, rapper, kicker. Mais c’est un kiff rapide », balançait-il à l’époque, sûr de lui. Loin de nous l’envie de le détourner de cette noble quête, mais il ne faudrait pas non plus que celle-ci l’enferme dans une sorte de caricature de savant fou, dont les idées farfelues finissent par être plus commentées, décryptées, analysées que sa musique elle-même. D’autant que Damso a déjà plus que prouvé qu’il savait produire une musique qui vaille d’être écoutée, et il continue d’ailleurs de le faire sur Lithopédion.

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Peu avant la sortie de ce dernier opus, le belge attisait une dernière fois l’impatience de son public avec la publication d’une vidéo intitulée « Au coeur du Lithopédion ». Seize minutes d’entretiens individuels avec chacun des acteurs ayant eu l’opportunité de travailler sur cet ambitieux projet, parmi lesquels les producteurs Ikaz Boi, Junior Alaprod, Benjay Beatz, Twinsmatic et Pyroman, les ingés son Nk.F et Jules Fradet, ou encore la mannequin Élisa Meliani, qui prête sa voix à « Julien ». Rien de bien surprenant quand on sait que Damso a toujours affirmé mettre un point d’honneur à donner à ceux qui opèrent derrière les machines toute la considération qu’ils méritent. Seulement voilà : plutôt que de nous éclairer sur le travail effectué par chacun sur Lithopédion, ces témoignages ne servent que de faire-valoir pour l’artiste 92i, couvert d’éloges quant à sa productivité, ses méthodes de travail, son oreille ou sa vitesse d’exécution. Ce qui solidifie un peu plus le story-telling qui s’est construit progressivement autour de la figure de Damso : celle d’un musicien hors pair, perfectionniste au possible, qui entretient un respect mutuel avec ses semblables et qui sait de quoi il parle. Mais voilà : à vouloir trop nous forcer cette missive dans les tympans, elle en est devenue irritante. Tout ce qui n’est pas musique a failli nous gâcher l’un des – le ? – meilleurs albums de rap francophone de ce premier semestre 2018, en altérant notre curiosité. Les fidèles de Damso, la machine promotionnelle qui l’accompagne et l’anticipation générale, quasi prosélyte – tout ce qui constitue, en somme, le lourd bourdonnement qui a entouré la sortie de Lithopédion –, pesaient sur notre conscience : si le disque érigé en Saint Graal ne nous giflait pas instantanément, c’est forcément que nous étions passés à côté de quelque chose. Il n’y a pas pire sentiment avant de presser « play » ; logiquement, nous avons mis du temps à nous faire un vrai avis. Un peu moins de deux mois après sa sortie, maintenant que les esprits se sont apaisés et que le calme a repris ses droits, Lithopédion s’évalue et s’apprécie enfin comme il se doit : en musique.

Dinos n’aime pas quand c’est tiède, encore moins quand il s’agit de ses bains de foules. Alors au moment de faire résonner « Namek » du côté du Wanderlust, le jeudi 2 août, il est obligé de s’y reprendre à deux fois. Le temps de se mouiller la nuque, d’ôter son t-shirt, puis de plonger la tête la première au plus près de notre bouillonnant public. Car il fallait bien lui rendre un peu de la sueur qu’il a dépensé tout au long de l’été.

Personne n’est sûr d’aimer un artiste lorsqu’il est vivant, mais la mort met d’accord à peu près tout le monde — des fans aux curieux en passant par les haters. Le décès, c’est toujours un bon coup de boost médiatique. Après tout, dans le business de la musique, la mort n’est peut-être qu’une opération commerciale comme une autre ?

Illustration : @blackchildish

Le décès d’XXXTENTACION il y a quelques semaines n’a pas laissé que de la tristesse derrière lui. Les chiffres sont impressionnants : hausse de 1603% de ses ventes, record du nombre d’écoutes d’un titre en 24H, et premier single numéro #1 de sa carrière avec « SAD! ». Opportunité et timing parfaits pour sortir le clip officiel du titre, afin de rendre un dernier hommage, tout en étant en harmonie avec la tragique actualité. Quel destin : numéro 1 dix jours après sa mort. Il y avait bien longtemps qu’une star en pleine exploitation commerciale ne s’était pas soudainement retrouvée au cimetière. Le deuxième album solo de X, ? était sorti au printemps. Avant lui en 1997, « Mo Money Mo Problems » de Notorious BIG devenait numéro 1 l’été suivant son assassinat. Le second numéro 1 de la carrière du rappeur new yorkais, après « Hypnotize » ayant atteint la première place quelques semaines après la disparition de Biggie. Une actualité liée au deuil d’une personne célèbre est plus susceptible d’atteindre l’ensemble des consommateurs que n’importe quel autre type d’information. Tout le monde comprend la peine de la perte. Ainsi, en début d’année, le suicide d’Avicii n’avait pas seulement sensibilisé les personnes émues par le trépas ce jeune artiste. Il avait également contribué à un spectaculaire retour au sommet des charts : hausse des ventes de 6000% aux États-Unis, retour au top des classements club/dance. Y’a pas à dire, la mort ça paie.

Puisqu’Avicii et XXXTENTACION ne verront pas cet argent, à qui le crime profite-t-il ? Il suffit de jeter un oeil à la carrière de 2Pac. Il compte à son actif plus d’albums posthumes que d’albums sortis de son vivant. Preuve s’il en faut que la vie d’une oeuvre et/ou d’un créateur peut durer plus longtemps que sa propre vie. Composé en 1928, le Boléro du compositeur Maurice Ravel continue aujourd’hui de déchaîner des passions au sujet des droits d’exploitation qu’il génère toujours, 90 ans après sa création. Rien ne dit que « Levels » ou « SAD! » ne continueront pas à être exploitées au cours du siècle prochain. Les artistes meurent, les oeuvres leur survivent, et les bénéfices continuent à profiter à un ou des ayant-droits.

Revenons quelques décennies plus tôt pour étudier le cas de deux des plus grandes stars de tous les temps.

Michael Jackson était un homme doté de nombreux talents, dont celui de bien comprendre le business dans lequel il travaillait. Il y a de nombreux moyens, pour un musicien, de parvenir à générer du revenu grâce à son art : être payé pour un concert ou une performance, obtenir des sponsors grâce à une marque, écrire des chansons pour les autres… De l’argent qu’on peut faire si on a la chance d’être en vie, dans le présent. Mais il y a tout un segment du monde de ce business qui dépend de ce qu’il se passe dans le futur, les bénéfices que le travail génère à travers le temps, et les droits et royautés qui en découlent. Comme les requins du Groenland, on ne sait pas combien de temps les chansons sont capables de vivre.

Endettée et pas au meilleur de sa situation personnelle, Lauryn Hill aurait eu du mal à se douter qu’elle passerait 2018 numéro 1 des charts américains grâce à une de ses chansons vieille de 20 ans remise au goût du jour par Drake, samplée dans « Nice For What ». Le même Drake capable de remettre Michael Jackson dans le top 10 des charts avec le refrain inédit de « Don’t Matter To Me » enregistré en 1983 – bel exploit pour quelqu’un qui n’a pas respiré depuis juin 2009. Dans cette industrie, il y a beaucoup de tirelires posées les unes à côté des autres. Mais aucune ne grouine aussi fort que celle du publishing. En 2012, Pitbull disait dans le magazine américain Billboard :

« Le business de la musique, c’est 90% de business, 10% de talent »  — Pitbull

Une statistique fortement sous-estimée par Sir Paul McCartney. Retournons dans les années 60. Quatre gamins de Liverpool font un raz de marée mondial, et deviennent le plus grand groupe à succès de l’Histoire de la musique, grâce à des tubes tels que « Come Together » ou « Yellow Submarine ». Mais à la fin de la décennie, la Beatlesmania commence déjà à perdre son impact, et sous la pression de fortes taxes Thatchériennes ainsi que des relations se dégradant entre John Lennon et McCartney, les deux stars des Beatles décident de revendre leurs parts de leur compagnie de publishing Northern Songs, disant ainsi au revoir aux droits d’exploitation de 200 chansons — musique et paroles. À l’époque, il s’agissait d’un catalogue d’une valeur de 623 000 livres sterling (environ 10 millions de nos jours), et les ayants-droits pensaient sans doute simplement que la vague était terminée, et qu’il valait mieux prendre l’argent tant qu’il existait. Cruelle erreur. Le nouvel ayant-droit, ATV, a continué de voir les chèques tomber. Parce que peut-être que les Beatles avaient cessé d’être un groupe, mais les chansons continuaient à résonner dans le coeur des gens, et donc, continuaient à générer du profit. Lorsque McCartney a décidé de racheter sa musique auprès d’ATV, c’était déjà devenu trop cher.

Dans les années 80, McCartney et Michael Jackson sont devenus amis. Ils ont partagé des chansons (telles que « Say Say Say » ou « The Girl Is Mine »), et des avis. Jackson n’était pas certain de la façon dont il devait gérer la fortune générée par son album Thriller, le disque le plus vendu de tous les temps. McCartney lui a alors conseillé de jeter un oeil au monde des éditions musicales. Il lui raconta son histoire avec ATV, lui dit comment il aurait aimé pouvoir récupérer ses droits. En 1985, Jackson prouva par l’exemple la valeur de la 2e des 48 lois du pouvoir : ne faites jamais trop confiance à vos amis. ATV était à vendre, et Jackson avait les moyens. Pour 47,5 millions de dollars, Jackson était devenu le propriétaire des droits de son ami. McCartney s’est senti, à juste titre, trahi, et n’est pas resté ami avec le Roi de la Pop.

« Paul, c’est juste du business. » – Michael Jackson 🐍

Avance rapide. Jackson est mort en 2009, profondément endetté. En 2016, le Michael Jackson estate a généré 825 millions de dollars. Un chiffre qui inclut 750 millions issus uniquement de la vente de 50% des parts ATV (désormais Sony/ATV, un des plus grands éditeurs de musique du monde). Les Beatles ont écrit « Hey Jude » en 1966 — qui aurait pu penser que 52 ans plus tard, cette chanson générerait encore du revenu, et survivrait à ses auteurs et propriétaires ? Lorsque McCartney joue « Hey Jude » aujourd’hui en concert, il paie pour avoir le droit de jouer sa propre chanson. Quelle cruauté, ce monde complexe de la propriété dans l’art : les choses que tu crées ne sont pas nécessairement des choses dont tu es le propriétaire. Les fruits du labeur des artistes tombent souvent de l’arbre avec des sales traces de crocs.

Le meilleur de Mozart sur YouTube : 150 million de vues en 5 ans.

Sans les 750 millions de la vente du deal Sony/ATV de Jackson, l’estate avait quand même, en 2016, généré deux fois plus de revenus que Drake — pourtant partout dans les actualités, qui jouissait à ce moment du succès de la chanson la plus streamée de l’Histoire (« One Dance »), et qui était en pleine tournée à succès avec Future. Il avait généré 38 millions cette année-là, selon Forbes. Son album Views n’était même pas la plus grosse vente de CD de 2016 —  Drake est resté numéro 2, derrière le compositeur Wolfgang Amadeus Mozart, décédé 227 ans plus tôt. Il y a un détail dans cette information : cette édition complète de l’oeuvre de Mozart contenait 200 CD et près de 240 heures de son. Plus de 6000 acheteurs ont acheté la compilation au tarif de 500 dollars, pour un total d’un million de CD’s.

Mariah Carey génère environ 350 000£ par an (soit près de 400K€) grâce à sa chanson « All I Want For Christmas Is You », qui date de 1994. C’est 320 000£ (environ 360K€) pour Bing Crosby, à qui l’on doit « White Christmas », une chanson qui a l’âge d’Aimé Jacquet et de Bob Dylan (77 ans). Ces chansons sont utilisées dans les publicités, dans les films, et jouées dans le fond au cours d’évènements liés à Noël. La musique est traditionnellement liée à des émotions et des moments spécifiques — pensez aux hymnes nationaux et aux chants religieux. Désormais, la tradition est aussi un business parfaitement huilé, et ces classiques sont des pièces de musée. De la même façon qu’on va visiter les grandes villes européennes pour prendre en photo les mêmes oeuvres dans les mêmes lieux. Ce mécanisme donne raison à cette industrie qui ne cesse de faire revivre les oeuvres du passé. La nouvelle musique se vend, puisque les enfants et les ados ont de l’argent de poche à dépenser pour des stars auxquels ils s’identifient, mais la vieille musique demeure profitable. Il y a bientôt trois siècles que les marques Mozart et Beethoven incarnent l’image de la musique classique européenne. Il n’y a pas vraiment de raison de penser que dans 300 ans, les Beatles et les Rolling Stones cesseront d’incarner le rock & roll des années 1960. Les sommes de la musique peuvent se générer sur le très long terme : parfois des décennies, parfois des siècles. Maroon 5, c’est pour l’été. Les Jackson 5, c’est pour toujours.

Tout au long de sa carrière, aucun des 26 albums que David Bowie avait sorti depuis 1967 n’avait été numéro 1 en Amérique. Jusqu’à « Blackstar ».

De nouvelles stars et de nouvelles chansons viennent continuellement alimenter nos existences et de nouveaux tubes laisseront des traces. Mais la musique était plus simple à marketer au siècle précédent, lorsque le marché était moins bouché et que les statues de cire restaient à ériger. Si vous êtes un nouvel artiste, bon courage pour construire une marque aussi mondialement connue que les Rolling Stones ou Madonna. Sinon, il faut rêver d’un effet Van Gogh. Parce que le boost de la peine, c’est quelque chose.

Il n’y a qu’un seul moyen pour atteindre l’unanimité et être intouchable : mourir.

Début 2016, le dernier acte de la carrière de David Bowie était le rêve immoral de n’importe quelle agence de promotion. Défait par un cancer le 10 janvier 2016, son dernier album solo, Blackstar, était sorti deux jours plus tôt. Bien que Bowie ait évidemment été une personnalité éminemment respectée et couronnée de succès tout au long de sa carrière, aucun des 26 albums qu’il avait sorti depuis 1967 n’avait été numéro 1 en Amérique. Jusqu’à Blackstar. Il a fallu que Bowie meure pour atteindre ce sommet. La couverture médiatique que promet le décès est sans pareil : les médias généralistes peuvent tirer un sujet même s’ils n’ont aucune idée de l’oeuvre de l’artiste — tout le monde comprend le concept de la tragédie de la mort. Et les gens adorent donner leur opinion sur ceux qui sont partis. Il n’y a rien de plus simple que d’écrire « RIP » à côté d’un nom qui fait l’actualité, puis d’agir comme si sa disparition nous touchait vraiment. Tout le monde peut s’identifier au thème de la perte. Il s’agit d’un pic commercial non négligeable : disques mis en avant dans les bacs, playlist hommage spécialisée, reprises et ré-exploitations dans divers formats, re-sorties anniversaire… Les formats d’exploitation sont multiples. Et un consommateur peut avoir envie d’acheter pour soutenir une dernière fois. Alors, lorsque les superstars meurent, les murs des maisons de disque prennent une nouvelle fois la couleur de la monnaie.

Maintenant que XXXTENTACION est décédé, sa musique peut continuer à vivre. Sa perte était soudaine, mais son style de vie l’avait sans doute mis sur la voie d’une fin qui s’annonçait compliquée. Selon Complex Magazine, en novembre 2017, le rappeur floridien avait établi un testament dans lequel il avait indiqué comme bénéficiaires sa mère et ses deux frères. Les revenus générés par ses oeuvres devraient donc logiquement être partagés entre sa maison de disques, son éditeur, ses différents distributeurs tels qu’Empire et Caroline, et sa famille.

« Je ne peux pas vous dire en détails combien de morceaux [ont été enregistrés]. Je sais, cependant, qu’il y en a beaucoup, X enregistrait tout le temps, il créait tout le temps, et lorsque la succession sera réglée, nous serons en mesure de donner des informations à ce sujet. […] Chaque musique sur laquelle vous entendez X est contrôlée par lui. Il a simplement contracté des deals de distribution avec certaines compagnies. Donc il contrôle, ou plutôt son estate contrôle tous les masters ». – Bob Celestin, avocat d’XXXTENTACION, dans les colonnes du magazine américain Billboard.

Une chance que n’aura pas su saisir Prince, qui nous a quittés en 2016. Parti soudainement sans testament, il a vu sa musique et ses masters être exploités de toutes les façons qu’il n’aurait pas souhaité : diffusée sur les réseaux de streamings, ré-éditée avec des inédits qu’il ne souhaitait pas sortir. À vrai dire, à quoi bon résister ? Une fois qu’une marque est identifiable, il faut continuer à servir du contenu à ses consommateurs. Des inédits de Jimi Hendrix, John Coltrane ou Kurt Cobain continuent de sortir plusieurs décennies après le repos de leurs créateurs. Qu’auraient pensé ces artistes en voyant leurs brouillons exploités de cette façon ? On pourra sans doute se poser cette question d’ici quelques mois lorsque sortiront les premiers titres posthumes d’Avicii et XXXTENTACION. Business is business.

Par exemple, qu’aurait pensé Prince de son actualité 2018 ? Pas sur qu’il aurait été ravi d’apprendre qu’Hologram USA l’avait choisi pour accompagner le rappeur de Chicago Chief Keef au milieu d’autres hologrammes emblématiques de l’Histoire de la musique américaine, pour deux dates à Londres. Le business des tournées en hologramme est un moyen génial de continuer à faire durer une marque dans le temps, tout en proposant une expérience nostalgique magique pour les fans. Au programme de Coachella 2033, au milieu des palmiers, on entendra peut-être les accords de « SAD! » résonner au cours de l’hommage à la musique des années 2010. L’air vrai à en troubler la perception de la réalité, l’hologramme d’XXXTENTACION montera sur scène pour entonner un refrain qui donnera un coup de vieux à ces anciens gamins fans du floridien. On espère que ses engagements professionnels auront prévu ce qu’il devait advenir de sa carrière dans le cas où il venait à être ré-incarné sous cette forme.

Une fois qu’une oeuvre entre dans le champ public, personne ne saurait déterminer à quel âge elle finira par mourir.

Lorsqu’ils écrivaient leurs chansons, les Beatles étaient bien conscients des sommes qu’ils allaient générer avec quelques mots et quelques mélodies. Une citation attribuée à Paul McCartney dit qu’il s’amusait avec John Lennon à se motiver à travailler, en se disant qu’ils n’écrivaient pas simplement des chansons, mais en réalité des agrandissements de leurs maisons, ou des piscines. Autre signe d’un manque de vision total des gamins de Liverpool. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils étaient en fait en train d’écrire des vaisseaux spatiaux, des appartements sur Mars, ou des armes bioniques pour lutter contre les aliens. Les mots écrits en 1966 feront certainement toujours de l’argent en 2166.

La facilité de production a poussé de nombreux musiciens à se vanter du peu de temps passé pour confectionner un tube. Lil Jon a produit « Yeah! » pour Usher en 5 minutes : les vagues de cette chanson se font encore ressentir dans toutes les soirées nostalgiques des années 2000 de la planète. En 2080, les futurs vieillards qui lisent cet article bougeront leurs hanches artificielles sur des 808 qu’ils n’entendront même plus. Une fois qu’une oeuvre entre dans le champ public, personne ne saurait déterminer à quel âge elle finira par mourir.

Une maison de disque qui signe un artiste n’a aucune certitude d’obtenir un succès. Il n’y a qu’un seule chose de certaine : les artistes meurent. Si vous en êtes un, faites attention à ce que vous signez. Parce que vos oeuvres vont vous survivre. Vos idées de génies ne prennent peut-être que 5 minutes à être créées. Mais elles pourraient bien exister jusqu’à la fin des temps.

La pluie ne pouvait empêcher éternellement les flammes du YARD Summer Club de se propager. Après un premier rendez-vous manqué, les quatre membres du 13 Block ont finalement investi la scène du Wanderlust le jeudi 2 août, aux côtés de Maes, Dinos et F430, pour un live musclé. Et quand la crème du 2.7.0 rencontre le public de furieux que vous êtes, ça crée forcément de dangereuses étincelles. Voyez par vous-mêmes.

C’est peut-être le rap d’une autre époque qu’Oxmo Puccino a célébré le temps de deux Olympia, il y a un mois. Opéra Puccino, son premier album, ciselé par le maître il y a 20 ans de cela, s’écoute plus qu’il ne s’entend. YARD a eu l’honneur des premières loges pour collecter souvenirs et émotions autour d’un des chefs-d’œuvres du rap francophone, dans l’intimité des couloirs de ce qui fut jadis « le plus grand music-hall d’Europe » où y erraient Vincent Cassel, Omar Sy, Ludivine Sagnier, Kim Chapiron et bien d’autres l’espace de deux soirées d’anthologie.

Photo et vidéo : @samirlebabtou

Baladé d’une côté à l’autre de la Manche de l’enfance à l’adolescence, le franco-anglais Octavian revient d’une route sinueuse mais instructive. Il se positionne aujourd’hui comme l’un des artistes les plus prometteurs du territoire britannique et savoure désormais sa revanche.

Photos : @alextrescool

L’industrie musicale est un environnement des plus bâtards, qui réserve ses entrées à ceux qui ont appris à faire preuve d’une confiance absolue en leur art, mais qui les taxe d’arrogance dès qu’ils daignent le manifester à voix haute. Il n’y a de place ni pour les faibles, ni pour ceux qui se voient trop fort : dans une schizophrénie constante, les artistes doivent tantôt se montrer sûrs d’eux, tantôt être prêt à tout remettre en question. « Bien sûr que je crois en Dieu, mais croire en soi c’est déjà une religion », appuie d’ailleurs l’orléanais Dosseh sur « Pour vous par nous », titre extrait de son dernier album Vidalo$$a.

On peut dès lors se demander jusqu’où s’étend le flot d’assurance qui paraît abonder de leur personne. Au sortir d’une exténuante session studio, les artistes se doutent-ils seulement qu’ils viennent d’enregistrer un futur hit, ou du moins le morceau qui fera décoller leur carrière outre-mesure ? À la seule écoute de leur propre production, sentent-il déjà que leur monde est sur le point de changer ? Octavian, franco-anglais de 22 ans à peine, a peut-être vu les choses venir. « You’re gonna blow up, it’s just timing », clamait-il avec force sur « Party Here », comme pour prophétiser sa propre destinée. Publié il y a près de 10 mois sur la chaîne Views TV, ce même titre avoisine aujourd’hui le million de vues, est arrivé jusqu’aux oreilles averties de Drake, et a permis à son auteur de quitter définitivement la rue qui l’abritait jusqu’à présent pour le confort d’un bel appartement de l’est londonien. « Quand j’ai enregistré “Party Here”, j’étais vraiment pauvre. Je ne savais pas que j’allais exploser à ce moment-là, mais c’est arrivé parce qu’il le fallait, se remémore t-il, amusé. Il le fallait parce que ce j’étais tellement pauvre… Je n’avais rien. Rien à perdre non plus, ce qui n’est pas négligeable. Alors tant qu’à faire, je me suis dit “Nique ça, tu vas péter, c’est juste une question de temps.” »

Après tout, les lauriers ne pouvaient certainement pas se poser sur une tête autre que celle d’Octavian, baptisé du nom du tout premier empereur romain. Olivier, son second prénom, porte pour sa part les traces indélébiles de ses racines françaises, lui qui est natif de Lille. Une France qu’il quitte avec sa mère dès l’âge de trois ans, suite au décès du paternel, et qu’il ne regagne qu’à l’adolescence, le temps de pénibles mois passés chez un oncle violent. Pas le plus favorable contexte pour véritablement se familiariser avec son sol de naissance. « Quand je suis revenu à 14 ans, j’ai été envoyé dans une école privée à Lille. C’était tranquille, mais ça manquait de diversité vu que – justement – c’était à Lille et c’était privé. Surtout par rapport à Londres, qui est une ville que j’aime beaucoup pour cette raison », grimace celui qui jongle à sa guise entre les langues de Shakespeare et de Molière.

C’est cette image plutôt morose qu’il gardera de l’Hexagone jusqu’à ce que sa vie ne prenne une tournure plus heureuse, et que Paname ne devienne « [son] second Londres ». Car quand nous le retrouvons sous un soleil de plomb, aux abords de la Bellevilloise, tout est différent : Octavian s’apprête cette fois à donner son premier concert parisien, un peu plus d’une semaine après avoir défilé pour la première de Virgil Abloh chez Louis Vuitton. Une expérience qu’il nous raconte avec le regard du néophyte : « C’était très mouvementé, tout le monde était très intimidant. Tu vois Kid Cudi débarquer avec ses dix gardes du corps… Forcément, c’est impressionnant. Puis c’est compliqué de parler avec qui que ce soit sur place. Mais à l’arrivée, tout le monde voit bien que tu es de la partie. Donc on présume que tu es quelqu’un. Il n’y avait pas une personne au-dessus d’une autre au défilé Louis Vuitton. On était tous ensemble et c’est ce que Virgil voulait dès le départ. »

À propos de sa rencontre avec Virgil Abloh :
« Virgil s’est mis à poster mes morceaux tout le temps. Puis il a commencé à m’envoyer des messages. Un jour, il me dit “Yo, j’ai une soirée à tel hôtel, rejoins-moi !” On s’est rencontré à cette soirée. Il y a une énergie assez indescriptible qui émane de lui. Il te parle comme s’il savait déjà ce qui allait se passer. »

Si Octavian s’est vu trimballé de la sorte entre la France et l’Angleterre, c’est que le gaillard n’est pas franchement à l’aise avec les notions d’autorité ou de hiérarchie. Lui s’est lancé dans une dévorante quête de « liberté » – un mot qui revient avec récurrence au cours de notre échange – et à ce titre, il ne peut s’assujettir à la volonté de qui que ce soit, ni professeurs, ni employeurs, ni même figures parentales. Le conflit est dès lors inéluctable. C’est à force d’exaspérer ses professeurs anglais qu’il sera expédié en France par sa mère. À force de s’étriper avec son oncle qu’il verra son séjour outre-Manche s’écourter. À force de ne jamais trouver sa place nulle part qu’il finira à la rue. « Il y a plein de choses dont ma mère, et même les mères en général, ne se rendent pas compte. Elles veulent que tu t’en sortes, mais… tranquillement, sans que tu prennes le moindre risque. Sauf que tu dois prendre des risques, justement. Ne serait-ce que pour toi-même. Parce que tu dois te prouver des choses à toi-même, plus qu’à n’importe qui d’autre », rappelle le rappeur longiligne.

Arrivé au niveau du Belvédère de Belleville, Octavian décide de prendre le temps de contempler ce Paris qu’il connait encore si peu, et de s’en griller une par la même occasion. La chaleur se faisant pesante, il dézippe l’épaisse veste blanche dont il est alors vêtu, et fait apparaître sous nos yeux l’inscription « Bizarre » – en français dans le texte -, tatouée sur le haut de son torse. « Parce que je suis bizarre, se justifie t-il d’emblée. C’est bizarre de ne jamais vouloir écouter personne, non ? Dans la vie de tous les jours, tout le monde cherche à être normal. Moi non. J’aspire à plus que ça. Et pour certaines personnes, c’est être “bizarre”. » Avant de développer : « Des fois, c’est presque comme si on était programmé à suivre les règles. Bien sûr qu’il faut des gens qui soient disposés à écouter ce qu’on leur dit, qui éprouvent le besoin d’être dans la norme. Mes parents, ou les membres de ma famille, par exemple, sont “normaux” et ce sont de bonnes personnes. Mais je n’ai pas le sentiment qu’être “normal” est ce à quoi tu devrais aspirer. Tu devrais juste chercher à être toi-même, à être bien dans ta peau. Pour moi, être bien dans sa peau implique d’être libre, parce que je ne supporte pas d’être en-dessous de quelqu’un. »

Le britannique a toutefois eu juste ce qu’il faut de bon sens et d’ouverture d’esprit pour faire en sorte que chacun de ses errements puissent lui être profitables. Car se perdre, c’est aussi une opportunité d’arpenter de nouvelles routes, d’explorer des contrées dont on ne soupçonne pas l’existence et donc, de s’enrichir. « Tu connais la drum’n’bass ? » demande t-il, tandis que les rôles s’inversent. « J’ai dû aller à ce genre de soirées parce que je devais y vendre de la drogue. Mais j’ai aimé m’y rendre. J’y ai vu des gens danser pendant des heures et des heures. Et c’était bien. C’est une scène totalement différente à étudier. Je me suis adapté à tous les environnements, et j’ai appris à apprécier toutes sortes de musique. » Idem pour la France : Octavian n’a pas manqué de jeter une oreille du côté des rappeurs de notre terroir. Juste après avoir cité Bon Iver, Jai Paul et Drake, désignés comme les artistes qu’il a le plus écouté, le Nordiste de naissance lance coup sur coup les noms de Booba, La Fouine et de la Sexion d’Assaut. Devant notre étonnement, il entonne même le refrain de Maître Gims sur « Mon gars sûr ». « Tout ceux-là, je les ai écouté quand j’étais plus petit. Je devais avoir quelque chose comme seize ans », précise t-il.

À propos du soutien de Drake : « Drake est quelqu’un de très intelligent, puis c’est une légende dans ce jeu. Il prend toujours le son à la source. Il a remarqué “Party Here” dès que le morceau est sorti. Ce qu’il a fait a vraiment aidé ma carrière à décoller. Je le respecte beaucoup pour ça. D’autant que je l’ai toujours écouté, et je l’écoute encore tout le temps. C’était un grand moment. »

Toutes ces sonorités piochées à gauche à droite, un peu malgré lui, Octavian s’attèle désormais à les condenser dans une musique qui brasse large, à l’image de « Party Here », oppressant sur les couplets, festif sur les refrains. Depuis que son nom s’est inscrit sur la carte, sa discographie ne s’est étoffée qu’une poignée de pièces éparses, toutes singulières les unes des autres. À tel point qu’on ne sait réellement quoi attendre de chacune de ses sorties. Là où « Little » pourrait être un titre de Travi$ Scott, « Move Me » – sa collaboration avec le producteur électro Mura Masa – prend le pari de nous emmener jusqu’au fin fond d’un club de Kingston. Et si on distingue naturellement dans son oeuvre quelques influences typiquement britanniques, ne daignez pas prendre le raccourci qui consiste à faire d’Octavian un artiste grime. « Le grime, c’est vraiment Skepta, Wiley, des gars comme ça. Et encore, ce n’est même pas le Skepta de maintenant. Le Skepta de « Shutdown » est grime, mais pas celui de « Praise the Lord ». Ça, c’est trap. Tout le monde va dire que c’est grime uniquement parce que c’est plus facile de classer les artistes anglais comme tel. Pareil pour moi : “Octavian il vient de Londres ? Alors c’est grime.” Mais ça n’a pas de sens », certifie celui qui s’est forgé dans le Sud-Est de la capitale anglaise.

Pour son prochain projet, Octavian a déjà un nom tout trouvé : Revenge. « C’est destiné à toutes les personnes qui m’ont dit que je ne serai rien. Parce que je n’étais rien. Donc ils avaient en partie raison. Mais au bout du compte, ils ont eu tort », jubile t-il. Maintenant que celles-ci se présentent à lui, le rappeur ne manque d’ailleurs jamais une occasion de stunt sur ses médisants : à chaque single, quelques mots à leur attention. « Cause I made it and you hate it/So you’re gonna lie over me, whine over me, cry over me », rappe t-il par exemple sur « Hands ». Comme s’il puisait toute sa rage, sa détermination, son énergie créatrice dans les ondes négatives qui gravitent autour de sa personne. Aujourd’hui, Octavian savoure. Quand on l’interroge sur le soutien qu’il n’a jamais pu recevoir de sa propre mère, il répond, hilare : « Je lui ai prouvé qu’elle avait tort. Elle a eu tort. Voilà pourquoi je dois toujours faire mes preuves. Mon boulot, c’est de prouver que ma manière de penser est viable. Ça va même au-delà de la musique, il s’agit vraiment de ma manière de penser. »

Après plus d’une heure passée à suffoquer dans l’étouffante chaleur parisienne, le jeune artiste s’enquiert de connaître quelques bonnes adresses où acheter de la sape. Ses vêtements sont détrempés, et son succès naissant l’a visiblement incité à voyager léger. « Il y a un Stone Island ici ? » questionne t-il, en aficionado de la marque italienne. Affirmatif. Satisfait de la réponse, Octavian se tourne alors vers son équipe afin de s’assurer que le timing lui permettra d’y faire une halte avant son show du soir. À le voir sortir de sa poche une quantité de billets de 50 mal repliés, prêts à être dépensés dans une tenue de scène improvisée, on parvient presque à apprécier le goût de sa revanche. Bittersweet.

2015. Dinos, encore Punchlinovic, annonce la sortie de son premier album : Imany. Un nom emplit de mystère pour un projet qui ne verra le jour, finalement, que le 27 avril dernier. Entre centimes et sentiments, le rappeur des 4000 y dresse le portrait de son monde, instable mais vivant, à l’instar de sa plus très jeune carrière. 

Photo : @samirlebabtou

« Imany, c’est la foi. La foi en Dieu, la foi en moi. La foi en ceux qui croient en moi, la foi en la vie. Tout ça à la fois, c’est Imany. » Ces mots clôturent « Vers Imany », sorti le 1er juin 2015. Dinos Punchlinovic est mort, vive Dinos. Fini le temps des Rap Contenders, le temps de l’Alchimiste et d’Apparences. Place à la suite, la confirmation, la maturité, sans doute. S’il est habituel, aujourd’hui, de consommer la musique comme des apéricubes, Dinos vient de cette époque de transition, où L’Entourage et la Sexion – pour ne citer qu’eux – avaient pris les devants pour mettre un coup de pied au cul du rap français, alors dans une période de pédalage. De cette époque où l’on prenait encore son temps pour expérimenter, chercher et tester, avant d’offrir à son public un projet à ambition durable. Si ce petit schéma s’est fait la malle en 2018, à raison ou à tord là n’est pas le débat, Dinos lui, a continué de fonctionner ainsi depuis le début. Pour preuve, Imany a eu trois versions : une beaucoup trop triste, une beaucoup trop pop, et celle qui nous a été délivré le 27 avril. Et si certains ont pu prêter au rappeur des 4000 une flemmardise latente, il n’en est rien. Ces trois ans de fausse absence lui ont permis de parfaire un rap textuel bien rôdé, et structurer un univers artistique fort de sens sur dix-sept morceaux. C’est donc à l’occasion de la sortie de son album que nous l’avons rencontré. Entre son amour scolaire du rap français et sa passion plus large pour la musique, Jules nous a ouvert les portes de son monde. A consommer sans aucune once de modération.

Dinos sera en live au Wanderlust à l’occasion de la tournée YARD Summer Club le vendredi 27 juillet à Paris. Les absents ont toujours torts.

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Que ce soit par son look étincelant ou sa musique en pot-pourri, qui s’affirment un peu plus sur Isolation, son premier long format, Kali Uchis a toujours été de celles que l’on remarque. Mais tandis que sa culture de naissance s’étend sur le monde, la chanteuse pourrait bien être rattrapée par une norme qu’elle a toujours fuit. Entretien.

Au moment où nous nous apprêtons à monter rejoindre Kali Uchis dans sa chambre d’hôtel parisienne, un « Bonne chance ! » s’échappe de la bouche de l’un de ses précédents interlocuteurs. Une manière comme une autre de nous mettre en garde, de nous suggérer que la bête en question n’est pas toujours facile à apprivoiser. Se présente alors devant nous une rayonnante bien qu’intimidante colombienne de 25 ans, au visage recouvert d’une épaisse couche de maquillage, tel une pin-up des années 80. Notre échange a commencé depuis à peine plus d’une minute que celle-ci l’interrompt soudainement, puis s’allonge confortablement sur son sofa, comme pour prendre la pose devant un objectif qui n’est – pour l’heure – pas prêt d’être dégainé. Kali Uchis véhicule beaucoup par l’image.

Sa musique nous peint un univers haut en couleurs pastels, qui flirte avec l’esthétique kitsch et convoque l’onirisme d’un Kevin Parker, le groove d’un Bootsy Collins et la spontanéité d’un Tyler The Creator, tous invités sur Isolation, son premier album sorti en avril. La pochette qui illustre cet harmonieux bordel reprend quant à elle le jaune, le bleu et le rouge du drapeau colombien, hommage à une culture latine que Karly-Marina Loaiza – son vrai nom – fait vivre à travers son art. Mais à l’heure où cette même culture se retrouve lancée dans une véritable conquête du globe, en témoigne les succès de J Balvin ou de Luis Fonsi, Kali Uchis semble plus que jamais être dans l’air du temps. Le comble pour une artiste qui a toujours pris soin de se placer en marge de toute tendance.

Photos : @alextrescool

En avril dernier, tu as publié ton premier album, intitulé Isolation. Avant ça, tu avais déjà sorti un morceau qui s’appelait « Loner ». Être seule avec toi-même, est-ce un besoin pour toi ou juste la manière dont tu as appris à vivre ?

Je pense que c’est un besoin. Tout le monde peut avoir parfois envie de rester seul de son côté, c’est quelque chose de normal.

Cet « isolement » est-il le résultat d’un rejet ?

Non, je pense juste qu’il est important, en tant qu’être humain, de ne pas ressentir le besoin de se fondre dans la société, ou de chercher une quelconque validation. Ce n’est pas vraiment une question de « rejet », il s’agit plus de suivre tes convictions personnelles, ton intuition, et de ne pas être définie par tout ce qui peut se passer autour de toi.

Si on dit de ta musique qu’elle sonne comme si elle venait d’une autre époque, tu vois ça comme une bonne chose ou une mauvaise chose ?

Je ne sais pas. J’imagine que ça dépend de quelle époque on parle… [rires]

Dans ce cas, dis-nous quelles sont les époques qui te parlent quand il est question de musique.

J’aime bien… [Elle réfléchit] En fait, je pense qu’il y a de la bonne musique à chaque époque, même dans celle que nous vivons actuellement.

Et dans celle-ci, quels sont les artistes qui te semblent faire de la bonne musique ?

De manière générale, j’aime les artistes qui sont honnêtes à travers leur musique, qui racontent des histoires qui leur sont propres. C’est ce qui va rendre leur musique spéciale. Ils sont uniques parce qu’ils partagent avec leur public des récits authentiques sur ce qu’ils traversent dans leur vie. Tout le monde ne pourra pas se retrouver dans leur propos, mais c’est toujours très inspirant d’écouter ce que chacun a à dire. J’aime écouter les autres perspectives que les gens peuvent avoir sur la vie, donc j’aime la musique qui me donne à entendre la personnalité de l’artiste, à travers laquelle je peux savoir quel type de personne il ou elle est. Dans certains sons, ça ne se manifeste pas tant par le propos – parce qu’il y a des morceaux où les artistes ne disent rien de personnel – mais par une énergie qui leur est propre, et qu’ils parviennent à te transmettre. Je pense juste que je préfère les artistes qui insufflent leur véritable énergie dans leur musique plutôt que de simplement faire ce qu’ils pensent que les auditeurs veulent entendre.

Sur le morceau « Miami », tu chantes : « Why would I be Kim ? I could be Kanye. » Dans quel état d’esprit étais-tu au moment d’écrire ces mots ?

À vrai dire, ça fait écho à la relation que j’ai eu avec un ex-petit copain, il y a trois ans. J’ai le sentiment qu’à l’époque, tout le monde voulait être comme Kanye et beaucoup de mecs le prenaient en exemple, beaucoup d’artistes également d’ailleurs. Et puisqu’ils voulaient tous être Kanye, ils cherchaient tous à avoir leur Kim, à savoir une belle meuf qu’ils habilleraient à leur guise, à qui ils diraient quoi faire et quoi porter. Ils voulaient une meuf qui soit un de leurs accessoires, plutôt qu’une meuf qui puisse prendre des initiatives et qui soit une artiste elle-même. Sur ce point, j’ai longtemps eu du mal à trouver ma place dans mes relations amoureuses, à trouver un mec qui avait suffisamment confiance en lui pour accepter que je puisse avoir ma propre opinion, que je puisse être moi-même. Ça a été comme ça toute ma vie, et c’est quelque chose qui se retrouve également dans ma musique. La plupart de mes influences, la plupart de ceux chez qui j’ai puisé ma force sont des artistes qui, au-delà d’être très créatifs dans leurs domaines, ont toujours eu des opinions fortes et n’ont jamais eu peur de dire haut et fort ce qu’ils pensent.

« Ils voulaient une meuf qui soit un de leurs accessoires, plutôt qu’une meuf qui puisse prendre des initiatives et qui soit une artiste elle-même. »

D’autant plus que dans le clip de « Bound 2 », auquel tu fais référence dans le morceau, Kanye est celui qui conduit.

Exactement, c’est ça l’idée ! C’est une manière de dire que je ne me vois pas assise à l’arrière de la moto d’un autre ; je suis celle qui conduit.

En tant que colombienne et hispanophone, comment expliques-tu que la musique latine ait été autant plébiscitée dernièrement ?

C’est assez intéressant d’assister à cela seulement maintenant, parce que l’espagnol a toujours été une des langues les plus parlées au monde, au même titre que l’anglais, et j’ai l’impression qu’il aurait toujours dû en être ainsi. Quand tu mesures l’ampleur des communautés latinos aux États-Unis, tu te dis que ça n’aurait jamais dû être aussi compliqué pour notre musique d’obtenir une telle reconnaissance. Je ne sais pas trop quoi te dire… J’espère seulement que ça ne sera pas juste un effet de mode, parce que je trouve que c’est toujours assez triste quand les langues et les cultures sont utilisées comme tel. Parce que pour ceux qui vivent en Colombie ou ceux qui sont de culture latine mais qui vivent aux États-Unis, ce n’est pas juste une mode : il y a toutes sortes de problèmes d’identité culturelle, liés au fait d’être partagé entre deux cultures, de parler deux langues. Ça a toujours été dur pour nous. À une époque, beaucoup d’artistes latino-américains faisaient en sorte d’être rattachés à d’autres groupes ethniques juste histoire de s’en sortir et là, tout d’un coup, tout le monde veut faire des sons en espagnol parce que c’est devenu cool. C’est décevant, mais quelque part c’est aussi une bonne chose pour tous les artistes qui étaient déjà là-dedans depuis longtemps et qui ont aujourd’hui l’opportunité d’être reconnu mondialement, ce qu’ils méritent totalement. Espérons juste que ça ne soit pas passager, comme toutes les autres tendances qu’il y a eu dans l’industrie musicale.

En quoi est-ce aussi important pour toi de chanter en espagnol ou de traduire tes titres anglophones ?

Je suis bilingue depuis que je suis né, donc il a toujours été question pour moi de trouver le juste équilibre entre la part d’Amérique qu’il y a en moi, et la part de Colombie qu’il y a en moi. Il faut toujours que je fasse en sorte de me rappeler d’où je viens, mes racines, ma culture. Des fois, les mots me viennent directement en espagnol ou je vais peut-être me dire « Je veux qu’il y ait une version espagnole de tel ou tel morceau. » Mais j’essaie surtout de ne jamais forcer les choses. De ne jamais me dire « Ok, l’espagnol est à la mode en ce moment, je devrais sortir un morceau en espagnol. » C’est lamentable de penser comme ça. Fais un son en espagnol si tu ressens l’envie de faire un son en espagnol, point barre. Mais essayer de capitaliser sur le fait que la culture latine soit en vogue, c’est tout sauf authentique.

Quels souvenirs gardes-tu de la Colombie ?

Je me rappelle du chemin du retour de l’école, le temps était chaud et ensoleillé, puis tout d’un coup il se mettait à pleuvoir, donc il y avait de beaux arcs-en-ciel. Je me dépêchait de rentrer à la maison, pour ensuite jouer avec mes cousines dans la rue. Il y avait des camions qui vendaient toute sorte de nourriture, et on mangeait dehors en écoutant la musique qui passait à la radio. J’ai beaucoup de souvenirs dans la rue, parce que j’ai le sentiment que la Colombie est un de ces endroits où on ne s’arrête jamais de vivre, peu importe l’heure du jour ou de la nuit. Les gens traînent constamment en dehors de leur maison, c’est quelque chose de très naturel là-bas. On n’a jamais besoin de s’appeler ou d’utiliser internet pour se voir. Je vivais avec mes cousines à l’époque, et je n’en garde que de bons souvenirs. On prenait des bains dans des grandes bassines utilisées pour laver le linge, qu’on remplissait avec de l’eau pour en faire une sorte de petite piscine. [rires] Mes cousines étaient comme mes soeurs : on s’aidait au quotidien, on partageait tout et chacune avait un rôle prépondérant dans la vie de l’autre. Comme une vraie famille. J’ai l’impression qu’il y a moins cette « culture de la famille » aux États-Unis, tout le monde est plus distant. Ici, tu ne passes pas autant de temps en famille comme tu peux le faire en Colombie.

Juste après avoir quitté la Colombie, tu as d’abord atterri en Virginie…

En fait, on s’est un peu retrouvé entre l’Amérique et la Colombie pendant un certain moment. J’entend par là que j’ai arrêté d’aller à l’école à Colombie à l’âge de 7 ans, mais on y retournait systématiquement pendant les vacances de Noël ou d’été. Donc j’ai passé la majeure partie de ma scolarité en Virginie du Nord, non loin de D.C., et la Colombie est en quelques sortes devenu mon second chez moi, où tout le reste de famille était encore.

Ce n’était pas trop dur de s’adapter à ce nouvel environnement ?

Pas vraiment vu que toute ma famille nous a vite rejoint en Virginie. Mon père invitait sans cesse mes oncles à vivre chez nous, donc ma maison est plus ou moins devenir le premier endroit où tu t’installes avant de pouvoir vivre de toi-même. Quand mes oncles et tantes décidaient qu’ils voulaient vivre aux États-Unis, mon père les aidait à trouver un job et ils restaient vivre avec nous pendant une bonne année, jusqu’à ce qu’ils aient assez d’argent pour se payer leur propre appartement. Ma chambre avait trois lits d’appoint sur lesquels dormaient mes tantes et mes cousines, et c’était la même chose dans la chambre de mon frère avec mes oncles et cousins. [rires] C’était comme si il y avait une chambre pour les filles, une chambre pour les garçons et la chambre de mes parents. Donc la maison était toujours pleine à craquer, au moins jusqu’à ce que j’aille au lycée. À partir de là, elle restait vide la plupart du temps.

La Virginie n’en reste pas moins un territoire particulièrement fertile artistiquement. As-tu écouté ou été inspirée par des artistes locaux ?

N.E.R.D, c’était quelque chose de significatif pour tous les gens avec qui je suis allée à l’école. C’est un groupe qui a eu de l’influence sur beaucoup de musiciens en général, notamment de notre génération, mais je pense que c’était encore plus fort dans notre région. Virginia Beach [la ville dont sont originaires les membres de N.E.R.D, ndlr] est à seulement quelques heures de l’endroit où je suis allée à l’école, donc c’était vraiment local. Il y a aussi Missy Elliott, évidemment. Je me souviens aussi quand Chris Brown a commencé, tout le monde en Virginie était très fier de lui. J’avais des profs qui aimaient toujours nous rappeler qu’ils lui avaient parlé ou qu’ils avaient des photos de lui. Mais oui, le fait est qu’il y a beaucoup d’artistes très talentueux qui viennent de la DMV Area [la région qui relie Washington D.C., le Maryland et la Virginie, ndlr]. Mais ça concerne surtout le Nord de la Virginie, parce que si tu vas dans le Sud, c’est un tout autre monde, il n’y a pas tellement d’artistes là-bas… [Elle réflechit.] Quoique, il y en a quand même quelques uns. Les Clipse viennent de là-bas, notamment.

« Fais un son en espagnol si tu ressens l’envie de faire un son en espagnol, point barre. Mais essayer de capitaliser sur le fait que la culture latine soit en vogue, c’est tout sauf authentique. »

La question se pose tant les valeurs qui sont les tiennes correspondent à celles prônées par d’autres artistes originaires de Virginie : Pharrell s’est toujours revendiqué comme un anticonformiste, Missy Eliott est une femme qui n’a jamais eu peur de faire ce que les hommes se sont toujours permis, etc.

Oui, je pense être chanceuse d’avoir grandi en ayant autant d’artistes à prendre en exemple. Ils sont braves, audacieux, et ils se servent de leur voix et de leur créativité pour faire exactement ce qui leur chante. À l’heure où l’on parle, je ne sais pas si les nouvelles générations auront de tels modèles auxquels se référer.

Pharrell a également influencé un autre artiste dont tu sembles très proche : Tyler, The Creator. Que peux-tu nous dire sur ce-dernier ?

Je peux effectivement te dire qu’il adore Pharrell. [rires] Plus sérieusement, tout est naturel avec lui. Le fait est que je ne cherche jamais à collaborer avec qui que ce soit, et encore moins des gens dont je sens que je ne pourrais pas m’entendre dans la vraie vie. Je ne travaille et travaillerai qu’avec des gens chez qui je ressens une véritable réciprocité dans l’énergie transmise. Des artistes qui font leur propre truc, peu importe s’ils ont du succès ou non. Tyler est un de ceux-là.

Dans le morceau « In My Dreams » tu imagines une sorte de monde utopique où tout est beau, tout est rose. Qu’est-ce que tu te dis quand tu dois ensuite te heurter à la réalité du monde dans lequel nous vivons ?

Je pense que c’est avant tout une question de perspective. Parce qu’il est clair qu’il se passe des choses atroces dans le monde en ce moment, mais quand on n’y réfléchit, il s’y passe des choses atroces depuis la nuit des temps. Et s’il s’en passera toujours, on peut aussi être sûr qu’il y aura de très belles choses à voir.

Ce titre est suivi dans l’album par une interlude, intitulée « Gotta Get Up ». Qu’est-ce qui te donne justement encore envie de te réveiller de tes beaux rêves ?

[rires] C’est une question difficile. J’imagine que c’est le fait de savoir que si j’étais resté au lit toute la journée, je ne serais pas en mesure de progresser. [rires] Je dois me lever et continuer d’avancer, et c’est pareil pour chacun d’entre nous, on doit profiter du temps qui nous est donné à vivre sur cette terre pour faire mieux chaque jour. Personnellement, je pense que avoir encore beaucoup de chemin à parcourir dans ma carrière et il y a encore plein de choses que je dois accomplir pour continuer à grandir en tant que personne. Voilà donc pourquoi je me réveille le matin : pour poursuivre la construction de mon empire et achever tout ce que j’ai entrepris sur le long-terme.

Le rap français et la mode ont encore du mal à se trouver. Les collaborations avec des marques de luxe ou des rappeurs en égérie, tous ces échanges que l’on voit plus que souvent aux États-Unis, sont rares, voire inexistants en France. Pourquoi n’a-t-on pas d’icône de mode issue du rap ? Analyse.

Photo : @lebougmelo

Il y a 20 ans, en 1998, Ärsenik s’affichait en Lacoste de la tête aux pieds, sans jamais que la marque n’assume pleinement le public que le duo ramenait vers les textiles au crocodile. Depuis, si Romeo Elvis déclarait sur Twitter en mars dernier que Lacoste refuse de collaborer avec lui parce qu’il “fait du rap”, il semblerait que cette union ratée n’ait été qu’une histoire d’affinité : la marque, qui a conservé  ses accents streetwear pour son défilé automne-hiver 2018 avec des bobs, des joggings et des vestes de survêtement, semble enfin enclin à ne plus jouer les vampires de loin. Le temps du mariage approche. Lacoste lorgne depuis quelques temps du côté de Moha La Squale – qui n’a cessé de lui faire des appels du pied façon tacles italiens –, avec qui la marque vient tout juste d’annoncer un partenariat qui donnera fruit à trois ensembles de survêtement imaginés par le rappeur de la Banane. Trois « tenues de scène », avec un titre et un clip exclusif. On est bien loin de l’égérie, mais c’est un début – un tournant ? Ce changement de stratégie est peut-être celui qui inspirera d’autres marques, et d’autres rappeurs. Mais pour le moment, la France est encore très en retard lorsqu’il s’agit de produire des icônes de mode issues du rap.

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Alors que voir des artistes aux affinités mode aux États-Unis est devenu une banalité ; on en trouve également en Europe en des personnes comme Sfera Ebbasta en Italie ou Skepta, qui ont respectivement défilé pour Marcelo Burlon et Nasir Mazhar. Par contre, il semble encore compliqué pour les marques de s’affilier avec des rappeurs français. L’une des raisons se trouve dans le fait que nos MC souffrent encore d’une image constamment associée aux banlieues – celles qui « dérangent », pas celles qui « influencent le monde ».

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Sferra Ebbasta pour Marcelo Burlon et Skepta pour Nazir Mazhar

Cette image négative, le rap la doit principalement aux médias généralistes, qui se focalisent encore trop souvent sur les aspects négatifs de la banlieue et en font l’origine majeure des problèmes sociaux comme l’insécurité, la violence ou encore l’islamisme. “Ce qui est terrible, c’est que systématiquement le rappeur est ramené à sa classe sociale et son origine ethnique, peu importe son succès, constate pour nous la journaliste Alice Pfieffer. Avant tout, il symbolise la banlieue, agit comme le rappel d’un passé colonial mal digéré, un métissage que la France refuse d’inclure dans son visage national.” Les marques haut de gamme refusent de s’associer avec des rappeurs précisément à cause de ces étiquettes qui ne correspondent pas à l’image de luxe qu’elles véhiculent, même si elles ont de plus en plus tendance à piller la culture urbaine. Par contre, aller chercher un artiste de l’autre côté de l’Atlantique est devenu chose courante, même pour une marque française, parce que leur image dépasse le statut de « simple » rappeur.

C’est là que se trouve la différence entre les États-Unis et la France lorsque l’on observe l’interaction entre rap et mode dans les deux pays. Les marques s’intéressent aux Américains parce qu’ils sont la première puissance mondiale, en termes d’influence sur le reste du monde, et bénéficient, de fait, d’un certain prestige. “Le rappeur US devient un pont et une projection vers un rêve commun de l’Amérique en France, de Johnny à Phoenix : la vision idéalisée d’un pays futuriste, inclusif, hypermoderne, réformé et fluidifié précisément là où la France regarde vers le passé”, souligne la journaliste d’Antidote. Mais il y a autre chose : le rap américain aborde la mode de manière différente. Des artistes comme Kanye West ou Pharrell Williams se sont très rapidement éduqués au luxe et au streetwear haut-de-gamme, ce qui a permis une décomplexion totale du style lorsqu’en France, il y a toujours une certaine retenue.

Dans un premier temps, cette timidité passe par le fait que la France n’ait pas eu cette “révolution” Kanye West/Pharrell Williams. Grâce à eux, les rappeurs sont passés d’une consommation excessive à quelque chose de plus affiné, à la recherche du beau et de l’esthétique. De cette étude de la mode et du luxe a découlé une véritable fibre mode dans le rap US, ce qui a permis aux artistes d’être attractifs auprès des marques. D’un autre côté, nos MC sont encore très attachés à leur image virile, à leur masculinité. Comment peut-on se dire être le boss du rap game et porter une jupe en cuir ? En France, ça ne fait pas encore tout à fait sens. Et pourtant, des artistes comme Young Thug ou ASAP Rocky n’ont pas peur de s’afficher en robe et s’auto-proclamer « greatest artist of all time ». C’est assumé et ça ne dérange que quelques étroits d’esprit.

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Young Thug porte un robe Alessandro Trincone sur la cover de son album « JEFFERY »

Imaginez un rappeur français porter un jupon En quelques minutes, les réseaux sociaux le crucifieraient sur place. Non, on n’a pas besoin de porter un tutu pour être une icône de mode, certes. Mais on a besoin d’oser. Le fait est que, contrairement aux US ou à des pays comme l’Angleterre, la culture rap francophone est plus fermée et complexée lorsqu’il s’agit de style. On a peur du regard de l’autre, d’être jugé et ça amène, peut-être inconsciemment, la plupart des artistes à jouer la sécurité et à ne pas se mouiller en poussant plus loin leur style. “En France, on est dans une culture latine, méditerranéenne, judéo-chrétienne et le mâle est dans une performance de virilité assez classique et peu réécrite. Le mâle américain et le rappeur spécifiquement a pu s’affranchir des marqueurs bling classiques en allant chercher l’appropriation et le cool ailleurs – à cause d’une culture du progrès, de l’évolution et de la réinvention de soi très présente, et Kanye le premier”, analyse Alice Pfieffer.

La France semble être encore bloquée à cette ère qu’a connu les États-Unis avant la mort du gangsta rap, à l’endroit précis où régnait la “street cred”. Et si la mode ne rime pas avec “street cred”, on voit malgré tout certains artistes porter des marques de luxe comme Booba en Versace, Ademo de PNL en Louis Vuitton, Niro en Dior. Mais l’impression qui en ressort est que ces marques sont plus portées pour l’aspect luxueux qu’elles représentent, que pour la recherche d’un style plus poussé. Peut être que ce qui manque aux rappeurs français, ce sont des stylistes : Kanye West avait Virgil Abloh, ASAP Rocky a Matthew Henson, Kendrick Lamar a Dianne Garcia, pour ne citer qu’eux. Mais en même temps, avoir un styliste pourrait être mal perçu en France, alors que c’est chose commune chez les américains.

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Take A Mic en Stella McCartney

Peut-être que la génération actuelle n’a aucun intérêt pour la mode. Peut-être que le mimétisme du rap français au rap US s’arrête tout simplement au rap, avec une couche très légère de mode. Mais peut-être aussi que nous sommes encore en retard et qu’il suffit juste d’attendre la prochaine génération. Qui sait ? Il se peut que notre icône se trouve en des personnes comme Josman, Moha La Squale, Ichon, qui défilait pour Pigalle et Avoc, ou encore Take A Mic, qui semble se construire une éducation mode et porte des labels recherchés comme Alyx Studio, FACETASM ou encore le même pull Stella McCartney porté par Pharrell Williams. Si Internet a finalement gommé la décennie de retard qui caractérisait les rappeurs français par rapport à leurs homologues états-uniens, on est donc en droit d’attendre qu’il en soit de même pour tout ce qui dépasse la musique en elle-même, mais qui reste déterminant pour l’explosion d’une culture qui s’inscrit bien au-delà du quatrième art.

YSL, Dior, Chanel, Lanvin, Kenzo et Balenciaga n’ont pas répondu à nos sollicitations pour la réalisation de cet article

Lors de son escale dans la ville des Lumières, l’artiste canadien signé sur le label OVO de Drake s’est plugué avec notre guide attitré. Aux prémices d’un été s’annonçant particulièrement chargé, Denzel Spencer plus connu sous le nom de Roy Woods s’est donc laissé entraîner dans la capitale afin de (re)découvrir un Paris à mi-chemin entre authenticité et clichés.

Photos : @pabloattal

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C’est un Paris que trop peu d’artistes prennent le temps de visiter. En cause, un planning promo surchargé ou un manque d’intérêt évident pour l’Autre et ce désir d’échanger sur une culture si différente mais en même temps si similaire. Roy Woods est sans doute une des exceptions qui confirme la règle, peut-être parce que Brampton, la ville qui l’a vu naitre à quelques encablures de Toronto, est – à l’instar de sa grande cousine – un formidable modèle de melting-pot. La population y est principalement issue d’Asie du Sud même si différentes communautés cohabitent, faisant de la ville un formidable carrefour culturel. Ce qui influence de fait le jeune artiste qui, dans « Monday to Monday », rappe : « Gyal dem go shopping/Yorkdale with squaddy (okay)/Saks fifth better spend a bag if you walk in/Ass look melodic, in Toronto with exotic/Like these bitches are from Europe ». #CQFD. Aussi, rien d’étonnant de voir Roy Woods s’enquérir d’informations et désireux d’en apprendre un peu plus sur Pablo et par extension, la jeunesse parisienne.

Les extraits qui vont suivre sont tirés de la journée passée ensemble. #TheConnect

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Cela fait à peine cinq minutes que nous venons de nous rencontrer et Kirby, le tour manager de Roy Woods me demande un truc qui nécessite l’utilisation d’un cellulaire. N’ayant rien sur moi pour les dépanner, la team comprend dès lors que je n’ai pas de téléphone. Un détail qui a tout de suite attiré l’attention de Roy, qui m’en parle pendant facilement une bonne vingtaine de minutes. « J’ai essayé de m’en débarrasser aussi il y a quelques mois, c’était vraiment cool. Tu t’intéresses à d’autres choses pendant ce temps-là. Ça ouvre grave l’esprit… Mais au bout de deux semaines, avec le taf qui est le mien, c’est devenu compliqué d’être totalement déconnecté », déplore le jeune artiste.

Je lui explique avoir fait ça pour la lecture. Les mécanismes de concentration nécessaires à la lecture étant affectés par l’usage trop soutenu d’un smartphone, j’ai eu besoin de me débarrasser du mien pour pouvoir véritablement recommencer à lire. « J’ai moi-même déjà des troubles de la concentration. J’ai beaucoup de mal à maintenir une attention prolongée sur quoi que ce soit. J’ai toujours été très dissipé et ce, depuis l’époque scolaire. Je n’imagine même pas ce que c’est maintenant avec toutes ces années la tête fourrée dans les smartphones », répond-il pour sa part.

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Au cours de notre ride, celui que l’on connait à l’état civil en tant que Denzel Spencer est tout de même reconnu par un fan. Un aficionados de musique qui nous dit composer ses propres prods. Roy Woods lui donne alors une adresse mail pour recevoir ses instrus, en plus de l’inviter au show qu’il donne le soir même. La chance ne sourit qu’aux audacieux, n’est-ce pas ?

En partant le canadien lance tout fier de lui un bref « Au revoir ». S’ensuit une courte discussion sur l’apprentissage des langues à l’école, plus particulièrement des liens et rapports entre les canadiens de Toronto et la langue française : « 90% de la population indienne de Toronto habite dans mon quartier, j’ai donc toujours entendu des mots ici et là. C’est un grand signe de respect de montrer à l’autre que tu parles sa langue. Ça m’a toujours importé d’apprendre quelques mots des différentes communautés qui m’entouraient. »

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J’ai ensuite envie de savoir si le canadien écoute encore beaucoup de musique, et s’il y a quelqu’un en particulier qui a retenu son attention. « C’est vrai qu’il y a plein d’artistes qui, une fois qu’il se mettent vraiment dans le musique, arrêtent d’écouter les autres. Mais moi, je continue d’écouter tout un tas de musique. Je me focalise surtout les jeunes qui montent, j’adore ça. Il y a pas mal de nouveaux mecs hyper talentueux mais celui que j’écoute beaucoup en ce moment, c’est Gunna. Il est vraiment très chaud. Puis on a un son ensemble qui arrive », me confesse t-il, non sans une certaine excitation.

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Je sais que les nord-américains activent leur connexions dès qu’ils atterrissent à l’étranger pour récupérer toutes sortes de saveurs illicites. Je me dis que Roy n’a pas du déroger à la règle et quand je lui demande ce qu’il pense de la beuh locale qu’il vient de récupérer, il grimace : « C’est de la merde ! [rires] Mais j’ai besoin d’être défoncé alors bon… J’aime bien être un peu dans un état léger alors je fume et bois à petites doses, juste avant de monter sur scène. »

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Dans les backstages avant le show, Roy pointe du doigt mon bracelet. « Comment vous appelez ça ici et pourquoi tous les gars que j’ai croisé en ont ? C’est quelque chose que tout le monde porte ici ? » Je lui réponds qu’on appelle ça des graines de café. C’est une bijou que les grands de chez nous mettent, pour nous montrer qu’ils font leur business et nous envoyer un signe d’opulence. Tu en achètes quand tu as les moyens ou quand tu veux imiter les plus vieux, tout simplement.

Roy Woods : Comment on appelle ça en anglais ?

Pablo Attal : Dans les pays anglophones, c’est plus connu sous le terme « Gucci link ».

RW : LOURD ! « Gucci link », c’est ça. La prochaine fois que je viens en ville tu m’emmèneras dans ta bijouterie alors. Je m’achèterai une chaine comme ça. Comme un bonhomme de Paris. [rires]

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Curieux de voir comment une campagne de pub Apple pouvait se métamorphoser en exposition d’art, on s’est intéressé à Paris Lyon Marseille, la série de vidéos et de photographies d’Axel Morin, qui s’exposait à Espaces Léon jusqu’au 15 juillet dernier. Le projet met en scène Lomepal, Chilla et Reef, soit trois rappeurs dans leurs villes respectives, observées, capturées et « ressenties » (pour reprendre ses propres mots) par le photographe.

Originaire d’Auxerre, Axel Morin vit et travaille à Paris depuis quatorze ans. Après ses études en arts appliqués, il devient directeur artistique dans une agence de publicité, et se consacre désormais à la photographie et à la réalisation. « De l’image fixe, je suis passé à l’image en mouvement », explique-t-il, appuyé sur un poteau des Espaces Léon où il expose ses installations vidéo et ses photographies créées à l’initiative d’une campagne de publicité Apple pour l’iPhone X. Aujourd’hui professionnel, celui qui « ne [fait] pas d’images gratuites » hésite encore à se désigner comme artiste mais invite le visiteur à regarder ses images comme des peintures qui parleraient d’elles-mêmes. Axel Morin a davantage le goût du mot juste que celui du bla-bla superficiel et ne s’aventure pas à comparer ses travaux pour les beaux yeux de la critique journalistique.

« Chaque projet est une nouvelle naissance », et celui-ci, Paris Lyon Marseille, réunit à la franchise de l’esthétique urbaine les distorsions oniriques que l’on connaît au photographe. En discutant avec lui, le noir et blanc de ses oeuvres se défait de sa dimension nostalgique pour ne conserver que les élans d’un zeitgeist auquel chacun peut s’identifier.

Comment est né le concept de cette exposition?

Apple est venu vers moi pour faire la campagne de l’iPhone X car ils connaissaient mon travail via un book d’artistes. Le résultat leur a plu et ils m’ont demandé de faire une exposition. J’étais très libre. L’idée était de mettre trois villes fameuses en avant, de capter leur énergie à travers un film et une série de photos, tout en utilisant la musique d’un artiste pour chaque. J’ai fait le découpage des films à l’aide de leurs chansons.

C’est toi qui a choisi les rappeurs qui ont participé ?

Ça s’est fait suite à de nombreux échanges avec l’équipe d’Apple. Lomepal faisait partie de mes sélections mais je ne connaissais pas Reef, je l’ai connu via Apple parce qu’on s’est tous mis à chercher des artistes marseillais. C’est un artiste qui a vraiment sa vision et qui est complètement différent des autres je trouve. Il a son truc, il se cache toujours les yeux, il ne veut jamais montrer son visage. Même quand il danse, il porte un bandana. Ce qui l’intéresse, ce sont les projets créatifs, il n’est pas dans la démarche de se montrer. Sur le set, on s’est adapté, car ça fait partie de son style. J’ai découvert un grand artiste et j’étais ravi de collaborer avec lui. Le All Styles Crew est une vraie team : ils bossent tous ensemble, il se soutiennent, c’est vraiment une équipe soudée.

Quelle était ta démarche pour capturer chaque ville ?

D’une part, j’ai essayé de retranscrire les différences entre les trois. De l’autre, j’ai rencontré les artistes, on a discuté ensemble, je leur ai demandé quelles étaient leurs passions, ce qu’ils aimaient faire, etc. Pour Reef c’est la danse, il fallait en retrouver le côté organique, ce que j’ai essayé de faire avec les mouvements de vagues et ceux où il tombe dans l’eau. Après, pour Lomepal, qui adore le skate, je me suis concentré sur les grands jumps, les gestes dans les airs où tu survoles la ville, d’où cette idée des oiseaux. En l’occurrence, ce sont des pigeons, parce que c’est Paris ! Dans le film il se balade dans la ville, il passe d’endroit en endroit. C’était une errance urbaine en fait. L’idée était aussi de mettre en valeur le côté « loneliness » que tu peux trouver à Paris. Ce que je dis toujours c’est qu’on est nombreux mais qu’on est tout seul malgré tout. Quand tu te balades, tu ne regardes jamais vraiment les autres. On est souvent un peu dans notre truc, dans notre bulle. Contrairement aux deux autres rappeurs, Chilla n’avait pas de hobby spécifique. Ce qu’elle aime, c’est plutôt de se balader dans la ville le soir, de se poser sur un banc pour écrire des textes, et de regarder un peu ce qui se passe autour de soi… Donc le dream est devenu le fil conducteur. Les images de Chilla ont plus quelque chose de l’ordre du rêve.

C’était une prérogative de montrer les artistes à travers l’un de leurs gestes quotidiens?

Ça m’importait de rester sur quelque chose d’authentique et de garder de l’authenticité dans le discours : c’était le mot clef pour les films. Il ne fallait pas mentir. Et je voulais que mes images représentent un minimum les artistes. Qu’il y ait une cohérence entre l’artiste et ma vision de la ville : c’est là où il y a eu collaboration. Même s’ils n’ont découvert les films qu’après, on s’est parlé en amont du projet pour que je puisse m’imprégner d’eux.

L’idée, c’était plus de montrer la ville à travers leur regard, le tien ou un peu des deux ?

À travers mon regard. Tout en respectant ce qu’ils étaient eux, en tant que personnes qui font de la musique. C’était important qu’ils ne soient pas hors sujet, de garder les entités des personnages. Mais je voulais montrer ce que je ressentais dans la ville : Marseille et son soleil, ses ombres chinoises, la liberté d’y errer dans les rues avec un côté joyeux, les allers-retours et les promenades nocturnes de Lyon, ses montées et ses descentes qui forment des boucles interminables… C’est une grande ville mais que je ne voulais pas humaniser. Je ne voulais pas montrer des gens pour montrer des gens. Je montre qu’ils sont présents dans la ville, mais je voulais quelque chose de plus graphique, de plus intemporel, et qu’on laisse les esprits s’imaginer des choses, qu’on ne se dise pas : « Ah, tiens, lui il a un chapeau, il appartient à telle catégorie de gens »… De sorte que tu puisses te faire ta propre histoire.

Pourquoi penses-tu qu’Apple a choisi des rappeurs ?

Parce qu’ils représentent la culture urbaine. Makes sense : il fallait parler de la rue avec qui la connaît !

Tu utilises souvent l’expression « la rue ». Tu ne crois pas qu’elle est un peu limitée pour désigner les différentes réalités qu’elle recouvre ?

Je ne sais pas, je préfère laisser les journalistes choisir leurs mots… On parle de « street photography », ça claque plus que « photographie de rue ». Mais c’est vrai qu’on dit « la rue » quand on parle comme ça, et qu’à l’écrit c’est toujours un peu bizarre…

Ça prend tout de suite un caractère assez lourd.

En même temps, la rue est lourde. Par exemple, on a l’impression qu’à Marseille c’est plus doux avec la mer, pourtant en vrai c’est limite plus violent. Je pense que comme je n’y vis pas, j’ai donné ma vision d’un autre oeil. Un marseillais aurait fait différemment. Mais j’avais conscience de la ville et je n’ai pas menti sur ce qu’elle est. J’ai pris ses contraintes en compte.

L’exposition montre bien que tu es photographe, mais aussi réalisateur. Tu as notamment réalisé deux clips pour Eddy de Pretto…

J’ai connu Eddy de Pretto quand il faisait 20 000 vues sur Youtube, je l’ai rencontré via son agent. Il n’était connu nulle part, j’ai écouté sa musique et franchement j’ai trouvé ça vénère dans les textes et dans l’écriture. Ça tue! Je me suis pris une claque, surtout à ce moment-là de ma vie, ça me parlait. J’ai fait ses photos de presse et ça s’est très bien passé, puis on m’a proposé de faire le clip de « Fête De Trop ». Ce que j’aimais bien c’est que c’est un homme qui sait ce qu’il veut, qui est très intelligent, vraiment simple et surtout qui a une façon de parler qui est agréable. Tu rentres dans l’intimité avec lui. Dans le tête-à-tête, c’est quelqu’un de très sensible. Ensuite, il m’a proposé de faire « Kid ». Il fallait que je fasse quelque chose de simple. Je dis souvent que mettre beaucoup de choses, beaucoup de décors, ne sert à rien pour raconter une histoire. Avec peu de choses, tu peux faire un truc qui parle.

…et pour Lonely Band.

Les clips, je les fais vraiment si j’ai un coup de coeur. Je ne fais pas des clips pour faire des clips, mais parce que j’aime l’artiste et que j’aime son travail. Lonely Band est un très bon ami à moi, que je respecte dans son travail. Sa musique me parle et m’a toujours parlée. Ça fait partie des meilleurs albums que j’ai entendus! Il a un truc d’écorché vif et une sensibilité fabuleuse. On est partis à New-York avec ma caméra Super 8, on s’est baladé des heures et des heures dans les rues et on a appris à se connaître comme ça. Je voulais capter cet homme et son côté un peu double: à la fois réservé et un peu fou. C’est ce que j’ai essayé de montrer dans « Watchout ».

En dehors de ceux avec qui tu as travaillé, quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Il y en a plein. Pour la réalisation, je pense à Spike Jonze et à Spike Lee. En photographie, je dirais Raymond Depardon, Harry Gruyaert et Nan Goldin aussi, c’est une femme que j’adore… Et puis les grands classiques comme Helmut Newton, Guy Bourdin ou Jamel Shabazz qui a réalisé la magnifique série « Back in the Days » à New-York.

Tu as toi-même réalisé plusieurs séries de photos outre-Atlantique.

J’ai fait Détroit, Chicago, Los Angeles et New-York. Je pense que ces séries se prolongeront. Pour le moment c’est en stand-by. Après, il y aura une évolution mais je ne pense pas qu’il n’y aura de déséquilibre, je pense juste qu’il y aura deux époques et deux styles.

D’où vient ton intérêt pour les États-Unis ?

De quand j’étais jeune, j’ai toujours adoré les films américains. Les States, c’est un truc qui a bercé ma jeunesse: je viens du hip-hop à fond, j’ai écouté tous les artistes classiques de l’époque, je peux pas t’en citer parce que ce serait trop long ! (rires) Disons, les classic shit qu’on connaît tous. Le Wu-Tang Clan, Talib Kweli, Mos Def… Ils ont été vraiment présents pour moi et je pense que c’est dans les clips que j’ai découvert les États-Unis. Je n’ai pas beaucoup voyagé quand j’étais jeune, j’ai pu me le permettre seulement un peu plus tard et je pense que, du coup, j’avais envie d’aller voir ce qui se passait là-bas et de donner ma propre vision.

Tu n’as pas eu de désillusion ?

C’était bien ce que j’imaginais mais il fallait que je m’en rende compte par moi-même. Je réalise en parlant que c’est comme pour le reste : ce qui importe c’est ce que je ressens sur place, l’émotion que je capture sur le moment présent. Et comment j’ai envie de voir la ville… Je pense que j’ai shooté des choses que j’avais envie de voir. Elles étaient bien réelles puisqu’elles étaient là, devant moi, mais j’avais envie de raconter ma propre histoire. On arrive encore au même truc. La boucle est bouclée.

 

Il y a un peu plus de trois ans, A$AP Yams nous quittait. L’un des fondateurs du A$AP Mob laisse avec lui un mystère réel sur son impact, à la fois sur son meilleur ami et star de son crew, A$AP Rocky, mais aussi sur le paysage rap. Qui était-il vraiment ?

Illustrations : @bilelal

Visionnaire, stratège, Steven Rodriguez est l’un des bâtisseurs du A$AP Mob et un influenceur majeur du rap tel qu’on le connaît aujourd’hui. Celui que l’on nomme A$AP Yams a façonné A$AP Rocky à l’image qu’il souhaitait pour lui, de « Purple Swag » à « L$D ». L’industrie hip-hop, qui le portait en estime, a poussé un cri de chagrin à l’annonce de sa mort le 18 janvier 2015, à l’âge 26 ans. Un an de plus que Tupac, un an de moins que Basquiat, Amy, et Hendrix. Comme eux, son héritage intemporel irrigue le rap et la pop culture. Comme Kurt Cobain ou John Bonham, sa mort prématurée résulte d’une vie menée à contre-courant. Comme Bon Scott, premier chanteur d’AC/DC, il est mort asphyxié dans son sommeil par l’abus de substances psychotropes et, comme lui, son groupe se consolidera après sa mort. Alors qui était-il ? Qu’a-t-il apporté à la street-culture et à A$AP Rocky ? Mais surtout, comment le Mob a-t-il réussi à survivre, et prospérer, après la mort de son fondateur ?

« Comment un inconnu d’une vingtaine d’année parvient à faire d’un autre inconnu de 20 ans et quelques, une star ? Steven Rodriguez, plus connu sous le nom d’A$AP Yams, a dû s’être posé la question lorsqu’il a fait de son ami A$AP Rocky l’un des rappeurs les plus géniaux de sa génération. » – Amos Barshad pour le NY Times.

« Là pour vendre la pure, nique les puristes/Prend une ligne, étudie »

Tout commence dans la tête pleine d’idées d’un gamin aux poches vides. Steven Rodriguez, jeune latino d’Harlem, est un roublard geek obsédé de hip-hop. Stagiaire chez Diplomats Records à 16 piges, il passe ses journées à chercher des perles de rap. Il fouine d’abord dans des magazines, avant de découvrir les joies de l’Internet. Décrit par son supérieur chez Dip’ Records comme un comploteur qui a « toujours un plan derrière la tête », il ambitionne de créer quelque chose qui le dépassera et lui survivra. À 17 ans, il se tatoue A.S.A.P (pour « Always Strive And Prosper ») sur le bras droit et fonde le crew éponyme avec A$AP Bari & Illz. En 2008, Steven tombe sur celui qui va l’aider à mettre son plan à exécution a.s.a.p. Un renoi d’Harlem, aux cheveux longs, lissés, attachés en queue de cheval. Une gueule d’ange, un sourire ravageur, un look à la Andre 3000 d’Outkast. Ce jeunot fait aussi de la musique, un mix entre « les mélodies d’un Cudder et le style rap de Mase » d’après Yams lui-même. Rakim Mayers, dit « Rocky », s’investit sérieusement dans le rap depuis son séjour en prison et cherche quelqu’un capable de le mener au sommet. Rodriguez cherchait quelqu’un à guider. Luke Skywalker eut Maitre Yoda, Daniel LaRusso eut Maître Miyagi, Rocky vaincra grâce à Yams.

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Au charbon, les deux étudient littéralement le hip hop. Leur routine : se gaver de rap, tester différents schémas de rimes et de mélodies jusqu’à parvenir à un alliage forgé sur mesure pour Rocky. Et pendant que son protégé perfectionne sa plume, Yamborghini lance un tumblr : RealNiggaTumblr en avril 2010. À coups de titres rap, de scans de ses magazines hip-hop et d’un humour décapant, il devient IN : un INfluenceur INcontournable d’INternet. Son plan : bâtir une plateforme sur-mesure pour le A$AP Mob. En avril 2011, c’est l’heure du baptême du feu de Rocky. Rodriguez poste « Purple Swag » sur son tumblr. Il ne révèle pas leur amitié mais le track est validé par son auditorat avec « mention bsahtek félicitations ». Vient ensuite “Peso” et la mixtape Live.Love.A$AP. La suite, on la connait : la signature en major de Rocky et du Mob, la création d’A$AP Worldwide, le disque de platine pour Long.Live.A$AP… Pour Yams, c’est la consécration de sa vision musicale où les schémas de rimes virevoltants de New York font du pied à la trap d’Atlanta. Sa vision artistique aussi, puisqu’il a influencé le style de Rocky, l’incitant à tresser ses cheveux, à porter des grillz dans les premiers clips, à tourner des visuels sombres ou à utiliser une voix déformée.

« On voulait percer, mais on ne voulait pas le faire en pompant la vague de quelqu’un d’autre. On voulait entrer dans le jeu avec notre propre vague. » – Steven « A$AP Yams » Rodriguez

« Mon meilleur shab est mort, j’suis blasé de la life »

Malheureusement, les génies comme Steven Rodriguez s’autodétruisent souvent. Déjà adolescent, il multiplie les conneries, dort au Highbridge Park lorsque sa mère le chasse de chez elle, quitte le lycée à trois reprises, vole dans la caisse du Starbucks Coffee dans lequel il bosse. Et la drogue ne facilite rien. Xanax, codéine et un paquet d’autres trucs colorent sa vie, mais auront sa peau – tatouée, au passage de deux tablettes de Xanax. Leur influence est palpable dans tout ce qu’il touche. De la première tape du crew, Lord$ Never Worry au sous-groupe de DJs qu’il fonde : les BlackOut Boyz. Sans oublier le surnom « Gregg Popapill » qu’il se donne. Surtout, il y a ce jour de Coachella où, sous Xanax et codéine, il avait déjà manqué de perdre la vie. Convaincu par son entourage de la tournure inquiétante de sa vie, il fait un séjour en désintox’ en juillet 2014. Mais, « Gregg » cède à ses démons fin 2014. Sa paranoïa grandissante et sa perte de contrôle progressive sur son gang en sont la cause. Il craignait que les forces de l’industrie musicale ne parviennent à l’éloigner définitivement de son ami Rocky. « Ce qu’ils ont fait à Jay et Dame, ils essayent déjà de nous le faire car ils savent ce dont je suis capable et ce dont Rocky est capable », s’inquiétait-il déjà à l’époque. Sa mère l’expliquera plus tard : « Mon fils subissait une pression énorme essayant de préserver l’unité du A$AP Mob tout en réussissant à produire des hits. Dans le même temps, il avait l’impression d’être mis à l’écart d’un groupe de jeunes créatifs qu’il avait mis tellement de temps et d’énergie à garder ensemble. »

« Je viens juste de perdre mon frère. Nique toute cette musique de merde. Lorsqu’il s’agit de ça, est-ce que j’échangerai cette musique pour Yams ? Oui, parce qu’en réalité, Yams est le seul qui ait réellement traversé toute cette merde avec moi et qui sait ce que je ressens. » – A$AP Rocky pleurant son ami, à MTV News

Pourtant, son empreinte sur ses comparses était profonde. Tellement que ses amis n’ont eu de cesse de réitérer leur amour pour lui et leur allégeance au groupe. Leurs clips ne manquent pas d’apparitions de leur éminence grise. Même les noms choisis pour les projets sont généralement étudiés pour représenter leur gang. À ce titre, difficile de passer à côté de « Yamborghini High » du Mob ou « Yammy Gang » issue de l’hommage d’A$AP Ferg à Yambo’ : Always Strive And Prosper. Cet album, sorti en avril 2016 s’est hissé à la deuxième place des tops R&B/Hip-hop albums et Rap albums, et est actuellement le projet le plus solide de Ferg, tant dans ses choix instrumentaux que ses flow, l’identité musicale qu’il y développe. Comme quoi l’influence même indirecte de Yammy a généralement du bon. Mais la paranoïa, l’addiction et la tendance à l’apnée du sommeil de Steven Rodriguez auront raison de lui quand en ce mois de janvier 2015, il s’étouffe dans son vomi. Paradoxalement, c’est aussi sa mort qui réunifie son groupe et pousse ses membres à s’investir encore plus. Ultime hommage à leur leader, le Mob débute la série des Cozy Tapes en octobre 2016, cozy étant un terme popularisé par Yamborghini.

« Nous sommes tous, chez RCA Records, choqués et peinés d’apprendre la mort d’A$AP Yams. En tant que membre des forces créatives derrière A$AP Worldwide, la vision de Yams, son humour, son dévouement pour les membres d’A$AP Mob, seront toujours dans nos mémoires. » – RCA Records, sur la mort de Steven « A$AP Yams » Rodriguez

Learn from the Boss, then act like a Boss

Yams et sa vision décloisonnée du rap ont renouvelé un hip-hop new-yorkais obnubilé par lui-même. Poussant cette ouverture musicale à l’extrême, Flacko invite Danger Mouse (Gnarls Barkley) aux côtés de Juicy J (Three Six Mafia) et Steven de son vivant, à produire son deuxième album. En résulte un disque aux influences gospel (« Holy Ghost »), trap (« M’s »), dirty south (« Wavy Bone »), électro-soul (« Everyday »), rock psychédélique (« L$D »). Un album définitivement futuriste, salué par la critique. Mais après la perte de sa muse, et la sortie d’A.L.L.A, Rakim a dû se réinventer, chercher de l’inspiration chez d’autres artistes et amener une nouvelle « vague ». Dans sa quête, le Harlémite en profite pour relancer le projet de « mentorat » de Yams. Après Rakim, Rodriguez avait senti le succès d’artistes comme Flatbush Zombies, Vince Staples ou Heir Dash. Il a donc créé Yamborghini Records pour se concentrer sur chacun, et développer leur identité artistique. Une démarche inspirée d’Irv Gotti, célèbre producteur tantôt de Jay-Z, Ja Rule ou DMX. Trois artistes très différents, mais semblables par leur succès commercial.

En bon élève, Flacko s’essaye, lui aussi, au mentoring. Avant même de percer, du vivant de Yams donc, il prend sous son aile un jeune biker-artiste de Harlem, le fait entrer chez A$AP et lui apprend les ficelles du game à mesure qu’il prend de l’ampleur. Un certain Darold Ferguson Jr. qui, à l’époque, oscille entre la peinture et la mode. Il n’est pas intéressé par une carrière de rappeur mais suit les traces de son père, propriétaire d’une boutique d’imprimerie. Ferguson Jr. apprend ainsi à peindre ses t-shirts et à les vendre à ses camarades de classe, perfectionnant les techniques de son daron. Vient ensuite Rakim qui le presse pour qu’il envisage une carrière de rappeur alors qu’il considère plutôt lancer sa propre ligne de vêtements, comme il l’expliquait à Vice en 2016. Franchement réticent au début, Fergenstein finit par se laisser convaincre, se lance dans les deux, et développe son propre truc. Musicalement, un mélange de trap/drill façon A.T.L & Chicago où instrumentales puissantes résonnent avec une voix forte et une diction abrasive. Artistiquement, c’est tout autre chose. Sous la houlette de Rocky, Ferg dessine, peint, design, crée et se façonne une identité hip-hop arty iconoclaste, audacieuse et décomplexée, influencée par Dali, Basquiat, Rocky… et son père.

« Ferg, c’est mon petit frère. Je suis fier de lui car il a fait attention et a écouté tout ce que je lui ai enseigné. Il s’est contenté d’apprendre pendant des années. Et maintenant son heure est arrivée. C’est à lui de donner des leçons. » – A$AP Rocky pour Noisey dans SUDDXNLY (part 3/5) en 2014.

Passé de rappeur débutant au fort potentiel, à l’artiste complet et établi que l’on connaît aujourd’hui, le Hood Pope sait ce qu’il doit à Flacko (qu’il considère comme son grand frère), de la même manière que Flacko sait ce qu’il doit à Yambo’. En 2014, Rocky promettait déjà à Noisey que son premier protégé deviendrait « huge ». Maintenant que cette prophétie s’est réalisée, qu’en est-il des autres : Ian Connor, Playboi Carti, Joe Fox, Smooky Margiela ? Comme pour Ferg, il leur a donné les ressources et la visibilité dont il disposait pour se développer. Et bien qu’il aura probablement du mal à reproduire le succès de ce dernier… Eux l’aident à s’ouvrir à de nouveaux terrains artistiques et à retrouver un peu de cette énergie que communiquait Yams. Pour l’émuler, Rakim ne s’arrête d’ailleurs pas là et s’efforce d’aller toujours plus loin.

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The Guardian explique que Rodriguez tenait des shows radios, alimentait ses fans avec du contenu sur les médias sociaux. Ce que se mettra également à faire Rocky. En mai 2015, il relance son compte Instagram avec des posts qui individuellement n’ont pas de sens. Du blanc, du rose, des images mal cadrées. Cette hérésie lui coûte dans un premier temps 100 000 abonnés. 100 000 abonnés qui ont manqué de perspective. Il s’agissait d’un collage géant visible depuis le compte de Rocky. Ce collage est l’œuvre avant-gardiste de Robert Gallardo (directeur artistique) et Tan Camera (photographe et designer). Il servira à introduire A.W.G.E (A$AP Worldwide Global Enterprise) au monde. Dès lors, AWGE, collectif de « créateurs » et dernier réceptacle de la mémoire de Yambo’, passe à l’offensive. Il tape dans l’audio-visuel avec un premier court-métrage publié en 2016 : « Money Man », sorte de suite de La Haine. Il s’attaque ensuite au rap – naturellement – avec le SoundCloud AWGE SHIT, avant de s’infiltrer dans la sape, via le site web AWGE.design et son AWGE Bodega, ouverte pour une semaine à Londres, où se vendaient du textile mais aussi des donuts, des DVDs, des coussins, des cahiers estampillés AWGE. Yams n’aurait pu rêver plus bel hommage.

Quand l’élève dépasse le maître

« L’idée, c’est moi qui reprend ce qu’il a laissé derrière lui, toutes ses responsabilités, tous ses fardeaux etc., je dois garder tout ça et c’est le message qui m’a été légué. Yams était puissant à ce point. » – A$AP Rocky, expliquant à HotNewsHipHop la cover d’At.Long.Last.A$AP

Oui, Steven Rodriguez est à l’origine du succès du A$AP Mob. Toutefois, il n’en est pas la seule raison. Si Rocky, sa plus grande réussite, est celui qui a su reprendre le flambeau : c’est qu’il a été son meilleur élève. Rakim Mayers s’est nourri de ce qui faisait la force de Steven Rodriguez, tout en évacuant ses faiblesses. Il manquait à Yams la stature et la clarté d’esprit pour incarner durablement le mouvement qu’il avait créé. De retour après un ressourcement créatif d’un an, Rocky assume définitivement son rôle de leader du Mob. En août 2017, il lance la campagne promotionnelle « AWGEST », ponctuée par la sortie de trois projets : 12 de Twelvyy, Still Striving de Ferg, et le second volume des Cozy Tapes du crew au complet. À ses trois efforts s’ajoutent trois visuels étincelants : « RAF », « Magnolia », « Wrong ». Quand Pretty Flacko s’affiche vêtu de tee-shirts AWGE, ils sont sold-out la seconde d’après sur AWGESTSHIT.com. Bref, Rocky a montré qu’il avait tout ce que son ami n’avait pas : les moyens de penser grand tout en gardant une éthique de travail précise et organisée.

Et ce que son ami avait : curiosité et ouverture d’esprit, sens du timing et de la diplomatie, il l’avait aussi. Car il a su profiter d’une conjoncture défavorable pour rebondir. En 2015, Yams nous quitte, le crew californien Odd Future – Odd Future Wolfgang Kill Them All – implose. Pourtant une tournée promotionnelle pour les albums A.L.L.A de Rocky et Cherry Bomb de Tyler the Creator, leader dudit crew, voit le jour. Cette manœuvre, à l’initiative de Rakim, est un succès critique, artistique et commercial. Mais pas seulement ; elle est également à l’origine de l’une des bromances les plus prometteuses, stimulantes, et efficaces du rap contemporain. WANG$AP, c’est des tueries comme “What The Fuck Right Now”, “Telephone Calls”, “Who Dat Boy ?” où Tyler comme Rakim profitent de l’émulation issue de leurs deux styles opposés et de leur esprit de compétition pour produire ce qu’ils font de mieux. La synergie est totale et naît de l’alliance de leurs différents styles. Pas étonnant que l’on retrouve Frank Ocean sur Testing, le troisième opus de Rocky, ou encore que ce dernier affirme que Tyler a été l’un de ses meilleurs conseillers durant la (longue) période de confection de l’album.

« Il semble que la petre de Yams a rendu le groupe plus fort, plus proche, plus concentré sur leur musique. » – Angel Diaz, Frazier Tharpe concluant une interview avec A$AP Mob pour Complex News

Lord Flacko a su combler, de manière naturelle mais réfléchie, le vide laissé par Yams au sein du Mob et d’A$AP Worldwide. Mais la trace de Steven Rodriguez est indélébile et là est sa puissance. Sans jamais faire de la musique, il a su influencer jusqu’à la racine des artistes qui ont influencé, à leur tour, toute une industrie en perte de souffle. Sa marque n’est pas simple à retracer, elle se nourrit de zones d’ombres, d’excès et d’erreurs, mais aussi d’une vision brillante qu’il a su transmettre à ses amis avant de disparaître. Si A$AP Mob a pu lui survivre, c’est bien parce que sa mort physique n’a jamais signifié sa mort spirituelle et artistique. Yams survit au sein de chacun des membres du groupe qu’il a fondé grâce à un mot d’ordre simple mais efficace : Always Strive And Prosper.

Le réalisateur Valentin Petit dévoile son deuxième court-métrage, un espace d’expérimentation et d’exploration du lien entre la musique et la lumière. Rencontre avec celui qui vous a donné quelques clips de Nemir, Deen Burbigo, Joke et Nekfeu.

Comme son nom le laisse entendre Le bruit de la lumière aborde le thème de la synesthésie. Cette maladie, créé chez celui qu’elle atteint, une connexion improbable entre deux sens, la plus courante se faisant entre l’ouïe et la vue, avec différents déclencheurs. Ici la lumière se transforme en son, dans un processus douloureux pour Lou (Alice David). Elle découvre son « don » aux côtés de son copain Marius, (Patrick Biyik) et de son binôme dans la musique, Pablo (Jonathan Illel), alors qu’ils sont tous les trois réunis et reclus pour produire du son.

« En gros le bruit et la lumière est né d’un projet avec la structure Ocurens où je suis réalisateur et producteur. Germain Robin est mon associé dans cette structure. Mais l’initiative est la mienne, c’est un projet perso. Je voulais vraiment lier mes deux passions pour l’image et la musique. J’ai eu l’idée en lisant Je Suis Né Un Jour Bleu écrit par Daniel Tammet. C’est l’autobiographie d’un français, il est autiste, mais il a des capacités intellectuelles incroyables. Il arrive à interpréter les chiffres comme une couleur et une forme. Cette maladie s’appelle la synesthésie. Je suis partie de là pour broder une histoire. »

Tout au long du film, les scènes sont habillées de lumières tamisées et colorées qui contrastent avec l’obscurité des décors. Ici les niveaux de décibels s’accordent avec les couleurs et leurs degrés Celsius. Des éléments porteurs de sens. A travers cette histoire, le réalisateur aborde aussi la question du sacrifice de l’artiste à son art ou encore de l’usage de la femme comme instrument.

« Je ne pointe pas ces thèmes directement, mais ce sont des trucs que je recrache parce que je les vis tous les jours. Je ne me porte pas en défenseur de ces thèmes. J’y suis sensible et ça s’arrête-là. »

Point culminant de ce court-métrage, une chute d’étoiles filantes, filmée dans un lieu insolite et difficile d’accès : le pôle des Étoiles de Nancay et sa station de radioastronomie.

« Le repérage était très compliqué. J’avais repéré quelques lieux, dont la station spatiale de Nantes. Une espèce de lieu incroyable qui est géré par le CNRS, c’était une tannée je ne vais pas te mentir. Parce que sur le tournage, tous le matériel dégage des ondes radios et le lieu était très sensible, donc on a tourné avec des cages de faraday [enceinte utilisée pour protéger des nuisances électriques et subsidiairement électromagnétiques, ndlr] Et du coup on a galéré : pas de téléphone sur un terrain de centaines d’hectares,  pas de talkie-walkie, pas de drone pour les plans aériens. On était très emmerdé. »

Sur les 23 minutes de film, le réalisateurs s’amuse loin des contraintes du film publicitaire ou des exigences d’un autre artiste et tente de produire un objet à l’image de sa propre vision.

« J’essaie de faire quelque chose de singulier pour que ça reste dans le temps. Mon premier vrai court, il y a trois-quatre ans, « Anthophobia », tu le regardes encore aujourd’hui, il y a encore des articles dessus, ça tourne encore. C’est ce côté intemporel que je recherche en fait. Être trop dans la hype, c’est cool sur le moment, mais ça ne vie pas dans le temps. »

 

Révolution en vue ? Le dernier move très osé de Spotify, qui a suscité l’étonnement tout en accentuant les réflexions sur la possibilité d’un avenir différent pour l’industrie du disque et pour les artistes, pose de vraies questions sur le rôle futur des maisons de disque. Analyse.

L’info a fait le tour des médias spécialisés dans le business de la musique, trois semaines en arrière. Voilà que Spotify a décidé, ces derniers mois, de proposer en catimini un deal de filou à des artistes américains indépendants et à leurs managers. Un deal visant à distribuer leur musique sur sa plateforme, via des accords directs se passant de tout intermédiaire. En somme, plus besoin de maison de disque, ni de distributeur : votre album est disponible sur Spotify, pour des revenus bien plus gros que ce que peuvent vous offrir même les meilleurs accords avec des maisons de disque ou des distributeurs (qu’ils soient indépendants ou affiliés à une major). L’idée est simple : imaginez un artiste distribué par une maison de disques. En moyenne, la major perçoit 54% des revenus générés par un morceau en streaming. Elle-même reversant 20 à 50% de son revenu aux artistes. Ce qui revient à, à peine, 30% du total pour ceux qui ont négocié les contrats les plus avantageux. Ici, Spotify propose aux indés de recevoir directement 50% des revenus générés. Soit moins que ce qu’elle reverse aux majors, et bien plus que ce que les artistes perçoivent en temps normal. Tout le monde sourit, les maisons de disque font les yeux noirs.

D’autant que Spotify n’est pas très possessif dans ce nouveau couple qui se forme. Elle n’empêche pas les indés de négocier avec les autres plateformes de streaming, leur permet de garder leurs masters et ne prélève aucune part de leurs revenus (à la différence d’un distributeur classique, même hors du schéma des maisons de disque). Un hic existe toutefois. Une clause dans les accords de licence de Spotify avec les grandes multinationales du disque, stipulant que Spotify ne doit pas concurrencer celles-ci dans leurs activités principales. Une clause que ne semble néanmoins pas couvrir ces accords encore mineurs d’après Billboard, mais qui pourrait se révéler problématique en cas de deal de ce genre avec une star de la musique.

Avancées technologiques et réinvention des modèles

Cette volonté de Spotify met en lumière la capacité qu’ont les évolutions technologiques à provoquer des changements majeurs dans l’industrie musicale. L’arrivée massive du piratage n’était pas simplement un fait ayant changé la donne à un temps X, comme l’invention du vinyle ou de la musique assistée par ordinateur à d’autres époques. Non, le pirate c’était surtout le premier grand bouleversement généré par un outil qui a débridé le moteur du progrès technologique: Internet. Désormais, chaque année voit ces nouvelles innovations qui changent la manière dont on fabrique, distribue ou consomme la musique. Ce qui, comme toute évolution, bouleverse les usages et peut amener à la remise en cause de schémas anciens, que l’on pensait inscrits dans le marbre.

L’invention du streaming, mais surtout sa démocratisation à vitesse grand V depuis 2013, est la grande évolution technologique qui aura marqué les années 2010. Et cette tentative de doublage des majors par le leader mondial du streaming est un bel exemple de bouleversement du type de ceux évoqués dans le paragraphe précédent. Puisque derrière cette stratégie se dessinent des perspectives pour le futur.

Au premier degré de lecture, deux informations intéressantes se dégagent. D’une, ces deals conclus par Spotify pourraient s’étendre hors des Etats-Unis et atteindre le marché européen. Ce qui serait ici aussi un petit coup de pied dans la fourmilière. Imaginez par exemple un artiste indépendant, qui n’aurait cédé aux majors que le droit de distribuer son disque. Ce qui est une situation très courante chez les indés, bien que le rap francophone ait l’originalité d’avoir ses propres distributeurs indépendants fétiches (Musicast et Believe en tête). Cela leur permettrait d’être les seuls à recevoir l’intégralité de la somme redistribuée par la plateforme, sans aucun intermédiaire. La situation n’existe tout simplement pas aujourd’hui, à l’exception (quantitativement importante mais financièrement très minoritaire) des « petits artistes », ceux qui n’ont pas encore assez de buzz pour intéresser un distributeur extérieur. Dans l’industrie, ce serait une petite révolution sur le papier, quand bien même elle se cantonnerait à Spotify. Une petite révolution car l’émergence d’un modèle totalement nouveau. C’est un peu comme si la Fnac était directement venue proposer des deals à l’équipe de Lunatic quand Mauvais Œil est sorti, pour comparer dans les grandes lignes.

L’heure des stratégies préventives

Une petite prise de recul permet encore plus de comprendre en quoi cette nouvelle est pleine d’intérêt. Parce qu’elle offre une vision sur l’avenir qui se dessine. Depuis cinq ans, la progression de Spotify et de ses concurrents est prodigieuse. Entre 2013 et 2017, le chiffre d’affaires annuel du marché de l’écoute en streaming a plus que quadruplé (de 1,4 à 6,6 milliards de dollars). Dans la guerre que se livrent les géants du secteur, Spotify a pris la tête à l’échelle mondiale. Sa récente entrée en bourse fut un succès, et la plateforme compte 70 millions d’utilisateurs… Là où le second (Apple Music) en affiche presque moitié moins (38 millions). En somme, malgré quelques alertes (notamment aux USA), elle est incontestablement en train de devenir la plateforme de streaming majeure de demain à l’échelle mondiale. Une position d’autant plus intéressante que le marché du streaming a, en 2017, dépassé celui du disque physique.

Or, les maisons de disque qui ne cessent de se féliciter – comme tout l’industrie – de la manne financière nouvelle (et presque inespérée) que représente le streaming, commencent à réaliser que ses acteurs pourraient potentiellement être en train de prendre trop d’importance par rapport à elles. Rappelons-le, les maisons de disque ne restent grossièrement que d’imposants intermédiaires entre l’artiste et le public. Beaucoup d’artistes seraient incapables de se développer sans elles, mais elles ne sont pas indispensables par nature. Or, si Spotify (qui est le maillon de la chaine le plus proche du public) se met à aller directement parler à des artistes, c’est que la société suédoise pense pouvoir être désormais assez imposante sur le marché de la distribution pour taquiner les majors. Pour tenter de les déborder sans s’en empêcher par crainte du retour de flamme. Puisque la perspective que des artistes n’aient plus besoin des majors pour être distribués, et que Spotify leur offre des conditions financières encore plus avantageuses du fait de cette suppression d’intermédiaire, peut être une vraie source d’inquiétude pour les géants du disque. Spotify n’aurait pas tenté ce pari sans être sûre de son coup, prouvant par les actes sa progressive prise de pouvoir. En outre, or une proposition de retributions financières sans-égale, Spotify a de quoi mettre en avant un artiste comme aucune autre plateforme ne peut le faire, dixit l’incroyable mascarade orchestrée par la plateforme au moment de la sortie de Scorpion de Drake : toutes les playlists mettaient à l’honneur le Canadien. Toutes. Et même si aucun accord financier entre l’artiste et Spotify n’a été officiellement dévoilé, le résultat d’une telle exposition est immédiate : 749 338 ventes pour Scorpion en première semaine, et des utilisateurs de la plateforme de streaming qui exigent d’être remboursés par cette dernière pour avoir été matraqués de la sorte.

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Avec ce genre de deal; l’intérêt des maisons de disque est alors double. Premièrement, que le marché s’équilibre. En effet, moins une plateforme se montrera dominante sur le marché du streaming musical, moins les artistes auront l’envie d’aller négocier directement des deals avec elle. Ce qu’elles font déjà en soutenant avec zèle le déploiement progressif dans le monde de YouTube Music, qui a débuté lundi dernier… Le second intérêt rejoignant le premier : il va s’agir pour les majors de faire comprendre aux autres plateformes, moins populaires, qu’elles ne peuvent se permettre de tenter la même expérience. Ainsi, imaginons que Spotify réussit à gagner un éventuel bras de fer avec les majors, en les obligeant à continuer de travailler avec elle, tout en lui permettant de traiter directement avec les indés. Par exemple en renégociant leurs accords afin de faire disparaître la clause interdisant la plateforme de les concurrencer. Apple Music, Deezer ou Tidal n’oseront pas pour autant suivre ce modèle de direct deals. Alors, il sera plus préférable pour l’artiste de confier sa distribution à un acteur classique, plutôt que de négocier un deal qui concernerait Spotify plus un deal de distribution classique.

Spotify, l’allié objectif des artistes ?

D’ailleurs, le direct deal n’est pas un modèle nouveau. Mais si on le connaissait déjà, c’était sous une forme légèrement différente : le direct deal exclusif. L’évoquer ici est important pour prendre encore un peu de recul. Ce modèle du direct deal exclusif est peu courant, du fait du risque qu’il représente pour un artiste ou son label (qu’il soit ou non indépendant). Il est un pari qui peut porter ses fruits, mais seulement dans des cas bien précis. Ainsi, l’exclusivité de deux semaines accordée à Apple par Chance the Rapper au moment de la sortie de son Coloring Book n’a pas empêché l’album de cartonner et le Chicagoan de changer de dimension. Un accord que Chance a ainsi commenté : « I think artists can gain a lot from the streaming wars as long as they remain in control of their own product. » (“Je pense que les artistes ont beaucoup à y gagner dans cette guerre entre les plateformes de streaming, tant qu’ils gardent le contrôle sur leur propre produit.”) D’autant que les 500.000 dollars empochés en échange de l’exclusivité représentent une somme considérable. C’est tout l’avantage de ces exclusivités d’une ou deux semaine(s), assez courtes pour ne pas laisser s’essouffler l’attente pourrait-un penser. Mais l’album était à la fois attendu et brillant, tout simplement. Un album de moins bonne qualité et/ou suscitant moins d’attente aurait à l’inverse pu totalement en pâtir et être déjà rangé dans les dossiers classés au moment de sa mise en ligne sur les autres plateformes.

À l’extrême, un deal de ce genre portant sur une longue durée remonte d’un cran le curseur de difficulté. Alors, seuls peuvent se le permettre de très rares stars planétaires. Puisque s’ils y subissent forcément des pertes, certains ont une telle importance aux yeux des auditeurs de musique du monde entier que se restreindre à certaines plateformes ne les empêche pas d’obtenir de très gros scores. On pense évidemment à Beyonce et son Lemonade, en tête du top album mondial sur l’année 2016, malgré une disponibilité en streaming limitée à Tidal.

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Pour des artistes au public moins fidèle que le Chance post-Acid Rap ou la Beyoncé Reine-Soleil, cette alternative à la distribution n’était pas envisageable donc. Mais à l’opposé de ces précédents nécessitant une mûre réflexion et des certitudes sur la qualité de la musique que l’on offre et/ou sur son public, le modèle nouveau proposé par Spotify n’entraîne aucun risque de perte d’auditeurs. Si bien que, peut-être, avons-nous écouté des artistes indés ayant passé ce genre de deal avec Spotify ces derniers mois. Sans en être aucunement au courant. Il n’y aurait alors qu’à y gagner pour les artistes indépendants de voir ce genre de contrats se développer.

Vraie main tendue ?

La prise de poids de Spotify, économiquement comme dans son rapport de forces avec les majors, serait alors une bénédiction pour les artistes ? Il leur faudrait souhaiter une victoire de Spotify dans un possible bras de fer avec les maisons de disque ? Afin qu’ainsi, même ceux en major puissent retrouver l’indépendance et gagner plein d’oseille ?

En fait, la réalité n’est pas si simple. Puisque plus un acteur est puissant, plus il peut imposer des conditions financières à son avantage face à des partenaires économiques dépendant de lui. On le voit par exemple avec la ridicule rémunération des artistes par YouTube, qui l’est principalement pour des raisons juridiques. Mais le service est tellement central, utilisé par tant de consommateurs, que se passer de YouTube équivaut aujourd’hui pour un artiste à se tirer une balle de fusil à pompes dans le pied. Alors, on se fait bananer, mais on y va quoiqu’il arrive. Dès lors, si cette nouveauté apportée par Spotify est une bonne nouvelle pour les artistes, sa démocratisation (qui passera forcément par un gain de poids de Spotify sur son marché) pourrait se retourner contre eux, si l’on suit la logique jusqu’au bout.

Toujours est-il que les actionnaires de Spotify ont beaucoup aimé la prise d’initiative, la révélation de l’existence de ces deals ayant fait grimper immédiatement le cours de l’action de la société en bourse. Ce qui n’est pas de nature à inciter sa direction à la prudence. Mais les majors auraient prévu une réponse cinglante pour vite calmer les ardeurs de Spotify. Elles qui envisagent de contre-attaquer en n’accordant pas de licences à Spotify sur leur catalogue, au sein des prochains pays dans lesquels compte se développer la firme suédoise. C’est-à-dire l’Inde cet été, puis la Russie ou la Corée du Sud entre autres par la suite. Rien que ça. Les prochains mois s’annoncent amusants.

En somme, régulièrement, de nouvelles perspectives pour l’avenir s’ouvrent à l’industrie, de nouveaux possibles modèles futurs apparaissent. Le lancement de YouTube Music et l’arrivée des enceintes connectées étant les autres informations majeures du moment, dont vous allez beaucoup entendre parler durant les mois à venir. L’industrie musicale est en totale mutation, effritant la domination des maisons de disque, à l’heure où le rap est plus haut que jamais. Et si personne ne peut avoir l’audace de prévoir de quoi l’avenir sera fait, il est évident que le music business ne sortira pas inchangé des années à venir.

La Fashion Week de Paris vient de donner son verdict en ce qui concerne les tendances de l’année et en 2018, le monde de la mode fait briller le transparent, l’utilitaire et le Tie & Dye. 

La Fashion Week parisienne a atteint un niveau d’effervescence rare cette année. La cause ? Virgil Abloh et Kim Jones. Deux hommes qui ont contribué à faire entrer le streetwear dans le luxe : le premier notamment grâce à l’influence d’Off White et le deuxième, via une collaboration historique entre Louis Vuitton et Supreme. Kanye West, Rihanna, Travis Scott, Kid Cudi, A$AP Rocky, Swae Lee, Playboi Carti, Nas… En bref, une pléthore de stars américaines ont débarqué dans la capitale, symbole de l’impact du streetwear aujourd’hui. Maintenant que la frénésie s’est calmée et qu’on a fait une sélection des cinq défilés marquants de la Fashion Week homme, on peut enfin se poser et faire un point sur ce que seront les tendances cette année.

Le transparent

transparent fashion 2018 a cold wall juun j etude studio

Si l’on en voit depuis 2015 sur les talons en pvc de Kanye West, le pantalon en plastique de Loewe ou encore le porte-document de Shayne Oliver, le transparent s’est répandu au point d’être l’un des éléments les plus communs cette saison. Les vestes transparentes vues aux défilés Acne Studio et Sankuanz restent simples, lorsque A-Cold-Wall ajoute aux siennes des éléments techniques comme des zips, des sangles et des boucles. Dries Van Noten sort également du lot avec des manteaux transparents sur lesquels ont retrouve les motifs colorés et psychédéliques qui font la ligne directrice de sa collection. Enfin, Juun. J combine le transparent au layering, faisant passer ses manteaux en pvc en dessous et au dessus de costumes à carreaux colorés.

Sac Chanel vu à la FW de Londres / Sac Nana Nana vu à la FW de Paris

Côté accessoires, Louis Vuitton fait la course en tête avec ses sacs transparents rouge, bleu, vert et même iridescent, estampés du logo “LV”. En dehors des défilés, les accessoires « see through » inondent déjà les rues avec les sacs Comme des Garçons, Chanel ou encore la petite marque Nana-Nana et ses sacs dont les tailles s’inspirent des formats papiers (A3, A4, A5 etc.). Même les sneakers n’y échappent pas, avec notamment la Nike React Element 87, bien partie pour être la silhouette de l’année.

L’utilitaire

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Kanye West en « chest rig » Alyx / La mode utilitaire se répand sur Paris

On vous disait il y a quelques mois que la mode militaire prenait du galon, et elle continue à gagner du terrain sur les défilés de mode, sous la coupe d’une mode dite “utilitaire”. Dans un premier temps pour Alyx Studio, qui faisait ses premiers pas cette année sur le runway parisien. Le label dirigé par Matthew Williams popularisait l’année dernière le “chest rig bag”, un sac en nylon porté comme un gilet de combat et vu notamment sur Kanye West et A$AP Rocky.

utility fashion 2018

Succès oblige, on retrouve ces même sacs accompagnés de boucles et de ceintures sur le podium d’Alyx, mais surtout chez Junya Watanabe qui pousse l’utilitaire encore plus loin en ne laissant aucune de ses silhouettes sans harnais de combat, sac bandoulières ou poches multiples. Le multi-poches se greffait également aux shows White Mountaineering et Sacai, qui ont tous deux joué avec des motifs colorés.

Le Tie & Dye

tie and dye fashion 2018

Subtil chez 3.1 Phillip Lim ou criard chez MSGM, le Tie & Dye des seventies revient au goût du jour pour plusieurs créateurs cette année. Issey Miyake l’utilise sobrement sur un pantalon large et un trench coat, lorsque MSGM le voit vif et coloré sur des t-shirts et des cardigans. De son côté, le label Alyx dont on parlait plus haut couple des t-shirts Tie & Dye à des pantalons en peau de serpent. Enfin, le Louis Vuitton de Virgil Abloh l’utilise comme transition, faisant passer la collection d’une première partie sobre et monochrome à une deuxième partie laissant place à des couleurs vives comme le rouge ou le jaune fluo. Une belle année en perspective.

Des front row 5 étoiles, des décors incroyables, le retour en force du costume et des bijoux pour homme… La fashion week homme printemps/été 2019 s’est clôturée dimanche dernier, et on vous raconte nos cinq shows favoris. 

Cette année, les créateurs ont davantage bousculé les codes du genre : de plus en plus de marques ont choisi de fusionner l’homme et la femme pour ne faire qu’un défilé, des hommes enceints ont défilé chez Xander Zhou, la diversité est à l’honneur chez Louis Vuitton, et enfin, c’est à Marseille qu’a eu lieu le dernier défilé, pour la première collection homme de Jacquemus. De la déconstruction de A-COLD-WALL* au psychédélique de Dries Van Noten, voici notre sélection des cinq défilés les plus marquants de cette saison.

A-COLD-WALL*

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La Fashion Week homme de Londres est connue pour mettre en avant des designers avant-gardistes et très créatifs. Samuel Ross, finaliste du prix LVMH 2018, nous le prouve avec cette collection déstructurée aux tons froids. Le designer londonien met en avant le côté militaire et utilitaire, avec des pantalons cargo et des accessoires aux multiples poches et sangles. La spécificité de la collection passe par la déconstruction des pièces, soulignée par des mannequins semi “bioniques” avec des vestes aux manches rattachées au corps par une simple ficelle, du nylon réfléchissant et du PVC transparent. Ajoutées à ces looks, on retrouve les sneakers conceptuelles Nike x A-COLD-WALL*, qui seront limitées à 25 exemplaires.

Dries Van Noten

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Pour ce printemps/été 2019, Dris Van Noten a fait ce qu’il sait faire de mieux : du workwear et du tailoring. Ce qui attire l’oeil sur cette collection, ce sont les pièces à imprimés psychédéliques, nées d’une collaboration avec Verner Panton, l’un des designers les plus influents du XXème siècle. On retrouve les célèbres formes cubiques et cylindriques sur la plupart des pièces de la collection, la rendant ainsi structurée et colorée. Les accessoires sont tout aussi nuancés avec des sacs qui se portent en bandoulière et la banane à la taille. Du contraste entre ces coupes aux volumes ajustés et ces couleurs vibrantes émane une élégance subtile et unique qui est l’empreinte du génie belge.

Études Studio

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Cette saison, le collectif de créateurs français a mis en avant le côté arty de la côte ouest américaine des années 90. Inspirés par le peintre Henry Taylor, dont deux oeuvres figurent sur des chemises en soie, les créateurs repensent le vestiaire contemporain urbain à base de west coast et hip-hop (on pense ici au groupe Lo’ Life et son amour pour Ralf Lauren), avec des touches subtiles de western. Études a joué l’imprimé bandana sur un ensemble chemise/pantalon en soie, ainsi que des rayures larges aux couleurs primaires, qui rappellent la marque Karl Kani, imprimé sur des pièces en denim.

Une collection éclectique, sans être dans le too much.

Jacquemus

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La collection homme de Simon Porte Jacquemus a été annoncée lors de son dernier défilé femme où il arborait un sweat-shirt imprimé “l’homme Jacquemus”. Nommé “le Gadjo”, le défilé s’est déroulé exceptionnellement dans la ville de Marseille d’où est originaire le créateur. Très inspiré par la cité Phocéenne, l’homme Jacquemus s’habille de couleurs pastels et lumineuses. Une masculinité virile à la consonance légèrement italienne, avec des tricots aux cols polo totalement ouvert, agrémenté d’une chaîne en or. L’accessoire principal est une petite pochette en cuir portée autour du cou et déclinée dans un panel de couleurs, aperçue également aux côtés d’une banane en cuir beige et de chapeaux de paille.

Très simple et un peu naïve, cette collection apporte un vent de fraîcheur méditerranéen et témoigne de la sensibilité Jacquemus.

Louis Vuitton

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Le défilé Louis Vuitton était le plus attendu de la Fashion Week homme. Au delà d’un premier rang VIP (Kanye West, A$AP Rocky, Rihanna…), Virgil Abloh affrontait, pour ce premier défilé à la tête d’une grande maison de couture française, le plus grand test de crédibilité. Ici, la majorité des silhouettes sont monochromes, pures et plutôt simples. Un possible rappel au tout premier défilé de la maison en 1998, lorsqu’un Marc Jacobs, jeune créateur à l’époque, procédait de la même manière.

On retrouve également quelques pièces en Tie & Dye, ainsi que des imprimés fleuris. Le véritable focus du renouveau de la maison s’appuie sur les accessoires. Abloh revisite les sacs iconiques Louis Vuitton avec du PVC iridescent, propose des vestons multi-poches hybride aux couleurs fluos, des harnais… Une réminiscence des silhouettes Helmut Lang des années 90. Quoi de neuf ? Ces holsters épaules qui se déclinent en cuir estampillé LV ou en couleurs fluos, déjà vus sur Virgil Abloh lors de ses apparitions aux défilés Dior ou Alyx.

Après avoir suivi Ousmane Dembélé à Barcelone et son entourage à La Madeleine, son quartier d’enfance à Évreux : voici « Ousmane », une mini-série « Ballon Sur Bitume ».

Trois saisons professionnelles. C’est peu dans la carrière d’un footballeur, mais pas dans celle fulgurante, menée par Ousmane Dembelé. Depuis 2015 les évènements s’enchaînent dans la vie du phénomène à la vitesse dont il déboule sur le terrain : de ses premiers pas en Ligue 1 à Rennes à son rêve barcelonais, en passant par son départ tumultueux du Borussia Dortmund.

Là d’où il vient, le temps est un luxe qu’il n’est pas permis de s’offrir. Aussi, Dembouz grandit avant l’âge. À tout juste 21 ans, il endosse le rôle de grand-frère pour tous les gosses de la cité de la Madeleine, à Évreux. Des gamins qu’il fait vibrer à chacun de ses crochets élastiques, travaillés jours et nuits sur le bitume du Ludo Parc. À travers les regards remplis de fierté de ceux qui l’épaulent et de ceux qui le prennent en exemple, récit de la trajectoire étincelante d’un jeune charbonneur qui s’était un jour promis de fouler la même pelouse que ses illustres prédécesseurs catalans.

Sur une idée originale YARD.
Une production MILES.
Réalisé par Jesse Adang et César Decharme

Tourné au Louvre parmi les plus grands chefs d’oeuvres de la peinture classique, la vidéo du track « APESHIT » de Jay-Z et Beyoncé (The Carters) a vraisemblablement mis tout le monde d’accord sur un point : elle rappelle que les Noirs ont trop longtemps été les grands absents de l’histoire de l’art (et de son marché) et qu’il est temps que cela cesse.

Pour accompagner la sortie de leur album commun, EVERYTHING IS LOVE, Beyoncé et Jay-Z ont sorti le clip de leur track « APESHIT », qui a donné du fil à retordre aux exégètes les plus fidèles de la raposphère. Ok, l’idée du clip n’est peut-être pas si innovante à y regarder par deux fois, et son propos n’est peut-être pas évident pour tous. Mais les Carters et les artistes dont ils s’entourent posent petit à petit les jalons d’un monde de l’art nouveau… Y aura-t-il un avant et un après « APESHIT » ?

16 juin 2018 : la Beyhive est en ébullition, mais des historiens de l’art tirent la gueule. Inutile d’insister sur le lien de cause à effet : le nouveau clip de Beyoncé et Jay-Z a.k.a. The Carters a fait le tour de la planète et a déjà été passé au rayon X par des dizaines de journalistes studieux. La vidéo « APESHIT » a été tournée au Musée du Louvre les nuits du 31 mai et du 1er juin entre 22h30 et 6h30 du matin dans le plus grand secret — de ceux que seule cette forteresse de la culture européenne et ex-palais royal peuvent garder. Y’a pas à dire, ça fait son petit effet. À 17 500 dollars la location à la journée (d’après le New York Times), on peut même légitimement se demander à quel pourcentage s’élève la part de frime dans la démarche du couple. Un bon score a priori, mais pas assez pour empêcher l’impact de leur propos.

La jeune génération ne s’intéresse pas vraiment à l’art dit « classique » — et pourquoi le ferait-elle quand une grande partie en est exclue pour les raisons que l’on sait —, les oeuvres du Louvre ont pour la plupart été irréparablement pillées pendant la colonisation, les rares personnages noirs qui apparaissent sur les tableaux anciens sont des esclaves ou des servants… Finalement, la démesure du clip des Carters n’est pas si compliquée à justifier. À l’instar de l’artiste noir américain Fred Wilson et de son exposition Mining the museum (1992), dans laquelle il entreprit de réécrire l’histoire dépeinte par la Maryland Historical Society, celle contée par l’homme blanc aisé, Beyoncé et Jay-Z s’en prennent au Louvre pour faire entendre leurs voix.

Shootin’ videos in the Louvre, ain’t it?

À raison de dix secondes devant chacun de ses 35 000 tableaux, il faudrait trois jours et deux nuits pour voir toutes les oeuvres du Musée du Louvre. Les deux magnats de la pop urbaine y ont passé moins de temps, mais ont donné plus d’importance à certains tableaux, choisis avec précision, questionnant devant le monde entier leurs significations et leurs histoires. Jay-Z est un habitué des musées, il est déjà monté sur scène au MoMA aux côtés de Kanye West, et la famille Knowles n’a pas attendu d’être de passage à Paris pour imposer sa vision dans les enceintes immaculées de la culture institutionnelle : le 18 mai 2017, Solange présentait Ode To, une performance au Guggenheim de New York qui encourageait avec grâce et grandiloquence les femmes noires à s’emparer des espaces historiquement excluants.

We aren’t thanking anyone for « allowing us » into these spaces…until we are truly given the access to tear the got damn walls down.

— solange knowles (@solangeknowles) 17 mai 2017

Le constat que l’art noir (pour ne parler que de ça) a toujours été et demeure relégué au second plan de la culture occidentale et, plus précisément, de ses temples (galeries, musées, salles des ventes…), d’autres l’ont souligné et le retranscrivent de façon plus ou moins réussie en images. C’est le cas chez Orrin, qui critique ouvertement la nouvelle politique tarifaire du MET, laquelle écarte toujours davantage les minorités ; et, à travers une métaphore brillamment équivoque chez Boogie (shout out à Youssoupha pour « Niquer ma vie » mais, les jeux semblent faits). Mais parvenir à le clamer haut et fort au Louvre, musée le plus célèbre et le plus révéré de la planète, seuls les Carters pouvaient le faire. Enfin, pas tout à fait. À vrai dire, c’est déjà ce à quoi s’essayait will.i.a.m en 2016 avec le titre « Mona Lisa Smile », qui, par ailleurs, ne lui avait pas coûté un kopeck. Finalement, qui sait si les Carters ont déboursé quoique ce soit ? Dans ce clip, Nicole Scherzinger incarne la Joconde, et le chanteur des Black Eyed Peas, lui, remplace de nombreuses figures blanches, parmi lesquelles Napoléon et un autoportrait (« selfie » en ancien français) de Rembrandt. On devine l’intention — quoique — mais on est bien loin de la force de frappe délivrée par « APESHIT ». Même si, lui aussi, a de quoi nous embrouiller.

We came and we conquered

Pour cause d’égotrip surdimensionné sur fond de statement social on ne peut plus nécessaire, Beyoncé et son époux sèment le doute sur l’efficacité de leur démarche. Ce clip unique qui nous a tous fait dire « mais, comment ils ont fait? » – en réalité, le Louvre accueille quelques 500 tournages chaque année, sans compter les millions de selfies vidéos – a, c’est vrai, de quoi crisper un peu les plus susceptibles d’entre nous. Mais avancer que le couple d’artiste réduit les oeuvres qui défilent sous nos yeux à de simples marchandises serait omettre que c’est au nom d’autres artistes, noirs, qu’elles perdent en prestige le temps d’une vidéo. Et, de ce point de vue, ça fait court.

Outre les deux « BOSS », les danseurs dirigés par Sidi Larbi Cherkaoui et l’ensemble des acteurs, certains plans se réfèrent directement à l’oeuvre de Deana Lawson (mais pourquoi ne pas avoir travaillé avec ?), entre autres connue pour être l’auteure de la pochette Freetown Sound de Blood Orange. La photographe, porteuse d’un discours similaire à celui des Knowles-Carter, avait déjà inspiré une autre artiste, Tara Fay Coleman, à réaliser une performance au Carnegie Hall Museum of Art… Celle-là même dont l’idée a été reproduite en couverture de l’album EVERYTHING IS LOVE. Certes, il est difficile d’ignorer que le décor du Louvre renvoie au matérialisme si cher au rap game, mais « APESHIT » est peut-être ce lingot dans la mare qui nous fait nous demander : à quel point les Carters, porte-monnaie bicéphale sans fond, peuvent-ils initier leur propre renversement de paradigme dans le monde de l’art?

My house like a museum so I see ’em when I’m peeing

À la tête d’une fortune de plus d’un milliard de dollars à eux deux (« What’s better than one billionaire ? Two »), Beyoncé et Jay-Z sont aussi les heureux propriétaires d’oeuvres d’art d’une valeur totale de 493 millions de dollars. Facile quand on pense soi-même être un Warhol et qu’on trouve que sa femme mériterait d’être exposée à la galerie Gagosian. À défaut de pouvoir vous parler de ce que possède Lil Wayne, voilà ce qu’on trouve dans la collection de B et Andy WarHOV : du Basquiat parce que faut pas déconner, du David Hammons et du Richard Prince qu’on peut voir dans le clip de « 7/11 » (bah oui, tu regardais quoi toi?), du Tim Noble, du Edward Ruscha, du Laurie Simmons, du George Condo, du Paul Pfeiffer, du Damien Hirst, du Hebru Brantley… Autrement dit, du beau monde, et de tous horizons. Pas d’artistes émergents ou alternatifs à notre connaissance, serait-ce trop demander?

Jay-Z a toujours été un passeur d’art contemporain dans son travail, mais principalement à coups de name dropping prestigieux — et donc un peu cliché — dans ses couplets. On l’a vu utiliser du Warhol et du Marcopoulos pour ses covers (respectivement, son livre Decoded et la pochette de Magna Carta Holy Grail), ou plonger dans la contemplation d’une peinture de Basquiat, un verre de son cognac D’Ussé à la main dans une mise en scène publicitaire. Chic, ringard ou complètement snob ? Là-dessus, on colle à l’image de ses confrères Kanye West, Rick Ross et P. Diddy, lesquels sont aussi de véritables collectionneurs d’art (sans dire « mécènes »…). Comme eux, il avait été faire du shopping à plusieurs zéros à Art Basel Miami en 2008, cette foire d’art contemporain surnommée le « Superbowl de l’art aux États-Unis » par son président, hum. Autant vous dire qu’on a encore des doutes sur la beauté du geste.

Put some colored girls in the MoMA

Bon, on n’est pas encore tout à fait au point pour la révolution des Carters, et on se demande  ce que Ricky Saiz, le réalisateur de « APESHIT », aurait pu nous offrir dans un cadre tel que celui du Studio Museum de Harlem, haut lieu new-yorkais consacré à l’art afro-américain, mais rien ne vaut un bon petit cours d’histoire à la sauce trap. Si ce n’est au MoMA, les deux empereurs « put some colored girls in the Louvre » et il faut bien commencer quelque part.

Les 15 et 16 juin derniers, l’équipe de YARD Summer Club a élargi son champ d’action pour rejoindre Rennes et Nantes avec une seule idée en tête : foutre le feu. Si Koba LaD et Moha La Squale nous avaient donné des shows de rêve la semaine précédente, on comptait bien récidiver par deux fois, d’abord avec notre trio de DJ (Andy 4000, Rakoto 3000, Hony Zuka) puis grâce à Kalash, qui nous a fait l’honneur de sa présence au Warehouse de Nantes. Comme promis, l’ambiance a été dantesque. Des meilleurs hits du rap français aux dernières nouveautés américaines, en passant par du dancehall ou du r&b, ce serait peu dire que d’affirmer que beaucoup ont eu l’occasion de se casser la nuque et les reins quelques heures durant. Et vu que les absents ont toujours torts, on a décidé de vous montrer ce que vous avez raté. De Paris à Rennes et de Rennes à Nantes, on vous laisse embarquer avec l’équipe YARD dans ces trois jours et ces deux soirées mémorables.

Photo : @lebougmelo

 

 

 

« An vlé pa mô adan on bando. » Au Warehouse à Nantes, pour la quatrième étape de la tournée du YARD Summer Club, Kalash a rappelé à tout le monde pourquoi il était le mwaka boss. La preuve avec ce live de son classique « Bando », entonné avec une énergie rare, trois ans après la sortie de ce tube qui lui aura permis d’exploser en métropole.

Photo : @lebougmelo

Le 22 juin, Kekra invitait son public à découvrir Land, son nouvel album, dans un cadre intimiste et confidentiel. Aperçu en images.

Photo : @lebougmelo

Si Kekra met tout en oeuvre pour rester discret au possible, son style singulier n’en est que plus remarquable. Depuis 2015 et la sortie du premier volet de la série Freebase, le rappeur originaire de Courbevoie a su se créer un univers propre au fil d’une discographie prolifique et très éclectique. À celle-ci venait s’ajouter ce vendredi 22 juin une ultime pièce, intitulée Land, que Kekra a tenu à faire découvrir à quelques centaines de privilégiés dans un lieu tenu secret. On vous invite à notre tour dans son monde, où les visages se dissimulent derrière des masques et où le 92 tient une place centrale.

Encore écarté des grands théâtres du rap francophone, Laylow mène sa barque loin des tumultes de la sur-exposition, préférant travailler dans l’ombre avec son équipe de toujours : TBMA (Travis Baker, Mr. Anderson) au visuel, Dioscures et Wit à la production, principalement. Du « romantisme bloqué à l’intérieur d’un monde digital », c’est ainsi que le rappeur tend à résumer sa musique. S’il a pu profiter d’un léger succès d’estime avec Mercy en 2016, c’est surtout sa dernière mixtape en date, Digitalova, sortie en 2017, qui le pousse en haut du faux-classement des « artistes qui devraient être largement plus exposés. » Il faut dire que le visuel du toulousain et ivoirien d’origine est aussi l’un des éléments qui retient, sans doute, le plus l’attention. Entre plan-séquence morose sur le récent « Avenue » ou post-production ‘pop-up’ sur « Wavy« , l’alchimie entre TBMA et Laylow nous rappelle la relation d’admiration entre un réalisateur et un acteur. L’analogie est bien tombée, le rappeur est un passionné de cinéma, et s’amuse d’ailleurs à distiller des références dans une grande partie de sa musique. Si l’on sait tout ça, c’est qu’on a profité de son passage au Nouveau-Casino pour observer la machine au travail. Un grand écran derrière lui, le style vestimentaire au point, les transitions des morceaux pensées au millimètre et des invités d’honneur (Di-Meh, Ruskov…) Laylow soigne les moindres détails pour satisfaire ses envies et son public. Un moyen pour lui aussi de consolider les attentes quant à son nouveau projet à venir, .RAW, à retrouver sur toutes les plateformes depuis 19 juin dernier.

Vidéo : @lecomiteproduction

Pendant plus d’un an, Jazzy Bazz a religieusement préparé son retour, officialisé par la sortie du curieux « El Presidente ». YARD s’est invité sur le tournage du clip.

Photos : @samirlebabtou

Après avoir annoncé une tournée dans toute la France pour l’automne prochain, Jazzy Bazz se devait de fournir à son public de la nouvelle matière à interpréter sur scène. Plus d’un an après « Rouler la Nuit », sa dernière manifestation musicale, le voici de retour avec l’intrigant « El Presidente ». Dans une vidéo signée Dijor Smith, l’artiste du 3.14 enfile ses plus beaux habits religieux pour prêcher devant une mystérieuse foule de sans visages. On s’est infiltré au coeur de ce rituel pieux pour vous ramener des clichés exclusifs.

Si on a fait le choix de ne pas séparer l’homme de l’artiste, l’annonce du décès d’xxxtentacion nous a fait l’effet d’une douche froide. Au-delà des accusations, on se retrouve face à la mort soudaine d’un jeune d’à peine vingt ans, symbole d’une génération qui se fiche d’aller nulle part tant qu’elle y court. 

Illustration : @bilelal

« Symbole d’une génération. » La dernière fois qu’on a vu écrit ces lignes, c’était en novembre dernier. Lil Peep, 21 ans, venait de perdre la vie des suites d’une overdose accidentelle de xanax. Sa mort avait été retransmise sur les réseaux sociaux par son proche entourage, en direct. Le temps d’une journée, Instagram et Twitter étaient devenus des crématorium 2.0, où l’artiste tout juste défunt subissait le courroux de braises enflammées par les réactions à chaud de millions d’individus à travers le monde. Des comportements qui allaient du simple « repose en paix », au moyen « c’est qui ? », jusqu’au pire « il n’avait qu’à pas se droguer, ça lui apprendra ». On pensait déjà, à l’époque, que la mort d’un jeune tout juste majeur aux Etats-Unis aurait été la sonnette d’alarme indispensable pour instaurer une prise de conscience générale. D’abord sur le tabou de la dépression, de la banalisation des drogues, de l’alarmante sur-exposition des réseaux sociaux ou des commentaires à éviter. Mais surtout sur un fait dont on ne se préoccupe pas autant que la raison le voudrait : la condition et la santé mentale dans lesquelles vivent ces types de 20 ans, qui du jour au lendemain, ont vu leur vie complexe diffusée, jugée et commentée.

Avant-hier, xxxtentacion est décédé, et la proximité de sa mort avec celle de Lil Peep, tant sur les troubles mentaux, l’âge, le genre, que sur le statut qu’ils partageaient, pose un constat lourd de sens : sommes-nous vraiment condamnés à voir mourir une génération qui n’a même pas vécu le quart d’un siècle ? L’interrogation résonne froidement dans nos têtes. D’autant plus qu’elle nous rappelle déjà celle que s’étaient posés les acteurs de la musique il y a quarante à cinquante ans lorsque les décès de Jones, Hendrix, Joplin et Morrison s’étaient succédé de 1969 à 1971, entre overdose, noyade et crise cardiaque, à tout juste 27 ans. Si le « club des 27″ n’était encore qu’un mirage à l’époque, le suicide de Kurt Cobain une vingtaine d’années plus tard l’avait popularisé dans l’inconscient collectif. Chaque annonce avait creusé un vide monumental, tant pour la culture que dans le coeur des auditeurs, et à force de voir partir une série de musiciens aussi talentueux qu’importants, morts avant d’avoir atteint la trentaine, on avait ouvert une première réflexion : les artistes ont-ils deux à trois fois plus de chances de mourir jeune ? Si on n’a jamais pu dessiner de statistiques claires, les circonstances de chaque décès, elles, sont bien presque toutes semblables : suicides, overdoses, accidents… et les pertes d’Amy Winehouse et Fredo Santana, du même âge et avec les mêmes causes, continuent d’alimenter autant la légende que la dure réalité.

Ce qui interpelle dans cette histoire, c’est que Peep et xxxtentacion avait eux-aussi sensiblement le même âge – 21 et 20 ans – et qu’ils appartenaient à cette génération qui s’identifie au mode de vie des rockeurs décédés trop tôt. Il est évident qu’il faut marquer une distinction entre les deux décès. Le premier est mort d’une overdose, apparenté à un suicide-assisté, l’autre a été assassiné au volant de sa voiture. Néanmoins, leur mode de vie respectifs se ressemblaient à s’y méprendre. C’étaient de jeunes adultes, dépressifs, qui utilisaient la musique pour guérir un tant soit peu le mal-être qui les définissait. Des types qui, avant même d’appartenir à cette industrie, avaient appréhendés la mort et jouaient sur la corde raide quotidiennement ; entre prises de drogues dures, best-of de combats à mains nues, séjours en prisons… Sur le morceau introductif de 17, xxxtentacion explique la raison qui l’a poussé à appeler son album ainsi : il avait fait le voeu de mourir à 17 ans, persuadé qu’il allait partir tragiquement. Finalement, quand on conditionne son esprit et son corps à une mort prochaine et certaine, on s’attire de fait les situations périlleuses et les risques de mortalité à la manière d’un aimant. Il s’était fait des ennemis réels par l’agressivité avec laquelle il s’était fait connaître à ses débuts, et s’il a pu trouver la force de changer pour devenir un homme meilleur, l’ironie a eu raison de lui : son passé l’a rattrapé, et son mode de vie tourné vers l’acceptation d’une mort jeune a été prémonitoire.

Ce qui interpelle également c’est que sa mort a été diffusée sur les réseaux sociaux. Son visage : sans émotions. Son corps : inerte. On ne parle pas simplement d’un relai d’information, d’un travail fait par les médias. Mais bien de personnes, de témoins, présents sur la scène du meurtre qui, pris d’une folie morbide, se sont empressés de capturer le moment en vidéo, de zoomer sur sa tête pour montrer à tout le monde qu’ils avaient bien la preuve que c’était lui. De gens qui ont mis une tonnes de captions pour alimenter le contenu au maximum, sans se dire à un seul moment qu’au-delà de l’indécence de leurs actes, xxxtentacion était peut-être, encore, vivant. Personne ne l’a sauvé. Personne n’a eu le réflexe humain d’essayer de lui porter secours. De voir en son corps inanimé autre chose que l’ultime chapitre de la vie mouvementée d’une rockstar. Alors même qu’ils avaient devant les yeux, un homme sur le point de mourir -peut-être encore secourable. Un seul a décidé d’aller prendre son pouls, de regarder la blessure et tirer les conclusions. Le reste ? De vulgaires vautours armés d’un téléphone, des sangsues de buzz, des avares de vues. Finalement, on a volé son statut d’homme, d’humain. Dans sa voiture, inanimé, il n’était pas « Jahseh Onfroy, vingt ans, décédé », mais « xxxtentacion, la star mondiale du rap. »

Quand l’information a été relayé, les théories se sont alors mises à fuser. « C’est un coup de com, il avait dit qu’il feindrait sa mort », « c’est de la provocation c’est sûr. » Les fans étaient en alerte, ne respiraient plus, on avait l’impression de voir toute la bêtise humaine concentrée en une seule plateforme. De ceux qui profitaient de l’occasion pour essayer de faire un top-tweet. De celles qui rappelaient à tout va qu’elles connaissent xxxtentacion depuis longtemps et avaient donc, de fait, le droit de dire « repose en paix. » Des autres qui se choquaient de voir des individus rire de la mort d’un artiste quand ils riaient eux-mêmes des victimes des attentats de Charlie Hebdo pour gagner quelques centaines de followers. De ceux, encore, qui se sont improvisés médecins, infirmiers, consultants, analystes, justiciers ou moralistes… Le temps d’une nuit, Twitter est devenu le parfait miroir d’une génération qui ne réfléchit que dans l’instantané et qui voit en son sein la meilleure manière d’exprimer ce que l’on pense et ce que l’on ressent ; le vecteur principal de la dématérialisation de l’émotion.

Alors une pensée pour les pauvres types qui auraient préféré voir 6ix9ine, Russ ou Jul mourir à sa place. Une pensée pour l’artiste Juice WRLD qui émeut aux larmes sur les deux morceaux qu’il a fait en mémoire de xxxtentacion et Lil Peep le jour d’après. Et une pensée pour tous ceux qui ont su être pudiques, réfléchis et sincères dans leur démarche. Car un homme est mort, et tandis que le silence aurait été de mise, une réaction poignante vaut mieux que milles commentaires insipides dont le seul but est de dire : « Regardez tous comment je suis touché. »  Cette sur-utilisation des réseaux sociaux s’est aussi fait sentir avec les acteurs primaires du rap, dont l’ex-puis-re-meilleur pote de la victime, Ski Mask the Slump God. Si son live Instagram de trente secondes noue la gorge du fan qui le regarde ou fait marrer le vieux réactionnaire qui en profite pour cracher sa haine d’avoir vieilli, il en reste hyper alarmant. Car si on n’a jamais pu apprendre à un quidam à affronter la mort, voir que l’une des personnes les plus proches de la victime fut contraint de passer par un direct-live pour encaisser la terrible nouvelle montre la dépendance presqu’organique que la génération a avec Internet : de véritables cyborg qui ne se rendent plus compte de l’impudeur avec laquelle ils expriment leurs souffrances.

Alors oui, nous sommes condamnés à voir se succéder les décès de rappeurs toujours plus talentueux et toujours plus jeunes, à ne plus voir arriver le « club des 20/21″ comme une chimère mais bien comme une réalité. Car la dépression et la quête d’identité n’ont jamais été aussi exacerbé qu’aujourd’hui, qu’Internet ne finit pas de cristalliser, banaliser, et alimenter la curiosité morbide de tout le monde. On aura peut-être confirmation d’ici quelques semaines qu’xxxtentacion était bel et bien une ordure, qu’il a frappé, agressé, et séquestré son ex-compagne. Oui, sans doute. Ce dont on est surs, c’est qu’il est mort, et que cracher sur un défunt pour se sentir exister et faire savoir aux autres que son opinion est différente, c’est frapper du vide et séquestrer une partie de sa mémoire. En novembre dernier, quand Lil Peep est mort, on pensait à tord pouvoir tirer une sonnette d’alarme assez bruyante pour réveiller les consciences sur l’usage malsain qu’on fait des réseaux sociaux. Aujourd’hui, la mort d’xxxtentacion et les réactions qui ont suivies nous montrent avec une rare violence que malgré toute la lumière qui se dégage de nos écrans, le monde n’a jamais été aussi profondément endormi.

PS: le 18 juin 2018 a été un jour funeste aussi pour Jimmy Wopo, coqueluche du rap de Pittsburgh. À tout juste 21 ans, sa carrière pourtant sur la pente ascendante a été empêché dans son élan par une fusillade dont il a été victime. Auteur du célèbre « Elm Street », il était lui aussi prometteur. Une pensée pour lui et ses proches, qu’il repose en paix.

Disclaimer : les propos de cet article n’engagent que l’auteur.

Un producteur américain, neuf emcees du paysage rap francophone, une mixtape inédite, un concert unique. Voilà la nouvelle promesse de Brooklyn Paris, projet du Red Bull Music Festival édition 2018, mis en place en collaboration avec YARD et Free Your Funk avec le célèbre beatmaker Harry Fraud.

Photo : @lebougmelo / Red Bull Music Festival Paris

« La musica de Harry Fraud. » Après un premier volet rassemblant le producteur californien The Alchemist et toute la fine fleur du rap franco-belge, le Red Bull Music Festival Paris, en collaboration avec YARD et Free Your Funk, invite cette année le beatmaker new-yorkais Harry Fraud (Action Bronson, The Weeknd, French Montana…) à produire une nouvelle mixtape inédite en compagnie de quelques-uns des meilleurs espoirs du rap francophone. Le MC originaire de la Courneuve Dinos, le Niçois Infinit’, le Belge Swing, la rappeuse belgo-portugaise Blu Samu, les Suisses Slimka et Di-Meh, les crooneurs Jok’air et Krisy ou encore le duo originaire de Montreuil TripleGo viendront poser en studio sur des instrumentaux originaux spécialement produits pour l’occasion par Harry Fraud. Réunis sur scène, ils interpréteront le contenu de cette mixtape exclusive, dévoilée début septembre, lors d’un concert unique à l’Elysée Montmartre le 28 septembre.

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Pendant toute une semaine du mois de mai, Harry Fraud s’est inspiré de l’air parisien – ou celui de Montreuil, plus précisément, où est situé le studio Grande Ville – pour créer les premières maquettes de ce qui allait devenir les huit tracks du projet Brooklyn Paris. Une semaine à créer des ponts entre les univers du producteurs de New York et celui des différent(e)s artistes qui se sont succédées dans le célèbre studio de M City. Les connexions réalisées sur place étaient toutes sauf faussées : le beatmaker au tag mondialement connu, qui avait longuement écouté la musique de chaque artiste du projet avant d’atterrir à Paris, leur a tous proposé des productions sur mesure. En ressort une mixtape unique, ultra qualitative et variée, à l’image de la carrière de l’ami Harry. YARD, en tant que collaborateur privilégié du projet, a accompagné sa création de bout en bout, en continuera de le faire jusqu’à cette unique date de l’Elysée Montmartre en réalisant et diffusant les clips de chacun des huit morceaux.

Brooklyn Paris s’inscrit donc dans le cadre du Red Bull Music Festival, qui retrouve Paris pour sept jours d’exploration musicale à travers la capitale du 24 au 30 septembre prochains. Concerts, soirées, avant-première, conférence et créations iné- dites rythmeront le programme de la troisième édition de ce rendez-vous marquant la rentrée de septembre. Découvrez le programme !

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On dit de lui qu’il est le « plus américain des rappeurs français ». Gracy Hopkins a fait le choix de ne pas utiliser sa langue maternelle pour aborder le regard unique qu’il porte sur son monde. Mais ce n’est pas spécialement là ce qui fait sa singularité dans le rap hexagonal. Rencontre.

Appelez-le Stanky Massassambas, Bear-A-Thon, Kaisy Jay ou encore King Vladimir. Gracy Hopkins change d’identité comme bon lui semble, lance ses auditeurs sur des pistes où il n’est pas évident de le suivre. En représentation constante, il est acteur au sein d’un milieu où peu assument de jouer la comédie. Sauf que lui s’assure de mettre suffisamment de sa personne dans ses rôles – comme celui de Grizzly, qu’il campe dans son dernier EP For Everyone Around Rage – pour troubler la frontière entre la fiction et le réel. Sa musique comme son propos s’articulent autour de concepts et d’interprétations qui lui sont si personnelles qu’elles peuvent ne pas toujours être parfaitement intelligibles. Entretien avec un artiste incompris, au-delà même de son goût pour la langue de Shakespeare.

Photos : @alextrescool

Tu dis utiliser l’anglais dans tes morceaux car c’est en cette langue que te viennent tes pensées, tes inspirations. Sachant que tu n’as pas de racines anglophones, comment tu te l’expliques ?

Je n’ai effectivement pas de racines anglophones, mais j’ai commencé à apprendre l’anglais quand j’étais tout petit, vers l’âge de trois ans, et je suis tombé amoureux de cette langue à ce moment-là. J’ai toujours été ce gars qui regarde à la vitre pendant les trajets, super curieux, qui cherche à comprendre pourquoi telle ou telle chose. Ma mère a vite capté mon besoin d’évasion, donc elle m’a tout de suite encouragé à partir. Une fois elle m’a emmené en Angleterre et c’est là que je suis tombé amoureux de la langue anglaise. Depuis, je n’ai jamais arrêté d’apprendre.

Combien de temps es-tu resté là-bas ?

C’était vraiment un court voyage, juste une semaine parce ma mère avait vu que j’avais besoin de changer de background, de changer d’environnement. Mais dès le moment où je suis revenu, je lui ai dit que je ne parlerai plus français. [rires] J’ai ensuite récupéré de vieux cartons qui étaient à mon grand frère, et qu’il n’a d’ailleurs jamais ouvert, dans lesquelles il y avait des cassettes et des films en version originale. À partir de là, j’ai toujours tout regardé en anglais, en essayant de comprendre ce qui se disait. C’est aussi ça qui a alimenté mon apprentissage.

Sur l’aspect du travail de la langue, quels artistes t’ont influencé ?

Je pourrais te sortir des noms, mais d’un côté il y en a pas tellement, d’un autre côté il y en a trop. Quand j’étais petit, c’était plutôt les choses que je regardais qui m’inspiraient, comme – justement – ces cassettes dont je t’ai parlé. Après en grandissant, je me suis plus inspiré de ce que j’écoutais, et donc de la musique. il y a un côté ultra-mélodique dans la langue anglaise, qui ressort d’autant plus dans les chansons, et qui me donnait toujours envie d’apprendre les paroles, de comprendre ce qui se disait. À l’époque, j’écoutais surtout du Jamiroquai, du Aaliyah, du Michael Jackson… Quoique Michael Jackson, c’est venu un peu plus tard. Il m’a fallu du temps pour vraiment mesurer la portée de ce mec-là, pour comprendre à quel point il était fort. Mais tout ça pour dire qu’avant, j’écoutais tout sauf du rap.

Ce côté « mélodique », tu ne le retrouvais pas dans la langue française ?

Si, mais je crois que je suis né avec un syndrome de la différence. Dans une famille de quatre enfants, j’ai fait le contraire de tout ce que mes frères et soeurs ont pu faire. Le seul truc sur lequel je les ai suivi, c’était la musique. Mon frère était à fond dans l’afro-caribéen, ma première soeur préférait la soul et le R&B, ma deuxième soeur était plutôt dans le hip-hop. Donc je me suis imprégné des trois, mais le hip-hop est vraiment venu en dernier. Au départ, j’étais d’ailleurs plutôt dans le chant que dans le rap. Mais quand tout le monde chantait en français, je chantais en anglais. Quand tout le monde faisait de l’afro, je faisais du hip-hop. Toujours en décalage avec les autres, et c’est comme ça depuis petit.

Dans ton morceau « France », tu évoques les critiques que tu peux recevoir de par ton utilisation de l’anglais. En quoi te gênent-elles particulièrement ?

Elles ne me gênent pas du tout. C’est là où vient la confusion autour de ce son-là. Quand les gens entendent cette chanson, beaucoup pensent que c’est de l’énervement pur et simple, ou que je suis en train de me plaindre, alors que ça n’a rien à voir. Le truc, c’est qu’il y a toujours une barrière entre l’artiste et le public. Même si tu apprends ce qui se passe dans la vie d’un artiste ou que tu décortiques ses chansons, tu le vois toujours à travers une vitre. Certains oublient qu’un artiste est une aussi une personne à part entière. Et quand il va réagir à quelque chose qu’il lit sur les réseaux, les gens vont se dire : « Il passe ses journées à lire ce qui se dit sur lui. » Alors que non, c’est juste que moi aussi j’ai des potes, moi aussi on m’envoie des trucs, moi aussi je suis sur Twitter. Et vu que j’y ai répondu en musique, forcément j’y ai mis une certaine passion dedans. Beaucoup de gens ont confondu ça avec de l’énervement, de la rage. Mais pas du tout, ce n’est pas une gêne.

Peut-être que les gens interprètent ma démarche comme si je leur disais : « Non, je n’ai pas envie que tu me comprennes. »

On sent en tout cas que le sujet te tient à coeur. 

C’est juste qu’à force d’entendre toujours le même discours, il y a des choses que je me dois de clarifier. Je ne suis pas dans l’optique de me plaindre, en mode : « Mais pourquoi il dit ça ? » Ce morceau, c’était juste une manière de dire que, quoique les gens puissent dire ou faire, ça ne changera pas. Je suis qui je suis, et depuis que je suis tout petit, c’est en anglais que ça se passe. Donc ce n’est pas parce que deux ou trois personnes me disent quelque chose là-dessus que ça va changer. Au final, c’est à vous de choisir. Le public peut choisir de ne pas m’écouter. Mais s’il prend la peine de le faire, mieux vaut qu’il sache d’avance que ce sera toujours pareil, parce que c’est la personne que je suis.

Tu ne te dis pas qu’il y a une certaine forme d’hypocrisie quand le public adule des artistes américains mais n’accepte pas qu’un artiste français rappe en anglais ?

Hypocrisie… [Il réfléchit.] Oui et non. Parce que de ce que j’ai pu observer, certaines personnes n’aiment pas que je rappe en anglais parce qu’ils savent très bien que ce qui les attire dans le rap américain, c’est précisément le fait qu’ils ne comprennent pas. Vu qu’ils ne comprennent pas, ils se contentent d’apprécier tout ce qu’il y a autour : l’instru, le flow, l’élocution, la manière dont ça sonne, etc. C’est ce qu’ils kiffent. Quant à moi, je suis vu comme un français qui met de lui-même cette barrière avec les auditeurs français, et c’est peut-être ça qui passe un peu moins. Parce que forcément, on a envie de se comprendre entre nous. Peut-être que les gens interprètent ma démarche comme si je leur disais : « Non, je n’ai pas envie que tu me comprennes. » Donc je ne pense pas que ce soit de l’hypocrisie, je pense plutôt qu’il y a de l’incompréhension. Peut-être qu’on n’a juste pas assez parlé. Parce qu’à côté de ça, je suis toujours le premier à mettre en avant le fait que je sois français. Depuis que j’ai commencé, on me dit tout le temps de faire croire que je viens de Californie ou un truc comme ça, je n’ai jamais voulu. J’ai toujours dit que je venais de Torcy. Même pas Paris : je viens de Torcy, 77, seine-et-marnais. Le département des chevaliers et tout… [rires] Parce que c’est ce que je suis au final. Je n’ai jamais renié.

Ton dernier projet s’intitule For Everyone Around Rage. Quelle est cette rage et d’où te vient-elle ?

La rage dont je parle dans ce projet-là, c’est la rage que tout le monde a. Pas forcément la mienne, puisque j’y interprète un personnage, Grizzly, qui est la personnification de ma vision du monde. Ce que je kiffe avec le mot « rage », c’est qu’il a un double sens. Quand tu vas dire « J’ai la rage », ça veut dire que tu es enervé. Mais quand tu as « la rage de vaincre », ça veut dire que tu as un désir extrême de gagner, de réussir. C’est ce double-entendre là que j’aimais bien. C’est un peu comme la peur, que j’aborde beaucoup depuis que j’ai commencé à sortir de la musique. On confond beaucoup d’états avec la peur. C’est comme quand tu vas voir un film d’horreur : tu sais très bien que tu vas avoir peur, tu ressens quelque chose d’étrange, mais malgré tout, tu aimes bien ce sentiment. C’est la raison pour laquelle je parle de ça. Parce que la rage, c’est la raison pour laquelle toi et moi sommes là en train de nous parler. J’ai eu la rage de réussir, la rage de rendre ce projet concret alors que c’était un rêve de gosse. Évidemment, il y a encore énormément de travail à faire, mais c’est en route. Et cette rage, c’est le carburant qui m’alimente sur ce trajet, et qui alimente tout le monde, d’une certaine façon.

Tu as parlé de ton alter-ego Grizzly, le protagoniste principal de ce projet. En quoi est-il différent de Gracy Hopkins ? 

Il est pas si différent que ça, voire pas différent du tout. C’est juste que Grizzly c’est un gars super radical, qui va vraiment au bout des choses. Quelqu’un qui va dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. Il ne se contient pas. Et c’est la même chose dans la colère, la joie ou la tristesse. Grizzly, c’est une maison avec des vitres tellement propres que tu vois tout ce qui s’y passe à l’intérieur. Voilà la différence qu’il y a avec Gracy Hopkins. Mais la manière dont le personnage de Grizzly est né, c’était plus une excuse pour raconter des histoires liées à des expériences que j’ai vécu, à des choses j’ai vu dans ma vie. C’était une manière de les rendre moins intimes, parce qu’à la base, je ne voulais pas être ce gars qui vend sa souffrance. Je ne trouvais pas ça respectueux, d’autant que ce ne sont pas des histoires qui ne concernent que moi, elles ont touché énormément de gens. Quand je parle de Grizzly, c’est différent, je ne parle pas forcément de moi. Je parle du monde. Tout le monde peut se reconnaitre en Grizzly.

Si tu veux te donner un personnage, c’est qu’il y a un truc enfouit en toi qui est cette personne-là.

As-tu le sentiment de te découvrir toi-même à travers ta musique et les multiples alter-ego que tu te crées ?

Carrément. Mais on parle beaucoup d’alter-ego parce que j’ai 10000 blases, mais en vrai ce sont juste des noms. Quand tu vas m’appeler Gracy Hopkins par rapport à mon art, quelqu’un va m’appeler Gracy parce qu’il me connait pour de vrai, tandis que ma mère va m’appeler par le surnom qu’elle me donne toujours parce que je suis son fils. Mais tout ça, ce ne sont que des « a.k.a ». Le seul alter-ego que j’ai, c’est Grizzly. Et à travers lui, il y a une grande thérapie qui se passe en moi. Donc forcément, tu vas retrouver énormément de Gracy Hopkins en Grizzly, parce que je suis quand même la personne qui est à l’origine, même si je m’inspire du monde. Mais la musique est un moyen de se découvrir en général, pas seulement par rapport aux alter-egos. Parce que quand tu écris, beaucoup de choses qui viennent si spontanément que tu sais pas pourquoi ils sont là. Dernièrement, je suis allé sur Genius, quelqu’un qui avait annoté une des phrases que j’ai dite dans mon premier EP, et son annotation m’a aidé à comprendre ce que je voulais dire par-là. Alors que moi-même, je ne le savais pas. [rires] Je découvre des choses en même temps que tout le monde, et c’est ce que je trouve intéressant dans l’art en général. Mais en réalité, je ne sais pas si ça existe réellement les « alter-egos », parce que ça vient toujours de toi. Si tu veux te donner un personnage, c’est qu’il y a un truc enfouit en toi qui est cette personne-là. C’est comme quand tu me vois sur scène et que tu me vois posé-là. Tu as l’impression que c’est quelqu’un d’autre mais non, c’est juste que je suis un peu plus complexe. Je pense que personne n’arrivera à me comprendre entièrement.

Slimka est le seul invité de F.E.A.R., mais il apparaît en tant que George de la Dew. Tu tenais à ce qu’il ne soit pas lui-même, qu’il vienne jouer un rôle ?

En fait, j’ai fait la prod de ce morceau à l’époque du COLORS Berlin, dans ma chambre d’hôtel en Allemagne, et depuis ce moment-là je voulais que Slimka soit dessus. Il faut savoir que les suisses et moi, on se ressemble énormément, on a la même folie. On se met beaucoup dans des personnages qui nous ressemblent énormément, mais qui sont quand mêmes des personnages. Cette histoire de featuring avec George de la Dew, c’est parti d’une blague. Il était en mode : « Si tu sors l’EP en tant que Grizzly, alors je serai George de la Dew. » À ce moment-là, il venait de sortir le son. Du coup, je l’ai crédité en George de la Dew. Mais il n’y avait rien de calculé.

Chacun des tes projets est d’ailleurs accompagné d’un court-métrage, écrit par tes soins. Quel est ton rapport avec le cinéma ?

Le rapport que j’ai avec le cinéma, c’est d’abord mon nom : Gracy Hopkins. Hopkins vient de mon vrai prénom, Gracy-Anthony, « Anthony » comme Anthony Hopkins, du nom l’acteur que tout le monde connait, mais aussi du nom d’un compositeur musical beaucoup moins célèbre. On m’a toujours dit, depuis tout petit, avant même que je regarde des films, que j’étais « trop dramatique », que je faisais « trop de cinéma ». Je pense que tout vient de là. Ça a créé quelque chose en moi, c’est sûrement de là que m’est venue l’envie de faire des courts-métrages, des trucs liés au cinéma. Mais si je suis un acteur, je suis un acteur de la musique. Parce que je ne pourrais pas vraiment t’expliquer comment le cinéma est arrivé dans ma vie, contrairement à la musique, dans laquelle j’ai baigné. Tout le monde fait de la musique chez moi. Mais le cinéma, c’est une autre histoire. Surtout que je n’ai pas non plus énormément de références cinématographiques.

Tu sembles très attaché à la notion de concept : tes projets sont systématiquement construit de manière à ce que les titres soit liés les uns aux autres. Est-ce une manière de pousser tes auditeurs à décortiquer ton travail ?

Peut-être. Personnellement, je crois vraiment en la force du subconscient. Donc peut-être qu’inconsciemment, il y a eu cette volonté-là. Mais encore une fois, que ce soit pour mon premier EP ou mon deuxième, tout a été ultra-spontané. Il y a eu de la recherche et de la réflexion, parce qu’il en faut, mais le thème s’est imposé à moi. Grizzly est la personnification de ma vision du monde, et il y a trop à dire sur ce monde-là. Tu peux pas résumer toute ta vie de manière hyper concise. C’est aussi pour ça que mes projets sont construits en jours. À chaque fois, c’est une semaine. Sept morceaux dans le premier, sept morceaux dans le second, sans compter les bonus tracks. Cette temporalité, c’est une manière de dire que je grandis. Tu le sentiras au fur et à mesure des projets. Ce ne sont pas des concepts qui sont là juste histoire de faire les choses différemment. C’est juste que je me suis dit que c’était la meilleure façon d’expliquer aux gens ce qui se passe dans ma tête. Il y a toute une montagne de choses dans ma tête. Alors mon plus grand combat, c’est vraiment la structure. « Comment je vais raconter ça ? » Heureusement qu’il y a tous ces gens autour de moi qui sont là pour entendre mes bêtises, à commencer par Lossapardo. Heureusement qu’il y a Jay, Ines, Le Sofa, etc. Ils m’aident à recadrer ma pensée. C’est mon premier public.

Si je n’avais pas la foi, il y a énormément de choses qui ne se seraient pas passées aujourd’hui.

Tu es rappeur mais aussi producteur, de manière plus discrète, caché derrière les pseudonymes de Kaisy Jay ou Bear-A-Thon. Pourquoi dissocier les deux et pourquoi garder ce « mystère » autour de cette autre facette de ta personne ?

À la base, je prenais juste le pseudo de Kaisy Jay quand je faisais mes instrus, et ça devait rester comme ça. Sauf qu’au moment où j’ai placé ma première prod, en l’occurrence « Size » de Di-Meh, je me suis délibérément appelé Bear-A-Thon parce que je voulais un certain recul. Continuer d’avoir un espace pour bien travailler, un espace pour vivre, aussi. La première fois que j’ai vu Di-Meh jouer « Size » en concert, à Genève, j’ai pleuré. Mes larmes coulaient parce que j’ai vu un truc incroyable se passer devant moi. C’était le son de la fin, celui que tout le monde attendait, celui qui clôturait le show. Il y a une explosion dans la salle, tout le monde était en train de féliciter Di-Meh, à base de « Putain il est trop chaud ton son. » Mais personne ne savait que j’étais à la prod. Avec ce recul là, j’ai pu réellement observer pendant un court instant comment mon travail prenait. Au bout d’un moment, Di-Meh m’a cramé auprès des gens, parce qu’il disait « produit par Gracy Hopkins », il me mentionnait sur les réseaux, etc. Je savais que ça n’allait pas durer dans tous les cas, mais pendant un petit moment, j’ai pu vivre ça plus comme un amoureux de la musique et moins comme un scientifique. C’est quelque chose d’incroyable que de pouvoir n’être qu’un simple spectateur. D’où l’intérêt d’avoir plein d’identité différentes : je peux être partout, mais sans qu’on me voit. The Invisible Man. D’autant que même si je dis clairement que Bear-A-Thon c’est moi, beaucoup de gens ne vont même pas relever. Et ça me va très bien.

On imagine en plus que tu ne compte pas arrêter d’en avoir ?

Des nouveaux a.k.a ? Il y en a énormément. Je peux limite te les lister, il y a : Gracy Hopkins, Kaisy Jay, Bear-A-Thon, Yokima, Stanky Massassambas, King Vladimir, Stanislas Blue et plein d’autres encore. Mais j’insiste sur le fait que ce sont juste des noms. Je m’éclate à être partout en étant nulle part en même temps. Après je reste Gracy Hopkins avant tout. C’est lui la pièce centrale. Quoique… La pièce centrale, ce serait même plutôt Gracy-Anthony.

Une autre composante importante de ta musique, c’est ton rapport aux phobies. En quoi te fascinent-elles autant ?

Je ne suis pas fasciné par ça, c’est juste que j’en parle beaucoup parce que c’est un truc qui nous guide tous. Mon éducation a toujours été basée sur le contraire de la peur, qui selon moi est la foi. Si je n’avais pas la foi, il y a énormément de choses qui ne se seraient pas passées aujourd’hui. Toi et moi, nous ne serions probablement pas en train de parler maintenant. Il n’y aurait pas eu de F.E.A.R ou d’Atychiphobia, de tournée, d’équipe autour de moi. Je dis souvent que j’ai la phobophobie : j’ai peur d’avoir peur. Pour le reste, je me dis que si un truc doit m’arriver, ça m’arrivera. Je ne peux pas me permettre d’avoir peur, il faut que j’aie la foi. C’est comme le saut à l’élastique : ça t’effraie mais tu as envie de le faire parce que tu veux vaincre cette peur, même si tu auras toujours la boule au ventre. C’est ce qui fait que je peux paraître aussi fasciné par la peur, parce que c’est ce qui drive pas mal de gens, voire tout le monde aujourd’hui. Pareil pour la peur d’échouer. Grâce à ça, tu te dis : « Je suis obligé de réussir. »

De passage à Paris, le rider BMX new-yorkais Nigel Sylvester a fait parler ses talents jusque sur le toit du Centre Pompidou. Nous avons eu l’opportunité de suivre sa ride, et on vous donne un aperçu de ce qu’il en a été, en images.

Photos : @lebougmelo

« Nigel Sylvester with these bike flips », rappait Jay-Z sur le titre « Biking », en featuring avec Frank Ocean. De quoi vous donner une idée de ce que représente l’individu en question à l’échelle de sa discipline, le BMX : une référence. À bientôt 31 ans, Nigel Sylvester continue de s’illustrer dans ses oeuvres, faisant voyager son vélo à travers le globe. La dernière vidéo de sa série « GO » nous emmène de Londres à Paris, sur les traces de guides touristiques de luxe, tels que le rappeur britannique Octavian ou le créateur de mode Stéphane Ashpool. Au programme de sa ride parisienne : quelques paniers sur le playground de la marque Pigalle, une séance de tirs au but en direct du Parc des Princes, avec la complicité du footballeur Timothy Weah, ainsi qu’une session freestyle sur le toit du Centre Georges Pompidou. Sur cette dernière étape, le photographe Yoann « Melo » Guerini s’est invité aux côtés de l’athlète, et nous a naturellement ramené des clichés exclusifs.

Dans les cercles proches de Chance the Rapper et Smino, Ravyn Lenae incarne cette nouvelle génération brillante et libre de Chicago. Epaulée par Steve Lacy de The Internet, elle compte bien faire résonner sa soul hybride au delà de sa ville natale. L’occasion parfaite pour la rencontrer, lors de son premier passage à Paris.

Comme l’expliquait Nicolas Pellion dans un article précédent, il semblerait bien que Chicago abrite en son sein un véritable laboratoire du rap, mais aussi celui d’un R&B et d’une soul hors des sentiers battus. Preuve de ce bouillonnement créatif, l’arrivée de Ravyn Lenae sous la lumière avec son EP Crush produit par Steve Lacy, décidément très occupé avec les albums de Kendrick, Tyler, the Creator ou le prochain projet de The Internet. Une alchimie naturelle déconcertante, qui fait un peu plus grandir Ravyn. En tant qu’artiste et en tant que personne. Après avoir tourné en première partie de SZA et Noname, il était temps d’en savoir plus sur elle, avant son explosion prochaine.

Photos : @lebougmelo

Ravyn-Lenae-interview-crush-yard-1

Commençons en parlant de Noname, que tu connais. Dans une interview, elle décrit Chicago comme une ville “à la fois belle et très moche”, avec un grand bouillonnement créatif. Est-ce que la ville a une influence particulière sur toi ?

Je pense que c’est une ville incroyable. Les gens sont cools et la scène musicale a une énorme place là-bas. Je suis très fière d’en faire partie avec Noname parce que je pense que c’est un endroit qui nous permet vraiment de se révéler en tant qu’artiste, parce qu’on reçoit beaucoup de soutiens de la part d’autres artistes qui croient en toi. C’est quelque chose qui ne se retrouve pas forcément dans d’autres villes. Les artistes d’ici ne sont pas intouchables, et nous tirent vers le haut.

On voit beaucoup ça avec la nouvelle génération d’artistes venant de là-bas, tels Noname, Saba ou encore Mick Jenkins. Vous ne faites pas partie d’un son régional comme le sont la trap ou le drill…

Oui, on est un peu quelque part entre tous ces genres, sans y être pour autant. [rires]

Comment ça se fait que vous soyez si différents et en même temps si proches dans cette scène ?

C’est vrai que nos styles sont vraiment différents de l’un à l’autre, tu peux écouter ma musique ou celle de Mick, et capter que nous venons tous les deux de Chicago. Je ne sais pas vraiment comment expliquer ça, mais il y a quelque chose de décomplexé et excentrique dans la musique, une approche particulière qu’on ne retrouve pas ailleurs.

Tu parlais d’artistes qui supportent beaucoup les autres. Tu penses à qui par exemple quand on parle du début de ta carrière ?

Je pense que Smino était la première personne à graviter autour de moi. On s’est rencontrés au tout début de nos carrières, et le voir réussir sous mes yeux est spécial pour moi. Du coup, j’ai aussi très vite été proche de Monte Booker, et on s’est vu grandir en même temps, c’est très beau.

Justement, tu peux me parler de la fondation de « Zero Fatigue », ce crew avec Monte Booker et Smino ?

C’était complètement par hasard. J’ai commencé dans un studio d’enregistrement à Humboldt Park à Chicago, dont le propriétaire avait déniché Smino et Monte Booker. On s’est rencontrés là-bas, il m’ont fait écouter leur musique et c’est parti de là. Il n’était même pas question de travailler ensemble au début, on est juste devenus potes, on trainait ensemble et la musique est arrivée par la suite. Monte est un peu comme mon frère, on est très proches.

Tu étais encore dans les études quand tu les as rencontrés ?

J’avais 15 ans, Monte 19 et Smino était un peu plus âgé. À ce moment-là, j’étais encore à l’école, du coup je suis devenu un peu le bébé du groupe. [rires] Mais d’une manière générale, tous mes potes sont plus vieux que moi.

À quel moment tu as décidé de passer d’une école d’art à la musique ? Ce sont deux chemins assez différents.

Je pense qu’à un moment, j’ai dû me poser ces questions : qui veux-tu être, qu’est ce qui te passionne vraiment ? J’ai fait la liste des choses dans lesquelles j’étais plutôt douée, et ce n’était pas les maths ou les sciences. Mais j’ai toujours voulu être une artiste, peu importe la manière, sur scène ou pas. Mais j’ai dû me pencher dessus sérieusement pour savoir ce que je voulais faire de ma carrière.

Tu aurais fait quoi s’il n’y avait pas eu la musique ?

Honnêtement, je pense que j’aurais été écrivaine, j’aurais écrit des contes pour enfants ! [rires] Je trouve qu’il y a un parallèle intéressant entre ça et la musique, dans la façon de délivrer un message de la manière la plus pertinente et efficace. Je me suis pas mal inspiré de ce qu’on m’a appris en école d’art pour l’appliquer dans ce que je fais maintenant.

Ton EP Crush parle beaucoup de force féminine, et je trouve que ça fait écho avec les albums de Kelela ou SZA. En quoi penses-tu que ce genre de message soit particulièrement important aujourd’hui ?

Je pense que ça a toujours été un sujet important, et encore plus maintenant avec le climat social actuel. Je sens qu’on est à un moment charnière pour les femmes, elles gagnent en confiance et on peut faire le parallèle à la période où elles se battaient pour avoir des droits basiques. Je pense qu’on est en train de vivre le même genre de révolution culturelle, où on a besoin de faire savoir que notre point de vue existe et qu’il est aussi important. J’essaye d’inclure ces sujets dans ma musique, pour parler aux femmes et leur montrer qu’elles peuvent aussi le faire. Et ça malgré le fait qu’on évolue dans une industrie dominée par les mecs. C’est un peu mon devoir de donner aussi cette confiance.

« On a besoin de faire savoir que notre point de vue existe et qu’il est aussi important »

Tu penses être une sorte de rôle modèle ?

C’est super bizarre de me qualifier comme ça, mais je vois à quel point ça peut aider mes petites soeurs. Du coup, d’une manière générale je crois que je suis peut être un modèle pour les femmes et particulièrement les femmes de couleur.

Tu ressens ça par exemple quand tu joues en live ?

Oui ! Et surtout quand je joue certains morceaux sur scène, je vois des femmes se lâcher plus. C’est vraiment incroyable de voir que des mots peuvent faire cet effet-là.

Pour ce nouvel EP, tu as travaillé avec Steve Lacy. Pourquoi pas avec Monte Booker qui avait déjà produit ton EP précédent ?

Je crois qu’en tant qu’artiste, c’est important d’évoluer et d’être dans un processus de création constant. Je voulais essayer quelque chose de différent, même si j’adore le travail de Monte. Steve s’est proposé pour produire Crush, en me disant à quel point il aimait ma musique, on s’est rencontrés pour travailler et l’EP est venu de lui-même. Tout était informel. [rires]

Toi et Steve avez quasiment le même âge. Ça ne vous dérange pas qu’à chaque fois qu’on parle de vous, on souligne à quel point vous êtes jeunes ?

C’est assez ennuyant. [rires] Surtout quand cette info est plus mise en avant que la musique. Beaucoup de journalistes me disent des trucs du genre : « Mais tu a l’air super mature pour ton âge. » je ne comprends pas ce que ça veut dire. Quelle genre de musique devrais-je faire pour mon âge, de quoi devrais-je parler alors ?

Ca me fait penser à Billie Eilish aussi, qui raconte des histoires de psychopathes à seulement 15 ou 16 ans.

Mais oui, pourquoi devrait-on absolument avoir de l’expérience pour écrire ? Quand j’avais son âge, j’avais le même processus, j’écrivais des morceaux à partir d’histoires inventées ou vécues par ma mère ou ma famille. Ce reproche de manque d’expériences, je ne l’ai jamais compris.

Comment considères-tu cet EP du coup, comme un récit de ton adolescence ?

C’est comme une sorte de journal intime mais lisible par tout le monde. J’ai été très honnête dans la façon dont il est construit, c’est un projet qui se focalise sur l’évolution personnelle qu’on peut vivre étant adolescent. Je pense que beaucoup de gens peuvent se retrouver dedans, parce que je ne mets pas de frein à décrire ma vie ou mes émotions.

Juste une dernière question qui n’a presque rien à voir : pourquoi signer en major quand tu sais que tu peux avoir Chance the Rapper dans ton entourage, pour être un peu plus indépendante ?

La position de Chance est très spéciale, et je pense que chacun devrait être là où est censé être. J’ai signé en major il y a quelques années, à ce moment-là c’était la meilleur décision que je pouvais prendre. Après, j’aime quand ma vie prend des tournants imprévus, ce n’est pas impossible que je change d’avis un jour. Là, c’est incroyable d’être ici sur ma propre tournée, pour ma première fois en Europe. J’ai eu l’occasion de rencontrer quelques artistes à Londres comme AK Paul [le frère de Jai Paul, ndlr] avec qui je vais probablement travailler, et bien d’autres !

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À seulement 20 ans, Jorja Smith aligne les accolades et les featurings, de Drake à Kendrick Lamar. Mais alors qu’elle sort son premier album, l’Anglaise nous donne l’occasion de découvrir qui elle est vraiment. Interview.

C’était pendant le festival We Love Green. On ne savait pas trop à quoi s’attendre avant de la rencontrer : une jeune fille de 20 ans, bientôt 21, à la voix douce, presque enfantine, et un semblant de timidité qui s’efface vite lorsqu’elle parle fièrement de son début de carrière et de sa musique. Elle pense que les festivals sont étranges, parce qu’en tant qu’artiste on imagine toujours que les gens sont là pour l’artiste suivant, la prochaine grosse apparition. « Mais après j’imagine que les gens sont bien venus pour me voir. »

Ce soir-là, je n’ai pas pu la voir sur scène. « Ne t’inquiète pas pour ce soir ! Je reviens à Paris ! Mon show sera beaucoup mieux. » Elle l’assure en souriant, confiante, se vantant presque. J’imagine qu’elle a raison puisque d’ici-là, elle aura sorti son premier album, Lost & Found, attendu pour le 8 juin.

« Beaucoup de gens ont dû écouter ces morceaux sans savoir qui j’étais. Alors voilà, tenez, mon album. »

Dès le premier titre, c’est un flot de références et de noms qui nous viennent en tête : de cette intro qui monte jusqu’à cette mélodie et ces percussions qui m’ont rappelées Amy Winehouse, jusqu’à cette espèce de spoken word, ce « All falls down… » qui arrive plus tard dans le morceau et vous rappelle Lauryn Hill, jusqu’à ce thème récurrent de l’amour et cette technique qui peut rappeler Adèle à certain. Mais les comparaisons sont assez inutiles pour décrire un artiste et sa musique. Comme les collaborations et autre « co-signs ». Vous avez peut-être découvert Jorja à travers sa collaboration avec Preditah, sur le son garage « On My Mind », ou plus probablement après avec « I Am », sorti sur la bande-son de Black Panther conçue par Kendrick Lamar, ou au moment de sa percée internationale avec son apparition sur le dernier projet de Drake, More Life. De Kendrick elle garde un souvenir assez tendre : « On s’est tellement bien entendu. Il est Gémeau. Moi aussi. […] Il m’a dit qu’on écrivait peut-être quelque chose pour Black Panther et il a ajouté que le titre serait ‘I Am’. Et on a écrit. Il m’a laissé dans une pièce pour que je puisse chanter une mélodie sur sa prod, qui était déjà le début du morceau. Et puis on a écrit ensemble. Et c’était très cool. J’aimerais retravailler avec lui. » En ce qui concerne Drake, elle estbl reconnaissante : « Apparaître sur More Life est une opportunité incroyable. Pour moi, pour Skepta, pour Giggs. Tellement d’artistes anglais ! Ça m’a ouvert à plein de gens, un tout nouveau monde. Ils auraient pu m’écouter et ne pas m’aimer, mais si, ils m’ont aimé. Beaucoup de gens ont dû écouter ces morceaux sans savoir qui j’étais. Alors voilà, tenez, mon album. »

Un album sans featuring, qu’elle a décidé de sortir une fois qu’elle s’en sentait prête.

J’ai 20 ans, 21 la semaine prochaine. Et j’ai écrit ces chansons de mes 16 à mes 20 ans. Ça n’a jamais été comme si j’avais décidé d’écrire parce que j’avais besoin de chansons. J’écris, c’est tout. Et l’année dernière j’ai dis à mon manager que je voulais un album.

Pourquoi ?

Et bien, je voulais sortir quelque chose d’énorme. Et il a dit : « Ok, tiens, une liste des chansons que tu as écris. Choisi celle que tu veux pour l’album. » C’était difficile. Et puis j’en ai écrit de nouvelles quand j’avais 20 ans et j’ai voulu les ajouter à l’album.

Lesquelles ?

« The One » et « On Your Own ». Ce sont les plus récentes.

« The One » est ma préférée.

Tu sais quand je l’entends, elle me fait parfois penser à Sade. Quelque chose dans ses lives. Quand je l’entend, je pense à Sade. Réecoute-là, tu penseras peut-être la même chose, je ne sais pas.

Non, je comprends.

Je crois que c’est le beat !

Le beat ! Et les cordes. Le violon rend le morceau mélancolique alors que le beat te donne envie de…

… de danser. Alors que tu es triste.

Comment tu l’as écrite ?

C’est drôle. Alors, il est produit par Joel Compass. C’est mon petit ami. Mais quand on a fait le morceau, il ne l’était pas encore. Un soir on a eu une conversation à propos du fait que je ne voulais pas de copain. Évidemment je voulais qu’il le devienne, mais j’essayais d’être cool. Et je partais en tournée, et je lui ai dit : « Je ne veux pas de petit ami, mais je ne veux pas que tu parles à quelqu’un d’autre. »

[rires]

Ouais ! Et il m’a dit « Pourquoi je t’attendrais si tu ne veux pas être avec moi ? » Dans ma tête je voulais lui dire « Oui, c’est ce que je veux que tu fasse » mais je lui ai dit « Tu sais, moi je le ferais pour toi. » Je suis tombé dans mon propre piège… Donc on a eu cette conversation, et le lendemain on avait une session. Quand je suis arrivée, ils avaient déjà commencé à écrire cette idée, qu’ils nous ont joué à Joel et à moi. Ils nous ont expliqué : « Ça parle du fait que tu rencontres la bonne personne, mais que ce n’est pas le bon moment, ou que tu n’as pas vraiment besoin d’elle. » Joel et moi, on s’est regardé, choqué. Au final c’est une chanson très honnête. Toutes mes chansons le sont, mais pour celle-ci, chaque ligne signifie quelque chose. J’imagine aussi que c’est parce qu’elle est tellement récente. Mais oui, c’est définitivement ce que j’ai ressenti. Et c’était triste, parce qu’ensuite je suis partie en tournée et il devait continuer à travailler sur le titre. Il passait son temps à m’entendre parler de lui.

[rires] Un vrai piège.

Mais tout va bien maintenant !

L’amour est partout dans son album, sous toutes ses formes : satisfait, lointain, non-partagé, brisé, romantique, égoïste, perdu et retrouvé. « I love love ! » s’exclame-t-elle. Mais certain morceaux sont hors-thème. Je n’en ai relevé qu’un et elle me corrige en affirmant qu’il y en a deux : « Blue Lights » et « Lifeboats ». Le thème des deux morceaux est social, le premier est quasiment politique. Il trouve ses origines dans plusieurs choses que Jorja a vu ou étudié : des vidéos de Ghetts (« Rebel ») et Dizzee Rascal (« Sirens ») au documentaire Noisey de JME, le frère de Skepta, de sa propre enquête sur le rapport des jeunes garçons (de 11 à 17 ans) à la police jusqu’au jour où, trop curieuse, elle a trouvé un couteau dans le sac qu’un ami avait oublié chez elle. « J’ai scrollé sur la page Soundcloud de George [Poet, producteur du titre, ndlr] et j’ai trouvé le titre ‘Dreamy Key’ qui est devenu l’instrumentale de ‘Blue Lights’. J’ai commencé à chanter en repensant à tout ce que j’avais lu et appris. Et c’est tout ce qu’on peut retrouver dans le morceau. Je demande juste pourquoi ils devraient avoir la conscience lourde alors qu’ils n’ont rien fait de mal ? C’est toute la question. Pourquoi ? Et ça n’a pas changé depuis. On se demande toujours pourquoi et j’ai écrit ce morceau il y a presque deux ans maintenant. »

En ce qui concerne la réception de son premier album, elle n’est pas inquiète : « Je pense qu’ils vont l’aimer. Les gens viennent à mes concerts, je l’ai vu en tournée. S’ils aiment mon show, il est comme mon album, alors j’espère qu’ils l’aimeront aussi. » Il restait encore quelques minutes alors qu’on finissait de parler de l’album et on ne pouvait pas la laisser partir sans évoquer de son premier EP, Project 11.

J’ai travaillé avec Charly, qui est le producteur. Je travaillais avec lui même avant de vivre à Londres en fait. On écrivait des chansons.

Toute ta vie, tu écris des chansons.

Oui. C’est comme ça que je le ressens… Je rentrais chez moi à Walsall. On avait déjà sorti trois chansons : « Blue Lights », « A Prince » – j’ai envie de refaire ce titre, avec un groupe. « A Prince » est une chanson géniale – et puis « Where Did I Go » et ensuite on a sorti l’EP. Je voulais sortir plus d’un morceau. J’en ai réécouté certains et je me suis dit qu’ils allaient bien ensemble. Alors j’ai sorti l’EP.

Et cette chanson [cherche le titre]

« Carry Me Home » !

Oui, le poème dans la première partie !

C’est Thea Gajic qui l’a fait et qui le récite.

J’ai toujours cru que c’était toi…

Beaucoup de gens le croient. Mais c’est Thea. Peut-être que dans une édition spéciale j’ajouterais une version live pour qu’on puisse l’entendre elle ! Thea. Elle est réalisatrice. Elle est géniale.

En parlant de réalisation, est-ce que « Where Did I Go » était ta première vidéo ?

Non, ma première vidéo était celle de « Blue Lights », ensuite il y a eu « A Prince ». Mais dans « Where Did I Go », c’était la première fois qu’on me voyait vraiment et autant. C’était juste moi et ma grosse tête.

Tu l’as réalisée toi-même ?

Je me suis juste filmée avec ma caméra dans mon escalier.

[rires] Pourquoi ?

Je chantais une chanson, je voulais faire quelque chose, alors j’ai fait ça. J’avais une maison vide et voilà. Je l’ai envoyé à mon manager en lui disant que je voulais quelque chose comme ça pour la vidéo. Il a dit ok, on n’a qu’à utiliser ça.

Et c’était pas mal.

Merci. Je vais réaliser plus. J’ai tellement d’idées. Mais c’est le temps, je n’en ai pas. Je vais le trouver.

Pour son premier déplacement en dehors de la capitale, le YARD Summer Club Tour s’est arrêté du côté de Lyon, le samedi 2 juin, pour entretenir le feu craché la veille sur la scène du Wanderlust. À ses côtés, la révélation Koba LaD, dont la prestation survoltée a plus que fait tanguer La Plateforme. Aperçu en vidéo.

La Squale ma gueule. Le 25 mai dernier, Moha La Squale a sorti Bendero, son premier album. Une petite semaine plus tard, nous l’invitions dans le cadre de la tournée du YARD Summer Club à célébrer son opus devant 3000 personnes au Wanderlust, à Paris. Le rappeur de la Banane a entonné l’hymne qu’il a dédié à son quartier avec ferveur, sans laisser personne indemne. Aperçu de l’ambiance de ce vendredi 1er juin 2018 qui fera date.

Les nouvelles péripéties du clash fiévreux qui oppose Pusha T et Drake ont relancé les interrogations concernant les facultés de ce-dernier à écrire ses propres textes. Mais au fond, doit-on réellement s’en soucier ?

Pour Lunatic comme pour Pusha T, le silence n’est assurément pas un oubli. Cela fait désormais un bout de temps que le rappeur de Virginie se plaît à être l’épée de Damoclès qui vacille au-dessus du trône de Drake, sa lame affutée venant piquer ici et là la tête couronnée du Canadien. L’ancien membre de Clipse trouve régulièrement le bon mot pour attiser les braises sur lesquelles – aux yeux du public rap – le crooner de Toronto ne devrait pas marcher, pour le bien de sa carrière. Puisque Drake n’est pas le rappeur que Push est capable d’être, les auditeurs ont déjà eu tout le loisir de sceller à l’avance l’issue d’un hypothétique beef entre les deux artistes, à la faveur du leader de G.O.O.D Music. Heureusement pour Drizzy, Push a progressivement freiné son rythme de production, faisant passer leurs tensions au second plan… Jusqu’à ce que DAYTONA surgisse le 25 mai dernier, prouvant que le bras droit de Kanye West n’avait rien perdu de ses bonnes vieilles habitudes.

En effet, sur « Infrared », la piste de conclusion de son album tant attendu, Pusha T rappe : « It was written like Nas, but it came from Quentin. » Une référence évidente à Quentin Miller, l’homme que Meek Mill avait présenté comme étant le ghostwriter de Drake, preuves à l’appui. Les preuves en question ? Des démos enregistrées par l’artiste originaire d’Atlanta pour donner au fondateur du label OVO des pistes de flows et de lyrics, partiellement reprises sur quelques titres d’If You’re Reading This It’s Too Late, ainsi que sur « R.I.C.O » de Meek Mill. Mais il faut croire que le Canadien en avait assez d’être attaqué sur le sujet. Moins de 24 heures après la sortie de DAYTONA, voici que « Duppy Freestyle » fait irruption sur SoundCloud. Dedans, Drake clarifie avec justesse sa propension à utiliser sa propre plume et égratigne au passage Pusha T sur la manière dont il surjouerait son passé de dealer, l’absence de hits dans sa discographie, ainsi que sur son âge avancé. De bonne guerre, de bonne facture.

Mais peu importe la qualité ou la pertinence de sa réponse : pour une certaine frange des auditeurs, Drake restera à tout jamais ce rappeur en toc qui s’est accaparé les mots, les mélodies, le travail d’un autre. Celui qui a « honteusement » eu recours à un ghostwriter. Un ghostwriter qui n’a pourtant rien d’un fantôme, le nom de Quentin Miller ayant bel et bien été mentionné dans les crédits des cinq tracks d’If You’re Reading This It’s Too Late auquel il a contribué. À aucun moment il n’a été question d’invisibiliser son rôle aux yeux du public, quand bien même la manière dont les crédits sont généralement apposés permet difficilement d’apprécier l’ampleur du travail de chacun. L’artiste qui aide à l’écriture d’une ligne, celui qui rédige l’intégralité du texte, celui qui fait la topline, celui dont l’oeuvre a été samplée pour créer le morceau, voire même celui qui compose l’instru : tous sont cités pêle-mêle en tant que « songwriter », sans qu’aucune distinction ne soit faite. Sur « All Day » de Kanye West, par exemple, pas moins de 19 artistes sont crédités en tant que tel, parmi lesquels Kendrick Lamar, Vic Mensa, Paul McCartney ou encore Mario Winans. Et puisque ce sont les noms à l’état civil qui sont mentionnés, cerner avec exactitude l’identité des véritables paroliers peut s’avérer être une tâche ardue, même quand il n’y a aucune omission les concernant de la part de l’artiste principal ou de son label.

Maintenant que le public est familier à Quentin Miller, pourquoi n’est-il pas capable d’apprécier ses propres morceaux comme il a apprécié ceux qu’il a pondu pour Drake ?

Le simple fait que Meek Mill ait soudainement décidé de mettre en avant le nom – alors méconnu – de Quentin Miller a suffi à donner l’impression que Drake tenait absolument à ce que celui-ci soit passé sous silence. Depuis, c’est un peu comme si l’on considérait que le Canadien n’avait jamais véritablement écrit le moindre morceau de musique : l’authenticité de l’ensemble de sa discographie est remise en question. Pour beaucoup, faire faire quelque chose par quelqu’un d’autre signifie forcément qu’on est dans l’incapacité de le faire soi-même. Alors si Drake requiert l’aide d’un autre artiste pour écrire ses textes, c’est sans doute qu’il n’a jamais vraiment su faire. Qu’importe s’il s’est déjà retrouvé de l’autre côté du miroir, étant à l’origine de titres comme « Live Up To My Name » de Baka Not Nice, « R.I.P. » de Rita Ora ou « 30 Hours » de Kanye West. Sur son hit « pick up the phone », Travi$ Scott rappe un couplet écrit par la californienne Starrah, tandis que son bras droit Young Thug interprète un pont écrit… par Travi$ Scott. Un échange de bons procédés dans le seul et unique but de produire la meilleure musique possible, et de permettre au morceau de se hisser jusqu’au sommet des charts.

La version originale de « pick up the phone », avec Starrah en lieu et place de Travi$ Scott, aurait-elle eu la même portée ?

Il est plaisant de voir à quel point le public se plait à soutenir les acteurs habituellement invisibles du monde de la musique quand il parvient à les repérer. Malheureusement, cela se fait systématiquement aux dépends des têtes d’affiches, et ce même si les paroliers obtiennent exactement ce qu’ils sont venus chercher. Songwriter est un travail à part entière, au travers duquel un artiste accepte de mettre son talent à disposition d’un autre moyennant rémunération et crédit. Mais les auditeurs infantilisent ceux qui l’exercent, en essayant d’aviver en eux un sentiment d’injustice qui n’a pas lieu d’être, puisqu’ils ont délibérément choisi d’opérer dans l’ombre.

Combien de fois peut-on lire sur les réseaux que PARTYNEXTDOOR devrait penser un peu plus à sa pomme, et arrêter de distiller les tubes qu’il écrit à Drake ou Rihanna ? Dans l’imaginaire collectif, ce sont les auteurs les véritables mastermind, mais la reconnaissance qu’ils méritent revient hélas à des usurpateurs. Les interprètes, quant à eux, ne sont que de vulgaires marionnettes. Raccourci facile. Mais maintenant que le public est familier à Quentin Miller, pourquoi n’est-il pas capable d’apprécier et de porter ses propres morceaux comme il a porté ceux qu’il a pondu pour l’auto-proclamé 6 God ? « Umbrella » aurait-il été le hit qu’il a été s’il avait été interprété par The-Dream et non Rihanna ? Peut-être bien que l’écriture ne fait pas tout. Quand ses fans s’empressaient de le féliciter pour avoir signé « Wild Thoughts » de Rihanna, PND leur rétorquait d’ailleurs que le succès du son revenait en premier lieu à la star barbadienne, qui – selon ses propres dires – « interprète comme un boss. » Comme quoi.

Il serait peut-être temps de considérer le rap comme ce qu’il est en son essence même : un genre musical.

Les débats concernant l’utilisation de ghost songwriters prennent toujours une tout autre dimension quand il s’agit du rap. Jamais le public n’osera remettre en question le talent de Michael Jackson pour avoir interprété les paroles qui lui étaient écrites par Rod Temperton. Mais dans le hip-hop, votre art sera considéré comme légitime selon votre faculté à raconter vous-même votre propre histoire. Si vous êtes une figure suffisamment respectable, du genre Dr. Dre ou Eazy-E, on vous évitera peut-être ce poil à gratter en omettant volontairement votre nom de la discussion. Mais si vous avez le malheur d’être un Canadien arrogant et un peu fragile sur les bords, attendez-vous à recevoir les foudres d’auditeurs en recherche constante d’authenticité. Dans les commentaires YouTube de la démo de « 10 Bands », un utilisateur hallucine : « C’est triste à dire mais Drake rappe la vie d’un autre homme. » Sous-entendu, celle de Quentin Miller. C’est vite oublier que le travail d’auteur implique précisément de se mettre dans la peau d’un autre. Puis dans la mesure où les rappeurs sont capables de mettre des mots sur ce que peuvent ressentir des milliers d’auditeurs, est-il inconcevable d’imaginer qu’ils puissent aussi trouver les justes paroles pour raconter au mieux ce qu’a vécu un de leurs semblables ?

De manière générale, plutôt que de continuer à faire du rap un univers régit par ses propres règles, il serait peut-être temps de le considérer comme ce qu’il est en son essence même, à savoir : un genre musical. Tant qu’aucun des acteurs impliqués dans la création d’une oeuvre ne s’estime lésé, apprenons simplement à apprécier ce qui nous est donné à entendre, sans chercher à distinguer qui est à l’origine de quoi, autrement que pour les féliciter un à un. Dans le fond, le fait qu’un morceau soit le fruit d’un travail collectif effectué par trois, sept, huit ou douze personnes n’a pas de réelle incidence pour nous, simples auditeurs. Seule la qualité compte. Car un son médiocre écrit, composé et interprété par un seul et même homme n’est rien de plus qu’un son médiocre.

Depuis la fin de semaine dernière, un nouveau diss printanier est venu confisquer l’actualité rap. Le conflit naissant entre Chief Keef et Tekashi 69 (ou 6ix9ine), entré sans échauffement dans la phase armée, doit nous mener à nous questionner. Non pas sur les faits mais sur ce qu’il dit de notre rapport à l’entertainment à l’heure du tout-réseaux sociaux. Et ce, quelle que soit l’issue du beef.

La frontière a toujours été mince entre le show et le drame dans le rap. Le genre comprend ses clashs par centaines, des plus confidentiels aux plus médiatisés. L’idée de base est simple : on ne s’aime pas, on se rentre dedans. Ce qui commence souvent en musique, par un diss track. Prenons les deux beefs les plus célèbres de l’histoire. Nas/Jay-Z. The Notorious B.I.G/Tupac. Deux histoires que l’on peut conter sur des heures. L’une finit avec Jay-Z invitant Nas sur scène pendant l’incroyable concert « I Declare War », scellant en musique leur réconciliation. L’autre avec deux linceuls et une planète sous le choc. La mort des deux légendes nous rappelle que parfois l’apparence joyeusement dorée de l’entertainment peut, tel un caméléon s’adaptant au contexte, prendre la face rouge du drame humain. C’est le jeu du clash diront certains, et lorsque Nas voulut faire brûler une poupée à l’effigie de Hov’ sur scène, on commençait déjà à se rapprocher de la frontière. Mais c’est ce que veut ce jeu, et l’exagération qui lui est propre nous mène à négliger la possibilité que les choses prennent une tournure sérieuse. Dans ce cas elle ne l’a pas pris, et tant mieux. Dans l’autre…

Retour vers le futur. 2018, et sa fin de mois de mai qui a vu naître un beef entre 6ix9ine et Chief Keef via les réseaux sociaux. Un beef qui cette fois a sauté toutes les étapes pour directement passer au stade « course à la mort ». Excitant les fans de l’un, ceux de l’autre et le monde du rap dans la foulée. Les deux veulent en découdre, Chief Keef dans le rôle de Bip-Bip et Tekashi69 dans celui de Coyote. Une rivalité naissante dont l’issue semble être réellement capable de ressembler au décès de l’un ou de l’autre.

Spectateurs et bookmakers du combat à mort

Très vite, arrivent de la part du public des propos hallucinants. On se prononce déjà sur qui risque de se faire plomber, et sur qui nous manquerait le moins. Au vu de leurs carrières et des polémiques en chaîne que crée 6ix9ine, c’est ce dernier qui gagne le plus souvent les cœurs du public dans la course au trépas. Comme un gladiateur que l’on espère voir se faire embrocher par le trident de Chiraq. Sous les yeux d’une arène en délire, de la taille du Maracaña, à l’affût du moindre coup.

Bien sûr, les clashs d’autres époques se basaient aussi sur la focalisation du public, et son regard virant vite au malsain. Certains ont célébré la mort de Tupac comme d’autres celles de Biggie. Et chaque rebondissement du conflit était intensément attendu et commenté. Toutefois, une distance existait, pour de simples questions de technologie. L’actu venait des chaînes de télé ou de magazines, voire de concerts, à la limite. Il n’y avait pas d’instantanéité généralisée. Dès lors, l’embrouille entre le New-Yorkais et le Chicagohan prend une tournure inquiétante pour trois raisons.

D’abord, parce que l’on parle directement de mort ou de graves blessures. Tout ça n’a pas commencé par un diss track, mais par une énième provocation de 6ix9ine lâchant un « F*ck Chief Keef ! » dans une vidéo, un chiot péroxidé sur les genoux et un doigt tendu vers la caméra. Le tout suivi d’un smiley en guise de défi balancé à Lil Reese puis de Chief Keef indiquant dans sa story Instagram qu’il se rend immédiatement à NY pour traquer Bozo le Clown. Or, on connaît Chief Keef, son entourage, les Black Disciples, la morbidité du cadre de vie de la scène drill originelle. Mais, pourra-t-on arguer : « Oui mais, avec la mort de Lil Jojo par exemple, la scène de Chicago a déjà mené à ce genre de beef mortels sans que l’on s’en émeuve particulièrement. » Certes, mais là vient le deuxièmement. Ici, l’attention du monde entier du rap est focalisée sur cette histoire. Au point de faire un peu d’ombre à la sortie de l’album de Kanye West, dans un contexte ayant pourtant tout pour créer une étrange attente. Dès lors, ici il ne s’agit plus que des suiveurs attentifs de la scène de Chiraq, l’attention va jusqu’au plus random des auditeurs de rap qui se connectnte à Twitter. Le beef semble à ce niveau inédit.

Entertainment et viralité

Et surtout, troisième point. Le plus important. Il se déroule en 2018, et passe par les plus populaires et innocents des outils de communication. C’est-à-dire essentiellement Instagram. C’est par une story que 6ix9ine nargue Chief Keef après que celui-ci ait failli se faire transpercer par les balles de deux tueurs envoyés par le trublion. Le même support par lequel Keef avait annoncé son arrivée à New York. Instagram, la sacro-sainte scène de l’entertainment 2.0. Nous avons donc deux rappeurs qui nous content les préliminaires de leur possible mort par des vidéos visibles instantanément par des millions de personnes. Pas mal de personnes pour qui… C’est un jeu, en fait. « Ah, t’as vu Chief Keef est parti le chercher à New-York ! » – « Ouais mais 6ix9ine vient de sortir une vidéo, il s’est barré à LA ! En plus hier Chief Keef s’est fait tirer dessus ! » – « Ouais j’ai vu la vidéo de Chief Keef où il se moquait des shooters ! » Le tout étant abondement relayé, commenté, analysé sur Twitter, Snapchat ou Facebook. Une sorte de grande traque mise sur le compte du divertissement, nous permettant de regarder derrière notre portable dans le métro, ou devant notre PC pendant la pub de Téléfoot, l’histoire de deux hommes cherchant à se chasser à la mort. Au fond, c’est un peu comme un film en mieux non ? Ou une télé-réalité 2.0 ? C’est génial, on en redemande ! La musique là-dedans, elle passe d’ailleurs au second plan. Au mieux pourront-nous écouter le morceau de Tadoe, Trippie Redd et Chief Keef révélé au moment où ce dernier devait être en train de poser ses valises dans la Grande Pomme. Le nom du track ? « I Kill People ».

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Prenons un minimum de recul sur cette histoire hallucinante. Vraiment pas grand-chose. Tout est confondu. Aussi énervé qu’il soit, le diss track est un exercice noble, où l’on cherche à mettre l’autre au sol par des facts, des punchlines en guise d’uppercuts, des flows efficaces… Alors bien qu’ils puissent parfois mener à pire, le fait de les suivre reste une activité saine pour un amateur de rap. Mais il n’en est rien ici : une partie du public semble surtout attendre un meurtre, sans même réaliser que quelque chose cloche quelque part. Montrant au passage aux gosses qui peuvent facilement suivre tout cela que c’est un comportement somme toute normal. Tout est entertainment après tout. Sans vouloir jouer au spectateur simplet et dramatisant de Black Mirror, la situation devrait amener une réflexion sur les réseaux sociaux. D’autant que le public ne se contente pas de commenter : il rit, fête chaque rebondissement comme un 3-pt improbable de Steph Curry ou une patate de Neymar.

Dans tout ça, le seul divertissement qui semble capable d’atténuer l’attention autour de ce biff, c’est un autre diss, le Pusha-T/Drake. Un exercice manifestement bien plus sain. Le « Duppy Freestyle », « The Story of Adidon ». De déjà légendaires bars sont prononcées, des dossiers plus épais qu’un tronc d’arbre sont balancés à la foule, il y a de la surprise, des rebondissements, de multiples débats, mais tout ça reste musical. Et même si celui-ci devait partir en vrille, il n’aurait pas débuté sur une base malsaine.

Toujours est-il que, non contents de regarder le jeu du chat et de la souris entre Chicago, LA et New York, certains petits génies français, toujours à l’affût d’un argument pour dévaluer notre rap qui se porte si bien, se montrent même jaloux de ce diss. Salopards de rappeurs français, trop soft pour se tirer dessus, pour chercher à se mettre réellement des balles dans la tête. Les mêmes préféreraient sûrement que les quartiers français soient aussi fucked up que les ghettos américains, que des gosses naissent « dans une fumée de crack » pour reprendre l’expression de Future, et qu’un tas de gamins apprennent à tirer avant l’arrivée de leurs premiers poils pubiens. Ben oui, ça serait plus gang après tout.

Il y a des gens ici qui sont super contents qu'un rappeur US se fasse tuer par un autre et qui comparent aux clashs en France comme si on avait envie que nos artistes se tirent dessus… Non merci on a déjà assez de problèmes comme ça

— Squale (@MrSquale) 2 juin 2018

Bref, toute cette histoire et toutes ces réactions ressemblent de plus en plus à un immense bazar capable de finir en bain de sang public, puis en représailles. Entre deux types n’ayant même pas atteint le quart de siècle.

Le pire étant ce qu’il se passera à ce moment-là. De grands tweets d’hommages, des « RIP » en veux-tu en voilà, des statuts s’émouvant de la violence du rap américain, des regrets de ne plus avoir de musique à écouter. Venant des mêmes qui prenaient des nouvelles de l’évolution du match à mort entre Chief Keef et 6ix9ine, en allumant leur PC bol de céréales en main le matin. Comme si leur comportement, réponse à la recherche de buzz, n’encourageaient pas la situation à s’envenimer. Comme si le public n’était pas acteur, comme si les deux acteurs en présence n’étaient pas déjà capables de dingueries (enfin, Chief Keef en particulier) sans qu’on les chauffe. Et Tekashi a eu beau appeler au calme et dire ne pas vouloir rentrer dans des histoires de flingues sur TMZ dimanche, on peut se permettre de douter de la véracité de son propos.

Prenons du recul sur notre rapport à l’entertainment dans le rap, aux réseaux sociaux, à toute l’idiotie qui peut s’emparer de nous dans notre recherche effrénée du divertissement : la mort, ça n’est drôle qu’en fiction.

Quelques freestyle, quelques featuring. Une signature Def Jam et un morceau dans une compilation. Rien d’autre. Dans la cacophonie actuelle, il frappe fort par intermittence. Il prend son temps et ne calcule rien, s’étonne même de voir autant d’engouement. Voici Koba LaD, le dernier phénomène phare du rap français. Portrait d’un presqu’adulte au succès retentissant. 

Photo : @louis_azaud

Koba LaD sera en live sur les deux premières dates de la tournée YARD Summer Club le vendredi 1er juin à Paris, et le samedi 2 juin à Lyon

Si le nom de Koba LaD résonne autant en France, c’est qu’il a su tirer son épingle du jeu très tôt. Chez lui, qu’importe le texte, seul compte le nombre de cassages de nuques à la seconde, et si quelques rappeurs français tentent tant bien que mal d’être les importateurs de cette néo-tendance, le rappeur du Parc-aux-Lièvres n’a que faire de la concurrence : « Elle gêne sans gêner, nous dit-il, je n’y fais pas attention, moi je fais ma musique et le reste, nique sa mère. » Une maxime simple mais efficace, pierre angulaire d’un buzz déjà bien présent. Quand on on lui en parle, on se rend vite compte qu’il ne trouve pas de réponses claires pour expliquer l’engouement récurrent qui l’entoure à chaque apparition. Ce n’est pas grave, c’est aussi à nous d’en analyser les ressorts et d’en décortiquer les moindres aspects. De toute façon, son objectif est clair et bien défini depuis le départ : « Devenir riche, c’est ça mon but. »

Du Parc-aux-Lièvres au Parc-aux-Lièvres, des millions de vues en plus

Tout a commencé là-bas. Dans le célèbre 91, département-vivier d’innombrables talents. Originaire du Bois-Sauvage, il traverse la nationale et s’installe non-loin, au Parc-aux-Lièvres, aujourd’hui en proie à la destruction de la moitié de ses bâtiments et à un relogement intensif de ses ex-habitants. On le croise dehors, entouré des siens, une trentaine de jeunes et de moins jeunes, de dix à trente ans. Au milieu, un local désaffecté. « Il a brûlé il y a longtemps, depuis personne n’a voulu le rénover. C’était une sorte d’épicerie, de tabac et d’endroit pour se poser mais on ne l’a pas connu », nous dit Fenzo, l’un de ses meilleurs amis qu’on aperçoit depuis le début dans ses clips. Koba nous ouvre les portes de son quartier, une sorte de jungle urbaine où la quête d’argent fait rage. Quand on y pénètre, on commence à comprendre pourquoi il a choisi le personnage violent et sanguinaire de la Planète des Singes pour pseudonyme : « César, il voulait se ranger, moi je ne voulais pas. Ils ont fait trop de sale à Koba. C’est lui qui s’est fait le plus maltraité, c’est normal qu’il veuille se venger. Moi j’étais dans l’optique de me venger avec Koba, César il me raconte sa vie… Mais moi je ne suis pas comme ça, je prends ce qu’il y a à prendre et je me casse. » ‘Prendre ce qu’il y a à prendre’ donc… logique qu’il se soit lancé très tôt dans le rap. À quinze ans à peine, il débarque sur YouTube avec le SevenBinks – ou 7Banks –, son groupe de toujours, constitué de ses potes d’enfance Kaflo et Shotas. Le morceau « Beleck y’a les 22 » marque leurs débuts respectifs, s’ensuit « On l’a block », avant d’entamer les prémisses de l’aventure en solo avec des freestyles de chacun des membres. Quinze ans, c’est peut-être encore trop jeune pour gérer tout ce qu’il se passe dans l’ombre, mais le trio bénéficiait d’une aide globale du quartier : « On avait un grand qui s’occupait de tout ça pour nous. Les grands, eux, ils rappaient déjà, donc y en a un qui nous a aidé à nous lancer. »

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S’ils ont commencé en 2015, c’est aussi que la France était en plein boom démographique de nouveaux-rappeurs depuis que Kaaris, Gradur et Niska – pour ne citer qu’eux – avaient donné les schémas à suivre pour faire de la drill et de la trap à la française. Forcément, la concurrence était rude, l’industrie noyée sous des tonnes de projets quotidiens. Pourtant, le trio ne se défilera pas pour autant, persuadés que leur tour viendra : « On ne faisait même pas de vues. Personne ne connaissait, mais on s’est dit qu’on allait continuer. La Mafia Spartiate commençait à faire du bruit, c’était sur, qu’automatiquement, la lumière allait se rabattre sur nous. C’est le même quartier donc c’est normal. » La Mafia Spartiate a été le premier projecteur, d’ailleurs, Shotas est le petit frère de Dalsim, membre éminent du groupe. C’est donc en famille qu’ils évoluent, en frères d’armes et frères de sang, « c’est le quartier, on a grandi ensemble, on a été l’école ensemble, on a tout fait ensemble ». Malheureusement, la vie est faite de mésaventures et le groupe ne tardera pas à imploser, les premiers freestyles en solo marquant la naissance d’un éloignement des volontés artistiques de chacun, en plus de situations personnelles : « Avant on n’avait pas l’envie de percer, on rappait comme ça. C’est quand j’ai vu que ‘Sous l’eau’ a commencé à prendre que moi je suis resté focus là-dedans. En plus, un du groupe ne pouvait plus continuer donc on a du se séparer… Mais on est toujours ensemble au quartier, c’est juste que dans la musique, chacun a pris sa route. » Dès lors, l’aventure Koba LlaD démarre officiellement. Les freestyles s’enchaînent à un rythme effréné, l’objectif est simple : gratter du buzz, le plus possible. Il n’aura suffit que d’un hashtag #Ténébreux pour que ce soit chose faite. Le morceau prend une envergure folle, confirmant sans doute toutes les attentes que le public avait. Des millions de vues plus tard et Koba n’a toujours pas d’explications, préférant croire en un mystère de l’industrie : « Le freestyle il est simple pourtant, il est là, devant le bâtiment. Rien d’exceptionnel. Les gens ont aimé, tant mieux. Je n’appelle pas ça des sons, c’est pour ça que j’ai dis freestyle. Ca ne se met pas dans un album. Un morceau, c’est plus travaillé, ça c’est que de la trap, ce n’est rien du tout en vrai. »

Derrière l’apparente simplicité de sa musique : une écriture efficace et un état d’esprit guerrier

Il faut dire qu’à première vue, les raisons d’un tel succès sont comme scellées dans le registre de l’incompréhension. C’est court et efficace, certes, mais comme plein d’autres. C’est de la trap bien faite, les rimes sont puissantes, le flow est saccadé et le visuel fort, certes, mais comme plein d’autres. Qu’est-ce qui différencie donc Koba LaD de n’importe quel autre quelconque rappeur/trapper ? « J’essaye de ne pas écrire comme eux, nous répond-il, de ne pas penser comme eux. Alors forcément je ne rappe pas comme eux. C’est peut-être ça qui a fait que je me suis démarqué. » L’écriture, c’est en effet ce qui attire le plus l’attention. Si elle apparait au début proche de ce qui se fait globalement dans le rap français, intervient une caractéristique supplémentaire qui la rend sans doute pertinente : la multi-syllabique. Alors même qu’elle devient rapidement de la « branlette intellectuelle » dès lors qu’on l’utilise pour parler de thèmes sociaux-politiques ou de sentiments humains, vu comme un moyen facile de construire un 16 mesures grâce aux ricochets de sonorités qu’elle crée, elle apparaît comme stimulante dès que l’auteur l’utilise pour parler de choses simples et divertissantes dans le rap : sexe, drogues, armes, et consorts. Chez Koba LaD, ça se représente ainsi avec, par exemple, la syllabe « ch »: « A l’argent je me suis attaché / Excité quand j’suis devant sa chatte / Et les keufs commencent à m’faire chier / A venir tous les jours juste pour jouer à chat / La vie de charbon des fois c’est chiant / Une petite dette elle peut coûter cher / Mes reufs deviennent de plus en plus méchant / Depuis tout petit c’est l’argent qu’on ché-cher / Et regarde mon chichon / Ouvre-le c’est vert comme des pistaches / Tu payes si tu touches / Ou ton t-shirt sera rempli d’tâches. »

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C’est bien cette manière d’écrire qui l’a différencié depuis le départ, en plus d’un état d’esprit dépendant d’une détermination brute : « On m’a dit de ne pas lâcher, je n’ai pas lâché. Aujourd’hui ça a payé. » Et ce n’est pas la signature chez Def Jam qui va freiner sa motivation, bien au contraire, une certaine lucidité a remplacé la peur de décevoir sous-jacente à l’apparition d’un label : « Je ne calcule pas trop la pression. Dans ma tête déjà je ne comptais pas faire n’importe quoi, même sans la signature. Une maison de disque c’est mieux vu qu’il y a plus de moyens et de visibilité, mais après, seul compte le travail. Ce n’est pas la maison de disques qui fait le buzz, c’est le travail justement. Soit tu travailles, soit tu travailles pas, et si tu travailles pas c’est cuit. » Quand il s’agit d’essayer d’entrevoir les raisons pour lesquelles Def Jam lui a si rapidement fait confiance, il reste les pieds sur terre, la tête droite sur les épaules, comme persuadé de ne pas être sorti du lot par la seule force de sa musique, « ça m’est tombé dessus comme ça. Mon manager et moi on pensait continuer sur notre lancée tout seuls. Je ne sais pas vraiment ce qui a poussé Def Jam a venir… ils ont l’oeil sûrement ». Si Koba LaD est convaincu de n’avoir aucune particularité, ce n’est évidemment pas le cas de ceux qui l’écoutent, de plus en plus nombreux, dont le célèbre Ibra du studio 50k, qui a d’ailleurs invité le jeune rappeur dans la compilation GameOver en compagnie de grands noms comme Sadek, Hornet La Frappe, YL, GLK ou encore Vald.

Le fait est que derrière l’apparente simplicité qui entoure autant sa musique que son personnage, se cache une manière très scolaire de faire du rap. Si elle est difficile à percevoir aux premiers abords de par l’importance du divertissement mis en lumière, elle devient rapidement claire dès lors que l’on prend le temps d’observer le texte ou discuter avec lui. Niro disait : « A l’école ou dans le rap, j’suis au fond d’la classe », et cette phrase résume sans doute l’argument présenté ici. Koba LaD a beau apparaître comme un jeune gosse nonchalant, les pieds sur la table, près du radiateur, les yeux rivés vers la fenêtre ; symboliser ce je-m’en-foutisme de la génération 90’s/00’s, il n’en reste pas moins qu’un enfant du 91, épris de la musique de son département, influencé par les schémas de rimes et les thèmes empruntés par ses idoles. Un type qui a baigné si tôt dans le rap, dès l’enfance, qu’il en est devenu comme talentueux de nature.

De La Comera à Chief Keef, un lien trans-continental les unit : la folie

Quand on a su qu’il venait du 91, on s’est naturellement empressé de préparer une tonne de questions sur la musique qui y résonne. Si l’on savait déjà que l’influence de Chief Keef était autant visible qu’assumée, on pensait – à raison – que Koba LaD était comme tous les jeunes qui appartiennent à un quartier ou un département connu pour ses rappeurs célèbres : un auditeur passionné et obsédé. On n’aurait pas pu mieux tomber : « Quand j’écoutais du rap français, ce n’était que les rappeurs du 91. Le premier souvenir que j’ai c’est La Comera. C’est eux qui m’ont donné envie de rapper, c’est ça qui m’a matrixé. Moi, je ne suis pas trop rap français à part ça, mais c’est clairement parce qu’ils étaient matrixés que je les écoutais ! » ‘Matrixés’ donc, c’est ce que cherchait le jeune rappeur dans la musique. Il faut qu’il a dû rapidement être comblé avec La Comera ; le duo M.O et Tony, originaires de Grigny, sont de véritables tueurs au micro, des rappeurs dont la folie n’a d’égal que l’inexplicable non-exposition du rap du 91. En effet, et même si le ton tend à changer aujourd’hui avec PNLAlkpote, Niska ou K-Point – sans compter les succès d’Ol’Kainry ou Sinik – le 91 n’a jamais vraiment réussi à mettre son nom sur la carte nationale, et ce malgré tout le talent de la LMC Click (Juicy-P, Jack Many, Maestro), Nubi ou Gizo Evoracci –pour ne citer qu’eux. Ce sont pourtant les premiers importateurs des sonorités sudistes des Etats-Unis, bien avant que Booba s’y attaque, mais l’industrie est, au grand dam de ces artistes, malhonnête. Si Koba LaD est tombé dans le rap par l’entremise de La Comera, obsédé par la folie qui se dégageait des deux membres du groupe, la découverte de Chief Keef a été le véritable déclencheur de sa passion : « Quand je découvre Chief Keef j’étais petit, je devais avoir quoi ? 12 ans ? Je crois ouais. C’était à l’époque de ‘I Don’t Like’. Ce qui m’a impressionné c’est son flow, ses locks… Non, il a trop de flow. Je ne comprenais même pas ce qu’il disait ! Juste son flow et ses fins de phrases… Je pétais les plombs. Je répétais que ses fins de phrases et ses ambiances, c’est ça qui m’a matrixé. » Que peut trouver d’intéressant un enfant de douze ans quand il écoute un rappeur dont il ne comprend ni le rap ni la langue ? La réponse est simple, la violence, tout simplement. « Eux, c’est la vraie violence. Là-bas c’est la streetlife pour de vrai, ce ne sont pas des mythos, c’est ça qui m’a plu direct. »

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Après la stupéfaction de la découverte surgissent, forcément, l’inspiration et l’influence. Koba se laisse pousser les locks comme Chief Keef, commence à rapper comme Chief Keef, bouge comme Chief Keef, parfait son univers visuel comme Chief Keef… Au-delà d’être une inspiration évidente, le chicagoan devient un modèle de réussite à suivre pour le jeune rappeur du Parc-aux-Lièvres : « Eux ils sont dans le futur, ils ne sont pas dans le même monde que nous. Ce que nous on fait là ? Ils l’ont déjà fait. Donc moi, à partir de ça, j’essaye d’être comme eux là tout de suite. Faut être dans les temps en fait, c’est important. » Ce qui est d’autant plus troublant est que le premier album de Chief Keef, succès intercontinental, sort quand son auteur n’a que dix-sept ans. Si Koba n’est toujours pas prêt de sortir le sien, il a tout de même réussi à gratter une signature en label au même âge, « parfois moi aussi j’y pense, mais ça ne s’explique pas », nous dit-il. Intéressant. Il tient tout de même à nous rappeler quelque chose d’important, car si le 91 est son département, et que celui-ci cherche naturellement à voir en un artiste émergent le drapeau de la musique qui en émane, il ne souhaite pas devenir son emblème, seulement celui de son quartier : « Je ne suis pas un rappeur du 91, je suis un rappeur du Parc-aux-Lièvres, ça s’arrête-là. » Nulle question d’être le porte-étendard de quoi que ce soit, le rap n’est qu’un divertissement, « ça plait aux gens, tant mieux« . De l’entertainment tout simplement, la base du hip-hop comme moyen d’expression physique, décuplé depuis quelques années dans le rap d’aujourd’hui. S’il est aussi visible dans sa musique, c’est que le succès lui est tombé dessus soudainement, sans qu’il s’y attende, lui qui voulait juste se distraire tranquillement avec ses potes : « Au début dans la musique je n’étais pas du tout sérieux. Puis d’un coup mon morceau sur Youtube a pété. J’ai suivi le truc, mais sans vraiment suivre, j’envoyais sans calculer. Et jusqu’à aujourd’hui je pense que c’est ça le truc, ma particularité peut-être, ne pas calculer. Dès que tu calcules, tu prends la grosse tête et c’est fini pour toi. Moi, j’ai les pieds sur terre, au quartier. C’est ça la base. Quand tu quittes ta base tu perds tout et tu vas te perdre. T’es cuit. »

Quand il s’agit de parler d’avenir, Koba LaD n’a aucune réelle pression ni attentes particulières. Pourtant, et même si l’on peut s’évertuer à montrer toutes les bonnes choses dans sa musique, on arrive difficilement à voir ce que le jeune rappeur pourrait donner sur un album complet. Il faut dire que ses freestyles, aussi bons soient-ils, se ressemblent un peu tous, que son flow, aussi rythmé soit-il, ne tend pas vraiment à montrer les prémisses d’un changement prochain. C’est aussi qu’il n’a qu’un seul « réel » morceau à son actif, « Rentable », objectivement son meilleur, et qu’il profite du temps offert par Def Jam pour bien préparer le terrain et travailler en secret : « Avant j’étais beaucoup plus dans les styles de prod’ ‘Ténébreux’, mais maintenant ça m’a un peu saoulé. Là, je suis carrément ouvert sur les types de prod’. Je peux poser sur tout et n’importe quoi. Faut prendre des risques sur un album, qui ne tente rien n’a rien. On va prendre des risques et on verra ce que ça donne. » Les cartes sont dans sa main, à lui de les poser stratégiquement pour convaincre ceux qui émettent -à raison- certains doutes quant à son probable potentiel, « j’essaye de ramener un nouveau truc et d’avoir toujours du flow à chaque fois ».

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Comme à son habitude, il est nonchalant, il suit sa route calmement sans trop se poser de questions Il reste au quartier avec ses potes d’enfance et ne cesse de pousser les autres rappeurs du Parc-aux-Lièvres sur les réseaux, comme si, malgré son jeune âge, il était déjà celui vers qui l’on devait se tourner pour demander conseil ou un peu d’aide. En 2018, le divertissement est roi et Koba LaD symbolise sans doute ce qu’est l’archétype du rappeur actuel : jeune, débrouillard, les pieds sur terre, un peu bête parfois mais lucide quant à la dureté de l’industrie. Un type qui s’est épris de rap très tôt, qui pourrait donc écrire de beaux textes et conter un message quelconque débattu et rabattu des centaines de fois, mais qui préfère nettement plus s’amuser. Alors il compte en faire profiter le plus de monde possible et ça, ça nous convient très bien.

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Tandis que la francophonie s’inclinait devant Damso, son nouveau champion, l’espagnol Kidd Keo publiait en mars 2016 “Okay”, son remix de “Débrouillard”, qui cumule aujourd’hui plus de vues que l’original. Preuve qu’il se passe bien des choses au-delà de nos proches frontières, là où l’on n’osait jusqu’à présent s’aventurer. À force de courir après une Amérique qui ne le regarde pas (ou peu), le rap français a oublié de considérer une florissante scène européenne, désinhibée par la trap, qui lui porte pourtant la plus grande admiration. Kidd Keo en est la preuve. Peu avant sa première date parisienne, sur la scène du YARD Winter Club, le rappeur hispanique nous a embarqué dans une ride à Pigalle, durant laquelle il a évoqué ses nombreuses références musicales hexagonales.

🔥 De plus en plus chaud 🔥

Après six ans à retourner chaque semaine le Wanderlust Paris avec les meilleurs DJs de la capitale et les artistes les plus chauds du moment, de Migos à Niska, en passant par ASAP Rocky, Booba ou PNL, on passe au niveau supérieur : le YARD Summer Club part en tournée. La même sauce, la même recette, partout en France et en Europe.

Evidemment, on démarre là où tout a commencé. Alerte canicule : le 1er juin, rendez-vous au Wanderlust avec la crème de la crème de la team YARD et des guests qu’on vous dévoilera très, très bientôt. Commencez à vous échauffer, faudra pas bégayer.

 

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Calendrier

1er Juin 🌍 YARD Summer Club | Wanderlust Paris
2  Juin   🌍  YARD Summer Club | Lyon, La Plateforme ft. Koba LaD
15 Juin  🌍  YARD Summer Club | Rennes, 1988 Live Club
16 Juin  🌍 YARD Summer Club ft. Kalash | Warehouse Nantes

On arrive avec des dates jusqu’en septembre ! Restez connectés…

Voyages quadridimensionnels, créatures fantastiques et androïds malheureux : voici comment Swae Lee et Slim Jxmmi sont devenus l’entité Rae Sremmurd.

Illustrations : Bobby Dollar

Au début des années 1990, le jeune producteur Rico Wade rêve de faire d’Atlanta une ville centrale pour le rap. Il commence par donner une localisation physique à son utopie, en transformant un cachot sous terrain en studio coupé du temps et de l’espace. André Benjamin et Antwan Patton, respectivement originaires de Buckhead et de Savannah, sont un jour venus s’y perdre, et par on ne sait qu’elle magie, en sont ressortis transformés en André 3000 et Big Boi, deux des plus grands rappeurs de notre galaxie.

Au début des années 2010, le jeune producteur Mike Will Made-It veut consolider le statut de capitale du rap revendiqué par Atlanta. On raconte qu’il fait construire son studio au dessus d’un lieu magique. Khalif Brown et Aaquil Brown, deux frères originaires de Tupelo, sont un jour venus s’y perdre, pour en ressortir transformés… Non, Swae Lee et Slim Jxmmi ne sont pas les nouveaux OutKast. Voici comment ils sont devenus Rae Sremmurd.

Rae Sremmurd

Nés en Californie, Swae Lee et Slim Jxmmi ont longtemps suivi leur mère militaire à travers l’Amérique. Tupelo, Mississippi, est de tous leurs points de chute celui qu’ils ont finalement appelé « maison ». Ils s’inspirent d’ailleurs de cette vie de bourlingues pour nommer leur premier groupe, Dem Outta St8 Boyz. Inspirée par Soulja Boy et tout le swag rap d’Atlanta, leur musique est juvénile et festive, performée habillés de grands tee-shirts colorés, pour des concerts improvisés dans les maisons abandonnées et les lycées de Tupelo.

En 2011, ils rencontrent le producteur P-Nazty, cousin de leur DJ et membre d’EarDrummers, le label récemment monté par Mike Will Made-It. Quelques mois et allers-retours plus tard, après avoir quitté l’école et leurs petits boulots à l’usine, Swae Lee et Slim Jxmmi s’installent dans les studios de Mike Will à Atlanta, transformés en incubateurs à jeunes artistes.

Le duo adopte le palindrome Rae Sremmurd pour marquer son affiliation au label et, à la manière du trio Travis Porter, donner l’impression de n’être qu’une seule personne. Pour Mike Will, qui semble avoir décelé en eux un quelconque potentiel, il s’agit de tailler et polir ces deux minuscules diamants bruts pour en faire des pop stars intersidérales.

Depuis les sous sols d’EarDrummers, Swae Lee et Slim Jxmmi ont accès à une discothèque semblable à la Bibliothèque de Babel. Elle est composée d’un nombre indéfini, peut-être infini, de galeries hexagonales, et d’une interminable suite d’étages inférieurs et supérieurs. Vingt longues étagères, à raison de cinq par côté, couvrent tous les murs moins deux ; leur hauteur, qui est celle des étages eux-mêmes, ne dépasse guère la taille d’un rappeur normalement constitué. Chacun des pans libres donne sur un couloir étroit, lequel débouche sur une autre galerie, identique à la première et à toutes.

Swae Lee observe que toutes les partitions présentes sur les étagères, quelques divers qu’elles soient, comportent des éléments égaux servant à décrire les caractéristiques du son musical. Il fait également état d’un fait confirmé par Slim Jxmmi : il n’y a pas, dans la vaste discothèque, deux partitions identiques. De ces prémisses incontroversables ils déduisent que la discothèque est totale, et que ses étagères consignent toutes les combinaisons possibles de notes, de signes, de silences, de textes, c’est-à-dire tout ce qu’il est possible d’exprimer en musique.

Guidés par les consignes de Mike Will, les deux frères avancent dans ce dédale et piochent sur les étagères des partitions, afin de nourrir leur musique. Parmi elles, il y a d’abord des albums d’hier, majoritairement venus d’Atlanta.

On imagine aisément qu’ils soient, par exemple, tombés sur la musique de Kilo Ali, l’un des grands architectes du rap local. Il est le père spirituel de toute une lignée passant par June Dog puis Fabo de D4L, menant jusqu’à Young Thug. À la fin des années 1980, il fait partie de ceux qui importent à Atlanta la Miami bass, bande son uptempo des clubs, qui fait suer et trembler les cuisses à coups d’éructations salaces et de scratchs.

Avec le single « Perfume » en 1993, Kilo commence à se différencier de ses influences. Plus funk, les rythmes de Miami y ont aussi été ralenti par l’air de Géorgie. Ce sont les prémisses d’une sorte d’Atlanta bass, genre qui a du mal à avoir une existence livresque officielle mais qui existe bel et bien, définitivement institutionnalisée avec la compilation So So Def Bass All Stars, et son hit intemporel « My Boo » des Ghost Town DJ’s. Perméable au r&b, cette ATL bass ouvre une porte entre le rap et le chant, la rue, le club et la chambre à coucher.

Si les Rae Sremmurd ne devaient garder qu’un seul des titres de Kilo Ali trouvés sur les étagères de la discothèque, ce serait probablement « Baby, Baby ». Extrait d’Organized Bass, son opus magnus sorti chez Interscope en 1997, la chanson et son clip vidéo contiennent la moitié de leur ADN : des basses dansantes, des lunettes de skis vissées sur les fronts, des drôles de gimmicks en voix de tête et des nappes vaporeuses. À croire que Kilo est le père biologique disparu de Jxmmi et Swae Lee.

En avançant, les deux frères découvrent le parcours de Mr. Collipark, celui qui a révélé les Ying Yang Twins et Soulja Boy en les signant sur son label. Sous le nom de DJ Smurf, il participe au développement de cette ATL bass, avec des titres comme « Ooh Lawd » en 1995 ou « Girls » en 1998, puis alimente les radios avec ses productions pour David Banner, Bubba Sparxxx, Young Jeezy ou Ciara. Ses rythmes entrainants et ses synthétiseurs froids comme une barre de strip-tease forcent les rappeurs à réduire leur texte à un gimmick, à jouer avec le son de leur gorge et les flows de Too $hort.

Dans une salle adjacente, ils retrouvent les groupes de leur enfance, D4L, Dem Franchize Boys, F.L.Y. et évidemment Travis Porter. Il y a ces artistes coiffés comme des footballeurs européens, qui chantent dans des t-shirts aux couleurs des Looney Tunes parce qu’ils donnent autant d’importance à leur style qu’à leur musique. En tête, Yung L.A. et sont « Ain’t I », derrière, tout le contingent de ce qu’on appelle parfois le swag rap.

Avec leurs mélodies minimalistes et volontairement répétitives, on qualifie parfois ces chansons de ringtone rap. Les productions ressembles à des bips de téléphone, peut-être parce qu’elles sont pensées pour pouvoir être vendues comme sonneries de portable. Adaptée aux nouveaux modes de consommation, et accompagnée de danses faciles à reproduire pour la rendre virale, le roi de cette musique, les Rae Sremmurd le savent déjà, c’est Soulja Boy.

Au sortir de leur premier aller-retour dans l’infinie discothèque, Swae Lee et Slim Jxmmi ont remonté toute une partie de l’histoire du rap d’Atlanta, de ses prémices jusqu’à leurs influences directes. Un voyage matérialisé par SremmLife, leur premier album.

Ce disque dégage une énergie que l’on peut qualifier de positive, de joyeuse, de cartoon, de juvénile. Comme si leur jeunesse n’était pas assez évidente, ils la revendiquent sans cesse, l’accentue en poussant les aigus d’auto tune, en joue en adaptant leurs textes pour les réseaux sociaux ou en découpant leurs mélodies pour qu’elles tiennent dans un Snap ou un Vine.

À l’époque, le public n’identifie pas complètement les deux frères et Rae Sremmurd pourrait n’être qu’une seule personne. Si on devine ce qu’ils écoutent, si on entend ce qu’ils aiment, ils ne racontent rien d’eux et de leur vie. À un moment où triomphe la rage et les récits de dépression, leur joie exubérante est parfois vue comme une faiblesse. Comparés à Kriss Kross, ils seraient creux, préfabriqués, des marionnettes façonnées par Mike Will. L’animateur radio Ebro Darden les soupçonne même de ne pas écrire leurs textes.

En plus d’être de pures fabulations, il s’agit d’un faux procès, l’intérêt de leur musique étant ailleurs. Leur apparente simplicité et le faux minimalisme des productions demandent une véritable habileté. Toutes ces forces sont résumées par « No Type », sa progression mélodique minutieuse, sa superposition d’éléments discrets qui permet sa fraicheur et son efficacité, la complémentarité qu’il s’y dessine entre Swae Lee le bonbon chanteur et Jxmmi la pile électrique… Trop tard, l’équipe EarDrummers est touchée par les critiques, et s’atèle immédiatement à les contredire une à une.

De retour dans les sous-sols de leur studio, les frères Sremmurd s’enfoncent d’avantage dans la discothèque. Sans oublier ce que leur première excursion a apporté, il faut aller plus loin, et le rap d’Atlanta étant la mutation de sons venus d’ailleurs, autant remonter la source.

2 Rae Sremmurd

Après celui de Miami, c’est un courant venu de Memphis qui coule sur la ville. Les basses tapent de plus en plus fort, de plus en plus lentement et, sauvage, hyper synthétique, épuré, répétitif, presque morbide, nait l’ATL crunk en 1997, hurlé par Lil Jon et ses EastSide Boys. Leur modèle est alors la Three 6 Mafia de Juicy J et DJ Paul, et les frères Brown examinent à leur tour le parcours de ces indétrônables rois de Memphis.

Pour arriver à ne faire qu’un avec Mike Will Made-It et son équipe de producteurs, ils passent du temps dans des pièces dédiées à la musique moderne de Virginie. Dans les années 2000, des mutants comme Timbaland ou les Neptunes y sont à la fois interprètes, hommes orchestre, marionnettistes de rappeurs et d’artistes pop. Des figures polymorphes qui inspirent chacun des membres d’EarDrummers de façons différentes : Mike Will se rêve super producteur à la Timbo, Swae Lee, crooner gracieux à la Pharrell Williams.

Impossible d’être certains de tout ce qui nourri leur art durant l’année qui sépare le premier album du suivant. Pourquoi ne pas imaginer de longues heures à écouter Cassie et Ryan Leslie, les Beatles, Michael Jackson, Lil Wayne ou Gucci Mane par exemple ? Il se peut même que les deux frères soient allés se perdre si loin dans leur labyrinthe qu’ils aient eu accès à des pièces jusqu’alors inconnues.

Le résultat, SremmLife 2, est un Flockaveli avec des pistolets en plastique, qui rend caduque les comparaisons balourdes à Kriss Kross et Milli Vanilli. Un falsetto céleste sur « Swang », en lévitation totale au refrain de « Look Alive » ou en transmigration ralentie sur la production TGV de « Black Beatles », Swae Lee est devenu à lui seule une discothèque de gimmicks pop, infinis et aussi efficaces que raffinés. Slim Jxmmi apporte l’équilibre parfait, en amenant l’énergie coup de poing et les images farfelues. Les Rae Sremmurd font désormais leur rap pop avec une minutie moléculaire, comme pour prouver que cela peut être une musique d’orfèvre.

Leur énergie, toujours fraiche et juvénile, est contenue par la noirceur des productions, beaucoup plus sombres que sur l’album précédent, comme si leur fête s’était poursuivie dans la nuit, avec tout ce que cela implique : les corps amorphes, les trous noirs et les descentes plus ou moins bien vécues.

Sur « Shake It Fast » et « Set The Roof », ils revendiquent leur filiation en rendant hommage à tout le rap festif, de 2 Live Crew à DJ Mustard en passant par Three 6 Mafia et Lil Jon & The Eastside Boyz. Mais la deuxième moitié du disque les ancres on ne peut plus dans l’époque, celle de la génération Spring Breaker pour qui la fête est avant tout une fuite. Avec les méditations de « Came a Long Way », « Now That I Know » et « Take It Or Leave It », ils explorent de nouveaux thèmes et démontrent au passage qu’ils sont plus polyvalents que ne veulent le croire leurs détracteurs.

Cette fois, le public différencie les deux frères, et remarque particulièrement l’éclosion du plus jeune des deux.

Swae Lee écrit comme Mike Will compose. Grâce à l’utilisation des filtres passe-bas, atténuant les aigus pour ne laisser passer que les basses fréquences, Mike Will manipule le son comme une matière organique. En les plongeant dans ces filtres, il sépare ses pistes pour qu’elles soient audibles une à une, puis les fait remonter à la surface pour un climax où les éléments convergent. Swae Lee s’amuse à suivre ces constructions avec sa voix, crée des montées, des explosions progressives, part en voix de tête jusqu’à l’évanouissement avant de se réveiller en voix basse. Derrière, Jxmmi envoie tout voler en éclat avec ses couplets dynamites, nous ramène dans le surréalisme d’Atlanta, décrit avec des images de dessins animés. Leurs personnalités dégoulinent désormais de partout dans leur musique.

Le 4 aout 2017, sort « Perplexing Pegasus », premier extrait d’un prochain album. À force d’excursions dans l’histoire de la musique, les frères Brown ont dompté Pégase, cheval doté des ailes de l’imagination et symbole de l’inspiration poétique.
Il est indéniable que Swae Lee a une influence notable sur le rap depuis 2015. Peu de temps après la sortie du premier SremmLife, la chanson « Antidote » de Travis Scott agace terriblement Mike Will qui, comme tout le monde, reconnaît le style de son protégé. « Il va falloir commencer à préciser ‘inspiré par Swae Lee’ dans le titre de vos chansons… », dit-il. Les ad-libs et les mélodies du cadet des Brown se diffusent et s’exportent de plus en plus, y compris en France.

Plutôt que de laisser ses idées être utilisées par d’autres, Swae Lee prend Pégase par les cornes. En 2016, il écrit « Formation » pour Beyoncé, single événement nominé aux Grammy Awards. On y reconnaît la construction mélodique ascensionnelle de Lee, ainsi que les jeux de gorges du regretté Bankroll Fresh, typiques du rap d’Atlanta actuellement. Quelques mois plus tard, grâce à « Unforgettable » co-écrit pour French Montana, Swae Lee obtient son premier podium au Billboard, confirme son talent d’auteur, et trouve peut-être la voie à suivre pour s’envoler encore plus haut.

Aussi inventifs, influents et réussis que peuvent être les premiers albums de Rae Sremmurd, le duo n’a pas le statut des Drake, Future et autres Travis Scott. Peut-être qu’après des années à arpenter les sous-sols de leur discothèque, il est temps pour eux d’étudier le monde extérieur.

3 Rae Sremmurd

Les productions de SR3MM noircissent encore d’avantage la musique de Rae Sremmurd. Des mélodies acides, des fréquences désaccordées et des petites dissonances créent une aura étrange. Les deux frères rappent sur des boites à musique disloquées et des bruits de bornes d’arcade en panne. L’ombre électroniques et atmosphérique qui plane sur ce nouvel album est un peu celle de « Black Beatles », c’est aussi celle de The Weeknd.

SR3MM est enregistré en parallèle de la tournée américaine de Weeknd, pour qui Swae Lee et Jxmmi assurent les premières parties. L’influence du robot canadien se ressent dans ces sonorités froides et nocturnes, comme dans leur nouvelle manière d’écrire leurs peines et leurs relations amoureuse. Sur « Bedtime Stories », on différencie mal la voix de Weeknd de celle de Swae Lee, chantant tous les deux que l’amour est un horrible cauchemar.

La release party du disque à Los Angeles à lieu dans un décor post apocalyptique, plongé dans le brouillard et éclairé de néons verts cachés au fond des piscines. Une esthétique mélangeant gothique et cyber punk, qui prolonge l’obscurcissement de leur musique. Dans la vidéo nocturne de « CLOSE », les deux frères apparaissent même en vampires suceurs d’amour. Les Rae Sremmurd sentent qu’il est bon de s’assombrir et d’avoir l’air émotionnellement torturé pour se faire une place dans la pop moderne. Encore une idée plantée dans les crânes par ce diable de Weeknd.

Avant de préparer cet album, Mike Will fait écouter Speakerboxxx/The Love Below à ses artistes. OutKast splittait sur ce diptyque, pour que Big Boi et André puissent chacun explorer leurs particularités artistiques. L’idée est d’amener Rae Sremmurd à faire de même et d’avoir des solos aux tonalités distinctes, comme si les deux frères s’étaient séparés pour explorer des mondes différents.

Pour Swaecation, l’album solo de Swae Lee qui fait suite à SR3MM et qui précède Jxmtro, tous trois sortis en même temps le 4 mai dernier, la moitié de Rae Sremmurd ne veut plus être un rappeur qui chante mais simplement un chanteur. La production chauffée au soleil de « Guatemala » dégage des vapeurs de monoï. « Unforgettable » est son modèle, et par extension les productions de Jaegen, pourtant absent de l’album, ce beatmaker qui fait swinguer le r&b en y injectant des doses de musiques caribéennes ou africaines.

Sur les synthétiseurs de « Touchscreen Navigation », « Lost Angels » ou « What’s In Your Heart », l’album devient compagnon du HNDRXX de Future (qui lui aussi s’était laissé séduire par Abel Tesfaye) mais avec des cocktails de fruits en lieu et place des cachets de Vicodin. À côté de ces prédateurs tourmentés, Swae Lee dégage la délicatesse d’un bébé crooner. Ses ballades sont fraiches et efficaces, même si c’est au détriment de la magie que l’on découvrait dans ses prestations stellaires de l’album précédent.

Swae Lee trouve son énergie romantique dans une douceur asexuée, et bien éloignée de Tupelo ou d’Atlanta. Même lors de son trip « Offshore » avec Young Thug, l’inspiration est toujours trouvée dans un ailleurs fantasmé, à l’étranger, en mer ou sur les côtes d’une Californie de carte postale.

« Brxnks Truck » et « Chanel », les deux singles de Jxmtro – le solo de Slim Jxmmi –, prolongent l’esthétique et le son électronique bizarre de SR3MM. Sur le reste de son album, Slim Jxmmi surprend son monde en alliant ses habituels coups de folie à des fulgurances introspectives. Des confessions surréalistes à la Lil Wayne, sur des productions hétérogènes qui lorgnent vers Pretty Girls Like Trap Music de 2 Chainz. Avec ses guitares country trap tunes, « Changed Up » nous rappelle à la fois que les frères sont originaires du Mississippi, et que Slim Jxmmi reste l’ainé des deux.

Posant en tenue streetwear sur fond rouge orangé, Slim pourrait faire un clin d’œil à Organized Bass de Kilo Ali avec la pochette de son album. Il reste en tout cas un digne héritier des party boys de la bass music, tout en poursuivant son exploration du rap local, grâce aux orgues de Zaytoven ou à quelques compositions dada. Replongé dans l’Atlanta le plus cartoon qui soit, il n’est pas étonnant de le voir comparer ses bracelets à des mammifères marins, de découvrir que Zoë Kravitz est son double féminin, ou de l’entendre faire l’amour à des billets de banque avant de déclamer ses sentiments pour son entourage.

Big Boi et André ont cultivé des personnages et univers différents, jusqu’à parfaire une dualité qui se sublime lorsqu’ils sont ensemble. Big Boi, le campagnard ancré dans le réel, André, le poète mystique un brin lunaire. La force d’OutKast se trouve dans l’équilibre parfait trouvé entre ces deux personnalités différentes. Cette alchimie, ils aimaient l’appeler « The Cool Balance ».

Swae Lee et Slim Jxmmi ont cultivé des personnages et univers différents, jusqu’à parfaire une dualité qui se sublime lorsque qu’ils sont ensemble. Swae Lee la sucrerie romantique, Slim Jxmmi le fêtard sincère et loyal. Les Rae Sremmurd ne sont définitivement pas les nouveaux OutKast, mais comme eux, leur force se trouve dans l’équilibre parfait trouvé entre ces personnalités différentes. Et que SR3MM soit le plus réussi des trois albums en est la preuve.

Swae Lee, que l’on soupçonne pourtant d’être celui des deux qui a le plus envie de poursuivre en solo, a pleinement conscience de l’importance de cette alchimie. Deux jours après la sortie de leur triple album, il résume toute leur démarche en tweetant une mini bande dessinée inspirée de Dragon Ball Z. Dans la première case, lui-même en Son Goten, avec Swaecation dans la main droite. Dans la deuxième, son frère en Trunks, avec Jxmtro dans la main gauche. Dans la troisième et dernière case, les deux frères et leurs albums solos fusionnent pour former SR3MM et, enfin, devenir cette entité supérieure à la somme de ses parties : Rae Sremmurd.

Di-Meh est un concentré d’énergie communicative, qui électrise chacune des foules devant laquelle il se présente. C’est bien connu. Ce qui l’est peut-être moins, c’est que le rappeur suisse a su donner de sa personne pour mener la vie qui était faite pour lui. Rencontre avec un XTRM Boy, à l’occasion de la sortie récente de Focus, vol. 2.

Dans le grand zoo du rap français, la bête de scène est une espèce en voie de disparition. À une époque où les artistes ne peuvent compter sur les ventes de disques, et où le streaming peine encore à générer un pécule digne de ce nom, le touring apparaît pourtant comme salutaire. À cela près qu’au traditionnel circuit des salles de concerts, de plus en plus de rappeurs privilégient celui des showcases, où il est plus souvent question de faire acte de présence que de livrer une véritable performance à un public qui – de toute façon – n’en demande pas franchement plus. Malgré tout, Di-Meh fait partie de ceux qui ont su se tailler une flatteuse réputation sur le stage. Le 21 avril dernier, le Suisse investissait d’ailleurs le Nouveau Casino avec ses trublions de la Superwak Clique. Ce soir-là, les fauves sont jetés dans l’arène aux alentours de 2h45, non sans avoir accusé un léger retard.

Le public n’aura cependant pas le temps de leur en tenir rigueur, immédiatement emportés par l’énergie survoltée des helvètes. Fort. La prestation s’éternise, usante et intense, mais ni Di-Meh, ni Makala, ni Slimka, ni Pink Flamingo ne semblent avoir envie de quitter leur terrain de jeu. Au contraire, ils grattent la moindre minute supplémentaire, jouent à chaque fois un « dernier titre » de plus. Alors quand ils finissent par quitter la salle, à quatre heures passées, leur audience, lessivée, fait de même. Le DJ qui prend le relai devra pour sa part composer devant un parterre quasiment vide. C’est dommage, mais ils ne pouvaient se permettre d’écorner la belle renommée qui les poursuit. Ceci dit, n’est-ce pas un peu réducteur de parler de Di-Meh – ou de ses acolytes – que par le simple prisme de la scène ?

Assurément, mais quand on épluche les pages sur lesquelles s’écrit le parcours du rappeur, force est de constater que la scène y est prépondérante. C’est en elle qu’il a puisé l’envie-même d’exercer son art, après avoir assisté à un concert des Sages Po. « Mon gars Benzo, qui est un grand de mon quartier, faisait la première partie. C’est ça qui m’a saucé. J’ai vu le concert, je me suis dit : ‘Je veux faire ça.’ Il y a avait un atelier rap le lendemain, j’ai pull up direct », se remémore t-il. Cette spontanéité, qui ressort avec évidence comme l’un de ses traits de caractère les plus affirmés, Di-Meh l’a hérité de son autre grande passion : le skate. C’est même de là que tout part. Un milieu sans artifices, au sein duquel les esprits ne sont que rarement arrêtés, et s’ouvrent naturellement au monde qui les entoure. On attrape sa planche, puis on se laisse guider par elle, par sa propre curiosité. Le Genevois découvre la musique au gré des vidéos des maîtres de la discipline, qui habillent au hasard leurs exploits de rock, de rap, parfois de reggae. « La rage que j’avais du skate, je l’ai mise dans le rap. Voyager par tes propres moyens, frauder les trains pour pull up à des open-mics… C’est un mood de skateur ça. Avec le skate, tu arrives dans un endroit, où que ce soit, et tu link up. Tu rencontres les locaux, tu chill avec eux… Que des bonnes vibes. »

Pas de rétro

Avec cet état d’esprit, Di-Meh emmène rapidement sa musique au-delà de la frontière suisse. Dès le cinquième titre qu’il publie, en 2012, sur une production du parisien Hologram Lo, pour être exact. La connexion avec la Ville Lumière dès lors établie, Di-Meh devient un membre actif de la 75e Session, avec qui il sort l’EP Reste Calme, avant de participer au projet Paris-Genève, qui fait se croiser sa bande de XIII Sarkastick, le collectif francilien du Panama Bende, ainsi que d’autres emcees du Dojo. En découlent un certain nombre d’opportunités dans l’Hexagone, difficilement compatibles avec la vie d’un adolescent qui ne vit pas sur le territoire, et est donc sans cesse obligé de se déplacer. « La school, c’était pas fameux. Deux fois, j’ai perdu des contrats d’apprentissages parce que je m’étais investi à fond dans le rap. Je me retrouvais à faire des concerts à Paris alors que le lendemain j’avais un oral d’italien en Suisse. C’était un délire », nous raconte t-il. Ce train-train n’est pas de tout repos, et le rappeur comprend rapidement qu’il ne pourra pas continuer à le mener sur de bon rails. Vient alors l’heure du choix, inéluctable. Celui-ci est heureusement facilité par son entourage : « Mes parents ont vu que je me sacrifiais pour ce que j’aimais, donc très tôt, ils m’ont laissé faire. C’est vraiment cool pour une famille rebeu d’avoir ce genre de réflexion, de se dire ‘Ok, il s’investit là-dedans, ce n’est pas du bullshit.' »

Cette passion l’anime autant qu’elle l’aimante. Di-Meh tend naturellement à aller vers ceux chez qui il ressent un mordant, une hargne, une rage de vaincre semblable à la sienne. Il faut pouvoir le suivre, car lui avance sans halte et n’est pas du genre à regarder dans le rétro. C’est en partie ce qui explique pourquoi il ne roule plus vraiment avec XIII Sarkastick, le collectif de ses débuts : « Avec le XIII, on était déter mais pas assez. Il y en avait trop qui avaient une autre vie en parallèle. Ils taffaient déjà, donc ils n’avaient pas la même vision, ils ne se disaient pas ‘On va faire en sorte de vivre de ça.' » Peu avant son émancipation, le public assiste à la sortie de « FU GEE LA », en featuring avec Népal, un titre clé dans la jeune carrière du Suisse. Le refrain, sans équivoque, dresse les grandes lignes de ce que deviendra son identité artistique : « J’kick sur de la trap, mais j’peux donner ça à l’ancienne tah l’époque Fu-Gee-La. » Puiser le meilleur de deux époques, mettre l’Auto-Tune et les 808 au service de placements hérités de Busta Rhymes ou de Sadat X. Il poursuit alors sa route avec de nouveaux compagnons XTRM, plus en phase avec sa vision : « SuperWak, c’est vraiment un état d’esprit. Rien que notre nom, ‘super nul’, c’est vraiment pour dire qu’on se fout du regard des gens, ça ne va pas nous tuer. On est décomplexés au max. » Ils n’ont pas plus de considération pour ce qui occupe habituellement les débats des acteurs de l’industrie, comme les stratégies marketing ou les chiffres des streaming. Eux préfèrent ne pas voir plus loin que leur art, parce que c’est ce dont il est question, au bout du compte. « On est en dehors de tout ça. Depuis la Suisse, on voit les choses d’un autre oeil. On se contente de balancer nos shits. Si ça prend, tant mieux, si ça ne prend pas, on balance à nouveau. On bombarde. » C’est sans doute ça, être Focus.

Après l’émulation créative qu’ont suscité les première phases du concours Nike: On Air en avril, les gagnants des six villes que sont New York, Shanghai, Séoul, Tokyo, Londres et Paris, ont enfin été dévoilés. Pour rappel, le concours permettait au grand public de pouvoir créer la Air Max de demain, en proposant dans un premier temps leur design sur instagram accompagné du hashtag #parisonair. Ensuite, une première sélection faite par Nike donnait droit, aux concepts les plus interessants, de participer aux classrooms : des sessions de design chaperonnées par des professionnels tout droit venus de Portland, pour aider au storytelling et à la conception des sneakers. À la fin de ces classrooms, 3 personnes par ville étaient soumises au vote du monde entier, donnant ainsi la victoire aux designs préférés du public.

Paris – Lou Matheron

 

Lou matheron Nike Paris On Air

Lou Matheron fait partie de ceux qui n’avaient aucune expérience en design avant de participer aux classroom. Mais son métier de photographe lui permet d’avoir une bonne vision de ce que sera sa Air Vapormax Plus « Paris Works In Progress ». Inspirée par une capitale qu’elle observe constamment en travaux, Lou imagine une Vapormax Plus aux coloris métalliques, jaune et orange comme ce que l’on trouve sur un chantier. L’originalité de la paire se trouve aussi dans l’addition de 3M,  dans l’absence de lacets remplacés par un strap industriel, et dans le Swoosh interchangeable maintenu par un écrou.

Londres – Jasmine Jasode

Jasmine Lasode Nike Paris On Air

La Air Max 97 « London Summer of Love » a été conçue à partir d’un souvenir très particulier de Jasmine Lasode : son premier date, un été, dans le parc de Primrose Hill. Les couleurs sont donc estivales, et rappellent également les étiquettes de prix colorées que l’on trouve dans les « convenience stores » londonniens.

New York – Gabrielle Serano

Gabrielle Serrano Nike Paris On Air

Tout comme Lou Matheron, Gabrielle Serrano est une photographe avec un attrait pour la sneaker. Sa Air Max 98 « La Mezcla » (« le mélange » en Espagnol) fait écho à la diversité de personnes que l’on trouve à New York. Son concept cherche à représenter le mélange entre la multitude de teints de la Grosse Pomme, indépendamment de l’ethnicité. Pour Gabrielle : « on peut faire le tour du monde sans quitter New York ».

Seoul – Gwang Shin

Gwang Shin Nike Paris On Air

Avec son background de designer graphique, Gwang Shin partait avec la possibilité de représenter ses idées de la manière la plus esthétique possible. Mais ce qui comptait vraiment pour ce concours, c’était le storytelling et pour son concept de Air Max 97, le jeune coréen s’est inspiré des néons omniprésent à Séoul ainsi que de sa passion pour les jeux vidéos.

Tokyo – Yuta Takuman

yuta takuman Nike Paris On Air

La Air Max 1 « Tokyo Maze » sort du lot grâce à ses impressionnants détails. Originaire de la ville de Kagoshima, Yuta Takuman est fasciné par les trains de la capitale japonaise lorsqu’il s’y rend pour la première fois à ses 18 ans. Inspiré par le métro Tokyoïte et ses différentes lignes qu’il trouve colorées et parfois étourdissantes, il les associent directement à un labyrinthe et trouve le concept de sa paire. Aussi, le noir et blanc de sa Air Max 1 rappellent la culture manga tandis que le rouge de la bulle d’air reflète la célèbre Tokyo Tower.

Shanghai – Cash Ru

Cash Ru Nike Paris On Air

On fini avec le remarquable concept du chinois Cash Ru, un ancien étudiant en design industriel et maintenant designer de bijoux. Son modèle d’Air Max 97 « SH Kaleidoscope » s’inspire des nuages de Shanghai, constamment changeants en de nouvelles formes. La matière extérieur, une texture bleue légère et mouvante, représente exactement cette idée. Le concept de Cash Ru sort également du lot par le fait qu’il montre l’étendu des possibilités qu’offrait le concours Nike : ON AIR. Rendez vous en 2019 pour la commercialisation des paires, uniquement disponible dans leurs pays respectifs.

À travers le visuel saisissant de « This is America », sorti le 5 mai dernier, le rappeur Childish Gambino et le réalisateur Hiro Murai rappellent aux spectateurs que l’Amérique d’aujourd’hui, insensible, superficielle et violente, n’est pas si différente de celle d’hier.

Typo :  « This Is America » by Tyrsa

Un hangar, un musicien, une danse lascive et puis un coup de feu… « This is America, don’t catch you slippin’ up. » Dès les premières minutes, Childish Gambino prévient ses spectateurs : cette Amérique ne doit plus duper personne. En dépit de son apparente modernité, elle n’a pas vraiment bougé tant au niveau de sa vision des Afro-Américains, que de sa violence et de son insensibilité à cette même violence.

Jim Crow 2.0

Pour démontrer tout cela, Childish Gambino incarne tout au long du clip – et sous différents aspects – une figure historique de la culture américaine : Jim Crow. Ce personnage créé aux États-Unis en 1828 a été popularisé par les minstrels, ces spectacles racistes où des acteurs blancs se grimaient en Noirs pour les ridiculiser et divertir les populations blanches. Le personnage de Jim Crow était supposé incarner l’homme noir tel qu’on le voyait au 19e et 20e siècle : stupide, faible, paresseux, sournois, incompétent, indigne de confiance, etc. Il était vêtu de guenilles, parlait avec un accent grossier et se dandinait de manière saccadée. Son nom deviendra par la suite une insulte à l’encontre des Afro-Américains, avant d’être repris pour nommer les lois ségrégationnistes appliquées dans les états du Sud des États-Unis de 1876 à 1964.

Mais le Jim Crow de Childish Gambino se veut un peu plus actuel, comme pour mieux illustrer à quel point il correspond encore à la représentation que l’Amérique se fait de l’homme noir en 2018. L’artiste l’incarne d’abord à travers la danse, seul puis entouré d’enfants. Ses chorégraphies reprennent des pas modernes et populaires comme le Gwara Gwara [une danse sud-africaine, ndlr], ainsi que certains moves devenus viraux via Internet, comme le « Shoot » du rappeur Blocboy JB.

Cette apparente « black joy » révèle surtout que le constat reste le même qu’au siècle dernier : aux yeux de la société américaine, les Noirs et leur culture restent cantonnés au champ du divertissemment. Quand bien même cette culture a depuis trouvé une toute autre caisse de résonance, à savoir internet.

La place prise par les vidéos de smartphones est évoquée dans le clip, à travers des enfants qui filment ses faits et gestes. Une démonstration qui tend à prouver qu’internet rend tout visible : les luttes comme la culture purement divertissante s’y trouvent exposées, sans pour autant rencontrer la même viralité.

Pendant toute la durée du clip, la caméra ne se focalise que sur les danses et mimiques de Childish Gambino et des enfants qui l’entourent, tandis que des scènes de chaos se trament en arrière-plan. Entre les suicides, les émeutes et les arrestations, on aperçoit même la représentation biblique de la mort, représentée par un homme sur un cheval blanc suivie par une voiture de police. Si le spectateur ne peut se concentrer sur ce type de symboles, ces fresques d’une violence inouïe n’en restent pas moins visibles.

Cet effet technique aide à représenter la visibilité qu’à l’Amérique blanche des violences auxquelles sont soumis les Afro-Américains. S’il lui est impossible de ne pas la remarquer, il lui est malheureusement permis de ne pas s’en soucier, pour plutôt se concentrer sur le divertissement que les Noirs leur offre à voir à travers leur culture. Sans aborder directement la question de l’appropriation culturelle, « This is America » en vient à poser la même question que l’actrice Amanda Stenberg : « What if America loved black people as much as black culture ? »

Plus généralement, ce procédé vient également poser la question de la superficialité de l’ensemble de la société américaine – Afro-américains compris –, qui accorde plus d’importance au divertissement qu’à la réalité qui l’entoure.

Menace to Society

La réalité est même présentée comme un divertissement. Toujours dans son interprétation de Jim Crow, Childish Gambino enchaîne les séquences où il passe d’un homme dansant à un homme menaçant et meurtrier. Outre la représentation paradoxale qu’a l’Amérique des afro-américains, à la fois divertissants mais vite dangereux, ces enchaînements rapides viennent aussi souligner la viralité des images en 2018. On peut passer en une fraction de seconde d’une image joyeuse d’enfants qui dansent à l’image violente d’une dizaine de personnes abattue par un fusil mitrailleur dans le clip, ou au meurtre de Philando Castile, tué par la police lors d’un contrôle routier, retransmis en direct live en juillet 2016, dans la vraie vie.

Entre deux déhanchés, Childish Gambino tue onze personnes dans « This is America ». Toutes noires. L’un des premiers aspects que ses meurtres suggère est que, dans l’imaginaire américain, seul l’homme noir tue. La violence n’est vue que du côté des Afro-Américains alors même que les tueries de masse aux États-Unis ont été majoritairement le fait d’américains blancs. Pour illustrer cela, la scène de la chorale que Childish Gambino fusille – avant de passer devant une voiture de police sans se faire arrêter – est une référence à l’attentat perpétué le 17 juin 2015 dans une église de Charleston, où neuf afro-américains avaient été tués par Dylan Roof, un suprémaciste blanc. « This is America » montre alors que ce sont, malgré tout, les Noirs qui restent perçus comme les plus violents et menaçants pour la société.

En écho à cela, une référence au « black on black crime » peut être également vue dans ces scènes de meurtre. La question récurrente du « black on black crime » veut qu’à chaque affaire de violences policières, la droite et de l’extrême-droite blanche américaine s’efforcent de changer le débat de sens en s’appuyant sur le fait – sans rapport – que les Noirs se tueraient plus entre eux qu’ils ne seraient tués par la police.

Le deuxième aspect à relever des différentes fusillades du clip est que l’Amérique a plus de considérations pour ses armes que pour la vie des Afro-Américains. Quand les corps des personnes tuées sont traitées sans aucun respect (traînés parterre ou tout simplement laissés là), les armes, elles, sont récupérées avec la plus grande attention. À chaque fois, c’est à un enfant noir qu’elles sont confiées. Celui-ci les attrape précieusement à l’aide d’un foulard rouge, avant de s’éloigner avec toujours plus de précaution pour ne pas les abîmer.

On constate également qu’un corps noir désarmé est plus effrayant qu’une arme. Childish Gambino tue ces onze personnes sans que personne ne bouge et ne devient qu’une réelle menace que lorsqu’il mime une arme avec ses mains. En 2014, Tamir Rice, jeune garçon de 12 ans, mourrait des balles de la police alors qu’il s’amusait dans un parc avec une arme factice. Plus récemment, Stephon Clark était tué dans son jardin par un autre officier qui avait pris son téléphone portable pour une arme.

Chaos déguisé

Dans la scène qui suit, c’est presque une chronologie des violences policières contre les Afro-Américains lors de contrôles routiers qui est proposée. Childish Gambino se trémousse sur le toit d’une voiture (qui serait par ailleurs le même modèle que celui dans lequel Philando Castile a été tué) au milieu d’autres modèles de carrosseries issues de toutes les époques, avec à chaque fois un point commun : les feux clignotants allumés et la porte côté conducteur ouverte.

Le nombre de voitures et la diversité d’époques des véhicules symbolisent la longue liste des victimes non seulement de contrôles routiers abusifs, mais plus généralement des violences policières. Cela indique que ces violences-là font parties de l’histoire américaine. Il y a même une voiture qui ressemble à s’y méprendre au modèle de feu Rodney King, l’une des premières victimes des violences policières filmées en 1991.

C’est également à ce moment qu’apparaît un autre élément de cette peinture de l’Amérique de 2018 : la place des femmes noires. La chanteuse SZA fait un bref acte de présence à 40 secondes de la fin du clip. Son apparition est furtive, muette et à l’écart du centre d’attention. Comme si les femmes noires ne pouvaient prétendre à autre chose que quelques secondes à la fin d’un speech où elle n’ont pas la parole. La scène étant également liée aux violences policières, la présence de SZA vient rappeler que les femmes noires en sont également victimes mais que leurs histoires n’ont pas la même portée dans la société américaine.

Après ce tour d’horizon, la caméra – qu’on peut comprendre comme les yeux de la société américaine principalement blanche – sort du hangar par une petite porte, laissant Childish Gambino, les enfants et le chaos à l’intérieur. La scène finale est d’ailleurs un aparté, une image que l’Amérique ne peut (veut ?) pas voir puisqu’elle est sortie du hangar : celle d’un homme noir poursuivi par une horde difficilement identifiable, et qui court pour sa vie, comme il le faisait déjà aux siècles derniers.

D’aucuns diront que la séparation entre l’homme et son oeuvre est indispensable, il n’en reste que l’art musical se parsème d’artistes aussi talentueux qu’humainement détestables. Si le rôle du public semble difficile à clarifier, beaucoup d’individus tentent de donner raison à leurs écoutes. S’ils usent de sophismes et d’arguments fallacieux pour se persuader, une question reste pourtant en suspens : pourquoi ne pas tout simplement assumer ?

Kodak Black, xxxtentacion, 6ix9ine, R.Kelly, Nas, et tant d’autres. Tous au centre de sombres affaires, parfois criminelles. Tous de talentueux artistes malgré tout, des célébrités notoires ou des piliers culturels. Que faire en tant qu’auditeur ? Il semble facile de tirer une conclusion hâtive : séparer l’œuvre de l’artiste. Mais n’est-ce pas là une forme de caution indirecte ? Un moyen détourné de ne pas se mêler au débat ? Ces questions dépassent le cadre strict d’auditeur et englobe l’individu en tant que tel : doit-on dissocier le créateur de sa création ou bien prendre le packaging complet ? Même si, à terme, cela reviendrait à boycotter un artiste dont on apprécie grandement le travail ? Le fait est que l’histoire de l’art a été, dans sa globalité, sujette à de nombreuses interrogations quant à la place de l’artiste dans la société. Le rap n’est pas exempté : il est à l’image de l’environnement dans lequel il évolue, imparfait, et les rappeurs, aussi grands soient-ils, ne sont ni plus ni moins que des hommes, capables d’être de répugnants personnages. Comme tout le monde – ou presque.

Pourquoi séparer l’oeuvre de l’artiste ?

Si l’on admet cette idée, reste à savoir pourquoi faudrait-il faire une séparation, alors même que l’on n’offre pas le même effort de réflexion quand il s’agit d’un quidam. Sans doute que le monde de l’art ne trouve pas d’institutions assez tenaces pour cadrer les créateurs et les œuvres qui en découlent. Sans doute que le concept même d’« art » se complait dans une pensée élitiste flagrante qui, à force de se répandre dans l’inconscient collectif, octroie à l’artiste une place d’honneur par rapport au simple individu. Faire de l’art n’est plus considéré comme un « métier », mais comme un « sacre », la conclusion étant que l’on pardonnera toujours plus facilement à une star mondiale d’abuser sexuellement une gamine de treize ans qu’à un quarantenaire lambda, puisque l’on se forcera à marquer une séparation nette entre lui et son œuvre. L’humoriste Blanche Gardin se moquait d’ailleurs de la douceur du jugement moral réservé aux artistes à l’occasion de son passage aux Molières : « Parce qu’il faut savoir distinguer l’homme de l’artiste… Et c’est bizarre, d’ailleurs, que cette indulgence s’applique seulement aux artistes… Parce qu’on ne dit pas, par exemple, d’un boulanger : ‘Oui, d’accord, c’est vrai, il viole un peu des gosses dans le fournil, mais bon, il fait une baguette extraordinaire.' »

Si la phrase paraît risible, c’est qu’elle montre avec force cette immunité dont les artistes bénéficient. Le problème étant qu’à force de répandre l’idée selon laquelle l’œuvre d’art serait amorale d’essence, c’est à dire qu’elle ne tiendrait guère rigueur d’une intention morale ou immorale, comme étrangère à ces notions, de nombreux artistes se perçoivent d’être mandatés d’un pouvoir absolu, capables de pouvoir dire n’importe quoi et de faire ce que bon leur semble. Tant qu’ils sont des artistes, des génies, des influenceurs, ils seront préservés des lois morales. Prenons pour exemple un cas moins grave, dans le sens « pénalement non-répressible » : les récentes sorties de route de Kanye West, d’abord par son soutien aveugle à Donald Trump et ensuite pour son écart sur l’esclavage, résument parfaitement ce rôle-sacre réservé aux dits « génies artistiques ». Les aficionados n’arrivent pas à remettre en cause leur écoute dans le temps et sur la durée, lui pardonnant plus facilement ses écarts de conduite ou son manque d’intégrité sous prétexte qu’ils n’ont, à raison, aucun réel impact sur sa musique.

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Il était pourtant déjà apparu à ses côtés peu après la sortie de son dernier album, The Life of Pablo, déchainant les foules d’auditeurs qui se disaient prêts, pour la plupart, à ne plus écouter sa musique.Les semaines passent et tout est oublié, comme si la colère était accompagnée d’une amnésie quand elle s’adresse à Kanye West. C’est aussi que les réseaux sociaux sont les vecteurs principaux de l’indignation populaire ; tout va très vite, on apprend une information, on se choque, et sans réfléchir en amont, on réagit aussitôt. Finalement tout s’arrange avec le temps, comme si son statut d’artiste résonnait avec tant de force qu’il englobe toutes les volontés de raisonner au-delà d’une simple colère éphémère. Il faudrait pourtant pouvoir trouver la force de confronter sa passion à la raison commune, et la prise de conscience actuelle à la suite de ses déclarations risque, enfin, de perdurer solidement dans le temps pour qu’il puisse en payer les conséquences sous-jacentes.

Et si on commençait à assumer au lieu de se chercher des excuses ?

Si cette immunité n’était alimentée que des industries et des marchés artistiques, ce ne serait pas si grave, après tout ; leur moteur n’est que monétaire, elles n’ont que faire des concepts d’éthique ou de morale. Mais que cette immunité soit globalement alimentée par le public, qui s’autorise l’écoute d’xxxtentacion en se persuadant que les faits qui lui sont reprochés sont soit spéculatifs, soit « pas si grave » alors même qu’il est accusé de séquestration, de violences physiques, psychologiques et d’abus sur autrui, c’est d’autant plus grave et important que l’auditeur a le choix de ne pas rester impassible. Attention : chacun a le droit d’écouter et d’apprécier sa musique, mais détourner le regard ou fermer les yeux sur la part obscure de son être est hypocrite. Séparer l’homme de son art passe impérativement par une phase d’acceptation. En outre, parler d’écoute ici, revient à parler de consommation et donc de revenus pour l’artiste en question. Seriez-vous prêts à donner de l’argent à un criminel, présumé ou avéré ? En mains propres ? Le fait qu’il s’agisse d’un artiste doit-il changer la donne ? Ne trouvez-vous pas nécessaire de se discipliner ?

Si la réponse est oui, alors il est temps que vous commenciez à l’assumer. Assumer la caution indirecte que vous faites des violences, et négliger l’intégrité mentale de sa/ses victime(s). Assumer de se foutre royalement de tout ce qu’il a pu faire tant qu’il fait de la bonne musique. Il est inconcevable de se chercher des excuses. Marquer une séparation entre l’artiste et l’œuvre, c’est notre droit le plus cher, mais que l’on tergiverse pour légitimer ce droit en jouant sur la corde raide par des pirouettes du style : « Il n’a pas encore été jugé », « On n’est pas sûr », « La victime aurait retiré sa plainte », « Il donne beaucoup à des oeuvres caritatives » est absolument irrecevable d’un point de vue moral. Ne cherchons plus à nous convaincre que notre auto-persuasion est intelligente et raisonnée : il faut faire la différence et oser la hurler par le plus fort des entrains.

Bien sûr, il est essentiel de marquer une différence entre un condamné ayant purgé sa peine et un rappeur en cours de jugement. Le premier a payé sa dette à la société, le second n’est pas encore sûr de finir derrière les barreaux. Pour autant, un principe se doit d’agir ici : l’intemporalité de la condamnation morale. Un ex-condamné peut reprendre son activité, s’enrichir, parcourir le monde, performer sur scène et enchaîner les interviews, la société lui redonne ses droits et lui permet de reprendre sa vie là où il l’avait laissée. A contrario, le public a quant à lui l’opportunité de faire un choix : celui de continuer à le condamner moralement ou celui, tout comme la société, de pardonner, de lui donner une seconde chance. S’il faut éternellement juger l’acte en question comme immoral, l’artiste a le droit de vivre sa vie sans être continuellement pris à partie pour son passé et criblé d’insultes à chaque apparition médiatique. Néanmoins, le public a aussi le droit de continuer à voir en lui une ordure, un enfoiré. Si l’impartialité appartient à la justice, le public est, lui, libre de son choix. C’est là toute la force de l’auditeur en tant que tel, surtout quand on se rend compte que les institutions artistiques et les citoyens extra-rap tombent bien trop souvent dans un double-discours irraisonné.

L’importance d’un jugement total et sans double-discours

L’explication est simple : l’inconscient collectif a encore du mal à donner au rap une vocation artistique, privant cette musique du concept même « d’œuvre d’art ». Ainsi, quand un rappeur entre en jugement pour des affaires diverses, personne ne se choque vraiment. Là n’est pourtant pas le problème. Que l’on n’offre aucun jugement favorable aux stars du rap est bien normal : personne n’est au dessus des lois, qu’importe l’influence ou l’argent, et elle se doit de traiter de manière impartiale un quelconque individu d’une célébrité notoire. Mais que cette même collectivité brandisse un catalogue de portes de sortie pour ceux que « l’intelligentsia » considère comme des « génies culturels » est inacceptable.

Le principe du double-discours ne devrait pas exister dans l’esprit des cadres de réceptions d’une œuvre artistique. Au même titre que l’on se plaint quotidiennement des conséquences d’une justice à deux-vitesses entre les politiques et les citoyens, on ne peut se permettre de pardonner plus facilement à Roman Polanski d’avoir détourné une mineure et se révolter quand Nas est accusé de violences conjugales. Si les délits – voire les crimes – ne sont pas les mêmes, il importe pour tout le monde d’en tirer des conclusions similaires : non, le crime d’un génie – selon la collectivité – n’est pas moins important que celui d’un artiste non adoubé par la critique mondiale. De la même manière, on ne peut se permettre d’écouter du Wagner en se fichant complètement de son anti-judaïsme récupéré par la pensée nazie et crier au scandale quand xxxtentacion fait un disque d’or malgré son jugement en approche.

L’essentiel est donc de discipliner son écoute, et faire de même pour toute la masse d’autres artistes ou hommes tout autant coupables. S’il est toujours moins évident de condamner moralement un créateur dont on aime le travail, il faut s’y forcer, car devant une immoralité manifeste personne ne devrait rester de marbre. Si l’on décide de se foutre royalement des crimes commis au point d’aider financièrement l’artiste, indirectement, il faut l’assumer, ne pas se cacher derrière un déni ou une mauvaise foi habituelle. Il faut arrêter, une bonne fois pour toutes, de fermer les yeux face aux horreurs d’un individu dès lors que c’est un artiste génial, et les ouvrir quand il s’agit d’un créateur quelconque. Ce n’est qu’avec une stricte loi morale que l’on pourra briser le statut immunitaire de « l’art » et réussir à cadrer de la meilleure des manières les artistes et leur rôle dans la société.

Oui, nous avons le droit d’écouter des ordures. Mais cessons de réfuter, tourner le regard et comprenons que nous avons tous un rôle à jouer, un devoir à accomplir en tant que public et donc cadre de réception. Comprendre que l’achat ou l’écoute gratuite du dernier album de xxxtentacion, si celui-ci sort indemne de toutes formes de condamnations judiciaires malgré son instabilité mentale et les violences dont il est probablement coupable, agira comme une caution directe et alimentera une énième fois l’idée selon laquelle l’artiste est au dessus des lois, et son œuvre impossible à juger. Il ne s’agit pas de remettre en cause le statut de génie ou le talent d’un artiste, mais de briser l’étanchéité qu’il procure face à la condamnation morale, et cela s’adresse exclusivement aux aficionados, aux fanatiques, à ceux qui estiment avoir en face d’eux un génie artistique, à qui l’on pardonne tout de par son statut. Pour les autres, ceux qui condamnent déjà et qui assument tout de même écouter, il faut continuer sur la même lancée, avec la même ferveur, et faire l’effort d’éviter les doubles-discours s’ils sont éventuels. Finalement, si critiques comme spécialistes ou historiens ne semblent toujours pas décidés à changer les choses, alors même que le ton commence à se durcir aujourd’hui, c’est peut-être à nous, public, de changer les mentalités.

Alors qu’Yseult nous annonce un retour en musique, YARD s’allie à ASOS pour un shooting d’inspiration 2000 avec la chanteuse, qui arrive à mi-chemin entre pop et r&b.

La première fois que YARD croise la route d’Yseult, c’est sur les traces de son enfance parisienne, sur les jalons qui ont marqué sa carrière de chanteuse et de parolière, quelques temps après son passage par la Nouvelle Star et la sortie de son premier album. Trois ans plus tard, quelques semaines avant ses premières affiches dans le métro parisien, la chanteuse est de retour dans les bureaux de YARD avec une détermination contagieuse et un franc-parlé déroutant. Pour organiser ce shooting en collaboration avec ASOS, on a naturellement trouvé l’inspiration dans un r&b aux accents parisiens. Du cuir et des fourrures pour l’extravagance et la luxuriance d’un Diddy et d’un Sisqó, du flannel, du jean et de l’oversize en hommage au début des années 2000, le tout dans le décors de Paris à quelques pas du Moulin Rouge. En attendant le retour d’Yseult en musique on s’est aussi posé avec elle pour comprendre son parcours et où elle souhaite emmener le r&b en France.

https://www.facebook.com/yardfr/videos/1649268791821440/

Comment ça se fait que ce soit autant une galère de t’avoir ?

Écoute, en ce moment, je suis retournée en studio. J’ai eu un an et demi de promo sur mon premier album et je voulais faire une pause, me retrouver, pour savoir si je voulais continuer ou pas. Entre-temps j’ai découvert le boulot d’auteur-compositeur et surtout de toplineuse. Au départ c’était parce que j’étais curieuse et puis j’y ai pris goût. Je me suis dit que parfois, ce n’est pas mal de prendre du recul, de s’arrêter un peu, de placer des chansons et de les voir vivre via d’autres artistes.

Sans aucune frustration ?

Non. Aucune.

Ça s’est passé comment tout cette période de remise en question ?

Ça va faire quatre ou cinq mois que je bosse sur moi-même. En tant qu’artiste, humainement, physiquement et psychologiquement. C’est beaucoup, hein ? Mais c’est important. Avant, quand je me regardais dans un miroir, je crois que je ne savais pas vraiment qui j’étais. On cherche tous en soi, mais il y a quand même une limite. Il faut se connaître un peu. Quand j’ai sorti mon album, j’ai fait des choix, mais je pense que je n’étais pas réellement moi, à 100%.

Est-ce que pour toi, le problème était que tu te définissais plutôt par le regard des autres sans t’être forcément demandée toi-même à quoi tu ressemblais, à quoi tu voulais ressembler et qui tu étais ?

Je pense que je n’avais pas réellement confiance en moi. Et que je portais trop d’importance au regard, au dire des gens, par rapport à la façon dont les gens pouvaient me percevoir. Du coup, j’étais très limitée. Et en fait ma seule option c’était de possiblement copier ce qui existait déjà et de sortir un album – que j’aime encore aujourd’hui – mais que je n’arrive pas encore à assumer à 100% parce que ce n’est pas réellement moi. Ça s’est passé tellement vite, que oui, au lieu de faire et d’apporter quelque chose de nouveau dans ma musique et dans mon image, je prenais un peu à droite à gauche.

Parce que c’est rassurant ?

Parce que c’est rassurant et que j’avais 18 ans. Je suis encore jeune, mais à 18 ans on est un baby. Pardonnez mes erreurs, mes péchés… Oui j’ai fait des photos en culottes ! [rires] Il faut pardonner les erreurs des enfants de Dieu, merci beaucoup. C’est important, il faut le dire. [rires] Encore aujourd’hui, pour parler de moi il faut que je regarde ailleurs, parce que c’est gênant. Je n’ai pas encore cette confiance. J’ai plus confiance en moi, mais je n’ai pas encore cette confiance.

C’est toujours un travail en cours ?

Voilà.

Sur mon Instagram, il n’y a pas de hashtag body-positive, il n’y a pas de hashtag « plus-size ». Pourquoi pas rassembler les gens, plutôt que de les exclure ?

Qu’est-ce que tu veux devenir ?

Qu’est-ce que je veux devenir ? Grande question. Moi j’aimerais être un exemple. Tu sais le genre d’artiste ou tu te dis franchement… Je ne cherche pas forcément t à emmener les gens dans ma vision, mais pourquoi pas être un exemple pour tout le monde. Quand je dis pour tout le monde c’est… Par exemple, je me considère comme une mannequin, point-barre. Sur mon Instagram, il n’y a pas de hashtag body-positive, il n’y a pas de hashtag « plus-size ». Il y en avait avant, mais je les ai enlevés parce que je me suis dit que ça ne servait à rien de mettre un nom sur ce qu’on voit déjà. Pourquoi pas rassembler les gens, plutôt que de les exclure ? Parce que t’as forcément des meufs de taille 34 qui me suivent aussi. Même si elles me voient et qu’elles n’ont pas le même body ou le même délire, il y en a qui, de par mon caractère, de par ma personnalité et de par comment je me sappe, se voient en moi. Donc oui j’aimerais bien être un modèle pour les gens.

Comment t’en es venu au mannequinat finalement ?

C’était en août dernier, une femme qui s’appelle Maggie, anglaise, et qui m’envoie un message en me disant qu’elle aimait mon profil et qu’elle voulait faire une campagne de rentrée. Et moi je stressais, j’étais toujours dans ma réflexion, j’avais tout arrêté. Mais je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Et ça a commencé comme ça. Après j’ai signé dans une agence parisienne qui s’appelle The Claw Agency. Ils ont pris le relai en tant qu’agence et je bosse régulièrement pour ASOS et je suis trop contente parce que ça m’a aidé. Ils m’ont chopé dans un moment où j’étais vraiment dans le creux, dans le fin fond du puit. Il faut le dire. Et ils m’ont, concrètement, sauvé de ouf.

Dans quel sens ?

Dans le sens où je crois qu’en fait je ne m’aimais pas, quand je me regardais je ne m’aimais pas, et limite quand je chantais je me disais il y a un truc… Je ne travaillais même plus ma voix. J’étais dans un truc où je me disais, je vais certainement abandonner, je ne vais pas te mytho. Je n’ai vraiment pas peur de le dire. J’étais vraiment dans un mood où j’avais tout zappé. Je m’en souviens très bien.

Franchement, la seule personne qui a compris et qui m’a aidé à sortir de ça, c’est Chilla.

Après c’est vraiment un truc de réseaux sociaux, mais aujourd’hui, l’image que tu peux donner est vraiment éloignée de ça. Comment t’utilises cet outil d’ailleurs.

Au départ, je ne l’utilisais pas bien. Après si tu check bien mon Instagram aujourd’hui, c’est vrai que je suis très solitaire. Je peux poster parfois quand je suis avec des gens, mais la plupart du temps sur mon Insta tu te dis : « Wah la go elle est un peu égocentrique. » Alors qu’en fait non. C’est juste que j’ai posé des limites. La famille c’est clair, c’est mon jardin secret. Si demain j’ai un mec c’est mon jardin secret, je ne posterais rien dessus, je ne reviendrais jamais sur mes mots, je le dis encore. Et après, tout ce qui est potes/amis, ça il n’y a pas de soucis, mais même ça… Je montre plus mes collègues de travail. Je montre plus des artistes ; genre ma soce Chilla, il faut préciser, c’est une putain de rencontre. Cette meuf-là m’a sauvée, de tout ce qui m’est arrivé. En gros elle a réglé mes quatre ans de problème avec sa bouche en fait. C’est la seule jusqu’à aujourd’hui. Mais pour revenir à la limite, il y a aussi eu une période où je n’arrêtais pas de poster des trucs tristes, où on sentait que j’étais mi-frustrée, mi-en colère, mi-aigrie… J’étais une boule de feu. Du coup chaque post que je faisais c’était ça. Et au bout d’un moment, je me suis dit : “Fuck, il faut que j’arrête ça.” Psychologiquement, j’avais vraiment vécu quatre ans d’enfer.

Par rapport à ton taf ?

Par rapport à mon taf, par rapport à ma vie… Je me disais putain, vas-y, genre 18, 19, 20, 21, 22… ça passe, ça passe vite.

T’as fait une quarter-life crisis ?

On peut appeler ça une crise, ou une dépression en fait.

Et comment t’en sors de ça ?

Franchement, la seule personne qui a compris et qui m’a aidé à sortir de ça, c’est Chilla. On s’est connu sur Twitter. Je suis sur Twitter, j’ai vu le clip d' »Indigo »et je me suis dis qu’il fallait absolument que je la contacte. J’envoie un message sur Twitter en mode gênée : « Meuf, je te donne ma force. » Je ne me rappelle même plus ce que j’ai vraiment envoyé.

Meuf t’as 23 ans, t’as toujours vécu comme une vieille, bah ouais, comme une grand-mère c’est la vérité. Maintenant, vie pour avoir de la matière.

Parlons de musique maintenant. Tu fais quoi en studio ?

Déjà, j’ai repris officiellement vendredi dernier, enfin ce vendredi-là. Ça faisait longtemps et je me sens bien, parce que maintenant je sais où je veux aller, je me connais un peu mieux. J’ai des pistes. Mais je sais de quoi j’ai envie de parler, je connais la couleur de ce que je veux.

Est-ce que c’est trop tôt pour en parler ?

Non.

Alors dis-nous.

[rires] Alors, déjà j’ai réfléchi, je me suis dit : “Meuf t’as 23 ans, t’as toujours vécu comme une vieille, bah ouais, comme une grand-mère c’est la vérité. Maintenant, vie pour avoir de la matière.” Parce qu’à la base, je voulais faire un projet de variété et après je suis passée par des envies pop, puis électro… Et en fait, j’essayais toujours de fuir, ce que je voulais faire pour de vrai.

Qui est ?

Le r&b ! Mais en fait, à mon avis je pense que je fuyais ce truc-là, parce que je me disais, c’est trop simple. Dans toutes mes interviews, j’ai dit, je ne veux pas machin. Mais j’ai réfléchi, et je pense qu’à mon avis j’ai rencontré les bonnes personnes, qui déjà m’ont fait re-aimer ce genre de musique-là, et même ces nouvelles artistes, Kehlani, Kali Uchis, Mabel, Mahalia… Toutes ces gos fortes, IAMDDB, Princess Nokia.. Bref la liste est longue. Elles sont trop fortes. Et puis je me dis qu’en fait, ce qu’elles ont réussi à faire c’est à mettre de la pop dedans. Tout ce côté un petit peu acidulé, et leurs voix qui ne sont pas forcément typées r&b. Tout est dans le flow, dans la dégaine. C’est ce que je veux faire. Je ne sais pas pourquoi, pour une fois j’écoutais ce type de musique-là et pour une fois, c’est quelque chose qui me touche. Et je me disais ouais, j’aimerais trop faire ça. Mais en français.

Je me suis dit : « Wow j’ai réussi à mettre quatre ans de dépression dans une chanson. » Un couplet, un refrain, un pré-refrain. Fin de l’histoire.

Comment tu envisages ton projet du coup ?

Je ne veux pas que ce soit un projets indé. Mon but a toujours été de faire de la musique populaire. Et j’ai réfléchi à ça aussi, mais je pense que c’est ce qui va rendre ma musique populaire : qu’il soit r&b, Nu-Soul, limite un peu trap, électro. C’est un projet hybride en fait. Je pense que c’est le mot que je vais sortir d’aujourd’hui jusqu’à toutes mes promos futures. Vous êtes les premiers, mais c’est un projet hybride. Quand je vais au studio, je n’aime pas donner des références. Je veux juste que ce soit hybride. Qu’on mélange le tout, avec sensualité, peau, sexe, tout. On veut ça. Féminité, masculinité, on mélange tout, on veut tout.

Et ça fait un album.

Oui et ça fait moi en fait. Je suis trop contente parce que j’ai enfin trouvé mon créneau. Même au niveau des paroles. À la base, je comptais tout le temps sur les autres pour faire des topline, pour faire des mélodies. Mais j’ai réalisé que leur écriture ne m’allait pas, que leurs mélodies ne m’allaient pas. Que ce n’était pas moi. Même quand je chante avec mon truc et tout, ce n’est pas moi. Jusqu’au jour où je me suis dit que j’allais prendre mes couilles, prendre mes cojones, les mettre sur le dos – mais oui c’est vrai [rires], on prend les cojones on les mets sur le dos comme un sac à dos – et avancer. “Tu sais quoi meuf, t’es une femme forte, on y go, on est là. Vas-y on pose maintenant ce que j’ai à écrire sur la table.

En mars ou mai dernier, je suis allé voir un mec qui s’appelle Deemad. Il fait des prods un peu électro. Un soir, à Puteaux, j’arrive avec mon sac remplis de cojones et je lui ai dis que je n’avais pas de références à lui faire écouter, mais qu’il fallait qu’il me fasse un truc bizarre. Il m’a sorti un son lunaire. Du coup j’entends les trois premières notes, je prends mon téléphone, il commence à faire la prod, je suis derrière lui et j’écris tout de suite. En fait c’était la première fois de toute ma life.

Tu t’es impressionnée toi-même.

Franchement, ouais. Topline, parole. C’était au moment où je commençais à lâcher aussi un peu, toujours dans cette période un peu bad – et je me suis dit que j’avais encore de l’énergie. J’ai encore peut-être un délire à apporter. Et ça m’a rassurée. Et on a fait un deuxième son qu’on a bouclé deux heures plus tard, il devait être 2-3 heures du matin. Il m’avait sorti un petit beat afrobeat. Et dans ce son en gros, j’ai parlé de toute la frustration que j’avais, de toute l’aigreur, dans mon métier, dans le game, des gens du game. Tout. Et je raconte que mes darons m’avaient prévenue, mais que malgré ça il fallait que je trouve le moyen de retrouver ma liberté et de retrouver qui je suis, pour vraiment me sentir libre à 100% ? Quand je suis rentrée chez moi, je l’ai réécouté dans le taxi, j’étais en train de pleurer, genre putain… Je me suis dit : « Wow j’ai réussi à mettre quatre ans de dépression dans une chanson. » Un couplet, un refrain, un pré-refrain. Fin de l’histoire. Et depuis ce jour-là, j’ai arrêté de mettre de la merde sur Instagram et de faire mon boucan. Cette chanson a été un déclic. Franchement je me suis arrêtée et je me suis dit que je réglerais mes comptes quand je sortirais cette chanson et voilà. Tout le reste, c’est de la gaminerie.

J’ai construit un titre sur Instagram. J’étais dans mon salon et j’étais en culotte, je te dis la vérité, comme d’hab, débardeur, je ne sais même plus si j’avais une couette.

Et ça t’as aussi permis de trouver la direction dans laquelle tu voulais aller.

Franchement Deemad, ça a été le déclencheur de ce que je vais sortir aujourd’hui. Ça c’est clair. Et personne d’autre n’a su faire ce qu’il a fait : me sortir deux bombes en une soirée. Merci.

Donc sur cet album, tu veux t’entourer de qui ? De lui déjà j’imagine. Il y a d’autres personnes ?

Bah bizarrement, depuis que j’ai fait ce track avec Deemad, je n’arrive plus à bosser avec d’autres personnes. [rire]

Tu as essayé ?

Oui mais c’est là où du coup, je me suis encore reperdue. Je suis revenu vers lui parce qu’il fallait que je trouve mon repère, ma base. Même lui m’a fait comprendre que ça ne le dérangeait pas que j’aille bosser ailleurs, mais ça ne fonctionnait pas. Du coup, j’ai juste ces deux tracks-là. Et depuis ce soir-là, jusqu’à maintenant, j’ai bossé toute seule. Je n’ai plus rebossé avec Deemad – c’est mon pote, mais je ne voulais plus bosser avec lui. J’ai écrit mes trucs toute seule, et j’ai fait ma musique toute seule avec ma bouche et c’est là où j’ai commencé à faire des trucs sur Instagram.

Comment ça ?

J’ai construit un titre sur Instagram. J’étais dans mon salon et j’étais en culotte, je te dis la vérité, comme d’hab, débardeur, je ne sais même plus si j’avais une couette. Je me pose devant mon écran, je pose mon iPhone et je dis, ok les gars – je ne savais vraiment pas ce que j’allais faire, je n’avais rien écris – j’arrive et je dis, «Bonjour les gens».

C’était un live ?

Oui. J’ai expliqué que j’allais faire une espèce de tuto. « Donc là vous voyez, vous faite un beat de 110 ou 120 BPM et là on va partir sur un truc un peu reggaeton, un peu soleil… » Et je voyais en même temps les commentaires des gens. Et là je commence à faire « boom boom boom… » [elle fredonne]. Ils commencent à mettre des flammes, à inviter des gens dans le live. Ça a monté. Là j’ai commencé à faire la mélodie. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de live et j’avais v’là les gens.

C’était la reprise.

Oui ! Du coup, je suis toujours en live, je commence à écrire les paroles. J’écris le couplet, je commence à le chanter. Ils ont trouvé ça lourd. J’ai commencé à fatiguer, il fallait que j’écrive le refrain et là je commence à abandonner. Et les gens commencent à envoyer des messages. « Il faut que tu continues, donne-nous la suite. »

Franchement pour la première fois depuis quatre ans, depuis que j’ai signé chez Universal, quand j’ai écouté cette chanson-là, je me suis dit : «C’est un hit.»

Ils te donnaient des pistes, des idées ?

Ils me donnaient des pistes, tel mot, tel humeur. Donc du coup je commence à checker, je regarde. Je trouve le refrain, je les laisse pour enregistrer ma voix et je reviens en live. Du coup j’enregistre. Franchement pour la première fois depuis quatre ans, depuis que j’ai signé chez Universal, quand j’ai écouté cette chanson-là, je me suis dit : « C’est un hit. » Là je commence à le mettre sur les réseaux, Facebook, Twitter etc. Même Damso a validé le son sur Instagram. Wesh. Toutes les fois où je me suis dit que j’allais arrêter, tous les trucs de « I’m deep » et je suis une artiste un peu meurtrie, c’était fini. Depuis ce titre, que je surkiffe, j’ai fait d’autres lives et à chaque fois ça s’est bien passé. J’ai réalisé que je pouvais faire des sons toutes seules, écrire toute seule, composer toute seule, faire mes petits beats sur mon iPhone… Ça fait quand même bouger les gens. Je peux faire ça toute seule. J’étais tellement contente. Même Deemad a validé.

Dans les influences que tu as citées, il y a beaucoup d’artistes anglaises, beaucoup d’artistes de Londres. Est-ce que c’est une option pour toi de travailler avec des artistes londoniens ou est-ce que tu veux que ton projet soit français ?

J’ai bossé avec un producteur qui s’appelle Jay Weathers. Et c’est la première fois que je travaillais avec lui. En gros c’est mon éditeur qui m’a pluggé avec lui. Il m’a seulement donné son nom, je me suis documentée et j’ai vu que c’était le mec qui a fait « My lover » de Not3s avec Mabel. Je suis arrivée – on ne se connaissait pas et je crois qu’il était en train de filmer – mais j’arrive dans le truc, j’ai crié « Good Morning! » et j’ai commencé à twerker au sol. Je commence à montrer ma folie. Parce que quand je ne connais pas les gens, il faut les mettre au parfum. Comme toi. Toi aussi t’as eu ton baptême. Tout le monde. Ça l’a fait rire, donc je me suis dit que le gars était chill. Il m’a demandé ce que je voulais et je lui ai dit quelque chose de bizarre quelque chose d’hybride.

Ça a donné quoi ?

Il a capté. Et là il me sort un petit son du futur, il m’a dit qu’on partirait sur un truc nouveau. Tu veux écouter le son ? [pause] À partir de ce moment-là, je repensais à Deemad et je me disais, c’est ouf, et c’est pour ça que je le remercie encore aujourd’hui, parce qu’il a donné le ton de tout mon projet.

Mais bon. Il sort quand l’album ?

Là ce n’est pas forcément le début. Parce qu’on a validé avec Oumar, mon manager, j’ai pour l’instant cinq titres que je garde, sûr. Là je vais bosser sur les cinq titres que j’ai fait en quatre ans, on va dire ça comme ça. Et donc du coup-là on va bosser la réalisation, le mix, le mastering, rechecker peut-être des paroles, si ça se trouve les voix de démos vont être les voix dèf’. Parce qu’il y avait le goût de l’instant, le flavor comme dit Jay. Donc du coup on va garder ça.

Et là je me donne disons, un mois, deux mois, trois mois maximum pour les bosser à fond. Et après sortir chaque titre clippé.

Dans les clips, je veux de l’éclectique, des corps éclectiques, des visages, de la couleur de peau. Surtout les mots d’ordre vont être sensualité,  peau, ressenti.

C’est quoi ta vision d’un clip ?

Franchement ? Je veux de la sensualité, je ne veux pas que ce soit beau pour être beau, comme je l’avais fait pour mon premier album. Même l’image de mon premier album, c’était trop propre, trop clean. Ça faisait trop, j’aime la mode, donc on va faire un truc un peu froid machin. Là je veux que ce soit brut et que chaque image, véhicule un imaginaire. Que même dans la pochette, il y ait un truc. Des références. Dans les clips, je veux de l’éclectique, des corps éclectiques, des visages, de la couleur de peau. Surtout les mots d’ordre vont être sensualité,  peau, ressenti. Je ne sais pas, j’ai envie de trouver une équipe de gars qui soient dans mon délire et grimper avec ces types-là, genre jusqu’à la fin de la fin de la fin.

Il y en a beaucoup des équipes comme ça je pense.

Oui dans l’urbain. Et c’est de ça que j’ai envie dans l’urbain. C’est que les gens sont très team, alors que dans la pop, les gens sont très, « on va butiner là-bas, et on va travailler avec un autre réal« , et t’as plus d’unité. Et là j’aimerais bien trouver une équipe qui croit en moi et qui se disent on a vraiment envie d’investir du temps dans cette go là et qui vont me suivre. Moi je veux qu’on me sublime. Je veux qu’on sublime ma taille 48. Non mais c’est vrai c’est important. Parce que sur le premier album, j’étais… je ne sais pas. Là je veux vraiment que le réal ou le vidéaste, que même le photographe ou même jusqu’au graphiste, ce soit…

Ça va être un vrai taf.

Ouais. Moi je veux de la sensualité, je veux de la peau. En fait ça va être ça mon projet : sensualité, peau, féminité. C’est vrai que quand tu regardes les SZA, etc., c’est ça en fait. Elles sont très…

Carefree.

Bah ouais. En tout cas, ça va être hyper inspiré de l’urbain, ça c’est clair et net.

Mais il faut juste qu’ils comprennent que mon succès ce n’est pas mon talent, ce n’est pas moi, ce n’est pas mon label, ce n’est pas mon manager, c’est eux en fait qui font ce taf de fourmi […]

C’est quoi tes attentes avec cet album ?

Je ne sais pas. Déjà que ça m’apaise et que ça me rende heureuse. Que moi je valide le truc. Mais en fait cette situation-là, dans la conception d’un album, moi je ne l’ai pas connu. J’ai fait la Nouvelle Star et ça a été rapidement, j’ai fait un album en deux semaines en gros. Et je n’ai pas eu cette phase de réflexion, de recherche. Et là, j’ai passé tous ces stades-là. J’ai tout vu. Et je suis fière de sortir ces sons-là. Je me sens à l’aise avec ce que je raconte, parce que ce sont mes paroles, ma musique. Je pense que mon univers va toucher beaucoup les femmes. Parce que  les commentaires que je reçois sur Insta, c’est surtout des meufs qui disent : « Ouais je me retrouve dans tes textes. Enfin il y a une meuf qui parle de sensualité. » Et là je vois que ça change et qu’il y a une demande. Merci à l’Angleterre et merci aux Etats-Unis. Du coup la France comprend un peu mon délire et mon physique quoi. Même dans ma musique. Je suis contente quand les gens écoutent mes petits extraits sur Instagram, ils se disent : « Ah ouais, on l’a capté, nous on est dedans. Fort. »

J’aimerais bien qu’on me laisse briller un peu. Je veux juste partager tout mon art, toutes mes mélodies, toute ma voix, faire des concerts, partager ce que je veux. Juste sortir mes sons et perdurer. Il y a un gars tout à l’heure sur mon Instagram, il m’a posé la question : « Quand est-ce que tu perces ? » Ça part d’une bonne intention, ce n’est pas méchant ce qu’il dit là. J’ai répondu : « Les bébés, arrêtez de me poser la question. Vous savez très bien que mon succès ne dépendra pas de moi, ni de mon talent, mais de vous. Je vais compter sur vous lorsque je vais officiellement sortir mon projet. Il ne va pas falloir parler japonais quand il va falloir sortir 1,29€ sur iTunes pour me pousser en haut des charts français. Same pour les concerts. Comment à économiser les amis. »

C’est frustrant. Mais j’ai l’impression que les gens ont tout le temps l’impression que le succès, quand tu sors un son, ça vient comme ça, direct. Même à ceux qui me disent : « On ne comprend pas, pourtant t’as un label etc.« ,  je dis en fait, mais c’est pas simple les gars. Je ne suis pas décisionnaire de mon futur. Surtout dans mon métier. Ça dépend surtout d’eux. Je fais des sons. Je vous les balance, je vous les donne. C’est à vous – même si j’ai un attaché de presse, même si j’ai une équipe – maintenant, votre taf c’est de le partager. Parce que souvent tu as des gens qui regardent et qui ne partagent pas. Mais c’est ça qui est important en fait. De partager. Il faut qu’ils comprennent l’importance de leur rôle. Ils sont mille fois plus importants que les attachés de presse. Largement. Parce qu’ils sont sur le terrain, ça va marcher et si ça marche, ils auront des concerts et on se verra. Pensez à ça les gars. Et quand on va se voir et que je vais annoncer une date, il ne faudra pas parler japonais non plus. Il faudra acheter la place. C’est important, c’est vrai. C’est bien beau de dire que je vie de l’art et d’eau fraîche mais en soi, la vérité c’est qu’en fait je suis une artiste, c’est mon seul revenu, c’est mon taf et concrètement il faut que j’en vive et pour bien en vivre il faut pouvoir exister. Il faut pouvoir rester avec cette communauté-là. Mais il faut juste qu’ils comprennent que mon succès ce n’est pas mon talent, ce n’est pas moi, ce n’est pas mon label, ce n’est pas mon manager, c’est eux en fait qui font ce taf de fourmi, qui font cet effet boule de neige et qui après vont intéresser les médias et les médias après vont relayer et vont m’encenser.

Et je lui ai expliqué plus tard que ce serait pour faire un concert, là dans une semaine. Concert que j’organisais toute seule.

Et la scène dans tout ça ?

Ouais, tu sais que c’est mon dream.

Mais ça fait longtemps ?

Ouais. Je n’ai fait que des grosses premières parties, genre Les Fréros de la Vega, j’ai fait des gros plateau, genre Virgin, RFM. Mais concert… En fait si je me rappelle j’avais fait un concert à la Bellevilloise, parce que j’étais frustrée. Parce que mon ancien tourneur ne croyais pas en moi du tout.

Il ne voulait pas te donner une salle ?

Ouais. Et du coup il me dit non, tu sais ça coûte cher. Et comme je suis butée, que j’avais 19 ans, j’ai insisté. Il a dit non. C’était un jeudi soir. J’ai appelé un pote photographe, pour qu’on fasse un shooting le lendemain. Je ne lui ai pas précisé pour quoi. Et je lui ai expliqué plus tard ce serait pour faire un concert, là dans une semaine. Concert que j’organisais toute seule. Il prend les photos, le soir-même il me les envoie. Je fais ok, rendez-vous la semaine prochaine à la Bellevilloise. Tout le monde s’en foutais en plus c’était la fin de la promo. Le truc ne servait à rien. Du coup j’ai appelé la Bellevilloise…

C’est là où j’ai réalisé que même si ma communauté était petite, elle était fidèle ! Ils sont déter.

[rires] T’as appelé la Bellevilloise après avoir annoncé la date ?

Bah franchement j’ai annoncé, je ne sais plus trop ce que j’ai dit et de quelle date il s’agissait exactement.

Mais c’est fou de faire ça.

C’est fou mais vas-y, il faut avoir des cojones là ! Bah franchement j’ai fait mon truc, j’ai mis ça sur Facebook. Je poste et je vois 100, 200, 300, 400 personnes, 600 personnes, 800 personnes. J’ai fait : «What ?» C’était la plus grande salle, la salle du bas… Je l’ai remplie hein. Genre en deux-deux. Il y avait même des gens dehors.

Parce qu’en plus il n’y avait pas de billetterie, c’était du sur-place ?

Meuf, c’était gratos. J’ai trouvé un deal. J’avais peur : 500 places debout, ils étaient tous debout. J’étais trop contente.

Ton tourneur a dit quoi ?

Bah franchement, je l’ai quitté le lendemain de l’appel, quand il m’a dit non. [rires] Polydor n’était pas au courant non plus, ils l’ont appris le jour où j’ai posté l’annonce. Je me suis faite fumer. Fumer. Ma mère m’a regardé et m’a dit : «Tu sais quoi on te laisse dans tes délires, parce que… c’est trop.» Et ma manageuse de l’époque, je crois que je la quittais elle aussi, parce qu’elle m’a dit : «Toi t’es une galère.» Et de toute façon, là c’était le pompon.

Parce que tu n’étais pas gérable ?

Parce que je n’étais pas gérable. Et franchement j’ai eu chaud, parce que quand j’ai appelé la Bellevilloise, ils m’ont dit : «On ne vous fais pas payer la salle, mais par contre il faudra remplir, pour les consommations.»

Ça t’a mis la pression ?

J’étais en fin de promo donc ça ne servait à rien. J’arrive le soir-même et tout. Je sors de la salle, Dinos était là. Il vient me voir dans les loges, il me fait : «Il y a du monde fort ! Il y a la queue !» Et franchement je ne le croyais pas. il m’ouvre la porte, je passe la tête et là je vois le monde qui commence à m’appeler. Même là, j’ai les larmes aux yeux. C’était chanmé, je me suis dit : «Wesh mais j’ai fait ça toute seule.» C’est là où j’ai réalisé que même si ma communauté était petite, elle était fidèle ! Ils sont déter. Pour la première fois je voyais qui me suivait. J’ai vu que c’était des gens de mon âge en fait, qui avaient la vingtaine. Il y avait même des cadres, franchement j’étais trop contente. Parce que c’est important. Je n’arrêtais pas de pleurer. Et en plus ils chantaient mes paroles par cœur. Là c’était trop. J’ai encore l’image, c’était rempli, il y avait des gens par terre. Franchement, j’avais les larmes aux yeux. Quand Dinos m’a dit que c’était rempli… J’avoue que ça m’a fait plaisir de l’avoir à mes côtés. À cette période-là, Dinos aussi, avant que je connaisse Chilla, m’a toujours considéré comme sa petite sœur, il a toujours été là pour moi, il m’a toujours écouté, il m’a soutenu. Le gars m’a relevé.

Parfois tu fais des émissions et on te zappe fort. Donc merci. Merci à tous ces gens qui m’ont suivi de 2014 à 2018.

Vous vous êtes rencontré comment ?

Bonne question. J’ai l’impression que je le connais depuis la maternelle alors que… Peut-être en studio. Je ne sais plus.

Mais ça remonte à loin ?

Ça remonte à très loin, ça fait deux, trois ans qu’on se connait.

Deux, trois ans c’est rien.

Deux, trois ans c’est rien ouais, mais dans la musique, en amitié ! Ça fait longtemps j’ai l’impression. C’est quelqu’un de bien. Parce qu’en fait il a une chanson qui s’appelle «Quelqu’un de bien» [rires] Non, il est cool. Franchement, Chilla, Dinos, ce sont les deux artistes, qui sont vraiment des amis. Ce sont les seuls amis que j’ai dans le game. Et il sort son album le 27 avril. Donc allez checker ça, parce que j’ai pu écouter quelques petits morceaux en exclu et je peux vous dire que c’est chaud, c’est très chaud. Et il va se faire « Flashé » sur les réseaux.

Et à ceux qui attendent ton album, qu’est-ce que tu leur dis ?

Franchement, et bien, merci sincèrement à tous les gens qui m’ont suivi depuis mes 18 ans. C’est ouf de dire ça, on dirait que j’en ai 46. Mais c’est important, c’est gens sont toujours là ! Parfois tu fais des émissions et on te zappe fort. Donc merci. Merci à tous ces gens qui m’ont suivi de 2014 à 2018. Parce que je vois dans les commentaires, c’est toujours les mêmes personnes. Merci à ceux qui me suivent en chemin et qui prennent le relai et qui me poussent de ouf. Merci Dinos, merci Chilla, merci à mon nouveau manager avec qui j’espère faire des dingueries, parce que cet homme me soutient comme personne ne m’a jamais soutenu dans ma vie. Je peux dire que je sais ce que c’est un manager, sincèrement. Et un dernier mot, franchement croyez en vous, parce que maintenant je dois vous dire merci, parce que je crois en moi, je sais que j’ai encore du jus, que je ne suis pas terminé et que je n’ai que 20 ans. Donc croyez en vous, croyez en vos rêves, il faut toujours charbonner. On aura toujours des moments de bad, on aura toujours des moment sales dans notre vie. Mais c’est pour mieux mériter sa place. Et je vais m’arrêter là, parce que j’ai hâte de sortir mon projet. Et de faire danser les gens comme jamais. Ah oui un dernier truc, je fais un appel à tous les réalisateurs de Paname, à tous les vidéastes, à tous les graphistes, si vous voulez rejoindre ma team, donner un petit coup de pouce pour mes projets à venir, avec grand plaisir.

 

Photographe : David Maurel
Assistant photographe : Philippe Millat
Styliste : Benoit Guinot
Vidéo : Louis-Philippe Azaud (Le Comité)
Shopping : ASOS

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Le projecteur qui a mis en lumière le rap anglais commence peu à peu à élargir son spectre. De l’ombre émerge slowthai, un rappeur qui compte bien mettre Northampton on the map avec son flow cru et agressif. Rencontre avec un talent brut qui pourrait bien être le next big thing du côté de l’Angleterre.

Photos : @alextrescool

Sur scène ou en studio, slowthai, “sans espace ni majuscule” comme il nous le précise, est de ceux qui performent comme si leur vie en dépendait. La preuve. Le 15 février, le MC de Northampton se produit au Hoxton Hall à Londres. En guise d’entrée, l’Anglais est porté par son équipe dans un cercueil, lentement, devant les yeux médusés du public présent ce soir-là. Le convoi funeste arrive finalement jusqu’à la scène, où il s’ouvre enfin. En sort un slowthai survolté, qui s’empresse de sortir de se léthargie pour retourner le lieu avec son titre « R.I.P. ». À la fin d’un show effréné, il finit au milieu du public, en caleçon et pieds nus : un dévouement et une énergie qui valent leur pesant d’or à l’heure où les performances live dignes de ce nom se font de plus en plus rare. Alimenté par un flow hyper brutal, l’univers dans lequel le jeune rappeur nous entraîne est abrasif et frénétique : “Je fais de la musique sur laquelle tu peux te défouler. J’aime me déchaîner et mettre la pression, je ne suis pas du genre relax. J’en ai rien à foutre, c’est ma personnalité. Je suis indiscipliné.”

Slowthai-interview

Il fait ses premières vagues après la sortie de son titre « Jiggle », en 2016. Une démonstration simple et efficace du style slowthai, qui passe par un storytelling criant de réalité, sincère et authentique. C’est justement ce qui fait le succès du rappeur, que ce soit à Northampton ou plus au sud, dans la capitale. Ses textes sont le reflet d’un style de vie dans lequel une grande partie de ses fans se retrouvent, parce que, « que tu sois à Londres, Nottingham ou même Paris, avoir des difficultés, ça touche tout le monde ». Le son « The Bottom », par exemple, dépeint la jeunesse qu’il a passée « sans figure paternelle » avec seulement deux choix possibles : la drogue ou le travail. Heureusement, la vie ne propose pas seulement une pilule bleu ou une pilule rouge, mais une infinité de possibilités.

Dans “North Nights”, le northamptonien nous montre son champs des possibles, avec un clip bourré de références cinématographiques qui illustrent parfaitement la matrice de l’Anglais. Il y fait un clin d’oeil aux plus grands classiques du film d’horreur et crée une atmosphère glauque et sinistre, qui va de paire avec son style cru et agressif. La scène d’ouverture est filmée à la Blair Witch Project avant que slowthai ne se grime en Alex DeLarge du film Orange Mécanique. La suite du clip est inspirée par American Psycho, avec le visage de l’Anglais qui se reflète dans une lame de couteau et s’enchaîne par un plan rappé à travers une porte fracassée, exactement comme dans The Shining de Stanley Kubrick. Mais la partie la plus impressionnante reste celle de la salle de bain, inspirée de La Haine. Un petit bijou de par l’utilisation de deux produits identiques (ici le dentifrice et le flacon pompe) pour reproduire l’effet de « faux miroir », ainsi que par la performance de slowthai, qui jongle brillamment avec son éventail de flows.

Un flow qu’il passe beaucoup de temps à aiguiser, sans relâche, dans des studios londoniens : « Je dois travailler 10 000 heures pour atteindre mon objectif, sinon je ne progresserais jamais et je deviendrais suffisant. Je déteste ce sentiment de complaisance. J’ai l’impression que c’est ennuyant quand tu atteins ce point où tu te dis ‘ça y est, je suis heureux’. Je veux continuer à progresser. » Cet objectif pour slowthai, c’est probablement de mettre la lumière sur une scène rap qui se développe et produit une musique qui mérite autant d’intérêt que celle de la capitale. Comme le mentionne son producteur, Kwes Darko, dans l’introduction du morceau « The Bottom » : « Ceux qui ne viennent pas d’Angleterre pensent probablement que la culture anglaise est centrée sur Londres, alors que Birmingham, Manchester, Nottingham ou encore Liverpool ont leur propre culture. Et bien évidemment, Northampton aussi. »

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La scène rap de Northampton prend progressivement du poids, galvanisée par des rappeurs comme Izzie Gibbs, Statz et bien sûr slowthai, qui rappe ses premiers mots sur les instrumentales que son père crée sur Garage Band. Dans son adolescence, il s’essaie aux battles de rap à l’extérieur de boîtes, à des heures avancées de la nuit, mais à cette période, le rap n’a rien de sérieux pour le kid qu’il est alors, qui « faisait des trucs stupides, juste pour faire passer le temps ». Heureusement, il se recadre tout seul : « À un moment je me suis dit que j’allais essayer de faire quelque chose de positif, au lieu d’être dans une spirale négative. »

Ce changement d’état d’esprit s’est traduit par deux petits projets qui remontent à 2017 : slowitdown (aujourd’hui difficilement trouvable sur le Web) et I WISH I KNEW. Le premier est un trois titres, composé notamment de « T N Biscuits », son clip le plus populaire sur YouTube avec plus de 400 000 vues. Le second, I WISH I KNEW, contient six titres et montre le registre sonore du britannique. Un mélange frappé de hip-hop, garage et grime qui, à l’arrivée, se synthétisent et forment la signature slowthai. Le MC de Northampton est encore en train de grandir en tant qu’artiste, et ne se pose pas beaucoup de questions à propos de son avenir : « J’ai un plan et je vois à peu près où je devrais être dans le futur, mais je veux juste faire de la musique tous les jours et faire quelque chose de ce mouvement. Je veux vivre ma vie à 100% et être heureux. » Une note positive qui promet une très bonne année 2018 pour slowthai, avec des morceaux à déguster à l’anglaise : avec du thé et des biscuits.

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Yeezy Season approachin’. De retour sur Twitter, Kanye West a annoncé la sortie prochaine de deux nouveaux albums, dont celui de Kids See Ghost, un groupe qu’il formera avec Kid Cudi. Le point d’orgue d’une relation discontinue, qui les a successivement vu se flatter, se soutenir, puis se déchirer. De quoi se montrer impatient… mais pas trop non plus.

Si les artistes rêvent d’influencer la musique dans laquelle ils officient, tous souhaitent secrètement avoir l’impact qu’ont Kanye West et Kid Cudi au quotidien. Les natifs de Chicago et de Cleveland ont fait des années 2000 leur terrain de jeu, et alors même que le hip-hop post-2005 était en perte de vitesse et montrait des signes de faiblesses, ils participent tous deux au renouveau du genre en 2008, ouvrant le rap vers de nouvelles perspectives et de plus grandes ambitions. Si les deux sont autant proches, c’est que Kid Cudi se lance dans la musique par passion pour celle de Kanye West, entre autres. De l’autre côté de la barrière, l’album 808’s and Heartbreak ne voit le jour que par l’impact de la mixtape A KiD Named CuDi sur celle de Kanye : les deux compères ne cessent de s’influencer par ricochet, s’inspirant mutuellement. De ce fait, l’annonce d’un album en commun, plus qu’attendu par le public depuis bien des lustres, ne peut que ravir le quelconque auditeur, et ce même en sachant que ce n’est pas sans risques. Voici autant de raisons d’être excités et prudents quant à la sortie prochaine de Kids See Ghost.

 

Pour | « Erase Me », leur collaboration emblématique

Si les collaborations entre Mr. West et Scott Mescudi se comptent sur les doigts de la main, le majeur sera surmonté du morceau « Erase Me », le plus gros succès commercial de toutes leurs diverses affiliations. Un majeur envers l’industrie, histoire de prouver que deux individus, critiqués pour leurs égos surdimensionnés, peuvent s’accoupler le temps d’un morceau et gravir les échelons des charts US. En tant que single principal du second album de Kid Cudi, Man on the Moon II : The Legend of Mr. Rager, il démontre indubitablement la capacité des deux compères à pouvoir faire des hits, non seulement en solo, mais aussi ensemble. L’album retrace l’évolution physique et psychologique de l’auteur à toutes les étapes d’une soirée, divisée en cinq parties chronologiques. Présent sur l’acte 3, sobrement intitulé « Party On », « Erase Me » est le climax, tant de la soirée que du projet. Une pure dose de bonne humeur malgré le dramatique ton emprunté par Cudi, qui nous montre d’ailleurs, une énième fois, qu’il dispose d’une science du refrain rarement égalée. Il ne manquait plus qu’un couplet de Kanye West pour que la magie opère. Facile.

Contre | « Erase Me », pas mémorable pour autant

Néanmoins ,si la magie opère, c’est seulement de manière à gagner une portée commerciale. D’un point de vue qualitatif, « Erase Me » est peut-être le moins bon morceau issu de leurs différentes collaborations. Kanye s’offre un passage des moins mémorables, et même si la performance de Cudi remonte très largement le niveau, il n’en reste qu’il n’y a, finalement, guère d’alchimie. Là où « Welcome to Heartbreak » a su montrer la synthèse parfaite entre les deux artistes, comme en symbiose le temps d’une chanson, « Erase Me » manque d’âme, d’exigence et du côté « humain » que l’on retrouve dans la musique de chacun. Si « Welcome to Heartbreak » marche si bien, c’est qu’il y a un concept, une ambition, une envie organique de collaborer, car c’est ainsi que Kanye fonctionne : il ne collabore pas juste pour « collaborer », il tire le meilleur des gens dont il a « besoin ». Le natif de Chicago est également derrière la production du morceau, alors sans doute que l’univers musical était trop stable pour ne pas pouvoir y synthétiser le meilleur des capacités de chacun.

Pour | Ils peuvent s’entourer de qui il veulent, quand ils veulent

Pour faire de la bonne musique, il faut s’entourer de bons musiciens, les meilleurs, surtout ceux qui officient dans des styles aussi variés que tangibles. Si Kanye veut faire du gospel, il ne va pas s’y tenter de lui-même, étant bien conscient de ses capacités, mais n’hésitera pas à faire directement appel à des chanteurs de gospel. Pas des moindres en plus, en témoigne la participation de Kirk Franklin sur le morceau « Ultralight Beam ». En véritable chef d’orchestre, il saura en plus créer un lien solide entre tous les talents qui participent à la conception de son morceau, comme a pu le montrer l’un des plus importants reportages back-stage sur l’histoire de My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Quand le téléphone sonne et qu’on y voit marqué « Kanye West », on ne refuse pas l’invitation car on sait d’office qu’on participe à un projet d’une envergure gigantesque. Et si on a le malheur d’hésiter pour cause de calendrier chargé, il suffit simplement que le nom de « Kid Cudi » soit à moitié cité dans la conversation pour que l’emploi du temps se libère. C’est la véritable force que les deux artistes ont réussi à acquérir au fil du temps : on ne refuse pas l’invitation de Kanye West, et quand il travaille avec Kid Cudi, on se tait et on fait sa valise le plus rapidement possible. Avoir la chance de participer à un morceau du duo, c’est le coup assuré d’une légitimité artistique globale et d’un sacre éternel dans l’industrie. Reste désormais à savoir si les glorieux invités qui ont récemment rejoint Yeezy dans les montagnes du Wyoming ont bel et bien contribué à la création du projet Kids See Ghost.

Contre | Ils n’ont jamais trouvé le parfait équilibre en duo

Si les deux artistes ont pu collaborer en « duo unique » quelques fois, il n’en reste que la plupart de leurs affiliations musicales s’est fait en compagnie d’une ribambelle de musiciens tout aussi talentueux. Que ce soit Rihanna, Fergie, Elton John ou Alicia Keys sur « All of the Lights », Raekwon sur « Gorgeous », toute l’équipe de G.O.O.D Music sur « The Morning », ou encore Kelly Price sur « Father Stretch My Hands Pt. 1 », les apparitions de Kid Cudi sont schématiquement utilisées de manière à améliorer le morceau en question. Quand Kanye West appelle son homologue de Cleveland à la barre, c’est pour en faire l’accessoire indispensable, la cerise sur le gâteau, le secret du chef. Malheureusement, le duo est aussi connu pour être respectivement des savants fous, des expérimentateurs compulsifs, et tandis que Kanye s’en sort toujours indemne, Scott Mescudi s’est souvent pris l’explosion dans la figure – en témoigne sa carrière post-Man of The Moon. De ce fait, s’entourer d’un large panel de musiciens au talent indubitable leur permet de canaliser leurs envies et structurer leur musique, de manière à ce que la balance ne soit pas déséquilibrée et que leur expérience ne vire pas à l’échec cuisant.

Pour | Kid Cudi est une boussole pour Kanye, Kanye est une boussole pour Kid Cudi

C’est un secret de polichinelle : 808’s & Heartbreak n’aurait sans doute pas vu le jour si Kanye ne s’était pas, à un moment donné, retrouvé dans les tourments de Scott Mescudi. Quand on mesure l’impact de ce disque sur le hip-hop moderne, où la vulnérabilité n’est plus une tare, ainsi que sur la suite que Yeezy a donné à sa propre carrière, on ne peut que se réjouir de le voir retrouver celui qu’il a un jour présenté comme « l’artiste le plus influent de ces dix dernières années. » D’autant que la réciproque est tout aussi vraie : Kid Cudi n’a jamais été aussi bon que lorsqu’il a pu s’appuyer sur Kanye West. Le natif de Chicago avait chapeauté le premier Man on The Moon, puis s’était invité sur le second. Ces deux opus sont encore aujourd’hui les plus marquants de la discographie de Cudi, en plus d’être les traces les plus évidentes de l’héritage qu’il est voué à laisser derrière lui. À contrario, son indépendance correspond à une période d’errements, durant laquelle beaucoup pensaient avoir perdu l’artiste qu’ils avaient tant aimé. Au moins jusqu’en février 2016 et la sortie de « Father Stretch My Hands Pt. 1 », sa première véritable collaboration avec Ye depuis qu’il a quitté G.O.O.D Music. Comme quoi.

Contre | C’est un trône bancal

Quand Kanye décidait en 2011 de former un tandem avec un autre artiste, son compagnon de route n’était nul autre que le grand Jay-Z. Si l’on considère que Mr. West est un génial producteur à défaut d’être le plus habile au micro, Jigga n’est pas loin d’être son exact opposé. En plus de se compléter, les deux hommes boxaient assurément dans la même catégorie, à savoir celles des légendes de leurs disciplines. Impossible d’en dire autant de Scott Mescudi. Certes, ses die-hard fans rétorqueront – à juste tire – que l’enfant de Cleveland a été l’une des inspirations majeures de Ye. Mais Cudi est à l’image de Marcelo Bielsa, cet entraîneur sans palmarès pourtant cité en références par quelques uns des meilleurs coachs du football contemporain : sa carrière est en tout point imparfaite, mais ses idées fortes ont été reprises, développées, perfectionnées par d’autres – dont Kanye West – qui ont su en faire quelque chose de grand. Ce qui ne signifie pas pour autant que Kid Cudi est aussi surdoué que son binôme.

Pour | Ils sont capables de tout

Si Cudi et Kanye sont aussi réputés et acclamés, tant dans l’industrie que chez le public, c’est qu’ils ont brisés la plupart des tabous que pouvait avoir le rap vis-à-vis du mélange des genres. D’un côté, Scott a passé le plus clair de sa discographie à s’aventurer dans des contrées que peu auraient été tentés d’explorer. De l’autre, Kanye n’a jamais cessé de vouer une gloire sans précédent au concept « d’oeuvre d’art », dans une constante volonté de repousser les barrières lui-même avant de les dépasser, histoire d’être dans un renouveau aussi actuel que qualitatif. Ce qui est sûr, c’est que tous les albums du chicagoan ont été des game-changers, à différents degrés. Il en va de même pour les premières sorties de Kid Cudi. Tout peut arriver, tout est possible, ils savent manier à peu près tous les styles : on a plus qu’à prier pour que l’exigence créative de Mr. West ait réussi à synthétiser et canaliser la ferveur artistique de Scott Mescudi.

Contre | Kid Cudi n’a sorti aucun grand projet depuis 2010

Ses lettres de noblesse acquises à la faveur des bouleversants Man on The Moon, Cudi s’émancipe progressivement de Kanye West, Emile Haynie et Plain Pat – ses mentors – pour avoir un peu plus la mainmise sur son art. Lui seul assurera toute la production de son troisième album, l’ambitieux mais terriblement bordélique Indicud. Depuis son départ de G.O.O.D Music, en 2013, Kid Cudi tâtonne, expérimente, se cherche sans jamais réellement se (re)trouver. Un jour il nous embarque dans une escapade lunaire avec SATELLITE FLIGHT: The journey to Mother Moon, un jour il s’essaye sans grande réussite au rock lo-fi avec Speedin’ Bullet 2 Heaven. Déroutant. À l’arrivée, force est de constater que sa discographie compte malheureusement plus de rendez-vous manqués que de disques mémorables.

Pour | Des deux albums prochains de Kanye, c’est le préféré de Kim Kardashian

Kanye & Cudi album might actually be my favorite 😍🔥😍🔥

— Kim Kardashian West (@KimKardashian) 20 avril 2018

C’est en tout cas ce qu’elle a tweeté peu après que Kanye ait communiqué les dates de sortie de ses projets à venir. Partons du principe que peu de personnes ont pu les écouter jusqu’à présent : l’avis de Kim K. n’est-il pas – à date – le plus pertinent, car le seul exprimé en connaissance de cause ? Peu avant le début du Saint Pablo Tour, Madame West avait déjà publié une playlist de ses 28 morceaux préférés de son compagnon, et entre « Say You Will », « Black Skinhead », « Runaway » ou « All Falls Down », ses choix s’avéraient tout à fait défendables. Alors pourquoi pas ?

Contre | … ce n’est « que » l’avis de Kim Kardashian

On parle tout de même de la personne qui nous a odieusement fait miroiter un retour des GOOD Fridays au début de l’année 2016. Bilan des courses : trois titres en l’espace d’un mois, dont « No More Parties in L.A », le featuring tant attendu entre Kanye West et Kendrick Lamar, publié… un lundi. Une arnaque, en gros. Comment peut-on désormais lui faire confiance ?

Novembre 2017. Alors que la grisaille s’installe durablement dans le ciel français, nous décidons de changeons d’air. Direction Cuba et La Havane, où le soleil est autant au-dessus des têtes que dans les coeurs de toute une génération qui apprend à vivre à un nouveau rythme. Celui du monde, dont elle était relativement préservée jusqu’alors.

Depuis l’arrivée de Raúl Castro au pouvoir en 2006 – d’abord par intérim, avant de succéder officiellement à son frère Fidel en 2008 -, Cuba sort progressivement de sa bulle. Internet, qui demeure un luxe peu accessible, débloque néanmoins certains verrous. La jeunesse est témoin de ce qui se fait ailleurs sur la planète. Sur YouTube, elle découvre le hip-hop : c’est notamment le cas d’Ivan, Ronan, Felipe, trois jeunes que nous avons suivis et qui nous ont donné un aperçu de leur nouveau quotidien. Les danseurs ont appris à se mouvoir en regardant des vidéos de Lilou, fierté hexagonale du break, les rappeurs en se butant aux clips. Ensemble, ils vivent désormais à travers le hip-hop : découvrez « Gen de Cuba: Hip-hop in Havana ».

Réalisation : Aziz Camara (Gosho Films)
Photo : @lebougmelo











Les premiers-écouteurs Amin & Hugo donnent leurs avis sur les sorties rap depuis plus de deux ans. Également chroniqueurs sur l’émission La Sauce d’OKLM Radio, ils sont aujourd’hui regardés et écoutés par une centaine de milliers d’abonnés sur YouTube. En réponse à notre article critiquant la complaisance de la presse musicale à l’égard du rap francophone, nous leur avons proposé de s’exprimer. Interview, et droit de réponse.

Photos : @antoine_sarl

Le 2 mars dernier, nous publions sur YARD un article intitulé « Les médias musicaux n’osent plus critiquer les albums de rap français », dans lequel nous posions la question suivante : où sont passée les critiques musicales ? Notre objectif : proposer une réflexion générale sur l’état de la presse spécialisée, et lancer une remise en question globale. « Nous vivons un âge d’or du rap français : des albums et des singles de qualité sortent sans cesse. Et les médias sont presque toujours satisfaits. Manque d’objectivité ou véritables plébiscites ? Les médias musicaux ont-ils peur de critiquer les albums de rap français à succès ? » Dans notre élan, nous avons ciblé nombre d’acteurs de cette culture – nous compris, évidemment – pour susciter le plus de réactions possibles et ne surtout pas tomber dans la critique localisée, alors que le propos se voulait général. Amin & Hugo étaient inclus dans cette critique, et ne l’ont pas forcément bien pris. Nous leur avons proposé une interview, pour leur donné l’occasion de parler du concept de « première écoute », de le défendre, d’expliquer ce qu’ils y trouvent et ce qu’ils souhaitent proposer comme contenu aux (nombreuses) personnes qui les regardent.

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Il y a un mois et demi a été publié sur YARD un article dans lequel est critiquée la complaisance de la presse musicale à l’égard du rap francophone. Votre nom a été cité dans ce papier, quelle a été votre réaction ?

Amin : Quand on a lu l’article en question, avant d’arriver à la partie qui nous était « consacrée », on s’est dit qu’il y avait pas mal de vérités dedans. Puis on a vu que notre nom était cité, et c’est vrai qu’on l’a mal pris sur le coup, parce qu’on a eu le sentiment que c’était un manque de respect. Ce n’est pas tant la critique qui nous a posé problème, parce qu’on sait faire preuve d’autodérision, mais cette phrase sur le fait d’avoir « la bite’zer du Duc sur les épaules. » On a trouvé ça très irrespectueux, dans la mesure où on ne s’est jamais senti obligé de dire « Amen » à tout ce que faisait Booba ou n’importe qui d’autre.

Hugo : Il y a aussi le fait qu’on travaille maintenant chez OKLM, donc on trouvait ça facile. D’autant que c’est cool d’avoir pensé à nous, mais je pense honnêtement qu’on avait rien à faire là. On ne se considère pas comme un média, mais seulement comme des mecs qui écoutent de la musique. Après, s’il s’avère qu’on a une influence, c’est le public qui l’a décidé. À l’arrivée, on trouvait qu’il y avait un décalage entre les médias cités et notre nom.

Ndlr : La phrase en question, dans l’article, est la suivante : « Il n’y a pas que sur les épaules-zer des chroniqueuses de France Inter que le duc pourrait, s’il le souhaitait, poser ses attributs. » Elle était adressée à l’ensemble des médias énumérés précédemment dans le papier.

Vous affirmez donc que vous ne vous considérez pas comme un média ?

Amin : Pas du tout. On n’est pas journalistes, on n’est pas des critiques…

Hugo : [Il coupe.] Enfin si : on est des « critiques », mais on a plutôt vocation de divertir.

Selon vous, quel est le rôle de la « première écoute » ?

Amin : L’idée de la première écoute, c’est de se mettre dans cette position qu’on a tous quand on lance un album pour la première fois. Sauf qu’on choisit de le faire devant la caméra, pour divertir les gens et leur transmettre une part de la culture qu’on a amassé au fil des années, après avoir écouté tant d’albums, regardé tant d’interviews et de documentaires, etc. Mais aussi pour leur donner notre avis, qu’on juge intéressant. Non pas parce qu’on pense qu’il l’est, mais parce que d’autres personnes nous ont dit : « Quand vous parlez de rap, ça se voit que vous connaissez votre sujet, que vous avez de bonnes références. Vous dites des choses intéressantes et il serait opportun que d’autres personnes puissent en profiter, au-delà de votre entourage. » Pour nous, la première écoute est là pour se divertir, voir des gens qui s’y connaissent en hip-hop parler d’un single ou d’un album et éventuellement bouffer de la culture, quand on peut en apporter.

Pensez-vous qu’il est nécessaire d’être légitime pour faire ce que vous faites ? Si oui, pensez-vous l’être ?

Hugo : Je pense qu’il faut quand même une certaine expérience d’écoute. Un mec qui écoute du rap depuis seulement trois ans n’aura pas forcément un avis fondé sur un album. Mais c’est tout ce dont tu as réellement besoin dans le cas des premières écoutes, pour être en mesure d’identifier réellement les points forts et les points faibles d’un album. Aujourd’hui, on est plus ou moins à même de les donner dès la première écoute.

Amin : D’autant qu’on est deux, c’est plus simple. On peut croiser nos perspectives, et chacun complète l’écoute de l’autre.

Hugo : Mais on sait qu’un album ne se juge pas à la première écoute. Il y a énormément d’albums que tu te mets à apprécier au fur et à mesure. C’est d’ailleurs là qu’un album devient classique : quand il perdure sur le temps.

Puisque vous en êtes conscients, quelle importance accordez-vous réellement à la première écoute, non pas en tant que concept YouTube, mais en tant que « première écoute » ? N’est-ce pas réducteur de juger le travail d’un artiste à partir de si peu ?

Hugo : La première écoute, c’est une sorte coup de foudre que tu peux avoir – ou non – avec la musique. Tu lances un album, tu ne sais pas du tout à quoi t’attendre et il parvient à te toucher. Quand on écoute un projet pour nos vidéos, on s’assure toujours d’avoir les paroles sous les yeux, de manière à capter un maximum de choses et être plus précis dans nos analyses. Mais c’est clair que tu peux pas te faire un avis définitif à partir de ça.

Amin : Après, la première écoute est quand même importante parce que ça reste la première impression transmise par la musique que l’artiste nous donne à entendre à un instant T. Puis tu dis que ce n’est pas forcément bien de donner un avis après une seule écoute, mais il y a des artistes qui pondent des albums ou des mixtapes en quelques jours et n’ont pas de scrupule à donner aux auditeurs des projets bâclés.

Hugo : Mais en vrai, je pense que ce n’est pas bon signe de surkiffer un album à la première écoute. Un bon album, c’est un album que tu vas redécouvrir au fil des années, au fil des écoutes. Tu vas te prendre certaines lignes après, tu vas redécouvrir certaines nuances dans les instrus, etc. Si tu comprends tout d’un album dès la première écoute…

Amin : …c’est qu’il n’y a sans doute pas grand chose à comprendre.

Hugo : À côté de ça, on a aussi commencé à faire des « écoutes classiques », sur des albums marquants comme Illmatic ou good kid, m.A.A.d city. C’est un format où on écoute un album classique track par track et on détaille le concept de chaque son, les producteurs et les lignes phares.

Amin : Ce sont donc des écoutes qui ont mûries. La dernière qu’on a sortie, c’est celle de Get Rich or Die Tryin’ de 50 Cent. Un album qu’on écoute depuis 2003, donc on n’est clairement plus à la première écoute mais peut-être à la millième. Dans ce cas, la maturité d’écoute est plus importante. Mais là encore, on essaye de garder un équilibre entre le fait d’être divertissant et le fait d’être intéressant. Parce que si on est trop dans l’optique de balancer de la culture, on risque presque de tomber dans la « critique presse » et ça ne marchera pas sur YouTube. Sachant qu’en plus, ce n’est pas ce qu’on a envie de faire. On n’est pas des journalistes.

Hugo : On écoute un morceau, on pète un câble dessus et c’est ce qu’on veut partager. On ne vit pas la musique comme les autres, et c’est ce qui nous démarque. Des fois on fait des têtes tellement improbables que les gens se disent que c’est surjoué…

Amin : Alors que pas du tout.

Hugo : C’est juste qu’on aime vraiment le rap. C’est notre vie, on se voit évoluer dans ce milieu.

« Si tu comprends tout d’un album dès la première écoute, c’est qu’il n’y a sans doute pas grand chose à comprendre »

Justement, ça ne vous a jamais traversé l’esprit de vous lancer dans le rap ? On vous a vu proches du producteur Seezy, et vous ne seriez pas les premiers entertainers à passer le cap après avoir acquis une notoriété sur YouTube.

Amin : Ça nous a traversé l’esprit bien avant qu’on fasse des premières écoutes. [rires]

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Évidemment, mais vous avez aujourd’hui une chaîne qui approche 100 000 abonnés, des gens suivent ce que vous faites. Vous ne partiriez pas de rien…

Hugo : Il y a déjà beaucoup de gens qui se sont lancés dans le rap alors qu’ils n’auraient pas dû, on n’a pas envie de s’ajouter à la liste. Chacun son métier.

Amin : Puis honnêtement, on n’y réfléchit pas parce que c’est quelque chose qui doit venir naturellement. Pour rapper, il faut avoir un déclic, se dire qu’on a envie de poser un son et pas réflechir en mode « On a tant d’abonnés, on a peut-être moyen de gratter une prod de Seezy donc si on fait un son, ça pourrait marcher. » C’est une réflexion qui n’est pas du tout artistique.

Dans les commentaires de vos vidéos, on voit souvent des internautes vous demander de chroniquer tel ou tel projet, alors que votre avis ne vaut pas forcément plus que le leur. Est-ce qu’avec les premières écoutes, vous avez le sentiment de conforter, de rassurer les auditeurs sur leurs goûts personnels ?

Amin : Oui, quand même. On voit bien à travers certains commentaires ou messages qu’on reçoit sur Twitter, que certaines personnes se basent pas mal sur notre avis. Ce sont souvent nos followers les plus jeunes, d’ailleurs.

Hugo : Mais c’est paradoxal parce que les gens nous demandent d’écouter plein d’albums, mais quand on les écoute et qu’on ne les aime pas, ils vont nous prendre en grippe. Certaines personnes sont assez… [Il réfléchit] Je ne dirais pas que c’est un manque de personnalité, mais vu qu’ils n’ont pas l’expérience d’écoute que l’on a, ils passent par nous pour essayer de voir si un projet vaut le coup ou pas. Sauf qu’il y a plein de projets dont on passe à côté et qui valent le coup malgré tout.

Amin : Certains jeunes sont peut-être plus attentistes, mais c’est normal. Moi-même quand j’étais plus jeune, je regardais plein de reviews et ça influençait mon avis aussi parce que je n’avais pas encore la maturité musicale pour me faire ma propre opinion.

Un artiste comme Booba a jusqu’à présent été soumis à très peu de critiques de votre part. Est-ce parce que vous trouvez qu’il n’y a rien – ou du moins, peu de choses – à critiquer chez lui ou parce que votre position en tant qu’animateurs sur OKLM Radio rend les choses plus complexes ?

Amin : Ce qu’il faut se dire, c’est qu’avant d’aimer un artiste, on aime la musique. C’est vrai qu’on est fan de Booba, on ne l’a jamais caché et on ne s’en cachera jamais. Ce n’est pas parce qu’on bosse maintenant avec OKLM qu’on va se sentir obligé de cacher le fait qu’on est fan pour rester crédible. Après, on a écouté Trône de manière objective. Et effectivement, à la première écoute, il y a pas mal de sons qui nous ont mis des claques, parce qu’on ne s’attendait pas à cette évolution-là de la part de Booba. Mais on a quand même critiqué certains sons, comme celui avec Niska par exemple. On a dit que sur les trois morceaux qu’ils ont fait ensemble, il y en avait qu’un seul de bon, et c’était « M.L.C. ». Pareil pour « Nougat » ou « Petite fille », j’ai dit que je n’aimais pas. Tout ça pour dire qu’il n’y a aucun fantôme de Booba qui plâne au-dessus de nous et nous force à nous brider. La preuve : on n’a pas aimé « Gotham » et pourtant c’est Booba.

Y a-t-il une relation de cause à effet entre cette réflexion sur la complaisance des médias rap français et votre première écoute de « Gotham » qui, pour le coup, est plus nuancée ?

Amin : Non. Si le son avait été excellent, je l’aurais dit. Peu importe ce que les gens disent, je dis ce que je pense, que ce soit bon ou mauvais. Je respecte trop cette musique et cette culture pour me dire que je vais adapter mon discours sur tel ou tel son, pour telle ou telle opportunité ou parce que tel ou tel média a dit quelque chose sur nous.

Les mélomanes fans de rap (et donc pas la presse spécialisée) ont le sentiment d’assister à un Âge d’or de cette musique que tout le monde a envie d’encourager, pour faire contrepoids avec une presse généraliste qui a toujours tiré ce mouvement vers le bas. Est-ce que ce n’est pas ce qui explique cette complaisance générale ?

Amin : Je pense qu’il y a deux choses. La première, c’est qu’on arrive à une période où le rap français se rapproche de plus en plus du rap américain en terme de créativité et de qualité, ne serait-ce que par les instrus : on a de plus en plus de beatmakers géniaux. Je pense que le rap français – et francophone, de manière générale – est en train de devenir une sorte de « fierté nationale ». Ça fait du bien de voir que le rap français qui n’est plus si en retard que ça sur le rap américain et ça donne peut-être envie à chacun de soutenir le mouvement un peu aveuglément. La deuxième, c’est effectivement histoire de contrebalancer avec la presse généraliste qui a toujours parlé en mal du rap. On a entendu que c’était une « sous-culture », une « sous-musique », de la « musique nègre ». Peut-être qu’aller dans l’extrême opposé contribue à équilibrer la balance.

Vous avez toujours reconnu avoir une culture plutôt orientée « rap US », mais est-ce que vous arrivez à concevoir les reproches qui vous sont fait sur vos lacunes en « culture rap français » ? Votre tweet sur Dany Synthé avait notamment pas mal fait réagir…

Hugo : C’est vrai que quand nous avons lancé la chaîne, nous étions à 200% dans le rap américain. Mais à force de faire des vidéos d’écoutes de rap français, on s’est réellement remis dedans. C’est-à-dire que notre chaîne nous a aidé à redécouvrir le rap français, mais on avait quand même certaines bases. C’était juste une sorte de remise à jour et aujourd’hui, j’ai pas de mal à dire qu’on est au-dessus de la moyenne en terme de connaissance du rap français. On essaye carrément de mettre en lumière ceux qui ne le sont pas forcément, comme les producteurs ou les ingés son.

Amin : Personnellement, je n’ai pas de mal à reconnaître que j’avais certaines lacunes : j’écoutais encore moins de rap français qu’Hugo quand on a lancé la chaîne. Mais à partir d’un moment, nos vidéos tournaient de plus en plus, la demande était plus forte donc il nous fallait de plus en plus de matière. Puis les gens réclamaient vraiment du rap français, donc on s’est mis à le faire. Après, on ne connait peut-être pas certains producteurs comme Dany Synthé, mais ça ne veut pas dire qu’on n’est pas en mesure de décortiquer ses instrus. C’est juste son nom qu’on ne connaissait pas, on a rectifié depuis. Et même sans le connaître, on a cité son nom dans notre vidéo. C’est ça le plus important.

Hugo : Au-delà de ça, il y a beaucoup d’échanges avec les abonnés. On est très actifs sur les réseaux, que ce soit Snapchat, Instagram, Twitter ou Facebok, et énormément de gens nous envoient des messages pour nous dire d’écouter tel ou tel morceau. On découvre avec eux, en fait. C’est vraiment un échange, et ça nous permet de nous mettre constamment à jour.

Amin : C’est la force de YouTube. Un support qui permet cette proximité entre des « influenceurs » et des gens qui ont parfois même plus de culture que nous.

« Je n’ai pas de mal à reconnaître que j’avais certaines lacunes »

– Amin

En dehors de votre chaîne YouTube, de quoi est faite votre vie ?

Hugo : Je travaille en tant que styliste-conseiller, pour une marque de costumes sur mesure.

Amin : Quant à moi, j’étais consultant dans un cabinet d’avocat, mais j’ai arrêté fin décembre pour justement me consacrer quasiment à 100% à la chaîne. À côté de ça, je suis enseignant, je donne toutes sortes de cours, privés ou collectifs. Toujours pour la culture. [rires] D’un côté c’est la culture hip-hop, de l’autre c’est culture historique, la littérature, etc.

Vous arrivez à vivre de vos vidéos ? Ou vous en êtes encore loin ?

Amin : Non, le compte en banque ne le sent pas encore. [rires]

Hugo : C’est compliqué de faire de l’argent sur YouTube. Mais on ne se focalise pas là-dessus. C’est la passion qui est primordiale. Tant qu’on aura cette passion-là, on continuera de faire des vidéos sur YouTube, on essayera de propager ce qu’on connaît et ce qu’on a envie de faire connaître. On avait déjà eu une page avant, on l’avait développée sur Facebook mais elle était pas trop connue. C’est seulement après qu’on s’est dit qu’on allait passer sur YouTube. Mais on a toujours eu cette envie de faire découvrir des choses aux gens. Quand je rentre dans la gova d’un mec qui a un lecteur CD, si j’ai un truc à lui faire écouter, je vais pas hésiter une seule seconde.

Amin : C’est comme quand on va en soirée et qu’on prend le contrôle de la sono.

Hugo : … et qu’on se fait virer après. [rires]

Amin : Plus sérieusement, il a raison. De toute façon, je pense que quand tu allies la passion et le travail, l’argent arrive tôt ou tard. Il ne faut pas s’en faire.

Hugo : Mais même, je t’assure que l’argent n’est pas un souci en soi.

Quelque chose à ajouter ?

Hugo : Pas spécialement, si ce n’est de vous remercier pour le droit de réponse. Parce que certes, on a réagit de manière un peu virulente mais au final personne n’est en guerre avec personne. Donc merci de nous avoir au moins laissé nous exprimer sur le sujet.

Entre MHD, Jul, et ceux à qui ces-derniers ont (re)donné vie, le rap n’a jamais eu autant vocation à faire se remuer les foules. Dans ce bourdonnement de rythmiques entrainantes, Junior Alaprod a su tirer son épingle du jeu. Mais n’allez surtout pas croire qu’il ne sait faire que ça.

« Je fais de la zumba et j’adore ça », s’amusait Junior Alaprod sur le plateau de La Sauce. Plutôt que de fuir ce terme fourre-tout, initialement utilisé par Rohff pour mépriser la prétendue « soupe » servie par Maître Gims, le producteur à l’épaisse moustache préfère l’assumer pleinement. Il faut dire qu’entre temps, le palais du public rap s’est développé, s’ouvrant à de curieuses nouvelles saveurs que mêmes les plus réfractaires engloutissent désormais à grandes lampées. Pour beaucoup, la « zumba » n’est plus seulement un plaisir coupable : c’est un plaisir, tout court. En ayant signé – ou co-signé – des titres comme « Mobali », « Coco » ou « Afro Trap pt. 9 (Faut les wet) », Junior est passé maître en la matière. Mais maintenant que sa place dans le grand panorama des beatmakers français n’est plus à faire, Blaise Bula Monga Jr. – son vrai nom – entend bien démontrer qu’il n’est pas uniquement là pour faire danser les gens.

Photos : @alextrescool

#Productivité

« Je ne bosse pas avec tout le monde parce que tout le monde n’est pas forcément enclin à bosser avec moi, déjà. Mais en vrai je ne sais pas si c’est réellement possible de saturer le marché, dans la mesure où le game se renouvelle constamment, il y a tous les jours de nouveaux rappeurs. En ce moment, par exemple, il y a un rappeur qui s’appelle Koba LaD, il vient d’arriver et il risque de tout péter. Puis même si on est un peu partout, on a plein de style différents. Le risque, ce serait peut-être plutôt de manquer d’inspiration à un moment donné. Mais pour éviter ça, on fait chaque année une sorte de séminaire avec Le Sommet, où on essaye de trouver de nouvelles inspis. Le premier, c’était en 2016 : on a passé une semaine ensemble avec Le Motif, DSK On The Beat, Blackstarz, Shabz Beatz, S2keyz et c’est d’ailleurs là que Le Sommet s’est créé. Ça a abouti sur un projet d’environ quinze sons, plus une dizaine d’autres qui ne sont pas sortis et qui ne sortiront jamais. Mais depuis, c’est devenu une sorte de tradition, une “semaine de l’inspi” qu’on fait chaque année pour être prêt pour l’année à venir. Donc en vrai, on ne va pas manquer d’inspiration. On charbonne. »

« L’année passée, je voulais placer un maximum de prod pour me faire un nom. Cette année, je ne travaille qu’avec les gens que j’aime bien. Il y a une semaine, par exemple, j’étais en studio avec ZED Yun Pavarotti. Comment j’ai entendu parler de lui ? J’étais dans les bureaux d’Universal et un D.A. est passé me faire écouter des sons. J’entend celui de ZED et je dis : ‘C’est qui lui ? J’aime bien, c’est quoi son Insta ?’ En fait, il s’avère que ce gars est signé chez Artside, le label d’un de mes potes, le même que MHD. On se follow, puis une semaine plus tard, le pote en question m’envoie : ‘Tu veux bosser avec ZED ?’ Tout s’est fait comme ça. Mais aujourd’hui, je refuse beaucoup plus de propositions qu’avant. Il y a des trucs qui ne me font plus envie. Parce que j’ai remarqué que quand tu n’aimes pas ce que tu fais, tu ne bosses pas aussi bien. Maintenant, j’essaye vraiment de prendre du plaisir. Je vais au studio et je kiffe. »

#Teamwork

« Personnellement, j’ai besoin de cette dynamique de groupe. Je pense que s’ils n’étaient pas là, il y a plein de trucs que je ne saurais même pas faire. Un jour Shabz va me montrer comment faire une 808, le lendemain Pyro m’expliquera comment utiliser le logiciel GrossBeat. On apprend tous les jours. C’est ce qui est bien justement : on est tous ensemble, on se donne des conseils, on rencontre de nouvelles personnes et on se partage les plans. Par exemple, pour « Dis Moi Oui » de PLK, c’est moi qui ait placé la prod de S2keyz. J’étais passé chez lui, à Clamart, pour bosser sur un son. On s’est posé, je lui ai fait écouter la prod en question et directement, il me dit qu’il la veut. De là, j’ai appelé S2. Lui était d’accord pour que PLK pose sur son instru, donc le morceau s’est fait aussi simplement que ça. On se fait des passes. Tant qu’on aura ce genre d’activité, on continuera d’apprendre, et de grandir. Alors que si on se met à travailler chacun chez soi, à faire les crevards entre nous, on avancera pas. Il faut rencontrer des gens. »

#Signature

« Pour le coup, si je continuais à faire des sons comme je faisais l’année dernière, c’est-à-dire en utilisant la même guitare, les mêmes plugs et les mêmes rythmiques, je pense que les gens en auraient marre. Mais avoir une patte, c’est un vrai truc. Personnellement, je fais des styles de musique variés parce que j’ai écouté des styles de musique variés, comme tout les mecs avec qui je bosse. Le truc, c’est que j’ai grandi au bled, et une fois arrivé à Paris, j’ai déménagé à plusieurs reprises. J’ai donc pu me retrouver dans un quartier ultra riche comme XVIe, comme j’ai pu me retrouver à Boissy, Asnières ou Kinshasa. »

« Maintenant, est-ce que j’ai une signature ? Au départ, j’étais à fond dans les samples mais on m’a interdit de sampler à cause des histoires de droits, donc il a fallu trouver autre chose. J’ai beaucoup grandi avec la musique congolaise, donc j’ai commencé à faire des sons dans ce registre. Par hasard, ça a fonctionné. Aujourd’hui, on me demande beaucoup d’instrus de ce genre. Je pense qu’il y a une peut-être patte afro de Junior et une patte trap de Junior, mais je ne suis clairement pas un Pharrell, par exemple. Lui c’est un hitmaker. À l’heure où l’on parle, je suis encore un petit, et c’est comme ça que beaucoup de producteurs s’implantent. En allant un peu dans toutes les directions, pour ensuite trouver son propre truc. D’autant que je kiffe les challenges. Je peux me retrouver sur des trucs totalement différents les uns des autres. Mais à chaque fois, j’essaye de rajouter ma touche. Tu vas peut-être pas la cramer directement mais je pense faire les choses à ma façon. »

#Reconnaissance

« La base, ce serait de s’assurer que les beatmakers soient payés, déjà. Parce qu’il y a des rappeurs qui ne payent pas leurs prods. Dieu merci ça ne m’arrive plus, mais il y a des beatmakers qui ne prennent pas ni d’argent, ni de crédit. Témoigner de la reconnaissance envers un producteur, c’est inscrire son nom sur les crédits SACEM ou – au pire – le mentionner dans la description YouTube du morceau. C’est le minimum. Parce que certes, il y a des producteurs qui veulent se montrer, mais il y en a d’autres qui s’en battent les couilles de ça. C’est ce que j’ai pu remarquer, en tout cas. Avant de t’imaginer en Metro Boomin, la moindre des choses c’est de t’assurer que tes papiers sont clairs. Certains se font vraiment baiser, c’est-à-dire qu’ils ne prennent même pas leur part en tant que compositeurs. Ils sont juste contents d’être en studio avec l’artiste, ça leur suffit. Puis quand l’album sort : pas de SACEM. Alors que pour moi, c’est ça le plus important. »

#Anecdotes

« Il y a une histoire bien drôle sur le morceau avec Fakear qui sort le mois prochain [« Something Wonderfuf », extrait de l’album All Glows, sorti le 13 avril 2018, ndlr]. Un son qu’on a fait avec lui, Le Motif et Ana Zimmer. C’était moi qui avait la session en main, et un peu avant de finir la prod en question, j’ai décidé d’en composer une deuxième. Sauf que maintenant, il y a des sauvegardes automatiques sur Fruity Loops et j’ai fait l’erreur de commencer la deuxième prod sur le même projet, à partir du même modèle. Donc au moment où on m’a demandé de sortir les pistes… [rires] Sur la tête de ma mère, mon crâne a chauffé. Les sauvegardes automatiques se faisaient toutes les cinq minutes, donc le temps que je m’en rende compte, le projet avait disparu. Ça veut dire que je venais de perdre la prod d’un morceau de Fakear dont la sortie est imminente. J’ai dû tout refaire sur le coup, alors qu’il y avait des drops de ouf, des coupages de voix que lui-même avait fait et que je n’aurais jamais pu refaire seul. C’était dur, mais heureusement on avait fait la base du morceau sur son ordi et non sur le mien. Sinon j’étais dans la merde. À l’arrivée, on a réussi à la refaire et dieu merci je pense qu’on l’a même mieux faite. »

« C’est plus ou moins ce qui s’est aussi passé pour « Paumes brûlées » de Shay. À la base, c’était censé être sur le projet de Booba. C’est lui qui l’avait prise. Mais juste au moment où il a bloqué la prod, mon Mac est tombé en panne. J’avais 18 ans à l’époque, pas de tunes, mes parents n’allaient pas me racheter un ordinateur le jour d’après, donc j’ai attendu deux mois avant qu’il ne soit réparé. Après quelques semaines, je suis finalement parvenu à en acheter un autre, et j’ai pu refaire la prod avec de nouveaux instruments super propres. Je renvoie à Kopp : il ne prend pas. Il ne me répond plus. Après ça, j’ai envoyé la prod à Shay, qui elle a posé dessus. C’est le genre de trucs qui font mal, vraiment très mal. Mais c’est un mal pour un bien. »

L’arrivée de Virgil Abloh chez Louis Vuitton est à marquer d’une pierre blanche dans la grande histoire de la mode. Pourquoi ? Parce qu’elle cristallise à elle seule les nouveaux enjeux d’une industrie plus féconde que jamais : de l’avènement définitif du streetwear, à la redéfinition du rôle de directeur artistique, en passant par la prise de pouvoir du marketing sur le design, jusqu’à l’ouverture des postes importants à de nouveaux profils sociaux et raciaux. Analyse.

C’est une petite révolution qu’est en train de vivre le monde de la mode. La saison 2018 des Fashion Game Of Thrones s’achève et bouleverse en profondeur son paysage. Son paroxysme ? La nomination – tout sauf surprise – de Virgil Abloh à la tête de la maison Louis Vuitton. Il succède alors à Kim Jones, parti assurer les collections Homme chez Dior à la suite de Kris Van Assche, fraîchement nommé directeur artistique de Berluti. Chez Celine, l’iconique Hedi Slimane prend les rênes de l’ensemble des branches de la maison, alors que l’historique Burberry accueille l’italien Ricardo Tisci, qui avait quitté Givenchy quelques mois plus tôt, et à qui succède Clare Waight Keller, transfuge de chez Chloé. Des nominations en pagaille qui ont de quoi donner mal à la tête, mais qui suscitent surtout nombre de réactions et d’interrogations.

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Le mercato presque bouclé, on peut avancer sans trop prendre de risques que l’année 2018 sera l’une des plus passionnantes à suivre pour le microcosme modeux, et à bien des égards. Si tous les observateurs du milieu se languissent déjà de voir les collections des uns et des autres, la redistribution des cartes marque surtout et définitivement l’avènement d’une nouvelle ère. Les prémices de celle-ci étaient déjà observables ces dernières années. Kim Jones, le prédécesseur d’Abloh, y a joué un rôle, en réalisant une collaboration sans précédent entre Louis Vuitton et Supreme, Demna Gvasalia est passé de Vetements – un label qui n’a connu que quelques saisons – à la direction artistique de l’historique Balenciaga. De même pour Alessandro Michele, propulsé à la tête de Gucci après des années passées en travailleur de l’ombre. Alors que chacun de ces mouvements laissait entendre que les plaques tectoniques de la mode se déplaçaient, les récents transferts sont peut-être la preuve concrète d’une nouvelle aube dans la mode de luxe, et d’un virage assumé de l’industrie vers les Millennials et la Gen-Z, qui représenteront près de 45% des dépenses mondiales en produits de luxe d’ici 2025 d’après le cabinet de conseil en stratégie Bain & Company. La mode serait-elle en train d’écrire une nouvelle page de son histoire, ou de cyniquement sacrer le triomphe d’une génération ou la hype et le marketing règnent en maître ?

Le streetwear roi

L’arrivée de Virgil Abloh à la tête des collections Homme de Louis Vuitton (la Femme restant entre les mains de Nicolas Ghesquière) marque définitivement l’avènement du streetwear et du sportswear dans les plus hautes sphères de la mode. « La preuve que la street culture est le berceau d’extraordinaires talents contemporains et que le streetwear et le sportswear sont probablement les segments les plus dynamiques et inspirants de la mode des dernières saisons, rappelle le fondateur du cabinet de conseil en prospective mode REC TRENDSMARKETING, Pascal Monfort, sur Hypebeast. Mais ne nous méprenons pas, LVMH n’attend pas de Virgil qu’une proposition streetwear mais qu’il transcende le genre ». Et à Dan Sablon, rédacteur en chef mode de Lui Magazine, d’ajouter : « Il crée un précédent pour la culture streetwear et pour tout le monde en général, on a l’impression que toute forme d’expression est valide pour faire de la mode. Et c’est ça la mode. Je crois aussi que cela véhicule beaucoup d’optimisme pour les jeunes générations, qu’avec des rêves et beaucoup de travail tout est possible. » La fusion entre la high fashion et le streetwear n’a jamais été autant d’actualité, érodant les divisions entre différentes strates culturelles, du luxe à l’underground, Virgil Abloh incarne ce renouveau.

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Pourtant, bien avant son arrivée, Vuitton avait déjà amorcé sa transformation sous la houlette de Kim Jones, l’homme en partie responsable de la collaboration événement avec Supreme. « Après le succès de Kim Jones, l’arrivée de Virgil montre clairement que LVMH a tiré les leçons du succès fulgurant de la collab de Louis Vuitton x Supreme, veut consolider le nouveau marché que Kim a trouvé et propulser la dynamique encore plus loin », commente Sarah Mower, chef critique de Vogue Runway, sur Highsnobiety. Le transfert de Jones chez un autre mastodonte du groupe LVMH, Dior (deuxième marque de la division mode-maroquinerie de LVMH par le chiffre d’affaires, derrière Vuitton) n’a lui non plus rien d’un hasard si l’on considère la stratégie plus globale du groupe. « Kim Jones a su apporter un vrai renouveau au prêt-à-porter de Vuitton. Sa nomination chez Dior Homme témoigne d’une volonté d’expansion du prêt-à-porter de la marque, avec un nouvel élan« , souligne Serge Carreira (maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris) aux Echos. Sa culture de la collaboration et sa science du streetwear font de lui le candidat idéal pour accompagner la maison dans la transition artistique qu’on pouvait déjà observer sous Kris Van Assche, qui dans ses dernières collections nuançait l’esprit classique du label par des entrées streetwear inspirées de l’underground et de l’univers des raves, notamment sur la collection HARDIOR en collaboration avec l’artiste Dan Witz.

The @Kris_Van_Assche's #DiorHomme Winter 2017 collection is about to hit the stores | Artwork by @rememberyouweremadetobeused, art direction @Nicolas_Santos | Stay tuned

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Le schéma est sensiblement le même outre-manche. Après 17 ans de règne de Christopher Bailey – qui avait notamment redoré le blason des chav (stéréotype anglais du jeune de banlieue en tenue sportswear) dans les années 1990 avant d’opter pour une ligne plus élitiste et luxe dans les années 2000 – Burberry (en difficulté ses dernières années) a choisi Ricardo Tisci pour lui succéder. Directeur artistique de Givenchy de 2005 à 2017, l’italien se caractérise par un style influencé par ses origines italiennes et le sportswear (il signe régulièrement des collaborations avec Nike) symbolisé par des collections maximalistes aux univers aussi street que goth, souvent imprégnées d’éléments de pop culture, de références religieuses, ethniques, punk ou sport. Autant d’arguments qui lui ont permis de séduire et de compter parmi ses amis des monuments de culture comme Marina Abramovic ou Kanye West. L’arrivée de Tisci coïncide avec les récents flirts de la maison avec une culture plus urbaine, incarnée par la collaboration avec le petit prince russe du streetwear Gosha Rubchinskiy. Ce même Gosha qui a annoncé il y a quelques jours la fin de sa marque comme nous la connaissons, et devrait travailler avec l’illustre label japonais Comme des Garçons, d’après les dernières indiscrétions d’un représentant de la marque, interrogé par Business of Fashion : « Nous travaillons actuellement avec Gosha et ses équipes sur de nombreux projets pour les 2-3 prochaines années. Nous voulons trouver de nouvelles manières de faire et vendre des produits ». Aujourd’hui, toutes les maisons historiques ou presque ont choisi d’embrasser pleinement la culture street, marquant un tournant générationnelle majeur de notre époque.

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Seulement, cet intérêt inouï pour le streetwear soulève de légitimes questions autour des réelles intentions de la mode pour un secteur plus que jamais lucratif. « C’est une époque où l’on peut se demander si les gens choisissent le streetwear parce qu’ils ont envie d’embrasser l’univers d’une nouvelle génération, ou s’il s’agit simplement d’un calcul cynique fondé sur la rentabilité de cette nouvelle niche », questionne Shayne Oliver,- fondateur de la griffe Hood By Air et designer intérimaire pour Helmut Lang le temps d’une saison, dans le magazine Numéro du mois février 2018 (et donc antérieur à la nomination d’Abloh). « On a trop tendance à oublier que les choix esthétiques ont une signification. C’est pour cette raison que l’adaptation généralisée du streetwear est inorganique et cheap, continue-t-il. Je ne vois presque personne qui s’en empare de façon intellectuelle, exigeante (…) Les insiders de la mode connaissent l’aspect extérieur du streetwear, mais ils ne connaissent pas son histoire et ses codes. »

Le marketing, priorité absolue ?

Quand il y a deux ans et demi, Balenciaga faisait appel à un Demna Gvasalia qui avait, à l’époque, encore tout à prouver, le très respecté critique de mode Alex Fury statuait que sa nomination marquait une victoire importante du design sur le marketing. Si cette prise de position est largement débattable, il apparaît aujourd’hui évident que celle de Virgil Abloh pour la ligne Homme de Louis Vuitton marbre le triomphe du marketing et de la hype sur le design. « Mr Abloh n’est pas un génie du design mais il est un communicant intelligent, commente sur Highsnobiety Angelo Flaccavento, journaliste contributeur sur Business of Fashion. Il n’est pas le plus cultivé en terme de design mais il arrive à faire en sorte que le système le croit. Il peut servir des produits simples dont le facteur cool y est très attaché. Il a beaucoup de fans, surtout. Je crois que c’est ce qu’il apportera à LV. Et avec cela, bien sûr, vient une nouvelle clientèle, attirée par tout le battage médiatique. » Les vêtements en eux-mêmes deviennent plus ou moins sans importance, l’image de marque importe davantage. « Aujourd’hui, tous les designers sont devenus des marques, on ne peut plus vraiment parler de ‘créateurs’ », appuie Shayne Oliver.

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En somme, le design des collections n’est plus la priorité absolue, et certains critiques n’hésitent pas à tirer des boulets rouges sur une industrie qui perdrait selon eux de leur essence première : la créativité. « Ce n’était qu’une question de temps pour qu’une marque de luxe ne veuille capitaliser sur la machine de hype qu’est d’Abloh. Maintenant Louis Vuitton ne fera qu’amplifier le battage médiatique avec sa propre machine de marketing, s’insurge Eugene Rabkin, rédacteur et chef et fondateur de Style Zeitgeist, toujours sur Hignsnobiety. Pour Louis Vuitton, cela représente une opportunité d’affaires majeure, car jusqu’à présent, la mode masculine a été pensée après coup. Rétrospectivement, la collaboration de l’année dernière avec Supreme ressemble à un essai pour ce dont nous sommes témoins aujourd’hui. En termes de dollar, j’imagine un bel avenir pour LV. Attendez-vous aux mêmes archétypes ennuyeux et faciles à digérer pour les vêtements masculins. L’embauche d’Abloh rend un mauvais service à la mode en général, et contribuera seulement à l’état lamentable de la mode contemporaine. La mode est une industrie créative, et a un certain devoir de créativité qui a toujours été implicite dans le comportement de ses acteurs. De toute évidence, les dirigeants de Louis Vuitton pensent que ce n’est plus le cas ».

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Que le génie et le travail de Virgil Abloh puissent être des plus clivants est en soit compréhensible, mais sa nomination incarne pourtant un témoin générationnel que la mode est enfin prête à transmettre, tout en marquant une avancée majeure pour l’industrie du luxe. « Le luxe est en train de subir une profonde mutation de clientèle et de génération de clientèle, la nouvelle intelligentsia bourgeoise moderne 35-55 ans prend le pouvoir et a grandi avec de nouveaux points de repères culturels (hip hop, sneakers, internet, réseaux sociaux…) et est parfaitement en adéquation avec la vision de Virgil Abloh. », souligne Jay Smith, co-fondateur de BLACKRAINBOW, agence de stratégie en communication et marketing spécialiste des marchés de niche, sur Hypebeast. Symbole fort et suivant son exemple, avec lui c’est aussi toute une nouvelle génération d’artistes, créateurs, designers, influenceurs qui vont pouvoir avoir accès à de hautes responsabilités au sein de l’industrie, fragilisant un système de caste d’une nomenclatura des hautes sphères de moins en moins influente.

Aussi, sa nomination semble avoir des conséquences radicales sur la façon dont nous percevons le rôle des directeurs artistiques. James Jebbia, le propriétaire de Supreme, a été nominé aux côtés de Abloh et Raf Simons, pour le prix du “Designer de l’année” du CFDA. Jebbia n’est pas, et n’a jamais prétendu être, un designer. Abloh, bien qu’étant un architecte de formation, n’a également eu aucune école traditionnelle dans le design de mode – Raf Simons non plus, il ne dessine d’ailleurs pas lui-même ses collections, préférant travailler à partir de moodboard. Pourtant, ces trois font parties des “designers” les plus influents de la planète, et leur génie se juge en terme d’impact culturel. La collection automne-hiver 2017 de Louis Vuitton n’a pas été mémorable pour son travail de couture (bien qu’elle soit magnifiquement réalisée), mais pour sa collaboration instantanément instagrammable avec Supreme. C’est pour cette raison qu’ils embauchent Abloh, un designer adepte du bricolage culturel et créant un vrai spectacle – et de plus en plus, il semblerait que ces qualités soient ce que les marques de luxe recherchent chez leurs directeurs artistiques.  « Je pense que c’est moderne de la part d’une marque de reconnaître que les kids d’aujourd’hui, qui regardent à tailles égales James Jebbia et Martin Margiela, puissent avoir les codes », ajoute Will Welch, rédacteur en chef du GQ Style, sur Highsnobiety.

Abloh ne fait pas de l’originalité un cheval de bataille obligatoire, sa magie réside plutôt dans sa capacité à confronter de multiples références culturelles et sociales, du luxe à l’underground, du passé à la modernité, mais aussi différentes cultures dont il puise son inspiration, et qui lui permettent de mettre l’accent sur de nouveaux enjeux : « Je veux utiliser l’héritage de Louis Vuitton avec le voyage pour regarder différentes cultures à travers le monde et aider à rendre notre humanité plus visible, commente-t-il au New York Times. Quand la créativité se fond avec des enjeux globaux, je pense qu’on peut rassembler tout le monde. À ce niveau, la mode peut vraiment vous ouvrir les yeux. »

Une victoire sociale et politique

L’arrivée de Virgil Abloh chez Louis Vuitton, c’est aussi un signal fort de diversité envoyé à une industrie au teint souvent trop pâle et dont les problèmes raciaux sont légion. Avant lui, seuls deux hommes noirs (pour les femmes on repassera) ont réussi à truster une telle position dans des maisons de cette envergure. Il s’agit d’Ozwald Boateng chez Givenchy de 2004 à 2007, et d’Olivier Rousteing chez Balmain (qui n’a d’ailleurs pas manqué de saluer la symbolique de la décision de LV). On peut également évoquer le cas de Shayne Oliver chez Helmut Lang, mais dont la prise de pouvoir n’est que temporaire. « C’est une victoire politique, estime Loïc Prigent dans 20 Minutes. On ouvre enfin les portes à d’autres profils ethniques et sociaux, c’est bien que ce ne soit pas tout le temps que des gens issus des mêmes écoles, ou uniquement des bourgeois belges. » Ce constat n’est pas inhérent aux postes de créatifs, toutes les positions d’importance dans le grand monde de la mode sont en majorité occupées par des profils caucasiens. Il aura, par exemple, fallu attendre 2017 et la nomination d’Edward Enninful à la tête du Vogue anglais pour voir un homme noir prendre les rênes d’une grande publication. Un magazine qui, rappelons le, n’avait ouvert sa couverture qu’à 8 femmes noires dans toute son histoire.

Before/After ❤️. @iamnaomicampbell @riccardotisci17

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Des États-Unis à l’Europe, de Gucci, Balenciaga, Chanel, Burberry ou Clavin Klein, la majorité des personnes en charge des marques historiques sont des hommes blancs. En ce sens, Louis Vuitton fait figure d’avant-garde, ce qui témoigne du manque lamentable de diversité dans l’industrie (même s’il faut noter que le contexte actuel annonce de profonds changements de mentalité et la réduction progressive des barrières sociales et raciales), le chemin est encore très long. Un comble quand on connaît la propension de ces maisons à se servir allègrement dans la culture de ces milieux, en témoigne les multiples polémiques d’appropriation culturelle de Gucci (en passant par leur collection Cruise 2018 « hommage » à Dapper Dan), mais aussi l’automne-hiver 1991 de Chanel inspiré du hip-hop, jusqu’aux dreadlocks sur des modèles blanches de la collection printemps-été 2017 de Marc Jacobs, ou plus récemment de la polémique du pull raciste de H&M. Rappelons également que le mannequin américain Janaye Furman n’est devenue la tout première modèle noire de l’histoire à avoir ouvert le show Louis Vuitton, que l’année dernière seulement. Les exemples sont infinis.

Le principal intéressé refuse lui de parler de race ou de politique, comme pour s’éloigner des débats qui feraient de lui un symbole pour ses origines plus que pour son talent. Ce sont pourtant des problématiques qu’il aime aborder dans son travail, à l’instar de sa collection Off-White printemps-été 2018 présentée au Pitti Uomo de Florence. Abloh a fait appel à l’artiste Jenny Holzer pour une série de projections centrées sur l’immigration. Plus tard cette année-là, ils ont de nouveau collaboré sur une série de T-shirts au profit de Planned Parenthood. « Marvel a son Black Panther. Louis Vuitton a Virgil », résume Jay Smith. Abloh, futur héros de la mode ?

Signant son premier morceau sur Banger 3 de Mac Tyer, le jeune Rémy d’Aubervilliers annonce rapidement la couleur : la mélancolie. Les productions ont beau être actuelles, ses textes prennent le contre-pied. Il le dit lui-même, il est venu « refaire du rap français », ce rap émotif, porté d’un message, apolitique de fond, scolaire de forme. Il sort son premier album le 23 mars, C’est Rémy, un dix-sept titres sublimé de nostalgie. Interview avec l’héritier du rap d’Auber’.

Photos : @samirlebabtou

Etonnant. C’est sans doute le premier mot qui vient à l’esprit à la découverte de Rémy. Etonnant pour les thèmes empruntés, étonnant parce qu’il réussi à les calquer sur des productions contemporaines. Etonnant pour la volonté de remettre au goût la nostalgie, les violons, les boucles de piano. Rémy c’est ce « rappeur-journaliste », posté sur le rebord d’une fenêtre avec une paire de jumelles, observant son environnement et les gens qui y évoluent. À l’intérieur de cette bulle, il agit comme un écrivain compulsif : des notes sur un carnet, il écrit les sous-titres de la vie de quartier, « comme à l’ancienne« .

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L’histoire commence à l’entrée d’un gymnase en plein Aubervilliers, il freestylait pour ses potes, encore discret. L’un d’eux a vendu la mèche à un ‘grand’ du quartier, pas n’importe lequel : Socrate, Mac Tyer pour les intimes. Il n’a suffit que d’une invitation en studio pour qu’El General se rende compte du potentiel du jeune adolescent. Il l’emmène signer à Def Jam, participe à l’élaboration du style Rémy, l’épaule, l’aide, apprend autant qu’il enseigne. Finalement, la magie opère quelque temps après au planète rap d’Hornet la Frappe. Alors que Rémy arrivait « pour tout niquer« , Mac Tyer lui conseille de faire « Réminem » et pendant trois minutes, le studio est comme coincé dans une boucle temporelle. Il fallait trouver les mots, alors Sadek, également présent, en profite pour détendre l’atmosphère avec honnêteté : « Tu vas me faire rer-pleu Rémy arrête. Arrête de rapper notre vécu comme ça je suis sensible je vais rer-pleu. » Tout est dit. Et si l’on avait le malheur de penser que la magie n’opérait que sur un seul morceau, C’est Rémy est là pour étirer la boucle temporelle a dix-sept titres. Une heure durant laquelle la musique devient un film, celui de l’auteur, de son quartier, de ses troubles, ses remords, ses regrets, ses ambitions, ses déboires… Tant d’autres. La bande-son véritable d’une vie humaine.

Niska et Kalash ont été des grands vainqueurs de 2017, foudroyant tous les records de ventes d’écoutes avec leurs tubes respectifs « Réseaux » et Mwaka Moon ». Deux titres qui portent la signature de Pyroman, compositeur discret mais sûr de sa force. Rencontre avec l’homme qui laisse le Top Streaming à feu et à sang.  

On a bien cru que « Despacito » s’était aussi solidement scotché à nos têtes qu’à la première place du Top Spotify France, jusqu’à ce qu’il n’en décide autrement. En 2017, Pyroman s’est définitivement imposé comme l’un des principaux hitmakers à la française, étant coup sur coup à l’origine des bombes « Réseaux » et « Mwaka Moon ». Deux titres imparables qui ont permis au compositeur de siéger en tête du streaming français de fin juillet à début décembre 2017, avant qu’un autre ne vienne ouvertement réclamer son Trône. La performance n’en demeure pas moins remarquable. Pyroman aurait-il mis la main sur la véritable recette du succès ? On ne se hasardera pas à répondre de manière trop affirmative, mais si tel est le cas, le producteur la parfait depuis un certain temps déjà.

Car c’est en Guadeloupe, vers l’âge de quatorze ans, que le jeune Pyro commence à bidouiller le logiciel Fruity Loops, aidé par un proche dont il suit les pas. Débrouillard, il s’ouvre très vite les portes du chaotique marché américain de la mixtape, avant même de se placer du côté des artistes de métropole : « Je tapais ‘send beats’ dans la barre de recherche, et je voyais que des artistes communiquaient leur mails. Donc de mon côté, je récupérais ces mails et j’envoyais mes instrus. C’est comme ça que j’’ai réussi à placer des prods sur des mixtapes de Waka Flocka, Yo Gotti, Rich Homie Quan ou Soulja Boy. » Des références en rien inaccessibles, mais qui permettent au compositeur de se constituer un épais catalogue de noms plus ou moins ronflants. Smart. Plein d’ambition malgré son naturel réservé, Pyroman a depuis rejoint la métropole (et la nébuleuse ETMG). Les études en ligne de mire, avant qu’elles ne s’avèrent finalement incompatibles avec l’emploi du temps d’un artiste désormais prisé. Dans un studio de Boulogne-Billancourt, il a évoqué avec nous ses « diez » de beatmaker.

Photos : @alextrèscool

#Studio

« C’est très important pour moi de suivre toute l’évolution d’un morceau. Je fais en sorte d’être là au moins jusqu’au mix en général. J’aime aussi observer le mix et le mastering, c’est le meilleur moyen d’être sûr que le rendu final soit propre, qu’il mette mon travail en valeur. Il faut que la qualité soit au rendez-vous jusqu’au bout. J’aime aussi être en studio avec les rappeurs parce que ça permet de mieux les connaître, de mieux cerner leur univers, leur façon de penser. Par exemple Kalash, vu que je suis allé en studio avec lui à de nombreuses reprises, c’est plus simple de travailler avec lui plutôt qu’avec d’autres. »

« De manière générale, j’aime bien bosser avec tout le monde. Je réfléchis surtout en fonction du talent. Si on me propose de bosser avec quelqu’un de moins connu mais qui a du talent, ça ne me dérange pas de prendre un plus petit billet, ce n’est pas un problème. Après, chaque travail doit quand même être payé à sa juste valeur. À l’inverse, on pourrait me proposer énormément d’argent pour une instru, si le rappeur en question n’a pas de talent ou si je n’aime pas son travail, je pourrais très bien refuser. Je sélectionne un minimum. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais bossé avec un artiste que je ne validais pas. »

#Topline

« Pour l’instant, je fais des toplines uniquement pour moi. C’est-à-dire que quand je fais une instru, à tous les coups j’essaye d’avoir des idées de toplines, que je fredonne tout seul, à vive voix. Mais je ne suis pas encore dans l’optique de les enregistrer. Cela dit, on me dit souvent qu’elles sont bonnes, donc je vais sûrement commencer à le faire cette année. Disons que je n’en ai pas encore fait officiellement. »

« Ça arrive souvent qu’un producteur devienne aussi bon rappeur que les rappeurs eux-mêmes. Mais là-encore, ça dépend de son talent. Ce n’est pas donné à tout le monde non plus. D’autant qu’en général, les beatmakers n’ont pas la même mentalité que les rappeurs. La plupart aiment bien ne pas avoir toute la lumière sur soi. Quoique, la tendance a quelque peu changé avec la nouvelle génération. Moi, par exemple, je ne me vois pas dans l’ombre. »

#Signature

« Je pense avoir ma propre patte, vu que tout le monde me le dit depuis des années. [rires] Mais personnellement, je l’entends vite fait. Quand je dis ‘vite fait’, ça veut dire que je ne suis jamais vraiment satisfait de mes prods. C’est d’ailleurs ce qui me fait dire que j’évolue : quand je réécoute ce que j’ai fait deux mois plus tôt, c’est déjà pété pour moi. J’ai une signature sonore, mais elle n’est pas fixe, je la fait évoluer. Mais je pense qu’on reconnaît quand même une instru de Pyroman. Après, je ne saurais pas te dire exactement ce qui me distingue. Je fais juste mes instrus en essayant d’être original. Peut-être que ce sont mes drums… En vrai, il me faudrait une oreille extérieure pour me prononcer. » [rires]

« En règle générale, c’est indispensable d’avoir sa propre touche. D’abord parce que je n’ai pas envie que mes instrus sonnent comme celle d’un autre. Ensuite parce qu’en France, le nombre de beatmakers a explosé entre 2017 et 2018, la concurrence est énorme. C’est devenu plus facile aussi, parce qu’avec YouTube, tu peux tout apprendre très vite. Pour certains trucs que j’ai galéré à faire à mon époque, tu as maintenant des tutos tout prêts. Mais tous les beatmakers n’ont pas d’identité propre. Donc quand tu as la tienne, tu te démarques immédiatement. Il suffit juste qu’en plus tu aies les bons contacts, et tout peut aller très vite. »

#Futur

« Arriver à des morceaux ‘producteur feat. rappeur’, je pense que c’est le but de beaucoup de beatmakers. Mais c’est quelque chose qui vient au fil du temps, c’est rare de voir ce genre de configuration dès le début. Pour le moment, la mention ‘prod. by Pyroman’ me semble déjà très bien, ça me suffit. Même si j’espère pouvoir faire du ‘Pyroman feat. Niska’ dans le futur. Après c’est plus compliqué d’avoir des sons officiels qui sortent de la sorte, parce qu’après il faut gérer tout ça avec le label, l’artiste, etc. Alors que le ‘prod. by’ est plus simple. C’est la configuration de base. Quand on commence à se mettre au même niveau que le rappeur, c’est qu’on est déjà dans l’optique d’être plus qu’un ‘simple’ beatmaker. Non pas que je me considère comme tel… Mais voilà, c’est encore autre chose. »

#Anecdote

« Pour ‘Mwaka Moon’, tout est allé super vite. J’avais mon ordi posé sur mes jambes, j’ai commencé une première mélodie vite fait, puis je l’ai complètement modifiée pendant que Kalash était en cabine en train de poser. L’instru m’a pris quelque chose comme 20 ou 25 minutes. Je l’ai ensuite fait écouter à Kalash. Il a juste dit ‘Ok, j’y vais’ et il est directement retourné en cabine, sans écrire, sans rien. Il a lâché ses couplets d’une traite. Après il a envoyé à Damso et en moins d’une heure, le son était bouclé. Honnêtement, je ne m’attendais pas à un tel succès. Je savais que le morceau allait être lourd, mais je pensais pas qu’il frapperait les gens comme ça. »

Supporté par un casting XXL composé de Halle Berry et de Daniel Craig, Kings est le film que nous aurions sans doute aimé voir réaliser dans nos contrées. Il n’en est rien. Entretien avec Deniz Gamze Ergüven, la cinéaste qui pointe du doigt et braque les caméras sur un mal générationnel qui perdure. 

S’il fallait analyser la démarche artistique de Kings, film de Deniz Gamze Ergüven sorti le 11 avril 2018, on pourrait certainement dire qu’il s’agit d’un entre-deux traversant aussi bien l’oeuvre cinématographique de la réalisatrice que l’individu elle-même. D’origine turque, pays à cheval entre l’Orient et l’Occident, la cinéaste s’éduque en France même si ce pays ne semble pas pressé de la reconnaitre. Tant pis, elle se nourrira de ce parcours mais aussi des autres. Autrui, ce concept philosophique dont elle tente de capturer l’essence, du quartier de South Central à Los Angeles en 1992 en passant par les banlieues françaises en 2005. L’histoire semble se répéter, ignorance de l’autre oblige. Une mise en abyme de l’entre-deux et une critique de l’entre-soi au service d’une seule cause : faire avancer le dialogue.

Photos : @mamadoulele

Vous avez eu un parcours scolaire classique, mais derrière la motivation de la cinéaste, qui se cache derrière Denis Gamze Ergüven ?

Une femme qui a fait des études d’Histoires Africaines, dont elle a obtenu une Maîtrise à Johannesbourg, avant d’intégrer la FEMIS [l’école nationale supérieure des métiers de l’image et du son, ndlr]. Je crois qu’il y a un rapport entre mes études en Afrique du Sud et mon travail, car mon regard était régulièrement tourné vers les Etats Unis, son histoire et le rapport que le pays entretenait avec les afro-américains… Il y avait une espèce de fascination, quelque chose de l’ordre de l’admiration. Vu de loin, le combat me paraissait très beau, très digne. Puis m’est venue l’idée de faire Kings. Ce qu’il faut savoir, c’est que la même année je venais de me voir refuser la nationalité française pour la seconde fois. Au cours de cette période, sont survenues les émeutes des banlieues en 2005 que je trouvais très « masculines ». Dans les reportages, on voyait beaucoup de jeunes garçons jouer au chat et à la souris avec la police. Si j’avais été présente, je ne pense pas que j’aurais été dans la rue avec eux car il me manquait une bonne dose de testostérone.

Toutes les émeutes ou presque ont quelque chose de commun dans leur structure : l’érosion des relations entre plusieurs communautés dites « minorités » avec la police, puis une étincelle créée par une violence policière ou du moins la rumeur d’une violence policière. Et lorsque tout commence à gronder, on observe une vacance du pouvoir. À chaque fois qu’on regarde la « radio » d’une émeute, c’est tout le temps pareil. En 1992, les émeutes de Los Angeles avaient cette particularité qu’elles dépassaient toutes mesures, avec un sentiment de fin du monde. Si vous sortiez dans la rue, vous pouviez croiser des jeunes femmes et d’autres beaucoup plus âgées, un briquet à la main essayant de mettre le feu à des palmiers. Il y avait vraiment un degré de chagrin d’amour qui a atteint toute une communauté ou du moins, ceux qui se sentaient concernés.

En 1970, Gil Scott-Heron chantait le titre « The Revolution Will Not Be Televised ». Dans Kings, la télévision est presqu’un personnage à part entière. Pensez-vous comme lui que cet outil de communication et de divertissement puisse jouer un rôle dans l’éveil de la conscience des gens ?

La télévision a joué un rôle de cadre de résonance, en effet. Par exemple, les deux drames à l’origine des émeutes de Los Angeles étaient des vidéos vues comme « virales » car elles passaient de manières répétées à la télévision, même s’il n’y avait pas d’Internet ou de réseaux sociaux à l’époque. Si la vidéo et l’histoire de Latasha Harlins, noire américaine tuée par la propriétaire sud-coréenne d’une épicerie de South Central, est beaucoup moins connue que celle du tabassage de Rodney King par quatre policiers de Los Angeles ; ces deux vidéos sont très marquantes pour les habitants du quartier et de Los Angeles en général. Il faut savoir que le procès des officiers de polices ayant battu Rodney King, a été le premier retransmis à la télévision américaine. Du coup, quand les émeutes ont démarré, toute la population voyait vraiment ce qu’il se tramait dans les rues. La télévision venait de jouer son rôle de caisse de résonance. Les émeutes de 2005 en France ont éveillé des sentiments que je partageais avec ces gens dans la rue, je m’identifiais à leur peine, mais lorsque j’ai fait mes recherches sur les émeutes de Los Angeles, j’ai vraiment ressenti cet effet d’arrachage de coeur.

Presque trente années se sont écoulées depuis les émeutes de Los Angeles. Lorsque vous vous êtes rendue sur place, le rapport à la télévision avait-t-il changé suite au verdict en faveur des policiers ayant agressé Rodney King ? Y avez-vous vu un sentiment de désamour et de désillusion ?

La télévision est toujours présente au sein des cellules familiales, plus que jamais. Elle est allumée toute la journée, et elle captive les enfants qui la regardent sans cesse. Je pense que le questionnement autour de son intérêt ou de sa vampirisation est très récent. Mais ce n’est pas propre à South Central, c’est une prise de conscience mondiale. Par exemple, je ne regarde pas la télévision depuis de longues années et je m’étonne encore lorsque quelqu’un me dit qu’il m’a aperçu dans sa petite lucarne.
Dans Kings, les personnages qui entrent et qui sortent de la télévision a été d’une évidence implacable. Une des premières évidences du film d’ailleurs. Dans ces émeutes, précisément, c’est ce qui a changé l’Histoire puisque sans cela, on aurait peut-être assisté au soulèvement d’un quartier ou à la confrontation de la foule et de la police sur quelques pâtés de maisons. Sauf que là, avec l’aide de la télévision, tout à pris une ampleur démesurée, quasi apocalyptique.

Du jour au lendemain, la télévision a mis en image ce qu’on entendait à travers la musique, ce qu’on imaginait se tramer dans les rues de Los Angeles. L’atmosphère et le timing y ont aussi joué un rôle. Que ce soit pour la musique ou la télévision, beaucoup d’artistes américains se sont inspirés de ces évènements. Pourtant en France, lors des émeutes de 2005, on a eu l’impression que toutes ces images avaient accouché d’une souris. Pourquoi, selon vous, les émeutes de 2005 n’ont-elles enfanté aucun film notable ?

Je crois qu’il y a eu un petit film sur les émeutes françaises. Mais d’une certaine manière je crois qu’elles ont inspiré pas mal de monde, car j’entends beaucoup de gens dire qu’ils s’inspirent de ces émeutes. Même si le sujet ne tourne pas autour de ces évènements, l’étincelle créée a permis de traiter de ce sujet sous un angle différent.

Concernant les faits historiques, il n’y a pas de règles. Je crois en cette chose sacrée qu’ont les artistes de magnifier des évènements, de créer des élans d’empathie. Quand mon chemin a croisé l’histoire des émeutes de 1992 et que j’ai eu l’intuition du film, je tremblais et mon coeur battait à cent à l’heure. Rien n’était calculé lorsque je me suis dit qu’il fallait que je fasse un film là dessus. C’était de l’ordre de la nécessité totale et j’ai donc mis en place douze années de ma vie pour faire ce film. Aujourd’hui que le film est sorti, je me pose la question de savoir si c’était à refaire, est-ce que je le ferais, car ça a été super dur émotionnellement et techniquement. Si j’ai bien compris votre question, à savoir « Pourquoi un réalisateur s’empare t-il d’un sujet et pas d’un autre ? », et bien selon moi, ça vient tout seul et ce n’est pas calculé. Mais lorsque cela arrive, c’est précieux.

« Il faut se réjouir du fait qu’on traite ces sujets épineux, surtout qu’on se croyait sortis de ce gros problème de racisme lorsque Barack Obama a été élu président en 2009 »

Au cinéma, la critique doit générer de l’empathie et non le contraire ?

Il y a eu plusieurs films sur les émeutes, dont Detroit de Kathryn Bigelow que je viens de voir et qui est génial. Je ne sais pas si vous l’avez vu, mais personnellement, j’ai bien ressenti la place à laquelle elle s’est positionnée. Cette réalisatrice est vraiment curieuse et extrêmement brillante. Le film est parfaitement calibré dans la manière de ne pas mettre d’huile sur le feu tout en restant objectif. Son regard est très aimant envers ses personnages, on sent un véritable amour pour eux et pour cette société qu’elle peut décrire comme étant bizarroïde ou malade. C’est pourquoi je n’ai pas compris toutes les attaques ou critiques reçues par son film, c’est une aberration de part et d’autre. J’ai entendu « Tu n’as pas la légitimité pour traiter de ce sujet » ou encore « Tu es une femme, que peux-tu comprendre ? »

Il faut se réjouir du fait qu’on traite ces sujets épineux, surtout qu’on se croyait sortis de ce gros problème de racisme lorsque Barack Obama a été élu président en 2009. Pourtant la preuve est faite que non puisque que les américains ont élu Donald Trump pour succéder à ce dernier. On a vu tous ces gens mourir sous les balles de policiers durant la présidence d’Obama et de Trump. Alors, tout ce qui permet d’attaquer ces sujets frontalement à l’aide de chassés-croisés d’artistes doit être encouragé. Aux USA plus qu’ailleurs, les traumatismes sont encore vifs et vibrants. Évidemment que certains habitants de South Central ou d’autres quartiers ont réussi à transcender cela et vivent aujourd’hui dans de meilleurs endroits, mais il ne faut pas oublier les autres qui ont dans la tête ces types de barrières psychologiques.

Il faut admettre qu’il y a encore et toujours des échos de la ségrégation, il n’y a qu’à regarder la construction des villes. Tout cela est encore gravé dans l’espace et la géographies des lieux. À la Nouvelle-Orléans, où j’ai passé tout l’hiver, c’est une véritable blague ! Les écoles sont noires ou blanches, pareil pour les boites de nuit. Durant cette période, je me suis très bien entendu avec quelqu’un qui par la suite est devenu mon confident, et il me racontait que sa fille était allée à New York poursuivre ses études. Un soir de sortie, elle avait demandé « Where are the black clubs ? », ce à quoi on lui avait répondu qu’il n’y avait pas de tels endroits dans cette ville. Rendez-vous compte, cette ségrégation est toujours instillée dans les consciences en 2018 ! Alors oui, peut-être que le terme n’est plus le bon, on devrait dire « séparé » ou parler de « communauté ». Quoi qu’il en soit, les gens entretiennent encore cette chose-là et il faut qu’on se dise que ce n’est plus possible. Cela a été démontré depuis très longtemps que le mot « race » n’avait aucun sens et qu’il ne voulait rien dire, pourtant on retrouve toujours ce mot sur les papiers officiels américains, que ce soit à l’école ou ailleurs. Pourquoi ? Parce qu’on ne s’attaque pas frontalement à ce sujet qui génère pourtant, années après années, tragédies sur tragédies.

« J’ai vu des policiers éblouir de leurs torches, contrôler, palper des individus et j’ai ressenti ça comme de la brutalité, et pourtant j’ai vu que cela ne partait pas d’un mauvais sentiment mais de préjugés »

Le communautarisme se dessine peu à peu en France, même si ce mot fait très peur. Pourtant, on y voit quand même des bienfaits et un cocon dans lequel des individus peuvent s’épanouir avant de se confronter au monde extérieur. Sur « The Story of O.J » issu de son dernier album 4:44, le rappeur Jay-Z parle justement de cette économie générée par des afro-américains qui feraient leurs courses dans des magasins tenus par d’autres afro-américains. Il fera une comparaison hasardeuse avec ce que la communauté juive a pu mettre en place et les gens ont crié aux préjugés sans entendre l’intention de l’artiste.

Si les préjugés sont présents partout, alors il doit en être de même pour l’auto-critique. Et tout ceci ne doit servir qu’à un dessein : trouver une solution. Durant mes recherches, j’ai eu l’occasion de vivre et suivre des policiers du LAPD, tout comme j’ai pu le faire avec les habitants de South Central. Ce que j’ai compris, c’est qu’il y avait deux camps adverses qui ne se connaissaient pas et qui avaient des espèces de fantasmes par rapport à l’autre. J’ai vu des policiers éblouir de leurs torches, contrôler, palper des individus et j’ai ressenti ça comme de la brutalité, et pourtant j’ai vu que cela ne partait pas d’un mauvais sentiment mais de préjugés.

Si le savoir est une arme alors l’ignorance elle, tue ?

Voilà. Avec le temps passé sur place, j’ai eu l’impression de revivre des tragédies, continuellement, comme s’ils n’apprenaient pas. Par exemple, le jeune garçon qui a inspiré le rôle de Jesse a été tué alors que toute sa famille veillait précisément à ce que rien ne lui arrive. Ses parents faisaient attention à ses fréquentations, ils évitaient que le jeune homme se retrouve dans la rue afin qu’il ne soit pas exposé à ses dangers. Malgré toutes ces préventions, il mourra à 17 ans d’un façon complètement bête puisque quelqu’un a essayé de lui faire les poches. Accompagné de deux de ses amis, il a refusé de se faire dépouiller alors il s’est fait tiré dessus.

Le fait de voir tout ça, c’est-à-dire la police qui ne protège pas vraiment, les jeunes armés jusqu’aux dents et les enfants qui vivent et grandissent au milieu de ça… C’est horrible car j’avais l’impression de commencer à lire une tragédie, ces oeuvres dramatiques qui se finissent toujours mal. Comme si j’avais lu un Shakespeare et que j’avais tourné les pages.

On ressent cette fatalité dans Kings. D’abord parce que c’est tiré de faits réels et que vous mêlez images d’archives avec votre propre scénario. Mais la narration, elle, respecte une dramaturgie simple mais efficace. Pour preuve, le personnage de William qui déjouera son destin jusqu’à ce que ce dernier ne le rattrape.

Tout simplement parce que ces quartiers génèrent cette fatalité dans le sens propre du mot. Etymologiquement, ce terme signifie « la mort », mais ce que je veux dire, c’est qu’il y a un destin derrière tout ça. Comme si on mettait des vies sur des rails et qu’il était impossible de changer de trajectoire. Concernant le personnage de Jesse, il avait vraiment ce rôle de pacificateur mais il finira par tuer quelqu’un. Pour moi, dans les deux figures de ces garçons il y avait vraiment cette idée que l’un était inspiré de Martin Luther King et l’autre de Malcolm X. L’un était pondéré et rassembleur, l’autre plus virulent, se disait que s’il n’y avait pas de justice, il la ferait lui-même. Deux points de vue très opposés devant une situation de crise, cela veut dire deux façons d’aborder les choses. Mais la fatalité fait que le héros tragique fini par devenir ce qu’il ne veut surtout pas être : un meurtrier.

« Je crois que certains sujets ennuient ceux qui ne les vivent pas ou qui ne les comprennent pas. »

Selon vous, pourrait-il y avoir un film à la hauteur de Kings en France ? 

J’ai réalisé Mustang, qui tourne autour des femmes, soit 50% de la population. Il est donc compréhensible que l’autre moitié ne comprenne pas tous les enjeux traités dans ce film car ce sont des hommes. Ce que je raconte dans Kings, j’ai l’impression que c’est incompréhensible pour les 50% ou plus qui ne le vivent pas, c’est aussi simple que ça. Le fait de se sentir citoyen de seconde catégorie, si on ne l’a pas vécu, je ne suis pas sûre qu’on puisse comprendre la portée du film. Par exemple, j’ai une amie qui m’a partagé sa colère devant la longue attente aux douanes américaines et cela m’a ramené à mon histoire lorsque je passais des journées entières à la Préfecture de Police chaque année ; toutes ces choses un peu humiliantes, ces regards que j’ai dû endurer pendant des années. Ou encore ces moments de stress lorsque je présentais ma carte de séjour en priant pour ne pas avoir perdu les récépissés en chemin. C’était systématique.

Je crois que certains sujets ennuient ceux qui ne les vivent pas ou qui ne les comprennent pas. La preuve en est que si l’opinion européenne arrivait à se projeter deux secondes dans la peau des migrants, je suis sûre qu’elle ne réagirait pas comme elle le fait en ce moment même. Pour moi c’est la même chose que de dire à des gens que leurs vies ont moins de valeurs que d’autres. Je ne suis pas certaine qu’ils prennent conscience de ça, je pense qu’on ne se rend pas compte de la fragilité humaine, de la misère, de la guerre… Toutes ces choses-là ne touchent même plus, on ne s’indigne plus de voir les images de ces gens traversant des mers avec des bébés sous le bras.

Ce qu’on raconte, qui se décline de manière très différente selon les sociétés dans lesquelles on vit, n’est pas encore imaginable dans certains pays alors que dans d’autres oui. C’est quelque chose qu’il faut défendre comme ce phénomène créé avec le film Black Panther, où certaines voix avaient fait savoir qu’elles n’accepteraient pas de voir des personnages blancs dans des situations où ils pourraient s’en passer. On a encore cette curiosité, cette ouverture vers le monde, et il faut chérir ces choses là.

Ce week-end, Nike prolonge son Air Max Day et investit la Cité de la Mode et du Design pour deux jours d’incubation créative sous le nom de code PARIS: ON AIR. La marque au Swoosh proposait aux parisiens de créer leur propres Air Max, et maintenant que les 150 meilleurs designs ont été sélectionnés, les classrooms de design encadrées par des concepteurs tout droit venus de Portland, le QG de la marque, vont pouvoir commencer.

Mais ces deux jours ne sont pas réservés qu’aux gagnants : l’évènement est ouvert à tous et des activités seront dédiés aux visiteurs. Grâce au bar de customisation géant chaperonné par Bishop Nast, vous aurez la possibilité de personnaliser des t-shirts via un écran tactile. Vous pourrez y faire par exemple des collages ou ajouter des Swoosh en strass. En plus de ça, des foods trucks et une chill zone seront installés, pour une experience complète.

Rendez-vous donc samedi et dimanche à la Cité de la Mode et du Design pour le PARIS: ON AIR. Et oui, c’est gratuit et ouvert à tous !

Avec la sortie du titre « Sober », Malahia a ajouté son nom à la liste phénoménal des nouveaux talents UK. Quelques heures avant son premier concert parisien, au Pop-Up, nous avons rencontré la pétillante anglaise pour retracer son parcours dans la musique, elle qui y baigne depuis ses 12 ans.

Photos : @alextrescool

Ce soir-là, la petite salle du Pop-Up à Paris est pleine à craquer. Le public attend dans une chaleur déjà étouffante pour enfin voir de face celle qu’ils ont sûrement découvert au détour d’une playlist de vidéos “COLORS”. Sur scène, Mahalia délivre une interprétation impeccable de ses titres, qu’elle entrecoupe d’interventions où elle se rappelle des situations qui ont donné naissance à ses couplets. Seulement deux jours avant son concert, on rencontrait l’artiste de Leicester qui nous parlait déjà de son rapport à la scène : “J’aime être sur scène. Je n’ai pas l’impression que c’est ‘eux’ et moi. J’ai l’impression que dans cette salle c’est ‘nous’, on est tous là ensemble. Je leur parle, ils rient et ils me répondent et c’est ce qui donne de la vie à tous ça.” Et quand sur “Back-Up Plan”, le public entonne avec elle le refrain – “They have nothing on me, soon I’ll be on TV…” –, on sent bien que le lien est établi.

De l’affluence pour son premier concert parisien, aux 8 millions de vues auquel culmine le titre “Sober”, on comprend l’engouement autour de Mahalia qui, après une période de doute, est finalement décidée à faire de 2018 son année. Il y a encore un an, Mahalia quittait Londres pour retourner à Leicester. “Je vivais seul à Leicester, j’avais un copain et c’était ma façon de remplir quelque chose. Ce que j’ai ressenti quand j’étais à Londres, le sentiment d’être perdu. J’ai donc pris un copain, un chat et j’ai emménagé dans une maison. J’ai pensé que je me sentirais bien à nouveau. C’était bien pendant six mois et puis plus du tout. Parce que c’était trop confortable. J’étais trop stable. C’était trop facile. Et le truc avec la musique, c’est que j’écris quand je suis vulnérable.” Pensant s’être retrouvé, elle s’est à nouveau perdue. Jusqu’à ce qu’un signe la remette dans la bonne direction. “Quand ‘Sober’ est sorti, c’était un peu comme un coup de poing dans la figure, comme quelqu’un qui me disait : ‘Voilà ton opportunité. Prends-là.’

À seulement 19 ans, Mahalia n’est pas novice dans la musique. C’est à 13 ans qu’elle signe sur le label Asylum Records d’Atlantic. Le fruit accidentel d’une course-poursuite avec son idole de l’époque, Ed Sheeran. “J’ai commencé à écrire à 12 ans, parce que j’avais un crush sur un garçon et la musique était pour moi la façon d’extérioriser ces émotions. Il y avait cette émission qui s’appelait ‘It Must Be Music’ et j’avais dis à ma mère que je voulais y participer l’année suivante. Mais l’année qui suivait, le show a été annulé. Et ma mère m’a demandé : ‘Qu’est-ce que tu veux faire ?’, et je lui ai dis que je voulais rencontrer Ed Sheeran. Et c’est là que ça a commencé. ‘Je vais faire en sorte que ça arrive’, m’a dit ma mère. À l’époque, Ed Sheeran n’était pas aussi énorme qu’aujourd’hui. Il avait tellement d’influence dans ce que j’écrivais, que je voulais le rencontrer, lui serrer la main. Je voulais lui dire que je le trouvais génial.” Mahalia et sa mère suivent alors l’artiste sur ses dates anglaises, tentent de rentrer en coulisses.

Dans leur quête un peu folle, elle rencontre plusieurs personnes : des personnalités de la musique, des musiciens, des auteurs, des RP… Jusqu’à tomber sur Amy Wedge, parolière, qui travaille notamment avec Ed Sheeran. Avec elle, Mahalia fait quelques sessions d’écriture qui semble convaincre Amy, puisque quelques jours plus tard, celles-ci se retrouvent à Birmingham dans les coulisses d’un concert avec le chanteur. “Tout ça après une année entière. Donc à l’époque j’avais 13 ans. Elle m’a emmené à un concert un peu en dehors de Birmingham. J’y suis allé et à la fin elle m’a dit ‘allons-y’. On est donc monté et je n’avais aucune idée de ce qui se trouvait dans cette pièce et il était là.” Alors qu’elle rêvait ce moment depuis plusieurs mois, la jeune fille ne trouve pas les mots. “En tout cas j’ai pu serrer sa main. […] Donc je l’ai rencontré et il m’a dit… Je ne sais même plus. Mais je me souviens être sortie de la heureuse. Et on a pris une photo, et sur le chemin de la maison, j’ai vu qu’il avait twitté ‘allez tous voir cette fille de 13 ans, elle est géniale’, avec un lien vers mon Soundcloud. Et mon compte Twitter s’est emballé. Et quelques mois plus tard, j’ai signé chez Asylum Atlantic. J’avais 13 ans donc j’étais encore un bébé. Tu sais, plein de gens pourraient se demander : ‘Mais pourquoi ses parents l’ont-ils laissé signer ci jeune?’ Mais mes parents sont incroyables. Et je pense qu’ils savaient que s’ils me l’avaient interdit, je leur en aurait voulu pour toujours.” Une décision prise sagement, puisque malgré sa signature, Mahalia fait le choix de continuer l’école tout en se consacrant à sa musique. “J’ai vécu deux vies. À Londres, j’étais cette chanteuse, qui écrit des chansons et ensuite j’étais à la maison, et j’étais cette fille qui se mettait en difficulté à l’école, qui avait des petits-copains, des amis… Je vivais cette vie et c’est comme ça que mes chansons ont pu se faire.

De cette époque, Mahalia garde le souvenir nostalgique d’une manne intarissable d’inspiration. “Mais maintenant que je suis là, cette prise quotidienne d’émotions me manque parce que maintenant je dois aller chercher l’inspiration. Alors que quand j’étais à l’école, il se passait toujours des choses. Il y avait de l’inspiration partout.” Aujourd’hui, c’est à Londres qu’elle doit construire cet environnement propice à l’écriture. “L’énergie à Londres est tellement rapide. Alors que le rythme à Leicester est plus tempéré. Mais Londres est génial. Je ne détonne pas à Londres, alors que j’ai toujours été à part à Leicester, j’avais l’impression d’être la seule dans mon genre.” Quand on lui demande si elle a l’impression de mieux trouver sa place à Londres, elle répond : “Oui. Quand il s’agit de mes amis, ma place est à Leicester. Mais ma vie, ce n’est plus que ça. Et l’accepter a été difficile. J’ai vécu à Londres quand j’avais 18 ans et j’ai détesté ça.

Après sa tournée en Europe, elle espère enfin retourner en studio et commencer à travailler sur son deuxième album après Diary of Me : “Je peux parler d’un album, oui ! Je n’ai pas été au studio depuis Janvier ce qui me stresse un peu.“ Elle sait déjà ce qu’elle veut faire et surtout ce qu’elle ne veut pas faire sur ce nouvel opus. “Je pense qu’en tant qu’artiste, il faut se rappeler que tu es essentiellement une marque. Même si je déteste parler comme ça, parce que ça fait très ‘industrie’ mais c’est le cas. Je pense qu’il y a une connotation négative autour du mot ‘marque’, mais la marque correspond aussi à l’identité d’un artiste. Cette marque ce n’est pas forcément la personne que tu es chez toi, et je pense que c’est mieux si tu peux déconnecter l’artistique et qui tu es. Sinon tu en donnes trop.” Passez le moment où l’on décide où se trouve la limite entre son art et sa vie privée, viens la question de la construction de son ethos d’artiste. “Pour moi, quand j’écris une chanson qui ne correspond pas à ma marque, je la passe à quelqu’un d’autre. Et ce n’est pas une mauvaise chose. C’est moi qui me dit : ‘Tu sais quoi ? Non. Je ne veux pas parler de ça. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour Mahalia à ce moment précis.’ C’est juste un choix artistique qui doit être fait. Tant que c’est toi qui le fait… Par exemple, si je veux chanter une chanson sur combien je déteste les hommes et que mon label me dit que je ne peux pas le faire, je dirais que si. C’est à moi de décider de ce que je ne devrais pas faire. L’important pour moi c’est de toujours être au volant de mon propre véhicule. Et c’est ce que j’essaie de faire.

Aujourd’hui confiante et sur les rails, elle regarde de loin l’époque où devenir chanteuse n’était encore qu’un rêve, l’époque où elle écrit le titre “Back-Up Plan”. “Ma prof m’a dit qu’il me fallait un plan de secours, alors je lui ai dit que je voulais devenir chanteuse et elle a ri en disant que ce n’était pas un vrai boulot. Mais c’est hilarant parce que six ans plus tard, me voilà. Je me souviens avoir été tellement blessée. Je me suis dis : ‘Oh mon dieu, elle vient de me dire que ce n’était pas un vrai travail.’ Et je l’ai crue. J’avais douze ans, et j’ai signé en maison de disques l’année suivante.

« Faut que tu perces Pico, 2.17 je suis en train de faire ce qu’il faut. »  Sur « Arbre de vie », premier extrait clippé de son album , Sopico rappe sa détermination, insufflée par ses homies du DojoKlan/75e Session. Une conviction musicale qui commence à porter ses fruits, et dont nous avons voulu discuter avec l’artiste. Entretien.

Photo : @antoine_sarl

Chanteur, guitariste, beatmaker. Entre ces différentes facettes de la division du travail musical, Sopico a choisi de ne pas choisir, et de jouer différentes gammes. Après le premier essai réussi que fut Mojo en 2016, il a pris le parti de réaliser l’ensemble de la production musicale de son deuxième album, , sorti fin janvier, et qu’il défend actuellement sur scène, aux quatre coins de l’hexagone et même au-delà. Adepte d’une bonne dose d’esprit « do it yourself », cet enfant du dix-huitième arrondissement parisien s’implique dans les différentes dimensions de son art, jusqu’à sa représentation visuelle. Piochant dans une vaste palette d’émotions et de sons, Sopico semble pourtant savoir où le mènent les cadres que sa musique dessine, à l’image de ses « Unplugged », à l’esthétique minimaliste. Rencontre avec un artiste à la vision large.

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Quel bilan tu tires de la sortie de ? Est-ce que ta vie a changé depuis la sortie de ce premier gros projet ?

Ce serait te mentir que de te dire que ma vie n’a pas changé depuis. Parce que depuis que le projet est sorti, à peu près au même moment, j’ai fait la première date de la tournée et du coup ma vie a complètement changé. Maintenant j’oriente vraiment beaucoup plus mon énergie vers ma musique, surtout grâce au live.

Ça a correspondu également à un changement de « division », dixit la signature avec un tourneur, etc.

Justement, la seule différence avec l’an dernier, c’est que je bosse avec Auguri, qui s’occupe de gérer toute l’organisation qui est liée à mes lives, et ça me permet de me concentrer exclusivement sur ce qui m’intéresse, la création. Et j’ai quatorze morceaux qui sont venus s’ajouter à la liste. Si je dois faire un bilan de tout ça, c’est qu’aujourd’hui, j’ai l’impression que ma musique me ressemble plus qu’hier. Qu’elle accroche à mon état d’esprit, à mes états d’âme, aux moments où j’ai écrit, aux moments où j’ai fait les prods. C’est presque comme une bulle de dialogue. Un truc qui commence par une majuscule et qui termine par un point, et qui raconte l’histoire au final d’une année. Cet entre-deux entre un premier projet dont je suis très heureux, Mojo, et un deuxième projet où je veux assumer de manière beaucoup plus entière la création de ce truc.

Un premier projet sur lequel t’avais pas produit, mais qui t’avait permis d’apprendre, auprès de Sheldon, qui a réalisé l’ensemble des prods de Mojo ?

Bien sûr, tout le travail que j’ai pu faire sur Mojo, c’est ce qui m’a permis aussi de comprendre et après, d’utiliser tous les éléments pour faire de la musique, de la production.

Pour toi, c’est une suite logique de continuer à produire l’ensemble, tant sur la partie chantée et rappée, que sur l’aspect production musicale ?

J’aurai toujours la volonté de mélanger ma musique à celle des autres, et de faire des choses où par exemple je ne produis pas le morceau. Ou de faire des choses où on co-produit, je suis fermé à aucune possibilité de combinaison pour réussir à faire un morceau. Quand je décide de faire un projet de A à Z, j’accorde de l’importance à ça. Mais travailler avec différents producteurs sur un projet, je suis pas fermé à cette idée-là. Le fait d’avoir exclu un peu les producteurs extérieurs de , c’était une manière de mettre un peu plus de moi sur ce projet. Pour faire , j’ai peut-être fait  une cinquantaine de prods et j’en ai gardé quatorze. Du coup maintenant je peux peut-être me concentrer, me permettre d’être moins productif.

« Quand deux personnes qui collaborent savent faire à peu près les mêmes choses, l’émulation est encore différente »

Est-ce que le fait de gagner en compétences techniques, ça ne rend pas plus compliqué le fait de travailler avec d’autres sur la production ?

Je me dis que comprendre tout ça, c’est une manière aussi de pouvoir travailler avec d’autres de manière tellement plus efficace. Je me rends compte que travailler en studio avec quelqu’un, si tu n’es pas dans le domaine de discipline de la personne avec qui tu travailles, c’est deux personnes qui apportent leurs pièces à l’œuvre. Alors qu’en réalité, quand deux personnes qui collaborent savent faire à peu près les mêmes choses, l’émulation est encore différente. Je pense que le fait de savoir produire aujourd’hui n’est pas en inadéquation avec le fait de travailler avec les autres. Au contraire, je pense que ça peut me permettre de mieux travailler avec des producteurs qui font ça depuis plus longtemps que moi.

Sur les clips, tu participes aux idées ? Sur la série des « Unplugged », le choix esthétique, c’est une idée de qui ?

Le cadre d' »Unplugged », je l’ai complètement écrit. Je voulais avoir un truc précis, et j’ai fait appel à des gens pour techniquement rendre ces choses concrètes. Après sur d’autres clips, on travaille différemment, parfois je m’implique énormément, parfois je m’implique moins. Parfois je m’implique uniquement à la genèse du projet, au moment où l’on cherche des idées, où on écrit des premières pistes de séquences. Et après je m’en détache, et je reviens uniquement au moment où on rentre dans la mise en scène. Et parfois je ne m’implique pas du tout. Quand j’ai le sentiment de pouvoir ne pas m’impliquer du tout, ça me rassure aussi, parce que ça veut dire aussi qu’il se passe quelque chose, qu’il y a une espèce de curiosité envers le produit final que pourra me livrer un réal’. Et vu que j’ai toujours été ultra-sensible à cette forme d’expression, je vais réaliser des clips pour moi à l’avenir aussi, sur un projet pour la suite.

Et le fait d’être plus ou moins investi dans les concepts, ça dépend des relations que tu as avec les réalisateur ? Je pense à 5:AM qui a réalisé plusieurs de tes clips.

Avec 5:AM, on était dans un truc très instinctif, sur tout ce qu’on a fait ensemble. C’était un mode de tournage qui nous est cher, qui est un truc très libre, où en fait on trouve des lieux. On sait pas forcément dans quel axe on va poser la caméra, mais on y va et on le fait. Avec 5:AM, j’ai fait des clips dans mon quartier, qui sont des choses qui me représentent énormément, mais qui sont moins ancrées sur un travail de scénarisation. « J.Snow », c’est Gabriel Dugué, le clip de « Paradis », c’est Jonas Risvig, un danois. On a bossé avec une équipe de gens ultra talentueux au Danemark, et justement, avoir ces différentes personnes, ça me permet aussi de savoir aujourd’hui ce que je veux exactement dans l’image. Je me confronte à des visions et je me confronte après à des choses concrètes qui sont des clips qui me représentent, parce qu’ils sont liés à ma musique, et forcément, je compose aussi avec la vision que ces réal’ peuvent avoir de moi.

Comment est né le clip d' »Arbre de vie » ?

C’est Paul Maillot qui l’a fait, un jeune réal’. On s’est posés deux soirées d’affilée au Dojo, notre studio, pour discuter de ce qu’on voulait exprimer à travers le clip. On a eu différentes idées, je lui ai parlé de ce personnage qui regarderait des personnes se déchirer, des scènes de vie un peu courantes, et tristes en même temps. Et après, je lui ai donné les clés. Je voulais créer un personnage qui était un voyeur, qui n’existait que par ses yeux. Et je voulais que ça passe à travers une espèce de sentiment un peu angoissant, comme dans un film de vampires. Je voulais nuancer mes émotions, montrer qu’on était dans un dégradé d’émotions perpétuellement, et je voulais le faire à travers un morceau rythmé, mais qui n’est pas un morceau qui a vocation à faire danser.

En termes de collaboration musicales, tu pourrais sortir du rap ?

Je parle avec plein d’artistes, et en parallèle je réfléchis au prochain projet. Donc ça implique des conexions extérieures. J’en parlais la dernière fois, en ce moment on est en train de bosser avec Isha sur un morceau, et à côté de ça on est en train de réfléchir à un morceau avec Georgio aussi, entre autres. Je pense que, forcément, certaines personnes ont un peu de mal à identifier l’intégralité de ce que représente ma musique aujourd’hui, mais j’essaie de faire surtout quelque chose qui est le produit de mes interprétations. Et pour moi, le plus important aujourd’hui c’est de pas rompre le rapport qu’il y a entre l’inspiration très instinctive et ce truc d’école parisienne du rap, de case en fait. Qui m’a toujours effrayé, et que j’ai toujours, à un moment esquivée. Pour moi un morceau de rap est une chanson. Classifier la musique, c’est l’obliger à reproduire les mêmes mécanismes. Et c’est quelque chose que je m’interdis de faire.

Côté communication, tu gères tes réseaux sociaux tout seul ?

Je gère tous mes réseaux tout seul. Le fait d’être dans un rapport de proximité, je trouve que c’est une chance en fait. J’ai la possibilité grâce aux réseaux de regrouper les gens qui sont intéressés par ce que je fais, et de leur proposer en direct tous les projets que j’ai envie de faire. Je n’ai aucun bridage.

Ce n’est pas négatif parfois d’avoir des réactions trop rapidement, pour la créativité?

Non justement, il ne faut pas être trop perturbé par la réaction du public, qu’elle soit négative ou positive, par les réseaux. Parce que ça a tellement tout simplifié aujourd’hui qu’il n’y a rien de plus simple que de donner son avis sur la musique de quelqu’un. Et je pense qu’il faut respecter l’avis de tout le monde, à partir du moment où on donne aux gens la liberté d’exprimer leur avis. Ça peut servir aussi : un commentaire négatif a peut-être quelque chose à t’apporter au niveau du recul que tu peux avoir sur ta musique.

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Penses-tu que ça manque un peu dans le paysage actuel des média rap, les critiques négatives ?

Avoir des avis négatifs dans les médias, ce n’est pas quelque chose de mauvais pour la musique. Le fait que la plupart des relais médiatiques parlent positivement du travail des artistes, c’est souvent parce qu’ils se calquent sur l’appréciation qu’a le public de ces artistes. Et en réalité, je trouve ça bien. On va avoir du mal à dire à un artiste que sa musique n’est pas bien pour telle ou telle raison, parce que sa musique est acceptée par les gens. Et bien sûr, chacun a le droit d’avoir un avis, donc un avis négatif a le droit d’exister pleinement. Mais s’il y a autant d’engouement et autant de belles choses à dire sur les artistes urbains, sur le rap ou sur la nouvelle pop, c’est sans doute qu’il y a de la matière. Une analyse qui critiquerait au sens propre un album, qu’est ce qu’elle apporterait de plus qu’une écoute ? On ne passe plus par l’analyse, ce qui est quelque chose de bien, mais ça peut aussi freiner les artistes. Toute personne qui a la capacité de s’exprimer en musique a le droit de le faire, et je ne sais pas si c’est quelque chose de bien qu’une certaine intellectualisation de la musique puisse dépeindre une mauvaise image d’un album ou d’un artiste, en dehors de l’analyse du propos. Après bien sûr, il y a ce qu’on dit littéralement, et il y a l’aspect artistique singulier.

Est-ce que tu te souviens de critiques qui t’ont fait réfléchir ?

Pour moi les critiques qui me font le plus avancer, c’est celles de l’entourage. Lorsque quelqu’un essaie d’être réaliste et constructif, et qu’il me formule une critique. Quand je fais un morceau et qu’on me dit : « Là à un moment, j’ai l’impression qu’il y a un creux dans la prod. » Je me pose dessus, et je la retravaille. La critique est constructive à partir du moment où il peut se passer quelque chose après, où il peut y avoir un changement du fait de cette critique. Elle l’est beaucoup moins quand c’est une critique sur un objet fini – ça devient un avis. Les avis, ça peut servir à avoir du recul sur un produit fini, mais en réalité, le fait de toujours être dans de nouvelles choses, quand un projet est terminé, ça pousse forcément à provoquer de nouveaux avis. C’est un truc perpétuel auquel il faut accorder de l’importance, mais pas trop. Faut garder un jugement singulier pour rester fidèle à ton message principal, à ton ADN. Mon entourage m’apporte tout le recul dont j’ai besoin. Je fais écouter des trucs aussi à des gens un peu extérieurs.  Et souvent, j’arrive à avoir un avis d’un proche qui est le même que celui d’une personne que je connais beaucoup moins. Ça me permet de voir dans quelle mesure il se passe des choses au niveau de la sensibilité des gens à ma musique.

« Quand t’es un artiste, tu dévoiles plus à des inconnus qu’à tes proches »

C’est quoi la signification de , le titre de l’album?

Ça veut dire oui, ça veut dire : « Je vais le faire, je peux le faire. » En fait, y a tout un truc autour de l’auto-détermination dans ce projet. C’est un peu toute l’énergie que j’ai reçue et que j’ai en moi, qui est symbolisée par une espèce de grand « oui » que j’ai dit à la musique. C’est devenu ce que je fais le plus dans ma vie. Si on fait un petit parallèle, c’est comme dans le film avec Jim Carrey, Yes Man, c’est s’ouvrir aux choses, à la musique en entier. Pas juste être une personne qui fait de la musique : faire de la musique à 100%, à plein temps.

Dans « Interlude », tu dis que tu écris des chansons « pour ne pas avoir à reprocher aux autres ce que tu serais pas capable de guérir chez toi ». La musique, c’est thérapeutique pour toi ?

Je pense que chaque personne aujourd’hui a une forme de pudeur, et a du mal à dire certaines choses. J’ai l’impression que quand t’es un artiste, tu dévoiles plus à des inconnus qu’à tes proches, et les proches découvrent au même titre que des inconnus ce que t’as enve d’imager et la profondeur de ton propos, à travers des musiques.

Il y a quelque chose de très impudique là-dedans, en fait.

C’est ça, et aujourd’hui ce qui m’intéresse aussi, c’est d’aller chercher dans mon rapport émotionnel, et traduire tout ça sans avoir peur du revers de la sincérité. J’essaie de dire des choses que je pense vraiment, dans ce que je ressens, dans les rapports humains. Et forcément, ça dévoile des choses que je ne dévoilerais pas forcément à des gens que je connais. J’ai envie de casser un peu la carapace qu’on a tous, et que ma musique permette aussi aux gens qui l’écoutent d’aller voir un peu plus profond que juste ce rapport au rythme et à la violence qu’il peut y avoir dans la musique rap. Et qui est quelque chose que j’adore aussi. Donc il y a toujours cette nuance : j’ai envie d’être sincère, mais j’ai aussi envie d’être fier. J’essaie toujours de le faire avec une certaine retenue, et parfois quand j’ai fini d’écrire un texte, j’ai l’impression que je suis allé un peu plus loin que là où je voulais aller, et parfois je l’accepte.

Dans « Bonne étoile », tu dis que tu vas « partir pour mieux revenir dans ton port d’attache ». Comment tu définirais ton port d’attache ?

C’est Paris, c’est ma ville, l’endroit où j’ai des repères partout ; où je connais les rues, où je pourrais dessiner un plan. Partir, c’est faire de la musique ailleurs, mais pour revenir et le livrer jusqu’à mon port d’attache.

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« Partir », ça a du sens pour pouvoir revenir ensuite ?

Partir, ça ne sert à rien si tu ne reviens pas. Je sais que je n’aurais pas envie de partir si j’avais pas autant d’amour aussi pour cette ville. C’est limite allé trop loin avec Paris, j’ai comme établi une routine avec cette ville. Comme après des années de mariage, où j’aurais besoin de donner un peu d’air à la relation que j’ai avec cette ville, pour mieux l’apprécier ensuite. C’est un truc que je suis en train de mettre en place, et je vais beaucoup bouger dans les prochains mois justement, pour impliquer des choses différentes dans ma musique.

Tu as le souci de te nourrir d’expériences différentes, pour te donner de l’inspiration ?

C’est essentiel. Je vais avoir besoin d’aller dans des endroits assez précis, je vais avoir très envie d’aller en Afrique, en Asie, sans doute en Corée, au Japon et en Afrique, sans doute au Sénégal, peut-être encore plus au sud. En Algérie aussi, je suis kabyle, c’est le pays de mes parents, j’espère pouvoir faire un jour un projet autour de ce beau pays. Mais dans l’immédiat, je vais partir un peu plus loin. Avec toujours cette volonté de travailler en parallèle sur les prochains projets, mais de le faire sans avoir cette attache, en ayant peut-être moins de repères dans les endroits où je serai, pour travailler ma musique. Pour avoir peut-être plus de surprises, et peut-être parler de choses que je connais moins, et traduire des choses, traduire ce que je vois en fait, avoir plus d’images différentes dans la tête.

Ton prochain voyage, c’est quoi ?

Très bientôt, je vais partir un mois en Argentine. Le but c’est d’aller faire de la musique ailleurs. Mon but aujourd’hui c’est de partir le studio dans la main, en fait, partout. J’ai tellement envie de me nourrir de voyages que c’est un fil conducteur pour la suite. Et donc c’est essentiel pour moi de mettre ça en place.

Comme on vous le disait il y a quelques jours, Nike propose aux Parisiens de créer leurs propres Air Max lors d’un évènement baptisé PARIS: ON AIR. La première étape de sélection pour participer au concours passait par la publication sur Instagram de la Air Max de vos rêves sous le hashtag « #parisonair », que ça soit un croquis sur papier ou un concept réalisé sur un logiciel de design. En attendant que Nike dévoile le nom des 150 personnes sélectionnées, on a fait une sélection des meilleurs designs du concours.

Les 150 chanceux pourront ensuite créer leur paire à l’étape de sessions de design encadrées par les designers Nike de Portland, spécialement sollicités pour l’occasion. Un jury sélectionnera ensuite les trois meilleurs designs, qui seront dans la foulée soumis au vote du public. Tout comme Sean Wotherspoon et sa Air Max 97, le gagnant verra sa paire produite et commercialisée en 2019. Rendez-vous donc ces vendredi 14 et samedi 15 avril à la Cité de la Mode et du Design pour le Air Max Day PARIS : ON AIR.

Crédit design :

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11. @thibcrvts/@serenyyc

Ils sont sous l’aile de Drake, soit la plus grande popstar du rap actuel, mais ne semblent paradoxalement pas vouloir sortir leur tête de son ombre imposante. Entretien avec dvsn, le mystérieux tandem qui laisse la musique parler à sa place.

Le 5 septembre 2015, les abysses de SoundCloud accouchent sans mal de deux titres qui renouent avec un r&b sensuel et léché, le genre qui fait s’envoler les c(h)oeurs féminins. « With Me » et « The Line » réussissent l’audacieux pari de séduire les plus nostalgiques sans dérouter les oreilles neuves. Mais ni les uns, ni les autres ne parviennent à déchiffrer l’énigme mathématique de dvsn, l’entité derrière laquelle se cachent ses auteurs. On murmure qu’il s’agirait d’un « side project » de Nineteen85 – Paul Jefferies de son vrai nom -, producteur à qui l’on doit notamment les hits « Hold On, We’re Going Home » et « Hotline Bling » de Drake. Après l’annonce d’une signature chez OVO, le voile se lève – partiellement. Paul est bel et bien de la partie, mais en binôme avec Daniel Daley, la voix cristalline qui étoffe ses partitions. Mais puisque les deux canadiens ne se montrent pas à l’image, et demeurent assez avares en prises de paroles, le mystère dvsn reste entier. Quelques heures avant leur première vraie date parisienne à l’Élysée Montmatre, ils ont tout de même accepté de nous aider à le percer un tant soit peu.

Photos : @lebougmelo

Depuis que votre groupe existe médiatiquement, rares sont les occasions où l’on a pu vous entendre en dehors de votre musique. Pourquoi avoir souhaité rester si discrets ?

Daniel Daley : On n’a pas réellement fait le « choix » d’être discrets. Je pense surtout que les gens ne réalisent pas à quel point tout est allé très vite pour nous. On était de simples artistes de SoundCloud, puis on a vu tout plein de labels arriver vers nous, avant de finalement signer chez OVO. À partir du moment où on a signé, notre album est sorti…

Nineteen85 : … deux ou trois semaines plus tard.

D : Après ça, on a fait genre dix concerts avant que Drake nous emmène avec lui sur sa tournée mondiale. Autant dire que pour nous, il était surtout question de gérer tout ce qui a pu nous arriver en si peu de temps.

N : Les choses sont allées tellement vite qu’on n’a pas réellement eu la chance de pouvoir s’arrêter un tant soit peu, et prendre le temps de communiquer ou de faire des interviews. On essayait juste de suivre le mouvement.

Cela se retranscrit également à travers vos visuels ou vos covers d’albums, où vous n’apparaissez jamais à l’image. Est-ce une manière de donner une portée plus « universelle » à votre musique ? De faire en sorte que chacun puisse se l’approprier ?

D : À travers dvsn, on fait en sorte de toujours mettre la musique au coeur de notre démarche. Mais dvsn va au-delà de lui en tant que producteur et moi en tant que chanteur. Je pense qu’on est en train de devenir une voix pour ceux qui ont le sentiment d’être en marge, d’être différent des autres. On se concentre sur notre art en premier lieu, et on essaye d’y mettre tout ce qui nous représente le mieux et tout ce qui va avoir un écho auprès des gens. C’est plus intéressant que d’afficher ma tête en gros sur la pochette, de faire tout plein de shootings photo, des gros plans sur mes Air Max ou quoique ce soit. On fait juste en sorte de voir un peu plus loin, de ne pas se focaliser que sur notre propre personne.

Plus qu’un album d’amour, Morning After semble être un album de reconquête amoureuse. Cela correspond-il à ce que vous viviez au moment de réaliser ce disque ?

N : C’est en quelques sortes le stade auquel on est depuis qu’on a commencé à publier notre musique. On se retrouve souvent dans ce genre de relation qui n’est pas réellement définie et où tu finis par te demander : « Qu’est-ce qu’on est au juste ? ». « Est-ce qu’on doit aller de l’avant ? Est-ce qu’on doit regarder dans le rétro ? Est-ce qu’on doit juste vivre au jour le jour ? » Tous ces moments de doutes, je pense que tu peux les entendre sur Morning After. Parfois on les évoque à travers nos amours passés, parfois on se réfère à cette relation naissante que l’on souhaite emmener plus loin, puis parfois on ne parle ni au passé, ni au futur.

D : D’autant qu’en toute honnêteté, je pense qu’il y a beaucoup plus de gens qui se trouvent dans cette zone grise qu’il n’y a de gens qui voient tout noir ou tout blanc.

« dvsn va au-delà de Nineteen85 en tant que producteur et moi en tant que chanteur »
– Daniel Daley

Au niveau des sonorités, votre musique a ce côté légèrement organique qui séduira les nostalgiques du R&B des années 90, mais reste tout de même dans l’air du temps. Comment vous parvenez à trouver le bon équilibre ?

N : Je pense que ce qui joue c’est justement le fait qu’on n’a jamais cherché ce bon équilibre. [rires] On a simplement fait ce qu’on aimait faire, et il s’est avéré que ceux qui nous écoutaient avaient le sentiment que c’était le parfait mélange entre l’ancien et le nouveau. Tant mieux. Pour ma part, je pense que notre musique s’inspire de ce qu’on a écouté par le passé et de ce qu’on écoute encore aujourd’hui. On a pris un peu de tout ça et à partir de là, on a développé notre propre son.

Est-ce la recette d’un son intemporel ?

N : Je l’espère, oui. Je ne suis pas sûr que c’était l’idée de base mais ça marche parfaitement. [rires]

Au cours des dernières années, beaucoup d’artistes ont prôné un R&B « sans sentiments », où on chante la séduction tout en insistant sur le fait de ne jamais s’attacher. Chez vous, on retrouve une vision plus « romantique » du sexe où c’est la fusion de deux corps qui éprouvent quelque chose l’un envers l’autre.

D : Je pense surtout que c’est ce que ça devrait être, tout simplement. [rires] Mais je vois où tu veux en venir. Peut-être que leur perspective est un peu différente de la nôtre, mais j’estime que c’est quelque chose que tu dois partager avec quelqu’un avec qui tu es intime, avec qui tu as une véritable connexion. Dans notre musique, on essaye de rester honnête envers nous-mêmes. On ne prête pas attention à ce qui est à la mode ou à ce qu’on est censé dire pour avoir l’air cool sur le moment. Beaucoup de nos amis sont aussi des séducteurs qui peuvent avoir ce genre de comportement, mais on n’est pas nécessairement toujours sur la même longueur d’onde. On fait en sorte de parler de notre point de vue, le plus honnêtement possible. Ce que tu entends à travers nos morceaux, c’est nous.

Drake n’apparaît sur aucun de vos deux albums, mais on y trouve en revanche 40, qui a co-produit plusieurs de vos morceaux. Quel rôle joue t-il auprès de vous ?

N : En vrai, 40 a été le producteur exécutif de nos deux premiers albums. C’est plus ou moins lui qui nous guide dans l’avancée de notre carrière, depuis les coulisses. Mais il a une manière de faire qui nous laisse beaucoup de liberté, il ne s’implique que très peu. Pour te dire : le seul conseil qu’il nous a donné au départ, c’était de sortir les morceaux qu’on avait en stock. « Je ne veux pas trop vous dire quoi faire, j’ai envie que vous compreniez de vous-mêmes. Publiez juste votre musique et voyez ce qui se passe à partir de là. Une fois que vous aurez pris note des résultats, revenez vers moi et on aura une autre conversation. » Ça a toujours été son approche avec nous. Il est très… [Il réflechit] « compréhensif. » C’est à peu près comme ça qu’il opérait avec Drake. Il arrive à cerner ce que tu fais, mais jamais il ne te dit ce que tu dois faire.

Qu’est-ce qu’OVO représente pour vous aujourd’hui ?

D : C’est la famille, tout simplement. [Il sourit]

« Noah ’40’ Shebib arrive à cerner ce que tu fais, mais jamais il ne te dit ce que tu dois faire »
– Nineteen85

Nineteen85, en parallèle de dvsn, tu travailles avec un certain nombre d’artistes. Qu’y a t-il de si particulier dans ta relation avec Daniel ?

N : Comme il l’a dit, c’est la famille. Ce n’est pas courant de travailler avec quelqu’un que tu suis sur toute la ligne. On a une routine, une manière de bosser qui n’est pas vraiment conventionnelle mais à travers laquelle on trouve un certain confort. Mais on ne s’en est pas réellement rendu compte jusqu’à ce que des gens extérieurs ne viennent nous rappeler à quel point l’alchimie était bonne entre nous. Pour lui comme pour moi, c’était quelque chose de très naturel. Quand on se retrouvait à bosser ensemble pour d’autres artistes, ils nous disaient souvent : « Ce que vous arrivez à faire ensemble, c’est incroyable. Vous devriez vous mettre un peu plus en avant, voir plus loin que ce que vous faites actuellement. »

Vous vous connaissez depuis plus de 10 ans maintenant, mais vos premier titres ensemble datent d’à peine deux ans. Pourquoi avoir pris autant de temps ?

D : C’est seulement là qu’on s’est senti prêts. Je ne saurais pas te dire pourquoi, c’est ce que Dieu a voulu.

N : Comme je le dis souvent, c’est aussi une question de timing. Les gens autour de nous jugeaient qu’on formait une bonne équipe et nous ont suggéré qu’il était peut-être temps de donner un sens à notre collaboration. Même notre manager nous disait : « C’est très bien que ce vous faites quand vous bossez avec d’autres artistes, mais ce que vous faites ensemble… C’est un tout autre niveau. »

D : C’est aussi à cette période qu’on a imaginé le concept de dvsn. Mais on se connaissait déjà de longue date : on faisait notre musique, on essayait de placer nos morceaux pour d’autres artistes, entre autres choses. Mais c’est en septembre 2015, quand vous avez pu enfin écouter nos titres, qu’on a décidé qu’on serait dvsn.

Avez-vous une idée de ce dont sera fait la suite pour vous ?

D : Plein de choses arrivent. On va d’abord finir cette tournée, avant de retrouver en studio pour travailler sur ce qui arrive. On a aussi quelques autres idées qui ne concernent pas la musique, mais vous en saurez plus prochainement.

Ash Kidd vient de sortir son quatrième EP, STEREOTYPE, un nom surprenant à l’ère du mélange des genres. Depuis les années Soundcloud jusqu’à sa tournée dans toute la France aujourd’hui, le rappeur et beatmaker trace sa route en solitaire. Au point de n’avoir jamais accordé d’entretiens aux journalistes avant ce mois de mars 2018. Intrigués par les multiple facettes que cache son r&b spleenétique, on a cherché à en savoir plus.

Pour l’une de ses toutes premières interviews, Ash Kidd nous donne rendez-vous au Paris Breakfast, un speakeasy parisien qui colle bien avec l’image du rappeur : lumières tamisées, bouteilles d’alcool clinquantes et décorations mordorées : le ton est donné. En entamant la discussion avec l’artiste, difficile de savoir si l’on se rapproche ou si l’on s’éloigne un peu plus de sa personne. Ses réponses sont tantôt sibyllines, tantôt lapidaires. On se dit qu’on n’aura jamais le temps, en trente minutes, de le cerner, lui qui livre des bribes de son intimité dans ses projets sans jamais vraiment rien laisser échapper de son histoire. Qu’importe, celui qu’on appelle Claude Bourgeois est un être vaporeux certes, mais sa voix est assurée et l’intrigue bien ficelée. Ash Kidd joue tous les rôles qu’il s’invente et sa schizophrénie poetic détonne de façon étrangement agréable d’une industrie musicale réglée à l’heure de l’hybridité. Reste plus qu’à lire entre les lignes de ses premiers mots.

Photos : @alextrescool

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Quand on essaie de circonscrire qui tu es, on a vite le sentiment de se perdre entre plusieurs Ash Kidd. Tu utilises au moins trois pseudonymes différents, pourquoi ?

« Ash Kidd », c’est l’enfant cendre… C’était juste un délire au début. Ça fait quatre ou cinq ans que j’utilise ce nom. J’ai juste choisi de m’appeler comme ça, il n’y a pas de trucs particuliers venant de moi. Je cherchais seulement à me créer un personnage. Ça n’avait pas vraiment de grande signification. Ça sonnait bien. J’étais un enfant, je fumais beaucoup.

C’est fini d’être un enfant ?

Oui ! Mais je fume encore. Je suis toujours Ashes…

Et Claude Bourgeois, c’est une invention ?

C’est un autre personnage. Claude Bourgeois, c’est un gars un peu bizarre. C’est moi et c’est la vie que je mène en dehors de la musique. J’ai aussi cette impression que c’est lui qui fait mes instrus, que c’est lui qui pense à ce que je dois faire dans la musique. C’est lui qui pense à Ash Kidd. Ash Kidd, ce n’est qu’un support. En fait, j’ai eu plusieurs noms et je n’aimerais pas dévoiler mon vrai prénom. Mais, si tu cherches dans mes sons, surtout dans morceaux à l’ancienne, tu peux le trouver. En fait, au début je m’appelais Jay Dreaming, et avant ça je m’appelais CJ, avant ça MCS, et après j’ai continué de changer de noms dans les différentes périodes que j’ai eu de ma vie. J’ai jeté des personnages pour en prendre d’autres. 16poetic c’est parce que 16 c’est mon chiffre. Je suis né le 16 aussi. Et voilà « poetic » c’est pour la vibe, c’est pour la chanson, c’est qu’un nom pour les réseaux. En fait, j’ai vraiment plein d’idées de personnages et de noms, et j’aimerais commencer à exploiter tout ça dans les détails ; faire d’autres projets, faire d’autres trucs, parce que je me rends compte que les gens sont un peu perdus et j’aimerais creuser ce sujet. Même moi je ne me suis occupé que d’Ash Kidd : là je suis dedans et c’est moi, c’est mon univers, et c’est ce que je suis maintenant… 16poetic peut peut-être cacher une autre phase.

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Tous ces pseudonymes vont de pair avec le fait que tu ne donnes pas d’interview et que tu crées du mystère autour de toi. Ça te rend moins traçable. C’est un truc qui t’amuse ?

Ouais, j’aime bien être rare. Je voulais mettre davantage la lumière sur ma musique que sur moi.

C’est une valeur ajoutée d’être rare dans la musique aujourd’hui selon toi ?

Je pense que si t’as rien à dire, tu devrais ne rien dire. Dans l’industrie… Je pense que chacun ressent le truc à sa façon. Mais en ce qui me concerne ça fait partie d’un tout. J’essaie toujours de mettre le pouvoir sur ma musique, mes chansons sont des interviews. Là-dedans il y a toutes les réponses sur ce que je vis, ce que je ressens. Mais aujourd’hui j’ai plus de choses à dire qu’avant, franchement. Je commence à vivre des trucs un peu puissants. Des trucs un peu plus sérieux qu’avant, ça commence à prendre une autre tournure. Hors de ma musique, je suis quelqu’un. J’aime bien m’exprimer, parler à ceux qui ne me connaissent pas et parler à mes fans. Ce n’était pas un jeu de ne pas faire d’interviews. C’était juste que je ne me sentais pas de parler. Je préférais rester dans mon coin. Mais là j’ai des choses à dire, des gens à rencontrer ; du coup l’envie de parler m’est venue ces derniers mois et avec le temps, la musique, comment ça a mûri, j’ai décidé d’en faire.

Tu penses que toute cette énigme te protégeait et que c’est une façon de baisser la garde à présent ou tu le prends comme une opportunité nouvelle de t’exprimer ?

Je vois tout ce que je fais comme une opportunité ! Franchement, je n’ai pas de grands sentiments là-dessus. Ma manager m’a demandé si je voulais m’exprimer, et j’ai dit : « Vas-y, on y va ! » Mais d’une certaine façon, les gens vont continuer à ne m’entendre parler qu’à travers ma musique. Le truc de l’énigme, je dirais plutôt que c’est ma façon d’être dans la vraie vie.

Il y a du code quoi !

Y’a du code dans la vraie vie ! Ça décode sale ! Sérieusement, en dehors des concerts etc., je suis vraiment quelqu’un du genre : moins on me voit, mieux je me porte. Je suis dans mon coin. Tout ce temps, j’ai fait ce qui me semblait bon pour moi, et c’est clair qu’il y a un côté vital. J’aime vraiment la musique, je veux faire du son. Et je pense qu’il y a aussi beaucoup d’artistes qui font trop d’interviews et pas assez de musique.

« Moins on me voit, mieux je me porte »

Pourquoi as-tu appelé ton dernier projet STEREOTYPE ? Tu n’as pas peur justement qu’en jouant la carte du secret à fond, ton public et les médias pensent que tu es une construction ou te considèrent comme une sorte de cliché du brun mystérieux ?

Ça fait partie de ma vie. J’ai rencontré plein de gens et j’ai toujours eu l’impression d’être un stéréotype. « Ouais t’es métisse, t’as les filles, tu fais du son, tu fais des soirées… » Beaucoup de gens me font ressentir le truc, et il y a beaucoup de fois où je me sens un stéréotype. Voilà pourquoi j’ai appelé le projet comme ça. C’est un clin d’œil. Et le message c’est aussi de dire : je suis un stéréotype, mais regardez ce que je fais. Si vous voulez me traiter de stéréotype, me mettre dans cette case-là, j’accepte d’en être un, mais regardez bien ce que je fais.

Mais tous ces thèmes que tu abordes : la weed, les meufs, l’alcool, les palmiers, les voitures, est-ce que ce n’est pas une sorte de monde fantasmé, un american dream pour l’avenir ?

Ben non, je suis dedans. J’en parle parce que je suis dedans. Je pense que moi j’ai une façon particulière de le dire, mais sinon c’est ce que tous les gars de mon âge vivent : les relations amoureuses, les drogues que tu prends (si tu en prends), les endroits où tu vas, les gens que tu rencontres, c’est ça. C’est la vie quotidienne.

Je doute que les palmiers et les grosses bagnoles soient un dénominateur commun dans la vie de tout le monde. Après, je ne suis jamais allée à Strasbourg… [rires]

Les palmiers c’est pas à Strasbourg ! Mais c’est mon truc préféré. Je ne sais pas comment t’expliquer… Tout le reste y est. Et si je suis en vacances, je vais me poser sous un palmier, fumer mon joint. Faire mon truc, faire ma ride. C’est juste un mode de vie. Si ton mode de vie c’est les hôtels, Netflix et les cinémas, tu vas parler de ça. Moi c’est de sortir et rider avec mes potes. Partout où on va. C’est pas un endroit, c’est mon monde. C’est ce que je vis. Tu sais, c’est physique. Palmier ça veut dire soleil, et tout ce qui va avec. Qui veut la pluie ? Qui veut la tempête ?

Ce décor unique et, si j’ose dire, ton obsession pour les femmes, tu ne te lasses pas d’en parler ? Ou plutôt, tu n’as pas peur de lasser ton public ?

Je parle naturellement de ce qui m’arrive. Je ne dirais pas « me lasser » mais je dirais que je raconte ma routine. C’est ça qui me parle et qui me fait vivre. J’ai écrit beaucoup de sons où j’étais hors du sujet et j’écris beaucoup d’histoires aussi, comme j’ai fait pour Lolita par exemple. En l’occurrence, je suis sorti de ma routine à moi pour raconter quelque chose et je pense faire plus de sons comme ça dans le futur, j’en ai déjà sur la route là. Mais je ne peux pas m’inventer une vie, je parle de ce qui m’anime.

Il y a un passage qui m’a touchée dans CRUISE, c’est une sorte d’interlude très rapide qui s’appelle « 72h ». C’est comme si tu avais vraiment eu besoin de parler de cette fille, et pourtant tu n’en as pas fait une chanson.

Tout est dit dans le son. C’est que soixante-douze heures, c’est un week-end… C’est une petite relation, donc c’est un petit son !

Quand on regarde les vidéos de tes concerts, on ne voit que des filles dans le public. Quel regard portes-tu sur ce phénomène ?

Est-ce que si je te dis que je préfère qu’il y ait plus de filles que de garçons, c’est une réponse [rires] ? Non… Je pense que je ne suis pas un rappeur français ordinaire. Je parle plus aux filles qu’aux garçons. Et même dans la vraie vie, je parle plus aux filles qu’aux garçons ! J’ai conscience que j’ai des fans, je fais la différence. C’est tout, peu importe les messages, peu importe ce que je reçois, je prends l’amour des fans. J’écris des histoires et je vois bien à qui ça parle. Plus aux filles sans doute parce qu’il y a plus de sentiments que de haine. Il y a un moment où il faut dévoiler ces sentiments-là et moi je le mets en musique donc c’est un rap différent de ce qui se fait aujourd’hui en France. Ça ne revendique aucune violence.

Quand je t’écoute je me dis que t’es passionné par la musique et que c’est ta vie, et en même temps je me demande si tu ne vas pas prendre l’oseille, acheter une baraque à ta mère, une Jeep noire à ton père et tout arrêter.

Non, je vais toujours faire du son je pense. Je n’ai jamais fait du son pour gagner quelque chose. Si je gagne quelque chose c’est vraiment… Je ne pourrais que remercier Dieu et ma famille. C’est eux qui m’ont poussé à faire du son, qui m’ont poussé à me mettre dedans. J’ai fait de la musique avant internet, avant tout ce bordel-là et je ferai toujours de la musique. Après, est-ce que c’est ce que je vais faire pour rassasier mes proches jusqu’à la fin de ma vie ? Je ne sais pas. Mais je suis vraiment passionné par ça. Faire des instrumentales, écrire des morceaux, c’est un truc dont je me suis imprégné depuis bien des années mais j’ai d’autres rêves en tête.

Dans tes chansons, tu évoques la cité, ta sœur, le fond de la classe… Mais on ne sait vraiment pas grand-chose de ton histoire.

Tu ne vas pas trouver aujourd’hui ! Mais oui, j’ai une petite sœur et des grandes sœurs.

Donc la femme a toujours été la figure numéro un dans ta vie.

Ouais, carrément. Et sinon… Il faut écouter les sons. Il faut chercher pour trouver : je viens d’un quartier de Strasbourg, d’une zone urbaine et j’y ai vécu un tas de trucs. Plusieurs collèges, plusieurs relations, plusieurs drogues, c’est tout. Il n’y a pas d’identité, c’est quelque part. Ça s’est passé quelque part. Je ne représente rien.

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Comment en es-tu venu à faire de la musique ?

J’ai commencé à faire des instrus assez tôt. Au début, j’ai reçu un piano, j’avais dix ans, c’était un petit piano où tu ne pouvais pas aligner deux lignes. Après, j’ai fait trois ans de batterie, j’ai fait mon solfège… À moitié… Puis je me suis procuré un gros piano Yamaha et c’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais faire ça. J’ai fait des instrus. J’ai commencé à en faire des dizaines et des dizaines. Avec tous ces sons je me suis dit : « pourquoi je ne mettrais pas ma voix dessus » ? Et ensuite je suis allé en studio. Dans notre ville, tout le monde se connaît : tous les danseurs se connaissent, tous les djs se connaissent, c’est un petit truc. Et moi j’ai toujours été dans le côté artistique de la ville. Par là, j’ai eu l’opportunité d’aller en studio, j’ai fait un premier son, et j’ai commencé à kiffer. J’en ai fait un deuxième, un troisième, un quatrième… Jusqu’à ce que j’en arrive là.

Ton influence R&B vient de cet entourage-là?

Non, elle me vient clairement des Etats-Unis et de tout ce qui se faisait avant. Dans le rap je trouve qu’il y a des instrus vraiment incroyables mais dans le R&B [il prononce air’n’b], j’ai été attiré très tôt par les mélodies et la musicalité. Ça m’a mis un coup. Tu peux dire en écoutant ma musique que j’en ai écouté et que j’en écoute toujours. Je pense que c’est quelque chose de dévoiler ce côté-là, ça a été une grosse étape dans ma vie de mélanger le R&B à ma musique. Mais je sens aujourd’hui que ma musique est faite de ça. Tous les groupes, les boys bands, les Ne-Yo, les Chris Brown, les Omarion, etc., m’ont bercé.

Donc ton freestyle Claude sur YouTube, c’était juste une passade rap ?

Je me disais : « je vois tout le monde qui essaie de rapper et de sortir des flows, vas-y je vais sortir des flows » ! Et c’était surtout que ce soir-là on était… On était défoncés… J’avais ce son-là… Et on était dans le délire… Mon cameraman a proposé qu’on fasse tout de suite le clip. C’était juste un épisode.

C’est l’une des rares vidéos où l’on voit ton entourage. Le personnage que tu crées est assez isolé.

Je suis très solitaire. Je passe beaucoup de temps tout seul et j’ai quelques vrais amis mais on n’est pas du genre à se montrer. Si tu vois mes amis ce sera toujours sous une vidéo calculée. C’est pas « en bas d’un bâtiment et on shoot un clip ». Tu sais, je prends la musique au sérieux et quand je fais une vidéo ce n’est pas pour essayer de représenter quelque chose ou quelqu’un. Mais dans Aquarium on voit aussi mes amis proches.

Tes « pables » ?

Ouais, mes pables, c’était un délire pour Cruise ça.

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Il y en a un qui apparaît régulièrement par ailleurs, c’est Antonin Naim Adjé, alias Hotel Paradisio. Vous êtes un vrai binôme ?

Comment dire… On a connu beaucoup d’époques ensemble. On a une alchimie que je n’ai eu avec aucun autre artiste français jusqu’ici. Parce que c’était pas qu’un artiste que j’ai rencontré comme ça, on est devenu potes d’abord. J’ai réalisé une de ses vidéos, ensuite il a réalisé mes vidéos et puis je l’ai poussé dans le son. En fait, Antonin a toujours fait de la musique mais quand on s’est rencontrés il faisait surtout de la vidéo. Alors on a fait des projets vidéo, on a fait des sons qu’on n’a pas sorti… Et un jour on s’est posé et je lui ai dit qu’il devrait le faire pour de vrai. Je lui ai dit : « Montre-leur, montre-leur ce qu’on vit. Parle-leur de ce que t’as vécu, de ce que tu sais, crée toi ton personnage. » Il en est sorti Hotel Paradisio.

Pourquoi as-tu fait appel à d’autres producteurs sur Mila 809 alors que tu es toi-même beatmaker ?

Je n’ai pas vraiment fait appel à d’autres producteurs. C’est pas une histoire de labels, j’ai le mien de toutes façons, Rose Moon. Ce sont des rencontres que j’ai faites, ça part sur un « j’aime bien ce que tu fais, on devrait faire un truc ». C’est feeling sur feeling. Twinsmatic, ça fait longtemps que je travaille avec eux, notre premier son c’était Loft je crois, mais des années avant on avait déjà travaillé ensemble, avant qu’ils travaillent avec Booba. Et avec Dany [Synthé, NDLR], c’était un autre feeling. J’ai signé avec ma manager [Anne Cibron] donc je l’ai rencontré. J’ai toujours apprécié les beatmakers en France, ils font beaucoup de trucs différents. Dany a travaillé pour Gims, Mister You, Florent Pagny… Moi c’est ce qui me fait kiffer. Quand on s’est retrouvé en studio c’était vraiment naturel, on a fait Lolita assez rapidement. C’était une opportunité de faire un morceau avec lui, c’était lourd ! La vibe était bonne.

Tu te sens proche des autres artistes du moment ?

[Il fait non de la tête.]

Tu te sens seul alors ?

Ouais, je me sens seul et c’est ce qui me fait kiffer.

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La mode est peu fidèle. Chaque année, les tendances se dessinent, s’affirment, se vulgarisent. Puis se défont, se balayent, se démodent. À rebours des cycles usuels, pourtant, le style militaire rapplique chaque saison comme un marronnier. Partout, ici, chez Yeezy et Off-White, ou là, chez Valentino et Balmain. Imprimé camouflage, parkas, bombers, vestes de soldat, pantalons cargo, ceintures sangles, nuances kaki ou sable… ont pris d’assaut les vestiaires street comme luxe. Aujourd’hui, les inspirations commando conquièrent toujours plus de terrain, subtiles, ludiques ou radicales. Décryptage.

C’est un sac pochette en nylon, harnaché comme un gilet de combat. Le « chest rig bag » d’Alyx se promène au cou de la hype. Kanye West, A$AP Rocky ou Ian Connor. Parmi les pièces signature de la marque, il y a cette veste militaire multi-poches, aussi, portée par Lord Flacko et Skepta. Ces derniers mois, alors qu’on croyait vouloir adoucir, presqu’oublier, les symboles, à coups de motifs treillis arty ou fleuris, de pantalons camouflage ultra colorés ou de vestes d’officier anoblies, de nouveaux produits style utilitaire, plus bruts, plus littéraux, gagnent en cote. Pourquoi l’habit martial nous fascine-t-il autant ?

Tout a vraiment commencé dans les sixties, avec le retour des premiers GI’s du Vietnam. Aux Etats-Unis, des centaines de milliers de personnes descendent dans la rue pour tonner contre la « sale guerre ». Dans leurs rangs, une foule de combattants en uniforme. C’est comme ça que, sur une image symbolique, l’imprimé camouflage et le vêtement militaire se font emblèmes de la résistance anti-guerre. Dans les années suivant la fin du conflit, les milieux alternatifs type punk ou hip-hop (à l’image de Public Enemy) détourneront à leur tour l’uniforme en signe de rébellion et de protestation. Une façon de s’opposer aux élites, à l’establishment. Un geste anarchiste. À l’époque, de surcroît, les excédents de pantalons et vestes army se revendent pour une bouchée de pain, aux puces et dans les magasins de surplus. Et tiens qu’ils se propagent dans la société civile.

Si Yves Saint-Laurent imaginait dès 1971 une robe du soir camouflage pour sa collection « Occupation », c’est bien le streetwear qui vulgarisa le genre. Avec le vestiaire fonctionnel de Dickies et Carhartt, mais aussi le camo revisité de Stüssy ou BAPE. Le label de Nigo déclina le premier le motif dans des camaïeux criards, roses, violets, bleus ou oranges, en y fondant ses gueules de singe iconiques. Le prêt-à-porter, qui se nourrit depuis toujours des contre-cultures, s’empressa de se réapproprier la tendance, qui infuse aujourd’hui chaque défilé. Les influences militaires se sont démocratisées au point de se vider de leur sens. Ça s’habille en guerrier pour le côté mode, mais aussi pratique. « Cela traduit une envie de revenir à la fonction première du vêtement : des produits résistants, utilitaires et protecteurs, qui nous permettent d’arpenter la ville ‘sans risque’, observe Sophie Roux, styliste senior pour le bureau de tendances Nelly Rodi. Des produits comme le chest rig bag ou le sac banane sont des accessoires qui facilitent le mouvement, suppriment les contraintes et apportent une protection en venant sur le devant du corps. » Malgré tout, le style army ne peut pleinement renier et se défaire de ses origines martiales.

La mode est une éponge. Elle absorbe l’air du temps, les changements sociétaux, le climat social. Derrière le propos esthétique, elle reflète et documente l’actualité. Depuis que les tours du World Trade Center se sont effondrées en 2001, tout a changé. La violence, le terrorisme et les conflits armés habitent notre quotidien et notre psyché. Inconsciemment, peut-être, ils conditionnent les façons de penser et de créer. Les collections en portent les stigmates. La mode est une éponge. Têtues, les injustices deviennent de moins en moins supportables. Partout, des voix se lèvent et des doigts se pointent pour dénoncer, contester. Aujourd’hui, toujours, le port du vêtement militaire reste symbole de revendication, pour « une jeune société de plus en plus activiste, sans obligatoirement être violente », selon Sophie Roux.

Le military gear a ce truc imposant, aussi. Cette manière de fortifier, de rassurer, presque d’élever. Icône absolue de puissance et de virilité, il permet de s’affirmer. Chez les femmes, il exprime et muscle le caractère. « Une attitude ‘warrior’ se dégage : la femme s’affranchit, et est en demande de produits pratiques typés masculins, ou du moins initialement réservés à un public masculin, analyse Sophie Roux. L’empowerment au féminin lui permet d’assumer le besoin et l’envie d’acquérir du pouvoir. Et cela passe par des pièces qui lui offrent cette assurance. »

« D’ici un an ou deux, la mode sera terminée, on passera à autre chose », nous soufflait un vendeur du Surplus Store de Venice Boulevard, à Los Angeles, en toisant des pantalons camo multicolores. Le bonhomme se trompe. Le style commando a dépassé le goût du jour, la tendance passagère, pour s’ancrer comme une influence pérenne. Dans les années à venir, il ne cessera d’inspirer, de muter, de se renouveler. Le combat continue.

Peu avant la sortie de Vréel 3, Kekra marquait de nouveau les esprits en envoyant le visuel rétrogaming de « Tout Seul ». Ses auteurs, Biscuit Studio, nous ont décrypté sa réalisation complexe, à travers les multiples références qui s’y sont cachées. 

Quand il s’agit de mettre ses morceaux en images, Kekra – à l’instar de PNL – nous avait habitué à parcourir le monde, explorant à chaque visuel une nouvelle partie du globe. Le Courbevoisien a d’abord posé ses valises en Thaïlande, où était tourné le clip de « Pas payé », avant de sillonner les rues de Tokyo (« Méfiant/Lequel », « 9 Milli », « Rap de Zulu »), puis de s’envoler pour Lomé (« Sans visage »), Miami (« Intermission ») ou encore Kingston (« Pull Up »). Cet interminable voyage avait appris aux fans du rappeur masqué à s’attendre à être surpris dès lors qu’une nouvelle frappe était annoncée. Sauf que la routine, l’habitude et les expectations sont précisément le genre de facteurs qui atténuent une éventuelle surprise, et Kekra en sait probablement quelque chose.

C’est sans doute pourquoi le rappeur « sans visage » a désigné le Biscuit Studio pour illustrer « Tout Seul », extrait de Vréel 3, sorti le 23 novembre dernier. Fini les plans larges en bord de mer ou sous les palmiers, place aux animations 2D qui font de Kekra le héros solitaire mais impitoyable d’un jeu vidéo rétro. Avant d’être sollicité par l’artiste originaire des Hauts-de-Seine, la petite équipe du studio Biscuit avait déjà fait parler ses talents auprès d’Oxmo Puccino ou de Rim’K. Pour YARD, ils ont évoqué ce qu’ils décrivent comme « la mise en image de [leurs] rêves de gosse des années 90 », le tout agrémenté de croquis exclusifs ainsi que d’une vidéo retraçant les nombreuses références utilisées à travers leur réalisation.

« On fait très peu de clips, parce qu’on privilégie une vraie rencontre avec un artiste et son univers, plutôt que la bonne vieille commande de dernière minute, quitte à n’en faire qu’un tous les ans voire tous les deux ans. On a travaillé « Tout seul » en se demandant si on aurait envie de jouer à ce jeu, si on se déplacerait pour aller acheter une copie. Étant de gros joueurs depuis la SNES, on l’a d’abord réfléchi en gameplay, en level design et surtout avec nos souvenirs de gosses, de toutes ses heures à s’user les doigts et les yeux sur une manette. Alors évidemment, on est bien loin d’un vrai jeu avec toutes ses mécaniques. Mais on a essayé d’éviter au mieux le piège du clip qui tape dans les codes du jeux vidéo uniquement pour le gimmick. »

« Pour s’appuyer sur des références solides, on est allé chercher du gros classique de l’ère 8/16 bit en plus de deux-trois clin d’oeil à certains films. On a pioché dedans ce qui pouvait faire sens en terme de gameplay dans l’aventure qu’on voulait raconter, et faire d’une pierre deux coups pour des petits hommages ici et là. »

« C’est un taf très long que de faire un clip en animation. Ça implique de l’écriture, beaucoup de recherches sur les persos et les décors, ainsi qu’une vraie réflexion sur les mécaniques, sur le rythme. C’est un travail très différent d’un tournage classique de clip où beaucoup de choses se jouent sur une ou deux journées de shoot. »

« On travaille les scènes petit à petit : en storyboard d’abord, ensuite en pré-animation, puis vient l’animation et finalement toute la postprod’ (étalonnage, FX, etc). Finalement, tu te rapproches du fonctionnement en version miniature d’un tournage de film plus classique, où toutes les étapes peuvent (et doivent) être montrées en amont, validées et retravaillées si tu veut pas animer dans le vent. »

« Pour résumer ce clip : c’est la mise en image d’un titre qu’on kiffe, d’un artiste fascinant et de nos rêves de gosse des années 90. »

Double impact. Le jeudi 29 mars 2018, les épicuriens Caballero et JeanJass ont quitté le plat-pays pour les hauteurs de Paris, au pied de la butte Montmartre, où ils avaient rendez-vous avec leur public à La Machine du Moulin Rouge, qui affichait complet pour l’occasion. Les deux Belges, qui viennent d’annoncer leur troisième projet commun, Double Hélice 3, le 1er juin prochain, ont célébré devant leurs fans parisiens leur toute fraîche signature chez Polydor et leur succès grandissant. Fins gourmets mais jamais fines bouches, Caba et JJ nous ont invités dans les coulisses de leur concert où ils n’ont pas manqué de flex à la belge, entourés d’un plateau d’invités de choix. On se comprend.

Vidéo : @lecomiteproduction

Deux hommes autour d’une table, une interview à double sens. Nous avons organisé une rencontre entre l’humoriste Alban Ivanov et le rappeur Guizmo, pour comprendre un peu plus ce qu’était un artiste en 2018, tout en opposant deux manières de partager son art. Nous pensions adosser rires et pleurs, mais nous nous sommes trompés.

Beatmaker : François Bucur

Alban Ivanov, humoriste, 33 ans, a grandi dans les Yvelines. Guizmo, rappeur, 27 ans, est natif de Villeneuve-la-Garenne. L’un se plait à faire rire, l’autre ne peut faire autre chose que de se confier. La fusion des deux hommes ne pourrait être qu’un clown triste. Enfin, c’est ce que nous pensions au moment où nous avons proposé aux deux artistes, qui semblaient opposés, cette rencontre au Pop-Up du Label, à Paris. Une interview croisée où nous proposons à l’humoriste et au rappeur de s’imaginer dans la peau de l’autre, et d’échanger sur leur conception de « l’artiste » en 2018. Mais ça, c’était avant que l’ensemble ne nous échappe.

Lil Skies fait partie de ses artistes dont personne, ou presque, ne connaissait le nom il y a dix mois de cela. Deux tubes plus tard, le jeune Américain de 19 ans s’est imposé dans le cercle des nouveaux phénomènes du rap US, non loin des Lil Pump, Lil Xan, Smokepurpp, Trippie Redd et consorts. Pourtant, le parcours de Lil Skies détonne et le place en marge de cette liste. Et si tout allait trop vite ? Et si la chute succédait à l’élévation ? Rencontre avec un kid qui, emporté par son élan, doit tout faire pour ne pas se brûler les ailes.

« Lil Skies, le ciel comme seule limite. » Le titre était tout trouvé. Il faut dire qu’avec une gueule d’ange scarifiée à une dizaine de tattoos, une compréhension parfaite des codes du rap de 2018 et une vraie histoire à raconter, Lil Skies semblait tout avoir pour être le nouvel élu. Le nouveau champion des mélomanes des Internets. Là où certains luttent pour avoir le tube qui les propulsera au-dessus de la masse – celle où sont regroupés les rappeurs en-dessous des deux millions de vues, en gros -, Skies peut même se targuer d’avoir, fin mars 2018, deux bastos à 70 et 60 millions de vues : « Nowadays », produit par le français CashMoneyAp, roi sans couronne du type beat, et « Red Roses » en featuring avec son acolyte Landon Cube. Deux tubes qui lui permettent de remplir des salles partout aux U.S.A et d’envisager une tournée européenne – en 2018, il ne faut guère plus. Et tout ça avant 20 ans.

Peut-être que le scénario était trop beau. Ce vendredi 9 mars, nous attendons Lil Skies dans une chambre du Grand Amour Hôtel, dans le quartier de Pigalle, à Paris. Son parcours nous intéresse, nous rend curieux. Curieux de voir si l’artiste est en lui-même aussi intéressant que l’est son trajet, trajet qui fait de Lil Skies tout sauf un overnight success : être un rappeur reconnu a toujours été son choix de carrière, sa vocation. Depuis son plus jeune âge, il n’a jamais concentré son énergie sur autre chose. C’est ainsi que nous démarrons notre entretien avec le jeune Américain en mentionnant la sortie de la chroniqueuse Christine Angot, dans l’émission On n’est pas couché du 17 février dernier. « Je pense que pour tous les artistes, être artiste, c’est toujours un plan B, avait-t-elle affirmé. Devenir artiste, c’est toujours ne pas avoir pu faire ce que l’on pensait faire quand on était petit, avocat par exemple ou médecin […] c’est toujours le résultat au fond d’un échec. » Beaucoup de parcours pourraient lui donner raison, mais surtout pas celui de Lil Skies. « C’est idiot, ça n’a aucun sens, lâche-t-il dans un soupir quand nous lui demandons son avis sur le sujet. Peut-être qu’elle pense que c’est plus facile d’être artiste, de faire de la musique.« 

Mon succès n’est pas venu du jour au lendemain.

Et c’est vrai que ça n’a pas été particulièrement facile pour lui. Contrairement à bon nombre de ses « petits » frères, Lil Skies charbonne depuis des années, ce qui rend son parcours relativement atypique dans le game des rappeurs à particule. Parce qu’à seulement 19 ans, Kimetrius Foose, de son vrai nom, peut se targuer d’enchaîner les rimes depuis une quinzaine d’années. Une histoire que Lil Skies raconte à chaque interview ou presque ; nous lui avons épargné cela, considérant que nous étions en mesure de le conter nous-même.

Kimetrius a été initié à la musique par son père, Michael Burton, Jr., qui rappait sous le nom de Dark Skies – pas besoin de vous faire un dessin. C’est en cela que Skies a commencé à écrire des chansonnettes à l’âge de 4 ans, que son daddy cool lui a même fait enregistrer en studio. Début 2010, le père de Kimetrius est gravement blessé dans une explosion chimique sur son lieu de travail : dans les années qui suivent, les deux Skies enregistrent un album, Father-Son Talk, avec comme thème central la convalescence du daddy. Nous sommes en plein boom du backpack rap et Kimetrius baigne en plein dedans, s’essayant à la rime rapide sur des beats made in Garage Band. C’est atroce – à vous de taper “Live 4 The Moment” sur YouTube -, mais c’est loin d’être un mauvais entraînement pour apprendre à rapper dans les temps. C’est aussi à peu près le moment où il déménage à Waynesboro, en Pennsylvanie. Une bourgade rurale de 10 000 habitants qui le pousse à trouver un deuxième père : Internet. Et en plein milieu des années 2010, dans la construction d’une future star, ça a son importance : isolé dans une chambre, biberonné à la transcription virale d’une culture en pleine explosion, Lil Skies, casanier forcé, trouve sa fenêtre ouverte sur le monde. Mieux : l’ennui le pousse à se transformer en éponge, à s’imprégner des codes d’un monde qu’il ne voit qu’à travers un écran 13 pouces, et à occuper ses journées en les reproduisant avec un acharnement certains. Tantôt il se prend pour ScHoolBoy Q, tantôt il se prend pour Joey Badass, tantôt un mélange des deux. « I’ll take you back to the nineties, I’m a nineties’ baby. » Ouch. Une vidéo « Day in the Life« , réalisée par un média local, met des images sur cette période de transition pour un Skies visiblement influencé par l’omniprésent Drake, période 2014.

« Mon succès n’est pas venu du jour au lendemain, je suis resté concentré sur mes objectifs et après deux, trois ans, ça a fini par payer. » La carrière du Lil Skies nouveau démarre véritablement en 2015, sur Soundcloud évidemment, puis en août avec la publication du morceau « Lonely » sur YouTube – après « Hurt » en janvier, une ultime tentative pas forcément foireuse du rappeur qu’il fut. Les contours artistiques de ce qu’il deviendra se dessinent. Mais c’est surtout « Da Sauce« , publié presqu’un an plus tard, et « Fake« , début 2017, qui attireront l’attention de deux incubateurs de talents qui propulseront la carrière du bonhomme : les vlogueurs de CUFBOYS, proches de Landon Cube, un autre artiste en développement à l’époque, et la chaîne YouTube ELEVATOR (1,1 million d’abonnés) qui publiera son morceau « Rude » en juillet 2017, lui offrant une exposition sans précédent. Suffisamment pour que la curiosité de l’amplificateur Cole Bennett soit attisée. Boom.

Être drafté par Cole Bennett de nos jours équivaut (presque) à une sélection en équipe nationale. L’influent Cole, jeune vidéaste et entrepreneur chicagoan d’à peine vingt ans, est aujourd’hui l’une des pierres angulaires du succès monumental des jeunes stars du rap. Une flopée d’enfants des Internets catapultés du jour au lendemain dans une autre dimension. D’ailleurs, parmi tous les rookies ultra boostés par Cole BennetT, un nombre non-négligeable d’entre eux viennent, comme Lil Skies, de villes ne dépassant pas les 200 000 habitants. Ski Mask The Slump God et Lil Pump sont certes de Miami, Smokepurpp et Famous Dex de Chicago, mais Lil Xan vient lui de Redlands (Californie), Trippie Redd de Canton (Ohio) et YBN Nahmir de Birmingham (Alabama). Des éponges ayant passées une majeure partie de leur jeune adolescence dans les bas fonds de SoundCloud et de YouTube à en assimiler les rouages – un profil qui semble être propice au succès en 2018.

Maintenant, il s’agit de ne pas rater le coup de pouce proposé par Cole Bennett. Skies enregistre alors « Red Roses », puis propose à Landon Cube d’ajouter son timbre sur le morceau. Les deux jeunes artistes enregistrent le track à nouveau, puis une nouvelle fois, et une fois encore, jusqu’à ce que le morceau devienne pire qu’entêtant. La voix chantée et la sensibilité rock de Cube apportent la petite touche qui faisait défaut à la musique de Skies, et l’imagination de Cole Bennett met parfaitement en image ce qui s’impose comme un tube. Aujourd’hui, « Red Roses » approche les 60 millions de vues. Le deuxième morceau du duo, « Nowadays », se rapproche des 70 millions. Et Lil Skies a signé chez Atlantic Records. « Oui, il y a une part de chance, nous confie-t-il. Tu dois avoir un hit, et tout le monde n’arrive pas à avoir ce hit qui te permettra d’exploser et de t’inscrire sur la durée. Beaucoup de gens travaillent énormément pour devenir des artistes reconnus.« 

Autant d’éléments qui rendent Lil Skies intéressant, plus d’ailleurs qu’une grande majorité de rookies de l’écurie Cole Bennett, et qui vont contre le concept de plan B cher à Christine Angot. La définition de l’artiste donnée par la chroniqueuse est d’ailleurs très française, et globalement dépassée quand appliquée à des rappeurs qui se tatouent les tempes et les pommettes avant même d’être majeur, pour réduire le champ des possibles et s’empêcher d’être contraint de devenir ce qu’ils ne veulent pas être : des quidam, avec une vie normale, probablement heureuse, mais relativement banale à côté de celle promise aux stars du rap de demain. Lil Skies s’est tatoué « Fate » et « Destiny » sur les deux côtés du visage bien avant « Red Roses », histoire de passer un contrat avec lui-même : « J’étais encore au lycée quand j’ai commencé à me tatouer le visage, ce n’était pas rien. Et oui, tu sais que quand tu tatoues le visage, tu n’auras pas beaucoup d’options au niveau des jobs. Tu peux te retrouver à la rue, condamné à faire des trucs de merde pour survivre. Mais c’est un état d’esprit : je vais me tatouer le visage parce que je vais réussir. Il y a certaines choses qu’on ne peut pas me dire, parce que je suis sûr de moi et de là où je veux aller. Pas de marche arrière possible. »

Un état d’esprit partagé par nombre de rappeurs aujourd’hui, évidemment influencés par les carrières sans compromis de Lil Wayne ou The Game, qui arboraient des face tattoos dès 2004 (cf. « Soldier » et « How We Do »), ou plus récemment Gucci Mane, Young Thug et Lil Uzi Vert. « J’ai eu un boulot pendant quatre jours, de la mise en rayon à Bottom Dollar, et je ne pouvais pas le faire, a expliqué le dernier cité en interview pour The FADER. Je ne suis pas normal, je me demandais constamment pourquoi je faisais ça. » Après avoir démissionné, sa mère le met à la porte. Uzi décide alors de se faire encrer « Faith » sur le front. « Avec ce tatouage sur le visage, je n’avais d’autre choix que de me concentrer. Je ne pouvais plus entrer dans le bureau de personne avec un costume et cette merde sur ma gueule. Je dois me concentrer sur ce que je veux faire. » Plan A.

Concentré et bosseur, Lil Skies a donc tout mis en oeuvre pour réussir. “J’ai beaucoup bossé. Je n’aime pas m’en vanter, je laisse les gens penser ce qu’ils veulent. Je me contente de faire ce que je sais faire, je ne ressens pas le besoin de me justifier. Et tout le monde devrait faire de même. Pour être quelqu’un, pour être un artiste, tu dois le faire à ta manière. Ça ne peut pas marcher autrement – être quelqu’un d’autre, reproduire la vie d’un autre, ce n’est pas cool.” Son premier véritable projet, Life of a Dark Rose, sorti en janvier 2018, est l’aboutissement de toutes ces années de charbon. Le parcours de Skies et sa faculté à s’essayer, année après année, aux différentes tendances rapologiques dominantes, permettaient d’espérer un disque varié où morceaux rappés, excentricitées autotunées et productions trap expérimentales se mélangeraient dans une farandole appréciable. 14 morceaux et 40 minutes d’écoute plus tard, la mixtape est, malheureusement, plutôt tiède. Un projet pas franchement à la hauteur du CV du jeune artiste, dans lequel seuls ses associations avec Landon Cube sortent l’auditeur d’un relatif ennui. Déception.

Si je meurs demain, je ne veux pas que les gens prétendent aimer ma musique. J’aimerais juste disparaître. Mais je sais que ce n’est plus possible.

Non, on ne peut juger un artiste d’à peine 20 ans sur la qualité de sa première mixtape – quoique. Le potentiel de Lil Skies est évident, mais l’on en vient à se demander si son histoire n’est pas plus intéressante que l’artiste en lui-même. Un questionnement auquel nous espérons répondre en le rencontrant donc, ce vendredi 9 mars. Mais là encore, la déception est double : aucun de ses mots, aucune de ses réponses n’apportent un éclairage supplémentaire sur ce que l’on sait déjà. Au point de se demander s’il y a vraiment quelque chose d’autre à savoir. Il est pourtant évident qu’il y a beaucoup à apprendre sur la philosophie de vie d’un adolescent symbole d’une génération plus YOLO que jamais, qui ne pense jamais à demain et qui n’hésite pas une seconde à se tatouer une rose de 20 centimètres sur la joue. « Ma mère aimerait que j’arrête de me tatouer le visage, parce qu’elle me trouve beau. Elle a l’impression que je m’enlaidis. Je suis son aîné, elle a un peu de mal à comprendre mes choix. Mais j’ai toujours été un bon garçon, donc elle me fait confiance : elle sait que je ne vais pas foutre ma vie en l’air.« 

Et si demain, après-demain, l’année prochaine ou dans dix ans, Lil Skies a envie de faire autre chose ? Et si ça ne marche plus pour lui ? D’ailleurs, combien de rappeurs qui ont donné jusqu’à leur corps pour réussir, seront encore au coeur des discussions à l’horizon 2020 ? Quel sort leur est-il réservé ? Quelle place ? Pourquoi le futur les effraie si peu ? « Si, j’ai peur du futur« , nous répond-t-il avant de marquer une pause. Un pigeon se pose sur la fenêtre, entrouverte. Il interrompt le partage de sa pensée, le fixe, et esquisse un sourire. Silence. « Il ne sait pas s’il peut rentrer ou non. » Silence. Plus tôt dans l’entretien, il nous avait confié aimer les animaux, parce qu’ils n’étaient pas « humains« . Nous lui avions demandé de développer. « Leur énergie est différente« , s’était-il contenté de répondre. Il reprend difficilement son propos. « Oui, j’ai peur du futur. J’y pense tout le temps. C’est terriblement angoissant. C’est pour ça que j’essaie de ne pas y penser. Je veux tellement que mon futur soit radieux que ça en devient angoissant. Tout ce que je fais maintenant, je le fais pour demain.« 

Au fur et à mesure que l’entretien progresse, le questionnement évolue. Il devient personnel, générationnel, plus global. Et si c’était ça, un artiste ? Et si nous avions tort d’essayer de rationaliser l’irrationalisable ? Et si cette génération d’artistes inspirés, indirectement ou non, par le club des 27, désireux de vivre chaque jour à 300 % sans jamais s’inquiéter de ce qui terrorise 98 % des Hommes du monde occidental, s’exprimait mieux à travers sa musique et ses publications Instagram que devant un dictaphone ? Pourquoi ce gamin de 20 ans n’est-il pas excité d’être à Paris, dans un bel hôtel de Pigalle, au moment où sa carrière explose enfin ? L’Europe est-elle toujours une terre de ploucs pour ces kids ? Où alors est-ce le monde réel, plus généralement, qui n’intéresse plus les gosses d’Internet ? « Les drogues sont responsable du conflit générationnel qu’il peut y avoir entre la génération de nos parents et la nôtre, nous explique-t-il, précisant qu’il ne se drogue pas, à l’exception de la weed. Il y a trop de trucs pourris dans le monde, trop de trucs qui ne tournent pas rond, et chacun gère cette merde comme il le peut. C’est pour cela que les drogues sont aussi importantes dans notre culture – et ça craint, ne me faites pas dire le contraire. D’une certaine manière, le monde progresse et régresse en même temps. » Une quinzaine de jours après notre entretien, Lil Skies a d’ailleurs annoncé sur Twitter ne plus vouloir donner d’interview.

« Nous avons une vie totalement différente de celle de nos parents. Surtout, nous avons de quoi filmer et garder une trace de tout ce que nous vivons, et de le partager. C’est surtout ce qui nous différencie – nous avons plus facilement accès à tout. » Peut-être que nous savions tout de Lil Skies avant de le rencontrer. Peut-être est-ce pour cela qu’il n’y avait rien à savoir de plus. Comme il le dit lui-même à demi-mot, son existence entière est accessible publiquement. De ses après-midis avec sa petite soeur sur le parking de sa baraque à ses premiers pas gênants dans le rap, de ses virées avec les vlogueurs hyperactifs de CUFBOYS à ses coups de téléphone avec Gucci Mane. Tout y est, et tout y restera. « Si je meurs demain, je ne veux pas que les gens prétendent aimer ma musique. J’aimerais juste disparaître. Mais je sais que ce n’est plus possible, parce que mes fans sont dingues et qu’ils feront en sorte que mon héritage se perpétue.« 

Si Jay-Z a pu être derrière les succès plus ou moins important de Stance, JetSmarter, Devialet ou encore Uber via la société Roc Nation qu’il fonde en 2008, son dernier investissement en date relève d’une cause bien plus noble que l’enrichissement passif. Avec Promise, Hova souhaite garantir à des millions d’Américains la « liberté et la justice pour tous »

En novembre dernier, le rappeur new-yorkais profitait d’une tribune dans le New-York Times pour faire entendre sa colère au sujet de l’incarcération abusive à laquelle Meek Mill faisait, une nouvelle fois, face. Selon lui, le sytème juridique américain « piège et harcèle des centaines de milliers de jeunes noirs tous les jours », surtout le système probatoire, qui au lieu d’être une seconde chance n’est finalement « qu’un champ de mines, où n’importe quel faux pas amènent des conséquences encore plus lourdes que le crime commis ». D’abord outré par la décision du juge de condamner son homologue philadelphien à 4 ans d’emprisonnement, Jay-Z étend le débat autour d’un problème nettement plus large et profondément enraciné dans la culture du pays : la condition et le traitement réservés aux Noirs face à la prison. « En 2015, sur 4,65 millions d’Américains étant en liberté conditionnelle ou liberté provisoire, plus d’un million et demi étaient Noirs. Ces dernières sont envoyées en prison pour violation de leur liberté conditionnelle à un degré beaucoup plus fort que les personnes blanches. » Pour Jay-Z le constat est clair, les Etats-Unis pourraient littéralement « fermer des prisons si on traitait les gens en probation ou libérés sur parole plus équitablement ».

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Éteint à ce sujet depuis plusieurs mois, ce n’était finalement que pour mieux se préparer à l’affrontement. Annoncé comme l’un des principaux investisseurs de l’application Promise, initiée par Diana Frappier et Phaedra Ellis-Lamkins, l’ancienne activiste et manageuse de Prince, Jay-Z tend à aider pour que les choses changent enfin. Le projet est simple mais fondamental : pendant la période précédant le jugement, l’application assiste les individus qui ne peuvent pas payer de caution. Avec Promise sur son téléphone, chacun reçoit un calendrier des obligations auxquelles il doit se soumettre, à savoir les passages à la cour ou les dépistages, ainsi que des rappels adaptés pour les aider à bien prendre en compte ces obligations. De plus, l’application donne des coordonnées et des références à partir des besoins individuels, comme des formations professionnelles, de l’aide au logement, des conseils ou une assistance. Si les moyens précis utilisés par Promise pour atteindre ces objectifs sont pour l’instant encore flous, le récent apport financier de Jay-Z risque de balayer tous les doutes possibles quant à son fonctionnement. Dans un communiqué officiel, il ajoute à son tour que « de l’argent, du temps et des vies sont gâchés avec les politiques actuelles » et « qu’il est temps qu’une technologique innovante et progressive offre des solutions durables à de gros problèmes ».

Ce n’est pas la première fois que des citoyens se lèvent contre les injustices passives et discrètes orchestrées par la justice américaine lorsqu’il s’agit de personnes noires. Dernièrement le gouverneur de Pennsylvanie Tom Wolf était lui aussi monté au créneau suite à l’incarcération de Meek Mill : « Notre système juridique et carcéral a besoin d’être réparé. C’est pourquoi mon administration a fait l’effort d’investir dans des programmes qui détournent les individus du système, améliorent la sécurité publique et promeuvent la justice. » Il faut dire qu’outre-Atlantique, les prisons sont surchargées. La criminalité dans certaines villes, comme Chicago par exemple, ne cesse d’augmenter année après année et le gouvernement américain ne semble toujours pas enclin à trouver de solutions efficaces. De là surgit l’ironie de la situation, car si les politiques se trouvent être dans l’incapacité de résoudre les situations dont ils doivent assurer la bienséance, il semblerait au contraire que les rappeurs, alors mêmes qu’ils sont les cibles habituelles du système, tendent à se creuser la tête pour faire le travail à leur place. Sans doute car, eux, ont été confronté à la réalité de la prison d’une manière ou d’une autre. Cette situation n’est d’ailleurs pas étrangère à Jay-Z.  Quelques semaines avant que son quatrième album Vol.3… Life and Times of S. Carter ne sorte officiellement, il avait lui-même été au centre d’une affaire d’agression au second degré. Libéré après avoir payé 50.000 dollars de caution, il risquait pas moins de quinze ans de prison ferme. Clamant son innocence, il souhaitait se défendre devant le juge sans accepter aucune éventualité d’accord, avant de finalement retourner sa veste et plaider coupable de peur d’un procès tendu et difficile de par la gigantesque médiatisation qui en découlerait. Sans oublier qu’aux Etats-Unis, si l’on demande un procès et que l’on est jugé coupable, la peine en amont n’en devient que plus sévère.

« Notre système juridique et carcéral a besoin d’être réparé »

Peut-être que cette expérience l’a convaincu très tôt du traitement ardue auquel font face pléthore d’américains. S’il a pu payer sa caution sans problème c’est aussi qu’il profitait d’une nouvelle richesse au travers du succès de ses trois derniers albums, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour tous les jeunes qui se retrouvent devant la justice, d’autant plus s’ils sont Noirs. En réalité, le récent activisme de Jay-Z au sujet de l’incarcération de Meek Mill n’est qu’un écho du passé. À l’automne 2016, il s’était déjà levé contre les injustices désastreuses du système carcéral américain, ces mêmes injustices qui avaient causé la mort du jeune et tristement célèbre Kalief Browder dont l’histoire est invraisemblable. Retour en 2010, Kalief rentre chez lui accompagné d’un de ses amis. Sur la route, deux policiers les arrêtent. Un homme a signalé aux autorités que deux jeunes viennent de lui voler son sac. En vérité, il s’agit du sac de son frère. Pour régler la situation, le premier homme ment aux autorités et accuse Kalief et son ami comme les auteurs des faits. Fouillés sans raison, ils sont ensuite emmenés au poste de police. À son arrivée devant le juge, Kalief plaide non-coupable, mais il n’y a pas de témoin. Ce qui semble être la chose logique à faire quand on est innocent se révèle être une bombe à retardement ; le prix de la caution monte de 3.000 à 10.000 dollars, le piège se referme.

Dans l’incapacité naturelle de payer une somme aussi exorbitante, la mère de Kalief voit son fils partir à Rikers Island pour une durée de trois ans. Tout ça pour un crime, on le rappelle, qu’il n’a pas commis. Le monde de Rikers Island est un environnement violent, où les nouveaux arrivants ne se font une place que s’ils sont affiliés aux gangs locaux ; ce n’est pas le cas du jeune Browder qui se retrouve être le souffre-douleur des détenus et des gardes, tout aussi brutaux. Les échanges avec la justice ne changent rien. Les juges cherchent inlassablement à contacter celui qui a déposé la plainte sans jamais le trouver. Alors Kalief est condamné à purger sa peine, coupable malgré lui. Trente et une auditions plus tard, il est libéré en juin 2013, et alors même que ceux qui le côtoyaient regagnaient espoir et qu’il annonçait lui-même vouloir reprendre ses études, sa mère le retrouve pendu dans leur jardin. Juin 2015. Les Etats-Unis n’en reviennent pas, Barack Obama, encore président de la république, promet de changer les choses mais la fin du mandat est proche. Jay-Z est révolté, naturellement ému et profondément en colère. Il contacte donc la Weinstein Company et propose à son dirigeant Harvey, alors loin du tourbillon médiatique actuel, l’idée d’écrire et réaliser une série documentaire sur ce qu’a vécu Kalief Browder. L’Amérique n’oubliera pas, elle n’en a pas le droit. Producteur exécutif, Jay-Z passe de la révolte à l’activisme et honore la mémoire de Kalief en brandissant son histoire comme une tragédie, la prophétisant pour qu’elle puisse servir d’électro-choc. La série est aujourd’hui toujours disponible, offrant au défunt Browder une postérité nécessaire et à l’image du combat qu’il a lui-même mené pendant les deux ans qui séparent sa sortie de prison de son triste suicide. Un combat contre le système carcéral dont il a été victime, contre cette Amérique qui promet monts et merveilles, une égalité de chances et la liberté pour tous, mais qui enferment constamment sa population dans un modèle de justice qui se métamorphose en fonction des classes sociales.

Nous sommes en 2018 et les lois restent inflexibles. Le système judiciaire et carcéral des Etats-Unis piège encore et toujours des dizaines de milliers de jeunes au travers d’un racisme institutionnel maquillé. Avec la récente incarcération abusive de Meek Mill, Jay-Z montre au système qu’il ne compte pas se décourager aussi aisément. Avec son investissement sur le projet Promise, il revient à la charge et semble être éternellement prêt à ce que les choses changent pour le mieux. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que l’application devienne l’assistance indispensable à laquelle ses fondateurs aspirent pour toutes celles et ceux en difficulté quotidiennement. Et qui sait, sans doute même qu’elle sera le point de départ d’un nouveau système de probation adapté, plus juste, plus équitable et plus égalitaire, afin d’empêcher que des dizaines de milliers d’individus se retrouvent dans la même situation que Meek Mill depuis bientôt dix ans : lâchés dehors, emprisonnés de ses propres mouvements, dans l’incapacité de vivre décemment, sous l’oeil attentif des autorités locales qui attendent le moindre faux-pas pour agir.

À l’occasion de la récente sortie de sa première mixtape Day69, le controversé 6ix9ine a profité d’une matinée calme pour s’exprimer au micro du Breakfast Club. Une heure et une dizaine de fou-rires plus tard, le constat est clair : l’interview est épique. Des dialogues surréalistes entre le rappeur et Charlamagne Tha God aux révélations plus ou moins intéressantes vis à vis de son passé, 6ix9ine montre une nouvelle fois que tout ce qu’il touche devient très vite viral. Résumé.

Illustration : Trelamont.com

« Je vous le dis clairement les gars, ça va être votre interview la plus regardée, devant celle de Birdman. » Les mots de 6ix9ine font rire Charlamagne Tha God, qui n’en rate pas une pour taquiner gentiment son homologue brooklynois. C’est que l’homme arc-en-ciel est autant apprécié par la nouvelle génération que décrié des anciennes, qui ne voient en lui qu’un vulgaire clown, un faux-gangster voué à mourir dans quelques mois s’il n’arrête pas de jouer avec la culture des gangs de New-York et Los Angeles. « Beaucoup de gens peuvent dire plein de choses dans mon dos, mais personne ne sort les mêmes chiffres que moi. » L’arrogance, il en a fait une marque de fabrique, mais force est de constater qu’il a raison : « Gummo », « Kooda », « Keke », « Billy », quatre clips sortis, quatre titres classés au Billboard US. Sa première mixtape, Day69, est même rentrée à la quatrième position du classement avec plus de 50,000 CDs vendus. Quelques semaines plus tard et le voilà au micro du Breakfast Club, célèbre émission de radio américaine. Entre son affaire de viol, son statut actuel de « Roi de New-York », les origines de ses embrouilles ou bien son approche avec la culture des gangs, les thèmes traités sont larges : on a donc décidé de vous les résumer.

Sur son statut auto-proclamé de Roi de sa ville

L’échange commence dans le vif du sujet. À la sortie de « Kooda », 6ix9ine s’était emparé d’un titre qu’il avait lui-même inventé : Roi de New-York. À ce sujet Charlamagne demande des explications, car au delà de ne pas le croire, il ne comprend pas le projet si ce n’est celui de s’attirer toutes sortes d’ennuis : « Je ne m’attire rien du tout, je suis juste le plus chaud de la ville. Définitivement. Tu vois Cardi B, j’aime bien ce qu’elle fait, mais mon premier projet a fait top 5 au billboard US, elle non, elle avait déjà deux mixtapes avant… mais il n’y a pas de compétition, big-up à Cardi B, même si je reste le meilleur de la ville. » Continuant sur la même lancée il en profite pour mettre les choses au clair au sujet des personnes qui ne cessent de le menacer en chanson ou sur les réseaux : « Je vais vous dire comment je vois les choses, si je peux marcher dans les rues de New-York en criant que j’en suis le Roi, vous ne pensez pas que les gens auraient déjà réagi si c’était faux ? (…) Regarde à quel point je suis stupide là, maintenant, j’ai un 69 géant tatoué sur le front, des cheveux arc-en-ciel et des dents arc-en-ciel, je suis là en train de parler de tous ces mecs qui veulent m’embrouiller, à quel degré de stupidité ils sont, eux ? Les vrais gangsters ne parlent pas de ce qu’ils vont faire, ils le font c’est tout. »

Ces déclarations auraient pu suffire, pas pour DJ Envy et Charlamagne, qui ne cessent de le mettre devant ses contradictions et ses responsabilités. Le fait est que la voix de 6ix9ine porte loin aujourd’hui, la nouvelle génération étant quelque part le modèle à venir pour les prochaines, alors est-il vraiment raisonnable de s’enfermer dans une bulle d’arrogance et d’être au centre d’autant de controverse ? « Je ne suis pas là pour me fondre dans la masse, mon message c’est d’être toi-même, et je suis toujours moi-même. (…) Beaucoup de gens ne m’aiment pas, beaucoup de gens n’aiment pas mon attitude, mais si on a une conversation tous les deux, tu verras que je suis un mec super humble et authentique. » En dernier coup de poing il donne une information qui révèle un trait de sa personnalité encore inconnu : l’altruisme. « Je redistribue beaucoup aux petits, et je ne fais pas ça pour le côté Instagram, si tu vas dans les écoles de mon quartier les gens te diront que je me suis arrêté pour donner de l’argent (…) Quand j’étais gosse à l’époque, j’ai jamais vu une personne venir à l’école et donner 5,000, 10,000 ou 20,000 dollars… Moi je me porte garant pour faire ça et c’est pour cette raison que je suis le roi de ma ville. »

Sur ses diverses embrouilles

S’il entend bien prouver qu’il est le roi de sa ville, c’est aussi car personne ne le soutient : il n’a été adoubé d’aucun grand du hip-hop, sujet à aucune main tendue de la part des vecteurs de l’industrie. « Vous savez tous ici que je sors de nulle part. Je suis passé devant tellement de gens en un claquement de doigt. » Forcément la jalousie s’enclenche, comme avec Trippie Redd par exemple, son ancien proche collègue avant que les explosions en solo n’arrivent : « On avait signé dans le même label, mais les directeurs ne me donnaient pas d’argent. Un jour ils me disent qu’ils vont aller à fond avec Trippie. À l’époque je n’avais pas encore fait ‘Gummo’. Je pense qu’au moment où il m’a vu travailler à fond il était juste jaloux, mais je n’ai aucun problème avec lui. » Difficile de croire que tout est aussi simple, pourtant, 6ix9ine ne cesse de le répéter pendant l’interview, il n’est à l’origine d’aucun beef, n’est responsable d’aucun événement ; il fait juste son travail tandis que les autres lui envient son succès. 

À ce propos Charlamagne voit une faille se dessiner et s’active pour en montrer l’étendue, car même si 6ix9ine n’est pas le déclencheur originel des embrouilles, il n’en reste pas moins celui qui y alimente constamment les braises à coup de tweets ou de déclarations médiatisées. Pour répondre à ces interrogations, son manager Tr3yway, OG de New-York, lui vient en aide : « Il s’exprime juste comme n’importe qui sur Internet. Les gens pensent qu’il ‘troll’… bon, je ne suis pas de sa génération, mais les autres font exactement la même chose, Rich The Kid par exemple. Tous ces jeunes veulent réussir. À aucun moment Tekashi dit à la caméra qu’il va tuer quelqu’un ! Il dit que c’est un Blood, il dit que c’est un gangster, mais il ne menace la vie ou l’intégrité de personne. On est en Amérique, il y a la liberté d’expression. Ce qu’il dit sur Internet c’est juste ce qu’il ressent, la manière qu’il utilise pour se promouvoir. Moi c’est comme ça que je le vois. Tekashi est le rappeur le plus jeune et le plus chaud du moment. (…) Il gère le game. Tout ce dont il a besoin aujourd’hui c’est le soutien de sa ville et surtout des gens qui ne sont pas de sa génération. La plupart de ceux qui le détestent viennent de là. » Le problème, c’est qu’à force de se vanter d’être le roi, beaucoup sont ceux qui veulent retirer sa couronne et réduire son personnage à néant.

Il y a quelques mois d’ailleurs, 6ix9ine était au centre d’une petite polémique : alors annoncé comme le main-event du SXSW Worldstar Show à Houston, il ne monte pas sur scène et n’assure pas de concert. À l’origine de son absence, J. Prince Jr., fils de J. Prince – CEO du légendaire label Rap-A-Lot Records – avec qui Tekashi s’était mal-entendu quelques jours auparavant : « Quand je voyage hors de ma ville je me balade avec deux ou trois personnes. Il faut savoir que dehors, il y a des mecs qui marchent toute la journée en bande pour me trouver et essayer de me mêler. Quand je me ramène au SXSW, on me dit de ne pas m’inquiéter et que j’aurais toute la sécurité nécessaire. Juste avant de monter sur scène, mon pote Shawty me dit que J. Prince Jr. traîne à côté de la scène pendant le concert. À ce moment-là je sens que c’est un piège. Je vais voir Jay, le boss du SXSW, et je lui dis que c’est impossible pour moi de donner une bonne performance si je dois regarder constamment derrière mon épaule. Je n’ai pas envie de me faire « Worldstared » sur la scène de Worldstar. Il y a une différence entre être gangster et être stupide. Moi j’arrive en ville avec mes couilles, mais je vais pas laisser une centaine de mecs me frapper, je vais pas leur donner cette chance. Je suis plus fort. Donc en réalité je me suis pointé au SXSW, mais je n’avais aucune sécurité de garantie, les types ne voulaient pas me protéger parce qu’ils avaient peur de ce qu’il pouvait se passer. Alors si je résume, tu m’appelles pour être le main-event de ta scène, je prends de mon temps pour venir assurer le show mais tu ne me donnes aucune garantie de sécurité, tout ça pour ensuite crier sur scène ‘Où est 6ix9ine ?’ Non, il n’y avait rien de professionnel.« 

Même histoire à Los Angeles, où l’un de ses concerts a été annulé à la dernière minute. Et tandis que Charlamagne y voit l’impact et le lobbying des gangs de la ville, 6ix9ine en profite pour s’étendre sur le sujet et glisser discrètement une pique au rappeur local YG : « Je peux marcher dans n’importe quelle ville tranquille. Je fais mes soirées comme prévu, je touche mon cash et je me casse. Si le concert à L.A. a été annulé c’est parce que les gérants avaient peur qu’il y ait une émeute. (…) La culture des gangs entre New-York et Los Angeles est surement différente, mais quand YG a commencé à m’embrouiller je me baladais à L.A. et il ne s’est rien passé.« 

Sur son affiliation aux Crips et aux Bloods de New York

C’est aujourd’hui indubitable : 6ix9ine aime arborer les couleurs sanglantes des Bloods de sa ville. Dans ses clips ou en interview, le rouge prend une place d’honneur. Pourtant, on aperçoit souvent au même moment quelques teintes bleues, puis finalement un drapeau vert, signe de mélange culturel, habituellement impensable à mettre en images. De là les auditeurs soulèvent quelques interrogations, à raison. À qui appartient-il ? À qui a-t-il prêté allégeance ? Est-il véritablement un Blood ou n’est-ce qu’une énième facette de son personnage ? À ce sujet, voilà ce que 6ix9ine rétorque : « Quand j’ai commencé la musique je traînais avec le S.C.U.M Gang à Flatbush, mais personne ne peut attester m’avoir vu en crip à l’époque. Je vis dans un endroit où il y a des Crips et des Bloods, donc si je veux traîner avec les uns je le fais, avec les autres aussi, si je veux traîner avec les deux je le fais ! Ce sont tous mes potes. Je n’ai jamais été homologué GS9 ou que sais-je, ce sont juste mes potes. Je n’ai jamais été sous l’étendard de qui que ce soit, je n’ai jamais été un Crip devenu Blood, c’est simplement mon quartier. (…) Je ne pense pas que tu puisses passer du bleu au rouge si t’es véritablement un membre des Crips, sauf que moi, je n’ai jamais été un Crip. »

Sur son passé avec la justice

Alors même que le succès retentit tout autour de 6ix9ine et que tout ce qu’il touche devient platine, une affaire ressort de l’ombre et l’expose comme un pédophile, violeur de surcroît. Loin de lui l’idée d’ignorer le débat il joue le jeu de l’interview et souhaite mettre les choses au clair : « Il n’y a eu aucun rapport sexuel entre elle et moi. J’ai plaidé coupable soudainement parce que j’avais peur. À l’époque je n’avais pas d’argent, la meuf en question a 14 ans et elle est introuvable, toute sa famille la cherche. Moi je suis là, j’ai l’estomac qui remonte. Ma femme était enceinte à l’époque, les juges me disaient que j’allais prendre quinze ans de prison. Je n’avais pas assez d’argent pour payer un avocat, pour rien, c’était la première fois que je me retrouvais face à la justice. Ma vie venait de changer en un claquement de doigt. Les médias ont parlé de cette affaire de la pire des manières. Tout le monde me voit comme un monstre aujourd’hui. Mais je sais ce que je suis et je sais ce que j’ai fait. »

Sur ce qu’il est

Cette dernière phrase prend un sens plus profond avec la suite de l’interview. 6ix9ine, finalement, et malgré tout le personnage détestable qu’il s’est créé, n’est peut-être qu’un gosse rêveur, né dans un mauvais quartier au mauvais moment. Un adolescent dont la vie a brusquement changé du jour au lendemain, une première fois face à la justice, une deuxième fois face à l’industrie de la musique. Un adulte riche et célèbre, aujourd’hui, qui a tout fait tout seul, ne s’est enfermé dans aucun carcans et n’ose parler d’inspirations que lorsqu’il s’agit de DMX ou d’Onyx. Un type qui n’a eu comme impératif que de suivre sa propre voie selon ses propres moyens et de sa propre manière. « Il y a encore un an, personne ne me disait que je faisais mal les choses. Maintenant que je suis le numéro 1, tout le monde me conseille de faire ça comme ci ou comme ça, tous me disent que je me trompe, de ne pas faire ça. Laissez moi faire ce que je veux. (…) J’ai été attrapé par le système, mais je suis un produit de ma société. À l’école, mon prof m’avait demandé ce à quoi j’aspirais dans les cinq à dix ans à venir. Je lui avais répondu que je n’en avais aucune idée, j’étais juste un gosse mexicain avec de pauvres chaussures, au plus bas. Un de mes psychologues m’a dit ‘tu nettoieras ma voiture’, les profs eux, me disaient ‘avec la gueule que tu as, tu seras mort en prison’. Cette phrase est restée dans ma tête. En cinq à dix ans j’ai eu cinq morceaux platines, cinq hits au billboard, et personne ne me retirera jamais ça. J’ai 300,000 dollars autour de mon cou, une très belle fille, et je suis capable de redistribuer à ma communauté.« 

L’interview d’une heure se termine finalement sur une note d’espoir : « Quand Bobby Shmurda reviendra en 2020, je lui donnerai tout ce que j’ai fait en mains propres avant de me retirer. » Une lueur de lucidité ? Un instant de conscience ? Qui sait. Ne reste qu’à attendre la suite, voir ce dont 6ix9ine est réellement capable dans cette industrie sanguinaire. En croisant les doigts pour qu’il ne finisse ni en prison ni six mètres sous le sol avant d’avoir pu redistribuer son fief à l’ancien roi de New York, le vrai.

La mode est un petit monde. Les rumeurs y bruissent, courent, grimpent, grondent. En un tour d’oreille. La nomination de Virgil Abloh à la tête de la ligne Homme de Louis Vuitton se murmurait depuis quelques mois déjà. Pas une surprise, alors. Parce qu’elle se pressentait d’abord, et pour tout un tas de bonnes raisons, ensuite.

Photo : @alextrescool

C’est bien commode, la culture street. Ça vous rafraîchit une marque, la dépoussière, quand elle manque un peu d’air. À 142 printemps, en 1996, Louis Vuitton commençait à sentir le poids de son âge. La Maison de maroquinerie avait vieilli d’un coup, comme ça, sans jamais avoir trop vu ses rides. Cette année-là, elle célébrait en grande pompe le centième anniversaire de son monogramme culte. Sept créateurs avaient été invités à dessiner des pièces siglées exclusives, présentées à travers une campagne pub. Là, parmi les visuels, Grandmaster Flash en béret, chemise en flannel oversize, baggy et boots Timberland. Accroupi sur une boîte de rangement pour vinyles signée Helmut Lang. Un vent de cool.

L’année suivante, la Maison nommait l’audacieux Marc Jacobs pour chaperonner sa direction artistique. Dès 2001, le créateur faisait appel à Stephen Sprouse pour graffer une série de sacs et de malles. Puis il y eut les carrés de soie réinventés par une flopée de street artistes. Les lunettes de soleil « Millionnaire » et la collection de bijoux « Blason » de Pharrell Williams. Les sneakers de Kanye West. Les mini-films avec Mos Def. L’arrivée de Kim Jones en tant que directeur artistique Homme, enfin. Biberonné aux influences street, le styliste avait collaboré plus tôt avec Gimme5, une agence londonienne de référence dans le streetwear, Umbro et Pastelle, feu la marque de Kanye. Chez Louis Vuitton, Kim Jones a façonné un style urbain, à coups de bombers, survêtements, sneakers, sweats et t-shirts graphiques. Il a donné une identité à une ligne qui, jusque-là, n’en avait pas, se contentant d’écouler portefeuilles et ceintures. L’année dernière, Vuitton et Jones ont franchi un nouveau cap, en collaborant avec Fragment, la griffe d’Hiroshi Fujiwara, puis, surtout, Supreme, symbole ultime du cool. Floqués des logos des deux marques, bombers, hoodies, vestes trucker, jeans, salopettes, casquettes, bandanas, sneakers, sacs à dos, bananes ou planches de skate affolèrent les hypebeasts du monde entier. Une alchimie parfaite entre le luxe et l’urbain. Un indice, un échantillon, ou plutôt un point de départ, de la nouvelle esthétique Vuitton…

Depuis les années 2000, le style urbain est devenu l’ordinaire, la norme, dans la rue comme sur les podiums. L’indispensable d’un luxe à bout de souffle, en quête de jeunesse et de mordant. Une ficelle pour séduire la nouvelle génération, plus audacieuse et décontractée. Assez de l’élégance arrogante, stricte et intellectuelle. Envie de nonchalant, d’attitude, et d’un peu de bordel. Se salir, s’encanailler. Dans le même temps, le streetwear, lui, s’est anobli, gentrifié. Parmi les chefs de file du streetwear de luxe : Virgil Abloh. « Le streetwear est perçu en grande partie comme bas de gamme. Mon objectif a été de l’intellectualiser et de le rendre crédible », expliquait le créateur en 2016 auprès de Business of Fashion.

Abloh a grandi à Rockford, dans l’Illinois, à une centaine de kilomètres de Chicago. Gamin, son truc, c’était Michael Jordan, le hip-hop puis le skate. Le bonhomme a d’abord étudié le génie civil à l’Université du Wisconsin, puis l’architecture à l’Institut de technologie de l’Illinois. En 2002, à 22 ans, il devient conseiller créatif pour Kanye West et son « think tank » Donda. Un rôle un peu fourre-tout, qu’il ne quittera jamais vraiment. Sept ans plus tard, lui et Kanye effectuent un stage chez Fendi, à Rome, pour se familiariser avec les codes du luxe. À son retour outre-Atlantique, Virgil Abloh ouvre avec Don C le concept store RSVP Gallery à Chicago. Un lieu hybride, quelque part entre la mode, l’art et la musique. Dedans, le tandem met des pièces rares signées Chanel, Comme des Garçons ou Bape, mais aussi des œuvres de Jeff Koons, Takashi Murakami ou Kaws. Virgil pense la mode comme ça, au croisement de différents genres créatifs. Il y a quelques semaines, au ComplexCon, il confiait : « S’il n’y avait pas eu la collaboration entre Louis Vuitton et Takashi Murakami, je n’aurais pas connu ce genre d’instant « Eurêka». » En 2012, Abloh donne naissance à sa première marque, Pyrex Vision, qui jette les bases d’une mode street chic. « On voyait des gamins d’Harlem porter du Rick Owens et du Raf Simons d’une manière différente, en lien direct avec la culture streetwear, et Pyrex Vision est devenu l’incarnation de cela. Jusqu’alors, le luxe dictait ce qu’il se passait dans la culture et, pour la première fois, le processus a été inversé grâce à une génération de gamins influents. »

À peine un an après sa création, pourtant, Abloh tue Pyrex Vision dans l’oeuf. De ses cendres, naîtra Off-White. Ce label ni tout à fait luxe, ni complètement street. « Dans la mode, vous devez choisir entre la haute couture, le contemporain ou le streetwear, la femme ou l’homme. Off-White se situe entre le noir et le blanc, il n’y a pas de choix à faire. » Dès ses débuts, la griffe aux bandes signature connaît un succès glouton. Une croissance à trois chiffres, chaque année depuis sa création. Les coupes sont pointues, les détails malins, les finitions léchées, la vision jamais premier degré. Off-White désacralise et s’amuse avec une mode qui manque trop souvent de légèreté. La marque sait bien s’accompagner, aussi. Ses collaborations avec Nike, Levi’s, Kith, Jimmy Choo ou même Ikea, ont contribué à doper sa popularité. Tout comme la personnalité de son fondateur. Dans le jargon, Virgil Abloh est un « influenceur », ou un « leader d’opinion ». Armé d’un compte Instagram à près de 2 millions de followers. DJ, designer et directeur artistique, hétéroclite, multitâches et ultra-connecté. Un homme de son époque. Abloh parle à la jeune génération, celle qu’on appelle Y ou Z, au sens propre comme au figuré. Il échange avec elle sur les réseaux sociaux, la rencontre puis l’invite à ses défilés. C’est tout ça à la fois que s’offre Louis Vuitton. Une cure de jouvence, une nouvelle audience, une vraie visibilité, de la proximité. Comme tout, les clients du luxe passent de mode. Il faut savoir les renouveler. Aujourd’hui, les marques de luxe font les yeux doux à la jeunesse des classes moyennes et populaires, parce qu’elles tendraient à se sacrifier sur des objets courants pour s’offrir des biens de prestige. Abloh, alors, se pose en précieux relais, pour atteindre et séduire cette cible convoitée dont il maîtrise les codes.

« Le luxe dictait ce qu’il se passait dans la culture, […] le processus a été inversé grâce à une génération de gamins influents »

L’un, porte les couleurs de la culture street. L’autre, celles du luxe traditionnel à la française. Tout un symbole. Après la musique, pleinement consacrée et démocratisée dans son essence grâce à des giga tubes comme “Panda”, “Bad and Boujee” ou « Bodak Yellow », le mouvement hip-hop introduit officiellement un autre domaine de la culture globale, celui de la mode de luxe. Jusqu’ici, il se lisait dans les influences des collections, s’invitait au premier rang ou en bande-son des défilés, sur des visuels pubs, à des événements de marques, ou bien pondait des lignes capsules. Ça se mouillait pas trop, côté mode, on prélevait juste ce qu’il faut de cool et de subversif, sans s’engager vraiment. Avec la signature de Virgil Abloh, Louis Vuitton institutionnalise les relations entre hip-hop et luxe, intronise le genre comme dominant. Une vraie culture, sans le “sous”. Dont Abloh est l’un des meilleurs représentants. Fallait une figure crédible. Une « du moule » qui parle du streetwear comme d’une culture, jamais comme d’une tendance. Puis érudit, le mec, avec ça. Un joli lot marketing, sur lequel Louis Vuitton a mis la main. Il l’introduira à un monde qu’elle regardait, jusque là, d’un peu trop loin. En témoigne déjà l’effervescence de la planète hype à l’annonce de sa nomination.

Virgil Abloh a toujours eu du flair, de l’intuition bien pensée. Il y a quelques poussières d’années, déjà, il prophétisait : « L’objectif ultime, c’est de moderniser et diriger une maison de mode, parce que je crois dans le renouvellement de ces marques dotées d’une riche histoire. »

S’il s’est déjà épris de la Suisse et de la Belgique, le public rap hexagonal ne laisse que timidement traîner ses oreilles du côté du Québec. Le Canada ne reste qu’une simple « curiosité » où quelques perles brillent plus que les autres. Ici entre Rowjay, un OVNI déjà remarqué par la plupart des nouvelles coqueluches des auditeurs francophones. Portrait d’un « jeune finesseur » pour qui le monde est à portée de main. 

Photos : @mamadoulele

5502 kilomètres : c’est la distance qui sépare Paris de Montréal, la ville dont est originaire Rowjay. Le rappeur canadien de 21 ans n’est donc pas à proprement parler « chez lui » en terres franciliennes, mais c’est tout comme. Jamais sans repères, Jason – son vrai nom – ne se sent étranger nulle part. Il a même déjà désigné son quartier préférentiel dans la Ville Lumière : le « 10ème », qui donne son nom à l’un des titres phares de son dernier EP, Hors Catégorie, sorti en tout début d’année. C’est naturellement là, sur la place de la République, que nous rejoignons Rowjay, qui entend capturer quelques plans du morceau sus-cité. Le froid polaire qui pétrifie alors Paris n’a pas de quoi dépayser le québécois. Au point de rendez-vous, quelques têtes ne nous sont pas inconnues, comme celle du crooner orléanais Manast LL’ ou de Blasé, moitié du tandem Haute. Peu avant le tournage, c’est le rappeur MV – du collectif Eddie Hyde – qui se pointe à son tour. Il salue poliment son monde, fait son apparition devant la caméra puis tire sa révérence, une vingtaine de minutes après son arrivée. Sans doute avait-il mieux à faire ce jour-là. Qu’à cela ne tienne : son acte de présence – aussi bref soit-il – nous laisse deviner à quel point il était important pour lui d’apparaître dans ce clip.

Là, on comprend mieux pourquoi Rowjay se sent si à l’aise en France, et plus spécialement à Paris. Où qu’il aille, il saura trouver des gens pour l’accueillir. Jason le scande à longueur de tracks : il est « connecté partout sur la planète, tout cela en utilisant seulement l’Internet. » Rejeton d’un monde sans frontières, où plusieurs milliers de kilomètres s’avalent en à peine quelques clics. Dans son réseau tentaculaire, on retrouve quelques uns des artistes les plus plébiscités par le public francophone : Bon Gamin via Myth Syzer – qui l’a un jour qualifié de « génie » -, Krisy, Di-Meh et Slimka ou encore Hamza, qui a récemment remixé de son gré son morceau « Stripclub ». Si la plupart d’entre eux font aujourd’hui partie de ses amis, tous avaient d’abord soutenu publiquement sa musique et souhaité initier une connexion avec lui. Jason est le rappeur apprécié des rappeurs appréciés. Sans pour autant susciter autant d’enthousiasme auprès des fanbase pourtant grandissantes de ces artistes.

Francophone biberonné à la culture d’outre-Atlantique – ou d’outre-fleuve Saint-Laurent, si l’on se place géographiquement chez l’ami Jason –, le cas de Rowjay est symptomatique du paradoxe de Montréal. Lui-même reconnaît sans mal n’avoir que tardivement tendu l’oreille au rap français, qui n’en demeure pas moins le marché le plus réceptif – et accessible – à sa production, barrière de la langue oblige. « Le rap français, je l’ai connu très tard. Jusqu’en 2014 ou 2015, je ne connaissais rien en dehors Booba, La Fouine et Rohff. Pour te dire : Bon Gamin doit être un des premiers groupes de rap français que j’ai vraiment écouté », nous confie t-il. Ses influences sont ailleurs.

Il y a un an ou deux, celui qui se revendique comme adepte d’un rap « ignorant » aurait sans doute évoqué les weirdos que peuvent être Lil B ou Roi Heenok. Maintenant qu’il affirme « se prendre plus au sérieux », il cite plutôt Young Nudy, Rick Ross, Drug Rich Peso, Pusha T ou Famous Dex. « J’essaye d’être une sorte de Famous Dex avec des punchlines. Enjailler les gens, tout en ayant un minimum de fond derrière. Surtout dans le message. Je pense que dans ma musique, il y a un bon message de motivation et c’est quelque chose d’important. » Reste que l’absence de solides références francophones contribuent – en partie – à faire de Rowjay un artiste « hors catégorie ». Ajoutez à cela un accent que les français ont toujours aimé moquer, une articulation volontairement exagérée et des placements pas toujours conventionnels, vous voici devant un objet pas toujours facile à appréhender pour le public hexagonal. Mais pas de quoi faire vaciller la confiance que le canadien porte en sa musique : « Je sais que c’est juste une question de temps avant que les gens s’adaptent à mon truc. On peut ne pas aimer ce que je fais, mais la qualité du produit est bonne. Il y a un travail qui est fait. Beaucoup de rappeurs que les gens écoutent ne fournissent pas ce travail, pareil pour certains rappeurs que moi-même je kiffe. »

Saint-Léonard, fenêtre sur le globe

Quand il ne parcourt pas l’Europe, Rowjay ne sort jamais de Saint-Léonard. Impossible d’aborder son oeuvre – ni même son être – sans faire mention de cet arrondissement de Montréal, auquel il a carrément dédié un titre de son quatrième projet, Carnaval de Finesse. C’est ici que s’est modelé le noyau dur de son collectif C.O.B 65, dont font notamment partie les producteurs DoomX, Rami B et Tony Stone – qui forment le trio Planet Giza – ou encore Freakey! (Famous Dex, Hamza, Krisy, Caballero & JeanJass). « Il n’y a pas vraiment de quartier comme Saint-Léonard en France. C’est très résidentiel et très métissé. À la base, c’était principalement un quartier d’italiens, mais il y a de plus en plus d’haïtiens, d’algériens, de marocains, etc. En France, on ne voit pas trop de renois de cité traîner avec des blancs. Chez nous, c’est un peu plus normal. Même au niveau de l’écart social, tu vas avoir des gens qui ont des HLM et d’autres qui ont des baraques qui valent 3 ou 4 millions de dollars. C’est assez unique », détaille t-il. C.O.B 65 n’est que le reflet du bassin multiethnique que s’avère être Saint-Léonard.

Alors quand Rowjay se retrouve devant sa feuille, il ne peut se contenter de piocher dans les innombrables slangs que le Québec conserve de sa proximité avec les États-Unis : son vocabulaire emprunte tantôt au créole haïtien, tantôt à l’argot français – qui lui-même puise dans un foisonnement de langues étrangères. « Dans mes sons, j’aime bien faire connaître aux gens des expressions d’ailleurs. Par exemple, quand je dis ‘Je roule un teh’, les gens ne disent pas ça à Montréal. Ils ne savent pas ce que ca veut dire, nous glisse Jason. C’est sur que le fait d’avoir grandi à Saint-Léonard influence la manière dont j’appréhende le monde. C’est de la connaissance aussi. Par exemple, je ne parle pas créole mais aujourd’hui j’arrive à en comprendre les trois-quarts. C’est toujours bien d’en savoir plus sur ce qui nous entoure, de comprendre l’environnement dans lequel on est. Il n’y a pas que les gens qui nous ressemblent. » De quoi nourrir son envie de voyager, de découvrir les autres, d’être « connecté ».

D’autant que Rowjay a bien conscience que sa position géographique tend à rendre la réciproque tout aussi vraie. Pour les artistes européens de France, de Suisse ou de Belgique, Montréal peut sembler être une porte d’entrée intéressante vers cette Amérique qui fait tant fantasmer. La scène locale se développe, dans le sillon d’artistes comme KAYTRANADA, High Klassified, Dead Obies, Alaclair Ensemble ou d’autres, mais demeure si marginale que nul n’est inaccessible. « Être à Montréal, c’est un avantage. Parce qu’ici, on a quand même une certaine notoriété. On connaît tout le monde. KAYTRANADA, High Klassified, Da P… ce sont nos gars. Du coup, ça nous a ouvert pas mal de portes. Quand on avait seize ans, on allait déjà dans les boîtes les plus chaudes. Ça fait longtemps qu’on est autour de cette scène. »

Au point de suivre les traces de ses glorieux aînés, et d’envisager à son tour une carrière par-delà la frontière américaine ? « C’est sûr et certain. C’est en partie pour ça que je communique beaucoup en anglais aussi. Pour un artiste francophone, j’ai déjà pas mal de feedback venant de là-bas, mais aussi d’Angleterre ou de Toronto. Mon gars Freakey! travaille d’ailleurs pas mal avec WondaGurl [compositrice canadienne ayant notamment travaillé avec Drake, Travi$ Scott et Jay-Z, ndlr], donc la connexion Montréal-Toronto est bien établie », affirme t-il, confiant. En attendant que le monde ne s’ouvre à lui, Jason continue d’aller en cours, « parce [il] ne dit jamais non à plus de connaissances. » Sans doute lui seront-elles nécessaires pour concrétiser un jour ses titanesques ambitions, lui qui s’imagine volontiers en mogul québécois du rap : « Il y a de l’argent à se faire dans la musique, mais je suis persuadé qu’il y a encore plus d’argent à se faire avec l’argent que tu fais à travers la musique. »

Analyses, critiques, études, essais… Les moyens avec lesquels la presse tend à décrypter le « style » de Booba sont multiples et forcent l’auditeur à se questionner sur les raisons centrales de son écoute. À ce sujet, un nouveau média a fait son apparition en 2017 : Pourquoi on écoute Booba. Exclusivement sur les réseaux sociaux, le documentaire évolutif s’est adapté à son époque.

Photo : @antoine_sarl

En 2003, alors même que Sniper est aux armes avec Nicolas Sarkozy au sujet de leurs rimes, l’écrivain et essayiste Thomas Ravier est à l’origine d’un texte marquant : Booba ou le démon des images. Une vingtaine de pages en plein milieu de la prestigieuse Nouvelle Revue Française, au travers desquelles l’auteur mêle les schémas de rimes d’Elie Yaffa à ceux de certains poètes, metteurs en scène ou hommes de lettres. Delà est d’ailleurs né le néologisme « métagore. » En prise directe avec son temps, Thomas Ravier s’attelle à la composition d’un mini-livre d’étude analytique du « style-Booba. » Le travail est double : il s’agit déjà de montrer qu’il y a un « style » chez le rappeur, puis de s’en servir pour dresser le temps d’une lecture une preuve ostensible de l’existence de l’artistique dans le rap.

Pour ce faire, l’écrivain construit son argumentaire en empruntant tant à la littérature qu’au théâtre, et si tout ceci paraît risible aujourd’hui, c’est que depuis 2003 les analyses sur Booba pullulent partout dans la presse, reprenant le même schéma d’analyse et arrivant à la même conclusion : « Voilà Booba […] des mots qui se rencontrent pour la première fois mais se retrouvent comme s’ils se connaissaient depuis toujours, des images, non celles de vos Polaroïds, fortes, dansantes, vénéneuses, insolites, presque mystérieuses. »

Si les vecteurs d’analyses sur Booba sont larges, les moyens de diffusion se recoupent autour des modèles traditionnels : la presse écrite, audiovisuelle voire la littérature. Le concept d’Olivier Pillot, Laura Millienne et Fabrice Schéma porte cette réflexion là où son expression se fait la plus vivace : à même les réseaux sociaux. Lancé à l’été 2017, exclusivement disponible sur Instagram et Twitter, le web-documentaire Pourquoi on écoute Booba invite un panel d’intervenants à s’interroger sur les raisons qui les amènent respectivement à écouter le rappeur français. Du romancier Clément Bénech qui voit chez Booba quelque chose « d’ordre cathartique » où la musique offre « un sentiment de purification« , à Olivier Cachin qui renomme certains effets de styles du rappeur en « haïkus« , chacun offre un point de vue personnel sur la musique d’un artiste qui rassemble, aujourd’hui, des millions d’auditeurs. Découpée en épisodes de quelques minutes et aspirant à se développer sous plusieurs saisons, la web-série s’offre même le luxe de faire revenir Thomas Ravier pour une énième explication : « Considérons Panthéon et Temps Mort comme une sorte de diptyque, qui suffirait selon moi, à introniser Booba comme le Prince de la métagore. Il y a quelque chose qui est très spécifique, c’est une sorte de mystère, une sorte d’opacité, quelque chose d’énigmatique dans ses formules qui demandent à l’auditeur un surplus d’attention. »

Si l’on souhaitait savoir les raisons qui ont poussé les fondateurs à rendre le contenu du documentaire exclusif aux réseaux-sociaux, Olivier Pillot répond au micro des Inrocks : « Au début, on avait fait ça de manière « traditionnelle », avec un dossier sur le projet pour faire un 52 minutes diffusable sur une chaîne. (…) On avait le matériel pour réaliser et on était déterminé, donc on a décidé de balancer régulièrement un épisode sur le web. J’aime le côté plus underground des réseaux sociaux par rapport à YouTube. Et la contrainte des 2’20 » de Twitter nous oblige à être concis. On savait aussi qu’on y trouverait un public. » Une demi-douzaine de vidéos plus tard et le tour est joué : les intervenants interrogés par le trio de créateurs donnent des clés de compréhension supplémentaires à celles et ceux qui auraient encore du mal à saisir l’engouement que crée Booba a chaque apparition musicale et plus généralement médiatique. Le mystère Elie Yaffa serait-il sur le point d’être percé à jour ?

En 2015, dans la cité des 4000, des amis d’enfance font de la musique “pour s’amuser”, comme des milliers de jeunes de quartiers. 40 millions de vues sur YouTube plus tard, le nom de cette bande, 4Keus, résonne dans les autoradios et s’affiche sur les murs de Paris. L’entrée officielle des rookies de la Courneuve dans l’industrie musicale se fait sur un tapis rouge flamboyant, jusqu’à ce que la famille soit subitement déchirée en deux groupes plus ou moins distincts. Rencontre, et récit.

Photo : @antoine_sarl

Cette histoire commence de manière banale. Des amis d’enfance sortent d’un futsal, en 2015. L’un d’entre eux, Bné (au centre sur la photo ci-dessous), lâche un freestyle dans le trajet en voiture du retour. « Pour rire. » Les potes rient un peu, mais adhèrent, surtout : tour à tour, chacun s’y met. « C’est comme ça que 4Keus est sorti du berceau. » 4Keus est alors une formation de sept jeunes de quartier, plus Tyson qui deviendra naturellement le manager car « il n’écrit pas mais il a l’oreille », tel que nous le présente Djeffi (à droite sur la photo), un des trois membres du groupe qui répond à nos questions. Par amour de l’exercice qui, à cette époque, n’avait encore aucun dessein sérieux, les mots s’enchaînent sans suite logique. Les couplets s’écrivent au rythme de la vie qu’on mène lorsqu’on a 15 ans entre les barres de la cité des 4000. Tantôt insouciante, tantôt grave. « On écrivait n’importe quoi, ça n’avait pas de sens, on pouvait écrire des phrases qui n’allaient pas du tout ensemble », nous dit Bné. Pourtant, les grands de la cité y croient déjà. Très vite, ils encouragent les petits à poster les sons sur YouTube. « On avait fait 20 000 vues, et on était déjà surexcité, c’était incroyable », se rappelle Tiakola (à gauche). Puis sans comprendre, très vite, ils atteignent un million de vues avec « Vois t’as vu ». « Ça nous a donné envie de viser le deuxième million. » Ainsi de suite, jusqu’à atteindre le quarantième million quelques mois plus tard, avec le désormais fameux « O’Kartier C’est La Hess ». Ce succès incroyable, les membres actuels de 4Keus, Bné, Djeffi et Tiakola, semblent un peu passer à côté. Déconcertés, ils ne semblent toujours pas réaliser : « À la base, on ne voulait pas en arriver là ! On ne sait même pas ce qu’on fait là. » De façon fulgurante, 4Keus explose dans un contexte où chacune des cités voisines des 4000 avait déjà « son propre groupe qui buzzait ». « Et on a fait la remontada comme les Barcelonais ! » Le succès les foudroie, en cachette des parents qui considéraient encore alors qu’être dans un clip, c’était « un truc de voyou ».

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Ce qui était à la base un jeu est devenu un game plus sérieux. L’engouement grandit, le professionnalisme aussi. Les jeunes financent de leur poche la location d’un studio, pour rendre les choses plus concrètes. Quoique. La récréation s’étend jusqu’aux sessions d’enregistrement, qui se tenaient à quarante, avec tous les amis du quartier. C’est à cet état d’esprit, festif et familial, que 4Keus attribue leur impressionnant succès. « On saute partout, on est toujours de bonne humeur. On garde la tête sur les épaules c’est pour ça que les gens nous aiment bien », pense Tiakola. Simplicité des actes. Simplicité des mots aussi, toujours. Des instrus aux textes, l’énergie est jeune, réaliste et cosmopolite comme notre époque. Le langage est celui qu’on parle au quartier, au lycée qu’ils suivent toujours. « Si je te dis ‘vois t’as vu’, tu ne vas pas comprendre, mais quand on parle comme ça, la Courneuve sait que c’est nous », explique Tiakola, toujours. L’emploi de l’expression « le sang de la veine » dans « O’Kartier C’est La Hess » est tout sauf anormal pour eux. Ils l’emploient comme si elle était universelle, comme si elle était leur, sans savoir que c’est une expression profondément marseillaise, popularisée par Jul, et peu utilisée dans les textes des rappeurs n’étant pas phocéens. Leur musique est à l’image de ce qu’ils sont : des éponges s’imprégnant sans limite des codes du monde dans lequel il baigne. De la danse, aux sapes, aux émotions propres à la jeunesse, la musique de 4Keus est sans doute l’expression le moins formaté du regard de ces jeunes sur la vie qu’ils mènent.

Jusqu’à ce que soit sifflée la fin de la récré

Du fruit de leur travail naît alors la première mixtape, Hors Séries Vol. 1, avec le tube « O’Kartier c’est la Hess ». Un son qui ne devait initialement pas voir le jour. « Sur ce son-là, je n’avais pas du tout l’oreille ! », plaisante Tyson. Malgré une instru plutôt dansante, la chanson résulte d’une histoire plus sombre : un règlement de compte survenu à la cité, à la suite duquel une bonne dizaine de grands frères, des supporters de la première heure, sont emprisonnés. « Au quartier, c’était vraiment la hess ! Ça faisait un vrai vide, on était mal. On ne pouvait pas envoyer des mandats pour tout le monde. On a donc fait un son pour s’exprimer. » Personne ne voulait le rendre public – seul le refrain avait fuité sur Snapchat, atteint la maison d’arrêt, jusqu’à ce que la force envoyée par les frères du placard soit trop forte pour être contenue. Des couplets sont rajoutés à un refrain catchy, spontané, et un clip surréaliste vient épicer le tout : la parfaite recette du tube imprévu. Dans ledit clip, les trois interprètes portent des t-shirts bien trop petits pour eux, des tortues holographiques nagent dans le ciel et une baleine traîne près de la côte. Le tout est tourné en impro totale, sur les falaises d’Etretats. « Nos frères sont toujours en prison, ils nous envoient des snaps, on leur envoie des mandats. Maintenant, on peut se le permettre. On n’oublie pas. »

De ce son, il y a un avant et un après. Son succès a révélé le potentiel de 4Keus pour toucher, grâce à une fraîcheur inouïe, et malgré un quotidien parfois sombre. C’est alors que les propositions de gros labels pleuvent. Et qu’il est dur d’avoir les idées claires lorsqu’on ne se rend pas compte soi-même de sa valeur. Parmi toutes les avances, celle de Dawala, créateur du Wati B, se démarque. D’abord parce que Tyson, secrètement appelé mini-Dawala, était fan du parcours du producteur. Bné en rit encore : « Quand on est dans la voiture aujourd’hui avec Dawala et Tyson côté passager, c’est trop marrant. Il veut faire tout pareil que lui. Ils ont le même langage. Ils commandent les mêmes tacos ! » Ensuite et surtout, parce que Dawala a su leur parler sans détour de leurs forces comme de leurs faiblesses. « C’est le seul qui ne nous a pas vendu du rêve. Au lieu de parler chèques, on a parlé développement et durée. Ça nous a rassurés », confient les garçons. Rare et sage lucidité que de reconnaître ce besoin de protection face aux embûches qui peuvent joncher la route du succès. Il faut dire que pour le Wati B, l’expérience n’est pas sans rappeler la formation de Sexion d’Assaut quelques années auparavant, dont l’énergie et la fraîcheur ont, pour eux aussi, fait la recette d’un grand triomphe.

Et les embûches ne se font pas attendre : quelques jours après la signature, les sept amis, soudés comme une famille, se séparent en deux groupe dans des circonstances troubles. Sur Twitter, Snapchat et loin des 4000, les rumeurs circulent : on parle de coup de pression, de « grands qui contrôlent la cité », et de sept gamins au milieu de tout ça qui endossent, contre leur gré, le costume de poules aux oeufs d’or. 4Keus d’un côté, et 4Keus Gang de l’autre. De la cité à leur public, de plus en plus large après Hors Série Vol. 1, c’est l’incompréhension totale. 4Keus Gang, composé d’abord de HK, Leblack, Bouska et Peké, signe chez LoudSchool, ancienne label d’H Magnum. Bné, Djeffi et Tiakola – ainsi que Tyson – restent chez Wati B. « On ne s’attendait pas à ça, ce ne sont pas des potes mais des frères. Il y a eu des malentendus sur des détails et on n’a jamais pu s’expliquer. » Des détails pourtant ravageurs : dans le son « Le temps passe », 4Keus Gang accuse leurs frères de 4Keus d’avoir abandonné le quartier, en raison du succès qui leur serait monté à la tête. 4Keus répondent via « Extinction des feux », un morceau fait à contrecoeur, non pas pour « clasher » mais rectifier les accusations. « Ce morceau, on ne voulait pas le faire à la base. » Les jeunes vivent mal ce qu’ils traversent, et les raisons du conflit restent opaques au public. L’engouement était devenu monstre, et la simplicité qui guide leur musique s’accorde difficilement avec l’argent et la célébrité, deux concepts autant enrobés de lumière que d’ombre. Les Internets spéculent : le succès aurait éveillé les flammes de quelques opportunistes qui auraient voulu leur part d’un gâteau pas encore sorti du four. Au quartier, on nie. On continue de partager les deux groupes sans distinction. Pour Bné, Djeffi et Tiakola, c’est un handicap. Pour le public, c’est la confusion.

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Quand on demande aux jeunes si commencer une carrière en sachant ne pas être armés face à ce nouveau monde leur fait peur, ils répondent pourtant, avec détermination, que non. « Soit tu as confiance en toi, soit tu n’avances pas. Si nous-même on n’y croit pas, personne ne va y croire à notre place. » Leur innocence s’en va, ils semblent apprendre à travers ces épreuves. « On devient parano, on se méfie. On fait attention à ce que l’on dit, avec qui l’on parle, avec qui l’on traîne, confie Tiakola. On se rend compte que du jour au lendemain, on nous met quelque chose dans la tête et que ça peut nous diviser. On n’était pas prêts. » Les trois garçons sont encore sonnés. Au moment de cette discussion, ils avouent avoir eu beaucoup de mal à continuer la réalisation de leur mixtape au titre explicite : La vie continue. Sortir « Extinction des feux » les a un peu soulagés. Pour mieux redémarrer.

Autoroute du succès

La candeur et la spontanéité de 4Keus ont pris un sacré dos d’âne. Mais 4Keus a vite été remis sur la route : « On est plus appliqués, plus réfléchis. Sur l’écriture notamment, on se sent plus conscients, on a plus de thèmes et on vit plus de choses », réalisent-ils. Mais les garçons ont encore les étoiles plein les yeux. Et c’est là toute leur force. Surtout quand ils pensent aux connexions que leur ouvre le Wati B. Parti de la Courneuve, 4Keus prend désormais le large. Le 2 mars est sorti « C’est Dieu qui donne » avec Sidike Diabate, l’éminent artiste malien, l’un des préférés de Tyson. Autre star du Mali invitée sur La vie continue, Weei Soldat. Beaucoup d’amour figure sur cette mixtape, finalement sortie le 16 mars dernier. Les feats sont nombreux et la porte est grande ouverte pour rêver à des collabs plus grandes, “comme Booba par exemple !”. Là encore, le soutien du quartier est conséquent. Les snaps de la prison leur ont confirmé la grande attente. « On est à l’Ouest, on ne réalise rien. Mais tout se passe bien en ce moment et on espère que ça va continuer », nous dit Djeffi. Fin de l’histoire apaisée ? La veille de la sortie de la mixtape, le public assiste à une nouvelle péripétie de ce conte 2.0 : HK, membre initial parti chez 4Keus Gang et chouchou des réseaux, revient chez Wati B rejoindre Bné, Djeffi et Tiakola. Dans une vidéo très courte et sans filtre, il apaise les tensions, dément le conflit avec 4Keus Gang, dément aussi le communiqué de LoudSchool qui affirme que Wati B aurait vendu du rêve aux jeunes. Les autres garçons ne se sont pas prononcés, mais le monstre Internet y va de de ses théories. Sur fond trouble, l’épopée 4Keus s’écrit encore.

Il n’a fallu qu’une année pour convaincre l’industrie. Onze titres pour monopoliser l’attention du public. À tout juste 23 ans, Maes sort déjà de la masse et s’impose comme l’un des grands gagnants de ce premier trimestre 2018. Polyvalent, talentueux, passionné et bien entouré, le rappeur de Sevran tend à conquérir le coeur des auditeurs sur la durée.

Photo : @samirlebabtou

Quelques jours après sa sortie, la mixtape Réelle vie 2.0 de Maes s’est vue globalement acclamée par la critique. Une unanimité qui vient sans doute de l’éclectisme musical dépeint au travers des morceaux. Si Maes se dit enfin prêt à faire de sa passion – la musique – sa profession, son « ancien lui » n’y croyait pas, encore persuadé à l’époque de n’y voir qu’un simple hobby. Après avoir fait ses armes en groupe, il se lance en solo en 2014 et s’essaye pendant deux ans avant de voir sa carrière brutalement arrêtée par une incarcération. Rattrapé par sa vie personnelle, il ne sait plus où donner de la tête, tandis que le rap, chez lui, est relayé au rang de jeu pour briser l’ennui de la cellule. Sa première mixtape voit pourtant le jour en janvier 2017, alors qu’il est encore derrière les barreaux, et le succès d’estime récupéré lui donne la force nécessaire pour prendre conscience de ce « petit truc » qui pourrait le mener en haut du classement. À peine sorti, retour au studio. En compagnie de LDS, son label, Bersa, son beatmaker et Diosang, son manager, il prend les armes et s’attaque à la conception de Réelle vie 2.0. Le titre est révélateur : Maes s’emploie à être sincère, authentique et vrai dans son quotidien, sa musique est le reflet de son vécu. De passage à Paris nous l’avons rencontré, l’occasion pour nous de revenir sur sa toute jeune carrière et sur l’impact de la prison dans sa vie, celle dont tous les rappeurs parlent, celle qu’il a connue.

Entretien réalisé à l’hôtel The Hoxton, à Paris.

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De Lil Pump à YBN Nahmir, en passant par Smokepurpp, Ski Mask The Slump God, Lil Xan, Trippie Redd ou encore Famous Dex, tous sont passés devant l’objectif de Cole Bennett. Précurseur, ce jeune vidéaste et entrepreneur chicagoan d’à peine vingt ans est aujourd’hui l’une des pierres angulaires du succès monumental des nouvelles – et très jeunes – stars de la musique.

Fondateur de Lyrical Lemonade, en scène depuis 2013, Cole Bennett a réussi à imposer son média comme un véritable tremplin, et s’il est aujourd’hui l’un de ceux dont l’influence et l’avis comptent le plus dans l’industrie de 2018, c’est aussi et surtout car il a popularisé un style aujourd’hui largement répandu dans l’univers vidéo rap : la line-animation. Interviewé par l’émérite Nardwuar, journaliste de légende, connu pour son approche « ultra digging » de la vie personnelle des artistes qu’il interroge, Cole Bennett y livre ses secrets de fabrication, dont on vous livre ici les passages clés.

Sur ses influences

Tout commence avec le clip du morceau « America » de Mac Miller, Casey Veggies et Joey Badass : « Mac Miller a été une énorme influence pour moi, j’adorais sa musique. C’était comme une grande partie de ma jeunesse dans un sens, avec Wiz Khalifa, Wayne, Gucci et ainsi de suite. Mais Mac Miller avec ‘America’… Je me souviens avoir regardé la vidéo et vu les animations et de me dire qu’un jour je voudrais pouvoir faire quelque chose comme ça. » Même s’il estime ne pas avoir encore assez travaillé pour atteindre ce niveau, le clip a définitivement été un pilier fondateur dans sa conception du montage et de la réalisation : « D’apprendre la manière de faire ça, d’atteindre ce domaine de créativité, c’était une bénédiction pour moi, et cette vidéo m’a beaucoup, beaucoup inspiré. »

Reprenant ces codes de montage pour en faire sa touche artistique, et s’entourant rapidement de pléthore de rappeurs, Cole Bennett apparaît dès lors comme un précurseur pour beaucoup de nouveau auditeurs : « Je pense que beaucoup de personnes tendent à me donner tous les crédits, mais je suis authentique, je suis organique, donc je vais te dire la vérité. Beaucoup de gens associent la ‘line-animation’ avec moi mais honnêtement je n’ai rien inventé ni commencé, alors peut-être que je l’ai amené d’une autre manière au public, une manière qui n’avait jamais été fait avant, mais j’ai eu des influences, comme tout le monde. »

Sur ses secrets de fabrication

L’un des derniers arrivants dans l’entourage de Cole Bennett s’appelle YBN Nahmir. Rendu aux mains expertes de Bennett, le morceau « Bounce Out With That » est sublimé, son auteur magnifié et ce dès l’intro : « On avait une caméra fish-eye pour le plan de départ. On a réalisé avec cette chanson – qui à la base était deux fois plus longue –, qu’il y avait une sorte de pont où il chante avec une voix plus douce. On a décidé de rester à 1 minutes et 50 secondes : on s’est rendu compte que le moment marquant du morceau, c’était les quatre coups introductifs et le lancement de l’instru. Donc on l’a mis au début et pour les amplifier on a utilisé le fish-eye : les coups de pieds à la caméra, en fait ça donnait un punch en plus, ça amenait le thème avant que la musique démarre. »

Parmi les outils et techniques de montage utilisés par les monteurs et réalisateurs, on apprend que Cole Bennett est friand de l’effet Ken Burns, un moyen d’introduire un mouvement sur un sujet filmé immobile afin de maintenir l’attention du téléspectateur.

Sur son entourage

Le plus gros succès de Cole en tant que réalisateur se synchronise sur le plus gros succès de Lil Xan en tant qu’artiste. Avec le clip de « Betrayed », il amène le morceau côtoyer les 140 millions de vues en l’espace de seulement six mois. D’une simple envie de collaborer surgit un hit international : « Je ne m’attendais pas du tout à ça. Dès que j’étais de passage à L.A., Xan voulait me rencontrer, mais j’étais occupé. Un jour, il m’a envoyé ce morceau que j’ai trouvé vraiment bien. J’étais un peu hésitant à travailler avec lui, je ne le connaissais pas et avec son nom Lil Xan… bref. Je ne voulais pas trop m’affilier à ça, mais quand j’ai entendu le track, je me suis dit que c’était totalement différent de ce à quoi l’on pouvait s’attendre. Et c’est un mec génial. J’ai pris un avion le lendemain matin, (…) on a tourné la vidéo en 45 minutes, on y pensait pas trop, puis on l’a sorti un mois après : elle a atteint le million de vues en quelques heures. »

Quand on observe l’imagerie fantasque de Cole Bennett, on se demande naturellement si les idées dépendent de sa personne ou si elles viennent au contraire de l’artiste lui-même – voire d’une discussion entre les deux. Un échange avec Smokepurpp plus tard, de passage dans l’interview, et on apprend qu’il passe en moyenne deux à trois jours pour la partie montage, tout en ajoutant qu’on le laisse faire globalement ce qu’il veut. Les artistes on une confiance presque aveugle en son talent : « Honnêtement, la plupart me laisse faire ce que je souhaite, et je suis honoré de pouvoir le dire puisque peu de réalisateurs et monteurs le peuvent. J’en suis à une étape où les gens respectent mon art et mon avis. »

Si les rappeurs avec qui il collabore ont une confiance aveugle en lui, c’est aussi et surtout car il les traite comme ses frères. Au fur et à mesure que son carnet d’adresse s’agrandit, son proche entourage s’élargit, et c’est bien sur ce point précis qu’il estime avoir trouvé l’essence de Lyrical Lemonade et la raison principale de son succès : « On a une approche très authentique, artistique et organique vis à vis de l’industrie musicale, et ça ne changera jamais, peu importe ce qui arrive. C’est une sorte de lieu de sécurité, avec un vrai niveau de confort, je considère tous ceux avec qui je travaille comme ma famille et nous sommes frères, c’est simplement ça, rien d’autre. S’il n’y a pas de relation personnelle je ne fais rien. Finalement c’est juste différent de tout le reste, c’est cohérent, avec un contenu éternel, c’est une amitié avant d’être du business. »

Plus personne n’en doute désormais : les cuistos belges ont la recette de « la sauce » qui relève le plat du rap francophone. Leur ingrédient secret ? Une portion généreuse et sincère d’unité. On a recensé onze moments-clés durant lesquels les artistes du pays d’Hergé ont déclaré l’union sacrée.

Il fait bon d’être belge en 2018. Côté foot, les Diables Rouges se positionneront assurément parmi les principaux outsiders de la prochaine Coupe du Monde. Côté rap, le plat pays insuffle une fraîcheur appréciable au sein du paysage rap francophone, séduisant un public sans cesse plus large – et plus curieux. Après avoir traversé de longues périodes creuses, la Belgique s’est soudainement reprise de passion pour ces deux disciplines, portée par de nouveaux virtuoses qui endossent ses couleurs.

Nul ne sait quel genre substance a bien pu se glisser dans les biberons de cette brillante génération de footeux. Il semblerait en revanche que le développement fulgurant du mouvement rap belge soit le résultat d’une prise de conscience collective. Peut-être était-il temps que tout le monde se mette à pousser dans le même sens. C’est notamment ce qu’Hamza nous laissait déjà entendre en octobre 2016« On se connaît tous depuis très longtemps, on se voyait tous dans les mêmes studios mais chacun faisait plutôt son propre truc de son côté. Je pense que quand ça a commencé à prendre petit à petit, on s’est tous dit qu’il n’y avait pas de raison pour ne pas se donner de la force entre nous. Autant se soutenir et collaborer pour pousser le mouvement à fond. » Un an et demi plus tard, l’unité des artistes wallons peut difficilement être remise en question. La preuve par onze.

Avril 2016 : sortie de Double Hélice, le premier projet de Caballero & JeanJass

En 2018, rares sont les occurrences où le nom de Caballero n’est pas immédiatement suivi par celui de JeanJass, et inversement. Que ce soit sur scène, en featuring ou dans les médias, les deux belges sont aujourd’hui inséparables, et quiconque souhaitant faire affaire avec eux a tout intérêt à penser double. Il fut pourtant un temps où l’existence de l’un n’était pas nécessairement liée à celle de l’autre, chacun opérant de son côté, au sein de sa propre structure [Exodarap pour JeanJass, Les Corbeaux pour Caballero, ndlr]. Mais en joignant leur forces sur Double Hélice, Caballero & JeanJass ont trouvé la bonne formule. Celle qui pérenne. Celle qui remplit des salles à travers toute la francophonie. Celle qui leur a permis d’accéder à un degré de renommée auquel ils n’auraient sans doute pu prétendre s’ils avaient persévéré en solo.

Mai 2016 : sortie du clip de « BruxelleVie »

Troisième extrait de Batterie Faible, « BruxellesVie » a été un titre fondateur dans la discographie de Damso. En plus d’avoir introduit le plus célèbre gimmick de son auteur, c’est la revendication d’une appartenance géographique, d’un mode de vie « à la bruxelloise ». Damso aurait très bien pu s’en aller faire cavalier seul, propulsé par le soutien du Duc et sa signature chez 92i. Au lieu de ça, le visuel du morceau fait participer une partie importante de la jeune garde bruxelloise avec laquelle Dems évolue : Shay, Krisy, Caballero, Nixon, Dolfa ou le producteur Ponko. Un autre regard sur la « BruxelleVie ».

Juillet 2016 : sortie de « Bruxelles arrive »

Il y a un avant et un après « Bruxelles arrive » dans la carrière naissante de Roméo Elvis. Avant, c’est trois projets qui obtiennent un écho notable mais encore trop timide pour le persuader de se consacrer pleinement à la musique. Après, c’est une conquête exponentielle des festivals de France et d’ailleurs. Peut-être était-ce un avertissement, après tout : « Bruxelles arrive » bel et bien. Une chose est sûre : le titre – assisté par un Caballero toujours dans les bons coups – demeure le plus populaire de Roméo Elvis, et ce même un an et demi après sa sortie. Pas mal pour ce qui était à l’origine une simple reprise d’un track de G-Eazy.

Août 2016 : le rap belge tease le retour de Psmaker d’Isha

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Les plus anciens n’auront pas de mal à le concéder : il n’a pas toujours été facile d’exister au sein de la scène rap belge. Mais l’émulation autour des Damso, Hamza, Caballero & JeanJass a fini d’attiser la curiosité d’un public francophone dorénavant prêt à considérer ce que le plat pays a à proposer. Le contexte devient donc propice aux résurrections. Comme celle de Psmaker, actif depuis près de 15 ans mais cantonné à rester dans l’antichambre du succès – ou au moins de la reconnaissance. Son retour aux affaires se fait en tant qu’Isha, avec le bouillonnant « Oh putain (avec l’accent du sud) ». Il peut alors compter sur le soutien de plusieurs de ses homologues – Caballero & JeanJass, James Deano ou encore Senamo -, qui se sont empressés de publier leur réaction à l’écoute du morceau. Isha embrayera rapidement avec « Coloris », cette fois aux côtés de Hamza et (toujours) Caballero.

Février 2017 : Ouverture du Studio Planet

Outre leur nationalité belge, quel est le point commun entre Krisy, JeanJass, Damso et Hamza ? Tous disposent de la double casquette « rappeur-producteur ». Dans le cas des deux premiers cités, la polyvalence s’étend même un peu plus loin, étant donné qu’ils opèrent souvent derrière les machines en tant qu’ingénieurs du son. Mieux vaut alors avoir l’espace et le matos nécessaire pour faire opérer leur magie. C’est ainsi que Caballero & JeanJass ont initié la construction du Studio Planet, pour lequel ils ont sollicité l’aide de leurs fans sur un modèle de crowdfunding. Résultat : 15 708 euros récoltés en 45 jours. C’est notamment là que sera ensuite enregistrée, mixée et masterisée la B.O. du film Tueurs.

Mars 2017 : Grünt #33 feat. Bruxelles

17 emcees, 15 prods, 48 minutes de flows et de phases ciselées : pour le 33ème épisode de leur fameuse série de freestyles, consacré à Bruxelles, la team Grünt a vu grand. Sans doute avait-elle déjà bien cerné l’impatience du public à voir Roméo Elvis, Caballero, JeanJass, Isha ou L’Or du Commun se joindre autour d’une même table, pour kicker dans la plus franche camaraderie. Onze mois plus tard, leurs exploits ont cumulé près de 790 000 vues sur YouTube, ce qui en fait la troisième vidéo Grünt la plus visionnée.

Octobre 2017 : Damso donne le départ du Ipséité Tour, avec Angèle en première partie

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En apparence, c’est presque comme si tout opposait Damso et Angèle. Quand elle dessine une pop insouciante et colorée, lui se complait dans le « nwaar » le plus total. Quand lui pulvérise tous les records de streaming avec son dernier effort, elle prépare sagement le terrain pour son premier. Autant de différences qui n’ont nullement empêché le bulldozer du 92i de désigner la soeur cadette de Roméo Elvis pour l’accompagner sur les nombreuses dates d’une tournée triomphante.

Novembre 2017 : Yanso en featuring avec Caballero sur « Par ici la Monnaie »

Voir un artiste aussi solidement établit que Kaaris se lamenter du peu de collaborations qui lui sont accordées témoigne de ce que représente un simple featuring dans le rap français. Entre ceux qui ne se mélangent pas et ceux qui choisissent stratégiquement les rappeurs auxquels ils se frottent, le public n’a pas toujours le loisir de voir ses favoris croiser le fer sur un même morceau – quand bien même la donne tend à évoluer. Dans une scène aussi réduite que Bruxelles, on ne s’encombre visiblement pas (encore ?) de toutes ces considérations. C’est ainsi qu’on a pu assister à une collaboration aussi peu évidente – sur le papier – que celle entre Yanso et Caballero, sur « Par ici la Monnaie ». Pas les mêmes registres, ni les mêmes chiffres, mais un même feu ardent quand il s’agit de brûler le micro. Notons par ailleurs que les deux hommes ont aussi pu compter sur le travail ce bon Krisy (a.k.a De La Fuentes) au mixage.

Décembre 2017 : sortie de la bande originale de Tueurs

Rien de tel qu’une bande originale soignée pour promouvoir efficacement la sortie d’un long-métrage, Black Panther en étant la plus récente – et criante – illustration. En misant sur le nouveau vivier du rap francophone, les producteurs de Tueurs ne se sont pas non plus trompés. Chaperonnée par l’emblématique producteur Clément Animalsons (Booba, La Fouine, Nessbeal), la B.O. du thriller franco-belge ne se contente pas d’embarquer les noms les plus ronflants du plat pays (Damso, Hamza, Roméo Elvis) ; elle les fait coexister avec ceux sur qui les projecteurs ne se braquent pas toujours systématiquement (Yanso, Kobo, Lord Gasmique). Ce n’est cependant pas la première fois que la relève belge se prend à mettre un film en musique, puisque Damso, Jones Cruipy ou encore La Smala se réunissaient déjà en 2015 sur la soundtrack de Black, réalisé par Adil El Arbi et Bilall Fallah.

Décembre 2017 : Rentre dans le Cercle – Belgique #1

À travers son programme « Rentre dans le Cercle », le projet assumé de Fianso était de projeter un peu de sa lumière sur ceux qui officient habituellement dans l’ombre du rap (en) français. Mais puisque nos plus proches voisins nous ont déjà prouvé qu’ils n’étaient pas non plus mal à l’aise quand il s’agissait de manier la langue de Molière, son cercle se pouvait se restreindre à l’Hexagone. Pour le onzième épisode de la série, c’est donc la Belgique qui est à l’honneur. Quand Fianso fait l’inventaire des artistes qui se tiennent alors à ses côtés, il y trouve – entre autres – « des mecs de cités, des mecs spés, des mecs bizarres, des mecs longs ». Reste qu’aussi différents puissent-ils être, tous ont répondu présent à son invitation, prêts à cimenter un peu plus leur place dans le paysage hip-hop francophone. Ensemble.

Mars 2018 : Baloji refuse de reprendre le flambeau de Damso pour l’hymne de la Belgique à la Coupe du Monde 2018

Après avoir agité le drapeau de la Belgique au-dessus de la France du rap, il apparaissait naturel pour Damso de se voir accorder la reconnaissance de la terre qui l’a vu grandir en tant qu’artiste. C’est donc à lui que revient le privilège de composer le morceau qui accompagnera la sélection des Diables Rouges au Mondial 2018. Une annonce qui réjouit, dans un premier temps ; peut-être le rap n’est-il plus si pestiféré que ça, après tout. C’est vite oublier que nul n’est prophète en son pays. La satisfaction laisse alors place à la contestation, certaines associations féministes reprochant au rappeur des paroles prétendument misogynes. D’abord confirmé par l’Union belge du football, Damso est finalement désavoué, à peine deux jours plus tard. À travers le congolais Baloji, et ses vingt années de rap dans la bouteille, les médias belges pensent identifier une doublure toute trouvée. Sa réponse ne se fait pas attendre, limpide : « Quand des médias qui n’ont jamais supporté ma musique me demandent de remplacer un artiste majeur d’une musique qu’ils ignorent juste autant ! Fuck u very much ! Quand la dictature de la bien-pensance refuse son temps #VIE. »

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L’arrivée de Sfera Ebbasta dans le paysage rap italien a insufflé un vent de fraîcheur salvateur au sein d’une scène moribonde et conservatrice. Mais si le succès de son album Rockstar en fait plus que jamais le porte-drapeau, le jeune artiste lance déjà son regard bien au-delà des frontières de la Péninsule. Entretien.

Le premier véritable succès de PNL portait déjà le sceau de leur ambition : « Le monde ou rien ». De grandes aspirations qui ne tardaient pas à se concrétiser, prenant la forme d’une couverture de The FADER ou d’une invitation à Coachella. Comme quoi, il est bel et bien possible de voir plus grand. Cela ne fait pas non plus de doute pour Sfera Ebbasta, à qui il a fallu seulement quelques années pour devenir un incontournable du rap transalpin. Le succès fulgurant de Rockstar, son dernier album – qui brise un à un les records de streams en Italie -, témoigne de l’étroitesse de la Botte pour un artiste de sa pointure. Les apparitions de Quavo, Tinie Tempah ou de l’allemand Miami Yacine, sont elles le signe fort d’une conquête du monde annoncée. Mais Sfera imagine bien asseoir d’abord son règne sur un autre territoire : l’Europe.

Photos : @antoine_sarl
Propos recueillis par Gianluca Pesapane.

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Ton arrivée au sein de la scène rap italienne a eu pour effet de briser pas mal de codes qui y étaient ancrés. Avant de te lancer, étais-tu sensible au rap italien ?

J’écoutais certains trucs. J’aimais bien ce que faisait Marracash, avec Club Dogo et Gué Pequeno, c’était les rappeurs que je préférais. Autrement, je suis de la génération 1992 donc quand j’étais plus petit, Fabri Fibra était au top. On le voyait à la télévision, il passait tout le temps à la radio, c’était le plus populaire. À la même époque, il y avait les gars de Club Dogo que tout le monde connaissait à Milan. Étant moi-même originaire de Cinisello – un quartier de Milan -, je n’y ai pas échappé. Ils n’étaient pas aussi populaire que le reste, mais leur son était plus frais.

Mais tu te reconnaissais dans ce qui était proposé artistiquement ?

[Il hésite.] Disons plutôt que c’était le style dans lequel je me retrouvais le plus en Italie.

On devine donc que tes principales références étaient plutôt ailleurs. Quelles étaient-elles ?

J’ai toujours écouté beaucoup de rap américain. Quand j’étais petit, j’étais constamment à l’affût des nouveaux clips, je voulais tout savoir : le nom des producteurs, qui était en featuring avec qui, tout. J’étais incollable, et je le suis toujours d’ailleurs. À un moment donné, je me suis pris de passion pour le rap français et le rap allemand. J’ai découvert Miami Yacine en allant donner un concert dans je-ne-sais-plus quelle ville d’Allemagne. Je n’avais alors jamais entendu de rap allemand, et quand je suis rentré chez moi, on m’a fait écouter son morceau « Kokaina ». Première écoute… Une claque. À partir de là, je me suis intéressé un peu plus à ce qui se faisait là-bas.

Qu’en est-il du rap français ?

Tout a commencé avec Booba. Certes, ça faisait des années qu’il était déja un artiste majeur en France, mais pour ma part, je l’ai connu avec « Caramel ». C’est seulement après que j’ai écouté ses morceaux plus anciens, puis j’ai découvert d’autres artistes comme SCH ou Lacrim.

« Quand j’écoute Booba, j’ai beau ne pas parler français, j’arrive à capter que c’est lui le boss »

Selon toi, c’est cette ouverture musicale qui a fait de toi un artiste en marge du rap italien ?

Clairement, parce que c’est ce qui fait que ma réflexion va plus loin. J’ai toujours eu une idée très précise, très critique de ce que doit être un rappeur dans son style, ses vidéos ou ses morceaux. Je voulais absolument incarner quelque chose de différent, plus en phase avec ce qui se faisait ailleurs qu’en Italie. Parce que c’est ce que j’écoutais principalement. J’écoutais aussi du rap italien, mais je me suis vite rendu compte du fossé qu’il y avait entre nous et la France, par exemple. On était juste à côté de la scène française, mais nous devions les regarder comme s’ils étaient des dieux. Ils n’étaient pas comme nous. Heureusement, les choses commencent à évoluer petit à petit. Le featuring entre SCH et moi s’est fait d’égal à égal.

Ta musique a très vite dépassé les frontières de l’Italie, et le public n’a pas attendu de te comprendre pour apprécier ce que tu faisais. Qu’est-ce que ça t’inspires ?

C’était pareil quand j’écoutais Booba : j’ai beau ne pas parler un mot français, j’arrivais quand même à capter que c’était lui le boss. Vous n’avez pas besoin de comprendre tout ce que je dis pour apprécier ce que je fais. J’avais déjà pu constater que les rappeurs italiens, en ce qui concerne le style comme le son, étaient assez en retard. Tout partait des États-Unis, puis ça passait par la France pour éventuellement finir par arriver en Italie. On était le bout du bout de la chaîne. C’est en train de changer. Au bout du compte, je pense que tout ce qui compte à l’international, c’est que le morceau sonne bien. Tant que c’est le cas, tu peux tout aussi bien écouter un son en chinois et le trouver lourd.

On a tout de même pu remarquer que plusieurs de tes titres étaient traduits dans différentes langues.

Ah ouais ? Je ne savais même pas ! J’avais fait une interview avec Vogue qui était sous-titrée mais…

Des titres comme « Ciny » ou « XVDRMX » sont sous-titrés en français, en anglais ou en arabe, par exemple.

Cool, ça montre que les gens essaient de me comprendre. [rires]

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Justement ; dans quelle mesure est-il important pour toi d’être compris ? Sachant que tu incarnes quand même certaines valeurs : une appartenance à un quartier, un hustle, un mode de vie… Tout cet aspect-là est comme qui dirait « filtré » pour l’auditeur étranger.

En réalité, je ne me pose pas trop ce genre de questions. J’ai aujourd’hui la chance de faire ce que j’aime. Je préfère m’attarder sur tout ce que ça a apporté de bon dans ma vie, la manière dont ça a rendu mon quotidien divertissant. Je suis content de vivre ce que je vis. Hier encore, j’ai fait une vidéo où je disais « Merci Dieu pour cette vie » parce que je lui suis très reconnaissant de pouvoir faire ce que j’aime, et d’en vivre un peu plus chaque jour. Même si ça devient de plus en plus prenant et chronophage, j’ai envie de prendre tout ce qui cette vie à a m’offrir de mieux.

« On fait savoir au monde qu’il se passe quelque chose en Italie »

Peux-tu tout de même nous parler de « Ciny », le quartier de Milan dont tu es originaire, auquel tu as même dédié un titre ?

J’ai enregistré « Ciny » parce que je voulais rendre hommage à mon quartier ; mais comme je l’ai toujours dit, Cinisello pourrait être n’importe quel endroit, en Italie ou même ailleurs. Certes, il y a des banlieues qui ont leurs propres spécificités, qui sont plus chaudes que d’autres. Celles du Brésil, par exemple, n’ont probablement rien à voir avec Ciny. Mais en France ou en Angleterre, la réalité des quartiers populaires est plus ou moins la même qu’en Italie. Ciny est une banlieue comme une autre, dans tout ce que ça implique de positif comme de négatif. Tu vas avoir des Pavillons et des HLM, des travailleurs honnêtes et d’autres qui se retrouvent dans des business parallèles. Rien qui ne vous soit pas familier en soit, mais le fait de le mettre en musique vous permet de prendre conscience du caractère universel de cette réalité.

Ciny fait partie de ton ADN ?

Évidemment, c’est là où j’ai grandi, où je me suis forgé. Cela dit, j’ai beaucoup eu à déménager dans ma jeunesse, ce qui m’a permis de voir toutes sortes de situations, de manières de penser. C’est une chance de ne pas s’être fossilisé dans un seul et même endroit.

Quand as-tu commencé à sortir de l’Italie ?

La collaboration avec Sch nous a fait pas mal voyagé. En France, j’ai de plus en plus de rappeurs, de producteurs et de marques qui me contactent. De là, on a donné le coup d’envoi d’une première tournée européenne qui s’est vite agrandie, notamment en Allemagne où je me suis retrouvé devant des publics de 200-300 personnes. Ça me permet de voir d’autres environnements et ainsi d’élargir mon champ d’inspiration. On fait aussi savoir au monde qu’il se passe quelque chose en Italie.

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Aujourd’hui, ton lifestyle n’est plus le même qu’avant : tu vis désormais comme une Rockstar – titre de ton dernier album. Selon toi, pourquoi la nouvelle génération de rappeur est-elle autant fascinée par l’image de la « rockstar » ?

Le terme « rockstar » se réfère – évidemment – au genre musical, mais aussi à la manière dont vivaient certaines de ses icônes. Mais à force de devenir de plus en plus pop, le rock a un peu perdu de son identité. Aujourd’hui, il n’y a plus de « rockstars » dans le sens propre du terme, comme celles qui ont marqué leur temps. Les nouvelles « rockstars », ce sont les rappeurs. À l’origine, le rock incarnait une certaine forme de révolte, il s’agissait d’avoir une attitude, des propos qui ne soient pas dans la norme. Cette mentalité, c’est dans le rap qu’on la retrouve désormais. Le style de vie des rappeurs d’aujourd’hui n’est pas si différent de celui de stars du rock de l’époque. La genre musical à changé : ce n’est plus le rock mais le rap, la trap ou le hip-hop – peu importe comment on le dénomine ; mais l’essence est la même.

Au-delà de toute l’imagerie qui y est liée, as-tu des affinités avec le rock, en tant que registre musical ?

Mon père m’en a fait beaucoup écouté, oui. Il est né en 1953, donc il a vécu en plein dans les années 1970, 1980, les Woodstock, etc. Tout ça fait que j’ai eu énormément d’influences diverses, parce que je me prenais aussi bien du Jimi Hendrix et du Rolling Stones que d’autres références comme ZZ Top ou Frank Zappa, que notre génération ne connaît pas tellement. Tu demandes à quelqu’un de mon âge de te dire qui est Frank Zappa, il va te regarder bizarrement et te répondre : « Mais c’est qui ce gars-là ? » Grâce à mon père, j’ai vu tous les grands concerts, écouté tous ces grands artistes, toutes leurs collaborations. J’avais huit ans quand il m’a fait voir Woodstock, il me parlait de Jimi Hendrix et de l’effet que le LSD produisait sur lui, et je reste persuadé que ça m’a influencé.

Le rap est donc arrivé plus tard chez toi ?

J’ai été familiarisé au rock dans mon enfance, puis ma mère m’a fait écouté plus de musiques italiennes : Mina, Baglioni, Battisti, etc. Des artistes très importants ici. Je me suis forgé à travers ces deux univers, avant de choisir le rap parce que c’est ce qui me plaisait le plus et – comme je te disais – ça me semblait s’inscrire dans une évolution.

« Ça ne suffit pas d’être le numéro 1 dans son pays. Pour ma part, en tout cas, je ne peux pas me contenter de l’Italie »

Une des particularités de ton album Rockstar est d’être sorti avec deux tracklists différentes : une italienne et une internationale. L’Italie est-elle déjà trop petite pour toi ?

Ouais. En vrai, je l’ai sentie trop petite dès mon premier album, Sfera Ebbasta. C’est quand j’ai collaboré avec Sch que je me suis dit qu’il y avait moyen de voir plus grand. Parce qu’avant ça, je n’imaginais même pas qu’un artiste hors d’Italie – et dont j’étais fan – puisse venir me chercher. Pareil pour Tinie Tempah : je me revois encore en train de partager ses morceaux, sans imaginer un jour avoir la chance de lui parler. Aujourd’hui, c’est le cas donc je me rend compte que tout est possible.

Pour donner une dimension internationale au projet, on pouvait penser que les apparitions d’artistes aussi renommés que Quavo ou Tinie Tempah auraient suffit. Mais tu as aussi pris la peine d’inviter un artiste allemand, en la personne de Miami Yacine. En quoi est-ce important pour toi de multiplier les connexions au sein même de l’Europe ?

Personnellement, je pense que si en Europe, on essayait de penser la musique et de la produire comme en Amérique, on pourrait créer une sorte d’Etats-Unis d’Europe et être au-dessus des States. Aussi bien au niveau de la qualité de la musique que de la puissance de notre business. C’est en créant des liens entre les artistes que nous arriverons à créer une scène européenne. Ici, tout le monde glorifie les rappeurs américains parce que leur influence est effectivement importante. Mais nous devrions aussi nous dire qu’il pourrait en être de même pour nous. Au niveau des chiffres et des vues, on pourrait être au même niveau qu’eux. Certains artistes américains que tout le monde respecte en Europe ne font pas autant de chiffres que ce que certains artistes européens font dans leur pays. Ce n’est donc pas une utopie.

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Tu crois donc sincèrement en l’émergence d’une scène rap qui ne serait plus française ou italienne, mais européenne ?

Mais c’est déjà en train de se faire. Je ne suis que la partie visible de l’iceberg. Je suis persuadé que des dizaines de rappeurs italiens vont essayer de se connecter avec des artistes venant de l’extérieur. Quand tu ouvres une première brèche, plein de gens s’y engouffrent et ont envie d’en ouvrir d’autres. C’est comme ça que tu crées une véritable dynamique, que tu pousses les autres à avoir la dalle. Aujourd’hui, on peut se connecter et faire des morceaux entre nous pour créer de nouveaux horizons.

Tu penses que tout le monde pousse dans la même direction ?

Quasiment tous les gens que je connais en dehors d’Italie me disent que le rap italien est en pleine croissance. Alors certes, j’ai toujours moins de fans dans les autres pays d’Europe qu’en Italie, mais le fait est que j’en ai de plus en plus. Donc je devine qu’un gars comme Miami Yacine – qui a plus ou moins le même âge que moi – s’imagine que s’il veut devenir le plus grand, il faudra viser l’Europe. Pareil pour Sch. Devenir le plus grand, c’est l’objectif de tout le monde. Ça ne suffit pas d’être le numéro 1 dans son pays. Pour ma part, en tout cas, je ne peux pas me contenter de l’Italie. Maintenant que j’ai pris ma part du gâteau en Italie, qu’est-ce que je suis censé faire ? M’arrêter de manger ? Non, j’ai encore faim. Tant que je ne serai pas rassasié, j’irai chercher une autre part. Vu que l’appétit vient en mangeant, j’aurai toujours envie de plus. Ce que je dis pour moi est valable pour tout le monde.

Arrivera t-on au stade où l’Amérique ne sera plus le rêve ultime de tous les rappeurs européens ?

Quoiqu’il en soit, l’Amérique reste l’Amérique. Comment dire… [Il réfléchit.] Si l’Amérique est une Ferrari, l’Europe pourrait très bien être une Lamborghini. Ca veut dire que nous pouvons être aussi compétitif qu’eux. Mais si l’Europe continue d’être une Volkswagen, ce ne sera pas la même course. L’idée n’est pas seulement de s’exporter aux États-Unis mais de pouvoir regarder les artistes américains droit dans les yeux. Comme moi avec les autres rappeurs européens. J’espère qu’un jour viendra où nous serons tous à la même table : les rappeurs américains, européens, asiatiques, latinos, etc.

Cinq. Cinq combats remportés avant la limite. Avec élégance, justesse et agilité. Cinq joutes professionnelles, depuis sa médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Rio. Nouvelle coqueluche de la boxe française, Souleymane Cissokho a commencé du bon poing son ascension vers le toit du monde. Ambitieux, le poids welter n’a pas pour autant perdu de son humilité. Portrait.

Photo : @alextrescool

Souleymane Cissokho est un enfant du 19ème. Ce quartier à la gueule populaire, reculé en bordure de Paris. « Le 19ème, c’est une partie de moi. Et ce qui est bien là-bas, c’est qu’il y a de tout. C’est un quartier que je kiffe à fond. » A Stalingrad, là où il a grandi, se dressent une Rotonde en colonnes et de grands arbres en rangées. Des immeubles brunis et des façades graffées. Des adresses bobos et des taxiphones. Les métros roulent en hauteur sur des ponts en acier. Et les bateaux de plaisance filent à la chaîne sur l’eau en été. Mais à Stalingrad, la bataille n’est pas finie. Beaucoup manquent de tout, vivotent de rien. Alors, naturellement, on s’identifie au mec du coin qui réussit. « Dans le 19, ils me disent tous la même chose : ‘Souleymane, tu ne sais pas la force que tu nous donnes.’ Ils galèrent et ma réussite, c’est comme si c’était la leur. » C’était pas écrit, pourtant.

Gamin, partout, autour de lui, ça dealait pour de l’argent facile. Lui, n’a jamais dévié. « Quand t’es jeune et que tu vois tout ça, tu peux être tenté. Mais je n’ai jamais manqué de rien. Mes parents ont toujours été là, je n’ai pas senti une seule fois que j’avais besoin de faire ça. Mon exemple prouve qu’en restant carré, sur le long terme ça peut payer. Tu n’es pas obligé de vendre de la drogue pour t’en sortir. » C’est d’abord pour les talents gâchés du 19ème, que Souleymane a créé son association, Secteur Sport Education. Sa mission : épauler les jeunes des quartiers défavorisés à travers le sport et l’éducation. L’organisation opère aussi à Dakar, au Sénégal, là où il est né. Dans le faubourg populaire de la Médina, on mise surtout sur l’école. Souleymane n’a pas attendu de briller aux Jeux Olympiques pour aider. Ça l’emporte, ça le remplit tout entier, c’est pas pour parader. « Lorsque je pense à tous ces enfants, ça me donne une pêche de fou sur le ring. Elle est là ma force, aussi. Les gens te disent merci lorsque tu leur donnes, mais en fait c’est moi qui leur dis merci. Parce que c’est vraiment en donnant que l’on reçoit le plus. » Le bonhomme y est attaché, au pays de la téranga. Il le visite une, deux, trois fois par an. Dans ses tuyaux, là-bas, une académie de sports de combat.

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C’est à l’âge de quatre ans que Souleymane est arrivé en France. À Villiers-le-Bel d’abord, avant de glisser vers le nord-est parisien. Son père avait été affecté dans l’hexagone par son employeur, la Banque de l’habitat du Sénégal. Le garçon se trouve au beau milieu d’une fratrie de six, encadré par une sœur et quatre frangins. Depuis toujours, pourtant, il nourrit des façons de grand frère. Au détour de ses phrases, il serine « Je suis un mec posé ». Souleymane a ce truc un peu sage, responsable. Puis ce genre de gentillesse pas feinte qui déborde, qui enveloppe. Lorsque sa famille découvre qu’il boxe, elle s’étonne. « Sur le ring, je me transcende. Je suis quelqu’un d’autre. » Souleymane a enfilé les gants comme ça, sur le tard, à 14 ans. Incité par un pote de sa bande qui pratiquait. À l’entraînement, contrarié de voir ce type du même âge plus habile et puissant, il met les bouchées doubles pour rivaliser. « J’ai travaillé, travaillé… J’ai pas lâché le morceau. Et derrière, c’est allé super vite. »

En un an et demi, Souleymane devient champion de France cadet. Dans la foulée, les stages en équipe de France et les cours du lycée séchés. Son père, qui a fait des études, veille à ce que sa marmaille suive ses pas. Un jour, il presse son fils : « Il faudra choisir entre la boxe et les études. » Souleymane refuse de trancher, il veut pouvoir concilier les deux. Façon d’assurer ses arrières. « La boxe, c’est un sport à risque. Je connais plein de boxeurs pour lesquels tout s’est arrêté du jour au lendemain. Malheureusement, ils s’étaient plus investis dans leur carrière sportive que ‘professionnelle’ et se retrouvent aujourd’hui à la rue ou à faire des boulots qu’ils n’aiment pas forcément. Au moins, si ça s’arrête pour moi, j’aurai un bagage à côté qui me permettra de rebondir très vite. » Aujourd’hui, il termine son Master 2 en droit du sport à La Sorbonne, en programme adapté. Pensé comme un guide pour la professionnalisation, son mémoire sera adapté en livre de poche, à destination des jeunes pousses. C’est que le boxeur prend son rôle d’ambassadeur à coeur. Pas un hasard, si son héros d’adolescence se nomme Mohamed Ali. « C’était un champion sur le ring et une grande personne en-dehors. Pour moi, un champion, c’est ça aujourd’hui. »

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Depuis sa médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Rio en poids welters, Souleymane s’est trouvé propulsé nouvelle icône de la boxe française, avec Tony Yoka. Capitaine d’une équipe de France exceptionnelle, rebaptisée « Team Solide ». Le nombre de licences boxe comme sa propre cote ont explosé. Dans de grandes salles bondées, on l’acclame d’une même voix, sonore et musclée. « Lorsque je rentre sur le ring, ça me rappelle les émotions que j’ai connues à Rio. Lors de presque tous mes combats, c’était un truc de fou, les gens criaient ‘CI-SSO-KHO !’. Ça m’a marqué. Aujourd’hui, lorsqu’on m’appelle et que la salle commence à scander mon nom, je ressens toujours ce petit truc que je ne peux pas décrire. C’est quelque chose de fort, qui me booste à mort. » De retour du Brésil, entre les propositions copieuses des promoteurs et des sponsors, il a fallu garder la tête froide. « Il y a quand même Floyd Mayweather qui avait assisté à l’un de mes combats et me voulait dans son écurie. Floyd Mayweather, le meilleur boxeur de sa génération. Un truc de fou. Mais j’ai pris du recul, je n’ai pas voulu me précipiter. J’ai pris le temps de considérer les différentes propositions avant de me décider. » C’est finalement Ringstar France, qui a remporté la mise. Souleymane aimait l’idée de cheminer aux côtés de ses acolytes de la Team Solide, Tony Yoka et Elie Konki. « Ensemble, on a beaucoup plus de force et d’impact. »

Passer professionnel, c’était le prolongement naturel. Sous l’aile de Virgil Hunter outre-Atlantique, Souleymane croit réapprendre son métier. Comme si sa carrière débutait seulement maintenant, à 26 ans. Tout est différent, plus rigoureux. L’approche de la boxe. La façon de donner et de se protéger des coups. L’hygiène de vie. « En boxe olympique, je me permettais des écarts. Là, il faut boire telle quantité d’eau par rapport à tel taux de sucre, dormir à telle heure…. Tu te dis, qu’en fait, le sport de haut niveau se joue sur la somme des détails. » Les entraînements s’enchaînent deux fois par jour, du lundi au samedi. Souleymane bouffe, dort, respire boxe, chaque minute. Confiné dans sa bulle, focalisé, couvé par une équipe entièrement vouée. « En France, on a de très bons entraîneurs mais ils ne peuvent pas être à 100% derrière toi. C’est le côté associatif. Ils sont obligés de travailler à côté. Aux Etats-Unis, ils vivent de ça, donc sont pleinement investis. » Les sparring partners, aussi, sont plus chevronnés. Ça challenge, ça malmène. « C’est là que tu sens que tu travailles, que t’apprends et que tu progresses. »

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En France, « c’est très très dur de vivre de la boxe ». L’INSEP nourrit et loge ses poulains, mais l’aide personnalisée qu’elle leur octroie ne dépasse pas les 500€ par mois. Pour plus de confort, il faut pouvoir compter sur le soutien de sponsors et/ou d’institutions. Comme Souleymane, qui, avant les J.O., avait signé un contrat avec la ville de Bagnolet. En France, « c’est très très dur » d’afficher ses ambitions, aussi. « Quand tu dis ‘Je veux être champion du monde’, c’est ‘Ohlala mais il se la raconte’ Alors qu’aux Etats-Unis, les boxeurs sont sûrs d’eux et conditionnés pour être numéro 1. » Aujourd’hui, Souleymane l’assume et l’assure, il ne consent pas à tous ces sacrifices pour rien. Il grimpera sur le toit du monde.

Souleymane Cissokho est un enfant du 19ème. Les soirs de combat, c’est sur la musique d’un rappeur du quartier, Soulex la Raffal, qu’il avance jusqu’au ring dans sa tenue satinée. Un clin d’œil aux siens. « Je pourrais prendre n’importe quel autre chanteur, mais lui je le connais. C’est un mec du 19ème comme moi, on a grandi de la même façon. C’est un plaisir. » Et le public de s’époumoner en coeur sur le refrain : « CI-SSO-KHO ! »

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Kareem « Biggs » Burke incarne ces légendes discrètes, celles qu’on ne voit que rarement mais que personne n’ignore. Dans le monde du rap, « Biggs » a fait la pluie et le beau temps : le cofondateur de Roc-a-Fella, avec Jay-Z et Damon Dash, était ce travailleur de l’ombre qui faisait en sorte que le moteur du Roc ne tousse jamais. Un machiniste dont le travail a permis à tous les artistes du mythique label new-yorkais de briller à la hauteur de leur talent. Entretien.

L’histoire du hip-hop, c’est celle de ces empires nés dans la rue. Parmi certains de ses plus grands hustlers-entrepreneurs, Kareem « Biggs » Burke s’est illustré dès le milieu des années 90 avec trois mots qui résonnent toujours aujourd’hui : Roc-a-Fella. Le label, fondé en 1995 aux côtés de Shawn « Jay-Z » Carter et Damon Dash, est intrinsèquement lié au mode de vie de « Biggs ». Débrouille, audace et action : il est une des véritables incarnations de l’état d’esprit « street smart » qui l’habite depuis sa plus tendre enfance. Cette mentalité, on la retrouve dès les premiers mots du premier titre du premier album de Jay-Z sur « Can’t Knock The Hustle ». Plus de 20 ans plus tard, les trois fondateurs ont eu raison de ne pas se laisser abattre et croire en leurs chances de le faire à leur façon. Qui d’autre aurait cru qu’un jour les records de Jay regarderaient de haut ceux d’Elvis Presley, et que ces grandes maisons de disques finiraient par avoir besoin de Jay, Damon et Biggs et non l’inverse ? En magicien d’Oz derrière le rideau, « Biggs » a eu du flair avant tout le monde sur Jay-Z, Cam’Ron ou Kanye West. Et pas seulement le flair de ceux qui repèrent les futurs artistes à succès, le flair de ceux qui savent transformer la poussière en or. Des ruelles sordides de Brooklyn à son bureau au dernier étage d’un gratte ciel du Midtown new-yorkais, l’homme aura permis d’insuffler une vision empruntée aux drug dealers de sa ville : le « supply & demand ».

Musique, business et mode, le New Yorkais a su marquer de son empreinte l’identité entrepreneuriale des acteurs du hip-hop. Un esprit qui ne l’a jamais vraiment quitté : condamné récemment à de la prison, il n’en ressort pas abattu mais inspiré, et décide de lancer NCS (New Canaan Society), encourageant les hommes noirs à entretenir de meilleures relations dans les prisons. C’était en Air Force 1 qu’il marchait en direction de son succès, aujourd’hui, la paire blanche comme l’état d’esprit Roc perdurent et demeurent pertinents et influents – Nike a d’ailleurs réédité dernièrement une paire d’Air Force 1 Roc-a-Fella avec Biggs, tout un symbole. Après tout, ces quelques mots dans le remix de « Diamonds From Sierra Leone » de Jay-Z avaient déjà tout résumé : « I’m not a businessman, I’m a business, man. »

Réalisation vidéo : Samir Bouadla, Célestin Soum
Texte : Shkyd

Kareem Kalokoh est un symbole : enfant des Internets, le jeune rappeur grec revendique ses multiples racines mais ne compte pas pour autant les garder comme limites. Rookie remarqué d’une scène rap européenne en pleine ébullition, il n’a pas peur de jouer les porte-drapeaux. Entretien.

L’autre greek freak. Kareem Kalokoh, 24 ans, est la voix et le visage d’une jeunesse grecque en pleine ébullition, à commencer par son collectif ATH KIDS qui s’érige en fer de lance d’une génération post crise plus créative que jamais. De passage en capitale française pour une double date explosive, le jeune homme termine ses balances au prestigieux Bains Douches où il doit se produire le soir même pour une soirée Kitsune Afterwork. Quelques minutes plus tard, il nous rejoint dans le hall et en profite pour se livrer à une mini séance photo personnelle avec son DJ, comme s’il mesurait pleinement la chance qui s’offre à lui.

Il faut dire que le rappeur originaire de Sierra Leone joue contre les éléments, élevé dans une Grèce au racisme latente auquel il n’échappe pas, et à la scène hip-hop quasi inexistante il y a encore quelques années. Mais lui préfère se battre armé de son rap et de sa musique, comme un doigt d’honneur levé bien haut vers les esprits étriqués qui corrompent son pays. Son premier album Congo (2017) est un concentré d’énergie pure, entre egotrip maîtrisé aux accents américains, hommage appuyé à ses racines africaines, et influences urbaines puisées dans les rues d’Athènes. Un projet hybride et indépendant comme seuls les internet kids savent si bien nous produire.

Revenons à tes débuts. En 2015, tu sors ton premier projet ATH2090s avec ton collectif ATH KIDS. Peux-tu nous en dire plus sur ce groupe ?

C’est un collectif athénien pluridisciplinaire que Valentin Rivera et moi-même avons fondé en 2015. Valentin est notre directeur artistique et fait toutes nos vidéos. Nous voulions créer un groupe de jeunes personnes créatives. À l’époque, il n’y avait rien de similaire à Athènes, c’était notre chance de faire quelque chose de différent et représenter notre ville. Notre nom est inspiré du film Kids (1995) de Larry Clark, nous nous sentions très proches de ces jeunes, sauf que nous étions à Athènes, on s’est juste dit « faisons-le ». Encore aujourd’hui, on fait tout en équipe. Quand on se lance sur quelque chose, tout le monde est impliqué, que ce soit de la vidéo, de la photo, de la musique, de la production ou des vêtements, on fait tout ensemble.

Parles nous de ton premier album Congo, sorti en 2017. Pourquoi avoir décidé de sortir un projet en solo ?

Je voulais rendre hommage à mes racines africaines. J’ai commencé à travailler dessus dès la sortie de ATH2090s. Il y a deux producteurs de mon collectif sur le projet, Taj Jamal et Dazedboi, et j’ai également travaillé avec des producteurs rencontrés sur Soundcloud, comme Lebanon Don. Chaque morceau a un producteur différent, je voulais que chaque titre sonne différemment, mais avec la même couleur, tu vois ce que je veux dire ? Concernant le nom de l’album, je voulais quelque chose de court mais de fort, et j’ai trouvé Congo. D’une certaine manière, dans ma tête ça matchait parfaitement avec la musique. Et même si je viens de Sierra Leone, l’important était de rendre hommage à l’Afrique.

Pourquoi avoir choisi de rapper en anglais et non en grecque, ta langue maternelle ?

Pour la petite histoire, j’ai commencé à rapper en anglais parce que j’écoutais énormément de rap américain, donc c’était plus facile pour moi, même si ce n’est pas ma langue maternelle. J’ai bien essayé de rapper en grecque, mais mes potes m’ont dit « mec, c’est vraiment à chier », donc j’ai tout de suite arrêté. (rires)

Tu viens de nous dire que tu écoutais beaucoup de rappeurs américains. Sont-ils ton influence majeure ?

50 Cent, Lil Wayne, Drake et Kanye West sont mes principales influences. Mais j’écoute aussi la nouvelle génération, avec Lil Uzi Vert ou Lil Yachty.

Il paraît que tu écoutes aussi quelques rappeurs français.

Oui ! C’est Joseph [son DJ, ndlr)] qui m’a fait tomber dedans. Dernièrement, j’ai écouté beaucoup de Booba. C’est fou, il est putain de génial. Un ami m’a montré Kaaris, je l’aime beaucoup. Il y a aussi Damso : j’aime sa sonorité, je pense qu’il est très singulier. Vous avez vraiment beaucoup d’artistes talentueux ici. De manière générale, même la production ou le mix, tout est bon.

Comment est-ce que tu décrirais la scène artistique en Grèce ?

En ce moment, c’est un train d’exploser. Après la crise, tout le monde a voulu faire quelque chose de créatif, que ce soit de la mode, de la photo, de la vidéo ou de la musique. La jeunesse est très créative ces derniers temps. Je pense qu’on va voir émerger beaucoup d’artistes d’ici.

En parlant de la crise, comment a-t-elle changé la Grèce et Athènes ?

Les gens se sont rapprochés entre eux, mais d’une manière où chacun pouvait trouver quelque chose pour s’exprimer. Avec Internet, les jeunes pouvaient apprendre des choses plus facilement et créer. Après la crise, la partie artistique s’est vraiment développée.

Penses-tu rester en Grèce pendant toute ta carrière, ou vas-tu essayer de te faire un nom à l’étranger, comme aux États-Unis par exemple ?

J’aimerais bouger ailleurs, mais ma base restera toujours Athènes, c’est de là que je puise mon inspiration.

« Tout ce dont tu as besoin, c’est d’une connexion wifi »

La scène rap européenne est en plein développement. On voit sortir des artistes de France, Allemagne, Espagne, Italie, Scandinavie ou Grèce. D’après toi, est-on en train d’assister à l’émergence d’une nouvelle ère dans la musique rap ?

Je le pense oui. Les portes se sont ouvertes. Grâce à Internet, tu peux sortir un morceau et un mec au Japon va l’écouter. Par exemple, je n’aurais jamais pu imaginer que je me produirais à Paris quand j’ai commencé la musique à Athènes. En général, les gens ne sortent pas de là où je viens, et la musique m’a mené jusqu’ici, c’est un réel honneur. Les choses sont en train de bouger pour tout le monde. Aujourd’hui, tu n’as plus besoin d’un label par exemple, tu peux tout faire en indépendant, tout ce dont tu as besoin, c’est d’une connexion wifi. Et tu peux apprendre une tonne de trucs, il suffit de t’y intéresser et de mater les tutoriels ou ce genre de chose. Tout ce que nous avons appris, la vidéo, la production etc,. ça vient d’Internet. On a appris à se démerder tout seul.

On a du mal à imaginer l’importance d’une chaîne Youtube comme Colors, qui met en lumière des artistes du monde entier et dans toutes les langues. Quel rôle a joué ton passage chez eux ?

J’aime beaucoup le show, ça m’a permis d’obtenir de me montrer à un public que je cherchais à atteindre, donc je dirais que c’était une étape importante. Comment as-tu entendu parler de moi pour la première fois ?

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Avec A Colors Show.

Voilà, c’est vraiment cool.

Travailles-tu en ce moment sur de nouveaux projets ?

J’ai commencé à bosser sur de nouveaux titres, j’ai loué le studio pour après la mini-tournée européenne. Je ne sais pas encore quelle forme ça va prendre, mais je vais sortir de la musique très bientôt.

En 2013, un membre du parti néo-nazi aube dorée a assassiné le rappeur grec Pavlos Fyssas : comment ce terrible événement a impacté la situation en Grèce ?

C’était le bordel, il y a eu des ripostes, mais ça n’a rien vraiment changé. Certaines choses sont assez corrompues en Grèce. J’ai moi-même subit le racisme toute ma jeunesse : cette attaque je l’ai prise personnellement.

En ce moment, il y a un homme qui fait rayonner la Grèce partout dans le monde, c’est le basketteur Giannis Antetokoumpo, l’un des plus gros espoirs de NBA. Lors du All Star Weekend 2017, un journaliste grec avait demandé au coach s’il pensait qu’être noir et grec en même temps était un oxymore. C’est assez représentatif du problème qu’a une partie de la Grèce avec le racisme.

Bien sûr, le racisme est partout. Parfois il faut ne pas trop y porter d’attention, parce que ça peut te détruire. Il faut rester concentrer sur toi-même et ce que tu fais. Il y aura toujours des trous du cul, tu ne peux rien y faire.

Penses-tu qu’un mec comme Giannis puisse faire évoluer les mentalités ?

Je pense que c’est déjà un peu le cas. Énormément de Grecs adorent Giannis, tu ne t’en rends pas compte.

Tu commences toi-même à être une petite personnalité publique en Grèce. Penses-tu devoir montrer l’exemple pour la jeunesse athénienne ?

Oui, mais dans le fond je pense qu’ils n’ont pas besoin d’avoir un exemple. Les jeunes feront ce qu’ils ont vraiment envie de faire, et pas ce qu’on veut qu’ils fassent. On cherche plutôt à les inspirer, ce serait une bonne chose.

Après l’énorme succès de la chanson « Wildest Moments », Jessie Ware s’est fait une place dans le paysage musical britannique grâce à ses deux albums, Devotion et Tough Love, sortis en 2012 et 2014. Trois ans plus tard, Jessie Ware revient avec un nouvel album nommé Glasshouse, qui compte notamment les participations à la production de Cashmere Cat ou Ed Sheeran.

Le 15 mars à l’Elysée Montmartre, Jessie Ware vous emmène dans son univers à mi-chemin entre rnb et pop, pour une date unique en France.

Jessie Ware concert paris

Dans le même genre musical, retrouvez Snoh Aalegra à la Maroquinerie le 26 mars.

Où sont passées les critiques musicales ? Nous vivons un âge d’or du rap français : des albums et des singles de qualité sortent sans cesse. Et les médias sont presque toujours satisfaits. Manque d’objectivité ou véritables plébiscites ? Les médias musicaux ont-ils peur de critiquer les albums de rap français à succès ?

Au cours de sa carrière incroyable, Booba, le rappeur le plus emblématique en France, a sorti de nombreux albums et de nombreuses mixtapes à succès. Certains de ses projets sont quasi-unanimement respectés (Temps Mort, Ouest Side), d’autres se sont vus reconsidérés avec le temps (0.9), ou critiqués (D.U.C). De la part des fans de rap comme de ceux qui ne comprennent rien à cette culture, Booba a toujours su cliver comme les plus grandes personnalités, en parvenant à être admirable autant que détestable, inspirant comme désespérant, tant dans son personnage que dans sa musique.

Au moins jusqu’à Trône.

La couverture médiatique de cet album n’affronte simplement aucune critique négative. Vous pouvez chercher. Chez les non-spécialisés, on s’amuse à compter les victimes des punchlines (Huffington Post, Le Point), ou les disques de platine et les records de stream (Melty). Chez les spécialistes musicaux, on ne s’embarrasse plus de masquer la différence entre promotion et information. Sur Booska-P, une publication affirme que Trône est un album au sommet le 1er décembre à 00:20 – l’album était officiellement sorti le 1er décembre à 00:00, même si leaké trois jours avant dans une version médiocre. Sur Les Inrocks, trois chroniques différentes sur le même sujet, les trois partageant la même opinion (ce disque est génial, en gros). Et une couverture : King Booba.

On pourrait penser que des médias plus nichés apporteraient un peu de nuances, mais toutes les teintes proviennent du même nwaar : qu’il s’agisse de l’Abcdrduson comme de The Backpackerz, personne n’a l’air d’avoir détesté l’album. Il n’y a guère que Le Monde qui fait résonner timidement un bémol, en estimant que cet album reste sans surprise, et les habitués Genono & Spleenter, ainsi que Paoline sur l’#Afterrap de Mouv voire un podcast du même Abcdrduson qui affichent des réserves. Les premiers-écouteurs Amin & Hugo semblent refléter l’opinion générale :

“OH WOOOW, WOOOW, WOOOOOOOW”

Amin & Hugo

A priori, il n’y a pas que sur les épaules-zer des chroniqueuses de France Inter que le duc pourrait, s’il le souhaitait, poser ses attributs.

Premier album solo depuis le succès de Nero Nemesis fin 2015, Trône est à l’image de chacune des sorties du rappeur du 92 : immanquable. On peut apprécier l’efficacité constante des punchlines, la sélection variée et musclée des productions, la recherche d’émotion des mots de “Petite Fille” comme l’intensité rugueuse de “Terrain”. On passera peut-être l’été à danser sur “Ça va aller” comme on avait dansé sur “DKR”, et nos meilleurs snaps et Insta stories seront habillés par “Drapeau Noir” et “Friday”. Trône s’inscrit sans trop de difficulté dans la lignée de ces disques de 2017 dont on se rappellera lorsque l’on reviendra sur cet âge d’or du rap français que nous avons la chance de vivre actuellement. Les années passent et les modes se délavent, et pourtant, Booba parvient toujours à détonner sans jamais être hors du coup. Trône est un projet solide, en accord avec son temps, une nouvelle réussite pour le boss du rap game. Un média peut s’autoriser à écrire ces mots.

On a aussi le droit de penser qu’il s’agit d’un disque très fainéant sur lequel Booba ne se met jamais en danger. Oui, on peut regretter sa paresse. Cette paresse pèse sur un disque qui voit trop souvent le rappeur en pilotage automatique, poussant ainsi l’auditeur à regretter qu’une autre oreille que la sienne n’ait pas été autorisée à émettre un avis sur le disque avant sa sortie. Surfant mollement sur des vagues sans éclat, il parvient à inviter les deux plus gros phénomènes de l’année rap 2017 (Niska et Damso) sans être capable de vraiment briller à leurs côtés. Ce n’est ni l’album le mieux produit, ni le mieux rappé, mais à lire l’unanimité de la presse et les records battus, on pourrait penser qu’on a affaire à un nouveau Temps Mort ou un nouveau Nero Nemesis. C’est loin d’être le cas. Trône est un projet moyen, voire raté, un disque dont on ne se souviendra pas lorsque l’on évoquera les plus grandes réussites de Booba. Voilà, c’est pas difficile. Un média peut s’autoriser à écrire ces mots.

C’est le rôle des médias de savoir offrir un positionnement, et ouvrir à la réflexion, qu’elle aille dans un sens négatif, neutre ou positif. Chacun est libre d’avoir sa propre opinion, ce qui est plutôt arrangeant dans le rap français puisque nombreux ont décidé de ne plus donner leur opinion si celle-ci s’avère être négative.

Une fois j’ai interviewé un rappeur et j’ai relevé les choses que j’aimais moins bien dans son album. TOUT LE RAP FRANÇAIS m’est tombé dessus. Depuis je parle que de ce que j’aime.

– Fif de Booska-P

Pratique ! Les médias rap n’ont pas envie de parler de ce qui leur déplaît (pour ne pas passer “pour des rageux”, et surtout, pour promouvoir plutôt ce qu’ils aiment et encouragent). Dans la brèche, s’engouffrent les promoteurs qui n’utilisent plus les publications en ligne que comme de vulgaires relais. Un média musique aujourd’hui, c’est souvent un gros bouton “retweet”.

Évidemment, Booba n’est pas le seul à bénéficier de cette immunité médiatique. Avez-vous déjà lu ou entendu une critique médiatique négative concernant la musique de MHD ? Niska ? Fianso ? Si la réponse est non, l’explication est simple. Pour la majorité des médias qui parlent de rap, c’est beaucoup trop risqué d’entacher les relations avec les agences de promotions ou les maisons de disques (voire les artistes eux-mêmes) pour se risquer à formuler une opinion négative. Un rédacteur qui va poser les questions qui fâchent un artiste ne sera simplement pas rappelé. S’il n’est pas rappelé, il n’a plus de travail. S’il n’a plus de travail, il n’a plus d’argent. Dans un domaine aussi futile et précaire que le journalisme musical, il vaut mieux avoir de l’argent qu’une opinion.

Aucun intérêt pour YARD, par exemple, de s’aventurer à atteindre un artiste populaire du genre. Une chronique argumentée mais négative d’Ipséité ou de Lithopédion, ou une analyse du rapport de Damso aux femmes via un prisme ne le mettant pas nécessairement en valeur, pourrait mettre à mal les relations entre le média et les partenaires professionnels du rappeur belge. Peut-être que son label ou son agence de promotion aura tendance à préférer accorder ses avantages et ses exclusivités médiatiques à un autre partenaire dont la contribution aura un effet positif sur le business et la réputation de leurs artistes. Il se pourrait que cette simple opinion complexifie les activités annexes du média, telles que l’organisation des soirées YARD Summer et Winter Club : pas sûr que Damso ait envie de jouer et de déplacer son public si il a l’impression qu’on ne l’aime pas tant que ça. Dans le doute, si on a rien de bien à dire, mieux vaut se taire pour ne pas se griller.

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La majorité des activités liées à la musique sont centralisées à Paris. Ainsi, aux mêmes soirées se retrouvent généralement les mêmes attachés de presse auprès des mêmes tourneurs, des mêmes journalistes, des mêmes directeurs artistiques. Ça ne facilite pas l’envie d’être un de ceux qui critique. Tout le monde veut protéger sa part de gâteau et ne pas se mettre en porte-à-faux afin de conserver sa position dans l’échiquier houleux du monde de la musique. Un journaliste musical va s’autoriser à promouvoir un disque ou un artiste qu’il aime modérément ou pas du tout, pour faciliter sa relation avec une agence de presse, renforcer son lien avec un label. La recherche d’objectivité voire d’avis contraire est secondaire. Tant pis pour le lecteur curieux qui cherchait à forger son opinion. La musique urbaine n’est plus la cerise sur le gâteau, elle devient le gâteau lui-même. Tant que ça marche, il faut que tout le monde grignote dessus. Alors, il vaut mieux se mettre bien, parler en bien du rap parce que c’est ce genre qui apporte du clic. De nombreux rappeurs bénéficient ainsi de cette situation avec une étrange forme d’immunité.

Cette immunité est très propre au rap. Pour prendre un exemple récent, lorsqu’au printemps dernier l’artiste M sortait l’album Lamomali, le journal Libération, par les mots de Jacques Denis, n’hésitait pas à égratigner le manque d’âme et les relents post-coloniaux de ce projet inspiré par et rendant hommage à la musique malienne. M est un artiste établi : cette critique n’affectera pas sa carrière, et il y a peu de chance que ses fans soient susceptibles au point d’en venir à boycotter Libé. Difficile d’imaginer ce journal, ou un autre média, avoir des mots aussi prononcés sur le prochain album de MHD ou de PNL. Il arrive au podcast du réseau Binge Audio NoFun de ne pas être unanime sur les succès du rap français. Ainsi, on a pu entendre les chroniqueurs adorer 1994 ou Xeu comme critiquer Deo Favente ou Agartha. Mais pas d’épisode pour Trône. Sans doute une position compliquée pour Mehdi Maizi, présentateur de NoFun et host sur OKLM, la radio de Booba, qui a évoqué la situation dans les colonnes de YARD le mois dernier : “Avant même de bosser pour OKLM, je disais déjà que Booba était probablement mon rappeur préféré, ou en tout cas la discographie la plus impressionnante en France. (…) Mais aujourd’hui, dès que je dis quelque chose comme ça, j’ai droit à du « Mais tu dis ça parce que tu bosses pour Booba », « Parce que c’est ton pote », « Parce que t’es associé à OKLM ».”

Il serait curieux de reprocher à Mehdi Maizi de ne pas être expansif sur son opinion là où aucun de ses confrères ne s’est aventuré. Rachid Majdoub de Konbini ? Mouloud Achour de Clique ? Chacuns excellents dans leurs approches apportent leur bienveillance et leur expertise sur la culture rap. Et puis, même si ils n’avaient pas réellement aimé cet album, il n’auraient pas vraiment de raisons pour afficher cette opinion. Personne d’assez influent ne serait assez fou pour devoir porter sur les épaules la charge de celui qui a dit du mal de Booba. Pas en 2018. Un ratpi investigateur, un dossier malheureux qui ressort, un screenshot assassin relayé sur Instagram… Tout peut aller très vite.

 

Classe éco + lady boy = double cassage de dos.. #onseconsolecommeonpeut #VictoriaLee #DDRG

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Cette bienveillance généralisée est certainement le résultat d’un besoin naturel de défendre et mettre en valeur le rap en opposition au traitement du genre par les médias traditionnels. Il vaut toujours mieux 50 médias rap avec le même positionnement que trois émissions TV généralistes qui vont demander à Nekfeu quel est son livre préféré. De Fabe qui refuse la caricature des rappeurs alors invité par Nagui dans les années 90, à Booba réduit aux bling-bling par Laurent Ruquier ou Antoine de Caunes il y a près de dix ans, en passant plus récemment par l’honteux passage de Vald chez Thierry Ardisson ou l’interrogatoire judiciaire de Fianso sur Quotidien, les exemples de moments de gêne ne manquent pas. Les médias traditionnels français, lorsqu’ils s’adressent au rap, ressemblent tristement à l’oncle d’Orelsan dans “Défaites de famille”, prêt à tout moment à dégainer un “yo, yo, avec les doigts”.

Alors, il faut au moins ça pour compenser face aux titres de la presse généraliste. Non, Lomepal n’est pas le “Eminem du 13e”, pas plus que MHD n’était un “ambianceur d’Afrique de l’Ouest” et Vald “un amuseur loufoque”. Cette période de l’Histoire du rap français ne propose pas uniquement de la musique de qualité, mais aussi, des espaces médiatiques qui savent la mettre sous la meilleure des lumières. Qu’il s’agisse de contenus écrits, vidéo, audio, être un fan de rap en 2018 est un véritable bonheur si on vit cette culture par ses médias et les réseaux sociaux. Une longue interview sur Rapelite ou La Sauce, un nouveau format de vidéos malin sur Booska-P ou Konbini, un podcast rap sur Arte, des analyses et des entretiens poussés sur YARD : il y en a pour tous. Un soutien et une camaraderie de plus en plus forte qui se ressent dans un programme comme Rentre Dans Le Cercle, capable de convier des rappeurs aussi différents que Bigflo & Oli et Chilla, et des représentants de maisons de disques et médias divers. Dommage qu’entre la maladresse des généralistes et la bienveillance des spécialistes, il n’existe pas encore de troisième voie.

De l’autre côté de l’Atlantique, les médias ne s’empêchent pas d’être critiques envers des artistes qu’ils adorent et qu’ils ont envie de voir s’améliorer. Un Drake comme un Kanye West ne sont pas à l’abri de voir des grands médias mettre leurs doigts sur les défauts des disques. Ça a été le cas pour les albums More Life et The Life of Pablo, dont la réception a été mitigée. Ces opinions ne changent pas l’amour pour les artistes, et n’ont évidemment pas d’impact sur le résultat financier – à l’ère du streaming, une mauvaise critique ne va certainement pas faire chuter les ventes, elle va au contraire peut-être permettre de gagner quelques streams curieux. La critique ouvre simplement les conversations, et permet d’espérer le mieux des artistes qu’on adore. On peut là-bas se permettre de détruire Eminem, un des plus grands champions du genre, parce que son album est en dessous de ses standards. Ici, c’est presque un événement quand quelqu’un ose émettre une critique fondée concernant l’album de Lorenzo.

Un Charlamagne tha God qui accueille Kanye West dans le Breakfast Club en 2013 pour le confronter juste après avoir été explicite sur la déception qu’il avait ressenti en écoutant Yeezus, ou un Joe Budden qui quitte une interview Everyday Struggle avec Migos pour exprimer sa désapprobation du groupe ? Pas quelque chose qu’on est prêt de voir en France. Dommage, pourtant, parce que l’incidence de ce genre d’échanges est très modérée. Quelques mois après l’altercation, Migos interviewé par Ebro pour Beats 1 peut envoyer de l’amour pour Joe Budden, puisque de toute façon, tout ça n’est que pour la culture. “No hard feelings”.

Dans l’Hexagone, les formats médiatiques ne sont là que pour mettre les artistes et leurs projets en valeur. C’est donc doublement un âge d’or pour le rap français. Souvent, c’est parce que la qualité est évidemment présente. Parfois, c’est aussi parce que les agences de promotion font un travail remarquable, et cela, qu’importe la qualité de la musique. Tout est bien et tout le monde est content. Le streaming nous a rendu paresseux, les journalistes suivent cette route en n’encombrant pas nos esprits d’avis divergents. Le rap, ce n’est pas la Corée du Nord, la démocratie n’est pas en danger. Mais l’intégrité intellectuelle l’est. Parce que le rôle des médias est de proposer des opinions, des perspectives, d’enquêter. Pas de ne servir platement que de relai pour des agences de promotion.

Lorsque Konbini diffuse une publication financée par Danone, ou YARD par Uniqlo, une obligation légale impose de préciser qu’il s’agit d’un contenu sponsorisé. Si en cliquant sur un lien concernant “l’album de l’année” ou “la nouvelle sensation 2018”, étaient indiquées les agences de promotion qui ont proposé leur contenu pour vous faire croire qu’un média aime ou découvre quelque chose, peut-être que le contrat entre journaux et lecteurs serait plus honnête. À notre époque tout particulièrement, il faut que les informations puissent rester justes et, surtout, du côté des auditeurs, des consommateurs, des fans. Ce que nous sommes tous, avant tout autre étiquette. Nous faisons déjà semblant de croire que les algorithmes des plateformes de streaming suivent vraiment nos goûts et que nos playlists ne sont pas majoritairement des relais pour des artistes poussés par les grosses maisons de disques, on ne va pas en plus de ça continuer à croire qu’on aime des albums de merde parce que les acteurs des médias musicaux sont incapables de faire preuve d’un peu de courage.

 

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— 2DOPEBOYZ (@2DopeBoyz) 11 octobre 2017

Le retour d’Atlanta est prévu pour ce jeudi 1er mars, et il pourrait bien être accompagné d’un nouvel album de son showrunner de génie. Oui, 2018 pourrait bien être (encore) l’année de Donald Glover, alias Childish Gambino. Son talent sera-t-il pour autant/enfin reconnu à sa juste valeur ? Difficile à dire. Remémorons-nous tout de même ces dix occasions où Donald Glover nous a éclaboussé de sa classe.

Childish Gambino est en concert à l’AccorHotels Arena, avec H.E.R. en première partie, ce mercredi 27 mars

Après une première saison unanimement saluée, Atlanta revient enfin sur nos écrans, pour notre plus grand plaisir. Il ne s’agit cependant pas là de la seule actualité à travers laquelle Donald Glover fait aujourd’hui parler de lui. Ce-dernier vient en effet d’annoncer la tenue d’un nouvel événement Pharos en Nouvelle-Zélande, où ses fans pourront « expérimenter de nouvelles musiques », comme il l’avait déjà fait il y a deux ans. Il avait alors dévoilé pour la première fois au monde l’excellent Awaken, My Love! – ni plus, ni moins. Toutes ces nouvelles ont le mérite d’être clair : l’artiste multi-casquettes est de retour, sur tous les plans.

Le simple fait d’avoir à préciser « sur tous les plans » en dit déjà long sur l’ampleur du talent de Donald Glover. À l’image de Kanye West ou Drake, le public a tendance à glorifier les artistes qui semblent être dotés du toucher de Midas, et qui excellent quelque soit le domaine auquel ils s’essayent. Alors pourquoi le nom de Donald Glover n’est-il jamais cité au moment d’évoquer les grands génies de notre temps ? Peut-être n’a t-il pas encore su balancer le projet qui lui ouvrira à grands coups de pied les portes de mainstream. Peut-être n’est-ce qu’une question de temps. En attendant, il nous semblait important de se rappeler de toutes ces fois où l’artiste polyvalent nous a rappelé qu’il était juste meilleur que les autres.

Octobre 2011 : l’apogée de Troy, dans l’épisode « Remedial Chaos Theory » de Community

Avant d’emprunter son alter-ego musical, Childish Gambino n’était alors « que » Donald Glover. Un comédien/humoriste rangé sous la tutelle de l’immense Tina Fey, avec ses allures chétives de jeune étudiant. Son fait d’arme le plus mémorable dans ces heures de sa carrière, reste son passage par la série Community. L’histoire d’un groupe d’adultes qui étudient ensemble au sein d’une université communautaire. Là, il incarne le rôle de Troy ; la moitié d’un duo fusionnel de geeks obsédés de cinéma qu’il forme avec Abed. Entre scénario fous et tours de chants, on se souviendra aussi de cette scène qu’on croise encore parfois au détour d’une session dans la page Explorer d’Instagram. Alors que Troy s’en va chercher des pizzas, il claque la porte et entraîne une réaction en chaîne dont résulte une blessure par balle et un incendie. À son retour, face à l’horreur de cette scène, il pointe comme coupable une figurine de troll sur le lieu du crime, et pour la détruire, l’avale alors qu’elle est en feu. Et perd sa voix. Des événements qui entraînent la naissance du personnage d’Evil Troy dans la « Darkest Timeline ». L’absurde et le grotesque de Community en quelques lignes.

Juillet 2012 : sa surréaliste interview croisée avec Chief Keef

Quatre minutes de génance ultime. Face à un Chief Keef muet, complètement dans son personnage, Gambino ne perd pas ses nerfs et évite de faire une Joe Budden, cinq ans avant l’épisode « Leftoffbadandboujee ». Mieux, il finit par troller le trolleur en rentrant complètement dans son jeu, d’où le mythique : « I heard you like belts. » Âmes sensibles s’abstenir.

Octobre 2013 : son épique freestyle chez Sway in the Morning

À l’inverse d’un Drake pour qui la transition de comédien à rappeur s’est faite très facilement, les choses ont été moins faciles pour Childish Gambino. L’image nerd et sans assurance du personnage de Troy Barnes de la série Community a eu du mal à quitter Donald Glover. Pendant longtemps, Donald Glover n’était pas forcément reconnu en tant que véritable rappeur ; son passage chez Sway in the Morning change vraiment la donne. C’est sur l’instru de “Pound Cake” de Drake, justement, et de Jay-Z que le Gambino s’illustre et tape tranquillement la discute avec Sway en plein freestyle, avant de reprendre en improvisation totale. Flegme et charisme. Un moment de grâce qui a été vu plus de 15 millions de fois sur la chaîne YouTube de la radio américaine et qui a mis l’ami Donald dans une position très confortable avant la sortie de son album, Because The Internet.

Décembre 2013 : la pépite because the internet

Après avoir sorti Camp en 2011, un premier album qui a servi de mise en bouche, c’est en 2013 que Childish Gambino nous offre le véritable plat de résistance : because the internet. Un sucré-salé bourré de saveurs sans date de péremption – regoûtez-y aujourd’hui, vous ne serez pas déçu. Du frénétique “Worldstar” au lénifiant “Pink Toes”, Donald Glover réussit, avec des sonorités très différentes, à construire un album harmonieux. En plus de repousser les frontières du rap en proposant, pour 2013, un album en avance sur son temps, Donald Glover accompagne tous les morceaux de because the internet d’un scénario qui aide à comprendre le sens du projet. Ses efforts lui ont valu une nomination aux Grammy Awards 2013 dans la catégorie “Meilleur album rap”, ainsi qu’un disque d’or. Les multiples casquettes de Donald Glover lui permettent de mettre chacun de ses talents au service de sa musique, et plus largement au service de son art – cet LP en est la parfaite illustration.

Octobre 2015 : son incroyable cover de « So Into You » de Tamia

C’est près de deux ans après la sortie de l’album because the internet qu’on retrouve Childish Gambino au micro de la radio Triple J. La formule de l’émission : un titre original et une reprise pour le segment « Like A Version ». Comme pour nous prouver, encore une fois, qu’il était capable d’exceller là où on ne l’attendait pas, Donald s’attaque à un classique du R&B: « So Into You » de Tamia, chef d’oeuvre de 1998.  « Je suis sortie avec quelques filles qui m’ont dit que c’était leur chanson préférée, et j’étais genre ‘Moi aussi !' », justifie-t-il avant de se lancer. Quelques arrangements acoustiques minimalistes rythmés par ses claquements de doigts, et une voix smooth qui monte impeccablement dans les aigus. Un résultat viral et validé par Tamia elle-même. Champion.

Juin 2016 : Pharos, avant-goût de l’avenir

Juste avant l’été 2016, par l’intermédiaire de Twitter, Donald Glover lance un nouveau mystère des Internets. « Pharos.earth« , tweete-t-il. Un simple lien vers une page permettant aux visiteurs de télécharger une application, le tout dans une atmosphère astrale au milieu de laquelle se démarque une petite planète bleue. Un compte à retour complète l’intrigue. La Twittosphère s’enflamme, les speculations vont bon train. Dans la foulée, l’ami Donald brise les théories les plus folles en annonçant une série de trois concerts en septembre de la même année au milieu du Parc national Joshua Tree, en Californie.

« Concerts ». Le mot ne fait pas honneur à ce que Gambino a offert à son audience pendant les trois jours de « Pharos ». Cinq performances présentant Awaken, My Love!, album qui ne sera révélé au reste du monde que trois mois plus tard, via une présentation sonore et visuelle hautement sensorielle, le tout au milieu du désert. Une série de shows futuristes, véritable aperçu de ce que les mélomanes peuvent attendre de demain : Childish Gambino s’est efforcé de retranscrire physiquement toutes les images et idées qui accompagnent son album, au moins dans son cerveau. Les shows, entièrement organiques au niveau instrumental, étaient pensés comme de véritables expériences sensitives en étant accompagnés de créations en réalités virtuelles. L’aventure Pharos étant une no-phone zone, peu d’images de l’événements ont fuité, rendant l’ensemble d’autant plus mystique. Autant de raisons qui donnent fichtrement envie de se lancer tenter par l’édition 2018 de cette belle féerie.

Octobre 2016 : l’épisode « B.A.N. » d’Atlanta

Pour illustrer l’ingéniosité de son showrunner, on aurait pu désigner à peu près n’importe quel épisode d’Atlanta, tant la série est brillamment maîtrisée de bout en bout. Mais c’est sur le seul épisode où Glover n’apparaît pas que notre choix s’arrête, ce qui – dans le fond – est peut-être d’autant plus significatif. « B.A.N. » est une parenthèse hilarante dans la chronologie du récit. Il n’est alors plus question du struggle permanent d’Earn Marks, mais d’une apparition de Paper Boi sur la chaîne fictive Black American Network, parodie de BET. Le rappeur s’y confronte à Montague, un présentateur dans une recherche constante de drama, ainsi qu’au Dr. Debra Holt, qui lui reproche sa prétendue transphobie. Le tout est entrecoupé de fausses publicités et de reportages tous plus absurdes les uns que les autres, pour nous offrir une belle satire de ce que la télévision afro-américaine peut proposer de pire (ou de meilleur, selon votre goût pour les échanges musclés). Mention spéciale à la participation de RetroSpectro, humoriste bien connu des réseaux sociaux, qui campe ici le rôle d’un ado en profonde crise d’identité.

Janvier 2017 : « I really wanna thank the Migos »

Succès critique et populaire, la série Atlanta a bien heureusement fait son chemin jusqu’à la cérémonie de la 74ème cérémonie des Golden Globes. Plusieurs fois nominé dans la catégorie comédie télé, Donald Glover emporte avec lui deux trophées : celui de meilleur réalisation pour l’épisode « B.A.N. » et celui de meilleur acteur principal dans l’épisode « Ernest ‘Earn’ Marks ». Dans son discours de remerciement, c’est à la ville d’Atlanta qu’il rend hommage; sans oublier de faire une passe à Migos qui faisait une apparition dans l’épisode « Go For Broke » dans le rôle de dealers armés jusqu’aux dents : « Je veux remercier Migos, pas parce qu’ils sont dans la série, mais pour avoir fait ‘Bad & Boujee’. » Pour finir par adouber le trio au rang de Beatles de notre génération. Une déclaration qui a, à l’époque, valeur de prophétie et qui se vérifie quelques mois plus tard, lorsque « Bad & Boujee » est sacré disque de platine.

Juin 2017 : « Redbone » en live du Tonight Show

Le titre était déjà une surprise en soi – le dire relève presque de l’euphémisme. Avec « Redbone », celui que l’on avait étiqueté (à tord ?) « rappeur » se lance corps et âme dans une balade enivrante et groovy, prouvant à son monde qu’il s’aventure rarement là où on l’attend. Imprévisible. Mais plus encore que la couleur musicale du morceau, c’est la performance vocale de Childish Gambino qui étonne. Son timbre y est si perché que bon nombre d’auditeurs spéculent sur l’utilisation d’effets vocaux. Certains prennent même la peine de ralentir le tempo original, rendant ainsi la voix de l’artiste plus grave – et donc plus fidèle à sa « nature » présumée. Le point de départ du meme « What Redbone would sound like » où les internatutes imaginaient ce que pourrait donner le morceau dans toutes sortes de contextes saugrenus. Plus aucun doute n’est cependant permis quand Gambino se présente sur la scène du Tonight Show de Jimmy Fallon, sans le moindre artifice. La réussite de « Redbone », il ne la doit qu’à son seul talent.

Demain : Star Wars et Le Roi Lion

Un grand d’aujourd’hui, un gigantesque de demain. Dans le futur long-métrage centré sur la jeunesse d’Han Solo, Solo (sortie mai 2018), Donald Glover succède à Billy Dee Williams pour interpréter le contrebandier Lando. Un rôle de choix, et l’honneur d’intégrer l’épopée Star Wars. Rien que ça. Mais Donald est aussi talentueux qu’ambitieux, et il ne compte absolument pas en rester là : après le succès de son remake du Livre de la jungle, le réalisateur Jon Favreau a décidé de s’attaquer à l’un des plus grands succès de l’histoire des films d’animation, Le Roi Lion. Et qui a été choisi pour jouer Simba et ronronner à côté de Nala, jouée par Beyoncé ? Notre ami Donald. Est-on seulement prêt pour leur version de « Can You Feel the Love Tonight » chantée par toutes les futures gamines du monde entier ? Assurément, oui.

The Blaze continue de flamber. Depuis « Virile » et « Territory », les deux compositeurs français font parler d’eux pour de multiples raisons : leurs créations musicales intriguent, surprennent, traversent les genres au point de captiver bien au-delà du public house. Ce serait la première raison. La deuxième est évidemment liée à l’image : les deux cousins réalisent leurs propres clips, des pépites visuels qui caressent la rétine et captivent l’esprit. Qui ont pu agacer certains aussi, parfois, mais c’est un autre débat. La troisième qualité du duo réside dans l’attention apportée à leurs prestations scéniques, hypnotisantes car dans la parfaite lignée de l’univers qu’ils développent – parole d’un type qui ne voit aucun intérêt (ou presque) à tout ce qui n’est pas un concert de rap. Autant d’arguments qui nous ont poussé à être à nouveau curieux en voyant que le dernier clip de The Blaze, « Heaven », était libéré sur les Internets.

Terminé l’Algérie, théâtre de « Territory » : place à l’Afrique du Sud ou Guillaume et Jonathan ont donc été réaliser « Heaven ». Nicolas Poillot, cofondateur d’Études, directeur artistique et photographe, était sur place. Les photos ci-dessous, présentées exclusivement pour YARD, sont les siennes – il nous les raconte. « L’exercice était avant tout de faire des images ‘behind the scene’, mais j’ai souhaité aussi donner une approche plus poétique et humaine pour retranscrire l’ambiance du clip. L’esthétique forte de Jonathan et Guillaume est cinématographique, j’ai voulu proposer une approche plus naturelle et spontanée, nous explique-t-il. La scène se passe dans un environnement unique, ce champ et cet arbre, mais m’a permis de me concentrer sur l’humain au sein d’un groupe. Il y avait une énergie forte qui émergeait des sujets, ponctuée d’une nonchalance naturelle, donc d’instants forts d’un point de vue photogénique. » Un livre de ces photos a été publié par Animal 63 et Études Studio. Après la consécration Coachella, The Blaze enchainera les festivals en Europe (Primavera, Parklife, Garorock, Lollapolloza, Leeds & Reading, pour ne citer qu’eux) pour célébrer la sortie de leur premier album, prévue pour le mois de juin.

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C’est à la Courneuve, là où Dinos a grandi, que celui-ci a choisi de tourner « Flashé », premier clip extrait du tant attendu Imany annoncé pour le 27 février.

« Je tenais à ce qu’on shoote ici avant que ce soit détruit. Pour garder des traces. Pour moi, ça c’est indélébile tu vois. […] Je suis trop heureux de mettre ma ville en avant, mon département, et surtout mon environnement. Parce qu’en vrai des banlieues, il y en a partout frère. […] Il y a plein de gens qui vont se reconnaître dans ce truc de, « Je suis le quartier mais pas la rue. »

Photos : @Ojoz

Chaperonnée par Kendrick Lamar et forte d’un casting cinq étoiles, la tracklist de la B.O. de Black Panther avait suscité un enthousiasme immédiat. Une semaine après sa sortie, c’est pourtant le titre d’un groupe passé plus ou moins inaperçu qui tourne inlassablement dans nos lecteurs. On se devait donc d’en apprendre plus sur ceux qui se cachent derrière les sigles « SOB x RBE ».

À défaut de nous offrir le grand moment de cinéma que beaucoup semblaient attendre, la sortie de Black Panther aura au moins eu le mérite d’injecter un peu de sang neuf dans nos playlists Spotify. Pour ça, on remercie mille fois Kendrick Lamar, qui s’illustre en chef d’orchestre d’une bande originale dépouillée, brillante d’efficacité et d’éclectisme.

Bien qu’en possession du sifflet de coach, le rappeur de Compton se laisse le droit de chausser les crampons ici et là, pour s’aventurer dans la zone industrielle de Vince Staples (« Opps ») ou plonger avec Ab-Soul, Anderson .Paak et James Blake dans les « Bloody Waters ». Sa rotation d’effectif implique une quantité de joueurs chevronnés, de Swae Lee à Travi$ Scott, en passant par ScHoolboy Q ; ainsi qu’une poignée de petites révélations, comme les sud-africains Saudi et Yugen Blakrok. Leurs efforts ne peuvent toutefois dissimuler le fait que la principale réussite du disque soit frappée de deux sigles jusqu’alors inconnus de la plupart des auditeurs.

Sur le menaçant « Paramedic! », Kendrick se contente d’un refrain nonchalant pour mieux laisser briller le collectif SOB x RBE. Ses membres déroulent tour à tour leur débit rugueux, ardent comme le soleil qui surplombe la Bay Area – d’où ils sont originaires. Ils sont quatre à s’illustrer sur la B.O. de Black Panther : Slimmy B, Lul G, DaBoii et Yhung T.O. Tous flirtent avec la vingtaine. Ce sont les mêmes qui se sont présentés lors de chacune des apparitions médiatiques que le groupe a effectué pour le moment. Mais du côté de Genius, on dénombre pourtant six membres. « Il y a en a quelques autres qui ne rappent pas. SOB x RBE n’est pas un gang, mais une famille. Ca va bien au-delà de la musique », glissait l’un d’eux à The FADER, en avril dernier. On comprend donc que les contours peinent à être définis avec exactitude.

Ce qui ne veut pas pour autant dire que certains postes sont à pourvoir. SOB sont en effet les initiales de « Strictly Only Brothers » (« strictement qu’entre frères »). Un état d’esprit auquel le public rap n’est que trop familier, pour s’être épuisé au « QLF » de PNL ou au « No New Friends » de Drake. On inscrira plutôt SOB x RBE dans la lignée du « OTF » (« Only The Family ») des chefs de file du mouvement drill, Lil Durk et Lil Reese. Il suffit de regarder le visuel de leur titre « Endzone » pour s’en persuader. De jeunes afro-américains postés en équipe dans une résidence trop peu éclairée, qui agitent dangereusement leur calibres devant une caméra en mouvement : cette brève esquisse doit sans doute vous dire quelque chose, n’est-ce pas ? La référence sera d’ailleurs assumée plus directement dans le morceau « Calvin Cambridge », où DaBoii rappe « SOB, it’s just us nigga » en écho au titre « Us » de Lil Reese.

La comparaison n’ira cependant pas plus loin. À la fureur bestiale de ses homologues de Chicago, la clique du SOB préfère les moves plus décontractés. Il faut dire que leur musique s’y prête, parfaitement ancrée dans la tradition ouest-américaine. Délicieusement funky, les basses rebondissent sur des samples de soul et de R&B, allant de Miguel à Chaka Khan. « Endzone » reprend la boucle de Luniz, « I Got 5 On It », « Calvin Cambridge » nous rappelle au bon souvenir de N.W.A. « On fait juste de la musique pour la street. Dans ma tête, quand j’ai commencé à faire du son, je me disais que j’avais juste besoin d’un morceau qui me permette de recevoir le soutien de la Bay Area, que les gens d’ici me connaissent », raconte Slimmy B, toujours pour The FADER. Avant Kendrick Lamar, SOB x RBE pouvait déjà compter sur l’appui d’artistes comme Mozzy, YG ou Sage The Gemini, qui les avait emmené en tournée sur toute la côte Ouest.

Le collectif s’est montré particulièrement productif en 2017, avec la sortie d’un premier projet éponyme et une série de six mixtapes solo – dont deux pour le seul Yhung T.O., crooner « street crédible » doté d’un sens aigu de la mélodie. Bon nombre de leur clips ont engrangés plusieurs millions de vues, et on ne les imagine pas s’arrêter en si bon chemin. D’autant qu’outre Black Panther, SOB x RBE est déjà d’attaque pour 2018 : leur premier album Gangin est sorti ce vendredi 23 février, après quoi le crew partira jouer les « rockstar » en première partie de Post Malone et 21 Savage.

La ligne Uniqlo U annonçait le printemps et il faut croire que le ciel a répondu à cet appel. On a profité des premiers rayons de soleil parisiens pour shooter la nouvelle collection Jeans de la marque japonaise. C’est entre le Grand Palais et les rues avoisinant Bercy que nous avons emmené nos quatre modèles, représentants d’une jeunesse parisienne active et constamment en mouvement.

Pour s’adapter à cette effervescence d’énergie, Uniqlo propose une large collection de jeans innovants, stylés et pensés pour chaque moment. On trouve, par exemple dans les looks des modèles, le Jeans Selvedge, connu pour être plus résistant ou encore le Boyfriend, revisité par Uniqlo avec une taille haute et une coupe fuselée pour plus de féminité. Cette ligne Jeans est imprégnée du savoir faire japonais, qui utilise à la fois des techniques traditionnelles et des technologies modernes pour le tissage du denim, garantissant une meilleure qualité. Que ça soit pour un look total denim ou un look plus simple avec une chemise et une marinière, Uniqlo possède sûrement le jean que vous cherchez dans sa nouvelle collection, déjà disponible en ligne et dans les magasins de la marque.

Photos : JFW75
Modèles : Alicia, Lisa, Benjamin, Ibrahim

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Il fut un temps où Fif était un fantôme. Il est aujourd’hui immanquable, sans être sûr de vouloir l’être. Mais de la même manière qu’il doit toujours y avoir un numéro 1, il fallait bien quelqu’un pour incarner Booska-P. Alors Fif s’est acaparé de cet espace vacant pour conter les histoires qui font la culture pour laquelle il s’est battu, bien avant les autres. Entretien.

« Putain… C’est déjà fini ? » s’étonne Fif, après plus d’une heure passée à échanger avec nous. Un peu plus tôt, il jurait pourtant ne plus avoir vocation à se prêter au jeu de l’interview. Peut-être est-il conscient que son incontrôlable débit de parole n’est pas compatible avec la direction chronophage du premier média hip-hop de France. Ou peut-être estime-il que la parole qu’il exprime à travers Booska-P lui suffit. C’est sans doute ça. Il a d’ailleurs récemment lancé Fif Stories, un nouveau format vidéo qui le laisse s’adonner à son plaisir coupable : raconter des histoires. À commencer par celle du site auquel il a donné naissance en 2004, et qui continue de s’imposer dans ce foisonnement de nouveaux médias urbains.

Photos : @samirlebabtou

Dans une interview avec Ptit Délire en 2012, tu faisais dos à la caméra. Qu’est-ce qui a changé dans le rap pour que Fif se raconte enfin à visage découvert ?

Tu sais, si j’avais pu garder l’anonymat, je l’aurais fait. Mais ce sont des discussions avec des gens du milieu qui m’ont fait revoir mes positions. Ils me disaient : « Fif… Tu devrais te montrer. C’est important pour le business de savoir qui se cache derrière Booska-P. On en entend parler partout, on sait ce que c’est, mais on ne connaît pas les personnes derrière. » Je leur disais que ce n’était pas mon truc, que je n’aimais pas me montrer et que c’est justement pour ça que j’ai toujours été derrière la caméra. Mais effectivement, quand on y réfléchit : on sait qui est le mec de Facebook, on sait qui se cache derrière Apple ou Windows. Non pas que je me compare à eux, mais le fait est qu’ils incarnent leur marque. Ce qui est marrant, c’est que plusieurs personnes m’ont fait la remarque dans un laps de temps très court – des gens qui ne se connaissaient pas les uns des autres. C’était il n’y a pas si longtemps que ça : la première fois que je me suis montré, ça devait être en 2015. Avant ça, j’avais commencé à me révéler petit à petit, avec des photos… [Il coupe.] Même les photos que je mettais sur mon Insta, elles étaient floutées. Je ne voulais pas trop qu’on me voit parce que… C’est trop bien la liberté. Aujourd’hui, on m’arrête tout le temps, à chaque fois que je sors, que je sois seul ou avec ma femme et mes enfants. C’est cool – d’autant que c’est jamais méchant – mais j’aime aussi pouvoir circuler ou faire mes courses tranquille. Mais tant pis, on fait avec. Et tu vois : mes deux associés ne veulent pas se montrer du tout. Eux sont très bien dans l’ombre, ça leur va comme ça. Il faut que quelqu’un se sacrifie, alors j’y vais. [rires]

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Aujourd’hui, il est carrément question de Fif Stories. Tu as ta propre chaîne dédiée, ta page Facebook perso, tu interviens dans l’After Rap sur Mouv’… Est-ce que tu n’es pas doucement en train de devenir ton propre média ?

Pareil : ce sont souvent des discussions avec des gens, même parfois des anonymes, qui me font prendre conscience de ce genre de choses. Personnellement, je ne m’en rends pas compte parce qu’il faut avoir de l’égo pour se dire : « C’est bon, je suis quelqu’un. » Je n’ai pas ce truc-là. À l’origine, je voulais faire les Fif Stories en 2015 pour célébrer les dix ans de Booska-P. Mais entre le moment où tu as ton idée et le moment où tu peux la mettre en place, il se passe tellement de choses… On a finalement pu le sortir cette année et le fait d’avoir une nouvelle chaîne, c’était aussi une manière de montrer que je pouvais faire des scores en partant de zéro. Si j’avais mis ça sur la chaîne de Booska-P, certains auraient automatiquement pensé : « Ça marche parce qu’ils ont déjà plein d’abonnés. » Là, c’est Fif Stories, il n’y a même pas écrit « Fif de Booska-P ». Je raconte le parcours de notre média et toutes les histoires qui vont avec. Le fait de me mettre en avant, c’est l’ère qui veut ça. On est dans une ère d’influenceurs, de personnes qui donnent le « la », et beaucoups me disaient que j’étais devenu « quelqu’un », à force d’apparaître à l’écran dans mes interviews, de voir mon nom cité dans des morceaux de rap et plein d’autres choses. D’ailleurs, avant même que je n’apparaisse devant la caméra, mon nom était déjà cité : les gens du milieu parlaient de moi, en mode « Fif c’est le méchant ».

Tu te souviens de la première fois que ton nom a été cité ?

Alors il y a deux choses : ceux qui ont cité le nom du média et ceux qui ont cité mon nom précisément. Dans le second cas, je crois que c’est Sofiane qui a été le premier. C’était un morceau en feat. avec Kalash l’Afro où il disait grosso modo : « Je contrôle le rap, appelle-moi Laurent Bouneau ou Fif de Booska-P. » Dans un autre genre, une des plus connues reste celle de Niro sur « Viva Street » : « Même si tu m’aimes pas tu cliques quand même, j’ai plus d’ennemis que Fif de Booska-P. »

Toi qui aurais préféré rester dans l’anonymat : comment as-tu réagi quand tu as entendu ton nom cité dans un morceau ?

J’étais content. C’est cool d’entendre son nom quand on parle de toi positivement. D’autant que les rappeurs ne me préviennent pas quand ils me citent. L’année dernière, Deen Burbigo a fait un freestyle pour la sortie de son album – comme tous les rappeurs qui passent chez nous. Dans son freestyle, il cite mon nom. Ni lui, ni son manager ne m’avaient prévenu : ils m’avaient juste laissé entendre qu’il avait enregistré un bête de morceau. Et là, j’entends : « Fils t’es rien sans objectif, demande à Fif de Booska-P. » Punchline magnifique : c’est subtile, ça tue. Le connaissant, ça me touche d’autant plus. Tu te rends compte que tu es important pour les gens. Si un rappeur te cite dans un morceau, ça veut dire qu’il a réfléchi à la phase, qu’il a pensé à toi et qu’il aime ou consulte lui-même ce que tu fais. T’es un peu « dans sa vie ». Mais la fois où j’ai été le plus content, surpris, choqué d’entendre le nom de Booska-P dans un morceau, c’était Diam’s sur « I Am Somebody », quand elle dit : « J’me dis que peut-être le rap est mort, faudrait que je le réanime… Mais heureusement il y a toujours deux-trois trucs sur Booska-P. » Quand je l’ai entendu dire ça, je suis tombé par terre. Diam’s, putain ! Elle était au sommet, elle venait de vendre des millions d’albums et dans le premier extrait de son nouveau projet, elle parlait de nous. « Le rap est mort, mais heureusement qu’il y a Booska-P », tu imagines un peu ? C’est une dinguerie. Après je suis content pour toutes les autres phases, mais celle-là… Elle tue.

Qu’est-ce qui t’a poussé à justement lancer les Fif Stories ?

Il y a trop de choses. La première raison, c’était de faire un bilan de nos dix premières années. Aujourd’hui, on rentre dans notre treizième année, mais l’idée de base, c’était de se dire : « Ça fait 10 ans qu’on est là, voici ce qu’on a fait pendant tout ce temps. » Ma deuxième motivation, c’était de dérusher toutes les cassettes qu’on avait. [rires] Et la dernière chose, c’était de montrer aux gens qui on était réellement. Parce que tu sais, des fois, certains internautes nous comparent à des sites qui viennent à peine de naître. Ce n’est pas vraiment de leur faute : ils ne savent pas, tout ce qui leur importe c’est de consulter l’actu qui les intéresse… Mais Booska-P, c’est une histoire. On a pris le temps de réfléchir à notre concept, on a analysé le paysage médiatique pour voir qu’il manquait du rap ici et là, que certains artistes n’étaient pas assez mis en valeur, etc. De cette réflexion, on a créé notre propre média pour répondre aux besoins qu’on avait identifié au préalable. Les Fif Stories, c’est donc aussi une manière de montrer qu’on a ce passé, et qu’il n’est pas négligeable. Dans le public rap, il y a les amnésiques, ceux qui font exprès d’oublier, et ceux qui ne savent pas. Ce qui fait que ton histoire peut vite s’effacer de la mémoire collective. J’aime beaucoup trop les histoires pour laisser la nôtre être oubliée de la sorte. J’admire les gens qui ont fait des choses qui ont marqué leur temps. Dans le rap, je trouve qu’on n’a pas ce rapport à l’histoire. Je prends souvent l’exemple du Secteur Ä : ces mecs-là… C’était de la folie. Ce sont eux qui ont inventé le business dans le rap français. Mais aujourd’hui, beaucoup de jeunes ne sauraient même pas te dire qui ils sont. Ça ne les intéresse pas de savoir que Doc Gyneco a fait ci ou que Passi a fait ça ; ils s’en battent les couilles.

« Ton histoire peut vite s’effacer de la mémoire collective »

Dans le cinéma, la peinture, ou la musique classique, les nouveaux qui arrivent connaissent tous leurs classiques. Puis ils font plein de cérémonies pour honorer ceux qui ont fait que leur culture est telle qu’elle est aujourd’hui. Dans le rap français, on préfère zapper tout ce qui a pu se passer. Quand j’ai interviewé Vald récemment, il me disait par exemple qu’il y avait plein de grands albums qu’il n’avait pas écouté. Ce qui est normal en soit : il est jeune, donc il y a plein de trucs qu’il n’a pas pu vivre. Mais ça ne l’intéresse pas particulièrement de redécouvrir le rap français de l’époque. De plus en plus de gens assument de n’en avoir rien à foutre. Alors que dans d’autres milieux, c’est la honte de ne pas connaître ses classiques.

Avec les Fif Stories, j’essaye d’honorer la mémoire du média pour lequel je me suis battu toutes ces années. Parce que je n’ai pas envie que son histoire meure. Dans ce flou actuel où il y a 50 000 sites de rap, où tu as même des médias qui tapaient sur le rap à une époque mais qui aujourd’hui en parlent, je tiens à rappeler qu’on était déjà là quand il y avait rien ni personne. On ne peut pas être « un média parmi tant d’autres » alors qu’on a lutté pour de vrai, à une époque où tout le monde crachait sur notre culture. En toute humilité, je pense que Booska-P a changé pas mal de choses et on se devait de faire une mise au point à travers les Fif Stories. Je suis content de voir que ça marche, que les gens apprennent des choses sur nous. On vient quand même d’une époque où il n’y avait ni YouTube, ni Dailymotion. Les jeunes d’aujourd’hui sont nés avec ces plateformes, elles ont toujours existé pour eux. Mais Booska-P est arrivé en 2004, tandis que YouTube a été lancé en 2005. On est là depuis longtemps. Donc il faut toujours qu’on ressasse nos histoires, autrement les gens les oublient. Ce qui est normal en soit, mais je n’ai pas envie qu’on nous oublie justement.

C’était aussi une manière de clarifier certaines choses, de balayer des rumeurs qui circulent sur Booska-P, des embrouilles qu’on vous prête ?

Voilà. À chaque fois que je croise des gens, ils me demandent toujours : « Mais pourquoi Booba et Rohff ne sont pas sur Booska-P ? Pourquoi Lacrim y est aujourd’hui alors qu’il vous insultait à une époque ? » Là, je vais pouvoir tout expliquer. Ça va être trop bien, j’ai hâte. [rires] On me pose toujours les mêmes questions, donc je dois toujours donner les mêmes réponses. Mais je ne peux pas blâmer qui que ce soit : on ne dit jamais rien, c’est donc normal que les gens ne soient pas au courant. Avec les Fif Stories, on va pouvoir tout mettre à plat et raconter les choses le plus sincèrement possible. Ce qui veut dire que je vais aussi montrer qu’on a aussi pu déconner de notre côté, qu’on a pu parfois mal faire les choses. Etant donné que vous saurez tout, vous n’aurez plus à me poser la question. J’en vois également beaucoup qui racontent des trucs totalement faux, et ça me rend fou ! Donc à partir de maintenant, il y aura une version officielle, avec preuves à l’appui. Tout le monde pourra vérifier et attester mes propos, y compris ceux qui ne m’aiment pas.

D’autant qu’il y a certaines histoires qui peuvent paraître tout à fait rocambolesques. S’il n’y avait pas de preuves, on peut par exemple penser que certaines personnes auraient du mal à croire que tu avais été mis sur écoute pendant la cavale de Mister You.

C’est ça ! Tu imagines si je n’avais pas la vidéo de Mister You ? Les gens pourraient remettre en doute ma parole, se dire : « Il abuse quand même. Genre il a été mis sur écoute ? Pff… » Bah ouais gros. Ça s’est passé exactement comme je l’ai raconté. On m’a vraiment mis sur écoute ! Je déteste le mensonge. Je ne dis pas que je n’ai jamais menti, mais je déteste les menteurs. Les vrais mythomanes, les professionnels. Mais plus que tout, je déteste les gens malhonnêtes, ceux qui mentent et qui savent qu’ils mentent. Ce sont les pires. En ce moment, par exemple, il y a une rumeur qui court comme quoi Rohff m’aurait mis un coup de pression et ce serait la raison pour laquelle on ne le voit plus sur Booska-P. La dernière fois que j’ai vu Rohff, que nous nous sommes salués et que nous avons eu un échange, c’était pour l’album PDRG. Depuis, je ne l’ai pas vu. À quel moment a t-il pu me mettre un coup de pression ? C’est faux, archi-faux ! Depuis que je connais Rohff, on ne s’est jamais véritablement embrouillés. C’est vrai qu’on ne s’est pas parlé dernièrement mais en même temps, il ne sort plus beaucoup de projets. Pour son dernier album Rohff Game, il a lui-même choisi de ne faire que très peu d’interviews. Mais vu qu’il n’est pas passé par Booska-P, les gens spéculent.

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Comment tu expliques que ces spéculations concernent Booska-P et pas un autre média ?

Parce qu’on est numéro 1. Il y a toujours des rumeurs sur les premiers de leur catégorie, que ce soit Booba, Rohff ou Skyrock. C’est pareil dans le foot, dans tous les domaines. Dès que tu es tout en haut, les détracteurs sont emmerdés, il faut donc qu’ils trouvent un truc à dire. À une époque c’était « Booska-P fait payer les rappeurs pour être sur le site », ensuite c’était « Booska-P a été racheté par Skyrock » ou « c’est Laurent Bouneau qui gère la ligne éditoriale de Booska-P », et ainsi de suite. Il n’y a pas de débats sur Rapelite ou sur Tonton Marcel, parce qu’ils sont moins puissants. En ce moment, on voit que Mehdi Maizi est en train de prendre de la place, qu’il bosse avec OKLM et que c’est un des grands journalistes de ce rap français. Comme par hasard, il commence à y avoir des rumeurs sur lui. Je connais bien Mehdi, je sais qu’il fait son truc et qu’il reste impartial. Mais pour les gens, non : c’est forcément Booba qui lui dicte sa ligne de conduite. Quand il était sur l’Abcdr, personne ne disait rien de mal à son sujet. Mais maintenant qu’il prend de l’importance, ça parle.

Le premier épisode des Fif Stories en témoigne : Booska-P est une histoire de débrouillardise. C’est un média qui s’est lancé en amateur et qu’on voit se professionnaliser de jour en jour. À l’heure où l’on parle, te sens-tu journaliste ?

Je commence à l’accepter peu à peu mais au départ, je n’avais pas le sentiment d’être journaliste. J’ai toujours dit que j’étais un reporter, dans le sens où je vais sur le terrain, comme à la guerre. Journaliste, c’est un vrai métier. Il y a des gens qui font des écoles, qui payent cher pour devenir journaliste. Aujourd’hui, c’est plutôt mon expérience personnelle et le fait d’avoir interviewé une multitudes de personnes qui me font dire que je suis journaliste. J’ai une conscience professionnelle, une conscience journalistique. Mais à l’origine, j’étais juste un mec de quartier qui venait poser des questions à d’autres mecs de quartier. Pendant des années, je n’ai d’ailleurs pas écrit la moindre question. Je n’avais pas l’impression d’en avoir besoin, vu que je connaissais par coeur la carrière de chaque artiste que j’interviewais. Avec Salif, par exemple, j’ai fait plusieurs interviews qui ont marqué les gens et dont on me parle encore aujourd’hui ; mais pour moi, ce sont simples discussions que j’avais avec lui. C’est sans doute ce qui faisait le charme de la chose. Aujourd’hui, j’écris tout à l’avance. J’essaye d’être pro, de faire en sorte qu’il y ait un ordre, de mieux structurer mes phrases…. J’ai appris sur le tas.

Je vais sur le terrain, comme à la guerre.

Tu te verrais enseigner, transmettre ton expérience qui n’a rien de conventionnelle ?

Tu sais qu’on m’a proposé à trois reprises de donner des cours dans des écoles ? On m’a même proposé d’être rémunéré pour ça… Mais je n’étais pas prêt. Chaque année, plein de jeunes de grandes écoles me contactent car il font leur mémoire sur le rap. Ca tue. Un jour, un de ces élèves m’avait demandé d’être à ses côtés le jour de son examen, en tant que parrain. Tout s’est bien passé pour lui, et je ne saurais dire pourquoi, mais son prof m’a kiffé. Il m’a recontacté après coup : « J’ai bien aimé votre discours, votre manière de parler, votre parcours… Est-ce que ça vous dirait de donner des cours à mes élèves, une fois par semaine ? » Je lui explique donc que je n’ai même pas de diplômes et que je ne me sens pas prêt, dans le sens où l’enseignement est un vrai travail qui nécessite toute une méthodologie que je n’ai pas. C’était encore un peu trop tôt à ce moment-là. Il m’a ensuite appelé pour me demander d’assister à son cours, histoire de prendre quand même la température. J’y suis donc allé pour parler à ses élèves. Ça s’est bien passé, mais je ne m’estime pas prêt pour autant. En janvier de l’année dernière, j’ai également fait une conférence dans un amphi à l’I.U.T. de Sceaux avec une cinquantaine d’élèves, pour présenter Booska-P. Pour le coup, on a surtout évoqué les aspects liés à la communication, au marketing, etc. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on nous a déjà proposé ce genre de choses.

Tu dis n’être pas « encore » prêt. On devine que c’est quelque chose qui pourrait t’intéresser à terme ?

En vrai, ouais. À fond. J’aime beaucoup cette idée de « transmettre », c’est important. Et j’aime raconter ma vie, mon expérience. J’ai 34 ans : peut-être que vers la quarantaine, je me laisserai tenter. Ce ne serait même pas une corvée, au contraire. Ma mère me dirait : « Tu as mis une banane au système ! À l’école, tu étais nul, toujours dernier de la classe et maintenant tu donnes des cours à des gens qui payent pour être dans ce genre d’écoles ? » [rires] Là, j’aurais fait le braquage du siècle.

Le média a pris une telle importance que tu es devenu un intermédiaire important entre les artistes et les institutions musicales. C’est un rôle que tu acceptes ?

Nous sommes au contact de la rue, des gens d’en bas, de ceux qui – justement – n’ont pas de contacts. En parallèle, on échange aussi avec les maisons de disques parce qu’on fait du business avec eux. Et les gens de maison de disques, ce sont des D.A. [directeur artistique, ndlr] qui restent pour la plupart dans leurs bureaux et ne vont jamais sur le terrain. À l’époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux. Aujourd’hui, le D.A. peut être tranquille : pour découvrir et contacter un artiste, il lui suffit d’aller sur YouTube ou sur Instagram, et de lui envoyer un message disant qu’il aimerait le rencontrer. Avant ça, nous avons assuré énormément d’échanges avec les maison de disques. Ce que tu peux voir dans les épisodes de Fif Stories sur la Sexion d’Assaut ou Mister You, on l’a fait très souvent : d’artistes à managers, d’artistes à maison de disques, d’artistes à producteurs, etc. « Tu veux rencontrer untel ? Pas de soucis, je vous mets en connexion. » Il y en a qui ne le font pas, qui préfèrent garder leurs contacts. Pour ma part, je souhaite la réussite de tout le monde. Donc si tu veux un rendez-vous avec telle personne que je connais, pourquoi j’irais interférer ou faire le jaloux.

Tu as pu le voir dans l’épisode sur Mister You : je n’ai pas touché un seul euro sur la transaction qui s’est faite. On pourrait limite penser que je me suis fait couiller vu qu’ils ont tous gagné de l’argent, sauf moi. Mais tranquille, ce n’est pas grave. On a permis une belle histoire dans le rap. Comme je te l’ai dit, j’aime les belles histoires. Je suis content d’avoir pu contribuer à certaines choses. Je suis un fan de rap. C’est-à-dire que là, je suis en train de vivre un rêve. La semaine dernière, j’étais avec le Secteur Ä ; tu ne peux pas imaginer ce que ça représente pour moi. J’étais un grand fan de Gyneco, de Stomy [Bugzy], de Ministère A.M.E.R. Un fan de ouf. Ces gens-là me respectent aujourd’hui, on s’appelle de temps en temps, on se voit parfois. Je vais taper des barres avec Lino, alors que j’étais un grand fan de ce qu’il faisait. C’est l’un des trois rappeurs les plus respectés de ce game… et c’est devenu un pote. À une époque, je n’aurais jamais pu imaginer une seule seconde devenir un « pote » de Lino. Tout ce qui m’arrive avec Booska-P, c’est que du bonheur. Je suis un passionné. J’ai fait des choses pour le rap qu’un mec normal n’aurait jamais fait. Des trucs que je ne ferais même pas aujourd’hui. À l’heure où l’on parle, si je ne trouve pas d’intérêt dans un truc, je reste chez moi avec mes enfants et je suis très bien.

Penses-tu que le fait d’être un mec de quartier avant d’être un journaliste a joué un rôle dans l’appréhension que les rappeurs auraient pu avoir au moment d’échanger avec toi ?

Evidemment. Tu regardes les vidéos des interviews que nous avons fait avec Fianso, SCH ou Lacrim : tu vois qu’ils sont à l’aise, qu’ils savent que je ne vais pas essayer de les piéger. Ils ne demandent jamais à vérifier mes montages. Même quand ils disent une dinguerie, ils savent très bien que je ne vais pas la mettre. Ils ne sont pas inquiets, et ça joue. Mais ils savent aussi que je vais quand même faire mon travail, que je vais leur dire les choses. Parce qu’à travers nos treize années de travail, on a montré aux gens qu’on était pros. L’image de Booska-P est clean. Il n’y a pas de traquenards. Quand je rencontre des gens qui ne me connaissent pas, dès qu’ils me voient arriver, ils savent que je suis comme eux. Je parle le même langage qu’eux, j’ai le même style vestimentaire qu’eux, et je les respecte. Forcément, ça aide. Ils se méfient du journaliste qui va arriver en chemise, les prendre de haut et leur poser des questions pièges. Après, je pense que ce n’est pas une règle générale : plein de gens ont monté des médias en étant issus des quartiers tout comme moi, et les artistes n’étaient pas pour autant rassurés en face d’eux. Il y a toute une attitude, un respect, un professionnalisme à avoir. Avant même d’être dans le rap, j’ai toujours aimé faire les choses dans les règles. Ce n’est pas parce que tu viens de débarquer que tu dois faire les choses à l’arrache. Chez Booska-P, on s’est toujours imposé cette rigueur, ce devoir d’être toujours pro. Entre temps, on a évolué mais la mentalité a toujours été la même. Pas de je-m’en-foutisme : il faut qu’on fasse toujours au mieux selon nos moyens. Les gens s’en rendent compte. Nous sommes dans une époque où les jugements sont portés de manière expéditive. À travers certains comportements, tu peux vite savoir à quel type de personne tu as affaire. J’ai toujours essayé de montrer du respect aux gens, qu’il s’agisse des plus petits ou des plus grands. Des mecs comme Sofiane ou Lacrim – qui aujourd’hui sont des grandes stars du rap -, je les ai connus quand ils n’étaient rien du tout alors que Booska-P était déjà assez haut. Mais quand je les voyais, il y avait toujours du respect. C’est quelque chose qu’ils ont ressenti. Aujourd’hui, ils ne vont pas te dire que je les snobais à une époque, parce que ça n’a jamais été le cas. Quand ils étaient petit, quand ils sont devenus grands ; je les ai considérés et traités de la même manière.

Dans le rap, les cycles sont toujours les mêmes.

On a pu voir que le média s’était pas mal diversifié au cours des années passées. Qu’est-ce que Booska-P aujourd’hui ?

J’ai toujours eu du mal à le définir. C’est vrai qu’au début, on était 100% rap français mais à partir de 2010, on a décidé de s’élargir. À cette époque-là, beaucoup de gens ont rigolé, en se disant : « Mais Booska-P ils veulent parler de cinéma, qu’est-ce qu’ils y connaissent ? » J’avais envie de leur répondre : « Mais vous êtes cons ou quoi ? Si on parle de cinéma, on va prendre des gens spécialistes dans le domaine et c’est eux qui en parleront pour nous. » Pour les gens, c’était inconcevable que Booska-P parle de tout ça. Mais la réalité, c’était qu’on commençait à voir que ça tournait en rond. On s’est lancé en 2004-2005, et jusqu’en 2010, c’était toujours pareil. Dans le rap, les cycles sont toujours les mêmes. D’autant qu’à l’époque, il y avait moins de renouvellement qu’aujourd’hui où tu as un nouveau rappeur tous les six mois. C’était toujours les mêmes têtes. Puis en vrai, on aime le sport, on aime le cinéma, donc on avait envie de parler de ce genre de sujet. Pareil pour le rap américain.. Au début, on a commencé à parler seulement des évènements majeurs dans chaque domaine, comme la Coupe du Monde de foot ou la sortie d’un nouvel album de 50 Cent. Des trucs qui parlaient à tout le monde. Aujourd’hui, comment je définirais Booska-P ? [Il réfléchit] C’est un site urbain. Avant, on avait honte de dire « urbain » parce que ça n’avait pas une très bonne image. Désormais, ce n’est plus trop le cas. Je dis généralement que Booska-P est un média urbain qui traite de l’actualité de la musique, du sport et du cinéma. Le slogan qu’on a depuis trois ans, c’est « The Hip-Hop Culture Website » avec le jeu de mot entre « hip-hop » et « pop culture ». C’est un peu ça l’idée.

Dans une interview accordée à Générations en 2015, tu dis que Booska-P « ne dépend plus du rap ». Sincèrement ?

Financièrement, on dépend quand même du rap parce que nos principaux annonceurs sont les maisons de disques. Mais on ne dépend plus du rap dans le sens où il y a des gens qui viennent sur mon site, mais qui ne sont pas là pour le rap. Ils viennent pour le foot ou pour d’autres choses. Quand on était 100% rap français, dès qu’il n’y avait plus de sorties musicales, on ne faisait plus de chiffres en termes de vues. On était limite au chômage technique. Aujourd’hui, il y a des périodes où il ne se passe rien dans le rap français, mais on fait toujours autant de visites. Parce qu’il y a du foot, du lifestyle ou du cinéma, et qu’on en parle bien. Donc non, on ne dépend plus du rap. Plus maintenant. Ce qui ne veut pas non plus dire qu’aujourd’hui, on s’en bat les couilles du rap. Le rap reste notre truc, c’est toujours 70% de nos contenus.

On peut lire de plus en plus d’articles de fonds sur Booska-P, avec de plus en plus de journalistes ayant fait leurs preuves au sein d’autres médias. Est-ce que Booska-P s’est déjà senti en danger face à la profusion de sites web estampillés « rap » ?

Clairement. On a vu le truc arriver. D’autant que dans l’inconscient des gens, Booska-P perdait en puissance. Nous avons pourtant toujours eu beaucoup de visites, mais puisqu’on ne communiquait pas sur nos chiffres, certains ont déduit que ça n’allait plus, qu’on était en galère. Alors que pas du tout. Quand tu es numéro 1, tu n’as pas besoin de prouver. Maintenant, on a décidé qu’on laissait les gens penser ce qu’ils voulaient. On connaît notre métier, on connaît notre game. Donc on a juste mis un petit coup de boost et là tout le monde dit : « Mais en fait, ils sont trop forts chez Booska-P ! » Ça a toujours été comme ça. C’est juste qu’on n’aime pas flamber. Il y a eu de nouveaux programmes qu’on a mis en place avec de nouvelles têtes : Booska Brut sur les réseaux, Wesh avec Nico, Épicé Mais Pas Trop avec Myriam Manhattan, Ça tchatche et le Journal du Rap avec Thomas Guisgand. Puis c’était une stratégie globale de bosser au moins autant sur le site que sur les réseaux. Parce qu’il y a plein de médias comme Brut ou Démotivateur qui sont dépendants des réseaux. Donc le jour où Facebook va changer d’algorithme, ils seront tous dans la merde. Rappelle-toi sur Instagram : à une époque, ils faisaient apparaître les posts dans un ordre chronologique de publication. Aujourd’hui, ils font ce qui veulent. Mon associé Alexis, un vrai geek, connaît bien ces trucs-là. C’est pour ça qu’il nous a dit de ne jamais trop miser sur les réseaux sociaux. Si tu veux être mis en avant sur ces plateformes, il faut que tu payes désormais. Payer pour que les gens te voient… Ça ne va pas ou quoi ? On ne fera jamais ça, sauf s’il s’agit d’une opération spéciale et qu’on juge que c’est nécessaire. Tu te bats pour avoir plein d’abonnés, pour qu’à l’arrivée on te dise : « Si tu veux que tous tes abonnés voient ta publication, il faut payer. » Mais on s’adapte.

Je souhaite la réussite de tout le monde

C’est important parce qu’il y a des nouveaux modes de consommation. Notre génération tapait directement « Booska-P » dans la barre de recherche pour venir chez nous. La nouvelle attend que tu publies sur les réseaux. Ils n’ont plus vraiment le réflexe d’y aller directement. Nous avons donc dû adapter des contenus à chaque plateforme. On se doit d’être partout. Mais clairement : c’est la multiplication des médias qui nous a poussé à nous développer. J’ai toujours dit qu’avoir de la concurrence était une bonne chose. C’est bien pour le rap, pour le mouvement. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on est toujours là, et qu’on ne compte pas lâcher notre place.

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Pendant longtemps, une légende faisait de toi « l’une des figures les plus détestées du rap français ». Qu’en est-il réellement ? Comment tu te l’expliques ?

Je te jure que ça me fait marrer. Comment tu peux détester un mec qui n’a rien fait ? Ca me fait sourire, et ça ne m’a jamais fait mal. Je ne me suis jamais dit : « Putain, pourquoi ils ne m’aiment pas ? » Parce que je ne fais que mon métier. Mon métier, c’est beaucoup de sélection, donc j’essaye de mettre en avant qui je peux. Va demander à ces gens-là pourquoi ils ne m’aiment pas. Ils sauront même pas te dire pourquoi. Je suis dans mon coin, je n’emmerde personne, je ne suis pas dans les guéguerres sur Twitter ou quoique ce soit. Donc quand on me fait comprendre que je suis devenu « l’un des personnages les plus détestés du rap français », je me dis que les gens sont quand même bien matrixés. Ils détestaient Laurent Bouneau parce qu’ils n’aimaient pas sa politique et qu’il a parfois pu faire des sorties médiatiques qui ont blessé. Pour ma part, je n’ai jamais parlé. Je n’ai jamais fait de grandes affirmations du genre : « Je ne mettrais jamais telle ou telle personne sur mon site. » Malgré tout, certains ne m’aiment pas, et il faudrait leur demander pourquoi. À une période, il faisait bon de ne pas aimer Booska-P. On était le « Skyrock du net ». On en revient à ce que je disais tout à l’heure : en France, il faut détester le gros. On préfère toujours le pauvre, le miskine, le deuxième. C’est un pays de perdants : on n’aime pas les gens qui réussissent.

Aujourd’hui, tu es en paix avec toi-même ?

J’ai toujours été en paix avec moi-même. Je mène une vie très simple : soit je suis dans mon bureau, soit je suis chez moi, soit je suis en tournage. J’habite dans le 91, à Evry, et quand je vais à Paris, j’y vais pour un but précis. Un rendez-vous, une interview, ou autre. Ce qui veut dire je ne traîne pas. Ni en boîte, ni dans les chichas. Tous ces milieux où tu rencontres des gens qui sont dans le paraître, qui cherchent à se faire remarquer, qui parlent dans le dos des autres… Je suis loin de tout ça. J’ai toujours été en paix. Après, peut-être que d’un regard extérieur, quand on me connaît pas, on se dit que je dois être dans une sorte de schizophrénie mais non, tout va très bien. Je peux me balader partout en toute tranquilité, on m’a jamais agressé, insulté ou quoique ce soit. Jamais personne ne s’est adressé à moi comme ça peut-être le cas dans certains morceaux ou sur les réseaux. Ça n’existe pas dans la vraie vie. Je ne suis pas stressé, je ne fume pas, je ne bois pas, j’ai deux enfants et un travail qui me passionne. Tout va bien. En grandissant, j’ai appris à relativiser, à prendre du recul sur les choses. Certains meurent à force d’avoir accumulé trop de stress, je n’ai pas envie que ça m’arrive. [rires]

Six heures de décalage horaire, deux concerts sold-out d’affilée à 5500 bornes de chez lui et un agenda promo de compétition. Voici un programme copieux à la hauteur de Loud, de passage à Paris. Il en fallait plus à celui qui s’apprête à devenir le chouchou québecquois de la métropole pour perdre de son entrain. Entretien.

Les plus avertis en matière de rap québecquois n’ont pas attendu 2018 pour entendre parler de Loud. Avec son groupe Loud Larry Ajust, ils ont écumé les scènes locales et se sont surtout fait un nom dans la Belle Province. Les deux premiers derrière le micro, le troisième à la composition. Collaborant depuis le début de la décennie, le crew a décidé de se séparer en 2016, afin que chacun puisse voler de ses propres ailes. Et celles de Loud n’ont pas tardé à lui offrir l’occasion de se faire entendre jusque dans le ciel français. Puisque depuis l’automne 2017 et le succès de son clip « 56K », la réputation du bonhomme grossit à vue d’œil dans l’Hexagone. Un morceau, extrait du très efficace EP-4 titres New Phone, dont le succès lui a permis d’enchainer sur un premier album solo. Une année record, libéré à la Toussaint, a fait gonfler son aura sur nos terres, porté par les rafraichissants clips de « Devenir immortel (et puis mourir) » et « Nouveaux riches ». Au point de remplir deux soirs de suite la Boule Noire, les 29 et 30 janvier derniers, pour offrir au public de la capitale son franglais léché, mix du parler-rue montréalais, de références aux légendes du rap newyorkais et de fulgurances lyricales sur l’amitié ou la mort extrêmement bien senties. Un album qui conquiert de nouveaux auditeurs de semaines en semaines, et qui élargit encore le spectre francophone qui s’est emparé du ciel de notre bon vieux rap français. En attendant que la suite n’en fasse peut-être le premier rappeur québecquois à la mode dans nos contrées.

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Loud, comment écris-tu ?

Très peu au studio. Parfois un peu pour finir des chansons, y ajouter de petites modifications. Mais j’écris tout seul chez moi, dehors, n’importe où, avec instru la majorité du temps. En fait, en général, j’ai une idée, je la note, elle n’a pas de flow, pas de rime, pas de contexte, mais je me dis : « Oh, ça c’est une bonne idée, c’est un bon titre, ça pourrait devenir un concept. » Donc je prends plein de notes comme ça, j’accumule des documents infinis de notes. Des phrases, des citations, des punchlines. Puis quand j’arrive pour écrire une chanson, des fois je vais piocher dans ça, trouver ce qui concorde avec le beat. Mais les chansons je les écris sur les beats, les flows et autres.

Toi qui a la particularité de rapper en français et en anglais, est-ce que tu pourrais n’écrire que dans une seule des deux langues un morceau ?

Je le pourrais, surtout en français. En fait ça m’arrive presque de le faire, parfois. D’ailleurs je dose mon anglais à un niveau compréhensible pour tout le monde, parce que ça peut vite prendre le dessus sans que je ne m’en rende compte. Les idées viennent facilement en anglais : j’ai toujours écouté du rap américain, du rap en anglais, donc toutes les phrases-clé sont acquises, sont dans mon bagage. Alors j’essaie justement de faire attention à ne pas trop mettre d’anglais.

Dans tes textes, tu as un gros rapport au symbole : il y a beaucoup de symbolique, un côté « grave ». Pourquoi cet amour ?

J’ai l’impression que c’est un truc de rap en général, ou du moins de ce que moi j’apprécie dans le rap. Je pense que ça aide à rendre les concepts plus forts, à donner une profondeur aux morceaux, offrir un autre degré de lecture à certaines phrases.

Cette symbolique, on la retrouve beaucoup concernant l’évocation de la vie, et notamment de sa fin, comme dans le titre de « Devenir immortel (et puis mourir) ». Tu préférerais mourir dans un relatif anonymat puis connaître une gloire posthume, ou être une living legend puis qu’on t’oublie après ta mort ?

Je préfère connaître une gloire de mon vivant, quitte à être oublié après. Plutôt qu’une gloire posthume qui dans le fond ne sert à rien. Je comprends la poésie de ça, mais… C’est pas ce que je recherche. C’est quand même triste ! Des Van Gogh, des vies tristes comme ça… Non non, faut bien vivre !

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Tu as un excellent niveau d’écriture, de vraies fulgurances, avec toute cette abnégation dans tes récits. Tu es quelqu’un qui a lu beaucoup de poésie ?

Non, très peu. Je suis pas un grand fan de poésie, j’ai jamais vraiment accroché. Je lis, mais la poésie c’est pas mon truc. Mais déjà le rap ça en est une forme, donc mon bagage doit venir de là.

Dans de précédentes interviews, tu expliquais n’écouter que du rap américain [« ou presque ! » coupe-t-il d’emblée], ton vécu d’auditeur n’est que nord-américain ?

Pratiquement oui. J’ai écouté un peu de rap français ci et là, surtout plus jeune, tu vois. L’époque des IAM, L’école du micro d’argent, Solaar, la FF et autres grands classiques à la fin des années 90. Mais maintenant je le suis de nouveau le rap français ! Et je découvre plein de trucs récemment, c’est cool.

Ça t’intéresserait du coup de travailler avec des rappeurs d’ici ?

Ouais ouais, certainement. Mais organiquement, tu vois. Faire des rencontres, voir ce qui concorde dans les projets respectifs de l’un l’autre, puis humainement voir avec qui on connecte. Donc je ne suis pas fermé.

Pour revenir sur le rap américain, tu name droppes ou fais référence tant au Wu qu’à Jay-Z, Prodigy mais aussi Mike Jones. Quelles scènes et quelles époques t’ont le plus marqué dans le rap ?

Plus jeune c’était vraiment la scène New York des années 90, les classiques, Nas, Biggie, Wu-Tang, Mobb Deep, Jay-Z, Big L, tous ces trucs-là. Mais plus tard je me suis comme peut-être décomplexé de ce snobisme-là du rap puriste, et j’ai vraiment embarqué à fond dans les trucs plus récents. Les Drake, Kanye, j’adore ça, Travis $cott, Kendrick depuis good kid, m.A.A.d city, et caetera.

Il y a des scènes qui te plaisent plus que d’autres géographiquement ?

Toronto quand même, récemment ça a été vraiment chaud. C’est la scène des dernières années après Atlanta je pense. Mais sinon je n’ai pas de scène précise, je suis le landscape en général.

« Connaître une gloire de mon vivant, quitte à être oublié après »

Le rap français au Québec, c’est quelque chose qui est écouté ou c’est un truc d’initiés là-bas ?

Non il y a quand même des gens qui écoutent du rap français. Plus du rap américain de loin évidemment, mais il y a un bassin d’auditeurs. Booba c’est gros au Québec, PNL ça a été gros ces dernières années. Evidemment, à l’époque, des IAM c’était énorme au Québec. D’ailleurs ils sont venus l’an passé, il y avait une foule de 30 000 personnes, dans ces eaux-là… Donc c’est légendaire quand même.

Le Québec baigne donc entre les deux en termes de rap ?

En termes de rap, et même d’art et de culture en général. Le cinéma français comme américain sont gros au Québec, on prend les influences dans les deux.

Est-ce que percer en France est une volonté ancienne, ou la réussite d’artistes comme les Belges t’a aidé à te dire que peut-être tu as quelque chose à développer ici ?

Un peu probablement, mais la France c’est toujours comme un rêve au Québec. Je pense que ça fait partie de l’ambition pour tout le monde dans le rap québecquois, parce que c’est le seul marché qui vraiment puisse te permette d’avoir de l’ambition, une fois que tu as plafonné au Québec. Parce que ça reste un petit marché chez nous. Pour les trucs qui ont du succès, c’est sûr que l’intention après, c’est d’aller en France. Puis ça n’a encore jamais vraiment fonctionné pour personne, donc symboliquement c’est quelque chose, c’est super elite de rentrer ici. J’ai jamais vraiment fait les trucs pour ça, mais depuis que « 56K » a eu de l’écho, j’y ai plus pensé. Puis c’est arrivé un peu après les Belges, c’est vrai. Je pense que ça aide parce que les Français se disent : « On avait manqué les Belges pendant quelques années, maintenant ça vaut peut-être le coup d’aller voir ce qu’il se passe partout. »

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En fait, c’est un peu le même rapport que pour les rappeurs français avec les USA ?

Ouais, Booba qui vit à Miami… C’est le rêve américain. Mais les Américains aussi s’ouvrent sur le monde récemment : les influences UK, les influences jamaïcaines, les beats afrotrap, aux Etats-Unis c’est énorme. Drake qui va chercher des gens de partout dans le monde. Je pense que le rap centré sur lui-même, aux Etats-Unis comme à Paris, décide un peu de s’ouvrir dernièrement.

Mais, en conséquence, n’as-tu pas peur d’être étiqueté comme « le rappeur canadien » ? Qu’on parle plus de toi pour ça que pour ta musique ?

Non, je pense que c’est quand même un avantage ! Parce que c’est quelque chose qui me distingue, une particularité, je le prends bien. Ça me fait une signature à part. Après je pense que si les morceaux sont solides, on va parler de la musique. Puis c’est ma responsabilité de tenir ça !

D’ailleurs, ça te fait quoi de faire sold out deux soirs de suite à la Boule Noire, à Paris ?

C’est génial ! On savait qu’il y avait des views sur les clips, on voit les statistiques. Les commentaires aussi, beaucoup de français, on voit les messages par rapport à ça. Mais tant qu’on n’a pas vendu un billet, on ne sait rien dans le fond, si ça peut se matérialiser en un vrai following. Donc ouais c’est excellent à ce niveau-là, ces deux dates vendues à l’avance.

Pour conclure, on ne va pas parler de toi. En France, toute une nouvelle génération de rappeurs, d’Alpha Wann à Caballero et Freeze Corleone, sont inspirés par un Canadien : le Roi Heenok. Mine de rien, il a une vraie influence sur le rap français…

(il coupe) Je sais, je sais ! Pour avoir parlé avec Caballero, j’ai remarqué qu’ils utilisent encore ses expressions constamment dans leurs conversations.

Et tu penses quoi de cet impact et du personnage en général ?

Bah c’est fascinant ! Je sais pas quoi en penser, mais c’est une légende à sa manière à Montréal aussi. C’est fascinant.

Exercice réussi pour le kid de Compton. La soundtrack de Black Panther, dirigée par Kendrick Lamar, est un succès en tous points : le projet est hétéroclite, varié, mais diablement cohérent et efficace. Focus sur cinq autres B.O. toutes aussi réussies.

Avec Kendrick Lamar en chef d’orchestre, la bande originale de Black Panther était presque aussi attendue que le film lui-même – sorti ce mercredi 14 février dans les salles de France. Après nous avoir servi trois singles incluant notamment le magnifique clip de « All The Stars », la B.O. a précédé la sortie du blockbuster en étant dévoilée le 9 février et réunit des artistes comme Anderson Paak, Jorja Smith, Travi$ Scott ou encore le sud-africain Sjava. Selon les estimations, elle devrait s’imposer en tête du Billboard 200 avec près de 150 000 ventes. Un chiffre qui fait honneur à la qualité de la soundtrack qui regorge de pépites – « Paramedic! » de SOB x RBE, « X » de ScHoolBoy Q, 2 Chainz et Saudi, « Big Shot » de K.Dot et La Flame… Mais le film réalisé par Ryan Coogler n’est pas le seul à avoir une soundtrack de feu, preuve en est : on a réuni pour vous cinq compilations inspirées d’une oeuvre cinématographique qu’il vous faut absolument (ré)écouter.

La B.O. de Tueurs

Une soundtrack qui réunit la nouvelle vague du rap belge ? C’est assez rare pour être mentionné et surtout faire partie de notre top. Pour le film Tueurs, Damso, Roméo Elvis, Isha ou encore Hamza dévoilent des morceaux inédits et viennent sauver un film dont trop peu se souviendront. Nota bene pour le futur : quand Damso est invité sur une B.O., il ne fait pas de différence avec un album « classique » et se sent obliger de balancer un tube – « Tueurs », quel track.

La B.O. de Get Rich Or Die Tryin’

Le film Get Rich or Die Tryin’ signe les débuts de 50 Cent en tant qu’acteur, et il faut dire que sa biographe se prête parfaitement au grand écran (survivre à 9 balles dans le corps, c’est +1000 en street cred). Aussi intéressante que son histoire, la B.O. du film nous a offert des morceaux comme « Best Friend », « Window Shopper » ou encore « When It Rains It Pours ». Un classique.

La B.O. de The Man with the Iron Fist

Quentin Tarantino est clairement un amoureux de rap. On entendait déjà Rick Ross dans Django et le rappeur RZA sur la soundtrack du film Kill Bill. C’est d’ailleurs sur le tournage de Kill Bill que la tête pensante du Wu-Tang Clan s’inspire des méthodes de travail de Tarantino pour produire par la suite son propre film, The Man with the Iron Fist. Mis à part la présence prévisible des membres du Wu-Tang, on note des morceaux de Pusha T, Wiz Khalifa ou encore Kanye West dans une B.O. de premier ordre.

La B.O. de Space Jam 

« I believe I can fly, I believe I can touch the sky. » Rares sont les films qui ont engendré des classiques, et Space Jam fait clairement partie de ceux-là. C’est sur la soundtrack du film qui met en vedette Michael Jordan aux côtés de Bugs Bunny, que R. Kelly s’illustre sur l’un de ses morceaux les plus célèbres. On notera aussi sur la B.O. la présence de Coolio, Busta Rhymes et un morceau de Bugs Bunny… écrit par Jay Z !

La B.O. de Les Figures de l’ombre

À l’instar de la B.O. de Black Panther dirigée par Kendrick Lamar, c’est Pharrell Williams qui s’est occupé de produire la soundtrack du long-métrage Les Figures de l’ombre. Le film raconte l’histoire de Katherine Johnson, Dorothy Vaughn, et Mary Jackson, trois femmes afro-américaine qui ont travaillé à la NASA et sont derrière certaines des plus grandes opérations de l’Histoire. Or Pharrell, la soundtrack est entièrement assurée par des chanteuses, thème du film oblige : c’est naturellement qu’on y retrouve donc Alicia Keys, Mary J. Blige ou encore Janelle Monáe.

Certains trouvent qu’avec le temps, la musique de Young Fathers s’éloigne toujours un peu plus de ses racines hip-hop. D’autres diraient que plus elle se décomplexe, plus elle incarne ce que cette culture représente en 2018. Entretien avec le trio pour comprendre.

– Je voudrais qu’on commence par un petit exercice qu’on fait normalement à l’école : pouvez-vous présenter chacun votre tour vos voisins ?
– Kayus est une traînée et, comme vous pouvez le lire sur son t-shirt, Alloy est un lover.
– ‘G’ est une salope et Alloy est sexy.
– Kayus et ‘G’ font partie de mon groupe.

Alloysious Massaquoi, Kayus Bankole et Graham ‘G’ Hastings se chamaillent comme ça, calés dans le canapé chesterfield d’un salon tamisé. Ça fait de grands éclats de rire qui percent la pénombre. À l’image de leur musique en clair-obscur, les Young Fathers ont cette façon d’éblouir dans le noir. Leurs contradictions, c’est le sel même de leur identité.

Quelque chose d’indécis et de précis. De clair et de saturé. De doux et d’abrasif. De nerveux et de jubilatoire. Tout à la fois. Une musique mutante, qui accorde hip-hop, soul, indie pop, rock et électro. Bordel mélodieux. Les Young Fathers sont de ceux qui décloisonnent, qui juxtaposent. Rejetons d’une génération musicale biberonnée aux playlists, qui n’a plus de genre, refuse les cases, méprise les carcans. Les Young Fathers sont de ceux qu’on appelle « weirdos ». Pas un mot qu’ils affectionnent. Si être bizarre signifie ne pas rentrer dans le rang, je crois que tout le monde est bizarre. Qu’est-ce qu’être normal ? Chacun a ses propres complexités. C’est juste que lorsque vous êtes médiatisé, les gens le voient plus facilement. Nous sommes simplement des personnes ouvertes, qui aimons mélanger plein de choses différentes. Ce n’est pas juste de dire que nous sommes bizarres, comme ce n’est pas juste de dire qu’on est hip-hop. On ne l’est pas », justifie Alloysious. Les bigarrures du groupe se nourrissent du vécu et des sensibilités de chacun de ses membres, forcément différents. Alloysious, le grand coiffé d’un chapeau fedora, est originaire du Liberia. C’est à l’âge de quatre ans qu’il est arrivé à Édimbourg, avec sa mère et sa sœur. Kayus, le plus dissipé, est né à Édimbourg de parents nigérians. Son enfance, il l’a vécue au loin, entre les États-Unis et le Nigeria. ‘G’, celui en trench kaki, est aussi natif de la capitale écossaise. Il a grandi dans les logements sociaux de Drylaw, au nord de la ville. Quand ces trois-là racontent leur histoire, leurs accents s’entremêlent et transportent dans des ailleurs différents. Bordel mélodieux.

« Je viens d’un milieu où c’était difficile de s’exprimer, confie ‘G’, et puis c’est devenu beaucoup plus facile après, avec les gars. » Le trio se rencontre au début des années 2000, à 14 ans. Sur le dancefloor d’une soirée hip-hop sans alcool pour ados, au Bongo club à Édimbourg. Massaquoi et Bankole usaient alors déjà les mêmes bancs d’école. « C’est la musique qui nous a rassemblés. Même si on s’est rencontrés dans un club hip-hop, on n’a jamais eu le sentiment de devoir être hip-hop. On pouvait être n’importe quoi, on aimait juste la musique. C’était aussi assez rare à cet âge-là de vouloir chanter ou rapper. On a eu de la chance de se trouver. » À une époque où les genres musicaux déterminent des tribus d’appartenance, eux se définissent en-dehors, au-delà. Ils s’emballent pour « le hip-hop, le dancehall, le r&b, le UK garage, la soul ou le reggae ». Leur place se trouve là, parmi tout et au milieu de nulle part. Les gamins commencent presque aussitôt à enregistrer ensemble, sur une vieille machine de karaoké chez les parents de ‘G’. C’est qu’ils la prennent au sérieux, leur musique bricolée. Plus une passion qu’un passe-temps. Au départ, Alloy, Kayus et ‘G’ se font appeler « 3 Style », et sonnent façon boys band. C’est sous le nom de Young Fathers qu’ils s’affirmeront et livreront leur premier album, Dead, en 2014. Un projet récompensé du prestigieux Mercury Prize, à la surprise générale. Dans la foulée, les jeunes promus produiront leur deuxième album, White Men Are Black Men Too, entre les murs froids d’une cave à Berlin. Un disque aussi piqué que le précédent.

Et puis voilà Cocoa Sugar. Leur nouvel opus studio, écrit et enregistré dans leur sous-sol et QG à Édimbourg – le disque doit sortir le 9 mars prochain. Comme un retour aux sources. « L’idée c’était de tout remettre à plat, de retrouver l’essence du groupe, d’être plus direct et mieux défini, d’essayer de normaliser notre bizarrerie. » Battements sourds de caisses claires, rythmes tribaux, synthés hypnotiques, son lo-fi… L’objet sonne expérimental, toujours, mais se veut plus assuré. Réalisée par Julia Noni sous la direction artistique de Tom Hingston, la photo de couverture annonce la couleur : rien ne va ensemble. Ni la bouche déformée laquée rouge, ni les yeux qui se disent merde, ni le chapeau démesuré. Pourtant, le tout est curieusement bien balancé. « Quand vous écoutez l’album, cela représente bien l’image. » Bordel mélodieux. Young Fathers ne fait pas dans le consensuel, le facile, le circonscrit. Ça confond et célèbre tous les genres, toutes les sonorités. Cocoa Sugar entrechoque, superpose, déconcerte. Il oscille entre ballade gospel posée sur des beats industriels (« Lord »), rap rock (« Toy »), trip hop (« Holy ghost », « Turn ») ou douceurs pop (« See how », « Picking you »). « Wow » crache un optimisme exagéré (« Wow / Everything is so amazing ») sur un ton désabusé, quand « In my view » délivre des notes qui caressent et des incantations rappées. Les voix semblent parfois désaccordées avec la mélodie (« Fee fi ») ou étouffées sous de multiples couches acoustiques (« Border girl »). Puis des textes torturés se promènent avec légèreté sur des productions ténébreuses. On s’y perd mais surtout, on s’y retrouve.

Chez Young Fathers, on n’aime pas parler méthode de travail. On se laisse porter. Par l’inspiration de l’instant, l’effervescence du collectif. On se retrouve au studio sans jamais avoir trop creusé, cogité. Les idées ne se formulent pas. Elles tombent comme ça, spontanément, et s’exécutent, simplement. « Beaucoup de choses se passent sur le moment. » La bande produit à l’instinct une musique imprévisible, pavée de jolis accidents. Bordel mélodieux. Ça se dispute souvent mais tombe toujours d’accord. Les particularités de chacun sont liées par une vision commune. La seule règle à respecter, c’est l’authenticité. « On n’essaie pas de jouer un rôle, juste d’être nous-mêmes. » Une liberté dans la construction comme dans l’expression créatives.

Au fil de ses projets, Young Fathers s’éloigne toujours un peu plus de ses racines hip-hop. Le groupe vagabonde et pioche, ici ou là. Comment décrire sa musique ? Un casse-tête pour les disquaires. Ce qu’on s’en fout, au fond. Le hip-hop lui-même ne se sait plus, étiré entre toutes les influences qu’il absorbe. Il est devenu ce phénomène hybride et mouvant, éclaté en dizaines de sous-genres. Ses codes et ses standards, il les détourne, les mâtine et les réinvente constamment. Quelque part entre rap et chant, pop et électro, rock et funk, dancehall et afrobeat. Décomplexé, le hip-hop fait ce que bon lui chante, là est toute sa beauté. Bordel mélodieux.

 

Photos : @samirlebabtou

Une décennie de concerts en prison. Mouloud Mansouri connait bien le système carcéral français, tellement qu’il y retourne fréquemment après y avoir souffert pendant dix ans. Il le dit clairement : pour lui, la prison n’a rien de bon. Et c’est pour ça qu’il s’efforce, avec ses armes – la culture et notamment le rap – et son association, de changer un peu les choses.

Mouloud Mansouri cumule les allers-retours en taule. Pourtant, il n’est plus derrière les barreaux depuis 2008. Condamné pour trafic de stupéfiants à 24 ans, il a lui-même passé dix ans de sa vie enfermé. Fondateur de l’association Fu-Jo, il organise depuis sa sortie des ateliers d’écriture et des concerts en prison, pour amener un peu de bonheur à des détenus oubliés, et faire entrer un peu de culture – une qui leur parle, qui plus est – en cellule. Il organise également des concerts hors les murs des pénitenciers français, afin de récolter des fonds pour l’association, sous la bannière Hip Hop Convict. À l’occasion du dixième anniversaire de l’initiative, Mouloud organise un concert événement à la salle Pleyel le mardi 20 février avec Nekfeu, le S-Crew, Georgio, Dinos Punchlinovic, Phénomène Bizness et Luxe comme invités.

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Est-ce-que d’après toi, la prison sert à quelque chose ?

J’ai fait dix ans de prison, et je peux te dire qu’en dix ans, ça ne m’a rien apporté de positif. Donc répondre à la question directement c’est compliqué. Je pense que nous sommes dans une société où l’on ne peut pas se passer de prison parce qu’il y a des tueurs en série, des violeurs, des pédophiles qu’on ne pourrait pas gérer sans prison – et sans peine de mort.

Tu partages donc la vision de la prison des Lumières, celle évoquée par Cesare Beccaria dans Des délits et des peines : « Le but des châtiments n’est autre que d’empêcher le coupable de nuire encore à la société et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables. » C’est-à-dire qu’on met en prison les individus qui nuisent à la société en espérant qu’à leur sortie, ils seront changés ?

Normalement, c’est ce que doit produire la prison : changer l’individu, l’améliorer pour sa sortie et le réinsérer dans la société. Sauf qu’aujourd’hui, les gens qu’on met de côté dans les prisons françaises, on les met aux oubliettes. Il y a quelques activités auxquelles certains détenus vont pouvoir participer, mais quand tu as des prisons qui sont remplies à 150%, 200% voire 500%, comment tu fais pour t’occuper de ces détenus ? Comment tu fais pour les réinsérer ? Certains n’ont pas d’éducation, donc si tu ne les éduques pas et que tu les laisses un an, deux ans, six ans, 20 ans en prison sans t’en occuper, comment tu veux qu’ils en ressortent meilleurs qu’ils n’y sont rentrés ? On y est parqué comme des animaux, on est sur les nerfs quasiment 24 heures sur 24… Non, je ne peux pas te répondre qu’il y a du positif.

Nous serions donc avec un système carcéral plus proche de la vision d’Hobbes évoquée dans Léviathan, avec une prison faite pour punir : « Le mal infligé est la punition du crime plutôt que la possibilité de la rédemption. » Avec cette vision, la peine établie par le juge doit être supérieure aux bénéfices du crime commis : c’est à dire que ta condamnation à dix ans de prison en 1999 était « justifiée » par les 60 000 euros que tu touchais par mois grâce à ton trafic, mais qu’on ne cherchait pas à faire de toi un homme meilleur ? 

Aujourd’hui, la prison n’a que vocation à punir. Jusque dans les années 80/90, les peines de prison étaient moins élevées qu’aujourd’hui. Ce qui était prononcé en mois pour une petite histoire de drogue est aujourd’hui prononcé en années. On en est là. Les juges n’ont pas la main légère sur les peines de prison et toute l’organisation pénitentiaire n’est pas là pour faire ce travail social de réinsertion – ou d’insertion – pour préparer le détenu à être meilleur à sa sortie. Voilà pourquoi il y a autant de récidive en France : le système carcéral est extrêmement mal pensé. Les hautes sphères et les institutions ne pensent pas convenablement la peine de prison.

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On parle de pédophiles, de violeurs, de tueurs en série qu’il faut mettre à l’écart pour les empêcher de nuire à la société. Le procès en appel de Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale a lieu cette semaine. Il a été condamné à trois ans de prison fermes en première instance : est-ce qu’il est un danger pour la société ? S’il ne va pas en prison, comment le punir ?

On lui reproche d’avoir planqué son argent à l’étranger, c’est un danger pour toi ? La fraude fiscale cause à la perte de la France, c’est ça ? On est toujours dans les dix plus grandes nations mondiales, pourtant il y a autant voire plus de mec dans la rue qu’en Ethiopie qui n’est pas dans les grandes nations de ce monde. L’argent qu’a détourné Cahuzac n’aurait peut-être pas été utilisé pour lutter contre cela, mais plutôt investi dans l’armée ou quelque chose du genre. Pour moi, Cahuzac est un petit filou mais il ne mérite pas d’aller croupir en prison. Il doit être assez brillant sur pas mal de choses, pourquoi ne pas le faire travailler pour l’Etat en travaux d’intérêt général pour que cela soit bénéfique à la France ? Le TIG est une peine intelligente, maintenant il faut que le TIG soit intelligent aussi : parce que si c’est pour lui demander de tailler des roseaux pour la mairie de Paris, il n’y a aucun intérêt.

Il y a quelques rappeurs ou personnalités du rap qui sont des pubs ambulantes pour la prison. Je pense à Gucci Mane ou Biggs (co-fondateur de Roc-A-Fella) qui disent ouvertement que c’est la meilleure chose qui leur soit arrivée. Partager un tel message, est-ce dangereux ? Est-ce ne pas réaliser que les systèmes carcéraux ne sont pas égaux dans tous les pays et que tout le monde n’a pas les épaules pour supporter l’épreuve de la prison ?

Je n’ai pas trainé en promenade avec Gucci Mane, mais je pense qu’un mec qui a fait dix ans de prison et qui dit néanmoins que c’est la meilleure chose qui lui soit arrivée… sa place n’est pas en prison, mais en hôpital psychiatrique ! Il n’y a pas un jour en prison où tu te dis que ça te fait du bien d’être là. Soit c’est un mytho, soit il est juste complétement fou, soit il a eu des remises de peine pour dire ça. Aux Etats-Unis, des mecs ont trafiqué des tonnes de drogue, ont assassiné pour pouvoir trafiquer et n’ont jamais mis un pied en prison : ils étaient délateurs et avaient collaboré avec les autorités judiciaires. En France, nous n’en sommes pas encore là et j’espère que nous n’y serons jamais. Mais trouve-moi un mec qui a fait dix piges et qui te dira que c’était un tournant positif de sa vie.

 

« Après six ans d’incarcération, je me voyais à ma sortie avec 50 kilos de drogue en bas de chez moi et reprendre les affaires. »

 

Tu ne penses pas qu’avec le recul, certains se disent que la prison leur a permis de donner une direction différente à leur existence ?

Je ne pense pas que ce soit la prison qui les a éloignées de quoi que ce soit. Peut-être que certains ont eu une réflexion sur eux-mêmes en prison. Personnellement, pendant mes six premières années d’incarcération je me disais : « Quand je sors je nique tout. » Je me voyais avec 50 kilos de drogue en bas de chez moi et reprendre les affaires. En six ans, la prison ne m’a pas fait changer d’objectifs. Mais un jour je me suis réveillé et je me suis dit : « En fait, je vaux mieux que ça. Je sais faire plein de chose et si j’ai vendu des tonnes de haschich pendant des années, j’aurais très bien pu vendre des chaussettes ou n’importe quoi. J’aurais été le meilleur, parce que j’étais le meilleur dans mon domaine. Et je n’aurais pas perdu toute ces années. » A partir du moment où j’ai eu cette réflexion, je n’en ai pas changé. « Plus jamais je serais dans l’illicite. » Ça fait maintenant dix ans que je suis dehors et je n’ai jamais plus rien fait d’illicite. C’est n’est pas la prison qui m’a changé, j’aurais très bien pu avoir cette réflexion à l’extérieur.

Tu rentres en maison d’arrêt en 1999, et tu organises ton premier concert en 2006. Ça correspond presque chronologiquement à ce que tu viens de dire : la rédemption pour toi a déclenché l’organisation d’événements derrière les barreaux ?

Exactement. J’ai été transféré de prison en prison dans le Sud, j’ai été à Toulon ensuite j’ai été aux Beaumettes, à Marseille, puis à Avignon. À chaque fois pour des raisons disciplinaires. J’ai fini à Aix et c’est là que je me suis dit qu’il fallait que je fasse autre chose de ma vie. Je suis allé voir les chefs de la prison je leur ai dit que je voulais me barrer, en leur demandant de me mettre dans le premier transfert. J’étais en maison d’arrêt, je voulais aller en centre de détention pour faire ma peine. « On peut te transférer, mais ce sera vers Paris. » – « Ok, pas de problème. » Pourtant j’avais mon « confort » à Aix : j’avais tous mes potes là-bas, ma famille pas loin donc du parloir toutes les semaines, je n’étais pas en difficulté particulière. Au bout de deux mois je me suis retrouvé à Fresnes, puis Val-de-Reuil. Et c’est là qu’à mon arrivée j’ai discuté avec le directeur – un mec intelligent. « J’ai un projet, je veux sortir du système qui m’a fait rentrer en prison, et j’aimerais organiser des concerts. » Je n’ai cessé de le relancer, et il m’a laissé organiser le premier événement quasiment un an après, en 2006.

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Tu te souviens du premier concert ? Tu as des anecdotes intéressantes à raconter ?

C’était galère de fou ! J’ai appelé Cut Killer et Daddy Lord C, des potes. Ils étaient chauds, mais moi je n’avais pas du tout de budget : finalement, j’ai quand même réussi obtenir 200 euros du directeur pour au moins leur payer les billets de train. Et on a réussi à faire un concert. Je crois qu’on avait qu’une enceinte de retour, et un micro pourri. Cut Killer avait loupé son train et Daddy Lord C est arrivé un peu éméché, le son était dégueulasse, mais c’était trop fou. On était tous content d’avoir un concert en prison, tous mes potes étaient comme des dingues. Le directeur a vu que ça s’était bien passé, il a investi dans du matos et dans la foulée j’ai pu inviter Médine, Sefyu et d’autres.

Tu as organisé plus de 200 concerts en prison en un peu plus de dix ans : quel est ton meilleur souvenir ?

Chaque concert était différent. Il s’est vraiment passé pleins de trucs marrants. Par exemple, quand la Sexion d’Assaut est venue, ils sont pratiquement repartis à poil parce qu’ils avaient tout laissé. Pareil pour Kaaris. Chaque action qu’on fait a quelque chose de touchant.

Pourquoi est-ce essentiel d’apporter l’art et la culture dans les prisons ?

Comme partout ailleurs, c’est important de profiter de l’art de la culture dans la société. Avec l’association Fu-Jo, nous voulons rappeler que la culture à sa place en prison. Nous voulons que le détenu sache qu’on s’intéresse à lui et qu’on essaye de lui apporter la culture qui le représente. Des mecs en taule viennent nous voir à la fin des concerts et nous disent : « Tu sais, c’est la première fois que je vois un concert. » Ils assurent qu’à leur sortie, ils iront à des concerts. Ça, c’est clairement un pas vers la réinsertion, voire l’insertion sociale, grâce à la culture. D’autres passent par le sport, le travail ou différentes passerelles, mais la culture doit avoir sa place en prison comme partout sur la planète. Attends, on peut avoir de la musique tribale dans le fin fond de l’Amazonie mais pas dans les prisons françaises ? C’est impensable.

Co-auteur : Ulysse Pauchon

Cette année, YARD soutient le Basket Paris 14 et particulièrement sa jeunesse, en devenant partenaire de l’équipe U11.

Depuis deux ans maintenant, le Basket Paris 14 redynamise la discipline à travers ses actions et une communication moderne, chose rare pour le basket amateur Parisien, voir Français. En passe de devenir le premier club de France en terme de licenciés (quand il n’était que 30e en 2016) le Basket Paris 14 fait le pari de la jeunesse, porté par des valeurs de diversité, de solidarité et d’intégration, valeurs que YARD défend aussi fièrement.

#Turfu #BasketParis14

Instagram : @basketparis14
Facebook : Basketparis14
Site Web : http://basketparis14.com

Photos: @Williams_Vericain

Comme à son habitude, Damso s’est habilement joué des réseaux sociaux pour communiquer le titre de son prochain album : Lithopédion. De quoi faire exploser les recherches Google concernant ce terme d’usage peu courant. Nous nous sommes également confrontés à ces abominables images de foetus calcifiés pour comprendre ce que cet intitulé nous dit de l’un des projets francophones les plus attendus de 2018.

À croire qu’aucun album de rap français ne peut encore sortir sans faire d’abord l’objet de jeux de pistes et d’énigmes, avérées ou simplement spéculées. Les réseaux sociaux couvent un fourmillement d’enquêteurs en éveil, qui ne demandent qu’à sur-interpréter les écrits de leurs artistes favoris pour dérouler toutes sortes de théories alambiquées, mais jamais totalement inconcevables. C’est ainsi que l’idée de voir Booba mener une « bataille finale » a tenu les ratpis en haleine pendant les quelques semaines ayant suivi la sortie anticipée de Trône ; ou que le décodage d’une série d’emojis laisse les fans de PNL débattre sur la date de la prochaine sortie du tandem des Tarterêts. D’où l’intérêt pour les rappeurs de se prêter au jeu, ce que Damso a assimilé mieux que personne.

Après le leak de son album Ipséité, savamment orchestré avec la complicité du twittos @RebeuDeter, voici qu’un autre internaute – possiblement mis au parfum – vient « griller » la stratégie du belge. La photo d’un foetus pétrifié s’est glissée de manière subliminale dans la vidéo de l’entretien que le rappeur a récemment accordé à Alohanews. « Vous avez le titre », concède alors Damso. Ce sera Lithopédion, ou « enfant de pierre » en grec. Un vocable obscur qui se rapporte aux complications de grossesses extra-utérines qui surviennent chez les femmes qui ne sont pas conscientes d’être enceintes. Le foetus meurt donc sans être expulsé, puis se « fossilise » des années durant dans le corps de sa génitrice. Glaçant. Hasard ou pas, la première image de lithopédion apparaît à un moment de l’interview où Damso suggère qu’il ralentira le rythme de son activité musicale après son troisième album, pour justement consacrer un peu plus de temps à son fils.

Avant ça, le terme avait déjà été introduit dans le rap français par Despo Rutti, qui rappait dans « Innenregistrable » qu’il aurait aimé « vivre et mourir dans le ventre de [sa] mère comme un lithopédion ». Que peut-il nous apprendre sur ce que sera le prochain opus de l’artiste bruxellois ? Avec un titre aussi morbide, difficile d’imaginer un propos à la teneur moins « nwaar » ou plus optimiste que son prédécesseur. Peut-être s’agira t-il pour Damso de concrétiser avec Lithopédion un concept de projet précédemment avorté, ce qui ferait sens à bien des égards. On sait par exemple qu’un titre comme « Ξ. Une âme pour deux » a été écrit et enregistré des années avant la sortie de Batterie Faible et d’Ipséité, mais que le rappeur a attendu de pouvoir bénéficier du bon mixage avant de lui faire voir le jour. Il ne semble pas déraisonnable de concevoir qu’il puisse exister d’autres embryons d’idées, d’autres squelettes de morceaux que Damso n’a pu sortir pour des raisons X ou Y. Une chose est sûre : les Sherlock Holmes des réseaux auront encore de quoi s’occuper, sachant que — selon le principal concerné — la date de sortie de l’album a également été dévoilée en toute discrétion. Du Dems tout craché.

En 2012, Chicago est l’épicentre d’un séisme qui se ressent jusqu’en Angleterre et en France. Nous étions loin d’imaginer l’impact qu’aurait le rap instinctif de Chief Keef, véritable Nikola Tesla de la décennie. Ses inventions mélodiques, de vocabulaires, d’articulations, peuvent paraître accidentelles, mais il ne fait aucun doute que nous regarderons son œuvre comme celle d’un auteur qui a fait pivoter tout un pan du rap.

Aujourd’hui, Chief Keef est interdit de séjour dans sa ville d’origine. Depuis son manoir de Los Angeles, il distord les codes de la drill music. Mélangée au bop et au r&b, elle est romantique sur Thot Breaker, puis défiante et cinglée sur “Be Back”, extrait de Dedication, avec ses cuivres distordus et ses murmures échappés des forêts de Twin Peaks. À Chicago, l’empreinte de Chief Keef n’est pas strictement musicale, il y a nourri un état d’esprit marqué par l’envie d’être soi-même. Sans lui, les laboratoires de Chicago continuent de tourner à plein régime, et quelques savants fous comme Valee, Z Money ou Famous Dex, expérimentent la différence.

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Une présence en ligne famélique, un début de carrière tardif à presque 30 ans, on pourrait croire que Valee nage à contre-courant mais ce n’est pas ça. Amateur de vêtements de luxe et de voitures de sport tout en relativisant leur valeur, il n’est pas anticonformiste, seulement détaché. Dans ses textes, même sa désinvolture est désinvolte, son flegme flegmatique. « Paid two hundred for some socks and I don’t know where they the hell at. »

Il y a cinq ans, alors qu’il s’ennuie chez lui au sud du centre ville de Chicago, Valee Taylor a l’intention de s’offrir une console de jeux. Sur la route, il passe devant un magasin d’équipements pour musiciens, d’où il ressort avec des machines de production et quelques micros. C’est ainsi que, par hasard, le rap devient un de ses hobbies, au même titre que les courses de voitures télécommandées et le toilettage de Furrari, son bébé yorkshire.

Une sérénité qu’on aurait pu bêtement qualifier de « vent frais » si sa performance signature sur “Two16’s” de Z Money ne rendait pas asthmatique. Seize mesures lâchées d’un seul souffle, dont on ressort aussi hébété qu’époumoné. « Honnêtement, je ne pense pas que Valee ait respiré une seul fois de toute la prise. C’est Houdini ce mec », confie ChaseTheMoney, le producteur du titre. Dans la veine des tourbillons de Ca$h Out et de feu Bankroll Fresh, Valee n’a de cesse de trouver de nouveaux flows. Il change de cadence d’une chanson à l’autre tout en gardant un côté hypnotisant, grâce à son air mollasse et à son timbre légèrement granuleux.

En ChaseTheMoney il trouve le parfait partenaire. Sur leur album commun VTM, ses productions froides et saturées posent une atmosphère industrielle qui laisse Valee construire des mélodies fredonnées. Avec “Window Seat” il fuit la présence humaine dans des désirs de dépenses absurdes. En étant le moins spécifique possible, il parle de soif de possession comme il peindrait une nature morte, et transforme la chanson du même nom d’Erykah Badu en poésie matérialiste et misanthrope, presque houellebecquienne. « A window seat, can I get a window seat ? I don’t want nobody next to me. I’ma go and get the guap, and spend it on all kind of shit that I want. »

Valee compare sa musique aussi bien à des films d’auteurs comme No Country For Old Men qu’aux hood movies à la Paid In Full. Il aimerait qu’elle soit un mélange d’avant-gardisme qui séduit la critique et d’efficacité qui plait aux jeunes et aux escrocs. En s’amusant à souffler de manières inventives quelques clichés rap, dans des chansons aux structures étonnantes et aux productions bizarres, il a en tout cas attiré l’attention du plus intrépide des labels locaux. Valee possède deux téléphones portables mais n’y enregistre aucun numéro, pour être sûr de ne pas mettre trop le nez dedans. C’est donc un émetteur inconnu qui l’a joint fin 2017, avec au moins deux bonnes nouvelles. Au bout du fil se succèdent Pusha T, qui souhaite poser un couplet sur le remix de Miami, puis un certain Kanye West, qui aimerait que le rookie réserve à G.O.O.D. Music les droits de son premier album studio à venir.

Ce début d’effervescence autour de Valee n’a en rien effrité sa décontraction. Les murmures du récemment réédité « I Got Whatever » nous force à être attentif à son jeu minutieux, celui d’un horloger qui s’amuse avec les mécaniques de la trap music, pour la rendre élégante.

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« Like Tommy Lee and Pamela I’m fucking on the camera more stamina than animals, Gucci is no amateur, Jeru The Damaja could damage ya’ or handle ya’… » Écrite en 2008, « Photoshoot », et son allitération mâchouillée avec le nez bouché, reste une marque de l’apogée de Gucci Mane. En montant le son assez fort, on entend toute une génération naître dans le fond de la chanson. Parmi eux, le Valee de Two16’s, mais aussi et surtout son acolyte Z Money.

Z Money est un alambique humain, il sépare les syllabes par chauffage puis refroidissement, les déforme et les malaxe comme dans une lampe à lave. Depuis le début de sa carrière en 2013, il tente de recréer chimiquement les grands couplets de Gucci Mane, et depuis lors c’est comme s’il étirait sans cesse ceux de « Photoshoot ».

Ses deux albums sortis en 2017, Heroin Bag et ZTM, sont encore d’impeccables démonstrations de swagger et de nonchalance. Des synthés coulent à l’intérieur d’un bâton de pluie, une caisse claire tourne comme la trotteuse d’une horloge, des glaçons s’entrechoquent. Tous ces bruitages donnent à sa trap music un côté presque relaxant, comme si nous écoutions un bain-marie d’héroïne en ASMR. De Gucci Mane, Z Money reprend aussi l’univers de dealers outrancier, aux liasses de billets longues comme ses couplets, mais ses productions rendent son style plus délicat et envoûtant.

Au quotidien, les cuisines de Z Money sont nettement plus classiques et légales. Situé au 5419 de la W North Avenue, Emma’s Breakfast est le nom de son restaurant, ouvert à Chicago en 2013. Soul food riche en œufs, huile et friture, matin et soir, sept jour sur sept, il porte le prénom de la grand-mère de Z, en hommage à celle qui inspire plusieurs recettes secrètes présentes sur la carte. Z Money a ouvert son restaurant (tout comme d’autres business dans Chicago) avant de se lancer sérieusement dans la musique. Ce sont donc ses french toasts bacon saucisses et ses buckets de wings bons à s’en lécher les doigts qui financent sa carrière de chanteur, et non l’inverse.

Encore peu reconnu en dehors du Michigan, Z Money fait pourtant figure de vétéran à Chicago. Une peine de prison a bien failli stopper son beau début de parcours, mais ses derniers projets et son rapprochement avec Valee, ChaseTheMoney et la 808Mafia ont réapprovisionnés sa clepsydre. Symbole de ce nouveau départ réussi, il annonce le 22 janvier 2018 qu’il rejoint les esquimaux du nouveau label de son idole. « Gucci Mane m’a appelé un matin très tôt, à 8h. Il voulait me signer. Je l’ai inondé de titres, il a tout écouté. Il m’a rappelé pour avoir un 12 mesures. Nos avocats ont commencé à échanger, donc aujourd’hui je rends ça officiel. »

Il y a quelques années, les belles promesses “Regular”, “10 Hours” ou “Dope Boy Magic” étaient trop dérivées de chansons de Gucci Mane, une collaboration paraissait vaine. Avec “Prefer”, “What The Type”, ou encore un fois, “Two 16’s”, il est clair que Z Money a trouvé sa voix, qu’il est même en position de stimuler son modèle, en lui soufflant sa brise glacée dans le bas de la nuque.

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Avec des dreadlocks rouges, un jean slim troué et un triplet flow emprunté à Sauce Walka des Sauce Twinz, Famous Dex a tout du rappeur lambda de la génération SoundCloud. Mais au fil des années, à coups d’amphétamines et de choix de productions audacieux, Dexter a construit son propre laboratoire.

Famous Dex est un spectacle visuel, plein de danses burlesques et de grimaces slapsticks. La façon dont il agite son corps maigrichon peut rappeler Rick James, les costumes en Spandex moulants simplement troqués contre des vestes Bape. Cette drôle de manière de bouger et de tordre son visage est en adéquation avec son rap cartoon, volontairement crétin. Parce que pour Dexter la musique doit être une recréation et un moyen de repousser les limites de la rigolade.

Sur son cou est tatoué le prénom de sa mère, Diane, et sur sa joue gauche, le ruban rose de la lutte contre le cancer du sein, auquel cette dernière a succombé en 2016. « Quand on perd quelqu’un de vraiment très proche, soit on se fout en l’air soit on décide de profiter », dit-il. Boosté par la naissance de sa petite fille, Dex a choisi de célébrer la vie et ses plaisirs. Ses chansons pleines de cris et d’onomatopées racontent l’adulescence fêtarde, célèbrent les drogues récréatives et le sexe débridé en compagnie de supa freak. Jusque là, toujours rien d’innovant.

C’est la manière qui change tout. Famous Dex, ignorant les normes et le ridicule, n’est jamais à l’abri du bel accident. Au moment de choisir ses productions, il opte pour ce qu’il y a de plus électronique et dansant, pour les arrangements les plus loufoques et facétieux, pour les rythmiques les plus élevées et surprenantes. Ses meilleurs titres sont probablement ceux qui brouillent la frontière entre l’insupportable et l’agréable, jusqu’à rendre l’agaçant imparable. “Huh”, “Link” ou le récent “Pick It Up” avec A$AP Rocky, donnent autant envie de sortir des pas de danse débiles que de se taper la tête contre les murs. Et c’est précisément là que se trouve la force de leur interprète.

Sa démence crée un inconfort permanent, mais parce qu’il est voulu et maîtrisé, un inconfort qui happe, dans ses rebondissements, dans ses délires psychédéliques et surprenants. Sur ses mixtapes masterisées à la truelle même les hurlements des DJs participent au bordel ambiant et à cette sensation d’être perdu dans une maison de fous. Sur Read About It, un zapping radio horripilant nous perd dans un dédale de bruits et de musiques dès l’introduction. Mais impossible de résister au délire de ces bouts de morceaux qui se chassent les uns les autres.

Prévu pour sortir en pleine March Madness, Dex Meets Dexter, son premier album studio, permettra de savoir si le rap de Famous Dex est soluble aux contraintes d’un tel exercice. Presque aussi excentrique et signé comme lui chez 300, Lil Yachty n’avait pas convaincu avec Teenage Emotions : quand elle est feinte, la folie ne résiste pas au formatage.

Dans un registre plus vitaminé, ChaseTheMoney travaille également avec Cdot Honcho, rappeur mitraillette aussi à l’aise sur les rythmes trap que sur le footwork de DJ Nate. En attendant de savoir ce qu’il fera avec G.O.O.D. Music, Valee est apparu sur l’album de Noël de Chance et Jeremih, et aurait enregistré avec ce dernier un EP façon Watch The Throne of Chicago. De G Herbo à CupcakKe, de Lud Foe à Vic Spencer, en passant par Saba, Lucki et les évidents mastodontes, la ville des vents possède encore une belle génération d’artistes.

Mais six ans après que lui et ses copains aient marqué le rap pour toujours, et peu importe qu’aujourd’hui même son hologramme soit interdit d’approcher la région, Chief Keef reste le Chicagoan le plus captivant à suivre. Après un premier album qui a autant inspiré la jeune scène de Brooklyn que Fetty Wap ou Post Malone, après avoir donné naissance au mumble rap en avalant une machine sur Go To Jail, après les expériences électroniques de Back From The Dead 2 en 2014, copiées par les tubes du SoundCloud rap en 2017, après le romantisme étrange de Thot Breaker et le retour à la motivation music abrasive avec Dedication, il est difficile de prévoir ce à quoi ressemblera la musique de Chief Keef demain. Et c’est une sensation extrêmement précieuse.

Illustrations : @bobbydoflamingo

Elles ont ébranlé le tout Instagram. Sur ces photos façon paparazzade, Kim Kardashian est partout. Pas physiquement, en filigrane. Là, dans les cheveux platine, les joggings en molleton, les brassières côtelées, les leggings, les cyclistes en lycra, les hoodies oversize et les vestes camionneur en denim. Un bataillon de « Klones », déployé pour la saison 6 de la marque Yeezy. Le lookbook ne dit pas seulement la passion de Kanye West pour sa femme, il commente notre rapport à la célébrité, aux réseaux sociaux et à notre propre identité.

Il y a bien eu une vie avant Instagram. Pour accéder aux looks « off duty » des modèles et des célébrités, il fallait compter sur les paparazzis. Ces chasseurs d’images au service de la presse people, mauvais rejetons d’une société hypermédiatisée. Amoraux, indésirables, ils sont pourtant devenus, au fil du temps, des alliés. Et leur esthétique, un objet de fascination. Nombre d’artistes et de photographes de mode se sont amusés à recréer les codes du paparazzisme, ou jouer eux-mêmes aux anti-héros. Pour la campagne printemps-été 1992 de Dolce & Gabbana, déjà, Steven Meisel rejouait l’hystérie d’une paparazzade. En 1999, encore, Vogue Italie publiait une série mode signée Tim Walker, baptisée « Don’t shoot ». Les mannequins y cachaient leurs visages avec leurs mains, derrière leurs sacs ou sous leurs manteaux. Une imagerie dont Balenciaga s’est inspirée pour sa dernière campagne printemps-été. Avec l’avènement des blogs et des réseaux sociaux, la popularité des clichés de looks saisis sur le vif a explosé. Aujourd’hui, postée au sortir des shows, une meute de photographes capture les styles les plus léchés. Finalement, c’est peut-être à l’extérieur, que se joue le vrai spectacle. La rue est devenue le nouveau théâtre des tendances, le terrain le plus fertile d’inspiration.

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L’iconographie paparazzi est déterminée par un ensemble de conditions et de contraintes techniques : téléobjectif, flash, rapidité et spontanéité de la prise de vue, environnement urbain (parking, sorties de salle de sport, de club, de supermarché …), regard fuyant, réaction de surprise ou d’agacement du sujet. Une esthétique particulière et reconnaissable, que Kanye West a voulu reconstituer le temps d’une campagne. Pour orchestrer sa fausse paparazzade, le designer s’en est remis à des professionnels du genre : l’agence de presse et de photos Splash News. Entre la fin et le début d’année, Kim Kardashian relayait et égrainait sur son Instagram à 107 millions une série de photos d’elle supposées sauvages, sapée en Yeezy de la tête aux pieds. Elle qui sort de sa berline. Elle dans une station service. Elle un gobelet Starbucks, un smoothie ou une glace italienne à la main. Elle qui marche dans la rue. Elle qui file devant un Mc Do. Jamais moins d’1 million de likes. Kanye West avait fait l’impasse sur la clinquante Fashion Week de septembre. À quoi bon, quand chacune des apparitions de sa femme a valeur de défilé ? C’est qu’il a toujours eu du culot, le emcee. Puis une vision, et du flair aussi. Pour la saison 6 de Yeezy, il s’est osé à une nouvelle manière de communiquer.

Les codes de la photographie paparazzi induisent un « effet de réel », au sens de Roland Barthes. Ils dissimulent l’intentionnalité, masquent la construction de l’image, derrière l’apparente spontanéité d’un instantané. Ici, Madame West adopte des poses présentées comme des postures naturelles, dans un contexte de vie trivial. Elle se livre « brute », « authentique », « désacralisée ». Une manière de créer de la familiarité et de la proximité. Les pièces griffées Yeezy, elles, se trouvent naturalisées dans la mise en scène. Elles se font détails, un élément du récit de la vie quotidienne de la star. Le concept de « produit ordinaire pour gens extraordinaires ». Les images, alors, s’apparentent à une communication de type testimoniale. Ancrées dans la « vraie vie » d’un leader d’opinion, elles favorisent la projection et crédibilisent le message.

Et puis fin janvier, la campagne prenait une nouvelle dimension. Pas moins de 15 influenceuses se grimaient en Kim K, recréant et détournant les images originales. Paris Hilton, Sarah Snyder, Shannon et Shannade Clermont, Amina Blue, Jordyn Woods, Chinq Pink, Madeleine Rose, Kristen Noel Crawley, Sami Miro, Abigail Ratchford, Sierra Skye, Yovanna Ventura, Sahara Ray et Lela Star. Mannequins, entrepreneuses, make up artists, starlettes de télé réalité, créatrices de mode et même actrice porno. Postées et hashtaguées #YeezySeason6 sur les comptes Instagram de chacune, les images sont vite devenues virales. Kanye West a toujours clamé vouloir « faire de beaux produits pour le plus grand nombre ». En s’adressant directement aux masses sur les réseaux sociaux, il positionne Yeezy comme une marque accessible à tous.

Le lookbook dit plus encore, il signifie que les stars, ce ne sont pas les produits. Tellement accessoires que certains visuels – ceux des Clermont Twins et de Lela Star – ne s’en encombrent même pas. Se foutre à poil, pour le buzz, ça reste imparable. Dans le même temps, l’absurdité des scènes prête à sourire. L’humour crée une forme de connivence. L’humour fait vendre.
Non, les stars, ce ne sont pas les produits. Ce sont les modèles. Des femmes à la gloire digitale, les icônes d’une époque. Sur les images, elles se posent en figures tutélaires, garantissant la qualité des pièces qu’elles portent. Les vedettes d’aujourd’hui sont les mythes grecs d’hier. Elles incitent ceux qui s’identifient à elles à consommer les mêmes produits, imprimés de leur « sainteté ». L’argument publicitaire, c’est leur célébrité.

Shannon et Shannade Clermont ne s’effeuillent pas seulement. Elles adoptent la même gestuelle, en même temps. Leurs clichés incarnent plus que tous les autres l’idée de clonage au coeur de la campagne. Kanye moque et célèbre dans un même souffle le mimétisme dicté par la tyrannie de l’apparence. Notre société du paraître a érigé Kim Kardashian en modèle de beauté universel. Elle s’inspire, emprunte, reproduit, plagie. Ses traits, ses courbes, son style. Sur Instagram, la femme d’affaires a enfanté une armée de clones. Des produits de la génération selfie qui, pour s’assurer quelques milliers de likes, veulent ressembler à leur idole. Le nombre de followers détermine les standards de beauté auxquels se conformer. Pensé au départ pour affirmer sa personnalité, Instagram uniformise les identités, les visages, les looks, les corps, les poses. Fabrique à clones. « En ressemblant simplement [à Kim Kardashian], vous pouvez trouver un emploi et devenir vous-mêmes une influenceuse. Il y a tout un tas de personnes qui ressemblent à Kim et cumulent deux, trois millions de followers. Elles n’ont encore rien fait de leur vie, elles lui ressemblent juste », observe le dermatologue Simon Ourian pour WWD. Parmi les copies les plus troublantes, la blogueuse beauté Sonia Ali, dont la sœur, Fyza, se révèle être le sosie de… Kylie Jenner. À Dubaï, là où les deux frangines résident, le chirurgien plastique Jason Diamond soutient que 90% de ses patientes lui demandent de ressembler « exactement à Kim ». Le même nez, le même menton, les mêmes pommettes, le même regard, les mêmes lèvres, les mêmes seins, la même taille, le même fessier. À travers sa campagne, Kanye rappelle que le monde veut et peut ressembler à Kim Kardashian. Même Diplo. Lui, en offre l’opportunité grâce à ses vêtements. En s’habillant de la même façon, c’est « un peu de l’âme et du corps de la star que l’acheteur s’appropriera, consommera, intégrera à sa personnalité », selon les mots d’Edgar Morin.

Elles ont ébranlé le tout Instagram. Sur ces photos façon paparazzade, Kim Kardashian est partout. Pas physiquement, en filigrane. Une métaphore de notre époque?

Ne garder que dix titres de la discographie d’une groupe de légende n’est jamais chose aisée. Classer les dix titres sélectionnés l’est encore moins. Quand le groupe en question s’appelle la Fonky Family et compte Le Rat Luciano, Don Choa, Sat l’Artificier, DJ Djel, Menzo, Fel et Pone dans ses rangs, c’est mission impossible. Heureusement, c’est justement le dernier cité, chef d’orchestre de la FF, qui s’en est chargé pour nous.

Si Dieu veut…, Art de rue, Mode de vie béton style… Le rap français doit beaucoup à Pone. L’architecte du son de la Fonky Family a composé, dans sa modeste carrière, autour de 2000 productions entre 1995 et 2012. Celui qui était l’un des beatmakers préférés de feu DJ Mehdi demeure assurément l’un des compositeurs les plus importants de ce que certains considèrent comme « l’Âge d’Or » du rap en France.

À l’été 2015, Pone, de son vrai nom Guillem Gallart, a annoncé une bien triste nouvelle : l’homme de l’ombre de la Section Nique Tout est atteint de la maladie de Charcot (Sclérose latérale amyotrophique), un trouble neurologique évoluant rapidement et qui attaque directement les cellules nerveuses responsables du contrôle des muscles volontaires (mobilité, respiration, parole…). Le Toulousain, qui a quitté la Ville rose à 19 ans, avec son acolyte Don Choa, pour rejoindre la planète Mars et vivre les années d’or de la FF, est aujourd’hui de retour dans sa région natale pour profiter pleinement de sa famille. Par l’intermédiaire de son compte Facebook, Pone parle de son quotidien, sensibilise les nombreuses personnes qui le suivent à cette maladie incurable qui le ronge et partage tantôt des pépites sonores, tantôt des anecdotes inédites sur l’épopée légendaire de la Fonky Family.

« La durée de vie moyenne avec ma maladie est située entre deux et trois ans, on meurt principalement d’arrêt respiratoire, confie-t-il. Depuis que j’ai fait le mien, je vis sous respirateur par trachéotomie 24h sur 24, je suis donc à l’abri de problèmes d’insuffisance respiratoire. La maladie ne peut donc théoriquement plus avoir ma peau, ce qui est plutôt cool. Par contre elle m’a bien amoché, mais je suis là avec l’essentiel : ma tête et mon coeur. » Pone, apaisé et heureux de vivre, est l’un de ces hommes dont l’existence même est plus qu’un exemple : c’est une inspiration.

En ce début d’année 2018, le compositeur a partagé ses dix morceaux préférés de la Fonky Family, avec les justifications et anecdotes qui vont avec. Un top sans les traditionnels « tubes » de la FF, les « Art de rue », « Mystère et suspense », « Sans rémission » et autres. « Peut-être que je les ai trop entendus », se justifie-t-il. Des tranches de vie extraordinaires qu’il nous a autorisé à regrouper, et diffuser.

10. Fonky Family – Sans titre

« En 1999, nous sommes en pleine bourre. On sort d’une tournée fleuve à guichet fermé, on a reçu notre premier disque d’or et rempli notre premier Olympia. Mais ce qui me marquera le plus, c’est de passer de mecs tricars partout, à mecs les plus cools du monde. Ce titre a été enregistré et écrit dans le petit studio situé au sous-sol de l’immeuble Sony, à l’époque où ils étaient encore avenue de Wagram. J’avais déjà fait le son chez moi, à Belsunce, et je sentais bien qu’il pouvait donner quelque chose d’intéressant. Les garçons ont adhéré de suite et ont commencé à gratter dans la foulée. Comme souvent, c’est Choa qui a ouvert le feu et chauffé les autres avec un couplet que je n’ai pas peur de qualifier d’anthologique. Dès qu’il est sorti de la cabine, je savais qu’on tenait quelque chose de fort, d’autant que le refrain commençait à planner dans le minuscule studio enfumé.

Pour plusieurs raisons plus ou moins valables, nous étions au sommet du beef avec IAM, ce qui se ressentira dans les lyrics comme dans l’intro, faite par Jean, un ami qui connaissait bien l’affaire et qui avait fréquenté IAM. On savait que l’impact ferait mal, mais ils ont réagi comme on doit le faire face à des chiens fous quand on est des ‘sages’ – ils nous ont ignoré. De toute façon, on s’en tapait. Nique tout étant la devise en vigueur. »

9. Fonky Family – Envie de croquer le monde

« Ce titre, sorti en face B du maxi vinyle de ‘Sans rémission’ en 1998, est différent de tout ce qu’on avait fait auparavant. Il dégage une certaine forme de pureté, de simplicité. Ceux qui me connaissent savent bien que ce qui est le plus important pour moi c’est la singularité, la fraîcheur. Je préfère être moyen et original plutôt que super bon et copieur. Et c’est aussi le cas de mon équipe. Vous mixez ça avec ‘être les meilleurs sans se prendre pour les meilleurs’ et vous obtenez la philosophie FF : celle qui crée des morceaux comme celui-là.

À l’époque, certains journalistes, membres de maisons de disques, rappeurs etc. m’ont parfois comparé à de grands producteurs américains. Hormis le fait que c’était exagéré, ça m’a toujours fait chier d’être comparé, même aux meilleurs. Une de mes préoccupations principales étant de lutter contre l’influence que pouvaient avoir sur moi ces producteurs que j’admirais, particulièrement Havoc et RZA. »

8. Fonky Family – Cherche vraiment pas à comprendre

« Je suis super fier de notre premier album, mais on y trouve très peu de morceaux scéniques patate. Et je dois dire que les garçons m’ont déclaré plusieurs fois s’être fait un petit peu chier par moments sur la tournée Si Dieu veut…. Il fallait donc que j’intègre cette donnée dans ma petite tête de producteur. J’aime bien les défis, et à y réfléchir je n’avais qu’un seul banger à mon actif : ‘Sans rémission’. Le morceau ‘Cherche pas à comprendre’ est le fruit de ce défi.

Je dois dire que c’est une de mes grandes fiertés de producteur pour une seule raison : c’était la prod préférée de mon ami, le très regretté DJ Mehdi. Au-delà de l’amitié qui nous unissait, j’admirais son travail et je sais que c’était réciproque. Lors d’une visite chez moi, ma cadence de production le faisant halluciner : il m’avait demandé de lui passer les sons que je n’avais jamais sorti, et il était reparti avec 700 beats dans son disque dur. Quelques années plus tard, je lui rendais visite dans son appartement de Ménilmontant, son iTunes tournait en shuffle et entre les Beatles, Jay Z et Curtis Mayfield, quelle ne fut pas ma surprise d’entendre mes vieux beats. Il me disait alors vouloir les sortir en plusieurs volumes sur son label, Espionnage. J’étais emballé et flatté mais le projet ne verra jamais le jour, malheureusement. Que Dieu te garde, frère. »

7. Fonky Family – La résistance

« On a créé ce morceau pendant l’enregistrement de Si Dieu veut… au studio Cactus, à Marseille. On savait qu’on tenait un concept fort avec ‘nique la musique de France’ : on en avait fait des t-shirts, on le scandait en live mais on n’en avait jamais vraiment fait un morceau. Il aura fallu l’ambiance incroyable qui régnait au studio, euphorique de créativité, pour que ce track voit le jour.

Mais fallait pas se manquer : on devait mettre les petits plats dans les grands. J’avais déjà la boucle principale du son, j’y trouvais quelque chose de spécial, d’inédit. Mais je ne pouvais pas m’en contenter, fallait des trucs en plus. J’ai commencé à chercher ce son de l’intro façon résistance, et sans Internet c’était pas gagné. J’ai ensuite samplé un bout de live où le public criait ‘nique la musique de France’ et c’était bon, je savais que mes gars seraient satisfaits. Je me suis toujours considéré au service de mes rappeurs, encore plus quand je bossais pour d’autres groupes que la FF.

Le Rat et Choa venaient de poser ce qui restera pour moi l’un des meilleurs croisés de l’histoire : de l’énergie pure, un régal. Et on s’est dit qu’il fallait appeler Chill [Akhenaton, ndlr] pour le refrain. Malgré que nos relations ne soient plus vraiment au top, on avait toujours beaucoup de respect et d’admiration pour lui. Tout le monde a immédiatement trouvé l’idée géniale, on l’a appelé, il était ravi : cette admiration était tout à fait réciproque. […] Je considère aujourd’hui que ce morceau fut majeur dans notre parcours comme dans notre évolution. »

6. Fonky Family – Les miens m’ont dit

« L’époque de l’album Art de rue était assez spéciale pour moi. D’abord parce que pour la première fois, je sentais une fissure dans le groupe, les égos étant, à mon sens, à la base de ce problème. Je m’effaçais le cœur lourd. Mais quelque part, ces égos nous ont permis de faire un bon album – je devrais dire de faire des bons morceaux. Je considère cet album comme une suite de morceaux plutôt qu’un véritable album comme le fut Si Dieu veut…, même si j’en suis très fier.

Ensuite, je me retrouvais en concurrence au sein de mon propre groupe, avec l’un de mes meilleurs amis qui plus est. Je ne le perçois comme ça qu’avec le recul : sur le moment c’était plutôt un tirage de bourre dans lequel on s’était jeté avec le Rat. On était en permanence en compétition : jeu d’échecs, cartes, Playstation, flambe etc. On pouvait jouer toute la nuit aux dés en tête à tête. Je me souviens avoir joué sur un seul coup de dés la totalité des cachets de la tournée de Si Dieu veut… avec Fresh du Venin… Bref. Toujours est-il que cette concurrence, si elle fut bénéfique pour le groupe, a brisé le tandem qu’on formait avec Loutch’ : je produisais, il écrivait. Il est un des meilleurs, voire le meilleur rappeur de France, mais je pense qu’il n’est pas assez reconnu en tant que beatmaker : pour moi, il est assurément dans le top 10.

Toujours est-il que ça nous a renforcé, car davantage de diversité dans les beats, le Rat apportant ce côté patate qui me faisait défaut, au grand bonheur des MC qui savaient qu’en live ça péterait. Je pense que c’est en partie grâce à ça qu’on est devenu redoutable sur scène. Mais je pense aussi que ça déséquilibré une certaine alchimie au sein du groupe pour en créer une nouvelle. Meilleure ? Moins bonne ? À vous de juger. Avec le recul j’ai tendance à penser que la première était plus performante mais je me méfie de mon égo, c’est peut-être lui qui parle. »

5. Fonky Family ft. 3ème Oeil – Marseille envahit

« L’hymne underground de Marseille. Depuis un concert qu’on avait donné en plein air à Félix Pyat à l’été 95, on était lié au 3ème Oeil de façon viscérale. C’était l’équipe. Pour la petite histoire, Vincent Cassel était dans le public ce jour-là. Mais à cette époque il n’y avait pas de Vincent qui tenait, on te le prenait à coup de ‘oh Vince !’, La Haine oblige. Il avait kiffé à mort le concert.

Je me souviens plus vraiment de l’élément déclencheur de ‘Marseille envahit’ mais je sais qu’on a tout créé en studio. Je me rappelle avoir laissé tourner le son pendant des heures et, petit à petit, le morceau est apparu. J’aimais beaucoup l’atmosphère, presque mystique, lancinante, et les textes étaient parfaits, les scratchs aussi. Je n’en ai pas beaucoup parlé mais le taf qu’a fait Djel sur cet album est exceptionnel, original, technique, le haut niveau. Comme à mon habitude, les MC ont posé sur une boucle simple et j’ai créé toutes les séquences au mix, aidé par l’automation de la table Neve du Voyageur 2, un studio dans un semi-remorque fraîchement arrivé des prairies d’Irlande après que U2 y ait enregistré. »

4. Fonky Family ft. Kertra & La Mixture – Sans faire couler le sang

« Je vois celui-là comme une fresque. En 1992, je venais de débarquer à Marseille et j’habitais aux Aygalades, dans les quartiers Nord. Je voyais Djel tous les jours au centre-ville et à part lui et Don Choa avec qui j’étais déjà ami depuis le lycée à Toulouse, je ne connaissais pas encore les membres de mon futur groupe. Tout est parti d’un flyer trouvé à la mission locale : ça parlait d’un casting pour intégrer un genre de formation artistique sur deux ans, au centre culturel Mirabeau de Consolat. Pourquoi pas. Pendant qu’on essayait d’improviser des scènes de théâtre, j’aperçois deux silhouettes dans la cour, longues et fines, casquettes, veste de survêt et jeans, dégaines de crapules. C’était Menzo et Le Rat. On dit qu’on n’oublie pas la première rencontre avec les personnages principaux de nos vies : je peux vous dire que c’est bien vrai. Djel, qui les connaissait, me présente Menzo aka Daddy Mammadi, et Christophe aka Don Carmone aka Viking B [Le Rat Luciano]. Nous réussissons tous le casting et quelques mois plus tard, nous partons une semaine dans le Jura avec une vingtaine de jeunes principalement issus des quartiers Nord. On allait rencontrer là-bas deux autres troupes appartenant au même projet national. L’une venait de Vaux-en-Velin l’autre de Mantes-la-Jolie – c’est via cette troupe que j’ai rencontré Kertra, et que nous sommes devenus ami. Dans la même période, on avait fait de Strasbourg notre arrière base et on s’y était liés d’amitié avec Kadaz et Mozart de la Mixture.
Quand s’est posée la question des featurings dans Si Dieu veut…, c’est tout naturellement qu’on les a appelés. Pour la petite histoire, on a mixé le morceau au légendaire studio Miraval, dans l’arrière-pays varois. C’est aujourd’hui la résidence secondaire de Brad Pitt. J’y ai passé les semaines les plus heureuses de ma vie professionnelle, tout y était parfait. Et en plus, je dormais dans le lit de Sade.

Quand le Rat dévoile le titre du track à la fin, tout le morceau devient concret, magique. Je me revois encore derrière le micro à faire les ‘représente’ avec les frères et cette sensation de vivre quelque chose d’important. »

3. Fonky Family – Loin du compte (1999)

« Comme nombre de personnes de ma génération, j’ai été fasciné par le film Scarface. Les premières secondes sont tellement prenantes qu’il m’est impossible de ne pas voir la suite si je tombe dessus, hameçonné comme un gobie. Et la musique y est pour beaucoup : elle est fantastique. Fort de ce constat, je me lançais à la recherche de la B.O. pour le sampler mais sans Internet, ce n’était pas évident. En voulant acheter Murda Muzik de Mobb Deep, je tombe sur la fameuse soundtrack. Bingo !

Je rentre chez moi faire chauffer le sampler. Avant de m’y mettre, je décide quand même de m’écouter le dernier Mobb Deep avec un bon joint. Comme toujours, en écoutant un nouveau disque, je lis les crédits dans la jaquette du CD pour voir qui produit, qui mixe etc. Et à la fin du tracklisting, alors que je ne suis même pas à la moitié de l’écoute, je lis : ‘Contient un sample de Giorgio Moroder.’ Giorgio Moroder étant le compositeur du score de Scarface, donc. Je zappe le CD jusqu’au morceau en question : ‘It’s Mine’, en featuring avec Nas. Et bim, je m’étais fait doubler par Havoc : il avait pris le sample que je convoitais. J’étais dégoûté, c’était mort et inenvisageable de passer derrière lui.

J’écoute quand même la B.O. de Scarface et je bloque sur ‘Push It To The Limits’. Je le boucle dans la minute et le ralentis, j’avais quelque chose. […] Je me souviens de la sensation de puissance qui ressortait dès l’enregistrement du track final : Hors-série, Vol.1 était lancé. »

2. Fonky Family – FF 2000 Trop danger

« J’ai hésité à mettre ce titre en premier. C’est pour moi la quintessence de ce que l’on a pu faire. Ceux qui écouteront ce titre pour la première fois… En fait je les envie. C’est trop.

Le son est simple, efficace, énergique, dur, frais. Pour certains d’entre vous, il pourra paraître sec, banal. Mais c’est tout le rap que j’aime, cru. […] C’est la violence, des couplets stratosphériques ; quelle fierté d’avoir travaillé avec des MC aussi talentueux. Flow, technique, textes, thème, punchlines, émotions, énergie, tout est là. Je suis d’ailleurs obligé de m’arrêter sur le monstrueux couplet du Rat et je pose une question, sérieusement : qui peut le tester dans ce registre ? Je vais même plus loin, qui peut le tester internationalement ? Ce n’est certainement pas la plus grande carrière, mais c’est assurément le plus grand à l’avoir fait en France, comme Ronaldinho ou Tyson ont été les meilleurs sans être reconnus comme les plus grands. Sa première qualité, à mes yeux, est son hyper sensibilité. Découle de ça une immense passion pour la musique et le rap en particulier, doublée d’une hyper activité : voilà la recette de ce qu’on appelle le talent, travail et passion. Je pense que personne n’a jamais représenté ceux d’en bas de la sorte : prolétariat, quartiers populaires, bref la zone. Nous contre eux. »

1. Fonky Family – Tu nous connais

« J’aime ce morceau d’amour. Il me rappelle la réalisation d’un rêve. On attendait de faire cet album [Si Dieu veut…] sans vraiment y croire malgré qu’on ait signé chez Côté Obscur. C’était tellement beau, mais ça tardait à venir. […] Ce soir de printemps 97, nous étions en concert à Montpellier. Je me rappelle d’ailleurs que le Rat s’était ouvert la main en tapant dans un pot de fleurs ce soir-là : la cicatrice formait un ‘M’ comme ‘Marseille’. À l’époque, ce n’était pas encore Fafa notre manager mais François d’IAM, alias Kephren. À la fin du concert, il reçoit un coup de fil : ‘Mario Rodriguez [ingénieur du son légendaire de New York] est dans l’avion’, me dit-il en raccrochant. Le lendemain, nous sommes en studio pour attaquer l’album.

Mario avait travaillé pour Notorious BIG et Mobb Deep, entre autres. C’était surtout un ingé de mix et l’avoir pour nous enregistrer était un luxe absolu. C’était un monument, et la façon dont il nous a pris au sérieux a changé la donne. Je pense qu’on s’est tous dit dans nos têtes : ‘Là ça rigole plus.’ Il était très investi : il passait son doigt sur les magnétos à bandes à la recherche de poussières, façon adjudant-chef qui inspecte une piaule de troufion. Je l’entends encore appeler Christian, le patron des lieux, qui débarquait de son bureau médusé pour se voir coller sous le nez un doigt de colombien avec trois résidus de bande magnétique dessus. ‘Ça pas bon Cwistian’, lui lançait-il sympathiquement mais fermement. J’ai commencé à sympathiser avec Mario qui deviendra un ami. Il s’est tellement bien adapté au groupe que lorsqu’il est arrivé à Marseille, alors qu’il avait arrêté de boire et de fumer neuf ans auparavant, il a tout repris.

L’instru de ‘Tu nous connais’ est l’une des instrus dont je suis le plus fier. Je me souviens très bien quand j’ai trouvé le sample : un morceau de Barry White archi connu des beatmakers et samplé plusieurs fois déjà. Mais personne n’avait été jusqu’au bout du track, car c’est à l’extrême fin que se trouve la boucle magique. Vu que j’habitais avec Choa et Djel, c’était souvent les premiers à écouter les sons et j’ai suggéré le thème ‘maintenant tu nous connais’ qui a plu et c’était parti. Il était rare qu’une journée se passe sans que les autres membres du groupe ne passent chez nous, et le morceau est né comme ça, parmi tant d’autres, simplement. En une après-midi, dans ma chambre.

On réfléchissait beaucoup sur les structures des morceaux à cette époque, ce qui nous a malheureusement quitté avec les années. On ne voulait pas faire que des ‘couplets refrain couplets refrain’, et on s’est dit que d’enchaîner tous les couplets et de coller le refrain à la fin serait cool. Ça collait avec le thème : tu nous as tous écoutés, et maintenant tu nous connais. »

Peut-on aimer en même temps deux genres aussi opposées que le rock et le rap ? Peut-on concilier le dessin et la musique? Poser ces questions à un adolescent n’a pas le même effet que sur une personne plus âgée: l’un se construit, détruisant les référentiels de ses parents, l’autre a un meilleur sens de sa personne et du lâcher prise. Le chemin de l’un à l’autre, c’est l’histoire de Crayon, racontée avec une honnêteté sans filtre pour “assumer le fait de ne pas assumer”. Un état d’esprit qui habite un dernier EP bouleversant, dont les lignes mélodiques prennent la forme d’un dessin dépouillé, esquissé à l’instinct. Une façon pour le compositeur de Roche Musique d’affirmer que quand on est sincère avec soi-même, on n’a plus grand chose à cacher.

Photos : Frame Pictures

Je voulais commencer sans parler de musique avec toi, parce que tu es passé par une école d’art. Qu’est-ce qui t’a fait aller vers ça?

En fait, j’étais très mauvais à l’école, genre j’ai pas eu le bac. Et puis j’ai eu 18 ans et je devais faire quelque chose de ma vie, et la seule discipline dans laquelle j’étais bon et qui me faisait me lever le matin, c’était le dessin. Je dessinais au bic, c’était assez cru pour pas dire torturé. C’était figuratif, très inspiré des expressionnistes de l’avant-garde. Je ne sais plus très bien comment j’ai fait, mais je suis allé aux ateliers de Serres et je leur ai dit que j’avais le bac ou que j’allais le repasser. Au bout de deux mois, j’ai pété un plomb d’être en école. Dès qu’ils m’ont fait asseoir dehors pour dessiner la Geode, j’ai su que c’était mort. C’était les deux seuls mois d’étude de ma vie. Et pour dire la vérité, je crois que j’avais plus de talent pour le dessin que pour la musique.

Qu’est-ce qui est arrivé le premier, le dessin ou la musique?

Le dessin. Enfin j’ai toujours écouté du son mais jamais je m’étais dit que j’en ferai. J’ai toujours eu un peu ce syndrome de l’imposteur, mais pas pour le dessin.

Alors que pourtant, ton père travaillait dans la musique.

Mon beau-père faisait du son ouais. Mais c’était pas le genre de personne à te mettre dans son truc. Après c’est vrai que quand j’avais 4 ans, il y avait ses Korg [synthétiseur, ndlr] dans ma chambre. Mais dès que je prenais des cours de pianos, ça me saoulait, j’étais pas du tout musicien. J’adorais la musique mais ce n’était pas mon moyen d’expression. J’étais un ado un peu mal qui vivait à l’internat, et le seul truc à faire c’était dessiner. Je voulais vraiment me lancer là-dedans, et il y a eu ce truc à mes 18 ans, je vivais sur Paris, j’ai découvert les paradis artificiels, comme les drogues, les soirées etc… et ça a vrillé. J’ai commencé à composer sur Ableton et ça a pris le pas sur le dessin. C’est injuste mais à cette époque-là tu pouvais plus facilement faire carrière sur Soundcloud que dans une galerie. C’était en 2009.

C’était la vague des premiers bedroom producers, avec les artistes comme Miami Horror, Toro Y Moi. Cette génération t’a marquée?

À fond. Et là tu viens de citer deux noms qui à l’époque m’ont marqué à jamais, comme cet album de Toro Y Moi avant Anything In Return… C’était la même période que Long Distance de Onra. Quand j’étais ado j’écoutais des trucs super expérimentaux et en grandissant je me suis ouvert à des artistes comme ceux-là, plus pop et plus catchy.

Voilà oui. J’ai l’impression que ces types étaient plus à la base des beatmakers, et sont devenus les premiers artistes pop internet.

Ouais, c’est à force de s’assumer en fait. Au début tu te projettes en te disant “j’aimerais bien être un type comme ça, ou comme ça” et à force tu espères arriver à ce moment où tu te dis “voilà, ça c’est moi”. C’est un peu le Graal pour un artiste. Moi j’aime à la fois The Cure et Young Thug, je suis censé assumer tout ça. J’essaye d’être authentique dans ma démarche et de m’écouter. Après si le résultat est cheesy, ça relève de l’analyse des autres.

Plus microcosme que Soundcloud, ce sont les soirées parisiennes. Tu croises les mêmes meufs, les mêmes mecs, les mêmes journalistes, du coup on se retrouve dans un mouvement émergeant sans s’en rendre compte.

Il y a quelque chose que je trouve commun aux artistes nés sur internet comme toi ou Darius, c’est qu’il y a une façon de faire plus spontanée, en sortant des morceaux au compte goutte, plus que des EP ou des albums. Pendant longtemps tu as eu ce rythme-là.

En fait il y a deux choses dans ce que tu dis. La narration dont tu parles fait sens parce qu’à l’époque on faisait des tests, parce qu’on ne savait absolument pas vers où on allait. En ce qui me concerne, ça me permettait de voir si ça prenait un peu. Mais c’est aussi un process de tests où tu grandis en même temps. En 2009 j’avais 18 ans, et tu n’es pas la même personne à cet âge ou à 26 ans. Maintenant j’arrive un peu à la fin de ce cycle où je me dis que j’ai pas écouté qu’un seul genre de musique dans ma vie, et c’est pour ça que j’arrive à sortir un EP de 7 titres. Je me dirige tout doucement vers une certaine consistance que j’avais pas avant. C’est intéressant de voir ça avec du recul, on était cette bande de gamins qui ne savaient pas ce qu’ils foutaient.

C’est une sorte de génération spontanée en fait. J’avais eu cette discussion avec Yann Kesz, et lui avait connecté avec Onra par Myspace. Comment toi tu as rencontré les autres de Roche, via Soundcloud ?

C’est plus organique que ça. Après, ces mecs-là étaient déjà connus de ouf quand j’ai commencé à faire du son. Pour moi, Kartell et Darius, c’était le next level. Et puis après j’ai travaillé avec Kitsuné, et je les ai connus dans des soirées. Plus microcosme que Soundcloud, ce sont les soirées parisiennes. Tu croises les mêmes meufs, les mêmes mecs, les mêmes journalistes, du coup on se retrouve dans un mouvement émergeant sans s’en rendre compte.

Tu parlais de Kitsuné. Ça n’a pas été brutal de passer de ta chambre à des dates en dehors de la France?

J’aimerais te dire que ça a été brutal, mais ça n’a pas été aussi rapide que ça. Quand j’ai dit à ma mère à 19 ans que j’allais jouer à Tokyo, elle m’a dit “il y a un mec qui a payé des billets d’avion pour ta musique de merde? Tu veux pas trouver un taff plutôt?” J’ai mis du temps avant d’enchainer des semaines de dates. Même encore maintenant, j’en suis pas à ce stade où je pars 3 mois en tournée. Non, je mentirais si je te disais que c’était brutal. Il y avait l’excitation, maintenant ça me fait un peu plus chier, et puis ce ne sont pas des vacances.

Il y a encore ce fantasme bien vivant autour des artistes partis directement en tournée après avoir eu un hit.

Mais c’est ouf! C’est cool qu’il y ait des mecs comme toi, qui aient ce recul, parce que combien de fois je me retrouve à corriger les gens. Là par exemple, je reviens d’une tournée en Asie, et je m’en plaignais avec quelqu’un sur Skype. Il y a pleins de gens qui n’arrivent pas à prendre conscience de ça, et qui me disent “mais attends, t’as trop de chance”. Alors que le concept des vacances c’est de pouvoir choisir quand tu pars, quand tu reviens et ta destination. On a trop glamourisé ce truc. Tu ne prends pas 1000 € pour juste passer des disques, il faut aussi compter que tu prends 2, 3 trains, 2 avions…C’est un vrai boulot, et au-delà même de ce nom réducteur, c’est quand même un art, il faut avoir une vision, tu ne peux pas le faire comme ça. Tu peux avoir un hit et tourner mille fois plus que d’autres, mais c’est “inutile”, ça ne définit pas un projet ou une carrière, ça ne sert pas une cause, comme ça a pu le représenter pour moi.

J’étais hyper influençable, une éponge, je me posais pleins de questions et en même temps aucune, et je faisais ce que j’étais capable de faire sans grande conviction. Et j’étais mal, ça faisait pas de moi un poète maudit, mais juste un petit con.

Tu es passé par Kitsuné, puis Partyfine, maintenant Roche Musique. Ce sont trois phases assez différentes dans ta discographie.

Grave. Ça remonte à très loin pour moi ces périodes-là. Kitsuné, c’était un tel coup de chance. Comment? Pourquoi? Ça faisait sept mois que je faisais du son, ça sonnait comme une caisse à outils, et le mec qui trainait avec les Daft Punk m’a proposé ça, c’est surréaliste. Aujourd’hui je peux prendre du recul dessus, mais c’était pareil le jour où Yuksek m’a envoyé un DM sur Twitter en me demandant si je voulais bosser avec lui sur un morceau… Je me disais qu’il s’était planté. J’étais hyper influençable, une éponge, je me posais pleins de questions et en même temps aucune, et je faisais ce que j’étais capable de faire sans grande conviction. Et j’étais mal, ça faisait pas de moi un poète maudit, mais juste un petit con. Je faisais des dates sans trouver ma propre musique, c’était pas abouti. Pour Partyfine, ça m’a été proposé à la volée, “tiens il y a un EP avec trois remixes, le graphiste a fait ça” [l’artwork de l’EP représentait un dauphin gonflable], je veux dire moins de vision que ça tu meurs, à quoi bon. Ça ne sert à rien de jeter une nouvelle aiguille dans la botte de foin qu’est la musique sur internet. Aujourd’hui je ne regrette rien, parce que je pense qu’il faut se casser la gueule pour mieux se relever.

Les deux première années chez Roche, je n’ai rien sorti. J’étais dans une phase où je faisais des sons proches de ce que faisaient Darius et Kartell à l’époque. En fait le changement s’est fait avec l’EP sorti avec Dune. C’était la première fois où j’étais content de sortir quelque chose. J’étais investi dans l’artwork, et c’est à ce moment où je suis plus passé du côté songwriter et moins Ableton live, pendant des semaines.

Et tu as toujours travaillé ta musique seul avant? Tu n’as jamais pensé à ce truc d’ado de monter un groupe avec des potes et jouer dans un garage? [rires]

C’est marrant parce que c’est ce que je fais maintenant pour un truc de promo à la radio. Avec mon chanteur on s’est dit qu’on allait prendre un guitariste, et en fait ça fait un groupe. Pour le coup c’était un vrai fantasme auquel j’ai pas eu accès, parce que j’ai passé ma vie devant un putain d’écran. Maintenant que je sais un peu plus jouer du piano et que je sais mieux “parler” ce langage, on fait un band dans un garage, et ça me sauce tellement, si tu savais. C’est le fait de concilier avec mes influences d’avant, parce que j’écoutais que des groupes, pas des beatmakers de Soundcloud.

On dirait que c’est un moment obligatoire pour certains artistes, de repasser par les toutes premières influences marquantes

Pour faire “l’album de la maturité”?

Nan, celui des souvenirs, comme le dernier de Childish Gambino.

En même temps c’est un peu obligatoire, parce que si tu travailles sans nostalgie, tu travailles sur quoi? Là ça va plus loin, parce que je ne renie pas les influences de maintenant, au contraire. J’aime autant être beatmaker que faire des reprises de Joy Division sur scène, et mélanger ces mondes-là sans qu’on se prenne la tête.

Ça t’a pris du temps de grandir pour trouver “ton son”?

Tellement. Après je vois encore que mes influences sont palpables, mais ça me fait plaisir tu vois. J’ai lu un article qui parlait de ma musique, le mec avait écrit “entre Jai Paul, Frank Ocean et James Blake” à propos de « Faith« . STWO me l’a dit aussi, et c’était trop ça. Je peux pas dire que je fais le truc le plus unique de la Terre, mais en même temps ce sont des artistes que j’aime aussi, et dans la manière dont ça ressort, c’est sincère, ce sont des influences que j’ai digérées. Mais oui, ça m’a pris vachement de temps, parce que j’occultais trop d’influences. Et quand tu réunis ça avec des choses plus anciennes, ça devient ma petite compilation à moi. C’est à la fois un fardeau et une chance de ouf de créer ta propre musique. Parce que plus tu vas aimer la musique plus tu vas être exigeant, j’adore ça et j’en aime des tellement différentes, que synthétiser le tout m’a pris du temps. Après c’est cliché de dire ça, mais en réécoutant certaines musiques, tu reconnectes avec l’état d’esprit ou les peines de coeur que t’avais pas ressenties depuis longtemps. Genre, là je réécoute les albums des Smiths et je me demande comment j’ai pu passer autant d’années sans écouter de morceaux avec une putain de guitare dedans. On est devenus trop catégoriques, aujourd’hui si tu écoutes du mumble rap, tu portes du Supreme. Il faut une certaine confiance en soi pour assumer toutes ses influences. Mais le chemin pour agencer tout ça est long si tu comptes en plus l’aspect technique de la musique, ça m’a pris 8 ans.

Ceux qui m’ont connu à cette époque me disaient “ah c’est dommage que tu ne dessines plus.” J’ai toujours voulu que ça y ressemble et maintenant c’est le cas.

Dans “After the tone” on ressent un peu ça par un travail d’épuration, ça rend le morceau très intime. Est-ce que pour arriver à ça, tu as enlevé des couches et des couches d’instruments?

À force, je me suis rendu compte que je faisais de la musique très très très calme. Avant je travaillais avec ce process de soustraction, je me souviens que Brian Eno parlait de James Blake dans ce sens-là. Je trouve ça cool, et en même temps hyper frustrant. Mais pour “After the tone” c’est la démarche inverse, de base on a mis très peu de choses. Les seuls éléments que j’ai rajoutés, ce sont les hi-hats, trois semaines plus tard, et franchement je l’ai regretté. C’est comme quand je peins un tableau, jamais je vais revenir dessus des semaines après, ça n’a pas de sens, ça le dénature. Du coup ce morceau, comme le reste de l’EP d’ailleurs, est très instinctif.

Comment se sont passées les collaborations avec Gracy Hopkins et Lossapardo?

Ce sont des process différents. Avec Gracy on a mille façons de faire, parce que ça fait pas mal de temps qu’on bosse ensemble, il est jeune et il s’autorise beaucoup de tests. Pour “Faith”, on avait jammé un soir avec lui, Pink Flamingo et Lossapardo, j’étais revenu dessus un soir juste avec Gracy au studio et on en a repris un bout. J’ai commencé à bosser un beat, à ce moment-là on avait tous les deux une histoire assez similaire avec nos meufs, et sans trop qu’on s’en parle il est sorti du studio, il est revenu après et il m’a dit “enregistre ça” avec juste une phrase, il est ressorti et revenu avec une autre phrase. Le morceau s’est construit bout par bout comme ça, sans rien écrire, et moi je construisais dessus au fur et à mesure. À la base, les accords n’étaient que sur le refrain, et avec ce process le 4e accord est arrivé en même temps que le 4e mot. À la fin, il était 7h du matin, et on se sentait…Mieux. Comme après une grosse séance d’hypnose, on avait tous les deux besoin de lâcher ce truc.

Avec Lossa on jamme pas mal, lui c’est un mec qui va prendre un ukulélé, un saxo, il touche un peu à tout en étant très décomplexé. Pour “After the tone”, il grattait un truc à la guitare, je l’ai enregistré à la guitare acoustique, je l’ai passé à l’envers…Tu vois, de mon côté, je vais m’autoriser cette liberté de producteur en expérimentant de manière abstraite, un peu comme si je mélangeais des couleurs dans une palette, et on s’est attaqué au sujet avec la mélodie d’abord et le thème. Tous les morceaux avaient cette trame commune inconsciente, ça raconte une histoire d’amour. Pink parle de la rencontre, “Faith” est sur les premiers problèmes de confiance que tu peux avoir dans un couple, et “After the tone” c’est carrément l’embrouille où elle ne te répond pas au téléphone. Avec ces deux mecs on a fait ça de manière tellement sincère, on parle de ce qu’on vit et ce sont mes potes avant tout. Ce truc-là est sacré et je veux qu’il se ressente dans la musique.

C’est marrant que tu parles de jam, parce que c’est complètement ce que tu aurais aimé faire avec une guitare, un garage et des potes dedans en étant ado. Sauf que là tu le fais avec de la musique électronique, tu réconcilies les deux.

C’est exactement ça ! De toute façon, c’est mon amour du paradoxe, j’aime les choses qui s’opposent, la froideur du logiciel, la chaleur des bruits de bouches avec des sons de cordes de guitare, essayer de garder le meilleur des deux, c’est vraiment quelque chose qui m’interesse. En fait, c’est même pas le rendu, c’est le process. Putain, je ne m’en étais même pas rendu compte mais c’est ça. Il y a des choses que tu adores écouter mais que tu vas détester faire. Par exemple, disons que tu es fan de la musique que fait Madeon, pour produire ça il faut se lever tôt parce que c’est certainement super chiant à faire, même si tu aimes le résultat. Je ne veux plus passer ce genre de moment chiant, à être tout seul à bader sur la production. J’ai envie de m’évader en faisant ça, et j’ai la chance d’avoir le temps pour que ça soit bien, parce que j’aime aussi le rendu produit. Après, c’est aussi un équilibre, je n’aboutis que seul, je ne peux pas avoir quelqu’un d’autre que moi sur la décision finale, c’est aussi un moment que j’apprends à apprécier. C’est un équilibre, et c’est bien d’avoir les deux.

Tu as l’impression que les dessins que tu faisais ressemblent à ta musique de maintenant?

Maintenant ouais, ces 7 putains de morceaux et ceux qui arrivent après… J’ai toujours eu cette approche dans le dessin de laisser la feuille blanche, d’avoir ce truc déjà assez épuré, qui se voit sur mes derniers visuels. Inconsciemment, ça ressemble un peu à mes dessins, enfin. Dix années plus tard. Je me souviens de cette interview de Para One, c’est un putain de génie, il raconte comment il est parti de ses études de cinéma à ce qu’il fait maintenant. Quand il était jeune, Tekilatex lui disait “pourquoi ta musique ressemble pas à tes films?” Apparemment il faisait des films hyper torturés, et une musique plus superficielle. Et j’ai l’impression que ça lui a mis un claque. Moi personne ne me l’a jamais dit, mais ceux qui m’ont connu à cette époque me disaient “ah c’est dommage que tu ne dessines plus.” J’ai toujours voulu que ça y ressemble et maintenant c’est le cas. Quand tu écoutes ma musique, ce sont des lignes que tu peux suivre et qui ont des formes et des couleurs. Tu t’en rends compte après coup mais c’est exactement pareil, j’avais jamais eu ce côté libérateur-là, avant je me faisais trop chier en fait, j’ai passé des années de mauvais moments sur Ableton. Ce que j’ai sorti jusque-là ne me rendait pas bien tu vois. Maintenant j’arrive à travailler avec une certaine vision, ce qui me manquait totalement, et que je n’aime pas remarquer chez les autres.

Si je pouvais revenir en arrière, je me dirais “t’es pas Beaudelaire, sors de ça, ça ne t’apportera rien.”

Parlons de l’artwork du coup, comment tu as rencontré Iris?

Je suis tombé sur son Instagram, je ne sais plus trop comment. Et ça faisait des années que je n’avais pas été aussi touché par des dessins, on en revient à ce truc de se reconnecter. J’ai vu ses dessins, je me suis dit “mais doux Jésus”. Je l’ai contactée et petit à petit, l’EP a commencé à prendre un discours. En gros c’est moi à différentes étapes: elle s’est inspirée de photos de moi bébé, de moi enfant, puis ado et maintenant. Les morceaux représentent chacun un état d’esprit à ces différentes phases. En gros, tout l’album raconte une histoire d’amour, c’est un peu personnel, et en même temps c’est quelque chose qu’on vit tous. Iris a ramené ça de manière presque abstraite, quand elle me disait “ça c’est plus une vision d’ado, ça c’est plutôt innocent, plus enfant…” Son style graphique illustre bien ce propos-là.

Tu dessines encore?

Pas de la même manière, et très rarement. Seulement quand je ne me sens pas bien. Parce que la musique sert déjà ce rôle de psychologue, du coup plutôt que de parler à une feuille blanche, je vais me servir de mon logiciel. Mais ça me manque.

Après avoir parlé de tout ton parcours et de tes cassages de gueule pour en arriver à cet EP, imaginons que tu puisses parler à ton toi d’il y a dix ans, tu lui dirais quoi?

Je lui dirais d’être moins dur avec lui-même, pas pour l’art mais d’abord pour soi, et de pas se torturer. Je parlais tout à l’heure des interviews qui ont été des sources d’inspiration: je pense à Flying Lotus qui disait “J’ai trente ans et quelques, s’il y a bien un truc que j’ai appris après toutes ces années, c’est de ne pas m’en vouloir quand ça ne veut pas sortir.” Aussi simple que ça, ce genre de parole ça me transperce. J’ai mis trop de temps à comprendre ça, je n’étais pas dans un état d’esprit productif ou constructif. Si je pouvais revenir en arrière, je me dirais “t’es pas Beaudelaire, sors de ça, ça ne t’apportera rien.” Après tu peux déprimer, évidemment, c’est biologique aussi: tu vis la nuit, tu bouffes mal, ton appart c’est Bagdad, forcément tu seras dans un état d’esprit pas ouf. Même si ça m’arrive encore d’être comme ça, maintenant je bosse au studio, et si ça veut pas, tu t’occupes avec autre chose et tu attends que ça passe [rires]. Il faut être cool avec soi même.

L’EP de Crayon sort le 2 février sur Roche Musique, suivie par une tournée live en France

 

À l’occasion de leur « Bist Du Down Tour »,  Ace Tee et Kwam.e posent leurs valises à Paris ! Ce n’est pas la première fois que le duo allemand vient jouer dans la capitale, puisqu’on les entendait déjà en première partie du concert de Future en octobre 2017. Si vous n’y étiez pas et que les noms Ace Tee et Kwam.e ne vous disent rien, sachez que ce sont deux rappeurs originaire de la ville d’Hambourg et qu’ils ont fait parler d’eux grâce à leur titre « Bist du down ? », qui a comptabilisé plus de 650 000 vues en un mois. Leur univers nineties largement inspiré d’Aaliyah ou Missy Elliot pour Ace Tee a poussé vers le haut la vague rnb allemande qui était sous-exposée jusque là, tandis que Kwam.e s’inscrit dans une lignée de rappeurs boom-bap comme KRS-One.

Rendez-vous donc le 29 mars à la Boule Noire pour le premier concert de Ace Tee et Kwam.e à Paris.

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On n’est jamais trop cultivé. Certes, mais quand même : avec les 24 tracks de Culture II, Migos assouvit notre soif vorace de connaissance, bien au-delà des limites de la satiété. Mais pourquoi diable les artistes tiennent-ils donc tant à nous goinfrer ?

2018 aura finalement mis moins d’un mois à nous livrer un premier colis attendu de longue date. Culture II est venu succéder à Culture dans la discographie de Migos, quasiment un an jour pour jour après la sortie de ce triomphant premier volet. Si l’excitation suscitée par cette nouvelle dose de Culture était manifeste, elle n’a pas empêché le trio d’avancer masqué, visages dissimulés sous d’écrasantes lunettes noires. Jusqu’au 26 janvier, peu d’infos ont filtré quant au contenu du disque. On s’est d’ailleurs largement réjoui de voir le groupe partager une liste manuscrite de producteurs en lieu et place d’un tracklisting classique, à quatre jours de la date fatidique. Parce qu’il était vraiment temps de donner amour, respect et considération aux compositeurs ; et qu’au fond, ce sont eux, les véritables MVP. Puis disons-le franchement : on est plus rassuré de savoir que Mike Dean, Zaytoven ou Metro Boomin sont aux manettes de Culture II que d’apprendre l’intitulé des pistes ou la présence de Post Malone. Les premières écoutes du blockbuster tant attendu nous ont toutefois incité à tempérer quelque peu notre joie. Et si Culture II avait tout simplement été parachevé à trois jours de sa sortie ?

M A D E T H E C U T C U L T U R E I I

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Cela pourrait en effet expliquer un certain nombre de choses, comme l’impossibilité pour le groupe de délivrer à temps une tracklist en bonne et due forme ou l’omission de Dun Deal ou Wheezy de la liste des producteurs annoncée, alors qu’ils sont pourtant bien présents sur la galette. Ou même le fait que la sortie physique de l’album intervienne finalement une semaine après sa sortie digitale. À l’arrivée, Culture II compte 24 pistes, soit onze de plus que son prédécesseur. Aux portions légères et minutieuses des restaurants gastronomiques, nos trois cuistots ont cette fois préféré la consistance d’un grec-frite. Pourquoi pas. D’autant que les titres des morceaux nous incitent à penser au premier abord que l’album a été savamment construit. On a droit à une intro et une outro, toutes deux labellisés comme tel, dans lesquelles il est à chaque fois question d’honorer cette si chère « culture ». Ce qui aurait pu être cohérent… si ces pistes d’ouverture et de fermeture étaient autre chose que deux tranches d’un pain friable qui peinent à contenir un sandwich dégoulinant de tous bords.

Migos s’invite tantôt dans le Medellín rouge sang de Pablo Escobar (« Narcos »), tantôt dans le manoir luxueux d’un Rick Ross cigare au bec (« Made Men »). On passe des schémas rythmiques irréguliers de « Stir Fry » aux cuivres de « Too Playa ». Puis des redondances se font entendre ici et là. On frôle presque le ridicule sur « Open It Up », où le brillant Cardo est appelé à faire un triste remake du « Deadz » qu’il avait déjà produit un an plus tôt. Migos n’a cependant pas à rougir de la qualité générale des tracks quand ils sont pris indépendamment les uns des autres. Mais dans son entièreté, Culture II est boursouflé, lourd, foutraque. Plein de petits superflus. On en vient même à se demander si Quavo, Takeoff et Offset ont daigné écouter leur propre album dans sa version finale – parce qu’en leur qualité d’esthètes, pas sûr qu’ils auraient validé que leur art soit empaqueté dans une forme si indigeste. Ont-ils seulement songé à faire le tri dans les 24 titres qui le composent ? En vérité, il serait sans doute plus légitime de se demander si les artistes trouvent encore un intérêt quelconque à « faire le tri ».

Le streaming, encore et toujours

En avril 2016, on s’étonnait de voir le Views de Drake s’étendre sur une belle vingtaine de titres. C’était déjà moins le cas un an plus tard, avec les 22 de sa playlist More Life. Ou les 23 de l’album Grateful de DJ Khaled, également sorti en 2017. Les projets musicaux semblent s’allonger un peu plus semaines après semaines, et il serait naïf de penser que vos artistes préférés sont simplement pris d’un excès soudain de générosité envers leur fans. Le streaming étant le nouveau nerf de la guerre, jouer la carte de l’abondance constitue un moyen efficace de tirer profit des règles en vigueur. Celles-ci sont fixés par la RIAA (Recording Industry Association of America) qui détermine que dix téléchargements d’un projet dans son intégralité équivaut à une vente d’album, de même que 1500 écoutes de titres dans un même projet. Inutile donc d’être un grand mathématicien pour comprendre qu’un album de 24 titres écouté dans son entièreté générera plus de streams qu’un album aussi concis que 4:44, par exemple.

À bas la direction artistique et les partis pris : place aux projets fourre-tout dans lesquels le public les publics trouvent à boire et à manger. Plus de titres pour séduire une palette plus large d’auditeurs. Celui qui était venu déguster une salade repart – en partie – satisfait, et il en va de même pour celui qui était venu dévorer un burger bien fat. De là, chacun fera son propre tri. Nul doute d’ailleurs que bon nombre de fans du trio se sont empressés, dès leurs premières écoutes, d’écrémer ce Culture II en supprimant une bonne dizaine de morceaux. Le public dessine lui-même les contours d’un album métamorphe. C’est aussi lui qui désignera probablement les prochains singles du disque, selon ceux qu’il écoute le plus. À l’heure où nous parlons, « Narcos » et « Walk It Talk It » sont les deux titres qui se détachent sur Spotify et on ne serait pas surpris de voir l’un ou l’autre bénéficier d’un hypothétique clip. On est déjà loin de l’époque où la durée de vie de certains très bons projets s’écourtait après que les meilleures cartouches aient été grillées trop vite. Sur 24 titres, Migos a pour l’instant dégainé deux visuels – « MotorSport » et « Stir Fry » – en plus de l’audio de « Supastars », ce qui leur laisse la place pour manoeuvrer sereinement la suite de leur promo, en calibrant tranquillement leurs prochaines munitions.

https://twitter.com/chrisbrown/status/949208980206866432

La longueur d’un disque a aussi une incidence directe sur l’accès aux paliers de certifications. Puisque tout est aujourd’hui dématérialisé, un double-album n’est plus seulement un boîtier contenant deux CDs mais juste un projet dépassant une certaine durée définie. 12 titres, en l’occurrence. Les réseaux sociaux n’avaient d’ailleurs pas manqué de moquer la longueur déraisonnable du dernier album de Chris Brown, prétextant que « personne n’avait envie d’entendre autant de morceaux de lui en 2017 ». Puis ce dernier a communiqué ses chiffres de ventes, et tout a subitement pris sens. Fort de 57 pistes – soit l’équivalent de quatre albums en terme de quantité –, son double-album Heartbreak on a Full Moon a été certifié disque de platine alors qu’il n’avait vendu « que » 608 000 exemplaires, quand le palier est normalement fixé à un million. « Mot compte-double. » Et voici maintenant que – quelques jours après la sortie de Culture II – Swae Lee annonce que le prochain album de Rae Sremmurd sera en fait un triple-album comprenant son premier solo, celui de Slim Jxmmi, et SremmLife 3 tel qu’on l’attendait. Évidemment.

En une dizaine d’année, la place du plus-size a considérablement évolué dans l’industrie de la mode. De la haute couture au prêt-à-porter, en passant par les couvertures de magazines et les campagnes de marques, le choix d’un modèle plus-size chez les femmes ne fait plus l’évènement, il se normalise. Ajoutez à ça Internet, qui diffuse des images d’une incroyable diversité et met en lumière des personnalités aux morphologies variées. Mais tout n’est pas encore acquis et il reste encore du chemin à poursuivre. Notamment en France.

C’est dans ce contexte qu’on a rencontré Shadia. La franco-ghanéenne a fait le choix de poursuivre une carrière de mannequin de l’autre côté de l’Atlantique. Là les possibilités sont déjà plus nombreuses et l’emmènent même sur les podiums de la Fashion Week new-yorkaise pour présenter la collection de la marque de lingerie Addition Elle, d’Ashley Graham.

De passage à Paris, elle a accepté de prendre quelques poses pour nous et de nous donner son regard sur son métier et l’industrie qui la régit. Après la séance photo, sur le chemin menant au lieu de l’interview, elle se remémore son quartier parisien, nous parle de sa passion pour la cuisine, pour les jeux vidéos, la culture pop japonaise et de la fierté de pouvoir représenter ses origines sur les podiums, avant de finalement arriver et d’entrer dans le vif du sujet.

Photos : David Maurel
Assistant photo : Philippe Millet
Stylisme : Rachael Hoogkamer
MUA : Hannah Nathalie

Et finalement, qu’est-ce qui a motivé ton départ au Canada ?

Être mannequin n’a pas toujours été mon unique travail. En France j’enchaînais plusieurs CDD et missions d’intérim en plus du mannequinat. Ça n’était pas toujours facile de trouver du travail ! J’ai toujours eu de bons retours sur le Canada; qu’il est facile d’y trouver du travail ou encore un appart, contrairement à Paris. J’avais des amis qui vivaient à Montréal et qui me l’ont vendu comme personne! [rires, ndlr] 

Comme un eldorado ?

C’est ça, l’eldorado. Il y avait aussi beaucoup de reportages à l’époque sur le Canada et apparemment il y en a encore. On s’est dit avec mon copain qui est devenu mon mari : « Et pourquoi pas? Et si on y allait!« . On a mis notre appartement en vente et on est parti.

Ce n’est pas le mannequinat qui t’as mené vers le Canada alors ?

Le mannequinat aussi, bien sûr.  Tout a été pris en compte. Pour changer de travail, de routine, de mentalité. Découvrir une culture différente ! Et c’est aussi parce qu’il n’y avait pas encore d’engouement pour les mannequins grandes tailles en France. Il y avait quelques marques qui ciblaient plus la tranche d’âge 50 et plus, et rien pour les plus jeunes qui souhaitaient suivre les tendances. Je me suis dis que c’était maintenant ou jamais.  Donc je me suis plus focalisée sur ma carrière, en me disant qu’en même temps j’allais découvrir le marché canadien puis me rapprocher des États-Unis et que ça allait forcément m’ouvrir des portes. Même si je ne savais pas exactement à quoi m’attendre.

Quand j’ai commencé à voir qu’il y avait des personnes avec les mêmes attraits que moi qui réussissaient, je me suis dit « Wow, ça y est ça commence! Si c’est arrivé c’est que ça peut arriver encore« 

Quand tu es arrivée, qu’est-ce qui t’a le plus surprise ? Quelles étaient les différences les plus flagrantes avec la France ?

C’est plus New York qui m’a surprise niveau mode. Je l’étais un peu moins avec le Canada, car je m’attendais à voir beaucoup de marques pour les grandes tailles. Au début, j’ai retrouvé les mêmes problèmes qu’en France. Hormis les grandes chaînes de prêt-à-porter américaines telles que Forever 21 et H&M, j’ai tout de suite vu la différence de mentalité. Tu peux voir tous types de modèles, avec différentes tailles et morphologies, travailler pour plusieurs marques. Ça faisait du bien de voir plein de pubs avec des noirs, maghrébines, asiatiques, des albinos… Il y avait de tout. Ça m’a mis une claque!

Et qu’est-ce que tu penses de l’importance de la diversité dans ces représentations ?

C’est très important que tout le monde puisse se sentir représenté. Je pense qu’on a toujours eu besoin de modèles, indirectement ou non, quand on grandit et qu’on voit qu’on est – je ne sais pas – le seul à être noir et roux, ou la seule à avoir une touffe de cheveux comme moi. On veut toujours être dans la « normalité » qui nous a été imposé dans les médias. Le fameux diktat de la beauté… Ce n’est pas normal, mais c’était comme ça. Je trouve que ça change depuis quelques années heureusement! Pour ma part, quand j’ai commencé à voir qu’il y avait des personnes avec les mêmes attraits que moi qui réussissaient, je me suis dit « Wow, ça y est ça commence! Si c’est arrivé c’est que ça peut arriver encore. Moi aussi j’ai toutes mes chances. »

Tu penses que c’est important à tout âge ? J’ai l’impression que quand on en parle, on l’imagine surtout pour les petites filles, les petits garçons.

Je pense que oui, ça compte pour tous les âges. J’entends le même discours chez des adolescentes qui commencent à avoir un peu de hanche, qui prennent un peu de poids avec leurs corps qui sont en train de se développer, tout comme chez les femmes qui ont pris du poids après avoir eu des enfants ou d’autres qui ont extrêmement maigri suite à une opération. C’est toujours un repère à avoir pour toutes les tranches d’âges je trouve! Et cela ne concerne pas que les femmes d’ailleurs.

Est-ce que tu as eu ce genre de modèle ou est-ce que tu as eu un manque à ce niveau-là ?

Il y a eu un manque au début. Je n’ai pas toujours eu confiance en moi en étant plus jeune. Par exemple j’ai toujours été la plus grande en classe. On me prenait pour une surveillante ou, voire, pour une prof. Je ne comprenais pas pourquoi surtout avec ma babyface! [rires] Mais j’ai toujours été la plus grande donc plus impressionnante pour certaines personnes. Mes formes se sont développées assez tôt, on va dire vers 13/14ans. Je ne me sentais pas comme les autres et ça me complexait. J’ai la chance d’avoir eu ma famille qui m’a toujours rassurée sur le fait que c’était tout à fait normal et que j’étais loin d’être là seule! J’ai même un oncle qui me disait toujours que j’allais être mannequin plus tard. Ça me faisait rire à l’époque. Aussi, on trouve souvent des modèles à travers les stars: les actrices, les chanteuses, les belles femmes dans les clips qui nous ont marqués… À l’époque c’était fréquent de voir de belles femmes naturelles, qu’elles soient très fines ou avec quelques rondeurs, sans préciser d’étiquettes. Une des femmes qui m’a le plus marquée dans le cinéma était Monica Bellucci. Pulpeuse avec de très très belles courbes! 

Il n’y avait pas de noms particuliers, ou il n’y a pas un moment où tu t’es dis, « Ah ! cette personne me ressemble.« 

On m’a toujours comparé à Alicia Keys. [rires]

C’est ce qu’on s’est tous dit pendant le shooting.

Ah oui? Je pensais que ça c’était calmé depuis que j’ai arrêté de me faire tresser. J’en faisais énormément avant. Ce sera toujours un compliment pour moi, je l’ai toujours trouvé super jolie. Elle s’est toujours assumée avec son timbre de voix et ses belles courbes.

Quand tu vois des personnes avec la même morphologie que toi, qui savent se mettre en valeur, tu te dis « Ah ça, ça lui va bien donc ça devrait sûrement m’aller« 

Comment est-ce que tu t’es débrouillée pour construire ou renforcer cette confiance en toi ?

La confiance en soi, par exemple, tu la forges en créant ton propre style, tu te forges une assurance à travers tes propres goûts. En s’habillant, on veut toujours suivre une mode, surtout en étant plus jeune on «se cherche». Lorsque que tout le monde avait une veste bomber Schott avec le scratch [rires] ou encore des jeans taille basse, il nous le fallait tout de suite! Il y avait des tendances qui n’allaient pas forcément avec mes rondeurs donc ça créait de la frustration. C’était dur dans les cabines d’essayages. Il faut connaitre ses atouts et les mettre en valeur. Nous en avons tous! 

Donc il a fallu que toi tu comprennes ce qui t’allait et ce qui ne t’allait pas.

Oui, je pense qu’on s’inspire de ce qu’il y a autour de nous. Quand tu vois des personnes avec la même morphologie que toi, qui savent se mettre en valeur, tu te dis «Ah ça, ça lui va bien donc ça devrait sûrement m’aller». Aussi, du fait que j’ai toujours été très grande, tout était trop court pour la longueur de mes jambes. Je me suis vite tournée vers les États-Unis où je trouvais facilement des jeans hyper longs, des matières plus souples. Après c’est vrai que je suis soit souvent en tenue décontractée, voire dans un style assez sportif comme je prends beaucoup l’avion, soit en tenue plus classe et sexy mais toujours dans des matières agréables et moulantes. Je trouve toujours le moyen d’additionner style et confort.

Et ça nous ramène à ce qu’on disait tout à l’heure sur l’industrie du textile, du prêt-à-porter, et au fait qu’ils ne s’adaptent pas du tout, tandis qu’aux Etats-Unis, il y a une offre plus diversifiée.

Depuis 2015/2016, il y a eu une explosion du marché «plus-size». J’ai croisé énormément de personnes qui ont décidé de créer leur propre marque. Beaucoup spécialisés en grande taille mais aussi des marques visant toutes les morphologies.

D’ailleurs il faut qu’on parle du terme « plus ».

Oui c’est assez flou maintenant. Au début de ma carrière ça commençait à la taille 10 donc 38. Après c’est sûr que ça dépendait de plusieurs critères, si tu fais 1m85 en faisant du 38 tu n’as pas forcément de rondeurs alors que si tu fais 1m60 là ça change tout. Ça a toujours été tiré pas les cheveux de savoir à quelle taille commence réellement la mannequin plus-sizePuis c’est en voyageant que je me suis rendue compte que les tailles diffèrent selon les pays. Ici je mets du XL chez Zara, mon legging va être serré. Et chez d’autres détaillants aux États-Unis c’est limite trop grand.

Pour la lingerie, par exemple, si tu dépasses le bonnet C tu ne trouves rien de très sexy. Toujours très banal et démodé…Il n’y a rien, on dirait qu’on n’a pas le droit d’être sexy!

Par contre ce que je ne comprends pas c’est qu’en connaissant la moyenne de taille en France, il y a quelque chose qui ne s’accorde pas.

Ça ne s’accorde pas réellement à la moyenne.

Qu’est-ce qu’il manque pour qu’il y ait le déclic de leur côté, une réalisation du fait qu’il y a un marché à exploiter, sans trop de risques.

Je pense qu’il manque de créateurs qui prennent des risques en tentant quelque chose de différent. Beaucoup préfèrent prendre exemple sur des marques qui ne font pas assez de tailles adaptées à tous. Même sans parler de grandes tailles, cela peut être un problème pour une personne très mince et très grande ou à l’inverse assez petite et ronde. Je pense que c’est important de proposer une gamme élargie qui prend en compte tous les types de silhouettes. Maintenant, si un jour j’en ai l’occasion, j’essaierai de créer quelque chose dans cette idée-là. Ça a toujours trotté dans un coin de ma tête. Pour la lingerie, par exemple, si tu dépasses le bonnet C tu ne trouves rien de très sexy. Toujours très banal et démodé…Il n’y a rien, on dirait qu’on n’a pas le droit d’être sexy! J’ai une amie qui fait du E et qui était toujours déçue et désespérée lorsqu’on faisait du shopping de lingerie en France.

Est-ce qu’Internet a changé quelque chose dans ta vision du prêt-à-porter ?

Oui j’ai eu une période où j’achetais presque tout sur Internet. J’ai eu des déceptions au niveau de la texture des vêtements donc je me suis calmée. Mais une fois que tu trouves le site où tout te va tu ne le lâches plus. Ça a d’ailleurs pas mal pris la relève et même entrainé la fermeture de certains magasins. Maintenant nous avons accès à plus de choix, de tailles et de matières différentes. Tu peux commander dans le monde entier, c’est facile et rapide. Nous sommes dans une bonne ère pour ça.

Et ça joue aussi dans la variété des mannequins qu’on peut trouver. Prenons l’exemple d’Instagram, où on trouve de toutes les morphologies, de toutes les ethnies… Est-ce que ça a changé quelque chose dans l’industrie ? Quel rôle ça a joué là-dedans ?

Oui Internet en général. Dans mon domaine ça a tout bousculé. Mais j’ai l’impression que c’est le cas dans tous les domaines. Il y a beaucoup plus de visibilité, donc plus de repérage de personnes, de nouvelles tendances. Que ce soit dans la mode, dans la musique ou même dans la comédie. Chacun tente sa chance et ce n’est pas forcément le plus talentueux mis en avant mais celui qui a le plus de visibilité. C’est plus difficile d’avoir un contenu avec de la qualité maintenant…

Vu que tout ça s’est globalisé, c’est quoi la définition de plus-size aujourd’hui ? Est-ce qu’elle est pertinente ? Est-ce qu’elle ne l’est pas ? Qu’est-ce que ça veut dire en fait ?

Plus-size, grande taille, oui c’est pertinent. Quand on me demande quel est mon métier, je réponds que je suis mannequin. Souvent les réactions sont; «Ah! Ah oui mannequin? Mannequin de? C’est à dire?» Comme si j’allais répondre «des mains» Bah non «je suis mannequin, mannequin tout court!». Après je vais préciser plus-size si j’ai une personne en face de moi vraiment confuse. Parce qu’il y en a qui ne sont toujours pas au courant que ça existe [rires]. Il y a aussi beaucoup de regards jugeurs. D’autres modèles me disent qu’elles vivent la même situation. C’est ridicule, que tu sois mannequin mince ou ronde, il y a des standards à respecter. Nous devons avoir une bonne hygiène de vie, toujours être clean et prête à travailler, c’est à dire conserver un bon teint, se maintenir en forme et ne pas perdre ou gagner trop de poids. Si tu as été signée en agence c’est pour ce que tu es donc si tu changes drastiquement tu prends de gros risques. Il m’est arrivé, en France, que l’on me demande de prendre du poids, 8kg pour être exacte, «pour que je sois une vraie plus-size». C’était pour le concours de Miss Ronde… il y a plus de 7 ans maintenant. Ce concours ne m’a jamais fait rêver de toute façon! [rires]  Si on ne m’accepte pas tel que je suis, je passe!

Du coup, tout en partant d’une démarche inclusive, les mannequins plus-size sont aussi soumises à des critères de tailles.

Oui la plupart du temps les marques vont rechercher une modèle qui fait du 44 ou 46. C’est simple, lors des essayages, si les vêtements te vont bien tu auras toutes tes chances. Si ça baille sur les fesses, que tu as trop de ventre par exemple ou que ça ne te va pas du tout selon eux, tu ne seras pas prise. Il y a aussi des critères de beauté mais ça varie selon les goûts de chacun et selon la clientèle visée.

Si on ne m’accepte pas tel que je suis, je passe!

C’est ce qu’il se passe en France, ou c’est le cas partout ?

Je pense que c’est partout comme ça. En tout cas en France, au Canada et aux État-Unis, là où je travaille beaucoup, c’est ce que j’ai pu constater.

Ça me ramène à quelque chose qui s’éloigne un peu du sujet, mais qui y touche quand même, encore une fois par rapport à Instagram. Ce n’est pas la même chose parce qu’on va plus parler de chirurgie et de ce modèle qui existe, curvy, avec une taille hyper-cintrée, un ventre hyper plat, qui n’est pas forcément réaliste… Ça a quelle place dans le mannequinat ?

C’est un fléau.

Mais ça a un impact tu crois ?

Ça a un réel impact. On va sûrement me dire que ça a toujours existé, avec celles qui se refaisaient la poitrine pour ressembler à Pamela Anderson. Mais non, je trouve que cela va trop loin! Ça reflète un mal être, une société qui pousse à te sentir mal dans ta peau car tu n’as pas assez de lèvres ou de fesses. Vouloir ressembler à une Barbie… je trouve que ça se voit tout de suite, c’est flagrant. Et ce ne sera jamais plus beau qu’un beau corps naturel. Pour moi c’est un fléau. Maintenant les filles à 15 ans se font tout refaire alors que leurs corps ne sont même pas encore développés. Elles n’ont pas le temps d’apprendre à s’aimer, s’accepter telles qu’elles sont. Après chacun à ses raisons et chacun fait ce qu’il veut de son corps, mais je ne dirais pas à l’une de mes soeurs «Ah mais oui si tu n’es pas bien, vas-y refait toi la bouche et les seins » à 16 ans ou même à 26 ans! Je pense encore une fois qu‘il faut communiquer avec ses proches et se poser les bonnes questions sans suivre les autres aveuglément. Il y aura forcément des regrets après de telles décisions. 

Parlons du futur. Est-ce que tu penses que les mentalités vont évoluer, ça te paraît utopiste ou c’est encore réalisable ?

Ça parait réaliste oui parce qu’il y a toujours une rotation des tendances. À l’époque de Marilyn Monroe c’était les courbes ensuite c’était les mannequins très fines avec Kate Moss, Naomi Campbell… En ce moment c’est plus de rondeurs au niveau des fesses et de la poitrine mais tout en étant mince. Ça évolue petit à petit! On avance! Je trouve que le monde de la musique influence beaucoup la mode. Il y a eu Jlo puis Beyoncé, Nicky Minaj… Tout le monde veut avoir des fesses comme leur idole.

À l’époque de Kate Moss, tu avais aussi des clips avec des vixens hyper pulpeuses.

Oui c’est vrai mais pas ronde quoi. J’ai grandi en voyant des clips où il y avait tout type de femmes. Certaines avaient des petites formes à l’époque des clips comme dans «Big Pimpin» de Jay-Z par exemple.

Il y avait de tout au final.

C’est ça. Chaque fille était mise en avant, en étant très minces, athlétiques ou encore pulpeuses. C’était beau à voir. Maintenant ce n’est plus vraiment le cas…

Souvent les réactions sont: « Ah! Ah oui mannequin? Mannequin de? C’est à dire? » Comme si j’allais répondre « des mains »

Est-ce que le fait d’être un modèle plus-size, ça ferme aussi des portes dans ton métier ? Peut-être certaines marques ? Après, du défilé, tu en fais. 

Ça ferme des portes lorsque les marques ne veulent pas avoir de modèles plus-size, mais il y en a d’autres qui s’ouvrent heureusement. J’ai vraiment été heureuse de défiler à la Fashion Week de New York pour Addition Elle. De voir pleins de belles femmes en formes, mais de tailles différentes. C’était vraiment fou parce que je n’avais jamais vu ça auparavant. [rires] J’ai toujours rêvé de voir ça en France en fait. Pour moi, c’est ce qu’il manque.

J’essaie de me souvenir d’un défilé haute couture qui aurait engagé des mannequins plus-size

Je sais qu’il y avait Jean-Paul Gauthier qui avait fait défiler Crystal Renn, modèle de Miami. On a l’impression qu’on est sur une bonne lancée en ce moment donc croisons les doigts!

Donc ça reste positif, dans le sens où il y a des avancées ?

Oui, partout ça avance, donc à un moment la France va aussi se rendre compte qu’il faut y aller. Qu’il ne faut pas hésiter.

Quel conseil tu donnerais à une jeune fille qui veut se lancer dans le mannequinat ?

Le conseil c’est de démarcher à fond. Moi je cherchais vraiment tous les petits castings au début. C’est important de pratiquer puis de rencontrer du monde. Tu vas finir par croiser un photographe, styliste ou maquilleur qui aura besoin de telle personne pour tel projet. Puis lorsqu’elle se sentira prête d’aller contacter des agences.

Toi, tu travailles avec une agence ?

À Paris j’étais avec l’agence PLUS, qui faisait partie de « Contrebande ». Ça a peut-être changé. Au Canada, je suis avec Next Canada. Quand je suis arrivée au Canada, j’ai visité toutes les agences, et l’important c’est le feeling. Il faut poser toutes les questions en lien avec le métier et savoir comment ça se passe. Voir si on est à l’aise avec les clauses. Donc oui il faut bien se renseigner. Je trouve que c’est un milieu où il faut avoir la tête sur les épaules, quitte à y aller avec un parent en commençant. Mais il faut démarcher, il faut contacter les gens, il faut s’ouvrir et il y a des opportunités qui viendront à toi. Il faut montrer qu’on est là, qu’on existe. Surtout ici, s’il en manque, il faut aller taper aux portes.

 Il m’est arrivé, en France, que l’on me demande de prendre du poids, 8kg pour être exacte, «pour que je sois une vraie plus-size»

Et quel conseil tu aurais aimé recevoir toi ?

En étant plus jeune ? Ce sont les conseils que j’ai reçu peut-être trop tard sur l’acceptation de soi en fait. Ne pas suivre forcément ce qui se dit dans les médias. C’est ce que je dis toujours à mes proches ainsi qu’à mes petites soeurs. On ne doit pas se sentir mal parce qu’on a une poignée d’amour. Il n’y a rien de grave là-dedans, bien au contraire. Toutes les choses pour lesquelles on complexe en étant plus jeune deviennent souvent un atout par la suite. Il y aura toujours des hommes et des femmes qui aiment ça et qui juste n’osaient pas te le dire. J’ai été surprise, très surprise. [rires] En étant complexée pendant longtemps et au final apprendre que mon crush de l’époque n’osait pas m’aborder. Il n’y avait aucune raison de se renfermer sur ce genre de complexes.

Je veux vraiment apprendre à tout cerner – même si on ne peut jamais vraiment tout cerner – pour pouvoir peut-être, oui, faire quelque chose de pertinent par la suite

C’était une perte de temps.

C’est frustrant. Et forcément tu te renfermes car tu ne vois que des aspects négatifs en toi. Alors que si tu t’acceptes, que tu assumes ta personnalité et le corps dans lequel tu es, tu seras radieuse et les gens te percevront différemment. C’est très important.

Dans le mouvement plus-size, est-ce que c’est tu es activiste, est-ce que tu portes cette parole à d’autres personnes, ou est-ce que c’est quelque chose que tu fais plutôt via ton travail ?

Pour l’instant, c’est plus indirectement par mon travail, en travaillant avec de nouvelles marques. Je veux vraiment apprendre à tout cerner – même si on ne peut jamais vraiment tout cerner – pour pouvoir peut-être oui faire quelque chose de pertinent par la suite.

 

C’est quoi l’avenir pour toi ?

Dans l’immédiat, je suis très axée sur New York. J’ai un contrat là-bas, et il y a énormément de travail et j’en apprends beaucoup. Je travaille aussi beaucoup au Canada, mais je me renseigne sur l’Europe, pour pouvoir me rapprocher plus tard.

Il y a ville plus en avance qu’une autre en Europe ?

J’entends beaucoup parler de Londres. Ça avance pas mal en ce moment. Je vois beaucoup de modèles qui viennent de Londres, ou qui y vont. On m’a aussi parlé de l’Allemagne, de l’Espagne et l’Italie. Je n’en sais pas encore assez, mais je me renseigne sur le sujet.

La France est loin derrière ?

Franchement oui. Selon ce que j’entends de mes amies blogueuses et travaillant dans ce domaine ça n’a pas vraiment bougé depuis. Je ne sens pas vraiment de réelles avancées. Mais j’espère que ça va changer, parce qu’on a de très belles femmes en France, on a aussi de très beaux métissages avec les pays d’Europe, les îles françaises d’outre-mer et de l’Afrique. On a Paris, la capitale de la mode avec de bons produits et du textile de qualité. Nous avons tout pour réussir.

 

Vous pouvez retrouver Shadia sur Instagram (@shadia_model) et sur Facebook.

 

Le premier round 2018 de la Fashion Week Homme parisienne s’est terminé il y a quelque jours mais les insiders de la mode ont à peine eu le temps de retrouver leurs esprits qu’il fallait déjà enchaîner avec la Haute Couture. Si toutes ces histoires de saisons, de mode Homme ou de Haute Couture ne sont toujours pas claires pour vous, on vous explique tout sur la Fashion Week juste ici. Dans le cas contraire, on vous laisse enchaîner sur notre sélection des 5 défilés les plus marquants de cette semaine de la mode.

Haider Ackermann

Des fleurs et de la soie. C’est dans cette direction que Haider Ackermann a dirigé sa collection Homme automne/hiver 2018, avec des hauts type kimono, des blazers et des vestes plus courtes. Côté pantalon, on va dans le sens contraire de la tendance oversize avec des coupes bien taillées et près du corps. Mais ce qui attire l’attention, ce sont ces incroyables manteaux longs doublés d’un tissu en soie matelassé aux couleurs vives pour des finitions ravageuses.

Jil Sanders

Contrairement à ce qu’on a vu dans les Street Style à la Fashion Week Homme FW18, Jill Sanders ne pare pas ses blazers de motifs à carreaux, mais préfère les laisser dans une couleur unie pour garder cet aspect minimaliste, presque futuristique, qui fait la collection. Chaque tenue est équipée d’un accessoire hybride entre coussin et sac de voyage qu’il est possible de porter en bandoulière. Très pratique pour être stylé lors de voyages interplanétaires.

Juun.J

juunj-fashion-week

La collection Fashion Week Homme 2018 de Juun.J brille par la façon dont l’utilisation de la doudoune est détournée, devenant maintenant une écharpe boursouflée. Aussi, la collection met l’accent sur le layering oversize avec des couches de manteaux et doudounes longues, soulignées par des accents de rouge et de jaune fluo. Lorsque motif il y a, Juun.J opte pour le carreau et le rayé, toujours efficaces.

Lemaire

Pour sa ligne 2018, Christophe Lemaire s’inspire de la campagne russe, « comme décrite par Tolstoï dans ses livres ». Ce qui en découle, ce sont des silhouettes élancées avec des coupes larges et des couleurs que l’on peut facilement associer au printemps: marron, bordeaux, orange foncé, gris foncé avec parfois des éclairs de rose et rouge éclatants. À contre-pied de ses habitudes minimalistes et peut-être moins timide, Lemaire incorpore le motif paisley sur certaines pièces comme le pull ci-dessus, des chemises et des pantalons.

Pigalle

On clôture cette sélection des 5 défilés les plus marquants de la Fashion Week Homme FW18 avec le coloré, vibrant et touchant show Pigalle. Divisé en 3 parties, la première est inspirée des tenues de la mère de Stéphane Ashpool, passée par une période en rouge et noir. Vient ensuite les personnes qui gravitent autour d’elle: des artistes, des danseurs et la communauté gay, le tout traduit ici par des couleurs pastel comme le bleu ciel, le crème ou le rose ainsi que des tissus iridescents, pailletés et motif peau de vache. Finalement, la troisième partie est liée aux amis d’enfance d’Ashpool et s’inspire des Lego. Sur une base de vêtements noir, on ajoute des touches de bleu, rouge, jaune et blanc qui vont parfaitement avec la Nike x Pigalle Air VaporMax « Utility », dévoilée spécialement lors du défilé.

Fredo Santana est mort dans la nuit du 19 au 20 janvier à Los Angeles, à l’âge de 27 ans. Le rappeur de Chicago, cousin de Chief Keef, pionnier de la drill et respecté des plus grands, laisse avec lui un mystère entier autour de sa personne. Aujourd’hui, tous pleurent le Diable de Chiraq.

« Il vit désormais à travers moi, je prends les choses en main. Je me charge d’amener la famille au sommet, moi et mon cousin Chief Keef. »

C’est à travers ces mots que Derrick Coleman, alias Fredo Santana, rendait hommage à Mario Hess, connu sous le nom de Blood Money (Big Glo) et décédé le 9 avril 2014. Santana parlait souvent avec beaucoup d’émotion de la perte de Blood Money ou de celle son ami Capo du Glo Gang, décédé un an plus tard. La peine devait être trop lourde : il y a deux jours, c’est Fredo Santana lui-même qui est parti rejoindre ses deux amis en perdant la vie suite à une overdose.

C’est avec beaucoup d’émotion et de tristesse que ses nombreux fans ont appris la nouvelle. Derrick Coleman, héraut de l’underground, était adulé. Naturellement, beaucoup ne voulaient pas y croire : comme à chaque départ d’un artiste aimé, c’est l’incompréhension et le déni qui dominent d’abord les discussions, avant de laisser place aux hommages. Fredo Santana, 27 ans, n’est plus. Et Chiraq pleure.

Personne ne savait vraiment si Derrick représentait réellement la légende qu’on lui attribuait. Une chose est sure : il était presque aussi redouté que respecté par ses pairs.

Derrick Coleman, fidèle allié et redoutable ennemi. Fredo Santana avait deux visages : tantôt celui du Diable quand il fallait défendre les siens, tantôt celui de « l’homme le plus gentil qu’il soit », pour reprendre les mots de Yung Lean, qui était avec lui deux petits jours avant son décès. Chose surprenante, venant d’un homme dont le regard et la part d’ombre pouvaient donner la chair de poule. L’artiste, lui, a influencé toute une génération : parmi les chevaliers qui ont donné à la drill de Chicago ses lettres de noblesse, seul Chief Keef peut être installé sur le même perchoir. « Big Boss Fredo » était considéré comme une légende par de nombreux acteurs du monde rap depuis It’s a Scary Site, l’une des premières mixtapes qui marquera – avec Back From The Dead de Chief Keef – les débuts du genre si lié à la Windy City. S’ensuit Fredo Kruger, It’s a Scary Site 2 et son album aujourd’hui presque classique de 2013, Trappin’ Ain’t Dead.

Ces premiers projets marquent l’avènement du mouvement drill et présentent la vie et l’énigmatique quotidien de Fredo Santana, bonhomme que le monde a découvert à travers la vidéo de l’ultime banger « I Don’t Like » de Keef et Lil Reese. Croix tatouée entre les deux yeux, regard lugubre : plusieurs mois avant la sortie de sa première mixtape, Fredo intrigue déjà uniquement par ce qu’il renvoie. Il inspire loyauté, respect, mystère. Personne ne savait vraiment si Derrick représentait réellement la légende qu’on lui attribuait. Une chose est sure : il était presque aussi redouté que respecté par ses pairs. Comme lorsqu’il a interpellé les Migos qui s’en prenaient à Capo, les menaçant explicitement de mort, chose qui a eu l’effet d’estomper tout conflit venant du trio. Tueur au sang-froid, démon ou simple soldat façonné par son environnement : personne ne savait ce que cachait vraiment Fredo Santana derrière son visage marqué par sa jeune existence. Mais sa musique, qui semblait plus réelle que d’autres, pénétrait l’esprit de ceux qui l’écoutaient. Comme si la brise glaciale, parfois funèbre, caractéristique de Chicago, s’infiltrait le long de notre colonne vertébrale en accompagnant les mots de Fredo. Autant de raisons qui faisaient que l’artiste avait le soutien de beaucoup de rappeurs émérites comme Kendrick Lamar – avec qui il a partagé un morceau -, Childish Gambino, Drake, Maxo Kream, Z-RO ou encore Kevin Gates, pour ne citer qu’eux.

L’argent n’achète pas la peine, le manque d’amour, les souvenirs difficiles d’un passé trop lourd. Fredo Santana plonge comme tous ceux qui l’entourent dans la lean.

Pendant les six années de sa courte carrière, personne n’a jamais diffusé le moindre diss track à son égard, alors que Keef les cumulait. Mais Derrick Coleman n’était pas Machiavel : le respect de son milieu ne venait pas – en tout cas pas entièrement et pas pour tous – de la peur qu’il pouvait inspirer. Fredo Santana était respecté de par son parcours, dans la ville la plus meurtrière des Etats-Unis, qu’il contait dans sa musique et dont il pouvait se targuer d’être (plus ou moins) sorti. L’auteur des classiques « Ring Bells » ou « Rob My Plug » nous racontait, notamment dans « Half Of It », sa vie de SDF au milieu des cafards, son passif en tant que membre du gang des Blacks Disciples (BD), et tout ce qui a pu noircir son être jusqu’à ce que la musique devienne son exutoire. Via son label Savage Squad Record (SSR) il multiplie les projets artistiques, se diversifie, et semble s’élever. Mais autour de lui, ses proches décèdent et la vie de Chiraq le rattrape. L’argent n’achète pas la peine, le manque d’amour, les souvenirs difficiles d’un passé trop lourd. Fredo Santana plonge comme tous ceux qui l’entourent dans la lean. Le début d’une longue histoire d’amour tragique.

La potion lui permet de dormir la nuit, d’oublier ses problèmes, et crée chez lui une dépendance physique. Le lean modifie son flow habituel – c’est flagrant sur Walking Legend, Fredo Mafia ou Ain’t Money Like Trap Money. Son flow devient à l’image de ses paroles : mélancolique et brute. Pour beaucoup, c’est la fin musicale de l’artiste. Pourtant, ses créations deviennent plus profondes, maladroites, et presque « humaines ». L’argent s’entasse, la marque de sape de son label prolifère, et les démons finissent de ternir sa musique.

Mais de nombreux exemples récents nous ont rappelés que la descente, aussi fructueuse soit-elle, ne peut terminer ailleurs qu’au fond de l’abîme. La trop grande prise de codéine l’emmène à prendre du poids, il fait des insuffisances hépatiques et rénales qui le conduisent à l’hôpital. Proche de mourir, le rappeur souhaite définitivement arrêter la lean en 2017. Il était, de plus, jeune père. Pourtant, c’est ce poison qui le tue il y a deux jours, le 20 janvier 2018. Son existence et sa musique nous rappelait que nous étions tous humains, imparfaits et prisonniers, d’une manière ou d’une autre, de la vie que l’on nous offre à la naissance. Non, nous ne sommes pas « tous nés sous la même étoile ».

Si démon il était vraiment, il s’est finalement éteint comme un simple homme. C’était Fredo Santana.

C’est le photographe du blog Paris Street Style qui a arpenté les rues parisiennes pendant la Fashion Week Homme automne/hiver 2018, pour capturer les meilleurs looks à la sortie des défilés. Moins de stars pour cette seconde fournée, mais les tendances qui ont survécu à 2017 sont plus saillantes: écharpe longue, sac en bandoulière et le motif à carreau qui vient s’imprimer sur trenchs, pardessus et blazers.

Instagram : @75streetstyle

C’est le photographe du blog Paris Street Style qui a arpenté les rues parisiennes pendant la Fashion Week Homme automne/hiver 2018, pour capturer les meilleurs looks à la sortie des défilés. Au casting ? Luka Sabbat, Marcelo Burlon ou encore Virgil Abloh.

Instagram : @75streetstyle

« Songwriting », « blurred lines », « the law of attraction »… Les anglicismes s’immiscent dans leurs prises de parole comme dans celles d’un enfant de la start-up nation. Sauf que les idées que Romain Hainaut et Anna Majidson expriment dans la langue de Shakespeare, ce sont celles pour lesquelles Molière n’a pu trouver de formules idoines. En ça, leur double culture franco-américaine les complète, les bonifie, les rassemble aussi, d’une certaine manière. Il ne s’agit pourtant là que d’un des innombrables liens les ayant unis en tant que Haute.

Montréal, comme un symbole

Leurs trajectoires analogues se croisent tout naturellement en 2013, avec Montréal pour point de jonction. Une ville qui leur ressemble, à mi-chemin entre la France et les États-Unis. Tous deux sont alors étudiants au sein de l’Université McGill, l’une des plus anciennes du territoire canadien. Anna potasse la philo, dans le but de devenir paralégal. « Je voulais un vrai taf, parce que mes parents étaient dans la musique et ça m’a trop blasée. » Blasé… comme le pseudonyme de son futur binôme, qui s’intéresse pour sa part à la musicologie. « Ça m’a fait comprendre comment certaines choses fonctionnaient dans la musique. Des procédés musicaux qui – pour moi – étaient jusqu’à présent magiques, dont je me disais ‘Waouh, ca marche trop bien.’ J’ai compris que souvent, ce n’était pas tant de la magie mais plutôt de la logique. Mais j’ai aussi vu qu’il fallait parfois mettre un peu les règles de côté, parce que dans certains cas, ça te restreint plus qu’autre chose. »

Si Anna Majidson n’a – à l’époque – pas vocation à se lancer corps et âme dans une carrière musicale, certains indices laissent malgré tout penser que la pomme n’est pas tombée loin de son arbre. Comme ces démos où elle enregistre sa voix sur les compositions d’un ex-petit ami. Leur rupture n’ayant pas freinée son envie de s’adonner au chant, Anna se joint à un groupe Facebook où échangent les musiciens de l’Université McGill, et commence à y poster ses performances vocales. Sans imaginer une seconde que Romain, l’administrateur de cette petite communauté, habite dans la même rue qu’elle et s’avère être un talentueux producteur. S’écrivent alors les toutes premières pages de l’histoire de Haute. « On s’est trouvés à ce moment-là parce qu’on avait tous les deux la même motivation, la même gnaque, et on cherchait à faire la même chose. Notre parcours ne fait que renforcer notre relation parce qu’on a vécu des choses similaires, on a le même genre de références. Je ne crois pas spécialement au destin, mais je crois effectivement qu’on attire ce que l’on cherche. C’est-à-dire que si je veux travailler avec une chanteuse, je vais faire des instrus et les rendre disponibles jusqu’au jour où une chanteuse qui cherche des instrus les écoutera. C’est ce qui s’est passé » raconte Blasé.

Les anglophones pourraient dire du tandem qu’il s’est trouvé « in the right place, at the right time ». Car en 2013, Montréal bouillonne. Au coeur de cette effervescence, un nom : KAYTRANADA. Son son est léger, mystique, brillamment cadencé, pioche autant dans la house que dans le R&B et le hip-hop et trouve un bel écho chez ses contemporains, comme High Klassified, Da-P, Planet Giza… et Blasé. Qui ne s’en cache absolument pas. « KAYTRANADA, c’était pile l’année où il commençait à faire du bruit. Il y a toute une scène de beatmakers hyper vivante qui m’a fait halluciner quand j’ai débarqué là-bas. Je me suis dit ‘C’est ce que je veux faire.' » Les commentaires de leur récente session COLORS ne s’y trompent pas non plus. La musique de Haute est à l’image de celle dont elle s’inspire, et plus largement de sa génération : elle ne peut se restreindre à une étiquette. Quand on évoque leurs derniers coups de coeurs musicaux, ils citent pêle-mêle Curtis Harding, Charlotte Dos Santos, Toro y Moi et la dernière tape de Offset, 21 Savage et Metro Boomin. « Nous-même on a du mal à définir le genre qu’on fait, en fait. Je ne peux pas dire qu’on fait de la pop parce qu’il n’y a pas que ça, je ne peux pas dire qu’on ne fait que du R&B parce que c’est faux, je ne peux pas dire qu’on fait de l’aternative parce que c’est trop large » concède à nouveau Blasé.

À la découverte… de l’autre

En échangeant avec Anna et Romain, on perçoit chez chacun une réticence à se définir de manière très (trop ?) définitive. Ce n’est ni tout à fait noir, ni parfaitement blanc. Certes, Anna est celle qui chante et Blasé celui qui produit. Mais il convient de préciser que la première touche aussi un peu aux machines, et le second tend à faire entendre sa voix, comme c’est le cas sur « Shut Me Down ». Il en va de même pour leurs personnalités respectives, comme l’explique Anna : « J’ai tendance à être extravertie, émotionnelle et très expressive tandis que Romain est plus discret. Puis lui représente le côté électronique et rythmique, alors que moi vais être plus mélodique, ‘chaleur humaine’. Après, là, je nous mets dans des cases extrêmes. C’est dur de généraliser… D’autant qu’on est jeune, on évolue tous les jours. » Et bien que l’anglais soit la langue qu’elle utilise pour écrire les morceaux du duo, Anna s’est déjà laissé tenter par le français et n’entend pas rester à son coup d’essai. Preuve – là-encore – que rien n’est jamais fermement arrêté.

Haute est la rencontre bienheureuse de deux individus qui se sont trouvés, après s’être mutuellement cherchés, mais sans se connaître. Une sorte de speed dating musical. Alors il a fallu se découvrir, et créer une complicité à partir du simple coup de foudre artistique qu’ils ont eu l’un pour l’autre. Ce qui se fait petit à petit, à force de compromis, de tâtonnements. « Les morceaux où on est le plus complice, ce sont ceux où on est vraiment ensemble pendant sa création. Et c’est souvent l’un qui va dans la direction de l’autre. On essaye de se comprendre mutuellement, de capter la vibe de l’autre. On ne crée pas toujours des choses qui représentent à 100% notre identité à tous les deux. C’est plutôt l’un qui va avoir une idée et l’autre qui va lui faire confiance, pour après développer un son à deux » souffle Romain. Il jure cependant que la période de découverte a touché à sa fin. « Notre premier son, on l’a sorti deux semaines après s’être rencontrés. Depuis ce jour, on apprend à se connaître, à se trouver, à travailler mieux ensemble. Et aujourd’hui, on arrive à un moment où on sait ce qu’on veut tous les deux, on commence à avoir une véritable identité de groupe. Donc il est temps de travailler l’album. » Prévu pour fin 2018, il viendra faire l’introduction formelle de Haute auprès du public. À lui désormais d’apprendre à les connaître.

Photos : @samirlebabtou

 

 

Il y a maintenant un peu plus d’un an que l’ONU a allégé l’embargo qui pesait sur l’ile de Cuba depuis 1962. Sans contact avec le reste du monde, Cuba est restée comme figée dans le temps. Yoann Guerini aka Melo, s’est rendu sur l’île avec Havana Club pour saisir cet état unique tant qu’il est préservé.

Cuba, La Havane, un pays, une ville chargée d’histoire, et pour ma part une destination rêvée. Une fois mon départ acté, j’avais hâte d’y être et je n’ai pas été déçu.
Un cadre à couper le souffle, des lieux historiques et surtout, des gens authentiques, vivant simplement, loin des habitudes occidentales. Un voyage qui fait prendre du recul sur notre lifestyle européen. D’un point de vue photographique, on voit souvent des images de la vielle Havane ici et là, à tel point que j’imaginais La Havane uniquement de ce point de vue. J’ai donc tenté de shooter différents aspects de la ville, qui est en fait très étendue et très urbanisée.

Photos : @lebougmelo

Dans un article précédent, on s’était rendu compte des liens proches tissés entre le rap asiatique et US. Moins d’un an plus tard, il est temps de dresser un bilan, et force est de constater que cette histoire d’amour par delà le Pacifique est faite pour durer et que les échanges sont réciproques. Si vous n’en étiez pas encore convaincu, il suffit de retracer le parcours de Brian Imanuel, aka Rich Brian et anciennement aka Rich Chigga : de l’indonésie aux Etats Unis, des compétitions de Rubik’s Cube aux feats avec Ghostface Killah, jusqu’à l’imminente sortie de son premier album, attendu comme jamais par les adeptes de la secte 88Rising.

 

Rubik’s cubes et réseaux

C’est dans la 2e plus grande métropole du monde que naît Brian Imanuel en 1999, au milieu d’une fratrie de 5 enfants. Même si son père est avocat, la famille Imanuel vit dans un quartier populaire dans l’ouest de Jakarta. Très vite, ses parents décident de lui faire prendre ses cours à domicile.

Quand mes parents m’ont annoncé ça, j’étais dégouté. Mes amis allaient me manquer. Avec du recul, je réalise que sans ça, ma vie n’aurait pas été aussi intéressante, pour commencer je n’aurai jamais appris à parler anglais. Je ne pense pas avoir raté quelque chose, même dans ma vie sociale. Tu n’as pas idée du nombre d’amis que je me suis fait sur internet”. Raconte-t’il.

Crédits: Rich Chigga / Sikh

Ce qui pourrait devenir un quotidien super triste pour un enfant normal, Brian en tire un avantage, en passant des heures à trainer sur internet. Il y apprend l’anglais via des tutoriels de résolution de Rubik’s Cube, et développe une passion pour la création de memes, qu’il uploade sur ses comptes Vine et Twitter tous les jours. Dans ces posts il joue le troll, un humour noir qui n’est pas vraiment celui des moeurs de la culture indonésienne.
Je ne sais pas ce qui s’est passé. On avait l’habitude d’avoir un bon sens de l’humour dans les années 90-2000, et puis ça s’est terminé et c’est devenu pourri […] j’en ai juste marre que les gens ne comprennent pas mes blagues

Lentement et hors des frontières natales, les memes de Brian deviennent de plus en plus viraux et accumulent les followers et les milliers de loops, contribuant à cet humour web baptisé “Weird Twitter”. Une mini célébrité grandissante qui lui permet de s’ouvrir et de se connecter au monde extérieur, et particulièrement au rap qu’il découvre à ses 13 ans.

Rap post MTV

« Quand j’étais petit, je regardais beaucoup les clips de rap sur MTV, je n’étais pas à fond dedans, c’était plus comme un bruit de fond. On écoutait ça avec les enceintes de la télé, il n’y avait même pas de basses. » se souvient-il.

Grâce à son aura sur les réseaux, Brian devient amis avec des américains qui lui font plonger tête première dans le rap, par la porte des artistes populaires du moment: Macklemore et Ryan Lewis avec The Heist ou de Childish Gambino avec la mixtape Royalty. Des albums qui lui donnent progressivement envie de s’y mettre aussi. Un déclic poussé par sa soeur, première de la famille à s’être mise à la musique, et diffusant ses reprises sur Youtube.

C’était en 2014. Je venais de faire un morceau rap pour le fun, parce que j’avais un pote sur Twitter qui faisait de la musique, il écrivait des textes vraiment stupides et les postait pour s’amuser. […] J’ai voulu faire la même chose et c’est comme ça que je me suis mis à écrire. J’étais là “oh merde, ça rime!”. Je l’ai mis en ligne, il se trouve que les gens ont aimé, du coup j’ai continué. Ce que j’aime dans le rap ce sont ceux qui mettent en avant le texte, qui racontent des histoires et qui parfois utilisent la comédie.

La recette est trouvée, et pour enfoncer le clou dans la provocation, il décide de s’appeler Rich Chigga, contraction de “Nigga” et “Chinese”. Une transition qui se fait naturellement avec sa fanbase déjà accrochée aux blagues absurdes et peu regardante sur la portée offensante de ce nom.

Crédits: Julian Berman

Dat $tick et reaction videos

De l’autre côté du Pacifique, Sean Miyashiro vient de lancer la branche Thump de Vice, centrée sur la musique de club. Une chaine qui décolle immédiatement mais dont il démissionne pour travailler une idée plus large: celle de promouvoir un rap asiatique via un média du nom de 88Rising. Avant de connaitre le développement d’aujourd’hui avec des bureaux aux Etats Unis et en Chine, Sean travaille dans sa voiture, stationnée sur le toit d’un parking de Los Angeles. Il est en étroite collaboration avec Dumbfounded, un des premiers rappeurs coréen-américain à avoir une résonnance nationale. Un jour, Dumbfounded lui montre les memes de Brian.
« J’ai trouvé que son Twitter était génial, on aurait dit qu’il venait du futur. Les memes qu’il créait étaient fous. Par contre je ne savais pas du tout qu’il rappait. Je m’en suis rendu compte quand il a sorti «Dat Stick» genre 2 semaines plus tard.» se souvient Sean.

Dans ce clip, Brian détourne les codes visuels du rap en y ajoutant une dose de comédie à base de polo rose et de sac banane. Une image dont il assure le contrôle, réalisant une autre de ses passions: travailler dans le cinéma. Ce premier clip tape directement dans l’oeil des nerds d’internet qui se reconnaissent dans l’esthétique. Coup de foudre immédiat, le clip devient viral et se répand comme une trainée de poudre, tandis que Brian voit la blague devenir mondiale.

« Je pensais que ça allait être mon plus gros hit, genre je pensais que ça allait faire 100 000 vues maximum. C’est le morceau qui m’a demandé le plus d’effort, avant je m’enregistrais sur mon iPhone, je coupais et collait mes paroles sur une application de montage. Un jour mon pote producteur EDM m’a proposé de faire un morceau trap, ça m’a pris deux semaines pour écrire tout le morceau […] Les paroles sont vraiment sérieuses et assez dark. Au début je voulais porter des fringues de designer pour le clip, et finalement j’ai voulu jouer un peu avec les gens et donner un truc différent

Si “Dat $tick” explose auprès de quelques blogs, il se retrouve amplifié grâce à 88Rising fraîchement lancé, qui produit une vidéo où l’on voit Goldlink, Ghostface Killah, Desiigner et Flatbush Zombie le regarder et le commenter. À la fin, Ghostface propose à Sean de faire un remix, ce qui scelle la légitimité internationale du rappeur de 17 ans, qui n’a toujours pas bougé d’Indonésie.

De Rich Chigga à Rich Brian

Seulement voilà, être validé par les rappeurs qui rigolent quand ils comprennent son nom, ce n’est pas être validé par tous. Sur Twitter, des voix s’élèvent à mesure que la popularité de Brian grandit, s’attaquant à l’utilisation du mot “chigga”, qui même venant d’une blague, est insultant envers la communauté noire. Un retour de bâton dont Brian prend conscience dès la sortie de “Dat $tick”, réfléchissant à la meilleure manière de changer de nom, comme il s’en explique en 2016:
Je ne savais pas ce que je faisais, et définitivement, je ne savais pas que j’allais exploser à ce point. Maintenant je suis coincé avec ça. Je le changerai dans le futur, peut être. J’espère pouvoir le faire. Pour l’instant, je ne vais pas laisser ce terme me définir. Ça me donne même envie de travailler plus pour que ceux qui découvrent ma musique se disent “merde, en fait, c’est vraiment bon. Je ne vais pas laisser ma musique se définir à partir d’un nom stupide et ignorant.

rich chigga is a fuckin corny ass name y did i think it was ok. why did i let this happen

— Rich Brian (@richbrian) April 13, 2016

Il aura fallu deux ans pour que le changement de nom s’opère, le temps que son public se concentre sur sa musique et non son nom. Durant ce temps, Brian multiplie les apparitions sur la scène internationale, et se retrouve sollicité par des producteurs comme Diplo. Il se souvient du morceau “Bankroll, en featuring avec Young Thug et Rich the Kid :
En gros, l’histoire est que Justin Bieber devait être sur ce morceau et que ça ne s’est pas fait. Diplo a dû trouver quelqu’un qui “avait presque le même niveau que Justin” selon ses propres mots ! Je l’ai rencontré à Los Angeles et le morceau s’est fait comme ça.

À partir de ce moment, Brian fait des allers-retours entre les États Unis et l’Indonésie avec son visa de travail en poche, il continue d’étendre son nom via les réseaux sociaux et les vidéos absurdes, comme le jour où il paye 1000 dollars pour ramener un groupe de mariachis à Post Malone, reprenant “Congratulations”.

Janvier 2018, Brian annonce son changement de nom pour Brian, puis Rich Brian en même temps qu’il sort “See me”, le premier single d’un album que tout le monde attend et dont il produit la majorité lui-même. Une activité qu’il préfère même à l’écriture. Dans ses dernières interviews, Brian parle de quelques featurings (sans donner les noms) et des morceaux à contre-pieds, frôlant parfois le disco. Pendant ce temps, ces fans accueillent son changement de nom comme une bonne nouvelle.

Yes I now go by “Brian”. I have been planning to do this forever and I’m so happy to finally do it. I was naive & I made a mistake. new year, new beginning, happy new years™️

— Rich Brian (@richbrian) January 1, 2018

Pourtant, certains reproches persistent encore, comme son utilisation de l’anglais plutôt que de sa langue natale. Une remarque balayée de la main par Brian au micro de Nardwuar.
«Je pense juste que je suis mauvais quand j’écris en indonésien en fait, et je peux moins m’exprimer. Il y a des équivalents qui n’existent pas dans cette langue, par exemple je ne peux pas dire à mes parents ou à ma famille que je les aime, parce que l’amour en indonésien est un concept uniquement romantique.»

Rich Chigga – Chaos

Jakarta sur la carte du rap international

Quand on lui demande ce qu’il pense de l’état du rap dans son pays natal aujourd’hui, Brian évoque le début d’un renouveau :
C’est encore un genre très underground. Je ne peux pas vraiment en parler. Mais les choses commencent à bouger, j’ai récemment rencontré un groupe de kids dans le sud qui aiment les même trucs que moi, ce qui est surprenant. Mais on peut compter ces gens sur les doigts de la main.

C’est à dire que «Dat $tick» a marqué les esprits d’artistes indonésiens de son âge, nourris par les albums de Kanye et Kendrick. Une nouvelle génération qui adopte les codes et l’esthétique glitchy d’un rap aux couleurs lean.

Ou qui s’inspire de Miyazaki et du studio Ghibli:

Dans cette nouvelle vague, Ramengvrl et son collectif Underground Bizniz Club basé à Jakarta se placent en bonne position pour devenir le prochain espoir du rap exporté. Pour preuve, elle a sorti en décembre « Go! », un morceau en collaboration avec Jarreau Vandal, producteur du label californien Soulection.

Dans une interview, elle appuie les propos de Brian:
«Il y a Rich Brian, celui qui est vraiment en train d’exploser, mais pour parler franchement, il est assez détaché de la scène locale. Puis il y a ceux comme Young Lex, qui sont très mainstream, et très commerciaux. Ensuite il y a les vétérans comme Iwa K, Saykoji et ceux de l’ancienne génération. Je pense que je fais partie d’une autre catégorie parce que je veux être mainstream et avoir une audience mondiale.»
Au final, peu importe si l’album de Rich Brian marche ou pas chez nous. À seulement 19 ans, il représente déjà le point zéro d’une renaissance du rap indonésien qui s’annonce excitante pour les années à venir. Amen.

Voilà une habitude qui a disparu de nos vies, presque à notre insu. Diggers invétérés comme simples curieux, on ne va plus – ou presque plus – sur les sites de mixtapes gratuites (DatPiff et LiveMixtapes en tête), eux qui permirent à bien des espoirs locaux de devenir rookies nationaux. L’une des causes de cet abandon porte un nom bien identifié : SoundCloud. La plateforme à l’esprit digger et foutraque a en effet pris le pouvoir dans l’émergence des nouveaux rappeurs, jusqu’à être devenu le centre de formation numéro un du rap étatsunien.

Une évolution qui saute aux yeux lorsque l’on jette un œil aux deux dernières listes des XXL Freshmen. Denzel Curry en 2016, A Boogie Wit Da Hoodie, PNB Rock, XXXTENTACION ou Ugly God cette année. Tous ont éclaté en venant de SoundCloud, sans avoir profité du soutien d’un rappeur majeur déjà en place pour se faire un nom. Et si l’on compte les rappeurs comme Lil Yachty (qui doit beaucoup à sa signature chez Quality Control et surtout à Kanye West) ou Playboi Carti (dont le buzz est né seul lorsqu’il était chez Awful Records, mais dont l’exposition actuelle doit pas mal au A$AP Mob), la liste s’allonge encore.

Et le coup de force réussi par tous ces arrivants est de s’être inséré avec une facilité déconcertante dans le marché grand public, notamment via le modèle du streaming classique. L’album d’XXXTENTACION, 17, a ainsi atteint la seconde place du Billboard 200 à la fin de l’été, en partie grâce aux cent millions de stream glanés en première semaine. Un mois plus tard, c’était au tour de Lil Pump d’atteindre le podium du sacro-saint classement des charts, avec l’album portant son nom. Tandis que Lil Xan, l’une des nouvelles coqueluches des utilisateurs de SoundCloud, se balade dans le top 50 Spotify USA avec « Betrayed » depuis des mois.

Le SoundCloud rap, un genre de par son état d’esprit

La plupart de ces rappeurs émergeant de SoundCloud sont étiquetés comme « SoundCloud rappers », comme hier on rangeait dans une case les trappers ou avant-hier les artistes de G-Funk. Pourtant, le SoundCloud rap n’est pas un sous-genre du rap au sens classique du terme. Ses artistes ne se ressemblent pas par une couleur musicale (et l’esprit qui en découle), à la manière des artistes cloud ou drill par exemple. Ce qui réunit les SoundCloud rappers semble beaucoup plus relever de la manière dont ils abordent la création musicale et leur image publique. Avec un mot d’ordre : l’excentricité. Celle-ci a longtemps été contenue dans le rap mainstream, souvent limitée à certaines exubérances acceptables (l’imagerie du pimp, l’exaltation de l’esprit gangster, etc.). À l’inverse, chez ces nouveaux venus du rap, l’excentricité de tous bords ne se contente pas d’être acceptée : elle est encouragée, elle crée des carrières.

Musicalement, tout d’abord. Les SoundCloud rappers semblent avoir pris le monopole du rap alternatif, et la recherche des nouvelles idées passe par une visite sur la plateforme orange (même si l’influence directe de la drill music sur elle est évidente). De nouvelles idées dont certaines sont clairement identifiables de tous, aujourd’hui. À la façon des fameuses basses hyper-saturées de Ronny J. Si ce nom ne vous dit rien, un tour sur sa page Genius vous rafraichira les idées. Membre de C9, son travail en fait l’un des compositeurs les plus importants des deux dernières années, lui qui est derrière « ULTIMATE » (Denzel Curry), « Audi. » (Smokepurpp), « #ImSippinTeaInYourHood » (XXXtentacion) ou « Flex Like Ouu » (Lil Pump). Et depuis Young Chop et Lex Luger avant lui, aucun beatmaker ne semble s’être autant rapproché du statut de gamechanger. La remise au goût du jour de l’horrorcore par les $UICIDEBOY$ pouvant également être citée à titre d’exemple de ce que propose SoundCloud en termes d’innovation de premier plan.

Puis, l’excentricité dans l’image publique. De XXXTENTACION et ses multiples coups d’éclat (son faux-suicide en guise de promotion, ses compil de baston, ses cheveux façon BN choco-vanille ou son casier judiciaire) à 6IX9INE et ses cheveux arc-en-ciel. Les rappeurs de SoundCloud sont des maîtres de la viralité, entre recherche d’attention, esprit fucked up et stratégies marketing, on ne sait pas trop. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à foncer dans les tabous du rap à coups de Rangers. Cet automne, une vidéo postée par Lil Pump en train de recevoir une fellation d’un journaliste, ou une autre consistant en un ébat sexuel entre 6IX9INE et un homme, l’ont illustré. On est loin de la méthode classique de la série de tweets façon iLoveMakonnen pour annoncer son coming-out (lui qui représentait plus que personne l’excentricité dans le rap il y a encore deux ans, preuve que le curseur est monté d’un cran). L’excentricité consistant ici en le fait qu’il aurait paru inimaginable, encore cinq ans en arrière, qu’un rappeur à la mode assume ouvertement sa bi ou homosexualité de manière si désinvolte. Une excentricité qui inclut également un rapport aux drogues des plus décomplexé, ayant coûté la vie à Lil’Peep (21 ans) dans la nuit du 15 au 16 novembre. Il ne serait pas surprenant qu’un amoureux de l’esprit punk ait de la sympathie pour pas mal de ces gosses.

SoundCloud rap et rap du nuage

En terres francophones, il existe aussi un SoundCloud rap. Aux caractéristiques musicales et comportementales différentes, mais il existe un fourmillement à notre échelle, dans notre rap du nuage. Ce qui rapproche le plus notre scène de son pendant américain, c’est probablement l’absence de gêne à parler de drogues, et une certaine obsession pour le sirop codéiné. Mais une différence majeure s’est creusée cette année : elle n’a accouché d’aucune nouvelle grosse tête du rap français. Il n’y a même aucun artiste « né sur SoundCloud » qui soit connu de tous ici. Pourtant, cette scène aussi a ses têtes d’affiches.

Dans la scène francophone, le groupe-phare répond à une appellation numérique : 667. Partagé entre la France et le Sénégal, ce collectif dont on ne saurait définir le nombre exact de membres fait des émules depuis plusieurs années. Eux qui se surnomment « La Secte » possèdent une fanbase capable de réciter jusqu’à la déraison certains de leurs couplets. Ancienne formation de Jorrdee, ses membres les plus renommés se nomment actuellement Freeze Corleone, Lala &ce, Osirus Jack ou Zuukou Mayzie. Des artistes dont les copycats se comptent déjà par dizaines sur la plateforme. L’on pourra aussi citer (compositeurs comme rappeurs) Retro X, SOUDIERE, JMK$, Ultimate Boyz, Luni Sacks, Bit$u ou le RTT Clan.

Mais, un problème majeur se pose : si ces artistes sont capables de séduire un nombre conséquent de fans, celui-ci semble beaucoup plus restreint qu’aux Etats-Unis. Et ceux qui s’en sortent le mieux dans le marché traditionnel de la musique sont – à l’exception de Freeze Corleone – ceux qui ont mis l’accent sur YouTube pour faire décoller leur carrière. C’est à dire des artistes comme O’Boy ou Di-Meh. SoundCloud serait-il incapable de se suffir à lui-même pour lancer des rappeurs en France ? Ou alors, faut-il un XXXTENTACION francophone pour mettre la lumière sur ce monde souterrain ?

La France, terre trop aride pour le développement du Soundcloud rap ?

Le premier élément de réponse, qui n’incite pas à l’optimisme, vient de la plus basique des données : le nombre d’utilisateurs de la plateforme. En cumulé, les trois morceaux au top des charts SoundCloud français entre le 8 et le 14 décembre dépassent difficilement les 120.000 écoutes cumulées. Là où aux USA, les trois morceaux tenant le pavé tournent à presque 8 millions de streams… Parler de « monde d’écart » serait presque trop clément pour le SoundCloud français.

Dans l’esprit ensuite. Peut-être que la demande pour cet esprit bordélique, radical existe moins en France qu’aux Etats-Unis? La demande de provocation artistique n’étant jamais aussi forte que sous des régimes conservateurs dans les pays anglo-saxons. Puis, le problème est peut-être également culturel. Existe-il en France la même culture du digging qu’aux Etats-Unis? Non, très probablement pas. Le public français semble moins réceptif à l’innovation, et la difficulté d’Hamza ou Kekra à devenir de vraies têtes d’affiche de notre rap en est une intéressante illustration.

Toutefois, certaines données permettent de contrer ce fatalisme. La première d’entre elle, trop souvent négligée quand il s’agit de comprendre la montée en puissance d’un artiste, se nomme le live. Ainsi, si cette scène reste un phénomène de niche chez nous, l’amour de son public pour la musique ne l’empêche pas de remplir de jolies salles. Jason Mouga, organisateur du premier concert français de Freeze Corleone (au Ninkasi, à Lyon) et proche d’une partie de cette scène, nous a parlé de cette date. En nous expliquant avoir « fait 450 personnes, dans une salle de 600 habituée à accueillir des rappeurs bien plus médiatisés. Des gens sont venus de très loin pour le voir, et la foule était possédée. La force de ces artistes, c’est que les fans sont vraiment impliqués. Encore aujourd’hui l’aftermovie tourne et les jeunes s’identifient dessus. » Il embraye à propos d’un show de Di-Meh organisé en février dernier. « C’est dans ce genre de soirée qu’on comprend le phénomène qui se crée autour de cette scène. Le concert était sold out et la péniche où a eu lieu le concert tanguait. Les petits viennent en concert pour se défouler, et la réputation scénique extrême de Di-Meh attire beaucoup les jeunes. » Une fidélité du public capable de remplir de plus grandes salles que des rappeurs classiques à exposition similaire. Qui peut être un argument de poids pour convaincre les festivals, entre autres. Puis, une donnée revient également à l’envi dans les mots de Jason : la jeunesse de ces fans. Puisque si la scène SoundCloud de chez nous peut plaire à bien des auditeurs, c’est chez les moins de vingt ans qu’elle fait le plus d’émules.

À vrai dire, elles semblent plus voir SoundCloud comme une simple plateforme de découverte, au même titre que YouTube ou Spotify. Ou même en-dessous.

Compréhension de l’intérêt du live et fanbase peu âgée : nos rappeurs Soundcloud utilisent ici quelques ingrédients qui ont permis l’émergence de leurs homologues américains. En effet, le live est l’une des clés de compréhension centrales de l’explosion du SoundCloud rap aux Etats-Unis. Si ces rappeurs se comportent comme des rockstars, ils ont la logique de le faire entièrement, en misant tout sur les shows et en convertissant leur excentricité musicale en excentricité scénique. « Quand notre musique a commencé à gagner en popularité, on est partis s’aventurer dans d’autres Etats. On a acheté des vans Mercedes et on a faisait des aller-retours entre la Floride et le reste du pays » explique ainsi SkiMask The Slump God à Rolling Stone, à-propos de lui et XXXTENTACION. Des concerts qui commencent d’ailleurs à arriver en Europe. Entre Lil Peep qui s’est produit en septembre à la Maroquinerie ou le même SkiMask qui jouera à l’Elysée Montmartre au printemps, ces rappeurs ont un public en France.

Avoir un jeune public est évidemment un avantage. D’autant que la consommation du rap est actuellement en train de vivre un tournant en France. Lui qui n’était qu’un genre écouté parmi d’autres dans les lycées cinq ou dix ans en arrière, est – de manière écrasante – le style musical le plus écouté par nos têtes blondes en 2017. Des générations habituées à découvrir des artistes sur les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming, beaucoup plus qu’en écoutant la radio. Dès lors, il n‘est pas à exclure qu’une scène SoundCloud ne naisse ici, à condition de combiner cela à l’utilisation d’autres app. Que ce soit YouTube, à la manière d’un Lil Pump ou Twitter, tel XXXTENTACION, ou Instagram, qui a d’ailleurs signé un deal avec la plateforme de streaming en 2013. Et qui est le relais parfait à la musique d’une scène indissociable de l’image et de cette génération Z si présente sur le réseau.

Mais, si le potentiel de demande existe, ceux qui suivent la scène SoundCloud française sont encore peu. Et les utilisateurs de SoundCloud sont de manière générale peu nombreux, comme expliqué plus haut. Mais internet est une terre de précipitation permanente, et jamais la vitesse de création des phénomènes n’a été si vive. Aux rappeurs SoundCloud d’ici de profiter de l’appel d’air créé par leurs homologues américains, quitte à utiliser certains de leurs codes pour séduire un public.

La balle dans le camp des professionnels du disque?

.@smokepurpp just signed to Todd Moscowitz’s Alamo Records and got a $50k diamond chain 💎💸 pic.twitter.com/DDy1MnZI2B

— XXL Magazine (@XXL) 9 mars 2017

Cette injonction à agir est bien sûr provocatrice. Puisque les SoundCloud rappers américains n’en sont pas arrivés là seuls. C’est aussi une partie de l’industrie qui a compris ce qu’ils avaient à proposer, et qui ont deviné les perspectives lucratives sous-jacentes. Comme l’inévitable Todd Moscowitz. Ancien président de Def Jam, co-fondateur de 300 Entertainment, cette figure de l’industrie du rap américain fut par exemple le premier à signer Cam’ron, Young Thug, Pimp C ou Gucci Mane en major. En fin d’année 2016, il a créé Alamo Records, sous-label d’Universal consacré à cette scène, dont la première vraie recrue fut Smokepurpp. Preuve que les têtes pensantes de l’industrie ont compris le potentiel à court-terme d’une scène qui séduisait déjà des millions d’ados et de jeunes adultes Américains. Un label dont le DA, Joey Walker, est le rédacteur-en-chef de Daily Chiefers, blog se voulant “plus avant-gardiste que Pigeons and Planes”, très lié à la nouvelle scène floridienne (dont font partie bien des SoundCloud rappers comme Lil Pump, Pouya, Robb Banks, XXX ou SkiMask). Une tendance illustrée par les propos tenus par Adam Grandmaison (a.k.a Adam22) à Rolling Stone. Cet homme aux mille vies enregistre depuis plusieurs années des interviews dans la réserve de son shop de BMX à LA, dont bon nombre dépassent le million de vues sur YouTube. Les micros de son émission, No Jumper, ont servi de premier passage médiatique à plus ou moins tous les rappeurs ayant émergé de SoundCloud. “X a marché si fort que ça a mis en lumière tous les autres Floridiens. Comme Lil Pump, Smokepurpp et autres, qui ont commencé à être signé. Soudainement, on a commencé à me regarder genre ‘Oh, t’es le type qui peut nous expliquer tout ça.’ Ils veulent me donner un peu de tunes pour monter des joint labels avec eux”.

En France, qu’en est-il du rapport des majors au son du nuage? Cherchent-elles à développer le potentiel émanant de cette scène? À vrai dire, elles semblent plus voir SoundCloud comme une simple plateforme de découverte, au même titre que YouTube ou Spotify. Ou même en-dessous. Ainsi, BITSU (resté loin des professionnels du disque malgré un nombre conséquent de sollicitations) nous explique que « la place que tu tiens sur YouTube est très importante en France. C’est pas comme aux States, où tu découvres d’abord un son par le biais des plateformes audio ou de SoundCloud. Non, ici ton nouveau son c’est ton nouveau clip, point barre. Les DA se fient beaucoup plus à mes vues YouTube. A part ceux qui ont un minimum de culture internet et de la nouvelle génération. Mais la moitié sont incompétents, incultes et has-been. » Des propos tranchés d’un artiste croyant en son art, en son public et en l’esprit SoundCloud. Peut-on alors leur en vouloir ? D’un côté, la scène française du SoundCloud rap reste encore un phénomène de niche. Mais de l’autre, elles seraient bien avisées d’au moins y réfléchir. Puisque cette scène partage l’esprit anarchiste et alternatif de son pendant américain, avec la même audace dans l’art du self-marketing. Et si, ensemble, les SoundCloud rappers ont pris en otage l’année 2017 aux States grâce au vent de fraîcheur émanant de cet esprit, peut-être qu’un mouvement similaire pourrait aussi voir le jour en France, qu’importe le retard que cela prendra.

Une dernière piste est envisageable, entre le oui et le non, pour répondre à la problématique de cet article. Peut-être qu’une scène SoundCloud française peut exploser, oui. Mais, pas avec sa propre originalité. En faisant tout simplement du sous-Soundcloud américain. C’est à dire du sous-Xxxtentacion, du sous-$UICIDEBOY$, du sous-Lil Pump, etc. Et il ne serait pas étonnant qu’émerge de YouTube ou de Spotify l’équivalent français de ce qu’a été Gradur pour la drill en 2014 (celui qui popularise à très grande échelle en France un genre déjà écouté par un public averti depuis un bon moment), sans même avoir de compte SoundCloud. Ce qui serait assez dommage, au vu de ce qu’ont à proposer des artistes comme les membres du 667, SOUDIERE ou Di-Meh. C’est à dire des univers qui, malgré certaines influences américaines (comme dans tout le rap francophone), portent vraiment leurs touches artistiques propres.

D’aucun argueront que de toutes façons tout ceci n’est qu’une une question vaine, puisque la plateforme n’a toujours pas trouvé son business-model, licenciant ci et là des salariés, sa chute annoncée servant même de support aux opérations marketings de Chance the Rapper. Toutefois, plus qu’une simple plate-forme, SoundCloud est le lieu idéal pour tous les créatifs agités d’internet, et son esprit survivra quoiqu’il arrive, par d’autres biais. N’est-elle d’ailleurs pas elle-même une enfant de l’esprit MySpace? Dès lors, à l’heure où la technologie rend la possibilité de confectionner un hit accessible même aux moins talentueux, les dérangés, les excentriques, les vrais créatifs ont et auront leur mot à dire. Et si leur heure de gloire n’est pas donnée par l’industrie, c’est la viralité et donc le public qui finiront par s’emparer de l’horloge pour leur donner l’occasion de briller sous le soleil de midi. On fait le pari ?

Illustrations : Luc Voyageur

Je me souviens quand j’étais petit, je me réveillais pour un petit déjeuner devant le Club Dorothée avec Dragon Ball Z et je me dépêchais de rentrer le midi pour ne surtout pas rater l’un des matchs à rallonge d’Olive et Tom. Si cette époque fait partie de celle que les moins de 20 ans ne connaissent peut-être pas, les animés sont toujours aussi populaires et transcendent l’état de simples dessins sur pages blanches. Avec les goodies, il y a toujours eût des produits dérivés de mangas que, collectionneurs ou non, achètent par lien affectif: on trouve très facilement mugs, porte-clés, figurines, montres, peluches, cartes à jouer ou encore jeux de société à l’effigie des personnages de mangas les plus populaires. Mais il y a aussi les vêtements, qui vont du simple produit dérivé à la collection capsule, plus intéressante.

Bape x One Piece

Depuis quelques années maintenant, de plus en plus de marques s’inspirent de mangas ou collaborent avec leurs auteurs. L’une des plus anciennes en la matière est Bape, qui compte des collab’ avec de nombreux mangas comme Astro Boy, Dr. Slump, One Piece ou plus récemment, Dragon Ball et Ninja Hatto. On peut également citer le label ALOYE, qui avait rendu hommage au manga Doraemon. Mais ALOYE et Bape étant des marques japonaises, ce genre de collection semble logique et on s’attendrait presque à en voir plus tant les mangas sont fortement inscrits dans la culture populaire nippone. Ce qui est plus parlant par contre et qui montre l’influence du manga dans le monde entier, ce sont les collaborations avec des marques occidentales.

Jordan x Slam Dunk

En 2014, Nike dévoilait un pack inspiré du manga de basket “Slam Dunk”, qui contenait une Air Jordan IV, une Jordan Super.Fly 3 ainsi qu’une collection de vêtements. Un an plus tard, Supreme s’alliait au mangaka Toshio Maeda pour une collab’ basée sur les dessins hentai de l’artiste. Enfin, en 2017, One Piece fêtait les 100 ans de la Converse Chuck Taylor avec un modèle exclusif qui réunissait tous les héros de la série. Mais le streetwear n’est pas le seul à s’intéresser aux bandes dessinées japonaises. Prada designait en 2007 des vêtements pour le film d’animation Appleseed Ex Machina avant de collaborer avec James Jean pour leur collection SS18, marquée de visuels manga. Alexander Mc Queen et Yoshiyasu Tamura mettaient en vente en 2014 la collection “Manga”, qui comprenait t-shirts, vestes, sacs et chaussures. Loewe s’y mettait également pour sa collection SS16, avec des pièces imprimées tout en images venant de Gundam et Akira.

 

En parlant d’Akira, il est impossible de penser mode et mangas sans mentionner l’énorme collaboration de 2017 entre Supreme et Katsuhiro Otomo. Après avoir refusé de nombreuses fois toute collaboration avec la marque américaine, Otomo a finalement accepté de sortir une collection qui a été sold out en quelques secondes. 2018 n’a aucune intention de séparer les deux partenaires: adidas dévoile au compte goûte les 7 sneakers inspirées de Dragon Ball, Sketchers vient de sortir une collection One Piece et Nike compte rééditer la Nike Air Max 98 “Gundam”. L’aspect nostalgique (fin de Naruto, retour de DBZ) couplé à la popularité de nouveaux et anciens mangas (One Piece, L’attaque des Titans, One Punch Man…) maintient une certaine forme de hype qui voit les fans des deux mondes imaginer et espérer des collaborations comme celle entre Supreme et Akira.

Supreme x Akira

Mais sauter le pas est très risqué pour les marques, puisqu’il est difficile de trouver un juste milieu entre une pièce qui peut être portée facilement et qui, en même temps, rappelle et respecte l’univers du manga utilisé. Finalement, ce que nous révèle cette vague manga que l’on retrouve dans la mode depuis quelques années, c’est que l’attrait du milieu pour la pop culture est toujours là. Le mouvement avait été lancé par Moschino avec ses pièces inspirées par McDonald’s ou encore Coca Cola, et Vetements avait pris le relais avec DHL et Ikea. Mode et manga font pour l’instant bon ménage, et on est très curieux de voir quelle sera la prochaine marque qui osera se lancer.

Vendredi, 18h30. Fin de journée oblige, la plupart des employés de Deezer ont naturellement délaissé leurs postes de travail pour célébrer autour d’un verre le premier week-end de 2018, déjà bienvenu. Mehdi Maizi se serait bien installé à leurs côtés, mais c’est le créneau qu’il a choisi pour répondre à nos questions. Aussi chargé que la kalash de Kaaris, son emploi du temps. Peu avant notre entretien, il nous confesse  d’ailleurs que l’année écoulée a été usante pour lui. Usante, mais excitante. De La Sauce à NoFun, en passant par After Rap, sa voix porte, raisonne, compte. Celui qui s’est découvert journaliste au sein de l‘Abcdr du son est aujourd’hui l’une des principales figures médiatiques d’un mouvement qui semble être à son zénith. Alors il s’accommode volontiers des petits inconvénient qui vont parfois avec :  l’aigreur de quelques rappeurs, les reproches d’une partie du public, sa liberté éditiorale questionnée… « Ca fait partie du jeu. »

Photos : @terencebk

Je me trompe peut-être, mais j’ai bien l’impression que le public rap t’a réellement identifié quand les émissions de l’Abcdr ont commencé à être diffusées. Qu’est-ce qui t’as poussé à lancer ce format de débats plateau ?

En fait, je crois que c’est juste l’envie de voir ça. J’avais déjà eu des discussions avec des collègues journalistes, et souvent on avait cette frustration-là, en tant que fan de rap, de ne pas avoir une offre d’émission très riche sur le rap. Aujourd’hui tu as une abondance de très bons médias web, avant il y avait de quoi faire du côté de la presse papier, mais il n’y a jamais vraiment eu de véritable émission rap, et c’était un regret que j’avais. Parce qu’autant tu pouvais avoir des émissions super longues sur le cinéma ou sur le sport, autant sur la musique, ça semblait compliqué parce ce n’est pas vraiment le genre de sujet dont on parle en famille, par exemple. Et si tu vois quatre experts en train de parler de musique, tu vas tout de suite avoir l’impression que ça va être chiant. Les Inconnus avaient fait un sketch extraordinaire sur les radios, où ils parodient plein d’émissions, et notamment une avec des spécialistes du jazz. Dans ce sketch, ils jouent vachement sur le côté très geek des experts musicaux. Alors que quand tu regardes l’émission sur le foot, les mecs ne sont pas nécessairement pédagogues : ils parlent de trucs super techniques mais ça passe. Parce que le sport, c’est un sujet dont tu pourrais même parler avec ta mère alors qu’elle s’en fout complètement. On n’a pas ce rapport-là avec la musique. Personnellement, j’adore regarder des débats sur le foot complètement stériles, dans lesquels tu n’apprends pas forcément quelque chose mais qui parviennent quand même à capter ton attention. J’avais envie qu’on puisse avoir le même genre d’échange sur le rap, qu’on puisse prendre la parole et donner notre avis. Chose qu’on faisait assez peu, ou alors à travers des chroniques d’album. C’était juste une sorte de manque en tant que spectateur.

Du coup, il y avait aussi une volonté d’incarner de nouveau le média, de mettre en avant les individus qui font ce qu’il est, toi y compris ?

Complètement. Parfois c’était relou d’avoir des gens qui t’interpellaient au hasard pour te dire « Putain je me souviens de votre chronique de tel ou tel album, vous aviez dit que vous n’aimiez pas ». Sauf que la chronique en question, je ne l’ai pas écrite. Ça ne reflète pas forcément mon avis personnel. On parlait toujours au nom du média. Parce qu’à la base, l’Abcdr c’était vraiment un truc de geek. On écrivait les chroniques dans nos chambres et on n’imaginait jamais se montrer. Donc quand on a décidé de passer à la vidéo, on s’est demandé si on devait incarner l’émission ou non. Mais moi, quand je regardais les interviews rap de l’époque, je trouvais ça frustrant d’avoir les questions sur fond noir, de ne jamais voir ou entendre l’interviewer. C’est pour ça que je préférais limite Tonton Marcel. Ce n’était pas le plus brillant des journalistes, mais il incarnait ce truc-là. Si tu ne l’aimais pas, tu ne pouvais clairement pas regarder ses interviews ; mais si tu accrochais au personnage, il se passait un truc. Aujourd’hui, les gens qui nous suivent savent ce que kiffons, que ce soit Nico Pellion, Driver ou moi. Je trouve que c’est mieux comme ça. C’est beaucoup plus simple d’adhérer à un programme quand tu t’attaches aussi à des gens. C’est aussi vrai pour les séries que pour des émissions comme la nôtre.

À une époque où tout semble destiné à être consommé rapidement, tu imaginais que le public puisse être aussi réceptif face à des vidéos aussi longues ?

En fait, je crois que cette idée qui veut que tout doit absolument aller vite sur Internet, bah elle est fausse. C’est vrai pour certains publics, parce qu’il y a effectivement des gens qui n’ont pas le temps de se poser et qui ont besoin de contenus rapides ; mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Et je ne crois pas non plus que ce soit une question de génération. Parce que les interviews de Rapelite, elles font 50 minutes, elles fonctionnent et je doute qu’elles soient regardées par des quadragénaires. Pareil pour celles de Mouloud Achour. Je crois qu’il ne faut pas se mettre de barrières, au final. Tu peux prendre le temps sur Internet. Certains des formats qui marchent le mieux sont super longs. Rentre dans le Cercle de Fianso, par exemple. À un moment, je me suis demandé si on n’était pas à côté de la plaque. Mais je me suis vite rendu compte que non. D’autant que ce n’est pas grave si l’émission ne parle pas à un large public. Quand tu regardes les vues de La Sauce sur YouTube, il n’y a rien de démentiel. Mais les gens nous suivent, ils ont quand même envie de savoir ce qu’il va s’y passer. Ça fait un moment que j’ai fait mon deuil, que je n’essaye plus de faire des trucs qui vont cartonner. Je ne sais pas faire ça. Donc je m’adresse à un certain public, ou du moins à des gens qui sont intéressés par un certain type de contenu. Et je suis parfaitement à l’aise avec ça.

« Tant mieux si on a pu aider certains artistes, mais c’est nôtre rôle de faire découvrir de la musique aux gens. J’en tire aucune fierté particulière. Je suis juste content. »

Reste qu’aujourd’hui, tu es devenu l’un des principaux prescripteurs d’opinion au sein du paysage rap français. Qu’est-ce que ça t’inspires ?

Ce sont les gens qui te renvoient cette image, en fait. Parfois j’ai des labels qui me disent « T’avais tweeté ça la dernière fois, ça nous a fait du bien »… C’est très bizarre d’entendre ça. L’inverse arrive aussi, mais c’est plus rare parce que je suis généralement assez bienveillant. J’essaye de l’être en tout cas. Mais je pense aussi que beaucoup de gens fantasment un peu l’importance que je peux avoir. Il y a des gens qui m’ont dit « Sans l’émission que vous aviez fait sur PNL, Ils n’en seraient pas là. » Mais évidemment qu’ils en seraient là ! On a peut-être pu déclencher des choses pour certains artistes à un moment donné, mais c’est le rôle d’un média en fait. C’est juste que nous, on a beaucoup pris la parole. C’est déjà arrivé que des rappeurs nous le disent « Merci ! Grâce à votre émission j’ai décroché une tournée, etc. » C’est chanmé, mais j’en tire aucune fierté particulière. Je suis juste content. Là par exemple, je suis content que les choses soient en train de bien se passer pour Isha, à qui on a consacré une émission à un moment où il était encore assez confidentiel. Alors tant mieux si on a pu aider, mais c’est notre rôle de faire découvrir de la musique aux gens. Le côté prescripteur d’un média, il est quasiment dans son ADN. On fait juste notre métier.

Mais parfois, ceux qui te suivent demandent tellement à ce que tu te prononces sur tel ou tel sujet qu’on a l’impression que leur avis se forgera à partir du tien. Cette position ne te met-elle pas un peu mal à l’aise ?

Ouais, c’est vrai que parfois c’est un peu étrange. Je pense qu’il y a toujours eu ce truc-là, mais tu sens qu’il y a certains auditeurs qui ont besoin de validation. Qui n’ont peut-être pas assez confiance en eux et en leurs goûts. Je peux comprendre ça. Je pense que c’est une question de personnalité, peut-être aussi une question d’âge. Parce que moi aussi, avant d’être sur l’Abcdr, j’étais un fan de l’Abcdr. Et je me souviens par exemple de leur chronique de Sol Invictus d’Akhenaton qui était relativement négative, ou en tout cas très mitigée. Alors que moi, c’est un disque que j’adore. Donc quand je vois que l’Abcdr, un média en qui j’ai confiance, en qui je crois, est en désaccord avec moi, ça ne change pas mon avis sur le projet… mais ça me fait me poser des questions. Et c’est peut-être aussi ce truc-là qui se passe aujourd’hui avec des gens qui aiment ce que je fais, et qui ont envie de savoir s’ils sont d’accord avec moi. Je reçois beaucoup de « Ah bah je suis content, on a le même avis » et je pense effectivement que ça les réconforte. Ils sont rassurés d’être en phase avec ce gars qu’ils aiment bien, dont ils écoutent l’émission et dont ils pensent que l’avis est plus légitime que le leur. Alors que ce n’est pas du tout le cas… Mais je pense c’est ce que certains se disent. Parfois ça me fait plaisir, mais ça peut aussi être fatiguant parce que des fois, tu n’as même pas droit à un « Bonjour ». C’est juste : « Il est où le podcast sur Eminem ? » Le public rap est très pressé.

Sur Twitter, tu as d’ailleurs récemment dit que tu allais arrêter de donner ton avis sur un projet le jour de sa sortie.

Exactement. Après, je déroge parfois à la règle quand je suis euphorique, ce qui peut m’arriver… avec des rappeurs belges souvent. [rires] Mais effectivement, venez on se laisse une semaine. Venez on écoute l’album, venez on le réécoute surtout. Des fois, j’ai l’impression qu’il faut que les mecs aient ma chronique sur leur bureau à 9h du matin quoi. Là, il y a Eminem qui sort, direct : « Qu’est-ce que tu en penses ? C’est bien ? C’est pas bien ? C’est de la merde ? » Et c’est marrant, parce qu’il y en a qui deviennent presque agressif en mode « Ah ouais, t’as taillé Revival, t’es devenu le pire trasher d’Eminem. » Alors que pas du tout. Un simple désaccord amène vite des insultes. C’est bizarre au début, mais je crois qu’à un moment, il faut juste accepter le fait que tout ce que tu fais est public. Je ne suis pas une personnalité publique, ni un artiste ou quoique ce soit, mais à force de faire des choses, ton travail ne t’appartient plus. À partir de là, les gens se font l’avis qu’ils veulent sur toi, sur ce que tu penses, sur ta personnalité, etc. Et moi, j’ai été très vite à l’aise avec ça. C’est Internet, c’est comme ça, parfois les gens vont dire que t’y connais rien. Tu ne peux pas avoir que des compliments toute la journée, et te plaindre d’avoir deux ou trois mecs qui, de temps en temps, vont être pressant, insistant, relous. Ça fait partie du jeu.

Un des moments qui m’a permis de mesurer l’ampleur du soutien que tu pouvais avoir, c’est quand tu as eu ce léger « contentieux » avec Sneazzy, à propos du morceau « Amaru ». Quand bien même ses propos reflétaient une aigreur assez déplorable, on pouvait comprendre sa rancoeur de voir son travail être si critiqué du côté de l’Abcdr. Mais à l’époque, sur les réseaux, la tendance était plutôt au « Comment ce rappeur aussi médiocre peut se permettre d’ouvrir sa gueule sur un média aussi quali… »

J’avoue qu’après ce truc-là, j’avais fait une recherche Twitter « Sneazzy Abcdr ». Et effectivement, sur le coup, il n’y avait quasiment que des tweets de soutien à l’Abcdr. Ce qui ne veut pas dire que Sneazzy n’était pas bon ou que nous avions raison. Mais il faut dire que Sneazzy, à ce moment-là, avait une posture très arrogante, qui lui a valu pas mal de critiques dès le début. Donc attaquer un site comme l’Abcdr, qui était quand même en partie bénévole pendant des années… Je pense que ce n’était pas forcément la bonne cible. Et c’est là que je me suis rendu compte que les gens nous aimaient bien. C’est bizarre de se dire que les gens s’attachent à toi, à ce que tu défends, à ce que tu représentes. Maintenant, pour revenir sur le cas Sneazzy, je ne me suis jamais expliqué avec lui. Du coup, je ne sais pas si c’est l’avis qu’on a eu sur sa musique ou les blagues qui ont pu être faite dans des émissions qui l’ont irrité. Ça c’est différent. Parce que j’ai revu des chroniques où il y avait des vannes sur lui, et je peux comprendre que tu ne kiffes pas une vanne. À partir de là, il a le droit de te répondre, de s’énerver, de t’insulter. Là encore, c’est le jeu. Ce qui est marrant, c’est que la même année, t’avais aussi eu Ichon et Pink Tee qui nous avaient mentionné dans leurs sons. Et finalement, je pense que ça a fait partie de ces moments – avec le passage au format vidéo – qui ont fait passer l’Abcdr dans une autre dimension publique. On devenait une référence pour certaines personnes qui avaient envie d’être sur le site, ou qu’on parle d’eux. Ça nous a fait de la pub. Le pire, c’est que depuis, j’ai dit que j’aimais bien la musique de Sneazzy. Je trouve qu’il a step up de fou.

Justement : dans l’émission où tu expliques avoir changé d’avis sur sa musique, tu évoques ses anciens projets en disant que « c’était nul » ou « très, très mauvais ». Je me souviens d’un pote qui m’avait dit avoir été surpris de t’entendre parler avec si peu de retenue, pour une fois. N’as-tu pas le sentiment de ne pas suffisamment faire entendre ce que tu penses vraiment ?

Je ne suis pas aveugle et je sais qu’on m’a parfois reproché ma bienveillance. En fait, il y a deux choses. Je vais revenir sur ta question, mais je vais d’abord répondre sur la partie interview, où c’est vrai qu’on me dit souvent « Mehdi il est gentil, il aime tout le monde. » Mais je n’interviewe pas des hommes politiques, j’interviewe des artistes. Ces mecs-là, il ne nous doivent rien. Bourdin, dans sa matinale, il fait un très bon travail, mais il ne ferait pas le même travail s’il interviewait Booba, Christine and the Queens ou Florent Pagny. Ce n’est pas la même chose. Je ne suis pas en train de parler à des gens qui sont payés par le contribuable, et qui doivent sauver le pays. Je parle à des artistes qui ont travaillé, qui ont sorti un projet, parfois dans la douleur. Cette bienveillance-là, c’est un principe que j’ai. Les mecs qui viennent dans mon émission, c’est comme s’ils venaient chez moi, donc je vais essayer de bien les accueillir. Sur la question de l’avis, en revanche, je ne suis pas trop d’accord. Parce que si on écoute bien NoFun, on donne notre avis…

S’agissant de toi, j’aurais plutôt tendance à dire que tu offres à tes experts un espace où exprimer leur avis.

J’ai un rôle de modérateur en fait. C’est une question de rôle. Quand on faisait l’émission de l’Abcdr, on ne l’avait pas décidé, mais en gros, Yérim était le bad cop et moi le good cop. Et tu ne peux pas avoir deux bad cops, ce n’est pas possible. À un moment donné, quand Yérim mettait mal à l’aise un rappeur – comme ça a pu parfois être le cas -, il fallait quelqu’un qui puisse remettre l’artiste dans le cadre de l’interview, dans le fil de l’émission. Ça n’empêche que j’adorais ce que Yérim faisait au sein de l’émission, il était très bon là-dedans. Mais je pense que dans toutes ces émissions-là, où des gens donnent leur avis, il faut un modérateur. Alors j’essaye de l’être. D’être le plus équilibré possible. C’est aussi un trait de ma personnalité. Parce que j’ai toujours détesté les avis définitifs, les gens qui disent « Ça pue la merde » et qui n’envisagent pas de pouvoir évoluer. Et ça, c’est un truc qui me vient de l’Abcdr en fait. Parce que sur l’Abcdr, le principe ça a toujours été « Venez on parle des choses qu’on aime. » Les choses qu’on n’aime pas… est-ce que ça vaut vraiment le coup de s’attarder dessus ? D’autant qu’à l’époque, on n’était même pas payé pour ça. Ou alors si on n’aime pas, parlons-en si il y a quelque chose à raconter. Je me souviens de JB qui avait fait une chronique de l’album de Tony Parker, par exemple. Ce n’était pas un album qu’il avait adoré, mais il trouvait qu’il avait une histoire mortelle à raconter, parce que c’était fou de voir un basketteur millionnaire rapper avec Booba et Fabolous. Cette mesure-là, je comprends que ça puisse être un inconvénient pour certaines personnes, mais je l’assume. Et je pense qu’elle est nécessaire dans ces émissions-là. Puis, quand on regarde bien, je ne suis pas convaincu qu’il y ait 30000 personnes qui soient très « rentre-dedans ». Fif de Booska-P est aussi très mesuré, par exemple.. Et ça me parait plus sain. Je préfère les avis négatifs mais mesurés que les Yann Moix.

« Je n’interviewe pas des gens qui sont payés par le contribuable, et qui doivent sauver le pays. Je parle à des artistes qui ont travaillé, qui ont sorti un projet, parfois dans la douleur. Donc cette bienveillance-là, c’est un principe que j’ai. »

Mais tu ne te dis pas que dans certains cas, il y a matière à confronter un peu plus les artistes ?

En fait, je pense que c’est une question de forme plutôt que de fond. Par exemple, dans l’interview de Booba que j’avais faite à Miami, on a parlé du succès de Nero Nemesis et je lui pose la question « Finalement, Nero Nemesis n’est-il pas aussi bon parce que tu as été déçu par l’impact de D.U.C ? » Effectivement, je ne lui dis pas « D.U.C était raté, et c’est pour ça que tu as fait un bon album après » mais en gros, ce que j’essaye d’aborder, c’est « Est-ce que tu ne t’es pas relevé d’un échec avec un album bien meilleur que celui sorti six mois auparavant ? » C’est juste une question de forme. Il y a plein de rappeurs que j’ai reçu qui ont eu des passages à vide, et j’essaye d’en parler à chaque fois, mais avec un certain tact. Je ne dis pas que la forme un peu plus véhémente est mauvaise, je dis juste que ce n’est pas la mienne. Les quelques gens dont j’apprécie le plus les interviews, ce sont des Frédéric Taddeï, des Michel Denisot. Denisot à qui on a énormément reproché sa bienveillance. Mais pour moi, c’est comme ça qu’on peut mener une bonne discussion, dans laquelle il ressortira des choses intimes, des vrais trucs. Après j’adore Charlemagne Tha God, pour sûr… Mais ce n’est pas moi. Ce n’est pas mon tempérament.

Autrement, n’en as-tu pas marre des rappeurs qui crient parfois un peu vite au boycott ? Qui n’envisagent pas la possibilité que les médias puissent simplement ne pas aimer leur musique ?

J’accepte ça. Tu ne peux pas passer ton temps à te justifier et à expliquer ton travail. C’est trop compliqué et c’est trop chronophage surtout. Ça arrive effectivement que les gens disent « vous n’avez pas parlé de moi, vous n’avez pas fait ci, vous n’avez pas fait ça » et en fait… Ouais, c’est vrai. Parfois ce sont des erreurs. Parfois on est passé à côté de ta musique parce que on n’a pas pu l’écouter à ce moment-là, parce qu’on n’a pas eu le temps, qu’on était pris sur d’autres choses. Quand on faisait les émissions de l’Abcdr par exemple, on était sur un rythme de deux par mois. C’était en 2015, il y avait déjà une certaine profusion de sorties, donc il fallait faire des choix. Et nos choix, ce n’était pas toujours les plus connus. On a fait une émission avec Joe Lucazz, par exemple, un rappeur qui n’est connu que d’une infime partie du public. C’est toujours pareil : à partir du moment où tu décides de t’exposer en tant que journaliste, de mettre ton nom en avant, tu peux reçevoir des choses négatives. Il y a des gens qui ont vraiment envie de venir dans ton émission et tu ne peux pas les recevoir pour plein de raisons différentes. Alors il faut juste accepter de ne pas être compris, ou d’être critiqué.

La manière dont ta parole est considérée témoigne d’une chose : à une époque où tout le monde est en mesure de faire entendre son avis, on se soucie encore de ce que pensent les journalistes, ou du moins les « référents » de leur culture. Et ça, c’est plutôt rassurant.

Tout ça, c’est grâce à Internet. Parce qu’effectivement on a une offre médiatique qui est super riche, entre ceux qui font de l’écrit comme vous, SURL ou l’Abcdr, ceux qui font de la vidéo, ceux qui font de l’audio… Il y a beaucoup de choses en fait. Mais ce qui est intéressant, c’est effectivement de voir que le public rap est intéressé par ça. Il se tape des interviews de 50 minutes, des émissions d’une heure, il donne son avis, il commente. Ça veut dire qu’il y a un public qui est beaucoup plus intéressé que ce que l’on peut croire. Quand on est arrivé sur NoFun, à la base, l’émission était animée par Nico Prat et elle avait plutôt un ADN rock. Ils ont fait six ou sept épisodes avant que Nico ne parte pour Canal. À partir de là j’ai repris le truc, et forcément, c’est devenu beaucoup plus rap. Les audiences ont grimpé d’un coup. Ce n’est pas parce qu’on est des génies, c’est vraiment parce que les sujets intéressent davantage aujourd’hui. On a un public rap qui est habitué à écouter des émissions, et qui aime ça, qui est demandeur. Ça lui arrive d’être dur, d’avoir des réactions un petit peu disproportionnées, mais il est présent, il est fidèle, il écoute, il consomme. C’est donc super intéressant de bosser à cette époque.

Aujourd’hui, on t’écoute généralement sur OKLM Radio, la web radio de Booba. Ce qui amène un certain nombre d’auditeurs à questionner ta liberté éditoriale. Ça ne te vexe pas ?

Honnêtement, ouais. Peut-être pas « vexé », mais ça m’embête. Parce qu’avant même de bosser pour OKLM, je disais déjà que Booba était probablement mon rappeur préféré, ou en tout cas la discographie la plus impressionnante en France. Je ne pense pas être le seul à le penser. Mais aujourd’hui, dès que je dis quelque chose comme ça, j’ai droit à du « Mais tu dis ça parce que tu bosses pour Booba », « Parce que c’est ton pote », « Parce que t’es associé à OKLM ». Ce qui – soit dit en passant – est complètement faux, parce que sur OKLM, je ne m’occupe que de La Sauce. Ce sont des remarques qui sont beaucoup arrivées avec Trône, en fait, parce que c’était la première fois que je vivais la sortie d’un album de Booba au sein d’OKLM. Donc les gens me demandaient mon avis, mais quoique je puisse dire, c’était interprété. Et si je ne dis pas que c’est mauvais, je suis forcément un « vendu ». C’est compliqué. Mais la plupart de ceux qui me font ce genre de reproches sont des gens qui n’écoutent pas La Sauce ou NoFun. À combien de reprises j’ai dit que je trouvais que Kaaris était dans le top 5 actuel du rap français – même si j’ai moins aimé son dernier album – ? Rohff, je l’ai énormément écouté dans ma vie. C’est moins le cas maintenant, mais là encore, je ne pense pas être le seul. La Fouine vs. Laouni, c’est un classique pour moi. [Il précise] Le CD1, pas le 2. Mais le CD1 est, selon moi, un disque incroyable et je n’ai jamais eu de problème à le dire. Ceux qui écoutent La Sauce régulièrement le savent, ils ne se posent pas trop de questions. Mais ça va dans l’autre sens aussi, parce que j’ai beaucoup de gens qui m’aiment bien parce qu’ils me voient comme étant dans l’écosystème de Booba. J’ai plein de followers qui s’appellent @eliottkopp ou @nico92izer. Aujourd’hui je l’accepte, mais quand j’ai vu ça au début, je n’en avais pas envie. Non pas que je ne veuille pas de ce public-là, mais ça renforçait cette idée que je ne pouvais pas être objectif. Et ce n’est pas l’image que j’ai envie d’avoir. Mais encore une fois, tu l’acceptes. Parce que je pense que moi aussi, si j’avais vu un autre journaliste bosser sur la radio de Booba, j’aurais pu avoir des doutes. Le doute est légitime. Mais après, tu écoutes son émission, et tu te rends compte que ce n’est pas le cas. Dernièrement, Rohff a fait un post Insta où il m’attaque plus ou moins directement en disant que les gens qui bossent dans les plateformes de streaming ont pris parti. Mais à la sortie de « Détrôné », je l’ai mis en cover d’une playlist. Ça montre bien qu’une bonne partie des gens qui sont suspicieux n’ont jamais lu ou écouté ce que je faisais.

« Le public rap est beaucoup plus intéressé que ce qu’on peut croire. Il se tape des interviews de 50 minutes, des émissions d’une heure, il donne son avis, il commente. »

Quid d’un cas comme celui de Kennedy, par exemple, dont l’émission avait été déprogrammée à la dernière minute ?

Avant toute chose, il faut savoir que la liberté éditoriale de La Sauce n’a jamais été mise à mal, c’est la première fois que ça arrive et Dieu sait que j’ai été le premier contrarié par tout ça. Les gens voient Booba et pensent que Booba, c’est OKLM. Mais la plupart du temps, le média se passe sans Booba. Il va être consulté seulement sur des choses vraiment importantes, mais en aucun cas sur la programmation hebdomadaire de La Sauce. Il ne sait pas que Brasco vient la semaine prochaine, ni même qu’on reçoit un pâtissier hip-hop le lundi. Ce qui s’est passé, c’est que quelques jours avant l’émission, il y a eu une embrouille entre Kennedy et Despo et on avait envie de se mettre à l’écart de ça. De ne pas prendre parole à ce moment là. Sauf qu’il y a eu une communication complètement ratée, et je le regrette parce qu’on aurait vraiment pu s’en passer. Après, je comprend que notre liberté éditoriale ait été mise à mal avec cet épisode Kennedy, mais à côté on a fait les Sauce Awards et Booba n’a été premier dans aucune catégorie. On n’a rien forcé, on n’a pas cherché à truquer les votes. Depuis quelques temps, on fait des émissions où on classe les albums des artistes, et on va en faire une sur Rohff. Ça veut dire que pendant deux heures on va jouer Rohff dans l’émission, et ça ne pose aucun problème. Le problème avec Kennedy c’est qu’on n’a pas assez anticipé, du coup ça a été mal géré et ça m’a complètement bousillé mon week-end. [rires]

Aujourd’hui, quels sont les critères sur lesquels tu choisis les invités de ton émission ? Sachant que par rapport à l’Abcdr, tu en reçois nettement plus, et on devine bien que tous ne sont pas nécessairement dans tes affinités musicales.

Plusieurs choses. Déjà on n’est pas dans l’obligation d’avoir des invités tout le temps. Donc on a parfois des émissions sans invité. Après, on a aussi pas mal de demandes. Donc ça va être parfois des gens qu’on a vraiment envie de recevoir, des gens dont on aime bien la musique. Parfois ça va être des gens qui ne sont pas là depuis longtemps mais sur qui il y a une histoire à raconter. J’ai parlé de Brasco par exemple, un rappeur que j’adorais dans les années 2000, qui s’apprête à revenir et qu’on reçoit la semaine prochaine. Puis des fois, ça va être des gens qui sont tellement gros qu’on ne peut pas passer à côté. Je ne suis pas un fanatique de la musique de Black M, mais Black M voulait faire La Sauce. Je trouvais ça intéressant parce qu’à mon avis il y a des choses à dire sur lui, d’autant qu’il ressort aujourd’hui un album avec une tonalité beaucoup plus rap. Je ne l’aurais peut-être pas fait pour l’Abcdr à l’époque, en ayant que deux émissions par mois, mais là je me dis que ça vaut le coup. Au-delà de ça, je pense aussi que mon oreille a évolué. Avec toutes les activités que je fais, je me suis ouvert à d’autres choses. Il y a des démarches artistiques que je comprends aujourd’hui mais que je ne comprenais pas avant. Aujourd’hui, je peux m’ambiancer sur des trucs de Lartiste ou de Marwa Loud. En 2015, c’était inimaginable pour moi. Puis l’émission est différente en soit. Là, j’ai la place pour faire plus de choses, pour raconter plus d’histoires. J’étais frustré au sein de l’Abcdr de ne pas avoir plus d’émissions parce qu’il y avait des gens que j’aurais voulu avoir dans l’émission. Mister You, par exemple. Il est venu dans La Sauce et ça faisait longtemps que je voulais l’interviewer. Pourtant je n’ai jamais été un inconditionnel de la musique de Mister You. Mais peu importe, le parcours du mec est fascinant. Il y a différents critères. Avant c’est vrai que c’était beaucoup de coups de coeur, aujourd’hui c’est différent. Mais c’est mieux, parce que je peux recevoir plus de gens, avec des profils différents. Il y a des gens du R&B, des écrivains… On a reçu Sophian Fanen, il n’y a pas si longtemps. C’est plus libre, plus large.

Aux États-Unis, il ne passe plus une semaine sans que Joe Budden ne fasse controverse pour ses positions très tranchées sur le rap actuel. Dans ton émission, il y a également un rappeur qui intervient – en la personne de Driver – mais il tend plutôt à parler uniquement de ce qu’il aime. Penses-tu qu’il serait envisageable de voir un profil à la Budden en France ?

Je pense que c’est complètement possible à condition de ne plus rien en avoir à faire. Joe Budden, en réalité, même s’il continue à sortir des projets, il est totalement désintéressé de sa position en tant que rappeur dans le rap game. C’est-à-dire qu’il a fait « Pump It Up » dans les années 2000, mais aujourd’hui il ne cherche plus le succès. Booba aussi, a cette manière de parler du rap de manière totalement décomplexée. Parce que aujourd’hui, il est dans sa bulle, il estime n’avoir plus rien à prouver. On peut ne pas aimer ses dires, mais personne ne veut remettre en cause sa légitimité. Ça, ce serait un premier cas de figure. Le deuxième cas de figure, ce serait un rappeur qui serait quasiment à la retraite et qui aurait une émission où il parlerait quasiment librement sur le rap. Bon… Il n’est pas vraiment « à la retraite » mais si – par exemple – Doc Gynéco prenait la tête d’une émission, je l’imaginerais très bien dire « Les rappeurs d’aujourd’hui, c’est tous des clowns », « J’ai écouté l’album d’untel, c’est nul ». Pareil pour JoeyStarr. Je pense qu’à partir d’un certain niveau, tu peux te le permettre. Mais effectivement, si demain tu as un rappeur de 25 ans qui vient faire ça, ce serait choquant. Tout le monde lui dirait « Mais tu fais quoi ? Fais de la bonne musique déjà. » Il peut avoir un avis, mais je pense que ce serait une position compliquée à maintenir. Et même aux Etats-Unis, ils n’ont pas ça.

« Dernièrement, Rohff a fait un post Insta où il m’attaque plus ou moins directement en disant que les gens qui bossent dans les plateformes de streaming ont pris parti. Mais à la sortie de « Détrôné », je l’ai mis en cover d’une playlist. »

Dans le genre, il y a quand même Vince Staples qui tweete sur parfois sur le rap comme s’il était un auditeur lambda.

C’est vrai, mais c’est une exception. Parce qu’il est plus intelligent que tout le monde, c’est le meilleur. [rires] Après Vince Staples, il ne va pas vraiment dire qu’untel est nul. Il va plutôt avoir des positions originales et franches sur des choses qui correspondent à sa génération. Il dit des choses qui piquent, mais je ne pense pas qu’il aimerait donner son avis sur le dernier projet de Maxo Kream, de Migos ou de Kendrick Lamar. Je ne pense pas qu’il ait envie de chroniquer l’actualité rap. Il le fait à coups de petites interventions, sur Twitter ou dans des interviews, et je le trouve brillant à chaque fois. Mais cette position de sincérité totale sur le rap et tes enjeux qui il y a autour, tu ne peux l’avoir que si tu n’es plus vraiment dedans. Driver, il ne se définit pas en tant que journaliste. C’est un rappeur, un mec du game. Il est ami avec des rappeurs, il traîne tout le temps avec ces gars-là. Parfois tu es ami avec des mecs donc tu n’apprécies pas forcément le boulot. Si ton meilleur pote se met à la batterie, tu peux ne pas aimer son truc, ça reste ton pote. Tu n’as peut-être pas envie de lui dire les choses de manière super violente. Il y a ce truc de préserver ses amitiés, ses relations dans le rap. Ce que je peux comprendre. Joe Budden, il est dans une position complètement je-m’en-foutiste, en mode « je n’ai plus rien à perdre », qui lui a permis d’être parfois horrible. Je pense que c’est possible. Ça arrivera peut-être, mais il faut un mec qui soit sorti de l’écosystème rap.

Pour finir, pourrais-tu nous parler de ton rôle au sein de Deezer ? D’autant qu’on est là à un tournant où le streaming est une attraction qui captive presque autant que la musique en elle-même.

C’est assez excitant, effectivement. Ce que j’y fais ? J’y fais deux choses. Je bosse sur la partie édito, donc la mise en avant des artistes, les playlists ; hits, découvertes, nouveautés, etc. Puis il y a la partie création de contenu, parce qu’en fait, depuis plus d’un an maintenant, Deezer propose des contenus originaux, des programmes. Et moi, je suis justement venu pour les aider sur la partie rap. Donc là, on a produit un premier podcast qui s’appelle Le Potes Kast, et qui est animé par des membres du Woop, et on va continuer à faire des choses, autour du rap mais pas que. Il y a notamment un autre podcast qui va se lancer en janvier dans lequel je vais interviewer des personnalités avec des carrières importantes – pas forcément dans le rap -, type David Guetta. Le premier numéro sera justement avec David Guetta. C’est intéressant pour moi parce que ça me permet de faire autre chose. Mais voilà : mon activité c’est d’un côté la curation, de l’autre la création de contenu.

Au début des années 2000, un champion américain écrasait toute la concurrence et l’Histoire de son sport. En remportant en 2004 et 2005 ses sixièmes et septièmes Tour de France, Lance Armstrong devint le champion ultime du cyclisme. Certes, il traîna les rumeurs de dopage tout au long de son cycle de victoire — le vélo étant devenu le synonyme de l’EPO à la fin des années 90 avec l’affaire Festina. Cela ne l’empêcha pas de traverser sa quasi-décennie de domination en vainqueur, avec deux maillots jaunes de plus que les légendes de son sport : Miguel Indurain, Bernard Hinault, Jacques Anquetil & Eddy Merckx. Mais la vérité finit par réclamer ses droits. Finalement reconnu coupable de dopage, Armstrong avoue devant Oprah en 2013 qu’il avait bien recouru à des produits non homologués afin d’obtenir les performances qui l’ont mené à ses succès. En plus du mensonge et du déshonneur, Armstrong se retrouvait face à la justice : il fallait rembourser l’argent investi par les sponsors, il a fallu rendre les titres, et Armstrong a été banni de son sport, après avoir passé tant d’années à être son plus puissant ambassadeur.

Lorsqu’Armstrong a été convaincu de dopage, le monde du sport s’est unanimement retourné contre lui. On n’est pas un grand champion si on a triché. Je me demande souvent ce qu’il se passerait dans le monde de la musique d’aujourd’hui, si l’on apprenait que l’équivalent d’un titre sportif (un seuil de vente, type disque d’or ou de platine) avait été faussé. Et si Ninho n’avait pas vraiment vendu 200 000 albums ? Et si Booba n’avait pas vraiment obtenu l’équivalent de 61 000 albums en première semaine, battant un record précédemment établi quelques semaines plus tôt ? La vérité est simple à deviner. Lorsque l’on découvrira que certains artistes ont acheté des streams ou faussé leur chiffres, eh bien… oui, personne n’arrêtera de les streamer. Ni de les écouter, de les booker en festival, de les mentionner dans des articles. Il existe peut-être une forme de morale dans le sport — il n’y en a pas dans la musique, et encore moins dans le rap.

Personne n’est vraiment outré de savoir que SCH plagie des flows, que PNL utilise des instrumentales sans notifier les beatmakers, ou que L’Algérino pompe des mélodies (« Ginza » / « Miz’amor »). Pas au point d’arrêter de les écouter. En tant qu’auditeurs fans de musique, posez-vous la question : qu’est ce qui pourrait vous empêcher de streamer la musique d’un artiste ? Si votre artiste préféré est un voleur, un tricheur, encourage un comportement contraire à vos valeurs, seriez-vous prêt à arrêter de l’écouter et ainsi cesser de le soutenir financièrement ?

De l’autre côté de l’Atlantique, les affaires juridiques de violences envers les femmes de Kodak Black ou d’XXXTentacion n’ont empêché ni le succès du single Tunnel Vision, ni de l’album 17, et celles de pédophilie ne ralentissent pas la montée du titre GUMMO de 6ix9ne vers les sommets du Billboard. Personne n’attend ni d’honnêteté ni de morale de la part d’une grande frange des artistes populaires — tant qu’ils fournissent le divertissement espéré, qu’importent les moyens.

Dans l’action du clic, l’économie en ligne ne distingue pas un j’écoute par curiosité d’un je valide. On peut légitimement penser que cela pose une question morale évidente, étant donné la façon dont certaines plateformes de streaming rémunèrent. Chez Spotify, on paie les artistes les plus streamés sans prendre en compte les écoutes par abonné. Ainsi, si vous avez un abonnement, vous pouvez continuer à écouter Hugo TSR ou Rilès en pensant soutenir “le vrai rap” (sic), le plus gros de l’argent que vous investissez dans du streaming reviendra quand même a Booba ou Niska. Dommage. Si vous êtes farouchement contre la violence envers les femmes et que Chris Brown sort un nouveau disque à succès, alors une partie de l’argent du stream lui reviendra, même si vous avez écouté à fond la playlist Strong Women. Regrettable. Ce n’est pas de votre faute, et c’est sans votre accord. Le streaming éthique ou équitable, ce n’est pas pour tout de suite. Ce système offusque même Pascal Nègre.


« Aujourd’hui, Spotify prend le chiffre d’affaires du mois dans le pays, puis divise par le nombre de streams et obtient le prix au stream. Mais je trouve ça absolument injuste : imaginez quelqu’un qui paie 10€, qui a 55 ans et écoute 100 chansons par semaine, et quelqu’un qui paie ces mêmes 10€, mais a 17 ans et écoute 2500 ou 3000 streams dans le mois. Une toute petite partie des 10€ du premier va aller à ses artistes, tandis que le reste financera la musique qu’il n’écoute pas. » — Pascal Nègre pour Pure Medias


Qu’importent ces détails techniques — ce qui intéresse généralement l’auditeur rap obsédé par les chiffres, c’est l’information qui va dans son sens. Le SNEP (Syndicat National de l’Édition Phonographique) est devenu la véritable référence pour des auditeurs qui cherchent à prouver la pertinence de leurs goûts grâce à la vérité des chiffres. Nombreux sont ceux qui ont l’air de croire au fameux adage de Jay Z :


« Men lie, women lie, numbers don’t »


Évidemment, les chiffres mentent. Surtout sur Internet. Et ce qui fonctionne, c’est plutôt la technique du “fake it until you make it”. En tant qu’artiste, si vous achetez des streams et que vous obtenez un disque d’or, alors les médias parleront de vous, drainant de vraies personnes à vraiment écouter votre musique, motivant les salles et des bookers à vous payer pour des concerts ou des showcases. Sur le site Streamify, 2,500 dollars suffisent pour acheter 2 millions d’écoutes qui apparaitront sur la plateforme que vous désirez renforcer. Rentable, pas illégal, pas trop immoral. Les auditeurs comme les plateformes se fichent un peu de lutter contre la fraude. Et cet argument promotionnel des chiffres prend de plus en plus d’ampleur dans la conversation entre les médias et les public.

RECORD HISTORIQUE DE STREAMS EN 1 SEMAINE. DISQUE D’OR EN UNE SEMAINE AVEC STREAMS UNIQUEMENT. #laconcurrencevenddesmarrons #61500albumsvendus #TRŌNE #merciàtousmêmeauxhaineux

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En 2017, presque chaque nouveau disque d’un gros rappeur a battu un record établi par le précédent : Damso avec Ipséité, puis Niska avec Commando, puis Orelsan avec La fête est finie, et enfin Booba avec Trône. Jusqu’au prochain album de MHD qui sera battu par le prochain Nekfeu et le prochain PNL, ainsi de suite. Qu’il s’agisse de Deezer ou de Spotify, il y a de plus en plus d’utilisateurs sur ces plateformes, ainsi, il est absolument normal que de nouveaux records apparaissent constamment. L’argument du “record battu” ou “record à battre” convainc les auditeurs qu’il faut qu’ils soient intéressés parce que de cette manière, ils peuvent peut-être participer à quelque chose d’historique dans leur vie de fan (tout en continuant à être des consommateurs). De l’Histoire de façade.


« Les certifications sont un moyen de soutenir la croissance du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en créant une impression de hausse globale des ventes, mais aussi de succès individuel pour chaque artiste. » – Mr. Squale pour SURL Magazine.


 

Les chiffres s’accommodent de la vérité. Dans le cadre de la musique, les règles de comptabilisation changent constamment. Lorsque le téléchargement illégal a détruit l’industrie du disque dans les années 2000, les règles se sont adaptées pour baisser le seuil du disque d’or afin de maintenir une illusion de succès similaire alors que les chiffres étaient en berne. Avec le streaming, on se laisse être émerveillé par des nombres spectaculaires qui reposent sur des règles qui ne cessent d’évoluer puisque le système est naissant. La terminologie est fascinante : les succès actuels sont le résultat de calculs alambiqués d’”équivalents streaming”. C’est un peu comme les enfants qui créent des règles de jeu à base de “on a qu’à dire que”…

Ici, on a qu’à dire que 31 secondes d’un clic sur un lien multiplié par 1500 équivaut à 1 vente d’album et 10 ventes de single (règle actuelle selon la RIAA, équivalent américain du SNEP). Dans 6 mois, on passera peut-être à 1 minute x 2000 écoutes vaut 1 vente, ou 1 secondes x 100 écoutes vaut 1 vente. Tout ce qu’il faudra pour que l’industrie garde la face et que les consommateurs aient envie de continuer de jouer. On s’offre les streams qui atteignent le disque d’or comme on remplissait les magasins de quantités de commandes de CD pour faire exploser ses chiffres de première semaine et faire croire à l’engouement. Ça passe.

Ce n’était donc pas exactement mieux avant, les techniques de maquillage s’adaptent simplement à leur époque. Ce nouveau système d’écoute est pourtant un pas vers une comptabilisation plus juste des oeuvres écoutées. Avant, on pouvait payer 20 euros un objet CD pour n’écouter qu’une seule chanson et notre rémunération récompensait une dizaine d’autres titres qu’il était possible de ne pas écouter du tout. Maintenant, le streaming peut permettre à une chanson seule d’émettre plus simplement sa propre économie, et la data permet aux artistes de mieux cibler les besoins de leur public. En attendant que ce système permette une rémunération plus juste des artistes, ce modèle est clairement un grand pas potentiel vers le mieux.

Le streaming est dans la bouche de tous les rappeurs, du freestyle au Cercle de Oli, aux interrogations de Black M sur OKLM et de Maître Gims sur Instagram. Mais les doutes suscités par les chiffres sont vains puisqu’ils ne vont de paire avec aucune tentative d’éduquer le public. Les auditeurs suivent les règles des plateformes : ils appuient sur “play” et se laissent bercer. Personne ne leur explique comment fonctionnent les rouages du logiciel ni où va vraiment leur argent. Un récent rapport de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) évoqué par Mounir Mahjoubi (secrétaire d’État du numérique) indique que 52% des français ne savent pas ce qu’est un algorithme. Mieux vaut que les utilisateurs utilisent bêtement le streaming sans qu’ils soient trop conscients, comme les auditeurs des années 80 ne se posaient pas tant de question sur les prix de productions des CD’s et les marges que se faisaient les producteurs. Alors les artistes peuvent bien pester, mais les rappeurs français qui grognent devraient regarder comment se passent les révoltes des artistes en dehors de l’hexagone contre le streaming.

Lorsqu’Adele ou Pharrell Williams ont froncé les sourcils contre les faibles rémunération de YouTube en menaçant de retirer leur musique des plateformes, aucun fan n’a cherché à les soutenir en arrêtant d’écouter Hello ou Happy là-bas. Et leur musique est évidemment resté consultable sur YouTube. Taylor Swift ou Thom Yorke ont eu beau bouder contre le géant suédois, le dernier album de la pop star américaine comme l’intégralité du catalogue solo du leader de Radiohead sont désormais streamables. Les artistes peuvent aller jusqu’à écrire “esclave” sur leur joue en signe de protestation, cela ne changera rien. Il faut s’adapter. Si l’artiste n’est pas présent sur la plateforme populaire, les gens n’écouteront simplement pas son disque.

Si cette malhonnêteté d’achat de streams par des rappeurs est avérée, elle ne sera de toute façon pas due à une faute des artistes ou de leur entourage. Il s’agit de toute une mécanique systémique, et il faut bien être compétitif. La course aux vues oblige tous les acteurs du monde du web à faire du mieux pour avoir l’air attractif et consulté. Les sportifs ne se dopent pas par amour des produits : il n’y a pas de choix si on veut être à la hauteur. Les petites agences de publicité achètent des fans, les compagnies boostent des posts Facebook et Twitter pour avoir une chance d’exister dans l’algorithme et ainsi atteindre des consommateurs. C’est normal. Sans des millions d’écoutes visibles sur les plateformes musicales, moins de chance de convaincre les tourneurs obsédés par le nombre de fans Facebook ou d’abonnés Instagram qui pourraient acheter des tickets pour les concerts, moins de labels et d’éditeurs persuadés d’avoir mis la main sur une mine d’or, moins de fans qui se sentent rassurés d’être d’accord avec la majorité.

Alors, si vous êtes un rappeur en quête de succès, suivez-ce conseil : achetez des streams, faussez vos vues, jusqu’à ce que vous obteniez le résultat que vous désirez. Le public ne condamne pas les champions de la musique comme il condamne les grands sportifs qui trichent. Vous croyez qu’un rappeur qui a triché va rembourser les faux streams aux fans ? Qu’il va rendre ses disques d’or, rembourser l’argent des showcases, s’excuser publiquement ? Rien de tout cela n’arrivera tant que le coeur du public ne sera porté là où l’éthique et la justice pourraient être. Appuyez simplement sur lecture, et ne vous posez pas trop de questions.

« Et tant pis pour ceux qui s’étonnent
Et que les autres me pardonnent
Mais les enfants ce sont les mêmes
À Paris ou à Göttingen.« 
Barbara — Göttingen (1967)

L’année 2015 était peut-être la dernière année de l’histoire du rap français. Damso, Hamza, Shay, Roméo Elvis, Caballero, JeanJass… Les prouesses des rappeurs belges avaient achevé l’idée chauviniste qu’il ne pouvait exister qu’un rap français de France. Cette porte ouverte a pavé un chemin dans lequel commencent doucement à exister les canadiens francophones, les antillais et les suisses. C’est plus qu’un simple détail linguistique. Le rap français est devenu le rap francophone.

Avant cette « invasion », la Belgique avait déjà été la meilleure chose qui soit arrivée au type de rap le plus influent : le rap américain. Le vrai héros belge de la musique du XXIe siècle n’est ni Damso, ni Stromae — c’est un monsieur qu’on appelle Gol. En inventant le logiciel Fruity Loops (devenu FL Studio) dans les années 90, Didier « Gol » Dambrin ne s’imaginait pas qu’il emploierait à lui seul toute une génération de producteurs de musique. Derrière l’existence de styles emblématiques (la drill de Chicago, la trap d’Atlanta, le SoundCloud rap, …) se cachent les avantages techniques de ce logiciel développé à Gand, quelques kilomètres à l’ouest de Bruxelles. Metro Boomin, Boi-1da, Hudson Mohawke : ils sont tous passés par FL Studio pour façonner des tubes. Pourtant, en Europe comme en Amérique, ils sont peu nombreux à imaginer que de simples Belges aient pu à ce point changer le cours de la musique moderne.

L’influence européenne sur le marché de la musique de ces 20 dernières années est gigantesque. Les logiciels de création de musique assistée par ordinateur les plus réputés sont nombreux à être originaires d’Europe, qu’il s’agisse des allemands Ableton Live ou Logic Pro (plus tard racheté par les américains), ou des belges Image-Line (créateurs de FL Studio). Du software au hardware, on doit le module de correction de voix Melodyne aux Allemands de Celemony, les claviers Nord aux Suédois de Clavia, et le monde du djaying et du beat-making profite des prouesses des berlinois de Native Instrument en la matière (Traktor, Mashine).

Du hang suisse au theremin russe en passant par le piano italien, il y a toujours eu de la suite dans les idées pour l’expression des sons dans le continent. Les applications de musique disponibles pour les auditeurs sont également nombreuses à être originaires d’Europe. Le géant du streaming Spotify et la plateforme de partage SoundCloud sont tous deux originaires de Suède, les concurrents Deezer et Qobuz sont français, et Shazam, qui « devine » une chanson qu’on lui joue, a été créé à Londres. Outre les initiatives envers les niches de l’autrichien RedBull, l’organisation de la gestion des droits par la Sacem française ou le traitement de la santé des artistes par les anglais Help Musicians, les acteurs européens ont de nombreux arguments en leur faveur concernant les divers aspects du monde de la musique. Côte à côte, mais pas ensemble.

Entre 2016 et la semaine où j’écris ces mots, 21 chansons sont devenues numéro 1 aux États-Unis. Parmi lesquelles 3 étaient interprétées par des anglais (“Pillowtalk” de Zayn Malik, “Shape of You” d’Ed Sheeran, “Hello” d’Adele), auxquelles nous pouvons ajouter 4 impliquant des européens (« Love Yourself » de Justin Bieber écrit par l’anglais Ed Sheeran, « Panda » de Desiigner produit par l’anglais Menace, « Can’t Stop The Feeling » de Justin Timberlake produit par le suédois Max Martin, « Starboy » de The Weeknd produit par les français Daft Punk).

Depuis 2010, la cérémonie des Oscars a récompensé les anglais Sam Smith et Adèle pour leurs chansons accompagnant les films James Bond Spectre et Skyfall, et célébré les bandes originales composées par les français Ludovic Bource pour The Artist (2011), Alexandre Desplat pour The Grand Budapest Hotel (2014), les anglais Steven Price pour Gravity (2013) et Atticus Ross comme co-producteur sur The Social Network avec l’américain Trent Reznor (2010), et enfin l’italien Ennio Morricone pour The Hateful Eight (2015). Max Martin est le compositeur ayant eu le plus de succès dans l’histoire avec ses singles, devancé uniquement par deux anglais (John Lennon avec 26, Paul McCartney avec 32).

Pourtant, il n’existe pas de grand festival de musique exclusivement européenne, on observe avec espoir les chiffres du Billboard américain, et on espère gagner des Grammy’s parce que la seule récompense continentale disponible, c’est la poussiéreuse Eurovision.

Au delà du charabia de la technique et des classements, certains styles de musique sont surtout en train de briser l’ultime barrière : celle du langage. Les musiques électroniques ont pavé le chemin, ignorant depuis longtemps les frontières pour faire figurer sur les mêmes line-up de festival des DJ norvégiens, hollandais et portugais unis par leurs sons. Peu importe d’où viennent Madeon, Bjarki ou Kygo. C’est maintenant au tour du rap d’avoir de l’influence en dehors de ses propres frontières. La formule type beats & Auto-Tune habitue l’auditeur à des sons plus qu’à des sens, ainsi, qu’importe si l’on comprend les mots ou non, tant qu’on comprend l’ambiance. La snare trap empruntée au style de Young Chop dit la même chose dans toutes les langues.

Outre-Atlantique la langue différente empêche de moins en moins le succès. Pour des raisons démographiques, la musique en espagnol est enfin en train de s’imposer aux USA face à l’anglais (J Balvin, Luis Fonsi, Bad Bunny, etc.). Le succès n’est pas encore tout à fait au rendez-vous pour le français, mais la langue ne semble pas être un frein pour la musique de MHD, qui reçoit quasiment la même opinion dès qu’une publication anglophone évoque son style :

« L’artiste rappait en français, et, bien que je n’arrivais à comprendre aucun mot, j’ai automatiquement accroché. »  — Natalie Meade pour le New Yorker

En Europe, on commence doucement à s’observer avec curiosité. Les vidéos de premières écoutes de découvertes de rap européen sont de plus en plus nombreuses. Des russes qui hallucinent devant Kaaris, des vidéos de comparaisons des différents raps européens qui attirent des millions de clics. Prenez un week-end quelque part dans le continent : vous entendrez du cloud rap façon PNL en Espagne ou de l’afro-trap façon MHD en Hollande, comme on entend en France Kekra flirter avec le grime et la 2-step comme s’il avait grandi à Walthamstow. Des Inrocks à Booska-P en passant par Clique, on s’intéresse et on se veut défricheur, être les premiers à avoir parlé de rap en russe, de rap en italien, de rap en grec.

Chez Spotify, on expérimente dans la playlist Cloud Rap : entre un morceau de Columbine et un de LayLow, vous aurez la surprise de découvrir “Giovane Fuoriclasse” de l’italien Capo Plaza, ou “Was du Liebe nesst” de l’allemand Bausa, numéro 1 sur la plateforme en Allemagne et en Autriche cet automne. De là à penser qu’après le rap français et le rap francophone, on se dirige vers le rap européen…

Si c’est le cas, on est au balbutiement de cette idée. Toujours chez Spotify, il n’y a pas une playlist 100% consacrée à la musique rap européenne. Si vous tapez « Europe », vous tomberez sur un best-of de ce groupe rock suédois des années 80. Là où l’Asie commence doucement à fédérer Chinois, Indonésiens ou Coréens autour d’initiatives telles que la chaîne 88rising, le rap européen manque d’union et de liens. La chaîne berlinoise COLORS qui rencontre un franc succès accueille des artistes internationaux, mais obtient ses plus grands chiffres de vues avec des européens (les espagnols Pimp Flaco, Kidd Keo). Il y a pour l’instant peut-être un frein du hit, puisque les rares featuring récents n’ont pas encore menés à d’énormes succès (SCH & Sfera Ebbasta, Niro & Ayesha Chanel, Nekfeu & Ed Sheeran). On sent pourtant une envie d’enfin se libérer des rigueurs des langages respectifs. L’anglais Big Shaq a du succès avec des onomatopées, le belge Hamza a un ratio français-anglais similaire à Christine & the Queen, et le français Lacrim parle espagnol comme si son album était co-écrit par Manu Chao. « Je ne sais pas ce qu’il a dit mais ça tue » est devenu un véritable argument.

La réflexion continentale est au coeur de l’action politique française. Ça n’aura échappé à personne ayant suivi l’investiture du nouveau président officieux de l’Union Européenne, se dirigeant, en marche, jusqu’au pupitre d’une scène installée devant la pyramide du Louvre le 7 mai 2017. Les premiers pas du nouvel élu des français ne se sont pas faits aux notes de La Marseillaise, mais à celles de l’adaptation en symphonie du poème de l’allemand Von Schiller par son compatriote Beethoven, dont le quatrième et dernier mouvement, est connu sous le nom d’Ôde à la Joie. Il s’agit, depuis les années 70, de l’hymne européen. Entre souhaits de facilitations de mouvements entre artistes européens façon Erasmus, mise en place de réunions G7 entre les pays européens les plus influents, le souhait d’un développement de pass culture inspiré par les voisins italiens… Les actions de la ministre de la culture, Françoise Nyssen, tendent fortement à renforcer les liens entre les différents acteurs de la création en Europe.

Les plateformes de streaming elles-mêmes ont l’air d’avoir senti la direction du vent, en décidant de se rejoindre dans la Digital Music Europe alliance. SoundCloud, Spotify, Deezer, Qobuz… ils souhaitent être ensemble afin de débattre des questions concernant le copyright, les données, et les aspects légaux, dans cette économie renaissante. En 2016, le marché de la musique enregistrée a gagné 4% en Europe, soit la croissance la plus élevée en deux décennies — croissance due majoritairement au streaming. Il y a de plus en plus d’utilisateurs européens, et il faudra s’armer pour résister aux américains Apple et Tidal, ou aux chinois de QQ Music, largement en avance sur le reste du monde.

« Depuis dix ans, les compagnies digitales de musique en Europe ont mené à la transformation de l’ensemble de l’industrie musicale. Rassembler ces compagnies pour créer DME est une grande opportunité de mettre en avant le leadership européen dans ce secteur, et d’inspirer d’autres entrepreneurs européens à créer une voix unique auprès des décideurs. » —  Hans-Holger Albrecht, président de DME et CEO de Deezer

Le consensus autour de l’idée européenne est un pari difficile voire impossible, l’exemple du Brexit comme récent témoin. Tout comme le logiciel de création musicale Logic Pro, créé par des allemands, l’application anglaise Shazam vient d’être rachetée par Apple pour renforcer son poids dans le streaming & sa force dans le monde de la musique. Si l’Europe musicale avait été unie (et les conditions financières réunies, bien entendu), peut-être que Shazam se serait plutôt associé à un géant européen. Sans doute que la question n’a pas eu un quelconque poids : il n’y a guère de fierté européenne que lorsqu’il s’agit de parler de la Ligue des Champions où chaque année, les géants du continent se confrontent et offrent le meilleur spectacle dont est capable le football. Il y a pourtant certainement une fenêtre pour réussir à faire naître un même sentiment de grandeur grâce au monde du son.

Ce serait peut-être une occasion d’enfin lier des peuples qui n’ont pu se reconnaître dans leurs spécificités tant l’Union Européenne a été un mirage qui s’est avéré être un montage technocratique dès ses premiers pas. La faute à des rendez-vous historiques & humanistes manqués (telle la récente crise des réfugiés) ou à des principes démocratiques bafoués (tel le référendum français de 2005). Qu’importe la monnaie commune ou l’espace Shengen, de l’histoire partagée en Europe, on ne retient que trop souvent la guerre — tout particulièrement les deux conflits mondiaux du XXe siècle. Depuis le traité de Rome en 1958, on retient cette Union qui maintient les peuples éloignée de celle ci, sans être capable d’éviter les crises économiques ou sociales, sans trouver suffisamment de points d’accord.

Pourtant, avant de n’être qu’une problématique politique aux tenants et aboutissants vagues, l’Europe avait toujours su s’illustrer fièrement par sa culture. Les frontières des pays n’ont pas empêché Mozart de faire des tournées européennes plusieurs siècles avant que U2 ne le fasse, et le polonais Chopin interagissait par courrier avec le hongrois Liszt bien avant les premiers Erasmus d’écoles d’art à Cracovie ou Budapest… Nombreux sont ces artistes qui naquirent d’un côté d’une frontière pour conclure leur existence de l’autre, là où leurs talents furent célébrés : l’andalou Picasso s’est éteint dans les Alpes Maritimes après avoir passé l’essentiel de sa vie en France, et le thessalien De Chirico fut naturalisé italien — pays qui l’avait accueilli à l’âge de 12 ans.

L’art de vivre et de faire du continent a longtemps transcendé les frontières et inspiré l’admiration du monde, parfois de gré dans le cadre d’expositions, parfois de force dans le cadre de colonisations. Tellement de beauté accumulée au long des siècles, que le passé en est presque devenu un poids. Le continent est devenu musée où les touristes du monde entier viennent sans cesse contempler notre poussière, la consommer. Les penseurs, les humanistes, l’invention de l’imprimerie : il est vrai que de la grande brillance européenne, on retient surtout la lumière générée par l’éclat de la Renaissance, aux XVe et XVIe siècles.

La nouvelle Renaissance culturelle européenne, elle existe peut-être aujourd’hui, et elle passe par la musique, entre deux streams. Dans une Europe où il n’y a pas si longtemps, les passes du tchèque Nedved trouvaient le chemin des filets dans les pieds du français Trezeguet ou de l’italien Del Piero, on finira bien par danser à des festivals euro-centrés où se joueront des chansons d’Adele produites par Max Martin sur lesquelles Ennio Morricone fera des arrangements. Et où on entendra, dans le fond, des ad-libs de Niska.

Au sortir d’un Réveillon copieux, quelques heures avant les festivités de la Saint-Sylvestre, voici ce qui nous semble être le bon timing pour tirer le bilan de l’année écoulée. Assez tôt pour conserver la fraîcheur de ce que 2017 nous a offert, assez tard pour profiter d’un recul optimal, juste et nécessaire. Alors, qu’en est-il ? Sans avoir été dépourvue de sorties musicales « heavyweight », 2017 aura surtout vu certains acteurs déjà scrutés des années auparavant, prendre un peu plus de poids au sein de leurs scènes respectives, tel Damso en France, et Migos outre-Atlantique. Au-delà de la musique, certaines choses ne changent décidément pas : Teddy Riner a encore été sacré champion du monde de judo, et le concept d’un « humour » qui n’offense pas semble toujours passer au-dessus de bon nombre de têtes. Mais comme souvent, l’année qui s’écoule a semé son lot de bonnes graines, celles qu’on espère voir germer au plus vite dans l’espoir d’un 2018 encore meilleur. 

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TOP ARTISTES

Kendrick Lamar

A l’ère des déboutonnages faciles, Kendrick ne se déballe pas sur les réseaux sociaux. Ses pensées, sa conscience, son intime, il les livre dans ses morceaux. Sa parole rugit, jaillit alors chaque fois comme un cri puissant. On l’écoute, on l’absorbe. Kendrick est à part. En-dehors. Au-dessus. Son rap est riche et technique, incarné et engagé, élégant et audacieux. Comme ses trois précédents opus, DAMN. est un objet culte. Sacré meilleur album 2017 par Pitchfork et aux American Music Awards. La mise en image de ses singles phares, elle, a des airs de septième art. À travers ses visuels, mais aussi sur scène, le californien prolonge et étoffe l’histoire de ses disques. Une expérience esthétique totale. K-Dot n’est pas seulement le rappeur de l’année, mais celui de la décennie.

Marine Desnoue

Damso

« Damso, dis-moi qui es-tu ? » Le emcee belge ne s’est pas seulement révélé cette année, il s’est peut-être trouvé. Là, dans ses dissonances accordées. Entre sa noirceur lumineuse et sa douce brutalité. Avec des cinglements qui bercent et des berceuses qui cinglent. Damso fait du sale propre et léché. Ses élégantes vulgarités soufflent des figures de style et des bouffées de mélancolie. Inconnu il y a deux ans, sa voix de plomb vaut aujourd’hui de l’or. Triple disque de platine en France, son deuxième album, Ipséité, est déjà culte. Ses clips se lisent par millions (plus de 100 000 000 vues pour « Mwaka Moon » avec Kalash). Et ses gimmicks entrent dans le jargon populaire. Celui qui ne fait « que du lourd » n’a pas fini de peser.

Marine Desnoue

Migos

95. C’est le nombre de morceaux sortis en 2017 sur lesquels nous avons pu entendre Migos et/ou l’un de ses membres. Symptomatique d’une omniprésence qui ne saurait être remarquable si « les Beatles de notre génération » ne s’étaient pas signalés par une régularité admirable dans la performance. Dans l’élan du triomphant « Bad & Boujee », le trio d’Atlanta a trouvé avec Culture un équilibre dévastateur, entre la virtuosité mélodique de Quavo, la puissance vocale de Takeoff, et la fureur bestiale d’Offset. Depuis, la pop est à leurs pieds, de Katy Perry à Liam Payne, en passant par Calvin Harris. Qu’il est loin le temps des feats avec Gradur et Lacrim…

Lenny Sorbé

Niska

Passé les succès de « PSG » et « Sapés comme jamais », peu auraient pu imaginer que Niska en serait là où il est aujourd’hui. Il semblait alors n’être rien de plus qu’un énième épiphénomène porté par la déferlante trap, au bagage bien trop léger pour voir son voyage durer au sein d’un rap français en constante évolution. Mais c’est oublier l’une des principales qualités des charos : leur persévérance. Comme Robert avant lui, Niska a musclé son jeu. Et 2017 lui a bien rendu. « Réseaux », « Commando », « Chasse à l’homme », « B.O.C », « Salé »… toute une flopée de titres imparables, à l’énergie quasi-militaire, pour des certifications en pagaille. Chapeau charo !

Lenny Sorbé

Cardi B

Depuis le reality show Love and Hip Hop et ses vidéos Instagram devenues cultes, Cardi B a finalement pondu le hit qui l’installe dans l’univers du divertissement en tant que rappeuse. « Bodak Yellow » a squatté les Charts du Billboard et nos soirées pendant plusieurs saisons, nous laissant quand même à l’esprit une question : ne serait-ce qu’un coup de chance ? L’hiver venu, elle brille encore avec « Bartier Cardi », sur « No Limits » avec G-Eazy et surtout dans « Motorsport ». L’épitome de ce qui a aussi fait l’année de Belcalis : sa relation hyper médiatisée avec Offset du trio Migos, mais aussi les rivalités vaines qu’entretiennent les rappeuses nord-américaine pour la couronne de Rap Queen.

Raïda Hamadi

TOP ALBUMS

Sampha – Process

De l’ombre des featurings cinq étoiles pour Frank Ocean, Kanye ou Solange, à la lumière d’un album solo stratosphérique, il n’y a qu’un pas. Et celui que Sampha a franchi s’est fait dans la douleur suite au décès de sa mère en 2015. Deux ans à digérer et apprendre à vivre avec, en jonglant avec une aura grandissante hors son Londres natal. « Il y a toujours quelque chose d’imprévisible lorsque vous vous retrouvez dans une pièce avec Sampha », racontait Jessie Ware. Une phrase qui pourrait largement s’appliquer à Process, tant les harmonies sont denses, superposées par des couches de pianos et de nappes électroniques cosmiques. Loin des gimmicks et des sonorités génériques, Sampha a réussi le pari de sortir une oeuvre complexe mais pas prétentieuse, mélancolique mais pas pleurnicharde. Même s’il est toujours un OVNI dans ce paysage, cet album est quant à lui, finalement très humain.

Eric Rktn

Damso – Ipséité

Quand l’album est sorti, la place au doute subsistant quant à la place de Damso dans la hiérarchie des rappeurs francophones était encore perceptible. Au sortir d’un excellent Batterie Faible, le belge confirme qu’il fait bel et bien partie des têtes de gondole du rap hexagonal. Grâce à un projet maitrisé de bout en bout malgré un disque qui peut trainer en longueur, Damso nous démontre l’étendu de son talent en initiant l’auditeur au concept d’ipséité. Mention spéciale pour la production d’Ikaz Boi sur le titre « A. Nwaar Is The New Black », préparant à une quête métaphysique, presque mystique. Et sinon, la non-nomination de Damso aux Victoires de La Musique dans la catégorie « Album musiques urbaines », so comman ?

Frem Ganda

Vince Staples – Big Fish Theory

En pleine ascension depuis le succès d’estime du nébuleux Summertime ‘06, Vince Staples change de cap musical avec Big Fish Theory. Une évolution qu’il avait amorcée dès l’EP Prima Donna, sorti en août 2016. Le rappeur de Long Beach laisse ici transparaître l’influence de Lil B, qu’il considère comme le G.O.A.T, ainsi que son goût pour cette « hyphy music » née au coeur de la Bay Area. Ce son déstructuré et hybride, qui entremêle sonorités sautillantes, bruitages électroniques et basses saturées, n’empêche toutefois pas Vince Staples de poursuivre son activisme artistique. Aux côtés de Juicy J, A$AP Rocky, Ty Dolla $ign ou encore Kendrick Lamar, il exprime son spleen existentiel et formule une critique acerbe de la société américaine. Prenant exemple sur son expérience personnelle, Staples signe ainsi un brûlot politique nécessaire.

Osain Vichi

SZA – Ctrl

Après maintes péripéties, il est finalement arrivé. L’album Ctrl a répondu aux attentes des fans de SZA. Un album unique, qui ne trouve pas d’équivalent, qui transpire l’insouciance joyeuse et la spontanéité nerveuse de l’artiste. Même si elle a pu compter sur ses invités pour soutenir l’album (Travis Scott sur « Love Galore » ou encore Kendrick Lamar sur « Doves on the Wind » ), c’est surtout « The Weekend » qu’on a entendu cette année. Et pour bien finir l’année, Ctrl et SZA obtiennent quatre nominations aux Grammy’s.

Raïda Hamadi

Kendrick Lamar – DAMN.

Contrairement à ses deux premiers albums sortis en major, DAMN. marque ici un tournant dans la discographie de Kung Fu Kenny. Si good kid, m.A.A.d city était l’expression d’un artiste qui se révélait au monde en adoptant principalement un point de vue quasi passif; si To Pimp a Butterfly s’est construit comme un pamphlet autour de la condition de l’African American et de ses turpitudes au pays de l’Oncle Tom tout en opérant une psychanalyse stylisée de son moi; DAMN. nous ancre de gré ou de force dans l’actualité ou plutôt dans une réalité toujours plus urgente.

Frem Ganda

Mention honorables : Syd – Fin, Miguel – War & Leisure, JAY-Z – 4:44, Tyler, The Creator – Flower Boy, Migos – Culture.

TOP ROOKIES

Jorja Smith

Projet 11, le premier EP de Jorja Smith, sortait il y a déjà plus d’un an. Un projet soul, poétique et une voix jazz qui s’inspire d’Amy Winehouse. Mais 2017 aura définitivement été une belle année pour Jorja Smith qui obtient un titre entier dans la playlist de Drake et accumule les accolades de ses pairs, des BRIT’s Critics (où elle bat deux autres étoiles montantes, Stefflon Don et Mabel) et de la BBC. Après une tournée anglaise et américaine, quelques covers et le morceau « On My Mind » avec Preditah, la belle nous a donné de quoi nourrir de grandes espérances en 2018.

Raïda Hamadi

Steve Lacy

Dans la magnifique pépinière que fut OFWGKTA, on demande le talentueux guitariste et producteur répondant au doux nom de Steve Lacy. En 2017 et à même pas 20 ans, le musicien peut se targuer d’avoir offert en début d’année son excellent premier projet Steve Lacy’s Demo (produit en grande partie sur son iPhone, puis finalisé sur Ableton), en plus d’avoir apporté sa touche dans le futur album du groupe Vampire Weekend (excusez-nous du peu), d’avoir co-produit « PRIDE. » sur l’album DAMN. de Kendrick Lamar, et d’être en train de finaliser le prochain album de The Internet. Et dire que le jeune homme était encore à l’école il y a un an !

Frem Ganda

Superwak Clique

Si les USA ont eu droit à leur lot de jeunes foufous aspirants-rockstars cette année, les terres francophones ne sont heureusement pas en reste. En plus, les nôtres sont bien moins détestables. En tête de file ? Les Suisses de la SuperWak Clique. L’équipe genevoise, nombreuse et bordélique comme Odd Future, a continué à voir sa côte grimper en 2017. Que ce soit par leurs shows à l’énergie sans pareil, ou à travers leurs projets solo. Du Focus vol. 1 de Di-Meh au No Bad vol. 1 de SlimKa, sans oublier le Gun Love Fiction de Makala, entièrement produit par Pink Flamingo, le brillant compositeur-maison. Un vent de fraîcheur venu de l’est, qui nous rappelle que les Helvètes auront aussi leur mot à dire dans les années à venir.

Napoléon LaFossette

H.E.R

Difficile d’écrire sur celle qui préfère encore rester dans l’ombre. Jamais apparue dans ses vidéos, on ne distingue d’elle qu’une silhouette sur ses covers et même sur scène. On ne peut alors parler que de sa musique : des complaintes amoureuses qu’elle choisi de mettre en image dans des scénettes au coeur de la banlieue new-yorkaise. Musicalement, elle peut être l’équivalent d’un 6lack. Et on lui prédit le même succès.

Raïda Hamadi

13 Block

Le parcours du 13 Block, c’est le lièvre et la tortue réunis. Le lièvre, c’était leur premier album, Violence Urbaine Emeute, sorti début 2016. Un excellent projet délivré trop tôt, dont la flatteuse réputation ne s’est faite qu’a posteriori. L’expérience venant en apprenant, leur second album prévu pour 2018 suit lui le chemin de la tortue. La tortue, parce que sans jamais l’annoncer explicitement, les Sevranais le font attendre depuis le début de l’année 2017. Une dizaine de morceaux apéritifs, savoureux à souhait, qui offrent l’aperçu d’une maturité artistique sans cesse grandissante, que les collaborations avec Ikaz Boi semblent capables de pousser encore plus loin. On attend sagement l’explosion.

Napoléon LaFossette

Mentions honorables : Angele, Aminé, Sabrina Claudio, SkiMask The Slump God, Ace Tee.

TOP MIXTAPES

Hamza – 1994

Avec 1994, Hamza offre vraisemblablement son projet le plus abouti. Cohérente, la mixtape réunit le vaste spectre sonore que le bruxellois s’est forgé grâce à H-24, Zombie Life, New Casanova et Santa Sauce. Le H impressionne par ses talents de synthétiseur et surprend encore, comme sur « Life » et « 1994 » où il brise son habituelle autolâtrie et se confie. Que ce soit lors d’un refrain revanchard ou un retour émouvant sur son passé, cette sensibilité nouvelle contraste avec les caractères festif et sensuel qui façonnaient jusqu’ici ses textes. Finalement, 1994 nous donne l’agréable impression de redécouvrir l’artiste. « Une nouvelle carte de visite », décrypte-t-il simplement.

Osain Vichi

Kodak Black – Project Baby 2

En 2013, Kodak Black libérait sa première mixtape : Project Baby. Quatre ans, deux albums, une pelletée de tubes nationaux et un hit mondial plus tard, le gamin de Pompano Beach est venu nous rappeler qu’il est toujours le même, avec Project Baby 2. Au programme, du Kodak dans ce qui l’a révélé et qu’il sait faire de mieux : de longues complaintes, les récits mâchouillés d’une vie complexe, auxquels s’ajoutent des réflexions sur l’impact qu’a le succès sur l’enfant du hood qu’il était. Avec, en guise de cerise sur le gâteau, l’excellent « Transportin », occasion de se rappeler au bon souvenir des Geto Boys et de s’étonner une fois de plus du fait que Lil’ Kodak n’ait qu’à peine vingt piges.

Napoléon LaFossette

Makala – Gun Love Fiction

Gun Love Fiction est un grand projet musical, condensé dans un format de poche. Six titres. Tout ce qu’il faut au tandem Makala-Pink Flamingo pour dérouler leur script habilement ficelé, et donner vie aux personnages antagonistes mais complémentaires que sont Gun et Love. Tout ce qu’il leur faut pour nous amuser, pour nous dérouter. Pour électriser les foules (« Lazer Malvo »), pour les emmener dans la chaleur moite d’un club disco des 80s (« Algenubi ») ou leur donner un avant-goût du futur (« Strike Mood »). Difficile à croire, mais on insiste : tout cela tient en à peine six titres. Fort.

Lenny Sorbé

Krisy – Paradis d’amour

Si le public s’est familiarisé avec De La Fuentes en 2016, c’est en 2017 qu’il appris à connaître Krisy. Avec une œuvre-clé : Paradis d’amour, sa mixtape délivrée entre deux caresses le 14 février. Cet eden musical prend la forme d’une palette, d’une présentation de toutes les teintes musicales capables de se mélanger dans l’univers du Bruxellois. De l’ouateux au personnel, du passionnel à l’insouciant. Une grande réussite faisant figure de préliminaires parfaitement maîtrisés avant un premier album qui sera l’un des événements de 2018, dans un gentleman rap qu’il semble le seul à savoir pratiquer en terres francophones.

Napoléon LaFossette

Snoh Aalegra – Feels

La suédoise exilée à Los Angeles n’a pas encore reçu toute l’attention qu’elle méritait. Avec sa voix grave et puissante, elle a séduit No I.D. et Common, avec qui elle rejoint le roster du label ARTium de Def Jam. Cette année, elle sort l’EP Feels. Dès la cover, on saisit l’esthétique Film Noir et les ambiances jazz cinématique qui font aujourd’hui sa signature. Ajoutez à ça des titres R&B rehaussés par ses invités – Vince Staples, Vic Mensa ou encore Logic – qu’on se repasse en boucle.

Raïda Hamadi

TOP PRODUCTEURS

Double X

On sait bien peu de choses sur ceux que l’on crédite en tant que « Double X ». Ils opèrent en tandem, du côté de Livry-Gargan… et 2017 a fini de les couronner comme les grands hitmakers à la française. Difficile de formuler concrètement leur signature musicale, tant leur palette est variée : un coup ils surfent efficacement sur les tendances les plus évidentes (« E. Signaler », « Bling Bling »), un coup ils façonnent les hymnes qui seront scandés dans tous les clubs de l’Hexagone (« Chasse à l’homme », « Θ. Macarena »). Et quand ils ne s’acoquinent pas avec les mastodontes de l’industrie, ils frôlent l’excellence aux côtés des « sans visages » que peuvent être Kekra ou Siboy. Dans tous les bons coups.

Lenny Sorbé

Pi’erre Bourne

Le producteur, originaire de la Caroline du Sud et désormais établi dans le Queens, à New York, est complètement ancré dans l’ère du temps. Une ère où la scène Soundcloud a réalisé une entrée fracassante au sein de la culture hip-hop. Pas étonnant que Pi’erre soit derrière les tubes « Magnolia » de Playboi Carti ou « Gummo » du déchainé 6ix9ine. Sa recette magique : une mélodie simple et entraînante, une boucle hypnotique et une pincée de basses saturées. Également rappeur, le beatmaker est auteur de la série Life of Pierre et nous a gratifié de quelques pépites telles que « Honeyberry », « Water Boy » et « Hacked My Instagram ». Autant de morceaux qui nous poussent inexorablement à pratiquer le « Milly Rock » et à crier frénétiquement « Yo Pi’erre, you wanna come out here ? ». Infernal.

Osain Vichi

Ponko

À l’instar de ses compatriotes Damso, Hamza ou encore Roméo Elvis, Ponko n’a pas à rougir de son importance dans la percée récente de la « belgian touch » dans le rap francophone. Et ses faits d’armes pour l’année 2017 ne nous feront rien démentir : que ce soit pour le sudiste SCH sur « Pas La Paix », « Marquises » de Disiz La Peste, « Woke Up » de Ramriddlz ou « Assumer » de Slim Lessio, le producteur bruxellois a apporté une sonorité rafraîchissante et efficace au service de lyrics qu’il magnifie constamment.

Frem Ganda

Ronny J

L’un des mouvements musicaux majeurs de 2017 a consisté en l’explosion mainstream des Soundcloud rappers, cette bande de camés à peine majeurs qui n’ont eu cesse de défrayer la chronique et de squatter les hautes sphères du Billboard 200. S’il ne fallait retenir qu’un seul producteur issu de cette scène, ce serait sur la touffe blonde platine de Ronny J que les lauriers viendraient se poser. Denzel Curry et XXXTENTACION hier, Lil Pump et Smokepurpp aujourd’hui, le virtuose a su imposer une patte sonore aujourd’hui familière au monde du rap, entre dérivé de la drill, influences métal et basses extra-saturées. Les plus aventureux oseront parler de game-changer, et l’on aurait tort de leur opposer un non trop catégorique.

Napoléon LaFossette

Pink Flamingo

Il aura suffit d’un peu moins de deux ans pour mettre à mal la notion de « rap français », devenue quasi-obsolète. Car à l’heure où nous parlons, il y a de fortes chances que votre rappeur français préféré soit belge… ou peut-être suisse. Et s’il est suisse, vous l’avez sans doute déjà entendu sur des productions signées Pink Flamingo. Aussi connu en tant que Varnish La Piscine, il est l’architecte sonore d’une Superwak Clique très en vue en 2017, et un fan invétéré du grand Pharrell Williams. Une influence que l’on perçoit aisément dans ses synthés féroces (« Wes Anderson », « Strike Mood ») et ses rythmiques groovy (« Algenubi »).

Lenny Sorbé

Mentions honorables : Pyroman, Steve Lacy, Junior Alaprod, Astronote, Murda Beatz.

TOPS SONS

TOPS CLIPS

Kendrick Lamar – « HUMBLE. »

« Sit down, be humble » : un refrain entêtant qui aura assurément marqué l’année 2017. Le 30 mars dernier, Kendrick Lamar surprend avec une claque visuelle – qu’il fait mine de donner dans le clip de « ELEMENT. » quelques mois plus tard – du nom de « HUMBLE. ». Seul dans la pénombre au milieu de ce qui semble être une église, un faisceau de lumière qui l’éclaire et vêtu d’une robe religieuse, Kendrick sonne la charge. Au rythme de l’imposante production – signée Mike WiLL Made-It – les plans larges, colorés et saisissants se succèdent, et K-Dot trempe dans un égotisme inattendu. Le clip est l’œuvre de Dave Meyers et du collectif « The Little Homies » – dont le rappeur fait partie. Amateur du contre-pied, Kendrick affirme cette propension en se positionnant une fois de plus là où peu l’attendaient.

Osain Vichi

Young Thug – « Wyclef Jean »

Ah qu’ils peuvent être capricieux, ces artistes ! On a beau oeuvrer dans leur propre intérêt, ils trouveront toujours le moyen de nous donner du fil à retordre. Ryan Staake en sait quelque chose. Pour illustrer le titre « Wyclef Jean » de Young Thug, le réalisateur avait esquissé les grandes lignes d’une vidéo on ne plus plus ambitieuse. 100 000 dollars de budget, des dizaines de figurantes, autant de mini-voitures, des bébés flics, une piscine… Sauf que le rappeur n’a pas daigné se pointer lors du tournage, et il a bien fallu improviser. De là, lui est venu une idée lumineuse : narrer – non sans humour – ce qui s’est avéré être un rendez-vous manqué. Faux clip, vraie réussite.

Lenny Sorbé

Jay-Z – « Moonlight »

Pour mettre en image sa critique du manque de représentation et de reconnaissance des Afro-américains dans l’industrie du cinéma et de la télévision, Jay-Z fait appel à Alan Yang (Master of None) pour la réalisation de cette parodie de Friends. Une critique qui rebondit alors sur l’erreur commise par Warren Buffet aux Oscars, offrant la statuette du meilleur film de l’année à La La Land, quand il revenait véritablement à Moonlight. Le casting exclusivement Noir de cette parodie, nous ramène à la série Living Singles, qui a largement inspiré Friends. Tous les personnages originaux sont ici remplacés par des talents Noir-Américains connaissent cette année des succès critiques : Issa Rae, productrice et rôle principal de la série Insecure, Lakeith Stanfield et Lil Rel Howory, tous deux apparus dans Get Out, satire sociale sur le racisme, la comédienne et humoriste Tiffany Haddish, qui fait la tournée des talk show avec son livre The Last Black Unicorn, Tessa Thomspon (Dear White People, Creed) et Jerrod Carmichael (The Carmichael Show).

Raïda Hamadi

Orelsan – « Tout Va Bien »

On ne donne pas assez de crédit aux prises de risques visuelles tentées par Orelsan depuis le début de sa carrière. Avec la sortie de La fête est finie, l’artiste revient à des principes plus simples mais tout autant efficaces : long plan séquence sur le clip « Basique », sur « Tout va bien » c’est la sobriété, l’image légèrement désaturée et laiteuse proposée par Greg & Lio, qui avaient déjà marqué les esprits avec « Jimmy » de Booba, « Or Noir » de Kaaris, « Amnésie » de Damso ou « Égérie » de Nekfeu. Cerise sur le gâteau, le petit garçon à la fin du clip dit une phrase en ukrainien avec pour traduction « Tout va bien », or il dit en réalité « Ne croyez pas tout ce qui est écrit ».

Frem Ganda

D.R.A.M – « Giligan » ft. A$AP Rocky & Juicy J

Ecouter D.R.A.M, c’est laisser toute la plus bête gaminerie en nous prendre le dessus, avec le plus grand des plaisirs. Le regarder aussi, d’ailleurs. Comme pour nous prémunir du blues de la fin d’été, le Virginian est venu nous amener en août un bijou de whatthefuckisme, en compagnie de Juicy J et d’A$AP Rocky. C’est au milieu d’un parking de supermarché que les trois compères se baladent, chihuahuas en mains, s’occupant à faire disparaître le tissu recouvrant les fessiers des ménagères grâce à leurs lasers oculaires. Le tout dans des tons très vifs, des décors à leurs vêtements, dans ce qui semble singer une société de consommation des 70s kitschisée, sans trop que l’on ne comprenne pourquoi. Une explication ?

Napoléon LaFossette

TOP FILMS

Moonlight, de Barry Jenkins

Sacré « Meilleur film » aux derniers Oscars, Moonlight ne traite pas seulement d’un homosexuel afro-américain qui tente de survivre au milieu du ghetto floridien. Le long-métrage de Barry Jenkins questionne l’identité humaine et dépeint la complexité de trouver sa place dans la société – et de s’accepter en tant qu’individu. Sur fond d’un esthétisme immaculé, coloré et poignant, Moonlight suit l’évolution de Chiron jusqu’à l’âge adulte. Une mère dévastée par le crack, un père absent que remplace un dealer du quartier, une sexualité qui le tiraille : à travers une immersion dans le quotidien cruel du protagoniste, Moonlight met en scène une poursuite renversante du bonheur.

Osain Vichi

Detroit, de Kathryn Bigelow

Politique, puissant, violent, mais surtout nécessaire. Detroit filme d’abord la fureur générale des émeutes qui secouèrent « la ville de l’auto » à l’été 1967, avant de zoomer sur un fait sanglant. Réel. Kathryn Bigelow nous immerge alors entre les murs d’un motel, où des noirs se donnent du bon temps. Jeux naïfs et descente de police. C’est le début d’un huis clos qui étouffe, terrifie, bouleverse et révolte. On n’en sort pas tout à fait indemne. Sans jamais tomber dans le manichéisme, le film dénonce l’injustice d’un système qui protège les uns et bafoue les autres. Plus actuel que jamais.

Marine Desnoue

M, de Sara Forestier

Dans un monde parallèle, M aurait pu être un Disney comme le sont La Belle et La BêteBlanche-Neige et d’autres. Parce qu’au premier abord, on a l’impression que les personnages et l’histoire sont aseptisés et que le dénouement est d’une telle évidence. Ce conte de fée réel est généreux en émotion et avare en réplique (quel bonheur !). Mais le tour de force de la réalisatrice-actrice Sara Forestier repose sur une prestation magistrale de Redouane Harjane, juste et précis de la première à la dernière minute. C’est simple, si l’histoire repose sur le binôme amoureux, il est évident que Mo – à l’écran – polarise l’attention, minimisant malgré lui l’apport de l’actrice.

Frem Ganda

Get Out, de Jordan Peele

Que de chemin parcouru par Jordan Peele, depuis les débuts du show Key & Peele sur la chaîne Comedy Central, il y a quasiment cinq ans. Fort de ce succès, la moitié du binôme s’attèle à réaliser son premier film au cinéma, qu’on ne saurait classer en film d’horreur, en comédie ou pourquoi pas encore, en film d’horreur satirique nuancé par une touche de comédie. Pour faire passer la pilule. Puisqu’il serait – apparemment – bon de rire de tout à travers l’expression artistique, rions du racisme ordinaire, rions des clichés et de l’hypocrisie ambiante qui se joue et se prolifère chaque jour. Mais par pitié rions ensemble, ne rions pas l’un de l’autre.

Frem Ganda

Grave, de Julia Ducournau

Élevée dans une famille végétarienne, Justine est forcée d’ingurgiter un rein de lapin cru lors d’un bizutage, après avoir intégré une école vétérinaire. C’est là que la jeune étudiante, à son propre étonnement, se découvre un instinct carnivore… un poil trop prononcé, dirons-nous pour l’euphémisme. Croyez-le ou non, ce scénario sans grande prétention a accouché de l’une des plus franches réussites récentes du cinéma d’horreur à la française. Froid et morbide, Grave dérange, irrite, surprend. Il questionne, aussi. Car dans sa manière de représenter le cannibalisme, on devine bien que la réalisatrice Julia Ducournau se fait (malgré elle ?) l’écho de la cause animale, en nous invitant – par l’extrême – à porter un autre regard sur nos habitudes alimentaires. Subtile.

Lenny Sorbé

TOP SÉRIES

The Deuce, de David Simon et George Pelecanos

Pour tout amateur de The Wire, chaque nouvelle série scénarisée par David Simon est un événement en soi. Au programme de The Deuce ? Une exploration du Manhattan des 70s, et son petit monde de la nuit. Prostituées, macs, serveurs de bars, mafieux et flics s’y côtoient dans un délice de réalisation. Installant le décor d’une fiction s’annonçant passionnante, David Simon cherche une nouvelle fois à mettre la lumière sur les ficelles, à nous montrer comment les femmes de la rue sont peu à peu devenues femmes de l’objectif alors que les premiers pornos commençaient à être autorisés. Avec le lot de débrouillards et gangsters que cela amène, tous cherchant évidemment à s’emparer du butin naissant. Une première saison unanimement appréciée.

Napoléon LaFossette

Ozark, de Bill Dubuque

C’est comme si les dieux cathodiques avaient enfin entendu nos lamentations après nous avoir laissé orphelins de Breaking Bad il y a un peu plus de quatre ans. Bye bye Showtime, Netflix accueille cette nouvelle série dans la plus grande des chillances, donc. Avec cette nouvelle politique géniale qui a complètement transformé l’univers des séries TV : le binge watchingOzarkc’est l’histoire d’un père de famille pragmatique mais plein d’illusions, c’est l’histoire du pardon, de l’adolescence, du risque, du secret. Tout cela sous fond de traffic de drogues à grande échelle. Ou pour faire simple : jusqu’où iriez vous par amour…de l’argent ?

Frem Ganda

Insecure, de Larry Wilmore et Issa Rae

Tout est parti d’une websérie The Misadventures of Awkward Black Girl, où les aventures romancées d’Issa Rae et d’un dilemme amoureux centré autour d’un personnage socialement maladroit qui exorcise sa gêne dans des freestyles improvisés face au miroir de sa salle de bain. Insecure reprend ce scénario, et l’adapte à un personnage aux portes de la trentaine entourée d’amies de plus ou moins bon conseils. Si la première saison souffrait quelques faiblesses dans ses intrigues, la saison 2 trouve enfin son rythme et donne à Issa Rae toute la lumière qu’elle mérite. Mention spéciale à la bande son de la série.

Raïda Hamadi

Stranger Things, de Matt et Ross Duffer

Après une première saison phénoménale, qui a étanché la soif de nostalgie des fans de Spielberg et des Goonies, la série Stranger Things a repris en 2017. Will, Mike, Lucas et Dustin sont de retour pour affronter les monstres de l’Upside Down aux côtés d’Eleven. Même si le scénario de la saison deux perd l’effet de surprise et de rebondissement de la première saison, celle-ci réussi a accrocher ses spectateurs et à nourrir leur affection pour ses jeunes héros. Au risque de s’essouffler, une troisième saison est tout de même prévue pour 2019.

Raïda Hamadi

Rick & Morty, de Dan Harmon et Justin Roiland

Un vrai-faux poisson d’avril. C’est ainsi que la chaîne Adult Swim a donné le coup d’envoi de la saison 3 de Rick & Morty, prenant de court et de surprise les inconditionnels de la série. Le ton est donné. On se laisse alors emporter par l’ivresse malsaine du savant fou, qui nous traîne de force dans ses mésaventures loufoques, tel son petit-fils craintif et étourdi. Toujours autant d’humour noir et de références malignes pour cette troisième saison, mais des épisodes plus denses que jamais. Puis quel genre de show peut se targuer d’avoir poussé McDonald’s à ressortir de ses stocks poussiéreux une vieille sauce de 1998 ?

Lenny Sorbé

TOP EXPLOITS SPORTIFS

La saison de Russell Westbrook

Au départ, pourtant, peu auraient fiché leur billet sur OKC dans la course aux playoffs. Il faut dire que le Thunder avait laissé filer sa superstar, Kevin Durant. C’était sans compter sur le zèle d’un Russell Westbrook hors classe. Le meneur ne s’est pas contenté de porter sa bande à bout de bras jusqu’en post-season, il est devenu le deuxième joueur de l’histoire à boucler une saison en triple-double (31,6 points, 10,7 rebonds et 10,4 passes). Mieux, il aura fait sauter en prime le vieux record de 1962 d’Oscar Robertson, en compilant 42 triple-double au total. Alors, son titre de MVP, personne n’aurait pu lui disputer. Pas même Harden, Kawhi ou LeBron. Cette saison-là, le Brodie planait bien trop haut. Et dans quelques dizaines d’années, son nom habitera toujours les mémoires.

Marine Desnoue

Chapecoense qualifié en Copa Libertadores

2016 les avait laissé meurtris, endeuillés, effarés. Décimés aussi, puisqu’ils n’étaient que six a avoir survécu au terrible crash du vol 2933 de LaMia Airlines, qui avait privé Chapecoense de ses rêves de glorieux triomphe en Copa Sudamericana. Solidaire, le monde du football s’était rapidement porté au chevet du club brésilien. Mais qu’à cela ne tienne : tout était à reconstruire. Alors Chapecoense s’est reconstruit. Et de quelle manière : emmenée par l’ancien lillois Tulio de Melo – qui avait gracieusement offert ses services au club qu’il représentait déjà en 2015, la formation de Chapecó est parvenue à accrocher une huitième place de championnat, synonyme de second tour de Copa Libertadores. Difficile de rendre plus bel hommage à tous les disparus.

Lenny Sorbé

Le Handball français

« Personne te regarde comme le handball. » Ok, certes. Mais quand il s’agit de voir la France gagner, c’est bel et bien du côté du handball qu’il faut jeter un oeil, n’en déplaise à Booba. Dès janvier, les Experts s’en allaient conquérir devant leur public un quatrième titre de champion du monde, le sixième de la France. Une manière comme une autre de cimenter un peu plus leur place parmi les plus grands de l’Histoire du sport collectif. Comme si ce n’était pas déjà assez, ils ont ensuite été imité par leurs homologues féminines, qui ont de leur côté ajouté un second sacre mondial à leur palmarès. Quand bien même ils ne semblent pas le quémander, il serait peut-être temps de leur accorder l’intérêt qu’ils méritent.

Lenny Sorbé

Le dixième titre mondial de Teddy Riner

On le bouscule, un peu, mais à la fin, c’est toujours lui qui gagne. 144 victoires d’affilée, exactement. Et des sacres qui se comptent sur les doigts des deux mains. Du jamais vu. Cette année, c’est un neuvième puis un dixième titre de champion de monde que Teddy Riner est allé décrocher. Le premier dans la catégorie reine, celle des poids lourds (+100 kg) à Budapest, en septembre, le deuxième « toutes catégories » à Marrakech, en novembre. Le double champion olympique entre encore un peu plus dans l’histoire du sport français. De l’histoire tout court.

Marine Desnoue

Le Real Madrid de Zinédine Zidane

Le parcours du Real Madrid sur la scène nationale et européenne force le respect et l’admiration. Que dire de cette seconde Champion’s League glanée au détriment de la Juventus, des 18 buts marquées par Cristiano Ronaldo dans cette même compétition, de la Supercoupe de l’UEFA remportée face au FC Séville ou de la Coupe du monde des clubs gagnée face à l’équipe nippone du Kashima Antlers ? Rien, excepté des compliments dithyrambiques largement méritées par l’équipe coachée par le demi dieu Zinedine Zidane. Et si nous lui souhaitons encore pas mal de titres à la tête du club, on ne peut s’empêcher à rêver de voir le Marseillais prendre les rênes de l’Équipe de France.

Frem Ganda

TOP SNEAKERS

TOP INSTAGRAM

@anderson_.paak

Anderson .Paak pense son compte Instagram comme sa musique : façon puzzle. Une mosaïque d’images pop, poétiques et surréalistes, qui dessinent une fresque sans fin. Les œuvres signées Simone Cihlar, une artiste « collage » allemande, mettent en scène le chanteur à dos de tortue ou d’espadon, dans les airs, sur un vaisseau spatial, sur la Lune, au ski, au fond de la mer… Puis, ici ou là, une vidéo donne vie à chaque tableau. Un contre-pied sublime à la vacuité imposée par l’immédiateté des réseaux sociaux.

Marine Desnoue

@wwwesh.studio

Fraîchement créé, ce studio de création en pleine ébullition importe la culture street dans le monde du design. Depuis leur atelier bagnoletais, les sept designers du collectif imaginent des objets, du mobilier, des visuels, des livres ou des vêtements, puis proposent leurs services créatifs. Leur Instagram présente leurs inspirations, expérimentations et œuvres finies, comme ce bougeoir graphique, ce trench métallisé réversible ou ce porte-clés en plastique fluo.

Marine Desnoue

@avanope

Tout a commencé avec ce sweat Champion, dont le « C » brodé s’était calé au milieu d’un logo Gucci. De quoi embraser Instagram. Puis il y a eu les sneakers Nike estampées Gucci, Prada, Dior ou Givenchy, le jean « Just don’t », le t-shirt Fila/Fendi, la ventoline Vuitton, le ballon de basket Dior ou la robe en dustbags Prada. Ava Niuri mélange les styles et superpose les logos, invente un luxe trivial et urbain. Ironie de l’histoire, ses bootlegs ont généré des centaines de copies. Elle, ne contrefait pas. Elle « re-designe » et « re-contextualise ». Son objectif : moquer le consumérisme et la logomania. Adoubée par Dapper Dan, cette styliste, rédactrice et photographe chaperonne aujourd’hui  la stratégie de contenu digitale d’Helmut Lang.

Marine Desnoue

@kirbyjenner

Kirby Jenner, c’est ce petit mec à moustache qui se fantasme en jumeau caché de Kendall Jenner. Avec une maîtrise parfaite de Photoshop et une couche d’humour, il détourne et s’incruste sur une flopée de clichés aux côtés du clan Kardashian. Ici, déguisé en fraise au premier rang d’un défilé ou là, en slip sur un cheval derrière Kendall. Près de 750 000 curieux se délectent à découvrir ses aventures loufoques sur Instagram.

Marine Desnoue

@miniswoosh

Pour cette mordue de sportswear, Instagram est le terrain de jeu idéal. Elle y expose ses vestes, bananes, colliers, pantalons, t-shirts, hoodies, cabas, salopettes ou pulls DIY, tous frappés d’une virgule. Alexandra Louise Champion Hackett déconstruit des accessoires ou des vieux vêtements Nike, pour en faire quelque chose de plus urbain, plus audacieux. Au départ, la designer australienne customisait pour le sport. Puis, en créant son label ALCH à Londres, elle en a fait son fonds de commerce.

Marine Desnoue

TOP « KEL FIN TERRIBLE »

Patrice Evra

Pour ponctuer une carrière aussi riche en trophées qu’en déclas couillues, Patrice Evra largue ses amarres du côté de la Canebière, en janvier 2017. Ça fleure bon la retraite dorée, sous le soleil azuréen, en toy boy d’un OM nouvellement friqué. Sa routine hebdomadaire nous le confirme : dimanche, il trottine après son opposant direct sur les pelouses de Ligue 1 ; lundi, il pousse les frontières du malaise sur Instagram. Le cirque dure jusqu’en novembre, avant que « Tonton Pat » ne décide de partir sur un coup de tête de pied, que dis-je ? un véritable mawashi geri adressé à l’un de ses propres supporters en marge d’un match de Ligue Europa. « I love this game ! »

Lenny Sorbé

Les Blackfaces

On ne vous demande pas de comprendre ni de savoir qui a raison ou qui a tord, on demande simplement de l’empathie. On ne dit pas que vous êtes racistes, on dit que vos actions reflètent une ignorance et qu’aujourd’hui l’amalgame est vite fait. On ne vous demande pas de choisir entre l’opinion d’un Rohff et celle d’un Kalash, tout comme on ne vous demande pas de choisir entre le mot « black » et le mot « noir ». Le mal est plus profond… Mais qui sommes nous pour juger, alors que nos rappeurs claquent des « négros » à tout bout de champ ? Qui a le droit de le dire ? Qui le dira ? « Calmos les amis »… faites preuve d’empathie. C’est aussi simple que ça.

Frem Ganda

« Se queda »

Nous sommes au début de l’été, et après un démarrage poussif, le mercato du PSG s’emballe enfin. Et pour cause : il se murmure que Neymar serait « tout proche » de rejoindre club dont il a été le bourreau quelques mois plus tôt en Ligue des Champions. L’hypothèse d’un transfert record se consolide un peu plus chaque jour… jusqu’à l’intervention de Piqué. Il lui suffit d’un tweet, d’une légende, d’une photo, pour balayer d’un coup les rêves à voix haute des supporters parisiens. « Se queda ». Catalans et marseillais s’en donnent à coeur joie, mais oublient la force de persuasion du carnet de chèques de Nasser. Quelques semaines plus tard, c’est bel et bien avec le PSG que Neymar s’engage, laissant les ex-trolls à la merci des ex-trollés.

Lenny Sorbé

La chute d’Harvey Weinstein

Tout a commencé par une enquête du New York Times, qui renseignait les accusations de harcèlement sexuel et de viol portées à l’encontre de Harvey Weinstein, alors fondateur avec son frère, de la Weinstein Company et membre de l’Academy of Motion Picture Arts and Science qui remets les Oscars. Parti de là, les témoignages se multiplient, et le public crie au scandale touché par les témoignages glaçants de leurs actrices préférés. Jusqu’ici, Harvey Weinstein n’a pas été condamné, mais les langues se délient et la discussion est finalement ouverte sur ce qui n’était qu’un secret de polichinelle, une inconvenance tolérée au prétexte d’un folklore d’un autre temps et de la pression du pouvoir. Mais tout ne s’arrête pas là, et d’autres acteurs/réalisateurs/producteurs voient leurs actions dénoncées. Sur la liste : Kevin Spacey (renvoyé de House of Cards), Louis CK (dont le dernier film a tout simplement été annulé), Ben Affleck, Brett Ratner, Bryan Singer, Steven Seagal, Ed Westwick… Et tout comme le scandale s’est déversé sur d’autres prédateurs, il déborde au-delà du monde du cinéma pour aborder le domaine du harcèlement sexuels dans le milieu professionnel. Une chute méritée qui aura aussi eu le mérite de son utilité.

Raïda Hamadi

La dernière course d’Usain Bolt

Usain Bolt est une légende. Une espèce rare de sportif, charismatique au point d’attiser une curiosité certaine pour sa discipline, y compris auprès de ceux qui s’en désintéressent habituellement. Car en le regardant dans ses oeuvres, le spectateur s’attendait naturellement à vivre un moment d’Histoire. L’annonce de sa retraite était un déjà déchirement en soit. Mais le scénario de son épilogue l’a été encore plus. Aujourd’hui encore, on ne peut admettre qu’Usain Bolt ait « terminé » sa carrière. Pas plus qu’il n’a « terminé » sa dernière course, les muscles de sa cuisse gauche l’ayant lâché sur la lancée de son ultime sprint. Aïe… Merci tout de même pour toutes ces performances époustouflantes.

Lenny Sorbé

Mentions (dés)honorables : le retour manqué de Joke, l’élection de Donald Trump, l’annulation de PNL à Coachella, les tromperies de Kevin Hart, Rohff et ses réseaux sociaux.

Il n’y a pas à dire, Sabrina Bellaouel est douce comme le R&B et les bonnes ondes qu’elle dégage nous parviennent immédiatement, même à travers un coup de téléphone en bas débit. On s’en doutait un peu, parce que son EP Illusions, lui aussi, transmet quelque chose de la chaleur humaine et offre un moment d’accalmie en huit titres. Ses chansons emportent l’auditeur dans un décor tamisé où les murmures sont mélodiques et les berceuses suaves.
On a quitté l’oasis le temps d’une conversation, histoire d’en apprendre davantage sur la chanteuse et de comprendre d’où vient ce sable dans nos chaussures…

La première fois que je t’ai entendue chanter, c’était dans une vidéo de The Hop…

The Hop, ce sont les premiers musiciens avec qui j’ai fait de la musique et du live. On s’est tous rencontrés au même moment, entre 2008 et 2009. On a décidé de monter ce groupe-là pour vraiment s’éclater sur scène, faire de la bonne musique. On avait envie de transmettre tout ce qui nous rapprochait dans le hip-hop et dans la soul. Et surtout de réarranger les morceaux. De personnifier ce truc-là en France, c’était très important pour nous et ça a duré quelques années. On faisait des reprises, des medleys… Et on réécrivait par-dessus. C’est surtout Espiiem qui réécrivait. Et moi je chantais en général les refrains de Badu, de Georgia Anne Muldrow, enfin toutes les figures fortes du hip-hop américain.

Qu’est-ce que ça t’a apporté ?

C’était mes premières expériences scéniques avec des musiciens live. Et… il faut savoir que je suis quelqu’un de très très timide. C’était vraiment compliqué pour moi au début ce rapport au public parce que je ne savais pas comment me placer. En fait, j’ai eu beaucoup de chance parce que je n’ai pas commencé seule, je n’ai pas été leader de ce groupe-là. Il y avait Kema et Espiiem pour partager la scène avec moi, et j’en tire une grande force. C’était hyper formateur. On avait une vraie dynamique de travail, on se voyait assez souvent pour répéter, on allait chez les uns et chez les autres pour trouver des idées, et du coup moi j’ai mis un petit pied dans la composition. On a pas mal tourné et après chacun a eu envie de faire son propre truc. De mon côté, Espiiem a pas arrêté de me tanner : «Faut absolument que t’écrives ton projet, faut que tu sortes ton truc toute seule», etc. C’est devenu une sorte de grand-frère, de mentor, de guru…

Tu es donc aujourd’hui très proche de son label, Orfèvre, mais aussi du label GrandeVille.

Espiiem est arrivé au bon moment avec son idée d’EP de trois titres, c’était parfait pour me lancer en solo. Je n’avais pas la structure, je n’avais pas le format… Lui m’a toujours poussée à sortir mon projet, alors comme j’avais quelques instrus de AAyhasis ou de Myth Syzer sur mon ordinateur, j’avais écrit des paroles et des mélodies et ça s’est fait comme ça. Mais je fais partie de ces deux familles. Mon rapport à eux c’est… celui des amoureux de la musique. On fait du son ensemble, on collabore. En revanche je suis indépendante aujourd’hui, je ne suis signée nulle part. Ça me tenait à cœur de sortir Illusions dans l’indépendance totale.

Pourquoi ça ?

C’est une question un peu complexe… Ça sous-entend que je ne voulais pas m’inscrire dans un projet avec eux mais… Espiiem est arrivé, au même moment je travaillais déjà avec GrandeVille, sur les projets de Jimmy Whoo… Ensuite, j’ai exploré plein de thèmes hyper différents, de musiques complètement différentes et j’avais besoin de temps pour écrire et pour explorer tout ça, pour composer un truc solide. Ça ne correspondait pas forcément aux attentes de ces labels. Et moi j’avais besoin de me libérer de tous les carcans. D’avancer à mon rythme. De ne pas avoir de pression et je pense avoir trouvé la bonne formule. Je travaille en indé mais en même temps je travaille avec des artistes d’Orfèvre et des artistes de GrandeVille… donc c’est parfait.

Tu peux me parler de ta troisième famille, le VenusCityGang ?

Bien sûr. C’est mon crew. Ce sont des femmes qui sont dans divers milieux et qui composent mon équipe. L’idée c’est qu’on se pousse dans nos domaines respectifs. Il y a des artistes, des techniciennes, des esthètes, des intellectuelles… Plein de femmes vraiment différentes. Mais on est animées par le désir d’aller vers la lumière ; en tout cas, d’apporter quelque chose de lumineux. Et de transmettre quelque chose de bon et de sain, dans tous les domaines que ce soit. C’est hyper divers. Pour l’instant c’est un peu mystérieux et j’aime bien que ça le soit [rires]. On placera des petites touches de VenusCityGang au fur et à mesure pour le définir, mais pour l’instant on est encore en construction.

Tu as l’air très influencée par les autres domaines artistiques, comme la poésie et la peinture…

J’ai découvert que j’étais synesthète. Il y avait pas mal d’écrivains et de peintres du XXe siècle qui l’étaient aussi. Et il y a ce poète belge qui m’a ravi les sens [E. Verhaeren, ndlr]. Il m’a pas mal influencé, surtout pour les interludes. Pour «Left Right», et pour l’outro aussi. Je trouvais ça brillant dans les images et dans les couleurs. Ça m’a donné envie d’explorer l’idée de l’espace avec les réverbes. J’aime vraiment beaucoup cette idée d’espace. J’ai craqué une suite sur Logik, un programme qui me permet de régler la réverbe et de la mettre dans des lieux différents. Par exemple il y a une réverbe dans une cathédrale, une autre dans un lieu confiné. Et je suis hyper influencée par la peinture, j’aime beaucoup Vallotton. Surtout dans la représentation des corps, des corps nus dans des milieux aquatiques, avec des femmes, dans les bains… Ce rapport entre les femmes qui n’est jamais ambigu, qui est très doux et qui est très fin, et qui me rappelle moi-même les hammams avec ma famille. Il utilise des couleurs très douces, très apaisantes. Je trouve que la musique est très visuelle. Dans la composition, tout n’est que nuance et dégradé : c’est vraiment comme la peinture. Il n’y a pas de couleur pure ; la couleur est diluée ou prononcée. Pour moi, c’est exactement la même chose pour les notes.

Il y a quelque chose de très sensuel dans ta proposition musicale. Qu’espères-tu provoquer chez ton public ?

En fait je ne peux pas me positionner autrement qu’en tant que femme du coup… Je n’ai pas envie de tout ramener à la féminité ou à la question sexuelle dans ma musique, parce que je pense que c’est universel. Mais la sensualité c’est une chose que je trouve magnifique et j’ai des modèles de femmes autour de moi qui sont sensuelles et qui n’ont jamais été vulgaires. Et pour moi c’est vraiment ça, être une femme. En tout cas c’est dans ça que je me reconnais. Je pense que ça transparait dans la musique. Une certaine idée de la sensualité : être confortable avec qui on est. Comme je te l’ai dit, les femmes qui m’entourent dans lesquelles je me reconnais ont ce côté hyper sensuel et en même temps très pudique, très humble, et je trouve ça extrêmement beau. Et dans la pochette c’est l’idée que je voulais véhiculer. Au premier abord c’est hyper trouble, l’image est presque froissée et on reconnait de loin les courbes… Mais quand tu t’approches tout est un peu masqué, un peu trouble. C’est vraiment l’idée du finement pudique que j’ai envie de transmettre, plus ou moins… Sensuel, mais jamais vulgaire.

Est-ce que le R&B permet d’exprimer ces choses-là mieux que tout autre genre ?

Pour moi chaque style – parler de «style» c’est déjà se mettre dans un carcan –, chaque musique, est vraiment libre. Il n’y a pas de terrain gardé pour la sensualité. C’est vrai qu’on en voit énormément dans le R&B et dans la pop. L’hypersexualité des femmes, c’est un truc dans lequel je ne me reconnais pas du tout. Le R&B est un terrain où tout est possible et j’avais envie d’exprimer mon rapport à la femme et à la sensualité dans ce courant musical-là qui est vraiment un terrain de jeu pour l’expérimentation. Je considère vraiment ma musique comme quelque chose d’hybride, en constante évolution et en constante transformation… sinon je m’ennuierais beaucoup trop.

D’après ce que j’ai compris, tu as toujours pratiqué la musique de façon éclectique, protéiforme.

Oui, c’est vrai que j’ai commencé par le gospel hyper tôt, à l’âge de 16 ans, ce qui m’a permis d’avoir un bagage assez technique et en même temps ça m’a permis, moi très timide, d’extérioriser mes émotions. Après il y a eu le punk, qui était vraiment un moyen de faire de la musique hyper frontale, j’avais besoin de cette énergie-là. Il y a aussi une partie plus introspective de mon écriture : j’écris des chorales, à trois, quatre, ou cinq voix qui sont des chorales assez froides. C’est plutôt du classique contemporain. Je me suis beaucoup inspirée d’un artiste qui s’appelle Arvo Part, qui écrit de la musique chrétienne pour église. J’aime beaucoup. J’aime me sentir bouleversée dans la musique parce que je ne peux pas définir. Donc tout ça, ça fait partie de moi, et j’ai envie de le mettre en avant, peut-être dans des prochains projets. Mais c’est vrai qu’il y a plusieurs Sabrina Bellaouel. Pour l’instant, je mets en valeur la partie R&B.

Mais alors pendant une année comme 2017, qu’est-ce que tu as écouté par exemple ?

Des albums, il n’y en a pas beaucoup. Il y a l’album Endless, la deuxième partie de ce projet magnifique de Frank Ocean, que j’ai beaucoup écoutée. Il y a aussi le dernier album de Radiohead, A Moon Shaped Pool. Je les ai vus sur scène à Arras, c’était tellement beau, tellement plein d’émotion ! Et puis Jonny Greenwood ! Il est incroyable ce mec. Je pense aussi à l’album de Solange, A Seat At The Table… Après j’écoute beaucoup plus de choses qui sont sorties bien avant ; Jill Scott, Tweet, et Georgia Anne Muldrow qui est une artiste féminine qui m’a beaucoup influencée. Bon, et il y a l’album de Bjork qui est incroyable ! Les visuels sont fous. Et le James Blake, qu’il ne faut pas oublier.

Je me demande qui est Sabrina Bellaouel dans la vie de tous les jours, en dehors de la musique.

J’ai vendu des cheveux pendant un an ! J’étais commerciale. J’ai vendu des perruques, des mèches, des synthétiques, des naturels… Entre Barbès et Château Rouge. C’est le métier pratique qui m’a permis de financer ce projet-là. En tout cas j’étais dans un bureau et cette expérience-là a vraiment confirmé mon rejet total de cette vie-là, tapie derrière un ordinateur… C’est vraiment pas pour moi [rires] !

Ton premier projet solo, c’était donc Cheikh, chez Orfèvre. Tu le regardes comment aujourd’hui ?

Avec le recul, ce projet je le vois comme un prélude à ce qui va arriver plus tard. Ça représente vraiment qui j’étais, quelles étaient mes influences aussi à ce moment-là lorsque je l’ai composé avec les différents producteurs. J’ai fait quelques scènes pour le mettre en avant – j’ai dû en faire trois, pas plus. Et après c’est vrai que ce qui a suivi c’est une longue traversée du désert émotionnelle pour moi… Je n’arrivais plus ni à écrire, ni à composer. Et plus il faisait hyper froid, l’année dernière l’hiver a duré hyper longtemps ! Du coup c’était compliqué pour moi de trouver l’inspiration. J’en ai eu marre. Je suis partie en Algérie. À ce moment-là je travaillais encore à Château Rouge ! Je vendais encore des cheveux et j’ai pété les plombs, je leur ai dit : «Je vais arrêter». Je suis partie. J’ai pris mon billet pour le bled, c’est là-bas que j’ai écrit tout l’EP.

Qu’est-ce qui t’a permis de retrouver l’inspiration en Algérie ?

J’ai écrit cet EP dans des cocons, dans des cocons de famille. Entre Batna, Alger et Oran. C’est un pays qui est tellement complexe et plein de contradictions… De manière générale, les contradictions m’inspirent. Mais ce qui m’a donné envie d’écrire, c’est le rapport des algériens à l’amour. Il y a une pudeur et une humilité… et un certain degré de passion… et c’est en fait le savant mélange de tout ça qui m’a donné l’inspiration sur toutes les histoires… et les mots. Après, en termes d’images je me suis mis en quarantaine : j’étais dans Batna, c’est une petite ville entourée de hauts plateaux et de montagnes. Oran c’est la mer, Alger c’est la ville. Une espèce de mélange de pleins de trucs différents dans lequel l’amour est central.

Au début j’avais pensé faire une comparaison entre le clip que tu as sorti et celui de The Blaze, «Territory», puis j’ai abandonné parce que je trouvais que c’était un rapprochement un peu rapide. Mais avec ce que tu me dis, je trouve que ça fait vraiment sens.

C’est vrai que quand j’ai vu ce clip là je me suis dit «wahouh» ! C’est superbe de mettre en valeur comme ça l’Algérie. Et le récit derrière m’a énormément touchée. C’est l’Algérie, donc ça me touche automatiquement, mais ils auraient pu faire la même chose à Shangaï ou au Kilimandjaro ! C’est fort parce que c’est un retour aux sources, une famille qui se retrouve, c’est là que c’est puissant. L’expression de leurs visages est tellement belle, tellement naturelle, tellement vraie. C’est fou à quel point il est fort. C’est pas le clip qui m’a donné envie de tourner en Algérie : ça, ça a toujours été mon rêve. Raconter l’Algérie de manière différente. Malheureusement, c’est un pays qui n’est pas tellement mis en valeur dans nos sociétés occidentales. Et finalement, je trouvais ça bien de faire un petit peu comme The Blaze, d’associer cette musique électronique hyper occidentale à ce pays.

J’ai le sentiment que ton travail prône une certaine authenticité. Quelque chose de ce retour aux sources dont tu parles, ce côté home made.

Lorsque je compose un projet j’ai vraiment envie de marquer des temps, des pauses. Je trouve ça dur à digérer les albums où tous les bangers s’enchaînent. J’ai besoin de souffler, de silence, de changement de lumière, de changement d’espace. Qu’on ait l’impression de voyager. Émotionnellement aussi. En tout cas j’avais envie que les gens se projettent et voyagent par projections. Je pense que c’est une entreprise hyper ambitieuse mais en tout cas c’est cette fonction-là que j’ai voulu donner au petit «Me, Danny and Cars» qu’on a fait avec mon guitariste. On avait vraiment envie de marquer un temps de respiration, c’est comme un moment volé.

Tu peux me raconter l’histoire autour de ton clip «L’eau» ?

Hannah Rosselin et moi, ça a vraiment été un coup de cœur artistique. Elle, elle avait déjà tourné des films et des courts-métrages à Cuba, à Los Angeles, en Palestine… Et quand elle m’a montré ses images je suis tombée amoureuse ! Elles n’avaient pas encore de musique alors je lui ai filé l’EP. On s’est rendues compte que ça collait parfaitement. On s’est dit qu’on allait écrire. Elle m’a demandé ce que je voulais raconter, j’ai parlé de l’Algérie. On s’est mises d’accord, et on s’est organisées pour partir ensemble. On est parties là-bas dix jours avec l’idée de tourner un clip et on est revenues avec énormément d’images : deux clips et un documentaire. Le clip de «Illusions» va sortir en janvier, et le documentaire, qui est plus sur la genèse de l’EP et ce vers quoi je me dirige dans le futur, musicalement, ce sera peut-être pour le mois de février ou de mars. On organisera une projection.

Ta musique elle-même est très cinématographique, c’est un peu comme une histoire sonore…

Je suis très contente que ça puisse être perçu comme ça. C’est vraiment hyper visuel pour moi et j’ai besoin de, comment dire… Lorsque j’ai écrit ce truc-là avec les gars – parce que c’est principalement des gars –, je n’ai pas écrit de «scénario». C’était des collaborations, des trucs qui trainaient, des trucs que j’ai laissé mijoter dans mon disque dur et sur lesquels je suis revenue après. C’était un vrai puzzle et je n’ai rassemblé toutes les pièces qu’à la fin. Donc ce scénario je l’ai écrit presque en dernier, en essayant de créer ce passage entre la tension et le relâchement. Ce sont vraiment des choses qui me tiennent à cœur. C’est ce mélange-là qui me permet de me sentir bouleversée par la musique. C’est vraiment : «Est-ce que j’ai le temps de respirer à ce moment-là ?». On n’a pas le temps de respirer entre le premier et le deuxième morceau. C’est avec «L’eau» qu’on commence à s’ancrer et à se poser tu vois, à vraiment profiter. Après, il y a «Legalize» qui est plus terrienne, avec des gros kicks, beaucoup moins de réverbe. Et «True Love Dies» qui est une sorte d’envolée un peu lyrique, et qui est complètement cinématographique pour moi. J’aimerais bien qu’on la prenne pour une pub ou pour un film.

Ton EP est très cohérent dans son esthétique. De la pochette aux titres, en passant évidemment par les atmosphères musicales. Tout se prolonge.

J’ai eu la chance de travailler avec deux esthètes, deux artistes que j’admire beaucoup. Hannah Rosselin, dont je t’ai parlé, et Maxime Wolff qui a conçu tout le design graphique. On a de nombreux points en commun, on a la même idée du beau, ce qui nous a beaucoup rapprochés. Et c’est vrai que même les titres sont très graphiques, on a beaucoup travaillé les visuels avec Maxime. Le premier titre est un «I» pour… «Introduction» ! Et «O»… la première lettre de «Outro». Tout simplement [rires] ! Je trouve que ce ne sont pas de jolis mots. Je voulais garder les premières lettres, comme des symboles. Le morceau «Illusions», lui, appelle le titre de l’EP, c’est le thème principal de tous les morceaux. Le mirage des sens dans notre quotidien, et surtout la confiance qu’on leur donne. En fait, lorsque j’ai écrit tout ça en Algérie, j’ai beaucoup réfléchi à cette question des mirages. Et à la vérité. Et je me suis dit que les choses étaient vraies jusqu’à un certain point mais qu’il y a aussi beaucoup d’informations qui nous échappent… Et puis, croire qu’une chose est réelle parce que tu désires qu’elle le soit… Chaque titre de l’EP explore ce sujet-là dans des situations concrètes.

Que raconte la chanson «Legalize» ?

Ça n’a rien à voir avec la marijuana [rires]. C’est vraiment un leurre. En fait, je parle de notre société, de cette société de masques où les gens passent par de futiles conversations hyper superficielles pour éviter de révéler qui ils sont réellement. Je dis : «legalize what you say you do», c’est-à-dire : «retire ton masque et dis-moi réellement qui tu es». L’idée c’est vraiment d’assumer qui on est et ce que l’on dit, parce que ça a une réelle conséquence en fait. On a chacun une énorme responsabilité et l’énergie qu’on transmet est importante. J’ai tellement été dans ce milieu-là ; dans la musique, tu rencontres beaucoup de gens qui parlent, qui… Voilà, enfin… Tu vois ce que je veux dire, je vais pas trop m’éterniser là-dessus [rires] !

Dans «O», tu chantes avec quelqu’un d’autre ?

Non, c’est moi ! En fait, il y a trois voix et les trois sont les miennes. Il y en a une qui est dans ma tonalité de base et les deux autres sont dépitchées, j’ai changé la hauteur tonale. Et celle dont tu parles, je la trouve hyper intéressante parce qu’elle est masculine, elle change presque le timbre. J’aime bien cette idée-là.

Est-ce que tu comptes faire plus de dates avec Illusions qu’avec Cheikh ?

Je vais faire quelques dates avec mon DJ qui est aussi l’ingé son qui a travaillé sur tout l’EP, il s’appelle Johnny Ola. Et avec mon guitariste Daniel Malet. Pour l’instant, on va partir sur cette configuration-là, à trois. Pour ce qui est de mes projets futurs, je pense que je vais être accompagnée des musiciens de The Hop… La famille. C’est l’équipe parfaite, parce qu’on se connaît tellement bien.

Si je me souviens bien, tu disais dans la table ronde de YARD travailler majoritairement avec des hommes.

J’ai toujours été entourée uniquement par des hommes dans la musique. Et malheureusement hein… Je m’entends très très bien avec eux ! Dans le domaine des arts, je ne fais pas attention aux sexes, à l’appartenance sexuelle. Je ne fais aucun amalgame, je trouve que c’est liberticide. J’ai eu la chance de rencontrer des musiciens talentueux, qu’ils soient hommes ou femmes. Quand on m’a invitée à la table ronde de YARD, j’ai trouvé ça intéressant d’échanger avec ces chanteuses qui partagent la même idée que moi de la musique. Je les ai trouvées hyper ouvertes et hyper talentueuses. Avec May Hi, on s’est retrouvées plusieurs fois pour bosser, soit chez moi, soit chez elle. C’est une excellente beatmakeuse, ce que je trouve admirable parce que ça existe très peu ici, en France.

Tu vas continuer à collaborer avec des rappeurs ?

J’ai fait pas mal de collaborations, où tu vois, je suis la seule meuf sur un refrain avec des rappeurs… J’en ferai encore mais vraiment beaucoup moins… Maintenant, j’ai vraiment envie de faire mes trucs quoi ! Et pourquoi pas faire l’inverse en fait. C’est là que ça peut beaucoup plus m’intéresser. Demander à des rappeurs de poser sur un refrain ou de faire l’intro sur un de mes projets… Mais ça dépend vraiment, là, il y a une collaboration avec Jazzy Bazz qui va arriver sur son prochain album, une interlude en français… Je marche au coup de cœur.

À l’occasion de la sortie du nouveau casque Studio 3 Wireless, Beats s’est associé à l’artiste Pieter Ceizer pour un évènement nommé « Beats 1 of 1 ». Adepte de la typographie et de la sérigraphie, Ceizer est un ancien de la Royal Academy Academy of Arts de la Hague et a même fondé studio Ceizer, un label de vêtements inspiré de ses oeuvres. C’est dans une petite salle intime du marais que des personnalités parisiennes sont venues se faire customiser leur casque, le rendant ainsi unique.

Kalash Criminel, Sarah Andelman, Kekra, Louise Chen ou encore Dinos font partie de ceux qui ont pu échanger avec l’artiste sur le design a dessiner en direct sur leur casque. En plus du Beats Studio 3, les invités sont également reparti avec Oh Yes Book, le second livre de Ceizer qui contient 135 pages de typographies, d’estampes et de peintures de l’artiste. Le casque Studio 3 Wireless est dès maintenant disponible sur le site Beats.

Photo: Alyasmusic

Afin de justifier leur fascination pour l’Ouest, les Américains imaginent le concept de « Destinée Manifeste ». La Providence en aurait décidé ainsi, leur attraction pour le soleil couchant est irréversible, divine. Au bout du voyage, Kendrick Lamar, 03 Greedo, Mozzy et Lil B observent le ciel californien comme un test de Rorschach pour connaître le destin que Dieu leur a réservé. Y ont-ils vu un aigle porté par des vents ascendants ou des mouettes tournoyer comme des charognes ?

Du texte de To Pimp a Butterfly ont d’abord été retenues les charges politiques contre les inégalités raciales, puis la célébration de la culture afro-américaine et des hommes Noirs. Le single “Alright” est même devenu un hymne du mouvement Black Lives Matter. Après l’élection de Donald Trump, qui laisse la moitié des États-Unis dans la torpeur, Kendrick Lamar semble tout désigné pour devenir au moins un symbole, si ce n’est un leader, de l’Amérique qui n’est pas représentée à la Maison Blanche. On attendait de DAMN. qu’il soit un navire chargé d’explosifs, sûrement parce que nous avions sous-estimé l’autre grand thème de l’album précédent. Pour échapper à un mal être persistant, Kendrick Lamar avance aussi, à tâtons, dans une quête éminemment personnelle.

La religion a toujours été présente dans ses albums, mais sur DAMN. Kendrick Lamar prend un tournant radicalement spirituel, avec un vocabulaire plus biblique que jamais. En racontant son histoire à rebours, il cherche dans ses actes et dans sa réussite les signes de son élection divine. «Nobody pray for me» remarque t-il tout au long du disque. Pris par la force de son message, le public, sa famille, ses amis, ont arrêté de s’intéresser au messager.
Pour questionner son rapport à Dieu, Kendrick fait son examen de conscience, distingue ses péchés de ses imperfections. Il est temps d’être humble, d’oublier la luxure, d’interroger ses peurs, mais aussi son ADN, sa famille, sa communauté. «Don’t call me black no more,» demande t-il finalement. Détaché de tout, et même de la vie puisqu’il l’a perdue dès l’introduction, Kendrick voudrait devenir le «Juif errant» de l’évangile, ce mythe de l’individu ultime et accompli.

En ne se proclament plus Noir mais «Israélite», Lamar se libère peut-être du poids que To Pimp A Butterfly a laissé sur ses épaules. Il ne se sent pas devenir le représentant de quoi que ce soit, il n’est qu’un rappeur. Et se faisant, pose en creux une question à l’auditeur, seul juge, et donc Dieu pour un artiste : Ai-je le droit de vous être déloyal, de ne pas être le messie que vous attendiez ?

En se tournant vers lui-même, Kendrick Lamar recentre sa musique vers son essence rap. Les influences jazz sont d’avantage digérées, les arrangements plus minimalistes et l’impression de groupe que laisse l’album précédent a disparu. Plus sombre et lancinante, l’ambiance rappelle Aquemini, qui était aussi, pour OutKast, l’album de la «libération». Kendrick Lamar s’essaie plusieurs fois à une écriture plus répétitive, épurée en gimmicks, l’interprétation est moins burlesque que sur le groove de TPAB et les apparitions de George Clinton et Ron Isley ont été remplacées par des emprunts de textes et de flows à Juvenile et Chief Keef. Sur “DNA.” par exemple, la production switch à la moitié pour laisser échapper des cris de Street Fighters : Lamar devient Kung Fu Kenny, subitement obligé d’élever son niveau technique pour un duel rap contre le beat de Mike Will qui nous renvoie à son combat intérieur.

La vie du plus grand rappeur en activité est-elle anecdotique ? Kendrick démêle ce nœud qui lui tord l’estomac avec “DUCKWORTH.”, un storytelling placé en conclusion de l’album et presque comme apex de toute sa discographie. Dans cette histoire délibérément cachée jusqu’à aujourd’hui, il raconte comment Top Dawg, son producteur, a failli assassiner son père. Si ce meurtre avait eu lieu, K. Dot n’aurait jamais existé, mais il faut croire que sa destinée était écrite, et le pire est évité.

La révélation de cette quête sacrée et individuelle est donc la foi en l’effet papillon, en la répercussion que peut avoir l’anecdotique. Les histoires personnelles, les actions individuelles, pour peu que l’on puisse avoir le choix, ont une valeur, même au milieu des grandes intrigues du Monde. «What happened on earth, stays on earth» mais peu importe, tout ce qui arrive a du sens. Il n’est donc pas utile d’attendre l’intervention d’un quelconque messie pour agir et, tous ensemble, nous sommes l’homme providentiel. C’est là que se cache la dimension politique de DAMN. Une fois conscient de cela, comme le suggère Kendrick Lamar, il faut réécouter l’album à l’envers pour que Duckworth soit rhabillé de ses peurs, de sa fierté, de ses origines sociales et raciales, de tout ce pourquoi il doit se battre, en sommes.

Lui n’a pas attendu le moindre signe du Ciel pour se persuader d’être quelqu’un d’exceptionnel. Un jour, 03 Greedo a pris la décision de se faire tatouer «Living Legend» d’une joue à l’autre, annihilant toute possibilité de mener une vie normale ou de travailler dans un bureau. Ce tatouage est venu rejoindre la grappe de raisins dessinée sur sa tempe gauche, le logo Jordan Brand à l’envers sur sa tempe droite, le uzi de son menton et les deux lettres G qui relient ses sourcils.

Il y a à Los Angeles un découpage administratif, et suivant celui-ci, Greedo vient de la cité Jordan Down dans le quartier de Watts. Il y a aussi un découpage officieux suivant les territoires que se partagent les gangs, et d’après celui-là, Greedo est, comme ses parents avant lui, né membre des Grape Street Crips. «Jordan Down», «Grape Street», soudainement tous ces tatouages farfelus prennent un sens. Ce sont des marques d’appartenances, une carte d’identité que Greedo porte sur le visage.

Après la mort de son père dans un accident de moto, Greedo et sa mère vont vivre une vie nomade, déménager à Kansas City, puis Atlanta et St. Louis, avant de revenir à Los Angeles. Pris dans la culture des gangs, Greedo manque de perdre une jambe, fait quelques allers et retours en prison, avant de prendre sa vie en main. Il aimerait être vivant et libre après 30 ans, l’âge où son père est décédé. C’est parce qu’il a pris le destin par derrière qu’il retourne le chiffre 30 et devient «03 Greedo».

Les Californiens ont leur propre tradition de rappeurs chanteurs, et sont longtemps restés hermétiques aux babillages auto tunés venus du Sud. Mais comme beaucoup d’artistes de la génération ratchet music, 03 est marqué par le rap louisianais, rêve d’être un croisement de Lil Wayne et Lil Boosie. Ses chansons, qu’il produit souvent lui-même, sont noyées sous les effets et sa voix éraillée prend parfois l’accent des rappeurs de la Nouvelle Orléans.

Les trois volumes de Purple Summer empruntent effectivement au rap du Sud et du Midwest mais jamais sans que Greedo ne l’infuse dans son propre jus de raisin. Sa musique garde quelque chose de californien, que ce soit dans les textes ancrés dans la ville ou en mélangeant ses influences dans la culture locale, ses sirènes funks, ses rythmes ratchets et ses samples aériens. Dans ces mixtapes de presque deux heures, le Future de Dirty Sprite se métamorphose en Shaggy puis en Juvenile codéiné, et toutes les pistes expérimentées, avec ou sans machine, en rap, en chant, sont unifiées sous un glaçage d’auto tune et de filtres cotonneux.

Mafia Bussiness” est le titre qui fait exploser 03 Greedo à Los Angeles. Eloge funèbre de Mafia Ray, une figure bien-aimée des Grape Street Crips, cette chanson dégage pourtant quelque chose de joyeux. Les pistes vocales superposées donnent l’impression d’entendre un chœur d’église, et le mix étrange fait flotter la mélodie dans les airs. Tous ces artifices décuplent l’émotion et donnent envie de chanter à tue-tête. Dans la vidéo, le rappeur est caché au milieu des amis et de la famille du défunt, pendant que s’enchaînent les plans sur la foule et leur quartier. C’est pour eux qu’03 Greedo écrit des titres comme Mafia Bussiness.

De la musique dansante et émotive pour gangbangers, voilà comment 03 Greedo résume son rap polymorphe. Comme il le répète, les gangsters ont des vies stressantes et n’expriment pas ce qu’ils ressentent par peur d’avoir l’air fragile. Son sacerdoce est d’être le réceptacle de toutes ces douleurs, et de les chanter à la place de ceux qui n’osent pas le faire.

Enregistré en quelques heures, la nuit qui succède sa sortie de prison, First Night Out est tout aussi inclassable que les Purple Summer. L’album, qu’iTunes range dans sa rubrique soul/r’n’b, s’ouvre avec Greedo marmonnant par dessus une voix pitchée, puis s’enchaînent les titres tabassés de basses saturées, chantés en voix de tête ou rappés comme les complices de YG. Les pistes vocales doublées et pleines d’échos, comme enregistrées dans un hall d’aéroport, donnent au timbre de Greedo une patine céleste, et le mélange de mélodies bluesy à des productions éthérées rappellent autant le gangsta rap d’Atlanta que le cloud rap d’Oakland.

Mis en confiance par sa récente signature sur Alamo Records, le nouveau label de Todd Moscowitz chez Interscope, 03 Greedo se laissait jusqu’à la fin de l’année pour réaliser la prophétie tatouée sur son visage et devenir une véritable living legend. Son retour était prévu pour l’anniversaire du Christ, avec un album de Noël intitulé Boot Season, mais le matin du 14 décembre il est arrêté au Texas pour une vieille affaire.

Une balle dans le cou, une balle dans la tête, une balle dans la gorge. À Sacramento, 1 Up Top Ahk est un head shot triangulaire, signifiant aux copains qu’on a du plomb dans le barillet mais pas de droit à l’erreur. De l’argot violent mais poétique, à l’image du dernier album de Mozzy.

Dans sa langue cryptée, Mozzy confesse les traumatismes d’une vie pleine de contradictions. Elevé par une grand-mère black panther, ancien enfant de chœur gospel, Timothy Patterson a pourtant décidé de rapper la guerre des gangs qui vérole Sacramento. Sur “Bladadah” ou “Yellow Tape Activites”, il campe un meurtrier accro à l’adrénaline du meurtre. Mais la sensation d’être un Dieu avec le droit de vie ou de mort finit toujours par s’estomper, le crime de sang laisse alors place aux châtiments psychologiques. C’est pourquoi Mozzy raconte aussi le contrecoup, la tristesse inconsolable et les séquelles de cette guerre sur sa communauté.

Sur 1 Up Top Ahk, Mozzy met en avant le côté faillible de sa personnalité et le versant introspectif de sa musique. Avec le single “Take It Up With God”, il lorgne plus que jamais sur son héritage gospel. Le titre et son vidéo clip racontent la tristesse d’une femme dont le fils a été assassiné. À la fois juge et coupable, prêcheur et pécheur, Mozzy assume une place moralement intenable, sa conscience étant torturée par une réalité plus complexe que les fables religieuses.

En Californie, il est coutume d’accompagner ce genre de confessions criminelles par des samples de smooth jazz, de r’n’b des années 1980 et de voix pitchées sur des basses funk. C’est une manière d’adoucir la dureté des textes, popularisée notamment par la mob music des Mob Figaz au début des années 2000. Sur 1 Up Top Ahk, les compositions au piano sont rejouées, même les voix féminines qui hantent les productions semblent avoir été enregistrées et non samplées. Un premier effet est de rendre l’atmosphère plus émouvante que sur les précédents albums. Les productions en deviennent aussi plus discrètes, et laissent plus que jamais le premier rôle aux textes de Mozzy.

Il y a son vocabulaire plein d’inventions et d’argots, qui transforme les dollars en fromage, l’argent facile en double pas, les balances en souffleurs, et un sens de l’image poignante, qui raconte toute une histoire en peu de mots. «Thankfull for the prostitutes, assuming that we soulmates», dit-il sur « Sleep Walkin« , et en une phrase écrit mille et une histoires d’amours platoniques tout en évoquant la culture pimp nord californienne. Sur le refrain, il compare les effets de ses drogues à un rêve éveillé dans un tourbillon d’allitérations à la Cam’Ron Gilles, pour faire de ce titre l’un des plus beaux de l’année.

Douces et mélodiques, les meilleures chansons du disque essaient de relier l’église à la rue, invitent à combler les vides laissés par la mort dans l’amitié loyal et l’amour fraternel. C’est aussi pour ça que Mozzy appelle ses compères «Ahki», «frères» en arabe. Comme beaucoup de choses de sa musique, Mozzy a certainement emprunté ce mot à The Jacka, leader des Mob Figaz, qui s’était converti à l’Islam dans sa jeunesse. Ce dernier est d’ailleurs présent sur l’album à titre posthume, bien conscient de l’influence qu’il a sur sa musique, Mozzy rend hommage à cette légende locale, assassinée il y a deux ans, avec le titre M.I.P. (Mob In Peace).

Le 22 octobre 2017, pendant le Festival Rolling Loud à Mountain View, Lil B débarque sur scène pour annoncer qu’il n’assurera pas son concert. Ému et la lèvre enflée, il vient de se faire agresser par l’entourage d’A Boogie et de PNB Rock. À l’origine de l’embrouille, un tweet où il remarque que certains new yorkais ressemblent plus à Dej Loaf qu’aux légendes de Brooklyn. Senti visé et vexé, A Boogie a voulu se faire justice.

Le lendemain pleuvent les annonces de soutien et les promesses de vengeance, mais c’est la réaction de Lil B qui donne à cet énième beef une saveur particulière. Le BasedGod s’est montré miséricordieux, a demandé immédiatement à ce qu’aucun acte violent ne soit commis, et ajoute n’avoir que de l’amour pour ses agresseurs, de jeunes garçons perdus et abusés par l’Amérique, tout comme lui. Historiquement violent et à l’affut du sang quand il s’agit d’opposer les artistes, le milieu du rap est surpris, au point d’applaudir comme un seul homme ce message pacifiste. Et Lil B devint le premier artiste tabassé et racketté sortant unanimement vainqueur d’un beef entre rappeurs.

Depuis Thraxxx et 6 Kiss, Lil B a le pouvoir de rendre réel tout ce qu’il énonce. Il lui suffit de demander la paix pour l’obtenir, de maudire Kevin Durant pour retarder son premier titre NBA, ou de dire qu’il est un Dieu pour le devenir aux yeux de son public. D’ailleurs, de quoi Lil B The BasedGod est-il le Dieu ?

Après presque une décennie d’attente, la réponse est venue de Black Ken. Sur cet album dont il parle depuis 2009, Lil B semble tisser une harmonie entre les facettes de son étrange musique. Dans sa discographie, on trouve des chansons de cloud rap liturgique, où il répand la positivité sur des samples doux comme un nuage. Il y a aussi ses morceaux clubs surréalistes, qui font se croiser Bill Clinton et Paris Hilton dans des partouzes de dauphins lesbiens. Et il a ses titres boom-bap, parfois presque spoken word, où il célèbre la liberté et l’identité noire sur des violons ou des enregistrements de cascades. Cette schizophrénie a contribué à façonner son image étrange pour certains. Pour certains mais pas pour tous, dans sa région d’origine, la Bay Area, Lil B n’a jamais été considéré comme un artiste «bizarre».

La Bay Area est la région d’Husalah, rappeur aux grandes réflexions ésotériques obsédé par le meurtre. C’est la région de Boots Riley de The Coup, MC et militant de la révolution prolétarienne. Et c’est aussi celle de Too $hort, qui s’amuse à différencier les odeurs de cyprines sur ses mains, parce qu’il a doigté toutes les femmes de Californie. Qu’un assassin mystique, un révolutionnaire et un maquereau puissent se croiser et se côtoyer serait farfelu partout ailleurs, mais pas autour de la baie de San Francisco, pas dans la région qui a vu naître la secte de Charles Manson, aidé Huey P. Newton à fonder les Black Panthers et où tous les pimps du pays se retrouvent annuellement pour la plus grosse conventions de macs au monde. Tous sont à part égal une composante de la culture locale. Et une chose devient évidente aujourd’hui, grâce à Black Ken : Lil B représente à lui seule toute ces facettes de la Bay Area.

Pour produire Black Ken, le BasedGod emprunte les machines martiennes de son ami Young L. Avec des synthétiseurs lasers et les basses d’un vaisseau spatiale funk, il recrée le son de la mob music originelle de Too $hort, avant d’avancer dans le temps, au grès des flows old school : on retrouve les farces salaces de Digital Underground, la mystique d’Andre Nickatina, les cris de Master P époque TRU, le hyphy de Keak Da Sneak et même quelques rythmes latinos. C’est toute l’histoire du gangsta rap nord californien qui est retracée au fil de l’album, que Lil B relie consciencieusement à sa propre musique et à son époque. Du décalage entre futurisme et style rétro, né un son aussi funk que cartoon, comme si le BasedGod avait coulé son héritage dans un moule en plastique, pour rejouer ces époques avec des poupées Barbie. Oui, si Lil B est un Dieu, il est celui de la Bay Area et de toute la Californie du Nord.

Pour ScHoolboy Q ou Vince Staples, tourmentés par les flics véreux de James Ellroy, le rêve Californien ressemble à une terreur nocturne. Mais des siècles après, la «Destinée Manifeste» continue tout de même de faire effet sur les Américains. OMB Peezy a volé un camion U-Haul pour émigrer de l’Alabama vers la Californie et mélanger le Sud à la Côte Ouest. Payroll Giovanni rêve de l’imiter et de fuir Détroit pour Oakland. Freddie Gibbs a donné un nouvel élan à sa carrière en s’installant à Los Angeles, Mac Miller et Chief Keef y sont même devenus romantiques.

Parmi les locaux, les gangsters hédonistes Jay 305 et Jay Worthy organisent orgies et barbecues au bord de piscines aux dimensions olympiques, le nostalgique G-Perico envoie des cartes postales g-funk venues du passé, et Nipsey Hussle annonce un all-in pour 2018 avec un album aux allures de blockbuster. Cette histoire de destinée divine est peut-être bien réelle finalement, il ne nous reste plus qu’à déterminer si les bandanas du Très-Haut sont plutôt rouge, ou plutôt bleu.

Pour la première fois, le House of Vans débarquait à Paris pour un festival 100% axé autour de la skate culture. C’est dans un hôtel particulier au centre du 5ème arrondissement que la marque californienne s’est installée pendant deux jours, avec différentes rampes et structures de skate, un food truck, un bar et des platines pour une excellente ambiance.

Le samedi était le coeur du festival, avec des démonstrations de la team Vans et des concours de tricks qui ont vu des skateurs pro et amateurs se défier à coup de backsides, kickflips ou encore tré-flips. Les visiteurs avaient aussi droit à une exposition photographique et vidéo Thrasher, un atelier de customisation de board et un atelier de tatouage mené par les artistes de L’encrerie. Le dimanche gardait les principales activités de la veille, mais était plus axé famille avec des ateliers de skate pour les plus petits et une démonstration de live painting par l’artiste Nairone.

Pour clôturer la journée de samedi, le YARD Winter Club s’est installé dans l’hôtel pour une soirée avec des lives survoltés de Giggs et Roméo Elvis, qui a fait la surprise d’inviter Lomepal sur le morceau « Billet ». Si vous n’y étiez pas, les photographes David Sqwad et Farès Kammourieh ont capturé pour vous les meilleurs moments. Pour encore plus de turn up, rendez-vous ce vendredi 22 décembre pour notre habituel YARD Winter Club. Retrouvez toutes les infos par ici.

 

 

 

C’est le genre de disque enjoué que l’on écoute pour s’accorder une petite pause lumineuse dans la grisaille de son quotidien. Mais attention : Good For You a beau être festif dans la forme, il se veut autrement plus nuancé dans le fond. Car son interprète, Aminé, n’est pas du genre à faire semblant de sourire quand le moral n’y est pas. Il se présente comme un gamin ordinaire, issu de la classe moyenne de Portland, qui baisse son froc quand il faut faire ses besoins. Un peu comme tout le monde. À la différence que lui comptabilise plus de 200 millions de vues sur YouTube pour un morceau conçu dans sa petite chambre de jeune adulte. Pas si commun.

Illustrations : @enoraone

Cela fait un peu plus de quatre mois que tu as sorti Good For You, ton premier album studio. En quoi ce projet est-il censé être « bon pour moi » ?

Je ne pense pas nécessairement qu’il faille se demander « en quoi » il peut être bon pour toi, ce n’est pas la principale question. C’est à toi de voir si tu veux qu’il soit bon pour toi. Si tu l’écoutes, si tu sens la vibe, si tu te sens inspiré par l’album, s’il te rend heureux, s’il parvient à produire l’effet que je voulais qu’il produise, alors j’ai rempli ma part du travail et c’est là que mon album va être « bon pour toi ». Mais je pense qu’il faut plutôt se demander « pourquoi » il est bon pour toi. Je pense que l’album est bon pour ceux qui l’écoutent parce que c’est une musique plus honnête. Tu sais, dans la culture hip-hop, on a tendance à être beaucoup dans l’ostentation, et cela peut parfois donner l’impression aux fans qu’on est meilleur qu’eux. Donc quand tu me vois sur ma pochette d’album, complètement nu et assis sur des chiottes, tu te dis que ça ne peut qu’être honnête dans la mesure où c’est ce que n’importe quel humain fait. Ce n’est pas comme si j’essayais de prouver aux fans que je leur suis supérieur ou que ma vie est un objectif inatteignable pour eux. Je pense que mon album peut aider les gens à se dire qu’ils peuvent réussir ce qu’ils veulent dans la vie.

Good For You est sorti à un moment où le rap semble être de plus en plus triste, avec ce mouvement de l’emo-rap et de nombreux rappeurs qui évoquent leur détresse en musique. As-tu le sentiment que les gens avaient besoin d’entendre un album aussi optimiste que le tien ?

J’aime beaucoup le fait que tu aies dit « optimiste » et non « joyeux », parce que beaucoup de gens – sous prétexte que ma musique n’est pas particulièrement sombre – disent que je fais des sons « joyeux ». Ce n’est pas mon but. Au fond de moi, je ne suis pas quelqu’un de profondément heureux. Je suis un humain, qui doit faire face à ses troubles et ses problèmes, comme n’importe qui. Mais l’album est effectivement optimiste parce que j’ai envie de voir les choses de manières plus positive. Si jamais je suis triste ou déprimé, je doute que faire de la musique encore plus ténébreuse m’aidera à aller mieux. C’est pourquoi j’essaie de faire en sorte que mes morceaux soient plein de vie.

Dans cette scène emo-rap, Lil Peep a récemment succombé à son mal-être et à ses addictions. C’était pourtant des sujets qu’il évoquait ouvertement dans sa musique, mais il faut croire que personne n’a été là pour l’aider. Quel est ton ressenti là-dessus ?

Personnellement, je ne prends pas de drogues. Donc je ne vais pas être du genre à te dire de ne pas en prendre, parce que je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour en parler. Mais pour être honnête, il y a vraiment des excès dans le monde du hip-hop. Et beaucoup de personnes trouvent ça très cool. Ça fait qu’à l’arrivée, quand certaines personnes se droguent parce qu’ils ont de réels problèmes, et qu’ils finissent par devenir accro, les gens ne prennent plus ça au sérieux. Parce que c’est devenu une norme maintenant. Il se pourrait bien que tu aies besoin d’aide, mais les gens se disent juste que tu es « cool » et ne te tendent jamais la main. C’est triste. Un décès est toujours une chose atroce de toute façon, surtout à un si jeune âge. Je suis plus âgé que l’était Lil Peep et je suis toujours jeune, c’est dire. Au bout du compte, le seul conseil que je pourrais donner aux autres gamins, c’est de ne pas en abuser. J’ai bien compris, c’est la vie : tu veux essayer certaines drogues, je ne suis personne pour t’en empêcher, chacun a ses vices et tu n’es pas obligé de t’en cacher. Mais quand même… Apprenez à connaître vos limites et ne soyez pas trop facilement influencé par ce qui se passe autour de vous. Faites ce dont vous avez envie. Si vous jugez que c’est bon pour vous, allez-y. Mais si ce n’est pas le cas, ne vous forcez pas. Ma mère disait : « Ne va pas sauter d’un pont si ton ami te dit de le faire. » La phrase typique des mamans. [rires]

« Il y a vraiment des excès dans le monde du hip-hop. Et beaucoup de personnes trouvent ça juste cool. Donc à l’arrivée, quand certaines personnes se droguent parce qu’elles ont de réels problèmes, les gens ne prennent plus ça au sérieux. »

Le titre de l’album sous-entend qu’il s’agit d’une sorte de médicament, du genre : « tiens prend ce comprimé, c’est bon pour toi. » C’est comme ça que tu conçois la musique ?

Ouais, complètement. La musique est un médicament. Point barre. C’est juste factuel de dire ça. Que ce soit des morceaux tristes, optimistes ou peu importe, les gens vont les écouter et ça va les aider comme aucun médicament ne pourrait le faire. Quand un gamin subit une opération, et qu’il commence à aller mieux, il continue d’écouter de la musique sur son iPod dans son lit d’hôpital parce que c’est la seule chose qui l’accompagne tout le temps. 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Donc oui, je pense que la musique contribue au bien-être des gens. Et je crois sincèrement que beaucoup d’artistes feraient bien de s’en rendre compte, et donc de s’en soucier un minimum. Je ne parle pas nécessairement de ce que chacun dit dans ses morceaux, mais au moins s’assurer de consacrer le temps et les efforts nécessaire à leur art. C’est très important, parce que la musique va vivre pour toujours. Tu sors ton morceau sur SoundCloud, les gens le téléchargent et continuent de l’écouter. Donc chaque son que je décide de sortir, je veux en être fier. C’est la raison pour laquelle je travaille énormément sur chacun de mes morceaux. Il faut que ce soit le bon produit, le bon médicament.

Tu as signé en maison de disque quelques mois seulement après la sortie de « Caroline », qui s’est avéré être un hit. As-tu ressenti une certaine pression au moment où tu as regagné le chemin des studios pour travailler de nouveaux morceaux ?

Évidemment. Quand un son devient populaire et que les gens le définissent comme un « hit », ils ont toujours tendance à se dire que cet artiste ne sera pas capable d’enchainer. Qu’il a juste réussi un coup d’éclat, qu’il est un « one hit wonder ». De mon côté, j’ai encore l’impression d’être un gamin. Le son dont on parle, je l’ai enregistré dans ma chambre. Voir les gens péter un câble dessus, c’est complètement fou pour moi. Je viens d’une petite ville, je n’ai pas sorti un million d’albums avant de faire un hit. Alors quand ça m’arrive, c’est beaucoup de pression. Mais je suis du genre à ne pas faire ce que les gens attendent de moi. Donc s’ils veulent un autre hit dans la foulée, qu’ils oublient. C’est pourquoi j’ai sorti « REDMERCEDES » juste après « Caroline », parce que « REDMERCEDES » est morceau de rap brut. Ce n’est pas le genre de son qui fera danser les petites blanches. [rires] C’est juste un son qui reflète comment je me sens. Quand je fais de la musique, je ne me soucie de l’avis de personne sauf du mien. Si j’aime vraiment un morceau, il sort.

Qu’en est-il de tes fans ? Leur avis compte t-il ?

Oui, j’écoute mes fans, mais plus à travers les concerts. Un son comme « Spice Girl » par exemple, il n’était même pas censé être sur mon album. J’aimais bien le morceau, mais je n’y pensais pas plus que ça. Jusqu’à ce qu’on le fasse sur scène, et que les gens deviennent fous. Il n’était même pas encore sorti à l’époque, mais quand j’ai vu les réactions qu’il suscitait, je me suis dit : « Ok, je vais clairement le mettre sur mon album. » Parce que les fans l’aimaient beaucoup, et que j’ai fini par l’apprécier d’autant plus. Les shows sont idéaux pour tester de nouveaux morceaux.

J’ai lu que tu désignais Pharrell, Andre 3000 et Kanye comme des principales sources d’inspirations. Si je te dis que ça se perçoit assez clairement, qu’est-ce que tu me dis ?

[rires] C’est une bonne chose. Enfin… c’est un très beau compliment pour moi.

Je vais préciser un peu ma pensée : en fait, j’ai le sentiment que ces trois artistes sont les pères de toute une génération de rappeurs qui ne correspondent pas à l’image que le grand public se fait du rappeur…

[Il coupe.] C’est ça ! Tu as tout résumé !

C’est en ça qu’ils t’inspirent tout particulièrement ?

Pour ce qui est de Kanye et d’Andre 3000, ce sont les deux premiers albums que j’ai acheté dans ma vie. The College Dropout et Speakerboxxx/The Love Below. J’avais dix ans, je ne savaient pas vraiment qui ils étaient, mais j’avais acheté leurs disques parce que j’aimais beaucoup leurs pochettes. Du coup, j’ai pris conscience très jeune de l’importance d’une belle pochette d’album. Ta pochette doit avoir un sens, un parti pris. C’est la chose que chaque auditeur verra dès qu’il voudra écouter ta musique. Donc il faut que ça leur donne envie de se plonger dedans. Au-delà de ça, vu que c’était les premiers disques que j’achetais, je connaissais les paroles par coeur. Je les chantais tous les jours quand ma mère me conduisait à l’école. Puis c’était des artistes qui repoussaient les limites de leur genre, c’était si différent de ce qui se faisait à l’époque… J’adore 50 Cent aussi hein, mais je me disais « Gars… ça n’a rien à voir avec 50 Cent. » La musique de Fifty est géniale. C’est du vrai hip-hop et j’aime ça aussi. Mais avec Kanye et Andre, c’est la première fois que j’entendais des rappeurs chanter. C’était du jamais vu. Aujourd’hui, je chante beaucoup parce que j’adore John Mayer et j’aime le R&B au moins autant que j’aime le hip-hop. Chanter ou rapper, c’est la même pour moi, j’apprécie les deux. Mais quand j’ai vu Andre 3000 et Kanye le faire, j’avais l’impression de découvrir un tout nouveau monde, et j’avais envie d’en être. Donc quand j’ai commencé à faire du son en grandissant, c’était inenvisageable pour moi de me restreindre au rap.

« Les gens n’ont pas de soucis avec les rappeurs qui parlent de choses qu’ils n’ont pas parce qu’ils attendent trop peu de choses des rappeurs et des artistes en général. Ils attendent de la musique, et c’est tout. »

Beaucoup de rappeurs parlent d’être « vrais » dans leur morceaux. De ton côté, tu as une manière assez différente de le montrer, qui revient simplement à être comme tout le monde. Ta pochette d’album illustre d’ailleurs bien cet aspect-là.

Exactement. Pour beaucoup d’artistes, être « vrai », c’est montrer à quel point tu as pu être pauvre, prouver que tu deales vraiment, que tu fais vraiment de l’argent. Mais pour moi, ainsi que pour les personnes réelles, être « vrai », c’est juste être soi-même. C’est être honnête et parler de ce que tu fais vraiment dans ta musique. Parce que si ce n’est pas le cas, les fans ont les moyens de s’en rendre compte. Ils ne sont pas stupides. Ils savent différencier l’artiste wack de celui qui est vraiment chaud, et qui est honnête dans sa musique. Des fois, quand j’ai un rendez-vous avec une meuf, avec des gens de mon label ou peu importe, j’arrive en conduisant ma Mercedes rouge et les gens sont étonnés. Genre : « Oh, donc tu as vraiment une Mercedes rouge ? » Donc moi je leur réponds : « Bah… ouais. Pourquoi j’aurais fait un son entier sur une Mercedes rouge si je n’avais pas de Mercedes rouge ? » [rires] C’est parce qu’aujourd’hui, les gens s’attendent à ce que les rappeurs parlent de choses qu’ils n’ont pas. Et c’est quelque chose que je ne ferais jamais. Je ne peux pas le faire. Je ne peux pas parler de Rolex alors que je n’aime même pas porter de montres. Je ne sais pas… pour moi, c’est ça être « vrai ». Parler de ce que tu aimes vraiment, de ce que tu es vraiment.

C’est marrant que tu dises ça parce que d’un autre côté, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, les auditeurs s’en foutent qu’un rappeur ne dise pas la vérité dans ses morceaux, du moment que la qualité du son est au rendez-vous.

Il y a beaucoup de trucs faux, mais les fans savent faire le tri entre ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas. Mais en soit, ce n’est pas parce qu’un artiste est matérialiste que sa musique ne présente pas d’intérêt. J’aime aussi la trap. Ça fait partie de la musique. Je ne cherche pas non plus à discréditer ce type d’artistes.

En novembre dernier, quelques jours après l’élection de Trump, tu es allé sur le plateau du Tonight Show de Jimmy Fallon, où tu avais interprété une version de « Caroline » qui comprenait un couplet plus engagé politiquement. Au vu des réactions, on dirait que beaucoup de gens ne s’attendaient pas à ça de ta part. Dans quelle mesure était-ce important pour toi d’élever ta voix à ce moment précis ?

Comme tu l’as dit, beaucoup de gens ne s’y attendaient pas parce que… [Il réfléchit] En fait, ça prouve bien ce que tu disais juste avant. Les gens n’ont pas de soucis avec les rappeurs qui parlent de choses qu’ils n’ont pas parce qu’ils attendent tellement peu de choses des rappeurs… Pas que des rappeurs d’ailleurs : des artistes en général. Ils attendent juste de la musique, et c’est tout. Mais quand tu observes de plus près, tu te rends compte que des gamins écoutent ce que je dis. Quand je publie quelque chose sur Instagram, ils le voient, ils le lisent. Et c’est puissant. C’est assez fou de se dire que j’ai un certain pouvoir juste avec mon téléphone. Donc là, on me dit que je vais faire ma première apparition sur une chaîne nationale et Trump est élu deux jours avant ; qu’est-ce que je suis censé faire ? Aller à la télé, chanter et danser, apporter un peu de joie aux gens et « Au revoir » ? Être juste un artiste parmi tant d’autres qui a fait un bon morceau et c’est tout ? Au bout du compte, la musique est la musique, mais si j’ai le pouvoir de dire ce que je veux, personne ne peut m’arrêter. On est en 2017, je ne laisserai personne m’empêcher d’exprimer mon ressenti sur tel ou tel sujet. Et c’est quelque chose que j’ai appris de grands artistes comme Kanye West ou Andre 3000. Alors quand je monte sur scène et que je lâche ce couplet, je ne suis pas en train de chercher de l’attention. Nique ça ! Je m’en fous parce que je suis sincèrement énervé. Mes parents sont des immigrants africains. Donc quand je vois mon président dénigrer les immigrants, ça me blesse. Ça me donne l’impression que je n’ai pas ma place ici. Le couplet, je l’ai écrit deux jours avant l’émission et je l’ai répété un million de fois parce que je ne voulais pas me manquer. C’était important.

À vue de nez, L’Encrerie aurait pu être un énième prestataire appelé à presser les quelques milliers de copies du feu YARD Paper. Mais non, loin de là. Sous cette enseigne au nom plutôt énigmatique, située au coeur du XIe arrondissement de Paris, se cache un salon de tatouage un studio de création réunissant toutes sortes d’artistes qui opèrent sur des supports variés, à commencer par la peau.

Ne parler que de tatouage serait hautement réducteur, quand on sait que certains d’entre eux ne manient pas l’aiguille, et que leurs inspirations s’étendent de l’architecture à la bande dessinée. Ce n’est pas là qu’on vous laissera piocher hasardeusement une esquisse de rose issue d’un catalogue aux pages écornées. Ici, votre chair n’est que la toile sur laquelle s’exprimera la « sensibilité visuelle » de Léo Gavaggio a.k.a Walter Hego, le maître des lieux. Ce-dernier nous a donné rendez-vous avec son associé Jey – dont la sobriété du style contraste avec son immanquable barbe rousse – pour évoquer avec nous son art.

Vous pourrez retrouver les virtuoses de L’Encrerie les 16 et 17 décembre à la House of Vans, qui s’installe pour la première fois à Paris. Pour plus d’infos, suivre ce lien.

Photos : @mamadoulele

Jey : « Ce que j’aime dans le tatouage, c’est ce processus de concrétisation. Les gens viennent nous voir avec des images qui sont souvent très floues, et nous fait en sorte de les concrétiser. Il y a quelque chose d’hyper-intéressant là-dedans. »

Léo : « On a toujours cette logique de prendre rendez-vous avec les gens et développer leur projet avec eux, mais ça reste selon une vision précise de ce qu’on a envie de faire. Dans le sens où on ne va pas te proposer une planche avec des roses, des têtes de morts… On a écouté tellement de musiques, vu tellement de films, bossé avec des tellement de personnes venant de milieux qui n’ont rien à voir les uns des autres, que ça nous apporte une manière différente de voir les choses. »

Léo : « Le nom ‘L’Encrerie’, déjà c’est très français. Jey, il est à fond sur tout ce qui est boulangerie, charcuterie… [rires] Depuis toujours il défend ça et moi j’ai tout de suite adhéré au côté authentique de la chose. De ne pas se faire bouffer par le côté ‘américanisé’, genre écrire ‘tattoo’ avec deux ‘t’ et deux ‘o’. »

Léo : « C’est aux autres de dire si on apporte quelque chose de neuf. Personnellement, je m’en moque un peu dans le sens où, en vrai, on n’invente plus rien aujourd’hui. Ce qui est vraiment cool, c’est le plaisir que tu peux prendre à revisiter des choses qui existent depuis toujours. »

Jey : « Avant, t’avais ceux qui montraient leurs tatouages, et ceux qui ne le montraient pas. Mais il n’y avait pas plus de tatoués chez les punks que chez les flics par exemple. C’est juste que les punks étaient en t-shirt quand les policiers étaient en chemise. Et tu ne voyais pas ce qu’il y avait en-dessous. Aujourd’hui, ça se démocratise… Quoiqu’en France, pas tellement. Je me rappelle de mes tout premiers trips à Londres, quand j’étais môme, il fallait que j’aille faire du change et le caissier de la banque était là avec une coupe de ouf, des piercings de partout… Mais il était en uniforme. Alors qu’à l’inverse, en France, il n’y a pas d’uniforme, mais il faut que tu rentres quand même dans un moule. »

Léo : « On en arrive au point où il y a tellement de gens qui sont tatoués, que ça m’arrive d’avoir des retours du genre : ‘T’as vu, je ne suis pas tatoué, c’est moi l’original aujourd’hui !’ Mais dès que j’entend ce genre de choses, je me dis surtout que ces gens ont de base un besoin de reconnaisse, s’ils en viennent à faire de genre de constats. »

Léo : « Le tatouage, ça a 30 000 piges. Et malgré ça, ceux qui en ont ont toujours été des parias. Aujourd’hui, je suis content parce qu’on s’est rendu compte que ce n’était pas ça le souci. Ce n’est pas là pour être dérangeant, et au contraire : ceux que ça dérange, c’est eux-mêmes qui sont dérangés. En vrai, c’est plus un instrument d’amour, de compréhension et d’expression de sa personne. »

 

«It’s a bird, it’s a plane, it’s a Don. The Don is coming» Comme un avertissement, l’intro de la première mixtape de Stefflon Don, donne la couleur. Mais qu’est-ce qu’un Don ? «Un Don, c’est quelqu’un qui devient ce qu’il aspire à être, quelqu’un de vraiment déterminé, quelqu’un de très respecté et de très respectueux.» Stephanie Allen, de son vrai nom correspond à cette description. Une femme forte et sans concession qui dégage une aura aussi bienveillante que redoutable, comme sa musique. Dans ses titres, les images sont graphiques, le langage est brut : «Je crois dans les figures de style et dans le fait de dire ce que je veux et ce que je ressens. Et j’ai l’impression qu’il faut parfois être franc pour être entendu.» Une franchise qui ne s’altère pas dans la transition du studio à la scène : «Je veux que le show soit authentique. Je veux qu’ils sentent que je suis exactement comme eux. Je veux qu’ils fassent partie du show et qu’ils s’amusent. C’est vraiment une question de positivité, ils faut que ce soit fun.»

C’est d’ailleurs avant un show à Paris, une première partie du concert de Future, qu’on la rencontre. Et à la voir aussi à l’aise dans ce « rôle » de rappeuse, cette voie nous paraît être pour elle quelque chose de naturel, comme une évidence. Étonnement, ça ne l’a pas toujours été pour elle : «J’ai toujours aimé le rap, mais ce n’est pas ce que je faisais. Je chantais, et je ne me retrouvais pas encore dans le hip hop. Alors j’ai essayé de m’y mettre plus sérieusement, de me l’approprier.» Résultat, elle y infuse à grosse dose ses influences jamaïcaine et le dancehall avec lequel elle a grandi et se lance en 2016, avec la mixtape Real Ting. 11 titres où elle invite les anglais Abra Cadabra, Tremz, Dutch, Donae’o, l’américain Jeremih, mais aussi la canadienne Fiona Bevan, dans un bonus track entre dance, pop et uk garage.

C’est à partir de là que les choses s’enchaînent pour elle. Si plusieurs labels remarquent son potentiel, elle ne hâte pas la signature. «J’avais plusieurs offres sur la table cette année-là. Mais ce qu’on me proposait n’était jamais suffisant. On a obtenu le deal que j’ai toujours souhaité et j’ai accepté.» Elle signe à 25 ans son label V-IV London pour la somme impressionnante de 1,2 million de livres chez Universal. «C’est vraiment une situation incroyable, d’être si jeune et de déjà avoir le privilège d’une signature en label. Ça veut dire beaucoup. J’espère pouvoir signer d’autres artistes.» Mais pas tout de suite. Pour le moment, l’artiste se concentre et met tout en oeuvre pour s’assurer son propre succès, mettre à profit sa signature pour la mener là où ses ambitions veulent la voir prospérer. Et sur le chemin, elle espère acquérir l’expérience qui fera d’elle le bon guide pour ses artistes. Un niveau d’exigence dont l’artiste acquière encore les pré-requis, en s’imposant dans tous ses choix artistiques et financiers, de la musique à la vidéo, elle touche à tout, mettant même en scène le kidnapping de sa mère dans le clip de « 16 Shots« . La prochaine étape ? La sortie d’un premier album, sur lequel elle travaille actuellement.

En attendant, elle enchaîne les collaborations. Notamment en tant qu’invité sur le hit estival « London » de Jeremih, où elle délivre un refrain obsédant et efficace, puis plus tard aux côtés de Skepta, sur « Ding-A-Ling » et son sample des Simpsons : «Je lui ai fait écouter, il a aimé le titre et on a collaboré dessus.» Un featuring avec Drake a aussi été évoqué, mais pas encore dévoilé. Quand on lui demande ce qu’elle pense du rôle du canadien dans le rayonnement des artistes anglais elle répond : «Je pense qu’il a définitivement joué pour une grande part là-dedans. C’est un artiste tellement énorme, j’ai l’impression que du fait d’ajouter des artistes anglais sur son album, de faire des featurings avec eux, tous ses fans vont forcément les écouter. Tu vois ce que je veux dire.»

Son avenir, elle l’imagine à la tête d’un empire. Si les Etats-Unis sont forcément dans sa ligne de mire et qu’elle a à ses côtés le parfait porte-parole, en la personne de Coach K (aujourd’hui manager de Migos et Lil Yachty), elle garde en tête les racines de sa musique et rêve d’un featuring avec Vybz Kartel, le tout en louchant fortement sur un marché africain florissant. Autant de publics à satisfaire avec une identité sur laquelle elle ne fera, encore une fois, pas de concession. «Je ne prévois pas de changer ma musique. Si elle change, ce sera parce que j’aurais grandi, parce que j’aurais vu des choses différentes.»

Photos : @samirlebabtou

De toute l’heure passée à échanger avec Mister V, son flot continu de parole ne s’interrompt que pour laisser place à un running gag moquant ses métaphores hésitantes et très alambiquées. Devant l’objectif, son visage se tord en toutes sortes de mimiques qu’aucun autre n’oserait, de peur d’avoir l’air ridicule. Intenable. On n’a pas de mal à le croire quand il nous dit qu’il n’aurait pu se faire à la discipline de la vie de bureau. Ce qu’il lui reste de sérieux, il s’en sert pour mener de main de maître une carrière qui se diversifie un peu plus chaque jour. Lui qui rêvait NBA se retrouve aujourd’hui à suivre les finales au plus près des parquets. Prendre le micro était une passion inavouée ? La voici matérialisée en un disque vendu à presque 100 000 exemplaires. Et désormais, c’est cette Amérique qu’il a tant fantasmée qui s’offre à lui. Mais que fait donc Yvick de sa vie ? Il coche une à une les cases vides de ses rêves.

Il y a neuf ans, tu publiais tes premières vidéos sur Dailymotion. Aujourd’hui, ton activité est si diverse qu’on ne sait même pas quel dénominatif utiliser pour te désigner. Qu’est-ce que tu réponds à celui qui te demande ce que tu fais de ta vie ?

Bah comme je l’explique souvent, il n’y a pas vraiment de mot en fait. On appelle ça « entertainer » généralement. Parce que sinon, youtubeur[Il réfléchit] Déjà je ne suis plus « seulement » youtubeur. Puis maintenant, ça ne veut plus dire grand chose dans la mesure où les youtubeurs font de tout. Est-ce qu’on va me mettre dans la même case qu’un youtubeur beauté ou lifestyle ? Le youtubeur, c’est juste une personne qui poste des vidéos sur YouTube. Donc oui, j’en suis un, mais vu que ça regroupe tellement de choses, je ne peux pas être « que » ça. Non pas que ce soit réducteur, mais je pense m’être ouvert à d’autres axes artistiques, que ce soit la musique, le cinéma ou la scène avec le Woop. Plein de choses qui sont allées plus loin que juste être dans ma chambre et parler à ma caméra, même si j’aime toujours faire ça. Aux States, comment on appellerait un Jamie Foxx ? Chanteur ? Acteur ? Standupper ? On s’adapte. Pareil pour Timberlake. Quand il sort un film, on dit que c’est un acteur et quand il sort un album, on dit que c’est un artiste. J’aspire à la même chose, à la différence près que je pense que j’ai des étapes à passer avant de pouvoir me considérer comme un rappeur. Je suis encore stagiaire là-dedans.

Personnellement, je pense que tu es de ceux qui ont réussi à faire de l’amusement une profession. N’y a t-il pas quelque chose de profondément réjouissant là-dedans ?

À l’arrivée, je me dis que je n’aurais jamais pu faire autre chose. C’est tellement ce que je voulais faire depuis gamin… J’ai des journées qui ne se ressemblent pas. Je vais me lever le matin, avoir une réunion d’écriture avec mes auteurs ou le Woop ; quand je vais rentrer le soir, je vais aller dans mon studio pour enregistrer un son, me marrer avec des potes, faire une story sur Insta… En fait ouais, mon taf c’est de faire ce que j’aime. Quand j’étais en cours, mon passe-temps c’était de faire du montage, d’écrire des blagues, des choses comme ça. Aujourd’hui, j’ai transformé mes hobbys d’après-cours en job. Et ça, c’est le meilleur cadeau que j’ai pu me faire à moi-même, la meilleure opportunité que j’ai pu saisir. Après, il y a quand même des bas, des choses que je n’avais pas prévues. Me retrouver en soirée à devoir faire des photos alors que je suis avec des potes un peu éméché, disons que… [rires] Je n’avais pas parié dessus quoi. Mais je vis avec ça, sans souci. Puis ça m’a aussi permis de faire des voyages, de rencontrer plein de gens venant de tous les corps de métier. Cet été, j’ai tourné un film avec Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, donc du cinéma d’auteur à 100%, et le lendemain je faisais Rentre dans le Cercle avec Fianso… [rires] Donc tu vois, je passe vraiment du coq à l’âne. T’imagines un peu ? Je peux me permettre d’avoir de nouveaux métiers…

Justement : à tous les enfants du web, on sent qu’Internet a donné une force telle qu’elle vous pousse à explorer tout le champ des possibles.

Avec Internet, tu es ton propre producteur. Vu que ta chaîne, c’est ton média, t’en fais ce que tu veux. Le jour où TF1 décidera de passer des courses équestres à la place du 20h, on regardera des courses équestres. Et c’est pareil pour moi : j’ai envie de vous montrer que je fais de la musique, alors voici ma musique. Vous aimez ou vous n’aimez pas, mais au moins vous savez qu’elle est là. Dans mon cas, je pense avoir eu la bonne idée de faire une chaîne dédiée, où j’ai pu développer mes concepts musicaux sans pour autant lier ça à mes vidéos d’humour. J’ai laissé la liberté aux gens d’aller les consulter ou non. Je suis content parce que j’ai été un des premiers à tester un truc différent, et quand je vois le succès que ça a eu, je me dis que tout est possible en fait. Tout ce qui compte, c’est d’être sincère dans ta démarche. Si les gens sentent que c’est forcé, qu’on te pousse à faire ce que tu fais, ils ne kifferont pas le délire. Je pense d’ailleurs que c’est pour ça que la télé est un peu en déclin. En télé, il y a des normes, t’es brandé, tu dois faire tel contenu à telle heure pour telle personne qui a besoin de telle chose. Sur YouTube, on s’en fout. Si on veut poster une vidéo à 2 heures du mat’, on le fait.

On remarques aussi qu’au même titre que tous les autres vidéastes, tu parles souvent d’Internet comme d’un filet de sécurité. Du genre : « J’essaye de faire telle ou telle chose et si ça prend pas, je retourne à mes vidéos. »

Ouais mais au-delà de ça, ce qui est bien avec ce média-là, c’est que tu peux t’adresser directement à ta communauté. Quand j’ai sorti ma vidéo « FAIRE UN ALBUM », j’ai voulu m’expliquer parce que je savais ce que les gens allaient attendre de moi, de même que je savais ce qu’ils allaient se dire. Avec la vidéo, ils ont bien vu que je ne faisais pas ça juste pour être stylé, pour faire de l’argent ou parce que je n’ai plus d’inspi dans l’humour. Le fait d’être sincère avec eux, de leur faire comprendre que c’est vraiment un kiff, une passion, je pense que c’est ce qui a plu aux gens. Et tout le monde ne peut pas faire ça. En TV, t’es obligé de passer par une conférence de presse, de laisser les gens dans l’incompréhension. Nous, il nous suffit de prendre notre caméra pour leur dire ce qui nous plaît, ce qui nous motive, pour leur demander ce qu’ils pensent de telle ou telle chose. Une story Snap et ça y est. C’est trop fort. C’est pour ça que de plus en plus de gens émergent d’Internet, au contraire de la télé où tu vois de moins en moins de phénomènes. Pour te dire, je ne regarde plus la télé.

J’ai transformé mes hobbys d’après-cours en job. Et ça, c’est le meilleur cadeau que j’ai pu me faire à moi-même.

Mister V

T’as une réticence particulière vis-à-vis de la télé ?

Même pas, c’est juste que tout ce qu’on m’a proposé jusqu’à présent ne m’intéressait pas. Puis en soit, eux-mêmes n’essayent même plus de proposer parce qu’ils sentent qu’on est pas dans ce truc-là. Mais je respecte totalement ce qui se fait en télé. J’en ai fait deux ans sur Canal + avec le Studio Bagel, on faisait le « Dézapping » dans le Before du Grand Journal. C’était cool mais en vrai, on était aussi bien sur Internet parce qu’on faisait les mêmes choses mais on avait le contrôle sur tout. Alors qu’en télé, tu es plus surveillé, ça te freine dans ce que tu veux dire. Sur Internet, tu t’en fous. Et puisque ça, ça n’a pas de prix, tu favorises toujours Internet.

Depuis 2016, on te voit de temps en temps aux côtés de vidéastes américains, avec qui vous semblez former une sorte de nébuleuse. Que peux-tu nous dire à ce sujet ?

En fait, quand j’étais en vacances aux États-Unis, Jérôme Jarre – un vineur français expatrié aux USA – m’a invité à un repas où il y avait plusieurs vineurs très connus : Rudy Mancuso, Anwar Jibawi, Christian Delgrosso et deux ou trois autres gars qui ne sont pas dans le Vine game. Et il faut savoir qu’en fait, mon anglais est bon qu’à partir du moment où je suis bourré. [rires] Du coup, pendant le dîner, j’étais grave marrant et le feeling a bien fonctionné, on a gardé contact. À partir de là, j’ai rencontré tous les gars : KingBach, Amanda Cerny, Logan Paul, Lele Pons, etc. Et depuis, à chaque fois que je pars là-bas, on se voit tout le temps, on se fait des soirées ensemble, on se marre. Une fois en After, j’ai fini chez Justin Bieber avec tous ces gars-là. C’est un autre monde quoi. Quand je rentre chez mes parents à Grenoble, je me dis « c’est fou, je viens de là quoi ». « Started From The Bottom ». [rires] En plus quand je suis à L.A., je m’installe à Hollywood. C’est un rêve de gosse. Là j’ai pu réaliser ma première vidéo avec un crew entièrement américain. Il y a un mec qui a joué dans Les Feux de l’Amour pendant cinq saisons, qui est apparu dans High School Musical et dans pleins d’autres trucs et dans ma vidéo, il joue un concierge. [rires] C’est un truc de fou.

On te sent particulièrement fasciné par l’Amérique. Qu’est-ce qui te plait tant quand tu es là-bas ?

Ça fait déjà dix fois que je vais à Los Angeles, et c’est vraiment une ville que je kiffe. L’atmosphère est très cool, tu sens que tout le monde à envie de se bouger, de faire quelque chose de sa life. Ça me motive en fait. En plus je suis tout seul dans cette aventure. Je pars jamais avec des potes, c’est juste moi et mon sac à dos. Comme ça je sais que je ne suis pas en vacances. Je prends mon AirBnb, je pose mes affaires et je suis déjà au taquet : « Vous êtes où les gars ? On se retrouve à quelle heure ? 6 heures ? Ok, qu’est-ce qu’on tourne ? » En fait, je suis comme un rookie en NBA. Je découvre et tout m’émerveille : quand je les vois jouer, quand je les entend brainstormer, quand je capte la manière dont ils visualisent la comédie et le business. Parce qu’eux, ils n’ont pas de filtre par rapport à l’argent. Ils sont tous très businessman. Ils s’investissent dans des applications, des conneries comme ça. Ils pensent à trop de trucs. Du coup, c’est marrant de revenir en France avec la vision que j’ai de là-bas. À chaque fois que je reviens, je n’ai plus les mêmes motivations, les mêmes idées, les mêmes inspirations. J’ai un bagage en plus, tu vois. Et même là-bas, je ne développe pas que de la comédie. J’ai pu rencontrer des producteurs, des mecs qui font que la musique bouge à Los Angeles. C’est ce qui est bien avec cette double casquette.

Comment expliques-tu que ce soit ton humour et pas celui d’un autre qui ait été plébiscité outre-Atlantique ?

Je pense être dans un délire assez visuel, autant au niveau de l’expression du visage que dans les gestes qui accompagnent mes vannes, et ça aide beaucoup à la compréhension. J’ai des gestuelles, des mimiques, et c’est ce qui les fait marrer quand ils voient un français. Si je raconte une blague avec l’accent américain, ça va pas leur parler. Alors que s’ils me voient faire le con, faire des danses bizarres ou me retrouver dans des situations loufoques, ça leur parle. Après il y a quand même Gad Elmaleh qui se développe pas mal là-bas, il se débrouille super bien en stand-up. Mais globalement, c’est vrai que c’est compliqué de s’y faire un nom quand tu es français et que tu ne parles pas leur langue, leur slang. Il faut vraiment être dans leur culture pour être un de leur gars. Et moi, j’ai beau parler un anglais du fin fond du Dauphiné, ils arrivent à capter ma vibe humoristique, parce que c’est sensiblement la même que la leur. Anwar ou KingBach, ils sont aussi vachement là-dedans. Puis comme je disais, je pense qu’ils respectent aussi le fait que je ne fasse pas le mec et que je sois là pour bosser. Je ne suis pas en mode « En France, on me connait, j’ai mes abonnés donc mettez-moi au même niveau… » [Il coupe] Non, j’arrive en mode hustler ! J’ai tout à prouver, je ne suis personne là-bas.

Est-ce qu’à leur contact, tu as commencé à faire évoluer ta manière de bosser tes sketchs ?

Carrément. Parce qu’il faut savoir que là-bas, les gars sont très rapides. Pour tourner une vidéo, on fait une prise pour chaque plan et le Vine est fait. De mon côté, j’avais l’habitude de prendre mon temps, d’avoir plusieurs angles de caméras, de faire plusieurs prises pour trouver la bonne diction, le bon flow, la bonne gestuelle. Eux, ils arrivent à se dire que la première prise sera toujours la meilleure parce que c’est la plus instinctive. Du coup, j’essaie désormais d’aller beaucoup plus à l’essentiel, de faire en sorte que dès la première prise, la vidéo soit bien. Après je gratte toujours une deuxième voire une troisième prise par principe [rires] mais j’ai de plus en plus tendance à me préparer avant la scène, plutôt que de tourner, puis de réfléchir à ce qui pourrait être amélioré. Plus de préparation, moins de corrections.

Quand je vais à Los Angeles, je ne pars jamais avec des potes, c’est juste moi et mon sac à dos. Comme ça je sais que je ne suis pas en vacances.

Mister V

Dans quelle mesure est-on pointilleux dans ses projets quand on donne l’impression de ne rien prendre trop au sérieux ?

Je pense que la meilleure intelligence, c’est de pouvoir faire croire qu’on est con. Se faire passer pour un con, c’est la plus… [Il hésite et bafouille] Putain j’arrive pas à le dire ! J’ai voulu faire une grande citation mais je l’ai très mal dite, c’était nul. [rires] Plus simplement, on va dire que derrière tout comédien qui joue ce genre de personnage, il y a quelque chose de profondément réfléchi. J’en serais pas là où j’en suis si je n’avais pas été smart à un moment donné. Pour percer sur la durée, il faut savoir prendre du recul, se poser, analyser les situations et identifier ce qui peut être bon pour soi. Je me suis très bien entouré. Mes parents m’aident à fond, notamment ma mère qui s’occupe de tout ce qui est administratif, comptabilité et tout. Je ne me prends pas la tête sur ça, comme ça je peux être encore plus con dans les autres trucs, tu vois ? [rires] Mon agent, c’est la meilleure du monde. 5 ans qu’on bosse ensemble, on s’est jamais quittés. Mes potes de Grenoble sont aussi de très bons conseillers. Tortoz m’a pas mal accompagné sur tout mon projet musical. Samy et Théo, qui sont sur mon album et dans mes vidéos, m’aident aussi à faire les bons choix dans l’écriture et les opportunités qui se présentent à moi. Je ne suis pas tout seul dans l’aventure quoi. Derrière chaque artiste, il y a tout un ensemble de personnes. Puis même là, quand je te parle, j’essaie de montrer que je ne suis pas juste un couillon qui danse en slip. Il y a toujours une part de moi qui reste sérieuse, même s’il y a surtout beaucoup, beaucoup, beaucoup d’immaturité et de connerie. [rires] C’est important parce que tu te perds vite sur Internet. Heureusement j’ai eu de bons mentors. Norman, Cyprien, toute la première génération de youtubeurs avec qui j’ai grandi, c’était des gars hyper smart. Surtout Cyprien. Pour moi, c’est le plus intelligent de tout ce game. Il sait très bien ce qu’il fait, tout est réfléchi. Il m’a beaucoup inspiré dans ce truc de ne pas faire tout ce qu’on te demande parce que c’est payé. Chacun de tes choix doit aller dans le bon sens.

D’autant que je devine que quand tu commences, tu es justement tenté de répondre positivement à toutes les demandes.

C’est un peu le souci de beaucoup de mecs qui font des vidéos et qui percent. Ils se retrouvent tout de suite à faire des pubs O’tacos, des trucs à la con qui – certes – touchent un certain public, mais qui ne sont pas forcément bénéfiques. Quand tu t’affiches partout, tu perds le côté un peu « rare ». Je pense que c’est d’ailleurs pour ça qu’un mec comme Wil Aime est autant suivi et apprécié. Lui aussi tu sens que tout ce qu’il fait est réfléchi. C’est peut-être même plus flagrant que moi, parce que quand on voit mes vidéos on se dit « Ouais… bon, lui il est quand même bien débile ». [rires] Mais Wil Aime, je pense que c’est le plus smart de toute cette génération-là, parce qu’il ne s’est pas perdu. Il reste dans son truc, il continue ses vidéos à l’iPhone et surtout il reste rare. Chaque vidéo qu’il envoie, les gens sont comme des oufs, ils l’attendent une semaine à l’avance. Je pense que c’est sur ce genre de détails que tu vois qui va durer. Et moi, je n’avais pas envie d’être un de ces gars dont on se dit « Mouais… On sent la fin ». C’est pourquoi je tiens à garder ce côté réfléchi, à prendre le temps de penser à tout, parce que tu ne sais jamais ce qui peut t’arriver après. Si YouTube lâche demain, je suis où moi ? Je me suis créé des portes de sortie avec le cinéma et la musique, et c’est là que je me dis que c’est une chance que j’ai de pouvoir développer plusieurs passions à côté.

Tu t’es lancé dans le rap très humblement, et du côté de Clique, tu disais d’ailleurs être bien conscient que tu n’allais pas être, ni devenir le meilleur rappeur. Mais dans ce cas, quelle était ton ambition à travers ce projet ?

L’ambition du projet, c’était simplement de me faire kiffer. Dans le sens où depuis que j’ai genre un an et demi, j’ai toujours voulu faire ça. J’ai toujours kiffé chanter. Je suis conscient de ne pas être le meilleur chanteur, de ne pas avoir les meilleurs textes ni les meilleurs flows, mais j’adore ça ! Là je viens d’acheter mon studio, jusqu’à 6 heures du matin hier soir j’étais dedans. Pour te dire : je suis revenu jeudi des États-Unis, vendredi soir j’invitais PLK du Panama Bende pour qu’il vienne enregistrer un son à lui. Je ne lui ai même pas demandé de faire un feat. Juste pour le kif. Je ne me considère même pas musicien, mais j’adore la musique. Et j’adore en faire. C’était juste ça le projet de l’album : me faire un kiff. Mais fallait faire un album que j’apprécie, à travers lequel je peux montrer mon univers aux gens. Et je ne demande pas aux gens de me mettre dans la catégorie des Niska ou quoi, juste je fais mon délire. On aime ou on n’aime pas, mais au moins, j’aurais réalisé mon rêve de gosse. Et c’était complètement à dissocier de mes vidéos. Je fais vraiment les deux. Qui a dit qu’on était obligé de se restreindre à un seul champ d’activité ? En France, si un acteur veut sortir un album, on part du principe que ça va être rincé parce que c’est un acteur. Il y a seulement quelques gars qui ont réussi à exceller dans plusieurs disciplines. Sinon Benzema, quand il a fait son feat. avec Rohff, tout le monde s’est foutu de sa gueule. Heureusement il est très bon au foot donc tout le monde l’a pardonné. Moi, je ne suis pas bon au foot, donc ça aurait été compliqué. [rires] C’était juste un pari de me dire, histoire de voir si c’était possible pour moi. Et remarque, je suis bientôt disque de platine mine de rien. [rires]

En parallèle, tu as très vite ressenti le besoin de souligner que cet album n’avait pas nécessairement vocation à faire rire.

Bah il y aura toujours un côté de moi qui ne pourra pas s’empêcher d’avoir de la punch ou de faire une vanne dans un son. Mais les sons où c’est tout le temps de la vanne, je ne les écoute pas en voiture. C’est ça le truc. Parce qu’au début, c’était ça l’album, beaucoup de blagues et d’humour. Mais quand j’étais avec mes potes en voiture, ils me disaient « Ouais… Mets du Migos, c’est mieux ! », « C’est bien, mais là on va en soirée, j’ai envie de m’ambiancer, pas d’écouter un son où tu dis que la go a pété ». Je trainais tout le temps avec des rappeurs et j’avais honte de leur faire écouter mes morceaux, parce que quand je jouais mes conneries, tu voyais que dans leurs têtes il me prenaient pour un guignol. Puis quand je me suis mis à faire un truc sérieux, j’ai vu que les gens me suivaient. J’ai quand même réussi à avoir un mec comme Hayce Lemsi sur mon album. C’est pas tout le monde qui ferait un feat. avec un mec qui fait des vidéos dans sa chambre. Faut avoir du cran, puis faut assumer. Lui l’a fait… Puis il a été en prison. C’est peut-être à cause de ça en fait. [rires]

Vu que tu ne joues pas la carte de l’humour, ne penses-tu pas que Double V manque peut-être de valeur ajoutée ? D’une certaine manière, tu deviens juste « un rappeur parmi tant d’autres ».

Peut-être. Mais le truc c’est qu’en France, ça me parait compliqué de faire du Tyler, The Creator, le genre de truc où tu sens que le rappeur est pas mal dans la vanne. Puis en vrai, j’écoute pas trop de rap rant-ma. Et quelque part, je pense qu’il fallait casser un code, pour que ça pète à la gueule des gens. Qu’ils se disent « Ah, il sait faire des trucs sérieux en fait ». Sortir un truc drôle, ça aurait été attendu. Mais je vais te dire un truc : quand j’ai sorti « LAPT », beaucoup de gens m’ont dit qu’ils auraient aimé que ce soit un truc sérieux. Parce que sur ce morceau, il y avait un truc. Quand le morceau commence, celui qui l’écoute se dit que je parle d’une meuf, que je suis sérieux, il kiffe. Puis il se prend le refrain. Quand j’ai vu que les gens étaient déçus que « LAPT » ne soit pas un « vrai » son, ça m’a encouragé. Mais j’ai toujours eu envie de faire des trucs plus sérieux. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’humour dans l’abum, mais ce n’est pas l’axe premier. Parce que je ne veux pas que ça devienne « Rires et chansons présente… Mister V ». Il faut un équilibre. Et le fait d’avoir fait créé ma chaîne musique, d’avoir fait Planète Rap, d’être apparu dans le clip de Nekfeu, d’avoir sorti la vidéo « Rap vs. Réalité », ça a contribué à faire la transition. C’était pas blague sur blague, et le lendemain, je sors un album. Il y a eu des appels de phare, les gens sentaient cette vibe arriver et c’est pourquoi je n’ai pas eu besoin de mettre trop d’humour. Pourtant des sons marrants j’en ai au moins 60 dans mon ordi qui ne sortiront jamais. J’en ai un qui s’appelle « Pedretti » en référence au footballeur Benoit Pedretti… [Il réfléchit] Ah peut-être que celui-là il sortira en fait ! [rires] Mais globalement, la musique comique vieillit très vite, ça peut être très ennuyant. C’est ce qui me faisait peur aussi. Parce qu’un Fatal [Bazooka], quand on réécoute les sons, c’est vraiment kitsch.

En France, si un acteur veut sortir un album, on part du principe que ca va être rincé parce que c’est un acteur.

Mister V

Après dans le cas de Fatal, on sentait quelqu’un de très extérieur à la culture hip-hop, du coup la parodie était plus grossière que celles que tu peux faire habituellement.

C’est sûr que je me trouve un peu plus légitime à faire un projet dans ce genre. Mais le fait est que lui, ça a mal vieilli. Du coup, il n’arrive plus à faire quoique ce soit de son personnage. Moi je n’ai pas envie qu’on se rappelle de mon album comme d’une blague un peu honteuse. Je veux que ça reste stylé. Ça me foutrais le seum que dans dix ans on puisse trouver “Space Jam” ridicule. [rires]

« J’oublie pas d’rendre le flow que j’ai volé à Drake », « Merci pour l’Auto-Tune, maintenant j’suis dans les bacs »… Tu évoques ton cas à travers ces lignes, mais ce sont aussi les reproches qui sont constamment adressés à bon nombre d’artistes. N’as-tu pas le sentiment de les discréditer malgré toi ?

Bah eux-mêmes le font en fait. Quand ils disent des phases du genre « les rappeurs ne sont pas des gangsters et les gangsters ne sont pas rappeurs », « La voiture de ton clip tu l’as louée »… Eux-mêmes il se clashent. C’est un truc de rappeur de clasher les autres rappeurs. Moi, je ne fais que rentrer dans ce jeu-là. Même un son comme « Top Album », c’est une manière pour moi de moquer une certaine hypocrisie du rap. Comme ces mecs qui se veulent underground, qui disent « moi je ne signerai jamais, je ne serai jamais dans ce game-là » mais qui sont bien contents quand il se retrouvent finalement en haut de l’affiche. Je peux me permettre de faire ça.

Mais as-tu conscience que le fait de voir un gars « extérieur » au milieu arriver dans le game, reprendre certaines techniques de rappeurs et sortir un album, ça peut donner l’impression que c’est « facile », d’une certaine manière ?

Non, quand je sors ce genre de phases, c’est plus une manière d’assumer le fait d’avoir repris le même flow de Drake, tout simplement. Pourquoi j’ai écrit cette phase sur « Petit-déjeuner » ? Parce que je savais qu’on allait me le reprocher. Du coup, je prends les devant et je dis « Bah ouais, mais je le sais en fait ». Quand Geronimo m’a envoyé la prod, je lui ai dit « Putain… C’est tellement Drake ce son ! ». Donc je me suis pris à faire le genre de flow un peu nonchalant qu’il sait faire. C’est même pas une manière de clasher les autres rappeurs. C’est juste par pure honnêteté envers moi-même. Oui, ce flow-là, c’est celui de Drake. Je vais pas faire semblant, faire crari en interview à base de : « Non mais en fait, c’est juste que l’inspiration… En fait, cette prod est faite pour ce flow… Puis tu sais quoi, en fait, c’est Drake qui m’a pompé ! ». [rires] Ce serait ridicule. Tout le monde recopie tout le monde, et il n’y a pas de mal à ça. Les auditeurs s’en foutent. Dans l’album, je voulais juste montrer que je pouvais avoir de l’autodérision. « Merci l’Auto-Tune, maintenant je suis dans le bacs », c’est vraiment ça ! Je remercie sincèrement l’Auto-Tune, j’en suis fan. Quand j’étais au lycée, j’avais l’application I Am T-Pain sur mon iPhone et je passais mes journées à chanter dessus parce que je trouvais l’effet trop cool. Si j’avais voulu discréditer le game, j’aurais fait ça de manière plus claire, avec un titre à la con du genre « Flow à la Migos » où j’appuierais vraiment sur le truc. Là, c’est une petite phase au hasard pour dire que ça se fait. C’est comme ça.

J’imagine que tu as pu remarquer sur les réseaux sociaux que ton succès était devenu celui à travers lequel on moque les autres rappeurs. Ça ne te fait pas un peu chier, honnêtement ?

Après ça j’y peux rien. Là encore, c’est le jeu. Twitter c’est le monde de la critique. L’anonymat permet aux gens de vraiment dire tout ce qu’ils veulent, et notamment des trucs qui ne sont pas vrais. Genre des mecs qui vont moquer tel ou tel rappeur en lui disant « La honte, t’as vendu beaucoup moins que Mister V ! ». Sauf que ce rappeur-là, est-ce qu’il est autant suivi que moi ? Est-ce que ce mec-là plaît autant aux jeunes que moi ? Parce qu’il faut le dire : j’ai un public jeune et le public jeune consomme. Je suis conscient que mon succès est principalement dû à ma fanbase. Mais ouais, c’est vrai qu’après la sortie, ça a été un bel argument pour tout le monde. Même pour le disque d’or. « Ah bah si même Mister V est disque d’or, c’est que tout le monde peut l’avoir ! ». Et encore, ça c’est gentil. C’est Twitter.

Je n’ai pas envie qu’on se rappelle de mon album comme d’une blague un peu honteuse. Je veux que ça reste stylé.

Mister V

Dans une vidéo récente, le youtubeur Maskey a répondu aux questions de ses fans, et l’une d’elle portait sur une hypothétique carrière musicale. Lui disait qu’il ne se voyait pas sortir un album précisément car il aurait le sentiment de partir avec l’avantage d’une fanbase qu’il n’aurait pas acquis grâce à la musique. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

Bah moi je m’en bats les couilles, on l’a bien vu. [rires] Plus sérieusement, je me suis évidemment posé la question, mais à l’arrivée, je n’ai forcé personne à écouter mes sons. Comme je t’ai dit, je pars du principe qu’à partir du moment où tu expliques ta démarche à ton public, il n’y a pas de problèmes. Moi je me suis juste dit que j’avais envie de le faire. Ça n’est pas allé plus loin. Après chacun voit midi à sa porte. Moi en tout cas ça me ferait plaisir que Maskey fasse un projet. Parce que c’est pas un youtubeur qui sait à peine aligner deux phases sur un beat. C’est un gars qui sait faire. Il m’a envoyé des prods d’ailleurs. Mais c’est lui et lui seul qui décidera. Moi je l’ai fait… parce que j’ai voilà les grosses couilles gros ! [rires] Non en vrai, c’est vraiment parce que j’aime ça. Après Maskey, il dit ça maintenant mais peut-être que dans deux ans, il n’aura pas le même discours. Même moi, j’ai eu une période où je me disais que je ne ferais pas d’album. Je me disais que je ferais peut-être une compilation de Sapassoupa, de petites vidéos comme ça. Là, j’ai un petit documentaire sur les deux années de conception de l’album qui va sortir et qui permettra aux gens de comprendre comment s’est passée la création de l’album.

Tu as déjà eu l’occasion de faire de la scène à travers l’humour, appréhendes-tu tout de même tes premières expériences scéniques musicales ?

Je ne suis pas pressé. Du tout. Parce que comme je disais tout à l’heure, il y a beaucoup de choses qui s’additionnent ensemble et je pense qu’il faut prendre le temps de faire en sorte que chaque nouvelle étape de ma « carrière alternative » se déroule bien. Je ne me sens pas encore prêt à faire des concerts parce que je vais avoir envie de faire des blagues, de faire le con. Puis même : est-ce que je sais vraiment chanter sur scène ? C’est ça le truc. Si l’album ne fonctionne pas sur scène, ou si son succès retombe très vite, ce sont des choses que tu sens quand tu fais des concerts. Et le fait d’être partout peut vite saouler les gens. Tu deviens usant et vite usé. J’ai pris deux ans pour faire l’album, et je suis content de l’avoir bien fait. Pour la scène, je veux que ce soit pareil. Je veux que ce soit un vrai show mec. Une performance dont tu te souviennes, dont tu parleras dans 20 ans à tes gosses aux repas de famille. [rires] Parce que moi, j’ai un concept à avoir sur scène. Je ne peux pas juste arriver et faire mes sons, je suis obligé de développer un show qui mélange rap et humour. Et il faut prendre le temps de faire ça.

Double V était un « kiff », un rêve que tu as toujours eu dans un coin de ta tête et qui est désormais devenu réalité. Du coup, est-ce que tu entends passer à autre chose, ou te vois-tu continuer dans la musique en sortant d’autres albums ?

[Il réfléchit] Je me dis que j’ai toujours cette même passion pour la musique, mais je n’ai pas commencé l’élaboration d’un nouveau projet. Après je continue à enregistrer des sons chez moi, et si au bout d’un moment j’arrive à en trouver quinze qui me plaisent suffisamment, on verra ce qui en découlera. Mais je pars du principe qu’il ne faut surtout pas se mettre un tête qu’il faille absolument sortir un second album. Peut-être que je n’arriverais plus à refaire de sons aussi, qui sait ? Dans l’idée en tout cas, j’aspire à continuer. Et je pense que les gens auront de mes nouvelles musicalement. Juste je ne me presse pas à faire une Jul et sortir un album tous les trois mois. Si je sens une forte attente, ça va clairement me motiver, mais je ne me forcerais pas à sortir un nouvel album pour autant.

Quels sont les autres rêves que tu poursuis à présent ?

J’ai envie de développer ce que je fais aux USA. Pas nécessairement avoir une carrière internationale, parce que j’aime ce que je fais en France, mais au moins développer les connexions que je peux avoir avec ces gars-là. Pourquoi pas tourner dans un film américain ? Ce serait mon rêve ça. Ouais, je pense que ce serait ça la prochaine étape. Avoir un rôle dans un film américain, un programme Netflix ou un truc comme ça. Même si on me demande de jouer un serveur dans un bar, un mec que tu vois une fois, je le fais. Mais un truc américain en tout cas.

Surfant sur la nouvelle vague du rap avec son pote XXX Tentacion, Ski Mask The Slump God est l’un des espoirs du hip hop US. Ses collaborations avec A$AP Rocky, A$AP Ferg, Offset ou encore Keith Ape sont venues confirmer son statut avec des dizaines de millions de vues sur Youtube. Après avoir sortie sa mixtape You Will Regret, Ski Mask The Slump God débarque en France pour une date à l’Elysée Montmartre.

Le rendez-vous est donc pris pour le vendredi 24 mars, et vous pouvez réserver vos places dès maintenant sur Digitic.

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Golden Blocks poursuit son chemin et présente son partenariat avec Nike, dans un vestiaire entre le running et le lifestyle. Mis en image par le photographe Marc Lecureuil celui-ci raconte son aventure en quelques mots :

La Grande Borne à Grigny est un espace urbain issu de délires psychédéliques d’architectes à la fin des années 70 et c’est aussi un univers ou cohabitent près de 70 communautés.
Cela fait longtemps que je voulais réaliser un sujet dans cette banlieue stigmatisée et meurtrie.

Ma rencontre avec Matthieu, Boro et bien sur Ladji a été le parfait vecteur pour cette histoire. Golden Blocks, cette association fondée par Ladji Doucouré, organise des événements lumineux dans les banlieues difficiles pour y amener de la vie et aussi de permettre à de jeunes athlètes de sortir de l’ombre.

C’est cette alchimie Golden Blocks qui a permis de révéler le talent de leur égérie Téné Cissé, maintenant championne de France et d’Europe de Triple Saut.

Sa trajectoire est une allégorie pour l’intention, la pensée qui anime mon travail: trouver de la beauté et de la grâce partout.

Photos : @marc_lecureuil

Après avoir pris de l’ampleur à Londres et en Asie, la House of Vans débarque en France pour mettre à l’honneur la skate culture et l’esprit de la marque californienne. Dans un lieu encore tenu secret pouvant accueillir jusqu’à 700 personnes, vous aurez droit, sur les deux jours de l’évènement, à un programme bien chargé et totalement gratuit.

Le samedi 16 décembre, à partir de 11h, auront lieu des démonstrations de l’équipe Vans Skate, des workshops de customisation de board, une expo Thrasher, un stand de tatouage, des projections de films, le tout rythmé par des DJ sets. À partir de 20h30, une soirée Vans x YARD Winter Club viendra clôturer la journée avec des sets de Hony Zuka, Supa!, Pepper, Endrixx ainsi que des lives de Romeo Elvis et d’autres invités surprises. Le dimanche est orienté famille, avec des ateliers de peinture et de skate pour les enfants de 11h à 18h.

Le House of Vans aura lieu les samedi 16 et dimanche 17 décembre et pour participer à l’évènement, il suffit de vous inscrire et de récupérer vos billets d’entrée gratuite sur le site Vans.

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Grow up : « Get a job » ft. A$AP Rocky

Inévitablement, avec le temps, il faut grandir. Trouver un job, fonder une famille, s’installer. Un message transmis d’une génération à l’autre, souvent avec un certain décalage. Car derrière ces termes, chacun entend des choses différentes. Pour les uns c’est la sécurité. Pour les autres, ce sera l’audace.

Il y a quelques mois, Mercedes-Benz a choisi A$AP Rocky pour porter son message et donner sa couleur aux injonctions « Grow Up. Get A Job ». Dans ce spot de deux minutes, Rocky se souvient de celui qui lui a transmis ce message : son grand frère Ricky.

« En grandissant, j’avais ce rythme en tête. Je n’ai jamais réussi à l’en sortir. J’imagine que quand on est jeune, on peut devenir tout ce qu’on veut. Mais en grandissant, les options se réduisent. Et avant que vous ne puissiez vous en rendre compte, chaque choix que vous faite s’accompagne de conséquences. Et quand les choses sont devenues difficiles, le rythme était toujours là. Et un jour gars, il s’est arrêté.

Mon frère est passé à autre chose, mais le rythme est revenu, battant à travers toutes mes veines. Mon grand frère Ricky est responsable du fait que j’ai grandi et trouvé un « vrai job ». »

Un grand frère qui ferme le film avec un dernier ordre : « Come on Rocky. Just rap. »

 

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« Il y a un truc jusqu’au-boutiste dans le pain au raisin. Personne n’aime ça. » Tim Dup aime décrypter l’ordinaire, scruter les petits riens. C’est tout le sel de son premier album, Mélancolie Heureuse. Sa voix souffle, scande ou s’écorche, poétise le banal et déboutonne les émotions. Rejeton d’une génération tout à la fois composite, instinctive et désabusée, le chanteur de 22 ans mélange les influences, questionne son existence et croit en demain. Dans un bar du 17ème où il a ses habitudes, il s’est raconté la bouche pleine de croissant.

Pour mieux comprendre qui tu es, j’aimerais d’abord que tu me parles de ton enfance…

J’ai grandi à Rambouillet. Une ville de banlieue parisienne assez bourgeoise, un peu campagne. Il y avait ce truc du grand air, de l’espace, donc j’ai été assez heureux d’y grandir puisque j’étais un peu hyperactif. J’ai reçu une éducation plutôt catho et depuis, j’en suis sorti. Tout a corrélé avec le fait de venir vivre à Paris, il y a eu une espèce d’ouverture.
Mes parents avaient à cœur de nous ouvrir, avec mes frères et sœurs, à la culture et à la musique. J’ai eu la chance de faire des expos, d’aller voir des concerts, d’écouter beaucoup de musique.

Du coup, quand tu as voulu faire de la musique, ils n’ont pas cherché à t’en dissuader ?

En fait, c’est eux qui nous ont poussés à faire de la musique, en tout cas à jouer d’un instrument. Mon père avait ce côté un peu frustré, car il n’avait jamais pu le faire. Il m’a fait découvrir la musique de façon hyper brassée, beaucoup de pop anglo-saxonne (Supertramp, les Beatles, Bob Dylan, Jack Johnson…) et pas mal de chanson française. Ensuite, je me suis fait ma propre culture musicale. J’ai eu des groupes de musique pop-rock avec des potes au collège, puis j’ai fait partie d’un groupe de reggae, j’ai découvert l’electro et le hip hop. J’ai grandi avec cette idée de mélanger un peu tous les styles. Je pense que c’est propre à notre génération. On a écouté la musique comme ça, de façon aléatoire, avec les iPods. Il y a cette idée de playlist et de culture hyper hétéroclite.

Quelle a été ta première émotion musicale ?

Ça a été, je pense, lorsque j’ai compris que je pouvais créer des choses avec un instrument, le piano. J’apprenais des petites mélodies toutes pourries avec des thèmes proposés dans les bouquins et, très vite, j’ai eu envie de les déformer et donc de me les approprier, de composer, d’improviser… Ça a été ça, ma première émotion, de me dire que je pouvais en faire un truc à moi.

Mon écriture est plutôt brute et frontale, au sens où elle parle de rues, de gens… de choses très concrètes.

Je crois que tu as commencé par l’écriture, avant le chant. C’était compliqué de t’assumer en tant que chanteur quand tu étais ado ?

En fait je pense que l’écriture est venue un peu après. J’ai commencé à chanter quand j’étais petit dans des chorales. Ensuite, je me suis mis à écrire, d’abord en français, bizarrement. Dans mes groupes au collège, on chantait en anglais. C’était plus facile. Quand tu as 14 piges, tu n’oses pas trop t’assumer, donc tu ne vas pas écrire des textes en français. En plus c’était des textes un peu d’amour, pour séduire mes copines de l’époque. L’anglais était à la mode aussi à ce moment-là. C’était plus branché, plus cool.

Ta façon de chanter est très particulière, il y a de l’intensité et beaucoup de fragilité en même temps. C’est quelque chose que tu as su assimiler dès le départ ou tu as appris à apprivoiser et travailler ta voix comme un instrument ?

Oui, ça a vraiment été un développement. Au départ, lorsque je chantais mes premiers morceaux en français dans des petites salles à Paris, des bars surtout, je n’avais jamais travaillé ma voix. Elle était assez limitée, il y avait un truc très spontané, je ne recherchais pas la performance. Puis, le fait de prendre des cours de chant m’a fait prendre conscience que ma voix était un instrument en tant que tel. Ma façon de chanter a aussi été conditionnée par ma manière d’écrire, une écriture un peu fleuve avec des refrains scandés et des couplets assez longs. Forcément, quand il y a beaucoup de mots, tu les dis plus rapidement, ce qui donne une inspiration hip hop, un peu slam. Mais encore aujourd’hui, je continue de m’apprendre.

Pour le côté comédien, je ne sais pas trop, j’essaie juste d’interpréter à 120% mes chansons et de les habiter du mieux que je peux

Ta musique est très incarnée, dans ton interprétation mais aussi visuellement, puisqu’elle crée des ambiances qu’on se représente assez facilement. Finalement, ton travail s’assimile presque à celui d’un comédien et d’un metteur en scène…

Sur le côté mise en scène, carrément. Y’a ce truc un peu cinématographique, qui me vient de plusieurs endroits. D’abord, quand j’écris, je m’inspire de ce qu’il se passe autour de moi, donc il y a un côté assez immersif. Mon écriture est plutôt brute et frontale, au sens où elle parle de rues, de gens… de choses très concrètes. Même s’il y a quelques morceaux de l’album qui sont plus métaphoriques, plus poétiques. Et puis j’ai arrangé l’album avec Pavane, un pianiste qui vient de l’electro mais qui est aussi mixeur dans le cinéma. On a eu l’idée de produire des ambiances pour accentuer ce côté immersif, cinématographique. C’est aussi ce qu’on a voulu retranscrire dans les clips avec Hugo PR. Il y a cette inspiration court-métrage et cette volonté de raconter quelque chose dans l’image, que ça ne soit pas juste une illustration secondaire. Et pour le côté comédien, je ne sais pas trop, j’essaie juste d’interpréter à 120% mes chansons et de les habiter du mieux que je peux.

Tu vas peut-être trouver ma comparaison un peu poussive mais dans ta manière de raconter la banalité du quotidien, dans le spleen qui habite tes morceaux et dans le côté hypnotique de certaines de tes compositions, ton travail me fait quelque part penser à celui de PNL. C’est une référence pour toi ?

C’est marrant, c’est la première fois qu’on me dit ça. Je n’ai jamais trop écouté PNL mais c’est un projet qui me fascine. Je ne sais pas si leur projet aurait eu le même écho s’il sortait là, maintenant. Il a fait une espèce d’état des lieux de la société française à un moment donné et c’était assez concordant avec plein de choses dans le pays, qui vivait une période grise. Pour ça, PNL c’est très fort. Et le rap, plus globalement, je trouve que c’est le style qui raconte le mieux le quotidien et le monde tel que les gens le vivent. Quand tu écoutes le dernier album d’Orelsan, je trouve ça criant de vérité.

La sincérité, ça a l’air d’être quelque chose de très important pour toi. Le fait d’avoir choisi un nom de scène qui soit la simple contraction de ton nom à l’état civil [Timothée Duperray, ndlr], c’était aussi une manière de te présenter tel que tu es, de signifier que tu ne joues pas de rôle ?

Oui c’est l’idée. Dans mes chansons, je parle de moi, de ce que je vis. Je ne me sentirais pas d’incarner un personnage. Il y en a qui le font très bien, mais moi je n’y arrive pas trop. Du coup, ce que je vends ce n’est pas tellement ma gueule ou mon nom mais mes chansons, les histoires que je raconte, mes prods.

C’est un truc générationnel de questionner en permanence son existence ?

Oui je crois qu’il y a un truc comme ça. Je n’ai pas envie de me revendiquer le porte-parole d’une génération mais c’est vrai qu’il y a une espèce de morosité. Rien n’est facile, le marché du travail… Et pourtant, on s’accroche, on a envie de faire des choses qui nous plaisent. Il y a un peu ce truc là, de cul entre deux chaises.

On dit souvent que l’art se nourrit des douleurs. Tu le perçois aussi comme ça ?

Oui, moi je me sens plus performant dans l’écriture et dans l’inspiration quand je vis des choses prenantes émotionnellement. J’ai l’impression qu’il y a plus de trucs à dire, peut-être plus de profondeur. Tes sentiments sont plus exacerbés, tu as besoin de coucher ça. Les chansons ce sont des espèces de défouloirs de passions, de frustrations, de rêves…

« Une envie méchante » aborde le thème du suicide. Tu as le sentiment d’avoir des responsabilités en tant qu’artiste ?

Pas encore. J’aimerais un jour, mais aujourd’hui je n’ai pas cette culture de l’artiste engagé. Et en même temps, il faut. Ma petite voix ne sert à rien mais tu te dis qu’une petite voix + une autre… ça peut faire un écho. Il y a des choses importantes à revendiquer, pour lesquelles se battre. Mais je ne me sens pas encore avoir les épaules pour incarner ça.

Je voudrais que l’on parle de la pochette de ton album, Mélancolie Heureuse, qui est assez artistique. Je vais te donner mon interprétation et tu vas me dire si c’est ça : je te vois plongé dans l’obscurité, donc enfermé dans une certaine forme de tristesse ou de tourment, mais en même temps, tout autour de toi, il y a ces traces de peinture jaune, qui évoquent quelque chose de plus solaire, de plus lumineux, donc l’espoir.

Bah c’est une très belle analyse. Il y a cette idée de contraste, qui reprend l’idée d’oxymore de l’album. Mais, plus simplement, c’est tiré de la fin du clip « Soleil Noir », où je suis dans une fontaine, bourré. J’adore cette scène. C’est ça la mélancolie heureuse, cet état d’ivresse et de nostalgie, mais dans quelque chose de lumineux. La photo correspond très bien à l’album, entre ombre et lumière.

Tu peux me parler de ta quasi-obsession pour le paradoxe ?

Oui c’est vrai que c’est chelou. C’est symptomatique de ce que je suis, mais de ce que beaucoup de gens sont aussi. Ce qui me plaît dans le paradoxe, c’est que c’est très lié à l’idée de façade. On incarne tout le temps des rôles différents en société, selon les personnes avec lesquelles on se trouve et l’état dans lequel on est. C’est aussi le propre de la vingtaine d’être dans un truc de construction-déconstruction. Ta personnalité n’est pas encore tout à fait affirmée mais elle s’affirme dans ses paradoxes.

Il y a un morceau purement instrumental sur l’album, « Fin août ». C’était une volonté de ta part de signifier que tes compositions pouvaient aussi exister d’elles-mêmes, et de t’affirmer en tant que compositeur ?

Exactement. Sur mon premier EP il y avait déjà un morceau instrumental, et je voulais refaire ça sur l’album. D’abord parce que je kiffe la culture instrumentale, électronique. Je trouve qu’il y a un côté hyper immersif dans l’électro, tu prolonges une ambiance, l’histoire ne se raconte pas de la même façon. Ensuite, il y avait aussi ce truc de dire : je suis musicien, je suis compositeur, je ne fais pas que des textes. Et puis, sur un album, en vrai, il y a 14 chansons. C’est long, les textes prennent de la place. Je pense que ça fait du bien aussi d’avoir une pause.

C’est marrant parce que c’est vraiment une facette du métier qui sort de l’ombre aujourd’hui…

Oui, de part la culture hip hop aussi, où c’est très présent.

Tu écoutes quoi en ce moment ?

Alors, je vais te dire… [Il saisit son téléphone] Aloïse Sauvage, une meuf qui fait un genre de hip hop en français. Chaton, un mec qui fait du hip hop, entre PNL et Bob Marley. Orelsan, beaucoup. Frank Ocean. Lomepal. Et Jessie Reyez, une ricaine dingue qui fait du hip hop/r’n’b.

Photos : @samirlebabtou

Travis Scott, A$AP Rocky, Diplo, Katy Perry, Justice… Ce sont autant de stars que d’anonymes qui sont passés devant l’objectif de Keffer, photographe et party harder. Cet oiseau nocturne avait immortalisé la première soirée YARD au Yoyo, et prenait même des photos entre deux pogos à la YARD Party du Grand Palais. Après 10 ans de vadrouille dans les plus grosses soirées parisiennes, Keffer dévoile un livre qui fait office de reportage de toutes ces nuits passées sans sommeil.

Le livre The Night Day est d’ores et déjà disponible sur le site de Keffer.

 

Tout droit venue des terres colorées de Barcelone, la marque Etnia dévoile une série photographique nommée Anartist Series. Ces premières images servent d’avant-goût au plus gros tableau que sera la campagne « BeAnartist 2 » et qui débutera en février 2018.

En attendant, Etnia nous propose une capsule qui s’inspire d’oeuvres d’art telles que La Dame à la Licorne de Raphaël ou encore Portrait d’homme avec médaille de Cosme l’ancien de Botticelli, en y ajoutant des twists comme un casquette à la place de la coiffe typique de la bourgeoisie florentine.

Pour cette nouvelle collection, Etnia puise dans ses gammes Vintage et Originals et leur donne un nouvel élan plus élégant, dans une sélection de  60 paires de lunettes. Celle-ci inclue 30 lunettes de vue et 30 lunettes de soleil, dont les styles varient entre rétro et moderne. Plus précisément, côté modèles, la collection se dirige vers de l’acétate au profil arrondi et taille oversize, ainsi que des modèles métallique aux profils subtilement anguleux et légers.

Rendez-vous sur le site Etnia pour checker l’entièreté de leur collection et sur leur compte instagram @etniabarcelona pour plus de photos en nature morte surréalistes !

Ladji Doucouré, Boro Doucouré et Matthieu Lahaye vous donnent rendez-vous pour la finale nationale de la course Golden Blocks ! Au programme, des animations de BMX, de Hip Hop, de Double Dutch, un stand de customisation de sneakers et un showcase d’Awa Imani. Mais le main event du Golden Block est bien évidemment la finale du Street Racing en 1v1, chaperonnée par Ladji Doucouré, ancien champion du monde du 110m haies.

Rendez-vous le 9 décembre au Gymnase Japy, 2 rue Japy dans le 11ème arrondissement de Paris. Entrée gratuite pour tous, venez nombreux !

Le 15 février 2014, Bape libérait ses quartiers londoniens et laissait ainsi l’Europe orpheline d’une des principales institutions du streetwear mondial. Un peu plus de trois ans plus tard, voici que la maison nipponne se décide à regagner l’Occident, au plus près de nous autres franciliens, avec une première adresse dans notre capitale. Fini les heures passées à scruter les profondeurs du net à la recherche de pièces à l’authenticité douteuse. Assez de se ruiner en frais de ports et de douanes. Plus besoin de traverser le globe pour mettre la main sur un Shark hoodie. Josman, Ugly Mely, Pedro Winter, Jérémy Goaziou et Francky B. en savent quelque chose. S’ils l’ont pour la plupart portée, tous ont assurément observé l’ascension et l’influence de la marque fondée par Nigo en 1993. Ils la racontent pour YARD.

Francky B., manager de l’évènement Sneakerness

« Si on repart quelques années en arrière, c’est vrai que BAPE était vraiment la première marque qui est venu se distinguer dans la culture streetwear. Ne serait-ce que par ses racines japonaises, la marque a apporté quelque chose de nouveau, parce qu’on avait plus tendance à associer le streetwear aux États-Unis. Quand Nigo était à la tête de la marque, il y avait un côté super urbain, avec le camouflage et toutes sortes de choses jamais vues, jamais faites. Puis après, ce sont surtout les ambassadeurs de la marque dans la musique ou le sport, qui étaient en eux-mêmes street, qui ont fait de BAPE une référence du prêt-à-porter streetwear. »

Un BAPE à Paris ? « On est content, parce que ça prouve une fois de plus que la scène parisienne streetwear est en pleine effervescence. C’est cool, on a vu d’autres marques arriver il y a quelques années, BAPE suit dans la foulée, donc il y a une certaine joie. Mais d’un autre côté, pour ma génération qui a entre 30 et 40 piges, il y a une certaine frustration, parce qu’on aurait tellement aimé voir BAPE arriver à Paris plus tôt histoire de moins galérer à se procurer leurs produits. [rires] Il y avait une époque où on était plus fervents dans notre consommation. On consomme toujours, mais différemment. Ça reste une très bonne chose, ça nous remet une fois de plus sur la scène internationale de la culture street. Maintenant on attend de voir ce que ça va donner, qui vont être les consommateurs et que vont-ils en penser. »

Son histoire avec BAPE : « Ça doit être la réponse de pas mal de gens, mais évidemment que le shark hoodie, pièce iconique et intemporelle de la marque, a été le premier item sur lequel j’ai pu mettre la main. C’était grâce à eBay à l’époque, parce que c’était véritablement la seule plateforme dans le début des années 2000 qui nous permettait de se procurer du BAPE avec une certaine tranquillité au niveau de l’authenticité des produits. Autrement, ma première expérience shopping BAPE, c’est New York, parce que je me suis rendu au Japon il n’y a que quelques années. Et c’est vrai que la boutique BAPE était ma première destination dès que je posais le pied aux États-Unis. À l’époque, j’étais très fan de sneakers, donc je consommais plus de Bapesta que de textile, mais BAPE a aussi cette envergure qui fait qu’il y a toujours des accessoires fun et ludiques. Aujourd’hui, c’est plus sur ça que je suis focus d’ailleurs, parce que c’est plus facile à consommer. À 35 ans, je ne me vois pas forcément porter du camo de la tête aux pieds comme quand j’en avais 25. Mais ça reste une marque que j’affectionne particulièrement parce qu’elle a une histoire, et qu’elle a contribué fortement à la culture. »

Pedro Winter, artiste et
co-fondateur de Club 75

« La rareté, l’originalité et la vision de Nigo, sont certains des facteurs qui mettent BAPE au niveau des autres marques emblématiques de ces 20 dernières années comme Supreme et Stüssy. Ces marques sont les bases sur lesquelles se fonde la street culture actuelle. La magie du ‘démarrer de rien pour arriver à un empire’ donne aussi un aspect particulier à BAPE. C’est une marque qui fait fantasmer. »

Un BAPE à Paris ? « C’est assez logique, Paris est la ville du luxe, toutes les grandes marques sont rue Saint Honoré ou sur les Champs. Le street wear révolutionne, renverse les codes et influence ces marques. Il est normal que BAPE profite de cette énergie aussi. »

Son histoire avec BAPE : « Fan des Beastie Boys et de Mo’Wax, j’ai découvert l’univers Bape via la musique finalement. Mike D et James Lavelle portaient ce tee-shirt avec cette tête de singe emblématique. Je crois que j’ai dû acheter mon premier tee-shirt Bape chez colette en 1997. [Il sourit] Puis j’ai eu la chance de rencontrer Nigo, Matt et Sk8thing à Tokyo lors d’un voyage avec Daft Punk en 2000. Quatre ans plus tard, on a sorti une collab dont je suis assez fier : BAPE x DAFT PUNK, éditée à 100 paires. C’était aussi l’époque où Pharrell passait pas mal de temps à Tokyo. Il était le visage de la marque, et c’est grâce à lui qu’elle a pu prendre un tel envol aux USA. »

Ugly Mely, blogueuse

« Bape a contribué depuis les années 90 au développement de la street culture, tant par son créateur Nigo que par les célébrités précurseurs sur la mode lifestyle comme N*E*R*D, Verbal ou encore Kanye West, qui ont été les premiers à porter fièrement les t-shirts de la marque. Sans parler des différentes collabs avec Medicom Toy, Adidas, Puma ou encore Reebok. Je conseille le livre A Bathing Ape (2008) pour en savoir plus sur la marque et l’étendue des collaboration qui sont sorties. »

Un BAPE à Paris ? « Quand je vois ce genre de marques s’installer ici, je me dis qu’on est quand même bien loti à Paris, et que nous n’avons plus rien à envier aux autres villes comme New York, Londres ou Tokyo. Je me souviens avoir passé du temps à chopper du Bape sur eBay ou devoir partir à NYC pour trouver ce que je voulais. Aujourd’hui, nous avons de belles boutiques et une très belle sélection sneakers et clothes à Paris. L’arrivée de Sneakersnstuff, Size? ou encore Supreme est venue compléter l’offre proposée par des shops indépendants comme Shinzo, Opium ou Colette. Hâte de découvrir la boutique et la sélection ! »

Son histoire avec BAPE : « Je suis #TeamCamo : j’ai une grande histoire d’amour avec Bape et le camouflage. Ça commence par mon fond d’écran jusqu’à ma coque d’iPhone, plus une dizaine de sneakers ou encore quelques Bearbricks et sacs qui trônent à la maison. Mon premier item était un t-shirt Baby Milo que j’avais acheté lors de mon premier voyage à New York en 2007 avec ma soeur. »

Jérémy Goaziou, responsable éditorial de Sneakers Addict™

« Je pense que BAPE a été la première marque – avec Supreme – à avoir cette culture de l’ultra-limité. Ça a fait partie des stratégies de Nigo, dès le départ. Il s’est vite rendu compte qu’en ayant un seul point de vente avec des produits limités, ça générait de la frustration, donc de l’envie et c’est ce qui lui permettait de générer des ventes. Dans cette stratégie marketing du streetwear, BAPE ont été parmi les premiers à appliquer la recette qu’on connaît aujourd’hui, que tout le monde reprend aujourd’hui, même Vuitton ou n’importe qui. Nigo a été un pionnier dans ce domaine-là. »

Un BAPE à Paris ?
« Je pense que la boucle est bouclée. Tu as un japonais, qui s’inspire de la culture américaine pour faire du streetwear qui aujourd’hui arrive à Paris avec des kids qui se l’arrachent. On est global. C’est une culture qui était marginale et qui aujourd’hui est en train de devenir petit à petit la culture principale. C’est assez marquant de les voir arriver à Paris aujourd’hui. »

Son histoire avec BAPE : « Pour être transparent, au début des années 2000, quand j’ai commencé à découvrir la marque à travers Pharrell ou Lil Wayne, je n’étais pas forcément fan. C’était un peu trop coloré pour moi, à l’époque j’étais plus en Lacoste-Requins. [rires] J’ai commencé à m’y intéresser réellement vers 2011, au moment où Nigo a revendu la marque, bizarrement. Là, ils ont commencé à faire des pièces un peu plus sobres, des designs plus simplistes, moins colorés, c’était propre. Il y avait aussi une qualité de production qui était assez au-dessus de ce qui pouvait se faire ailleurs, donc j’ai bien kiffé. »

Josman – artiste

« BAPE a eu une influence importante dans ce tout qui mélangeait le hip-hop et la culture streetwear, c’est une marque à forte identité urbaine. Les collections en quantité limitée, le fait de voir les acteurs du mouvement hip-hop porter la marque dans leurs apparitions… Ça a fait de chaque vêtements un must-have, une pièce phare, et donc de collection. Je pense que c’est ce qui donne à BAPE ce côté si prestigieux. »

Un BAPE à Paris ? « Il n’y a pas de store partout dans le monde, c’est une marque rare, du coup les français peuvent se sentir privilégiés. J’espère que la marque gardera sa valeur ici, ça va faire un peu bouger Paris ! »

Son histoire avec BAPE :
« J’ai découvert BAPE via la musique et la culture hip-hop, la marque s’était implantée dans le milieu grâce à Pharrell et beaucoup d’autres gens influents. Moi j’avais treize ou quatorze ans à l’époque. Mais au début, tu connais : c’est cher, puis tu ne sais pas trop où en trouver. En seconde, j’ai fini par mettre la main sur un Full Zip Baby Milo rouge. Je devais avoir seize ans, je m’étais ruiné là-dessus, mais je tenais ma première pièce de BAPE. Ensuite j’ai chopé des sneakers Bapesta et à partir de là, je suis un peu tombé dedans. »

Y-avait-il une muse du rap parmi les neuf filles de Zeus ? Les expos sur le hip-hop sont-elles toutes vouées à l’échec ? Le rap a-t-il mauvaise réputation dans les galeries immaculées du monde de l’art contemporain ? Les clips sont-ils des œuvres d’art ? Les rappeurs riches n’aiment-ils que Jeff Koons ? Est-ce que la vie de Kanye West, c’est de l’art ? Etat des lieux.

Awol Erizku devant Oh What a Feeling, aw Fuck It, I want a Trillion

En 2010, Marina Abramovic faisait une performance au MOMA qu’elle appelait The Artist Is Present et qui avait inspiré Jay-Z pour son “Picasso Baby”. C’était plutôt bien vu : de façon générale, le rappeur, lui aussi, est présent. Omniprésent. En l’occurrence, Jay-Z s’était produit pendant six heures d’affilée à la Pace Gallery de New York. Et ce geste, entre pur MC-ing et art contemporain, avait comme soufflé un titre à l’artiste multimédia Awol Erizku (celui-là même qui avait fait bondir les cœurs avec ses portraits de Beyoncé enceinte). Oh What a Feeling, aw Fuck It, I want a Trillion est une sculpture constituée de plusieurs paniers de basket aux filets en or plaqué placés les uns au-dessus des autres. C’est aussi, d’une certaine façon, un signe parmi tant d’autres qu’il y a aujourd’hui une génération de sculpteurs, de vidéastes, de photographes et de peintres qui a grandi en écoutant du rap, et dont les œuvres ont toutes été nourries au hip-hop. Mais loin d’être le résultat homogène d’une culture unique, ces travaux sont complexes, et souvent étonnants. Surtout lorsque rappeurs et (autres) artistes en tous genres se renvoient la balle, et que les disciplines elles-mêmes se mettent à faire des featurings.

Jay-Z et Marina Abramovic, @Picasso Baby, performance à la Pace Gallery, NY.

Exposer le hip-hop

«J’suis le premier ex-pauvre à t’emmener voir des expos» disait Nekfeu dans «Princesse». Et pour cause : la culture hip-hop dans son ensemble est régulièrement célébrée dans les musées. Depuis son apparition, un certain nombre d’expositions ont tenté avec plus ou moins de succès – et plus ou moins de légitimité – de représenter, de raconter et de transmettre les us et coutumes du graffiti, du break-dance, du rap ou encore du djing. Au Brooklyn Museum of Art en 2000, par exemple, au Yerba Buena de San Francisco l’année suivante, à l’Institut du Monde Arabe en 2015, à Bruxelles l’été passé, ainsi qu’au Musée d’Art Contemporain de Marseille, en ce moment, sous le nom de «Hip-Hop, un âge d’or». La rumeur court même que les Etats-Unis vont bientôt mettre au monde un musée entièrement consacré au hip-hop : de son petit nom, le Universal Museum of Hip-Hop. Il devrait pouvoir se visiter à partir de 2022 dans un tout nouveau complexe architectural du Bronx.

Tower Hollers, Nadine Robinson

Aussi réjouissant que ce soit, tout ça pose un véritable problème : sommes-nous en train d’institutionnaliser le hip-hop ? Doit-on vraiment se réjouir de voir le street art (entre autres) absorbé par les murs lisses des white cubes propres aux galeries d’art et les reliques d’un mouvement encore en pleine forme se figer derrière des vitrines qui ne font pas toujours justice à leur contenu ? Bref, en l’arrachant à la rue où elle est née, comment peut-on penser rendre hommage à cette culture d’affranchis ? Vaste débat. Ce qui est indiscutable par ailleurs, c’est que la musique hip-hop a pris ses quartiers dans les musées du monde entier. Les exemples se multiplient. A l’occasion de «Hip-hop, du Bronx aux rues arabes» à l’IMA, c’est Akhenaton qui prend en charge le commissariat de l’exposition. À la soirée «Id» organisée par Hood By Air au MOMA, Mykki Blanco est invité à faire vibrer le hall du bâtiment emblématique. Aussi, pendant la Biennale de Paname d’octobre dernier, on pouvait trouver Doums et Ormaz au micro.

Un tel mashup devait nécessairement générer tout un tas de projets destinés à bousculer nos habitudes, et, autant que possible, nos opinions. Grâce à une idée farfelue de Regina Flores Mir, tu peux aller jusqu’à visiter le MET avec le rappeur de ton choix (virtuellement, ok). L’artiste colombien Juan Obando, lui, a véritablement invité des rappeurs du sud des Etats-Unis à créer des freestyles à partir de ce que leur inspirait les musées de leur ville : après s’être rendus une première fois sur les lieux, les MC locaux décrivent ou décrient en vidéo les œuvres suspendues aux murs, et c’est plutôt réussi. Non seulement cette Museum Mixtape questionne le fonctionnement actuel (parfois rouillé) des grandes institutions – comme quand l’un des musées exige de prendre connaissance des lyrics avant d’accepter le tournage –, mais surtout, elle met en valeur ses nouveaux acteurs : la figure du rappeur s’apprête-t-elle à devenir la nouvelle muse de l’art contemporain ?

Doums, @Biennale de Paname

Les nouvelles muses de l’art contemporain

Il n’y a qu’à voir les portraits déjà historiques de Biggie Smalls par Barron Claiborne et, plus récemment, celui de Solange par Mickalene Thomas. De l’autre côté de l’Atlantique, le rap innerve le travail de plus d’artistes qu’on ne pourrait en compter. Ceux-là sont pour la plupart des enfants de la culture hip-hop et sont parfois réunis sous le nom de post-black artists, un mouvement «à la fois post-Basquiat et post-Biggie» comme l’explique la curatrice du Studio Museum de Harlem, Thelma Golden. Si l’on perçoit chez eux un imaginaire commun et des références partagées, tous ne font évidemment pas d’allusion explicite à leurs collègues lyricistes. Mais l’influence du rap se lit en filigrane, dans les peintures verbales de Glenn Lingon, véritable emcee de la toile ; dans le titre tiré d’une chanson de Public Enemy choisi par Rashid Johnson pour son viseur en métal géant (Black Steel In The Hour Of Chaos) et dans la puissance de frappe des œuvres de Hank Willis Thomas. Jordan Casteel, Gary Simmons, Renee Green, Nadine Robinson… la liste de ces artistes américains ultra talentueux est sans fin : il faut donc garder l’œil ouvert pour voir leurs œuvres en vrai lorsqu’elles voyagent du côté de chez nous, comme c’était le cas des tableaux de Kehinde Wiley visibles au Petit Palais l’an passé. Peut-être laissera-t-on cependant certaines expériences sur place, comme l’échec de ce battle organisé par le plasticien Rashaad Newsome, dont les œuvres sont connues pour leur kitsch façon Pierre et Gilles dans un clip de rap.

 

Branded, Hank Willis Thomas

Bien que de façon tout à fait différente, la dimension esthétique du bling bling n’a pas échappé non plus à l’artiste algérien Mohamed Bourouissa. C’est lorsque La Monnaie de Paris lui commande une œuvre que l’artiste (connu pour son projet Temps mort, emoji clin d’œil) s’est focalisé sur l’une des matières premières du rap : l’oseille. Et, du côté français de la raposphère, qui dit oseille dit… Booba. L’artiste a donc fait frapper des pièces à l’effigie du Duc, comme on peut le voir ici, même si, selon l’artiste, «la vraie action de ce projet-là, c’était le soir de la Nuit Blanche [2012, ndlr]. On entendait ‘Fœtus’ en boucle sur le Pont Neuf, qui est l’un des endroits les plus romantiques de Paname. Les gars de quartiers qui étaient là pétaient les plombs. Ce qui était fort, c’était le contexte dans lequel cette vidéo a été montrée. C’était jouissif.»

All-in, Mohamed Bourouissa

Pourquoi pas alors remettre la mise au moment où le rap est devenu le genre le plus écouté ? «Je rêverai de faire un truc avec Mac Tyer par exemple. Ce serait marrant aussi de dire à Niska ‘allez, on fait un truc’. La forme clip est intéressante. D’autres fois je me dis qu’il faudrait que j’invite les mecs qui font les clips de PNL à faire une expo. En regardant leurs vidéos, je vois bien qu’ils s’intéressent à l’art et au cinéma.» Et les artistes de s’intéresser au rap. Pierre Gaignard, lui, s’y est carrément projeté. Dans son film “Thug roi, Extraordinary Rendezvous with My Brother”, il s’imagine être le frère de Young Thug. Si, si. « Ce qui m’intéresse dans le rap, c’est la manière dont il me transperce » me dit le vidéaste, diplômé des Beaux-Arts de Lyon. «Je suis toujours à la recherche de choses politiques, de choses qui questionnent nos modes de vie et surtout qui évoquent la révolte (une minorité qui interpelle une majorité). Je travaille sur un nouveau film en ce moment et j’écoute Ninho en boucle ! J’aimerais bien passer un peu de temps avec lui pour comprendre ses obsessions et son quotidien. Son travail résonne énormément pour moi. Et, au-delà de la symbolique mercantile et trop misogyne de ses paroles, j’aperçois une réelle nécessité, une réelle inventivité. Comment il place sa voix, comment il invective en créant des rythmiques folles…» Point de glorification ici; plutôt, la possibilité de lier intimement des mondes qui gagneraient à se regarder droit dans les yeux.

Young Thug @Thug roi, Extraordinary Rendezvous with My Brother, Pierre Gaignard

La référence au rap faite par les artistes et amis de longue date, Justin Meekel et Dorian Gaudin, est plus mystérieuse, plus distante, et d’autant plus intrigante. C’est à la galerie Pact, à Paris, que les deux compères avaient reconstitué une pièce à vivre – minimaliste, certes – aux couleurs pastel et aux objets étonnants. Flashback : une moquette gris pâle recouvre le sol de la pièce, à l’exception d’une flaque noire goudron, une bonbonne de métal s’anime brusquement sans que l’on s’y attende, un nuage de plastique irisé est suspendu au plafond et sur l’étagère tourne une drôle de machine qui me fait penser à un barbecue. Le décor est épuré, étrange, mais il est doux, et conserve quelque chose de… familier. Pas de hasard, l’exposition s’appelle «Que La Famille» et pourrait presque accueillir un clip des deux frères de Corbeil. Pourtant, le texte qui accompagne l’exposition me détourne de faire une interprétation «PNL-iste» de ce qui se trouve sous mes yeux. Je persiste à croire que ça aurait pu être drôle, mais reste que ce qui a séduit le duo d’artistes, c’est bien la façon qu’ont les rappeurs d’atteindre «une certaine abstraction du langage qui laisse de la place pour se projeter». C’est à se demander si le rap n’a pas emprunté la même trajectoire que celle des arts visuels. Mais pas besoin d’attendre l’émergence d’un rap qui se revendiquerait conceptuel pour observer la porosité entre l’art du micro et les autres médiums artistiques. «Y’a pas les rappeurs d’un côté et les artistes de l’autre», m’assurait Mohamed Bourouissa. «Ces séparations sont dues à la notion professionnelle mais ces gens se côtoient tout le temps… Je pense à Arthur Jaffa, à Romain Gavras… Ce qui est important c’est que ça produise des échanges.»

Que La Famille, Justin Meekel et Dorian Gaudin

Et plus si affinités

Et pas que le propos soit simplifié à coups de name dropping dans les lyrics. «It’s like Sony signed Basquiat» avançait J. Cole dans «Rich Niggaz». C’est que, Basquiat, Picasso et Koons forment une sainte trinité que certains rappeurs (comme P. Diddy et Rick Ross) n’hésitent pas à poursuivre jusque dans les ventes aux enchères. Il n’y a qu’à voir les images de Jay-Z, l’éminent détenteur d’un Basquiat à 4,5 millions de dollars, rapper devant le Balloon Dog géant de Jeff Koons sur scène en août dernier. «Tous ne font pas de recherches» poursuit Mohamed Bourouissa. «Tous ne savent pas qu’il y a un milliard de trucs, et certains pensent encore que l’art contemporain se résume à un mec qui chie sur une table et qui vend ça à des centaines de millions d’euros. Ils vont au plus simple, mais ça permet de briller en société. Si tu me demandes des noms de poissons, je vais t’en citer quatre ou cinq, alors que j’adore le poisson ! C’est un sale exemple [rires]… Mais ces choses-là sont en train de changer.» Les artistes hip-hop participent à l’élargissement du public de l’art contemporain – de sa démocratisation, parfois.

Beat Bop, Jean-Michel Basquiat

En ce sens, Pharrell a fait bien plus que de taper la pose pour Xavier Veilhan, le sculpteur qui représentait la France à la Biennale de Venise cette année, et Swizz Beatz ne s’est pas contenté de chiller sur Instagram aux côtés de la superstar de l’art contemporain Damien Hirst. Le premier ne chôme pas quand il est question d’art contemporain (de luxe). En 2014, l’artiste a endossé le rôle de curateur à deux reprises. Après avoir organisé l’exposition This is not a toy au musée du design de Toronto, c’est la galerie on ne peut plus hype – avec ses 1200 invités au vernissage – tenue par Emmanuel Perrotin à Paris qui a accueilli son projet GIRL. Cette fois-ci, les figurines de personnages géantes laissent leur place à quarante-huit œuvres qui rendent hommage à la femme (et au chanteur lui-même, parce qu’il faut pas déconner non plus). Marina Abramovic, Sophie Calle, JR, Annette Messager, Takashi Murakami, Yoko Ono, Cindy Sherman, Mickalene Thomas, Warhol et, évidemment, Xavier Veilhan, sont tous de la partie. Celui qui avait lancé la chaîne d’interviews «ARTST TLK» assure apprendre tous les jours aux côtés des plus grands et l’on continue de compter sur lui pour en faire profiter les autres… Quant à Swizz Beatz, il est aux commandes de sa Dean Collection depuis 2014, laquelle vise, elle, à promouvoir le travail d’artistes émergents du monde entier. Sounds like a plan.

GIRL @Galerie Perrotin, rue de Turenne, Paris

Bon, mais tous les artistes du rap game ne se sont pas reconvertis et la vidéo demeure sans aucun doute le lieu de rencontre idéal des arts visuels avec le rap. On ne compte plus les clips réalisés par des vidéastes célèbres et dont les propositions esthétiques peuvent largement prétendre à la vidéo d’art. Parmi eux, celui de «California Gurls» supervisé par le peintre Will Cotton et l’extraordinaire «I Fink U Freeky» de Die Antwoord, dirigé par Roger Ballen. D’autres se réapproprient (parfois avec brio) des œuvres d’art connues, comme le «Rude Boy» de Rihanna, qui aurait sans doute beaucoup plu à Andy Warhol ou feu «Putain d’époque» de Nathalie Canguilhem dont la très belle citation de Kader Attia aurait tout aussi bien pu être une évocation du travail de Pamela Rosenkranz (Bow Human) et ne méritait peut-être pas de faire appel à la justice. Un rappeur sachant sampler mieux que quiconque, on espère que la vidéo refera surface un jour ou l’autre…

Ghost, Kader Attia

Heureusement, le plus souvent, les relations entre artistes sont fertiles et l’échange fonctionne dans les deux sens. Je pense notamment au mini film Blacktivist de Mario Pfeifer avec les rappeurs de Brooklyn Flatbush Zombies et du m.A.A.d de Kahlil Joseph et Kendrick Lamar, qui, tous deux, évoquent les violences de l’Amérique contemporaine. Tout ça, sans compter les rappeurs qui réalisent eux-mêmes leurs clips vidéo. C’est le cas de Yung Jake, le rappeur de L.A. aux vidéos méta-internet qui questionnent notre rapport aux réseaux sociaux et notre goût pour le glitch art. Artiste touche-à-tout, il s’est fait connaître avec ses portraits de stars en emojis et compte déjà deux solo shows chez Steve Turner à son actif. Bref, entre la scène, les expos, et les clips sous forme de selfies, la performance du rappeur ne s’arrête jamais. Le genre de vie que Swizz Beatz aurait hashtagué d’un #artlife. Un truc à la Kanye West, qui avait tweeté : «Mes tweets sont une forme d’art contemporain» en mai 2016. Qui sait ?

Yung Jake devant ses œuvres

Marilyn Manson fascine. Superstar de la scène rock et metal qui le consacre comme l’un des artistes les plus influents de sa génération, son nom résonne comme l’un des plus controversés du monde musical, tous genres confondus. On ne compte plus les légendes, fausses ou avérées qui entourent la mythologie Manson (qui n’a jamais entendu cette fameuse rumeur des côtes enlevées pour mieux pratiquer l’auto-fellation ?). Symbole du mal incarné pour certains, personnage atypique pour d’autres, il est surtout l’un des mecs les plus cool de la planète. La preuve par 10.

 

Parce qu’il est l’idole du rap game

«Il est encore plus profond que Jay Z ou Notorious BIG», derrière cette provocation assumée qui a hérissé le poil des plus puristes, Lil Uzi Vert établit en fait une vérité qu’on ose enfin entendre aujourd’hui : Marilyn Manson est un modèle pour nombre de rappeurs contemporains. Son plus grand fan, c’est bien sûr l’auteur de XOXO Tour Llif3, le jeune homme lui emprunte un certain goût pour le gore et la vie de rock star, plus que celle de rappeur. Esthétiquement, Uzi pioche allégrement dans la silhouette Manson, il se fait tatouer, se colore les cheveux et multiplie les références vestimentaires. «J’ai vu Marilyn Manson», raconte-t-il. «Il avait un dentier en platine, c’est à ce moment-là que j’ai eu mon premier». Sur le tournage de “Bad & Bougee” du groupe Migos, le rappeur apparaît sans complexe avec un t-shirt Marilyn Manson, et arbore régulièrement une chaîne à son effigie. Les deux artistes ont d’ailleurs laissé entendre qu’ils travaillaient sur une collaboration prochaine.

Lil Uzi Vert est loin d’être le premier à s’amouracher de la star de metal. Bien avant lui, Gucci Mane l’invitait en featuring sur le titre “Fancy Bitch” (2013). Les deux hommes se seraient liés d’amitié à l’avant-première du film Spring Breakers d’Harmony Korine en 2012, et continuent d’entretenir une relation particulière. Plus tôt cette année, le rockeur prenait le costume de journaliste (un métier qu’il a pratiqué dans sa jeunesse) pour interviewer le rappeur alors en couverture du CR Men’s Book du mois de mars. Même Rick Ross se met à fantasmer d’une possible collaboration, comme le révèle Manson lui-même dans une interview : «J’étais dans un hôtel en train de dîner avec Rick Ross, quand il m’a dit que son rêve était de travailler avec moi.». La rock star a par ailleurs déjà été aperçue en compagnie du père de Drake (qu’il appelle «homie»), prend la pose aux côtés de Skepta ou Jaden Smith, fait une apparition remarquée dans le clip d’”Ugly Boy” de Die Antwoord. Bref, les connexions entre la rock star et le hip-hop sont infinies, lui qui a souvent cité des rappeurs comme influence, se trouve à son tour chéri et célébré.

Skepta and Marilyn Manson pose backstage at The Fashion Awards, 05.12.2016 in London, UK. pic.twitter.com/OpPzjf6bvY

— Manson Source (@MansonSource) December 6, 2016

 

Parce qu’il a failli être sur l’album Slim Shady d’Eminem

Peu de personnes le savent, mais Eminem avait demandé à Marilyn Manson de figurer sur son mythique album Slim Shady, et plus précisément sur le titre “97 Bonne & Clyde”. À l’époque, le rockeur refuse. Il expliquera en 2007 qu’il trouvait Eminem trop misogyne. Les deux hommes ont visiblement eu le temps de se réconcilier puisque leur amitié n’a aujourd’hui plus rien d’un secret. Le rappeur fait d’ailleurs référence à Manson sur le titre “The Way I Am” sorti en 2000, défendant que les parents feraient bien de mieux éduquer leurs enfants au lieu de s’en prendre à eux comme bouc-émissaires. Les deux artistes sont apparus sur scène ensemble en 2005 à Barcelone lors du All Access Europe Tour d’Eminem pour défendre le morceau.

Parce qu’il décapite Donald Trump dans un de ses clips

À l’instar de Snoop Dog dans le clip de “Lavender”, Marilyn Manson s’est lui aussi pris de folie meurtrière à l’encontre du 45ème président de États-Unis. C’était en pleine campagne électorale, au mois de novembre 2016. Manson dévoile alors une preview de la vidéo de son titre “Say10”, dans lequel le corps sans vie et sans tête d’un homme en costume gît sur le sol. En une fraction de seconde, on peut apercevoir le meurtrier agrippant la chevelure doré légendaire de sa victime. Il a par ailleurs indiqué qu’il refusait de voter pour ne pas avoir à choisir entre « la merde de chat et la merde de chien« .

Parce qu’il a défendu le moshing dans un talk-show de 1995

S’il ne se passe plus un concert de rap sans mosh-pits, n’oublions pas que le monde doit la démocratisation de ce formidable échange viril de coups de boule et de sueur à la scène punk, rock et métal. Dans les années 1990, le phénomène inquiète la bienséance d’une Amérique puritaine, et The Phil Donohue Show en profite pour en faire le sujet d’une émission qu’on devine houleuse. Le présentateur commence par présenter le moshing sous son spectre le plus négatif : « La musique et le football [américain, ndlr] se mélangent sur la piste de danse, de jeunes adolescents le font et se blessent », avant d’introduire un groupe de jeunes personnes et leurs parents, dont un père et une mère dont le fils est décédé des suites de blessures lors d’un concert. Donohue enchaîne ensuite par des amalgames entre moshing, drogue, alcool, promiscuité et échec scolaire, avant de conclure sur un «ce n’est pas ce que votre père aurait rêvé pour vous». Le réquisitoire continuera tout au long de l’émission. Un chic type.

Entre en scène, Marilyn Manson, au sommet de sa provoque, tout de noir vêtu, pantalon en vinyle, tatoué de la tête au pied, teint blanchâtre vampirique et cheveux longs d’un noir profond. Il est accompagné de Twiggy Ramirez et Madonna Wayne Gacy, tous deux membres de son groupe. À la surprise générale, les trois antéchrists sont les plus éloquents et rationnels du plateau. Manson développe dans sa plaidoirie une critique acerbe de l’éducation chrétienne imposée de force. Ayant lui-même grandi dans une tradition catholique, il défend que le moshing en serait une expression rebelle. «Je pense qu’il est regrettable que les parents ne sachent pas ce que font leurs enfants, continue-t-il. Cela me déçoit. Je pense que les parents devraient mieux élever leurs enfants ou quelqu’un comme Marilyn Manson va le faire.» Stupeur sur le plateau.

 

Parce qu’il se paye Justin Bieber (et pas qu’une fois)

C’est sûrement l’un des clashs les plus improbables de ces dernières années. L’idole des jeunes filles en fleur Justin Bieber et le grand pontife de la scène metal Marilyn Manson se tirent la bourre par médias interposés depuis une paire d’années. Le premier missile est envoyé dès 2015 par la rock star qui reposte à l’époque sur Instagram une vidéo de Justin adressée à ses fans. La pop star porte alors un t-shirt «Marilyn Manson». D’humeur taquine, ce dernier commente en légende : «C’est pénible quand tu prêtes un t-shirt après une sodomie, et que la personne ne te le rend pas. Bon, au moins, il sert à une bonne cause.»

It's upsetting when you loan someone a shirt after sodomy, and they don't return it. Well, at least, it's being used for a good cause.

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Mais la réelle origine de leurs saillies respectives prend source en 2016 lorsque Bieber commercialise un t-shirt à l’effigie de la rock star, agrémenté de la mention «Bigger than Satan… Bieber», avant de le porter sur scène. Problème, Manson n’a jamais donné son accord. Lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois, le Biebs porte une nouvelle fois le t-shirt et se permet des remarques pédantes à l’encontre du «Révérend». « Il était très tactile, il ne faisait que répéter ‘yo yo bro’ et me toucher quand il parlait. J’étais genre: ‘tu dois te calmer, tu ne m’arrives pas à la cheville, OK‘ », détaille-t-il dans une interview pour Consequence of Sound, avant d’ajouter : « Il m’a dit « Je t’ai remis au goût du jour.» C’était une vraie merde arrogante dans la façon qu’il avait de dire ça. »

Second acte, Justin s’excuse par sms pour éviter la dégringolade. Invité du Howard Stern SiriusXM Show, Marilyn dévoile le contenu du message : « Je pensais qu’on avait eu une interaction sympa. S’il y a eu un problème avec le t-shirt, je suis vraiment désolé. Ça pique de voir que je suis vu comme un con ou juste que j’ai été con. Je suis désolé. » Pas rancunier, Manson , toujours à l’antenne, lit sa réponse : « On est cool. Les gens ont juste parlé de cette histoire de t-shirt pour la tourner en fausse querelle. (…). Tu n’étais pas un trou du cul. Ils ont demandé si tu l’étais et j’ai plus ou moins acquiescé. » Problème réglé, pense-t-on.

Sauf que… «L’Antéchrist Superstar» a peut-être la rancœur plus tenace qu’il a bien voulu le laisser entendre. Un mois à peine après l’épisode des excuses, il repart à l’assaut lors d’une interview radio conduite par l’animatrice Cindy Scully. Lorsqu’elle lui demande pourquoi Bieber ne lui avait pas demandé l’autorisation des t-shirts, il rétorque : « Je ne sais pas, parce que je ne sais pas comment marche l’esprit d’un écureuil. » Et de conclure : « Il est dans une sorte de secte religieuse sexuelle avec une version asiatique de Dave Navarro [guitariste ayant collaboré avec les groupes Nine Inch Nails et Red Hot Chili Peppers], apparemment. Mais je n’aime pas me battre avec les filles, donc je ne me battrai pas avec Justin Bieber. » *Drop mic*

Parce qu’il est pote avec Demna Gvasalia

Doublement récompensé lors des British Fashion Award 2016, le directeur artistique de Vetements, d’ordinaire très discret, est venu célébrer sa victoire en compagnie de son frère Guram (co-créateur de la griffe) et de … Marilyn Manson. Régulièrement habillé de Vetements dans les magazines, la rock star se serait pris d’amitié pour les frères Gvasalia. Comme un symbole, c’est Manson lui-même qui remet la première des deux récompenses à Demna et Guram.

 

Et que toute la mode se l’arrache

Marilyn Manson, c’est aussi (et surtout) une gueule doublée d’un charisme des plus imposants, et la mode l’a bien compris. Dès 2000 et alors que son image d’Antéchrist Superstar aussi sophistiqué que controversé atteint son paroxysme, il fait la couverture du sacro-saint Dazed & Confused qui lui consacre la bagatelle de 10 pages. Probablement l’une des couvertures les plus iconiques du magazine, à tel point que la rock star est invitée à célébrer le 25ème anniversaire de la publication avec une nouvelle cover. Au fil des années, Manson apprend à domestiquer la mode des hautes sphères, fascinée par sa silhouette androgyne et son style goth-trash magnétique. En 2013, il fait la couverture de Candy Magazine avant de devenir l’une des égéries phares du Saint Laurent d’Hedi Slimane. En 2015, c’est Paper Magazine qui le consacre en cover de leur numéro de mars. L’année suivante, c’est au tour de Marc Jacobs de choisir le chanteur comme figure pour sa campagne automne-hiver 2016. Et même lorsqu’il n’est pas directement sous les projecteurs, Marilyn Manson brille de son absence. Sa musique rythme le défilé automne-hiver 2015 de Roberto Cavalli et Thom Browne s’en sert comme inspiration majeure pour son make-up d’automne-hiver 2017.

 

Parce qu’il est adoubé par David Lynch

Polymathe, Marilyn Manson ne se contente pas que de la musique comme unique moyen d’expression, il se distingue également avec brio dans le 7e art. Grand fan de David Lynch, les deux hommes entretiennent une relation privilégiée. Dès 1997, ce dernier lui accorde un petit rôle dans Lost Highway. En 2001, ils co-signent Genealogies of Pain, un livre qui mélangent des images de peintures de Manson avec des extrait photographiques de quatre des premiers films expérimentaux de Lynch. Le cinéaste est également l’auteur la préface du livre autobiographique du chanteur Mémoires de l’enfer (The Long Hard Road Out of Hell), publié en 1999.

 

Parce qu’il joue un nerd victimisé dans un film de Quentin Dupieux

Toute apparition dans un film de Quentin Dupieux est déjà un sommet de coolitude en soit. Quand Marilyn Manson fait la découverte de Rubber – le premier long-métrage de Quentin Dupieux sorti en 2010 – il est fasciné par son sens de l’absurde et décide de lui écrire. Le réalisateur français pense d’abord à un canular avant de se rendre à l’évidence devant la flopée de selfies envoyées par Le Révérand. Rapidement, les deux hommes se lient d’amitié, Quentin l’appelle Bunny, et lui Dirty Santa à cause de sa barbe. La rock star le convainc de lui offrir un rôle dans son prochain film : Wrong Cops. Il partage l’affiche avec Eric Judor (et rien que ça c’est drôle), Eric Wareheim, le génial Mark Burnham ou Steve Little. D’abord pressenti pour jouer le flic véreux, c’est finalement dans le rôle de l’ado nerd victimisé, moqué, abusé, que Manson montre l’étendu de son talent. Étonnement, du haut de ses 44 ans, il n’a aucun mal à rendre crédible son rôle d’adolescent introverti, et confirme pour ceux qui en doutaient encore que son talent d’acteur est mesurable à celui de musicien. En 2016, méconnaissable, il s’éclate dans le rôle d’un tueur psychopathe pour Let Me Make You A Martyr.

 

Parce qu’Alejandro Jodorowski l’a marié à Dita Von Teese en tenue de prêtre alchimiste

Attention passage kamoulox. Nous sommes en terre irlandaise en 2005 et Marilyn Manson passe la bague au doigt de Dita Von Teese (déjà classe en soit). La cérémonie est un grand n’importe quoi burlesque. Pour officier, le couple choisit l’illustre réalisateur franco-chilien Alejandro Jodorowski, l’une des personnalités les plus importantes de la vie de la rock star. Les deux hommes se tirent régulièrement les cartes de tarot et partagent des discussion enflammées sur le diable, tout un programme. Le cinéaste apparaît alors en costume et long chapeau blanc de l’Alchimiste dans The Holy Mountain, l’un des films de Jodorowski, financé par John Lennon, avec des bottes blanches fendues comme des sabots de chèvre, et finit par officialiser le mariage en qualité de «prêtre alchimique». Pour l’anecdote, le couple se sépare trois mois plus tard (le nom de Lindsay Lohan est évoqué) et Alejandro confie à Marilyn qu’il avait su que le mariage serait un échec à la seconde du «Vous pouvez embrasser la mariée», et qu’elle avait alors vérifié son rouge à lèvres.

 

BONUS : Parce qu’il est possiblement samplé sur l’album Yeezus de Kanye West

On a longtemps soupçonné (et on soupçonne encore) Kanye West d’avoir samplé The Beautiful People de Marilyn Manson sur le titre Black Skinhead issu de son album Yeezus. D’abord présent dans une première liste officieuse, son nom n’apparaît finalement pas lorsque les crédits officiels sont dévoilés.

On vous présentait il y a quelques mois un édito « Les Vêtements de Football » qui présentait la 3ème collection crée par le magazine italien NSS. Aujourd’hui, le match retour se joue avec un 4ème drop, qui propose de nouveaux maillots que sont entre autres le Brésil, la Juventus, Manchester ou même le PSG. Sur les maillots, on retrouve toujours le détournement de labels de mode comme « Balenciagoal », « COMME des FOOTBALL » ou encore « Acab Studio ».

Vous pouvez retrouver la totalité des maillots sur le store NSS Mag.

 

Avant « Bodak Yellow », Cardi B brillait déjà sur les réseaux sociaux. Ex-star de la télé-réalité elle distillait ses conseils de vie avec son sens de l’humour et sa personnalité unique, dans un fort accent qu’on situe entre le Bronx et Trinité-et-Tobago.
De passage à Paris pour son premier concert, on a eu l’occasion de croiser l’artiste. Avec elle, on a choisi de parler image et politique, et de célébrer ses récentes fiançailles avec le rappeur Offset du trio Migos.

 

«Clint», c’était pour ses blousons et ses vestes de cow-boy. «Dub la main chaude», pour ses qualités d’artilleur. Puis « Le blanc qui sautait au-dessus des buildings», pour sa détente soufflante. Première vraie starlette du basket hexagonal, Hervé Dubuisson a bousculé les codes et empilé les records. Sa signature : une mécanique de shoot précise et létale. En 1984, il chatouille la NBA en rejoignant les New Jersey Nets en Summer League. Une première pour un frenchie. C’est cet épisode que Nicolas Venancio – aka Gasface – a choisi de raconter, à travers son documentaire «DUB». En hommage au tireur d’élite à nuque longue, on a demandé au réalisateur son cinq majeur des plus fines gâchettes de l’histoire.

 

Meneur : Chris Jackson

En meneur, je choisis «le meilleur freshman de l’histoire» : Chris Jackson avec le maillot de LSU – la fac de Pistol Pete, Ben Simmons et Shaq, qui mettra le jeune australien à la page : «Chris was the baddest ever at LSU». Son coach l’a vu réussir un jour une série de 283 lancers à la suite. Un flingueur d’un mètre 85 qui scora 30 pts en moyenne, avec des pointes à 50… Il changera de nom en se convertissant à l’Islam, et changera d’équipe NBA, puis carrément de ligue en refusant de se lever pour l’hymne US. Colin Kaepernick a fait un shooting studio pour la couv’ de GQ, lui n’a toujours pas son maillot retiré à LSU…. Que fait la société du spectacle ?

 

Arrière : Reggie Miller

Le poste d’arrière est réservé à Reggie Miller. « I talk I talk I talk… but guess -fuckin- what ?? I back it up ! » à la Conor McGregor. Reggie était le shit talker ultime avant l’avènement de l’irlandais en slip. Que ce soit avec UCLA ou le jersey dégueulasse des Pacers, il a toujours flingué. Mention spéciale pour ses tueries de masse au Madison Square Garden…. Seule ombre à son œuvre… sa rencontre avec Dejan Bodiroga, le Nate Diaz de Reggie.

 

Ailier : Kevin Durant

Le poste 3 est un vrai dilemme… apriori c’est pour Larry Legend, sa nuque longue et son short court… mais il est déjà dans 95% des TOP5… Alors j’ai pensé à Glen Rice. Oui, Glen « shoot soyeux » Rice… Le gentleman shooteur qui a scoré avec Sarah Palin, l’ex candidate républicaine à l’époque où il était universitaire à Michigan et elle étudiante la plus hot d’Alaska… Mais finalement c’est Kevin qui est drafté… Il ne me fascine pas mais c’est le meilleur attaquant du monde ou pas loin.

Ailier fort : Charles Barkley

Dur de choisir un 4. Tel que je l’imagine, un ailier fort fait de l’intox et met des coups de coude, il ne s’écarte pas pour rentrer des shoots. Alors évidemment y’a Dirk [Nowitzki ndlr] … mais cette évolution du jeu est aussi une des raisons pour lesquelles je le regarde moins… Cette fois-ci je fais une entorse – c’est mon équipe – et je drafte Chuck des Sixers, parce qu’il a affronté Hervé lors de la Summer League 84, parce que c’est lui qui mange du popcorn sur l’affiche du film, et puis 22 pts en carrière de moyenne en carrière c’est pas mal nan ? Comme disait LL Cool J, on peut flinguer avec moins de munitions : «I explode and my 9 is easy to load. »

 

Pivot : Hakeem Olajuwon

Pour le Guiness book et les oldtimers c’est Kareem Abdul Jabbar. Pour moi ce sera Hakeem Olajuwon. Parce que lui, je l’ai vu jouer. Je l’ai vu couler l’amiral Robinson, je l’ai vu « bomboclat » Patrick Ewing, rôtir Shaquille comme du BBQ chicken… Je n’ai jamais vu un tel arsenal offensif, un gunner virtuose… Tous les grands des années 90 ont participé à « Dance with the stars » sans le savoir.

 

Coach : Pete Maravich

Comme coach je ressusciterais Pistol Pete Maravich. Obligé avec un tel surnom… S’il n’avait pas été basketteur, il aurait pu être président de la NRA ou rappeur chez Death Row. Légende.

 

Vous pouvez commander le documentaire « DUB » sur Gasface.net.

À travers leurs manipulations expertes, ils transforment une série de pistes audio éparses en un ensemble audible et appréciable. Pourtant, leur rôle crucial n’est que rarement cité au moment de féliciter la victoire collective que constitue la sortie d’un album, voire même d’un simple single. En plus d’être beatmaker, Kezo est ingénieur du son de sa profession. Dans son Grande Ville Studio, il a accueilli un large catalogue d’artistes, plus ou moins renommés, de Skepta à Jazzy Bazz, de Laylow à Lil Uzi Vert. Entretien avec le maître d’un lieu qui cimente discrètement sa place dans le paysage musical français.

Photos : @mathiaszivanovic

Tout d’abord, en quoi consiste exactement Grande Ville, et comment s’est formé le collectif ?

Grande Ville, ce sont des amis avant tout. Certains étaient en cours ensemble, d’autres étaient déjà potes de longue date, avant que le son et nos goûts musicaux communs nous rapprochent tous assez naturellement. Le collectif en tant que tel s’est formé en 2007 ou 2008, il me semble. Mais même si la passion pour la musique est la chose qui nous a relié, certains évoluent dans l’image, dans le textile ou même dans d’autres domaines qui n’ont rien à voir.

Vous avez à peine un projet à votre actif en presque dix ans d’existence, pourquoi vos réunions sont-elles aussi épisodiques ?

Nous n’avons publié qu’un projet en tant que Grande Ville Records pour le moment, mais beaucoup de projets individuels sont déjà sortis : Sur la route du 3.14 et l’album P-Town de Jazzy Bazz, Motel Music vol. 1 et 2 de Jimmy Whoo, et l’EP Nevada de Lonely Band – qui sort d’ailleurs son album ce mois-ci. Depuis trois semaines, on bosse sur un nouveau projet Grande Ville, d’ailleurs je rentre tout juste d’une session studios avec le collectif. Le truc, c’est que faire un projet en commun prend beaucoup de temps dans la mesure où nous avons envie de créer une certaine cohérence entre les titres, mais ce n’est pas chose facile au vu de la diversité des artistes qui composent notre collectif.

À quel moment avez-vous décidé de créer un studio ?

J’ai fait une école de son sur Paris et c’est là que j’ai rencontré Fox et Jimmy Whoo. Fox était très intéressé par les machines et le mastering, tandis que Jimmy était plus porté business, il connaissait déjà pas mal d’artistes. De mon côté, c’était une période où j’approfondissais mes connaissances dans le mixage. Puis un jour ils m’ont fait un Skype et m’ont proposé de faire le studio tous les trois. Après réflexion, j’ai accepté, ça me paraissait être une bonne opportunité. Du coup, on a monté le premier Grande Ville Studio en 2011.

Le profil des artistes qui viennent enregistrer au GVS est de plus en plus varié, allant de Kekra à Prince Waly, en passant par 13 Block, Hayce Lemsi et Panama Bende. As-tu le sentiment que c’est en train de devenir un endroit de référence dans le rap français ?

C’est vrai que pas mal d’artistes connus sont venus et viennent régulièrement au studio. Je ne sais pas si nous sommes une « référence » des studios mais nous essayons de faire en sorte que ce soit le cas. Ça passe notamment par le confort des artistes. L’ambiance du studio est conviviale et nous faisons en sorte que chacun se sente à l’aise, de manière à ce que les artistes donnent le meilleur d’eux-mêmes une fois derrière le micro. À côté de ça, on s’applique sur chaque morceau qui sort d’ici, de l’enregistrement au mastering, en passant par le mixage. Avant de mixer un son, je sens souvent que l’artiste ou le groupe qui a fait le morceau compte sur moi, donc j’essaie de jamais les décevoir dans mon taf !

Entre Damso et PNL, on a entendu de plus en plus de rappeurs mettre en avant leur ingé-son. Tu penses que l’attention des artistes rap sur cet aspect de la musique s’est accrue au fil des années ?

Oui, petit à petit les ingés son commencent à obtenir un peu de reconnaissance, mais alors vraiment « un peu ». [rires] En fait, depuis quelques années, les entreprises qui créent des plug-ins [effets utilisés au mixage, ndlr] innovent de plus en plus au niveau des effets. Alors en tant qu’ingé, il faut absolument être à la page. Certains effets peuvent vraiment transformer un morceau, quand tu écoutes PNL, A$AP Rocky ou Travi$ Scott, par exemple, il y a des effets de voix vraiment marqués et les artistes kiffent ça. Dans le mixage, les effets de style ont pris de plus en plus d’importance, et les ingés son aussi par la même occasion.

« Pour moi, la réussite des ingés son se trouve plus dans la réussite d’un album ou d’un artiste avec lequel on travaille. »

Il y a un côté « homme de l’ombre » qui entoure ta personne, et plus largement ta profession. Selon toi, est-ce que c’est dû au fait qu’on ne porte pas suffisamment d’intérêt à ceux qui opèrent derrière les machines ou est-ce quelque chose qui est tout simplement voulu ? Les ingés son ont-ils envie d’être dans la lumière ?

Sur un album, il faut savoir qu’il y a énormément de personnes qui travaillent, entre les graphistes, les managers, les clippeurs, les photographes, les directeurs artistiques, les ingé son d’enregistrement, de mixage et de mastering, les attachés de presse, les éditeurs, les beatmaker, etc. Il est donc logique que tout le monde ne soit pas mis en avant. Pour moi, la réussite des ingés son se trouve plus dans la réussite d’un album ou d’un artiste avec lequel on travaille. Lorsqu’on se lance dans ce métier, on ne le fait pas pour être dans la lumière. Et je ne pense pas que les ingés sons soient vraiment attirés par la notoriété du grand public, sinon ils ne feraient pas ce travail. Mais paradoxalement, je pense qu’il en faut quand même un petit peu pour être sollicité par les artistes.

Quelques pointures internationales ont également fait un tour au GVS au cours des derniers mois. Comment expliques-tu qu’ils aient atterri dans ce studio et pas un autre ?

[Rires] Ouais, nous-mêmes avons été grave surpris quand Drake, Skepta ou encore Lil Uzi Vert ont pris des sessions dans notre studio ! Au fil des années, on commence à connaitre pas mal de monde sur Paris. Entre les différentes soirées où nous allons et le studio, on a rencontré énormément de personnes. Je pense aussi que cela peut s’expliquer par le fait que les gens nous font confiance. Plus tu travailles avec des artistes connus, plus tu gagnes en crédibilité : ça donne envie à d’autres de venir, il y a une sorte d’effet boule de neige.

De ton côté, tu es également producteur. À l’heure où l’on parle, tu as tendance à plus te considérer comme un artiste ou un technicien ?

En vrai, les deux vont ensemble pour moi. Être mixeur et beatmaker, ça t’offre plus de possibilités. À force de décortiquer chaque instru au mixage, tu apprends inconsciemment à discerner dans un morceau ce qui est bon de ce qui ne l’est pas. Et ça, je pense que ça me sert quand je fais un son. Quand je compose une prod, j’aime bien enregistrer l’artiste et travailler sur la D.A. [direction artistique] du morceau. Mais paradoxalement, je n’aime pas spécialement mixer mes propres instru. Quand j’ai fait la prod, enregistré l’artiste et que j’ai entendu le morceau des heures et des heures durant, j’ai du mal à être objectif pour faire un bon mix. Quand il s’agit de mixer, j’aime dans l’idéal ne jamais avoir entendu le morceau avant.

Ce n’est peut-être qu’une impression, mais j’ai le sentiment que tu places de plus en plus de tes compositions sur les projets des artistes avec lesquels tu bosses. C’est une casquette que tu aspires à endosser de plus en plus régulièrement ?

Non, ce n’est pas qu’une impression. Quand je bosse avec quelqu’un, que j’apprécie ce qu’il fait et qu’on s’entend bien, ça me donne envie de voir ce qu’il pourrait faire sur une de mes compos. Je discute beaucoup avec les artistes qui viennent au studio, parce qu’en tant qu’ingé son l’aspect technique est important, mais le relationnel l’est aussi. A partir du moment où il y a un bon feeling, et une vraie synergie au niveau de l’artistique, ça se fait assez naturellement en fait.

As-tu une idée précise de ce qui attend Grande Ville pour les mois à venir ?

Comme j’ai déjà pu le dire, il y a True Lovers, le premier album de Lonely Band, qui sort le 24 novembre. Au-delà de ça, je travaille sur beaucoup d’autres projets mais je ne peux pas vraiment en dire plus.

Kelela Mizanekristos, ou tout simplement Kelela, a d’abord été chanteuse dans un groupe de progressive metal avant de se tourner vers un style qui navigue entre musique électronique et rnb. À l’occasion de la sortie de son premier album nommé Take Me Apart, Kelela vient poser ses valises à Paris pour une date de concert unique le 1er décembre à la Gaîté Lyrique, et on vous offre deux places pour y assister !

Pour participer, envoyer nom + prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Kelela ». 

Chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus de l’arrivée de BAPE à Paris, confirmée sur Instagram en octobre dernier. Depuis sa création en 1993 par Nigo, l’enseigne nipponne a su se faire une place de choix dans l’industrie de streetwear à coups de collaborations de prestige… et d’autres nettement plus curieuses. On s’est donc naturellement penché sur ces marques, objets et licences dont on n’aurait sans doute jamais imaginé qu’elles puissent être camouflées sous l’imprimé iconique de BAPE.

5. BAPE x Scarface

Année de sortie : 2005

Ok, ok, ok… On vous l’accorde. Une marque de streetwear qui dédie un t-shirt à Scarface, film G par excellence et bible de références dans la culture hip-hop, ça n’a rien de franchement improbable. Preuve en est : Supreme en a également eu l’idée il y a quelques mois de cela. Sauf que BAPE a su rendre cette collaboration singulière avec un packaging next level, qui reléguait le textile au second plan. Une boîte digne de la meilleure cuvée de Moët & Chandon, dans laquelle se glissait (logiquement) une bouteille de champagne contenant le tee en question. « Oh, you fancy huh ? »

4. BAPE x Modernica

Année de sortie : 2012

Tandis qu’IKEA devient chaque jour un peu plus hype, le fabricant de mobilier californien Modernica n’a jamais vraiment cessé de l’être. C’est en tout cas ce qu’on peut légitimement se dire en épluchant son catalogue de collaborations, qui va de Stüssy à Undefeated, en passant par Anti Social Social Club. Pour son association avec la maison japonaise, Modernica a affublé ses chaises du célèbre motif camo BAPE, en plus de produire une table basse dont la forme épouse celle de son logo.

3. BAPE x Disney’s Winnie the Pooh

Année de sortie : 2006

Bob l’Éponge, Super Mario, Hello Kitty… L’imaginaire des cartoons et des jeux vidéos plaît du côté de BAPE. Généralement, cela aboutit sur une collaboration où le personnage en question prend la pose aux côtés de la mascotte Baby Milo, sur un t-shirt qui s’arrachera à prix d’or. Mais la première avec Disney, c’est différent. Les deux institutions s’accordent cette fois sur une peluche du plus connu des oursons (non, ce n’est pas Booba) dont la peau est évidemment « militarizée », comme dirait Gradur. Pour les grands enfants, ceux qui ne collectionnent non plus les cartes Pokémon, mais les sneakers en édition limitée.

2. BAPE x Amazon

Année de sortie : 2012

En terme d’image, quasiment tout oppose A Bathing Ape et Amazon. Quand l’un représente ce qui se fait de plus niché en matière de street culture, l’autre permet à tout un chacun de commander la moindre babiole trouvable sur Internet. Mais puisque les contraires s’attirent, on devine que leur association fait sens, n’est-ce pas ? Le tee « Amazon.co.jp » s’avère plus sobre que ce BAPE a l’habitude de faire, puisqu’il n’affiche (apparemment) que le sourire jaune du détaillant américain. Il faut jeter un oeil au dos du vêtement pour identifier la patte de Nigo, avec une armée de Baby Milo qui jouent les livreurs fainéants. Accurate.

1. BAPE x Daiwa Fishing Co.

Année de sortie : 2010

Dans la longue liste des activités qui ne semblent pas nécessiter un quelconque effort vestimentaire, la pêche figure assurément en très bonne position. Il fallait bien BAPE pour remédier à cela, et équiper nos amis pêcheurs avec style. En 2010, l’enseigne nipponne joignait ses forces avec Daiwa, une référence historique du matériel de pêche, pour une collection naturellement intitulée « A Fishing Ape ». Cannes, hameçons, vestes en Gore-Tex, moulinets, boîtes à appâts… BAPE ne laisse rien au hasard ; c’est donc la panoplie complète du pêcheur qui se pare de son plus bel imprimé camo. A Bathing Ape, plus que jamais premier sur vos passe-temps du dimanche.

Vendredi dernier, Jerry Lorenzo du label Fear Of God et Vans sortaient la nouvelle collection de leur dernière collab de basket, avec six paires exclusives au programme. C’est dans un univers racing, entre deux tours de karting et de Lotus Elise, que YARD a conduit cet édito. Sur le circuit de Pont l’Evêque en Normandie, les mannequins ont été habillés d’une pléthore de denim, de camo, de flanelles et de t-shirt vintage, pour respecter l’univers Fear Of God tout en y ajoutant une touche créative.

Photographe: Alex Dobé & Pablo Attal
Stylisme & Direction Artistique: Pablo Attal
MUA: Hannah Natalie
Hair: Lika
Modèles: Louise & Hugo
Marques: Vans, Fear of God, Carhartt WIP, Weekday, Stussy, Levi’s, Gucci, Ralph Lauren, Bishop Nast, Dickies, Misbhv, Rothco, Olah Hussein, Rick Owens

Denzel Curry est un rappeur originaire de la Floride qui s’est fait remarquer grâce à son intense titre qu’est « Ultimate ». Après avoir fait partie de la promo 2016 des Freshmen du magazine XXL aux côtés de Lil Uzi Vert, Lil Yachty ou encore 21 Savage, Denzel Curry sort son deuxième album Imperial dans lequel il s’illustre avec des titres comme « ULT ». En 2017, le rappeur de Floride a sorti un EP nommé 13 et sera en concert le 22 novembre à la Cigale pour son « The Life of 13 Tour ».

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Tirer le portrait de Jaden Smith peut parfois sembler surréaliste, à l’image de son sujet, tellement le personnage paraît flou ou clivant. Son premier album tout juste arrivé, très influencé par la pop coréenne, il était temps de faire un état des lieux du personnage.

A-t-on encore besoin de présenter le fils de Jada Pinkett et Will Smith ? Comme Malia Obama, Jaden fait partie de la première génération de ce que les acteurs hollywoodiens appellent « un Empire Noir », soit des enfants de célébrités qui ont grandi sous le regard des caméras et du grand public. Une vie sans filtre dont tout le monde a un souvenir plus ou moins gênant: son rôle de Reggie dans la série All of us, son passage touchant avec son père dans Pursuit of Happyness, ou plus récemment une interview où il énumère des anecdotes scientifiques à tomber par terre, comme le fait que l’humain partage 50% de son ADN avec la banane (vraie info). Depuis 19 ans maintenant, nous pensons connaître Jaden, mais est-ce vraiment le cas?

En roue libre

Celui qui le comprend peut être le mieux est sûrement Donald Glover, possédant un parcours similaire entre le cinéma et la musique, sans jamais privilégier l’un plus que l’autre:

« Je sais que beaucoup ne comprennent pas Jaden, mais il est réellement malin, [il] est dans une position où il a le luxe de pouvoir échouer, Il représente vraiment ce personnage dans mon album Because the Internet. Au-delà de ça, il comprend vraiment ce qu’il se passe, et sait comment naviguer vers ce qu’il veut faire. Il sait qu’il a des opportunités que les autres n’ont pas. »

Là où Childish Gambino y voit une personne libre, d’autres n’hésitent pas à le critiquer ouvertement, arguant que Jaden n’est pas aussi philosophe qu’il veut bien le faire croire, comme le pointe le présentateur radio Charlamagne tha God:

« Je crois que les gens cherchent un sens trop profond dans ce que Jaden dit, alors qu’il dit juste des choses banales. Genre il peut dire ‘regardez autour de vous et vous verrez’, et tout le monde va se demander ‘MAIS QU’EST CE QUE CA VEUT DIRE?' »

Ce genre de message, Jaden en laisse des tonnes sur les réseaux sociaux ou en fin d’interview pour dérouter son interlocuteur. Même Will Smith semble un peu confus quand on lui demande si la liberté d’expression de son fils n’est pas hors de contrôle.« Je pense que c’était une erreur [de lui laisser autant de libertés] », répond-il en riant, avant de poursuivre au sujet de Jaden portant des vêtements de femme : « Il y a quelque chose d’artistique, très puissant en lui que nous encourageons en tant que parents, il faut qu’il dépasse les limites. Il faut qu’il essaye de faire des choses, qu’il soit à l’aise avec le fait que les gens ne soient pas d’accord […] Jaden est dévoué à 100 %, il n’a pas peur. Il peut tout faire. En tant que parents c’est terrifiant, mais il est totalement prêt à vivre et à mourir pour son art. »

Jaden Smith a vraiment débarqué au #metgala avec ses dreads à la main pic.twitter.com/Jc7X3TdMLR

— Bojack Yellow (@eric_rktn) May 2, 2017

Une liberté vue d’un mauvais oeil, surtout par les musiciens, qui y voient une lubie d’enfant de riche extraverti, avec des looks androgynes. Donald Glover rajoute:

« Une fois il est venu chez moi et il portait ces leggings bizarres en me disant ‘je me suis baladé sans pantalon comme ça toute la journée’, [rires] il est libre ! Si je travaille dur aujourd’hui, c’est pour que les enfants se sentent libres d’être ce qu’ils veulent, parce que je sens toujours que je ne peux pas l’être moi même. »

Fils de Young Thug

Dans son rapport à la mode et aux créateurs, Jaden descend tout droit d’artistes tels que Lil B et sa philosophie Based, ou encore Young Thug, prônant le fait d’être à l’aise avec soi-même jusque dans ses tenues. Des limites que Jaden repousse même avec le personnage de Dizzee dans la série The Get Down, volontairement ambivalent. Il s’en explique:

« Je pense que les gens sont trop confus par les normes et les genres. J’ai l’impression qu’ils ne captent pas. Je ne veux pas dire que j’ai tout compris, mais je ne vois aucune discussion autour de ça. Je ne vois pas des fringues pour hommes et des fringues pour femmes, je vois juste des gens à l’aise d’un côté et des gens effrayés de l’autre. »

Pas étonnant qu’il ait tapé dans l’oeil de Nicolas Ghesquière, Directeur Artistique de Louis Vuitton, avec qui Jaden collabore en 2016 pour illustrer son propos, se servant de sa célébrité pour appuyer la sortie de collections unisexes, comme il en parle:

« Il représente une génération qui a assimilé les codes de la vraie liberté, celle qui n’a pas de manifeste et qui ne se pose pas de question sur les genres. Porter une jupe est naturel pour lui comme pour une femme, qui elle aussi devait demander la permission pour porter un costume ou un trench. Il a un équilibre très instinctif qui fait de son attitude la nouvelle norme. »

Kid of the Moon

Mais sa plus grande influence est certainement Kid Cudi, avec lequel il a toujours été pote. Un support réciproque qui se retrouve dans le clip de ce dernier, « Surfin' » sorti en 2016, ou lorsque que Scott annonce en avant-première le single de Jaden pour son album SYRE, avant même que les médias ne le fassent.

Dans le clip de « Fallen », Jaden accumule les clins d’oeils appuyés à Cudder: on y retrouve le vinyl de Man on The Moon : The End of Day devant lequel il fait des moonwalks. Pas super subtil dans l’idée, mais le clip sort au moment où Kid Cudi parle publiquement de sa dépression et de sa décision de se faire soigner. Au-delà de cet hommage, on y retrouve aussi plusieurs éléments faisant miroir à la série Westworld (l’homme en costume noir, le décor de western) qui font écho à l’autre grande idée de Jaden, celle de créer un monde idéal

« Je travaille très dur pour réparer la planète Terre. J’ai vraiment envie de créer une utopie sur cette planète. Je veux réussir pour que les gens n’aient pas à se dire ‘je dois travailler pour survivre’. Pour qu’ils fassent ce qui les passionnent. »

Des propos qu’on verrait bien dans la bouche d’un Kanye West, sur lequel il prend exemple en allant dans toutes les directions en 2017 : de son partenariat avec une marque d’eau minérale, en passant par son animé sur Netflix créé avec Ezra Koenig (le chanteur de Vampire Weekend), difficile de mettre Jaden dans une seule case. Ce qui a pour résultat d’en faire une cible médiatique où les critiques pleuvent, (comme ce tumblr centré sur des photos de lui où il a l’air dépressif. À la différence près que pour y répondre, Jaden utilise la force de son collectif créatif et non juste son nom.

La République des Misfits

Pour concrétiser ses projets multimédias, Jaden s’est entouré d’une tribu qu’il a nommé MSFTSRep (pour Misfits République), en réponse à un sentiment d’abandon par la génération plus âgée :

« Être un misfit, c’est créer la vie que je veux pour moi-même, que chaque personne fasse la même chose à travers sa propre création, sans coller telle ou telle étiquette. L’idée est de faire partie d’un esprit où tout le monde se dit que c’est ok d’être différent, comme Kanye le disait: ‘you make good music, you’re in G.O.O.D Music’. C’est le même esprit: si tu es un créatif, tu es un Misfit. Kanye est un Misfit, Kendrick est un Misfit (…) C’est comme Odd Future, c’est juste un moyen pour savoir qui tu es vraiment. »

Au sens strict, MSFTS est une entité artistique couvrant autant les réseaux sociaux, que les fringues désignées par Jaden. C’est aussi un magazine entassant les photos et les pensées à la manière d’un Tumblr mais en version papier, dans la même veine que Boys Don’t Cry, le magazine de Frank Ocean accompagnant son album Blond(e).

(Crédits: MSFTS Magazine)

On y retrouve également de longs articles écrits par Willow Smith, traitant par exemple du racisme ou du sexisme. De son côté, elle aussi possède sa propre plateforme sur Youtube (appelée Frequencies), avec laquelle elle fait découvrir des artistes, de la même façon que le channel Majestic Casual.

 En dehors du cercle familial, on y retrouve le réalisateur Miles Cable, qui a très peu travaillé pour d’autres artistes connus, si ce n’est Kid Ink (en featuring avec Shy’m, vous avez bien lu), le producteur Daniel D’Artiste, son frère dylAn, et le photographe Moisés Arias aka 490tx, qui ne tarit pas d’éloge quand il s’agit de parler de Jaden.

« Quand j’avais 16 ans, Jaden en avait 12. A cette époque, je ne savais pas très bien qui j’étais, Jaden a cette capacité à révéler ce qu’il y a d’unique en vous. On s’asseoit en cercle avec tous nos amis et on en parle simplement, c’est un truc que Jaden adore faire – parler aux gens de ce qu’ils ressentent et essayer de leur donner une réponse […]. »

MSTFS se place quelque part entre Odd Future et le collectif de Shia Labeouf, Nastja Ronkko et Luke Turner, dont le but est de créer des performances artistiques telles que #ALLMYFILMS, #FOLLOWMYHEART ou #HEWILLNOTDIVIDEUS, le streaming anti Trump censé durer 4 ans, dans lequel on retrouve d’ailleurs Jaden.

Du Cool Cafe à SYRE

Avec tous ces projets, on en oublierait presque que Jaden fait également de la musique, et seulement depuis peu de la musique qui se tient. Trois mixtapes au compteurs, comptant des morceaux faisant référence à Kid Cudi (forcément), mais aussi en rappant par dessus des groupes pop, allant de Foster The People à Purity Ring. Ce n’est que depuis 2014 qu’il prend un tournant plus personnel, en sortant un morceau long de 7 minutes en featuring avec Willow, où il alterne le spoken word et des changements de rythmes aussi surprenants qu’intéressants, faisant penser à Childish Gambino.

SYRE est son 2e prénom, mais également celui de son premier vrai album, dans une formation avec sa soeur et Odessa son actuelle petite amie. Annoncé pour 2017, Jaden a précisé récemment qu’il serait très influencé par la K-Pop et en particulier par le groupe G Dragon.

And Yes I Will Be Dropping A K Pop Single In The Next 4 Months.

— Jaden Smith (@officialjaden) April 20, 2017

I'm Serious I Actually Wanna Be A K Pop Star.

— Jaden Smith (@officialjaden) December 21, 2016

De toutes ces influences et ses annonces plus extravagantes les unes que les autres, Jaden a su en retirer un album étonnamment uniforme, bonne synthèse entre l’énergie de rockstar d’un Kanye période Yeezus, aux instant plus acoustiques, dépressifs et chantés de Kid Cudi. Un manifeste dont il se fiche de savoir s’il sera bien reçu ou pas:

« Le monde va continuer à me basher pour tout ce que je fais, mais je vais continuer à m’en foutre. Je vais continuer à faire ce que je fais – je vais même en faire plus. Je vais prendre plus de coups pour mes potes misfits. Je veux bien subir ça, pour que certaines choses deviennent normales pour la génération suivante, alors que ça semblait impensable pour nous. »

Alors, génie ou imposteur?

Dans une industrie musicale dictée par les chiffres, où l’on parle presque plus souvent de streams que de mélodies, la prolificité est de mise. Difficile d’exister sans abreuver continuellement son public de nouveaux morceaux. La trappe de l’oubli se tient là, prête à happer les artistes qui peinent à suivre la cadence infernale des Jul, Gucci Mane et autres Future. S’absenter pendant cinq ans, c’est sentir le souffle froid du couperet sur la nuque de sa carrière prometteuse. Mais Nemir avait sans doute plus peur que la bête finisse par le dompter qu’elle ne le broie vivant. 2012, son EP Ailleurs est un des grands succès d’estime de l’année. Sentant le feu des projecteurs faire fondre dangereusement ses ailes de cire, Nemir s’éloigne subitement d’une machine qui veut aller plus vite que la musique, que sa musique. Pour cinq ans. Cinq ans de manifestations brèves et sporadiques. Le voici près à redonner de ses nouvelles, « Des heures » après Ailleurs. Un saut dans le vide, avec son art comme seul parachute.

« Des heures », le premier extrait de ton prochain album, est sorti il y a bientôt un mois maintenant. Dans la description du clip sur YouTube, tu te fends d’un bref : « Merci à tous ceux qui ont attendu. » C’est à croire que tu n’étais toi-même pas sûr qu’ils prennent la peine de t’attendre, après tout ce temps.

En fait, c’est une question que tu peux légitimement te poser : tu disparais cinq ans, tu quantifies pas de façon très précise le public qui te suivait à l’époque, puis tu perds un peu le contact avec tous ces gens. Au mois d’août déjà, j’avais publié une sorte de visuel où je disais : « L’album est fini pour de vrai, je vous balance un truc en septembre ». Quand j’ai vu que les gens avaient réagi sérieusement, je me suis rendu compte qu’il y avait toujours du public qui était là et qui avait la suite de l’aventure en tête. Et c’est vrai que ça m’a touché. Ça rassure. J’avais besoin de les remercier avec ce premier extrait, d’autant qu’ils sont toujours très bienveillants avec moi, alors qu’ils pourraient m’attaquer pour tout et n’importe quoi…

C’est-à-dire ?

Bah sur le fait de prendre mon temps, de disparaître, de réapparaître de façon un peu épisodique, sur des projets où les gars ont leur identité… Les gens perdent le fil. Ils ne savent plus vraiment ce que je fais, artistiquement. Donc ouais, je trouve qu’on ne m’a pas forcément trop déchiré sur ces collabs-là. Même sur le premier single, en vrai. Pour moi, il est très proche de ce que je faisais avant, mais je sais qu’il peut paraître très audacieux, très en décalage avec ce que je faisais sur Ailleurs, pour peu que les gens manquent un peu de subtilité ou de volonté d’aller chercher ce qu’il y a comme lien entre les deux. Donc je trouve qu’il y a eu de la bienveillance. Sur le parti pris du premier titre. Sur le petit post Facebook qui disait que je revenais. Sur les collabs que j’ai fait tout ce temps.

De manière très concrète, peux-tu nous expliquer les raisons de ton retrait ?

En vrai, même avec le recul, je ne sais pas si tout est très concret dans cette affaire. C’est un mélange de plein de choses. On fait Ailleurs, il y a un gros succès d’estime, on fait un chiffre correct de ventes. Une dizaine de milliers d’exemplaires en indépendant, sachant qu’il n’y avait pas encore cette histoire de streaming, c’était quand même honorable pour un disque sorti de notre ordinateur pour atterrir directement à la Fnac. [Il me voit amusé] Mais vraiment hein ! On l’a même pas mixé, ni même masterisé, on a juste bidouillé des boutons en se disant que ça sonnait bien. Après, le succès il a aussi été au niveau des lives. On a énormément tourné, pendant deux ans, et j’avoue que ça m’a pas mal cassé au final. Avec le recul, je me dis que c’était peut-être beaucoup trop sur un premier disque. Mais comme les gens étaient assez contents, ils avaient envie de nous voir et nous revoir, donc on a eu une première tournée qui a duré une année. Ensuite, il y a eu cette espèce d’extension de la première tournée, puis Stromae qui est arrivé avec les premières parties. Et c’est nous qui avons décidé d’arrêter au bout d’un moment, parce que ça ne se termine jamais en fait cette histoire. Et tout le temps que tu passes en tournée, tu ne le passes pas en studio.

« Quand tu signes, il y a énormément de gens qui projettent leur vision sur toi, qui te disent : ‘T’es le nouveau untel.’ Alors que de ton côté, tu as plus de réserves sur quasiment tout. »

Nemir

… Donc tu ne peux pas travailler sur la suite.

Ca te fait perdre énormément de temps, ouais. Quand on a arrêté les dates, je suis retourné dans mon Sud natal et il fallait le temps que je sache un peu qui j’étais. Parce que sur la route, tu croises énormément de gens, qui projettent un peu leur vision sur toi. Il y a des bruits, des voix, tout le monde qui y va de son petit commentaire. Puis après avoir signé chez Universal, tu as d’autres gens qui te disent : « Super, t’as signé, t’es le nouveau untel. » Alors que de ton côté, tu as beaucoup plus de réserves sur quasiment tout.

C’est vrai qu’en consultant tes précédentes interviews, j’ai relevé que tu semblais assez inconfortable vis-à-vis des éloges qui te sont faites.

[Il acquiesce et expire avec angoisse] En fait, ce n’est pas que ça me dérange, mais ça me fait du mal un peu.

Du coup, la discrétion, c’était une manière de canaliser un peu toute cette émulation ?

Bah je n’ai pas tellement réussi à les canaliser en vrai. Si ça avait été le cas, je serais peut-être revenu un peu plus vite, avec ce petit excès de confiance nécessaire pour pouvoir faire abstraction de tout ça. Mais moi, je suis peut-être quelqu’un d’un peu plus hyper-sensible, et ça me fige en fait. Ce qui me fige, c’est quand on essaie de me dessiner une route toute tracée, et quand on me dit « c’est par là ». À partir de ce moment-là, c’est fini pour moi, je suis complètement rigide. Moins il y a de règles et de murs, moins j’ai de peur et plus j’y vais. Parce que je m’autorise carrément tous les espaces possibles.

J’ai l’impression que d’un côté tu as une vision, mais d’un autre côté, ta vision c’est de ne pas en avoir.

Mais bien évidemment. Ma stratégie, c’est la non-stratégie. Ma vision, c’est la non-vision. Mon style, c’est la possibilité d’avoir tous les styles. Quand on me dit « Alors, on la développe comment ta stratégie ? », j’ai envie de dire « frère, moi je suis un marin qui navigue à vue ». Je suis sur le mât, je guette où il y a de la terre, et j’y vais. Je n’ai pas de cartographie précise. En tout cas, il n’y a rien de réfléchi. Après, qu’on le veuille ou non, on a en nous des choses qui font ce qu’on est, qui définissent notre ADN et nous orientent dans nos directions.

Tu as le sentiment que dans cette industrie, on veut toujours faire en sorte que les choses aillent très – voire trop – vite ?

Oui. Mais moi, j’aime bien les parcours exceptionnels, qui prouvent aussi qu’il y a d’autres voies qui sont possibles. Même si je peux comprendre que dans la norme, c’est comme ça que ça fonctionne. Ça n’empêche pas qu’énormément de gens ne se situent pas dans ces généralités, pour des milliers de raisons, et font leur bout de chemin dans un équilibre qui leur va. C’est ça le plus important. Moi, je pense être dans un équilibre qui me va très bien. Je ne souffre pas d’une quelconque frustration, j’ai pas l’impression d’être sous-côté où je-ne-sais-quoi. Je n’aspire pas forcément à faire quelque chose d’ultra-grandiose, ce n’est pas mon rêve de sur-exploser et de remplir des salles de 20 000 personnes. J’aspire juste à amener ce que je sais faire, le mieux et le plus loin possible. Bien évidemment qu’il faut devenir rentable, pour que tout le monde y trouve son compte, parce que les gens qui mettent de l’oseille sur un projet, ils ont besoin d’avoir des retours. Si je peux contenter un peu tout le monde, on est bon. Pas de fanatisme, pas d’excitation, que du concret, du rationnel.

Généralement, les artistes se permettent de prendre du recul quand leur nom est déjà bien établi. Dans ton cas, tu t’es éclipsé du paysage musical quand tu étais encore au début de ton ascension. À l’arrivée, on ressent autour de toi une énorme attente de la part des médias, voire même des autres artistes, tandis que le grand public ne t’a peut-être pas encore bien identifié. N’as-tu pas un peu l’impression de te jeter dans le vide à travers ce retour ?

Moi j’ai tout le temps l’impression de me jeter dans le vide. Quand on démarre un morceau, je me jette dans le vide. Quand on fait un clip vidéo, je me jette dans le vide. Quand je fais une interview, je l’appréhende comme si je me jetais dans le vide aussi. Après, je ne sais pas s’il faut faire la psychanalyse de ce genre de paradoxe. Des fois, j’essaye de la faire sur moi, mais je n’arrive pas à trouver de réponse. Donc je me demande si quelque part, ce n’est pas moi qui créé ces situations tout seul… Va savoir, ça j’en sais rien.

Mais il faut aussi savoir qu’une prise de recul aussi longue que la mienne, on la subit malgré tout. Cinq ans quoi… Ce n’est pas qu’un choix délibéré. Moi j’ai une certaine temporalité, et des fois je la subis. Je suis quelqu’un d’hyperactif, et en même temps quelqu’un qui peut végéter et procrastiner de façon incroyable. Je n’ai pas de juste milieu. Une fois que la machine est lancée, je suis quelqu’un d’assez inarrêtable. Mais une fois que le premier cycle passe, le second peut être un cycle très lent où je vais être un peu le contraire de moi-même. On a tous compris qu’on pouvait être un peu tout et son contraire, c’est complètement fou.

Dans une optique de ne pas disparaître totalement des radars, et de créer une attente auprès d’un plus large public, n’était-ce pas idéal de collaborer avec des artistes comme Nekfeu ou Youssoupha, qui eux sont très en vue depuis quelques années ?

Bah je pense que c’est la démarche de ces artistes qui m’ont invité. Ça reste des copains, des gens avec qui il y a une admiration réciproque. Ce sont des gens qui, si tu veux, font des choix en fonction de la musique qu’ils aiment et non pas en fonction du nombre de streams ou de followers. Parce que si c’était le cas, il y avait largement mieux à trouver…

Après, ça a tout de même permis de répondre à une demande de gens qui attendaient précisément Nemir.

Oui, et eux-aussi avaient peut-être envie de m’entendre à nouveau. Sur le moment, ils m’invitaient, ils me forçaient un peu la main. Enfin « forcer la main » c’est un grand mot, mais ils me poussaient à le faire. Ce sont des histoires d’amitiés artistiques. Parce que même si on ne m’entendait plus trop, j’étais toujours assez actif en interne : on m’envoyait toujours des maquettes, je donnais mon avis, je disais qu’il fallait arranger tel ou tel truc. Avec En’Zoo, on produisait pas mal de titres aussi, sur les albums des uns et des autres. C’était un travail d’ombre, mais pour les artistes qui font le milieu, j’étais toujours présent puisqu’ils me côtoyaient tout le temps. On bossait juste la musique de façon différente. Et pour répondre à ta question, c’est un peu le but du prochain album d’élargir la fanbase. Après artistiquement, je n’ai pas cherché à l’élargir, c’est peut-être juste ma vision de ce que je fais qui s’élargit. En cinq ans, j’ai eu le temps d’apprendre, de découvrir de nouvelles choses. Là c’est le premier disque qui sort avec un soutien de taille, qui est Universal, on compte rester nous-mêmes et ils l’ont vraiment compris.

C’était déjà ce qui semblait être la condition sine qua none de ta signature avec Barclay en 2013.

C’est la même équipe, qui est partie chez Capitol. C’est pour ça que je les ai suivis. C’est une question d’individus, avant d’être une question de structure. Parce que les structures se valent, elles ont toutes des moyens. Mais il y a aussi les individus qui font ces structures. Le mec qui m’a signé, il est parti chez Capitol et il est venu me dire, de façon très sobre : « Je pars chez Capitol, je deviens directeur, je passe un cran au-dessus et j’en suis très heureux. Qu’est-ce que tu veux faire ? » Donc de façon logique, je l’ai suivi. J’ai dit « de façon logique » parce que c’est un peu l’équipe. Puis ils ont souffert avec moi, ils ont énormément attendu. Eux aussi voulaient aboutir à ça. La signature, c’est un coup de cœur à la base. Il n’y a rien de plus plaisant que d’aller au bout d’une histoire comme celle-là.

« Tant qu’un morceau est entre mes mains, sur mon iPhone, sur mon ordinateur, qu’il y a une possibilité de le modifier, ça m’obsède. Donc chaque fois que je livre un morceau, c’est une libération. »

Nemir

Tu as parlé de Stromae tout à l’heure. Tu l’as accompagné sur onze date d’une tournée qui s’était brusquement arrêtée en juin 2015, notamment en raison de la fatigue que Stromae avait accumulée tout au long de ses étapes. As-tu été témoin de cette usure, et t’as t-elle conforté dans ta prise de recul ?

Témoin de cette usure, non. Tu ne peux pas la voir dans ce genre d’équipe. Ce sont des équipes ultra-professionnelles, il y a tellement de gens autour, tout le monde fait tampon. La machine est tellement grosse que rien ne transparaît. Mais je comprends ce qui a pu lui arriver. Tout dépend des personnalités, tout dépend des fragilités de chacun. Moi par exemple, ce genre d’expérience m’a appris à me situer. Ça m’a appris à essayer d’analyser jusqu’où je voulais aller, ce qui me manquait pour y aller et jusqu’où je voulais m’arrêter. Ça m’a permis de définir. Je sais qu’il y a différents ordres de grandeur, mais ce n’est pas ce à quoi j’aspire. Ça me fait peur. Je me connais, je suis quelqu’un d’assez vulnérable… Cela dit, ça m’a absolument nourri et conforté dans l’idée qu’il fallait que j’approfondisse tel ou tel aspect de ma musique pour pouvoir grandir comme j’ai pu le voir chez lui. Parce que c’est un peu le paroxysme de ce qu’on peut offrir en matière de maîtrise, de grandeur, de maturité, de… Voilà, c’est un missile.

D’un point de vue plus musical, son contact t’a t-il influencé ? Quand bien même ce n’est pas « ton » morceau à proprement parler, je trouve qu’un « Malsain » sonne déjà très « Stromae » en soi.

Ouais, on me l’a dit ! Bah je ne pense pas que ce soit cette expérience qui ait influencé notre musique. Disons qu’on se côtoyait avec beaucoup de politesse. Moi j’suis quelqu’un d’assez…

Il y avait une certaine distance en gros ?

Toujours. Mais elle était volontaire, c’est-à-dire que lui et moi on l’avait en même temps. C’était beaucoup de respect, du genre : « Merci de m’avoir invité, c’est cool ! Ça se passe, tout va bien ? Bizarre la date d’hier, non ? Ça résonnait trop. » On restait sur ces aspects-là et c’était pas plus mal. Et vraiment, moi je n’aime pas déranger les gens autant que je n’apprécie pas d’être dérangé. J’aime bien les rapports beaucoup plus sains. En observant les gens comme ça, j’ai beaucoup plus à apprendre qu’en essayant d’aller chercher des choses qui ne me sont pas destinées. Mais musicalement, non, pas forcément. « Malsain », c’est Gros Mo qui a initié ce morceau. Un jour il me l’a envoyé, j’ai adoré et j’ai posé dessus. Donc il nous a peut-être influencé musicalement via la radio ou les médias, le fait que son album ait été diffusé massivement. Ce sont plus ces choses-là qui ont influencé ma musique en général, que la rencontre en elle-même.

Durant ces quatre-cinq ans d’inactivité, étais-tu plutôt du genre à porter une oreille attentive aux différentes sorties musicales, ou plutôt dans la position de celui qui en écoute le moins possible histoire de ne pas être trop influencé dans son processus artistique ?

Ça fonctionne par cycle. Il y a des cycles, très courts, où tu décroches vraiment, où c’est la vie qui prend le dessus. Il faut le temps d’aimer, de régler ses histoires de couples, ses histoires familiales, retrouver ses amis d’enfance, etc. Mais en général, je suis quand même quelqu’un de vraiment passionné par la musique. C’est-à-dire que ce n’est même plus le rappeur qui écoute, c’est le mélomane. Chaque fois qu’une structure mélodique m’intéresse, qu’une tournure de phrase me touche, je me penche dessus. C’est naturel. C’est-à-dire que je n’y réfléchis même pas d’un point de vue professionnel, ce n’est pas de l’espionnage industriel. Je suis toujours connecté au milieu du son. Et je pense que c’est pareil pour tous les artistes. Les plus grands consommateurs de musique ou de clips, ce sont les artistes eux-mêmes. Moi des fois je rencontre des artistes, on discute et on parle de trucs qui sont vraiment caverneux quoi… Des trucs que personne ne peut connaître, c’est pas possible.

Sur « Des heures », tu évolues dans un registre un peu différent de celui auquel le public était habitué. Dans quel état d’esprit étais-tu au moment d’envoyer ce morceau au public ?

Chaque fois que je balance un morceau, je me soigne. Je vais t’expliquer pourquoi : parce que c’est un problème en moins. Chaque fois que je balance un morceau, il ne m’appartient plus, il appartient au public. Ça y est. Il a une forme finale. Tant que le morceau est entre mes mains, sur mon iPhone, sur mon ordinateur, qu’il y a une possibilité de le modifier ou de le moduler, ça m’obsède. Tout le temps. Donc chaque fois que je livre un morceau, c’est une libération. Vraiment. Après moi j’étais heureux de balancer ce track-là. Heureux de rétablir le contact, comme avec un parent que t’aurais pas vu depuis des années, et avec qui tu ne parles plus trop sans savoir pourquoi il y a eu autant de distances. Genre il n’y a pas eu d’embrouilles, vous vous aimez, mais vous ne vous parlez pas. Puis à un moment, il y a ce lien qui fait que ça reprend. « Des heures », c’est ça. C’est métaphoriquement comme ça que je le vois.

Beaucoup d’artistes auraient surpris leur monde avec un tel single. Mais dans ton cas, on sent qu’il s’inscrit quand même dans une forme d’évolution naturelle et qu’on avait légitimement de quoi t’attendre sur ce terrain-là.

Ah bah c’est cool que tu me dises ça, ça me fait énormément plaisir. Moi je trouve quand même que ça a surpris énormément… Mais je vois ce que tu veux dire. Ça n’a pas surpris de façon radicale ou brutale, comme si j’avais complètement changé de direction. C’est pour ça qu’on me dit : « T’es resté toi-même quand même. » On me dit que c’est très différent, mais que c’est moi derrière. Et quelque part, c’était le but aussi.

Bah peut-être que je suis fou, mais j’avais l’impression qu’il y avait déjà des pistes dans ta musique qui suggéraient que tu allais vers des choses plus chantonnées.

Bah tant mieux hein ! Moi je trouve qu’on est resté nous-mêmes. On a juste progressé musicalement, on a exploré énormément de trucs, et on sort ce qui nous paraît être le reflet de ce qu’on attend de la musique. Mais c’est vrai que moi, même mes potes qui trainent avec moi tous les jours, ceux avec qui je parle très peu de musique, ils ont été surpris. Ils étaient là : « Mais tu chantes ?! »

[Je le regarde d’un air étonné] Ils étaient surpris que tu chantes ?

Bah ils me voient chanter, mais c’est deux-trois phases par-ci, par-là, sur un refrain, etc. Mais vraiment faire un guitare-voix, une session acoustique, une prise directe où tu tiens le morceau sur trois minutes, pour eux, c’était la première fois qu’ils me voyaient faire ça.

Tout à l’heure j’ai évoqué tes morceaux avec Nekfeu et Youssoupha. On se rend également compte que les artistes qui t’invitent attendent rarement de toi un couplet rappé…

Pourtant je rappe pas mal hein, je me débrouille et tout, mais ils en ont rien à foutre [rires]. Non, mais je capte. Puis même moi, quand on m’envoie un son où il y a déjà deux couplets de 20 barres, je me vois pas rajouter un autre couplet de rap où je me branle sur de la multi-syllabique. Je préfère faire deux-trois accords, une petite mélodie et voilà.

« La musique est une aventure. Chaque projet en est une étape, et c’est important à la fin d’un projet de l’analyser et de te demander ce qui peut te faire rêver désormais. »

Nemir

J’ai l’impression que dès qu’un artiste sait faire autre chose que du rap, il est tout de suite tenté de sortir de ce carcan, comme s’il y avait quelque chose de lassant là-dedans. Est-ce quelque chose que tu ressens aussi de ton côté ?

Pas du tout. Je n’ai pas de problème avec le rap…

Je ne me dis pas tant qu’il y a un « problème » avec le rap, mais plus une envie d’explorer d’autres horizons.

Après c’est une aventure la musique. Chaque projet c’est un peu une étape, et c’est important à la fin d’un projet de l’analyser et de te demander ce qui peut te faire rêver désormais. Un peu comme le voyage. Tu te dis : « J’ai fait telle partie du monde, qu’est-ce que j’ai envie de découvrir ? » Ce n’est même pas une question de rap. Parce que moi, je sais que je reviendrai un jour – je sais pas à quelle étape de ma carrière – à quelque chose de beaucoup plus tribal, de beaucoup plus « rap », dans son sens originel. Ce sont des choses que j’ai dans ma tête et je sais qu’elles s’exprimeront à un moment donné.

T’as déjà une sorte de « plan de carrière » dans ta tête ?

Pas un plan de carrière, mais une multitude d’envies que j’aimerais pouvoir assouvir. Après je sais pas comment les placer sur le temps, dans mon parcours. Mais je sais que ça viendra. C’est comme la première fois que j’ai chanté, je devais avoir peut-être douze ou treize ans. À l’époque, j’avais fais ça comme ça, pour rigoler, c’était un peu ridicule. Mais je savais déjà qu’il y avait une véritable envie derrière.

Le fait que ça se soit démocratisé dans le rap à grande échelle, est-ce que ça ne joue pas dans le fait que tu ne trouves plus ça ridicule aujourd’hui ?

Oui et non. Parce que moi je l’ai fait à une période où ce n’était pas encore ce que c’est aujourd’hui. C’était déjà très ouvert, mais pas comme ça peut l’être maintenant. En vrai, ça vient surtout de moi. Je suis juste arrivé à un stade où je savais que je pouvais m’approprier cette façon de faire de la musique, tout en faisant en sorte que ça me ressemble. Je pense qu’au bout d’un moment, on accepte. Comme on accepte son corps, comme on accepte son visage, comme on accepte sa voix, comme on accepte ses origines sociales ou culturelles. Il y a plein de gens qui font des complexes multiples et qui finissent à un moment donné par en faire une arme. C’est juste qu’ils ont compris le décalage qu’il fallait avoir pour mieux voir la situation. Et ça, ça vient avec l’âge, avec l’expérience, avec le temps.

« Je ne cherche pas à fuir l’image rap. Au contraire, je la revendique. Ce que je cherche à fuir, ce sont des mots comme ‘variété’, ‘pop’. Tous ces mots un peu complexés. »

Nemir

À ce titre, doit-on prendre « Des heures » comme une boussole qui indiquerait la direction vers laquelle tu t’orientes désormais ?

[Il réfléchit longuement] Je n’aime pas répondre à ce genre de questions, parce que ça me plait cette situation d’indécision et de doute. J’ai vécu avec ça pendant quatre ou cinq ans, je pense que mon public peut bien connaître ce sentiment à son tour. [rires] Tout ce que je peux dire, c’est qu’on a fait un album en étant nous-mêmes, peu importe les instruments qu’on a utilisés. On peut passer d’un registre à un autre en faisant en sorte ça ait du lien. Ce qui fait le lien c’est la voix, ce sont les personnes. Moi je bosse avec un seul compositeur, c’est En’Zoo. Sinon c’est moi qui fais les leads, donc c’est la même voix, la même âme. Même si tu bifurques de façon très radicale à un moment ou un autre, il y a quelque chose. Il y a un son. Et je pense que s’il y a bien un reproche qu’on ne peut pas nous faire avec En’Zoo, c’est de ne pas avoir notre propre son.

Tu as la particularité d’avoir vraiment baigné dans la culture hip-hop. Tu as hosté des battles de break, sorti tes projets rap, participé à toutes sortes de plateaux multi-artistes, à des tremplins comme le Buzz Booster… Tu ne penses pas avoir fait un peu le tour de la chose ?

Je ne dirais pas le tour, non parce que ça se renouvelle bien quand même. Je trouve que c’est un des milieux les plus vivants musicalement. Il y a tous les jours quelque chose de nouveau, avec les mêmes matériaux, les mêmes façons de faire. Tout le monde s’approprie le truc à sa façon. Du coup, malgré le fait que ça puisse paraître très ressemblant au premier abord, c’est complètement différent. C’est comme les asiat’ : quand tu les vois de loin, tu dis bêtement que tout le monde est chinois. Mais quand tu sais vraiment qui sont les asiat’, tu repères très vite un coréen d’un vietnamien, d’un japonais, d’un mong, d’un cambodgien, etc.

Puis, moi je ne l’ai jamais caché : j’aime la musique à l’infini, et je fais de la musique à l’infini. Quand j’avais treize ans, j’étais inscrit à des chorales gospels. J’ai même essayé de faire de la danse salsa, pour te dire à quel point je peux avoir l’esprit ouvert. C’est trop négatif de dire que par « lassitude », j’ai cherché à faire autre chose. Pas du tout. C’est par curiosité et par amour pour la musique.

Mais peut-être que cette curiosité vient plus vite chez les rappeurs, et c’est là où je voulais en venir quelque part…

Après, dans le fond, ça ne me dérangerait pas qu’on mette un morceau comme « Des heures » dans la catégorie rap. Je trouve ça très bien. Ce n’est pas faux en fait. Qu’on classe ça dans la catégorie pop, nouvelle musique, flamenco, guitare-voix… C’est toi et ton appréciation. Le mot ne définit pas forcément la chose et « Des heures » peut être toutes ces choses-là. Après, est-ce que c’est un rappeur qui est derrière « Des heures » ? Absolument. Personnellement, j’ai eu l’impression de rapper sur « Des heures ». [Il fredonne le morceau] C’est juste que je rappe différemment. Mais ça reste du rap. Et je ne cherche pas à fuir cette image-là. Bien au contraire, je cherche à la revendiquer. Ce que je cherche à fuir, ce sont des mots comme « variété », « pop »… Tous ces mots un peu complexés quoi. « Des heures » ce n’est pas de la pop, c’est un morceau de rap. Le mec qui l’a fait, c’est un rappeur. Le mec qui l’a composé, c’est un beatmaker et les beatmakers savent jouer des instruments… C’est tout.

Peu de temps après l’annonce de ton retour, tu as tout de suite précisé que l’album serait intégralement produit par En’Zoo. C’était impensable pour toi de faire ce projet avec quelqu’un d’autre ?

Bah quand ça s’est fini, on s’est dit que c’était évident, ouais. Mais si quelqu’un avait débarqué dans notre boucle et nous aurait semblé plus pertinent, on n’aurait eu aucun mal à lui faire de la place. D’ailleurs, on eu des périodes de doutes incroyables avec En’Zoo. Des moments où on ramait tous les deux, où on se demandait si on était toujours compatibles. Au début du projet, on s’était dit qu’il ferait deux-trois morceaux, et qu’après il se contenterait de le chapeauter. Puis au final, on l’a terminé à deux.

On sent chez toi une vraie volonté de donner de la force à ceux qui t’entourent, de faire briller les tiens.

Oui, mais je ne le fais pas exprès. Dans le sens où je ne les booste pas juste « parce que c’est la famille ». Je suis le premier fan de ce qu’ils font. Pour moi, la musique c’est sacré. Donc si je n’arrive pas à trouver un peu de ce qui me plait dans ton son, tu peux être mon frère, trainer avec moi tous les jours, je vais être mal à l’aise au moment de partager ce que tu fais. Donc je ne le fais pas, et on me l’a déjà reproché plein de fois. Mais Gros Mo, par exemple, j’aime profondément ce qu’il fait. Un morceau comme « #SPLIFF », je trouve qu’il l’incarne tellement bien. J’aime sa mélancolie. On me catalogue souvent comme un artiste « solaire », mais je suis aussi très mélancolique. Je ne suis pas en train de chanter la fête et le soleil à tout bout de champ, c’est beaucoup plus nuancé.

On sent que tu as un souci avec les émotions trop lisses, trop « à sens unique ».

Je trouve ça vulgaire en fait. Mais pas la vulgarité des mots. Genre, pour moi Damso, il n’est absolument pas vulgaire. Dans le morceau « Θ. Macarena », quand il dit « J’t’avais bien niqué ta race » je trouve ça super élégant. C’est peut-être ma définition hein… Mais c’est dit avec un flegme, une sorte d’humour suggéré que je perçois parce que je ne suis pas de mauvaise foi, et je trouve ça franchement élégant. Alors que les gens qui prêchent la bonne parole, qui disent « Je fais de la musique pour les gens honnête », « Je ne dis pas de gros mots », « Respectons les famille », ceci, cela… Là, je trouve ça vulgaire. Cette forme de bien-pensance là.

Et ces gens qui t’entourent, je devine que tu ne te serais pas vu avancer sans eux ?

Non. Moi En’Zoo et Gros Mo, on est un vrai trio. Il y en a peut-être deux qui sont un peu plus mis en avant, mais si tu observes bien, tu vois toujours un petit bout de barbe qui dépasse, et c’est Gros Mo [rires]. Mais il est là. Il est sur la carte.

Au fond, ce qui a pu t’effrayer dans un éventuel succès à plus grande échelle, ce ne serait pas l’idée d’avoir peut-être à devoir les laisser derrière toi ?

Non, parce qu’au final, je pense qu’on est tous assez intelligents pour savoir mettre notre égo de côté si jamais l’un d’entre nous a l’opportunité de péter le score. Ça fait marcher l’équipe, ça nous donne de l’énergie. Ça incite tout le monde à se poser les bonnes questions. Et ça nous ait déjà arrivé hein. Mais naturellement, Gros Mo et En’Zoo ont compris les priorités, ils ont dit : « c’est cet album qu’on bosse, c’est celui qui nous tient à cœur ». Et j’aurais réfléchi pareil. S’il y a un projet qui se termine, et que je dois donner mon meilleur morceau à Gros Mo parce qu’il l’aime bien, je lui laisse sans soucis. Toutes les opportunités qui peuvent se présenter à nous, s’il faut trouver des solutions qui y répondent, on les trouve. On n’a pas complexe. On couche ensemble depuis trop longtemps pour ça [rires].

En septembre dernier, Jhené Aiko a dévoilé Trip, son deuxième album studio dont le titre fait à la fois référence au trip que peut engendrer la consommation de drogue mais également au « voyage » qu’est la vie. Selon la chanteuse, sa tournée est comme un « voyage épique et psychédélique qui va au-delà des frontières du R’n’B ». Si vous voulez partir en very good trip avec Jhené Aiko le 2 février 2018 à l’Elysée Montmartre, on vous offre deux places !

Pour participer, envoyer nom + prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Jhené Aiko ». 

1997 fût une année charnière pour le rap français. Suite à un revirement éditorial complet, Skyrock lui offre alors une exposition médiatique d’une ampleur nouvelle, nationale, pour la première fois. Conjoncture idéale pour que le Secteur Ä aille à la rencontre du succès commercial, en déployant un à un ses artistes. Après la Première Consultation de Doc Gynéco, Passi va sortir un album dont plusieurs titres connaîtront une haute rotation sur la bande FM. En un mois, Les Tentations vont être certifiées disque d’or, puis de platine après sept mois dans les bacs (pour rappel, les standards de l’époque étaient de 100 000 pour l’or et 400 000 pour le platine). Entre l’image sulfureuse de Ministère A.M.E.R., ses albums solos, son rôle de producteur et de précurseur de l’afro-rap avec Bisso Na Bisso, le rappeur originaire de Sarcelles a déjà connu plusieurs vies dans la musique.

À la veille d’une réédition et d’une tournée célébrant les 20 ans des Tentations – et dont le point d’orgue sera un concert parisien à La Cigale le 9 février – nous rencontrons le « double S » dans un hôtel parisien. En préambule, il nous confie travailler avec Stomy à l’écriture du scénario d’un biopic consacré à Ministère A.M.E.R.. Quoi de plus logique pour un groupe qui, à bien y regarder, fût un peu notre N.W.A. à nous. En attendant d’avoir des nouvelles plus précises de ce beau projet, nous avons discuté avec lui de la place des Tentations dans sa carrière, mais aussi de son activité de producteur et de l’évolution de l’industrie en France.

Tu vas fêter les 20 ans des Tentations. Est-ce qu’on peut revenir sur l’état d’esprit dans lequel tu étais à cette période ? Il y avait eu deux albums de Ministère A.M.E.R. sortis en 1992 et 94 (« Pourquoi tant de haine » et « 95200 »), et donc c’était un peu une période charnière, entre Ministère A.M.E.R., et le Secteur Ä qui a pris une place importante.

On avait créé le Secteur Ä, une société d’éditions, pour pouvoir gérer un peu tous les groupes qui tournaient autour de Ministère A.M.E.R. : Neg’ Marrons, Ärsenik, Doc Gynéco. On était cinq dans Ministère A.M.E.R. avec Kenzy, Dj Ghetch, Bouboul, Stomy et moi. On a créé Secteur Ä à cinq, le porte-parole c’était Kenzy, et on avait choisi une stratégie avec Stomy de sortir des solos, pour ensuite revenir avec un album de Ministère AMER. Il y avait l’album de Doc Gynéco aussi, qui était produit également par Mariano Beuve, avant qu’il transfère la production à Virgin. Il a aussi produit les disques du Ministère AMER, mais il a disparu depuis (en 2009), paix à son âme.

Il y avait des singles très différents qui co-existaient, entre « Les Flammes du Mal » qui était assez dur, et « Je zappe et je mate ».

Ça montrait deux-trois facettes de ma personnalité, et j’ai choisi « Je zappe et je mate », parce que ça donnait une autre couleur, un rap qui pouvait parler de la société. Y a beaucoup de gens qui disaient « Ah le rap c’est pas de la musique, ça s’adresse qu’aux gars de quartier ». Bah non, en traitant d’un sujet comme la télé – y en a chez tout le monde – je voulais montrer que cette musique pouvait toucher la société en général. À l’époque on se battait même pour faire respecter cette culture, on voulait inscrire ça dans l’histoire.

Les temporalités ont beaucoup changé dans la production musicale. C’est problématique parfois ?

Non, c’est différent. Moi j’ai monté Issap Productions en 1998, mon label de prod’, avec lequel j’ai produit énormément. J’ai produit des « Dis l’heure 2 Zouk », « Dis l’heure 2 Ragga », « Dis l’heure 2 Afro Zouk », des compilations pour l’Afrique. J’ai un gros passif sur la production d’artistes ou de projets. J’ai enchaîné avec In Fact pour Warner, où on a développé quelques artistes. Je mets un petit peu ça de côté, en sommeil, parce que c’est devenu très différent. Parce que le développement d’artistes n’est plus la même chose aujourd’hui.

Parce qu’il y a moins d’argent ?

Ce n’est pas forcément parce qu’il y a moins d’argent, il y a aussi le fait qu’avec internet, avec les facilités pour enregistrer, pour exister… regarde cet appareil photo, si t’es un petit geek, tu le prends, tu filmes, tu montes et cetera. Y a des petits qui ont du talent de ouf, qui vont te mettre le filtre, qui vont aller à fond dans tous les réglages, et qui vont réussir à te dégager une pure image, un truc. Donc si aujourd’hui t’es un petit fou, t’as des amis, un peu de matos, tu peux exister sans passer par la case maison de disques. Et c’est ce qui change beaucoup aujourd’hui dans le monde de la musique. Y a des gens qui arrivent à faire des millions de vues par eux-mêmes, en créant leur propre truc. Et cette nouvelle façon de fonctionner fait que la production se fait différemment. Je pense qu’on est dans un monde où il faut laisser les petits se développer avec leurs propres moyens, et après les accompagner dans un système de licence ou de distribution. PNL est un des exemples, même s’ils sont distribués par une maison de disques, d’une certaine manière, ils ont fait tout ce bordel là avec leurs propres moyens, et ils ont fini par vendre des disques derrière.

Ils ont même fait de la non-communication une communication, une sorte de déclaration d’indépendance. Sous une autre forme que celle que vous aviez à l’époque vous, lorsque vous lâchiez des déclarations provoc’ chez Delarue ou dans des reportages, avec un côté « coup de poing ».

Oui, mais on avait pas internet pour exister. On s’est toujours démerdé par nous-mêmes, on a toujours créé. Après bien sûr, on a profité du système, quand Virgin, Sony et cetera, voulaient faire un deal avec nous, bien sûr on en profitait. Parce que c’est une meilleure exposition, t’as plus de fonds. Mais il y a moyen aujourd’hui d’exister sans tout ce monde-là. Et plus tu existes sans ce monde-là, plus ce monde veut travailler avec toi.

« Ça nous a construit, on a vu que c’était pas ‘peace, love, unity and havin’ fun’. »

Avec Ministère A.M.E.R., vous aviez une réputation assez sulfureuse, vous étiez décrits presque comme un gang à l’époque. Il y avait un article dans France Soir par exemple, qui citait la « secte Abdulaï » dans une liste des gangs autour de Paris. Il y avait beaucoup de fantasme autour de ça, ou vous en jouiez aussi non ?

Le fantasme c’était les magazines qui disaient qu’on distribuait des tracts de propagande devant les écoles [rires, ndlr], qu’on vendait de la drogue pour s’organiser. Ça c’était réellement ouf, des conneries.On était des mecs de quartier c’est clair. Il y a eu un amalgame. Après oui y avait des bandes, des embrouilles, mais ça c’est vieux comme le monde.

Et ça vous mettait des bâtons dans les roues à l’époque, ou ça vous servait cette image ?

Au début y a eu une compile qui s’appelle Rapattitude, qui présente tous les premiers groupes de rap. On existait déjà à l’époque, mais on n’était pas dedans. Parce que parmi ceux qui produisaient ces compilations, y en avaient plein qui avaient peur de cette réputation, ou peur de nous, et qui ne nous ont pas forcément invités. Ça nous a construit, on a vu que c’était pas « peace, love, unity and havin’ fun ».

Je trouve que ça vous caractérise, ce côté « on démystifie ». Ce qui peut rejoindre le côté « classez-moi dans la variét' » de Gynéco, ou Kenzy chez Delarue qui disait « on veut être broyés par le système parce que ce jour-là on va avoir du cash ».

Exactement. Parce que nous on avait un truc, nous on savait d’où on venait. Moi je suis né au bled et j’ai grandi à Sarcelles. Vouloir chercher une street crédibilité, y avait pas besoin, vu qu’on vient de là. Donc au contraire, on cherchait l’autre côté : pouvoir exister. Avec notre producteur Mariano Beuve, on a eu un deal chez Musidisc qui était une petite maison de disques. Il y avait d’autres groupes qui étaient chez Virgin, chez Sony, avec des clips de malades. Nous on a fait des albums, on n’avait même pas de clips. Et un jour on a regardé les chiffres des premiers albums de Ministère A.M.E.R., on vendait 20 000 disques, sans pub, sans promo, sans clip, et cetera. On s’est dit « merde, on fait quand même des 20 000 sans pub, rien qu’avec du bouche à oreilles. Et on voit les autres groupes, il y en a qui font des 40-50 000, même des chanteurs français, mais avec plein de promo, plein de passages télé”. Et ils font pas tant que ça avec toute l’exposition qu’ils ont, et ça nous a rassurés, on a continué à se construire par nous-mêmes. C’est là qu’on a dit : « On va créer Secteur Ä, on va continuer et faire d’autres choses », sans attendre de qui que ce soit.

Akhenaton, qui a joué un rôle important sur Les Tentations, tu l’avais rencontré comment ?

Je l’ai rencontré à l’âge de 16 piges avec des potes, en vacances. Entre 16 et 19 ans, on louait souvent un bungalow, on partait à 8/9 à Cassis, à côté de Marseille. Tu connais, quand tu commences à t’organiser au quartier avec tes potes, vous vous cotisez, vous louez votre truc au mois d’août. Et quand on allait à Cassis, y avait un jour ou deux où on allait se balader dans Marseille. Et Akhenaton je l’ai rencontré sur le Vieux Port. Parce qu’à l’époque il n’y avait pas beaucoup de rap, tout le monde débutait sur les premières cassettes, et avec Akh on est restés sur la Canebière à parler, et ça s’était très bien passé. Quelques années après, on avait une date en commun, au New Morning, IAM et Ministère A.M.E.R. Et là ça a été le tonnerre, les groupes se sont frictionnés, c’est parti en embrouille. Et on s’est retrouvés avec Akhenaton pendant que nos gars s’embrouillaient, on s’est dit « putain merde, on n’a pas réussi » [rires]. Et après avoir évolué quand on a commencé à faire nos solo, on s’est re-connectés, et on a renoué le lien, Akhenaton a fait des sons pour Stomy. Et j’ai été à Marseille, on a dû faire une vingtaine de titres, et il en est resté sept sur l’album. Et on s’est hyper bien entendus, de cette époque-là jusqu’à aujourd’hui. Je sortais de mon expérience de groupe de Ministère A.ME.R., et y’avait pas beaucoup de professionnels du rap français. Il y avait notre clique à nous, mais en sortant de mon groupe pour faire un truc différent, je devais ramener autre chose, et avec Akhenaton c’était un moyen d’avoir un autre point de vue de hip hopien [sic] professionnel. Parce que des gens qui avaient de la bouteille dans la culture rap française, et qui pouvaient t’accompagner en réal ou en production, en 97 y en avait pas tant que ça, mine de rien.

Dans une interview, tu disais qu’il y a des gens issus du rap comme Akhenaton ou Kool Shen, qui pourraient avoir une place plus importante aujourd’hui dans les maisons de disques.

Là, Akh il a son émission de radio sur Mouv’. Ils peuvent avoir des rôles dans la culture en général, maisons de disques, radios, télés. Ce serait bien qu’il y ait plus de gens qui viennent de l’urbain, qui aient des postes et qui aient une vision, au sein de France Télévision, au sein de Canal. Bien sûr que c’est important vu que la musique urbaine est devenue celle qui vend le plus et celle qui influence tout le monde. Donc c’est logique pour moi.

Tu penses que ça progresse?

Oui, ça progresse petit à petit. Je pense que c’est un peu l’état d’esprit français, où le rap a toujours subi cette sale image. Alors que le rap a influencé toute la culture française depuis plus de 20 ans.

« C’est peut-être de notre faute à nous les rappeurs. Au lieu d’attendre après les autres, faut le faire. »

C’est peut-être plus clandestin en France. Pourtant il y a de plus en plus de chanteurs influencés par le rap, qui reprennent des choses, mais c’est pas reconnu.

Oui, je me demande pourquoi, mais c’est peut-être de notre faute à nous les rappeurs. Au lieu d’attendre après les autres, il faut le faire. Avec ma famille, il y a eu des projets -bon y a Trace TV qui s’est installé – qui était un projet de gens de chez moi, qui a fructifié. Booba avec son OKLM c’est bien ce qu’il a fait, il a créé sa propre chaîne et son indépendance. Donc voilà, le rap français devrait encore plus aller dans ce sens-là, qu’il y ait encore plus de gens qui créent leur radio, leur boîte de prod et ainsi de suite, il n’y a que comme ça qu’on s’en sortira.

Ton label c’est afro rap surtout ?

C’est urbain, je pouvais faire du rap, comme de l’afro, comme du zouk. À un moment j’ai fait « Dis l’heure 2 hip hop/rock », où j’ai mélangé le rock et le rap. Il fallait que je le sente et que je m’éclate ; je ne me mettais pas de barrières. Comme je t’ai dit, on sait d’où on vient, donc la crédibilité, t’as pas à chercher à la prouver à qui que ce soit. Au contraire, c’est à toi de voyager comme t’as envie.

Un peu comme dans ton duo avec Calogero, ou celui de Booba avec Christine and the Queens. D’ailleurs je crois que c’est le public de Christine qui était le plus choqué.

Moi avec « Face à la mer », ça a été des deux côtés. Y a des radios hip hop qui ont dit « ah, on le passe pas, parce qu’il y a Calogero », et des radios rock qui ont dit « oh non c’est pas du rock ». Au début y a eu des blocages comme ça, après mon son a cartonné. C’est un gros titre que je chante encore, que tout le monde connaît, mais le monde du rap ne m’a pas forcément suivi.

C’est pas un côté français, cette sorte d’élitisme des deux côtés ?

Complètement, c’est un côté français. C’est pour ça que je l’ai fait, pour casser des barrières. Moi j’ai toujours voulu en faire un peu à ma tête, c’est comme ça que fonctionnait Ministère A.M.E.R. Quand j’ai fait Bisso Na Bisso, il y a des gens du rap qui m’ont dit: « Ah, tu mélanges la musique africaine au hip hop, ça ne se fait pas », et des gens de la musique africaine qui ont dit: « Ah mais non, tu mets du rap sur de la musique africaine, ça va pas ». Bisso ça a cartonné, on a fait le tour de la planète, aujourd’hui on parle d’afro trap, et il y a de la musique africaine dans plein de morceaux de rap, même de rappeurs qui viennent pas d’Afrique.

Vous aviez une volonté de faire quelque chose d’ici aussi…

De faire un truc qui nous ressemble. Le hip hop ricain, ils allaient piocher dans leur culture soul américaine, et cetera, dans leur passé. Un titre comme « Hard knock life » de Jay-Z, c’est une ancienne chanson chantée par des jeunes qu’il reprend. A l’époque je me suis dit, si je veux que mon rap me ressemble, il doit sentir Sarcelles, la France, le Congo aussi. Pourquoi pas mettre une guitare de Koffi Olomidé dans un putain de rap, c’est moi. Ma daronne elle peut écouter de la musique africaine, comme elle va t’écouter du Brel ou du Brassens. Elle est de cette époque du Congo colonisé, donc au Congo y avait la musique africaine, mais sur les grosses radios françaises tu pouvais écouter du Brel, du Brassens, que tu le veuilles ou non. Quand tu grandis à Sarcelles dans une ville où y avait plus d’une soixantaine d’ethnies, avec des africains, des antillais, des feujs, des turcs, des français corses, des français d’Auvergne, des français bretons, des chinois, des indiens. Quand tu grandis avec tout ça, pour toi c’est logique que ce métissage culturel fasse partie de l’avenir. Quand je le fais avec Bisso Na Bisso, je le fais pour deux raisons : déjà c’est un peu notre manière de penser la musique, mais en même temps il y a des conflits au Congo, et c’est une façon de dire: « oh vos conneries nord/sud, est/ouest », nous sommes tous les mêmes, nous sommes bisso na bisso, on est tous ensemble.

C’était un gros succès, vous avez même rencontré Mandela.

Oui, ça fait partie de mes meilleurs souvenirs dans la musique, la rencontre avec Nelson Mandela en Afrique du Sud, quand on a gagné deux prix des African Kora Music Awards 1999 (« meilleur groupe » et « meilleur clip »), devant Michael Jackson qui était parrain de la cérémonie. Quand tu fais un projet comme Bisso, à faire de l’afro-rap, tu prends un risque, et de gagner un prix comme ça, c’est que tu es reconnu par tes pairs en Afrique.

Photos : @samirlebabtou

Je passais ma soirée au New Morning le 22 avril 2014. Ce soir-là, j’étais invité à une prestation du rappeur Dinos Punchlinovic avec un groupe de musique, mise en place par le label Def Jam France, pour promouvoir leur nouvelle signature. Mais le concert importait peu, en réalité. Dans la nuit du lundi 21 au mardi 22, Rohff avait été mis en garde à vue après avoir plongé dans le coma un employé d’Ünkut, au sommet de la tension de son clash avec Booba. Les réseaux sociaux avaient fini par atteindre son égo jusqu’à un point de non retour qui s’était transformé en violence impardonnable. Ce soir-là, dans la vraie vie comme sur Internet, on ne pouvait parler que de ça.

Autour de moi, il y avait majoritairement des personnes travaillant dans la musique :  des directeurs artistiques, des managers, des éditeurs, etc. Certaines d’entre elles avaient eu l’occasion de rencontrer, voire de travailler avec Rohff. Mais malgré ce contact avec la réalité, la réaction générale face à la situation était le rire. Rohff avait enfin pété les plombs à cause du clash ! Booba avait gagné ! Après l’histoire de la pelle, le braquage de son propre petit frère ou les neiges de La Cuenta, un nouvel épisode hilarant de la vie du rappeur venait embellir les vies des fans. Qu’importent les vies du jeune homme dans le coma ou celle de Rohff froissée par sa propre bêtise, les actes du rappeur avaient l’air totalement déconnectés du réel. Comme si la musique rap, le fameux « rap game », n’était rien d’autre qu’une émission de télé-réalité depuis le départ, dont les dés pipés n’altèrent pas la qualité du divertissement. Le catch s’était confondu avec la réalité.

5 ans de prison pour Rohff c’est un truc de fou les juges ils sont rentrés comme ça au tribunal pic.twitter.com/dEqaiMFbQG

— Amine 👌🏿 (@AmineMaTue) 27 octobre 2017

Accoudé au bar, je songeais seul dans ma tête. Comment ne pas perdre la tête face à la violence des exigences du public rap et du monde de la musique en général ? On se soucie rarement de la santé mentale des musiciens — encore moins des rappeurs français. Pas facile d’assumer d’être déprimé dans un milieu sur-virilisé qui fronce les sourcils face aux « fragiles ». Aux États-Unis, après de nombreuses années à essayer de secouer l’opinion publique en s’accrochant à la moindre miette de clash et de buzz, Azealia Banks a décidé de parler de ses troubles mentaux. Elle a osé appeler à l’aide et être vulnérable malgré les torrents — légitimes — de haine qui se déclenchent à chacune de ses réactions. Qui imagine une seule seconde le Azealia Banks français, dont la personnalité aurait été diagnostiquée mixte par un médecin, parler de ses troubles et demander de l’aide ? Il n’y a pas d’excuses à trouver pour le comportement de Rohff — mais beaucoup de pistes à envisager pour éviter des dérapages pour les futurs troublés mentaux du monde du rap.

Aux États-Unis, à la mode de la dépression se marie la mode de la réflexion autour de la dépression. Le rappeur Logic est parvenu à hisser son single « 1–800–273–8255 » à la 3e place des charts américain. On ne peut faire plus clair concernant le titre : il s’agit du numéro d’aide aux gens qui désirent se suicider. Il s’adresse à une frange d’auditeurs qui n’arrive pas à se détacher de son mal. En 2015, le suicide était la deuxième cause de mortalité la plus élevée pour les américains de 15–34 ans, après les accidents et avant les homicides. Entre ceux qui y songent, et ceux qui connaissent des gens qui ont succombé à la tentation de partir, le public à cibler est large. Tout l’été 2017, nombreux ont été ceux qui ont dansé au rythme des « push me to the edge / all my friends are dead » de Lil Uzi Vert. « XO TOUR Llif3 », un succès au refrain auquel de nombreux auditeurs peuvent, malheureusement, s’identifier. On peut, là-bas, parler de mal-être et quand même vendre des tonnes de singles.

En France, difficile d’imaginer un triomphe qui donnerait autant d’espace à ce problème de plus en plus générationnel. La récente vague de spleen à l’auto-tune n’a fait que baigner la peine dans des vagues brumeuses, sans oser entrer dans les détails du mal-être. De « Rue du Paradis » où Sinik évoquait son frère qui s’était ôté la vie, à « J’appuie sur la gâchette » de NTM, parler de suicide ou de problèmes mentaux reste un sujet d’album dans le rap français, et non un sujet de single. Il suffit de regarder ce que pensent les détracteurs de JuL et de PNL : ils entendent des robots sans talents, alors que leurs chansons sont fréquemment remplies d’une peine et d’une tristesse profonde. Dans les médias traditionnels, ils sont bien trop heureux de masquer le blues avec les bling-bling. Un peu comme les rappeurs. Le marché du rap français ne paraît tout simplement pas prêt, ou inadapté, au marketing de la peine.

Qui oserait être l’auteur de 01 42 96 26 26 ?

Jay Z, Kid Cudi, Chance the Rapper… Le débat concernant la santé mentale (qu’il concerne les artistes eux-mêmes ou leur public) est de plus en plus décomplexé dans le rap américain. Dans une récente interview sur Noisey suite à la sortie de son dernier album solo La Fête est Finie, Orelsan évoque l’idée de consulter un psychologue :

« Peut-être faudrait-il aller vérifier que tout roule une fois de temps en temps ? Mais on a tous un peu ce complexe du psy, c’est pas toujours bien vu d’y aller. »

Fabe, Diam’s… D’illustres noms du rap français ont pris le soin d’arrêter avant de se laisser écraser par l’engrenage. Pour Orelsan, la question du poids de son succès sur sa vie est mise en chanson dans « Quand est-ce que ça s’arrête ». En vérité, en cas d’immense succès comme de vertigineux échec, personne ne sait vraiment ce qu’il faut faire, ni à qui s’adresser pour rester stable. Pourtant, l’impact psychologique laisse des traces, quand il y a 18 000 personnes dans une salle comme lorsqu’il y a 18 écoutes sur une chanson. Et les règles changent fréquemment.

Malgré deux décennies de carrière professionnelle, Rohff n’a pas été capable de savoir résister à une pression d’un type nouveau : les réactions sur les réseaux sociaux. Au climax de la rixe avec Booba, il a donc conduit un vendeur innocent à l’hôpital et a pour le moment été condamné à 5 ans de prison ferme. Tout ça à cause d’un « clash », d’un « buzz », du virtuel. En réagissant sur Instagram, l’intéressé a regretté que le blessé ait été « instrumentalisé par les réseaux ». Quant à lui, il « assume comme un homme sans pleurer ni faiblir ».

Au contraire, il est peut-être temps pour les artistes du rap d’assumer de pleurer et de faiblir ? Parce qu’il s’agit, en réalité, de ce que les humains font. Dans « Tallac », Booba disait « J’ai pas besoin d’un psy, mais d’un avocat ». Peut-être qu’en fait, les rappeurs auraient bien besoin des deux.

« Je craquerai pas… Je craquerai pas, je craquerai pas. »

Selon l’association anglaise Help Musicians UK, 7 musiciens sur 10 souffrent de troubles mentaux. Leur rapport 2017 à ce sujet est clair :

« Faire de la musique est thérapeutique. Mais essayer d’y faire carrière est dévastateur. »

Il s’agit bien entendu d’une industrie très destructrice et aux perspectives d’avenir difficilement fécondes. Dans le rap particulièrement, où l’on scrute avec une attention morbide les chiffres des uns et des autres. La première semaine est aiguisée comme la guillotine : si les nombres ne sont pas à la hauteur, c’est presque comme si le travail avait été vain. Les auditeurs vont à la pêche au flop pour nourrir leurs opinions et leurs commentaires, sans prendre conscience des humains et professionnels impliqués derrière chaque oeuvre. La faute au rap qui est parvenu à donner l’illusion que le « game » était plus important que le réel. La faute aux chiffres – tellement visibles – et à la spéculation qui écrasent peu à peu l’intérêt de la musique elle-même. Tout va si vite, on est dans le coup un jour, has been le lendemain. Quand il faut se reconstruire, pas facile d’accepter de traverser le désert alors que l’industrie va trop vite pour les humains. Il faut être efficace et constant, sinon, c’est la loi du plus fort — les faibles n’ont qu’à laisser leur place.

depression rap

De l’autre côté du rideau, l’artiste doit également trouver le moyen de garder la tête froide entre des managers potentiellement véreux, des directeurs artistiques capables d’être incompétents, un entourage douteux, une économie instable. Outre la précarité, le poids de l’environnement de travail peut rapidement écraser des artistes qui s’isolent de leurs proches pour ne pas subir leur incompréhension. Pour les jeunes artistes, de nombreux pièges se dressent sur le chemin. Qui saura être de bon conseil quant à savoir à quoi correspond un bon contrat, de bons partenaires ? Comment savoir si on va se faire escroquer par un éditeur, un tourneur ? Que faire quand on se fait voler une oeuvre, ou lorsqu’elle est exploitée sans consentement ? Comment résister à l’arnaque lamentable que sont les avances ? Tout simplement : à qui s’adresser ?

En France, si les solutions existent, elles sont bien maigres et peu visibles. Pour les questions de défense des intérêts des artistes, il vous coûtera 40 euros par an d’être adhérant à la GAM (Guilde des Artistes de la Musique), le premier groupement d’intérêts entièrement géré par et pour les artistes. Parmi les champs d’action du groupe : les droits, le soutien à la création, l’économie du numérique. Si vous êtes inscrits à la SACEM, les 127 euros d’inscription que vous avez dépensés permettent à vos droits d’être gérés, et vous rendent éligible à des aides liées à la création, à la mise en place de spectacle vivant, à la favorisation à l’accès culturel. Vous pouvez toujours appeler le standard pour obtenir des réponses à vos questions liées à l’industrie. Des psychologues privés peuvent être consultés pour aider à gérer le trac, ou discuter des relations à avoir entre des parents et un enfant ayant le désir de poursuivre une carrière artistique. Mais il n’existe pas d’Union de Soutien à la Santé Mentale des Artistes.

En Angleterre, l’association Help Musicians UK fournit un travail vaste et complet. Cet organisme de charité propose différentes gammes d’aides, qu’elles concernent les musiciens émergents n’ayant pas les fonds pour tenir des études liées à la musique, ou des vieux violonistes qui ont pratiqué en amateur toute leur vie et qui se font voler leur instrument et sont dans l’incapacité d’en payer un nouveau. Des rencontres sont organisées afin de permettre aux artistes d’échanger entre eux sur leurs expériences, et d’avoir le soutien psychologique de gens qui traversent les mêmes chemins. Parce qu’il est important de ne pas rester seul dans sa morosité. Sauf ma connaissance, on est loin d’avoir un équivalent en France. Les aspirants artistes seront nombreux à échouer, et il y a des chances que lorsque ça arrive, personne ne soit là pour les entendre.

Il ne faut pas penser que seuls les pauvres artistes suffisamment braves ou inconscients pour croire en leurs rêves sont à plaindre. Attachés de presse, DA junior qui veut faire ses preuves, vieux DA qu’on pousse à la sortie, ingénieur du son, employé à la synchro, jeune journaliste musical, entrepreneur à la tête d’un label, d’une agence, ou d’un média indépendant… Chacun sa dose de stress et d’interactions professionnelles lourdes à gérer. Nombreux sont incapables de résister à la pression sociale de sortir entretenir son réseau. Travailler dans la musique dans une ville comme Paris, veut généralement dire passer sa vie dans des salles de concerts ou à des déjeuners, à dépenser les instants en bières et en stimulants, afin d’éviter de ne plus être dans le coup.

« Bah dis-donc… tu viens plus aux soirées ? »

Pas juste la blague, une vraie gêne pour tous les membres de cette industrie qui se fera un plaisir de les remplacer par quelqu’un de plus valide s’ils ne sont plus capable de suivre le rythme. Pour ces fusibles humains, leur fonction est chronophage. On est constamment branché, par téléphone ou par courriel, aux activités liées au métier. Attendre, relancer, refaire. Le burn-out n’est jamais loin.

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J’étais moi-même engagé, en tant qu’artiste, avec un des principaux éditeurs de musique il y a quelques années. Un peu avant la signature, mon directeur artistique m’avait adressé des mots qui m’avaient marqué. Il m’avait dit, en substance : « Tu verras, après la signature tu seras un peu déprimé, mais ça ne durera pas et tu retrouveras l’inspiration vite ». J’étais surpris de cette déclaration : si la déprime post-signature était si prévisible, pourquoi ne pas me fournir l’aide nécessaire pour l’éviter ? Dans les bureaux où l’on traite de la musique, on trouvera des juristes, des community managers, toute une armée de gestionnaires — mais pas un bureau du moral des artistes. Lorsque la collaboration échoue, difficile d’en faire une histoire. En France, on n’en est pas encore au moment où les artistes peuvent se permettre d’apostropher directement les grands patrons et labels directement sur Twitter.

PSA to producers everywhere, don’t let @AtlanticRecords steal your soul 🖤 https://t.co/W1kk3DuTh5

— Metro Boomin (@MetroBoomin) 18 octobre 2017

Les artistes eux-mêmes devraient être à la base d’un projet au sein duquel ils pourraient se retrouver. Dinos Punchlinovic a finalement dû attendre de se libérer du joug d’un contrat pour envisager sa suite sereinement — il semblerait qu’il s’agisse d’une situation similaire pour Némir, qui a enfin pu sortir son nouveau single « Des Heures », après des années d’annonce. Il suffit de regarder l’invraisemblable colère qui anime certains fans de Joke, frustrés du silence de leur idole entre 2014 et 2017. Pour les fans, il est plus naturel d’avoir passé des années à « réclamer » l’album qui leur était dû, plutôt qu’être inquiet de savoir comment ces artistes allaient pendant ce temps. Il faut que ces artistes aient le droit d’avoir de l’espace pour respirer face aux réseaux sociaux, et de l’aide pour ne pas être isolés face à la pression de l’industrie et des consommateurs. Et il faut que le public comprenne. Tout le monde ne mérite pas d’être une star à succès, mais tout le monde mérite d’être respecté et d’obtenir de l’aide si elle est nécessaire.

Dans une interview avec Elliot Wilson, Jay-Z disait récemment que ce n’était pas normal pour un être humain de se retrouver devant des dizaines de milliers de personnes qui lui hurlent dessus pendant un concert. Ce n’est pas normal non plus de se retrouver face à la violence des opinions sur Internet, surtout si l’on n’y est pas préparé. Du pétage de plomb de Kanye West lors de la dernière date du Saint Pablo Tour de 2016, aux coups de Rohff à la boutique Ünkut, il faut qu’un espace sain existe pour éviter de nouveaux incidents liés à l’incapacité des artistes à supporter le poids de la pression. Le sujet commence timidement à être abordé, particulièrement dans la scène électronique où le train de vie des DJ, entre jet-lag et drogues dures, a fait de trop nombreuses victimes. Pour le bien des acteurs du monde de la musique, il sera intéressant de voir comment la question de la santé mentale finira par prendre une véritable place dans le monde de la musique en France.

Si la plupart des gens la mettent dans une case de « star de télé-réalité sans talent », Kim Kardashian est, qu’on le veuille ou non, une femme d’affaire accomplie. En 2014, elle est invitée à une grande conférence high-tech américaine grâce à « Kim Kardashian Hollywood », un jeu qui a été l’une des applications les plus populaires en 2014, et lui a fait gagner pas moins de 700K$ par an. Dans un nouvel éclair de génie, Kim Kardashian vient de dévoiler ScreenShop, une application qui permet d’identifier les vêtements portés par n’importe qui.

Voici comment ça fonctionne sur le papier : vous voyez une personne sur Instagram porter un outfit qui tue. Bien évidemment, les marques ne sont pas tagguées et impossible de les trouver par vous même. Vous ouvrez ScreenShop, screenez la tenue et l’appli va chercher dans le vestiaire des marques partenaires (pour l’instant Asos, Topshop, Yeezy et d’autres) toutes les pièces correspondant à l’outfit. Ensuite, elle donne une liste plus ou moins exacte des vêtements portés, avec les marques et les prix. On a testé ScreenShop, et voici comment ça a marché pour nous.

La première tenue qu’on a testé est celle d’A$AP Rocky lors de son interview pour le magazine GQ. Comme vous pouvez le voir, le pull (de la marque Kenzo), n’est pas dans la base de donnée de l’application. Du coup, ScreenShop propose des pièces similaires Asos ou Tommy Hilfiger qui matchent plus ou moins avec le pull d’origine. Par contre, pour le pantalon, l’appli de Kim Kardashian a vu juste en proposant exactement la même pièce de chez Acne Studio. On notera que le manteau Gucci n’a pas été détecté.

Pour notre second test, ScreenShop nous donne le même résultat : la chemise est exactement la même, mais le pantalon (de la marque Asos sur le screen), n’apparaît pas dans la sélection. En somme, ScreenShop s’en sort plutôt bien: elle reconnait les pièces sombres, les formes et les motifs. Par contre, l’appli a du mal avec le layering (lorsqu’une personne porte plusieurs couches de vêtements), et les pièces proposées ne correspondent pas à chaque fois avec le screenshot de base. Mais ça changera sûrement avec l’augmentation du nombre de boutiques qui, comme Asos ou River Island, accepteront de collaborer avec Kim Kardashian.

Le label Kitsuné vous donne une nouvelle fois rendez-vous pour sa soirée mensuelle « Afterwork ». Pour vous faire passer un excellent moment, la marque a fait appel à deux artistes allemands que sont le rappeur Kelvyn Colt et DJ Tereza, ainsi qu’à la crème des DJ hip hop parisiens avec Rakoto 3000 et Andy 4000. Rendez-vous donc le 16 novembre aux Bains, 7 rue du bourg l’abbé dans le 3ème arrondissement de Paris.

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De la musique, partout, tout le temps. Qui s’échappe du tourne-disques, défile sur le Mac, fait ployer les étagères, grimpe jusqu’au plafond et tient les murs. Ça déborde. Joli bordel. Là, dans son appartement chargé comme les narines d’O.T. Genasis, Olivier Cachin reçoit avec des histoires plein la bouche. Dans son nouvel ouvrage Naissance d’une Nation Hip-Hop, il conte l’évolution d’un mouvement qu’il couve depuis toujours. Et comme un père un peu poule, il regarde la pousse grandir avec la nostalgie des premiers pas.

Ça doit faire 30 ans que vous êtes dans le journalisme rap …

Même un peu plus …

Alors plus ! On a l’impression de vous voir, de vous connaître, depuis toujours. Quand on suit un mouvement depuis le début, comment est ce qu’on reste dans le coup ?

C’est vrai que quand sont arrivés de nouveaux styles de rap et de paroles il y a une dizaine d’années, j’ai compris que mon analyse ne pouvait pas être similaire à celle que j’avais quand j’ai découvert le rap français. Je vais avoir une vision un peu plus distanciée. Il n’y a plus le même plaisir premier degré que lorsque j’ai pu découvrir la première vague du rap français ou apprécier certaines techniques narratives du rap US. On ne peut, de toute façon, pas tout aimer, ni écouter l’intégralité de ce qui se fait aujourd’hui, au regard du nombre de disques qui sortent. J’ai d’autres goûts musicaux dans d’autres genres, et, puisque je ne suis plus à la tête d’un mensuel, je n’ai plus le besoin d’avoir une relative exhaustivité dans la connaissance de ce qui se fait. Je n’ai pas non plus l’envie d’écouter tous les groupes dans tous les genres et sous-genres de rap français, dont certains ne me concernent pas du tout. Donc disons que j’ai une écoute beaucoup plus parcellaire maintenant parce que l’offre s’est démultipliée. Je vais m’intéresser à des trucs qui vont vraiment me parler, le nouvel album d’Orelsan plutôt que celui de Jul par exemple, pour lequel j’ai moins d’affinité musicale.

Vous avez du mal avec le fait que l’esthétisme prime davantage sur le fond aujourd’hui ?

Non ce n’est pas que j’ai du mal, je comprends très bien. C’est quelque chose qui va avec l’évolution d’une époque, d’une société. Ça correspond à une réalité. Ce n’est pas un hasard s’il n’y a plus ce côté militant des années 90, qui a presque complètement disparu. Après c’est comme ça, il n’y a pas de jugement de valeur à porter là-dessus. Si tu kiffes pas, t’écoutes pas et puis c’est tout. Il y a des trucs qui ne me plaisent pas mais je leur reconnais le droit d’exister. C’est la malédiction des musiques qui connaissent un gros succès populaire ; il y a beaucoup plus de rap et donc beaucoup plus de mauvais rap, ou qui, en tout cas, moi ne me parle pas du tout.

Vous avez un côté puriste ?

Non pas puriste car j’ai toujours détesté le côté « Si c’est indé c’est bien, si c’est major c’est pas bien ». J’ai toujours estimé qu’il y avait des bouses dans l’underground le plus profond et des trucs super biens chez les grands artistes de grandes majors. Cette démarche de néo-purisme c’est absurde et en plus ça ne tient pas la route. Si t’es dans cette logique-là, à un moment donné tu vas être forcément pris dans une contradiction qui n’est pas gérable.

J’ai lu une interview de vous d’il y a 10 ans où vous expliquiez que les magazines en ligne, ce n’était pas votre came, que vous étiez très attaché au papier. J’imagine que vous avez dû vous adapter depuis …

Je suis toujours attaché au papier mais si je veux lire un papier sur le hip-hop ça va être très limité puisque la quinzaine de magazines urbains ou assimilés qui existaient ont tous disparu. J’ai tripé pendant douze ans avec L’Affiche, j’ai repris pendant quatre ans Radikal, c’était super excitant mais cette époque où la personnalité en couverture d’un magazine spécialisé va donner le La de l’actualité est révolue. L’impact de la couv’ de L’Affiche, de Radikal, de Groove ou de R.E.R a été remplacé par le nombre de likes ou de vues YouTube. Internet a complètement changé le game, ça a bouleversé le rapport du public et des médias aux artistes. Plus rien de ce qui existait il y a dix-quinze ans n’a de sens aujourd’hui parce que la réalité est complètement différente

Pourquoi cette presse-là, la presse rap française, a déserté les kiosques depuis ?

Je vais te donner un exemple parlant qui m’a stupéfié : trois ou quatre ans après la fermeture de Radikal, je croise un mec très sympa, fan de rap, qui me dit : « Alors Radikal, bien ? ». Ça veut dire que durant ces trois ou quatre ans, il n’avait pas eu l’initiative d’aller à un kiosque et de dire « Bonjour je voudrais le magazine Radikal » pour s’entendre dire « Bah non Monsieur c’est terminé ». Les gens qui vont tous les mois dans un kiosque ou un Relay demander un magazine, ça n’existe plus. Et puis le rythme de l’actualité hip-hop a complètement changé. On l’a vu avec les clashs : clip lundi 18h, réponse vendredi 16h. Qu’est-ce que tu veux faire contre ça quand tu mets 1 mois à paraître dont 15 jours à boucler puis à finir la maquette, relire, mettre la couv, imprimer, envoyer dans les kiosques… Il faut aussi savoir qu’à l’époque on faisait de super opérations publicitaires alors qu’aujourd’hui tu te bats pour un quart de page ou une demi-page à 500 ou 1000 euros. Quand tu sais ce que coûte un « vrai » magazine, avec les locaux, le rédac chef, les employés, le secrétaire de rédaction, les imprimeries à payer…

Naissance d’une Nation Hip-Hop doit être le neuvième ouvrage que vous écrivez sur le hip-hop. En quoi celui-là était nécessaire ?

Il est différent au sens où c’est vraiment l’histoire d’une saga qui commence symboliquement le 11 août 1973. Si tu regardes, ça n’a pas été tellement fait. Il y a eu beaucoup de bouquins d’illustrations, de monographies sur des artistes… mais finalement pas tant que ça sur l’histoire du rap US. C’est assez différent de ce que j’ai pu faire auparavant. L’histoire était racontée en creux quand j’avais fait « Les 100 albums essentiels du rap » mais c’était à travers des disques. Et puis il y a un déficit historique chez les amateurs de hip-hop. Il y en a plein pour qui le rap a limite commencé avec Booba ou avec la trap, donc c’est vrai que j’aime bien l’idée de remettre un peu en contexte le mouvement.

Vous avez dû suivre les polémiques autour de Lil Uzi Vert et Lil Yachty l’année dernière. Le premier avait refusé de freestyler sur une instru de Gang Starr à la radio en estimant qu’il était trop jeune pour ça, et le second avait avoué ne pas être en mesure de citer cinq morceaux de 2pac ou Biggie. C’est sacrilège ça pour vous ?

C’est pas sacrilège, c’est typique de l’époque. J’ai même vu certains artistes revendiquer leur ignorance historique parce qu’ils ne voulaient pas être – consciemment ou inconsciemment – influencés par ce qui s’était passé avant. Moi je trouve ça dommage mais ça c’est mon point de vue. Après c’est une musique qui a toujours eu un côté mutant, qui se renouvelle et n’est pas coincée dans des stéréotypes caricaturaux comme peut l’être le hard rock par exemple. Maintenant, moi, effectivement, je préfère dire : il y a eu Gang Starr, Public Enemy, Sugarhill Gang, le label Enjoy… plein de trucs qui font que ça en est là maintenant.

Les influences sont plus multiples aussi aujourd’hui. On s’inspire de plein de genres musicaux différents…

Ils sont aussi obligés parce que, au-delà des goûts, il y a eu un changement dû à la loi. À une époque, le rap était une musique qui se référait directement au passé puisqu’elle passait par le sample, qui était une manière de lier les générations. Maintenant, il y a eu des procès qui ont coûté extrêmement cher aux maisons de disques et aux artistes qui ont fait que les samples – à l’exception de quelques gros artistes comme Kanye West –, c’est fini. Donc on est quelque part obligé d’aller voir ailleurs et de faire de la composition. Le lien avec le passé est brisé. À une époque, quand tu faisais du rap, t’avais intérêt à connaître James Brown, Al Green, Marvin Gaye, Bobby Womack … ceux qui t’inspiraient pour créer ta musique. Aujourd’hui, tu as juste besoin de savoir quel beatmaker est à la mode ou quel trapmaker va te donner le son qui va tout péter.

Dans le livre, Chuck D date l’âge d’or du hip-hop entre 1984 et 1988. Et vous ?

Le côté « l’âge d’or » c’est dangereux, parce que c’est une façon déguisée de dire que c’était mieux avant. Après est-ce qu’on parle d’âge d’or en termes de commerce, et dans ce cas-là ça serait plutôt maintenant, ou en termes de nostalgie ? Parce que si on a 40 ans aujourd’hui c’était forcément mieux quand on en avait 20. Pour moi, l’âge d’or c’est plutôt l’âge de la découverte, il y avait quelque chose de magique. J’ai connu une époque où le rap français n’existait pas. Quelqu’un qui a 20 ans aujourd’hui ne peut pas connaître ça. Quand il est né, il y avait déjà du rap français. Donc, évidemment, on ne peut pas avoir la même approche quand on a baigné toute sa vie dans un truc ou quand on l’a vu émerger, avec tout ce que ça sous-entend de mépris, de « Ça durera pas« , de « Votre truc c’est de la mode », ou de « Ah mais c’est américain, vous êtes ridicules »… tout ça je l’ai vu, je l’ai vécu.

Donc le rap c’était pas mieux avant ?

Avant c’était différent, maintenant c’est différent, comme dirait Solaar. Mais dire que c’est mieux ou moins bien ça dépend vraiment de son âge et de son approche.

Le livre est très complet mais il y a quelque chose qui m’a chagriné. J’ai le sentiment que vous avez voulu parler d’un maximum d’artistes et que l’on se retrouve un peu face à une compilation d’informations sans forcément de liant entre elles. J’ai trouvé que ça manquait de hauteur, d’analyse, alors que c’est normalement l’un de vos points forts. On nous raconte la petite histoire mais pas la grande. Par exemple, on nous parle d’NWA mais pas de l’impact du gangsta rap sur l’imaginaire du mouvement ou de la manière dont le genre a été récupéré par les grands labels.

C’est marrant parce que pour moi c’était plutôt le contraire. Il y a quand même quelques impasses, on ne peut pas parler de tout le monde à moins de faire un bouquin de l’ampleur de « Can’t Stop Won’t Stop » de Jeff Chang, qui fait 600 ou 700 pages. Là on est sur 200 pages illustrées. J’ai justement essayé de trouver un équilibre, d’éviter le côté annuaire avec tous les noms et de garder des anecdotes, une ambiance. Après chacun va avoir son point de vue. L’exhaustivité n’existe pas mais j’ai quand même voulu donner une image assez globale et parler de tous les mouvements. Après, effectivement, on peut toujours plus analyser l’impact de tel ou tel mouvement mais j’ai fait de mon mieux en tout cas.

Ça s’adresse à qui finalement ?

L’idée c’est que ce soit suffisamment lisible pour un néophyte et que quelqu’un qui est dans le truc s’y intéresse quand même, parce que, finalement – comme je te le disais tout à l’heure – la plupart des gens qui sont à fond dans le rap en France n’ont pas forcément une vision globale du mouvement. Donc c’est bien de rappeler qu’à une époque le rap était aussi un combat et qu’il y a eu une évolution thématique, stylistique, vestimentaire … de témoigner de tout ça.

Le seul groupe français dont vous parlez dans le livre, c’est PNL. Ce sont, pour vous, les seuls à avoir amené une vraie révolution dans le rap français ?

Oui, c’était un peu un clin d’œil, parce que c’est vrai que c’est à travers eux qu’on a découvert le cloud rap, même s’ils ne l’ont pas inventé à proprement parler. C’est un groupe qui m’intéresse et me fascine beaucoup et puis il y a quand même peu d’artistes français qui suscitent un intérêt transatlantique au point de faire la couv d’un magazine [The Fader, ndlr], avec un article de fond.

Dans ce même chapitre, consacré au rap des années 2010, vous écrivez : « La nouvelle vague du rap fournit certes beaucoup de hits […]. Mais qui a le charisme et l’inspiration d’un Snoop, d’un Jay-Z, d’un 2pac ? ». En substance, on comprend que vous ne vous sentez pas tellement intéressé et concerné par le rap des années 2010.

C’est vrai qu’il n’y a pas forcément d’artistes de ces années-là qui, pour moi, ont l’impact de ceux que tu citais. Migos, par exemple, ne dégage pas pour moi le même genre d’intensité que des groupes comme NWA ou des artistes comme Jay-Z et Kanye West. Ça n’empêche pas qu’ils font des tubes, mais je n’ai pas l’impression qu’il y a la même mythique autour. Après, est-ce que c’est parce que, un peu comme dans le monde de la mode, on a passé l’époque des supermodels ? Maintenant il y a plein de hitmakers, d’artistes intéressants, mais c’est vrai que quand j’écoute Lil Yachty ou Lil Uzi Vert, je n’ai pas une envie folle de me plonger dans l’intégralité de leur discographie. J’écoute les tubes quoi. Mais je n’ai pas le sentiment que le fond des artistes des années 2010 soit aussi passionnant que ceux d’avant.

Mais il y a quand même des Kendrick, des J.Cole…

Oui mais Kendrick il y a quand même toujours Dr. Dre derrière, donc comme quoi on est toujours lié à une autre époque. Mais c’est vrai qu’il est passionnant en termes de lyrics, il est aventureux en termes de musique. Sur scène pas terrible par contre, je l’ai vu au Bataclan et au Stade de France, c’est pas un grand showman.

C’était il y a un moment ça …

Oui, c’est vrai que le Bataclan c’était il y a un sacré moment. Mais derrière Kendrick je n’ai pas l’impression qu’il y ait une vague de rappeurs techniques, conscients… qui soient du même calibre

Vous parlez de rap conscient mais vous êtes très sensible à ce que fait PNL, qui ne s’inscrit pas là-dedans.

Oui parce qu’il y a une émotion. Moi, ce qui m’intéresse dans le rap c’est l’émotion. Quelque chose qui va être touchant, par son approche, ses paroles … PNL arrive à mettre quelque chose dans un espèce de mélange complètement bateau ou classique dans le rap français : la prison, la rue, le deal. Il y a une émotion qui moi me touche et que je ne sens pas chez d’autres artistes qui vont développer les mêmes thèmes.

Comment avez-vous procédé à la sélection pour la discographie qui conclue le livre ? On peut s’étonner de ne pas trouver certains classiques comme Black on Both Sides de Mos Def, My Beautiful Dark Twisted Fantasy de Kanye ou DAMN. de Kendrick …

C’est un peu le même type de démarche que lorsque j’ai fait « Les 100 albums ». À un moment donné, il y a de la négociation. Si je mets untel, je ne vais pas mettre tel autre, parce que je ne vais pas mettre trois albums de Kendrick Lamar. Et puis, cette liste, je l’ai faite à un instant T. Si je la refaisais aujourd’hui, il n’y aurait peut-être pas exactement les mêmes. Il y a un côté évolutif, c’est la liste du moment

Vous écoutez quoi en ce moment ?

Beaucoup de musique de films italienne, pas mal de trucs assez variés. J’ai réécouté du David Axelrod récemment, Bowie … Et puis Orelsan. Son album m’a vraiment plu parce que moi le rap de carré VIP ou de boîte, ça va cinq minutes, ce n’est pas ce qui me motive le plus. J’aime bien avoir un certain éclectisme musical, une certaine recherche aussi. Je ne suis pas dans la même logique qu’un gamin qui ne va écouter que du rap frais d’aujourd’hui.

Rich Chigga, ou quand un simple délire casse les Internets et les codes de la Trap.

Equipé d’un sac banane, de son plus beau polo rose et d’une bouteille de cognac, le jeune indonésien revisite avec humour les codes de la drill, dérivé de la trap popularisé à Chicago par Chief Keef, Lil Durk et Lil Reese.

Seulement voilà, la vanne tourne au buzz grâce au talent indéniable du rappeur adoubé par quelques grands noms du rap américain dont Ghostface Killah du Wu-Tang Clan, Desiigner ou encore 21 savage. En mai dernier, il collabore même avec le rappeur coréen Keith Ape et l’américain XXXTENTACION sur le morceau “Gospel”. Le ton est donné, malgré sa fantaisie et son humour, c’est au sérieux qu’il faut désormais prendre Rich Chigga.

Entre violence de ses lyrics et infrabasses gonflées au max, le passage de Rich Chigga à La Bellevilloise promet d’être explosif.

 

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Aurore Vincenti est sans doute à l’opposé de l’idée qu’on se fait d’une linguiste. L’image d’Epinal de la discipline évoque plutôt un monsieur sexagénaire au débit monocorde et universitaire. Que nenni, Aurore est une charmante jeune femme d’une trentaine d’années qui vient de sortir un mini dictionnaire d’argot, Les Mots Du Bitume (aux Éditions Le Robert), qui fait la part belle à « bail », « ter-ter » ou « gava ». Et à l’heure où d’infamants présentateurs télé, Ardisson avec Vald ou encore Yann Moix avec Nekfeu, reconduisent sans débander la sempiternelle attitude condescendante envers les rappeurs et la culture urbaine en général, il est jubilatoire de parcourir Les Mots Du Bitume, un ouvrage qui célèbre le riche et tumultueux langage de rue, où Michel Audiard croise Niska dans les ruelles sombres de l’argot que l’auteure éclaire enfin de toute sa bienveillance de linguiste.

C’est très sérieux, très documenté, mais aussi drôle et étonnant. Le livre met à jour des faits surprenants ; on apprend par exemple que les battles de punchlines étaient d’authentiques joutes oratoires entre esclaves noirs qui s’insultaient copieusement pour accueillir avec détachement les humiliations langagières des maîtres. Et un mystère qui divisait la rédaction de YARD depuis le paléolithique se dissipe enfin : d’où vient le mot « hipster » ? Des années 40-50, c’est ainsi qu’on qualifiait les blancs « cools » qui trainaient avec les noirs. Johnny Clegg est donc le premier hipster des temps modernes.

Vous avez écrit une très belle introduction, le prélude dans le livre, où figure cette phrase : « La langue verte s’est coulée dans mes oreilles par effraction, côtoyant de près un français très bourgeois, extrêmement châtié. La vulgarité de certains mots, leur grossièreté, ne m’en apparaissait que plus élégante dans cet écrin de politesse. » Quel était votre rapport à l’argot étant plus jeune ?

Dans l’argot actuel qui est le sujet du livre, très tard. Mais j’avais déjà des affinités avec un argot plus ancien que pratiquait ma mère. Elle s’exprimait dans un français extrêmement châtié, dans une langue très belle, très littéraire, et en même temps elle était très argotique, l’argot de Queneau, hérité de la langue verte comme on l’entendait chez Simonin, Audiard… Elle était très vulgaire parfois mais ça se mariait parfaitement avec son français châtié, ça dynamitait sa langue. Petite fille déjà je sentais le côté réjouissant de cette langue de dictionnaire qui explosait par l’intrusion d’autres mots. Ma mère était gourmande de ça, il y avait un plaisir dans sa façon d’articuler.

Vous avez une belle formule, vous parlez d’un « grondement de langue ».

J’ai étudié la phonétique, la phonologie, de façon très académique. Ce qui est intéressant dans l’argot c’est que c’est une langue extrêmement musicale, elle est faite pour être parlée. J’ai la certitude qu’on conserve des mots dans une langue parce qu’on aime les prononcer, on aime les avoir à l’oreille, on aime les avoir sur la langue, on aime les faire rouler, gronder en effet. Ici le son fait énormément sens, il y a presque plus de sens dans le son.

D’ailleurs on découvre dans votre livre qu’il peut y avoir des bagarres de linguistes pour savoir si on met un « s » ou deux à « boloss »

Oui, en tant que linguistes on est assez mal placé pour déterminer comment doit être orthographié tel ou tel mot d’argot, j’aimerais vraiment qu’il n’y ait aucun jugement de valeur dans le bouquin. J’ai décidé de garder tous les orthographes possibles, sur certains mots j’en ai 4 ou 5. C’est aussi ça qui est beau dans cette langue c’est qu’elle ne se laisse pas enfermer, elle ne se fait pas piéger.

C’est ce que fait le rap aujourd’hui, c’est la trace écrite, sonore, répertoriée, du langage de rue. Les mots sont là, bien prononcés, ils ont une forme qui est littéraire. Évidemment il y a de la mauvaise littérature comme il y a du mauvais rap.

Il y a des gens très enclavés dans un seul registre de langue, et notamment le français académique qui parfois est dévitalisé, il lui manque un certain punch. D’ailleurs vous signalez à bon escient que l’origine de la langue française vient d’un Latin simplifié, ce qui met à mal l’idée de « pureté » de langue…

C’est terrible cette question de pureté, c’est très raciste. Philippe Blanchet à ce sujet parle de glottophobie. C’est la discrimination par le langage, et ça s’applique donc aux gens qui méprisent la langue de la rue. Ronsard et Du Bellay en leur temps ont défendu la langue française qui n’était que parlée ; le langage écrit, noble et littéraire était le Latin. Ils ont voulu anoblir le français et prouver qu’il pouvait être employé de façon littéraire et poétique. Et c’est à cette époque que le français s’est enrichi de nombreux suffixes, ce qui rappelle les suffixes dans l’argot, comme quand le « tieks » devient le « tiekson ». C’est ce que fait le rap aujourd’hui, c’est la trace écrite, sonore, répertoriée, du langage de rue. Les mots sont là, bien prononcés, ils ont une forme qui est littéraire. Évidemment il y a de la mauvaise littérature comme il y a du mauvais rap [sourires, ndlr].

On va y revenir… Votre livre est ludique et assez drôle bien qu’il soit très formel, notamment quand le lecteur voit certains mots écrits qui n’ont pas vocation à l’être, comme lorsque vous définissez le mot « bite » (p. 63) de façon académique, avec la précision utile « verlan : Teub » [rires], plus loin vous expliquez de façon sérieuse l’expression « babtou fragile » [rires]

[rires] Oui mais je prends vraiment les choses au sérieux, parce que c’est un objet d’étude sérieux. J’ai découvert le rap en commençant à travailler sur le sujet. Du coup j’ai amené des choses qui détonaient un peu, qui vont avec ma personnalité en quelque sorte.

Le rap infuse tout le bouquin. Quelle est votre impression globale sur le rap ? [sourire]

Alors, mon impression globale [sourire]

Parce que vous avez des coups de gueule, notamment sur la misogynie du rap au mot « Dalleuse » p.76, ce que je peux comprendre. Mais vous rendez aussi hommage à la discipline…

Pour commencer, je suis extrêmement féministe. Mais vraiment. J’aime les hommes, mais j’ai vraiment une conscience politique féministe. À ce titre c’est un mystère pour moi que je puisse apprécier le rap, je ne me l’explique pas. Je ne veux pas généraliser mais il y a des morceaux parfois… je tombe de ma chaise tellement c’est violent. Mais il y a quelque chose derrière qui me plait quand même. Dans le rapport à la langue, au rythme, cette façon d’habiter la langue, de lui donner un corps, de lui donner une chair, et ça c’est très puissant, et ce sont des choses qui sont des passions dans ma vie. Donc il y a plein de choses qui me font profondément chier dans le rap, et il y a plein de choses que je trouve géniales. Le fait d’étudier le rap, de le lire… j’ai passé des heures sur Rap Genius [sourire] pour entendre et lire en même temps, et maintenant j’en écoute sans problème, je n’ai plus besoin de passer par Rap Genius [sourire].

Alors citez moi quelques rappeurs… Vous rendez hommage à Booba avec la fameuse punchline « t’as aimé sucer j’ai aimé Césaire » [in « OKLM »]

Oui ! C’est très violent mais c’est génial, elle marche hyper bien ! Donc oui Booba… j’ai écouté « DKR » toute l’année pour tous mes trajets en métro [sourires], dans les plus récents il y a Hugo TSR, notamment le morceau « Là-Haut » que j’aime beaucoup… Nekfeu est très bon. J’aime beaucoup Roméo Elvis, j’ai eu une période Guizmo aussi… [elle réfléchit] bon il y en a plein que j’aime bien.

Et les monstres sacrés NTM, IAM, Solaar ?

Bien sûr. Mais là c’est plus ancien, c’est presque intouchable. Un bon NTM je danse dessus, en plus j’adore danser. Et puis La Rumeur, Les Sages Poètes, Oxmo…

Votre livre tord le cou au propos académique qui est méprisant à l’égard du rap et de son langage.

Je ne peux plus être condescendante vis-à-vis du rap, j’ai tellement travaillé sur tous ces mots, je me suis rendu compte qu’on pouvait remonter hyper loin… je pense à « marave » qui m’a fait remonter des siècles, voire des millénaires en arrière dans des racines sanskrites indo-européennes, se rendre compte que « marave » à la même racine que « mourir »… à chaque fois j’avais des moments qui me coupaient le souffle. D’ailleurs j’aimerais bien que mon livre arrive entre les mains de certains rappeurs et qu’on puisse en parler, j’adorerais avoir des retours, des critiques… Et si mon livre permet de répondre à des vieux cons qui méprisent l’argot, tant mieux, ou même que les gosses puissent dire à leurs parents : « mais non pas du tout, j’utilise une racine sanskrite. » [rires]

L’argot de Simonin, de Boudard, de Michel Audiard, est un langage maintenant consacré. Est-ce que vous pensez que le langage de rue actuel peut espérer la même consécration dans 50 ans ?

Oui c’est sûr. Il y a des mots qui vont disparaître, d’autres vont rester, ça fait partie de la vitalité de la langue. Même si l’Académie ne valide pas. De toute façon il n’y a plus rien à faire de ce côté là…

Je ne peux plus être condescendante vis-à-vis du rap, j’ai tellement travaillé sur tous ces mots, je me suis rendu compte qu’on pouvait remonter hyper loin…

Ils ont pas tous 85 ans d’ailleurs ?

Oui, et c’est tous des mecs. Il faudrait rajeunir l’académie, ou la rendre plus tolérante. La langue anglaise est quand même beaucoup plus tolérante. Vous n’imaginez pas le nombre de mots en plus qu’il y a dans le dictionnaire anglais. L’anglais est beaucoup plus hospitalier, il intègre les mots comme ça.

On va passer aux choses qui fâchent…

Ah dites moi !

Vous parlez du morceau scratché de Cut Killer dans La Haine et vous le labellisez « Assassin De La Police ». En fait Cut Killer scratche une phrase d’un titre de KRS One, « That’s The Sound Of The Police ». Beaucoup l’ont francisé à tort en le dévoyant phonétiquement par « assassin de la police ». Là je ne vais pas vous mentir, ça a été un crève-coeur [sourire]

Ça vous me l’apprenez… je suis confuse.

Ne vous inquiétez pas, pour quelqu’un qui n’est pas du sérail votre livre est très complet. Vous avez relevé des choses qui sont des finesses de langage, comme le verlan de « pas » qu’on utilise quasi essentiellement à la fin des phrases et pas au milieu, on ne dit pas « j’ai ap faim ». Vous avez aussi fait honneur à mes collègues féminines de YARD qui, quand elles sont enthousiastes pour faire quelque chose, disent « je suis chaud » et non pas « je suis chaude », qui est dangereusement ambigu.

[malgré mes sincères félicitations, Aurore est déçue de sa coquille] Oui. Je suis désolé mais… « That’s The Sound Of The Police » vous me dites ?

Oui, c’est donc un morceau de KRS One qui était très populaire en soirée parce qu’il occasionnait de sérieux pogos, ce qui n’empêchait pas les gens en France de crier à tort « assassin de la police ».

Toutes mes plus plates excuses.

J’ai remarqué autre chose aussi, mais ce n’est clairement pas de votre faute, c’est l’impact affaibli du rap une fois qu’il est écrit. Vous en citez beaucoup, mais ça tombe un peu à plat sans le flow du rappeur.

L’exigence première c’était celle de l’illustration du mot défini. C’est marrant mais c’est peut-être que je les [les punchlines] ai tellement écoutées, lues que ça ne m’a pas frappé. Je les aime toutes.

Et si mon livre permet de répondre à des vieux cons qui méprisent l’argot, tant mieux, ou même que les gosses puissent dire à leurs parents : « mais non pas du tout, j’utilise une racine sanskrite. »

Il n’y en a pas certaines que vous avez mises qui ont simple valeur d’illustration ?

Oui c’est possible, je ne pourrais pas vous dire à froid lesquelles, mais la grande majorité d’entre elles me plaisaient vraiment… [elle feuillette son livre] Oui, là vous voyez je cautionne tout [sourire].

Vous qui êtes linguiste vous devez vous interrogez en permanence sur la langue et son évolution. Que pensez-vous des émojis ou de l’écriture phonétique sur les réseaux ? C’est un appauvrissement ?

En ce qui concerne les emojis je n’ai pas beaucoup d’avis sur la question. Ce que je peux dire c’est que je n’aime pas parler d’appauvrissement de la langue quand elle se diversifie, quand elle va puiser dans d’autres lieux, d’autres espaces. Je pense qu’on est dans un autre registre que la langue quand on est dans le symbole imagé. J’utilise moi-même les emojis, c’est drôle, c’est plutôt ludique, ça fait travailler l’imaginaire, du coup il y a un travail intellectuel et une certaine maîtrise. Je ne suis pas contre, mais en tant que linguiste ce n’est pas mon domaine puisque c’est de l’image.

Dans votre livre vous saluez le mot « maggle » qui découle directement de l’écriture phonétique.

Ça je trouve ça génial.

Oui mais c’est sans doute quelqu’un qui l’a inventé pour aller plus vite et qui du coup a fait une trouvaille innovante.

Je crois que c’est Nietzsche qui disait ça ; je suis très proche de lui dans mon rapport au langage même si c’est un peu pompeux de dire ça… Il dit que la langue est morte, que tous les mots qu’on emploie dans une conversation quotidienne sont employés depuis très longtemps et qu’ils sont morts en quelque sorte, on les a tellement éculés qu’on ne les entend même plus, on ne sait même plus ce qu’on dit, c’est très automatique. Mais il dit que la littérature va rechercher le côté vivant de la langue et va puiser dans l’aspect originel, c’est à dire qu’un jour un homme, ou une femme, a prononcé un mot nouveau et a fait un acte créateur, et ce mot est né… et on peut raviver ce geste créateur en ayant la conscience du son, la conscience du sens donc… [elle s’arrête] je ne sais plus quelle était la question ! [rires]

[rires] On partait de « maggle » à la base.

Oui du coup voilà, il y a eu ce geste créateur même si ce n’est pas réfléchi, même si c’est une faute d’orthographe, et bien ce n’est pas grave, il y a eu un moment de création et c’est ça qui est… beau. Ce serait chouette que l’orthographe soit abordée différemment dans l’enseignement, il faudrait réussir à dialoguer, à aller du côté de l’argot, à le légitimer, à en parler, d’être moins dans le côté vertical d’un enseignement intouchable. Même si je sais qu’il n’y a pas assez de profs, qu’ils sont mal payés et qu’ils ont donc des difficultés dans la pratique de leur métier. Ce n’est pas facile d’être proche de ses élèves dans ces conditions là.

Je me demandais à la lecture de votre livre si les mots ne sont pas notre rempart le plus solide à la xénophobie. Quand on y regarde de plus près il y plein de mots qui viennent du romani [langue indo-aryenne originaire du nord de l’Inde, que les Gitans, Manouches et Tziganes pratiquent encore aujourd’hui], de l’arabe ou autre… Est-ce que les mots ne se marient-ils pas mieux que les hommes ?

Oui je suis d’accord avec vous. Les mots traduisent une réalité et ils sont honnêtes. Il y a des métissages, il y a des migrations de mots, et c’est très joyeux. Et ça va faire chier beaucoup de gens. Je ne sais pas si j’aurais un auditoire très large avec ce livre mais bon…

Peut-être que vous allez attrister des réactionnaires qui ne connaissent pas les origines mélangées de certains mots ?

J’espère ! Ça va en énerver deux ou trois. Mais je trouve que c’est très beau de constater ce métissage de la langue. Il faut le célébrer.

Est-ce que j’ai fait des fautes de syntaxe pendant l’entretien ?

Non je ne crois pas… en même temps je ne suis pas très réac [sourires].

Pour se procurer Les Mots Du Bitume, c’est ICI

Russ, le rappeur originaire d’Atlanta sera de retour à Paris pour une nouvelle date, après la sortie de son premier album There’s Really a Wolf et un Bataclan complet en avril dernier. Le single « What They Want » est l’exemple parfait de ce que sait faire Russ, puisque le son a été mixé, masterisé, produit, écrit et chanté par l’artiste lui-même. C’est le 22 février que Russ sera en concert au Zenith de Paris, et on vous fait gagner deux places pour y assister.

Si vous voulez participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Russ ». 

« J’apprends toujours » me dit Marlin, 20 ans, qui dévoilait quelques jours avant notre rencontre, l’EP Nights, composé de six titres électro, dansants, dont la maturité contraste positivement avec les airs juvéniles de son auteur. Il poursuit : « Mais là, c’est mon premier projet sérieux, que je sors en maison de disque. Ce qui ne veut pas dire que c’est plus sérieux que ce qu’on fait tout seul. Mais j’ai quand même eu des moyens, c’est un ensemble de chose. Tout ce process, tu vois même ce qu’on fait aujourd’hui, ça m’apprends des choses. »

Avant tout ça, Valentin Marlin était déjà passé par ses premiers groupes, et avait déjà mixé entre Lille et Paris. « En DJs sets, je suis souvent hip hop, c’est souvent à l’image de ma musique. J’ai souvent fait des DJs sets n’en déplaise à certain, avec plusieurs phases de style : une phase hip hop, une phase club, une phase plus expérimentale. Mais franchement, j’en avais un peu marre des DJs sets jusqu’à maintenant. J’adore mixer, mais tu te sens obligé d’enjailler la foule. » Et de donner au public ce qu’il veut ? « Kind of. Mais t’es pas obligé tu vois. J’adore mixer, j’ai envie de mixer depuis que j’ai 8 ans – mais là, maintenant, j’ai envie de jouer ma musique et ça devrait bien se passer. T’arrives en live, tu sors tes sons. »

Valentin, qui signait cette année un contrat avec Elektra/Warner a très vite fait du chemin. C’est le titre « 54321 » qui a attiré l’attention du label. Un titre entêtant, entre la France et la Californie d’une saveur estivale, où Marlin commence à poser sa voix. «Je fais de la musique depuis longtemps. Je chantais un peu. Et j’ai commencé à faire des morceaux, à trouver des mélodies et j’ai posé ma voix dessus. À la base, je voulais faire appel à des chanteurs et en faisant écouter ça à mon manager et à mon entourage, surtout sur le son qui est sortie en single « 54321 », les gens autour de moins m’ont dis que je devrais chanter.» Depuis sa signature, il s’attèle à la réalisation de son premier EP, où il mêle une sonorité électronique dominante, à toutes les influences caractéristiques d’une générations qui consomme la musique loin des bacs des disquaires et de sa classification par genre.

Quand on lui demande s’il se retrouve dans la scène électronique française, il répond : «Je m’y retrouve et j’en fais un petit peu parti maintenant.  Ce qui m’a poussé, c’est que je suis passé par plein de style, plein de genre de musique différentes à écouter ou à faire. Comme pour tout le monde en réalité. Ça vient aussi d’internet, où on a pu se cultiver de musique de tout bord et de tout ce qu’on voulait. Et ce qui m’a vraiment donné envie de produire c’est Justice, tout Ed Banger. Donc oui c’est une grosse influence pour moi. Tout à l’heure on me demandait de ne choisir qu’un seul style. Je pense que ce serait la musique électronique, parce que c’est ce que je fais. Mais elle se nourrit de plein d’influences. Au final c’était le cas aussi de Justice. Tu ne pouvais pas dire « C’est de l’électro », parce qu’il y a du rock dans Justice. C’est la même.»

C’est donc la musique électronique qui prime dans son style, alimentée par le musicien par des nappes plus organiques. « Il y a beaucoup de claviers qui, même s’ils sont électroniques, sont joués pour la plupart. Et il y a un peu de guitare. Après il y a la voix, même si elle est retouchée, elle reste quelque chose d’organique. C’est le mélange d’électro et d’organique qui m’intéresse. Parce que pur électronique, ça peut être trop Game Boy tu vois. Et même si j’enregistre quelque chose, j’ai forcément un sample de clavier ou de batterie qui va être organique. J’essaie de faire un mélange de ça. Électro et organique. » Dans ce mélange d’influences et de nature musicale, Marlin est au début du chemin qui lui permettra de trouver sa voix, sa signature. Même s’il avoue qu’il ne se «pose pas trop la question.» «J’espère que ça se ressent et que ça s’affinera au fil du temps. Parfois je m’éparpille dans mes styles. Mais je pense que justement une patte, elle va être plus dans une façon de faire les choses, dans la façon dont les sons sont construits. La voix, tu la retrouves partout, c’est la mienne. Et au niveau de l’harmonie aussi. J’essaie de trouver mon style au niveau de la composition justement. Ce qui fait que le style pourrait se sentir dans un son qu’il soit tempo-basse, dans un truc trap ou dans un truc plutôt chic. C’est comme ça que je vois le truc. En tout cas, je te dis, j’essaie de le faire et j’espère que ça s’affinera.»

En attendant, Marlin poursuit son chemin. «La suite ? Bah là, je fais des morceaux. Je pense que ça va passer comme pour ce projet. Je suis toujours en train de faire des sons. J’essaie de faire mon stock de démos pour partir les finir en studio. Je pense que là, on va exploiter l’EP un petit moment et puis il y a un autre projet qui sera annoncé à un moment ou à un autre. Là, c’est pour ce qui est des disques. Sinon, là, je joue en Corée le 23 septembre. Ce sera mon premier live.» Pourquoi la Corée ? «Parce que j’avais un plan pour le faire en Corée. À Séoul et voilà.» Tout simplement.

 

Update : Marlin sera en showcase le soir du 14 novembre au Silencio à Paris. On met quelques places en jeu. Pour tenter de les gagner, envoie nom+prénom à contact@oneyard.com, objet : Marlin.

C’était en 2015. Le mot commençait à tourner dans les discussions sur Facebook, Twitter, en soirée ou dans le métro. Le lien aussi. Un lien qui renvoyait vers une page Haute Culture affichant une pochette aux tons bleus paon, un nom d’artiste des plus sommaires et un titre relativement classique. « Hamza – H24 ». Et une écoute qui était forcément précédée de mots dithyrambiques. « Écoute ce type, c’est un Belge je crois, il est incroyable. » Alors, intrigués, on cliquait sur Play et cette mixtape aussi fournie qu’une cassette sortie de la Zone 6 débutait par cette intonation pleine d’envie : « 1994 ». Deux ans et cinq projets plus tard, ce sont ces quatre même chiffres qui donnent son titre à la première mixtape (aux allures d’album) délivrée par Hamza en major.

Nul besoin de vous faire languir, vous qui lisez ces lignes l’ayant pour beaucoup déjà écouté : Hamza a livré le 27 octobre dernier son essai le plus abouti. Prenez ses trois premiers projets : chacun avait une coloration générale. H24 est fait pour le club, Zombie Life est brumeux et drogué, New Casanova est brûlant comme l’Equateur. Tous sont cohérents musicalement, chacun dans leur registre. 1994 réussit à piocher dans ces trois identités tout en offrant un résultat final sans fausse note, avec ces trois forces réunies. Une voie que Santa Sauce avait déjà tracé, de manière plus brouillonne. Un peu comme si les Diables Rouges alignaient un joueur avec la puissance de Lukaku, la technique d’Eden Hazard et la vitesse de Carrasco.

Et le scoreur devient acteur

Une cohérence qui se rejoint dans les paroles, une cohérence d’oeuvre cinématographique. Le constat m’est venu par Bobby Dollar, l’auteur des superbes illustrations de cette chronique. Lui a l’impression que cet album est monté comme un film dont Hamza serait le main character, autour de qui gravitent des personnages de sexe principalement féminin. Creusons cette piste, et regardons. Effectivement, l’intro (« Life ») et l’outro (« 1994″) sont les premiers morceaux où Hamza se fait revanchard, s’ouvre réellement au micro. Seul « Bibi Boy Swag » a pu très légèrement donner cette impression par le passé. D’un coup, les drogues ne sont plus juste synonymes de fête et de femmes. Elles deviennent moyens d’évasion, elles s’associent à un Hamza triste. Puis, chaque morceau est une sensation, un feeling, bien souvent provoqué par une femme. Suivant une logique évolutive. « Juste une minute » est un appel à celle qui lui échappe. « Vibes » est plus un fantasme qu’une vraie relation. Le Hamza du début est un rêveur. Alors, peu à peu l’album monte en puissance. Hamza gagne en réussite, et donc en confiance. Avec celle-ci vient la suffisance face aux autres, aux femmes mais aussi aux autres hommes. « Jodeci Mob » en étant le paroxysme, en plein milieu de la mixtape. Le Hamza de « Silicone », « Mi Gyal » puis « Pasadena » a acquis la puissance. Celui de « Monopoly » a définitivement changé de rôle : désormais, c’est lui qui fait des galipettes avec celle qui lui échappait en début de projet. « Ce soir j’vais la ken, pendant que tu la ken dans tes rêves. » Si la quête amoureuse et sexuelle est une confrontation, il a inversé le rapport de force avec ses rivaux. Ainsi s’en suit avec « Destiny’s Child » où il se fait new Michael Jackson en chanson et dans le clip, puis « 1994″ est l’occasion de la rétrospective finale. Celle du Hamza qui s’ouvre le plus, dont la vie est passée dans une autre phase, qui peut évoquer son passé maintenant que la reconnaissance et la femme de ses rêves sont avec lui. Ce besoin de s’affirmer en permanence comme l’ultime séducteur, marqueur majeur dans l’écriture d’Hamza, ne venant pas de nulle part.

Cette fissure à hauteur de coeur qu’offre Hamza, elle est à la fois une force et une faiblesse de ce projet. Une force, parce qu’enfin le SauceGod épaissit son personnage. L’auteur de la bande-son de nos nuits les plus torrides et de nos festivités les plus excessives est donc devenu acteur. Il ne se contente plus de faire dans une auto-célébration qui n’avait de personnelle que le fait qu’il était le seul à le faire de cette manière en France. On commence à entrevoir l’homme derrière l’artiste.

De l’égotrip à l’égotique

Mais une faiblesse, parce que justement, peut-être que la force des premiers projets d’Hamza résidait dans l’impersonnalité de ses morceaux. C’était un fourre-tout de sensations enivrantes comme des drogues, qui nous parle de celui que l’on se sent être dans nos plus beaux moments. Qui booste notre ego en permanence. Celui qui se sent le plus frais dans le club, celui qui obtient tout ce qu’il veut dans une partie de sexe, celui qui shine, celui qui fait mouiller les femmes par un chuchotement. Avec cette renversante sensualité qui permet à un public féminin hétéro d’être tout aussi addict à sa musique que le public masculin. Avec Hamza, on s’auto-célèbre, qu’il s’agisse du soi réel ou du soi fantasmé. Certains se sont déjà retrouvés à réciter à une femme les paroles de « Tu me donnes des idées ». Tout comme d’autres rêvent de rapper « Jodeci Mob » à tue-tête au volant d’un SUV de marque américaine.

Jamais il ne prononce les cinq lettres de son blaze dans ses morceaux. Ses lyrics pourraient être rappés par un autre.

Bien des rappeurs que l’on écoute célèbrent leur personne, leurs réussites, et la puissance qu’ils dégagent ainsi nous amènent à nous y identifier, mais sans se sentir entièrement dedans. Or, Hamza ne parle quasiment jamais de ses propres exploits. On ne l’entend jamais parler des boites entières qu’il remplit, du fait que des rappeurs respectés (Alkpote et Butter Bullets, Disiz, Seth Gueko, …) l’invitent sur leurs projets, de Bella Hadid ou Metro Boomin qui dansent sur sa musique. Hamza ne s’auto-célèbre pas, c’est l’auditeur qui s’auto-célèbre grâce à Hamza. Il ne parle que de lui mais a toujours été un anti-égotique. Jamais il ne prononce les cinq lettres de son blaze dans ses morceaux. Ses lyrics pourraient être rappés par un autre. Dès lors, s’il gagne en épaisseur avec ce 1994, peut-être perd-t-il en capacité de transmission d’émotions.

Cette transmission, elle doit aussi beaucoup au fait que l’écriture d’Hamza est exubérante. À la manière d’une drogue injectée dans nos veines, il transmet cette exubérance à notre cerveau, il transmet cet amour de la puissance. Mais il garde un défaut, récurrent depuis le début de sa carrière : à trop vouloir être exubérant, il peut créer l’effet inverse et décrédibiliser cette expérience de toute-puissance. Comment ? Par la faiblesse momentanée de ses lyrics. Quand il énonce dans « Destiny’s Child » : « Un chèque, deux chèques, ta bitch veut mon milk-shake », on n’est plus dans l’exagération, on a juste envie de rire. Ce qui est d’autant plus dommage que des tracks comme « Jodeci Mob » rappellent sa capacité à bien écrire. Et de manière générale, c’est le principal reproche que l’on peut lui faire : certains morceaux restent lyricalement faibles. Certes, il s’agit en général des tracks les plus dansants. Mais cela l’expose à la critique d’un public attentif à l’écriture, qui parfois ne pourra vraiment pas passer accepter l’excuse de la mélodie pour écouter des paroles creuses.

Le rêve américain

Me répondra-t-on alors que bien des rappeurs américains au registre proche n’en ont strictement plus rien à foutre de bien écrire. Toutefois, quoiqu’on en dise, la France garde cette tradition de la parole bien faite. Ce n’est pas pour rien qu’Or Noir de Kaaris est considéré comme le meilleur album de la décennie par une partie importante du public. Mais cette absence de précision lyricale sur certains morceaux, au fond peut-être qu’il en est conscient et qu’il ne s’en préoccupe pas. Parce qu’une hypothèse ne doit pas être exclue : que le but ultime d’Hamza s’appelle l’Amérique du Nord. Or, à part au Québec, ses quelques auditeurs par là-bas n’ont cure de la qualité de lyrics qu’ils ne comprennent pas. États-Unis et Canada, deux territoires qu’il est vital de connaître pour pouvoir analyser la musique d’Hamza. Puisque comme à chaque projet, sur ce 1994, il vient nous rappeler qu’il est une hybridation de l’avant-garde urbaine nord-américaine.

De ses débuts de rappeur où il s’inspirait d’A$AP Mob, à H24 où certains l’ont qualifié de Young Thug belge jusqu’à Zombie Life et New Casanova qui sentaient le Canada à plein nez (pour la brumeur de Toronto et les inspirations caribéennes de Ramriddlz). Hamza prend la matière innovante aux USA ou au Canada, l’ingère et l’offre dans une nouvelle forme. Hamza n’invente rien, il est une éponge. Une brillante éponge, dotée d’assez de groove pour parfois dépasser qualitativement ceux qui ont inspiré son processus artistique. Mais Hamza n’invente pas, ce n’est pas son créneau. Ce qui lui est aussi reproché par certains dans nos contrées. Ce à quoi l’on répondra que de toutes façons, les rappeurs francophones inventent peu. Toutefois, ceux qui ont attiré l’attention aux États-Unis sont justement ceux qui offraient un apport inédit. Niska pour certains de ses ad-libs et certaines annotations. PNL pour leur cloud rap novateur sublimé par leur complémentarité avec Nk.F. MHD pour son afro-trap maladroitement dénommée mais originale quoi qu’il en soit.

La question d’une possibilité de succès de l’autre côté de l’océan Atlantique reste donc indécise. Malgré quelques signes positifs comme les réguliers passages de ses morceaux sur OVO Sound Radio, son Français très anglicisé ou la présence à ses côtés du brillant Ponko, qui est aux manettes d’une grande partie de l’album. Puis le fait que des artistes comme Lil Uzi Vert et Travi$ Scott, au succès gigantesque, font eux aussi partie de cette catégorie de ceux qui ne créent pas ex nihilo.

Le défi français

Mais avant de penser Amérique du Nord, pensons France. Hamza peut-il atteindre le next step avec ce 1994 ? Peut-il briser le plafond de verre qui semble au fur et à mesure s’être placé au-dessus de son crâne ? Tout amoureux de sa musique ose espérer que oui. Et cette mixtape semble être le projet calibré pour agir comme détonateur, donner à sa carrière le tournant qui débridera ses ventes. Une mixtape dont la DA aurait difficilement mieux pu coller à cet objectif. 1994 est le projet le plus accessible d’Hamza. Dans son calibrage déjà : quatorze titres, aucun n’atteignant des durées excessives pour le grand public, avec des bangers rap (« Jodeci Mob », « Monopoly »), des album cuts tout sauf bâclés (« Cash Time », « Mucho Love » ou « Pasadena » entre autres).

Et surtout : des hits très accessibles, soit ce qui manquait à Hamza pour changer de statut. Son « Mamacita », son « Champs-Elysées », son « Macarena ». Or, des morceaux comme « Vibes » ou « Mi Gyal » semblent avoir ce potentiel tubesque. Des tracks qui, en plus, s’offrent le luxe de n’aller en rien à l’encontre de son identité musicale. Mieux : ses fans de la première heure ont accueilli « Vibes » comme une bénédiction. Rec118, qui a déjà fait exploser Ninho cette année, peut donc se targuer d’une vraie réussite artistique. Maintenant, il s’agit de réaliser le même travail en matière de communication. Et on voit difficilement ce que Laurent Bouneau ou les programmateurs des playlist majeures de Spotify ou Deezer auraient à argumenter contre certains morceaux de l’album. Concernant cette chasse au grand public, un bémol peut cependant être ajouté : l’absence de featuring. Si cela va dans l’idée de cohérence du projet, et que Hamza a de toutes façons toujours dévoré ses invités, la présence d’une grosse tête du rap français sur un morceau aurait pu lui faciliter les choses.

En somme, il y a beaucoup de choses à dire sur ce 1994. Bien que, paradoxalement, il ne nous apprend rien de bien nouveau : ceux qui l’aiment n’ont pas attendu l’album pour le savoir, les sceptiques non plus. Il s’agit en tout cas de son album le plus abouti. Certains le diront toutefois moins envoûtant que Zombie Life ? Oui, mais en essayant de rester dans un univers alternatif, il a floppé. Ce qui n’est pas sans rappeler l’un de ses pères musicaux : The Weeknd, et son Kiss Land. Dès lors, l’accessibilité de cette mixtape arrivera peut-être à en faire son Beauty Behind The Madness, ou au moins à rendre son nom familier de tous. Ce qui ne serait pas volé, au vu du travail d’acharné qu’il a fourni ces trois dernières années.

Illustrations : @BobbyDoFlamingo

Ce fut âpre. L’open space YARD a vibré sous les vives récriminations et les enthousiasmes religieux. J’ai même administré un légitime front-kick sur une chaise innocente à la réécoute du couplet d’« Hommes de l’ombre ». Mais ces échauffourées sont attendues quand une rédaction décide de classer et de chroniquer tous les morceaux que Booba a honoré de son featuring, sous l’entité Lunatic ou en solo. 20 ans de carrière au sommet, qu’on le veuille ou non. 20 ans qu’on l’invite aussi, pour booster un morceau, ou les ventes, ou les deux. Le mot d’ordre donné aux neuf jurés fut simple : noter la performance de Kopp et non la qualité de chacun des 69 morceaux. La moyenne des notations nous livre un classement hautement démocratique, bien que parfois « douloureux » (j’emprunte la formule à Shkyd, atterré de voir « Vrai », avec 40000 Gang, si mal classé).

Le Top 10 de notre étude démontre la vitalité du Boulonnais à travers les époques, et les 69 couplets cimentent encore un peu plus les commandements de sa faconde : misogynie de tueur en série, narcissisme pathologique, mais surtout un flow galactique et un sens de la formule ahurissant.

Nous supposons que ce classement suscitera quelques joutes sur les réseaux et nous en sommes ravis… quoique, si le « puriste » peut s’abstenir de signaler que « Pucc’ Fiction » doit être classé numéro 1 ou que Lunatic a fait deux tracks sur la K7 de Ziko C2LaBalle, nous le remercions par avance. Et dire que tout commença en 1995, quand Elie Yaffa, 18 balais, zéro tatouages, mince et malsain comme une vipère, expectora son premier couplet officiel sur une mixtape de Cut Killer avec cette entrée en matière divinatoire : « Boom ! Je rentre dans la place pour tout casser ».

Bardamu

Illustrations par : Yoann Guérini, Bobby Dollar, Richie Reach, MoFo, Rosa Bga, Jean André, Lazy Youg.

69. Famille Haussmann – « Mecs de Panam (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : 40 Grammes Et Une Mule, Famille Haussmann
Année de sortie : 2008
« Mecs de Panam (Remix) » en une phase : Joker

On le sait depuis « Double Poney » : celui qui entend parsemer sa galette d’une pleine portion des salaceries du Duc doit compter 56000 euros au bas mot. Les bourses plus réduites se contenteront d’une intro sous-forme de cace-ded’, et d’un vieux sample en guise de refrain. Suffisant pour oser créditer un « featuring », pas pour décoller au-delà de la 69ème (et dernière) place de notre classement.

Lenny Sorbé

68. Mala – « Smack la lune » ft. Booba

Morceau issu de : Himalaya, Mala
Année de sortie : 2009
« Smack la lune » en une phase : « J’fais des cauchemars, j’ai des soucis, j’ai rêvé que j’roulais en Laguna »

Un flow en demi-molle et une écriture d’une pauvreté saisissante. Ici, un « ok, salut, salut » pour rimer en « u », là un « Nous c’est 9-2 izi, Malekal Mo-click » répété comme pour combler la mesure. Ça aligne péniblement des vers simplistes, éprouvés par la flemme. Même Amel Bent a plus de chances de pécho la lune.

Marine Desnoue

67. Ryan Leslie – « Diamond Girl (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 3, Booba
Année de sortie : 2008
« Diamond Girl (Remix) » en une phase : « Diamond Girl, je t’apprécie beaucoup ; J’aimerais te prendre dans mes bras, mais aussi tirer mon coup »

C’est le rôle qu’il affectionne le plus. Celui du bad boy au coeur (pas trop) tendre, le Roméo version XXIème siècle : fuckboy devant l’éternel mais à la vision ultra-réaliste qui tchatche sa Juliette par SMS, en emojis et apocopes. Le Chuck Bass solitaire qui cherche sa Blair Waldorf au fin fond d’un strip club miteux, où les clients accrochent leurs derniers dollars autour de strings et soutifs dépareillés en fin de vie. « J’aimerais te prendre dans mes bras mais aussi tirer mon coup ; […] Je vais te mettre à mon doigt puis autour de mon cou. » Un dernier coup de pioche dans cette croûte terrestre pour trouver un minéral aussi dur que son coeur.

Frem Ganda

66. Kaaris – « L.E.F. » ft. Booba

Morceau issu de : Or Noir, Kaaris
Année de sortie : 2013
« L.E.F. » en une phase : « Peu importe c’qui va m’arriver ; Linceul blanc tâché de sang, quand je partirai »

Quand le D.U.C. joue à l’extérieur : le classement définitif

Dans un album, quelques bangers. Parmi ces bangers, un morceau médiocre. Dans ce morceau médiocre, un refrain. Dans ce refrain, la voix du Météore. Ce featuring, un jeu de poupées russes dont on se serait bien passé de la part des deux anciens associés. On passe sur la prestation insipide d’un Booba peu inspiré, tout comme celle son hôte d’ailleurs, sur un morceau qui aurait pu bénéficier d’un couplet du Duc. Le refrain autotuné est un art difficile à apprivoiser, n’est pas T-Pain qui veut. Pas très sympa après la passe décisive qu’a représenté « Kalash » pour la carrière du Sevranais. On passe, définitivement.

Terence Bik

65. Mala – « Danse pour moi » ft. Booba

Morceau issu de : Himalya, Mala
Année de sortie : 2009
« Danse pour moi » en une phase : « Ton mec travaille à Monoprix, viens ici, ne soit pas grotesque »

Le journalisme, c’est une prise de risques permanente. Bâtir la renommée d’un média à sueur de nos plumes, pour risquer de perdre 500 lecteurs en un article. Par exemple en mettant le couplet de Booba sur le « Danse pour moi » de Mala, tant vénéré par certains, dans les bas-fonds du classement. Il faut dire que son flow tempéré sur 8 mesures se fait bouffer par les cris auto-tunés de « Milou a.k.a Don Miloudzi », et qu’il n’a pas dégainé ses meilleures phases pour l’occasion. Un sous-sous-verse de « Pourvu qu’elles m’aiment », en somme.

Napoléon LaFossette

64. Alonzo – « Même Tarif » ft. Booba

Morceau issu de : Règlements de compte, Alonzo
Année de sortie : 2014
« Même Tarif » en une phase : « Bientôt mes sacs poubelles seront des Hermès »

Courant 2012, Alonzo et Booba versent ensemble une larme de Jack au sol pour ceux qui ont succombé aux caprices de leurs Kalash respectives. L’axe Marseille-Boulbi désormais établi, la collaboration entre les deux artistes – moins attendue que redoutée – semblait inéluctable. Dans la continuité du flow criard du phocéen, Kopp sature d’Auto-Tune une production effrénée de Chris Carson, rendant ce « Même Tarif » d’autant plus insupportable. À croire que personne n’a essayé d’éviter ce qui s’annonçait d’emblée comme un terrible naufrage.

Lenny Sorbé

63. Kamelbox – « On donne ça à l’ancienne » ft. Booba & Oxmo Puccino

Morceau issu de : Original Voice, Kamelbox
Année de sortie : 2007
« On donne ça à l’ancienne » en une phase : « Nique à l’endroit comme à l’envers, sur les côté comme par derrière ; C’est clair, on a le toucher nique ta mère »

Un morceau qui porte bien son nom. Il sonne vieux et moisi comme les références vestimentaires du titre (« Mousqueton, paire de Nike Air, blouson Starter » ou « 501 Patrick Ewing, horloge à la poitrine »). Les rimes, elles, sont aussi pauvres que son auteur au moment des faits. On réécoute le couplet pour la punchline référence/hommage à NTM et pour son incongruité à posteriori. On le réécoute encore. Une dernière fois… Et on next, fortement. Jusqu’au prochain classement d’une rédaction assez tarée pour le faire. Qui a dit que c’était dans les (forcément) vieux pots qu’on faisait les meilleures confitures ?

Terence Bik

62. Gato – « Sa Kap Fet La » ft. Booba

Morceau issu de : Zoe Land, tout est noir, Gato
Année de sortie : 2013
« Sa Kap Fet La » en une phase : « B2O jamais de chrome ; Biatch en plus, jamais de trop ; Si tu suces, tu peux sucer ; Si tu suces pas, tu vas sucer »

Jusqu’à quand Booba offrira t-il de bons couplets à Gato ? Jusqu’à quand mettra t-il son ami bègue dans les meilleures dispositions ? Ok, il lui aura rendu de bons et loyaux services en effectuant parfois la sale besogne depuis que les deux roulent ensemble. Mais même le PSG a fini par lâcher Blaise Matuidi…

Frem Ganda

61. Diddy, Dirty Money – « Hello, Good Morning (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2010
« Hello, Good Morning (Remix) » en une phase : « Parle-moi de biz’ sinon m’parle pas, j’m’en bats les couilles »

En fait, le seul truc chiant par nature dans la carrière de Booba, ce sont ses remix de rap américain de la fin des années 2000. Ça reste du B2O, c’est donc en général pas trop mal écrit, mais tout ça est très générique. D’autant que le principe même du couplet additionné à un morceau déjà connu n’est pas des plus fendards qui soit artistiquement. À dix mille lieux du travail réalisé sur son album Lunatic, quelques mois plus tard.

Napoléon LaFossette

60. Lil Wayne – « Money On My Mind (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2007
« Money On My Mind (Remix) » en une phase : « Mes jambes viennent de Thaïlande, ma queue vient de Tchernobyl ; Mon coeur vient d’Afrique, ma force vient d’Obi Wan Kenobi »

S’il y a bien un titre de Lil Wayne qui irait comme un gant à notre sujet du jour, c’est bien celui-ci. La money, on le sait, c’est le leitmotiv et le fil rouge de la carrière d’Elie. Paradoxalement, ce ne sera qu’à ses dernières mesures que l’on entendra la seule punchline « financière » de ce bref passage (« Mon flow est au caviar, le leur est à la pisse ; Tu m’cherches, j’suis à la que-ban, dans une chatte ou à la gym »). Un couplet sans grand intérêt donc, qui n’a pas dû apporter beaucoup d’argent au protagoniste. Pour le feat. US de référence, voir plus bas. Ne reste que cette magnifique ramification de son corps, rendant hommage à son attrait pour le muay-thai, l’apparence peut être douteuse de son instrument sexuel, ainsi qu’un indice sur la création du morceau « Maître Yoda ».

Terence Bik

59. Rick Ross – « Hustlin’ (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 2, Booba
Année de sortie : 2007
« Hustlin’ (Remix) » en une phase : « Passe le salam au rap français, de la part de mes testicules »

« Tous les jours je taffe dur, tous les jours je galère. » Sur ce remix du banger de Rick Ross, Kopp pose des vers poussifs sur une instru qui le dépasse. Un genre de gangsta rap balourd et éculé. De l’egotrip petits bras, souligné par un effet d’écho faiblard.

Marine Desnoue

58. La Cliqua – « Inédit 1994 » ft. Booba & Moda

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2014 (enregistré en 1994)
« Inédit 1994 » en une phase : « Je reste celui qui fout sa merde dans les partouzes ; Pas une tantouze comme Patrice Carmouze »

S’il ré-écoutait lui-même son couplet, il est possible qu’il ne soit pas capable de se reconnaître entre Rocca et Daddy Lord C, tant depuis 1994, sa voix s’est endurcie et tant son interprétation s’est personnalisée. Pourtant, près de 20 ans avant d’avoir réclamé « une bad bitch sur [sa] bite’zer », Booba parle déjà de bitch (« Je check un stick, une bitch, illico-presto »), fais déjà des références à Star Wars (« méchant comme Dark Vador ; J’ai buté Chewbacca »), et attaque sans aucune raison valable Patrick Carmouze, comme il attaquera Willy Denzey sans prévenir dans « Wesh Morray » (« Pas une tantouze comme Patrice Carmouze »). Comme quoi, Élie n’a peut-être jamais vraiment changé.

Shkyd

57. Cut Killer – « Freestyle Beat 2 Boul » ft. Les Sages Poètes de la Rue, Lunatic & Mo’vez Lang

Morceau issu de : La première K7 Freestyle de rap français, Cut Killer
Année de sortie : 1995
« Freestyle Beat 2 Boul » en une phase : « Je fais sauter les têtes comme au Kendo ; J’aime bien les filles belles mais faut qu’elles ken tôt »

Mon dieu quel couplet ! Des gimmicks en slalom, une attitude vocale impertinente et stylée, des phases impensables aujourd’hui (« J’aime les négresses, les musulmanes ») mais il s’agit de… Dany Dan, et il survole le morceau. Zoxea également, un poil en dessous. Booba n’est à ce moment qu’un stagiaire aux dents longues et sa performance prometteuse est éclipsée par les super-héros de l’époque. Certaines phases font sourire aujourd’hui à l’aune de sa carrière de monstre brillant et insensible (« Appelle moi Thierry Lafronde » ou « Comme un G.I. Joe, je suis d’attaque »), c’est un peu comme si on retrouvait une lettre d’amour de Guy Georges écrite en primaire à l’attention de Gwendoline. Ce back to back savoureux avec Ali est sa première apparition officielle. Un an plus tard « Le Crime Paie » bouleverse à tout jamais la voie lactée du rap de rue à la française.

Bardamu

56. Niska – « Tuba Life » ft. Booba

Morceau issu de : Commando, Niska
Année de sortie : 2017
« Tuba Life » en une phase : « Depuis la cour de récréation, entouré de mes goons ; Hardcore, j’entend une réaction de mauvais garçons dans la foule »

Quand Jay-Z dit que les hommes mentent mais pas les chiffres, y’a du monde. Mais quand il vous demande de vous arrêter avec l’Auto-Tune, y’a plus personne. On force. L’enseignement à tirer de ce classement, c’est qu’une combinaison entre deux rappeurs, ça n’existe pas. Après avoir rendu un très bel hommage à Manu Le Coq l’an dernier, ils se sont tournés vers la vie du tuba. Mais tout homme censé préconiserait l’apnée pendant ces 3 minutes 14 irrespirables. On n’est pas venus ici pour souffrir.

Terence Bik

55. Les Sages Poètes de la Rue – « Fumigène » ft. Booba

Morceau issu de : Trésors Enfouis, vol. 2, Les Sages Poètes de la Rue
Année de sortie : 2008 (enregistré en 1995)
« Fumigène » en une phase : « Mes vers t’hypnotisent, te collent au cul comme la cellulite »

Dans le deuxième volume des Trésors Enfouis des Sages Poètes de la rue, un couplet de B2O s’illustre entre ceux de Dany Dan et de Melopheelo. Le style est New Yorkais, les jeux de mots malins (« Lunatoxique » répond au refrain, « Zoxeagène »), la voix déjà marquante. Jeune, encore un peu sage, faisant rimer « positif » et « négatif »… mais prometteur.

Shkyd

54. 50 Cent – « Hands Up High (Remix) » ft. Booba & Tony Yayo

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2009
« Hands Up High (Remix) » en une phase : « Les suceurs de queue, plus ils m’aiment plus je les déteste »

On ne saurait dire si Booba est le plus français des rappeurs US ou le plus amerloque des rappeurs de l’Hexagone. C’est du rap à la JR Ewing dans toute sa splendeur, même si les propos tenus par le rappeur sont d’une médiocrité abyssale, telles les ressources d’or noir présentes dans les puits de pétroles texans. L’OPEP aurait dû prévenir notre héraut national qu’à ce rythme là il ne passerait plus les portes de Southfork et du rap français.

Frem Ganda

53. Benash – « Ghetto » ft. Booba

Morceau issu de : CDG, Benash
Année de sortie : 2017
« Ghetto » en une phase : « Fuck intérim’, j’préfère Mesrine. »

Pour son deuxième featuring avec Benash, après le sucré « Validée », Booba tente de renouer avec un rap de rue dont il ne maîtrise plus vraiment les codes. Des vers pastichés, déconnectés, habillés de rimes maigres. Ambiance bataille de pistolets à eau et crapotage de cigarettes en chocolat.

Marine Desnoue

52. Capleton – « Liberation Time (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 3, Booba
Année de sortie : 2009
« Liberation Time (Remix) » en une phase : « La banlieue s’emmerde, faut du shit pour l’apaiser »

Libérez l’Auto-Tune, rendez-nous notre temps. Comme Julien des Marseillais le dit si bien : « Il a des bigoudis sous les orteils ou quoi ? »

Frem Ganda

51. Ryan Leslie – « Swiss Francs (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : Les Is More, Ryan Leslie
Date de sortie : 2012
« Swiss Francs (Remix) » en une phase : « Dernier round, du sang de partout, tu sais qui est debout »

À bas la mièvrerie de « Diamond Girl » : pour sa troisième collaboration avec le producteur Ryan Leslie, Élie renoue avec un thème qui vivifie sa plume depuis 1995 et « Cash Flow ». Oseille, biff, mula, caramel, francs suisses… le boulonnais n’est jamais à court de termes quand il est question de dérouler son opulence grasse, et de rappeler à quel point les poches de ses concurrents sont vides. « Quand j’parle de Bentley, Lamborghini, c’est que j’en conduis ; Toi on t’a jamais vu avec, tu mens, ce que j’en déduis. »

Lenny Sorbé

50. Les Sages Poètes de la Rue – « Tout le monde dans la ronde » ft. Booba

Morceau issu de : Amoureux d’une énigme, Les Sages Poètes de la Rue
Année de sortie : 1995
« Tout le monde dans la ronde » en une phase : « Je suis psycho comme l’autre qu’on appelle Zoxeagène »

C’est les featurings qu’on réécoute avec un petit sourire attendri. On sent que le Rastignac en Lacoste a l’envie sourde d’enculer tout le rap français mais qu’il est pour l’instant desservi par ses manières rustres de puceau impressionné par sa première levrette. La hargne, le charisme vocal sont déjà là, et Booba succède à Melopheelo comme un alligator caché derrière un Golden Retriever.

Bardamu

49. Yatfu – « Notorious » ft. Booba, Mala & Bambino

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 1998
« Notorious » en une phase : « J’ai un pied dans la merde, un pied dans la mosquée »

Exit la patate chaude en bouche, le emcee pose les bases de sa nouvelle signature vocale. La mâchoire toujours crispée mais la diction plus organique et précise. Booba « bousille la rime au Uzi, 92i » mais paie les grésillements du seul enregistrement disponible en ligne. Il reprendra le même couplet en clair sur « B.O. (Banlieue Ouest) ».

Marine Desnoue

48. Gato – « Tout est noir » ft. Booba

Morceau issu de : Zoe Land, tout est noir, Gato
Année de sortie : 2013
« Tout est noir » en une phase : « Toute ta clique on canarde ; Singe mort mange moins de banane »

Voilà un exemple de collaboration moins fameuse de Booba avec Gato da Bato haaan Monsieur International. L’idée était bonne, et d’ailleurs Gato ne s’en sort pas trop mal. Mais Kopp sort du thème du noir pour lâcher un couplet des plus génériques, dans un style énumératif franchement ennuyeux, sans réelle fulgurance. « Kalash, uzi, fusil, glock, Jack, Ciroc tous les soirs, tout est renoi, Pont-de-Sèvres, Mala, Brazza ». Bref.

Napoléon LaFossette

47. Tony Parker – « Bienvenue dans le Texas » ft. Booba

Morceau issu de : TP, Tony Parker
Année de sortie : 2007
« Bienvenue dans le Texas » en une phase : « Que je te blesse comme Conan, tu n’es qu’un dos d’âne face à l’Everest »

Booba a t-il déjà regretté un featuring ? Viscéralement vénal, on a tendance à se dire qu’il n’a que faire de la qualité globale d’un titre du moment que s’alignent les zéros sur son chèque. Mais à le voir extraire ses prouesses de morceaux oubliables pour les empiler sur ses Autopsies, on se dit aussi que l’aigle est conscient d’avoir parfois volé avec les pigeons. Et Dieu sait qu’au micro, Tony Parker en était un…

Lenny Sorbé

46. Fally Ipupa – « Kiname » ft. Booba

Morceau issu de : Tokooos, Fally Ipupa
Année de sortie : 2016
« Kiname » en une phase : « Balle dans la tête n’est pas la meilleure répartie, mais la plus efficace ; Paris je t’aime, Zlatan est parti quand même, j’ai pas eu ma dédicace »

Quand le Duc de Boulbi croise la route du Prince de Kinshasa, ça parle PSG. Après 8 mesures percutantes marquées par un classieux « Si t’as pas de boule, t’as walou, nada quitte là-bas » sorti d’un langage hybride entre le lascar radical et le blédard désabusé ; B2O signe une déclaration inattendue mais lucide et touchante sur son amour de la capitale et son ex-joueur phare, Ibrahimovic. Si le morceau ne passera pas l’hiver, il a le mérite de donner la recette pour rentabiliser une bonne punchline : l’introduire dans un bridge. « Ici Ci Paris. »

Terence Bik

45. Dosseh – « Infréquentables » ft. Booba

Morceau issu de : Yuri, Dosseh
Année de sortie : 2016
« Infréquentables » en une phase : « Poste ton cul sur Instagram, tes yeux ne me rappellent rien »

Le truc avec Booba, quand on est un gars sexiste et vieillissant comme lui, c’est qu’il parvient à nous représenter avec virtuosité dans une économie de mots (« j’arrive en avance, j’les baise à l’heure ») et un emballage auto-tuné mélodieux. Ce verset, adoubé par Harvey Weinstein et Roman Polanski, représente bien les fantasmes du mâle occidental biberonné au porno et à l’envie coupable de faire fortune sans rien partager avec les pauvres. 45ème place, soit, je me range derrière le vote démocratique, mais ne vous étonnez pas si j’envoie mon CV chez Clique d’ici Noël.

Bardamu

44. Remo (Bronx) – « Momma » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 2, Booba
Année de sortie : 2007
« Momma » en une phase : « Les RG m’suivent à la trace ; Branchés sur radio FG »

Voilà une méthode d’écriture adorée du Duc : reprendre ses anciennes phases dans de nouveaux couplets, comme une auto-dédicace. Et on aime tous ça, d’ailleurs. Là, il amène son dada à son paroxysme : il s’agit littéralement de la moitié de son couplet (on a compté). Ça ressemble plus à de la flemme qu’autre chose. Sauf que, malin, Booba l’a notamment fait en reprenant (puis remixant légèrement) « Garde la pêche » et le légendaire flow de l’un de ses grands classiques. Alors forcément, on ne peut que lui en vouloir à moitié. « Tu veux briller tu veux test? Passe la fraîche. Depuis le crime paye zéro défaite, passe la fraîche ».

Napoléon LaFossette

43. Ziko – « Rentre dans mon dôme » ft. X-Men, Lunatic & La Brigade

Morceau issu de : Time Bomb, terre promise des MC’s, DJ Mars & DJ Seck
Année de sortie : 1996
« Rentre dans mon dôme » en une phase : « Indigène, papou, j’suis primitif ; Et aux keufs ? J’leur dirais ‘nique ta race’, pas besoin d’diminutif »

Aux côtés d’Ali, des X-Men et de la Brigade, Booba surnage avec la particularité de la diction qu’il s’était déjà trouvé à l’époque. On dirait qu’il a la mâchoire déformée comme les boules de coton dans les joues de Marlon Brando dans Le Parrain, mélangée à un accent blessé de racaille désabusée et de mauvaise humeur. De l’attitude et du texte – peut-être de ça dont parlent les gens épuisants qui disent que “le hip-hop, c’était mieux avant” ?

Shkyd

42. Manu Key – « Quai 54 » ft. Booba, Dany Dan, 16 Ar, Oxmo Puccino & Zoxea

Morceau issu de : Prolifique, Manu Key
Année de sortie : 2004
« Quai 54 » en une phase : « Tu veux arrêter qui ? J’te face devant ta clique et ta racli »

Dans un autre monde, Booba aurait pu trahir ses origines départementales et être l’autre grand rappeur de la Mafia K’1 Fry. À l’écoute des s/o à Manu Key sur une production funky et urgente comme en avait le secret feu DJ Mehdi, on peut se demander ce qu’auraient donné le meilleur rappeur du 92 et celui du 94 dans les années 2000 s’ils avaient été associés plutôt qu’ennemis.

Shkyd

41. Seth Gueko – « Gipsy King Kong » ft. Booba

Morceau issu de : Michto, Seth Gueko
Année de sortie : 2011
« Gispy King Kong » en une phase : « Champion des barres pas halal, crois-tu que j’aie ma place au cirque ? »

Bulletin de fin d’année. Élève indiscipliné qui fait pourtant preuve de très grandes prédispositions quand l’envie se fait sentir. Lorsque nous avons abordé le thème de la Colonisation au cours du second trimestre, Booba s’est fendu d’un « Va t’faire niquer toi et tes livres » qui lui vaudra un blâme assorti d’une exclusion temporaire de l’établissement. À son retour, il rendra son devoir sur « La construction de soi à travers le regard de l’autre », comportant le passage suivant : « J’cours vite, j’frappe fort comme Abidal ; Toute ta clique à l’hôpital, Nhar Sheitan ; Duc de Boulbi, King de la capitale ; Auprès des demoiselles j’ai une sale image ; Peu d’sentiments j’préfère baiser comme un animal. » Malgré une épreuve écrite moyenne, nous sommes favorables à un passage en classe supérieure. Pour le bien de nos oreilles, et parce que Seth Gueko exerce une mauvaise influence sur lui, nous recommandons néanmoins la séparation définitive du jeune Elie de son camarade, et ce jusqu’à la fin de leur scolarité.

Frem Ganda

40. Cassie – « Me & U (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 2, Booba
Année de sortie : 2007
« Me & U (Remix) » en une phase : « Moi, j’suis un mec du 9-2, j’suis pas là qu’pour tes seufs mais presque »

Qui mieux que le « gentleman du ghetto » pour dompter la féline Cassie ? Pour cette énième parade nuptiale, B2O choisit de rejouer une partition qu’il connaît bien – celle de « Boulbi » – sur des airs de romantisme maladroit. On est toujours « sur la piiiiiste », mais ni l’argent, ni l’alcool ne coulent à flot. Pas avant d’être sûr de repartir avec la demoiselle, du moins.

Lenny Sorbé

39. Bushido – « Die Art, Wie wir leben » ft. Booba

Morceau issu de : Jenseits von Gut und Böse, Bushido
Année de sortie : 2011
« Die Art, Wie wir leben » en une phase : « J’fais mes dièses à ma sauce, stylo et flingue à ma droite »

La voix presque étouffée par un instrumental vrombissant, Kopp décline un jargon guerrier et assène quelques formules bien senties. Mais pas de quoi “faire mouiller les ptites kheb”. On s’arrêtera après 0:55 parce que espagnol LV2.

Marine Desnoue

38. Gato – « Corner » ft. Booba & Philly Poe

Morceau issu de : Autopsie, vol. 4, Booba
Année de sortie : 2011
« Corner » en une phase : « J’suis sur le corner, j’prend numéros d’Colombiennes ; Mexicaines, Haïtiennes, j’te laisse Yvette Horner »

L’un des plus grands mystères de la carrière de Booba reste son obstination à collaborer avec Gato et plus globalement les rappeurs de Little Haïti. Toujours est-il que, quitte à sortir des clips en leur compagnie, il s’est bien souvent appliqué à offrir des prestations très honorables. Notamment sur « Corner », qui serait dans le top 20 sans l’appréciation salée d’un membre de l’équipe que l’on ne citera pas, autrement Shkyd va se fâcher. Les baloches dépassant du short des Lakers sur une chaise en paille défoncée au milieu de Little Haïti, c’est l’anti-« Booba de GQ » qui vient sauver ce morceau. Et il a bien raison, puisque de toutes façons « le buzz est dans la street, fuck l’applaudimètre ».

Napoléon LaFossette

37. Kalash – « NWA » ft. Booba

Morceau issu de : Kaos, Kalash
Année de sortie : 2016
« NWA » en une phase : « J’ai Gorée dans le coeur et dans le chargeur »

Après l’imparable « Rouge et bleu », Kalash et Booba se redonnent rendez-vous sur Kaos pour une nouvelle timalerie de haut-standing. Avec « NWA », on ne cherche plus à faire bouger les hanches, mais plutôt à éveiller (doucement) les consciences sur ce que c’est que d’être noir. Idéal pour permettre au Duc de référencer encore une fois Césaire, et de prouver que son jeu de mélodies auto-tunées s’est considérablement musclé avec le temps.

Lenny Sorbé

36. Dieudonné – « Le Code Noir » ft. Booba, Lino, Stomy Bugzy, Lady Laistee, Hamed Daye & Sofiane

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2008
« Le Code Noir » en une phase : « De larmes et de sang, mon arme est le chant »

Chez Booba, l’esclavage revient comme un leitmotiv, une blessure lancinante. Pour « Le Code Noir », projet de film historique de Dieudonné, il y consacre tout un couplet. Une tirade engagée, portée par un flow râpeux. « Pour qu’on nous parle du colon comme on nous a parlé du SS. »

Marine Desnoue

35. 113 – « Banlieue » ft. Booba

Morceau issu de : Dans l’urgence, 113
Année de sortie : 2003
« Banlieue » en une phase : « 9-4, 9-2, la Fnac encerclée comme Arafat ; Nos lyrics n’ont pas de règles les tiens saignent de la chatte »

On ne le saura que plus tard mais Booba écrivit son texte sur les ruines de sa collaboration avortée avec Rim’K et Rohff. Et la performance pèse des tonnes, n’en déplaise à cette infamante 35ème place. Les lyrics puent la réinsertion ratée et le clip de crapules est tourné à la torche et au Nokia 3210. C’est du rap de Fiat Punto dans toute sa splendeur et Booba excellait dans ces couplets de rat d’égout aspirant millionaire… « Afrika Bambaataa m’cherche pour homicide » NAN MAIS QUI ÉCRIT COMME ÇA AUJOURD’HUI DANS VOTRE RAP GAME DE PÉDALES ?!

Bardamu

34. Mac Tyer – « Ne me parle pas de rue » ft. Booba

Morceau issu de : Le Général, Mac Tyer
Année de sortie : 2006
« Ne me parle pas de rue » en une phase : « C’est B.2.O.B.A, dernier flow, dernier cru ; À-À chaud on te fait un deuxième trou du cul »

Pas besoin de chercher longtemps, la meilleure collaboration entre les deux MCs énervés se trouve sur Ouest Side. Cela étant dit, on ne boude pas une telle combinaison. On garde de cette prestation quelques punchlines témoignant de l’amertume du rappeur, (« Macabre symphonie sur la ville de Paris, faut qu’elle craque ; J’regarde pas les infos sans Harry Roselmack ») et de la formule revancharde (« Qui aurait cru que Kopp allait niquer le biz ? Tout sec, assis dans le grec, en tête-à-tête avec un Double Cheese »). Le Duc et Le Général, un mariage qui marche ? “Ouais Ouais”.

Terence Bik

33. Shay – « Cruella » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 4, Booba
Année de sortie : 2011
« Cruella » en une phase : « Laisse les groupizi en pleurs la chatte en chou-fleur »

C’est une constante : Booba a toujours cherché à mettre des rappeurs moins connus – voire totalement anonymes – en avant, notamment en les invitant sur ses mixtapes. Le problème ? Parfois, il en vient à ressembler à un ogre qui dévorerait par erreur son jeune invité. Alors qu’en 2011, le rap jeu de mots bat son plein, pour le meilleur et surtout pour le pire, la jeune Shay débarque dans l’un des clips promotionnels de Booba pour Autopsie, vol. 4. Loin d’avoir atteint son niveau actuel, elle offre une prestation relativement terne – voire parfois gênante. Une impression largement renforcée par l’arrivée de Booba au deuxième couplet, qui la bouffe littéralement de bout en bout sur ce « Cruella » à l’arrière-goût d’épisode des Gummi. On retiendra la phase « Paf le chien, paf le physio », sans aucune autre raison que la barre de rire qu’elle a offert à pas mal d’entre nous à l’époque.

Napoléon LaFossette

32. 40000 Gang – « Vrai » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2014
« Vrai » en une phase : « Ta schnek’zer mon point de chute ; Rap game j’ai zéro défaites dans c’fils de pute-zer »

Parfois, un bon featuring, c’est cette magnifique reprise de volée dans les arrêts de jeu qui sauve la soirée d’un morne 0-0. Placé entre Benash et un autre membre de 40000 Gang dont personne n’a retenu le nom, Booba survole avec une facilité insolente ce « Vrai » sans prendre vraiment la peine de rapper. Si selon le compositeur classique Debussy, la musique, c’est le silence entre les notes ; dans ce couplet, le flow est le silence entre les punchlines. Bob vissé sur la tête, le Météore donne l’impression de freestyler. Dans un amas de phases relativement classiques, la magie opère sans prévenir. Booba a l’air lui-même époustouflé par sa performance ; il répète deux fois de suite sa punchline devenue légendaire : « j’vais à la chicha pour les beurettes. » Quelque part sur son corps, Booba porte sans l’ombre d’un doute le tatouage de Jack Shepard dans la série LOST : « il marche parmi nous, mais ce n’est pas l’un des nôtres. »

Shkyd

31. Black Jack – « Diaspora d’Afrique » ft. Lunatic & Mala

Morceau issu de : Diaspora d’Afrique, Black Jack
Année de sortie : 2000
« Diaspora d’Afrique » en une phase : « Écoute, quand y’a un doute, y’a pas de doute ; De mon temps, les colombes sont enterrées depuis longtemps »

Le talent de sa prestation tient dans sa capacité à suggérer un maximum d’idées avec une grosse intensité, en très peu de mots, très peu de temps. En l’occurrence 16 mesures, déversées sur 36 secondes. Un exercice de style totalement réussi par un Boulonnais en décalage thématique calculé dans un morceau mi-conscient mi-introspectif. B2O se risque – déjà – à la déclaration de supériorité (« Attention, je suis toutes options ; Implorez le ciel, j’ai la nuque du rap sous mon aisselle »), à la prémonition (« Un jour, je serais riche m’man »), pour mieux épouser de nouveau la conversation (« Au bled ils croient que c’est tranquille au nord, mais non »). Du grand art.

Terence Bik

30. S.D.H.S Family – « Porsche Panamera » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2014
« Porsche Panamera » en une phase : « Si j’suis pas dans un bourbier, j’suis à la salle ; T’es dans les mondes oubliés, t’es sur Thalassa »

Château Pirate domaine du duc des Hauts-de-Seine, cuvée 2014. Si le flow saccadé peut désarçonner les amateurs d’un goût plus âpre qui fit sa renommée des décennies durant, c’est avec un couplet de cette nouvelle saveur rythmique et sonore qu’Elie Yaffa – exploitant d’un des vignobles les plus prisés de France – nous cueille avec surprise. « L’avenir est dans le luxe, pas l’temps de qué-cra ; Direct dans le ‘uc, pas l’temps de gué-dra ! » In vino veritas.

Frem Ganda

29. Damso – « Paris c’est loin » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2016
« Paris c’est loin » en une phase : « Mes spermes ont des moteurs de Maserati »

Booba a porté de nombreux costumes au cours de sa longue carrière. Rappeur new-yorkais, boss façon 50 Cent puis façon Rick Ross, et pionnier de l’Auto-Tune dans le rap francophone mainstream. De cette dernière ère, l’Histoire du genre retiendra certainement l’immaculée performance de « 92i Veyron » sur deux tons. Il y a également ce featuring avec l’alors révélation belge Damso, sur une production éthérée signée De La Fuentes/Krisy. Dans un long refrain, Booba montre le chemin qui a été parcouru depuis la première expérimentation avec l’outil dans « Illégal » en 2009. Plus aucune fioriture, que de l’efficacité. Un artifice qui s’installe comme un gant sur les voix graves des deux interprètes. Au volant d’une LaFerrari, le temps d’« Illégal », c’est loin.

Shkyd

28. Lacrim – « Oh bah oui » ft. Booba

Morceau issu de : Force & Honneur, Lacrim
Année de sortie : 2017
« Oh bah oui » en une phase : « J’crache dans la pelouse comme un algérien ; L’herbe y sera plus verte bâtard »

Deux questions : comment ce morceau normalement voué à truster le trio de tête se retrouve-t-il à congestionner le ventre mou de ce classement ? Et puis pourquoi Booba a t-il été aussi fair-play avec Lacrim en lui offrant une prestation galactique ? Si la réponse à la première question se nomme une nouvelle fois Shkyd, la seconde semble quant à elle beaucoup plus confuse. C’est un peu comme quand le PSG joue Quevilly, malgré certaines fulgurances, l’animation offensive est nivelée vers le bas. L’écart de niveau entre les deux artistes est tel qu’on se demande s’ils pratiquent le même sport.

Frem Ganda

27. Time Bomb – « Time Bomb explose ! »

Morceau issu de : J’attaque Du Mike/L’Homme Que L’On Nomme Diable Rouge, X-Men & Diable Rouge
Année de sortie : 1996
« Time Bomb explose ! » en une phase : « Route, trace la vite ou tu pourrais perdre ta famille ; Camille, Sébastien, les gosses et ton chien Vanille »

« Au fait, j’ai eu d’la peine d’apprendre, t’étais pas au courant depuis l’temps ; Bref, tu sais maintenant… » Il nous avait prévenu. Comme dans beaucoup des morceaux de cette époque tellement adulée – à raison – par nos chers quarantenaires du hip-hop, Kopp se démarque de ses morceaux freestyle, vitrines augurant une nouvelle époque pour le rap francophone. Dans « Time Bomb explose ! » Ali et Booba continuent de dessiner une complicité qui sera le socle d’un des plus grands albums de l’histoire du rap français. Mention spéciale au message de tolérance prôné par le chauve du 100-8 : « Time Bomb, Lunatic nouveau dans les rangs un nouveau clan ; Pas racistes même si y’a pas d’blanc. »

Terence Bik

26. Time Bomb – « Les Bidons veulent le Guidon »

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 1996
« Les Bidons veulent le Guidon » en une phase : « Bourreau des cerveaux ; Sors les couteaux des fourreaux ; MC et puis tu cries au s’cours-au »

Time Bomb. Il n’y aurait pas d’équivalent actuel, et ce même si un collectif réunissait Niska, Kaaris, Damso, Mbappé et Emmanuel Macron. Seul le fabuleux quatuor Rochefort, Marielle, Noiret et Claude Rich approche la puissance de la team infernale. Ill des X-Men était la star, Oxmo encore un poil trop déroutant, Ali hésitait entre la mosquée et l’attaque à main armée, et Booba entamait son sprint vers le trône avec son flow de condamné à perpet’ et ses punchlines venimeuses. Un bel exemple de l’âge d’or du rap français avec une équipe de galactiques aux flows étincelants bien que mal assis sur un mix de manchot. La séparation vint beaucoup trop vite, deux ans plus tard, avec la virulence d’un unfollow Instagram en 2017.

Bardamu

25. Twinsmatic – « A.T.R. » ft. Booba

Morceau issu de : Nowhere, Twinsmatic
Année de sortie : 2015
« A.T.R. » en une phase : « Gros bras, toutes les positions sont possibles »

Tandis que Julian – producteur, DJ et aspirant chanteur – poursuit sa belle jusqu’au fin fond d’une supérette ; Booba tourne le dos à deux souples gazelles prêtes à toutes les acrobaties. Le visuel de « A.T.R » illustre brillamment ce que semblent être les relations hommes-femmes selon Kopp : on demeure seul, mais toujours bien accompagné. Pas question de tomber dans le romantisme, histoire de pouvoir traduire un formel « I saw you from across the room » en un trivial « J’t’ai vu à travers la room’zer bitch ». Reverso n’avait sans doute pas de meilleure suggestion.

Lenny Sorbé

24. Kery James – « Chacun sa manière » ft. Booba

Morceau issu de : Street Lourd Hall Stars, DJ Mosko, Teddy Corona et Mista Flo
Année de sortie : 2004
« Chacun sa manière » en une phase : « J’suis responsable de mes paroles, pas de tes actes »

En 2004, la compilation Street Lourd Hall Stars est un événement dans un rap français dont elle invite tant la crème de la crème que des rookies prometteurs. La seule apparition de Booba se fait en compagnie de Kery James, alors que leurs raps ont pris des chemins opposés. Une dissension qui donne son idée au morceau, dans lequel le Booba de l’époque Panthéon jaillit avec sa légendaire facilité, offrant un son hardcore pour délivrer un message salutaire : diverses manières de rapper peuvent coexister. Enfin, à condition que tu ne sois pas de ceux dont le « flow pue la dezemezer ».

Napoléon LaFossette

23. Gato – « Roulé Fort » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2015
« Roulé Fort » en une phase : « J’ai beaucoup d’espèces : levrette, colombe, hyène »

Ça boit le whisky dans des bidons en plastique et ça tire des lattes et des cartes entre deux sacs poubelle, au pied des pavillons fatigués de Little Haïti. Là, Booba livre un flow martial sans vocodeur mais électrisé par le beat. Puis un propos riche à tiroirs, où défilent les figures de style (métaphore filée : « J’suis entre quarante dièses, t’es entre parenthèses » ; jeu de mots : « J’ai beaucoup d’espèces : levrette, colombe, hyène », etc.).

Marine Desnoue

22. La Brigade – « 16 Rimes » ft. Lunatic

Morceau issu de : Le Maxi Blanc, La Brigade
Année de sortie : 1996
« 16 Rimes » en une phase : « À Paris c’est comme aux States, mais enlève au moins dix ans »

Souvenir… 1996, sur le terrain de foot/basket rue de L’Orillon à Belleville. Des palabres à n’en plus finir sur la performance de Lunatic et de La Brigade. L’enjaillement autour de Time Bomb est proche de l’émeute (cf. le concert à la Fnac des Ternes) et Booba est le fer de lance d’une France en bas de survêt’ et en bas de chez toi, prête à braquer du chauffeur de taxi en écoutant Heltah Skeltah. Le back to back des deux zouaves du 92 est resté légendaire. Si tu es un DJ intrépide, fouine dans les MP3 en 128 kbit/s de ton grand frère, ou de ton daron, et tente de passer ce track dans n’importe quelle soirée hip-hop, tu entendras les craquements enjoués de vieux ménisques quarantenaires se déployant pour rejoindre le dancefloor.

Bardamu

21. Tony Parker – « Top Of The Game » ft. Booba & Fabolous

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2005
« Top Of The Game » en une phase : « Mes concurrents sponsorisés par Urgo ; Trop frais, mes véhicules tu les vois dans Turbo »

Plus américain que les américains, Booba parvient sans difficulté à dunker au dessus d’un Tony Parker divertissant mais qui ne passera pas le premier quart-temps, et à tenir tête en dribbles face à un Fabulous venu prendre le chèque avec style. Sur une production de Kore & Skalp dans leur meilleure imitation de Swizz Beatz, B2O stunt sur le jumbotron, avec des vêtements trop larges, et marque des trois points dans une chanson vouée à mal vieillir, aux allures de match de charité.

Shkyd

20. Gato – « Nu Lajan » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2010
« Nu Lajan » en une phase : « Mon silence est d’or, négro ma parole est de platine »

Chaque mot pue la weed brûlant dans sa feuille de tabac mal roulée. L’air est moite, le couplet est chargé comme la rue de Frontis Fortis un jour de marché. Le génie de Booba, c’est de nous peindre un tableau précis et flamboyant avec comme seuls instruments ses dix doigts et les trois couleurs primaires. « Gato, sakapfet la jamais en hesla ; Brrraahh ça tire ça tire ap, t’inquiètes pote on reste là. » Grâce à sa discographie, on sait l’affection particulière que l’homme porte aux langues étrangères : avant qu’il ne s’installe à Miami, Booba fantasme les States à travers NYC et ses protagonistes. Puis il s’intéresse au business des chichas (et des beurettes) avant de succomber aux sirènes et halos de South Beach, de ses immigrés sud américains et haïtiens. Qu’il fait bon d’être polyglotte.

Frem Ganda

19. Lino – « Première catégorie » ft. Booba & Calbo

Morceau issu de : Paradis assassiné, Lino
Année de sortie : 2005
« Première catégorie » en une phase : « Foudroyé par le feu qui sort d’ma bouche ; Que le hip-hop ramasse la sav et sorte d’la douche »

C’est un fait. Confronté à Monsieur Bors, Chef Kopp sort toujours une solide recette de sa casquette casserole. Comme si derrière son habituel dédain affiché de la concurrence, se cachait une certaine crainte et un respect envers le rappeur de Villiers-Le-Bel. Il semble lui-même l’annoncer entre deux phases : “L’instrumental est pliée, lutter est inutile ; Soit sûr qu’on va tout niquer, douter est inutile”. Après une (petite) mise en bouche de Calbo, c’est B2O qui vient mettre son grain de sel dans ce mélange de saveurs pour y ajouter son acidité, avant que Lino ne fasse remonter le tout avec une sauce mortelle: un soupçon d’arsenic. Assurément un mets de « Première catégorie ».

Terence Bik

18. Akon – « Locked Up (Remix) » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 1, Booba
Année de sortie : 2005
« Locked Up (Remix) » en une phase : « Négro j’repense au Sénégal, à l’île de Gorée ; 41 balles pour un contrôle, le roi de la pop décoloré »

Voilà une grosse décennie que rien ne bouge à ce niveau: les meilleures collaborations américaines de Booba sont celles avec Akon. Si « Gun in Hand » se place en haut du podium, son remix de « Locked Up » récolte plus que le bronze. D’une délicieuse complémentarité avec les mélodies vocales d’Akon, B2O se rappelle du temps du placard et du chemin qui y mène. « J’me suis fait coffrer comme un naze, en gardav’ comme un trophée, j’déambule en ien-ch dans ma cellule. » Les frissons.

Napoléon LaFossette

17. Djé – « Quoiqu’il arrive » ft. Booba

Morceau issu de : Autopsie, vol. 2, Booba
Année de sortie : 2007
« Quoiqu’il arrive » en une phase : « J’suis un poète les autres sont cramés, moi j’ai la prose qui tue ; Ils maintiennent l’Afrique affamée, pour qu’elle se prostitue »

« Traces de fouets sur les côtes, millions d’esclaves dans la coque ; Mon histoire sur le dos, mon espoir fuit dans la coke. » Thomas Ravier, l’homme de lettres qui compare Booba à Céline, décrit là une “expérience plastique haletante”. Plus encore, le Duc claque ses mots comme fessées sur gros boule, hache puis laisse traîner certaines phrases dans une rythmique aussi disloquée que musicale.

Marine Desnoue

16. Oxmo Puccino – « Pucc’Fiction » ft. Booba

Morceau issu de : L 432, Various Artists
Année de sortie : 1997
« Pucc’Fiction » en une phase : « Le contrat est sur toi Pucc’, il faut qu’on s’organise, faire flipper la firme qu’elle balise quand j’verbalise »

Tout a déjà été écrit sur ce titre historique entre deux des rappeurs les plus marquants de l’histoire du rap français. Oxmo survole le morceau avec une performance digne de Pacino dans L’Impasse. Dans la lumière en prenant soin de ne pas capturer tout le soleil, Booba est Sean Penn, l’avocat du héros du film. César du meilleur second rôle.

Shkyd

15. 113 – « On sait l’faire » ft. Booba & Le Rat Luciano

Morceau issu de : 113 Degrés, 113
Année de sortie : 2005
« On sait l’faire » en une phase : « Ils croient tous qu’on veut faire des thunes en rappant ; Mais la musique nique sa mère ; Le dernier rappeur que j’ai vu avait moins d’bif que le dealer de ma rue »

« Moi c’est B2O pour l’introduction, 1.1.3, Luciano, jamais de prostitution. » Voilà l’une des collaborations les plus jouissives du rap de rue du début de ce siècle. Les cinq artistes sont au sommet de leur art en 2004. Un clip, avec comme seul décor un garage et un billard. Aucune fioriture, pour mieux laisser la musique parler. Et, malgré cette réussite collective, Kopp survole le track, de son entrée sur la prod sous forme de braquage à ce délicieux refrain en une-deux avec Rim’K. D’ailleurs, on a ici de loin affaire à sa meilleure collaboration avec ce dernier. C’est en tout cas ce que reflèterait ce classement si j’avais été aussi tyrannique que mon nom le suggère.

Napoléon LaFossette

14. Rim’K – « Call of bitume » ft. Booba

Morceau issu de : Chef de famille, Rim’K
Année de sortie : 2012
« Call of bitume » en une phase : « Regarde les matchs en présidentielles avec Carla Bruni »

La voix rugueuse de B2O se cogne et se cale sur les basses puissantes du morceau. Des punchlines percutantes, une plume rigoureuse et un flow brutal. Une salve sèche, explosive et dense, allégée par un brin d’humour (« J’suis Ligue 1, t’es foot en salle », « Regarde les matchs en présidentielles avec Carla Bruni »). Tonton peut dire merci.

Marine Desnoue

13. Rohff – « Cru (C’est nous la rue) » ft. Booba & Rim’K

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2000
« Cru » en une phase : « J’peux pas baisser mon jean, y’en a qu’aiment ça »

Ce devait être la première association de deux monstres de leur discipline. Ça a été le point de départ de l’une des plus franches scissions de l’Histoire du rap français. Des années durant, les auditeurs se sont bien demandés quel pouvait être le fruit de cette obscure session studio du début des années 2000 entre les deux éternels rivaux. Internet a fini par leur apporter la réponse, quand « Cru » a jailli de ses flots tel une bouteille à la mer. Au vu de la forme affichée tant par Rohff que par Booba, on ne peut qu’éprouver des regrets à l’écoute du morceau. C’est finalement le trait d’union Rim’K qui tirera le plus profit de ce grand « Cru », puisque Kopp reprendra quelques mesures à ses côtés sur « Banlieue ».

Lenny Sorbé

12. Christine and The Queens – « Here » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2016
« Here » en une phase : « Seize ans j’voulais braquer une poste ; Seize ans mon fils a commandé une Rolls »

Quand l’autoproclamé Duc rencontre la nouvelle Queen de la pop française, il dispose déjà de tout un attirail de prestidigitateur pour polir sa musique, l’Auto-Tune en tête. On l’imagine volontiers marmonner des harmonies métalliques pour sceller sans mal cette noble union. Au lieu de ça, Booba sort du fond de sa gorge brûlée par le sky sec un timbre des plus éreintés, et des images plus repoussantes que jamais (« T’es un téton machouillé que personne ne lèche »). Comme la plus belle affirmation du registre brut et sans détail dans lequel il se complait depuis plus de deux décennies.

Lenny Sorbé

11. Comité De Brailleurs – « On s’maintient » ft. Lunatic

Morceau issu de : Huit Millimètres/On s’maintient, Comité De Brailleurs
Année de sortie : 1999
« On s’maintient » en une phase : « J’suis mauvais mais j’ai un bon fond »

Prod glaciale à la Mobb Deep, le flow syncopé de l’époque… c’est bien le Booba dont le sperme fait encore des bulles sur les lèvres des puristes. C’est aussi l’époque post-incarcération et pré-Mauvais Oeil (1999) où le buzz d’Élie est équivalent à celui de Moïse en Égypte Antique, chacun de ses pets étant reniflés par une armée de dévots aux narines offertes. Booba est ici racailleux dans l’attitude (« c’est pas grave si y’a du sang sur les sous »), rocailleux dans le débit, déterminé à tout niquer (« J’verserai du sang pour être roi »), dévoué à son art et à son numéro SIRET (« Donne moi des ronds j’te fais une putain d’chanson »). + Performance incontestable qui résiste à l’oeuvre du temps, même les petits trappistes de notre rédaction, qui pensent que Wu-Tang est un restaurant chinois, ont bien noté l’inoxydable couplet.

Bardamu

10. Ärsenik & Lunatic – « Sang d’encre »

Morceau issu de : Sang d’encre, Jean-Pierre Seck
Année de sortie : 1998
« Sang d’encre » en une phase : « Toujours hostile, nouveau style ; Croque dans les hosties crues ; Négro à la rage dans les os j’tue »

Il y a eu les Beatles, les Galactiques du Real, les quatre Tortues Ninja… et le temps d’un morceau rare, hors album, le quatuor légendaire Calbo, Ali, Lino, et Booba. Peut-être que Booba a le moins fort des quatre couplets, peut-être que McCartney était moins fort que Lennon. « L’important, c’est pas la performance, mais la durée. »

Shkyd

9. Mokobé – « Maman dort » ft. Booba

Morceau issu de : Mon Afrique, Mokobé
Année de sortie : 2007
« Maman dort » en une phase : « Dix piges dans tes bras, je rêve dans tes draps ; Je vis dans tes drames, je me lave dans tes larmes »

On dit de lui qu’il est aveuglé par les strass et paillettes, qu’il n’entend que le froissement des billets de banque et les claquements de fesses de colombiennes dans sa cuisine. Pourtant, avec ce type de prestations, force est de constater que Booba est plus éveillé que la plupart des rappeurs conscients. « Maman réveille toi tes filles et fils vont crever ; Faut réparer car tes ancêtres ont retourné leur ste-vé ; Je suis fils d’immigré, papa aussi t’a quitté ; Il court après le biff que Christophe lui a piqué. » Et dire que certains pensaient que Booba était un homme de peu de maux…

Frem Ganda

8. Gradur – « Balti » ft. Booba

Morceau issu de : Shegueyvara 2, Gradur
Année de sortie : 2015
« Balti » en une phase : « J’fais pas l’apologie du crime, j’fais celle des sommes à dix chiffres ; Sombre ratpi s’arrêtera t-il ? Tu lèves un doigt tu prends dix gifles »

« @GradurOfficiel mon sheguey ; Même si j’me suis désabonné. » L’entrée est fracassante. Instagram-dropping, adoubement du natif de Roubaix, et rumeur sur un prétendu beef écartée du revers de la main. Tout ça en un temps, deux mesures. Le reste n’est pas mal non plus. Dans ce Baltimore roubaisien, B2O se fait le pendant glacial d’un Gradur en feu, tel Stringer Bell pour Avon Barksdale. Et tout le monde en prend pour son grade : la greffière et sa chatte, les médias moralisateurs, le système carcéral, et bien sur la concurrence rapologique. Le tout avec une précision suisse, un flow dévastateur et un débit limpide qui ne nous font pas du tout regretter que le Duc s’approche doucement mais sûrement des « 60 ges-pi sur un yacht ».

Terence Bik

7. Siboy – « Mula » ft. Booba

Morceau issu de : hors-projet
Année de sortie : 2017
« Mula » en une phase : « Une rotule au sol, j’fais les lacets d’mon se-fi »

Entré dans la nébuleuse 92i par la force d’un couplet schizophrène sur « Zer », Siboy avait été l’autre révélation de Nero Nemesis avec Damso. Si le belge s’était vite autopropulsé dans les hautes sphères du rap francophone, Siboy avait quant à lui pris temps de nous peaufiner un premier album Spécial. « Mula » en était l’un des premiers apéritifs. Le temps d’un couplet, la folie contagieuse du rappeur cagoulé s’abattait sur Booba, qui s’en allait découper une instru furieuse et oppressante. Des références de vétéran, des onomatopées barbares, quelques mots pour les gosses et des « rivaux » assurément pas épargnés… « Mula » est un bingo de tout ce que le Duc a de plus incisif à proposer depuis quelques années. Et comme pour mieux marquer son territoire, il s’approprie non seulement le gimmick de son poulain, mais aussi celui du morceau. On ne sait presque plus qui est en feat. avec qui.

Lenny Sorbé

6. Niska – « M.L.C » ft. Booba

Morceau issu de : Zifukoro, Niska
Année de sortie : 2015
“M.L.C” en une phase : « Le bruit et l’odeur c’est moi, demande à Jacques Chirac »

Booba a aussi un grand coeur. Quand il voit le « e » muet qui se fait chier dans son coin avec ses boules quies, il l’intronise à pleins poumons dans son couplet entre « Jacques Chiraqueu » et « Pierre Gignaqueu ». Cette fantaisie sonore signale à nouveau que notre Michel Sardou s’amuse comme un foufou à ravaler la façade de son flow et rendre toujours plus sexy son rap hardcore. Sa performance est un fumier parfumé avec des phases premium (« J’tire dans la cabeza, bonne chance pour le garrot ») et une scansion de haute voltige. Et d’apprendre que pour Boobs, le bulletin de paye de Verratti est celui d’un CDD chez Carrefour City…

Bardamu

5. Nessbeal – « Tout c’qu’on connait » ft. Booba

Morceau issu de : La bande originale de Taxi 3
Année de sortie : 2003
« Tout c’qu’on connait » en une phase : « Ce qui ne tue pas rend plus fort ou handicapé »

C’est le Booba de la « Génération t’inquiètes » et non celui de la « Génération Assassin », qu’on attendait de pied ferme mais qui finissait toujours par nous surprendre. La plupart du temps, grâce à des fulgurances ou par des puzzles de mots et de pensées. C’est le Booba à qui les bobos des années 90 – faussement enhardis par le H.I.P H.O.P de Sidney et fanatiques d’IAM ou de NTM – parvenaient encore à montrer quelques marques de respect. Celui qui, de la première mesure à la dernière rime maniait une prose au vitriol. « Ce qui ne tue pas rend plus fort ou handicapé […] j’attire la foudre ; J’fais pas trop de concerts en plein air, c’est racailleux ; Y’a des skeuds, des scuds dans mon cahier hameçon ; Canon scié dans mon caleçon, c’est mort ça y est, premier round. » C’est une sensation d’asphyxie étrange, à mi chemin entre la mort par accident auto-érotique de David Carradine et la scène où Ivan Drago fait pleuvoir une pluie de coups sur le corps d’Apollo Creed.

Frem Ganda

4. Dicidens – « De larmes et de sang » ft. Lunatic

Morceau issu de : HLM Rezidants, Dicidens
Année de sortie : 2000
« De larmes et de sang » en une phase : « J’ai trimé pour être large riche avant l’âge ; Et si j’suis pas numéro 1 c’est qu’il y a le king avant l’as »

Posé sur des accords de violon, un beat dépouillé qui installe une mélancolie froide et élève le verbe. Et puis, au milieu, les crocs affutés d’un jeune loup qui brûle de percer. Booba mord ses mots et bouffe crûment le morceau. Un rap barbouillé de peine et de haine, gavé d’assonances et de bons mots. Sublime, âpre, sensible et grinçant, tout à la fois. « C’est toujours danger. »

Marine Desnoue

3. La Fouine – « Reste en chien » ft. Booba

Morceau issu de : Aller-retour, La Fouine
Année de sortie : 2007
« Reste en chien » en une phase : « Je ne, ne compare pas mes délits et Medellin »

2006 aura été une année charnière pour le rap français, celle des premiers hits sous influence southern rap, qui a en onze ans totalement envahi le mainstream comme l’underground. L’année suivante s’alliaient alors ceux qui allaient se révéler maîtres du genre pour les cinq années à venir : le rookie La Fouine et la tête d’affiche Booba, invité à poser un couplet tout aussi assommant que la performance de son hôte. « Reste en chien » est un succès immédiat, et malgré la détérioration des relations entre les deux hommes, reste l’un des principaux tubes des années 2000. Avec ce « Trop de bouffons dans l’industrie, donc je n’me, me mélange pas » à la saveur des plus amusantes, lorsqu’on l’écoute sans contextualiser avec dix ans de recul.

Napoléon LaFossette

2. Kalash – « Rouge et bleu » ft. Booba

Morceau issu de : Kaos, Kalash
Année de sortie : 2016
« Rouge et bleu » en une phase : « J’suis marié à la street’zer, la vie est plus belle à deux »

À mesure que les auditeurs sont devenus moins exigeants, les refrains de rap sont devenus moins fournis. Parfois, un seul mot répété de nombreuses fois suffit, ou un nom de personnalité connue scandé comme un slogan dans une manifestation. Sur ce single devenu un des grands succès de 2016, Booba prend le contrepied et accompagne brillamment Kalash avec un refrain imparable, rempli de mots entiers et de néologismes en zer. Pari gagné.

Shkyd

1. Mala – « Hommes de l’ombre » ft. Lunatic

Morceau issu de : Nouvelle Donne II – Tout Vient À Point À Qui Sait Attendre, Nouvelle Donne Music
Année de sortie : 2000
« Hommes de l’ombre » en une phase : « J’veux des lingots et puis une pute à côté de moi quand j’ronfle »

« …et enfin le premier de la classe en dissertation, Yaffa Elie. Prenez exemple sur votre camarade qui est, je vous l’accorde, une belle saloperie, mais qui me rappelle que Baudelaire fumait de l’opium et que Gainsbourg se pochetronnait comme la dernière des cloches. Ce n’est pas à moi que revient le devoir de punir Elie quand il soulève les jupes des filles ou quand il dépouille certains d’entre vous dans la cour ; que les petites poucaves s’adressent le cas échéant au conseiller d’orientation. Non, mon devoir de professeur de Poésie Maléfique est de saluer son génie musical et son verbe sec, immoral et sublime… Le sujet n’était-il pas ‘Exprimez une situation désespérée et un avenir incertain en 16 mesures ?’ Je lui mets un 9,5/10. Pour le prochain exposé, vous réfléchirez au concept de Temps Mort. »

Bardamu

Sage The Gemini, le rappeur de la Bay Area à San Francisco, fait parler de lui depuis la sortie de son album Gas Pedal en 2013. Producteur, compositeur et aussi chanteur, Sage The Gemini mixe lui-même la majorité de son travail. Son dernier projet, Morse Code, est un véritable concentré de toute le musique qu’il faut pour turn up ! Sage The Gemini sera de passage à Paris pour un concert le 17 décembre aux Étoiles et on vous fait gagner deux places.

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Sage The Gemini».

Le concert est finalement annulé.

 

Composé de Dominic Maker et de Kai Campos, Mount Kimbie est un groupe de musique électronique tout droit venu de la capitale anglaise. À l’occasion de la sortie de leur dernier album Love What Survives, avec en featuring James Blake ou encore King Krule, Mount Kimbie sera en concert le 25 novembre au Trianon et on vous fait gagner deux places !

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Mount Kimbie»

Véritable couteau suisse, Jordan Rakei est à la fois auteur, compositeur, producteur et musicien. En 2014, cet artiste australien a fait parler de lui en 2014 avec un premier EP, « Franklin’s Room », aux couleurs soul et jazz. À l’occasion de sa tournée mondiale, Jordan Rakei viendra déposer ses valises à Paris le 9 novembre pour une date unique au Badaboum, et on vous fait gagner deux places !

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Jordan Rakei».

Après avoir de nombreuses fois refusé toute collaboration avec la marque américaine, Katsuhiro Otomo, le créateur du manga Akira, a lui-même annoncé qu’il acceptait finalement de travailler avec Supreme. Aujourd’hui, la collection capsule vient d’être dévoilée, avec le personnage Tetsuo au centre des différentes pièces. La sélection Supreme x Akira est large avec parkas, t-shirts manches courtes et longues, hoodies, vestes de travail, maillots de foot et casquettes. Supreme oblige, vous trouverez également des planches de skate, des assiettes et un plateau.

Vous pourrez mettre la main sur la collection dès le 2 novembre dans les magasins Supreme et sur le site.

Mura Masa présentera à l’Elysée Montmartre son premier album prévu pour le 14 juillet !

Mura Masa est-il le chaînon manquant de la trap music, celui qui rendrait enfin glamour un style qui manque trop souvent de sex appeal ? Alex Crossan, (très) jeune et prometteur Britannique à qui tout sourit, collectionne déjà les featurings vocaux archi-respectables (Nao, Jay Prince ou encore Denai Moore) et joue avec toutes ces voix en les imbriquant à ses rythmes doux et décentrés, ses nappes synthétiques qui ne renieraient pas un certain James Blake, le résultat réussissant à donner de la chaleur à l’auditoire tout en se mettant en danger. Une marque de grand.

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Tente de remporter deux places avec YARD en envoyant nom+prénom à contact@oneyard.com, objet : Mura Masa. 

 

 

Le phénomène hip-hop new school Aminé débarque à Paris !
Né à Portland, Oregon de parents érythréen et éthiopien, il faut remonter à juin 2016 pour réellement comprendre le phénomène Aminé, propulsé en nouvelle star du rap après que son hit ‘Caroline’ envahisse les ondes américaines et atteigne la 11e place des charts au classement Billboard Hot 100.
Récemment Aminé était de retour avec un clip hilarant pour ‘REDMERCEDES‘ 
avec un remix où l’on retrouve Missy Elliott, il clame dernière son amour pour les SPICE GIRLS dans son dernier clip.

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Avec YARD, tente de remporter deux places en envoyant nom+prénom à contact@oneyard.com, objet : Aminé

Le temps d’un week-end, Nike Basketball a investi le Gymnase Laumière dans le 19ème arrondissement de Paris. Là, le Quartier a fait vivre la jeunesse de l’arrondissement autour d’un évènement exceptionnel venu célébrer le basketball.

Tout a commencé jeudi soir avec un dîner à l’occasion de la collab Nike x Riccardo Tisci, avec autour de la table : Kobe Bryant, Neymar, Winnie Harlow and friends.

Samedi, c’était la journée basket Elite ! Deux sessions « Mamba Clinics » chapeauté par Kobe, réunissant les meilleurs joueurs et joueuses de l’INSEP de 16/17 ans. Le tout suivi par un Game 7 Tournament, où se sont affrontées les meilleurs équipes U18 Franciliennes (équipes en Championnat de France et Elite Région), couronné par une victoire de Nanterre contre Cergy et l’élection du MVP par Kobe Bryant : Florian Fortas.

Dimanche, les joueurs de 8 à 12 ans ont participé à la Diarra Academy, fondée récemment par l’ancien joueur pro (et membre de l’équipe de France) Mamoutou Diarra, qui a commencé le basket dans le 19ème, dans ce même gymnase Jean Jaurès ! Boris Diaw animait aussi la séance (joueur de l’équipe de France et ancien des Spurs de San Antonio). L’après midi ce sont les personnes inscrites sur le site de Nike qui ont pu se succéder dans des sessions de « Open Run », devant un public venus nombreux pour ce dernier jour.
Enfin, un tournoi « Friends & Family » s’est déroulé avec 4 équipes parisiennes (Pigalle Duperré, YARD, Convoy et Paperboy), deux équipes étrangères venus de Madrid (Madball Squad) et de Berlin (Berlin Braves).

Le tout dans une ambiance de feu tout au long du week-end hosté par Dandyguel, les DJs Rakoto 3000, Andy 4000, DJ Endrixx, La Capelance, Richie Reach, Manaré et Pepper et l’atelier de customisation tenu par Tyrsa et Yué Wu.

 

Photos : @HLenie

Difficile d’aller à l’encontre d’une des opinions les plus populaires concernant les chansons d’aujourd’hui : les paroles sont moins bien écrites qu’avant. Des merveilles de Brel aux « hmm mouai » de PNL, quelque chose a définitivement changé en termes de mots utilisés pour faire une chanson. Il ne s’agit pas juste des mots — l’idée de richesse dans la musique elle-même a changé. En 1967, « Comme d’habitude » de Claude François comprenait une construction progressive, avec en guise de refrain une phrase qui ponctuait les couplets, et est devenu un gigantesque succès sans suivre à la lettre les codes de son époque. Aujourd’hui, « Réseaux » de Niska suit une structure musicale basique (intro, refrain, couplet, pré-refrain, refrain, couplet, pré-refrain, outro), et devient #1. Et spoiler : la chanson ne parle pas vraiment de réseaux.

Le monde à évolué, et la durée d’attention s’est réduite. Dans les années 80, 5 mots étaient nécessaires pour que Cindy Lauper évoque les envie de fête des filles, 5 mots également pour que Kurt Cobain résume le malaise de la jeunesse des années 90. De nos jours, « Girls just wanna have fun » et « I feel stupid and contagious » pourraient simplement s’exprimer en memes et en emojis — et ce serait largement suffisant et compréhensible. Les gens tiennent toujours aux mots, mais sous une lumière différente. C’est mieux s’ils servent, particulièrement sur les réseaux. Alors si, au mieux, les auditeurs souhaitent une citation ou un hashtag pour aller avec leur humeur Snapchat — pourquoi devraient-ils obtenir plus? Les meilleurs auteurs que nous avons, sont toujours ceux en harmonie avec leur temps.

Certains auditeurs, plus âgés, nostalgiques d’une « belle » époque ou détestant foncièrement le rap, adorent dire : on ne comprend rien à ce qu’ils disent ! À qui la faute, si quelqu’un ne comprend pas Jul ou Young Thug — celle de celui qui crée, ou celle de celui qui écoute ? La nouvelle musique est toujours faite pour s’adresser à de nouveaux auditeurs, ou atteindre de nouveaux consommateurs. Un bon auteur n’est pas quelqu’un avec des qualités d’écriture brillantes, mais quelqu’un qui a la capacité de créer un écho. La bulle d’émotions et de pensées qu’une phrase ou un couplet apporte, est la réverbération qui fait de l’art quelque chose de grand. La connexion.

Cela fait un moment que les auteurs savent qu’il faut savoir parler à ceux qui n’écoutent pas les mots.

De quoi est-ce que Niska parle t-il dans « Réseaux » ? Pêle-mêle de violence, de rue, et vaguement de consulter des profils sur les réseaux sociaux. Après tout, outre-Atlantique, « Black Beatles » (Rae Sremmurd) ne parlait pas tout à fait des Beatles, et « Panda » (Desiigner) ne parlait pas non plus exactement de pandas. Les mots sont secondaires, ils habillent l’humeur et l’ambiance et donnent des gimmicks simples à répéter. Ils servent, comme tout le reste dans cette ère post-moderne, d’éléments à se ré-approprier et à re-contextualiser. Lorsque Claude François a écrit « Comme d’Habitude », il n’y avait pas un mot qui avait été choisi pour dire l’inverse de son sens. Sur « Réseaux », c’est en fait une manière d’écrire qui permet aux auditeurs de faire leur propre interprétation plutôt que de simplement suivre les intentions de l’auteur. Un peu comme un film de David Lynch, quoi.

Que veut dire #pouloulou ? Tout, rien, à vous de voir.

https://twitter.com/MossFreestyleS3/status/910589501310951427

Dans une interview pour The Fader en 2015, Drake détaillait sa méthode d’écriture.


« Les moments les plus difficiles dans l’écriture de chansons, c’est quand tu cherches les 4 mots avec la mélodie parfaite et la bonne cadence. »


C’était en plein pendant son succès avec « Hotline Bling ». Il en a finalement fallu six (« I -know-when-that-hotline-bling »). Outre les mélodies et les cadences, une chanson peut aussi s’illustrer par l’originalité de son titre. Les thèmes des chansons à succès sont généralement les mêmes, parfois seul l’emballage peut permettre de se distinguer. De « Sapés comme jamais » à « OKLM », nombre de succès ont des titres de chanson uniques qui donnent une envie de consulter le contenu, et aident celui-ci à être retenu. L’Histoire des succès est ponctuée de ces micro-concepts qui tiennent en quelques mots : « Les démons de minuit », « Wesh alors », « Les lacs du Connemara », … Comme Drake avec « Hotline Bling », avec « Réseaux », Niska tenait son titre, à la fois en vogue dans le lexique commun, et unique.

Parfois, malgré toute leur bonne volonté, les mots sont désormais simplement insuffisants face à la puissance des onomatopées et des bruits. Pendant que les pouloulou pullulaient en hexagone, les voisins du dessus s’enamouraient de l’humour de Big Shaq. De THE TING GOES SKRRRRRA, ce fameux freestyle à la BBC devenu un meme instantané, se sont distingués immédiatement ces quelques bruits :

« The ting goes skrrrahh ; pap, pap, ka-ka-ka ; Skibiki-pap-pap ; and a pu-pu-pudrrrr-boom ; Skya, du-du-ku-ku-dun-dun ; Poom, poom »

Les exemples de succès par l’onomatopée sont nombreux : les « ski-ba-bop-ba-dop-bop » de John Scatman en 1995, le « shebam-pow-blop-wizzz » légendaire de Brigitte Bardot en 1968, et même dès 1928, le chanteur Georges Milton qui chantait le pouet-pouet. Cela fait donc un moment que les auteurs savent qu’il faut savoir parler à ceux qui n’écoutent pas les mots. Aujourd’hui, il ne sert plus à grand chose de donner un sens profond aux phrases, puisqu’elles ne sont pas à l’abri d’être re-contextualisés. Il faut laisser les auditeurs finir d’écrire les chansons.

https://twitter.com/salotomaki/status/915355762955833344

Il faut laisser les auditeurs finir d’écrire les chansons… sauf dans les cas où ils sont déjà eux-mêmes les auteurs inconscients. En 2016, les énormes succès américains de « Bad and Boujee » et « Black Beatles » ont posé la question : les memes font-ils des hits ? La réponse était alors évidemment non. Migos et Rae Sremmurd étaient déjà des énormes stars, les memes n’ont servi qu’à parachever un travail de promotion puissant déjà bien enclenché. En piochant dans le langage internet (« Get you somebody that can do both »), les Rae Sremmurd étaient parvenus à obtenir leur premier #1. Mais le véritable potentiel des memes et des réseaux sociaux est en train de véritablement s’illustrer maintenant.

C’est bien connu, les gens ne consomment pas des produits, mais des meilleures version d’eux-mêmes. Écrire un tube, aujourd’hui, c’est donc proposer une super expérience utilisateur.

Il s’agissait avant de trouver les mots parfaits qui font un refrain, il faut aussi être capable de trouver ceux qui peuvent résonner dans un tweet ou une caption Instagram — ou qui résonnent déjà. Le succès de Cardi B est simple à décrypter pour quiconque navigue sur le réseau qu’est Twitter. Qui n’a jamais vu sur sa timeline défiler un des tweets du black twitter féminin ? Et de ses femmes noires avec de l’attitude, qui font des grimaces de mépris sur fond de revendication de justice sociale, qui adorent boire du thé et consulter les reçus sont nombreux.

Devinez qui a passé octobre numéro 1 aux USA ?

« Little bitch you can’t fuck with me if you wanted to. »

Si cette phrase n’était pas l’entrée du refrain de Cardi B, elle pourrait être un tweet a 40K de RT, rempli de réponses type « yasss bitch! » et de GIF de perruques qui s’envolent. C’est bien connu, les gens ne consomment pas des produits, mais des meilleures version d’eux-mêmes. Écrire un tube, aujourd’hui, c’est donc proposer une super expérience utilisateur. Et quelle meilleure expérience que de se retrouver soi-même dans les chansons qu’on adore ? Cardi B vend la bad bitch qui ne se laisse pas marcher dessus, nombreux sont ceux qui aimeraient avoir les pieds dans ses bloody shoes.

Dans son dernier single, « Look What You Made Me Do », Taylor Swift s’inspire directement de l’opinion qu’Internet a d’elle depuis l’affaire Kim Kardashian qui l’a fait passer pour un « serpent ». Elle joue même le rôle de la twittos dans son clip, en sur-réagissant et en demandant des reçus, avec la subtilité de Katy Perry qui inclut carrément le meme Shooting Stars dans son dernier clip « Swish Swish », pour avoir l’air à la mode. Booba est bien devenu l’ambassadeur de l’expression « OKLM » sans l’avoir inventé… Pour parler aux jeunes, il faut leur montrer qu’on a compris leur langage sur les réseaux, à coup d’émojis, d’exclusivités Snapchat et de filtres — ainsi, parfois à coup de concepts qu’ils connaissent déjà, puisqu’ils les ont créés et popularisés.

"Okay ladies now let's gentrification." pic.twitter.com/B8xL0oxrKl

— Kar L. Stine (@karyewest) August 25, 2017

De là à penser que ça ne sert strictement à rien d’écrire une chanson aujourd’hui… Danielle Bregoli, alias Bhad Bhabie, a réussi l’exploit incroyable de classer son premier titre avant même de sortir son premier titre. Avec « Cash Me Outside », les utilisateurs ont tiré une phrase hilarante du show de Dr. Phil, le producteur d’Atlanta DJ Suede the Remix God en a fait un remix trap, et les mêmes utilisateurs l’ont consommé. C’est donc un exemple saisissant de comment un tube s’écrit à l’ère Snapchat : ce sont bien les utilisateurs qui ont trouvé cette phrase et qui en ont fait un tube. Plus forts que les producteurs, les directeurs artistiques et les programmateurs radio. Maintenant, les dénicheurs de tubes, ce sont aussi des gamins dont les parents paient Internet. C’est l’auditeur qui décide d’où se trouve la punchline.
Quelques mois plus tard, Bhad Bhabie a sorti ses deux premiers vrais singles, « These Heaux » et « Hi Bich », qui cumulent déjà des dizaines de millions de consultations.

La musique n’est plus seulement pour les oreilles, ni même pour les yeux. Il faut qu’elle atteigne le sixième sens de tous les gamins : les réseaux sociaux.

Une chanson n’est pas terminée lorsqu’elle est diffusée, et un refrain n’est plus décidé parce qu’il a été écrit à cet effet. Le pouvoir est entre les mains des gens. En 2015, le Freestyle PSG de Niska avait 5 couplets et une sorte de faux-refrain qui terminait la chanson. Ce morceau n’était pas pensé pour être un tube, et c’est le public qui a décidé que le gimmick « matuidi charo » était formidable, sans qu’il lui soit soufflé sans subtilité dans un refrain qui revient sans arrêt dans la chanson. Qu’il s’agisse du gimmick « If Young Metro don’t trust you I’m gon’ shoot you » qui a généré plus de réactions que le refrain de « Father Stretch My Hand, pt. 1″ (Kanye West), du « about a week ago » (Bobby Shmurda) qui a eu drainé l’intérêt pour « Hot Nigga » d’une façon inattendue, ou encore du « non mais allo » intelligemment emprunté à Nabilla par PNL dans Le Monde ou Rien, les exemples sont nombreux de moments clés qui n’ont été dictés que par la réaction du public, pas par un choix ni artistique ni une décision de label. On cherchait à ce que les salles chantent en choeur les paroles, il vaut mieux désormais donner également à l’audience la capacité de tweeter en choeur.

La musique n’est plus seulement pour les oreilles, ni pour les yeux non plus. Il faut qu’elle atteigne le sixième sens de tous les gamins : les réseaux sociaux. Pour réellement entrer dans une chanson, les fans doivent obtenir quelque chose en retour, ou avoir la possibilité d’exprimer leur créativité. Est-ce qu’en citant les paroles de la chanson, l’utilisateur pourra espérer obtenir beaucoup de retweets ? Si non, est-ce qu’au moins il pourra tirer une parodie intéressante d’un GIF tiré de la vidéo ? S’il y a de l’argot à copier ou des chorés à danser, est-ce qu’ils vont rendre l’utilisateur cool, et l’aider à essayer de devenir une sensation virale ? Le sens est plus profond que les mots. Intellectualiser est inutile pour des gens utilisant la musique comme une tendance ou comme des filtres Instagram : une simple façon d’apparaître au mieux sous la meilleure des lumières. Le contenu est là pour complimenter l’utilisateur. Pour beaucoup de jeunes, se snaper avec la tête penchée avec « Réseaux » en fond donne des points de cool et de lifestyle inestimables pour l’attention sur les réseaux. Niska a donné aux gens les mots et les gimmicks, et ils en ont fait une sensation. Niska est désormais numéro 1, la preuve que le meilleur des attachés presse reste toujours les fans.

Quand Niska i dit "pouloulou", il a raison quand on y pense.

— gibrl (@djbtwt) September 25, 2017

Header : @indietrent

Isha est né en 1986. Son fils a six ans, son rap en a quinze. Son parcours me fait penser à cette phrase de Musset : « Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. » En fait, Isha est arrivé juste à temps dans un monde trop jeune. Mais ça, il a vite su faire avec. Alors qu’il est considéré par certains comme un « ancien » du rap belge (« t’es le dernier » lui disent ses potes), il a fait des acteurs de la nouvelle génération des alliés. Isha joue le jeu du débutant. Tout se passe comme s’il n’y avait pas toutes ces années de rap derrière lui. Ou presque. C’est que sa musique, ni tout à fait « saal », ni tout à fait « verygolote », a des airs désinvoltes mais donne à entendre des scènes d’une réalité parfois indigeste que seul le temps passé a pu rendre comestible.

Loin d’être un néophyte, c’est néanmoins sous une nouvelle identité qu’Isha sort La vie augmente, Vol. 1 en avril 2017. L’EP proclame ses adieux avec « Psmaker » le pseudonyme qu’il se choisit à seize ans en référence au Pacificateur, le film de Mimi Leder avec George Clooney. Dans le fond, rien n’a changé, Isha assure qu’il porte « le même message que Manu Chao » dans la chanson qui a signé son retour, « Oh putain (Avec l’accent du sud) ». « On veut tous être chill. Je pense vraiment avoir un message de paix dans ma musique, peut-être plus de paix intérieure. Manu Chao c’est… On a le même but mais pas le même parcours, je me sens proche de ce genre de mecs. » Oui, il y a une certaine sagesse dans les textes du rappeur belge.

Dans chacune de ses chansons, on se heurte à son vécu en flashbacks, hérité des journées d’été trop longues et des cendriers trop plein, sorte de savoir empirique d’un aîné qui ne fait pas la morale. Au contraire, c’est en apprenant de ses petits frères qu’Isha trouve sa place sur la scène belge en pleine ébullition. « J’étais un peu déconnecté et c’est Jassim [JeanJass, ndlr] qui me tenait au courant de ce qui se faisait. J’ai dû me mettre à jour pour savoir si j’avais ma place dans tout ça. » Fini le boom bap, finie la mentalité sectaire entre groupes. Isha partage l’affiche avec des rappeurs comme Hamza, Krisy, Di-Meh ou Slimka, parce que, finalement, ils en ont des choses en commun. « Y’avait rien en Belgique, y’avait rien en Suisse. On a connu les mêmes galères. Tout le monde a faim maintenant. »

Ah, c’est donc à ça que va lui servir son « Frigo Américain » ; objet de réussite ultime et allégorie de la vie qui augmente. « L’augmentation, c’est un état d’esprit. » Celui dans lequel tu te mets pour voir les choses évoluer, le combat de tous les jours pour avancer à coups de nouvelles paires de baskets ou de projets artistiques. J’essaye de comprendre ce que m’explique le rappeur : on peut parler du passé mais il ne faut pas faire marche arrière. D’ailleurs, pendant ses années de pause, celui qui se fera prochainement appeler Isha accepte l’invitation de Scylla pour enregistrer « BX Vibes ». « Et t’as quand même enregistré deux mixtapes » semble lui rappeler Stan, son manager. Redescendre, c’est perdre.

Voilà qui explique aussi la versatilité de l’artiste bruxellois : visiblement très investi au SAMU Social qu’il va bientôt quitter pour se consacrer au rap, Isha a également créé sa marque de fringues, Deepster, s’occupe de Green Montana, un jeune rappeur belge, et parle déjà de faire de la comédie : « un challenge, mais il y a un moment où tu t’as une vision de la vieillesse et tu te vois regretter de ne pas avoir fait certaines choses, c’est cette frustration-là que je veux éviter. »

« J’ai envie de manger tout ce qui bouge » ajoute l’artiste avec un large sourire. L’appétit a nourri l’imaginaire, et ça s’entend. Son premier EP en tant qu’Isha est surprenant. Trop littéraires pour être hardcore, ses rimes sont frontales et forcent l’auditeur à avaler la vérité toute crue. « Mais comme je le dis dans un nouveau son, mon rap peut être sale et lugubre mais il y a toujours une touche d’espoir qui permet aux gens de se dire ‘il est pas mauvais, il a une sensibilité et tout’. » Je m’étonne. Qu’est-ce qui nous aurait fait penser le contraire ? « Mais moi-même je me pose la question » me répond Isha. « Je marche dans la rue, les meufs tiennent leurs sacs, les mecs tiennent leurs meuf. Tout le temps. Je le sens aussi dans les poignées de mains. Quand je rencontre quelqu’un on me dit ‘Ah en fait t’es cool’. » Je comprends mieux d’où viennent les jeux de mots malicieux et les mélodies ironiques. Celles-là mêmes où l’on se souvient de la présence en filigrane de Veence Hanao, avec qui « c’est clair qu’on pourrait aller plus loin mais c’est comme 21 Savage et Metro Boomin, c’est déjà un feat. »

Chez l’un comme chez l’autre, la réalité est rugueuse. Mais Isha se marre (par pudeur ?) en évoquant son état pendant la conception de l’EP. « J’étais ce mec un peu en dépression. Mais après tu fais des beaux trucs. ‘La vie augmente’ me touche beaucoup, même avec le Vol.2 et le Vol.3, pour moi, ce sera le meilleur morceau. » Qui dit mise à nu dit banger ? De ses épisodes d’angoisse, l’artiste en a tiré des mots tranchants et malins, parfois durs et tendres à la fois. Il y a de la douceur à voir le verre à moitié vide : tout est encore possible. Si elle n’est pas là à 3h28, elle arrivera à « 3h37 ».

En attendant, La vie augmente, Vol. 2 arrive très bientôt. Et le rappeur s’éloigne toujours plus de sa lassitude adolescente – celle d’un Psmaker en colère que la discipline rebutait et qui préférait au sport la liberté du skate et des freestyles. « Je l’ai créé en revenant de concert, j’avais de la vibe. Il y a deux trois morceaux avec lesquels j’ai réussi à toucher un truc que j’avais jamais fait, c’est un truc positif. Et je crois que c’est ça l’augmentation aussi. » C’est que depuis la sortie du Vol.1, un tas de choses se sont upgradées. Isha dit avoir regagné confiance en lui. « Et peut-être que l’album ce sera que des trucs joyeux, je l’espère. »

J’en conclus qu’Isha est peut-être au rap belge cette petite bête qui monte, qui monte, qui monte… Parés au débordement ? Allez, même si l’artiste aime à dire que la musique n’est pas une finalité en soi. « J’ai commencé à écrire à quinze ans. J’avais essayé de faire un journal intime [rires]. Et puis après je me suis mis au rap. Je me dis souvent qu’à quarante-cinq ans je me vois plus rapper mais peut-être que j’aurais encore envie de m’exprimer. Qui sait, peut-être que j’écrirai des trucs. Il y a quelques jours je me suis dit que, pourquoi pas, une autobiographie… Je sais pas qui je suis pour faire ça mais je me dis que dans ma vie il y a eu des périodes, des trucs que j’ai pas encore dit aux gens… » On est tout ouïe.

Photos : @gkayakan

Si le nom Snoh Aalegra ne vous dit rien, la douce voix de la chanteuse suédoise ne vous est probablement pas inconnue. On l’entendait notamment sur l’album Nobody Smiling de Common en 2014, ou plus récemment samplée dans le dernier son du projet More Life de Drake, « Do not disturb ». Qualifiée par la chanteuse elle-même de « soul cinématique », la musique de Snoh Aalegra berce et repose l’âme.

Vous pouvez écouter l’album « Feels » juste en dessous, avec les participations de Vince Staples, Logic ou encore Vic Mensa.

Après avoir collaboré avec Drake sur What a Time To Be Alive, Future s’allie maintenant avec Young Thug pour un projet en commun nommé SUPER SLIMEY. La mixtape contient treize sons, avec la seule participation de Offset en featuring. À la production : pas de Metro Boomin’ qui a l’habitude de travailler avec les deux artistes, mais plutôt Mike WiLL Made-It, Southside ou encore London On Da Track.

Vous pouvez écouter le projet SUPER SLIMY de Future et Youg Thug dès maintenant sur Apple Music et Spotify juste en dessous.

On vous parlait en début d’année d’une nouvelle marque nommée La Draft, et le label parisien sort aujourd’hui le lookbook de sa dernière collection capsule, « Draw the line ». La spécialité de la marque étant l’upcycling, cette capsule est l’exemple parfait de ce que cette marque parisienne sait faire de mieux: la récupération de matériaux inutilisés pour les revaloriser en produisant de nouvelles pièces plus actuelles, haut de gamme et unisex.

La collection « Draw the line » sera présentée début novembre lors d’un événement préparé par La Draft et appelé « Upcycling Experience ».

 

Il y a maintenant deux ans, Mabel faisait son apparition avec un premier titre « Know Me Better« . Un morceau sorti en plein coeur et en accord avec une période de revival du RnB des années 90-2000. Et quand on la découvre un an plus tard, dans le clip de « My Boy My Town », ses long cheveux plaqué en arrière, sa brassière Calvin Klein et ses larges créoles, on croit presque revivre cette époque dorée. Aujourd’hui, Londres a définitivement une place de choix dans le genre avec Mabel, Jorja Smith, Jones, Nao, Raye, Ray BLK, Bonzai, Sinaed Harnett, Jacob Banks ou encore Ella Mai. La liste est longue. Il ne s’agit plus là d’un revival, mais d’un son totalement contemporain. Quand on la rencontre quelques heures avant son premier concert à Paris, elle ne semble pas alarmée par cette cohorte qui joue dans sa catégorie, bien au contraire : « Je ne le vois pas comme un désavantage qu’on soit plusieurs à faire du RnB. C’est positif, on peut tous se nourrir les uns les autres, c’est motivant d’être entouré d’autant de personnes créatives. » Une synergie qui opère dans un petit monde qui s’est formé dans cette grande mégalopole. Tous le monde se croise et collabore. On a d’ailleurs aperçu Mabel dans le clip aujourd’hui iconique de Skepta : « Shutdown ».

Mabel grandi entre Londres et la Suède, pays d’origine de sa mère, Neneh Cherry. Là-bas, elle tombe amoureuse du RnB en zappant sur MTV et en écoutant les disques de ses grands frères et soeurs. Rentrée à Londres il y a quelques années, elle découvre une ville en pleine effervescence autour d’une identité musicale qui semble lui correspondre bien plus que les sons indies plébiscités dans son école de musique à Stockholm. Elle rencontre la scène Grime et voit de ses yeux son ascension vers un succès global, de Londres à Coachella dans le désert de Los Angeles. « C’est fou d’être à L.A. ou New York et d’entendre Skepta ou Stormzy. Personne ne pensait que la Grime allait exploser. Je suis juste heureuse que ça se produise et je pense que ça a ouvert tout un monde de possibilité pour des gens comme moi. Je ne pense pas être coincée dans la catégorie ‘British Sounds’, c’est juste de la musique. J’ai l’impression que les frontières sont de plus en plus floues. Par exemple, tous les titres de More Life de Drake sont anglais [rires] Tu vois ce que je veux dire ? […] Je pense que c’est très excitant, pour l’Angleterre. Parce que, bien sûr, on a toujours fait de la bonne musique. Je crois que le monde nous regarde enfin correctement pour la première fois. Et je suis très contente de faire partie de cette vague. »

« On a toujours fait de la bonne musique [en Angleterre].  Je crois que le monde nous regarde enfin correctement pour la première fois. Et je suis très contente de faire partie de cette vague. »

Deux ans après la sortie de son premier titre, on pourrait s’attendre à ce que Mabel sorte enfin un premier album pour concrétiser toutes les attentes qui pèsent sur elle. Mais elle prend son temps : « Je ne pense pas être prêtes pour ça. Certaines personnes arrivées là où j’en suis, pourrais l’être. Mais j’écoute beaucoup d’albums du début à la fin, avec des interludes, qui racontent toute une histoire. C’est un vrai truc pour moi. Il m’a fallu tout un voyage pour en arriver là. Au début, je me disais que j’allais attendre et sortir l’album quand je serais prête, dans un an ou deux. Et puis je me suis dis que les gens voudraient savoir comment je suis passée de A à Z, parce que j’étais très jeune quand j’ai commencé à sortir de la musique. Et des gens m’observaient alors que j’expérimentais encore. C’était difficile : je sortais des titres et j’étais très jeune et je n’avais pas encore décidé de ce que je voulais faire. Mais il y avait des gens pour te juger parce que tu sors quelque chose de différent, genre : ‘Ca n’a rien à voir avec ton dernier son !’ Et ils veulent que tu fasses la même chose, encore et encore. » En attendant, elle sort des mixtapes réunissant des « vieux titres et quelques nouveaux titre, pour montrer quelle direction prend [sa] musique. En espérant que ça donne une idée d’où l’album va se diriger. C’est comme un aperçu. » D’abord « Bedroom », et quelques jours après notre rencontre « Ivy and Roses ». Une compilation de ses titres préférés, qui se démarquent de son précédent projet par une teinte caribéenne propre à Londres. « La mixtape s’appelle ‘Ivy and Roses’ pour symboliser le fait que j’ai grandi ces dernières années. Et les choses que j’ai traversé : les relations merdiques, les bonnes, la famille… j’ai traversé des choses assez difficiles. Mais voilà. Et du lierre [Ivy en anglais, ndlr] a commencé à pousser dans ma chambre, sur mes affaires […] C’est vraiment bizarre. Je me disais ‘Ah c’est un signe’. Et j’avais déjà une chanson qui s’appelait Ivy. Je me suis dis que j’allais devoir appeler ma mixtape comme ça. »

« Je n’ai pas honte de dire que je suis super ambitieuse et que j’ai envie de gagner des Grammys et de sortir des albums. »

De prime abord, les relations amoureuses sont encore le thème principale de ce projet : « Je pense qu’évidemment, tous le monde aime l’amour et que c’est un thème important pour tout le monde, on veut être aimer etc. » Mais elle tient à préciser qu’il faut aller au-delà de cette première lecture. « J’ai juste envie d’ouvrir une discussion là-dessus. Etre honnête avec les choses qu’on traverse tous les jours. Et je me sens chanceuse d’avoir grandi à cette époque, de femmes indépendantes, de ‘Survivors’, où des femmes m’ont dit que je n’avais pas besoin de quelqu’un d’autre ou d’aimer pour être heureuse. Et j’ai envie de continuer de porter ce message : c’est marrant de s’amuser et d’aimer. Mais beaucoup de mes titres concernent aussi ma relation avec moi-même. » Ses morceaux, elle les écris tous d’expérience, aidée par une hypersensibilité qui lui était difficile de gérer plus jeune. Chose rare, ses parents détectent très tôt l’anxiété qui l’affecte et dans le même temps la rassure. « Mes parents l’ont vu comme une bonne chose. Ils m’ont dit ‘Tu es plus ouverte, tu ressens les choses’. Je n’aurais pas pu faire ce que je fais aujourd’hui si je n’étais pas aussi sensible. Parce que je récupère tout autour de moi, et je pense que c’est assez inhabituel pour un enfant. Mais il y aussi beaucoup d’enfants qui vivent la même chose et qui ne le comprennent pas. Je crois que j’aime parler de ça parce qu’il y a des enfants, des adolescents ou même des adultes qui se sentiront plus encouragé à parler de ça eux-même. C’est important pour moi de parler de maladie mentale, ou que d’autres en parlent, parce que j’ai l’impression que c’est ce qu’on devrait faire. En parler. » Comme une façon de faire reconnaitre son existence et de l’accepter. « Et aussi de savoir qu’on peut en faire quelque chose de positif, parce que c’est ce que j’ai fais avec ma musique. » Une musique qui se nourrit aussi de ses racines : « Je suis métisse et j’ai beaucoup d’héritages culturels qui se mélangent. Et je pense que c’est une vraie force pour moi, parce que j’ai tous ces endroits, où je peux trouver de l’inspiration. Ma mère est suédoise, de Sierra Leone et mon père est anglais. »

Aujourd’hui, elle a appris à gérer cette anxiété et à la transformer en une assurance qui se traduit dans ses titres, dans ses vidéos et dans ses photos. « J’ai une vision très claire de qui je suis. Un grand moment de réalisation pour moi, une grande épiphanie, a été de comprendre que je ne pouvais pas tout faire et qu’il fallait que je m’entoure d’une équipe en qui je puisse avoir confiance. J’ai une vision, il l’a comprenne et je leur fait confiance pour la réaliser. Faire confiance ça a été un gros truc. Mais oui, j’ai une esthétique très claire. Ce n’est pas un truc sur lequel je me suis posée et que j’ai décidé. Donc je ne pourrais pas te la décrire. C’est juste qui je suis, et qui j’ai toujours été. »

Enfin, quand on lui parle de l’avenir, elle nous répond : « J’essaie de ne pas trop réfléchir. J’ai juste envie de vivre le moment et de me concentrer sur les bénédictions qui se présentent aujourd’hui. Je n’ai pas envie d’accomplir ces grandes choses et d’ensuite être en colère contre moi-même parce qu’elles n’arrivent pas assez vite. Je n’ai pas honte de dire que je suis super ambitieuse et que j’ai envie de gagner des Grammys et de sortir des albums. Je vis déjà mon rêve, donc… »

Photos : @lebougmelo

WELCOME TO LE QUARTIER

Nike et la NBA célèbrent le Game et la Culture à Paris, une ville qui respire le Basketball comme aucune autre.

Les 21 et 22 octobre, Nike vous invite à vivre votre passion au rythme du Quartier, qui s’installe au cœur du bouillonnant XIXe arrondissement. L’occasion de participer à des tournois, découvrir les maillots connectés développés par Nike, customiser une paire de Air Force One avec le graphiste Tyrsa et l’illustrateur Yué Wu et de croiser Kobe Bryant pour un passage exceptionnel à Paris.

 

Samedi 21 octobre – Mamba Time
Rejoignez la légende Kobe Bryant au gymnase Laumière pour assister à une journée placée sous le signe du Basketball et de la Culture. A partir de 12h15.

Dimanche 22 octobre – Votre chance de briller
Montrez vos skills sur le parquet du gymnase Laumière et devenez le boss du Quartier. A partir de 11h.

Pour en savoir plus

Gymnase Laumière
87 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris.

 

Après la sortie de l’album The Space Between et une première tournée nord-américaine le duo phare d’OVO Sounds est de retour en France pour une date à l’Elysée Montmartre. Une date unique en France, à ne pas manquer, évidemment.

 

Prévente le 18 octobre et mise en vente le 19 octobre
BILLETTERIE

 

 

Après qu’on ait vu la collection One Star x GOLF le FLEUR, Converse et Tyler, The Creator continuent sur leur lancée et proposent une nouvelle capsule inspirée de l’univers du rappeur de Los Angeles. Cette ligne inclue une seconde version de la Converse GOLF le FLEUR, toujours en daim, avec une fleur à la place de l’étoile et certains détails en moins comme la phrase “Don’t let ‘em kill your flowers, water your garden and stunt” ou l’abeille sur le talon. En plus de ça, on a également droit à un bomber, des hoodies, des pantalons, des t-shirts et des bobs.

La nouvelle collection GOLF le FLEUR sera disponible dès le 2 novembre sur le site Converse, et vous pourrez acheter la paire pour 90€ chez Colette, CItadium, SNS Paris, Starcow, Size, et sur Snrks.fr & Converse.com

Anna Lotterud, aka Anna of the North est une chanteuse originaire de Norvège qui est sortie de l’anonymat notamment grâce à son single « Sway ». Plus récemment, on l’entendait sur Flower Boy, le dernier album de Tyler, The Creator, avec une apparition dans les sons « Boredom » et « 911 / Mr. Lonely ». Anna of the North se produira en concert le 20 octobre au Pop-Up! et on vous fait gagner deux places.

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Anna of the North ».

On vous parlait déjà de Lord Esperanza dans notre série NWCMRS, et on vous disait de lui que c’est un rappeur aux multiples talents qui merite plus d’exposition. À l’occasion de sa tournée en France avec Majeur Mineur et Nelick, Lord Esperanza sera en concert le samedi 28 octobre à la Boule Noire, et on vous fait gagner deux places !

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Lord Esperanza ».

Tout juste après avoir dévoilé son EP « Seven Days » qui nous offrait un son pour chaque jour, PARTYNEXTDOOR, le crooner du label OVO de Drake, vient d’annoncer la plus grosse tournée européenne de sa carrière. C’est très exactement le 15 février 2018 que PARTYNEXTDOOR posera sa valise pour un concert exceptionnel à l’Olympia, avec la chanteuse Jessie Reyez en première partie. Vous pouvez acheter vos places dès maintenant sur le site Digitick.

EVENT FACEBOOK 

 

Toujours dans le but de placer la One Star au centre de la culture du streetwear, Converse s’est allié à l’agence Highsnobiety pour dénicher quatre jeunes créatifs dans quatre grands quartiers européens que sont Lewisham à Londres, République à Paris, Kreuzberg à Berlin et Navigli à Milan. La campagne Public Access avait démarrée aux États-Unis via une émission télé avec Miley Cyrus et Maisie Williams, et c’est sous forme de magazine print que prendra vie la version européenne, une plateforme qui permettra aux quatre profils de s’exprimer et de parler de leur quartier.

Rayan Hawaii, Lewisham, Londres

Ryan Hawaii, 22 ans, est un artiste, un designer et membre du Neverland Clan, qui se qualifie de « punk » et « renégat ». Son truc, c’est la customisation de chaussures et vêtements.

Roman Gonzalez, République, Paris

Quand Roman Gonzalez ne skate pas dans les rues de Paris avec son crew, les Blobys, il s’amuse à photographier les rues de la capitale française avec une touche qui lui est propre: il joue avec la perspective, déforme, supprime et ajoute des éléments aux images numériques, créant ainsi une nouvelle vision de l’espace urbain.

Steffen Grap, Kreuzberg, Berlin

Skater, photographe et designer, Steffen Grap a suivi son crew « 030 » pendant un weekend et avait un objectif clair pour sa partie du magazine: « Je voulais photographier un aspect totalement naturel de notre vie de tout les jours à Kreuzberg ».

Maria Vitorria Reale, Navigli, Milan

À 20 ans seulement, Maria Vittoria Reale est une styliste et experte mode qui, pour le magazine, applique son esthétique et son goût vestimentaire dans un shooting avec ses amis dans les rues milanaises. Son but ? Montrer que la communauté mode de Milan est plus vivante que jamais.

Highsnobiety x Converse Public Access

Highsnobiety x CONVERSE. Coming soon to London, Milan, Paris and Berlin.#ConversePublicAccessMore info: http://s.hsnob.co/raCw2Xh

Publié par Highsnobiety sur samedi 7 octobre 2017

 

Eminem est de retour. Dans un contexte politique toujours plus trouble depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Les mouvements de lutte pour les droits sociaux prennent plus d’ampleur et deviennent la cible des assaults médiatiques de Trump, mettant au second plan, entre autres, le scandale de sa gestion de la crise de Porto Rico après le passage de l’ouragan Maria.

C’est dans ce contexte troublé qu’Eminem prend position contre Donald Trump, dans un freestyle de quatre minutes, diffusé pendant les BET Hip Hop Awards de cette année. On vous laisse découvrir son freestyle plus haut, et on vous en traduit quelques passages plus bas.

 

Comme un putain d’Apache avec son tomahawk
Je rentrerais dans une mosquée lors du Ramadan
Et je dirai une prière à chaque fois que Melania parle
Elle a un balai – ahh, je vais m’arrêter là.
Mais on a intérêt à féliciter Obama
Parce ce que le truc qu’on a dans le Bureau ovale
Va probablement provoquer un holocaust nucléaire
Et quand les choses sérieuses vont tomber
Il attendra que cette merde se tasse et il remplira son avion de kérosène
Volera au dessus de tout ça jusqu’à ce que les bombardements cessent
(…)

C’est comme si les USA avaient fait un pas en avant puis un autre en arrière
Mais c’est une manière de distraire
En plus, il a vu de grosses réactions à son encontre quand il a attaqué la NFL, pour qu’on se concentre dessus plutôt que parler de Porto Rico ou de la réforme des armes dans le Nevada
Toutes ces tragédies horribles et il ne s’inquiète ou ne préfère créer qu’un bordel sur Twitter avec les Packers

De sa validation de Bannon
Au support qu’il a reçu des membres du KKK
Des torches enflammées dans la main d’un soldat noir
Et rentre d’Irak à la maison
À qui on dit encore de repartir en Afrique
(…)
À présent, si tu es un athlète noir, tu n’es qu’un petit con pourri gâté
Juste parce que tu essaies d’utiliser ta plate forme ou ta stature afin de donner une voix à ceux qui n’en n’ont pas

À mes fans qui supporteraient cet homme
Je trace une ligne de démarcation : vous êtes soit pour Donald Trump, soit vous êtes contre lui
Et si vous n’arrivez pas à vous décider sur celui que vous préférez le plus
Si vous êtes partagés quant à qui vous souhaitez supporter, je me charge de choisir pour vous :
Allez vous faire foutre !

Déjà bien installé dans des pays comme l’Espagne ou le Chili, le Red Bull Dernier Mot débarque enfin en France ! Les battles du Dernier Mot n’ont rien de conventionnel. Ici, pas de textes préparés à l’avance: des mots ou des images sont affichés à l’écran et les MCs se clashent en 1v1 autour de ceux-ci. Ouvert à tous, vous pouvez participer si vous vous sentez assez créatif pour tenir la pression du public, des adversaires et du jury composé de Youssoupha, Deen Burbigo, Stéphane de Freitas, Mehdi Maizi et Artik. Red Bull met à disposition une application sur Android et prochainement sur l’App Store, qui affiche un mot toutes les 10 secondes et vous permet ainsi de vous entraîner à improviser, exactement comme lors des battles.

Si vous vous sentez prêt, vous pouvez vous inscrire juste ici avant le 15 octobre et envoyer une vidéo de vous en train d’improviser pendant 1 minute. Retrouvez toutes les infos du Dernier Mot sur le site Redbull.

Winter is coming. L’hiver est à nos portes. À mesure que le froid s’endurci, les souvenirs du YARD Summer Club s’éloignent. Et en nous l’appel urgent de raviver l’étincelle de nos soirées hip-hop pour une deuxième saison s’amplifie. Pour cette raison, le YSC se pare de fourrure dans un décor givré et devient le YARD Winter Club, se préparant dans l’ombre à enflammer les planches de la Machine du Moulin Rouge.
Là nos DJs animeront la soirée avec les derniers bangers, des sessions old schools 90’s-00’s. On vous réserve aussi quelques lives dont on vous parlera bientôt…

Pour cette saison, on part sur 9 dates :

Samedi 28 Octobre 2017
Vendredi 10 Novembre 2017
Samedi 25 Novembre 2017
Vendredi 1er Décembre 2017
Vendredi 22 Décembre 2017
Vendredi 12 Janvier 2018
Samedi 27 Janvier 2018
Samedi 24 février 2018
Vendredi 9 Mars 2018

 

Les entrées sont en vente sur Digitick
1er décembre > http://bit.ly/2j2cre9
Rendez-vous à la Machine du Moulin Rouge, au 90 bd de Clichy.

Les gars du label True Vision reviennent pour une troisième édition de leur TRVSN Party ! C’est toujours le Batofar que la marque cherche à retourner à l’aide d’un line up composé de Asura (DJ de Joke), Rakoto 3000, Lorkestra, Med et Parysee de la team Pigalle. En plus de ça, vous pourrez assister à une performance live du rappeur Cheu-B. La soirée TRVSN Party 3 aura lieu le 13 octobre au Batofar et on vous fait gagner deux billets.

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Soirée TRVSN #3 ».

C’est en plein milieu du mois de mai qu’on les a rencontré. Ladji Doucouré, Boro Doucouré, son frère et leur ami d’enfance Matthieu Lahaye, tous les trois encore plein de l’euphorie de l’étape de Golden Blocks à Mantes-la-Jolie. Golden Blocks, c’est le projet qu’ils portent depuis maintenant trois ans, mettant à profit leurs expériences respectives du sport à haut niveau dans une compétition d’athlétisme itinérante réservée au plus jeune de 11 à 16 ans. Autour d’elle, ils ont monté toute une célébration au coeur de la ville, qui s’anime l’espace d’un après-midi autour de leur valeur de l’athlé : le dépassement de soi et des autres.

Le trio a fini de poser ses pistes à Nantes et dans la région parisienne, terminant ainsi les étapes de qualifications de la troisième édition de Golden Blocks. Maintenant, ils se préparent à accueillir les jeunes talents qualifiés pour une finale à Paris.

Mais au-delà de la course, Golden Blocks c’est un état d’esprit, une vision, qui porte l’ambition de donner aux plus jeunes une compréhension plus large des opportunités que peuvent leur donner le sport : de l’ouverture au monde, à l’avenir professionnel.

Photos : @lebougmelo

D’où vient l’idée de Golden Blocks ?

M : L’idée a commencé avec Ladji, après qu’il ait remporté ses championnats du monde. L’idée c’était de dire, moi je suis Ladji Doucouré, je suis champion du monde, mais il y en a plein des champions du monde dans les quartiers. Il y a plein de potentiels. Et on s’est réunis autour de cette idée, Ladji, Boro, moi.

L : Après ce sont aussi des anecdotes qu’on a réunis chacun. Par exemple toi [Matthieu, ndlr] quand tu allais chez ta belle famille et qu’il y avait quelqu’un qui disait « Ah toi tu fais de l’athlé, tu fais du 400, je t’ai vu à la télé. Mais je parie que je te bats sur le parking de la grande borne, de là à la. » Tous les dimanches il avait le droit à un petit défi. Et pour moi c’était la même chose. « T’es sûr que t’es le plus fort ? Bah vas-y on fait la course. » Et toi tu leur réponds, « Bah moi c’est mon boulot, mais pour toi c’est un passe-temps ». Boro a vécu la même chose aussi.
Et tu te rends compte qu’en fait, les gens qui te mettent au défi, ça fait parti de l’athlétisme aussi. Et l’athlétisme de rue, plus ou moins, si on peut le définir comme ça, les gens le pratiquent tous le temps. Et dans la cour de l’école, tu le fais tout le temps. Le premier arrivé au portail etc.
Et on s’est dis, pourquoi ne pas utiliser ce truc-là qui se fait naturellement en fait, et qui perdure au fil des âges. Comme là, où on est adulte et où tu te rends compte que tu fais des trucs de gamins. Cette compétition, cette confrontation, on s’est dit, oui, pourquoi ne pas créer un évènement autour de ça ?

Et le tout premier évènement, comment est-ce que vous l’avez organisé ?

M : A l’arrache ! [rires] Non franchement avec nos moyens. C’est pour ça que Golden est ce qu’il est aujourd’hui, c’est que c’est un ADN. Nos ADN. On l’a fait avec nos moyens, à l’arrache, mais on s’est fait kiffer. Et à partir du moment où, nous organisateurs, on se fait kiffer, on fait plaisir aux autres en face.

L : Et ce qui nous a fait kiffer, c’est aussi quand on a vu les gamins kiffer.

M : Et c’était bon, on était parti. Même avec des galères, des voitures casse-pipes, des crevaisons à Mantes-la-Jolie. Boro il avait les banderoles sur les genoux, c’était chaud. Mais c’était bien. On a aussi été soutenu par la ville de Grigny, qui nous a dit allez-y on va essayer, c’est un laboratoire. Votre truc ça à l’air cool. On va vous donner un peu de moyens, un territoire et faites.

Cette expérience vient surtout de votre expérience de l’athlé. Comment vous définissez cette discipline, avec vos propres termes ?

M : Il y a athlé et athlé. Il y a notre athlé et l’athlé.

C’est quoi la différence ?

M : Il y a le running où il faut suivre tel entrainement et tel régime, faire des fractionnés etc. Le truc un peu relou. Et il y a le running que tu kiffes.

L : Où tu trouves le surpassement de soi, où tu as de la compétition au-delà de la performance. Dans le sens où tu te dis je bats mon adversaire, ou je bats telle chose, je vais au bout de mon projet perso. On voit de plus en plus de gens qui marquent le résultat de leurs courses sur internet, sur Facebook. Ils se font leur compétition à eux et ils se disent, le copain il a fait la même chose.
Donc t’as ce genre de compétition, où tu montres ce que tu es capable de faire et tu as la performance pure où les gens se disent, j’ai fait tel ou tel chrono.

Où on bats des records etc.

M : Oui c’est ça. et pour nous ce sont deux mondes différents.

L : C’est bien à voir, mais voilà. C’est pour ça qu’on s’est dit pourquoi ne pas seulement faire des duels. Peu importe le chrono que tu as fait, on veut voir si tu es plus fort que lui. La base de Golden Blocks, c’est du show. Tu termines ta course en célébrant comme les footballeurs américains. Ça on le fait même avec des adultes et on se rend compte que c’est du show oui.


C’est pour ça que votre grand credo, c’est «montre que tu es le plus fort» ?

M : C’est ça. Et c’est pour ça que tu as deux running différents. Nous, on est plus issus du sprint et du show. Tu as le triple saut, le saut en longueur, où c’est un show. Tu montres ce que t’es, tu montres ce que tu fais. Et tu as le running un peu plus traditionnel où tu vas faire ton footing le dimanche, et après tu vas faire un 10km, un 20k, un marathon… C’est en ça que c’est différent.


Et les deux peuvent co-exister ?

L : Ça dépend de l’état d’esprit du gars. Ca pourrait.

M : Bien sûr que ça peut.

B :
C’est un état d’esprit. Une question d’approche.

M : Ça ne veut rien dire. Il y a peut-être un mec qui va venir au Golden Blocks, il ne fera peut-être pas du sprint, il va peut-être faire des marathons, mais il aura capté l’énergie et il va le retranscrire dans une performance qui sera autre. Mais il y a cette notion de… Je suis contre Boro, donc vas-y je vais me friter contre Boro, je veux le taper. Bah ça va être pareil sur un 1500.

Vous avez parlé de la notion de show et sur l’évènement, vous y avez attaché pas mal de choses. Du double-dutch…

Tous : Du BMX…


Du BMX ?

B : Oui on a le champion du monde de BMX.

L : Et il y a de la musique urbaine.

Nous ça nous amusait c’était cool, mais en fait c’est important pour les jeunes, et il ne faut pas le sous-estimer

Comment vous avez fait ces choix ?

M : Parce qu’on kiffe ! C’est tout.

B : Par exemple tous le monde en a fait du BMX. Et la corde à sauter, tout le monde en a fait, même les mecs. C’est ça en fait.

L : T’en a toujours un qui fait du vélo, en se disant, vas-y moi je fais des roues. Et on s’est rendu compte que ça rentrait aussi dans cet esprit de défi. Donc des gars qui font du BMX on en a pas mal. Ils font des initiations sur le côté pour leur apprendre à faire des choses. Au départ, on se demande pourquoi, mais au final il y a plein de gamins qui passent avec des vélos et qui lèvent.

M : Et on structure le truc. S’il y en a qui courent, on structure avec Golden Blocks, s’il y en a qui cabrent, l’activité BMX elle est structurée. S’il y en a qui font de la corde, il y a une discipline pour ça. S’il y en a qui kickent au micro…

L : Et comment tu rebondis et comment tu es coordonné à la corde, ça peut aussi nous intéresser, en nous disant, « t’imagines, il fait du saut en longueur lui ? » Mais sur le noyau on se dit, lui il a un potentiel pourtant il est tout petit, il est dynamique.

B : Après sur le chemin on est tombé cette année sur un groupe d’afrodance et on a vu que le public réagissait assez bien. Et c’est logique, parce que c’est une sonorité d’aujourd’hui : MHD et autres. C’est l’afrobeat et tout.

M : C’est aussi une façon d’intéresser les gamins, loin de l’athlétisme traditionnel qu’ils apprennent à l’école. Le gars va se dire : « Ah il y a du BMX, j’ai envie d’aller voir. » Et il y a aussi la compétition, donc il vont faire le truc. C’est juste ça : casser les codes existant et reconstruire avec leurs codes à eux, qui sont aussi nos codes, parce que c’est ce qu’on a kiffé quand on était gamin.

Ensuite je voulais parler de la transmission : la transmission d’une discipline, de ses valeurs. Comment est-ce que vous le mettez en avant ?

L : Au départ on sait que c’est toujours difficile, que les gamins se cachent. Ils commencent par l’échauffement, ils écoutent le coach qui est là. Il n’y a pas forcément tout le monde qui veut se prêter au jeu. On pousse à ce que les mecs et les filles cohabitent sur ce village. Donc souvent à cet âge-là t’as les filles et les garçons d’un côté, là ils s’échauffent ensemble. Il y a – selon les villes – initiation de danse, pour que déjà ils se lâchent. On leur demande de se serrer la main pour le respect de l’adversaire, avant et après les run. Et dès les premiers run, où ils sont passé, on passe sur un petit show de danse ou de BMX, et puis ils reviennent et ils se disent : « Ah j’ai couru contre lui, il vient d’un autre collège je le connais pas. » Et au final ils passent une bonne journée, c’est bien. Avec la musique, les speakers, les profs et tout… ils se disent « A côté de moi c’est mon semblable. » On essaie d’apporter autre chose autour de cette manifestation, en disant, voilà, t’arrives dans un endroit, tu ne connaissais personne, tu n’avais pas envie de le faire, et aujourd’hui, tu n’as même pas envie de retourner à l’école.
Et on sait que c’est très peu dans l’investissement, mais c’est important pour eux. Et ils sont tous habillés pareil, donc on leur donne un t-shirt, peu importe les chaussures, ça met tout le monde sur un même pied d’égalité direct.

Donc concrètement comment ça se passe ?

M : Une journée Golden Blocks, ça commence tôt le matin. Parce qu’on installe. On tire des barrières, on met des banderoles, on créé un vrai décors tout autour de la manifestation. Après à 13h on commence à ouvrir les inscriptions jusqu’à 14h.

Il n’y a pas de critères ?

M : Si, l’âge.

B : 11-16 ans.

M : Mais après t’entendais quoi par critère ?

Il n’y a pas de sélection sur la performance par exemple ?

L : Non non.

B : Tu t’inscrits même d’une manière spontanée.

L : Et il faut que tu ailles au bout. Il y a des gens des fois, il s’arrêtent en pleine course et il disent « Oh mais il va trop vite. » et là il y a le public qui pousse « Allez, allez jusqu’au bout. »

B : Tu as vu ! Ils font tous ça. Il y en a un qui s’est arrêté, ils ont crié « Non ».

L : Et à toutes les étapes, il y a des personnes à mobilité réduite qui courent aussi. Et qui vont au bout et qui jouent le jeu à fond. Et tout le monde est là pour les soutenir.

M : Parce que ce n’est même pas l’aspect performance qui compte. Il n’apparaît qu’à la finale, voir demi-finale. Mais sinon ils s’en moquent. Ils courent contre un pote, même si quelqu’un sait qu’il va se faire frapper, il veut aussi participer au truc. Et ils sont mis en lumière. Mais c’est dur. Ça en tant qu’organisateur on l’oublie. Mais en fonction des points de vus, tu vois en chambre d’appel ou au départ, tu te rends compte que c’est autre chose. Parce que le gamin il est sur la piste et c’est son moment. Qu’il soit premier ou dernier, il est au milieu. Peut-être qu’il y a une photo et il est acteur. Ça c’est hyper important. Et il faut qu’on lui fasse sentir qu’il fait parti de la programmation. Et le speaker, même le dernier, il va l’interviewer.

L : Et je ne sais pas si tu as vu, deux filles qui étaient en retard hier. Elles ne voulaient pas courir, elles étaient cachées derrière la tente. « Non moi je cours pas. » Ouais mais, attend vous avez joué le jeu, il faut courir. « Non mais je veux pas, je veux pas. » Sa copine lui dis, bon on le fait et après c’est fini. Juste le run et c’est fini. Elles ont couru. L’autre elle s’est qualifié et elle a dit, « Ah mais on re-cours quand ?  Non mais en fait c’est trop bien, il y a toute ma classe qui m’a regardé. Je reviens quand ? » Tu dis : « Ah bah tout à l’heure. »

Vous avez beaucoup de bons retours sur cet évènement.

M : On n’a que des bons retours.

L : Et pourtant même si c’est super ludique la course, au final tu te rend compte que c’est la façon dont tu l’utilises qui est importante.

M : On en est à 15h15 : coaching. 15h15 c’est important parce que c’est l‘échauffement on le fait sur la scène avec le coach, toujours en musique, sur de la trap ou peu importe, mais des sons que les gamins kiffent. Il fait un coaching de 10 minutes, et en général t’as 90% des gamins qui participent, c’est pas mal. Franchement je misais sur dix gamins au début.
Après c’est le snap, c’est super important, ça leur fait un souvenir.

B : On fait le cri de guerre de chaque département c’est ça la différence aussi.

M : Ensuite on fait une cérémonie d’ouverture. On ne va pas commencer la compétition tout de suite. Ça nous permet de récupérer les gamins en question. Au départ les filles 11-13ans et en attendant on fait un show. C’est à dire qu’on demande leur demande de danser, ou de faire du double-dutch, l’un des trois shows, en cérémonie d’ouverture. Là, on fait les qualifications. On coupe avec un autre show. En général on a trois shows : soit double dutch, soit BMX, soit danse etc.
Arrivé jusqu’à la finale on met en place le dernier show de danse, obligatoire. On récupère les gamins, on leur demande leurs sons préférés. Pour te matérialiser le truc, ils partent de la scène qui est en bout de piste, avec le DJ et le speaker. Le départ à l’autre bout. Le gamin au lieu de partir du départ, il part de la scène. Il met son son et il remonte, et il tape dans les mains de ses potes en remontant jusqu’à la ligne de départ. Ensuite finale, victoire, remise des casquettes et showcase.

Et ça fini vers quelle heure ?

M : 18h. 18h30.. 19h… en fonction des showcases.

C’est quoi votre meilleur souvenir de Golden Blocks ?

M : Je suis sûr que Boro va dire pareil que moi, mais en fonction des personnalités ça dépend. C’est à dire que Boro et moi on est sur des trucs un peu mélancolique [rires]. Mais en fait, à la finale de la première année….

B : Voilà c’est ça que j’allais dire !

L : C’est quoi ce truc ?

M : Mais Ladji lui aussi…

B : Sois humain. À la première finale, sur les quais de seine, on a été pris de cours.

L : Vous avez fais quoi ?

M : La fille elle a pleuré. J’avais envie de pleurer avec elle.

L : Arrête !

M : Elle a gagné et elle s’est mise à pleurer et on s’est rendu compte que c’était important pour elle.

B : Il y avait le père.

M : Pour nous c’était un jeu, on s’amusait, on était dans l’ambiance.

L : Sisi je me souviens, mais j’étais pas venu.

B : Moi je me suis dis, j’y vais pas, je vais pleurer sinon.

M : Oui il a dit j’y vais pas sinon je vais pleurer. J’ai dis moi aussi. On s’est dis c’est bon vas-y on la laisse là. On disait : « Ladji, vas-y, va lui parler! »

L : Moi j’étais au départ.

T’as pas vécu le même moment.

L : Non je ne l’ai pas vécu comme ça. Vous, vous étiez à l’arrivée donc vous avez vécu le truc différemment. Moi je l’ai vu partir, je leur disais : « C’est votre moment, profitez, kiffez c’est la dernière. » Mais à l’arrivée je n’ai pas vu.

M : Ouais toi c’est le côté dynamique : on se surpasse on se déchire. Et nous on récupère les paquets. C’est là que tu te rends compte de ce que tu fais. Nous ça nous amusait c’était cool, mais en fait c’est important pour les jeunes, et il ne faut pas le sous-estimer. On ne leur met pas de la poudre au yeux. Il faut qu’il y ait un suivi.

L : Moi mon souvenir c’est la Tour Eiffel.

M : [À Boro] Ah bah tu vois il est comme nous en fait.

L : À un moment, on marchait et quelqu’un a dit : « Ah c’est la Tour Eiffel » et tout le monde dis « Ah oui, c’est la Tour Eiffel ! La Tour Eiffel, c’est la première fois ! » Et t’entends pleins de « c’est la première fois » et tu te dis, « mais vous venez de Paris non ? » Ouais mais non. Et du coup si tu veux, là c’est plus d’un point de vue personnel, on s’est tous dis la même chose : « Ah ouais, c’est pour ça qu’on a continué à faire de l’athlétisme. » C’est parce qu’en fait, on voyageait ; On a vu plein de trucs culturels, qu’on voyait dans les livres.

C’est pour ça que vous organisez vos finales à Paris ?

Tous : Oui.

Dans cette tranche d’âge-là, ils n’ont pas forcément d’accès à ces endroits-là.

L : C’est vrai. Et si en plus on fait Nantes, Tours, tout ça.. Ca donne aux autres l’envie de rester dans ce sport-là. Même si c’est vrai qu’il faut courir. Parce qu’à la base c’était ça. Nous on voulait reprendre les compétitions, pour prendre le bus et sortir. La performance, ça venait derrière, parce qu’on faisait ce sport-là. Mais à la base c’était pour passer un moment avec les gars.

M : C’était pour se charrier à l’entraînement ou pour voyager.

Du coup là, ça a pris beaucoup plus d’ampleur, ça dépasse les limites de la région parisienne. Vous voulez aller où après ça ?

M : Presque partout. Aujourd’hui ce qui est acté, c’est Bordeaux, Nantes, Amiens, Tours. Il y a Poitiers qui est en train de se mettre sur le coup, il y a Marseille qui demande, il y a Grenoble et Roubaix qui demandent. Et en fait ça va dépendre de l’énergie qu’il y a en face.

L : Le faire pour le faire, ça ne nous intéresse pas.

M : Nous on veut que ce soit bien fait.

L : Parce qu’on l’a déjà fait pour le faire, pour avoir un modèle d’évènement. Comme il le disait ça fait deux ans, qu’on a fait pour faire. Il y a des dates qu’on a faite où il n’y avait pas beaucoup de gamins.

M : On a été instrumentalisé, parce qu’il ne faut pas se le cacher, il y a Ladji derrière. Et pour une ville dire que Ladji fait un évènement c’est cool. Mais Ladji n’est pas là pour être utilisé c’est qu’il y a un vrai projet derrière. Un projet d’excellence sportive et un projet social aussi.

Et d’ailleurs c’est quoi vos ambitions avec ce projet ?

M : Ah ça va loin. Ca va trop loin ! En fait on ouvre en septembre, une académie Golden Blocks à Grigny. En fait à partir de nos parcours : bah Ladji il est double champion du monde, c’est un titre qui reste. Comme multi champion d’Europe, multi champion de France. Moi j’ai fais des sélections de l’équipe de France, je n’aurais jamais pu être champion d’Europe, champion du Monde. On le sait, c’est comme ça. Boro, bah il n’a pas pu percer à haut niveau. Et dans nos parcours, Boro, parce qu’il kiffe le sport, il s’intéresse au management de sportif, sans forcément faire le cursus scolaire. Il a appris. Moi, bah, j’ai pas fait toutes les études demandées, j’ai pas eu tous les pré-requis parce que je courrais, et je me suis intéressé à l’évènementiel sportif. Et aujourd’hui je suis à côté de gars qui ont bac+5 et c’est normal, parce que j’ai appris, parce que je kiffais le sport. Donc on s’est dit, on les tient via le sport.
Ils ne seront pas tous champion du monde, on va les intéresser au métier du journalisme sportif, de l’évènementiel sportif, du management et ainsi de suite

L : Kiné, masseur…Tout ce qu’il y a autour du sport.

M : Parce que le principe du collège c’est : t’as combien de moyenne ? Ok BEP machin. Oui mais en fait, j’ai pas choisi. Ouais mais BEP, parce que… Mais nous on va t’intéresser, tu vas voir que tu peux y arriver, parce que tu kiffes en fait. Donc il y a ça : l’académie, qu’on aimerait développer un peu partout.

Mais du coup dans ces académies, comment est-ce que vous voulez leur faire découvrir tout ces domaines ?

L : Par des interventions. Il y a des moments où on s’entraîne avec le club.

M : Et un moment où on rencontre des intervenants. Ils auront un planning d’entraînement validé par Ladji, ce qui n’est pas neutre. Il a un parcours, il connait tous les rouages. Il sait comment ça se passe. C’est une vraie plus value pour les gamins. Et on est persuadé qu’il y a des gars qui vont très vite, partout en France. Pour en développer plusieurs, on verra après. Et à terme, c’est la marque Golden Blocks.

Ça commence déjà avec le merch etc.

M : Oui en partenariat avec Nike. Mais au moins ça donne une légitimité. Et après dans notre imaginaire c’était – on était ambitieux – année 1, Golden Blocks athlétisme, sprint : année 2 Golden Blocks BMX, année 3 Golden Blocks Basket.
Et en fait Golden Blocks représente les talents urbains dans les quartiers, l’état d’esprit, mais là on va loin…

B : Il faut qu’on commence la tournée déjà.

M : Là on n’est même pas allé à Alfortville encore.

L : En gros on voit loin parce qu’il faut être ambitieux, mais il faut rester dans son temps. Pour l’instant on fait la tournée et on programme la finale. Par rapport à l’énergie, on s’entend. Mais on sait où on veut aller, parce que…

Vous avez une vision.

L : Oui et comme il le disait faire ce tournoi de basket au bout de 10 ans, bah ouais, tous le monde vient le voir, mais qu’est-ce qu’il en sort. Il y a un gros show, du monde qui est venu voir plein de bonnes choses. Mais nous on n’est pas sur le même public, on est sur les plus jeunes. Et on veut leur dire grâce au sport, voici ce que vous pouvez être.
Après on n’est pas conseiller d’orientation, mais c’est intéressant, parce qu’au collège, on dit toujours que le sport ce n’est pas important, mais en fait regarde où est-ce que ça peut t’amener.

Hervé Dubuisson, aka « Dub », est l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du basket français. Réalisé par Gasface, le documentaire « Le blanc qui sautait au-dessus des buildings » raconte les faits les plus saillants de la carrière d’Hervé Dubuisson, avec notamment le match contre les New jersey Nets en 1984, dans lequel « Dub » va malmener les joueurs américains et se voir proposer une place dans la NBA Summer League.

Avant la sortie nationale le 6 novembre, « Le blanc qui sautait au-dessus des buildings » sera diffusé dans un lieu encore secret le vendredi 13 octobre, dans la nuit de vendredi à samedi et on vous fait gagner 5 places pour assister à la projection de ce film sur la légende du basket français.

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Le blanc qui sautait au-dessus des buildings ».

 

 

Si le nom est passé de Major à We Are Major, la qualité musicale et visuelle à laquelle  le groupe nous avait habitué dès le départ n’a quant à elle pas changé. Ainsi sortait hier leur tout nouveau clip « Ghost » produit par GLITCH.

Pour YARD, le réalisateur LISWAYA explique l’origine de ce traitement visuel.

 

Chaque année, le magazine américain Forbes établi la liste des 30 personnalités en dessous de 30 ans les plus influentes du monde. C’est en 20 catégories qui comptent notamment, l’éducation, la science, l’art et le style ou encore le sport, que sont répartis 600 jeunes personnes qui sont propulsées sous les feux des projecteurs pour leur impact sur la société. Si cette année la catégorie musique de ce classement liste des artistes tel que Tory Lanez, Lil Yachty, Desiiner ou encore Bryson Tiller, c’est en 2014 que Kendrick Lamar faisait son apparition, notamment aux côtés de J. Cole, Drake et Rihanna.

Avec son album DAMN. qui a rapidement été certifié double-platine, une tournée mondiale qui le verra poser ses valises en Europe et ses chansons qui ont été reprises lors de manifestations anti-racistes aux États-Unis, Kendrick Lamar représente la voix de la génération en dessous de 30 ans. C’est Zack O’Malley Greenburg, rédacteur en chef chez Forbes, qui a discuté de TDE, de mentorat ou encore d’entreprenariat avec le rappeur de Compton.

Kendrick Lamar et Zack O’Malley Greenburg

 

Sur le moment qui l’a conforté dans l’idée de faire du rap

Le moment où j’ai réalisé que je voulais vraiment faire du rap c’est quand j’ai sorti un single qui était vraiment merdique. C’était sans aucun doute le moment clé. Parce qu’à ce moment tu es au plus bas de ce que tu veux faire. Mais en même temps j’ai pas réalisé que c’était aussi le moment le plus haut parce que je suis retourné en studio et j’ai recommencé, j’ai persévéré. C’est à ce moment que j’ai réalisé que c’était ce que je voulais faire parce que je n’ai pas abandonné, même après avoir fait un son pourri.

Le morceaux (pas si « merdique » que ça) qui a conforté Kendrick dans l’idée de faire du rap

 

Sur l’impact du mentorat de Top Dawg dans sa vie

À Compton, Watts ou juste Los Angeles en général, la plupart des jeunes n’avaient pas de figure paternelle et se tournaient vers leur oncle ou une personne plus âgée de leur entourage. Ce qui séparait Top Dawg des autres en ce qui concerne le mentorat quand j’avais 16 ans, c’est qu’il ne nous entrainait pas à faire des choses négatives comme la plupart des gars qui avaient du pouvoir dans les rues à cette époque. C’est un truc unique que j’ai vu chez lui. Il nous poussait à être positif et c’est quelque chose que je vais toujours admirer.

 

Sur le fait qu’il soit considéré comme un rappeur conscient

Chacun a sa propre opinion. Il y a une chose que 50 Cent a dit et qui restera toujours encrée dans mon esprit: « on est tous conscient. » Tous les rappeurs sont conscients à leur façon. Ils ont une compréhension profonde de ce qu’est leur experience et projettent ces leçons de vie à travers leur musique ou même par la façon dont ils vivent au quotidien.

 

Sur le fait d’être signé à la fois chez TDE, Aftermath et Interscope

Avec TDE, on a toujours travaillé en tant qu’entreprise indépendante avant de signer avec une major. Lorsque ça a été le cas, tout s’est bien passé parce que les majors ont compris comment on travaillait et n’ont pas essayé de changer notre façon de faire. Ils ont plutôt essayé de trouver comment ils pourraient nous aider à avancer.

 

Sur le fait d’être devenu à son tour un mentor

C’est intéressant parce que je peux prendre du recul et voir les erreurs que j’ai commises que ce soit sur la musique ou le business. Par exemple aller voir un label et se battre pour sortir un single qui ne te représente pas. Ce que je dis aux jeunes de TDE c’est de toujours faire quelque chose qui les rende fier et non pas quelque chose pour être signé, parce que ça ne dure jamais. Ce qui dure, c’est ce qui est 100% fidèle à eux-même. C’est ça que j’essaie d’apprendre aux jeunes mais je n’ai pas besoin de faire grand chose parce qu’ils sont déjà assez fort mentalement pour savoir ce qu’ils veulent.

Kendrick Lamar s’exprime sur l’importance du mentoring

Sur sa plus grosse erreur créativement parlant

Regarder le succès des autres en pensant qu’il pourrait être le mien. Des fois tu écoutes la radio et tu es influencé par ce qui marche en ce moment. Ça m’a gêné pendant une longue période mais quand j’ai changé de nom de scène de K. Dot à Kendrick Lamar et trouvé l’histoire que j’avais à raconter, c’est à ce moment que j’ai commencé à avoir les regards et l’écoute que je voulais.

 

Sur comment se différencier des autres rappeurs 

Je peux rapper, freestyler et sortir des punchlines toute la journée. Je me suis demandé qu’est ce qui pouvait me séparer des autres rappeurs et pour ça, je me suis tourné vers des gens qui m’entourent et qui m’inspirent. C’est la que j’ai compris que le truc, c’était la connection. Qu’est ce que j’ai pour connecter avec cet auditorat qui se bat pour une cause ou qui veut entendre une personne qui se bat pour une cause et lui donne la motivation de continuer dans la vie de tous les jours ? Mon truc, c’est mon histoire, Good Kid, M.A.A.D City. Je pense que c’est ce qui m’a donné de la confiance. Genre: « voici ce que je suis et si vous n’aimez pas, ainsi soit-il. »

 

Sur la révolution du streaming 

C’est juste un changement par rapport à la façon dont on sort la musique et, bien sûr, internet y est pour beaucoup. Au début, je ne comprenais pas. Je suis né dans les années 90, on était habitué à avoir des CDs physiques, tangibles, que tu pouvais sentir entre tes mains. Alors quand j’ai vu que les gens n’achètent plus de CDs, ça m’a un peu perturbé. C’est juste quelque chose que j’ai dû assimiler. Ensuite, j’ai compris que c’était un moyen de distribution qui permettait aux gens du monde entier d’écouter ta musique d’un coup, et le message passe toujours. Donc je garde en tête que la musique passe en premier, peu importe la façon dont ça sort.

« HUMBLE. » a été écouté plus de 500 000 fois sur Spotify

Sur le fait que le hip hop soit le genre le plus écouté en streaming

Le hip hop a toujours été le genre ultime. Même quand les chiffres et les statistiques n’étaient pas connus, on a toujours fait la différence. Nous sommes la culture. On peut débattre aussi longtemps que vous voulez, mais on décide de ce qui est cool et de ce qui ne l’est pas. Je n’ai pas cru ma mère quand elle m’a dit qu’en 87, l’année ou je suis né, les gens disaient que le hip hop n’allait durer qu’entre six mois et un an. Ça m’a choqué. Et aujourd’hui, tu vois Jay-Z au panthéon des écrivains. C’est nous, et ça vient des cités.

 

Sur Jay-Z, Puff Daddy et Dr. Dre

Pour moi, ils ont toujours fait la meilleure musique. Et plus que ça, au niveau entreprenariat, ils ont franchi des barrières que les gens pensaient infranchissables pour des gens comme nous. Regardez Jay-Z et Roc-A-Fella et sa ligne de vêtements, ce sont des gros accomplissements. On nous disait qu’on ne pouvait pas réussir dans d’autres domaines que le hip hop et quand tu penses technologie tu penses à Dre et même ce que Puff fait, toutes ces choses sont des inspirations pour ma génération. Voir leur réussite est une bénédiction.

 

Sur le conseil de Dr. Dre qui l’a marqué le plus

Je me souviens être chez lui et lui dire: « Putain c’est une grosse maison ! » Ensuite il m’a dit: « Oui c’est une grande maison, mais le plus dur c’est pas de l’avoir, le plus dur, c’est la garder. Il faut continuer à bosser dur, tu vas faire des erreurs mais le truc, c’est qu’il faut poser des questions. » C’est quelque chose que j’assimile encore aujourd’hui, je dois continuer à poser des questions, notamment sur le fait d’être businessman, c’est encore nouveau pour moi.

 

Sur le fait d’avoir été à la Maison Blanche

Le truc c’est pas un enfant de Compton qui va à la Maison Blanche, mais plutôt Barack Obama qui permet à un enfant de cité d’entrer dans ce bâtiment. Tout part de lui. Je ne veux même pas qu’on se concentre sur moi, mais plutôt sur lui, qui nous a fait l’honneur à moi et à d’autres personnes de zones urbaines de pouvoir s’asseoir et discuter avec lui à l’intérieur de cette maison.

Kendrick Lamar et Barack Obama en 2015 à la Maison Blanche

Sur sa manière de jongler entre prêche à la paroisse et en dehors de l’église

C’est une excellente question et c’est un processus auquel je pense à chaque fois que j’entre en studio. Le meilleur moyen pour moi d’analyser et expliquer la manière dont je fais ça c’est de vous dire que je ne me retiens pas. C’est aussi simple que ça. Je n’ai pas de remords, je ne peux pas avoir peur d’offenser qui que ce soit. Je ne peux pas avoir l’impression que je fais ce que je fais juste pour un certain groupe de personnes, je dois rester fidèle à moi même, à mes valeurs et mes croyances. Si on a l’impression que je n’ai pas de défauts, les gens en dehors de l’église ne comprendront pas qui est vraiment Kendrick Lamar. Ils penseront que je suis une sorte de divinité mais je suis un être humain comme ceux à l’intérieur et à l’extérieur de l’église. Donc en fait, le truc ce n’est pas de prêcher mais de dire mes défauts, les choses que je dois apprendre, les choses que je ne sais pas, les choses que je veux savoir, les erreurs que j’ai commises et celles que je vais surement faire plus tard. Une fois que j’ai compris le concept derrière ça je pense que c’est à ce moment-là que la connection se fait avec les gens, à l’intérieur et à l’extérieur de l’église.

 

Sur la gestion des moments difficiles

Je veux être quelqu’un qui se bat pour défendre une cause. Et peu importe si le plan fonctionne ou pas, je veux qu’on se souvienne de moi pour ça. Exactement comme Colin Kaepernick. Je suis sûr qu’ils pensent qu’il va abandonner mais il veut prendre position et se battre. À l’instant T, tu ne te demandes pas si ça va marcher ou pas, mais plutôt quel message la génération à venir va retenir de tout ça. Si je pense à abandonner ce que je fais ou si je sens que je ne peux pas continuer parce que je fais des mauvaises ventes, il faut que je pense au futur. Alors pour tout ceux qui croient ou qui sont vraiment passionnés par quelque chose et qui n’ont pas l’impression que ça marche: s’il vous plaît continuez, ça marche. Ça ne marche peut être pas pour vous mais ça marchera pour le gamin qui vous admire ou des personnes qui seront inspirées par vous dans les prochaines générations. Vous devez penser à ce pour quoi vous voulez qu’on se souvienne de vous, c’est aussi simple que ça.

Colin Kaepernick (ici à droite) pose le genou à terre lors de l’hymne américain en protestation contre les violences racistes aux US

 

Sur le conseil qu’il donnerait aux jeunes entrepreneurs 

Je parle avec beaucoup de gens à propos de business et sur le fait de poursuivre ses rêves et on en vient toujours au même mot: l’échec. J’ai été dans cette situation de nombreuses fois et ce qu’il faut faire, c’est étonner le monde avec ton éthique de travail. En travaillant, encore et encore. Parce que l’échec c’est ce qui nous empêche d’entreprendre et de poursuivre nos rêves. On a peur de ce que les gens penseraient, de l’argent que l’on perdrait, du statut financier dans lequel ça nous mettrait dans 10 ans. Il faut bloquer toutes ces pensées parce qu’au final, même si ça ne marche pas, ce sont des leçons apprises que vous pourrez transmettre à vos enfants. Ça pourrait les inspirer et leur donner l’énergie nécéssaire pour monter vos idées et rêves à un niveau supérieur. Si vous ne faites pas ça alors, pour quelle cause est-ce que vous vous battez ?

 

Il a été le protégé de Pharrell Williams au début de la décennie, signé sur son label i am OTHER. Si de nombreux rappeurs ont pu s’illustrer grâce à la véritable renaissance artistique du hip-hop en 2011, tels que A$AP Rocky, Kendrick Lamar ou Tyler, the Creator, Buddy n’a pas su transformer le buzz naissant en début de carrière fulgurant. Après une première mixtape en 2013, Idle Time, passée relativement inaperçue, Buddy a pris son temps pour trouver son propre son. Émancipé, avec deux EP sortis en 2017 (Ocean & Montana intégralement produit par Kaytranada, et Magnolia intégralement produit par Mike & Keys), Buddy est peut-être enfin en train de trouver également son propre public. Rencontre juste avant sa toute première date française au YARD Summer Club

C’est la première fois que tu viens à Paris ?

Ouais, première fois. C’est génial. Je viens pour 4 shows en Europe : Londres, Amsterdam, Berlin, et Paris.

Ça fait maintenant quelques années que ta carrière est lancée. Il y a eu ce premier single avec Pharrell, “Awesome Awesome”, en 2011, puis cette mixtapeIdle Time en 2013. Sur celle-ci, il y a un morceau qui s’appelle “Staircases”, avec Kendrick Lamar, sur lequel tu parles d’un escalier qui t’emmène plus haut. Jusqu’où t’a t-il emmené ?

Pas si haut ! Mais je n’ai sauté aucune marche pour l’instant. Chaque marche est le chemin d’une année entière. Cette chanson c’était quoi, il y a 5 ans ? Donc je dirai que je suis 5 marches plus haut aujourd’hui.

C’est positif ou négatif ?

Oh, positif, super positif. Ces 5 marches étaient super dures à monter ! Chaque étape est difficile à passer, chaque avancée est une évolution majeure que tu ne peux pas te permettre de manquer.

Tu viens de mettre en ligne un EP de 5 titres, Magnolia, qui suit la sortie plus tôt dans l’année d’un autre EP 5 titres, Ocean & Montana. Pourquoi deux EP, et pas plutôt un seul album de 10 morceaux ?

Déjà, j’avais juste des tonnes de chansons que je n’avais pas sorti, j’avais besoin de les sortir. Je n’avais pas la sensation d’avoir le contenu approprié pour ce qui aurait été un premier album. Je pense que les gens avaient besoin d’entendre de la musique venant de moi. J’avais quelques titres de Magnolia terminés bien avant la sortie d’Ocean & Montana. Ça va faire 4, 5 ans que je travaille avec les producteurs Mike & Keys. Kaytranada, on s’est rencontrés à Los Angeles par hasard, et il m’a envoyé des beats. J’ai rappé dessus, et on a fini par avoir ces 5 morceaux ensemble. On avait ce son, ça faisait totalement sens de sortir un projet tous les deux. Alors, j’ai sorti ça, tout en continuant à bosser avec Mike & Keys, avec qui j’ai dû enregistrer au moins 200 sons. On a décidé d’en choisir 5 qui fonctionnaient bien ensemble, et le son de ce projet est complètement différent de celui avec Kaytra. Je ne voulais pas m’enfermer dans un seul son, aller un peu dans tous les sens. Maintenant, je bosse avec Mike & Keys et d’autres mecs cool sur un premier album.

Tu penses vraiment que les albums ont toujours de la valeur avec l’impact du streaming ?

Oui, ça compte pour moi. C’est pour ça que j’ai voulu sortir les EP. Les gens ont une durée d’attention qui s’est réduite et nombreux sont ceux qui ne prennent plus le temps d’écouter des albums en entier. J’ai vraiment voulu prendre mon temps, parce que je n’ai pas envie de sortir n’importe quoi. Je veux pas raconter des conneries et suivre une mode, être comme quelqu’un d’autre. Je prends le temps qu’il faut pour perfectionner mon son, suivre ma vision, montrer ma personnalité sur de la musique. C’est une bénédiction de pouvoir le faire en ayant mes amis avec moi. On est là, on traîne, on fume, et on fait des trucs cool. Ma famille aussi est impliquée – j’ai mon père sur l’album, ma mère, mon neveu. Il a 5 ans !

5 ans ! Il fait quoi sur l’album ?

C’est une surprise…

https://www.instagram.com/p/BZQRC1ijZEh

La famille & les amis c’est important pour toi. Mais il y a aussi l’endroit d’où tu viens, Compton. Qu’est ce qu’il y a dans l’eau là-bas pour qu’autant d’artistes talentueux viennent de cet endroit du monde ?

Et bien… Je sais pas ! Moi je bois de l’Evian ! Et de l’eau Fiji [rires, ndlr]. Je pense que c’est juste l’énergie, et d’avoir grandi dans cette ville. Les gens y vont à fond et ils s’en foutent. C’est ça la magie. Moi, j’en ai rien à foutre. J’ai juste l’impression qu’il faut que je donne mon maximum pour pouvoir me barrer d’ici d’une façon ou d’une autre.

Comment s’est passé la connection avec Boogie, autre rappeur de Compton invité sur Ocean & Montana ?

Boogie c’était mon pote au collège. Ensuite il a été au lycée Lake Wire et moi à Hoover. On s’est juste dit qu’il fallait faire un son ensemble. Quand j’étais jeune, je le regardais avec beaucoup d’intérêt, il traînait dans le coin et il faisait des trucs cool. On a toujours été potes. C’est mon gars. Il avait un crush sur ma soeur pendant un moment [rires] je lui ai dit de se détendre.

[Son manager] Boogie ? Sérieux ?

Ouais!… C’est mon gars.

Est-ce que Mike & Keys sont de Compton aussi ?

Non – Mike vient de la Louisiane, et Keys est de… D’où il vient Keys ? San Diego ?

[Son manager] Virginie.

Virginie? Nan, mec, je crois qu’il vient de San Diego.

Comment vous vous êtes rencontrés ?

Euh… Ce vendeur de weed. Son nom c’est Wonder Bread. Non – en fait, c’est Mars du groupe de production 1500 or Nothing. Je bossais avec lui, et je lui ai dit “Mars, j’ai pas de weed !”. Alors il m’a dit “Oh, je connais ce vendeur, il file de la weed gratos en échange de posts Instagram”. Du coup, j’étais là genre, OK, allons-y. Wonder Bread s’est pointé au studio avec un petit carton rempli de différents assortiments de parfums de weed, comme un putain de camion de glace – mais avec de la weed. Donc on est devenu potes. Un jour, je lui dit, “Bread, j’essaye d’aller à Hawaii pour mon anniversaire”. Il me répond, OK, pas de soucis. “Rejoins moi sur Hollywood Nord”. Je le retrouve en studio, il était en train de vendre de la weed à Domo Genesis. Donc, Domo et moi on est en train de fumer, avec genre, Left Brain ou quelqu’un comme ça. J’ai tout ce qu’il faut pour mon trip à Hawaii. Et Bread se dirige vers ces producteurs à qui il doit vendre de la weed, et il me dit qu’ils sont super bons. Il savait que je faisais du son, alors il m’a demandé de l’accompagner. Moi, j’étais dans une frénésie de weed, alors bon, j’étais en mode suivons Wonder Bread dans ce nuage. On a fini au studio avec Mike & Keys, à fumer encore plus de weed. Ils avaient des type beats sur lesquels ils m’ont laissé rapper. Alors, j’ai commencé à revenir les voir, chaque jour. Et on continue à faire du son ensemble aujourd’hui. Parce que leurs beats sont chauds !

La magie de la weed !

Oui.

Ta tournée européenne fait quatre arrêts, après Paris, ce sera Berlin, puis Londres, puis Amsterdam. Est-ce que tu comptes te connecter avec des rappeurs là-bas ? Ou tu comptes plutôt profiter du lieu pour tester la weed ?

Et bien, déjà, toutes mes chansons ne parlent pas de weed. C’est surtout celles avec Mike & Keys. Ceci dit, quand je serai à Amsterdam, je vais me mettre bien, c’est sûr.

Ça t’arrive d’écouter de la musique non-américaine?

D’où elle vient, Jorja Smith? Je connais Jorja Smith.

Elle vient de Londres.

J’aime bien Skepta aussi. Pablo [Attal] m’a montré quelques rappeurs français… mais je me souviens plus de leurs noms.

Être un artiste, c’est un job difficile. C’est surtout compliqué de parvenir à rester concentré et de continuer à croire en ses rêves sans perdre foi. Qu’est ce qui te maintient motivé, et t’aides à continuer à briller ?

Les gens autour de moi. J’ai tellement de chance de pouvoir compter sur ma famille et mes amis, les gens avec qui je travaille sont vraiment passionnés. Ils ne prennent pas les choses pour acquises et ils font en sorte que je continue à rester sur le droit chemin. Les rappels incessants des gens qui m’entourent. C’est bien plus grand que juste moi.

J’aimerai te poser une question concernant Pharrell Williams. Le fait qu’il te signe et te supporte t’a permis d’être rapidement identifié et t’as mis sur la carte, mais du coup tu t’es retrouvé à être, pour les médias et sans doute de nombreux auditeurs, rien de mieux que le protégé de la grande star. Est-ce qu’en sortant ces projets loin de lui, avec d’autres producteurs, tu ne cherches pas à t’émanciper et t’éloigner de cette étiquette ?

Oui. Et je suis très content de ça, c’est génial. J’aime Pharrell – c’est la meilleure étiquette que j’aurai jamais pu avoir. Être le protégé de Pharrell ? Ça défonce. Mais mon nom, c’est Buddy. Ma mère m’a nommé Simmie Sims, ma soeur m’a surnommé Buddy. Et c’est ce nom là que j’essaie de faire exister aux yeux du monde.

Avec le recul, est-ce que cette étiquette de Pharrell, c’était trop tôt pour toi, ou tu n’y changerais rien si tu revenais dans le passé ?

Non, je n’y changerai rien. Le timing était parfait.

Les cases musicales ont cela de cruel qu’elles sont comme des aimants. Elles attirent de facto certains auditeurs, en même temps qu’elles en éloignent d’autres de possibles découvertes. Les nombreuses occasions que j’ai eu d’évoquer le 13 Block depuis deux ou trois ans n’échappent pas à la règle : chez certains la curiosité était attisée d’office, chez d’autres la fatigue se lisait déjà sur le visage. Pour cause, ce crew de Sevranais a justement commencé à faire du bruit entre 2014 et 2015. Soit la période qui a vu arriver le XVBarbar, Ninho, 40000 Gang, PSO Thug et autres jeunes adultes roulant en roue arrière sur les boulevards du rap de rue. Cette nouvelle génération, du fait des influences d’une partie de ses représentants (la drill de Chicago) et de son penchant à parler de bicrave s’est vite vue rangée dans la même case un peu fourre-tout. Pourtant, qu’on les écoute ou pas, dire que leur musique à tous se ressemble est tant irrespectueux pour leurs univers respectifs que faux. Ce que la rencontre avec les quatre membres du crew ZeFor, OldPee, Zèd et DeTess, m’a confirmé. Quatre membres, mais des réponses comme un tout.

La routine du détail

Pas de studio, de jolie réception d’hôtel ou de locaux de maison de disque pour le rendez-vous fixé avec l’équipe. C’est dans un grec de Villepinte, à la frontière de Sevran, que les gars de la ville nous ont convié. Surprise du tenancier lorsqu’il voit ces habitués débarquer entourés d’un photographe, des sacs Nike remplis à rabord de paires de chaussures neuves dans les mains. Nul besoin de crier sous tous les toits qu’ils sont rappeurs et de pavoiser, les yeux amusés du chef nous le confirment. Pourquoi cet endroit alors ? « Parce que c’est le meilleur grec du coin. » m’explique-t-on. Tout simplement.

Un lieu de rencontre à l’image de leur musique : celle de jeunes Sevranais qui racontent leur vie de jeunes Sevranais dans la bibi. Pas question de s’inventer des vies, de faire semblant, le 13 Block est profondément attaché à sa realness. C’est d’ailleurs là que se trouve le principal intérêt de leur univers musical. La fidélité à ce qu’ils vivent, à leur quotidien de vendeur au quartier, qui se ressent dans leur sens lyrical du détail. Du guetteur qui joue au con à leurs horaires de travail jusqu’au rrain-te sous CR. L’exposition de leur quotidien et des aléas de la vie de dope dealer est presque documentaire. Loin de l’exagération à la mode dans le rap, des jets privés en papier, des tonnes de farine et des gamos Majorette revendiqués par bien des rappeurs. « On va pas parler de tonnes, on n’a jamais vu de tonnes. On peut dire qu’on en veut, ou qu’on s’en rapproche, mais on n’a pas besoin d’inventer, on a grandi dans le bain. »

Une narration de la réalité qui peut rappeler par moments ce que propose PNL, et leur rap de la visser qui a fait sauter les verrous bloquant habituellement l’accès du genre au mainstream. « Si PNL l’a fait, le rap de rue peut faire de grands festivals. On est les premiers contents de voir que leur rap cartonne. Leurs textes sont comme les nôtres, les instrus sont juste plus lentes, sur des BPM avec d’autres effets. Leur rap nous parle vraiment beaucoup, si t’es vraiment dans le délire tu sais ce qu’ils disent, parce qu’il y a les codes. Et maintenant, des mecs qui ont les codes peuvent faire les plus gros festivals ? Pourquoi pas les autres aussi. D’ailleurs, si certains ont besoin de plusieurs écoutes pour comprendre, nous en général il en suffit d’une seule. »

Une routine du détail ancrée dans leur ADN lyrical. Ce qui pourrait laisser croire que l’effort est volontaire de leur part. Et pourtant, « on ne fait pas exprès. » Ces textes, ils les pêchent dans les eaux de leur quotidien, un stylo en guise de canne, une prod comme appât, postés sur un canapé confortablement posé sur une rive en forme de studio. C’est près de la cabine d’enregistrement qu’ils la trouvent cette énergie lyricale. « Les textes, on les écrit jamais chez nous. A la limite, si on a une inspiration comme sur ‘Insomnie’, peut-être qu’on a juste eu un petit début écrit à l’avance. Mais la grande partie du texte, il se finit au studio. » Le studio, point névralgique dictant tout de la musique du Treize. Jusqu’à leurs featurings. Prévoir d’inviter telle ou telle personne à l’écoute de la prod ? « Nan, ça s’est jamais passé comme ça, on n’a jamais fait exprès, c’est toujours naturel. » A l’exception bien sûr de l’abrasif featuring avec Gino Marley sur « Implication ». Un studio où ils se plaisent à créer de vraies atmosphères, des pièces musicales notamment sur des compositions « qui font référence à des atmosphères de films d’horreur, comme sur ‘Insomnie’. Il faut respecter l’univers amené par une prod, tout simplement. »

Mais d’où viennent ces automatismes, eux qui ont émergé au milieu de notre décennie, dans un gangsta rap où les lyrics importent peu tant que les flows sont présents ? « Ca fait des dix, douze ans que ça rappe. » On y vient. Le rap du 13 Block n’est pas né de la dernière pluie de 808s. Et ça, je l’avais compris bien avant que l’interview ne débute. Parce que fumer des clopes avec le 13Block entre deux prises du photographe, c’est avoir l’occasion de les entendre se rappeler au bon souvenir des couplets de Sazamyzy, louer les qualités de Sucez-moi avant l’album ou se féliciter du succès de leur pote Ninho. Ils sont définitivement de ces gars qui se sont fumés au rap français, ce rap de rue qui ne ment pas, celui des années 2000, qui remplissait les lecteurs MP3 256Mo les accompagnant sur la route du collège.

Un vécu d’auditeurs évident à l’écoute de leur musique. Alors quand on leur demande de citer leurs artistes favoris de ce temps-là, les noms fusent de partout, tous plus respectables les uns que les autres. De Salif à Alpha 5.20, de Nessbeal à la Mafia K1 Fry, de Seth Gueko à Sefyu. Et de Booba à Rohff, évidemment. D’ailleurs, certains de ces anciens leur donnent de petits conseils aujourd’hui, de Mac Tyer à Alkpote en passant par Kennedy, Despo ou Escobar Macson. Des influences indélébiles qui mixées à leur amour du Brick Squad et surtout à leur propre vie, fait d’eux de solides soldats du rap de rue. Des pères musicaux qui sont loin d’être leurs seules modèles. Ainsi, le groupe ne propose pas une sorte de revival de l’époque, loin s’en faut. Si le fond profite de ces influences, la forme est on ne peut plus moderne. Des flows qui varient énormément, beaucoup de couplets à deux, trois voire quatre pour ne jamais laisser retomber le rythme. Et quatre grains de voix d’une différence aussi remarquable que leur complémentarité. OldPee et ses intonations plus énergisantes qu’un gramme de la fameuse blanche sevranaise, DeTess en guise d’ogre, ZeFor et son timbre glacial semblant ne jamais sortir de l’ombre, Zed et sa facilité à aller vers les aigus qui aide grandement pour les refrains. D’autant qu’ils fonctionnent par phase, comme pour mettre leur inspiration en jachère. Quelques mois à travailler, puis quelques autres à lâcher prise histoire de toujours savoir se renouveler. La recette 13 Block est savamment préparée.

Dès lors, si leur buzz est né à cette période où sont apparus tout un tas de jeunes goons marqués par la drill de Chicago (40000 Gang, PSO Thug, XVBarbar, etc.), il s’agit plus d’un hasard que d’autre chose. « La musique qu’on fait, on la faisait bien avant. Vu du public c’est normal de nous ranger là parce qu’on est arrivés au même moment. Après, ça ne nous énerve pas, c’est à chacun de se différencier, puis ça nous fait plaisir même, il y a de la concurrence. Et il y en a plein avec qui on s’entend bien. »

Le neuf-treize

Qu’ils rappent la rue, de par leur provenance géographique, c’était presque une évidence. A l’exception d’OldPee, né à Paris mais arrivé à Sevran à 8 piges, tous sont nés et ont grandi dans cette commune parmi les plus pauvres de France. Comme l’énonce Zed avec malice, « c’est pas une ville à chanter du R&B. » Ce rap de rue, « c’est celui qui nous correspondait le plus dans cette ville. » Une origine qui forcément offre d’office la crédibilité. « Ca paraitra toujours moins crédible un rappeur d’une petite ville de province qu’un mec du 9.3. Après c’est le talent qui parle, un mec comme Gradur il a réussi à le faire sans venir d’ici », donc « il n’y a pas que le département qui parle, mais ça joue un rôle. » Toutefois, eux ne se sentent pas forcément membres d’un grand mouvement unifié des rappeurs du 93. Et s’ils ne ressentent aucune animosité envers les autres, ils font leur route. « Y’a des rappeurs du 9.3 avec qui on se connait hein. Même, on peut être potes dans la vie, mais la musique parle et nos univers peuvent ne pas correspondre. » Et quand il s’agit de comprendre leur absence du clip de « 93 Empire », la réplique est simple : « Nous, on n’a pas la réponse hein. » Il en va de même pour la relation avec les autres artistes sevranais. « On se connait tous, mais chacun fait son chemin. Et si on se trouve sur le chemin, tant mieux. » Ce qui ne les empêche évidemment pas de revendiquer la fierté de venir de Seine-Saint-Denis. « Mais le 9.3 on le représente pas parce que d’autres rappeurs le crient, pour faire pareil. C’est parce qu’on l’aime vraiment, tout simplement. » Une fierté qui se ressent tant dans les ad-libs de certains morceaux que dans le titre de leur premier album, Violence Urbaine Emeute, voulu comme un clin d’œil à l’historique émeutier du département.

Toutefois, à Sevran il y en a un qui a su leur donner un coup de pouce. C’était en 2015, alors que leur morceau « Slovaquie » commençait à bien tourner sur YouTube. Kaaris leur offre l’occasion de voir leur nom apparaître sur la tracklist de son second album, Le bruit de mon âme. Le morceau « Vie Sauvage » sera la première occasion d’entendre le 13 Block pour pas mal d’amateurs de rap hardcore. « C’est pas le morceau qui a rendu notre carrière sérieuse en tant que groupe. Le morceau n’a pas assez tourné, il y a des gens qui ne connaissent pas ce son-là. Mais ça a poussé le truc, d’ailleurs le label [Hot Def Records, structure dans laquelle ils sont entourés de beatmakers] s’est créé vers cette période. En fait, on ne connaissait rien au business de la musique, on savait juste écrire, donc ça nous a aidé à nous concentrer là-dessus. On a juste pris cette force-là, à-côté ça ne nous a pas apporté de buzz ou de motivation en plus. Mais c’était un plaisir d’être sur un gros album, puis c’est un truc en plus dans le CV. Simplement, c’est pas une fin en soi. » Une star du rap français et un grand de la ville, à qui ils montrent le respect qu’il mérite. « C’est lui qui a mis un peu de lumière sur le rap sombre et sur la ville. Sans lui ça aurait peut-être été plus difficile de faire le rap qu’on fait et de marcher. Avant ce rap était un peu dénigré, il n’y avait que Booba qui y arrivait. Maintenant, les rappeurs hardcore sont appelés pour des showcases, ils vendent leurs CD. » Et puis, « il a envoyé de la force aux rappeurs de Sevran. »

Du chocolat aux pépites ?

Une grosse apparition qui sera suivie un an plus tard d’un premier album, V.U.E en 2016, qu’ils avouent avoir offert un peu trop tôt malgré l’arrivée de nouveaux auditeurs. Entre vécu de la rue (« Insomnie », « Implication », « 2,3 Kils »), bangers aboutis (« Olaskurt », « L.K.T.E.B », « Vrai n***o ») ou morceaux plus politiques (« Libérez », « Hors la Loi »). Une sérieuse carte de visite suivie quelques mois plus tard d’U L T R A P, mixtape énervée comme le bon rap hardcore sait en délivrer. Puis, dans les mois à venir, un second album pour lequel ils se sentent prêts, au titre encore inconnu mais teasé depuis quelques temps, à coups d’extraits musicalement variés ayant tous pour point commun d’avoir été soigneusement préparés. L’occasion de toucher à leur premier disque d’or, si les planètes s’alignent correctement. Mais alors, où le poseront-ils ? « On voudrait bien le ramener au tiekson, mais les autres l’ont tous fait. Donc, on va essayer d’inventer un nouveau truc. En fait, il en faut absolument quatre, pour que chacun le mette dans ses toilettes et soit content de le voir chaque fois qu’il y rentre. »

Ce disque d’or épinglé à la tapisserie désuète de leurs cabinets, c’est tout ce que l’on a envie de leur souhaiter. Pour leur amour du rap, pour leurs méthodes de travail, pour ce qu’ils apportent, et tout simplement pour leur mérite. Et pourquoi pas même le platine. Histoire de voir Sevran briller encore un peu plus, elle que les JT aiment tant dénigrer, elle qu’ils connaissent par cœur et dont aucun quartier ne leur est difficile d’accès, comme des gars de la ville qui se respectent. Elle qui s’imposerait alors un peu plus encore comme la place forte du rap de rue en cette fin de décennie.

Après qu’on ait vu la Converse One Star en collaboration avec A$AP Nast, la marque étoilée donne cette fois-ci carte blanche à Daiki Suzuki, directeur artistique du label Engineering Garments. Cette refonte de la One Star s’inspire de l’histoire de la marque: le cuir vient de la « Leather All Star » et les chaussures sont marquées des différents logos One Star que sont le « Star Chevron », « Stars & Bars » et une étoile customisée pour l’occasion. « Lorsqu’on a été approchés par Converse pour le projet, on voulait principalement raconter l’histoire de Converse. La Chuck Taylor est pour nous une chaussure parfaite donc au début, on ne savait pas trop quoi ajouter ou enlever, elle est restée inchangée tout ce temps. La One Star, ou plutôt la Leather All Star était une toile vierge à partir de laquelle on pouvait travailler, » explique Suzuki.

La Converse x Engineering Garments sera disponible pour 100€ sur converse.com et chez Starcow, sneakers.fr & Acte II dès le 5 octobre.

Après avoir dévoilé des paires de Converse Chuck Taylor inspirées par la NBA, Nike sort le lookbook de la de la Air Force One Low inspirée par les équipes américaines de basketball. À la différence du modèle classique, cette Air Force 1 débarque avec un Swoosh beaucoup plus gros, des lacets marqués « Nike » et le sigle « AF-1 » sur la languette.

La Nike Air Force One Low « NBA » sera disponible dès le 12 octobre sur l’application Nike SNKRS pour le prix très intéressant de 100€.

Wesh, interjection : Terme utilisé pour saluer ou interpeller quelqu’un. Vient de l’expression wesh rak (« comment vas-tu ? ») (dialecte algérien et marocain), issue du mot berbère ach (« quoi ? »).

Wesh est bien plus qu’un mot, une interjection ou encore une expression. Il est une marque, un symbole fort pour toute la génération de l’époque contemporaine. Ce simple terme résume 70 ans d’histoire d’immigration, de diversité et de lutte sociale au sein de notre pays. Aujourd’hui, si vous voulez comprendre le présent et anticiper l’avenir, nul besoin d’aller voir des spécialistes ou des spéculateurs. Osez briser la lisière du périphérique, vous comprendrez que la fortune dépasse le matériel et prend forme dans les différences, les spécificités et le détail.

wwwesh studio, tout jeune « studio de création » parisien situé à Bagnolet dans le 93 expose cette philosophie à travers leur travail et les écris qui vont suivre. Sept designers dans le collectif se partagent les créations. Parmi eux Pierrick et Antoine sont la mécanique du studio.
En les définissant comme un studio de design, on prend le risque de limiter leurs champs d’action. Ils se définissent comme un « studio de création », un terme en cohérence avec leur panel d’activités très varié.
Le récit et les clichés qui suivent sont un journal de bord où wwwesh studio nous raconte la genèse de leur masterpiece « feat meyson ». Ils nous détaillent le fonctionnement de la structure et il expose les différents processus de création qui se mettent en place.

 

« Les 3 ‘w’ de wwwesh studio représentent le monde numérique, l’univers dans lequel nous avons tous grandi. C’est notre principal outil de travail mais aussi notre moyen de communication. Il fait partie de notre identité propre. Nous l’avons associé au mot ‘wesh’ parce qu’il définit notre identité singulière. On a saisis que l’univers se dégageant de ce terme dépasse les frontières des ‘quartiers populaires’ dans le but de toucher de plus en plus de cœurs. Aujourd’hui, cette culture, nous la portons en bannière, ce qui est singulier dans le monde du design qui se définit comme plus élitiste et moins terre à terre. »

« Nous sommes quasiment tous issus d’écoles de design (Saint-Etienne et Paris), certains y sont encore. De la maîtrise des procédés de découpes industrielles en passant par la scénographie, ce cursus nous a alloué un bagage technique très varié. Nos inspirations sont très diverses, on les alimente grâce à nos voyages, notre sens de l’observation et notre soucis du détail. Certains designers et architectes nous inspirent également, comme Tada Ando (Japon), Charlotte Perriand (France), Achille Castiglioni (Italie) et pleins d’autres encore. »

Le designer est la passerelle entre l’industrie et l’art. Celui-ci libère toute la richesse de l’objet.

« Ce qu’on aime particulièrement chez ces designers, c’est qu’ils arrivent à concilier simplicité et singularité dans leurs créations. L’univers de l’industrie et des technologies nous inspire et nous y prêtons attention. On aime beaucoup le côté complexe de certaines machines, comme l’intérieur d’un moteur thermique ou encore l’assemblage d’une MayBach. Toutes ces inspirations font de nous des designers. Nous produisons des objets, des meubles, des visuels, des vêtements, des pochettes d’albums. Le designer est la passerelle entre l’industrie et l’art. Celui-ci libère toute la richesse de l’objet. »

« Nous voulons aller au-delà du monde du design en présentant un large panel de compétences à nos acheteurs. Nos clients sont tous différents, ce sont des musiciens, des maisons de disques, des industriels, des marques de vêtements et des influenceurs du monde entier. Ils ne viennent pas nous solliciter uniquement pour avoir un logo, un design ou un visuel. On rentre dans leur monde, on examine, on fouille et on étudie toute les facettes de leurs idées. Dans l’optique de proposer un travail beaucoup plus large que leurs concepts de base. Le plus souvent, ils sont agréablement surpris, voir choqués. »

« Nous vendons nos services à différents types de clients mais nous créons également nos propres produits. Nous voulons également marchander notre image et notre nom, qu’il soit reconnu et identifiable par tous. Ces produits nous servent également de cartes de visite vis-à-vis de nos clients. »

« L’exposition ‘feat meyson’ en fait partie. C’est une collection capsule composée d’un hoodie noir et de deux tshirts blanc et noir. Cette collection capsule est une exposition photo. Au lieu d’exposer l’œuvre de Meyson dans une galerie d’art, nous avons décidé de la partager sur un hoodie et des tshirts. La promouvoir de cette manière est le moyen qui permet de toucher le plus de personnes. L’œuvre est une photo de l’artiste Meyson (@nosyem), jeune photographe parisien. Nous nous sommes reconnu dans son travail, nous lui avons demandé de réaliser une série de photo dont le thème était ‘marié à la streetzer’. Il est revenu avec une série de photos toutes inspirées de ce même thème. Une est sortie du lot, il s’agit de celle sur le hoodie. Tous les éléments, tous les détails présents sur cette photo nous définissent. Chaussettes Nike, paire d’Asics, survêtement, piwi [pocket bike, ndlr] et bitume, toutes ces pièces se marient très bien et donne cette empreinte caractéristique de notre image. »

« La photo était au format paysage, nous avons décidé de la retourner pour décrire un mouvement de soulèvement, comme un rider qui cabre sa moto, qui la met en ‘Y’. Mis à part cette modification, le cliché n’a pas été retouché. La photo est imprimée sur le dos des vêtements, une fois encore un choix qui permet de mettre l’oeuvre plus en avant. En bas à droite de la photo, on a décidé de floquer le nom de l’artiste, le type de pellicule, la ville et la date où a été prise la photo. Cette présentation reprend les codes d’une exposition photo, avec les informations accompagnant systématiquement l’œuvre. Sur le devant des vêtements, on retrouve notre marque ‘wwwesh studio’ floquée également en bleu. »

« Pour la promotion de l’exposition ‘feat meyson’, nous avons décidé de réaliser un teaser vidéo dans le même thème que la photo, c’est-à-dire la ride. Meyson connaît Facene un rider parisien. On a recueilli une heure d’enregistrement où Facene est en action avec un gros bolide. On a finalement produit un teaser de 30 secondes réalisé par Meyson, avec une musique de 8$HO. Le choix de faire une vidéo de cette durée est justifié car un format plus long aurait pris le dessus sur l’exposition en elle-même. »

« Cette production en collaboration avec Meyson est un réel aboutissement de notre travail, nous sommes tous très fiers du résultat final. Nous avons pour projet d’étendre cette idée avec différents artistes, et de créer une série d’expositions que l’on nomme ‘feat’. »

(De gauche à droite et de haut en bas) Pierrick, Antoine, Tarah, Sammy,Teddy, Abdoulaye

#jedisweshavec3w

Instagram : @wwwesh.studio
Retrouvez la collection capsule sur le site de wwwesh studio et à la boutique.

Enfin ! Kendrick Lamar vient d’annoncer les dates européennes du DAMN. Tour avec James Blake en première partie. C’est sur son compte Instagram que King Kendrick a notamment dévoilé deux concerts à Londres mais un seule à Paris, le dimanche 25 février. Vous pouvez voir le calendrier complet de la tournée du rappeur de TDE et les prix des billets juste en dessous, et sachez qu’ils seront mis en vente dès le vendredi 6 octobre sur le site Live Nation.

Prix et catégories
Carré Or : 106.00€
Catégorie 1 : 95.00 €
Catégorie 2 : 73.00 €
Fosse : 73.00 €
Fosse Or : 106.00€

 

THE DAMN. TOUR [EUROPE]

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C’est le photographe du blog Paris Street Style qui a arpenté les rues parisiennes pendant la Fashion Week Femme printemps/été 2018, pour capturer les meilleurs looks à la sortie des défilés. Si vous avez encore du mal avec les saisons, les types de défilés et leur fréquence, on vous explique tout sur la Fashion Week.

Instagram : @75streetstyle

C’est le photographe du blog Paris Street Style qui a arpenté les rues parisiennes pendant la Fashion Week Femme printemps/été 2018, pour capturer les meilleurs looks à la sortie des défilés. Si vous avez encore du mal avec les saisons, les types de défilés et leur fréquence, on vous explique tout sur la Fashion Week.

Instagram : @75streetstyle

Le rap français est responsable d’évolutions incroyables dans le langage francophone. Son expansion a permis de normaliser l’utilisation du verlan, de nombreux néologismes, et fait entrer énormément d’expressions et d’argot dans le langage quotidien. Des usages de plaisanteries privées, de rues, de quartiers, qui finissent par envahir le vocabulaire, après un passage par des tweets ou des chansons populaires. Derrière chaque en mode, chaque oklm, chaque wesh le sang, un témoin discret des habitudes de son époque.

France, 2017. L’été suivant un printemps où le parti d’extrême droite, surfant sur la peur et l’ignorance de l’étranger, réunit plus de 10 millions de votants au second tour d’une élection présidentielle, on danse libéré sur des playlists où s’enchaînent harmonieusement « Chocolat » (Lartiste) et « Les Menottes (Tching Tchang Tchong) » (L’Algérino). Les deux titres ont dépassé les 170 millions de vues YouTube en moins de 6 mois. Dans le premier, il est question de vanter la beauté d’une jeune fille noire en comparant sa pigmentation à du chocolat. Dans le second, il est question de se méfier de l’attitude d’une jeune fille charmante mais manipulatrice, qui serait susceptible de “te tching tchang tchong”.

 

 

Le tching tchang est donc de mode. Le rap est une culture musicale qui mise fréquemment sur la puissance de ses onomatopées rythmiques (ou ad-libs). Elles sont généralement courtes, agréables à entendre et détachées d’un véritable sens (skkrt, vie, sale, bendo, …). La saison française 2016–2017 a incontestablement été celle du tching tchang comme ponctuation sonore. Si la première occurrence populaire avait été noyée dans d’autres ad-libs plus marquants sur « Matuidi Charo » (Niska) en 2015, la vraie sensation due à l’utilisation du gimmick est venue l’année suivante, dans le désormais hors-ligne « Tchiki Tchiki » de PNL. Jamais radins en utilisations de bruits, les frères des Tarterêts avaient mis les hmm ouais, lala et nananère de côté pour baser leur chanson aux références asiatiques sur une imitation subtile du bruit du sabre qui sort de son étui (tchiki), et une évocation exagérément réductrice de la culture asiatique en général (“Eh, j’parle pas tching tchong tchang tching tchang”).

Les premières voix commencèrent timidement à s’élever : comment un groupe aussi populaire pouvait s’adonner à ce qui ressemble affreusement à du racisme ordinaire envers la communauté asiatique ? À une époque où une blackface est synonyme de quasi-destruction de carrière, comment peut-on être serein en réduisant un continent de plus de 4 milliards d’humains à un accent ? Pourtant, pas d’article de Louise Chen sur Les Inrocks comme pour le sketch décrié de Gad Elmaleh et Kev Adams. Quels médias reprocheraient aux artistes leur description des asiatiques comme il a été reproché outre-Atlantique à Jay-Z d’être antisémite à cause de cette phrase dans son récent single The Story Of O.J ?

 

« You ever wonder how Jewish people own all the properties in America?/Tu t’es déjà demandé pourquoi les juifs possèdent toutes les propriétés aux États-Unis ? »

 

Certainement pas Laurent Ruquier, déjà pas interpellé par la fétichisation poussiéreuse de Chocolat (Lartiste). Après tout, il n’y a guère de réflexion sociétale profonde à poser sur l’utilisation du tching tchong dans le rap. Il ne fait que musicaliser une expression en vogue : faire des chinoiseries. Une chinoiserie — un temps objet d’art, ou album d’Onra, désormais, un digne remplaçant de mettre une disquette. La langue chinoise étant une langue utilisant un alphabet différent de notre alphabet latin, et la culture chinoise n’étant pas très répandue dans les codes occidentaux, parler chinois s’apparente à dire du charabia, ne pas être compréhensible. L’inverse d’être clair. Ça aurait pu être le géorgien, ou l’arabe… On se méfiait avant de celui qui voulait nous la mettre à l’envers, on se méfie dorénavant de celui qui parle chinois.

Déjà au XIXe siècle, on utilisait cette expression pour évoquer les politiques.

« La bourgeoisie (…) occupe l’esprit populaire, l’endort et le détourne, ainsi que les chinoiseries politiques du radicalisme. » (Paul Lafargue, 1886)

Pas surprenant que l’expression soit à ce point en vogue en 2017. La globalisation et l’importance des réseaux sociaux ont réduit de nombreuses cultures à l’appât du touriste et du like. Comme l’humour et l’humiliation, l’identité et le cliché se confondent dans un message simple qui se comprend par tous. Dans la quête d’exotisme pur, il est plus facile de ne réduire qu’au stéréotype. Alors, on ne cherche pas à être plus que ce à quoi on est réduit. Les touristes viennent en Égypte pour voir les pyramides de Gizeh, photographier des dromadaires et regarder les femmes danser du ventre. On partage des photos de pizza au pied de la tour de Pise pour que nos abonnés sachent sans hésitation que nous sommes en Italie. Dans le rap français, on dit chica, parce que cette exotisation renvoie au cliché ensoleillé de la culture latino, et des jolies filles qu’on pourrait croiser en bikini le long de la plage à Florianópolis. Tching tchang appelle au cliché des yeux bridés, ceux qui vivent là où se trouvent les samouraïs, les mangas, les sumos. Et puisque l’idée que les chinois sont disciplinés, travailleurs et parlent une langue qu’on ne comprend pas perdure, la Mafia Spartiate peut dire sans hésiter dans son refrain :

« Je maîtrise le karaté/Tching Tchong »

 

Bref, pas plus de racisme que de réduction lourde dans ce comportement — qu’il s’agisse d’une émission sur les élections françaises de John Olivier sur HBO ne se privant pas de réduire la France au bon vin, à l’accordéon et aux Lumières, ou dans l’un des memes les plus populaires de 2017 réduisant l’Italie a ce fameux geste de la main qui sert à accentuer un propos (How Italians Do Things). De nombreux humoristes français ont après tout fait fortune de moqueries envers l’exagération des habitudes des autres ou d’eux-mêmes (Gad Elmaleh, Michel Leeb, Le Chinois Marrant, Patson, …). Comme les autres, le rap français évoque donc l’Asie à travers ses clichés et ses stigmates. Qu’il s’agisse de Lorenzo, Lomepal, Spri Noir ou Jul, tous affirment, fiers, travailler comme des chinois. Rim-K conseille : “Ferme ta gueule et marche droit / Prends exemple sur les chinois”. Qu’importe les campagnes du collectif Asiatiques de France, ou le décès à l’été 2016 du couturier Chaolin Zheng, victime de la violence à Aubervilliers et des clichés sur les chinois. L’expression est simplement passée insidieusement dans le langage courant, comme fais pas ton juif, comme j’suis pas pédé, comme c’est vraiment un mongol. Dans l’utilisation musicale d’un tching tchang, il n’y a rien d’autre à voir qu’un remplaçant moderne au bang bangComme l’a dit Maitre Gims : « Rien ne change et les chinois s’appellent toujours soit Chang ou Fang »

 

L’usage est ainsi plus souvent naïf et ignorant que réellement mal intentionné, comme en témoigne le refrain de « Pour « Walou » » de Scridge. En l’espace de quelques secondes, l’artiste rennais se plaint des chinoiseries d’une fille en affirmant qu’elle parle “thaïlandais, japonais, coréen”. Une des filles à l’image dans la vidéo, une caucasienne en maillot de bain, bride vaguement son oeil droit à l’aide de son index histoire qu’on soit bien sur de quoi il s’agit. Se suivent trois plans de jeunes filles en habit traditionnel aux traits asiatiques, pour enfin un dernier plan sur Scridge qui passe son visage derrière sa main dans la plus pure tradition… indienne. Pas sur qu’il s’agisse d’un bon partenaire pour gagner au Jeu des Drapeaux. Cette ignorance globale des spécificités des différentes cultures asiatiques est illustrée à la perfection par Kaaris sur Chaos.

« Je parle pas chinois, pas de konnichiwa »

En effet, konnichiwa est le terme permettant de dire bonjour… en japonais. Les dents grincent. L’amalgame parler chinois-Asie-kung fu fait aussi mal au coeur que confondre arabes-musulmans-terroristes, être noir-parler africain, ne pas faire de différence entre un Congolais, un Sénégalais et un Camerounais. Il est sans doute déjà trop tard : l’exotisme approximatif a gagné depuis bien longtemps. On préfère dire Mi Corazon plutôt que mon coeur, Mamacita plutôt que maman, et mélanger des connaissances linguistiques basiques et multiples sur des rythmes ensoleillés qui appellent aux meilleures soirées de vacances dans une sorte d’espace vague entre l’Amérique Latine et le Maghreb.
C’est à ne rien comprendre à ces chinoiseries.

Le succès du tching tchang montre donc que le rap français a une obsession inconsciente, mais de quoi s’agit-il si ce n’est clairement pas des asiatiques ou de l’Asie ?

C’est une question de son. Le tch est à la mode. Il ne suffit pas de voir les énormes succès qu’ont été « Tchikita » (Jul) et « Tchoin » (Kaaris) en 2016. Les mots utilisant la sonorité ch sont très présents dans le champ syllabique actuel du rap français. Qu’il s’agisse des chapas de Lacrim, les sheguey de Gradur ou des charos de Niska, ou encore des chica et chico qui pullulent, le rap français semble être à la recherche du tch parfait. Aux États-Unis, quand on abuse pas des woo ou des aye, l’accent est plutôt mis sur les sonorités usant du ss (swag, lesskedit, swish, straight up, …). En France, des années après les tchi tchi d’Arsenik, le tch est devenu tendance.

Dès lors, comment aurait-il pu être possible pour L’Algérino de ne pas faire un énorme succès d’une chanson qui dit :

« La chica chica (…) va te tching tchang tchong. »

Le son ch appelle naturellement à l’ailleurs attirant, à l’exotisme appréciable. On a l’impression d’être loin avec une fille spéciale quand la chanson parle de chica, de tchikita. On a l’impression d’être dans un clan secret qui parle un argot d’initié quand on parle de tchoins. Peu de chances d’avoir un succès en parlant des tchèques ou de Tchaikovsky… Plus de risques d’évoquer le rêve et les bons moments en parlant de tchatche, de litchi, ou encore de… chocolat. Lorsque la MZ et Niska sortaient respectivement « Tchapalo » et « Tchibili-Tabala » en 2015, ils étaient sans doute un peu trop en avance. La musique populaire est une question de codes et de signes de reconnaissances stylistiques. Dans les années 60, il a fallu associer la distorsion aux guitares pour les rendre électriques, et passer de la mode folk à la mode rock. Au début de la décennie, il fallait se débarrasser des “comme” dans les comparaisons et faire du hashtag rap à la Big Sean. L’ère du tch pour toucher cette frange d’auditeurs accrochés à snapchat — c’est maintenant.

Ainsi, d’ici à ce que la mode passe, il ne serait pas surprenant d’entendre des futurs hits qui tenteront subtilement de surfer sur cette tendance inconsciente. Et si MHD sortait un Tchin Tchin sur un sample de Tchinchirote ? Niro un Tchétchènes, Kalash un Tchip ? Une reprise de Tchao Tchao par Jul ? Rendez-vous l’été prochain pour danser sur une version 2018 de Tchu Tcha Tcha avec Scridge, Lebeey et L’Algérino — ou une reprise de Mao et moi par la Mafia Spartiate.

Il semblerait que Nike soit une source d’inspiration pour Louis Vuitton. En effet, le label vient de dévoiler une chaussure running, imitant la technologie « Flynit » développée par Nike. Nommée « Vuitton New Runner », cette chaussure arrive en trois coloris que sont le noir, le orange et le khaki. L’empeigne est totalement en tricot et s’appuie sur une semelle peinte à la main. Sur la languette, on retrouve les emblématiques trois V qui signifient « Volez, Voguez, Voyagez », slogan utilisé par la marque dans les années 60.

Le prix des « Vuitton New Runner » n’a pas encore été dévoilé, mais on s’attend sans doute à ce qu’il soit très élevé.

 

adidas et Palace Skateboards collaborent une nouvelle fois pour une revisite skateboard du modèle « O’Reardon ». En bleu, noir ou vert, cette paire arrive avec les trois grosses bandes adidas et un upper en daim qui repose sur une épaisse semelle blanche.

La adidas x Palace Skateboards sera disponible le 29 septembre sur le site Palace.

« Ces enfoirés ont volé mon look ! Créditez @dapperdanharlem. Il l’a créé EN PREMIER en 1989 ! » Les mots échauffés de Diane Dixon sur Instagram s’accompagnent d’un montage photos. À gauche, elle en fourrure à grosses manches ballon en cuir, monogrammées Louis Vuitton. À droite, le blouson plagié, silhouette 33 du défilé croisière 2018 de Gucci. Aussitôt, sur les réseaux sociaux, on déborde, on s’indigne. Sous pression, Gucci écrira un quelque chose à propos d’un « hommage au travail du célèbre tailleur d’Harlem Daniel ‘Dapper Dan’ Day. » Depuis plusieurs saisons, les maisons de mode s’inspirent copieusement de la culture urbaine. Ça s’emballe pour les joggings, le rap, les graffs et les tours HLM. Et puis, ça interpelle. Inspiration ou appropriation culturelle?

Ils savaient, ceux qui passaient la façade vitrée du numéro 43 East sur la 125ème à Harlem.  Celle avec le long store corbeille et les lettres italiques. D’abord, rien de plus qu’une table et quelques chaises. Et puis, au fond, dans l’arrière-boutique, des petites mains qui s’affairaient sans relâche autour de métrages de cuir logotés Louis Vuitton, Fendi ou Gucci. Ouverte tous les jours 24h/24 entre 1983 et 1992, l’échoppe de Dapper Dan accueillait dealers, rappeurs et sportifs noirs qui se passaient le mot. Alberto « Alpo » Martinez, Eric B. & Rakim, LL Cool J, Big Daddy Kane, Salt ‘N’ Pepa, Run DMC, Floyd Mayweather ou Mike Tyson. Avec ses sneakers, ses bombers, ses manteaux ou ses survêtements sérigraphiés sur-mesure, Dapper Dan déformait, exagérait et remodelait le luxe façon ghetto. Un  rapt au service des siens, les hors-caste, les déglingués, les pas dans le rang, les ostracisés. Ses vêtements cocottaient le luxe autant qu’ils fouettaient la rue. Ils donnaient de l’assurance, un statut. Du pouvoir. Dans le New York fauché, ça portait des faux sacs griffés, des grosses chaînes plaquées et des baskets toujours soignées. Un truc pour vernir la réalité. Joutes d’élégance, de flamboyance et d’originalité. De là est né le streetwear, d’une envie ou plutôt d’un besoin de s’affirmer. De contester la norme, aussi.

Le cœur de la clientèle de Dapper Dan gravitait autour du hip-hop. Ce mouvement qui gueulait «Peace, love, unity and having fun» depuis le ventre mou de New York, sur les murs ou les pistes, derrière les micros ou les platines. Avec ses propres codes, ses expressions et ses porte-drapeaux. Le hip-hop a donné une voix à ceux qu’on bâillonnait, étouffés, là, dans les bas-fonds des villes. L’expression artistique des laissés pour compte. Et puis, la culture s’est déployée, vulgarisée. Soudain, ce qu’on les trouvait cool ces mecs avec leurs dents en or et leurs fringues trop larges. Objets de fantasme pour quiconque rêvait d’un peu d’irrévérence. Chanel, parmi les premières, fera grimper sur les podiums casquettes à l’envers, répliques de bobs Kangol, colliers à gros maillons dorés, sneakers, vestes en jean XXL et salopettes-baggys. Mais c’est dans les années 2000 que la tendance street se démocratisera vraiment. Avec les sacs Louis Vuitton graffés par Stephen Sprouse, les sneakers Dior et Chanel, les do-rags Givenchy, les planches de skate Hermès, les logos surdimensionnés de Moschino ou les survêtements couture de Vetements.

Le style urbain est devenu l’indispensable d’un luxe à bout de souffle, en quête de jeunesse et de mordant. Une ficelle pour séduire la nouvelle génération, plus audacieuse et décontractée. Assez de l’élégance arrogante, stricte et intellectuelle. Envie de nonchalant, d’attitude, et d’un peu de bordel. Se salir, s’encanailler. Se dépoussiérer. « La mode s’est toujours nourrie et se nourrira toujours des cultures alternatives. C’est l’essence même de sa raison d’être » décrypte Pascal Monfort, consultant et sociologue mode. « C’est en se révoltant contre elle qu’on lui obéit le mieux car elle s’alimente des différences. »

En s’emparant de ses codes, le luxe a dépouillé l’esthétique street de son caractère subversif et identitaire. « Les jeunes d’aujourd’hui portent du streetwear pour être cool et non plus pour revendiquer une appartenance. » observe Lenny Guerrier, moitié du duo de créateurs de Nïuku. Le genre s’est lissé, institutionnalisé. Pour autant, il n’y a absolument rien de dangereux pour les cultures urbaines, assure Pascal Monfort, sauf si elles ne savent pas se réinventer en permanence. « Sur ce point je suis confiant. » il ajoute, et évoque toutes les choses fantastiques qu’il voit se faire chaque jour. Les cultures urbaines se renouvellent, toujours. Sous d’autres formes, d’autres allures, d’autres discours. Puis au fond tout ça donne une meilleure image de notre culture, dit Guerrier, ce qui n’était pas le cas quand nous étions plus jeunes. « Cela a aussi permis à des marques comme la nôtre d’être vendues dans des boutiques multimarques de luxe. »

Lenny Guerrier compare la mode à la musique, parle de « sample » plutôt que de copie. Mais la limite entre inspiration et appropriation tient à peu de choses, à la manière d’emprunter, de rendre compte et de s’impliquer. « Si cela engage une pensée, une histoire, une sensibilité, des ponts se font naturellement. » commente Christelle Kocher, fondatrice du label Koché. « Mais je vois peu de créateurs avec une réelle sensibilité ‘street’ ou autre, c’est plus de l’ordre du fantasme. » L’appropriation culturelle se dessine lorsque l’on stylise et transforme la culture d’une « minorité » – à laquelle on n’appartient pas – en objet de consommation. Elle jaillit quand on réduit une histoire et une identité à des codes esthétiques superficiels, des signes extérieurs de reconnaissance stéréotypés. En février dernier, Marc Jacobs présentait sa collection « Respect », inspirée d’un documentaire sur l’histoire du hip-hop visionné sept mois plus tôt. Déguisée dans le style « ghetto fabulous » des années 80-90, une armée de mannequins défilait sur la très chic Park Avenue à Manhattan, avant de poser devant un mur d’enceintes. Pour l’occasion, le designer avait casté plus de noires qu’à l’accoutumée, façon d’être crédible. Ça jouait aux pauvres bien sapés, à coups de marqueurs culturels grossiers. Un truc sans profondeur, sans âme, sans authenticité. Ça n’inventait rien, non plus. Pas casse-tête d’emprunter. Kocher : « Une gêne se crée, je trouve, quand on ne sent aucune création, mais juste une citation ou un petit jeu malin, tout le cynisme contemporain. » Il y a aussi cette façon de s’enrichir sur le dos des communautés, sans dynamique de retour. Et tiens qu’on se pâme sur Demna Gvasalia, le Directeur Artistique de Vetements et Balenciaga. Au hip-hop, il doit ses blousons extra larges, ses baggys surpiqués et ses complets en molleton ou peau de pêche. Pourtant, sur ses premiers podiums, avant que des doigts se pointent et des voix s’élèvent, les modèles noirs, fallait les chercher. Il n’y en avait pas, en réalité. Des cultures, on ne prélève que ce qui nous chante, sans plus de considération pour leurs origines et leurs interprètes. Les Noirs, on veut bien de leur dégaine, mais pas de leurs tronches sur les défilés. Faut pas pousser.

L’opportunisme dit souvent l’injustice. D’aucuns ont le privilège blanc, la chance bourgeoise, de pouvoir porter survêts, casquettes et autres pièces classées street sans souffrir de préjugés. Pour d’autres, le geste est moins léger. Le sweat à capuche. Un accessoire de « voyou » qui inspira en juillet 2006 à David Cameron, alors premier ministre britannique, un discours surnommé « Hug a hoodie » : « Nous – les gens en costume – percevons le hoodie comme une agression, l’uniforme d’une armée rebelle de jeunes gangsters. Mais ce vêtement est plus défensif qu’offensif. C’est une manière de rester invisible dans la rue. » Ce bout de tissu coûtera le 26 février 2012 sa vie à Trayvon Martin, jeune noir de 17 ans abattu dans un quartier résidentiel, un paquet de bonbons à la main. En protestation, naîtra l’association anti-raciste Million Hoodies Movement for Justice. Sur le dos des Blancs, à l’inverse, le streetwear a l’élégance cool, un genre de douce rébellion, inoffensive. Une façon de jouer les durs au coeur guimauve, les lascars dociles. Puis voilà qu’en août dernier, les soeurs Jenner publiaient sur le compte Instagram de leur marque une photo de chemise en flanelle à carreaux, fermée par deux boutons au col façon cholo. L’uniforme-type des latinos vivotant dans les ghettos californiens. Leur manière à eux de se définir et se reconnaître. Une source de stigmatisation au-dehors. Pour Kendall, Kylie, et les autres, les cultures des groupes lésés ou opprimés s’exploitent comme l’imprimé d’une saison, les héritages comme des tendances. Du folklore exotique à domestiquer. Au fond, il y a de l’ignorance mais surtout du mépris. De la condescendance qu’on cache derrière l’hommage.

« [Dapper Dan] avait approché des designers pour collaborer avec lui, mais ils lui avaient répondu qu’il n’était pas assez chic. » confiait Diane Dixon en mai dernier au magazine The Cut. « Ils le regardaient de haut et pensaient que les logos sur les vêtements n’étaient bons que pour les minorités. » Trente ans et un plagiat plus tard, Gucci et Dapper Dan travaillent main dans la main sur un projet de réouverture de l’atelier et d’une collection-capsule. « C’est un peu triste quand même » regrette Christelle Kocher. « Il devrait vendre derrière des Bootlegs de sa collab pour le fun ! »

Après avoir dévoilé la collection One Star x Golf le Fleur avec Tyler, The Creator, Converse continue sur la redynamisation de sa marque en sortant une nouvelle collaboration avec ASAP Nast. Cette collection capsule contient un t-shirt marqué « somewhere in the mid-century » et deux paires: une One Star et une Chuck Taylor dont l’inspiration vient tout droit des années 50, période préférée du rappeur de Harlem en matière de design. La One Star est habillée de velour côtelé jaune, matière que l’on pouvait trouver sur du mobilier dans les années 50, lorsque la Chuck Taylor, elle, se pare d’un motif écossais.

La collaboration Converse x ASAP Nast sera uniquement disponible au Foot Locker de Times Square à partir du 28 septembre, une exclusivité que Nast explique: « je suis très heureux de lancer ma première collaboration à Harlem, où je suis né et j’ai grandi. La mode a toujours été ma priorité, qu’elle soit exprimée à travers mon rap ou mon style: je raconte une histoire. »

C’est pour Vans que le réalisateur Thibaut Grevet s’est équipé de sa caméra 16mm pour filmer les skaters Joseph Biais et Val Bauer, dans les spots les moins conventionnels de Paris. République, le Champs de Mars, le Louvre, Pigalle, chaque lieux se revoit approprié par l’énergie dissidente des skateurs parisiens.

Pour cette rentrée, YARD s’associe à New Era, le pionnier de la casquette, pour ajouter deux pièces à notre vestiaire.

On a donc imaginé deux modèles d’un bleu marine, sobre et classique, rehaussé du logo YARD et de deux patchs : « Yard Worldwide » sur le côté et « Yard » à l’arrière. Le tout mis en scène sur le terrain de l’équipe des Templiers de Sénart !, le meilleur club de Baseball Francilien.

Double jeu : au choix, une visière flat 9FIFTY® et une visière curved 9FORTY®. Les deux sont dorénavant disponibles.
A vous de strike !

#YARDNation

SHOP HERE

Le YARD Summer Club c’est fini !
Pour fêter ça, il fallait bien mettre le feu une dernière fois au Wanderlust….
Pour l’occasion, on a joint nos forces à celles de Converse pour refaire la déco des Nuits Fauves et célébrer la One Star autour d’une authentique Mustang.
Au line-up, plusieurs lives : Niska, O’Boy et les suisses Makala et Pink Flamingo rejoint par Di-Meh passer prendre sa revanche sur la terrasse où il performait déjà il y a quelques semaines. Quant au DJs, ce sont Supa!, Hologram Lo’, Endrixx, Rakoto 3000, Moriba, DJ Slow, Goldilox, Kirou Kirou, Petit Piment, Hony Zuka, La Capelance, Pepper, Andy 4000, OGD, Colorsboyz et SYT qui nous ont fait l’honneur de leur présence.

On vous laisse reprendre des forces pour notre retour cet hiver. On vous en dis plus bientôt.

Connu sous le pseudo Supa! (Never Smiles) lorsqu’il officie en tant que DJ, c’est sous le prénom Vanna que ce dernier nous revient avec l’excellent side project « Intro ». Composé de trois titres savamment ficelés, la ré-interprétation orchestrale donne une toute autre dimension à chacun des tracks.

Continuant sur sa lancée, Vanna est déjà en préparation d’un projet qui devrait voir le jour avant la fin de l’année.

Tracklist :

1. Unforgettable (Vanna Orchestral Refix)
2. Passion Fruit (Vanna Orchestral Refix)
3. Mask Off (Vanna Orchestral Refix)

“Ash”, le deuxième album d’Ibeyi, ressemble à une invocation de la pluie et du beau temps, à un exutoire lové entre le souvenir hanté des jours passés et la rage de vivre le moment présent. Plus dansant, moins brut mais toujours aussi intense que leur premier opus, cet album réunit des collaborations aussi diverses que celles de Kamasi Washington, Meshell Ndegeocello, Chilly Gonzales et La Mala Rodriguez. Comme un moment de recueillement à plusieurs, il mélange les moments de grâces autotunés aux élévations spirituelles dépouillées.

Les deux sœurs franco-cubaines se ressemblent peu : elles se contredisent en riant, ont des opinions divergentes et l’on comprend vite qu’elles ont chacune construit un monde bien à elle. Lisa est bavarde, Naomi ne mâche pas ses mots. On les a écoutées s’accorder le temps d’une interview.

 

 

Vous avez passé beaucoup de temps sur scène avant de retourner en studio !

Naomi : On a tourné deux ans ! On est super contentes. Ça n’arrive pas à tout le monde et c’est une très bonne expérience.

Lisa : Oui, c’est long ! On a eu de la chance de tourner partout, et sur les cinq continents. On a pu voir comment notre musique était perçue par différents publics ; ça, c’était merveilleux. Bien sûr qu’on est fatiguées… Mais j’avais lu cette interview d’une vieille star du rock qui disait que si t’es pas fatigué, que t’as pas perdu ou pris 20 kilos, et que t’as pas envie de te mettre en boule et de pleurer chez toi, c’est que t’as pas fait ton boulot [rires, ndlr] ! Donc je pense qu’on a fait notre boulot… Mais c’était génial. En plus, on a fini en beauté en achevant notre tournée au Brésil.

 

Est-ce qu’on a le sentiment d’avoir des responsabilités en tant que jeune femme aujourd’hui au moment de retourner en studio ?

Lisa : C’est marrant mais ce moment de réflexion n’arrive pas entre la tournée et l’album. Il est là depuis le début et même depuis des années. On réfléchit entre nous et on parle des femmes et de ce qui se passe dans la société. Mais c’est vrai qu’on se rend compte qu’on a une responsabilité, comme toute personne qui est sur scène : la responsabilité d’être vraie, de donner notre vérité, quelque chose qu’on aime, sur quoi on a vraiment bossé et qui compte pour nous artistiquement. Et je pense que c’est ce qu’on a fait. On se pose souvent la question de savoir si on doit donner l’exemple en tant que jeunes femmes musiciennes, j’imagine qu’en quelque sorte c’est le cas…

Naomi : On n’est pas obligées, on ne se pose pas de questions.

Lisa : En fait, on ne s’impose rien mais on aborde des sujets qui nous sont chers, et pas simplement pour être à la radio, et même si c’est écrit pour la danse.

 

 

Ça vous avait manqué le studio ? Combien de temps a duré l’enregistrement ?

Naomi : On était vachement excitées d’y retourner. On adore Richard, notre producteur, et on adore notre studio, c’est un endroit qu’on connaît très bien. L’enregistrement a duré un mois et demi.

Lisa : On n’avait jamais arrêté d’écrire donc on avait hâte de créer un nouvel album. On savait qu’on le voulait plus uptempo : Naomi nous avait déjà dit qu’elle voulait quelque chose de plus hip-hop alors on avait vraiment hâte de travailler et de voir comment il allait prendre forme, se définir et naître.

 

« J’avais lu cette interview d’une vieille star du rock qui disait que si t’es pas fatigué, que t’as pas perdu ou pris 20 kilos, et que t’as pas envie de te mettre en boule et de pleurer chez toi, c’est que t’as pas fait ton boulot » – Lisa

 

Et toi Lisa, tu n’avais pas l’air tout à fait d’accord de prendre une direction hip-hop ?

Lisa : Non, ce n’est pas ça mais j’ai toujours l’impression qu’il faut que je calme Naomi sur son envie d’aller à l’extrême.

Naomi : Et c’est la même chose dans l’autre sens.

Lisa : Oui, on est vraiment deux pôles opposés. Le jour où j’ai envie de faire un album beaucoup plus introverti, heureusement qu’elle est là pour redonner un peu de vie à l’album !

 

Vous avez invité la rappeuse La Mala Rodriguez. Comment s’est passée cette collaboration ?

Naomi : On la connaissait parce qu’on a grandi avec elle. C’est une rappeuse espagnole qui a fait énormément de choses et qui est très connue en Espagne. On lui a demandé et elle a répondu le jour même qu’elle était partante.

 

Et toi Naomi, on va t’entendre rapper sur un de vos albums ?

Naomi : On sait jamais ! On verra [rires]

 

Est-ce que les rôles ont changé depuis Ibeyi : c’est toujours « Lisa la chanteuse » qui compose et Naomi qui s’occupe des rythmiques ?

Naomi : Toujours le même fonctionnement !

Lisa : Mais cette fois-ci Naomi chante énormément ! J’écris les chansons, je les travaille avec ma mère, puis Naomi s’occupe du rythme et on les travaille en studio.

 

 

Vous avez dit à plusieurs reprises vouloir créer votre propre son, ce qui était vraiment le cas dans le premier album. Comment a-t-il évolué dans Ash ? Est-ce que vous avez gardé un fil rouge ?

Lisa : Il s’est transformé…

Naomi : …Mais c’est toujours le même. C’est juste que la production est plus importante.

Lisa : Oui, l’essence est la même. La seule ligne directrice c’est que ça doit être à 100% ce qu’on est. Demain, on peut devenir un groupe de punk, mais seulement à condition d’aimer ça à 100%. Et puis quand même, on voulait quelque chose de plus fort, de plus « coup de poing ». On voulait que ça soit plus large et je pense que ça l’est.

 

« Me voy » va très loin dans le changement de style !

Naomi : À Cuba on n’entend que ça, il n’y a que du raggaeton !

Lisa : C’est assez naturel pour nous de le faire.

 

Et d’où vient cette obsession pour l’eau dans vos chansons ?

Lisa : Ça, c’est de ma faute [rires]… Je suis fille de Yemaya dans le panthéon Yoruba : c’est la déesse de la mer. Et depuis toute petite l’eau me fascine. Et donc ça revient partout apparemment !

 

En parlant d’océans, quelle influence ont eu vos voyages aux quatre coins du monde sur votre musique ?

Lisa : Plus tu entends, plus tu voyages, plus tu rencontres des gens, plus tu crées quelque chose de différent et de nouveau. On est des éponges. On chope l’information partout, et, d’ailleurs, pas que dans la musique. Écouter des albums pour faire un album, non. Il faut voir des expos, lire des livres…

Naomi : Oui, pour nous c’est « cultive-toi ».

 

 

Il y a des rencontres qui ont eu un impact esthétique sur cet album ?

Naomi : Esthétique je ne sais pas, mais qui ont compté pour nous, oui. Il y a eu Prince, qui était incroyable ! Il est venu nous voir jouer et on s’est très bien entendu. Et puis Beyoncé évidemment, avec qui on a travaillé l’an dernier. Sans compter Kamasi Washington et Chilly Gonzales, qui ont participé à l’album.

Lisa : J’ai aussi des gens du passé qui me viennent en tête. Par exemple, moi j’ai grandi en écoutant Asa alors la connaître pour de vrai c’est magnifique !

Naomi : Angélique Kidjo aussi…

Lisa : Oui, la voir sur scène c’est la meilleure école. Idem pour Meshell Ndegeocello qui est une des artistes qu’on a le plus entendue dans notre enfance : qu’elle accepte d’être dans notre album, en plus dans la chanson qui s’appelle « Transmission », c’était quand même un énorme cadeau.

 

« I wanna be like you », est une chanson d’admiration pour l’autre…

Lisa : Oui, en réalité c’est « I wanna be like Naomi » parce qu’on est opposées. Il y a des qualités que je lui envie !

Naomi : Et moi pareil !

 

« Rien ne change mais tout augmente. Notre ambition a toujours été d’être la meilleure version possible de nous-mêmes et 100% nous-mêmes. » Lisa

 

 

Il y a d’autres personnes à qui vous aimeriez ressembler ?

Lisa : Nos inspirations passées restent présentes et d’autres s’y ajoutent. Rien ne change mais tout augmente. Notre ambition a toujours été d’être la meilleure version possible de nous-mêmes et 100% nous-mêmes. C’est le plus dur. Bien sûr qu’on est inspirées par les gens mais on ne s’est jamais dit : « on va faire comme ». Par contre on aspirait à être aussi forte que, ou à un jour faire des chansons aussi belles que, mais en restant fidèles à ce qu’on est.

Naomi : Je crois qu’on n’a pas vraiment de « modèle », on fait ce qu’on veut.

 

Mais l’apprentissage est un des thèmes principaux de cet album. Pour Lisa, la salle de concert, c’est un genre de salle de classe rêvé…

Lisa : C’est sûr que si j’avais été prof, j’aurais fait chanter les élèves !

Naomi : Elle aurait fait une super prof.

Lisa : On a grandi avec notre père qui nous disait « écoute les anciens ». On croit en ça. On croit en la transmission.

Naomi : Oui, on apprend tout le temps. Du public vers nous et dans l’autre sens… On a imaginé le public pendant qu’on écrivait.

 

Qu’est-ce que vous cherchez à provoquer comme émotion chez vos auditeurs ? Une forme de recueillement, de célébration ?

Naomi : De la joie ! Il faut venir nous voir en concert, ça n’a rien à voir avec l’écouter chez soi ! Les gens ne ressentent pas la même chose. Ils chantent et ils dansent.

Lisa : Mais cette joie peut être teintée de tristesse et de nostalgie, ça n’enlève rien. On veut créer un truc électrique.

 

 

Vous pensez votre musique pour deux atmosphères différentes ?

Lisa : J’espère que les gens ont la même réaction chez eux. Les concerts c’est extraordinaire, personne ne se connaît mais tout le monde est connecté. Ce qu’on espère c’est que quand ces gens écoutent cet album, pendant 40 minutes, ils oublient leur quotidien et leurs problèmes. Si t’arrives à changer une minute de la vie de quelqu’un, t’as déjà tout gagné…

 

Vous chantez en yoruba, en anglais et en espagnol. Quand vous vous produisez dans différents endroits du monde, c’est important pour vous d’être comprises par le public ?

Naomi : Pour moi ce qui compte c’est l’énergie qu’on donne et qu’on reçoit, en plus le yoruba… y’a pas besoin de comprendre [rires] !

Lisa : Mais oui, ça te traverse !

 

Lisa, quand tu écris les paroles, est-ce qu’il y a des langues plus à même de signifier certaines choses ?

Lisa : La raison pour laquelle j’adore l’anglais c’est que c’est une langue très directe. J’aime ça et les artistes anglo-saxonnes que j’écoute sont très directes. Les paroles vont droit au but. Mais par exemple « Me Voy » c’est une des seules chansons d’amour de l’album, c’est très sensuel et… C’était tout de suite l’espagnol.

 

J’imagine que la réception de vos chansons et votre succès ne sont pas le même partout…

Lisa : Oui, à Cuba c’est plus charnel quand même !

Naomi : Comme au Brésil…

Lisa : Il y a un sentiment d’appartenance hyper fort. Les cubains sont fiers.

Naomi : Et nous on est fières d’être cubaines tout le temps !

 

 

C’est là-bas que vous vous sentez le mieux ?

Naomi : On a toujours deux parties de nous et Cuba c’est l’autre partie de moi. Je suis moi-même en France et à Cuba aussi… Mais d’une autre façon.

 

Et toi, Lisa ?

Naomi : Elle, c’est dans sa chambre !

Lisa : Oui, là où j’ai mon petit monde.

 

Et le studio alors ?

Lisa : Le studio c’est assez incroyable parce que quand tu écris une chanson que tu aimes c’est super, mais quand elle est produite, c’est une euphorie que je ne peux même pas te décrire ! T’as envie de sauter partout. C’est « godlike ». T’as créé quoi ! Et puis deux minutes plus tard ou le lendemain la chanson ne te plais plus, tu la trouves horrible. Mais les trois secondes que t’as passé à écouter pour la première fois la chanson complète c’est… [Elle laisse sa phrase en suspens]

 

Vous croyez au destin ? Est-ce qu’on peut dire que vous êtes des « Destiny’s Child » ?

Lisa : Je crois qu’on est chanceuses. Mais on bosse dur !

Naomi : Il y a beaucoup de taff… Je suis morte [rires] ! Il peut y avoir du destin et de la chance mais sans travail ça ne marche pas. Après, on a rencontré les bonnes personnes au bon moment et tout s’est aligné.

 

On voulait quelque chose de viscéral et en même temps je trouve que cet album arrive avec une espèce de vague de joie, d’énergie, d’espoir et de « hey let’s dance ! » Lisa

 

Le premier album était une présentation, celui-ci a tout d’un élan et d’une envie d’affirmer votre ambition.

Lisa : Il est de l’ordre du présent alors que le premier album était vraiment un album sur notre passé, nos bagages et nos deuils. Il était plus sage, plus discret. Cet album-là c’est nous maintenant et il montre où on peut aller. On voulait quelque chose de viscéral et en même temps je trouve que cet album arrive avec une espèce de vague de joie, d’énergie, d’espoir et de « hey let’s dance ! ». En effet, il y a un élan. Une énergie vers l’avant. C’est vraiment « boum, on est là ».

 

Laisser sa marque dans l’histoire, c’est important pour vous ?

Lisa : C’est marrant, moi j’y pense jamais ! D’un côté ça nous flatte, ça veut dire que ce que notre musique paraît assez « bold » [audacieux] pour penser qu’on aimerait rester dans le temps. On a juste envie de faire assez bien pour pouvoir faire un autre album, et puis un autre et puis encore un autre. Le but c’est la longévité. Surtout que cet album s’inscrit vraiment dans le moment présent et le partage avec les autres maintenant.

 

Vous semblez assez terre-à-terre parfois. Qu’est-ce qui vous fait rêver ?

Naomi : On ne peut que parler de ce qu’on a vécu. C’est plus simple. Mais ce qui nous fait rêver ? Plein de choses. On fait que rêver, nous !

 

Photos : @lebougmelo

Alors que Nike devient le nouvel équipementier de la NBA, Converse, l’une de ses filiales, célèbre l’événement en dévoilant un ensemble de 48 paires de Chuck Taylor habillées aux couleurs des équipes de basket américaines.

Les paires se divisent en 3 packs distinct: le premier, nommé Game Day, inclue les paires des 30 équipes NBA, chacune limitée à 250 exemplaires et numérotées. Le pack The Legend rend hommage aux 5 plus grandes équipes du basket US que sont les Boston Celtics, les LA Lakers, les Chicago Bulls, les NY Knicks et les Golden State Warriors, et ont leur histoire tricoté sur la semelle intérieure. Finalement, le pack Franchise met en avant 13 villes des États-Unis et sont faites pour ceux qui sont « fiers de représenter leur ville ».

Il faudra compter 100€ pour les Chuck Taylor du pack Franchise et 200€ pour celles des packs Game Day et The Legend. Ils seront disponible à partir du 29 septembre sur le site Converse.

 

 

Il y a quelques jours sortait ce rafraichissant court-métrage porté par une histoire d’amour étriquée. Mêlant photographies et vidéo , ce procédé astucieux apporte un certain rythme à la narration, épaulée par la dense voix de l’artiste londonien Crave Moore.

Nous avons donc interrogé Vladimir Baranovsky, scénariste et réalisateur de « Ousemane » quant à la genèse du projet ainsi que sa rencontre avec le rappeur anglais.

La Fashion Week, ses défilés, ses stars, ses photographes… Moment où le monde de la mode est en pleine effervescence et où les acheteurs, bloggeurs et autres « fashion journalistes » se pavanent dans leurs meilleurs outfits pour espérer se retrouver dans des magazines tels que Vogue ou Highsnobiety. Il y a même des stars, comme vous avez pu le voir dans mon Street Style à la Fashion Week Homme avec A$AP Rocky ou Russell Westbrook. Faire la Fashion Week est un véritable marathon avec une dizaine de show par jour, de 10h à 21h. Avec la fatigue vient aussi avec cette question ultra récurrente : “Encore ? C’était pas la Fashion Week déjà la semaine dernière ??”. Si, et je dois avouer que ça me surprend moi même : quand t’en a fini avec la mode Homme, la Haute couture s’enchaîne à peine une semaine après… Que ce soit le nombre de Fashion Weeks dans l’année, ses acteurs ou encore la différence entre Haute couture et Prêt-à-porter, toutes ces informations prêtent facilement à confusion. Du coup, j’écris cet article pour tout vous expliquer et vous aider à y voir un peu plus clair dans tout ça.

Défilé John Varvatos SS16 à la FW de New York

La Fashion Week se déroule principalement dans quatre villes, communément appelées le “Big Four”: New York, Milan, Londres et enfin Paris. Celle de la capitale française en est la plus importante car c’est la plus ancienne, et aussi, la seule à faire un défilé Haute Couture. Rassurez-vous, on y reviendra plus tard. Ces quatre villes ne sont pas les seules à avoir leur show, il y en a d’autres qui organisent des “petites” Fashion Week. Tokyo, Copenhague, Séoul, Berlin ou encore Tbilisi en Géorgie en organisent également, mais ces défilés ne se déroulent en général que sur deux ou trois jours. En dehors de la Fashion Week, il y a aussi ce qu’on appelle les Trade Shows comme le Pitti Uomo à Florence ou le “Who’s Next” à Paris. Ce sont des salons dans lesquels des marques exposent leur collection à de potentiels acheteurs ainsi qu’à des journalistes. Il est impossible d’y accéder si vous ne faites pas partie de l’une de ces deux catégories.

Haute couture, Prêt-à-porter, Mode Homme ?

Mais revenons au sujet principal : la Fashion Week. Tout d’abord, il faut savoir qu’il y a trois “types” de show pendant la semaine de la mode : la Haute couture, la mode masculine et le Prêt-à-porter.

La Haute couture est spéciale dans le sens où le nom en lui même est une appellation juridiquement contrôlée depuis 1945. Le label “Haute couture” est un gage de qualité délivré uniquement par le Ministre de l’Industrie, après une sélection faite par la Chambre Syndicale de la Haute Couture de Paris et selon des critères bien précis. Premièrement, il faut que chaque pièce soit réalisée à la main et sur-mesure, par une équipe de 20 personnes minimum, dans les ateliers de la maison. Ensuite, deux collections doivent être présentées dans l’année, lors du défilé haute couture, avec au minimum 25 nouvelles pièces par show. Enfin, il faut être inscrit sur le calendrier officiel des collections Haute couture en tant que “membre invité” depuis au moins quatre ans et être parrainé par une autre maison Haute couture.

Les “membres invités” (ils sont 15) se distinguent des “membres permanents” dans le sens où les invités ne disposent pas de l’appellation “Haute couture” mais seulement “couture”, et sont de nouveau créateurs français qui sont exposés dans des lieux moins connus.

Défilé Tournee De Transmission Fashion Week Londres SS18

Seuls les “membres permanents” (15) ont l’appellation “Haute couture”, mais ce titre ne dure qu’un an et chaque année, les marques doivent refaire une demande et sont sélectionnées ou non par la Chambre Syndicale de la Haute Couture Parisienne. Cette année, des labels comme Chanel, Dior ou Givenchy ont l’appellation, tandis que Valentino ou Versace n’ont pas été renouvelés pour 2017.

Une dernière catégorie, les “membres correspondants” (7), sont eux aussi invités à défiler pendant la semaine Haute couture. Ce sont des maisons de luxe étrangères sélectionnées par la Chambre Syndicale, elles aussi limitées à l’appellation “couture”.

Mais la Haute couture n’est que très peu rentable, même pour les grandes marques, avec des vêtements uniques qui coûtent en moyenne entre 10 000€ et 15 000 €. Il s’agit surtout d’une vitrine qui permet aux designers de montrer l’étendue de leur créativité et de leur savoir-faire. Si ces pièces luxurieuses sont réservées à une élite, le prêt-à-porter, en revanche, est orienté grand public et est la principale source de revenu des maisons de mode.

Défilé Margiela Haute Couture SS17

Beaucoup plus simple à comprendre que la Haute couture, le Prêt-à-porter (ou “PàP”) est la collection que l’on retrouve dans les magasins et qui ne sont pas des pièces uniques sur-mesure faites main. C’est au contraire des pièces faites en usines et destinées à une production de masse. La majorité des vêtements qui défilent sur un podium prêt-à-porter se retrouvent en magasin 6 mois plus tard. Si le prêt-à-porter est à l’origine plutôt orienté femme, il n’est pas surprenant de retrouver des hommes dans les défilé de PàP, ce qui apporte encore plus de confusion pour la différence entre PàP et mode masculine.

La mode masculine est le type de défilé le plus jeune des trois, puisqu’il n’existe que depuis 2012. La Fashion Week Homme est tout simplement du prêt-à-porter mais fait pour la gent masculine, même si on retrouve parfois des femmes lors des défilés. En résumé, la Haute couture c’est des pièces uniques faites main. Le prêt-à-porter, des pièces faites en usine et destinées à la production de masse pour femmes (même si certaines marques mélangent les genres). Et enfin la mode homme c’est du prêt-à-porter… pour hommes !

Nombre de défilé par an ? 

C’est une partie qui est difficile à comprendre pour les non-initiés (et parfois même pour les initiés d’ailleurs): la fréquence des défilés. Une année de Fashion Week se divise en deux saisons: automne-hiver et printemps-été, souvent abrégés SS (Spring-Sumer) et FW (Fall-Winter). Sachant ça, vous pouvez facilement faire le calcul et vous rendre compte qu’une marque qui possède l’appellation “haute couture” peut avoir jusqu’à six défilés par an, soit deux par catégorie. La Haute couture a lieu en janvier pour la saison printemps-été qui suit et en juin pour la saison automne-hiver qui suit. Par contre, c’est un peu différent pour le prêt-à-porter et la mode homme, accrochez vous. Le PàP a lieu en mars pour la saison automne-hiver qui suit et en septembre pour la saison printemps-été de l’année suivante. Enfin pour l’homme, c’est encore plus casse tête: en janvier on présente la collection automne-hiver de la même année et en juin, c’est la collection printemps-été pour l’année d’après. Pour donner un exemple concret, la Fashion Week Homme de janvier présentait la collection automne-hiver 2017 et celle de juin a présenté la collection printemps-été de l’année 2018.

Calendrier de la Fashion Week Femme Printemps/Été 2018

Dans les faits, aucune marque n’a six défilés par an, car cela coûterait beaucoup trop cher. Un défilé (le lieu, les mannequins, la gestions des invités, la logistique…) peut entraîner des dépenses allant d’une centaine de milliers d’euros à plusieurs millions d’euros pour les plus grosses marques. Du coup, des marques comme Gucci ou Burberry ont décidé de faire des défilés mixtes, pour des raisons pratiques et économiques.

Et une de plus ! Après que Gucci nous dévoile sa sneaker chunky « Apollo », c’est au tour du label suédois Acne Studio de coller aux tendances actuelles et de sortir une chaussure à la semelle épaisse. Nommée « Sofiane », cette paire est composée d’un upper vert menthe matelassé qui vient contraster avec les parties en daim vert, noir et marron. Les lacets désaxés rendent la paire encore plus technique et le tout est souligné par une semelle en caoutchouc marron.

Déjà disponible chez Très Bien, vous pouvez acheter la « Sofiane » d’Acne Studio pour 430€.

 

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce dimanche le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer une dernière fois les meilleurs looks de la soirée.

Instagram : @alextrescool

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

Le dernier épisode de 93 Days Of Summer nous présente un jeune réalisateur, Luchino Gatti, déjà à l’origine de plusieurs courts-métrages sur la banlieue. Avec beaucoup de sincérité, il nous raconte son histoire pleine de créativité et de détermination.

T’as grandi où ?

J’ai grandi à Soisy, une petite ville tranquille de banlieue. s/o les Noëls, les crapauds, la centrale.

C’était comment de grandir là-bas ?

Ben moi j’ai fait de la boxe jusqu’à devenir sportif de haut niveau donc je passais tout mon temps au sport. Je sortais du collège et je ne trainais jamais avec mes potes, j’allais direct à l’entraînement. J’ai fait Champion de France en 2009 et après j’ai été sélectionné en équipe de France. J’ai beaucoup voyagé grâce à ça, Championnats d’Europe en Pologne, tournois internationaux en Allemagne, en Sibérie, en Pologne ou à Cuba…

Tu as pris ce qu’il y avait à prendre ?

En vrai il n’y avait rien à prendre ahah! Une fois j’ai gagné une prime pour un combat en Allemagne, j’ai gagné 80 euros… Je m’entrainais deux fois par jour, je passais toutes mes vacances scolaires à l’INSEP, j’étais formé pour le charbon.

 


J’écris avec mes sentiments, c’est que du vrai, du réel, c’est sincère, c’est énervé. Et au sens large, je pense que dans tout ce qu’on entreprend, il faut être sincère sinon ça ne marche pas.


 

Du coup, comment t’es tombé dans le cinéma ? 

Au début on m’appelait souvent pour faire le boxeur dans des courts métrages et moi je kiffais ça, s/o a mes frérots Aswed et Miro. À un moment où je commençais à comprendre que j’allais nulle part avec la boxe, j’étais en STAPS et je n’étais pas heureux donc j’ai décidé de passer un concours pour rentrer à la Cité du Cinéma. Ils ne demandaient pas de diplôme, il fallait surtout être passionné et débrouillard. J’ai réussi les 3 épreuves d’admission et j’ai été accepté dans l’école. DETER.

Donc là tu en es où ?

Là j’ai fini mes études et c’est pendant ma première année que j’ai réalisé Dead Boy et Bois d’Argent. Le dernier, PE$0, qui est toujours en post-production, c’est mon film de fin d’étude. Il était censé faire 10 minutes. Il y avait pleins de règles et moi j’avais déjà fait des projets plus long donc je n’en ai fait qu’à ma tête, j’ai fait 35 minutes. Le jour de la projection, j’ai coupé à 10 minutes puisqu’ils voulaient 10 minutes et les gens dans la salle ils n’ont pas compris, ils étaient choqués et ils voulaient la suite.

Est-ce que tu écris et quelles sont tes inspirations ?

Oui, j’écris et quand je le fais je parle de ce que je ressens, de mes sentiments. Ce n’est pas forcément ce que j’ai vécu, mais le sentiment que le film véhicule, c’est ce que j’ai dans le bide. J’écris avec mes sentiments, c’est que du vrai, du réel, c’est sincère, c’est énervé. Et au sens large, je pense que dans tout ce qu’on entreprend, il faut être sincère sinon ça ne marche pas.

Comment est-ce que t’arrives à être créatif ?

Pour moi, le processus créatif c’est une vraie introspection. C’est un voyage à l’intérieur de soi-même. Pour aller chercher tout ça et comprendre mes émotions, je médite pas mal, ça m’aide à comprendre dans quelle direction je dois aller. Ça m’aide aussi à comprendre pourquoi j’suis aussi paro ahah.

 


J’ai fréquenté des voyous, des sportifs, des mecs de cité, des pauvres, des riches, des gitans en caravane, des rebeus, des renois, des chinois, et ce sont des gens que je ne vois pas au cinéma et ça me rend fou. Et des fois quand je cherche un film énervé, le genre de film qui met tout le monde d’accord, et ben il n’y en a pas assez, voire pas du tout.


 

Est-ce que tu te sers de ce que tu as appris dans le sport ?

Franchement la boxe ça a construit ma vie. C’est difficile de trouver une boite de production, moi j’en ai trouvé une et c’est parce que je suis déterminé. Le sport c’était très dur et ça m’a forgé pour la suite. La boxe m’a aidé à devenir ce que je suis. Charbon vie. On lâche rien.

La banlieue c’est un thème récurrent dans tes projets, pourquoi ?

Parce que j’ai grandi là-bas. J’ai fréquenté des voyous, des sportifs, des mecs de cité, des pauvres, des riches, des gitans en caravane, des rebeus, des renois, des chinois, et ce sont des gens que je ne vois pas au cinéma et ça me rend fou. Des fois quand je regarde le cinéma français et que je cherche un film énervé, il n’y a rien qui m’intéresse. Tu vois, le genre de film qui met tout le monde d’accord, et ben il n’y en a pas assez, voire pas du tout. Mais t’inquiète, on a la recette, on attend dans l’ombre, prêt à tout niquer.

 


Franchement la boxe ça a construit ma vie. Le sport c’était très dur et ça m’a forgé pour la suite. Ça m’a aidé à devenir ce que je suis. Charbon vie. On ne lâche rien.


 

À ton avis, pourquoi les films charnières sur la banlieue, on parle de La Haine ou Ma 6-T Va Crack-Er par exemple, datent des années 90 ?

Ben il y a Divines qui a bien abordé le sujet récemment mais sinon il n’y a rien. Mais je pense que la nouvelle génération va apporter du changement. Aussi, maintenant que je suis un peu dans le monde du cinéma, je me rends compte que c’est très fermé. J’ai l’impression que c’est comme le système, si tu ne mets pas un kameha dedans, rien ne va changer.

C’est plus difficile de réussir dans le cinéma que dans d’autres disciplines ?

Dans le cinéma, pour faire un film par exemple, il faut de l’argent. Le dernier que j’ai fait, PE$0, il m’a coûté 10.000 euros, mais si tu fais un devis officiel, il coûte 150.000 euros. Même si tu bikraves c’est mort ahah! Pour faire ce film, j’ai demandé à toute ma famille, à tous mes frères, j’ai mis mes tripes et toutes mes économies! Tout est vrai, dans le fond et dans la forme. Dans PE$0 c’est mon frère Fabio, qui est aussi acteur, qui a le rôle principal. Le second rôle c’est un bon pote à moi, Sandor, et tous les autres ce sont des frères. On a tourné dans des cités où t’es obligé de connaître des gens pour rentrer, il n’y a que du vrai.

Tu l’as montré à tes proches ce film ?

Oui et il fout mal à l’aise, il rend paro à fond. C’est bon signe, ça veut dire qu’il est bien fait. Mais quand je le montre, mon coeur il bat à 100 à l’heure, parce que même s’ils ne le savent pas, ce sont des morceaux de ma vie que j’ai mis dedans, et c’est aussi ça qui lui donne du caractère. Les gens ne vont pas forcément faire le lien mais pour moi c’est très fort.

D’ailleurs, pendant le montage c’était compliqué parce que je voyais des scènes jouées par des acteurs s’étant approprié des sentiments que j’ai ressenti et ce sont des émotions violentes qui me font mal. C’est comme si tu écris une histoire en pensant à un proche qui est mort et à chaque fois que tu revois cette scène, tu repenses à lui, ça fait très mal.

Quelles sont les prochaines étapes pour toi ?

Là je vais boucler PE$0. Ensuite j’ai un autre scénario en pré-production. Mais maintenant c’est plus simple parce que j’ai une boite de prod, les budgets seront différents et je pourrais payer mes acteurs ahah ! Ekip a fond. Ça va tout changer.

T’as quel âge ?

J’ai 26 ans. Je me revois encore à 20 ans en train de rouler dans ma twingo, la musique à fond dans le rues de ma ville hahaha s/o Scurfy. Et maintenant j’écris ce que je vivais à cet âge là, c’est bizarre.

Enfin, je voudrais faire un grand grand s/o au Sachet2Thé, à Steven, Tidjan, 667, Norsace Berlusconi, le Freeze, le Shak, et à tous les gens qui me boostent, s/o a tous les quartiers de Soisy. EKIP À FOND.

 

BOIS D'ARGENT

JAMAIS PERDU MES COUILLES DEPUIS 91, C'EST PAS AUJOURD'HUI QUE CA VA CHANGER. POUR LA FAMILLE, POUR LES VRAIS. BENEF, BENEF.LE RESTE JE M'EN BAT LES COUILLES.BOIS D'ARGENTAVRIL 2016.SOISY/ASNIERE.VOICI MON ÉKIP FILS.LUCHINO GATTI.

Publié par Bois d'Argent sur mercredi 20 septembre 2017

Instagram: @luchinogatti

Plus que quelques jours avant le concert « Paris L.A. Bruxelles » de la Red Bull Music Academy Paris ! Le concept : une dizaine de rappeurs français et belges ont été invités à poser sur les productions du légendaire The Alchemist, venu en visite à Paris pour l’occasion.

Une première rencontre qui a posé les bases du projet et qui en appelle une suivante, sur la scène du Trabendo, où les rappeurs se produiront sur scène épaulé par le producteur. En attendant le concert, on vous invite à découvrir la mixtape.

La première interview fut celle de la première rencontre, de l’éclosion, la révélation d’un jeune rappeur. À l’époque, son prénom et son âge sont encore des infos précieuses qu’il omet volontairement de dévoiler. La seconde fut celle du premier opus, du début des enjeux et de la confirmation. On sent alors en lui plus d’aises, une confiance boostée et l’envie de gagner peut-être définitivement sa place dans le gotha du rap national. Pour cette troisième rencontre, c’est un artiste artistiquement libéré qui semble se trouver en face de nous. Au cours des derniers mois, Niska a enchaîné les tubes en arrosant de manière régulière avec des morceaux comme « Commando », « Chasse à l’homme », ou « B.O.C ». Avant d’inonder notre été avec « Réseaux », peut-être son plus gros succès solo depuis « PSG Freestyle ». Le rappeur ne semble jamais plus efficace que quand son art se crée sans calculs (apparents). Paradoxalement, la folie créatrice du natif du 91 semble proportionnelle à la rigueur que l’homme applique dans sa vie de tous les jours. Comme s’il fallait compenser pour équilibrer sa vie et assurer une réussite qui lui ouvre à nouveau ses portes, la veille de la sortie de son second album. Un mélange de folie et de raison. C’est peut-être finalement ça, être un Charo.

On peut constater que dans ta jeune carrière, tes plus gros tubes ont souvent été frappé par le sceau de la viralité, élément très difficile à maitriser. Chacun dans leurs styles différents. On peut notamment citer « Maître Simonard », « Sapés comme jamais », et aujourd’hui « Réseaux ».

Déjà, moins c’est prévisible, plus c’est jouissif. Chaque fois que je sors un son sur YouTube, personne ne peut prévoir son succès. Surtout un morceau comme « Maître Simonard », c’est pas possible de l’anticiper. Pour « Sapés comme jamais » c’était plus prévisible. Dans ma position, ce qui était moins attendu, c’est le fait d’avoir été appelé pour ce featuring. « Maître Simonard » est un morceau assez street, pas de sonorité pour vendre, ce n’est pas commercial. Dans ce genre de morceau, je suis dans mon univers et je ne cherche pas forcément à évangéliser ma musique. « Réseaux » aussi, ça reste du 100% Niska, ce sont les mêmes dynamiques. Mais je n’anticipe jamais les tubes potentiels.

On a l’impression qu’après la sortie de Charo Life et de Zifukoro, il y a systématiquement une certaine période d’incompréhension due aux diverses critiques, sur la direction artistique, la pochette, les ventes… Du coup, d’un oeil extérieur, tu peux sembler être en perpétuelle phase de reconquête, sortie après sortie.

Au début je le vivais mal. Je me disais que c’était injuste, j’essaie de faire mon truc ; ok il y a des morceaux qui marchent et d’autres un peu moins bien. Je me suis demandé pourquoi on m’en demande toujours un peu plus. Mais au final et avec le temps, j’aime bien cette situation car si les gens me demandent ça, c’est qu’ils en attendent plus de moi. Ils décèlent quelque chose que je devrais exploiter mais que je ne fais pas encore. C’est ce qui me fait repartir en studio en mode revanchard, ça me pousse à travailler mon flow, à écrire et à leur apporter ce truc qu’ils veulent. Tout en restant moi-même. Et c’est peut-être sur cet album qu’ils trouveront ce qu’ils veulent. Ou peut-être pas et dans ce cas on visera ça pour le prochain projet. Mieux vaut avoir cet état d’esprit que de se dire basta et passer à autre chose. Le public boude mais attend toujours ce que tu fais et quand tu ressors un autre truc ils sont encore là, ils sont contents. Donc au final, je l’aime bien cette situation… j’ai appris à la comprendre et à l’apprécier.

« Le mec qui s’est intéressé à Niska grâce à « Matuidi Charo » et qui n’a plus écouté ensuite, se dira qu’il y a une évolution en écoutant « Réseaux ». Je pense que ma fanbase aime que je prenne ce genre de risques. »

Niska

Sur le moment, quand cela arrive, quel sentiment éprouves-tu exactement ?

Sur le moment… Sur un Charo Life, je viens d’arriver et je ne connais rien, donc ça me ronge. Mais sur Zifukoro ce qui m’a apaisé c’est que le disque d’or est arrivé assez rapidement. Malgré cela, je me dis intérieurement qu’on peut faire mieux, musicalement. Sur Charo Life, ça m’avait plus touché. Mais avec le temps on arrive à comprendre et je me dis que les gens ne sont pas là pour me critiquer ou me vouloir du mal, ils veulent juste de la bonne musique. Il n’y a pas d’autre coupable que moi si le public n’est pas aussi réceptif. Les mecs critiquent ce que je leur donne. Par exemple, pour la cover de Charo Life, c’est moi qui l’ai pensé comme ça, c’était instinctif, je l’ai faite dans ma cité. L’accueil de la pochette a été mitigé et ça nous a poussé à faire mieux par la suite.

On a l’impression que tu es plus relâché créativement parlant, moins sous pression.

C’est peut-être un truc que j’avais remarqué sur le précédent album. Zifukoro était mieux réalisé mais avait moins ce côté décontract’. Un peu comme si je voulais montrer que je savais rapper. Après les critiques j’ai réécouté l’album et je me suis dit qu’il fallait peut-être que je me relâche un peu, que je me fasse juste kiffer musicalement. Du coup cet album est un peu plus décontracté. Je suis plus naturel mais cela va de pair avec mon état d’esprit. Le Niska de ce nouveau projet est le Niska que je suis tous les jours. J’ai beaucoup d’autodérision et j’essaie de retranscrire cet état d’esprit dans les différents morceaux de Commando. En général mes morceaux les plus aimés sont ceux où je suis le plus décontracté, tout simplement. Après je tente aussi d’écrire des choses où je me prends un peu plus la tête. Mais au final les gens veulent un Niska simple, qui puisse les faire danser et rire mais qui sait aussi être street comme dans « Chasse à l’homme« .

Par rapport à Zifukoro où tu t’es dispersé en allant un peu toucher d’autres univers musicaux, aujourd’hui tu veux aller plus loin, mais dans ton style de prédilection.

C’est exactement ça ! Tu ne peux pas maîtriser quelque chose que tu ne connais pas. Sur Zifukoro j’essayais de m’ouvrir sur des styles que je ne maîtrisais pas. Ce n’était pas réellement du Niska. Là sur Commando je veux m’épanouir sur du Niska, avec mes propres mélodies, mes propres instrus; tous ces éléments que j’utilise d’habitude pour les rendre populaire. Cette notion est importante et se différencie du concept qu’est la musique populaire ! C’est là que réside la différence.. Avec mes propres ingrédients, rendre la musique populaire et pas l’inverse.

Tu disais il y a peu, vouloir travailler avec des artistes différents en citant David Guetta, notamment. Ce n’est pas un peu paradoxal ?

Mais pourquoi ne serait-ce pas eux qui s’ouvriraient à moi ?!  David Guetta et moi pourrions trouver un terrain d’entente, non ? Au final il fait de la musique « ambiançante », moi de même. Vu sous cet angle, trouver un terrain d’entente semble plus facile. Je n’ai pas spécialement besoin de faire du ‪David Guetta pour que ça marche. On peut ramener nos univers respectifs sur un seul et même titre.

« Zifukoro était mieux réalisé mais avait moins ce côté décontract’. Un peu comme si je voulais montrer que je savais rapper. Après les critiques, j’ai réécouté l’album et je me suis dit qu’il fallait peut-être que je me relâche un peu, que je me fasse juste kiffer musicalement. »

Niska

Le succès et les tournées t’éloignent du quartier, qui est une source d’inspiration principale dans ton rap et dans les thèmes que tu aimes aborder. Comment parviens-tu à trouver le bon équilibre et la parade pour rester connecté ?

Déjà, je suis assez jeune. Donc même si je voulais quitter la cité et découvrir un autre mode de vie ça serait compliqué car il y a toujours ce truc qui me rapproche du quartier. Je suis jeune et je n’ai probablement pas vécu tout ce que le quartier avait à m’offrir. J’ai toujours mes potes qui sont là-bas donc c’est facile de s’y retrouver. Et puis mon lifestyle n’a pas vraiment changé. Dans mes textes il y a certains trucs qui viennent encore de la cité, c’est certain. Après il y a d’autres choses que j’apprends ailleurs, comme le morceau « Snapchat » qui m’est venu en showcase. Mais la majorité des délires continue de provenir de mes potes ou de la cité et c’est ce que je retranscris dans mes morceaux. Je le vis bien. Je pense agir et me comporter comme il faut. Ça veut dire que je ne suis pas non plus H24 à la cité. J’y suis de temps en temps et je m’y ressource quelques fois, avec la famille notamment. J’essaie de me ressourcer dans chacun de ces espaces. C’est vrai que j’ai moins les éléments de la rue maintenant, mais le truc est en moi man [rires, ndlr] ! Ça veut dire que même si je n’y suis pas, je sais ce qui s’y passe.

Avec ton statut grandissant, tu dois aujourd’hui prêter une attention plus accrue sur les collaborations ou partenariats en tous genres. C’est quelque chose auquel tu penses un peu plus ?

Bien sûr, car la moindre erreur peut te nuire. Tu peux vite passer de l’autre côté en une erreur de carrière. Il faut faire attention. Pour que ça puisse glisser il faut faire le plus de choix possibles avec le feeling. Le plus important est de passer un bon moment, que ce soit en featuring ou en interview. Quand tu vises un morceau commercial, en général cela ne marche pas.

Comment tu arrives à te motiver perpétuellement et repartir avec toujours plus d’énergie, et ce à chaque fois ? Qui sont tes inspirations au niveau de cet état d’esprit ?

Je m’étudie à la lettre ! Chaque projet que je ferais jusqu’à la fin de ma vie comportera des erreurs et il manquera toujours un truc. J’écoute ce que je fais à la mort, j’analyse les erreurs et j’essaie de les corriger. Je pense que c’est ça la véritable recette. Moi j’aime bien les winners, des mecs comme Mayweather, ou encore Booba, pour tout ce qu’il a fait dans le rap français. Migos aussi, pour la façon dont ils sont revenus. Je m’inspire aussi des sportifs comme Ronaldo, R9, qui gravement blessé au cours d’une saison revient en coupe du monde 2002. Paf ! Paf ! Paf ! Zidane qui revient en équipe de France après sa retraite… C’est lourd ! Ce sont des mecs comme ça qui m’inspirent. Ce sont des gars qui ont connu des coups de mou mais qui sont revenus beaucoup plus fort.

Tu as trois collaborations sur Commando, dont deux avec des pointures du rap hexagonal : Skaodi, Booba et MHD. Quel message se dissimule derrière ces choix ?

Le message, c’est qu’on bosse en famille. Skaodi c’est le pote avec qui j’ai commencé la musique donc c’est normal que je bosse avec lui. Booba on a pu se rencontrer et discuter plusieurs fois, il y a une certaine affinité qui s’est créé. Pareil pour MHD même si on ne se connait pas depuis longtemps. Parfois la durée ou le temps importe lors de l’initiation d’une relation. Une rencontre peut suffire et c’est ce qui s’est passé. Le feeling est passé et on a fait le morceau, aujourd’hui on est deux personnes qui s’entendent très bien. Le morceau avec MHD je l’avais fait assez tôt, c’est un des premiers morceaux que j’ai fait pour l’album. À la base je voulais faire un album sans collaborations. Mais la vérité c’est que le morceau était bon alors je l’ai mis dans Commando. Avec Booba on s’est retrouvé en studio à Miami et on a fait le morceau au feeling. Trois collaborations suffisaient parce que je voulais vraiment faire un album centré sur mes capacités et mon travail. Sur Zifukoro, j’avais beaucoup de feats. Là je voulais vraiment mettre mon identité en avant.

Qu’en est-il de ta relation personnelle avec Booba. Depuis “MLC”, il semble y avoir eu un vrai rapprochement musical et relationnel entre vous.

Booba est un acharné comme moi. Au final quand je regarde sa manière de bosser ou quand je discute avec le mec, je me rends compte qu’on a beaucoup de choses en commun : nous sommes des acharnés et on aime ce que l’on fait. C’est là où on se rejoint, on donne du temps et de l’amour à notre travail. Tu sais ce qui m’a le plus choqué chez lui ? C’est sa simplicité. Avant, quand on te parlait de Booba, on pouvait entendre certaines remarques qui n’étaient pas forcément flatteuses. Même avec de l’appréhension tu ne sais pas comment l’artiste peut réagir face à toi. Ça reste quand même un mec qui a fait 20 ans dans le rap et que les gens respectent de ouf. Tu peux te dire que le mec est froid ou hautain, mais non. Il est grave simple en fait. Oui vraiment, c’est ce qui m’a le plus choqué.

Vous participez tous les deux à ce nouvel élan qui se veut moins porté sur l’égo exacerbé qui caractérise le rap français, un peu comme le montre ton rapprochement avec MHD alors que pas mal de personnes ont essayé de vous opposer, a priori.

Au final c’est de la musique. Pourquoi être dans un état d’esprit négatif et se dire « je l’aime pas lui » ? On ne se connaît même pas ! MHD je lui avais envoyé un message et d’ailleurs je ne sais plus la raison pour laquelle je suis rentré en contact avec lui. Mais au final quand je l’ai rencontré le feeling est bien passé. Tu peux te faire des idées, croire des choses mais on reste des mecs du même âge. Moi, j’ai pas d’égo tant que le feeling passe. Après si je ne connais pas la personne je vais être un peu plus réticent parce que je ne sais pas comment le mec va gérer sa carrière, comment il est, ou si je vais passer un bon moment avec lui pendant le featuring. Si je vois que le mec est comme moi et qu’on a la même mentalité alors pas besoin d’avoir d’égo, c’est direct. Mais si le mec est un peu relou, un peu hautain, on ferme les portes. Quand t’aimes bien quelque chose tu veux le montrer à tout le monde. Un jeune artiste que je ne connais pas mais dont je kiffe le son, je le montre aux autres. C’est pareil avec les featurings. Pour MHD j’ai envie de montrer aux gens qui m’écoutent qu’il est de la famille, qu’il est lourd. Quand j’aime bien, j’aime partager.

Tu n’as pas peur qu’avec ton statut mainstream grandissant, il y ait un risque que tu deviennes un homme-sandwich du rap français comme ont pu le devenir d’autres avant ?

Mon objectif n’est pas de devenir un homme-sandwich, loin de là. Si on me dit qu’aujourd’hui je suis devenu mainstream, je veux bien. Mais la question c’est comment je suis devenu mainstream ? Avec quel type de morceau ? Aujourd’hui quand t’écoutes « Réseaux » et que tu aimes Niska, tu ne te dis pas qu’il est devenu mainstream, qu’il va nous lâcher ou qu’il nous a fait une « Zumba » comme ils disent sur Internet. Ça reste du Niska. Si je deviens mainstream avec ce type de morceaux-là, alors pas de soucis. Je sais que je ne perdrais pas ma base de fans car elle s’y retrouve. Un mec du « bando » écoute aussi bien « Réseaux » qu’un mec qui n’a rien à voir avec la rue. Et je ne vais pas aller sur n’importe quel plateau TV faire n’importe quoi. Ce n’est pas ma vision des choses. Je sais d’où je viens et je vais resté concentré là dessus. Je ne suis pas dans un truc où il faut qu’on me voit partout et que ma musique doit être partout. Le plus important, c’est que ma musique reste authentique.

Tu sens un réel changement dans tes rapports aux gens depuis ton succès ?

Avec certaines personnes, oui. Mais ce sont des personnes qui me connaissent de loin, qui doivent avoir des aprioris et se dire que j’ai changé. Certains vont se mettre plus en retrait. D’autres vont plus me coller pour avoir l’impression d’être dans le bateau, mais ce sont des personnes qui ne sont pas réellement dans mon entourage. Il n’y a pas réellement de changements dans mon entourage proche. Ils sont les mêmes avec moi et j’essaye d’être le même avec eux. C’est très important pour moi d’avoir le même confort de vie et le même confort psychologique. Changer d’équipe c’est synonyme de nouveauté, de nouveau départ. Donc j’évite. En dehors de ça, il y a plus de respect envers moi, mais cela va de soi. Nous sommes là depuis trois ans maintenant, les gens ont beaucoup entendu ma musique et à force de nous voir et de nous entendre, le respect s’est installé.

« Après la première mixtape Charo Life j’ai eu l’impression qu’on s’acharnait sur moi, que tout le monde m’en voulait et était contre moi, mais en fait non. C’est plus tard que j’ai compris. Il y avait peut-être des choix que j’avais mal fait et l’avenir m’a donné raison. »

Niska

As-tu connu des moments de doutes au cours de ces dernières années ?

Pour être honnête avec toi… peut-être après la première mixtape Charo Life. J’étais tout neuf et j’ai eu l’impression qu’on s’acharnait sur moi. On aurait dit que tout le monde m’en voulait et était contre moi, mais en fait non. C’est plus tard que j’ai compris. Il y a peut-être eu des choix mal négociés, mais finalement l’avenir m’a donné raison. À ce moment-là il faut des gens solides autour de toi, c’est vraiment important. Il faut que les gars autour de toi soient solides, te montrent qu’ils ont confiance en toi. Si les mecs autour de toi s’apitoient avec toi, c’est sûr que ça va couler. Vous irez dans tous les sens. Mais s’ils ont confiance en toi, tu reprendras confiance aussi. Très vite on va te faire comprendre que tu n’es pas le plus nul. Et je pense que ma force s’est manifesté à ce moment là, peu de temps après le premier projet. Ils ont cru en moi et m’ont fait croire en moi.

On parle beaucoup d’hypocrisie dans le rap, mais on a l’impression que tu as trouvé la parade avec ton entourage.

Notre posture nous permet d’éviter les parasites. « Que la famille » comme le dit très bien PNL. Ça évite les histoires de mecs infiltrés qui viennent et qui partent pour ensuite mal parler. Plus t’es discret et plus t’es dans ton coin moins il y aura de choses à régler et moins d’hypocrisie. Après dans ton entourage, il faut savoir s’entourer de personnes qui savent rester à leur place. Cela veut dire que demain le mec de la sécu ne peut pas devenir rappeur. Chacun doit rester à sa place et être le meilleur dans son domaine. Si t’es dans la sécu il faut que tu sois la meilleure sécu des rappeurs ; si demain t’es mon backeur il faut que tu deviennes le meilleur backeur ; si t’es manager tu dois aspirer à être le meilleur manager.

Est ce que ton entourage intervient dans tes choix artistiques, notamment avec un droit de regard voire un droit de véto ?

Avec moi ?! [rires] Mais mes potes sont des gros bâtards ! Ils sont méchants. Des fois ils vont me faire écouter des morceaux d’autres rappeurs qu’ils vont trouver bons et juger certains des miens nuls. Je leur dis : « Vous êtes des bâtards quand même, le son est plus nul que le mien et vous me dites ça ? » C’est ce qui est bien entre nous, on se dit vraiment la vérité. Dis-toi bien qu’à chaque projet que je sors je fais au minimum 40 ou 50 sons. Tout peut partir à la poubelle, car il faut mettre tout le monde d’accord et c’est dur. Parfois t’es pas d’accord, tu n’aimes pas le sonorité mais il y a quand même quelque chose, alors je fais tester à tout mon entourage. Ils sont grave stricts, je sais qu’ils ne vont pas me mentir.

A priori tu étais sceptique à propos du morceau « Réseaux ». Qu’est ce qui a fait pencher la balance ?

C’est le daron ! Quand j’ai fait écouter le morceau à mon père, il m’a dit qu’il le trouvait lourd, je me suis dit que ce n’était pas possible. Il ne peut pas me dire ça, pas lui ! [rires] Comment mon père peut-il me dire que le morceau est lourd ? Papus [son manager] me dit que le morceau est lourd, tu vas en maison de disques les gens se mangent le morceau tu te dis « Ah ! Il est peut-être plus lourd que ce que je pensais. » Et là tu te dis : « Je vais faire le test final je vais faire écouter au daron. » À la fin du morceau il te balance un « remets-le-moi » et il te dit que c’est le meilleur son que t’as fait de ta vie !

L’élément déclencheur, c’est lui. Quand il a validé, je me suis dit que coûte que coûte, il faut que je le sorte. 60 ans et il me dit que le morceau est lourd ! Et mon père, ce n’est pas l’école du rap du tout ! Aujourd’hui il en écoute un peu plus parce qu’il voit mes clips et il essaye de comprendre un peu. Il a capté que ce n’était pas de la musique tribale, qu’il y a un message et que c’était de la musique à part entière. Donc aujourd’hui quand il valide un morceau je peux lui faire confiance. Mon père était dans la musique avant, il en a fait pendant longtemps étant plus jeune donc je ne parle pas au premier venu et je sais qu’il me dit pas ça pour me faire plaisir. Même s’il y a des morceaux comme « Chasse à l’homme » qui ne sont vraiment pas pour lui et qui ne lui parle pas. Mais quand il écoute un truc mélodieux et qu’il accroche, tu peux faire confiance à son oreille.

Quelle relation entretiens-tu avec tes parents ? À quel niveau sont-ils investis dans ta carrière ?

Ce sont mes supporters numéro un ! Ils sont plus connectés que moi ! Ils sont dans l’ombre mais jouent un grand rôle au niveau de mon comportement et de la façon dont je garde la tête froide… sur tout en fait ! Même dans cette période de doute artistique où j’ai moins cru en moi, tu peux être sûr qu’ils vont être là pour me dire d’aller au charbon. Après comme tous parents, ils aiment bien voir les trucs en très grand, assez vite. Mais je pense qu’il faut savoir bien discuter avec eux et leur dire les bonnes choses. C’est-à-dire que « businessment » parlant, je suis arrivé là où je suis avec mes associés de travail, je n’y suis pas arrivé avec mes parents donc il faut que tout le monde connaisse ses prérogatives et s’y tienne. Tu veux que je réussisse ? Pas de soucis, ne t’inquiète pas. Aujourd’hui j’en suis arrivé là et dans un sens vous n’étiez pas là, vous n’avez pas pris part au truc. Il faut juste qu’ils aient confiance et me laissent faire.

Est ce que la paternité a changé quelque chose dans ton comportement et ta façon de voir les choses ?

Ça ne changera pas ma façon de rapper parce que demain mes enfants sont libres d’écouter ce qu’ils veulent. Si ça se trouve ils n’écouteront pas ma musique et même s’ils n’écoutent pas du Niska mais plutôt un autre rappeur, ce sera le même message. Il faut juste qu’ils comprennent que c’est comme un film. Nous sommes acteurs de quelque chose et si demain j’ai le comportement qu’il faut avec eux, ils sauront parfaitement dissocier ces deux univers. Par contre, si je fume un gros bédo devant mon fils, parler de certaines choses, vendre de la drogue, tenir des armes, là c’est autre chose. C’est sûr que le gosse je vais le gâter… Je préfère avoir une relation père-fils normale et quand tu me vois à la télé, tu sais que c’est juste du travail. Aujourd’hui que mon fils kiffe « Réseaux » ça ne m’embête pas. Si ce n’est pas par moi qu’il écoute, ce sera par un autre moyen.

« À la fin tu regardes tes médailles et tu te dis que t’as eu tout ça, c’est lourd. Ce sera un plaisir demain de pouvoir les mettre chez moi ; que les enfants les voient et qu’ils se disent que leur père a fait tout ça. C’est la culture de la gagne frère ! »

Niska

Tu penses déjà à pérenniser ton avenir et fructifier ton succès dans le rap en t’investissant ou investissant dans d’autres domaines ?

Bien sûr, c’est dans un coin de ma tête parce que la musique c’est éphémère. Je suis peut-être aujourd’hui dans les meilleures années que je vais vivre. Ou pas d’ailleurs. Tout cet argent que je gagne, c’est bien mais par contre il faut que ça dure. Donc il faut investir, diversifier ses portes-feuilles, etc. Mais il faut bien le faire, sans se précipiter, ne pas acheter juste pour acheter. Cela doit être fait correctement pour aller le plus loin possible dans le domaine que tu investis. Si demain je suis dans l’immobilier, il faut que je sois dans l’immobilier pour de vrai. Cette idée de prendre un appart cash parce que tout le monde t’a dit qu’il fallait investir dans la pierre, ce n’est pas la vision de l’évolution que je me souhaite. J’ai envie d’avoir les fonds nécessaires pour investir dans 20 appartements, j’ai envie de voir les choses en grand mais pour ce faire, les choses doivent se faire avec patience et méthodologie.

A l’époque de tes premiers succès, tu passais un diplôme d’éducateur spécialisé. Tu repense parfois à cette époque et aux choix que tu as dû faire à ce moment-là ?

Ouais bien sûr je m’imagine cette période là. Si je n’avais pas réussi dans la musique je serai en mode éducateur aujourd’hui ! [rires]. Tu repenses aux gens avec qui t’étais en cours, avec qui tu as travaillés, aux petits avec qui j’étais au foyer de jeunes. Ils doivent péter les plombs en me voyant aujourd’hui à crier « Bendo na Bendo » alors que j’étais tout calme avant ! Contradictoire le mec ! Je me dis que je reviens de loin et qu’on a vraiment essayé de s’en sortir par tous les moyens. Ce qui m’a vraiment dérangé c’est que j’arrivais à la fin de ma formation, j’avais tout validé au cours de ces deux ans. Il me restait une année mais j’étais à un stade où je ne pouvais plus aller à l’école, j’ai forcé un peu au début, j’ai essayé d’y aller encore un peu mais quand la musique est arrivée… Après « Matuidi Charo », c’était mort, je ne pouvais plus y retourner. Et puis, je crois beaucoup en Dieu, je me suis dit que cette opportunité s’est présentée à moi, c’est que cela faisait parti de mon destin, donc j’ai foncé.

À la fin de ta carrière, que restera t-il ? Quelles seront les choses les plus importantes pour toi : les tubes, faire des albums qui deviendront des classiques, ton statut dans le rap, l’argent et le confort que cela t’aura apporté, les disques d’or… ?

Je pense que ce seront les médailles, les certifications ! À la fin tu regardes tes médailles et tu te dis que t’as eu tout ça, c’est lourd. Ce sera un plaisir demain de pouvoir les mettre chez moi ; que les enfants les voient et qu’ils se disent que leur père a accompli tout ça. C’est la culture de la gagne frère ! Tout le monde peut donner un avis différent sur Niska, il y en a qui aiment énormément et d’autres qui détestent. Je ne mise pas sur le fait d’être le meilleur et sur ce qui reste dans la tête des gens. Dans quinze ans j’aurai mes médailles, et je ferai mon propre jugement. Dans quinze ans, on fera les comptes.

« Je suis peut-être aujourd’hui dans les meilleures années de ma carrière. Ou peut-être pas. C’est bien tout cet argent que je touche mais il faut que ça dure, donc il faut investir. Mais il faut bien le faire, sans se précipiter. Pas acheter juste pour acheter. »

Niska

C’est devenu la norme, cette démonstration de la réussite. Beaucoup plus qu’auparavant dans le rap.

Quand tu travailles un an ou plus sur un projet et qu’à la fin tu réussis à avoir une certification, c’est normal que t’aies envie de la montrer à tout le monde. Quand t’as quelque chose comme ça t’aime bien que tout le monde soit au courant. Avant c’était peut-être des sujets qui intéressaient moins, je sais pas vraiment pourquoi ils ne le faisaient pas. Mais aujourd’hui, c’est devenu normal. Pour prendre l’exemple PNL, ce sont des mecs qui sont à côté de chez nous, ils habitent aux Tarterêts. Toi, dans la ville d’à côté tu te dis : « Ah ouais bien ! Des mecs de là-bas ont réussi ! » Et quand tu viens d’Evry et que tu réussis, toi aussi tu veux le montrer. C’est une manière agréable d’afficher son succès.

Avant la sortie de Charo Life en 2015, tu te demandais pourquoi toi, tu as trouvé la réponse aujourd’hui ?

Je n’ai toujours pas la réponse. Je ne sais toujours pas pourquoi ça a pris pour moi. Après, aujourd’hui je me pose moins la question car je sais que je mets énormément d’énergie dans mon travail. À l’époque des premiers projets j’étais probablement plus surpris parce que c’était les débuts mais maintenant je suis tellement à fond et j’essaie d’être totalement carré. J’appréhende la réussite plus tranquillement, du style : « Ok on a vu ça ? On va essayer d’aller chercher autre chose ». Tout simplement.

Rédemptions, métamorphoses, magie noire et damnations, la Floride s’amuse avec le destin de ses rappeurs.

Les caribéens qui ont importé le principe du sound-system à New York à la fin des années 1970 se sont aussi installés en Floride. Là-bas, selecter aux platines et deejays au micro ont fait trembler les murs et les cuisses à coup de bass music. Trente ans plus tard, la région garde un amour de la culture club et du son puissant. Qu’elle accompagne une virée en yacht au large du Pacifique, une ride en Chevrolet sur Ocean Drive ou la parade d’une danseuse le long d’une barre métallique, la musique floridienne ronfle comme un moteur sportif. Dans cette tradition de la bass puissante et du son impeccable, les DJs et les ingénieurs ont une place de choix, et des talents qu’ils mettent à disposition des stars de la pop internationale.

On ne dit pas assez à quel point la Floride a été importante dans l’émergence et l’Histoire du hip-hop. Avec 2 Live Crew et son label Luke Records, Luther Campbell alias Luke Skyywalker a fait de la Floride un état pionnier du rap indépendant et de la défense de la liberté d’expression des rappeurs. Aujourd’hui en Floride on peut tout dire ou presque, tout faire ou presque, devenir boss de la mafia en ayant un passé de maton ou sortir un album au casting all-star dirigé par un nourrisson. Place forte qui attire les labels et les businessmen, la Floride est l’endroit où les hommes de l’ombre sont rois et où les intrigues sont dignes d’une telenovela. Aujourd’hui, elle est aussi une terre fertile en jeunes artistes, peut-être la plus fertile au monde depuis quelques mois, et un vrai bouillon de cultures, grâce à son immigration caribéenne, plus que jamais nourricière du rap et de ses récentes évolutions.

L’air chaud et humide de Gulf Stream se prête à merveille aux pratiques ésotériques venues de la mer des Caraïbes. Sous le soleil de plomb floridien, on hallucine des métamorphoses, des possessions, et soigne les cicatrices avec la magie noire. Cette atmosphère mystique donne l’impression que la Floride s’amuse avec le destin de ses rappeurs. Paradis ou enfer, en réalité, l’issue ne dépend que de leurs choix.

En mai 1993 à la Nouvelle Orléans, un gremlins d’une dizaine d’années entre dans un magasin du centre ville. Grâce à un freestyle ininterrompu de dix minutes, le gamin hypnotise les membres de Cash Money Records, présents pour une séance de dédicaces. Un an plus tard, cet enfant nommé Dwayne Michael Carter Jr. signe sur le label.

Le détail souvent omis de cette histoire célèbre est la présence ce jour-là de Khaled Mohamed Khaled, jeune vendeur qui observait la rencontre entre Birdman et Lil Wayne. Cette anecdote résume bien la carrière de celui qui deviendra DJ Khaled, observateur au flair aiguisé, dont le plus grand talent est sans doute d’avoir toujours su être au bon endroit, au bon moment.

Après avoir été licencié de son magasin orléanais, Khaled émigre vers Miami. Grâce à son puissant sixième sens, dresser la liste de ses rencontres revient vite à écrire un Who’s Who. Il squatte le canapé de Marcello Valenzo et Andre Christopher Lyon, qui quelques années plus tard deviendront les hits makers Cool & Dre, il travaille pour les légendaires frères Diaz, deux ingénieurs qui ont mis leur patte sur de nombreux classiques locaux, et collabore avec Luther Campbell lui-même, en devenant son bras droit dans The Luke Show sur WEDR.

Mais quel est le secret de DJ Khaled ? D’après Luke, c’est son bagout de vendeur automobile qui ensorcèle les promoteurs et les patrons de radio. Mais l’acharnement dont il fait preuve, lui donnant parfois un côté harceleur, a énormément facilité son ascension. Chaque matin, il frappe à la porte des frères Diaz en espérant se glisser dans leurs studios, il dort dans le couloir des radios jusqu’à se voir offrir des stages ou, plus tard, campe en bas de chez Jay-Z pour une entrevue. A force d’ouvrir les portes à grands coups d’abnégation, Khaled est devenu le DJ d’une des plus grosses radios floridiennes, un poste clé lui permettant d’entretenir à merveille ses relations.

Libre de confectionner les playlists d’une des émissions les plus écoutées en Floride, Khaled détient le pouvoir de faire et de défaire des hits. Son coup de pouce le plus célèbre, il le donne en prenant la décision unilatérale de diffuser Hustlin’ de Rick Ross en boucle, pendant plusieurs heures. Puis de continuer à le matraquer malgré les menaces de licenciement de la radio. Grâce à Khaled le titre devient un hymne en Floride, puis dans le Sud et dans tout le pays. Grâce à ce coup avec Hustlin’ Khaled gagne quant à lui son meilleur et plus fidèle allié, l’auteur de la chanson, Rick Ross.

Les deux hommes créent un cercle vertueux qui booste la carrière de l’un comme de l’autre. Ce système de don contre don est aussi au cœur de la réussite de DJ Khaled, qui alimente sa notoriété chaque fois qu’il conseille ou connecte des artistes grâce à son réseau. En étant partout, du studio à la radio, il tisse sa toile, rencontre tout le monde, et progressivement, tout le monde connaît DJ Khaled. Son carnet d’adresses à la croissance exponentielle se matérialise en compilations blockbusters réunissant le gratin, de Nas à Jay-Z en passant par ses amis Fat Joe et Rick Ross ; sans jamais oublier de se garder le premier rôle, celui d’un hôte qui ambiance le disque à la manière des deejays de bass music.

Benjamin Diehl dit Ben Billions, surnommé par Khaled « mon porte bonheur », est un de ses meilleurs alliés. Originaire du Delaware, Ben Billions débarque à Miami le jour où DJ Khaled a libéré son raz de marré d’Hustlin’ sur la Floride. Il vient alors d’obtenir un stage d’ingénieur du son au Circle House, le studio où travaillent les frères Diaz. Khaled cherchant à l’époque un artisan capable de sculpter ses visions, la connexion entre les deux hommes se fait naturellement.

Mixage, production, direction artistique, Ben Billions est un véritable couteau suisse, et façonne absolument tous les albums en date de DJ Khaled. De par sa formation d’ingénieur, il mise sur la qualité de l’audio. Il faut que les caisses claires aient l’air d’avoir couté un million de dollars, que les notes de pianos montent le long de la nuque et que le temps ne puisse pas éroder le son des synthés. C’est ce côté impeccable et inaltérable qui fait qu’une bonne chanson peut passer le cap et devenir un tube populaire. Des qualités d’orfèvres qui n’échappent pas longtemps aux mastodontes, et aujourd’hui Ben Billions collabore avec The Weeknd, Future et Beyoncé.

La seule mauvaise rencontre faite par Khaled, ce fut la première. Quinze ans après l’anecdote du magasin Odyssey, Birdman fait son retour dans la vie du DJ, et de 2011 à 2014, ses albums sortent chez Cash Money Records. Trois disques qui coûtent une fortune à Khaled, pour trois immenses succès commerciaux qui pourtant ne lui rapporteront rien. En ne reversant pas à son artiste plusieurs millions de dollars de royalties, le démon Birdman pousse Khaled et sa famille au bord de la faillite. Le patron de Cash Money, installé à Miami depuis 2006, n’en est pas à sa première arnaque, mais celle-ci pourrait bien être son dernier coup d’envergure. Rick Ross s’est en effet décidé à soutenir publiquement son ami DJ Khaled, assenant quelques bonnes gifles au passage.

Avec Idols Became Rivals, Rick Ross assassine symboliquement Birdman et tout ce qu’il représente. En énumérant les faits, en détricotant les apparences, il déplume le flamboyant Birdman pour n’en laisser qu’une carcasse de volaille à laisser cuire au soleil. Un règlement de compte spectaculaire, et qui en réalité est plus significatif qu’un simple diss entre rappeurs.

William Roberts III aurait été footballeur si une blessure ne l’avait pas poussé à devenir un hybride de rappeur et d’acteur. Un large squelette de chanteur soul, une voix lourde pour chanter le luxe, William est devenu Rick Ross. Autant rappeur qu’acteur parce qu’il met en scène ce personnage et raconte son ascension sur disques comme à travers une saga de cinéma. Quand William Roberts III accède à un nouvel échelon dans la vie, passe de ghostwritter à patron de label, Rick Ross lui, se hisse hors des rues de Miami pour devenir parrain de la mafia, puis illuminati.

L’auditeur de gangsta rap adore la frime et les bobards, mais demande à pouvoir y croire sans entrave. Avec les révélations sur le passé de gardien de prison de William Roberts III, l’implicite mensonge est devenu trop explicite et le yacht de Rick Ross a tangué. Pourtant, grâce à une plume d’auteur machiavélique, le colosse ne s’est jamais complètement effondré. D’album en album, il s’est progressivement éloigné de la fiction en lançant des éclats de réalité qui font oublier le mensonge. Rather You Than Me est l’aboutissement de ce cheminement, le moment où William Roberts III a définitivement pris la place de Rick Ross.

L’opulence n’est plus fantasmée mais fait partie de sa vie, Roberts possède la plus grosse piscine domestique des Etats-Unis et un manoir à 230 chambres, fait des AVC pendant le Superbowl puis rend visite à Meek Mill en prison, passe ses vacances avec Leonardo DiCaprio et dine avec des mannequins. Sur Rather You Than Me les illusions du jeune rappeur de Port Of Miami se sont matérialisées.

Dans ce contexte, Idols Became Rivals prend une autre dimension. En attaquant sur les apparences, les fausses montres, les voitures de locations, Rick Ross s’en prend autant à Birdman qu’il n’achève l’ancien Rick Ross. La parenthèse ouverte par les révélations sur son passé se ferme, et le mythe devient plus dur à déconstruire, scellé d’un sort écrit à la plume d’oiseau.

La double lecture rappelle le What’s Beef de Notorious B.I.G., écrit comme un film d’Hitchcock où la pression est partout sans que l’on sache sur qui elle pèse. Impossible de savoir si Biggie fait peser son ombre sur un adversaire ou s’il décrit le stress permanent dans lequel lui même est prisonnier. « Do You Know what beef is ? » disait alors P. Diddy : Une véritable attaque ou un moyen de renforcer sa propre légende ? Rick Ross n’a jamais été aussi proche de son modèle, n’a jamais autant été le « Boss ».

Début 2017 au Pink House Studio, Lu, l’ainé des frères Diaz, travaille au mixage de Painting Pictures, le premier album de Kodak Black. Ben Billions, qui produit sept chansons, supervise les opérations. Il faut que la musique garde sa lenteur toute délicate et soulful, en continuant de faire trembler les vitres et les coffres de Cadillac. Sans surprise, DJ Khaled est aussi de la partie. Toujours prêt à ramasser quelques belles miettes, il repartira de cette session avec dans ses poches la production et le refrain de Pull A Caper, qui atterriront sur son album Grateful.

Le seul absent est Kodak Black, cet ado qui fredonne comme un bluesman et donne l’impression d’avoir l’âme trois fois plus vieille que le corps. Quel âge peut avoir un rappeur qui fait référence à Dana Dane, LL Cool J, MC Hammer, UGK, E-40 et Macauley Culkin, qui cite aussi Mary J Blige, Whitney Houston, Ray J, Nelly et « The Brady Bunch » une sitcom des années 1970 ? Seulement 19 ans, apparemment. C’est qu’en plus d’amuser la galerie et d’essorer les peines, Kodak Black perturbe l’espace temps.

Dans la vidéo de Tunnel Vision se superposent des signes rappelant l’esclavage, les lois Jim Crow et l’Amérique contemporaine de Donald Trump. Trois époques qui se croisent pour souligner une continuité dans l’oppression des afros américains. Même la production semble atemporelle, en mélangeant une flûte et les accords d’une guitare blues des années 1930 aux rythmes du rap actuel.

En écoutant Painting Pictures, comme avec la vidéo de Tunnel Vision, le temps s’évapore. Il n’y’a plus d’année, plus d’époque, plus d’âge. C’est une bulle hors du temps, où évolue ce gamin qui rappe autant le fun que la sueur, les larmes que la cyprine. Mais un gamin qui, avant tout, parle du système carcéral américain qui, pour lui, est à l’Amérique moderne ce qu’ont été la ségrégation et l’esclavage : un moyen de contrôler et d’écraser les Noirs.

« I feel like we still be goin’ through slavery » dit il explicitement sur Change My Way, séquelle encore plus triste de Tunnel Vision, extrait de Project Baby 2. En 2014, Boosie rappe « Feel like they beat me like a slave again ». Lui aussi brise la barrière temporelle qui sépare son expérience de détenu de celle de ses ancêtres esclaves, pour en faire une seule et même malédiction. Le pouvoir de Kodak Black ne tombe donc pas du ciel, mais est un héritage de ceux que les louisianais appellent les « soljas ».

On dit de Trick Daddy qu’il a « Tupac-isé » la Floride. Il n’y a pas eu besoin qu’un artiste en particulier importe le rap de Louisiane pour « Boosie-fier » la Floride, la musique des soljas Lil Wayne, Juvenile, B.G. ou Boosie inonde le Sud du pays depuis vingt ans. Mais à Pompano Beach, ville de la banlieue de Miami où les Haïtiens vivent comme s’ils étaient de la Nouvelle Orléans, la ferveur est toute particulière. Si Kodak Black, mais aussi Koly P, Jack Boy, Dirty 1000, Baby Soulja ou John Wicks, se prennent pour Boosie et Soulja Slim, c’est aussi sous l’influence d’un gars du coin surnommé Choo Choo.

Il reste inconnu en dehors de sa ville mais Choo Choo a été un espoir de Pompano Beach. Il a renommé sa banlieue « Pompa Noya » pour créer sur ses disques la confusion avec « Nolia », le surnom de la Nouvelle Orléans. Il a importé et créé tout un argot, comme l’expression « Everything 1K » reprise par les plus jeunes. Et en parlant la bouche coincée après s’être fait casser la mâchoire lors d’une bagarre, il inspire probablement le refrain marmonné de Lockjaw à Kodak Black. Choo Choo fait partie de cette classe de rappeurs pleins d’idées qui, faute d’avoir le truc qui leur permet de réussir, plantent des graines que d’autres font germer. Son récent « Based On A Choo Story » fait la transition entre les disciples de Trick Daddy et les élèves de Boosie, et sur le titre « In Da Noya », on assiste au passage de flambeau avec Kodak Black, avant que leur relation ne s’envenime.

Koly P a grandi en imitant Choo Choo et Boosie Badazz. Sur le poisseux Rap Game Messiah, les ressemblances sont évidentes, mais P remplace les décors louisianais par les paysages et la culture floridienne. Aussi, ses mixtapes s’écoutent en « speed up » ou version « fast ». Il y a le célèbre « screwed-n-chopped » au Texas, le « speed up » en est l’équivalent floridien, quand les rappeurs accélèrent le tempo orignal de leur musique pour en décupler l’adrénaline. Le phénomène est tel que, sur YouTube, certaines mixtapes et chansons de Koly P ne sont disponibles qu’en version accélérée.

Enregistré après qu’il soit sorti de prison en juin 2017, Project Baby 2 n’est pas l’album le plus léché de Kodak Black, mais des titres comme Change My Ways, Versatile ou Pride continuent d’épaissir le personnage : un enfant fatigué par ses démons, capable de s’analyser avec sagesse mais accro aux ennuis. Comme certains de ses modèles, bien avant d’être prisonnier par un système, Kodak Black sait qu’il est captif de lui-même.

Les floridiens, contrairement aux texans par exemple, ne portent pas de grillz amovibles. Leurs bijoux sont implantés dans la gencive comme le faisaient les caribéens libres qui, d’après la légende, cherchaient à se démarquer ainsi des esclaves. Kodak Black, Koly P, mais aussi Plies et Trick Daddy avant eux, se sont fait poser ces prothèses définitives. En observant les locaux, on remarque un autre point commun, capillaire cette fois, d’épais dreadlocks coiffés en palmier familièrement appelés dookie dreads. Comme l’explique Trick Daddy dans le documentaire The Field : Miami, cette coiffure inspirée des rastas est une institution en Floride. Après avoir traversé la Caraïbe, on la retrouve aujourd’hui sur la tête de tout un contingent de rappeurs floridiens, de Young Breed à Ice Billion Berg en passant par Choo Choo et Chester Watson.

Rappeur de Carol City, Denzel Curry porte ces imposantes dreadlocks. En 2012, Trayvon Martin, jeune garçon noir de 17 ans, était assassiné. La tragédie avait entrainé d’importantes manifestations aux Etats-Unis, et quelques tensions préludes au mouvement Black Lives Matter. Denzel Curry a fréquenté la même école que Martin, et son frère ainé est mort lui aussi, tué par un agent de police comme des centaines d’autres afro-américains ces dernières années. Son album est un témoignage de cette vie faite de bavures et de destins inéluctables.

Imperial s’ouvre avec le vrombissement menaçant d’une basse, et Denzel Curry déboule comme une avalanche, avec la rage d’un gamin à bout de nerf. Ses textes pleins d’ésotérismes et de références à l’occulte dessinent les songes où il se réfugie. Dans ses rêves, les jeunes Noirs sont des gargouilles échappées des bouches de l’enfer, qui espèrent ne pas se faire broyer par la grande machine infernale américaine. Sur « Story : No Title », il fait le vœu pieux que la destinée des afro-américains ne soit pas jouée d’avance, comme dans un film qui se conclue sur un heureux rebondissement.

Peut-être parce qu’il a grandi dans cette antichambre de l’enfer, Denzel Curry a été attiré par le rap satanique de Three 6 Mafia. Sur Imperial on retrouve l’esthétique sombre du rap de Memphis des années 1990, mais à la musique de Juicy J et Lord Infamous, Curry ajoute des éléments vernaculaires qui ancrent ses chansons dans le brasier de Carol City.

Des instrumentaux sur lesquels il pose émane souvent une atmosphère religieuse, éclairée à la lueur de synthés dissonants et d’une voix qui résonne comme au cœur d’une église abandonnée. Mais dans ce capharnaüm sombre et métallique, des mélodies se font jour, éclaircies perçant les nuages noirs quand Curry est débordé par les émotions ou se surprend à être un brin optimiste.

Denzel Curry passe du rêve à la réalité, sort de son corps pour s’évader dans les songes et l’espace, pour fuir, ou au moins supporter, le réel. « In the night time, keep me out of sight, it’s the poltergeist. When I’m ghost, I’mma cut the line, now you outta mind », dit-il par exemple sur ULT. Les deux chansons ajoutées à la version deluxe renforcent l’ambivalence d’Imperial. Sur la ballade Good Night Curry prophétise l’arrivée des premières lueurs du jour, et avec Me Now se réjouît d’être devenu insensible à la douleur à force d’être blessé. Dans ces propos, impossible de dissocier l’ombre de la lumière, l’espoir de la résignation.

Revenue des morts comme un personnage de jeux vidéo, la gargouille gothique d’Imperial est devenue une cyber Black Panther sur 13. Le Denzel Curry de cet EP s’inspire des disques apologues qui baignent dans la science fiction, à commencer par Deltron 3030 de Del The Funky Homosapiens, Dan The Automator et Kid Koala. Epuisé par son cauchemar éveillé où les Noirs finissent comme Kenny de South Park, Zel continue d’assombrir sa musique. L’horrorcore éclairé aux rêveries d’OutKast s’est mué en un ragga indus, futuriste et bruitiste, qui rappelle le Yeezus de Kanye West. Avant son prochain album intitulé Taboo, Denzel Curry est revenu dans le monde réel avec un goût de souffre dans la bouche, politisé et prêt a mener des cortèges de cyborgs anti Trump.

Gunplay possède au moins trois points communs avec Denzel Curry : il porte d’immenses dookie dreads, est originaire de Carol City, et comme lui, a des parents caribéens.

Polytoxicomane et hors-la-loi, Gunplay est avant tout connu pour ses frasques extra-musicales. On sait moins qu’il est l’auteur de disques remarquables (Off Safety, Acquitted, Living Legend) hantés par son héritage à la fois portoricain et jamaïcain, notamment par ses allusions à la Santeria. Ce culte dérivé de la religion yoruba, arrivée du Nigéria et du Bénin avec les bateaux d’esclaves, reste encore aujourd’hui difficile à observer. Ses adeptes s’inscrivent dans une tradition de discrétion et de secret, héritée de l’époque où les négriers en interdisaient la pratique. Dans ses textes, Gunplay perpétue cette tradition de secret en évoquant le culte de manière codée. Même si, comme le faisait parfois les esclaves, il le dissimule derrière un christianisme d’apparence et une bible posée ostensiblement sur son tableau de bord, ses Orishas réapparaissent régulièrement : à ces divinités de la Santeria, on adresse des sacrifices pour porter chance ou rompre le mauvais sort.

« Inside I’m sufferin’, outside i’m stuntin’ » : ce passage tiré de son couplet sur Finer Things résume bien la personnalité de Gunplay, dont l’apparence de gangster hyperactif dissimule mal les cicatrices et les traits dépressifs. Dans les passages les plus introspectifs (voire suicidaires) de ses textes et vidéos abondent les tables recouvertes de grandes bougies à moitié fondues et les crânes miniatures portés en pendentifs, autant d’artefacts religieux qui sont les gris-gris et les accessoires des rites de la Santeria. « One match left, this the last turn, santeria candles in my sanctuary burn, I’mma earn ‘til the last court ajourn ». Lors d’une interview très alcoolisée menée par le rappeur N.O.R.E. en avril 2016, Gunplay avoue avoir eu recours aux sacrifices d’animaux pour échapper à la prison à vie. « The spiritual world is real. I cut fucking chickens and goats and that’s how I beat the case if you really wanna know ».

Maintenant qu’il a échappé à l’enfermement et sorti son album chez Def Jam, Gunplay mène la vie d’une légende en préretraite. Il remplit les poches de son dickies grâce à des showcases, à quelques piges de ghostwriter et à ses chutes de studios, revendues à des labels indépendants. Sur The Plug, il raconte l’histoire qui l’a rendu célèbre, alimentée par des anecdotes sur ses cavales et sur son passé de pimp aux narines hypersensibles. Dans les entrailles de The Fix Tape, entre quelques morceaux qui ne paraissent pas terminés, on entend Memphis et les albums classiques de Project Pat, qui ont dû accompagner les insomnies de Gunplay au début des années 2000.

En duo avec le rappeur de Sacramento Mozzy sur Dreadlocks & Headshots, Gunplay est libre d’être ce rappeur d’une autre époque, empruntant autant à Redman qu’à Trick Daddy, avec la mentalité d’un vieux gangster de la Bay Area. Sur cet album, leur Mob Music aussi menaçante que mélancolique évoque la Californie du milieu des années 2000, un environnement où Gunplay aurait pu s’épanouir, aux côtés des Jacka et Husalah. Charismatique et énergique, technique et capable d’écrire des couplets émouvants, riche d’une vie lui offrant mille et une histoires à raconter, le seul défaut de Gunplay est finalement d’être un rappeur totalement anachronique.

Comme chez Denzel Curry, l’ésotérisme de Gunplay réapparaît quand il se trouve au plus bas, pour le conduire vers l’onirisme et sa force de sublimation. Ils ne sont pas les seuls rappeurs de Floride à cultiver ce genre d’onirisme. Ces dernières années, même les disques de Rick Ross ont quelques montées paranoïaques et mystiques. Sur le morceau Black Opium extrait de Black Market, Ross laisse entendre qu’il se livrerait désormais aux rites cubains de la Santeria : « Mob ties, Santeria, protect me from these shooters… ».

Ces rappeurs ne sont pas les seuls non plus à avoir des traits dépressifs. Depuis le succès de Drake et Future, la dépression est dans l’air du temps. Tout aussi dérangeant que de célébrer sa toxicomanie, porter ses troubles mentaux comme une chaine en or n’est pas complètement nouveau dans la musique, mais impossible de nier le penchant « emo » de beaucoup de jeunes rappeurs.

En annonçant que son premier album intitulé 17 serait dédié aux dépressifs, XXXTentacion se fond complètement dans cette tendance. Quand il commence à faire vibrer son comté de Broward au sud de la Floride, c’est pourtant avec un titre loin de l’idée que l’on se fait de la dépression. Sur Look At Me! le tempo et les cris insufflent une énergie qui invite aux mouvements de foule et aux pogos. L’impression cauchemardesque créée par la saturation volontaire du sample et des basses rappelle énormément le SVCK V DICK FXR 2011 de SpaceGhostPurrp. Ce dernier, avec son Blvcklvnd Rvdix 66.6 est un peu le grand frère oublié de tous les « SoundCloud rappers » du sud de la Floride.

Avec son charisme abrasif XXXTentacion est armé pour brûler la scène, et Look At Me ! se répand grâce aux captations de concerts où l’on voit le public prendre feu dès le premier coup de marteau. Mais très vite, XXX montre l’envie de proposer quelque chose à l’opposé de ce premier succès. Sur Revenge il passe du r’n’b alternatif à l’indie rock, du métal au rap boom-bap. Les styles sont rafistolés comme un patchwork et l’auditeur passe de l’un à l’autre comme s’il scrollait une timeline Tumblr. Pour lier cet œuvre foutraque, il y a la personnalité scandaleuse de XXX, ses provocations extra musicales et ses envolées mystiques sur les « lois de l’Univers », mais aussi quelques expérimentations vocales, empruntées au Blond de Frank Ocean.

Le jour de la sortie de 17, XXX commet un énième coup de publicité en simulant son suicide sur Instagram. A priori, il est difficile de prendre au sérieux quelqu’un qui utilise ce genre de méthodes pour attirer l’attention, même si ce ne sont que des maladresses enfantines. Cet album « dédié aux dépressifs » rassure pourtant sur la sincérité de XXX. Tout en fragilité, ses balades rock arrangées de guitares sèches soulignent une instabilité et le mal être d’un adolescent fan de Nirvana et de Papa Roach. XXXTentacion cherche, se perd, commet des erreurs, simplement parce qu’il n’est qu’un enfant. Et s’il n’a encore rien proposé de vraiment novateur, c’est parce qu’il s’inspire d’une longue ligné d’artistes emo, donnant à son 17 le minimalisme de la power pop et l’hypersensibilité des textes grunge.

Humaniser l’abominable, en nous rappelant qu’il est, malgré tout, commis par des êtres humains complexes, est une des facultés de l’art, de la musique, et donc du rap. En tant que spectateur ou auditeur, cela peut torturer notre conscience et nos considérations morales. Comme Kodak Black, XXXTentacion est accusé de crimes épouvantables, notamment de l’agression de sa petite amie et d’un de ses codétenus. Le succès simultané de ces présumés criminels ravive actuellement d’éternels et insolubles débats sur l’appréciation d’une œuvre d’art et sa séparation avec la personnalité de son auteur.

Libéré des griffes de Birdman, DJ Khaled s’est envolé. Il est devenu un motivational speaker qui délivre ses « clés du succès » sur les réseaux sociaux et met en scène absolument tous les aspects de sa vie. Khaled amuse et continue ainsi de promouvoir son nom, devenu une véritable marque. Grâce aux remous du sulfureux Idols Became Rivals, le dernier album de Rick Ross, pourtant en pilotage automatique, s’est vendu presque deux fois plus que le précédent. Dix ans plus tard, le cercle vertueux construit par les deux amis continue de faire des merveilles.

En deux ans, Kodak Black, Denzel Curry et XXXTentacion ont atterri dans la liste des XXL Freshmen, alors que ça n’était plus arrivé pour un artiste floridien depuis Plies en 2007. Représentant chacun une scène qui compte pléthore de rappeurs, ils sont la preuve que la Floride n’est pas seulement l’état où les retraités américains viennent attendre la mort.

Aujourd’hui bien loin de la bass music libidineuse de Luke, le rap de Floride n’en serait tout de même pas là où il en est sans les portes ouvertes par 2 Live Crew il y a trente ans. Chris Wong Chong alias Fresh Ice Kid, membre fondateur du Crew et premier rappeur asiatique signé en major, est décédé le 13 juillet 2017 à l’âge de 53 ans. Cet article lui est dédié. Rest In Peace Long Dick Chinese !

Illustrations : Bobby Dollar

Si on a déjà vu des bombers oversize Vetements ornés du message « Total Fucking Darkness », la marque fondée par Demna Gvasalia s’allie aujourd’hui avec les rois de la veste militaire que sont Alpha Industries. Cette collaboration donne naissance à 4 bombers reversibles, conçues avec le savoir faire de la marque américaine et équipés d’une capuche marquée « Vetements Automne/Hiver 2018 ».

Vetements oblige, les prix des bombers que l’on trouve sur SSENSE sont ultra élevés: il faudra compter 1985$  pour les couleurs bleu marine et gris et 2060$ pour les versions vert et taupe.

Après nous avoir introduit à la technologie Flynit en 2012, Nike veut une nouvelle fois révolutionner le monde de la chaussure avec le Flyleather. Cette version 2.0 du Flynit contient 50% de fibre de cuir et se veut 40% plus légère et cinq fois plus résistante que le 100% cuir. Mais la technologie Flyleather est également éco-friendly puisque, comparé à du 100% cuir, sa fabrication nécessite 90% moins d’eau et génère 80% moins d’empreinte carbone.

Le Flyleather est fabriqué à partir de reste de cuir récupéré pendant la fabrication d’autres chaussures. Ces restes sont ensuite tissés avec de nouvelles fibres pour créer des sneakers comme la nouvelle Flyleather Tennis Classic, uniquement disponible dans les magasins Nike américains. Pour la suite, Nike dévoilera une Air Force 1, une Nike Air Max 90, une Cortez et une Jordan 1 en Flyleather, que vous pouvez tenter de gagner en cliquant ici.

 

De retour d’un long séjour au Brésil, la DJ Petit Piment est de retour dans l’hexagone avec un mix qui vous donnera un aperçu des scènes alternatives brésiliennes. Entêtantes, hyper rythmées et bouillonnantes. L’occasion aussi de vous donner un avant-goût de ce qui vous attend le mardi soir au YARD Summer Club, dans le club du Wanderlust.

 

 

Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Je suis Petit piment une Dj membre du label mexicain Oneself spécialisé dans la musique latine électronique. Grâce à mon projet de mix series «Malandragem Suave» sur Soundcloud je me suis produite en Suisse à Genève, en Allemagne à Dusseldorf, à Porto au Portugal et au Brésil où j’ai passé quelques mois. j’ai décidé de réaliser un nouveau mix qui illustre un peu tout ce qui se fait dans la scène alternative de la Bass music brésilienne actuelle.

 

En tant que DJ qu’est-ce que tu aimes le plus jouer ?

Ma musique oscille entre rythmiques afro, brésiliennes, hip hop & future beats. Je me sers surtout du baile funk en l’employant sous toutes ses formes comme le funk Carioca (percussions et batucada), le funk Paolista (minimaliste), le funk de Belo Horizonte (déstructuré et futuriste) et les déclinaisons modernes comme la Favela trap, le Chill baile.

 

Tu partages aujourd’hui avec nous la playlist « Viens sur WhatsApp ». Qu’est-ce qui nous attend au numéro que tu donnes en description ?

« Viens sur WhatsApp » c’est traduit de l’expression de rue brésilienne « Vem de zap » courante dans la nightlife là-bas, c’est une invitation directe à faire connaissance. C’est la première fois que je sors un mix à registre clubbing, bien moins chill qu’habituellement. J’ai choisi ce titre car pour moi c’est une invitation vers une immersion dans la culture urbaine de la nuit.

 

 

Parlons maintenant de la playlist en elle-même. Qu’elle est son origine et quel message as-tu voulu transmettre en y mettant le Brésil en avant ?

L’Europe a souvent gardé une image culturelle old school du Brésil avec la Samba et la Bossa. Alors qu’actuellement une multitude de nouveaux genres musicaux électroniques résonnent dans les métropoles Brésiliennes. (le baile footwork, l’afro baile, la brazilian bass, et très récemment le baile funk 150 BPM)
J’ai eu l’opportunité de rencontrer des artistes tels que Carlos Do Complexo, le duo DKVPZ ou encore Badsista et le collectif féminin Coletivo Bandida qui m’ont énormément inspiré là-bas. C’est pour mon retour en France que je décide de partager cette énergie et cette vibe au travers d’un mix entre percussions, funk futuriste, grime et afrobeats.

 

Quels sont tes futurs projets ?

Il y a des bootlegs et quelques live edit dans mon mix, je m’oriente vers la production musicale et je prévois de sortir quelques tracks dans les prochains mois. En parallèle je prépare de nouvelles tapes pour des labels. J’ai une admiration pour la représentation importante des femmes dans le djing et la musique au Brésil, j’aspire à pouvoir partager plus de scènes et de collaborations avec des artistes féminines en Europe.

 
Soundcloud: @petitpiment
Facebook: @unpetitpiment
Instagram: @unpetitpiment
Artwork : @dailyjerryblog
Photo : @cammzo

Le label TDE, qui compte notamment dans ses rangs Kendrick Lamar ou encore Schoolboy Q, vient de dévoiler une nouvelle collection de vêtements inspirée de l’univers du sport. Nommée « New Classic », on y retrouve des maillots de hockey, des hoodies, des t-shirts, des joggings, des shorts et enfin, des casquettes.

Vous pouvez chopper la collection dès maintenant sur le site merch TDE.

La Nike Air VaporMax « Triple Black » revient encore une fois avec de nouveaux changements. Pour vous faire une historique rapide, la première Air VaporMax tout en noir sortait via la collaboration avec le label Comme des Garçons. Ensuite, Nike a suivi avec la première version « Triple Black » qui, à la différence de la CDG, avait des lacets, un Swoosh gris et une bulle noire transparente. La deuxième version de la « Triple Black » a eu son Swoosh changé de gris à noir et enfin, la version que l’on vous présente aujourd’hui retourne au Swoosh gris et sa bulle noire passe de transparente à opaque.

La nouvelle version de la Nike Air VaporMax « Triple Black » n’a pas encore de date sortie, mais elle sera disponible pour environ 200€.

“J’aimerais bien développer l’aspect personnel des artistes. Ne pas shooter juste un concert mais intégrer leur univers, leurs tournées, leurs heures de studio.” En mai dernier, Antoine Duchamp répondait à une interview de Modzik en ces termes. Un objectif qu’il semble avoir atteint avec “Mobbin’ in Paris’, un mini film qui retrace la Fashion Week 2017 auprès du A$AP Mob.

 

 

Cela fait quelques années qu’Antoine Duchamp traîne ses objectifs, autant dans le rap que dans la mode. Un non-choix volontaire qui l’oblige à toujours rester curieux, alignant autant les éditoriaux que des photos pour Din Records, et réalisant des clips de jeunes pousses françaises comme Perico Milly, ou étrangères, prêtes à exploser comme Topaz Jones. Sorti en août, “Mobbin’ in Paris” est une plongée en immersion, un rendu brut visuel que même Antoine (devenu le duo vidéo andu avec Loris Lowssa Komlan), peine à définir.

 

 

“Le documentaire c’est pas notre format principal, et c’est un format qui dépend vraiment du contexte. On appellerait ça plus un vlog ou un report.”

D’autant plus que ce format est arrivé par accident. Cela fait maintenant plus d’un an que le duo travaille par intermittence avec A$AP Mob, réalisant pour eux des photos, mais aussi le clip “New York State Of Mind” pour A$AP TyY.

 

 

On les a rencontré il y a un an à New-York. Antoine était rentré en contact avec ASAP TyY par Instagram. On avait fait quelques photos BikeLife et on a tourné un clip avec la présence de Twelvyy aussi. C’était un peu avant qu’on décide de créer andu. Puis on a revu TyY, de passage à Paris en Janvier. Et là en juin on était chargé de les suivre pendant leur semaine parisienne avec la Fashion Week”.

 

 

Une occasion de filmer que le duo propose au Mob, qui semble emballé. L’occasion également de mettre en avant des membres plus discrets, à travers des moments forts que andu se remémore.

Je me souviens du moment où on était présent sur le shoot de la collaboration de TyY avec la marque Hood Lab, en présence du Dirty Riderz Crew. Il y avait toutes ces motos, et les keufs sont passés. Il y a aussi TyY à paname sur un quad, grand soleil. Et puis ce moment où on s’est retrouvé au backstage du défilé VLone avec Rocky, Swoosh, Reeze la Flare, Skepta entre autres. La scénographie était vraiment propre, c’était une ambiance spéciale, premier défilé de Bari, c’était intéressant d’être présent à un moment charnière.

 

 

Andu x A$AP Mob : Mobbin’ in Paris

 

 

« Got a late birthday gift for all my supporters » tweetait Metro Boomin pour célébrer son 24ème anniversaire avec ses fans. Ce cadeau, c’est le morceau « Blue Pills » en featuring avec Travis Scott, que certains avait déjà entendu en 2014 lors du festival Fader Fort. Jamais sorti jusqu’aujourd’hui, Travis Scott pose avec et sans autotune sur  la prod assez sombre de Metro Boomin’, pour un cocktail hyper efficace.

Pour coller à la tendance actuelle des baskets « chunky » comme la « Ozweego 2 » de adidas et Raf Simons ou encore la « Triple S » de Balenciaga, Gucci vient de dévoiler une nouvelle sneaker nommée « Apollo ». Sans en faire trop, cette chaussure en cuir couleur crème arbore le logo et les écritures Gucci, le tout souligné par une grosse semelle.

Vous pouvez déjà précommander la Gucci Apollo chez Barney’s, pour la modique somme de 820$.

Le groupe 99Ginger s’invite au Petit Bain pour une résidence placée sous le signe du Hip-hop / Rnb / Future / Baile Funk. Le line-up de cette soirée opening est composé des DJs Supa, Manast, Yo-Zu, Andy 4000 ainsi que des organisateurs de l’event eux-mêmes que sont Lorkestra et Kirou Kirou.

Si vous êtes chauds, on vous fait gagner deux places pour cette soirée qui s’annonce bouillante !

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À ne surtout pas confondre avec l’encyclopédie en ligne, Wiki est un rappeur originaire de New-York City. Connu pour son flow old-school, sa voix singulière et son sourire privé de quelques dents, il a déjà collaboré avec Skepta, Run The Jewels, King Krule, Ghostface Killah ou encore Kaytranada. Après avoir sorti un album avec son groupe Ratking, Wiki se lance en solo avec un premier projet nommé No Mountains in Manhattan.

Pour son premier concert en France, Wiki se produira au Badaboum le 21 septembre et vous pouvez déjà réserver vos places.

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La boot 1460 de Dr. Martens est l’un des modèles les plus emblématiques du monde de la chaussure. Née il y a près de 60 ans dans les rues de Northampton, ces boots sont intemporelles et leur versatilité leur permettent de se marier avec tous les styles. Encrée dans les mouvements punk, ska ou encore grunge de Londres, la 1460 est symbole d’une liberté d’expression qui passe par le style et qui ne s’efface jamais.

À l’occasion du lancement de la campagne « Worn Different », Dr. Martens dévoile un street style qui met l’accent sur un aspect essentiel de la marque aujourd’hui: sa diversité. Dr. Martens ne se cantonne plus aux sphères des contrecultures mais davantage à des individus enclins de liberté d’expression. De ce fait, cette campagne a réunie 27 personnes, allant d’un skater pro parisien à un ouvrier, en passant par une musicienne ou encore un journaliste, dans un entrepôt londonien rappelant les origines industrielles de Dr. Martens.

Sur le site de la campagne « Worn Different » vous pouvez découvrir dans une vidéo, ces 27 personnalités uniques ainsi que leur modèle de Dr. Martens favori.

 

“Tu penses que l’interview va durer combien de temps ?” À chaque fois que je tergiverse devant cette interrogation en somme toute banale, je me dis que les journées promos réglées à la minute ne sont d’ores et déjà plus faites pour moi. Mes échanges avec les artistes ont souvent tendance à s’éterniser quelque peu. Rien ne m’intéresse plus que de les éloigner du sujet pour lequel ils sont pourtant venus me parler, à savoir leur propre personne. Quitte à les laisser me raconter leurs oeuvres, je préfère qu’ils le fassent à travers celles des autres. “Dis-moi ce que t’évoques telle ou telle grande tendance musicale. Quel est ton ressenti sur tel ou tel fait d’actualité ? Comment tu expliques que les gens ne fassent plus tellement attention à ceci ? Pourquoi préfèrent-ils s’intéresser à cela ?” En bref, je divague. Par curiosité, sans doute.

L’entretien que je mène avec la douce Anna Kova ne déroge pas à la règle. J’ai presque l’air d’un amateur quand je la prie à deux reprises de m’accorder quelques instants pour retrouver le fil d’une conversation qui s’égare sans cesse. Le dictaphone de mon cellulaire indique finalement un peu plus de quarante minutes quand j’estime avoir ce qu’il me faut. Autour de moi se fait ressentir une forme d’impatience assez contenue. On est vendredi, en toute fin d’après-midi. Tous ceux présents dans l’espace ne sont plus qu’à quelques heures (tout au plus) d’un week-end sans doute bien mérité. Mais étrangement, Anna n’a pas l’air pressée de taper la pose devant l’objectif de Melo. Quand l’interview s’achève, c’est elle qui pose les questions. Nos rôles s’inversent. De la même manière que j’ai épluché une petite quinzaine d’articles et de portraits la concernant, la jeune artiste dit apprécier mon écriture, pour avoir pris le temps de lire plusieurs de mes articles. “C’est pas tout le monde qui fait cet effort”, lui dis-je, surpris et assez flatté. Mais pour elle, c’est normal. “C’est une rencontre humaine avant tout”, m’assure t-elle.

« Ma première rencontre avec la musique d’Anna Kova s’est faite à l’aveugle. Un truc à la The Voice. YouTube, Jane Doe ∅ 60. Dans les commentaires, les gens s’étonnent, s’agitent, s’interrogent. À qui appartiennent donc ces lèvres, et surtout ce timbre si pur ? »

Il y a effectivement quelque chose de profondément humain chez Anna Kova. On la sent bienveillante, attentionnée, sincère. Pour évoquer son parcours, elle utilise d’ailleurs fréquemment le mot “rencontre”, quand bien même celui-ci ne paraît pas être parfaitement approprié. C’est ainsi qu’elle va par exemple définir son premier EP, My Heart Ain’t Wrong, sorti en 2014. Avant de reformuler, “c’est une première introduction, un premier bonjour quoi.” Publié deux ans plus tard, l’EP Pigments symbolise quant à lui les “premières rencontres avec les plateformes de streaming. iTunes, Spotify, Deezer, etc.” Avec elle, tout a l’air d’être personnifié, comme doté de pensée, de sentiments, de réflexion.

Pour ma part, la première rencontre – justement – avec la musique d’Anna Kova s’est faite à l’aveugle. Un truc à la The Voice. YouTube, Jane Doe ∅ 60. Je clique sur la vidéo. Apparaît alors sur mon écran une bouche anonyme, finement dessinée. Elle semble d’abord se retenir de sourire, puis se laisse finalement emporter par une boucle instrumentale de 2Pac, “Baby Don’t Cry”. Dans les commentaires, les gens s’étonnent, s’agitent, s’interrogent. À qui appartiennent donc ces lèvres, et surtout ce timbre si pur, si facile ? Il faut attendre la sortie du clip de “Big Scenes”, ainsi que les premières véritables sorties d’Anna Kova – sur la webradio PiiAF – pour faire apparaître des éléments de réponse. Difficile de trouver des traces de sa voix avant ça. “Avant ça, il y avait surtout beaucoup d’apprentissage. J’ai commencé très jeune, par le classique, par l’opéra, étonnement. Je bossais avec une cantatrice argentine. Puis je suis tombée vraiment amoureuse du jazz, du blues, de la soul, du hip-hop, du rap”, me confesse t-elle.

Boston, sur les bancs de l’école

À une époque d’autodidactes, où il suffit parfois de pianoter aléatoirement les touches d’un clavier d’ordinateur pour devenir un artiste, Anna Kova fait partie de ceux qui ont réellement appris à l’être. Rigoureusement. L’enseignement se fait à Boston, dans le prestigieux Berklee College of Music, qu’elle intègre pendant deux ans. Cette expérience outre-Atlantique s’avère être une merveilleuse opportunité pour la chanteuse de comprendre et maîtriser les codes d’un langage universel. Non pas l’anglais, qu’elle manie assez habilement pour être en mesure d’écrire ses propres morceaux ; mais la musique. Tout simplement. “Je n’avais pas envie d’avoir un master en solfège, j’avais juste envie d’avoir les clés pour comprendre les mathématiques de la musique. Je viens du piano, donc j’ai tout de suite appris à lire les notes, à lire une partition, à entendre une tonalité. Avant, je faisais tout à l’oreille, mais ça m’énervait. Je voulais sortir un peu de ma zone de confort, et vraiment essayer de galérer pour faire les choses. Puis j’aime bien capter ce qu’il se passe sur scène. Quand je joue avec mes musiciens, j’aime bien comprendre ce qu’il font, partager ce truc-là avec eux.”

« Je n’avais pas envie de sortir vingt tracks que personne n’allait écouter. Petit à petit. Tu donnes. Ça prend ou ça prend pas, mais au moins c’est cohérent. »

Quand elle regagne finalement la France, c’est d’abord le rap qui semble la trouver. Jane Doe et la 75ème Session, via son “frère” FA2L. Deux apparitions dans l’émission Piège de Freestyle, autant sur l’EP New Wave de J-Slow. Toute une série de scènes avec Dany Dan, Gaël Faye, Rocé, Kacem Wapalek… Anna Kova se sent à l’aise dans le milieu, auprès de rencontres (toujours !) qui deviennent vite des amis, parfois des proches. “Je suis une férue de rap. J’en adore le fonctionnement en fait. Décortiquer le rythme, écrire un texte et réussir à le sculpter pour que tu ressentes exactement ce que le MC veut dire. Je trouve ça dingue. Surtout le rap français. Il est tellement frontal, brut, sincère… Il est viscéral. Puis il y a aussi cette facilité d’improviser à tout va et ça, c’est un truc dans lequel je me trouve beaucoup.” Sa route croise ensuite celle du producteur MiM, qui l’accompagne depuis dans tout son cheminement artistique. “MiM, c’est le genre de rencontre où tu as l’impression que tu connais la personne depuis 10 ans, alors qu’en fait tu la connais depuis 5 mois.” La parfaite alchimie, de la scène jusqu’aux studios. Lui vient pourtant de l’électro, la drum and bass, la house. Loin de la black music dont Anna s’est follement amouraché. “Pendant deux ans, on a pas arrêté d’écrire. On était en studio non-stop et on se nourrissait tous les deux de tout ce qu’on avait comme héritage, comme idées. Tout en étant hyper libres, ouverts et confiants l’un envers l’autre. Je crois qu’il n’y a pas mieux pour travailler.”

Près d’une soixantaine de titres naissent de ces deux années de travail acharné. Seuls dix seront servis au public, formalisés en un diptyque d’EPs, Pigments et Pixels. Anna prend son temps, n’entend pas trop en livrer, n’entend pas trop se livrer. “Je n’avais pas envie de sortir vingt tracks que personne n’allait écouter. Petit à petit. Tu donnes. Ça prend ou ça prend pas, mais au moins c’est cohérent. Et c’est un challenge de donner le meilleur de soi-même non pas sur une quinzaine de morceaux, mais sur cinq.” Il y avait déjà quelque chose d’Amy Winehouse dans les éclats de voix d’Anna Kova. MiM les a enveloppé d’une première couche d’un verni plus électro. Sur un morceau comme “Bad Enough”, son interprétation est cette fois tout ce qu’il y a de plus rappé. Hybride, sa musique ne rentre dans aucune des cases prédéfinies. Inclassable. Et pour Anna Kova, c’est un beau compliment. “Je trouve ça génial qu’on veuille de plus en plus casser les barrières et les frontières, qu’on essaye de toucher à tout. C’est ce qui m’excite le plus. Tous les genres se nourrissent entre eux. C’est pour ça qu’il est assez compliqué aujourd’hui de s’inscrire dans un genre et de s’y atteler.” Désormais, Anna Kova s’efforce de trouver une balance. Entre le synthétique et l’organique. Entre l’ancien et le nouveau. Un défi qui – d’après elle – a déjà été relevé avec brio par des talents comme Robert Glasper, Alicia Keys, Anderson .Paak.

Sur Pixels, elle glisse au compte-goutte des éléments qu’elle assure vouloir développer sur de plus longs formats. Elle prend la parole en ouverture ou en clôture de ses morceaux, y intègre des choeurs, comme sur le puissant “Light In”. Visuellement aussi, l’artiste jure qu’il y aura moins de place pour le mystère, qu’on la verra de plus en plus à la caméra. Le clip de “Thank You” se positionne à ce titre en gage de bonne foi. Autant de procédés qui devraient permettre à Anna Kova d’incarner encore un peu plus sa musique. “Incarner”, comme “donner une existence concrète à une valeur abstraite, prendre un corps de chair, la forme humaine”. Tiens donc.

Photos : @lebougmelo

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

Designer en devenir, Martin passe le plus clair de son temps à dessiner des sneakers. Cette semaine, il nous parle de ses influences et de son entrée dans cette communauté en pleine effervescence.

T’as grandi ou ?

J’ai grandi à Villiers dans le 94 et à Neuilly Plaisance. C’est plutôt bien comme endroit, même si je passais mon temps à jouer au foot ou au basket avec mon frère, tu peux monter sur Paris assez vite avec le RER.

Aujourd’hui t’es en école de design, c’est quoi ton parcours ?

J’ai toujours écouté mes parents et j’ai eu un Bac S pour ma mère. Je me souviens qu’à 16 ans, j’ai dit à mon prof de physique que je voulais devenir ingénieur et qu’il s’était foutu de ma gueule! Après j’ai quand même fait 3 ans de physique pour finir sans diplôme avant de dire stop. Après comme j’ai toujours dessiné, je me suis dit que je voulais faire une école de design.

 


Avant je bossais à la pression, toujours à la dernière minute, mais cette année là j’ai compris que ça ne marchait pas comme ça, donc je me suis donné les moyens et j’ai pu exprimer mon potentiel.


 

Pourquoi tu dessines ?

Je me souviens du moment exact où j’ai su que je voulais devenir designer. J’avais 13 ou 14 ans, j’étais sur Paris avec ma famille vers les grands boulevards, il venait juste de pleuvoir mais il faisait beau. Et là il y a la dernière Mercedes Classe C qui passe, et avec la pluie et les reflets du soleil, je l’ai trouvée vraiment belle, les lignes étaient magnifiques. À ce moment là, je me suis dit que je voulais faire des trucs beaux comme ça et pendant très longtemps j’ai dessiné uniquement des voitures.


Comment tu t’es retrouvé à Eindhoven ?

Je cherchais une école de design et c’est ma mère qui a vu cette école dans Télérama et 10 minutes après j’étais inscrit. Pour la petite histoire, la veille de l’admission, après avoir conduit 5 heures depuis Paris, je découvre qu’il y a un rendu pour le lendemain. J’avais une belle chambre d’hôtel avec un grand lit mais je n’ai même pas dormi dedans! J’ai bossé toute la nuit pour rendre quelque chose de correct et finalement ça s’est bien passé!


Qu’est ce que t’as rendu ?

Le sujet était « A little gift of time » donc mon projet consistait à donner un sursis à une espèce en voie d’extinction en reproduisant son habitat naturel et le jury a kiffé.

 


Mes potes qui sortent d’école de commerce parlent tout le temps de salaires de 30k, de 40k,… Mais cette vie là elle ne me fait pas rêver, donc je ne me prends plus la tête. Chacun sa trajectoire, sans pression.


 

C’est comment Eindhoven ?  

Eindhoven c’est pas cool hein. Au début c’était dur, même si je kiffais l’école, j’avais de mauvais résultats mais ça m’a fait du bien. Avant je bossais à la pression, toujours à la dernière minute, mais cette année là j’ai compris que ça ne marchait pas comme ça, donc je me suis donné les moyens et j’ai pu exprimer mon potentiel.

Pourquoi tu dessines des sneakers maintenant?

J’ai toujours aimé les sneakers et maintenant dès que je me retrouve dans une ville, je vais voir les boutiques de sneakers et je regarde les textures, les techniques, sur de belles paires c’est fou, des fois c’est limite de l’ingénierie de haute précision. Et puis je pense qu’à terme, tout le monde va porter des sneakers. Pourquoi porter des chaussures de ville en cuir alors que tu peux porter des sneakers?

Aussi, les baskets ça se dessine un peu comme une voiture, dans les lignes etc… Et puis comme une voiture, il n’y a qu’une seule fonction. Une chaussure sert à marcher, une voiture à se déplacer et du coup tu peux faire des trucs de ouf vu que tu n’as qu’une seule fonction.

 

D’où la création de ton Instagram @martzer_ dans la foulée ?

Oui, j’ai créé un compte instagram avec que des chaussures pour éviter de casser les couilles à tous mes potes parce qu’il n’y a que des baskets. J’ai fait une vapormax avec un velcro pour le Air Max Day et j’ai eu 160 likes. Pour moi c’était enorme! Ensuite, j’ai fait un photoshop d’une fausse city sock noire, la semelle je l’ai dessinée moi-même et j’ai pris l’empeigne de la Balenciaga, j’ai mis un Swoosh parce que les gens ne kiffent pas quand il n’y a pas de marque et le lendemain je vois 600 likes!

 


J’ai reçu toutes sortes de DM comme « do you make flip flop designs? » ahahah! J’essaye de faire des trucs stylés et on me demande si je fais des tongs?


 

Comment t’as passé le pas du dessin à la réalité ?

J’ai décidé de faire un projet sur la sneaker avec mon école et du coup j’ai pu tenter des expériences sur imprimante 3D et là j’ai commencé à être reposté par des gros comptes. Toutes les semaines je postais des photos de l’avancement du projet et les gens pouvaient suivre mes progrès au quotidien. J’ai reçu toutes sortes de DM comme « do you make flip flop designs? » ahahah! Est-ce que je fais des tongs putain?! J’essaye de faire des trucs stylés et on me demande si je fais des tongs?

Comment t’arrives à être créatif ?

Quand je suis tout seul, je suis constamment en train de bosser. Même si c’est un entrainement quotidien, ça vient un peu comme ça. Souvent j’ai des idées le soir avant d’aller me coucher, et je me dis que si je l’ai encore le matin quand je me réveille, c’est que c’était une bonne idée.


C’est quoi tes influences ?

Je suis encore très influencé par l’automobile. Sergio Pininfarina c’est une grosse inspiration, le moteur à l’arrière sur les Ferrari c’est de lui tu vois. Après ça vient d’un peu partout. Mais je dessine une voiture de la même manière que je dessine une basket, avec les mêmes coups de crayons, des lignes fuyantes etc…

 


Soit t’as de la visibilité et tu t’exposes au regard des gens, soit tu restes chez toi, t’es un bête de designer mais personne ne le sait. Si une marque me copie, ça voudra dire que je suis sur la bonne voie.


 

C’est quoi ta paire préférée ?

Je dirais la Presto, parce que je la trouve intelligente. Elle est bien faite. Si tu regardes les coutures, elle n’est pas faite comme les autres chaussures.


Tu postes beaucoup ton taff sur les réseaux, mais t’as pas peur que des gars vampirisent un peu ton travail ?

J’ai eu de longues discussions là-dessus. Soit t’as de la visibilité et tu t’exposes au regard des gens, soit tu restes chez toi, t’es un bête de designer mais personne ne le sait. Et puis si une marque me copie, ça voudra dire que je suis sur la bonne voie. Mais de toute façon, s’ils aiment mes idées, ils seront assez intelligents pour me contacter directement.

C’est quoi tes projets à l’avenir ?

C’est de rendre mes projets faisables. C’est ce que je vais faire à l’école, c’est bien de dessiner des chaussures mais de les faire à l’imprimante 3D c’est une autre étape et j’ai encore beaucoup à apprendre. C’est presque de l’ingénerie d’ailleurs. Je sais qu’il ne faut pas avoir de rancunes mais dès que j’aurais un bon taff, j’irais voir ce prof de physique du lycée qui m’avait mal parlé pour lui montrer qu’il avait tord. Il ne faut pas décourager les jeunes comme ça.


T’as quel âge ?

J’ai 25 ans. Je me suis souvent pris la tête avec ça, avec mes potes qui sortent d’école de commerce et qui parlent tout le temps de salaires de 30k, de 40k,… Mais cette vie là elle ne me fait pas rêver, donc je ne me prends plus la tête. Chacun sa trajectoire, sans pression.

 

Site: www.martinsallieres.com
IG: @martzer_

Avec YARD et Free Your Funk, la Red Bull Music Academy a réuni 12 MCs de Paris et Bruxelles autour de l’un des producteurs hip hop les plus emblématiques de Los Angeles : The Alchemist.

Cool Connexion, Caballero & JeanJass, Deen Burbigo, Heskis, Lomepal, Prince Waly, 3010, Eddie Hyde, Gracy Hopkins et Roméo Elvis ont chacun posé sur une prod confectionnée par The Alchemist.

Le résultat de cette rencontre entre Paris, L.A. et Bruxelles, sera bientôt disponible sur une mixtape, et opèrera en live au Trabendo le mercredi 27 septembre.

En attendant, Cool Connexion nous offre son titre « Monnaie » en exclu !
Un bon avant-goût pour la suite.

 

PUMA et Daily Paper, la marque de streetwear tout droit venue d’Amsterdam, ont mis leurs efforts en commun pour une nouvelle collection urbaine inspirée de l’univers du football. Pour cette seconde collaboration, les deux marques ont notamment fait appel à MHD et Richard Ofori, gardien de but de l’équipe nationale du Ghana. Sponsor d’équipes africaines depuis 20 ans, cette fournée 2017 PUMA x Daily Paper offre une ligne de vêtements streetwear aux imprimés graphiques colorés et des modèles de baskets, qui s’inspirent du patrimoine africain de la marque hollandaise. En plus de ça, PUMA et Daily Paper comptent créer des terrains de foot et divers équipements pour l’Accra Senior Girls School, grâce aux recettes de la collection.

Disponible dès le 16 septembre, la collection PUMA x Daily Paper sera en vente dans les magasins PUMA et Dailly Paper, ansi que sur puma.com.

 

Après leur dernière collection capsule nommée « Children Of Vice », la label CHAMPGN revient pour une nouvelle collaboration avec le géant du streetwear scandinave CALIROOTS. Cette collection sous le thème de l’amour, souligne l’audace et le style parisien avec des pièces comme des bombers, des hoodies oversize, des survêtements et des pantalons 7/8ème teintées de rose, beige et noir.

La collection est déjà disponible sur le site CALIROOTS.

Créée par deux amis d’enfance, Eclypsé est la nouvelle marque de footwear parisienne à suivre. Ils dévoilent aujourd’hui le lookbook de leur première paire, nommée « Modele 1 », qui est le fruit d’un mariage intéressant de plusieurs de matériaux. Le upper de la paire est fait en jean usé, laine bouillie et daim, la doublure est en cuir d’agneau et il est possible de zipper un cache lacet qui vient couvrir le haut de la chaussure. Loin d’être faite pour être gardée propre, Noah et Tom d’Eclypsé ont utilisé le jean comme un matériau mouvant qui embellit la paire une fois abimé et du coup, le vieillissement du produit devient un phénomène assumé et apprécié.

Limitée à 70 exemplaires seulement, le « Modele 1 » sera disponible dès le 18 septembre sur le site Eclypsé, au prix de 200€.

 

Après la sortie des photos officielles de la Converse One Star revisitée par CLOT, c’est Edison Chen, le fondateur de la marque lui-même qui joue les modèles pour le lookbook de la paire. Inspirée par les Entretiens de Confusius, on retrouve sur la semelle le Ying et le Yang ainsi que la phrase « les anciens érudits pour eux mêmes, les nouveaux érudits pour le peuple », extraite du livre.

La CLOT x Converse One Star sera disponible le 14 septembre sur le site Converse.

 

Seul membre de son groupe, Lonely Band vient de dévoiler le clip « By The River » extrait de son prochain album True Lovers, qui sortira le 24 novembre. En plus de ça, vous pourrez entendre la voix du crooner parisien Lonely Band en live le 6 octobre, avec tous les membres de son label qui inclue notamment Jazzy Bazz ou encore Bonnie Banane.

 

 

 

Le Sneakerness Paris a encore une fois tenu toutes ses promesses: du monde, de la musique, des animations et surtout, des sneakers ! Organisé par les gars de Crep Protect, les visiteurs pouvaient se faire nettoyer leur paires ou gagner un kit de nettoyage après avoir rentré plus de cinq lancés francs d’affilé sur le mini terrain de basket qui était monté pour l’occasion. Sur les tables, on trouvait les sneakers les plus rares, ainsi que des vêtements comme ceux de la collaboration Louis Vuitton x Supreme par exemple. C’est le photographe du blog @75streetstyle qui s’est faufilé dans les allées du Sneakerness pour capturer les meilleures pièces.

Le 5 septembre, la Cigale fêtait ses trente ans avec YARD, qui a choisi d’en profiter pour célébrer 30 ans de rap français. Trois décennies et trois générations représentée par les DJs Endrixx, Just Dizle et Cut Killer et les artistes Assassin, Jok’Air, X Men, Les Sages Poètes de la Rue, Passi, Kayna Samet et Panama Bende.

 

Photos : @faidhadji

Avec trente ans de carrière derrière lui, Kenny Anderson est une figure incontournable du skate, un exemple d’endurance qui s’affirme aujourd’hui dans un rôle de créatif et de mentor. Le 1er septembre, il était présent à la boutique Day Off pour présenter sa collaboration avec Converse. Pour la première fois, il associe à son nom les marques Converse et Chocolate. Une collection en accord avec ses principes et son mode de vie en accord avec le reste de l’environnement et de la vie animale. L’occasion de discuter avec lui de son message et de son regard sur la jeune scène skate de Paris.

Photos : @samirlebabtou

Ce n’est pas ta première collaboration avec Converse.

J’ai déjà eu mes propres chaussures, trois. En 1999, je suis arrivé chez Converse, et j’en ai eu une première. Mais cette fois-ci, c’est ma première collaboration sur une Chuck. C’est ma paire préféré. Pour la petite histoire, c’est celle que je portais avant d’être signé, quand j’étais amateur, en 85/86. Et Converse se mettait tout juste au skateboard et mon coloc ridait toujours en Chuck Taylor. Quand j’ai eu l’opportunité d’avoir ma première chaussure, j’ai demandé : « Est-ce qu’on peut faire une Chuck Taylor pour le skate ? » et bien sûr on m’a dit « Non on ne peut pas faire ça. »

Pourquoi ?

Je crois qu’à l’époque ça n’aurait pas marché. La chaussure était vraiment massive, technique, un peu spatiale. Donc je ne pense pas que ça aurait marché.

Mais qu’est-ce qui faisait que tu préférais skater avec ce modèle à l’époque ?

Je pense que ça avait plus avoir avec la Chuck classique, le style de Vegas, avec un jean et un t-shirt blanc. Et le sensation de la planche. Parce qu’avec les autres paires, je ne pouvais pas sentir ma planche. C’était un mélange, entre regarder tes pieds et aimer ce que tu vois – une Chuck Taylor classique en noir et blanc – et cette sensation avec ta planche. Ne faire qu’un. [rires, ndlr]

Donc cette fois-ci tu as pu faire ce que tu voulais vraiment ?

Oui, après tant d’année. C’est vraiment cool. J’ai fais tout le design, au crayon puis sur l’ordi. Et je leur ai envoyé le fichier en disant, c’est ce que je veux.

Donc c’est vraiment ta vision ?

Oui et surtout en ce qui concerne les matières. C’était le moment parfait pour moi pour finalement faire une Chuck Taylor.

Pourquoi ?

Parce qu’aujourd’hui, je ne veux pas rattacher mon nom à des produits issues de la production animale. Et c’est aussi un bonus si je peux utiliser des matériaux issus de l’économie renouvelable. Donc pour le design de cette Chuck, je voulais quelque chose de très classique. Mais dans les détails, on a utilisé un tissus recyclé, des lacets en cotton organique, des vêtements dans un cotton BCI [Better Cotton Initiative], du cotton recyclé pour le coupe-vent, il ne fallait pas de colle animale… Ça c’est vraiment pour le détails. Autrement, il fallait aussi que ça ait l’air très cool, mais que quand on regarde dans le détail on se rende compte que c’est très réfléchi. Donc je l’ai designé avec ses raisons-là en tête. Et elles veulent dire beaucoup pour moi.

Et comment ces choix se traduisent dans ta vie de tous les jours ?

Dans tout ses aspects. Tout ceux qui me connaissent savent que cette collection est une pleine extension de moi-même. Il n’y a pas que mon nom apposé sur les produits, il n’y pas de compromis. J’ai mis mon coeur dans le design, dans les matières, en me battant pour certaines choses.

Combien de temps ça a pris ?

On s’est pressé. Je crois que ça a mis un peu moins d’un an. Normalement, c’est plus long. La collection était prévue pour la fin de l’année. Mais pour revenir là-dessus, c’était le but de cette collaboration. Je vis aujourd’hui d’une certaine façon et de voir mon nom rattaché à certaine chose, c’est un genre de compromission. Donc pour moi,il fallait que je sois à l’aise avec toutes les choses que je rattache à mon nom. Et je pense que c’est très important. C’est la première collaboration que je sors dans cet esprit-là.

Est-ce qu’il y a d’autres façons dont tu transmets ça aujourd’hui ?

Je pense que ça se voit de plus en plus sur Instagram. L’histoire, c’est qu’aujourd’hui, je suis attentif au domaine de la santé, j’étudie, je recherche, je prend le temps de me renseigner sur un régime alimentaire à base de plante. Parfois je poste à propos de mes restaurants préférés à Paris par exemple. Et au final, je ne l’ai pas fait si souvent que ça. Mais j’ai eu tellement de retour. Des positifs comme des négatifs. Mais je le fais de façon assez subtile, ça reste authentique. Je ne dis pas « Vous devez manger ceci ! Vivre de cette façon-là. » C’est plus « Hey, c’est ce que je mange. C’est bon. »

Et j’ai donc reçu pas mal de retours et ça m’a inspiré à faire plus ; à donner mes adresses favorites, expliquer comment je me suis soigné de façon naturelle. J’ai expliqué comment je m’étais soigné grâce à des techniques de respirations, un régime et une thérapie physique. J’ai laissé un message : « À ceux qui seraient en souffrance et envisageraient une chirurgie, s’il vous plaît, consultez deux ou trois médecins différents. » J’ai reçu trois opinions différentes de médecins du sport, qui m’ont dit que j’avais besoin d’une chirurgie reconstructrice si je ne voulais pas arrêter le skate. J’ai aussi consulté des médecins « naturels » et je me suis guéris, de façon naturelle. Pas seulement parce que ces médecins ont tenté ces procédures naturelles sur moi, mais parce que j’ai pris soin de mon état mental. Pour se soigner, il faut se concentrer là-dessus, mentalement et physiquement. Donc j’ai posté un truc là-dessus, et au réveil j’ai découvert une centaine de DMs.
Là où je veux en venir, c’est que j’ai fais naturellement quelque chose pour moi-même et quand j’ai vu les retours de personnes qui me disaient, j’ai tel problème, qu’en est-il de ton régime, et même alors que je ne l’avais pas mentionné, quelqu’un m’a demandé si j’avais déjà souffert de dépression. Et je me suis dis « Wow, je n’en ai même pas parlé. » Et c’était cool, parce que c’était le cas. Je lui ai donné mon numéro et on a parlé pendant trois heures, un complet inconnu. Et plus je lui en disait, plus je me rendais compte qu’on était au même niveau. Ça nous affecte de la même façon.

En parler ça nous aide à comprendre qu’on n’est pas tout seul. Ça aide à l’accepter. C’est pour ça que j’ai cherché à en apprendre plus, à obtenir une certification. Pas parce que je veux faire du soin mon prochain boulot, mais parce que je m’intéresse et je me tiens au courant de ce qu’il se passe dans la médecine naturelle. Je n’ai pas de plan. Je suis tellement dans le moment présent aujourd’hui, que tous les jours sont nouveaux, et que j’apprends, et que je vis au jour le jour. J’en suis là.
Mais pour revenir à la question, j’ai converti ma voiture il y a plusieurs années pour qu’elle roule avec des combustibles végétaux, pour l’environnement. Pas mal de petits le savent et me posent des questions. Chaque étape que je passe est faite pour aider l’environnement et le traitement des animaux. C’est pour ça que cette ligne fait sens et qu’elle est une extension de ce que je suis.

La prochaine question concerne Paris. Comment est-ce que tu connais la ville aujourd’hui ?

Je suis venu plusieurs fois. Bien sûr le skate nous emmène dans différents quartiers. Mais je quitte souvent une ville en me disant : cette ville est cool, les skateparks sont cools, c’est magnifique… Je suis allé au Centre Pompidou, j’ai vu la Tour Eiffel, mais on part avec en tête un « mais…»  Bien sûr au cours de l’année, les dernières fois où je suis venu, j’ai vraiment visité la ville, fais mes recherches. Et là je le fais par moi-même, du coup ce n’est pas seulement centré sur le skate. J’ai skatté seul, j’ai découvert la ville, le fonctionnaient des rues. Mais je ne dirais pas que je connais la ville comme ma poche.
Mais c’est intéressant qu’une passion comme le skate m’amène à découvrir d’autres villes. Et avec ma passion pour la santé, le naturel, ça me permet d’explorer la ville d’une toute autre façon.

Tu as un restaurant préféré ici ?

Jah Jah. Ils avaient le Tricycle avant, c’est là que je les ai découvert. La nourriture est délicieuse et il y a une belle énergie à l’intérieur. On sent que la personne qui possède l’endroit y met du coeur. C’est familial.

Je voulais aussi parler avec toi des jeunes que tu attends ce soir. Quel regard tu portes sur eux?

Je ne sais pas. J’ai l’impression qu’à chaque fois que je viens ici, il y a tout un nouveau groupe de jeune. Ça va très vite ici. Comme je l’ai dis, ça doit être différent quand on est ici, peut-être qu’ils se connaissent tous, mais j’ai l’impression que c’est une génération différente. Il y a tout ces petits crews…

Parce qu’ils sont de plus en plus jeunes, et grandissent plus vite ?

Oui, ils passent vite d’une passion à une autre. Mais j’ai l’impression que quand je viens, ils ont l’air de plus en plus jeunes. Mais ils sont toujours aussi cools. Et ils ont tous leur propre style. À mes yeux, Paris est une ville assez unique dans ce domaine.

Et pas seulement dans le skate, c’est aussi le cas chez les petits qui jouent au foot, au basket. Ils sont aussi super avertis sur ce qu’ils aiment, leurs connaissances sont de moins en moins superficielles. Ils creusent, il cherchent et c’est assez impressionnant.

Dans le skate, il y a toujours un style qui est dans la tendance, qu’on retrouve aussi ici. Et à l’intérieur de ça, on décèle aussi une vraie créativité chez les jeunes. Ils s’expriment d’une certaine façon. Mais comme je l’ai dis, Paris a son propre sens du style.

Les jeunes ont accès à tout un tas d’influences, mais ils ont aussi cette créativité dont tu parlais. Je ne saurais pas dire d’où elle vient.

C’est un truc qui est sous-estimé dans le skate. Ce n’est pas un sport, ça ne l’a jamais été. On peut dire que c’est un sport, faire des compétitions etc. Mais quand il s’agit de pourquoi on commence, de ce qu’on fait sur une planche, ce sur quoi on est jugé et comment on le ressent, c’est le genre de chose qui… le concours est un bonus. Mais ce qui se passe dans les skateparks, c’est ça le skateboard. Si tu veux savoir ce qu’il se passe, c’est là qu’il faut regarder. C’est une vrai forme d’expression, une façons de voir la ville. C’est une forme d’art sous-estimée. Pour utiliser une analogie, skater c’est comme utiliser un pinceau sur une toile. J’utilise cette analogie pour décrire ce que je vois quand je regarde l’un de mes skaters préférés : Mark Gonzales. Le regarder skater c’est… Il a fait de la compétition avant, mais le regarder rider dans une rue, c’est comme être témoin d’une symphonie. Alors que c’est juste lui qui skate dans la rue. Il est vraiment comme ça. C’est comme voir l’art prendre vie. Ça dépend de ce que vous considérez être de l’art. C’est comme ce gars qui pousse juste sa planche, au lieu de faire des tricks, il pousse tout simplement. C’est tout pour moi, ça me donne de l’énergie et ça m’aide à réaliser que c’est ce que j’aime le plus dans le skate, ce qui vient de moi et ce que je veux exprimer. Il y a tellement de kids, et tellement de styles. C’est parce qu’ils se retrouvent dans différents genres de skate. Et ce qui sort d’eux et ce qui est unique. Même s’ils ont des influences, ce n’est pas pire ou mieux. C’est pour ça que lorsqu’on s’exprime de façon aussi spontanée, on ne peut pas être jugé.

A seulement 18 ans, Kylian Mbappé faisait ce mercredi 6 septembre, sa présentation officielle au PSG.
Ce jour-là se tenait aussi la finale de la compétition Play Bondy, sur le terrain de son enfance, près de son école primaire. Un terrain rénové par Nike Football en son honneur et surplombée par une fresque à son image, avec un message : « Bondy, ville de tous les possibles. »

Le joueur a fait un rapide passage pour découvrir le terrain et assister au match de cette finale réunissant les meilleures équipes de street football de la région parisienne. Un évènement dans la ville, animé par les DJs sets, des jeux, des stands de street foot et par un showcase de Niska.

 

Photos : @lebougmelo

Il y a trois ans déjà que nous croisions la route de LaGo 2 Feu pour une première interview. Un personnage mystérieux à la mentalité de hustler, inspirée par Gucci Mane. Déjà, elle nous disait son désamour des streetclips qui prolifèrent dans le rap français, leur préférant des collages rythmés d’images et d’extrait de films, un genre de moodboard inspiré de son leitmotiv « la go, la cuisse, le bif ».

Aujourd’hui elle nous revient avec un nouveau visuel pour le titre « Basic ». Cette fois-ci, on pose presque un visage sur le personnage qui ne lâche pas pour autant sa vision du clip qu’elle réalise avec Valerian7000.
Lago 2 feu: « Avec BASIC je voulais faire un son aux ambiances de baile funk, mélodieux et autotuné tout en gardant mon style sombre. Ça donne un son où je parle d’oseille bien sûr, mais qui fait danser aussi. C’est le défi de ce projet. J’ai jamais été fan de l’idée de mon montrer, d’où ce clip photo collage, qui rappelle mes débuts dans ce game et qui permet de me dévoiler petit à petit.
La différence c’est que je ne l’ai pas réalisé toute seule comme les précédents. Là c’est Valerian, qui a aussi shooté la cover du single, qui c’est tapé la mission intense de le réaliser.
Les vidéos sont filmées a l’iPhone, tournées dans mon quartier, le 6ème, un soir d’été. Je voulais absolument kicker devant Saint Laurent, symbole de la richness de Saint Germain Des Prés.
L’EP s’appelle CALORIES, c’est un peu la version fitness de mon rap. On consomme ma musique, on en dépense. »

Valerian7000 (le réal): « Pour le clip de Basic, j’ai fait environ 200 collages, avec plus de 500 images et éléments graphiques divers. Associer ces éléments voulait dire associer des idées pour en créer de nouvelles, qui rendaient hommage à la « culture internet » tout en essayant de rester fidèle au ton de Lago2Feu : à mon sens nerveux, sexy et ostentatoire. Sans se prendre au sérieux, bien évidemment. Sinon j’ai dormi 3 heures par nuit pendant 8 jours. Ce qui explique certains choix d’images. »

 

La nouvelle Converse est partout ! On la voyait aux pieds de Tyler, The Creator dans la collab Converse One Star x Golf Le Fleur, mais aussi lorsque l’on emmenait la One Star dans une ride hippique. En plus de tout ça, la marque étoilée dévoile aujourd’hui les photos officielles de sa nouvelle collaboration avec le label chinois CLOT. Cette alliance se traduit par une One Star en daim poilu noir et blanc, avec des touches d’éléments graphiques chinois sur la semelle et à l’intérieur de la chaussure.

La CLOT x Converse One Star sera disponible le 14 septembre sur le site Converse.

Connue pour ses titres comme Pattern ou Hood Swagg, Paigey Cakey posera sa valise à Paris pour un concert le 29 septembre à La Place. Ce n’est pas la première fois que la rappeuse londonienne se produira en concert puisqu’elle mettait déjà le feu sur scène avec son acolyte Lady Leshurr et on la voyait également en première partie d’artistes comme Lil Kim, The Game, Azealia Banks ou encore Stormzy. En plus d’être talentueuse devant un micro, Paigey Cakey l’est aussi devant une caméra, comme elle l’a prouvé en jouant notamment dans la série britannique « Waterloo Road », très populaire outre-Manche.

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Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Junior fait partie de ces hommes de l’ombre derrière certains titres de Shay, Fally Ipupa, MHD, Benash, Siboy et bien d’autres. Entre deux sessions au studio, il nous raconte le chemin parcouru et sa conception de la musique.

 

T’as grandi où?

Un peu partout, entre Boissy-Saint-Léger, Asnières, Meudon, et ensuite Paris. On a beaucoup foutu la merde avec mes frères et c’est souvent à cause ça que nos parents voulaient déménager. À Meudon, quand j’étais en seconde, j’étais jamais là et quand j’étais là c’était uniquement pour foutre la merde, alors mes parents m’ont envoyé au bled pendant 2 ans. C’était une expérience de malade, j’ai kiffé de fou et j’ai aussi beaucoup appris.

 

Du coup, t’as quand même fait des études?

Ben j’ai quand même fait un an de BTS puis une année en école de commerce, c’était pas mal mais j’ai arrêté à cause de la musique.

 


“En décembre j’avais dit à mon pote Le Motif que je voulais tout péter cette année et l’autre fois, il est venu me voir et il m’a dit “putain Junior on te voit partout”… Ben ouais gros, je l’ai tellement voulu.”


 

Comment t’es tombé dans la musique?

Mon père est dans la musique aussi donc j’ai toujours baigné dedans. Au début je voulais être rappeur mais ça n’a pas marché parce que je ne sais pas rapper tout simplement (rires). Il faut dire la vérité, il y en a ils sont là depuis un moment et ils savent toujours pas rapper! À cette époque, je voulais des prods précises et j’en n’avais marre de chercher donc je me suis mis à les faire tout seul. J’ai fait de la merde pendant un moment et quand c’est devenu cool j’ai arrêté parce que je voulais devenir dj, comme les mecs de Soundcloud.

 

 

Ensuite j’ai rencontré les bonnes personnes à Kinshasa, ce qui m’a pas mal aidé et puis j’ai des potes qui ont percé quand moi j’étais déterminé comme DSK on the beat, que je connais depuis le CM2, l’époque de Boissy. A l’époque il rappait aussi mais il a arrêté depuis. Tout le monde rappait à Boissy ahah!

 

 

Quelles sont tes influences, c’est quoi ta signature?

Les gens vont te dire que je fais de la zumba, parce que j’ai placé que des trucs dansants, mais à la base, moi je fais du rap, du rap de tous les styles, du banger au rap accessible. Mais attention, j’écoute de tout, de la bossa nova, du Buena Vista Social Club, de la musique du bled aussi…

 

 

Avant j’aimais bien sortir pour écouter ce qui se jouait, mais plus trop maintenant. Des fois c’est cool parce que t’entends la musique que tu fais mais c’est plus le même plaisir. Tu connais toutes les transitions et tous les sets des dj etc.. Après il y a des dj qui sont très chauds et qui vont te surprendre comme Endrixx, qui peut te mettre une intro de film et te balancer un dernier des bangers!

 

Comment tu appréhendes tout ça? Le fait d’avoir travaillé avec de gros artistes comme Fally, Shay, MHD…?

Quand tu kiffes un artiste depuis un moment et que tu taffes avec lui, c‘est comme un trophée que tu remportes. Ca m’a fait ça avec Fally Ipupa, la star du bled, ou avec Shay, pour ne citer qu’eux. Là j’ai bossé avec toutes les personnes que je kiffe dans le rap français, que ce soit sorti ou pas, sauf Booba, peut être un jour qui sait?

En décembre, j’avais dit à mon pote Le Motif que je voulais tout péter cette année et l’autre fois il est venu me voir et il m’a dit “putain Junior on te voit partout”… Ben ouai gros, je l’ai tellement voulu, je me suis donné les moyens.

 


“Pour moi, les mélodies c’est bien mais ce qui compte le plus, ce sont les rythmiques. Il faut que la mélo te perce mais dès que ça cogne, je kiffe. Mon problème, c’est que je m’en fous des paroles. Ce que je kiffe moi c’est la topline, la ligne mélodique ou le yaourt si tu préfères.”


 

Comment tu fais pour être créatif?

On est pas mal dans notre équipe donc on a toujours des nouveaux délires. Que ce soit Shabz, S2Keyz, Blackstarz, Swagga Guru, Le Motif, Heezy Lee ou DSK, on se donne de la force. Par exemple, quand j’ai envoyé la boucle d’Afro Trap Part. 9 à DSK il m’a tout de suite dit que c’était archi lourd et MHD a kiffé par la suite. Mais dans tous les cas, ce que je fais, j’essaye de ne pas le faire comme les autres. Quand les gens me disent que ce qu’on fait avec Ghenda (93dos – Christopher) ça se ressemble, ça me fait rire parce que ça n’a rien à voir. On est des frères du bled mais lui il est trop chaud, ce qu’il fait avec ses sébènes etc… il me rend fou, il est trop bon ce batard ahah!

 

C’est quoi ton approche de la musique?

Pour moi, les mélodies c’est bien mais ce qui compte le plus, ce sont les rythmiques. Il faut que la mélo te perce mais dès que ça cogne, je kiffe. Aussi, mon problème c’est que je m’en fous des paroles. Ce que je kiffe moi c’est la topline, la ligne mélodique ou le yaourt si tu préfères. Et après ça, ce sont les paroles. Dans la variété française, il y a des paroles qui sont compliquées pour être compliquées mais ça veut rien dire mec.

 


“L’autre fois il y a un petit de 16 ans qui est venu du 77 juste après une épreuve du BAC. Le petit fait ses instrus, il écrit et il pose! Quand je vois des petits comme ça, ça me donne envie de les aider, de transmettre ce qu’on m’a appris.”


 

T’as galéré pour évoluer dans ce milieu?

La musique c’est horrible, je vois des trucs de ouf. Pour arriver à certains endroits il faut être chaud mais il y a aussi des process à respecter. D’une part, il faut être super patient pour placer des sons, et d’autre part, il ne faut pas envoyer tes sons à tout le monde. Il faut écouter les gens qui sont en place, moi si je n’avais pas écouté Le Motif, j’aurais jamais placé un son de ma vie.

 

 

De 2014 à 2015 je passais mon temps à envoyer des mails. Quelques personnes ont pris mes sons mais sans plus, sans les bonnes connexions c’est compliqué. En plus, Paris c’est pas très grand, tout le monde se connaît et il faut se servir de ça mais malheureusement il y a des gens qui ne l’ont pas encore compris.

 

C’est assez fermé alors comme milieu?

Je ne sais pas mais nous par exemple, des fois on fait des sessions au studio et on dit à des gens de venir. L’autre fois il y a un petit de 16 ans qui est venu du 77 juste après une épreuve du BAC. Le petit fait ses instrus, il écrit et il pose! Il m’a envoyé ce qu’il fait et j’ai commencé à retravailler tous ses sons. Quand je vois des petits comme ça, ça me donne envie de les aider, de transmettre ce qu’on m’a appris.

 

 

Et c’est quoi les projets à venir?

Là jusqu’à septembre c’est noir. J’aime quand je me réveille le matin et que j’ai du taffe à mort car qui dit taffe dit argent. On ne travaille pas pour avoir des followers sur Instagram hein! Quand j’ai arrêté l’école pour la musique, mes parents m’ont bien dit qu’il ne fallait pas juste kiffer ce que je faisais mais travailler dur pour en vivre et viser loin.

 

Dernière question, t’as quel âge?

J’ai 22 ans. Je ne sais pas si ça passe vite, mais on vit.

 

Instagram: @junior_alaprod

Playlist: Apple Music, Deezer, Soundcloud

 

De Frank Lucas à El Chapo, en passant par Pablo Escobar, les rappeurs ont toujours aimé s’identifier aux grandes figures du banditisme. Des êtres rusés, sanguinaires et souvent impulsifs, prêts à prendre tous les risques dans le but ultime du profit. Des modèles, des vrais. À cet égard, la série Narcos constitue une véritable bible de références, de noms et de répliques à bricoler en punchlines censées rendre vraisemblable la vie qu’ils récitent à longueur de titres. Et puisque ça n’a effectivement pas manqué, YARD a listé cinq des meilleurs titres inspirés de près ou de loin par le show diffusé depuis 2015 sur Netflix.

Fabolous – The Plug

De Fabolous à Fablo Freshcobar. Le temps d’un titre, le natif de Brooklyn adopte le surnom qui lui est donné par une compagne visiblement accro à Netflix. Il est “The Plug”. “She callin’ me Fablo, she think that I’m Pablo/She watch too much Narcos, she think I’m the Narcos”. Pour le clip, il s’en va donc marcher sur les traces du chef du cartel de Medellin, à commencer par ce fameux pont où Chris Brancato, Carlo Bernard et Doug Miro – les trois créateurs de la série – nous font vite faire la connaissance du Don Pablo.

Freddie Gibbs – Narcos

Causez de rap avec Fredrick Tipton, il vous dira (à juste titre) que c’est un exercice bien trop facile pour son verbe musclé. Ce qui est dur, en revanche, c’est de mener au quotidien la vie d’un dope dealer, d’autant plus quand il est question d’être à la tête d’un empire comme celui d’Escobar. Gangsta Gibbs nous en dit quelque chose sur le bien-nommé “Narcos”, extrait de l’album Shadow of a Doubt, sorti en 2015.

Lacrim – Gustavo Gaviria

Plutôt que l’illustre figure de Pablo Emilio Escobar Gaviria, déjà suffisamment dépeinte au sein du paysage rap, Lacrim a cette fois préféré “rendre hommage” à celle de son cousin, le fidèle et plus tempéré Gustavo. Pas de référence particulière au personnage sur ce titre extrait de R.I.P.R.O, vol. 2, mais près de trois minutes à rapper un style de vie sulfureux qui continue d’inspirer l’artiste de Def Jam France. “Y’a pas deux solutions, comme dit Pablo, c’est l’oseille ou le plomb”.

Stefflon Don – Narcos

Qui a dit que seuls les rappeurs au torse bombé se prenaient de fascination pour les cartels sud-américains ? Le milieu du grand banditisme a beau être hautement testostéroné, rien n’interdit à une demoiselle de s’imaginer en baronne de la drogue quand bon lui semble. Sur le puissant “Narcos” (encore un), la londonienne Stefflon Don va même jusqu’à lâcher une poignée de mesures en espagnol, tandis qu’elle évoque – entre autres – des sacs de billets dissimulés au fond d’un lac. Difficile d’être plus dans le rôle.

Joey Bada$$ – Front & Center

Narcos ne saurait être Narcos sans la saveur de son générique, “Tuyo” du brésilien Rodrigo Amarante. Une balade chaude, enivrante et étrangement apaisante, sorte de calme avant la tempête que constitue chaque épisode du show Netflix. Le duo de producteurs espagnols Cookin’ Soul a eu la brillante idée d’y ajouter une ligne de 808 bien rebondies, parfaite pour laisser le new-yorkais Joey Bada$$ sauter nonchalamment sur le track. Ce qui nous donne donc le très bon “Front & Center”.

Passionné de basket depuis une bonne trentaine d’années, le photographe et réalisateur Kevin Couliau vous invite à sa première exposition « Sphère d’Influence » à partir du 8 septembre. Dans une sélection pointue de 50 photos prises dans les quatre coins du monde, Kevin Couliau met en relief l’esthétique et la créativité qui entourent ce sport. Les visiteurs seront immergés dans cette culture qui s’est construite autour du basketball.

L’exposition « Sphère d’Influence » se tiendra du 8 au 30 septembre à la mairie du 9ème arrondissement de Paris au 6 rue Drouot.

 

 

 

Le jeudi 21 septembre, Kitsuné est de retour au Bains pour son afterwork mensuel. Au line-up, on retrouve Ralph Hardy, le DJ londonien qui ravive la scène des clubs londonien. A l’occasion de son passage à Paris, il nous offre une playliste de dix titres qui nous balade d’Amsterdam à Londres en passant par le Nigéria, dans une vague feel good infectieuse.

 

Kitsuné After-Party – 21 septembre
EVENT FACEBOOK | RSVP

 

GrimeSound — Hardy Caprio Ft. One Acen
Leafs — Alright (feat. Ramiks & Yung Nnelg)
G-nigbeats — Mura Masa – All Around The World ft. Desiigner
Richie Souf — Goldlink – Crew ft. Brent Faiyaz, Shy Glizzy [Richie Souf Version]
Fekky — Say No More
Mini Kingz — Oscar #worldpeace x Ragz Originale x 808 Charmer x Knucks
Suspect OTB — FBG (FlamBoyant G)
Crapal — REX ORANGE COUNTY – UNTITLED
JSTJCK — Honest Ft. Yxng Bane
Davido – IF

 

Le magazine italien NSS Mag vient de dévoiler le 3ème drop de sa collection « Les Vêtements de Football ». Rendant un véritable hommage aux plus grandes équipes du ballon rond, cette collection redéfinit les frontières du luxe et du football avec un clin d’oeil aux tendances actuelles. On trouve sur certains maillots le détournement de grands labels de mode comme Balenciaga qui devient « Balenciagoal », Dior qui devient « Hardior » ou encore Comme des Garçons qui se transforme en « Comme des Football ».

La collection « Les Vêtements de Football » est disponible sur le store NSS Mag.

 

 

Photos: @JFW75

Modèles: Nina Emerson, Zoe L’hôte, Antony AmoussouAscrime BzedStéphane AugerLorenzo Akeva

The Basement est la plus grosse communauté streetwear du Royaume-Uni. Ce groupe facebook, qui avait commencé avec une poignée de personnes seulement, compte aujourd’hui plus de 65 000 membres qui discutent, conseillent et partagent à propos des labels et produits les plus chauds du moment. L’un des faits d’armes récents du Basement, est cette collaboration avec Nike qui se traduit par une Dunk Low « BSMNT », et dont toutes les recettes iront directement à l’oeuvre de charité Youth Futures. Alex Ropes, l’une des pierres angulaires du Basement, nous parle de cette collaboration.

Photos : Pablo Attal

Alex Rope, l’un des fondateurs de Basement Approved

Est-ce que tu peux nous parler des débuts du Basement ?

Il y avait beaucoup d’embrouilles et des petits trucs stupides qui se passaient. Il a fallu de la discipline, une vision claire et une compréhension de l’impact que pouvait avoir le fait de réunir autant de jeunes au même endroit et autour du même centre d’intérêt. Ce n’est pas seulement une opportunité à ne pas manquer, c’est un devoir et une responsabilité d’offrir des opportunités qui peuvent changer l’industrie à une communauté de jeunes gens dynamiques. On ne veut pas seulement travailler dans l’industrie, on veut la changer. C’est en novembre 2015 que le Basement est devenu plus qu’une communauté, c’est devenu un fournisseur de service.

Tu peux nous en dire plus sur “Youth Futures” et comment vous en êtes arrivés à travailler avec Nike ?

Youth Futures c’est une oeuvre de charité que j’aide depuis à peu près 5 ans. C’est une oeuvre de charité holistique pour jeune basé dans le sud de Londres. Ils sont arrivés à une période où le gouvernement fermait tous les services pour jeunes de Londres. Les centres pour jeunes fermaient et de ce fait, les opportunités se réduisaient. Youth Futures est né et essaie de garder ces opportunités.

De quel genre de mission est-ce que tu t’occupes ?

Le but n’est pas seulement d’améliorer le quotidien des jeunes, mais aussi de créer des portes-paroles, des leaders qui peuvent aider leur communauté à avancer. Il y a un club pour les petit-déjeuners, un pour les devoirs, on a réouvert le centre pour jeunes du sud de Londres qu’ils avaient fermé. Je fais aussi de la sensibilisation contre les gangs, des formations de leadership et de recherche de travail etc. En bref, on pallie à tous leurs besoins.

Daniel Pacitti et Leo Madella

Quel sera l’impact de la collaboration avec Nike ?

Tout l’argent qu’on a récolté avec les chaussures et les vêtements va directement à Youth Futures. C’était important qu’on utilise cette opportunité pour donner à une oeuvre comme celle-ci. Dans un monde régi par le consumérisme et le capitalisme, montrer aux jeunes que tu peux utiliser ces outils à des fins positives et pas seulement pour s’en mettre plein les poches, c’est super important. C’est le plan depuis le début. En aucun cas on ne pouvait profiter du projet pour se faire de l’argent et la raison pour laquelle on a donné à une oeuvre comme Youth Futures plutôt qu’à d’autres c’est également parce que les grosses oeuvres gaspillent l’argent. Tu donnes 100 000 euros à une grosse oeuvre de charité et ça part en frais administratifs, en maintenance des bureaux, aux directeurs qui gagnent déjà plus de 100 000 euros par an. Donner à Youth Futures était non seulement un moyen d’atteindre la jeunesse mais également de s’assurer de la façon dont l’argent est dépensé. Je n’ai jamais été certain de la manière dont j’allais marier la communauté du Basement à celle de Youth Futures parce qu’elles ont toujours semblées différentes et elles viennent aussi d’endroits différents. Mais ce projet était parfait pour combler l’écart entre les deux.


« En aucun cas on ne pouvait profiter du projet pour se faire de l’argent et la raison pour laquelle on a donné à une oeuvre comme Youth Futures plutôt qu’à d’autres c’est également parce que les grosses oeuvres gaspillent l’argent. »


Tu parlais du moyen de lier la communauté du Basement avec celle de Youth Futures et dans la pièce, nous avons Leo, qui est l’image parfaite d’une jeunesse qui évolue dans la communauté du Basement. Est ce que tu peux nous parler un peu de lui ? Quelle est l’importance d’une personne comme Leo pour le Basement ?

Je n’ai jamais rencontré de jeune avec un potentiel aussi grand que celui de Leo. Ceci dit, de nombreux jeunes ont beaucoup de potentiel. Leo fait des choses incroyables et j’ai le sentiment que c’est notre devoir et notre responsabilité de l’aider à avancer aussi loin que possible. C’est exactement ce pour quoi le Basement existe. J’espère que Leo ne sera pas le dernier mais c’est sans aucun doute l’un des pionniers de ce qui peut être accompli si une jeune personne est exceptionnelle et qu’elle a le soutien et l’amour d’une famille qui le pousse vers l’avant. Pas pour le profit, mais simplement par le fait qu’il fasse partie d’un collectif qui veut le voir aller le plus loin possible. Je pense que si on appliquait plus ce modèle, on verrait beaucoup plus de jeunes sortir du lot.

Leo Mandella

Shobon essaie aussi de plus aider les jeunes. Est-ce que tu penses que c’est une tendance londonienne ?

En ce moment, la jeunesse en a juste marre. On hérite de ce monde mais on a l’impression qu’on n’a pas notre mot à dire sur ce qui se passe. Comme par exemple quand on voit une personne comme Trump diriger les US, quand on voit qu’au Royaume-Uni on a un Premier Ministre qu’on n’a pas élu, la brutalité policière etc. Il y a tellement de choses qui se passent dans le monde et la jeunesse n’a pas l’impression de faire partie de la conversation. Et si ce n’est pas le cas, alors on va faire notre propre conversation et s’unifier jusqu’au point où nos voix ne pourront plus être ignorées.

Comment tu expliques cette différence entre la génération d’aujourd’hui et celle plus ancienne ? 

Je pense qu’internet y est pour beaucoup. Tu ne peux plus mentir au jeunes. Il y a 50 ans, les seules infos que tu pouvais avoir c’était à la télé, et c’était des faits. Mais aujourd’hui, les faits, tu peux les vérifier sur internet. Il y a des centaines de sources et tu peux choisir laquelle tu crois la plus crédible. Cette génération est la plus informée et la plus cultivée et je pense que quand t’as une jeunesse progressiste d’un côté et des personnes conservatrices de l’autre, ça va forcément exploser à un moment.


« Il y a tellement de choses qui se passent dans le monde et la jeunesse n’a pas l’impression de faire partie de la conversation. »


Est-ce qu’il y aura d’autres collaborations Nike x Basement ?

Je ne veux pas trop m’avancer, mais en même temps, c’est important que ça ne soit pas juste pour la forme. C’est facile de s’intéresser à un problème parce que c’est cool, parce que c’est à la mode et une fois que tu as donné ton opinion, quitter la conversation parce que tu as fait le job d’un point de vue des relations publiques. Mais si tu veux vraiment changer les choses et avoir un impact qui dure il ne faut pas juste collaborer mais faire un partenariat, échanger des valeurs. Si on ne prend pas soin de ces communautés elles tourneront leur dos et c’est ce que j’ai dit à Nike. Sur le court terme, votre marge bénéficiaire est très bien, mais du moyen au long terme, dans 5 à 10 ans quand les jeunes vont changer le monde et gérer les choses, est-ce qu’ils vous verront en tant que partenaires qui les ont aidés à changer le monde, ou en tant que gens qui sont restés en retrait et dit “non, on ne s’impliquera pas” ? Ou pire, est-ce qu’ils penseront “vous faites partie du problème, non pas de la solution” ? Donc je pense que le business model doit changer. Le fait de faire du profit sur tout ne peut pas continuer.

Un dernier mot pour la fin ?

Comme toute chose, il est important que lorsque tu commences quelque chose, tu continues et avances sans t’arrêter. Il n’y a pas de fin/victoire avec ce projet, ça ne s’arrête jamais.

Daniel Pacitti, designer de la Nike Dunk Low « BSMNT »

À l’entrée de la soirée de lancement de la Nike Air Max 97 par Skepta, le photographe du blog 75streetstyle a capturé les meilleures pièces et sneakers. Évènement Nike oblige, on a vu beaucoup de Swoosh mais également du Off White, du Vans ou encore Daily Paper. Enfin, certains chanceux portaient déjà la AM97 Skepta, comme c’était le cas de @miniswoosh et sa boucle d’oreille « SkAir ».

Photos: @75streetstyle

Pour la soirée de lancement de la Air Max 97 signée Skepta, Nike a vu les choses en grand. C’est dans une halle géante du quartier de Southwark à Londres que les festivités ont eu lieu, avec une atmosphere voulant rappeler les souks marocains. Loin d’être choisie au hasard, cette ambiance a inspiré Skepta pour la création de sa Air Max 97, lors d’un voyage dans la ville de Essaouisa au Maroc.

Dans cette halle se trouvaient de nombreux stands: on pouvait acheter des t-shirts marqués du logo « SkAir » ou la collection Mains de Skepta, customiser des vêtements, acheter des bouquets de fleurs ou même se faire coiffer par des barbers présents sur place. En plus de la scène sur laquelle se produisaient en live des artistes comme Steflon Don ou A$AP Nast, les visiteurs ont également eu droit aux délices culinaires du Maroc: tajine, couscous, harira et même makroud, tout y était !

C’est sur les meilleurs sons Grime et Dancehall que les visiteurs ont pu danser et, même si Skepta était là, le rappeur londonien n’a fait aucune apparition sur scène. Skepta mis à part, la liste des invités était assez prestigieuse: Aaron Bondaroff, l’un des fondateurs de Supreme, Charaf Tajer, directeur artistique de Pigalle, Guillaume Schimdt de la marque Patta, Wizkid, Virgil Abloh, Ian Connor, Iris Law, la fille de Jude Law et même A$AP Rocky, tous ont répondu présent à l’invitation.

La Air Max 97 x Skepta sera disponible dès le 2 septembre sur l’application SNEAKRS et sur le site Nike.

De retour de vacances, de retour au travail. Septembre est le moment de retrouver l’afterwork mensuel de Kitsuné qui vous prépare à chaque fois le line-up idéael pour vous défouler et décompresser.

Si la date de septembre se dévoile déjà bien avec Skinny Macho, Ralph Hardy, Kirou Kirou et un live de Raiza Biza, Kitsune vous donne déjà quelques dates à places dans vos calendrier jusqu’à décembre.

Kitsuné After-Work – 21 septembre
Salle: Les Bains
Adresse: 7 rue du Bourg l’abbé, 75003 Paris
Timing: 19h-23h
RSVP: https://kitsune.lnk.to/KASEPT

Converse, et sa ligne de produits pour skater « Cons », s’allient avec Chocolate Skateboards et le skater Kenny Anderson pour une nouvelle collection de vêtements et de chaussures. Dans le vestiaire de cette collab, vous pourrez trouver une paire de One Star et deux paires de Chuck Taylor All Star high, toutes conçues pour résister aux frottements et améliorer le confort lors d’une session. Pour les vêtements, Converse Cons et Chocolate Skateboards ont prévu des t-shirts manches longues et courtes ainsi qu’une veste en nylon. Toute la collection est produite dans un cotton bio, en accord avec la philosophie et le lifestyle du skater.

Toute la collection, parfaitement portée par Kenny Anderson dans les photos ci-dessus, sera disponible le 1er septembre dans les magasins Converse et sur le site en ligne.

Elle sera également présentée au DayOff Skate Shop dès 19h30 en présence de Kenny Anderson et de sa team.

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

Même si elle se fait rare, vous avez surement déjà entendu la voix de Mariah en soirée ou à travers un écran. Pour 93daysofsummer, la jeune artiste du collectif Girls Do It Better raconte ses origines et son amour pour la musique.

T’as grandi où?

J’ai grandi à Paris jusqu’à mes 11 ans, puis j’ai pas mal bougé, notamment à Amsterdam pendant 2 ans ou à New-York, avant de revenir sur Paris un peu plus tard.

Ça t’a fait grandir différemment?

Bien sur. Ma mère est arrivée du Mali en 1994 et elle n’avait pas les moyens de m’emmener en vacances. C’est grâce à une association qui envoie des enfants défavorisés en vacances que je suis partie à Amsterdam. Là-bas, j’ai tissé des liens forts avec des gens qui sont devenus ma deuxième famille et même si l’association a fait faillite, j’y vais souvent pour me ressourcer car j’ai aussi mes repères là-bas. Cette double vie m’a permis de m’ouvrir l’esprit et je profite pleinement de cette double culture, par exemple je peux te parler néerlandais comme je peux te parler bambara.

Qu’est ce que tu fais dans la vie, c’est quoi ton parcours?

Alors j’ai eu mon BAC l’année dernière, je suis allée à la Fac mais ça ne me plaisait pas, je passais mon temps à écrire des morceaux, j’étais obsédée par la musique… Alors j’ai arrêté et ma mère m’a laissé prendre une année sabbatique pour me concentrer là-dessus et à partir de là, tout s’est enchaîné très vite. On a été invité sur Canal +, c’était fou, ma mère était sur le plateau, elle était super fière. On a fait pleins de choses, elle est folle cette année, mais on garde la tête froide, je n’ai pas envie d’être juste une meuf d’Instagram qui joue de son image, il faut donner du fond et du sens à tout ça. Moi je veux faire du son, je veux sortir des albums, je veux faire des tournées….

Comment t’es tombée dans la musique?

Depuis toute petite je baignais dedans, mes premiers jouets c’était des karaokés miniatures en plastique ahah! Aussi, mon père est guitariste, donc ça aide, mais surtout, je trainais tout le temps chez ma meilleure amie dont la maman est une très grande chanteuse malienne et le papa un grand musicien qui joue de la kora, de la guitare etc… Je me suis beaucoup imprégné de l’atmosphère qu’on trouvait chez eux et son père m’apprenait même à jouer de la guitare en prenant le goûter après l’école. Je crois que c’est surtout grâce à ma meilleure amie Dali que j’ai pu développer cet amour pour la musique.

 


« Pour être créative, je me pose, j’en roule un, j’écoute du Ella Fitzgerald ou du Erykah Badu pour me détendre et je me mets à écrire« 


 

Du coup, t’as des projets qui sont déjà sortis?

En novembre dernier, avec mon crew Girls Do It Better, on a sorti un titre qui s’appelle Brown Sugar. C’était une première expérience et depuis j’ai enregistré pleins de trucs, j’ai rencontré pleins de producteurs différents et j’essaye de voir où je vais me diriger et comment je vais me construire musicalement parlant.

Comment vous fonctionnez avec Girls Do It Better?

On essaye au maximum de se servir de la force du collectif et que ce soit dans la mode, l’acting, le business ou la musique, on se donne de la force. Chacune a plus ou moins son rôle, Ashley et Audrey mixent et rappent, moi je chante et j’arrive en retard ahah !

Comment fonctionne ta créativité?

Franchement ça peut venir à tout moment. Quand on va se quitter je peux mettre mes écouteurs et l’inspiration va venir d’elle-même. Sinon, je me pose à la maison, j’en roule un, j’écoute du Ella Fitzgerald ou du Erykah Badu pour me détendre et je me mets à écrire. Si ça ne vient pas, je ne force pas. Le feeling doit se faire de manière instantanée et naturellement, si ce n’est pas le cas, je passe à autre chose.

Et tu poses uniquement en anglais?

Ouais, c’est comme ça que l’inspiration se présente et que mes textes ressortent. J’arrive mieux à exprimer ma musique en anglais. Après je pourrais chanter des textes qui ne sont pas entièrement à moi ou me faire aider par un compo, mais il faut que je participe au processus créatif, je ne peux pas chanter quelque chose qui m’est totalement étranger.

 


« À chaque fois que je vais me ressourcer au Mali, je m’imprègne de l’énergie qu’on y trouve pour revenir encore plus forte sur Paris »


 

C’est quoi ton regard sur Paris, ce petit monde dont on a tendance à dire que tout le monde se connaît?

Alors, même si lorsqu’on se croise dans la rue on va tous faire crari et qu’on connait tous des histoires les uns sur les autres, ici c’est chez moi et je sais que quoiqu’on fasse, Paname nous donnera de la force. Pour le reste, je ne fais pas attention à ce qui se dit, je fais mes shits et si tu kiffes pas ce n’est pas mon problème.

Et là c’est quoi les projets à venir?

Alors j’ai travaillé avec pas mal de producteurs de mon label Panamæra, on est allé sur Los Angeles pour enregistrer du son et j’espère sortir quelque chose d’ici la fin de l’année. Aussi, avec GDIB on a beaucoup de projets, des collabs avec des marques, on a toujours notre shop @GDIB_highwear qui marche bien… On fait tellement de choses que j’ai peur d’en oublier! Mais cette année, mon temps et mon énergie sont focalisés sur la musique. Mon premier projet va sortir bientôt, c’est mon bébé donc il faudra que tout soit parfait.

Tu pars cet été?

Je suis partie à L.A il y a peu de temps et là on va surement aller rider à Barcelone avec des amis. Ensuite, j’irais me ressourcer en famille sur la terre mère, au Mali. A chaque fois que je vais là-bas, je m’imprègne de l’énergie qu’on y trouve pour revenir encore plus forte sur Paris.

Dernière question, t’as quel âge?

J’ai 19 ans.

Instagram : @Bonita.Mariah

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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À seulement 20 ans, la barcelonaise BAD GYAL enflamme déjà les pistes de danse des clubs espagnols. Avec des morceaux comme « Jacaranda » ou « Fiebre », BAD GYAL veut marquer son temps avec un style de musique qu’elle qualifie de « future-reggaeton ».

À l’occasion du Bon Esprit Summer Camp 2K17 II, BAD GYAL sera en live le 2 septembre à La Station, 29 avenue de la Porte d’Aubervilliers dans le 18ème arrondissement de Paris.

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« And I aint rockin’ no more designer shit, white tees and Nike Cortez », rappait Kendrick dans le couplet de « Control », pour nous dire que c’est tout ce qu’il porte. Anciennement chez Reebok, cette ligne prend aujourd’hui tout son sens puisque le rappeur de Compton a annoncé son deal avec Nike sur Twitter avec la caption « Cortez. Since Day One #teamnike ». La Cortez, que portait le rappeur à Coachella, dans le clip « ELEMENT. » ou plus récemment aux VMA Awards sera donc probablement la première paire Nike signée Kendrick Lamar.

 

Kendrick Lamar aux VMA 2017

Supreme et Dr. Martens s’allient une fois de plus pour une nouvelle collection de chaussures. Cette collaboration se traduit par une revisite de la classique 1461 à 3 oeillets, embellie par une broderie du Coeur Sacré, une référence religieuse qui symbolise « l’amour divin qui a conduit le fils de Dieu à sacrifier sa vie pour l’humanité ».

Disponible en noir, bordeaux et vert, la Supreme x Dr. Martens Coeur Sacré sera en vente chez Supreme le 31 août.

Après la Air Force One imprimée « Nike Air », la marque au Swoosh réédite aujourd’hui le modèle « Upstep » et lui donne un lifting baptisé « Sequin Rose ». Cette paire, disponible en bleu clair ou bleu foncé, arrive avec une empeigne tout en denim et ornée de sequins représentant des roses.

La Air Force 1 Low Upstep Sequin Rose est un modèle pour femme et arrivera chez Nike le premier septembre, pour 180€.

Parmi les 10 paires de la collaboration entre OFF-WHITE et Nike, on trouvait un modèle de Converse Chuck Taylor translucide qui fait partie de la ligne « GHOSTING ». C’est précisément cette paire qui fait aujourd’hui l’objet d’une demande particulière de Virgil Abloh. Sur Twitter, Abloh a demandé, à qui veut, de lui envoyer une photo de sa paire de Chuck Taylor customisée.

Donc si vous avez une Chuck Taylor sur laquelle vous avez laissé votre esprit créatif s’exprimer, vous pouvez la poster sur les réseaux sociaux avec le hashtag #OFFCAMPUSCHUCKS. Si vous êtes sélectionnés, votre photo sera affichée lors de l’évent « Off Campus » à New York, du 6 au 8 septembre.

 

"PSA" looking for photos of your current customized Chucks to be displayed at the NIKE "OFF" CAMPUS institute in NYC. tag #OFFCAMPUSCHUCKS pic.twitter.com/2Azg6DBNiO

— virgil abloh (@virgilabloh) August 24, 2017

Tandis que certains profitent autant que possible des quelques jours qui les séparent d’une pénible rentrée, d’autres s’activent pour justement nous atténuer le choc de la reprise. A$AP Mob a ainsi pris le contrôle du mois d’août, « August » devenant pour l’occasion « Awgest », comme le nom du label créatif fondé par le collectif new-yorkais. Au programme : le lancement d’un nouveau site, avec toutes sortes de contenus liés à la nébuleuse A$AP, ainsi que plusieurs heures de petites bombes audios sous forme de projets impliquant différents membres du Mob.

Twelvyy avait ouvert le bal en début de mois avec 12, son tout premier album studio. Ferg suivait également ses pas, le 18 août dernier, quand il balançait la mixtape Still Striving. Une semaine plus tard, voici que le crew au complet clôture ce petit marathon de sorties avec le second volume des Cozy Tapes. Un projet qui voit Rocky – présent sur 12 des 17 titres qui le composent – s’affirmer encore un peu plus comme la tête du gondole du Mob, au milieu d’un casting pourtant costaud. Gucci Mane, Lil Yachty, Chief Keef, Jaden Smith, ScHoolboy Q… Tous y vont de leur brève apparition. Et pendant ce temps là, un gamin plus ou moins inconnu au bataillon s’invite sur pas moins de quatre morceaux de la galette. Un invité surprise, comme pouvait l’être Joe Fox sur At.Long.Last.A$AP.

Il s’appelle Smooky MarGielaa et à tout juste 15 ans, il n’est même pas encore en âge de passer la conduite au pays de l’Oncle Sam. Ce qui ne l’empêche cependant pas d’accompagner son big bro A$AP Rocky au volant des plus belles carrosseries, ou de s’afficher sur Instagram en train de palper des billets verts, n’en déplaise à Jay Z. Comme Booba en France, Smooky a emprunté son nom à l’un de ses cousins, incarcéré depuis 2011, qui se faisait appeler « Smoke ». Smoke devient alors Smooky, avant que Smooky ne devienne Smooky MarGielaa, suite à la sortie d’un titre dédié au couturier belge, dont il use les sneakers sur le bitume de son South Bronx. En bon natif de New-York, le jeune artiste a par ailleurs été flatté de recevoir le soutien de Rocky et des autres membres du Mob.

« Avoir été validé par A$AP Rocky, c’était fou. Je suis allé voir ma mère en lui disant, ‘Maman, regarde !’ et elle m’a répondu, ‘Wow, mais c’est Rocky !’. Toute ma famille était excitée, ma soeur est devenue complètement folle. Tout le monde dans mon quartier écoute Rocky. Donc quand ils ont vu qu’il m’avait validé, ils savaient que c’était fini », glissait-il du côté de Kulture Hub.

À son actif, une mixtape Spooky Smooky, publiée à l’automne 2016, ainsi qu’une petite quinzaine de titres éparpillés entre YouTube et Soundcloud, qui ne dépassent pas les 100 000 vues. Sur « Out My Face », son utilisation prononcée de l’Auto-Tune donne à sa voix un aspect métallique qui tend à rappeler Nav. De manière plus générale, on retrouve un peu de Fetty Wap dans son interprétation fredonnante, faite de changements de ryhtme et d’envolées soudaines, tandis que son timbre juvénile le rapproche de Kodie Shane ou d’070 Shake. A$AP Twelvyy et Marty Baller ont d’ores et déjà fait appel à ses talents sur 12 et Baller Nation, leurs derniers projets respectifs. Lui-même travaillerait actuellement une prochaine mixtape, A Tribe Called Grape.

Tel Playboi Carti avant lui, Rocky le trimballe partout où il passe, comme au festival SXSW, où ils avaient interprété en avant-première le titre « Black Card ». Son quinzième anniversaire, Smookey MarGielaa l’a immortalisé avec un selfie aux côtés de Tyler, The Creator, Kanye West et Drew Drippy, son ami de toujours. La veille, il s’invitait sur la scène de Kendrick Lamar pour vivre la BET Experience 2017. « A nigga used to dream, my reality a dream now », écrivait-il il y a quelques semaines de cela, dans un énième post Instagram. On le croit volontiers.

https://www.instagram.com/p/BV0cGt3nS12/?taken-by=whois.smookymargielaa

wwwesh studio est LA marque/agence de création parisienne (leur atelier est basé à Bagnolet) qu’il faut connaitre absolument. Leur collaboration avec le label californien Heightened Sense les a propulsé sur le devant de la scène avec une place dans le top 10 des marques à suivre du magazine Highsnobiety. Aujourd’hui, wwwesh studio dévoile un nouveau hoodie et une vidéo qui va avec.

Les hoodies sont disponibles dans la boutique aaucarré black.

John, que tout le monde surnomme « Sicap » comme la ville au Sénégal, est catégorique: ses employés ne sont pas coiffeurs, ni barbiers, mais barbers. Il est le chef d’escouade de l’équipe Groomer.s, un barbershop inspiré de ceux que l’on peut trouver dans de nombreuses villes aux États-Unis. Si John vient d’Aulnay-sous-bois, il insiste pour qu’on note qu’il représente également le département du 02 (Aisne), où il passe une partie de son enfance. En quelques mois seulement, Groomer.s est devenu l’un des salons urbains phare de la jeunesse parisienne et il n’a rien à envier à ses homologues américains. 

Tout l’été, ils ont tracé les meilleurs contours dans leur cage au YARD Summer Club et c’est à cet endroit précis qu’on a posé quelques questions au fondateur de Groomer.s. 

Comment l’histoire Groomer.s a-t-elle débutée ?

L’idée vient de très loin. J’ai d’abord commencé avec un salon de coiffure pour femme, appelé « Maridié », et par la suite je me suis associé avec un frère à moi et on a fait « 235th Barber Street ». Le concept s’est bien lancé et après j’ai pris une autre direction parce qu’on avait deux visions différentes. Quand y’a deux capitaines dans un même bateau ça ne peut pas marcher si l’un veut prendre à gauche et l’autre à droite. Il n’y a pas de soucis entre nous, on a juste deux identités différentes.

Du coup, c’est quoi la différence entre vos deux navires ?

Moi je voulais faire un truc beaucoup plus urbain, street, avec les codes du ghetto français qui représentent mon identité. Son navire est plus orienté Hip-Hop US et culture américaine.

Le concept de la cage Groomer.s est donc lié à cette idée de ghetto français ?

Oui en fait la cage c’est emblématique dans le ghetto. C’est en rapport avec tout ce qui est incarcération, garde-à-vue etc. Ce sont des réalités auxquelles on fait face. La cage c’est le quartier, on se sent un peu enfermé, même à l’air libre. Mais notre état d’esprit c’est qu’aujourd’hui, notre cage, elle déborde d’énergie : il y’a des artistes, il y a des footballeurs, il y a des photographes, il y a des ingénieurs et c’est ça que ça représente. On joue sur ce cliché, sur la façon dont les gens nous voient. Ils pensent qu’on va finir dans une cage mais en fin de compte on s’en sert pour en faire quelque chose de positif.

 


« On joue sur ce cliché, sur la façon dont les gens nous voient. Ils pensent qu’on va finir dans une cage mais en fin de compte on s’en sert pour en faire quelque chose de positif. »


 

Tous nos barbers possèdent des éléments de rue. Nos caisses sont entourés de grilles que l’on peut trouver dans une cellule de prison. C’est une pensée pour les gens incarcérés et aussi pour dire qu’on va au-dessus de tout ça. Il y a aussi des gyrophares qui rappellent la police et qui font office de réveil, ils nous disent qu’il est temps qu’on fasse des choses. Nos bars sont fait en pièces de cinq centimes qui nous rappellent l’importance de l’argent : un sous c’est un sous. Ensuite, toutes les structures sont faites avec du bois et de la ferraille pour dire que tout a été fait pour nous et par nous, en mode artisanal. 40% de nos coiffeurs n’étaient pas coiffeurs l’année d’avant, on prend des petits qui ne font rien, qui font des conneries ou qui se cherchent et on essaie de les sortir de là pour qu’ils puissent devenir barber. Chaque semaine, nous faisons suivre à nos apprentis des formations intensives dans nos salons, menées par des barbers pros. C’est ça le concept. Ça va au-delà de la simple déco, c’est tout un état d’esprit.

Comment expliques-tu le succès Groomer.s ?

Je pense que c’est parce qu’on a lancé un vrai concept. Quand on a fait « 235th Barber Street », on a lancé cette vibe de barber shop un peu cainri et on a été les précurseurs dans Paris. On a lancé une tendance et aujourd’hui cette tendance, elle prend. C’est un peu comme les bars à chicha ou les VTC. Les gens avaient envie de ce renouveau là, ils ont envie de connaître un truc qui leur correspond et y’a des choses qui sont vieillissantes alors qu’on est dans une ère de consommateurs et de paraître. Si aujourd’hui on est débordés c’est parce qu’on fait partie des premiers et y’en a pas encore énormément. Les gens se battent pour venir dans notre barber.

Quelle a été la réaction des gens face à la cage dans le Wanderlust ?

La cage, c’était pour frapper fort. Aujourd’hui tout ce que je veux faire c’est marquer le coup, comme on dit on est là pour mettre des punchlines et se faire remarquer tu vois [rires, ndlr]. On veut interpeler les gens et marquer le temps. Si on a fait Groomer.s ce n’est pas que pour vivre aujourd’hui mais pour être là encore dans 20 ans et 25 ans, si Dieu le veut. En mettant une cage on a affirmé notre identité et on leur a montré un autre univers du barbershop qui est propre à nous. Elle montre notre côté urbain et je pense que c’était bien perçu par le public. Après je sais qu’on a eu des retours genre “oui les renois pourquoi ils ont toujours besoin d’être enfermés” etc. Moi je répond qu’on sait d’où on vient et on ne se lamente pas sur notre sort en disant qu’on nous voit toujours de telle ou telle façon. Au contraire, on se dit “ok ils nous voient comme ça alors on va détourner le truc”. Je pense qu’en mettant la cage et avec le fait d’être noir, certains vont peut être dire du mal de nous. Mais nous on affirme tout ça, on a un passé qu’on ne peut pas oublier.

 


 « On veut interpeler les gens et marquer le temps. Si on a fait Groomer.s ce n’est pas que pour vivre aujourd’hui mais pour être là encore dans 20 ans et 25 ans, si Dieu le veut. »


 

Si tu veux marquer le temps il faut choquer, donc bien-sûr qu’on en joue. Soit tu vas jusqu’au bout de ton concept et t’assumes ton positionnement, soit tu le fais pas. Et dans ce cas-là tu passes inaperçu tout en sachant que la concurrence va être rude. La cage pour nous ce n’est qu’un avant-goût de ce qu’on peut faire et je pense que dans les jours à venir vous verrez qu’on n’était qu’à 10% avec la cage.

Tu nous disais plus tôt que tu formais des jeunes à devenir coiffeur. Comment est-ce que tu t’es formé toi ?

Mon premier salon de coiffure c’était en 2010 à Aulnay, c’était un salon mixte. Je travaillais avec une coiffeuse et un barber et quand je fais quelque chose c’est toujours à fond. Donc pour apprendre je les regardais faire mais surtout, je lisais des bouquins de coiffure et je regardais des tutos sur YouTube tous les jours. Grâce à ça maintenant je peux faire des colorations etc. J’envisage quand même de passer mon Brevet Professionnel, parce qu’on a kidnappé un métier en fait, on l’a vulgarisé. Mais c’est essentiel de connaître les bases parce que si tu veux être à la tête d’un groupe il faut avoir ces connaissances là. Je me suis mis à fond dedans parce que j’ai de grandes ambitions et pour les atteindre, il faut y mettre beaucoup de soi.

Maintenant qu’on en sait un peu plus sur toi on va partir sur quelque chose de plus fun. C’est quoi la demande de coupe la plus folle que t’aies jamais eu ?

Pour moi c’est quand un mec vient au salon et me demande de lui faire une teinture rose. C’est le truc le plus fou parce qu’à une époque tu ne pouvais pas faire ça. Aujourd’hui les gens sont plus ouverts et sont plus gais, quand je dis gai je parle bien de la gaieté. Mais nous on est encore dans un esprit ghetto, enfermé, genre pour nous si tu veux faire une crête c’est un truc de ouf tu vois [rires]. Aujourd’hui les jeunes s’habillent comme Young Thug etc. et c’est une nouvelle ère. C’est pour ça aussi qu’on prend beaucoup de jeunes, pour pas que le shop vieillisse.

 


« On prend des petits qui ne font rien, qui font des conneries ou qui se cherchent et on essaie de les sortir de là pour qu’ils puissent devenir barber. C’est ça le concept. Ça va au-delà de la simple déco, c’est tout un état d’esprit. »


 

Y’a des coupes que tu as déjà refusé ?

Que j’ai refusé non, mais que je déconseille oui. Comme les défrisages par exemple. Quand je vois un mec avec une crête défrisée chelou je le valide pas. Si un client me demande de lui faire un défrisage je lui dis “noooooon djo laisse ça aux autres. Laisse tomber ![rires]. Moi j’aime bien les cheveux crépus, naturels, on s’affirme quoi !

Disons que j’ai un rendez-vous avec une fille ce week-end, tu me conseilles quelle coupe ?

J’te conseille un Taper. C’est un fondu sur les tempes et sur la nuque, on t’égalise ça bien et voilà ça fera beau. C’est une coupe que Drake a remis un peu à la mode. C’est pas vraiment un dégradé parce qu’ils sont faits plus bas mais voilà un petit Taper ça passe bien. Comme ça la meuf voit que t’es dans le coup aussi.

C’est quoi les projets pour Groomer.s ?

Déjà on va ouvrir un flagship en fin d’année, ça va être notre lab dans lequel on vendra des baskets, des boissons, etc., on mettra la barre encore plus haute. Ensuite il y a une application Groomer.s qui va sortir en septembre et je pense que ça va révolutionner un peu le monde du barber. Elle va servir à faire en sorte que le client attende beaucoup moins. Tu pourras te mettre sur liste d’attente, et non prendre rendez-vous parce qu’on connait notre clientèle: une personne en retard, ça décale toutes les autres et ça crée des embrouilles. Donc tout simplement liste d’attente, tu reçois une notification qui te dit que dans 15 min c’est ton tour, si on a fini plus tôt t’es aussi averti et voilà. Ça met une meilleure fluidité dans le business et ça nous fera une seconde punchline [rires]. Et voilà on espère qu’on va bien faire évoluer les choses et faire du bruit dans Paris.

Facebook: Groomer.s Barbershop
Instagram: @groomer.s
Photos: @alextrescool

 

Ce vendredi 25 août est un grand jour pour la musique, puisque de nombreux artistes sortent leur album/projet en même temps. Un peu comme l’éclipse lunaire à laquelle les américains ont pu assister il y a quelques jours, avoir ce nombre d’albums qui dropent au même moment, c’est très rare. Pour vous éviter d’aller chercher dans tous les sens, on vous réuni ici toutes les nouveautés du jour. Merci qui ?

ASAP Mob – Cozy Tapes Vol.2: Too Cozy

Le ASAP Mob s’appropriait le mois d’août sous le nom de code « AWGEST » et ça se traduisait par la sortie de 3 projets. On a eu droit au premier album d’ASAP Twelvyy, ensuite ASAP Ferg a dévoilé sa mixtape Still Striving et voici qu’aujourd’hui, le Mob entier dévoile son projet Cozy Tapes Vol.2: Too Cozy.

 

XXX Tentation – 17

Si l’engouement autour de XXX Tentation tourne presque au culte, on ne peut pas lui enlever son talent. Et son talent, il nous le montre dans son premier album intitulé 17, qui est une tornade d’émotions avec Tentation qui aborde des sujets comme la dépression. À écouter ici, que vous aimiez XXX ou non.

 

Lil Uzi Vert – Luv is Rage 2

Lil Uzi Vert a annoncé sur les réseaux sociaux la sortie de sa nouvelle mixtape de façon totalement inattendue. Luv is Rage 2 est bel et bien là et il contient un featuring avec Pharrell Williams, rien que ça *shoulder dance*.

 

Brockhampton – Saturation 2

Si vous n’avez jamais entendu parler de Brockhampton, il est grand temps de vous rattraper. Pour vous la faire courte, c’est un boyband (c’est son leader Kevin Abstract qui le dit) tout droit venu du Texas et dont la côte monte fort en ce moment. Du vent frais sur le hip-hop.

 

Action Bronson – Blue Chips 7000

Non, Action Bronson ne fait pas que manger des tas de trucs dans son émission « F*ck, That’s Delicious ». C’est avant tout un rappeur et il est de retour avec un nouvel album nommé Blue Chips 7000, dans lequel il y a des featurings de Rick Ross ou Big Body Bes.

 

Madeintyo – True’s World

Atlanta n’en fini plus de dévoiler des talents. On a encore un exemple avec Madeintyo, connu notamment grâce au morceau « Uber Everywhere » et qui a choisi son nom de rappeur après avoir passé la majeure partie de sa scolarité au Japon. Son nouvel EP True’s World est une petite perle à ne pas manquer.

 

Daniel Caesar – Freudian

À 22 ans seulement, Daniel Caesar s’est déjà fait remarquer avec des morceaux comme « Get You » ou « Violet » et sort enfin son premier album Freudian, très attendu par ses fans. La douceur et la sensibilité du projet en font toute sa beauté.

Dès ses débuts en 1974, la Converse One Star se dessine comme une paire sportive imaginée pour les parquets et enracinée dans l’histoire du basketball. Très vite, comme tous les modèles de Converse, elle se voit réappropriée par toute une jeunesse. En 1994, son « toe-bumper » la fait entrer dans la culture skate qui la remet d’ailleurs au goût du jour en 2015 grâce aux skateurs Sage Elsesser et Sean Pablo de la team Converse et Supreme. Puis, du skate, en passant par les mouvements contre-culturels et musicaux, punks, fashion, artistiques, ou encore entre les mains de designers, la One Star est finalement devenue une toile blanche qui bien qu’ancrée dans l’histoire, s’en détache vite pour se réinventer sans cesse.

Aujourd’hui, la One Star revient sur le devant de la scène, reprise par une nouvelle jeunesse, fidèle à la contre-culture et ses mouvements. Place à la « Culture », d’une jeunesse urbaine, créative et irrévérente. Celle que clament haut et fort Migos dans leur dernier album, puis l’A$AP Mob et représentée de façon plus large par les égéries Converse Tyler, The Creator (qui donne au modèle de nouveaux coloris) ou encore Vince Staples. Dans cette « Culture », les frontières s’effacent plus que jamais : qu’il s’agisse de frontières géographiques, de genres ou de disciplines artistiques, les influences s’y mêlent sans interdits. Une culture portée par la mode, par le son et par une foule de jeunes influenceurs qu’on retrouve à travers le monde.

Ambassadeurs de cette jeunesse créative, on a retrouvé les jeunes Harry (16 ans), Tyyyki (17 ans) et Lorenzo (18 ans) dans la banlieue de Paris. Nourris via Instagram par cette culture et son lifestyle, ils se démarquent par leur sens du style et leurs connaissances pointues. Quand on leur parle de Converse, ils répondent « Converse, c’est la jeunesse… Depuis longtemps ! », et quand on leur parle de jeunesse, ils enchaînent « La jeunesse représente le futur. On représente le futur des jeunes de Paris et de la mode. »

Avec eux, on oublie un instant l’attrait généralisé des tours de la banlieue parisienne, et on fait un tour à cheval dans un parking désert, aux portes d’une contrée plus verdoyante mais toujours encerclée par le bitume. Clin d’oeil à Young Thug, le rappeur le plus transgressif et dissident de sa génération, qui livrait il y a quelques mois un album trap/country, dans le sens le plus gangsta et pittoresque des deux termes.

Pour ajouter à l’extravagance et au luxe des Migos ou d’un Young Thug, on chausse nos modèles du pack Premium One Star. Premium, pour le Suede qui habille cette paire décorée d’un empiècement étoilé et agrémenté de lacets en cotton contrastants.

Le pack est disponible sur le store Converse.fr
Disponible en navy, rouge, noir et gris

Photos : @Ojoz x @felicitybenprice
Vidéo : Stéphane Ridard

Après une absence musicale sous l’alias « King Krule » depuis 2013, le multidisciplinaire Archy Marshall est de retour avec un nouveau morceau nommé « Czech One ». Si King Krule était en pause, c’est sous son vrai nom que le chanteur londonien a continué à faire parler de lui. On le voyait sortir un album, « Any God of Yours », un livre, travailler avec le groupe Mount Kimbie et même produire un morceau pour Earl Sweatshirt, mais sous le blaze « Edgar The Beatmaker ».

Vous pouvez écouter « Czech One » du roi Krule juste en dessous.

 

 

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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Instagram : @alextrescool

Presque deux mois après la sortie de son 13ème album 4:44 Jay Z s’est enfin exprimé sur cet opus qui a soulevé pas mal de sujets de discussions. Du plus futile (entendu l’elevator gate) au plus profond (de la discrimination raciale et du business dans la communauté noire aux Etats-Unis), l’artiste s’est finalement exprimé au micro de l’émission Rap Radar, exclusivement diffusée sur Tidal.

Dans cette première interview, qui en appelle d’autres sur le même support, ce sont Elliott Wilson et Brian « B.Dot » Miller qui mènent l’entretien. Pour tout ceux qui n’auraient pas Tidal, on a ressorti les passages clé de cet interview. Vous pouvez aussi l’écouter ici :

 

 

Sur la conception de l’album

 

La conception de l’album a commencé en janvier de cette année. Un projet qui s’amorce avec un appel de NO I.D.  : « J’ai le nouveau Blueprint« . Jay Z reste suspicieux. Parmi ses productions, il y a déjà celle qui deviendra le titre « 4:44 ». À partir de là, le processus s’enchaîne et Jay Z s’inspire de Prince, Michael Jackson ou encore de U2, et lâche sa légendaire méthode de mémorisation pour se mettre aux notes vocales. « Je ne sais pas ce que j’essayais de prouver. »

Initialement la sortie était d’ailleurs prévue le 4 avril. « Ça n’avait pas vraiment de sens. C’était juste histoire de le sortir le 04/04 parce que l’album est 4:44. »

 

Sur « Kill Jay Z »

 

Dès le départ, ce morceau introspectif où Jay Z revient sur son parcours et descend point par point son statut de role model, est sorti du lot pour ses quelques lignes à l’intention de Kanye West, son binôme sur Watch the Throne. « But you got hurt because you did cool by ‘Ye / You gave him 20 million without blinkin’/ He gave you 20 minutes on stage, fuck was he thinkin’? » « Mais tu as été blessé parce que tu as été cool avec Ye’/ Tu lui as donné 20 millions sans sourciller / Il t’a accordé 20 minutes sur scène, à quoi il pensait ? ». Ces 20 minutes, Kanye les a pris sur scène pendant l’un de ces fameux rants, où il a déploré l’absence de Jay après l’agression de son épouse à Paris, ainsi que le détachement entre les deux familles.

« Tu ne peux pas impliquer mes enfants et ma femme. Kanye est mon petit frère… Mais il a amené toute ma famille dans cette histoire, c’est un problème… Tu sais que c’est un problème parce que lui et moi, on en aurait parlé, on aurait réglé nos problèmes. Et il sait qu’il a dépassé les limites, il le sait. Et je sais qu’il le sait, parce qu’on n’a jamais laissé autant d’espace entre nos désaccords et il y en a eu beaucoup. Ça fait partie de ce que nous sommes… C’est une personne honnête et il a souvent tort. Le fait est que j’ai dis que j’ai été blessé. Tu ne peux pas diss quelqu’un en disant que tu as été blessé. C’est le truc le plus soft de tous les temps. »

Un autre point de discorde se retrouve dans l’une des dernières lignes du morceau : « In the future other niggas playin’ football with your son » « Que dans le futur, d’autre gars jouent au football avec ton fils ». Une référence au rappeur Future qui a eu un enfant avec Ciara il y a trois ans. Un enfant qui vit aujourd’hui avec la chanteuse et son époux, le footballeur américain Russell Wilson.

 

« J’ai réfléchi à cette phase et par rapport à notre culture je me suis dis « Je n’ai vraiment pas de mauvaises intentions. »

Ce que je veux dire par là, la façon dont s’est joué la situation, c’est parce que [Future] est une personnalité tellement publique. On m’aurait fait la même chose, j’aurais réagi de la même façon, voire quatre fois pire. De ce que je vois, son fils vit dans un environnement aimant. Je ne sais pas. Je n’essaie pas de discréditer son beau-père et tout le monde.
C’était une phrase pour dire que ça pourrait m’arriver dans le futur. Et il se trouve que son nom est Future. J’en ai juste fait un jeu de mot sans arrières pensées. »

 

 

Sur « The Story of O.J. »

 

L’un des passages qui a eu le plus de retentissement sur les réseaux sociaux est bien celui-ci : « Y’all on the ‘Gram holdin’ money to your ear / There’s a disconnect, we don’t call that money over here » En français : « On vous voit sur Instagram votre argent à l’oreille, on a été coupé, on n’appelle pas ça de l’argent par ici ». Un passage perçu comme la critique d’une génération qui préfère flamber sur Instagram, plutôt qu’investir et devenir financièrement indépendante.

« Je n’ai même pas dis au gens d’arrêter le money phone. Je n’ai pas dis ça. Ce n’est dis nul part. J’ai dû ré-écouter. Comment ça a été mal interprété ? J’ai seulement dis que ce n’était pas de l’argent pour nous. Ça n’en est pas. C’est juste une assertion honnête. La richesse pour nous, c’est moi et trois amis au premier rang à Golden State. Pas parce que les places sont chères mais à cause de ce qu’on fait là-bas. Ou créer des marques et les faire avancer. Ça ne peut pas être notre objectif, gagner de l’argent et le montrer sur Internet. C’est kitsch. Vous pouvez le faire. Je l’ai dis. « Chains is cool to cop, but more important is lawyer fees. » « C’est bien de s’acheter des chaînes, mais payer les frais d’avocats est plus important. » C’est dans mon premier album. J’ai toujours voulu apporter du game aux gens. Voilà, vous pouvez apprendre de mon expérience. »

 

Il revient aussi sur le passage où il raconte comment la communauté juive a réussi a s’imposer dans le paysage immobilier new-yorkais et aux accusations d’anti-sémitisme qui ont suivi.

« C’est dur pour moi de prendre ces critiques au sérieux parce que j’ai exagéré tous les traits de l’image des noirs. Si vous ne voyez pas de problèmes dans l’image exagérée d’un gars qui mange une pastèque, et toutes les autres images… Si vous n’avez pas de problème avec ça et que c’est la seule phrase que vous en retirez, alors vous êtes un hypocrite. Je ne peux pas y répondre de la bonne façon. […] Le contexte fait tout. Et le contexte dans ce titre soulignait clairement tout ce que j’essaie de dire et ce que j’essaie de démonter, c’est qu’ils l’ont fait de la bonne manière. »

 

 

Au détour de l’interview, il évoque également l’importance de l’indépendance dans le business, déplorant par exemple l’enthousiasme des athlètes et des artistes qui offrent leur nom à Nike. « With all due respect… Fuck Nike. » Pour illustrer son propos, il revient sur l’exemple de Lavar Ball, le père du joueur Lonzo Ball, meneur des Lakers, qui lançait il y a quelques mois la ZO2.

 

« Lavar Ball, il a dit « je vais commencer ma propre compagnie »…. Tout le monde lui a dit « tu devrais signer chez Nike ». Maintenant, il a peut-être fait certaines choses de la mauvaise façon, il a peut-être une grande gueule… Mais j’ai acheté trois paires. Pourquoi j’ai acheté trois paires ? […] Cet homme a sa propre vision.[…]  Pourquoi je ne le soutiendrais pas ? Il pense pouvoir faire avancer la culture. »

 

 

Sur l’influence de l’album 4:44

 

« Ça va au-delà de la musique : on n’a pas encore saisi l’importance de cet album; jusqu’à ce qu’il commence à se manifester dans la culture. »

 

Alors que Nike montrait les 10 paires de la collab avec OFF-WHITE de Virgil Abloh, la marque au Swoosh vient de dévoiler les premières images de la Air Max 97 « Sk » signée Skepta. Le rappeur de Londres n’en est pas à son premier coup d’essai en ce qui concerne la mode puisqu’il sortait, il y a quelques mois, sa propre collection nommée Mains. Le lookbook de cette collection était shooté au Maroc, et ce voyage a également inspiré les coloris de cette Air Max 97 Sk.

Skepta est connu pour son look street, et la chaussure de Nike fait partie de son outfit depuis longtemps: « Je porte des Air Max depuis très longtemps, depuis que j’ai 7 ans. La Air Max me rappelle quand je courrais dans les rues, elle est confortable à porter dans Londres. Que ce soit pour aller en club ou jouer au foot dans la rue.  » Mais la première paire achetée par le rappeur n’est pas la 97, mais plutôt la Nike Air Tuned Max, qui a elle aussi été une source d’inspiration: « Je voulais apporter sa touche de magie à la 97, la magie qui m’a fait tomber amoureux des Air Max ».

La Air Max 97 Sk sera disponible sur le site Nike et l’application SNEAKRS dès le 2 septembre pour 180€.

 

Après avoir sorti son premier album solo nommé « Fin », qui contenait notamment l’excellent « All About Me« , Syd nous fait le plaisir de dropper des singles en attendant son prochain projet. C’est le cas aujourd’hui avec « Bad Dream / No Looking Back », une ballade RnB ultra smooth comme elle sait si bien les faire. Vous pouvez écouter le nouveau morceau de Syd The Kid juste en dessous.

 

 

Tenez vous prêt ! Freddie Gibbs, le rappeur originaire de l’Indiana posera ses valises à Paris pour un concert exceptionnel. Après l’album « Shadow of a Doubt » enscensé par la critique, Gibbs sort en mars son projet nommé « You Only Live 2wice », qui contient des morceaux produits par Kaytranada ou encore Badbadnotgood. Loin de chômer, le rappeur enchaine direct avec une tournée mondiale.

C’est donc le mardi 28 novembre que Freddie Gibbs sera à La Bellevilloise et vous pouvez choper vos places dès maintenant.

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Nike et OFF-WHITE viennent de confirmer leur collaboration qui va donner naissance à 10 paires revisitées par le label de Virgil Abloh. Cette collection inclue deux packs: le premier, nommé « REVEALING » est composé des Air Jordan 1, Air Presto, Air Max 90, Air VaporMax et des Blazer Mid. Le second pack quant à lui, appelé « GHOSTING », contient les Air Max 97, React Hyperdunk, Air Force 1, Zoom Vaporfly et enfin les Chuck Taylor All-Star de Converse, racheté par Nike.

Le pack « REVEALING » sera en pré-vente pendant la saison Printemps-Été de la Fashion Week 2018 (le 26 septembre à Paris) et le pack « GHOSTING » est prévu pour fin 2017/début 2018.

 

 

La musique du prodige Irlandais prend directement aux tripes, aux sentiments. Agressive et calme, âpre et douce, à la fois. Les arrangements sont bruts, les sensations amplifiées, le discours sincère. Rejjie Snow s’attaque, sans filtre, aux travers de notre société. Fustige, sans tabou, le conservatisme des institutions hip hop. S’étant détaché de toute frontière idéologique, de toute barrière artistique, Rejjie propose un univers libre. Volatile. Une bouteille envoyée à la mer, qui voyage aux quatre coins du globe, jusqu’à mettre pied à terre. Un pied à terre qui prendra la forme de Dear Annie. Futur premier album pour l’enfant de Dublin.

Au commencement du commencement

Pour se faire une première idée de l’objet musical non-identifié Rejjie Snow, il est essentiel d’aller jeter un oeil du côté de son ancien alter-ego, désormais délaissé, Lecs Luther. « Lecs Luther ». Un pseudo machiavélique, démoniaque. Mix entre Lex Luthor et Hannibal Lecter. Un psychopathe, principal ennemi de Superman et un cannibale au sang glacial : l’Irish se réclame des deux énergumènes – d’un point de vue allégorique. Rassurant. Son crime inaugural s’intitule Fish & Chips. Du célèbre plat dont raffole les britanniques, à base de poisson frit, assorti de frites. Alors âgé de 19 ans, Luther met une musique sur ce pseudo tout droit sorti des enfers. Fidèle à l’imaginaire tordu, torturé du jeunot décomplexé, elle est inquiétante, angoissante, oppressante. Les productions proviennent de diverses contrées, de diverses époques. Du jazz dense et intense du Memphis des seventies/eighties. Teintées du hip hop new old school de la côte Est, imagé et métaphorique. Et enfin, proches parfois de l’expérimentation, entremêlant rock et house britannique. Un ensemble déjà très précoce, très mature. Toujours mélodique. Que ce soit grâce à un saxophone, une flûte ou une trompette, la mélodie instrumentale est omniprésente chez Rejjie. Si bien qu’elle peut rappeler la touche Madvillain. Le rappeur irlandais jouant le rôle de MF Doom, déballant, en toute aisance, son storytelling prenant. Cinématographique.

Afin d’apprécier ce monde fictif, il faut remonter quelques années en arrière, aux événements qui lui ont permis de devenir un homme. Et un artiste. Premier électrochoc : la rencontre avec Pharrell Williams, l’une de ses plus grandes inspirations. Alexander Anyaegbunam (à l’état civil), 12 ans, bousillé de rap US, assiste, yeux écarquillés, au concert de Pharrell. Dès lors, son destin est scellé : “J’étais au premier rang, je connaissais les morceaux par coeur. Il le remarque et me fait monter sur scène pour entonner Rockstar. Après le show, j’étais convaincu d’une chose. Devenir musicien”. Pas seulement rappeur. “Musicien”. À l’image de son idole, Alex s’acquitte de tout interdit. Ainsi, il n’hésite pas à s’inspirer de tous horizons. Sans plafond de verre, – dès Lecs Luther – Snow ne cesse de tenter de se dépasser. Un essai qui révèlera l’un de ses atouts les plus précieux : savoir se renouveler à n’importe quel moment. Indéfiniment.

Fidèle à l’enrichissement perpétuel de l’existence, Rejjie ne stagne pas. Toujours en progression. Toujours en évolution. Le Dublinois s’efforce de regarder en continu vers l’avant. Apprendre de ses erreurs et revenir plus fort. Encore et encore. Ne jamais se reposer sur ses lauriers. “Nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve” disait Héraclite, philosophe grec de l’Antiquité. Énoncé applicable au talent de Dublin : nous n’écoutons jamais deux fois le même Rejjie. Une culture du mouvement illustrée par la réincarnation de Lecs Luther en Rejjie Snow; Luther laissant transparaître la future identité de l’artiste, affranchi de toute limite. De tout frein. Cette liberté est également accompagnée d’une solide confiance en soi. Une assurance que l’on retrouve dans sa musique, affirmée et brute.

Son identité musicale forte se traduit, entre autre, par une réaction face à un aspect marquant de son enfance. Plus jeune, Alexander, était le seul noir de son quartier, Drumcondra. Confronté au racisme, infantile mais si destructeur, il a dû s’inventer un univers chimérique qui coupait tout pont avec ce quotidien. Un personnage imperméable aux insultes, crachats et autres réflexions blessantes. D’où cette assez haute estime de lui-même. Un amour individuel, peut-être à la frontière de l’égoïsme, pourtant si nécessaire à la résistance sociale. À la survie morale.

Rejovich, première esquisse du Rejjie Art

Le développement de Snow connaît un bond déterminant lors de son aventure aux États-Unis. Débarqué de son Irlande natale, il se retrouve dès 16 ans au pays de l’Oncle Sam. Arrivé à Los Angeles, il rencontre rapidement le collectif Odd Future. Mené par l’excentrique Tyler The Creator. Snow se lie d’amitié avec l’un des membres les plus prometteurs mais aussi l’un des plus tourmentés : Earl Sweatshirt. L’influence de Tyler et d’Earl se ressent davantage sur son premier EP en tant que Rejjie Snow, Rejovich. La ressemblance quant au timbre de la voix ou le rythme du flow, est parfois troublante. Mais n’y voyez pas une pâle copie. Rejjie ne s’abaisse pas à ce genre de concession. En 2012, après un semestre en Floride, il quitte l’université et rentre à Dublin pour se consacrer à la musique. À la création. Un printemps plus tard, sort donc Rejovich.

Fish & Chips est lâché quelques mois auparavant, toutefois la différence est flagrante. Le renouveau est qualitatif, presque immédiat. Le format est allégé – avec seulement cinq tracks – pour un résultat, à l’inverse, plus imposant. Aussi bien au niveau de la production que dans la maîtrise de son phrasé, si rabelaisien. Alexander a manifestement passé un cap. Les prémisses que l’on pouvait entrevoir sur Fish & Chips se précisent. Les traits de caractère du personnage Rejjie Snow se dessinent : un aplomb bluffant, une folie à intermittence, frôlant quelquefois celle de Danny Brown, un humour noir qu’envieraient Vince Staples ou Tyler, avec, en prime, un avis assez tranché sur la mode (Rejjie a vraisemblablement un faible pour Gucci). « Pissing on a rapper in Gucci loafers assassin / Milky blacky black North Face » « En train de pisser sur un rappeur en mocassins d’assassin Gucci/ Renoi chocolat au lait avec une North Face noire (…) » « He once killed a rapper with his dick / I mean a microphone, the metaphor’s a human clone » « Une fois il a tué un rappeur avec sa b***/Je veux dire son micro, métaphore pour désigner un clone », lâchait-il pour le morceau éponyme Snow.

Néanmoins ce serait manifestement réducteur et maladroit de résumer le talent dublinois à ces quelques remarques. Ce premier projet démontre une polyvalence précieuse, conscientisant son propos. I’m Marcus Garvey when I’m sipping on Baccardi argh/I’m Doctor King when I’m trying to fucking sing argh / I’m Malcom X when I’m saying I’m up next” “J’suis Marcus Garvey quand je sirote du Baccardi argh/J’suis Docteur King quand j’essaie de chanter argh/J’suis Malcolm X quand je dis que je suis le suivant” sont entremêlées de références à la lutte pour les droits civiques et aspirations personnelles. L’actualité – tragique – n’y échappe pas non plus, notamment avec le track « Loveleen« , hommage à Trayvon Martin, jeune afro-américain de 17 ans tué par balle en 2012 Another young boy in a grave/With his picture on my shirt” “Un nouveau jeune noir dans un cercueil/Avec son visage sur mon T-Shirt”. Un hommage musical qui trouve sa résonance à travers les mouvements “Black Lives Matter”.

Le Rejjie Art est pluriel, tantôt satirique, ironique, obscur, tantôt sérieux, engagé, révolutionnaire. Révolutionnaire, à bien des égards. Son auteur déteste les normes et le conformisme des individus. Admirateur de Michael Collins, politique irlandais qui s’est battu corps et âme pour l’indépendance de son pays, Snow veut sortir du lot. Tirer son épingle du jeu. Montrer la voie aux asservis et aux indécis. Peu importe les conséquences. Peu importe les répercussions. “Je respecte n’importe quelle personne morte pour une cause”, sonnant comme un axiome élémentaire.

Pas Dear Annie mais presque

Fruit de l’union entre un Nigérian et une Irlando-Jamaïcaine, Snow se devait, plus que de défendre, promouvoir sa négritude. Mettre en avant un héritage culturel vaste. Riche. Tout en évitant le trépas du rejet de son patrimoine occidental. Rejjie est irlandais et fier de l’être. Le revendique sans état d’âme. Malgré une enfance difficile au sein de la capitale aux mille et une portes colorées, puis en périphérie, l’artiste n’a pas nourri de rancoeur irrémédiable. Lucide, il tente de concilier ses multiples richesses, fondamentales à son évolution. Humaine et artistique. Clairvoyant, Alexander – comme l’ont fait récemment Kendrick, Joey Bada$$ ou Logic – use de son expérience personnelle et sa multi-culture, comme d’une seule force. Commune et unique.

Cette perspective universaliste prend toute son envergure à travers The Moon & You, ultime projet avant Dear Annie. Et sans doute le plus créatif. Le plus organique. Alex quitte volontairement sa zone de confort et se teste, se réinvente. La prise de risque est réelle. La tape instaure une atmosphère spatiale. Lunaire. S’essayant au chant, s’armant de sonorités plus profondes, s’appuyant sur des productions issues de la soul de Muddy Waters ou Little Richard, de la funk de Marvin Gaye ou Chuck Berry, The Moon & You nuance l’univers de Snow. Il y évoque son amour contemplatif pour la lune et plaide allégeance au continent de ses ancêtres nigérians. En particulier sur « African Dragon » et « Mama Africa« . La mixtape renvoie directement à cette culture du mouvement. Évoquée précédemment. Se dépasser continuellement, jusqu’à se surpasser et s’émanciper des chaînes du hip hop. The Moon & You résulte d’un labeur de longue haleine. Depuis 2013, Alexander n’avait pas alimenté ses fans d’un opus complet. En bonne et due forme.

Afin de palier à cette disette, Rejjie délivre, au compte-goutte, clips et singles sur YouTube. Son imagerie va de pair avec sa musique, et conforte un imaginaire puissant. Logique pour un amateur d’« alien documentaries » qui a toujours eu la tête dans les étoiles. Les visuels de « Blakkst Sun » ou « Pink Beetle » tendent alors vers le surréalisme. Désormais, Alex a la lourde tâche de confirmer les espérances que beaucoup ont placé en lui. S’amusant avec les styles et les influences tel un félin avec sa proie, Rejjie a pris le temps de se forger pour atteindre, sans encombre, son objectif final : Dear Annie. Prévu courant 2018. Objectif final synonyme, paradoxalement, de nouveau départ. Objectif final qui porte le nom d’un personnage féminin inventé de toute pièce. “Elle représente énormément d’émotions, en particulier avec les femmes.” expliquait-il pour Hunger.

Une renaissance demandée, exigée par l’enfant qui s’est endurci dans les rues froides et humides de Dublin. Par l’adolescent qui s’est métamorphosé et a trouvé, sous le soleil agressif de L.A, sa propre voie, sa musique, son expression de soi, son art. Un monde élastique au possible, sans mur, ni bordure. De fait, Rejjie ne se considère pas comme un rappeur, l’enfermant dans une case, chose qu’il déteste. Lui, qui hait tous ces raccourcis primaires, même s’il avoue, sans souci, avoir grandi sous les préceptes du hip hop. Pour mieux l’imiter sur le titre « Flexin’ » ou au contraire le sublimer avec The Moon & You. Bel avant-goût de Dear Annie, la mixtape brouille les pistes. Et bien que dès 2013, lors du track « Olga« , issu de Rejovich, l’artiste évoquait amoureusement le satellite naturel de la Terre, aussitôt son entrée en scène, nous n’avons jamais su prévoir les futurs mouvements du funambule. Nous n’avons jamais su sur quel pied danser. Qu’en sera-t-il pour le tant espéré premier album ? La consécration puis l’explosion au monde entier ? Seul le temps nous le dira mais le désinvolte Dublinois a prouvé, à maintes reprises, qu’il a en sa possession les outils – et les épaules – pour s’imposer.

Photo : Timothy Cochrane

Le ASAP Mob continue son takeover du mois d’août avec la sortie de plusieurs projets sous le nom de code AWGEST. On a eu droit au premier album d’ASAP Twelvyy le 4 aout et la « Cozy Tapes Vol.2: Too Cozy » du ASAP Mob, dont on entendait le premier extrait via le clip « Feels So Good », sortira le 25. Entre les deux, ASAP Ferg dévoile un nouveau projet nommé « Still Striving ». Un an après l’album « Always  Strive And Prosper », Ferg reste prolifique et s’entoure toujours des plus gros artistes du moment pour d’excellents featurings. La liste des invités est longue: ASAP Rocky, Meek Mill, Cam’ron, Dave East, Lil Yachty, Famous Dex, Playboi Carti, Migos, Madeintyo, Rick Ross, Snoop Dogg et enfin, Busta Rhymes.

Vous pouvez écouter « Still Striving » via Apple Music en cliquant juste ici.

 

 

 

Pour ceux dont le nom « Hender Scheme » ne serait pas familier, c’est une marque japonaise crée par Ryo Kashiwazaki, spécialisée dans la confection de produits haut-de-gamme en cuir. Avant de collaborer avec adidas, Hender Scheme rendait hommage à des baskets classiques en les revisitant: on a eu par exemple la Vans Old School, la InstaPump Fury de Reebok ou encore la Nike Air Jordan 4, toutes rhabillées de cuir. Suivant le même process, adidas s’allie avec la marque japonaise pour une collaboration officielle cette fois-ci avec la refonte des NMD R1, des MicroPacer et des Superstar.

Cuir véritable oblige, le prix de cette collection est très élevé : comptez 900$ pour la Superstar, 950$ pour la MicroPacer et enfin, 1000$ pour la NMD R1. Vous avez jusqu’au 2 septembre, jour de la sortie, pour économiser.

Depuis la sortie de son dernier album, « Flower Boy », de nombreuses rumeurs et analyses de textes ont mis en lumière le fait que Tyler, The Creator y faisait son coming out. Ce sont des lignes explicites comme « I’ve been kissing white boys since 2004 » dans « Ain’t got time » ou d’autres plus subtiles comme « Truth is, since a youth kid, thought it was a phase » dans « Garden Shed » qui seraient à l’origine des spéculations. S’il était difficile de savoir si Tyler, « The King Of Second Degré » était réellement en train de faire son coming out ou non, le leader du groupe Odd Future semble avoir confirmé son homosexualité (ou bisexualité) lors d’une interview pour Know Wave: « j’ai eu un petit copain quand j’avais 15 ans. Si c’est pas être ouvert d’esprit, je sais pas ce que c’est« . Vous pouvez écouter l’interview juste en dessous et l’extrait dont on parle ici est à 4:15.

Dans un tweet en 2015, Tyler, The Creator nous disait: « J’ai essayé de faire mon coming out il y a quatre jours et tout le monde s’en foutait » et peut être que ça doit continuer à être le cas parce que, après tout, est-ce que c’est vraiment important ?

 

À l’occasion de la sortie des nouvelles Air Max 97 ULTRA, Courir et Nike font équipe pour vous faire intégrer la campagne #FutureGenerationForward. Pour cette campagne, ils vous invitent à un shooting dans lequel vous porterez une paire d’Air Max 97 ULTRA en tapant vos meilleures poses. Pour participer, rendez-vous le samedi 19 aout à partir de 10h au 21, rue de Tanger dans le 19ème arrondissement de Paris. Premier arrivé, premier shooté !

Photos : Lou Escobar

A$AP Rocky et son groupe A$AP Mob, nous donnent un avant goût de leur prochain album « Cozy Tapes Vol. 2 : Too Cozy », avec le clip « Feels So Good ». L’album du A$AP Mob sortira le 25 août, et on peut déjà sentir le heat *emoji flammes*.

 

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

Il est 15h quand nous traversons un Viry-Châtillon triste et peinant à se réveiller, alors que Christopher, au contraire de sa ville, entame sa journée après avoir quitté le studio au petit matin. Travaillant avec des artistes comme Aya Nakamura, Naza, Keblack, Benash et bien d’autres, le jeune compositeur/réalisateur artistique raconte son histoire et sa musique en toute humilité.

T’as grandi où ? 

J’ai grandi dans le 91 à Viry-Châtillon, à la cité dans une tour de 12 étages avec une vue sur tout le quartier. On passait notre temps à jouer au foot et à écouter de la musique. J’ai grandi comme ça, avec une bonne éducation de mes parents et le quartier pour me forger. On a vécu des moments très durs, comme le décès de mon grand frère quand j’avais 13 ans et comme tu peux te l’imaginer ça m’a fait grandir très vite.

Est-ce que ça a influencé ta musique ?

Mon grand frère faisait un peu de musique de son côté, et ça m’a sûrement influencé. Je suis tombé dedans un an avant sa mort et ça a peut-être mis un blues dans ma musique. Au début on se débrouillait avec rien, il n’y avait pas de tutos sur internet donc j’ai appris tout seul. Pendant 3 ou 4 ans j’ai galéré comme ça jusqu’à ce qu’un grand à moi, Alois Zandry,  un de mes mentors au même titre que Julien Sankovich ou Kimi Maro, m’a appris comment faire un hit et comment faire sonner un son.

Quelles sont tes inspirations ?

La période qui m’a énormément inspiré, c’est l’époque où Miami rayonnait sur le monde avec The Runners, Cool and Dre, Scott Storch, Triple C’s, Rick Ross ou même les débuts de Dj Khaled… c’est une période qui m’a beaucoup touché.

 


“L’inspiration ne s’arrête jamais, la musique c’est gros comme l’univers, c’est une infinité et on est toujours à la recherche de la perfection.”


 

Comment fonctionne ta créativité?

Je ne pourrais pas te dire que ça vient le soir et que j’ai besoin de fumer ou de boire, ça vient comme ça. En fait, c’est mon travail d’être créatif et que ce soit un projet sur commande ou personnel, j’essaye d’apporter ma touche, d’imprimer ma patte. Par exemple, la Débauche de Naza, c’est un sébène en fait, c’est un genre artistique qui vient de chez moi, du Congo, et maintenant c’est dans le top 10 des clubs en France alors qu’à la base c’est un son de blédard ahah! Mais avec Naza c’est urbain, c’est festif et puis l’afro c’est dans l’air du temps.

Et toi tu fais uniquement de l’afro ? Quelle est la musique que tu aimes faire ?

J’aime faire du son au sens général, que ce soit de l’afro, du hip-hop ou de l’électro. J’ai fait le conservatoire, je suis guitariste de formation, pianiste autodidacte et maintenant je joue plus de piano que de guitare, comme sur Premier Étage de Keblack. C’est un titre qui a de la poigne et j’ai pris beaucoup de plaisir à le réaliser. Et puis le mec il vient de l’urbain et il assume un gros piano voix, ça montre qu’il n’y a plus de codes.

Aya, Naza, Keblack ou Benash, qu’est ce que tu apprends de toutes ces collaborations avec ces gros artistes ?

Au moment où j’ai travaillé avec eux, c’était encore des artistes en développement et à chaque fois qu’on a bossé ensemble, la musique venait du coeur. On n’a pas fait de hits ensemble dès le début mais on était dans une démarche de développement artistique et je suis content de voir ce qu’ils ont accompli. Mais ce n’est pas une fin en soi, l’inspiration ne s’arrête jamais, la musique c’est gros comme l’univers, c’est une infinité et on est toujours à la recherche de la perfection.

 


“C’est mon travail d’être créatif et j’essaye toujours d’apporter ma touche, d’imprimer ma patte. Par exemple, la Débauche de Naza, c’est un sébène en fait, c’est un genre artistique qui vient de chez moi, du Congo, et maintenant c’est dans le top 10 des clubs en France alors qu’à la base c’est un son de blédard!”


 

Comment est-ce que tu as fait pour en arriver là justement?

Le chemin n’a pas été facile, la vie d’artiste c’est compliqué, il faut faire des sacrifices, qu’ils soient financiers ou personnels. D’ailleurs ce que je fais aujourd’hui c’est un travail de fond, de longue haleine, ce n’est pas du tout motivé par l’argent. J’ai envie de mettre en valeur le travail de compositeur et de réalisateur artistique, qui est un métier de second plan mais sans ce genre de personne, il n’y aurait pas de musique et c’est important que les gens le sachent.

Moi j’avais l’image de l’artiste qui reçoit une production et qui pose dessus tout simplement…

Ben t’as des gars comme Jul qui sont limite en 360 mais certains ont besoin d’être accompagnés. Par exemple avec Aya Nakamura, on va partager nos idées et c’est important que je sois en studio avec elle pour échanger en terme de direction artistique, de compo ou de topline. Un artiste peut éprouver des difficultés à retranscrire ses idées dans sa musique et c’est là que mon rôle de réalisateur artistique est important. Mon but ce n’est pas de dénaturer un artiste mais au contraire de l’aider à faire la musique qui lui ressemble.

Tu as évoqué tes origines africaines, qu’est ce que l’Afrique représente pour toi ?

Mes parents viennent du Congo et mon père écoutait beaucoup de rumba africaine assez ancienne comme Tabu Ley Rochereau, le père de Youssoupha, ou du Franco & TP O.K Jazz, qui est une génération plus ancienne que celle qu’on connaît avec les Koffi, etc… Ma mère est très pratiquante donc il y avait aussi beaucoup de musiques religieuses chez moi, beaucoup de gospel. Et puis si tu retraces les origines de la musique, une grande partie a des racines venant d’Afrique, que ce soit le blues, le negro spiritual…

 


“J’ai envie de mettre en valeur le travail de compositeur et de réalisateur artistique, qui est un métier de second plan mais sans ce genre de personne, il n’y aurait pas de musique et c’est important que les gens le sachent.”


 

D’ailleurs, on parlait de ce mélange avec Pepper dans le 2ème volet de 93dos et on trouvait ça naturel, avec justement cette jeunesse d’origine africaine qui a baigné dans cette culture américaine… 

Mais en soi le mélange est incroyable. La trap musique c’est la cité, un truc de voyou, avec des flows saccadés, mis sur des rythmes afros, uptempos et quand c’est bien fait c’est un truc de ouf. Que ce soit MHD, Niska ou d’autres, ça dépasse les frontières. Tout le monde s’y retrouve, ça rassemble, c’est intergénérationnel et je suis content de vivre cette époque de l’intérieur.

Quels sont tes prochains projets?

Il y a la sortie de Journal Intime le 25 août, l’album d’Aya Nakamura sur lequel je me suis occupé de la réalisation artistique. C’est un beau projet sur lequel on a mis du coeur et qu’on a terminé malgré les difficultés. Je suis fier d’Aya car c’est une battante et malgré les passages à vide, elle a su garder le cap.

Dernière question, t’as quel âge?

Je vais avoir 25 ans en septembre. Il va falloir être pragmatique, parce qu’à partir de maintenant chaque choix va compter.

Instagram : @christopherghenda

 

Attendue depuis bien longtemps par les fans de la marque au Swoosh, Nike dévoile enfin SNEAKRS, l’application qui va vous permettre d’acheter des chaussures plus facilement depuis votre smartphone. Lors de la semaine de lancement de l’app, vous pourrez mettre la main sur des paires rares, ainsi que sur des modèles plus classiques comme la Nike Flynit Trainer ou encore la Air Max 95. En plus de ça, il y aura des drops de Air Jordan 1 Royal et de Air Jordan XI Space Jam à partir du 18 août.

L’application Nike SNEAKRS est disponible dès maintenant sur les plateformes iOS et Android.

 

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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Dans la musique plus que dans n’importe quel autre domaine, tout est une question de temps. L’essentiel étant de parvenir à marquer le sien de son empreinte, histoire de ne pas finir sa carrière dans les mémoires, seulement crédité de fulgurances et de succès éphémères. Personne n’aspire à être “d’un autre temps”. Personne… sauf les premiers de la classe. Ceux à qui le présent réussit bien, trop bien. Ceux dont les disques se vendent sans moindre mal, dont les salles de concerts affichent complet. Quand vient le moment de justifier leurs triomphes, ils répètent à qui veut l’entendre qu’ils ne sont pas de leur époque. Ils sont en avance. Ils sont dans le futur. “Là où ces bâtards n’iront pas”.

Laylow n’a pas de telles prétentions. Lui privilégie volontiers la Murciélago à la DeLorean, carbure à l’essence plutôt qu’au plutonium. Le voyage spatio-temporel, c’est sa musique qui l’enclenche, “futuriste” étant l’un des qualificatifs qui revient le plus régulièrement au moment de la caractériser. Sur les dix titres qui composent son dernier effort, publié le 4 juillet dernier, la voix du toulousain s’élève, s’aggrave, puis se déchire sur des partitions hybrides et désarticulées, où les basses ronronnent telles le moteur d’une sportive. Digitalova, c’est un spleen lent et lancinant à bord d’un véhicule lancé à 230 kilomètres/heure. Et à en croire les auditeurs, c’est aussi ce qui se rapproche le plus du son de demain.

Avant de prendre la deuxième sortie sur l’autoroute de l’avenir, la trajectoire de Laylow est pourtant assez conventionnelle. Le truc, c’est que chaque étape de son périple semble avoir été effectuée depuis la salle du Temps, là où les années se comptent en journées, les heures en minutes. Les premières pages de l’Histoire s’écrivent auprès d’un grand-frère passionné – une figure bien connue du story-telling des rappeurs – qui l’initie à la discipline dès son plus jeune âge. Le jeune toulousain bafouille ses premières rimes au sein d’un collectif, collectif qui se recentre peu à peu sur deux individualités : Laylow et Sir’Klo. “J’ai très vite été dans l’optique de faire de la musique. Je ne suis pas comme ces mecs qui se sont d’abord bousillés au son et qui à 20 ans se sont dit ‘ok, je suis un expert en rap, maintenant je commence’. Non, j’ai commencé quand j’étais mauvais. Genre… vraiment mauvais”, concède t-il avec lucidité. Il est encore à la période où un artiste se cherche, explore, expérimente, mesure ses qualités, sa marge de progression. Sauf que dans son cas, cela aboutit sur une signature en major, chez Barclay. Déjà.

Un oeil sur le business, et pas que

À en croire toutes les légendes qui se racontent sur ces monstres de l’industrie, les majors ont de quoi être effrayantes pour deux jeunes talents issus de province. On imagine déjà les cadavres de buzz et de carrières embryonnaires s’empiler devant leurs portes. Qu’à cela ne tienne, Laylow n’en a tiré que du positif. Si cette expérience n’a finalement pas été le tremplin censé précipiter son ascension vers les sommets, elle a été une école particulièrement formatrice pour lui. Et pour cause, elle lui a enseigné les grandes règles du business. En observateur attentif, il analyse et décortique méticuleusement la manière dont sont développés, puis vendus ses EPs Roulette Russe et 310, sortis respectivement en 2012 et 2013. “C’est super intéressant de signer en major pour comprendre tout ça. Parce qu’il y a différentes étapes, et toi t’es là. Donc si t’es un peu malin, tu regardes les différentes étapes. Et tu te dis, ‘ah mais le chef de projet, en fait je peux prendre mon pote. Et mon pote, il est plus déter, il me connaît mieux…’ Puis tu te dis pareil pour le mec qui gère le marketing, et peu à peu, tu montes ta propre équipe.” Alors quand son contrat avec Barclay arrive à son terme, Laylow sait désormais ce qu’il veut. Son avenir se fera “loin des maisons de disques, près de [son] public avisé”, comme dirait Damso. Internet a redistribué les cartes, pour redonner le pouvoir à celui à qui il revient de droit : le public. C’est un peu ça, l’ère digitale. Laylow s’entoure de nouvelles têtes, à commencer par celles de TBMA, puis se refait une image, un son, une identité. Sûr de sa force, il reprend le chemin de l’indépendance à l’heure même où celle-ci à le vent en poupe, Jul et PNL étant les exemples les plus éclatants.

“Je fais de la musique parce que je veux être libre. Pas pour suivre les règles, gros. Sinon autant que je devienne banquier ou trader, je ferais sûrement plus de bif.”

Le timing est parfait, et Laylow en est parfaitement conscient. Il n’y a pas que le business que l’artiste a pris le temps de passer au scanner. Le rap a aussi été scruté. Quand je lui demande pourquoi j’ai cette impression que les rappeurs français n’ont jamais été aussi tristes, il me répond qu’au contraire, les sonorités n’ont jamais aussi joyeuses, aussi dansantes. Ce qui est assez juste, en soi. Si le toulousain jure ne pas spécialement se sentir “à sa place” au sein de la scène francophone, il ne la dénigre pas pour autant. Lui que l’on dit “en avance” sur son temps n’a pas le sentiment que ses collègues soient particulièrement en retard. C’est pourquoi il partage régulièrement leurs morceaux sur ses réseaux sociaux. C’est aussi pourquoi il aime tant les inviter sur ses projets. “Quand j’étais petit, je kiffais trop les feats. Après, en grandissant, j’ai capté pourquoi il y en avait si peu, les problèmes d’égo, tout ça. Mais moi je m’en bats les couilles. Comme je suis libre dans ma tête, ça me dérange pas d’inviter une personne.” Laylow agit en passionné.

Quand j’évoque avec lui la question de l’écriture, il s’égare dans une longue digression, me parle de Dieu et de la tour de Babel, de l’âme qu’il met dans le choix des mots. Dur à suivre. “C’était technique ce que je viens de dire, hein ?” Lui-même s’en amuse. Ne pas être compris n’est pas une tare, selon Laylow. Ce ne sont pas tant les propos qui comptent, mais plutôt la manière de les dire. L’interprétation, l’attitude, l’émotion… voilà ce qu’il aime dans le hip-hop. “Je fais de la musique parce que je veux être libre. Pas pour suivre des règles, gros. Sinon autant que je devienne banquier ou trader, je ferais sûrement plus de bif. Ce côté ‘je m’en bats les couilles’, je pense que c’est ce que tout le monde aime dans le peu-ra. Quand tu te mets dans ta voiture et t’écoutes un son véner, c’est parce que ça te met dans un autre état. T’es pas docile. Et moi, je ne suis jamais docile. Même devant le photographe, t’as vu que je n’étais pas docile.”

Prêt à attendre son heure

C’est aussi cette manière d’être constamment à la limite de l’intelligible qui pousse les auditeurs à envoyer Laylow dans le futur. Quand une partie du public apprécie l’oeuvre d’un artiste qui ne parvient pas nécessairement à obtenir la reconnaissance, ni même l’audience qu’il mérite, le raccourci le plus évident consiste à dire qu’il est avant-gardiste. Comprendre : les autres auditeurs ne sont pas prêts pour ça, ils ne sont pas en mesure de comprendre le génie. N’attendez pas du concerné qu’il se cache derrière cette excuse. “Je ne suis pas en mode, ‘ouais les gens sont en retard’. Non, non, non. T’es fou ! Il y a des gens qui ont fait des trucs encore plus perchés et ça a marché. Pour ma part, j’ai l’impression que le public est prêt. Après c’est vrai que dans la musique, il y a des timings. Ça j’y crois, et c’est aussi pour ça que je continue.” Si Laylow s’avère bel et bien être le futur, alors il est prêt à attendre patiemment que son heure vienne. Ce qui ne l’empêche pas d’anticiper la suite. Tandis qu’il reste évasif sur ce qui viendra après l’ère digitale, il m’assure qu’un second opus sortira en 2017. Histoire que le monde ait au moins une petite idée de ce dont demain sera fait.

Photos : @lebougmelo

On peut faire remonter l’existence des playlists à celle des cassettes et des lecteurs/enregistreurs. Depuis, Spotify, Soundcloud et Apple Music ont su exploiter un filon qui se présente aujourd’hui comme une belle alternative pour consommer et découvrir de la musique au quotidien. Pour le DJ Arthur King, elle met à mort la mixtape. Pour le producteur Lido, elle révolutionne le concept d’album. Drake faisait d’ailleurs de son dernier projet une « playlist » et non pas un album.

Derrière chaque playlist, il y a un ou des curateurs. Des personnes dont le goût assuré et une bonne direction artistique garantissent la qualité des playlists proposées. Ils prolifèrent sur Internet et parmi eux, on retrouve le français urkles, qui alimente une chaîne YouTube aux inclinaisons cloud et future beats.

 

 

Est-ce que tu peux te présenter ?

Mon prénom y’a beaucoup de gens qui se le demandent mais c’est Alexis et j’ai 20 ans. La ville que je fréquente le plus c’est Arras parce que j’y fais mes études et que j’ai des potes là-bas, sinon j’habite dans un petit village qui s’appelle Vitry-en-Artois donc entre Arras et Douai et à plus grande échelle entre Lille et Lens.
Mes centres d’intérêts c’est clairement la mode et la musique, en fait tout ce qui est artistique m’attire beaucoup et ce monde est présent partout autour de nous quand on marche dans la rue, mis à part tout ça j’aime faire des foots et m’amuser avec mes potes, comme tout le monde à vrai dire.
Je suis encore étudiant en BTS MUC là je vais passer en deuxième année et après ça je sais pas encore ce que je vais faire j’aimerais soit travailler dans le domaine de la mode soit continuer les études mais plutôt pour enrichir ma vision artistique et découvrir le coeur des métiers artistiques.

 

Parles-nous un peu de ta channel YouTube : qu’est ce qu’on peut y trouver ?

Sur ma chaine youtube on va trouver des sons aux instrus planantes, cloud, chill… Les gens appellent ça comme ils veulent mais ce sont des sons reposants aux paroles assez mélancoliques parfois, où l’ont parlent d’amour « impossible », des amours vécus que l’on regrettent, on peut aussi y trouver des paroles crues mais toujours avec de la poésie, tout ça dans des tons de voix doux maîtrisé par les artistes qui passent sur la chaine.

 

D’où t’es venu l’idée et d’où vient le nom ?

L’idée m’est venu assez bêtement en fait, je voulais me faire une playlist sur YouTube avec les sons que je kiffais et parmi ses sons que je kiffais y’avait du Ash Kidd, qui est un artiste que je suis depuis pas mal de temps maintenant, sauf que sur YouTube y’avait pas ses sons puisque pour la plupart ils étaient sur Soundcloud. Alors je me suis dit que j’allais mettre ces sons-là sur YouTube pour compléter ma playlist. Donc y’avait aucun but derrière ça au départ.
Le nom de la chaine c’est tout simplement le pseudo que j’avais déjà sur Twitter ou Instagram, je ne me suis pas pris la tête de ce côté-là. Urkles enfaite ça vient d’une série américaine des années 90 à 2000 qui s’appelle « La Vie de Famille » que je regardais souvent avec ma mère en étant petit et dont le personnage principale s’appelait Steve Urkel. C’est un personnage qui m’a marqué donc j’ai repris le nom et j’en ai fait Urkles.

 

 

Vois-tu ça comme une passion ? J’imagine que tu ne gagnes pas d’argent via ce projet, donc d’où te viens ce goût de dénicher des artistes ?

Ouais, on peut dire que c’est un peu une passion, même si la mode est ce qui me passionne le plus avant la musique. À vrai dire j’ai commencé à monétiser la chaine il y a peu de temps ; peut-être 3 mois quelque chose comme ça… Mais ouais, j’en vis clairement pas. J’en suis très très loin. C’est plus le fait de partager des artistes peu connus qui m’intéressent, j’ai toujours écouté des musiques que peu de gens écoutaient, moi par exemple j’écoute pas ce qui passe en radio, sauf les gros hits US, et la musique c’est quelque chose de très importants aujourd’hui pour les jeunes. Leurs faire découvrir des artistes qui font des sons où il y a ni clash, ni haine, ni violence je pense que c’est légitime. Le rap c’est aussi de l’amour, c’est pas qu’un style de musique réservé aux « sans coeur ».

 

Comment sont sélectionnés les artistes qui figurent sur le site ? Quelle est la démarche à suivre pour l’intégrer ?

La plupart du temps on me contacte par DM sur Instagram ou Twitter, à partir de ce moment-là, sans même avoir déjà répondu, je check la plateforme où l’artiste partage ses sons, ensuite si je trouve que le style correspond à la chaine, c’est à dire instru mélodieuse, chill, cloud
voix calme, posée avec des lyrics en harmonie avec l’instru… à partir de ce moment là je donne mon mail, les artistes m’envoient les sons qu’ils veulent faire passer sur ma chaine avec leur cover quand ils en ont une, je monte la video et je la mets sur la chaîne avec les liens de leurs réseaux en description pour que les gens qui ont kiffés puissent aller les suivre.
Ils m’arrivent aussi de contacter des artistes pour leur demander si ça les intéresseraient de passer sur la chaine, je pense notamment à Ash Kidd, Jowski, Daba, PNMBRE, HZY et d’autres qui sont des artistes que j’ai partagé avant qu’ils me contactent, aujourd’hui le seul pour qui ça m’arrive de demander pour publier un de ses sons c’est Ash Kidd sinon le reste m’envoient directement leurs sons par mails et je publie ou pas.

 

 

On voit ce genre de pratique en Angleterre ou encore Hollande avec des comptes comme Top Notch, Trap City, Trap Door, Future Classics, Majestic, etc…
Est ce que selon toi, ta channel aide certains artistes à se faire connaitre ? Si oui, as tu des exemples ?

Je pense que oui quand j’ai commencé à poster du Ash Kidd, dans le Nord très peu de gens le connaissait et aujourd’hui il y a beaucoup de gens autour de moi qui en parlent. Je pense que ça se fait beaucoup par le bouche-à-oreille,. Là, cette semaine par exemple j’ai vu une YouTubeuse de Nancy mentionner le nom de ma chaîne en précisant que j’y publiais des artistes encore peu connus. Des artistes que je poste m’ont déjà dit aussi qu’ils avaient été contacté par des beatmakers qui les avaient remarqués sur ma chaine. Et puis je pense que si passer sur ma chaîne ne leurs apportaient rien alors ils iraient voir ailleurs. C’est pas le cas. Donc je pense que oui, ça les aident à acquérir une mini fanbase.

 

Penses-tu que ta channel ait une légitimité ? Que les gens qui y sont abonnés ou qui viennent regarder ce qu’il s’y passe, ont confiance en tes choix ?

Oui je pense qu’elle a une légitimité les abonnés ne font qu’augmenter, les commentaires sont très souvent positifs. Bien souvent aussi, je vois des gens commenter dans les 30 secondes qui suivent le post parce qu’ils reçoivent des notifs lorsqu’un son est publié, ça montre un certain engouement autour de la chaine, les gens attendent toujours le prochain son qui va sortir.
Et oui je pense qu’ils ont confiance dans le choix des sons que je décide de publier, on m’a déjà dit que ma chaine était comme une playlist. Tout est cohérent c’est pas comme si je mettais tout et n’importe quoi.. Il y a beaucoup de sons que je décide de ne pas partager, soit parce que je trouve que ça colle pas à l’esprit de la chaine, soit parce que je pense que l’artiste est capable de mieux faire, parce qu’il faut que ça lui apporte quelque chose de positif. Je veux dire je vais pas le publier pour lui faire plaisir. Ça servirait à rien c’est pas le but, aussi j’ai déjà vu des commentaires du genre « urkles nous déçoit jamais » c’est positif, ça veut dire que pour l’instant dans le choix des sons je me suis presque jamais trompé.

 

 

Es-tu fan de ce style de musique ? Comment arrive-t-on a avoir un avis objectif, surtout si tu es le seul à sélectionner les morceaux ?

Je peux pas dire que je suis fan de ce style de musique, parce que j’écoute pas que ça, j’écoute vraiment de tout : beaucoup de rap US, en rap français c’est vrai que j’écoute peu d’artistes hormis ceux qui sont sur ma chaine. Pour te citer quelque nom en rap français j’écoute : Take A Mic, Laylow, Joke, S.pri Noir, Jok’Air, Sneazzy, Booba, Damso… J’écoute aussi de la funk, du Gainsbourg, Charlotte Cardin… C’est très variés.
Mais je pense que moi ce qui me plait le plus dans le style de musique que je publie sur YouTube c’est les instrus posées, les lyrics qui sonnent pour moi comme des poèmes, ce thème de l’amour mélancolique ou impossible que l’ont retrouve souvent… C’est tout ça que j’admire dans ces sons-là.

 

Est-ce que tu sens que cette channel pourrait t’ouvrir des portes au niveau professionnel ? Comme D.A ou chef de projet, voir même scout pour des labels, des bookers…
As-tu déjà été approché par quelqu’un en ce sens ?

Je pense que oui, si la chaine continue à grossir, mais pour l’instant je me prend pas trop la tête avec ça. C’est un milieu qui m’a l’air compliqué, j’y connais rien du tout. Pour l’instant c’est qu’une question de goût musical. On m’a déjà demandé une fois si j’étais producteur, mais sinon non on m’a jamais approché dans le but de faire de la musique mon métier.

 

Ou alors est-ce un premier pas vers l’idée de créer ta propre structure ?

Non même pas, c’est juste du partage et de la mise en avant d’artistes peu connus, à vrai dire j’ai jamais pensé à faire de la musique un métier jusqu’ici peut être que ça viendra avec le temps.

 

 

Dernièrement, A$AP Yams avait un Tumblr qui recensait ses coups de coeurs et les artistes qui selon lui avait le potentiel de devenir des stars. Ta démarche y ressemble un peu, sauf que tu ne donnes pas ton avis sur les artistes présents sur ta channel. Le simple fait qu’ils y soient est une sorte de « validation ». Pourquoi ne tentes tu pas d’aller plus loin ?

À vrai dire comme les artistes m’envoient leurs sons je communique avec chacun d’entre eux et je leurs dit ce que je pense du son qu’ils m’envoient, ou alors comment ils pourraient s’améliorer, si c’est légitime et constructif. Par contre je leurs diraient jamais « ton son c’est de la merde et basta« , j’ai du respect pour leur travaille, je suis pas là pour ça. Je suis là pour leur apporter du positif. Ils savent ce que je pense d’eux, je dirais jamais à un artiste ton son est frais alors que je trouve qu’il peut faire mieux, je suis un peu comme un abonné je me mets à leurs place. Et forcément j’estime que si j’ai kiffé alors les abonnés vont kiffer pour la plupart. Des petits clips par-ci, par-là, vont peut-être voir le jour sur la chaine mais je suis pas pressé pour l’instant, tant que les artistes proposent du contenus de qualité tout va bien.

 

Pourquoi avoir choisi une channel YouTube plutôt qu’un site internet, voire un Tumblr ? Est ce que pour toi, c’est beaucoup plus pertinent dans ce format-là ?

Comme j’ai expliqué avant, au début c’était juste pour remplir une playlist que j’avais faite sur YouTube. Et avec le temps, je me dis que le hasard a bien fait les choses parce que YouTube c’est une plateforme que tout le monde connait et où tout le monde passe du temps, et puis sur YouTube c’est facile de récolter des avis, il y a les commentaires, les likes, les dislikes, il y a aussi des statistiques assez précises avec Creator Studio, et il y a aussi le fait que tout le monde peut y percer à n’importe quel moment. Donc c’est bien, tout le monde s’y retrouve.

 

 

Parmi tous les artistes que tu as pu mettre sur ta channel, lequel selon toi, a le plus de potentiel ?

Je pense que celui qui a le plus de potentiel c’est Ash Kidd. Il a mis d’accord tout le monde sur son dernier EP Mila 809. Il est différent de tout le monde, il a un coup d’avance dans ses instrus comme dans ses lyrics, il sort des clips hyper travaillés, sa communication sur les réseaux est très efficace donc ouais je pense que la pépite parmi tous les artistes de la chaîne c’est lui. D’ailleurs on a fait 1,6 millions de vues sur « Motel », c’est pas rien. Après il a aussi plus d’expérience dans le milieu et il a su apporter sa « patte » qui est unique selon moi.

 

Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Eh bien écoutes, réussir les projets que je vais entreprendre dans le futur, vivre de ce que j’aime et de ce qui me passionne ça serait lourd.
J’aimerais aussi remercier tous les abonnés à la chaine urkles depuis le début jusqu’à aujourd’hui, que du love.

 

Découvrez la channel d’urkles sur YouTube

Photos : @carlier_quentin
Stylisme : @moonchat_

Annoncée en grande pompe par un premier teaser vidéo, la collaboration Converse x Tyler se dévoile enfin. Pour démarrer cette association avec la marque iconique, l’artiste aux multiples casquettes reprend le modèle One Star et lui choisit quatre coloris : Airway Blue, Fushia Glow, Peach Pearl et Sulfur.

Un collaboration fidèle à l’univers visuel de Tyler et à son dernier album « Scum Fuck Flower Boy ». Au talon, il brode une abeille et laisse sur la semelle le message suivant : “Don’t let ‘em kill your flowers, water your garden and stunt.”/ Ne les laissez pas foutre en l’air vos fleurs, arrosez votre jardin et assurez.

En plus des One Star, une édition limitée de hoodies et de t-shirts reprenant les visuels Golf le Fleur seront également disponibles.

La collection One Star x Golf le Fleur sera disponible dans les points de ventes Converse et sur Converse.com dès le jeudi 3 août 2017. Les paires devraient être vendues autour de 100$. Quand aux hoodies et t-shirt, ils devraient atteindre respectivement 90$ et 35$

 

 

Le plus américain des rappeurs japonais est de retour dans l’hexagone pour 3 dates exceptionnelles. Après le boom du rap japonais notamment grâce au son « It G Ma » auquel KOHH participait avec d’autres MCs comme Keith Ape, le rappeur originaire de Tokyo a réussi à sortir son épingle du jeu. KOHH se vantait de voyager dans la capitale française dans le son « Paris » et plus récemment, on entendait le rappeur de Tokyo délivrer un excellent couplet philosophique sur les relations amoureuses dans « Nike » de Frank Ocean. Vous pourrez sûrement l’entendre lors de sa venue le 22 septembre au Trabendo de Paris, le 23 au Sucre de Lyon et enfin le 24 au BT59 de Bordeaux.

On vous fait gagner deux places pour la ville de votre choix (à préciser dans la case « Artiste ») et pour participer, il vous suffit de remplir le formulaire juste après la photo.

 

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Autour d’une table d’un des studios de La Place, le centre hip-hop de Paris, l’artiste norvégien Lido, moi, et un fidget spinner. C’est le sien, il vient de le récupérer. Comme tout le monde, il s’amuse de cette mode, mais trouve le procédé agréable. Son petit objet, métallique, est un peu plus lourd que les autres, et fais tourner 5 petites boules. Après tout, il faut savoir se détendre. Sur l’année 2016, le producteur-chanteur était autant sur scène à Coachella avec comme invité de luxe Jaden Smith, que derrière les machines sur deux titres de l’album rap sacré comme le meilleur par les Grammys cette année : Coloring Book de Chance the Rapper. Il a également sorti un album solo, Everything, passé inaperçu. Il y revient pourtant sur sa rupture avec la chanteuse Halsey. L’occasion d’un passage par Paris pour parler de ce disque, de l’actualité de Lido, mais aussi des évolutions du marché de la musique face à la puissance de la technologie et des réseaux sociaux. Coup d’index sur le fidget spinner : ça tourne.

Tout d’abord, merci pour ton temps. J’imagine que tu préférerais être ailleurs à faire de la musique plutôt qu’une interview.

Toujours. Mais honnêtement, ça ne me dérange pas de faire des interviews. La plupart du temps, je suis seul devant mon ordinateur à créer des choses que j’aime. C’est cool d’avoir l’opportunité de parler à quelqu’un des choses auxquelles je tiens. Donc j’apprécie les interviews — quand elles sont bien menées. Et j’ai la sensation que ce sera le cas pour celle-ci.

Merci ! Je vais faire de mon mieux. Qu’est ce qui t’emmène à Paris ?

Je suis signé chez Because Music. Alors, je viens ici de temps en temps, pour m’organiser avec eux, sur des plannings, des tournages de clips, des campagnes de promotion… C’est bien que je puisse être sur place pour gérer ça en direct, et être bien sur que le label et moi soyons sur la même longueur d’onde. Aussi, j’ai beaucoup d’amis ici, dont DJ Slow, en qui j’ai confiance créativement parlant. C’est bien de venir ici pour l’inspiration.

L’an dernier en avril, Slow m’a invité à un concert que tu faisais au Badaboum à Paris. Tu y as joué ton album Everything en entier, juste avant sa sortie. Je n’avais jamais vraiment écouté ta musique avant, et cette première rencontre m’a vraiment touché. Il y a cette phrase incroyable qui tourne en boucle sur le dernier titre, “Depression is infectious and is awesome”/”La dépression est une infectieuse, et c’est génial”. Ma question est : comment vas-tu ? Comment tu te sens, maintenant ?

Merci. Je me sens mieux. Cet album était une forme de thérapie pour moi. Je suis passé par des phases difficiles, sentimentalement parlant. C’était important pour moi d’écrire cet album sans tomber dans les gossips ou sans être injuste, faire cette chose typique que nous faisons trop souvent : blâmer l’autre, dire des choses qu’on ne devrait pas. J’ai voulu faire un album sur mes sentiments. C’était difficile de décrire ces émotions de la manière la plus pure, mais ça m’a aidé à traverser les étapes de la douleur avec plus de douceur.

Chaque chanson est une étape : “Murder” c’est la rupture, “Dye” c’est quand l’autre vous manque, “So Cold” c’est la solitude”, “Crazy” c’est quand tu commences à perdre la tête, “City Bike” c’est quand tu deviens énervé, “Only One” c’est quand tu commences vraiment à réaliser ce qui s’est passé, “You Lost Your Keys” c’est quand tu te retrouves face à toi-même, “Angel” c’est le moment où tu acceptes de tout relâcher et être en paix, “Tell Me How You Feel” c’est la fin, le moment où tu es triste d’avoir perdu ce que tu ressentais. J’ai écrit cette musique quand je traversais ces moments. Et au bout de ce chemin, est sorti cet album dont je suis très fier. Ça m’a fait du bien de le faire, même si c’était un album difficile à promouvoir et à interpréter, et donc revivre, sur scène. Je suis content d’en avoir fini. Donc, oui, je me sens bien.

C’était une longue réponse pour une question simple[rires,ndlr], mais oui, je suis inspiré de nouveau, j’écris de la nouvelle musique sur d’autres sujets. J’avance.

Pour être honnête, je ne suis pas un grand fan de la scène future bass. J’aime bien la musique, mais je trouve que ça ne va jamais nulle part en termes de contenu — toujours des chansons d’amour, comme si c’était le nouveau R&B. Bien que ton album soit un album sur l’amour, tu as décidé de parler d’émotions complexes. Ça aurait été plus simple pour toi de faire un album rempli de chansons pop joyeuses plutôt que de parler de rupture et de déprime. Qu’est ce qui t’a motivé à faire un album d’”artiste”?

Je pense que je n’avais pas le choix. Tu as raison à propos d’un côté de la scène future bass, qui a rapidement été saturée parce qu’elle a explosé à un stade très jeune de la création du genre. La plupart des genres qui deviennent pop ont plusieurs années derrière, et on le temps de mariner dans l’underground. La future bass n’a pas vraiment eu ce temps. Lorsque j’ai commencé à sortir de la musique qui incorporait ce genre d’éléments, il n’y avait pas beaucoup d’équivalents. Pas plus d’un an plus tard, j’entendais déjà ces éléments à la radio. Généralement, les sous-genres — prenons la dubstep pour exemple—existent des années avant de se retrouver récupérés dans un morceau de, disons, Britney Spears.

Je pense que la future bass n’a pas eu ça, et que le genre est devenu rapidement saturé par beaucoup d’artistes qui avaient saisi l’aspect technique, mais n’avaient pas nécessairement de choses à dire, ou même l’expérience pour avoir quelque chose à raconter. Il y a des tonnes de producteurs bien meilleurs que moi pour designer les sons, pour les drops, les mixdowns… Mais ça fait 12 ans que je suis un artiste, alors, je suis déjà passé par ces phases où je faisais de la musique sans rien avoir à dire. Quand je faisais de la musique juste parce que je le voulais, pas parce qu’il le fallait.

C’est ce qu’est cet album : il fallait que je le fasse. Pour moi. Il fallait que je fasse sortir ces émotions pour les comprendre. La musique qui naît de la nécessité et inspiré par des véritables situations de vie aura toujours plus de poids que la musique simplement inspirée par d’autres musiques. Je vois souvent la musique comme la sculpture : tu as ce bloc de matériau à partir duquel tu sculptes quelque chose, et tu dois imaginer les formes à partir de ce bloc. Et tu retires, petit à petit, le superflu. L’album était déjà là, mon rôle était de retirer ce qui n’était pas nécessaire pour lui donner vie.

Tu viens de sortir un nouveau titre, “Not Enough”, avec le groupe THEY., sur lequel vous remettez au goût du jour le son new jack swing des années 90. Comment est-ce que ce morceau s’est mis en place ?

Un peu par hasard. J’ai toujours adoré le R&B des années 90/fin des années 80. J’ai commencé à entendre de plus en plus de new jack swing sur Internet, via le Running Man challenge ou d’autres vidéos de danse, qui remettaient en avant ce son que je n’avais pas entendu depuis un moment. Je travaille avec beaucoup d’artistes, et j’en voyais de plus en plus être inspirés par ce son. À ce moment, je travaillais avec THEY., et une nuit au studio, on s’est dit que ce serait cool d’essayer de faire un morceau new jack swing. J’ai entendu beaucoup d’artistes sampler et rajouter des batteries trap dessus… Je voulais plutôt créer une chanson originale, qui sonnerait comme si elle sortait tout droit des années 90. Un challenge qu’on s’est fixés, et le résultat est plutôt cool. Le morceau n’avait pas de place sur un album, ni pour moi ni pour eux, alors on l’a sorti seul, sans trop calculer. C’est juste un morceau fun.

Donc tu es super fort pour reproduire le son new jack swing, et tu as déjà prouvé que tu savais également reproduire le son R&B 90 sur tes projets avec Santell. Est-ce que, en fait, tu serais pas le Mark Ronson du son années 90 ?

[rires] Wow… Je ne sais pas si je mérite ce titre — Mark Ronson est vraiment incroyable. Mais c’est une bonne référence. Une des raisons pour lesquelles je pense que le new jack swing va faire son retour, c’est le travail que Ronson a effectué avec Bruno Mars. J’ai beaucoup de passion pour la musique, et j’ai été éduqué à avoir l’oreille ouverte pour des genres très différents. Alors, je ne dirai pas que je suis un Mark Ronson des années 90, puisque j’ai autant d’amour pour le gospel que pour le son hip-hop des années 2000. Je pense d’ailleurs que là où je suis le meilleur, c’est à faire des beats qui auraient été parfaits pour Fabulous en 2002, ou Nelly en 2001 —

 — Également un son qui finira par faire son retour.

Absolument, je suis pressé que ça arrive d’ailleurs [rires] ! En même temps, je travaille sur des morceaux jazz avec des guitaristes, je m’intéresse au punk rock. Je suis ouvert à tous les styles de musique. Le R&B est celui dont je me sens le plus proche, mais je vais continuer à essayer de faire de la musique dans le plus de genres possible, et je verrai bien ce qu’il se passe.

Dans cette génération, bien qu’il y ait de la nouvelle musique partout et de nouveaux genres accessibles en un clic partout dans le monde, le retour vers la nostalgie est très fort, preuve en est le succès récent du dernier album de Bruno Mars. Qu’est ce qui nous pousse à vouloir ré-écouter de vieux sons ?

C’est une bonne question. J’ai lu ce livre d’un compositeur classique qui analysait la musique moderne. Il disait : “Nous n’avons rien fait de nouveau depuis le début des années 80”. On ne fait que recycler. Une culture comme le hip-hop est une culture de recyclage basée sur le sample et le retour vers un son du passé. On est à un point où nous avons visité tous les coins de la musique, et avons épuisé tous les différents genres dans lesquels nous pouvions pousser la musique, puis sommes devenus obsédés par l’idée de donner des noms, des genres, des hashtags sur tout. On a perdu… pas forcément la nécessité, mais…

Une sorte de raison pour continuer à laisser aller l’imagination et la créativité.

Exactement. Même dans la musique pop, on ne fait que recycler des refrains des années 80 et ajouter des nouveaux couplets. Tout est basé sur des samples et des idées qui étaient là bien avant nous. Je ne sais pas vraiment si on a perdu l’inspiration. Mais c’est étrange. Qu’est ce que tu en penses ?

Pour moi, les musiciens n’ont plus besoin d’être dans une démarche de révolution et de nouveauté, parce que la révolution, c’est la technologie. Spotify change les règles, les algorithmes changent les règles… Nous, auditeurs, ne recherchons plus de la musique foncièrement nouvelle : nous voulons juste la musique qu’on connaît déjà, avec laquelle on se sent en sécurité, qui nous permet d’utiliser la puissance de nos nouveaux outils, technologiques et connectés socialement.

C’est très juste. La musique est devenue une telle industrie, si compétitive et avec un marché si saturé, que maintenant tu te distingues avec le succès plutôt qu’avec quelque chose que tu emmènes qui est nouveau. C’est frustrant parce que je pense qu’il s’agit d’une grande conversation avec l’Humanité en général. Ma mère est directrice d’une école primaire. Elle me dit qu’il y a 10 ans, lorsque tu demandais aux enfants ce qu’ils voulaient être plus tard, ils ont commencé à cesser de répondre pompiers, policiers, boulangers — des professions. Ils ont commencé à dire superstar, célèbre, riche. Soudainement, la fonction n’avait plus rien à faire avec ce que voulaient les gens. C’est l’issue, les bénéfices qu’apportent ce que tu comptes faire qui sont désormais l’objectif principal. On s’intéresse moins à être le meilleur boulanger ou le meilleur musicien du monde : on veut juste être célèbre, et on regarde comment les autres ont fait pour être célèbre. Il ne s’agit plus d’être aussi bon et important que Beethoven ou Basquiat, mais être aussi massif et connu que Kim Kardashian ou Diddy. Quand ton objectif devient celui-ci, tu perds de vue ta fonction. Certains artistes sont de véritables génies du marketing. Mais l’art a disparu. Leur art, c’est le marketing.

Ceci étant dit, quelque chose de génial dans le monde, c’est qu’il fonctionne comme une pendule. Et la pendule continuera de glisser d’un côté puis d’un autre. Lorsque tout devient trop plastique, les gens recommencent à adorer ce qui est organique. Je pense que la musicalité, l’envie pour les artistes de briser les barrières va revenir. Pour l’instant, on est trop submergés par les réseaux sociaux et Internet. Tout va tellement vite. Je pense parfois à 808 & Heartbreaks de Kanye West — pour moi et pour la critique, un des albums de hip-hop les plus importants de notre époque. Et bien, il ne faut pas oublier que c’est l’album de Kanye qui a fait le moins de ventes. Les pires chiffres, la pire première semaine. Même Yeezus n’a pas fait des chiffres incroyables. Je garde ça en tête, en tant qu’artiste. Tous les gens qui ont changé ma vie étaient pauvres. Ils n’avaient pas des millions d’abonnés sur Instagram, ils ne conduisaient pas des voitures de luxe. C’est important de se rappeler qu’il y a les personnes qui changent le monde, et ceux qui profite juste d’opportunités d’eux-mêmes.

À propos de Kanye West : est-ce qu’il y aura un jour un “The Life of Peder part II” ?

Je vais être honnête avec toi : c’était une erreur. J’ai commencé à faire une partie 2, mais je n’avais pas de vrai plan pour la sortir. On aurait dû juste appeler ça “The Life of Peder”, simplement. Peut-être que je jouerai des bouts de cette partie 2 dans un mix, dans un set live, mais le moment pour sortir une partie 2 est passé. L’album de Kanye [The Life of Pablo] était vraiment inspirant. C’est, pour moi, l’album sur lequel il a eu le plus de contrôle. On sent que c’est l’album que lui seul a voulu faire. On dirait une bibliothèque d’idées — ce n’est pas un disque parfait. Autant j’adore ces idées, je ne trouve pas que ce soit son meilleur disque. C’est de l’inspiration pure. Et pour quelqu’un qui adore faire des remix, le potentiel ici était sans fin.

Est-ce que ça t’a ouvert une porte menant à Kanye ?

On a eu des retours positifs de gens autour de lui, sans communiquer avec lui personnellement. Mais prend ça comme une gros compliment de ne pas m’être fait attaquer en justice pour ça. Pour moi, c’est une forme de validation ! [rires] Je n’ai pas encore reçu l’appel de Kanye, mais lorsque ça arrivera, je serai très prêt.

Où est-ce que tu vois le monde du remix aller ? J’ai l’impression que c’est le concept le plus fort de notre génération. Remixer est partout, dans la musique comme dans les memes.

C’est clairement une culture qui existe dans les clubs depuis un moment. J’ai beaucoup d’amour pour la musique jersey. Ils ont fait beaucoup de morceaux inspirés de memes, à partir desquels naissent des danses, des blagues débiles. Je pense que le remix est l’essence de ce que nous faisons tous actuellement : recycler. Chaque chanson de Jeremih est un remix d’un tube des années 80. Tu serais surpris de voir combien de chansons pop empruntent à des chansons déjà existantes, combien de phases qu’on pense être propre à Snoop Dogg sont en fait des ré-appropriations de phases G-Funk qui le précédaient de 20 ans. J’ai eu une conversation avec un homme très intéressant qui m’a dit : “La créativité, c’est des répétitions et des accidents”. On répète des choses qu’on a déjà entendu, et on fait des conneries avec. Et avoir du goût, c’est reconnaître quand ta conneries est de qualité [rires].

 

Do proper sequencing matter in the playlist generation?

— Punch TDE (@iamstillpunch) May 6, 2017


Les patrons de label n’ont pas encore compris ça, et ils pensent encore qu’il s’agit d’emprunter sauvagement la propriété d’autrui. Ils ne voient pas comment le remix prolonge la vie d’oeuvres existantes. C’est une période étrange, parce que le remix est fort, mais n’obtient pas le respect qu’il mérite. Je suis curieux de voir vers où ça va avancer. Le business combat les remixes, et il est de plus en plus difficile de trouver des plateformes sur lesquelles faire vivre ce format, ce qui est dommage vu l’importance évident de ce format dans notre culture.

Sur Everything, tu as fait un album sophistiqué sur lequel les chansons fonctionnent ensemble. De plus en plus d’auditeurs préfèrent écouter des playlists de curateurs plutôt que des albums d’artistes. Est-ce que raconter une histoire dans un album fait toujours sens dans la génération playlist ?

Plus que jamais. Parce que les albums sont des playlists. Les gens utilisent les playlists en masse aujourd’hui, mais choisissent les meilleures. Il y a des playlists tellement bien organisées, pensées, séquencées, qu’elles inspirent la confiance des utilisateurs. Pour cette humeur ou cette situation, je sais que je vais pouvoir faire confiance à l’histoire de cette playlist. Je pense que c’est cette confiance qui finira par ramener les gens vers les albums. On finira par appeler les albums des playlists. Il s’agit de mettre ensemble la musique de la façon la plus fluide et efficace pour créer une expérience, ce qu’attend l’auditeur d’une playlist.

Les bons albums n’existent pas depuis si longtemps dans la culture populaire. Dans les années 90, on s’est habitués à avoir 3 gros singles, et plein de titres pour remplir l’album autour des hits. C’est à ce moment que les gens ont perdu confiance dans le format de l’album. Avant, tu achetais un disque de Bob Dylan ou de Steely Dan, et tu restais dans ce monde pour l’heure qui suivait. C’est ça, faire une playlist. Les curateurs de maintenant mettent tellement d’amour et de passion dans les playlists qu’ils font qu’on finit par avoir des playlists meilleures que des albums.

W/ Lido 🔈🔈Talentueux, je vous invite à aller l'écouter.

Publié par Take A Mic sur vendredi 23 juin 2017

L’an dernier à ton concert au Badaboum, tu avais invité sur scène un rappeur français (Take A Mic), et tu suis le rappeur belge Hamza sur Twitter. Je me dis souvent que la scène musicale européenne ne collabore pas assez ensemble, ne se concentre pas assez sur ce marché interne continental. Tu penses quoi de cette scène musicale d’Europe ?

Puisque nous sommes divisés en différentes nations, il est plus difficile pour un Belge et un Suédois de faire une chanson ensemble, à cause de la barrière des langues, des différences culturelles… que pour un texan et un new yorkais. Ceci dit, ces choses n’existent pas vraiment dans le monde instrumental. Les producteurs travailleurs avec qui ils veulent quand ils veulent — à l’inverse du langage, les émotions sont universelles. J’espère, pour autant, que ça finira par évoluer. J’adorerai travailler avec plus d’européens. Une grande partie de la créativité vient d’ici. Il y a quelques poches en Amérique, notamment Atlanta et Toronto, en ce moment. Mais en dehors de ça, les américains viennent en Europe pour trouver de l’inspiration. Regarde l’impact du rap anglais, de la pop suédoise, et à une période, de la musique électronique française.

En Amérique, on pense au business d’une autre façon. En Europe, on est plus concentré sur l’art. Il y a plus de fierté à être un petit artiste. Je me souviens que quand j’ai commencé dans le monde de la musique électronique, personne ne cherchait à être populaire. Ce n’était pas cool. Pas cool d’avoir plein de likes, de faire beaucoup d’argent. Tous ces mecs étaient pauvres, et essayaient juste de faire le truc le plus bizarre, le plus novateur possible. En Amérique, le succès est l’objectif. Et en courant après le succès, on perd parfois la créativité. C’est majoritairement l’inverse en Europe. Petit à petit, les échanges entre Europe et Amérique se renforcent. Les rappeurs anglais et américains collaborent plus. L’intérêt pour les rappeurs qui parlent français grandit : Hamza a été plusieurs fois diffusé sur OVO Radio. C’est en chemin.

Dernière question pour toi. Vois-là comme quelque chose de terre à terre ou de très spirituel… Que reste t-il après Everything?

Wooo… Que reste-t-il ? Hum… Je pense ce qu’il reste après tout c’est… Tout. Réaliser que tout n’est jamais vraiment tout, il y a toujours plus. J’ai une tendance à me sentir coincé. Comme si j’avais déjà écrit à propos de tout, parlé de tous les sujets, utilisé tous les sons de batterie, tous les accords, toutes les progressions… Lorsque j’avais 12 ans, je me souviens avoir dit à mon père qu’il fallait que je note les sujets et les accords quelque part, parce que je finirai par être à court. Mais c’est faux. Il y a toujours quelque chose de plus.

En ce moment, je fais beaucoup de production, de production exécutive. J’entre en session studio pour des albums, et je deviens Towkio pour deux mois, puis Alison Wonderland pour deux ans, puis je fais de mon mieux pour rendre Jaden Smith le plus consistant possible. Everything, c’était tout ce que j’avais à ce moment. Maintenant, je réalise à quel point les autres sont remplis, et je veux faire partie de ça.

Alors pour résumer ta question… Que reste t-il, après tout ?

Le reste.

Interview: Julien Jaubert
Photos: Terence Bikoumou

L’une des paires les plus classiques de Nike revient dans un esprit moins minimaliste qu’à ses débuts. En effet, cette nouvelle version de la Air Force One s’habille d’un imprimé « Nike Air » qui recouvre toute l’empeigne de la chaussure. Trois coloris seront disponibles lors de sa sortie (dont la date n’est pas encore connue): blanc, noir ou rouge pour un style plus tape à l’oeil.

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Jeune styliste originaire du sud de la France, Iris partage avec nous ses inspirations et nous présente la ville de Marseille sous un nouveau jour. Authentique, cosmopolite et engagée, elle nous donne sa version de la mode, un monde dans lequel elle ne pensait plus trouver sa place.

 

T’as grandi où Iris?

J’ai grandi dans le sud de la France, pas très loin de Marseille et je suis arrivé à Paris il y a 6 ans.

 

C’est comment le sud?

C’est inspirant. Plus jeune, j’étais dans une école catholique et j’avais besoin d’aller à Marseille pour me retrouver. Marseille c’est une ville hyper authentique et qui assume sa diversité. À Marseille tout le monde est fier d’être marseillais, c’est vraiment une ville à part. Même au niveau vestimentaire, tu regardes la cagole, pour moi ce sont des femmes fortes, certes très séxualisées, mais qui justement se moquent de l’image qu’elles peuvent renvoyer et du coup, du regard des autres. À la base une cagole c’est connoté comme quelqu’un de sale, ça vient de “caguer” en provençal, c’était les courtisanes de l’époque en fait, et moi je trouve ça beau des femmes qui se moquent du regard des hommes et qui s’habillent et vivent comme elles l’entendent.

Il y a vraiment un style marseillais et c’est une source d’inspiration pour mon travail. Il a été longtemps négligé et maintenant ça revient à la mode et c’est même réutilisé par les marques de luxe. Que ce soit le bling-bling, les baskets, ces marques reprennent tout ce qui vient de la rue. Marseille ça a été une ville longtemps dénigrée, connotée comme dangereuse ou mal famée et maintenant c’est une source d’inspiration pour beaucoup de gens et je suis très fière de venir de là-bas.

 

Pourquoi t’es montée à Paris?

Pour faire une école de mode après avoir fait arts appliqués. J’ai fait pas mal d’éditos puis j’ai fait un premier stage qui m’a un peu refroidi, parce qu’il n’y avait aucune diversité et on travaillait uniquement une seule version de la mode, très luxe, très occidentale. C’est seulement avec mon deuxième stage, que j’ai fait au WAD, que j’ai découvert une autre version de la mode, beaucoup plus ouverte. C’est à partir de ce moment là que je me suis intéressé à des magazines indépendants comme Dazed ou I-D qui proposaient une mode plus authentique, qui vient de la rue. Par la suite j’ai fait beaucoup plus de streetwear, de sportswear et maintenant je suis en plein dedans et ça me convient parfaitement. J’ai trouvé ma place dans la mode alors que je ne pensais plus la trouver.

 


“Marseille c’est une ville hyper authentique et qui assume sa diversité. Même au niveau vestimentaire, tu regardes la cagole, moi je trouve ça beau des femmes qui se moquent du regard des hommes et qui sont fières de ce qu’elles sont.”


 

Tu m’as beaucoup parlé de Marseille, c’est de là que tu tires toute ton inspiration?

Oui mais depuis peu je m’inspire aussi beaucoup de mes origines. J’ai toujours eu du mal à les accepter. Je viens d’un petit village dans le sud où le racisme est très présent et depuis toute petite on me lançait des petites réflexions qui peuvent paraître anodines mais qui marquent, surtout à cet âge-là. C’était pas méchant mais c’est juste parce que j’étais différente et du coup toute ma vie, j’ai caché ces différences, mes origines, j’essayais de m’occidentaliser, de me lisser les cheveux, de ne pas trop bronzer l’été, de porter des blouses, des chemises, des ballerines… des trucs qui ne me ressemblaient pas du tout! C’est uniquement quand je suis arrivée à Paris, qui est une ville tellement cosmopolite, que j’ai appris à être fière de ce côté latino et de mes origines cubaines. Du coup, Cuba ça devient une inspiration en terme de lifestyle, d’histoire, de manière de penser et j’ai aussi ce côté contestataire, cet instinct de révolution. J’ai un tempérament assez fort et pour les combats qui en valent la peine je me mobilise. C’était très important pour moi d’aller manifester pour Théo ou même il y a quatre ans, j’étais dans la rue pour soutenir le mariage pour tous par exemple.

 


“Quand tu utilises les codes d’une culture, il faut la mettre en valeur par la suite, sinon c’est du déguisement et la mode ce n’est pas ça. Pour moi la mode, c’est censé raconter une histoire, ce n’est pas juste de l’image pour l’image.”


 

Quand tu prépares tes looks ou quand tu travailles sur un shoot, qu’est-ce qui te rend créative?

Alors ma première source d’inspiration c’est la rue. Quand je prépare mes éditos ou mes looks, je ne regarde vraiment pas ce qu’ont fait les autres stylistes ou les créateurs sur les défilés. Je fais mes recherches, dans pleins de domaines différents, que ce soit dans la culture hip-hop ou dans la culture japonaise. J’aime beaucoup mélanger le luxe avec le sportswear et des éléments qui appartiennent à des cultures en essayant de ne pas tomber dans la réappropriation culturelle. De toute façon quand tu utilises les codes d’une culture, il faut la mettre en valeur par la suite, sinon c’est du déguisement et la mode ce n’est pas ça. Pour moi la mode, c’est censé raconter une histoire, ce n’est pas juste de l’image pour l’image. J’essaye au maximum de donner du fond à mon travail.

 

C’est quoi tes projets pour cet été?

Déjà je vais passer un peu de temps chez moi, dans le sud. Je vais prendre du temps pour dessiner. C’est quelque chose que je faisais souvent par le passé, notamment pendant la fashion week, je faisais des croquis des tenues qui me faisaient tilt sur les shows. C’est pas quelque chose que je mets en valeur mais j’ai toujours dessiné, notamment en arts appliqués et en école de mode.

J’ai un peu laissé tomber le dessin par manque de temps et l’été ça me permet aussi de prendre du temps pour ça. C’est compliqué pour moi d’être créative à Paris. D’ailleurs, il y a quelque temps j’ai vraiment ressenti de la lassitude, je n’arrivais plus à capter l’énergie parisienne. Après j’ai intégré le Paris Running Club et ça m’a fait du bien de courir le soir dans Paris avec une énergie de groupe, ça m’a fait redécouvrir Paris.

Ensuite, je vais aussi passer quelques jours sur Marseille, sans but précis, juste pour capter l’ambiance de la ville et regarder le style des gens. D’ailleurs il y a un créateur qui vient du sud, Jacquemus, ses collections en sont inspirés et ça me plait beaucoup parce ce qu’il n’est pas dans le cliché et c’est vraiment beau. Il a fait un défilé récemment à Marseille et c’était magnifique. On peut être fier d’avoir des créateurs comme ça parce qu’on a trop dénigré Marseille à tort et à travers. Il faut venir visiter Marseille pour la comprendre. Le voyage c’est important, c’est la seule chose qui te demande de l’argent mais qui te rend riche.

 


“Il faut venir visiter Marseille pour la comprendre. Le voyage c’est important, c’est la seule chose qui te demande de l’argent mais qui te rend riche.”


 

Et t’as quel âge?

J’ai 23 ans.

 

 

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C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

 

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Nous sommes au tournant des années 2010, et stupeur : le curseur de l’intérêt du public rap s’est (finalement) détaché d’Atlanta. Les regards sont désormais rivés sur la South Side de Chicago, où un adolescent remue vigoureusement ses locks, mettant des mots – et des ad-libs – sur la folie meurtrière de son environnement. Drill is the New Trap, oserait-on dire. Young Chop succède à Lex Luger au titre du “producteur dont le nom sera au tracklisting de toutes les galettes du game pour les trois années à venir”. Le rap est pris d’assaut, braqué par de jeunes sauvages armés jusqu’aux dents.

Mais à quatre ou cinq heures de vol, sous le soleil californien, une clique de goons opère sans véritablement se soucier de toutes ces considérations géographiques. OFWGKTA, pour Odd Future Wolf Gang Kill Them All. Ils skatent, publient des sketchs ainsi que toutes sortes de vidéos à l’esprit Jackass. Puis ils rappent, aussi. Leur son est loufoque, distordu, oppressant, parfois même crispant. Leurs textes sont un ramassis d’offenses, de salaceries et de blasphèmes, dont on ne sait s’il doit être pris au sérieux. Sur le morceau “French!”, par exemple, une rime où il est question “d’enculer Marie” s’efface dans le rictus grave et gras de Tyler, the Creator. Odd Future est en rupture totale avec tout ce qui peut se faire dans le paysage rap de l’époque. En rupture également avec tout ce qui a pu se faire par le passé sur la scène ouest-américaine.

Plus que le “créateur” de cette entité aux inépuisables talents, Tyler en est le maître à penser. Il réalise lui-même les clips et dessine les visuels kitsch qui servent de covers à chacun des projets du collectif. Projets qui, par ailleurs, portent viscéralement sa griffe, puisqu’il en partage l’essentiel de la production avec le nonchalant Left Brain. Tyler est Odd Future. Artiste aux multiples casquettes, il ne jure que par Pharrell Williams, sa principale source d’inspiration. Sur le plan strictement musical, l’influence de la moitié des Neptunes est plus qu’évidente. Néanmoins, sa trajectoire personnelle tend plutôt à rappeler celle d’un autre rappeur-producteur superstar : Kanye West. En son temps, le chicagoan se plaçait lui aussi en marge d’un gangsta-rap au torse bombé quand il sortait de son backpack une panoplie de samples de soul et de gospel.

“My Vans are Vans cause Tyler doesn’t fuck with Giuseppe/Fuck the Gucci, fuck the Raf and fuck the swag and all the others shit they wearin”
“Mes Vans sont des Vans car Tyler n’en a rien à foutre de Giuseppe [Zanotti, ndlr]/Nique le Gucci, nique le Raf [Simons], nique le swag et toutes ces autres merdes qu’ils portent”, rappait Tyler, the Creator sur “Telephone Calls”.

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À l’instar de son autre “père”, le leader du collectif californien est soucieux d’exprimer une vision, sa vision. Et ce, quelque soit le support. “Fuck the rap, I’m tryna own a planet from my other fuckin’ business ventures”/”Nique le rap, j’essaie de posséder une planète à partir de mes autres putains de business”, martelait-il encore sur “Who Dat Boy”, premier single extrait de Flower Boy, son quatrième album studio sorti le 21 juillet dernier. Parmi ces “autres business”, il y a la mode. Quoique… Parler de “mode” dans le cas de Tyler, the Creator serait presque exagéré, l’intéressé ne semblant pas avoir la prétention (l’envie ?) d’appartenir à ce milieu des plus pompeux. Lui porte ce qu’il aime, ce qui lui correspond. Son style est classique : c’est celui que les riders ont embrassé depuis bien des années, à qui la pop culture tente désormais de voler un baiser. Des hoodies Supreme, des t-shirts en tie and dye, des chinos amples et rigides, ainsi que de longues chaussettes plongées dans des paires de Vans. Les grandes maisons de haute couture à l’italienne ou à la française, très peu pour lui. Il le répète à qui veut l’entendre dans ses morceaux, comme “Telephone Calls”, ou dans ses interviews, comme celle récemment accordée à Dazed Digital : “J’ai rappé à propos de ce que j’aimais vraiment, et Supreme, Peg Leg et Billionaire Boys Club étaient vraiment les marques les plus fraîches pour moi. J’en avais rien à foutre de Gucci. J’en avais rien à foutre de tout ce que les autres pouvaient porter. Je ne voulais pas porter de pantalon en cuir ou de t-shirt Givenchy avec une tête de chien.”

“Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction”

Un vieux proverbe dit que même une horloge cassée donne la bonne heure au moins deux fois dans la journée. C’est un peu le sentiment qu’on est obligé d’avoir avec Tyler, the Creator. Dans un monde de la mode cyclique, où la tendance d’aujourd’hui est souvent celle d’hier, et sans doute celle de demain, le style intemporel de Tyler sonne juste. À l’heure où l’on parle, le look “street goth” qui avait fait la renommée de son bon pote A$AP Rocky au début de la décennie n’est plus qu’un lointain souvenir. Comme des Fuckdown, Been Trill ou Hood By Air : autant de marques tombées dans l’oubli, vendues au rabais depuis que le Pretty Flacko s’est personnellement chargé de les incendier. Celui qui se vantait de porter des “Margiela with no laces” sur “Goldie”, privilégie aujourd’hui sa bonne vieille paire de Vans Old Skool. Celle sur laquelle Tyler apposait pour la première fois sa patte en 2013. Alors, le créateur serait-il un trendsetter malgré lui ? C’est ce qu’il semble penser, sans toutefois le dire tout haut. “Je suis toujours mis de côté. Genre tout le monde ouvre des pop-up shops maintenant ; j’en ouvrais déjà en 2011. On ne me crédite pas pour ça. Quand tout le monde a commencé à mettre des chats sur des t-shirts tie-dye en 2013, je faisais ça en 2011. Personne n’a jamais rien dit à l’époque. Ça a été mon look, mais je ne serais jamais respecté dans le monde de la mode pour ça”, glissait-il, amer, à Dazed Digital.

Le fait est que Tyler n’a pas les postures grandiloquentes de tous les autres rappeurs férus de sapes. Il ne prétend pas avoir étudié scrupuleusement les matières, les textures et les finitions des grands couturiers à la manière d’un Kanye West, de même que ses créations ne s’inspirent pas de l’art contemporain, ou du travail d’illustres photographes. Son approche est plus simple, plus directe, plus instinctive. Ses produits sont véritablement accessibles, loin des zéros qui s’alignent sur les étiquettes des pièces de la Yeezy Season 4. La collection Golf Wang, c’est juste un condensé de ce que l’artiste aime porter. N’allez pas chercher plus loin. “Je pense que les gens voulaient que je dise, ‘Quand j’ai imaginé cette paire, j’étais inspiré par ceci, par cela et blablabla.’ Sauf que non. J’ai littéralement choisi quatre coloris que je voulais faire et c’est tout. Ce n’est pas aussi complexe et profond que les gens voudraient que ce soit. Tu as déjà lu des trucs du genre, ‘Alors, cette collection porte sur la lutte dans les années 90s blablabla.’ Nan, ferme ta gueule. J’ai juste pensé que ce t-shirt était frais, et c’est pourquoi je l’ai fait.”

Reste que le rappeur californien est un créatif, un vrai. Hors de question pour lui de se brider. Ceux qui l’accompagnent, ceux qui l’aident à expliciter au monde sa vision artistique doivent la partager, en plus de lui accorder l’espace qui lui est nécessaire pour l’exprimer. On n’était pas surpris de voir les gags de son Loiter Squad diffusés sur Adult Swim, chaîne câblée de programmes pour adultes à l’humour trash et décapant. De même qu’on ne sera pas surpris de voir sa prochaine émission télé, Nuts and Bolts, s’accorder avec l’esprit transgressif de Viceland. C’est du Tyler tout craché.

En 2013, Yeezy délaisse Nike pour le rival Adidas parce que le groupe virgulé ne lui offre ni les moyens, ni les pouvoirs, ni les infrastructures auxquels il aspire. Quatre ans plus tard, Tyler, the Creator plaque Vans pour Converse, avec des motivations plus ou moins similaires. “Imagine être dans un putain de cocon. Vans ne voulait pas me laisser grandir. J’ai senti qu’il y avait comme un plafond de verre et je me suis dit, ‘Nique ça.’ Converse me permet de m’épanouir, et c’est génial.” En s’associant avec la marque à l’étoile, Tyler, the Creator s’engage auprès d’un équipementier foncièrement associé à la jeunesse et aux contre-cultures, pour avoir été successivement adopté par les punks ou les skateurs. Ne dit-on pas que ceux qui se ressemblent, s’assemblent ?

Cet été, Subway® arpentera la France en réinventant le concept du ‘Food Truck’ et – comme à son habitude – vous permettre d’exprimer votre créativité.

Si vous croisez la route du truck digital « Street Chef » en journée, vous pourrez faire du « air graff » sur sa carrosserie habillée d’écrans LED  et profiter de sa zone chill en écoutant de la musique.
Si vous n’avez pas la chance d’être sur-place, on vous conseille de tester StreetChef.fr pour créer vos propres œuvres de street-art en customisant vos photos. Elles seront ensuite projetées le soir-même sur les immeubles des villes de la tournée, pour façonner la rue à votre image.

Ce petit bijou de technologie ne s’arrête pas là, puisqu’ une livraison « du futur » sera expérimentée sur l’une des dates avec un Sub livré en drone pour une dégustation futuriste !

On vous laisse là les dates de passage du digitruck près de chez vous.
Plus d’infos sur le site StreetChef.fr.

 

 

 

25 juillet : Lyon
26 juillet : Les 2 Alpes
27 juillet : Valence
04 & 05 août : Marseille
06 août : Montpellier
09 août : Toulouse
10 août : Biarritz
11 & 12 août : Bordeaux
14 août : La Rochelle
16 & 17 août : Nantes
20 & 21 août : Rennes
23 août : Caen
25 & 26 août : Paris
31 août & 1er septembre : Lille

On savait que nos artistes préférés n’étaient pas tous seuls dans leurs têtes, maintenant, on en a la preuve.

Professionnel (parfois autodidacte) de la stratégie, du marketing, du management, mais surtout de l’image, le so-called « creative director » est un amateur d’art ou un artiste lui aussi, et son job consiste à imaginer l’identité visuelle des pop-stars les plus puissantes de l’industrie musicale américaine. C’est lui qui brainstorm, qui donne le ton ou qui relance la machine de com’ quand elle a tourné à vide pendant trop longtemps. À l’inverse, parce que le job de creative director exige de savoir tenir un cap et d’être capable d’innover en permanence, les plus grandes compagnies se sont mises à engager les artistes eux-mêmes pour mettre en valeur leurs produits. Justin Timberlake, Alicia Keys, Lady Gaga… Tous se sont prêtés au jeu.

C’est que le métier est hybride et ses fonctions multiples. En fait, le creative director fait le pont entre des disciplines que l’on aurait eu tendance à compartimenter. Comprendre : en France. À part du côté des Daft Punk, qui comptent dans leur équipe un certain Cédric Hervet, difficile de mettre la main sur les creative directors issus de l’Hexagone. Quand on interroge les labels et les journalistes, l’évocation de ce poste les laisse plutôt indifférents. Faut-il en conclure que chez nous, le même boulot est fait par d’autres personnes ? Aux Etats-Unis, on a oublié les frontières de la direction artistique, et on est capable de gérer la scénographie d’un concert quand on a créé les costumes du chanteur et de tourner ses clips quand on a pris la photo de couverture de son album. Bref, les creative directors relookent tout ce qu’ils touchent et se déplacent tels des Midas – plus ou moins bling bling – dans les bureaux de créa les plus prisés de la hyposphère.

Kanye West, Daft Punk (le plus américain des groupes français), Rihanna, Travis Scott, Drake, Miley Cyrus, Katy Perry, A$AP Rocky, The Weeknd… Tous les poids lourds de la pop culture font appel à eux. Et, à les traquer sur Google, on parvient peu à peu à identifier la nébuleuse créative qu’ils constituent… C’est à se demander s’ils ne sont pas tous en train de prendre l’apéro en ce moment même. La Mar Taylor, le meilleur ami de The Weeknd, Matthew Williams, l’ex-styliste de Lady Gaga et Oliver El Khatib, le manager de Drake, tirent parfois sur les mêmes ficelles et redéfinissent ensemble les codes esthétiques de demain. Les univers qu’ils fabriquent flirtent toujours avec les tendances actuelles tout en offrant de beaux jours à l’histoire de l’art. Mais alors que leur statut a tout du buzzword éphémère, les creative directors sont moins des influencers que les artisans des destinées les plus grandiloquentes.

 

 

VIRGIL ABLOH

Le chef de file, c’est lui. Pas étonnant quand on sait qu’il est le bras droit de… Kanye West. Diplômé d’architecture et hyperactif, cet enfant de Chicago devenu mastodonte de la direction artistique est peut-être même à l’origine de l’engouement nouveau pour le métier de creative director. Il se trouve notamment derrière la conception des pochettes d’album de Yeezy, My Beautiful Dark Twisted Fantasy, Watch The Throne et Yeezus – ce dernier n’étant rien de moins qu’une métaphore minimale de la mort du CD. Fan de l’architecte Ludwig Mies van der Rohe, Abloh a beau faire les choses au carré, ça déborde. DJ à mi-temps sous le nom de Flat White à travers le collectif #Been #Trill, il n’en finit pas de décliner le nom de sa marque de vêtements, Off-White, et son lot de caractères spéciaux. Certes, tout le monde ne peut pas se payer le raffinement de ses collections de streetwear, reconnaissable à leurs lignes obliques, leurs pulls oversize flanqués du Piazza d’Italia de Giorgio de Chirico et leurs petits noms explicatifs entre guillemets. L’ex-adolescent des années 1990 skate sur la vague de la noblesse 2.0 ; il envoie des invitations à ses défilés sous forme de t-shirt oranges, fait du son avec Skepta et habille Céline Dion entre deux allers-retours à Milan. Mais son intention est simple : donner à voir et à entendre l’esprit d’une génération frénétique.

 

 

DIANE MARTEL

Vous connaissez son travail mais pas encore son nom. Pourtant, Diane Martel est chorégraphe et réalisatrice et elle a travaillé pour des artistes tels que Justin Timberlake, Mariah Carey, The Kooks, Yelle, Franz Ferdinand et N*E*R*D. C’est elle qui a dirigé le clip de « Blurred Lines » en 2013 et le Bangerz Tour de Miley Cyrus l’année suivante. Après avoir collaboré avec la chanteuse une première fois sur le clip et le live aux VMA de « We Can’t Stop », Diane Martel est engagée comme creative director et prend en main la tournée de l’artiste aux idées, alors, farfelues. Son job : concevoir les vidéos et superviser toutes les créations originales (scénographie, tour book, costumes…). À ses côtés, l’artiste Geoffrey Lillemon, connu pour son esthétique hallucinatoire un poil sordide, l’aide à imaginer des contenus tous plus délirants les uns que les autres. Diane Martel et Geoffrey Lillemon invitent pour l’occasion le dessinateur John Kricfulasi – l’inventeur de Ren & Stimpy –, l’artiste haut en couleurs Ben Jones et la scénographe de grande renommée Es Devlin (Kanye West, Jay-Z, Lady Gaga, Adele, The Weeknd…). Sur scène, Miley Cyrus débarque alors via un toboggan qui a la forme de sa propre langue, elle danse aux côtés d’une version XXL de son chien et chante devant des vidéos de monstres informes en train de twerker… Les arts s’entremêlent et le spectacle est total.

 

 

LA MAR TAYLOR

Non, The Weeknd n’est pas un groupe. Mais The Weeknd a une famille, avec laquelle il évolue depuis son premier jour au lycée. « Abel » rencontre son futur meilleur pote La Mar Taylor lors de leur rentrée en frenchman’s year à Toronto. Ce dernier est passionné de photographie et aime à vivre pleinement sa créativité adolescente. C’est lui qui fera la couverture de la debut mixtape du chanteur à la voix d’ange, House Of Balloons. Puis, il prendra le cliché de Thursday. Et celui de Echoes Of Silence. Ah, et, c’est lui qui fera la pochette de Trilogy, du coup. L’album ressemble à un livre Photo Poche de chez Actes Sud, The Weeknd n’a pas encore la coupe de Basquiat mais les ballons et l’ambiance de lendemain de soirée brumeuse fondent l’identité visuelle du n°1 de XO Records. Et si Kalen Hollomon et Nabil Elderkin prendront bientôt le relai du cover art, La Mar Taylor est toujours derrière les manettes du branding, du marketing et du design des live de The Weeknd. Quand le chanteur décide de se couper les cheveux, c’est lui qui doit gérer la situation (ce genre de panique). Le Tumblr-addict participe aussi à la collaboration 100% made in Canada OVOXO, en réalisant les clips « Marvin’s room », « Headlines » et la couverture de Take Care pour Drake en 2011. Le motto n’a pas changé depuis : mettre en valeur la ville de Toronto, le lifestyle de Toronto et les artistes de Toronto. La Mar Taylor, aka celui qui fait sonner les albums à coup de visuels, sait créer le moment pour les autres comme pour lui-même, au point de s’être hissé parmi les 30 under 30 de Forbes cette année…

 

 

OLIVER EL-KHATIB

Nul doute que La Mar Taylor et Oliver El-Khatib se sont déjà serré la pince : c’est lui, le patron (bis) de la team Drizzy, qui a fait découvrir The Weeknd à Drake. Manager du rappeur aux pas de danse mystiques et fondateur de The October’s Very Own (OVO), c’est lui qui décide de la vibe qu’il veut donner à la marque. De la playlist de la boutique à celle du show OVO Sound sur Apple deux fois par semaine, en passant par l’embauche des vendeurs, l’image de la marque passe toujours par le multi-curator au look passe-partout. Moins artiste qu’entrepreneur, à la tête de trois boutiques et d’un festival qui a son propre sommet pour aider les jeunes artistes à s’insérer professionnellement, ce radar de la mode et de la musique n’en est pas moins impliqué artistiquement dans l’œuvre de Drake. Les deux business men se sont rencontrés dans la première boutique d’Oliver El-Khatib, Lounge, à Toronto (toujours). C’est lui qui suggère d’utiliser un sample de Tears For Fears dans sa mixtape So Far Gone en 2009. Il apparaît même parmi les auteurs de « The Resistance », un titre de l’album Thank Me Later. Bref, « Olivier, The Parisian Gangster » est occupé, alors pour avoir des nouvelles de son travail c’est par ici.

 

 

MATTHEW WILLIAMS

L’empire créatif de Matthew Williams est sans limite, oui. Et ce, peut-être parce que le monde est petit. Vraiment tout petit. Co-fondateur de #Been #Trill (vous vous souvenez ?), ancien creative director de Kanye West, Matthew Williams a été l’amant de Lady Gaga, a bossé avec Rihanna, a tourné un clip avec Miley Cyrus, boit des verres avec le graffeur Jim Joe… Attendez, quoi ? Jim Joe, c’est l’artiste qui a été commandité pour gribouiller la pochette de Drake, If You’re Reading This, It’s Too Late, et faire le design de la page Apple de Yeezus. Bon, oubliez Jim Joe. On reprend. Matthew Williams a d’abord été le directeur artistique de la Haus of Gaga entre 2008 et 2010. Sa dernière collaboration avec la chanteuse a été le clip d’ « Alejandro », dirigé par Steven Klein. Plus tard, il devient l’un des creative directors de Donda, la marque de sa majesté Kanye qu’il a sans doute connu lors de ses collaborations avec le photographe Nick Knight. En résumé, du côté de Lady Gaga, les lunettes-télé, le faux sang aux VMA, le disco stick, le soutif-feu-d’artifice ; tout ça, c’était lui. Et, histoire de remuer le couteau dans les tendances de l’époque, la veste lumineuse de Kanye West pendant son live avec les Daft Punk, c’était lui aussi. Inutile de dire que les temps ont changé depuis que le styliste a fondé Alyx, sa propre ligne de prêt-à-porter. Inspiré par Alexander McQueen comme par le streetwear, « Matthew Dada Williams » dessine désormais des vêtements qui lui ressemblent.

 

 

MARC KALMAN & COREY DAMON BLACK

Les deux sales gosses de la creative direction, eux aussi, ont ignoré les écoles d’art, mettent un point d’honneur à mettre en valeur l’esthétique « internet » de la nouvelle génération, collaborent régulièrement avec Jim Joe, et se sont fait connaître en créant toutes sortes de choses pour un ténor du rap américain : Travis Scott. On comprend mieux d’où vient l’imagerie glitch de la poupée musclée. Enfants de la culture punk et DIY, ils admirent Anton Corbjin, le réalisateur du clip mythique de Nirvana, « Heart-Shaped Box », et Stanley Kubrick. En somme, beaucoup d’angoisse et des couleurs irritantes, comme en témoigne le clip de La Flame, « Shit On You », qu’ils ont réalisé. Et le bad trip se poursuit de scénographie en pochettes d’album (Birds in the Trap Sing McKnight compris). Corey Black est le plus « artiste » des deux ; un peu graphiste, un peu dessinateur, vous retrouverez sa patte sur les artworks de promo où Travis et ce cher Flat White partagent l’affiche. Marc Kalman, lui, incarne davantage la figure du directeur artistique. En passant par le studio Uber and Kosher (chez qui Matthew Williams façonne ses lookbooks pour Alyx), Kalman signe les images de la collaboration entre Travis Scott et Helmut Lang, ainsi que les visuels plus sobres et plus doux de « Slide » et « Heatstroke », les deux derniers tubes de Calvin Harris. Un vrai creative junkie.

 

Tout porte à croire que c’est la suprématie de l’image qui pousse les chanteurs à collaborer avec des artistes spécialisés dans des domaines tels que la mode, la vidéo ou l’art pictural. Certains d’entre eux assument donc un travail d’équipe décomplexé et font du mythe de la pop-star une œuvre collective. Comme des cerbères, les artistes et leurs creative directors avancent du même pas pour créer des œuvres à 360°. D’autres, les touche-à-tout, font le pari de manier eux-mêmes des disciplines très différentes pour bâtir leur empire. « Set on his goals Kanye »…

Ainsi à l’heure où les équipes créatives sont moins liées aux A&R des maisons de disque qu’à l’entourage de l’artiste lui-même, les possibilités qui s’offrent à l’artiste pour décliner sa musique sous toutes les formes artistiques imaginables semblent infinies. Ces créations franchissent souvent la frontière entre produits marketing et œuvres d’art et font du nom des artistes les emblèmes d’entreprises spectaculaires. Mais la différence entre un bout d’art et une pièce de merchandising, entre innovation et stratégie commerciale se joue à peu de choses.

C’est peut-être ce qui explique la réticence de nos artistes populaires français à se munir d’un tel attirail : ont-ils peur de s’égarer en multipliant leurs activités ou en déléguant le principe de création à des pairs ? Pourtant, bien loin de l’image de l’artiste seul à sa table de travail, le chanteur belge Stromae, lui, travaille avec son équipe Mosaert, qui participe à la création de son personnage et de l’univers qu’il porte… jusqu’à l’autre rive de l’Atlantique. Plus qu’un produit qui s’exporte bien, le fruit d’un travail à quatre mains (ou plus) permet peut-être de créer un objet rond, un monde propre à l’artiste et reconnaissable entre mille. L’union fait la gloire ?

 

 

 

Après avoir chanté son amour pour le designer Raf Simons, A$AP Rocky sort maintenant le clip qui va avec. C’est en compagnie de Quavo et Playboi Carti que le leader du A$AP Mob organise un véritable défilé de mode, présentant ses outfits favoris du créatif belge.

Vous pouvez regarder le clip juste en dessous.

 

Pour ceux qui ne connaissant pas le Comic-Con, c’est un festival américain dédié à la pop-culture avec comics, films, cosplay, jeux vidéos et animations en tout genre. La version française du festival aura lieu du 27 au 29 octobre mais la version américaine, qui prenait place à San Diego, vient tout juste de se terminer. Le Comic-Con est l’occasion pour les producteurs de dévoiler les bandes annonces de films et séries qui vont sortir, afin de faire monter l’engouement et de rendre l’attente insoutenable pour les fans. Si vous n’avez pas pu assister à la convention, voici les trailers qu’il ne fallait absolument pas manquer cette année.

 

Justice League

Après avoir cassé la tête de Superman dans « Batman vs Superman », le héros de Gotham fait maintenant face à un nouvel ennemi intergalactique et son armée. Incapable de s’en occuper seul, Bruce Wayne va faire appel à Wonder Woman, Aqua Man, Cyborg et The Flash, formant ainsi la Justice League (*squaaaad*).

 

Thor: Ragnarok 

Dans l’épisode 3 des aventures de Thor, on retrouve le Dieu du Tonnerre sur une planète inconnue après avoir été banni d’Asgard par la déesse de la mort. Avec Hulk à ses côtés, Thor devra éviter « Ragnarok » aka la fin du monde dans la mythologie nordique.

 

Stranger Things (Saison 2)

On retrouve les gamins auxquels on s’était attaché dans la première saison de Stranger Things pour une nouvelle fournée de 9 épisodes. Le retour d’Eleven ? Will sera-t-il le même ? Le Demogorgon va-t-il revenir ? Début de réponse dans ce trailer, et réponse complète le 27 octobre.

 

The Walking Dead (Saisons 8)

C’est le 22 octobre prochain que la saison 8 de The Walking Dead mais en attendant, la chaîne américaine AMC dévoile un trailer qui nous laisse complètement perplexe avec l’image de fin qui dépeint Rick… Non, on va plutôt vous laisser regarder.

 

Death Note

Beaucoup ont crié au scandal après l’annonce de l’adaptation en film de l’un des meilleurs mangas du 21ème siècle, j’ai cité Death Note. Mais si Tsugumi Oba, créateur du manga, a donné son accord pour les droits de réalisation, on doit lui faire confiance. Alors oui c’est une version américanisée à souhait, mais attendons d’avoir vu le film le 25 aout avant de critiquer les Kira et L de Netflix.

 

Kingsman : Le Cercle d’or

Si le premier épisode de Kingsman était survolté, Matthew Vaugh, le réalisateur, à doublé la dose d’adrénaline pour le second numéro nommé « Le cercle d’or ». Dans celui-ci, les « Kingsman » anglais s’allieront avec une autre agence, les « Statesman » des États-Unis. Et d’après le trailer juste en dessous, ça promet.

 

The Defenders

Après la Justice League de DC Comics, voici une autre équipe Marvel composée des justiciers les plus cools de New York: Daredevil, Jessica Jones, Lukes Cage et Iron Fist. Ensemble, ils protégeront la « grosse pomme » d’une menace incarnée par Sigourney Weaver.

 

Inhumans

Marvel est encore à la baguette pour cette nouvelle série nommée « Inhumans ». Vivant sur la lune, le peuple des « inhumains » possède des pouvoirs et sait que, tôt ou tard, il sera traqué par les humains. Du coup, ils décident d’aller sur Terre et d’attaquer en premier.

 

Westworld (Saison 2)

La saison 2 de Westworld ne sortira qu’en 2018, mais les mecs de la chaîne HBO nous mettent déjà l’eau à la bouche avec cette bande-annonce. En moins de 2 minutes, tout ce qui apparait dans ce trailer, c’est la mort. Ajouté à ça, le sourire de « l’homme en noir », l’ensemble promet une saison 2 très intéressante.

 

Fort de son expérience dans la musique depuis 2005 et de nombreux voyages qui l’ont notamment mené en Russie ou à Jerusalem, Gizo Evoracci est l’un de ceux à qui on n’apprend pas à faire la grimace. On l’a même vu en Californie, où il côtoie des OGs du rap US comme Snoop Dogg, Kurupt ou encore Nipset Hussle. À l’occasion de la sortie de sa dernière vidéo, « Ice Cream Man », on a pu poser quelques questions au rappeur de Grigny qui nous éclaire sur ce film qui « regorge de messages et de références ».

 

À première vu on peut penser que ”Ice Cream Man” c’est une référence à Gucci Mane ; est-ce que c’est le cas ou il y a autre chose derrière ?

​Le premier artiste à avoir utilisé le terme « Ice Cream Man » est Dru Down, un artiste que j’affectionne particulièrement, originaire de la Bay Area, Oakland précisément. C’est le fils d’un grand artiste Soul : Bootsy Collins. Master P (Percy Miller) a mis ce personnage en avant médiatiquement et avec succès en ajoutant sa touche et c’est ce que j’ai essayé de faire en ajoutant une touche française forte et en imposant mes codes « Grignois » de la meilleurs des manières, jusque dans la démarche.

Pour revenir à ce que tu disais, Gucci Mane s’est clairement inspiré de Master P. P est une légende pour les trentenaires. Je t’invite à regarder 2 Chainz ou A$AP Rocky qui le rencontrent, c’est impressionnant le respect qu’ils lui donnent. En parallèle, j’ai créé une collection de textile « P Tribute » avec la marque Ligne 19.

Le personnage me ressemble à tout point de vue, même si j’aime pas le terme « personnage ». La Flamboyance, la magouille, la fausse devanture qui donne l’illusion que tout est légal… Ce n’est pas du second degrés je suis un marchand de glaces en quelques sorte [rires, ndlr], un peu étrange mais un vrai… D’ailleurs tu veux une glace ? [rires].

Photo: Ray Litsala. Camion de glaces: Glaces Glazed

Ton clip Ice Cream Man est divisé en 3 parties​ avec une claire référence à New Jack City, est ce que tu peux nous en dire plus sur cette inspi cinématographique ?

Le clip regorge de messages et de références comme Stanley Kubrick, les Hugues Brothers, Iceberg Slim, Travis Bickle, même d’autres cachées. Il faut regarder plusieurs fois le clip. Faire un clip facile au quartier, ou avec une lambo et des tasspé en plastique ça m’intéresse pas. Quand tu as fini tes 3min35 tu as déjà oublié le clip. Un nègre (sic) en plein Paris dans un Buick Old School avec 2 déesses africaines à l’arrière qui slident sur les Grand Boulevard de Paris avec l’architecture haussmannienne en fond, huh… tu t’en souviens mec.

Cette scène que j’ai renommé « New Math City » est une référence à NJC effectivement. C’est une scène qui m’avait marquée étant jeune, je voulais la refaire mais intelligemment et rajouter ma mathématique comme la façon dont la scène se finie qui n’a rien a voir avec la référence de base. La scène avec le crackeur ne ment pas, c’est un vrai junky tout est réel jusqu’à l’arme utilisée ! Prends du recule car toi tu connais la musique, mais derrière les yeux d’un jeune ou vieux français lambda tu ne peux pas être indifférent devant cette scène. il y a 3 émotions fortes d’un coup : « un junky black nu qui se fait prendre en joue par un autre black », avec « une voix off poignante qui traite un sujet important » et les dernières secondes.

Photo: Ray Litsala

J’ai voulu mettre en avant mes soeurs renois de la meilleurs de manière. La Mathématique est complexe mais juste et 99% des personnes qui ont vu cette partie ont compris mon message. Je souhaite que mes gens se réveillent et parfois il faut choquer pour passer un message. Sans m’étaler, cette scène était même particulière à vivre, on l’a faite plusieurs fois sous plusieurs angle, un silence glacial régnait, l’arme était vraie nous étions en plein Paris, des gens étaient à la fenêtre pour voir ce que nous trafiquions, c’était très spécial.

Ice Cream Man est mon chapitre 4 et saches que tout ce que je fais depuis Chapitre 1 est écrit et scénarisé de A à Z par moi-même ainsi que la D.A. J’ai la chance maintenant d’avoir mon équipe et ma structure indépendante, le 387ART, une équipe optimum et surtout pro. Donc je peu m’épanouir visuellement, je suis et me sent libre… L’équipe à la réalisation Ghx5t est jeune mais talentueuse, vous en avez la preuve.

Photo: Ray Litsala

Comment s’est passée la collaboration avec Snoop Dogg ? Pourquoi ne pas en avoir fait un featuring ?

Je connais Snoop depuis 2008, Je bossais avec des mecs underground qui était OP localement, de fil en aiguille j’ai enregistré avec Kurupt un acolyte de Snoop. Pendant un moment de chill Snoop a ecouté mon son. Surpris que son pote job avec des français, sachant que je ramais et que j’étais en indé etc., Snoop a kiffé mon culot et ma détermination et il m’a invité chez lui. J’ai reçu un coup de fil, je suis arrivé une semaine plus tard et… on a enregistré.
Si tu tends l’oreille… Snoop dit « dédicace à tous mes boogs de Paris, précisément mes gars du 91 […] ». Il y a eu 3 featurings avec Snoop, le son a venir que tu entends est une magnifique production de Didai un génie. L’extrait que tu entends est issu du titre OG feat. Baron G, un triple OG de Grigny et Snoop Dogg.

Quels sont tes projets à venir ?

Projets [rires] je n’ai aucun projet ce mot est abstrait pour moi. J’ai des objectifs et un but précis. Tout ce qui m’arrive ces derniers temps comme le Zénith de Paris est impromptu mais j’ai la maturité artistique pour le savourer.

Je slide actuellement dans le rap. Je sortirai un truc quand j’en aurais envie, gratuit ou non. Maintenant, on juge un artiste au nombre de ventes de sa première semaine. Fréro ça fait depuis 2005 que je suis dans la musique, j’ai flâné aux 4 coins du monde grâce à ma musique, mon dernier concert était en Russie devant 10 000 personnes. Je suis à un stade où les views ou ventes importent peu. J’ai mon job, mon business, mon resto et je veux des glaces aussi [rires]. Saches que quand j’envoi un truc comme “Ice Cream Man” j’envoi de la culture, certains ne comprendrons pas de suite… Mon but principal aujourd’hui c’est de marquer le temps.

Photo: Ray Litsala

Pour les mois à venir je compte élargir mon business, que les gens comprennent « La Mathématique », redonner ses lettres de noblesse à ma ville Grigny. Je serai très actif dans les prochains mois, sans rentrer dans les détails, sur tout ce qui est ART pure. Exposition de nos créations avec de la peinture, des photos, du textile et du cinéma. La France et l’Angleterre sont une mine d’or niveau art et même dans la culture urbaine de ces 5 dernières années, les américains s’inspirent de nous. Qui peut la mettre en avant mieux que nous ?

J’aurai la chance de vous montrer tout cela sur mes prochains chapitres, ma collection de textile 387 sera en ligne avant la rentrée ainsi que tout ce qui émergera à côté de ça… Suivez-moi, et analysez ma Mathématique, elle est douce et sucrée comme une glace [rires].

Photo: Ray Litsala

Youtube : GizoTV
Instagram : @gizoevoracci
Facebook : Gizo Evoracci
Partenaire : Glaces Gazed
Photo : Ray © Argentique pour 387ART

Si vous demandez à Arthur King ce qu’il pense des mixtapes, il vous répondra que c’est « super ringard en 2017 ». Par contre, ce qui est d’actualité, c’est les playlists. Et des playlists, Arthur King en a 10 en stock, chacune avec un univers différent que vous pouvez écouter dès maintenant sur Spotify. Pour vous aider à les parcourir de la manière la plus smooth possible, notre DJ vous décrit les 10 ambiances et s’allie à l’artiste Jean André illustrer les playlists.

Summer 2017

« LA playlist de l’été qui remplace ma traditionnelle mixtape de l’été, parce qu’on va pas se mentir les mixtapes c’est super ringard en 2017. »

Feelings

« Feelings, emotions, sentiments, la playlist des tracks les plus emos de la terre. Pas de jazz par contre (le jazz c’est horrible). »

Riviera

« A écouter autour d’une piscine, si possible en peignoir d’hotel. »

Jul Coté Fragile

« Jul est un génie, plus personne ne peux le nier, et sa discographie ‘sensible’ est encore plus géniale. »

Cocooning With Attitude

« Du Gangsta Rap à écouter un soir d’hiver au coin du feu sans passer pour une grosse victime. »

Autoroute FM

« De la musique de camionneur, à écouter UNIQUEMENT sur la route. Chantez très fort svp. »

¡ El Ritmo Fatal !

« 100% musique latine sensible. #evasion »

Uber Musik

« Le meilleur de la ‘pop urbaine’ en français, LA musique d’aujourd’hui. #teamjul »

RnB for Dummies

« Une playlist de RnB a écouter avec une paire de créoles et une doudoune Lady Soul. »

Reggae for Dummies

« Wagwan ? Le meilleur du reggae pour ceux qui n’y connaissent rien. »

Rihanna a-t-elle été trop ambitieuse pour sa collaboration avec Puma ? C’était en 2016, à la Fashion Week de New York que la chanteuse organisait son premier défilé en collaboration avec Puma. Si les prix à la suite du show étaient assez élevés, une braderie de la marque allemande porte à croire que la collection ne se vend pas autant que prévu. On voit par exemple les talons-sneakers de la première collection passer de 600$ à 100$ ou encore un sweet à capuche manches longues de la dernière collection passer de 180€ à 90€. Mais cette collaboration a néanmoins été une réussite côté chaussures, avec la Puma Creepers qui a reçu le prix de la meilleure sneaker 2016.

Si vous voulez profiter de ces soldes, rendez-vous sur le site Puma américain pour la première collection et sur le Puma européen pour la dernière.

 

 

 

 

C’est au travers de deux voyages à Miami aux mois de décembre des années 2015 et 2016, que Steeve Cute s’est appropriés la ville, forgeant son images au travers de détails du quotidien. Aujourd’hui, il nous raporte les images de ces deux voyages et nous donne sa vision de ce qu’est pour lui Miami.

Si je te dis Miami, je suis sûr que tu vas me répondre directement et sans même réfléchir : Rolls Royce, cigares, Scarface, empanadas et chiquitas. Mais à contrario, M-I-A ce n’est pas que ces clichés encrés à cette ville de Floride depuis les années 1970. Ville des Etats-Unis qui accueille le plus d’immigrés, tu peux entendre parler anglais, espagnol, ou créole haïtien dans le même bus climatisé à outrance qui te transporte pour aller « chill » sur Wynwood. Porté par des couleurs vives, avec un sentiment de liberté, je sens la rébellion visuelle sur le corner qui anime la zone, et la réalité de la pauvreté sur le visage des hommes qui èrent sur la longue rue entre Wynwood et little Haiti.

Spontanément immortalisées, avec un regard simple et sans lentille de couleur, j’aime ce quartier, je m’y sens bien et mon appareil photo argentique aussi. J’ai l’impression de m’évader, de pouvoir enfin respirer comme j’aime. Dans une petite rue du quartier, j’aperçois un « Fuck Trump », comme un rappel, une alerte sur l’avenir qui s’assombrit de jours en jours.

No es facil…

Instagram : @steevecute

Vans et Thrasher viennent de dévoiler l’entièreté de leur nouvelle collection capsule. Premièrement, cette collaboration est composée de chaussures avec notamment un modèle de Slip-On et un autre de Sk8-Hi, marquées des célèbres flammes Thrasher. Ensuite, on retrouve le logo des deux marques sur des t-shirts, des manches longues ainsi que des hoodies. Un sac noir vient clôturer la sélection de produit pour cette collab qui fera sans doute beaucoup d’heureux.

Le Paris Saint Germain et ses stars, avec notamment Dani Alves qui fait ses débuts dans le club de la capitale, sont actuellement à Miami pour le tournoi International Champions Cup. Déplacement exceptionnel entraîne évènements exceptionnels et du coup, le PSG a organisé l’ouverture de différents pop-up stores dans la ville de Floride. Dans ces boutiques, on retrouve une gamme exclusive de produits, mais surtout une Nike Air Max 90 aux couleurs du PSG. La personnalisation s’est faite sur place par l’artiste Red Ribbon Recon et les paires sont limitées à 24 exemplaires.

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Débrouillard par essence, Steven a des idées plein la tête et se donne les moyens pour qu’elles deviennent plus que de simples idées. Co-fondateur de la marque Applecore, qui bouscule la mode parisienne depuis plus d’un an, entre travail acharné et créativité, c’est la trajectoire atypique d’un jeune entrepreneur qu’il nous raconte.

 

T’as grandi où ?

Steven. J’suis originaire des Antilles, de la Martinique et j’ai grandi à Poitiers. J’ai fait mes années collège et lycée là-bas.

 

C’est comment Poitiers ?

Poitiers c’est un peu comme une ville de banlieue avec un coeur presque « parisien » au niveau de l’architecture. Concernant l’école, j’aimais pas ça, j’ai eu mon BAC mais en trichant, j’peux le dire maintenant [rires, ndlr]. Un poto m’avait passé une clé usb et dedans il y avait tous les sujets de ma matière principale, coefficient 9, et le sujet était propre à mon lycée. J’ai charbonné et je l’ai eu ahah! Je voulais mon BAC et je l’ai eu. Je savais déjà ce que je voulais faire et j’avais pas besoin du BAC. L’obtention du BAC pour ma part ça à été plus pour rassurer la famille qu’autre chose, dans ce que j’avais prévu j’en n’avais pas besoin. Et je n’en ai toujours pas eu besoin ahah!

 

Tu voulais faire quoi ?

Je suis d’une famille d’ouvrier et le travail avec les mains était quelque chose de très commun. Quand j’étais petit aux Antilles, tous les matins j’allais aider « Jean » un deuxième père pour moi, qui lui, était sculpteur de bois. Puis un jour j’ai été marqué par un film dans lequel Morgan Freeman incarnait un personnage dont le métier était ébéniste. Du coup le premier métier que je voulais faire était ébéniste.
En grandissant, j’ai pensé à travailler dans la musique, et puis je voulais être architecte, je voulais être designer, je voulais travailler dans l’humanitaire. Mais c’était que des envies.
On m’a envoyé voir la conseillère d’orientation, je lui ai dit que je ne savais pas ce que je voulais faire et je lui ai fait part de mes envies. Elle s’est mise à bégayer et elle a rigolé. A partir de ce moment là j’ai compris que j’avais pas ma place ici. L’éducation nationale est vraiment nulle. En province c’est pas comme à Paris, t’as moins d’opportunités pour faire des rencontres ou pour t’ouvrir à d’autres choses. Là-bas on t’oriente toujours vers les mêmes métiers.
Au final à 17 ans je suis parti de chez moi, j’ai fait un prêt étudiant, intégré une école d’architecture, et fait un an dans cette école. Ensuite j’ai changé pour une école un peu plus « moderne », dans le graphisme. A la fin de cette année j’ai décroché un stage sur Paris dans l’agence BlackRainbow et c’est comme ça que je me suis installé ici.

 


“Je veux mettre à l’abris ma famille, pouvoir partir vacances au bled quand je veux. Ce sont des choses simples mais c’est ce que me motive. Ma politique c’est que je ne partirais pas en vacances, tant que ma darone ne partira pas.”


 

Et ensuite qu’est ce qui s’est passé ?

Ensuite j’ai fait quelques projets persos. J’avais lancé des facemasks en m’inspirant de la culture japonaise. C’était un projet engagé, il y avait marqué jeunesse à l’intérieur, le message c’était pour dire qu’on ne donne pas la parole aux jeunes, j’ai fait 30 exemplaires et contre toute attente ça s’est vendu direct, c’était cool j’ai eu de bons retours. C’était pas pour faire de l’argent mais c’était cool.
Puis en juin 2015, Applecore est né. Avec mon associé Moriba-Maurice Koné, on a commencé à en parler début 2015, on a taffé le concept, l’histoire qu’on voulait raconter, mais j’étais encore à l’école et loin de moi l’idée de lancer une marque. Tout s’est fait organiquement. Applecore est une marque contemporaine, fonctionnelle et masculine avec des accents streetwear. C’est une marque fédératrice et multiculturelle. Notre association a étonné pas mal de monde, mais aujourd’hui tout ça a bien avancé, avec beaucoup de presse comme Vogue, I-D voir Antidote. Aujourd’hui nous sommes une équipe de 5 et tout se passe bien. On fait beaucoup de travail de fond afin de structurer l’entreprise. Nous allons doucement mais surement. Applecore n’est pas une marque de passage.

 

Est-ce qu’il y a des gens, des choses qui t’inspirent ?

Ouais il y a pleins de gens et de choses qui m’inspirent. Je suis quelqu’un de très curieux et engagé et je m’intéresse à pleins de choses. Je suis fan d’histoire principalement l’histoire sur l’esclavagisme, comme mon père. Le design, le cinéma aussi. L’humanitaire ça m’intéresse, ce qu’a fait Jérôme Jarre récemment c’est une grosse inspiration.
La musique aussi, depuis pas mal de temps je partage beaucoup d’heures dans le milieu de la musique avec le groupe ETMG. Dans mon processus de création j’aime bien mettre en parallèle la musique avec la mode ou le design. Je suis entouré de plein de personnes talentueuses qui font du son et qui sont très inspirantes.
Sinon, des gens comme Nelson Mandela, Mohamed Ali, Martin Luther King, Steve Jobs, Elon Musk.. sont des inspirations depuis toujours.
Après, quelque chose de plus actuel, j’ai beaucoup de respect pour un mec comme Mouloud Achour et son équipe. Les seules fois que j’allume ma télé c’est pour le Gros journal, rien d’autre. Ce qu’il fait ça me parle vraiment. C’est un média pour une France ouverte d’esprit, ma France.

 

T’as dit que t’étais quelqu’un d’assez engagé, comment est-ce que tu le retranscris dans ton travail  ?

Un exemple avec Applecore, notre dernier projet sur notre « Nouvelle France ». C’est un projet qui fait suite aux tensions sociales en France, on avait un désir d’explorer et de fausser l’idée de nation. On a fait appel à la jeunesse de Paris, de la banlieue et de la province. Tu peux retrouver ça sur notre site : applecoreweb.com.

 

T’as quel âge ?

23 ans.

 


“Nouvelle France c’est un projet qui fait suite aux tensions sociales en France, on avait un désir d’explorer et de fausser l’idée de nation. On a fait appel à la jeunesse de Paris, de la banlieue et de la province.”


 

Pour entreprendre à cet âge là, il faut apprendre plus vite que les autres ?

Je sais pas si il faut apprendre plus vite que les autres, chacun va à son rythme. Le plus important c’est d’être déterminé et être un bosseur, il n’y a que ça qui paye. Mais il ne faut pas se perdre et savoir où tu vas. Regarde, en 2015 j’ai investi dans une voiture pour faire Heetch. Du coup je travaillais sur Applecore la journée, et la nuit je faisais le taxi dans Paris. Je ne dis pas ça pour me plaindre, car je l’ai voulu tout ça. En vrai, ce qui peut être perçu de l’extérieur comme des sacrifices, ça n’en est pas en réalité. T’en as besoin pour avancer, donc tu le fais, c’est tout. En ce qui concerne la création je pense qu’il faut bien se connaître avant d’entamer un projet, afin de rester vrai.
Pour ma part, j’suis motivé donc voila. Je veux mettre à l’abris ma famille, pouvoir partir vacances au bled quand je veux. Ce sont des choses simples mais c’est ce que me motive.

 

D’ailleurs c’est quoi les prochaines étapes pour toi et Applecore ?

Déjà pour la marque, on a bossé pas mal ces 6 derniers mois, de l’extérieur on pourrait croire qu’on était calme mais on a vraiment fait un travail de fond, il y a du lourd qui arrive. On va montrer ce qu’on sait faire et qu’on est un marque importante à Paris.
Sinon personnellement, ce sera de continuer à kiffer, faire de l’oseille et d’arriver à mener mes projets persos à bien.

 

Tu vas faire quoi cet été ?

Je vais charbonner et descendre passer du temps en famille. Ma politique c’est que je ne partirais pas en vacances, tant que ma darone ne partira pas. C’est ça aussi qui est bien avec l’été, je peux me ressourcer pour entamer une nouvelle année de la bonne manière.

 

IG: @stevenalxs
applecoreweb.com
stevenalexis.com

 

 

 

Après qu’on ait vu Tyler The Creator s’allier avec Converse pour la One Star, la classique Chuck Taylor All Star ’70 est de retour avec le coloris « Triple Black ». Haute ou basse, cette version 2017 a été retravaillée pour une plus grande qualité et un meilleur confort.

La Chuck Taylor All Star ’70 « Triple Black » sort le 21 juillet en Asie.

Le week-end du 22 au 23 juillet, le festival Lollapalooza arrive pour la première fois en Europe et débarque à l’Hippodrome de Longchamps à Paris avec un line-up assez exceptionnel : The Red Hot Chili Peppers, The Weeknd, Lana Del Rey, London Grammar, DJ Snake, Alt J, Skepta,  Pixies, Anna Kova, Liam Gallagher, Imagine Dragons, IAM…

Mais la fête ne s’arrête pas au journée de festival et se poursuit dans la soirée avec une série d’after-party organisé dans tout Paris. Parmi elles, la nôtre, qui se tiendra à la Clairière le 23 juillet de 23h30 à 6h00.

On arrive bientôt avec plus d’info et le line-up complet de cette soirée placée, bien sûr, sous le signe du hip hop.

 

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C’est le photographe Alex Dobé qui a repris le flambeau ce mardi au YARD Summer Club pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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Tout droit débarqué de Copenhague au Danemark, Noah Carter est arrivé un mardi soir à Paris, prêt à se frotter au public du YARD Summer Club. Face à cette audience loin d’être acquise, il lui a suffit de quelques titres pour retourner la terrasse du Wanderlust. Impossible de résister face à l’énergie du Danois encore inconnu pour beaucoup en France mais qui fait déjà grand bruit chez nos amis scandinaves. Finalement, il aura mis tout le monde d’accord et délivrera l’une des performances les plus mémorables de cette soirée.

Quelques heures avant son passage, on a rencontré celui que l’on compare déjà à Skepta afin qu’il nous donne un rapide aperçu de son parcours et de la scène rap danoise.

 

 

Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Noah Carter, j’ai 24 ans et je viens de Copenhague, au Danemark.

 

Passer sa jeunesse et grandir au Danemark, ça ressemble à quoi  ? Et plus particulièrement du point de vue d’un amateur de musique urbaine ?

La jeunesse d’un gosse au Danemark est sans doute la même que celle d’un mec qui a grandit dans n’importe quelle autre capitale. Malgré la distance, tout est disponible sur internet, et bien avant ça il y avait l’importation d’albums, etc.
J’ai grandi en écoutant du rap US, que ce soit de la Soul, du R&B ou la musique des débuts des années 90 que ma mère – grande amatrice de musique -, écoutait depuis que je suis né. Je me suis mis à la musique danoise ou anglaise très tard, quand j’ai mûri…mais maintenant je suis vraiment à fond dedans.

 

Chaque grande scène nationale en Europe dispose d’une multitude d’artistes originaires d’Afrique du Nord, Centrale ou encore Subsaharienne. Qu’en est-il de la scène danoise ?

Je suis d’origine ivoirienne et à Copenhague, plus précisément dans le quartier de Nørrebro, vous pouvez y voir une grande mixité culturelle. Il y pas mal d’africains, de personnes du Moyen-Orient et d’à peu près partout. C’est assez représentatif de ce qu’il y a dans tout le pays en fait. Enfin, beaucoup moins proportionnellement, bien sûr [rires, ndlr].

 

À quoi ressemble la scène hip hop au Danemark et plus précisément celle de Copenhague ?

La scène danoise est en plein essor actuellement, en fait, depuis pratiquement deux ans. Et tout ça c’est grâce à des rappeurs comme Benny Jamz, Kesi, Sivas, Ukendt Kunstner, Gilli, MellemFinga Musik et plein d’autres. Vraiment, la scène danoise est en train de faire du bruit !

 

As-tu un crew et qu’est-que B.O.C ?

Quelques-uns des artistes mentionnés plus haut font parti du B.O. Nous avons toujours été un collectif de mecs créatifs, et la plupart de ces gars ne font pas de musique.

 

 

Si je voulais avoir un bon aperçu de ce qu’était la scène danoise, que me montrerais-tu ?

Je te conseillerai d’écouter tous les mecs que je viens de te citer.

 

De manière générale, quand on parle de rap en Europe, les gens pensent immédiatement à la France et au Royaume-Uni. On a vu naitre des connections entre Drake ou A$AP Rocky avec Skepta, ou encore Booba avec Rick Ross et Future. N’as-tu pas l’impression que les autres scènes, comme la danoise par exemple, soient « méprisées » ?

Jamais. D’abord parce qu’au Danemark il n’y a jamais eu de « rappeurs » avec un son susceptible de dépasser les frontières du pays. Personnellement, je suis amoureux de cette musique depuis toujours, je m’y suis mis pour m’amuser et depuis un an et demi ça a pris une part très importante dans ma vie. Donc non, le Danemark n’a pas été mis de coté…avec les bons mouvements nous aurons les talents qui feront parler de notre pays.

 

As-tu commencé à rapper en danois avant de rapper en anglais ? Et selon toi, rapper en anglais permet-il de toucher plus de monde ?

J’ai commencé à rapper en anglais il y a très longtemps, comme beaucoup de personnes, spécialement ici au Danemark. Mais lorsque ces artistes essayent de rapper en danois et voient qu’ils obtiennent plus de retours et de résultats, alors ils continuent dans notre langue. J’ai toujours aimé l’anglais, et ça a toujours été une langue avec laquelle j’ai réussi à exprimer mes pensées facilement. J’ai collaboré sur pas mal de morceaux d’amis à moi en danois, mais l’anglais a toujours été quelque chose de plus fort à mes yeux. Je suis en parti américain donc cette langue a toujours été présente dans ma vie…mais honnêtement, je me suis perfectionné grâce à la télé, sur YouTube et à la musique que j’écoutais.

 

D’après toi, pourquoi de plus en plus de gens sont friands de musique dans une langue étrangère ?

La recherche de nouvelles sonorités ne cessera jamais.

 

Que sais-tu de la scène française ? Et serais-tu capable de faire une collaboration avec un artiste d’ici ?

La scène française est dingue, et plein d’artistes talentueux sont originaires de ce pays. Il y a une énergie assez spéciale ici, et oui, en suivant cette logique, un featuring avec un artiste français serait un truc à faire.

 

Parlons un peu de ton album « Couch Dreams ». Comment a-t-il été accueilli par ton public ?

Les retours ont été positifs au Danemark, et il a également eu une bonne réception dans d’autres pays. C’est cool d’avoir un retour de personnes en dehors de notre pays.
L’idée d’avoir le même producteur derrière chaque titre de cet album a été mûrement réfléchi. J’ai choisi de collaborer avec McCoy parce que nous voulions tous les deux essayer quelque chose de différent et créer quelque chose qui n’avait jamais été fait ou entendu ici au Danemark.

 

En terme de carrière, quels sont tes perspectives futures ? Quels sont tes prochains moves ?

Je ne peux rien vous révéler pour le moment. Sachez juste qu’il y a de nouveaux morceaux qui arrivent.

 

Pour finir, que peux t-on te souhaiter pour l’avenir ?

Santé, richesse, sagesse et le respect de ma vie privée [rires] !

 

Depuis le 14 juin et jusqu’au 21 septembre, Havana ramène Cuba à Paris en transformant le Café A à Paris le temps d’un été. C’est dans le havre tropical qu’est le Plaza Havana Club, que l’équipe de YARD s’invite le temps d’un soirée : le YARD Plaza.

Au programme chaleur et mojito, hip hop, r’n’b et baile funk.

Plaza Havana Club
148 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75010 Paris
Jeudi 20 juillet de 19h à 02h

Entrée Gratuite

 

 

Depuis qu’on a croisé sa route il y a six mois, Tess a fait du chemin, voguant de scènes en scènes. Aujourd’hui, elle dévoile une nouvelle vidéo, celle du dansant « Hard to Forget » et revient sur YARD pour nous expliquer les dessous de cette vidéo.

Tess
« Je suis très contente du résultat du clip, les images sont très belles et en accord avec le dynamisme du titre. Je suis particulièrement fan du jeu de lumières !
Et travailler avec Ecoute Chérie et son équipe a été un réel plaisir ! »

 

Ecoute Chérie, réalisateur
« Hard to Forget nous a tout de suite fait penser à une ambiance festive où les gens ont juste envie de danser.
Pour le clip nous avons fait le choix de nous focaliser uniquement sur Tess, en soirée, dans un club. L’idée était de montrer une jeune fille confiante, qui a de l’assurance et qui veut s’amuser, danser, sans se soucier du reste. »

Photos : Fabien Dumas

30 ans de Rap. YARD rassemble ceux qui ont participé à l’émergence du mouvement en France : CUT KILLER a mixé les premières mixtapes, ASSASSIN est le premier groupe à sortir de l’anonymat avec une parole percutante, JUST DIZLE s’est fait une place aux Etats-Unis. Puis trois autres piliers, Les X MEN, LES SAGES POETES et PASSI viendront rappeler sur scène qu’ils sont les signataires des plus grands classiques du rap français. Elles sont peu mais elle sera là, KAYNA SAMET amènera à ce line up sa voix soul et RNB. Les nouveaux venus, ENDRIXX et JOK’AIR confirme que le rap est plus que jamais présent dans les tops, sur les ondes et dans les salles. Trois générations de rap pour une soirée mémorable et se souvenir que la Cigale a accueilli un grand nombre de concerts de rap (NTM, La Cliqua, Diam’s, Mc Solaar, MHD…)

 

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Avec YARD, tente de gagner deux places en remplissant le questionnaire suivant.

 

 

 

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Crée à New York en 2005, le festival AfroPunk célèbre la culture africaine sous toutes ses formes. Fort de son succès, le festival s’est exporté dans les villes d’Atlanta, Johannesburg, Londres et Paris. C’est dans une ambiance réunissant artistes et food africaine que les visiteurs venus de Paris, des États-Unis, de l’Espagne ou encore de l’Allemagne ont pu danser et partager. En plus des stands qui vendaient wax et autres vêtements typiquement africains, les visiteurs se sont parés de leurs meilleures tenues pour venir à AfroPunk, qui est aussi un véritable défilé de mode.

Le photographe Alex Dobé s’est rendu à la Villette pour capturer les meilleurs looks du festival que vous pouvez voir juste au dessus.

Instagram: @alextrescool 

Depuis plus de quinze ans Atlanta défend un statut de capitale du rap en s’appropriant des sonorités venues d’ailleurs. Aujourd’hui encore, la jeune génération mélange des vents venus de Chicago, des Caraïbes et de la Bay Area pour continuer de faire vivre l’esprit d’Atlanta. Migos, Future et 2 Chainz cartonnent dans les charts avec leurs albums respectifs. Derrière eux, plein d’autres gamins réalisent leurs rêves, et aujourd’hui à Atlanta, de belles histoires s’écrivent tous les jours. Inenvisageable il y a quelques années, même la vie de Gucci Mane prend cette tournure positive.

Illustrations : Bobby Dolla

 

 

1

L’auteur de Half & Half est moitié swag rap moitié cloud rap, moitié DeAndreWay de Soulja Boy moitié 6 Kiss de Lil B. La musique de Playboi Carti est hybride, née de ces univers qui ont marqué le tournant des années 2010. Il fait partie d’une génération dont les modèles s’appellent aussi Chief Keef et ASAP Rocky, une génération pour qui la norme est dans le bizarre et le déstructuré, pour qui la musique est parfois secondaire, en tout cas, aussi importante que l’attitude, l’image et le mode de vie.

Playboi Carti était déjà une vedette avant d’avoir sorti le moindre projet. La notoriété de l’autoproclamé « Jay Electronica du mumble rap » est autant basée sur une poignée de mesures enregistrées ici et là, que sur son talent pour le networking. Carti gravit les échelons en coulisse, navigue d’entourage en entourage comme on monte les marches d’un escalier. À Atlanta, il traîne avec les indépendants d’Awful Records, puis s’envole à New York pour devenir copain avec les stars de l’A$AP Mob. On l’aperçoit backstage, assis aux abords des podiums de la fashion week et de temps en temps sur scène pour rapper ses quelques couplets. Il semble moins attaché à la musique qu’à la vie de rappeur, à l’idée d’être un artiste qu’à celle d’être célèbre. Si le rap jeu était une émission de télé réalité, il en serait un des finalistes.

En 2017, après deux ans de presque célébrité, arrive enfin Playboi Carti son premier projet officiel. De cette mixtape s’échappe une brume flâneuse, des nappes effleurée par le rappeur sautillant comme sur un sol fragile et nuageux. Sur certains titres il s’efface presque, pour devenir aussi discret qu’un instrument au service des productions. Même quand il rap, Playboi Carti n’est jamais complètement rappeur, et son projet a des airs de beat tape habillée d’ad-libs et de petits grognements. Ses placements sont épars mais si judicieux qu’ils emportent comme une brise de fraîcheur. Entraînantes comme des tubes, douces comme des rêves éveillées, ses chansons sont des bangers oniriques qui font danser au ralenti.

La production planante y est pour beaucoup. Playboi Carti justifie d’ailleurs les deux années de préparation par sa volonté de trouver le producteur capable de lui offrir ce son ambiant et déformée, qui rappelle autant Soulja Boy que Clams Casino et les débuts californiens du cloud rap. Ce compagnon il l’a trouvé en la personne de Pi’erre Bourne, jeune ingénieur du son qui a fait ses classes auprès de Burn One, grand DJ d’Atlanta, et de Cory Mo, collaborateur de Pimp C et UGK.

Avec ses synthés filiformes caressés par les basses, la production de Pi’erre Bourne aurait sa place sur un disque d’easy listening, aux côtés d’enregistrements de cascades et de forêts équatoriales. La dimension hypnotique de cet album garde néanmoins quelque chose de mystérieux. Peut-être que le côté organique de la voix, ni filtrée ni auto tunée, ajoute à la douceur des ambiances. A moins que ce ne soit le charisme détendu de Carti, loin de l’adrénaline des Migos ou de la rigidité de son camarade Lil Uzi Vert. La seule certitude, quand au bout d’une improvisation tombe du ciel un souvenir des Dem Franchize Boyz et de leur White Tee, c’est que nous sommes bien dans l’excentrique Atlanta.

 

 

2

Avec son sourire multicolore et ses cheveux rouges, Lil Yachty est d’un genre aussi loufoque qu’ordinaire dans le rap. Ce type de personnage cartoon est paradoxalement une sorte de super vilain, accusé par les conservateurs de tuer la « culture » et de ne pas prendre la musique au sérieux. Dans les faits, ils sont souvent des innovateurs et des briseurs de règles, qui déforment les contours du rap. Mais est-ce réellement le cas de Lil Yachty ? Il est bien l’enfant de trois rappeurs que l’on peut classer dans cette catégorie : ses mélodies sont celles du Chief Keef de Macaroni Time et son côté swag rap très décomplexé lui vient de Soulja Boy. Quant à sa dimension « art total », son vocabulaire, ses concepts et sa positivité, ce sont des héritages de Lil B. La dualité entre Lil Yachty et Lil Boat rappelle Lil B et le Based God par exemple, et quand il improvise à l’infini jusqu’à parler de violon en pensant à une flûte, il s’inspire des based freestyles où se croisaient dauphins lesbiennes et sosies de Mel Gibson.

Les influences de Yachty sont des briseurs de règles mais c’est précisément ce qu’on ne retrouve pas dans sa musique. Une fois n’est pas coutume, un weirdo nous offre un rap rigolo mais convenu. D’une certaine manière, Lil Yachty personnifie d’avantage le bilan d’une époque plutôt que l’ouverture vers une nouvelle. C’est d’abord son histoire qui est mise en avant, la mignonne success story d’un adolescent farfelu qui rêve de devenir star. Comme Playboi Carti, il est autant rappeur que personnage de sitcom.

Teenage Emotions est construit comme les longs métrages Looney Tunes, où Bugs Bunny et Daffy Duck envahissent les studios d’Hollywood pour s’immiscer dans le film des autres. Sur chaque chanson Lil Yachty entre dans l’album de quelqu’un qu’il prend comme modèle : Lady In Yellow pour Rae Sremmurd, Peek A Boo pour Migos, No More pour Kanye West ou X Men pour Lil B. Dans ces pastiches, il s’amuse avec les codes comme un bébé qui dessine avec un crayon trop gros pour ses petits doigts. On peut lui reprocher de ne rien faire de neuf, mais impossible de nier le côté fun de son album. En ignorant le ridicule, il n’est pas l’abri de beaux accidents donnant naissance à des chansons imparables. Parfois à la frontière de l’inécoutable, mais juste à la frontière, les productions loufoques et ses freestyles régressifs n’ont pas d’autre but que de nous amuser.

 

 

3

Shayaa Bin Abraham-Joseph pratique l’Idafa pour se rendre « là où les esprits Vaudous viennent parler » et obtenir protection de ses Orishas. Peut-être doit-il à ces divinités d’avoir réchappé au guet-apens qui a causé la mort de son frère le matin de sa vingt et unième année. En souvenir de ce funeste anniversaire, Shayaa s’est tatoué une dague entre les yeux, et s’est débarrassé du prénom que lui a donné sa mère pour devenir 21 Savage. Ce mélange de culture vaudou, d’histoire de vie tragique et d’ultra violence transpire des pistes de Savage Mode, son EP entièrement produit par l’actuellement inévitable Metro Boomin.
Sa voix essorée de toute salive et son flow amorphe instaureraient une atmosphère angoissante a capela. Mais les productions enveloppantes et dissonantes ajoutent à la sensation de claustrophobie. Les rythmes sont tempérés et menaçants, lents comme dans ces cauchemars où les jambes deviennent trop lourdes pour fuir un assassin. Le rap susurré de 21 Savage est aussi noir que le néant, et son sens de l’image farfelue le rend encore plus dément. Quand d’un œil vide il lit des contes pour enfants sur la banquette arrière d’une voiture, il prend des airs de fou possédé, tout droit échappé d’un roman de Stephen King.

21 Savage et Metro Boomin se sont rencontrés avant la musique, et c’est sur les conseils de ce dernier que Shayaa est devenu rappeur. Ses textes sont dans leur majorité dénués d’amour, mais l’histoire et l’attitude de 21 Savage le rendent parfois touchant. Sur des titres comme Ocean Drive ou Feel It, il partage les belles choses découvertes grâce à sa nouvelle carrière. Dans ces moments-là, le mode de vie qui a tué son frère semble loin derrière lui. Lui dirait peut-être qu’il doit ce nouveau départ à la protection de ses Orishas, d’ici on dirait bien que le rap lui a sauvé la vie.

A la première écoute, c’est ce qu’il ressort d’ISSA. Les intimidations susurrées sont entrecoupées de brises joyeuses et nappées d’une douce mélancolie. Sur l’essentiel du disque, 21 Savage a toujours l’air solitaire et hanté par de vieux fantômes mais quelques éclaircies percent les nuages noirs, comme sur le romantique FaceTime. En même temps, comment voir la vie en monochrome quand on est le nouveau petit ami d’Amber Rose ?

 

 

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Beautiful Thugger Girl commence avec une guitare sèche et des tambourins, des chœurs de cavaliers et un faux accent redneck, une chanteuse soft rock et Young Thug qui lâche un « Yiii-Aaah » de cow-boy. Sur la chanson suivante, une nappe synthétique imite une siotantka, la flûte amérindienne, et la voix est chevrotante, en saccade, comme pendant une cérémonie d’invocation des pluies d’Indien Noir de Mardi Gras. Comme ces afro-américains qui rendent hommages aux amérindiens, Young Thug se déguise. On est moins dans un western de Sergio Leone que dans Westworld. Cette ouverture est un jeu d’apparences, un fantasme country qui s’évapore pour laisser place à d’autres formes de rap pop et chanté.
Après avoir crié comme Yoko Ono, après avoir bégayé comme l’early-raggamen Eek-A-Mouse, Young Thug continue de naviguer vers ailleurs en fluidifiant sa technique. Il est passé de l’hyper explosivité à l’adaptabilité, du gremlins qui dynamite des codes, au technicien subtil qui s’ajuste pour se les approprier. En somme, il est passé de la dynamite à l’onde liquide et polymorphe.

Tout est plus fluide, mais tout a toujours été une question de liquides avec Young Thug. Barter 6 était un voyage sous-marin étouffé, à la recherche du second souffle perdu. JEFFERY était une remontée en surface, aérée d’accents, d’instruments et de rythmes caribéens, pour que dans la voix, dans le choix des productions, on entende le va et vient de l’océan.

Beautiful Thugger Girl garde un souvenir de chacun de ces voyages-là. Des chansons épurées où il se renferme sur lui-même, d’autres plus dansantes, portées par ses gorgées et petits marmonnements fluides comme la mer des caraïbes. Qu’il se prenne pour un Ed Sheeran noir élevé à la musique de Gucci Mane ou pour un fils caché de Junior Reid et Rihanna, Young Thug fait finalement la même chose : mélanger les influences comme des courants marins, pour les créoliser.
L’enfant d’Atlanta et de ses mixtapes est devenu un artiste d’albums, qui pense et travaille ses projets différemment à chaque fois. Plus que jamais, il est difficile de prévoir à quoi ressemblera la musique de Young Thug.

 

 

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En ne soignant pas les cicatrices de ses excès en tous genres, Radric Davis laisse Gucci Mane prendre le contrôle de sa vie. Quand il stoppe le traitement censé rambiner sa santé mentale, pour le remplacer par les drogues dont il parle dans ses chansons, débute pour lui une longue descente dans la démence, entrecoupée d’hôpitaux et d’incarcérations, au bout de laquelle le personnage s’est substitué à son créateur.

Le 26 mai 2016, Gucci Mane sort de prison sobre, le corps affûté et l’esprit clair. Porté par le soutien et la gestion avisée de son ange gardien Keyshia Ka’oir, il est également plus riche de quelques millions, propriétaire d’une villa dans la banlieue chic d’Atlanta et maître d’une nouvelle image publique impeccable. Un retour millimétré, célébré avec la sortie de Everybody’s Looking un mois plus tard. Sur cet album, comme sur les deux qui suivront, l’homme est heureux mais l’artiste semble convalescent. La voix s’est éclaircie et le flow s’est ralenti au point de perdre de son élasticité. L’abus d’auto références renvoie l’image d’un rappeur qui se regarde dans le miroir, conscient de qui il est et de ce qu’attend le public au point de tomber dans la caricature et le fan service. C’est comme si nous avions affaire à un de ces jeunes rappeurs trop inspirés par le légendaire Gucci Mane.

Ses apparitions sur les projets de Kodak Black, Dreezy ou Juicy J avaient déjà prouvé qu’il en avait encore sous la semelle. Avec DropTopWop, qui marque l’anniversaire de sa libération, Gucci Mane tient enfin son véritable come back artistique, et sans doute un de ses meilleurs albums depuis près de quatre ans. La célébration apparaît toujours en filigrane, mais Guwop s’amuse à laisser croire que son alter égo dément et incontrôlable sommeil toujours en lui, en nous laissant entendre les voix qui parlent dans sa tête.

Encore une fois, le travail de Metro Boomin apporte énormément à l’ambiance générale. Ses boîtes à musiques dissonantes font ressortir les faux airs de Joker sur le visage de Gucci. Dans son manège hanté, il nous ballade entre les histoires de tentations, de femmes, de drogues, avec son amour si particulier pour les jeux de mots surréalistes. À la fois sinistre et drôle, c’est le meilleur équilibre que puisse trouver un album de Gucci Mane.

Dès son retour à Atlanta, Gucci Mane a également repris son rôle de parrain de la jeune génération. Young Thug, Migos, et la plupart de ses anciens protégés étant désormais chez 300 ou managés par Coach K de Quality Control, Gucci s’est tourné vers de nouveaux visages.

Proche de Young Scooter, Ralo est la première signature de 1017 Eskimo, le nouveau label de Gucci Mane. C’est un trappeur à l’ancienne, possédé par l’esprit de Benjamin Franklin et toujours en quête de réalité. Tiraillé entre l’accumulation du capital et le partage des richesses, il parcourt Atlanta en reversant au peuple les bénéfices de son commerce, plutôt que de le gaspiller dans les strip clubs.

D’abord, le flow criard du Robin des Trap fait grincer les dents. Puis habitué à ses fausses notes et placements étranges, on n’entend plus que l’âme de ce Young Scooter musulman. On ne s’était pas senti aussi américain depuis le premier Street Lottery en 2013, et jamais un millionnaire n’avait paru aussi proche des gens depuis la mort de Saint Pablo Escobar. Famerican Gangster 2 est pleine de ces moments qui rappellent à quel point les trappeurs sont les descendants des cowboys et des pionniers, derniers champions de ce rêve américain mort partout ailleurs mais toujours bien vivant à Atlanta.

 

 

 

En tant que producteur, il fait bouger les têtes et désarticule les corps des aficionados depuis belle lurette, Myth Syzer revient aujourd’hui ajouter une corde à son arc en poussant la voix sur le très réussi morceau « Le Code » épaulé par Bonnie Banane, Ichon et Muddy Monk.

Nous avons demandé à Julia & Vincent, les réalisateurs du clip, de nous aider à déchiffrer leurs intentions et ce qui les a inspiré pour ce visuel aux tons acidulés.

 

 

Julia & Vincent : La vidéo se compose de plusieurs scènettes, une par personnage, à l’image d’un film senti- mental français. À mi-chemin entre cette nostalgie populaire et une esthétique beaucoup plus street et proche de nous, Myth Syzer et son entourage nous livrent en chantant face caméra leurs sentiments.

 

 

Ichon semble sûr de lui, vaque à ses occupations, et s’occupe particulièrement bien de son chien (il le brosse, lui donne à boire, joue avec lui, etc). En ce qui concerne Bonnie Banane, il y a beaucoup de bouquets de fleurs partout dans son appartement (par terre, dans des vases, sur des meubles), ils sont plus ou moins fanés et nous font comprendre que cette femme est convoitée et désirée.

 

 

Enfin, Muddy pleure en se préparant un sandwich. Il tourne en rond, on ressent son ennui dans de longs plans répétitifs, on comprend qu’il se perd sûrement dans un chagrin d’amour.

 

 

 

Le photographe Melo était de retour ce mardi pour une nouvelle série de streestyle !

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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Encourager la jeunesse à s’exprimer, à se surpasser, à élever sa voix et à prendre sa place dans le monde. Ce sont les valeurs défendues par Tyler, The Creator et Converse, reprise par des sous-culture allant du rock, au skate, en passant par le hip-hop. Un créatif de notoriété mondiale et une marque icônique qui ont évolué vers des directions similaires, sur des routes parallèles.

 

 

Des routes qui se croisent aujourd’hui dans une collaboration matérialisée autour du modèle One Star. Un modèle historique de Converse pour une paire vendue en édition limitée. Imaginée par Tyler, le suède qui la recouvre prend une teinte « Clearwater » bleu turquoise et cache une semelle au graphisme caractéristique à Tyler et à son travail visuel pour lui-même, Odd Future, ou pour sa marque textile GOLF.
Pour marquer le début de cette collaboration, 2.100 fans de Tyler s’étant rendu au Tyler’s Golf Wang Fashion Show recevront une paire de One Star édition limitée, dans une boite singulière annotée par Tyler. Un nombre limité de One Star sera également disponible dès le 13 juillet sur le site de Tyler, GolfWang.com, et sur le site Converse.com, au prix de 100$ exclusivement pour le territoire américain.

Mesdames, Messieurs, Dieuson Octave.

Les jolies couleurs sont cruelles, fourbes. Elles peuvent mentir impunément, narguer jusqu’à ce que folie s’en suive. L’orange mandarine recouvrant les murs d’une bonne partie des baraques du quartier de Kodak Black est joli. A première vue, on dirait même “chaleureux”. D’ailleurs en France, on recouvre le gris (qui lui ne ment pas) de bien des immeubles crasseux, par ce genre de tons, pour égayer le moral des habitants et rassurer les étrangers. Des cache-misère sociale.
Mais la seule chaleur qu’a dû ressentir Kodak en grandissant dans ce quartier, c’est celle de l’étouffant soleil floridien trempant ses tempes dans une puante transpiration. Les yeux rivés sur ces baraques uniformes des étés entiers, servant de toit à des tueurs et des veuves, des dope boys et des camés, des violeurs et des gosses illégitimes. Un espace de guerre quotidienne, qu’il s’agisse de tirer sur un mauvais payeur ou de mettre un foutu bout de porc dans le griyo haïtien des marmots. “Blood, sweat and tears” disait Churchill. “Blood, sweat and tears… And revenge”, rajoute Kodak Black à propos de toute sa jeune vie, dans ce quartier où le m² coûte moins cher encore que la vie de son pote Wayne Head. Un anonyme de plus à s’être fait fumer à quelques encablures du Marriott de Pompano Beach. Alors, de ces pavés de maison qui ne sont pas censés accoucher de quoique ce soit qui resterait dans la postérité, Kodak Black peut-il être le “neighborhood hero who gonna save the day”, comme il le proclame? Devenir une figure du rap reconnue dans le monde entier? Il est trop tôt pour le savoir. Mais chez YARD, on aime Kodak Black. Et on tient à vous présenter en détail ce nom de plus en plus présent, mais encore mystérieux aux yeux d’une bien grande partie des auditeurs français de rap américain.

Misère, rap et larcins

Pourquoi cette longue introduction? Surtout pour un rappeur qui, d’après la rumeur, ne serait qu’un mumble rapper bidon aux yeux d’un tas d’auditeurs? Parce qu’il ne sert à rien de parler de la musique du bonhomme si on n’a pas en tête sa personnalité et son histoire.

C’est le 11 juin 1997 que Dieuson Octave naît à Pompano Beach, comté de Broward, en Floride. L’urbanisme de cette ville de naissance où il grandira n’est pas des plus complexes: à l’Ouest, les jolies baraques. À l’Est, la plage et les touristes. Et au milieu, tout un tas de logements sociaux où vit l’essentiel de la plus large communauté immigrante de la ville: les Haïtiens. Soit une communauté dont plus de 40% des membres vit sous le seuil de pauvreté, cumulant mise à l’écart de l’Amérique blanche, léger mépris de la communauté afro-américaine et incompréhension avec les nombreux immigrants hispanophones du coin. Des Haïtiens comme les quatre grands frères de Dieuson, et sa mère Marcelene, qui l’élève seule dans la quartier de Golden Acres. Une mère à qui Dieuson offrira toujours une énorme place dans sa vie, allant jusqu’à vivre avec elle dans la baraque très cossue qu’il s’est récemment offert. Une mère qui continue de lui préparer des petits plats et qu’il voit “comme sa femme”. Une mère qui doit être soulagée de voir que finalement, cet enfant un peu différent des autres a réussi à exploiter son potentiel. Malgré les inévitables tentations que créent une enfance passée dans ce genre d’environnement.

Parce que plus jeune, Dieuson Octave n’est pas comme les autres kids de son quartier. Il est bon à l’école, et affirme même qu’il battait des lycéens dans des concours d’orthographe. Il a la gamberge précoce. Mais, ses deux faces commencent déjà à se battre en lui. “I was bad, but smart”. Il avait plus d’idées que les autres, mais il était aimanté par les mêmes conneries que les autres.

En fait, ironiquement, c’est son amour pour l’interprétation qui l’entraîne dans les filets de l’illégalité. Dès six ans, il commence à gratter des textes. A l’école primaire, lui et son cousin forment un petit crew, et cherchent avec leurs potes à impressionner les grands du quartier. Ces grands qui rappent aussi, qui ont fabriqué un studio de fortune au milieu de leur trap house. Charmés par la sincérité de l’écriture de ce gamin qui se fait appeler “Black”, ils l’invitent à venir enregistrer là-bas. Dieuson se met naturellement à suivre ces ados, et prend vite l’habitude d’aller traîner dans cette baraque à la sortie de l’école. Le sens de l’observation et l’influençabilité des enfants étant ce qu’elle est, ces invitations se transforment vite en cadeau empoisonné. “Qu’importe ce qu’était leur devise, elle devenait ma devise. Je les admirais. Qu’importe ce que je les voyais faire, je le faisais aussi”, confie-t-il à-propos de cette époque. D’autant que la jalousie de ses potes créera quelques distensions, qui le pousseront à passer encore plus de temps avec ces grands.

De cette époque part une constante dans la carrière de Kodak Black: sa triple-vie. La vie scolaire, la vie de rue, la vie de rappeur.

L’école, il continue d’y aller. Même si la recherche d’argent facile prend le pas sur elle, il sait qu’elle est importante, il tient à détenir ce savoir scolaire. Puis il n’est pas con. Et même si les absences causées par ses récurrentes arrestations l’amènent à se faire virer de pas mal d’établissements, il poursuit jusque bien plus tard que la moyenne des mecs de son quartier. Hélas, comme dans le scénario téléphoné d’un film sur le dilemme entre les trousses et le détroussage, ses rêves de bal de promo et de graduation s’écrouleront à quelques mois de la fin du lycée. Lorsqu’il se fait attraper pour quelques mois, et se retrouve obligé de passer son diplôme derrière les barreaux.

En janvier dernier, il confiait dans sa fameuse interview au Breakfast Club s’être déjà fait coffrer une douzaine de fois dans sa vie. Son dépucelage judiciaire, c’était pour une histoire de braquo à 14 piges, activité qu’il affectionne alors particulièrement. Qui sera suivie de tas de conneries, comme ce kidnapping sous la menace d’une arme ou cette course-poursuite avec les flics pendant laquelle il s’est amusé à sortir son gun de la fenêtre de sa Audi. Il raconte même que pendant l’un de ses séjours au Juvenile Detention Center de Broward County, il aurait pu être condamné à une très grosse peine, pour un carjacking qui l’obligera finalement à passer 36 mois en liberté conditionnelle. Tandis qu’en août 2016, une juge lui offre la libération dans une autre affaire qui aurait pu coûter gros, grâce aux promesses que commencent alors à sérieusement laisser entrevoir sa carrière. Contre 300 heures de TIG, l’obligation de suivre des programmes pour lutter contre sa colère et ses addictions, et une pige d’assignation à résidence. Cette vie plongée dans la délinquance, qu’il s’agisse de voir les autres mettre leur liberté en danger ou de la vivre par lui-même, c’est l’une des dominantes de son rap. La vie dans un quartier où personne n’est censé s’en sortir, le crime vers lequel on apprend à marcher comme d’autres gosses apprennent à se diriger vers une vie stable avec un boulot licite et convenable.

I Was Raised In Da Streets I Barely Seen My Mother I Been In & Outta Jail You Barely Kno My Struggle @IAmRichTheKid pic.twitter.com/9dX1wJkveH

— Kodak Black (@KodakBlack1k) 25 août 2014

Rap du vécu et influences sudistes

Et c’est ce qui a fait sa crédibilité, quand le succès a commencé à venir. “Il ne rappe pas juste pour dire ‘J’ai ceci, j’ai cela’, comme” Drake le fait. Il nous parle. On se reconnaît dans son struggle. Vivre dans la Section 8, vivre avec les coupons alimentaires. Tout ça.”, explique une élève du lycée public Blanche Ely dans lequel Dieuson Octave étudiait il y a peu. Cette manière de rapper, elle est la même depuis le début chez lui. Peut-être être-ce dû à son sens aiguisé de l’observation. Peut-être à ses influences, sur lesquelles nous reviendrons plus tard. Peut-être à sa tendance à ne pas trop suivre ce qu’il se passe en dehors, à être trop plongé dans sa vie et dans celle de sa communauté pour prêter attention au monde extérieur (il avoue d’ailleurs sans peine ne pas trop suivre l’actualité du rap). Toujours est-il que dès ses premières vidéos, il se fait porte-parole de son quartier, de sa jeunesse, des grands qu’il ne doit pas décevoir, de la vie de ceux qui reconnaissent un vrai à sa voix.

Au collège, celui qui se fait alors appeler J-Black est le plus jeune membre des Brutal Youngenz. Avec son faciès enfantin et sa petite taille, il détonne dans les vidéos du groupe. Jusqu’à ce qu’il commence à ouvrir la bouche et que l’auditeur se retrouve obligé de fermer la sienne. Sa maturité impressionne.

Alors que le groupe se sépare, J-Black rejoint un autre crew: les Kolyons. A l’époque, il balance surtout sur Youtube des freestyles sur des instrus de 2Chainz, Wale ou Mac Miller. Son rap est de plus en plus colérique, sa dalle de plus en plus palpable. Ce nouveau crew bosse alors avec un label local dont le boss, A.D. Julien, est l’objet de demandes récurrentes du jeune rappeur, qui veut signer en solo au sein de sa structure. Le prenant de haut du fait de son âge, il se contente de le laisser enregistrer au sein du studio de Dollaz and Dealz Entertainment. Le petit Black est productif, et au bout de quelques mois, A.D se pose pour écouter tout ce qui est sorti de ces séances d’enregistrement. “J’étais ébloui”, raconte-t-il. Il lui pose un contrat sous les yeux, devient une sorte de mentor, lui payant de bons avocats et l’aidant à développer sa carrière. Puis en 2013, le petit Black s’inscrit sur Instagram. Et choisit le pseudo “Kodak Black”. Son pote Polo Pooh aurait trouvé ce nom, en référence à la manière qu’a le petit Black de rapper, à ses photographies musicales de leur environnement. Le blaze est original, et dans la rue des voix féminines commencent à gueuler “Kodak Black!” sur son passage. Le voilà prêt à lancer sa carrière.

Fin 2013, il balance un premier projet, au titre qui sonne comme une évidence: Project baby. Le jeune Kodak incarne tout ce que signifie ce titre. Il est à la fois un simple gamin des projects (l’équivalent étatsunien de “cités”) et l’incarnation de millions de rejetons de ces quartiers.

Il aurait certes pu nommer ce projet “Golden Acres baby”. Mais il sait pertinemment qu’il vit la même vie que des dizaines de millions d’Américains. Puis, ceux qui ont influencé le rappeur qu’il est depuis son enfance ne sont ni Haïtiens, ni Floridiens. La première mixtape qu’il a acheté était signée Lil’Boosie (désormais appelé Boosie Badazz). Soit une légende du rap du Sud, absolument indispensable lorsque l’on parle de “rap du vécu” (un épisode en français de NoFun Show explique brillamment l’importance de ce personnage). Un rappeur qui lui aussi a commencé très jeune, qui incarnait les noirs fauchés de ce South grand et moite, quelqu’un qui rentre dans l’esprit de l’auditeur par sa gamberge et son don d’embellissement du ressenti. Et ce n’est pas un hasard si c’est à Boosie que l’on compare le plus souvent Kodak Black. C’est par ce rap qui parle la rue que Dieuson Octave a été éduqué, allant jusqu’à reprendre avec ses cousins des éléments du patois des rappeurs de Louisiane. Et à se retrouver rapidement qualifié par les moins frileux de “nouveau Boosie”. D’ailleurs, le rap de Miami, c’est pas sa came. Alors, il disait en 2014 à-propos des faux gangsters du rap actuel: “Toutes les choses débiles dont ils parlent, c’est juste pour les enfants (…) Où est Biggie? Je ne veux pas me faire attraper par ce lifestyle. Où est Soulja Slim?” Expliquant en parallèle se reconnaître dans des congénères comme Chief Keef. Ce qui nous laisse le droit d’ironiser sur les sarcasmes sortant de la bouche de ceux qui l’incluent dans cette “nouvelle-génération-qui-ne-connaît-rien-au-rap-et-fais-honte-au-mouvement”. Et ce qui, artistiquement, amène à comprendre le symbole que représente le fait que Tunnel Vision (et son clip baignant dans l’atmosphère historique du Sud des USA) soit son premier single à grimper dans le top 10 du Billboard Hot 100.

La conquête de la nation

Ce premier projet qui laissera sa face sombre pleinement s’exprimer sera celui qui lui permettra localement de se faire un nom. La distribution, des plus débrouillardes, rappelant elle aussi les bons vieux procédés sudistes. Mais c’est en 2014, avec “Heart of the projects” et sa marquante introduction aux cris d’une famille dont l’un des membres vient de perdre la vie, qu’il commence à étendre sa renommée dans tout le pays. HotNewHipHop en parle comme du meilleur rappeur lycéen de la nation. “No Flockin” devient son premier tube.

Puis en 2015, tout bascule définitivement. Au mois d’octobre, Drake s’affiche dansant dans un jet, “Skrt skrt” (issu de “Heart of the Projects”) en fond sonore. Dans la foulée, Young Kodak rejoint Atlantic Records, et sa troisième mixtape “Institution” sort le jour de Noël. Un titre renvoyant à l’emprisonnement, à quelques jours de l’épisode de l’arrestation qui le privera de sa fin de Terminale. Un retour à la case prison qui ne l’empêche pas de surenchérir six mois plus tard avec “Lil B.I.G Pac”. Cette quatrième mixtape sort alors qu’il vogue en plein sur le succès de “Lock Jaw”, featuring avec French Montana clippé entre le quartier de Kodak et Port-au-Prince qui sera le deuxième plus gros succès de la mixtape “MC4” du New-Yorkais. Et surtout, deux jours après la révélation de son visage sur la cover des XXL Freshmen 2016. Un nouveau projet au titre détonnant et culotté, mais cohérent au vu de l’une des facettes de Kodak Black: sa confiance totale en ses capacités. Qui va jusqu’à le faire dire “Sérieusement, je me sens comme Biggie et Tupac réunis, tous deux ensemble, donc tu peux m’appeler “Big Pac””. Lui qui se veut “best rapper alive”.

Ce qui finira par le conduire à nous offrir “Painting Pictures” en février dernier. Un album au titre évocateur, raccrochant son rap aux arts graphiques tout comme son blaze, avec cette introduction: “Look, I say “I don’t rap, I illustrate. I don’t paint pictures, I picture-paint”. Avec en guise de (superbe) cover, un dessin dévoilant Kodak en peintre, face à un tableau représentant sa propre personne – plus jeune – au mileu de son univers. Une illustration très empreinte d’orange, à la manière de ces baraques d’un quartier qu’il a quitté uniquement parce qu’il a su magnifier le ressenti de ses habitants. Un quartier concentrant toujours autant de peine, de rancoeur, de crainte et de folie. Un quartier, et une communauté locale qui aiment leur héros, qui pour une bonne partie ne croient pas aux accusations de viol qui ternissent sa réputation depuis début 2016.

Des lendemains incertains

Puisque, après un concert à Florence (Nouvelle-Californie), Dieuson Octave aurait abusé d’une lycéenne dans sa chambre d’hôtel. Puis, alors que l’enquête n’était toujours pas bouclée, c’est une strip-teaseuse qui l’accusait à son tour. Plus précisément en avril dernier, lorsque cette employée du Club Climaxx de Miami accusait Kodak Black de lui avoir mis une dérouillée sur son lieu de travail. Des informations des plus complexes à traiter, puisque toute présomption d’innocence qu’il y ait, il s’agit de crimes que l’on ne prend pas à la légère. Mais, aucune condamnation n’ayant pour l’instant suivi, c’est un gigantesque détail que son public est censé mettre en suspens. Avec toute la force mentale que cela implique, dans l’éventualité pesante où tout cela se révèle être vrai.

Toujours est-il que depuis quelques jours, Kodak Black est libre. La promo de son album largement perturbée, cela ne l’a pas empêché de faire de “Tunnel Vision” un poignant hit mondial, d’accrocher le bronze sur le podium des charts américains, d’atteindre le top 5 au Canada et même d’intégrer le top 100 allemand. Un album musicalement plus doux que les précédents, pour lequel il s’est entouré de Ben Billions, DannyBoyStyles, Mike Will ou Metro Boomin.

De cette liste des Freshmen 2016, il est du peloton de tête de ceux qui ont le plus rapidement converti les espoirs placés en eux. Avec cette impression que le couperet judiciaire chatouille les cheveux traînant sur sa nuque, tenu par la main ferme de ses pulsions. Le succès va-t-il finir par définitivement le calmer? Et surtout, ce changement de mode de vie ne risque-t-il pas de le couper de ce qui fait l’essence de sa musique: son quartier? C’est une question qui va vite se poser, alors que le cap du deuxième album est capital pour les artistes dans sa situation. Parce que si Boosie a réussi à tenir une carrière si prodigieuse, c’est hélas aussi du fait des cordes solidement nouées qui le ramènent depuis toujours vers la prison et l’absence de reconnaissance du grand public. Récemment, de notre côté de l’Atlantique, PNL semble avoir réussi cette transition remettant en cause jusqu’à l’essence artistique de cogiteurs dépeigneurs de la réalité crasse. Souhaitons-le à ce petit Haïtien qui a réussi à échapper au déterminisme. Et qui peut enfin donner l’occasion à Broward County de briller, ce petit coin de Floride longtemps ignoré, qui nous a subitement offert Dieuson et Xxxtentacion.

« I feel like Kodak Black is underrated – he’s probably going to be one of the next big superstars” – Master P

Illustrations : @rosepagamisa

« Il y a le ciel, le soleil et la mer »… « Y’a du soleil et des nanas »… Toutes les bonnes vieilles citations de chansons estivales s’appliquent à l’ile de beauté et en particulier à la ville balnéaire de Calvi, réputée pour son festival. Grosse institution sans pareille dédiée à la musique électronique, le festival fêtait ses 15 ans la semaine passée et autant d’éditions hautes en couleurs et en décibels sur les extrémités côtières de la cité. Partenaire privilégié de la manifestation, Havana Club à investit les bons (re)coins de Calvi de la plage Octopussy et ses sets enflammés dès le milieu de journée, à la piscine d’hotel cosy ou s’est organisé une pool party bien arrosée. Un petit séjour auquel nous avons été conviés, verre de mojito à la main, forcément.

Retrouvez le Plaza Havana Club au Café A jusqu’au 21 septembre.
148, Rue du Faubourg Saint-Martin
75010 Paris

Après la sortie de son album « True To Self », Bryson Tiller lance « Set It Off », sa tournée européenne en compagnie de SZA, qui a elle aussi récemment sorti son premier album studio nommé « CTRL ». Le crooner de Louisville viendra en France pour deux concerts exceptionnels le 17 octobre à Marseille et le 19 octobre à Paris, et on vous fait gagner des places pour les deux dates !

EVENT FACEBOOK – BILLETTERIE

Pour participer, envoyez nom+prénom à contact@oneyard.com avec en objet « Bryson Tiller Paris » ou « Bryson Tiller Marseille ».

Le label de streetwear russe Gosha Rubchinskiy s’allie avec adidas pour une collaboration qui va sûrement être en rupture de stock très rapidement. Cette capsule inclue des pièces comme des bonnets, des écharpes, des maillots de foot, des joggings ou encore des ceintures.

En fait, la collection est déjà disponible sur le shop japonais Dover Street Market, mais sera sur la version européenne du site dès mercredi.

Bientôt arrivé à la fin de leur tournée française, Bon Gamin se produira le 8 juillet à Paris dans le cadre des week-end « Good Music For Good People » de la Machine du Moulin Rouge.

Ichon, Myth Syzer et Loveni vous donnent donc rendez-vous là-bas samedi soir, pour passer la nuit.

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE

 

On découvrait il a quelques semaines la chaussette/sneaker de Reebok, et la voici aujourd’hui aux pieds d’un chanceux qui montre la paire d’une meilleure façon. S’il est impossible de parler de la Reebok Sock Runner sans mentionner la Trainer Speed de Balenciaga, la différence avec cette dernière est la hauteur de la « chaussette » et surtout, son prix de 220€.

Vous pouvez acheter la Reebok Sock Runner Ultraknit dès maintenant sur le site Titolo.

Quasiment deux mois que nous attendions patiemment la suite du très rafraichissant titre « J’attends la chance » du duo EX-ILE. D’abord, parce que nous voulions nous forger une opinion plus poussée sur l’univers du très discret binôme et surtout – très égoïstement il faut l’avouer -, parce qu’un nouveau morceau du groupe ferait parfaitement l’affaire pour notre bande sonore estivale.

Et comme si Apollon et Phébus nous avaient entendu, on nous rapporte à quelques jours de nous envoler pour un ailleurs tout proche, qu’un nouveau visuel est sur le point d’être dévoilé. Nous en avons profité pour demander aux réalisateurs de ce dernier (qui ne sont autres que les deux membres du groupe) de nous en dire un peu plus sur leur vision et la façon de traiter l’image en plus de la chanson qui l’accompagne.

 

Photos : Tarik Mansouri

 

EX-ILE : « L’idée de suivre des banlieusards dans une virée à la mer est née en même temps que la composition du morceau, l’été dernier, et on avait plus ou moins directement les lieux où on voulait tourner en tête. Pour la réalisation, ça nous a semblé rapidement plus logique de s’inscrire dans la suite directe de « J’attends la chance », en reprenant le même dispositif (un iPhone, nos potes, et un rendu en noir et blanc), pour être avec le moins d’artifices possible. »

 

 


« J’crois que le vent se lève…et si on avançait ? »


 

« Fallait que cette vidéo respire la spontanéité. Du coup on est vraiment juste partis une journée, faire le plus de plans possible et profiter un peu entre potes. On a voulu que chaque plan soit très parlant, avec un montage un peu lent qui laisse de la place à la respiration, à cette sensation organique de vent qui se lève, une sorte d’ellipse qui te laisse envisager que tout est possible, l’espace d’un weekend. »

 

Avis à tous les amateurs de rap, le festival Paris Hip Hop revient pour sa 12ème édition ! Du 24 juin au 9 juillet, le collectif Hip Hop Citoyens remet le couvert pour cette quinzaine du hip hop, avec au programme des concerts d’artistes français et internationaux, des graffitis, de la danse, du cinéma et des conférences pour représenter et célébrer la richesse de cette culture.

L’évènement et grande nouveauté de cette édition sera sans aucun doute PARIS HIP HOP CLOSING, dimanche 9 juillet à Périphérique – La Villette, avec 10h de concerts en plein air et de DJ sets.

Pour avoir toutes les infos, rendez-vous sur la page Facebook de l’évent, et on se donne rendez-vous le 24 juin !

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Lorsque Gradur et le Sheguey Squaad étaient à leur zénith, la gloire, la reconnaissance et l’argent lui tendaient les bras. Et puis, plus rien à part peut-être un arrière goût amer d’inachevé. S’ensuit alors ce qui pourrait s’apparenter à une traversée du désert. Mais comme bon nombre de ses illustres prédécesseurs, l’homme noirci des pages et des pages de paroles, prenant tant bien que mal, ces maux en patience. Certain de son talent et perfectionnant son art, un jour après l’autre. Pour tout dire, Cahiips est fier et fougueux, comme les Lions de son pays, et après avoir pas mal bourlingué entre le Nord et la région parisienne, l’artiste s’est enfin posé en périphérie de la ville des Lumières pour se réinventer à l’ombre d’une industrie qui, pendant un temps lui fit les yeux doux sans vraiment le regarder.

 

Photos : @mamadoulele

 

Pour rentrer directement dans le bain, peux-tu nous dévoiler ton premier contact avec le rap ?

Ce sont  des grands de chez moi qui m’en ont fait écouter. Pas leur propre musique mais plutôt des sons du Secteur Ä, NTM et les premiers rappeurs médiatisés. Moi je suis né en 1991, donc si tu fais le calcul, à cette période je devais avoir 6/7 ans, ça te resitue la scène rap de l’époque…et c’est avec cette musique là que j’ai grandi. Finalement, à force de kiffer ce que j’entendais, j’ai commencé à m’y mettre mais c’était bien plus tard, en 2005.

 

Comment tu définirais ton rap ?

Comment ? Wow…terre à terre. Le truc aussi, c’est que je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer comme je le voudrais. Mais bientôt ça va changer car il y aura beaucoup de sons qui vont choquer les gens. Y’aura un changement, un virage que je vais prendre dans la forme…mais impossible pour moi de changer le fond. Comment ça se traduit ? Bah je vais prendre plus de risques, tout simplement. Les thèmes ne changeront pas mais peut-être que je les rapperais d’une façon différente. Je vais me mettre en danger, avec les risques que ça comporte.

 

Ça tombe bien, parlons de ta consommation musicale. Niveau rap, qu’as-tu bien pu écouter qui te fasse changer ton approche de rapper ?

Je vais pas te cacher que c’est seulement depuis ces deux dernières années que j’ai ralenti ma consommation de rap français. Ça coïncide avec le moment où je me suis « pleinement » investi dedans. Mais que ce soit clair, j’ai grandi avec le rap français.
Tu trouves ça étrange que ce ne soit pas le contraire concernant ma consommation de rap ? Ouais…c’est bizarre mais selon moi, ce que t’écoutes va trop influencer ta manière de kicker. Donc si t’écoutes quasiment que des rappeurs français, forcément tu vas rapper comme eux. C’est mon propre avis, et donc je me suis mis à baisser ma consommation de tout ce qui se faisait ici. Par contre, je suis quand même ce qui se fait, je ne suis pas fermé ou quoi, j’ai un œil sur tout ce qui se fait.
Au niveau du flow ? Y’a toujours des inspirations, c’est vrai, mais il y a tout le travail de personnalisation, avoir sa propre touche. Le mien change selon les instrus, mes humeurs ou ce que je vis au moment de poser un texte. Mais honnêtement, je ne saurai te l’expliquer, c’est quelque chose qui vient naturellement chez moi.

 


« Demain je peux te faire un son Trap et le jour d’après du Boom bap new-yorkais. Je considère que je n’ai pas de limites »


 

 

Justement, tu pointes du doigt un phénomène assez symptomatique de la scène rap depuis quelques temps, cette impression qu’une grande partie des protagonistes ont le même flow. Ce n’est pas forcément dommageable, vu que ça a l’air de marcher pour eux. Il n’y a plus ce « devoir » de se différencier selon toi ?

Je ne sais pas. Si je devais analyser ce que je fais, je dirai que j’aime cette musique. Je n’ai pas peur de tester de nouvelles choses, si l’instru s’y prête. J’ai écouté plusieurs styles, je ne suis pas fermé : demain je peux te faire un son Trap et le jour d’après du Boom bap new-yorkais. Je considère que je n’ai pas de limites.

 

Tu as baigné dans la musique dès le berceau car ton père était musicien. Est-ce que tu penses que c’est quelque chose, avec le recul, qui a étoffé ta panoplie en tant qu’artiste ?

Je pense. Mon père est un grand amateur de Jazz et j’ai grandi en écoutant cette musique à la maison. Certainement que ça m’a influencé et que musicalement je suis plus ouvert. Mais ça, quand t’es jeune, ce n’est pas quelque chose que tu vois tout de suite. Le temps d’assimiler ces sonorités, de digérer ce bagage musical…je pense que ça a joué dans la musique que je propose aujourd’hui. Mais je vais pas te mentir, je n’écoute plus de Jazz depuis très longtemps.

 

À quoi ça ressemble de grandir dans le 59 (département du Nord) ?

C’est un peu comme partout. Lille se classe dans le top 10 des villes les plus peuplées de France, donc il n’y a pas vraiment de différence entre Paris…et les autres villes d’ailleurs. En ce qui concerne la musique, il n’y pas vraiment de rap « régional », on écoutait les rappeurs les plus médiatisés. Après, c’est vrai qu’il y eu quelques mecs de la région qu’on écoutait mais on écoutait plus la scène parisienne, tout simplement.

 

Le département a définitivement été mis sur la carte du rap grâce à Gradur. Du moins, il a popularisé et mis un coup de projecteur sur le Nord. Quand tout a explosé en terme de notoriété, là ba, comment vous viviez ça ?

Ah mon pote, j’ai vécu ça comme une bénédiction dans le sens où je me suis dit « Enfin ! » Quand Gradur a vu sa cote monter de plus en plus, pour ma part cela faisait déjà huit ans que je rappais. J’attendais donc ce moment depuis longtemps et on en a profité comme il fallait à ce moment là.

 

Mais vous, rappeurs nordistes, sentiez-vous que c’était par le biais de Gradur, plus qu’un autre, que vous réussiriez à être sur le devant de la scène ? Que c’était le moment ou jamais pour percer ?

Franchement…(il soupire, ndlr) autour de nous, on avait pas forcément les mêmes chances que lui pour y arriver, pour être totalement honnête. Pour mon cas personnel, je sentais qu’il pouvait faire la différence. En plus de ça je faisais parti de son groupe « Sheguey Squaad », et ça changeait tout à mes yeux. Déjà il faut savoir que ce groupe s’est constitué naturellement. On se connaissait depuis des années et je soutenais Gradur dans tout ce qu’il entreprenait, même quand il a commencé à rapper. Quand ça a commencé à marcher pour lui, il a voulu monter un groupe alors il m’a appelé…j’étais content parce qu’il n’avait pas oublié.

 

Et des années plus tard, comment analyserais-tu son évolution ? Est-il resté fidèle à lui-même ?

Je ne vais pas te mentir, son dernier projet je l’ai survolé mais pas assez pour donner un avis. Par contre, Sheguey Vara vol.2, c’était un projet qui lui ressemblait vraiment. Faut savoir que Gradur a toujours été quelqu’un de très éclectique, il écoutait de tout et je trouve ça bien car ce qu’il fait aujourd’hui lui correspond aussi.

 

La vie étant ce qu’elle est, vous vous êtes un peu éloignés l’un de l’autre, pourtant tu n’as pas hésité à poster son dernier projet sur les réseaux sociaux en incitant tes fans à aller l’acheter. Sans parler de fidélité, c’est assez « fair-play » de ta part d’avoir fait ça. C’est aussi une manière de dire que ce que vous avez vécu et partagé ensemble a été quelque chose de fort ?

Ça c’est sûr. C’est certain, même. On était au quartier et du jour au lendemain on se retrouve au Bataclan, on se retrouve à rapper sur Skyrock, à Canal +…ce sont des trucs que je ne pourrais jamais oublier de toute ma vie. Surtout que ce n’est pas comme si à l’époque je faisais déjà quelque chose. Ok, je faisais mes petits clips sur le côté mais ce n’était rien comparé à ce qu’on a vécu à ce moment là. Ça a complètement bouleversé nos existences et ma carrière. Je ne pourrais jamais cracher dessus.

 


« Comme on dit chez nous, « ton pied, mon pied ». Tant que je continuerai de rapper, je représenterai toujours les mecs derrière moi »


 

 

Et puis, tu bouges du Nord pour le 77 en région parisienne. Pourquoi ce move ?

J’essayais de fuir une routine mais en même temps ça a été un choix réfléchi par rapport à ma carrière aussi, je ne te cache pas. Le fait d’avoir de grands studios d’enregistrement à proximité, d’avoir des radios comme Skyrock ou Générations à portée de main, et vous-mêmes ! Ça joue, c’est plus facile en terme d’évolution professionnelle.

 

C’est intéressant cette « phobie » de l’inertie. En tant que mec de banlieue je sais que c’est facile de ne pas aller voir ce qui se passe ailleurs. Le confort qu’apporte son quartier, ses potes…Toi, tu t’es très vite affranchi de ces « barrières » en partant par exemple au Cameroun pour poursuivre une carrière dans le foot.

J’avais 20 ans, je sortais d’un échec aux examens pour la deuxième fois d’affilé et je ne voulais pas rester à trainer dans la rue. J’ai donc profité de cette occasion pour retourner au pays pendant six mois et cette période a été très enrichissante mentalement. En allant là bas, le but était de me faire un CV, d’apprendre, de m’améliorer. C’était la cinquième fois que j’allais au Cameroun, la seule différence avec les autres fois c’est que j’y suis resté plus longtemps et que j’y suis allé sans mes parents. À part ça, j’étais rodé, je connaissais les quartiers et leur façon de vivre. J’étais comme un poisson dans l’eau. Le fait d’y aller pour un projet sans que ce dernier se concrétise n’a pas altéré l’expérience, au contraire, j’en garde un bon souvenir. Qu’on le veuille ou non, pour un enfant d’immigrés africains, ce continent représente l’avenir.

 

Tu m’as dit que tu avais déménagé pratiquement dix fois au cours de ta vie. D’où vient ce désir de changement ?

Tu me croirais si je te disais que c’est même pas quelque chose que j’ai décidé ? La plupart du temps, c’était avec la famille que je suivais. Jusqu’à aujourd’hui.

 

Paradoxalement, dans ta musique et dans te visuels, on a cette sensation que tu as un besoin de te revendiquer à un groupe, un endroit voire un état d’esprit.
Est-ce important pour toi, cette notion d’appartenance ?

Non, je ne dirais pas ça. Comme tu peux le savoir, dans les quartiers il y a grande solidarité donc je me dois de représenter les mecs autour de moi qui eux ne rappent pas. Parce que derrière, en coulisse, le public ne sait pas forcément ce qu’il se passe mais ces gars là, à un moment ou un autre ils m’ont aidé, soit en m’inspirant, etc. Et vice versa, comme on dit chez nous, « ton pied, mon pied ». Tant que je continuerai de rapper, je représenterai toujours ces mecs.

 

Paradoxalement, il y a aussi ce rejet ou ce désir de ne pas se mélanger à d’autres groupes. On retrouve plusieurs allusions de cet état d’esprit dans tes textes. Est-ce que selon toi, le rap de banlieusard est différent du rap « parisien » qui lui se voudrait plus rassembleur et unifié ?

Je ne suis pas fermé non plus mais je pense que rester « en famille » est la meilleure chose à faire. C’est mon avis. Si tu regardes bien, j’ai fait pas mal de feats « familiaux » dans le sens où c’était soit avec des proches à moi soit avec des proches de proches à moi. Si demain je peux faire une connexion avec un artiste que je ne connais pas forcément mais que ça peut m’apporter quelque chose artistiquement ou en terme de stratégie, pourquoi pas ?
Pour en revenir à la scène parisienne, moi je ne fais pas de différence parce que je trouve qu’il y en a pas. La seule chose que je pourrais dire c’est qu’il y a beaucoup de monde dans le périmètre…du coup le niveau est élevé parce que ça crée de l’émulation.
À côté de chez moi y’a Ninho, tu montes un peu plus haut t’as Djadja & Dinaz et à côté y’a Niska.

 


« Le rap devient du business quand tu commences à faire des vues sur ton compte YouTube ou quand tu commences à faire des showcases et qu’il y a de l’argent en jeu »


 

 

Un pote à moi appelle ça de « l’inceste intellectuel » parce que vous avez les mêmes goûts, les mêmes délires et tout. Sur du long terme cela peut générer une stagnation voire une régression. T’as pas peur de t’enfermer dans une sorte de « communautarisme musical » ?

C’est vrai que ça peut être dangereux sur du long terme, je le reconnais… Mais ce n’est pas forcément figé. Si l’un de nous évolue dans le bon sens, ça devient profitable pour les autres et on évoluera tous.

 

En terme de carrière, es-tu satisfait de ton évolution et de ton parcours ?

Oui et non. Oui, parce qu’il y a trois ans je ne me serai jamais imaginé être là où je suis aujourd’hui. Mais depuis ces deux dernières années, je me dis que je ne peux pas me satisfaire de cette position. Je pense que le destin y est pour beaucoup, pour le reste, c’est qu’une question de travail.

 

Cette question n’est pas innocente. Mon idée est de savoir et de comprendre pourquoi pas mal de rappeurs ayant tes caractéristiques ont « percé » ces dernières années alors que toi non ?

Franchement, même moi je ne pourrais pas te l’expliquer. Je voyais tout ça de loin et ça m’a frustré pour dire clairement les choses, mais le but n’est pas de jalouser les autres. Alors j’en reviens à ce que je disais tout à l’heure : il faut charbonner deux fois plus. Et puis, ça ne devait pas être mon heure, c’est tout. Comme on dit, chacun son destin…
Selon moi, est-ce que certains ont sucé pour réussir ? Si c’est par rapport à certaines phases que je rappe, faut pas le prendre au pied de la lettre. Sans langue de bois, je pense que oui. Mais la vérité, c’est qu’aujourd’hui les gens et le public s’en battent les couilles. C’est le business qui veut ça. Mais faut qu’on se dise une chose, c’est que la musique ce n’est pas le quartier. Ça n’a rien à voir…et ce sont des choses que, trois ans en arrière, je ne savais pas parce que je n’étais pas vraiment dedans. Maintenant, j’ai plus de recul par rapport à tout ça. Le business…ça en devient quand tu commences à faire des vues sur ton compte YouTube ou quand tu commences à faire des showcases et qu’il y a de l’argent en jeu. À partir du moment où tu deviens une valeur monétisable…ça devient du business et c’est pour ça qu’il faut faire attention à ce que tu fais et à ce que tu dis.
La musique est un monde particulier mais ce n’est pas un univers si compliqué. J’ai vu des gens que je côtoyais, percer du jour au lendemain, et ça, sans explications. Donc comment tu dois analyser ça ? Moi je pense qu’il ne faut pas se prendre la tête, il faut penser à la musique avant tout, et arrivera ce qui doit arriver.

 

En terme de projets et de travail, ça se traduit comment pour toi ?

Ça fait déjà quatre mois que j’enregistre et que j’écris, alors dès que je serai prêt, on sortira un projet. On a pas de date pour le moment alors on continue de bosser, on attend la bonne opportunité et ce moment se rapproche très vite.
Est-ce qu’on va créer un truc autour du futur projet ? Je ne sais pas, il faut demander à mes producteurs (rires). Non mais c’est sûr qu’on va bosser le truc, pour l’instant comme je te dis, on est encore dans la phase d’enregistrement et on continue de clipper. L’étape suivante n’a pas encore été planifié.

 

Qu’en est-il de ta relation avec les labels ? J’ai cru comprendre que tu as eu une histoire qui ne s’est pas forcément bien terminé avec Because Music.

J’ai eu des contacts en maison de disques au début quand je suis arrivé avec le Sheguey Squaad. Bon…moi j’ai mon avis sur les maisons de disques, les mecs font leur boulot et ce boulot se traduit par la rentabilité d’un artiste ou d’un projet. Eux, ils observent le nombre de vues sur ta chaine YouTube et ne veulent pas forcément faire du développement d’artiste. Ils arrivent quand t’es déjà prêt, ensuite tu deviens un produit et là ils te proposent à la consommation. Mais c’est leur boulot. Pour faire simple, j’ai pas envie qu’on croit que j’ai une mauvaise opinion d’eux…mais mon avis sur ces gens là n’est pas positif non plus ! La vérité aussi, c’est qu’ils sont utiles au rap français, il ne faut pas se mentir.

 

Donc si demain une maison de disque vient pour te signer, quel sera ton discours ?

Ahhhhh…faut qu’ils allongent le chèque. S’ils ne proposent pas une belle somme, qu’est ce qu’on va faire avec eux ? Allongez et je viens. C’est sûr que je ne vais pas signer en maison de disques s’ils me donnent rien du tout.

 

Donc admettons que trois labels te proposent un contrat, ton choix ira à celui qui te proposera la plus grande avance ?

Là tu me poses une colle… Je ne veux pas regarder que l’argent mais je pense qu’aujourd’hui le business de la musique n’est pas vraiment stable. Si demain je signe, je ne veux plus me prendre la tête, je veux simplement penser à mon confort car pour moi c’est le plus important. Ça représente 50% de mon choix…

 

Ne trouves-tu pas que c’est ce qui pousse les rappeurs à signer des deals qui, sur le long terme, ne leur est pas bénéfique ? Ma question est de savoir si tu serais plus enclin à signer pour le plus gros chèque ou pour le meilleur projet artistique ?

C’est une question de feeling aussi. Rien qu’au regard du directeur artistique qui veut te signer, tu sens si le mec a confiance ou pas et tu sens s’il croit au projet ou pas. De ce point de vue là, l’aspect financier passe au second plan mais bon… J’ai pas envie de vous mentir en vous disant que je rappe parce que c’est ma passion et que je fais ça juste pour le kiff de rapper. Non. J’aime cette musique, je fais ça avec passion depuis mes 14/15 ans mais aujourd’hui j’en ai 26 et dans le monde où on vit, l’argent est le nerf de la guerre.

 

On a l’impression que c’est pas mal de musique « fast food » de nos jours, ceci étant dit, j’aimerai savoir quelle est ta rigueur de travail ?

Je me prends pas la tête lorsque j’écris, par contre je réfléchis beaucoup aux thèmes. Parce que ce sont eux qui vont t’orienter et influencer ton écriture.

 

Pour avoir écouté tes textes, on a trois thèmes qui se dégagent vraiment : la bicrave, la violence et le quartier. Je me fais l’avocat du diable en voulant savoir si ce schéma thématique n’a pas été vu et revu et si, tu n’as pas l’impression que vous êtes beaucoup trop sur le même créneau ?

Je te cache pas que ce sont des trucs que je ne calcule même pas… Mais comme je le disais tout à l’heure, au niveau de mon orientation musicale, je n’ai pas eu la possibilité d’exploiter tout ce que je pouvais faire. Les sons qu’on catégorise comme « commerciaux », j’en ai fait il y a deux ans mais ce n’est jamais sorti. J’ai testé des choses avec une autre approche artistique mais je pense que pour ce genre de morceaux, le timing fera toute la différence.

 


« Je me rappelle que la première prod que Punisher a fait, c’était en 2010 et c’est moi qui rappe dessus »


 

 

Dis moi que tu ne parles pas de « Zumba » ?

Jamais… Tu veux savoir ce que j’en pense ? Déjà il faut faire la distinction entre la Zumba et l’Afro trap et comme je me suis jamais posé la question, il faut que j’y réfléchisse. Mais pour toi, c’est quoi la Zumba ?

 

Pour moi ? On inverse les rôles là c’est ça (rires) ? Je dirai que c’est une formule musicale applicable à tout type d’artistes potentiellement urbains et sans réelle honnêteté musicale. C’est aussi le moyen le plus rapide pour se faire un billet grâce au streaming, aux showcases et aux chichas.

Après faut les comprendre hein (rires). Moi je me sens plus proche de l’Afro trap, j’en ai déjà fait d’ailleurs mais si je dois en faire plus, ça me gênera pas. Ce n’est pas se travestir que de faire de l’Afro trap et j’ai surtout pas envie que le public croit que je suis quelqu’un de fermé musicalement.

 

Pour reparler de musique, j’aimerai qu’on s’attarde sur le cas Mr. Punisher, car il y a une vraie alchimie entre vous. Comment s’est crée cette connexion ?

Ça fait dix ans qu’on se connait, on a grandi ensemble. On a également rappé dans le même groupe. Il a décidé de quitter le Nord pour la région parisienne et ça, quatre ans avant moi. Il s’est fait ses connexions et a réussi à mettre un pied dans le game. Je ne te cache pas que c’est lui qui m’a motivé à continuer de rapper et même de venir le rejoindre ici en 2014. À cette époque, il me connecte avec l’équipe Golden Eye d’Oumar Samaké et grâce à ça je fais un feat avec Dosseh sur le morceau « Faut qu’ça chie ». Punisher, c’est mon frère, en vrai… Des fois quand on s’appelle, je lui dit que le chemin qu’on a parcouru depuis nos seize ans, c’est quand même quelque chose de fou. Parce qu’il y a dix ans, quand ça parlait de musique, pour nous c’était rien de plus qu’un rêve. Aujourd’hui on a de quoi être fiers.
Il faut savoir qu’à la base, c’est via un membre de sa famille qui faisait des prods sur FL Studio que Punisher – à force de le voir bidouiller derrière son écran – s’est lui aussi mis dedans. Je me rappelle que la première prod qu’il a fait c’était en 2010 et c’est moi qui rappe dessus. Il bossait avec beaucoup de samples à ses débuts et, petit à petit il a progressé et il est devenu celui qu’on connait maintenant.

 

Il t’a aiguillé un peu sur comment agir en arrivant sur la capitale ? Qui tu devais capter, avec qui connecter, etc ?

Bah il m’a plus ou moins indiqué la marche à suivre en me présentant la team Golden Eye. À cette époque, il faisait des prods pour Joke et Dosseh alors ils leur faisaient écouter mes sons. Les premières fois, ils n’ont pas vraiment été réceptifs, les fois suivantes non plus et puis un jour Dosseh a vraiment accroché. Tout ça c’était en parallèle avec le Sheguey Squaad, peut-être deux ou trois mois avant que j’intègre le groupe. Tout est allé très vite d’un coup.

 

Tu as d’autres producteurs de prédilection ?

J’aime bien Benjay Beatz, ZEG P et Yorogliphe qui a fait la prod de « C’est risqué », d’ailleurs c’est Punisher qui me l’a présenté. À part ça, il y a aussi Xmaridine et BDR Prod, un ami à moi qui vient lui aussi du Nord et qui a fait des prods pour XV Barbar, PSO Thug et Ikbal. Je me rends compte que j’ai une équipe assez restreinte parce que j’aime pas trop m’éparpiller non plus. Si je peux me limiter à quatre ou cinq beatmakers ça me va parce que je suis sûr de mes beatmakers, j’ai confiance en leur taff que je trouve assez complémentaire. Avec eux j’ai trouvé ma couleur, donc à quoi bon aller chercher ailleurs ? Mais si demain un mec m’apporte une prod que j’aime bien, je ne vais pas la refuser. Par contre, si un jour je me retrouve en galère de son, je sais qui appeler.

 

 

On a presque fini. Dans un texte tu dis « Je manie les mots, j’étais le dernier en lettres », « le savoir est une arme, j’ai mon 9mm, j’ai jeté mes livres ». Encore une thématique qui revient souvent dans le rap en général.
Sans rentrer dans la philosophie de comptoir, on sait que les rappeurs ne sont pas des modèles, par contre on sait aussi qu’ils influencent les plus jeunes et les faibles d’esprit. En tant que père, quel est la valeur de ce message ?

C’est quelque chose que je ne dirais pas à mon fils. J’espère même que lorsqu’il grandira, notre vie sera beaucoup mieux, c’est le désir de tout parent. Après, c’est tout le paradoxe du rappeur…ça nous arrive de dire des trucs à chaud. Je prends l’exemple de « Bibi Boy », c’est moi ! Je parle vraiment de moi mais dois-je pour autant le cacher même si je sais que dans cinq ou six ans j’en aurais honte ? Pas par rapport à moi, mais par rapport à moi fils.
À quinze ans quand il voudra faire un truc mais que je lui interdirais, il pourra me dire « mais toi tu le faisais bien avant dans tes clips ! » En tant que rappeur j’y pense des fois, souvent je ne calcule pas.
Le rap occupe beaucoup la tête des plus jeunes, et j’essaie de faire attention à ce que je dis…depuis mes débuts d’ailleurs. Dans certains textes je dis que la rue n’est pas forcément un endroit à glorifier. Loin de là.

 

Il n’aura fallut que très peu de temps à Jay-Z pour que son nouvel album « 4:44 », soit certifié disque de platine. En effet, sorti le 30 juin, « 4:44 » a déjà été vendu à plus d’un million d’exemplaires, un record. Disponible uniquement sur Tidal jusqu’à maintenant, Jay-Z vient de sortir le clip de « The Story of O.J. » sur Youtube et vous pouvez regarder le cartoon juste en dessous.

 

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Fanny est photographe et on peut trouver son travail dans les magazines de mode ou sur les vitrines de grandes boutiques. Il y a neuf ans, on lui offrait son premier appareil photo. Elle nous raconte un peu ce qui s’est passé depuis.

 

T’as grandi où?
J’ai grandi essentiellement à Paris, dans le 13ème vers Gobelins, et pas mal dans le Sud, j’y allais dès que j’avais des vacances.

 

Quand est-ce que t’as commencé la photo?
J’ai commencé à m’y intéresser à 14 ans et j’ai eu mon premier appareil photo pour mes 15 ans, à mon anniversaire.

 

Il y avait qui à ton anniversaire?
C’est en plein été donc personne (rires). Non je rigole, il y avait ma cousine, donc c’est la première personne que j’ai pris en photo.

 

T’as appris toute seule? T’as pris des cours?
Ben déjà j’ai lu le manuel et mine de rien ça t’apprend pas mal de trucs. Sinon dès que j’avais une question je l’ai posé à Google et souvent Google avait des réponses donc j’ai tâtonné comme ça. Aussi, j’avais de la chance car ma mère tafe à l’Institut Pasteur et elle utilise Photoshop pour retoucher des images de microscope et du coup j’avais le logiciel gratuit. Comme je suis nul en crack, c’était un investissement en moins.
Photoshop c’est pareil, j’ai tâtonné. J’étais motivé et j’essayais des nouveaux trucs tout le temps et c’est avec la curiosité que j’ai découvert.
Je sortais avec mon appareil pour shooter, parfois c’était raté, j’essayais de comprendre pourquoi c’était raté, pourquoi c’était bien…

 


“J’adore découvrir des gens à travers la photo. Je photographie mes amis, mes proches et je le fais encore dans la vie de tous les jours. J’adore leur montrer de quelle manière je les vois.”


 

T’as pas eu de mentor?
Non, j’ai beaucoup regardé d’images, je me suis cultivé, j’ai regardé beaucoup de films, tout l’univers de Michael Haneke que j’adore. Il y a eu beaucoup de photo reportages mais qui sont plus de la photo artistique en fait, genre Sally Mann, Cristina Garcia Rodero… Voilà ça c’est plus les images que je regardais malgré le fait que je fais plus des images qui sont identifiées comme de la mode. Ce sont les trucs qui m’intéressaient le plus, en terme d’ambiance, d’expression humaine, de lumière,…

 

Qu’est ce que tu kiffes prendre en photo?
Des humains. J’adore découvrir des gens à travers la photo. Les mannequins c’est différent. À la base je photographie mes amis, mes proches et je le fais encore dans la vie de tous les jours. J’adore leur montrer de quelle manière je les vois.

 

Tu les vois différemment à travers l’objectif?
Tout le monde se voit différemment. Eux-même se voient différemment. Il y a un moment une femme m’a fait un compliment en voyant sa photo, elle m’a dit “ta photo c’est moi quand je me trouve belle dans le miroir” et j’ai trouvé ça assez cool. J’aime bien de manière générale le contact humain, pas seulement celui que tu fais en photo, mais celui qui va suivre avec ta photo. Comment tu vas toucher quelqu’un qui n’était pas là, qui ne connaît pas la personne sur la photo mais qui va ressentir un truc. L’humain dans sa globalité.

 

Du coup même dans ton taf on te propose que ça?
Ca m’est arrivé deux fois qu’on shoote des accessoires et je vais pas te cacher que ça m’emmerde et que si j’aimais ça j’en aurais sans doute plus. Mais de plus en plus quand on me contacte c’est pour mon univers et je fais des trucs qui me ressemblent.
L’essentiel de mes clients me disent un peu la même chose, “on aimerait bien que tu fasses ressortir la personnalité des talents etc..”.

 


“Il y a un moment une femme m’a fait un compliment en voyant sa photo, elle m’a dit “Ta photo c’est moi quand je me trouve belle dans le miroir” et j’ai trouvé ça assez cool.”


 

Alors une fois tu m’avais parlé d’une notion de distance avec le modèle…
Alors oui, il y a une notion de distance avec le mannequin. Même si tu es un mannequin professionnel, il y a une certaine autorisation innée que tu donnes à la personne de s’approcher, mais quand tu t’approches à une certaine distance, t’as l’impression que tu rentres dans le cercle intime de la personne sans faire exprès et c’est assez intéressant. C’est vraiment quelque chose que tu vois sur le visage. Par contre c’est vrai que par rapport aux gens que je connais et ceux que je ne connais pas, j’arrive vraiment à remarquer ces signes, les détails qui changent etc… Je sais quand quelqu’un est mal à l’aise, quand je pose une question etc… Mais c’est parce que c’est mon job de regarder.

 

Tu fais quoi pour détendre les gens ?
Ca dépend de la personnalité des gens, de la personne que t’as en face. Il y a des gens qui vont trop donner qui vont être un peu “too much” donc là c’est l’inverse il faut les amener à quelque chose de plus naturel, et à l’inverse il y a des gens qui vont être braqués et qui n’arriveront pas à faire ressortir leur personnalité.

 


“J’aime bien le contact qui va suivre ta photo. Comment tu vas toucher quelqu’un qui n’était pas là, qui ne connaît pas la personne sur la photo mais qui va ressentir un truc.”


 

Niveau inspiration et créativité, est-ce que t’es inspirée tout les jours ou il y a des jours avec et des jours sans ?
Ben c’est pour ça que j’ai acheté un appareil à mi-chemin entre mon appareil pro et mon iPhone parce que je shootais tout à l’iPhone, le truc trop con. Je me disais genre ça c’est une bonne idée ou là il y a une bonne lumière et au final ce sont des photos inutilisables, donc là avec un appareil comme ça, je peux faire ce genre de photo et je peux les exploiter. Moi personnellement, c’est une passion, j’ai pas de moment où je bosse et où je bosse pas, il y a toujours un lieu où je vais passer et je vais dire il faut qu’on revienne, ou j’arrête des gens dans la rue,”eh j’aimerais bien faire des photos avec toi un moment”. Ca s’arrête jamais parce que c’est dans la continuité de ce que j’aime faire.

 

Tes amis, tes proches, ça fait partie de tes inspirations? Je vois souvent des photos de ton copain par exemple.
Ben oui c’est simple. Mon gars c’est un mannequin et je l’ai tout le temps sous la main donc dès que j’ai envie de faire un test sur lui il s’y prête. Aussi, pendant un moment j’avais un cercle de 3, 4 potes, c’était des meufs qui étaient devenues mes amies parce qu’on shootait tout le temps ensemble. Donc les gens que je prenais en photos c’était des mannequins/amis. Maintenant c’est devenu plus pro et mes potes je pense que ça les saoulerait que je les prenne en photo tout le temps.

 

Sinon tu vas faire quoi cet été ?
Je vais partir à Palerme avec mes potes et fêter mon anniv.

 

Pourquoi Palerme ?
Parce que c’est pas cher, je voulais partir en Sicile et je me suis dis pourquoi pas Palerme. Ca a l’air un peu crade et un peu mignon à la fois donc je me suis dis pourquoi pas.

 

T’as quel âge ?
J’ai 23 ans.

 

Instagram : @latourfanny

 

« Je me rappelle ». Une brève suite de mots qui en appelle d’autres, dans une boucle infinie de souvenirs et de nostalgie. Les paroles du vieux sage, de celui qui a vécu, au moins assez pour avoir de belles choses à se remémorer. La trentaine tout juste passée, Jérémy Chatelain n’est pas encore de ceux qui récitent leur longue expérience de vie au détour d’un arrêt de bus. Mais il suffit d’observer son crâne, désormais rasé de près, pour comprendre qu’il s’en est passé des choses, depuis qu’il a été malencontreusement rangé dans la catégorie des étoiles filantes de la télé-réalité. Outre cette même voix nasillarde, l’homme qui nous accueille au second étage d’un immense building surplombant la ville de Puteaux n’a rien de l’ado aux mèches gominées que « ta grand-mère reconnait car elle [l’a] vu à la Star Ac’. »

« C’est comment qu’on freine », le tout nouveau clip de Jérémy Chatelain.

C’est qu’on croit naïvement les connaître, ces candidats de réalité télévisée. Pour les avoir scruté quotidiennement sur nos écrans de longs mois durant. Pour avoir infiltré leur intimité de notre oeil curieux. On en oublierait presque que quinze années se sont écoulées depuis la deuxième saison de la Star Academy. Et que les gens changent, pendant tout ce temps. Dans le cas de Jérémy Chatelain, il faut à peine quelques minutes d’entretien pour bouleverser toutes les certitudes, tous les a priori que l’on pourrait avoir sur sa personne. Car le pop-rockeur aperçu sur TF1 est en fait un grand amateur de rap, genre par lequel il a d’abord fait ses gammes.

« J’ai habité dans les maisons, mais pas assez loin des tours. » C’est en résumant sa jeunesse à travers cette phase de Dyda, du groupe Code 147, qu’il finit d’étouffer tout éventuel scepticisme. Il sait de quoi il parle, Jérémy. Sa jeunesse, c’est celle d’un gamin aisé de l’Essonne, soutenu par un père mécène de son activité musicale. Il grandit dans un jolie baraque située à Étiolles, « un espèce de petit Beverly Hills entre Evry et Corbeil », selon ses propres dires. C’est l’époque où le jeune A-Trak remporte pour la première fois le Championnat du Monde DMC, du haut de ses quinze ans. Équipé de platines et d’un Triton, Jérémy suit ses traces, et se lance donc rapidement dans le turntablism, puis dans la composition. Ou du moins, il essaye. S’il a beau accueillir dans sa demeure tous les emcees du département, qui viennent exercer leurs rimes avec son crew de DJs, ses productions ne sonnent pas comme celles des autres. Phénom, un de ses amis de longue date, ancien membre du posse en question, se souvient : « Tout le monde voyait bien qu’il était plus musical. Moi je n’avais pas de notions de solfège, lui en avait. Il savait aussi jouer du piano… Du coup, quand on faisait de la musique, et qu’il essayait de faire du rap, ça sonnait déjà trop varièt’. »

Le principal concerné raconte que c’est justement Phénom qui l’a poussé à s’affirmer dans la variété, après être tombé sur une de ses vieilles cassettes en piano-voix. Jérémy suivra son conseil pendant au moins une année, celle où il s’assume enfin en tant que chanteur. Il se laisse pousser les cheveux, troque ses vêtements amples pour des habits plus resserrés, découvre le clubbing dans la capitale. Puis vient la Star Academy. Quand il s’y inscrit en 2002, le règlement du télé-crochet stipule qu’il faut être majeur pour intégrer le casting. Lui n’a que 17 ans. Plutôt que d’écarter sa candidature, la production décide de faire du cas Jérémy Chatelain une jurisprudence, l’exception devenant règle avec une limite d’âge désormais rabaissée à seize ans. Les portes du Château des Vives Eaux s’ouvrent alors à lui, plus court chemin vers une hypothétique célébrité. « J’avais le fantasme de la télé, d’être connu. Fallait être connu. Toutes les années d’après, j’ai passé mon temps à déconstruire ça. Mais à l’adolescence, on voulait tous être connus. Pas forcément pour les bonnes raisons d’ailleurs. Ma principale raison, c’était d’arrêter l’école. »

Jérémy est finalement éliminé après douze semaines de compétition. Suffisant pour accrocher un contrat en maison de disques, chez Universal. L’aventure ne s’arrête pas là. Elle commence tout juste, à vrai dire. À sa sortie, il publie un premier album éponyme. Le succès est relatif, mais lui permet d’enchaîner les concerts. Une première partie de la Star Ac’ au Parc des Princes, une tournée des Zéniths avec les L5, entre autres : « Ca a été un accélérateur de particules à tous les niveaux. De curiosité, de culture. Tu te retrouves sur scène avec tes copains d’enfance en train de jouer devant des milliers de personnes. C’est incroyable. »

À l’ombre, par choix

« Pour mon deuxième album j’ai déjà la démarche de me dire ‘je veux quelque chose de plus produit’ mais je ne sais pas comment faire. Je le réalise avec Mitch Olivier et je l’écrit avec Jean Fauque, qui était l’auteur de Bashung. Mais j’ai su que je ne voulais plus faire de la musique uniquement avec des musiciens. Alors je suis rentré dans la prod et à partir de là, c’était fini. Je voulais tuer le studio. » Studio qu’il ne quittera plus pour les dix années à venir. Plus un jour ne passe sans que Jérémy Châtelain ne dissèque le fonctionnement de ses machines, ne tapote les touches de son clavier. Il devient un véritable homme de l’ombre, par choix. Surprenant pour celui qui aspirait justement à en sortir, quelques années plus tôt. « À ce moment là, c’était bon. Ce fantasme là était réglé. J’avais une fille, un bête de studio, donc tout ce dont j’avais envie, c’était de faire du son. »

Il pose discrètement son nom sur l’album d’artistes qui lui sont proches. Une académicienne de sa génération, en la personne d’Emma Daumas. Puis sa compagne Alizée, dont il réalise l’album censé faire oublier quatre ans d’une collaboration fructueuse avec Mylène Farmer et son parolier, Laurent Boutonnat. Intitulé Psychédélices, le projet fait apparaître des noms surprenants, comme celui d’Oxmo Puccino, à l’écriture, ou celui de Kore, dont Jérémy a été le voisin de studio pendant plusieurs années. Un casting ronflant pour une formule qui ne prend pas. Pas en France, en tout cas. Parce qu’à quelques milliers de kilomètres de l’Hexagone, au Mexique, Psychédélices est un succès retentissant. « C’était marrant parce qu’autant en France j’avais l’impression d’être un peu wack, autant là-bas j’étais genre Jay-Z : le producteur number one. On ne pouvait limite pas sortir. Je voyais des 20 000, 30 000 personnes, des stades quasi-remplis qui reprenaient mes chansons, alors qu’en France j’étais bidon », se remémore t-il, sans une once de rancoeur. En marge de cette tournée triomphante, Jérémy, soucieux de donner une autre couleur au projet qu’il a mené de main de maître, suggère au directeur artistique de Sony d’envisager de le remixer. Une lourde tâche qui revient aux talents du label électro Institubes. « Teki, Jean-René Etienne, Para One, Surkin… Ca a été un game changer pour moi. Les gars avaient un son énorme. J’avais ramassé un remix de David Rubato sur une de mes compositions, ‘Fifty Sixty’. Incroyable. Depuis, on s’est jamais vraiment lâché avec Institubes. » Pour preuve : c’est avec eux qu’il produit le quatrième album d’Alizée, Une enfant du siècle, sorti trois ans plus tard.

« Je vais te dire un truc qui est marrant : la plupart des mecs les plus pointus, ce qu’ils trouvent le plus fou, c’est que j’ai fait le générique du PMU sur TF1 pendant quatre ans. Ils ne vont jamais me parler de mon morceau avec Oxmo. Ce qui les impressionne, c’est le fait que j’ai été en couv’ de Voici et le générique du PMU. Parce que ce sont des choses auxquelles ils n’ont pas forcément accès. »

Oxmo Puccino, Jean Fauque, Kore, Institubes… La variété des artistes ayant apporté leur contribution à Psychédélices n’a rien d’anecdotique. Au contraire, elle témoigne de la pluralité des environnements que Jérémy Chatelain a côtoyé tout au long de son parcours. L’ancien académicien semble se positionner comme un trait d’union entre les cultures populaires et celles plus « underground », plus « nichées ». Des univers qui ne se croisent que rarement, autrement que par opportunisme. Mais n’allez pas moquer sa contribution à la bande originale française d’High School Musical 2, pour ensuite louer son travail sur le titre « Paris » du rappeur japonais KOHH. À ses yeux, l’un n’a pas nécessairement plus de valeur que l’autre. Pas de snobisme de sa part vis-à-vis de la culture populaire, pas question de la fuir, de s’en détacher dans l’optique de se refaire une image. « J’ai honte de rien et je ne suis fier de rien. J’apprécie tout comme c’est. Si quelqu’un me dit ‘oh bah maintenant c’est vachement bien parce que tu travailles avec Ed Banger et Bromance, mais avant c’était nul parce que tu faisais l’album d’Emma Daumas’, je lui répond que non… Toutes les machines qui sont là je les ai maîtrisées en travaillant l’album d’Emma Daumas avec Chris Coady qui était le mixeur de TV on the Radio, tu vois ? J’ai appris partout. Il faut tout respecter. » Et tant pis s’il reste connu comme Jérémy « de la Star Ac » ou Jérémy « l’ex-mari d’Alizée » dans les mémoires collectives. Tant pis si l’on retrouve plus souvent son nom dans les gazettes people que dans la presse musicale. Ça fait partie de ce qu’il est aujourd’hui.

Villejuif, fontaine de Jouvence

Tout comme Villejuif. Car sans que vous le sachiez, la commune val-de-marnaise a abrité ce qui était, d’après lui, « un des gros spots de la musique électronique et du rap entre 2012 et 2015 ». Le spot en question ? Sa propre baraque. Ni plus ni moins. Une immense bâtisse située au bord de la Nationale 7 que Jérémy regagne au terme de son idylle avec la plus célèbre des lolitas françaises. Le début d’une période de débauche, de frénésie créatrice et de laisser-aller. Celui qui vient se poser quelques jours à Villejuif est largement susceptible d’y camper pendant plusieurs mois. On s’y amuse, on s’y sent bien. C’est le genre de colocation libre et sans contraintes dont on rêve à l’adolescence. Jérémy en parle comme d’une « MJC pour adultes ». Son ami Svet, présent au cours de l’interview, évoque pour sa part « une annexe du Social Club ». Tout aussi juste, d’autant qu’on croise du beau monde à Villejuif : Brodinski, Sneazzy et Nekfeu, Boston Bun, Chassol, Club Cheval, Kore, Bellek ou encore Mos Def, venu bouffer des burgers veggies et écouter du free jazz. « On n’était régi que par le divertissement. Fallait monter une piscine, installer un panier de basket, faire un terrain de tennis. T’avais un practice de golf, deux billards au fond, un Hummer au milieu, une cuisine avec des paquets de gâteaux à l’infini. Les gars ne voulaient pas partir. » Tout ce qu’il faut pour prendre du bon temps. Tout ce qu’il faut pour composer, aussi : « studio » et « foyer » étant souvent deux termes synonymes pour Jérémy Chatelain.

À cette période, il travaille essentiellement en tandem avec Soufien 3000, connu pour avoir apposé sa patte sur les deux premiers projets d’A$AP Rocky. « Souf était un peu l’âme de Villejuif. On se suffisait à nous-mêmes. Tu ne peux même pas imaginer le matos qu’on avait dans cette maison. On n’y touchait même pas. Notre truc c’était de parler, c’était la poésie. Humainement, c’est sans doute l’un des mecs les plus brillants que j’ai rencontré dans ma vie », raconte Jérémy. Quand leur matériel n’est pas délibérément laissé pour compte, les deux hommes s’avèrent être étonnamment prolifiques. Il blindent leurs disques durs de maquettes, de squelettes de productions condamnées à ne jamais en sortir. Car c’est une règle implicite de Villejuif : rien ne sort, sauf cas exceptionnel. « Il faut savoir que Souf et moi avions de fortes exigences. C’était genre ‘Non mais là vous avez rendez-vous en maison de disques, il y a moyen que votre prod elle aille pour Shy’m’, et nous on répondait, ‘Ah non, nous c’est Rihanna ou rien. On est sur un gros coup là’. Donc les gars finissaient par abandonner avec nous. » Parmi les rares artistes à avoir pu bénéficier de leur travail, il y a les trois membres de la MZ, venus dans le 94 pour enregistrer le morceau « Bonbon », produit par le binôme.

« Même si c’était hyper riche artistiquement, c’était quand même bien que ça se finisse. » La maison de Villejuif détruite en 2015, il est temps pour Jérémy de passer à autre chose. Busy P l’embarque avec Boston Bun dans une cabine de la Folie Méricourt, où ils commencent à travailler sur des publicités. C’est plus discipliné, les morceaux ne tombent plus dans l’oubli. Pas cette fois. Écrit avec Soufien 3000 dans les cuisines de la demeure val-de-marnaise, « Je me rappelle » ne sort finalement qu’en 2017, après être tombé dans les oreilles de Lionel Dray, directeur du label HRCLS. Lionel était initialement venu au studio pour écouter des pubs. Le voici prêt à redonner un second souffle à la carrière protéiforme de Jérémy Chatelain. Malgré lui. « Ca ne m’a pas spécialement manqué. J’étais toujours au studio, j’ai jamais arrêté de taffer. J’avais posé des voix en français sur deux sons parce que j’ai eu une inspi qui m’est venue comme ça. J’ai senti qu’il y avait une bienveillance autour de moi, et c’est ce qui m’a poussé à revenir donner des nouvelles. Sinon j’aurais pu rester comme ça encore dix piges. »

Photos : @terencebk

Après la collection « Les liens du sang », qui mettait en avant les relations fraternelles, la marque CHMPGN vient de dévoiler le lookbook de sa nouvelle collection capsule nommée « Children of Vices ». L’axe de celle-ci est orienté vers le questionnement suivant: « rester éternellement jeune ou accepter la vieillesse et la sagesse qui s’impose ». Vous pourrez trouver des pièces comme une Souvenir Jacket en satin, des pantalons 7/8ème ou encore des t-shirts oversize.

La collection est désormais disponible sur le site CHMPGN.

Photographe : @victormalecot
Models : @khleopatre / @kiddy.111
Stylisme : @wein.wein
Make up : @flavie_terrakhol

Chacun son jardin privé dans le microcosme du rap. Pas d’interview pour PNL. Peu d’apparitions en concert pour Jul. Chez Siboy, pas de visage, dissimulé derrière une cagoule afin de maintenir un semblant d’anonymat. Sous le tissu, la liberté d’exprimer tout ce que le rappeur mulhousien ressent : de l’énergie, de la colère, de la puissance qui s’échappe sous la forme de cris, d’humour noir — de noir tout court. Son premier album, Spécial, est le dernier issu de la fournée du 92i dernière génération, après Jolie Garce (Shay) l’hiver dernier, CDG (Benash) au printemps, et Ipséité (Damso) entre les deux tours de la présidentielle. Après des années d’inédits, de freestyles et de featuring, il était temps d’ouvrir la porte au passage obligatoire de l’album solo studio. Rencontre et échange sans maladresses ci-dessous.

Photos : @alextrescool

Comment tu te sens ? C’est la sortie de ton premier album solo.

Ça va, je le sens bien. Je suis pas super stressé… Ça va, c’est cool.

Sur la pochette il y a un choix fort et affirmé : la couleur orange. Alors qu’au regard de ta musique, il aurait peut-être été plus évident et prévisible d’y associer le noir. Pourquoi ce choix de couleur ?

Justement, le noir c’était trop évident. J’aime bien faire des choses décalées. C’est pas seulement ma réflexion, on a été plusieurs dessus. Notamment la photographe, Sarah, et quand elle m’a proposé la couleur orange, j’ai grave kiffé. Pourtant, comme ça de base tu m’aurais dit non, c’est chelou”, j’aurais dit “non, c’est chelou”. Mais le orange qu’elle m’a proposé, c’était lourd. La pochette, c’est une réflexion à deux. Je sais plus qui d’elle ou de moi avait lancé cette idée, mais en tout cas on était grave d’accord. On est partis de là, et franchement elle a fait le taf. Je l’ai laissé bosser, je lui ai fait confiance, tout en apportant mes idées.

Selon toi, qu’est ce qui fait que cet album est “Spécial” ?

Les facettes. On s’attend pas vraiment à m’entendre chanter, par rapport à mon personnage très sombre. D’y trouver des passages très clairs, c’est ça que j’ai trouvé spécial. Pour moi, je suis pas bloqué dans un seul monde, je me pose aucune limite.

Qu’est-ce qui a permis cette ouverture vers d’autres sonorités ? Cet album que tu sors maintenant, avec des morceaux très fruités comme “Mobali”, ça serait passé difficilement il y a 5 ou 10 ans pour le public rap. Aujourd’hui, les sonorités plus pop façon afro-trap ça passe sans choquer personne. Comment tu as opéré ce switch de musique très très noire à musique colorée ? Est-ce que c’est motivé par le succès des “DKR” de Booba, “Ghetto” de Benash ?

Faut savoir : il y a des morceaux très clairs que j’ai fait il y a deux ans. À l’époque où je connaissais même pas encore Damso. C’était des trucs que j’avais envie de tester depuis longtemps. En freestyle, il y avait cet univers sombre, grave malsain, et j’avais envie de changer. J’ai travaillé dessus, sans influence. Je pense que les autres aussi, ils sont dans cette démarche. Chacun veut tester ses limites, chercher autre chose.

La première chose qui m’a marquée en écoutant l’album, et surtout en écoutant “Mula” en janvier, c’est le mixage de voix et le son. C’est NKF qui s’en est chargé (PNL, Damso). Comment la connexion s’est opérée ?

On me l’a proposé, j’ai validé direct. On s’était rencontré une fois déjà, dans son studio. Lui aussi avait validé le délire. J’aimais bien le travail qu’il avait fait avec d’autres artistes. Le premier test, c’était sur “Mula”. Je ne voyais personne d’autre que lui faire ce son pour l’album. Ma voix, elle est pas évidente à traiter, je trouve. Il fallait quelqu’un de pointu. Pour le son, tout le mérite lui revient.

En même temps, ce choix de son hyper clair et précis, c’est surprenant parce que tu aurais pu choisir de partir sur quelque chose de plus sale dans le traitement, à la façon de XXXTentacion, $UICIDEBOY$, Travis Scott… C’est une direction que tu veux emprunter à un moment, aller plus loin dans le son ?

Ça m’intéresse de ouf. Mais souvent, je disais à NKF de laisser aller son imagination. Je voulais pas d’un mix basique. Il m’a proposé des choses : dans “BQC” par exemple, sur le refrain, il a ajouté une voix, grave, robotisée, et j’ai grave kiffé. À la base, il n’y avait pas ça. On n’a pas pensé ce son en termes d’influence, je lui ai pas demandé que ça sonne comme Travis Scott ou ceci ou cela. Je voulais laisser l’imaginer créer quelque chose, sans trop s’inspirer des autres.

Dans tes morceaux les interprétations sont souvent assez intenses. Sur lequel tu t’es le plus amusé ou défoulé pendant l’enregistrement ?

Il y en a plusieurs… Celui qui est sorti le plus facilement, sans prise de tête, c’est “Hitch”. Pyroman vient, me fait écouter la prod, je commence à sauter tout seul, à dire “fuck, negro, snitch !” J’ai kiffé enregistrer ce son, mais c’est pas forcément celui que j’aime le plus dans l’album. J’aime bien quand ça sort, sans trop de calcul. Instinctif.

Avant de rapper, tu étais beatmaker. Quel impact ça a sur ta sélection de prods ? Est-ce que ça a renforcé ton oreille et du coup, tu sais très rapidement ce que tu veux, ou est-ce que ça te permet de prendre des décisions sur les arrangements pour adapter la prod à ce que tu veux faire ?

En général, j’entend un truc, c’est lourd, après je prend la prod, j’enregistre. Déjà, toutes les prises de voix sont pas faites qu’avec NK. Ça se fait aussi avec l’ingé bressom rue des Prairies [rires, ndlr]. Avec lui, on prend des parties des prods, et on s’amuse. On change le kick, on rajoute des rafales… Des fois, je me dis qu’il faut ajouter telle ou telle chose dans la prod. Ça me sert à ça.

En 2015 quand PNL a pété et que Jul a pris la place qu’il a pris, beaucoup disaient que le son trap, c’était terminé. Mais cette année, entre les succès de Lacrim, de Kalash Criminel, de Fianso, la sortie de ton album… On voit que cette énergie-là, elle continue de parler aux auditeurs.

Pour moi, la trap va jamais mourir. Tant qu’il y aura des gens motivés pour en faire. À chaque fois, un nouveau rappeur vient et apporte son énergie.

Comme le son boom-bap, ça peut toujours être une instru NY ambiance sample mais c’est le rappeur qui va lui donner son caractère.

Exactement. Peu importe le type de son, quand tu ramènes ton énergie et qu’elle est bonne, ça prend.

Qu’est ce qui te plait particulièrement, toi, dans ce son trap, dans la noirceur ?

La basse. Franchement, c’est ça qui me retourne la tête. Les slides, le groove, la rythmique que ça amène. C’est ce qui me fait kiffer une prod. Tout doit coller avec la basse. C’est la basse [rires] !

Polydor vient de sortir un album de reprises d’Alain Souchon avec Benjamin Biolay, Juliette Armanet, Philippe Katerine… Pourquoi ils ne t’ont pas invité, selon toi ?

[rires] Parce que je suis encore trop sombre. Ils auraient peur des vulgarités que je pourrais sortir. Mais j’aurais kiffé qu’ils m’appellent ! J’aurais fait un truc sale. J’aurais amené un nuage noir dans leur délire.

Sur “La Nuit”, il y a une vraie direction variété française… mais arrangé façon rap français.

Ce morceau quand je l’ai fait, j’étais bien influencé par la variété. Mon gars sûr, je le dis tout le temps, c’est Alain Souchon, il me motive de ouf. Je me suis dit pas dit que ça me gênerait de faire un son comme ça, instinctivement. J’avais besoin de ressentir le côté dur pour mieux faire ressortir le côté doux. J’aime bien quand y’a les deux énergies. J’aime pas quand ça reste trop monotone.

Tu te vois pousser cette direction ? Sur des collaborations ou en tant qu’auteur ? Ou plutôt revenir sur le beatmaking à un moment ?

Je m’y vois pas encore. Peut-être dans le futur. Mais sur mon deuxième album, je vais essayer de placer des prods. Parce que ça fait un moment que je travaille dessus, ça commence à être prêt. Avant déjà, j’avais des bonnes prods, mais je prenais pas le temps de les finir, tout ça. Avec l’album, j’avais reçu des super prods, ça m’a beaucoup plus parlé que les miennes. Je voulais pas mettre pour mettre. Là, je commence à sentir quelque chose.

Tu taffes sur quoi ?

Fruity Loops. Toi aussi ?

Ça m’arrive.

Trap! C’est trop lourd Fruity Loops. C’est une femme ! [rires]

Tu sais d’où ça vient, Fruity Loops ?

Non. De la techno ?

Ça vient d’un créateur et d’une entreprise belge, en fait. Image-Line, à Gent. Le gars qui a créé ça il faisait des jeux vidéos à la base, ensuite il a fait Fruity Loops. Sans doute ce qui contribue à l‘aspect simple et ludique du programme.

Y’a des fans qui me posent des questions parfois, qui me demandent sur quoi je fais mes instrus. Je leur dit Fruity Loops, puis ils testent, et deux mois après ils me disent qu’ils kiffent. C’est super simple, tu te casses pas trop la tête comme avec Reason. Fruity Loops, c’est instinctif de ouf.

Tu penses qu’on va continuer à avoir des beatmakers si cette simplicité permise par le programme finit par faire en sorte qu’au final, les algorithmes peuvent le faire à la place des beatmakers?

C’est une bonne question. Il existera toujours des prods plus poussées, pensées pour les albums. Je m’y connais pas trop en robot, mais je pense que le côté humain, joué, ça restera. Sur Fruity Loops, si tu joues de la guitare, ça aura jamais le côté acoustique de la réalité. Quand c’est fait naturellement, que c’est pas passé par des plug-ins, tu le ressens. Il y a un morceau qu’on devait mettre dans l’album, qu’on a pas mis à cause d’un sample. Le producteur a essayé de rejouer le sample, et ça le faisait pas autant. Il manquait quelque chose. Parfois, les choses jouées de façon organiques sont meilleures.

Pourquoi “Mula” et “Éliminé” ne sont pas sur l’album ?

En fait, comme les morceaux étaient sortis depuis plus de six mois, je me suis dit que le public connaissait déjà. Alors autant leur offrir des inédits.

C’est marrant, au final c’est presque une réflexion à l’ancienne. Aujourd’hui, quand Drake sort “Views”, il y inclut “Hotline Bling” alors que le morceau a plus de 6 mois, parce qu’il sait que ça va avoir de l’impact sur ses chiffres de streaming. Toi tu as pensé à ton auditeur plutôt qu’à tes chiffres.

J’ai plus réfléchi comme ça qu’en mode stream. Après, peut-être que ça me portera préjudice. Au moins, je voulais offrir quelque chose d’inédit à mes fans, c’est ça la démarche. C’est un cadeau, tu as tout à découvrir sur l’album.

Sur certaines phases assez violentes dans tes morceaux, du type “la chatte à ta pute qui pue” (“JDB”), ou “la curiosité crée des homosexuels” (“Mula”)… Tu ne te dis jamais que ces thèmes sont un peu dépassés en 2017, à l’époque où on vit ?

Franchement ? Je ne me pose pas vraiment de question. Moi-même j’en rigole. Et quand ça me fait rire, je garde. Quand je considère qu’il y a un bon délire, je garde.

Tu ne te censures jamais ? Tu ne ré-écoutes jamais tes phases en te disant “là, j’ai été un peu loin” ?

En fait, je me dis pas que j’ai été trop loin. Je me censure jamais. Des fois, c’est plus une question de construction, pour emmener les gens à comprendre là où je veux en venir. Mais c’est jamais un problème de vulgarité.

Dans “Téléphone”, tu dis “Tu veux plaire au ghetto négro, moi, j’veux plaire à ma mère”. Tu fais vraiment écouter tes sons à ta famille ?

Ma mère elle connaît fort ! Elle sait que je suis cagoulé. Elle peut même m’offrir une cagoule ! Je te jure, ma mère elle est connectée comme jamais. Du coup, les morceaux chantés, c’est parce que je sais aussi qu’elle ou mon petit frère écoutent. Je voulais pas que de la noirceur.

Il y a trois ans, Alain Souchon et Laurent Voulzy ont sorti un album ensemble. Toi, si tu faisais un album à deux avec quelqu’un, ce serait qui ton binôme ?

Moi… sans cagoule. [rires] Franchement, je vois pas qui d’autre que moi-même. J’aime bien taper d’autres voix, c’est un délire que j’aime bien faire. C’est comme si j’avais un featuring.

J’avoue que si je devais faire une comparaison — et j’espère que tu le prendras bien — ta musique me fait parfois penser à Nicki Minaj.

[éclats de rire]

L’intensité dans l’interprétation, la recherche de différents types de voix et d’énergies… Sur le lien d’album qu’on m’avait envoyé en amont, les featuring étaient pas indiqués. Du coup parfois je savais pas vraiment si c’était toi qui posait ou un invité.

Je me suis rendu compte tout seul que j’avais plusieurs voix. En passant d’un morceau à un autre, je voyais que les styles étaient différents. Et je me suis mis à travailler ces délires, à aller fort dans les aigus, dans les graves. J’ai cherché à mettre en valeur ce trait, en faire une force.

Comment tu travailles ta voix, ton intensité d’interprétation ?

Je maîtrise pas vraiment ça, c’est plutôt instinctif. Avec du recul, en voyant ce que j’ai créé, j’essaie de corriger, et de m’auto-copier. C’est comme ça que j’apprend à me maîtriser. Je fais un truc, je m’écoute, je m’inspire de moi-même, et je m’en sers pour d’autres morceaux.

Est-ce que t’en as pas marre des questions de journalistes qui te comparent à Kalash Criminel ou qui cherchent absolument à te mettre sous l’aile de Booba ?

Non. Ça fait partie du truc. Chacun apporte son énergie. Être comparé, le public veut ça aussi. Les journalistes doivent soulever ces questions, ça me saoule pas. C’est à chacun de montrer sa différence. Être sous l’aile de Booba… c’est normal. Je faisais 60 000, 80 000 vues avant de signer sur son label. Le mec a cru en moi, il m’a poussé sous la lumière. Il me conseille… C’est normal. Il faut savoir respecter les grands frères, ceux qui te donnent de l’aide.

Est-ce qu’il a été impliqué dans l’album, en prodiguant des conseils ?

Oui. Sur “Al Pacino”, par exemple, j’avais fait un yaourt sur l’instru, et Kopp m’avait dit “ce morceau faut que tu le termines”. Et je l’ai fait et c’est un bon morceau. Il a écouté, direct, et il a senti qu’il y avait quelque chose. J’écoute ses conseils, comme un petit dans la cité qui écoute un grand.

C’était en février que Kanye West dévoilait la 5ème mouture de sa collection YEEZY SEASON et si un lookbook avait déjà été vu sur la toile, le rappeur de Chicago dévoile maintenant chaque pièce de la collection individuellement. On a fait une sélection des meilleurs articles parmi la centaine disponible avec Duck Boots, pièces Calabasas et Lost Hill.

Il y a quelques jours, le Quai 54 annonçait son retour les 8 et 9 juillet sur les Pelouses de Reuilly. Après une années d’absence, le Quai 54 revient avec une nouvelle formule et l’équipe YARD La Relève, championne de ce tournoi mondial de streetbasket est elle aussi de retour pour remettre son titre en jeu.

Encadrée cette année par Thomas Larrouquis et Zaynoul Bah, la team a subi quelques modifications et réunira l’effectif suivant :

Andrew Albicy (Swaggy Drew) Meneur du MoraBanc Andorra (Liga ACB)
Aokiji Laye (Loum) interieur a l’Elan Châlon (Pro A)
Bryan Pamba (Bee), meneur à Lille métropole (pro B)
Fernando Raposo (The Wall), intérieur à Gravelines Dunkerque (Pro A)
Johan Passave Ducteil (Duczer) intérieur à la JDA Dijon (Pro A)
Lahaou Konate (TNT), aillier à Nanterre (Pro A)
Rémi Barry (RB) (Japon)

et fraîchement débarqué d’Orlando (NBA), Evan Fournier (More Champ).

 

 

On vous attend les 8 et 9 juillet pour venir les soutenir.

INFOS

 

 

Il est 10h35 quand nous arrivons 10 rue Boucher dans le premier arrondissement de Paris. Si à cette heure la rue est généralement déserte, ça n’était certainement pas le cas aujourd’hui, à l’ouverture du pop-up store Louis Vuitton x Supreme. La collaboration entre la marque de luxe et le géant du streetwear a tenu toutes ses promesses en matière de hype, avec des campeurs présents la veille à 13h pour une ouverture du store à 11h le lendemain. Pour entrer, il y avait deux files d’attente. Une devant le store, pour ceux présents depuis la veille et une autre, quelques mètres plus loin. Une heure après l’ouverture du pop-up, les personnes de la deuxième file d’attente se voient annoncer une mauvaise nouvelle: ils ne pourront pas entrer aujourd’hui, mais un numéro sera attribué à chacun pour un accès en priorité le lendemain. Aucune déception pour les fans de la marque, ils s’y attendaient: « l’important c’est que je choppe mon hoodie, » déclare l’un d’entre-eux, « aujourd’hui ou demain, c’est pareil. » Louis Vuitton x Supreme a longtemps été un fantasme qui se transforme aujourd’hui en réalité, pour une collaboration historique entre luxe et streetwear. 


Larry (38 ans) : « Aujourd’hui je suis venu chercher la jacket Supreme en cuir, un hoodie, une casquette, des lunettes et un porte-cartes. Moi je suis là pour resell, j’te le cache pas, mais j’suis là pour le fun aussi j’ai porté la veste et les lunettes pour un peu golri. On a commencé hier vers 13h30 et il y avait déjà du monde. Dès que j’ai posé ma chaise, tout les gens sont arrivés, le bouche à oreilles va très vite. Je pense que c’est une collab qui restera gravée dans la mode et dans le streetwear, c’est deux cultures qui entrent en symbiose. C’est très positif que le luxe s’intéresse au streetwear. »


 


Max (13 ans) : « Je suis arrivé des États-Unis hier, spécialement pour cette collection. Je compte acheter le hoodie et le t-shirt box logo, et c’est pour les garder, je ne fais pas de resell. Je pense que cette collab est très intelligente mais j’aurais aimé que les prix soient moins chers. On est plus dans du Louis Vuitton que du Supreme. »


 


Kanasya (19 ans) : « Je viens d’Indonésie mais je ne suis pas venue spécialement pour le pop-up, j’étudie ici. Je veux acheter un sac de voyage et j’espère aussi avoir une coque de téléphone mais je pense pas que ça va être faisable. Je trouve la collection super cool et c’est la deuxième fois que j’essaie aujourd’hui. Je fait la première queue depuis 8h ce matin mais personne ne m’a dit qu’il y en avait une autre dans laquelle il fallait que j’attende. »


 


Arvel (20 ans) : « J’ai acheté un portefeuille Louis Vuitton x Supreme noir. C’est le seul truc que j’ai pu avoir parce qu’il ne restait pas grand chose, il n’y avait même plus de rouge. J’ai fait une nuit blanche, je suis arrivé ici à 6h et c’était déjà blindé. Je suis rentré dans le store à 12h donc 6h d’attente. Mais la collection m’a fait kiffé donc j’ai pas hésité. »


 

Photo : @75streetstyle

Oscillant entre musique et mode, Skepta dévoilait le lookbook de sa nouvelle marque Mains. Aujourd’hui, l’une des voix les plus connues de la scène Grime londonienne partage sur Soundclound un nouveau son nommé « Hypocrisy », dans lequel il tacle les trolls qui le critiquent : « They try to disrespect me, when they online especially. » Vous pouvez écouter « Hypocrisy », produit par Skepta lui-même, juste en dessous.

Ça faisait un bon bout de temps qu’on avait pas entendu parler de Tyler The Creator. Mais récemment, il dévoilait le trailer de sa nouvelle émission « Nuts + Bolt », dans laquelle il montre comment toutes les choses qu’il trouve « géniales » sont faites. En ce qui concerne sa carrière musicale, Tyler vient de sortir un clip avec ASAP Rocky pour le son nommé « Who Dat Boy ». Dedans, vous pourrez voir Tyler se faire exploser le visage et ASAP Rocky lui faire de la chirurgie, normal.

 

C’est le photographe du blog Paris Street Style qui a été aujourd’hui à l’ouverture du pop-up store parisien Louis Vuitton x Supreme. Au programme: du Supreme et du Louis Vuitton bien évidemment, mais aussi beaucoup de patience pour les plus déterminés, présents depuis 6h ce matin.

 

Instagram: @75streetstyle

La collection entre Louis Vuitton et Supreme a fait beaucoup de bruit après avoir été dévoilée lors du défilé automne hiver 2017 de la maison française. C’est sur l’instagram de Louis Vuitton que l’adresse du pop-up store, dans lequel vous pourrez retrouver et acheter toutes les pièces (si votre porte-monnaie vous le permet), a été dévoilée. Ce store éphémère ouvrira du 30 juin au 31 juillet, de 11h à 17h, du lundi au samedi. Vous trouverez l’adresse juste en dessous. Ça sent le campement et le resell à plein nez.

Louis Vuitton x Supreme Pop-Up Store
10 rue Boucher
75001 Paris

1 producteur, 3 villes, 12 MC’s, 1 mixtape, 1 concert

En collaboration avec YARD et Free Your Funk, le Red Bull Music Academy Festival Paris réunit sur scène et sur mixtape le producteur américain The Alchemist et la fine fleur du rap franco-belge.

Au cours de l’été, les MC’s belges Caballero et JeanJass, Cool Connexion, le duo de rap parisien formé par Jazzy Bazz et Esso, DEEN BURBIGO de l’Entourage, Heskis du collectif 5 Majeur, Lomepal, un autre MC parisien habitué du Paris-Bruxelles, le rappeur montreuillois Prince Waly, le rappeur-producteur 3010 et son collectif Eddie Hyde viendront, entre autres, poser au Red Bull Studios Paris sur des instrumentaux originaux produits par The Alchemist à partir de samples dénichés sur des disques français chinés par le beatmaker californien dans les disquaires de la capitale.

Réunis sur scène, ils interpréteront le contenu de cette mixtape exclusive, dévoilée le 27 septembre, lors d’un concert unique au Trabendo.

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C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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Instagram : @alextrescool

« Et dire que tout a commencé dans le désert d’Atacama au Chili, sur un vélo en écoutant du Mobb Deep ! ». L’anecdote est glissée après la fermeture du dictaphone, en fin d’interview. Un air trop romanesque pour être oubliée. Avant de devenir l’acronyme d’ »Architecture vestimentaire et ornement corporel », Avoc se voulait d’abord un clin d’œil à Havoc, le rappeur. En anglais, le mot dit aussi le chaos. « C’est comme ça qu’on vit, comme ça qu’on a commencé ». Chez Bastien Laurent et Laura Do, le bordel est intense et radieux, épuisant et sublime. « Un chaos bien maquillé ».


Photos : @Kiroubel

Le studio d’Avoc se cache dans les hauteurs de La Rotonde, celle de Stalingrad, mais plus pour très longtemps. Fin juillet, la petite équipe – essentiellement composée de Bastien Laurent, Laura Do et d’une directrice de collection – devra trouver refuge ailleurs. Chez Avoc, le système débrouille est une vieille habitude. « Personne ne vit ce qu’on vit. C’est impossible. Ce qu’on réussit à faire là, c’est absurde, ce n’est pas cohérent, c’est pas normal, c’est extra-ordinaire ». Peu de bras, de moyens et de ressources, pour trop de tout. « Défiler aujourd’hui au calendrier officiel, avec la taille et la structure qu’on a, c’est comme une équipe de National qui jouerait en Ligue des Champions ». Avec son vécu et son parcours un peu de traviole, le duo de créateurs ne rentre pas dans le rang. C’était pas écrit.

Bastien descend d’Aulnay-sous-Bois. Rejeton de ZEP propulsé à Sciences Po grâce au programme de discrimination positive de l’école. Un genre de salut tombé comme ça. « Je ne serais probablement pas en train de faire des fringues si je n’étais pas passé par cette case-là ». Son truc, c’est l’image. Après l’école, il fait de la DA, pour le magazine Snatch puis des agences de créa, comme Wieden+Kennedy, à Amsterdam.

La moitié féminine d’Avoc a grandi en Afrique, jusqu’à l’âge de dix ans. En France, elle étudiera l’architecture d’intérieur avant d’intégrer l’agence Attilalou, auprès de Mathias Kiss. Six ans, puis finalement les cours du soir de l’ESMOD et une marque de mode à son nom, des robes sur-mesure qui emballent et obsèdent Bastien. « Limite, j’aurais voulu être une meuf trente minutes pour porter ses robes ».

Entre les deux, c’est évident. Deux univers qui s’entrechoquent puis s’entremêlent, l’un plus street, l’autre plus référencé. Pendant six mois, chaque soir, à Amsterdam, Laura forme Bastien au modélisme, lui apprend tout un tas de techniques pour fabriquer le vêtement. Le projet mûrit, prend forme, et bientôt vie. Le tandem rentre à Paris et accouche d’Avoc, en 2013.

« Ce qu’on veut, c’est produire de la culture ». Bastien et Laura parlent de mise en scène, d’atmosphère, de réflexion, plus que de consommation. Leur mode se donne à voir, elle se vit. Chaque collection ouvre un chapitre, et déroule un micro-thème. Une histoire et des pensées très personnelles, qui leur appartiennent. Printemps-été 2015. L’imprimé verre brisé, l’univers, l’enclos, la folie, la détresse et les larmes mis en image, c’était pour ce pote de Bastien, « qui était à ça d’aller en prison ». Le propos est souvent social, documenté et piquant. Faut que ça grince, que ça interpelle. Pour son premier défilé masculin officiel, en janvier 2016, Avoc enfile sur les têtes des masques de Trump, El Chapo, Poutine ou Dark Vador. « Les plus gros pirates contemporains de la planète ». Ce jour-là, parmi les hommes, on dissimule des silhouettes de femmes. Les vêtements Avoc s’adressent à lui, comme à elle. La marque ne nie pas le genre, elle le transcende. Un sexy sans froufrous ni robes fluides.

« Si je dois vraiment résumer ce qu’on fait, ça serait du streetwear 3.0 ». Un urbain vrai, sincère, pointu et léché. Celui d’une génération bouillante, libre et décomplexée. « On est absolument pas dans le fantasme de la rue, on est plus dans l’élévation ». Inspirée du film Rize de David LaChapelle, la vidéo « Avoc is Clowning » sublime la banlieue molle, avec ses rues vides et ses séries de petites maisons clonées. Elle n’exploite pas le ghetto brut comme un accessoire à la mode, façon de s’encanailler. Ichon, qui figure dans le clip, signe aussi la bande-son, avec Myth Syzer. Le rappeur est une muse qui ne dit pas son nom, un pote, un ambassadeur. Il est peut-être le seul artiste, à porter, exposer et incarner la marque. Avoc ne chasse pas les starlettes. « J’enverrai jamais un carton à un mec que je connais pas », commente Bastien. « Ca sert à rien. Il faut qu’il y ait une connexion, une interaction avec la personne ».

Les silhouettes Avoc sont nettes et épurées, rigoureuses et structurées, précises et architecturées. Laura voit le vêtement comme une « petite maison pour le corps ». Avoc se porte au bureau comme à la ville, un peu partout, sur le dos de tout le monde. Si la construction est conceptuelle, le vêtement, lui, est universel. « Chacun prend ce qu’il a à prendre. Par exemple, il y a des petits de 17 ans qui vont venir acheter une pièce en comptant leurs billets de 10, et qui s’en foutent du pourquoi du comment, comme il y a des gens qui sentent et comprennent la philosophie qu’il y a derrière ». On nous dit qu’Avoc est une idée, qu’elle ne peut pas mourir. Demain, peut-être, elle s’interprètera différemment.

Avec ses vestes utilitaires, ses pantalons à plis marqués, ses empiècements contrastants et ses grandes poches plaquées, la dernière collection explore le thème des affaires. Plus encore, elle questionne le futur d’Avoc. « Faisons-nous du business ? Oui. Faisons-nous du vrai business ? Pas encore ». La griffe se déploie à son rythme, doux et maîtrisé. Distribuée en France, au Japon ou en ligne, mais « à des années lumière de pouvoir ouvrir une boutique physique », elle prend ses quartiers tous les deux mois dans un pop-up store, une jolie galerie de 80m2, à la Fondation Brownstone. Les pièces sont développées en trop petites séries pour être produites ailleurs, en Europe. Etiquetées Made in France, sans en faire un combat. « Je te ferai pas un discours Le Slip Français », se marre Bastien, « C’est pas nous qui allons sauver l’industrie textile française de toute façon ». L’énergie dépensée ne rapporte aujourd’hui pas gros. « Mais ça vaut le coup. Quoi qu’il arrive on lâchera pas ». Avoc figure parmi les trois finalistes du prix de l’Andam 2017, dans la catégorie Label Créatif. La nomination titille l’espoir. Au-delà de la dotation de 100 000€, l’Andam épaule, soutient et accompagne le lauréat, pendant 1 an. « Et nous, on a besoin de ça ».

Parti de rien, Avoc écrit une belle histoire, façon fable urbaine. Pour s’auto-financer, au départ, Bastien et Laura concevaient des décors, pour d’autres défilés. L’ »Atelier Avoc » était alors pluri-disciplinaire. Les créateurs ont aujourd’hui déconnecté l’activité scénographie du reste, pour plus de clarté. L’agence complète la marque. Elle s’appelle Prodigy.

Skepta, boss du label Boy Better Know qui compte notamment Drake dans ses rangs, vient de dévoiler un lookbook pour la première collection de sa marque nommée Mains. Au programme: survêtements olive et roue arrière sur le périph de Marrakech.

Cette année, pour la Fête de la Musique, Uniqlo a décidé d’organiser une grande soirée dans son magasin du Marais. Avec les instruments en acoustique du band The Hop, May Hi et Gracy Hopkins ont fait danser les spectateurs venus pour l’évènement mais également les clients surpris par la musique. En plus de ces performances live, les DJs, Colorboyz et La Capelance, ont joué des sets rythmés qui ont fait monter la température du public.

Instagram : @ixeurban

Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Pepper mixe depuis seulement 2 ans et il a déjà réussi à inscrire son nom sur les line-ups des lieux les plus pointus de la capitale. Le jeune dj (mais pas que) apprend vite mais toujours avec l’humilité de prendre son temps. Créatif par essence, entre Grande Ville, la sape et Danube, il nous donne sa version de la jeunesse et nous transporte à travers son Paris.

 

Tu as grandi où?
Je suis né sur Toulouse et je suis arrivé à un ou deux ans à Paris. Après je passais mes étés à Toulouse. J’ai grandi dans le 19, j’suis un gars de Danube, Oxmo, Wati B tout ça. J’ai habité à Château Rouge, dans le 10ème aussi, c’est marrant parce que ce sont des endroits où je traîne maintenant.

 

Comment est-ce que t’as commencé la musique?
J’ai commencé à mixer il y a deux ans, dans des petits bars comme le Jeune ou l’Isolé à Pigalle. La première ouverture que j’ai eu c’est le Pompon, à Opéra. En terme de visibilité c’est hyper fat. Avec les périodes de fashion week, ça allait quand même assez vite, le bouche à oreilles a pas mal aidé aussi. À un moment il y a eu un truc pour Jordan, Michael Jordan est venu à Paris, il est passé au Pompon et je mixais ce soir là. C’est pleins de petits événements qui ont fait que…

 

Il y a des personnes qui t’ont aidé dans le milieu?
Il y a des gars qui sont là pour moi et qui me poussent, comme par exemple le gars de Pain O Chokolat, Charaf. Il y a des gens qui sentent que t’as la dalle et qui te donnent l’exposition dont tu as besoin. Il y a aussi des gens qui font partie de structures comme par exemple les mecs de Yard. Il n’y a pas de meilleur endroit l’été quand tu sais mixer pour avoir de l’exposition.
La Yard j’ai eu la chance d’y mixer l’été dernier plusieurs fois avec un format que je kiffais mais c’était pas forcément la musique que je préférais jouer. Moi j’aime bien varier les plaisirs avec du dancehall, afrobeat, hip-hop à l’ancienne, et forcément de la trap. Du coup, j’ai kiffé le format de La Machine cet hiver, dans la salle du bas, avec les femmes tout ça. Ca s’est bien passé et là j’ai joué pour l’opening de cet été donc c’est bien, parce que ça prouve qu’ils donnent une chance aux jeunes dj qui n’ont pas 10 ans de carrière mais qui ont la passion et l’envie. Tu vois moi j’ai un taf à côté et pourtant j’ai ce truc qui me permet de vivre comme un jeune de mon âge.
Là il y a deux semaines je suis parti à Berlin donc j’ai eu la chance de jouer dans un club là-bas, au Saint-Georges, grâce à un gars hyper validé que j’ai rencontré dans un bar et qui connaissait le groupe dont je fais partie, Grande Ville. C’était lourd mais le hip hop c’est pas comme ici. C’est comme chez nous il y a 5 ans quand il y avait que des soirées électro avec la French Touch. Quand il n’y avait que le Gibus pour le hip-hop. Maintenant même les meufs elles écoutent de la trap [rires].

 


“Il y a des gens qui donnent leur chance aux jeunes dj qui n’ont pas 10 ans de carrière et qui sentent qu’ils ont la passion et l’envie. Tu vois moi j’ai un taff à côté et pourtant j’ai ce truc qui me permet de vivre comme un jeune de mon âge.”


 

Tu parlais d’afrobeat et de différentes sonorités toute à l’heure, comment tes origines influencent ta musique?
Moi j’suis congolais et j’ai grandi avec la rumba congolaise, les Papa Wemba, Koffi Olomidé, etc… Et là on arrive dans une ère où toutes ces sonorités qui ont longtemps germé, on les entend dans des sons de Drake, qui collabore avec Wizkid par exemple. C’est bien d’un côté et d’un autre t’as envie de lui dire “Mec ça fait 20 ans que j’écoute cette musique là…”. Et puis t’as un gars comme Ed Sheeran qui va surfer aussi sur la vibe tropicale. Bon après no offense, chacun fait ce qu’il veut. Mais sinon cette vibe là c’est même pas que je l’adore, je l’ai dans le sang. C’est cool de voir que ça a son exposition, parce qu’en Afrique la musique c‘est vraiment un état d’esprit.

 

Donc t’as commencé la musique il y a deux ans?
En fait, à la base j’ai commencé avec la musique parce que j’ai fréquenté des gars qui faisaient des vidéos, des clips, des prods,… Quand t’es pote avec autant de gens qui sont créatifs, ils déteignent sur toi et tu te dis que ça te plait… Pendant un moment je cherchais ma place et je me demandais comment les aider et c’est comme ça que j’ai découvert ce que je kiffais, ce truc de passer de la musique. Là je suis à un stade, j’y vais petit à petit, je fréquente des gars qui font des prods et je me dis pourquoi pas.
C’est marrant j’ai toujours eu cette espèce de fibre artistique. J’ai intégré les origines et les influences africaines de mes parents mais aussi tout ce que je voyais à la télé donc toute cette Amérique, et ça se voit dans l’afrotrap, en fait c’est naturel, ce sont les enfants qui sont nés ici et qui combinent leurs origines avec ce qu’ils vivent. Tu sais j’étais à Berlin et je vois un mariage turc, j’entends de l’afrotrap et quand je tends l’oreille, j’entends MHD mec! A Berlin dans un mariage turc! Bon après là-bas ils sont grave réceptifs au rap français.

 

Du coup tu fais des prods, t’essayes des nouvelles choses?
Ben non, si tu veux je suis super humble par rapport à tout ce truc du djing, ça va vite, donc je veux prendre mon temps et pas me prétendre producteur. 2 ans c’est super jeune encore, et j’ai beaucoup de chance d’avoir tourné dans beaucoup de clubs déjà.
C’est vrai que ce serait cool que j’amène mon truc perso. Mais chaque chose en son temps, 2 ans c‘est jeune de ouf et même s’il faut prendre des risques, il faut le faire intelligemment. J’ai une deadline dans la tête et je sais qu’à la rentrée je vais m’y mettre, j’ai des potes qui me poussent comme J. Whoo qui produit de la funk et qui a même lancé un projet, Motel Music, après avoir traversé les States pendant un mois avec d’autres membres de Grande Ville.

 

Comment t’arrives à être créatif quand tu prépares un dj set, ou sur le moment, qu’est ce qui t’inspires?
Qu’est ce qui m’inspire… Ben j’ai 27 ans et j’ai pris beaucoup de vibes qu’on a un peu de mal à assumer, quand t’as 13-15 ans, toute cette vibe R&B. Si tu me vois un mercredi soir au Jeune, tu verras que j’adore passer de la musique qui a été samplée avec l’originale. Mais j’essaye au maximum de varier les plaisirs et de m’adapter au lieu dans lequel je me trouve, les gens il faut qu’ils comprennent que je raconte quelque chose. J’essaye aussi de faire des intros ou des rappels, que le set ne soit pas trop linéaire, ou ennuyeux mais même s’il y a ce truc qui veut que tu passes tes sons, il faut que ça parte dans tous les sens des fois et c’est ce que le hip hop permet de faire.
Quand j’ai commencé à apprendre, moi c’est Poivre et donc celui qui m’a appris beaucoup de choses c’est Sel. Lui il a une formation electro, deep house et donc ses sets sont hyper calés, j’respecte à fond, mais c’est un peu linéaire, un peu boring. C’est hyper facile à mixer alors que le hip hop ça part dans tous les sens.
Aussi, il y a beaucoup de feeling, je regarde beaucoup les gens et surtout les femmes. C’est mon leitmotiv. Un bon dj il a compris que c’est super important de faire danser les femmes, que ta musique elle soit light ou hardcore, les mecs vont suivre. Après ça dépend, soit tu fais un set des plus kaïra du monde, tu fais kiffer tes potes, soit tu veux vraiment que les gens se souviennent de ta soirée et qu’ils reviennent alors tu fais danser tout le monde. Après si t’arrives à faire danser les meufs sur des musiques trap ou un peu plus girly, les gars aussi ils vont danser et ils vont kiffer. Peu importe où tu mixes, même sur les Champs tu peux mixer de la trap, c’est juste la manière dont tu l’amènes. J’ai toujours une playlist de prête et après je m’adapte aux gens. Le public c’est la base. Si j’ai personne en face de oim je ne vais nulle part.

 


“Je ne fais pas encore de prods, je suis hyper humble par rapport à tout ce truc du djing. Chaque chose en son temps, même s’il faut prendre des risques, il faut le faire intelligemment.”


 

Tu m’as parlé de Grande Ville, c’est quoi ton rôle au sein de Grande Ville?
Bon là je suis devenu plus ou moins officiellement le dj de Grande Ville. On prépare une grosse soirée et donc là je suis sur ça aussi. Après je donne un coup de main sur quelques clips, je donne des conseils, des coups de pouce à mon pote Jazzy Bazz, même sur la sape, ou pour contacter quelques marques. Si tu lui demandes il va dire que je suis son styliste mais je me prétends pas du tout styliste (rires). Comme je connais quelques personnes chez Nike ou Converse j’ai réussi à les mettre en contact avec lui et d’ailleurs mes potes m’appellent le “plug” à cause de ça ahah!

 

Tu m’as parlé de pleins d’endroits et de gens que je connais, on a tendance à dire que Paris c’est un petit village, qu’est ce que t’en penses?
Ben je pense que ça a plusieurs avantages parce qu’en connaissant les bonnes personnes, j’ai réussi à entrer dans des lieux super pointus. Et moi dans ma logique, j’ai envie qu’il y ait pleins de gars comme oim sur Paris. Donc dès que je suis en soirée et que je vois que le dj est bon, je prends son contact et je le relaie au niveau de plus grosses structures. C’est arrivé avec Yard il y a quelques jours d’ailleurs.
Les gens qui se plaignent que Paris c’est un village, ils ne font rien pour que ça change, ils ne restent qu’entre eux, toujours aux mêmes endroits. Tu vas croiser les mêmes personnes mais au final tu les connais pas, tu fais rien de plus pour connecter et faire un gros truc avec eux.
Nous c’est comme ça que ça a commencé avec Grande Ville. On s’est posé chez Ivan (Jazzy Bazz), on était 20 gars et on s’est dit bon maintenant toi qu’est ce qu’on peut faire? Toi tu fais des vidéos, toi tu peux tenir un blog, toi des photos… Mais avant on s’est dit qu’il fallait qu’on se connaisse et voilà maintenant c’est mes meilleurs potes et tout le monde se donne de la force. Et comme à Paris tout le monde se connaît, ça marche assez bien.
J’ai des potes qui font la Cigale ou le Zénith, et quand tu te retrouves sur la scène devant des milliers de personnes qui sont en train de crier, tu ne peux pas décrire cette sensation là. Je suis parti à New York il y a deux ans, Ivan enregistrait son album à cette époque et il m’a dit de venir, ensuite il avait une date à Montréal, il m’a dit de venir et de mixer pour lui et c’est toujours comme ça. Quand t’es avec tes gars et que tu perces tout seul t’as aucun plaisir, donc tout le monde monte ensemble. Ce principe je l’applique à un cercle un peu plus élargi c’est tout.
Ça dépend vraiment de ta définition de village, Paris c’est mon village mais il y a des millions de personnes et je ne connais pas tout le monde. Moi j’adore les rencontres que je fais la nuit, il y a un côté obscur certes, mais j’kiffe quand à la fin de mon set la personne elle est ivre et elle vient te faire un hug, et au final tu te dis que la journée elle a des problèmes et le soir elle est là pour se défouler et tu la fais kiffer. C’est le retour que tu as en dehors de l’aspect financier, et il est vraiment cool.

 


“Les gens qui se plaignent que Paris c’est un village, ils ne font rien pour que ça change. Tu vas croiser les mêmes personnes aux mêmes endroits mais au final tu ne les connais pas, tu ne fais rien de plus pour connecter et faire un gros truc avec eux.”


 

Et sinon, c’est quoi les projets à venir?
Voyager plus. À titre personnel, t’as toujours envie de voyager pour revenir chez toi plus fort. J’ai envie de vivre, d’aller à Londres, à LA. Dans tous les lieux où je vais je me débrouille pour piocher de la musique et c’est comme ça que t’amasses une vraie base, quand tu vas en soirée pour écouter des sets. D’ailleurs je vais à Copenhague bientôt pour le festival Distortion. On m’a parlé d’un club qui passe que de la disco et j’ai envie de me prendre cette vibe!
Je vais essayer aussi de pousser un peu la sape, quand je donne des conseils à mes potes tout ça, c’est un truc que je kiffe donc pourquoi pas. Je verrais bien où ça me mènera. Avant je me prenais grave la tête mais plus maintenant. En France, t’as pas cette culture de l’entertainment. Ici ce qui compte c’est le collège, le lycée, le BAC, l’école de commerce et le Bac +5. Maintenant j’ai des potes ils ont tout ça et on leur propose des tafs de stockists sur les Champs, mais c’est pas ça la vie qu’on veut. Nous on a entre 25 et 30 ans et on a ce modèle états-uniens où tu fais tes preuves et les mecs te donnent ta chance. Ici on dirait qu’il faut avoir 40 ans pour être validé auprès de la société.
Avant j’étais dans ce modèle là mais j’ai changé pour avoir mon propre style de vie parce que c’est pas cette vie là qu’on veut. Taffer en 35h, payer tes impôts, ta taxe d’habitation, à la fin t’as même plus de quoi te payer un resto. Alors qu’en vrai tu veux juste vivre normalement, tu veux juste kiffer. Ca m’a pris du temps pour comprendre. Quand t’as un salaire correct, mais t’es pas un baller à Paris, quand t’es middle, ben en fait c’est super dur, t’as le couteau sous la gorge. T’as un job safe mais t’as ni le temps ni les thunes de kiffer à côté. Là ce qui me manque c’est même pas les thunes, c’est le temps.

 


“Taffer en 35h, payer tes impôts, ta taxe d’habitation, à la fin t’as même plus de quoi te payer un resto..  Moi j’ai changé mon style de vie parce que c’est pas cette vie là qu’on veut.”


 

Du coup qu’est ce que tu vas faire cet été?
Je vais voyager un peu. J’ai fait une rencontre à la boutique Carhartt, un couple de new yorkais, je sais qu’ils sont très réseau là-bas, et il se passe que ça match. Après j’apprends qu’il mixe, moi je mixais au Pompon et je lui ai dit de venir, il me dit qu’il mixe depuis longtemps je sais pas ce qu’il donne mais on verra il y a pas de soucis. Je l’ai fait rider dans Paris et après il me dit de venir à New York. Il organise une Pool Summer Party et il m’a invité. C’est ça qu’il manque à Paname, il faut juste se donner les moyens!
Je lisais un truc qui disait que les meilleurs choses qui peuvent t’arriver dans la vie, c’est toi qui les empêches de se produire. T’es ton meilleur ami et t’es ton pire adversaire. Il y a pleins de mecs qui ont du talent autour de nous mais qui n’osent pas prendre ce risque.

 

Dernière question, t’as quel âge?
27 ans, ça passe super vite en fait.

 

Instagram : @hasael_julane

Photo header : Bilal Hadjeb

La névrose a fini par atteindre durablement le rap. À la fin des années 2000, Kanye, Drake et Kid Cudi, entre autres, ont transformé cette musique flamboyante et rythmée en rengaine introspective et mélancolique. En France, PNL a poussé cette philosophie encore plus loin, faisant de leur quotidien de bicraveurs en bas des tours une superbe fresque dédiée aux aléas de l’expérience humaine. Dernièrement, le duo LUTECE a opéré l’étape finale de ce processus : sur Lapse, leur premier EP sorti l’automne dernier, ils débarrassent définitivement le rap de son contenu revendicatif ou provocateur, pour faire une musique purement contemplative, tournée vers l’expression des remous de l’âme. Une démarche pas si éloignée de l’épopée rock indé, de Joy Division à Nirvana. Rencontre et portrait ci-dessous.

Photos : BOGUS

 


Marty : “On m’a longtemps forcé à faire des trucs que j’avais pas envie de faire. […] Je pars du principe que si je ne fais pas de la musique, ma vie est terminée. C’est terminé de kiffer. C’est mon dernier échappatoire pour pas avoir une vie banale, premier degré.”


 

LUTĒCE naît d’un refus : “On m’a longtemps forcé à faire des trucs que j’avais pas envie de faire. J’ai bossé dans les ventes aux enchères, dans l’immobilier, dans les assurances…” me confie Marty, l’un des deux emcees du groupe lorsque je les rencontre, le lendemain de leur première date à Paris.

Je pars du principe que si je fais pas ça, ma vie est terminée. C’est terminé de kiffer. C’est mon dernier échappatoire pour pas avoir une vie de mec premier D”. 1er D : une expression qui reviendra sur la table tout au long de notre conversation. “C’est une expression qu’on utilise à peu près cinquante fois par jour. Faut surtout pas tomber là-dedans”, explique Marty. “Dans la vie on est obligés”, complète Ian Vandooren, l’autre moitié de LUTĒCE et également beatmaker du groupe. “Mais dans la musique, il ne faut jamais”.

Ok. Mais qu’est ce que vous appelez ‘1er D.’? Marty se lance : “Par exemple, pour nous, le mec qui se lève à huit heures pour aller au travail et qui rentre à 19h retrouver sa femme, c’est 1er D. Mais c’est du premier D obligatoire si tu veux vivre un petit peu.

“Dans la musique, ça existe aussi par analogie. Si tu dis dans une chanson : ‘J’me lève, j’suis pas bien etc… Ça c’est ultra-premier D. Du coup, on essaie de passer par un filtre un peu plus vaporeux.”, constate Ian.

 


Ian : Quand on a commencé le rap, on a dû se trouver une singularité. Et je pense qu’on a trouvé une inspiration presque sans fond dans l’expression de quelque chose d’intérieur.”


 

LUTĒCE naît d’un refus. Il y a cette impression avec eux d’une ligne directrice claire, fondée d’abord sur le rejet des codes habituels du hip hop.“On n’est pas dans le délire d’écrire en mode : ‘on est crédibles’ ou ‘on est trop déter’. On ne peut tout simplement pas faire ça.”, me confesse Ian.“Par exemple, dire ‘nique sa mère’ dans une chanson, pour nous c’est tout simplement impossible” complète Marty. Le hip hop en 2017 réserve bien des surprises.

Quand ils débarquent l’automne dernier avec le visuel de “Sans Elan”, on découvre une imagerie plus proche d’un éventuel clip de folk/metal que d’une vidéo de rap. Tourné entre forêts et décors médiévaux délabrés, les deux emcees s’y mettaient en scène dans un état d’épuisement et de passivité, répétant inlassablement un mantra contre-productif : “J’fuis la scène”.

Le duo y semble en proie à des forces surnaturelles : “J’regarde le ciel, j’vois des ombres”. Alors qu’une figure féminine est restée à l’arrière (“Elle sèche ses larmes en tisant”), Ian hésite entre se jeter à la poursuite des assaillants (“J’vois du sens quand j’les vise/Trouve du sang quand j’les piste”) et résignation (“J’crois que j’dois rentrer maintenant”).

Qui sont ces gens? Les Lyonnais y exposaient en tout cas un univers à la portée poétique certaine. Comme PNL avant eux, LUTĒCE débarquait avec des partis-pris artistiques forts, donnant l’impression d’être le fruit de longues heures de conversation et d’une véritable stratégie marketing.

Marty :On l’a pas fait en amont, mais c’est plus ou moins ça en fait.

Ian :Quand on a commencé le rap, on a dû se trouver une singularité. Et je pense qu’on a trouvé une inspiration presque sans fond dans l’expression de quelque chose d’intérieur.”
L’expression “sans fond” utilisée ici est révélatrice. Elle peut être comprise dans les deux sens : à la fois infinie mais aussi sans fondements.

LUTĒCE n’est peut-être pas aussi déprimé dans la vie que dans sa musique, mais les Lyonnais ont trouvé dans l’abattement et la résignation des thématiques inépuisables ; ils s’amusent à tournoyer autour d’elles à l’infini.

 


Ian Vandooren : “Marty est beaucoup plus dans l’énergie. Moi j’ai une présence plus nonchalante, sombre, mélodique. LUTĒCE, c’est le croisement de ces deux univers.”


 

Lapse EP nous en disait un peu plus sur l’univers artistique de la formation. Le champ lexical de la dépression y était décliné sur tous les tons.

L’abandon, la solitude : “Y a personne qui m’attend” / “Le ciel était sombre et froid

La paranoïa : “J’veux juste pas qu’ils me retrouvent.

La claustrophobie : “C’est sûrement le manque d’air faut que je respire”

L’hallucination : “Quand j’ouvre les yeux, j’vois rien de réel.

A l’image de l’épopée rock indé, du post-punk jusqu’au grunge et au shoegaze, la résignation de LUTĒCE peut prendre la forme d’une passivité absolue, comme sur “Sans Elan”, ou d’un sursaut de douleur. Sur “BPM”, deuxième single de l’album, Marty s’évertue à gueuler “J’ressens plus les battements” comme s’il était en proie à des convulsions d’agonie.

Tout au long de l’EP, il s’y imposait d’ailleurs à la fois comme le frontman du duo, avec un timbre de voix plus accrocheur, mais aussi comme le MC le plus traditionnel, versant davantage dans la phase et dans la punchline que son collègue. Ian, en retrait, semblait gribouiller des arabesques sonores ; une présence étrange et perturbante, presque anti-rap, qu’il décrit lui même comme “sombre, nonchalante et mélodique”.

 

 

Troisième larron non-officiel du groupe, King Doudou co-produit les cinq tracks de Lapse EP.

Producteur de musique électronique ayant fait ses armes dans des labels prestigieux(Sound Pellegrino, Mad Decent), le beatmaker fait une entrée fracassante dans le rap français en 2015, en produisant “Oh lala” et “Dans ta rue”, deux des plus gros singles de PNL.

Le compositeur donne l’impression de pousser LUTĒCE plus loin dans ses retranchements.

King Doudou est arrivé à un moment où nous étions vraiment dans un processus de professionnalisation. Donc, il a participé grandement à ça.”, explique Ian à propos de cette collaboration.

Également basé à Lyon, le beatmaker est venu prêter main forte au duo, partageant le travail de production avec Ian Vandooren et mettant au service du groupe sa technique de mix/mastering. “King Doudou, sur le plan technique, c’est magnifique.”, dit Ian.

C’est particulier parce que Lapse, c’est vraiment le croisement de deux univers : le nôtre et celui de King Doudou. C’est pas 100% nous. Je dirai que c’est 80/20”, conclue Marty.

 

 

On a sorti « Sans Elan« , mais derrière ça il fallait arriver un peu plus urbain. C’était obligé. On veut pas s’enfermer dans la niche ‘pop fragile’. Du coup on a fait “Atreyu” et “Codes” pour montrer qu’on peut kicker sur de la trap/banger un peu plus classique.

Lapse EP proposait une musique exigeante, peut-être difficile d’accès pour un public purement rap. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit deux emcees blancs chanter leurs tourments intérieurs sur des prod’ à mi-chemin entre drill de Chicago et musique ambient.

Conscient de cette difficulté, LUTĒCE est entrain de changer son fusil d’épaule.

Ian : “On s’est dit qu’après l’EP, il faut que les gens du rap puissent nous écouter. Genre OKLM tu vois, il faut qu’ils voient du rap, pas Lapse.

Ian : “On a sorti « Sans Elan« , mais derrière ça il fallait arriver un peu plus urbain. C’était obligé. On veut pas s’enfermer dans la niche ‘pop fragile’. Du coup on a fait “Atreyu” et “Codes” pour montrer qu’on peut kicker sur de la trap/banger un peu plus classique.

La suite? Des collaborations et un second EP à venir d’ici la fin de l’année.

À la rentrée y a une collab’ énorme qui arrive. Ce sera pas sur notre projet à nous, mais les gens vont être surpris.

Ian et Marty ont aussi la volonté de développer leur identité en solo. Alors que le premier produit et s’invite en featuring un peu partout (ici avec Jorrdee et Fred Watt, ou plus récemment avec ZED), Marty prépare également un projet solo pour la rentrée prochaine.

Ce sera très chanté, je m’inspire beaucoup de The Weeknd et de Swae Lee en ce moment”, m’explique-t-il.

Une façon de boucler la boucle en se muant définitivement en rockstar dépressive des années 90?

Le rock est mort aujourd’hui”, glissera Marty un peu plus tard dans la conversation. Vive LUTĒCE.

Après deux albums studios et cinq mixtapes, tous encensés par la critique et le public, le rappeur américain de 27 ans revient avec un tout nouvel album intitulé Everybody ! Sorti au début du mois de Juin, Everybody se classe directement à la première place du Top Billboard 200. En tournée dès juillet en compagnie de Joey Bada$$, LOGIC sera de passage dans la capitale pour une date unique au Bataclan le 29 octobre. La mise en vente des billets se fera le vendredi 29 juin mais vous pouvez vous inscrire dès maintenant pour une pré-vente le jeudi 28 juin à 10h, via le lien juste en dessous.

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Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo ? Apple ou Android ? Nike ou Adidas ? Les médias adorent mettre en opposition deux figures dominantes dans le même domaine, à la même époque. Il faut faire un choix, prendre une position. Dans la musique, de nombreux adversaires historiques, réels ou inventés par les fans. Booba ou Rohff ? Les Beatles ou les Rolling Stones ? Michael Jackson ou Prince ? Entre le roi de la pop et le kid de Minneapolis, une longue rivalité mystérieuse. Sans vraiment se croiser, les deux superstars ont traversé leurs meilleures années hors des mêmes cercles, sans réaliser une seule chanson en commun, en se mesurant sans commenter officiellement le travail de l’autre. En laissant le silence être le lit de la légende d’un duel sous-entendu.

Courant 2006, le leader des Black Eyed Peas, will.i.am, est invité pour jouer pendant une résidence de Prince à Las Vegas, alors qu’il travaille avec Jackson qui vit dans la ville. Il y voit une occasion unique et historique de rassembler pacifiquement les deux stars. Il invite donc discrètement Jackson au concert. En pleine performance, pendant qu’il joue de la basse, Prince se dirige vers le public — il savait que Jackson était présent et où il était assis — se met face à lui, et commence à jouer en slap de manière agressive tout près de son visage. Le lendemain au petit déjeuner, Jackson demande :

“Will, tu crois que Prince a fait exprès de venir jouer de la basse dans mon visage ? Ce garçon est vraiment méchant”.

C’était il y a un peu plus de dix ans — autant dire près d’un siècle tant la manière dont les moeurs en termes de communication et d’interaction avec les artistes ont changé. Si cet épisode s’était déroulé aujourd’hui entre deux acteurs populaires de la sphère culturelle et médiatique, les memes et montages auraient plu, la page Instagram de Jackson aurait été inondée d’émojis parapluies violets, et le hashtag #BassInYourFace aurait été en trending topic juste au dessus de #MichaelJacksonIsOverParty et #PrinceSlays. Prince aurait, avec succès, trollé Jackson.

Il faut croire que le troll était une activité plus solitaire, dans le passé. En 2015, les réseaux sociaux sont secoués par le différend entre Meek Mill et Drake. Le rappeur de Philadelphie regrette le manque d’implication du canadien dans la promotion de son nouvel album, celui-ci étant pourtant invité sur le titre “R.I.C.O”. Il en profite donc, dans un tweet, pour annoncer que Drake n’écrit, de toute façon, pas ses chansons. L’accusation de ghostwriting revêtant une valeur négative particulière dans le rap, tout le monde s’emballe. Drake répond immédiatement en attaquant Meek Mill en chanson dans “Charged Up”. Mill croit alors gagner la bataille des blagues en moquant son adversaire sur twitter : “celui-là, on voit que c’est lui qui l’a écrit”.

Pourtant, à ce moment-là, la longue histoire des clashs dans le rap est changée à jamais. Sans attendre de réponse, Drake publie un second clash quatre jours plus tard, intitulé “Back to Back”. En plus de l’efficacité cynique des attaques, Drake tape dans le mille grâce à une stratégie de maître. En répondant en musique comme s’il écrivait un come-back à 50K RT sur Twitter, il a donné aux trolls Internet de quoi s’identifier. Le public, ravi, s’est donc chargé d’administrer la défaite de Mill en surjouant la guerre des memes. Il a brillamment transformé un “Drake vs Meek Mill” en un “tous contre un”. Message reçu pour tous les faiseurs de haine gratuite en ligne.

La victoire artistique était subjective, mais le combat médiatique avait été remporté haut la main par Drake et son armée de trolls. Mill pensait sans doute qu’il gagnerait parce qu’il parlait le langage du rap, le langage de la musique. Drake l’a terrassé en parlant le langage du meme, le langage de son époque. En remerciement, et conscient de la force de sa stratégie, il projettera les meilleurs montages empruntés à Internet derrière lui pendant la première performance de “Back to Back” en live à son OVO festival. Le titre finira nominé aux Grammy’s, et la carrière de Mill sure durablement affectée par ce clash. En perdant Nicki Minaj quelques mois après cette affaire, il ne fera que justifier le nombre de “L” dans son nom.

Plus qu’un artiste brillant, Drake laissera certainement derrière lui la trace d’un communicant hors-pair. Avant lui, aucun artiste de cette stature n’avait su embrasser la cruauté de la haine Internet. Ce, certainement, parce qu’il aura été plus détesté que d’autres. Sensible, faible, canadien… au début de sa carrière, les qualificatifs ne manquaient pas pour diminuer Wheelchair Jimmy. Plutôt que d’en souffrir, il s’est servi des attaques pour en faire une force. À une époque, les utilisateurs Internet détournaient le sens des photos des stars pour emprunter leurs expressions faciales, leur langage corporel, ou pour les humilier. Drake, lui, a pris le taureau par les cornes et a incarné les défauts que les memes illustraient de lui. Drake est le genre de mec qui rit des memes “Drake est le genre de mec qui…”. Meta.

Fin 2015, Drake publie la vidéo de “Hotline Bling”, objet culturel consciemment pensé pour être détourné. Réaction Internet immédiate. On pense qu‘il a pété les plombs, on détourne sa danse dans des montages. Nouveau coup de maître : en anticipant les réactions, il domine la moquerie, et met à disposition les arguments pour être trollé dans le cadre qu’il a défini. La danse de Drake dans la vidéo n’est pas ridicule : elle est maîtrisée, pensée pour être re-contextualisée par les internautes, et capable de devenir un objet viral propulsé par fans, trolls et inconnus. La promotion par le détournement. Dans le rap, on remercie souvent ses haters. Quelqu’un qui déteste publiquement fait de la publicité. Ce ne serait pas surprenant que Drake soit donc le premier rappeur à remercier officiellement ses trolls. Et ce parce qu’il a osé briser la règle d’or d’Internet, “don’t feed the troll” pour en créer une nouvelle :

Don’t fear the troll, feed the troll.

Drake est loin d’être le premier ou le dernier bénéficiaire et/ou victime des trolls. Ce terme, tiré de l’argot Internet et synthétisant un comportement particulièrement courant dans l’usage du web social, désigne donc une personne qui manifeste son opinion ou un désaccord en ligne sous la forme de messages ou de montages visuels insultants, hors-sujets, sarcastiques, dans le but de provoquer une réaction émotionnelle, ou d’interrompre une conversation. L‘objectif est souvent l’amusement de l’intéressé. Tout le monde est donc potentiellement un troll en puissance. Ce comportement peut aller de l’insulte gratuite bénigne sur les réseaux, jusqu’au harcèlement virtuel. Les médias adorent penser que c’est sur ces trolls qu’ils faut rejeter la faute de l’élection de Donald Trump en Amérique — c’est dire si la spéculation du pouvoir des nuisants a évolué depuis les premiers posts anonymes inoffensifs sur 4chan ou Reddit.

Sur Internet, la psychologie de l’engagement a totalement changé. Dès lors qu’il a été possible d’afficher à la vue de tout le monde ses commentaires et ainsi de pouvoir provoquer des réactions, les portes de l’enfer digital se sont ouvertes. Le concept de la modération a progressivement disparu sur les salles de chat, les forums et les réseaux sociaux pour laisser la place à l’outrage constant. Plus difficile d’avoir un échange constructif quand chacun des intervenants connaît sa capacité à nuire virtuellement… L’essor de Twitter et Instagram ont rendu possible ces agissements dans les commentaires, pour des individus endossant ce rôle borderline excessif qui peut amuser mais surtout agacer. Derrière les avatars d’oeuf ou les Anonymous de 4chan, difficile parfois de se rappeler qu’existent de vrais êtres humains.

L’image basique du rappeur a également totalement changé, passée d’intouchable à accessible. Exit les personnalités hors pair façon Eminem ou Lil Wayne. Le rappeur moderne interagit sans intermédiaires sur les réseaux comme tout le monde, et répond aux haters et supporters directement. Le véritable pionnier de l’évolution du rapport des rappeurs face au monde du numérique est sans aucune comparaison le Californien Lil B. Après s’être établi dans le groupe de hyphy The Pack, Lil B change totalement de style. Il se met à être hyper productif, et sort de nombreuses mixtapes à un rythme hallucinant. Le contenu ? Des morceaux remplis de gimmicks, parfois moyens, souvent drôles. Et surtout, une identité forte et un véritable monde avec des codes : le Based World. En misant sur cette psychologie de l’engagement, Lil B génère une grande interaction. Fan ou non, tout le monde veut donner son avis sur Lil B, particulièrement ceux qui le détestent. Cette stratégie de supporter et d’alimenter la haine, il l’expliquera en 2012 au cours d’une conférence à l’université NYU en son honneur :

“Je voulais que le monde puisse voir qu’il était possible de recevoir un million de pierres dans la figure, et de rester debout et positif malgré tout.” 

Les fruits de l’arbre planté par le Based God n’ont pas tardé à profiter à d’autres. Sans la peur d’être jugé sur leur style ou leur physique, les rappeurs ont décidé de repousser les limites du goût et du tolérable. Et surtout, ils ont appris à prendre en compte la capacité à haïr et à détourner des fans de multimédia. La pochette de l’album Jeffery avec Young Thug en robe bleue ? Le couplet de Lil Uzi Vert sur “Bad and Boujee” ? La vidéo de “Black Beatles” où tout le monde fait semblant de jouer des instruments ? Pensés comme des instants détachés facile à re-contextualiser ou à moquer. Puisque les internautes aiment les trolls, les artistes gagnent à troller. Jurisprudence “Hotline Bling”.

Les prophéties de Lil B se sont avérées justes : soyez bizarres, soyez ridicules, soyez nuls, tant que vous êtes vous-mêmes et que vous avez de l’auto-dérision, vous trouverez des gens pour vous aimer — et autant de gens pour vous haïr. Le schéma créé de véritables carrières. Du suédois Yung Lean à l’américain XXXtentacion, de nombreux artistes interrogent encore certains auditeurs quant à la sincérité de leurs fans. Est-ce qu’ils sont vraiment aimés, ou juste soutenus pour troller ceux qui sont trop vieux ou obstinés pour comprendre ?

Sur Internet, on apprend de plus en plus à aimer par opposition. Les fans de J. Cole, Eminem et Hopsin sont épuisants à en faire des tonnes en expliquant comment leurs goûts sont supérieurs ? En retour, les trolls exagèrent leur amour pour Lil Yatchy, Lil Uzi Vert ou Playboi Carti. En affirmant qu’on aime trop les antithèses du bon goût, on rend fou un fan de “vraie musique” — cible facile à atteindre puisque sensible et convaincue. Difficile de déterminer où se termine la blague. En France, on va sur-aimer les “bons” artistes (au choix, Hugo TSR, Nekfeu, Rilès), en opposition aux “mauvais” (Jul, PNL). De nombreux auditeurs parisiens se sont mis à adorer le rappeur marseillais dès lors que son succès en ventes est devenu incontournable. Une façon de se mettre en marge, et d’irriter les puristes, en forçant ses “le sang”. L’influence réelle des trolls, n’est-elle pas celle d’avoir déséquilibré les rapports d’intérêt ? Qui se rappelle s’il aime par choix, et plus par affirmation ou opposition ?

Il s’appelle Riles il est surveillant dans une école, arrête avec vos jul et pnl pic.twitter.com/cNFLwLisdd

— polo 10bàla (@usuixji) June 10, 2017

Il existe de nombreuses communautés de fans dont les capacités de nuisances sont différentes. Plus populaires dans la sphère pop avec les Arianators (fans d’Ariana Grande), les Beliebers (fans de Justin Bieber) ou les Swifties (fans de Taylor Swift), les fandoms existent également dans le rap. Lorsque l’ex de Future, Ciara, commet la moindre action qui déçoit les fans de l’auteur de “Mask Off”, son Instagram est inondé d’émojis et ses mentions twitter spammées par la #Futurehive. Il suffit d’un commentaire méchant à l’égard de Lil B pour que sa Task Force s’active en quelques minutes pour réprimander les opposants et accomplir leur mission assumée de protéger le Based God à tout prix. Essayer d’insulter Booba, Jul, Rihanna ou Beyoncé en ligne, c’est s’attirer à coup sûr les foudres des ratpis, de la #TeamJul, de la Navy ou de la Beyhive.

S’il y a bien un maître de la web-guerre en France, tout porte à croire qu’il est incarné avec brio par Booba depuis plusieurs années. Ses plus grands coups d’éclats récents ne sont pas venus en chanson comme en 2013 avec “A.C. Milan”. Booba qui se moque de Rohff en parodiant un accent anglais ? Booba qui fait des grimaces ? Booba qui fait un montage photo de Kaaris en éboueur ? Tout fait l’affaire pour les ratpis. N’importe quel détail détournable suffit à faire couler les émojis qui pleurent de rire. Le troll n’est pas exigeant. Il est surtout efficace.

S’ils ne semblent pas pouvoir vraiment détruire, les trolls peuvent clairement affecter des carrières. Il suffit d’une prise de position de B2O pour activer l’opinion de ses suiveurs. Perdre le soutien du Duc et supporter ses piques constantes a fait souffrir les ventes de tous ses adversaires, qu’il s’agisse de Kaaris, La Fouine ou Rohff. Au pic du clash en 2014, Rohff ira jusqu’à agresser un employé d’un magasin Ünkut. L’influence indirecte de la pression médiatique en ligne. Comment certains en sont venus à s’intéresser à une histoire aussi abyssalement creuse que celle du conflit avec Patrice Quarteron ? De montages en montages, Booba nourrit l’appétit de ceux qui le suivent pour les clash, suivant les traces de l’usage d’Instagram d’un 50 Cent, de l’autre côté de l’Atlantique. Un artiste qui, au cours des 5 dernières années, aura certainement plus marqué avec une photo de lui et de ses billets évoquant sa banqueroute, qu’avec n’importe lequel des titres qu’il a diffusé depuis. Le troll est-il en train de concurrencer l’artiste, comme il est en train de concurrencer l’auditeur ?

Qu'est c'qu'on va faire de lui…

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La frontière entre humour, troll et véritable souhait artistique est de plus en plus floue, comme la frontière entre aimer vraiment et soutenir ironiquement. Preuve en est ce récent reportage d’Arte, Le troisième degré du rap, incapable de déterminer si Lorenzo, Vald ou Biffty sont de véritables rappeurs ou des parodies. Comment leur en vouloir ? Le collectif de Lorenzo, Columbine, s’est d’abord illustré avec le morceau “Vicomte” qui se moquait du rap. Vald fait ironiquement patienter ses auditeurs avant l’arrivée du refrain de son single “Eurotrap”. Le succès en ventes de Mister V ou en ligne de Maxenss illustrent l’influence grandissante du troll sur l’industrie musicale.

On veut aimer une chanson autant qu’on souhaite trouver ridicule un artiste, et en rire avec lui. On ne sait tellement plus ce qui est sincère, que tout peut être du troll. Et au final, peu importe. Tant que l’interaction surclassera la réflexion, la fascination du “est-ce qu’il est vraiment en train de faire cette chose stupide ?” sera populaire. La trollerie n’est jamais finie, Walabok.

C’est le photographe du blog Paris Street Style qui a arpenté les rues parisiennes pendant la Fashion Week Homme printemps/été 2018, pour capturer les meilleurs looks à la sortie des défilés.

Instagram : @75streetstyle

Malgré un léger contre-temps, Travis Scott se produisait ce vendredi 23 juin sur la scène du Zénith de Paris. Comme prévu, toute l’énergie de La Flame a enflammé un public déjà surchauffé, prêt à en découdre dans une série de mosh pit.

Pour immortalisé le moment, Melo s’est retrouvé devant la scène pour capturé une nouvelle venue mémorable de l’artiste, après son premier passage au Grand Palais pour notre YARD Party.

Instagram : @lebougmelo

Cette année, YARD s’est associé à SOUNDS. et a décidé de célébrer le 21 juin, le basket comme la musique. On a donc réunis les DJs Supa! , Rakoto 3000, Richie Reach, Andy4000, DJ SYT, Karami, Yoya, Moriba et les artistes Rémy, Cahiips et Anna Kova pour un rendez-vous au Hoops Factory. Là vous avez pû vous ambiancer entre deux sessions de basket indoor, où chiller autour des burgers du food truck Nolita, ou encore d’un Coca-Cola, d’un cocktail ou d’une Despe.

Photos : @HLenie

La négociation avait été simple et sans détours : « si Alchemist vient à Paris c’est moi qui fait l’interview ». Non pas que mes collègues soient impressionnés par mon coup de pression de mytho, ni même qu’ils seraient incompétents, c’est juste qu’ils savent bien que ALC me revient de droit. 20 ans d’amour et de saignements de tympans face à la musique souvent ténébreuse mais toujours qualitative du petit producteur originaire de Beverly Hills. Le catalogue du bonhomme est unique, et surtout c’est l’un des rares des nineties qui continue de l’écrire en lettres d’or en 2017, comme l’atteste la prod de “FEAR.” sur l’album DAMN. de Kendrick Lamar.
Alchemist est affable, souriant et pas avare d’anecdotes. Je lui soutire sans mal quelques souvenirs alors que les micros ne sont pas encore branchés. « Y’a-t-il des rappeurs avec qui ça n’a pas marché ? »
« Ouais… Elzhi. Et pourtant c’est un frère. Il est venu chez moi une semaine mais on n’a pas réussi, on a dû faire la moitié d’un track. »
Dommage pour nous. Un autre ?
« Beanie Sigel. À l’époque Roc-A-Fella. Je sais pas pourquoi, ça l’a pas fait. »
Moi je sais. Si un album Alchemist/Beanie Sigel avait vu le jour, le rap aurait implosé et Watch The Throne se serait fait avec Robert Charleboi et Chimène Badi…

P.S. L’interview a été réalisé avant le décès de Prodigy. RIP P !

Photos : @lebougmelo

The Alchemist sera sur scène le 27 septembre pour le concert « Paris L.A. Bruxelles » du RBMA Festival Paris

 

Je me souviens de toi et de Big Twin quand vous aviez fait la première partie de Mobb Deep à la Scène Bastille [maintenant le Badaboum, ndlr]

Oh ! C’était y’a loooooongtemps.

 

Ouais, y’a plus de 10 ans [31 Janvier 2005]. Dans l’attitude tu ressemblais à un ado qui faisait sa première scène. T’étais comme un dingue à cracher tes lyrics, à taper dans toutes les mains…

Ouais ouais je crois que je me souviens de ce concert. Je me souviens être revenu aux states après cette tournée et de m’être dit « c’est bon on est à la maison en France ! »

 

Je me rappelle avoir vu dans tes yeux de la surprise de voir la foule complètement dingue.

Avant cette tournée j’avais un peu rappé avec mon groupe les Wholigans [duo de rap éphémère composé de deux ados de Beverly Hills, Alchemist donc, mais aussi Steve Caan, le fils du talentueux acteur James Caan] et je n’avais pas encore commencé à faire des sets en tant que DJ. C’était donc les toutes premières fois où je « performais » vraiment. Et l’accueil a été… oh shit ! Je me suis dit direct « il faut qu’on revienne vite, on est à la maison pour toujours ! »

 

L’année dernière tu es revenu pour un DJ set à la Maroquinnerie [2015 en réalité] et c’était la folie aussi.

Ouais c’était mortel. La France est un pays passionné. Quand vous aimez un truc vous l’aimez vraiment.

 

En ce qui concerne le hip hop je vais te dire pourquoi. C’est parce que nous, avant internet, on devait aller chercher le son littéralement. Il y avait toute une démarche pour se procurer un disque. On ne baignait pas dans le hip hop, quasiment tous les médias s’en foutaient, c’était un choix de vie. Aux USA le hip hop venait à toi de toute façon…

Ouais je vois… à l’époque de ce concert je me souviens que je prenais le truc très très au sérieux. Du coup je me donnais à 1000%. Havoc s’énervait et nous disait à Twin et moi « yo détendez-vous un peu les mecs, ne brûlez pas la scène direct ». Il ne voulait pas que… [il s’interrompt] Havoc n’est pas le gars qui va tout niquer en énergie sur scène, ça c’est plutôt Noyd. Havoc sonne vraiment bien en live, mais il est plutôt dans sa bulle…. il nous répétait « calmez-vous un peu les gars ! » [rires]. Maintenant quand je fais une scène ou un DJ set je suis plus à l’aise, je me dis « allons kiffer », je n’ai plus l’impression de devoir prouver comme à l’époque. Mais j’ai encore ce trac, cette pression, quand je dois enregistrer un couplet. Je suis tout seul dans mon studio, je m’enregistre moi-même tôt le matin [rires], je me demande si je vais être bon ou pas. Quand je dois rapper dans un live ou que je dois faire un DJ set, la veille je regarde les meilleurs, genre une vidéo live de Rakim ou… [il réfléchit] des Pink Floyds, ou un solo de guitare de Carlos Santana. Je fouille sur Youtube et je mate ce qui a été fait de meilleur.

 

 

Un truc que je kiffe grave sur tes DJ sets c’est que tu joues tes morceaux mais juste les instrus. C’est une putain de bonne idée parce que pour la majeure partie de tes productions, elles se suffisent à elles-mêmes.

Je crois que j’ai commencé à faire ça à la fin de ma tournée avec Just Blaze. Je me sens béni de pouvoir faire ça et je dis aux autres producteurs qui sont au même niveau que moi de commencer à le faire aussi. Il y a des soirées où je suis programmé et où je ne joue pas un seul de mes sons, mais quand je suis booké en tête d’affiche, quand les gens viennent pour moi spécifiquement, je sais que je peux le faire. Et d’ailleurs, quoi que je fasse, y’a toujours un gars qui vient me voir et qui me montre un track sur son téléphone genre « yo t’as pas mis ce son de Durag Dynasty [album en commun avec le groupe de Planet Asia] ».

 

L’inverse marche aussi, à ton dernier DJ set justement, j’étais avec un pote [Phiné, quoi de neuf !], toute la salle était en ébullition, et tu joues l’instru de “Break The Bank” de ScHoolboy Q. Tout le monde pète un câble, moi le premier, et j’entends mon pote derrière moi qui crie « ah mais c’est lui aussi celle làààà » [rires]

Ça tue. Ouais je suis à cette croisée des chemins. Y’a ceux qui connaissent ma carrière et d’autres plus jeunes qui ne savent pas du tout qui je suis mais qui me disent « c’est mortel ce que t’as fait pour ScHoolboy Q, Kendrick Lamar ». J’ai un pied dans ce qui a été fait et un autre dans ce qui arrive, c’est une bénédiction de bosser avec les nouveaux talents.

 

Tu as fait un son très south sur ton deuxième album Chemical Warfare (2009), “That’ll Work” avec Juvenile et Three Six Mafia, je l’avais trouvé particulièrement réussi.

À ce moment là ouais…

 

 

Tu aimes la Trap ?

Ouais carrément ! J’ai fait un son avec Migos d’ailleurs… Mais peut-être que tu veux savoir si je ferais un son qui sonne comme eux ?

 

Non non. Je veux savoir si tu comptes faire des sons typés Trap mais à ta façon.

Ouais j’expérimente tout le temps. J’ai plein de beats comme ça. J’ai bossé avec A$AP Ferg récemment, et Rocky aussi. On était en studio et j’ai joué des sons. On a tripé dessus. Mais c’était des sons qui avaient mon style tu vois. Ils ont mis des sons à eux ensuite et je me suis dit qu’il faudrait que je passe genre une semaine à construire des sons qui ont leurs ambiances plutôt que de leur jouer des prods que j’ai déjà faites. Rocky trouvait mes sons cools…. Ferg était moins dedans. C’est le Trap Lord ! Du coup je suis retourné chez moi et j’ai fait des sons qui avaient cette vibe Trap. Je me suis éloigné des samples pour l’occasion, je suis sorti de ma zone de confort. Avec les samples j’arrive toujours à les assembler de façon harmonieuse… Tu vois par exemple le Bomb Squad [pôle de production superstar de la fin des années 80, affilié à Public Enemy], ils avaient énormément de samples par morceau, ça sonnait souvent un peu chaotique, c’était parfois dissonant entre la basse et les cuivres par exemple, mais ça fonctionnait, c’était le style de l’époque. C’était comme l’orchestration sauvage de la folie ! Et ça donnait un sentiment d’agressivité dans leur musique. Et Rocky me faisait écouter des vieux Three Six mafia qui me rappelaient le Bomb Squad et je lui disais « on ne peut plus faire ça, il y a 17 samples à clearer là-dedans ! » [rires]. Bref je suis revenu vers Ferg avec des beats dans son style, on a fait quelques tracks, on verra bien si ça finit quelque part.

 

Mike WiLL Made-It par exemple, je trouve qu’il match avec toi. C’est un producteur de Trap plutôt dark, je me dis que si tu faisais de la Trap ça pourrait ressembler à ce qu’il fait.

Ouais, je me suis dit la même chose en écoutant pas mal de ses beats. D’ailleurs on a été en studio ensemble et on a fait des sons. Et pour moi, les beats darks dont tu parles, ça ressemble beaucoup à Bang Bang de CNN [son produit par Alchemist dans l’album The Reunion de CNN en 2000] mais avec un autre BPM [battement par minute, ce qui définit la rapidité d’une rythmique]. La transition serait plutôt facile vers le style d’aujourd’hui, il faut juste que je trouve le truc qui me mette à l’aise. Mais je m’amuse à faire des choses dans ce sens.

 

 

Quel est ton « production process » ? J’imagine que tu as fait des beats en 5 mn et d’autres en 3 semaines. Mon pote Globe [il était le tour manager d’Alchemist en Europe] m’a dit qu’une journée d’Alchemist c’est « fumer de la weed et faire des beats, point barre ».

[sourire] Oh je devrais l’engager pour faire les interviews à ma place ! [rires] Oui c’est plus ou moins ça… [il réfléchit]. Mon inspiration peut arriver d’un morceau que j’ai écouté, d’un sample, d’un truc que j’ai entendu…. Ça peut venir d’un morceau que j’écoute et je vais être inspiré juste par les drums.

 

Tu peux passer une journée à écouter des sons pour t’inspirer ?

Non pas du tout ! J’ai besoin de me réveiller le matin et d’écouter ce que j’ai travaillé la veille. Et d’ailleurs c’est surtout parce qu’on fume beaucoup de weed, que le jour suivant est nécessaire pour évaluer ce que j’ai fait la veille. Et là je fume à nouveau et je crée à nouveau…. Les beats peuvent être fait rapidement et la plupart du temps les bonnes idées se cuisinent rapidement… J Dilla par exemple, de ce qu’on m’a dit, apparement il était ultra concentré. Il écoutait un disque pendant longtemps et faisait le beat dans sa tête. Quand j’ai commencé à faire des beats j’étais comme ça, genre j’écoutais plein de disques, j’en trouvais un avec un sample mortel et je rentrais chez moi en me disant « I’m gonna kill it ! » et j’y accolais le beat que j’avais imaginé. Maintenant je ne fais plus comme ça. J’achète des disques, je rentre chez moi, j’en achète d’autres, et je rentre avec des disques que j’aurais laissé au magasin à l’époque. Je veux être entouré par le maximum de musique et de bonnes idées, et je veux les redécouvrir quand je travaille… Avant je mettais en forme la boucle en premier, puis le beat. J’ai observé DJ Premier produire, et lui il écoute les disques avec un charley [il mime le bruit] et une caisse claire, il a besoin d’un rythme. E-Swift faisait comme ça aussi quand je le captais quand j’étais jeune à LA…

 

E-Swift ! [j’exprime comme je peux mon enthousiasme face à l’évocation du producteur de Tha Liks]

Il y a plein de technique de productions… C’est vrai que c’est cool d’avoir déjà l’ébauche d’un beat, parfois tu écoutes un disque et il y quelque chose qui atterrit parfaitement sur ton rythme… Je me souviens une fois, j’étais avec Large Professor, et il me regardait triturer un sample dans tous les sens et il m’a dit « ce qu’on fait Q-Tip et moi c’est qu’on prend une boucle, et une autre, puis une autre, et on les mixe ensemble ». C’est un autre niveau de technique, de soin apporté à la prod, et ça la rendait unique. Quand tu joues un beat et que tu cherches juste quelque chose à mettre dessus ça te limite…. Aujourd’hui je veux m’assoir pour travailler et je ne veux pas savoir direct quel chemin je vais emprunter dans mon process créatif, si tu vois ce que je veux dire ? C’est le mystère qui donne tout le piment au truc, je veux pouvoir me dire à la fin « wow j’ai fait ça, mais comment c’est arrivé ? ».

 

Est-ce qu’il y une histoire spéciale derrière un de tes sons ? Genre tu as donné la prod de “Worst Come To Worst” à Busta Rhymes et il la refuse et ça finit chez Dilated Peoples ?

[Il rigole de cette hypothèse et se creuse les méninges pour me trouver une bonne anecdote] Well… un des sons qui a le mieux marché pour moi, qui m’a le plus rapporté de fric, parce que l’album a vendu énormément, c’est “Nothin On Me” sur Carter III de Lil Wayne.

 

D’ailleurs il y deux beats sur ce morceau et Wayne pose sur la deuxième partie…

Oui je ne l’ai pas produite celle-là. J’ai lutté pour que Wayne pose sur ma partie mais je n’étais pas là pour les prises de voix. Bref… j’avais fait ce beat pour mon album Chemical Warfare, j’avais Juelz Santana et Fabolous dessus. Mais avant de l’envoyer à Wayne je l’ai envoyé à N.O.R.E. et il a fait un morceau qui s’appelait “Drink Champ“, ce qui est marrant puisque le show radio qu’il fait maintenant s’appelle “Drink Champ“. Bref… je finis par apprendre que non seulement Wayne kiffe le beat mais qu’en plus il le veut pour son album ! Donc j’ai dû demander à N.O.R.E. [il prend une voix suppliante] « Yo man, ce beat a été utilisé ». J’adore N.O.R.E. il m’a juste dit « ok donne moi un autre son et c’est cool » il n’en a jamais fait tout un fromage, shout out to N.O.R.E. À chaque fois que je bosse avec lui c’est mortel. Je lui fait écouter deux ou trois sons il est chaud direct.

 

 

Pourquoi tu ferais pas un album entier avec lui ?

Avec N.O.R.E ? Naaan, il est fou mec ! [rires] Blague à part je le kiffe, je suis content de son succès.

 

Il y a un truc que je voulais te demander… Avec un pote à moi [Flag Jones big up] on se tape des barres sur toi. Dès que tu balances un de tes sons crades et lugubres , qu’on adore à chaque fois, on se demande « mais qu’est-ce qu’il a comme problème ALC, il est déprimé ou quoi, il a dû louper un repas ! » [rires]

Ouais je vois, genre « il a dû se passer quelque chose c’est pas possible ! » [rires] Je crois que j’ai toujours aimé ce genre de sons. Mais j’aime aussi beaucoup les beats plus soul, les beats plus cinématographiques…

 

Ok mais je kiffe parce que tu reviens toujours à du sale à un moment ou un autre.

Ouais, c’est des sons qui te mettent une certaine pression. Du genre de The Realness de Group Home [produit par DJ Premier]. C’est vrai que c’est un peu ma marque de fabrique. Denaun Porter [alias Mr. Porter en tant que producteur, membre éminent du groupe d’Eminem D12 et producteur entre autres bombes de… 94 de Rohff] qui est souvent chez moi à écouter des sons, m’a déjà dit : « mais comment tu fais pour toujours trouver des samples qui sonnent comme toi ! ». Ce qui est marrant comme idée, comment veux-tu que le sample d’un disque sonne comme toi ? [rires]. J’imagine qu’utiliser un certain genre de disques à répétition, que de faire un style de beats particuliers avec ces samples, et bien ça devient toi en quelque sorte. Ce qui est cool… Mais j’aime bien surprendre aussi.

 

Quand j’écoute tes beats soul il y toujours des éléments qui font que ça sonne comme du Alchemist.

Oui tant mieux. Et d’ailleurs le fait que j’aime les beats crades c’est ce qui fait que j’aime la Trap. Des sons comme OG Bobby Johnson [de QUE] putain ! Tu vois ce beat ? [j’acquiesce dans un sourire] Ce beat est tellement hard mec ! Encore une fois ça m’a rappelé Bang Bang de CNN, c’est juste que le schéma du beat est différent.

 

Comment ça s’est passé la première fois avec Mobb Deep ? En fait, vu que les deux premiers beats que tu leur as donnés c’est The Realest et Thug Muzik [deux fantastiques boucheries sur l’album Murda Muzik en 1999] comment ont-ils réagi ? Havoc a dû te regarder avec une sorte d’angoisse genre « mais qui est ce putain de gars ? » [grands éclats de rires]

En fait la connexion s’est faite lentement. Je bossais avec Infamous Mobb en premier et ils ont dit à Havoc et Prodigy « on a un bon gars à vous présenter ». J’ai rencontré Infamous Mobb grâce à Muggs (le DJ/Producteur de Cypress Hill et mentor de Alchemist à LA). Bref j’apprends par les gars d’Infamous Mobb que Havoc et Prodigy sont en train de bosser sur Murda Muzik. J’avais toujours une DAT sur moi avec plein de sons. Des beats finis mais aussi juste des boucles assemblées que j’intitulais « Interludes » à l’époque, ces sons là j’avais quasiment rien fait.

 

Oui d’ailleurs quand j’ai écouté l’original de The Realest j’ai vu qu’il n’y avait rien de spécial en plus sur ta prod.

Oui oui, et en fait y’avait rien à faire de plus. Mais à l’époque j’étais dans l’orgueil du beatmaker, j’étais pas encore en mode producteur, donc pour moi c’était un « interlude », pas un beat fini. Mais bref, je vais en studio pour les capter et il n’y a que Havoc. Je lui fais écouter des sons et il bloque sur The Realest. Ensuite Prodigy débarque, je lui fais écouter tous les sons pareil, et il bloque aussi sur The Realest. Du coup c’était évident qu’on allait faire un track avec cette base.

 

Et pour Thug Muzik ?

J’avais fait ce son pour la compil de Muggs, Soul Assassin. Et quand les gars d’Infamous Mobb ont posé leurs voix c’était tellement dope qu’ils ont décidé de mettre Prodigy dessus et de donner le track pour Murda Muzik. Muggs a dit « ok ».

 

 

Putain ce couplet de Prodigy est complètement fou…

[il cite Prodigy] « Leave them like the letter T » [littéralement « les laisser comme la lettre T », laisser ses ennemis inanimés en croix sur le sol]. Ouais… en fait voilà, ça s’est fait à la cool et graduellement avec Mobb Deep…. Havoc est tellement fort mec. Je l’ai observé tellement de fois faire du son et je me disais « putain le mec est tellement bon ». Vraiment un des plus grands, son talent est tellement naturel. Et quand il fait du son il est même pas bourré, il est au delà de bourré. Il te sort un son tu te dis « ouais ok faut voir », et ensuite ils écrivent leurs lyrics, posent leurs couplets, et le track est fantastique ! C’est là que j’ai appris qu’il y a des beats mortels, et il y a des beats qui sont bon pour faire un morceau. Parfois les meilleurs beats ne sont pas les meilleurs pour un morceau. Maintenant je suis parfois en mode « Instrumental » et je fais des projets comme Israeli Salad.

 

J’adore ce projet. Mais je me disais que ça aurait pu être cool de mettre un rappeur comme Blu sur ces sons.

Oui c’est vrai, mais quand je l’ai fait je ne pensais qu’à aboutir le projet dans sa version instrumentale, j’écoutais du Madlib, des trucs comme ça…. Et ça a été un challenge pour moi, je mettais en boucle des musiques que j’aurais laissées normalement. Je voulais faire les choses différemment, parce que mes goûts sont ancrés dans ma tête, mais peut-être que les auditeurs pensent différemment. Je me suis forcé à aller dans d’autres directions.

 

À ton début de carrière je trouve que tes beats et ceux de Evidence étaient vraiment dans la même veine, c’était dur de savoir qui avait fait quoi.

Oui c’est vrai, on a commencé à faire du son ensemble, on était au lycée ensemble. Il y avait quand même quelques détails qui révélaient qui avait produit, mais c’est vrai que pour les gens c’était dur de différencier.

 

Quand j’écoute vos prods sur Focused Daily [le premier album de Defari, génial] ou sur Platform [le premier Dilated Peoples, fou], y’a vraiment une similarité.

Oui, mais sur ces projets on bossait tous ensemble pour faire des albums, donc il y avait une trame globale, on poussait tous dans le même sens, y’avait une direction.

 

Avec tous les rappeurs que tu as croisés, lesquels t’ont le plus impressionné en studio ?

Pfff… [il répète la question devant l’ampleur de la tâche] Lesquels m’ont le plus impressionné… Il y en a beaucoup. Blu est vraiment étonnant. Camp Lo aussi. J’ai bossé avec eux une fois, je me suis dis « what the fuck, ils sont vraiment parfaits ». Big Pun c’était vraiment incroyable à voir en studio, c’était dingue de bosser avec lui…. J’ai vraiment eu de la chance de bosser avec toute sorte de rappeurs talentueux. Pour certains ça peut prendre plus de temps mais ce qui est vraiment important c’est la qualité du rendu final, je m’en fous si ça doit prendre 6 heures.

 

 

Est-ce qu’il y des sons d’autres producteurs que tu aimerais avoir produit ?

Tellement ! Tu rigoles ou quoi ? Tous les producteurs que je kiffe, je trouve qu’ils sont bien meilleurs que moi [rires]. Tous les textos que j’envoie à mes amis producteurs et rappeurs sont tous pareils : c’est moi qui devient dingue sur leurs sons genre « espèce de bâtard » ou « ta prod est dingue » ou « ton album est incroyable » ou encore « j’adore ton couplet ». Je suis ce genre de gars, à dire à mes potes combien ils ont déchiré. Un mec comme Roc Marciano, je le texte tout le temps du genre « yo mec what the fuuuck ! ».

 

Tu peux expliquer rapidement comment ça s’est passé pour “FEAR.”, le track que tu as produit pour l’album de Kendrick Lamar ?

Ok… À la base j’ai rencontré Kendrick et ScHoolboy Q au même moment, et même si au final j’ai fini par beaucoup plus bosser avec Q, ça a toujours été cool entre Kendrick et moi. Quand je tournais avec Eminem, je me retrouvais souvent en backstage avec Kendrick et on parlait beaucoup…. Bref à un moment on finissait l’album de Q [Blank Face] et je me ramène au studio pour du mix, Q n’était pas encore arrivé. J’avais ma MPC que j’avais prise pour faire écouter quelques sons à Q. Donc j’arrive dans le studio, et y’a Kendrick, Sounwave, Thundercat, un ou deux ingénieurs du son… Ils me disent « oh t’as ta MPC avec toi ». D’ailleurs je devais ressembler à un dingue avec ma MPC sous le bras, même pas dans un sac [rires]… Kendrick me fait « tu dois avoir des sons à faire écouter alors ? ». Du coup je me plug à la console et je fais écouter des sons qui à mon sens seraient cools pour lui. Et il en kiffe un bon paquet. Du coup je commence des sessions pro tools avec deux sons, je joue les beats, Thundercat se met à jouer de la basse dessus c’était fou ! On enregistre comme ça pendant une bonne heure. D’ailleurs je ne sais pas si on va en faire quelque chose, qui sait ? [faites un effort les gars !] Bref “FEAR.” est un des 4 ou 5 beats que j’ai laissé à Kendrick ce jour-là. J’ai su par la suite qu’il bossait sur cette prod. Peu après j’ai pu écouter le premier couplet et le refrain qu’il avait posés et j’ai trouvé ça mortel. C’était au tout début de la conception de DAMN., il n’avait fait que le titre produit par 9th Wonder [“DUCKWORTH.”, où Kendrick raconte le braquage qui a failli mal tourner entre son père et le CEO de TDE]. On s’appelle et il me le fait écouter, le truc m’a explosé à la gueule ! Juste après j’appelle 9th Wonder, qui n’avait pas encore écouter le morceau, et je lui dit « mec ta vie est sur le point de changer ! » [rires]. J’ai ensuite capté Kendrick toute la semaine suivante et on a fait plusieurs choses… j’ai fait plein de trucs cette semaine-là avec lui, donc on verra.

 

J’ai lu une interview de ScHoolboy Q qui disait avoir beaucoup de morceaux avec toi qui ne sont pas sortis…

Oh Q et moi on a un dossier entier ça c’est sûr. Il passe tout le temps à mon studio, c’est un des partenaires les plus proches, comme Earl [Sweatshirt], Action [Bronson], Roc [Marciano], Ev [Evidence]… j’en oublie sûrement. C’est la famille.

 

 

Tu es connecté avec Griselda Records [Westside Gunn & Conway], et pour moi leur producteur maison, Daringer, est vraiment un de tes enfants musicalement.

Mouais… il a plein d’éléments qui proviennent de toutes ses influences. Je vois beaucoup Premier dans ses sons aussi.

 

Oui d’accord, mais je vois surtout ton ambiance.

Mmmh… Je pense qu’on prend tous des éléments des gens qu’on admire. Je me demande souvent « comment les Beatnuts feraient ce beat, comment Pete Rock découperait ce sample, comment T-Ray [producteur méconnu et pourtant super fort, notamment sur le premier Artifacts] ferait, comment Showbiz s’y prendrait, comment Lord Finesse gérerait les charleys »… Je pense à tous ces mecs et d’une certaine façon je les incorpore dans mon son, je fais ça tout le temps. Tu dis que Daringer sonne comme moi ? Et bien je suis flatté parce que je le trouve vraiment dope. J’écoute ses trucs et ça me motive. Je n’ai jamais pensé qu’il me prenait mon son.

 

Je n’ai pas dit ça.

Ok juste une inspiration alors.

 

Oui il a dit « je kiffe Alchemist, RZA, Havoc, Premier ».

Ok. Là, avec tous les projets qu’ils ont fait maintenant, je crois qu’on peut dire qu’on capte quel est la texture de sa musique. Il assure grave. Toute l’équipe Griselda. C’est Planet Asia qui m’a présenté Westside Gunn au départ. Tout ce que j’ai entendu est invariablement mortel. Ça tue qu’ils aient signé sur Shady records [le label d’Eminem], ils vont toucher de nouveaux fans.

 

Dernière question je suppose [je regarde à côté de moi, on me dit que oui], à quoi on peut s’attendre de ta part en 2017 ? J’ai cru comprendre que l’album que tu as fait avec Griselda va se transformer en un super album avec trois producteurs [Alchemist donc, mais aussi Daringer et… Just Blaze !].

Oui c’est à eux de voir mais c’est bien possible. On a fait des trucs de fous ensemble. Sinon on sort en juillet un nouveau Good Book avec mon gars Budgie. Y’a Action Bronson dessus, Mobb Deep, Westside Gunn et Conway… Le prochain Evidence aussi, on a littéralement fini le weekend dernier. J’ai 5 ou 6 sons dessus, le projet est dingue. J’ai envoyé pas mal de prods à Prodigy aussi, on bosse. J’ai pas mal de projets instrumentaux pour cette année aussi, je continue ma série de maxis 45 tours, pas mal de choses avec Mach [Mach-Hommy, le rappeur haïtien un temps chez Griselda Records]. Dans peu de temps il aura matière a sortir un album bien solide. C’est un de mes rappeurs préférés en ce moment, The God Fahim est très chaud aussi. J’ai fait quelques tracks avec Earl Sweatshirt et Knxwledge. Earl est vraiment un gosse spécial. J’en ai croisé beaucoup mais il est vraiment différent. Il m’a fait découvrir des tas de trucs, du jazz underground ou des morceaux de M.O.P. que je ne connaissais pas. Et il a 20 piges ! Damn !

 

Le basket l’enveloppe, l’embrase, l’obsède. Du genre qui prend aux tripes. Ca avait commencé par un coup de cœur, gamin, dans la cour de l’Ecole Blanche. Ca s’était poursuivi dans une association de quartier, puis ça l’avait amené jusqu’au Championnat de France, sous le maillot de Massy Palaiseau. Depuis, Stéphane Ashpool transmet. Avec Nike, sa passion vit à travers des collections-capsules depuis trois ans.

 

 

De l’élégant confortable, du sportwear léché. L’envie de concevoir des pièces à porter sur le court comme en-dehors, de repenser l’urbain. Avec une touche parisienne et un parfum rétro, celui du basket américain époque nineties. En avril 2014, Nike et Pigalle dévoilaient leur première collaboration. Deux paires d’Air Force 1, deux jerseys et leurs shorts coordonnés, une casquette et un ballon de basket. Des nuances sombres confrontées à des tons pop. Des effets dégradés, délavés, patinés. Quelques mois plus tard, le label parisien revisitait la Nike Air Raid dans une version premium.

L’année suivante, le tandem rempilait. Stéphane Ashpool imaginait pour Nike des shorts réversibles, des t-shirts, des jerseys, des hoodies, des accessoires et une paire de Dunk, habillés d’un motif moucheté. Puis il y avait eu le projet de rénovation du playground, à l’été. Pour sauver le terrain de la rue Duperré, menacé par les voisins agacés, Nike avait mis de bon cœur la main au panier. Grâce au soutien du géant américain, le site avait pris de nouvelles couleurs, vives et tranchées, mais surtout enfilé un revêtement anti-bruit, en gomme recyclée. Photographié par des curieux venus du monde entier, il fera de nouveau sa mue le 24 juin.

 

 

En 2016, Stéphane Ashpool dépoussiérait l’emblématique Nike Air Unlimited, en la taillant dans un cuir synthétique immaculé. Et puis ce jeudi 22 juin, au Musée d’Art Moderne, la collaboration NikeLab x Pigalle prenait une nouvelle dimension. Quelque chose de plus complet, abouti, de plus mûr peut-être.

Il fallait les voir jouer des coudes, bouillonner, dans la chaleur moite de la canicule. La presse, les influenceurs, les amis de toujours, les marmots du quartier. Baptisé « Past Present Futur », le défilé créait l’événement. Sur les murs repeints aux couleurs de la collection – bleu roi, crème et bordeaux-, les silhouettes s’exposaient en tableaux. Au sol, on avait disposé des sculptures et puis des socles, face aux bancs, pour accueillir les mannequins. La nouvelle collection NikeLab x Pigalle est futuriste, avec du vintage dedans. Matières techniques et inspirations 90’s. La gamme s’est élargie, elle est désormais unisexe. On y trouve pêle-mêle un luxueux survêtement color block, une veste mi-longue phosphorescente, un short en molleton non gratté, un sweat à capuche rehaussé de médaillons contrastants mais aussi une casquette, une visière, un t-shirt, un ballon pastel et, pour elle, une brassière Pro Classic. La Air Shake Ndestrukt – ancienne icône des parquets – et les Benassi Duo Ultra Slide prennent, elles, des airs couture, avec leurs détails raffinés et leurs empiècements en textile. Associées aux modèles du défilé Pigalle Paris printemps-été 2018, les pièces gagnaient en sublime. Aux côtés de ce hoodie aux plissés graphiques, de cette veste aux manches architecturales grillagées, de ce complet matelassé, de cette chemise en organza transparent, de ce bomber et de ce jogging ovoïdes ou de ce long manteau acier. Le lieu ne tenait pas au hasard, Ashpool fait dans l’art.






 

 

La nouvelle collection NikeLab x Pigalle sera disponible dès le 24 juin dans les boutiques NikeLab et chez Pigalle Basketball.

La MZ est morte, certes, mais ses anciens membres, eux, sont bien vivants. Dehmo est là pour le rappeler. Ne perdant pas pied après cette séparation soudaine. Il s’est mobilisé pour prolonger sa musique. Dorénavant seul. Sans perdre de temps. Six mois après leur séparation, Éthologie, son premier album, débarque. 14 morceaux dont trois collaborations avec Niska, Marlo Flexxx et Hache-P. Sur le Rooftop d’un hôtel place Colonel Fabien, il s’est confié. De la division du groupe, à la préparation de son projet, Mohamed Ligue Gnaore a dû s’adapter. Tel un caméléon.

Photos : @alextrescool

Pour commencer, dans quel état d’esprit es-tu à une semaine de la sortie de ce premier projet solo ?

Aujourd’hui j’ai la tête dans le cul, mais sinon ça va. La plupart du temps je suis en forme. Je suis super cool, super content, super pressé. On est en marche.

Tu en es complètement content ? Je m’explique, tu as pu faire tout ce dont tu avais envie ? Les sonorités, les prods, les flows…

Oui j’ai fait ce que je voulais. J’ai choisi les prods que je voulais. Je me suis amusé comme un gamin. J’ai invité mes deux potos Hache-P et Marlo [Flexxx, ndlr]. Je me suis ouvert. Niska a parfaitement fait son taff. Tous les sons, je les kiffe. Je kiffe les écouter, tu vois. Je suis vraiment satisfait du boulot. Donc là, oui, je suis vraiment content.

On va évoquer tout de suite les choses qui fâchent, comme ça on pourra ensuite se focaliser sur ton album…

[Il coupe] Quelles choses qui fâchent ? Y a pas grand chose qui me fâche à part la disparition des dauphins. À part ça, tout est cool ! [rires]

De ton point de vue, pourquoi la MZ s’est séparée ?

J’avais fait une vidéo au début. Dans laquelle j’expliquais mon point de vue… Et je ne sais même pas en vrai. Je dormais, je me suis réveillé : « Oh c’est la fin de la MZ ! C’est relou ! Les dauphins, tout ça ! » [rires]. Le monde, la nature, faut pas jeter les déchets par terre !

Pour être un peu plus sérieux, ça s’est fait naturellement. On n’a pas grandi avec la même mentalité, chacun a pris un chemin différent. Et franchement, la séparation ne nous a même pas étonné. Ça a été de bons souvenirs, tu vois. On garde les bons côtés mais comme je t’ai dit, ça s’est fait naturellement. Ça n’a pas été une embrouille qui a éclaté un jour et on a cassé comme un vieux couple. Non. Juste, même entre nous on le sentait. Y avait plus cette relation initiale.

Y a t-il eu des signes annonciateurs, quelque chose qui aurait pu te mettre la puce à l’oreille sur la fin du groupe ?

Peut-être un an avant la véritable séparation. Pendant la tournée. On ne partageait plus les mêmes loges. Enfin y avait deux loges, tu vois. Il y avait deux équipes différentes. Mais on se parlait toujours. Seulement à force, on est devenu plus collègue qu’autre chose. On n’était plus les potos d’enfance qui avaient commencé ensemble.

Toi dans le groupe, comment tu te sentais ? Comment a évolué ta situation au fur et à mesure ?

Je te l’ai dit ! Je dormais, et je me suis réveillé… [rires] Moi j’étais un peu le mec neutre. Y a eu des tensions qui ont éclaté et moi j’allais parler à tout le monde. J’étais un peu entre les deux. Le médiateur. Après, je sais pas vraiment. Je suis quelqu’un de cool, quelqu’un de peace.

As-tu eu assez tôt des envies de te lancer en solo ou te voyais-tu continuer encore un bon moment avec la MZ – si tout s’était bien passé ?

Je n’y pensais pas au solo, vraiment. Je savais qu’on aurait pu sortir des projets solos après l’album Mafia Zeutrei, prévu pour le 16 février dernier, mais moi je n’y pensais pas. J’étais en groupe, je kiffais, donc je m’en foutais. Du moment que je peux faire ma musique, tout va bien. À deux, à trois, n’importe. C’est aussi simple que ça.

Tu as gardé de bonnes relations avec Hache-P, puisque une collaboration est présente sur le projet. Quel est le problème avec Jok’air ?

[rires] Il n’y aucun problème avec Jok’air. C’est peace. Nous n’avons plus les mêmes centres d’intérêts, c’est tout. Mais sinon je n’ai plus vraiment de problème avec quelqu’un. Je n’en veux à personne. Je n’ai pas de rancoeur. Chacun a pris son propre chemin, et je leur souhaite le meilleur.

Selon toi, quels sont les ingrédients pour qu’un groupe perdure ?

[Il réfléchit] Je ne suis pas cuisinier mon sos. Je n’ai pas les ingrédients pour qu’un groupe perdure. Tout dépend d’eux. Ils peuvent rester ensemble jusqu’à leur mort comme se séparer après trois jours. Tout dépend de leur mentalité et de leurs actions. Peut-être qu’ils s’entendront encore mieux en ayant de l’argent alors qu’au départ des conflits existaient… Mais sinon je n’ai pas la recette secrète pour qu’un groupe subsiste.

Qu’ils kiffent ! Qu’ils ne pensent même pas à perdurer. Qu’ils profitent de l’instant présent, de ce qu’ils font et là, peut-être qu’ils auront des chances de perdurer ensemble. Il faut demander ce genre de choses à NTM, IAM. Eux, ont eu le temps de réfléchir à tout cela, moi je n’ai pas eu le temps ! [rires] 

L’album s’intitule Éthologie, ce qui signifie, globalement, l’étude du comportement des espèces animales, incluant l’être-humain. Avec quel animal partages-tu le plus de similitudes ? Le dauphin ?

[rires] Non, même pas. Il est beau et je ne veux pas qu’il disparaisse, c’est tout. Le panda non plus ! Mais peut être un chien, je ne sais pas du tout. Sûrement avec un chien. On s’insulte souvent de chiens au quartier donc ça doit être ça. Si je dois te sortir un animal pour la classe et faire le mytho, je te dirais le lion, en tant que roi de la jungle ! [rires] Mais même pas. Je me demande aussi. Donc je laisse à YARD l’exercice. Étudier mon comportement par rapport à mon album et s’essayer à une comparaison. Je pense que les autres sont mieux placés pour nous comparer et nous définir. Moi je ne suis pas trop objectif sur moi-même. Je n’arrive pas à savoir si je suis un bon gars ou non. Juste faut que je kiffe comment je suis.

Ce qui est étonnant en écoutant le projet c’est qu’il sonne vraiment comme un premier projet, surtout dans les lyrics, on a l’impression que tu repars vraiment de zéro, comme si l’épisode MZ, musicalement en tout cas, était mis de côté.

Tant mieux que tu aies cette impression-là ! Ça me fait plaisir. C’est sûrement parce que, cette fois, je suis le héros de l’histoire. Pourtant moi, de mon point de vue, j’ai trouvé que ça restait dans la continuité de ce que je faisais avec la MZ. Dès le début j’aimais bien parler de choses profondes. J’ai toujours essayé de faire de la musique de qualité. Juste, avec ce premier album, j’ai pu proposer toute ma palette. J’espère que beaucoup de personnes vont me découvrir.

Quelles ont été les principales différences entre la préparation d’un album avec la MZ et celle de cet album ?

Déjà tu n’as plus un seul couplet ou refrain à écrire. C’est beaucoup plus de travail. Tu participes pleinement à la conception de ton album. T’écris tout seul. Tu choisis tous les morceaux. Tu penses tout le temps au morceau alors qu’en groupe, y a des idées qui viennent de partout. Là ce sont tes propres idées. Si tu kiffes la musique, tu la conçois naturellement. La principale différence se situe par rapport aux idées qui peuvent intervenir. Quand t’es tout seul, c’est ton bijou à toi. Que tu peux formater et emmener dans la direction que tu veux. Tu peux te permettre d’être vraiment égoïste à ce niveau-là. De n’être que toi. Mais ça n’empêche pas d’écouter les avis extérieurs. Finalement c’est toi. Le morceau c’est toi. L’album te représente.

Dans « Ça va pas très fort » un passage a retenu mon attention, « Je cherche une solution sur la route de l’hôpital, mais mon phone affiche ‘batterie faible' », c’est une dédicace à Damso ?

Non je l’avais écrit avant en fait. Ça va pas très fort est un titre qui était dans les dix ans de Mafia Zeutrei et je l’ai repris. C’était en lien avec une histoire que j’ai vécue. Le poto est à l’hôpital. Je dois y aller. J’ai envie de savoir ce qu’il se passe. Je bombarde. Je suis en manque d’essence. J’ai cassé mon fil pour recharger mon téléphone. Je peux appeler nulle part. Cette situation était carrément merdique ! À ce moment, rien n’allait. Mais oui, si ça permet de faire un big up, c’est cool ! Parce que je pense que l’iPhone déchargé au mauvais moment, Damso a dû le connaître aussi. Et il s’en est bien servi.

Sur certains morceaux tu es lucide sur ta situation actuelle, mature concernant ta relation avec les femmes, (“Désolé”, “Ethologie”, “Peace”, “Tomi”) et à l’inverse sur d’autres, t’es plus incisif, davantage dans la spontanéité (“Ma salope”, “Bloc”, “Bibi”). Comment expliquerais-tu ce double-visage ?

Ça fait partie de moi. Les gens qui me connaissent, savent que je rigole tout le temps. Je déconne très souvent. Mais quelquefois, je prends une frappe dans la tête. Tout seul dans mon coin. Et là mes potes me disent « Mais t’es chelou ! » [rires] Parfois on dirait que je suis ailleurs. Je ne sais pas si c’est une double personnalité. Quand j’écoute certains sons, je me fais la réflexion : ils sont sombres par rapport à ce que je reflète. J’aurais pu écrire des sons bien plus joyeux. Avec des instrus bien plus entraînantes. Pourtant non, c’est venu comme ça. C’est moi. Tout le mot « Éthologie » englobe ce contraste-là. Mais je ne peux pas te l’expliquer.

Tu collabores également avec Niska pour le titre « Bloc », comment s’est faite la connection ?

Avec Niska, on a de très bons amis en commun. On se connaissait sans vraiment se connaître. On se parlait de temps en temps. Quand il y avait des anniversaires, des soirées, on se voyait. Et moi j’ai toujours kiffé sa musique. J’ai voulu « m’ouvrir » un peu. Entre guillemets, puisque nos univers ne sont pas si éloignés. Au final je ne suis pas allé chercher trop loin non plus. C’est vraiment quelqu’un qui fait partie de l’entourage. Je me suis dit « pourquoi pas le faire ? ». Ça peut surprendre. Et j’avais envie de collaborer avec lui. J’avais déjà un peu posé le morceau, je lui ai fait écouter et il a aimé donc il a rappé dessus aussi. Il a fait le taff et c’est lourd. Je suis vraiment content de la touche personnelle qu’ont apporté les invités sur le projet, dont Niska. Je suis pressé de le faire écouter.

Tu dis dans “Abidjan est doux” : « Ton rayon de soleil je le vois pas, mais l’oseille oui, et l’oseille ça remonte le moral ». L’argent fait le bonheur alors ?

L’argent ne fait pas le malheur en tout cas. Et c’est devenu tellement important aujourd’hui. En vérité j’ai pas besoin d’énormément d’argent. Je ne suis pas quelqu’un qui ait beaucoup d’envies. Je veux juste vivre de ma musique et pouvoir prendre soin des gens que j’aime. Sinon je ne suis pas extravagant, je demande peu de choses. Tu me laisses une chicha et faire ma musique. Parfait ! Je ne demande rien d’autre ! [rires] Sans mentir je n’ai besoin de rien d’autre. Mais pour moi l’argent est super important parce que je kiffe faire plaisir, prendre soin de ceux que j’estime, et l’argent est primordial pour en avoir la possibilité. Il ne fait pas forcément le bonheur mais peut y contribuer. Faut juste bien le maîtriser. L’argent ne fait pas changer. C’est la personne qui change.

L’argent c’est matériel, ça te permet d’arriver à un autre niveau, de voir la vie autrement. Mais n’influence pas ton comportement, c’est l’inverse. Que ce soit la musique, le succès ou l’argent, c’est toi qui change. C’est ta nature. Peut-être que tu te comportais ainsi parce que tu n’avais pas cet argent. Quand tu l’as eu, tu t’es dévoilé. Faut savoir le gérer en fait. Moi personnellement, je n’ai pas besoin de beaucoup mais il me faut de l’oseille pour subvenir aux besoins de mes proches. Me permettre de quitter le quartier, me permettre d’emmener ma mère en vacances, acheter à manger, pouvoir organiser des petits trucs avec mes potes… Qu’on profite de la vie, et rien n’est gratuit. À part quand tu demandes du feu dans la rue et une clope. Mais au bout d’un moment t’en as marre d’être un gratteur. Je déteste gratter. J’aime pas trop quémander. Je préfère me débrouiller par moi-même et à partir de là, il me faut cette oseille. C’est très important.

Tu fais de nombreuses références à la recherche, légale ou non, de l’argent, coûte que coûte, et les dérives qui l’accompagnent. Tu penses qu’à trop en vouloir, on perd le sens des priorités ?

Oui mais comme je t’ai dit, faut gérer. Tu peux être quelqu’un de très très déterminé qui veut de l’argent, mais le plus important c’est où tu veux aller avec. Certaines personnes font de l’argent juste pour faire de l’argent. Juste pour pouvoir être riche mais ne savent pas pourquoi. Peut-être qu’ils veulent acheter une voiture ou autre chose, mais ils ne voient pas loin. Il faut savoir où tu veux aller avec cet argent, quoi faire. De quelle manière tu veux le faire, dans un bureau, sur le terrain, ou si tu veux monter un projet. Essaie d’entreprendre, il ne suffit pas de dire « je veux faire de l’argent », c’est plutôt « comment je vais en faire », « par quels moyens je pourrais en faire tout en me sentant vivant ». Il faut avoir une ambition derrière l’argent. Si tu construis quelque chose, l’argent arrivera automatiquement. Mais il est important de savoir ce que l’on veut dans la vie avant de se focaliser à devenir riche.

Après, il y a des jeunes qui habitent en Inde ou au Brésil dans des bidonvilles, des favelas. Eux, n’ont pas le choix. Il faut qu’ils fassent de l’argent parce que c’est essentiel. Les équations de la société les poussent à agir ainsi. Ils sont nés dans la véritable misère, confrontés très vite à la violence. Et pour affronter cette vie-là ils sont obligés de prendre les armes très tôt, d’être violents très tôt. Ils n’ont donc pas le temps de construire quelque chose. Ils peuvent juste se défendre et s’amuser du mieux qu’ils peuvent. Mais ici, ce n’est pas la même. Tu peux habiter dans des ghettos pourris dans le 93, dans le 94, ou dans le 91, ce n’est pas comparable. En France, tu peux entreprendre. Après oui, t’auras deux fois plus d’efforts à fournir mais en même temps quand t’arrivera à surmonter tout ça, tu seras beaucoup plus fort. Tu vaudras bien mieux que ceux qui ont grandi dedans. Toi tu seras prêt, à l’affût, vif. Mais faut s’y mettre, trouver cette motivation. L’argent seul ne suffit pas. Moi ça passe par la musique.

À travers ce premier projet, on sent que t’as des envies d’ailleurs, et peut-être d’aller vivre en Afrique, quelles sont les raisons de ces envies ?  

Je n’ai pas vraiment envie d’aller vivre en Afrique. J’aimerais bien y partir en vacances. Et que ça se limite pas à l’Afrique. J’aimerais visiter le monde. À la base je suis quelqu’un de très sectaire mais dernièrement je me découvre autrement. Quand je voyage, je kiffe, les paysages, l’Histoire. J’aime savoir ce qui s’est passé à tel endroit. Aller en Asie ou en Alaska. Ce sont des voyages assez complexes mais j’adorerais y aller. J’aime découvrir des couleurs, des modes de vie que j’ai jamais vus. Le seul truc qui me bloquerait ce serait leur bouffe parce que je suis très compliqué. J’aimerais bien bouger, rencontrer le monde. Plutôt que de le regarder à travers la télé.

Avant je regardais toutes ces choses-là à la télé mais dès que tu te déplaces, tu te rends compte que c’est très différent. Mais il faut le vivre pour comprendre. Et on a qu’une vie et j’ai envie de la vivre à fond. Quand je serai vieux j’aimerais pouvoir me dire : « Ah j’en ai fait du chemin, c’était cool ». Pouvoir raconter plein d’histoires à mes petits-enfants, si j’en ai. Ce serait kiffant.

Quel est ton avis sur la situation du continent ? D’abord socio-économiquement puis musicalement ? Le contraste est de plus en plus visible.

Je n’en ai pas vraiment. Je n’y ai pas réfléchi. Tu vois, moi j’ai grandi sous cette tradition « L’Afrique est pauvre, les États-Unis ce sont les rois du monde, la France on est entre les deux, l’Inde (l’Asie), ils sont un peu décalés ». À Paris tout est réuni, y a beaucoup de mélanges, de mixité. Donc franchement je ne pourrai pas te donner une réponse claire, j’ai grandi avec cette mentalité et je n’ai pas vraiment creusé. Après je suis comme tout le monde. Je vois ce qui se passe grâce à la télé. Des choses terribles. Nous de notre côté, ça va. En ce moment on est en guerre, mais on ne le ressent pas vraiment sur le territoire. Comparé à la seconde guerre mondiale. On peut aller au cinéma, il y a le dernier Wonder Woman qui est sorti. Si je veux, je peux aller le voir. Moi je peux aller à la piscine, descendre dans le sud avec des copines. Donc tu te dis « ouais pour une guerre, on a connu pire, par rapport à l’Histoire ». Nous, nous attendons juste qu’ils arrangent tout. Mais c’est le monde, il n’y a pas d’utopie. Je n’ai pas le pouvoir de changer le monde donc je me tais. J’essaie pas de faire l’intéressant en déballant tout mon savoir alors que je ne vais rien faire bouger du tout.

L’art africain en général est très influent pourtant en France (et en Europe) on a du mal à le dire, à l’avouer, d’après toi quelles sont les causes de ce phénomène – qui est un héritage du colonialisme ?

Pour moi, le pouvoir de l’achat et de l’exposition jouent un rôle important dans cette situation. Quand un artiste de cette envergure [Drake, évoqué en off] sort un CD, des milliers, voire des millions de personnes l’achètent. À l’inverse, un artiste africain peut avoir beaucoup plus de talent, mais si sa popularité est restreinte, au niveau du poids, l’écart est flagrant. Faut se l’avouer. Si un grand artiste africain vend des millions d’albums, il aura un poids bien plus conséquent dans le monde. Je pense, que c’est principalement ça le problème. En vendant énormément, la visibilité est automatique. Donc c’est aussi aux Africains, aux Européens qui aiment ce genre de musique, à tous ceux y qui y adhèrent, de l’acheter d’abord. Si tu as cette force populaire derrière toi, tu peux aller où tu veux. Il n’y a plus de limite. Aux États-Unis, ils l’ont. Non pas parce qu’ils sont plus forts, mais plutôt parce qu’ils ont compris comment fonctionne le système artistique. Comment gérer leur entertainment, leur visibilité.

Par exemple, d’un point de vue cinématographique, sur TF1 ce sont majoritairement des films américains qui passent le soir. Ils concurrencent des films français, en France. Incomparable avec le poids de l’art africain. Il n’y pas le même poids économique et la même force d’exposition. Pour changer cela, il faut que les gens les soutiennent. Pas seulement les écouter en cachette. En parler sur les réseaux sociaux, partager leurs vidéos, c’est important. Drake il sort un son, presque tout le monde reprend l’information. Les médias font des articles, les gens font des vidéos avec le morceau en fond. Ceux qui aiment la musique africaine en France (et en Europe), doivent faire exactement pareil. Avant de reprocher aux médias de ne pas les exposer, qu’est-ce que nous faisons, nous, pour ces artistes africains ?

Donc il faut davantage promouvoir, de notre côté, l’art africain, en général, avant de s’en prendre aux médias. Que ce soit la télévision, la radio ou la presse. Offrons-leur, nous, de l’exposition et ce sera déjà bien. Puisque pour leur forcer la main, ils doivent voir cet engouement. La popularité force la visibilité médiatique. C’est aux fans de mettre en avant leurs artistes. Parce qu’au final, je ne pense pas que les Américains soient plus forts que les africains. Ils vont même piocher en Afrique désormais. C’est dire.

Globalement l’album est assez mélancolique, assez sombre. Ton contexte personnel est à l’origine de cette direction musicale ?

Oui c’est mon contexte personnel, et même plus, ma personnalité. Je me suis découvert en réalisant ce projet. Globalement il est sombre mais il reste de la lumière. Je parle de ma vie de façon très sérieuse en fait. Enfin, sur la plupart des sons, parce que “Ma salope”, non pas vraiment.

Ce sera justement la question suivante.

J’ai évoqué mon quotidien sérieusement. Après il y a une certaine envie de s’en sortir. L’album reflète comment j’ai grandi. J’ai voulu être sérieux la plupart du temps, parce qu’il parle de moi. C’est ma carte d’identité.

Sur tout le projet tu sembles plutôt vulnérable face au sexe féminin, “Ma salope” est une sorte d’exutoire ?

Oui c’est vrai, mais en fait il a été réalisé sous le signe de l’auto-dérision. Ce morceau est plus ironique qu’autre chose. Je me suis servi de cette auto-dérision pour évoquer certaines situations. Mais je ne parle pas de moi, je ne suis pas comme ça avec la Femme. Ce n’est pas ma vie de tous les jours. Moi, je suis très détaché : je ne me vois pas courir après une fille. Je ne peux pas être constamment avec ma copine. Mais le morceau est ciblé, parce que j’en ai rencontré des gens, pour qui le contenu de “Ma Salope” pourrait être « dédié » [rires]. Il y a un peu de vérité mais c’est globalement de l’auto-dérision, j’ai simplement kiffé avec mon bro’ Marlo. On aime s’amuser sur ce genre de délires.

À l’avenir, un retour de la MZ est envisageable ?

Exclusivité pour YARD. Je vous donne la date. Normalement je n’ai pas le droit de la divulguer… En 2035 ! Entre juillet et août ! J’espère que je serai mort d’ici-là [rires].

Le Fusion Concept World est de retour pour la 7ème édition ! La finale de la première compétition de danse consacrée au Freestyle prendra place dans un nouveau lieu, le Cirque d’Hiver Bouglione, pour un show qui s’annonce explosif.

En amont de la finale du 2 septembre sera mis en place le Fusion Concept Camp, le premier camp de danse français centré sur le développement du Freestyle. Cet évènement aura lieu au centre hip hop « La Place » à Paris, du 29 août au premier septembre. Tenez-vous prêts !

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Ce n’est pas la première fois que l’on entend « Outlet », le nouveau banger de Desiigner. La chanson était déjà utilisée dans une publicité pour « Champs Sports », une chaîne de magasins de sport américaine. Mais aujourd’hui, le rapper de Brooklyn dévoile un nouveau clip, dans lequel Paul Pogba s’ambiance sur les trompettes du morceau.

 

Le Quai 54 World Streetball Championship fait son grand retour ! La 13ème édition de l’événement aura lieu sur le site de la Pelouse de Reuilly à Paris, 75012, les 8 et 9 juillet. Cette année, le Quai 54 annonce déjà la venue de Young Thug pour un concert de clôture et vous réserve encore quelques surprises.

Pour être les premiers au courant des infos de programmation, billetterie et autre, vous pouvez rejoindre la mailing list du Quai 54 : quai54.com/2017event

INFOS & BILLETTERIE > WEBSITE

 

 

Signée sur le prestigieux label One Little Indian aux côtés de la mythique Björk, l’artiste française nous a donné rendez-vous à Lille, son bastion. Sur le trajet reliant la capitale française à celle des Flandres, je réécoute son album « A m o r F a t i » sorti le 14 octobre dernier. Aérien, chamanesque et très certainement mystique, je ne sais à quoi m’attendre de cet entretien. Pourtant, en plein Mercure retrograde (merci Sarka !), l’issue de ce face à face ne pouvait que s’annoncer sous le signe de l’analyse et de la réflexion. Arrivés à bon port, S a r a s a r a nous attend tout sourire dans un cadre magnifique. Suis-je prêt à initier un des dialogues les plus abstraits (et pourtant si enrichissant), à ce moment T je ne le sais guère. Et pourtant, je me lance.

 

Photos : @samirlebabtou

 

Comment en es-tu arrivé à te créer un tel univers ?

Je n’ai pas du tout fait un cursus d’art mais plutôt dans le business. À la fin de mes études de commerce je n’ai pas spécialement pu trouver de boulot alors je me suis intéressé à tout ce qui était codage. L’informatique m’a toujours intéressé, j’y ai même trouvé un poste de chef de projet mobile pendant cinq ans. À coté de ça, la musique aussi m’intéressait depuis toute petite et plus tard j’ai donc commencé à acheter des platines, des disques et sortir en boite. Dans la région de Lille, nous avons beaucoup de clubs assez réputés et j’ai donc commencé à suivre la scène house ou encore la scène techno. Je n’étais pas forcément attirée par la pratique d’un instrument spécifique et finalement tout s’est goupillé d’une façon assez étrange : j’ai appris à coder, je me suis intéressé aux logiciels de codage de musique et j’ai commencé à coder comme ça.

Au fur et à mesure je me suis rendu compte que de plus en plus de personnes venaient se greffer au projet et que ce sont eux qui m’ont aussi aidé à découvrir qui j’étais et ce que je voulais faire. Par exemple la partie visuelle avec tous les ornements, c’est un ami artiste qui aimait bien mon univers qui me proposait pas mal d’idées. On décide alors de bosser ensemble sur tous les gros shoots que je fais et voilà… Toutes ces personnes autour de moi m’ont aidé à développer mon énergie.

 

De quelle façon parvient-on à partager un univers aussi complexe ?

J’essaie de continuer de faire les choses que j’aime vraiment. En marge du travail, de ma musique et du reste, je me suis toujours intéressé à la philosophie et j’ai donc pris des cours du soir. Cela fait maintenant quatre ans et je suis en préparation d’un doctorat, je ne sais pas si j’aurais le temps de finir mais en tout cas j’essaie. Grâce à la philosophie j’apprends plein de choses car cela traite de tous les sujets : l’art, la musique, ta façon d’être et de penser, ta façon de manger, etc. Toutes ces petites choses auxquelles tu crois et grâce à quoi tu te sens bien, par exemple par le biais de la philosophie j’ai commencé à méditer et je suis devenu végétarienne. J’ai découvert certains livres et certains artistes et au fur et à mesure tu prends le meilleur de tout ce que tu trouves. Avec tout cela tu essaies de te créer un personnage, une image, des sons, un univers…
Et pour moi ça passe forcément que par la musique même si l’aspect visuel est très important aussi. J’attrape plein d’influences, d’infos un peu partout et je ne suis pas forcément influencée par des gens qui ne font que de la musique.

 

Pour rebondir sur la philosophie, qui est donc le philosophe t’ayant le plus marqué ?

Euh…(elle hésite quelques instants, ndlr) En fait j’ai commencé les cours et on y parlait des philosophes présocratiques de la Grèce Antique, etc. Moi je suis à fond pour l’épicurisme et l’hédonisme, cette mouvance de  recherche du bonheur à travers les sens. Te dire que tu fais des choses car elles te procurent du bonheur et laisser de côté la partie envahissante que sont les médias et la société de consommation pour revenir à des choses comme le corps et l’attention qu’il faut y porter. Il y a aussi le vitalisme aussi quand on parle de Nietzsche un peu plus tard dans l’Histoire. Le fait de faire très attention à ton corps, le fait de l’écouter et de suivre ses intuitions, le concept de « volonté de puissance » comme dit Nietzche.

 

C’est drôle parce qu’en écoutant l’album et en te parlant j’aurai plutôt pensé que tu te rapprochais de la pensée stoïcienne, l’acceptation de choses qui ne dépendent pas de nous.

C’est beaucoup lié tout ça. Le stoïcisme c’est accepter les choses telles qu’elles sont pour être heureux, ne pas s’inquiéter des choses qui ne dépendent pas de soi…et en fait l’épicurisme est une part du stoïcisme, rechercher le bonheur à travers certaines choses. Et puis il y a cette image que la société a collé aux épicuriens en les dépeignant comme des gens incultes, sales, mais lorsque tu lis les textes d’Épicure c’est tout le contraire. L’idée reçu veut qu’ils n’obtiennent le bonheur qu’à travers la possession, par la nourriture et l’alcool à profusion…alors qu’Épicure ne se contentait que d’une tranche de pain et d’un verre d’eau. L’épicurisme c’est l’absence de trouble et c’est très important pour moi lorsque j’écris un texte ou tout simplement quand je pense les choses.  Trouver le bonheur immédiat dans quelque chose qui te plait, c’est exactement ça.

 


« Matthew Herbert avait pris un petit risque vu que je n’avais pas de label ni de projet bouclé »


 

 

Comme lorsque tu décides de partir à la rencontre d’un producteur pour qu’il te confectionne des morceaux. Tu cherches ton bonheur immédiat.

Un jour je me suis acheté un micro, j’ai commencé à chanter et au bout d’un an je me suis rendu compte que je ne voyais plus du tout mes amis et je faisais tout ça le soir et les week-ends. J’ai fini avec pas mal de matériel, la question s’est alors posée de savoir ce que j’allais en faire. J’ai finalement décidé de tout envoyer en démo et comme je n’arrivais pas vraiment à donner une forme à mes morceaux, il a fallu que je m’entoure d’un producteur. J’ai appelé plusieurs personnes mais cela ne marchait pas forcément. Puis un jour je pense à Matthew Herbert (célèbre producteur de musique anglais, ndlr), je lui envoie ma musique et il me répond dans la foulée en me disant qu’il aimait ce que je faisais. On a donc décidé de faire un test de quatre morceaux ensemble là bas dans son studio au bord de la mer dans le Kent (un comté d’Angleterre au sud-est de Londres, ndlr). Une semaine plus tard, nos quatre morceaux étaient pondus, tout cela de manière naturelle. On était assez content, surtout lui, car il avait pris un petit risque vu que je n’avais pas de label ni de projet bouclé. Au bout de dix jours je rentre et j’envoie tout ce qu’on a fait à une liste de labels que je m’étais constitué selon mes envies. Tout en haut de cette liste figurait One Little Indian Records car j’ai toujours été fan de l’artiste Bjork et d’univers assez différents. Ce qui est étrange, c’est que le quart d’heure suivant l’envoi de mon mail, je reçois un coup de fil de Matthew me disant que Derek Birkett – le boss du label qui manage Björk – vient de l’appeler, il trouve ma musique géniale, souhaite me signer et qu’il faut que je l’appelle vite. Ce que j’ai fait. Quelques heures plus tard je partais pour Londres, je l’ai rencontré et nous avons discuté. Il me propose alors un album deal que j’accepte, le temps que tout soit paraphé – en une semaine -, que je repars déjà en studio avec Matthew pour continuer de travailler sur le reste de mes morceaux. On finira avec onze titres et l’album sort en novembre. Pour tout ce qui est « création artistique », je me suis jamais vraiment posé de questions. J’essaie juste de faire ce qui me plait et lorsque que je le sens bien j’y vais et si c’est l’effet inverse, je stoppe tout.

 

Qu’est ce qui influence et nourrit ton art et par extension ton univers ?

Je dirais que ce sont les relations humaines qui ont inspiré le premier album. Je trouve assez fascinant ce rapport que tu peux avoir avec les gens, que ce soit un étranger, ton ami ou autre. J’aime beaucoup la nature aussi, notamment les animaux qui ont une grande place dans ma vie. La philosophie comme je disais tout à l’heure ou encore le cinéma que j’aime beaucoup, qu’il soit indépendant ou que ce soit un gros blockbuster. J’essaie de m’inspirer de tout ça.

 

Et au contraire, qu’est ce qui te répugne et pollue ton art ?

Honnêtement, tout ce qui est réseaux sociaux, médias, etc. Aujourd’hui ils en font tellement trop…je me suis coupée de ça il y a peu de temps, j’essaie de m’en détacher, que ce soit l’actualité ou le reste. Il y a beaucoup trop d’informations et cela va trop vite, quel est le sens de tout ça ? Je ne comprends plus trop la société d’aujourd’hui.

 

Du coup, à quel moment le personnage « S A R A S A R A » prend le pas sur ta personne ?

Bonne question (elle marque un temps d’arrêt et semble perdue dans ses pensées, ndlr). Je dirai que même en studio il subsiste une partie de moi, par contre sur scène ce n’est plus la même chose. Tu rentres dans tes costumes, tu mets le pied sur scène et là…tu plonges dans le personnage de la même manière qu’un comédien rentre dans son personnage au théâtre. Au studio c’est différent, tu es assez terre à terre, il y a plein de paramètres techniques…alors que sur scène, il n’y a plus rien autour de toi.

 

Il y a quelque chose qui m’a marqué au niveau de ta musique, c’est qu’il y a un rapport de distance qui opère. On n’entend plus mais on écoute, sans vraiment réussir à saisir la chose. Est-ce qu’au même titre que ton personnage, tu fais exprès de mettre de la distance entre l’auditeur et toi ? Est ce que le recul est important ?

Ce n’est pas quelque chose que j’ai pensé, par contre ça s’est imposé un peu par la force des choses. Quand tu parles des paroles, il y a ce côté poésie, j’aime bien les mots et j’apprécie quand ces choses ne sont pas forcément directes. Dans l’album, il y a une cohérence parmi les douze morceaux mais je n’ai pas cherché à créer de distance, à ce moment T cela m’est apparu comme logique.

 

C’est assez paradoxal parce que malgré la barrière de la langue, on parvient à être sur la même longueur d’onde en t’écoutant. Je pense notamment au titre « Saphir ».

En fait, je crois que je n’ai pas du tout pensé au public lorsque j’ai composé cet album. D’abord parce que je ne m’attendais à signer quelque part et ensuite parce que je l’ai fait pour moi. C’est peut être ça qui fait que cela fonctionne, ne pas calculer la façon dont on pense que les gens vont interpréter les morceaux, les paroles…les gens semblent capter le message. Honnêtement je ne me suis pas posé de questions.

 


« L’énergie de la planète, l’électricité, l’intuition…voilà, on en revient encore au vitalisme et à l’épicurisme. J’y crois vraiment..en gros, toute ma vie est basée dessus »


 

 

C’est intéressant parce que cela me rappelle une phrase qu’un artiste avait dit : « chers amis artistes, ne vous souciez jamais de savoir si les gens vous comprennent ou non. Être compris ne doit pas être votre objectif, l’expression est votre but ».

C’est tout à fait ça. Quand j’ai fait cet album, j’étais seule. Enfin, avec Matthew…mais il n’y avait pas autant de gens autour de moi et je me dis que si je devais le refaire aujourd’hui’ en écoutant l’opinion du public je le ferai très certainement différemment. C’est très important pour moi, ce besoin de m’enfermer dans une bulle imperméable aux conseils et avis des gens. Pour savoir si je suis sur la bonne voie, il suffit juste que ça résonne bien en mon for intérieur et voilà.

 

Les fréquences, les ondes, faire passer des messages à travers ces canaux là…est-ce que c’est quelque chose auquel tu crois ?

Beaucoup oui ! L’énergie de la planète, l’électricité, l’intuition…voilà, on en revient encore au vitalisme et à l’épicurisme. J’y crois vraiment..en gros, toute ma vie est basée dessus. Tu as besoin d’un déclic, mais lorsque tu commences la méditation tu te rends compte que ces choses là sont présentes. Plus tu t’inquiètes pour les choses, moins elles se produiront car tu crées de l’énergie négative autour de toi et vice versa, plus tu crois aux choses et plus tu auras de chances qu’elles se produisent. Tu crées ton univers et ce qui s’y produit…
Au niveau musique, tu sais quand quelque chose sonne bien et si tu en as la conviction…c’est hyper bizarre d’écouter un discours comme ça. Ce n’est pas quelque chose de concret, c’est un feeling.

 

C’est intéressant comme approche et pas mal d’artistes l’évoque dans leur musique. Andre 3000 d’Outkast en parle dans le titre « Slum Beautiful » en disant : They don’t know, but I do though. Baby my darling you make me lose composure/ Fragments of a million me scattered across the floor to a certain degree/ Where I had to give your mama a call and thank her for spending time with your daddy/ For all its worth, girl what’s your frequency ? And can I come there frequently ? (Ils ne savent pas, mais moi si. Bébé ma chérie, tu me fais perdre tous mes moyens/ Des millions de fragments de moi éparpillés au sol à un certain degré/ À tel point que je me suis senti obligé d’appeler ta mère pour la remercier d’avoir passé du temps avec ton père/ Pour tout ce que ça vaut, à quelle fréquence vibres-tu ? Et puis-je y venir souvent ?). Tout ça pour dire, que cette philosophie s’applique aux initiés. Mais toi du coup, à quel degré crois-tu en l’Homme ?

Je crois que l’Homme a été aliéné et tant que les hommes ne se recentreront pas sur eux-mêmes et donc à leur propre source d’énergie, alors ils n’iront pas mieux. Dans le monde on voit des choses assez terribles…tu n’as plus envie d’aller voter, tu n’as plus envie de croire que les choses iront mieux, il n’y a qu’à voir ce qui se passe en Syrie ou avec les Américains. Quand tu vois le traitement infligé aux réfugiés et qu’à côté de ça il y a des gens qui se gavent de pognon parce qu’ils font 1 milliard de vues sur YouTube en très peu de temps…tu te demandes dans quel monde on vit. Tant que les gens ne se réveilleront pas, on continuera sur cette voie. C’est un véritable travail sur soi-même qu’il faut entreprendre.

 

 

Est-ce mauvais de croire en cet idéal ?

Moi je pense qu’ils sont faussés sur l’importance des choses de la vie : le pouvoir, l’argent, la possession matérielle, l’accumulation de biens ne sont pas une source de bonheur selon moi. Le bonheur se trouve dans les gens qui t’entourent et avec lesquels tu te sens bien, les gens avec qui tu partages de petites choses à la con. Boire un verre avec mes potes me suffit largement à me rendre heureuse. Après, c’est vrai qu’il te faut un minimum d’argent pour vivre mais je trouve qu’aujourd’hui, la course à la possession est une manière de penser qui me dépasse complètement. Je n’ai plus envie de vivre de cette manière là et c’est en commençant à méditer que tu te rends compte de ces choses là. Cela te permet de revenir aux choses qui comptent, réellement.

 

Alors, renoncer permettrait de vivre un peu plus ?

Oui, voilà. C’est la base. Épicure l’explique en disant que nous recherchons le bonheur à travers des choses extérieures alors qu’en fait, le bonheur c’est apprendre à vivre avec ce que tu as et que tu l’atteins avec le minimum de possession. Renoncer à certaines choses, c’est ça la clé.

 

Cette idée de se dire qu’il y a quelque chose de plus grand que soi, c’est un peu l’idée que l’album me procure. Au même titre qu’un Bernard Werber (auteur de paralittérature), ton personnage prend de la hauteur pour contempler ses contemporains. Ton personnage navigue entre l’imaginaire et le réel ou du moins le conscient. Ma question est la suivante, d’où vient S A R A S A R A ?

Ce sont des amis qui m’ont affublé de ce nom. Nous étions deux Sarah dans le groupe et c’était une manière drôle de nous identifier alors ce prénom est resté à travers le temps.
Au final je trouvais que sur le papier ça rendait bien, j’ai mis un peu de temps à me décider à l’utiliser comme nom d’artiste et au final je trouve que ça marche bien, les gens le retiennent bien. J’avais pas forcément envie d’utiliser mon vrai prénom parce que ce n’était pas très « vendeur ».

 

Crois-tu au pouvoir des noms et par extension au conditionnement d’une identité par le choix d’un prénom ?

Carrément. Je trouve que c’est vachement révélateur un prénom.

 

Parce qu’en faisant une petite recherche sur le tien, je suis tombé sur pas mal de choses intéressantes. Comme le volcan Sara Sara au Pérou découvert en 1583 par un prêtre espagnol qui lui même a découvert que ce lieu était un des endroits sacrés les plus importants dans le sud du pays. 400 ans plus tard, deux archéologistes : un américain et un péruvien, mènent une expédition résultant à la découverte d’une douzaine de statues. Parmi elles, une femme Inca momifiée, qu’ils surnommeront plus tard « Sarita » (la petite Sara).
Il  y a aussi ce côté Egypte antique avec « Ra » ou « Re » qui désignent le soleil donc un dieu. Sa-Rê quant à lui, renvoie au roi Khépren et veut littéralement dire « fils de dieu ».
Je trouve qu’en soi, au vu de la première image de ton clip « Sun » qui montre une icône chrétienne, on tombe dans une magnifique mise en abime de ton personnage, mais aussi de toi. Enfin, j’ai aimé cette idée qu’on retrouve dans la mythologie égyptienne qui voulait que chaque jour, Ra voyage à travers le ciel à bord de sa barque sacrée (parcours du soleil) et chaque nuit au travers des mondes souterrains (les enfers). Chaque lever de soleil devient donc une victoire remportée sur les forces des ténèbres.
Étais-tu consciente de tout cela et si oui, t’es tu appuyée sur ces mythes afin de construire ton personnage ?

C’est vrai qu’avant de décider de garder ce nom j’ai fait quelques recherches. Finalement, après avoir découvert tout ça, j’ai trouvé que cela fonctionnait bien. On peut dire que cela m’a influencé.

 


« Je pense qu’aujourd’hui tout le monde n’est pas enclin à comprendre ce qui se rattache à l’énergie de la Terre »


 

 

Les titres de l’album vont également dans ce sens. Le titre « Juju » par exemple.

« Juju » c’est du français très ancien. Du français créole du temps de la colonisation pour être précis. Il s’agit d’un sortilège amoureux.

 

Le titre « Supernova » cristallise un peu tout ce qu’on vient de se dire. Par définition une supernova est un phénomène résultant à l’explosion d’une étoile – dans ton cas on pourrait penser au soleil – et se produit une augmentation brève et fantastiquement grande de sa luminosité. Vu de la Terre, une supernova apparait comme une étoile nouvelle, alors qu’en réalité il s’agit de sa disparition. Excuse moi, mais je ne peux m’empêcher de penser à l’analogie (peut-être trop simple) que l’on se fait de la lumière et du savoir, de la connaissance. Après tout, est-ce que ton personnage ne détiendrait pas un savoir, mais qu’il est encore trop tôt pour le commun des mortels de s’en imprégner ?

Ça serait prétentieux de penser ça (rires) ! Par contre, je pense qu’aujourd’hui tout le monde n’est pas enclin à comprendre ce qui se rattache à l’énergie de la Terre. Ce n’est pas quelque chose qu’on nous enseigne, on ne nous apprend pas à vivre à travers cette philosophie de vie là. On vit dans un monde où avoir des oeillères est la norme mais je pense qu’à un certain moment de nos vies arrive une phase où tu peux être initié à ces choses là et c’est ce qui m’est arrivé. Cela s’est produit suite à certains évènements dans ma vie (sa voix devient plus fragile, ndlr)…aujourd’hui il m’arrive de parler avec certaines personnes et je sais qu’elles ne sont pas encore arrivés à cette étape de leur vie.

 

Étant d’origine africaine, je retrouve certaines choses que j’ai entendu dans ce que tu racontes, ce qui m’amène au titre « Succubus ». En gros, il s’agit de personnages de légende, des démons pour être précis, qui prennent la forme de femmes pour séduire les hommes durant leur sommeil et plus précisément, leur rêves. Ces « esprits » sont à la fois redoutés et désirés. En partant du principe que ton personnage use de sa voix pour envouter et possiblement mener à un état de torpeur ou de sommeil, j’en reviens à me dire qu’il y a ce côté hypnotique propre au dieu Hypnos (dieu du sommeil). Considères-tu ton personnage comme quelqu’un ayant des prédispositions de l’ordre du mystique, voire chamanesque ?

Je pense, oui. Il faut le vouloir et déjà être conscient de cette chose. Ce qu’on dégage crée une réponse chez les gens, moi j’en suis consciente pour moi même et j’essaie de vivre avec ça au jour le jour et j’essaie de répondre à certaines personnes en fonction de ça. Les interactions avec les autres sont vraiment basées à partir de cette conscience là. Est-ce que c’est frustrant de ne pas profiter de ça avec tout le monde ? En fait, tu te rends comptes que les gens qui gravitent autour de toi et que tu côtoies fréquemment sont là pour une raison et ceux qui ne sont plus vraiment dans ta vie ne le sont pas pour la même raison. D’autres personnes rentrent dans ta vie et tu te rends compte qu’ils ont ce truc. Donc non, je le vis bien. Ce n’est pas quelque chose qui « détruit », il y a pas mal d’informations à prendre en compte et à analyser, pas mal de choses à comprendre tout seul face à toi même.

 

Ce qui me fait rebondir sur le titre « Fire », donc le feu. Zeus donne le feu aux hommes pour qu’ils soient autonomes. Le feu encore une fois peut renvoyer au savoir et à la connaissance.

Si on me donnait des canaux de transmissions, j’aimerai bien parler de ces choses là, je trouve que c’est quelque chose qu’on ne fait pas assez.

 

On finit cette conversation comme on l’a commencé, c’est à dire avec la philosophie stoïcienne. Je veux parler du dernier titre du projet « Pneuma ». Par définition il s’agit du souffle ou de l’esprit aérien auquel dans l’antiquité, certains médecins attribuaient la cause de la vie et par la suite, des maladies. Les stoïciens pensaient que le pneuma » était un principe de nature spirituelle qu’ils considéraient comme être le cinquième élément.
Est-ce voulu de finir l’album sur une note…(elle me coupe).

Oui. En grec ils disent qu’il s’agit du souffle de la vie, ce qui anime tes cellules. Et de se dire « ok, aujourd’hui je vais écouter cette musique et on verra où cela me mènera ». C’est pour cette raison que je voulais finir là dessus.

 

 

Pour les initiés et ceux qui aimeraient découvrir l’artiste, vous pourrez la voir se produire au Coke Private Hotel ce mercredi 21 juin. Ainsi qu’au Palais des Beaux-Arts de Lille le 22 et 23 juin.

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !

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Le 21 juin annonce le début de l’été,  l’amorce  de son rythme si caractéristique. Là les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles. 

Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.

 

 

Jeune athlète calme et confiante de Créteil, Lux a décidé d’arrêter les cours cette année pour se consacrer à l’athlétisme. À 19 ans, même quand le mannequinat frappe à sa porte, elle garde la tête froide. Là où beaucoup voient des risques, elle voit des opportunités.

 

Cette année alors tu fais quoi? Tu t’entraines à plein temps ?

Oui tous les jours sauf le samedi. Comme j’ai pas cours cette année, le coach peut me faire venir à 14h pour qu’on parle 2 heures pour faire un état présent et que je commence l’entrainement le soir avec les autres et je reste jusqu’à 20H au stade.

 

Et t’as quand même une vie sociale ?

Oui j’ai assez d’énergie du coup même après une séance je peux passer un peu de temps avec mes potes. C’est juste une question d’organisation.

 

T’as pas douté au moment de faire ce choix, de te consacrer à l’athlé et de mettre tes études entre parenthèses ?

Non, j’ai d’abord pensé que ce serait une belle opportunité. J’avais besoin de faire une année comme ça. Parfois je vois ça comme un loisir et parfois comme un taff. Même si y’a des jours où j’ai la flemme, la question ne se pose même pas, je vais à l’entraînement, c’est comme ça.
C’était ma décision, mes parents n’étaient pas emballés tout de suite mais ils me font confiance.

 

Ils ont raison de te faire confiance? T’as besoin de ce soutien de tes proches ?

Bien sur qu’ils ont eu raison. Ils savent que je peux gérer. Et mes proches… Ils viennent pas tout le temps me voir et ça change pas grand chose. Je suis mieux sans personne qui me regarde, juste avec un public. Déjà qu’on se connaît tous, j’ai pas besoin d’autres yeux portés sur moi.

 

C’est marrant que tu abordes le sujet, parce que tu as déjà travaillé en tant que mannequin, et dans ce genre de taf, t’es au centre de l’attention…

Ouai mais là j’avais pas d’objectif, on m’a un peu poussé dedans et même si c’était pas forcément mon truc, j’ai relevé le défi, parce que je suis pas une baltringue! (rires)
J’ai vu jusqu’où je pouvais aller, j’ai vu les portes s’ouvrir et j’ai eu un choix à faire.

 

Comment tu vis ce rapport à l’image, il y a des gens qui rêvent d’être mannequin alors que pour toi ça n’a pas l’air d’être trop important…

Pour moi l’image c’est pas important, je ne me prends pas au sérieux. Mes potes me disent que je m’habille en chlague mais je m’habille comme je veux! Après est-ce que je m’accepte? Hmm… Dans le mannequinat ils te disent d’être naturelle mais tu ne dois pas sourire, pas rigoler, te tenir comme çi, comme ça… Souvent je ne me reconnais pas dans les photos qu’on prend de moi. Des fois je les trouve cool, mais j’ai jamais eu un grand kiff sur une photo pro de moi.
Après les gens m’aident un peu. Quand on te répète que tu passes bien, ben ça donne un peu plus confiance en soi. Par exemple si jamais un jour je ne m’aime pas sur une photo, je peux me dire que si elle est là ça veut dire qu’il y’a des gens qui ont kiffé.

 

 

Sinon tu viens de rentrer de stage de pré-saison, c’était comment, ça a duré combien de temps ?

C’était bien. Long et intense mais bien. Ca a duré 3 semaines avec 2 entrainements par jour, tous les jours. On a eu quelques demi-journées de repos mais jamais des journées entières où on ne faisait rien.

 

Vous étiez combien à partir là-bas ?

On était 7 athlètes, le coach et le kiné. J’étais la plus jeune des filles à partir.

 

T’as vomi pendant le stage ?

Non, mais une fois ça a faillit arriver, sur un wash, un décrassage, un 10x100m, avec 100m de récup mais c’est plus parce que je mangeais beaucoup en Italie qu’autre chose!

 

Est-ce que tu te sens plus forte maintenant ?

Ben j’avais le 1er tour des interclubs récemment et je me sentais bien. J’étais explosive même si j’ai pas réussi ma course à cause d’un accident. Je suis prête pour la saison estivale.

 

Mentalement et physiquement ?

Oui les deux.

 

Y’a des filles plus rapides que toi dans le groupe ?

Je dirais que j’ai le même niveau qu’une senior. En tout cas je travaille pour l’atteindre mais je ne suis pas loin d’elle.

 

T’as besoin d’athlètes qui te poussent à l’entraînement ?

Je pense que je peux m’entrainer toute seule mais c’est sur que pour préparer des compétitions ça aide d’avoir de la concurrence à l’entraînement. Par exemple, j’ai une partenaire d’entraînement qui est plus explosive que moi, comme je suis grande (1m80), elle a plus de fréquence au départ et on n’a pas du tout la même technique du coup.

 

Pourquoi tu t’entraines dur comme ça ?

Ben… quand t’as un objectif en tête, tu l’assumes ou pas hein. Moi je l’assume. Moi je ne suis pas quelqu’un qui parle, donc mes objectifs je les connais, ils sont clairs, mais ça se passe dans ma tête et ça reste dans ma tête. Personne ne connaît mes objectifs à part moi.

 

T’as quoi comme relation avec ton coach ?

C’est un mélange de beaucoup de choses. C’est un entraîneur de très haut niveau, donc il y a beaucoup de respect. On discute beaucoup aussi parce que c’est un coach qui travaille beaucoup l’aspect mental. Limite on parle plus qu’on ne court. Il nous prend la tête pour qu’on se prenne moins la tête. Il essaye de rendre les choses le plus naturel possible, il nous aide beaucoup là-dessus. Et notre relation c’est coach-athlète, il me dit d’aller à droite, je vais à droite.

 

Tu t’entraines avec de la musique ?

Non, jamais. En compétition certains du groupe le font mais à l’entraînement c’est rare. Le coach nous forme à être un groupe, une famille et du coup on doit pouvoir se parler ensemble. Mais même avant avec mes anciens coachs, je ne me suis jamais entraîné avec de la musique. Dans ma tête mes objectifs sont clairs, je n’ai besoin de rien d’autre.

 

Là c’est quoi les prochaines étapes dans ta vie ?

Pour commencer, niveau athlé, il y a la saison estivale qui arrive. Professionnellement, j’aimerais faire une licence LEA à Créteil à la rentrée, pour parler plusieurs langues. Comme je ne peux pas rester en place, j’aimerais voyager et puis pour le mannequinat si jamais ça marche, les langues ça m’aidera aussi là dedans.

 

L’athlé ça se finit quand? Fin juillet? Les europes?

Oui, inch’Allah. J’aimerais bien terminer ma saison avec ça.

 

Qu’est ce que tu vas faire cet été?

Je vais surement taffer ensuite. Je suis plus trop dans le mood de partir en vacances, j’ai envie de me faire du fric. Si je me fais du fric avant la rentrée, ce serait prendre de l’avance sur mon année de fac et je pourrais prendre des libertés dans l’année.

 

T’as quel àge?

J’ai 19 ans.

 

 

Instagram : @lu_luux

Pour sa quatrième édition, la soirée ERROR 404 reprend ses quartiers dans les murs confidentiels du Silencio au coeur de Paris pour fêter l’anniversaire de Julien Boudet aka Bleu Mode.

Vous pourrez bouger sur des sets par KYU ST33D, Dvnity, SUPA ! et d’autres guests sont annoncés pour une soirée qui promet le meilleur du RnB et du hip hop toutes époques confondues.

À l’occasion du « Traplord Tuesday » qui nous a fait découvrir des nouveaux sons d’ASAP Ferg comme « Nia Long » ou encore « Aw Yeah » avec Lil Yachty, le rapper de Harlem revient aujourd’hui avec un morceau nommé « Tango ». Dans celui-ci, ASAP Ferg nous parle de sa vie personnelle, notamment de son père « mort pour les mauvaises raisons. »

Vous pouvez écouter « Tango » juste en dessous.

 

 

Deux ans après son dernier projet Rap Machine (2015), Disiz La Peste revient avec Pacifique son onzième album. Onze albums pour un seul rappeur, on a compté et c’est bien un record détenu par Disiz.  Un mastodonte, une grosse pointure, un incontournable de ce rap-jeu. Disiz La Peste était aussi Disiz Peter Punk, puis il est devenu Disiz tout court et pour finalement revenir à son premier nom de scène, Disiz La Peste.

«  Avec tous les changements de noms que j’ai eu, je suis revenu à Disiz La Peste car sur les plateformes de streaming mes sons étaient référencés sous deux comptes. Il y avait Disiz d’un côté et Disiz La Peste de l’autre. Avec ma nouvelle signature chez Polydor, on a décidé de fusionner les deux comptes. On a choisi Disiz La Peste car c’est le nom qui a le plus marqué les gens, et c’est un bon choix car avec cette fusion j’ai explosé mes records de streaming. »

Disiz La Peste nous emmène avec son équipage à la conquête du Pacifique. On est emporté par des flots agités et des eaux troubles, on navigue sur des mers calmes et limpides. Vingt titres, aucun ne se ressemblent, aucun ne se rejettent, un mélange de sonorités aussi subtile qu’innocent. Accompagné du célèbre navigateur belge Stromae qui est derrière deux morceaux de l’album, la direction est choisie, la couleur est assumée. Disiz nous exécute là un plongeon risqué comme son album … et ça fait splash dans un carré bleu.

 


Photos : @TerenceBK

« Je viens ni du futur, ni du passé
J’viens tout simplement d’ailleurs » “Autre espèce”, Disiz La Peste

 

Première question : On voit que t’as complètement changé de style par rapport à ton dernier projet, pourquoi avoir pris cette direction-là ?

Quand t’écoutes l’album tu peux avoir l’impression que je ne sais pas où je veux aller. J’ai étudié la musique et avec ma connaissance de cet art, j’ai compris que les styles sont imposés par l’industrie et les médias. Les artistes ne s’imposent pas de styles, ils tâtonnent, ils cherchent des inspirations et parfois ils sont attirés par des mouvements ou des émotions. Tu prends l’exemple de Van Gogh ou Monet ils ne se sont pas dit, on va créer un style et ça va être l’impressionnisme, ça ne marche pas comme ça. Je ne me compare pas à ces artistes mais dans mon approche je veux illustrer des émotions de la manière la plus transparente et véridique possible. Si c’est une pulse électro qui m’inspire, je choisirai cette pulse pour illustrer mes émotions. Je ne veux plus me fixer de barrières à ce niveau, tu regardes les anglo-saxons, ils n’ont pas de complexes à passer du cinéma à la musique en passant par le stand-up. J’ai eu du mal à expliquer cette démarche aux personnes avec lesquelles je travaille.

 

As-tu eu l’impression de prendre un gros risque en choisissant cette direction artistique ?

Cette impression, je la ressens tout le temps, la dernière fois c’était pour l’album Dans le ventre du crocodile. Malgré tout dans ce projet, j’avais limité les risques, je m’étais laissé pousser les cheveux, je n’osais pas chanter, j’avais changé de nom, c’était plus du tout du rap. Par contre dans Pacifique, je me suis affranchi de toutes ces barrières et les choix sont entièrement assumés. Le risque était présent, c’était mon pote. Il était également présent lors des rendez-vous, lorsque je devais présenter les maquettes de l’album.

 

Y a-t-il eu des gens de ton entourage qui ont pu te décourager à faire ce disque ?

Dans ce long processus de travail, bien sûr j’ai été confronté à des personnes qui ont voulu me décourager, parfois même me dégoûter de l’être humain. La meilleure réponse que je peux leur donner serait que le disque cartonne. Vouloir me contraindre à réaliser ce que je n’ai pas envie de créer et me faire du chantage, c’est absolument déplorable.

 

 

Au contraire, y a-t-il eu des gens qui t’ont soutenu du début jusqu’à la fin dans ce projet ?

Oui bien évidemment, il y a ma chef de projet, Pauline. Je n’aurais pas pu faire ce disque sans elle. Il y a mes deux frères jumeaux avec qui je suis super proche, je leur fais écouter mes maquettes et ils me conseillent. Il y a aussi Amir de Street Fabulous, avec qui je bosse depuis longtemps et qui m’a beaucoup aidé. Et puis, je dirais Stromae qui m’a épaulé dans ce projet.

 

J’allais y venir, parle nous de cette collaboration entre toi et Stromae.

Je l’ai vu l’été dernier, ça faisait un an déjà que je travaillais sur le disque, je lui ai fait écouter quelques titres. Il a encouragé la direction artistique que je prenais, il a également apprécié les mélodies et mes performances de chant. On a fait une séance studio ensemble, on a bossé sur un morceau qui n’est malheureusement pas dans l’album. En rentrant je lui ai demandé s’il avait des instrus à me faire écouter, il m’en a fait écouter cinq. J’ai eu un coup de foudre pour celle de “Splash” et celle du morceau “C’est Compliqué” est super belle aussi. Dans le train du retour, j’ai appelé mon ingé son pour lui dire que je revenais de Belgique avec deux instrumentales de dingue. J’ai écrit dans le train “Splash”, je suis arrivé et je l’ai posé dans la minute. Juste après, j’ai envoyé le morceau à Paul [Stromae, ndlr], il était fan du refrain mais pas trop des couplets. Il m’a prouvé qu’il était un grand artiste car il m’a encouragé à garder ces couplets au lieu de m’imposer sa vision du morceau.

 

« Faut qu’je plonge dans la vie, dans l’amour, dans une fille
Ou je sombre, ou je plonge, pour toujours, dans l’abîme
Donc je plonge, je plonge, je plonge : splash
Je plonge, je plonge, je plonge : splash » “Splash”, Disiz La Peste

 

 

Peux-tu nous parler de la collaboration avec Hamza ? Il peut y avoir une opposition de style et d’univers.

Hamza a un côté un peu cru et frontale dans ses textes, ce côté-là je l’ai eu aussi quand j’étais plus jeune. On peut avoir l’impression qu’il n’y aura pas d’alchimie entre nous, pour être honnête, moi aussi je le pensais. Ce sont mes deux frères jumeaux qui me l’ont fait découvrir, ils sont fans. Ils voulaient absolument que je fasse un morceau avec lui, moi je leur ai dit : «  je ne peux pas il dit trop de gros mots ». Mes frères jumeaux ont insisté et je suis rentré en contact avec Hamza via Amir de Street Fabulous. On a fait une séance studio ensemble, j’ai apprécié ce moment car on apprenait à se découvrir l’un et l’autre. Hamza me dit : « t’inquiète pas, je ferais attention, je ne dirais pas de gros mot dans le son. » J’ai trouvé ça très touchant et le morceau “Marquises” est une belle réussite avec une forte musicalité.

 

« Je hais quand t’essayes de me tester
Laisse-moi prendre le temps de t’apprécier
J’suis tombé en love de ce fessier » “Marquises”, Hamza

 

Faisons un petit retour en arrière avec le titre “On se comprend pas” (2015). Ce morceau est sorti juste après ton dernier projet Rap Machine. Ce son est très chanté, très mélodieux, tu évoquais dans une interview le souhait de prendre une tournure plus chantée pour ton prochain projet. Deux ans se sont écoulés, quel a été le chemin entre ce morceau et Pacifique ?

J’ai toujours eu ces envies pop et chantées, c’est quelque chose qui est en moi depuis le début. Dès mon premier album, Le Poisson Rouge (2000), il y a un morceau intitulé “L’avocat des anges”. Dans ce morceau  il y a déjà une volonté de mélanger les textures et les sonorités, le son prend un caractère plus doux et surtout il est moins caricaturé rap. Sur mon troisième album, Les Histoires Extraordinaires d’Un Jeune de Banlieue (2006), Le morceau “Miss Désillusion” est clairement un son Pop. Ce morceau était pour moi un gros single, dans le sens où il était représentatif du projet, et qu’il pouvait fédérer un grand nombre de gens autour du disque. Je m’étais battu à l’époque avec mon ancienne maison de disque qui était Barclay pour garder le morceau dans l’album. Un peu plus tard quand je vois que le rap français a pris un aspect plus pop avec des artistes comme Maître Gims ou encore Black M. Même Booba qui est représentatif d’un rap plus terre à terre se met à chanter dans ses morceaux. Je me suis dit que j’aurais dû aller au bout de mon idée. Je ne dis pas que je suis un précurseur, c’est juste que j’ai osé chanter pendant que d’autres rappeurs n’osaient pas le faire. En réalité ces envies-là je les ai depuis que je suis dans la musique. Avant j’avais du mal à les imposer car l’industrie ne voulait pas d’un rappeur avec ces choix-là. Un rappeur qui prenait cette direction-là était difficile à vendre. Le chemin qui m’a conduit à cet album ne commence pas depuis le titre “On se comprend pas”. Aujourd’hui je fais la musique que j’aime, c’est ma principale motivation.

 

 

Finalement, ça te dérange peut-être qu’on te catégorise en tant que rappeur ?

Non, ce n’est pas ça. Si on a une vision large du rap en France, ça ne me dérange pas d’être catégorisé comme rappeur. C’est tout le contraire, on a une vision étriquée de cette musique-là. Aux USA, ils n’ont pas cette vision bornée de leur musique. Est-ce qu’on a pris la tête à Kendrick Lamar lorsque sur To Pimp A Butterfly il choisit une couleur musicale très jazz ? Les seules questions qu’on devrait se poser sont : Est-ce que ça sonne bien ? Est-ce que ça me fait danser ? Est-ce que ça me fait pleurer ? Ces questions devraient être le curseur des artistes et de l’industrie. Ici on se pose en premier la question : est-ce que ça correspond à du rap ?  C’est fatiguant d’entendre ce genre de questions, encore plus en 2017, à l’époque de la révolution numérique avec internet. Le style musical est un enfermement et je déteste être enfermé que ce soit dans la musique ou dans la vie de tous les jours. Je déteste être enfermé dans mon quartier, enfermé dans une radio… Non je ne veux pas.

 

Quand t’as sorti le morceau Le Rap C’est Mieux (2015), tu vantais ce style-là, mais la si on comprend bien le rap ce n’est pas forcément mieux ?

Dans ce clip, je me mets dans la peau d’un présentateur télé qui est rempli de clichés sur le rap. Je rigole de ça, ce morceau-là il faut le prendre comme une moquerie des gens qui pensent comme ça.

 

« Leur son fait du contouring pour rentrer en playlist
Négro, t’as maquillé ton nez, ton morceau est très lisse » “Meulé Meulé / Aighttt”, Disiz La Peste

 

 

La façon d’écrire un morceau est différente en fonction de la nature du titre. C’est-à-dire pour un morceau rap il va y avoir plus de mots que dans une chanson. Justement est-il plus difficile d’écrire une chanson plutôt qu’un morceau rap ?

C’était un challenge qui m’intéressait, effectivement quand t’écris une chanson, tu dois mettre moins de mots. Du coup, avec le fait de mettre moins de mots, tu deviens moins subtile. Ce qui va jouer dans la réussite d’un titre chanté, ça va être la voix, la mélodie et donc l’interprétation. Dans une chanson tous ces paramètres deviennent aussi importants que le texte en lui-même. Il y a des émotions que je ne peux pas retranscrire en Rap. Tu prends le morceau “Qu’Ils Ont De La Chance”, je ne peux pas le faire en rappant. Le titre traite du deuil, et lorsque t’es en période de deuil pour ma part je n’ai plus de mots. Tu ressens que des émotions qui te submergent, tu pleures. Dans ces moments-là il ne faut pas beaucoup de mots pour exprimer ces émotions de la manière la plus sincère possible. Le curseur de ce disque est l’émotion, j’ai tout fait pour faire correspondre les sonorités musicales aux émotions. Tu prends le son “L.U.T.T.E”, c’est un son qui parle d’un aspect très combatif de la vie, tu donnes des coups, tu luttes. Du coup pour exprimer ces émotions agressives, c’est plus naturel pour moi de produire un morceau brut et très Rap. C’est l’émotion qui guide mes choix musicaux dans cet album.

 

J’ai entendu dire qu’il y avait des sons de prêt avec Damso, encore un belge. Il y’a une analogie dans la maîtrise de la langue entre Damso et le Disiz d’une certaine époque. Justement lorsque vous collaborez ensemble, redeviens- tu le Disiz de cette époque très Rap ou bien tu veux garder ton identité musicale actuelle pour collaborer avec Damso ?

Je ne peux pas trop parler de ce qui s’est passé avec Damso parce que la page n’est pas encore tournée. Ce n’est pas pour attiser le public et maintenir le suspens. C’est une collaboration très complexe et elle est également très représentative de ce qu’il se passe en off dans le rap français. C’est un artiste que j’aime beaucoup, pourtant c’est étrange car lui il est très cru, il y a pas mal de vulgarités dans sa musique. Mais on se rejoint dans l’excellence de l’écriture. Tous deux on aime atteindre la perfection au niveau de l’écriture mais également au niveau de l’interprétation et de la production de nos œuvres. On ne s’attend pas à voir nos deux univers ensembles mais le public s’est réjoui de cette collaboration. Mais bien évidement qu’on verra un Disiz actuel dans les titres avec Damso.

« Ma lutte est sénégalaise
Je leur laisse la gréco-romaine
Font du rap corps à corps, nus dans d’la terre glaise
Chacun son délire, chacun son domaine » L.U.T.T.E, Disiz La Peste

 

 

Le projet est tout frais, on va te laisser apprécier la réussite de ce dernier. Pour toi quelle est la suite ? Un nouveau projet musical ? Du cinéma ?

D’habitude, à la fin de mes projets je pensais directement à la suite. Je me projetais tout le temps dans de nouvelles réalisations. Mais aujourd’hui bizarrement avec ce disque, je me suis entièrement vidé, j’ai tout donné, vraiment tout. Du coup je ne me suis pas posé la question de ce que j’allais faire après ce disque, c’est la première fois que ça m’arrive. Mais j’ai bien envie d’adapter un de mes romans au cinéma, pourquoi pas.

 

-T’as le temps d’avoir une vie perso ?
-Pas du tout ! … Pas du tout.

Nathalie Canguilhem se marre un peu jaune. La veille, elle a bûché jusqu’à 3h. Ce matin, elle était levée à l’aube. Elle a la ferveur dévorante des passionnés. Nathalie fait de la réal’. Depuis plus de dix ans. Son truc, c’est les clips de rap et les films de mode. Sommité dans le milieu, elle a prêté son œil à Joke (Vision, Majeur en l’air, Harajuku, Tokyo Narita …), Dosseh (Putain d’époque feat Nekfeu, Milliers d’euros feat Young Thug), Booba (Illegal, Scarface), Sefyu (Turbo, Molotov 4, En noir et blanc …) et Anthony Vaccarello, le directeur artistique de Saint Laurent, mais aussi Charlotte Gainsbourg, L’Oréal, Y-3 ou Diesel.

 

 

Sept mois qu’elle promettait, se dérobait. En boucle. Submergée par un trop-plein de boulot, d’idées, de choses à penser. J’avais relâché l’effort, l’espoir se consumait. Plus difficile à attraper qu’un Pokémon rare. Alors je me l’imaginais un peu sauvage, un peu fugace. Puis la voilà, enfin. Souriante et charmante, en fait. Elle a la voix douce et l’accent qui chante, vestige de sa vie d’hier, à Montpellier. Sur son enfance, Nathalie passe vite. Pas du genre à déballer l’intime. Pour quoi faire ? « Je déteste la mise en avant. Soit les gens aiment mon travail, soit ils ne l’aiment pas. Mais tout ce qui est photos et informations sur moi … on s’en fout. C’est à l’artiste que doit revenir l’exposition ». La réalisatrice ne donne pas d’interviews, elle n’inscrit pas son nom aux génériques des clips. Dès le départ, elle avait prévenu : pas de photos, ça l’angoisse. Comme une Daft Punk, elle ne montre jamais son visage. Peut-être moins par pudeur que par gêne. Nathalie est plus à l’aise avec l’image des autres qu’avec la sienne.

Depuis gamine, la mode lui fait de l’œil. Montpellier, c’était pas l’idéal. Alors très vite, elle met  les voiles. Paris, et son champ des possibles. Etudiante en journalisme, Nathalie gratte des articles pour Vogue et Glamour. Elle commence comme ça, puis s’essaie au stylisme. Sur les shootings, elle côtoie des pointures, Nick Knight, Juergen Teller, Jean-Baptiste Mondino … « Je ne trouvais pas ça très enrichissant. Soit t’es à la tête d’un magazine et tu peux donner ta vision, soit tu vas basiquement chercher des fringues dans des bureaux de presse ». Nathalie déchante, tourne en rond. Mais en copinant avec Mondino, elle croise une tripotée de gens importants. A force de connexions, la novice entre chez EMI. Là-bas, elle apprend la direction artistique et la réalisation, sur le tas. Puis gravit tout un tas d’échelons. Dans le milieu du rap, Nathalie jure un peu. Elle n’a pas la gueule de l’emploi. « Les autres se demandaient pourquoi je voulais tourner des clips de rap. Des gens de la pub surtout. C’était le cliché : “T’es blanche et plus bourge que cité, pourquoi tu vas faire ça ?”. Et puis en tant que meuf, pour exister dans un univers masculin, c’est moins évident. Aujourd’hui je suis contente de m’être obstinée, j’y croyais vraiment». Lorsqu’Emmanuel de Buretel, PDG d’EMI Europe, quitte le groupe en 2004 pour fonder quelques mois plus tard Because, Nathalie le suit.  Elle supervisera l’image des artistes du label jusqu’à ce que la vie de bureau l’emmerde et l’étouffe trop, en 2012

 

 

Oumar Samaké, fait partie de ces âmes croisées qui ne l’ont plus quittée. Rencontré époque Because, le producteur (Joke, Dosseh, Dinos, Blastar …) est devenu un ami. En 2013, les deux choisissent le Japon pour mettre en boîte le clip (il y en aura finalement deux) d’un rappeur quasi inconnu, Joke. Le staff est ultra réduit, le budget maigre. « Il n’y en a pas beaucoup qui auraient eu les couilles de faire ça », triomphe Oumar, « Maintenant tout le monde va au Japon et tout le monde copie ». Partout, dans les clips de rap français, on écule les mêmes clichés. «  Les armes, les putes, la drogue » liste Nathalie. Elle et Oumar voient les choses différemment, piochent dans la pub, le cinéma, l’art contemporain ou la mode, essaient, innovent, chahutent. Pour Nathalie, il y a eu un avant et un après Joke. « Avant, il y avait un peu un truc où il ne fallait pas être trop branché, il fallait toujours rester très street. Joke a amené une nouvelle manière de faire du hip hop ».

 

 

Lorsqu’Oumar lui présente Dosseh, Nathalie n’hésite pas. Pourtant, autour d’elle, on ne comprend pas. « T’as pas besoin de ça » … Ce qu’elle en a à foutre des esprits étroits. Dosseh est prêt. À l’audace, au changement. Malgré la polémique (« Je connaissais le travail de Kader Attia, mais en aucun cas je n’ai copié sur lui »), Nathalie parle de Putain d’époque sans aigreur. Sous sa direction, Dosseh a osé le k-way en aluminium, le noir et blanc, les plans étourdissants et les ambiances tranchées. Ça suffit à la remplir.

Nathalie aime l’élégant, avec du street dedans. Dans la mode, elle met des souterrains glauques, des tours HLM, des beats hip hop et de l’attitude.  Anja Rubik les jambes écartées sur le capot d’une Rolls ou Travis Scott en veste de costume à même la peau. Elle veut de la belle aspérité, du piquant esthétique. « Je trouve que c’est ce mélange des cultures qui permet d’enrichir sa vision ». Nathalie ne pense pas frontières, cases, étiquettes. « Je ne fais pas de différences entre un rappeur, une comédienne et un mec de mode ». Avec Anthony Vaccarello, ça a tout de suite collé. Ça avait commencé par un coup de fil, pour habiller Charlotte Gainsbourg aux Césars. Ça s’est poursuivi avec des films publicitaires, pour Versus Versace, la griffe éponyme du créateur, et puis Saint Laurent. Elle signe les campagnes de la Maison parisienne depuis cinq saisons. Ensemble, Nathalie Canguilhem et Anthony Vaccarello imaginent un Saint Laurent plus urbain et sauvage, plus libre et électrique.

 

 

Côté cour, sur les plateaux, Nathalie est réputée forte tête. Côté jardin, avec les potes, Oumar l’assure, c’est différent. « Dans le taff, elle est très dure, très exigeante. Elle est intransigeante avec elle-même donc elle l’est aussi avec les autres. C’est arrivé qu’on s’embrouille violemment sur des tournages, mais dès qu’on revient dans le privé, c’est oublié. Elle est très franche, donc quand ça ne va pas ça pète direct ». Nathalie peut re-tourner une scène « 25, 35 … 45 fois » jusqu’à obtenir exactement ce qu’elle veut. Pour une histoire de lumière « qui ne va pas » ou de bout de t-shirt qui  « dépasse un peu ». En France, ça ne passe pas toujours. Ici, on se satisfait de l’approximatif, du convenable, du presque conforme, analyse Oumar. « C’est pour ça que Nathalie bosse beaucoup plus aux Etats-Unis qu’en France. Là-bas, elle retrouve ce niveau d’exigence là. »

Nathalie n’a plus besoin de décrocher son téléphone, on vient la chercher. Les projets, elle les sélectionne par affinités. « Il y a certains artistes de rap français qui m’appellent mais que je refuse parce qu’on est vraiment trop sur des routes parallèles, autant musicalement qu’en termes d’image ». Dans un coin de tête, la réalisatrice s’imagine retravailler avec Young Thug (« J’ai adoré son côté un peu barré et son ouverture d’esprit »), ou bien collaborer avec PNL (« Je respecte vraiment leur travail »). Elle planche déjà sur les prochains clips de Joke et Saint Laurent, puis pense à un long métrage personnel, un genre de documentaire-fiction.

On a fait vite. Mais entre les murs à moulures de La Pac, sa maison de production, Nathalie ne s’attarde pas. En bas, un taxi l’attend déjà. Son temps à elle ne peut pas paresser, il file, court et pressé. « Des fois j’en ai un peu ras le bol, mais c’est tellement passionnant ».

 

Quand la délégation rap pénètre l’antre des Los Angeles Lakers, en février 2015, pour assister à la 57ème cérémonie annuelle des Grammy Awards, les visages sont crispés, les estomacs noués, les dents grinçantes. Ne lui a t-on donc pas déjà suffisamment fait affront ? Un an plus tôt, elle présentait son plus beau bébé, un pur produit de la furieuse mégalopole angeline, à qui l’on promettait la plus glorieuse des consécrations. Il n’en a rien été. Malgré sept nominations, Kendrick Lamar se retirait du Staples Center sans le moindre gramophone.

Que Daft Punk lui subtilise le prix de l’Album de l’année, toutes catégories confondues, soit. Tout ne tourne pas autour du rap, après tout. Mais que Macklemore lui soit préféré pour trois des quatre trophées alloués à sa discipline… non. Impossible. Même le concerné s’est senti obligé de s’en excuser, en marge de ce qui apparaissait comme une injustice aux yeux de tous les observateurs. « Tu t’es fait voler. Je voulais que tu gagnes. Tu aurais dû gagner. C’est étrange et ça craint que je t’aies volé. Je comptais le dire pendant mon discours », envoyait-il alors à son adversaire du soir, valeureux perdant.

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My text to Kendrick after the show. He deserved best rap album… I'm honored and completely blown away to win anything much less 4 Grammys. But in that category, he should have won IMO. And that's taking nothing away from The Heist. Just giving GKMC it's proper respect.. With that being said, thank you to the fans. You're the reason we were on that stage tonight. And to play Same Love on that platform was a career highlight. The greatest honor of all. That's what this is about. Progress and art. Thank you. #grammys

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Sauf qu’en 2015, la Recording Academy – organisatrice des Grammy Awards – récidive. Tandis que YG reste sur la touche, en dépit du succès d’estime de My Krazy Life, Iggy Azalea et son « nouveau classique » postulent sereinement au titre du Meilleur album rap. À quelques semaines de la cérémonie, J. Cole publie 2014 Forest Hills Drive, son troisième opus, dont est extrait le titre « Fire Squad ». La piste tourne depuis près de trois minutes quand le beat s’étouffe, laissant l’artiste de Caroline du Nord poser des mots sur une rancoeur grandissante au sein du paysage hip-hop :

« While silly niggas argue over who gon’ snatch the crown/Look around, my nigga, white people have snatched the sound/This year I’ll prolly go the awards dappered down/Watch Iggy win a Grammy as I try to crack a smile »
« Pendant que ces stupides négro débattent à propos de celui qui prendra la couronne/Regarde autour de toi, mon négro, les blancs ont pris le son/Cette année j’irais probablement aux awards tout fringuant/Pour voir Iggy remporter un Grammy pendant que je fais semblant de sourire »

À cette diatribe, se précède une courte énumération d’artistes blancs accusés de s’être appropriés des courants musicaux afro-américains. La plupart des auditeurs retiendront le name-dropping d’Eminem, parce que rien ne les excite plus que l’odeur fumante du beef, d’autant plus quand il est question de voir ce Slim Shady se la donner coup pour coup avec un MC quelqu’il soit (le syndrome 8 Mile). Mais le cas qui nous intéresse, plus encore que celui du natif de Détroit, c’est celui qui le précède dans la liste de Cole : Justin Timberlake.

Balades mièvres, personnalités plus ou moins caricaturales et chorégraphies militaires ; tout au long de ses années *NSYNC, Justin Timberlake a servi de la soupe. Pas le savoureux potage de votre aïeule, la bouillie fadasse que les industries produisent en masse. Celle qui investit lourdement les rayons de nos supermarchés. Celle que les boys bands (et leurs impresarios) savent faire mijoter comme personne. La recette, suivie à la lettre, transmise de générations en générations.

Aujourd’hui, ce même Justin s’installe entre Pharrell et le couple Carter lors de chacun des grands rendez-vous de l’industrie musicale. Du côté du public, personne ne s’en étonne. C’est qu’il est cool Timberlake, vraiment. À tel point que les rappeurs ne craignent pas (plus ?) pour leur image lorsqu’ils s’affichent à ses côtés. Il faut dire qu’entre temps, JT a fait son chemin de croix. Depuis Justified, sa première excursion en solitaire, il a travaillé quasi-exclusivement avec des artistes issus des sphères hip-hop et R&B. Cela va de la composition (The Neptunes, Timbaland, J-Roc, Danja, Scott Storch) à l’écriture (James Fauntleroy sur « Pusher Love Girl«  et « Gimme What I Don’t Know (I Want)« , Pusha T sur « I’m Lovin’ It« ), en passant par les featurings (Clipse sur « Like I Love You« , Janet Jackson sur « (And She Said) Take Me Know« , T.I sur « My Love« , Three 6 Mafia sur « Chop Me Up« , Jay Z sur « Suit & Tie«  et « Murder« , Drake sur « Cabaret« ). La qualité étant souvent au rendez-vous, Justin Timberlake se fait progressivement une place dans la galaxie de ces talents, et dans le coeur de leurs publics. Et s’il n’en demeure pas moins une popstar à bien des égards, son oeuvre – plus mature – éponge l’atmosphère sonore de ses collaborateurs, et tend à le rapprocher du R&B.

Game changer. Car c’est sans doute là que commence la véritable énumération, différente de celle de J. Cole. « Same thing that my nigga Elvis did with Rock n Roll/Justin Timberlake, Eminem and then Macklemore ». Plutôt Justin Timberlake, puis Justin Bieber, Miley Cyrus, Ariana Grande, Zayn Malik, Zendaya, Nick Jonas, Liam Payne, j’en passe et des meilleurs. Ce n’est alors plus une question de couleur de peau – Zayn et Zendaya n’étant pas blancs – mais d’un genre (la pop) qui flirte avec les acteurs d’une autre culture pour bâtir sa crédibilité artistique. Certains diront – à juste titre – que c’est en quelques sortes l’Histoire même de la pop. Qu’à cela ne tienne : la récurrence de ce type de trajectoire chez les artistes labellisés « Disney », « ex-boys band » ou « teen idol » (autant d’appellations pour un seul et même produit) mérite d’être relevée. D’autant que chaque fois qu’une star de la pop s’acoquine avec un producteur hip-hop ou daigne emprunter les codes du genre, il est systématiquement taxé d’opportunisme. Si Justin Bieber collabore avec Future ou Lil Wayne, c’est forcément qu’il « surfe sur une tendance » ou qu’il « essaye de se donner un style faussement rebelle ».

Qu’en est-il vraiment ? Les teen idols sont-ils nécessairement des êtres machiavéliques, guidés par le calcul ? Est-ce naïf d’imaginer une seule seconde que ces artistes aient pu souhaiter travailler avec des acteurs du mouvement hip-hop simplement parce qu’ils appréciaient leur musique ? Peut-être, mais essayons de l’être un tant soit peu.

That’s not me

Dans l’inconscient collectif, plus jeune est la popstar, moins elle est susceptible d’avoir la main mise sur son image ou sa musique. Sa personnalité comme son univers artistique sont chimériques, créées de toutes pièces par les têtes pensantes de labels véreux, managers influents et chevronnés dans l’industrie du disque. Tout ce qu’on leur demande de faire, en somme, c’est chanter. Interpréter un rôle prédéfini devant les caméras, tandis que ceux qui tirent les ficelles scrutent depuis les coulisses. La représentation a beau être grossière, elle détient tout de même sa part de vérité. *NSYNC, en son temps, n’était qu’un agrégat d’adolescents à peine pubères, assemblé à l’initiative du producteur Lou Pearlman. De même que One Direction s’est formé hasardeusement, suite aux participations individuelles de cinq garçons à la septième saison d’X Factor. L’identité personnelle de la teen idol est vouée à être dilluée dans le produit que les labels façonnent et vendent à la masse. Leurs marges de manoeuvres sont restreintes, presque verrouillées, comme l’expliquait Zayn Malik (ex-One Direction) dans une interview accordée à The FADER :

« Il n’y a jamais vraiment eu de place pour la créativité au sein du groupe. Si je commencais à chanter un refrain ou un couplet légèrement plus R&B, légèrement plus personnel, on allait me le faire ré-enregistrer 50 fois jusqu’à ce qu’il y ait une version pop, générique à mort, qu’ils puissent utiliser. Il y avait juste une conception générale qui voulait que le management avait déjà trouvé ce qu’il fallait pour le groupe, et je n’étais pas convaincu de ce que nous vendions. C’était une musique déjà tout prête et on nous disait que c’était ce qu’on allait vendre aux gens. »

Quand on tient compte de cela, on s’étonne moins de voir ces artistes changer radicalement de bord dès qu’ils arrivent à maturité, dès qu’ils ont le pouvoir de véritablement prendre leur carrière en main. Peu après l’annonce de son émancipation en solo, Zayn s’entourait de Malay, grand artisan du Channel Orange de Frank Ocean, pour enregistrer Mind of Mine, un premier effort en rupture totale avec les années 1D. Dans le même genre, son collègue Liam Payne a récemment posé le premier pavé de son aventure en solitaire, « Strip That Down ». Le titre fait rapper Quavo sur une ligne de basses digne d’un « DJ Mustard Type Beat » pioché sur YouTube, mais c’est visiblement ça, le style Liam Payne. C’est en tout cas ce qu’il chante sur le refrain : « You know I used to be in 1D, now I’m out free/People want me for one thing, that’s not me/I’m not changing the way that I used to be » / « Tu sais qu’avant j’étais dans 1D, maintenant je suis libre/Les gens ne me voulaient que pour une chose, ce n’est pas moi/Je ne change pas celui que j’ai été ». Comprendre : tout ce qu’on a pu entendre avant, ce n’était pas vraiment lui.

Zayn, Liam, Miley, Justin, Ariana… tous sont liés par un autre point commun : être nés dans les 90s. Leur époque est celle où les frontières se décloisonnent, celle où les genres s’embrassent les uns et les autres. Les icônes pop ne s’appellent plus nécessairement Madonna ou George Michael, elle se nomment désormais Pharrell, Drake, Kanye West. Puisque le rap devient pop, et que les rappeurs chantonnent, rien de plus normal de voir les chanteurs pop trouver leur compte dans ce que propose le rap. Il se murmure ainsi que le départ de Zayn des 1D ait été provoqué par nul autre que… Drake, précisément. Non pas que le fondateur du label OVO Sound ait essayé de débaucher le jeune britannique, mais c’est l’influence de sa musique qui aurait convaincu Zayn de lancer sa carrière solo, selon une source anonyme du Hollywood Life. Tout comme c’est une session studio entre les *NSYNC et The Neptunes – pour la réalisation du titre « Girlfriend » – qui a poussé Justin Timberlake à quitter son boys band. « Je me rappelle m’être dit ‘je dois faire mon propre album, je dois partir en solo’. […] Quand je suis entré en studio et que j’ai écouté ce qu’ils jouaient, j’ai tout de suite su que ces deux gars [Pharrell Williams et Chad Hugo, ndlr] étaient la réponse à tout ce que je voulais être », confiait-il en avril dernier, sur le plateau de l’émission OTHERtone. Plus que des considérations d’image ou de tendances, c’est avant tout la musique qui semble guider leurs choix de carrière.

À la fin, le rap gagne

Car avant de crier à l’opportunisme, il est essentiel de se poser une question : quel intérêt ont les popstars à flirter avec les acteurs du rap ? Aussi en vogue le rap puisse t-il être, les chiffres de ventes, les vues YouTube, les stades à guichets fermés… les teen idols n’ont pas besoin d’un featuring avec Migos ou Drake pour obtenir tout ça. Leur marché pèse d’ores et déjà plus que celui du rap. À l’échelle du rap, les quelques 400 millions de vues obtenues par “Bad and Boujee” depuis octobre constituent une performance remarquable, un buzz comme on n’en fait plus tellement. À l’échelle d’un Justin Bieber, qui a dépassé le milliard à plus d’une reprise (« Baby« , « Sorry« , « What Do You Mean?« , « Love Yourself« ), c’est déjà plus anodin. « J’ai fait suffisamment de chiffres pour vivre confortablement. Je veux juste faire de la musique maintenant. Si les gens veulent l’écouter, alors je suis heureux. S’ils ne veulent pas écouter, alors ils n’écoutent pas. Ça ne me pose pas de problèmes. J’en ai déjà eu assez », glissait pour sa part Zayn, toujours pour The FADER.

Puisque l’intérêt ne se trouve pas dans le financier, peut-être doit-on chercher du côté de l’image. Traîner avec un A$AP Rocky ou un Kanye West en 2017, c’est traîner avec un véritable trendsetter. Un artiste dont l’aura va plus loin que la musique : le monde de la mode se l’arrache, les gens aspirent à lui ressembler, ils considèrent ses goûts et dissèquent les moindres de ses faits et gestes. Il y a du bon à être vu à ses côtés. Mais si la pop et son public semble aujourd’hui prête à accueillir le rap, la réciproque n’est pas tout à fait vraie. Pour chaque rappeur invité sur l’album d’une popstar, combien de popstars invitées sur l’album d’un rappeur ? Combien d’accusations d’appropriation culturelle ? Le public rap n’est pas dupe. Il connaît les vices de l’industrie, et n’a pas de mal à les identifier. Son tampon d’approbation n’est pas évident à obtenir. Il faut lutter pour venir lui arracher.

Prenons l’exemple de Miley Cyrus. À l’aube de la sortie de Bangerz, son quatrième album studio, produit en grande partie par Mike WiLL Made-It, sa direction artistique évolue, reprenant certains codes du rap, voire plus largement de la black culture. Elle twerke (ou essaye, du moins) sur scène ou dans ses clips, parle de ses « bitches » qui remuent leur boule « comme si elles étaient au strip club »… ah d’accord. Était-ce suffisant pour se construire une légitimité auprès du public rap ? Évidemment que non. Ce changement d’image a surtout valu à Miley des moqueries, ainsi que les unes de magazines qui ne cessaient de relever ses frasques. Aujourd’hui, la chanteuse reprend sagement sa place de starlette élevée au rock et à la country. D’autant que paradoxalement, le plus gros single issu de Bangerz était « Wrecking Ball », quintuple disque de platine. L’un des seuls qui n’était produit ni par Mike WiLL, ni par Pharrell (pourtant auteurs de neuf des treize pistes de l’album). Celui qui semblait correspondre le plus à son style originel. Le plus pop.

À l’arrivée, c’est Mike WiLL qui semble être le grand gagnant de cette collaboration. Lui s’est offert le second plus gros hit de sa discographie avec « We Can’t Stop », seulement devancé par le raz-de-marée « Black Beatles » et ses quelques cinq millions d’exemplaires vendus. Sur sa propre chaîne YouTube, les 696 millions de vues (!) accumulées par le clip de « 23 », son featuring avec Miley Cyrus, déclassent les scores de toutes ses autres vidéos. Hormi celle-ci, aucune ne parvient à peine à dépasser les 20 millions. On comprend donc mieux pourquoi, en août 2015, Tyler, The Creator interpellait publiquement Zayn Malik pour lui proposer des productions de son cru. Opportuniste.

HI @zaynmalik I HAVE BEAUTIFUL INSTRUMENTALS AND YOU HAVE A VOICE LETS FIGURE THIS OUT MY GUY . EPIC ALBUM CUTS THO NO RADIO SINGLES

— Tyler, The Creator (@tylerthecreator) August 9, 2015

Après l’annonce d’une collaboration avec Uniqlo, J.W. Anderson continue dans sa lancée et dévoile la nouvelle collection printemps/été 2018 de son partenariat avec Converse. La touche du styliste anglais rend la “Chuck Taylor” légèrement scintillante avec deux modèles tricolores: noir/gris/vert et vert/rouge/bleu. Une dernière version de la paire classique est plus simple et porte le nom du designer imprimé sur une chaussure blanche. Enfin, le modèle “Thunderbolt 84” a lui aussi droit à un relooking, avec une empeigne en jean. Pour mettre la main sur l’une de ces paires, il faudra faire preuve de patience et attendre 2018.

Josman ne se prend pas pour un autre. Il n’est pas du genre. S’inventer une vie fastueuse et ostentatoire n’est pas sa came. Jos’ reste fidèle à son quotidien agité, précaire, encore incertain. À la réalité. À sa réalité. Il s’évade de la matrice omniprésente à travers la musique. Divergentes de son propos très terre-à-terre, les ambiances sont intenses, les atmosphères oniriques. Josman ne se refuse rien. Artistiquement, il se laisse porter par ses rêves, son imaginaire. Avec 000$, son personnage, introduit par Échecs positifs et complexifié lors de Matrix, gagne en profondeur. En pleine tournée, mais de retour en région parisienne pour quelques jours, Jeezy Jeezy Baby a bien voulu se prêter au jeu de l’interview.

Photos : @samirlebabtou

Comment es-tu tombé dans le monde du rap, et plus généralement du hip-hop ?

J’y suis tombé par hasard, juste en écoutant de la musique et grâce à mon entourage. J’ai écouté mes premiers morceaux de rap très jeune et j’ai kiffé ça plus qu’autre chose.

Souvent on néglige la scène rap de la province, qu’en est-il de Vierzon, ta ville d’origine ?

Il n’y a pas vraiment de scène, même pas du tout. Dans certaines villes je pense qu’il peut y en avoir, mais à Vierzon, non pas vraiment.

Le fait d’être esseulé dans ce que tu faisais t’a appris à ne compter que sur toi-même, tes capacités et ta motivation. À tout faire tout seul. Qu’est-ce que ça t’a apporté dans ta carrière ?

J’avais pas de potes qui faisaient du son ou que ce soit donc ouais, tout se passait dans ma chambre. Du coup je suis plus débrouillard, j’aime bien tout faire tout seul, j’ai appris à tout faire tout seul, je m’y suis habitué, et ça me va.

Es-tu venu t’installer à Paris pour passer un cap musicalement ?

Non je suis pas venu à Paris pour ça, je me suis installé ici pour la ville, pour faire mes études, pour changer d’air, tout simplement.

Toi qui aime rester assez discret, assez furtif, comment tu gèrerais une célébrité conséquente, à la Booba, par exemple ?

On en est très loin donc je ne sais pas vraiment, je ne me projette pas. On en est loin pour l’instant.

J’ai lu que les artistes américains qui t’ont le plus marqué sont Busta Rhymes et Lil Wayne, en quoi sont-ils des inspirations pour toi ? De quelle manière impactent-ils ta musique ?

J’ai surtout dit ça parce qu’ils me sont passés par la tête à ce moment-là. Même si j’ai eu de grosses périodes. Je pense que c’était avant tout le côté vraiment rap « je viens, je prends un micro, je l’arrache, je me barre », tu vois. Le vrai côté « t’arrives, tu sais ce que tu fais, tu performes ». C’était l’attitude pour Lil Wayne, et Busta Rhymes au niveau du flow. Et puis la maîtrise aussi, la maîtrise. Le mec quand tu le vois, tu sais qu’il sait ce qu’il fait. C’est surtout cet aspect-là.

« [Dans le rap américain] Il n’y avait pas autant de jeu de mots qu’il peut y avoir en France, vu que leur langue est moins riche, donc forcément c’est plus direct. C’est sûrement pour ça que j’ai commencé à écrire de cette façon. »

Sur le morceau Vanille, on retrouve d’ailleurs l’inspiration de Busta Rhymes, je trouve.

Ouais je pense que c’est par rapport au flow, on m’a aussi beaucoup comparé à ScHoolboy Q pour ce morceau. Et je pense que c’est effectivement plus proche de Schoolboy justement, notamment pour les « yah, yah ». [rires]

Ton écriture assez terre-à-terre, parfois même fataliste, me rappelle entre autres Lunatic ou Lino de la période Ärsenik. Ce genre d’artistes t’a-il influencé ?

Pas vraiment parce que j’ai découvert le rap français relativement tard. Et j’avais déjà commencé par écrire de cette manière, vu que le rap américain que j’écoutais était déjà très terre-à-terre. Il n’y avait pas autant de jeu de mots qu’il peut y avoir en France, vu que leur langue est moins riche, donc forcément c’est plus direct. C’est sûrement pour ça que j’ai commencé à écrire de cette façon, mais en tout cas, oui, quand je suis retombé dessus, c’est une façon d’écrire dans laquelle j’ai retrouvé certains de mes trucs.

Commencer en tant que producteur t’a aidé à mieux poser sur les instrus ? Dans la mesure où tu as d’abord travaillé sur les tempos, les ambiances, les atmosphères, etc. Est-ce un réel avantage ?

Oui, mais ça s’est quand même fait naturellement, je pense que j’ai le sens du rythme grâce à ma famille. Mon père faisait déjà de la musique donc c’était assez naturel. Mais je pense pas que ça vienne du fait d’avoir fait des prods, j’en faisais justement afin d’en avoir pour moi et rapper dessus. J’ai commencé les deux en même temps en réalité. Tout était naturel.

Et inversement, tu penses que pour un producteur, rapper c’est un plus ? Tu t’en doutes : je fais référence à Eazy Dew. Le fait qu’il rappe aussi lui permet-il de mieux comprendre ce que tu veux ?

Alors là je pense qu’il sera mieux placé que moi pour y répondre [rires]. Je pourrais pas te dire comment lui voit les choses, comment il les perçoit. J’avoue c’est une bonne question. De mon côté, je différencie vraiment les deux, ce sont deux arts vraiment distingués donc il y en a pas forcément l’un qui influence l’autre, c’est plutôt interactif je pense.

Aujourd’hui vous faîtes un duo inséparable, vous êtes constamment ensemble. Comment cette osmose s’est créée ?

Naturellement, parce qu’on est des potes avant de faire de la musique et on en a fait ensemble puisqu’on est deux potes qui font la même chose. C’est le cours des choses qui a fait qu’on s’est mis à taffer ensemble, on est potes d’abord. Même si l’un arrêtait, on trainerait toujours ensemble.

J’aimerais évoquer une troisième personne incontournable dans ta démarche artistique : Marius Gonzalez, qui a su illustrer avec justesse ton univers musical. C’est rare de rencontrer si tôt des personnes qui te comprennent aussi bien.

Parfois faut pas chercher très loin, c’est nos potes les plus proches, avec qui on a commencé. On se booste chacun les uns les autres pour qu’on puisse tous évoluer et progresser ensemble.

Gagner la End Of The Weak Paris en 2013 a été un réel tremplin ?

[Il réfléchit assez longuement] C’est une bonne question. C’est une des ceintures que j’ai pu gagner pendant la période des Open-mics, où on allait vraiment se confronter aux autres rappeurs. Et c’est la dernière compétition que j’ai faite, entre guillemets, parce que je pensais avoir compris des choses après ça. Cette expérience m’a permis de comprendre pas mal de trucs. Et puis c’était un autre exercice, l’improvisation. Ça fait travailler la spontanéité par exemple. C’est ce que ça m’a apporté.

Deux ans plus tard, tu balances ton premier projet, Échecs Positifs, on observe les prémices de ta musique, personnelle, presque introspective (“Mon âme”, “Narcisse”). T’es déjà très réaliste, pragmatique, voire quelquefois désabusé, c’est dû à ton quotidien (“Censé Faire”, “Cynisme”) ?

Ouais moi j’écris ce qui me passe par la tête au moment où je l’écris, parce que j’ai commencé comme ça. Mon enfance a été normale, donc à partir de là, j’écris juste ce que je vis et puis on a tous un cerveau, tous un coeur, qui fonctionnent à peu près de la même manière. Donc on a tous des sentiments, des feelings différents, à certains moments de nos vies, et du coup je les retranscris au moment même. Le lendemain je les aurais peut-être décrit et écrit différemment.

« On a le choix, ouais on a le choix. Faut juste le voir déjà, et faire son choix. Pas être endormi. Une fois que tu vois et que t’as fait ton choix, respect ! »

Quand tu sors, Matrix, un an et demi après, l’évolution est flagrante. Surtout quant à la musicalité. Même si Echecs Positifs pose les bases de ton personnage assez complexe, ton identité est plus affirmée, tes propos plus puissants, ton écriture plus directe. On sent aussi que t’as mieux digéré tes influences. Quelles ont été les raisons de ce changement ?

Matrix c’était un peu un repli sur moi-même par rapport à la vie et à la musique. C’était un moment où j’avais vraiment envie de faire ce que je voulais, comme je l’entendais. C’est aussi pour ça que j’ai fait presque toutes les prods et que j’ai dit ce que j’avais envie de dire. Et puis c’est tout, quoi. Je pense que c’est aussi pour ça que les gens pensent que c’est mon projet le plus introspectif, le plus personnel ou comme t’as dit, sur lequel on retrouve le plus mon identité. Je me suis vraiment replié sur moi-même et j’ai, peut-être, arrêté de faire pour les autres et vraiment faire ce que j’aime. Et depuis ce moment-là, je fonctionne ainsi.

On comprend assez rapidement que t’as une dent contre la société dans laquelle on vit, tu images cette amertume avec Matrix. Tu penses qu’on a le choix, comme Néo, de voir le véritable visage de la société ou alors rester dans un monde illusoire ?

On a le choix, ouais on a le choix. Faut juste le voir déjà, et faire son choix. Pas être endormi. Une fois que tu vois et que t’as fait ton choix, respect ! Mais c’est un choix difficile en réalité, si on va dans la profondeur du truc. C’est un choix vraiment compliqué, mais il faut ouvrir les yeux et le faire.

On peut aussi en déduire que tu t’es créé ta propre matrice avec ton art pour contrer celle déjà établie. Comment tu la définirais, cette matrice ?

Comme je dis dans un des morceaux de 000$ [“OLY (Ouvre Les Yeux”, ndlr] : « J’suis de ceux qui font ce qu’ils se veulent ». Voilà, tout est résumé dans cette phrase.

Tu dis dans différents morceaux que t’as gagné ta « liberté » après avoir quitté la fac. L’école, selon toi, ce sont nos premiers pas dans la matrice ?

Ouais clairement, mais pas que l’école, et pas en général. C’est plus la direction de l’école. Bien sûr qu’il faut s’éduquer, se cultiver, bien sûr qu’on apprend plein de choses intéressantes à l’école mais faut savoir où on va. Je connais de nombreuses personnes autour de moi qui ont suivi tous les cursus scolaires que les profs loueraient et aujourd’hui ils se plaignent de leur vie. Il faut faire la part des choses et bien discerner les bons et les mauvais côtés.

Contrairement à une bonne partie du Rap français actuel, tu ne mens pas sur ta réalité, tu ne l’embellies pas, comme je le disais précédemment, tu es très réaliste, encore plus sur 000$. T’avoues ne pas rouler sur l’or, galérer à boucler tes fins de mois, etc. Tu penses que les auditeurs s’identifient plus facilement à toi grâce à cette approche ?

Je sais pas vraiment s’ils s’identifient à moi par rapport à cet aspect-là, s’ils le font, c’est peut-être parce que, comme je l’ai dit, j’ai une vie ordinaire. Ils se retrouvent dans ce que je dis et vu qu’on est tous dans le commun des mortels, ce serait normal qu’ils s’identifient dans les propos d’un autre mortel.

Et en général t’es vraiment humain dans tes propos, même ton egotrip reste dans le vrai, le réel, t’es un peu le bourreau du mythe « cliché » du rappeur qui très vite devient riche, s’achète des bolides hors de prix, est entouré de belles filles…

[Il coupe] En vrai, c’est pas vraiment un cliché : les rappeurs ricains quand ils signent leur premier contrat, c’est vraiment un gros chèque. Mais ici, en France, ce n’est pas la même chose. Ce que je veux dire c’est qu’au sens large, ce n’est pas vraiment un cliché, même si peut-être qu’en France ça le devient.

Dans les clips également on retrouve cette idée, malgré leur élaboration, pas de belles voitures, pas de bimbos… Ta musique c’est un retour à la réalité.

Après dans l’industrie de la musique, l’image c’est très important. Moi j’essaie juste de ne pas camoufler le manque de qualité de ma musique par la qualité de mon image. Je privilégie plutôt la musique. Mais comme je disais, c’est un choix comme un autre. Moi personnellement j’essaie de faire des bons sons avant de m’aventurer à faire des clips extraordinaires bien que je respecte les deux démarches. Y’a des clips que j’aime beaucoup voir alors que la musique me plaît pas forcément. C’est des démarches divergentes.

« Je pense que c’est encore ce côté “vouloir tout faire tout seul”, vu que j’ai commencé de cette manière-là. »

De ce dernier projet une sorte d’aboutissement se dégage, tu t’es tué à la tâche et cela se ressent, tu as vraiment touché à tout, et tenté de te diversifier. Tu t’efforces de toujours proposer plus. À ce sujet, travailler sur le plus de domaines possibles, c’est important pour toi ?

J’ai commencé tout seul donc au final les gens avec qui je travaille, je m’associe avec eux, tu vois. Dans le sens où, ils ont leur domaine de prédilection, mais quand on travaille sur des prods avec Eazy, je participe. De même que je participe quand on fait des clips avec Marius. J’ai besoin d’eux parce qu’ils excellent dans ce qu’ils font et vice-versa. Je pense que c’est encore ce côté “vouloir tout faire tout seul”, vu que j’ai commencé de cette manière-là.

Avec tes derniers clips, notamment “Mégazord”, tu affirmes un univers visuel singulier, onirique. On pourrait croire à une sorte d’échappatoire de ta réalité encore instable.

Ouais c’est vrai, mais même la musique. Je fais ça pour améliorer mon quotidien, on s’évade à travers ses passions en réalité. Je suis autant passionné par le rap, que par la production, que par le chant, que par la réalisation de clips… À chaque fois que je fais l’un ou l’autre je m’évade, comme n’importe quel personne qui exerce sa passion.

Tu portes également une forte attention à ton apparence, tu dis d’ailleurs dans “Doigt d’honneur” : “Yeah, baisse les yeuz, téma les Raf / C’est Adidas, c’est indiqué”. Quel est ton rapport à la mode ?

Je la suis du coin de l’oeil, j’aime bien mais bon… relativisons, je ne vais pas tout claquer là-dedans. Quelquefois je peux avoir une paire de Raf Simons aux pieds, mais avec un pantalon que j’ai acheté cinq euros dans une friperie, tu vois ? On s’en fout en vrai, justement, c’est pas le plus important.

L’instrumentale du morceau “Vanille” a été réalisée à quatre : Hologram Lo’, VM The Don, Eazy Dew et toi. Quel a été son processus de création ?

On écoutait des prods chez Hologram Lo’ et VM The Don avec Eazy Dew et à un moment dans la soirée il m’a fait écouter une prod’ avec le sample en question. Du coup je lui ai demandé si je pouvais la refaire à ma manière mais avec ce même sample. Comme ils avaient bien travaillé le sample de leur côté et que c’était déjà lourd, j’ai rajouté les percus et Eazy a retouché un peu, il a ramené sa patte. Et ça a donné cette prod’. Moi je voulais mettre ma sauce, donc je me suis aussi impliqué là-dedans. Ça fait longtemps que je voulais faire du son avec Lo’ parce que j’aime comment il sonne, comment il découpe ses samples, comment il travaille. Et je suis super content d’avoir pu faire ça avec lui, ouais.

Tu évoques de temps à autre ton héritage culturel, que ce soit le Congo ou l’Angola, (“Monnai€”, “PUFF PUFF PASS”). Pourrait-il pleinement influencer tes choix artistiques ?

Non, parce que je suis plus influencé par la musique que j’écoute au quotidien et j’en écoute pas tous les jours de la musique du Congo ou de l’Angola. Ça m’est déjà arrivé d’en écouter, et ça peut m’arriver de m’y essayer, par exemple en 2013 j’avais fait un son aux sonorités plutôt africaines. Mais c’est le cas pour n’importe quel type de son en fait. Y’a pas un genre de musique qui m’influence plus qu’un autre.

« Moi c’est la musique, je dis ce que je pense puis après chacun pense ce qu’il veut. Chacun a le mérite d’avoir une opinion propre. C’est déjà bien. »

Que penses-tu par exemple de l’approche de Drake sur ces deux derniers projets, Views et More Life, sur lesquels il n’hésite pas à s’imprégner de cultures qui semblent au départ plutôt lointaines, de la vibe caribéenne à la musique nigériane, en passant par la grime londonienne ?

Je t’avoue, je n’aime pas parler des autres ! [rires]

De plus en plus on comprend que ce qui t’importe le plus est de faire ce que tu aimes, t’attarder à des choses simples et essentielles : subvenir aux besoins de ta famille et rester en bonne santé. Le reste te passe au-dessus : plaire ou non, être apprécié ou non. Tu fais ce dont tu as envie au final ?

Comme je l’ai dit, j’suis de ceux qui font ce qu’ils veulent. J’ai fait la musique que j’aime faire et que j’aurais aimé entendre. Je me plais à faire des morceaux et des projets dont je serais fier plus tard. Si je sors un projet faut que j’en sois fier sinon ça sert à rien.

En tant qu’artiste tu es le reflet d’une partie de la société : d’après toi, pourquoi les jeunes ne croient plus en ce que la société leur propose ? Cette vie idéale que l’on voit dans les publicités, le cinéma, ou même le rap : une belle voiture, une belle maison, etc.

Je suis pas si sûr qu’ils n’y croient plus, je pense qu’ils y croient encore beaucoup [rires]. Ce mode de vie fait encore rêver vu qu’il y a encore de l’imagerie et des concepts autour de ça. Donc je pense qu’ils y croient encore, parce que y a toujours des gens qui ont ses buts là, ses objectifs là. Je crois qu’il y a de l’espoir. Il faut garder de l’espoir de toute façon.

Même ceux qui t’écoutent ?

[Il sourit] Oui parce qu’ils peuvent m’écouter pour autre chose que ma vision sur la société, je ne suis pas la voix de la sagesse. Et puis ils écoutent la musique, le plus souvent. [rires]

J’aimerais rebondir sur la phase : « En général ceux qui parlent mentent/Comme ceux qui parlementent au Parlement ». Serais-tu prêt, à la manière de J Cole aux États-Unis, qui s’était impliqué en rejoignant les marches de Ferguson, à politiser ta musique et à t’engager personnellement ?

Non, chacun son domaine. Moi c’est la musique, je dis ce que je pense puis après chacun pense ce qu’il veut. Chacun a le mérite d’avoir une opinion propre. C’est déjà bien. Moi je dis ce que je pense dans les sons mais ça s’arrête là.

Tu as dit pour nos confrères des Inrocks que tu ne te fixais aucune limite, qu’aimerais-tu faire dans un futur idéal ?

Beaucoup plus de musique, encore des choses différentes, de nouvelles sonorités, de nouveaux rythmes, de nouveaux flows, tout quoi. Tout tester, faire le maximum de trucs possibles. Tant que ça me plaît.

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

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Young Thug, Rae Sremmurd, French Montana ou encore Sean Paul font partie de la longue liste d’invités du Fresh Island 2017. À l’occasion de cette 6ème édition du plus gros festival Hip-Hop de Croatie, vous pouvez tenter de gagner deux places pour les 3 jours de concerts qui auront lieux du 11 au 13 juillet sur l’île de Pag. Si on vous couvre pour le pass 3 jours, il ne vous restera plus qu’à vous procurer les billets d’avion pour l’île où les festivités auront lieu.

Pour participer, envoyez tout simplement un mail à contact@oneyard.com avec en objet « Concours Fresh Island ». Le gagnant sera annoncé vendredi 16 à 10h, bonne chance à tous !

Plus d’infos sur le festival 

 

À chaque période de musique son plus grand succès, sur son support adapté. “White Christmas” de Bing Crosby porte la couronne des années vinyle ayant écoulé plus de 50 millions de copies, “Candle In The Wind” d’Elton John a vendu plus de 30 millions de singles en CDs, et “See You Again” de Wiz Khalifa & Charlie Puth restera la meilleure vente de l’ère du téléchargement légal avec plus de 20 millions d’acheteurs. Drake devient le champion de l’été 2016, avec son tube “One Dance” ; le plus grand succès de la jeune histoire de Spotify, streamé plus d’1 milliard de fois sur la plateforme suédoise.

Qu’est ce qui distingue la chanson de Drake des trois précédemment citées ? Il s’agit de la seule chanson qui contient un sample. Les producteurs (Nineteen85, Noah ‘40’ Shebib et Wizkid) ont utilisé une portion du remix de “Do You Mind” (DJ Paleface) par Crazy Cousins sur lequel chante Kyla — une chanson qui date de 2008. L’artiste canadien a trouvé les mots parfaits pour accompagner les mélodies qui devaient se marier sur ce sample, et le reste est Histoire. Certainement l’artiste masculin le plus iconique de sa génération, le rappeur est souvent adepte de la technique du sample dans les productions qu’il sélectionne, à l’inverse de nombreux de ses contemporains.

Parmi ses plus gros succès, “Hotline Bling” emprunte un rythme et des mélodies de Timmy Thomas, “Started From The Bottom” met en boucle un piano ré-échantillonné de Bruno Sanfilippo. Avoir recours aussi souvent à cette technique pour des singles à succès est un choix surprenant puisqu’il est de plus en plus rare de voir des producteurs sampler . Selon Questlove, batteur des Roots et professeur d’Histoire de musique moderne à NYU, ils sont de toute façon trop pauvres pour espérer le faire.

This is what's beautiful about hip hop. And this is what I wish publishers and record labels realized. By making sampling unobtainable and only an option for the rich (let's face it: Ye & Hov the only cats who can afford samples in hip hop) but what these greedy lawyers and corporate leeches don't comprehend is that sampling is an education AND it gives back. Driving home from #BowlTrain & I hear on #WRTI jazz a song and in its last seconds I hear a familiar sample. I Shazam it and I COPPED THE ORIGINAL —actually entire album. I get enlightened with more great music and the label@gets another investment in its product from me 40 years after its release. This is when music is beautiful. It isn't beautiful when you don't REINVEST IN your crops for real Label and Publishing House presidents of you meet hip hop half way….it'll do you some good!!!

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Questlove sur Instagram, regrettant que le sampling classique soit devenu si difficile à concrétiser.

Utiliser des samples pour de la musique disponible dans le commerce implique une demande d’autorisation légale préalable auprès des propriétaires de la musique empruntée. Sans quoi les ayant-droits peuvent décider d’entrer en litige, de lancer un procès, ou demander la fin de l’exploitation du morceau emprunteur. Si les premières années du sample ont bénéficié du manque de jurisprudence concernant cette situation, le procédé est rapidement devenu un vrai problème lorsqu’il a commencé à impliquer beaucoup d’argent.

Lorsque Rick James attaquait MC Hammer concernant la chanson “U Can’t Touch This”, il a réglé l’affaire en obtenant de MC Hammer un crédit en tant que co-producteur du titre, lui permettant d’engranger des millions. Dans les années 90, le groupe de rock anglais The Verve utilisait un extrait d’une chanson des Rolling Stones pour leur tube “Bittersweet Symphony” avec l’autorisation du groupe. Mais une décision de justice a statué qu’ils avaient trop emprunté, et ils durent ainsi reverser 100% des royalties à Mick Jagger et ses amis. Si le beatmaker derrière “Amnésie” de Damso a oublié qu’il avait samplé “I Heard A Sigh” du groupe de jazz français Cortex, son compositeur Alain Mion et ses avocats, se sont récemment vraisemblablement chargés de lui rappeler, et ont fait disparaître le morceau et son clip des plateformes. Ouch !

#FreeBatterieFaible

La ligne entre transformer et voler est souvent fine, et dépend parfois du bon vouloir des avocats et des juges. Le chemin légal du sample implique généralement deux types de propriétaires : celui qui possède la chanson (habituellement un éditeur), ou celui qui possède des bandes (habituellement une maison de disque). L’un comme l’autre peut demander à être payé sous forme d’avance sur les revenus que la chanson peut générer, et/ou un pourcentage sur tout ce que la chanson rapporte — une demande pouvant s’élever jusqu’à 100%. Les difficiles règles du sampling ont forcé le monde du hip-hop à évoluer.

Bien que les limites légales aient poussées les producteurs à redoubler de créativité (en utilisant des parties plus courtes, en découpant les samples de façon à les rendre plus difficile à repérer, et les cachant dans l’arrangement, en les rendant impossible à reconnaître…), pour la plupart, les éditeurs et les beatmakers ont fini par avoir trop peur. Peur d’avoir à payer cher des propriétaires pour l’un, peur de voir leurs beats se faire refuser à cause de la présence d’un sample pour l’autre. Les vieilles mélodies de soul-jazz et breakbeats funk sont désormais quasi-insamplable pour faire un succès — à moins que l’artiste ait un faible pour les procès.

Mais cela n’a pas pour autant tué la quête de la recherche du sample parfait. Qu’il s’agisse de “Bad and Boujee” de Migos, “Black Beatles” de Rae Sremmurd ou “One Dance” de Drake, trois des plus récents gros hits de la culture hip-hop illustrent comment la culture de l’échantillonnage a évolué et s’est adaptée.

Sources & formats divers

Pour ouvrir son troisième album solo Graduation, Kanye West choisissait une production basée sur une boucle empruntée à la chanson d’Elton John “Someone Save My Life Tonight”. 9 ans plus tard, le sample qui ouvre son septième album, The Life Of Pablo, est la prière d’une petite fille samplée directement d’une vidéo trouvée sur Instagram. Sur son plus grand succès à ce jour, “Shutdown”, l’artiste grime Skepta sample un Vine de Drake pour ouvrir sa chanson. Dans ce qui est sans doute l’exemple le plus parlant, le drop mémorable de “Scary Monsters and Nice Sprites” – le single qui a révélé Skrillex – est précédé d’une phrase directement extraite d’une vidéo YouTube.

Se servir dans les réseaux à disposition est une source d’inspiration puissante et capable d’inviter de nouveaux sons et de nouvelles idées dans la musique moderne. Du ronflement d’un ami aux échantillonages d’une vieille bande de chaîne de météo des années 1980, tout peut accueillir un flow. Au moment où j’écris ces mots, Khaled Freak est numéro 1 du top France Viral de Spotify avec son mash-up Internet, où il sample à la fois Emmanuel Macron, les hendeks, et le “ish ish” de Fianso. Tout comme les réseaux sociaux inspirent des rimes, ils inspirent des samples et des boucles pour faire des tubes. Tout est unique sur Internet, plus besoin d’aller trouver une rareté dans un vieux disque. Dans le monde post-moderne de la créativité, tout est inspirant, tout est inspiration.

#PressPlay Natalie praying and she's only 4 years old! #WeDontWantNoDevils #WeDontWantNoDevilsInThisHouse #Blessed #NatNat #Grateful #allsmiles #TeamNatalie #SheIsNatalie #NatalieIsGreat #Love #Laugh #Live #PrettyGirl #PrayIsPowerful #Pray #PrayEveryday#tlop#thelifeofpablo#ultralightbeam

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Puisque les vieux samples de soul sont trop chers et dépassés, et qu’Internet permet l’accès à des sources de plus en plus inattendues, sampler des contenus nouveaux est un choix malin : en apportant des nouvelles cadences et sonorités au sommet des charts, les grands artistes passent pour des curateurs, vendent du cool et de l’exotisme pour ceux qui appuient sur play. Aussi, de façon plus pragmatique, ça coûte certainement moins cher pour Drake de sampler l’argentin méconnu Bruno Sanflippo plutôt que de reprendre une mélodie de Miles Davis et de perdre ses droits et de l’argent.

La créativité dans l’approche moderne du sample est aussi liée à la diversité des sources. Les playlists populaires organisées par des curateurs sur Apple Music ou Spotify le prouvent : les curateurs sont en vogue. Ce n’est donc pas une surprise si le champion de l’ère Spotify n’est autre que le plus grand curateur de son époque. Sur “One Dance”, on entend une playlist de Drake : se mélangent des vibes de pop africaine avec des rythmes clubs anglais, sur une atmosphère latino et avec un son hip-hop. En surfant sur cette vague de globalisation digitale, Drake normalise ces sons pour de nouveaux auditeurs, de la même façon que Beyoncé le fit pour des rythmes dancehall modernes énergiques en samplant “Pon De Floor” sur “Run The World” en 2011.

Samples originaux & vocal chops

En 1995, Ghostface Killah du Wu-Tang Clan rappait sur des boucles de disques soul. En 2005, le groupe de soul El Michels Affair sortait un album de reprises du Wu-Tang afin de leur rendre hommage et de re-créer ce son. En 2015, Ghostface rappait sur des boucles de soul originales créées pour lui, qui sonnaient comme les boucles qui auraient pu être samplées pour lui 20 ans plus tôt.

Grâce à une génération de musiciens brillants capables de mélanger des qualités techniques et académiques à une véritable connaissance et un respect de la culture hip-hop, emprunter des samples n’est plus vraiment nécessaire : il est tout à fait possible de créer de nouvelles chansons copiant le son et l’émotion des vieux disques. Du groupe de jazz canadien BadBadNotGood au super producteur anglais Mark Ronson, le remake du meilleur des styles soul, jazz ou funk permettent aux interprètes d’avoir une musique de fond tellement crédible qu’on pourrait penser qu’Amy Winehouse ou Bruno Mars ont réellement enregistrés leurs albums dans les années 70 ou 80.

Collaborateur de Drake, le musicien Frank Dukes s’est particulièrement illustré avec sa Kingsway Music Library. Il y met à disposition un catalogue de chansons et de textures de sons créées uniquement dans le but d’être samplées, et recréant avec un réalisme troublant le son des années 70. Avec l’aide du producteur Boi-1da, son morceau “Vibez” est devenu la boucle sur laquelle tourne un des plus gros hits de Drake en 2014, “0 to 100”. Plus besoin de Curtis Mayfield, plus besoin de Lyn Collins. Les rappeurs sont passés de rapper sur des samples, à rapper sur de la musique qu’ils auraient pu sampler.

Depuis bien deux ans, l’instrument le plus utilisé dans la production moderne est devenu la voix elle-même. Grande mode tout particulièrement sur la scène électronique dans l’EDM, ce nouveau son a pris d’assaut la pop grâce à Skrillex et Diplo. N’importe lequel des logiciels de musique assistée par ordinateur permet aux producteurs de créer un instrument unique à partir de découpages de sons d’une voix. Cela permet de rendre la chanson unique, et d’ajouter des sonorités distordues agréables à entendre. Qu’il s’agisse de “Where Are Ü Now” de Jack Ü, “This Is What You Came For” de Calvin Harris, “Middle” de DJ Snake… Presque tous les faiseurs de tube ont sur-utilisé cette technique de sample sur une majorité des tubes radio de 2016. Avec la technique du vocal hop, les possibilités paraissent infinies. Pourquoi s’ennuyer à emprunter quand on peut créer quelque chose qui donne l’impression d’être emprunté ?

https://twitter.com/Skrillex/status/736328422901714944?ref_src=twsrc%5Etfw&ref_url

Automations & boucles pré-existantes

Pour les producteurs de musique nés avec FL Studio, ce qui compte, c’est l’efficacité. Il suffit de quelques secondes pour télécharger en ligne un kit des mêmes sons 808 Mafia utilisés par tous les producteurs trap. Il est aussi simple de trouver des banques de sons remplies de boucles mélodiques et rythmiques pré-existantes, ou de télécharger un instrument virtuel qui fera tout le travail. Les boucles originales ayant permis de créer “Niggas In Paris” (Jay Z & Kanye West) et “Cold” (Kanye West) par Hit-Boy, sont toujours accessibles sur la banque de sons bigfishaudio.com. Sur les titres “Keep On Going” et “Take It All In”, le rappeur-producteur Russ n’a pas eu plus à faire que copier-coller des lignes de guitare et de synthé déjà existantes et libres de droits sur looperman.com.

Sur le récent numéro 1 “Bad and Boujee”, Metro Boomin n’a pas eu à mettre les doigts sur un clavier pour jouer les deux accords de synthé qui habitent le morceau. À la place, il s’est servi dans la banque de sons désignée par G Koop. Cet ancien professeur de piano enregistre des types de packs de son qu’il envoie à des gros producteurs de rap, destinés à être samplés. Il n’y a pas de grande différence entre le fait de trouver une boucle de rhodes exceptionnelle dans un vieux disque de Donald Fagen et trouver la boucle parfaite dans un kit créé à cette fin — seule la source et la légitimité diffèrent.

Aux côtés des boucles pré-faites et des banques de sons, les instruments virtuels sont également devenus prisés par la production mainstream. Le sample à l’ère du streaming, c’est aussi laisser les machines faire le travail. Sur le tube de Rae Sremmurd “Black Beatles”, la ligne mélodique principale qui traverse le morceau n’a pas vraiment été produite par Mike WiLL Made-It. Elle a été produite par la compagnie allemande Synapse, qui a créé un instrument virtuel appelé Dune II. Sur cet instrument, le pré-réglage 045, appelé “045: Secret Mission KS”, est la mélodie reprise par Mike WiLL pour produire “Black Beatles”.

La première fois que j’ai vu cette vidéo, je me suis dit “wow, Mike WiLL… quel énorme fainéant. Il a juste laissé tourner un arpégiateur et ajouté des batteries dessus !”. Et puis, j’ai réfléchi. Après tout, RZA n’a t-il pas juste laissé tourner une boucle de The Charmels pour créer “C.R.E.A.M” ? Just Blaze n’a t-il pas juste laissé tourner une boucle de Curtis Mayfield pour faire “Touch The Sky” ? L’emprunt de boucle est le son hip-hop, des battles des premières block party aux derniers type beats. Des breakbeats de James Brown aux drum kits de Play Picasso. Les fainéants d’aujourd’hui n’ont rien à envier aux fainéants d’hier.

Utiliser des boucles pré-existantes téléchargées en ligne, ou utiliser les arpèges créés par un logiciel n’enlèvent rien au talent des producteurs. La boucle de “Black Beatles” existait déjà sous la forme exacte que Mike WiLL a utilisé, pourtant c’est lui qui a transformé ce son en tube. Parce qu’il l’a sélectionné, parce qu’il a ajouté les sons qu’il fallait autour, parce qu’il a su le proposer aux bons artistes. Un bon producteur, c’est souvent celui qui connecte les points. Il n’a pas nécessairement besoin de les créer. De plus, et c’est encore une chance pour la production, il n’y a pas vraiment de jurisprudence à ce niveau. Rien ne dit que Synapse ne finira pas par coller un procès à Mike WiLL, ou que bigfishaudio.com ne réclamera pas des droits a posteriori sur “Niggas In Paris”. Mais pour l’instant, emprunter aux banques de sons ne pose de problème à personne.

Il y aura toujours de la place pour le sampling à l’ancienne, le récent succès de “Mask Off” de Future le prouve. Mais il n’y a pas de différence fondamentale entre la poussière sur les doigts qui accompagne la recherche du vinyle parfait, et le scroll infini sur des banques de sons. Pas plus de mérite pour celui qui a été cherché chez un obscur disquaire un vinyle rare de funk marocain que pour celui qui fait tourner en boucle une ligne de synthé issue d’un VST allemand accessible gratuitement. Seule compte la finalité ultime de la production musicale : la recherche de la boucle parfaite.

Aussi connu sous le nom de Dune II “015: Freakstylez KS”

Faire rire est une tâche ardue. Certains se disent « humoriste » mais n’y arriveront vraiment jamais de leur vie. D’autres refusent catégoriquement cette étiquette, mais sont devenus maitres dans l’art de se mettre en scène dans des situations rocambolesques qui deviennent hilarantes pour beaucoup. Wil Aime est de la seconde catégorie. Il n’y a qu’a regarder quelques unes de ses vidéos pour s’imprégner du style à part du natif des Hauts-de-Seine : des réalisations poussées où l’écriture et la mise en scène ont autant d’importance que l’acting, le tout au service d’un humour subtil ou le rire n’est pas (plus) la seule issue.    

Malgré son omniprésence dans les médias, on trouve assez vite des choses à demander à celui qui a commencé à se mettre en scène par ennui en trouvant du Wi-fi sur une plage de Guadeloupe en 2014. Quelques années plus tard, c’est 2Chainz qui reprend le matin de notre entretien un meme issu d’une de ses vidéos. Signe de son internationalité (plus de 43 millions de vues pour sa vidéo « La Friendzone »), il sous-titre désormais toutes ses réalisations. Point de syndrome de la grosse tête pour autant, Wil Aime reste Wilhem : ce perfectionniste fana de mathématiques et de philosophie capable de citer Friedrich Nietzsche, qui tourne à l’iPhone et souhaite devenir actuaire car il a vu cet intitulé deux années de suite en tête des meilleurs métiers du monde. Avant que le cinéma ne toque à sa porte pour en décider autrement ? Time will tell. Now it’s time for Wilhem.

Photos : @Terencebk

Comment expliques-tu que ton succès soit si foudroyant ?

Je ne me l’explique pas. Il y a des choses qui marchent, je le sais. J’ai toujours essayé de ne pas me répéter, j’essaye de faire quelque chose de différent et de jamais vu. À chaque fois que je poste une vidéo, je le fais car je la kiffe mais je ne pense pas forcément qu’elle va péter. Et souvent je me trompe…

Tu as souvent raconté l’histoire de ton premier post, mais qu’est-ce qui t’a poussé à continuer ensuite ?

Au départ je ne voyais même pas que ça fonctionnait. C’était simplement pour l’amusement, le fun du format Vine. Aujourd’hui ce n’est plus du tout ce que je fais, maintenant je travaille le format et je l’écris. Ce que je ne faisais pas auparavant. La motivation, le but et l’esprit ont changé. Maintenant je ne fais même plus de comédie. Quand je sors une vidéo ce n’est plus pour me faire rire moi ou les autres, mais pour construire un univers.

Un univers que tu bosses mine de rien depuis 2014. À l’époque où tu le fais, c’est juste un délire, tu ne te dis pas qu’en 2017 tu y seras encore ?

C’est vraiment un délire au début. C’est comme trouver un ballon de basket et commencer à faire des paniers. Tu ne t’imagines pas plus tard terminer en NBA, tu le fais simplement car ça t’amuse. Je ne dis pas que je vais terminer en NBA [rires, ndlr], mais qu’au début tu ne le fais que par amusement, sans compétition. C’était un amusement, c’est devenu une passion, mais ce n’est pas encore un métier.

Tu sous-titres tes vidéos depuis quelques temps, t’as une vraie ambition internationale on dirait ?

Je n’imaginais pas qu’un truc français fasse le tour du monde. C’est en voyant les messages privés de non-francophones me harcelant pour sous-titrer que j’ai décidé de le faire. Je n’avais jamais visé ça car pour moi c’était inespéré. Aujourd’hui c’est un peu devenu un défi. J’aimerais bien qu’une vidéo entièrement en français puisse impacter le monde entier.

Justement le texte est très important dans tes vidéos, est-ce que tu ne penses pas que ça pourrait être un handicap, un frein dans ta « conquête du monde » ?

À la base, c’est ce que tout le monde pensait. Des sociétés spécialisées dans le marketing me disaient que c’était impossible et qu’il fallait que ce soit muet et rapide pour marcher dans le monde. Ma démarche c’est de faire des choses qui me font kiffer et pas forcément qui vont marcher, et donc j’ai tenté quelque chose de long – cinq minutes – avec du texte parce que j’ai envie d’écrire et d’aller en profondeur. Et au final ça a marché, les gens ont eu la patience de prendre ces cinq minutes.

Aujourd’hui quand tu as une idée de scénario, comment se passe le processus de création, de l’idée au moment du post ?

Je peux te dire comment j’ai bossé pour ma prochaine vidéo. Bon, je commence maintenant à avoir de plus plus de pression [rires]. Mais c’est plus moi qui me met cette pression, du coup j’essaie d’être plus structuré, d’entrer dans les profondeurs et des endroits où je ne vais pas pour mieux analyser mes points faibles. Généralement, je n’écris pas avant d’avoir toute l’idée dans la tête, comme ça en écrivant je peux ajouter de petits détails. Pour celle-là j’ai commencé à faire des croquis sur le tableau, j’ai essayé de mettre tout en forme avec des schémas, mettre sur papier, organiser le tournage et tourner, en essayant de s’en tenir au papier et être pointilleux. Si je suis sérieux, l’écriture me prend une à deux heures, le tournage sur la dernière m’a pris deux après-midis, et le montage cela dépend, ça peut-être une ou deux nuits.

Tu tournes tes vidéos à l’iPhone car c’est ta marque de fabrique et tu dis aussi que tes vidéos ne méritent pas encore autre chose que ce médium. À quel moment tu te sentiras prêt à passer à du court métrage ?

En soi j’aurais pu le faire depuis longtemps, mais j’essaye de ne pas brûler les étapes. J’essaie de construire quelque chose, mais je ne pourrais pas faire les deux en même temps. Je dis ça par hasard, mais si je fais un film pour Netflix ou que j’arrive autre part, j’arrêterai les vidéos Facebook. Quand je ferai ma dernière vidéo, je l’annoncerai. Mais je pense que je suis prêt.

Comment tu juges le potentiel d’une idée de départ avant de la concrétiser en une vidéo ?

Ce qui m’inspire c’est ma vie ou ce que je vis indirectement par le biais de mes proches. Un peu comme un rappeur. Et ce sont des choses qui me « perturbent » assez pour être écrites. En soi, ce sont des choses assez anodines, comme la Friendzone, mais tout bien réfléchi ce n’est pas quelque chose d’anodin. La Friendzone est une souffrance réelle, il y a des dépressions qui démarrent de là. C’est une souffrance réelle, que je trouvais intéressant de soulever de façon réelle et quasi théorique, en apportant un message.

J’ai commencé à écrire la Friendzone il y a environ un an. Et à ce moment-là j’ai écrit tout le début jusqu’à « la friendzone n’existe pas. » Je pouvais continuer ensuite, mais je n’arrivais pas à avancer car je ne croyais pas à ma thèse. Ce n’est que récemment, quand mon pote s’est fait friendzoner, où j’ai été dans la peau du professeur. De là, ça a coulé. Il me suffisait juste de jouer le professeur et mon pote dans la vidéo. Tout ce que j’ai écrit récemment se fait dans cette dualité.

Ta force est aussi dans une dualité : une mise en scène supérieure à ce qui se fait dans le genre, et la non-recherche du rire systématique dans tes vidéos, qui n’est pas la seule issue.

En fait, je ne cherche jamais le rire. Il y a certes des choses qui font sourire, mais je ne le cherche pas. Dans ma vidéo pour Théo (Les Liens du Sang) je voulais imager le fait que sans justice vient le chaos, donc c’était particulier et je voulais créer une situation inconfortable. Dans « L’art de la tromperie », à aucun moment je ne cherche le rire. C’est ma vidéo préférée, j’ai aimé l’écrire et la réaliser car c’est un sujet qui m’a torturé pendant plusieurs années. Pas l’infidélité mais la tromperie. Le fait de se créer un masque. Si tu prends juste la voix off, et que t’enlèves le mot infidélité, ça ne parle pas de ça, ni de relations homme-femme.

On a l’impression quand on voit tes vidéos d’être en face d’un sériephile et cinéphile absolu, ou du moins averti. Est-ce que c’est le cas ?

Absolument pas. Peu de gens savent, mais non. Depuis que j’ai treize ans, quand je me pose devant la télé, c’est pour regarder Les Simpsons ou Phineas et Ferb ou encore Gumball. On me parle de Sherlock Holmes, d’Usual Suspects, mais Gumball m’a plus inspiré que tout ça. Je n’ai jamais vu Usual Suspects. J’aime le côté léger et coloré des dessins animés. À l’époque je ne touchais pas à la télécommande, c’était l’affaire de ma mère et de ma sœur, du coup j’ai vu Charmed, Desperate Housewives, Prison Break. Buffy également. Je l’ai revu d’ailleurs il y a peu et je trouve que c’est une série très philosophique. Mais je ne suis aucune série, ni House Of Cards, ni The Walking Dead, et je ne vais au cinéma que depuis peu, donc je n’ai commencé à voir les classiques que très récemment. En ce moment beaucoup de producteurs me parlent, et me posent des questions comme « qu’est-ce que t’as pensé de ça dans Le Parrain ? » Je n’ai jamais vu Le Parrain ! Les séries, j’essaye mais je ne suis pas quelqu’un d’addict, j’ai du mal à développer une addiction. Je vais regarder le premier épisode puis le second, je vais comprendre le concept et je peux arrêter ensuite. On me dit souvent que mes vidéos ressemblent à Sherlock Holmes [la version de Guy Ritchie] et Usual Suspects, mais je ne les ai jamais vus. Je connais le twist parce que ma mère, le soir, ne me lisait pas d’histoire comme Les Trois Petits Cochons, mais me racontait des films. Elle m’a raconté aussi Matrix, notamment le concept de pilule rouge et pilule bleue, ce qui m’aidait à mieux comprendre étant plus jeune. Aujourd’hui quand j’écris un scénario après avoir vu un film, je ne suis pas forcément inspiré mais j’ai l’ambiance de l’œuvre. Par exemple quand j’ai sorti « Les liens du Sang » sur l’affaire Théo, je venais de regarder toute l’œuvre de Death Note, qu’on m’avait conseillée. Le principe du tueur sanguinaire et de l’horloge viennent de là. Dans « La Friendzone », on me dit que je me suis inspiré de Docteur House, mais en fait je me suis inspiré du personnage de Maugrey Fol Œil dans Harry Potter. Mais non, je ne regarde pas la télé, et je ne vais au ciné que depuis que j’ai l’âge de le payer.

Est-ce que tu es quand même capable de donner un Top 3 de tes films favoris ? On sait que Will Smith est une figure importante pour toi.

Récemment, plus Denzel Washington. J’adore Training Day, et Equalizer. Ce que je peux reprocher à Will Smith souvent, c’est que tout est rose et il est parfaitement gentil. Il en devient assez prévisible par cela, alors que Denzel n’est pas gentil, mais il n’est pas méchant non plus. Dans Equalizer, même s’il vient en aide à la prostituée, il prend du plaisir à voir son ennemi se vider de son sang et mourir. J’aime ce côté là.

Pour mon top 3, ceux des films qui ont changé ma vie, il y a Forrest Gump, Matrix, 300 aussi. Dans Matrix j’aime tout. J’aime les différents degrés de lecture, qui sont presque infinis. J’aime les personnages, le fait qu’il y ait beaucoup de noirs dans le deuxième et l’image qu’ils ont voulu créer avec l’Afrique, j’aime le texte de Matrix, j’aime le méchant, l’Agent Smith ! C’est un film très philosophique et mathématique, et j’aime ce principe là. J’aime la fin de 300 et que Léonidas, sur le point de mourir et de perdre la guerre, se lève pour crier son amour à sa femme, sa reine. Ils font tout un film sur la testostérone et la virilité alors qu’à la fin, la seule chose qui compte c’est l’amour. Je suis peut-être un romantique mais j’aime ce côté là. [rires]

Tu parles beaucoup de ta mère dans chaque interview. Plus que le côté maternel et nourrissant, on a l’impression qu’elle est présente dans tous les pans de ta vie.

Pour commencer, je dirais qu’elle aurait pu être quelqu’un que j’aurai apprécié si elle n’avait pas été ma mère, j’en suis sûr. Ma mère est extraordinaire, j’ai une confiance aveugle en elle. Même si parfois sur le moment je pense qu’elle a tort, je me rends compte ensuite qu’elle a toujours raison. Ensuite il y a le côté « redevable ». Ma mère a fait beaucoup de sacrifices, on connaît la rengaine : famille monoparentale, soucis d’argent, banlieue. Ma mère aurait pu me dire d’aller jouer au foot dans le stade le mercredi après-midi. Mais non, elle m’a mis à la guitare classique, à l’art dramatique au conservatoire, au tennis car elle savait que je ne côtoierai pas les dealers du coin. J’ai fait du solfège, dans un coin assez huppé, dans un conservatoire réputé. Elle s’est sacrifiée, préférait manger des pâtes et que ses enfants fassent de l’artistique. Ce qui allait nous élever plutôt que d’avoir des « bons » repas et qu’on fasse du foot comme tout le monde. Je lui suis très redevable pour tout ça.

Comment elle vit ton succès aujourd’hui ? Plutôt à t’encourager sans faille ou à te tempérer et te remettre les pieds sur terre ?

Elle a toujours su que j’allais réussir d’une manière ou d’une autre. Elle a la tête très froide. J’ai moi-même la tête froide, mais elle l’a encore plus. Si je lui dis que tel producteur français veut de moi dans un film, alors que je ne saute pas de joie tant que rien n’est fait, elle va me dire « Pfff, mouais… Tant que ce n’est pas Luc Besson… » Et le jour où ce sera Luc Besson qui m’appellera, elle me dira « Ouais mais si y’a pas Denzel Washington dedans, ça ne m’impressionne pas ! » Mais c’est une grande fan, elle regarde toutes mes vidéos et les commentaires. Elle a une bonne vision, ce qui en fait une très bonne conseillère. Elle a aussi un peu peur pour moi je pense, mais elle a conscience que c’est une passion et a confiance en moi.

On remarque une vraie évolution depuis tes débuts sur tes vidéos, autant sur le fond que sur la forme. Ça été une succession de mises au point ou une trajectoire naturelle ?

Je vois rarement les choses vidéo par vidéo, je vois œuvre par œuvre. J’aime beaucoup changer de style, mais j’essaye de garder une certaine cohérence, un fil artistique pour comprendre l’œuvre globale. Maintenant je suis obligé de rajouter du temps dans la vidéo pour développer une idée précise. Je ne pouvais plus aller en profondeur sans ajouter du temps. Ensuite au niveau du fond, je pense que c’est parce que je change aussi. Je vois les choses différemment d’il y a quatre ou trois ans. Les vidéos me font évoluer, j’évolue, ce qui fait que mes vidéos évoluent aussi.

Est-ce que tu as l’impression de participer à un renouveau de la comédie virale, ou plus généralement de l’humour en France, voire de créer un nouveau courant ?

Je l’espère. Sur Internet je vois beaucoup de vidéos qui s’inspirent et qui reprennent un peu mes codes, et ça fait super plaisir. Dans la comédie française, j’espère aussi, car il manque des choses. Même si je ne suis pas cinéphile et que je ne connais pas les producteurs et les metteurs en scène, je suis certain qu’il manque des choses, qu’un film comme Equalizer ou Training Day n’existe pas en France. Ils parlent de budget mais c’est plus une histoire d’écriture. Quand j’avais sept ans, je ne regardais pas de film français en me disant « je veux être ce gars. » Il manque ce genre de films. J’espère que ça changera, même si ce n’est pas forcément grâce à moi.

J’ai aussi l’impression que tu veux faire tomber le mythe du comédien bouffon.

Oui, je n’aime pas ce côté. Surtout en France, car aux Etats-Unis il y en a beaucoup, mais il y a autre chose aussi ! Je pense même que s’il y avait d’autres styles en France, je serais resté un bouffon ! [rires] Mais on peut faire autre chose ! Au début, certains me trouvaient arrogant, – majoritairement des racistes [rires] -, ils étaient un peu choqués qu’à la fin je ne fasse pas de grimaces ou que je ne pleure pas. Dès que j’ai compris que certaines de mes vidéos faisaient dans l’humour communautaire, j’ai tout de suite arrêté. Je pense qu’il n’y a pas besoin de ça.

« Humoriste, c’est pas du tout ce que je fais, c’est quelqu’un qui veut faire rire, c’est sa fonction première. À aucun moment je ne suis là-dedans. »

Tu n’aimes pas l’appellation « humoriste », à juste titre. Comment tu te définis alors ?

En soi, j’utilise l’iPhone, et mes formats ne passent pas à Cannes, mais je réalise, j’écris et je joue, donc voilà. Mais j’aimerais bien être un artiste et être considéré comme tel, car j’essaie d’avoir ce processus là. Je n’aimerais pas qu’on me dise humoriste. Humoriste, c’est pas du tout ce que je fais, c’est quelqu’un qui veut faire rire, c’est sa fonction première. À aucun moment je ne suis là-dedans. Mon but ultime, c’est que les gens voient mes vidéos comme un couloir de musée : ils ont un premier sentiment en regardant un tableau, puis un autre dans le second, en essayant d’analyser la pensée du peintre, le message etc… J’aimerais arriver à ce moment où les gens ne cliqueront plus pour rire, mais pour regarder.

Tu as déclaré qu’on manquait de perfectionnisme en France, tu visais l’industrie du ciné ?

J’ai dit ça !? [rires] Je ne suis pas cinéphile, je n’ai pas fait d’école de ciné etc. Mais je pense qu’il y a des films qui se répètent en fait. Quand tu vois le même film cinq fois … J’ai l’impression que les réalisateurs français font des films pour se faire kiffer eux. Ils sont peut-être moins dans le divertissement en France, mais il y a peu de films qui me font rêver. Il y a aussi beaucoup de gens, qui jouent des gens, qui jouent des gens. Au lieu de juste jouer. C’est dommage.

Qu’est-ce que tu penses de la représentation des minorités dans le cinéma français ?

Pour la minorité arabe, ça s’améliore. Il y a des réalisateurs, des films, même des Césars, ça s’améliore. Noire ! Noire ! [il adopte une voix aiguë] Ça prend du temps même s’il y a Omar Sy, qui est une figure incontournable, faut l’avouer. Et c’est cool pour la communauté noire. Après je pense qu’il y a trop de « rôles de Noirs. » Jouer un Noir c’est quoi ? Jouer un sans-papiers ou une racaille. Les Noirs jouent des Noirs au lieu de jouer des gens. J’ai rarement vu un film français où le premier rôle, celui d’un avocat par exemple, est joué par un Noir . Et où on ne l’a pas pris parce qu’il était sans-papiers ou racaille mais parce qu’il était bon ! Peu d’enfants et d’ados vont au cinéma et y voient un avocat Noir et sortiront de la salle en se disant qu’ils seront avocat plus tard. Donc on est dans un cercle vicieux, les Noirs de quartier ou d’ailleurs ne se voient pas avocat car ils n’ont pas cette représentation, même au cinéma, qui est par principe basé sur l’imagination. C’est ce que j’essaye d’instaurer dans mes vidéos. C’est pour ça que les vidéos communautaires où on rigole et où on se moque de nous-mêmes, c’est marrant, car je pense qu’on peut rire de tout, mais ça dessert. Il faut autre chose. Et je suis certain que si j’y arrive dans ce métier, je garderai cet état d’esprit. Car je suis certain, qu’il y a des acteurs français Noirs qui avaient cet état d’esprit avant, mais ont perdu pied en voyant qu’il y avait peu de rôles, qu’il fallait se serrer la ceinture… Je le sais car on m’a déjà proposé des rôles au cinéma, avec des grosses sommes à six chiffres. Et je refuserai encore, j’en suis certain.

Quelle sont pour toi les limites que l’on doit poser dans la comédie ?

Je pense que si je reçois des plaintes de gens qui me disent être blessés par une de mes vidéos, je freinerai. Parce que je ne fais pas ça pour blesser. Et j’ai du mal à comprendre les humoristes ou autres médias satiriques qui aiment qu’on les insulte. Si je suis à la place de ceux-là, je recule. Parce que je ne suis pas là pour ça, je suis là pour faire kiffer. Mais il faut que la réclamation ait un but. Ma vidéo sur l’affaire Théo, il y en a certains qui m’ont dit que ça les avait blessés, sans dire pourquoi. Qu’est-ce qui t’a blessé ? « Apologie de la violence, appel à tuer des policiers… » Non, ce n’est pas ce que je veux dire ! Justement le gars tue la psy, et le mec est fou, il ne se fait pas justice. « Oui mais tu aurais pu le faire autrement… » En fait ça ne t’a pas vraiment blessé, tu voulais juste te mettre à ma place et le faire comme tu veux. En tout cas moi personnellement je freinerais, même si je suis d’accord avec le principe de liberté d’expression, mais il y a des choses à respecter. L’homme est naturellement bon, donc revenons au naturel.

Le club le plus cubain de Paris réouvre ses portes pour l’été ! C’est le 14 juin que le Plaza Havana Club va vous replonger dans une ambiance telle qu’on pourrait la trouver à la Havane, avec musique, food, cocktails Daïquiri au El Floridita et des mojitos au La Bodeguita del Medio, concoctés par de véritables barmen et cuisiniers cubains. Cette année, le Plaza Havana Club n’a pas fait les choses à moitié et vous attend avec un programme très chargé:

Ouverture des ateliers dès 19h
Sérigraphie : sacs, tee shirts, papiers Boutique de souvenirs
Palm painting : un artiste cubain qui dessine des œuvres d’art sur les mains des invités
Coiffure cubaine : une cubaine spécialiste des tresses et autres coiffures
Atelier peinture phosphorescente
Autres surprises

Live et dj set dans le jardin et la chapelle

19h: Live de Nelson Palacios y Su Cosa Loca

Ouverture de la chapelle dès 21h

21h: Live de Lewis Of Man ( House inspirée par les BO de films italiens des années 70)
22h: Live de Calypsodelia : musique ultra dansante d’un jeune groupe français signé chez Pan European Recording
23h : Dj set par Le Mellotron : Anders & Lekin en B2B

On vous donne donc rendez-vous le 14 juin au Plaza Havana Club, au 148 Rue du Faubourg Saint-Martin 75010, et vous pouvez bénéficier de tarifs réduits en vous inscrivant sur ce site.

Crédit photo: @johnnybgoode

Live Nation France, en partenariat avec YARD et Skyrock, présente Travis Scott en concert le jeudi 22 juin au Zenith Paris – La Villette.

Après une tournée complète au Etats Unis et quelques semaines avant de débuter sa tournée aux côtes de Kendrick Lamar et D.R.A.M, Travjs Scott viendra faire planer son oiseau au dessus de la scène du Zénith pour une date exceptionnelle.

Une occasion unique d’être témoin de l’incroyable énergie de l’artiste et, qui sait, de battre son record en rejouant plus de 15 fois le titre « Goosebumps ». À vous de voir ! Rendez-vous le 22 juin.

BILLETTERIE | EVENT FACEBOOK
Mise en vente dès le vendredi 9 juin à 10h

 

C’est encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
EVENT FACEBOOK

Instagram : @alextrescool

En mars 2015, le cyan semblait être le nouveau noir. Kanye West, Daft Punk, Calvin Harris, Usher ou deadmau5, tous les gros poissons de l’industrie musicale l’arboraient sur leurs réseau sociaux, en bannière ou en photo de profil, sans qu’on ne sache véritablement pourquoi. Une communication laconique et cadenassée, qui laissait à peine apparaître un hashtag : #TIDALforALL. Quelques jours plus tard, la marée s’abattait finalement sur nous, pauvres pêcheurs, et un nouveau service de streaming faisait son apparition. Avec, dans le rôle de Zeus, ce bon vieux Jay Z.

Voici qu’il remet ça, en 2017, comme une manière de sortir du silence relatif dans lequel il s’est morfondu. Sa hometown new-yorkaise est désormais placardée d’affiches beiges, sans artifices, juste marquées d’un énigmatique « 4:44 ». On les retrouve aussi sur les espaces publicitaires de sites comme Complex, The FADER, 2DOPEBOYZ ou Hypebeast. C’est d’ailleurs ce qui a permis aux internautes de remonter jusqu’à Hov, puisque le code source comprend les mentions « TIDAL » et « Superhero », soit l’intitulé de l’image.

Moins on en dit, plus on fait dire. L’expert de la communication qu’est Jay Z n’a pas besoin de l’apprendre. Les théoriciens en herbe de Reddit ou Twitter se sont déjà emparés de l’affaire, et imaginent quel grand projet cette mystérieuse campagne pourrait bien annoncer. Lui est né le 4 décembre, Beyoncé est née le 4 septembre, leur union a été scellée le 4 avril 2008. Il n’en fallait pas plus pour faire surgir l’hypothèse d’un album commun du couple Carter. D’autres imaginent plutôt Jay Z poursuivre The Blueprint, sa plus glorieuse série, arrêtée en 2009 après un troisième volet plus que mitigé.

The FADER relève pour sa part l’apparition d’indices qui suggèrent effectivement que le rappeur brooklynite travaille sur un nouvel album. Le 5 mai, Swizz Beatz avait par exemple publié sur Instagram une photo de Jigga et lui, légendée d’un « They don’t even know what’s about to happen. AlbumModeZone ». Sans équivoque. La nouvelle avait visiblement excité un journaliste de Complex, qui tweetait le jour même : « NEW JAY Z ALBUM. This is not a drill ». Une publication immédiatement likée par le compte officiel de Warner Chappell, la maison d’édition de l’artiste. En outre, Jay Z a récemment été annoncé en tête d’affiche des festivals Made in America et Austin City Powers, où on aimerait l’entendre interpréter de nouveaux titres.

Notre maigre contribution à cette vaste enquête : dans l’Évangile selon Jean, chapitre 4, verset 44, on rapporte ces fameuses paroles prononcées par Jésus, depuis paraphrasés en une maxime populaire, « nul n’est prophète en son pays ». On vous laisse cogiter.

https://www.instagram.com/p/BVAU8JalPs_/?tagged=444

UPDATE : Le retour de Jay Z, ce n’est visiblement pas pour tout de suite. Ou du moins, ce ne sont pas ces affiches énigmatiques qui nous l’annonceront. Celles-ci s’avèrent en fait être le fruit d’une campagne savamment orchestrée par TIDAL pour promouvoir son partenariat Sprint, un opérateur téléphonique américain. Ce partenariat permettra aux abonnés Sprint d’accéder à toutes sortes de contenus exclusifs sur la plateforme de streaming du MC de Brooklyn. 4:44 est l’un des contenus en question, et consiste en un film dans lequel l’acteur Mahershala Ali, récemment oscarisé, interprète un boxer coaché par Danny Glover. Lupita Nyong’o sera également à l’affiche de 4:44, dont le teaser a été dévoilé en marge du Game 3 de la Finale de la NBA.

Excited to bring @Sprint customers exclusive content through our partnership with @TIDALHiFi – more news coming tomorrow!! pic.twitter.com/YIbZ4h5Zoq

— MarceloClaure (@marceloclaure) June 8, 2017

Alors que le festival Paris Hip Hop finit d’annoncer son line-up, une nouveauté s’annonce et s’ajoute au programme. Pour la première fois, Hip Hop Citoyens dévoile la Paris Hip Hop Closing. Organisé à Périphérique (Parc de la Villette) ce projet ambitieux englobera pas moins de 10h de concert, avec plus de 15 artistes français et internationaux ainsi qu’une exposition de graffiti réalisés sur les piliers du lieu.

Rendez-vous le dimanche 9 juillet 2017 !

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE

UPDATE : L’évènement se déroulera au Trabendo, la Villette

C’est sur un parking qu’on a retrouvé le rappeur grignois Gizo Evoracci. Avec Léonie, c’est dans toute sa nonchalance, qu’il nous a donné là quelques uns des tips qui font de lui un O.G. : un style clinquant, une attitude ghetto et un soin extrême apporté aux détails, du couvre-chef à la paire, qu’il va jusqu’à soigner avec un carré de soie. Bougie.

 

Gizo : Nike Air Max 96 Ultra Essential
Leonie : Nike Air Max 95 QS

Photos : @lebougmelo

 

 

 

Surprenant et envoûtant, le film « Am I Paris ? » met en scène le danseur Skorpion dans un costume réalisé par Charlie Le Mindu, expert capillaire. Cette boule de poils déambule dans les rues de Paris et amuse, intrigue et fait même parfois peur aux passants. Mais là n’est pas le but de la vidéo réalisée par Redha Medjellekh. « Am I Paris ? » veut mettre en lumière l’acceptation des différences dans une ville cosmopolite comme la capitale française, avec au centre de ce processus, la danse comme moyen de communication. Sublimé par la musique classique de Prokofiev, les ralentis, les reverses et somme toute la mise en scène de Medjellekh, le film est d’une intensité et d’une poésie qui marque les esprits.

[vimeo 217624589 w=640 h=360]

Photo: Yohann Ancele

On en attendait sept, ils n’étaient finalement que trois. À plusieurs reprises, Elyo, ASF et PLK ont bien essayé de joindre leurs collègues, de s’assurer de leurs présences respectives… en vain. Un des absents était aperçu la veille à Marseille. Un autre se remettait d’une nuit visiblement mouvementée. Pas de nouvelles de Lesram, tandis qu’Ormaz nous fera miroiter une hypothétique arrivée.

Âgés de 20 à 23 ans, les membres du Panama Bende sont le symbole de cette jeunesse résolument entreprenante, qui s’affranchit des règles faute de pouvoir les respecter. Celle qui « écoute toujours les conseils, mais jamais les consignes ». Sa tête est pleine de rêves, de tourments, de projets. ADN en est un. Homogène, structuré, rigoureux, il démontre que cette jeunesse peut être tout ce qu’on voudrait qu’elle soit quand c’est la passion qui l’anime.

Photos : @lebougmelo

 

Ca fait déjà quelques années que le nom du Panama Bende circule, et c’est seulement maintenant que vous passez le cap du projet collectif long format. Pourquoi maintenant ?

Elyo : On a pris notre temps, en fait. On était chacun sur nos trucs en solo et puis en vrai on était jeunes, on a 20 piges en moyenne à peu près. On commence à vieillir là, on prend de l’âge [rires]. Il nous fallait le temps de se professionnaliser. L’année dernière par exemple, on a sorti un EP avec 3 clips vachement espacés dans le temps, c’était compliqué à organiser.

Au-delà de ça, il fallait le temps de se faire des contacts, de rencontrer des gens dans le milieu, de prendre nos marques, etc. On a pris le temps de ramener un projet qu’on considère abouti.

Aladin a été le premier à faire parler de lui, puis il y a eu une profusion de projet et de morceaux solos ou en duo. Vous aviez à coeur que le public identifie les univers respectifs de chacun avant de vous lancer ?

ASF : À la base, ce n’est pas vraiment pour ça, non. Dans le groupe, on ne se fixe pas de limites. Si toi, t’es déter’ à faire 10 projets en parallèle du projet Panama, fais-les. Si t’as la flemme et que t’as envie de sortir juste un son, sors ton son. On sait que c’est une des forces du groupe que chaque membre ait son propre univers, mais on ne se motive pas à sortir plus de morceaux dans cette optique là. On le fait parce qu’on a tous besoin de faire notre truc, on kiffe et c’est ce qui nous donne la force d’avancer avec le groupe.

Elyo : D’un côté, les projets du groupe prenaient plus du temps, on savait que ça nécessitait plus de travail donc c’était cool que ceux qui voulaient sortir du son entretemps puissent le faire.

« Il y a plein de rappeurs qui ne rappent pas forcément pour l’amour de la musique mais plus pour se donner une image, pour incarner les mecs qu’ils auraient aimé être. Il y a ceux qui font de la musique pour se montrer, et ceux qui font de la musique parce qu’ils aiment ça. »

Pendant toute l’écoute du dernier projet, j’ai eu en tête une phase d’Alpha Wann qui faisait : “J’rappe sur le rap, parce qu’à cause de lui je n’ai plus de vie”. Vous parlez énormément de rap, de la manière dont vous écrivez vos morceaux, de ce que ça représente pour vous. J’ai l’impression que votre génération a remis un peu de passion dans le jeu.

Elyo : C’est Zeu qui disait ça dans une autre interview, quand on nous demandait ce qu’on fêtait (par rapport à notre morceau “Fêter”), il avait dit qu’on fêtait le rap. Le rap, c’est notre passion au quotidien, c’est notre culture, on vient de là.

ASF : Après si ca se ressent c’est tant mieux, mais on le fait pas spécialement “pour montrer que”. C’est vraiment une passion. Par contre, je ne suis pas sûr que ce soit générationnel. Parce qu’il y a plein de rappeurs qui ne rappent pas forcément pour l’amour de la musique mais plus pour se donner une image, pour incarner les mecs qu’ils auraient aimé être. Il y a ceux qui font de la musique pour se montrer, et ceux qui font de la musique parce qu’ils aiment ça.

De ce côté “passionné” ressort aussi cette volonté de kicker sur toutes sortes de productions. C’est quelque chose que vous mettez beaucoup en avant dans vos textes.

Elyo : À l’époque des open-mics, quand il commençait à y avoir une distinction entre le boom-bap d’un côté et la trap de l’autre, tu devais être capable de kicker sur n’importe quoi. Encore plus maintenant, vu qu’il y a le boom-bap, la trap et 10 000 autres genres. Et nous, on a beau venir du rap, on kiffe toutes sortes de styles musicaux. On ne se réveille pas un matin en se disant “il faut qu’on fasse tel ou tel type de son”, mais on a une certaine ouverture musicale qui fait qu’on est capable de s’adapter.

PLK : Des fois on va se retrouver le soir, tous ensemble, il va y avoir un peu de musique, un son house qui va passer, tu peux être sûr qu’un de nous va se mettre à rapper dessus. Sans but précis, juste comme ça, pour rigoler, une petite impro. Tout ça pour dire que de nous-mêmes, on a ce truc de vouloir s’essayer à tout. Tu vas faire du bruit sur la table, on va poser un texte. C’est aussi pour ça qu’on rappe sur le rap : on fait ça toute la journée, frère.

ASF : Je vais avoir l’impression de me répéter, mais autant c’est cool que les gens remarquent qu’on est capable de rapper sur tout, autant faut qu’ils sachent bien que ce n’est pas spécialement calculé. On reçoit une prod, si on aime bien, on rappe dessus. On n’est pas dans la démonstration, on se prend pas la tête. On fait ce qu’on aime : si ça plait aux gens tant mieux parce que c’est comme ça qu’on va vivre, si ça plait pas, tant pis.

Elyo : On est libre artistiquement.

PLK : Ca se voit de toute façon, on n’a même pas besoin de le dire. Quand tu écoutes un morceau comme “Sommet” et un morceau comme “Pas encore”, il y a vraiment une grande différence. On peut taper où on veut. Si on avait quelqu’un derrière nous, il nous dirait sûrement “gros, c’est pas des trucs à faire”.

Elyo : Et encore, parce qu’on a beaucoup de trucs coffrés – que ce soit en solo où en groupe – qui vont encore plus loin en terme d’ouverture artistique.

Quand vous parlez, on dirait vraiment qu’il n’y a jamais de calcul dans ce que vous faites. Dans quelle mesure vous “pensez” vos projets ?

Elyo : Un minimum, quand même. Rien que le fait qu’ADN ait été fait dans la durée…

PLK : … ça nous a poussé à la réflexion.

Elyo : Voilà. Le projet est censé aller dans les bacs, on le veut plus abouti, donc on s’est quand même posé quelques questions. Mais dans la démarche de fond, on reste très libres.

Dans la mesure où vous êtes tous très versatiles, comment vous parvenez à définir un ADN musical, vu que c’est le nom de votre projet ?

Elyo : C’est la grande question qu’on se pose nous-mêmes. Ca arrive qu’on ait des désaccords entre nous, mais musicalement, quand on est au studio, ça coule de source.

ASF : Si tu regardes en solo, il n’y en a pas un qui a le même délire que l’autre, chacun est dans son propre truc. Mais quand on se met en groupe…

Elyo : … il y a une alchimie qui se créée. Comme on a beaucoup d’influences différentes, mais qu’on se connaît tous très bien les uns les autres ; quand on reçoit une prod, on a une manière de l’aborder qui est commune.

PLK : On se connait par coeur. On va entendre la prod, moi je vais dire “ok, moi à ce moment là j’imagine bien ASF au refrain” et tu peux être sûr que les autres vont être d’accord. Même Grünt par exemple, quand tu vas là-bas on te dit “tu as 30 minutes, tu connais pas les instrus, démerdez-vous et c’est filmé, faites pas les cons”. Dans ce genre d’exercice, tu sais qui est capable de reprendre à tel moment, qui va froisser telle ou telle prod… On se connait par coeur.

ASF : Des gros morceaux bien trap, bien arrogant, je sais que c’est PLK qui commence par exemple… [rires]

Du coup, comment vous définissez l’ADN du Panama Bende ?

Elyo : Faut écouter le projet… [rires]

ASF : En vrai, il ne faut pas seulement écouter le projet, parce que honnêtement c’est 2% de ce qu’on est capable de faire. On l’a fait comme ça, sur une période assez longue, mais au final, même si on a pris du temps pour le faire, on n’a pas tout essayé encore. On peut faire plein d’autres choses. Puis, on reste des rappeurs “rappeurs” et on trouve presque qu’il n’y a pas suffisamment de rap dans ce projet. Les gens peuvent nous attendre sur plein de trucs, on n’a rien montré encore.

Elyo : Disons que ce projet là, et tout ce qu’on a fait avant, c’est l’ADN au sens “carte d’identité”. C’est le stade le plus primitif, la base.

PLK : Après il y a toute une évolution qui suit derrière.

« Pour reprendre l’exemple de “Gros Plavon”, c’est limite mieux que les gens se disent “il est où PLK ?”, plutôt que je lâche un couplet que je n’aurais pas forcément kiffé. Franchement cette prod, je ne sentais pas que j’allais la frapper comme il fallait que je la frappe. Et je déteste ça. Tout ce qui est approximatif, ça me fait chier en vrai. »

Comment vous conciliez cohésion de groupe et identité(s) personnelle(s) ?

PLK : Chacun range son égo dans son t-shirt, frère. On a tellement roulé dans toutes les galères du monde ensemble que je ne peux pas… Je sais pas comment t’expliquer. Entre nous, il n’y a pas de rap. Enfin… Le rap nous lie, mais en même temps, nos liens sont beaucoup plus fort que le rap. Même si on arrêtait le rap, tu nous verrais toujours ensemble. À l’arrivée, il n’y a même pas d’égos là-dedans. Je connais sa mère, il connais la mienne, tu vois ce que je veux dire ?

Je ne parle pas forcément d’égo, mais plutôt de la manière dont vous allez intégrer vos univers respectifs dans une dynamique de groupe.

ASF : C’est comme on disait tout à l’heure, en vrai nous-même on ne sait pas trop… [Ils éclatent de rire] On s’entend tellement bien, on se connait tellement bien qu’au final on apporte tous notre touche et ça donne quelque chose de cohérent. C’est la magie du truc. On s’est retrouvé à sept, on a choisi le groupe et on a fait les bons choix, c’est tout. C’est sept entités qui collent bien ensemble.

PLK : Chacun est à sa place. En vrai, Panama Bende… Je sais pas comment t’expliquer… C’est sept cartes posées et chacune est à sa place. Si tu bougeais ne serait-ce qu’une carte, ça ne marcherait pas. C’est vraiment parce que les sept sont là. Même en studio : il suffit qu’on soit six au lieu de sept, tu sens que quelque chose ne va pas. Comme s’il y avait une roue crevée. On se complète, le mélange se fait automatiquement.

Elyo : Nos gros sons on les a fait à sept. Systématiquement. Quand il en manque un, c’est un bon morceau, lourd, pas de soucis, mais il manque un truc.

J’ai l’impression que le public le ressent aussi. Sur “Gros Plavon” par exemple, PLK ne pose pas et j’ai vu beaucoup de commentaires qui semblaient le regretter.

ASF : Après on réfléchit selon la cohérence artistique. On aurait pu dire à PLK “wesh, t’es sérieux, tu poses pas ? Vas-y on est tous dessus, pose !”, mais non il n’y a pas de ça. Si t’as pas trop kiffé la prod, ou que tu sens pas trop la vibe, ne pose pas dessus. Il y a probablement des fans qui vont moins kiffer, et tu en as d’autres qui vont l’attendre deux fois plus sur le morceau d’après.

PLK : Et puis même, pour reprendre l’exemple de “Gros Plavon”, c’est limite mieux que les gens se disent “il est où PLK ?”, plutôt que je lâche un couplet que je n’aurais pas forcément kiffé. Franchement cette prod, je ne sentais pas que j’allais la frapper comme il fallait que je la frappe. Et je déteste ça. Tout ce qui est approximatif, ça me fait chier en vrai. Le morceau à six, je me le prenais en pleine tête. Si je me rajoute dessus et que je force mon couplet, je sens que le son va être long, ça va me soûler et ce ne serait pas naturel. Donc on a fait le truc naturellement, comme on a toujours fait et voilà. On savait aussi que dix jours après on allait balancer un autre extrait…

Vous êtes un collectif de jeunes, frais, avec des personnages très marqués. Il va y avoir Lesram dans un registre plus crapuleux, PLK qui fait souvent dans l’insolence, ASF qui est très philanthrope dans l’âme, etc. Vous n’avez jamais eu peur de passer pour une sorte de “boys band du rap” ?

Elyo : Non, même pas. C’est quelque chose de propre aux boys band et aux groupes en général.

ASF : Dans le rap aujourd’hui, il n’y a que des bad boys. Mais vas-y, ca sert à rien parce que tu sais très bien que certains ne sont pas des bad boys.

PLK : Je dirais même que 98% ne sont pas des bad boys… [rires]

ASF : Donc autant qu’on soit nous-mêmes, on ne va pas tous faire les bad boys. C’est ce qui fait notre force : chacun a sa personnalité et ça se ressent dans nos morceaux.

PLK : Mais de toute façon – je vais retourner la question – si on avait été similaires, c’est-à-dire pas de personnages, chacun sur le même truc, ça aurait été super nul. Alors tant mieux qu’on ait tous nos propres personnages.

ASF : Tu te ferais chier là, on répondrait tous la même chose… [rires]

Elyo : Ça nous enrichit d’avoir des univers différents.

Au-delà de ça, il y a une dimension très générationnelle dans votre musique, quelque chose de fait “par et pour les jeunes”. Par exemple, dans le morceau “Mon squad”, Elyo va parler des “petits” qui l’écoutent.

ASF : Je lui avais dit de dire “les grands”… [rires] Mais encore une fois ce n’est pas vraiment voulu…

Elyo : [Il coupe] Ah si, c’est voulu.

PLK : C’est bon frère, c’est très bon.

Vous ne vous dites pas des fois, que ca peut restreindre la portée de votre art, notamment auprès des auditeurs plus matures ?

Elyo : Je ne pense pas, c’est juste qu’on est jeunes et forcément, chaque génération a son propre délire.

PLK : De toute façon, la majorité des gens qui écoutent du peu-ra, ce sont des jeunes. Si tu fais de la musique pour les darons, tu vas vendre 4 CDs frère. Tu vois ce que je veux dire ou pas ?

ASF : Et puis même, au final, ceux qui marchent le plus – peut-être que je me trompe – mais les Jul ou PNL, ils sont vachement écoutés par les jeunes.

Quand j’ai dis que vous faisiez de la musique “pour les jeunes”, j’ai vu Elyo acquiescer tout de suite…

Elyo : En fait il y a deux choses : d’une part, il y a une volonté de booster les gens, parce qu’on voit bien que dans notre génération, il y a plein de jeunes qui font plein de jets-pros différents que ce soit dans l’art, dans la com’, ou autre, et on a envie de pousser ces gens-là…

ASF : Même vous, en vrai. Que des jeunes entrepreneurs.

Elyo : … et d’autre part, par rapport à l’âge, ce ne serait pas cohérent si à 20 piges on pensait faire des textes qui parlent à des gens qui en ont 50. À chaque période de la vie son vécu. Nous on parle du nôtre.

PLK : Ce serait bizarre de faire l’ancien à 19 ans… [rires]

Elyo : Quand on aura 25 ou 30 piges, ça se ressentira dans nos textes. Parce que ce qu’on vit, ça correspond à notre tranche d’âge. Ça parlera aussi à des plus petits. Ça n’aurait pas de sens de donner des leçons de vie à 20 piges. Et puis en vrai, il y a quand même des gens plus vieux qui écoutent nos sons et qui kiffent. Ce n’est pas forcément le coeur de cible, mais c’est le cas, ça arrive.

ASF : Moi je connais v’la les darons qui m’ont dit “je n’écoute pas de rap, mais mon fils m’a fait écouter ce que vous faites, c’est grave lourd.” Au final, ça parle quand même à certaines personnes plus âgées.

Elyo : Il y a aussi plein de darons qui veulent être jeunes dans leurs têtes.

PLK : La crise de la quarantaine, ça nous réussit ! [rires]

« Ce n’est pas en un projet que tu pètes sa mère. Là on sent que ça grimpe, mais il va encore falloir se retrousser les manches, sortir deux, trois, quatre projets. Mais tranquille, on a la dalle, on va attendre. »

ADN est votre premier projet collectif qui atterrit dans les bacs. Est-ce que vous avez une appréhension vis-à-vis des ventes ?

Elyo : Plus ou moins. Après on s’attend pas à faire disque d’or après-demain, je ne te mens pas. On a conscience qu’il nous reste encore beaucoup de travail.

PLK : On n’a pas du tout les chiffres encore mais on sait que les premiers projets c’est rarement ceux qui vendent le plus. C’est très rare qu’un mec arrive, et dès son premier projet ça buzz de ouf. Le plus souvent il faut construire son buzz. Et puis de toute façon, nous on est déjà satisfait. On est à Paris, on fait une Cigale complète… c’est que du bonus en fait. Maintenant, ça ne veut plus rien dire parce qu’avec les streams, tu ne peux même pas savoir si t’es écouté de ouf ou si on achète vraiment ton disque.

ASF : En vrai, si on parle d’argent, on savait qu’on allait pas toucher des millions avec un projet. Déjà, on est sept… donc vas-y, c’est compliqué, ensuite on est en indé donc il y a plein de trucs à rembourser nous-mêmes. Après sans parler de ventes, vu tout ce que le projet va nous apporter, même si on vend pas de ouf, c’est que du positif. Là on a eu des interviews un peu partout, tous les médias voient bien qui on est, on a des attachés de presse avec qui on bosse et qui sont archi-déter avec nous, nous-mêmes on commence à être plus pros… il se passe plein de trucs. Donc même si on vend 4 CDs, franchement tout ce qu’il y a de positif…

PLK : Euh… 4 CDs j’aurais le seum quand même ! [rires]

Elyo : On sent que de toute façon il y a plus de gens qui nous suivent sur les réseaux, il y a plus de gens qui viennent à nos concerts, nos sons tournent de plus en plus. Hier on était chez notre tourneur qui nous disait que NTM, leur première salle à Paris, ce n’était pas La Cigale, loin de là. Ça nous fait du bien d’entendre des trucs comme ça, parce qu’on se rend compte avec de la perspective qu’il faut être patient, qu’il faut charbonner. Ce n’est pas en un projet que tu pètes sa mère. Là on sent que ça grimpe, mais il va encore falloir se retrousser les manches, sortir deux, trois, quatre projets. Mais tranquille, on a la dalle, on va attendre.

Les succès de Nekfeu – qui est un peu le porte-drapeau du créneau rap auquel vous êtes rattachés – vous font-ils dire qu’il y a réellement une place “commerciale” à prendre pour votre musique ?

Elyo : En vrai, dans tous les cas, je pense que Nek’ et tous les gens qui ont gravité autour de lui ont donné un second souffle au rap. Ça a été dit et répété par plein de médias. Puis en vrai, ça marchait quand même bien avec ses groupes. Après c’est sûr qu’il y a différents niveaux de succès, mais 1995 avait déjà fait ses bails quand même. Ils étaient en indé, à une époque où tout était axé sur les majors. De mon point vue, c’est surtout ça qu’ils ont amené. Ce côté “on peut le faire par des biais différents”.

ASF : Au-délà des ventes, Nekfeu a été une source de motivation pour tout le groupe. C’est un mec qu’on a connu avant son succès…

PLK : Moi je l’ai connu j’avais 12 ans. Il rappait même pas encore. Donc quand un mec tu le connais depuis longtemps comme ça…

ASF : … tu sais que c’est un gars comme toi.

PLK : Moi et Alpha on était dans le même collège, tu vois ? Bon lui il était beaucoup plus grand que moi, mais du coup tu sais qu’il est passé par les mêmes trucs. On est du même quartier, il habitait dans un bâtiment voisin, depuis tout petit je le vois. Un moment tu te dis “ah ouais mais pourquoi lui il y arrive et moi je n’y arriverais pas ?”. Il y arrive, il travaille… bah j’ai juste à travailler. À l’ancienne c’était le premier à prendre mes textes et à me dire “ça c’est pas bon, ça non plus, ça non plus, donc maintenant applique-toi !”. À l’arrivée, ca te fait progresser. Même maintenant quand j’écris, des fois je pense à ce qu’il pourrait me dire.

ASF : Et puis ces mecs là, quand tu les croises, tu vois à quel point ils sont humbles… C’est trop une motivation.

Une autre particularité de Nekfeu, c’est d’avoir plus marché en solo qu’en groupe. D’après vous, il y a encore un avenir pour des groupes de rap aussi nombreux que le vôtre ?

PLK, ASF et Elyo : Ouais.

Elyo : On ne le ferait pas si on ne le pensait pas.

ASF : Puis même si on devait se lancer en solo, il y a quelque chose de très homogène en terme de niveau dans le Panama Bende. Il n’y en a pas un qui aurait moins de chance de percer qu’un autre. Personne ne graille personne. Comme chacun a son propre délire, tu pourrais très bien voir Lesram péter en mode street, puis voir un Elyo arriver avec un délire plus chanté, et tout baiser dans ce délire. Il ne se mangeront pas.

PLK : C’est archi-éclectique. À une époque on avait fait un truc qui s’appelait “Les dimanches du Panama” où toutes les semaines il y avait un morceau ou un freestyle de chez nous qui sortait, mais il n’y avait jamais rien qui sonnait pareil, tu vois ce que je veux dire ? Pour te dire, j’arrive même à différencier nos publics respectifs maintenant. Genre Aladin et moi, on se rejoint sur plein de points, mais je sais que de mon côté, j’ai une fan base qui va être un peu différente de la sienne. Et pourtant ce sont des gens qui nous retrouvent en groupe et qui vont nous kiffer ensemble. Jusqu’à maintenant l’alchimie elle marche, il faut que ça continue.

Et votre avenir du coup, vous l’imaginez comment ?

Elyo : Bah Bercy, dans six mois… [rires]

 

Après l’énorme match de Kevin Durant lors du Game 1 des Finales opposant les Warriors aux Cavaliers, Nike dévoile la nouvelle basket signature de l’ailier de Golden State. La KD 10 « Still KD » est la paire anniversaire qui célèbre les 10 ans de carrière du joueur des Warriors. Si elle est disponible à partir du 2 juin, certains chanceux ont pu l’avoir un jour avant et avec du contenu exclusif en prime.

Pour l’avoir dès le premier juin, il fallait se rendre sur l’application Nike SNKRS: la paire était disponible dès que KD mettait le pied sur le parquet, mais indisponible quand il sortait du terrain. En plus de s’offrir la KD 10, ceux qui sont passés par l’application ont pu être tirés au sort pour gagner des pins et des boites customisées et autographiées par Durant lui-même, comme on le voit dans la vidéo juste en dessous.

 

« Ctrl » le nouvel album de SZA, la first lady par accident du label TDE, devrait enfin faire son arrivé le 9 juin, après avoir été repoussé à plusieurs reprises. Pour nous faire patienter, la chanteuse neo-soul sort le très doux « Broken Clocks », en écoute sur Spotify.

 

Après un nouveau concert sold out de JMSN en octobre dernier qui aura prouve une fois de plus ses talents de showman, JMSN viendra présenter sur la scène du Trabendo son nouvel album « Whatever makes u happy » sorti fin Avril.

 

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Avec YARD, tente de gagner deux places en remplissant le questionnaire suivant.

 

 

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Afin d’appuyer son dernier projet « FOCUS part.1 » sorti début mai, le rappeur suisse Di-Meh nous offre un excellent visuel aux influences rétro (images 4:3, rushes pris à la caméra de nos darons, ensembles Lacoste…) mais à l’ambiance et lyrics tout droit sortis du futur. Le tout, sous la houlette du talentueux réalisateur NATAS3000.

Di-Meh : « Focus Part.1 » – Sortie le 10 mai 2017

Tracklist

Jeune Héritier
Todo
Mauvais Oeil
Focus
Benz
Jabbawockeez
Hype
Ennemis
No Stress
Size
Agité

 

 

 

On vous donne rendez-vous le 10 et 11 juin pour la 6ème édition du festival We Love Green qui aura lieu à la plaine St Hubert du Bois de Vincennes. Une programmation boostée à 200 000 volts pour rester dans le thème, retrouvez Justice, Solange et Nicolas Jaar en têtes d’affiche. Damso et Jok’air seront également de la partie ainsi que pleins d’autres artistes. Lorsque vos oreilles siffleront, le festival a tout prévu en vous proposant des ateliers, master class ainsi qu’une multitude d’activités.

Ce n’est pas qu’un simple rendez-vous musical, c’est le rendez-vous de tout un mouvement multiculturel animé par un élan progressiste. Un festival acteur de son temps et engagé dans la démarche éco-responsable. We Love green assume son rôle éducatif qui vise à éveiller les consciences à travers la musique. Un festival qui carbure au 100% renouvelable certainement pas comme sa programmation musicale.

 

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C’était à l’occasion de la quatrième édition du festival « FUTURE! », que Sam Gellaitry débarquait dans la capitale. À 20 ans à peine, il est signé chez XL Recordings (Kaytranada, Jamie XX…) et faisait bouger la Bellevilloise avec son mélange de sonorités hip-hop et electro. En plus d’avoir pris des photos, nous avons pu en découvrir plus sur Sam Gellaitry.

📸 @Samirlebabtou

Quel est ton premier souvenir par rapport à la musique ? 

Je me souviens écouter de la musique à la radio quand j’avais 5 ans.

Comment as-tu rencontré le label Soulection et qu’est ce que ça signifie pour toi ? 

J’ai travaillé avec Soulection pendant quelques mois après qu’ils m’aient contacté par mail. J’ai sorti un EP sous le label et on a fait une tournée ensemble, c’était cool.

Tu as commencé la musique assez tôt et quitté l’école pour devenir producteur. Comment ça s’est passé ? 

C’était le bon choix pour moi de quitter l’école tôt. J’ai pu totalement me concentrer sur la musique au lieu de travailler sur des choses qui ne m’intéressaient pas.

Tu as eu la chance d’avoir le soutien de tes parents dans ta carrière. Est-ce que ça a toujours été le cas ? Comment s’impliquent-ils aujourd’hui ? 

Oui, mes parents m’ont toujours soutenu et me soutiennent encore aujourd’hui. Je leur en suis très reconnaissant.

Venant d’Écosse, comment est-ce que tu as construit une librairie musicale si éclectique et d’où viennent tes inspirations ? 

Youtube m’a vraiment aidé à trouver beaucoup d’inspiration.

En écoutant ta musique, on a l’impression que c’est une intelligente superposition de couches. Pourquoi construire de cette façon ? Quelle est la plus-value selon toi ? 

Je pense qu’utiliser de nombreuses couches donne à l’auditeur beaucoup plus de matière à décortiquer et pour moi c’est un son plus ample. Une autre raison est que j’ai toujours aimé les sons qui ont des éléments que tu ne saisis pas à la première écoute.

Cette construction nous amène aussi à avoir une perception cinématographique de ta musique. Est-ce que tu produis avec un storytelling en tête ? 

Oui totalement. Je me suis toujours efforcé à créer des chansons avec lesquelles les gens pourraient s’évader.

Est-ce que tu vois la musique en couleur (synesthésie) ?

Oui et je l’ai remarqué depuis très jeune quand j’écoutais de la musique. Je me souviens surtout entendre « Move Your Feet » de Junior Senior et voir des tons sombres de rouge et de marron alors que « Ms Jackson » d’Outkast était plutôt bleue clair.

Depuis le bug de l’An 2000 et l’avènement des réseaux sociaux, peu d’artistes ont eu la chance de se voir accorder une seconde chance au cours de leur carrière. Parce que celles-ci sont de plus en plus courtes ou tout simplement parce que la majorité du public se forge une opinion très (trop ?) rapidement en avançant la carte du connaisseur en tout mais très souvent expert en rien…
Amir Obè – alors plus connu sous le nom de Phreshy Duzit – fait heureusement parti de ce cercle fermé des sacrés veinards ayant eu la possibilité de démontrer l’étendu de leur talent une seconde fois, faisant mentir au passage l’expression française « une fois mais pas deux » mais donnant tout son sens à l’expression anglaise « second time’s a charm ». Il faut dire que l’artiste a longtemps fait ses armes dans l’antichambre du succès – période durant laquelle il rencontrera sur Twitter celui qui ne s’appelle pas encore PartyNextDoor ou encore notre ami Kyu Steed lors de son exil à Miami – avant de devenir un proche collaborateur de la nébuleuse OVO et co-produire le titre Star67 sur If You’re Reading This It’s Too Late de Drake.

 

Photos : @samirlebabtou

 

Tu as plusieurs cordes à ton arc. Mais comment te considères-tu vraiment ?

Je pense être un peu de tout ça, je suis juste quelqu’un de créatif. J’aime créer des mélodies, j’aime rapper et avoir ce côté lyrical, j’aime faire des productions tout comme j’aime toucher à tout ce que qui est visuel.
N’importe où, tant que je peux exprimer ma créativité à travers différents canaux. Mais si je devais choisir une étiquette, je dirais que la balance penche plus du côté du chant.

 

Dans quelle mesure les différents endroits où tu as vécu ont-ils joué un rôle dans ta construction artistique ?

Je dis tout le temps que la ville de Détroit a eu un rôle important dans ma vie. J’y ai passé ma jeunesse, toutes mes influences viennent de mon enfance là-bas. J’écoutais tout ce que mes parents jouaient à la maison. Ils avaient très bon goût alors j’imagine que cela a déteint sur moi et ma façon de percevoir la musique. Détroit représente toute mon identité mais quand je me suis installé à New York, c’est notamment via la mode que je me suis épanoui.

 

Comment décrirais-tu la touche « Amir Obè » ?

Ma musique est introspective…et la manière la plus juste pour la décrire serait de dire qu’elle est assez personnelle. Cela parle de moi et elle est le produit de toutes mes expériences passées, de toutes ces influences.

 


« Quand est-ce que cela a fait « clic » dans ma tête ? Je dirais que cela s’est produit dès que je suis redevenu indépendant »


 

 

Bien avant Amir Obè, il y a eu Phreshy Duzit. Peux-tu nous en dire plus sur ce que cela représentait pour toi ?

Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, cette période de ma vie a été un processus de développement. J’essayais d’acquérir une maturité musicale à travers la découverte de ma propre voie. À l’époque j’expérimentais certaines choses, j’essayais de comprendre la musique et comment construire une chanson… Je dirais que Phreshy Duzit était une version plus immature et moins affinée de ce que je suis aujourd’hui.

 

Ces étapes ont-elles jouées un rôle dans la découverte du nouvel artiste que tu souhaitais devenir ?

Bien sûr. J’étais encore dans une phase de maturation et de développement. Je ne regrette rien de cette période, je pense que tout cela a été fondamental dans mon apprentissage. Au fur et à mesure que nous grandissons, nous en apprenons plus sur nous-mêmes et finalement nous nous découvrons. Nous en savons plus sur la manière dont nous voulons que les gens nous perçoivent : c’est ainsi que j’ai compris la façon dont je voulais être vu et entendu.
Je ne considère même pas cette période comme un revers, mais plutôt comme une phase d’apprentissage. Je grandissais en même temps et si je devais faire une analogie, je dirais que c’est comme se chercher durant toute sa période de collège mais une fois arrivé au premier jour de lycée, tu t’es enfin trouvé, tu sais qui tu es. Mais est-ce que je ressens ce qui m’arrive aujourd’hui comme une revanche ? Non…c’est difficile de répondre à cette question, mais disons juste que je n’ai rien de négatif à dire parce que quoi qu’il arrive, ce type à l’époque c’était quand même moi. Une version juvénile de moi, mais c’était quand même moi.

 

Selon toi, quelles sont les choses qui ont changé dans l’industrie musicale et qui t’ont permises d’éclore pour de bon ?

Je pense que la seule chose qui a changé est mon approche de la musique. Je pense que les cases se sont emboîtées dans mon cerveau et j’ai alors réalisé pourquoi cela ne fonctionnait pas avant. J’apprenais les choses, mais je gardais toujours en tête qu’il fallait que je m’améliore pour devenir, à terme, la meilleure version de moi-même.
Quand est-ce que cela a fait « clic » dans ma tête ? Je dirais que cela s’est produit dès que je suis redevenu indépendant. Durant cette période je n’avais personne au-dessus de moi pour m’influencer sur mes choix, personne pour me donner son opinion, personne pour me dire ce qu’il fallait faire ou la façon dont cela devait être fait. Je me suis retrouvé tout seul…je me suis trouvé, seul.

 


« Malgré tout, en ce moment j’ai le sentiment que les artistes les plus authentiques sortent du lot »


 

 

La scène R&B était différente à l’époque, de ce qu’on peut trouver de nos jours. La vibe était plus joyeuse, on retrouvait beaucoup de titres ressemblant à des odes grâce à Usher, R. Kelly, Sisqó et bien d’autres. Depuis quelques temps, on a l’impression que si tu ne te crées pas un personnage sous drogue, dépressif ou dans une phase d’auto-destruction, le public n’adhère pas à ce que tu proposes. Comment les choses ont-elles changé ?

Aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu des modes, des courants musicaux, que ce soit dans la musique ou dans la mode par exemple. J’ai l’impression que c’est la culture en général qui a changé, surtout celle de cette génération. Si ce que tu dis est vrai et que les artistes qui chantent ces musiques sont plébiscités alors ça veut peut-être dire que les gens veulent entendre ce genre de sons. Il faut aussi voir ce constat du point de vue du consommateur de musique. Malgré tout, en ce moment j’ai le sentiment que les artistes les plus authentiques sortent du lot.

 

Les paroles de tes chansons sont-elles basées sur la réalité ou des évènements qui se sont réellement produits ?

Mes textes sont toujours inspirés par du vrai. Parfois cela va s’entremêler avec certaines choses plus…fantaisistes et finalement on va dériver vers un univers irréel. Mais le point de départ est toujours inspiré par des évènements qui se sont réellement produits, par de vraies situations.

 

Comment t’es-tu retrouvé à travailler avec PartyNextDoor ?

PartyNextDoor était un ami à moi depuis pas mal d’années, avant même qu’il ne s’appelle PartyNextDoor. On avait pris l’habitude de souvent se parler sur Twitter, en fait ça a commencé comme ça. Ensuite on a commencé à échanger des idées et aujourd’hui je suis content de voir tout ce chemin parcouru dans l’industrie musicale.

 


« Vous pourrez toujours trouver des ressemblances en cherchant méticuleusement, mais ça c’est un choix que la personne qui écoute décide de faire »


 

 

Ta musique possède quelques ressemblances avec ce qui sort de Toronto. Selon toi, ta musique aurait-elle pu être intentionnellement influencée par ce qui vient de là bas ?

Je ne qualifierais pas ma musique comme similaire à ce qui se fait là bas…au niveau du contenu il y a certaines choses qui peuvent effectivement t’évoquer ce qui se passe à Toronto. Mais cela vient sûrement du fait que je collabore beaucoup avec eux, par exemple PND et moi travaillons sur pas mal de choses. Vous pourrez toujours trouver des ressemblances en cherchant méticuleusement, mais ça c’est un choix que la personne qui écoute décide de faire. En tant qu’artistes, nous essayons de maintenir une espèce de cohérence sonore avec ce qui fonctionne…tout en gardant nos spécificités, bien entendu.
Sinon, en terme d’influence…Drake a ouvert la voie à pas mal d’artistes, c’est l’une des plus grosses stars mondiales. C’est donc tout à fait normal que la scène de Toronto profite de cette exposition. Que ce soit les artistes avec lesquels il collabore ou d’autres personnes, la scène musicale de cette ville est très implantée et forte.

 

Quelle est l’importance que tu accordes à la musique que tu laisses derrière toi, c’est à dire ton catalogue ?

J’ai toujours donné beaucoup d’importance aux projets que je confectionne, la cohérence des morceaux entre eux…c’est pour ça qu’attribuer un thème à un projet me facilite la tâche car je vois plus loin que la chanson. Un seul titre n’est pas suffisant pour faire passer mes messages…j’ai presque envie de dire que j’ai besoin de construire mes pensées comme on construirait un film.
Pourquoi mon savoir-faire m’importe plus que tout ? Je ne sais pas…disons que je fais très attention aux détails, je fais très attention à mon image. Et plus que tout, chaque chose que je crée doit pouvoir s’inscrire de façon cohérente dans mon œuvre. J’ai toujours été déterminé sur ce point : créer le meilleur produit possible. C’est juste ma personnalité…même dans ma vie personnelle, on peut dire que je suis un perfectionniste.

 

Que peut-on attendre de ton futur album ?

On vient juste de commencer le processus de création, donc… Il y a plein de choses que je vis actuellement et qui vont influencer ce projet : ma tournée européenne qui arrive, les voyages qui m’attendent… J’ai besoin de digérer ces expériences avant même de penser à aller au studio enregistrer quoi que ce soit. J’ai besoin d’avoir matière à pouvoir parler sur certaines choses, j’ai besoin de vivre certaines expériences. J’ai besoin de trouver de nouvelles inspirations…j’ai besoin de vivre un minimum avant tout.

 

Dernière question. Si tu pouvais utiliser une de tes propres chansons pour faire office de bande sonore de ta vie aujourd’hui, quel titre choisirais-tu ?

Mmm…je choisirais le titre « Free » à cause de sa vibe. Soit « Free », soit le morceau « Cigarettes »…ouais, ça se jouerait entre ces deux là.

 

Cette encore le photographe Alex Dobé qui arpentait ce mardi le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

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C’est devant une Cigale pleine à craquer que Médine à rejoué son album « Prose Élite » ce vendredi 26 mai aux côtés des membres du label Din Records. Un show d’abord introduit par Bonjour Tristesse et enflammé par l’arrivée de presque tous les protagonistes du morceau « Grand Paris« .

 

Photos : @Samirlebabtou

« J’ai disque d’or mais cela grâce au stream, donc jaloux écrivirent tweets hostiles », se lamentait Damso dans « A. Nwaar is The New Black », piste d’introduction de son dernier album Ipséité. À travers les chiffres, YARD s’est efforcé de comprendre pourquoi les haters évoqués par l’artiste belge tapotent nerveusement les claviers de leurs smartphones à chaque fois qu’un disque est certifié.

Chemise à fleurs légèrement déboutonnée, mocassins de velours et short assurément trop serré, le gusse se déhanche timidement sur une rythmique digne d’un best-of de Medhy Custos. Sa tenue a de quoi faire rire, d’autant qu’elle ne s’accorde pas avec son phrasé, primitif, empreint de mélancolie, qui plante le décor d’une cité phocéenne où les minots sont tous fadas. Le décalage est déroutant, presque ridicule, mais ça fonctionne. Pour sûr, c’est le compteur de vues qui nous le chuchote à l’oreille. Nous sommes en août 2014.

Un été plus tard, Jul siège confortablement dans les haute-sphères de la scène rap française. La majeure partie de son travail vient pourtant d’être engloutie dans les tréfonds de l’Internet. Plus de traces de sa chaîne YouTube, ni même de sa page Facebook, qui disparaît le temps de quelques jours, sans véritable explication. Comme s’il n’avait jamais existé, comme si sa fulgurante carrière n’était qu’une illusion.

Le marseillais est en réalité embourbé dans un conflit avec Liga One Industry, label indé au sein duquel il était contractuellement lié depuis ses débuts. Il faut attendre le creux de l’automne pour que cette querelle ne trouve une issue. Jul bombe le torse, puis jette un sourire narquois à ses anciens associés quand il annonce la création de sa nouvelle structure. « D’or et de Platine ». Tout ce sur quoi Liga One semble tirer une croix en se mettant à dos le plus prolifique des rappeurs phocéens.

Avant Jul, ils étaient peu nombreux à pouvoir vanter leur succès de la sorte. Il y avait bien Booba, qui faisait du disque de platine son « fond de commerce », tandis que la Sexion d’Assaut demandait carrément à ce qu’on lui « donne les dis…ques d’or ». Piochons les noms de Rohff, La Fouine, Kery James et Soprano, et nous avons un bingo de ceux qui collectionnent les certifications depuis que les paliers ont été (r)abaissés en 2006. Au début de la décennie, le game se renouvelle, intégrant de nouvelles têtes au sein de cette élite restreinte, de Sch à PNL, en passant par Lacrim, Kaaris, Gradur ou encore Nekfeu.

Mais ce qui était autrefois un club sélect et prestigieux, est devenu en 2016 l’équivalent du bar un peu cheap du coin de la rue. N’importe qui peut s’y inviter. La faute au laxisme de son physio, qui s’est finalement décidé à lâcher du lest vis-à-vis des droits d’entrée. Le Syndicat National de l’édition Phonographique (SNEP) l’a décrété : le streaming est désormais comptabilisé dans les ventes de disques. Pour chaque projet commercialisé après le 1er janvier 2016, on additionne les écoutes obtenues par chaque morceau sur Deezer, Spotify, Apple Music, TIDAL ou Napster, puis on divise le tout par 1000 pour obtenir un chiffre s’apparentant à des albums « vendus ». Seule singularité, on divise le chiffre du single le plus écouté par deux avant de le prendre en compte.

Des certifications en cache-misère

Les règles changent, et ce sont les rappeurs qui en profitent. À force de charbonner à la mine, ils ont fini par trouver le roro qui ornera leurs disques. Plus une semaine ne passe désormais sans qu’un album n’obtienne de certification. Alors le cours de l’or chute, lentement mais sûrement. Le public – de plus en plus regardant vis-à-vis des ventes – se met à dévaloriser ce qui était encore il y a peu, le saint Graal de l’industrie musicale. « Ouais il a été disque de platine mais tout ça, c’est grâce au streaming ».

Difficile de lui donner tord quand on observe les certifications attribuées aux albums sortis en 2015 – dernière année avant que le streaming ne soit comptabilisé – et 2016. « Meilleure année du rap français » d’après Mouv’, 2015 a définitivement consacré les nouvelles têtes d’affiches de la scène hexagonale (Gradur, Nekfeu, PNL et Sch), en plus d’accueillir les derniers efforts de noms bien établis : Requiem de Lino, Mon coeur avait raison de Maître Gims, Rohff Game de Rohff, D.U.C et Nero Nemesis de Booba, Le bruit de mon âme et Double Fuck de Kaaris, R.I.P.R.O. vol. 1 et 2 de Lacrim, Je tourne en rond et My World de Jul. En clair, ce fut une année riche, au cours de laquelle 17 disques d’or ou de platine* ont été décernés. Le calendrier de 2016 n’apparaissait pas nécessairement aussi fourni et pourtant, ce sont cette fois 27 projets qui ont été certifiés.

Plus de certifications, sans forcément qu’il n’y ait plus de ventes. En 2015, l’album certifié réalise en moyenne une première semaine à 30 125 ventes, réparties entre le physique et le digital. Sur les mêmes critères, il ne chiffre qu’à 14 353 exemplaires en 2016. Quelques années plus tôt, les démarrages de projets comme La Dictature de la MZ (3 889 ventes, hors streaming) ou Batterie Faible de Damso (4 677 ventes) auraient sans doute été considérés comme « timides », au mieux « honorable » dans le cas du belge, qui sortait là son premier véritable album. Avec des chiffres de ventes pourtant supérieurs, Ateyaba de Joke et Miraculé de Niro, tous deux sortis en 2014, ont souvent été moqués pour leurs scores, considérés comme des flops. Sauf qu’aujourd’hui, le streaming est là pour maquiller tout ce qui pourrait s’apparenter à un échec commercial.

L’exemple le plus probant étant encore celui de Niska. Avec le succès populaire de « Sapés comme jamais », il fait se déhancher jusqu’au plus coincé des bassins de l’Hexagone. Avec les street hits « Carjack Chiraq » et surtout « PSG », il déchaine les enfers de notre YARD Summer Club. Son freestyle de « charo » donne des ailes à Blaise Matuidi, qui inscrit un inhabituel doublé avec l’équipe de France en septembre 2015. À chaque but, sa danse attitrée. Les médias foot finissent par succomber au phénomène. Quelques semaines avant la sortie de sa mixtape Charo Life, Niska est à son pic de popularité. Ce qui ne fait pas décoller outre mesure les ventes du projet. 8 361 exemplaires trouvent preneur après une semaine d’exploitation… décevant pour celui qui semblait parti pour emboîter le pas de Gradur. Un an plus tard, son album Zifukoro réalise un démarrage similaire (8 615 ventes). Mais puisque le streaming l’a auréolé d’un disque d’or, 3 mois après sa sortie, impossible de ne pas parler de « succès ».

Quelles solutions pour pimenter le jeu ?

Face à une industrie du disque mourante, l’achat physique ou digital était devenu un acte symbolique. Sortir 10€ de sa poche pour un projet que l’on peut potentiellement télécharger gratuitement sur le net, c’était la plus significative des marques de soutien, une manière concrète de miser sur un artiste. Avant le streaming, les certifications récompensaient justement ceux qui parvenaient à pousser un public peu dépensier à faire cet effort. D’où la valeur qui leur était accordée. À côté de cela, qu’est-ce qu’une écoute sur Deezer ou Spotify ? Puisqu’elle ne coûte rien, elle permet déjà de se faire un avis. Un album peut ne pas plaire, on continuera peut-être à rejouer quelques uns de ses titres. Ça ne signifie pas pour autant qu’on aurait été prêt à l’acheter. Difficile donc de parler de « ventes » à proprement parler, bien que les maisons de disques n’hésitent pas à communiquer en conséquence.

Cela dit, comment peut-on blâmer le SNEP d’accorder une place au streaming ? Puisque plus personne n’achète de CD aujourd’hui, quoi de plus normal de considérer ce qui constitue aujourd’hui la plus pertinente des manières de consommer légalement la musique. C’est ce qu’expliquait Benjamin Chulvanij, le boss de Def Jam France, dans une interview accordée à Rapelite :

« Le streaming nous a sauvé. Il a permis de donner une parole propre aux gens qui nous pirataient […]. On est dans une génération où le format CD est en train de mourir. Le téléchargement iTunes fait -30% chaque année. Le streaming, c’est le nouveau mode de consommation par abonnement. Tu payes 10€ par mois, 10€ fois 12, ca fait 120€ par an. Qui achète 12 CDs à l’année ? Personne. Alors vive le streaming. »

À travers cet entretien fleuve, l’ancien patron d’Hostile Records déplorait également la défiance du public français à l’égard du streaming : « Le public en France est toujours un peu vieillot, même les jeunes sont vieux. Aux Etats-Unis, ça n’a posé aucun problème. Tu sais pourquoi ? Parce que Walmart, le ‘Carrefour américain’ a cessé de vendre des CDs. Donc il n’y avait pas le choix. » Sauf que contrairement à ce que Chulvanij affirme avec certitude, le streaming a aussi fait l’objet de critiques outre-Atlantique. Quand la RIAA avait attribué un disque de platine à Kendrick Lamar pour To Pimp A Butterfly, peu après la prise en compte du streaming, Anthony « Top Dawg » Tiffith, président de Top Dawg Entertainment, s’était empressé de réagir. En deux tweets comme en cent, il réaffirmait son attachement au barème traditionnel, assimilant le streaming à un « cheat code ».

we don't stand behind this @RIAA bs. ole skool rules apply, 1 million albums sold is platinum.until we reach that #, save all the congrats.

— TOP DAWG #TDE (@dangerookipawaa) February 1, 2016

À croire que le jeu est devenu bien trop facile pour certains des joueurs, qui finissent par sévèrement s’ennuyer. C’est le cas de Maître Gims, qui appelait le SNEP à rehausser les paliers de certifications, actuellement fixés à 50 000 ventes pour le disque d’or, 100 000 pour le disque de platine et 500 000 pour le disque de diamant : « Je pense qu’il faudrait rééquilibrer les choses. Le soucis là, c’est qu’il y a des disques d’or à tout va. C’est une bonne chose que le streaming ait un peu relancé l’industrie du disque. Mais vu que l’industrie est un peu en train de renaître de ses cendres, je pense qu’il faudrait remettre le disque d’or à 75 000 ou 100 000. À l’arrivée, ça remettrait le disque de diamant à 1 million. Une place très valorisante, très compliquée à atteindre, mais le goût est meilleur quand c’est difficile. » Inenvisageable pour Benjamin Chulvanij, qui estime que cela condamnerait les autres genres musicaux. Une autre possibilité pourrait être de créer une certification spécifique aux albums massivement « écoutés » en streaming, à distinguer de celle décernée aux albums réellement « vendus ». Deux sortes de performances tout aussi respectables l’une et l’autre, mais qui correspondent à des modes de consommation différent.

Peut-être aussi devrions-nous simplement nous faire à l’idée que les certifications seront désormais monnaie courante dans notre cher rap français francophone. Combien d’années passées à déplorer le fait que tel ou tel artiste n’obtienne pas le « disque d’or qu’il mérite » pour finalement regretter qu’il l’obtienne « trop facilement » en 2017. « Paradoxal », vous dites ? Sans doute. Reste que la prise en compte du streaming pourrait bien avoir des incidences sur la manière dont les artistes construisent leur projets. De la même manière qu’un « format radio » s’était dessiné au fil des années concernant les singles, on se dirigerait alors vers des disques volontairement longs, décousus, destinés à engranger un maximum d’écoutes. Avec sa « playlist » More Life, Drake a offert un bel exemple de ce que pourrait être le format de demain, et d’autres emboîteront assurément le pas. Après tout, n’est-ce pas lui qui prétendait avoir « le toucher de Midas » ?

* Sorti en 2015, l’album NGRTD de Youssoupha n’a pas été comptabilisé dans cette liste, dans la mesure où nous ne sommes pas en mesure d’affirmer avec certitude qu’il a été certifié. Bien qu’il ait été annoncé disque d’or par le distributeur du concerné, il n’est pas répertorié sur le site de la SNEP. Au-delà de ça, l’annonce du distributeur avait été passée après une semaine d’exploitation, et déclarait un disque d’or « avec + de 16 000 ventes ». Booba s’était d’ailleurs moqué de ces chiffres qui semblaient alors loin du compte.

En ce moment, Nike est dans sa phase Bling Bling. Après qu’on ait vu la Nike Air Max 95 « Metallic Gold » ou encore la Nike Air Max 1 version « Jewel », c’est maintenant au tour de la Nike Cortez de recevoir le Swoosh 3D. Elle arrive en deux versions: la « Rare Ruby » prend des accents rouge alors que la « Black Diamonds » joue sur le contraste noir et blanc.

Vous pourrez les acheter sur le site Nike à partir du 3 juin, pour le prix de 95€.

On vous présentait les 3 nouveaux sons « Honey », « Somethin Tells Me » et « Get Mine » extraits de « True to Self », le nouvel album de Bryson Tiller. Aujourd’hui, le chanteur de Louisville surprend tout le monde en sortant son projet, un mois en avance sur la date prévue. Vous pouvez écouter « True to Self » et ses 19 sons sans featuring, juste en dessous.

Au début des années 2000, le breakdance investit les places emblématiques de Paris. Un mouvement mené par quelques groupes, jeunes, la tête pleine de modèles, de stars et de moments qu’ils portent en eux avec nostalgie et l’ambition de porter leur danse encore plus loin.

Si aujourd’hui le moindre pas est répertorié et archivé dans le brouhaha des vidéos YouTube, Facebook et Instagram, il ne reste de cette époque là que très peu d’images. Pour pallier à ce manque, c’est un danseur de la génération précédente, Raphaël Stora, qui s’est retrouvé derrière la caméra avec l’envie de documenter une décennie de danse urbaine à Paris pour laisser une trace du passé et donner à voir ceux qui dansent aujourd’hui. Pour que leurs traces à eux puissent perdurer.
A travers 15 années d’archives inédites et précieuses, faites de rencontres avec des jeunes comme avec de plus vieux talents parisiens, Raphaël Stora livre hommage à cette scène vibrante, éclectique, admirée et enviée à travers le monde entier pour son audace.

 


« Trop souvent la danse Hip Hop est cantonnée à un rôle illustratif, plastique ou athlétique. On voit la danse dans des clips, dans des pubs, dans des compétitions, mais on ne s’attarde jamais sur les idées qu’elle véhicule ni sur les artistes qui les portent.
Les danseurs sont derrière les autres arts, derrière les chanteurs sur scène, derrière les acteurs dans le cinéma… bref derrière. Pourquoi sommes-nous toujours à l’arrière-plan ? » – Raphaël Stora


 

En avant-première jusqu’à sa diffusion sur Arte Creative le lundi 29 mai retrouvez les deux épisodes de GROUNDS. – Les promesses du sol sur YARD :

Episode 1

 

Episode 2

 

La formule a la côte. Elle dit le mépris, ou plutôt l’ignorance. Blâme le folklore qu’on marchandise et les clichés qui font joli. On la lit dans les dreadlocks de Marc Jacobs, la coiffe indienne de Pharrell et un peu tout des Kardashian. Il y a aussi de ça chez Gucci, avec la campagne de sa pré-collection Automne 2017. Une ôde maladroite à la jeunesse noire des sixties et à l’imagerie yé-yé de Malick Sidibé. 

 

 

Un grain vintage, des images léchées, une douce fièvre funky, une collection bariolée et un casting 100% noir. Baptisée « Soul Scene », la campagne inspirée des clichés de Malick Sidibé a belle gueule. Elle fait du bien même, en redonnant des couleurs à une mode trop livide. On voudrait l’adorer. C’est d’abord ce qu’on a fait. Et puis, à y voir de plus près, l’artifice est apparu, là, criard et grossier. L’ambiance façon Northern Soul manque d’âme, d’authenticité. La jeunesse capturée par Sidibé était drôle, insouciante et spontanée, pleine de rires, de vie et de sincérité. Celle de Glen Luchford a la joie un peu molle, l’ivresse forcée. Dans le film, ils sont une dizaine à chauffer la piste sans transpirer. La fête sonne creux. Le DJ joue le morceau « The Night » de Frankie Valli & The Four Seasons, un groupe pop-rock américain … iconique mais pas soul.  « Mettre un groupe de personnes noires portant des vêtements colorés dans une pièce et leur demander de danser ne suffit pas à faire une révolution », écrit R. Eric Thomas pour le New York Times. Pour un peu d’audace et de fraîcheur, Gucci a réduit le mouvement musical Northern Soul à des codes esthétiques visuels bien choisis. En fait de culture, la Maison met en scène une reproduction mal ficelée, des signes extérieurs de reconnaissance stéréotypés, des looks plus qu’une histoire. « Ça nous ressemble, mais ce n’est pas nous », résume Thomas. On ne célèbre pas, on mercantilise. Il y a un truc néo-colonialiste dans l’idée. Des blancs privilégiés qui s’emparent d’une culture qui ne leur appartient pas, celle d’une minorité. L’appropriation culturelle. « Je ne comprends pas cette récupération systématique pour tirer les grosses ficelles de la soi-disant suprématie blanche. C’est ridicule » conteste Nathalie Rozborski, Directrice générale adjointe du bureau de tendances Nelly Rodi. « Il faut arrêter avec l’idée de la récupération. Tout le monde récupère tout, c’est un cercle vertueux. » Seulement, transformer l’héritage culturel d’un groupe historiquement oppressé en objet de consommation et de profit questionne, dérange. La griffe s’engage-t-elle sincèrement ou saisit-elle l’envie et la tendance d’un moment ? Il y a ceux qui revisitent le wax, empruntent des bijoux Massaï ou dessinent des jupes à plumes, et puis ceux qui s’impliquent, vraiment. Comme Vivienne Westwood, qui confie depuis une dizaine d’années la fabrication d’une mini-collection de sacs recyclés à des kényanes vivant sous le seuil de pauvreté. « Ce n’est pas de la charité mais du travail », insiste-t-elle. L’appropriation devient alors un échange, un partage, un hommage véritable.

 

 

«Gucci mérite deux pouces en bas pour son manque de diversité», pointait le directeur de casting James Scully en décembre dernier lors d’une conférence organisée par Business of Fashion. La Maison italienne était alors une habituée des cabines et des publicités presqu’exclusivement blanches. Après qu’elle a dévoilé sa campagne Pre-Fall 2017, Scully a applaudi : « Ca pourrait réparer les dommages et remettre l’industrie sur le chemin de l’inclusivité. Bravo à Alessandro [Michele – le directeur artistique de Gucci]! ». En janvier 2015, Michele avait remplacé Frida Giannini au pied levé, après son départ précipité. Le créateur aux airs baba cool n’a depuis cessé de réenchanter le style Gucci à grands coups de pièces excentriques, décalées et flamboyantes. Un fourre-tout presque carnavalesque, nourri d’une foultitude de références historiques. Pour ses deux premiers défilés Gucci, Alessandro Michele n’avait retenu aucun mannequin noir. Ce casseur de codes qui prêche la diversité a depuis essayé de faire amende honorable. Un, puis deux, voire trois modèles à la peau brune se sont glissés dans chacun de ses défilés. Des progrès trop timides, jusqu’à la campagne de la pré-collection Automne 2017, révélée en avril.

 

 

 

Fière de son coup, Gucci publiait dès janvier des extraits d’auditions sur Instagram, pour teaser, évènementialiser. Dans les pastilles vidéos, la marque demande à ses futures recrues, toutes noires, ce que signifie « avoir de l’âme », d’identifier leur « animal spirituel » et puis de danser. « Ca fait partie d’une audition, bien sûr », commente R. Eric Thomas, « mais dès la minute où une marque met ce genre de séquence en ligne dans le cadre d’une campagne marketing, cela perd même l’illusion d’être désinteressé ».  Pourquoi brandir et faire valoir sa B.A. comme on veut monter un buzz ? Ce que Gucci vend comme bienveillant masque mal ses ambitions. Les acte sincères ne réclament pas la gloire, ne servent pas d’intérêts. Les images du lookbook de la collection, plus commerciales, moins grand public, figurent, elles, des modèles essentiellement blancs. Une couleur de peau ne s’exploite pas comme l’imprimé d’une saison ; on ne la remise pas au placard après qu’on l’a trop vue, trop portée. La campagne semble un joli cache-bite, un coup de com réussi. Derrière la photogénie, Gucci valorise-t-elle pleinement la diversité ? Se refuse-t-elle à toute discrimination ? Milite-t-elle pour les droits des Noirs ?

Dans la mode, les lubies s’interprètent sur des silhouettes, se figent sur papier glacé puis se consument et s’oublient. Alors avant de trouver que l’histoire est belle, on attendra le prochain défilé Gucci.

 

Lors de l’investiture de Donald Trump, les prises de vues aériennes du National Mall montrent une foule clairsemée. Ce président n’est pas celui de la majorité des américains, mais si les rues sont moins denses que pour un discours de Barack Obama, c’est aussi sous l’effet d’une singularité régionale. La population du D.M.V. (pour D.C., Maryland, Virginie) est dans sa majorité afro-américaine, ces états ayant accueillis des noirs venus du Sud notamment, où les droits civiques évoluaient plus lentement qu’au Nord. Et c’est un secret pour personne, Trump est le choix des électeurs blancs.


Les tirs qui ont forcé GoldLink à fuir sont malgré tout bien réels, symptôme d’une rivalité entre les quatre points cardinaux de la ville


 

Cette particularité démographique a inspiré le sobriquet de Washington D.C., dite « Chocolate City » depuis que George Clinton la surnomme ainsi en 1975. En y important leurs musiques et traditions, les migrants ont fait de Chocolate City et de tout le D.M.V. une marmite où bouillonnent les cultures afro-américaines au pluriel. Pendant plusieurs décennies, cette zone fertile donne naissance à tout un répertoire de sous-cultures et de genres musicaux. Chacun à leur manière, les rappeurs de Washington D.C. portent aujourd’hui l’héritage de cette histoire qui a silencieusement mais profondément impactée la musique américaine.

À la fin de Meditation, GoldLink est piégé dans une soirée interrompue par des coups de feu. C’est le genre d’incident qui a justifié la fermeture du Club U, dont la réputation s’est dégradée au fil des ans. Le durcissement du discours sur ces lieux de vie de la population noire va de paire avec la gentrification de Washington D.C., qui modifie les quartiers en même temps que la couleur de peau de l’habitant moyen. La fermeture du club correspond d’ailleurs au moment précis où pour la première fois depuis le milieu du XXème siècle, la population du district est devenue à moitié caucasienne. Les tirs qui ont forcé GoldLink à fuir sont malgré tout bien réels, symptôme d’une rivalité entre les quatre points cardinaux de la ville. Ce jour-là, il venait de tomber sous le charme d’une jeune inconnue originaire d’un quartier ennemi, et ses tentatives de séduction ont mis de l’huile sur le feu qui fait fondre Chocolate City. Ce remake moderne et urbain de Roméo et Juliette est mis en scène tout au long d’At What Cost, où GoldLink énumère les souvenirs de ses amours présentes et passées, pour mieux rendre hommage à son territoire d’origine et de cœur. Et si ces filles dont il tombe amoureux n’étaient que différentes facettes de cette région qu’il chérit tant ?

 

 

Pour enregistrer cet album, GoldLink a quitté la Californie où il vit depuis le début de sa carrière, afin de capter l’atmosphère de sa ville natale. Les rythmes sont gorgés de percussions superposées, secouant un gumbo de funk, trap, r’n’b et musiques électroniques. Hands On Your Knees nous projette dans la foule d’une soirée go-go, un sous genre de funk dont les congas et timbales font battre le cœur de D.C. depuis les années 1970. Dans cette chanson, on entend les cris de Kokayi, lead talker go-go, qui harangue le public et les musiciens pour les faire dialoguer, et construire la fête ensemble. Le go-go est une musique collective, à la fois extension de chaque individu et synecdoque de toute la communauté. GoldLink refait germer cette idée pour ressouder les habitants, en infusant tout son disque dans la musique reine de D.C. Les rythmes emportent, chauffent les corps et échauffent les esprits, jusqu’à être interrompus par l’omniprésente violence. Au premier abord, la ville semble folle et divisée, mais l’enfant du D.M.V. veut démontrer que la jeunesse peut s’unir autour de ses richesses culturelles.

 

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GoldLink fréquente les rues bordées de briques et les clubs électroniques de Baltimore, qui après avoir inspirés sa « future bounce » résonnent dans les voix filtrées de son album. A la Virginie, il emprunte ses cloches métalliques et ses rythmes syncopés, comme sur son Kokamoe Freestyle qui évoque les Neptunes et tous ces producteurs qui ont grandi sous l’écho du go-go et des tambours de fanfares. Les visuels et les clips de Darius Moreno participent à l’hommage rendu à l’excentrique jeunesse locale, accro aux patchworks de Solbato et aux sneakers New Balance. Ses peintures charnelles, aux couleurs chaudes, sont calquées sur les affiches de la Ball Culture. C’est une façon de saluer les nombreuses soirées LGBT qui enflamment les nuits de ce triangle d’or. Mais c’est aussi à travers son casting d’invités que GoldLink espère unir les terres du D.M.V. Sur sa reprise de Roll Call du groupe go-go CCB, il invite Mýa, star du r’n’b à la fin des années 1990 et éternelle princesse de Washington.

Le planant Crew aurait pu sortir à l’époque de Mýa. Au côté de GoldLink et du crooner de Baltimore Brent Faiyaz, on y entend un timbre sans âge, qui nous parle de gang et des filles des beaux quartiers qu’il attire dans son ghetto. Ce gamin en fourrure, qui traine avec les auteurs des coups de feu qui ont fait fermer le Club U, s’appelle Marquis King.

 


Marquis King dit Shy Glizzy s’enorgueilli d’avoir grandi ici, sur la 37ème rue, quartier que beaucoup considère être le pire de Washington


 

 

En descendant vers le sud-est on entre dans un territoire laissé intact par les rénovations, au grand dam des promoteurs qui aimeraient voir les prix de l’immobilier s’envoler partout. Marquis King dit Shy Glizzy s’enorgueillit d’avoir grandi ici, sur la 37ème rue, quartier que beaucoup considèrent être le pire de Washington. Dans ses textes très personnels, il s’adresse d’abord à ceux qui, comme lui, ont souffert de la pauvreté et du système judiciaire américain. Ses chansons n’ont souvent pas d’autre but que de gonfler l’orgueil de ces gens, un pouvoir cathartique qui l’amène à être comparé à Boosie, C-Murder ou Soulja Slim, ces louisianais qui épongent les soucis de leur communauté.

 

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Avec sa voix pincée, Shy Glizzy rappe comme un adulte piégé dans un corps d’enfant. « Je ne suis pas un rappeur » répète-t-il à la manière de Beanie Sigel. Comme ce dernier, il considère peindre des images beaucoup trop vivaces pour être comparé aux autres. En référençant les rues, en citant nommément ses amis ou en piquant ses textes de détails vécus, il est vrai que Shy Glizzy nous force à voir D.C. comme si nous la regardions à travers ses yeux. Mais c’est avant tout son absence de retenue et son émotivité à vif qui touchent les locaux. En jouant de son flow fredonné, il plante ses aiguilles dans un canevas d’émotions très larges pour tisser ses toiles réalistes. Son agressivité est parfois de façade, pour dissimuler l’humour avec lequel il se moque de ceux qui ne représentent plus le « vrai D.C. », puis redevient brûlante pour menacer les quartiers rivaux. Et quand ses amis s’assoient au tribunal ou s’allongent au cimetière, le leader du Glizzy Gang redevient grave et mélancolique.

 


Aujourd’hui, la ressemblance est moins frappante car Glizzy a trouvé sa propre place autour de la table que partagent ses idoles


 

 

« Qui est le plus vrai ? Repose en paix Soulja Slim, libérez C-Murder » en ouvrant Young Jefe 2 sur ces mots, Shy Glizzy prouve qu’il a pleinement conscience de son héritage. Et sur l’interlude OG Call, depuis sa cellule d’Angola où il risque de croupir jusqu’à la fin de sa vie, C-Murder téléphone au prince du sud de Washington pour l’adouber. Malgré sa voix d’adolescent, Shy Glizzy paraît plus mature encore. Sur cette mixtape il énumère ce que son début de carrière a apporté : la nouvelle voiture de sa mère, les hivers moins rudes du Glizzy Gang désormais équipé en doudounes Moncler ou sa grande histoire d’amour avec la dénommée Blaidy. Après la pluie vient le beau temps, en somme. Shy n’est pas encore tout à fait au sommet, mais veut prouver par sa réussite que tout est possible pour les habitants du quartier. Douces et subtiles, les productions laissent le premier rôle à l’introspection. Les samples donnent une saveur plus east coast à sa trap fredonnée, et rappellent presque le B. Coming de Beanie Sigel. Il y a quelques années, il était impossible de parler de lui sans évoquer Boosie. Aujourd’hui, la ressemblance est moins frappante car Glizzy a trouvé sa propre place autour de la table que partagent ses idoles. À son tour de coopter. Sur Young Jefe 2 il salue Mozzy, Kodak Black, rend hommage au regretté Bankroll Fresh, et sur le récent The World Is Yours met en lumière Ralo et le tout jeune NBA YoungBoy.

En s’affichant sur l’album de GoldLink, il se montre prêt à œuvrer pour l’unité de D.C., lui qui il n’y a pas si longtemps jurait être le seul artiste respectable et loyal aux proverbiales rues du D.M.V. L’an dernier, il a même enterré la hache de guerre avec le bedonnant champion des quartiers nord-est.

Seul le sexe et la violence faisaient briller le fond de l’œil de Notorious B.I.G. Il en aurait fait les seuls sujets de ses textes si Puff Daddy ne l’avait pas convaincu que tout Machine Gun Funk doit être accompagné de son Juicy. Fat Trel est le Biggie d’une réalité alternative, d’un monde où il n’a jamais rencontré Diddy, où il est devenu à moitié sauvage et n’a jamais développé sa plume d’auteur hitchcockien. Seul le sexe et la violence font briller le fond de l’œil de Fat Trel, et à lui personne n’est venu expliquer que l’on pouvait s’intéresser à autre chose.

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Dans le nord-est de la ville, Fat Trel est connu pour trainer dans les soirées de Benning Road, torse nu, le corps tatoué et déformé par ses excès. Comme un gaucher balle au pied, il transforme ses défauts (de prononciation) en armes. Grâce à son accent qui déforme une consonne sur deux en « urr » il avale ses syllabes comme le Cookie Monster. Son débit ininterrompu et tout en allitérations désarticulées imbibe les productions comme du slime. Mais l’ectoplasme que Fat Gleesh laisse partout derrière lui n’a rien à voir avec celui des chasseurs de fantômes, c’est une mixture de champagne et de cyprine, de sueur et de sang. S’il a plus de baby mamas que de disques d’or, c’est évidemment à cause de cette vie de rock star décadente.

Pourtant, en plus d’être aussi charismatique que technique, il fait parti de ceux qui, avec Lil Durk à Chicago notamment, ont fait évoluer tout un pan du rap. Avec des titres comme Niggaz Dying en 2013, il mélange trap music, auto tune et nappes atmosphériques, pour donner naissance à ce rap de rue aérien et plein de spleen qui va conquérir le Monde, et la France en particulier via PNL.

 


En fier représentant de Washington D.C., il est évidemment arrivé à Fat Trel de rapper sur des percussions go-go.


 

 

Après un passage éclaire chez No Limit Records, Fat Trel rejoint Maybach Music Group. Depuis sa signature il y a quatre ans, il n’a toujours pas sorti d’album studio car sa présence sur le label semble avoir un tout autre intérêt. Populaire à Washington D.C., il y est VRP de luxe pour les marques de Rick Ross. En fin business man, ce dernier s’est offert un relais direct avec les rues du D.M.V., dont la population majoritairement afro-américaine correspond au cœur de cible de ses produits. Abreuvé gratuitement en bouteilles de Belaire et en repas Wingstop, Fat Trel s’empâte et s’enrichit tout en offrant gracieusement ses chansons violentes et dégueulasses. Sur la mixtape Fat & Ugly, Trel échange les jabs croisés et les ailerons de poulet avec Yowda, une autre signature fantôme qui exporte les produits MMG à Las Vegas.

En fier représentant de Washington D.C., il est évidemment arrivé à Fat Trel de rapper sur des percussions go-go. Sur She fell In Love il tape sur les fesses de son amoureuse au rythme des congas, et avec In My Bag il collabore avec l’un des champions du rap mariné dans le go-go, Wale.

A partir des années 1980, le go-go est si populaire à D.C. qu’il éclipse complètement le hip-hop. Et le meurtre de Fat Rodney, potentielle première star du rap local, n’a pas aidé le genre à s’y installer. Wale a démontré qu’il était possible de réussir dans le rap en venant de Washington. Il s’est appuyé sur sa culture et les sonorités régionales pour construire une discographie à la croisée des genres, et devenir une figure connue du grand public. La seule de toute l’histoire du rap à D.C.

 

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SHiNE ne célèbre pas les bientôt dix ans de carrière de Wale mais la naissance de sa fille. À là manière de Chance The Rapper avec son Coloring Book, il souhaite partager avec le monde son bonheur d’être devenu père. Lui qui est parfois gentiment ronchon semble apaisé par la paternité, et ce cinquième album est aussi son plus joyeux. Son écriture simplifiée laisse d’avantage de place à l’efficacité pop et aux mélodies que l’on peut chanter à un enfant. Il confie vouloir offrir le Monde et des voitures de sport à son bébé, dont la main boudinée attrape la Terre sur la pochette du disque. Mais très vite, Wale ne peut s’empêcher de repenser à son premier véritable amour, sa ville.

Sur Colombia Heights, il remonte la rue où s’est installée la communauté latino pour emprunter leur argot. Scarface Rozay Gotti chante les louanges des figures extérieures qui ont aidé au rayonnement de Washington. Rick Ross pour son investissement dans l’économie, Yo Gotti pour ses collaborations avec les locaux, et Scarface des Geto Boys, qui en plus d’être un habitué des concerts go-go a été bassiste du Backyard Band, un de ses groupes les plus mythiques.

 


Désormais chef de famille et en position de pouvoir transmettre un héritage, Olubowale Akintimehin s’est simplement tourné vers sa culture extra américaine, celle de ses parents


 

 

Produit par les français Picard Brothers, My Love et sa guitare naija a été au cœur d’une polémique idiote. Le youtubeur Anthony Fantano (alias « The Needle Drop ») reproche à Wale de surfer maladroitement sur la vague caribéenne. Ce dernier s’est fendu d’une réponse claire et nette : My Love n’a rien de caribéen puisqu’elle est inspirée par l’afro beat et invite le nigérian WizKid. Quant à l’accusation mal déguisée de pillage, elle est malheureuse, Wale étant d’origine nigériane lui-même et baignant dans ces musiques depuis son enfance. Désormais chef de famille et en position de pouvoir transmettre un héritage, Olubowale Akintimehin s’est simplement tourné vers sa culture extra américaine, celle de ses parents.

Parrain de la scène locale, il est tout naturel de retrouver Wale sur At What cost de GoldLink. Mais avoir réuni Kokayi, Wale, Shy Glizzy, Mýa et beaucoup d’autres sur un même disque relève du miracle dans une ville aussi divisée. Dommage que la récente incarcération de Fat Trel l’ait empêché de participer à cet immense armistice. Si la Juliette de Roméo GoldLink représente bel et bien la culture de D.C., alors contrairement à la tragédie de Shakespeare, dans ce remake la jeune femme est on ne peut plus vivante à la fin.

 

Illustrations : Bobby Dolla

Cette fois-ci c’est le photographe Alex Dobé qui arpente le YARD Summer Club dès ses premières heures pour repérer les meilleurs looks de la soirée.

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Premier live de la saison, Sofiane a enflammé la scène de la terrasse du Wanderlust, encadré par les DJs Supa, Just Dizle, Endrixx, GVLVXY, Marouan MG, CQFDa, Andy4000 et Deejay SYT.

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Si ce nom ne vous dit peut-être rien, ne vous inquiétez pas. D’autres grands fans de jeunes talents hip-hop plus ardus que vous n’y ont sûrement pas fais attention. Et pourtant. Il est celui qui a donné une autre dimension au morceau All Day. C’est lui qui prête sa voix dans le pré-chorus aux allures de couplet jamaïcain. Un an après cette collaboration, le jeune rappeur qui a attiré sur lui les lumières des médias et a depuis sorti son premier album, est perçu par les médias indés et ses contemporains US comme un phénomène. Et tout cela avec à peine quatre mesures…

La musique ou rien

Allan Kingdom est un forcené. Le chemin de la musique débute pour lui très tôt. Productif, entre mixtapes, albums et projet collectif, il en est à un projet par an depuis 2011. Si aujourd’hui le rap apparaît comme une évidence pour Allan Kiaryga, ce ne fût pas toujours le cas, notamment pour sa famille et sa mère en particulier, pour qui l’artistique représente une voie superficielle. Obstiné depuis tout jeune, c’est dans un premier temps à force de persévérance qu’il convînt ses proches,. « Le seul moyen de les convaincre, c’était juste de continuer. Ils n’y ont vraiment cru qu’à partir du moment où je leur ai montré les soutiens. Je me rappelle la première fois que j’ai été dans le journal, je leur ai montré direct, car ça leur a montré ce que je fais ou ce que je peux faire dans la vraie vie. C’est concret. Comme l’argent que tu te fais avec les concerts, ça formalise la chose et ça devient un sujet que l’on traite avec sérieux. » Il aura fallu du temps pour le rappeur encore tout jeune (23 ans) pour convaincre que la voix du rap puisse être aussi crédible que le discours d’un avocat ou les prescriptions d’un médecin. « Ce n’est pas comme être docteur, quand tu es musicien, tu peux l’être sans être sérieux. Le médecin lui a son doctorat. »

Au contact même bref du personnage, on détecte une tête bien pensante sur des épaules solides. Sur ses attentes par rapport au premier album, il préconise une progression à échelle humaine et adopte un discours honnête, réaliste, sur le marché et les possibilités commerciales de LINES, un premier album qu’il sort au bout d’une stratégie réfléchie. « Je pense que je suis pour l’instant un underdog dans l’industrie. Cet album est un album de music worldwide, que tout le monde peut écouter et aimer même si tu ne comprends pas les paroles. Mon but était de m’exprimer sur ce disque, de le laisser grandir de façon organique et laisser les gens le répandre. Beaucoup de gens en label commencent au top en radio, et deux mois plus tard, tu ne les entends plus nulle part. Parce que les gens n’aimaient pas vraiment le son, c’est juste qu’ils ont mis tellement d’argent dessus en promotion que quand le budget marketing est fini, on n’entend plus rien. »

Respectueux des anciens et de leurs accomplissements, il cite parmi ses rappeurs favoris Andre 3000, Pharrell, Kanye, ainsi que les attributs rapologiques de Big L (« Je n’aime pas vraiment ce type de musique, mais je pense que c’est l’un des meilleurs. ») et Biggie. Il est de ceux qui pensent que la nouvelle génération se doit de faire des choses différentes pour exister et s’émanciper du parfois très lourd passif du hip hop US. Ne lui parlez pas de « Mumble Rap » comme d’un style de rap pauvre ou alternatif, il est pour l’ouverture. De Lil Uzi Vert à Dave East, tout y passe. Quand il dévoile spontanément son rappeur préféré du moment, c’est une surprise tant l’artiste nommé, dans son style et son lifestyle, apparaît aux antipodes de ce que renvoie Allan Kingdom. « Je pense que le nom Mumble Rap est stupide, car à la fin c’est soit de la bonne musique ou de la mauvaise musique. Qu’une personne soit très profonde et parle de la vie, ou qu’une autre parle juste d’argent, peu importe tant que la chanson est bonne. J’écoute de tout, tous les nouveaux que j’aime bien. Kodak [Black, ndlr] est un de mes préférés. Je pense que c’est l’un des meilleurs de la new school. »

Afrique, base fondamentale de sa mentale.

Allan Kingdom est une force-née. L’histoire récente de sa famille relate parfaitement l’héritage culturel qu’il a reçu depuis tout petit. Progéniture d’une mère tanzanienne et d’un père sud-africain, Allan parle couramment le swahili. S’il n’a jamais vécu en Afrique, il a su profiter d’une éducation qu’il met à profit depuis ses plus jeunes années du Canada au Wisconsin. « Cela m’a appris la valeur du travail. Quand tu as des parents immigrés, tu n’as pas le même soutien que s’ils venaient d’ici. Il faut que tu travaille plus dur pour y arriver. » Son grand-père maternel, issu d’un village tanzanien, fut à l’époque le premier homme de la bourgade à avoir envoyé ses filles poursuivre des études en ville. Une histoire qu’il confie avec entrain et non sans une certaine fierté. « À l’époque où ma mère à grandi, ils n’envoyaient que leurs jeunes garçons à l’école, car la logique était que les femmes allaient se marier avec un homme fortuné. Elle aurait pu juste rester à la maison avec son père et s’occuper des tâches ménagères, aller chercher de l’eau et s’occuper de la maison. Avant d’aller à l’école, ils bossaient dans les champs, puis en rentrant faisaient leurs devoirs. Mais ils ne rataient jamais un jour de cours pour faire ça. Mes grands parents ont trouvé un système pour remplir leurs taches sans avoir à s’appuyer sur leurs filles. »

Cette éducation il a su en faire une force et s’en servir pour se forger une identité à part, malgré les nombreux déplacements au cours de sa vie, qui le laisse déraciné, avec le sentiment chronique de n’appartenir à aucun endroit. « Aux US, tout le monde me dit que j’ai un accent, et quand je vais en Afrique on me dit que je ne parle pas comme si je venais d’Afrique. » Conscient de cette différence, il renchérit sur sa vision de la condition de noir-américain et sur les bénéfices de connaître son arbre généalogique. Savoir d’où tu viens, pour savoir où tu vas, en somme. « Je suis africain mais je suis aussi afro-américain car j’ai vécu toute ma vie aux USA. Dans la communauté noire ici, beaucoup ne savent pas d’où ils viennent, ou pas de façon précise. Savoir ça m ‘a considérablement aidé en terme de confiance, car ignorer certaines choses sur ton histoire te prive d’une part de ta conscience en fin de compte. » Lorsqu’on lui parle de l’exemple Afro-Trap en France, ça ne lui évoque rien, même s’il aime l’idée d’un rap afro-centré et pleinement conscient de ses origines. Le seul artiste hexagonal qu’il ait écouté est « celui qui est chauve. » On comprend vite qu’il s’agit de Booba, inévitable ambassadeur et tête de gondole du rap français dans le monde, qu’il dit avoir apprécié avant de faire part de son admiration du marché français. « Tu peux aujourd’hui être un rappeur français et avoir une carrière en rappant en français, c’est une bonne chose. »

Kanye, Inévitablement.

Tout a été dit ou presque sur sa collaboration avec Kanye West. Admiratif du travail du rappeur-producteur de Chicago, il joue un rôle important dans la formation et l’identification d’Allan en tant que… rappeur-producteur. Le lien entre les deux s’appelle Plain Pat, producteur et A&R, qui fût un temps manager de Kanye. C’est lui qui parlera du rappeur du Missouri à celui qui l’invitera ensuite à venir lui faire écouter ses morceaux dans le cadre de la création de l’album qui s’appelle encore à l’époque Help Me God. « On s’est rencontré au studio en fait, où je suis resté 4 jours. Le premier jour, je ne l’ai même pas rencontré. Il était occupé à faire de la musique dans les autres pièces à coté. Le jour d’après, il à réussi à se libérer et j’ai enfin pu le rencontrer. Il avait déjà entendu ma musique, donc je lui ai fais écouter mes sons les plus récents, issus de Northern Lights à l’époque. Et il les a aimés. Il a pris quelques sons que j’ai faits, je suis revenu 2 heures plus tard après avoir enregistré, et ma voix était sur « All Day ». » La version pour laquelle il pose ne ressemble alors en rien au résultat final. Il ne découvre son couplet tel qu’il est que lors des répétitions des Brit Awards, lorsqu’il est appelé par Kanye pour une performance à Londres. « J’étais excité tout le long, jusqu’au moment final où le rideau s’ouvre. À ce moment là, j’étais effrayé. Mais avant ça, j’étais juste heureux, reconnaissant et excité. » se remémore celui qui accompli un rêve de gosse avec cette collaboration. Un rêve, certes, mais dont il se sort aussi vite qu’il y est rentré, toujours mené par sa clairvoyance qui lui permet de garder la tête froide et les pieds sur terre. Un trait saillant de sa personnalité qui ressort cette fois quand il parle de sa relation actuelle quasi-inexistante avec Kanye, qu’il prend avec philosophie. « Je vis la vie de mon côté, on n’a jamais eu l’opportunité de devenir si proches, on a seulement parlé musique. On n’a pas eu l’occasion d’être à proximité l’un de l’autre, avec son management autour de lui. J’espère que dans un futur proche, on pourra passer plus de temps l’un avec l’autre, en dehors d’un studio. » Il ne se voile pas la face sur l’intérêt qu’il porte aujourd’hui et voit cela comme un avantage. Ultime acte désintéressé, il change son numéro de téléphone le jour où Kanye l’appelle pour aller à Londres. Une manière pour lui de se protéger et de surtout distinguer ceux qui feront l’effort d’obtenir son contact pour de futures propositions. Un phénomène qu’il aime résumer en citant son ami et collaborateur Booby Raps : « Even fake love is real love .»

Juillet 2016 : « Bruxelles arrive » et ce n’est pas faute de nous avoir prévenus. Dans son bagage, toute une panoplie de personnages décapants et de flows élastiques, des envolées nasillardes d’Hamza aux comptines nwaar-es de Damso. Puis, caché derrière les larges épaules de ce-dernier, Krisy ou De La Fuentes, dont on serait tenté de dire qu’il est « le secret le mieux gardé » du plat pays. Homme de l’ombre par excellence, ingé-son de sa profession, Krisy est aussi « Julio » quand il passe derrière le micro. Julio, c’est un séducteur né, qui célèbre la femme dans des odes langoureuses, enivrantes, chaleureuses. De passage à Paris, il nous a laissé en apprendre plus sur celui qui devrait sans doute se faire un nom, au-delà des « a.k.a ».

Photos : @samirlebabtou

Ton dernier projet, intitulé Paradis d’amour, a été publié le 14 février dernier, pile à temps pour la Saint-Valentin. Rien qu’en disant ça, j’ai déjà l’impression d’évoquer ce qui fait l’essence du personnage.

[Il hésite] Ouais, en gros ouais. À 80%, on va dire.

Dans ce projet, il est beaucoup question de femmes, de relations amoureuses, de confidences. C’est ce qui t’inspire principalement ?

Je pense que c’est ce qui inspire l’homme en général. L’homme est toujours dans une histoire d’amour, que ce soit un gangster ou autre, peu importe. L’amour, toujours.

Sauf que toi, tu as une manière d’en parler qui détonne dans le rap francophone. En disant ça, je pense par exemple à un morceau comme « Ils pensent » ou tu donnes presque l’impression de te placer en marge…

[Il coupe] Non, même pas. Je pense que c’est aussi et surtout parce que ma famille m’écoute. Du coup, j’essaye d’être très « diplomate » dans ce que je dis. Sans dire trop de « gros mots », si je peux dire ça comme ça. Et puis au-delà de ça, dans la vie de tous les jours je ne suis pas du genre à insulter, à mal parler. Je suis tranquille, la vie est cool.

Il y a quelque chose de très « romancé » dans tes deux derniers EP, Menthe à l’eau et Paradis d’amour. D’où ça t’es venu ?

En fait, je rêve de faire un film, une comédie musicale. Du coup, je me suis dit que j’allais d’abord tester ça en format audio, avec des effets et des dialogues, juste pour voir si les gens allaient capter le délire. Et par la suite, pourquoi pas, essayer de faire un vrai film.

Justement, tu as le sentiment d’avoir été bien suivi sur ces projets ?

Ouais. Surtout pour Menthe à l’eau, celui juste avant Paradis d’amour.

« Il faut que tout soit cohérent : l’image, le son… Si tu me croises dehors il faut que je sois celui que tu perçois à travers ma musique ou mon compte Instagram. »

Je te pose la question parce qu’au vu de la manière dont les auditeurs consomment la musique aujourd’hui, on peut se dire qu’un projet aussi conceptuel peut rendre ton univers difficile d’accès, au moins à la première écoute.

C’est fait exprès. Quand tu écoutes Menthe à l’eau, et que tu prends juste un morceau, comme ça, au hasard, tu peux ne pas comprendre le projet. Donc tu es obligé de vraiment tout écouter, voire même de décortiquer, pour identifier des petits détails, des effets secrets que tu ne vas pas entendre directement, mais qui – après plusieurs écoutes – vont te faire dire : « Ah mais c’est pour ça que la piste 2 me rappelle la piste 8, etc. » Ça ne m’intéresse pas de sortir des sons à la pelle, un album que les gens vont écouter une semaine, et ça y est « au suivant ! ». Il n’y a plus d’histoires comme il pouvait y avoir à l’époque quand tu écoutais un album.

Cet aspect « théâtral » de ta musique, on le retrouve aussi dans ta manière de communiquer sur les réseaux sociaux.

Tout est lié. Il faut que tout soit cohérent : l’image, le son… Si tu me croises dehors il faut que je sois celui que tu perçois à travers ma musique ou mon compte Instagram. Je n’essaye pas forcément de créer un personnage, c’est juste un kiff perso, rien de plus.

Pour l’instant, on cerne une sorte de « gentleman du rap ». Est-ce que c’est une véritable signature ou est-ce que c’est juste une facette de ce qui fait l’identité de Krisy ?

Non, c’est juste une facette. Pour le prochain album que je prépare, il y aura toujours ce côté amour, gentleman et tout ça, mais il y aura beaucoup d’autres thèmes et situations abordées. Ca dépassera le cadre de la femme et l’homme.

Quand on se replonge dans tes premiers projets, on a l’impression depuis la mixtape Jouvence, qu’il y a eu une sorte de restructuration, que c’est un nouvel artiste qui est né.

Bien sûr, c’est toute une remise en question. Entre Jouvence et Parmi vous, il doit y avoir quelque chose comme un an et demi, deux ans. Deux ans de remises en question, deux ans pendant lesquels je m’étais plus axé sur le côté producteur/ingé-son. C’est d’ailleurs là que j’ai commencé à taffer avec Damso. Mais du coup, quand je me suis remis à poser, je me suis dit : « Je ne peux plus refaire la même chose qu’avant. Maintenant, il faut que je me trouve réellement dans la musique. » C’est de là que sont partis les premiers projets, puis Menthe à l’eau et Paradis d’amour. C’est aussi là que j’ai vu que les gens accrochaient, et c’est dans ces morceaux-là que je me retrouve le plus. Je me sens à l’aise.

Tu as parlé de cohérence. Dernièrement, on a vu pas mal d’artistes comme PNL ou Sch exploser après avoir totalement repensé leur identité artistique pour – justement – créer un univers cohérent. As-tu le sentiment que c’est quelque chose de nécessaire aujourd’hui pour se faire remarquer dans l’industrie ?

Ouais, je pense que c’est comme ça que tu te créés une fanbase, des personnes qui vont vraiment te suivre dans tout ce que tu fais. Même quand ça dépasse la musique, qu’il s’agisse de sapes ou peu importe. Parce que si tu fais juste des sons comme ça, où tu te contredis une fois sur deux, il y a un moment où tu vas perdre ton public, d’autres personnes vont adhérer, puis te lâcher, et à l’arrivée, tu n’auras pas de public stable. Alors que si tu construis quelque chose de bien carré, les gens vont te suivre à fond.

Parlons de Damso. C’est l’un des tes plus proches collaborateurs, mais il donne aussi l’impression d’être ton exact opposé. Comment expliques-tu que votre relation artistique fonctionne aussi bien ?

Le truc c’est qu’on se connait depuis très longtemps déjà. Ce ne sont pas deux artistes qui travaillent ensemble, ce sont deux personnes. On se comprend, je capte où il veut en venir et réciproquement. Lui et moi, c’est un peu le yin et le yang. Du coup, on se complète bien.

Quand on fait un tour d’horizon des artistes belges qui font parler d’eux en ce moment, on se rend compte que beaucoup ont aussi l’étiquette de producteurs, que ce soit Hamza, Damso, JeanJass ou toi. Est-ce que ce ne serait pas ça, le secret de « l’école belge » ?

Franchement ouais, peut-être. Parce que même Stromae, c’était aussi un producteur. Et effectivement, quand j’y pense, la plupart de nos artistes produisent. Donc c’est peut-être une recette belge, d’autant qu’en France, c’est souvent soit l’un soit l’autre. Quoique maintenant, il commence à y avoir des rappeurs-producteurs comme Josman par exemple. J’ai vu que pour son prochain projet, il avait quand même produit 4-5 sons. Mais c’est vrai qu’ici en général, c’est souvent les producteurs d’un côté, les rappeurs de l’autre. En Belgique, t’es producteur et directement tu rappes. Il faut aussi dire qu’on devait travailler deux fois plus, du coup quand on faisait des sons, il fallait tout de suite trouver un univers musical approprié, donc on a commencé à toucher les logiciels pour faire des prods. C’est parti de là.

Dans ton cas, pourquoi vouloir différencier Krisy « l’interprète » de De La Fuentes « le technicien » ?

Parce que je voulais voir si c’était possible de faire exister une personne avec deux noms. C’était juste ça, une sorte de défi en fait.

« Si je me pose trop de questions, je vais commencer à vouloir suivre une tendance. Peut-être que j’aurais déjà fait de l’Afro-Trap ou du Jul, quelque chose comme ça. »

Comment l’expertise que tu peux avoir vis-à-vis du son influence la manière dont tu conçois la musique ?

[Il réfléchit] Je ne me suis jamais posé cette question. Franchement, je bosse vraiment au feeling. C’est la musique qui me parle. Après je fais juste ce que j’ai en tête… Mais ouais, c’est hyper instinctif. Même Menthe à l’eau, je l’ai fais en quatre jours. Paradis d’amour, en même pas un mois. Ça vient comme ça, j’écoute une prod, ça me parle, j’enregistre un truc… Je me pose jamais ce genre de questions. Parce que je pense que si je me pose trop de questions, je vais commencer à vouloir suivre une tendance. Peut-être que j’aurais déjà fait de l’Afro-Trap ou du Jul, quelque chose comme ça. Je préfère faire les trucs qui me touchent.

Arrête-moi si je me trompe, mais ingénieur du son, c’est le métier dont tu vis ?

Plus du côté « ingé-son » que du côté « rappeur » en tout cas. Après « rappeur », ça commence à… [Il s’arrête] En vrai je n’aime pas dire « rappeur », je préfère dire « interprète ». Mais ouais, ça commence petit à petit à payer, je fais des concerts, je viens, je prends mon petit cachet, je tourne un peu. Avec le streaming aussi, il y a un peu d’argent qui rentre. Sinon c’est plus le côté ingé-son, effectivement. Je vis de la musique en tout cas.

Tu as parlé de Menthe à l’eau comme d’une « comédie musicale audio ». Tu travailles sur un album qui sera accompagné d’une bande dessinée. C’est le fait de vivre constamment dans la musique qui te pousses à aller vers d’autres formes d’art ?

En fait, j’arrive à un point où je vois tellement de choses, que je n’ai pas envie de refaire ce que j’ai pu faire par le passé. Je ne me vois pas faire un album avec plein de bangers, des gros sons, balancer deux-trois singles juste avant la sortie, puis annoncer la précommande, attendre la sortie officielle, faire ma petite tournée et voilà. Je trouve ça trop simple. Je veux d’autres défis. J’aime bien faire des choses qui n’ont pas encore été faites. Du coup, quand j’ai pensé à la BD qui accompagnerait l’album, je me suis dit « Ça, c’est un gros défi parce que si je réussis ça peut être vraiment bien, mais si je foire ça peut être une catastrophe ». Je préfère ce genre de défi. Menthe à l’eau, c’est la même chose. Paradis d’amour, pareil.
Quand je dis que je n’aime pas le terme « rappeur », c’est un peu ça aussi. Pour moi « rappeur » c’est vraiment un métier : on te met une prod, tu poses directement. C’est comme un boulanger : tu lui donnes les ingrédients, il te fait du pain. Moi tu me donnes une prod, il va falloir que je l’écoute, que je fasse peut-être un yaourt, que je rentre en cabine, que j’essaye un refrain, que j’essaye de trouver un univers à créer autour de ça… Moi je suis DANS la musique. Je ne suis pas rappeur. Ce serait presque prétentieux de ma part de me considérer comme tel.

En attendant l’album PNL/Benjamin Biolay, voici Elo Chapo, le projet commun entre le talentueux producteur Chapo et le rappeur romanstreet Eloquence.

Eloquence revient sans être parti, un de ces fameux MC connus sans avoir vraiment explosés mais dont le nom hante les discussions des gens de la profession. Il a fait ses armes au début des années 2000 avec, entre autres, une place dans le roster du super groupe FUCK DAT avec Disiz. Son univers reste street (91 oblige) avec un flow étrangement chantonné, comme rappé du bout des lèvres avec une élégante nonchalance. Les lyrics interpellent aussi par leur singularité (« le nombre de vues ne fait pas l’altesse / t’as des followers j’ai des soldats et des hyènes » sur Revers, « Génération formée sous l’abribus / au rab à la cantine » sur Le Haut Du Pavé). En bref Eloquence est un rappeur à part, et ça fait du bien dans un paysage hip hop hexagonal où la photocopieuse tourne à plein régime.

Trill Makossa (2015, hyper chaud), Nueve Uno (2016, vraiment bien) et enfin Elo Chapo en 2017. Ce disque est le point de rencontre idéal entre des lyrics bien troussés dans une sensibilité « à l’ancienne » et la légèreté trappiste entrainante qui nous enveloppe en ce moment. L’autotune est utilisé de façon raisonnable, ce qui évite de finir hipster gay comme avec la rafale de rappeurs/chanteurs/troubadours fragiles qui font du chiffre sur Youtube (« Quand je commence un dab ça se finit en revers » sur Revers).

La qualité du projet doit beaucoup à la couleur musicale de Chapo, un producteur qui n’en fait pas trop dans sa Trap léchée et qui ramène un petit quelque chose bien à lui que je ne saurais expliquer et que donc je n’expliquerai pas.

Les temps forts à mon sens sont « Le Haut Du Pavé », « Totem » et « Revers », très rap et bruts, de toute évidence plus puissants que le sucre liquide un peu niais du morceau « Ladurée ». Écoutez le quand même, je suis un peu vieux jeu et je me suis arrêté à Aznavour pour les chansons d’amour.

Elo Chapo se consomme eazy, surtout si ta voiture a des baffles respectables et qu’elle fend l’air printanier un mardi soir en direction du YARD Summer Club.

French Bakery je vous vois !!

 

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On ne compte plus les versions du dernier succès de Future, mais on s’arrêtera quelques minutes sur celui de Kendrick Lamar. Là, le rappeur emblématique de Compton pose pendant près de deux minutes et se ré-approprie totalement le morceau.

Cette année, le YARD Summer Club ou YSC pour les intimes, introduit le groupe GVLVXY en tant que DJs. Pour marquer le coup, les six membres du groupe ont concocté un EP nommé « G 4YARD », tout droit inspiré des bouillantes vibes du YSC. Dans cette tape, 4 sons, tous aussi lourds les uns que les autres. En écoute juste en dessous, vous bougerez la tête sur des remix de « Work » d’A$AP Ferg ou encore « Humble » de Kendrick Lamar. À bumper sans modération.

« Avant tout il faut savoir que pour nous, YARD est l’une des organisations qui propose parmi les meilleures soirées Trap / Hip-hop / Bangers en région parisienne. Aujourd’hui, c’est une référence en type de style de sons proposés, qualitativement parlant. Du coup lorsque l’on a appris qu’on aurait potentiellement l’opportunité de mixer au YARD SUMMER CLUB, on a voulu marquer le coup en préparant un EP qui correspondrait à l’image des soirées YARD avec notre touche à nous. C’était aussi une manière de remercier l’équipe de YARD pour la proposition de mixer au YSC.

L’EP est composé de 4 sons qui sont 4 remix qui rentrent, selon nous, dans la « DA » de YARD d’où le titre G 4YARD.
On y retrouve des remix de « Work » de A$AP FERG, « Humble » de Kendrick Lamar ou encore « Whippin Excursion » de Giggs ( rappeur de Londres ), avec la touche GVLVXY et nos sonorités type Future Beats . »

Après la version en collaboration avec Supreme pour les 20 ans de la paire, la Nike Air More Uptempo revient avec un nouveau coloris. C’est d’un bleu “Obsidian”, une pierre précieuse, que la Uptempo s’habille aujourd’hui, sans enlever le gros “AIR” qui fait la spécificité de la sneaker. La paire sortira le 29 juin sur le site Nike, et vous pourrez la chopper pour 140€.

Légal ou illégal, argent sale ou argent propre, charbonner quarante ans à l’usine ou trois minutes pour braquer un Brink’s. Ces questions-là semblent lointaines pour certains et si proches pour d’autres. Les autres y apportent des réponses et certains y apportent des solutions. C’est vrai, l’argent est le nerf de la guerre, une guerre à toutes les échelles, qui ne respecte ni loi ni physique. Il n’y aura ni vainqueurs ni vaincus, il y’aura des pauvres et des riches.

« Tu ne sais pas à quel point je cogite, chaque nuit je m’endors avec une seule question en tête : comment faire des sous, vite et sans aucun risque ? ». Il est entre minuit et deux heures du matin, un soir d’hiver glacial dans le vingtième arrondissement de la capitale. On est coffré dans une 307, trois amis et moi, on discute de tout et de rien mais surtout de la vie et de sa réussite.
« Fais livreur Ubereats ? Y’a un gars il s’appelle César, il se fait sept cent euros par semaine. Sept cent fois quatre, deux mille huit cent euros par mois juste en livrant des repas en vélo. ». Des montants qui nous laissent rêveurs. Tout de suite on se voyait rider dans toute la capitale avec des sushis ou des fallafels sur le dos, mais la seule chose qui résonnait dans nos têtes c’était ces deux mille huit cent euros qui rentrent chaque mois « Ball ‘in ! ». On lui a tout de suite demandé où était la douille, le truc qui gâche tout dans ce plan, c’était trop beau pour être vrai. Il nous a répondu « Aucun, que du légal, je fais ça depuis un mois, je bosse quand je veux, pas d’horaires, pas de boss ». C’était vrai, il n’y avait rien de tout ça, il nous explique vaguement les rouages du statut autoentrepreneur, et les démarches à suivre pour pouvoir vendre nos services à Uber.

Tout paraissait simple, on savait qu’il fallait croquer dans le steak avant qu’il ne soit trop tard. Le lendemain j’ouvre mon entreprise en trois minutes. Deux semaines plus tard je reçois mon numéro de Siret. J’étais prêt, à mon tour à arpenter la ville avec mon sac isotherme sur le dos. Par manque de temps, je n’ai pas eu l’occasion de m’essayer au métier de coursier indépendant. Heureusement pour moi j’ai mis la clef sous la porte, j’ai fermé ma société qui avait à peine une semaine d’existence. J’ai échappé de peu à l’engrenage malsain et capitaliste que ce système cache. J’ai plus tard découvert que ce fameux César et son salaire étaient tout simplement une fiction.

Nous avons décidé de rencontrer ces livreurs, d’échanger avec eux et de leurs donner carte blanche pour qu’ils puissent s’exprimer sur leurs statuts. Ils sont de tous bords, de tous âges, certains livrent en vélos et d’autres en Tmax.
Qui sont ces hommes et ces femmes qui bravent vents et pluies pour satisfaire notre faim ?

Photos : @njeri_n

 

Arslan aka Domingo, 21 ans, Jaurès (Paris 19ème)
Livreur UberEats depuis 1 an

« Tous les mecs de mon quartier faisaient coursier, on m’a dit qu’il y’avait un petit billet à se faire. Je n’ai pas hésité, je me suis lancé directement dans ce game. C’est super simple de s’inscrire chez UberEats, après avoir créé ton statut auto-entrepreneur et récupéré ton casier judiciaire, ils te donnent le sac isotherme d’une valeur de cent-cinquante euros qu’il faudra rembourser avec ton premier chiffre d’affaire. Chez UberEats, t’es payé quinze euros de l’heure avec un minimum de deux courses par heure, c’est super avantageux. Par contre il n’y a pas de zones de livraison, c’est-à-dire que tu peux récupérer ta commande à Place d’Italie et la livrer dans le dix-neuvième. C’est pour ça que je livre en scooter, ça me permet d’être plus productif tout en étant moins fatigué à la fin de mes journées. Quelqu’un qui veut se lancer, je lui déconseille de collaborer avec Uber, tu t’investis trop pour au final gagner peu. Par rapport au statut auto-entrepreneur, je ne préfère même pas en parler, entre le RSI et tous les courriels que tu reçois, c’est un vrai bourbier. »

 

 

Sofiane, 22 ans, Barbès (Paris 18ème)
Livreur Ubereats en Tmax

« Ce n’est ni mon vrai nom, ni mon vrai âge, mais c’est bien moi sur la photo. Si je donne ces informations, je suis grillé. J’ai commencé Ubereats il y’a un an et ma particularité à moi, est que je livre les repas en Tmax. Il est formellement interdit de livrer avec un « gros » scooter, je le fais parce que j’en avais déjà un et investir dans un scooter plus petit serait une perte pour moi. J’y trouve mes avantages, cela me permet d’être nettement plus rapide et d’enchaîner les courses. Le mois dernier je me suis fait un peu moins de trois mille euros. Sérieusement, trouves-moi un métier ou tu peux gagner cette somme sans diplôme ? Il n’y en a pas. J’ai ouvert mon statut auto-entrepreneur que pour les formalités d’inscription, puis je l’ai volontairement fermé. Cela me permet de travailler sans déclarer aucun de mes revenus, c’est-à-dire je ne suis redevable d’aucun impôt. Tout le blé va dans ma poche. »

 

 

Wassim, 18 ans, fougères Paris 20ème
Livreur dans un centre de livraison de repas depuis un mois

« Moi aussi, je suis passé par UberEats, j’ai travaillé avec eux pendant six mois. Ce n’était pas les six mois les plus heureux de ma vie. Le statut auto-entrepreneur est un vrai casse-tête : tu reçois une tonne de courriels que tu ne prends même pas la peine d’ouvrir. Si tu es malade, pas d’arrêt maladie, pas de rentrée d’argent. En plus de ça, tu passes au RSI (régime social des indépendants) ; on a refusé à ma mère sa CMU à cause de mon affiliation à ce régime. Aujourd’hui je fais toujours de la livraison, mais différemment. Je travaille dans un centre de livraison de repas, les plats arrivent à l’entrepôt, ils sont réchauffés puis lorsque ma commande est prête c’est là que j’interviens. J’ai une dizaine de repas dans mon top-case et je dois les livrer le plus vite possible. Je cherchais une certaine forme de stabilité que je n’avais pas avec UberEats. Aujourd’hui j’ai des horaires fixes, un salaire fixe et des avantages sociaux. Ces droits sont inexistants avec l’ubérisation. »

 

 

Mansata, 18 ans, Stains (93)
Livreuse Deliveroo depuis janvier

« J’avais besoin d’argent, je m’y suis intéressée à ce phénomène des coursiers et je me suis dit pourquoi pas moi. On m’a appelé un lundi, j’ai signé mon contrat un jeudi et j’ai bossé le soir-même. C’est ce que j’aime dans ce job, pas de boss, pas de contraintes, pas d’horaires. Une totale liberté, moi j’adore trainer dans Paris, là je suis payé pour ça, c’est parfait. Mais quand il n’y a pas de commandes, il n’y a pas de courses, il n’y a pas de sous. Les trois premiers jours c’était l’enfer pour mes jambes, maintenant je suis devenu un vrai biker. Je travaille tous les soirs de dix-neuf heures à vingt-trois heures et les weekends de midi à vingt-trois heures, le mois dernier je me suis fait deux mille euros net dans ma poche. A côté de ça, je fais un BTS commerce internationale, c’est difficile d’allier les cours et Delivroo. J’ai croisé que quatre filles depuis le début, je les encourage à se lancer dans l’aventure. Les autres livreurs sont peace, on me donne pleins de conseils, pour l’instant j’aime bien ce job, je n’ai pas à me plaindre. »

 

 

Zghib, 21 ans, Gambetta (Paris 20ème)
Livreur Deliveroo depuis février

« Pour moi livrer à vélo est plus un amusement qu’un travail car à l’origine je suis un vrai biker. Depuis trois ans, j’explore la capitale à vélo donc je connais tous ses recoins et ses rues. Ce mariage entre ma passion et la livraison se concrétise par de bons revenus. Je travaille à pleins temps, c’est-à-dire de midi à quinze heure puis de dix-neuf heure à vingt-deux heure, et les weekends de midi à vingt-trois heure. Malgré tout je pense que ces structures devraient d’avantage favoriser les livreurs à vélo et leur offrir plus de primes afin de fédérer une grande communauté de bikers. D’autant plus, le vélo est un moyen de transport écologique, économique et pratique dans les grandes villes qui sont gangrenés par les problèmes de pollutions et de circulations. Un autre aspect négatif est l’augmentation de vols de vélos, j’en ai été la victime une fois car le concierge d’un bâtiment avait volontairement sorti mon vélo dehors lorsque j’effectuais ma livraison. Mon vélo étant dehors, on me la piqué. Cette histoire c’est très mal terminée pour le concierge qui a fini en sang et pour moi qui a fini en garde à vue. Si Deliveroo m’entend, il faut régler ce problème très vite. »

Le designer belge Raf Simons dévoile sa nouvelle collection de sneakers en collaboration avec adidas. Pour cette fournée 2017, Raf nous apporte deux paires inédites que sont la “Ozweego 3” et la “New Runner”. La première est un peu une redite de la « Ozweego 2 », avec peu de changement, mise à part cette version bi-goût. La seconde, est une version futuriste de la Converse All Star, avec une semelle cramponnée. 
Si vous aimez l’un des modèles, sachez qu’ils sont dès maintenant en précommande sur le site Vrients.  

Tête de proue du « Bubblegum Trap », Lil Yachty fait partie de cette nouvelle vague de rappeurs américains qui montent. Avec des morceaux comme « 1 NIGHT », « Broccoli » ou plus récemment « Peek A Boo ».  À l’occasion de la sortie de son tout premier album studio , « Teenage Emotion », le label Capitol Music France met en jeu quelques places pour assister à l’écoute en avant première des nouveaux sons du rappeur d’Atlanta avec une soirée sous le thème « Prom Night » du clip « Get it Back ».

Tente ta chance et met ta meilleure tenue le soir du 23 mai !

 

Avec YARD, tente de gagner deux places en remplissant le questionnaire suivant. 

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Ndombolo, Azonto ou encore Coupé-décalé, le Niggaz With Enjaillement nous ambiance avec des danseurs ou artistes du monde entier depuis maintenant 2 ans. La troupe de danseurs N.W.E. s’arrête pour la première fois à Paris, après avoir enjaillé la Belgique, les Pays-Bas ou encore la Suisse. Autant dire que le Niggaz With Enjaillement va mettre le feu à la Bellevilloise.

Rendez-vous le samedi 20 mai pour bouger sur des musiques afro avec le NWE !

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE

 

Après avoir arpenté l’Europe et l’Amérique du nord au sud, Julien Scheubel se lance dans son premier voyage en Asie et nous rapporte les images de ce pays en parfait équilibre entre la modernité et ses traditions.

Première fois en Asie de manière générale. Le Japon est une façon safe pour se prendre la claque que tout le monde imagine en se rendant là-bas. Entre Tokyo la mégalopole, Kyoto la ville historique et Osaka à mon gout le Marseille japonais tout est propice à être shooté. Il est compliqué de vraiment raconter ce pays tant la réalité est vraiment incroyable. Go there !

Instagram : @Julien_Scheubel

Pour cette fin de semaine, YARD pointe son curseur sur un artiste bien de son époque, qui balade son flow chantonné sur de douces mélodies.

Âge : 21 ans

Ville : Vitry-sur-Seine

Instagram : @noirsurrose

Twitter : @noirsurrose

 

Présentation :

Je m’appelle Ashok Rose, j’ai 21 ans, j’ai passé mon enfance entre le 19e et le 93 puis j’ai déménagé dans le 94, à Vitry-sur-Seine. Pour le pseudo, initialement j’en avais un autre pendant une longue période, mais on m’avait adoubé. Du coup, arrivé au moment où je ne savais plus trop qui j’étais, vers fin 2015, je me suis re-baptisé. Ashok Rose ça vient de l’hindi « Ashoka » qui veut dire « sans peine », quant à « Rose » c’est la fleur, pas la couleur. Ce qui donne « la rose sans peine », littéralement.

Ce que je fais est très naturel, ça vient des tripes. Ma musique c’est l’addition de ce qu’il s’est passé dans ma vie, de mes choix dans celle-ci ainsi que de ma sensibilité personnelle à certains courants musicaux. J’ai toujours écrit, ça me donnait l’impression d’être écouté. Aujourd’hui plus que jamais d’ailleurs.

J’ai tendance à définir ma musique comme changeante ou vivante, parce que je ne me fixe pas trop de règles vis-à-vis d’elle. Quand je compose une instru, j’écoute ce qu’elle me dit et je maquette en conséquence. Des fois t’as du rap qui sort, souvent t’as des trucs un peu plus chantonnés et des fois y’a que du chant pur et dur, il ne faut juste pas avoir peur. En soit, je dirais que je fais ce que j’aime.

J’étais dans ma chambre avec des reufs quand la prod de « On s’en bas les yeuk' » est passée, j’ai fredonné le refrain, y’a eu un regard vers moi, puis un deuxième, puis un troisième… J’ai écrit le tout en une heure et deux heures après le morceau était prêt. Sans mentir, je ne m’attendais pas à ce que ce morceau-là soit beaucoup écouté et partagé, je l’ai upload sur Soundcloud sans promo, j’avais le refrain en tête haha.

Il y a un an j’étais avec mes frères, à faire de la musique sans la partager, on venait d’en perdre un. Dans un an je me vois toujours faire de la musique, je me vois entourés des reufs et de ma pétale, toujours en train de tenter de vivre.

Il y a un an et demi, alors qu’elles s’apprêtent à terminer le lycée, Raphaëlle Bellanger et sa meilleure amie Anna Gardère, se lancent dans l’énième projet de leur jeune duo déjà prolifique. Un premier livre, comme un tableau figé dans le temps, d’une jeunesse parisienne proactive. En 15 et 25 ans, ils sont 34 à avoir pu exprimer en toute liberté sur quelques pages, leurs visions, leurs passions, leurs inspirations.

À la rencontre de Raphaëlle et Anna, on découvre deux jeunes femmes pleines d’idées, débrouillardes, qui défendent leur projet avec enthousiasme. Avec ce livre, elles ont tenté de la façon la plus exhaustive possible de dresser le portrait de cette génération à laquelle elles appartiennent, en allant au-delà des clichés qui la caractérisent le plus souvent dans les médias : fainéante et égocentrique, absorbée pour le meilleur et pour le pire à l’ère du digital dans laquelle elle est née.

Photos : @lebougmelo

Quel a été le déclic qui vous a mené à réaliser ce livre ?

Raphaëlle : Avec Anna on travaillait ensemble sur plein de petits projets. On a eu un blog ensemble, qui s’appelait « My Bellybutton ». Un petit blog, mais on avait commencé à être contacté par pas mal de marques et on n’aimait pas ça du tout, parce qu’on nous demandait vachement de vendre notre image. Et on a remarqué que c’était un truc qu’on demandait beaucoup avec le phénomène du blogging, alors que ce qui caractérise notre génération, c’est qu’on est tous né avec Internet. Donc on capte tout de suite les systèmes de promotions, les modes de consommation etc…

A : Comme on est né au milieu de ça, il y a un peu tout un mouvement autour du « pas de fake, on vend pas du faux ». Les trucs marketing, on les démonte en deux minutes. Et je ne pense pas que c’est propre à nous, je pense que c’est tous les jeunes en général qui sont vachement lucides.

R : Et dans les très gros médias, quand ils parlaient des jeunes, on ne se reconnaissait pas parce qu’il y avait encore ce truc faux qui se répétait.

A : Et aussi parce qu’il y avait cet intermédiaire, les journalistes. Et dans la plupart des médias, genre L’Officiel, celui qui a le final cut il a 40 piges. Et forcément derrière, s’il ne comprend pas le langage d’un jeune, il ne le mettra pas tel quel. À l’arrivée, les jeunes ne sont pas vraiment bien représentés. Il y a très peu de médias qui représentent bien la jeunesse. Et on s’est aussi dit qu’avec le phénomène des réseaux sociaux, on était déjà hyper en auto-promotion. D’où l’idée de demander aux gens de s’exprimer, comme ils le font sur les réseaux sociaux, mais sur papier. Cette fois-ci, ce n’est pas actualisable comme un post ou un profil…

R : Oui c’est figé dans le temps et on trouvait ça hyper intéressant. Nous on aurait kiffé voir un bouquin comme ça sur nos parents ; voir comment ils s’exprimaient à l’époque, voir les codes qu’il y avait et aussi leurs références.

A : Ouais, ça aurait été hyper cool… Et là, on a pris plein de jeunes qui commencent leurs vies professionnelles. On ne sait pas si demain, il n’y en a pas un qui sera hyper connu et c’est ce qui est cool.


« Le préjugé le plus juste sur la jeunesse, je dirais : un peu apeurée. Parce que j’ai l’impression que le monde est trop grand et qu’on n’a plus vraiment de ligne d’horizon. C’est peut-être avec l’ouverture qu’on a sur le monde, avec les réseaux sociaux et tout ça. Il n’y a plus vraiment de règles. On a trop d’options je trouve. Après, moi j’ai pu me frayer mon chemin, on m’a ouvert des portes et j’ai saisi des opportunités. Mais pour de nombreuses personnes ça peut donner l’impression d’être assommé. Si on te dis que tu peux tout faire, au final tu ne fais rien. »

Claire Laffut – 22 ans, artiste


Dans ce livre vous avez donc laissé une totale liberté aux intervenants, dans la mise en page, dans les contenus. Pourquoi ?

R : Au début on a commencé avec une maison d’édition, avec l’idée de faire un bouquin qui serait vraiment l’aboutissement de ce qu’on a voulu faire avec ce blog : faire découvrir l’univers de plein de jeunes. Là on a pu dire à chaque personne « Voilà je te laisse ces pages, tu fais ce que tu veux. » Avec Internet, on se lasse très vite des contenus. À l’inverse, on a un rapport un peu sacré vis-à-vis du papier, on n’en consomme pas trop et c’est un vrai objet.
En ce qui concerne la liberté de création, c’est que je me suis dit, entre suivre une star sur son compte pro ou son compte perso, on va tous suivre son compte perso, parce qu’on s’imagine que c’est elle qui poste.

C’est encore la notion d’authenticité qui revient.

R : On adore lire des interviews, mais on aimerait aller encore plus loin, que la personne fasse tout elle-même de manière à ce qu’on soit plus dans son intimité. On voulait que ce soit un peu entre un sketchbook et rentrer dans le journal intime de chaque personne.


Le préjugé le plus faux sur ma génération ? Qu’on est une génération de glandeurs. C’est ce qui revient tout le temps, à peu près partout. Chez la plupart des médias « traditionnels » et c’est ce qui m’énerve le plus aussi.

Joseph Ekoko – 20 ans, jeune créatif


Comment s’est passée la sélection ? Est-ce que ça a été difficile ?

A : Ça a été difficile, surtout au début. Ensuite ça a surtout été du bouche à oreille, des gens qui nous présentaient d’autres personnes. Mais au début, Raphaëlle et moi, personne ne nous connaissait.

R : On avait surtout 17 ans quand on a commencé.

A : On arrivait en leur disant : « Tu vas être dans un bouquin avec plein d’autres jeunes. » Par exemple on ne leur donnait pas les noms des autres intervenants parce qu’on n’a pas eu envie qu’ils soient influencés. Du coup, pour des gens qui vendent un peu leur image, ça fait un peu peur.

R : Il fallait qu’ils disent oui, et ils n’avaient aucun repère pour le faire.


« On avait plein d’a priori avant de commencer. Au final après avoir rencontré plein de jeunes hyper différents, on était complètement perdues. » – Anna


Comment vous les avez convaincu du coup ?

R : Je ne sais pas. On leur a expliqué pourquoi on faisait ce projet, on avait beaucoup d’engouement. Je pense que quand tu as des gens passionnés en face de toi, ça passe toujours mieux. Après on a eu plein de refus. Il y en a même certains qui sont revenu vers nous, après avoir vu que le bouquin marchait un peu.

A : Oui, des « J’étais un peu occupé », « C’était pas une bonne période pour moi. »

R : C’est le jeu aussi. Et puis pour nous, c’était aussi un bon exercice de lâcher son amour-propre et de se dire « allez ok, je fonce, je vais me prendre des claques, des claques et des claques, mais c’est pas grave, ça fait partie du jeu« .

Est-ce que vous partiez avec une liste de types de profils ?

R : Oui, et elle changeait tous les deux mois. On essayait de faire de gros mindmap avec des petites têtes de chaque personne du bouquin… Parce qu’il y avait plusieurs critères, il y avait l’équilibre entre les filles et les garçons, mais aussi l’âge, entre 15 et 25 ans… Des fois, on avait trop de personnes du même âge, il a fallu qu’on en vire, ou qu’on en rajoute. Des fois trop de garçons, il fallait rajouter des filles…

A : Et aussi le milieu social, qui était vachement important.

R : Qu’il n’y ait pas que des gosses de riches.

A : Nous on est des filles, on vient du neuvième…

R : Il fallait aussi qu’ils ne soient pas tous des artistes, parce qu’on avait tendance à aller naturellement vers ça.


 » Nos inventions nous séparent du monde réel, c’est assez dommage. On est dans un double réalité, on peut presque s’y perdre. C’est la question que je me pose. Est-ce qu’on se perd. Est-ce qu’on vit entre deux réalités. Il y a un aspect de dépersonnalisation aussi.  » 

Novae Lita – 20 ans, auto-entrepreneuse, autodidacte en art-plastique,


Au final, vous êtes satisfaites ?

A : La sélection ne sera jamais parfaite et je pense qu’aujourd’hui, je serais ravie de retravailler dessus toute ma vie.

R : On pourrait en faire cinq autres.

A : Mais après, il y a un moment où je pense qu’il faut dire stop et c’est pour ça qu’on dit que c’est une vision qui est subjective. Et c’est un perception qu’on a en 2017, après un an et demi de travail.

Quel constat vous faites sur l’état de la jeunesse à la fin de ce projet ?

A : Ça c’est drôle, parce qu’on avait plein d’a priori avant de commencer. Au final, après avoir rencontré plein de jeunes hyper différents, on était complètement perdues.

R : À la base, on était vachement pessimistes, on se disait que les jeunes étaient un peu des « m’as-tu-vu », qui vendaient leur image…

A : Ouais c’était plutôt, je vais percer sur Instagram avant de faire quelque chose de ma vie. et quand j’aurais percé, je vais faire quelque chose. Et en fait, les seuls constats qu’on a fait, à force de rencontrer les gens c’est que les plus humbles et les plus accessibles, ce sont souvent les plus talentueux.

R : Mais ça c’est subjectif. Ce qui est vrai, c’est que les jeunes, quelque soit leur milieu social, même si c’est la merde, ils sont quand même vachement optimistes. Les gens qui se bougent le cul, ils ont la niaque et ils croient en la vie.

A : L’état d’esprit, c’est vraiment « quand on veut on peut ».


« Ma vision du succès ce ne serait pas d’être connu, mais d’être reconnu. »

Takeru – 19 ans, lycéen


C’est ça le message que vous voulez transmettre avec le livre ?

En choeur : Oui.

A : Hier on passait à la radio et je me suis dit que j’étais conne parce que je disais, « Oui, aujourd’hui, tu peux tout faire sur ton Mac. » Puis, j’ai réfléchi et je me suis dit, « Merde, mais qui a un mac en fait. Tout le monde n’a pas de Mac. Merde, j’ai l’air teu-bé de dire ça. » Mais au fond ce que je veux dire c’est que tu as Internet. Et avec Internet aujourd’hui, tu peux voir ce qu’il y a dans les plus beaux musées du monde, découvrir d’autres cultures. Tu as des vidéos, tu n’es pas obligé de payer pour le journal. Tout est à disposition, c’est ce que je voulais dire au fond.

R : Je pense que les grandes envies du bouquin, c’était surtout de montrer aux jeunes qui n’osent pas vraiment montrer leur travail, que les réseaux sociaux sont un tremplin énorme et qu’il ne faut pas hésiter à se lancer. C’est pour ça qu’on a décidé de le faire sans maison d’édition : pour montrer qu’il faut arrêter de croire qu’il y a des barrières partout et que tout est compliqué. Parce qu’en France on aime trop dire ça : « Oui tu sais c’est pas ci facile… » C’était un peu pour dire que si tu veux que ce soit simple, il faut que tu fonces. Au pire tu vas te manger des portes, mais ce n’est pas grave, ce qui compte c’est de ne rien lâcher. Il y a aussi ce truc d’échelle sociale : sur les réseaux sociaux on a l’impression que les jeunes – même les plus jeunes, genre 15-16 ans – ils s’arrêtent vachement au nombre de followers. Et tu as un peu des sur-hommes et des sous-hommes en fonction du nombre de followers. C’est pour ça qu’on voulait faire une balance là-dedans. Montrer d’un côté la page d’un Jok’Air qui est connu, à côté de celle d’un mec pas du tout connu. Et ils ne racontent pas plus de conneries l’un que l’autre.

A : Et pour remettre tout le monde au même niveau, parce que forcément sur Instagram (enfin on dit Instagram, mais ça peut être n’importe quel réseau social ou même dans les médias), on va plus trouver des témoignages de Jok’Air que des témoignages de Takeru par exemple. Au final ici, tout le monde est au même niveau, tout le monde a eu la même possibilité de s’exprimer et de la même façon, on leur a donné les même moyens.

R : Et on les juge différemment. Parce qu’ils ont eu les mêmes moyens d’expression.

Qu’est ce que vous pensez  faire maintenant que le livre est terminé ?

A : Je pense que Raphaëlle et moi on aime beaucoup travailler ensemble.

R : Et on est vachement dans un truc artistique.


 » Tu as un peu des sur-hommes et des sous-hommes en fonction du nombre de followers et c’est pour ça qu’on voulait un peu faire une balance là-dedans et montrer que d’un côté tu vois la page de Jok’Air qui est connu et à côté celle d’un mec pas du tout connu et ils ne racontent pas plus de conneries l’un que l’autre.  » – Raphaelle


Pourquoi avoir choisi d’arrêter les études ?

A : Je pense que les études aujourd’hui, ça n’est plus une réponse pour tout le monde. Il y a toute une jeunesse qui ne se sens plus…

R : En confiance avec ça.

A : Pas stimulée.

R : Tu ne t’y épanouis pas trop. On a un interviewé dans le bouquin une fille de l’Éducation Nationale qui nous explique bien ce qu’il se passe et le problème. Et je pense qu’après avoir interviewé tous les adultes et les spécialistes du bouquin, et eu leurs avis sur l’Éducation Nationale, on s’est dit « ok, on arrête l’école en fait. » Ça nous a conforté dans notre choix d’arrêter l’école.

A : On te juge sur des critères du genre « est-ce que tu sais faire une dissert », etc. Alors qu’il y des gens qui ont d’autres choses à apporter et il faut les stimuler différemment. Il y en a qui se révèlent en bossant avec quelqu’un.

R : On est d’accord qu’on parle plus du milieu artistique quand même, quand tu pars un peu dans des milieux un peu favorisé. Pour être Président ou faire médecine, il faut faire des études. On ne tient pas le discours de « il faut arrêter les études ». Il faut qu’il y ait des entreprises qui soient en format d’étude. Qu’on apprenne de l’entreprise, plutôt que d’apprendre d’une école à 12 000 €. Je pense qu’il y a d’autres options. Aujourd’hui même sans une école, tu peux te faire un réseau, tu peux acquérir tout un savoir. T’as plutôt besoin de quelqu’un qui te coache, d’un mentor, de quelqu’un qui te stimule et qui te rend passionné.

A : On réfléchit à plein de projets, mais on a du mal a en parler, parce que quand on parle trop des projets, le plus souvent on ne les fait jamais.

R : J’aime pas du tout parler avant le truc final parce qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est vraiment le truc le plus important. La réussite parle d’elle-même. Il n’y a pas besoin de faire du bruit. Si le truc est bien, ça fonctionnera.

« KIDZ » disponible ici.

Snoop Dogg est de retour avec un nouvel album intitulé “Neva Left”, comprenez “Jamais Parti”, pour les plus nuls en anglais. Le OG de la west coast ne compte pas prendre sa retraite, et montre que son flow est toujours aussi aiguisé qu’à l’époque. Snoop Dogg démarre son 15ème album sur un incroyable remix de l’instru “C.R.E.A.M.” du Wu-Tang Clan et on trouve d’ailleurs Method Man en featuring, en plus d’artistes comme KAYTRANADA ou Rick Ross. Vous pouvez streamer l’album dès maintenant sur Spotify.

Il y a quelque chose dans l’air. Tel est le sentiment qui m’habite et m’anime depuis maintenant quelques mois. Mes neurones et mes sens frétillent occasionnellement depuis ce laps de temps. Que se passe t-il ? Je n’avais plus ressenti pareille chose depuis un moment. Lequel vous demandez vous ? Mon dernier souvenir remonte au changement de Ronaldo suite à la blessure provoquée par le marseillais Dimity Payet lors de la finale de la coupe d’europe l’année dernière. Bref, si mon intuition ne me fait pas défaut, quelque chose est sur le point de se produire et je n’arrive pas à savoir quoi. Toujours est-il qu’en cette journée printanière, des effluves de chaleurs me caressent les joues. Il fait beau, et mon collègue et moi marchons d’un rythme soutenu – car en retard pour notre rendez vous de 14:45 – en direction de la place de la Bastille.

 

Photos : @lebougmelo

 

Tarik a 22 ans, Léo lui en a 21. Ils viennent tous les deux de Noisy le Sec dans le 93. Avant qu’Ex-Ile ne naisse, les garçons se sont rencontré il y a environ 6 ans par le biais d’amis en commun. Tarik faisait déjà de la musique avec un de ses potes, Léo connaissait son petit frère et c’est ainsi qu’ils ont commencé à tous trainer ensemble. Au fur et à mesure, ils forment un groupe et se retrouvant notamment des points communs sur certaines idées ou centres d’intérêt comme le skateboard. C’est ainsi qu’ils parcourent tout Paris à la recherche du bon spot pour pratiquer leur passion. Finalement il ne reste que les deux compères, Léo observe Tarik s’adonner à cette autre passion qu’est la musique. Ils évoquent leur admiration pour le groupe Phoenix (grosse pierre angulaire dans leur musique), le rock et les synthés tout en bidouillant des logiciels de composition musicale. Tous les deux évoquent le fait que dès le départ leur musique est hybride grâce à leurs influences pop, rock (Red Hot Chili Peppers, Rage Against The Machine…) et rap à travers les vidéos Rap Contenders et la mouvance 1.9.9.5. Et s’ils se construisent un bagage musical ensemble, c’est chacun de son côté qu’ils sont initiés à certaines musiques. Leo se rappelle : « tout ce qu’on écoutait dans la cour de récré c’était les grands qui nous faisaient partager ce qu’ils écoutaient comme 50 Cent par exemple. Mes parents sont aussi de grands amateurs de musique et des classiques comme The Velvet Underground ou encore Etienne Daho, etc. J’ai donc aussi eu toute cette culture que mon père m’a transmis. »

 


« Notre philosophie, c’est de ne pas voir en fonction du style mais plutôt de la valeur et de la qualité de la musique »


 

 

Et quand je leur parle de cette nouvelle génération décomplexée qui n’a que faire des étiquettes, le duo glousse et leurs yeux s’illuminent presque, comme lorsqu’on s’apprête à sortir un bon mot, sûr qu’il fera sourire voire rire dans le meilleur des scénarios. C’est ainsi que Tarik explique : « C’est comme à l’époque du collège, il y avait cette espèce de guerre des styles musicaux, certains écoutaient du rock, les autres écoutaient du rap. C’était super cloisonné, mais même si l’on se retrouvaient plutôt dans l’un des deux styles, la vérité c’est qu’on se sentaient obligés d’écouter de tout. Mais j’ai l’impression que c’est moins le cas aujourd’hui et c’est tant mieux car ça permet de créer quelque chose d’hybride. »

 

Hybride, encore et toujours ce même mot. Comme s’il cristallisait l’essence même du groupe, que ce soit dans leur identité propre ou dans le style de musique qu’ils proposent. La sérénité qui se dégage d’Ex-ile est très intéressante, je n’ai pas l’impression qu’ils trichent et je sens que leur démarche est très organique. À bien des égards ils me rappellent Candide, pourtant il y a ce soupçon de pragmatisme qui les replace de facto du coté de l’image que Jean Jacques Rousseau se faisait de l’enfant. Mais aurais-je le culot de les associer à la représentation que Locke se faisait des jeunes personnes ? Ces fameux enfants-adultes ? Seul l’avenir nous le dira.  En attendant, Tarik se fend d’une nouvelle phrase lourde de sens, ciment de leur réflexion :  « Notre philosophie, c’est de ne pas voir en fonction du style mais plutôt de la valeur et de la qualité de la musique. » Si tout était si simple…leurs intentions sont louables mais la dure réalité de l’industrie musicale finira par les rattraper tôt ou tard, personnellement je leur souhaite de s’en rendre compte le plus tard possible. Léo, le plus en retrait dans l’échange que j’ai avec le groupe, intervient en précisant que ce brouillage des genres est beaucoup plus présent dans le rap : « Tu peux permettre de tout faire tant que c’est bien fait. Toutes ces musiques que l’on écoute, c’est ce mélange qui nous nourrit. Au final, c’est juste de la musique alors pourquoi ne pas essayer tout ce qu’on a envie d’expérimenter ? »

 

 

Le groupe se défend de brouiller les pistes intentionnellement mais comprend que le public puisse se sentir déboussolé par leur identité musicale sans frontières nettes et précises. Ne pas donner au public ce qu’il attend mais proposer quelque chose que ce dernier pourrait aimer, là est leur défi le plus intéressant : « Il y a un confort dans ce schéma tout entendu, nous on souhaite provoquer ce déclic qui va emmener l’auditeur à découvrir un truc différent. Ce qu’on trouve cool c’est de déranger l’auditeur qui a ses habitudes. S’il a l’habitude d’écouter du rock alors à un moment donné tu vas foutre une inspi rap et s’il kiffe, à ce moment là tu as gagné car tu lui as ouvert le champ des possibles, tu l’as initié à un autre style.», précisent les deux compères.

 


« Je pense que les gens qui ne prendront pas le temps d’étudier notre musique feront un raccourci et diront qu’on fait de la pop urbaine »


 

 

Est-ce qu’Ex-ile est Cloud, est-ce qu’ils sont rap ou encore chanson française ? Là n’est pas la question. Leur réflexion va bien plus loin à l’image de cette nouvelle génération qui n’a que faire des règles et des coutumes. Le groupe est friand de mixité et semble exécrer cet inceste intellectuel qui gangrène les sphères artistiques mais pas que : « Je pense que les gens qui ne prendront pas le temps d’étudier notre musique feront un raccourci et diront qu’on fait de la pop urbaine. Ça nous dérange d’être catégorisé comme tel parce qu’au final ce terme ne veut rien dire. » rajoute Tarik. C’est vrai. Les deux amis m’expliquent ainsi qu’à défaut de savoir chanter, ils utilisent des logiciels de traitement de voix car si le chant n’est pas leur fort, ils tiennent à s’exprimer de cette façon, à moitié parlé et à moitié chanté. Pour eux, c’est le meilleur moyen trouvé pour proposer leur musique. Ce compromis leur va comme un gant. À ce titre, la démarche du groupe est symbolique et dès lors, il est judicieux de penser que cette nouvelle direction musicale sera de plus en plus plébiscité. Doc Gynéco en son temps, Triple Go et PNL plus récemment ont ouvert la voie à ce mélange des genres. Pour le meilleur, certainement pas pour le pire. Don’t believe ? Just watch.

Le temps de ranger notre matos et de saluer tout le monde et nous nous retrouvons dehors. Melo s’arrête au niveau du passage clouté, se retourne et me regarde : « Y’en a qui abusent. Ils font semblant de ne pas nous connaitre. Alors qu’ils savent. Ce sont des hypocrites, ça me saoule. » Le soleil – qui avait eu l’air d’imposer sa loi en cet agréable après midi – voit ses plans être momentanément contrariés par l’apparition d’un épais manteau nuageux. Je jette un coup d’œil à l’écran de mon téléphone pour connaitre l’heure. 15:50. Le feu passe au vert.

Récemment, NikeLab faisait revivre le “Jewel” avec des sneakers comme la Air Force One Mid ou encore la Air Force One low. Mais aujourd’hui, à l’occasion des 30 ans de la Air Max Jewel Swoosh, Nike réédite la Air Max 1 avec le swoosh façon pierre précieuse qui fait la spécificité du modèle. Elle arrive avec une empeigne en cuir blanc et des touches de rouge, venant du swoosh jewel et du logo Nike Air. La Air Max 1 « Jewel White Red » sera disponible le 30 mai sur le site Nike pour 140€.

Le week-end dernier s‘est déroulé le Batalla De Los Gallos, littéralement la Bataille des coqs. Ce rendez-vous annuel rassemble depuis 2005 les meilleurs lyricistes d’improvisation du monde Ibérique et sud-américain, et qui met en valeur un style singulier se distinguant de la culture hip hop nord-américaine. Véritable institution depuis plus d’une décennie en Espagne, le Batalla vit sa 11eme édition de l’autre coté des Pyrénées. À la vue de la foule aux abords de l’entrée, on comprend vite l’engouement de cette manifestation, qui réunit des artistes reconnus comme de moins connus, d’Espagne mais aussi du monde Latin.

Le concept est simple : 32 MCs s’affrontent tour à tour en face à face. Chaque duel se déroule en deux étapes : la première est un passage solo d’une minute chacun, la seconde est une manche de deux minutes où les deux opposants se répondent à coups de 4 mesures. La difficulté supplémentaire est dans les mots donnés qu’ils doivent placer pendant leur passage. Le jury composé de trois juges, définit le gagnant noté sur sa créativité, le sens du rythme, la puissance des rimes et du flow, et l’intelligence des propos, le tout capté par un public ce soir là très chaud et réceptif aux punchlines des Gallos. Dans cette édition particulièrement relevée, ce sont Kensuke et Walls, incontestablement les plus forts ce soir là, qui se sont affrontés lors de la finale.

Voici quelques images de l’étape de Barcelone, avant la finale espagnole qui se déroulera à Madrid et la finale internationale à Mexico City en fin d’année. De quoi mieux se rendre compte de cet événement qui se veut le premier concours de MC mondial et qui sera bientôt importé en France d’ici peu de temps.

Pour cette nouvelle saison du YARD Summer Club, le photographe Melo, repart à la recherche des meilleurs looks.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
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Photos : @lebougmelo

C’est dans des conditions déjà estivales que vous avez été nombreux à nous rejoindre le mardi 16 mai au Wanderlust pour l’ouverture du YARD Summer Club. Avec les DJs Supa!, KYU ST33D, Arthur King, Goldilox, Rakoto 3000, COLORSBOYZ, Andy4000 et Pepper, vous avez comme à votre habitude mis le feu à la terrasse et au club du Wanderlust.

La saison est ouverte. Rendez-vous tous les mardis.

 

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Photos : @HLenie

Il suffit de feuilleter les pages de streetstyle du monde entier pour se rendre à l’évidence : la mode est tombée amoureuse du football. Autrefois pointé du doigt pour son prétendu mauvais-goût, le ballon rond et son univers fascinent aujourd’hui designers comme amateurs de belles sapes.

Gosha Rubchinskiy s’associe avec Adidas et intègre des maillots, écharpes ou survêtements de football à sa dernière collection automne-hiver 2017, Y/ Project imagine une équipe fictive composée de Napoléon, Joséphine et Henry VIII la même saison, Off-White et Nike s’unissent pour habiller les footballeurs de la précarité, la plupart des marques de streetwear intègrent des maillots vintage à leurs dernières collections (Supreme, A Bathing Ape, Patta, KITH, Stussy, Palace…). Les exemples sont multiples ces derniers mois et laissent deviner l’émergence d’une nouvelle sous-culture – construite autour du foot et de la mode – qui dépasse de très loin la vérité du terrain.

À ce petit jeu-là, le magazine italien nss tire son épingle du jeu en sortant une collection composée de maillots emblématiques des années 1990 et 2000 frappés de logos d’illustres labels de luxe, à l’instar de Saint Laurent, Gucci, Dior, Gosha Rubchinskiy, Vêtements ou encore Helmut Lang. Nous avons rencontré Walter, l’un des membres fondateurs.

Photos : courtesey of nssfactory

 

 

Salut nss, avant toute chose, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?

C’est toujours un peu compliqué d’expliquer ce que l’on fait. Tout d’abord, nous sommes amis et business partenaires, c’est une grande chance pour nous de se réveiller chaque jour pour faire ce qu’on aime. En ce qui concerne notre travail, nous sommes une agence de service digital. On a commencé dans notre ville natale, à Naples, en tant que naplesstreetstyle – l’acronyme de nss – avant de déménager à Milan pour construire notre atelier créatif. Au total, nous sommes trois partenaires, Walter, Vincenzo et Simon, mais on est loin d’être seuls, il y a une grosse équipe qui nous soutient – comme Francesco qui est en charge du contenu sportif sur nss, c’est aussi lui qui s’occupe de créer des trucs incroyables, comme Les Vêtements de Football.

 

Racontez-nous comment vous avez eu cette idée de créer cette collection.

On est accro au foot et amoureux de mode, on a donc simplement mixé nos deux grandes passions ensemble pour réaliser le projet. De nos jours, le lien entre la mode et le football est tellement fort et limpide, les mecs cools du monde entier préfèrent maintenant porter des maillots de foot plutôt que ceux de NBA. Toute l’esthétique du foot, les logos, sont en fait très “mode”, ça nous a toujours attirés et maintenant, on a décidé d’utiliser toutes ces inspirations.

 

Pourquoi avoir choisi de mettre les logos de marques de luxe sur des maillots de football ?

Je voudrais d’abord clarifier quelque chose, c’est avant toute chose un projet créatif qui n’est pas pensé pour la vente. Cela étant dit, nous voulions simplement créer un nouveau phénomène en mélangeant l’amour du footbal, la culture streetwear et les gros logos de la mode.

 

Quels ont été les premiers retours ?

Ils étaient très bons. Beaucoup de gens voulaient les acheter et appréciaient notre idée. Je pense que la tendance football est tellement chaude en ce moment que les gens les voulaient vraiment.

 

La collection s’est très vite retrouvée sold-out. Vous vous attendiez à un tel succès ?

Pas vraiment, on savait que l’idée était bonne, mais on ne s’attendait pas à tout vendre aussi vite.

 

Comment avez-vous choisi les maillots ?

Certains maillots sont plus cools et plus célèbres que d’autres, parce qu’ils représentent un moment sportif particulier ou sont liés à une sous-culture comme celle des ravers ou des skaters. On a choisi de se focaliser sur les maillots des années 1990 et 2000 parce qu’ils nous rappellent notre adolescence, ce sont les maillots que l’on portait au lycée. En ce moment, on travaille sur un nouveau projet avec des maillots d’équipes italiennes des années 1990.

 

Vous comptez donc sortir d’autres collections à l’avenir.

On travaille sur une nouvelle sortie pour fin mai. Cependant, ce sera un peu différent, pas seulement lié à les logos de mode célèbres. On veut en dire plus sur le lien entre mode et football en tant que nouvelle sous-culture née dans la rue, et pas seulement sur le web.

 

 

Votre collection s’appelle “Les Vêtements de football”, doit-on y voir un clin d’œil au travail de Demna Gvasalia (directeur artistique de Vetements et Balenciaga, ndlr) ?

Bien sûr ! On aime beaucoup son travail. Il se joue des codes de la mode et est en train de changer les règles du jeu à une vitesse impressionnante. C’est certain que des designers comme Margiela ou Raf Simons l’ont fait avant lui, mais ce qu’il fait en ce moment est très juste.

 

Dans une ère de l’appropriation, la ligne entre la mode de luxe et le streetwear n’a jamais été aussi floue. Pensez-vous que votre travail redessine, ou du moins questionne, les frontières du luxe ?

Il est très dur de définir des frontières en ce moment. À partir du moment où vous tracez une limite, le web débarque et la détruit aussi vite. Il faut toujours être dans les temps parce que les gens réfléchissent, changent, agissent…

 

Considérez-vous votre travail comme un hommage ?

Oui, c’est un hommage, et on puise simplement de l’inspiration de leur imaginaire. On ne voulait pas utiliser leur logo pour simplement promouvoir le projet, mais pour montrer les liens entre ces différents univers de manière créative.

 

 

La relation entre mode et football n’a jamais été aussi forte. Pensez-vous que l’on assiste à l’essor d’une sous-culture construite sur ces deux mondes ?

Comme je l’ai dit plus tôt, le lien est fort aujourd’hui, mais ça a déjà été le cas dans le passé avec d’autres cultures. Quand je pense aux phénomènes ravers ou gabbers par exemple, la relation n’était pas mauvaise.
C’est clair qu’aujourd’hui, c’est l’une des plus grosses tendances dans le monde du streetwear. Je ne sais pas si ça peut devenir une nouvelle sous-culture dans la mesure où la mode bouge tellement vite et le web change les règles à chaque minute. Dans tous les cas, je suis sûr que ce n’est pas prêt de s’arrêter.

 

En France, le supporter de football est malheureusement trop souvent assimilé à un beauf de mauvais-goût par les sphères culturelles. Pensez-vous que la mode peut changer sa perception ?

Oui je le pense. C’est aussi une partie de ce que l’on essaye de faire tous les jours avec notre magazine nss sports : faire tomber les barrières et commencer à concevoir le football – tout comme les autres sports – comme quelque chose de culturel, et bien sûr, de mode. Ce qui se passe sur le terrain est évidemment important, mais on a besoin de “prendre une pause” de la tension que génère un match, et c’est plutôt une bonne manière de le faire.

 

 

La culture du foot est profondément ancrée en Italie, comment est-ce que cela influence la mode et la scène streetwear ?

Tu as raison, le football en Italie – et particulièrement autour de Florence, Naples ou Rome – représente absolument tout, c’est une partie de notre vie depuis qu’on est gamin. On n’est pas surpris par cette tendance, ce n’était qu’une question de temps avant que le football ne fasse son come-back dans nos dressings. Comment est-ce que ça marche ? Quand tu es obsédé par une équipe, qu’est-ce qu’il y a de mieux que de porter son maillot chaque fois que tu en as l’occasion ?

 

Plus généralement, comment se porte la scène streewear italienne ?

Elle est tellement vivante, je pense que l’Italie, et par-dessus tout Milan, est la place où il faut être pour développer un nouveau projet. Ce n’est pas toujours évident parce que le pays n’est pas toujours ouvert aux nouvelles réalités, mais quand je pense à des marques comme (Marcelo Burlon) County Of Milan, qui a été un gros phénomène ici, je me dis que les Italiens se portent plutôt bien.

 

 

Êtes-vous des fans de foot ? Quel club supportez-vous ?

Bien sûr ! Je supporte Naples mais Vincenzo est fan de l’AC Milan, mais tout va bien on est assez “gentleman”.

 

De toute les équipes que vous avez choisi dans la collection, laquelle vous a fait le plus rêver ?

Je dirais l’Ajax, mais l’Angleterre – le pays des amoureux de foot – est pour moi toujours légitime. Je vais me permettre d’anticiper un peu, mais ceux de la prochaine collection seront encore plus cools, vous les verrez très bientôt !

 

Entre Boston et le Hip Hop, histoire d’amour n’existe pas – vraiment -. La ville des Red Sox abrite pourtant de bons emcees. Mr. Lif, Akrobatik, ou Michael Christmas en sont de criants exemples. La donne pourrait bien changer avec le spécimen Cousin Stizz. Un premier élan grâce à Drake, un deuxième avec la reconnaissance du tube intercontinental Fresh Prince : le rappeur du Massachusetts est en plein essor. En juin 2015, il lâche sa première mixtape, Suffolk County, acclamée par la scène médiatique. Et revient un an plus tard avec une deuxième tape, intitulée Monda. Les critiques sont alors unanimes : Stizz est un talent en devenir.

Boston forever

Cousin Stizz est mis en orbite en 2014, lorsque Drake partage sur son compte Instagram une vidéo avec en fond « Shoutout », premier hymne du zinc’. Pour autant, la toute première ébauche du emcee bostonien ne connaît pas immédiatement un succès mérité. Il a fallu attendre l’expansion virale du morceau « Fresh Prince » pour que sa tape Suffolk County (en référence au comté de Boston) devienne un minimum populaire. Le morceau, repris dans une vidéo humoristique, a donné à Cousin une visibilité appréciable. Pourtant, bien que le public du rappeur Celtic s’agrandit, sa véritable fanbase reste encore restreinte. Sa situation rappelle – une énième fois – que popularité ne rime pas avec talent. Arpentant la tape avec autant d’aisance que dans les rues de sa ville, l’artiste dépeint son quotidien de débrouillard tout au long de l’EP. Fervent et sincère porte-parole de Dorchester, son quartier, Cousin réussit avec ce premier projet à créer un univers singulier. Gangsta et terre-à-terre.

La musique est juste un bonus, un moyen d’extérioriser. Il n’en attend rien donc tout est réalisé à l’instinct. Spontanément. Mais consciencieusement. Les tracks réussies se suivent – et parfois se ressemblent, parfois s’accordent, parfois se relient – pour fournir un ensemble cohérent. Éloquent. La tape n’est pas des plus éclectiques, mais le rappeur de 24 ans ne se perd pas et propose un projet homogène. Cousin présente une dynamique contraire aux tendances actuelles. Ne cherchant pas à tout faire, n’essayant pas de prouver quoi que ce soit, ne se lançant pas dans de grands écarts musicaux, Cousin est loin de tout cela. Tellement loin… Lui, s’adonne à ce qu’il sait produire de mieux. Ce dans quoi il est le meilleur.

Stizz se démarque aussi par une autre trajectoire contradictoire. À la différence de la majorité de ses collègues, Cousin Stizz prend son temps. À l’heure de l’hyper-information et de la sur-productivité, lui, travaille paisiblement. À son rythme. Un rythme de travail qui le valorise. Quant à ses prods, finement choisies, elles lui apportent une profondeur musicale. Un univers sonore soigné, dans les mains de producteurs aussi inconnus que talentueux. Dans l’ombre mais ingénieux. Les plus marquants sont : DumDrumz, résidant à Miami et auteur des instrus du planant Fresh Prince et du criminel No Bells, Lil Rich davantage présent sur Monda, Tee WaTT & M. Ali, deux compositeurs travaillant ensemble et enfin Latrell James & Tedd Boyd, deux beatmakers de Boston et potes de Stizz.

Suffolk County, périple bostonien, propose une musicalité – bien que restreinte – authentique, scrupuleusement façonnée et indéniablement « East Coast ». Une musicalité permettant d’envisager une installation permanente dans le paysage du Hip hop ricain.

Monda, Monda, Monda, Monda, Monda

Dans la même veine que Suffolk County, Monda affirme une dynamique identitaire. Son titre est une révérence au meilleur ami de Stizz, Damone Clark (surnommé « Monda »), décédé en janvier 2016 des suites d’un cancer. Une plaie qui ne se refermera probablement jamais. Très affecté par cette perte, Cousin prend la décision de noyer sa peine à travers la musique. Il se consacrera alors complètement à cette nouvelle tape pour assurer un ornement à la hauteur de son amitié pour Monda. À la manière du A$AP Mob, qui a dédié sa tape, Cozy Tapes Vol.1, à leur membre disparu en 2015, A$AP Yams, ou du collectif New-Yorkais Pro Era, qui s’est démené dans le but d’honorer Capital Steez, l’un des fondateurs, parti en 2012, Cousin rend lui aussi hommage à son meilleur pote via la musique, la création, l’art. L’art de créer pour surmonter une peine douloureuse. Une démarche très deleuzienne en réalité. Stizz use de son don comme une sorte de résistance. Résister à la dureté de la vie. À la cruauté de l’existence. La musique – et plus généralement l’art – est alors perçue comme une échappatoire salutaire. Salvatrice. Surtout dans ce genre de cas. Ne pas tomber dans le piège de la dépression, au contraire, se relever, la tête haute, plus fort, Cousin Stizz a pu le faire grâce à la musique. Sa musique.

Et y a-t-il plus beau symbole que celui d’une salle pleine à craquer, dans son fief, quelques mois plus tard ? Avec le recul, non, nous ne croyons pas. Pour la sortie de sa tape, le 14 juillet 2016, Stizz organise un concert, chez lui, à Boston. Ce qui en dit long sur son appartenance à sa ville, son attache à ses habitants. Le concert est complet et la salle est bouillante. Ce qui en dit long sur le soutien que lui porte sa ville, la force que lui donne ses habitants. Stizz délivre alors un show mémorable, peut-être pas par sa performance mais bien par le contexte, ampli de symbolique. L’osmose est poignante, touchante et peut rappeler l’époque où ce Hip hop identitaire, local, sévissait et régissait dans le pays de l’Oncle Sam.

Cette mort cruelle de Monda – Cousin l’a vu s’affaiblir jusqu’à mourir – a été, comme nombre de malheurs, une illumination. Dans une certaine mesure, certes, mais une illumination, indiscutablement. Après cette triste disparition, l’artiste se remet en cause. Plus que lui-même, il réexamine sa relation à l’existence. Les cartes sont re-distribuées. À mille lieues de se morfondre sur son sort, Stizz sculpte une ode à la vie. Une vie dorénavant vécue pleinement et à fond la caisse. Les deux pieds sur l’accélérateur, au volant de sa Porsche, en ayant vu la mort de près, le rappeur décide d’en profiter davantage. De la vie. De sa vie.

Là où un Biggie se dit prêt à mourir et évoque sans trembler une vie après la mort, le zinc’ préfère ne pas s’y attarder et confesse en introduction de Wanted To Live « Cause I just wanted to live » / « Parce que je veux seulement vivre ». Un énoncé qui résonne tel un aveu d’impuissance car sa volonté ne dépend pas entièrement de lui. Mais peu importe maintenant. Plus de remord, plus de regret, Stizz fonce. Ne se pose plus de questions. Poursuivre dans ce qu’il aime – et ce qu’il a toujours aimé -, sans arrêt ni escale, ainsi soit-il. Sa tape Monda, sépulture artistique, en est le fruit.

Cousin Stizz, hier enfant de Boston, aujourd’hui artiste de Boston, demain étendard de Boston, est en train d’installer sa ville sur la carte du Hip hop US. Sa première tape avait fait forte impression. Puis, ayant su sublimer la disparition désastreuse de son pote de toujours en une oeuvre approuvée par les médias spécialisés, le zinc’ réussit l’épreuve du deuxième projet. Inconnu il y a encore deux ans, Stizz s’est créé, avec l’appui du hood, un avenir possiblement radieux. Pour lui et sa ville. Et bien qu’il y ait du Gucci Mane, ou du Nas dans son rap, il sonne comme personne.

Photos : @Perpec7ive

Bien que son dernier album, Birds In The Trap Sing McKnight, remonte au 2 septembre dernier, l’ombre du déjanté Travis plane indiscutablement sur la scène Hip hop. Rumeurs concernant un projet commun avec Quavo des Migos, performances imposantes à Coachella, concerts enflammés et furieux (en jouant jusqu’à 15 fois le track Goosebumps !), l’attente pressante autour de son prochain opus « Astroworld » est véritable. Qualifié comme la « meilleure musique de sa vie », Travis nous propose un bon avant-goût avec trois nouveaux morceaux : Green Purple, en collaboration avec le rookie Playboy Carti, A Man et Butterfly Effects. À la production : Southside, l’acolyte de Boomin, Sevn Thomas, et Murda Beatz.

Après nous avoir enchanté avec Rodeo, sorti en 2015, puis BITTSM, l’année dernière, le gamin de H-Town n’est pas prêt de laisser la pression retomber. Arrêté hier pour « incitation à l’émeute », il balance aujourd’hui ses dernières créations et affole la toile.

 

Outre les 67 000 places du Stade Vélodrome, c’est une autre arène prisée des sportifs du monde entier que Marseille abrite avec le Bowl du Prado. Depuis 25 ans, sa surface creuse et arrondie est égratignée par les planches des plus brillants skateurs de leur génération, de Tony Alva à John Cardiel en passant par Alex Sorgente. Le documentaire « Back to the Bowl », réalisé par Julian Nodolwsky – déjà co-auteur de « Shake This Out » – retrace son Histoire.

Comme celle de la discipline toute entière, ses premières pages s’écrivent en Californie, au milieu des années 1970. À l’époque, les kids de la région bravent tous les interdits à la recherche de piscines abandonnées où ils pourraient exercer leurs tricks. La pratique, proche du surf, est appelée « bowl riding » et fait rêver les apprentis skateurs des quatre coins du globe. Ceux de Marseille plus que les autres, quand bien même leur ville semble inadaptée aux planches.

Jean-Pierre Collinet, rider dans l’âme, étudiant en architecture à ses heures perdues, parviendra tout de même à concrétiser ce rêve en 1991. Avec le Bowl du Prado, il offre à la ville l’un des plus importants skatepark de l’époque. Suffisant pour faire de la cité phocéenne l’une des places fortes du skate mondial. Ravivé en 2016 par l’organisation des RedBull Bowl Rippers, le plus californien des spots marseillais est aujourd’hui célébré par ce documentaire, à visionner en intégralité sur RedBull TV.

Originaire d’Allemagne mais basé à New York, le photographe et vidéographe Daniel Soares nous montre sa vision du quartier de Brooklyn, lors de ses escapades nocturnes. “Neon Nights” est une série de photos qui met en valeur les lumières des shops typiquement new-yorkais la nuit: « Le jour, New York peut être oppressante, sale et bruyante, mais la nuit, elle se transforme en un conte de fée de néon, où le temps semble s’arrêter » disait Soares au journal The Guardian. L’ambiance, les couleurs et les reflets s’emboîtent parfaitement pour un résultat à couper le souffle.

Photographe : Daniel Soares

Caballero & JeanJass nous donnaient rendez-vous le 12 mai pour le match retour de Double Hélice. Après avoir maîtrisé la première rencontre, le duo bruxellois se devait de confirmer un an plus tard. Afin d’y parvenir, seul le travail paie, et les deux acolytes l’ont bien intégré. Double Hélice 2 est plus étoffé. Plus varié. Plus haut. Tel De Bruyne et Hazard, Cab & JJ ont mené d’une main habile leur projet. Tout en technicité. Avec ce deuxième volet de leur série aéronautique, ils s’envolent pour de bon. Sans remontada.

Sur leur nom

Double Hélice 2 nous sollicite immédiatement. Dès les premières secondes. Le vivace Sur mon nom accapare tous nos sens. L’infernal beat est fourni par Eazy Dew, compagnon de route de Josman. Soudainement, l’album est lancé à pleine vitesse. Enregistré, semble-t-il, à quelques 300 kilomètres à l’heure sur l’autoroute A14, ce track introductif – banger pur et dur – enrichit la marque de fabrique des deux rappeurs belges. Egotrip imagé, visuel, agrémenté d’une touche d’ironie. Leur écriture humoristique, quelquefois loufoque, quelquefois satyrique, fait partie intégrante de leur identité. Dans l’optique d’offrir un rap authentique, ils tentent de se démarquer par cet aspect-là. Des textes individuels, subjectifs marqueurs de leur état d’esprit « Je me sens comme Lucky Luke, même mon ombre te fume / Numero uno, ma liasse grossit comme le ventre d’Homer / Je fais le taff mieux que vous / Vous n’auriez jamais du sortir de la fente de vos mères » (Caballero).

Que ce soit Caballero ou JeanJass, cette approche textuelle et thématique – introduit avec Double Hélice – est devenue une empreinte identitaire. Qui scelle leur différence. Qui renouvelle leur insistance. « Pourtant c’est clair comme Chazal / J’suis un monstre comme le Kraken, j’vis caché comme Clark Kent » (Caballero) / « Je sais plus depuis quand j’crache le feu mais c’était pas hier / À Munich comme le Bayern » (JeanJass) toisent-ils, tour à tour, dans Rvre. Cet amour pour l’ego-telling, métaphorique, subtile ou consciemment grotesque, est issu d’un attachement à la liberté. Caballero l’explique lors d’une interview pour nos confrères de Radio Nova. Être libre concernant les thèmes abordés, l’orientation musicale ou l’imagerie. Une liberté accentuée par leur origine géographique. Étant belges, la pression médiatique, l’attente du public, sont moindres.

Ce qui ne les empêche pas d’affirmer leur supériorité, la rabâcher même. Cab avec son solitaire El Gordo Guapo, durant lequel il révoque les normes de Pharaon Blanc. Un egotrip originel. Abrupt. S’en détachant à partir du troisième track, Bonnes fréquentations, l’insolent La Base puis le point d’exclamation On est haut – énergique et mégalomane – nous re-balancent cette posture hautaine. En pleine figure.

Reconnaissance et réalisme

Malgré cet egotrip omniprésent, ce voyage à la première personne du singulier, qui habitent l’album, Caballero & Jean Jass savent s’en dissocier. Ils évoquent des sujets inédits ou peu traités dans leur discographie. Notamment une vision réaliste, lucide, parfois pessimiste de la société dans laquelle ils évoluent. Le duo tisse un bilan bien amer. En prenant comme point de départ leur propre expérience, il n’hésite pas à attaquer le fonctionnement de notre civilisation. « Putain, tout ça pour dire que la vie n’est pas rose comme les joues de Kevin De Bruyne (…) J’suis comme cette chieuse de Reine des neiges : je veux être libre, putain ! » remarque JeanJass (Match Retour). « Vous voulez les biatchs, le pouvoir et l’fric mais /Vous avez oublié de vouloir être libre, hey » ajoute cette fois Cab (TMTC). Une indépendance précieuse aux deux bruxellois. Qui passe, bien sûr, par l’autonomie économique mais principalement par la liberté de penser. Ne pas se laisser dicter sa vie par d’autres. « Ils veulent me dicter ma vie, j’crois qu’j’vais faire une faute à chaque phrase » disait Joke. Exactement. Cab & JJ ne se soucient guère des critiques et de ceux qui régissent ce monde. Préfèrent s’allier à la race saïyen. Ainsi, le piédestal sur lequel ils se placent est renforcé.

Un piédestal, envisageable, et seulement envisageable, grâce au soutien essentiel de leurs proches. Comparable à une équipe de foot au top de sa forme, la réussite revient aussi, de droit, à l’entraîneur, le staff technique (masseurs, kinés, et coachs spécialisés), et les supporters. Mis dans les meilleures conditions possibles, soutenus, les deux comparses ont pu se focaliser sur leur musique et « cracher le feu ». Avec Bonnes fréquentations, ils rendent hommage à ceux qui ont travaillé dans l’ombre, mettent en lumière la face cachée de leur succès. « Demain ils te sortiront du merdier / Oublie pas de les r’mercier / Je n’ai que des bonnes fréquentations » (JJ), synonyme de retour à la réalité. Ils sont haut, high, mais pas tout seuls.

L’heure est à l’expansion

Double Hélice proposait un format assez restreint : 10 titres, ni plus ni moins. Mais pour franchir un cap, pour monter en altitude, le duo du pays de Jacques Brel avait conscience qu’il fallait donner davantage. Offrir un opus plus fourni, plus diversifié. Mais tout aussi consistant. Cohérent. De fait, la suite de leur premier projet comprend 6 morceaux supplémentaires. La direction musicale est également à l’honneur. Cab & JJ s’attaquent à des genres inattendus. Ils nous surprennent en alternant modernité et classique, tendance et intemporalité.

Un endroit sûr est un boom bap, dirons-nous traditionnel, confectionné par Hamstergramm. Le contenu suit la musicalité, mélancolique. Nostalgique. À la limite de l’engagement. L’insulaire interlude FDP, fidèle à la violence de l’insulte, brève mais bien virulente, contraste complètement. La prod’ se rapproche d’une trap rigoureuse. Prosaïque. Survoltée par un solo de guitare électrique. Le personnel Ma Story présente une dynamique encore différente et tend vers l’Electro-house hollandaise. Une instru’ aux consonances de Dutch House, portée par Spinnin’ Records, et plus récemment Klear Music. Une instru que nous devons à BBL, producteur bruxellois qui a, entre autre, collaboré avec Isha et Krisy.

Les Mike Lowrey et Marcus Burnett (Bad Boys) européens s’inspirent du rap actuel à plusieurs reprises. Deux sons principalement : Voler, à l’image du titre, le duo se permet un séjour chez le cloud-rap, et TMTC, plus facilement identifiable aux dernières sorties. Néanmoins, ils réaffirment leur libre-arbitre grâce au jamaïcain SVP. Influencé par le tube de Young Thug, Wyclef Jean, JeanJass se fend d’une production reggae, voire dub. L’ambiance s’y prêtant, Caballero & JJ déclarent officiellement leur flamme à la ganja.

Alternant influences et innovations, leur spectre musical s’amplifie. Vagabondant entre les époques, les sonorités, leur polyvalence naissante mûrit. Naviguant entre les univers, les atmosphères, sans jamais se perdre, le groupe à deux facettes poursuit son ascension.

A contrario de la logique cinématographique, la suite des aventures de Caba & JJ ne déçoit pas. Leur complémentarité est toujours flagrante, efficace, une force qu’ils exploitent avec acuité. Leur arme fatale. En quelque sorte. Se renvoyant la balle, passe décisive sur passe décisive, la qualification est assurée, le but est atteint : l’envol définitif vers le triomphe. La base.

En ce début de semaine, Chance The Rapper dévoile un nouveau son, avec KAYTRANADA à la prod. “And They Say” a été plusieurs fois chanté par Chance lors de différents concerts, mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’une version est écoutable sur Soundcloud. C’est du lourd et c’est juste en dessous.

Si vous suivez Rocky sur les réseaux sociaux, vous avez sûrement dû voir passer le teaser du son “Raf” que le rapper de Harlem postait avec le hashtag “PLEASDONTTOUCHMYRAF” le 27 janvier. Dans le dernier épisode de l’émission “BlondedRadio” de Frank Ocean, le son qui réunit ASAP Rocky, Lil Uzi Vert, Quavo et Frank lui-même a été dévoilé en entier. Vous pouvez écouter le son dédié à Raf Simons juste en dessous.

Vous le voyez depuis quelques semaines sur tous vos réseaux: IKEA est devenu la nouvelle marque à la mode. Enfin, ce n’est pas tout à fait ça. La marque suédoise de mobilier que l’on connaît tous n’a jamais voulu se faire une place aux côtés des Margiela ou autres Chanel. L’effervescence a commencé lorsque Demna Gvasalia, créateur de la marque Vetements (oui, sa marque s’appelle bel et bien “Vetements”) et maintenant directeur artistique chez Balenciaga, a sorti un tote bag, qui ressemble très fortement au sac que l’on trouve chez IKEA. Seule différence : le prix. Lorsque vous pouvez trouver le sac appelé “Frakta” à 80 centimes chez IKEA, la version Balenciaga, elle, coûte 2145€. Niveau budget, ça pique un peu. La marque suédoise a même répondu à l’imitation: “Nous sommes profondément flattés par le fait que le sac Balenciaga ressemble à l’emblématique sac bleu IKEA à 80 centimes. Rien ne bat la polyvalence d’un bon gros sac bleu !” Si le détournement du sac peut faire rire, personne ne savait à quel point l’internet irait loin avec cette tendance: chaussures, casquettes, pantalons, bobs et même string, on arrête plus la machine IKEA.

Si l’on voyait déjà Demna Gvasalia porter une veste IKEA en janvier lors du défilé Vetements, la marque suédoise inspirait certains designers bien avant ça. En 2014, Alexandra Hackett, une créative australienne, imaginait un bob et des portefeuilles IKEA. L’année dernière, c’est la créative @ililtokyo qui revisitait des tongs japonais ou encore des chokers façon IKEA. Aujourd’hui, après le sac Balenciaga, le custom jaune et bleu continue à prendre de l’ampleur. Un mec a repeint ses Yeezy Boost Cream White juste pour surfer sur la vague, le designer @brucehatoo a créé un concept de Nike Uptempo IKEA et on a même vu une Balenciaga Speed Trainer aux couleurs de la firme suédoise. Parmi les pièces les plus folles, on peut citer le masque à gaz IKEA, le string qui va avec ou encore la “Frakta Watch”. Même Colette avait collaboré avec le géant suédois, en revisitant le même sac “Frakta” qui fait parler de lui aujourd’hui. En fait, il y a depuis 1 ou 2 ans une nouvelle vague dans le monde de la mode, ponctuée par le détournement de logo.

L’exemple le plus flagrant serait celui de Jeremy Scott, directeur artistique chez Moschino, qui va jusqu’à s’inspirer de McDonald’s, Coca Cola ou encore Bob l’Éponge. C’est exactement grâce à cette vague que Demna Gvasalia et sa marque Vetements se sont rapidement imposés. Ces marques ont réussi à créer du cool avec du banal ou du dépassé. C’est faire preuve de “je-m’en-foutisme” général que de porter du IKEA ou du Bob l’Éponge en allant à un défilé Dior, et s’en foutre, c’est avoir une attitude, c’est être cool, ça marche ! Finalement, si vous faîtes partie de ceux qui ne supportent plus de voir cette association de bleu et de jaune, ne vous inquiétez pas, la tendance ne devrait plus avoir que quelques jours à vivre.

Après « Hylas », sorti il y a trois ans, le néerlandais Thomas Azier est de retour avec un nouvel opus : « Rouge ». Un titre en français comme un hommage à Paris où il habite aujourd’hui après quelques années passées à Berlin et une enfance entre la Hollande et le sud de l’Inde. « Pour moi le rouge est la couleur la plus contrasté. Et si je devais donner une couleur à ma voix, ce serait celle-là. Parce que la voix est l’instrument le plus versatile qu’on ait à disposition ; on l’utilise quand on est en colère, quand on est triste, quand on pleure, quand on baise.. C’est vraiment un instrument étrange. Mais la façon dont on l’utilise dans la musique est toujours très sûre. Et pour moi, le rouge c’est le sang, c’est la passion, c’est le sexe…c’est tellement de choses. »

 

Photos : @lebougmelo

 


« J’ai grandi avec le hip-hop, mais pour moi c’est important de faire ma propre musique, parce que je ne viens pas de cette communauté. Donc je ne peux pas me permettre de le prétendre. »


 

Si sur le précédent album on retrouvait les influences froides et très électroniques d’une scène musicale Berlinoise, une froideur métallique renforcée par des textes mélancoliques centrés autour d’un passage douloureux de l’adolescence à l’âge adulte. À Paris, Thomas laisse derrière lui ce passage initiatique et trouve une nouvelle inspiration, plus terre à terre : « On a une histoire musicale très forte en Europe et je voulais la défendre, sans copier l’Angleterre ou les Etats-Unis. […] Peu importe la culture, que ce soit la soul aux Etats-Unis, la musique congolaise ou malienne, les voix sont vraiment importantes et sonnent parfois comme de l’opéra, ou de la musique française avec des gens comme Brel… Je pense que la France a cette tradition de grands chanteurs. C’est aussi pour cette culture de l’interprétation que j’ai fait cet album en France. Pour voir si j’étais capable de pousser ma voix à ce niveau-là. » Est-ce qu’il pense y être arrivé ? « Le temps le dira. » Un résultat plus humain, à la recherche d’une musique plus organique et plus proche des titres qu’ils écoutent en ce moment. « J’aime beaucoup Perfume Genius, c’est un type très étrange, mais un très bon chanteur. J’écoute aussi pas mal de jazz, comme Chet Baker, Miles Davis bien sûr. J’aime beaucoup la musique où on peut sentir l’air. Parce que la musique d’aujourd’hui n’a pas d’air, tout vient d’un ordinateur. Je n’ai pas envie de passer pour un vieux, mais ce n’est plus organique et c’est ce que j’ai essayé de faire sur cet album, quelque chose d’organique. […] Je ne voulais pas non plus jouer avec un groupe, parce que j’ai grandi avec la musique électronique et un ordinateur. Mais je fais chacun de mes sons à la main, et puis je les sample. Ça me ressemble plus. »

De façon plus surprenante, Thomas se retrouve aussi dans la culture hip-hop, dont il retire principalement la notion d’authenticité. « J’ai grandi dans la culture hip-hop comme beaucoup d’entre-nous. Mais le hip-hop est une musique qui trouve ses origines dans une communauté. Moi j’ai grandi à la campagne et je ne veux pas être celui qui récupère cette culture. Je l’aime, je m’y retrouve d’une certaine façon, mais je ne veux pas faire la même chose, ce n’est pas moi. Donc je dois m’exprimer d’une autre façon. La culture hip-hop est la culture dominante aujourd’hui, la source de beaucoup d’inspirations. Elle a changé, est devenu tellement énorme et mainstream. Drake par exemple, il me fatigue vraiment. Je ne peux plus entendre sa voix. Pour moi c’est un acteur, il n’est pas authentique. Mais tu sais pourquoi ça marche ? Parce que les Blancs l’apprécient. Tout le monde l’apprécie, même des jeunes de banlieues huppées aux Etats-Unis s’y retrouvent. […] J’ai grandi avec toutes ces choses, mais pour moi c’est important de faire ma propre musique, parce que je ne viens pas de cette communauté. Donc je ne peux pas me permettre de le prétendre. Ce serait une erreur. Mais j’ai grandi en écoutant le Wu-Tang Clan en pleine campagne. »

 

 

Avant la sortie de l’album, il dévoilait « Gold » et « Berlin », mettant l’accent sur les textes qui tiennent une place centrale sur cet album. « Tout mes héros sont de grands auteurs, de cultures différentes. Et leurs mots sont tellement puissants… J’ai l’impression qu’on perd ça et c’est là-dessus que j’ai voulu me concentrer ». Un travail nourrit par un sens de l’observation qu’il développe très jeune, au fur et à mesure de ses voyages, une pratique essentielle dans sa compréhension du monde qui l’entoure, du fonctionnement d’une société qu’il découvre, le moyen de mettre de l’ordre dans ce qui lui apparaît chaotique. « J’essaie de créer du sens car je suis tellement sensible et je ressens tellement de choses que sans ça, je deviendrais fou ». De ce chaos, il dégage une interprétation plus narrative et fortunée : « Je vois les choses de façon poétique, j’ai des sentiments positifs envers la jeunesse. Même si on vit une époque où on ressent que ce qui constitue, la structure meurt. […] Mais en tant que jeunes, j’ai l’impression que nous ne sommes pas tristes. Je pense plutôt que nous sommes plein d’espoir, et plein d’énergie. Il n’y a pas de tristesse, plutôt de la lamentation. Notre génération se lamente de quelques chose, mais on ne sait pas vraiment de quoi. Mais on est aussi très conscient des choses. »

 


« J’ai l’impression que mon prochain album prendra cette direction. Vers Accra, j’aimerais aller à Lagos. J’ai envie de voyages et de faire de nouveaux titres. »


 

A peine sortie, l’album se réinvente déjà sur scène : « Je suis très à l’aise sur scène, j’aime ça. Mon langage corporel est plus détendu. J’ai appris à m’exprimer avec mes bras, sans être effrayé d’être trop féminin. J’étais habituellement assez inquiet de ce que les gens pouvaient penser de moi. Maintenant je me dis, peu importe, je suis qui je suis. Je pense que toute la question est là. J’essaie de faire la balance, d’être moi-même le plus possible. On vit dans un monde en noir et blanc, mais il y a tout un monde entre-les deux, il y a des nuances et cet album est vraiment centré sur les nuances… et les détails. Il a un côté très féminin, très doux. »

Pour lui, la prochaine étape réside encore dans un nouveau voyage, dans un nouvel environnement : « Mon frère travaille dans la musique à Abidjan. Il travaille avec le groupe Kiff No Beat ; j’étais là quand ils ont enregistré leur album. Là-bas, j’ai aussi travaillé sur le dernier album de Stromae. Mon frère travaille avec pas mal d’artistes là-bas, je m’y rend pour travailler et j’ai pas mal d’échanges avec ces artistes. Je travaille sur leur musique, ils bossent sur la mienne… J’ai l’impression que mon prochain album prendra cette direction. Vers Accra, j’aimerais aller à Lagos. J’ai envie de voyages et de faire de nouveaux titres. » Est-ce que son prochain album aura des sonorités Afrobeat ? « Qui sait ? Je pense que je devrais trouver mon propre style, mais j’aimerais travailler avec pas mal de beatmakers dans le genre. »

 

Rouge – Disponible dès le 12 mai

Après nous avoir bénis avec des sons comme “Don’t” ou encore “Exchange”, Bryson Tiller revient avec pas moins de 3 nouvelles chansons, extraites de son prochain album nommé True To Self. Alors que “Honey” et “Somethin Tells Me” sont très RnB smooth, dans “Get Mine” en feat avec Young Thug, Bryson Tiller nous montre plus sa facette de rappeur. Vous pouvez écouter les 3 morceaux juste en dessous, parfaits pour une bonne fin de semaine.

Pour cette fin de semaine, YARD choisi de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

Age : 22 ans

Ville : Villiers-le-Bel

Instagram : 404Billy

Twitter : @Dareal_BILLY

 

Présentation

Mon pseudo est arrivé un peu tout seul, par hasard. Le personnage de Billy The Kid m’a toujours parlé et son nom aussi. Je trouve que ça me représentait bien dans le sens où au niveau musical je voulais faire que de la violence avec cette forme d’insouciance dans mes lyrics : dire ce que je veux quand je veux. Ensuite, j’ai grandi. Il a fallu enlever le « The Kid » ça devenait un peu ridicule. Mais « billy » c’était trop simple les gens auraient du mal à me trouver sur le net. Comme je fais parti d’un collectif nommé « 404 » j’ai juste rajouté ça devant. Je trouve que ça sonne bien, c’est unique et c’est bien comme nom d’artiste, c’est pas cliché.

Pour définir ce que je fais, je ne dirais pas que je fais « cette musique » parce-que mon but n’est pas de faire une musique particulière, mais de vraiment faire de LA musique. Explorer des horizons différents, être un artiste à part entière. Je m’exerce déjà à d’autres choses dans l’ombre, je sortirai des sons un peu différents quand ça sera le bon moment. Sinon, j’en suis venu à faire de la musique par mon père qui écoutait beaucoup de sons quand j’étais petit. Ça a commencé avec du rap, j’en écoutais beaucoup ; ensuite j’ai décidé de m’élargir et d’écouter d’autres choses. Ce qui fait qu’aujourd’hui j’ai une culture musicale assez remplie. J’écrivais déjà depuis petit, vers 11 ans. Et à 16-17 ans j’ai décidé de me lancer dans la musique.

Je trouve que ma musique a une part de violence et de mélancolie en même temps. Ma musique n’est pas consciente je dirais plutôt qu’elle est spirituelle. C’est à dire que je parle beaucoup de Dieu, de la mort, de la vie après la mort, des agissements et des réactions de l’être humain en général. Ma musique est fine. À première vue elle a l’air violente, remplie d’insultes et de saletés mais si t’écoutes bien mes paroles, c’est profond. Ça sort de mon cœur et de mes couilles. J’espère pouvoir ramener ma musique à un niveau vraiment haut et pouvoir toucher à tout. J’ai un regard spécial et décalé sur la vie, la musique m’aide à m’exprimer sans passer pour un fou, elle m’aide à faire sortir l’homme caché en moi…qui ne veux que s’exprimer mais qui a aussi peur d’être incompris.

 

 

Le Kid est mort, c’est une chanson que j’ai écrit dans le noir total. Je ne voulais aucune lumière, même pas un rayon de soleil qui pourrait passer entre les volets, rien. J’ai mis l’instrumental de DST à fond & j’ai commencé à écrire, sans réfléchir, sans me poser de questions, sans me dire « non peut-être ça c’est trop osé »…rien à faire. La prod – plus particulièrement le sample – a réveillé mon inspiration. J’aime beaucoup ce titre, je le trouve très fort dans le texte. Nous avons eu de bons retours sur ce morceau, mais ce n’est pas pour autant que je vais me reposer sur mes acquis et faire des « Le Kid est mort » à chaque séance studio, parce-que je sais que je vais bien le faire et que je vais pas prendre de risque. Place au progrès.

Il y a un an je bossais surtout dans l’ombre, je sortais des petits sons, vite fait. Mais je n’étais pas encore totalement prêt, j’étais dans la salle du temps. Peut-être pas dans un an, mais dans le futur j’aimerai avoir ma propre structure avec mon équipe et continuer à faire notre musique comme on l’entend, en ayant le monopole sur nos morceaux. Sinon dans un an, je me vois encore en train de bosser dur, sortir des chansons et essayer d’avoir plus d’exposition, de me faire connaître. Le chemin est long, la musique n’est pas facile, ce serait te mentir si je te disais que dans un an je me vois remplir des salles de concert même si dans la musique tout est possible. Faut garder la tête sur les épaules, travailler dur et être patient.

 

 

 

 

Unorthodox uniformity. Unbreakable legacy.

Une nouvelle fois, les marques Converse et UNDFTD joignent leurs deux héritages sous la bannière de la réappropriation authentique des codes stricts du vestiaire militaire. De la désinvolture dans la rigueur, de l’insubordination dans la corporation.

Cette année, les deux entités priment sur deux coloris (blanc et vert kaki) apposés sur un modèle One Star en suède, reprenant à la semelle les iconiques bandes rouges et bleues de la Chuck Taylor All Star Original. Quant au « five-strike » d’Undefeated, on le retrouvera sur la languette et le long du talon.

Pour mettre en image ce « premium package », les deux marques se rejoignent autour du DJ Elroy Edward, qui brise les codes de la House à coup de référence eighties et David-Lynchesque.

 

 

Converse x Undefeated One Star OX est disponible ici.
Post Sponsorisé

« Il n’est jamais trop tard ». Derrière cet énoncé empreint de vérités de comptoir se cache sûrement – pour qui veut se donner la peine de chercher – un trait philosophique réconfortant les septiques, les manichéens et sans nul doute les procrastinateurs en tout genres, mais toujours est-il qu’il faille d’abord que notre conscience puisse l’admettre en premier lieu : l’erreur est humaine. Ainsi, la vérité d’un jour n’est pas forcément celle du lendemain, pas plus que la qualification du PSG face au FC Barcelone semblait acquise au lendemain du fameux 4-0 au Parc. Ce bon vieux « mea culpa » qui arrange tellement les choses et vous permet de faire preuve de sagesse… Inconsciemment peut-être, c’est ainsi qu’à 110km/h sur l’autoroute, j’insère le disque floqué des lettres « CDG » dans le lecteur radio du véhicule. On vient d’avaler la moitié de la distance reliant Lille à Paris. À cet instant précis, je suis plus curieux qu’intéressé par ce que contient cette galette musicale, ne laissant alors, pas la moindre chance au jeune rappeur du 92 de me conquérir musicalement… Et pourtant.

Photos : @lebougmelo

 

 

Benash : « J’ai grandi dans un environnement parsemé de misère. Pour ceux qui connaissent le Cameroun et Douala dans le quartier de Makéa, c’est pas simple là bas.
Puis je suis arrivé en France à l’âge de 6/7 ans, j’ai vécu le décalage et mon adaptation normalement et tout s’est fait très vite, le seul hic ça a été le froid. Puis dans la foulée je me suis fait des amis, j’avais encore un peu l’accent du bled mais il est parti très vite lui aussi.

En grandissant au bled je n’écoutais pas spécialement de musique, et si j’en entendais, c’était des sons locaux qu’on pouvait entendre dans les rues ou chez les gens.
 Arrivé en France, j’ai tout de suite écouté des sons de ma ville : 92i…rien d’autre. Petit à petit j’ai commencé à m’ouvrir sur la musique rap américaine, un peu plus de rap français mais c’est vraiment ce qui venait d’outre Atlantique qui a accroché mon attention.

Au lycée entre les classes de Seconde et Première, j’ai commencé à réaliser que l’école n’était pas fait pour moi et j’avais des amis qui rappaient déjà alors j’ai fait quelques petits tests…mais j’étais pas encore sûr à 100% que c’était la voie que je voulais prendre. Ce n’est que quand ça s’est compliqué en cours que je me suis dit que j’allais me focaliser sur le rap. Quelques temps plus tard j’ai abandonné l’école.
Un autre truc que j’aimais faire en parallèle, c’est le grappling. J’ai commencé la pratique vers 15 ans via un grand à moi qui pratiquait déjà ce sport. Il m’a montré deux trois trucs et j’ai kiffé de ouf. Y’a eu une période de Ju Jitsu brésilien qui aura duré deux ans mais moi j’aimais pas trop ça parce que y’avait le délire du kimono, je voulais faire du corps nu, quelque chose de simple. Au final ce passage au Ju Jitsu m’a quand même permis d’avoir certaines bases.
Je suis un sportif dans l’âme alors je ne dirai pas que je fais ce sport pour me canaliser. Le problème c’est que j’aime trop me battre, du coup j’allais m’entrainer pour apprendre de nouvelles techniques.

 


« Les gens n’étaient pas complètement loyaux, ils n’ont pas été à 100% carrés avec lui comme moi je le suis. J’ai grandi avec ces valeurs là moi, c’est super important »


 

 

Grandir là où Booba a fait ses armes c’est vrai que ça le rend proche de toi mais en même temps géographiquement il était déjà loin. C’était un grande de la ville, des fois je le croisais, je lui serrais la main et je me cassais comme un petit sert la main d’un grand au final.
Après le titre « Porsche Panamera », on ne se parlait toujours pas directement, on passait par un ami à lui. Ce n’est que plus tard que les choses se sont faites et qu’on a commencé à parler en direct. Que Booba me « valide », c’était pour moi un accomplissement et en même temps ce n’était qu’une étape. J’ai vécu ça comme une fierté, je suis pro 92i avant même qu’il me connaisse. Par contre je suis conscient que j’ai encore des choses à prouver, il y a eu des affiliations qui ne se sont pas très bien finis. Je ne voyais pas ce rapprochement comme quelque chose de néfaste pour ma carrière, au contraire. Pour en revenir à ses anciennes connections, est-ce que ça venait vraiment de Booba ? Je ne pense pas. Les gens n’étaient pas complètement loyaux, ils n’ont pas été à 100% carrés avec lui comme moi je le suis. J’ai grandi avec ces valeurs là moi, c’est super important.

Mon image de l’Afrique ? J’y vois de la misère et un continent appauvri par l’Occident mais on y trouve une joie de vivre. Les gens sont dans la misère mais ils ont le sourire pour un rien, tu donnes un rien à un enfant et il est content.
Être africain ? Pour moi c’est avoir une force, quand je dis africain, pour moi c’est une force. Je me dis qu’il y a une notion de puissance la dedans. Et j’ai pas peur de m’enferme dans une caricature, parce que je ne triche pas, c’est moi. Que ce soit le sport que je pratique ou la violence de mes textes, c’est de moi dont il s’agit.
Là d’où je viens, être fier ça ne s’apprend pas, tes parents te transmettent ce concept de fierté, c’est très ancré dans nos racine. Quand tu viens chez moi, c’est 100% Cameroun : matchs de foot, plats, discussions…c’est pour ça que j’aime souvent retourner au pays et que je le revendique beaucoup dans mes sons. Je n’oublie pas d’où je viens.
Je vais pas te mentir, les mecs qui profitent des sons africains en faisant les guignols, je capte le délire mais je ne juge pas, chacun fait son truc, mais moi j’ai envie de renvoyer l’image d’un mec fier de lui, robuste même s’il sait toute l’adversité qui lui fera face dans la vie.

 


« Est-ce que je fais du Booba ? Est-ce du mimétisme à force d’être avec lui ? Ce n’est pas forcément négatif, ça prouve aussi une chose, c’est qu’on est sur la même longueur d’onde »


 

 

La mode de faire des morceaux aux sonorités africaines ? Les mecs font ce qui marche, tout simplement ! Aujourd’hui la mode est à l’Afro donc pour ne pas être dépassés, les mecs vont en faire. Regarde tous les albums qui marchent actuellement, dans la plupart tu as des sons Afro…c’est aussi que ça. Et je ne pourrais pas te dire quelle est la technique qui te permet de faire des morceaux Afro (t)rap sans tomber dans la Zumba. Peut-être que dans mon album j’ai trouvé le bon équilibre en faisant des références à des trucs qui vont te faire réfléchir, des références au passé, à des mots du bled…
Après « Validée », j’ai capté le truc. Déjà parce que j’ai découvert que j’étais grave à l’aise dans ce type de proposition musicale. Du coup j’ai décidé d’incorporer les textes que je faisais avant dans cette nouvelle formule. Pour en revenir à « Validée », c’est moi qui a été proposer la chanson à Booba. Un pote à moi m’avait fait écouter le morceau de Sidiki Diabaté [Inianafi Debena, ndlr] et là je me suis dit qu’il y avait un truc à faire. Je lui ai envoyé le son en lui disant qu’il fallait en faire quelque chose, idée qu’il a lui même partagé. Il est parti en studio avec son ingénieur son, ils ont retapé la prod puis me l’ont renvoyé et voilà. S’il y avait une logique aux choses, on le saurait, et le fait que ce soit moi qui ait eu l’idée ne change rien à tout ce qu’à fait Booba dans carrière. Cette idée prouve juste que je sais être utile et tenir mon rôle de lieutenant.

Est-ce que je fais du Booba ? Est-ce du mimétisme à force d’être avec lui ? Ce n’est pas forcément négatif, ça prouve aussi une chose, c’est qu’on est sur la même longueur d’onde. C’est sûr qu’il m’a influencé et qu’il a nourri mon inspiration et moi la sienne avec par exemple le morceau « Validée ». C’est un échange mutuel. Oui, il m’est arrivé de me projeter en écoutant ses textes, j’ai essayé de capter sa manière de réfléchir. Et peut-être aussi, je l’espère, que je lui apporte modestement ma pierre à l’édifice…avant « Validée », Booba ne faisait pas d’Afro et aujourd’hui ça lui arrive d’en faire un peu plus. Avec du recul, je vois ça comme une victoire mais aussi comme quelque chose de normal car c’est aussi mon rôle en tant qu’artiste. Ce morceau a été un carton et passe même sur NRJ alors qu’avant ça, Booba ne passait pas sur cette radio. Comment ne pas voir ça comme une victoire ?
Mais je vis tout ça calmement et avec pas mal de recul, car j’ai envie de prendre le temps de bien comprendre les choses. Pour moi tout est allé très vite et j’étais un peu perdu. Au lieu de me mettre la pression, je suis tranquillement resté chez moi et j’ai commencé à comprendre les choses.

 


« Le titre « Chef De Guerre » n’est pas anodin, je m’identifie vraiment comme ça. Que ce soit dans le rap ou en dehors, c’est vraiment moi : je suis le premier quand y’a embrouille, je suis un peu le porte drapeau »


 

 

Peut-être que cette pression je m’en suis protégé mais il y en avait d’autres : sortir mon album et être signé chez Booba par exemple. À ce moment là j’avais une petite pression parce qu’il ne fallait pas qu’on le déçoive. On a charbonné, on a vraiment bossé et petit à petit on a commencé à savoir quel serait notre vision et notre créneau. Malheureusement le groupe s’est dissout et c’est à ce moment là que j’ai eu une nouvelle pression. Je me suis dit « Ah ouais, là je suis en solo et je dois prouver tout seul », et quand j’ai commencé à taffer j’ai vu où étaient mes forces. Je n’avais plus besoin d’être stressé et au contraire, j’étais de plus en plus confiant. J’envoyais plein de sons à Booba et il me faisait que des bons retours, à partir de là ma confiance s’est accumulée. Ce schéma de travail était commun, je faisais mes morceaux de mon côté et une fois finis il me disait si c’était bien ou pas. Au final, les morceaux qu’il a aimé représentent environ 70% de tout ce que je lui ai envoyé. Faut savoir que Booba n’est pas critique, quand il aime pas il aime pas c’est simple. Personnellement je lui fais confiance dans ses gouts, je ne sais pas pour les autres mais moi, je me fie à lui car je sais qu’il a une bonne oreille. En vingt ans de carrière, il sait ce qui marche et ce qui ne marche pas. Par contre pour « Validée » il était pas très sûr ! [rires] Quand le morceau a fuité et qu’il a vu tous ces retours positifs, il a donné son go.

Le titre « Chef De Guerre » n’est pas anodin, je m’identifie vraiment comme ça. Que ce soit dans le rap ou en dehors, c’est vraiment moi : je suis le premier quand y’a embrouille, je suis un peu le porte drapeau. J’assume ce que je dis et je fais ce que je dis. Je ne pense pas que le titre de l’album soit une pression en plus pour moi parce que c’est un terme que j’utilise depuis longtemps. Certains de mes gars m’appellent comme ça. Est ce que je me sens l’âme d’un leader ? Oui, c’et ce que je ressens. J’allais quand même pas nommer mon album « Sous Chef De Guerre » quand même ! [rires]
Quand je me proclame chef, ce n’est pas de 92i que je parle, parce qu’il ne peux pas y avoir deux mâles Alpha dans une même meute. Je m’adresse à mon équipe et aux mecs avec qui je traine, je me vois comme un leader. Je ne m’invente pas une condition, j’ai cet état d’esprit depuis que je suis tout petit.

 


« Là tout de suite tu me demandes de sortir une vibe, je te la sors N-O-R-M-A-L-E…je ne suis plus « tuba » comme avant »


 

 

Cet album je l’ai travaillé pendant presque un an. Après « Validée », j’ai enchainé en sortant deux extraits…puis j’ai commencé à préparer l’album. Après « Validée », on devait normalement sortir un deuxième album de groupe, mais comme ce dernier s’est dissout on a rien fait. Sortir un album solo à ce moment là aurait été impossible pour moi car je n’étais pas du tout prêt. Du coup j’ai charbonné près d’un an…et ce qui m’a le plus ralenti auront été le choix des instrus. Je suis grave difficile dans la sélection et ça m’est déjà arrivé de faire un mois sans en trouver qui me plaise. Ça me rendait fou.  Il n’y a pas de secret, si j’en suis là aujourd’hui c’est grâce au taff, on ne peut pas m’enlever que je me suis amélioré au cours de cette année de charbonnage. Que ce soit les textes ou les flows…surtout les flows d’ailleurs, je me suis pris la tête en studio en faisant plein de vibes. Chaque fin de séance studio, tu me voyais en train d’expérimenter de nouveaux trucs sur des intrus qui me plaisaient. Au fil du temps j’ai vu que c’était aussi un entrainement et que je commençais à bien gérer le chant. Là tout de suite tu me demandes de sortir une vibe, je te la sors N-O-R-M-A-L-E…je ne suis plus « tuba » comme avant.
J’ai conscience que j’ai étoffé mon rap, ce qui me permet de tenter de nouvelles choses. Par exemple, dans le titre « Bye Bye » je parle d’amour parce que je suis à l’aise sur ce genre de titre depuis « Validée ». Faire un titre sur ce sentiment, ce n’est pas du tout un problème pour moi, je n’ai pas peur de me foirer dessus comme je n’ai pas peur de passer pour un canard…je peux frôler le truc mais les gens savent que je reste street.

Une complémentarité avec Shay et Damso ? De ouf, de ouf. Par exemple pour le titre « Ivre », on avait fait une semaine de studio tous les quatre : Shay, Damso et Siboy. Durant cette session on enregistre plein de sons dont « Ivre », eux avaient déjà enregistrés leurs couplet mais moi je n’étais pas encore arrivé au studio. Une fois arrivé, j’ai écouté le son avec leurs partie et là encore une fois je me suis dit qu’il y avait un truc à faire. Je suis rentré dans la cabine, j’ai posé le refrain, puis mon couplet et en réécoutant tous le morceau j’ai annoncé que je le prenais pour mon album.     À ce moment là, CDG n’était pas fini mais j’avais déjà une petite partie du projet qui était déjà prêts, alors je leur ai fait écouter trois morceaux. Leurs réactions ont été super positives et ni Shay ni Damso ou encore Siboy ne m’ont conseillé de changer certaines choses, ils savaient déjà où je voulais en venir et ce qui allait se faire. J’ai vraiment conçu ce projet de mon côté.

Cet album je l’ai donc fini mi-janvier et on s’est dit qu’il fallait le sortir vite. Entre la fin de l’album et sa sortie je n’ai eu que deux mois pour mettre en place une stratégie de promo, du choix des singles et des sons à clipper. On a pris le parti de sortir un son rap puis un son Afro – CDG et Ghetto – sans vraiment trop y réfléchir. Sans doute, les gens ont entendu le titre « CDG » et ont cru que ce serait la principale direction de l’album…

 


« Si je devais choisir entre me casser à Miami ou Douala ? [rires] J’ai niqué tout ton délire ? Douala c’est la retraite, çe sera pour la fin de ma vie »


 

 

Ce que je veux que les gens retiennent de cet album ? C’est de rester fort, faire de l’oseille et se casser ailleurs pour une vie meilleure. Cette notion d’ailleurs elle est vague mais elle ne te ferme aucune porte au final. Elle ne te cantonne à rien.
Tu veux pas que je te répondes Miami ? [rires] Je parle de coins où tu sais que tu es loin de la France et par extension des haineux, des jaloux…c’est de ce genre d’endroits que je parle et Miami est ce genre d’endroits. T’es frais la bas, t’es loin de tout. Tu trouves que je me nourris des haters, des embrouilles pour me dépasser et prouver que je mérite ma place ? Si tu le dis, peut-être qu’il y a de ça aussi…Partir loin de ça n’y changera rien, je n’ai pas peur d’être déconnecté car c’était d’une perspective physique, mais si demain tu vas sur les réseaux sociaux et tout – même si tu es à 3000km – les haineux tu en trouves partout. Et moi je serai toujours connecté, donc je m’en nourrirais encore…

Si je devais choisir entre me casser à Miami ou Douala ? [rires] J’ai niqué tout ton délire ? Douala c’est la retraite, çe sera pour la fin de ma vie. Miami, c’est pour le cadre de vie et la qualité de vie quand tu es artiste. Douala ce sera pour quand tout se terminera. Là pour l’instant, la prochaine étape c’est le deuxième album que je suis déjà en train de préparer. Je n’ai pas forcément envie d’attendre que tous les retours concernant « CDG » me reviennent, je veux enchainer direct pour pouvoir proposer un projet pour cette fin d’année si je peux. Si ce n’est pas le cas, ça se fera début d’année prochaine.
Il y a une question qu’on ne m’a jamais posé et à laquelle j’aimerai pouvoir répondre : « est ce que tu te vois comme la relève de Booba » ? Toutes les interviews que j’ai fait et on ne m’a jamais posé la question. Je m’attends toujours à cette question, mais elle n’arrive jamais comme si vous ne vouliez pas aller au bout de la réflexion. Et pour répondre à la question, sincèrement oui… Je me vois comme sa relève dans le sens où je suis de Boulogne comme lui. Au bout d’un moment, Booba va plier bagage. C’est pour ça que je me vois comme tel. On en discute pas spécialement et j’estime que ce sont le genre de trucs dont tu n’as même pas besoin de discuter. Tu les sens ou tu les sens pas, c’est tout. Tu fais aussi en sorte que cela puisse se produire, sinon à quoi bon et dans ce cas là, lâche tout de suite l’affaire. « On ne donne pas le pouvoir, on le prend » tu dis ? Elle est chaude ta phrase, tu veux me mettre dans des problèmes ? [rires] Je vois ce que tu veux dire, dans le sens où il ne me dira jamais « Benash, tiens les clés du 92i », que cette échange de pouvoir ne se fera pas comme ça mais plus dans le fait qu’à un moment donné j’aurai le déclic et que je me dirai, ça y’est c’est le moment, Booba laisse son trône, je prends le relai.
Mais je n’imagine pas Booba quitter complètement la musique. Je pense qu’il sortira un son ou deux périodiquement et s’il souhaite me confier les clés de la maison il le fera. En attendant, moi je continue de charbonner jusqu’à ce qu’il le voit. Voyez s-y de la pression, moi je prends ça comme de l’émulation. Depuis le début je ne fais que franchir les étapes et peut-être qu’au bout de la route il y aura l’épreuve ultime, le boss de fin.
Qu’est ce qu’on peut me souhaiter pour la suite ? [rires] Il y a tellement de choses… Mais souhaitez moi beaucoup d’amour. »

 


« On ne donne pas le pouvoir, on le prend » tu dis ? Elle est chaude ta phrase, tu veux me mettre dans des problèmes ? [rires] »


 

 

 

Mais quel est donc ce vent de jeunesse qui souffle sur notre vieil Hexagone ? Et non, je ne parle pas d’Emmanuel Macron, président de la République, ni de Kylian Mbappé mais bien de ces entrepreneurs juvéniles dont personne ne parle (vraiment) et qui, dans l’ombre se mouvent silencieusement. Génération oblige, beaucoup pensent que les strass et pseudo-paillettes d’Instagram sont la lumière. Doit-on les initier à l’allégorie de la caverne pour autant ? Non. Laissons la jeunesse gagner de l’expérience, laissons la expérimenter. Laissons donc la place à Ruben, car il ne s’agit que de ça. 

 

Photos : @Perebisou

 

Présentation.

Je m’appelle Ruben Acco, je suis parisien j’ai 17 ans et je suis en Terminale S, je suis un fan de sneaker depuis tout petit et je suis l’un des organisateurs (avec Jeremy et Talid, respectivement 16 et 15 ans) d’un nouvel évènement parisien consacré à la sneaker : le Sneaker House.

 

D’où te vient cette passion pour les sneakers ? À quel moment t’es-tu intéressé à cet univers ?

Cette passion des sneakers me vient de mon père qui lui aussi en est fan. Depuis tout petit il m’achetait des dizaines de paires de Jordan que j’ai encore d’ailleurs. Mais ce n’est que depuis deux ans que j’ai commencé m’intéresser davantage à ce milieu, lorsqu’il a commencé à plus se démocratiser et ouvrir de plus larges portes.

 

Parle nous de ton idée de créer ton propre évènement autour de la sneaker ?

On s’est dit qu’il fallait viser plus haut plutôt que de vendre de simples paires de Yeezy. On parlait avec des amis du Sneaker Ness et du Sneaker Event et je me suis dit pourquoi ne pas en faire un moi-même. J’en ai parlé à mon entourage et ils ont trouvé l’idée surprenante pour quelqu’un de mon âge. On s’est lancé juste après !

 

 

Il y a d’autres évènements autour de la sneaker, qui existent déjà sur Paris. Pourquoi prendre le risque d’en faire un de plus ?

En effet il y a déjà deux évènements qui existent sur Paris. Le but de notre évènement n’est pas de les copier mais d’essayer de créer quelque chose de nouveau même si l’esprit reste le même. Le concept principal du Sneaker House est d’en faire un évènement convivial qui plaira, je l’espère à tous les participants. Il y a des exposants triés sur le volet (pour la plupart c’est une première !), mais aussi une exposition qui permettra à certaines personnes de découvrir la paire de leur rêve. Paire qu’ils n’ont probablement vu qu’en photo !

 

Financièrement, comment on parvient à mettre sur pieds un projet d’une telle ampleur ?

Moi et mes associés finançons entièrement cet évènement et j’insiste bien sur ce point car ce ne sont pas nos parents qui nous ont aidé à le financer. Le défi que nous nous sommes lancé était de pouvoir le payer en intégralité, tout seuls, avec de la persévérance, du travail et nous avons réussi à y parvenir. Pour ce qui est de la confiance, cela ne nous a pas posé de problème. J’ai toujours su être sérieux avec mes collaborateurs, cela va dans les deux sens.

 

 

Tu es jeune, très jeune. Mais c’est aussi un phénomène qu’on observe de plus en plus à travers le monde. La jeunesse qui entreprend, qui se professionnalise et qui réussit. Comment expliques-tu ce changement dans les mentalités ?

Dans ce domaine, de plus en plus de jeunes comme moi décident de se lancer avec plus ou moins de professionnalisme. Nous sommes en effet dans un milieu où la jeunesse est très présente. Je ne pense pas que la mentalité des « papas » de la sneaker ait changé, ils se sont juste adaptés à une clientèle de plus en plus jeune.

 

As-tu senti de la réticence de la part de certains partenaires, d’amis, voire même de ta famille lorsque tu t’es lancé dans le projet ?

Au contraire tout le monde m’a encouragé et m’a poussé vers le haut dès que j’ai parlé de mon projet. C’est ce qui m’a permis de me lancer très rapidement, j’ai finalisé ce projet en à peine deux mois.

 

 

Quelles sont tes objectifs avec ce 1er Sneaker House ?

Le principal objectif que j’ai avec cette 1ère édition est de faire connaitre notre évènement et moi-même. Pour que dans l’avenir je puisse m’appuyer sur ces bases et me permettre de voir les choses en plus grand.

 

Si les baskets sont un hobby, de quel métier souhaites-tu vivre après tes études ?

Après mes études j’aimerai bien – comme tout le monde – vivre de ma passion et d’en faire mon métier, pourquoi pas ouvrir une boutique ou étendre mon évènement à travers le monde.

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Après mon évènement je compte me re-concentrer sur mes études que j’ai un peu lâchées pour consacrer la plupart de mon temps au Sneaker House. Et pourquoi pas une deuxième édition !

 

 

Pour les fans de sneakers et/ou pour les plus curieux, vous pouvez trouver des places : ICI

 

 

La Suisse est riche. Oui, la Suisse est riche, et pas que pour des histoires de coffre-forts et de flux financiers. La Suisse est riche comme le cœur de ses habitants (les plus heureux du monde parait-il), riche comme son chocolat (celui que tu offres quand tu veux transpirer la prospérité), riche comme la musique de son nouveau joyau aussi. Celle du jeune foufou DI-MEH, qui nous offre ce 10 mai son attendu premier album Focus part. 1. Chronique.

Tête la plus connue de SuperWak, clique de goons à l’énergie oddfuturesque, DI-MEH est l’un de ces francophones qui ont traversé les frontières musicales pour arriver aux oreilles averties de l’Hexagone en 2015, comme Damso, Hamza ou Makala. A l’époque, c’est son Fu-Gee-La 2.0 en compagnie de Népal qui tape le score, avant que quelques hits et deux projets (Entre le rap et la vraie vie en 2015 puis Shine en 2016) ne commencent à sérieusement faire grossir sa hype. Et, dès la première phase de ce morceau qui l’introduisit à bien des oreilles en France, le Genevois prononce des mots qui résonnent encore dans nos oreilles deux ans plus tard: « J’kicke sur de la trap, mais j’peux donner ça à l’ancienne tah l’époque Fu-Gee-La ». Pourquoi? Parce que dans ce premier album, DI-MEH glisse entre tous les styles de rap comme Roger Federer se balade sur toutes les surfaces.

Un sacré méli-mélo d’influences, de flows, d’ambiances, donnant cette impression de se balader dans une grande jungle urbaine encore plus multicolore que la cover du projet. A commencer par le morceau-phare, celui balancé depuis déjà quelques mois et qui porte le nom de l’album: Focus. Sur une mélodie de BaxTer (Rohff, Sadek, Beeby, …) qui aurait sa place dans la comédie musicale préférée de ta maman, le « jeune rebeu sûr de lui » pue l’aisance, étalant sa malice à longueur de flows tantôt tendus, tantôt enveloppants de douceur. Trois minutes délicieuses, comme celles dont on a besoin au petit matin, quand le crâne se fait embrumé et le temps pluvieux, capables de nous faire sourire la gueule collée contre les vitres d’un bus inaccueillant et crasseux. Une belle mise en bouche annonçant l’album, tout en offrant des sonorités que l’on n’entend dans aucun autre track, illustrant la polyvalence du rap de DI-MEH qui ne se cale dans aucune case. Parfois ragga ou reggae, très trap sur celui-ci, toujours kickeur, l’homme est autant un gosse des Sages Po que de G.O.O.D Music ou Shabba Ranks. Et sa musique s’en ressent.

C’est une constante: DI-MEH ne sait pas être ennuyant. Et cette musique en mouvement permanent, elle a un but. Ce qu’il veut ? Créer des mouvements de foules en concerts. Chaque fois qu’il s’énerve, que ses ad-libs deviennent sauvages, qu’une basse se calme puis repart, tout cela semble porté vers un sacrosaint lieu: la scène. Ce qui apparaît dès l’introduction, où sa voix se fait insolente pour scander « Sur la scène, fout un tel bordel ». Et qui nous mène à l’influence la plus reconnaissable sur l’album… Travis $cott. Soit probablement le rappeur américain le plus taré en live de la scène actuelle.

Attention, il n’est pas question ici de pompage mal camouflé, non. Clairement, Travis $cott l’a marqué et il l’assume musicalement. Qu’il s’agisse de la profondeur des ad-libs autotunés, des « Yah » ou des refrains. Dans JabbawockeeZ, Hype (le surpuissant featuring avec Veerus, autre rappeur universitaire qui s’apprête à jouer la draft), Ennemis (avec Népal, again) et Agité, notamment. Jusqu’à reprendre ces cris identifiables entre mille du rappeur de H-Town dès que possible. Cet album est hanté par la pesante puissance de l’Américain, mais DI-MEH ingère cette puissance pour la recracher au milieu d’une fumée si épaisse qu’elle ne donne pas l’impression d’en faire un copy-cat. Ce dense nuage, c’est sa personnalité musicale, son egotrip apaisant, ses influences vocales caribéennes, son amour de la  ride (mention spéciale à No Stress) en planche ou sur jantes chromées. Il arrive à isoler les aspects les plus marquants de l’auteur de Rodeo et à les greffer sur sa personnalité plus chill. Et si l’influence du protégé de Kanye West sur les rappeurs français de 2017 est évidente, peu atteignent le niveau de subtilité de l’Helvète.

Et si cet album est un souffle de fumée dense, c’est que les beatmakers s’y sont gaiement mélangés au tabac et au pollen. Aucune des prods ne semble négligée, on est très loin des albums de rookies sur type beats. Et pour cause, le rappeur signé chez Colors Records s’est bien entouré. À commencer par les trois beats entrainants de Nnnurah, tantôt groovy comme sur un Mauvais Oeil où Di-Meh se fait « suc*r dans le V.I.P comme B.I.G », tantôt orgueilleux avec un Jabbawockeez laissant la part belle à un sample qui sent bon le Texas. Déjà présent sur le projet précédent, voilà un autre jeune genevois qui risque de sacrément faire parler de lui à l’avenir. Tout comme Lex, autre quasi-inconnu déjà aperçu en compagnie de DI-MEH, présent sur un Todo qui roule à 300 kilomètres heure ou sur le sombre Benz en compagnie de SlimKa. Piste sur laquelle deux des têtes d’affiche de SuperWak viennent montrer à la France entière qu’ils ne sont pas venus là pour jouer les clowns de service. Ainsi que sur Agité, outro sous forme de cerise au plomb sur le gâteau de l’album. Et qu’on imagine facilement en guise de coup de feu final dans les futurs shows du bonhomme. Sans oublier les deux instrus offertes par Sear Cabe: Ennemis, où Népal s’incruste pour un kickage détendu en duo d’un beat des plus vitaminés, suivi d’un No Stress sentant fort le cuir vieilli d’une BMW Série 6 première génération longeant le lac de Genève. Sans oublier BEAR-A-THON derrière l’hypnotisant Size, BaxTer (Focus) et Platinumwave (Hype).

Quelle drôle d’impression que laisse donc ce premier album de Di-Meh. On en ressort comme on sort d’un concert qui nous a épuisé. Tant de puissance, mais une impression de sérénité et non de haine qui en ressort. De la colère toutefois, DI-MEH est là pour hocher la tête tous nerfs tendus dans les clips. Mais une malice tranquille habite sa voix. Peut-être toutefois lui reprochera-t-on de ne pas avoir balancé un ou deux morceaux de plus comme Focus ou Hit-A-Lick à l’approche de l’été. Ceci n’étant qu’un détail sur un premier album réussi. Qui a tout pour amener la caisses des bars de salles de concert à se remplir, et pour imbiber de transpiration les hoodies Palace de son public. Que ce soit le 13 Mai prochain avec SlimKa en première partie de Panama Bende à la Cigale, ou le 16 Juin au soir, quand ces deux-là et leur compère Makala viendront incendier la scène de la Maroquinerie dans le cadre de leur XTRM Tour. Avant, un mois plus tard, de venir étaler ses skills en solo devant le public du Dour Festival 2017.

Sa médiatisation outrancière, la starification de ses talents, la puissante industrie qu’il génère… La popularité du football peut bien s’expliquer par toutes sortes de développement capillotractés, la réalité est autrement plus simple, puisqu’elle réside dans l’accessibilité de sa pratique. Il suffit d’un ballon et… rien d’autre en fait, on se chargera de bricoler le reste.

Photos : @leonprost

Pour des millions de jeunes à travers le monde, le football est un jeu, un exutoire, un rêve. « Beaucoup d’appelés, très peu d’élus » : certes, mais tout le monde doit pouvoir s’imaginer un destin à la CR7 quand l’envie lui prend. D’où l’existence d’associations comme Melting Passes. Basée à Paris, elle aide les « mineurs étrangers isolés », dont l’inextricable situation administrative bloque l’inscription aux clubs « traditionnels », à s’adonner à leur passion. Une cause à laquelle Virgil Abloh est visiblement sensible.

Le fondateur du label Off-White est lui aussi un enfant de la balle, au-delà d’être un descendant d’immigrants ghanéens. Au début de l’année, il fait la rencontre fortuite de Maud Angliviel, cofondatrice de l’association, au détour d’un rendez-vous avec Anna Wintour. Le cousin de Kanye West se décide alors à apposer sa griffe sur les maillots ces jeunes footballeurs en situation précaire. Une collaboration qu’il perçoit comme un geste significatif dans le contexte actuel :

« Pour moi, il ne s’agissait pas d’Off-White ou d’imaginer de ce que devrait être le futur de l’ensemble de foot ; ce n’est pas comme si j’essayais de révolutionner le genre. Il était plus question de répondre à un besoin », confie t-il à Vogue.

À l’arrivée, ce sont des tenues très épurées qu’endosseront les joueurs de Melting Passes. Ces-derniers ont pu s’impliquer dans le processus créatif du designer, qui leur a notamment laissé le choix des couleurs : rose-orangé pour le maillot, bleu électrique pour le short. Les ensembles Nike ont ensuite été envoyés dans l’une de ses manufactures italiennes, où ils ont été tachetés à la bombe de peinture. Juste de quoi en faire autant de pièces uniques. Rien de plus normal pour une équipe pas tout à fait comme les autres.

L’afterwork mensuel de Kitsuné se prépare et la marque vous donne cette fois-ci rendez-vous aux Bains avec GravezJamz SupernovaA – S T R V Y T et un live de Che Lingo

 

Salle: Les Bains
Adresse: 7 rue du Bourg l’abbé, 75003 Paris
Timing: 19h-23h
RSVP: http://bit.ly/Afterwork11mai

 

Le rappeur Hyacinthe revient avec un visuel aux influences tirées de la scène Gabber, originaire des Pays Bas et plus précisément à Rotterdam dans les années 90.

Nous avons donc demandé à la réalisatrice Anna Cazenave-Cambet – jeune réalisatrice qui a reçu la « Queer Palm » pour son court métrage « Gabber Lover » au festival de Cannes en 2016 – de nous en dire un peu plus sur sa vision en plus, des quelques mots du rappeur Hyacinthe quant au choix du titre.

 

 

Anna-Cazenave-Cambet : « J’ai commencé par découper le texte sur mon carnet, à la main. Souligner les idées clés, voir ce qui faisait image. L’avantage avec la façon d’écrire de Marin, c’est que c’est déjà très visuel, symbolique. Et puis il y a cette phrase au cœur du morceau « j’ai le visage de mon père mais je prie pour que mon cœur soit pas le même ». Ça a beaucoup résonné, j’ai eu le sentiment que c’était important, que ça faisait un lien entre ses morceaux passés et ceux à venir. Et ça se mêlait bien avec l’idée de violence du Gabber, d’où sans doute la bagarre. Amocher ce visage là. Et puis on voulait parler de la jeunesse, de la puissance et de la fragilité de cet état.

L’idée de ramener Jok’Air, les pirouettes, LOAS, Krampf et les gars de Casual Gabberz est venue de là je crois, constituer une famille, avec des gens qui ne se ressemblent pas a priori mais qui constituent un groupe fort, riche de sa diversité ».

 


« J’aime la beauté de la violence, quand c’est brut et direct. Pas forcément quand c’est esthétisé » – Hyacinthe


 

 

Hyacinthe : « « Sur ma vie » est le premier morceau que j’ai écrit après ma dernière mixtape. Du coup le texte est sorti d’un coup, il n’y a pas vraiment de thème, c’est juste ce que je ressentais sur le moment où je l’ai écrit. J’aime la violence du Gabber qu’on a mis dedans. Pour moi c’est ça que veut dire la phrase «musique belle et vulgaire» que je dis au début. J’aime la beauté de la violence, quand c’est brut et direct. Pas forcément quand c’est esthétisé. On a besoin de ça  parfois, parce que la vie est brutale comme disait Kery. C’est pas très « électro posé » la vie en vrai. »

 

 

Pour voir le clip, c’est ici :

 

 

Habitué à fournir un projet par an, Logic lâchait vendredi dernier « Everybody ». Un troisième album généreux et militant, universel et contestataire. Fortement inspiré du Wu Tang Clan, l’artiste prolonge un activisme musical nécessaire, poursuit un combat porté avec courage par Public Enemy, N.W.A ou Rage Against The Machine. Logic se livre et prend appui sur son expérience de jeune métis grandissant aux États-Unis. Il apparaît alors – comme ses ainés – concerné, déterminé, à impacter et révolutionner son époque.

Une philanthropie engagée

Premier constat : Logic est aimant de tous. Il aime ses semblables, sans compter, sans retenue, sans se soucier de leur couleur, origine, religion, orientation sexuelle ou autre différence. De cet amour inconsidéré, il tire sa force militante. L’envie de s’engager, de combattre pour rendre le monde, dans lequel nous vivons, meilleur. Plus agréable. Psychological est un philanthrope assumé, bienveillant et l’arbore dès le titre de son opus, Everybody, – comprenez « tout le monde ». Néanmoins, pour parvenir à cette société tolérante et égalitaire, à cette société si hardiment voulue et attendue par le rappeur du Maryland, il faut purger celle actuellement en place de ses maux, de ses défaillances. La conjurer de ses vieux démons qui refont régulièrement surface. Par conséquent, Logic pointe avec justesse du doigt ses dérives à réduire, voire à éliminer. Notamment dans l’âpre Killing Sprue : il remet en cause le fonctionnement de la société de consommation, du paraître, qui asservit les individus. Les codifie, jusqu’à les transformer en clones crédules et insensibles. Le refrain « Ass, titties, pussy, money, weed / Everywhere I look a killing spree / All the things they wanted me to be / Is all the things that I turned out to be » / « C**, seins, chat***, argent, weed / Je ne vois que l’harcèlement / Toutes les choses qu’ils veulent que je sois / Ce sont toutes celles que j’ai évitées d’être » résonne comme un signal d’alarme. Urgent.

Cet engagement honorable, cette volonté de revenir sur les règles et normes pré-établies, de soutenir – ou révoquer – une idéologie humaniste, s’explique par son vécu. D’un père noir et d’une mère blanche, Logic est métis, cependant, sa peau est très claire, presque blanche, et sa revendication d’être un afro-américain a longtemps gêné, encore aujourd’hui. Que ce soit chez la communauté blanche ou la communauté noire. Il est passé par ce stade d’incertitude, de déséquilibre. Sans repère, il a dû redoubler d’effort pour trouver sa place. Prouver doublement afin d’être accepté comme il est. Une situation injuste traitée dans les tracks Everybody, Take It Back, Mos Definitely et AfricAryan. Une situation difficile à vivre qui s’ajoute à la pression quotidienne d’une société américaine raciste, toujours ségrégationniste. « Black man screaming, trying to convince me I’m not black / So why the white man wanna lynch me ? » / « L’homme noir crie, essayant de me convaincre que je ne suis pas noir / Alors pourquoi l’homme blanc veut me lyncher ? ».

Incessamment dos au mur, Logic en souffre et l’évoque lors de l’introspectif Anziety. Pourtant, l’artiste ne se décourage pas, gagne même en combativité. Assimilable aux discours de Joey Bada$$ et Kendrick Lamar, il se rapproche davantage de ce dernier en plaçant la religion au coeur de sa réflexion.

La religion comme arme militante

À l’image des figures emblématiques Martin Luther King et Malcolm X, Logic s’appuie sur sa croyance dans l’optique de défendre sa vision de l’être humain et de son existence. La religion
plus spécifiquement le christianisme – par ses valeurs et son idéal prédominant, renforce les propos du rappeur. Tel un porte-parole. La dimension religieuse élève ses lyrics, les sacralisant, quelque peu. Une sacralisation introduite par le spirituel Hallelujah. Psychological nous prépare pour la suite « Open your mind, open your mind, open your mind » / « Ouvre ton esprit, ouvre ton esprit, ouvre ton esprit ». À l’issue de ce morceau, la conversation parallèle – qui survole l’album – entre Adam, renommé Atom, et Dieu, débute. Atom est incarné par un jeune afro-américain, alter-ego fictif de Logic, qui meurt lors d’un accident de la route et rencontre, de ce fait, Dieu.

L’interlude Waiting Room est la suite de cet échange imaginaire et surnaturel, se concluant avec l’ultime track AfricAryan. Sorte de catharsis, le rappeur use de cette subtile discussion comme d’une retranscription de ce que lui, dirait à son créateur. Elle lui permet également de communiquer, avec originalité et spiritualité, son opinion sur le sens de la vie et le but de notre présence sur Terre. La religion – chrétienne en l’occurrence, mais envisageable pour toute autre croyance – offre un argument de taille. De la pochette aux dernières paroles de l’opus, Logic s’emploie à lier les références religieuses. Emplies de sens. Évidentes et applicables au réel.
« Hey mothafucka I’m real as shit / Everything I’m talkin bout real as, real as shit » / « Eh fils de p*** je suis put**** de réel / Tout ce que je dis est réel, put**** de réel ».
Malgré sa foi, il ne se soumet pas au précepte de tendre l’autre joue et se laisser battre. Non, l’enfant du Maryland a trop souffert pour ne pas se rebeller, ne pas se battre pour ce qui lui revient de droit. « Black people: to just fight, fight for ya right fight, for ya life » / « Afro-américains : juste, battez-vous, battez-vous pour vos droits, pour votre vie » clame-t-il dans Mos Definitely. De même pour America : « Fight the power, fight the power / Fight for the right to get up and say fuck white power » / « Combat le pouvoir, combat le pouvoir / Combat pour le droit de pouvoir te lever et dire “j’emm*****“ le pouvoir blanc. ». Logic ne révèle pas seulement les problématiques de notre civilisation, il indique aussi le chemin à prendre pour les résoudre.

Alors qu’à la première écoute nous pourrions penser à un énième projet alarmiste, Everybody est bien plus. Psychological puise dans l’optimisme et le peu d’humanisme qu’il reste sur Terre afin de rappeler, qu’espoir, il reste. À travers une approche personnelle et humaine, Logic se bat – avec ses armes, de toutes ses forces – pour un futur meilleur. Un futur commun.

Pour leur retour, YARD est allé sur le tournage du clip « Rolala » des XV.
Entre parties de billard et playbacks, les membres du groupe du 17ème nous expliquent le choix du morceau et les couleurs de leur album annonçant leur retour.

« Rolala » : https://www.youtube.com/watch?v=ufXjLaLWhFQ

Nike veut transformer tout ce qu’il touche en or, ou plutôt en coloris “Metallic Gold”. Après la Air Max 97 qui a eu le droit à sa version or, c’est maintenant au tour de la Air Max 95 et de la Air Max Zero de recevoir la “Midas touch”. Vous pourrez choper les deux paires version “Metallic Gold” dès le 18 mai sur le site de la marque au swoosh.

La célèbre marque de vêtements et cuirs Schott vient de mettre en vente sa nouvelle collection printemps été 2017. Dans celle-ci, on retrouve des blousons de différentes couleurs et villes des États-Unis comme New-York, Chicago ou encore Cleveland. Pour que vous puissiez vraiment voir ce que ça donne, le photographe Sam Sarabandi s’installe à l’AccorHotels Arena et nous montre comment porter le bomber Schott de la meilleure façon.

Photographe : Sam Sarabandi
Modèles : Sacha Massimbo & Genevieve Howard-Troll

C’est au coeur de cette marche du premier mai que Pablo Attal a choisi de shooter la dernière Air Jordan 1 Retro High OG Metallic Red. Après la version 2009 du pack “Do the Right Thing”, la Jordan Brand fait à nouveau le bon choix avec cette réédition, plus fidèle au modèle d’origine sorti en 1986.
Disponible dès le 6 mai dans la boutique Jordan Bastille, la Air Jordan 1 Retro ne perd rien de son charisme.

Photographe : Pablo Attal

Le peuple français est à nouveau dans le creux d’un entre deux tours problématique : d’un côté Marine « Soron » Le Pen et de l’autre Emmanuel « BNP » Macron. Ce dernier est évidemment le moindre mal. Nous avons rencontré la rappeuse Casey au détour d’un concert et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a une opinion tranchée et éclairante sur le slogan de façade du vivre ensemble. Sa lucidité est froide mais salutaire, loin des xénophobes en rut et de la gauche bisounours.

Pour cette fin de semaine, YARD choisit de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

Age : 23 ans

Ville : Londres (Sud Est)

Instagram : @Rayblk

Twitter : @RayBLK_

 

Présentation

Je m’appelle Ray Blk, le Ray vient de mon nom de famille et BLK (prononcer black) est l’acronyme de Building (Construire), Living (Vivre), Knowing (Savoir) – J’essaye d’encourager les gens à construire et à se défoncer à la tâche afin de créer l’avenir et la carrière qu’ils souhaient avoir, tout particulièrement lorsqu’ils sont jeunes. Je veux également rappeler aux gens qu’il faut profiter de la vie pleinement ! Nous n’en avons qu’une, autant en profiter. Prenons des risques et tirons-en le meilleur. Enfin, le savoir est primordial car je pense que l’éducation est très importante, nous devrions tenter d’apprendre à travers nos vies, qu’on ait 10 ans ou 100.

Depuis l’enfance, la musique m’a toujours fasciné. J’intégrais chaque chorale : celle de l’école, celle de l’église ou encore celle du quartier. J’ai alors commencé à écouter les CD de Mariah Carey et ceux de Whitney Houston qui appartenaient à ma mère, j’essayais de les imiter et cela m’a inspiré à écrire mes propres chansons dès l’age de 9 ans. Ce n’est que vers mes 18 ans que j’ai décidé de mettre mes chasons en ligne. Les gens ont commencé à les entendre et ça s’est répendu et me voici aujourd’hui…Je fais du R&B mais les racines de ma musique remontent à la Soul et au Hip Hop car c’est ce qui m’a le plus inspiré lorsque j’ai grandi. Mes textes sont vraiment basés sur toutes ces choses qu’on a vécu : l’amour, la perte d’un être cher, le courage, la peur…mais avant toutes choses, la musique que j’écris parle de la force qu’on a.

 

 

J’ai écris « My Hood » après que ma maison ait été cambriolé par des voisins vivant à l’étage inférieur. Cet incident m’a fait détesté le quartier sensible dans lequel j’ai grandi, pourtant, la chanson parle de l’amour mais aussi de la haine que j’éprouve pour le sud de Londres.L’année dernière je travaillais sur mon premier vrai projet, mon mini album « Durt » et toutes ces expériences m’ont mené là où j’en suis aujourd’hui. Et à pareil moment l’année prochaine, j’espère avoir sorti mon premier album. J’espère préparer la tournée qui va avec ou être déjà en tournée d’ailleurs. Accomplir tout cela serait tellement gratifiant.

 

 

Free Your Funk et Live Nation France présentent le concert de :

On vient tout juste de quitter Thundercat lors de son concert le 30 Mars dernier au Trabendo qu’il annonce déjà son retour : il faut dire que son concert, complet un bon mois avant le jour J, aura rallié tous les suffrages – près de deux heures d’un live ayant balayé une bonne partie de sa déjà consistante discographie alors que son nouvel album « Drunk » venait tout juste de sortir.

Héritier d’une tradition familiale ayant vu son père frayer avec Gary Bartz ou Gladys Knight ou son frère recevoir un Grammy en tant que batteur, Thundercat a vu ses multiples talents, à la fois bassiste, songwriter et interprète reconnus par un nombre toujours plus grands d’artistes prestigieux : des collaborations qui n’ont eu de cesse de se multiplier de Flying Lotus évidemment à Erykah Badu ou plus récemment, sur « Drunk » justement les participations de Kendrick Lamar, Michael McDonald ou Pharell pour n’en citer que quelques-uns.

Une patte unique qu’on retrouve sur les trois albums solo que Thundercat a sortis sur le label de son comparse Flying Lotus, Brainfeeder : en 2011 ‘The Golden Age of Apocalypse’ en 2013, ‘Apocalypse’ et donc en 2017 « Drunk » aux frontières de la soul, de la beat scene, de la pop et de l’electronica, un rythme d’un nouvel album tous les 2 ans entrecoupé par le ep « The beyond, where the giants roam » en 2015 qui confirme le talent du personnage.

Il sera donc de retour sur la scène de l’Elysée Montmartre Mardi 21 Novembre.

 

EVENT FACEBOOK | BILLETERIE 

Tente de remporter deux places en remplissant le questionnaire suivant.

 

 

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C’est à la veille de leur premier concert à l’Olympia que nous les avons rencontré. Tous juste débarqué de Poitier, ils n’ont pas encore vu leur nom illuminer la devanture de la mythique salle parisienne. En 2013, ils étudiaient encore la médecine et passaient le temps en composant quelques morceaux sur leur ordi. « La musique électronique c’est venu par souci de praticité, c’était beaucoup plus simple avec l’ordinateur. » nous explique Camille, « On avait plus envie de composer que de jouer vraiment. Du coup, on s’est retrouvé autour de ça, à chercher ensemble comment ça marche, comment faire, ce qui marchait bien ensemble. »

Photos : @samirlebabtou

 

 

« De fil en aiguille, on a eu quelques démos, quelques trucs qu’on faisait écouter aux potes. » se souvient Simon. « C’était un truc qu’on écoutait entre nous en soirée. Et puis le premier morceau qu’on a sorti, c’était « Photomaton » […] C’est eux qui nous ont poussé à le sortir et nous on était curieux aussi d’avoir des retours. » Et les retours furent bons. On retrouve le titre en rotation radio, mis en avant sur les sites de streaming, intégré dans une pub de voiture. Un tremplin qui pousse les trois garçons à faire une « petite » pause dans leurs études : « On sentait que ça aurait été dommage d’avoir un début d’histoire et de ne pas pouvoir la raconter. » poursuit Simon. Malgré la surprise, ils réussissent à enchaîner en 2014 avec la sortie du projet « Lunar Lane » qui brille par sa cohérence et par une identité musicale très vite affirmée. Une dernière remarque que Manu ne s’explique pas « Naturellement on a fait ce genre de musique ensemble et apparement il y a une patte qui s’est faite. » Un univers onirique, sombre et mélancolique, renforcé par une suite de visuels surréalistes et plein de doubles sens. « On a créé l’univers du groupe par rapport à son nom aussi : Jabberwocky. C’est ce qu’on voulait exploiter, cette univers un peu onirique, fantastique, qu’on voulait retrouver dans les chansons mais aussi dans l’image, les clips, les pochettes. » conclut Camille.

 

 

Dans leur univers onirique, le groupe prend aujourd’hui une nouvelle direction, dont il donnait déjà la piste lors de leurs premiers concerts. Sur ce terrain de jeu, ils réinventent leurs titres et leur confèrent une nature festive. Loin de l’expérience solitaire de l’écoute d’un album, la rencontre avec le public devient pour eux l’occasion de « rendre cette mélancolie dansante ». « On trouve ça cool d’avoir une écoute différente en live » nous explique Simon, « L’ouverture est du coup un peu plus club, un peu plus fête. Mais il y a quand même un truc dans les thèmes qui sont abordés – c’est souvent, soit la séduction, l’amour etc. – qui n’est jamais vraiment premier degré, des trucs à chercher entre les lignes et parfois des choses un peu bizarre. Sur le prochain album, on parle d’histoire d’amour avec une extra-terrestre ou avec un fantôme… » Cette double-lecture, on la retrouve aussi dans l’image, notamment dans la vidéo du titre « Fog« . « C’est toujours des choses qui en imagent d’autres, poursuit Simon, mais je pense qu’on gardera cette idée-là, comme le disait Camille, cet univers de Lewis Caroll ou plutôt d’Alice au Pays des Merveilles, ce truc un peu fou, toujours dans l’absurde, où tout évoque autre chose. C’est un truc qui nous plaît bien en fait. » De Lunar Lane et son univers onirique, on passera donc à un album qu’il décrive comme « solaire », « spatial » et « sensuel », avec, entre les deux l’EP « Make » qui fait office de transition. « C’est ce qu’on voulait faire, c’est ce qu’on voulait explorer. On a voulu évoluer, faire quelque chose qui nous ressemblait plus à ce moment-là. » résume Manu.

 

 

Au fil de ces projets, le trio enchaîne toujours plus de collaborations, qu’ils glanent au fil de leurs découvertes ou via leur label, mais toujours « au feeling » comme le dit Simon, « surtout qu’on aime bien participer à l’écriture du texte et de la mélodie et en général – pas tout le temps – on a déjà une idée de ce qu’on veut. Du coup on échange vachement là-dessus. »

L’entretien se clôt alors sur la liste de leur collaboration rêvées. Dans la liste, une voix mystère signée sur leur label Pain Surprise qu’il tente d’avoir à chacune de leur compo, mais dont il ne nous dévoileront pas le nom. Mais dans les trucs fous, Rihanna, The Weeknd, Jamiroquai… « énormément de trucs fous, mais du coup quand on a des compos, on essaie de changer et d’aller voir d’autres univers » fini Simon.

En attendant la suite, le groupe enchaîne une tournée dans l’hexagone cet été. L’occasion de découvrir quelques titres et d’avoir un premier avant-goût de la suite.

 

Le musicien britannique Paul Dixon plus connu sous le nom de Fyfe, revient quelques semaines après  « Love You More » avec le titre/clip « Belong ». Le compte à rebours semble bel et bien s’accélérer avant la sortie de son second album « The Space Between » prévu pour le 9 juin prochain.

 

 

Vous pouvez d’ores et déjà pré-commander l’album : ICI

Assister à son concert le mois prochain au Badaboum (Paris) : ICI

 

C’est une studette d’une dizaine de mètres carrés, coincée au fond de la cour pavée d’un vieil immeuble. On l’appelle « le studio secret ». Le QG. Une kitchenette, des toilettes et puis une cabine-régie, un peu surélevée. La pièce maîtresse. Une collec’ de bouteilles Arizona et une guirlande lumineuse rose se posent là, en décoration. Il n’y a qu’une seule fenêtre, tapissée d’un film opaque, qu’on ouvre seulement pour évacuer les vapeurs de beuh. Les notes aériennes du dernier EP de Triplego, 2020, habillent le silence. Je leur parle de ce type croisé dans le métro, une guitare calée sous le bras et une jolie voix poussée sous les regards fuyants. Trois balles que je lui ai glissés, dans sa boîte en carton qui sonnait bien creux. Trois balles. Le prix de six McNuggets, d’un paquet de PQ ou d’un string H&M. C’est ce qu’il vaut, trois balles ? Au fond, la musique est inmonétisable.

 

 

Il y a ceux qui cherchent à la marqueter, la monnayer, la rentabiliser par-dessus tout, la musique. Et puis ceux qui croient qu’il « vaut mieux faire un disque de qualité pour 5000 personnes que vendre ses fesses pour 100 000 ». Comme Darryl Zeuja. Les rires rebondissent contre les murs étroits de la piaule, les discussions s’agitent, les voix s’entremêlent. On saisit tout de suite ; Jihelcee records, c’est un label humain. Le mot sera seriné, rebattu comme un cri de ralliement au fil de l’entretien. « On passe finalement plus de temps à discuter qu’à vraiment faire de la musique. » Il y a là Darryl, le bâtisseur, Juxebox, son associé, et Triplego, la pépite. L’écurie abrite aussi Vaati (la moitié du duo Nusky & Vaati), ISMA (qui forme le groupe Nakatomi Plaza avec Juxebox) et Ugly & Durty (FreakyBagel & Renardinho). Des bidouilleurs de sons et deux rappeurs, réunis au gré des rencontres. C’est en 2010 que celui qui porte alors le blaze d’Areno Jaz décide de monter sa propre structure, pour lui d’abord, et son premier projet solo, pour les autres ensuite. Il convainc Juxebox, rassemble les sous glanés grâce au succès d’1.9.9.5. puis contracte un emprunt pour investir dans le studio. « Je veux faire de la musique comme une sorte d’artisan, le plus indépendamment possible. » C’est pas son truc, à Zeuja, les « gameries de l’industrie musicale », les rendez-vous hebdomadaires, les échéances, le formatage, le carcan, le joug, le système quoi. Lui, veut construire une « institution anti-institutionnelle ». « Dans le label, chacun est libre de faire ce qu’il veut », explique Juxebox, « C’est plus une association de personnes qui se rendent service entre elles qu’une entreprise avec un capital à faire tourner. On partage, on échange des idées. Et il n’y a pas de hiérarchie dans nos discussions. Enfin, le mec qui se situe le plus haut, c’est celui dont le projet est concerné ». L’artiste au-dessus de tout. Libre, souverain. Jihelcee records, c’est un label humain.

 

 

C’est qu’elle a la côte l’indépendance, des gros bonnets en mal d’émancipation aux rookies qui n’attendent plus leur tour et fabriquent leur destin plutôt que de le rêver. « T’as tous les outils en main pour faire de l’indépendant aujourd’hui, tu peux composer toi-même ta musique, la distribuer, faire presser tes CD, t’as YouTube, iTunes, Spotify … plus rien n’est exclusif », commente Momo Spazz, le beatmaker de Triplego. Génération débrouille. A l’ère du numérique, la musique se dématérialise et les réseaux sociaux affranchissent des médias traditionnels. Des frontières aussi. Tout devient direct, désintermédié, accessible, viral. Il y a aussi « un côté noble dans le fait de tout faire soi-même », souligne Zeuja. On aime ça le labeur, ça sonne pur, intègre, méritant. Et si le hip-hop indé se contentait surtout d’une gloriette d’estime il y a quelques années, il s’est aujourd’hui refait une popularité. Façon Jul et PNL. Les deux plus gros vendeurs de rap français ont opté pour une production maison, relayée par des clips DIY à millions de vues et distribuée par Musicast, nouvel incontournable de la scène indépendante. Comme TuneCore, son équivalent américain, ou Believe Digital, son propriétaire. Dans le même souffle, une flopée de nouvelles sociétés de services (I See Colors …) et de plateformes de téléchargement (Bandcamp …) ou de streaming (Soundcloud …) se déploie pour permettre aux artistes de contourner les circuits classiques de l’industrie musicale. En supprimant les intermédiaires bouffe-tout, le gain financier est palpable. L’été dernier, Frank Ocean livrait son album Blond(e) en toute indépendance, au nez et à la barbe de Def Jam/Universal. Selon Forbes, il aurait alors empoché le double de ce qu’il aurait perçu sous contrat avec sa major. Un album vendu 9,99 dollars rapporterait entre 5 et 7,50 dollars en indépendant, contre 1,50 à 2 dollars avec un label.

 

 

Au vrai, deux types d’indépendants cohabitent dans le métier. Les premiers, les « pas tout à fait », se trouvent rattachés à une maison de disques par un contrat, généralement de distribution ou de licence (fabrication, promotion et distribution des disques). Ceux-là ne lui plaisent pas tellement, à Zeuja : « Ils nous volent le mot « indé » ». Les seconds s’auto-produisent, s’auto-commercialisent, s’auto-distribuent et s’auto-promeuvent. Les plus puristes s’appellent Nipsey Hussle ou Dom Kennedy aux Etats-Unis, Alpha 5.20 en France. C’est le credo de Jihelcee : « On est financièrement, artistiquement et idéologiquement indépendants ». Darryl ne se revendique pas anti-système « pour la fame ». Son truc à lui, c’est recouvrer, redorer et développer la culture qu’on nous a trop longtemps pillée. « Dans le rap, avant OKLM, on n’avait rien qui nous appartenait. C’était toujours des gens de l’extérieur qui ne connaissaient pas et parlaient mal de notre culture. Jihelcee c’est ça, quelque chose qui appartient au peuple ». Un genre de mission altruiste, un appel à la révolution culturelle. Reprendre le pouvoir et les rênes de ce qui nous revient. Jihelcee records, c’est un label humain.

 

 

Darryl Zeuja parle de bons disques comme de bons légumes, de musique comme de cuisine. « On ne vend pas de la merde aux gens ». En fait, Jihelcee fait du bio. La petite SAS rejette la production intensive, privilégie le bien-être, prône l’authenticité, manufacture des produits de qualité (les projets musicaux comme les produits dérivés, made in UE) et garantit la transparence de ses revenus. Quid des majors ? Darryl n’est pas de ceux qui s’arrogent l’exclusivité de la qualité. « Il y a même sûrement plus de trucs bien faits avec l’industrie qu’en indé, parce qu’il y a plus d’argent. » Là où les majors comptent des centaines d’employés et des dizaines de départements, Zeuja gère de front les artistes, l’administratif, le site internet, le merchandising, répond aux mails, contacte les médias. Son affaire dévore son énergie, presqu’au détriment de ses projets persos. Il y a aussi les dépenses lourdes et les investissements à perte. Pas si facile, de créer son label. « Pour l’instant l’argent part plus qu’il ne rentre. » Loin du fantasme des millions de disques, des grosses liasses et des tournées à guichets fermés.

Vous arrivez à en vivre, de la musique ?
– Juxebox tranche illico — On en survit.

 

« C’est un long développement, surtout qu’on travaille avec des artistes qui ne sont pas encore installés, mais je pense qu’on est en bonne voie», reprend Zeuja. « Et puis, à notre échelle, vu qu’on représente et qu’on s’adresse à un petit cercle de personnes, c’est plus rentable d’être en indé. » Des fonds, les majors n’en manquent pas. C’est là leur plus grand atout. Une sécurité financière, des ressources et des moyens décuplés. Puis le cadre, la prise en mains. En contrepartie, les artistes, surtout novices, cèdent de leur liberté créative, courbent l’échine. Prestataires de services tenus par des engagements signés. Triplego aurait pu en profiter, du confort des maisons de disques, c’est pas faute d’avoir été sollicité. Mais le tandem se plait ici. Bat les couilles de ça. Jihelcee records, c’est un label humain. On y parle pas plan marketing ou stratégie de communication. Mots barbares. « On a assez d’ego pour vouloir être connus pour la musique qu’on fait », souffle Darryl. Sanguee et Momo Spazz s’agacent à peine d’être présentés comme les héritiers de PNL, alors que leurs productions enfumées planent depuis 2010. « Pas de pression, c’est de la musique ». Les talents de Jihelcee avancent doucement, à leur propre rythme, sans compte à rendre. A commencer par Zeuja, dont le dernier projet remonte à 2014 : « Je suis rentré dans une nouvelle phase d’écriture, où je m’applique beaucoup plus qu’avant. Ca prend beaucoup de temps. J’aimerais pouvoir faire autrement mais je ne veux pas négliger la qualité ». C’est pas le genre de la maison la politique du chiffre, la loi du biff. « Avoir du succès si t’es pas talentueux, à quoi ça sert ? » Jihelcee records, c’est un label humain.

 

Triplego et Juxebox ont choisi de diffuser leurs opus gratis en ligne. Une manière de s’assurer plus de visibilité et d’écoute auprès d’une audience habituée au tout-gratuit, pas tellement encline à débourser pour des artistes qu’elle ne connait pas. De toute façon, Juxebox ne croit plus au payant. « Il faut savoir qu’un disque, à la base, c’est un concept créé par l’industrie pour vendre des formats plus longs et plus chers. » Puis les projets fuitent toujours sur internet, 24h avant leur sortie officielle. La faute à trop d’intermédiaires. « Moins tu as d’intermédiaires, moins tu as de fuites et plus tu as de contrôle.» Savoir entre quelles mains passe sa musique. Tout chapeauter, maîtriser, de la conception à la promotion. Ne jamais perdre possession de sa création. Même si ça implique de « suer du cul ». Le prix de la liberté.

 

 

Je repense à ce type croisé dans le métro, une guitare calée sous le bras et une jolie voix poussée sous les regards fuyants. Je cogite sur ces talents enfouis dans les rues, les chambres, les cages d’escalier, les garages, les cafés-concerts, les scènes ouvertes ou les studios de fortune. Et puis je remâche les mots de Darryl, qui disent un peu d’espoir : « J’avais rien avant, pas de studio, pas de crew, pas de rap, pas de rimes. Je voulais juste faire ce que je fais maintenant. Je pars du principe où tout ce que tu veux, tu peux le faire ».

Rocky c’est le genre de groupe qu’on est content de croiser de façon totalement inopinée pour une découverte coup de poing. Le nom ne vous dit sans doute pas grand chose pour le moment, pourtant les quatre membres que composent le groupe sont signés chez GUM, label parisien où la qualité est une condition sine qua non. Suite à un imbroglio nous n’interviewerons qu’Inès, la chanteuse solaire du groupe, tandis que les garçons pas rancuniers pour un sou nous rassureront. C’est ainsi que se dessine un échange de jabs avec la délicieuse artiste pendant presque 12 rounds.

 

Photos : Boox$ Films

 

Lorsqu’on s’est rencontré, on a commencé à se chercher un nom. Laurent – qui est plus à la basse, guitare et clavier au sein du groupe – a eu l’idée de « Rocky ». Au début, on était tous un peu choqué, à tel point qu’on se demandait s’il était sérieux. En fait pour lui, Rocky c’était l’idée de prendre un nom hyper identifié, associé à la pop culture et qui renvoie tout de suite à des choses très précises et pourtant si différentes en fonction des gens et de détourner ce sens là. C’est parti sur Rocky mais ça aurait pu être Prince, Madonna ou encore Mickael Jackson. Laurent voulait juste un nom déjà existant, ça en est devenu un challenge car il a fallu se le réapproprier et le faire exister autrement.
Si c’était à refaire, peut-être que nous n’aurions pas choisi ce nom là car le référencement sur internet est très compliqué (rires) !

On aime dire qu’on fait de la pop électronique mais en réalité c’est plus compliqué que ça. Électronique parce qu’effectivement dans les instrumentaux il y a beaucoup de vieux synthés, il y a beaucoup de prog, du MAO, même si on retrouve beaucoup d’instruments analogiques. Et pop parce que dans l’écriture et la structure des morceaux ça reste quand même des chansons très classiques. Dans la progression des titres ça donne : couplet 1, refrain, couplet 2, break, refrain et ainsi de suite.
Pour nous, il était important que ce soit électro mais qu’on puisse chanter dessus grâce aux refrains et que danser dessus soit également possible.

Rocky s’est formé en 2011 et les garçons avaient précédemment eu un groupe beaucoup plus orienté pop/rock pendant dix ans durant les années 90. Quand ils se sont séparés de leur chanteur, aucun d’entre les trois n’a voulu chanter. Pourtant ils voulaient continuer la musique et jouer ensemble, finalement c’est un pote en commun qui nous a présenté et c’est là qu’est né Rocky. Moi je suis de Paris à la base, plus précisément d’Asnières et lorsque j’ai décroché le BAC je suis allé en prépa à Lille. C’est là bas que nous nous sommes rencontrés.
Un après midi je débarque dans leur cave et je crois que j’en repars avec une instru. À l’époque j’étais en internat en prépa littéraire Économie et Sciences sociales, Khâgne Hypokhâgne.

 

 


« Moi je viens plus du R&B, c’est toute ma jeunesse, les garçons aussi en ont écouté mais pas autant que moi. Ensuite il y a les choses qu’on découvre ensemble, ou d’autres qu’ils me font découvrir »


 

J’ai l’impression qu’il y a de plus de en plus de trucs cools qui se produisent à Lille, notamment au niveau musical. Après, pour connaitre la scène remoise à travers Guillaume et Benjamin de The Shoes, j’ai l’impression qu’on ne s’est pas encore tous connectés. Chacun fait ses trucs dans son petit coin, ça se check un peu mais il n’y a pas de réelle conscience qu’il faille bouger ensemble. Mais ça pourrait venir, sur un malentendu…on se connait, on se croise…

Comment avoir une cohésion sonore les membres du groupe ont des influences diverses ? C’est compliqué…enfin oui et non. Parce que tu multiplies les influences par le nombre de membres que compose le groupe. Mais en même temps on a des influences communes, on aime tous les mêmes choses ; par contre on ne les écoute pas au même dosage. Par exemple, moi je viens plus du R&B, c’est toute ma jeunesse, les garçons aussi en ont écouté mais pas autant que moi. Ensuite il y a les choses qu’on découvre ensemble, ou d’autres qu’ils me font découvrir.
Quand on a écrit l’album on a fait le constat qu’on aimait plein de trucs, trop de trucs. Qu’en multipliant les sonorités on risquait de perdre les gens et finalement on s’est raccroché à l’ambiance pop, qui prend son sens par la mélodie et la voix. On s’est aussi dit que ce qui ferait le lien parmi toutes les chansons, ça serait la voix.

 

Venant d’un background plus urbain que les garçons, à quel moment as-tu eu une épiphanie concernant la pop ?

Mmm…(un membre du groupe intervient, ndlr) :

– La pop ce n’est pas un style, les français en ont fait un style mais pour les anglo saxons c’est ce que nous on considèrerait être de la variété en fait. C’est la musique populaire. Michael Jackson c’est pop, les Destiny’s Child le sont aussi finalement…Si tu considères que les Beatles sont pop dans ce cas là, beaucoup de choses le sont.

Destiny’s Child ça restera toujours du R&B pour moi ahah. Michael Jackson par contre, oui c’est le roi de la Pop donc… Moi je trouve que c’est une grosse étiquette dans laquelle beaucoup de gens se retrouvent et pas mal de pépites y sont découvertes. Christine & the Queens par exemple, je ne sais pas dans quelle catégorie la classer. Je suis fan de ce qu’elle fait, donc si ce que Christine fait est pop, vive la pop (rires) !
Aujourd’hui The Weeknd c’est quoi ? C’est de la pop. Tous les trucs mainstream qu’il fait actuellement pour moi ça vaut du Katy Perry. Je parle bien du The Weeknd d’aujourd’hui. On pourrait en discuter des heures…

Pour en revenir à notre album, je pense que la couleur musicale, on la doit déjà aux garçons vu que moi je ne compose pas. Si tu enlèves l’instruction mais que tu ne gardes que ma voix, je rentre dans toutes les catégories. Je pense que ce qui nous ancre dans la pop ce sont nos sonorités mais aussi les arrangements et la composition des morceaux.

 

 


« Je suis à Paris et les garçons sont à Lille, donc en général ils m’envoient une instru et de là je me mets à chercher une mélodie en laissant tourner le dictaphone de mon iPhone »


 

Le titre de l’album ? Il y a plusieurs écoles au sein de Rocky (rires) ! Moi quand je me suis dit qu’il fallait qu’on appelle cet album « Soft Machines », c’était parce que je trouvais que le côté doux, rond du mot « soft » résumait bien la partie mélodique, pop et chanson des morceaux. Tandis que « Machines » représentait le côté instrumental. Les garçons eux, composent souvent à partir de leurs claviers ; des claviers qui vivent, bougent et réagissent à plein de choses. Pour eux c’était le côté sensible de leurs machines.
Je sais que quand on a écrit l’album, nous nous sommes posés pas mal de questions sur la modernité des morceaux, sur leurs aspects un peu trop gentil… Et la vérité, c’est qu’on est des gentils, on est soft et ce n’est pas une tare. Quand on met bout à bout toutes ces idées, ça donne ça : « Soft Machines ».

Quand nous sommes parti mixer l’album à Los Angeles, nous avons choisi un ingénieur du son qu’on adorait et qui a longtemps bossé chez DFA Records (il en est d’ailleurs le co-fondateur du label) dans lequel sont LCD Soundsystem : James Murphy.
Lorsque l’album est passé entre ses mains…je crois d’ailleurs que c’est lui qui a beaucoup donné cette chaleur, cette place et pour le coup, pour le traitement des voix on lui doit vraiment beaucoup.

Je suis à Paris et les garçons sont à Lille, donc en général ils m’envoient une instru et de là je me mets à chercher une mélodie en laissant tourner le dictaphone de mon iPhone. Ou alors j’ai déjà plein des bribes de mélodie que j’essaie de caler sur ce qu’ils m’envoient. Parfois ça match, parfois non…
Pour la partie instrumentale qui précède souvent la partie mélodie chez nous, c’est souvent un des garçons qui bosse le truc un peu dans son coin. Ensuite il l’emmène aux autres en leur demandant s’ils ont d’autres idées pour faire évoluer le titre. Arrive alors la période de ping pong où on se renvoie l’ébauche du morceau en rajoutant des choses jusqu’à obtenir quelque chose.

 

L’album est principalement en anglais mais on y retrouve tes influences africaines avec un titre chanté en mina (un dialecte togolais, ndlr). Comment t’es venue l’idée de faire un titre comme ça ?

Chez nous durant l’enfance, quand tu avais du chagrin et que tu pleurais, la mère allait répéter  « oh, edzinefa nawo. Edzinefa nawo » pour t’apaiser. Mot pour mot « fafa » c’est le froid, « edzi » c’est ton âme, donc ça voudrait littéralement dire « que ton âme s’apaise ». Et même temps, moi je l’ai beaucoup entendu dans le sens où, ce sont des vœux de bonheur qu’on adresse aux gens.

 

De quoi s’est-on nourris musicalement lors de la confection de « Soft Machines » ?

Le piège quand tu bosses sur un projet et que tu en écoutes d’autres, parfois cela peut te perdre. Tu vas écouter un son mortel et tu vas te dire qu’en fait celui que toi tu viens d’enregistrer n’est pas assez bien et il faudrait que tu ailles dans la même direction que le son que tu viens d’entendre…
Nous n’avons pas eu de morceau sacré pendant l’écriture de cet album, ce qui nous a nourrit c’est notre envie mélanger tout ce qu’on aimait : Disco, Reggae, House, R&B, Hip Hop, Baggy et autres. On considère écouter de tout du coup on s’est dit « faisons l’album qu’on aurait bien aimé entendre ».

 

 


« La chanson [Apologize] est tirée d’une histoire vraie. La rivière dont je parle dans le morceau n’est pas tant la rivière que l’alcool »


 

Le titre « Apologize » ? L’inspiration vient d’un pote à moi qui a des problèmes de toxicomanie. Je ne m’en rendais pas compte ou du moins je ne pensais pas que c’était aussi grave. Un soir nous avons une discussion et c’est là que je réalise à quel point il est empêtré dedans et à quel point ça le bouffe. C’est alors que je me suis dit que j’aimerai écrire une chanson sur cette condition, sur lui et son rapport à la cocaïne.
La chanson est tirée d’une histoire vraie. La rivière dont je parle dans le morceau n’est pas tant la rivière que l’alcool.
Quand mon ami me parlait, il ne se cherchait pas d’excuses, il n’avait pas envie de s’excuser mais il était mal. Les problèmes d’addiction sont souvent compliqués…

De quoi je m’inspire ? Je suis quelqu’un d’assez pudique, je suis dans un projet de groupe donc il y a des histoires où je me dis que ce n’est pas le lieu pour les raconter. Dans le morceau « Edzinefa nawo » je parle de ma mère et je ne me suis pas interdit de le faire. D’autres fois je m’inspire des mes propres histoires ou de celles de mes copines, de mes potes…
Je fonctionne un peu comme si j’écrivais une mini nouvelle mais « Soft Machines » n’est pas un projet complètement introspectif, je n’y règle pas de comptes et je ne parle pas particulièrement de mes galères ou de mes espoirs. Je ne raconte pas ma vie.

 

Comment l’image et les visuels de Rocky se sont-ils crées  ?

C’est dû à une rencontre et à une très bonne idée. Celle de Pierre Le Ny qui à l’époque était directeur artistique du label.
Quand on s’est demandé qu’est ce que c’était Rocky, il a tout de suite pensé à The STIMULEYE (Antoine Asseraf et René Harbemacher) qui viennent clairement de la mode et qui sont très forts.
C’est vrai que c’était la parfaite association parce qu’ils sont arrivés avec plein d’idées tout en écoutant les nôtres. Et du coup, notre premier EP avait un peu mode et un peu étrange et c’était une image assez forte qui suscite le questionnement. Je ne pense qu’en regardant la pochette tu puisses deviner une catégorie musicale. Et c’est ça qui nous intéressait un peu, brouiller les pistes et se démarquer. Il y avait la volonté d’avoir une image impactante, chiadée et mode, parce qu’effectivement moi aussi je viens de là. Que ce soit avec Antoine et René,les stylistes et tous ceux qui ont travaillé sur notre image  on parlait le même langage.

 

En ce moment vous avez clairement le vent en poupe.

C’est cool, il y’a le festival des Vieilles Charrues, les Eurockéennes, le Paleo Festival en Suisse, le Sakifo Musik Festival à La Réunion, il y en a aussi d’autres que j’oublie sûrement à cause de ma mauvaise mémoire (rires). En tout cas on fera une belle tournée. Découvrir notre public et que le public nous découvre car c’est ça aussi le challenge. Il faudra faire bonne impression et ça met un peu la pression.

 

La signature chez le label GUM.

Qui a voulu qui ? C’est un peu les deux. Fin 2011, si tu nous avais posé la question sur quel label français on voudrait signer, GUM était dans la liste. Plus tard, on s’est fait remarqué indirectement par Guillaume Brière de The Shoes sur des scènes qu’on avait en commun. Puis on a fait un remix pour eux (le tube Time To Dance, ndlr) qui a beaucoup plus à Benjamin et Guillaume des Shoes pour finalement arriver aux oreilles de Pierre Le Ny. Il a commencé à montrer un peu d’intérêt et il est enfin venu nous voir en live. C’était le mariage parfait.

 


Faire parti de ce label aux côtés de The Shoes, Woodkid et les autres, c’est vraiment une émulation pour nous. On ne se compare pas aux autres donc toute idée de compétition n’a pas lieu d’être. On fait tous notre truc et on fait parti d’une grande famille. Avoir Guillaume dans le même label pour produire pour nous c’est un confort. Avoir un label c’est avoir une équipe derrière toi, voire un soutien et des moyens. Effectivement, je considère que nous sommes chanceux d’avoir un label de cet envergure derrière nous.

Faire de la musique pour nous c’est avant tout pour qu’on soit écouté et on souhaite que le plus de personnes puisse se connecter à ce qu’on fait. Avoir un label c’est comme si tu avais un mégaphone, nous somme dans la musique pour le partage. On est pas dans un projet ultra spé’ et élitiste donc c’est vraiment une opportunité qu’on est heureux d’avoir saisi.

Ce qu’on peut nous souhaiter pour la suite ? De l’inspiration pour notre deuxième album, un bel accueil pour notre prochain clip parce que nous on l’aime déjà beaucoup. Si on nous souhaite ça, c’est pas mal déjà (rires).

 

 

Le groupe est en concert à La Gaieté Lyrique : ICI

Moins d’un an après la sortie de sa carte de visite officielle, l’inventeur du concept #Vie reprend du service pour un second tour de piste. Une première rencontre avec le colosse belge – finalement très sympathique – qui a été une belle occasion pour nous de tirer un dernier trait sur son premier opus à la batterie pourtant encore chargée, et d’essayer de comprendre, après quelques écoutes rapides, ce qui fait l’ipséité de son nouvel album.

Photos : @lebougmelo

« Brassens m’a inspiré parce qu’il avait une facilité à parler du sexe mais d’une manière très frontale et raffinée en même temps, j’aimais beaucoup. »

Première question, un peu directe, quel est ton ambition profonde en tant que rappeur ? Tu parles beaucoup de t’imposer, de faire du sale, ou mettre à mal le rap français, ça signifie quoi concrètement ?

Atteindre l’excellence. Pas seulement en tant que rappeur, mais dans tout ce que je fais. Quand je parle de faire du sale, c’est ça. L’excellence. C’est se dépasser soi-même. Et que cela devienne normal. Aujourd’hui ça l’est devenu, mais l’idée c’est de tout le temps se dépasser : plus qu’hier, bien moins que demain. C’est un peu ça, le sale.

L’écriture est un pan assez important de ton identité en tant qu’artiste. Quelles ont été tes références textuelles dans la musique, qui t’ont inspiré par leurs mots, dans le rap ou ailleurs ?

J’écris depuis très longtemps donc c’est presque un domaine dans lequel je me suis formé tout seul, cela depuis tout petit. Mais les rappeurs que j’écoutais et qui m’ont influencé indirectement ou directement sont peu nombreux en France. Il y a eu Booba et Disiz, parfois Pit Baccardi dans certains sons, Doc Gynéco dans d’autres, et le Ministère A.M.E.R. Mais j’écoutais plus de rap US : Bone Thugs-n-Harmony, 2Pac, Biggie, et toute la Westcoast. J’ai aussi écouté Brassens, même un JB Mpiana dans ce qui vient du bled, beaucoup pour la mélodie. Je ne peux pas te dire que j’ai pris ça ou ça d’ici, je m’inspire mais je ne fais pas de plagiat donc je ne pourrais pas dire. J’écoute tellement de choses que parfois on peut retrouver des trucs, Brassens m’a inspiré parce qu’il avait une facilité à parler du sexe mais d’une manière très frontale et raffinée en même temps, j’aimais beaucoup.

Lyriciste. Est-ce une notion qui est toujours existante pour toi dans le rap d’aujourd’hui et te considères-tu de cette caste-là ?

Moi, lyriciste ? Ouais, peut-être. C’est ce qu’on dit de moi. Moi je fais juste du son. J’me fais kiffer. Un jeu de mots me fait kiffer, dire les choses comme « Elle aime le sperme dans la bouche, elle a le gout du risque », ça me fait marrer. Je vais le balancer comme ça, d’autres vont le dire d’une autre manière… Je ne sais pas, je fais du son. J’fais du sale, j’me dépasse, j’suis content.

« Si je ne connais pas un truc je ne vais pas en parler parce que ça sert à rien. Mais les femmes je les connais, donc je vais en parler »

C’est devenu assez rare dans le rap d’aujourd’hui, ceux qui peuvent tenir un thème sur la longueur, ou faire du pur story-telling dans leurs chansons.

Pour moi c’est un kiff, quand t’écoutes « La Lettre » [morceau du groupe Lunatic, ndlr] c’est du story-telling. Booba a respecté le thème de A à Z mais il ne l’a fait qu’une fois. Ça vient comme ça vient, moi ça me vient parce que je kiffe ça, lui ça vient comme ça parce qu’il kiffe ça. Maintenant je me pose la question : finalement être un bon rappeur, c’est savoir tout faire, juste faire ce qu’on aime ? Je pense que c’est une critique très dangereuse et très négative, faut surtout savoir apprécier la musique de chacun et apprécier peut-être plus la musique d’une autre personne qui correspond plus à tes attentes que d’autres. C’est plus comme ça que je vois les choses. J’suis le meilleur ? Non, y’a juste d’autres personnes qui kiffent car elles ont telles attentes. Gradur est plus dans « l’enjaillement », lui-même le sait, je pense que c’est son truc. Certains vont te dire Damso il fait chier, vont me trouver un défaut compliqué et recherché.

C’est quand même un domaine important dans lequel tu aimes te démarquer dans un rap game qui se détache de plus en plus de ses codes passés ?

Non le rap game j’lui pisse dessus. En vrai je lui fais pipi dessus parce j’écris comme ça depuis très très longtemps. J’ai fait un projet qui s’appelle Salle D’attente, et c’était déjà ce que je fais maintenant, en moins expérimenté. Je prenais moins de temps pour faire les sons, je revenais moins dessus. Ce qui se fait dans le game, je ne cherche pas à le savoir. Je cherche juste à me dépasser. Je suis mon premier fan en fait, si je kiffe ce que je fais, c’est bien. Si demain un mec qui fait un truc qui me plait, j’vais dire « c’est cool ». C’est pour ça qu’il n’y aura pas de jalousie parce qu’il fait son truc, moi je dois faire le mien. Quand je suis au studio c’est ma voix qu’on entend, pas celle de quelqu’un d’autre. C’est personnel. On peut me dire que je fais tout le temps la même chose, mais si cette chose je la kiffe, je vais continuer.

Mine de rien, Batterie Faible était un album porté sur la figure féminine. Pourquoi cette thématique, cette fixation pour un premier album ?

Non ce n’est pas une fixation, dans la vie d’un homme, la femme a une place très large. Que ce soit du sein de ta mère à la schnek de la future mère de ton enfant. Donc je raconte ce que je vis, et bien sûr j’ai « checké » beaucoup de meufs donc j’ai beaucoup de choses à dire là-dessus. Et demain je serais peut-être dans des jardins à regarder des fleurs, donc j’aurais plus de choses à dire sur les fleurs. Je dis vraiment ce qu’il se passe. À ce moment-là j’avais beaucoup de choses à dire car je venais de signer, donc automatiquement y’avait pas mal de choses. Demain ce sera d’autres thèmes, la peur d’être père par exemple, comme dans le nouvel album. Je suis papa aujourd’hui donc je peux en parler. Mais je n’aurais pas pu en parler dans Batterie Faible, j’aurais été un tricheur et un menteur. Je vais juste parler des trucs que je connais, si je ne connais pas un truc je ne vais pas en parler parce que ça ne sert à rien. Mais les femmes je les connais, donc je vais en parler.

« Ipséité, c’est être soi et pas quelqu’un d’autre, c’est plus singulier que d’être unique, car tu peux être unique sans être toi »

Si on utilise un raccourci facile, on peut dire que Batterie Faible était un peu un Première Consultation nouvelle génération…

On m’a déjà fait le rapprochement avec Doc Gyneco mais … Ouais, peut-être bien. Moi j’ai une autre vision car j’écoute les beats aussi, pour moi c’est un autre projet. L’être humain est très hypocrite, on vit dans une société ou il y a Tinder… Ça s’est fait comme ça, mais il n’y a pas que la femme dans l’album, même si il y a des punchlines les concernant dans toutes les chansons, je combine souvent plusieurs sujets dans une seule chanson. Batterie Faible, je l’ai écris très vite. Pour le dernier j’ai eu le temps d’écrire plus de 200 morceaux donc forcément d’autres choses se sont passées depuis. Je parle de Dieu, je parle de ma mère différemment, y’a eu mon gosse, l’argent, pas mal de choses.

Tu as déclaré ne pas écouter de rap récemment. C’est un truc que l’on entend assez souvent chez les rappeurs aujourd’hui.

Je n’en écoute pas parce que je ne veux pas. J’écoute de la musique pour être détendu, je passe plus de temps à écouter des prods, car j’ai toujours besoin d’être inspiré. Et je ne prends plus autant de plaisir à écouter des morceaux, et j’ai plus cette notion d’orgasme auditif. Ce moment où je me dis que le son est trop lourd comme quand j’ai écouté « Many Men » de 50 Cent, la prod, la manière dont il posait, j’comprenais rien à l’anglais, mais pam ! Ça restait dans mes tympans ! Mais peut-être que parce qu’à ce moment-là je ne connaissais pas la musique, j’étais plus petit. Depuis je recherche toujours ce truc-là. Le dernier en français ? Ce n’est pas parce que je bosse avec lui mais c’était « Génération Assassin » de Booba. J’avais posté une vidéo Instagram parce que la prod, son flow m’avaient tapé, aussi parce que je n’aurais pas pensé à poser comme ça. En gros je n’aimais pas le son au début, mais à la fin, ça m’a tapé. Mais je n’ai plus ce truc ou je me dis que je n’aurais pas posé de cette manière, que le mec m’a giflé. Même chez les ricains, le dernier c’était « Too Much Sauce » [morceau de Future sur la mixtape Project E.T en 2016]. C’est pour ça que je ne parle pas de rap français.

Batterie Faible comme Ipséité, a ce sens double qui sonne un peu comme une provocation face au rap français.

Batterie Faible avait un double sens. Le « faux » sens c’était ce coté-là un peu arrogant de dire que j’viens recharger la batterie d’un rap affaiblie, mais c’était surtout pour dire que je viens pour proposer autre chose, c’était plus dans ce sens-là. Ipséité, c’est être soi et pas quelqu’un d’autre, c’est plus singulier que d’être unique, car tu peux être unique sans être toi. On fait preuve d’ipséité comme on fait preuve de courage. Par exemple, on va gifler tout le monde dans cette pièce, et chacun va réagir différemment. Certains vont suivre l’attitude d’autres, certains vont faire preuve d’ipséité et réagir à leur manière. C’est vraiment l’idée de réagir comme on le pense. J’ai ce titre d’album depuis 2010. Ce devait être le titre de mon premier album. Batterie Faible pour moi était au départ une mixtape, mais Ipséité je l’ai depuis longtemps, je ne savais juste pas comment le travailler, mais il me fallait une équipe douée pour ça, notamment dans le mix.

Ipséité ne ressemble pas du tout à ce que tu as fait sur ton premier album, est-ce qu’on peut dire qu’il est plus abouti ?

C’est deux fonctionnements différents, comme une Lamborghini exclusive qui prend du temps à fabriquer et une bonne Mercedes de série qui a pris moins de temps mais qui a quand même demandé du travail. C’est totalement différent. C’est plus une question de temps que d’aboutissement. Sur le dernier y’a peut-être plus de choses que je voulais atteindre : plus de chevaux, plus de ci, plus de ça. Je ne sors pas un projet si je ne l’aime pas. Batterie Faible je le kiffais à mort, je le kiffe toujours, mais c’est un autre style. Ipséité a juste pris plus de temps. Le but dans celui-là est d’arriver à mes compétences, c’est à dire amener autre chose dans le mix, les textes, les formules de phrase. Essayer de maitriser des choses que ne je ne maitrisais pas avant, comme dans « Lové » ou « Kin La Belle » où je voulais un son rumba mais d’une certaine manière, et « Signalé » où je parle de meufs mais d’une autre façon. Aller au bout de mes compétences car je fais des prods, et je mixe aussi donc y’a plein de trucs qui amènent une fraicheur et je voulais que ça vive dans le temps également.

« Pour le morceau avec Vald, on s’est vus aussi. Mais en même temps, il a fait la démarche aussi, il a mis son égo de coté, parce qu’il a vu que je n’en avais pas non plus »

Sur Ipséité comme sur Batterie Faible, tu n’as fait qu’un seul featuring. On a l’impression que tu cultives ce truc, comme si tu ne voulais pas te mélanger.

Je n’aime pas faire de featuring qui n’apportent rien artistiquement. Quand t’écoutes « Paris c’est loin » c’est chaud. Tu ne pourrais pas le classer quelque part. Je préfère faire ça qu’une collaboration que l’on oublie le lendemain, juste en notant deux-trois punchlines et ça s’arrête là. J’en ferais de toute façon, c’est obligé, mais pas beaucoup. Ça n’a jamais été mon truc.

En dehors de ta personnalité, on sent aussi que l’esprit collectif que vous développez sur 92i renforce un peu ce coté « for us by us », « Bisso na bisso », entre vous. Avec une certaine alchimie cela dit si on se réfère notamment au morceau « Ivre » sur l’album de Benash avec Shay et toi-même.

C’est parce qu’on se connaît aussi. Si je veux taffer un son avec Siboy, je peux le contacter directement, on peut aller au studio, il sait où se trouve mon studio. C’est plus simple. Benash et Shay, on avait passé une semaine ensemble, on faisait des sons et celui-là est ressorti. C’est différent quand tu fais une collaboration avec un artiste à distance, que tu ne connais pas, c’est pas la même chose. Pour le morceau avec VALD, on s’est vus aussi. Mais en même temps, il a fait la démarche aussi, il a mis son égo de coté, parce qu’il a vu que je n’en avais pas non plus. Il est venu, on a écouté des prods longtemps, ça nous a bien pris 6 heures de temps, on a bu et fumé un peu, on a tissé des liens. Jusqu’à présent on est cool, il peut m’envoyer un DM au calme. C’est un peu de ça dont je parle.

Au delà des concepts textuels déjà présents sur Batterie Faible, il y a sur Ipséité des concepts musicaux comme sur « Mosaïque Solitaire » qui se divise en trois parties, « Macarena » qui s’apparente à une comptine avec un coté un peu immature, ou « Lové » qui touche à l’électro et à la dance. On sent que t’a voulu aller beaucoup plus loin d’un point de vue musical.

C’est totalement ça. J’me suis vraiment fait plaisir. Mais encore une fois ce sont les beats. T’en écoutes tellement que quand il y en a une qui sort du lot… Comme « Lové » ou « Gova », quand tu les entends t’as envie de tester des trucs. Même la prod de « Une Âme pour Deux » est bizarre, elle n’a pas de sens, c’est un kiff de poser sur ce genre de prod. En général, ça vient comme ça, c’est des prods qu’on m’envoie, comme « Lové » ou « Kin La Belle ».

À l’époque de Batterie Faible, tu n’avais pas eu de rotations sur Skyrock, mais là avec cette album, on a l’impression que tu pourrais passer sur tout type de radios…

On verra. Faut déjà qu’ils kiffent. Mais ce ne sera jamais un objectif de vouloir faire un son « pour que ». Je fais un son parce que je kiffe pas pour qu’il passe ici ou là. S’il passe, tant mieux pour moi.

Quelle a été l’inspiration profonde du morceau « Kin La Belle », hommage à la RDC, où tu es née et vécu tes premières années ?

C’est un mélange de tout en fait. Un mélange de ma vie personnelle, de la vision que les autres ont de notre pays, ma propre vision de mon pays et l’espoir que j’ai de le voir s’élever. Il fallait un son comme ça, avec tout ce qu’il s’y passe. Ce morceau est venu comme ça, je l’ai écrit spontanément quand j’ai écouté la prod. Je n’incrimine pas forcément tout le monde, je suis juste un peu blasé par ce qu’il se passe. Les « mal-bouches » qui parlent beaucoup mais qui font rien. Quand tu es congolais-européen ou même congolais du pays ; si t’es devenu français, accepte-le et puis c’est tout. Beaucoup de gens ne veulent pas l’accepter, ils commencent à parler du pays, à dire qu’il faudrait faire ci ou ça, mais ce sont les derniers à bouger leurs culs, et finalement ils ne le bougeront jamais. Et finalement mieux vaut qu’ils se taisent, car il y a peut-être un mec qui veut faire quelque chose mais en parlant trop, ça le déstabilise. À un moment donné faut arrêter, c’est un peu hypocrite de la part des gens.

« C’est très insolent ce que je vais dire mais le rap français je lui mets une claque quand je veux. Mais à un moment donné, il faut aussi un sens artistique »

Sur ce morceau d’ailleurs tu dis « j’hésite à faire du sale ou bien chanter ». Cette phrase résume assez bien l’album d’une certaine manière, puisque dans beaucoup de morceaux tu t’essayes au chant. Toi qui veut dominer le rap français, sortir un album plus « pop » ne te fais pas aller sur un autre chemin que celui du projet stricto-sensu rap qui aurait pu asseoir ta position de rappeur qui compte dans le paysage rapologique français ?

C’est très insolent ce que je vais dire mais le rap français je lui mets une claque quand je veux. Mais à un moment donné, il faut aussi un sens artistique. Et ça c’est plus fort que moi, c’est même plus fort que faire du sale, c’est faire de l’art. C’est au-delà de faire du sale, tu kiffes réellement ce que tu fais jusqu’au bout. Je peux te faire un album de 20 titres avec du rap hardcore, des punchlines etc. Mais je l’ai déjà donné en balançant des freestyles rap. Ce qui est un kiff en soi aussi, rapper, kicker. Mais c’est un kiff « rapide ». Mais sur cet album, j’ai observé, pris le temps, écouté plusieurs beats pour voir comment je m’adapte dessus. Mon couplet sur « Lové », tu le mets sur une prod rap, c’est un putain de flow. Mais le tester sur cette prod éléctro ou dance, ça change tout. C’est ça pour moi aller plus loin. Mais il reste des morceaux rap comme « Gova ». C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas.

Sur « Signaler » tu touches aux sonorités zouk/dancehall à ton tour, après Booba  « Validée » ou Benash dans son dernier album. Le début d’une marque de fabrique 92i ?

[Rires] C’est un kiff en fait. C’est vraiment comme ça que je fonctionne, quand j’entends un beat qui me tape un peu je le réécoute, et je le mets de coté, je me promène et un jour j’ai une phase et ça commence. « Signalé » c’est parti d’une phase simple, j’ai vu un boule sur le net et je me suis marré en disant que j’allais le signaler, et j’avais le beat qui passait déjà, il me fallait juste la première punchline pour amorcer le tout.

Quelque part le morceau « 92i Veyron » ressemble aussi à « Macarena » par cet aspect mélodique qui s’approche de la comptine.

Je pense que c’est peut-être une oreille artistique finalement. On touche à tout. Les comptines, quand je n’étais pas connu j’ai fait des morceaux qui s’en approchaient, et je pense que c’est de l’artistique. Quand t’écoutes l’album de Benash, tu sens que c’est un artiste. Il passe d’un son violent à de l’afro. Pas que de l’afro-trap, mais de l’afro en général.

« Mais c’est quoi le style Damso déjà ? Car je suis en perpétuelle évolution. »

Tu n’as pas peur que de trop rester dans ce carcan 92i puisse porter préjudice au style Damso, celui de Batterie Faible ou même d’avant ?

Mais c’est quoi le style Damso déjà ? Car je suis en perpétuelle évolution. Je ne pense pas qu’on reste toujours ensemble, dans l’album de Benash il y’a un feat avec d’autres comme Alonzo… Moi c’est différent parce que j’écris trop, donc finalement je termine vite. Dès que je reçois une prod, je ne pense à personne. Quand j’écris un morceau, c’est un devoir de terminer. C’est très rare que j’écrive un morceau et sans le terminer. C’est comme ça que je fonctionne. D’où le fait qu’il n’y ait pas de featuring. Et comme je suis toujours à fond sur mon travail, je ne regarde ni à droite, ni à gauche…

On a vraiment l’impression que t’es en roue libre sur cet opus, qu’à partir de maintenant tu feras toujours ce type de disque ou est-ce que tu reviendras à ce que tu as fait auparavant ?

En fait, dis-toi que Damso fera toujours ce qu’il voudra, peu importe la situation. J’ai toujours fait ce que je voulais peu importe la situation. Je me suis retrouvé à la rue parce que je voulais faire ce que je voulais. Ce n’est pas demain que ça va changer. J’avais l’occasion de faire des études, j’ai dit non, je vais essayer de faire un album. Du coup on m’a mis dehors, mais je l’ai fait cet album. J’ai presque envie de dire que je m’en fous de l’argent, mais ce serait mentir d’un certain point de vue, mais à une époque j’en avais rien à foutre, tant que je faisais ce que je kiffais. Le jour où je ferais un truc que je n’aime pas, ce ne sera plus Damso, ce sera quelqu’un d’autre qui aura le même visage que moi, mais ce ne sera pas moi.

Tu penses quoi de cette nouvelle génération de rappeurs qui s’affranchit des codes classiques du rap ?

Ça ne sert à rien d’être dans des codes et de faire semblant. Si t’es vrai et que t’es dans les codes c’est mieux. Avant ils étaient dans des codes mais ils étaient vrais. Ils avaient un vécu qui allaient avec. Aujourd’hui tout est ouvert, tu peux être un mec de banlieue et taper une meuf de je ne sais où parce que tu l’as rencontré sur Tinder. Tout est totalement ouvert. Le hip hop s’est démocratisé et ça a ouvert pas mal de choses. T’as tellement de gens de styles et d’origines différents qui écoutent la même musique. Forcément, des connections se font et ce sont des apports très riches dans l’art. Tu as des mecs comme Vald qui a son propre parcours qui fait des feats avec Damso, qui a un parcours différent. Une brèche artistique s’est ouverte, ça ne sert plus à rien de rester dans des codes, c’est obsolète.

Remerciements : Hôtel Grand Amour, Paris X

La marque Reflective Nation investi Archive 18-20 pour présenter et mettre en vente leur dernière collection. Une soirée animée pour l’occasion par le rappeur milanais Sfera Ebbasta.

 

EVENT FACEBOOK

De 19h à 22h
Archive 18-20
18-20 rue des Archives
75004 Paris

 

Pour cette fin de semaine, YARD choisi de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

Age : 22 ans

Ville : Les Lilas

Instagram : @Lascotlf

Twitter : @LascoLtf

 

Présentation

Je m’appelle Lasco, « y a que ma mère et ma tchoin qui m’appellent Nicolas », je suis né et j’ai grandi aux Lilas. Sinon je suis membre du groupe LTF (Les Tontons Flingueurs).

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit et aimé la musique. Le rap est apparu logiquement comme la forme musicale et textuelle me correspondant le mieux. Je suis moi même quand je fais ma musique, c’est ce que j’ai vécu et ce que j’ai écouté qui ont participé à créer mon univers. C’est aussi passé par la scène, l’énergie dégagée par le rappeur. Qu’il donne son ressenti sur ce qu’il vit et que les gens reprennent ses phases, ça m’a tout de suite parlé.

Ma musique est à la fois très personnelle et universelle. Personnelle parce que je parle beaucoup de moi, de ce que je vis, de ce qui m’entoure. Universelle parce que les scénarios se répètent pour les jeunes en général, donc ma réalité peut également être celle des autres. Inconsciemment, je pense que je produis une musique difficile à définir parce que j’ai des influences éparses et que je ne m’interdis rien lorsque j’enregistre.

 

 

 La genèse de « Lundi Aprem » ? J’ai écrit ce texte un lundi après-midi. Je voyais beaucoup de gens aller ou revenir du travail et en parallèle, pleins de jeunes comme moi n’avaient rien de spécial à faire en ce début de semaine. C’était une sorte de constat, je voulais créer et garder cette image du lundi après-midi qui n’est pas la même pour tout le monde. Encore une fois, je parle d’une réalité qui est la mienne et qui par extension peut être celle des autres.

Il y a un an, j’étais aux États-Unis. Je suis parti 3 mois là bas parce que c’était un pays que je voulais voir, aussi bien pour sa culture que pour ses paysages. J’y ai rencontré des gens dans le milieu musical avec qui j’ai pu collaborer. J’étais dans une période où je voulais faire le plein d’images, voir de nouvelles choses pour casser la monotonie du quartier.

Dans un an, je me vois avec les miens, entouré des mêmes personnes. Le lieu physique importe peu, tout ce que je veux c’est être en accord avec moi même et faire ma musique. J’aimerais être plus apaisé, sortir de ce qui me tire vers le bas, ce dont je ne suis pas encore totalement protégé. Et surtout, j’aimerais avoir accès à encore plus de possibilités musicales.

 

 

 

 

 

Avec « Mask Off », Future mettait le projecteur sur une tendance assez surprenante dans la trap : la flûte. C’est dans cette direction que Supa! intervient, avec en renfort des sections corde et percussion pour compléter l’orchestre et rendre à cette intro toute sa dimension cinématographique.

Soundcloud : @Supaneversmiles

 

Comme à son habitude, c’est avec tout son crew que Woodie Smalls a pris la route depuis la Belgique pour son tout premier concert parisien. Une première pour le Space Cowboy, capturée en image par le photographe SLON.

 

Instagram : @Slon.3

#YARDLive :
Allan Kingdom – 24 mai @ Candy Shop Paris

La soirée tombe sur Londres et le quartier de Brixton. La salle O2 Academy se remplit très rapidement et les badauds s’étonnent de croiser autant de jeunes faisant le pied de grue devant la salle. En ce début de saison printanier, ils sont nombreux à braver la température encore trop peu clémente. Ce soir là, les deux phénomènes culturels que sont Migos et Lil Yachty s’apprêtent à faire de la scène leur terrain de jeu et offrir au public parsemé de têtes juvéniles ce qu’ils attendent depuis quelques semaines : des tubes, de l’attitude mais surtout un regard clair et réaliste de la société dans laquelle ils vivent.

Quelques minutes avant le début du concert, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec le plus jeune représentant d’Atlanta ce soir là. Il y a deux ans Lil Yachty nous avait promis la primeur d’une interview lorsqu’il débarquerait en Europe mais le succès a frappé à sa porte aussi vite que le retournement de veste de certains membres du Parti Républicain. Alors nous avons patienté. Conscients qu’un jour ou l’autre, nous parviendrions à discuter avec le jeune homme à la chevelure rouge made in USA.

 

Photos : Olivia Jankowska

 

Sur son rôle de directeur créatif pour la marque Nautica :
« C’est marrant parce que la plupart du temps, ils n’ont pas l’habitude de recevoir autant d’idées d’une seule et même personne. Par contre, la marque est toujours ouverte pour étudier chacune d’entre elles, voire même de les matérialiser. Il y a tellement de chose que nous avons fait et qui arrivent très prochainement. Qui tire le plus profit de cette collaboration ? Je les aide à s’accomplir et être des acteurs importants de la culture, je les rends cools ! »

 

Sur l’importance qu’a pris l’image et les visuels dans la carrière d’un artiste de nos jours : « C’est une époque où il est important de rendre les visuels très attractifs. Je me dois de rendre les gens dingues à chaque fois que je propose de nouveaux visuels. Je co-réalise tous mes clips et c’est moi qui crée tous les concepts.
J’essaie toujours d’aller plus loin à chaque projet et entre chaque idée. Quand je m’implique, je me donne à 100%. Regardez Kendrick Lamar, il a les meilleurs vidéos dans tout le rap game. Son clip « Humble » est complètement fou et ça marque. »

 

 

Sur son rôle envers la jeunesse :
« Si je me considère comme un exemple ? Bien sûr. Je dois me comporter comme tel car pour être totalement honnête, chaque rappeur l’est inconsciemment ou malgré lui. Par contre, ce rôle n’est pas fait pour tout le monde.
Tu ne peux pas obliger quelqu’un à voir les choses à ta façon. Tous les jeunes font des rappeurs leurs modèles. Qu’on soit clairs, jamais je ne leur dirais quoi faire ! Techniquement, à un moment ou un autre, chaque rappeur est un modèle pour la jeunesse qui écoute cette musique. »

 

Sur la pochette de Teenage Emotions, son prochain album prévu fin mai :
« En ce qui concerne la pochette de l’album, j’étais à Los Angeles pour un rendez-vous dans les bureaux de Capitol, et là, j’ai eu l’idée et le concept de la pochette. Je visualisais exactement qui serait sur la pochette et qu’est ce qu’ils feraient : les mecs qui s’embrassaient, l’albinos, etc.
Je voulais montrer que j’acceptais toutes les différences , à travers cette jeunesse qui compose cette nouvelle culture. Je souhaitais également montrer que toutes ces personnes faisaient aussi parti de la culture hip hop. Les gens essayent de cacher que toutes ces différences font totalement parti de notre quotidien et donc de la réalité. J’ai juste mis un coup de projecteur sur tout ça. »

 

 

Sur sa définition du succès :
« Le succès est différent pour chaque individu. Il n’y a pas de formule toute faite pour te dire ce qu’est un succès. Le succès c’est la façon dont tu utilises toute cette abondance d’opportunités. Toute leur vie, certains rêvent d’une grosse voiture clinquante et lorsqu’ils parviennent enfin à se l’offrir, ces mêmes personnes ont le sentiment d’avoir réussi. Nous n’avons pas tous la même perception de la réussite et c’est tant mieux. »

 

Sur les cinq émotions typiques d’un adolescent :
« La joie, la peine, l’exaltation, la colère…on en est à combien là ? Quatre ? Mmm…je rajouterai la surprise. »

 

 

 

Réunis sur le titre hyper viral qu’a été « Black Beatles », le duo Rae Sremmurd et le « Trap God » Gucci Mane joignent à nouveau leurs forces pour une date exceptionnelle à Paris. Inutile d’argumenter pour vous faire comprendre qu’il s’agit là d’une date à ne pas manquer.

Pour les soutenir sur cette date, DJ Weedim & son French Bakery Circus (Alkpote, Biffty…) assureront la première partie.

Alors un conseil : soyez vifs.

 

BILLETTERIE
Prévente Live Nation le 27 avril et mise en vente générale le 28 avril

 

Depuis 2 ans, on voit éclore de plus en plus d’artistes asiatiques sur la scène rap mondiale, ils s’appellent Keith Ape, Rich Chigga, n’ont pas plus de 23 ans, et attisent la curiosité des rappeurs comme Ghostface Killah, Flatbush Zombie ou Desiigner. On s’est penché sur ce pont créé des deux côtés du Pacifique.

 

Dumbfoundead, le vétéran

L’autre jour j’ai regardé les Oscars, et les seules personnes jaunes étaient les statues.

 

 

Sorti en 2016, le morceau “Safe” de Dumbfoundead est une réponse cinglante à la polémique des #Oscarsowhite et plus généralement au fait que les Asiatiques-Américains sont assez peu représentés dans la culture, les films, les séries, et pour ce qui nous intéresse le plus : le rap. Cet originaire du quartier de Koreatown de Los Angeles officie pourtant depuis une dizaine d’années enchaînant les featurings avec notamment Kenny Segal, Kero One, mais pas que.

J’ai toujours travaillé avec des artistes coréens. J’ai fait des morceaux avec Epik High, Druken Tiger il y a des années, on va dire que je suis un “vieux” rappeur coréen.

Quand il ne rappe pas, Jonathan Park (son vrai nom) anime la web émission “The Hotbox”, dont le principe est de faire un aquarium en voiture avec ses invités. Le premier épisode est d’ailleurs tourné avec Breezy Lovejoy, qui venait tout juste de changer son blaze pour Anderson .Paak. Avance rapide en 2015, il fait sensation dans un battle a capella King Of The Dot, organisé par Drake et OVO, un épisode devenu un classique où Jonathan joue à fond la carte de l’autodérision:

Let’s save time, just say “time”
He’s probably gon say some Asian shit and pull out shoguns
Peking Duck, Ching Chang Chong
Wait, slow that down, did I accidentally diss you?
I said pull out yo guns, peeking duck, ching chang chong
That shit is easy as fuck, I don’t like to slow it down”.

 

Cette prise de position est assez emblématique de Dumbfoundead, qui a toujours été partagé entre ses origines et son quartier, avec en fond la volonté de faire connaître un rap plus représentatif pour sa communauté.

 

 

Je pense que c’est important pour moi, surtout en tant que musicien, de raconter des histoires d’Asiatique-Américain, parce que je sais que les gens mélangent ça avec le fait d’être juste un musicien asiatique. Ce sont deux expériences différentes. Et c’est pourquoi le morceau “safe” est important. […] Il n’y a pas beaucoup de rappeurs Asiatiques-Américains qui seraient capables de faire ça. Il n’y a pas beaucoup de rappeurs Asiatiques-Américains tout court.

 

CXSHXNLY & 88 RISING

 

Suite à ce battle, Jonathan rencontre Sean Miyashiro qui souhaite lui aussi donner une plateforme au rap asiatique. Ensemble ils fondent le collectif CXSHXNLY, mais aussi la chaîne Youtube 88 Rising, qui fait la promotion d’artistes émergents et d’autres crews comme la Cohort de Keith Ape.

J’ai toujours voulu pousser la diversité dans la musique, et donc dans le hip-hop et l’Asie, surtout en étant moi-même un des rares artistes Américain-Asiatique de l’état ; c’est difficile d’en trouver d’autres. Quand on a formé CXSHXNLY, c’était un de nos buts principaux : qu’on voie plus au premier plan des visages asiatiques, mais aussi plus de gens immigrés.

 

 

Une comparaison du statut d’immigré à celui de rappeur qui revient souvent dans leur discours. Dumbfoundead poursuit.

Si tu regardes South Bronx et la culture noire, tu te rends compte qu’elle est très similaire à la culture de l’immigration. Nous sommes encore une minorité dans la musique. Je ne crois pas que c’est de l’appropriation culturelle parce que nous vivons le même problème : ne pas avoir de voix. Les asiatiques américains sont toujours les derniers invités sur les médias mainstream.

Une sous-représentation qu’ils ont tous deux ressentis durant leur enfance:

J’avais des problèmes d’identification genre, oh, je voulais être noir. Je voulais être ci ou ça parce que je n’avais aucun héros qui me ressemblait. Maintenant j’en suis un, et je l’assume totalement. Je suis super confiant.

 

Anti K-Pop

 

De l’autre côté du Pacifique, le rap est une véritable industrie portée par les médias très grand public. Depuis 2012, l’émission télé “Show Me The Money”, équivalent de “La Nouvelle Star”, est devenue la vitrine d’un rap à l’esthétique parfois futile de la K-Pop. Et peu importe si les artistes qui en sortent deviennent des copies carbone de rappeurs US, comme par exemple ce clip de Chancellor quelque part entre The Weeknd et Spring Breakers d’Harmony Korine.

 

 

On peut également citer Jay Park, devenue une véritable icône en Corée et très souvent comparé (et c’est intentionnel, il le dit dans ses morceaux) à Justin Bieber. Un choix qu’il assume dans ce clip, qui pompe sans scrupules dans l’imagerie de “Hotline Bling”. Pas de pierre à jeter, on fait exactement la même en France avec Tal qui copie Rihanna, et Shy’M avec Beyoncé.

 

 

Bref, c’est une vision artistique complètement aux antipodes des projets de Sean et Dumbfoundead, qui s’en défendent.

On a un point de vue totalement différent, plus organique. On n’a pas besoin de faire les putes en faisant des danses copiées sur NSYNC, on n’a pas besoin de télé réalité.

 

Keith Ape vs. OG Maco

 

Véritablement indé donc, Keith Ape est l’un des premiers du genre à avoir de la résonance auprès de rappeurs américains en 2015, avec le morceau “It G Ma”, rentré par la porte du clash grâce à OG Maco. Après avoir vu son clip, celui-ci a accusé l’artiste coréen d’avoir plagié son morceau “U guessed it”, et de s’être moqué de lui en y ajoutant des “clichés sur les noirs”.

 

Des accusations que personne ne comprend vraiment, mais qui donnent à Keith Ape une visibilité inespérée auprès de nombreux médias rap. De leur côté, Sean et Jonathan poussent ce morceau pour qu’il ait la reconnaissance qu’il mérite:

“Sean […] m’a demandé “yo tu écoutes quoi?” Je lui ai parlé de pas mal d’artistes asiatiques qui débutaient, et j’ai mentionné le morceau de Keith “It G Ma”. Sean les a écouté et s’est mis à s’exciter. Tous ces gars commençaient à parler à Keith en Corée, Sean lui a dit “yo laisse moi t’aider”. Et on s’est tous retrouvé avec lui à traîner au SXSW, on était un putain de gang asiatique.

 

 

C’est à ce moment que Sean et Jonathan se rendent compte du potentiel qu’ils possèdent à joindre les USA et la Corée. La naissance d’un mouvement différent et enfin à leur image, “It G Ma” devenant leur premier hymne. Sean explique.

J’ai été obsédé par les vidéos youtube de gens qui regardaient “It G Ma”, c’était comme, wow, les fans aiment vraiment ce morceau. Pour moi, c’était spécial de voir des kids, noirs ou latinos devenir fous devant la musique d’un type asiatique. Ça ne s’invente pas. Maintenant j’espère avoir pas mal appris pour vraiment aider Keith à rendre sa vision réelle. Il sait ce qu’il fait, il est sauvage, et il bosse dur, il sait où il veut aller…

 

Des connexions qui s’étendent, à commencer par une réconciliation avec OG Maco au SXSW, la rencontre avec Ilovemakonnen, puis l’occasion également de se lier avec Father, Wacka Flocka Flame et A$AP Ferg pour un remix de “It G Ma”.

 

 

Jamais très loin quand il s’agit de se tenir au courant des nouveaux arrivants, Skrillex propose même à Keith de produire une extension de son morceau à 14 minutes en le sortant sur son label OWSLA. Sean fait l’état des lieux.

La culture pré-fabriquée est quelque chose de très gros en Asie. Vous le voyez évidemment avec la K-Pop. Même les rappeurs en Corée achètent des collaborations. Avec Keith Ape, il a juste sorti le morceau, et les gens l’ont juste encensé, ils sont allés le voir pour collaborer avec lui. c’était vraiment naturel. Il n’a pas essayé de payer pour rentrer dans une culture…C’est un peu l’opposé de ce qui se passait avant, les asiatiques voulaient être cools, donc ils copiaient la culture américaine. Maintenant la culture américaine suit certains artistes asiatiques en se disant “ce truc est très bon. Je veux avoir ce genre d’influence dans mon style”. Dans un sens, la roue a tourné.

 

Le rap Coréen enfin reconnu

 

Au delà de la musique, Keith Ape devient un personnage incontournable, recruté pour performer pendant la Fashion Week de New York pour la marque Vfiles, devant un public sonné de s’être tapé du Gesaffelstein pendant tout le défilé. Les choix radicaux de Julie Ann Quai, habituée à l’avant-garde, et ayant déjà fait venir les Migos quelques années auparavant.

Des relations entre les Etats Unis et la Corée qui se font de plus en plus fortes : la rappeuse CL se retrouve produite par Diplo, managée par Scooter Braun (boss historique de Justin BIeber), Missy Elliott se retrouve en feat avec les popstars G Dragon, Lil Yachty freestyle sur des morceaux K Pop du groupe Big Bang. On peut aussi noter l’arrivée de Rich Chigga (comprendre Chinese Nigga), 17 ans, qui a impressionné des artistes comme Flatbush Zombie, Desiigner ou Jazz Cartier, dans une vidéo réaction très fun.

 

 

Des influences qui vont dans les deux sens, récemment Keith Ape a rappé sur le générique de South Park, tandis que d’autres comme Sik K citent carrément toute la culture pop américaine dans un freestyle, allant de Tony Montana à Taylor Swift en passant par Metro Boomin. Une preuve que les ponts sont établis et construits pour le rester longtemps.

 

Les rapports tendus entre Mac Tyer et les professionnels du disque sont une série dont le dernier épisode s’est déroulé en Mars, avec la sortie avortée de Banger 3. Finalement libérée le 21 Avril, la mixtape est l’occasion pour le Général de nous offrir ce qu’on espérait de lui, sur 21 morceaux. Et de procéder avec brio à un numéro de funambule, ne tombant jamais ni dans le jeunisme, ni dans la réaction. Chronique.

« Lorsqu’on a ressenti la violence d’un plaisir ou d’une peine, d’une peur ou d’un appétit, le mal qu’on subit en conséquence n’est pas tellement celui auquel on pourrait penser, mais celui qu’on subit sans s’en rendre compte. » Ces propos qu’aurait tenus Socrate furent rapportés par Platon en son temps (enfin, dans un alphabet un peu moins compréhensible à nos yeux). Le plus ancien des barbus célèbres s’adressait à son ami Cébès, tandis que les murs de sa geôle le tenaient à l’écart des derniers soleils de sa vie. Pourtant, c’est l’impression inverse que nous donne notre Socrate à nous, notre Monsieur Socrate, dit Mac Tyer général.

L’homme qui avait tant de lucidité et de constats à faire sur les conséquences des bonheurs comme des malheurs sur lui-même et son monde à vingt piges, n’a évidemment pas changé à l’approche de la quarantaine. A la limite pourra-t-on objecter qu’une mélancolie nouvelle semble parfois exister dans cet album, comme dans les plus récents. En fait, elle a toujours été présente, sa mélancolie qui était celle de la rue. Mais, depuis Hat Trick, depuis cette époque où un plafond de verre semble s’être posé au-dessus de son crâne comme pour l’empêcher de devenir la superstar qu’il méritait plus que personne de devenir, la musique de Mac Tyer s’exprime avec ce léger rajout d’amertume en bouche. Celle qui ne part pas qu’importe les crachats. Mais ce statut étrange qui est le sien, à la fois légende du rap et homme qu’on ne cite presque jamais au moment de réaliser des tops, il apparaît dans ses mots dès l’introduction. « Le cœur en peine, je continue ma carrière, cherche au moins le courage pour que je tienne. La vie est un poème qui veut détruire le poète« . Et si elle le travaille peut-être plus qu’en apparence, elle ne semble pas niée. Simplement, l’homme préfère parler de ce qui a toujours mis du carburant dans sa rime, à commencer par sa Seine-Saint-Denis.

« Socrate, pilier du rap, musique live d’Aubervilliers« , clamait un Booba au top de sa renommée pendant les années 2000. Comme Young Jeezy à Atlanta, il est le porte-parole de sa ville, de son département. Et si, comme Young Jeezy, bien d’autres sont devenus depuis des vedettes de son aire urbaine d’origine, il reste à vie l’une des légendes respectables et respectée du 93. L’homme est la voix la plus sincère des débrouillards du département, ce qui ressort dès les deuxième et troisième pistes de la mixtape, l’énervé Pour les vrais et le plus contemplatif 93 se débrouille. Qui semblent être les deux faces d’une même pièce du rap de hustler de la banlieue Nord. Le Général s’adresse aux habitants des quartiers d’Aubervilliers, de Seine Saint-Denis, et particulièrement aux charbonneurs. Ceux qui « s’en fout(ent) de la retraite« , qui partent à La Mine, titre de l’un des morceaux les plus réussis du projet, entre motivation music et récit de rue lui donnant l’occasion de montrer sa facilité à assimiler les flows les plus actuels. « La street, c’est tellement chez moi que je peux y mettre un fauteuil »

Une réalité de la prise de risque permanente et de la quête infinie de l’oseille, si bien contée car tellement incarnée. Qu’il s’agisse de « bicrave fechnou et bedo » ou de vendre sa « pesa comme dans le stup« , Mac Tyer se veut être « la street en classe affaires, du hall jusqu’au penthouse« . Lui l’ancien qui arpente les trottoirs du lucre depuis tant d’années, qu’ils soient collants comme le billet sorti du survêt’ d’un bicraveur, ou propres comme ces euros versés par la Sacem sur son compte bancaire. Et s’il est un vieux de la vieille dans le 93, il n’y a pas que les visuels de Kaaris (80 Zetrei), Sofiane et Kalash Criminel (93 Empire) pour le rappeler. L’album est émaillé de phases le rappelant. Mac Tyer « traînait dans les bars » et « remontait déjà la drogue » à l’époque où la jeunesse posait son cul sur le siège d’une Gilera. « Sur le terrain depuis teenager« , lui le « dinosaure qui a vu s’écraser météorite« . Alors, du haut de ses tout juste 38 ans, ne risque-t-il pas justement de tomber dans la réaction, de devenir un vieux con? Absolument pas. Ce n’est pas le genre du Général de tomber dans ce genre de piège.

Ainsi, lui le mec des années 70, n’a invité que des nineties babies sur le projet, dont les trois plus connus sont chacun à la mode à leur façon. Et s’il fallait retenir avant tout une chose parmi les réussites de Banger 3, ce serait la fabuleuse manière dont ont été exploités ces featurings. Celui avec Keblack, par exemple. L’auteur de Bazardé, qui tourne massivement en radios et en clubs depuis des mois, a une étiquette de rappeur « dansant », tandis que le morceau s’appelle Fais les danser. Et pourtant, Mac Tyer s’amuse avec malice à expliquer au refrain qu’il « n’aime pas faire danser les gens ». Le tout sur un beat de Mr Punisher rythmé mais laissant de la place au kickage, et parvenant à nous faire bouger sans jamais que les percussions ne partent entièrement dans l’afrotrap ou dans un style néo-Marseillais. Et, comme le Général en fin de morceau, on se fait avoir, nos hanches ont vibré, sans qu’aucun ingrédient du rap zumbesque n’ait été entièrement employé. Certains directeurs de programmation de radio semblant aussi s’être laissé emporter.

Une piste surprenante, mais pas autant que la collaboration avec Jok’air, sur ce véritable bijou titré Elle m’a fait ça. Là où beaucoup se seraient contentés de faire chantonner le rappeur-chanteur parisien sur le refrain et un couplet, dans un format radio classique, le Général a compris ce que quelque chose de véritablement grand pouvait être fait. Et le résultat donne un tour de passe-passe six minutes durant, découpé en deux parties, dans lequel les deux artistes exploitent la douceur puis la hargne de leur voix pour parler de cette fille, qui collectionne les amants tout en prenant leurs cœurs en otage. Un Jok’air qui a su aussi bien exploiter ses cours de chant que sur sa Mélodie des quartiers pauvres. Et qui livre ici sa meilleure collaboration hors-MZ. Tandis que Gradur, sur Stevie Wonder, se fait pensif et jette en compagnie du Général un regard froid sur son époque. Enfin, La Verte, jeune crew récemment aperçu sur Daymolition, trouve l’occasion d’apparaître sur un gros projet sur l’efficace Tourmente. Tout ça sans jeunisme, Mac Tyer ne donnant à aucun moment l’impression d’avoir oublié son âge pour plaire aux ados.

Le troisième opus de la série des Banger se veut donc à la fois rue et profond, grave parfois. Il y a comme une odeur d’orage sur les trottoirs d’Aubervilliers. Une souffrance qui n’est pas toujours urbaine, sentimentale aussi. Comme toujours, Mac Tyer aime évoquer au détour d’une ligne ou d’un morceau son rapport ambivalent aux femmes, entre arrogance fière et doutes marquants. Comme sur le plus pop Allô, dans lequel il parle de cette femme « qu’il a dans la peau« , mais qui souffre « quand elle voit le visage de So« . Elle qu’il a déçu, elle qui le laisse seul. Seul face à son écran de téléphone, seul à-côté d’une nouvelle copine aimante et entreprenante qui ne compte pas vraiment. Les femmes, sa tentation première, lui qui apprécie tant leurs regards quand il est « noir et inaccessible« , et qui leur promet l’amour éternel si ce regard se couple avec un fessier hors du commun. Lui qui se retrouve à appeler une escort pour mettre court au manque de tendresse dans Fais-les danser.

Cet album est à coup sûr un plaisir à écouter pour n’importe quel auditeur fidèle de Mac Tyer, en fait. Il y a cette puissante odeur de 93 donc, et les autres caractéristiques déjà énumérées. Mais il y a aussi ces petits plats d’accompagnement qu’aime placer Mac Tyer sur la table. Un petit de chez lui à qui il offre de l’exposition via l’outro J’ai Vu « Rémy », comme il le faisait déjà sur son premier album solo Le Général onze ans en arrière. De l’amour pour les sud-américaines, avec Juliana. Des refrains énervés ci ou là, un peu de politique, de sacrées fulgurances lyricales, des petites vannes en fin de morceaux. Des tracks à l’allure de freestyle comme sur un 06.11.90.05.26 où El Generale se fait Mike Jones. Puis de l’introspection comme sur dans Fatigué où So lâche prise. Bref, Mac Tyer nous a offert un projet labellisée rap d’Auber de qualité, une fois de plus.

« Je ne crois plus en rien, j’en ai trop vu / L’amertume, la vie d’ma mère qu’elle me tue / Le cœur fatigué j’avoue que j’en peux plus / Trop kaïra, je sais que j’en veux toujours plus »

Et si l’album est une vraie réussite, c’est aussi grâce au très joli travail des compositeurs, notamment de Mr Punisher, présent sur la grande majorité des titres. Le Général semble avoir trouvé son beatmaker fétiche, et l’auteur du Diego de Tory Lanez offre une véritable cohérence d’ensemble à la mixtape. Les interventions extérieures étant malgré tout appréciables, comme celles de Mohand, ou de Richie Beats sur la collaboration avec Big Daddy Jok.

En fait, paradoxalement, la seule chose qui manque peut-être à cet album est un véritable club banger. Des morceaux comme La rue en personne ou Kaïra sont dopés en énergie, mais aucune piste sous forme de bulldozer ne vient se mettre en travers de nos oreilles, à la manière d’un Walter contre Gus ou de Chemise à carreaux sur Banger 2. On ne voit pas vraiment ce qui pourrait, dans cet opus, tourner en boucle dans les Audi sur la route de Marbella et dans les boîtes rap de Paname et de province. Un défaut qui rappelle D’où Je Viens, le grandiose second album de Mac Tyer qui était sorti sans hit véritable, à une époque où La Grande Classe de Rohff tournait à plein régime.

Tel une muraille, Mac Tyer reste solide sur ses fondations dans un rap français s’étendant vers des terres de plus en plus lointaines et expérimentant des matériaux sans cesse renouvelés. Cette mixtape – probablement la plus réussie de la série des Banger – est étonnante. Une épaisseur rare de nos jours, et pourtant très peu de choses à jeter. Peut-être tout simplement parce que Mac Tyer y offre ce qu’on attend de lui, et qu’il arrive à le faire sans tourner en rond à longueur de projets depuis une grosse quinzaine d’années. Raconter le 93, raconter l’amour instable, adopter des flows totalement d’actualité sans céder à la facilité, être efficace tout simplement. Tout ce qu’il nous reste à lui espérer est de tourner en rotation sur toutes les radios rap, avec Fais-les danser ou Allo par exemple. Et à ce moment-là, peut-être, l’été 2017 du rap murmurera « Oui oui sisi ». Sous le sourire en coin de Bigou, qui regarde évoluer son frère de tout là-haut.

Juin 2016. Il a suffit d’un titre à Adam Naas pour en convaincre beaucoup. Sur les toits de Paris, il tourne à l’improviste avec un ami new-yorkais, la vidéo de « Fading Away ». Un titre mélancolique dont la douceur est portée par la voix androgyne de l’artiste qui fini par s’effacer progressivement au fil de la vidéo. Un peu comme dans la vraie vie, où Adam s’est depuis fait silencieux. Quelques mois après sa découverte, on a retrouvé le chanteur avant la sortie de sa deuxième vidéo « Please, Come Back To Me ».

Photos : @perebisou

 

 

Aux premiers abords, on ressent vite l’hypersensibilité d’Adam, un jeune homme de presque 25 ans. Introverti, il tire sur ses manches, et ne tient pas en place, s’agitant d’une jambe à l’autre alors qu’on établi les plans pour préparer le shooting. Lunaire et solaire à la fois, rêveur et insouciant. Un personnage aux allures candides qui semble se laisse porter par la vie avec l’envie de jouir de tout, et de tirer du bon de chaque expérience. Si ça n’avait pas été la musique, il aurait tout autant aimé devenir fleuriste. « L’important pour moi c’est de vivre de belles expériences. »

 

 

Son premier succès, Adam ne l’a d’abord pas compris : « Je ne m’attendais pas à ça. J’avais voulu faire de la musique une carrière et de savoir qu’il y avait de bons retours, ça m’avait vraiment fait plaisir. Mais du coup ça m’avait fait vachement peur aussi, parce que je me disais que peut-être justement ça pourrait être un avenir pour moi la musique. J’ai dû prendre du temps pour moi, me recentrer, me demander si je voulais vraiment faire ça, si j’avais envie de me dévoiler et finalement créer mon identité musicale et trouver comment j’avais envie de le faire justement.  Et c’est tout ce process qui a pris un peu de temps. » Dans ce process justement, même s’il avoue quelques élans de paresse, sa vision s’affine et il s’entoure d’abord de proches pour la concrétiser.

 


« Je me laisse porter, mais faussement. »


 

Avec tout ça, il a dû apprendre à embrasser la scène, une discipline qui ne venait pas vraiment de soi : « C’est comme quand tu manges des sushis la première fois. Tu te dis que c’est du poisson cru et tu ne sais pas, t’es dans le doute, est-ce que ça se mange vraiment… Et puis après tu le manges et tu finis par te rendre compte que finalement, c’est peut-être ta nourriture préférée et peut-être que c’est ça qu’il faut que je fasse. Et du coup, avant mon premier concert,  je pensais que j’allais mourir… genre tachycardie, hôpital, crise d’angoisse… Ça c’était en première partie de Aaron devant 2000 personnes. »

 

 

Il y a quelques jours, il sortait finalement « Please Come Back To Me », la complainte d’un amour déchu, dans la suite de l’EP quatre titre qu’il sortait en 2016. Avec ses influences éclectiques, ses sonorités électro et sa voix soul, on l’imagine facilement passer la Manche et l’Atlantique et trouver un public. Mais chez lui, pas de stratégie de marché. « Je vois les choses dans leur globalité. S’il y a un mec au States, deux mecs au Mexique, cinq mecs en France et dix mecs en Angleterre qui kiffent et bien je serais content. Genre c’est trop cool.» Pourtant sous ses allures de dilettante, Adam tient fermement à sa vision et entend bien la porter loin. Un état d’esprit qu’il résume en quelques mots : « Je me laisse porter, mais faussement. »

 

Pour cette fin de semaine, YARD choisi de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

Age : 18
Ville : Bagnolet (93)
Instagram : Rubyrodd
Twitter : @Rubyrodd
Soundcloud : Ruby Rodd

 

Présentation

Dès petit, ma tante m’appelait tous le temps Ruby. Donc à partir de ce moment là, Ruby est resté.
Puis quand j’ai commencé à être sur les réseaux etc., il me fallait un complément à Ruby. Il y avait ce film “Le Cinquième Élément” de Luc Besson que ma mère regardait tout le temps, et qui est devenu par la suite mon film préféré que je regardais tous les jours jusqu’à mes 18 ans.
Justement, dans le film il y a un personnage qui s’appelle  “Ruby Rhodes” (il me faisait peur quand j’étais petit). J’adore son style, sa façon d’être et ce qu’il dégage, et je me suis dit « Voilà…Ruby Rodd ! ».

 

Comment en es-tu venu à faire cette musique ?

Depuis petit j’adore chanter, tout le temps et dans n’importe quelle situation. J’avais des parents qui étaient de grands amateurs de musique. Mon père rentrait tous les soirs avec de nouveaux vinyles et tous les deux mois avec une nouvelle platine… À la maison c’était du Barry White, Stevie Wonder, ou Ray Charles à fond. Ma mère, elle, c’était plus Whitney Houston, Mariah Carey ou Diana Ross à fond aussi. J’ai été, on peut dire, bercé par la musique depuis tout petit. À la majorité je me suis dit que c’était le moment de faire ce que j’aimais réellement.

 

Comment tu définirais ta musique ?

Je n’ai pas de réelle définition. Mais je peux dire que le titre “Pourquoi” a un style R&B & Soul. Je dirais que ma musique c’est du “Ruby Rodd”… C’est moi.

 

 

La genèse du titre « Pourquoi »

Je suis quelqu’un qui réfléchis beaucoup et « Pourquoi » c’est la question que je me pose H24…tous les jours en fait. La moindre chose que j’ai pu faire dans ma vie,  positive comme négative…la question qui revenait inconsciemment dans ma tête, c’était celle la…
Et là en l’occurrence, quand j’ai reçu la prod, la chose qui m’est directement venue à l’esprit c’était cette “histoire d’amour” que j’ai eu il y 2 ans. « Pourquoi en fait ? » Et bim ! Le refrain m’est venu direct, les couplets ont suivi.

 

Où étais-tu il y a un an et où t’imagines-tu/te projettes-tu dans un an ?

Il y a 1 an j’étais chez ma mère, j’allais à l’école, je rentrais et puis les weekend je sortais. Dans mon temps libre je faisais quelques covers que j’ai posté sur Youtube au tout début.
Dans 1 an j’espère être encore à côté de mes proches, mes amis et pouvoir profiter et rigoler avec eux. Sinon, j’espère encore avoir de meilleurs sons à vous faire partager.

 

 

 

Pour ce dernier Somewhere In, un nouveau photographe nous apporte son carnet de voyage. Pim Rinkes traversait l’Atlantique il y a quelques mois pour la première fois, à la recherche des meilleures images de la côté Ouest. Il nous raconte :

Golden State, Californie. Un endroit qui semblait encore lointain, mais après avoir sauté dans un avion pour traverser l’Océan Atlantique pour la première fois, il est soudain devenu voisin et proche de moi.

D’abord accablé par les cliché qui s’accomplissent dans tous les quartiers différent de Los Angeles, je n’ai pas cessé de découvrir des nuances qui on apporté une touche d’intimité à la population et aux lieux alors que je m’assurais de rester réceptif à tout moment à travers ma caméra.

Je suis allé aux Etats-Unis pour le vivre à travers mon appareil, c’est pourquoi je me suis assuré de shooter partout et quand je le voulais. Une visite inattendue à San Francisco a confirmé pour moi la diversité de caractère entre les villes américaines. Ce que je retire de la côte Ouest, c’est un sens de la décontraction alors que la réalité compétitive de la société américaine est plus que jamais actuelle. Inspiré par les endroits que j’ai visité aux Etats-Unis, je suis rentré avec une nouvelle appréciation de l’Europe. L’oeil et le style grandit peu importe où vous allez, tant que vous leur en donnez les moyens.

Instagram : @Pimrinkes

Pour tester les derniers écouteurs de Beats by Dre, YARD a choisi trois personnalités. S.pri Noir, Clotilde Chaumet et Prince Waly ont durant une journée pu tester les 8 heures d’autonomie des Beats X ainsi que leur technologie Fast Fuel permettant une autonomie de 2 heures en 5 minutes de recharge. Entre les rues de Paris et Montreuil, ils ont pu apprécier l’acoustique claire ainsi que l’ergonomie flexible du cordon flex-form et ses écouteurs magnétiques. 

Avec S.pri Noir, la musique est un travail et une passion qu’il prend soin d’alimenter en toute occasion. Deux ans après la sortie de l’album « Le Monde Ne Suffit Pas », l’artiste qu’on a pu retrouver sur de nombreux featuring, revient avec le titre et la vidéo de « Skywalker » et enchaîne les rendez-vous et les appels entre ses sessions d’écriture et d’enregistrement studio pour préparer la suite…

 

Avec Clotilde Chaumet, la musique est présente tout au long de la journée. Elle commence par préparer ses playlists pour son cours de yoga hip-hop TIHHY (Très Intense Hip-Hop Yoga) mais aussi pour ses sessions chez Dynamo. Elle a fait de sa passion pour la musique son outil de travail pour dispenser les bonnes ondes avec déjà plus d’un millier de sessions d’indoor cycling à son actif.

 

 

Enfin, en arpentant les rues de Montreuil avec Prince Waly, on envisage facilement la musique comme la bande-son du film de sa vie, une soundtrack d’une autre époque, assez nostalgique. L’époque des premiers succès du rap français et son style intemporel. Tout un univers en parfait accord avec l’EP « Junior » qu’il sortait en collaboration avec Myth Syzer en 2016.

 

 

Photos : @Yannick_Roudier

Un filet d’alcool brun, un ruban jaune plastique et les bafouilles d’une gueule tordue. Sous ses airs de ne rien raconter de précis, le couplet subliminal de Conway sur The Cow dessine une épaisse mais minutieuse description. Au milieu de ces images accumulées, les éclats de biographie sont les clous dans le cercueil de la fiction. Comme le nez plongé dans un roman noir, l’auditeur se cogne à la violence et au tragique de la réalité.
Les auteurs de romans noirs racontent les bas fonds de l’Amérique urbaine, ses figures outrancières et son chaos perpétuel. Les flics corrompus, les dealers et les maquereaux ont quitté les pages de ces bouquins pour venir trainer dans les disques de rappeurs d’Hempstead, Brownsville, Newark et Buffalo.
Pour Conway tout commence à Buffalo, avec un de ces atroces prologues dont le rap raffole. Fin 2012, l’aspirant rappeur est blessé par balles au visage, au cou et au dos. Mais pour un artiste évoluant dans la crasse, les stigmates d’un tel accident sont une bénédiction. Sévèrement alourdi par une paralysie faciale, son souffle pataud à la MF Doom dessine la silhouette du tueur de The Wire Chris Partlow. Quand il réapparait en public, à l’occasion d’un concert à Rochester, c’est en fauteuil roulant que Conway se présente. Avec sa blouse bleue sur les épaules et des tuyaux branchés dans la gorge, il rappe comme s’il avait fuit l’hôpital pour venir sur scène. Celui qui se fait alors appeler « The Machine » parait décidé à tirer profit de cette sombre histoire.

Et sur les boucles cinématiques de Daringer, les deux frères ont des faux airs des poissonniers Raekwon et Ghostface.

Mais c’est Westside Gunn qui des artistes de Griselda Records sort de l’ombre en premier. Il s’est improvisé rappeur pendant la convalescence de son frère Conway, et lui est ce que Joe Pesci est à Robert DeNiro. Avec la voix perchée d’un AZ sous hélium, Westside Gunn menace bruyamment et exécute en plein jour. Cet ancien pensionnaire d’une école de mode fait voler les bouts de cervelles sur des toiles de Basquiat, et détourne l’amour du luxe des malfrats, en remplaçant leurs fourrures par les marques de streetwear, célébrant ses tee-shirts Nike comme des foulards Versace.
Avec ce drôle d’équilibre entre violence et provocations barjos, la clique Griselda recrée l’atmosphère d’un certain rap des années 1990. Et sur les boucles cinématiques de Daringer, les deux frères ont des faux airs des poissonniers Raekwon et Ghostface. Ils se targuent d’être les derniers à cacher un rasoir sous leur langue pour rapper, à en croire l’enthousiasme de quelques vétérans comme Alchemist ou Prodigy, ils comblent en tout cas un manque ressenti sur l’échiquier new yorkais.
Au fil de Flygod, les frangins remontent la côte atlantique, de Miami jusqu’à la frontière canadienne en passant par Baltimore et Fairfax. Un pèlerinage de petites crapules, où l’on échange les références obscures à la NBA et à la WWE, en comptant les billets sur la banquette arrière. Ce disque que Westside Gunn considère comme son premier véritable album solo, convie toutes les gueules cassées du boom-bap. C’est sans doute la principale force de son réalisateur, qui sait soigner les emballages, les castings, et tirer le meilleur de ce rap qu’il écoutait en grandissant.
Difficile de ne pas capter la nostalgie pour l’époque de Mobb Deep, du Wu-Tang et de Nas Escobar dans la musique des frères de Buffalo. Mais sur leurs tables de chevet trônent en bonne place les œuvres du dernier maître de ce rap new yorkais noir et bien serré, celui qui, sur Flygod, traine en fourrure dans les rues d’Hempstead, en sifflant comme Omar de The Wire, Roc Marciano.


« La meilleure compagnie d’un mac, c’est lui-même, et sa vie intérieure qui l’occupe entièrement ». Toute l’œuvre de Roc Marciano tend à confirmer ces propos écrits par Iceberg Slim. De ce maquereau reconverti en romancier, Marci a hérité d’une écriture aussi brute qu’imagée, fleurie par un argot des bas-fonds qui prend parfois des tournures poétiques. Slim et Marci partagent aussi un sens du détail organique. Quand le premier nous racle les narines en décrivant l’odeur de ses tapineuses, le second fait ressentir le contact du vison sur sa peau de bébé.

Dans les textes aux phrases courtes et dépouillées de Roc Marci, la fièvre de l’or et l’opulence ont attaqué l’esprit des pimps. Ils sont devenus misanthropes, mais la folie les a aussi rendu drôles et vifs d’esprit. Ses confessions sont pleines d’aphorismes au sens multiples, et de séquences courtes en très gros plans qui dessinent des scènes complexes. Il lui suffit d’évoquer la température d’un oreiller pour qu’apparaissent à la fois l’idée de paranoïa, la soif du dollar et la violence de son milieu.

Depuis Marcberg en 2010, cet ancien membre du Flipmode Squad de Busta Rhymes est aussi beatmaker. Ses boucles sont taillées pour emporter sans caisse claire, et le sequencing enchaine les productions comme des rebondissements de fin de chapitre. Ses samples de soul et de jazz fusion pourraient rappeler la bande son de la blaxploitation, mais la froideur du style et de l’attitude renvoie d’avantage au cinéma européen et aux films d’hommes de Jean-Pierre Melville.

Cette écriture raffinée et ces productions aux rythmiques discrètes ont marqué toute une génération de rappeurs new yorkais, qui s’en sont franchement inspirés. Daringer, Conway et Westside Gunn sont évidemment des fils illégitimes de Roc Marciano.

Marciano est heureux que les circonstances l’aient piégé dans une vie de malfrat, et attend de finir exilé sur une plage, le corps déformé par ses excès comme Marlon Brando.

Avec Rosebudd’s Revenge, de loin l’album le plus soulfull de sa trilogie sur les macs, Roc Marciano fait un pied de nez au rebondissement final de Citizen Kane. Comme dans le film il se projette dans des flashbacks, mais contrairement au héros d’Orson Wells, peut les contempler sans une once de regret. Marciano est heureux que les circonstances l’aient piégé dans une vie de malfrat, et attend de finir exilé sur une plage, le corps déformé par ses excès comme Marlon Brando.

Chaque ligne a droit à son image ou sa référence sophistiquée. Dans ses mocassins en alligator, le Roi de Long Island nous ballade entre grande cuisine et ultra violence, se détend dans la bouche de Christina Applegate puis combat le racisme en trempant le visage de Jésus dans l’or blanc. Ses longues descriptions métonymiques ne servent finalement aucune histoire, mais continuent de solidifier l’univers qu’il s’est construit tout au long de sa discographie.

Marciano s’est déconnecté du temps qui passe pour prendre quelque chose du New York de chaque époque. La fureur de Kool G Rap, l’esprit de Kool Keith, l’œil de Cormega et l’aura de MF Doom. En l’entendant fredonner avec plus d’âme que de justesse dans les notes, comme sur Ice Cream Man ou Pray 4 Me, on ne peut s’empêcher de penser aussi aux envolées alcooliques de Max B.

Dans les divagations de Roc Marciano, l’une des rares figures invitées est un homme encore plus solitaire et secret que lui. Cet introverti qui marmonne à l’abri des oreilles qui trainent, c’est Ka.


Sur sa couverture du 21 aout 2016, le New York Post attaque au lance-flamme un capitaine des pompiers de Brooklyn. Kaseem Ryan, 44 ans, vétéran du Fire Department of the City of New York, aurait tenu des propos anti flic. En réalité, cette feuille de chou n’a pas voulu différencier les facettes de l’homme, pour alimenter une vieille rhétorique anti rap. Pompier le jour, Kaseem devient Ka pour raconter les nuits de Brownsville, quand ses habitants, agents de police compris, profitent du noir pour commettre des pêchers.
Avant cette couverture du New York Post, Ka marchait dans Brownsville sans que ses voisins ne soupçonnent qu’il possède une des plus belles discographies de ces dernières années. Obsédé par les textes complexes et le symbolisme, il fuit son passé dans des labyrinthes de métaphores filées. Enfant de l’Amérique de Ronald Reagan, il a connu les zombies agonisants et les sols jonchés de matériels d’injections de la « crack era ». Ce sont les fantômes de cette époque qui hantent Ka presque trente ans plus tard.
« Si le Christ voyait les chrétiens qu’on trouve ici, il n’aurait plus qu’à remonter sur la croix et à tout recommencer. » – Chester Himes
Ses albums fonctionnent comme des confessionnaux. De sa voix enrouée et monocorde, Ka rappe comme s’il avait peur que Dieu l’entende et comprenne ce qu’il a été obligé de faire. Dans ses histoires à la voix narrative, c’est comme si nous entendions sa conscience chuchoter. Il y est pourchassé par des bruits de pas, des phares de véhicules, et nous entraine dans une spirale où la violence devient de plus en plus prégnante.
L’ambiance suffocante des récits se retrouve dans les productions. Ka travaille l’espace et le silence des samples de manière à créer une tension sans utiliser de boite à rythme. Les basses et les caisses claires peuvent être remplacées par des bruitages sourds, comme ce mécanisme d’horloge sur Our Father, qui semblent résonner depuis la boîte crânienne en ébullition du rappeur. Ses drones atmosphériques happent comme des tourbillons, et nous emprisonnent avec Ka dans sa tête, et ses souvenirs du Brownsville en lambeaux des années 1980.

Earl Sweatshirt par exemple, en attestent ses shows radios mensuels et ses tweets dithyrambiques, semble n’être impressionné que par deux artistes actuellement : Ka donc, et un certain Mach-Hommy.

Comme son ami Roc Marciano, Ka a traversé plusieurs décennies de rap newyorkais. Ancien membre de Natural Elements, il a aussi été proche de GZA, avec qui il collabore en 2008 sur l’album Pro Tools. Comme les membres de cette branche mystique et introspective du Wu Tang Clan, Ka aime parler de samouraïs, de jeu d’échec, et de films obscurs en noir et blanc, pour donner des concepts à ses chansons et à ses albums.
En 2015, Days With Dr. Yen Lo fait référence au savant chinois, spécialiste des manipulations mentales, du film The Manchurian Candidate. Au fil de ce disque, les interludes laissent entendre que quelqu’un subit une lobotomie. On ne comprend qu’à la toute fin que ces victimes ne sont autres que l’auditeur et les personnages de Ka, placés au départ d’un engrenage menant au crime, à l’auto destruction, et finalement à la pauvreté dans toutes ses formes. En 2016, sur Honored Killed The Samurai, il capture quelque chose d’essentiel chez les guerriers du Japon médiéval : leur quête solitaire et spirituelle de perfectionnement, ce combat contre soi pour élever son art et son esprit.
Ces concepts renvoient finalement à la même idée. Sur chaque album, Ka trie dans son vécu pour prêcher une forme de repentir, et répète ses gammes comme un kata. Gestes, postures, techniques, écritures, toujours plus fins et maitrisés, en vieillissant l’homme se bonifie et parfait son art comme on aiguise un sabre. « Mon frère Ka rappe comme un prophète sur le sommet d’une montagne » dit Roc Marciano. L’ascète Ka ne court pas après la reconnaissance populaire, mais est devenu un rappeur célébré par les rappeurs. Earl Sweatshirt par exemple, en attestent ses shows radios mensuels et ses tweets dithyrambiques, semble n’être impressionné que par deux artistes actuellement : Ka donc, et un certain Mach-Hommy.


Président d’Haïti jusqu’au renversement populaire de 1986, Jean-Claude Duvalier était impliqué dans tous les trafics traversant son île. Les commerces d’armes, de drogues et d’organes lui ont permis de maintenir un train de vie indécent dans un des pays les plus pauvres du monde. Son épouse, Michèle Bennett, est une femme sophistiquée, belle et raffinée. Elle est aussi encore plus avare que son mari, et ses caprices ont terrorisé l’entourage de Duvalier. Fasciné par cette Elvira Hancock haïtienne, Mach-Hommy peint son portrait sur la pochette de H.B.O.
Michèle Bennett apparaît en filigrane tout au long de cet album, à travers des interludes racontant ses frasques les plus surréalistes. Ses millions dépensés en toiles et en fourrures. Les congélateurs importés en Haïti pour conserver ses manteaux au frais sous les tropiques. Le champagne à 6000 dollars coulant à flot dans son Palace réfrigéré. Ses réceptions scandaleusement opulentes, retransmises à la télévision nationale pour que son peuple encaisse dans l’estomac l’ignoble décalage entre ce luxe et leur pauvreté.
Ce décalage troublant est au cœur de H.B.O., une dissonance entre l’univers aussi violent que dément, et l’attitude philosophique de l’interprète. Mach-Hommy, originaire de Newark mais haïtien comme Michèle Bennett, hante son propre disque comme une mixture de Masta Killa, Mos Def et Alejandro Sosa du film Scarface.
Plus Sosa que Tony, parce que Mach se reconnaît dans ceux qui n’ont pas à appuyer sur la gâchette. Le message est aussi que le véritable pouvoir est entre les mains de ceux qui poussent d’autres à agir à leur place. Charles Manson, Adolf Hitler, Martin Luther King sont des exemples, des figures dont les armes sont l’esprit et le langage, le charisme et l’attitude : Justement les points forts de Mach-Hommy.
Son intelligence a quelque chose de démoniale. Il discoure sur le mélange de mélasse et d’argent qui fait « l’odeur corporelle des haïtiens », puis rend visite à sa grand-mère pour pratiquer les rites vaudous de la Santeria. Et d’un sourire malicieux, explique que jeter des agents fédéraux depuis son hélicoptère est sa manière de contribuer à la culture hip-hop. L’ambiance démentielle est renforcée par les samples crasseux de son partenaire August Fanon, pleins de guitares électriques et de pianos psychés. Et sur la production chancelante et complètement hallucinée de Daringer, Mach donne l’impression d’entrer en transe alors qu’il empile les liasses de billets.

Symptomatique de cette envie de solitude, H.B.O. n’a d’ailleurs été distribué qu’en 187 exemplaires, vendus à plus de 300 dollars l’unité pendant l’été 2016.

Si en plus d’August Fanon, KNXLEDGE et Roc Marciano, on trouve Daringer, Camoflauge Monk et Conway sur H.B.O., c’est parce que Mach a fait parti de Griselda Records. Il s’en est éloigné aujourd’hui, certainement parce qu’il préfère rester dans son monde insulaire. Symptomatique de cette envie de solitude, H.B.O. n’a d’ailleurs été distribué qu’en 187 exemplaires, vendus à plus de 300 dollars l’unité pendant l’été 2016. Son prochain album 5 O’Clock Shadow, produit par KNXLEDGE, Earl Sweatshirt et Alchemist, devrait néanmoins le faire sortir de l’ombre.


Westside Gunn et Conway ont effectivement pris une toute autre route. Depuis Flygod et Reject 2, l’album plein de souffre de Conway, ils ont enchainé les EPs pour présenter leur univers et les artistes de leur label : Benny, Keisha Klum, El Camino et Camoflauge Monk. Comme Buffalo Bill, ils ont transformé la poudre en divertissement, et redonné tout son sens au verbe « to buffaloing », utilisé quand on se sert de la crosse de son révolver pour achever un ennemi au sol. Et tout en mettant en lumière le rap de Buffalo (alors qu’ils sont exilés à Atlanta) ils se sont construit une réputation qui a fini par chatouiller quelques unes des oreilles les plus influentes de l’industrie.
Annoncée avec la sortie de Hitler On Steroids, un best of Westside Gunn, les deux frères sont désormais riches d’une signature chez Shady Records, le label du gigantesque Eminem. Les prochains volumes de leur collection noire s’annoncent donc plus ambitieux, et la sortie de l’arlésienne Grimest Of All Time (G.O.A.T.), premier véritable album studio de Conway, va pouvoir se faire en grandes pompes tachées de sang.
Et tant qu’il y aura des crimes, du chaos et des consciences à alléger, il est certain que tous ces auteurs new yorkais continueront à mettre le feu aux bibliothèques iTunes.
« C’est un mensonge des romans policiers de faire croire qu’il suffit de les fermer pour que tout revienne en ordre. Je veux que le lecteur sache que le monde continue de ne pas tourner rond. » – George Pellecanos

Illustrations : Bobby Dollar

Quel tour de force de Kendrick. Le lyriciste de Compton frappe à nouveau juste. Et les mots nous échappent… Tellement la claque est violente. Après le premier visionnage on est groggy, ébahi, stupéfait. On ne sait quoi dire face à tant de talent. Un talent insolent. Comparable à un Michael Phelps, un Usain Bolt ou un Lionel Messi au sommet de leur art, Kendrick domine de la tête et des épaules ce sport. Devenu son sport. Sa compétition. La ceinture autour de la taille. Et pour les malheureux ignorants qui en douteraient il n’oublie pas de leur rappeler. En pleine figure.

Première secousse avec le clip pour HUMBLE., véritable séisme avec ce deuxième visuel pour DNA.. Deuxième track de DAMN., mais premier vrai morceau. Et le moins que l’on puisse dire est que Kendrick ne fait pas dans la dentelle. Il fait appel aux services de l’acteur réputé, Don Cheadle, pour l’épauler dans une première partie folle. La deuxième l’est d’autant plus. Elle suit le rythme effréné de la prod’ cosmique de Mike Will Made It. Auteur déjà de celle de HUMBLE.. Le visuel est brutal et bouleversant. Nous devons ce chef d’oeuvre au duo The Little Homies (composé de Dave Free et… Kendrick Lamar !) et au réalisateur – et photographe – Nabil Elderkin.

Quant aux lyrics, la claque se poursuit. Lamar est au top. Et ne souhaite en aucun cas perdre ce piédestal. Un piédestal acquis grâce à son « DNA. ». À coup sûr. Nous apprenons également que cet acronyme signifie « Dead Niggaz Association ». Lourd de sens. Surtout dans le contexte actuel et les diverses affaires qui ont éclaté au grand jour. Freddie Gray, Michael Brown et bien d’autres… « I got dark, I got evil, that rot inside my DNA / I got off, I got troublesome, heart inside my DNA » « De la noirceur, du mal, pourrissent dans mon ADN / Je m’en suis sorti, je suis problématique, le coeur à l’intérieur de mon ADN ».

Malgré un environnement hostile, Kendrick et son crew s’en sortiront. Grandis. Plus forts. Grâce à leur DNA.. Sans aucun doute. Laissé pour mort…

« I know murder, conviction / Burners, boosters, burglars, ballers, dead, redemption / Scholars, fathers dead with kids / And I wish I was fed forgiveness / Yeah, yeah, yeah, yeah, soldier’s DNA / Born inside the beast / My expertise checked out in second grade / When I was 9, on cell, motel, we didn’t have nowhere to stay »
« Je connais le meurtre, la conviction / Brûleurs, défenseurs, cambrioleurs, « ballers », mort, rédemption / J’espérais être élevé par le pardon / Étudiants, parents morts avec leurs enfants / Ouais, ouais, ouais, soldat du DNA / Né au milieu de la bête / Mon expertise s’est révélée dès l’école primaire / Lorsque j’avais 9 ans, en prison, ou dans un motel, on avait nulle part où vivre »

Lamar ressuscite tel le Christ pour mener les siens vers le succès. Tel Moïse. « The reason my power’s here on earth / Salute the truth, when the prophet say » / « La raison de mon pouvoir sur terre / Salue la vérité, quand le prophète la clame ». Nous voulons bien le croire. Du sang royal coule dans ses veines ? À coup sûr. « I got loyalty, got royalty inside my DNA » / « Je suis loyal, je suis royal, tout est dans mon ADN ».Une loyauté et une fierté que nous retrouverons, disséminées, dans DAMN.. Chapeau bas à Kung Fu Kenny.

Lamar fait indiscutablement partie des plus grands. Au cas où vous l’auriez oublié. Piqûre de rappel ci-dessous. Installez-vous bien. Cliquez. Et au fait, n’oubliez pas, asseyez-vous. En toute humilité.

« Je veux montrer aux négros que le hip-hop est international ». 14 janvier 2017. Najib Mubashir, un californien de 24 ans, actionne sa webcam devant un mur punaisé de posters d’adolescents. « C’est parti. Niska, Commando. Du putain de rap français ». Le type grimace sur les premières notes. Déroutant. Il se marre. Dérouté. « Mais c’est quoi ça ? ». Puis, vite, il hoche la tête, bondit, gesticule. Commando, commando, bang bang bang bang bang. « Ce putain de beat ! Le beat est trop chaud. Son rap et son flow sont lourds». 782 239 vues. Un mois plus tard, rebelotte. PNL, Nekfeu (« Nekfou ») et Booba. 1 121 865 vues. La plus grosse audience de la chaîne YouTube IsTalkCheap. Najib se filmera encore comme ça quatre autre fois, s’enfiévrant sur du Lacrim, Sneazzy, Ninho, Sofiane, MHD ou Kalash Criminel. Dans la foulée, des dizaines d’autres « Reactions to French rap » jailliront sur la Toile, sur fond de jouissance un peu forcée. Il se passe quoi au juste, au pays de l’Oncle Sam, avec le rap hexagonal ?

 

 

Y’a plus de frontières. A l’ère du numérique, les distances se réduisent, les continents se rapprochent. Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Spotify, Soundcloud. Caisses de résonnance mondiales, bouche à oreille planétaire. Là-bas, voilà qu’on découvre nos rappeurs et que nos beatmakers s’exportent. Internet dope la notoriété auprès du grand public comme il facilite les échanges entre artistes. Sur YouTube, l’extrait audio du Tchikita de Jul cumule plus de vues (157 millions et des poussières) que le clip officiel de Do you mind de Dj Khaled, Nicki Minaj, Rick Ross, Future & co (un peu moins de 125 millions), publié un mois plus tôt. Les frenchies tiennent tête aux yankees et se manifestent aux yeux du monde. Y’a plus de frontières. La gloriette internationale de Booba et de PNL aura aussi aidé à la promotion du rap français à l’étranger. Le premier, émigré à Miami, est incontournable. Les seconds le deviennent, révélés outre-Atlantique par la couverture de The Fader et le line-up de Coachella, à défaut d’avoir pu s’y produire . Dans une moindre mesure, la profusion récente de collaborations franco-américaines aura eu pour mérite de témoigner de l’existence de la scène tricolore (Dosseh/Young Thug, Lacrim/Lil Durk & French Montana, Kaaris/Future & Gucci Mane, Gradur/Migos & Chief Keef, Joke/Pusha T …).

 

 

« Je ne comprends pas ce qu’ils disent mais je comprends le flow, je comprends la diction, je comprends l’instru derrière et la manière dont la voix s’accorde avec elle. », explique IsTalkCheap dans l’une de ses vidéos. Le YouTubeur commente et s’emballe pour le beat, les notes, la mélodie, les basses, le timbre, le phrasé, le débit. Des éléments de langage universels. Il saisit et retient les onomatopées et les gimmicks, tics sonores générationnels empruntés à la trap. Le « Bené bené » et le « Chico chico » de PNL, le « Commando » et le « Bang bang » de Niska ou le « Sauvage » de Kalash Criminel. Y’a un truc efficace et transnational dans la répétition, la ritournelle. Des formules rythmiques faciles qui captent l’oreille, embarquent, s’imprègnent. « On ne sait pas ce qu’ils racontent mais ces négros tuent tout ». La langue divise mais la musique rassemble. Y’a plus de frontières. Najib entend du $uicide Boys chez Nekfeu, du Young Thug chez Ninho, du gangsta rap chez Kalash Criminel et de la trap un peu partout. Sonorités familières qui ambiancent et exaltent. Les instrus françaises sonnent comme des productions made in USA. Ça ne les dépayse pas tellement, les kainris, alors ils approuvent, forcément. Dépassé, le temps où le rap français découvrait et suivait le mouvement américain cinq ou six années plus tard. Aujourd’hui, Internet favorise et accélère la transmission culturelle, offre un accès instantané aux tendances du moment. On n’est plus vraiment à la traîne. Mieux, on innove.

 

 

Le rap français évolue, la forme prime beaucoup plus sur le fond. On soigne la production, se dispute les meilleurs talents de la nouvelle école de beatmakers français, ces hommes de l’ombre propulsés dans la lumière qui impulsent le renouveau local : Astronote, Myth Syzer, Ikaz Boi, Therapy, Diabi, Hologram Lo’, Richie Beats, Yoroglyphe, Hugz Hefner, Dany Synthé … Des rejetons d’Internet biberonnés aux musiques du monde entier, qui composent leur propre grammaire, décomplexée, émancipée du modèle états-unien. On ne rougit plus. Les inspirations américaines sont absorbées, remâchées, digérées, puis mâtinées de pop, d’electro, de house, de soul, d’afro ou d’un truc un peu nouveau, non-genré. Des accords bruts ou aériens, industriels ou organiques, clinquants ou minimalistes, envoûtants ou abrasifs. Parmi les spécificités nationales, il y a l’afrotrap, popularisée par MHD. Un genre musical hérité du métissage français, une histoire de fusion entre rythmes trap et africains. IsTalkCheap y consacre son cinquième chapitre, ça le transporte tout de suite. Des airs festifs, réjouissants et dansants. De l’enjaillement pur que le corps ressent, exprime, chorégraphie. Une musique qui fédère et unit. Y’a plus de frontières.

 

 

« Depuis que Jay-Z et Kanye West ont fait Niggas in Paris, Paris est devenu la nouvelle Mecque », soutenait Brodinski auprès des Inrocks il y a trois ans. Peut-être. Peut-être qu’être célébrée par deux visionnaires et icônes du hip-hop a gratifié la ville, et par extension le pays, d’une légitimité artistique. Peut-être que le morceau nous a permis de jouir de leur aura. Peut-être qu’il a nourri le fantasme d’une terre Eldorado du luxe, du raffinement, du bon goût, de l’esthétisme.

 

Et puis peut-être que constituer le deuxième marché du hip-hop au monde force l’attention. Peut-être aussi que les amerloques se reconnaissent dans notre histoire, notre culture et notre diversité. Peut-être même qu’un jour, nous serons ceux qui donneront le tempo, les premiers battements, ceux qu’on copie, mais avec moins de retard qu’avant. Y’a plus de frontières.

 

 

Vous est-il déjà arrivé de somnoler et de vous retrouver dans un état d’apesanteur intellectuelle ? Zone onirique dans laquelle il est difficile de dissocier le réel de l’imaginaire, la minute de la seconde ou le bien du moins bien. L’histoire que je vais vous raconter n’est ni vraie ni fausse – du moins à mes yeux – et pourtant au fil de ces lignes, un doute s’instillera peu à peu dans une région de votre cerveau appelée le thalamus.

Illustrations : @jessicasrmth

 

48. C’est mon nouveau record d’heures passées sans trouver le sommeil. Une agréable volupté de fumée grise m’entoure à mesure que j’exhale de nouveau cette vapeur odorante et hallucinatoire. Il est 4h du matin, je suis affalé sur mon canapé, ordinateur posé sur les jambes tandis que la chaleur émanant de l’appareil m’incommode au niveau des parties génitales, m’obligeant à effectuer une pause pas du tout prévue.
Il faut savoir qu’à ce niveau d’insomnie, votre cerveau fonctionne comme s’il était sous l’effet de l’alcool et se met alors à halluciner. Votre cœur, lui, est plus réceptif aux accidents cardio-vasculaires; surtout si comme moi, vous êtes un sportif du dimanche de très haut niveau. J’avance donc péniblement vers les toilettes pour me soulager d’un surplus de Red Bull puis me dirige vers la cuisine afin de m’emparer d’une canette de coca. Je suis fou, je sais.

 

 


Kim se fait braquer à Paris tandis que l’une de ses sœurs se trouve en boîte. Tout a été documenté, monté, coupé, étalonné, mixé et sa vie nous est présenté sans la moindre pudeur.


 

De retour dans ce vieux canapé que j’exècre et qui me rappelle à chaque instant qu’écrire pour gagner sa croute est un long cheminement pavé d’ingratitude et de désolation, je décide d’aller sur Youtube. Histoire de procrastiner quelques minutes de plus, mais voilà, il n’y a rien de pire que de glander sur cette plateforme sans la moindre intention. Un océan d’images n’attendant que le fracas d’un clic pour déverser un flot de pixels, littéralement. Submergé par la fatigue et une vague forme de flemme, je cède aux suggestions affichées à l’écran. Au hasard. Je pose l’ordinateur, rallume ce joint encore tiède posé sur le bord du cendrier de la table basse, la musique s’enchaîne. J’entends plus que je n’écoute et cela me convient parfaitement, la lumière émise par la télévision crée un bal dansant d’ombres sur les murs blancs de mon studio.
Kim se fait braquer à Paris tandis que l’une de ses sœurs se trouve en boîte. Tout a été documenté, monté, coupé, étalonné, mixé et sa vie nous est présenté sans la moindre pudeur. Où est cette foutue télécommande ? Nos icônes sont des stars de la télé-réalité et cette mise en abîme me donne le vertige. En parlant de sensation de perte d’équilibre, Kendrick Lamar et son morceau « Backseat Freestyle » joue en fond. Quel morceau terrible, il me rappelle à sa façon le « Stan » d’Eminem…qui dernièrement a chargé Donald Trump et choqué l’opinion publique par la même occasion, juste avant de signer sur son label les flamboyants Westside Gunn et Conway, les frères made in Buffalo dans l’état de New York. François Fillon nous prend pour des cons, sa femme nous prend pour des cons également, leur parti politique nous prend pour des cons et le grand rassemblement du candidat des Républicains sur la place du Trocadéro n’y changera rien. La weed me fait divaguer.

 

 

J’attends le retour de Nessbeal comme j’espère que le peuple français reconnaisse le talent fou d’un Esso. Tiens…en parlant de lui, Nekfeu a pris le relais sur Youtube. Que devient Dailymotion ? Combien sont les mecs de Daymolition pour sortir autant de vidéos en flux tendu ? Comment élève-t-on une grue de chantier ? Peut-on boire l’eau de la pluie ? Que de questions…
Le cul de la vieille me brûle la lèvre inférieure tandis que je récupère l’ordinateur posé sur le côté, j’écrase le mégot après m’être emparé du cendrier, la télévision s’éteint. Je comprends alors que la pression brusque exercée au niveau du fessier gauche a permis à l’extinction accidentelle du téléviseur. Le reflet grossier renvoyé par l’écran noir et un peu réfléchissant me fait sursauter, mes oreilles sont mises à rudes épreuves par le flot de comparaison énumérés par Nekfeu dans le morceau dont je n’ai pas encore saisi le titre.
J’imagine que ce titre est inédit ou une chanson que je n’avais pas entendu auparavant. Alors j’écoute tout en roulant un nouveau joint parce que jusqu’au bout-iste je suis. En deux temps trois mouvements, l’affaire est pliée, le joint est roulé avec un collage à gauche pour un décollage adroit. Feu.

 

 

Quelque chose me turlupine dans ce morceau, un truc sur lequel je n’arrive pas à mettre le doigt. Alors je remets le titre au début et là, stupeur ! Que vois-je ? L’artiste que je croyais écouter n’est point celui dont le nom s’affiche sous la vidéo. Il se trouve que celui qui m’a floué s’appelle Django et que le titre du son est « Fichu ». Mais qui est-il ? Loin de moi l’idée de sonner comme un spécialiste du rap et de ses acteurs mais il y a clairement quelque chose qui ne tourne plus rond dans ce monde. Un entourage bien mieux intentionné lui aurait dit qu’il sonnait trop comme Nekfeu.
J’ai l’impression d’être bloqué dans un mauvais rêve où une moitié des rappeurs aurait le phrasé Rap Conterdesque, l’autre, le flow d’Hayce Lemsi et que tous kickeraient un 8 mesures. Chacun devenant ainsi l’écho de l’autre jusqu’à se perdre dans une atroce polyphonie.

 

 

Le pseudonyme Django quant à lui me fait penser à l’ancien acolyte du boug Dif mais aussi à Quentin Tarantino, mec le plus surestimé du cinéma aux côtés de Roman Polanski, le violeur adulé des stars. Je repense à la compilation Première Classe, au titre « Volte/Flow » de Disiz La Peste et de Busta Flex. En tout temps, n’avons nous pas été offusqués par la copie ? Mais ici, ne s’agit-il pas plutôt d’inspiration ? Quelle est donc la ligne de démarcation entre ces deux états ?
Car là d’où je viens, on appelle ça un manque de personnalité. Et s’il ne copie pas, Django pastiche t-il Nekfeu comme Rabelais ou Marcel Proust imitaient leurs contemporains en leur temps ? En effet, la copie n’est pas forcément la forme de flatterie la plus sincère. Alors que le pastiche, lui, a quelque chose de beaucoup plus insidieux, voire critique.
À travers sa collection de vidéos « La Recette », le Youtubeur Maskey met le doigt sur un phénomène de plus en plus décomplexé qu’est le copy cat. Osez dire que je suis fou après avoir regardé La recette #5 consacrée à Nekfeu. Y avez-vous repéré les indices dissimulés ? Le hoodie noir estampillé Trasher du faux Nekfeu n’est-il pas le même que celui porté par Django dans le clip « Fichu » ? Killuminati serait tellement fier de moi ! Je ne vois pas d’autres explications…ou, alors, Maskey aurait basé sa recette sur Nekfeu avec sa meilleure copie : Django. Le mindfucking à son meilleur.
J’imagine alors le malaise régnant dans la pièce lors d’une rencontre entre les deux individus, moi disant : « Django, je te présente Nekfeu, Nekfeu, voici Django », Nekfeu, gêné dirait « Bonjour fils ». Ambiance.

 

 


C’est comme si, l’auteur avait souhaité vomir ses ébauches sous forme de matière pâteuse, lourde et odorante…


 

La mode du  swagger jacking (vol de swag, ndlr) existe depuis belle lurette, je me souvient de Jay Z copiant le flow de Young Chris, protégé de Beanie Sigel et tous les deux chez Roc-A-Fella. Je me souviens de Six Coups MC ressemblant beaucoup à Rohff. Je me souviens aussi de Desiigner suçant les cordes vocales de Future. Faut dire que dans tout ça, le plus chiant c’est quand ta voix ressemble à celle du mec à qui tu voles le flow. Oui, jouer sur les malentendus c’est d’une puterie sans nom.

Le jour se lève, les oiseaux commencent à gazouiller et mon joint est à moitié fini. Je me rends compte que la cendre a complètement salopé mon trackpad et les empreintes de mes doigts habillent la surface basse du pavé numérique.
Et puis, quelque chose me frappe : Your Old Droog aussi avait pendant un temps suscité la controverse à cause de sa trop grande similarité vocale avec celle de Nas, jusqu’à ce qu’une théorie le présente comme Nas lui-même. L’homme n’était pas connu, personne ne savait à quoi il ressemblait et tout ce qu’on avait de lui, c’était ses morceaux. Vous me direz que Django n’a pas ce problème là puisque qu’il figure dans ses clips. Mais parlons-en de ces clips…j’en suis à trois vidéos et les problème de synchro ne plaident pas en sa faveur. J’ai beau chercher sur internet, je ne trouve rien qui puisse m’éclairer sur le personnage et j’ai beau être à la limite de la folie, j’ai comme l’impression que Django est incrusté sur fond vert dans son clip « Fichu ». 
À ce moment là, la théorie de la filiation vole en éclat pour ne laisser place qu’à une seule hypothèse : Django et Nekfeu ne feraient qu’un.

 

 

Il ne serait pas le premier artiste à user de cette ruse pour proposer son œuvre sans jugement ni opinion pré-établie. Rappelez vous : l’auteur Boris Vian et son alter ego Vernon Sullivan, Robert Galbraith plus connu sous le nom de J.K Rowling (créatrice d’Harry Potter), Romain Gary et son invention Emile Ajar (il aura quand même réussi à gagner le prix Goncourt sous chacun des deux noms !) ou encore le maitre de l’horreur Stephen King qui aura publié plusieurs livres sous le nom de Richard Bachman avant de se faire démasquer par un étudiant en littérature. Hors Nekfeu n’a t-il pas, à plusieurs reprises, affirmé qu’il était un grand fan de littérature (d’ailleurs sa référence au roman « Martin Eden » de Jack London est super chaude) ? Est-il donc envisageable qu’à un moment où à un autre, il eut envie de s’exprimer sans pression ni attente, comme au bon vieux temps ?
J’arrive à m’en convaincre moi même, alors je décortique les lyrics et les vidéos. C’est comme si, l’auteur avait souhaité vomir ses ébauches sous forme de matière pâteuse, lourde et odorante…sa schizophrénie prenant forme sous les traits d’un alter ego répondant au doux nom de Django. Beaucoup trop de jeu de mots, de comparaisons, de références au Japon et même si les titres sont très consistants et bons, aucun ne prend la mesure d’un morceau de Nekfeu.

 


Les pièces du puzzle semblaient s’agencer parfaitement mais je ne suis plus sûr de rien. Ai-je imaginé tous ces indices ? Ai-je supputé toutes ces pistes ?


 

« Martin Eden », « Réalité Augmentée », Django…tout cela fait sens dans ma tête, la logique est implacable. C’est un peu comme dans le film « Fight Club » avec le grand combat contre soi-même, le dédoublement de personnalité, la critique de la société et de ses mœurs, la grande conspiration quoi. Une mise en abime absolue, une folie. D’ailleurs si le film vous a plu, je vous conseille le roman du même nom, par Chuck Palahniuk. Du petit lait.
Merde…les Illuminatis et le groupe Bilderberg me voient me rapprocher de la vérité, ils épient mes recherches web, je le sais, je le sens… Au détour d’une page internet je découvre que le rappeur a écrit le morceau « Nique les clones, Part. 2 » dans l’album Feu, sorti le 8 juin 2015. On y retrouve quelques passages intéressants, tel que « vu qu’on forme des conformes qui ne pensent qu’à leur petit confort », « je ne vois plus que des clones, ça a commencé à l’école » ou encore « on est pas des codes barres, t’as la cote sur les réseaux puis ta cote part/ Le regard des gens t’amènera devant le miroir ».
La première apparition publique de Django, elle, intervient le 6 mars 2016 par le biais du clip « Billy Cocaïne ». Avez-vous déjà essayé de comprendre le principe du ruban de Möbius ? Mon cerveau est en surchauffe. Je n’arrive plus à me défaire de cette machination abominable, vraiment, je vois des maux partout…

 

 

M’en voulez pas, il faut que j’abrège. Une migraine lancinante me foudroie le crâne mais j’ai bien peur d’avoir dépassé le stade de la douleur. Les pièces du puzzle semblaient s’agencer parfaitement mais je ne suis plus sûr de rien. Ai-je imaginé tous ces indices ? Ai-je supputé toutes ces pistes ?
Il est 8h du matin, je viens de relire mon texte et je suis partagé entre le génie de ma folie et la honte d’avoir pondu un truc aussi facile.
Bref. Youtube ne m’y reprendra plus. Il est 8h10 et je m’apprête à décéder de fatigue.

 

Dès le 16 mai, et ce tous les mardis de l’été, le YARD Summer Club reprend son enjaillante résidence sur la terrasse du Wanderlust. Il y aura comme d’habitude des escadrons de DJs pour oublier ton impôt sur le revenu, 3 ambiances électrifiées (terrasse/club/restaurant), pour célébrer ton examen réussi (Bac, permis B, Master, Alcootest), des lives pour alimenter ton compte Instagram, des toilettes pour soulager ta vessie et un service d’ordre pour te jeter dehors si tu fous la merde.
Wednesday is still the new sunday!!!

Après quatre ans de résidence au Wanderlust, YARD continue sur sa lancée, en ouvrant le spectre musical du #YSC en ramenant encore plus de vibes sonores différentes dans chaque lieu, avec un line-up renouvelé chaque semaine et des ambiances thématisées dans le club et dans le restaurant (Hip-Hop Old School, Trap, Afrobeats, Rap Français, RnB, Raggae Dancehall, Zouk?..).

Pour surpasser notre dernière édition riche en invités (Skepta, A$AP Rocky, ILOVEMAKKONEN, Nekfeu, Booba…), on a décidé de passer l’étape supérieure et de vous proposer encore plus de lives. Comme l’année dernière : certaines têtes d’affiches seront annoncées, certains artistes FR ou US feront l’objet de petites surprises. Certains artistes US feront leurs premiers pas à Paris sur la scène du YSC, tandis que nous donnerons l’occasion a pas mal d’artistes FR de venir se frotter à vous.

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Chaque discipline impose une maitrise des fondamentaux, c’est pourquoi le Yardstaff a mis en place un panel de tacticiens confirmés pour décortiquer le genre musical qui infuse la quasi totalité des productions de rap américain et hexagonal : la trap, et plus généralement le southern rap des Etats-Unis. Après lecture et absorption des références de cette joyeuse table ronde, nul doute que ton dab aura une petite saveur supplémentaire.

Didier Deschamps a donc sélectionné 4 intervenants de devoir :

PureBakingSoda aka Le Grimoire. Le journaliste, sous ses airs de ne pas y toucher, est un processeur ultra puissant qui analyse et confronte les acteurs du hip-hop américain avec une pertinence jamais démentie chez nombre de nos confrères. Son blog du même nom est une intarissable mine d’où les rappeurs injustement méconnus reviennent à la vie.

MoFo et DJ Weedim aka Boule & Bill. Le premier, malgré sa couverture de graphiste chez BETC, est un composant de la formation French Bakery (collectif d’alcooliques créatifs qui compte bien inonder ta bibliothèque iTunes et ton dressing au cours de l’année 2017) et traine depuis un bail sa grande dégaine longiligne dans les méandres du dirty south. Weedim, lui aussi élément déterminé de la French Bakery, est un artisan musical hyper actif de la trap française, producteur de forcenés tels que Vald, Biffty ou Alkpote.

@AnthonyATLien aka Andre 3001. Jeune pousse de 25 ans, il est passionné de rap américain et plus particulièrement de la scène sudiste de ces 15 dernières années, il a même habité à Atlanta courant 2013. Sa jeunesse était un gage de fraicheur au milieu des autres individus en cours de fossilisation autour de la table ronde.

La discussion fut animée et bon enfant, et quelques informations étonnantes purent filtrer entre deux gorgées d’Oasis : la trap est sous-traitée en Croatie et Jack Lang serait homosexuel.

Quel a été votre premier contact avec le rap américain du sud ?

PureBakingSoda : Outkast.

Le premier album, Southernplayalistic-mes-couilles [le sublime Southernplayalisticadillacmuzik sorti en 1994, ndlr] ?

PureBakingSoda : Nan j’étais trop jeune. Ça devait être fin 90…

AnthonyATLien : Stankonia ?

PureBakingSoda : Ouais ça devait être Stankonia [4ème album d’Outkast sorti en 2000]. Comme en France et en Europe c’était très New York, le premier truc un peu mainstream du sud qui s’est imposé c’était cet album. En fait quand t’es gamin tu fais pas attention à ce qui vient du sud ou pas. Ma génération n’a pas connu cette période où il y avait que du rap new yorkais, du coup tout était mélangé et je suis rentré dans le rap du sud sans faire gaffe.

AnthonyATLien : Moi c’est un peu comme toi, Ludacris et Outkast presque simultanément. Quand j’ai écouté Stankonia je me suis pris un missile dans la tronche. Quand j’ai entendu « Bombs Over Baghdad« 

… c’était toi Baghdad !

AnthonyATLien : Ouais c’est ça. Je me dis « mais qu’est-ce que c’est que ce truc » ? Après j’écoute Ludacris avec l’album Back For The First Time… wow c’est quoi ces instrus ? Le 808 cogne [le TR-808 est une boite à rythme légendaire dans la musique électronique et notamment dans la production du rap du sud des Etats-Unis]. Après arrive Lil Jon, là aussi je pète un câble. Bref au début des années 2000 il se passe un truc à Atlanta et je me dis que la ville est là pour longtemps.

Et pour toi mon petit Romain ? [prénom de DJ Weedim]

Weedim : Là où j’ai vraiment switché et où je me suis dit y’a un truc qui arrive c’est avec l’album Da Game Is to Be Sold, Not to Be Told de Snoop. Notamment le morceau avec Master P (Whatcha Gon Do?), je me prends la rythmique de New Orleans, j’ai ressenti une violence et un truc street… après j’ai fait des recherches et voilà c’était parti.

Et toi MoFo ?

MoFo : Moi c’était en 90…

…1990 ? Marty Mc Fly, Raymond Barre tout ça ? [Rires]

MoFo : Ouais les premiers Master P et son label No Limit. J’ai fait un tournoi de basket au States et dans l’équipe y’avait des mecs de Memphis et de New Orleans qui étaient à fond No Limit. Déjà graphiquement, tu me connais [effectivement je le connais], je kiffais les pochettes.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

« La scène rap du sud est faite de plusieurs influences, le rock, le blues. L’énergie agressive des riffs de guitare ça tue. »

MoFo

À l’époque fallait être dans le turfu pour kiffer le délire.

MoFo : Ouais au début je comprenais pas trop, initialement j’étais plutôt New York avec l’aspect lyrics et tout. La vraie claque rap du sud pour moi ça a été Three Six Mafia [AnthonyATLien lâche un petit « hum » approbateur]. Quand je suis arrivé en France, je venais de Côte d’Ivoire, je débarque dans un bled de geois-bour à Saint-Germain-en-Laye et j’écoutais du Metal [rires], j’ai chanté dans un groupe de Metal j’avais 13 piges [re-rires]

N’allons pas trop loin dans tes dossiers personnels ! [rires]

MoFo : … et bah quand je me suis pris Three Six Mafia y’avait une énergie similaire. Les lyrics étaient pas vraiment conscients, les mecs peuvent dire un peu n’importe quoi, mais il crache le feu. La scène rap du sud est faite de plusieurs influences, le rock, le blues. L’énergie agressive des riffs de guitare ça tue.

Weedim : C’est ça. Le premier groupe que j’ai kiffé étant tipeu c’était AC/DC. Le premier groupe de rap c’était Onyx. C’était normal que j’accroche sur le Dirty South en fait.

Pour parler de l’origine du mot « trap », quand on va sur Wikipedia y’a une citation de T.I. : « Il y avait la Crunk avec Lil Jon et Organized Noize. C’est moi qui ai inventé le terme pour la musique et c’est ça qui a ouvert la porte pour tous les autres ». Bon déjà Organized Noize et Crunk c’est chelou, mais aussi y’a eu du monde avant T.I.

Weedim : C’est peut-être lui le premier qui a posé le nom.

MoFo : C’est le premier qui l’a marketé.

On sait que l’origine du mot vient de la trap house, qui est le pav’ du dealer du sud où il coffre sa came et ses armes. C’est une musique de dealer à la base.

AnthonyATLien : Oui c’est clairement pas T.I. qui a inventé le mot un matin en 2001.

PureBakingSoda : Là où il est fort c’est que c’est du marketing mais on est là et on en parle. Musicalement il s’inspire de UGK et d’Outkast.

D’ailleurs est-ce qu’on peut dire que Outkast c’est de la trap ? Peut-être à la limite le premier album qui est orienté rue…

PureBakingSoda : Oui ils campent un personnage de pimp pendant tout le disque. C’est leur seul truc un peu caillera. Andre 3000 ensuite il devient végétarien et il sort avec Erykah Badu. Par contre Organized Noize [producteurs iconiques d’Outkast et légendes sous-estimées]ont joué un rôle dans la naissance de la trap.

AnthonyATLien : Il faut le dire ça !

PureBakingSoda : La Dungeon Family, toute l’équipe un peu secrète autour d’Outkast, avec Goodie Mob, Organized Noize etc, y’avait pas mal de caillera là dedans et notamment un gars qui s’appelle Cool Breeze qui sort un album en 99, East Point’s Greatest Hits, qui est produit par Organized Noize avec des prods hyper modernes funk, un peu country. Le mec dessus va rapper de façon saccadé et c’est des flows qu’on retrouvera après chez Jeezy et T.I., et il le fait sur des prods d’Organized Noize. Y’a pas encore le nom trap mais dans une certaine mesure on y est. Et c’était quelque chose qui devait être très répandu mais on le savait pas, y’avait pas internet, la presse s’en foutait.

C’est une des grosses vertus d’Outkast, c’est d’avoir mis Atlanta sur la carte.

PureBakingSoda : Avec la Dungeon Family on avait un petit coup de projecteur sur cette scène à un moment donné. Donc on ne sait pas comment ça a véritablement commencé mais avec le disque de Cool Breeze on sait qu’il y avait des flows comme ça à la fin des années 90

AnthonyATLien : Je voudrais rebondir [il nous tend des impressions d’une qualité assez discutable]. Regardez, dans le clip d’Outkast de Rosa Parks en 98, on voit le mot trap dans le fond. Bon mon imprimante déconnait un peu mais on voit…

Ah ouais, là il faut un ophtalmo… [rires]

AnthonyATLien : Dans le clip le mot clignote on voit que ça.

Justement sur les termes… il y a le dirty south, le crunk, la drill à Chicago, la trap maintenant…

MoFo : Avec la Crunk ils voulaient faire un truc gangsta mais aussi très festif, pour toucher tout le monde. Tu vois bien chez Lil Jon, tout le package, le look, l’artwork, ça se voulait plus démocratique.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

« À la base c’est les flows de Memphis. Après si tu demandes à Migos qui est Lord Infamous, je suis sûr qu’ils l’ont jamais écouté, c’est des gamins d’Atlanta. »

PureBakingSoda

La crunk c’est un peu de la trap pré-natale qui voulait rentrer dans les clubs.

PureBakingSoda : L’album qui fait un peu la transition entre la crunk et la trap c’est Causin’ Drama de Drama qui sort début 2000 où le gars fait de la trap sans faire exprès je pense. C’est produit par Shawty Redd [tout le monde réagit avec des borborygmes respectueux à l’évocation du légendaire producteur] qui a écouté Lil Jon et toute la vague No Limit. Il crée la trap par hasard en réunissant les deux, ces espèces de rythmiques militaires qu’il y a chez No Limit associées aux synthés et aux trucs très froids de la crunk. Je pense qu’à l’époque il devait être vendu comme un disque de crunk mais en l’écoutant on a l’impression d’écouter un truc anachronique de trap actuel. Pour revenir aux termes dont tu parlais, je ne crois pas qu’il y ait eu une musique appelée dirty south. On avait une vision déformée de la presse hip hop qui était essentiellement new yorkaise et méprisante pour le rap du sud.

MoFo : Les rappeurs du sud c’était les « country boys », les campagnards, les pouilleux…

AnthonyATLien : Outkast se fait même humilier au Source Awards de 1995, ils gagnent le prix du meilleur nouvel artiste de l’année en pleine guerre East Coast/West Coast et ils se font huer. Andre 3000 dit « le sud a des choses à dire ». C’est prophétique, 5 ans après Ludacris et T.I. arrivent, Lil Jon explose, ensuite Jeezy et Gucci Mane.

Un des mecs qui a porté toute cette culture et qui l’a mise au premier plan, et je pense que vous serez d’accord, c’est Mannie Fresh [tout le monde acquiesce à l’évocation du sérénissime producteur ô combien légendaire, coupable de livrer hit sur hit et ce dès les années 90 avec le label Cash Money de Birdman et Slim]. C’est une sorte de DJ Premier du sud. D’ailleurs est-ce que c’est pas un peu lui, avant Timbaland et les Neptunes, qui a mis ce truc festif dans le rap ?

Weedim : J’en reviens encore à New Orleans puisqu’il vient de là-bas. Ils ont cette rythmique, cette culture festive, les cuivres, les drums.

AnthonyATLien : C’est une ville à 80% noire, avec des racines de descendants d’esclaves, à fond dans le carnaval, le jazz festif, et c’est ce que Mannie Fresh a apporté dans sa musique.

Pour aller un peu dans l’actu, on dit souvent que les mecs de Migos ont inventé un flow.

AnthonyATLien : Le Triplet Flow, le flow en trois temps ouais. Lord Infamous, qui est un affilié de Three Six Mafia, le faisait déjà il y a 20 ans. Bon c’était pas aussi épuré et propre que Migos… E-40 le faisait déjà aussi.

C’est peut-être leur génie, de remettre ce flow au goût du jour.

PureBakingSoda : À la base c’est les flows de Memphis. Après si tu demandes à Migos qui est Lord Infamous, je suis sûr qu’ils l’ont jamais écouté, c’est des gamins d’Atlanta. Leur influence reconnue c’est Future, qui est de la même ville et un peu plus vieux. D’ailleurs au passage Future est membre de la Dungeon Family.

Ah putain je savais pas.

PureBakingSoda : C’était un mec de l’ombre, il écrivait des refrains pour Ludacris etc. Il connait bien le rap, il a écouté Lord Infamous lui. Sur son premier album il invite Juicy J [membre historique de Three Six Mafia toujours actif aujourd’hui] et il rappe comme un mec de Memphis et c’est la première fois qu’on entend un mec d’Atlanta qui rappe sur tout le morceau en Triplet Flow. Et du coup les mecs de Migos c’est ça qu’ils ont entendu et c’est ça qui les a influencés.

Weedim : Mais c’est eux qui ont popularisé ce flow à un niveau incroyable. Je pense qu’il y a des rappeurs qui sont devenus rappeurs grâce à eux. C’est Zaytoven (autre producteur incontournable du sud, hitmaker attitré de Gucci Mane) qui a dit dans une récente interview que Migos avait changé la face du rap et c’est vrai.

Comme tous les courants musicaux qui marchent, la trap subit une récupération d’artistes plus mainstream comme Kanye West, Drake, Big Sean… Qu’est-ce que ça vous inspire en tant que puristes du genre ? Ça vous écorche le slip ?

MoFo : Non parce que la revanche de cette scène qui était méprisée est juste dingue. Après c’est sûr qu’il y a aujourd’hui une réelle uniformisation du rap.

Weedim : Y’a un marché, une tendance, et les artistes font aussi ce qui marche. Si demain t’arrives avec un flow New York 97 et le beat qui va avec c’est pas gagné.

AnthonyATLien : Moi ça me fait un peu chier. Avant j’aimais bien le régionalisme du rap, sa diversité. Avec internet et l’accès facilité à la musique tout est trap, ça me dérange.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

PureBakingSoda : C’était déjà le cas avant, c’est juste qu’avec le temps ce qui reste c’est les trucs différents. Y’a toujours le son du moment qui influence tout le monde. Y’a des mecs de partout qui se sont mis à faire du G-Funk après N.W.A., maintenant c’est la trap c’est comme ça. Même la pop est influencé, Miley Cyrus a fait des sons avec Mike WiLL Made-It [gros gros producteur du sud qui vient de sortir son album Ransom 2. Il produit tout le rap game, dont ses protégés Rae Sremmurd, et est l’artisan de trois tracks dans DAMN. de Kendrick Lamar].

Et ça donne des morceaux plutôt chauds !

Weedim : Moi qui suis DJ y’a un moment si les tracks sont bons et que ça marche je cherche pas à comprendre qui-quoi-comment-pourquoi j’m’en bats les couilles, tant que les gens kiffent.

AnthonyATLien : Je suis pas d’accord. De voir Miley Cyrus prendre les codes trap, « high as fuck », grillz, etc. C’est une caricature, je kiffe pas.

PureBakingSoda : Mais Gucci Mane par exemple, c’est un fils de profs, il a fait beaucoup de prison mais jamais pour trafic de drogues ou braquage, on pourrait lui faire les mêmes reproches et pourtant personne ne lui fera jamais et je crois qu’on l’adore tous ici. L’aspect caricatural on peut l’appliquer à tellement de personnages.

Weedim : J’appelle ça plutôt de l’entertainement.

PureBakingSoda : C’est ça. Ils ont une autre vision des choses.

AnthonyATLien tu as eu un discours qui ressemble un peu aux discours de puristes new yorkais.

AnthonyATLien : [ferme] Mais je suis un puriste Dirty South ! De 2000-2006, jusqu’à T.I. King je dirais [4ème album de T.I.].

« De voir Miley Cyrus prendre les codes trap, ‘high as fuck’, grillz, etc. C’est une caricature, je kiffe pas. »

@AnthonyATLien

Sur l’aspect lyrical de la trap c’est vrai qu’elle est souvent réduite à des paroles sans trop de prises de tête qui décrivent un lifestyle de dealer et de clubs de strip. Est-ce qu’il n’y a pas des lyricistes du genre malgré tout ? MoFo je sais que tu apprécies 2 Chainz et Gucci pour leur humour…

MoFo : 2 Chainz est vraiment drôle. Il y a clairement chez les deux ce petit génie comique

PureBakingSoda : T’en a plein des talentueux en écriture. Scarface des Geto Boys par exemple. Y’a Starlito qui s’inspire de lui. C’est des mecs qui pourraient poser sur des prods new yorkaises, on y verrait que du feu. Et puis le genre est très diversifié, tu peux passer de Scarface à Soulja Boy sans problème [rappeur du sud un peu « léger » qui a pondu le tube planétaire Crank That].

MoFo : Le rap n’est pas un truc qui doit se cantonner à un truc conscient. La musique c’est comme les films, des fois j’ai envie de regarder Dum & Dumber [film humoristique à la débilité assumée, avec Jim Carrey] et d’autres fois j’ai envie de…

… alors vas-y dis moi ça va être quoi ta référence intellectuelle ?

MoFo : La Liste De Schindler ! [tout le monde se tape une barre]

Y’a un débat autour de la trap dans la continuité de ce qu’on disait, est-ce que c’est du « vrai hip-hop » ? C’est un sous genre qui véhicule beaucoup de valeurs mercantiles, on vend de la came, on met des strip teaseuses dans les clips etc…

Weedim : On reste dans la culture hip-hop, sur une base de street, de lifestyle, de débrouillardise, et ça rappe ! Point final ! Faut arrêter de toujours tout intellectualiser. Le premier album de Soulja Boy j’ai trop kiffé ! Et j’ai des potes qui me disaient : « mais t’es cinglé faut écouter Mobb Deep ! ». Je sais pas si c’est la France ou quoi mais y’a toujours un besoin de se prendre au sérieux. C’est vraiment fatiguant.

AnthonyATLien : Pour revenir au thème des lyricistes, je pense qu’effectivement il fallait citer Scarface, y’a Andre 3000 évidemment, et Bun B de UGK. Pimp C [l’autre membre de UGK, légende s’il en est, et décédé en 2007] était plus charismatique donc il plus pris la lumière mais Bun B a vraiment de bonnes paroles.

Je continue à endosser le rôle d’avocat du diable, mais c’est vrai que la trap, au niveau des prods, est parfois d’une redondance incroyable.

Weedim : Au début ça m’a beaucoup fait penser au business du Dancehall, t’as une profusion de musique, des centaines de morceaux par semaine. Le sud c’est pareil. Alors évidemment que là-dedans y’a du bon et du moins bon.

Toi justement qui es un producteur affilié trap, c’est vrai que le genre a une tendance à se répéter.

Weedim : En fait y’a des codes c’est tout. Comme le rap new yorkais, comme la west coast. T’as ton 808, ton snare [caisse claire de batterie], ton charley et une fois que t’as tous les ingrédients tu mélanges et t’as ce beat là. Il suffit de changer une snare pour qu’on soit plus dans les codes de la Trap. C’est des banques de sons bien précises.

Ok mais tu vois si tu écoutes toutes les prods de Zaytoven… déjà tu prends 3 jours [rires], et ensuite tu peux te dire : « merde le gars n’a fait qu’un beat ».

AnthonyATLien : Le truc aussi c’est que c’est les mêmes producteurs qui monopolisent le marché. Mike WiLL Made-It est partout, Metro Boomin est partout, Zaytoven est partout.

Weedim : Est-ce que c’est pas un peu de notre faute aussi ? Parce qu’on est focalisé sur ces producteurs là, parce qu’ils ont un marketing de bâtards etc, mais à côté y’a autant de mecs qui font des trucs différents.

Perso je suis hyper fan de Mike WiLL Made-It.

Weedim : Ouais, moi j’aime bien mais c’est pas celui qui me touche le plus.

PureBakingSoda : Mais ce qu’il faut savoir avec lui c’est qu’il ne touche plus aux machines. Il a son pôle de producteurs, EarDrummers, qui font les sons, mais c’est lui qui s’approprie le crédit du morceau parce que son nom est plus vendeur. Quand c’est des projets maison les mecs sont crédités mais sinon c’est labelisé Mike WiLL Made-It parce que c’est lui la vitrine.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

C’est quoi vos producteurs du sud du moment ?

AnthonyATLien : Metro Boomin forcément, incontournable.

Weedim : Metro c’est comme Mike WiLL, que du ghost, il fait plus rien. Celui que je respecte, mon préféré, c’est TM [TM88, producteur d’Atlanta très en vue également, initialement dans le pôle de producteurs 808 Mafia]. Bon il fait aussi des arrangements par d’autres mecs, mais c’est celui que je trouve le plus original.

AnthonyATLien : Mais c’est qui leurs ghost producers ?

Weedim : C’est des mecs de Suède ou de Finlande je sais plus.

Ah ouais ? La trap vient de Stockholm c’est ça que t’es en train de nous dire ? [rires]

MoFo : C’est qui déjà le gars de Croatie qui fait du son pour tous ces gars ?

Weedim : Gezin 808… Bon en fait c’est simple, tous les mecs, Southside, Mike WiLL, TM88, Sonny Digital, Travi$ Scott, PARTYNEXTDOOR, ils sont tous pluggés avec un croate, c’est Gezin. Lui à la base c’est un mega geek qui va chercher des nouveaux synthés, des nouveaux kits de sons. Avec internet il a linké avec tous les gars d’Atlanta, et toutes les banques de sons des mecs que j’ai cités viennent de ce gars là.

Bon ok… mais sur le principe c’est pas gênant, le mec fournit les producteurs « stars » en texture de sons, ensuite les autres font leur cuisine.

Weedim : Ouais ouais ça tue ! Mais c’est quand même marrant de voir que toute la base de la crème de ce qui se fait en ce moment aux states vient d’un gars qui geek sa race derrière son écran en Croatie !

Un truc qu’amène la Trap, même si c’est peut-être Kanye le réel instigateur, c’est l’aspect androgyne du rap d’aujourd’hui, avec des gars comme Young Thug, Rich Homie Quan ou iLoveMakonnen.

MoFo : Bah Makonnen a même récemment fait son coming out sur twitter. Ce qu’il faut savoir c’est qu’à Atlanta y’a une énorme communauté gay afro-américaine. D’ailleurs mon demi frère est gay et il habite là-bas…

Tu sors ! YARD est sexiste et homophobe ! [rires]

MoFo : Quand j’y suis allé je me suis rendu compte de ça. Mais ça existait déjà dans les années 90-2000, y’avait des grosse soirées homo-thuggin à New York.

AnthonyATLien : Atlanta c’est la troisième ville des Etats-Unis en terme de population gay, derrière San Francisco et New York. MoFo a raison, la sociologie d’Atlanta explique peut-être cet aspect de hip-hop androgyne.

Weedim : Bon et tout le monde parle du côté gay de Young Thug mais depuis le début le gars met en avant sa meuf !

MoFo : Jack Lang aussi mettait en avant sa meuf ! [hilarité générale]La vérité c’est qu’on s’en bat les couilles. C’est de la musique, point.

Table ronde – La trap et le southern rap des États-Unis

« Bon en fait c’est simple, tous les mecs, Southside, Mike WiLL, TM88, Sonny Digital, Travi$ Scott, PARTYNEXTDOOR, ils sont tous pluggés avec un croate, c’est Gezin. »

DJ Weedim

Bon, citez moi chacun 3 albums du sud qui vous ont pété la tête à tout jamais.

Weedim : Moi sans hésiter King Of Crunk de Lil Jon.

MoFo : Ah putain bah ouais je suis d’accord.

AnthonyATLien : Moi aussi.

Weedim : En deuxième je dirais D4L, leur album Down 4 Life.

MoFo : Putain je l’ai écouté tout à l’heure. T’es vraiment trop mon pote.[rires]

PureBakingSoda : Flockaveli de Waka Flocka. C’est un accident total, c’était une mixtape à la base, ça devient un album. Il a condensé tout ce qui s’est passé avant, et tout ce qui se passera après dans la trap music. C’est 1h30 d’émeutes. Ce qui est fou c’est que le mec ne rappait pas deux ans avant, c’est sa mère qui lui a dit « vas-y rappe c’est mieux que de se tuer dans la rue », du coup il sort ce disque là et sans faire exprès ce gars a changé la pop. Je pense que c’est ce disque que Rick Ross se prend dans la gueule et après il fait « BMF » et le producteur du track, Lex Luger, devient une méga star. Bref Flockaveli est pour moi incroyable et parfait.

Weedim : Je vais rajouter Hard To Kill de Gucci Mane.

MoFo : Ouais c’est clair.

PureBakingSoda : Je mets un Gucci aussi, Chicken Talk. C’est sa première mixtape et c’est la première fois qu’il n’écrit plus ses textes, il freestyle. Du coup c’est de l’écriture automatique.

André Breton ! [chef de file du mouvement littéraire des Surréalistes qui utilisait l’écriture automatique, à savoir écrire au fil de la plume sans réflexion préalable]

PureBakingSoda : Ouais c’est limite ça, c’est n’importe quoi ! Et pour moi il n’a jamais réussi à faire un projet aussi bien que ça. C’est quasi intégralement produit par Zaytoven.

MoFo : D’ailleurs Gucci/Zaytoven c’est mon combo rappeur/producteur préféré ever. Et dans mon top des albums je rajouterais When The Smoke Clears de Three Six Mafia.

AnthonyATLien : Moi je mettrais Southernplayalisticadillacmuzik, le premier Outkast. Ils avaient 16 ans et ils l’ont enregistré avec Organized Noize en sortant des cours, et pourtant c’est d’une exceptionnelle maturité. Quand je me souviens de moi à 16 ans c’est clair que j’étais pas au niveau, et même là à 24 ans je pense pas être au niveau de ce disque.

Alors je te rassure tout de suite, c’est certain que non [rires] mais tu es quand même quelqu’un de très intéressant.

AnthonyATLien : Après je mettrais Word Of Mouf, le deuxième Ludacris. Notamment pour le producteur Bangladesh qui se révèle dans l’album.

MoFo : Putain mais il a complètement disparu lui !

Weedim : Peut-être que la drogue l’a emporté, tout simplement.

AnthonyATLien : Nan je crois pas.

Weedim : Mmmh j’ai vu une photo de sa gueule avec une qualité de peau pas claire ! [rires] Et puis en plus, en vrai, il s’est fait archi douiller sur les royalties de A Milli [le tube interstellaire de Lil Wayne, produit par Bangladesh], je crois que c’est ça qui l’a plombé à tout jamais.

AnthonyATLien : Et en troisième album je dirais Tha Carter 2 de Lil Wayne.

PureBakingSoda : On parle du rap du sud depuis une heure mais on avait pas cité Lil Wayne une seule fois.

MoFo : Ouais c’est clair ! Les gens aujourd’hui qui disent encore que Lil Wayne c’est un rappeur de merde… nan mais les gens sont fous. C’est une icône de cette musique.

PureBakingSoda : En troisième je dirais The Diary de Scarface.

Ah ouais il est fou celui-là.

PureBakingSoda : Il m’a marqué à vie.

Bon bah c’est bon on a fini je pense. Après c’est toujours le problème de ces tables rondes, c’est qu’il faudrait une semaine sans s’arrêter.

AnthonyATLien : Juste un dernier truc. Est-ce que vous voyez un autre mouvement remplacer la trap ?

Weedim : Bah là y’a même pas les prémices d’un autre truc. Revoyons-nous dans 5 ans même heure même endroit et peut-être…

MoFo : Quand même je trouve que la grime anglaise fait du boucan en ce moment.

Ouais mais si ça avait dû percer à l’internationale ça ferait longtemps.

MoFo : Y’a des gars comme Stormzy qui sont chanmé…

L’album est sorti y’a un mois, t’en as entendu parler ?

MoFo : Euh non… Wesh on a dit les prémices, qu’est-ce qui t’arrive ? [rires]

AnthonyATLien : Pourquoi pas Toronto. Y’a 10 ans ils existaient pas et maintenant c’est une métropole du hip-hop.

Noirmoutier sinon. [rires]

Weedim : Moi faut vraiment que j’y aille.

Bon bah on arrête parce que sans Weedim on est rien. [rires]

Syd n’est pas la seule membre de The Internet à partir en solo et à se faire une place dans le paysage de la pop californienne. Désormais, il faudra également compter sur Steve Lacy, la plus jeune recrue du groupe.

Le morceau groovy de J Cole “Foldin Clothes” de J Cole n’aurait jamais vu le jour, si la mère de Steve ne l’avait pas traÎné pour s’inscrire un jour dans le groupe de jazz de son lycée. C’est là qu’il rencontre Jameel Bruner, le frère de Thundercat et futur membre du groupe the Internet.

“J’étais super énervé contre ma mère (…) Jameel m’a fait écouter toutes ces musiques et une fois diplomé, il a commencé à m’inviter dans le studio de Syd.”

S’ensuit la sortie de l’album “Ego Death” de The Internet, son vrai premier projet en tant que co producteur. Un projet pour lequel il avoue n’avoir jamais eu d’expérience avant. Epaulé par les autres membres du groupe, salué par la critique, “Ego Death” lui ouvre la voie royale qui le mène directement à une nomination aux Grammys. Une carte de visite parfaite pour poser ses lignes de basses malignes sur une floppée d’autres albums, comme celui de Big Sean et Jhené Aiko, “Twenty 88”, “Only Girl” de Kali Uchis et Vince Staples, ou plus récemment sur “PRIDE” de Kendrick Lamar sur l’album DAMN. Steve raconte:

“Le morceau que j’ai produit pour lui vient d’une session acoustique enregistrée sur mon iPhone. Je l’ai fait écouter à Anna Wise (artiste présente sur PRIDE ayant collaboré sur les 3 derniers albums de Kendrick ndlr) comment enregistrer sa voix dessus sur ce riff de guitare et un petit loop de batterie (…). Kendrick l’a entendu et m’a dit “yo donne moi ton numéro, je veux ça”. (…) il l’a adoré. Quand je l’ai recontacté, il m’a dit qu’il avait terminé l’album, je lui ai demandé le tracklist, il m’a répondu “LOL” avec un émoji.”

 

 

Un son lo-fi un peu crade, enregistré sur Garage Band qui fait penser à Mac DeMarco ou Connan Mockasin, loin des habituelles productions léchées de Kendrick, élargissant un peu plus son spectre sonique. Une patte que l’on retrouve dans son EP solo, sorti cet année, lui aussi entièrement enregistré sur iPhone.

 

 

Difficile à croire que le californien n’est dans le game que depuis deux ans vu l’accumulation de collaborations, et les prochaines à venir: d’autres morceaux avec Kali Uchis, le nouvel album de The Internet, et entre deux des coups de mains à tous les membres du groupe, comme le tout récent album de Matt Martians.

A seulement 18 ans, il ne fait aucun doute qu’il deviendra la tête de proue de la relève post Odd Future aux côté d’artistes comme Raury, avec cette idée de libre navigation entre les styles allant de la soul à la pop bricolée. Ils appellent ça “indigo”, comprendre la jeune génération éveillée.

 

2017 is gonna be a hell of a year….

— steve lacy (@stevelacys) October 14, 2016

Pour cette fin de semaine, YARD choisi de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

 

Age : 18
Ville : Actuellement dans la ville d’Abidjan en Côte d’Ivoire
Instagram : @wavyjows
Twitter : @jowski98
Soundcloud : Jowski

 

Présentation

Alors moi c’est Jowski rappeur & chanteur. Le pseudo « Jowski » m’est venu comme ça, à la base mon pseudo c’était « Kardi Jojo » et j’ai voulu changer tout en gardant le « Jo » parce que ça dérivait de mon vrai prénom (Joan). C’est là que j’ai pensé à « Jowski », j’ai trouvé çà original.

 

Comment en es-tu venu à faire cette musique ?

À vrai dire ça m’est venu naturellement. De base, je suis passionné par la musique et avec le temps et les influences aussi – telles que PARTYNEXTDOOR, Roy Woods, Bryson Tiller et surtout tout ce qui se fait a Toronto – je me suis mis a la « wave ».

 

Comment tu définirais ta musique ?

Ma musique je la définirai  comme une sorte de rhythm & blues avec de fortes influences Rap et R&B/Soul. Elle est « wavy » comme j’ai l’habitude de dire, c’est des vagues douces qui t’emportent ailleurs musicalement. Ça change un peu de ce qui se fait au niveau du rap francophone.

 

 

La genèse du titre « Fenty »

Le son « Fenty »  a été différent des autres sons au niveau de sa composition parce que j’avais déjà écrit l’histoire de ce titre auparavant (les textes donc). Je voulais une ambiance qui colle aux textes, ce que je racontais…à savoir : les balades nocturnes entre amoureux,mon amour pour le physique de la fille, les vices et tout ce qui est dans le contexte « amoureux ». Je m’inspire vraiment de l’amour quand j’écris, en vrai. Ensuite, il faut savoir que j’ai dû changer plus de 3 fois la prod parce qu’elle ne correspondait pas à cette ambiance, puis, quand je l’ai enfin trouvé j’ai fait ce que j’avais à faire.

 

Où étais-tu il y a un an et où t’imagines-tu/te projettes-tu dans un an ?

Y a un an j’étais en préparation pour remplir mes feuilles d’inscription pour le bac. Dans un an je me vois remplir des salles vides pour des concerts, si Dieu le permet.

 

 

 

Coincé dans une playlist entre un Tyler the Creator et un The Pharcyde, Woodie Smalls ne détonne pas. Pourtant, si ses prods, son flow et son accent disent le contraire, c’est très loin des routes de Los Angeles qu’on retrouve l’artiste. Plus proche de nous, c’est du côté flamand du plat pays qu’il a grandi et fait ses armes.

 

Dans quelques jours, le jeune rappeur sera sur la scène du Candy Shop pour le deuxième YARD Live organisé en partenariat avec Allo Floride. En attendant de le croiser dans les coulisses de cet évènement, on a pu l’avoir au téléphone pour lui poser quelques questions. En total accord avec sa musique et ses chatoiements feel good, c’est un jeune homme à la voix souriante et à l’enthousiasme communicatif qu’on retrouve derrière le combiné.
D’entrée, on aborde son enfance et sa rencontre avec la musique qui s’opère très tôt. Pourtant de son propre aveu, « il n’y a rien à Anvers » où il grandit, la scène musicale est quasiment inexistante. Mais dans son parcours, Woodie a de la chance. Dès ses huit ans, il met les pieds dans les studios de son oncle, musicien qui a voué son art au gospel. Si Woodie ne trouve pas son bonheur dans le genre, très vite c’est vers le rap qu’il se tourne, griffonnant ses premiers couplets sur les héros de son enfance et quelques dessins animés. Il faut dire qu’en grandissant, il trouve vite en Lil Wayne et Pharrell des idoles, se référant au dernier comme à un génie dans lequel il se retrouve vite en tant que jeune homme noir.

 

 

Sur son chemin, il croise aussi le rappeur K1D qu’il porte en haute estime: « Pour moi c’est l’un des meilleurs en Belgique ». Avec lui il apprend les ficelles, termine ses premiers morceaux. Sa passion grandit alors jusqu’à lui prendre tout son temps. « Mon père m’a dit d’arrêter la musique, parce que je n’allais plus à l’’école, pour enregistrer. » Ce qu’il fait un temps, mais sa passion reste intacte, et par tous les chemins, il y revient. « J’avais l’habitude d’aller voir K1D et il m’a emmené dans tous les studios d’Anvers. C’était souvent des endroits un peu glauque, avec des junkies. »

 

 

Finalement à 18 ans, sur le conseil de ses amis, il sort quelques sons qu’il a composé. Les choses fonctionnent rapidement pour lui à sa grande surprise : « Je ne m’attendais à rien. » Le succès critique est au rendez-vous et les blogs le situent très vite entre  A Tribe Called Quest et The Pharcyde – pour ses sonorités old school – pour finir par le comparer à Tyler The Creator pour sa voix et son phrasé.

Depuis la sortie de son album « Soft Parade », il parcourt le monde avec ses titres phare « About the Dutch » et « Champion Sound », retourne les scènes avec son énergie positive et sa bande qui l’accompagne où qu’il aille. C’est d’ailleurs toujours avec eux qu’il fonctionne et qu’il fait en sorte que sa passion reste une passion. Très peu de calcul, pas de plan marketing et de plan de carrière. « Je vais juste au studio et j’essaie de faire quelque chose qui me ressemble. On va au studio, et on en sort ce qu’on a fait de mieux. »

 

Dernier résultat en date, la mixtape « Space Cowboys » qu’il écrit aux États-Unis après un passage au Texas pour le festival SXSW.  Un projet cinématique où l’artiste revient sur son séjour américain : « Au fil de l’album et avec les skits, on découvre l’histoire. »
La conversation se clôt sur ses premières impressions quant au concert du 26 avril. Pour lui pas d’appréhension : « Il vont surement me regarder bizarrement au début, mais ils vont surement kiffer. Ça va être génial. » conclut-il en riant. Et on le croit sur parole.

 

 

#YARDLive :
Woodie Smalls – 26 avril @ Candy Shop Paris
Allan Kingdom – 24 mai @ Candy Shop Paris
BILLETTERIE

Du 5 au 18 mai, La Place accueillera l’exposition WU LAB, dévoilant une collection d’objets uniques, encore jamais montrés, qui vous fera voyager dans l’univers du Wu-Tang Clan.
Ce groupe mythique de rap américain formé au début des années 90 par RZA (leader et producteur du groupe) fêtera ses 25 ans en 2018.
À cette occasion, Olivier Annet N’Guessan (journaliste et acteur de l’industrie du Hip Hop) et John Mook Gibbons (cousin de RZA et PDG de Wu Tang Management) ont imaginé une exposition rétrospective sans précédent.

 

 


« L’idée, c’est de permettre au grand public de se plonger dan l’imaginaire ultra prolifique du groupe, dont le logo et plus largement l’esthétique ont inspiré des dizaines et des dizaines d’artistes en tout genre : stylistes, designers… »
Olivier Annet N’Guessan


 

EVENT FACEBOOK | WU LAB, le livre

Tente de remporter des invitations pour le vernissage privé prévu le 4 mai en remplissant le questionnaire suivant. 

 

 

Du mardi au samedi
La Place – 10 Passage de la Canopée
75001 Paris
Entrée Gratuite

 

 

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Il s’en est fallu de peu pour que voie le jour cette série sans nom, filmée par le réalisateur de Seinfeld. Avec Tom Cruise presque en invité surprise.

 

Dans une interview de Donald Glover avec le Breakfast Club, celui-ci parlait de sa série, Atlanta, comme d’une chance qu’on lui donnait, car la chaîne ne le considérait pas comme un rappeur. Une confiance que Kanye West a tenté de gagner dans la comédie depuis 2007, en vain et malgré des apparitions dans des films comme « Anchorman 2 », la série « Entourage », ce spot Nike avec Kobe Bryant ou encore cette fausse pub pour BeKanye, un service pour devenir comme lui:

 

 

Lors de sa première rencontre avec Larry Charles, Kanye West s’était présenté comme « le Larry David noir », des premiers mots qui avaient fait une forte impression au réalisateur de “Borat”, “Bruno”, mais surtout de “Curb Your Enthusiasm”, la série mockumentaire sur (le vrai) Larry David.

« Il est beaucoup plus drôle que ce que les gens voient, décrit Larry Charles. Même ce côté très imbu de sa personne est une blague pour lui, il aime faire, vous savez, le Kanye. En fait c’est un mec brillant. »

De cette rencontre était venue l’idée de travailler ensemble sur un pilote de série, proposée à la chaîne HBO. Le pitch était simple, suivre Kanye dans sa « vraie vie », en reprenant ce qui avait fait le succès de « Curb Your Enthusiasm », avec des dialogues et des situations improvisées.

 

Selon Kanye, cela devait ressembler à un croisement entre « Entourage », « Sex and the City » (dont il adorait le stylisme des personnages qu’il voulait reproduire dans la série) et Charlie Rose. Une fois tourné, l’épisode fut envoyé à la chaîne le 9 août 2007, et s’appelait « a little inappropriate ». Un titre prémonitoire pour une intrigue bancale de base: Kanye avait mangé quelque chose qui lui donnait une mauvaise haleine. Étant phobique de ça, il tentait de s’en débarrasser à tout prix pendant tout le pilote. Une des rares scènes que l’on peut encore visionner aujourd’hui est sa visite à l’hôpital pour rencontrer un enfant victime d’une maladie incurable.

 

 

 

Pour améliorer son jeu d’acteur, Kanye prenait des cours avec Matt Besser du Upright Citizens Brigade, une compagnie d’improvisation de Chicago (comptant entre autres Amy Poehler). Matt invita Wyatt Cenac, un comédien pour jouer le rôle du cousin de Kanye dans la série. Le reste du casting comprenait son ancien garde du corps, Don, et son tour manager. Wyatt décrit les séances d’improvisation comme douloureuses pour le rappeur:

« Pour sa défense, Kanye savait qu’il n’était pas très bon en improvisation…Il avait lu quelque chose à propos de Jerry Seinfeld qui expliquait qu’il fallait s’entourer de talents pour mieux progresser. C’était son but, avoir un entourage talentueux pour qu’il travaille et rattrape ce retard. Mais avant ça, il y avait beaucoup de détails à arranger dans des scènes importantes pour le déroulement de l’histoire. Kanye n’avait pas assez confiance en lui, du coup il faisait travailler les autres dessus. C’est une des raisons pour laquelle l’épisode dure une heure [HBO avait commandé un épisode de 30 min, ndlr]. Et Kanye n’y était pas très présent, les autres oui. Du coup, HBO était un peu genre « On n’achète pas une série pour voir des connards d’inconnus. Trouvez le moyen d’y mettre Kanye plus longtemps ».

 

Sam Biddie du magazine The Gawker se souvient:

« Il était parfois drôle, mais étrangement en retrait, laissant le reste du casting faire la plupart des blagues. Lui occupait juste l’espace, souriait, se retenait des rire. Il agissait comme un enfant, c’était un enfant, on était devant un Kanye plus vulnérable que jamais, incroyablement vain. »

 

Jamais à court d’idées, Kanye voulait que Tom Cruise y fasse également une apparition, on raconte que l’épisode montrait une conversation téléphonique avec lui durant quinze minutes, refusant d’apparaître dans la série malgré l’insistance et les compliments. L’épisode aurait pu être plus léger, et plus court aussi s’il n’y avait pas ces scènes où les collaborateurs de Kanye répondaient à des questions à la façon d’un mockumentaire, mais sans les blagues et l’ironie.

 

Après avoir soumis le pilote à la chaîne, Larry Charles semblait enthousiaste quoique sceptique sur la réception de l’épisode:

« C’était très bon, mais…Je pense que c’est un peu trop hardcore pour HBO. Et la direction de la chaîne a changé. HBO n’a pas un très bon passif quand il s’agit de séries avec des noirs, et il se pourrait que ce changement de management n’aide pas. Je ne vois pas beaucoup de séries de ce genre, c’était très divertissant de le montrer à plusieurs personnes. Les retours étaient très positifs (…) on attend la décision finale ».

 

Sans surprise, HBO décida de ne pas prolonger la série, qui pourtant n’était pas la pire chose que la chaîne avait produite, comparée à « John from Cincinnati ». Un an plus tard, Kanye tenta à nouveau de mettre son pied dans le monde de la comédie, avec un pilote pour MTV produit le rappeur Rhymefest, autour d’un muppet show version hip-hop. Il fit également un flop, mais le pilote lui permis de rencontrer Kim Kardashian. Comme quoi, le malheur des uns…Vous connaissez la suite.

 

Il y a un an, la plus célèbre régie parisienne avait donné le coup d’envoi du concours Instagram #photoRATPhie. Fort de ce succès (participation de plus de 4000 instagrameurs, auteurs de 16 000 photos ayant générés plus d’1 million de likes), elle décide de remettre les couverts cette année du 18 avril au 18 mai.

 

Crédit photo : © Harry Gruyaert/Magnum Photos

 

Cette année, le thème est « LA VILLE DANS TOUTES SES COULEURS » et pour y participer, rien de plus simple : il vous suffit d’être détenteur d’un compte Instagram, de s’abonner au compte @RATP puis de poster votre meilleure photo accompagnée du hashtag de l’opération #photogRATPhie.

Au terme de la sélection, 50 lauréats seront annoncés sur le compte Instagram de la RATP entre le 19 et le 21 mai. Les photos retenues par Magnum Photos (une des agences photo les plus célèbres au monde) seront ensuite exposées à partir du 4 juillet et pendant plusieurs mois sur des espaces dédiés, dans 11 stations et gares du réseau RATP.

Enfin, toutes les modalités de participation et le règlement officiel du concours seront disponibles à partir du 18 avril, ICI

Après nous avoir fait languir avec l’annonce officieuse (dans le titre « The Heart Part IV ») d’un évènement – que beaucoup ont pris pour la date de sortie de son nouvel album – Kendrick Lamar a dévoilé la semaine dernière que son futur album sortirait ce vendredi 14 avril.

Aujourd’hui, le rappeur de Compton a non seulement dévoilé la cover de « Damn », le nouvel album en question, mais il partage également la tracklist de ce dernier.

 

 

Il est intéressant de remarquer le concept de dualité mis en place grâce aux couleurs et au positionnement des éléments.

 

Vous l’aurez compris, esthétiquement le parti pris de Kendrick Lamar est vraiment d’être dans une démarche minimaliste. Comme ces dernières annonces et leur stratégie de communication, K.Dot se débarrasse du superflu pour se concentrer sur les choses essentielles.
Nous savons à quel point le rappeur tient à créer une cohésion parfaite sur chacun de ses projets. Cela passe généralement par un tracklisting étudié au millimètre près, permettant d’alimenter et accentuer le storytelling tout au long de son album. Ici, il est intéressant de remarquer le concept de dualité mis en place grâce aux couleurs et au positionnement des éléments : le noir et le blanc nous rappellerait l’opposition entre le bien et le mal. Mais le fait d’avoir l’artiste en tee shirt blanc dans la partie sombre de la cover nous renvoie au concept du Yin et du Yang, idée beaucoup plus profonde et variée que l’opposition du bien et du mal galvaudée par la culture occidentale.

Si l’on souhaite aller plus loin, on peut constater que les titres des morceaux et leur positionnement dans le tracklist ont sans aucun doutes leur importance : sur un découpage à trois temps (référence à la Sainte Trinité catholique ?), on partirait alors du symbole du sang, élément important dans la religion catholique (pour son rapport à la filiation notamment et rappelez vous, il y a peu, Kendrick nous parlait de sa future famille et de son futur album) et la culture rapologique pour passer à l’échelle macro et l’ADN, toujours en rapport à l’identité. Puis, le twist intervient en plein milieu avec le titre « Humble » que nous avons pu découvrir à travers son étonnant visuel.

 

 

La transition de la chenille « Good Kid, Maad City » à l’insecte majestueux « To Pimp a Butterfly »

 

Comment ? Vous dites ? Oui, c’est vrai, la première image du clip est un Kendrick Lamar grimé en Pape ou du moins en membre du clergé faisant dos à la lumière (qu’on pourrait interpréter par le savoir ou par une présence divine). Et alors ? Le diable est dans les détails on vous dit…

À présent, nous sommes plutôt dans le ressenti, la conscience de son être, de sa place dans le monde avec « le soi » comme diraient les psychanalystes post-freudiens, grâce aux titres de réflexion : Pride, Humble, Lust ou encore Love.
La troisième et dernière partie serait l’élévation de l’âme à l’étape spirituelle (nous avons quitté l’enveloppe charnelle et avons dépassé l’étape des sentiments envers soi mais aussi envers les autres), avec « Fear » (la peur), élément indispensable dans la construction spirituelle : la peur de mourir et par extension la peur de l’inconnu. Enfin, l’album s’achèverait sur le titre « Duckworth » qui n’est autre que le patronyme de Kendrick. Comme pour boucler la boucle et ce cercle vertueux, l’artiste a fait son cheminement : la transition de la chenille « Good Kid, Maad City » à l’insecte majestueux « To Pimp a Butterfly » qui prend conscience de son être voué à une réalité en noir ou blanc (avec un peu de Kendrick au milieu), et révèle alors toute l’ampleur de son être. Damn !

 

 

Tracklist :

1. Blood

2. DNA

3.Yah

4. Feel

5. Loyalty ft. Rihanna

6. Pride

7. Humble

8. Lust

9. Love

10. XXX ft. U2

11. Fear

12. God

13. Duckworth

Rougemont. Il est presque 14h lorsque nous débarquons au Bureau de l’artiste cagoulé le plus connu de France et de Navarre. En face de nous, une agitation anormale se produit dans un hall d’immeuble plus qu’étroit et s’échappent de ce lieu à un rythme régulier, les cris d’une jeunesse, témoin d’un spectacle semble t-il très plaisant. Quelques minutes plus tard, le rappeur Ixzo s’extirpe de cette masse bruyante et vient nous serrer la main. Nous sommes bien loin des clichés dont se délectent Bernard de la Vilardière et cie. Nous sommes le Vendredi 10 mars et Kalash Criminel vient tout juste de sortir « Euphorie », dernière sauvagerie en date. Tout au long de la journée, des bribes de la musique ne cesseront de nous parvenir, encore et encore. La sauvagerie, un état d’esprit.

 

 

Le 10, le 12 et le 14. Le bureau comme ils aiment à l’appeler.
Antre de Kalash Criminel et de ses sauvages. Lieu où tout a commencé…
De Sevran à Paris, pour la dernière de la saison, l’artiste apportera au Yard Winter Club, sa puissance brute et sans concessions. La sauvagerie.

 

 

 

 

Production – Miles

Chef Opérateur – César Decharme
Images additionnelles – Nicolas Bamdad
Son – Thomas Becka
Montage – Samir Le Babtou
Etalonnage – Eriola Yanhoui

 

 

Pour cette fin de semaine, YARD choisi de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

Age : 20

Ville : Paris

Instagram : @Lordesperanza

Twitter : @Lordesperanza

 

Présentation

Lord Esperanza, c’est une référence au roman Vendredi ou la vie Sauvage de Michel Tournier, réécriture de Robinson Crusoé (Defoe). J’ai choisi ce nom il y a déjà 4 ou 5 ans et j’avais été touché par l’idée de donner de l’espoir aux gens.
Lord, c’est la particule qui s’est rajouté avec le temps et qui a finit par représenter l’entité plus schyzophrénique de mon personnage, plus condescendante, moins sensible que Esperanza qui résulte souvent du témoignage d’un jeune sur le monde qui l’entoure.

 

Comment en es-tu venu à faire cette musique ?

J’ai toujours aimé écrire, le rap était la suite logique des poèmes et petites histoires que j’écrivais étant plus jeune. L’envie réelle est venue avec l’essor de la nouvelle école, mais surtout quand je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire, et qu’il fallait que je travaille beaucoup pour donner naissance à mes rêves.

 

Comment tu définirais ta musique ?

Je pense que c’est avant tout le résultat de multiples influences et d’une volonté d’innovation, mais je préfère laisser chacun se l’approprier car je fais trop de choses différentes pour pouvoir le résumer à un seul terme.

 

 

La genèse du titre « Emily »

Mon producteur Majeur Mineur m’a fait écouter la prod, j’ai tout de suite accroché et j’ai commencé à l’écrire l’été dernier, quad j’étais aux USA. Pour l’anecdote, j’ai eu du mal à trouver la première ligne mais dès que c’était fait le reste est sorti en moins d’une heure !

 

Où étais-tu il y a un an et où t’imagines-tu/te projettes-tu dans un an ?

Il y a un an, je sortais « Luxury » un EP 3 titres en collaborations avec mon G, Pollux. Les temps ont bien changé depuis mais je suis fier de tout ce qui a précédé « Drapeau » Noir car ce qui m’a forgé. Dans un an… Disque d’or ? (rires) Je me vois  dans l’écriture de mon premier album, proche des miens, heureux, et épanoui dans ce que je fais ! Sinon, je me vois auprès de Majeur Mineur en train de cuisiner la suite.

 

 

 

On écoutait les Poetic Lover mettre le sexe en vers et en vibes, on gribouillait gauchement sa trousse au tipex, on économisait pour des paquets de vignettes Panini à 2,50 francs et on noircissait son journal intime de conneries d’adolescents. Puis on crânait en survêt’ Tacchini, sous-pull col roulé ellesse, t-shirt Champion, sweat Kappa, baskets Fila et sac à dos Umbro. Six marques de sport cultes presque enfouies, qui reviennent aujourd’hui comme un bon goût de madeleine de Proust en bouche. Moelleux, tendre et régressif.

15 juin 2016. Salon Pitti Uomo. Florence. Des silhouettes battent sèchement le pavé de la cour d’une ancienne manufacture de tabac en survêtements, sweats, t-shirts, tenues de gym, baggys, sneakers et chaussettes hautes. Sur les pièces signées Gosha Rubchinskiy, de gros logos jaillissent, reconnaissables et familiers : Fila, Sergio Tacchini et Kappa. La même saison, Demna Gvasalia réinterprète le survêtement Reebok en nylon, qu’il glisse dans des cuissardes ultra-hautes. Quelques mois plus tôt, le designer détournait le « C » de Champion en « V » de Vetements sur des complets en molleton. A bout de souffle, la griffe de sport américaine décide alors de prendre le hackage comme un hommage et suggère une collaboration, avec son sigle originel. C’est la naissance d’un best-seller et le renouveau d’une marque emblématique. On dit que la mode est un éternel recommencement. Depuis quelques saisons, c’est l’héritage des années 90 que les marques exhument et recyclent. Les coupes amples et les matières moelleuses de cette décennie collent et répondent à une tendance croissante : l’athleisure. Des vêtements de sport portés au quotidien, pour leur praticité, leur confort et leur dégaine décontractée. Envie de se sentir bien, à l’aise, partout, tout le temps. Le phénomène n’est pas nouveau, il s’est démocratisé. Il y a les jeunes créateurs et les maisons de luxe qui s’inspirent, les enseignes de fast fashion qui créent leur gamme « active », les griffes de sport qui développent leur offre lifestyle puis celles, historiques, qui rééditent et subliment leurs icônes. C’est toujours plus cool, un peu underground, de porter les marques et les pièces originales. On dit que la mode est un éternel recommencement.

 

 

On ne veut plus d’une élégance stricte, intellectuelle, austère, d’un style qui manque de nonchalance, d’attitude, de fausses notes. Du beau oui, mais avec du bordel dedans, de l’âme, de la légèreté, du de traviole. S’amuser, se salir, s’encanailler. Lacoste n’a jamais assumé avoir habillé toute une génération de banlieusards avec ses survêts’, ses polos, ses casquettes et ses bananes. Pourtant, en mars dernier, la marque au croco revisitait avec Supreme ses classiques de l’époque nineties. Avec son quelque chose d’insolent et de nostalgique, le look lascar a de nouveau la côte. Les rejetons des années 80 et 90, voire 2000, cherchent à renouer avec le bonheur fantasmé d’une jeunesse pas si lointaine, bercée par le hip-hop, le foot, le basket, les t-shirts oversize, les baggys et les peaux de pêche. Là où tout était plus insouciant, plus coulant. Monde désenchanté. On ne se projette plus tellement dans le futur, trop incertain, trop angoissant. Alors on cherche du réconfort dans le passé, un truc sécurisant, des looks souvenirs, des vêtements doudous, des pièces qui rappellent et racontent une histoire culturelle qui nous appartient. Revenir à des valeurs sûres, durables. De l’authentique. « C’était mieux avant », qu’ils disent. On dit que la mode est un éternel recommencement. A l’ère du tout-jetable et des tendances interchangeables, le rétro semble indémodable. Retour sur la renaissance de six marques totems du sportswear.

 

Champion

 

« Il y a tellement de marques de sportswear maintenant. Mais quand on y réfléchit, qui propose les hoodies les plus authentiques ? C’est Champion, n’est ce pas ? Nous avons créé un produit formidable et avons été de vrais précurseurs sur le marché du vêtement de sport. Nous sommes authentiques, nous avons un héritage incroyable, et nous nous investissons sincèrement dans le sport ». Ned Munroe, Directeur Artistique du groupe HanesBrands qui détient Champion, joue pleinement la carte du patrimoine, légitime et rassurant. Fondé en 1919, Champion connaît son âge d’or dans les années 90. En signant un contrat d’équipementier avec la NBA, la griffe se popularise vite auprès des rappeurs. À la ville, on porte les maillots de basket brodés du « C » signature, mais surtout les t-shirts et les sweats en coton bon marché. Aujourd’hui, la marque s’inspire de ses basiques rétro pour sa collection lifestyle Champion Life (qui comprend notamment la gamme Reverse Weave, du nom du procédé breveté anti-rétrécissement). La ligne se compose de sweats, joggings, shorts, t-shirts, bombers, maillots, casquettes ou bobs, dans des versions modernes et anoblies.
Wood Wood, Todd Snyder, Beams, Bape, Supreme, Weekday, Stüssy, Undefeated, Vetements … Pour raviver l’engouement autour de ses produits, Champion enquille également les collaborations avec de jeunes griffes, souvent street, toujours d’avant-garde. Façon de bénéficier de leur dynamisme, de jouir de leur aura. Le label brasse large, touche les clients de Barneys, colette ou Net-a-Porter, comme ceux d’Asos, Urban Outfitters, Citadium, Starcow ou Dr Jays.

 

Kappa

 

Kappa, c’était d’abord un logo immédiatement reconnaissable. L’« Omini ». Deux corps nus, l’un masculin, l’autre féminin, assis dos à dos. Un symbole puissant et graphique, qui se répétait sur des bandes parcourant les manches et les jambes de survêtements au fini satiné ou s’affichait en gros sur des t-shirts et des sweats en molleton. Les coupes étaient cintrées, on trouvait ça seyant. Une élégance sportive à l’italienne adoptée par la communauté hip-hop dans les années 90.
Brodée sur les maillots de la Juventus de Turin, du FC Barcelone, de Liverpool, de Manchester City, de l’AS Roma, de l’AC Milan, de l’Ajax Amsterdam ou encore de la Squadra azzurra, la griffe transalpine doit une copieuse part de son succès aux fans de football. La centenaire est chanceuse ; le port du maillot en-dehors du stade gagne aujourd’hui en hype, particulièrement les modèles vintage, plus chics et près du corps. Mais c’est surtout Gosha Rubchinskiy, nouvelle coqueluche de la mode, qui aura remis ce porte-étendard du sportswear italien au goût du jour. Dans la foulée et la lignée de leur collaboration, Kappa s’est associé à Urban Outfitters, Faith Connexion et County of Milan. Son dernier projet : la ligne Kappa Kontroll, introduite pour la saison printemps-été 2017 ; une collection de pièces urbaines et audacieuses d’inspiration rétro, magnifiée par une série visuelle léchée.

 

ellesse

 

Paraît qu’au départ, à la fin des années 50, ellesse était une marque de ski, réputée pour ses pantalons et ses vestes matelassées. Pour moi, c’était les sweats douillets et les vestes de survêt’ des années collège. Un logo en demi-lune orange et rouge, inspiré d’une balle de tennis, assumé, ostentatoire. Un incontournable du vestiaire streetwear.
Depuis 2011, la griffe italienne réinterprète ses modèles phares avec sa ligne « Heritage ». Elle fouille ses archives pour penser des silhouettes élégantes et sportives, rétro et modernes, décline son logo en grand sur des survêtements, des t-shirts, des shorts, des sweats et des polos ajustés. Les clichés de ses lookbooks comme la confection de ses produits sont soignés. ellesse inspire et valorise la qualité. À l’automne 2015, ellesse Heritage racontait son histoire à travers le regard de quatre jeunes influenceurs de la culture street, dans le cadre d’un film documentaire, « ellesse explores ». Une manière de s’adresser à la jeunesse, en liant le passé et le présent. Son patrimoine, la griffe l’exploite pour séduire et rassurer. Il la rend paradoxalement moderne. Comme Champion, ellesse a aussi collaboré avec le label underground danois Wood Wood.

 

Sergio Tacchini

 

J’adorais mon survêtement Tacchini. Je le trouvais chic, avec son genre de tissu velouté. Et puis un jour, la veste s’est volatilisée. J’en aurais pleuré. Je peux pas lui en vouloir, au voleur ; à l’époque, Sergio Tacchini, c’était la grande classe. Le charme italien, l’héritage du tennis. Des pièces épurées, seyantes et décontractées, qu’on trouvait de belle facture. Pourtant, après la puberté de la « génération Fonky-Tacchini », la marque au T encerclé a frôlé la faillite. En 2008, elle sera rachetée par un entrepreneur chinois puis confiée en licence à différentes sociétés, selon les marchés. Besoin d’une seconde jeunesse.
Le salut de Tacchini viendra de la tendance du sportwear vintage et, là encore, de Gosha Rubchinskiy. Lors de sa mise en vente, la collection capsule avec le designer russe s’écoulera presqu’aussi sec. Aujourd’hui, la marque piémontaise revendique son héritage et revisite ses silhouettes iconiques à travers sa ligne « Archivio ». Plutôt que de se repositionner, elle cherche à se recentrer sur le cœur de son identité, le tennis, via sa communication, le sponsoring d’athlètes et d’événements ainsi qu’un réseau de distribution presqu’exclusivement dédié au sport.

 

Umbro

 

C’est écrit noir sur blanc sur le site d’Umbro : « Inspirés par plus de 90 ans d’histoire, nous cherchons à regarder constamment vers le futur ». Un temps propriété de Nike, puis revendue en 2012 au groupe américain Iconix Brand, la marque britannique s’inspire de ses archives pour composer des pièces modernes au parfum rétro. Umbro, c’était l’Angleterre de Michael Owen, les plus belles années du football rouge et blanc, et une référence dans le milieu hooligan européen. Comme Kappa, l’équipementier (qui sponsorise aujourd’hui Everton, le PSV Eindhoven ou West Ham) capitalise sur la démocratisation du maillot de foot comme vêtement de mode.
Des chemises en flannel à carreaux, des polos manches longues, des shorts, des joggings et des baskets en cuir supérieur blanc, tous estampés du logo géométrique d’Umbro. En juin dernier, Off-White dévoilait sa collaboration avec le label anglais pour sa collection masculine printemps-été 2017. Coup de hype immédiat. Umbro s’est également associé à d’autres griffes pointues, comme Patta et Palace pour des maillos vintage, et House Of Holland pour une capsule sportswear bariolée. Une stratégie bien balancée entre produits techniques et lifestyle.

 

Fila

 

Née il y a plus de cent ans, Fila est l’une des plus grandes icônes du streetwear. Dans les années 90, tout le monde portait la marque tricolore. Dans la cour de récré comme dans les clips de rap. Sur le dos de Tony Soprano comme aux pieds de Tupac. Comme la plupart des marques sportswear qui auront marqué cette l’époque, Fila s’effondrera passée sa période dorée. En 2007, le groupe sud-coréen Fila Korea reprendra le label et développera une stratégie de redressement. Une réussite.
C’est en renouant avec son passé et en jouant des humeurs nostalgiques, que Fila parviendra à se relancer. En parallèle de sa gamme tennis, la marque italienne développe deux lignes lifestyle à l’allure rétro : Fila Vintage et Black Line. La première réédite des classiques (polos, shorts, survêtements, t-shirts, casquettes) tandis que la seconde propose des pièces modernes et colorées (salopettes, sweats, bodys, robes, t-shirts, débardeurs, leggings, joggings, shorts, parkas, bobs …). Partout, le logo est placardé, agrandi, sérigraphié, dans l’esprit des 90’s. Pour se façonner une image mode crédible, Fila s’est également associé à des labels pointus comme Beams, size ?, Concepts, Joyrich, Monkey Time, Lemar & Dauley, Pink Dolphin ou encore Urban Outfitters.

 

On dit que la mode est un éternel recommencement. Cyclique, elle porte aux nues, se lasse, oublie puis déterre. Porte aux nues, se lasse, oublie puis déterre encore. Champion, Kappa, ellesse, Sergio Tacchini, Umbro et Fila ont déjà connu plusieurs vies. Le temps est-il déjà compté pour celle-ci ?

Une nouvelle fois avec Free Your Funk, DJ Pone relève le défi de jouer du hip-hop du crépuscule à l’aube, de 23h à 6h du matin, à la Bellevilloise. Rendez-vous

 

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Avec YARD tente de remporter deux places en remplissant le questionnaire suivant.

 

 

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Pour beaucoup, la carrière de Kendrick Lamar est un exemple de perfection. Il faut dire que l’artiste aura réussi à nous alimenter d’œuvres plus consistantes les unes que les autres. Alors quand l’artiste revient sans crier gare, épaulé par deux titres envoyés coup sur coup, la tension monte d’un cran.
Son album, s’il doit en sortir un, pourrait arriver sur toutes les plate-formes musicales ce vendredi 7 avril ; indice donné dans le morceau « The Heart Part IV ». En attendant, c’est aussi l’occasion pour nous de revenir sur un album que beaucoup considèrent comme un chef d’œuvre.

 

 

Quand on lui demande quelle aura été sa motivation première pour le création de ce sujet, le photographe Charly (@ixeurban) répondra « La série concerne l’album de Kendrick Lamar « To Pimp a Butterfly » sorti il y a maintenant deux ans. Ayant énormément apprécié l’album, j’ai voulu faire une sorte d’hommage à cet opus. J’ai donc réalisé une série de photos en suivant ce principe : une photo pour chaque morceau. Chacune des seize photos représente ma vision et l’univers du morceau en question ».

 

Tracklist :

 

1. Wesley’s Theory
2. For Free ? (Interlude)
3. King Kunta
4. Institutionalized
5. These Walls
6. u
7. Alright
8. For Sale ? (Interlude)
9. Momma
10. Hood Politics
11. How Much a Dollar Cost
12. Complexion (A Zulu Love)
13. The Blacker the Berry
14. You Ain’t Gotta Lie (Momma Said)
15. i
16. Mortal Man

 

Crédit photos : @ixeurban

 

L’acte de manifester est, depuis très longtemps, une manière physique de revendiquer ou de combattre une idée, une loi. Certains de ces rassemblements sont désormais frappés du sceau de l’Histoire car il aura suffi d’un geste, d’une phrase, pour marquer les esprits. Ajoutez à cela les nouvelles technologies (téléphones avec caméra, appareils photos accessibles) et moyens de communication (Twitter, Instagram, Facebook, etc.) et vous obtenez un mouvement repris par des millions de personnes derrière leur téléphones et ordinateurs. Un simple hashtag fera l’affaire.

 

 

 

Pourtant, malgré ce que les médias traditionnels montrent, il serait erroné de penser que ces actes militants se soient drastiquement multipliés au fil du temps. L’avènement du smartphone doté d’un appareil photo ou d’une caméra a largement contribué à la chimère qui consiste à croire que notre génération est plus militante que celle des nos aïeux. Nous ne sommes pas plus nombreux qu’en mai 68 par exemple, par contre nous sommes de toutes évidences, beaucoup mieux adaptés à la documentations de ces évènements. Nous avons de meilleures moyens de relais d’information et ils profitent à tout le monde : du banlieusard ostracisé avec la Marche pour la Justice et la Dignité, au prolétaire de la Force Ouvrière en passant par le partisan très « vieille France » de la Manif Pour Tous.

 

 

Bien entendu, il n’aura pas fallu longtemps pour que la société de consommation récupère et capitalise sur ce phénomène (de mode).
Le rappeur Jay Z lui même subira les courroux de l’opinion publique pour avoir osé vendre des tee shirts siglés « Occupy All Streets », phrase détournant le slogan « Occupy Wall Street » issu d’un mouvement anti-capitaliste. Au pays de l’Oncle Sam où l’argent est roi et le libéralisme un état d’esprit prédominant, la morale n’a pas lieu d’être.

 

 

Pourtant, hier la marque de soda Pepsi est passée à l’étape supérieure en diffusant « Live For Now Moments », sa nouvelle publicité. Le pitch est assez simple, du moins il y parait : une foule tous sourires bat le pavé pour la paix sur fond de musique live et de danse. Il faut dire que ces hommes et femmes ont très soif et se désaltèrent à tout va, puis, une mannequin (interprétée par Kendal Jenner, l’avant dernière de la fratrie Kardashian) écourte sa séance photo afin de rejoindre la foule. Finalement, tous ces manifestants se retrouvent devant un cordon de policiers. Le climax de cette supercherie intervient trente secondes avant la fin de la vidéo (qui entre temps a largement eu le temps de distiller tout un tas de références et de symboles) lorsque la néo-manifestante tend une canette de soda à un policier.

 

 

Ultime affront pour tout manifestant pur jus qui se respecte. Et puis c’est quand même limite pour une personne qui, finalement après s’être intéressé au mouvement de la lutte contre les armes à feu aux États-Unis, estime qu’il est plus malin de rester en retrait de ce combat par peur d’avoir une opinion négative de la part du peuple américain…
Cette image de la mannequin tendant la canette au policier rappelle d’autres faits réels survenus au court des dernières années :

 

 

 

 

C’est bien là le problème et on ne cessera de le repêter : le timing…tout est une question de fichu timing. Au delà du fait que la vidéo soit sortie le jour du 49ème anniversaire de la mort de Martin Luther King, de nombreuses personnes se sont retrouvées molestées, battues, voir pire par la police à travers le mouvement le plus célèbre de ces dernières années : Black Lives Matter.

 

 

Beaucoup trop de symboles semblent avoir été récupérés et implantés par Pepsi pour sa publicité : le danseur portant un képi rouge et sa salopette aux couleurs militaires rappelle l’accoutrement de certains chefs de guerre africains, la photographe voilée est présentée comme la musulmane décomplexée 2.0 et les slogans marqués sur les écriteaux sont d’une légèreté abyssale et les signes de paix ou d’amour sont repris à outrance par les manifestants.
Là où le mouvement Black Lives Matter reprenait en chœur le titre « Alright » de Kendrick Lamar, Pepsi choisi de mettre en avant la légèreté incarnée avec « Lions » de Skip Marley.

 


« Je suis si heureuse de rejoindre cette longue liste d’icônes ayant représentées leur génération et qui ont travaillé avec Pepsi. Pour moi, Pepsi est plus qu’une simple boisson. » – Kendall Jenner


 

 

Récupération ou simple emprunt de codes ? La marque de soda s’est exprimée à l’aide d’un communiqué :

« Il s’agit d’une publicité à visée globale reflétant des personnes d’horizons différents, se rassemblant dans un esprit d’harmonie et nous pensons que c’est un message important qu’il faut transmettre. »

 

Enfin Kendall Jenner ira aussi de son petit mot :

« Je suis si heureuse de rejoindre cette longue liste d’icônes ayant représentées leur génération et qui ont travaillé avec Pepsi. Pour moi, Pepsi est plus qu’une simple boisson. Elle se classe dans la culture pop iconique et un style de vie partageant la voix de la génération actuelle. »

 

Finalement, après ces quelques pistes de réflexion, il parait plus opportun de vous laisser vous faire votre propre avis.

 

https://www.youtube.com/watch?v=zFOX8GJ3mgA

 

 

 

Nouveau coup d’éclat à travers la connexion rap franco-belge. Il y a un mois nous le quittions avec cette volonté d’imager le titre « Vitrine » issu de l’excellent album AGARTHA et c’est dans ce contexte qu’aujourd’hui, YARD retrouve VALD en compagine de Damso…et de plantureuses actrices porno.

Nous avions à cœur de présenter l’envers du décors, que ce soit des aspirations des réalisateurs en passant par l’idée de créer un tel morceau. Car le terme « Vitrine » n’est pas employé avec le même sens que vous soyez Damso ou que vous soyez VALD et pourtant, l’alchimie se crée et offre ainsi un spectacle charnel.

« Métaphoriquement, nous illustrons ainsi comment l’artiste est prisonnier de son image, de la ‘vitrine’. »

KUB & CRISTO : « Pour imager Vitrine, nous voulions rester fidèles à la direction artistique développée avec VALD jusqu’alors – des concepts décalés, prenant à contre-pied les spectateurs.
Quand on a commencé à réfléchir au clip avec VALD et son équipe, il nous paraissait évident de ne pas illustrer le texte au premier degré. Nous avons alors eu l’idée d’inverser le concept du « peep-show” : VALD et Damso seraient dans la cabine, représentant le fantasme du rappeur, devant des femmes se masturbant, prenant du plaisir face à leur performance. Métaphoriquement, nous illustrons ainsi comment l’artiste est prisonnier de son image, de la “vitrine”. Par ailleurs, ça nous a semblé original de détourner les codes misogynes du rap.
Comme c’était la première fois que nous allions bosser avec Damso, nous avons apprécié qu’il ait tout de suite validé le décalage du concept.
De plus, faire tourner des stars du porno nous a tout de suite amusé. Jessie Volt, Anna Polina et Cara Saint Germain, icônes de l’industrie du X, qui dépensent leur argent dans un peep-show de rappeurs, c’est cool, non ? »

« On s’était  dit qu’on clipperait ce titre dès l’enregistrement studio car il possédait une âme et une couleur différente des autres titres de l’album. »

VALD : « On s’était  dit qu’on clipperait ce titre dès l’enregistrement studio car il possédait une âme et une couleur différente des autres titres de l’album.
À la sortie d’AGHARTA, il y a eu un véritable engouement du public pour ce titre avec des retours très positifs et un nombre de streams assez hallucinant, ce qui nous a conforté dans notre idée.
Méga titre, méga clip, avec un méga concept, des méga réal (Kub & Christo), des mégas actrices et VALD/Damso/Seezy pour signer l’homicide, t’es choqué. »

Après la Grèce, les États-Unis et la Colonbie, Julien Scheubel reprend la route vers l’Espagne dans la région d’Alicante où il découvre et expérimente les points de vues du labyrinthe qu’est la Muralla Roja.

Ricardo Bofill est un architecte aux multiples créations. La Muralla Roja reste une œuvre à part, perdue et posée sur une falaise au sud de l’Espagne.
Le lieu n’est pas inconnu si tu es attentif aux différents lookbook ou clips musicaux tournées là-bas.
Le spot est vraiment fascinant, tu peux y passer des heures en essayant de comprendre ce qui est passé par la tête de Bofill lorsqu’il a imaginé cette construction. Tu peux y aller 10 fois et redécouvrir des angles de vues différents… C’est assez fascinant…

Instagram : @Julien_Scheubel

La havane, 17:36. Le soleil commence à se cacher et  la ville à respirer, la chaleur se faisant moins oppressante. Les jeunes cubains arrivent au Rafael Trejo Boxing Club et commencent à répéter leurs gammes pendant que le coach finit sa clope. De passage à Cuba, Jeune Athlete se devait de cotoyer les légendes du noble art et de passer quelques heures dans ce sanctuaire de boxe.

 

 


« Je suis ici pour coacher les gamins et leur enseigner tout ce que j’ai appris et ce que j’apprends encore »


 

Jeune Athlete : Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ? Ton nom, ton palmarès ?
Héctor Vinent : Je m’appelle Hector Vinent, double champion olympique, triple champion du monde, d’Amérique centrale  et de plusieurs tournois internationaux en Europe et en Amérique.

 

JA : En quelle année as-tu remporté le titre olympique ?
HV: Barcelone en 92 puis Atlanta en 96.

 

JA: Qu’est ce que tu fais à la Havane ?
HV : Je suis originaire de Santiago de Cuba, dans le sud. Je suis arrivé très jeune ici pour m’entraîner, car les équipes nationales junior et senior sont ici, à la Havane. Puis je suis tombé amoureux, je me suis marié ici et maintenant j’ai quatre enfants.

 

JA : Tu es devenu un havanais ? 
HV : Non je ne suis pas havanais, je suis encore de Santiago ! Mais je travaille ici avec les gamins et je m’y plais.

 

JA : Et donc tu vis pour la boxe ?
HV : Je suis ici pour coacher les gamins et leur enseigner tout ce que j’ai appris et ce que j’apprends encore. Je les forme depuis qu’ils sont tout petits, non seulement à être de bons boxeurs mais aussi à devenir des hommes.

 

JA : Ca s’arrête pas à la boxe, c’est l’école de la vie aussi.
HV : L’école de la vie et l’école tout court ! Ils doivent bien se comporter, faire leurs devoirs, se tenir à carreau dans la rue et être respectueux.

 

 


« À Cuba on forme des champions depuis des années. On enseigne la même chose aux petits dès leur plus jeune âge. »


 

JA : Quelle est selon toi la différence entre l’école de boxe à la cubaine et les autres ?
HV : L’école américaine est complètement différente de l’européenne, au niveau du rythme, du déplacement et de la technique. Nous avons une boxe multi-directionnelle : vers l’avant, en arrière et sur les côtés. La boxe européenne est plus rigide, elle est orientée vers l’avant uniquement. Ici à  Cuba et dans toute l’Amérique, la boxe c’est une danse, il faut frapper sans être touché.

 

JA : C’est plus technique ?
HV : Oui, c’est ça la différence ! À Cuba on forme des champions depuis des années. On enseigne la même chose aux petits dès leur plus jeune âge. On prend notre temps et on inculque à chaque  môme la même méthodologie qui perdure depuis des années.

[…]


Pour retrouver la suite de l’article,
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Pour célébrer le lancement de la collection exclusive #UTxAndre, Uniqlo vous invite à les rejoindre le 6 avril à partir de 17h dans le magasin UNIQLO Le Marais en présence d’André Saraiva créateur du célèbre et emblématique Mr A.
Au programme :
– DJ set
– Buffet
– Animations pour tous
N’hésitez pas à venir accompagné.

EVENT FACEBOOK

UNIQLO LE MARAIS
39 Rue des Francs Bourgeois
75004 Paris

 

Vendredi dernier, le célèbre groupe Birdy Nam Nam était en concert dans la mythique salle de l’Olympia. L’occasion pour YARD de se glisser au milieu de la foule et d’immortaliser l’évènement à travers notre objectif.

Avec YARDLive, l’objectif de YARD est de vous faire découvrir des talents émergents dont le potentiel nous aura convaincu. Une occasion de les découvrir pour la première fois sur une scène française. 

Pour cette première date sold out, nous accueillions 6lack (prononcez black) quelques mois seulement après la sortie de son album « Free 6lack ». Sur la cover de cet album, il est assis sur un lit, à côté d’un ours qui apparaît aussi également dans la vidéo de « PRBLM ». De cette rencontre avec l’ursidé, le chanteur garde le souvenir précis d’un mammifère imposant et timide, colossal mais fragile. Un animal dans lequel il s’est tout de suite retrouvé. Et quand on le rencontre, on comprend vite pourquoi.

Le visage caché derrière des dreads qui se forment librement, le chanteur s’exprime d’une voix calme et posée quand ses propos révèlent un discours affirmé et parfaitement assuré. 6lack est indéniablement un introverti qui laisse parler sa musique pour lui et qui sait parfaitement où il va et où il souhaite nous mener.

Quelques heures avant le live, on l’a retrouvé au Badaboum pour en découvrir un peu plus sur lui et sur l’histoire qui a construit ce premier projet.

 

Photos : @lebougmelo

 

 

YARD : L’un des fondements de l’album « Free 6lack », c’est le mot « relatable », qu’on pourrait traduire en français par le fait de pouvoir se retrouver dans ce qui est raconté. Comment est-ce que tu définis cette notion ?

6lack : Quand j’étais dans le studio et que je travaillais sur le projet, c’est le premier mot que j’ai écris sur la console. Je voulais être certain de faire en sorte que tout tourne autour de ça. Donc pour moi, cette tâche consiste à faire comprendre aux gens ce que j’ai traversé pour qu’ils puissent s’y reconnaitre et dire « j’ai aussi traversé ça ». Et s’il ne l’ont pas vécu, qu’ils se disent que si ça leur arrivait, ma musique leur donne une bonne perspective. Je pense qu’on manque de quelqu’un qui raconte des évènements de la vraie vie. Je ne parlerai pas de choses que je ne possède pas, de choses que je ne fais pas. Je creuse dans les relations, le genre de choses auxquelles les gens peuvent se sentir liés.

Y : Pour vraiment comprendre « Free 6lack », il faut aussi que tu expliques toutes ces situations par lesquelles tu es passé au moment d’écrire cet album. Tu étais signé sur un label notamment. Comment ça s’est passé ?

6 : J’étais à l’université, j’y ai étudié un an.

Y : Qu’est-ce que tu étudiais ?

6 : L’informatique. Il n’y avait donc pas vraiment de lien. C’était l’été 2011, ou l’année où beaucoup de projets aux consonances R’n’B sont sortis. Après en avoir écouté quelques uns, je me suis dis « Ok, je ne suis pas sensé être là. Je devrais travailler sur ma musique. Je suis sensé consacrer mon temps à mon œuvre». Alors j’ai quitté l’université et je suis parti à Miami. J’ai un ami dont l’un des frères travaille dans un label là-bas et ils m’ont ouvert leurs portes. Comme j’étais vraiment en demande, je n’ai pas vraiment réfléchi à ce que je signais. Je n’ai fait qu’y jeter un œil. Genre « je dois mettre mon nom sur cette ligne ? Ça marche ! ».

Y : Et que s’est-il passé ?

6 : Après ça, tout a débuté comme ça devait commencer. C’était cool, je ne voyais que les bons côtés. Et avec le temps, les choses ont changé en quelque sorte et tu commences à voir les choses telles qu’elles sont vraiment. Dans cette situation je travaillais avec des gens qui n’avaient pas vraiment la même vision que moi.

Y : À ce moment de ta carrière, tu avais déjà une vision assez précise de ce que tu voulais faire ?

6 : Tu sais, ma vision s’aligne sur ce que je suis. Donc ça n’a jamais été quelque chose que j’ai eu besoin de structurer, de définir ou de planifier. C’est juste… je sais qui je suis et je veux parler de choses qui ont de l’impact sur les gens. Je ne veux pas compromettre ma vision pour quelqu’un.

 


Parfois j’appelle les gens et je leur dis « Hey ! Je vais écrire cette chanson, les gens vont l’entendre. » J’ai leur bénédiction et je la sors.


 

Y : Et cinq ans ont passé. Puis tu es parti.

6 : Oui. Après un long combat. J’ai finalement trouvé un bon avocat, on a négocié et j’’étais cassé mon contrat.

R : Juste avant ça, tu avais déjà sorti quelques titres sur Soundcloud.

6 : Oui. Pendant toute la période où j’étais signé, je n’étais pas sensé le faire. Mais je l’ai fait tout simplement parce qu’ils n’allaient pas m’attaquer pour ça et qu’ils n’allaient pas m’aider à le faire non plus.

Y : Donc ce n’était pas un risque énorme. Il était calculé et utile.

6 : Oui, de cette manière, j’ai atteint des yeux et des oreilles et j’avais finalement un public, quand il a été temps de sortir de la musique.

Y : Tu as construit ta marque, établi une fan base…

6 : On avait un logo et tout. Pas mal de ces choses ont été construites à l’intérieur de mon cercle proche, par moi-même et parfois quelques amis. Je me suis managé seul pendant un temps.

Y : Quelles sont les autres choses par lesquelles tu es passé et qui t’ont fait écrire cet album ?

6 : La vie tout simplement. Pouvoir rencontrer autant de monde, j’entretiens tellement de relations, qu’elles soient amicales ou plus spéciales. Traverser ces choses là, vivre de grandes relations et certaines un peu plus mauvaises, ça m’a donné l’inspiration pour terminer le projet. Avec le temps, si quelque chose se passe dans ma vie, j’en fais une chanson. Parfois j’appelle les gens et je leur dis « Hey ! Je vais écrire cette chanson, les gens vont l’entendre. » J’ai leur bénédiction et je la sors.

 

 

Y : Tu viens d’Atlanta.

6 : Oui.

Y : Et la musique que tu fais détonne par rapport à ce qu’on entend là-bas ces jours-ci.

6 : C’est vrai. Je pense que la beauté de tout ça, c’est que je trouve mon inspiration dans ce qui se fait à Atlanta, donc ce qui se fait sur la scène trap. J’inclus ça dans ma musique et je la conserve pour que cela reste familier. Je pense qu’Atlanta a une influence énorme dans ce que je fais. J’essaie simplement de la récupérer et de la mener vers une autre direction.

Y : Et avant de chanter, tu étais dans le battle rap. Est-ce quelque chose qu’on va retrouver plus tard dans ta musique?

6 : Aujourd’hui, je suis plus dans le chant. Je pense que le battle rap m’a donné les outils dont j’avais besoin pour être capable d’écrire de meilleures chansons. Avec cette discipline, j’ai dû utiliser tellement de mots, tellement de moyens pour arriver à faire passer un message.Et quand est arrivé le moment d’écrire des chansons, il a fallu le faire en plus court en conservant tout autant de sens.

 


J’aime ça parce que je m’y suis préparé. C’est tout ce que j’attendais.


 

Y : Parlons maintenant de ce qui t’arrive aujourd’hui : le succès de « Free 6lack », du morceau « PRBLM ». Comment tu le ressens ?

6 : C’est comme si les chose se passaient, tout simplement. Je découvre de nouveaux endroits, je suis entouré de nouvelles personnes. J’ai l’impression que c’est quelque chose de beau mais aussi quelque chose auquel je dois réfléchir. J’aime ça parce que je m’y suis préparé. C’est tout ce que j’attendais.

Y : C’est ce que je voulais savoir. Est-ce que tu le vis comme quelque chose de surprenant, ou comme quelque chose de planifié ?

6 : Parfois c’est accablant. Tu rates des choses, tu perds des choses en ce qui concerne ta vie personnelle. Mais comme je l’ai dit, c’est quelque chose pour lequel je m’étais préparé et je devrais y faire face un jour. C’est doux-amer parfois, mais dans l’ensemble c’est une chance parce que ça me permet de faire tout ce que je voulais faire depuis le début.

Y : Quelque chose d’autrement plus important t’es arrivé. Tu as eu une fille. Qu’est-ce que ça a changé pour toi ?

6 : Ce qui est fou, c’est que je ne pense pas que cela ait changé quoi que ce soit, parce qui je suis est resté intact. Je pense que maintenant, je vois juste les choses avec une perspective différente. Tu sais, je n’ai pas besoin de changer ce que j’ai écrit, je change seulement la façon dont je le regarde et la façon dont ça pourrait l’affecter. Comment ma fille pourrait le percevoir un jour, quand elle aura grandi. Je pense que j’ai toujours pris soin d’elles et fait en sorte que les femmes autour de moi se sentent bien…que tout allait bien, qu’elles ne sentent pas qu’on leur manque de respect ou qu’elles ont été mené dans une mauvaise direction. Donc aujourd’hui, j’en ai une à moi, et c’est mon boulot de lui montrer le chemin et de la protéger.

Y : Avec tout ça, est-ce que tes projets vont prendre une autre direction. Est-ce que tu vas trouver un autre mot à inscrire sur ta console ?

6 : Non, je pense que je vais me concentrer là-dessus. Au moins pour l’instant. Avec ce projet, j’ai donné un récit général de tout ce que j’ai traversé ces cinq dernières années.

Y : Comme une grande introduction.

6 : Oui. C’est un résumé de tout ce que j’ai traversé et je sens que, là, c’est mon travail de peut-être y retourner et peut-être donner une vision un peu plus profonde de ces années-là.

Y : J’ai lu que tu avais été intégré dans une discussion WhatsApp qui réunissait tes plus anciens et plus grands fans, et qu’il t’arrivait d’y faire quelques apparitions. Comment est-ce que tu interagis avec tes fans en général ?

6 : Je pense que, plus que tout, il faut que les gens se souviennent que je suis une personne. Parce qu’avec le succès vient, bien sûr, plus d’attention. Et les gens ont tendance à oublier qu’à côté de la musique, on a une vie. A côté de la musique, on a des sentiments, il y a tout un tas de choses qui se passent et ça se perd parfois. Mais avec mes fans, ce que j’ai été capable d’établir jusque-là, c’est en quelque sorte une ligne directe. Évidement, tu ne peux pas être trop présent pour tout le monde, ou trop atteignable. Mais je ne veux pas qu’ils pensent que je suis inaccessible parce que c’est ce que je veux. Dorénavant, ma vie entière est publique. Donc le peu d’intimité que j’ai, j’aime qu’elle soit respectée.

 


Avec ce projet, j’ai donné un récit général de tout ce que j’ai traversé ces cinq dernières années.


 

Y : Sur cet album, il n’y a aucun featuring. Était-ce un choix ?

6 : Oui et non. Je ne me suis pas dit, « je ne veux aucune collaboration », mais je me suis aussi investi dans ce projet en me disant que je voulais me tester moi-même et voir combien de choses différentes j’étais capable d’apporter à l’album. Combien de refrains serai-je capable de faire seul ? Plus que tout, j’ai simplement continué de travailler. Au moment où j’ai fini par aimer le projet, il n’y avait plus que moi dans ces chansons.

Y : On t’as vu en studio avec Gucci Mane, sur Instagram avec A$AP Rocky, sur scène avec The Weeknd et tu as sorti un titre avec Jhené Aiko. Dans quelle direction nous emmènes-tu avec cette variété d’artistes ? Avec qui est-ce que tu souhaiterais collaborer et comment ça se passe ?

6 : J’ai déjà une liste d’artistes avec lesquels je voudrais collaborer, mais à chaque fois que je rencontre quelqu’un et qu’il y a une connexion, musicale ou autre.. c’est comme ça que ça se passe. Même à mes débuts, je n’étais pas le genre de personne à demander « Combien pour un featuring? ». Parce que quand on rencontre quelqu’un et qu’on s’entend…

Y : Ce n’est pas une question d’argent, mais de connexion.

6 : Exactement. Je pense qu’avec les gens que j’ai rencontré jusqu’ici, ça a été aussi simple que ça et c’est comme ça qu’on fait de la bonne musique.

 

 

#YARDLive :
Woodie Smalls – 26 avril @ Candy Shop Paris
Allan Kingdom – 24 mai @ Candy Shop Paris

Message à tout ceux qu’on a vu mosh pit sur « It’s G Ma » aux soirées YARD, Keith Ape sera de passage en France en ce mois d’avril. Pour l’occasion, le rappeur sud-coréen prévoit trois arrêts dans l’hexagone :

19 avril 2017 à la Maroquinerie (Paris)
21 avril 2017 au BT59 (Bègles-Bordeaux)
22 avril 2017 au Sucre (Lyon)

 

Paris étant déjà complet, on fait gagner deux places pour les dates lyonnaise et bordelaise. Tentez de le remporter en remplissant le questionnaire suivant et en indiquant pour quelle ville vous jouez. 

 

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C’est qu’il nous aura fait languir, à tel point que nous l’avions presque oublié. Et pourtant, à la première écoute du titre « Love You More » issu de son prochain album ( sortie le 9 juin prochain), nous retombons dans un monde qui ne semble ne pas avoir bougé d’un millimètre. Tout y est : l’ambiance, la voix, les arrangements et le visuel quasi onirique et scoubidouesque. 

Pour ce clip, Fyfe nous explique l’intention des réalisateurs, le collectif Babybaby composé de David Strindberg et de Josefin Malmen).

 

 

FYFE : « Quand BabyBaby m’a pitché l’idée de deux vidéos connectées, cela a fait sens en mon for intérieur. Puisqu’il y avait ce sentiment de solitude malgré le fait d’être entouré de gens. J’aime la manipulation visuelle dans leur travail, ce qui reflète à mon sens de la manière dont nos esprits peuvent fausser notre propre réalité.  »

 

 

 

 

Le coup d’envoi des #YARDLive a été donné hier au BADABOUM par le talentueux ATLien, 6lack. Pour sa première sur le territoire français, l’artiste et ses musiciens (mention spéciale au batteur) nous auront enchanté pendant plus d’une heure et ce, sans playback.

Retour en photos avec les temps forts de ce show.

Photos : @Samirlebabtou

Cette semaine, nous vous présentons un groupe d’artistes très intéressant dans sa vision ainsi que dans sa démarche artistique.

 

My Friend Is

Age : 26 et 27 ans

Ville : La Garenne, Toulon

Instagram : @negativefolk

 

Keight

Age : 20 ans

Ville : Ermont (95)

Instagram : @keight000

 

Présentation

.dxf c’est la collaboration de deux « entités musicales » : My Friend Is, duo de « negative folk » et Keight, producteur de musique orienté low tempo et bass. On a créé le projet .dxf pour explorer ce qu’il était possible de faire en rassemblant ces deux univers de son et d’ambiance.

 

Comment en êtes vous venus à faire cette musique ?
On s’est rencontré été 2016, on s’est envoyé des DM Instagram pour faire du son ensemble. On a collaboré sur un son, « Tumbling Waters », sorti à l’automne dernier sur l’EP « Contagious » de Keight. On a voulu profiter de cette connexion pour construire une vision commune : un mélange de mélancolie et d’acidité.

 

Comment définiriez vous votre musique ?

On veut pousser la folk vers des paysages sonores plus urbains : une réinterprétation de ce qu’est ou sera fondamentalement la musique folk d’aujourd’hui et de demain. Nos thématiques sont les mêmes en fait. On retrouve le doute, la mélancolie, l’ivresse aussi… C’est une lecture poétique et inspirante des maux de la life, en gros. Entre nous on appelle ça “negative folk” mais on aurait pu parler de hip hop également.

 

 

La genèse du titre « Your eyes »

My Friend IS : Le synthé au début était un loop qu’on avait depuis pas mal de temps, dont on voyait le potentiel mais on cherchait encore comment le produire . On l’a fait écouter à Keight et il a accroché de suite. Ça se passe souvent comme ça, on travaille sur nos éléments favoris pour en sélectionner des samples.

 

Où étiez-vous il y a un an et où vous imaginez/projetez vous dans un an ?

Il y a un an on était probablement dans notre underground en train de faire du son. Littéralement, une super grande cave réaménagée en studio. Dans un an on sera probablement dans une cave ou un studio peut être avec une fenêtre. On mesurera notre progression dans la musique au nombre de fenêtres qu’il y aura dans notre studio.

 

 

Hier, ils faisaient la 1ère partie du concert de 6lack au Badaboum, aujourd’hui .dxf revient avec leur nouveau titre « Your Eyes » sorti sous le label Embrace Records.

 

 

 

 

Faut-il rappeler le parcours de l’artiste d’Aubervilliers pour corroborer ses propos ? La carrière de Mac Tyer, même si jonchée d’obstacles et de rendez-vous manqués, a toujours bénéficié d’une grande cote et plus largement, de la bienveillance des fans de rap. Le rappeur de « D’où je viens » est de retour (est-il déjà parti ?) avec le titre et visuel « La rue en personne » et annonce dans la foulée que le projet « Banger 3 » est de nouveau ouvert à la précommande et disponible le 21 avril prochain.

 

Photos : Margaux Birch

 

YARD a proposé à Screetch, réalisateur de clips chez Daymolition de nous expliquer les origines de ce clip. Puis nous avons aussi demandé à Mac Tyer le pourquoi du comment, et ce qu’il se cache derrière ce titre.

 

 


« Pour illustrer le coté urbain nous avons choisi de tourner à Clichy sous Bois et à Montfermeil, où très peu de tournages ont eu lieu. » – Screetch


 

SCREETCH : Je me présente Screetch, réalisateur de clip chez Daymolition.  Sur ce tournage, le chef opérateur s’appelle Sonny Attamian et les plans au drone se nomme S2al Drone. Dans ce clip, à l’image de Socrate nous avons voulu mélanger la rue, le luxe et le tout avec une touche de féminité. Pour illustrer le coté urbain nous avons choisi de tourner à Clichy sous Bois et à Montfermeil, où très peu de tournages ont eu lieu. Sur place, avec l’équipe d’Art Street nous avons fait le tour des quartiers de ces deux villes . Pour compléter le coté urbain du clip, nous y avons mélangé des images de Socrate faisant le tour des quartiers à Marseille ( filmé par Beat Bounce ).
Pour le coté luxe qui est toujours important dans l’image de Socrate nous avons tournée  dans un loft avec terrasse vue sur la tour Eiffel avec une modèle.

 

 


« Aujourd’hui il est temps de ne faire qu’un ! » – Mac Tyer


 

MAC TYER : C’était une zone reculée du 93 qui a toujours vécu en autarcie. Les gens y vivent dans leur coin comme tout les mecs du 93 à l’époque ! Aujourd’hui il est temps de ne faire qu’un ! Étant le grand frère de toute une génération, c était important pour moi de le faire pour tous mes #untouchablesoldats !

 

 

 

Nous voulions suivre le rappeur Jok’Air lors de son concert à Liège en février dernier, mais faire un report photos du show ne nous semblait pas être quelque chose d’assez intimiste. Et puis on s’est dit que quitte à documenter, il valait mieux prendre toute la ride en photo.

Enfin, pour boucler la boucle, on décide de demander à l’artiste de commenter chacune des photos prises lors du voyage. Pour la postérité peut-être. Pour mieux comprendre la vie d’un artiste sur les routes, surtout.

Photos : @samirlebabtou

 

« Le matin direction Liege. Ça doit sûrement être Davidson qui conduit la voiture. C’est comme ça à chaque date. À l’aller, je dors comme jamais pour rattraper ma nuit … »

 

« Avant le concert je mets les vêtements que je vais porter sur scène dans mon sac. Je me repose encore un peu. Je commence à ralentir sur la fumette. »

 

« Le début des balances.
Micro test 1 2 1 2 ! Lorsque j’arrive dans une ville direction la salle de concert pour faire les balances c’est à dire régler le son et les micros pour assurer un max niveau sonore pendant le concert.
Davidson ou Isma qui font DJ règlent le son avec Stif et Chich et moi réglons nos micros.
Ils jettent un œil avec nos ingés son et lumière avant notre arrivée afin que tout soit opérationnel et fonctionnel, pour qu’on puisse faire les réglages dans de bonne conditions.
C’est le moment où je m’imprègne de l’ambiance de la salle et pose mes marques sur la scène pour l’exploiter le mieux possible. »

 

« Même pendant les balances on trouve le moyen de se faire plaisir tout en étant sérieux.
Être bien entouré pour mieux avancer est l’une des clés pour être solide. Dan me suit sur toutes mes dates de concert, il est l’un des soldats de l’ombre qui fait que je puisse me produire sur scène. Isma gère toute l’équipe en concert comme sur le terrain. Chaque personne présente à mes côtés est là pour une chose bien précise et non pour figurer.
La salle de concert met à notre disposition des techniciens qui font le nécessaire pour que l’on soit le plus à l’aise possible dans notre travail, grand big up à ces hommes et femmes de l’ombre. »

 

« Mon téléphone est mon outil de travail, j’y reçois mes prods, j’échange avec les supporters et je gère mes réseaux.
Je suis déjà en tenue de scène, ce qui veux dire que dans quelques minutes je monte sur scène. »

 

« Ça, c’est avant de rentrer chanter l’hymne national sur la pelouse, c’est les vestiaires lol. C’est l’attente, je ne fume pas les quelques heures avant de monter sur scène. Je bois beaucoup d’eau et c’est le moment où j’aime rire des blagues des autres. »

 

« C’est le moment tant attendu de toute la journée. Il faut monter sur scène.
Le chemin entre la loge et la scène reste un des moments où je me mets en condition, mon but est de tout donner. »

 

« Isma qui essaye en vain de me clasher mais je gagne toujours (il lui arrive de gagner aussi).
Avant de monter sur scène, dans les loges on se fait une italienne (répétition rapide) du concert pour ne rien oublier.
Sur l’arrière scène on essaie de ne pas se mettre trop de pression et se donner la force nécessaire pour être à 1000% sur le devant de la scène.
C’est le moment où je dois donner toute mon énergie à mes supporters. »

 

« Big Daddy tour c’est chaud !
Mon énergie, la chose que mes supporters doivent ressentir. Ils aiment ma musique, ce qui les poussent à venir me voir alors je me dois de ne pas les décevoir et les emmener avec moi dans mon délire scénique pour qu’ils puissent vivre ma musique.
Ce n’est pas tout les jours qu’ils me verront, autant les marquer à jamais. »

 

« Le live, c’est le moment que je préfère. Le moment pour lequel j’ai fait le déplacement. C’est l’endroit où je partage le mieux ma musique. C’est tout simplement l’endroit où j’aime être. »

 

« Faire de la scène est l’un de mes plus grand kiff et la partager est l’une des façons de remercier mes supporters.
A ce moment du concert, je fais monter des supporters sur scène avec moi pour Shooter ! »

 

« Après chaque concert je fais une séance photo avec les supporters présents. Je pense que c’est important d’échanger avec eux après le concert et qu’on partage un petit moment privilégié avec ceux qui le veulent. »

 

Vous pouvez encore assister à la tournée de Jok’Air :
01/04 | L’Orange Bleue | Vitry-Le-François
29/04 | Le Moloco | Audincourt
13/05 | Le Metaphone | Oignies

 

L’EP « Big Daddy Jok » est quant à lui toujours disponible.

 

 

 

 

C’est souvent autour d’une table que naissent et se construisent les conversations les plus intéressantes. Qu’elles soient le terreaux de véritables synergies ou de querelles centenaires, c’est d’abord dans une démarche accueillante que chacun choisi de partager la même table. La table ronde est donc le format que nous avons choisi pour aborder de larges thèmes avec des personnalités chevronnées.

Pour cette première table ronde, nous avons choisi de parler du cloud’n’B ; un genre musical épuré et aérien qui trouve ses racines dans le R’n’B et fait émerger des sons hybrides qui ne connaissent pas de frontières. Si outre-atlantique, ce mouvement est porté par les homologues de Jhené Aiko, il n’est pas en reste dans l’hexagone.

C’est dans l’Hotel Renaissance Arc de Triomphe que nous avons fait venir cinq artistes pour en discuter. Cinq chanteuses, à différentes étapes de leurs carrières qui partagent leurs expériences et leurs visions. MayHi (MH), Bonnie Banane (BB), Sabrina Bellaouel (SB), Nathy Green (NG) et Malia Lynn (ML).

Pour vous, qu’est-ce que c’est la différence entre une artiste et une chanteuse ?

NG : Disons que pour moi une chanteuse n’est pas obligée de créer. Elle peut être simplement interprète, on peut lui écrire des textes… Ça ne lui enlève pas ses qualités. Mais il n’y pas de création et pour moi, un artiste créé. Pour moi elle est là la différence. Vous en pensez quoi ?

BB : Je pense que c’est ça non ?

MH : Je pense qu’une chanteuse, elle sait juste chanter et elle sait chanter juste. Une artiste elle donne des émotions, elle créé des choses comme tu l’as dit. Une artiste ne sait pas forcément chanter, mais elle donne des émotions.

ML : Oui le chant c’est juste une partie de l’art, la voix c’est juste un talent on va dire. Tu n’es pas forcément une artiste quand tu chantes.

NG : La chanteuse aussi donne des émotions.

MH : Pas forcément.

[rires]

BB : Peut-être qu’on pourrait parler d’exemples. Qui n’est que chanteuse ?
Moi j’ai pensé à Rihanna. Parce que vraiment, on lui écrit ses flows, ses paroles et on lui fait ses prods. Dans son dernier album, je pense qu’elle a fait plus de choix, non ? C’est une interprète.

NG : Du coup, quand tu choisis tes sons, la direction de ton projet etc, tu deviens artiste même si ce n’est pas toi qui a créé ?

BB : Je ne sais pas. Pour moi ce qui différencie l’artiste d’une chanteuse ou d’un chanteur, c’est le côté réalisateur de ton projet et les choix que tu fais.

MH : Quand tu te dis artiste, tu parles d’art et de ce que toi tu crées. Tu ne peux pas dire que tu es un artiste si tu n’as pas tout créé pour toi.

BB : Mais après, Rihanna c’est une artiste, quand même…

MH : Mais parce que c’est un personnage public. Après, son art c’est peut-être d’interpréter le personnage qu’on lui a créé…

NG : Ce n’est pas parce qu’elle n’est pas créatrice, qu’elle n’est pas talentueuse. Mais c’est complexe. Vous avez choisi Rihanna et c’est complexe.

BB : On a choisi cet exemple, parce que justement, je ne sais pas si elle arrive en disant « Je veux faire ça », tu vois ?

SB : Je pense qu’une chanteuse, c’est par définition une artiste. Tout dépend du stade auquel elle est arrivée, peut-être qu’elle n’en est pas encore à écrire ses textes. Mais même au stade de pure interprète, elle se met quand même dans la tête de transmettre une émotion comme tu le disais. Est-ce que ça ne serait pas ça, être une artiste ? C’est chaud quand même d’interpréter le texte de quelqu’un d’autre. Ça veut dire qu’il faut se l’approprier, le vivre.

MH : Mais en fait, c’est subjectif. Parce qu’une personne va donner des émotions à quelqu’un et pas à un autre. Donc pour quelqu’un, ce sera une artiste et pas pour une autre. C’est subjectif en fait.

NG : Après une interprète peut devenir artiste, avec par le temps, par l’expérience, par le fait qu’elle écrive ses propres textes ou par le fait qu’elle compose. Je pense que c’est une évolution. Je pense qu’aujourd’hui, arriver et dire « je suis une artiste », en tout cas pour ma part, ça n’engage que moi… je ne sais pas…

« Un mec ou une meuf qui va chanter, tu vas le sentir direct. Que ça te touche ou pas. Ça peut même te mettre mal à l’aise tellement c’est horrible. »

Sabrina Bellaouel

MH : Selon toi, tu es une artiste ?

NG : Je bosse pour en tout cas. Ouais. Ca c’est clair et net… Après moi, j’accorde vraiment beaucoup d’importance au mot artiste.

MH : Pour vous qui est artiste parmi nous ? Vous vous sentez toutes artistes ?

BB : Moi je ne pense trop pas comme ça…

MH : C’est vrai ?

SB : Tu « fais », quoi. C’est tout.

BB : Ouais. Si c’est là, une chanson, une performance et tout… c’est une proposition. Tu prends ce qu’on te donne. Après t’aime ou t’aime pas, mais je ne me pose pas la question « Ah, elle c’est une artiste.. Ah elle ce n’est pas une artiste, c’est une chanteuse… » Je ne me pose pas la question.

ML : Après je pense que le simple fait qu’on sorte des idées de notre tête et qu’on essaie d’en faire quelque chose, qu’on travaille dessus et qu’on essaie de les partager… Rien que pour ça, je pense qu’on peut se considérer comme des artistes. Il n’y a pas à chercher plus loin. Le simple fait qu’on assume nos idées et qu’on essaie de les partager fait que…

MH : On peut être artiste, sans être bon artiste aussi. Parce que depuis tout à l’heure on parle du côté positif de l’artiste, mais…

BB : Je me rappelle que je connaissais quelqu’un qui me disait ça : « Pour être bon artiste… » et lui-même était artiste. Et du coup j’étais là.. « C’est quoi un bon artiste en fait ? Explique-moi ». C’est quoi en fait ?

MH : C’est subjectif encore une fois.

NG : Ça c’est la question…

SB : … Sans fin.

BB : Oui, c’est sans fin et c’est comme ci ça précédait la vraie réflexion.

SB : En fait, être artiste, c’est retrouver l’innocence peut-être. Être dans un truc pur et humble, accepter qu’on soit juste de simples vaisseaux, qu’on est traversé par des émotions et qu’on soit assez généreux pour les proposer. Après il y a le côté esthétique qui fait que chacun a un don. Je trouve que la voix est le moyen de véhiculer le plus d’émotions. C’est frontal. C’est tellement frontal que tu ne peux pas mentir. Un mec ou une meuf qui va chanter, tu vas le sentir direct. Que ça te touche ou pas. Ça peut même te mettre mal à l’aise tellement c’est horrible.

[rires]

SB : C’est comme une vibration. Et scientifiquement, je pense qu’on est des vibrations et du coup…

BB : Là je vibre là.

[rires]

SB : Tu le sens ou pas ?

[rires]

MH : That was deep… That was too deep…

BB : Là je pense qu’on vibre toutes non ?

MH : Ouais moi je vibre. Mais parce que j’ai froid.

« Le simple fait qu’on assume nos idées et qu’on essaie de les partager fait qu’on peut être artiste. »

Malia Lynn

On vous a réuni sous la bannière de ce qu’on appelle le cloud’n’B. Pour nous c’est quelque chose qui est véritablement encrée dans le R’n’B, mais qui est aussi emprunt d’influences plus diverses. Le terme Cloud est vraiment éthéré, aérien… On voulait savoir si vous vous reconnaissiez dans ce terme-là ou pas du tout ? Comment vous réussissez ou pas, à définir votre musique.

MH : Perso, je n’aime pas définir ma musique. Parce que je ne cherche pas à faire une musique spécifique. Quand on me demande quel genre de musique je fais, je dis « je fais de la musique ». Après cloud’n’B… c’est ça ? C’est cool comme nom, moi j’aime bien. Il y a le côté nuageux et tout. Je n’ai pas écouté tout le monde, mais c’est vrai que pour la plupart d’entre nous, c’est ce qu’on fait. Un truc un peu aérien. Vous c’est comment ?

BB : Alors, cloud’n’B avant que tu n’utilises ce terme, je ne connaissais pas. Je sais ce que cloud signifie. Donc ouais, je comprends un peu. Je veux bien… Pourquoi pas.. En fait, quand on me demande ce que je fais, pour aller au plus simple, je dis R’n’B, parce que c’est ce que j’ai le plus écouté, ce que je fais se rapproche le plus de ça. Mais en même temps pas vraiment. C’est un truc hybride. En fait, je dis ça pour donner un spectre. Si je dis que je fais – je ne sais pas – de la polka… ce n’est pas vrai.

[rires]

BB : Je donne un spectre. Mais je pense qu’en vrai on s’en fout.

MH : C’est ça. Aujourd’hui c’est compliqué de dire qui fait quoi. Tout le monde fait tout et n’importe quoi parfois.

NG : Après je trouve ça cool cloud’n’B dans le sens où, moi j’ai eu le sentiment que dire que tu faisais ou aimait du R’n’B, à un moment donné, c’était un peu houleux. Il y avait des préjugés. Après, ça n’empêche pas que tu fasses la musique que tu aimes, tu ne vas pas changer pour ça. Mais c’est vrai que le mot R’n’B, à un moment donné, pour les gens ça avait une connotation ringarde.

BB : Mais c’est ça qui est bien !

NG : Oui, mais pas dans le ringard que tu kiffes… Genre R’n’B Vitaa tu vois.

BB : Putain, mais moi Vitaa j’aime bien.

MH : Mais Bonnie, t’aimes tout.

BB : Non j’aime pas tout, mais Vitaa…

MH : Elle a une belle voix.

SB : Elle te fait vibrer.

[rires]

BB : Elle me fait kiffer, mais pas le truc avec Diam’s ! Elle est seule avec deux gars… [elle chantonne] Je ne l’aime pas comme toi... Putain, moi ça m’avait fait vibrer pour le coup. J’avais kiffé… Bon bah j’ai fait un flop…

Vous ne trouvez pas que c’est générationnel de ne pas vouloir se donner d’étiquette ?

MH : Oui c’est ça en fait.

Vous êtes une génération où tout est à portée de main et où du coup tout est faussé. Vous pouvez faire un morceau qui est plus pop, puis plus R’n’B. J’ai l’impression que c’est quelque chose dont vous essayez vraiment de vous dissocier, de ne pas avoir d’étiquette. C’est quelque chose sur lequel vous jouez où c’est vraiment comme ça que vous vivez les choses ?

MH : Je pense que c’est parce qu’on est plus ouvert en fait.

NG : Avec toute la musique qu’on se prend et les sites de streaming, les webradios… Ça permet de découvrir des artistes que tu n’aurais peut-être pas découvert, parce que ce n’est pas ton style… dans le style indie, folk etc…je suis tombée sur certains artistes et j’ai trouvé ça lourd. Et donc du coup oui, cette mode de consommation veut qu’on se prenne plein de sons, plein d’artistes… Ça pousse de partout et je n’ai pas envie qu’on dise « ouais, elle fait du R’n’B » parce que dans la tête des gens ça va rester. Et dès que je vais vouloir tenter des trucs, tout simplement parce que mon feeling c’est « là, j’ai envie de me faire un truc pop/folk », je n’ai pas envie de me dire « non je ne le fais pas, parce que pour le public et pour les gens qui m’écoutent et qui me kiffent, il y a un truc qui ne va pas passer », et je n’ai pas envie de me prendre la tête là-dessus, donc ne me mettez pas dans une case. C’est comme ça que je le ressens.

SB : Je pense que le rapport à la musique a complètement changé. On est passé du style, de la catégorie musicale, avec des classements à la Fnac, à un truc où tu imposes toi-même et tu ne fais pas ce que les gens attendent de toi. Tu t’imposes toi mais aussi ton style. Et c’est ça qui est intéressant. Comme tu le disais, on peut écouter Cheikh Hasni et après James Blake, plein de trucs et ça va inspirer notre musique. Tous ces éléments-là donnent ce qu’on a aujourd’hui. Ce que tu écoutes, tu le produis. C’est pour ça qu’on a autant de mal à se placer dans une catégorie. C’est parce qu’il y a trop de choses, trop d’influences de toutes parts et donc se cantonner à un truc, c’est se limiter clairement. Et moi ça me fait peur.

NG : Mais même quand on classe ta musique dans les bacs de la FNAC, le style reste le tien ? C’est toi qui le crée.

Il y a des artistes qui ont changé de style en cours de route.

SB : Une meuf comme SZA par exemple. J’ai trop aimé son dernier son « Drew Barrymore » comme j’ai aimé son morceau « Babylon » avec Kendrick. Et tu vois, elle, elle peut poser sur n’importe quoi, ce sera pop, ce sera rock, mais ce sera elle.

MH : Parce que c’est son timbre et sa manière de poser sur les sons qui jouent, tu vois.

SB : Et c’est en ça que je dis qu’on ne peut pas se limiter. On ne peut pas dire, je fais ça ou ça. Et cloud’n’B, ça sonne bien, mais c’est limite. Il y a un canton.

« Il n’y a que les rappeurs qui font bien sonner le français je trouve. Après, il faut juste trouver des subterfuges. Mais c’est pas facile. »

Bonnie Banane

MH : Ca veut dire qu’on ne peut faire que des trucs nuageux genre. Un peu slow-mo. Alors qu’au final, bah Bonnie ce que tu fais, des fois il y a des sons qui sont loin d’être Cloud’n’B.

SB : Bonnie… elle fait de la chanson française aussi !

[rires]

BB : Voilà… Ah putain. Oh là là.

SB : Qui t’avait comparé à Christine and the Queens ?

BB : C’est chaud…Vous êtes sérieux les gars ? Non mais je ne fais pas de la chanson française, si ?

NG : Tu le prends comment ?

BB : Je fais de la variété ? C’est ça que tu veux dire ? Je rigole. Non, en fait, je ne sais pas. Je m’en fous. Après j’avoue que je n’aime pas trop quand on dit que ce que je fais c’est de la pop. Je n’ai pas l’intention de faire de la pop. Donc c’est bizarre quand on me dit que j’en fais. J’en ai pas l’intention.

NG : C’est la pire catégorie celle-là.

BB : Mais non, ça dépend des gens.

NG : Il y a des gens qui vont le ressentir en mode pop, il y a des gens qui vont le ressentir comme du R’n’B. C’est un ressenti en fait.

MH : En fait les gens veulent savoir parce qu’ils ne veulent pas être bousculés. Ils ont besoin de savoir ce qu’ils écoutent.

BB : C’est justement pour savoir où tu es. T’écoute de la salsa ou tu écoutes Bénabar, c’est pas la même quoi.

« Je préfère faire tous mes trucs toute seule, évoluer toute seule, avec mes gars, mes meufs, tranquille, plutôt que de faire des compromis sur un paraître et sur des choses éphémères, mais qui font vendre. »

Sabrina Bellaouel

Vous parliez tout à l’heure de la construction d’un artiste. Et il y a une chose dont on n’a pas encore parlé, c’est tout ce qui est visuel, que ce soit les clips, la pochette d’un projet, ou le style. Comment est-ce que vous gérez cette partie du travail et quelle importance vous lui accordez ?

MH : Moi j’ai l’impression que parmi nous, ce ne sont pas des choses auxquelles on pense. Moi je ne fais pas attention à la façon dont je vais me saper, si ça va aller avec ma musique, dans tel clip etc. Je fais de la musique comme je me sape. J’ai envie de mettre ça donc je vais me saper comme ça. Demain j’ai envie d’être une fille, je serais une fille, un autre jour je serai un gars. Ce ne sont pas des questions, en tout cas moi, que je me pose. Je ne sais pas…et vous ?

ML : Au début, quand j’étais plus jeune et que je voyais les clips, franchement je ne trouvais pas le visuel important. Je trouvais que la musique se suffisait à elle-même. Ça laissait libre cours à votre imagination, justement, de se faire son propre clip. C’est génial de faire ça. Mais quand tu avances dans la musique et que tu commences à penser pour toi, comme par exemple, à savoir comment travailler l’image c’est vachement plus intéressant pour l’artiste. Parce que tu englobes vachement ta musique avec tout ce qui est visuel. Et tous les petits éléments que tu peux mettre, que ce soit dans la couleur, les paysages, tout est lié à ta musique. Ce n’est pas forcément toi qui choisis tout le temps, mais il y a quelque chose de personnel dans les clips…quelque chose que je trouve vachement lourd. Du coup, je trouve ça hyper intéressant. C’est intéressant pour le spectateur, qui va trouver ça beau s’il y a une histoire…Mais pour l’artiste, je trouve ça encore plus intéressant. Je trouve ça lourd.

MH : Et toi tu as fait des clips ?

ML : Du tout.

BB : Et t’as envie là ?

ML : Ah non. Je ne sais pas. Montrer ma tête c’est pas encore un truc qui m’intéresse.

BB : Ça peut être un truc de ne pas se montrer. Tu n’es pas obligée en fait.

ML : Aussi…peut-être vraiment légèrement alors car je n’ai pas envie de voir ma grosse tête partout.

BB : Ça peut être une prise de position assumée. Enfin, je veux dire que ce n’est pas une obligation. Si en plus tu dis que t’as l’impression que ce n’est pas nécessaire…

MH : Mais le visuel c’est un truc grave important. Disons que pour la pochette d’un projet…si je ne la trouve pas lourde, je ne vais pas écouter le projet. Quand je navigue sur un site de streaming, moi j’écoute par rapport à la pochette.

BB : Ah ouais ?

« Moi ce qui me chagrine le plus c’est le contraire. C’est des sons qui tuent avec un clip qui n’est pas forcément à la hauteur. »

Nathy Green

MH : Ouais. Mais le visuel c’est important. Genre, je vois un clip à la télé, il commence et je vois qu’il est pourri, et bien je ne regarde pas. Si ça se trouve, je vais manquer un putain de son. Mais j’avoue que je ne regarde pas.

BB : Bah le dernier Missy Elliott, le visuel est pourri mais je kiffe le son.

MH : Oui mais c’est Missy Elliott, c’est une icône. T’es obligé de regarder. J’écouterais le son si je connais la personne et que je sais que le son va être lourd. Mais pour un artiste que je ne connais pas du tout, si le premier visuel ne m’attire pas, je ne vais pas cliquer dessus.

BB : Après c’est vraiment différent, les goûts…

MH : C’est différent pour chaque personne c’est comme ça.

BB : Par exemple il y a des trucs qui vont me plaire et pas à toi.

MH : Par exemple Rihanna, tu l’écoutes même si tu n’aimes pas le visuel. La plupart des gens vont cliquer dessus, même si la pochette est nulle, tout ça parce qu’il y aura écrit Rihanna. Une fois que t’es là et que t’es installée, les gens s’en foutent de ton visuel. Je pense que si tu demandes aux gens s’ils regardent le visuel de la personne, la plupart des gens vont te dire oui. Ils ne vont pas te dire qu’ils s’en foutent.

BB : Moi je trouve que le plus important, c’est que ça plaise à l’artiste. Si tu es content de ton visuel et que c’est cohérent avec le son que tu as fait, c’est déjà énorme. Parce que ce n’est pas facile de trouver un visuel cohérent avec ce que tu fais.

MH : Oui mais des fois, l’incohérence c’est bien aussi. C’est marrant.

NG : Oui mais ça reste cohérent dans l’incohérence.

MH : [rires] Oui je vois ce que tu veux dire.

SB : C’est travaillé quoi, de toute manière.

En pourcentage et en tant qu’artiste, quelle importance vous accordez au visuel par rapport à la musique ?

MH : Le plus important c’est le son ! Après ça dépend de quels artistes on parle. Parce qu’il y en a qui vont beaucoup jouer sur leur image. Mais pour quelqu’un qui accorde une grande importance au son, c’est la musique qui passe en premier. Parfois tu vois des clips qui sont vraiment lourds, où ils ont tout donné…mais le son pue la merde.

NG : Moi ce qui me chagrine le plus c’est le contraire. C’est des sons qui tuent avec un clip qui n’est pas forcément à la hauteur. Admettons, après c’est purement subjectif, mais que le clip n’est pas à la hauteur du son et que du coup, il ne prend pas comme il le devrait. Le visuel, pour moi ça a trop d’importance aujourd’hui. Mais bon voilà, c’est comme ça et du coup on en tire les côtés positifs parce que comme tu dis, ça fait partie du développement artistique et qu’aujourd’hui, même dans le visuel, on créé. Mais ça a quand même pas mal d’importance, et je pense parfois un peu trop. Surtout quand je vois des artistes qui ont des clips de fou comme tu dis, avec un son….

ML : C’est vrai qu’on a l’impression qu’il y en a qui misent, pas forcément que sur ça, mais dont le but était seulement de faire un clip. Le son, c’était histoire de…

MH : De mettre du son quoi.

ML : Voilà. Après, j’ai pas forcément d’exemple là.

BB : Moi non plus. Ah Jul ! Mais moi j’adore les clips de Jul.

[rires]

BB : Oh les gars, « Ovni ». Le clip est lourd. Mais moi j’adore.

MH : Moi je ne peux pas donner mon avis, je n’écoute pas, je ne regarde pas, je…

SB : Moi j’entends. Il est dans toutes les gares. Mais il a son truc, on respecte.

BB : Ah bah ouais. Vous n’avez pas vu le clip de l’« Ovni » ?

ML : Non. Désolée.

MH : [rires] « Désolée ? », ne t’excuses pas !

BB : On se fera une session quand on aura fini.

« Je préfère que tu me dises que ce que je fais est niché, plutôt que tu me dise que je suis à la télé. »

Nathy Green

Étant donné que ce style, ou en tout cas, le genre dans lequel vous voulez évoluer est encore tout récent, comment est-ce que vous parvenez à exister et à vous construire sans la base d’un antécédent. Comment vous arrivez à créer un marché ? Comment arrivez vous à vivre ?

ML : Je pense que c’est justement parce qu’il n’y a pas eu grand chose avant… Mais je ne comprend pas. C’est parce que c’est en France ?

Disons qu’en France, il n’y a pas eu de grande star ayant tout fracassé avec ce style-là. Peut-être PNL avec le « cloud rap ».

ML : Bah je pense que justement c’est parce que ça n’a pas existé avant qu’on a peut-être plus envie de le faire exister. Ce n’est pas sensé être inconnu je pense, ça devrait être un style tout à fait reconnu en France et pas qu’aux Etats-Unis.

Clairement, dans votre musique, vous êtes dans une niche. Ce n’est pas pop, dans le sens populaire. Ce n’est pas quelque chose qu’on écoute sur des radios généralistes. Alors qu’aux Etats-Unis, si. Entre guillemets, comment voyez vous l’avenir de votre scène ?

MH : Franchement, moi je ne me suis jamais posée la question. Mais les retours que j’ai, c’est qu’en gros, il faut développer et qu’il faut faire autre chose si on veut que ça fonctionne. Je sais qu’à chaque fois que j’ai parlé avec des patrons, des studios et tout le reste, à chaque fois ils m’ont dit : « Ouais c’est pas mal. Mais on va faire autre chose parce que ça ne marchera pas ».

NG : Ils ne sont pas prêts…

MH : Donc en faire un marché, ce serait lourd hein. Je pense qu’on veut toutes vivre de ça. Moi après je n’essaie pas. Tu vois, je fais ce que je fais. Et malheureusement, je ne pense pas qu’un jour ça aura vraiment sa place. Je pense vraiment que les français ne sont pas prêts pour écouter ça. Ce n’est pas quelque chose qui deviendra populaire. Et d’un côté, tant mieux !

La France, c’est un frein ?

MH : Oui, la France c’est un frein de ouf. Et toi Bonnie tu chantes en français parfois, toi tu chantes en anglais aussi, toi en arabe aussi… Je sais déjà que pour moi, rien que le fait de ne pas chanter en français, c’est grave un frein en France. À chaque fois on m’a demandé de faire des trucs, en me disant « Ouais, tu vas faire la même chose, mais en français ». Sauf qu’en français, ça ne sonne pas pareil. La musicalité n’est pas la même. Donc si on reste vraiment dans ce qu’on veut et ce qu’on essaye de faire, je ne pense pas qu’il y ait un marché qui puisse s’ouvrir.

NG : Et puis il y a un quota radio. Pour que ton son passe, il faut qu’il soit en français. C’est plein de trucs comme ça qui forcément vont contribuer à freiner le truc. Pour ma part, j’ai choisi l’anglais parce que je kiffe, parce que tous les artistes que j’écoutais chantaient en anglais. Je ne comprenais pas forcément et pourtant le message passait. Donc j’ai choisi l’anglais. Et le faire en français, c’est autre chose. L’impact est différent. Quand un français écoute un son en anglais, il va prendre la vibe, il va prendre l’ensemble du morceau. Quand tu arrives avec un texte français, ça percute. Quand j’écoute un morceau de Bonnie, je vois la différence entre l’anglais et le français. D’ailleurs, je trouve que tu manies très bien le français.

MH : Mais en fait c’est une flemme. Parce que l’anglais c’est trop facile. C’est tellement musical que quand tu chantes, c’est obligé de passer un minimum si tu as la voix. Alors que le français, c’est tellement une belle langue que tu dois choisir chaque mot et il faut qu’ils soient posé parfaitement. Et par exemple Bonnie, elle le fait parfaitement.

NG : Il faut que tu réussisses à les faire sonner en fait.

BB : Ah si, c’est trop beau. Après le français, ce n’est pas une obligation. Si tu n’as pas envie de chanter en français, tu ne chantes pas en français. Moi je trouve ça intéressant, mais c’est juste qu’il faut trouver des tricks, parce que ça ne sonne vraiment pas bien le français. C’est chiant, mais tu peux exprimer plein de trucs différemment. Il n’y a que les rappeurs qui font bien sonner le français je trouve. Après, il faut juste trouver des subterfuges. Mais c’est pas facile.

ML : Le français, quand il est bien chanté, comme Edith Piaf et tout ça…c’est encore mieux.

NG : C’est sûr, la langue est belle.

BB : Moi je trouve que Wallen, elle le faisait trop bien. K-Reen aussi elle a fait des trucs de ouf.

MH : Aujourd’hui elle fait du zouk…

BB : Il y a aussi Kayna Samet.

MH : Kayna Samet c’est un truc de ouf. Mais tu vois c’est des classiques. C’est le vrai R’n’B à l’ancienne, tu vois.

NG : Mais c’est ouf, que depuis le temps, il n’y ait pas eu d’autres personnes qui nous viennent à l’esprit quand même. Parce que ça date.

BB : Mais Wallen avait refait un album là, non ?

MH : Elle, elle fait trop la promo des artistes…

SB : Pour moi, la grosse différence entre l’anglais et le français, c’est que forcément l’anglais c’est plus facile, parce que ce ne sont que des voyelles, c’est expressif, frontal, direct, tu vois. Alors que le français, c’est une langue de consonne. Du coup c’est frontal, mais dans l’idée. C’est elle qui va être primordiale et pas le son. Donc si tu veux rajouter des vibes sur du français, c’est chaud. Tu peux te casser la gueule facilement. Et là du coup on te met dans une catégorie. Donc ouais franchement c’est compliqué, mais après, il faut voir. Voir ce que tu as envie d’exprimer et comment. Si t’as envie de chanter en français dans tous les cas, il faut l’assumer.

MH : Une partie du public français est un peu hypocrite. Moi en soi, je m’en fous qu’ils m’écoutent ou pas. Mais encore une fois par expérience personnelle, on n’arrête pas de me demander de chanter en français en me disant « Ouais, on ne comprend pas ce que tu dis ». Mais vous êtes grave hypocrites parce qu’en vérité les sons qui tournent le plus aujourd’hui en France, c’est des sons américains.

BB : Ça ne veut pas dire qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils disent non plus.

MH : Non mais ça ne les dérange pas quand ce sont des américains Pourtant quand ce sont des français, ça les dérange de faire l’effort de comprendre. Au final, pour répondre à la question, moi je reste sur mon idée que, non, il n’y aura pas de place pour nous.

[rires]

NG : Disons que la langue, c’est un obstacle, qui est posé par d’autres.

Mais là vous êtes super pessimistes. C’est quoi du coup l’alternative ? S’expatrier ?

MH : Moi personnellement, je m’en fous. Parce que j’ai toujours été dans une optique où si ça marche tant mieux, et si ça ne marche pas tant pis. À côté, c’est vraiment un hobby pour moi la musique. Mais si demain on me dit que ma musique plaît et qu’on va le commercialiser, je dis ok. Par contre si on me fait passer par quatre chemins, en me disant « tu vas faire ça et ça pour que ça marche mieux », je dirais non. Pour celles qui veulent faire ça et qui ne veulent pas changer, il faut s’expatrier. Genre Londres, je pense que c’est le coin parfait pour ce genre de son.

« Mais c’est un privilège en France de ne pas être connu limite. »

MayHi

SB : Moi j’avoue que je m’en fous des frontières. Quand j’écris, quand j’ai envie d’exprimer un truc en anglais, je m’en fous. Je ne vais pas faire l’hypocrite et dire que je n’aimerais pas que ça marche, ou que je m’en fous si ça marche. Si ça marche, tant mieux, mais c’est aux radios de s’adapter en fait.

MH : Voilà c’est ça !

SB : Il y a un mouvement, clair. Il y a plein de gens qui font du son et qui font des trucs qui sont hors catégories, hybrides comme disait Bonnie. Et je ne vois pas de radios françaises qui pourraient le passer et en même temps je me dis « mais qu’est-ce qu’ils ratent ! ».

BB : C’est à eux de suivre.

SB : Ils ratent un truc énorme.

MH : Oui et si tu passes ça, les auditeurs écouteront.

SB : Nous ils faut qu’on « stick to what we do », [il faut continuer ce qu’on fait, ndlr]

NG : Je pense que chacune d’entre nous bosse, créé et propose des choses. Et je pense que si quelque chose doit en ressortir, ce sera comme ça. Ce n’est pas parce que les gens ne sont pas prêts en France, que nous, on ne va pas continuer à faire ce qu’on a envie de faire et se perfectionner dans le visuel, dans la qualité sonore, dans la création d’hybride… Je pense que plus chacune d’entre nous ira au fond de ce qu’elle a envie de faire, tentera des trucs et repoussera ses limites, plus ça créera un effet de masse et les gens ne pourront pas passer à côté. Les maisons de disques ou les radios ne pourront pas passer à côté.

MH : Mais c’est un privilège en France de ne pas être connu limite. Je trouve que tout ceux qui sont dans des niches, ce sont ceux qui ont le plus de talent. Franchement, tout ce que je vois à la télé ne me donne pas envie.

NG : T’as utilisé le terme niche et en vrai, ouais. Je préfère que tu me dises que ce que je fais est niché, plutôt que tu me dise que je suis à la télé, mais en fait, il n’y a aucune proposition.

« Je ne trouve pas que ce soit forcément plus dur de percer dans le son, seulement parce que t’es une meuf. Si tu as envie de le faire, tu le fais. Ca viendra tôt ou tard, je pense. »

MayHi

Dernière question : C’est une question qui parle d’une anecdote de Björk, qu’elle a raconté une fois en interview. Elle disait qu’à chaque fois qu’elle collaborait avec un homme sur un morceau, dans les médias, il lui retirait le crédit de la globalité du travail effectué. Alors qu’on sait parfaitement que Björk est un génie, que c’est une artiste hyper complète. C’est aussi une situation qu’on peut transposer au cas de Shay à qui on demande si c’est Booba qui écrit ses textes, en insinuant qu’elle ne peut pas être totalement maître de son travail. Est-ce que vous appréhendez ce genre de perception ? Est-ce que vous pensez que c’est une question qui est aujourd’hui dépassée ?

MH : En vérité, je ne sais pas si la question se pose encore aujourd’hui.

BB : Moi je pense qu’elle se posera toujours.

MH : Le fait qu’une femme fasse de la musique ? Sérieux ?

BB : Ce sont des questions auxquelles je ne sais pas trop répondre parce que… bref. Mais c’est vrai que c’est une question évidemment nécessaire, car avec ce qu’il se passe en moment, j’ai l’impression que ce sera un truc qui sera toujours d’actualité. Le fait qu’il y ait encore des choses à remettre à niveau tout le temps quand tu es une femme…

MH : Je vois ce que tu veux dire.

BB : Apparemment, et c’est pas forcément un truc que tu vis ou que tu as envie de vivre, mais on te le rappelle tout le temps. Et toi t’es là et tu te dis ok. Donc tu es obligée de réfléchir là-dessus, mais c’est vrai qu’il y a une différence avec la perception des autres et ton vécu…comment tu travailles. Je ne sais pas comment vous travaillez, mais moi je travaille toujours en collaboration. C’est souvent des hommes et ça ne me pose pas tant de problèmes que ça. Je n’ai eu aucun problème à me mettre en avant en tant que femme, parce que je ne voyais pas où était le problème. Pour moi, ça n’a pas été un obstacle, même en studio, dans mon rapport avec mes collaborateurs. Même si la misogynie est là et qu’elle plane, elle est toujours là et elle sera toujours là. C’est un obstacle et ça n’en est pas un. Ça l’est en soi, mais dans le vécu et dans l’expérience, tu peux le désamorcer. Pour moi c’est ça. Après ça ne veut pas dire que ça y est, c’est acquis, c’est normalisé. C’est ça que j’essaie indirectement d’imposer.

ML : Moi je vois le rapport homme-femme dans la vie de tous les jours, dans le travail et tout ça. Mais après dans la musique, je ne trouve pas que les femmes aient du mal à s’assumer. Il y a tellement d’icônes. Après peut-être que je n’en ai pas encore suffisamment vu. Donc je ne sais pas. Je ne parle pas forcément en connaissance de cause.

NG : Après il y a énormément d’hommes dans la musique, dans le sens où là le rap, c’est la folie. Ça prend une place… Il y a énormément de rappeur, j’en découvre encore, je ne sais pas d’où ils sortent mais ça tape dans des centaines de millions de vues…

BB : Bah ils sortent du ventre de leurs mères déjà…

[rires]

NG : Oui…non mais se démarquer dans ce paysage-là, je trouve ça fou. Ça va hyper vite et très souvent c’est des mecs. Je suis sûre qu’il y a énormément de femmes comme nous qui chantent très bien et qui ont leur univers… Mais ça ne va pas taper dans le million de vues non plus. Aujourd’hui musicalement, c’est encore plus facile quand t’es un homme. À part si en tant que femme, tu décides de faire des compromis. Un mec va plus arriver à imposer son style. Dans le vécu, en collaboration, moi aussi je ne travaille qu’avec des hommes et ça ne m’a jamais posé de problème. Je n’ai jamais clairement ressenti de misogynie. Mais c’est un fait, c’est encore une actualité. Après c’est moins violent peut-être qu’à une période, mais je trouve que ouais, il y a encore ce décalage là.

SB : Je te rejoins là-dessus. Je pense qu’il y a très peu de femmes, je crois que c’est plus unique que rare, genre Björk, elle est en place, c’est une artiste complète qui par sa détermination a su imposer ses choix. Elle ne fait aucun compromis, elle reste dans son univers, dans sa musique. Elle peut faire tout ce qu’elle veut, elle sera respectée quoi qu’il arrive. Et je trouve que c’est très rare de trouver ce genre d’artiste aujourd’hui. Mais sur la scène populaire, il y a beaucoup de femmes qui décident de faire des compromis, de devenir des viandes. [rires] Moi ça m’attriste personnellement, même si je n’ai jamais ressenti de misogynie… Et je ne travaille qu’avec des gars, je n’ai toujours travaillé qu’avec des gars. On se fait confiance musicalement, le feeling passe et puis moi, j’ai mon rôle de femme, j’essaie d’être une femme amour dans la musique, donner de l’amour tout le temps. Je suis à l’aise avec ça et chacun son rôle, moi ça me plaît. Je n’ai pas envie de crier tout le temps dans ma musique « Ouais, moi je suis une femme ». En fait je suis ce que je suis. Je n’ai pas envie de me positionner en tant que femme, revendiquer des trucs. Je suis simplement qui je suis et point à la ligne. Tu te prends ma musique ou pas. Tu fais ce que tu veux. Mais je ne me suis jamais posé cette question. Après, peut-être que ça va arriver un jour.
En plus ça m’est déjà arrivé : il y a un gars, un ingé son, qui m’a dit : « Ouais, tu devrais faire du Katy Perry. »

[rires]

BB : Il est bon lui.

[rires]

SB : J’avais envie de pleurer. Et il m’a dit : « Tu devrais faire du Katy Perry, parce que blablabla. T’as des skills et tout. Mais il faut que tu refasses ça et ça. »

BB : Ah, il t’as dit ça comme ça ?

SB : Ouais. Il m’a mit un package dans la gueule et tout. Et en fait, ça m’a fait rire. Je lui ai dit qu’il n’avait rien compris.

BB : Et tu lui a pas mis un croche-patte après ?

SB : J’avais trop envie de l’insulter, mais bon… Nous sommes resté cordiaux. Mais je pense que ouais, les maisons de disques veulent ça aujourd’hui. Les maisons de disques et les professionnels qui t’approchent, en général, te disent « Il faudrait que tu ailles plus là-dedans, que tu creuses plus ce côté soul pour vendre. Et on va te relooker »… Moi ça m’angoisse. Je préfère faire tous mes trucs toute seule, évoluer toute seule, avec mes gars, mes meufs, tranquille, plutôt que de faire des compromis sur un paraître et sur des choses éphémères, mais qui font vendre.

BB : Le truc crucial, il est exactement là je pense. Dans l’idéal, le changement qu’il faudrait avoir, c’est limite…enfin nous, on a nos trucs à gérer. Mais les gens des maisons de disques, ceux qui ont cet argent et ce pouvoir entre leurs mains, et qui connaissent ce métier-là, donc ce marché, et que ça intéresse de bosser là-dedans visiblement, c’est à eux je trouve, de se pencher plus sur l’artiste. Parce que là ce qu’il se passe, c’est qu’il y a une grosse perte de qualité. Plus ça va et plus on ne sait pas si les gens ont vraiment envie d’écouter ça. ll y a une espèce de monopole et on ne sait plus en fait. Je trouve que ce serait vraiment l’idéal. Mais ce n’est pas à nous de trouver une solution. Ce serait à eux de se rendre compte de ce que tu veux faire. Je ne sais pas si eux ça les intéresse, s’ils aiment la musique. En fait il faudrait qu’ils se penchent un peu quoi. Et qu’ils fassent confiance.

NG : Vous avez des sites web de référence chacune ? Comme YARD, enfin des sites d’actu. Par rapport aux sites de références, les trucs que tu vas checker pour voir des actus, sons, lifestyle etc… est-ce que vous voyez beaucoup de femmes ? Moi je sais que les sites de culture urbaine que je vais voir, il n’y a pas beaucoup d’article sur des femmes.

MH : Oui mais pourquoi aussi ? Est-ce que la raison c’est parce que c’est des femmes, ou elles n’ont pas entre guillemet le talent que les gens qui publient veulent aussi. Il ne faut pas toujours se positionner en mode « victime », genre féministe, il n’y a pas assez de femmes. Parce que certaines ont moins de talent, ou peut-être parce qu’elles ne font pas les choses comme il faut. La plupart du temps, les mecs quand ils ont envie, ils font en sorte que ce soit là. Alors qu’il y a des meufs qui font leurs trucs, et soit c’est cheum et ça ne passe pas, soit elles ne font pas assez pour que ça passe. Ce n’est pas forcément spécifique aux femmes d’ailleurs.

SB : Ce n’est même plus une histoire de « c’est cheum » ou « c’est pas cheum ». Il y a plein de gens qui sont médiatisés et c’est cheum ! Parfois t’es là au bon moment et tu rencontres les bonnes personnes et ça va t’ouvrir les portes, direct.

MH : Oui c’est ça que je dis.

SB : C’est le karma.

MH : Oui c’est ça, c’est le karma. Parce que moi, quand je parle de musique, je ne parle pas de personnes en vérité. Je parle d’âme. Moi je suis une âme qui fait de la musique. Parfois, tu entends ma voix sur des sons et des gens ont cru que j’étais un mec. On s’en fout, c’est du son. Donc en vrai, le problème d’être une fille ou un gars, je ne le vis pas comme ça. Je ne trouve pas que ce soit forcément plus dur de percer dans le son, seulement parce que t’es une meuf. Si tu as envie de le faire, tu le fais. Ca viendra tôt ou tard, je pense.

BB : Oui mais… J’aurais tendance à penser comme ça, mais en fait, il y a deux choses. Il faut quand même reconnaître que…je pense qu’il y a plein de meufs qui sont talentueuses et qui ont du mal à y aller, parce qu’elles n’ont pas confiance en elles. C’est ça le truc.

MH : C’est ça, les mecs ont plus confiance en eux que les meufs.

BB : C’est un truc d’éducation, c’est de la base. Je pense quand même que ça existe. Nous on n’a pas envie de penser comme ça parce qu’on l’a fait. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. J’aimerais bien moi, penser comme ça, dire « Bah allez-y ». Mais ce n’est pas aussi simple que ça. J’aimerais bien qu’il y ait plus de meufs, que ce soit abondant, mais si ça l’est mais que ce n’est pas bien, non. Ce sont deux choses et il faut essayer de rester un peu juste. Mais bon. Je dissocie les deux trucs dans ma tête quand même. Je ne les combine pas. Il faut essayer de faire la part des choses là-dessus, je pense.

MH : Après c’est un ressenti. Chaque fille autour de cette table n’a jamais eu de problème à travailler avec des mecs, à ne pas se sentir à sa place. Je pense que c’est une question de karma et d’âme.

BB : Mais je pense qu’on n’est pas à l’abri, surtout en ce moment. La façon dont notre monde fonctionne actuellement. On n’est pas insensible. Jusqu’ici on y allait, mais c’est comme si c’était quelque chose qui ne serait jamais acquis. Au final, on peut aussi se dire « je me sens à l’abri ». Mais c’est jamais acquis. Une fois que tu l’as fait, ça y est tu peux…par exemple la scène, ce n’est pas parce que tu le fais ni la fréquence de tes représentations qui font que tu te sens de plus en plus à l’aise ou que cela sera tout le temps ainsi.

SB : Cela ne vous est jamais arrivé de vous retrouver en studio, d’être la seule meuf, qu’il n’y ait que des gars…?

[Tout le temps.]

SB : Voilà. Et de subir le truc ? Parce qu’il y a cette bande de gars, et ils parlent fort et toi t’es en train d’enregistrer.

MH : Moi ça m’arrive tout le temps, je ne travaille qu’avec des mecs comme ça. Mais en vrai, tu t’imposes. C’est tout. C’est une force d’esprit que tu te dois d’avoir. C’est soit tu décides de subir le truc, soit tu décides de dire « Non, je suis une meuf ». Et quand bien même, fais pas de bruit, frère ! C’est toi qui doit t’imposer. Et pareil, moi j’ai des potes meufs et elles peuvent faire du bruit pendant qu’un mec est en train d’enregistrer ses voix. Soit le mec n’a pas de « cojones » et il pose dans le bruit, soit il dit aux meufs de se taire. Encore une fois, je trouve que ce n’est pas une question de sexe. C’est une question de force mentale. Genre toi t’es là pour faire un truc, alors tu le fais ce truc. S’il y a des gens qui essaient de te bloquer dans ton truc, bah tu les vires ! C’est juste une question de force d’esprit. La femme a souvent tendance de se dire « bon bah je suis une femme donc il va se passer ci, il va se passer ça ».

BB : Tout dépend de la façon dont tu le fais savoir. C’est à dire que si tu dis ça en anticipant, ça va pas le faire. Mais quand même, je suis assez d’accord avec toi là-dessus, moi j’essaie de faire en sorte que ça disparaisse de ma vie. Je fais abstraction de ça, mais ce n’est pas possible, si on joue la carte de l’honnêteté. Ce n’est pas pour autant que ça doit être un obstacle et que tu ne puisse pas le dépasser. Mais c’est quand même un truc qui se voit comme le nez au milieu du visage. Mais on y arrive. Tu vois ce que je veux dire ? Ça dépend…si tu le pense en anticipant la scène et que tu te braques : là non, ça ne marchera pas.

MH : C’est une question d’assurance en quelque sorte.

Est-ce qu’il y a des questions qui vous ont saoulé ?

BB : Moi le truc sur le marché et tout. Sur le marché du cloud’n’B. C’est pas que ça me saoule, mais c’est que je n’y pense pas.

MH : C’est intéressant parce que d’un côté on n’y pense pas. Et au final quand tu le fais..

BB : C’est juste que c’est difficile de répondre à ça, parce que c’est vraiment.. Enfin ça me dépasse.

NG : On dirait qu’aujourd’hui, on devrait avoir des réponses claires, nettes et précises là-dessus alors qu’au final, la vérité c’est qu’on n’y pense pas. On y pense seulement quand on y est contraint ou lorsqu’on nous demande de nous positionner.

Après il faut aussi que vous vous disiez qu’il y a, comme vous vous disiez tout à l’heure, des milliers de filles qui veulent faire cette musique-là ou chanter tout court. Et le fait que vous en parliez, même si ce n’est pas forcément point par point, mais le fait que vous en parliez et qu’elles sachent qui vous êtes, ça peut aussi les booster. Donc ces questions sont chiantes à répondre, mais elles sont néanmoins nécessaires pour faire perdurer la musique.

MH : Moi je ne trouve pas ça relou. C’est intéressant. C’est se mettre de l’autre côté. Parce qu’en tant qu’artiste, si je puis dire, ou chanteuse…

[rires]

NG : Pour moi c’était celle-là, la question la plus reloue.

MH : On ne se pose pas ce genre de questions. Du coup on se rend compte qu’il y a des gens qui peuvent se les poser. Je trouve ça cool même si c’est relou d’y répondre.

C’est au Palais de la Porte Dorée que le groupe de musiciens The Hop donnait rendez-vous le 21 mars, aux rappeurs Mac Tyer, Casey, Jazzy Bazz, S.Pri Noir et Espiiem pour un concert acoustique hosté pr Dandyguel.

Un évènement exceptionnelle que la photographe Flora Métayer a immortalisé pour nous

Instagram : @Braveneworld_

En partenariat avec TEALER, Xavier B. met à l’honneur différents artistes de street art en réunissant du 31 mars au 13 avril 2017 à la Maison Sage (15 Boulevard Saint-Martin, 75003 Paris), 30 artistes de la scène graffiti.

Originaire de Vitry-sur-Seine, Xavier B. 27 ans a débuté la photographie en 2015. Sa passion le pousse très vite a capturer – à travers son objectif – des clichés de son environnement urbain. Pour ce projet, il choisit de rassembler ses deux passions, la photo et le graff, pour donner naissance à l’exposition « Poto-graff ».

Depuis presque un an maintenant, il a réuni des artistes, graffeurs, illustrateurs ou encore tatoueurs, pour customiser ses photos. Ici, 30 artistes ont accepté de participer au projet « Poto-graff » comme Frez, Rask, Dexa, Bebar, Mina et bien d’autres. ( Chaque jour du mois de mars, un artiste vous sera devoilé sur cet evenement. ) Ils ont pour seul support une photo unique imprimée en format 60x40cm sur du papier beaux arts 140g. Tous les tirages ont été pris entre décembre 2015 et juin 2016 avec deux appareils photos : un Yashica Electro 35 et un Olympus Mju II.

EVENT FACEBOOK

 

Vernissage : Vendredi 31 mars 2017. 18h-02h.

Nous vous l’avions présenté il y a presque un an pour la sortie de son EP « Cash Mire », aujourd’hui le rappeur Jeune Slow propose de nous pencher sur son clip « Vin Rouge », tiré de son dernier projet en date.
YARD a donc sauté sur l’occasion pour décrypter le visuel avec l’intention de SJD, le réalisateur mais aussi avoir le point de vu de l’artiste.

 

 

SJD : « Nous avons cherche a faire un clip d’ambiance simple avec une couleur et de l’attitude. A l’image dun bon verre de vin. Sans trop d’artifice dans un décor fort. Nous avons misé sur l’attitude et la nonchalance du Jeune Slow. Il est parfois plus dur de faire des choses épurées que de faire un clip ultra dynamique avec beaucoup d’insert subliminal ».

 

 


« Avec le lieu ou encore le groupe qui l’accompagne mais également dans la réalisation du clip et le grain de l’image, c’était le combo parfait pour illustrer ce morceau. »


 

Jeune Slow : « Srabi (Beatmaker) et moi voulions clipper « VIN ROUGE » en tant que premier visuel de notre ep en commun « Cash Mire » car il représente parfaitement l’ambiance générale du projet.
Cela nous a pris du temps car il fallait trouver la bonne personne apte à pouvoir nous donner un rendu à la auteur de nos attentes mais aussi du faite qu’on voulait trouver le bon scénario, la bonne histoire qui collerait parfaitement à ce titre.

On a voulu créer une ambiance soirée Jazz bar Américaine des années 80/90, que cela soit l’ambiance général du clip. Avec le lieu ou encore le groupe qui l’accompagne mais également dans la réalisation du clip et le grain de l’image, c’était le combo parfait pour illustrer ce morceau.

Dans cette vidéo, la femme fatale incarne la rose rouge, celle sur qui on peut compter même dans les moments de crises, « La Ride or Die », la vraie.
On rêve tous de trouver la femme de nos rêves un jour.
« VIN ROUGE » est une hymne à l’amour passionnel d’où la présence de la rose rouge sur la cover du titre. »

 

 

Le rappeur/producteur bruxellois Krisy (De La Fuentes) revient avec un nouveau clip avec un traitement aux couleurs acidulées issu de son très bon EP « Paradis d’Amour » sorti le 14 février dernier.
Qu’on se le dise, la scène belge et par extension la scène francophone comptent un excellent représentant dans leur rang.

Oh, dernière chose : la ligne téléphonique « Fuentes Rose » est ouverte à partir de 20h !

 

 

Krisy : « Paradis D’Amour » – Sortie le 14 février

Tracklist

Vol Vers
Discussion nocturne Feat. Cloé Mailly
Blessed
Paradis d’amour
Erotiquement votre Feat. Instagram Followers [INTERLUDE]

 

 

Révélée par Kaytranda, Shay Lia nous arrive bientôt avec un projet totalement produit par le canadien. Alors qu’elle séduisait déjà son public il y a trois ans avec le titre Virgo, elle dévoile aujourd’hui le titre et la vidéo de « Losing Her », extrait de son projet.

Dans ce titre l’artiste s’adresse à une amie artiste pleine d’ambition qui accepte de faire des concessions sur son art pour réussir. C’est à la fois une critique de l’industrie de la musique et de l’aliénation des artistes une chanson sur le clivage entre l’Art et l’industrie culturelle.

 

 

C’est sans fard qu’elle porte son message dans cette vidéo inspirée du clip « Untitled » de d’Angelo. Ce qui frappe dans cette vidéo, c’est l’intensité de l’interprétation de l’artiste, amplifiée par le plan séquence et les plans rapprochés qui confère une atmosphère intimiste.

Dans l’ambiance générale et les couleurs, le réalisateur évoque le making of de « Jam » de Michael Jackson et de Jordan : bleuté, contrasté, enfumé et sombre.

 

 

Le single « Losing Her » sera disponible le 7 avril
Spotify – Twitter – Facebook – Instagram

 

Photos : Anisha Patelita

Pour cette fin de semaine, YARD choisi de vous présenter un artiste aux multiples talents, et qui mériterait d’avoir plus d’exposition.

 

Age : 21

Ville : Paris 10 – Plaisir (78)

Instagram : Some1netho

Twitter : @some_1ne

 

Présentation

Je cherchais un nom discret, de quoi me fondre dans la masse. Alors j’ai trouvé someone, j’ai rajouté un tiret et un 1 à la place du o, pour que je sois quand même bien référencé sur internet. Genre « who made this beat ? – oh someone like this »

 

Comment en es-tu venu à faire cette musique ?

J’ai été inspiré par mes grands frères : j’en ai un qui produit, l’autre qui mixait et produisait. J’venais d’arriver au collège quand ils faisaient ça et c’était la période où j’étais trop influençable. Je me couchais mes frères étaient sur l’ordinateur, et quand j’me réveillais pour aller à l’école ils y étaient encore. Ça faisait craquer les parents mais moi je kiffais parce qu’ils me faisaient écouter leur productions et m’expliquaient vite fait comment ça marchait. C’est au lycée que je me suis vraiment intéressé à la production et que j’ai commencé à faire des beats sérieusement et vu que personne en voulait je rappais dessus pour rigoler. Rapper ne m’a jamais vraiment intéressé… Quand je le fais je ne rap pas vraiment, je crée juste une mélodie qui avec ma voix qui manquait à la prod.

 

Comment tu définirais ta musique ?

Je pense que ce sont les personnes qui écoutent ce que je fais qui seraient plus capable de définir ma musique. Je ne me limite pas à une sonorité, ou à un genre musical en particulier. Je fonctionne à l’humeur, tout dépend de ce que j’ai fais dans la journée, donc tous les jours les beats sont différents. J’écoute beaucoup de sons qui sont rattachés à la scène « futur bass » « futur trap » « futur house » tout ce qui commence par futur, les soundclouderies quoi et dans mes productions ça se ressent. Dans un même son, tu peux avoir un thème bien joyeux avec de belles mélodies et d’un seul coup, une partie bien sombre qui arrive avec des bass bien grasses et ça redevient joyeux comme dans mon remix de Rihanna – Needed Me. C’est spécial mais c’est soundcloud et c’est pour ça que j’adore ce site : chacun fait la musique qu’il veut, il n’y a plus de code ni de règles. Et donc pour revenir à la question, ma musique n’est pas encore définie.

 

 

La genèse du titre « Needed Me »

« Needed Me », c’est le son de l’album de Rihanna qui m’avait tellement frappé que je l’écoutais tous les jours et généralement quand j’écoute un son non-stop pendant deux/trois semaines, ça sent le remix qui arrive. J’ai trouvé l’a-cappella sur internet, je l’ai mise sur le logiciel et directement, tout était clair dans ma tête, je savais déjà ce que je voulais faire. C’était pendant l’été, j’étais dans un mood assez tropical. D’ailleurs, c’est en partie pour ça que le son a une vibe dancehall/brésilien. Après, j’ai ajouté quelques 808’s (basses) sombres pour créer une touche 6ix side. J’ai pris 3 jours à le faire et je l’ai balancé le mois d’après.

 

Où étais-tu il y a un an et où t’imagines-tu/te projettes-tu dans un an ?

L’année dernière, j’étais en cours. J’ai eu mon DUT Techniques de commercialisation (TC) (Bac +2) À cette époque, je faisais du son seul chez moi. Aujourd’hui j’ai mon équipe avec laquelle j’avance très bien. J’espère que chacun d’entre nous sera en place dans son domaine. Pour ma part j’compte devenir DJ/Producteur, comme la plupart des mecs que j’écoute sur soundcloud, pour jouer à des festivals et des soirées. Donc je vais continuer de travailler dur et de proposer de nouvelles sonorités pour vos oreilles.

 

 

 

Il y a des retours qui ne trompent pas. Prenez le parcours de Zinédine Zidane pour la Coupe du Monde 2006, la récente élection de Donald Trump au poste de président des États Unis ou encore la remontada historique du FC Barcelone contre le PSG. Si les trois exemples cités trouvent tous une fin tragique selon le camp où l’on se situe, le retour au premier plan de Kendrick Lamar avec son titre « The Heart Part IV » fait d’ores et déjà l’unanimité sur toute la toile.

 

Nous avons choisi de sélectionner quelques extraits du titre afin de les disséquer et de les interpréter. À noter que le titre est composé de deux morceaux distincts, habitude prise par Kendrick Lamar depuis quelques projets déjà. Pourtant la cohérence des deux parties réside dans le fait que le sujet abordé est ostensiblement le même : la compétitivité. Cependant, pour cette article nous nous contenterons d’analyser la deuxième moitié de « The Heart Part IV ».

« My fans can’t wait for me to son ya punk ass and crush your whole lil shit
I’ll Big Pun ya punk ass, you a scared little bitch
Tiptoein’ around my name, nigga ya lame
And when I get at you homie don’t you just tell me you was just playin’
Oh I was just playin’ with you K-Dot, c’mon
You know a nigga rock with you, bro

Shut the fuck up, you sound like the last nigga I know
Might end up like the last nigga I know
Oh you don’t wanna clash? Nigga, I know
I put my foot on the gas, head on the floor
Hoppin’ out before the vehicle crash, I’m on a roll »

« Mes fans meurent d’envie de me voir éduquer ta petite gueule de con et détruire tout ton petit cinéma
Je vais Big Punitiser ta tronche, sale pute effrayée
Tu marches sur des oeufs quand t’entends mon nom, négro tu fais pitié
Et quand je viendrai te voir, ne me dis pas que tu étais en train de jouer
« Oh je déconnais avec toi K-Dot, allez quoi !
Frère, tu sais que je kiffe ton délire »
Ferme ta gueule, tu ressembles au dernier négro que j’ai connu
Tu finiras probablement comme lui
Ah, tu ne veux pas te clasher avec moi ? Négro, je sais
Pieds au plancher, tête en position de sécurité
Je saute hors de la voiture avant que le véhicule ne se crashe je suis en mission »

Ici Kendrick règlerait ses comptes avec des artistes ayant remis en cause son statut à travers différents titres et ce, de façon subliminale depuis le fameux titre « Control » de Big Sean dans lequel il figure également (titre dans lequel K-Dot vole clairement la vedette) et où il prend nominalement à partie un certain nombre de rappeurs.
Kendrick joue autant sur le poids du rappeur défunt Big Pun que sur la très grande habilité lyricale du feu artiste New Yorkais mais aussi sur le nom : en effet le pseudonyme complet est Big Punisher, à traduire par Le Gros Punisseur.

 

En outre, le natif de Compton remet en cause la crédibilité de ces artistes qui n’ont pas le courage d’assumer jusqu’au bout leurs propos quand ce dernier les confronte.
Finalement, la métaphore filée de la conduite se traduit par un rappeur en pleine confiance (c’est lui qui tient le volant, personne d’autre) et à l’allure beaucoup trop rapide pour ses concurrents, qu’il mène à la débâcle tout en refusant de « foncer dans le mur » avec eux, car des choses plus importantes l’attendent.

« Hoe, Jay Z Hall of Fame, sit your punk ass down (sit yo’ punk ass down)
So that means you ain’t bigger than rapping (what else?)
So that means no more playing the backseats (what else?)
My spot is solidified if you ask me (what else?)
My name is identified as « that king »
I’ll let y’all worry about a list, I’m on some other shit
A difference between accomplishments and astonishments
You know what time it is, ante up, this is in forever
Y’all got ’til April the 7th to get ya’ll shit together »

« Salope, Jay Z est au Hall of Fame, pose ton cul de bouffon (pose-le)
Ça veut dire que tu n’es pas plus grand que le Rap (quoi d’autres ?)
Ça veut dire que je ne joue plus les attentistes (quoi d’autres ?)
D’après moi, ma position est consolidée (quoi d’autres ?)
On me reconnait sous l’appellation « ce roi »
Je vous laisse vous soucier de cette liste, quand à moi, je passe à autre chose
C’est la différence entre le fruit du travail et ce qui arrive par surprise
Vous savez comment ça se passe, placez vos paris, je suis là jusqu’à la fin
Vous avez jusqu’au 7 avril pour remettre de l’ordre dans vos esprits »

Ici pas besoin de prendre de gants ou de parler au conditionnel : Kendrick attaque clairement Drake. Pourquoi ? Parce que depuis quelques années, de petites piques sont régulièrement échangées entre le natif de Toronto et le mogul New Yorkais. Dernier fait d’armes l’année dernière lorsque Jay Z avait rappé :

‘Til you’re on your own you can’t be me (…) Real life I’m like HOV, real life I’m life goals
In real life they’re like me? In real life I’m like, « No. »

« Tant que t’es pas en solo, tu ne peux pas être moi (…) Dans la vie réelle ils disent être comme moi, ma vie de tous les jours ressemble à vos objectifs de toute une vie. Ils pensent être comme moi quotidiennement ? Vraiment… je ne pense pas un instant. »

Parce que Drake avait déclaré dans le titre « Summer Sixteen » :

« I used to wanna be on Roc-A-Fella then I turned into Jay »

« Je voulais faire partie de Roc-A-Fella, puis je me suis transformé en Jay Z »

 

Kendrick explique notamment qu’il ne sera plus passif sur certains sujets, sans doutes fait-il comprendre qu’il attaquera de manière frontale quiconque viendra le challenger. Il embrasse complètement sa filiation royale avec les plus grands noms du rap : Jay Z (King of Rap), Notorious BIG (King of NYC) ou encore Tupac (King of the West Coast) en se faisant appeler « roi » ou du moins en se laissant appeler par ce mot.
Il revient aussi sur la fameuse liste des dix meilleurs rappeurs de tous les temps publiée par le média Billboard (où il est classé à la 9ème position). L’artiste explique alors qu’il mérite sa place grâce à une éthique de travail parfaite et que rien n’est laissé au hasard ni à la chance.
Enfin, il prévient la concurrence et le public qu’ils ont jusqu’au 7 avril (sortie de son nouvel album ?) pour retrouver la raison et de parier sur le bon artiste : King Kendrick.

 

 

Vous pouvez retrouver le titre ICI

 

Ce samedi 25 Mars 2017, NOHELL et Haze accueillera le vétéran DJ Clent, en provenance directe du Southside de Chicago, accompagné de DJ Noir et Jae Drago, fondateurs du collectif international Juke Bounce Wreck (basé à Los Angeles), pour une soirée qui mettre à l’honneur le footwork et ses légendes sur des sons Jungle et Drum’n’Bass.

 

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On vous l’annonçait il y a quelques jours, le festival Afropunk est de retour cette année, les 15 et 16 juillet. Alors que le line-up se dévoile encore peu à peu, Afropunk lance déjà les festivités en organisant demain la final du « Battle Of The Bands ». Un concours dont le groupe vainqueur figurera sur le line-up officiel du festival.

Pour l’occasion, Kamau sera aussi présent sur scène et on attendra l’invité surprise de l’hôte de la soirée, le rockeur Mat Bastard’s !

 

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Avec YARD, tente de remporter deux entrées en remplissant le questionnaire suivant.

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Depuis Diam’s et ses millions d’albums vendus, les rappeuses se sont faites rares. Ou du moins c’est ce que l’on pensait. Et puis Shay est arrivée, provoquant un buzz mais aussi un espoir de davantage de visibilité pour toutes ces emcees que l’on entend si peu. Alors, le glas d’une nouvelle ère aurait-il sonné pour toutes celles que l’on ne connaît pas (encore) assez ? Depuis ces artistes qui ont fait le hip hop des années 90/2000 jusqu’aujourd’hui avec LaGo, Sianna, Pand’or et les autres, état des lieux d’un rap féminin en pleine mouvance.

 

À la genèse

 

1999. La jeunesse française danse sur Angela du Saïan Supa Crew, exulte dès les premières notes des Princes De La Ville du 113, et s’attendrit au son de la voix de Pit Baccardi qui chante Si Loin De Toi.

Au cœur de cette époque ultra prolifique pour le rap, émergent les premières voix féminines, puissantes et contestataires, celles des pionnières qui poseront de solides jalons sur une route jusque là majoritairement réservée aux hommes.

 

 

Elles, ce sont Sté Strausz, Lady Laistee, Princess Aniès ou Diam’s. Chacune d’entre elles, à sa manière, distille autant de girl power que de vastes désirs fédérateurs dans un contexte où rap et mixité ne font pas bon ménage. Elles manient les mots comme des upercuts qui cognent là où ça fait mal : violence masculine, machisme, sexisme. Au gré de leurs flows, leurs textes s’érigent souvent en manifestes politiques pour  prôner une vision d’un rap jeu enfin mixte, interroger la féminité, et placer la femme au cœur du débat. Avec leurs centaines de milliers de disques vendus, ces artistes portent haut l’étendard d’un rap féminin et rassembleur.  D’ailleurs, en 2006, c’est Diam’s qui vend le plus d’albums en France. Une première pour une rappeuse, et une dernière aussi, hélas. Car malgré leur talent, dès la fin des années 2000, la plupart des emcees féminines, aussi clairvoyantes soient-elles comme Casey ou  Keny Arkana, vont  peiner à accroître leur visibilité. Comme si elles étaient condamnées à l’underground.

 

 

Où sont les femmes ?

 

Alors qu’elles étaient trois fois moins nombreuses que les hommes à écouter régulièrement du rap en 1997, elles seraient aujourd’hui 25% contre seulement 12% des hommes [Rapport des Pratiques Culturelles des Français du Ministère de la Culture. Etude réalisée en ligne par YouGov pour 20 Minutes en avril 2015, ndlr]. Une évolution remarquable qui prouve que les mœurs changent, mais qui soulève néanmoins une question cruciale : Pourquoi alors une si écrasante dominance masculine derrière le mic ?

 

 

Pourtant, elles sont bel et bien là, ces artistes pétries de talent et de convictions. Nombreuses et déterminées, elles forment un terreau fertile qui ne demande qu’à s’épanouir. Sauf que leurs voix peinent à se faire entendre en dehors des réseaux d’initiés. Dans les médias, sur scène, leurs productions sont diffusées au compte-goutte, comme si l’on essayait de faire croire au public qu’elles étaient rares, voire inexistantes. Dans une ère où le rap bouillonne de créativité, toutes générations confondues, les femmes semblent être reléguées au second plan. La faute à qui ? Aux décisionnaires qui oeuvrent dans les majors ? Aux programmateurs ? Ou alors au machisme ambiant qui sévit en général dans la société ?

C’est l’avis d’Héloïse Bouton, militante féministe et férue de hip hop, qui a crée le site Madame Rap pour, explique-t-elle « montrer aux gens qu’il y a des tas de femmes qui rappent dans le monde entier, le problème, c’est leur invisibilisation ».

Selon elle, le rap souffre d’homophobie et de sexisme, bien qu’elle confie être « moins choquée par les propos sexistes des rappeurs que par ceux des dirigeants politiques ».

Un bien âcre constat que semble partager l’ancienne et la nouvelle génération de rappeuses, lassées d’être jugées en tant que femmes, et ensuite seulement en tant qu’artistes. LaGo s’en amuse, et avoue entendre (trop) souvent des remarques du type « Mais c’est toi qui écris tes textes ? » ou encore « J’aime pas les femmes qui rappent, mais toi oui ». Malaise.

Dans le documentaire Le rap au Féminin signé France Culture et réalisé en 2015 par Andrada Noaghiu et Anna Szmuc, Princesse Aniès admet elle aussi être martelée de tristes apostrophes telles que « Tu rappes bien pour une femme ! ».

Elle rectifie : « Je fais du rap avant d’être une rappeuse (…) Y’a pas d’hommes ou de femmes, tu viens, et t’écris ce que t’écris ».

Mais quand une femme parle fort, que ce soit dans un open mic ou à l’assemblée nationale, c’est parfois gênant pour le patriarcat. Car si le rap est connu pour être historiquement misogyne, ne l’est-il pas tout autant que la pop ou la politique ? Sur le net, au dessous des clips des jeunes rappeuses, les commentaires à l’égard de leur physique et de leurs tenues vont bon train et évoquent ceux, tout aussi consternants, des députés de l’hémicycle lorsqu’ ils s’expriment au sujet de la robe à fleurs de l’ex-ministre de l’égalité des territoires Cécile Duflot.

Alors, reste une solution, choisie par la plupart de celles qui font la nouvelle scène rap, celle de gommer sa féminité afin de ne pas être jugée pour et à travers celle-ci. Lyricalement ou via l’apparence, les rappeuses semblent s’approprier des codes masculins pour dissimuler, au maximum, ce qui compose leur féminitude.

 

 

 

De l’art de la dichotomie

 

« Biiiiiatch !!! » Les ancien(ne)s se souviennent de ce mot scandé haut et fort au milieu des années 90, et pour la première fois de la bouche d’une artiste féminine, par une Lil’ Kim fière et haut perchée sur d’immenses cuissardes Son invective, à l’image de son premier album Hard Core, représente tout un symbole. Impériale et outrageusement sexy, elle se réapproprie un langage masculin pour mieux reprendre le pouvoir.

Tel est aussi le crédo défendu par l’écrivaine Marie Debray dans son livre intitulé Ma Chatte, Lettre à Booba. Paru il y a tout juste un an, il propose une relecture féministe de l’œuvre du rappeur. Dans une interview pour le site Madame Rap, elle analyse : « Dire ma chatte, c’est se réapproprier un territoire ».

 

 

Ainsi, les rappeuses d’aujourd’hui brouillent les frontières en injectant du thug à leurs textes, en les désexualisant à tout prix. « Bien sûr que je me cache derrière mes lunettes et ma queue de cheval, je me suis crée un personnage pour ne pas qu’on s’attarde sur ma féminité », confirme LaGo. Elle ajoute : « Parler de sexualité ? Impossible pour une rappeuse, sinon on est cataloguée direct ».

Il est vrai qu’en France, hormis les sœurs Orties, Liza Monnet ou Billie Brelok qui lâche un clinique « Quand je jouis ça gicle » dans son morceau Bâtarde, rares sont celles qui s’autorisent à parler sexe. « Il y a déjà un mépris global du rap, même du rap masculin, considéré encore comme une sous-culture, alors quand ce sont de femmes qui parlent de leur sexualité, c’est pire, ça effraie », commente Héloïse Bouton.

Et puis il y a eu Shay, qui a réussi à se frayer un chemin sur l’autoroute du succès, en faisant au passage un joli pied de nez à ses homologues masculins avec ses millions de vues pour les clips PMW et Biche. Sa force ? Cultiver, avec maestria, une image à mi-chemin entre la baby doll et le gangster. Chez elle, tout est contraste, tout est binaire.

A l’instar d’une Nicki Minaj Outre-Atlantique, ses propos thugs s’entrechoquent contre ses courbes qu’elle se plaît à mettre en valeur, et les mâles qui auraient dans l’idée de se faire trop dominants battent en retraite à l’écoute de ses punchlines acérées comme dans XCII, « Ils me prennent pour une chienne/ Ils se trompent, je ne suis pas très fidèle ».

 

 

Résultat ?  Ca fonctionne, le public, féminin comme masculin, adhère. Sans doute parce que sa part féminine brille autant que sa part masculine, et que chacun peut donc y reconnaître un peu de soi. La rappeuse Sianna, elle,  en est persuadée : « Les choses sont en train de changer, on le voit avec Shay  qui cartonne, tout le monde l’écoute, hommes comme femmes, tout le monde. »

Et c’est en ça que la star belge représente un espoir dans l’hexagone. A l’instar du chantier entrepris il y a déjà plus d’une décennie par les rappeuses américaines comme Eve par exemple, Shay assoit et assume une image jusque là inexistante dans le rap français, celle de la bombe sexuelle qui assume et qui emmerde ceux qui ne sont pas d’accord. Alors, construction médiatique ? Leçon de féminisme ? Peu importe, reste que c’est une prise de position, claire et assumée, et qui n’est pas sans rappeler les théories féministes si justes et libertaires que Virginie Despentes expose dans son ouvrage King Kong Théorie.

 

Vers une nouvelle ère ?

 

Quant à la relève, elle est là, toute jeune, mais déjà si peu candide. Au Printemps dernier, ont eu lieu les Rencontres Départementales des Jeunes contre le Sexisme. Réalisée dans le cadre du projet, une vidéo a beaucoup tourné sur la toile ces derniers mois. On y voit des rappeuses en herbe du collège de Bondy en Seine Saint Denis, réunies sous le nom de Sexion Brosso, interpeller des mastodontes du hip hop français : « Toi Gradur, Orelsan, Kaaris  ou Booba, vous faites grave pitié, en vrai les gars, vous faites genre on est trop puissants, mais en vrai vous êtes soumis à l’argent/  On ne veut plus de rimes de machos/ Bientôt fini de nous prendre pour des quiches, fermez vos bouches on n’est pas vos caniches ».

 

 

C’est de bonne guerre, c’est gonflé, c’est intelligent. Et c’est une démarche, parmi tant d’autres, qui présage un bon augure pour le rap féminin. Car elles sont de plus en plus nombreuses ces rappeuses douées qui font leur place, lentement, mais sûrement.

L’une d’elle, Pand’or, que l’on a pu voir l’année dernière dans le remarquable film Max et Lenny de Fred Nicolas, semble confiante en l’avenir. « Le rap féminin a vraiment sa place, parce que je pense que les gens écoutent avant tout du rap, et pas du rap féminin » confiait-elle récemment au magazine Surl.

Alors oui, en une décennie, les choses ont changées. Le rap contestataire est en berne, certes, et la nouvelle génération de femmes porte désormais haut l’étendard de l’égotrip. Exit les plaidoyers pro-féministes de leurs aînées, place aux lyrics qui mettent le Moi en avant. La lutte pour l’égalité des droits serait-elle entérinée ? Pas sûr, lorsqu’on observe l’insoutenable déclin des acquis des femmes dans le monde entier. Mais il se peut que les effets du capitalisme aient insidieusement pénétrés les rouages du rap féminin.  C’est en tout cas l’opinion que partage LaGo : « On nous fait croire que l’homme et la femme sont égaux, donc quand on rappe on fait pareil que les hommes, et les hommes ne parlent pas de sujets de société, ils parlent d’eux, c’est du rap capitaliste ! C’est très classifié, si tu fais du rap engagé aujourd’hui, tu es mise dans une case directement. Et puis on est nées avec des droits, il n’y a plus rien à défendre ».

Sianna, de son côté, voit aussi cela comme une continuité logique, et certainement pas malheureuse. « Si les femmes sont plus dans l’égotrip qu’avant et moins dans la dénonciation, c’est l’évolution du rap qui veut ça, tout simplement », témoigne-t-elle. Et quand on écoute les textes sagaces et le second degrés assignant de Ladea, Pumpkin, ou A2N, les textes des pionnières des nineties résonnent comme d’inespérées réminiscences. Houda Benyamina, réalisatrice du film Divines, en parlerait sans doute comme du rap « qui a du clito ». D’ailleurs, récemment, c’est Pand’or qui évoquait cette idée à nos confrères de Surl : « C’est à toi de porter tes couilles et d’y aller. Y’a vraiment pas mal de meufs qui posent, elles ont du fond, de la forme et de la rime, et franchement elles rappent mieux que les trois quarts des mecs. (…). On est moins nombreuses et entre nous y’a pas de concurrence, on se serre les coudes ».

Avec dextérité et solidarité donc, c’est certainement cette nouvelle génération, et la prochaine, qui renouvelleront cet air trop testéroné et sclérosé qui fait suffoquer le rap français. Et bien que les frenchies adorent critiquer les américains, on sait qu’ils reproduisent exactement tout ce qu’ils font, mais dix ans après eux. Espérons donc que les victoires remportées par les rappeuses aux USA résonneront bientôt, et de façon concrète, en France.

Cette année, l’album « Baduizm » fêtait ses 20 ans. Un anniversaire couronné par une nouvelle assez exceptionnelle, celle du retour sur une scène parisienne, de la reine du neo-soul, Erykah Badu.

Pour être certain d’y être, on vous conseille de noter la date de mise en vente de ses billets. On vous donne rendez-vous le 8 juillet au Palais des Congrès de Paris.

 

BILLETTERIE (dès vendredi 24 mars à 10h)

 

Le 14 février dernier, la talentueuse artiste aux multiples facettes Safia Bahmed-Schwartz sortait son 1er EP sobrement intitulé « Best Of ». Elle revient aujourd’hui avec un clip qui nous plonge dans les méandres des défilés de mode.

Nous lui avons donc demandé de nous éclaircir sur son intention visuelle, mais aussi pourquoi avoir choisi de matérialiser le titre « 91SANG ».

 

 


« Je voulais aussi montrer de vrais moments de ma vie, avec mes amis, des gens que j’aime, des gens avec qui je travaille […] montrer l’autre versant que le post bad fashion. »


 

SAFIA : « Depuis que je fais de la musique, faire les clips m’importe autant que le reste et lorsque je travaillais sur mon EP « Best Of » qui est un projet de reprise de chanson françaises et que j’ai décidé de reprendre « On ne change pas » de Céline Dion, je savais que j’allais défiler pendant la fashion week de février, et c’est venu comme une évidence de faire un clip « making-of » du défilé.

Comme le disent les paroles « on ne change pas on met juste les costumes d’autres sur soi », je voulais montrer mon point de vue, dévoiler les backstages du défilé Koché, mêler mes images avec les images officielles et d’autres qui ne le sont pas. Tout cela, d’un façon différente de ce que font les photos officielles de backstage.

J’ai grandi à Corbeil-Essonnes, 91 bébé, je vis à Paris depuis mes 18 ans et ce qui me fait rêver c’est pas la mode, c’est la mer, j’ai grandi avec les paroles de Fabe « Quand je serai grand je voudrais habiter à la mer avec mon père et ma mère, prendre le RER, ces tours j’veux plus les voir plus tard », c’est la que je voulais en venir et c’est pour ça que le clip se termine sur ces images là.
Je voulais aussi montrer de vrais moments de ma vie, avec mes amis, des gens que j’aime, des gens avec qui je travaille, la musique, l’art contemporain, montrer l’autre versant que le post bad fashion.

Sur ce track j’ai bossé avec Apher, qui est un jeune prod qui vit à Montreuil (93), je voulais une prod rap, trap et il est hyper bon dans ce domaine. »

 

 

« Pour ce qui est de la vidéo à proprement parler, j’avais envie d’avoir une variété  d’images. Des images d’archives, de formats que j’avais en ma possession. Autant pour le défilé que pour montrer la quantité d’images différentes qu’il peut y avoir dans ce genre d’évènements, que pour les images « making-of » que pour les images de ma « vraie vie ». On pourrait prendre en référence le clip de ‘biopic’ de Médine ou autres films mélangeant des archives.

Ce clip qui est le deuxième de l’EP ‘Best Of’ est à son image, une réappropriation. Sur ce projet j’ai travaillé avec les mêmes producteurs que ceux avec qui je travaille sur mon album, en reprenant des classiques de la chanson française, de Johnny Hallyday à Céline Dion en passant par Brel et Aznavour. »

 

 

 

Dimanche après midi, la marche pour la Justice et la Dignité a réuni plus de 7000 personnes avec comme point de départ la place de la Nation. Le photographe David Maurel était sur les lieux pour documenter l’évènement.

Photos : David Maurel

YARD & Allo Floride présentent : Woodie Smalls le mercredi 26 avril 2017.

A l’écoute de son premier titre « Champion Sounds » difficile de croire que le rappeur Woodie Smalls est originaire d’Anvers en Belgique. A mi-chemin entre une ancienne et une nouvelle école américaine, il dévoilait en 2015 son premier projet « Soft Parade ».
Aujourd’hui, l’artiste poursuit sa progression et dévoile le très actuel « Reefa ».

Rendez-vous le 26 avril pour son tout premier concert parisien !

 

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Après une longue attente de ses fans encore plus frustré une fois la première deadline de décembre dépassée et en plein milieu d’une tournée mondiale écourtée, Drake a enfin sorti le projet « More Life ». Finalement, il ne s’agit pas d’un album, mais d’une playlist composée de titres originaux, mais où se mêlent différentes influences, différents accents et différents artistes. Dans les crédits, on retrouve des références improbables à Sonic le Hérisson, ou encore, au choix kitch ou mignon de « If You Had My Love » et les featurings prévisibles de Kanye West, Skepta, Travis Scott, Young Thug ou encore PartyNextDoor.
Comme toute playlist, « More Life » est aussi l’occasion de faire quelques (re)découvertes. Parmi elles, quatre artistes qu’on aimerait nous aussi mettre en avant.

 

 

Jorja Smith sur « Jorja’s Interlude » et « Get it Together »

Nouvelle révélation de la scène londonienne, Jorja Smith est le nouveau talent soul de cette année, très vite comparée à Lauryn Hill et Amy Winehouse. A 18 ans elle sort l’EP « Project 11 » et s’il est encore tôt pour de telles analogies, on y trouve, quelques talents d’écriture et une voix qui en a convaincu plus d’un. Sur « More Life » elle apparaît sur le titre « Get It Together », où Drake s’accompagnait initialement de Jennifer Lopez.

 

 

 

Snoh Aalegra sur « Do Not Disturb »

Originaire de Stockolm en Suède, cette chanteuse de blues aux allures de Femme Fatale est le talent caché du label ARTium de No I.D ou elle croise ses talents avec Jhené Aiko, Vince Staples, feu Cocaine 80’s et Common. Sa musique, elle la décrit comme de la « cinematic soul ». Un terme qui prend tout son sens quand on écoute son mini album « Don’t Explain », infusé de standard jazz et d’une ambiance de film noir.

 

 

Hiatus Kaiyote sur « Free Smoke »

Le groupe australien arrive un peu comme un ovni sur la tracklist de Drake. Validé par Q-Tip et Erykah Badu, le groupe est l’auteur de bijoux neo-soul porté par sa chanteuse « Nai Palm ». Parmi eux c’est le titre « Building A Ladder » qui a été choisi par la canadien pour introduire sa playlist.

 

 

 

Black Coffee sur « Get It Together »

Pionnier de la deep-afrohouse sud africaine, il a notamment participé à la Red Bull Music Academy et est aujourd’hui reconnu comme une référence du genre tout autour du monde. Alors qu’il a déjà grandement participé à la renommé mondiale de la deep-afrohouse, il pose un nouveau jalon sur ce parcours avec sa présence sur « More Life ».

 

 

Pour cette nouvelle édition, le Sneakers Event et ses exposants sont de retour au Carreaux du Temple. Le photographe Paul Mougeot nous guide entre les stands de sneakers et de streetwears.

Photos : @PaulMougeot

Colistier de Kendrick Lamar, ScHoolboy Q et Jay Rock au sein de TDE et de leur groupe Black Hippy, le rappeur californien AB SOUL viendra enfin à Paris le lundi 12 juin pour un concert à La Bellevilloise à l’occasion de la sortie de son nouvel album. Un événement Live Nation et Free Your Funk.

 

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Son visage ne vous est sans doute pas indifférent. Amal Bentounsi qui est, selon ses propres mots « un petit bout de femme » à la carapace endurcie par cette tragique soirée du 21 avril 2012. Ce soir-là, elle perdra son frère cadet, tué d’une balle dans le dos par un officier de police. Depuis, elle a quitté son travail pour se consacrer totalement dans ce combat qui est de dénoncer les violences policières.

YARD a rencontré cette femme inspirante il y a quelques semaines. En compagnie de son cercle rapproché composé de militants, de citoyens concernés et d’idéalistes, Amal nous emmènera dans une brasserie non loin de son QG où quelques instants auparavant, le groupe peaufinait les derniers réglages de la journée dominicale. Pour que tout se passe sans accrocs évidemment, car si la charmante dame aura habitué l’opinion publique à ses coups d’éclats, cette marche-là est bien plus grande qu’elle.

Photos : @HLenie

‘Par exemple, le premier soir de l’affaire Traoré nous avions rencontré sa famille. Nous leur avions conseillé de ne pas récupérer le corps, de demander une contre-autopsie et de se constituer partie civile. »

Amal Bentounsi : « Cette marche a lieu tous les ans, généralement dans le cadre de la journée internationale de la lutte contre les violences policières qui a normalement lieu le 15 mars de chaque année. Mais cette fois-ci cela tombe le 19. Elle se fait notamment à l’initiative de l’appel des familles de victimes et qui sont signataires via le site Mediapart.

Nous avons lancé un grand appel à signatures d’artistes, d’organisations nationales, de sociologues et d’intellectuels. Tout cela a bien pris, sachant qu’il y a un an j’avais organisé la Marche à la Dignité (environ 20 000 personnes ont répondu présent) et donc les contacts que j’avais fait lors de cet évènement m’ont suivi sur celui-ci. Nous avons encore plus de soutien, notamment de l’artiste Kery James qui appelle à la marche et qui soutien le collectif des familles.

On essaye toujours de nous mettre des bâtons dans les roues, mais cette marche aura lieu. Au vu des derniers événements qui se sont produits, c’est vrai qu’il y a eu quelques réticences , pourtant lorsque nous avons lancé cette marche, aucun incident ne s’était encore produit. Aujourd’hui, on bénéficie de cette lumière depuis l’affaire d’Aulnay-sous-Bois et les gens se sentent encore plus concernés par ces violences policières… Malheureusement, il aura fallu l’affaire Théo pour que cela prenne de l’ampleur. En tous les cas, ce sont des actes que nous dénonçons depuis cinq ans sur la page de notre collectif sur Facebook.

On voit que cette cause suscite de plus en plus d’attention et la moindre vidéo diffusée sur notre page est massivement regardée et partagée. C’est énorme pour un collectif de famille qui ne fait qu’une chose : traiter des violences policières. Même moi, à titre personnel, mon compte Facebook ne traite que de ça depuis 5 ans.

Nous faisons du travail de terrain quotidiennement : manifestations, sensibilisation du public… Dès qu’un évènement tragique se produit, nous essayons d’être les premiers sur place afin d’apporter notre expertise ou notre expérience de façon à ce qu’ils ne se trompent pas.

Par exemple, le premier soir de l’affaire Traoré nous avions rencontré sa famille. Nous leur avions conseillé de ne pas récupérer le corps, de demander une contre-autopsie et de se constituer partie civile. De manière générale, les gens ne savent pas qu’il faut se constituer partie civile lors d’évènements de ce calibre. Nous leur proposons à toutes les familles une stratégie, libres à elle de la suivre ou pas.

Au-delà de ça, nous mettons aussi à disposition notre réseau et nos soutiens. Parmi eux, des gens très compétents que ce soit dans le domaine juridique que sur les réseaux sociaux afin d’alerter l’opinion publique. Finalement tout ce monde autour de notre collectif est une force non négligeable et à chaque fois qu’un méfait commis par la police est déclaré, il ne doit plus passer inaperçu.

« Je pense que cela a porté ses fruits du fait que l’on soit « dérangeants » et même si en nombre nous ne sommes pas beaucoup, cette radicalité compense et parle pour nous. »

Qui constitue ce dit réseau ? Il y a les familles de victimes, des collectifs, des citoyens lambda qui se sentent concernés par le problème, des personnes travaillant dans les médias qui pourront nous aider à diffuser l’information, des personnes qui ont une spécialité dans la communication, des personnes qui travaillent dans des imprimeries et qui peuvent nous fournir des affiches, des médias qui peuvent nous mettre en relation avec des artistes, et j’en passe.

Notre travail a commencé en 2012 mais nous ne sommes pas en rupture avec les efforts fournis par d’autres organisations qui œuvrent dans le même sens que nous, mais il est vrai que notre ton est un peu plus radical que les autres. Je pense que cela a porté ses fruits du fait que l’on soit « dérangeants » et même si en nombre nous ne sommes pas beaucoup, cette radicalité compense et parle pour nous. Cela nous fait de la pub quand Manuel Valls porte plainte contre nous, tout comme notre présence continuelle dans les manifestations nous permet d’être reconnus. Peu à peu nous commençons à être les référents contre les violences policières.

« Le schéma est tout le temps le même : mensonge, meurtre, violences, criminalisation de la victime de manière à justifier la violence et de façon à ce que l’opinion publique se désolidarise de la victime. »

Dans ces affaires, le plus important est de rétablir la vérité. Par exemple, pour celle de mon frère, il a été dit qu’il était un braqueur et cette information a été reprise par tous les médias. Ce que l’on constate c’est que le schéma est tout le temps le même : mensonge, meurtre, violences, criminalisation de la victime de manière à justifier la violence et de façon à ce que l’opinion publique se désolidarise de la victime. Au final, même les gens les plus concernés se désolidarisent. C’est pour cela que nous faisons un travail de sensibilisation sur notre site.

Depuis le début, je leur ai dit : « Je serais comme un poison dans vos vies ». Et depuis nos débuts, rien de tout ce que j’ai dit ou ce que nous avons dénoncé ne s’est révélé faux. Toutes les informations présentes sur le sites sont étayées, nous n’inventons rien. Notre combat est donc devenu légitime auprès des familles de victimes et crédible auprès des médias qui au départ ne nous considéraient même pas. Je me souviens encore les entendre me dire « Oui, mais ton frère était un braqueur, etc. » et moi je leur répondais « Écoutez, je vais rétablir la vérité. J’ai le dossier d’instruction et donc les informations. Mon frère était sur écoute téléphonique et à l’heure du dit braquage il n’était pas là où ils le prétendaient. L’autopsie a révélé qu’il a reçu une balle dans le dos. Il faut rétablir la vérité. »

Et donc, le fait de mettre toutes ces affaires les unes à coté des autres permet de voir leur processus : systématiquement, il y a criminalisation de la victime. Si vous reprenez l’affaire Théo, souvenez-vous, ils ont dit de lui que c’était un « colosse », en donnant même sa taille pour accentuer les choses. Bien qu’il y ait des images vidéos qui montre son interpellation et qui semble ne montrer aucune résistance de sa part à ce moment-là.

« Sachez que dès que cette loi sera promulguée, puisqu’elle a été votée au Sénat, les policiers pourront vous tirer dessus après deux sommations… sans présomption de légitime défense ! »

Notre action dérange. Aujourd’hui la question des violences policières prend de l’ampleur et dérange. C’est quelque chose de central à la veille des élections et c’est pourquoi nous interpellons les candidats à la Présidentielle. J’en ai d’ailleurs rencontré : Benoit Hamon, Jean-Luc Mélanchon et nous demandons à rencontrer le Président de la République. Très clairement ce que nous voulons tenter, c’est qu’il abroge cette fameuse loi sur la sécurité publique ; notamment sur la présomption de légitime défense.

Sachez que dès que cette loi sera promulguée, puisqu’elle a été votée au Sénat, les policiers pourront vous tirer dessus après deux sommations… sans présomption de légitime défense ! Cette loi a quand même été proposée et votée par le Parti Socialiste et Les Républicains.

Il y a quatre points à retenir : le premier étant qu’après deux sommations, les policiers pourront vous tirer dessus et évoquer la légitime défense. Imaginez que vous soyez en voiture, à écouter de la musique, imaginez que vous n’ayez pas entendu les deux avertissements, imaginez qu’il puisse vous tirer dessus pour cela. La police devient alors juge et bourreau.

Le deuxième point : prenons l’exemple du jeune Théo. Imaginons qu’il ait résisté à la force dans la voiture de police, ils auraient pu lui tirer une balle dans la tête ou ailleurs et simplement évoquer la légitime défense.

Troisième point : l’anonymisation des noms dans les procédures. C’est à dire qu’il n’y aura plus de noms ! Là, aujourd’hui je porte plainte et je me suis constitué partie civile contre Damien Saboundjian [depuis l’interview, le policier a été condamné en appel à cinq ans de prison avec sursis, ndlr], l’homme qui a tué mon frère. Dans les procédures à venir, s’il y en a, il ne figurera plus de noms. Si vous portez plainte, vous le ferez contre l’institution et vous ne saurez jamais qui a fait quoi.

Quatrième point : la multiplication des peines pour outrage et rébellion. Déjà que l’on sait que ces individus inversent les rôles lorsqu’ils disent s’être fait tabasser… Souvent pour éviter que ces jeunes portent plainte contre eux, ces policiers mettent outrage et rébellion, comme une carte joker. Entre guillemets c’est aussi pour arrondir leur fin de mois car pour chaque outrage et rébellion c’est environ mille cinq cent euros qu’ils touchent.

Chaque année, le nombre de morts par la police s’élève à quinze.

Pourquoi une telle loi a été mise en place par un gouvernement socialiste ? Depuis le 21 avril 2012, date de la mort de mon frère, nous assistons à une machination et une pression d’un corpus que je n’ai pas peur d’assimiler à une mafia bien organisée. Quand ce policier a tué mon frère et que le juge a mis comme chef d’inculpation l’homicide involontaire – c’était l’une des toutes premières fois – les flics sont montés au créneau. Ils ont organisé des manifestations alors qu’ils n’ont pas le droit de manifester en tenue et avec leur véhicules de fonction. Depuis ce 21 avril 2012, la police demande la « présomption de légitime défense ». C’est à dire que le gouvernement a cédé à la pression des syndicats de police.

Après les attentats et la mise en place de l’état d’urgence, la France a adopté une politique sécuritaire que Manuel Valls a adopté et il s’était vite empressé de proposer cette loi avant de quitter le gouvernement. Quel joli cadeau. Du coup, cette loi a été proposé par un gouvernement de gauche, comme je l’ai dit à ces candidats à la Présidentielle : « C’est une loi de gauche, proposée par un gouvernement de gauche. Dans tous les cas, nous, familles de victimes et tous nos soutiens, seront là pour leur rappeler ce que vous avez fait. C’est une loi mortifère, liberticide et sécuritaire. »

Sachez que chaque année, le nombre de morts par la police s’élève à quinze. Et nous sommes sous un gouvernement de gauche, imaginez que l’Extrême Droite passe… Ce chiffre sera multiplié. Très clairement, notre système se transforme en État policier et ressemble de plus en plus au système américain.

Aucune étude psychologique n’est menée lors des concours policiers. Quand on sait qu’au sein de la police 70% d’entre eux votent pour le Front National, c’est à se demander s’ils ne cherchent pas la guerre civile. Ce qui est en train de se produire dans les quartiers montre un raz-le-bol collectif, ce problème est générationnel et se transmet comme un héritage. Nos parents l’ont vécu, nos grands frères aussi…

‘L’erreur, c’est d’attendre que ce genre de drame touche un membre de ta famille ou de ton entourage. Aujourd’hui, à force de laisser faire, les gens ne se sentent pas concernés. »

Honnêtement et en toute modestie, je pense que les élites et la classe politique ne s’attendaient pas à ce qu’un petit bout de femme comme moi résiste autant. Sans vous le cacher, depuis la mort de mon frère, ce combat est comme une thérapie. Je ne souhaite à personne de vivre ou de voir ce que j’ai vu… Son corps découpé et charcuté après les autopsies… Cela n’a rien à voir avec les autopsies que vous voyez dans les séries TV. Tout cela m’a marqué…

Avant cette tragédie, je ne dis pas que je ne me sentais pas concernée par le problème des violences policières. Je les vivais à travers ce que me racontait mon petit frère, ce qu’il se passait dans les commissariats, les coups, les insultes… Pour moi, c’était difficile à croire mais en même temps j’essayais de le soutenir tout en restant consciente de la réalité des choses.

L’erreur à ne surtout pas faire, c’est d’attendre que ce genre de drame touche un membre de ta famille ou de ton entourage. Aujourd’hui, à force de laisser faire, les gens ne se sentent pas concernés, mais, on peut voir que depuis quelques temps, beaucoup de personnes qui n’ont pas vécu ces drames s’investissent dans cette lutte.

Notre association est juste un moteur de communication et d’expérience parce que c’est du vécu et parce que les gens ont besoin de ça. Ils ont besoin de savoir que ça existe et nous avons réussi à imposer ça dans le débat, sur la place publique. On est parvenu à mettre en évidence ce problème, on a réussi à dire qu’il y avait un problème en France.

Ces méfaits n’existent pas qu’aux États Unis, à chaque interview je dis que nous sommes sensés être le pays des droits de l’Homme et les gens ne savent même pas qu’il y a quinze morts par an. Ce sont des chiffres officiels !

Il y a aussi tout un travail de recherche fait sur toute cette propagande médiatique qui dit que les policiers se font tuer dans les quartiers, ce qui est totalement faux. Quand tu prends la note de l’Observatoire National de la délinquance et de la réponse pénale, il est dit que sur sept policiers morts en service sur l’année 2015, trois sont morts suite à un accident sur la voie publique et les quatre autres l’ont été suite à une mauvaise manipulation de leur arme de service.

On fait croire à tout le monde, notamment avec l’affaire de Viry Châtillon qui met en avant une affaire exceptionnelle pour en faire une généralité. L’un des travaux de l’association est justement de dénoncer ce type d’instrumentalisation. »

Vous pouvez participer de près (en venant à la marche ce dimanche), comme de loin, notamment grâce à la cagnotte Litchi prévue à cet effet.

Mélancolique, sombre et tourmenté. C’est ainsi que l’on peut décrire Project 001 de Tommy Jacob, sorti sur le label Roche Musique. Pour ce projet, il choisit de mettre en image ses huit titres dans une seul et même film, sur le thème d’une introspection menée à travers la quête de l’autre. Un format qui donne une toute autre cohérence à son projet et qui nous pousse vers un autre mode de consommation de sa musique.

« À l’époque j’achetais des cds et les écoutais d’une traite et en boucle jusqu’à les connaitre par coeur, je ne connaissais pas les titres des chansons pour moi c’était juste piste 1, piste 2 etc.»

Dans un scénario onirique et surréaliste qu’il a concu, produit et réalisé par Tramp Studio, Tommy Jacob s’attache aussi à offrir un objet pluridisciplinaire. La danse s’y ajoute dans quelques scènes et l’artiste peintre Sandjill conçoit sa cover.

« Project 001 » – Tommy Jacob en avant-première sur YARD.
« Project 001 » sur iTunes

 

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Pour fêter le retour de notre format dédié aux talents émergents, qu’ils soient français, francophones ou internationaux, YARD a décidé de se pencher sur un artiste qui mériterait que l’on s’attarde sur lui un instant.

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Age : 20

Ville : Spa, (Belgique)

Instagram : Slimlessio

Twitter : @Slimlessio

 

Présentation
Un de mes gars m’appelait Slim Dog  en référence à Snoop car je rappais avec une nonchalance et plus jeune je fumais beaucoup aussi. J’ai gardé Slim et quelques années plus tard j’ai rajouté Lessio qui vient de mon deuxième prénom (Alessio).

 

Comment en es-tu venu à faire cette musique ?

On était dans cette culture hip hop avec mes gars, j’ai remarqué que j’avais une certaine aisance quand je rappais les textes d’autres rappeurs, alors je me suis dit que j’allais me mettre à écrire mes propres textes. J’ai montré mon premier texte à mes gars et ils m’ont dit que ça tuait du coup je me suis jamais arrêté.

 

Comment tu définirais ta musique ?

Du rap plutôt différent de ce qui se fait, j’essaye de garder ma touche personnelle en parlant toujours de mon vécu, de mes émotions, de ce que je vois. Tout ça avec les influences de ATL. Je viens de Spa en Belgique, c’est loin de tout, de Paris, de Bruxelles…  Ça nous a amené à créer notre propre sauce.

 

 

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La genèse du titre « Assumer »

Assumer c’est un des premiers titres que j’ai enregistré dans les studios de Trez Recordz.  J’étais dans ma voiture, j’ai reçu l’instru de Ponko et j’ai commencé à écrire. Comme pour tous les morceaux c’est venu naturellement. Après ce qui en ressort c’est l’histoire d’un de mes gars proche de l’époque qui déconnait.

 

Où étais-tu il y a un an et où t’imagines-tu/te projettes-tu dans un an ?

Sûrement fourré dans un coin sombre de Spa avec les miens haha. Dans un an, je m’imagine sur scène, en festival ou en showcase. Toujours entouré de mes salopards.

 

 

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Cette année, le festival Afropunk est de retour à Paris pour une troisième édition les 15 et 16 juillet 2017. Cette fois-ci, le festival dit au revoir au Trianon et prend ses quartiers un peu plus en extérieur en investissant la Villette.
Avec Tyler The Creator, Laura Mvula, Baloji ou encore Petite Noir annoncé au line-up, le festival nous réserve quelques surprises qu’ils annonceront dans les jours à venir.
Plus d’infos arrivent bientôt sur l’event et sur le site afropunkfest.com/paris/

Mise à jour : Le line-up s’allonge avec Yasiin Bey, Robert Glasper Experiment, Blitz The Ambassador, Sir The Baptist, Sate, Nova Twins, Tshegue Macy Gray, Fantastic Negrito, Kiah Victoria et Disiz La Peste qui rejoignent le festival, et on a aussi la répartition journalière: 

Samedi 15 Juillet
MACY GRAY
FFF
HO99O9
PETITE NOIRE
FANTASTIC NEGRITO
SONGHOY BLUES
BALOJI
TSHEGUE
EME

Dimanche 16 Juillet
YASIIN BEY
FAADA FREDDY
LAURA MVULA
ROBERT GLASPER EXPERIMENT
DISIZ LA PESTE
BLITZ THE AMBASSADOR
SIR THE BAPTIST
NOVA TWINS
SATE
KIAH VICTORIA

+++

PROJECTIONS AU FGO BARBARA
CINEWAX x AFROPUNK
Les 10 & 11 Juillet – Lien

COMEDIE AU FGO BARBARA
Avec SHIRLEY SOUAGNON
Les 12 & 13 Juillet – Lien

FANCY DRESS BALL AU TRABENDO
Vendredi 14 Juillet – Lien

 

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE

Tente de remporter deux pass week-end en remplissant le questionnaire suivant. 

 

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Il y a des artistes qui traversent les époques, s’adaptent, se réinventant au prix d’une long travail sur eux-mêmes. À l’instar d’un Duncan MacLeod dans la mythique série TV « Highlander » et s’il ne devait en rester qu’un, YARD placerait quelques billes sur le tête d’Heskis, artiste pas forcément connu du grand public mais qui roule sa bosse depuis une dizaine d’année dans l’antichambre du rap game. On ne saurait expliquer pourquoi une carrière décolle à tel moment et pas à un autre. Tout comme l’alignement des astres, la mise en examen de François Fillon, la tartine qui s’écrase irrémédiablement du côté beurré ou encore le Paradoxe des jumeaux…par contre, tous les évènements précédemment cités ont deux points en commun : le timing et la distance.

Photos : @mamadoulele

 

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« J’ai eu d’autres envies, d’autres idées et puis le fait de rencontrer Sheldon qui est producteur, ça a ouvert d’autres portes, d’autres univers que je n’avais pas encore exploré. »


 

Heskis ? Au départ je dessinais énormément quand j’étais gamin, alors je me suis mis à chercher un blaze. J’ai mis des lettres les unes à coté des autres pour que ça fasse une signature un peu stylé. J’ai toujours été porté sur le côté esthétique et visuel des choses et je dois encore avoir un gros classeur de dessins chez moi. C’était une période où j’étais beaucoup reclus dans mon coin, dans ma bulle…puis à l’âge de 12/13 ans j’ai commencé à écrire. Finalement, après un petit moment sans écrire, j’ai décidé de reprendre à l’âge de 16/17 ans lors de ma rencontre avec les mecs de Nostar qui venaient de chez moi.

Mon ressenti sur la scène rap actuel ? J’en pense plein de choses, il y a du bon comme il y a du mauvais. À un moment il y avait un courant nostalgique…nous on vient d’un rap qui disait « Le rap c’était mieux avant », même si au final on ne l’a jamais vraiment pensé. Moi je trouve qu’il se passe plein de trucs de ouf en 2017, il y a énormément de styles différents et je me dis peu importe ta voie, il y a de la place pour toi. Moi personnellement je suis très difficile en rap, encore plus en rap français.

J’écoute beaucoup de rap américain, là dernièrement je suis beaucoup sur le dernier Big Sean que j’ai trouvé vraiment chaud. Sinon j’écoute beaucoup de rap québécois, il y a un groupe là bas qui s’appelle Loud Lary Ajust et ces mecs sont dans un trip assez « rockstar » qui me plait pas mal. Sinon, je suis influencé par une foule de trucs mais surtout par les rappeurs avec lesquels je fais de la musique : les gars de Fixpen Sill et tout le 5 Majeur, il y a aussi les mecs du Dojo [studio à Saint Denis dans lequel Heskis a enregistré son EP, ndlr]. Là bas il y a tout une foule de rappeurs qui trainent dans le coin : Népal, Sopico, Limsa et les autres. Je sais que quand je suis arrivé là bas, j’ai eu comme un second souffle. Ça m’a sorti de Nantes, des habitudes qu’on avait comme faire de la musique avec les mecs de Fixpen Sill. J’ai eu d’autres envies, d’autres idées et puis le fait de rencontrer Sheldon qui est producteur, ça a ouvert d’autres portes, d’autres univers que je n’avais pas encore exploré.

En dehors de ça, niveau rap français j’ai beaucoup écouté Fabe, Rocca, La Rumeur, Anfalsh, Nubi…un de mes rappeurs préférés. Dans mon collectif, on peut dire que tous ces noms nous ont beaucoup influencé.

 

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« On se met tous à rapper dans la voiture et là il se passe un truc un peu mystique. […] il n’y pas encore cette effervescence sur le rap à l’ancienne. Ça n’existait pas. »


 

Le 5 Majeur s’est crée de manière complètement spontanée. À la base je connaissais Hunam via internet. On s’était rencontré en 2007 à l’époque de Skyblog, de Myspace, etc. Quant à Keroue, je l’avais rencontré à la rue de la Soif à Rennes car on avait rappé ensemble pour les Trans Musicales, on avait vraiment bien accroché. Un jour je suis tombé sur des vidéos de Nekfeu sur Youtube, c’était à la même période, donc c’était aux environs d’octobre/novembre 2010.
Il n’avait que quelques centaines de vues sur ses vidéos qui étaient principalement des freestyles un peu improvisés. Je me suis pris une gifle alors je lui ai envoyé un message en lui disant que je kiffais bien ce qu’il faisait, il m’a répondu direct en me renvoyant le compliment. Nekfeu m’a alors proposé de le rencontrer sur Rennes pour qu’on fasse un morceau ensemble mais le jour où il est arrivé j’ai reçu un coup de fil de Keroue qui m’annonce qu’il a un groupe s’appelant Fixpen Sill et qu’ils allaient faire la première partie de La Rumeur à Rennes. Il continue en disant que si cela nous chauffe Nekfeu et moi, ils ont la possibilité de nous embarquer en voiture pour rapper avec eux. On a dit oui direct, eux n’avaient pas préparé leur show, ils étaient à peine en train de choisir les instrus sur lesquelles ils allaient kicker lors du concert qui avait lieu 2h plus tard.

Du coup les intrus tournent en boucle, on se met tous à rapper dans la voiture et là il se passe un truc un peu mystique. Faut savoir qu’au moment de notre rencontre il n’y pas encore cette effervescence sur le rap à l’ancienne. Ça n’existait pas. Moi j’étais tout seul dans mon coin avec mes gars et on se disait que ce style de rap ne marchait pas et qu’il fallait arrêter. Et avec le 5 Maj, non seulement on a grave kiffé le style de chacun mais en plus c’était ouf de tomber sur des mecs à ce moment précis et dans cette voiture qui kiffaient la même chose à une époque où on croyait être les seuls à kiffer ça ! Il y a une énergie, un truc qui s’est dégagé de cette ride en voiture. Puis Hunam est arrivé le lendemain et on a officiellement formé ce collectif. Dans la foulée on a enchainé en studio à Nantes chez Vidji, trois jours durant on a rappé et on a fini l’EP 5 Majeur dans ce laps de temps puis on l’a sorti dans la foulée. Un an et demi plus tard, on a décidé de remettre les couverts exactement de la même manière, c’est à dire en s’enfermant dix jours cette fois ci.

 

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« Ce que je kiffe chez Le Rat Luciano c’est sa science de l’instinct, tu ne sais jamais où sa rime va tomber mais à chaque fois qu’elle y parvient, tu trouves ça stylé. »


 

Je pense que tout le monde te dira la même chose, mais dès qu’on a rencontré Nekfeu, on a su. Le niveau de rap qu’il avait était complètement affolant. Aujourd’hui encore, je pense que c’est l’un des gars les plus chauds et en plus de ça c’est un bosseur. La plupart des gens qui ont un don dans ce milieu ont tendance à s’endormir dessus, lui à l’inverse a décidé de beaucoup travailler. Donc ce qui lui arrive aujourd’hui ne nous surprend absolument pas. C’est quelque chose de mérité, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne pète au niveau où il est aujourd’hui. Perso, ça fait des années que je vois des gamins l’idolâtrer, rapper voire même parler comme lui. Je trouve qu’il mérite son succès.

Une collaboration ? Je me suis juré au fil des interviews que je répondrais la même chose à chaque fois, donc je dirais Nubi. Pour moi c’est le meilleur rappeur, lui ou Salif. Les deux meilleurs rappeurs…de loin. Donc ouais si je devais faire un featuring ça serait l’un des deux…mais légère priorité à Nubi.
C’est le rappeur le plus technique…même en placement de rimes. Il y avait lui, Sherio et Hifi…sur la forme c’est les trois gars qui m’ont le plus retourné le cerveau. Nubi c’est un rappeur très spontané, il peut rapper n’importe quoi que ça serait stylé. Pas besoin de faire douze syllabes ou quoi… il est trop chaud. Je trouve que c’est un scientifique…un scientifique incompris.

C’est bizarre que tu me compares au Rat Luciano parce que j’ai vu un commentaire sur Youtube l’autre jour d’un mec qui disait ça. Et puis je me suis demandé s’il le pensait vraiment ou alors il l’a dit parce que j’en parle dans un texte [dans le titre « Akira »]. En tout cas c’est un concours de circonstance cette comparaison. Luciano, c’est un des seuls rappeurs, même si tu l’étudies à mort, tu ne pourras jamais rapper comme lui. C’est pas un rappeur technique avec des rimes multi-syllabiques, lui ce qu’il fait c’est à l’instinct comme Ill des X-Men…c’est difficilement imitable. Ce que je kiffe chez Le Rat Luciano c’est sa science de l’instinct, tu ne sais jamais où sa rime va tomber mais à chaque fois qu’elle y parvient, tu trouves ça stylé. Si lui rappe plus sur une ou deux syllabes, moi je suis plutôt sur du trois voir quatre syllabes. Donc non, je ne rappe pas comme lui mais s’il y a des points communs aussi éloignés soit-ils, moi je le prends bien.

 

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« Aujourd’hui on est plus éclectiques et donc forcément la musique que tu as envie de créer évolue aussi. »


 

Je n’arrive plus vraiment à savoir si le fait de venir de province change quelque chose dans tes chances de percer dans le rap. J’ai l’impression que le monopole des grandes villes n’est plus et qu’internet y est pour quelque chose. Moi je viens d’un bled de campagne perdu au milieu de nul part et au début je me suis forgé une grosse culture rap grâce au net, tout seul derrière mon écran d’ordinateur. Ensuite, je suis sorti de cette zone de confort, chez moi, pour rencontrer d’autres rappeurs.
Je ne suis vraiment pas persuadé que venir de province quand tu es rappeur est un handicap. Surtout quand tu vois les Belges : Hamza, Damso…

Il y avait l’axe Paris/Marseille et puis maintenant il y a France/Belgique et n’oublions pas la Suisse. Moi je te disais que j’écoutais du rap québécois, même si peu de gens s’y intéressent, il se développe beaucoup. Internet a vraiment changé la donne. Au final, je me dis qu’il y a tellement de monde à Paris…tu sais, quand tu commences à vraiment te mettre dans ton délire de rap, les gens t’encouragent à monter sur la capitale. Moi je trouve que c’est un peu saturé et donc je préfère rester à Nantes, travailler à mon rythme et venir sur Paris lorsque j’ai besoin de bosser. Je pense que tu peux émerger en province, dans ta ville d’abord; ça commence par là aussi…tout niquer chez toi avant tout puis passer à l’étape suivante.

Ma fan-base ? Bonne question. Je pense qu’il y a pas mal de gens qui m’ont découvert avec le 5 Majeur, donc une partie non négligeable de ceux qui me suivent ont commencé à le faire à travers ce collectif. Ils kiffent sûrement le délire « rap à l’ancienne » et « old school » qu’il y avait avec le 5 Maj.
Justement, je crois que je me suis grave posé la question avant de sortir mon EP « GG Allin ». Par rapport à ce que je faisais avec le 5 Majeur, ce EP est complètement différent…à tel point que quand nous étions en train de le faire, Sheldon et moi, on s’est posé la question s’il ne fallait pas faire un ou deux morceaux aux sonorités similaires de ce que je faisais avant. Ou alors faire quelque chose de complètement tranché et on verrait plus tard ce que les gens en pensent. Du coup on a opté pour la seconde idée car les derniers projets du 5 Majeur datent de 2010/2011 et qu’entre temps je me suis mis à écouter d’autres choses.  À l’époque on était très rap New-yorkais, aujourd’hui on est plus éclectiques et donc forcément la musique que tu as envie de créer évolue aussi.

Donc, qui est mon public ? Je ne sais pas mais je découvre en ce moment ! C’est tout nouveau mais jusqu’à présent les retours sont très positifs. Même sur Youtube, moi qui m’attendait à recevoir mon lot d’insultes ou autres, et bah non, ce n’est que de l’amour. Ça fait plaisir, même si je me dis que pour l’instant ce ne sont que des gens qui me connaissent déjà qui m’écoutent. J’en suis qu’à mes débuts, le truc est en train de se lancer. Même les médias que j’ai pu faire au final sont bienveillants, j’aurai pu me dire qu’étant donné que je viens de Nantes cela allait être plus difficile mais la vérité c’est que j’ai une superbe attachée de presse qui fait le taff.

 

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« Si je devais faire un parallèle avec l’évolution d’un être humain, dans quelle phase je pense me situer ? Ahahah, bonne question. »


 

Est-ce le bon timing ? Pffff…moi tu sais en vrai, ça fait quasiment dix ans que je rappe et ça faisait quatre ou cinq ans que l’on m’attendait sur un solo. Donc pour moi, il n’y a pas de truc calculé d’avoir sorti le projet maintenant. Si j’avais pu le sortir avant je l’aurais fait, mais je ne m’estimais pas prêt. Je voulais d’abord trouver mon truc, la voie que j’emprunterais et c’est maintenant. Au final, cela relève plus du concours de circonstances qu’autre chose car j’ai pris le temps de faire mon projet et quand j’ai senti que c’était le bon moment je me suis lancé.

Si je devais faire un parallèle avec l’évolution d’un être humain, dans quelle phase je pense me situer ? Ahahah, bonne question. On va dire que je sors de l’adolescence et que je commence à acquérir un peu plus de maturité, que ce soit dans ma façon de rapper ou la manière dont j’aborde les thèmes. J’essaie de dégrossir les traits qui avant, étaient peut être trop nets. Je suis en train de me trouver et cet EP m’a aidé à réaliser cela. Artistiquement et humainement, ce projet m’a beaucoup aidé. Où est-ce que je veux aller ? J’aimerai bien proposer quelque chose de différent, j’ai envie de proposer une musique qui prend du temps à s’écouter. Je trouve qu’on est dans un truc très « fast food » où les gens consomment du single non stop. Moi-même, je réalise que je vais m’écouter un son pendant une semaine non stop puis passer à autre chose. Pour ma part c’est triste…te dire que tu passes du temps à confectionner un projet pour voir les gens le consommer de cette façon-là. Je veux proposer quelque chose de…je voulais dire « de qualité » mais je pense que c’est une fausse prétention. En tout cas, je veux faire une musique qui s’écoute avec le cerveau et faire passer du temps aux gens sur la musique que je fais.

Comment je me suis construit mon univers visuel ? Tout cela s’est imbriqué par le fait que je sois un gros consommateur de vidéos : interviews de rappeurs, clips, films. Donc l’image a toujours été un truc qui m’intéressait. J’ai aussi pris conscience que pour un artiste d’aujourd’hui, sortir un clip est sa meilleure arme de promo. Personnellement, je n’ai pas forcément de parti pris dans l’image et son esthétisme, on va dire que l’orientation s’est plutôt fait à travers les textes qui étaient sombres. Dans ma tête je voyais aussi des néons au moment de créer « GG Allin »…un truc très sombre éclairé par des néons. Alors, quand est venu la phase de faire des clips, on a matérialisé ces idées. Avec celui d’Akira par exemple, on a inséré des images du manga. Sur « Gas Station » je voulais plutôt avoir quelque chose qui choque un peu, quelque chose qui attire l’attention.
On a tous compris comment ça marche au final, si tu veux retenir l’attention des gens : tu mets des gros culs.  Mais si ce n’est pas ta came comme c’est mon cas, alors tu dois trouver autre chose. Alors on est parti sur un kidnapping qui fini mal…très mal.

 

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« Moi je m’adresse à des gens qui en ont chié un peu…des personnes qui se sont sentis à l’écart à un moment ou à un autre de leur vie. »


 

GG Allin était un punk des années 80/90, connu pour être un personnage extrême. Moi j’ai toujours bien aimé les mecs rugueux, les mecs fous qui sortent du lot et qui choquent le monde. C’est donc un truc qui m’a fait kiffé, comme quand j’étais petit et que j’aimais bien Joey Starr. Je pense que je l’appréciais parce que justement, les darons le détestaient. J’ai toujours bien aimé les idoles scandaleuses qui choquent les générations antérieures. Je pense que c’est un mécanisme nécessaire, chaque génération devrait rompre avec la génération précédente. Ce concept, GG Allin l’incarne pas mal. Le type est mort après un concert au Gas Station, petite salle de concert à New York. J’incorpore plusieurs petites références, clins d’oeil à cet artiste dans le projet dont le fameux titre « Gas Station ».
Avoir appelé le projet de cette manière-là c’était pas mal aussi car il était l’inverse de quelqu’un de lisse. Pas d’attaque ni quoi que ce soit de personnel mais je trouve que nous sommes actuellement dans une période où beaucoup d’artistes manquent de caractère. Que ce soit dans leurs morceaux ou en interview, j’ai l’impression que personne n’a envie de soulever la merde de peur de ne plus être assez cool. Et justement moi, être hype, être cool, c’est quelque chose dont je me branle totalement. GG Allin incarne parfaitement cet état d’esprit en vivant pour lui et non pas à travers le regard des autres.

« GG Allin », je le considère plus comme un mini album que comme un EP car les gens s’imaginent plus un projet de présentation lorsqu’il s’agit d’un 1er EP. C’est toujours un peu le cas en même temps… Je veux que les gens prennent vraiment le temps de rentrer dedans car j’ai l’impression que ce que je fais est à plusieurs degrés de lecture. Il y a beaucoup d’égotrip mais il y aussi son inverse. Dans certains morceaux je me mets beaucoup à poil, j’aborde divers sujets personnels…On retrouve beaucoup le thème de l’humain, et l’humain dans son contexte. Alors j’espère que les gens percevront ces différents niveaux et qu’ils ne se prennent pas uniquement la partie égotrip. Je n’attends que ça : qu’ils prennent le temps de l’écouter et qu’ils captent les différents niveaux de lecture.

De base j’ai toujours pris le rap comme un défouloir, comme un sac de frappe dans lequel tu mets tout ce que tu as en trop. Mon trop plein je voulais le foutre quelque part et il se trouve que c’est dans la musique que je l’ai fait.
Quand j’écris, je m’adresse à moi. Pour « GG Allin », c’était un processus auto-centré. Si moi j’écrivais un truc à référence et qui me parlait à moi, cela m’importait peu de savoir si les auditeurs, eux comprendraient. J’en avais un peu rien à foutre. Personnellement c’est un truc que j’aime bien chez les rappeurs, le fait d’écrire pour soi-même, d’avoir des phases encodées. Lorsqu’il faut checker à gauche et à droite pour comprendre pourquoi le mec a sorti telle ou telle phase. J’aime bien ça.
Il n’y a pas trop de fiction dans ce que je raconte, il n’y pas pas trop d’histoires et d’ailleurs je vois ça comme un défaut de ma part. Avoir des textes qui tourne autour de soi assez souvent. Pas tout le temps, par exemple il y a le titre « Cluedo » qui parle de ce que je vois, mon environnement. Dedans je dis « J’ai trainé partout, la ride est partout la même », je ne me pense pas unique et différent. Au contraire je pense que nous sommes plein à être touchés par les mêmes choses.

Moi je m’adresse à des gens qui en ont chié un peu…des personnes qui se sont sentis à l’écart à un moment ou à un autre de leur vie. Je parle à ces individus qui se sont sentis différents. Tout cela a été mon cas et je pense que GG Allin suinte pas mal ces choses-là. Observer les autres de loin en restant à l’écart, je pense que ce projet parle pas mal de tout ça. Pour en revenir au process d’écriture, lorsque je gratte, c’est pour moi. Pour me soulager et pour que ces choses écrites me plaisent. Tant que je valide ma rime, tant que je valide le placement…pour le moment j’en suis à cette étape, je ne pars pas encore dans la fiction. Nous n’en sommes qu’au premier projet, je n’ai pas envie de faire des morceaux super tristes toute ma vie. Beaucoup de rappeurs que j’aime bien ne font qu’un seul truc à croire qu’il ne possède qu’une seule émotion, alors qu’un être humain est forcément traversé par une quantité non négligeable de sentiments. Je n’ai pas envie de m’enfermer dans un seul truc.

 

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« Je trouve que souvent dans le rap on a ce mécanisme de mimétisme un peu chiant qui consiste à vouloir faire la même chose parce que tu as kiffé sur un morceau ou sur un artiste. »


 

Les Punk et les rockeurs ont compris bien avant les rappeurs, parce que ces styles musicaux étaient là bien avant, ce qu’était le marketing, ce à quoi pouvait servir le scandale. Eux ont toujours fait leur buzz sur les à coté de la musique avec l’image qu’ils se donnaient et les personnages qu’ils incarnaient. Donc oui, en effet quand tu pars sur l’idée d’être complètement nature tu peux malencontreusement en grossir le trait et finir en caricature. Après, moi j’ai l’impression que les mecs qui sont dans ce milieu, que j’aime ou que j’aime pas, vont se différencier des autres et ils n’iront pas chercher à faire la même chose que les mecs qui les entourent. Je trouve que souvent dans le rap on a ce mécanisme de mimétisme un peu chiant qui consiste à vouloir faire la même chose parce que tu as kiffé sur un morceau ou sur un artiste.
Indirectement, je pense que le projet « GG Allin » c’était une manière de leur dire « soyez vous même »…alors que c’est vrai que je n’ai pas de leçons à donner. Disons juste que c’est une invitation à se chercher et à être soi-même. Je sais qu’aujourd’hui il y a des petits qui rappent avec qui je traine un peu et à qui j’essaie de donner des conseils. La première chose que je leur ai dit c’est « parlez de ce qui vous rend unique, n’essayez pas de parler ce dont vos rappeurs préférés parlent ».

Le premier texte du projet que j’ai écris a été « Cluedo », je l’ai vraiment fait à part…c’était à Nantes dans un studio avec Vidji du 5 Majeur. On a fait ce titre là puis j’ai mis du temps pour les autres parce que je voulais trouver une direction pour la suite des morceaux, puis je me suis dit que je m’appuierais sur ce titre. Il a fallu 6 mois avant que j’enchaine sur la suite, c’était lors de ma première rencontre avec le Dojo et ma rencontre avec Sheldon. Finalement, « GG Allin » s’est fait en 3 sessions étalées sur 3 mois. Si tu rajoutes les clips et le reste, au total le projet bout à bout aura mis un an. Je suis assez exigent niveau musique et de base, je voulais que le projet sorte en novembre ou décembre de l’année dernière car il était déjà enregistré, mixé et masterisé à cette période.

Niveau rap, j’espère que 2017 sera une année avec un peu plus de textes. Souvent je me fais ce constat là, les textes de manière générale sont assez pauvres. Alors quand moi j’écris j’essaie vraiment de faire le taff là dessus. Je pense pas être le seul rappeur à « fond » mais en tout cas j’en ai un. J’essaie d’amener de la finesse car je trouve que souvent on retrouve partout ce truc « bourrin » peu importe le style. Je trouve que le rap est trop souvent caricatural du coup j’essaie d’apporter le contraire : une finesse, du fond et je veux toucher les gens. Pas forcément les faire réfléchir, mais au moins dire des trucs humains qui peuvent les toucher. La prétention que j’ai, si on peut dire ça comme ça c’est d’apporter ces choses là.

 

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Au risque de sérieusement se répéter, le début d’année 2017 est une période remplie de pépites. Grave en fait parti, façonné comme aucun autre dans un cinéma français qui a du mal à se risquer au cinéma de genre, encore moins à celui de l’horreur. Mais loin du slasher, Grave ne joue pas le registre de la violence ou de la morbidité gratuite, mais flirte avec subtilité et réalisme avec le sujet du cannibalisme. Justine rentre en école de vétérinaire, la même où ses parents sont passés, et où sa grande sœur étudie encore. Précédé par la bonne réputation de sa famille, son intégration va vite prendre du plomb dans l’aile avec un bizutage qui tourne mal quand, végétarienne, elle est forcée de manger un morceau de viande cru. De là, une surprenante transformation va se produire…

Les deux grandes (re)découvertes de ce film, Garance Marilier, coqueluche de la réalisatrice et Rabah Nait Oufella (déjà aperçu dans Bande de Filles, Papa Was A Rolling Stones, ou encore le tout récent Patients) ont répondu à nos questions à propos de ce film qui a rendu malades deux de ses spectateurs lors d’une avant-première à Toronto il y a quelques semaines…

Photos : @RickRence

Le véritable genre du film et son succès

Garance Marilier : C’est un cross-over. Il regroupe comédie, horreur et drame. C’est un film qui est contre les cases, et ça n’existe pas sur le marché français le film cross-over. On ne va pas se le cacher, notre ambition n’était pas de faire un petit film mais un grand. Forcément le fait que les médias en parlent va avec. Après tout ce buzz vient aussi de l’incident de Toronto. Mais c’est bien qu’il y’ait du soutien pour les films plus ambitieux, c’est vraiment ce qu’on cherchait.

Rabah Nait Oufella : C’est un film qui casse les codes. C’est un V.T.T. Le projet en soi est un OVNI, c’est normal que ça fasse parler, en bien ou en mal. Maintenant, on est très content que ce soit en bien. À la première lecture du scénario, je savais que ça allait faire parler.

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« C’est un film qui est contre les cases, et ça n’existe pas sur le marché français le film cross-over. On ne va pas se le cacher, notre ambition n’était pas de faire un petit film mais un grand. »

Rabat et Garance voisins dans le 20ème

Garance : C’est un mytho ! [rires, ndlr] Non en fait on habite dans la même rue. On se croise depuis bien longtemps. Mais on a 5 ans de différence.

Rabah : Et on s’est croisés au casting sans le savoir, c’était le hasard. On ne s’est pas toujours côtoyés depuis l’enfance non plus, c’est juste qu’on se croise et on ne s’est jamais connu personnellement plus que ça, on s’est vraiment rencontrés lors du tournage et on a fait connaissance. Ce n’est pas comme si je jouais les scènes intimes avec une amie d’enfance. Je l’ai rencontré en tant qu’actrice, pas en tant que pote.

G : On habite toujours au même endroit, on se croise en scooter, il me fait peur. [rires]

R : En voiture, je la klaxonne et elle prend peur, c’est trop drôle ! C’est facile de lui faire peur, tu regardes le film elle a rien avoir avec le personnage. Donnez-lui un César !

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La scène où Justine mange un doigt

G : C’est un peu comme la scène bourrée où j’ai bu zéro gramme d’alcool, c’est juste que tout passe par le corps. T’essayes d’imaginer ce que ça te fait quand t’es bourré,  justement ton corps est complétement détendu… Moi je déteste la technique Actor Studio « t’es triste, sois triste », je ne travaille pas comme ça, je pense que tout passe par le corps. Le véritable enjeu de cette scène n’était pas de manger le doigt, mais de créer l’empathie du spectateur, avec l’attente notamment. J’ai un doigt dans la main qu’est ce que je fais ? Ben je regarde ce que c’est car je n’ai jamais vu ça. Et c’est là où ça va dériver. Fallait vraiment créer ce moment de surprise même vis à vis d’elle même, plutôt que de le manger comme si c’était un kebab, là ça n’aurait pas du tout marché.

Les gens réagissent énormément à cette scène car ils ne s’y attendent pas justement, ils pensent que Justine n’est pas aussi folle que sa sœur.

R : À la lecture du scenario ça m’a fait la même chose, au moment du doigt. Je ne savais rien du scénario quand on me l’a passé. Donc je le lis, au bout d’un moment elle se coupe le doigt et elle le mange… Et là, je te jure, j’ai fermé le truc et j’ai repris du début ! [rires] Genre « j’ai raté quelque chose » ! Tu ne t’y attends pas. Après cela dépend de chacun, certains sont plus touchés par d’autre scène.

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« Après ce ne sont pas tous les metteurs en scène qui ont l’intelligence de passer outre la façade qu’ils peuvent avoir ou les aprioris de certains acteurs. »

Le rôle du mec de quartier rebeu et gay

R : Ce qui m’intéresse c’est de jouer des personnages différents de moi. Je fais beaucoup de sélection dans les projets qu’on me propose, de plus en plus. Il y a des films qui socialement sont intéressants à faire, qui défendent une cause, et je trouve intéressant de participer à ceux-là. Après à coté de ça, égoïstement, il faut aussi que je construise quelque chose dans la performance. À partir de là, ce que je kiffe faire, c’est jouer des rôles les plus différents possibles les uns des autres. Après ce ne sont pas tous les metteurs en scène qui ont l’intelligence de passer outre la façade qu’ils peuvent avoir ou les aprioris de certains acteurs, mais je m’implique de plus en plus dans des projets divers et variés. Grave a été une opportunité en or, et je ne voulais pas la lâcher.

Je n’ai pas de problèmes avec qui ou quoi que ce soit, j’ai pas de complexes. Là ou j’habite, les mecs de mon quartier ne vont pas me charrier. Après par rapport à moi-même, je l’ai vraiment pris comme une opportunité. C’est bien que le cinéma français changer ses codes et qu’on casse ce mythe du mec de cité qui ne peut pas être gay, qui a une tête de rebeu mais qui s’appelle Adrien. C’est bien de casser ces trucs-là et de passer à autre chose car c’est super débile de penser comme ça. C’est bien d’aller à contre-courant et c’est ce que j’essaye de faire autant que possible.

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« Wagner Moura c’est un truc de dingue : il est brésilien, est parti 4 moi en Colombie apprendre l’espagnol et s’imprégner vraiment de Medellin, et il incarne Pablo Escobar comme un dingue. »

L’inspiration de Wagner Moura de Narcos

G : Je regarde de plus en plus de séries. C’est vrai qu’avant je voyais mes potes regarder Skins, ça ne me faisait pas rêver. Et là maintenant, il y a Black Mirror, Game of Thrones, ce sont des séries que tu prends plaisir à regarder parce que c’est bien fait. Et Narcos c’est la première série qui m’a fait un choc, où je me suis dit c’est vraiment intéressant et c’est vraiment un film que tu regardes sur 8 (sic) épisodes. Wagner Moura c’est un truc de dingue : il est brésilien, est parti 4 mois en Colombie apprendre l’espagnol et s’imprégner vraiment de Medellin, et il incarne Pablo Escobar comme un dingue. Le truc c’est qu’aujourd’hui en interview, il dit qu’il n’arrive pas à se débarrasser du personnage. C’est là où je parle des limites de cette méthode de faire ressortir ses sentiments pour amener le jeu, je trouve ça hyper dangereux. C’est un truc que je ne ferais jamais. Je ne trouve pas ça intéressant, sinon tu joues un rôle et tu ne t’en remets pas.

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La place des femmes réalisatrices et le renouveau du cinéma français

G : Clairement il y a un vent nouveau qui souffle sur le cinéma français, ça fait du bien. Il y a de nouvelles têtes, il y a plus d’audace. Après il ne faut pas que ça devienne une mode non plus. Le danger c’est de se dire que c’est à la mode et alors on va produire plus de films de femmes, alors qu’ils ne sont pas forcément bons. Mais l’important ce n’est pas tant le film de femmes, mais que le film soit bon tout court ! Il faut juste plus d’audace et en ce moment il y en a. Continuons sur cette lancée !

R : Encore une fois, ce ne sont pas des bons films parce que ce sont des femmes mais ce sont des bons films faits par des femmes. Je ne juge pas la qualité d’un film au sexe du réalisateur, ce serait du sexisme. Mais il y a une nouvelle vague, c’est certain. Avant de faire du cinéma j’avais l’impression que les acteurs étaient des piliers qui ne bougeraient jamais, même après leur mort. On ne s’est jamais vraiment donné le droit de rêver vraiment. Même après avoir tourné dans mon premier, deuxième, troisième, quatrième film, je n’ai toujours pas l’impression d’être arrivé. J’ai juste fait une expérience qui m’en a apporté une autre. Je me suis refusé de me dire acteur. J’ai mis du temps a m’autoriser le rêve et peut-être que c’est dû à ça. Les gens que je connais du cinéma, je les ai rencontrés dans le cinéma. Je n’ai pas d’oncles, de potes, qui sont dedans. Il y a beaucoup de castings sauvages, de rappeurs qui font des films, c’est bien que ça s’élargisse.

G : Le danger c’est que ça pousse à ne pas travailler mais juste à être comme tu es devant la caméra. Et ça c’est insupportable, car tu vois plein de gens qui sont trop bien dans un film et qui y croient mais que tu ne reverras pas, car le réal les a pris pour ce qu’ils sont et ça colle mais s’ils ne bossent pas derrière, c’est mort.

Finalement ce film est grave…

R : Audacieux !

G : Oui, Audacieux.

Grave, sortie le 15 mars 2017. Réalisé par Julia Ducournau.

« Je ne sais pas si j’ai un niveau » résume-t-elle en riant « Mais en tout cas, j’ai adoré et je me donnais vraiment à 100% ». A défaut de rendre hommage à une brillante carrière aux aboutissements tragiques, notre rendez-vous au Hoops Factory aura au moins eu le mérite de réveiller les souvenirs d’Eugénie, sur une époque qui ne lui représentait pas encore son avenir. Il faut dire que les choses semblent avoir été assez vite, depuis sa rencontre avec son manager Chad Boccara, ses covers sur Facebook et la sortie de son premier clip « Puis Danse ». Mais sur le parquet, elle joue le jeu.

Photos : @lebougmelo

 

 

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Arrivée presque timidement, Eugénie a l’art de prendre la pose, de trouver face à l’objectif une assurance et une présence qui laisse transparaitre une toute autre maturité. Celle-ci se révèle une nouvelle fois pendant notre interview. Face aux questions bateaux, elle décrypte, elle élabore : « Mes influences ? Si je regarde généralement tous les artistes que j’écoute, parce que je suis d’une génération plutôt playlist, ils s’inspirent d’autres artistes. Par exemple, pour moi je sais que Mickael Jackson, c’est quelqu’un qui revient souvent. […] Aujourd’hui, c’est très dur de créer quelque chose de nouveau. Donc inévitablement, on fait des mélanges. […] Je pense qu’aujourd’hui, c’est vraiment le choc des cultures qui est intéressant. Pour moi, c’est vers là qu’il faut aller. Parce que faire quelque chose de nouveau c’est un peu utopique. »

Ses premiers pas dans la musique, elle les fait au Conservatoire où elle apprend le violon soutenue par une mère artiste peintre. Mais très vite, elle abandonne et préfère apprendre sans contraintes. Portée par sa curiosité elle découvre alors le piano, la guitare et Garage Band. Sur le programme elle conçoit ses premières compositions et y appose ses textes. D’abord en anglais, puis en français. « Pour moi le français, c’est devenu comme un gage de sincérité, je sens que je suis obligée d’être très précise […] C’est vrai que l’avantage de l’anglais c’est que c’est très mélodieux et qu’on peut composer très très facilement. Et à un moment donné, la difficulté c’était de me mettre au français, parce que ce n’est pas simple. Mais j’y ai trouvé plus de sens. Et j’ai gardé l’anglais, aussi parce que ça fait partie de ma culture musicale. »

 

 

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« Pour moi le français, c’est devenu comme un gage de sincérité. »


 

 

Après ses covers et mash-ups, Eugénie passe à l’étape supérieure, tout en continuant de composer sur son iPhone. « C’est comme ça que j’ai commencé et je continue à faire ça. Sauf que maintenant, j’emmène cette maquette-là en studio. » Pour décrire son processus d’écriture, elle trouve une analogie entre son travail et celui de sa mère. « Je me suis rendu compte que la façon qu’elle avait d’aborder la peinture était la même pour moi lorsque je composais. C’est à dire que parfois, ça peut partir d’un mot autour duquel je vais construire et ça peut être abstrait. Ma mère fait de la peinture abstraite, et elle m’a toujours dit : « Tu peux voir milles significations en une peinture ». Et pour moi la chanson c’est pareil. Les gens peuvent l’interpréter de mille façons différentes. »

 

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Avec ce premier album en préparation, Eugénie prend les choses au sérieux, joue le jeu : « C’est vrai que jusqu’ici, on ne s’est pas trop posé la question. Mais plus ça va, plus je fais des shooting, il y a les clips, comment on communique sur les réseaux sociaux. Et c’est vrai que c’est super important. Donc mon image, je la soigne et je pense aussi que pour moi, la mode ça a l’avantage d’exprimer quelque chose, parce que c’est un art encore plus fort lorsqu’il est associé à la musique ». Des efforts d’inventivité récompensés par sa rencontre avec le public : « Pour moi la scène c’est un peu une petite bulle, dans laquelle je suis extrêmement bien. Je suis plutôt à l’aise. C’est vrai que dans la vie de tous les jours, je peux paraître un peu réservée, mais une fois que je suis sur scène… limite je ne suis plus la même. »

 

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Alliant performance et sportwear, Nike Football dévoile aujourd’hui sa collection FFF Black. Une collection destinée au fans et aux supporters de l’équipe de France, qui pourront arborer le blason de leur équipe au stade comme en dehors.

Inspirée de la street culture, portée dans la rue comme sur tous les terrains de jeu, cette nouvelle collection FFF transporte avec élégance, l’emblème national de joueurs avant-gardistes. 

Disponible ici

 

 

 

Il s’appelle Alexandre, il est jeune et vient de créer l’application Spotr®. Quelques jours avant sa sortie sur l’App Store nous avons proposé au jeune parisien de se raconter, afin de mieux comprendre les origines de sa créativité mais surtout de ce qui a nourri et alimenté son altruisme. 

 

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À la base, je voulais juste photographier mes potes.


 

Alexandre Sanou : « Je suis un enfant de la ville. Né à Paris, élevé en banlieue. J’aime bien la campagne, mais je suis allergique au pollen. Jusqu’à mon bac, j’étais un sale gosse. J’ai fait toute ma scolarité en fond de classe, près du radiateur. Paradoxalement, j’ai aussi été élu délégué six ans d’affilée. J’achetais mes votes contre des Skittles, comme les chefs d’États Africains. À cet âge, les Skittles sont une arme de corruption massive (ex-æquo avec les M&M’s). Le lien entre les deux, c’est la couleur. Je suis une personne assez visuelle. Les couleurs m’obsèdent dans tout ce que j’entreprends. Je n’arrive pas à faire abstraction de la forme, même quand je suis jugé sur le fond. Après le bac, j’ai cherché un job étudiant. C’était la première fois que McDonald’s sortait le slogan « Venez comme vous êtes ». Je me suis dit que j’avais une chance. Ensuite j’ai été admis en école de commerce et j’ai eu l’occasion d’étudier un petit moment à la Nouvelle-Orléans. À l’obtention de mon diplôme, j’ai décroché un stage à Londres dans une agence de publicité. C’était il y a quatre ans. Aujourd’hui, je suis de nouveau à Paris et je conseille les marques sur leur stratégies de communication.

À la base, je voulais juste photographier mes potes. J’ai réalisé qu’il n’était pas toujours simple de trouver des endroits cools pour faire du portrait ou du paysage. Jusqu’ici les photographes et les curieux s’organisaient comme ils pouvaient en créant des groupes sur les réseaux sociaux. Plus récemment, ces initiatives ont donné naissance au phénomène des InstaMeets: les sorties-photo entre Instagrameurs chevronnés. J’ai voulu créer un outil qui permette à ces communautés citadines de trouver facilement les endroits les plus intéressants pour prendre des photos.

 

 

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Si je n’ai pas l’impression de mâcher le travail des photographes en dénichant tous les spots ? C’est tout l’intérêt


 

Au départ, j’étais seul. Je trouvais l’idée assez sexy pour sacrifier mon temps-libre donc j’ai commencé à rédiger un cahier des charges. J’ai mis cinq mois à en venir à bout (je suis assez lent). L’expérience fût pénible mais utile. C’est ce cahier des charges qui m’a permis de démarcher – non sans mal – bon nombre d’apprentis développeurs. Après plusieurs collaborations inabouties, j’étais sur le point d’abandonner lorsque le projet a tapé dans l’œil du trio gagnant : trois étudiants de 42, l’école d’informatique fondée par Xavier Niel. Au même moment, j’étais rejoins par un collègue d’agence – créatif de métier – avec qui nous avons conçu une interface et une expérience utilisateur améliorée. Pendant des mois, notre équipe a travaillé dans le secret avec les photographes les plus influents de la capitale. Des adeptes de l’exploration urbaine qui connaissent Paris jusque dans ses moindres recoins. Ils s’appellent ixeurban, aliochaboi, ahtlaqdmm, thomvsfrs ou encore paulmougeot et ils comptent des centaines de milliers d’abonnés sur Instagram. Ils sont l’équipe créative derrière Spotr.
En dernier lieu, nous avons sollicité Instagram pour que soit approuvé l’ensemble des usages de leur API. Spotr a été lancé sur l’AppStore le 23 février.

Si je n’ai pas l’impression de mâcher le travail des photographes en dénichant tous les spots ? C’est tout l’intérêt.
Le paysage urbain comporte des lieux fascinants auxquels peu de gens prêtent attention. Notre mission est de les dévoiler à travers les yeux de ceux qui les photographient. Pour un touriste Suédois qui débarque à Paris, c’est l’occasion de créer des souvenirs au-delà du Jardin des Tuileries. Pour une passionnée de mode qui veut partager son outfit of the day, c’est une façon de trouver une façade colorée à proximité. Pour un vidéaste, c’est un moyen de repérer des endroits pour tourner les scènes d’un clip ou d’un court-métrage. En somme, Spotr ouvre le champ des possibles à une communauté animée par le désir de découvrir.

 

 

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Est ce que l’application ne va pas aseptiser toutes les photos, vidéos et le microcosme de l’Instagram game ?  Au contraire, l’outil démontre qu’il y a des milliers de façons de photographier un lieu. Finalement, l’esthétisme est là ou chacun le voit. Je pense que c’est en inspirant les gens qu’on les rend créatifs. Attirer leur attention sur les lieux les moins exposés, c’est changer leur regard sur la ville. Aujourd’hui, hormis une poignée de curieux, rares sont les personnes à s’aventurer hors des sentiers battus. Pourtant il existe des endroits époustouflants à proximité. L’Axe Majeur de Dani Karavan, les Espaces Abraxas ou encore les Arcades du Lac de Riccardo Bofill font partie des merveilles architecturales les plus spectaculaires d’Île-de-France. Comment se fait-il qu’elles restent inconnues d’une majorité de Franciliens ?

 

 

 

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Nous recevons quotidiennement des centaines de sollicitations du Japon, du Brésil, des Etats-Unis et d’ailleurs


 

L’objectif ? 100,000 utilisateurs d’ici la fin d’année – sous réserve de la mise en service d’une version Android. C’est un objectif ambitieux, mais atteignable si nous maintenons le taux de croissance que nous connaissons actuellement. Pour se faire, il faudra des ressources à la hauteur de nos ambitions. Nous souhaitons étendre l’accès à l’application en Europe, améliorer la qualité du service et déployer de nouvelles fonctionnalités. Nous préparons une levée de fonds cet été.

Aujourd’hui, tout ce qui m’importe c’est le développement de ce service. Je suis convaincu de tenir quelque chose. C’est une première victoire d’avoir réussi à rassembler les ressources nécessaires à la mise en service de l’application, mais le plus dur commence maintenant. C’est stimulant et terrifiant à la fois. Nous recevons quotidiennement des centaines de sollicitations du Japon, du Brésil, des Etats-Unis et d’ailleurs. Le potentiel de l’outil est immense et nous en sommes conscients. Par chance, notre équipe est désormais constituée d’une panoplie de talents au service d’une même vision. »

 

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YARD & Allo Floride présentent : Allan Kingdom le vendredi 26 mai 2017.
 
On a d’abord croisé sa route en 2015 sur le titre « All Day » de Kanye West, encapuché comme 39 autres compères sur la scène des BRIT Awards.
Depuis le canadien a confirmé l’essaie d’un couplet, en un long projet prometteur : « Northern Lights » sorti en 2016, sur lequel il s’accompagne notamment de D.R.A.M. et Jared Evan.
 
Un an après un premier passage à Paris soutenu pas Allo Floride, Allan Kingdom sera de retour le 26 mai. Rendez-vous au Candy Shop !
EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE
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Le #YARDWinterClub, c’est terminé. Et pour clore l’évènement en beauté, nous vous réservions le soir du vendredi 10 mars, la surprise d’un invité non annoncé. Quelques heures après la sortie de la vidéo « Euphorie« , Kalash Criminel a fait la route depuis Sevran pour enflammer la scène de la Machine du Moulin Rouge.

Après ce final en grande pompe, on laisse le printemps s’installer. Et on vous tient au courant pour la suite.

 

Photos : @HLenie

Le duo américain THEY. basé à Los Angeles et signé sur le même label que le chanteur Gallant, vient de sortir leur premier album « Nu Religion : HYENA », un mélange de R’n’B futuriste et de Rap. Après avoir tourné avec Bryson Tiller, ils seront à Paris le 23 mai accompagné du rappeur californien Azizi Gibson (signé par un certain…Flying Lotus).

 

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE

Avec YARD, tente de remporter deux places en remplissant le questionnaire suivant. 

 

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Il y a quelques semaines, nous rencontrions l’artiste A.L.P dans les studios de son label « Cercle Fermé » à Ivry sur Seine. Si le nom de l’entité vous dit quelque chose c’est sans doute dû à Bridjahting, autre membre du label et présent sur le titre « Mové Lang » du rappeur Booba. Alpha Lima Pedro, ou Alpha pour les intimes n’est clairement pas un rappeur comme les autres : timbre de voix puissant, phrasée déconcertant et sa confiance à toutes épreuves font de lui un artiste à suivre. Non pas pour sa gouaille ni pour son étrange ressemblance à Kendrick Lamar, mais plutôt parce que le type vient de Charenton-le-Pont. 94. On dit de lui qu’il est le renouveau du département en compagnie d’artistes comme Take-A-Mic ou encore Mike Lucazz. Pourtant A.L.P ne s’y trompe pas, il faudra prouver son talent aux autres à défaut d’en avoir l’intime conviction. Rencontre avec Alpha.

Photos : @samirlebabtou

 

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ALP :  « Je suis originaire de Charenton-le-Pont dans le 94. Mon blaze, c’est un surnom qu’on me donne depuis tout petit car les gens m’appelaient Alpha. Pour diverses raisons, en tant que rappeur je ne me voyais pas mettre Alpha, donc j’ai pris les trois premières lettres : A, L et P. Le « Alpha Lima Pedro » est arrivé bien plus tard.
Je suis dans le label Cercle Fermé qui est géré par Milos, mon manager, Omega et Cherif. En ce qui concerne les artistes, il y a Flashko, Bridjahting et moi.

J’ai commencé à rapper comme la plupart des gens, c’est à dire que tout est parti d’un délire. Je kiffe la musique, je suis à fond dans le rap qu’il soit français ou américain. Ça partait d’un délire, je me suis mis à gratter puis j’ai écris un son alors que je ne savais même pas ce qu’était une mesure. Ça a enchainé en studio avec une bande de potes, j’ai fait ce que j’avais à faire et puis là tu vois que le quartier kiffe. Une fois, puis la fois suivante aussi, alors tu te dis que c’est peut-être ça ton truc. Depuis, je n’ai pas arrêté d’essayer.
Sans prétention aucune, j’ai fini par me rendre compte que j’étais doué. Au départ, je croyais que c’étaient les mecs qui rappaient avec moi qui étaient pas super fort, et puis j’ai réalisé que j’avais « le truc ».

Je ne pense pas avoir de style musical, en vrai je fais de la musique et je n’en pas de précis. Je peux chantonner ou faire d’autres trucs, je suis un rappeur sans style musical.
En 2015, Tonton Marcel m’avait interviewé et j’avais dit « moi je suis plus fort que tous les autres », deux ans plus tard et avec du recul je campe sur mes positions mais je ne le dirai pas de la même façon. Pour en revenir à cette phrase, je voulais simplement dire ça par rapport à ce qui se faisait à ce moment-là. Tu sais, à certains moments j’écoutais des trucs de rappeurs et j’avais l’impression que les auditeurs étaient un peu trop vite emballés par ce qu’ils entendaient. Moi je les trouvais pas ouf et effectivement je me trouvais meilleur qu’eux.
Bien sûr que ce n’était pas une attaque, c’était mon avis et si des rappeurs l’ont mal pris ou un peu trop personnellement…bah qu’ils le prennent pour eux.
Quand tu dis qu’il y a les artistes qui savent qu’ils sont les plus forts et ceux qui le prouvent, je suis complètement d’accord. Je pense que moi je ne l’ai pas encore prouvé.
Comment le prouver ? Là on est en pleine activité et on est assez réguliers en terme de sorties de morceaux, le projet sort très prochainement donc je pourrais prouver des choses à ce moment-là.

 


« Est-ce que j’ai trouvé la bonne formule avec « Atlanta » ? Non. Ne m’attendez pas à sortir des titres comme celui-ci même si je ne m’attendais pas aux retours que j’ai eu en sortant ce titre. »


 

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Si je devais me démarquer des autres artistes, je ne pense pas que ça serait avec des featurings. En vrai, c’est plutôt la musique que toi tu apportes qui importe. C’est fini, ce n’est plus comme avant, même les collaborations avec les artistes U.S. Il y a plein d’exemples qui prouvent que cela ne fonctionne plus…les featurings, ce n’est plus ce que c’était.

Je ne sais pas encore dans quel spectre je me situe, nous sommes juste en train de préparer le projet et je fais la musique que j’aime. Quand la machine sera réellement lancée je pourrai en dire plus, mais là tout de suite…je ne peux pas.
Pour l’instant tout se passe bien, je ne pense pas avoir encore prouvé mon talent donc oui, je suis à ma place. Avec ce que j’ai fourni, je suis là où je devrai être.

Est-ce que je me cherche encore musicalement au vu de la différence des titres que j’ai sorti ? Est-ce que j’ai trouvé la bonne formule avec « Atlanta » ? Non. Ne m’attendez pas à sortir des titres comme celui-ci même si je ne m’attendais pas aux retours que j’ai eu en sortant ce son. Ce n’est pas sur ce type de morceaux qu’on m’entendra tous les jours. C’était un freestyle et ça c’est le truc que je kiffe faire, si vous regardez sur le net j’ai des freestyles un peu partout…mais ce n’est pas spécialement sur ça qu’il faut m’attendre, encore une fois.

 


« On verra bien ce que cela va donner, si tout va bien, une mixtape arrivera courant avril. »


 

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Les origines du morceau « Atlanta » ? C’était en Belgique, avec le frérot Zak de Cosmos Prod. Je rentre dans le studio et j’entends l’instrumental…pétage de plombs ! C’était un bordel, franchement, il fallait entendre le truc. On voulait même pas rapper dessus, on voulait même pas froisser le truc tellement ça sonnait bien. Et puis je me suis lancé car j’avais déjà écrit un petit truc, je regratte un peu et puis on a laissé le truc tel quel. Plus tard, j’ai eu des envies de le continuer mais au final on a laissé le truc en l’état. Ça fait maintenant presque un an que j’ai enregistré le titre, on a donc décidé de faire un clip et de le sortir dans la foulée.
Ce n’était pas frustrant de sortir ce morceau malgré le temps écoulé entre sa réalisation et sa diffusion. Au contraire, c’est même pour ça qu’on va sortir un projet prochainement. On verra bien ce que cela va donner, si tout va bien, une mixtape arrivera courant avril.

Je ne sais pas comment le 94 est revenu sur le devant de la scène tout comme je ne saurai te dire à quel moment le 94 a eu moins d’impact dans le game. En tout cas, c’est un bon truc qu’il y ait plus de rappeurs d’ici qui soient présents actuellement. C’est à nous de redonner au Val de Marne ses lettres de noblesse.
On a tous plus ou moins un style différent, le mouvement « Trap » est à la mode et chacun le prend à sa manière…pour moi d’ailleurs « Trap » ça ne veut plus rien dire. Ce ne sont que des instrus, toi tu viens et tu rappes dessus comme tu veux.

Pour moi la suite c’est quoi ? Je veux juste continuer sur la lancée et pousser au maximum. Je veux montrer au public que je suis capable de faire ce que tout le monde fait et qu’il y a de la place pour tout le monde. Ne pas savoir dans quelle catégorie me mettre, c’est pas quelque chose de voulu, mais ça me va…c’est bien comme ça. »

 

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Le groupe de musiciens The Hop orchestre avec virtuosité toutes les richesses du rap d’aujourd’hui en mêlant cuivres, basse, batterie, clavier et guitare. Compagnons de route de longue date du rappeur Espiiem, ils sont le point d’ancrage d’un concert exceptionnel célébrant la créativité et l’engagement de la scène rap.

Autour de Dandyguel, qui joue le rôle de maître de cérémonie, sont conviés quelques-unes des plus fines gâchettes du hip hop hexagonal : Casey et sa rage jubilatoire, Jazzy Bazz et son écriture ciselée, les paroles revendicatrices de S.Pri Noir, le flow acharné de Mac Tyer… et bien d’autres surprises encore !

 

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L’hiver sonne ses dernières heures, mais ne se laisse malheureusement pas si facilement oublier. En attendant que les températures remontent, on continue quand même de courir, mais bien équipé.

Nike ré-adapte la LunarEpic pour vous tenir au chaud tout en conservant sa légèreté grâce à sa technologie Flyknit. Pour être équipée jusqu’au bout, on complète son outfit avec les tights de running Zonal Strength et un top Nike Therma Sphere à manches longues.

Tight de running Nike Zonal Strength
Top Nike Therma Sphere Element
Nike LunarEpic Low Flyknit 2 

Photos : @lebougmelo
Modèle : @mavenma

Révélation anglaise de ces derniers mois, Ray BLK nous présente aujourd’hui son dernier clip « Patience ». Après l’excellent projet « Durt » sorti en 2016 où apparaissaient Stormzy, Wretch 32 et SG Lewis, la londonienne est de retour avec un freestyle sur le thème de la quête de célébrité creuse et instantanée. Un appel à prendre le temps qu’elle met en scène dans un salon de coiffure et qu’elle et son réalisateur nous racontent en quelques mots.

« On voulait créer une pièce qui se concentrait entièrement sur RAY et le message qu’elle voulait exprimer. La simplicité de l’idée donnait la à RAY la liberté d’explorer sa performance dans un environnement ou elle se sent à l’aise. » – Hector Dockrill

 

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« Ou voulait faire quelque chose de naturel, quelque chose de quotidien auquel dans lequel les gens pourraient se reconnaître – une conversation dans le salon de coiffure. Je voulais qu’on puisse sentir que je m’adresse directement à ceux qui pourraient regarder la vidéo, pour qu’il puisse entendre mon message. » – RAY BLK

 

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En collaboration avec Allo Floride, YARD présente YARDLive. Une série de concerts sélectionnés par notre équipe.

Pour cette première, on choisit de vous présenter 6lack (prononcé Black). À 24 ans, il obtient déjà le soutien de The Weeknd avec qui il a partagé quelques scènes outre-atlantique.
Après la sortie de « Free 6lack » acclamé par la critique, l’artiste signé sur le label Love Renaissance (Raury, D.R.A.M. …) arrive pour la première fois en France pour une date exceptionnelle. Un artiste indéniablement prometteur qu’on vous conseille de ne pas manquer.

Le rendez-vous est pris au Badaboum le mardi 30 mars

 

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Il ne reste plus qu’une centaine de places. Remise en vente vendredi 10 à 10h.

Avec YARD, tente de gagner deux places en remplissant le questionnaire suivant.

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Dans son dernier projet, l’ambitieux « 3:52 », Skreally Boy avait choisi de clipper tout ses titres.  Avec « +++ » disponible ce 6 mars, Skreally va encore plus loin.
L’auteur, compositeur et interprète, propose un clip de dix minutes qui regroupe quatre titres de son nouvel EP ! Le format permet de se plonger dans son univers urbain entre r&b et rap mélodieux. Skreally Boy alias Richie Beats est toujours actif comme beatmaker dans le rap français. Ainsi on retrouve sa touche sur le dernier projet de son complice Deen Burbigo.

Pour YARD, l’artiste revient en quelques mots sur la conception de cette vidéo.

 

 » Le tournage a duré deux semaines au mois de novembre avec Mizz de Mizz Productions un gars du 7.8 comme moi. Il fallait que j’innove, que je propose une nouvelle manière de promouvoir ma musique. Je voulais donner un nouveau format aux gens. « 

 
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Pourquoi avoir utilisé 4 titres ?
« Lorsque j’écrivais le synopsis, ce sont les titres qui ressortaient le plus. Et puis si tu aimes la vidéo de 11 minutes a priori tu devrais aimer le projet » 

 
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Un an après « Eau Max », TripleGo a le regard tourné vers le futur. Le duo de Montreuil joint héritage et avenir avec un 4ème EP intitulé « 2020 ». Un projet où le duo s’adjoint les services de Prince Waly, autre héritier du 93100, sur l’hymne « Montreuil c’est Cali ». Une ode à la ville poétique, décalée et créative qu’ils connaissent. Leurs compères Freaky Bagel et Juxebox sont également de la partie, conviés aux productions sur les bangers « New Balance » et « Potogo » qui font rejaillir les flammes séquano-dionysienes. En 2017, TripleGo peut tout aussi bien nous faire voyager que nous faire « headbanger ».

Le 30 mars, le duo vous donne rendez-vous sur la scène du Pop-Up du Label pour redécouvrir ce projet.

 

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Avec YARD, tente de gagner deux places en remplissant le questionnaire suivant. 

 

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Si le henné est rattaché dans l’esprit au monde arabe et à la culture indienne, à un mélange entre croyance et magie associé à la cérémonie du mariage, pour Samia a.ka. Arts of Zaman, le henné est un médium. Le médium d’un art dont elle connait tous les tenant et qu’elle met au service de son impressionnante dextérité tout en rendant hommage à la culture arabo-musulmane. Géométrie, symétrie, finesse, précision, autant de compétence qu’elle utilise pour réaliser les demandes de ses clients et dans chacun de leurs tatouages éphémères.

Et elle ne sublime pas que les femmes, le henné étant l’art de tatouer, les hommes aussi peuvent se parer des créations de Arts of Zaman. Rencontre.

Portraits : @HLenie

 

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D’où vous vient cette passion pour le henné ?

C’est peut-être surprenant mais je n’ai pas de passion réelle pour le henné, en soi. Ma passion, c’est la belle esthétique. C’est orner le corps de motifs, dessins ou mots en jouant avec l’espace et les proportions en créant une harmonie parfaite qui me passionne. Le challenge de réussir à retranscrire mon inspiration sur une surface limitée, en gardant une cohérence dans les motifs choisis et en créant quelque chose tout simplement beau, voilà ce qui me passionne. Le henné est un moyen pour moi d’étancher, grâce à sa nature éphémère, ma soif de création, sur le medium le plus noble qu’il soit: la peau. Il faut savoir que le henné est un colorant qui traverse la peau pour imbiber chaque cellule de couleur, il ne reste pas en surface. Et il y a une beauté en ça, car mon dessin après l’avoir appliqué sur la personne en face de moi, ne fait plus qu’un avec elle. Il devient une partie d’elle, et c’est là que repose ce défi qui me passionne, à savoir : créer un design en parfaite osmose avec le corps mais aussi la personnalité de chacun.

 

Pour beaucoup cet art est associé à la religion musulmane, mais n’est-il pas avant tout un art tout court ?

Tout art, émanant de la culture musulmane ou perfectionné par elle, est un art à part entière avant d’être art musulman. Et ils sont nombreux, comme l’ornementation et la mosaïque par exemple. Mais le henné n’en fait pas parti. Il s’inscrit dans les traditions de communautés différentes, dont les religions varient aussi (chez les juifs, hindouistes, et musulmans), mais n’est pas propre à l’une plus qu’à l’autre. Les seules références que l’on fait au henné dans la religion musulmane sont la recommandation du Prophète Mohammed aux femmes de s’appliquer du henné sur les mains afin de se différencier des hommes, et son usage pour la teinture de la barbe. Le reste ne relève que de traditions culturelles, car le henné est dans toutes les communautés une plante de bonne augure. On a donc développé cet art du tatouage au henné pour les festivités, les cérémonies de mariage en particulier. Toute une célébration est dédiée à ce moment où la future mariée se fait tatouer les mains et les pieds, et c’est ainsi que s’est développée l’idée que cet art porte une signification religieuse (car associé à un évènement -le mariage- qui l’est).

 

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On me dit souvent qu’il y a un sentiment très urbain mais très délicat à la fois qui ressort de mon travail, et c’est normal, car c’est qui je suis.


 

Votre accroche « le traditionnel n’a jamais été aussi moderne » montre votre volonté de vous nourrir du passé tout en le réactualisant. Comment associez-vous le présent à votre héritage ?

C’est au contraire du présent que je me nourris ! Les codes du henné traditionnel sont figés et connus des amateurs et praticien de cet art, je cherche aujourd’hui à les enrichir de tout ce que la culture contemporaine nous apporte, ou à les casser pour les remodeler d’une manière qui me parle, aujourd’hui en 2016. Néanmoins, je me rends compte que cet héritage ne connait pas la barrière du temps car ce n’est pas moi qui le rend moderne, il l’est déjà dans sa forme la plus ancienne et traditionnelle. Le henné marocain par exemple -qui est ma spécialité-, composé de figures géométriques emboitées les unes dans les autres, très linéaire et graphique, jouant sur les espaces négatifs, n’a besoin d’aucune altération pour remplir toutes les conditions de ce qui se fait de plus tendance aujourd’hui en terme de visuel. Ce n’est pas moi qui associe le présent à cet héritage, cela se fait naturellement à chaque fois qu’une personne décide de se faire tatouer et d’ancrer dans sa peau l’espace d’une dizaine de jours un art porté depuis des générations, car elle reconnait en lui quelque chose qui lui parle à l’heure actuelle. On me dit souvent qu’il y a un sentiment très urbain mais très délicat à la fois qui ressort de mon travail, et c’est normal, car c’est qui je suis. Je souhaite montrer que l’on peut porter haut l’étendard de notre héritage et la culture de nos ancêtres mais que nous sommes aussi très riches de ce que notre siècle a ajouté en nous. Chacun de nous est à la fois le présent et le passé, à sa propre façon, et c’est pour ça que mes tatouages trouvent sur chacun une place bien singulière.

 

 

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Je pense que c’est un de mes traits de caractère qui me donne cette « finesse de trait », le perfectionnisme.


 

 

Le henné est aussi l’art de tatouer. Où avez-vous appris votre finesse de trait et votre passion du dessin ?

Je pense que c’est un de mes traits de caractère qui me donne cette « finesse de trait », le perfectionnisme. Je n’aime pas bâcler le travail ni faire moins bien que ce que j’aurai pu faire alors forcément je fais en sorte que mes traits soient les plus fins possibles parce que le tracé c’est la base, c’est ce qui va composer le dessin. Et comme j’aime qu’il y ai beaucoup de détails mais que je travaille sur des surfaces restreintes, je me dois d’être précise pour réussir à tout emboîter dans l’espace dédié. Il suffit juste d’avoir un peu de dextérité, ce qui s’apprend et se développe, et c’est à la portée de tous. Quant au dessin, c’est juste le prolongement de ma vision; si j’imagine quelque chose, que ce soit une peau tatouée ou un objet décoré, il faut que je fasse en sorte de la réaliser. Alors loin d’être une dessinatrice, j’essaie juste de donner vie à ma vision en composant avec ce que je sais faire.

 

Chacune de vos créations semblent uniques, travaille-vous à partir de modèles ou freestylez vous ?

Dans 95% des cas, c’est de l’improvisation totale. On me donne carte blanche ou me demande de m’inspirer d’un style, d’un placement du tatouage ou d’incorporer au design quelque chose de particulier. Mais j’ai la chance d’avoir le plus souvent carte blanche car les personnes qui viennent à moi connaissent mon univers et me font confiance pour ne pas les décevoir. J’improvise donc à chaque fois, en laissant parler ma créativité. Je ne réfléchis pas vraiment lorsque j’exécute le tatouage, c’est assez mécanique, au point où on me demande souvent si je suis en train de réaliser un design que je connais par cœur. En fait, oui et non. Car les tatoueurs au henné ont une sorte de banque de motifs dans la tête, ceux que l’on se transmet de génération en génération et d’artiste en artiste, donc il y a une part d’acquis. Mais c’est ce que l’on décide de faire à l’improviste et spontanément de ces motifs qui relève du freestyle et de la création artistique. Je laisse ma main travailler pendant que, quasi simultanément, mes yeux scannent l’harmonie entre l’espace déjà utilisé et restant. Je cherche l’équilibre dans le ratio traits fins/traits épais et autres détails pour déterminer ce que sera le prochain motif à dessiner et son emplacement. Ajoutez à ça un peu d’inspiration et vous obtenez la surprise d’un tatouage qui en quelque sorte a commencé sans savoir où il allait et a fini au bon endroit. Il faut se faire confiance quand on improvise et se laisser guider par sa main, car la main ressent mieux l’intuition que l’esprit.

 

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Le henné n’est pas seulement pour les femmes, pas vrai ?

C’est une question compliquée car en soi, rien n’est exclusif, donc non le henné n’est pas seulement pour les femmes. Et la nature et ses plantes sont faites pour tous. Mais vous entendrez beaucoup dire qu’en effet ça l’est. Son usage n’est pas restrictif, mais il est vrai que dans l’histoire de cet art on constate que le henné était appliqué sur les hommes de manière beaucoup moins stylisé que sur la femme (un des buts du henné étant de l’embellir, pour les célébrations notamment). Mais il leur était aussi appliqué! Donc il y a cette connotation féminine mais qui n’exclut l’homme en rien. Il y a aussi le fait que certains hommes n’aiment aussi tout simplement pas la couleur du henné, contrairement à beaucoup de femmes. Est-ce parce qu’ils ont été inconsciemment programmés pour penser que ce n’était pas fait pour eux? Surement. Mais ils ne devraient pas. Et pour les hommes qui préfèrent un rendu similaire au tatouage à l’encre, qui est lui universellement considéré comme unisexe, il leur reste comme option le jagua.

 

Le henné noir est souvent associé au mot allergie. Mais parlez-nous du jagua, cette encre noire avec laquelle vous tatouez.

Le jagua est l’alternative naturelle à ce qu’on appelle souvent le « henné noir » (qui est en réalité un concentré de produits très nocifs, et un peu d’encre noire). C’est le jus d’un fruit d’Amazonie. Il est utilisé depuis toujours par les indigènes de cette région du monde pour se tatouer. C’est donc un fruit qui pèse lourd dans leur héritage et dans l’histoire du tatouage tribal. Une fois que le jus est extrait du fruit, on le manipule pour en faire un gel prêt à l’utilisation. Les fournisseurs sont rares mais j’ai la chance d’avoir trouvé la team de Jagwa Ink à Nice qui est spécialisé dans le jagua et qui me fournit un gel certifié aux normes cosmétiques européennes et le plus frais possible! La particularité du jagua est qu’il teint la peau d’une couleur bleu/noir, très similaire à celle d’un tatouage permanent. C’est souvent des personnes voulant se faire un tatouage permanent mais hésitant ou qui en rêve mais ne peuvent pas pour diverses raison qui me demandent d’utiliser du jagua sur eux. Le rendu est vraiment réaliste!

 

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Grâce à ses tatouages on est passé du petit dessin que l’on fait au mariage de sa copine maghrébine à une forme d’expression artistique et culturelle et un accessoire de mode à part entière.


 

Si certains le boudent, le raccrochant à la religion, la chanteuse Rihanna s’est faite tatouer un motif qui puise dans l’esthétisme du henné. Que vous inspire son tatouage ?

Je trouve que c’est un exercice particulièrement bien réussi car ses tatoueurs avaient pour objectif de recouvrir son précédent tatouage, il fallait donc qu’ils adaptent leur dessin tout en recréant l’esprit « mehndi » (tatouage aux motifs indiens) qui n’est absolument pas leur spécialité. C’est donc un challenge relevé vu leurs contraintes, mais ce n’est pas le dessin le plus esthétique que l’histoire de cette culture ai connu.. Et c’est pour cela qu’il ne m’inspire pas grand chose. Les tatouages qui m’ont vraiment inspiré et ont appuyé l’idée que je me faisais de cet art du tatouage sont ceux de Pia Mia (une jeune chanteuse, accessoirement amie de Kylie Jenner), qui contrairement à l’idée reçue qu’on le doit à Rihanna, a fait du henné ce phénomène viral sur toutes les pages beauté et mode avec les photos d’un de ses shootings en juillet 2014. Elle l’a réellement démocratisé, en montrant à tous que l’on pouvait porter sur soi un bijou de peau on ne peut plus traditionnel en étant en parfaite harmonie avec un style vestimentaire et une esthétique on ne peut plus edgy et branchés. Grâce à ses tatouages on est passé du petit dessin que l’on fait au mariage de sa copine maghrébine à une forme d’expression artistique et culturelle et un accessoire de mode à part entière.

 

Instagram : @ArtsOfZaman

 

« Nike a pris conscience que les femmes étaient plus fortes, déterminées et libres que jamais. Dans le monde actuel, le sport n’est plus quelque chose qu’elles font, il définit ce qu’elles sont. L’époque où l’on devait préciser « féminine » après « athlète » est révolue. On parle d’athlète, point à la ligne. Et en tant qu’acteurs de ce changement culturel, nous célébrons la diversité de ces athlètes, de leurs origines à leur morphologie ».

Parce que le sport n’est pas que l’affaire de brindilles ultra sculptées, Nike a imaginé une ligne de t-shirts, débardeurs, joggings, shorts, vestes de running, sweats et brassières habillant les silhouettes les plus généreuses, du XL au XXXL. Des basiques performants, du gris, du noir, du blanc, des imprimés graphiques et quelques touches de couleurs pop.

La collection est d’ores et déjà disponible en boutique et sur le site.

 

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Au-delà des corps sous toutes leurs formes, Nike veut embrasser les cultures dans toutes leurs expressions. Inspirée par la coureuse de 800m saoudienne Sarah Attar et l’haltérophile émiratie Amna Al Haddad, la marque au swoosh bûche depuis plus d’1 an, main dans la main avec des athlètes du Moyen Orient, sur la conception d’un hijab dédié au sport. Un voile plus léger, respirant, stable et résistant, pour améliorer la performance mais aussi encourager la pratique sportive des femmes à foulard.

 

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Le Nike Pro Hijab devrait être disponible au Printemps 2018, moyennant 35$.

Hier après midi, le quotidien Libération nous conviait dans ses bureaux dans le cadre d’une conférence de presse annonçant la parution du numéro spécial #LaFranceVueParLesRéfugiés ce mardi 7 mars. À l’origine de cette initiative, l’agence Fred&Farid « pilote » le projet. Les intentions sont claires : favoriser l’accueil de ces personnes. Comme en témoigne Farid, le co-fondateur de l’agence : « Nous sommes dans un monde où la perception devient la réalité ».

 

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Puis, toujours à travers la conversation Facetime qui lui permet d’être parmi nous,  l’homme nourrit son argumentaire tout en défendant sa démarche. La parole revient aux quelques journalistes-réfugiés présents autour de la table. Certains sont rompus au jeu du journalisme, d’autres -sans doute impressionnés par la présence des caméras et les regards scrutateurs mais bienveillants des personnes présentes dans la salle- ont plus de mal à s’exprimer. Pourtant, chacun à leur tour, tous affirment qu’ils n’ont reçus aucune aide rédactionnelle de la part des membres de Libération.

 

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« Au début de l’entretien, le président s’attendait à ce qu’on lui parle de nous. Il fut donc étonné de découvrir notre savoir sur la France et son monde politique. » – Roohollah


 

Une poignée de journalistes issus de ce projet ont ainsi pu rencontrer le président François Hollande afin de l’interroger, non pas sur leur condition mais sur les prochaines élections présidentielles. Opération réussie puisque ce dernier a été surpris par leurs connaissances : « Au début de l’entretien, le président s’attendait à ce qu’on lui parle de nous. Il fut donc étonné de découvrir notre savoir sur la France et son monde politique » s’amuse Roohollah, réfugié Iranien.

 

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Car si sur le papier le « coup de com' » semble séduisant c’est bien dans l’esprit des lecteurs que la notion d’égalité doit s’instiller. En effet, il s’agit avant tout de changer le regard et la perception des Français sur les réfugiés. Roohollah va même plus loin : « Sept ans que je vis en France et que je suis entouré d’amis, qui pour la plupart sont très engagés. Parfois lorsque je converse de politique française avec eux, ils ne tiennent pas forcément compte de mes analyses. Je me sens alors sous-estimé ».

 


« C’est une expérience formidable. Quand j’étais en Iran, Libération était une institution. » – Roohollah


 

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« En tout et pour tout, j’ai dû mettre dix jours pour écrire mon papier. Personne ne m’a aidé car ce qui m’intéresse, c’est de communiquer comme un journaliste. Ça c’est le plus dur. » – Youssif (Soudanais)


 

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« Ce projet nous donne un peu de voix. Tout le monde parle de nous, mais nous ne parlons pas. » Anmar Hijazi (Syrienne)


 

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« Pour participer à ce numéro, la seule condition était le professionnalisme…pas la nationalité. » – Ammar Almamoun (Iranien)


 

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La une aujourd’hui :

 

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Proche collaborateur de Bon Iver et Kanye West, Francis and the Lights est le nom du projet d’un seul homme : Francis Farewell Starlite. Les lumières quant à elles, l’accompagnent sur scène pour animer les titres pop de l’album « Farewell, Starlite ».

Un spectacle auquel vous pourrez assister lors de sa venue à Paris le 10 mars au Pop-Up du Label !

 

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Passée la barre des 300,000 vues, le réalisateur Nathanael Munnich (Daylight Productions) choisi YARD pour dévoiler les coulisses du tournage de la vidéo du titre « Blesssure d’amour » de Take A Mic

 

On a essayé de mettre en image une histoire d’amour, avec tout ce que ça implique : des moments de grand bonheur, un désir de fuite, des déchirements, une incapacité à oublier l’autre et une rupture fatale etc …
Le son est assez parlant, on a été fidèle au texte de Take qui raconte déjà beaucoup.

Le tournage c’était vraiment très cool, on avait une bonne équipe.
L’expérience avec Take était super bonne, il est étonnement facile et souple, il fait confiance et c’est très rare; de plus il n’est pas capricieux du tout, il ne se plaint pas.
On sent qu’il a envie et ça motive vraiment tout le monde.

Je me rappelle qu’il faisait vraiment -50 degrés ce jour-là, c’était super dur pour Take et Maëva (l’actrice) parce que les trois quarts des scènes étaient en extérieur. Ils gelaient vraiment et pourtant ils gardaient une énergie incroyable.
Il y’avait quelques scènes de conflit entre Take et Maëva et Take avait un peu de mal au début à s’énerver contre elle, alors qu’on lui demandait de se mettre vraiment dans un « pseudo jeu d’acteur », il s’en est super bien sorti alors qu’il n’avait absolument pas l’habitude de faire ce genre d’exercice. On àaremarqué qu’il avait beaucoup plus de facilité avec les scènes de complicité et « d’amour » (on le comprend quand on voit Maëva ahahah).

La dernière scène du clip quand Maëva est torse nu, c’était un vrai clavaire, on voulait absolument une route déserte et on s’est dit que ce serait assez rapide parce qu’il n’y avait presque pas eu un seul passage sur la route de la journée.
Mais quand on a commencé à tourner la séquence, on sait pas trop pourquoi mais plein de voitures se sont mis à apparaitre et vraiment précisément quand on commençait à filmer.
C’était dur, on a du le refaire plein de fois, à chaque fois Camille notre dir. de prod se jetait sur Maeva qui craquait, avec un long manteau pour la protéger du froid.

 

Pour l’occasion, on vous réserve également une surprise. Take A Mic dévoile son merch disponible sur le site www.takeamic.fr

YARD vous fait gagner quelques t-shirts. Pour jouer, envoyez vos noms et prénoms par mail à contact@oneyard.com en indiquant votre taille (L ou M), avec en objet : Merch Take A Mic.

 

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Cela fait bientôt deux ans maintenant que l’album « To Pimp A Butterfly » est sorti. Et en deux ans, la situation sociale et politique des Etats-Unis a grandement évolué. L’occasion peut-être pour Kendrick de s’exprimer à nouveau en musique.

Pour le T Magazine, le journaliste Wyatt Mason le rencontre pour reparler de ses précédents projets et du suivant…

 

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«Honnêtement», m’a dit Kendrick peu après le nouvel an, «je pensais que seuls les membres de ma communauté le comprendraient.»

 

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To Pimp A Butterfly
«J’ai pensé à mes petites frères. L’un deux, est plus grand que moi, il a 22 ans. L’autre, vient d’en avoir 11. La famille. » Lamar prend une pause et poursuit. « Je pense aujourd’hui, vu comme les choses se sont dégradées au cours des derniers mois, mon attention se porte sur un retour vers ma communauté et vers les autres communautés autour du monde où on prépare le terrain. « To Pimp a Butterly » adressait ce problème. Je suis aujourd’hui dans un endroit où je ne parle plus du problème » poursuit-il,  « On est dans une époque où on omet un élément majeur de ce tout ce truc qu’on appelle la vie : Dieu. Personne n’en parle parce que c’est presque en contradiction avec ce qu’il se passe dans le monde quand on parle des politiques et du gouvernement et du système.

 

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Son prochain album 
Je me demande si le nouvel album abordera directement ce conflit.
« C’est très urgent » répond Lamar
Je lui demande comment sonnerait l’urgence. Une session Pro Tools est ouverte sur la console du studio quand j’entre, un travail en courts que je n’écouterais pas. Les blocs colorés façon Jenga sur l’écran représentent les éléments de la chanson, une gamme qu’on souhaiterais pourvoir lire, comme un livre. Lamar s’assoit un temps en silence. Des sons étouffés venant du studio adjacent s’élèvent et tombent en arrière plan.
« Tu as des enfants » demande-t-il
Je lui dis que j’ai une fille, de sept mois.
« C’est ce que j’ai à l’esprit en tant qu’auteur. Un jour, peut-être que j’aurais une petite filles. Et c’est spécifiquement une fille – c’est drôle que tu dises ça. Elle grandira. Elle sera une enfant que j’adore, je l’aimerais toujours, mais elle atteindra un point où elle commencera à exprimenter des choses. Et elle dira des choses, et elle fera des choses que vous pourriez ne pas pouvoir pardonner, mais c’est la réalité et vous savez qu’elle finira par atteindre ce stade. Et c’est perturbant. Mais vous devez l’accepter. Vous devez l’accepter et vous devez trouver vos propres solutions pour savoir comment gérer ces action et comment réagir. »
« Quand je dis « petite fille », c’est l’analogie du fait d’accepter le moment où elle grandit. On aime les femmes, on apprécie leur compagnie. A un moment, j’aurais peut-être une fille qui grandira et qui me parlera de sa relation avec une figure masculine – des choses que la plupart des homme ne veulent pas entendre. Apprendre à l’accepter, et ne pas s’en cacher, c’est la sensation que je veux qu’ai cet album. »

 

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Découvrez l’interview dans son intégralité sur le site du T Magazine du New York Times 

Après les sorties respectives de Syd, Steve Lacy et Matt Martians, The Internet tient toujours et sera de retour à Paris pour une nouvelle date de concert. Le rendez-vous est une nouvelle fois pris au Trabendo, le soir du 4 avril. Les places partent vite, alors soyez vif !

 

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La dernière fois qu’on a croisé Rihanna, c’était pendant les Grammy’s. Avec seulement quelques nominations pour l’album Anti, l’artiste faisait acte de présence en Armani, sirotant au goulot d’une flasque ornée de diamant.

Mais l’auto-proclamée Badgal, ne l’est peut-être pas tant que ça, puisqu’après Aung San Suu Kyi, Malala Youssefzai, Tommy Hilfiger, Desmond Tutu ou encore Sharon Stone, c’est elle que la fondation d’Harvard pour les relations interculturelles et raciales, a choisi d’honorer du titre d' »humanitaire » (sic) de l’année.

 

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Mais pourquoi ? En 2012, elle fonde la fondation Clara Lionel en hommage à ses grand-parents. L’objectif étant de favoriser l’accès à l’éducation et à la santé dans le monde. Associé au Global Partnership for Education, dont elle devient ambassadrice, elle réussi à mettre en place dès mai 2016, une bourse d’études allant jusqu’à 50 000$ pour les jeunes de la Barbade, de Cuba, d’Haïti, de la Guyane, de la Jamaïque et du Brésil, souhaitant étudier au Etats-Unis.

Depuis la barbadienne n’a eu de cesse d’user de sa notoriété et du pouvoir de conviction de sa navy pour servir cette cause. Depuis 2014, elle organise chaque année le Diamond Ball pour lever des fonds pour son association. En 2016, elle interpelle sur twitter, le président François Hollande et le premier ministre canadien Justin Trudeau sur des questions d’éducation et invite ses fans à faire de même. Il y a quelques mois, son Insta la localisait au Malawi, dans une école que sa fondation a aidé à financer.

 

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Dernière action en date : un partenariat avec Dior dont elle est l’égérie. Tous les bénéfices générés par les ventes du t-shirt « We Should All Be Feminist » pour reprendre les mots de Chimamanda Ngozi, seront reversé à sa fondation.

 

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Pour Rihanna : Bottoms Up !

 

« La banlieue influence Paname, Paname influence le monde » aurait pu être un syllogisme parfait (on a la prémisse majeure et la prémisse mineure, il ne manque plus que la conclusion « La banlieue influence le monde ») et c’est donc autour de cette phrase qui interpelle qu’une belle brochette de rappeurs s’est réuni autour de Médine.

Vous pouvez d’ailleurs retrouver ce titre dans son nouvel album « Prose Élite » sorti le 24 février dernier.

 

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Photos : © Antoine Duchamp

 

Pour célébrer cette ode aux quartiers et aux banlieues nous avons demandé à Mallory Meignant, réalisateur du clip de nous raconter son interprétation et ses motivations. En prime, quelques mots de Médine qui nous explique la genèse de ce morceau.

 


« L’unité est vraiment le sentiment que j’ai cherché à instaurer pour que ces 8 minutes restent classiques, car il est rare dans le rap de retrouver ce genre de fusion » – Mallory Meignant


 

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Mallory Meignant : « Quand Julien Thollard m’a proposé de réaliser ce clip, j’ai directement été emballé par le projet : « la banlieue influence Paname, Paname influence le monde. » C’est ce qui a déclenché mon envie de filmer la banlieue et Paris de façon neutre pour que chaque rappeur impose sa propre identité. C’était un vrai plaisir car tous se sont prêtés au jeu avec beaucoup d’entrain. L’unité est vraiment le sentiment que j’ai cherché à instaurer pour que ces 8 minutes restent classiques, car il est rare dans le rap de retrouver ce genre de fusion. Du coup, avec mon acolyte Élie Delpit (Directeur Photo et co-fondateur d’Osmose films), on a commencé à charbonner. Avec l’aide de l’équipe de Din Records, on a réussi à tous les réunir au studio, ce qui n’était pas chose simple vu leurs emplois du temps. Nous avons dû nous adapter à chacun et c’est devenu finalement la base du concept lors du tournage : saisir à la fois du off stylisé retro et les prises playback façon street clip ! »

 


« Le but, c’était de réunir des rappeurs avec des styles différents, montrer une unité sur 8 minutes avec des générations différentes » – Médine


 

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Médine : « On était à La Rochelle en séance avec Sals’a, on voulait un titre plus banger avec une prod qui appelle au rassemblement. Proof nous a envoyé cette prod dans la foulée. L’idée du thème « Grand Paris », c’était de mettre en avant le rôle de la banlieue, son influence, on est allés jusqu’au bout du délire que ce soit dans le clip, dans la gimmick ou même en designant un maillot spéficique. En septembre, on s’est tous retrouvés au studio Bomayé Musik pour enregistrer sur 3 jours les couplets de chacun. 24H sur 24H. Le but, c’était de réunir des rappeurs avec des styles différents, montrer une unité sur 8 minutes avec des générations différentes. On avait déjà fait un morceau dans le même genre en 2011 avec Téléphone Arabe. Cette fois-ci, on a réussi à mettre le tout en images. C’est une fierté d’avoir Lartiste, Lino, Sofiane, Alivor, Seth Gueko, Youssoupha, Ninho, sur un même morceau. »

 

Il y a des évènements qu’il semble impossible de manquer tant la symbolique y est importante. Ainsi, regrouper la plupart des noms ayant fait briller de mille feux une culture n’est finalement que rendre justice à un mouvement qui aujourd’hui oscille entre pop et rap. N’y voyez là ni pique ni amertume, encore moins de la condescendance car ces artistes – qui monteront très prochainement (à partir du 3/03) sur scène pour défendre l’art qui « jadis » les a portés aux nues – ont fait face à nos journalistes en leur répondant avec un pragmatisme et une humilité sincère mais surtout, avec une nostalgie assumée.

Par soucis d’équité de temps et histoire de mettre les pieds directement dans le plat, nous avons décidé de ne poser que 3 questions à chacun des artistes présents lors de cette journée promo. 3 questions donc, pour une multitude de réponses.

Photos : @mamadoulele

 

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« Vous voyez, le fait d’appeler cette période de cette manière te donne tout de suite la couleur du truc. » – Kertra


 

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C’était comment  l’âge d’or du Rap français ?

 

Busta Flex : « L’âge d’or du Rap pour moi c’était fabuleux, magnifique. Cette période était enrichissante, donc on va dire que c’était à refaire. »

Zoxea : « C’était une époque où on était jeunes et il y avait pas mal de choses à construire. On s’amusait et on découvrait en même temps. On parle d’âge d’or parce que tout ce qu’on entreprenait brillait, parce que c’était tout simplement nouveau. »

G Kill : « L’âge d’or du Rap…à cette époque le hip hop était un microcosme, on se retrouvait entre nous, on était pas beaucoup. On se déplaçait partout où il y avait un évènement : un clip qui se tourne, un album qui s’enregistre, une radio… On était partout. »

Stomy Bugsy : « Ce sont des artistes qui ont marqué leur temps, ils ont marqué cette musique à une époque où ces artisans là le faisaient pour une simple raison : ils aimaient cette musique. Pas pour l’appât du gain, juste pour l’amour de la musique. »

K-Reen : « C’était une période de grande créativité avec beaucoup de groupes et beaucoup de fraternité. Bien sûr, il y avait des gens qui ne s’aimaient pas mais on était quand même une grande famille et c’était celle du hip hop. C’était une passion qui nous unissait et c’était beau. Aujourd’hui on ne retrouve plus cela sous cette forme, alors être réunis pour cette tournée, fait renaître ce sentiment qu’on avait à l’époque et ça fait du bien. »

Kertra : « La véritable période de l’âge d’or…écoute, c’était différent car on parle d’une autre période avec un autre état d’esprit. Vous voyez, le fait d’appeler cette période de cette manière te donne tout de suite la couleur du truc. L’or brille, dans le sens où quand tu balançais ce que t’avais à balancer, c’était reçu de la façon dont ça devait être reçu. »

D.O.C : « L’âge d’or du Rap c’était comment ? Notre âge d’or alors, parce que c’est très subjectif comme question…C’était magnifique, il y avait énormément de morceaux à thème, d’albums à thème. On avait l’impression que la qualité était privilégié à la quantité, c’était des années inoubliables. Aujourd’hui encore, on détient des albums d’artistes présents sur cette tournée. »

Ill : « C’est une époque où le rap français a été révolutionné, notamment par une technique et cette façon de manier les mots et d’agrandir le lexique français et international.
De 1995 à 1998, les gens qui n’étaient pas connus appelaient à la radio et arrivaient à t’ambiancer avec leur vies. Ils ne faisaient pas forcément parti d’un groupe mais ils prenaient le micro à la radio et ils arrivaient à t’ambiancer. Il y avait plus de générosité et de partage, c’était plus artistique car la personne voulait communiquer. »

Matt Houston : « Mon 1er stage c’était au shop hip hop « Ticaret » vers Stalingrad, le marché Malik à Porte de Clignancourt. C’est là que je suis tombé dedans on va dire, ensuite tout s’enchaine. À cette époque je rappais un peu ! Mais j’ai pas perduré parce que il y avait des MC’s vachement plus forts que moi, donc je me suis mis à faire le loveur. »

Le T.I.N : « Je pense que c’est une période qui est apparue juste après les fourmillements qu’il y avait eu dans le hip hop en France. Pour nous c’était la quintessence de cette culture car on avait enfin une ouverture pour être les portes paroles d’une jeunesse qui avait absolument besoin d’être représentée et qui ne l’était pas.
On a pu voir des gens qui avait une vraie plume et qui faisaient moins de punchlines. Ces rappeurs allaient plus dans le fond des choses et ils représentaient vraiment les émeutes qu’il y a pu avoir en 1992 et en 1995.
Le hip hop ça permettait aux gens qui avaient un vrai talent artistique, qui n’avaient ni accès aux écoles d’art ni à d’autres institutions, de pouvoir faire quelque chose et de montrer qu’ils en avaient dans le ventre. »

 

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« Je dirai 1995, l’année de notre 1er disque…parce que sortir un disque à l’époque c’était le Graal. » – Dany Dan


 

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Durant cette période, quelle année vous a le plus marqué ?

 

Ménélik : « Pour moi, je dirai que c’est 1997 car il y a eu beaucoup de sorties. Sur un plan personnel, c’était l’année de mon single « Bye Bye » qui a été un tube. »

G-Kill : « 17 juin 1996. Sorti de l’album « 3 fois plus efficace » de 2 Bal 2 Neg, notre 1er album. On va dire que cela a été notre entrée dans le game. »

Dany Dan : « Je dirai 1995, l’année de notre 1er disque…parce que sortir un disque à l’époque c’était le Graal. Un disque à la FNAC, partout ! Voilà mon année. Avant et après c’était mortel mais 1995 c’était autre chose. »

Hifi : « 96/97 pour la FNAC des Ternes et « Retour aux Pyramides ». Un morceau qu’on a fait très rapidement. Il y a eu notre 1er album « Jeunes, coupables et libres » en 1998, mais c’est difficile de ne donner qu’une date parce qu’il y a eu plein d’évènements importants. »

Matt Houston : « C’était que de l’amour à cette époque. Je fais de la musique depuis que je suis tout petit, j’ai commencé à 10 ans, j’ai testé plusieurs instruments. J’ai toujours voulu rallier le côté doux et le côté urbain de la musique. Pfff…comme G-Kill, l’année 96-97 a été importante. »

Le T.I.N : « Impossible de ne donner qu’une seule date, deux à la limite…
83/84 quand on a reçu l’onde de choc du hip hop qui existait depuis pas mal d’années aux USA. Avant ça, ici il y avait de la funk, du disco, du zouk [rires, ndlr] et d’un seul coup il y a eu le hip hop. Et nous, ça nous a permis de définir notre vie…c’est un mode de vie le hip hop.
Ensuite je dirais 1993 car c’est l’année de notre rencontre avec Rudlion, Don Laskar et Francky de Ghetto Youth Progress. Donc Rudlion qui était un Requin Vicieux, c’était déjà une légende avant de se lancer dans la production et il a fait ce qu’Expression Direkt est. Aujourd’hui, il n’est plus de ce monde. Avec lui on a monté une aventure dingue qui mériterait un film de 3 ou 4 volets. »

Melopheelo : « 1995 pour notre premier album, ce qui nous a mis le pied à l’étrier. On avait rien projeté en fait, on faisait notre musique à Boulogne, on faisait nos concerts et on était connus dans notre ville. L’album a été la consécration. »

Delta : « Beaucoup d’années m’ont marquées mais je choisirai 1990 parce qu’un jour de cette année là on s’est enfermé dans une salle et on a écrit notre premier morceau et je crois que c’était « Mon esprit par en couilles »…non, c’était « La Haine engendre la haine ». C’est un morceau qu’on a écrit, enfermés tous les quatre dans une salle de MJC qu’on avait ouverte…de nuit [rires] ! Donc oui, premier titre phare qu’on a écrit ensemble. Et 1995, parce qu’il y a eu la sortie de notre premier EP « Mon esprit part en couilles »…non pas le début du groupe mais plutôt celui de l’aventure. »

K-Reen : « Pour moi l’année la plus marquante aura été 1998 car ça coïncide avec la sortie de mon 1er album R&B « K-Reen ». C’est un album que j’attendais depuis tellement longtemps…sa sortie a été une consécration. Après il s’est passé plein de choses, il y a eu beaucoup de scènes et de joie. »

 

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« Moi je suis un optimiste, donc je savais qu’à un moment ou un autre, notre passion allait dépasser les époques. » – G-Kill


 

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À l’époque, auriez vous imaginé de jouer 20 ans plus tard pour un évènement comme L’âge d’Or du rap français dans une salle aussi mythique ?

 

Melopheelo : « Non car à l’époque, chaque groupe avait son secteur. Effectivement il y avait des festivals et parfois on croisait quelques groupes mais personnellement, jamais je ne m’étais dit qu’on finirait tous par faire un Bercy. Je me l’étais peut-être imaginé mais je ne m’étais pas projeté. »

Nuttea : « Ouais ! Tout simplement parce qu’on y croyait. On croyait en notre musique et on savait qu’elle prendrait cette ampleur-là. »

D.O.C : « À l’époque je n’imaginais pas que des années plus tard on puisse faire une aussi grande salle mais maintenant, je suis vraiment agréablement surpris de faire l’Accor Hotel Arena. »

Zoxea : « Non. En fait à cette époque-là, pour être honnête avec toi, le Graal c’était de sortir un disque. Pouvoir faire des tournées et exporter notre musique partout en province mais aussi en Europe. La Suisse, la Belgique, etc.
Si tu veux, l’idée de faire une réunion avec des artistes confirmés, elle est venue il y a 10 ans. Entre 7 et 10 ans. Le hip hop et le rap étaient arrivés à une certaine maturité, les groupes avaient fait leur chemins et je pense qu’au même titre que les stars de la variété ou des années 80, le rap français a aussi ses « stars ». On s’est dit que ça serait bien qu’on se retrouve sur une scène. »

K-Reen : « À cette époque on ne savait pas qu’on marquerait notre temps de cette façon-là. Il y a dix ans on entendait déjà les gens parler de ça. Mais le dire c’est une chose, le faire en est une autre. Beaucoup y ont pensé mais certains ont dû avoir peur du mot « urbain » et de nous voir nous retrouver sur une même scène. Au final il n’y que Mazava et Valou [organisatrice de la tournée] qui ont pu concrétiser cette idée car c’est leur vies, leur tripes. »

Stomy Bugsy : « On l’a tous imaginé secrètement. Avoir tous ces artistes sur scène c’était quelque chose de réalisable mais c’était un projet très lourd à porter et je pense que Valou était la seule personne capable de monter ça. Valou n’est pas une imposture, elle a toujours baigné dans cette musique. C’est une passionnée qui aime follement le hip hop. Donc quand elle t’appelle, tu y vas car tu connais son background. »

Ill : « À l’époque non, mais ce n’était pas un truc impossible. En même temps c’est normal que si à l’époque cette période n’a pas été mise en avant, on le fasse aujourd’hui. Surtout avec la génération qui nous a précédé, qui elle n’a pas eu la moindre mise en avant. »

Dany Dan : « Pas du tout. Je n’ai pas calculé, je ne cherchais pas ça ! J’essayais juste de faire la meilleure musique possible, sans me poser toute sorte de questions. Je fais aussi du graffiti, et c’est pareil, il suffit de faire le meilleur dessin. Je n’ai jamais été exposé quelque part mais j’essayais quand même de faire le meilleur dessin possible. »

Delta : « Vu la puissance du groupe, ouais [rires]! Non, on imaginait des grandes salles et des grosses scènes bien sûr, mais je crois que la plus grande que nous ayons fait c’était à Montpellier en plein air. Un festival de 30 000 personnes, un gros truc. Donc oui, Bercy c’était imaginable. Par contre vingt ans plus tard je ne me voyais plus faire de rap, je pensais que ma carrière serait courte. Elle a été plutôt sympathique même et je vous avouerai que faire cette tournée c’est un bonus. De toute façon je m’étais dit que si je revenais c’était pour faire des gros trucs et là c’est le cas, donc c’est plutôt sympa. »

Ménélik : « En 97 on avait pas cette mentalité-là. Nous étions très individualistes, mais c’était pas forcément égoïste : nous sortions tout simplement nos propres trucs et on essayait quelque chose.
Nous ne pensions pas à nous fédérer pour aller beaucoup plus loin, chose qu’on aurait dû faire. Aujourd’hui on a la chance d’avoir Valou qui a pu nous rassembler et monter cet évènement qui est quelque part…unique. Pourquoi ? Parce que c’est la 1ère fois que tous les rappeurs de cette époque vont se réunir et faire quelque chose d’exceptionnel. Franchement, c’est quelque chose que tout le monde a dû rêver et imaginer faire mais ce n’est jamais arrivé à cause de nos égos. »

 

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Pour ceux et celles qui souhaitent assister à la tournée, sachez que celle ci débute ce vendredi 3 mars au Zénith D’auvergne et s’achèvera le 12 mai prochain au Geneva Arena en Suisse. Quant aux parisiens, rassurez vous puisque la tournée prendra ses quartiers le 27 mars à l’Accorhotels Arena (Popb Bercy).

Enfin, puisqu’une nouvelle n’arrive jamais seule : une compilation double album « l’Age d’Or du Rap Français » (Warner/Mazava Corp) sera disponible dès ce vendredi 3 mars.

 

 

De tous les talents émergents en ce moment au Canada, Night Lovell a.k.a Shemar Paul de son vrai nom, incarne sans conteste son côté le plus sombre. Originaire du quartier Est d’Ottawa, vous avez surement déjà dû le croiser sur Soundcloud en 2014, après la sortie de son premier EP « I’ll Be Back » ou sur son projet « Concept Vague ».

Depuis le rappeur a fait ses armes autour du monde, et revient à Paris pour défendre son dernier projet sorti en 2016, « Red Teenage Melody ».  Le rendez-vous est pris le 8 mars au New Morning !

 

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De plateau en concert, en passant par les sessions acoustiques, le groupe Electric Guest a enchaîné la promo avant d’arriver jusqu’à notre équipe le jour même de la sortie de leur album « Plural ».  Face à nous, le duo apporte avec leur bassiste, les dernières touches à leur cover du titre « I Like It » de DeBarge. Asa Taccone, le chanteur, tourbillonnant habité et le guitariste Matthew Compton, plus calme, semble surtout un petit peu plus fatigué.

Photos : @samirlebabtou

 

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« Assez naturellement, on est sorti de cette obscurité et de ce tourment, on a trouvé la lumière et « Plural » en est sorti. » – Asa


 

Mais l’effort est justifié. Il faut dire qu’il s’est écoulé déjà cinq ans depuis la sortie de l’EP « This Head I Hold » et de leur premier album « Mondo ». Face à nous Matthew se rassure, ironique « Ça ne nous inquiétait pas que les gens nous oublient ». Même s’il est vrai que le retour à la scène leur demande de nouveaux efforts : « On a tout reconstruit depuis la dernière fois où on est parti en tournée ». Mais cinq années, c’est ce qu’il fallait au duo pour arriver au bout d’un processus qui s’amorçait dans l’obscurité, sur les bases du premier jet d’un projet qui ne verra jamais le jour. « Il était sombre, totalement dépressif […] On a écrit un premier album, qu’on a joué à des amis, Danger Mouse et d’autres, qui nous ont dit « Vous devriez peut-être en écrire plus et voir ce qui peut en sortir ». Et ça nous a poussé à sortir un peu de notre élément. ». « On a continué d’écrire, se rappelle Asa, et avec un peu de chance, assez naturellement, on est sorti de cette obscurité et de ce tourment, on a trouvé la lumière et « Plural » en est sorti. Quelque chose de plus optimiste. », « C’était sympa. Mais oui, c’était plus long. », conclu Matthew.

 

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« L.A est en fait un endroit où on peut être facilement isolé. […] Les gens ont l’espace pour faire leurs propres trucs et ne pas être dérangés. » – Matthew


 

Après une tournée autour du monde, c’est encore à Los Angeles qu’ils choisissent de concevoir l’opus. Un endroit familier emprunt d’un je-ne-sais-quoi qui se ressent inévitablement dans leur musique, quelque chose de caractéristique à cette ville.  « Je ne sais pas comment le décrire, nous confie Asa, mais tu peux le sentir ». Pour Matthew L.A. se démarque par son espace et la liberté qu’elle accorde : « Los Angeles est en fait un endroit où on peut être facilement isolé. Je pense que beaucoup de gens l’imaginent comme une ville faite pour faire la fête, traîner et jouer au volley sur la plage. Mais en fait, les gens ont l’espace pour faire leurs propres trucs et ne pas être dérangés». Le résultat, 11 titres efficaces, triés sur le volet et emballés dans une pochette qui figure totalement le titre de cet album. « Plural [plusieurs, ndlr] dans le sens de dualité », explique Asa. « C’est toutes les personnalités qu’on peut avoir et celles qu’on a choisi de montrer au reste du monde et le tourment qui peut parfois exister entre les deux. J’essaie de les combiner pour qu’ils ne fassent qu’un et pour ne plus être dans cette dualité. Je pense que c’est le message de cet album et d’essayer de ne plus être dans la pluralité et de ne faire plus qu’un » rajoute-t-il.

 

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« On a perdu des fans parce qu’on a posté des messages anti-Trump. » – Matthew


 

Effectivement plus optimiste, Plural a ce quelque chose de lumineux, mais légèrement doux-amer, mélancolique si on s’y perd. Un contraste qui retranscrit l’état du duo quelques temps après l’élection de Donald Trump. « On a fini l’album avant que Donald Trump ne devienne président. Au début, on se disait :  » Merde, on a totalement pas capté le sentiment général ». Au départ, je me demandais qui aurait la tête à écouter ces chansons joyeuses. Mais je pense que les gens en ont besoin ». Il faut dire que l’élection de Trump aura eu le mérite de mobiliser et de relier ses détracteurs contre lui et pour défendre des causes qui semblaient autre fois acquises. Et dans ces différentes luttes, quelle place tiennent encore les artistes ?  « Je pense qu’ils peuvent jouer différents rôles. Mettre le projecteur là-dessus, ce que pas mal de gens font. Ou être un échappatoire, donner quelque chose de positif sur lequel se concentrer. » Entre ceux qui se contentent de nostalgique adieux à Obama et ceux qui décident de prendre position, Electric Guest a choisi son camps. Asa explique : « C’est beaucoup trop important aujourd’hui, on ne peut pas rester silencieux ». « On a perdu des fans parce qu’on a posté des messages anti-Trump », rappelle Matthew. « Et on leur dis « Bye ». « C’est intéressant » conclut Asa.

 

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Cette année, Kery James a revêtu plusieurs costumes. Celui de Mouhammad Alix pour son dernier album et Soulaymaan sur les planches dans la pièces « A Vif ».
Dans chacun de ces costumes, toujours le même engagement et toujours la même volonté de délivrer un message. Entre la scène et le studio, en croisant on a suivi l’artiste pour tenter de saisir toutes les facettes de son talent.

Le talent n’attends pas le nombre des années et le temps ne semble pas l’affecter. C’est en tout cas ce qu’on prouvé Joe et Ashanti le 22 février sur la scène de l’Olympia.

Un évènement capturé par le photographe Samir Bouadla

 

Photos : @samirlebabtou

Le Wireless Festival, l’un des festivals référence made in UK revient comme chaque été sur la pelouse du Finsbury Park, avec comme à son habitude, un line-up définitivement orienté hip hop avec ce qu’il se fait de mieux en têtes d’affiches : Chance The Rapper, The Weeknd, ou encore l’icône grime Skepta qui fait son retour à Finsbury Park. En « side guests », pas de seconds couteaux avec la présence de la légende Nas, des « jeunes pousses » Bryson Tiller, Young Thug, Post Malone, Tory Lanez comme des vieux briscards comme Sean Paul. Un casting quasi complet, visible ci-dessous, plus que suffisant pour passer un excellent week-end en juillet dans la capitale anglaise.

 

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C’était il y a plus d’un an. The Blaze, duo énigmatique mais oh combien talentueux lâche leur tout premier titre « Virile », accompagné d’un visuel tout aussi intriguant. Le label Bromance n’étant plus, le binôme réapparait aujourd’hui sous la bannière Animal 63.

Leur EP « Territory » composé de 6 titres sortira le 7 avril prochain.

 

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Pour fêter le retour de The Blaze, nous avons demandé au groupe de nous expliquer ce qui se cache derrière « Territory », clip réalisé avec Iconoclast.

 


Pour Territory on s’est dit qu’on a tous un « bled » à nous, un endroit, proche ou lointain, ou l’on retourne se ressourcer.


 

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Photos : © Benjamin Loyseau

 

The Blaze : « Dans chacun de nos clips on dresse le portrait de personnages plein d’énergie, d’amour et de vitalité, c’est notre représentation de la jeunesse.
Pour Territory on s’est dit qu’on a tous un « bled » à nous, un endroit, proche ou lointain, ou l’on retourne se ressourcer.
Dans cet endroit à la fois familier et inconnu, on a souvent besoin d’un temps d’adaptation, on peut même ressentir le besoin de marquer son territoire, pour enfin réussir à s’épanouir pleinement. »

 

 

Après un passage remarqué à Le Pop-Up du Label à l’automne, Allan Rayman, revient à Paris, pour présenter son 2ème album « Roadhouse1 » dont la sortie est prévue pour le 24 février.
Connu pour les titres « The Bird » et « All at Once » qui l’ont révélé au près du grand public, il nous livre avec « Repeat », son nouveau single, un premier extrait puissant , qui ne laisse présager que du bon pour ce nouvel opus.
Naviguant entre le jazz et la soul, ses deux principales influences, son timbre de voix digne des plus grands crooners, ne vous laissera pas indifférent.

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Tente de gagner deux places en remplissant le questionnaire suivant. Bonne chance !

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La marque La Draft fête sa création de la plus belle des manières avec à sa tête, 3 amis d’enfance : AB, Oussman et Smith. Ils expliquent notamment la naissance de leur marque par une envie de « donner une seconde vie aux vêtements » en les recyclant et en les modifiant. Si a première vue l’idée semble simple (qui a dit que faire simple était facile ?), le rendu lui est très bluffant.

 

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L’idée de notre projet s’articule sur le pouvoir de donner une seconde vie à notre garde robe.


 

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Des vêtements dit passés de mode. Pourquoi ne pas les retoucher, et ainsi leur offrir une seconde vie.


 

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L’envie de créer une pièce unique devient le concept de La Draft.


 

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Paris et ses friperies nous offre non seulement de la matière première à portée de main, mais surtout un terrain de jeu sans commune mesure pour notre boulimie créatrice.


 

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Photos : @saaamuuus

 

C’est dans le studio Sunset Sounds à Los Angeles que Charlotte OC a enregistré pendant deux ans son album. Localisation ironique quand on sait que ce projet prend ses racines dans les tréfonds obscures et mystiques de sa ville natale : Blackburn en Angleterre. « Cette ville m’a inspirée enfant, nous dit-elle, et elle m’a inspirée sur cet album, parce qu’elle est imprégnée dans ma nature. J’ai conservé cette atmosphère d’un autre monde, emprunte de sorcellerie. »  C’est aussi dès l’enfance que naît aussi son amour pour la musique. Un déclic enclenché par la découverte de « Bohemian Rhapsody » de Queen au détour du film Wayne’s World. Un titre qui la frappera malgré les entrelacements de dialogues et de gags comiques et grotesques qui brisent les montagnes russes du chef d’oeuvre de Freddie Mercury.

À 16 ans, Charlotte débute sur MySpace et signe rapidement en major, préparant un album prévu pour ses 18 ans. Mais exigeante et lucide, elle préfère ne jamais le sortir. Quelque chose lui manque : l’expérience, de la vie, de l’amour, du deuil… « Je pense qu’il fallait que je grandisse, que je découvre des choses sur moi-même, que je trouve ce qui m’intéressait et ce qui ne m’intéressait pas. » Le 31 mars, elle sortira son premier album. Enfin prête à dévoiler sa musique sombre et envoûtante, c’est à l’hôtel Grand Amour qu’on la rejoint pour découvrir les expériences qui on permis la réalisation de « Careless People ».

Photos : @SamirLeBabtou

 

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Charlotte OC est la version la plus amplifiée de moi-même. Je ne me cache derrière rien quand je me produis ou quand je fais une musique qui est vraiment effrayante.


 

 

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J’ai choisi le titre Careless People à un moment où j’étais indifférente, surement des moments où j’aurais du me soucier moins de certaines choses, là où j’ai réalisé que certaines personnes ne faisaient pas attention à moi.  Ça m’a rendue plus forte. Je pense que le moment où on réalise qu’une personne est indifférente est un moment qui nous fait grandir et où on peut se dire « Non, ce n’est pas pour moi. »


 

 


Mes inspirations ? Les choses proches de moi. Ma famille et ce qu’on a traversée ensemble. Et je suis tombée amoureuse pour la première fois, et ça a influencé ce disque. Mais c’est tellement cliché, car toutes les chansons parlent d’amour et blablabla. Mais quand on tombe amoureux pour la première fois c’est assez incroyable, c’est très profond et je n’avais jamais vécu quelque chose d’équivalent. 


 

 

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Mon pire cauchemar ? Mon dieu ! J’ai rêvé que j’avais le cancer et qu’il ne me restait que trois semaines à vivre. Et ça ne dérangeait personne… J’essayais de dire à mon petit ami que je l’aimais et que je n’allais plus le voir parce que j’allais mourir, et je n’arrivais pas à atteindre sa chambre. Et j’essayais de dire à mon ex que j’étais désolée de lui brisé le coeur et il réagissait comme un con avec moi. Après le rêve, j’ai pris un Uber et le gars qui m’a récupéré étudiait comment vaincre le cancer. Ça bouclait la boucle et c’était assez bizarre.


 

 

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Avec ma musique, je veux transmettre quelque chose de brut. Je veux que les gens voient à quoi ressemble une femme qui ressent vraiment des choses. Je ne pense pas qu’on le voit assez. Internet a apporté tellement de vacuité.


 

« Careless People » de Charlotte OC, disponible dès le 31 mars.

Pour tous les fans de RnB, les rendez-vous est donné le 22 février pour un concert de Joe et d’Ashanti qui annonce aussi quelques surprises…

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Red Bull Music Academy a remis les couverts avec la saison 2 de HASHTAGS. Et parmi les 4 mini documentaires sortis aujourd’hui, notre attention se porte particulièrement sur celui consacré au style musical Grime.

 

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La réalisatrice Jenn Nkri nous immerge dans un univers mêlant passion, authenticité et énergie à travers plusieurs villes dont Londres bien évidemment mais aussi Amsterdam, New York ou Los Angeles. Signe que ce courant musical né au début des années 2000 se propage et fai des adeptes dans le monde entier.

 

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Au final, ce mini documentaire conviendra aux non-initiés mais aussi aux oreilles les plus averties :

 

 

L’intégralité de la série est disponible ICI

Ce qui est sûr, c’est que VALD ne laisse personne indifférent. Il suffit de se pencher quelques instants sur sa discographie et ses clips pour découvrir un univers riche et excessif tout bonnement parce que c’est ce qui anime l’individu. Techniquement, l’artiste n’a rien à envier à la verve des meilleures plumes hexagonales, psychologiquement, son cas interpellerait plus d’un médecin. Mais voilà, il y a quelque chose de passionnant dans son œuvre, une certaine désinvolture rafraîchissante mêlée à une compréhension totale de son sujet. Enfin. Car VALD aura tâtonné un petit moment avant de détenir la bonne formule, celle qui peut l’ériger au rang d’artiste de génie. Quelques semaines après la sortie de son très bon 1er album « Agartha », c’est dans nos bureaux que nous avons entrepris de ne nous entretenir avec ce rappeur hors normes, qui, si nous avions décidé par je ne sais quelle idée farfelue de jouer au Scrabble, m’aurait battu à plate couture.

Photos : @RickRence


Il faut que ce soit tranchant. Mais au final je reviens sur tes premiers mots : je joue au bête…c’est mieux.


 

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Serais-je le plus intelligent des rappeurs bêtes ou le plus bête des rappeurs intelligents ? Wow ! Peut-être les deux. C’est sûr que c’est l’un ou l’autre. Lequel ? Je ne sais pas. En tout cas, je suis d’accord avec Jay Z qui rappait qu’il fallait être plus cool avec les auditeurs qui ne maitrisent pas le rap [« I dumbed down for my audience to double my dollars » à traduire par « J’ai rendu mon rap moins intelligent pour gagner deux fois plus d’argent », ndlr] . Sinon, ils ne comprennent pas la richesse de ce que l’on propose. Il faut…lever le pied, un peu.
Peut-être aussi qu’on va être plutôt dans des ambiances où on va rigoler, je vois beaucoup le rap comme un truc festif. Évidemment ramener de la science la dedans, ça va être chiant. J’ai toujours l’idée que le morceau, peu importe ce qu’il est, il faut que tu puisses le jouer en soirée et que les réactions soient directes, il faut que ça fasse « paf ! », donc effectivement c’est peut-être là que je vais faire le débile. D’ailleurs, on est débile en soirée… puisqu’on est bourrés.
Quant à la profondeur de mes textes, je dirai que ce n’est pas vraiment fait exprès, tout cela va m’apparaître de façon assez évidente. Par contre là où je réfléchis et me prends la tête c’est quand je me dis « Faut que je le rende festif ce truc, faut qu’on s’amuse dessus à tout prix ! », ou alors qu’on vomisse partout, du style « Merde ! C’est vraiment trop ce que le mec est en train de dire ! ». En somme, faire de la musique d’extrémiste, de la musique radicale. Il faut que ce soit tranchant. Mais au final je reviens sur tes premiers mots : je joue au bête…c’est mieux.

Si je devais analyser mon univers musical… Basses ? Il faudrait beaucoup de basses ! Un univers musical… j’en ai pas, ça va être compliqué de le décrire du coup. Je fais à peu près tout mais il faut que cela soit envoûtant, hypnotisant. J’aime bien les boucles, ouais…les boucles évidentes et les gimmicks dans les prods. Mais il faut une boucle très peu évolutive : les boucles de cirque, les boucles d’OVNI [il mime le son d’une boucle simpliste], ça c’est mon truc.

D’où me viennent tous ces délires ? J’aime bien ton expression « bordel organisé », mais pour moi tout ça vient du jeu vidéo Super Meat Boy. Toute mon inspiration vient de Super Meat Boy. En vrai, j’en ai aucune idée, je ne saurai répondre.
Mon processus d’écriture est assez simple, soit j’écoute une instru qui va m’inspirer, soit j’ai déjà une idée et je choisis l’instru pour pouvoir exprimer cette idée. Ce qui se passe généralement c’est que j’essaie de faire des freestyles, parce que je pense que c’est la forme de rap que j’aime. Une phrase qui dit quelque chose, une autre phrase qui veut dire autre chose…tu mets plein de phrases qui n’ont rien à voir et puis au final ça décrit quelque chose de global et ça laisse la place à l’interprétation de chacun. Après, on peut forcer le trait sur un ou deux points pour bien se faire comprendre mais au final c’est vraiment le freestyle que je kiffe. J’aime quand ça part dans tous les sens.
Concernant les clips, je passe des heures au téléphone avec les réalisateurs jusqu’à ce qu’on trouve le concept. Tout ça dans l’idée de faire du bruit parce que moi je ne vois pas du tout ça d’un mauvais œil de chercher à faire du buzz. Tu sors un morceau ou un clip, faut te faire entendre, faut générer du flux. C’est une vraie science, parce qu’il faut trouver le concept…et ça marche qu’une fois sur trois. On cherche vraiment à faire quelque chose de fort, de surprenant. Il ne s’agit pas de juste faire des clips de top models, d’artistes un peu torturés…on essaye de vraiment aller plus loin que ça et de proposer un truc.

 


Tu mets plein de phrases qui n’ont rien à voir et puis au final ça décrit quelque chose de global et ça laisse la place à l’interprétation de chacun.


 

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Est-ce que je suis trop en avance sur le rap ou est-ce que ce sont les consommateurs de rap qui seraient trop en retard ? J’aime à penser que là on commence à être pile-poil synchro. Je pense qu’à un moment donné j’étais en retard sur les sonorités, les flows et même mon ton, ma manière de m’exprimer. Là je suis bon…ou bien peut-être que je suis en avance…t’as raison, t’as raison ! J’suis trop en avance, je suis trop dans le tur-fu là !
Mais ça va arriver, tout le monde va se caler à un moment donné. Ouais. J’étais en retard, maintenant je suis dans le tur-fu. J’ai envie de croire qu’on a réussi à se comprendre, ceux qui me suivent, au vu des retours qu’on a, ouais je pense qu’on est dans le coup de ouf. On a réussi à bien se faire comprendre mais effectivement ça a été une aventure et une galère d’être pile-poil au bon moment avec les bonnes sonorités, les bonnes thématiques et le bon ton. Je pense vraiment que c’est aussi une histoire de ton. Le ton a changé dans le rap, tu ne peux plus rapper de la même manière. Un morceau comme Amour et jalousie [titre tiré de l’album Opéra Puccino d’Oxmo Puccino] serait compliqué aujourd’hui. Il serait presque incompréhensible et les gens se diraient « qu’est ce qu’il me raconte lui ? ». Je trouve qu’aujourd’hui, se prendre au sérieux dans le rap c’est quelque chose de vraiment ridicule. Les rappeurs ont bien conscience du spectacle qu’ils mettent en place, ils jouent tous leur rôle…on joue tous notre rôle ! Je ne pense pas qu’il y ait un rappeur là qui rappe [il mime la diction d’un rappeur de manière très caricaturale] , je ne crois pas à ça. Et s’ils le font, ils se trompent énormément et ils ont bien mal.

Est-ce que je suis un rappeur compréhensible ou est ce que les gens me comprennent directement ? Hum…je crois que je suis malheureusement dans la catégorie des mecs compréhensibles. On est à la limite d’être des mecs incompréhensibles sur 2/3 trucs. Alors la question c’est, est-ce à nous de nous rendre compréhensibles ou…? Ouais très certainement, un peu des deux quoi. Je crois qu’il faut aggraver le mystère et faire un pas vers les gens. On fait pas de la musique pour rester des mecs qu’on ne comprend pas du genre « Nan mais attends, c’est trop poussé ce qu’il dit là ». Pour moi le mot « élitiste » il induit que je fais du rap pour une catégorie de personne, et que l’autre catégorie, celle qui ne comprend pas mes textes n’a pas le niveau pour capter le truc. Ça me fait un peu de peine et je pense que tout le monde peut comprendre ce que je dis. J’ai pas l’impression que mon rap soit quelque chose de poussé. Je ne veux pas faire de la musique élitiste, je veux être compris…tout en gardant ce côté surprenant.
Je ne me mets pas de frein dans les thèmes que j’aborde ou les mots que j’emploie. Je m’empêche d’écrire des trucs méchants envers les gens qui ne le méritent pas. Parfois effectivement, je vais charrier quelqu’un ou quelque chose et là on ne va pas hésiter. Mais sinon j’évite d’être méchant…comme dans la vie de tous les jours. J’évite au maximum de descendre les gens autour de moi, les gens de mon niveau. Ceux qui seront au dessus, je vais prendre un plaisir particulier à leur chier dessus. Les autres qui sont à mon niveau ou en dessous, j’y touche pas au contraire, j’essaie de leur donner le plus possible. Comment on fait pour chier sur quelqu’un au dessus de soi ? Hmmm…avec un bon « name dropping » au bon moment, ça peut faire mal hein. Mais bon c’est du rap ! Il faut toujours avoir conscience que ce n’est que de la musique et ce n’est pas avec ça que tu vas mettre le mec par terre. Tout ça c’est dans l’esprit. Je m’empêche de chier sur les petits gens. Et si je le fais c’est pour leur donner envie de se réveiller. À part ça, jamais de blasphème : on parle de croyances là. Peu importe ce que moi j’en pense.

Pour Agartha, on a confié la réalisation sonore à une équipe réduite qui se compose de : Dj Weedim, Seezy, BBP, Dolor, Sirius qui est mon ingénieur son, technicien, mixeur, beatmaker, coach vocal, il fait à peu près tout.
Les nouveaux producteurs qui ont participé au projet c’est vraiment Seezy et Dj Weedim qui sont vraiment très « Atlanta ». Ils maitrisent vraiment ce qu’ils font. Avant je travaillais plus avec BBP et Dolor qui eux sont beaucoup moins « Atlanta » que ça, à priori ils sont dans tous les délires, ils savent tout faire. Mais les autres sont vraiment ciblés, ils ne font que ça. De toute façons en France, on ne fait que du Atlanta, moi je n’aime que ça et je n’écoute que ça, je suis un peu bousillé.
Au-delà de ça, je crois que c’est ma vision de la musique qui a augmenté, je ne vois plus les mêmes détails, j’en vois beaucoup plus maintenant. Du coup on travaille plus longtemps sur les sons. Avant je ne m’arrêtais pas sur certains détails, maintenant je vais faire chier sur un kick « Nan, là viens on mets un kick qui sonne plus sec, plus sourd », ce genre de conneries quoi.

 


Ce projet a été annoncé comme un vrai truc, il a été bien travaillé, avec une nouvelle vision et de nouvelles exigences.


 

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Si on peut dire que c’est mon projet le plus abouti, je peux également prétendre que ma vision est plus « grande » et plus « haute ». J’ai finalisé les autres projets avec le même détail sauf que ma vision était plus « basse », plus proche de la Terre, donc je voyais moins de choses. Là maintenant que ma vision est plus haute, c’est le même aboutissement mais avec plus de détails, car même si avant ce n’était pas le cas, je n’ai jamais sorti un projet en me disant « Ça je m’en fout ! ». J’ai toujours été minutieux sur tout mais c’est vrai que là je vois plus de choses. Donc Agartha est un album plus haut et plus fort…mais les autres ont une espèce de naïveté, un manque de culture et ça s’entend. C’est de l’art hein, c’est de l’art. On est pas obligé de maitriser parfaitement le sujet pour s’y mettre, c’est ça qui tue d’ailleurs. C’est pour ça qu’on a crée l’autotune : on sait même pas chanter mais on chante.
Quant à la réalisation de l’album, j’ai quasiment mis un an. Ça aurait dû mettre beaucoup moins de temps mais à cause de la tournée, on a pas réussi à caler de séances studios entre les dates. Au moment où on devait s’y mettre, j’ai aussi eu des galères personnelles… Le projet a vraiment mis du temps : retards sur retards. Mais c’est bien au final, car du coup j’ai eu le temps de me faire bien chier alors certains nouveaux titres ont vu le jour, comme le titre « Je t’aime » par exemple. Il ne m’était pas du tout venu à l’idée de mettre un titre pareil sur l’album…je ne comptais même pas faire un titre pareil à la base. Celui là ou Mégadose…c’est des sons un peu premier degré. Ça va être ça le prochain album, c’est pour ça que je ne pense pas qu’Agartha soit l’album de la maturité. Celui d’après, je pense. Je crois que j’ai compris un truc et du coup je crois qu’Agartha c’est l’album de la compréhension ou du « Ah j’ai compris un truc ».
Et puis c’est contractuel, c’est la fin des contrats, c’est le dernier projet que je devais rendre. Donc tac ! Fallait finir sur un album. On ne pouvait pas passer notre vie à sortir des mixtapes, des EP, des je sais pas quoi.
Ce projet a été annoncé comme un vrai truc, il a été bien travaillé, avec une nouvelle vision et de nouvelles exigences. Mais j’ai vu à la fin du projet ce truc « d’être vrai », tu vois. J’ai attaqué l’album avec l’idée de faire quelque chose de fort et sur la fin de l’album j’ai capté ce truc de « faire quelque chose de vrai ». Sur la fin de NQNT 2 j’avais vu comment faire des morceaux forts et du coup c’est ce que j’ai fait sur Agartha. Des morceaux teintés de vérité. Donc le prochain album sera un album complètement vrai teinté d’un autre truc…que je ne sais pas encore.
Si j’ai déjà commencé à travailler sur autre chose ? Oui, mais je vais doucement sur le prochain projet parce que je veux être en phase avec les sorties et les sonorités du moment…il faut être vraiment dans le coup. Je prends donc mon temps, je viens juste de sortir un projet, la fin a été laborieuse.

En ce qui concerne les retours pour Agartha, ils sont méga bons. Que ce soit sur les morceaux ou les chiffres de ventes…tout fonctionne et la tournée s’annonce hardcore. Je suis donc méga content. Je suis un peu surpris par tout ça même si de loin, j’avais une petite espérance quant aux chiffres de vente de la première semaine. Mais au final on a fait des chiffres supérieurs à nos petites attentes. Sur le NQNT 2, il me semble qu’on était à 4000, là on sort on est à 15 500, c’est chaud. On évolue dans le bon sens, c’est très bien.
J’ai une fanbase déterminée, elle est attachée et elle comprend ce que je fais. Limite, ils sont pas contents quand je fais des écarts de route, c’est incroyable.
D’ailleurs leurs retour m’amusent beaucoup, et puis quelque part quand je fais de la musique je pense à eux. Mais est ce que j’en tiens compte ? Pffff…pas vraiment. Quand ils ne sont pas d’accord avec ce que je sors, je me dis « Ils sont cons, ils n’ont pas compris ».

Le titre de l’album est l’aboutissement de recherches sombres sur Youtube. Je suis tombé sur tout un tas de légendes et de mythes et je me souviens que cela avait provoqué quelque chose de fort en moi pour être honnête. La première fois que je découvre tout ça je suis vraiment choqué de savoir que certaines personnes puissent croire de telles choses.
Je parle d’une vie et d’une ville souterraine, avec des individus plus évolués que nous, plus sages que nous et avec un savoir universel.
Y croire c’était surprenant pour moi et du coup j’ai été amené à parler d’Agartha dans un texte sur NQMT 2, alors le fait d’appeler le prochain suivant du même nom paraissait logique.
Pour la cover, je voulais quelque chose de très coloré et mystique mais pas religieux. Les gens ont tendance à faire l’amalgame entre mysticisme, spiritualité et religion. Il y a énormément de références cachées sur la cover de l’album, tout est caché ! D’ailleurs les gens ne s’arrêtent qu’à l’aspect religieux et à son aspect provocateur mais ils ne voient pas tous les messages qui figurent sur cette image. La cover en elle-même veut dire quelque chose, c’est comme un grand rébus. L’oeil du reptile ? C’est peut-être la chose la plus facile. Ça serait quelqu’un qui nous observe…même moi qui sort un CD, je suis observé. Suis-je dans une logique du complot ou est ce pour me foutre des gens qui y croient ? Non ! On ne peut pas en rire… moi je défends ces gens malgré mon incapacité à croire en ces théories. On va dire que ça m’intéresse ou que ça me passionne. J’ai envie d’y croire, j’ai envie que tout cela soit vrai. J’aimerai bien y croire mais j’ai beaucoup de recul par rapport à tout cela. Au final, plus que d’y croire, j’ai envie d’ériger ces théories au même niveau que les théories officielles. J’ai autant d’informations sur les théories officieuses que sur celles qui sont officielles, j’en ai même plus ! Donc au bout d’un moment, soit je donne ma confiance à des gens que je déteste soit je donne ma confiance à des gens qui me font fantasmer.
Tout cela m’intéresse énormément et si je peux faire que cela intéresse d’autres gens, c’est très très bien. Parlons-en, c’est ce qu’il y a de plus génial sur internet.

 


Que le titre « Blanc » résonne de cette façon c’est aussi dû au fait de l’actualité politique.


 

 

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Effectivement, je n’ai que deux featurings sur cet album…
J’ai beaucoup de mal à parler aux inconnus, aux interviews c’est un autre jeu. On me pose des questions alors c’est différent tu vois… Alors que dans la vie de tous les jours j’ai beaucoup de mal. Aller vers les gens, envoyer des mails ou des textos… Voir les gens, ça me gêne énormément, je n’aime pas ça en fait. Donc moi je ne vais jamais vers personne et comme les gens me prennent pour un mec fou-fou, ils viennent pas forcément vers moi. Le résultat c’est que très peu de collaborations ne se font, à part avec mes gars.
C’est aussi une réelle intention de ma part, si tu regardes les autres projets, il n’y avait vraiment aucun feat à part mon gars Suik’on Blaz AD et je voulais montrer sur Agartha que j’arrivais à aller vers des artistes et que j’arrivais à me dépasser. Je trouve que c’est un beau message : celui du partage et de la solidarité. Tu ne fais pas ton projet tout seul dans ton coin, même s’il y a des raisons de le faire de cette manière-là. Au final les gens sont choqués et très surpris. Tout le monde est content, c’est la fête au village.
Pourquoi Damso ? Je ne sais pas…sûrement parce qu’il est chaud. C’est une réflexion qu’on a eu avec mon équipe, on a fait le répertoire des rappeurs puis Damso est arrivé. Là, c’est devenu une évidence, on a compris que c’était lui qu’il fallait. On lui a donc envoyé un mail et il nous a tout de suite répondu par l’affirmatif. Au final, cette collaboration était un peu logique, il venait de sortir son projet, on avait à peu près les mêmes « stats », nos influences étaient similaires. C’est un bon artiste alors on y a pas réfléchi à deux fois.
Je suis d’accord quand tu dis qu’il pourrait être mon alter ego obscur et moi je pourrais être son alter ego loufoque. Et puis j’aime beaucoup son écriture…c’est un feat tout à fait logique finalement. Et puis ça serait encore mieux si on arrive à mettre ce morceau en images.

Si le titre « Blanc » est à sa façon une critique des mouvances identitaires comme le Front National ou est-ce que c’est un pied de nez à toute cette dérive de rap identitaire « rap de renois », « rap de babtous », etc ? Oui, c’est un peu de tout ça je pense…tout d’un coup ! Quand un Blanc se met à parler de sa couleur ça fait très bizarre à tout le monde donc il y a ce truc où tout d’un coup on va se mettre à se poser des questions « Pourquoi lui ? Pourquoi pas les autres ? » et c’est très bien si ça pousse à ce genre de réactions. C’est sûr que moi quand je le fais, je pense à faire un bon morceau. Ouais… je pense juste à faire la fête avec un truc piquant et grinçant. Je n’imagine pas que ce titre soit très politique en réalité. Je prends juste tous les clichés et je rajoute « Blanc comme » avant. Que le titre « Blanc » résonne de cette façon c’est aussi dû au fait de l’actualité politique. Je me souviens même d’un moment où on disait que Nekfeu baisait tout parce qu’il est Blanc…moi je trouve tout ça très lourd et puis j’ai l’impression qu’on joue le jeu de personnes au dessus de nous. Je pense que ce sont eux qui veulent ce racisme et cette séparation. Je crois que c’est un désir qui vient de très haut pour nous laisser dans la merde. Quand je dis « Blanc comme gentil, blanc comme salope », est-ce une référence à Eminem et au film 8 Miles, lorsqu’il se descend tout seul pour que personne puisse l’attaquer sur ses défauts ? Est ce que j’ai fait ce morceau de cette manière pour me protéger ? Non. Je crois que j’ai fait ce morceau pour donner de la force à tous ces enfants blancs qui se font maltraiter et qui n’ont pas de morceaux fédérateurs, du genre « Ouaiiiiis ! Moi aussi je suis lourd ». J’ai peut-être fait ce morceau pour eux… je ne sais plus, je ne sais pas.
Je pense que ce titre est d’abord un morceau de fête, un truc jouissif avant tout. Bien avant tout ce qui se fait quand on essaie de mettre sa communauté en avant. Il y a un problème là-dedans…c’est pas bien.

 


Je souhaite que les gens se rappellent de l’album Agartha comme de la première bombe détectée dans le radar.


 

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J’aimerai qu’Agartha soit écouté en soirées, dans sa chambre, en voiture, en concert, en strip club…
J’ai un peu cette image de l’enfant déprimé et qui écoute de la musique. Cette vision m’emmerde et me gène. L’enfant déprimé qui écoute de la musique n’écoute vraiment pas de la bonne musique. Et puis il fait chier avec ses goûts, il veut quelque chose de très précis, chiant…c’est quelque chose que je déteste ! Mais en fait, même lui peut m’écouter…
Cette album est pour n’importe qui, tout le monde, tout le temps. Il y a un morceau pour chaque heure de la journée. Je souhaite que les gens se rappellent de l’album Agartha comme de la première bombe détectée dans le radar. On avait envoyé d’autres bombes avant mais soit elles ont mal résonné soit le radar était éteint à ce moment-là. Voilà. J’espère que tout le monde aura vu ce projet ou qu’ils le verront.

Aujourd’hui à quoi je prétends ? Rembourser mes prêts, devenir propriétaire et apprendre à faire de la musique sur logiciel. Je m’y mets, c’est la prochaine étape et j’ai déjà de sacrées banques de sons. Mais c’est tout un travail à faire car j’ai une oreille très récalcitrante.
Je voudrai aussi monter mon label, avoir ma boite d’éditions et devenir un riche producteur, un producteur millionnaire. Tout ça avant 30 ans ! Je sais pas si j’aurai le million mais je serai un producteur à succès. Producteur musical, produire des artistes, produire des médias…Tout comme Booba même si je ne suis pas vraiment sûr de cette comparaison.
Comme dernier mot ? Je ne souhaite que de l’amour. J’ai fait cet album pour qu’il soit consommé dans l’amour et qu’il soit générateur de ce sentiment. Je veux qu’Agartha soit générateur de nouveaux sujets de discussions pour tout un tas de personnes. Un nouveau lien. VALD.

 

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Lou Berry sera de retour le 24 février avec un second EP sur le label le Sofa , après « Blue Sky » sorti en 2016. En attendant, l’artiste dévoile la vidéo du titre « Bloom » remasterisée et sur lequel il s’accompagne de Gracy Hopkins. Pour ce titre serein et éthérée, il fallait des images poétiques. Et c’est la réalisatrice Mélissa Froger qui s’en est chargé. Un projet qu’elle présente et explique comme suit :

 » Je voulais montrer par ce diptyque la boucle infinie qui se produit dans la tête d’un artiste lors de la création musicale. Il se perd dans un univers perdu au milieu de ses souvenirs et de ses envies. Il est face à sa pensée créative. Et parfois il suffit d’une rencontre pour être guidée dans tout ça. 

Gracy Hopkins joue le rôle de la conscience de Lou Berry. Il le guide, et éveille ses pensées. 

Je voulais qu’on s’égare tel Lou dans sa tête. Gracy est-il là depuis le début ? Qui est-il ? Que fait-il ?  Comment fonctionne nos pensées ? Qui en est le chef d’orchestre ? Est ce notre conscience ? 

La cité des 12 colonnes  est une construction grandiose et tres graphique, image abstraite du mécanisme de nos pensées. Lou Berry s’y perd, s’engouffre dans sa tête

Petite anecdote marrante, Nassim, le mec en short dans le clip alors qu’il faisait 4 degrés, est en fait notre super producteur de Sanning Films. On ne lui a pas vraiment laissé le choix. C’est une fierté pour tous. Et pour info, le chien s’appelle Tyson, mais il n’a arraché aucune oreille pendant le tournage ! [rires]  » 

 

 

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Y’a du Daft Punk en PNL. Avec des grands verres fumés comme des casques en acier et un truc un peu mystique. Cette façon de fuir les médias et d’enfouir sa vie privée tout en décochant des coups de pub sublimes. Y’a du génie dans leur communication, de la pudeur, du viral, du malin, du gonflé. Des millions de vues, des millions de clics, des milliers de fans, des milliers de disques.

pnl

J’en ai bouffé de la com’ pendant mes études, j’en ai décortiqué du cas pratique, j’en ai chié de la théorie. Six ans. Alors j’ai tiré mes vieux classeurs de leur malle turquoise, des fois que j’aurais gribouillé un quelque chose d’un peu sociologique sur le sujet. Mais rien. Rien sur ce genre de stratégie aussi fascinante que taiseuse. Nous, on nous rabâchait qu’il fallait communiquer, toujours plus communiquer, au temps de l’hyper information. Eux ont tout compris. N.O.S et Ademo n’ont pas ciré les bancs d’une grande école, pas plus qu’ils n’ont loué les services d’experts communicants, ils doivent tout à leur cran, leur flair et leur intelligence.

Des deux frères, on ne sait que ce qu’on a lu ici ou là, vaguement entendu à cet endroit. La mère, grande absente, est d’origine algérienne. Le père, René Andrieu, un pied-noir corse et ancien braqueur à grande gueule, une figure à Corbeil-Essonnes. Nabil, N.O.S, et Tarik, Ademo, ont toujours vécu dans la cité des Tarterêts, leur « Zoo », leur cage d’attache. Un temps en Corrèze aussi, adolescents contraints à l’exil par le patriarche. Il y a eu des magouilles, du trafic, des go fast et puis un séjour à Fleury-Mérogis pour Tarik. Lui, l’aîné, aurait trente ans aujourd’hui, le cadet deux de moins. Les grandes lignes.

Elle a plus d’impact, la parole rare, plus de valeur. Le mutisme intrigue, la parole rare excite. Elle crée l’événement, chaque fois qu’elle jaillit.

Le tandem décline toutes les demandes d’interview. L’été dernier, il devenait le premier groupe de rap français à poser en couverture de The Fader, sans avoir répondu à aucune vraie question. « Tout est dans la musique » dit-on. Ça nourrit le mythe et les fantasmes. PNL s’auto-produirait avec de l’argent sale, compterait sur le soutien de poids lourds de l’industrie ou, mieux, ne serait qu’une vaste opération marketing. Ça les amuse, d’où ils sont. Et puis ce qu’ils s’en foutent au fond, des médias. Ils ne croient pas au star-system, en la nécessité de montrer sa gueule à la télé ou de bavarder sur sa vie privée. « Nique ta célébrité, nique ton buzz » (Naha). Le défilé Chanel haute-couture ? Sans eux. Leur Planète Rap à Skyrock ? Aussi. Qu’on plante une jungle avec un singe dedans. Qu’on apporte les sept boules de Dragon Ball dans un décor façon planète Namek. Qu’on dresse des tables de poker avec des mecs lookés Scarface. C’est leur truc ça, raconter des histoires, composer des univers et se cacher derrière. Le pied de nez fait marrer tout le monde. PNL ose, ne fait rien comme personne. Ça force l’admiration. #pascommeeux.

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Dans les années 90, Jacques Pilhan, pubard et conseiller en communication politique, écrivait : « Le citoyen, bombardé de messages, vit dans le bruit permanent des médias. En tant qu’homme public, si je parle souvent, je me confonds avec le bruit médiatiqueLa fréquence rapide de mes interventions diminue considérablement l’intensité du désir de m’entendre et l’attention avec laquelle je suis écouté. » La théorie du silence, ou plutôt de la parole rare. Elle a plus d’impact, la parole rare, plus de valeur. Le mutisme intrigue, la parole rare excite. Elle crée l’événement, chaque fois qu’elle jaillit. La parole rare ne s’étouffe pas dans le babil médiatique, on l’écoute, on l’intègre. PNL se tait et se terre pour laisser parler sa musique. Omniprésente, celle-là. Trois opus et dix-huit clips en deux ans. C’est bien là l’essentiel. Puis contrôler son image, se préserver. Contre l’impudeur, l’exploitation, le faux pas, la critique et la déformation. L’autotune aussi, quelque part, ça protège. Ça masque le grain de voix, ça l’enrobe. Le mystère captive, aura troublante et magnétique.

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On se sent en être, de la mif, on croit y appartenir, à cette communauté de valeurs. L’esprit tient dans un mot-dièse : QLF.

Novembre 2011. Début du compte à rebours de « 365 jours pour percer », le projet ambitieux d’un N.O.S pas encore vocodé. Des comptes dédiés sur Facebook, Twitter et YouTube, et six morceaux en téléchargement libre, distillés au fil de l’année selon un calendrier précis (J-365, J-353 …). Un plan marketing bien rodé. Déjà l’art de teaser. Ils savent y faire les frangins pour piquer l’intérêt, capter l’attention pour ne plus jamais la lâcher. Ils sèment des miettes, soufflent des mises en bouche qui donnent envie d’en savoir plus. Des indices se livrent au compte-goutte sur les réseaux sociaux, quelques mots, une date, un hashtag, un bout de visuel, une annonce, un extrait de clip … et ça embrase la Toile. J-10, J-8, J-2, Jour J. On tient en haleine. Mais le coup de maître, c’est le feuilleton « Naha-Onizuka-Bené ». Une histoire étirée sur plusieurs épisodes de huit à seize minutes. La recette du soap opera. On nous avait prévenu dès le départ, en glissant l’air de rien des maillots floqués « Onizuka » et « Bené » dans le clip de « Naha ». Y’a du gentil, du méchant, du destin brisé, de l’intrigue, du rebondissement, du sang et de l’action laissée en suspens, ce qu’il faut pour vouloir voir la suite. Plus de cinquante millions de vues sur Youtube pour « Naha », vingt-six millions pour « Onizuka » et sept millions en cinq jours pour « Bené ». Les vidéos se commentent et s’analysent façon AlloCiné, on spécule sur la suite, ça provoque du blabla médiatique. Deux semaines avant le dévoilement de « Bené », ç’avait été toute une histoire, une combine marketing lumineuse. Des affiches sauvages à la Wanted placardées sur les murs de Paris avec la face de « Coca-Cola », le super-vilain des clips, et un numéro rouge, « urgent ». Comme si le récit s’intégrait à la vraie vie, et qu’on pouvait, à notre tour, en faire partie. Un genre de film interactif. Impliquer pour créer de la proximité relationnelle, de l’affect. Tout en bas, un logo PNL à peine perceptible, pour que le message reste crédible. Fallait satisfaire sa curiosité, et vite. Au bout du fil, les premières notes de « Bené », juste ça. On a tout de suite compris. Avec les photos des posters publiées par les fans sur les réseaux sociaux, c’est vite devenu viral.

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Beaucoup de bruit, peu de coûts. C’était déjà génial, ça aurait pu en rester-là. Jour de la Saint-Valentin. Tour de passe-passe pour annoncer la tournée. Des fans reçoivent un texto-surprise de PNL, les mêmes qui avaient appelé pour « Bené ». Le coup de la base de données, avec l’aide de l’opérateur BJT Partners. Plus de 90 % des messages reçus sur son téléphone s’ouvrent dans les trois minutes, quand beaucoup de mails restent non-lus. Un SMS passe rarement inaperçu, celui-là n’aura même pas été jugé intrusif. Trop inattendu. Les go se sont imaginé que « bae » avait pensé à elles, les autres se sont sentis au moins privilégiés. Ça donne l’illusion d’une relation directe et personnelle, exclusive. Ça rapproche, ça fidélise. D’ailleurs, on nous donne rendez-vous : « On se voit au mois de mai la mif ». On se sent en être, de la mif, on croit y appartenir, à cette communauté de valeurs. L’esprit tient dans un mot-dièse : QLF. Le slogan du groupe. Une accroche publicitaire, un gimmick, une devise, un cri de ralliement. Un acronyme aussi frappant que concis, trois lettres qui facilitent la mémorisation et encouragent la reprise. QLF. On le chante, on le scande, on l’hashtague (plus de 220 000 publications sur Instagram), on le parle au quotidien. Puisque la formule prend, PNL la décline en produits dérivés. La paire produit un modèle de t-shirt unique d’abord, qui se vend sous le manteau, puis élargit la gamme, ajoute des accessoires et ouvre une boutique en ligne, shop.qlf.fr. On place judicieusement les pièces sur le dos des potes dans les clips, pour éveiller un désir d’achat un peu inconscient. Ça favorise la projection quand le produit est naturalisé, mis en scène dans le récit filmique.

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Il a fallu travailler l’emballage avant tout ça, se trouver une esthétique différenciante. Le look. Cheveux mi-longs gominés à l’italienne, t-shirts moulants, polos boutonnés jusqu’au cou, maillots de foot, joggings ajustés et pièces griffées. Tout ça mélangé. Un style unique, qui a pondu des petits dans tout l’hexagone. La musique. Planante, hypnotique, ponctuée d’onomatopées entêtantes. C’est beau, c’est élégant, ça berce, on se fout de pas tout comprendre. Dans la trilogie « Naha-Onizuka-Bené », la mélodie sonne même en arrière-plan, atmosphérique, elle habille seulement, on l’écoute à peine. Les clips, justement. Islande, Namibie, Italie, Japon, Corée du sud. Des paysages à perte de vue filmés du-dessus par des drones ou des scénarios dignes de blockbusters hollywoodiens. Des vidéos grandioses et léchées à millions de vues qui « méritent le Festival de Cannes » (Laisse), densifient les artistes, les sacralisent presque. Des contenus qui prolongent et étoffent leur imaginaire. Ils n’y flambent pas avec de grosses caisses, de gros billets, de grosses chaînes et de gros culs. Pas leur genre. On s’identifie. On se passe même de les voir, N.O.S et Ademo, dans leurs derniers clips. L’histoire fonctionne avec n’importe quel autre banlieusard, finalement. Mecs standards qui ne veulent pas faire les stars.

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Les vrais, ils disent, ce sont leurs fans, qu’ils appellent« reufs » et « reuss ». Inaccessibles mais proches de « ceux qui [leur] envoient la force », une armée de fidèles qui jouent les ambassadeurs sur les réseaux sociaux, immense bouche-à-oreille virtuel. À chaque fin de clip, on rappelle les comptes Twitter, Facebook et Instagram du groupe. Le duo n’a pas de site internet, ça ne permet pas de rapports directs. Sur Instagram, on les célèbre ces soutiens, en relayant leurs photos posées avec le dernier album, « Dans la légende ». Par centaines. « C’est le feu dans les bacs grâce à vous », #onvidetout. Ça séduit, la reconnaissance, ça valorise. On espère voir sa tête repostée comme une récompense. C’est pas tout. Pour booster les ventes matérielles, PNL pense une version rose, une autre orange, chacune avec un bonus track différent. Les plus fervents craquent pour les deux, forcément. Et au prix unique de 9,99€ l’édition numérique comme physique, autant choisir l’objet. Il y a eu l’affichage, aussi. 4×3 dans le métro et panneau gigantal de 665m2 au-dessus du périphérique parisien. Médias de masse. La campagne aura touché tout le monde, les usagers du métro et les automobilistes, les anciens et les ados, les bourgeois et les cailleras. Puis les affiches, on n’y échappe pas, ça ne se zappe pas comme une annonce à la télé, ça ne se tourne pas comme une page de magazine. Visibilité maximale, rien n’est trop grand. Résultat : 30 655 disques physiques écoulés dès la première semaine, 20 000 et des poussières en digital.

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Il aurait fallu que je trouve des limites, pour faire une jolie conclusion. Mais moi je ne vois que du plus grand, du plus loin. J’imagine une carrière internationale, des concerts surréels, des CD comme des bijoux, un long métrage, une série, une BD, une (vraie) ligne de vêtements, une boutique parisienne, une marque de gel, une agence de pub, un centre artistique aux Tarterêts … un tout créatif. Des limites, y’en a pas. Le monde ou rien, jamais moins.

Quasiment un mois jour pour jour après la sortie de son dernier clip « C’est la guerre », le rapeur Jok’Air garde le rythme avec la sortie de ce nouveau visuel tourné dans son quartier de Chevaleret à Paris. Il faut dire que l’artiste sait construire son momentum à l’approche de la sortie de son EP « Big Daddy Jok » prévu pour le  24 février prochain.

Pour l’occasion, nous avons demandé au réalisateur Alain Guillerme pour La Sucrerie et à Jok’Air de nous en dire plus sur ce qui se cache derrière le clip « La mélodie des quartiers pauvres »

 

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Alain Guillerme pour La Sucrerie : « J’ai voulu rendre hommage aux quartiers dits « pauvres », avec un clip graphique mettant en lumière les habitants de la cité Chevaleret, en particulier les enfants qui y représentent le futur. Le noir et blanc mélancolique et les ralentis viennent appuyer le côté sobre et aérien du visuel. La casse auto, quant à elle, sert de symbolique pour la pauvreté tout en offrant un support visuel fort, renforcé par le contraste vis à vis de la tenue de Jok’Air. »

 

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Jok’Air : « On a fait ce clip au milieu de ma cité, en bas de chez ma mère, là où j’ai grandi. Sans arme ni violence, juste la réalité. Pour le thème, tout est dit dans le titre « La mélodie des quartiers pauvres. » Je présente simplement là où je vis. »

 

 

 

 

Depuis presque un mois les manifestations en soutien au jeune Aulnaysien se multiplient aux quatre coins de la France. Qu’elles soient organisées par des associations, des collectifs ou par de simples citoyens, ces démonstrations d’unité ont pour but de dénoncer les méfaits perpétrées lors de cette sombre soirée du 2 février. Mais pas que… Car derrière ce nom « Théo » qui aujourd’hui cristallise l’attention des médias et de la justice, il y aurait en effet des milliers de cas non recensés ou exposés au vu et au su de tous. C’est donc en marge de la manifestation ayant eu lieu samedi dernier à Bobigny, quelques mètres derrière le Tribunal et sous le pont reliant le Palais de Justice au reste du monde, que nous avons entrepris de recueillir les témoignages d’une partie de ceux et celles qui ne veulent plus fermer les yeux.

Photos : @HLenie

 

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«En terme d’investissement, chacun fait ce qui lui semble juste. Il n’y a pas de pression. »


 

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Issa : « J’ai décidé d’organiser ce rassemblement pour afficher notre soutien avec la famille des victimes mais aussi afin de réclamer justice pour toutes ces violences et bavures policières qui existent.
Lorsque j’ai lancé cet appel, je ne m’attendais pas à mobiliser autant de gens. Pas une seule seconde. La vérité, c’est qu’au début l’information n’a pas très bien tourné. Puis les jeunes ont commencé à relayer la date et enfin des rappeurs ont fait pareil. C’est là qu’on a compris que la mayonnaise avait vraiment pris. Finalement, pas mal de médias m’ont contacté et ce n’est qu’hier que j’ai réalisé qu’on serait beaucoup.
Le fait que ce soit moi et pas un artiste qui ait lancé cet appel ce n’est pas le plus important. En terme d’investissement, chacun fait ce qui lui semble juste. Il n’y a pas de pression.

À l’âge de 9 ans mon père a été victime de violences policière parce qu’il les a empêché de taper un jeune. Alors ils l’ont aspergé de bombe lacrymogène et l’ont emmené en garde à vue. À cet âge, quand tu vois ça, tu te poses beaucoup de questions. »

 

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Selim : « J’ai été interpellé de nombreuses fois, je ne suis pas un saint mais on n’est pas des animaux. Une fois par exemple, je suis dans ma cellule et un policier l’asperge de bombe lacrymogène. Je suis asthmatique et ils le savaient puisque j’avais mon traitement sur moi. Ils étaient au courant mais ils m’ont quand même laissé dormir dans la cellule qui est longtemps restée imprégnée.
Le plus triste ? C’est que c’est devenu le quotidien de pleins de jeunes. Ils s’y sont habitués et ils savent qu’en se faisant contrôler ça peut partir en couilles à tout moment. On a plus peur de ces choses là, malheureusement. Le fait que ça se soit banalisé dans nos têtes, qu’on soit aussi résignés…c’est pas normal ! Je vous jure que j’aimerai bien dire bonjour aux flics moi. Il y en a qui se sont plus occupés de moi que mes propres parents. Il y a des policiers, je les respecte. Les autres… je préfère me taire. Tout ça c’est dommage. Ils se familiarisent trop avec nous mais on n’est pas leurs amis ni leurs frères, ils n’ont pas à nous parler de la façon dont ils nous parlent. Ils nous obligent à les vouvoyer sous peine de se manger des baffes. Mais nous, quand on leur demande d’avoir le même traitement on se mange des baffes. Dans ce cas on passe par où, on fait comment ? Leur logique ne fonctionne que dans un sens… Dans le cas de Théo, si cela avait été trois jeunes qui avaient effectué la même ignominie sur un policier, vous croyez que l’IGPN aurait affiché autant de zèle pour nous trouver des excuses ? »

 

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Si aujourd’hui cela arrive à un mec de cet âge, demain ça sera quelqu’un de quoi ? 15, 16 ans ?


 

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Alexandre : « Si je suis là aujourd’hui c’est avant tout pour les jeunes et la jeunesse qui se fait clairement réprimer. À 22 ans ce n’est pas possible de vivre de telles choses. On parle d’une matraque télescopique. Si aujourd’hui cela arrive à un mec de cet âge, demain ça sera quelqu’un de quoi ? 15, 16 ans ? Je ne peux pas imaginer ça. Ma présence, elle est dûe au fait que je m’identifie à ces personnes même si j’ai 25 ans. Je suis donc ici pour exprimer mon refus, dénoncer cette injustice et pointer du doigt tous ces hommes politiques qui sont absents et qui ne réprimandent pas les auteurs des faits. »

 

 

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Anaïs : « Je suis là aujourd’hui parce que j’ai l’un de mes « frères » qui a été agressé lui aussi. Enfin, agressé…non, il a été violé par des policiers ! C’est une situation anormale, et comme je n’avais malheureusement pas pu assister à la manifestation pour Adama, je voulais absolument être ici pour apporter mon soutien pour que tout cela cesse. »

 

 

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Il faut que la justice règne : nous sommes dans un pays de justes, alors il faut que la justice soit là.


 

 

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Alphonse : « C’est un jeune qu’on connait bien, il nous soutient depuis qu’on a créé notre groupe musical. Tout le temps là pour nous aider, savoir si on a besoin de quelque chose… On sort de l’hôpital, on l’a vu et on lui a dit qu’on ne lâcherait rien. Il faut que la justice règne : nous sommes dans un pays de justes, alors il faut que la justice soit là. »

 

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Wedek : « Je suis venu aujourd’hui parce que dans mon quartier à la Goutte d’Or dans le 18ème arrondissement, il y a beaucoup de bavures. Je me sens donc solidaire de tout ce qu’il se passe ici et je pense que tout soutien est bon à prendre. En tant que Blanc, c’est plus facile pour moi et j’ai envie de montrer qu’on soutient les Blacks. Depuis tout petit j’ai vu de ces trucs, des innocents se faire malmener par la police et moi ça ne me laisse pas indifférent…Voilà pourquoi je suis là. »

 

 

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On dénonce l’impunité de la police mais aussi sa structure. L’état raciste collabore à cette discrimination, qu’elle soit urbaine, sociale ou économique.


 

 

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Antonio : « Je fais parti d’un collectif qui s’est crée en 2009, à l’origine cela part d’une envie de dénoncer les crimes policiers qui sont aujourd’hui encore impunis dans notre pays. C’est pour donner aussi une médiatisation et une lumière à ces familles qui subissent tous les jours des violences policières. On dénonce l’impunité de la police mais aussi sa structure. L’état raciste collabore à cette discrimination, qu’elle soit urbaine, sociale ou économique. Aujourd’hui, je pense que c’est une date importante ne serait-ce que pour ce qu’on a peut être loupé en 2005. On peut renouer avec une conscience de classe et non de race, c’est important d’être ici et de se battre. »

 

 

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Aissatou : « Je suis là parce que je me sens concernée. Nous sommes des minorités en France et on sent un manque de justice, une injustice perpétrée depuis très longtemps. Il y a quelques temps il y avait déjà eu Adama, là c’est Théo… On attend que la justice remplisse son rôle. J’ai un frère de 16 ans et j’ai la boule au ventre à chaque fois qu’il sort. Et moi-même quand je sors il y a toujours ce sentiment d’inquiétude.
Nous sommes français, nous aussi nous avons droit à la justice. »

 

 

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Théo, c’est comme mon petit frère car je le connais depuis qu’il est tout petit, je connais sa famille, ses frères, sa mère…


 

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Nino : « Je viens soutenir mon petit frère. Théo, c’est comme mon petit frère car je le connais depuis qu’il est tout petit, je connais sa famille, ses frères, sa mère…J’ai été à l’école avec ses soeurs. Logiquement, je viens soutenir le petit. »

 

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S.B : « Nous on est là pour soutenir parce que c’est inadmissible de voir tout ce qui se passe. C’est bien de voir tout ce soutien matérialisé, tous ces gens…c’est juste énorme. Autour de nous on en parle, on sait qu’il faut se mobiliser pour que ce genre de choses ne se produisent plus. »

 

 

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Je ne suis pas jeune, je suis professeur à la retraite et j’habite Paris. Ok je ne suis pas d’Aulnay sous Bois mais je tenais quand même à être là.


 

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Anonyme : « J’attends avec impatience une re-qualification des faits qui me paraîtrait plus sérieuse. Je suis alertée par cette espèce d’incertitude et cette qualification de « violences » qui ne me parait pas du tout suffisante. Je suis plus convaincue par ces qualifications proposées par Jean-Luc Mélenchon ou cette avocate [Isabelle Steyer, ndlr] qui parlait de tortures et d’actes de barbarie. Je suis là pour essayer de faire entendre ma voix. Je ne suis pas jeune, je suis professeur à la retraite et j’habite Paris. Ok je ne suis pas d’Aulnay-sous-Bois mais je tenais à être là. J’ai rencontré d’autres gens, j’ai même rencontré des anciens collègues. Donc oui, j’espère qu’il y aura une prise de conscience et des prises de position de plus en plus nombreuses et claires dans cette affaire. En politique il y en a eu…mais où sont-ils aujourd’hui ? »

 

 

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Une fois par mois Kirou Kirou vous invite à le rejoindre au Candy Shop pour faire découvrir un plateau d’artistes émergents de la scène parisienne, un mix de la vibe hip-hop et électronique.

Cette fois-ci à ses côtés AychibsTwenty9Parysee (PPP), Petit piment et YO-ZU (Hood Wood

 

EVENT FACEBOOK

Avec YARD, tente de remporter deux invitations en remplissant le questionnaire suivant. 

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Pigalle. Ses rues bancales, ses dédales pavés, ses trottoirs grouillants, ses recoins tranquilles. Ses vieilles façades, ses enseignes néons, ses supermarchés du cul et ses spots underground. Ses façons populaires et ses airs bobos. Une âme belle et foutraque. Le Moulin Rouge, la Cigale, le Folie’s, Michou … et Stéphane Ashpool. Pigalle. Un truc sanguin, obsessionnel. Jusqu’à l’envie de se faire appeler un jour Monsieur le maire. Ashpool, ce n’est pas que la marque de mode hype et bien léchée qui porte le nom du quartier, c’est aussi un playground multicolore serré entre deux immeubles, une boutique de basket, des entraînements en gymnase et une bande d’ados au cœur plein.

Photos : @RickRence

 

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Il pleut mollement sur le terrain rue Duperré. Ca ne gêne pas les ballers, les vrais comme les swaggueurs, ce « Travis Scoutt » à petites nattes et slim noir tiens, qui parade en Yeezy 750 comme des appâts à meufs. Les ballons ricochent sur le sol anti-bruit en gomme recyclée genre jouets rebondissants. Le son est presque moelleux. Après les pétitions des voisins agacés, Stéphane a fait rénover à l’été 2015 l’espace qu’il avait créé six ans plus tôt, grâce au soutien de Nike.  Pour les gamins des alentours, la routine est la même tous les jours : quelques shoots en rentrant des cours avant de filer dans la petite boutique juste en face, Pigalle Basketball. A l’extérieur, pas d’enseigne tape-à-l’oeil, juste quelques stickers discrètement collés sur la vitrine. On veut rester niche. Au départ, en 2014, le lieu avait ouvert pour accueillir essentiellement les collections-capsules de Pigalle avec Nike, et puis c’est devenu autre chose. On y met des sneakers un peu rares, des modèles performance et des pièces Pigalle Basketball de belle facture, mais surtout de la chaleur humaine. « C’est un peu comme une association de quartier, sauf qu’il y a des produits dedans», résume Stéphane. Au fond, devant l’écran télé et contre le mur vert pétard sur lequel sont punaisés des croquis de basket, la marmaille locale se masse pour mater des matchs NBA, jouer à la play, chiller et chahuter. «Quand je me lève le matin, je n’ai pas la sensation d’aller travailler », confie Lionel, le vendeur, «  C’est un lieu de cohésion avec les petits du quartier, on échange, on discute, et ce qui nous réunit c’est le basket. C’est mieux de les avoir ici que de les voir traîner ». Choc des cultures quand des clients viennent y claquer de grosses sommes sans sourciller, des touristes étrangers pour la plupart, asiatiques surtout. Mais Stéphane ne veut pas laisser les riverains du côté des exclus aux belles sapes. Les produits, on leur donne ou on leur vend au rabais, parfois contre trois chèques signés des mamans. On s’arrange, toujours. Lionel admet ne pas vouloir se « faire de l’argent sur la famille ». Le mot est lâché, tendre et pas feint, il reviendra constamment comme un gimmick sincère. Pigalle Basketball, c’est la famille. Ca se sent quand Lionel passe un bras protecteur autour du cou de Titouan, ça s’entend dans les rires, ça se lit entre les vannes.

 

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Avec sa ligne basket, Stéphane répond aux envies de ceux qui veulent se looker confortable sur le court comme en-dehors – « y’a pas tellement de marques indépendantes qui proposent ça  » – mais avant tout aux siennes. S’offrir un kif, un caprice créatif, une à deux fois par an. Le shop, c’était un vieux rêve. C’est pour lui, et en fait surtout pour eux. Les prix des vêtements piquent un peu, c’est pas du Made in China. La qualité européenne se paie salée. L’étiquette dit 115€ le hoodie molletonné aux bandes arc-en-ciel, 110€ le jogging coordonné. Là-bas posée sur l’étagère entre deux copines, une paire de J’s en velours bordeaux me fait de l’œil, je repars avec sans avoir pris le temps d’hésiter. Pas venue pour rien.

 

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« C’est plus que la famille, c’est comme s’il y avait un statut entre frère et père ».


 

On a rendez-vous rue Rochechouart, ça devait être à deux minutes à pied. J’y croyais moyen, puis Lionel m’a prévenu en rigolant : « Pour Stéphane, deux minutes, c’est dix minutes ». Quinze, en réalité, le temps de parler trop de bouffe et de se tromper vaguement de chemin. Le gymnase Paul Valeyre a plutôt bonne gueule. Les murs ont de jolies couleurs pastels, comme passées au filtre Instagram. Voilà Stéphane, barbe rousse, mèches roses, bonnet en angora blanc, trench à motifs graphiques, jogging mauve qui baille un peu aux fesses et Timberland marines. Ca vous change immédiatement une atmosphère, un Stéphane Ashpool. C’est fantasque, c’est bariolé, ça dévore l’espace. Son style se fout de tout, ça lui va bien. Tous les jeudis, avec Paul (Hamy) et Ibrahim, il entraîne une dizaine de jeunes plus ou moins cadets. « 95% d’entre eux habitent les rues parallèles ». Le Pigalle Basketball 9 s’est formé avec ceux qui venaient régulièrement au playground, des mômes qui ont grandi ensemble. Pour eux, avant, c’était le foot. Puis « comme le terrain était juste en bas de chez nous, on s’est vraiment mis au basket», raconte Théo, 16 ans. Théo et Stéphane c’est spécial, ça se voit tout de suite, pas seulement à cause de la ressemblance physique. Quand on questionne l’ado sur leurs rapports, il a ce genre d’émotion qu’aucun mot ne semble pouvoir fixer : «  C’est difficile de décrire notre relation. C’est plus que la famille, c’est comme s’il y avait un statut entre frère et père ».

 

Stéphane gueule un peu et chambre beaucoup. Il dit que c’est compliqué de les coacher, parce qu’ils sont très proches. Pourtant, le bonhomme connait le métier. Ç’avait été son tout premier, à 17 ans, quand il avait fallu faire des sous. Il était meilleur joueur qu’élève, l’avenir ne lui paraissait pas trop brillant, alors il avait entraîné des jeunes de l’AS Bon Conseil et de l’Eiffel basket. Ça avait duré sept ans. En parallèle, il y avait les soirées Pain O Chokolat avec les potes, puis finalement sa propre marque. Il avait arrêté le coaching. C’est les marmots de Pigalle qui lui ont redonné l’envie. Le basket, lui l’a découvert tout seul sous un arbre à panier dans la cour de l’Ecole Blanche, quand tous les autres couraient derrière un ballon de foot. Il aurait sans doute aimé qu’on lui prête la main qu’il tend aujourd’hui bien grande.

 

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« C’est un peu comme une association de quartier, sauf qu’il y a des produits dedans»


 

Les petits n’ont pas de licence sportive, ils disputent des matchs amicaux. Noah, le métis au nuage de bouclettes, fait partie de ceux qui jouent un peu au-dessus. Pourtant, il n’a pas envie d’aller voir ailleurs où c’est plus académique. « J’aime bien venir ici, y’a une bonne ambiance ». Du sérieux rigolard, du récréatif appliqué. « On préfère jouer avec la famille avant tout » renchérit Mamadou, l’aîné du groupe. Tous les deux parlent de Stéphane comme d’un grand-frère. Mamadou était là dès le début : «Il ne change pas, c’est resté le même, il est toujours là avec nous ». Il a un joli sourire, Mamadou, sa gentillesse m’enveloppe. Ce qu’ils déchargent tous de bonnes ondes. Polis, mignons, contents d’être là. « Ils savent » assure Stéphane, « Ils ont conscience de la chance qu’ils ont, d’avoir le terrain etc. Mais nous aussi avec Paul on a de la chance, on s’apporte autant mutuellement ». Il veut leur donner plus. Après les Philippines, les amener ailleurs, en Afrique peut-être, là où les gens ont de belles choses à vous apprendre. Le but, c’est pas d’en faire des LeBron, juste de bons gars. Le destin les couve rarement, là où ils vivent. « Psartek, on s’applaudit ». La séance est finie.

 

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Le samedi soir, c’est jeu libre, de 19h à 22h30. « Y’a tout le monde, les grands, les moyens, les petits ». Ca occupe les rejetons du quartier, ça les mélange. C’est l’idée du basket que défend Stéphane, du partage, un mode de vie. Ils sont près de soixante à inonder le parquet du gymnase façon pause récré. On se change à la va-vite sur le bord du terrain, abandonne ses fringues par terre en petits tas bouchonnés pour se presser sous les paniers. Certains improvisent un foot avec des mini-buts sur le côté. Quelques nanas viennent en curieuses. J’aurais pu être l’une d’elles dans mes années lycée, à essayer d’attraper les regards, en gilet peau de pêche, requins trop grandes et Motorola à clapet option caractères limités. Les voix se mêlent aux crissements des baskets dans un chahut bourdonnant. Ca fait sourire Stéphane: « Bienvenue dans la garderie ! ». On prend des shoots et de l’énergie. C’est un samedi comme ça qu’ont été capturées les images de la dernière collection. Les pièces venaient d’arriver, les petits les avaient essayées, pour voir. « Ca raconte des moments de vie entre nous, au-delà du basket. Parce que ça va plus loin que ça. Le week-end en général après on sort, on va à la séance de ciné de minuit ou on mange ensemble». Et les parents dorment tranquilles, Pigalle Basketball, c’est la famille.

 

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Rares étaient encore les occasions de voir le duo PNL sur scène. A Paris, vous aviez déjà pu les croiser lors de l’une de nos soirées, au Showcase ou au Wanderlust. Outre-Atlantique, il était même encore possible de prendre sa place pour leur passage à Coachella.

Pour le reste de l’hexagone, l’affront est désormais réparé avec une tournée fraichement annoncé. Et comme à son habitude, le duo l’a joué QLF prévenant par sms tout ceux qui avait appelé suite à l’avis de recherche de Béné.

 

BILLETTERIE 

 

Lundi 15 mai – Halle Tony Garnier @ Lyon
Jeudi 18 mai – Le Dôme @ Marseille
Samedi 20 mai – Zénith Toulouse @ Toulouse
Lundi 22 mai – Nantes Métropoles @ Saint Herblain
Mercredi 24 mai – Zénith Arena @ Lille
Jeudi 29 mai – Accord Hotel Arena @ Paris 12

 

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Tout autour du monde, la marque Levi’s® s’est donné une nouvelle mission. Celle de favoriser l’accès à la musique pour tous en s’engageant dans un programme en faveur de l’éducation musicale et inspirer une génération de créateurs et de passionnés. Pour mener à bien ce projet, il est incarné et suivi par un ambassadeur. À Londres, Skepta était le mentor des jeunes de sa ville d’origine, Tottenham. De la même façon, Alicia Keys jouait le jeu à Brooklyn, SZA à Camden et le rappeur Vince Staples à Long Beach. L’objectif : inspirer et valoriser les jeunes grâce à leurs acquis et susciter leur engagement via la musique.

 

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À Paris, c’est le groupe Hyphen Hyphen qui a été choisi pour assurer ce mentorship et mener quatre jours de masterclass et de découverte de la musique, du chant à la batterie. À l’issue de ces quatre jours, les jeunes sélectionnés dans le 18ème arrondissement de Paris, ont pu mettre en pratique leur travail en accompagnant le groupe sur scène pour interpréter le titre « We Light The Sunshine ». Une expérience qui a indéniablement marqué leurs esprits.

 

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PUMA et Daily Paper s’associent une nouvelle fois pour présenter une collection de printemps disponible dès le 24 février. Dans un lookbook shooté en Jamaïque, ils présentent des pièces empruntées des archives de PUMA auxquelles s’apposent des coloris colorblocks et des motifs inspirés des tribus Massaï.

INSTAGRAM : @DailyPaper 

On connaît la routine. « Tu veux voir quel film ce soir ? »« On m’a dit qu’ American Honey était pas mal ! »« Ah oui avec Shia LaBoeuf. C’est pas le film qui dure 2h43 ?! La flemme » Ne vous laissez pas décourager ! Nous avons la chance de vivre une période d’émulation où les jeunes réalisateurs et documentaristes ont leurs chances et redoublent d’idées créatives, où un film indépendant bien ficelé peut obtenir une belle notoriété et surtout se voir distribuer dans nos contrées longtemps frileuses à l’idée de privilégier des films innovants face aux trop nombreuses comédies lourdes et apathiques refourgués par l’industrie US et FR. 

Rien qu’en ce début d’année, The Fits, Moonlight, ou encore Corniche Kennedy sont les témoins de cette tendance, qui nous l’espérons, durera un moment. En attendant, c’est bien d’American Honey qu’il s’agit aujourd’hui. Un (long) film retraçant le road-trip d’une bande de jeunes parcourant les US pour vendre des magazines. Tombé sous le charme de Shia LaBoeuf – parfois la réalité approche la fiction – Star décide de suivre cette bande loufoque mais pleine de charme, où elle devra faire ses preuves, même sans fibre commerciale. Nous avons eu l’occasion, pendant un temps beaucoup plus limité que 2h43 par contre, d’en savoir un peu plus sur Sasha Lane, que l’on a déjà hâte de revoir dans un prochain film.

Photos : @RickRence

La rencontre avec la réalisatrice

C’est vraiment arrivé naturellement. Andrea Arnold et deux agents de casting étaient à la plage pendant le Spring Break en même temps que moi. Elle m’a remarqué et le moment d’après je rentrais dans une voiture pour passer la semaine avec elle à avoir des conversations improvisées. On a senti toutes les deux que c’était la bonne chose à faire. Au départ, je ne voulais pas faire ça avant de finir ma première année d’université. Ça a été très rapide. Pendant le tournage, j’ai eu des hauts et des bas, je me suis parfois sentie surmenée, il y a eu de moments où je ne voulais pas savoir que je pouvais faire tout ça, parce que c’est effrayant. Mais je ne changerais tout ça pour rien au monde.

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« Non, je n’ai jamais envisagé être actrice ! Mais c’est drôle car si quelqu’un vient me choisir sur une plage, je vais essayer. »

Ta première réaction à sa demande

J’étais prêt de son camion, en train de mettre des valises et je lui ai dit « Juste pour que tu saches, si t’essayes de me tuer, les gens savent ou je suis, n’essayes pas. » Elle me répond qu’elle ne veut pas me tuer, et je lui réponds : « D’accord ». C’est quelque chose que Star aurait pu dire. J’imagine que c’est aussi pour ça qu’elle m’a choisi !

American Honey

Partager l’affiche avec Shia Labeouf

C’était vraiment incroyable ! Je pense qu’il est vraiment passionné. Certains voient cela comme de l’intensité mais je pense qu’il est incroyable et qu’il fait très bien ce qu’il a à faire ; il est prêt à tout. Ce n’est pas facile, tu dois parfois sacrifier tes sentiments et faire les choses avec pragmatisme. C’est quelque chose qu’il fait naturellement. C’était vraiment cool de travailler avec lui, on s’est vraiment bien trouvés tous les deux.

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Pression du premier rôle

Oui j’en ai eu : c’est mon premier film et je dois porter le projet en tant qu’actrice principale. Je pense que la plus grande pression que j’ai ressentie, c’était d’être celle qu’Andrea a imaginé. Il y a toujours cette espèce d’interrogation ; on se demande si elle a choisi la bonne personne. Mais je pense qu’elle est contente. [rires, ndlr]

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Projeter d’être actrice

Non, je n’ai jamais envisagé être actrice ! Mais c’est drôle car si quelqu’un vient me choisir sur une plage, je vais essayer. Et là vient Andrea, de façon hasardeuse. Aujourd’hui, je me fais à peine à l’idée de me dire actrice. Je me considère juste comme une passionnée, quelqu’un d’habité. Être actrice est un bon moyen de sortir ce qu’on a, d’exprimer ses sentiments et de vivre la vie que je veux vivre. Je fais des films pour arriver à ça et connecter avec les gens. Je pense que j’arrive à jouer face à des professionnels car je connais la vie, grâce aux expériences que j’ai vécues malgré mon jeune âge. Je suis sensible aux énergies, aux gens et à mes émotions. Je pense que cela joue, c’est mon style d’être cru, naturelle, tout le monde a des styles différents et celui là est le mien.

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« Comme Star, je me sens naïve dans le sens où je veux voir le bon, la beauté chez quelqu’un, je veux qu’elle soit une bonne personne »

Ressemblance avec le personnage

Je pense que je lui ressemble beaucoup. J’ai joué Star il y a 3 ans, j’étais dans un état d’esprit très différent de celui d’aujourd’hui. Mais à l’époque je me sentais très proche d’elle, au point de ne pas pouvoir dire la différence entre les deux. Comme Star, je me sens naïve dans le sens où je veux voir le bon, la beauté chez quelqu’un, je veux qu’elle soit une bonne personne, et te donner les opportunités pour que tu sois cette personne car les êtres humains sont très compliqués. Je comprends qu’il y ait des tas de facteurs qui puissent jouer là-dedans, mais j’essaie et j’essaie encore. Les gens flippaient en se disant pourquoi Star monte dans ce car, mais tu dois avoir un peu d’espoir. C’est quelque chose de divin. C’est comme si je pouvais ressentir quand il y a un réel danger, et là je deviens sceptique, mais tu dois juste mettre des barrières et tout se passera bien. Je laisse aux gens le bénéfice du doute, mais je préviens qu’il ne faut pas abuser de ma bonté.

Le road trip pendant le tournage

Ce fût vraiment parfait, car les acteurs sont vraiment devenus une famille, on a vraiment construit une relation, on a vraiment chanté ces choses qu’on a chantés dans le van, on a vraiment interagi dans ce van. Cela a aidé à rendre ce film si réaliste. Mais c’était dur aussi : imagine être dans ce van avec un tant de gens, tant de fortes personnalités, toutes mixés ensemble pendant deux mois, c’est beaucoup, c’est fou et chaotique. Tu te disputes parfois mais tu t’attaches, tu apprends à les aimer et tu te dis que vous avez été choisis pour une raison. On aurait manqué quelque chose en ne vivant pas cette expérience, donc cela valait le coup. Ce fût dur, mais magnifique.

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La BO très hip-hop du film

J’écoute plus de hip hop old-school et underground, je veux que ce que j’écoute ait un vrai message. J’aime que notre génération puisse rapper sur des choses sérieuses mais dans un esprit positif. Je ne suis pas vraiment fan de la trap music, sauf dans une phase de détente, mais ce n’est pas quelque chose que j’écoute continuellement. C’est trop pour moi.

Définition d’une American Honey

Quelqu’un de résistante, et quelqu’un capable de voir la beauté dans l’obscurité. Je ne sais pas vraiment, j’ai juste des mots qui me viennent à l’esprit comme ouverte, compréhensive. Mais « résistante » est un bon mot.

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« Si t’essayes de me kidnapper, n’essayes même pas. Je ne suis pas la meuf avec qui je te conseillerais de tenter ça. » – Les premiers mots de Sasha à Andrea Arnold, réalisatrice du film.

Un mois après « Atychiphobia : The Prelude » (mot grec pour traduire la notion de la peur de l’échec) , Gracy Hopkins, épaulé par Josman, nous revient avec la sortie de son nouveau visuel so(m)brement intitulé « Nyctophobia » (peur de l’obscurité). Vous pouvez retrouver ces deux titres dans le dernier projet « Atychiphobia : The Higher High » sorti début 2017.

Nous avons donc demandé à ALIX, réalisateur, de nous expliquer comment la connexion entre lui et Gracy Hopkins s’est faite et comment leur collaboration a donné vie au visuel « Nyctophobia ».

 

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ALIX : « C’est sur le titre « Man » et son clip réalisé par Lossapardo & Iokmane que j’ai découvert Gracy. Très intéressé par son univers, sa personnalité et surtout sa voix, une signature particulière, je l’ai contacté dans l’espoir de pouvoir travailler avec lui. La connexion s’est faite très rapidement, une semaine après je me sus rendu à son live au « Petit Bain », organisé par Le Sofa. Le coup de coeur musical a opéré.

Après le visionnage de mes deux dernières fictions, Gracy été convaincu que l’on pouvait associer nos deux univers. Avec l’arrivée de son EP, le 14 janvier, c’était l’occasion parfaite pour une première collaboration et la réalisation de mon tout premier clip.

On a donc travaillé ensemble sur l’écriture du clip « Nyctophobia ». Nous trouvions intéressant d’utiliser le « Black Lives Matter » pour justement exposer la « brutalité policière » mais sans ignorer les disparités qui existent au coeur même de la communauté noire.

 

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When all this, my niggas fallin’, you know this
You grow this new policy, run from the police
Maybe you honest, you bought this, you bought this, your bodies
ain’t, bodies ain’tn treated like…


 

Le message de ce clip est de se méfier des aprioris, des idées reçues ou de conclusions parfois trop hâtives.

 

 

L’afterwork mensuel de Kitsuné se prépare et la marque vous donne cette fois-ci rendez-vous aux Bains avec WealstarrTerezaDrknghts Collective et un live de Gracy Hopkins
Salle: Les Bains
Adresse: 7 rue du Bourg l’abbé, 75003 Paris
Timing: 19h-23h
RSVP: http://bit.ly/Afterwork9mars

 

EVENT FACEBOOK 

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Il y a quelques mois nous avons eu l’honneur de rencontrer Sampha, chanteur anglais plus connu pour ses collaborations avec Jessie Ware, SBTRKT, Solange, Frank Ocean, Drake (avec l’exellent titre « Too Much ») ou encore Kanye West. Oscillent entre scène électro british et mainstrem américain, l’artiste à la voix suave et envoutante aura pris tout son temps afin de nous offrir son premier album « Process ».

Sampha : Si je devais me décrire en tant qu’enfant, je dirais que j’étais plutôt heureux. J’ai grandi avec plusieurs frères donc…4 grands frères d’ailleurs. J’étais donc le plus jeune et aussi loin que je me souvienne j’adorais danser. J’étais un enfant plein d’énergie et j’adorais la musique. Je jouais du piano et je mangeais probablement des trucs pas très sains pour un gosse de cet âge. Je ne saurai dire quand j’ai arrêté d’être un enfant car je me considère toujours comme tel.

Je suis originaire de Morden, une ville située dans le sud ouest de Londres. Ce qui est bien c’est que la ville est assez proche de la capitale, je pouvais donc y faire des allers-retours très facilement. Morden, c’était un endroit très calme et sans danger. Cela m’a sans doute donné un sens de plénitude et une habilité à prendre du recul sur les choses…énormément même. Grandir en étant le cadet vous rend fatalement solitaire, d’une certaine façon. J’ai donc eu pas mal de temps de m’imaginer énormément de choses.

Mon père rapportait très souvent des disques en rentrant du travail, puis il les jouaient à la maison. Je pense que cela a été très important dans ma construction car un lien spécial s’est crée entre mon père et moi. Il m’a initié à la musique classique car autrement je n’aurai pas été attiré par ce genre musical étant enfant, même s’il s’agissait des morceaux les plus populaires.
Au delà de la musique, il y a avait aussi la diversité de style musical qu’il rapportait à chaque fois : de la musique africaine, de la pop et même ces chansons interprétées par des boys band comme A1.
On écoutait aussi bien du Pavarotti, du Céline Dion que du Oumou Sangaré ou du Salif Keïta. Je n’étais pas forcément demandeur, au départ je subissais plus qu’autre chose. Il se trouve qu’il y avait tout le temps de la musique à la maison et si ce n’était pas mon père qui passait un disque, et bien c’était mes frères. Ça venait de partout. J’étais juste ce petit garçon entouré par des disques. Il y en avait partout. Petit à petit je me suis construit une oreille musicale. Mes frères avaient tellement de goûts variés que cela a ouvert mon esprit. Cela a été décisif dans mon parcours.

« Kora Sings », c’est un processus de création complètement fracturé. On faisait un boeuf et c’est comme ça que le squelette du morceau s’est fait.

 

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Sur cet album « Process » il y a un titre inspiré de musiques traditionnelles africaines. C’est quelque chose que j’écoutais étant gamin. Mon père en amenait à la maison mais comme du fait de ma jeunesse je n’ai pas vraiment « cliqué » mais cela a changé à la fin de mon adolescence. Écouter Oumou Sangaré a vraiment touché quelque chose au plus profond de moi pour être totalement honnête. Il y avait quelque chose de vraiment puissant dans sa manière de chanter, les émotions qu’elles véhiculait même si je ne comprenais pas ce qu’elle racontait. Je ne pourrais vous expliquer l’impact que sa musique a eu sur moi, c’est même ça le plus dingue. Sa musique m’a eu, je ne sais pas comment l’expliquer…c’est très profond. Je pouvais ressentir ce dont elle parlait et j’ai vraiment été choqué lorsque j’ai lu les traductions de ses morceaux. Cela m’a coupé le souffle : les répercussions de la polygamie, ce que les femmes africaines endurent et l’adversité à laquelle elle a dû faire face. C’est comme si vous pouviez réellement entendre la douleur dans sa voix…La façon dont Oumou chante, la profondeur de ses textes, le ton de sa voix, celui des voix de fond, la façon dont les pistes vocales s’emboitent les unes sur les autres… J’ai vécu son album « Worotan » comme une expérience sonore bien sûr, mais surtout visuelle.
Au départ je voulais vraiment enregistrer une grande quantité de sons et d’instruments, c’était plutôt une expérimentation pour voir où cela me mènerait. J’ai aussi voulu, d’une certaine manière, mettre en lumière la musique avec laquelle j’avais grandi. « Kora Sings », c’est un processus de création complètement fracturé. On faisait un boeuf et c’est comme ça que le squelette du morceau s’est fait. Puis, on a construit autour de cette base et cela nous a pris entre deux et trois heures pour finaliser le morceau. Est ce que c’est un sorte d’hommage à ce que mon père avait l’habitude d’écouter quand j’étais petit ? Je n’emploierai pas le terme « hommage » car au même titre qu’un morceau de Stevie Wonder ou n’importe quel autre artiste d’ailleurs, si je perçois une sonorité qui me parle et que je l’utilise je préfère dire que c’est une inspiration car je souhaite me concentrer que sur la valeur musicale de l’instrument. Pour ce qui est du titre, effectivement, j’ai ressenti la connexion originaire de l’Afrique de l’Ouest. Peut-être faudrait-il y voir un hommage…je ne sais pas. Ce qui est sûr c’est que les paroles, elles, sont un hommage à ma mère.

À quel niveau ma famille a t-elle influencé cet album ? Je dirai énormément. Plus précisément mes frères car je voulais chanter des morceaux qui me feraient sentir proche d’eux. Quand j’ai écris cet album je me suis immédiatement dit que c’était quelque chose qu’il fallait que je fasse. C’était un besoin. Chaque membre de la famille m’a influencé de tellement de manières différentes : mes frères, en m’entourant de toutes ces musiques et mon père en apportant un piano à la maison…
Ils m’ont tous encouragé à suivre mon coeur et faire ce que j’aimais. Alors moi arrivant à un niveau où je chante avec Drake, Kanye West, Jessie Ware, etc. en plus de sortir un album…cela les rend tellement fiers. Tous ces personnes cités, leurs ont donné l’impression que je faisais les choses de la bonne façon. Ils aiment le fait que je fasse quelque chose que j’adore et qu’en plus cela fonctionne. Tous mes frères font de la musique mais aucun ne travaille dans l’industrie musicale ou n’en a fait sa profession.

Des années plus tard j’utilisais le même schéma sur le titre « Saint Pablo » avec Kanye West.

 

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J’ai commencé à jouer d’un instruments à l’âge de 3 ans avec le piano. Quant à l’écriture, je crois que je devais avoir 11 ans quand j’ai écris ma première chanson digne de ce nom. J’avais noté les paroles sur différents bouts de papier et c’est là que je me suis dit que le texte était assez bon pour être chanté à des personnes. Est ce que je me rappelle des paroles ? En fait oui. C’était une chanson où je me posais beaucoup de questions sur les choses : est ce que Dieu existe, pourquoi certaines choses se produisent et d’autres non…La démarche était plutôt simple finalement. Des années plus tard j’utilisais le même schéma sur le titre « Saint Pablo » avec Kanye West.
Se poser des questions…j’ai le sentiment d’être en quête perpétuelle. À la recherche de directions, de spiritualité… Je suis à une période de mon existence où je souhaite comprendre les choses, savoir pourquoi certaines choses se produisent. Tout ce qu’on nous enseigne durant notre scolarité…aujourd’hui je veux apprendre mais à ma façon. Au risque de découvrir que le cheminement personnel est un non-sens.

Oui, je suis timide. Je n’ai aucune honte à l’admettre. Lorsque je travaille avec d’autres artistes, quels qu’ils soient, où que je sois, je reste moi-même. Je n’essaie pas de forcer les choses et j’essaie de garder une éthique de travail identique à celle que j’ai en travaillant seul ou avec un ami. Je ne saurai faire autrement. Je tente de ne pas trop réfléchir à l’artiste qui est en face de moi et étant quelqu’un qui choisi ses mots, je pense que ma timidité est un atout si je me positionne en tant qu’auteur. Enfin, je pense…je ne suis pas sûr en fait. Parfois j’ai l’impression que je voudrai être plus ouvert, mais être réservé, ce n’est pas quelque chose que je fais exprès. De temps à autres, m’exposer me rend mal à l’aise. Sûrement que le mot est trop fort mais dans ma tête je me dis « je suis en train de chanter quelque chose qu’un tas de gens va écouter et critiquer », mais le plus souvent je sais que je me monte la tête en pensant comme ça. Toute cette agressivité n’est pas réelle. J’aime à penser que ma musique parlera pour moi et reléguera ma personne au second plan. Je n’ai pas de réelles raisons d’être aussi discret… ce n’est pas quelque chose auquel réfléchi, c’est vraiment ma personnalité. Je trouve naturellement difficile de laisser les gens écouter mes pensées les plus profondes comme avec les réseaux sociaux par exemple…

Pour moi il y a énormément d’endroits qui peuvent vous permettre de trouver des personnes qui réfléchissent comme vous, qui ont les mêmes centres d’intérêts que vous… Londres n’est pas forcément le seul endroit. Même si la multitude d’opportunités offertes aux gens pour s’exprimer se fait la part belle ici, il y a d’autres endroits qui remplissent aussi ces critères. Grandir à Londres m’a forcément aidé au niveau musical mais c’est difficile pour moi d’en parler objectivement car c’est chez moi. Il faudrait que je quitte la ville pendant un bon bout de temps pour réaliser à quel point cette ville m’influence. Londres c’est une concentration de personnes d’horizons différents, il y a tellement de styles musicaux différents. Pour « Process » j’ai principalement travaillé sur Londres mais j’ai aussi passé pas mal de temps en Norvège. Là-bas, il y a un studio tout à fait particulier qui s’appelle Ocean Sound Recordings, situé sur l’île de Giske. C’est un endroit vraiment reculé où le paysage montagneux qui vous entoure est magnifique. Vous pouvez vous y échapper et vous concentrer sur votre musique pendant très longtemps.

Si je peux m’énerver ? Oui, enfin…pour moi c’est de la colère mais ceux qui l’ont vécu n’ont pas remarqué que j’étais sur les nerfs !

 

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Comment je décrirais ma musique ? C’est un exercice difficile pour moi… mais je dirai que c’est électronique, acoustique… voire même quelque chose de vocal comme la soul, ou la façon dont vous appelez ça. J’imagine que ma musique est mieux décrite par les gens qui l’écoute. Concernant l’album, à mon sens il s’agit d’un cliché photo de moi-même à une période définie.
Il y a là certains types d’émotions, mes combats et mes questionnements, il y a aussi de la colère car je compose avec l’adversité. Si je peux m’énerver ? Oui, enfin…pour moi c’est de la colère mais ceux qui l’ont vécu n’ont pas remarqué que j’étais sur les nerfs ! C’est peut-être aussi dû au fait que j’exprime ce sentiment d’une façon différente de ce qui se fait habituellement.
Au final, cet album a été très thérapeutique… je sais qu’on tombe en plein cliché là. « Process » c’est moi, traversant une période difficile et la musique était une manière pour moi de m’exprimer et il y a beaucoup de pensées derrière le projet. Que ce soit dans la production et ou l’esthétique sonore, j’ai essayé d’apporter quelque chose de visuel à travers la musique. J’ai voulu matérialiser mes émotions même si parfois, je me suis senti mal à l’aise et dans un état de chaos. C’est un album que je considère comme une sculpture.

Comment me suis-je rendu compte que j’étais prêt à faire un album ? Je pense que cela s’est imposé simplement il y a deux ans. J’étais prêt parce que je l’ai senti, non pas parce que quelqu’un m’a dit que je l’étais. Être un chanteur et collaborer avec des artistes, les gens ont tendance à croire que l’étape suivante est automatiquement l’album. Comme s’il y avait un schéma prédéfini, mais moi je n’étais pas à l’aise jusqu’à ce je me sente vraiment bien, en confiance et c’est aussi pour ça que mon album est un reflet de ma personne. Ma voix est mise en avant, elle est claire et un peu plus direct. Je pense que j’ai eu une sorte d’épiphanie quant à cet album. J’ai réalisé que je pouvais faire un projet…voire une oeuvre. Aujourd’hui, la musique est consommé différemment, mais j’ai souhaité le faire de cette façon car c’est avec des oeuvres que j’ai grandi et que je me suis forgé une culture musicale.
J’ai donc pris du temps pour cet album, et même si je ne suis pas quelqu’un qui sort des morceaux fréquemment, je sais qu’il y a des gens qui ont attendu pour ce type de projet. Je ne savais ni combien ni qui ces personnes étaient mais c’est comme ça que je voulais procéder. Un projet entier, qui se tient et qui soit cohérent. Tout ce temps je m’étais conditionné pour ce moment précis. Maintenant que « Process » est sorti, j’ai retrouvé une liberté à sortir d’autres morceaux, d’autres collaborations.

La scène Grime de Londres a été le centre d’attention du monde entier grâce à Skepta, Stormzy et les autres.

 

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Vous mentionniez Little Simz, Lapsley ou encore Denai Moore comme exemple et le fait qu’elles soient capables d’écrire des morceaux aussi profonds aussi jeunes. Sans doutes moi aussi ai-je écris des morceaux aussi puissants à leur âges…À n’importe quel moment de la vie, que ce soit 22 ou 23 ans, vous vivez des choses, beaucoup de choses. Il y a énormément de jeunes qui vont traverser des épreuves que des quarantenaires n’auront jamais vécu. Peut-on dire que ce sont juste des expériences différentes qui sont considérées comme plus profondes ? Personnellement j’ai vécu des choses que j’ai exprimé durant cette époque. Même un enfant de 4 ans peut exprimer ses pensées…le tout c’est d’avoir les bons instruments pour pouvoir exprimer ces choses là. Les humains sont complexes et c’est déjà quelque chose de profond. Tu peux avoir dit quelque chose de profond à 23 ans mais qui, alors, ne te paraissait pas comme tel puis redécouvrir ces paroles des années plus tard et te dire que ça l’était. Il y a des choses qui, à l’âge de 16 ans, sont intellectualisés mais si tu les vivaient aujourd’hui tu te dirais que cela n’en vaut pas la peine. Pourquoi ? Parce que ton cerveau avec le temps, a appris à en faire l’impasse.
Tout cela n’est qu’un moyen d’expression. Les gens s’expriment, point.

 

From Morden, to Freetown, Sierra Leone.

Process: A film by Kahlil Joseph, coming March 2017, only on @AppleMusic https://t.co/gJ12nWJyDa pic.twitter.com/G0hvSWVXwV

— Sampha (@sampha) February 2, 2017

Comment j’explique la connexion Drake ou Asap Rocky avec Skepta ?
De ce que j’ai appris ou de ce que j’ai perçu, Londres a toujours été un lieu où les gens ont eu une liberté de créer et être poussés pour ça, tandis que cela prendrait un peu plus de temps ailleurs. J’imagine que c’est pour cela que les américains viennent sur Londres d’abord avant de se propager autour en Europe. Dans le cas ci dessus, la scène Grime de Londres a été le centre d’attention du monde entier grâce à Skepta, Stormzy et les autres. C’est quelque chose de bien pour la ville et même excellent parce que cette scène a toujours essayé de rester vraie à 100%. Ses artistes n’ont pas tenté de se conformer à un moule pour vendre plus ou pour être connus, et maintenant le style se répand partout. C’est toujours agréable quand les gens sont acceptés car ils ne se sont pas fourvoyés et c’est une bonne philosophie à transmettre, la façon dont ils se comportent pour leur ville. Ils sont restés vrais envers la musique qu’ils aiment.
Selon moi, lorsque vous avez de très fortes convictions cela se ressent et attire les gens vers vous. Pour moi, c’est exactement ce qui est en train de se passer avec le Grime.

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Mardi 19 juillet, la famille d’Adama Traoré apprend son décès dans le commissariat de Persan à la suite d’une interpellation à Beaumont-sur-Oise. Depuis, elle n’a de cesse de chercher la vérité sur les conditions de cette mort inattendue. Dans leur quête, c’est toute la communauté de Beaumont-sur-Oise qui c’est mobilisé, puis tout un pays.

Hier, jeudi 2 février, ce sont des artistes qui ont tenu à se réunir sur la scène de la Cigale pour continuer à mettre la lumière sur un combat qu’ils ne veulent pas voir tomber dans l’oubli. C’est dans une salle comble que Mac Tyer, Kery James, Medine, Sofiane, Ärsenik, Dosseh, Tito Prince, Youssoupha venu accompagné de Black M, se sont produit aux côtés des membres de la famille d’Adama, et d’autres familles, dont les membres ont été victimes de violences policières.

Le photographe David Maurel s’y est rendu, et nous fait partager ses images pour témoigner de la mobilisation et de l’engagement de tout ceux présent ce soir-là.

 

Justice pour Adama

Meilleur film dramatique aux Golden Globes et nominé dans la même catégorie aux Oscars prochains. Moonlight, film-évènement de la fin d’année 2016 aux USA, croule sous les nominations et les récompenses, ne saurait tarder à faire parler de lui dans l’Hexagone. À la tête de ce projet, Barry Jenkins signe son deuxième long-métrage inspiré par la pièce In Moonlight Black Boys Look Blue de Terell Alvin McCraney. Le film suit le parcours de Chiron dans sa quête d’identité sociale et sexuelle dans l’environnement hostile que représente Miami, de son enfance à l’âge adulte. Une chronique en trois actes qui illustre de belle manière les questions de l’homosexualité, de l’affirmation de soi et de la drogue dans la communauté noire américaine. Rencontre avec le réalisateur qui s’exprime avec sincérité sur sa vision de l’œuvre originelle, de l’évolution du film black US, ou encore de la difficulté pour sa mère, ancienne toxicomane, à se voir retranscrite dans ce film.

Photos : @RickRence

L’inspiration

Le film diffère de la pièce originale au niveau de sa structure. Elle n’est pas divisée en 3 parties, mais au cours de 24 heures, on alterne un moment avec chaque personnage dans un rythme de : 1,2,3. 1, 2,3… sur 24 heures. La pièce s’arrête au coup de téléphone de la troisième partie, le héros ne revient pas à Miami pour revoir Kevin au restaurant. C’était une création, une addition à la pièce.

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Le casting

On voulait trois personnes différentes pour jouer le personnage principal. Une des chansons du film parle de la façon dont la société dicte comment ils doivent être. Un gars ne marche que de cette façon, ne doit regarder un autre garçon que de cette façon… Je ne voulais pas de trois personnes qui se ressemblent physiquement mais qui véhiculent une même spiritualité dans leurs yeux. Quand tu vois l’affiche du film ce sont leurs yeux qui les connectent, ils ont le même « feeling ».

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Les trois acteurs principaux n’étaient pas autorisés à se voir. Les Kevin aussi étaient trois, et n’étaient pas autorisés à se voir non plus. La seule personne qui les a tous rencontrés c’est Paula (Naomie Harris), qui est dans un certain sens le roc de ce film. Je voulais que le public saisissent notre intention de conserver une constante au milieu de ces trois différentes personnes. Elle fonctionne comme un point d’ancrage, un phare pour le héros ; car même si Kevin est tout autant présent, il évolue également.

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Naomie Harris refusait de jouer une junkie afro-américaine

Je n’ai pas dis grand-chose, je respecte sa position. Je ne suis pas une personne qui croit aux images positives ou négatives, j’aime que les images parlent d’elles mêmes, qu’elles disent la vérité, et la vérité peut être moche des fois. C’est mieux que de créer de faux semblants et de fausses images de positivité. Je n’ai pas essayé de la convaincre, je lui ai juste expliqué que je comprenais d’où elle venait. J’hésitais même à écrire son personnage ; il y a une version de ce film qui fonctionne sans lui. Il y a des gens – pas tant que ça – qui se disaient « ton personnage est pauvre, noir, gay et sa mère est addict à la cocaïne ! Y’en a un de trop ! » Mais c’est ma vie et celle de Terell, et enlever cet élément aurait été enlevé de l’authenticité et je n’adhère pas au concept de honte ou de politiquement correct. Donc tout ce que je lui ai dis c’est : « Tu ne joues pas une crack addict, tu joues ma mère, c’était une vraie personne qui a souffert d’une addiction. » Et elle a fait son analyse seule et elle a fait le job. Est-ce mon rôle en tant que réalisateur de convaincre un acteur de jouer un rôle ? Elle doit se convaincre elle-même, comprendre pourquoi elle veut jouer ce rôle. C’est ce qu’elle a fait, et de belle manière. Et j’en suis heureux.

Le cinéma black US en 2016

J’aurais aimé faire le film plus tôt ! Je ne pense pas que ce soit seulement cette année, mais comme la précédente avec Ryan Coogler qui a fait Creed, Ava DuVernay avec Queen Sugar, Straight Out Of Compton… il y a eu du bon ! Cette année il y a eu Atlanta, Insecure, Underground, des tas de trucs. Ce que je vois c’est la fin d’un parcours de 8 ans avec un président noir aux USA, ce qui n’était jamais arrivé avant. Ces films se font en 3 ans et demi, donc à un certain point dans cette nouvelle ère, toutes ces histoires autrefois limitées ont été délivrées. Je pense que des oeuvres comme Insecure ou Atlanta n’auraient pu arriver que ces 8 dernières années. Et je pense que Moonlight aussi. Plan B qui est producteur de ce film, est aussi à l’origine de Selma et 12 Years a Slave. Je fais peut-être une connexion trop forte mais je pense que cette atmosphère a quelque chose à voir avec tout ça. Je sais que vous allez me demander pour Trump, mais j’espère qu’on va continuer dans cette direction. Mais ne demandez rien sur Trump quand même [rires, ndlr] !

La BO du film

J’ai essayé au maximum de choisir moi-même. J’ai d’abord entendu la chanson d’ouverture du film [Every Nigger is A Star de Boris Gardiner] sur l’album de Kendrick Lamar. Quand je l’ai entendu et étudié le sujet de la B.O. dans un film de Blaxploitation je suis tombé amoureux de l’idée d’ouvrir un film en plantant un drapeau. Je voulais que les gens sachent que c’est un film de noirs, fait par un réalisateur noir, joué par des acteurs noirs, dans une communauté noire ! Je voulais vraiment être clair sur la perspective du projet. Et je pense que cette chanson était le meilleur moyen de faire ça.

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« Pendant 25-30 ans, Spike Lee a du tout faire, il a quasiment porté sur ses épaules toutes les facettes de l’expérience noire américaine. Et maintenant il y a tellement de réalisateurs qui racontent leurs expériences, que plus personne n’a a tout porter seul. »

Le casting entièrement noir

Je n’ai pas de problèmes avec ça car je n’ai pas connu de blancs dans ma vie avant d’entrer à l’université ! Il n’y avait pas de blancs dans ma vie, ni dans mon film par extension. Il aurait fallu créer des personnes blanches, et les placer à Liberty City, ce qui n’aurait eu aucuns sens. Ça n’a jamais traversé ma pensée, ça m’a même surpris qu’on le mentionne, car je m’en suis rendu compte sur le moment. Ce n’était pas un but ou une intention, c’était juste en accord avec le monde du personnage.

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Le blocage de sa mère qui n’a pas vu le film

On avait loué un ciné pour ma mère et ma sœur, dont je suis très proche, pour qu’elles puissent voir le film avant sa sortie. Trois jours avant, ma mère décide qu’elle n’ira pas voir le film, ce que je comprends. Et j’ai demandé à ma sœur : « Mais tu vas aller le voir toi ? » et elle m’a répondu « Non… On va attendre qu’il sorte en DVD ». Mais bien sur quelques jours après, ma sœur est venue et a vu le film. Je savais qu’elle le ferait, et elle a adoré. Mais quand elles ont décidé de ne pas voir le film, c’était assez pesant, j’étais peut-être blessé… je ne sais pas. Mais je comprends pour ma mère, elle ne devrait pas avoir à revivre tous ces trucs. Elle a vécu une vie difficile, et lui demander la permission de faire ce film était déjà un bel effort. Je pense qu’elle le verra un jour, mais pas dans un cinéma, avec des étrangers dans la pièce. Mais elle lit et regarde chaque interview que je donne, ça l’obsède. Je pense que voir quelqu’un d’autre jouer votre personne est vraiment différent. Vous avez déjà vécu une séparation ? Imaginez-vous quelqu’un jouer votre rôle pendant une séparation. C’est dur frère ! Et multiplie ça par 8000 !

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Le succès inespéré du film

Je n’attendais pas autant d’intérêt, non. C’est cool ! je suis extrêmement touché, c’est magnifique. J’ai vécu cette histoire, et j’ai le sentiment qu’un enfant qui grandit là où Chiron a grandi, ne finit pas avec un Golden Globe. Un enfant qui a grandi là où Chiron a grandi ne se fait pas nominer aux oscars ! [Tapant du poing sur la table en bois] Mais peut-être que si finalement ! Mic Down !

Moonlight – Sortie Mercredi 1er février 

Plus épuré, la mythique Air Max Plus devient Ultra, avec des lignes plus fluides et un design plus aéré. Avec son maillage sur la partie supérieur et sa semelle plus légère, la TN se modernise sans pour autant perdre son identité.
Annoncé dans le coloris «Noir/Iridescent», «Blanc/Noir», «Rouge/Blanc/Noir», «OG Blue Fade» et «Gris», Nike n’a pas encore communiqué sur sa date de sortie. Gardez un oeil sur elle pour ne pas les rates.

Pour terminer le mois de janvier, c’est Take A Mic qui nous a rejoint pour un premier live sur la scène de la Machine du Moulin Rouge. Soutenus par les DJs Rakoto 3000, Boo, Colorsboyz et Richie Reach, et surtout par son collectif Eddie Hyde, il est venu défendre son dernier projet « Bipolaire ».

L’hiver se poursuit et on a décidé d’ajouter une nouvelle date à notre calendrier : le vendredi 10 mars ! En attendant, on vous donne rendez-vous le samedi 25 février pour la prochaine.

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En partenariat avec RADAR.

Photos@CamillePioffret

L’afterwork mensuel de Kitsuné se prépare et la marque vous réserve cette fois-ci un line-up composé de Complexion, Last Night In ParisMaximus MMC et des lives de  Ta-Ha et NXXXXXS

Évènement: Kitsuné Afterwork
Date: Jeudi 2 février
Salle: Les Bains
Adresse: 7 rue du Bourg l’abbé, 75003 Paris
Timing:  19h-23h
Event Facebook : https://www.facebook.com/events/801169260021151/ 

RSVP: https://kitsunafterwork2fevrier.splashthat.com/

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C’est écrit blanc sur noir sous le gros logo depuis quinze ans : Premier sur le rap. Mais le cool, le sucré, le facile, le doux violent. Avec une gueule de mec sympa ou de caillera molle. Pas l’amer, le tranchant, l’éclairé, le vindicatif. Celui-là, la radio n’en veut pas. Faut que ça distraie, que ça danse, puis que ça entête, que ça vende quoi. Des morceaux qui caressent ou grattent gentiment. Les pas-dans-le-moule s’en agacent prodigieusement, par éthique ou par posture, mais peu rechignent à s’asseoir à la table de l’ennemi quand on les y convie. Entre haine obsessionnelle et opportunisme crasse, retour sur une relation contrariée à travers trois dissidents.

 

« Ils ont travesti le R-A-P »

« J’sors en indé / Tu m’verras plus jamais / Mettre les pieds à Skyrock / Ils n’aiment pas c’que je suis, c’que je défends, c’que je porte / C’est réciproque / Ils ont travesti le R-A-P / Je fais partie des rescapés / Ils ont encensé la médiocrité / Ils ont fait du hip-hop de la variété ». Kery James détache bien les mots, découpe soigneusement les phrases, laisse traîner vaguement les syllabes, des fois que le message ne soit pas assez clair. Il poursuit : « Vous vous êtes servi de moi, j’me suis servi de vous / Pour que mon message passe au plus grand nombre, maintenant j’peux le faire sans vous ».

 

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Ils ont travesti le R-A-P. On rembobine. Début des années 90, le Syndicat National de l’Edition Phonograpique (SNEP) s’inquiète de ce que les ventes de musique tricolore chutent superbement. La solution s’appelle Carignon, du nom de la loi qui impose aux radios commerciales un taux minimum de 40% de programmation de chansons francophones. NRJ, Fun Radio et Skyrock émettent alors sous contrainte du rap français pour s’acquitter des quotas. Les premiers emcees qu’on diffuse s’appellent Alliance Ethnik, Mellowman, Reciprok, Doc Gynéco ou Ménélik. Ils parlent fête, amour et autres trucs délassants. Epoque « rap à l’eau sur toutes les radios ». Skyrock, qui talonne de trop loin ses deux concurrents, renonce peu à peu au rock et à l’électro puis adopte en 1996 le slogan « Premier sur le rap », façon de se différencier. Pragmatisme malin. La radio programme jusqu’à 80% de rap en 1998, essentiellement français. Elle le choisit volontiers subversif, hardcore. Ce qu’il faut de ghetto pour faire bander tout dur les jeunes bourges. Les majors retournent leurs vestes et les disques de hip-hop se vendent copieusement. En 2000, pourtant, la nouvelle direction de Skyrock inquiète ses stations locales, qui souffrent d’un recul de 20% de leurs recettes publicitaires. On réclame un changement de programmation. Chez Sky, on n’aime pas le clivant. A l’antenne, les angles deviennent plus ronds, les propos plus tièdes. Rassurer l’annonceur. Le rap se vide de sa substance, sa beauté se standardise, asservie par des formes bien tracées et des clichés. Les petits nouveaux veulent faire du biff et la jouent consensuel. Ils donnent ce qu’on attend d’eux. « J’ai toujours fait attention à ne pas cautionner certains discours. On ne peut pas être une radio qui veut jouer un rôle dans la société en diffusant des mecs qui veulent tout brûler. », soutient Laurent Bouneau, faussement débonnaire. Ils ont travesti le R-A-P.

 

 

Kery James fait partie des refoulés de ce grand marché au son pas contrariant, regrette que la varièt’ de Jul, Maître Gims, Black M ou Fababy soit désormais tenue pour norme. Rappeurs fragiles comme les os d’Abou Diaby. Bouneau croit le val-de-marnais dépassé, sombre quand on veut du léger ou du cru pas politique. Ils ont travesti le R-A-P. Sa musique à lui dénonce et sert des causes. Kery en a profité, pourtant, des ondes moelleuses de la radio. Et le reconnaît sans trop rougir. Skyrock l’a tiré de son anonymat à ses débuts adolescents, l’a propulsé, popularisé. On l’invitait rue Greneta, il faisait le mec content d’être là, on passait ses titres et ça lui allait bien. Il a pris ce qu’il pouvait prendre, le temps que ça a duré. A l’époque, les rappeurs avaient besoin de Skyrock comme Charly de Lulu ou K-Ci de Jojo, aussi vrai que La Clinique posait tour à tour rageur sur « Tout saigne » et solaire sur « La Playa ». Ils en avaient besoin mais ne l’assumaient pas. Il faisait bon se dire en marge pour séduire les puristes. La notoriété bien acquise, Kery James peut aujourd’hui couper le cordon sans façon. « Cette décision est arrivée tardivement parce que je suis un homme intelligent et que je me suis servi d’eux tout comme eux se sont servis de moi. Si j’avais fait ça bien avant, il y a plein de gens qui n’auraient pas connu ma musique. Donc j’ai attendu de pouvoir le faire, j’ai attendu qu’internet soit vraiment un outil en place. Et aujourd’hui grâce à internet, je peux dire à une partie du public que j’ai conquis par Skyrock que je peux me passer de cette radio. Ne plus être diffusé n’a aucune incidence pour moi. » Pour Mouhammad Alix, son Planète Rap est un pied de nez qui s’appelle Planète Kery, et se joue en live sur Facebook. Ils ont travesti le R-A-P mais pas le sien.

 

« Tu connais rien au son comme Fred de Sky »

« Du rap de village ». La phrase résonne encore en lui comme le refrain d’un tube de Drake. C’était du temps où Booba avait les muscles encore lâches et des survêts en peau de pêche. Le D.U.C venait de prendre congé de Lunatic, l’envie de s’essayer en soliste. 2002. Temps Mort sous le bras, Géraldo et Jean-Pierre Seck, ses managers d’alors chez 45 Scientific, toquent à la porte de Laurent Bouneau tout optimistes. La rencontre ne se passe pas comme prévu. Les morceaux de l’album défilent, le directeur des programmes tourne en rond autour de son bureau et mâchouille nerveusement son stylo. A la fin de l’écoute, il jure qu’il ne relayera jamais l’album. « C’est du rap de village ». Trop communautaire, trop violent. Le couperet tombe, sec et brutal, lame épaisse qui s’enfonce dans le corps et tranche les espoirs candides. Deux ans plus tôt déjà, Skyrock n’avait pas cautionné le titre phare de Mauvais Œil, « Si tu kiffes pas », rapport à certaines paroles comme « J’aime voir des CRS morts ». La radio aura finalement soutenu quelques titres de l’opus mais refusé d’y consacrer un Planète Rap. Chez 45 Scientific, le soufflet ne passe pas. Pour la promo de Temps Mort, l’équipe imagine une campagne de pub portée par un slogan revanchard : « Numéro 1 sans coke ni Sky ». Guerre offerte aux yeux de tous. D’après Fred Musa, la démarche n’aurait pas été du goût de Booba, qui brûlait de tourner sur 96.0 FM. Pour autant, même sans l’appui de Skyrock, le projet dépasse vite et sans peine les 60 000 ventes. Laurent Bouneau consentira finalement à jouer le radiophonique « Destinée », non sans prendre le soin de faire bipper le passage où Booba se dit « d’humeur palestinienne ». Mais la rancœur est tenace.

 

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La suite s’écoute sur « Mon Son », extrait de Panthéon : « Déconseillé aux moins d’seize numéro uno / 92100 à l’aise avec ou sans Laurent Bouneau ». Seulement, tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc. La première radio jeune jouit d’un pouvoir glouton qui la fait mouiller avec un plaisir coupable. Le même Laurent Bouneau se rend au studio découvrir les premiers extraits de l’album, Booba se plie gentiment à l’exercice de Planète Rap et on joue de bon cœur ses titres en playlist. Puis Ouest Side. Rebelote. Planète Rap et singles en boucle. Tout va bien en surface. 2007. Booba pique Sinik, Diam’s et Matt Pokora sur « Le D.U.C ». Et les clashs, à Skyrock, on en raffole. Ca irrite, ça excite, ça attire par grosses grappes. Lors d’une nocturne consacrée à cette brouille sans grande importance, Fred diffuse « Le D.U.C », « Carton Rose » – la réponse de Sinik – et un morceau de DJ Kore, ancien producteur de Booba. Kopp n’apprécie pas. Il se vengera sur « Abracadabra » : « Tu connais rien au son comme Fred de Sky ».

 

 

Mais la rupture, la vraie, se produit en octobre 2008, lors de la deuxième édition d’Urban Peace, vaste concert trop commercial sponsorisé par Skyrock. Les supporters échauffés de Rohff, le grand rival, arrosent Booba en insultes, crachats et gros projectiles. À cran, le rappeur fait voler rageusement sa bouteille de Jack dans le public du Stade de France. « Il n’a jamais cherché à s’excuser de son attitude, renâcle Laurent Bouneau. Et lors de la sortie de son album 0.9, il a déclaré qu’il ne ferait pas d’émissions Planète Rap pour en assurer la promo ». Cette fois, c’est la bonne, c’est terminé. Plus rien avoir à faire avec ces enfoirés. C’est la bonne, c’est ferme et décidé. Mais quand, quelques temps plus tard, Because a l’idée d’organiser un concert à Bercy pour la sortie de Lunatic, c’est encore à Bouneau que le patron du label propose timidement d’être partenaire. Sur « Talion », Booba admet lucidement : « J’crache peut-être sur Skyrock / Mais je crache pas dans la harira [la soupe ndlr] ». Sorte de liaison michtonneuse, lucrative et sans amour. Ouvertement intéressée. Sur Instagram, Booba dégueule sa haine partout et souvent en grosses lettres. La radio s’en prend plein le pif, on y lit des noms fleuris qui lui vont bien: « opportuniste », « manipulatrice », « imposteurs », « parasites », « sous merdes », « collabo ». Et un même credo : « Le rap français, c’est nous, c’est vous, c’est moi ! C’est pas eux ! ». Le ressentiment est véritable mais la posture l’arrange bien, fin de compte. Si Skyrock lui avait léché le cul, il aurait été bien emmerdé, forcé de les remercier cordialement. Et ça n’aurait pas été street, ça délégitime. Anti-système ça sonne mieux, ça fait hip-hop, ça fait intègre. Tailler c’est rentable, toujours. Ce qu’il s’en fout de Skyrock au fond, du haut de sa toute-puissance. Mais Booba est décidé à nous rendre la belle culture qu’on nous a volée. Pour pousser le délire anarchiste jusqu’au bout, il crée OKLM, « pour nous, par nous », sincère alternative aux programmations formalistes et brillante stratégie marketing. Merci Sky.

 

« Je me suis trompé d’ennemi »

« [Quand j’ai critiqué la politique éditoriale] de Skyrock, c’était une erreur de ma part, je me suis trompé d’ennemi. » Médine, c’est l’histoire d’un repenti. Celui qui râlait il y a quelques années que Skyrock le boycottait, qu’il fallait cocher des cases, remplir des critères, pour être diffusé sur un média censé nous représenter, qui disait c’est la radio qui doit s’adapter à nos morceaux et pas l’inverse. Celui-là relativise aujourd’hui l’influence de la station, croit penser qu’elle se contente de diffuser, booster, sans décider de ce qui se fait en studio ou s’écoute en bagnole. Il a cessé de se persuader que Skyrock faisait la pluie et le beau temps dans le rap français. Il bredouille un peu en disant ça. Et puis Fred a relayé le titre « 11 septembre » deux fois au moment de sa sortie, quand il était plus gros et plus barbu, un brin inquiétant pour le grand public. « Et moi je devrais cracher sur ça ? ».

 

 

Putain, non Médine, pas toi, toi qui t’indignait sur « Arabospiritual » de ce que Skyrock sélectionne les artistes sur commande d’espaces publicitaires : « Mon pote, la rotation s’achète à coups de pub / Mais le respect du public s’obtient à coups de plume/ Alors je n’écoute plus les ondes et leurs contenus ». Putain, non Médine, pas toi, le contestataire, l’engagé, le clairvoyant. « Je revendique le droit de me contredire ». Tu peux changer, mûrir, oui, finalement accepter la petite visibilité que veulent bien t’offrir les grands médias, mais pas comme ça, derrière ces arguments-là. Tu voyais juste, avant ; Skyrock fait bien la pluie et le bon temps. A la tête de la « radio la plus puissante du monde », comme il aime à dire, forte de plus de trois millions d’auditeurs quotidiens et d’un quasi monopole, Laurent Bouneau a un avis sur tout, qu’on écoute toujours religieusement, il s’invite dans l’intimité des studios d’enregistrement, se donne de l’importance en disant faut plus de basses, moins de mots ou un refrain plus aguicheur, juge de ce qui est sexy, de ce qui ne l’est pas, il fait les tubes, amorce ou tue dans l’œuf les carrières, il impose ses volontés, régit nos envies, dicte les tendances, façonne le genre dominant. On lui mange dans la main et il adore ça. « Grosso modo, y’a 300 000 personnes qui écoutent Skyrock à chaque instant. Quand on joue un titre huit fois par jour, ça veut dire qu’il y a deux millions et demi de contacts. C’est-à-dire que quand une vidéo est regardée à un million de vues sur Youtube, moi la même semaine, si je joue en forte rotation le titre, je livre vingt millions de contacts. C’est-à-dire vingt fois plus. », s’enorgueillissait-il en 2013. Et ça lui donne tout son pouvoir, celui de choisir, faire, défaire et croire en son mauvais goût. « J’laisse pas les radios formater mon boulot / En autoprod’, je n’suis jamais épuisé / J’fais pas mon son pour plaire à Laurent Bouneau / Mais c’est une victoire quand il est diffusé » pose Nekfeu sur « Ma dope ». La conviction de s’en foutre, alors que pas vraiment. Une place sur Sky reste triquante. On veut un peu honteusement et forcément en être.

 

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Mais la radio n’avait pas prévu l’hyperdigitalisation, le charme de l’indé, l’auto-production, les clips faits maison, le crowdfunding, iTunes, Soundcloud, Spotify, les sites spécialisés, la viralité des réseaux sociaux et les milliers de followers. Le web fait exister le rap français dans sa pleine diversité, celle que les playlists de Skyrock s’efforcent justement de bâillonner. Il libère la parole, débride la créativité, fait jaillir les talents, inverse doucement les rapports de force, questionne l’autorité des médias traditionnels. Et depuis son bureau confortable tapissé de disques d’or joliment encadrés, Bouneau le voit à peine venir, tout convaincu qu’il est de l’infaillibilité de son règne. Il y a les adversaires de toujours, aussi, NRJ et Fun Radio, qui redécouvrent le hip-hop depuis qu’il n’est plus à la marge, viennent bouffer sans gêne dans le gâteau que Skyrock se réservait jusqu’ici jalousement. Moins 15,6% d’auditeurs sur l’année 2015, fatalement. C’est écrit blanc sur noir sous le gros logo depuis quinze ans : Premier sur le rap. Pour encore combien de temps ?

 

C’est un artiste en pleine évolution artistique que nous avons rencontré à l’occasion de la sortie de son EP « Bipolaire » (sorti le 20 janvier). Totalement conscient du trajet parcouru depuis ces premiers pas de rappeur entre le 91 et le Val de Marne, Take A Mic bluff son monde grâce à une éthique de travail et un regard lucide sur sa génération. Rencontre avec un artiste qui ne cesse de prouver, aux autres mais d’abord à lui même que le travail paie. Envoie !

 

Take A Mic : Mon nom ?  Ça vient d’un voyage à New York et plus précisément à Harlem quand j’avais 9 ans.  C’est tiré du titre « One Mic » de Nas. Justement, à cette époque il y avait un album à lui qui tournait et dans la rue tu trouvais plein de mecs qui vendaient des mixtapes, des albums ripés, etc. Les types avaient aussi de grosses enceintes pour faire écouter la musique. Un d’eux me voit passer et murmurer la musique et me tend un micro en me disant : « tiens, prends le micro » en me répétant plusieurs fois « take the mic ». J’ai pas osé, à cette époque j’étais trop petit. Et plus tard, quand j’ai commencé à rapper, j’ai gardé ce truc là. À l’époque c’était facile de comprendre ce que le mec voulait dire. Même si mon père et tout ma famille du côté paternel est bilingue (ghanéen/nigérien), moi je comprends l’anglais mais je ne le parle pas (bien).

 

J’étais pas du tout prédestiné à m’engager dans cette voie. À ce moment là, j’adorais la musique mais moi là où j’étais bon c’était le foot. J’étais milieu gauche, j’ai fait le centre de formation de Paris et je suis passé à Clairefontaine. Le jour où je me suis réellement dit que je voulais être artiste, c’était une période où j’habitais chez mon père à Ris dans le 91. De temps à autre je faisais des collaborations avec des rappeurs de là bas. Une année s’est écoulée et je suis revenu sur Orly. C’est là que je me suis décidé à sortir une mixtape. J’ai rassemblé plusieurs morceaux et j’ai balancé tout ça sur internet. Je me suis aperçu que ça prenait pas mal. Sachant qu’avant ça, je n’avais sorti que deux clips alors je me suis dit que je devais avoir un certain niveau pour mon âge…la base était solide. J’avais 17 ans.

 


Je parle comme les mecs du 94, je bouge comme les mecs du 94 mais après, dans ma tête je ne vois pas les choses de la même façon.


 

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Dans chaque département tu as une manière de kicker. Dans le 91 il y a un vrai délire. Que ce soit dans leurs expressions ou leurs manières de rapper. Pareil pour le 94 et Paname. Mon flow, mon identité, c’est quelque chose que j’ai forgé en rappant avec des mecs d’un peu partout. J’ai peut être aussi été influencé par ce que j’écoutais durant mon enfance et mon adolescence. Y’a des trucs que j’aimais pas : par exemple un mec de LA qui rappe comme un mec de LA ça ne m’intéressait pas à l’époque et ça ne m’intéresse toujours pas aujourd’hui. Je préfère un mec qui essaye d’ouvrir son flow et qui brouille les pistes sur son origine. C’est Pareil pour Atlanta et les autres villes et c’est vrai qu’actuellement tu ne fais plus trop cette différence. Beaucoup d’artistes ont le même flow aujourd’hui mais moi ce que je kiffe c’est la variation. Par exemple un mec comme Kendrick Lamar, j’adhère. Le type peut avoir n’importe quel flow au final.
Le flow…c’est un aspect de mon rap que j’ai longtemps travaillé. Les prods qu’on qualifie de Trap, moi c’est un truc avec lequel j’avais grave du mal, avant. J’ai bossé jusqu’à trouver mon propre style sur ce genre d’instrus.

 

Me démarquer du rap de rue, c’est quelque chose qui s’est fait naturellement. J’ai toujours été dans le Val de Marne mais j’ai toujours été différent. Je parle comme les mecs du 94, je bouge comme les mecs du 94 mais après, dans ma tête je ne vois pas les choses de la même façon. J’veux pas m’habiller pareil, j’veux pas forcément trainer en bas du bloc. Vis à vis de ça, effectivement j’ai essayé de me différencier. Pareil pour ma musique et du coup ça a joué sur ce que je propose aujourd’hui. C’est vraiment pas un truc réfléchi ou calculé, ça s’est fait naturellement. Par exemple, j’aurai pu faire du rap de cités dans le sens où j’aurai pu proposer quelque chose de plus crû, de plus hardcore ou de plus street…mais ça n’aurait pas collé avec mon personnage. Voyager durant ma jeunesse, notamment aux Etats-Unis, ça m’a façonné. Toutes ces choses restent dans un coin de ta tête et forcément quand tu fais de la musique, c’est quelque chose qui joue. Mais en vrai, avec mon père et sa famille, même quand j’étais à Paris j’avais l’impression d’être à New York. Mon daron parle tout le temps en anglais avec ses potes, il a toujours eu une longueur d’avance sur la sappe. À l’époque il avait même un magasin de sappes cainris à Châtelet qui s’appelait le Baller Shop. Finalement, j’y serais allé qu’une fois à NYC, mais en vrai j’ai toujours baigné dans le délire. Quai 54, tous les mouvements un peu Hip Hop, tout.

 

Je fais attention aux sujets que j’aborde, si je ne maitrise pas vraiment le sujet j’évite d’en parler frontalement. Par contre, sur certains points j’ai ma vision des choses. Et dans ce cas là je préfère partager cette vision, je pense notamment à la politique. Je vais sortir ma petite punchline et passer à autre chose. Mes influences ? J’en ai eu beaucoup. Que ce soit cainri ou français. Après, je dois avouer qu’en ce moment je n’écoute pas trop de Rap. Sinon en général je fais le tri dans ce que j’aime et ce que j’aime moins.
Quand j’ai commencé à rapper, beaucoup d’artistes m’ont inspirés, français comme américains. J’ai toujours kiffé faire ce travail de recherche sur les artistes connus ou inconnus.
Tout le monde sait que  Nas m’a beaucoup marqué, mais il y a aussi eu The Game, Fat Joe, Jay Z, G-Unit, 50 Cent pour ne parler qu’eux. Pour les français c’était plutôt Kery James, Rohff, Booba et son album « Ouest Side » qui m’a traumatisé à l’époque. Y’a eu Mac Tyer et des mecs moins connus comme Smoker, Grodash…Sincèrement y’en a eu beaucoup ! C’est certain que tous ces artistes ont permis de construire mon identité musical.

 


Bosser en solo ou avec Eddie Hyde, pour moi je sais qu’avec eux je me lâche plus. Les mecs sont timbrés de base donc je me pose aucune question.


 

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Aujourd’hui ma vision du Rap a changé par rapport à celle que j’avais avant, forcément. Quand je l’analyse je me dis que je suis arrivé entre 2 générations de rappeurs : la 1ère génération, c’est celle qui se prenait grave la tête sur les textes avec des trucs supers léchés, des bons flows et des trucs super appliqués. Et puis il y a la 2ème génération, ce qu’on peut écouter depuis quelques années.
Je pense qu’on est à l’opposé de ce qui se faisait avant. Aujourd’hui si les textes sont lourds c’est bien mais c’est pas le plus important. On est dans une période où c’est plus léger, plus instinctif et moins réfléchi. J’ai donc dû m’adapter et trouver un juste milieu.

 

Concernant le collectif Eddie Hyde dont je fais parti, c’est vrai qu’on a pas forcément le succès qu’on mérite. On a peut être été trop en avance et l’erreur qu’on a fait c’est de nous reposer sur nos acquis. Dans nos têtes on était trop en avance et du coup on voulait rien entendre, on restait dans notre délire. Pendant un moment, on a arrêté de fournir les efforts nécessaires et d’autres gens sont arrivés avec notre délire ou quelque chose de similaire. Eux ont continué dans cet univers là et ont récolté les fruits de ce qu’on avait semé. Mais rassurez vous, on a d’autres trucs de côté, on sait que c’est pas terminé et qu’on a encore du travail à faire. À un moment donné on était trop perchés…ça ne plaisait pas forcément à tout le monde, le fait qu’on soit dans notre bulle.

 

Dans le crew, chacun est libre d’apporter son délire, que ce soit un freestyle, un morceau ou une idée. Par contre sur les morceaux en commun, étant donné qu’on est beaucoup, on est obligé de repasser sur le titre quand il est fini. C’est pour savoir qui fait quoi, qui laisse son couplet, qui fait le refrain, etc. Sinon on fini avec des morceaux super longs…c’est un peu ce qu’on faisait dans les projets antérieurs. Maintenant on se pose, on réfléchit et on trouve des solutions. Par exemple K.S.A peut faire les ambiances dans mon couplet ou moi je fais un 8 mesures et untel fait le refrain puis un autre termine. On réfléchit tous ensemble et on voit quelle est la meilleure structure. Après, par rapport aux projets on essaie de pas trop se marcher les uns sur les autres. Par exemple pour « Bipolaire », tout le monde partage le projet et quand ça sera au tour de M.V, on donnera tous de la force à son truc. C’est que comme ça que ça peut fonctionner.

 

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Bosser en solo ou avec Eddie Hyde, pour moi je sais qu’avec eux je me lâche plus. Les mecs sont timbrés de base donc je me pose aucune question. C’est quelque chose qui apporte un plus dans ma carrière solo car quand je suis tout seul je me dis qu’il faut que je me lâche plus. De base, j’essaie beaucoup de choses quand je suis avec Eddie Hyde et c’est pas forcément mauvais. Du coup dans ma carrière solo j’ose plus, même si j’ai beaucoup plus de réflexions et que je me pose pas mal de questions. Les membres du collectif me donnent toujours un coup de main, c’est inspirant de bosser avec eux et d’écouter ce qu’ils font, que ce soit 3010, Pesoa ou les autres. Par exemple pour « MH vol. 2″ c’est ce dernier qui a mixé tout le projet, il m’a vraiment filé un gros coup de main. « Résolution », je l’avais enregistré en même temps que l’album de 3010, donc ouais…dans ce sens là ils m’ont aidé.

 

J’ai sorti 7 projets (dont le dernier « Bipolaire »), d’une part pour m’affirmer et dire que je suis là pour durer. Mais aussi parce que, pendant longtemps je n’ai pas eu accès aux médias et la seule plate-forme que j’avais c’était moi-même comme je le dis dans le titre « 4 vérités ». Rien que moi et mes réseaux sociaux.
Je voulais aussi montrer aux gens qui m’écoutent depuis longtemps que j’avais progressé musicalement, pas seulement en terme de succès. Il fallait qu’ils se rendent compte qu’à chaque projet je progressais. Et je ne sortirais pas d’album tant que j’estimerais ne pas être prêt. Pour moi un album c’est quelque chose d’important, c’est une sorte de consécration alors qu’on est dans une ère où le terme « album » est tellement galvaudé. Quand j’ai sorti « Bipolaire », j’ai reçu des messages de gens me disant : « Eh, franchement lourd ton album ! », c’est cool à entendre parce que ça laisse supposer que c’est à la hauteur de certains albums qui sortent. Depuis « Résolution » on me dit des trucs dans ce style…mais pour moi, un album c’est quelque chose d’autre.

 

Pour en revenir aux réseaux sociaux, c’est vrai que ça a pris une réelle importance dans une carrière d’artiste. Mais moi je gère mal ce truc, je ne suis pas un spécialiste du genre. Ce sont de bons outils parce que t’as de la visibilité gratuite et facile. Tu postes un freestyle ou un son et ça peut péter du jour au lendemain. C’est le genre de choses qui a pu arriver à MHD par exemple. Tu mets un son sur Instagram et ça peut carrément changer ta vie. Les réseaux sociaux sont devenus des plates-formes à part entières ! Et oui, vu sous cet angle, les réseaux sociaux sont aussi importants que le niveau du rap de l’artiste. Y’a des mecs qui sont pas forcément chauds textuellement mais leur Instagram est bien, donc ça marche pour eux. C’est de l’image en fait…c’est le deuxième ou troisième atout d’un artiste. Si on devait faire une liste sans ordre ça serait : son personnage, sa musique et son image. Mais en vrai, aujourd’hui tout ça fait parti du « monde » de l’artiste. Tout va ensemble. Moi j’utilise Instagram de façon instinctive, un peu comme si je faisais un freestyle, c’est pas calculé. Tout se joue à l’instant T, je réfléchis pas, y’a pas de stratégie. Après, ce réseau là, c’est beaucoup porté sur l’image. Donc je suis conscient que je peux attirer des gens qui se reconnaissent de par mon style, mon délire et tout. Ça peut faire gonfler ta fan base mine de rien et c’est le bon côté des choses.
Le mauvais côté c’est le concept de proximité que cela entraine, comme Twitter par exemple. Il faut faire attention de ne pas prêter attention à tout ce qui se dit sur toi. Y’a un certain recul à prendre c’est clair. Moi j’ai eu une histoire justement… Je savais qui était le mec qui m’invectivait depuis un bon moment, je le croisais même en soirée ou dehors mais bizarrement, pendant ces moments là il ne disait rien. Il baissait les yeux, changeait de chemin…pas une fois il m’a confronté dans la vie réelle. Forcément, à force de se faire insulter sur les réseaux, moi j’ai réagi différemment. C’est pas le premier mec à m’insulter, mais lui je le croisais, je voyais qui c’était et ça, ça change tout. Avec du recul, je pense que c’était une erreur d’écouter ces ragots, ces insultes et de franchir le cap de la confrontation en allant chercher cette personne. C’est quelque chose que je ne referais pas. C’est tout le délire des réseaux sociaux de donner son avis, c’est vrai et c’est logique. Mais moi cette histoire je l’ai prise trop au sérieux.

 


Vous n’avez pas crû en moi mais regardez ce que j’ai réussi à faire avec ma petite équipe…voire tout seul.


 

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Dans le EP « Bipolaire » il y a un morceau où je dis « molard sur vos tombes », la vérité c’est qu’il n’y a aucune référence avec l’écrivain Boris Vian et son oeuvre « J’irai craché sur vos tombes ». Si j’ai bien compris la trame, c’est un homme qui va venger la mort de son frère assassiné et pour ce faire, il planifie tout ça méthodiquement, sans se presser…durant plusieurs années. Bizarrement je me reconnais dans cette œuvre à travers le morceau « Bipolaire », c’est exactement dans cet état d’esprit que j’ai écris le titre « Hombre » et même le projet « Bipolaire » en général. Quand les gens me demandent pourquoi ce titre, je leur réponds que finalement c’est un projet où je raconte mon train de vie. Dire de moi que je suis bipolaire c’est dire que je vis à Orly mais que je peux très bien me retrouver dans une ambiance branchée sur Paris ou encore kiffer la marque Balmain mais taper un grand Five avec mes potes et manger des grecs. J’ai des hauts mais aussi des bas et j’ai fait face à la réticence de personnes qui ne croyaient pas en moi. Les gens me sous estimaient, d’autres me surestimaient. Certains ont crû en moi depuis le début tandis que d’autres ne se seraient jamais imaginés me voir arriver à ce stade là. Tous ces sentiments, tout ça, je m’en suis servi pour composer « Hombre » que j’avais d’ailleurs écris à l’époque du projet « Évolution ». À un moment donné je me suis senti obligé de partager tout ça dans un projet et c’est pour cela que le titre « Bipolaire » existe. Il fallait que je fasse part de ma vision des choses quant à mon évolution et le changement de l’opinion des gens à mon sujet. Vous n’avez pas crû en moi mais regardez ce que j’ai réussi à faire avec ma petite équipe…voire tout seul.

 

Est-ce que c’est un fait propre à la nouvelle génération de parler plus facilement d’amour comme j’ai pu le faire avec le titre « Blessure d’amour » ? Non je ne le crois pas. Sûrement qu’avant c’était plus tabou que maintenant mais au même titre que le titre « Bipolaire », c’est une expérience qui m’est réellement arrivée et qu’il fallait que je partage. Ce titre est véridique à 70% et je ne l’ai pas fait pour choquer ou provoquer une réaction chez les gens. Non. Je l’ai écrit parce que je voulais partager un sujet, une situation que des milliers d’autres personnes ont vécu. Ils deviennent paro en écoutant le titre et depuis quelques jours c’est ce qui est en train de se produire : je reçois des messages de personnes qui ont l’impression d’avoir écrit ce morceau. Pourquoi je pense que ceux qui m’écoutent ne sont presque jamais déçus par mes morceaux ? Parce qu’ils s’identifient, ils ont traversé les mêmes choses, que ce soit avec le titre « Transparent », « Pour Sortir » ou encore « J’évolue » par exemple. C’est parce que je sais que des personnes vont se reconnaitre dans ce genre de titres que j’écris ce type de chanson, c’est aussi simple que ça. Je n’ai pas peur de paraitre sensible, bien qu’au début c’est un truc qui m’a traversé l’esprit. Je me disais que c’est du pe-ra que je faisais, alors j’étais sensé kicker ! Mais si tu regardes bien, tous les rappeurs ont déjà fait des morceaux pour les meufs ou pour leur daronnes. Les choses sont beaucoup plus simples quand tu es toi-même car les gens se reconnaissent dans ce que t’essayes de transmettre.

 

Pour le titre « Dernière Minute », j’ai pas essayé de prendre les gens à contre pieds. J’ai écouté l’instru et elle m’a plu, comme je disais au tout début de l’interview, moi je suis arrivé entre deux générations de rappeurs. Ça va faire deux ou trois ans que je me dis que si je suis capable de rapper sur des sons type Boom Bap et bah en vrai je peux rapper sur tout. À partir du moment où t’as pris l’habitude de rapper sur ça, tu peux tout faire, ou du moins une grande variété de styles d’instru. Donc pour en revenir au titre « Dernière Minute », je l’ai écouté, il m’a plu et j’ai essayé d’apporter ma petite touche. Le sujet abordé devait aussi parler à tout le monde, parce qu’on s’est tous déjà dit qu’il fallait qu’on se bouge et qu’on se motive. C’est une situation que je vivais vraiment à ce moment là, je n’étais pas assez carré, pas assez professionnel, j’étais désorganisé. Situation que tout le monde a pu vivre à un moment ou un autre de sa vie.

 


Quand je dis quelque chose dans mes textes il y a rien de prétentieux, c’est toujours motivé ou appuyé par quelque chose en amont.


 

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Pour le titre « 4 vérités », le producteur Mr. Punisher m’avait envoyé un pack d’instrus et j’ai tout écouté. Je savais qu’il avait déjà placé pas mal de prods chez différents artistes et en réécoutant « 4G » de Booba je me suis rendu compte que l’instru de « 4 vérités » était sa suite…en tout cas pour moi. Par contre le titre n’est pas un clin d’oeil, c’était juste une gimmick que j’ai eu en écoutant le morceau. Dans ce titre je dis « Si je ne le fais pas, qui sauvera le Val de Marne ? ». Est-ce de la confiance, de la prétention ou une certitude ? Les trois en même temps ? Une chose est sûre, c’est que ce n’est pas de la prétention. C’est de la confiance, oui, parce que j’ai confiance en moi et que c’est aussi une pure et simple réalité. Pourquoi ? Parce qu’à part Mike Lucazz, de ma génération et dans le 94 il n’y a personne.

 

Quand je dis quelque chose dans mes textes il y a rien de prétentieux, c’est toujours motivé ou appuyé par quelque chose en amont. D’ailleurs on me le dit parfois, que je n’ai pas assez de prétention, que je ne suis pas assez hautain et tout. Mais c’est pas dans ma nature, moi je m’en bats les couilles. Au final, au lieu de me prendre la tête sur le fait de savoir comment les gens vont interpréter mes paroles ou mes phases, je préfère me trouer le cerveau à savoir comment les gens vont les retenir…par quels moyens ils vont se rappeler de tout ça.

 

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Sylvia Sylvia est une chanteuse compositrice tout droit venue de Baltimore, Sylvia Sylvia, débarque avec une voix unique portée par des mélodies résolument jazz
Sylvia Sylvia créé chaque titre avec deux mondes en tête. S’ils portent tous les deux le nom de Sylvia, ils montrent pourtant le monde sous deux perspectives. Bien que distincts, ils s’entremêlent sur chaque single, pour créer une magnifique harmonie d’émotions.

 

Aujourd’hui, on la retrouve sur la playlist Kitsuné Hot Stream avec le titre « Burn Alive ». On vous invite à le découvrir plus haut.

 

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La Grèce, la Colombie, l’Espagne… Après nous avoir fait rêvé en 2016, Julien Scheubel ne lâche pas son Leica et démarre l’année en force en nous envoyant quelques clichés du soleil de Miami. Il raconte.

Miami, reste une destination facile pour fuir l’hiver très rude de ce mois de Janvier. La ville n’est finalement pas très grande mais possède de quoi s’occuper pendant quelques jours. L’influence Hispanique te donne plus l’impression d’être en Amérique latine plutôt qu’aux US.

Il y en à pour tous les gouts avec la plage et ses hotels version Experts Miami, ses batiments art déco très cool , les sportifs qui n’ont semble t’il que ça à faire et les tourists rotis au soleil.

Windwood reste le quartier référence street art avec du cool et du plus chelou… Des Restes du fameux Art Basel y trainent toujours et peuvent être interessants.

Enfin Downtown te permet de revenir un peu plus aux US avec son quartier des affaires et les buildings de banque qui s’élèvent de partout.

INSTAGRAM : @Julien_Scheubel

Adaptation du roman éponyme de Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy emprunte son nom à la Corniche du Président John Fitzgerald Kennedy qui longe la mer Méditerranée et les plages marseillaises. Le film dépeint le quotidien d’une bande de potes férus de sensations fortes et bravant les lois de la pesanteur et de la profondeur pour assouvir leurs besoins de distraction et d’évasion. Avec ses documentaires, Dominique Cabrera est chevronnée aux questions de la jeunesse, des tensions sociales et de la mise en scène d’amateurs. C’est sous l’œil de sa caméra de la réalisatrice que l’on découvre cette discipline et ceux qui la font. L’occasion était belle d’en apprendre un peu plus sur cette pratique du plongeon peu orthodoxe en compagnie des principaux protagonistes du film, jeunes acteurs improvisés pour le film, mais surtout plongeurs à l’origine du film, Alain Demarie, Kamel Kadri et Melissa.

Photos : @RickRence

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La rencontre avec Dominique Cabrera

Alain Demaria : À la base, quand elle nous a croisés Kamel et moi, j’étais en train de plonger. Au bout d’un moment elle s’est avancé vers nous et nous a posé des questions. Je ne voulais pas parler avec elle, alors c’est Kamel qui l’a fait. Elle nous a fait comprendre que c’était une réalisatrice et qu’elle cherchait des acteurs et des gens pour l’aider sur son scénario. Elle nous a donné rendez-vous le soir même, on n’y est pas allés, pas par peur mais parce qu’on ne le sentait pas. Elle nous a rappelé car elle voulait nous voir à tout prix. Finalement on l’a vu, et on lui a raconté notre vécu. De là, ça a collé, on a papoté pendant plusieurs jours avec elle, elle venait souvent de Paris passer la journée avec nous, ça a crée des liens. Au départ on devait juste l’aider à connaître le contexte marseillais, puis on l’a aidé sur le scripte car il y avait des paroles en « parisien » qu’il fallait retranscrire en « marseillais » et dès qu’on a terminé cette phase, Dominique nous a dit « en fait, c’est vous que je veux en acteurs !». C’est parti de là. On n’était pas trop d’accord au départ, mais on a accepté pour l’aider.

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L’origine du plongeon à Marseille

Kamel Kadri : Le plongeon c’est vraiment quelque chose qui existe depuis très longtemps, et je pense que ça passe de génération en génération. Les anciens, plus jeunes, allaient sauter entre potes du quartier. En fait c’est un exutoire le saut. Toute l’année tu es enfermé dans le quartier, et quand arrive l’été et le soleil, on sort tous de notre quartier en bande pour aller à la mer et vivre autre chose que le quartier.
Sans formation professionnelle, un mec comme Alain a étudié les fonds marins, il sait comment c’est, et c’est très important de les connaître. Pour les besoins du film on a eu un formateur qui nous enseigné des règles de sécurité. Mais pendant le tournage ce n’est pas la même pression qu’entre potes, ce n’est pas pareil. Mais il n’y a pas que les mecs de quartier qui plongent, y’a aussi des un peu plus bourgeois entre potes qui vont s’essayer au saut.

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Vos débuts dans le plongeon

Alain : Moi je tiens à dire que le moniteur ne m’a pas du tout aidé. [rires, ndlr] J’ai toujours aimé les hauteurs et la profondeur comme dans l’accrobranche par exemple. Un jour j’ai croisé un groupe de jeunes, mais bien plus âgés que moi, qui plongeaient comme des fous. Ça m’a donné envie, j’ai commencé à plonger de 2 mètres, 3 mètres, j’étais minot, je devais avoir 8 ans. Petit à petit, j’augmentais les sauts. Un jour je suis allé à la Corniche et j’ai vu des jeunes sauter en allumette, je suis venu j’ai plongé tête la première, et ils se sont tous affolés ! Tous les gens qui étaient sur la plage d’en face applaudissaient j’avais honte de ressortir de l’eau et qu’on me voit ! J’ai toujours bien aimé les sauts, c’est ma passion. Pourtant je ne me suis jamais filmé, la seule fois, c’est pour le film.

Mélissa : Moi c’était vers 14-15 ans, à un âge où il faut prouver quelque chose aux grands frères, c’était un truc à faire. C’est limite la première question qu’on te pose chez moi, si tu as sauté du rocher bien connu de mon secteur. C’est un cap à passer.

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Les risques de la discipline

Alain : Le danger, c’est surtout la hauteur ! Avec le poids que tu as, tu peux te briser à l’impact. Il y a déjà eu des morts. C’est un risque d’affronter la mort, de se dire avant le saut qu’on peux y rester.

Kamel : Le truc à faire, c’est le respect. Notre groupe originel, pas celui du film mais celui que Dominique Cabrera a rencontré, est un groupe très très respectueux. C’est la seule vraie règle qu’on s’impose. J’ai limite envie de nous comparer à des samouraïs des temps modernes ! Il y a un vrai code, mais en vrai c’est normal, c’est basique de d’être respectueux.

Mélissa : Il y a une anecdote par rapport à ça. Ça faisait un moment que je n’avais pas sauté de rochers pendant le tournage, et j’avais une scène où je devais sauter la corniche et prise de panique et par la pression, je ne l’ai pas fait. Je suis resté bloquée. Les caméras inhibent ainsi que la hauteur – 13 mètres c’est pas rien ! À partir de 10 mètres, si on ne tombe pas droit ça peut être grave. J’aurais dû m’entraîner au préalable mais bon finalement ça n’a pas causé de soucis pour le film car la scène a été gardée. Ça a montré que c’est quand même une discipline dangereuse et que la peur existe.

Alain : Moi ce qui m’a fait peur sur le tournage c’est de voir les secouristes en bas avec leurs civières et leurs minerves, ça met des images dans la tête. Dans une des scènes du film, j’ai été tétanisé et j’ai crié à l’équipe « Coupez ! Coupez », une minute après je criais « Action ! Action ! » et j’ai sauté !

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LA REPRÉSENTATION DE MARSEILLE AU CINÉMA

Kamel : Marseille est une ville multiculturelle, avec plein de choses différentes, mais on ressasse toujours la même chose. J’ai envie de te dire : il y a beaucoup de films sur Marseille, mais il n’y en a pas assez. Et il en faudrait peut-être plus qu’on montre d’autres facettes de la ville, très belles ou même très mauvaises. Malheureusement c’est comme ça, c’est du cinéma, mais je pense qu’on n’a pas tout découvert de Marseille.

Mélissa : Je pense que ça va évoluer, on entend toujours que c’est la même chose. Quand on va au ciné on se dit si c’est tourné à Marseille c’est toujours pareil. Après je trouve que dans la série Marseille, les plans sont magnifiques par contre, même si dans l’histoire c’est toujours le même délire… Mais à Marseille il y a beaucoup de jeunes talents, en chant, en réalisation, des jeunes comédiens. Et avec cette énergie, ce sera sûrement à nous de changer les choses !

Ormaz, Lesram, Aladin 135, PLK, Asf, Zeurti et Elyo se réunissent sous les couleurs du Panama Bende pour une date exceptionnelle à La Cigale, le 13 mai. Depuis 2 ans déjà, ils font valoir leur unit »é tout en maintenant leurs indivisualités intactes.

L’occasion aussi de découvrir quelques extraits de leur premier album attendu en 2017.

 

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Avec YARD, tente de remporter deux places en remplissant le questionnaire suivant.

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Après une date complète au Café de la Danse le 25 novembre, Sampha est de retour pour se produire à la Cigale. Cette fois-ci, il arrivera avec en poche, son dernier album « Process » (3 février). On vous conseille d’être vif sur la billetterie !

 

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C’était au début des années 90. Bien avant Bullrot, Royal Wear ou Dia. Homecore vivait dans l’odeur des bombes de peinture, la fièvre des dimanches après-midi au Bataclan, le crissement des platines, l’agitation des Halles. L’effervescence d’un hip-hop que tout le monde découvrait en même temps. La marque brode à l’époque de gros logos sur des sweats à 500 francs, pense des t-shirts sérigraphiés, des blousons universitaires, des futals extra larges et une campagne pub à faire dresser les queues, avec Julia Channel et Joey Starr. Succès, vif et glouton. Puis le tournant, le business étouffant, la folie douce, les réflexions constructives et le joli repositionnement. Vingt-cinq ans d’une histoire qui palpite encore, contée par son fondateur.

Photo : @RickRence

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Alexandre Guarneri nous reçoit avec des pantoufles et un sourire très grand. A peine nous a-t-il embrassé qu’il nous entraîne vers une sangle en lycra accrochée à une poutre métallique, trop empressé de nous faire partager son invention. Le Gumjo. Maintenu par le tissu, un volontaire qui passait par-là se retrouve suspendu au-dessus du sol en chaussettes, flotte dans l’air, se balance doucement, soulève son cul, étire les jambes, pose les mains au sol ou se repose simplement, enveloppé dans l’étoffe, sur les douces directives d’Alexandre. Notre attention se disperse toujours vers l’extérieur, dit-il, et le Gumjo la ramène à l’intérieur de soi. « Une plongée dans l’instant présent ». Puis le voilà qui dénoue la courroie et nous place tous gentiment en cercle. Il tend le Gumjo autour de nos corps, l’objet nous enserre. On sent son propre poids, celui des autres, se laisse aller en arrière sans jamais tomber. Gueules d’imbéciles heureux qui découvrent un joujou de bien-être. Alexandre croit avoir créé là une nouvelle forme de hip-hop : « De la même façon, le hip-hop cherchait à s’élever de l’instant présent, à proposer quelque chose de positif, à construire une autre manière d’être ensemble ».

 

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« On s’est pas mis à faire des sapes pour faire de l’oseille mais pour nous, pour représenter ce qu’on était, ce qu’on faisait, cette culture qu’on kiffait».


 

Avec ses billes azur toutes rondes qui accrochent, son entrain qui contamine, sa façon d’écraser l’espace et d’habiter ses propos, Alexandre Guarneri nous ferait faire n’importe quoi. Une drôle d’aura, aussi lumineuse que désarmante, nourrie peut-être des mille vies qu’il semble avoir vécues. Alexandre a grandi à Bobigny, dans une caravane plantée au fond d’un terrain sur lequel son père projetait de construire une maison. Il a quinze ans lorsqu’un type ondule spectaculairement ses bras et dessine une vague sous ses yeux. Il vient de découvrir le hip-hop. Sur les sets de DJ Chabin « au Bata » et dans les Zulu parties du terrain vague de Stalingrad, ça se contorsionne, ça tourne sur la tête, ça graffe, ça rappe en yaourt sur les morceaux kainris, ça scande « Peace, Love, Unity &  Having fun » et ça le remplit tout entier, Alexandre. Un jour, il rencontre Steph Cop, un graffeur qui barbouille les murs de Paris avec Joey Starr et Meo, le possee Control of Paris. Ensemble, ils montent une petite affaire de t-shirts, qu’ils vendent chez Ticaret et Galerie 92. « Ça se vendait pas du tout, on faisait zéro oseille ! », se marre Alexandre. Mais le démerdard s’est trouvé un business plus juteux, qu’il mène en parallèle. En décembre 1989, il revient d’un voyage à New York avec deux valises remplies de baskets, qu’il s’en va refourguer à ses boutiques partenaires. On lui en offre 24 000 francs. « J’avais dépensé en tout et pour tout 17 000 francs à New York, en comptant les billets d’avion etc. Ce qui veut dire que j’avais gagné 7000 francs. C’était dingue ! De là, tous les mois j’allais à New York pour acheter des sketbas, parfois je faisais même juste l’aller-retour dans la journée ». Alexandre ouvre sa première boutique avec Steph à Châtelet, à vingt ans, grâce à l’argent de la revente des baskets. Dedans, le tandem met ses t-shirts et une flopée de produits introuvables en France. Quand les deux loustics réalisent que d’autres commencent à copier leur concept, ils se décident à créer leur propre marque. « On fait d’abord des trucs sans avoir de vision, on fait n’importe quoi, un pantalon, un sweat … ce qu’on voit à la télé en fait ». Alexandre et Steph brodent ou sérigraphient des pièces achetées toutes faites, sans prendre la peine d’arracher l’étiquette d’origine. Le nom Homecore viendra en 1994. A l’époque les b-boys portaient des marques de sport, Fubu n’existait même pas encore.

 

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« J’étais pas compris dans mes trucs, j’étais juste devenu un mec qui s’accrochait dans la rue, qui cassait les couilles à tout le monde ».


 

Un pote à lui a ramené de vieux trésors de la décennie 90 : des pulls, des sweats, un bomber en laine, une compil’ de rap français (« L’album Homecore »), une cassette VHS … Alexandre observe le bric-à-brac avec une nostalgie tendre. « Tout ça, ça a été fait au Portugal », dit-il en dépliant les sweats aux couleurs un peu fanées. « Et les broderies aux Etats-Unis. Ça coûtait vingt dollars la broderie. C’est pour ça que nos produits étaient reuch ». La passion bavarde, Alexandre se perd souvent dans le cours de son récit (« On en est où là déjà ? »), on l’écoute digresser avec un plaisir coupable. Il reprend le fil : « On s’est pas mis à faire des sapes pour faire de l’oseille mais pour nous, pour représenter ce qu’on était, ce qu’on faisait, cette culture qu’on kiffait». A peine lancée, la marque « défonce tout ». Le hip-hop était alors libre comme Gucci Mane. On ne le marchandisait pas vraiment. C’est l’arrivée du gangsta rap, soutient Alexandre, qui a conduit à la « stéréotypisation » du mouvement. « Là on se met à dire que le hip-hop c’est des renois dans une voiture avec des meufs à poil derrière, de l’argent et de l’alcool qui coule à flots. » Alexandre ne s’y retrouve pas. Puis des marques dites de streetwear viennent les pomper sans gêne, et des acheteurs débarqués leur content malhonnêtement fleurette. Alors il essaie autre chose, des chemises, des vestes, des sacs et des pantalons plus ajustés. Entend à peine les incrédules qui lui demandent ce qu’il fout et lui rappellent qu’ils ne sont pas des meufs quoi. Lui veut faire son truc, un truc qui dirait quelque chose. Quelque chose à propos du hip-hop. Il dirait « Peace, Love, Unity &  Having fun ». « Je me suis demandé comment faire ça. J’ai décidé de prendre la ste-ve du geois-bour et de la faire dans la matière de la caillera, le survêtement. Ca a donné le costume-jogging ». Alexandre écrit « We don’t play » en grosses lettres au dos de la pièce, comme « on ne joue pas au jeu de la société qui cherche à nous mettre dans des boîtes », et un mantra sur l’étiquette : « Homecore, être en harmonie avec soi-même et avec le monde qui nous entoure ».

 

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A la réflexion, sa démarche n’est pas bien aboutie. Alexandre cherche à s’en faire mal au crâne, concentre ses pensées filantes pour trouver des réponses, un trait d’union entre les hommes, un lien indiscutable. C’est là qu’il se souvient des planches d’anatomie des cours de biologie. Debout dans son salon, il ferme les yeux, visualise son squelette et respire profondément. Le voilà qui étale ses mains par terre, se place à quatre pattes. Ça le prend comme une envie de pisser. Il attrape le pied de la chaise, grimpe dessus, escalade partout autour de lui. Une drôle d’énergie l’absorbe jusqu’au bout des orteils. Il perd la notion du temps. « Tout à coup, la connexion entre le corps et le monde qui l’entoure devenait organique ». Le lendemain, au bureau, Alexandre touche tout le monde, croit pouvoir les convaincre sans peine : regardez c’est le squelette avant tout le reste. On le mate bientôt de traviole comme un fou sans ordonnance, soupçonne la drogue, ou l’alcool peut-être. Mais Alexandre continue, ses vêtements se réfléchissent autrement. « Les sapes on s’en fout en fait, ça doit être simple ». Il coud des étiquettes blanches sur une collection, noires sur la suivante, puis conçoit des sacs fermés par un cadenas contenant juste le nécessaire. Retour à l’essentiel. Son travail devient plus personnel, thématique, politique parfois, comme avec le graffeur Lokiss. Steph ne dit rien, s’éloigne peu à peu en douce. Ce n’est pas le seul. La nouvelle direction échappe aux lieux communs. Ca ne prend pas. En 2006, Alexandre met presque la clé sous la porte, dessine toujours mais refile Homecore en licence à un italien. Il s’enfonce tranquillement dans sa débauche spirituelle, le Gumjo, les inconnus qu’on serre un peu trop fort, les idées loufoques qu’on exprime bruyamment et le bien qu’on essaie de faire maladroitement. Jusqu’au réveil brutal, à la prise de conscience un grain honteuse. « Je me suis rendu compte que la manière d’exercer ma mission ne fonctionnait pas. J’étais pas compris dans mes trucs, j’étais juste devenu un mec qui s’accrochait dans la rue, qui cassait les couilles à tout le monde ». Alexandre a deux enfants et pas d’argent. L’italien l’arnaque, lui verse un pourcentage variable selon l’humeur. Réagir, tout recommencer. Découdre et repiquer.

 

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« Les sapes faut que ça serve à quelque chose, c’est pas juste pour bé-flam »


 

En 2008, Alexandre rachète sa marque. Il remet tout à zéro, en soliste, sans employé, sans Steph. « J’introduis les résultats de la réflexion que m’a amené le Gumjo. Je décide de ne plus en parler avec les gens autour de moi, de continuer à pratiquer de mon côté et de structurer toutes ces choses que j’ai en moi dans le vêtement ». Il ajoute des liens de serrage sur des sweats pour redresser la posture, une surpiqûre rouge le long de la colonne vertébrale, des lignes qui soulignent la clavicule ou des cordons sur les pantalons pour définir le centre de gravité. Puis « les sapes faut que ça serve à quelque chose, c’est pas juste pour bé-flam ». Alexandre détermine des formes de bases qui vont à tout le monde, imagine des pièces pour quand il fait froid, quand il pleut et quand il fait beau. Il touche les tissus, ressent la matière, étudie les couleurs. Faut que ça vibre. Il produit au Portugal des vêtements doudous qu’on a envie de caresser, des pièces cocons qu’on veut enfiler. Du basique léché, de la souplesse cintrée, de l’élégance confortable. Alexandre décroche une veste workwear marine de son cintre. « A l’intérieur de chaque pièce, il y a une surprise ». Il l’ouvre pour révéler une doublure toute en détails : laine bouclée, poches plaquées et empiècements contrastants. « J’ai découvert que je pouvais beaucoup m’amuser avec les intérieurs ». Homecore se restructure peu à peu, ils sont aujourd’hui six ou sept salariés. Lui qui habillait NTM, Busta Flex ou Vincent Cassel s’émeut un peu de ce que Reda Kateb est passé à la boutique la veille.

 

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« C’est quoi ça ? » Je lui tends deux petits rectangles en plastique, jaune et vert, parmi les vieux trésors du pote. « Ça », ce sont des « boîtes à malice », pour y glisser des messages d’amour à qui on veut. Alexandre en saisit une. « Homecore, c’est la passion et la négation », dit-il en passant son doigt sur la croix et la flamme de l’ancien logo, gravées sur deux faces, « et quand t’arrives à faire d’un élément et son contraire un seul et même élément, t’arrives à la neutralité qui te permet de trouver l’amour en toute chose ». Il retourne la boîte et s’arrête sur deux cœurs, les mêmes que l’on retrouve aujourd’hui partout sur les étiquettes de la marque, sans avoir vraiment réalisé que son geste à lui seul venait de résumer joliment toute l’histoire.

 

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Homecore
9 Rue de Marseille
75010 Paris

 

Tout commence par un vague courrier électronique du label évoquant la signature d’une nouvelle artiste originaire de La Réunion. C’est la fin d’année, c’est le genre de mails qui ont tendance à vite s’accumuler si on ne fait pas attention. Je clique, le message s’ouvre, je scroll tellement vite que j’ai pas le temps d’en extraire la moindre information. J’abuse. Pris de remords je remonte au début de la page et clique sans conviction sur le 1er lien qui me tombe sous le nez.
Youtube. J’avance le curseur au niveau de la première minute…au point où j’en suis, hein. Sans rien vous cacher, à ce moment là j’entends plus que je n’écoute. C’est pas contre toi Tess, j’te jure. Mais en vrai y’a un truc qui attire mon attention, je serai très embêté de vous dire quoi. Alors là, je tends l’oreille et j’accroche. Tellement que je rewind le clip, chose que je fais pas souvent. Bien. Y’a un truc actuel dans son délire, un truc qui me donne envie d’en savoir plus. Google. Y’a pas grand chose, assez en tout cas pour situer la jeune artiste. Moi perso j’appelle ça du Cloud&B. Faut pas avoir fait HEC pour comprendre l’étymologie hybride de ce genre musical.

 

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Après quelques échanges E-pistolaire avec le label, rendez vous est pris pour un entretien avec la jeune artiste. J’annonce d’emblée que je ne souhaite pas traiter de son premier E.P (T.E.S.S., sorti le 20 janvier). Non pas qu’il soit nul, bien au contraire. Mais j’estime que pour une première introduction, mieux vaut faire les choses dans l’ordre, donc par une présentation de l’artiste. Château d’Eau, Paris. C’est pas une blague, aussitôt sorti de la bouche du métro que je me fais embrouiller par des rabatteurs : « mon ami, tu veux te couper les cheveux ? Mon frère, tu veux tailler ta barbe ? ». Wow ! Vous voyez pas que j’ai une calvitie ?! Tu ne peux plus rien pour moi. Faut laisser. Gawdamn… Arrivé à l’hôtel Grand Amour, je suis réceptionné par quelqu’un du label. Je suis pile poil à l’heure, faut le noter quelque part. On me dirige vers la pièce où je suis sensé « rompre le pain » avec l’artiste (qui doit sûrement m’attendre). Faut savoir que les journées promo c’est quelque chose. Tout est chronométré, les médias s’enchainent les uns après les autres, y’a un truc assez impersonnel dans l’approche mais faut s’y faire, rien de bien méchant. Tess. Je tends la main qu’elle s’empresse de serrer en faisant un grand sourire de circonstance. Elle est jeune, timide et pas rompue au jeu de la promo, même si on décèle une lueur malicieuse dans ces grands yeux marrons. Ce petit bout de femme se perd dans un sweatshirt noir beaucoup trop grand pour elle.

 


«  C’était comment L.A ? », du moins c’est ce que je crois entendre. En fait il vient de dire « Koman i lé ? », ce qui veut dire « Comment ça va ? » en créole réunionnais.


 

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Tess est originaire de l’île de La Réunion et y a vécu toute sa vie. Je ne peux réfréner un gloussement en repensant à la scène du métro, j’ai envie de lui demander qu’est ce que ça fait de passer du paradis à la jungle mais j’ai peur qu’elle me prenne pour un raciste. Moi. De toutes façons je suis pris de court par mon binôme photographe qui se fend d’un grand «  C’était comment L.A ? », du moins c’est ce que je crois entendre. En fait il vient de dire « Koman i lé ? », ce qui veut dire « Comment ça va ? » en créole réunionnais. Voilà. On sera beaucoup à aller se coucher moins con ce soir, c’est sûr. Je disais, la phrase a fait son effet, l’ambiance est plus détendue, on peut donc entrer dans le vif du sujet.

 

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J’ai envie qu’elle me fasse voyager en me racontant son île, ce qui en fait un lieu à part. J’ai envie qu’elle me narre la création d’un de ses morceaux qui j’imagine, a forcément dû tirer son inspiration de son bout de terre niché en plein milieu de l’océan indien. J’ai envie de savoir comment on parvient à se construire musicalement quand on vient de là bas, carrefour culturel impressionnant. J’ai peur de perdre Tess au milieu de tous ces mots, mais l’artiste enquille comme une pro : «  C’est petit La Réunion, on y fait le tour en à peine une heure, par contre c’est très varié. Y’a la plage, la montagne et comme le cadre est paradisiaque, on y trouve beaucoup de touristes. J’y ai eu mon diplôme de kinésithérapie et j’ai exercé un mois avant de mettre ça de côté pour me consacrer pleinement à la musique ». Elle attire la sympathie, y’a pas à chier. Tellement gentille, tellement propre que j’ai peur que Paris déteigne sur elle. Vraiment. Et puis je me dis que ça ne lui ferait pas de mal, sincèrement, juste un peu de gris dans ce ciel trop bleu.

 


C’est pas une posture. Les meufs de la nouvelle scène R&B, très peu pour elle. Mais Tess a envie de les connaitre ces go.


 

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Et puis ça continue. Après avoir précisé que malgré qu’elle ait baigné dans un univers musical cosmopolite, sa préférence s’oriente vers des sonorités plus internationales. Du coup elle cite des artistes tels que Sia, Ed Sheraan, The Weeknd, Lorde, Bruno Mars, Drake, Rihanna, Passenger, Birdy ou encore Lana Del Rey. Ok. On comprend du coup pourquoi Tess est autant à l’aise avec la langue de Shakespeare et qu’elle chante en anglais. « Je pense qu’à force de reprendre des morceaux d’artistes anglophones et d’écouter exclusivement des titres chantées dans cette langue, mon anglais s’est façonné. Je n’étais pas spécialement douée à l’école ». Elle me parle de son style musical, discours que je trouve un peu trop formaté, du coup j’essaie de capter dans quel courant elle se situe. Je lui tends des perches en citant des noms. Rien. Grand moment de solitude pour moi mais j’insiste. Il s’avère que Tess n’a pas menti quand elle disait quelques minutes plus tôt qu’elle n’écoutait pas vraiment de musique française. C’est pas une posture. Les meufs de la nouvelle scène R&B, très peu pour elle. Mais Tess a envie de les connaitre ces go. Son expression faciale est sincère. On nous apporte des boissons. Je comprends bien que la jeune chanteuse veut s’inscrire dans la catégorie Pop, voire Électro Pop…mais c’est trop. Trop acidulé, trop doux, trop propre, c’est très…Tess. J’ai envie de la voir se promener sur un fil au dessus du vide des beats aux sonorités Cloud. J’ai envie de l’écouter et qu’elle me fasse le même effet que quand je lis « Les colchiques » d’Apollinaire. J’assume. C’est qu’elle écrit super bien en plus : tout en retenu et subtilité. Et c’est compliqué de ne pas aimer tant ce qu’elle propose est tellement sincère encore une fois. Mais voilà, il y a cette innocence ambiante qui ferait rougir de jalousie Candide et vomir de dégout Martin. Un peu comme si Voltaire lui-même s’était penché sur le berceau de la jeune chanteuse.

 

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Y’a un lien de cause à effet avec son île, un truc à la Lost, j’sais pas moi. Une mise en abime grandeur nature entre elle, La Réunion, ses textes, sa musique. On s’y perd. Je me perds. Le fait de devoir poursuivre sa carrière en métropole l’obligera t-elle  à un moment ou un autre, à franchir un cap dans sa musique et son style ? Pour moi c’est écrit. Impossible de rester insensible aux couleurs maussades parisiennes ou à la torpeur contagieuse française. J’suis pire que patriote, j’vous jure.
C’est l’époque de l’hyper visuel, de l’hypra graphique. Je demande donc comment une artiste comme Tess, qui mise sur la simplicité ou encore le naturel, peut survivre dans un univers aussi fort. Je sens que j’ai peut être piqué son ego quand elle déclare : « Je préfère agir naturellement, que cela se produise sans que je fasse exprès. Je reste qui je suis. Simple, sobre. Sans en faire trop ». Son orgueil me surprendrait presque et je me dis qu’il y a matière à quelque chose avec cette artiste là. Pas avec celle qui était face à moi quelques secondes plus tôt. Alors j’appuie là où je crois desceller une faille, je demande comment elle compte développer sa personnalité que j’estime encore trop légère. Rire gêné, je sens que je la perds. Merde. Je lui explique que mon constat n’a rien de méchant. T’inquiètes Tess, t’es un peu comme le vin. Tu vas bonifier avec le temps, oui, tu es vouée à muscler ton jeu comme aimait à le dire Aimé à Robert. Après tout, quitter La Réunion pour s’installer en métropole c’est un peu naitre une seconde fois. Il faut s’ajuster, il faut découvrir, il faut se (re)découvrir.

 


Au risque de faire l’enfoiré de con de râleur parisien, voici avec ce court mais honnête portrait, un premier pas vers le « non parfait », Tess.


 

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Donc, quand arrive l’ultime question : « À 22 ans, quelles sont tes certitudes ? » et qu’elle me répond : « Je sais que mon EP va sortir et qui dit album dit concerts. La scène c’est quelque chose que j’adore. J’étais danseuse avant de me mettre au chant et à chaque fois que je suis sur scène, je me sens vraiment bien », j’acquiesce. Au risque de faire l’enfoiré de con de râleur parisien, voici avec ce court mais honnête portrait, un premier pas vers le « non parfait », Tess. Un petit grain de sable qui vient enrayer la magnifique mécanique. Je t’ai trouvé fort sympathique, fraiche et souriante, Tess. T’as une bonne bouille et quand tu chantes j’ai des sensations. Pourtant tu gagnerais beaucoup, à te perdre un peu.

Le 20 janvier, Donald Trump a été investi Président des Etats-Unis d’Amérique. Une issue qui laisse encore sous le choc une majeure partie des américains, et notamment des personnalités du divertissement qui se sont positionnées contre la campagne sexiste, xénophobe, homophobe et dangereusement populiste du président.

Le jour même de cette investiture pour le moins impopulaire… plusieurs manifestations ont éclaté. Le lendemain la Women’s March se tenait dans ces mêmes rues. Le but : « Défendre les droits humains, les droits des femmes et faire face à la haine. » D’abord prévu dans la ville de Washington, l’évènement s’est étendu sur tous les 50 états de l’union et même hors de ses frontières, avec des manifestations au Canada, en Amérique du Sud, en Europe, en Afrique, en Asie et en Australie.

Un mouvement anti-Trump, qui restera dans l’histoire avec une participation estimée entre 4,5 et 3,6 millions de personnes aux Etats-Unis, dont 500,000 à 680,000 personnes à Washington.

Parmi elles, Madonna, Janelle Monàe et Alicia Keys, qui sont toutes trois intervenues face à la foule. Partout ailleurs, les manifestants ont aussi pu battre le pavé aux côtés de Rihanna, Beyoncé, Miley Cirus, John Legend, Andre 3000, Grimes, Alicia Keys, le groupes HAIM ou encore Pharrell Williams.

 

"These girls are on fire," sings Alicia Keys while walking the stage at #WomensMarch rally https://t.co/TgJ6U199TR pic.twitter.com/6XBLRieX1E

— CBS News (@CBSNews) January 21, 2017

Alicia Keys

 

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Alicia Keys

 

Andre3000 came to the #AtlantaMarch pic.twitter.com/KCcUr8pKji

— Michelle Baruchman (@mlbaruchman) January 21, 2017

Andre 3000

 

https://twitter.com/Madonna/status/822949021140549632

Madonna

 

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John Legend

 

Women will change the world so proud of our queens!! #womensmarch pic.twitter.com/3eHWvmEO9l

— Sean Diddy Combs (@diddy) January 22, 2017

Diddy

 

 

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Grimes

 

https://twitter.com/aliciakeys/status/822937650453770242

Alicia Keys

WHO RUN THE WORLD? pic.twitter.com/yYP9a3J0LR

— HAIM (@HAIMtheband) January 21, 2017

HAIM

 

The Future is Female #WomensMarch pic.twitter.com/JdT0uXocqQ

— Pharrell Williams (@Pharrell) January 22, 2017

Pharrell Williams

Samedi 21 janvier, YARD rejoint les marques Capsule, Bonne Suites et Daily Paper s’associent pour l’after-show de la marque. C’est Amsterdam, Paris et Berlin qui se réuniront ce soir-là au Carmen dès 23h pour célébrer l’évènement.

 

Line-Up
Filling Pieces Sound System (Filling Pieces, Amsterdam)
Brian Bøa (Being Hunted, Berlin)
Larry Appiah (Amsterdam)
Foreign (TNO Sound system, Amsterdam)
TNO Sound System (Amsterdam)
Yung Nnelg Live (Amsterdam) 
Kyu Steed (FALD, YARD, Paris)
Supa! (FALD, YARD, Paris)
Papa Ghana (Daily Paper, Amsterdam)

 

Le Carmen, 34 Rue Duperré, 75009 Paris, France.
(Entrée garantie avec le bracelet du show Capsule)

international-youth-capsule-after-party

Christiane,

Ils sont trop rares ces regards doux et tranchants qu’on croise et qui nous giflent, nous agrippent, nous enveloppent. C’est pas tous les jours. Tes billes cerclées d’azur m’ont attrapé il y a quinze ans. Il y a de la lumière, de l’assurance, de la grâce, quelque chose de presqu’insolent chez toi. On t’aime comme on te déteste. Tu fais la leçon, rappelle l’histoire et les lois, cite par cœur des poètes disparus comme des punchlines de Booba. Le bagou facile, le verbe bien tourné et la pique coquette. lls ne le supportent pas. Râlent que t’es laxiste, pleine de complaisance coupable, puis que t’es clivante, pas souple et défiante, que t’es de gauche quoi. Tu t’en cognes des bassesses des ignorants, t’as la peau dure, la haine ne filtre pas.

Qu’il aurait de la gueule le poster officiel encadré dans les mairies, avec toi, droite et fière, dame et noire, plantée devant une bibliothèque saturée d’épais bouquins que tu as vraiment lus. Oui mais tu n’y vas pas. Toi la femme de tête qui ne fléchit jamais, la femme d’idées qui guerroie. Pendant que les aspirants au trône jouent à qui a la plus grosse, tu brigues le bien commun. Et tu n’y vas pas. Est-ce qu’on ne te mérite pas ? Viens on s’en fout de tes soixante-quatre printemps que tu ne fais même pas, de tes défaites passées, de tes déceptions futures, des doutes et des risques qui t’étouffent. Viens on fait comme si c’était encore possible de changer, d’incarner, de rassembler. Viens. Je m’en fous des autres, tu sais, ils n’ont pas ton élégance, ton éloquence, ta morale et tes valeurs. T’es différente. J’aime quand tes yeux disent ta fureur, ta bouche ton dédain. J’aime quand tu pouffes comme une ado sur les bancs de l’Assemblée Nationale. J’aime quand tu tances et recadres les connards suffisants. J’aime quand tu jaillis en saillies sublimes et grands idéaux. J’aime quand tu fais voter de belles lois dérangeantes comme on lève son troisième doigt. J’aime quand tu claques la porte la conscience intacte. Ils me dégoûtent ces gras du bide qui distribuent de faux programmes, ces escrocs en costume qui sucent le peuple jusqu’aux os, ces ringards tout blancs qui croient en leurs pensées rétrogrades. Christiane, je te jure, y’a que toi.

Comme une mère trop poule, avec tes paroles moelleuses et ta douce autorité, tu t’oublies pour nous. Et tu n’y vas pas. Merde Christiane, pourquoi tu nous laisses là ? Couve-moi de ta bienveillance et berce-moi de belles promesses que tu tiendras, parle-moi égalité des chances, solidarité chérie et République tendre. Christiane, je te jure, y’a que toi.

Viens. Viens on pense un nouveau monde trop utopique et coulant. Viens. Viens on écrit une belle histoire à millions de mains. Viens. Viens on dessine un joli symbole, mettre au fascisme crasse ce qu’il mérite et n’attend pas : la banane du siècle.

Le concept store Archive 18-20, nouvellement installé au 18 rue des Archives se conçoit comme la vision de Séverine Lahyani, celle d’un vestiaire masculin et d’un lieu d’exposition d’artistes et de designers émergents. Un lieu de vie animé par son jardin suspendu et son café. Sur ses portants se mêlent jeunes designers et maisons plus installées entre Tomorrowland, Études Studio, Ly Adams, Les Benjamins & Marni, Yves Salomon, Alexander Wang, Comme des Garçons.

Toute une ambiance que met en image le photographe Paul Mougeot.

 

ARCHIVE 18-20
18-20 rue des Archives
75004 Paris

INSTAGRAM : @Archive1820

Après Chicago aux Etats-Unis, après l’Argentine, le Chili, le Brésil et l’Allemagne, le festival Lollapalooza fait sa grande entrée en France. Du 22 au 23 juillet 2017, le festival prendra ses quartiers dans l’Hippodrome de Longchamps avec un line-up assez exceptionnel et très varié : The Red Hot Chili Peppers, The Weeknd, Lana Del Rey, London Grammar, DJ Snake, Alt J, Skepta,  Pixies, Anna Kova, Liam Gallagher, Imagine Dragons, IAM… On vous en fait une petite sélection.

The Weeknd

Headliner du festival, The Weeknd embraie sur une année clé de sa carrière.  Celle où il dévoile un premier album impeccable avec le duo Daft Punk, se débarrassant au passage de son indescriptible coupe de cheveux et de Bella Hadid. Vrombissements électroniques, voix stridente et lancinante, on attend de voir ce que son esprit nourrit de terreur et de luxure nous réserve…

 

 

Dj Snake

Il est l’un des sept français au line-up du festival Coachella. Et bonne nouvelle, il sera également présent pour le premier Lollapalooza français pour faire vibrer l’hippodrome au son des albums « Turn Down For What » et « Encore ». On ne pouvait pas demander plus festif.

Skepta

On n’arrête plus le londonien depuis la sortie de « Konnichiwa ». Aujourd’hui détenteur du Mercury Price, nominé aux Brits Award, Skepta est indéniablement la tête d’affiche de l’ascension mondiale du son Grime. En espérant que toute son énergie retournera la scène de l’Hippodrome de Longchamps.

The Roots

Dans la catégorie artistes confirmés, The Roots se pose là, comme un gage de qualité. Ce n’est pas pour rien que le groupe qui anime chaque semaine le plateau du Tonight Show, a été déclaré l’un des meilleurs groupes à voir sur scène par le magazine Rolling Stone.

IAM

« L’Ecole du Micro d’Argent » a déjà 20 ans. Et si le concert annoncé par le trio marseillais pour célébrer cet anniversaire est déjà complet, voilà une autre occasion de rendre hommage à l’album en leur compagnie.

Tess

Tout droit débarquée de la Réunion, la jeune Tess arrive avec toute sa fraîcheur sur le line-up du festival. On l’a interviewé, donc on vous en dira plus bientôt…

 

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE (Dès jeudi 19 janvier à 10h)
Website

 

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#ItStartsHere ! C’était le motto de Foot Locker pour notre voyage à Londres. Pour la marque aux bandes noires et blanches c’était le moment où de présenter les essentiels de sa collection à venir, en textile et cela va de soi, en sneakers. Pendant les 29 jours du mois de février, les gros modèles de 2017 seront dévoilés tour à tour, avec pour cible cette année la nouveauté et l’innovation.

 

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À cette occasion, Foot Locker a invité plus de 100 médias à travers l’Europe, accueilli sur les lieux par les parrains de l’évènement, KishKash, maitre de cérémonie, et DJ Semtex, en charge de la programmation musicale. Tout commence de belle manière avec la présentation d’un défilé présentant les prochaines collections textiles sur un podium alternant catwalk et introductions pyrotechniques. Entre cocktails, stand de selfie sneakers 360°, graffiti en réalité virtuelle, ou encore stand de nettoyage, les chaussures prennent une place dominante dans le set-up mis en place. Jordan, Nike, sont évidemment très présents, entre des classiques intemporels (Air max TN, AM97…), paires « B-Ball » et nouvelles shapes. Reebok et Puma se la jouent girly avec des modèles bien pensés pour la gente féminine. Pour adidas, il y a une vie en dehors Yeezy, et ce salon le montre bien notamment avec les collections adidas qui misent sur de nouvelles shapes ou de nouveaux colorways sur des modèles comme la Tubular Shadow – qui sera assurément un hit de l’année 2017 – ou la EQT qui se voit déclinée en d’innombrables coloris.

 

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Pour couronner le tout, le Hottest Month se déroule en parallèle des NBA Global Games, des matchs NBA de saison régulière joués en dehors du territoire nord-américain. Cette année ce sont les Nuggets de Faried et de Galinari et les Pacers de PG13 – en pleine actualité kicks avec sa nouvelle signature shoe – et de Jeff Teague qui se sont affrontés dans la belle enceinte de l’O2. Dans une ville dédiée au foot 365 jours dans l’année, ce sont cette fois les footeux qui se sont assis pour regarder les exploits de leurs homologues de la balle orange. Dans les tribunes on retrouve autant du Gunner (Henry, Ozil,…) que du Spurs (Verthonghen, Janssen…) ou de la légende british en la personne d’Owen Hargreaves. Parlant de légende, le plateau sur le parquet est aussi fourni avec les cameos des anciens, Dikembe Mutombo et Marcus Gamby. Même la prestation affreuse des Pacers, passés à coté de leur match pour laisser la victoire facile 140 à 112 à des Nuggets efficaces et appliqués, ne gâchera pas la fête pour les spectateurs londoniens.

 

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Allo Floride et Free Your Funk unissent une nouvelle fois leurs forces pour une troisième édition de leur festival Future, avec quatre dates incontournables pour tous les amateur de R’n’B futuriste et de Future Beats.

Après un impressionnant tour de chauffe le 3 mars à la Bellevilloise/Maroquinerie, réunissant pas moins que Cashmere Cat, Boi-1da, Jarreau Vandal, Wealstarr, Twenty9 ou encore DTWEEZER, le festival s’intensifiera dès le 21 mars avec trois dates, dont l’une exclusivement consacrée à Soulection, avec Sango, Joe Kay, EstA et The Whooligan… Une programmation française et international qui promet et qui devrait encore s’allonger.

 

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FUTURE! #1
3 MARS – BELLEVILLOISE + MAROQUINERIE
Cashmere Cat, Boi-1da, Masego Music, Freddie Joachim, Jarreau Vandal, DTWEEZER, WEALSTARR, Keight, Shkyd, Twenty9, Kayloo & more TBA.
EVENT: http://bit.ly/2iEkBbY
TICKET : http://bit.ly/FUTURE-1

 

FUTURE #2
21 MARS – ELYSÉE MONTMARTRE
AllttA (20syl & Mr. J. Medeiros) + support
EVENT : http://bit.ly/AllttA_Paris_Event
TICKETS : http://bit.ly/FUTURE-2

 

FUTURE #3 – SOULECTION NIGHT
24 MARS – FAUST
Sango, Joe Kay, EstA, The Whooligan & more TBA
TICKETS : http://bit.ly/FUTURE-3

 

FUTURE #4
31 MARS – BELLEVILLOISE + MAROQUINERIE
Stwo, Sam Gellaitry, Hologram Lo’, Falcons,Flamingosis (live), Phazz (live), Nikitch, Rooftops Horizon (Jazly, Kan-G, Chahine, Dakat) & more TBA
TICKETS : http://bit.ly/FUTURE-4

 

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« Le peuple aura toujours mauvais goût. Et la cagole en est le symbole. »

Authentique figure populaire, « sociotype planétaire », la cagole « toujours à la pointe de la féminité, coiffé, maquillé, nail-arté… », se dévoile face à la caméra de Sébastien Haddouk. Soutenu par la boîte de production de Madamoiselle Agnès, il décrypte le phénomène en faisant intervenir Pamela Anderson, Liza Monet, Nabilla Benattia, Izia Higelin, Elodie Fregé ou encore Josiane Balasko.

La bande-annonce parle d’elle-même.

« Cagole Forever » – Diffusé sur Canal + le 15 février à 22h50

 

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Jeune anglaise de 22 ans originaire de Londres, Izzy Bizu interpelle instantanément par son naturel et sa maturité vocale.
De mère éthiopienne et de père anglais, ce mélange de culture se retrouve dans sa musique, mariage entre pop travaillée et soul intuitive portée par une voix au style unique et à la facilité déconcertante.
Repérée lors d’un tremplin musical « Open Mic » qu’elle remporte début 2013, elle publie un EP acoustique « Coolbeanz » en Septembre la même année sur le label indépendant Iluvlive, incluant le très remarqué « White Tiger ».
Elle attire très vite l’attention entre autre de BBC Radio1 qui la sélectionne pour son programme « BBC Introducing », assure des premières parties pour Sam Smith ou encore Jamie Cullum.
A l’été 2014, Izzy Bizu signe avec Sony Music UK, avant de partir enregistrer son premier album. Son premier album, A Moment Of Madness est sorti le 2 septembre 2016.

 

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Avec YARD, tente de remporter deux places en remplissant le questionnaire suivant. 

 

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Vous étiez nombreux ce vendredi 13 a faire fi des superstitions et du vent glacial et mordant pour nous rejoindre à La Machine du Moulin Rouge avec les DJs Supa!, Kyu St33d, Wealstarr et Just Dizle.

La suite, le vendredi 27 janvier et le samedi 25 février.

 

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En partenariat avec RADAR.

Photos@SamirLeBabtou

On arrive au coeur de l’hiver. La neige menace et le YARD Winter Club s’impose comme un refuge. On vous attend toujours pour mettre le feu à la Machine du Moulin Rouge sur les derniers bangers et quelques classiques hip hop, rnb et rap français. En témoigne ces quelques clichés…

Dans l’agenda, il ne reste plus que trois dates. Le vendredi 13 janvier avec Supa!, Kyu St33d, Wealstarr et Just Dizle. La suite, le vendredi 27 janvier et le samedi 25 février.

 

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Photos : @HLenie

« Ce lien fraternel, une amitié profonde mais plus complexe avec des racines secrètes, enfouies, inconscientes. »

C’est ce lien que la marque CHMPGN a cherché à illustrer dans son dernier lookbook en mettant en scène quatre frères, dans un jeu de miroir qui communique toute la complicité, l’admiration et la transmission qui caractérise leurs liens.

Dans cette nouvelle collection, des pantalon 7/8ème en jean, soie et coton, des cols cheminées, hoodies et bombers, déclinés dans une palette de beige, rose pâle et burgundy.

La collection est désormais disponible sur le site en ligne.

Elles étaient de toutes les rétrospectives 2016, de tous les top albums. Indéniablement, avec « Lemonade » et « A Seat At The Table », les soeurs Knowles ont chacune à leur manière, délivré des projets qui ont profondément résonné dans les esprits de leur fans, et amorcé de multiples discussions sur la représentation des femmes noires aux Etats-Unis, sur les inégalités raciales, les violences policières et l’activisme politique, tout en apportant des dimensions personnelles à leurs deux body of work.

Parmi ses dimensions, il y a la famille, qui semble prendre une place centrale. Et en ce début d’année, le magazine Interview se paye une couverture exclusive, réunissant Solange et Beyoncé dans un question-réponse, où la seconde interroge la première sur le processus qui a permis la conception de cet album. Dans cet entretien ponctué de rires et d’anecdotes, Solange parle de ses influences, de leur mère Tina, de Björk ou encore de Master P.

 

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C’est en grande partie pourquoi je voulais que tu m’interviewes pour cet article. Parce que cet album nous donne à tous l’impression de raconter notre histoire, l’histoire de notre famille et de notre lignée. Et en ayant fait parler Maman et Papa sur cet album, il me semble normal, en tant que famille, que ça ferme le chapitre de nos histoires.


 

 

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Je me souviens que Björk disait qu’elle avait le sentiment que, peu importe l’avancée de sa carrière, si un homme était crédité sur un projet qu’elle a mené, il en retirera tout le crédit. Et, malheureusement, ça me paraît encore juste. C’est quelque chose que j’ai beaucoup appris de toi, prendre le contrôle sur sa propre histoire. Et, là où on en est, ça devrait être attendu, pas quelque chose pour lequel on demande la permission.


 

 

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En grandissant, je me souviens avoir lu ou entendu des choses sur Master P qui m’ont tellement rappelé Papa. Et ils ont aussi beaucoup de respect et d’amour l’un pour l’autre.


 

 

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C’était totalement intentionnel pour moi de chanter comme une femme en pleine maîtrise, une femme qui pourrait tenir cette conversation sans crier et hurler, parce que j’ai le sentiment que quand les femmes noires essaient d’avoir ces conversations, nous ne sommes pas représentées comme en contrôle, comme des femmes émotionnellement solide, capable d’avoir une discussion difficile sans perdre ce contrôle.


 

 

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Beyoncé : Qu’est-ce que ça fait d’avoir les meilleures photos de mariage de tout les temps.
Solange : Oh mon dieu, c’est subjectif !


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C’est quelque chose que j’ai appris de toi, prendre la main sur son propre récit.


Retrouvez l’intégralité de l’interview sur Interview

J’ai beau me creuser le crâne, j’arrive pas à trouver de duo aussi impactant que la doublette Obama-Biden et ce depuis très longtemps. Et on en a bouffé du binôme avec la grandeur sportive de Jordan & Pippen, l’alchimie cinématographique de Terrence Hill & Bud Spencer, la folie amoureuse de Bonnie & Clyde, l’absurdité destructive d’Hitler & Goebbels, l’affection scabreuse de Mr Burns et Smithers ou encore le plaisir de transmettre d’un Walter White à Jesse Pinkman. Eh les gars, on peut foutre Jacquie & Michel dans le tas ou… c’est comment ?

Bref, comme beaucoup d’entre vous, j’ai maté les derniers discours de Barack Obama en tant que POTUS (comprenez President Of The United States, y’a pas à dire, ces cainris ont trop de flow) et j’ai été ému. Honnêtement, j’ai senti qu’une page historique se tournait. J’entends déjà les trolls d’ici : « Ouais mais pourquoi tu fais le mec, t’es cainri pour ressentir ce genre de truc ? Tu fais genre, tout ça parce qu’il est renoi ! ». Écoute moi bien espèce de petit connard derrière ton écran, je ne suis peut être pas cainri mais j’ai un coeur et un cerveau. Je ne vais donc pas t’expliquer comment le chauvinisme fonctionne, tu risquerais de te perdre entre la 1ère virgule et le 1er point.

 

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Il est fort, physiquement et mentalement, pour preuve il n’y a qu’à lire sa biographie.


 

Donc je disais, qu’en matant le discours, une fulgurance me frappe. Pas aussi importante qu’Archimède et son eurêka, c’est vrai mais là, à cet instant T, je n’ai d’yeux que pour lui. Pause. Lui, c’est Joe Biden qui n’est autre que le vice président des États-Unis. Mais Joseph, de son vrai prénom, est bien plus important que le rôle dans lequel on voudrait le cantonner. Il est fort, physiquement et mentalement, pour preuve il n’y a qu’à lire sa biographie : parcours exemplaire dans le droit jusqu’à l’âge de 30 ans, quand sa femme et sa fille alors âgée de quelques mois décèdent lors d’un accident de voiture quelques jours avant Noel. Joe ainsi que ses deux fils, Hunter et Beau réchappent à la mort (malheureusement ce dernier décédera en 2015 des suites d’un cancer du cerveau). Mais Joe est fort, et c’est avec une certaine logique que Barack Obama décide de le choisir comme colistier. C’est le début de la plus belle histoire d’amitié que le monde connaitra (j’exagère à peine).

Lors d’un entretien télévisé datant de 2015, Joe Biden raconte une histoire touchante, appuyant une fois de plus le fait qu’une relation très amicale était née entre les deux hommes :

« Durant l’un de nos déjeuners hebdomadaires j’ai fait part au président de mon inquiétude concernant le soutien financier dont la famille de mon fils Beau allait devoir faire face suite à l’avancement rapide de son cancer du cerveau. Cela a énormément affecté le président et il s’est très vite senti concerné. Je lui ai dit qu’une solution avait été trouvé, que mon épouse et moi vendrions notre maison du Delaware et que cela ne nous causerait pas de problèmes. Ce à quoi le président s’est fermement opposé. Il s’est levé et a dit : « Ne vends pas cette maison. Promets moi que tu ne la vendras pas ». Il m’a ensuite dit : « Je te donnerai l’argent. Demande-le moi et je te donnerai cet argent Joe. Mais ne vends pas cette maison. Promets-le moi. Allez, promets-le moi. » Je lui ai répondu que je ne pensais pas à avoir à devoir à en arriver là de toutes façons. Ce à quoi il m’a répondu : « Promets-le moi ».

 

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Il a tout d’abord dépoussiéré l’un des postes les plus ingrats de l’administration américaine. On va pas se mentir, à moins que tu sois au fond du trou, Joe a beaucoup plus de flow que Dick. Pause. Au delà de ça, on saluera l’intelligence et l’altruisme du personnage. Que c’est difficile de marcher dans l’ombre de Barack, que c’est compliqué d’être envoyé aux 4 coins du monde comme faire-valoir. Joe est plus qu’un vice-président, Joe est un ami, voire le meilleur. Celui dont tous les mecs rêvent. Pause. Celui qui vous fait avancer, celui sur lequel on peut compter quand tout part en cacahuètes, celui qui par son effacement rendra votre présence encore plus forte.

Les services secrets lui ont affublé le nom de code « Celtic » en référence à ses racines irlandaises, mais l’homme ne représente en rien ce vestige vieillissant que représente aujourd’hui la franchise NBA du Massachusetts. Au contraire, Joe est tellement actuel, tellement contemporain. Excuse moi de te le dire mais Joe c’est presque ton père mais en mieux. Parce qu’il a les sens des valeurs et que c’est un homme travailleur, Joe Biden aura sublimé l’administration Obama pendant ces 8 années. L’émulation crée entre les deux hommes est un exemple à montrer dans toutes les écoles.

Si le Bro Code était la Constitution, Joe Biden en serait l’un des Pères Fondateurs. C’est vrai qu’avec sa gueule il est difficile de ne pas l’admirer. Pause. Non mais sérieusement mesdemoiselles (messieurs ?), vous l’avez vu à 30 ans ? Allez-y, googlez-le. Si Twitter et Instagram existaient dans les années 70 Joe aurait sans doutes pu être votre E-Bae. Sérieusement.

 

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Loin de moi l’envie de remuer le couteau dans vos plaies les gars, mais vous vous rappelez de toutes ces fois où vous étiez dans une ambiance pleine de meufs fraiches, mais qu’aucune ne vous mettait le moindre regard ? Et que sorti de nulle part y’a non pas un mec, mais deux potos bien foutus qui débarquent dans la pièce et qui niquent le (peu de) flow que vous n’aviez même pas. Bah, Barack et Joe c’est ces mecs là. D’abord t’as le seum. Puis tu passes par l’étape Coubertin, la fameuse disquette « l’important c’est de participer ». S’arrêter là tu aurais dû, mais toi ? Que nenni…tu te dis alors : « M’en bat les reins, j’vais attendre qu’une go soit bien touchée par la tise avant de l’attaquer ». Je parle de toi enculé, le mec né avant la honte.

 


Merci d’avoir fait naître en moi la volonté d’être un meilleur ami.


 

Merci Joe pour cette belle leçon de vie, merci d’avoir permis à Barack d’être ce qu’il a été et représenté beaucoup plus qu’un président. Merci pour tes bourdes, tes jeux de mots, tes expressions, ton sourire, ta diplomatie et merci d’avoir fait naître en moi la volonté d’être un meilleur ami.

 

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Dear americans, vous avez eu 8 très belles années avec le duo Obama-Biden tandis que nous on s’est tapé coup sur coup Sarko et Hollande. Tout ça pour dire qu’avec Trump ça va le faire. Y’a pas de raisons pour que vous ne surviviez pas au mandat de Donald. Sérieusement, 4 ans c’est de l’eau.

 

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Sinon, j’suis tombé sur un post de Nos du groupe PNL où il a hashtagué la phrase : « Après l’obscurité la lumière ». J’trouve ça pas mal comme phrase de conclusion.

Née d’un père professeur de piano et d’une mère enseignante, on peut déclarer sans se tromper en quelque minutes passés avec Anna Rose Holmer que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre. Une sensation de savoir et de connaissance de son sujet s’émane d’elle quand elle parle du cinéma qu’elle aime et qui l’a inspiré, en même temps qu’une posture droite surement issu de vieilles leçons du paternel. Après avoir étudié le cinéma l’université de New York, Anna Rose commence sa carrière en tant qu’assistante camera, en charge de la mise au point. Elle parfait son art en étudiant la photographie, elle pense le cinéma comme un art collaboratif, car elle considère qu’un film n’est pas seulement aux mains du réalisateur.

Pour son premier essai en tant que cinéaste après avoir produit un documentaire sur le ballet new-yorkais, elle met en scène sa vision du film de danse avec l’histoire de Toni un garçon manqué de 11 ans luttant pour s’intégrer dans une troupe de danse avant d’être prise au milieu d’un phénomène étrange causant une vague inexplicable de convulsions aux membres du groupe. Grande passionnée de danse, l’américaine fan du français Robert Bresson mais aussi Steve Mc Queen, Jane Campion, Andrea Arnold, nous plonge avec The Fits dans une fable à la mystique exacerbée, poussant les limites du simple film de danse pour s’approcher du fantastique. Mais ne cherchez surtout pas de réponses, avec Anne Rose Holmer, il est surtout question d’interprétation.

Etes vous satisfait de l’accueil du film en France ?

Complètement, c’est vraiment la première interaction avec le public français et je suis vraiment excité à l’idée de présenter mon film ici. La France a une grande culture et une grande estime pour le cinéma et c’est vraiment excitant d’être ici pour ça.

Il y a un vrai jeu de mot à double sens avec le titre du film.

Même triple. C’est un titre parfait en anglais comme le film qui a ce coté ambiguë et de multiples interprétations, qui sont toutes correctes. Mais oui, le titre réfère aux épisodes de convulsions, ainsi qu’a être « fit » (être en forme, en anglais) car le film est aussi question du corps et le terme « misfit », être en dehors de son environnement, un « outcast ».

Comment vous ai venu l’idée du film ?

L’idée me vient du travail que j’ai fait sur Ballet 422, un documentaire sur la création d’un ballet. Mais j’ai aussi été vraiment intéressé par les mouvements violents et inopinées des convulsions, combinés aux mouvements de danse qui sont eux intentionnels et précis. Mettre ces deux éléments ensemble, les comparer, étudier leurs différences. C’est une façon intellectuelle de voir cela, et l’héroïne du film a développé cela.

« Je me considères comme féministe. Je ne veux pas que ça crée des barrières, je ne veux pas que le fim soit excluant car il est féministe mais je veux qu’il réunisse. »

Quel est votre rapport à la danse ?

Je suis tombé dedans très jeune. J’ai produit un autre film sur le ballet de NY et à chaque fois que j’ai travaillé avec eux j’ai beaucoup plus appris qu’autre part. The Fits est un peu ma première expérience hors du ballet. Quand on a écrit le script à l’origine on n’avait pas de groupe particulier à l’esprit. Mais je savais que je voulais que ce soit danse sous forme de compétition, ce que n’est pas le ballet. On a observé plusieurs formes de danses pour trouver ce qui correspondrait.

Pour ma part, J’ai dansé mais je n’ai pas eu de formation particulière. Quand j’étais petite j’ai fais de la danse et j’aime ça mais juste pour sortir et danser. Je pense que la danse est un art très puissant qui connecte les gens. Je ne pense pas qu’il y’ait autre chose comme ça.

Tu aurais pensé commencé ta carrière de réalisateur avec un tel projet ?

Non pas vraiment, c’est drôle. Les thèmes viennent en bossant chaque jour tu ne les prevoit pas. Tu fais au jour le jour, tu gravites autour des choses que tu aimes et des gens avec qui tu te connecte. Dans ce sens là, ce fut une surprise. Je veux continuer faire ça ainsi mais aller plus loin que le film traditionnel de danse, qui pour moi n’a pas à être forcément de la danse en soi. Je pense à un film comme Mad Max qui est pour moi quasiment un film muet de danse ! C’est une façon folle de le concevoir mais pour moi c’est ce que j’ai vu et compris. Je pense que ça peut émerger de pleins de façons différentes.

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« L’ambiguïté ne fonctionne pas quand ce n’est pas intentionnel, quand c’est vague. Nous avons du parfaitement savoir de quoi on parlait pour créer un espace ambiguë et clair en même temps. »

Pourquoi le choix d’un micro-budget pour réaliser ce film ?

C’était une réalité économique, c’est vraiment difficile aux USA de produire un vrai film indépendant. Je suis arrivé en tant que cameraman, avec un gros bagage de production, là il me fallait passer à la réalisation, je pense que c’était un challenge important pour moi de garder mon indépendance. Alors on s’est dit qu’il fallait faire un film qui peut être fait avec ces contraintes, le scripte prenait en compte au budget, car on a voulu rester petit et atteignable dans un sens. Le micro budget était surtout pour garder notre liberté artistique et ce fut un vrai défi, mais je suis heureuse car on n’aurait pas pu faire le film de la façon dont on la fait avec un gros budget.

On reste assez perplexe face aux indications et aux réponses troubles qu’apporte le film, c’était volontaire d’être si implicite ?

On pense le film comme une question, pas une affirmation. Dans beaucoup de moments du film on essaye de mettre le spectateur dans la réalité subjective de Toni, qui elle même est incertaine de ce qui se passe. Placer l’audience dans un territoire d’incertitude est vraiment difficile, c’est un vrai challenge tant dans la créativité que dans la narration car cela signifie ne jamais être sur d’ou on pose les pieds. Ce fut vraiment un parcours du combattant de mettre l’audience dans sa perspective. Toni ne sait vraiment quelque chose que dans les 10 derniers plans du film, donc oui cela peut être frustrant pour certains spectateurs mais si on accepte cette zone d’inconfort cela peut être amusant à regarder.

« Des gens m’ont dit qu’ils n’avaient pas compris le film au départ, avant d’en rêver plusieurs mois après car ça les tracassaient. C’est le meilleur compliment qu’on puisse me faire »

C’est important pour vous, de réaliser un film en tant qu’indépendant ?

Je cherche dans un film indépendant à ce qu’il pousse les limites de la forme traditionnelle du cinéma. Si tu vas tournes en studios il a des procèdes qui enlèvent aux rushs son naturel brut, alors qu’explorer de nouveaux lieux te permets de prendre des risques. Des fois cela fonctionne, certaines fois moins. Mais dans un contexte indé, c’est plus facile de prendre ces risques. Mais en même temps j’aimerais que mon travail soit accessible, je ne veux pas voir mon film dans un cinéma vide. Je veux continuer à me surpasser mais pour que les gens puissent absorber mon travail, et au plus grand nombre possible.

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Tu as déclaré être féministe et que The Fits était un film féministe.

Je me considère comme féministe. Je ne veux pas que ça crée des barrières, je ne veux pas que le film soit excluant car il est féministe mais je veux qu’il réunisse. Je pense que depuis longtemps les femmes se sont prises d’empathie pour des héros masculins, quand je regarde un film avec un protagoniste homme, je me mets dans son corps, dans sa perspective. Il faut demander la même chose aux hommes quand ils sont devant un film avec une protagoniste femme, de se mettre dans sa peau. C’est nécessaire pour construire un dialogue et un échange et il y a beaucoup à apprendre dans le fait de se mettre dans la perspective de quelqu’un d’autre.

Comment avez vous choisi le le groupe de danse des Q-Kidz, qui jouent les roles des danseuses dans le film ?

Dans mon idée originale, le personnage de Toni me ressemblait beaucoup plus. Mais à force de temps et de dialogue avec mes deux collaborateurs, on a changé de direction et voulu vers une danse plus compétitive. On a cherché sur Youtube sans succès pendant 3 mois avant de tombé sur un clip de ce crew. On est tombés amoureux d’elles. On les a appelés, elles ont dit oui et on a ensuite écrit le script avec elles en tête. On les a sondé, puis on a réécrit. C’était une vraie collaboration. Il y a cet élément de « danse-combat » qui s’apparente à de la boxe. Mais aussi de la fantaisie, de la parade, c’est vraiment cool.

« West Side Story est une grande influence a cause de sa connexion avec le NYC Ballet et la danse de rue mélangé avec du ballet. »

Comment c’est passée l’immersion dans le groupe, issu de la communauté noire de la ville ?

Ce fut une grosse décision. Mes deux co-scénaristes sont d’origines différentes donc le film a été une vraie expérience de partage. On a décidé de bosser sur un casting entièrement Noir, la première chose pour moi a été de les prévenir que je n’étais pas une connaisseuse ou experte de leur culture. J’ai habité 9 semaines à Cincinnati pour shooter les 3 derniers semaines de shoot donc j’ai passé 6 semaines à parler et partager et réécrire avec les filles. Il y’a eu beaucoup d’écoute.

Quelle serait pour toi la meilleure combinaison entre un film de SF et un film.

Je dirais « 2001, l’odyssée de l’espace » mélangé à Pina (2001) [ndlr : documentaire sur la danse] !

En 2014, Google faisait déjà appel à FKA Twigs pour illustrer l’aspect futuriste des ses Google Glass. Cette fois-ci, c’est Nike qui s’adjoint les services de l’artiste, qui devientleur directrice artistique le temps d’une collection capsule.

Une collection Zonal Strength Tights prévue pour ce printemps chez Nike Women et dont on apprendra bientôt plus. En attendant, la collaboration, tout juste annoncée se dévoile dans deux minutes de campagne, en accord avec l’univers visuel et artistique de l’artiste qui célèbre, bien sûr, le sport et l’individualité par la danse en s’entourant de 12 athlètes, incluant le champion de karaté Jay Kirton, la danseuse Saskia Horton ou encore l’escrimeur olympique Miles Chamley-Watson.

 

Elle explique également :

Les gens ne voient pas les danseurs comme des athlètes, mais nous le sommes. Pour moi le rêve serait de faire du sport sans s’en rendre compte. Faire ce qu’on veut et se rendre compte des résultats au fur et à mesure qu’ils se produisent. 

 

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Originaire de la Courneuve, c’est là que la documentariste Alice Diop a trouvé la matière pour son documentaire « Vers La Tendresse ». Elle interroge quatre jeunes hommes, sur leur rapport aux sentiments amoureux. Des témoignages sincères, tendres, torturés et conflictuels, recueillis par la réalisatrice qui a su gagner leur confiance et a choisi de poser leurs voix sur des mises en scène de leur quotidien : au grec, dans leur quartier, dans le RER, à l’hôtel ou en route vers le « quartier rouge » de Bruxelles.

Diffusé une première fois tard le soir sur France 3, vous pouvez rattraper le documentaire avec Télérama.fr qui le diffuse en streaming jusqu’au 8 février. Après ça, il sera disponible sur la plateforme de documentaire Tënk.

 

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« On cherche des putes on va pas se mentir, des salopes. Je vais pas faire l’hypocrite, je suis un salop’ aussi. C’est pas : les meufs c’est des putes, nous on est propres. Il faut un crasseux et une crasseuse »


 

 

 


« À force de rester entre mecs, entre potes…. après quand t’arrives dans des situations où il y a des nanas… je réagis mal peut-être. Ou je tombe dans des trucs d’érotomanie tu vois. Tu crois que la personne elle est amoureuse de toi. »


 

 

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« Tant que tu restes masculin, t’es un homme donc t’es pas un pédé. Parce que le pédé c’est le rôle d’une femme, donc c’est celui qui se fait prendre. Tout est centré sur l’acte sodomie. »


 

 

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« La force du jugement, de la honte est plus forte que le désir d’accéder à l’amour. Mais l’amour une fois qu’on y a accédé est plus fort que la honte et tout ça. C’est un peu con. [rires] »


Disponible sur Télérama.fr

« Vous êtes sûrs que vous voulez pas boire un verre de jus ? Allez, il est super bon et hyper frais ! »

Celle qui insiste pour nous mettre à l’aise c’est Houda Benyamina, réalisatrice du film Divines. Ce dernier est nominé depuis le 12 décembre dans la catégorie du Meilleur film étranger aux célèbres Golden Globes, édition 2017 qui auront lieu dans la nuit de dimanche à lundi aux États-Unis.

La femme est directe, regarde son interlocuteur droit dans les yeux et tient à retenir les prénoms des membres de l’équipe (elle nous les fera répéter à plusieurs reprises). Il y a ce « je ne sais quoi » de charmant dans le ton de sa voix, l’émotion qu’elle transmet et qui, par intermittence dévoile  une sensibilité que seuls les pédagogues ont.

À noter que la promotion du film se fait dans un grand hôtel parisien des Champs-Élysées à Paris, mais ni Houda, ni ses actrices ne font tâche.
Au contraire, les entendre parler, rire et se mouvoir avec aise dans cet espace trop souvent aseptisé et convenu, modifie le décors dans lequel nous nous trouvons. À leur contact, c’est comme si les couleurs semblaient plus vives, les sons moins feutrés et le jus d’orange tant vanté par Houda tient toutes ses promesses.

C’est d’égal à égal que nous parlons et échangeons, car celle qui s’est d’abord révélé en tant qu’actrice vient de loin et met un point d’honneur à rendre à ceux qui l’ont très vite nourri (son implication dans le milieu associatif, son œuvre avec la jeunesse des quartiers dits défavorisés, etc.). On ne peut donc s’empêcher d’y voir une signe du karma lorsque pour « Divines » la demande d’utiliser le titre « Diamonds » de Rihanna est faite et que tout naturellement l’autorisation est accordée.

Souhaitons donc bonne chance à cette belle équipe, que la ville des Anges vous soit favorable ! À défaut d’avoir succombé à l’enfer des autres, avec les siens la réalisatrice a créé son petit paradis, n’en déplaise à Jean-Paul.

 

 

Phénomène. Choisir comme nom de guerre Princess Nokia. Porter des sapes de mecs XXL. Rapper des trucs du genre : « With my little titties and my phat belly / I could take your man if you finna let me. » Quand Destiny Frasqueri, de son vrai nom, revient sur le devant de la scène en début d’année dernière avec « Tomboy », après un break de deux ans, on sent qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration. Deux ans de pause, deux pas d’élan pour un meilleur bond en avant. Celle qui n’était pas prête à l’époque, de ses propres termes, l’est assurément aujourd’hui.

On compte sur elle pour enflammer son public en scandant les refrain de « Tomboy », « Brujas » ou encore « Kitana »

 

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Avec YARD, tente de remporter deux places en remplissant le questionnaire suivant. 

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Toi qui admire Malcolm X, Martin Luther King, Nelson Mandela, Tupac, Kendrick Lamar, Médine, Youssoupha ou encore Kery James, sais-tu seulement qui est Frantz Fanon ?

Toi qui t’offusque de tous les malheurs d’une ethnie, de la façon dont le mouvement Black Lives Matter est traité ou de l’élection de Donald Trump aux États Unis, sais-tu à quel point Frantz Fanon a influencé bon nombres d’activistes ?

Né le 10 juillet 1925 en Martinique, Frantz fréquente le lycée Victor Schoelcher à Fort-de-France, établissement où officie un certain Aimé Césaire.
Décidé à lutter pour la décolonisation des peuples, il entame des études de médecine tout en prenant des cours de philosophie et de psychologie à Lyon. Victime de racisme dans les milieux intellectuels parisiens, il publiera le livre « Peau noire, masques blancs » en 1952.

 

« La densité de l’Histoire ne détermine aucun de mes actes.
Je suis mon propre fondement.
Et c’est en dépassant la donnée historique, instrumentale, que j’introduis le cycle de ma liberté (…) »

 

Dans la foulée il devient médecin chef d’une section de l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville en Algérie (il demande spécifiquement sa mutation dans ce pays).
Les années qui suivront seront marquées par son militantisme (engagement dans la résistance nationaliste algérienne, affinités avec le FNL, renoncement à sa nationalité française, etc.).
Atteint d’une leucémie, celui qui se fait désormais appelé Ibrahim Omar Fanon mourra à 36 ans à Bethesda (à quelques kilomètres de Washington). Ironie du sort, son décès intervient quelques mois à peine avant l’indépendance de l’Algérie.

 

Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir.

 

D’ailleurs, Hassane Mezine, réalisateur, est à l’origine d’un projet de documentaire sobrement intitulé « Fanon hier, Fanon aujourd’hui : Regards croisés ». Ainsi, une cagnotte est mise en place pour que l’oeuvre puisse voir le jour très prochainement :

 

https://www.gofundme.com/frantzfanondocumentary

 

 

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Un logo Suprême apposé sur le monogramme de Louis Vuitton. L’image serait restée anodine si elle n’avait pas été postée par l’un des directeurs créatifs de Louis Vuitton, Kim Jones. On vous avait déjà parlé de l’appétence du luxe pour la culture streetwear, mais le potentiel d’une association entre l’une des plus grandes marques de luxe et la marque totem de la culture streetwear laisse rêveur.

Depuis, Kim Jones a retiré l’image. Peut-être pour ne pas lancer de fausses rumeurs à partir d’une photo hasardeuse de l’un de ses autocollants apposés sur l’un de ses sacs. Ou est-ce tout simplement une stratégie de teasing ingénieusement calculée ? Si la rumeur d’une telle collaboration court depuis maintenant quelques années, elle n’est pas pour autant totalement improbable. Kim Jones, le directeur artistique du Prêt-à-Porter Homme de la marque débarqué en 2011, n’a jamais caché son attirance pour la marque. On a notamment pu le croiser à l’ouverture de la boutique Supreme à Paris. Et pour encore plus alimenter la machine, cette photo d’un possible sample traîne depuis le début de l’année sur Internet.

 

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Même s’il faut aussi signaler que les pièces fake font légions sur le web. On attend de voir…

 

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UPDATE : Dans une interview exclusive donnée au magazine WWD, Kim Jones confirme la collaboration et déclare :

« Vous ne pouvez pas parler de la mode masculine à New York sans parler de Supreme aujourd’hui, parce que c’est un phénomène d’ampleur globale. Quand j’étais à l’université, on job était de déballer des boîtes de Supreme dans une entreprises à Londres qui distribuait leurs produits quand ils ont commencé. Donc c’est quelque chose que j’ai connu tout au long de ma vie. Je pense simplement que leur force graphique face à la force graphique de Louis Vuitton, et cette impression de Pop Art – le mélange marche parfaitement. »

La collection sera d’ailleurs présentée ce jeudi 19 janvier à 14:30 lors de la Fashion Week Homme à Paris.

 

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De nouvelles possibles images de la collaboration auraient apparemment leaké sur la page Instagram Supreme_Access.

 

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Kendrick Lamar, Radiohead, Beyoncé… Le line-up de Coachella envoie une nouvelle fois pas mal de rêves. Dans le line-up, toujours autant d’électro, et toujours plus de hip hop, mais aussi pas mal d’artistes qui viendront défendre les couleurs de la France dans l’un des festivals musicaux les plus attendus et les plus côtés.

 

PNL

Surprise ! Passés de l’ombre à la lumière il y a seulement deux ans, les deux frères de PNL on déjà pris tout le monde de court en réussissant à se frayer un chemin Outre-Atlantique en faisant, notamment, la couverture de Fader, tout en maintenant leur goût du secret et de l’exclusivité. Si leur succès en France est encore sujet à controverse, il ne fait nul doute qu’un public les attend dans la vallée. Effectivement, pour eux, c’est le monde ou rien.

 

 

DJ Snake

DJ Snake est maintenant un habitué du festival. Après la sortie de l’album « Turn Down For What », il était parti en 2015 accompagné du duo Rae Sremmurd. Cette année, il arrive avec l’album « Encore » en poche, une pépite sur laquelle il a invité Bipolar Sunshine, Skrillex, Moksi, Jeremih, Young Thug, Swizz Beatz, Migos, Travis Scott, Justin Bieber ou encore Mr Hudson. Reste à savoir qui le rejoindra cette fois-ci ?

 

 

Madeon

Pour lui aussi ce n’est pas une première fois. Déjà invité sur scène pour l’édition 2015, le Nantais convainc et sera de retour à la fin de son Shelter Live Tour qu’il mène avec son acolyte Porter Robinson, pour enflammer son public avec un set électro.

 

 

Kungs

C’est le petit prodige de la liste. Originaire de Toulon, c’est à seulement 19 ans que Valentin Brunel fait son entrée dans le line-up du festival. D’abord reconnu pour ses remix de Bob Marley et Lana Del Rey, c’est D’Axwell & Ingrosso et Lost Frequencies qui font appel à lui pour remanier leurs titres, puis David Guetta qui l’emmène avec lui faire le tour du monde pour assurer quelques premières parties de son Listen Tour. Depuis il produit ses propres titres house, toujours relevés de voix soul. En témoigne son premier titre To Describe You porté par la chanteuse Molly, ou encore son dernier titre en date, I Feel So Bad.

 

 

 

Brodinski

C’est la première fois que le nom du rémois est inscrit sur la liste des guests de Coachella. Une bonne nouvelle pour celui qui sans cesse, célèbre son histoire d’amour avec le hip hop. On attend ça avec impatience.

 

Breakbot

Le label Ed Banger consolide encore son aura mondiale et sa signature avec pas moins de deux noms sur le line-up. Pas de surprise avec Breakbot qui faisait déjà sa première apparition sur scène en 2012. Une valeur sûre de la French Touch à l’oeuvre une nouvelle fois.

 

 

Justice

C’est l’un des retours le plus fracassants de l’année. Justice a gracié son public d’un nouvel album « Woman » après cinq ans de silence. Depuis, les parisiens Gaspard Augé et Xavier de Rosnay sillonnent les routes avec Randy et Safe and Sound et le groupe trouve évidemment sa place dans les headlines de Coachella.

 

 

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À Anchorage, en Alaska, Moose’s Tooth est une institution. Derrière sa façade démodée, ce pub planté en bord de route sert entre ses murs en lambris de généreuses pizzas cuites sur pierre, les troisièmes meilleures du pays. Ce 25 août 2011, c’est en grande pompe que l’établissement fête son quinzième anniversaire. Sur le parking, on a dressé une estrade, surmontée d’une tente conique. Pas un décor de fortune, un vrai tableau de festival. La foule qui inonde le béton fendillé a déboursé 35$ pièce pour voir son idole. Avant le début du concert, l’artiste s’appelle encore Mos Def.

 

 

Suicide commercial

 

Cet après-midi, en rentrant sa chemisette blanche dans son pantalon à pinces, il s’était répété que c’était le bon jour, le moment parfait. Après avoir noué sa cravate, il trépignait. Aujourd’hui, le monde saura. Il a toujours eu une classe folle, Dante Terrell Smith, cette manière de porter des mocassins sans faire ringard, des costumes ajustés sans se désencanailler. Ses proches s’efforcent déjà de l’appeler Yasiin depuis douze ans mais c’est ce soir qu’il officialisera la transition. Sur la scène montée devant la pizzeria, Mos Def déroule sa discographie. Les esprits s’échauffent, les corps bouillonnent, la clameur monte et s’évanouit dans le ciel piqué de montagnes. Rien ne le désarme. Cet après-midi, en rentrant sa chemisette blanche dans son pantalon à pinces, il s’était répété que c’était le bon jour, le moment parfait. « À partir de maintenant, […] mon nom professionnel sera le nom légal que j’ai choisi : Yasiin Bey » souffle-t-il dans son micro vintage. « Je ne veux pas devoir attendre que ça sorte dans Source, Vibe ou ailleurs. Je veux dire, nous sommes tous ici. Nous pouvons nous voir les uns et les autres ». Il épelle : « Y-A-S-I-I-N, le prénom. Nom de famille: B-E-Y ». Yasiin Bey a tué Mos Def, enterré une icône, balayé la nostalgie réconfortante, tourné la page d’une époque bénie. Coup pendable. Quelques râles s’échappent de l’auditoire, le rappeur tempère : « Je comprends, je comprends. Personne n’est aussi proche de Mos Def que moi. Je connais ce gars. Très bien… ».

 

 

Dante s’est converti à l’Islam à dix-neuf ans. Ado, son père, un ancien disciple de la Nation of Islam, lui avait bien enseigné quelques ficelles mais c’est lorsqu’il copinera avec A Tribe Called Quest qu’il s’engouera vraiment pour la religion aux cinq piliers. Black Dante voit Q-Tip et Ali Shaheed Muhammad prier, entend et partage leurs valeurs, absorbe les images et les mots. Il veut en être. Yasiin est un prénom tendre, le titre de la trente-sixième sourate du Coran (« Yā Sîn »), celle que l’on aime lire en mémoire des défunts. L’alias s’impose comme une évidence en 1999, après un pèlerinage à La Mecque. Bey double son «i » pour plus de mélodie, façon chanteuse de r’n’b. La même année, l’album culte Black on Both Sides s’ouvre sur un « Bismillah ar-Rahman ar-Raheem » murmuré (« Au nom de Dieu, le plus clément le plus miséricordieux »). Yasiin Bey à la ville, Mos Def à la scène, ça ne durera qu’un temps, le temps d’une décennie dorée, de trois albums acclamés et de quelques films à succès.

 

« Y-A-S-I-I-N, le prénom. Nom de famille: B-E-Y. » Yasiin Bey a tué Mos Def, enterré une icône, balayé la nostalgie réconfortante, tourné la page d’une époque bénie.

 

Mos Def sent trop l’asphalte, celui des rues traversant le Brooklyn des nineties, Yasiin Bey est sa version mature, sa nouvelle version vraie. Pretty Flaco ne veut plus de pseudo, ça vous pose en marchandise et vous réduit à un nom de marque aguicheur. Alors, il imprimera Yasiin Bey sur ses pochettes de disques. «Mos Def était mon nom d’artiste. Je n’ai plus besoin de me cacher derrière ce personnage et je ne veux pas être appelé Mos Def parce que ça rassure les gens. […] Je suis encore, parfois, traité comme une chose mais je ne suis pas une chose. Je suis un humain et mon nom représente mon humanité. Si vous vous intéressez vraiment à moi, vous devez l’accepter.», grogne-t-il auprès de Libération Next. Mais les fans font bloc. Yasiin Bey est un étranger indésirable, un colon qui pille les souvenirs. Personne ne veut faire le deuil de Mos Def, on ne le rebaptisera jamais.

 

Dans la légende

 

 

Le CV de Yasiin Bey se lit sans façons : un featuring avec A$AP Rocky pour At.Long.Last.A$AP, quelques freestyles dont «Niggas In Poorest», une poignée de singles et un mini album poussif à deux têtes avec Ferrari Sheppard, sous l’alias Dec 99th. Il a gardé sa belle conscience toute indignée, héritée des Native Tongues, mais perdu son phrasé si particulier, ce timbre velouté, cette verve mélodieuse. December 99th sonne comme du mauvais Kid Cudi. Yasiin parle plus qu’il ne claque ses mots et pousse la chansonnette un peu faux. La matière éthérée remise les percussions et la basse au placard. Ce n’est pas faute de nous avoir prévenu, en 2015 : « Ce que les gens vont entendre de moi à partir de maintenant, ou à l’avenir, sera très différent de ce qu’ils ont entendu en 1999 ou même en 2009 … Je suis différent, l’époque est différente, mon niveau de compétences est différent ». Le temps de production s’est follement ralenti, aussi. Bey n’a pas la productivité facile de Def. « Le process d’écriture est devenu positivement plus long. Pas au sens où c’est plus dur pour moi de créer de la matière, mais je me suis retrouvé ces derniers jours à passer plus de temps sur un morceau. » Yasiin Bey est tatillon. Yasiin Bey est avare. On cerne mal Yasiin Bey. Il serait un citoyen du monde comme Chuck D, traînant sa valise et sa carcasse de New York à Londres, de Paris à Cape Town. « Mon pays s’appelle la Terre » remâche-t-il à l’envie. Il aurait fuit les Etats-Unis parce que pervertis. N’a ni Twitter ni Instagram, poste épisodiquement sur Facebook. S’est libéré des maisons de disques, refuse de nourrir le système. Il en aurait même fini avec la musique, ou plutôt le prétend. En janvier 2016, suite à un embrouillamini avec les autorités d’Afrique du Sud pour une sombre histoire de passeport, il enregistre une logorrhée suffoquée au téléphone portable, qu’il conclue par l’annonce de sa retraite, musicale et cinématographique.

 

 

December 99th sera son dernier album. Il y croit, confirme sur Facebook qu’il « arrête pour de bon » en octobre 2016 et vend des places pour sa tournée d’adieu. Le bonhomme veut s’investir dans la mode et l’art, « tout ce qu’[il] peut créer de beau et d’utile ». On plonge dedans, chiale en sourdine. Et puis, en fait, un opus ce n’est pas suffisant, Bey a trop de brouillons de chansons qui traînent encore en tête. Il publiera tour à tour Negus in Natural Person en soliste et As Promised avec Mannie Fresh, en 2017. Il le clame à la radio sans gêne. Comme un accroc, il ne parvient pas à raccrocher. Il n’a pas vraiment tué Mos Def, la musique lui tient au corps, tapisse ses entrailles.

 

Yasiin Bey est plus tiède qu’il n’y parait. Qui est-il vraiment ?

 

Mos Def a toujours été engagé. Pas le genre d’activiste mou qui force sa BA, un honnête révolté. Un EP collaboratif anti violences policières, Hip Hop for Respect. Un concert hommage au condamné à mort Mumia Abu-Jamal. Une performance-trottoir sur Katrina clap (renommée Dollar Day sur True Magic) au pied de la Radio City Music Hall, lors des MTV Video Music Awards 2005. Des interventions télévisées, des reportages et des morceaux coups de poing. Mais ce jour de juillet 2013, Yasiin Dante Terrell Smith Bey repousse les limites du militantisme. C’en est fini des prises de position un peu mignonnes et à peine risquées de son ancien alter-ego. Flaco Bey est un forcené. « Mon nom est Yasiin Bey et je suis là pour faire la démonstration de la méthode d’alimentation de force utilisée sur les détenus de la prison de Guantánamo.» On lui menotte les poignets et les chevilles, le sangle à un fauteuil médical. On s’en veut de penser qu’il porte beau le orange. Des blouses bleues l’intubent par le nez, Yasiin plisse les yeux de douleur et de rejet, sa gorge brûle, sa gueule se déforme, il se tord sur son siège. On lui maintient le crâne. Il implore, le regard humide et paniqué. Asif Kapadia filme sa détresse en gros plan. Le cobaye veut arrêter l’expérience plus tôt que prévu. Bey est un bon acteur mais sa souffrance semble réelle. « Je ne savais pas à quoi m’attendre », reniffle-t-il a posteriori. « Je n’ai vraiment pas pu supporter. ».

 

 

Sept millions de vues sur le compte YouTube de The Guardian. Le quarantenaire n’est pas allé jusqu’au bout, s’en est-il voulu ? Il ne s’est jamais pris pour un surhomme, l’Islam lui a appris l’humilité. Après coup, il mènera des batailles dans ses cordes, à la Mos Def. Il dédie son titre « Hymn » aux familles d’innocents assassinés, rappe à Dismaland, le parc d’attraction cynique de Banksy, et pose un freestyle pointant l’acharnement du gouvernement sud africain dont il se veut victime, avant de s’en excuser mollement. Yasiin Bey est plus tiède qu’il n’y parait. Qui est-il vraiment ? On cherche frénétiquement des informations sur la Toile, clique d’articles en articles, pour creuser, assimiler, décrypter et dessiner son portrait. Et puis, en faisant défiler les pages, on finit par comprendre. Son nom s’assorti toujours d’un aka, d’un slash ou de parenthèses. Il n’existe pas de lui-même. Mos Def n’est jamais vraiment devenu Yasiin Bey.

 

Le concept store Archive 18-20, nouvellement installé au 18 rue des Archives se conçoit comme la vision de Séverine Lahyani, celle d’un vestiaire masculin et d’un lieu d’exposition d’artistes et de designers émergents. Un lieu de vie animé par son jardin suspendu et son café.  Sur ses portants se mêlent jeune designer et maison plus installées entre Tomorrowland, Études Studio, Ly Adams, Les Benjamins & Marni, Yves Salomon, Alexander Wang, Comme des Garçons.

Archive nous a ouvert ses portes et nous a permis de chiner dans ses collections pour réaliser une série mode avec le photographe Mathieu Vilasco. Au stylisme, YARD vous propose une sélection de pièces parfaites pour l’hiver, sous le signe de la superposition et de l’importance des matières.

 

Photo : @MathieuVilsaco
Direction Artistique & Stylisme : Pablo Attal
Maquillage : Hanna Nathalie
Mannequins : Pierre-Benoit Talbourdet & Pablo Attal

 

ARCHIVE 18-20
18-20 rue des Archives
75004 Paris

INSTAGRAM : @Archive1820

Bretons et Dakarois partagent un lien indéfectible avec la mer. A travers la collaboration des marques Maison Chateau Rouge et Béton Ciré, une nouvelle relation se conçoit entre les deux rivages, illustré par le photographe Ojoz, qui dans une série de photos, met en images les valeurs d’ouvrage et d’entraide partagées par tous les pêcheurs et la beauté de la mer.

Instagram : @ojoz
Websitewww.ojoz.fr

Maison-mère de l’Illinois, Chicago est une ville prédominante dans la culture hip-hop. Les hustlers quadrillent la plupart des quartiers du sud de la ville, d’où sont originaires la grande majorité des rappeurs. Connu pour sa « drill music », Chiraq regorge de rappeurs émergents. À la croisée entre drill music et r’n’b, Dreezy est une jeune emcee de 22 ans ayant grandi dans le « Southside » de Chicago. Quelques mois après la sortie de son album No Hard Feelings, elle revient sur ce tout début de carrière.

Photos : @Booxs

Tu as grandi dans le sud de Chicago, un quartier populaire connu pour sa musique et son taux de criminalité élevé. Quelle enfance as-tu eu ?

J’ai grandi très vite et j’ai dû apprendre à me débrouiller par moi même. J’étais assez curieuse et créative.

 

Tu as commencé à écrire des poèmes très jeune…

J’ai commencé à écrire des poèmes aussitôt que j’ai appris à écrire. Plus largement, j’adore l’écriture. Je me souviens que je passais beaucoup de temps à écrire. Je rédigeais des poèmes, des petites histoires… Au fil du temps j’ai commencé à écrire des morceaux et c’est de cette manière que j’ai commencé la musique. Au début je ne faisais pas de rap, ce n’est que des années plus tard que je m’y suis mise.

 


« J’ai commencé le rap grâce à Lil Wayne. J’étais une fan de Lil Wayne ! C’est d’ailleurs grâce à lui que m’est venu mon nom de scène, Dreezy.»


 

Quel était ton rapport à la poésie ?

C’était un moyen de m’évader. Un bon moyen de m’exprimer !

 

Comment es-tu passé de la poésie, à l’écriture de nouvelles, puis à l’écriture de chansons au rap ?

Ça a été une évolution naturelle. Avec l’âge j’écoutais plus de rap et je me suis rendue compte que la structure d’un poème est la même que celle d’un morceau de rap. C’est aussi ça le rap, l’art de raconter une histoire. Beaucoup de mes morceaux sur ma mixtape Schizo étaient certains de mes anciens poèmes. Mon producteur venait chez moi et on créait ensemble une production musicale autour de chaque poème. Je n’ai pas vraiment eu de mal à passer de la poésie au rap.

 

Peux-tu me donner un exemple de ces morceaux-poèmes. ?

« Love that bitch » sur ma mixtape Schizo. C’est un son en rapport avec la relation que l’on peut avoir avec le cannabis. (Dreezy commence à freestyler, ndlr)

« Her sent is sweeter than swishes
With just a whiff of her fragrance
She have you stuck like a picture
By just the hell of her presents
She hypnotise by her assents whether
Depression or happiness
Is a curse or a blessing
SMOKE
I meditate for a lesson
CHOKE
And now I lost all my feelings
HOPES… »

 

Quand tu l’écoutes pour la première fois tu peux penser que je parle d’une relation entre moi et une autre personne mais en réalité il s’agit de ma relation avec la weed. C’était un poème que j’avais écrit un peu avant. À partir de ça on a créé un « beat ».

 

En te forgeant ce style d’écriture singulier, ton style de rap est devenu lui aussi singulier ?

J’ai commencé le rap grâce à Lil Wayne. J’étais une fan de Lil Wayne ! C’est d’ailleurs grâce à lui que m’est venu mon nom de scène, Dreezy. J’ai même lâché mon premier texte, sur « Pussy, Money, Weed ». C’était mon premier freestyle. Pendant un moment j’ai arrêté d’écrire des morceaux personnels, des poèmes. Quand je m’y suis remise, j’avais encore le même style d’écriture et j’ai développé ma musique autour de ça. J’allais en studio et je rappais mieux que la plupart des gars qui étaient là.

 

Ta musique était beaucoup plus personnelle à l’époque ?

C’est difficile d’écrire des morceaux personnels, mais la plupart du temps mes titres sont intemporels et c’est ce que j’aime ! Tu peux les écouter des années plus tard et te remémorer ce que tu étais en train de vivre. Je ne suis pas la seule à vivre cette « vibe », mon public la ressent également. Quand j’interprète un de ces morceaux assez personnels et que je vois les réactions du public ça me touche, ça me donne envie de continuer.

 

 

Pourtant un de tes premiers succès est « Chiraq » avec près de 1 500 000 vues sur YouTube . Quel était ton état d’esprit à cette période ?

Ce titre s’est fait vraiment très vite, c’est un remix d’une collaboration entre Lil Herb et Nicki Minaj. J’ai écouté ce morceau dès qu’il est sorti et je savais que la « prod’ » me correspondait bien. J’ai commencé à rapper dessus, on est allé au studio le lendemain matin et on a sorti le son. Tout s’est passé très rapidement et je pense que ça a contribué au succès général du morceau. On a réussi à sortir notre remix deux jours après Nicki et Lil Herb. Le son a fait des vues assez vite.

 

Le clip reflète bien l’atmosphère, on a l’impression d’assister à une énorme “Block Party”.

J’ai voulu montrer toute ma ville. On a fait le tour du quartier, on est allé dans tous les quartiers pour tourner. Bien évidemment, ce n’était que des personnes que je connais et que j’apprécie. J’étais contente de voir qu’ils me soutenaient.

 

Les jeunes de ton quartier n’étaient pas les seuls à te supporter. Plusieurs institutions du rap de Chicago t’ont apporté leur soutien. Je pense notamment à King Louie, Common… Comment les as-tu rencontrés ?

J’ai toujours été une fan de King Louie. À Chicago, c’est l’un des pionniers de la drill. J’avais réussi à entrer en contact avec lui mais on ne s’était encore jamais vus. Je n’avais pas d’argent pour faire un featuring mais je voulais absolument qu’il pose sur « Ain’t for none ». J’ai fini par réussir à le rencontrer au studio et il se souvenait de moi. On s’est tout de suite bien entendu et il a fini par poser dessus, il a même insisté pour qu’un tourne un clip ensemble. Il m’a vraiment beaucoup aidé… « Ain’t for none » était ma première vidéo à passer sur Worldstar. J’ai rencontré Common un peu de la même manière.

 


« Je n’avais pas d’argent pour faire un featuring avec King Louie mais je voulais absolument qu’il pose sur « Ain’t for none ». J’ai fini par réussir à le rencontrer au studio et il se souvenait de moi. On s’est tout de suite bien entendu et il a fini par poser dessus, il a même insisté pour qu’un tourne un clip ensemble. »


 

Quelle relation as-tu gardé avec ces artistes ?

Une bonne relation, je ne les vois pas tous les jours mais on a gardé contact. Je les félicite de leurs nouveaux projets respectifs. Ils me donnent des conseils pour que je sois encore meilleure. J’essaye juste de rester fidèle à moi-même et d’entretenir une bonne relation avec eux. Common m’a même invité à rapper un couplet sur son album Nobody’s smiling (« Hustle hard »). Common est quelqu’un qui se préoccupe de la situation de Chicago et qui essaye d’aider les jeunes de notre ville à réussir.

 

Tu as un style différent du reste des artistes de Chicago. Pour la plupart ils se sont orientés vers la drill alors que tu as toi choisi de chanter et de rapper. Pourquoi ce choix ?

J’ai la chance de savoir rapper et chanter. Je pense que chanter me permet d’aborder ma réalité d’une autre manière. Il y a 5 ans on n’aurait jamais imaginé qu’un son comme « Close to you » viendrait d’un artiste de Chicago. C’est important d’être capable de jouer avec les mélodies de nos jours, ça devient vite ennuyant sinon.

 

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Justement on retrouve cette volonté de jouer avec les mélodies dans ton album No hard feelings. Peux-tu décrire ce projet ?

No hard feelings est une compilation de bons morceaux. Tu as des titres r’n’b et d’autres beaucoup plus rap, plus drill. Je trouve que c’est un album avec du hip-hop et du r’n’b de qualité. J’ai essayé de faire un projet au son le plus authentique possible.

 

As-tu le même processus créatif pour un titre rap et un titre r’n’b ?

Tout dépend de mon état d’esprit quand j’écris le morceau… Pour des sons plus profonds et personnels, je vais prendre le temps d’écrire et de travailler mes lyrics mais il m’arrive aussi de freestyler. Tout dépend de la « prod’ » que je choisis.

 

Je trouve que tu as été beaucoup plus exigeante dans le choix des « beats » sur ce projet. Quelles sont les différences selon toi entre cet album et tes précédentes mixtapes ?

C’est un album aux sonorités plus r’n’b. Je chante plus et je m’amuse plus avec les mélodies. Je pense que c’était important de montrer que je suis une rappeuse aux multiples facettes. Jusqu’à présent la plupart de mes fans me connaissaient pour mes morceaux de rap. C’est important qu’il me découvre sous un autre aspect. C’est un projet de meilleur qualité.

 

 

En écoutant cette album on a l’impression que tu es devenue plus mature…

Oui c’est de la musique beaucoup moins personnelle. À l’époque de Schizo je me dévoilais beaucoup plus et j’étais beaucoup plus émotive. Aujourd’hui je laisse moins de place aux sentiments. J’ai juste grandi et appris de mes erreurs.

 

J’ai particulièrement aimé le titre « We gon ride » avec Gucci Mane. C’est d’ailleurs un des premiers clips que Gucci a tourné en sortant de prison.

Oui mon manager m’a permis d’entrer en contact avec lui. Il était super enthousiaste à l’idée de travailler avec moi, il n’arrêtait pas de me répéter : « Le son est lourd. » Ça m’a moi-même surprise, je n’arrivais vraiment pas à réaliser.

 

Comment vois-tu ton avenir ?

J’ai envie d’ouvrir des portes pour les artistes féminines, pas seulement de Chicago mais de tout le pays. J’ai également envie d’aider ma communauté à se développer. Il y a beaucoup de personnes qui ne reviennent pas dans leur quartier une fois qu’elles ont réussi. C’est un problème parce que les seuls modèles qu’ont nos jeunes sont les dealers, les proxénètes… Il n’y a plus de structure éducative.

Jordan Bastille fête les 20 ans de Space Jam en vous habillant d’un Wings Suit pour vos voyages interstellaires. Pour le mettre en image, le jeune photographe Paul Mougeot met en scène ses modèles chaussés de leurs Air Jordan XI Retro ‘Black/Concord’ dans les hauteurs d’un parking aux allures de rampes de lancement.

Le Wings Suit est d’ors et déjà disponible à la boutique Jordan Bastille

Suivez toute l’actu de la boutique Jordan Bastille sur Instagram (@JordanBastille)

Jordan Bastille
12 rue Faubourg Saint-Antoine
75012 Paris

Photos : Paul Mougeot

Dès le 9 décembre et pour la première fois dans le monde, le cinéma mk2 Bibliothèque ouvre les portes d’un nouveau lieu dédié à l’expérience VR (Virtual Reality). En partenariat avec BNP Paribas, mk2 à l’ambition d’en faire une expérience simple, accessible et collective. Le lieu est notamment équipé de casques de réalité virtuelle et des derniers simulateurs « full body experience » présentés pour la première fois en France.

Elisha Karmitz, directeur général de mk2 Holding, donne un peu plus de détails : « Tout au long de l’année, des contenus exclusifs ou en avant-première serait présentés aux spectateurs. Nous avons hâte de dévoiler nos premières collaborations, à la fois avec des studios français mais aussi des créateurs internationaux. »

On attend la suite !

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mk2 Bibliothèque
128/162 avenue de France
Paris, France

 

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L’être humain est souvent enserré par les différents modèles qui pré-existent, il en devient difficile d’envisager une autre vision.  Amoureux du design, Joey Ruiter s’efforce de repenser ce qui nous entoure notamment en matière de moyens de transport. Après, le scooter des neiges, l’embarcation, cette fois il s’attaque au véhicule le plus populaire au monde : la voiture. Cette « consumer car » sans  portières dissimule les roues pour que le véhicule conserve une forme complètement rectangulaire et remplace les phares par un panneau LED à trois bandes. Notons qu’il s’agit d’un prototype et que plusieurs éléments de sécurité sont manquants. Quoi qu’il en soit, JRUITER amène un vent d’air frais dans le monde de l’automobile.

 

 

 

Elle aura prononcé le pronom personnel « on » 104 fois en à peine plus d’une demi-heure d’entretien. Sarah Andelman – responsable des achats, directrice artistique de colette et fille de celle qui a son prénom sur le mur – refuse d’attirer trop la lumière sur sa personne et préfère plutôt la jouer collectif. Discrète dans les médias, humble dans chacune de ses tournures de phrases, Sarah pense sûrement que le travail est plus éloquent que n’importe quelle interview. À l’aube des 20 ans du magasin, elle accepte de faire le point avec nous sur l’un des endroits qui fait le plus causer le cosmos parisien.

Comment fait-on perdurer une marque comme colette pendant 20 ans ?

Déjà je ne nous considère pas comme une marque, ça l’est peut-être devenu, mais on est d’abord un lieu. On ne fait que très peu de produits « brandés » (estampillés, ndlr) colette, on a un logo sur nos sacs mais c’est tout. Parler de marque ça me fait toujours peur, on est un magasin, une galerie, un restaurant… On ne cherche pas à en faire absolument un label.
On doit notre longévité à tous les produits qu’on présente, tous les créateurs qu’on rencontre régulièrement. Si on travaillait toujours avec les mêmes entités, peut-être qu’on serait moins motivé… Mais on est à la recherche constante de nouveaux créateurs, de nouveaux produits, de nouvelles boissons pour le Water Bar… C’est pour ça qu’on ne voit pas le temps passer.
Finalement on ne cherche pas à s’étendre, on n’a pas de stratégie invasive. On reste concentré sur le magasin, donc on fait en sorte qu’il se renouvelle régulièrement. On essaie toujours d’être les premiers sur certains lancements, d’avoir des exclusivités, de surprendre et d’être sur plusieurs domaines différents. Je pense que ça attise la curiosité.

« Pour nous c’est vraiment le travail qui doit parler. De nos jours, tout le monde est surexposé de tous les côtés. Avant, il y avait des personnes comme Martin Margiela qui refusait de faire des interviews et souvent je me suis demandé comment il faisait… Quand on est sollicité par de grands magazines, ce n’est pas toujours évident de décliner. »

Vous semblez presque minimiser l’impact de colette.

On ne s’en occupe pas trop, on essaie de maintenir le cap et de toujours motiver les gens à venir nous rendre visite. On se refuse de penser que parce qu’on bénéficie d’une notoriété c’est fini, on ne se dit jamais : « Ça y est tout le monde nous connaît, on n’a plus rien à faire. »

Pourtant une multitude de célébrités se dépêche chez colette, ça doit être une vitrine gratifiante ?

Quand on a ouvert en 1997, on a décidé de ne communiquer ni sur nous, ni sur nos clients. Du coup, si quelqu’un de connu venait au magasin ça ne regardait personne. De nos jours avec Instagram et compagnie, on a pris le pli. Les réseaux sociaux permettent à tout le monde de comprendre notre rythme chez colette. À la base, on ne voulait pas de photos à l’intérieur du magasin car on avait peur que certains nous prennent des idées pour les développer autre part. Un jour j’ai eu un déclic et il m’a paru évident que les gens devaient pouvoir photographier, ça devenait un outil de promotion formidable. Encore aujourd’hui des vendeurs ont le vieux réflexe quand ils voient quelqu’un prendre des photos. On faisait vraiment attention à ce que les gens ne photographient pas les étiquettes, les éditeurs des livres…

Comment avez-vous pris l’attaque d’Audrey Pulvar sur l’authenticité de la démarche de Sébastien Tellier à On n’est pas couché en 2012 en argumentant : « Je ne pense pas me tromper en disant que Brigitte Fontaine n’a pas dessiné de pompes Lacoste pour colette » ?

C’est étonnant, je n’avais jamais entendu parler de cette séquence. Je me demande ce que répondrait vraiment Brigitte Fontaine si on lui proposait quelque chose. Je pense qu’Audrey Pulvar ne doit pas bien connaître le magasin.
Les artistes génèrent de nouveaux supports, ça leur permet de communiquer autrement, de proposer une idée différente qui va au-delà de la musique. Leur univers devrait se limiter à leur e-store et concerts ? La semaine prochaine (l’événement se déroulait du 25 au 30 juillet, ndlr), on fait un « pop-up » avec Rihanna rassemblant toutes ses « collab’ ». Ce n’est pas Brigitte Fontaine mais ça reste intéressant qu’une artiste comme Rihanna puisse aussi bien générer des baskets avec Puma, des chaussures avec Manolo Blahnik, des lunettes avec Dior, des parfums… Bien sûr, elle joue de son image pour en faire un business. En plus, ce n’est pas comme si on faisait que des Rihanna. On travaille avec plein d’artistes très différents les uns des autres. On choisit seulement des personnes qu’on aime vraiment et qui font sens pour nous.

Votre mère et vous restez très discrètes. C’est un choix personnel ou stratégique ?

À la base ce n’est pas dans notre nature de nous raconter mais surtout ce n’est pas le discours du magasin. Le lieu existe grâce à tous les artistes et créateurs qu’on expose, c’est eux qu’on a envie de mettre en avant.

« L’idée initiale portait aussi bien sur la présentation des marques établies que celle de jeunes créateurs. Chez nous il n’y a pas de ‘corner’ avec les noms de chaque marque, du coup on mélange et on fait des ‘looks’ chaque semaine. On a toujours de grandes marques, aujourd’hui on a le come-back de Gucci, de Valentino, des marques intermédiaires comme Sacai et de très jeunes créateurs qui débutent. »

Connaissez-vous PNL ?

Ce ne sont pas eux qui ont fait l’ouverture de Supreme ?

Tout à fait, c’est un groupe de rap très populaire en ce moment. Depuis le début de leur exposition, ils refusent de donner des interviews à qui que ce soit. Du coup, le groupe ne communique que par la musique. C’est sur cet aspect que vous me faites un peu penser à PNL avec votre mère. 

Je vois. Pour nous c’est vraiment le travail qui doit parler. De nos jours, tout le monde est surexposé de tous les côtés. Avant, il y avait des personnes comme Martin Margiela qui refusait de faire des interviews et souvent je me suis demandé comment il faisait… Quand on est sollicité par de grands magazines, ce n’est pas toujours évident de décliner.
Dès le départ nous n’étions pas catégorique, on voulait bien répondre aux questions sur le magasin mais pas sur nos vies « perso ». C’est notre discours. On ne veut pas qu’on nous prenne en portrait car même si on est présentes, il y a toute une équipe qui fait tourner la machine.

Parlons du magasin, quelle différence faites-vous entre colette et les autres ? Quelle est votre touche ?

C’est vraiment de réunir des produits qu’on aime de différentes catégories : beauté, mode, streetwear… On cherche à nous renouveler toutes les semaines avec de nouvelles vitrines, de nouveaux « display ». Je pense que c’est le mélange de tous les produits et le changement hebdomadaire qui font la petite différence.
Puis on ne dépend pas d’investisseurs, ça nous permet d’être hyper-réactifs. Si on nous propose un événement ou un produit pour après-demain, on est dans la capacité de le faire. Il n’y a pas d’intermédiaires.

Vous vous occupez des achats, quelle est votre source d’inspiration pour ce constant renouvellement ?

Il n’y a pas de règles. On nous propose des projets du coup on a le choix d’y adhérer ou pas. De mon côté, je vois des choses sur Instagram, sur un site, dans un magazine ou même sur quelqu’un. Dans ce cadre-là, je fais la démarche de rencontrer le créateur. Il y a vraiment plein de possibilités… Après je commande beaucoup de choses « online ».
L’année dernière, on avait fait Catskills Week parce que je passais du temps aux « States », je voyais plein de produits et ça avait débouché là-dessus. C’est vrai qu’à chaque fois qu’on va au Japon, ça nous inspire. Pour cette saison automne-hiver, on a beaucoup de petites marques japonaises que je n’aurais pas eues si je n’étais pas allée à Tokyo visiter des showrooms.

« Quand on a ouvert en 1997, plein de personnes ne comprenaient pas ce qu’on souhaitait faire car le magasin ressemblait à un musée. Les gens avaient l’impression que tous les produits étaient très chers alors qu’on expliquait bien qu’on vendait aussi des petits bonbons, des bracelets à 1 euro… Il a fallu du temps pour que tous se sentent à l’aise pour rentrer. »

Y-a-t-il des moments où vous vous posez pour conceptualiser vos nouvelles acquisitions ? 

Un petit peu. Quand je fais les achats, je fais des regroupements. Par exemple sur cet hiver, il y a du bomber partout. Plus je le prenais dans des showrooms, plus je me disais qu’il pourrait être intéressant de faire une vitrine qui les rassemble tous. C’est amusant de voir comment plusieurs créateurs l’ont interprété. Je peux thématiser par couleur, par événement sportif comme l’Euro mais on peut faire un coin « secret life of pets » ou Paris…

Pourquoi on retrouve un peu de tout chez colette ?

Je ne pourrais pas me limiter qu’à un seul domaine, du coup ça reste un peu à la surface (rires). Pour moi c’est vraiment le plus important. J’adore la nourriture, j’adore l’art, j’adore la mode, j’adore le « street »… Tout est au même niveau.

L’idée initiale portait aussi bien sur la présentation des marques établies que celle de jeunes créateurs. Chez nous il n’y a pas de « corner » avec les noms de chaque marque, du coup on mélange et on fait des « looks » chaque semaine. On a toujours de grandes marques, aujourd’hui on a le come-back de Gucci, de Valentino, des marques intermédiaires comme Sacai et de très jeunes créateurs qui débutent.

Quelle est la part des jeunes créateurs et de ceux plus installés ?

Je n’ai pas de quota à remplir, je suis incapable de vous répondre. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il y a plus de jeunes créateurs que de grandes marques. Finalement, beaucoup de ces grandes marques ont leur propre magasin dans le quartier ou ne se renouvèlent pas assez. Du coup, on a arrêté beaucoup d’entre elles pour laisser plus de place à d’autres plus indépendantes qui n’ont pas forcément pignon sur rue. Puis ça colle avec ce qu’on souhaite apporter, on essaie toujours d’avoir une proposition qu’on ne retrouve pas partout. Mais par exemple Gucci, on ne pouvait pas passer à côté même si elle est bien distribuée. C’est la marque du moment avec Vetements et d’ailleurs ça nous amuse de pouvoir les mettre au même niveau.

J’ai le sentiment que le magasin est à votre image.

On a des produits qu’on aime mais pas forcément des choses qu’on compte porter. Quand je fais les achats femmes et hommes, je ne me limite jamais à un seul profil. J’imagine que ça puisse concerner quelqu’un de plus âgé, de plus jeune, de plus classique, de plus « fashion »… J’essaie de préserver un univers qui nous touche mais qui touche aussi des gens très différents les uns des autres.

Intégrez-vous dans votre réflexion la réception du produit ? Y-a-t-il dans vos choix une analyse commerciale ? 

On ne sait jamais à l’avance. Je pars de ce que j’aime en espérant que ça plaira ensuite. C’est vraiment un milieu où il n’y a pas de règles, ça peut marcher une saison et pas celle d’après. On fait au feeling en sachant qu’on peut se planter.

À quand datez-vous l’apparition du streetwear chez colette ?

Depuis le départ on a des baskets et des t-shirts imprimés (rires). On avait déjà les Fury de Reebok, les dernières New Balance et Nike. Ce qui a vraiment évolué, explosé même, c’est le nombre de produits et leur visibilité : la multiplication des collections, la diversification des collaborations, les lancements toutes les semaines. Le rythme s’est accéléré en vingt ans, le nombre de marque aussi. Pour nous c’était normal d’avoir des casquettes dès le tout début. On voulait autant mettre sur stèle une paire de baskets magnifique qu’un sac de luxe, un parfum ou un CD d’un artiste qu’on aime… Ce qui nous excitait c’était la création à l’état pur, la surprise.

« Un jour une journaliste m’a demandé : ‘Comment faites-vous pour avoir tous les derniers trucs hype ?’ Mais je n’essaie pas de faire ça, je ne sais même pas ce que ça signifie concrètement. »

Quelles sont les étapes qui ont marqué des changements dans la boutique ?

On fait des petites retouches en permanence mais il y a eu aussi des mouvements plus importants. La beauté se trouvait d’abord au rez-de-chaussée puis au milieu du premier étage avant de finir à la place qui est la sienne aujourd’hui, sous la galerie. Pendant des années on y pensait mais on n’osait pas. On croyait que personne n’irait chercher la beauté à cet endroit car il faut traverser tout le magasin. Finalement ça n’a jamais aussi bien marché que sur cet espace. En permanence, on décide de changer l’éclairage, les chaises, les enceintes pour le son… Les clients ne le perçoivent pas, ça se fait dans la douceur.

J’adore faire redécouvrir la boutique, parfois je croise des personnes qui me disent ne jamais être descendues au Water Bar. Donc on essaie de mieux faire comprendre ce qui se passe. En 1997, on avait un panneau à l’extérieur, sur la rue, qui expliquait comment se découpait le magasin (rires). Maintenant il est près de la porte, on se sent obligé de mettre qu’il y a la galerie, la mode, les bijoux… En tout cas il y a un travail de notre côté, on explique à toute l’équipe nos nouveaux produits, nos évènements et on communique beaucoup sur notre site, nos différents réseaux sociaux… On est tellement dans notre bulle que parfois on ne se rend pas compte de la perception du public.

Le site internet est vraiment le prolongement de la boutique, on y trouve exactement les mêmes choses. C’est une volonté de casser un certain élitisme ?

On aimerait que tout le monde puisse rentrer physiquement dans le magasin. Après, on n’a jamais cherché à être élitiste. On a des produits qu’on ne trouve pas partout mais qui sont pour tout le monde. Quand on a ouvert en 1997, plein de personnes ne comprenaient pas ce qu’on souhaitait faire car le magasin ressemblait à un musée. Les gens avaient l’impression que tous les produits étaient très chers alors qu’on expliquait bien qu’on vendait aussi des petits bonbons, des bracelets à 1 euro… Il a fallu du temps pour que tous se sentent à l’aise pour rentrer. Quand je regarde des photos du début avec une chaise toute seule à côté du vase, c’était très minimaliste. On a apporté plus de vie mais le discours n’a jamais changé. Colette est un tout, on aime l’idée que quelqu’un rentre pour acheter un briquet ou un t-shirt. C’est un best of de différents univers.

Pour vous qu’est-ce que la hype ? 

Il y a une connotation temporaire… Un jour une journaliste m’a demandé : « Comment faites-vous pour avoir tous les derniers trucs hype ? » Mais je n’essaie pas de faire ça, je ne sais même pas ce que ça signifie concrètement. À la base, on sélectionne juste des produits qu’on aime ou qui complètent ceux qu’on a déjà. J’ai toujours comparé le magasin à un magazine avec les pages beauté, mode, news… On se renouvelle sans arrêt comme un hebdo. Si un produit devient hype c’est souvent malgré nous, il était tellement nouveau que tout le monde a envie de l’avoir et on est content de le proposer

Autant tout vous dire, on vous montre ça surtout pour le plaisir des yeux car l’objet qui suit coûte 19 900€. Depuis 2012, l’entreprise Ixoost s’est spécialisé dans des enceintes audio totalement uniques, inspirées de la mécanique liée à l’automobile ou à l’aviation. Cette fois c’est une collaboration avec Lamborghini que la marque a décidé d’exploiter. Un système audio inspiré naturellement des traits des voitures iconiques avec une structure en carbone. Ça fera sûrement plaisir à Swagg Man.

Pour ce deuxième épisode de la série « The Palmistry Guide » de Vans, c’est une nouvelle équipe qui s’en va vers une nouvelle destination, pour se lancer le même défi : se fier aveuglement à un guide local qui leur fera découvrir les meilleurs lieux pour vivre et rider dans un pays inconnu.

Après le Maroc, c’est donc l’Islande que s’en vont découvrir les riders BMX Matthias DandoisJustin Fouque et Theo Zannettacci. Le résultat, une vidéo à découvrir plus haut, Alexandre Valentino et Arnaud Wolff et une série de photos réalisée par Vince Perraud.

 

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Les syllabes allongées, le sweat outrancièrement large et l’image résolument rétro. Quand Prince Waly publie le clip de « Junior », il semble s’amuser une fois de plus des frontières temporelles. La date indique pourtant l’année 2016, et nul doute que le jeune artiste est bel et bien ancré dans son époque. Dans un paysage rap où certains endossent un rôle, Waly se taille tour à tour des costumes sur-mesure de mafieux et d’hustlers aux petites combines. Il s’assume en tant qu’acteur d’un mouvement en préférant soigner son interprétation plutôt que de chercher à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. D’autres choses l’importent plus, comme « la famille, les amis, la gonzesse chez qui [il se] confesse » et sa ville, Montreuil. C’est ici qu’il nous a accueilli, avec toute la chaleur et la simplicité qui le caractérise.  

Photos par Steeve Cute : Instagram, Website 

Tout d’abord, peux-tu nous raconter comment s’est faite la connexion avec Myth Syzer, avec qui tu as réalisé Junior ?

Déjà, on avait commencé à bosser ensemble en 2013 sur un track qui s’appelait « Clean Shoes ». Suite à ce son là, on a vu qu’on avait des bons retours et que beaucoup de gens nous poussaient à poursuivre la collaboration. On nous disait que ca pourrait donner quelque chose de très cool. De là, on s’est revus il y a environ un an et demi, deux ans. On se voyait chez lui, il me faisait écouter pas mal de « prods », on enregistrait un peu, on maquettait. On a vraiment pris notre temps en fait, tout s’est fait au feeling, sans réelle pression et aujourd’hui, Junior est né.

Pour un premier projet solo, c’est un véritable parti pris de choisir de ne travailler qu’avec un seul producteur.

Myth Syzer est vraiment un producteur que je trouve très talentueux. En fait, il y en a très peu que je trouve vraiment très bon et que j’estime correspondre à mon registre. Habituellement, je bosse essentiellement sur les « prods » de Fiasko, mais quand Syzer m’a fait « Clean Shoes », j’ai pété un câble. Et depuis, je n’ai jamais vraiment été déçu des productions qu’il m’envoyait, donc progressivement, on s’est dit qu’on allait faire un projet. Au départ, on était parti sur 4 titres, mais à chaque fois qu’on se revoyait on rajoutait un son, et finalement on s’est arrêté sur 7 morceaux. Il y en avait un 8ème, mais finalement on ne l’a pas gardé. Au-delà de ça, ce qui est bien en travaillant qu’avec un seul producteur, c’est que ça permet de donner une véritable couleur au projet. Il y a une sorte de petit fil conducteur entre les titres de Junior, et je pense que Syzer y est pour beaucoup.

Quelles ont été tes principales sources d’inspiration pour ce projet ?

La plupart de mes inspirations viennent de fictions. Il y a peut-être un ou deux morceaux sur lesquels je parle de la réalité, je pense notamment à « Junior » qui est un des premiers titres sur lequel je me livre vraiment, notamment sur ce que j’ai pu vivre. Mais à part ça, un titre comme « Vinewood » c’est purement fictionnel puisque ca me vient de GTA. Quant à « Ginger », il m’a été inspiré du film Casino. J’y parle du personnage de Ginger qui est une fille un peu perdue, à la recherche de l’argent facile. J’aime ce genre d’histoires et j’aime aussi le fait de sortir un peu de la réalité, d’essayer d’amener le public autre part. C’est d’une certaine manière un peu comme une séance de cinéma.

Au regard de ta façon d’écrire et de tes nombreuses références cinématographiques, tes morceaux prennent instantanément une dimension visuelle. Comment travailles-tu cet aspect de ta musique ?

Là encore, je bosse vraiment au feeling. Je me donne juste quelques lignes directives, je me dis que sur tel morceau je vais essayer d’emmener le public vers un délire particulier, mais ce n’est pas calculé pour autant.

Quant aux clips, je travaille principalement avec Clifto Cream, qui faisait déjà les vidéos de Big Budha Cheez et qui a réalisé plusieurs visuels de Junior. Pour « Zero », en featuring avec Ichon, on a travaillé avec Global, des mecs qui bossent dans la pub à la base. Vu qu’ils kiffaient vraiment mon univers, ils m’ont dit qu’ils étaient chauds pour travailler avec moi et ils m’ont demandé de leur envoyer toutes mes inspirations : des sons, des photos, des clips ou quoi que ce soit. Donc je leur ai envoyé tout ce que je kiffais : du Dre au Passi de l’époque. À l’arrivée, ils ont mixé un peu tout ça et ca a donné « Zero ».

« Myth Syzer est vraiment un producteur que je trouve très talentueux. En fait, il y en a très peu que je trouve vraiment très bon et que j’estime correspondre à mon registre. »

Myth Syzer et toi avez des univers musicaux assez différents l’un de l’autre, mais à l’arrivée, on se dit que la connexion était presque évidente. Comment expliques-tu cela ?

La relation que j’entretiens avec Myth Syzer est humaine avant tout. Je suis un rappeur c’est un « beatmaker », on fait de la musique, certes, mais à force de se fréquenter on est devenus des potes. Je pense que cet aspect a un peu pris le dessus sur la dimension purement artistique. Ça se ressent sur Junior et ça doit probablement jouer sur la perception du public. Après, c’est vrai que sa musique est beaucoup plus ouverte que la mienne qui est plus rétro, ce qui ne parle pas à tout le monde. Par rapport à ce qu’il fait, lui peut réussir à toucher une audience assez vaste. Le fait de travailler avec Syzer m’a justement permis de m’ouvrir un peu, on a chacun fait des petits compromis qui sont bons à prendre. « Vinewood » par exemple, c’était un type de beat sur lequel je n’avais pas du tout l’habitude de poser, il m’a poussé à tenter quelque chose dessus, et au final, c’est un des titres les plus appréciés du projet.

Au niveau de tes références, des marques que tu portes ou encore de tes visuels, on sent chez toi une véritable fascination pour les années 90. D’où te vient-elle ?

Je suis le plus petit de mes quatre grand-frères et je pense que ce sont les quatre cerveaux qui ont déteint sur celui du petit dernier, d’une certaine manière. Ce n’est pas forcé. Aujourd’hui si je mets du Tommy Hilfiger ou du Fubu, c’est juste parce que je kiffe. Je n’ai pas vraiment vécu les années 90, mais avec mes frères j’avais un petit pied dedans et aujourd’hui c’est quelque chose que j’aspire à développer. J’ai envie de montrer cette facette de ma personnalité. Mais malgré tout, ça n’empêche qu’aujourd’hui il y ait des marques ou des sons qui me plaisent. Il y a des hits de « ouf ». Par exemple, en ce moment j’écoute pas mal le dernier Skepta – A$AP Rocky (« Put that on my set »), c’est un de mes morceaux préférés cette année. Au niveau musical, j’écoute de tout. Et c’est pareil pour les sapes, même si ce qui me plaît le plus souvent, ça reste les sapes un peu vintage, à l’ancienne.

As-tu parfois le sentiment d’être en décalage avec ton époque ?

C’est sûr qu’il y a un décalage. Quand je vois certains de mes potes, on n’est pas du tout dans le même « mood », dans la même ambiance. Après j’en suis pas non plus au point de me dire, « J’aurais préféré rapper dans les années 90 », parce que si ca avait été le cas je n’aurais pas été la personne que je suis aujourd’hui. Je ne serais probablement pas Prince Waly, je pense que j’aurais fait autre chose. Peut-être même que je n’aurais jamais fait de rap, on ne sait pas. Mais voilà, à l’heure actuelle c’est ce qui me parle, et je suis bien content d’être en 2016. Faut pas croire, dans les années 90 il y avait aussi des trucs nazes à mort. Et quand aujourd’hui je peux jouer à ma Play 4 je suis bien content, je ne regrette pas la Sega (rires).

Qu’est-ce que ça t’inspire de voir que la plupart des artistes qui étaient arrivés il y a quelques années avaient aussi une identité très imprégnée des « 90’s » mais évoluent aujourd’hui ? Je pense notamment aux artistes de L’Entourage qui s’orientent progressivement vers des sonorités plus modernes.

C’est une bonne chose dans la mesure où ils ne tournent pas en rond. Ils explorent de nouveaux horizons et ils ont raison. Parce que tu peux faire la même chose pendant un an ou deux ans, mais au bout d’un moment ça ne passera plus et tu devras évoluer. Le public va finir par se lasser et toi-même tu vas finir par être saoulé de faire le même produit. L’idée c’est de faire ce qui te plaît avant tout. Moi-même, si demain il y a un son trap qui me plaît, crois-moi que je vais rapper dessus. Je kiffe la trap hein, faut pas croire… Je ne suis pas fermé du tout. Les mecs que tu m’as cité, ils ont su prendre le bon tournant au bon moment, ils n’ont pas manqué le coche. Quand tu vois Nekfeu aujourd’hui, là où il est, c’est énorme. Il le mérite amplement. Il fait son propre truc et personnellement je respecte ça.

« Faut pas croire, dans les années 90 il y avait aussi des trucs nazes à mort. Et quand aujourd’hui je peux jouer à ma Play 4 je suis bien content, je ne regrette pas la Sega (rires) »

Junior constitue déjà une première évolution musicale par rapport à ce que tu faisais avec Big Budha Cheez. Tu te verrais prendre le public un peu plus à contrepied encore sur tes prochains projets ?

Je pourrais le faire. Ce n’est vraiment pas mon but, mais je pourrais. J’arrive à me voir lancer une pépite comme ça, avec une « instru » sur laquelle les gens n’ont pas l’habitude de m’entendre. Mais il faut que je sois bon dessus, c’est ça le truc. Je ne suis pas dans l’idée faire quelque chose de différent, juste histoire de surprendre. Ce qui m’importe c’est la qualité finale du morceau, il faut que ce soit bien fait. Si c’est le cas, le public se le prendra forcément. Tu auras toujours une poignée pour râler et dire « Ouais, on préférait ce que tu faisais avant » mais je pense qu’il ne faut pas faire gaffe à ce genre de critiques. J’avais vu une interview de Mobb Deep où ils disaient que justement c’était un peu à cause de leur public si aujourd’hui ils n’étaient plus superstar.

Au sein de ton groupe, Fiasko Proximo et toi avez une complémentarité intéressante. On a le sentiment que tout le travail qu’il réalise – notamment à la production – contribue à te faire ressortir comme l’individualité forte du groupe.

À fond, c’est totalement ça. Déjà, faut savoir que c’est lui qui m’a appris à rapper. Il m’a donné beaucoup de conseils au niveau des placements et même du flow. Quand on a commencé à rapper, comme tout le monde on rappait dans nos chambres et tout, mais on a directement essayé de créer une base de travail solide. De là, on s’est dit qu’on allait foncer et que quoiqu’il arrive, même si on est amené à faire nos projets chacun de notre côté, il y aura toujours une identité Big Budha Cheez dans notre musique. Et même sur ce point, Fiasko y est pour beaucoup. C’est grâce à lui si je fais du rap aujourd’hui.

Dans un rap français où une partie du public est constamment à la recherche d’authenticité, tu assumes pleinement être celui qui « raconte des histoires » et ça semble te réussir plutôt bien. Comment expliques-tu ce paradoxe ?

Moi je me suis buté à l’album d’Oxmo Puccino, Opéra Puccino, et il le faisait beaucoup là-dessus. Quand il raconte un « Alias Jon Smoke », tu sens que ce n’est pas lui l’agent secret qui va en mission, c’est de la fiction pure et dure. Et inversement, sur des sons où il se confie un peu plus, tu le sens aussi. De la même manière, moi j’essaie de faire la part des choses. Malgré tout ce que j’ai pu te dire, mon principal moteur d’inspiration ça reste quand même la réalité. Mais j’adore faire dans la fiction. C’est ce qui me parle le plus. Un son comme « Soudoyer le maire », c’est un titre que j’ai kiffé réaliser. C’est mon son préféré du projet, parce que je me suis amusé en le faisant. Quand je l’écoute, j’ai l’impression de voir un bon film et de jouer un putain de bon jeu. Je veux faire de la musique qui permet au mec qui rentre du boulot de se détendre. Je n’ai pas envie d’être celui qui lui dit « T’as une vie de merde, bah moi aussi ». Après pour ce qui est de l’authenticité, c’est bien, mais ce n’est pas ce après quoi je cours. Avant, les gens étaient sans cesse à la recherche de la « street crédibilité », mais aujourd’hui ça ne veut plus rien dire. En vrai, c’est de la merde. C’est bien d’avoir un vécu, mais ce qu’on veut c’est que tu fasses de la bonne musique et ce n’est pas forcément ce qui va la rendre meilleure.

Vous vous donnez beaucoup de force entre Montreuillois avec TripleGo, Issaba voire même Ichon. Tu sens une volonté de créer ou recréer une nouvelle scène montreuilloise avec une identité propre ?

Grave. Je pense qu’il y a vraiment moyen de créer une identité montreuilloise. Pas forcément musicale d’ailleurs, mais au moins dans l’état d’esprit et l’atmosphère. Avant, il y avait une vraie scène locale avec des groupes comme La Légion, Théorème ou 93 Lyrics. C’était des mecs que j’écoutais beaucoup, ils avaient énormément de talent mais n’ont jamais réussi à pousser leur musique hors des frontières de la ville. Nous on se disait tout le temps : « Nos grands ils font du rap de « ouf », on kiffe, mais pourquoi on en parle pas en dehors de Montreuil ? ». Par rapport à ça, en tant que jeunes rappeurs, on se dit que c’est presque un devoir – ou du moins un objectif – de réussir à placer Montreuil sur la carte du rap français. On a la chance de faire de la musique, et d’avoir des gens derrière nous qui commencent à apprécier notre boulot. Il est peut-être temps pour nous de sortir un peu de notre fief et d’exporter notre musique. Tout en restant fidèle à Montreuil, bien évidemment. Ma ville me nourrit, c’est là où je puise toute mon énergie, mon inspiration. Pour tout te dire, je pourrais y passer ma vie. Mes gars, ma famille, mon job, tout ce qui m’est cher est ici. Je suis pas là à revendiquer Montreuil juste « histoire de ». J’ai vraiment de l’amour pour ma ville.

« Par rapport à ça, en tant que jeunes rappeurs, on se dit que c’est presque un devoir – ou du moins un objectif – de réussir à placer Montreuil sur la carte du rap français. »

C’est quelque chose qui manque au rap français selon toi ?

Même pas, je pense que dans certains quartiers il y a toujours une identité, un état d’esprit commun. Je pense à Marseille, avec un gars comme Jul par exemple. C’est très chaud ce qui se passe là-bas. Qu’on aime ou pas, on ne peut pas nier que le mec a son propre délire. Ce n’est pas forcément quelque chose de global, dans la mesure où tout Marseille n’est pas en train de faire du Jul, mais je n’ai aucun doute sur le fait qu’il va enfanter plein de nouveaux artistes à l’avenir. Pareil pour PNL. À une époque, il y avait toute l’écurie de Booba et L.I.M vers Pont de Sèvres qui avaient leur propre style. Mais aujourd’hui, la musique est plus globale, le rap est plus vaste, c’est différent.

Pour conclure, quelles sont des ambitions pour les années à venir ?

Continuer à faire du son tant que j’en aurais l’occasion. Essayer de porter ma ville le plus haut possible, avec mes gars et toute ma famille derrière moi.

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Wyclef Jean a vécu plusieurs vies. Dans l’une d’entre elle, il est un musicien virtuose, dont la légende s’est bâtie aussi bien avec ses Fugees qu’avec une riche discographie solo. Dans une autre, il est un aspirant politicien qui a peiné à devenir prophète en son pays. Après avoir fait l’objet de critiques et de lourdes accusations (notamment d’avoir détourné des fonds caritatifs), l’artiste originaire d’Haïti a fini par s’éloigner de cette oppressante sphère politique pour revenir à sa première vie. Celle qui l’a rendu immortel. Celle dans laquelle sa voix puise toute sa force et sa clarté. Alors que la sortie de son nouvel EP, intitulé J’ouvert, est imminente, Wyclef Jean a répondu aux questions de YARD. Il a partagé avec nous ses nouvelles aspirations musicales, son regard sur les nouvelles générations et son ressenti sur les récents évènements qui ont émaillés l’actualité américaine.  

Tu t’apprêtes à sortir l’EP J’ouvert, qui précèdera Carnival vol. III, ton premier album en 7 ans. Que peux-tu nous dire sur ces projets ?

J’ouvert, le premier projet, est inspiré par mes racines caribéennes. Quand j’ai quitté Haïti pour les États-Unis à 10 ans, j’ai atterri à Brooklyn. Et là-bas, il y avait une fête qui s’appelait J’ouvert et qui se déroulait la nuit précédant le carnaval. C’était une nuit pleine de festivités et de joie. Donc l’idée de mon EP J’ouvert, c’est d’offrir un avant-goût de ce que sera mon prochain album. Je me suis inspiré d’artistes comme Bob Marley ou Fela Kuti. Peu de rappeurs auraient pu se lancer dans la vie politique, être contestés comme je l’ai été, et ensuite revenir à la musique pour célébrer la vie et la joie. Pour moi, ces projets sont une sorte de résurrection. La plupart de mes amis sont soit en prison, soit morts ou alors ils ont été contraints de repartir à Haïti. À côté de cela, j’ai la chance d’être encore en vie et je pense que c’est pour une bonne raison. Mes prochains disques sont une célébration de notre héritage afro-caribéen.

« Le niveau intellectuel  de Young Thug m’a rappelé celui de Tupac quand je discutais avec lui des Black Panthers. »

Après avoir été aussi discret ces dernières années, as-tu le sentiment de devoir à nouveau faire tes preuves, notamment auprès d’un public plus jeune qui ne te connaîtrait peut-être pas ?

Pour être honnête avec toi, je pense que le jour où je réfléchirais ainsi, c’est que ma carrière sera arrivée à son terme. Personnellement, j’ai l’impression d’avancer avec la nouvelle génération, comme ca a été le cas avec Young Thug sur « Jeffery ». Young Thug a seulement 25 ans. Même si je suis revenu à la musique aujourd’hui, je ne considère pas que ce soit un « retour » à proprement parler dans la mesure où quand tu as inspiré toute une générations d’artistes et qu’ils portent ton héritage, ils contribuent eux-mêmes à faire en sorte que ton œuvre traverse le temps. Tu prends la tape de Thugger, le premier morceau porte mon nom. La nouvelle génération a en partie été inspirée par ma musique de la même manière que j’ai été inspiré en mon temps par Bob Marley ou Jimi Hendrix. Et aujourd’hui encore, je découvre de nouvelles choses.

Comme tu le disais, tu as récemment enregistré deux titres avec Young Thug, que tu as décrit comme un « Tupac moderne » dans une récente interview, ce qui a suscité de vives réactions au sein du paysage rap.

Tout d’abord, pour ce qui est des réactions que ca a provoqué, tout ce que j’ai à dire aux gens c’est : «  Comment vous-pouvez critiquer une phrase sortie du contexte sans avoir lu l’article global ? » On sait tous comment les réseaux sociaux marchent, et les médias font toujours en sorte de ressortir LA phrase qui va faire réagir.
Pour revenir à la déclaration, je ne sais pas si ceux qui m’ont critiqué connaissent Tupac, mais moi oui. Et je connais Young Thug également. Donc déjà, je parle en connaissance de cause. Je disais dans cette interview que quand j’ai rencontré Thugger, il avait un tatouage avec marqué « Haïti » dessus qui est également le nom de sa fille. En parlant avec lui, je me suis rendu compte qu’il savait énormément de choses sur Haïti et j’ai trouvé ça incroyable. Son niveau intellectuel m’a rappelé celui de Tupac quand je discutais avec lui des Black Panthers. Après, dans chaque génération d’artistes, il y en a qui sont compris et d’autres qui ne le sont pas. Mais pour résumer, ma comparaison ne se basait pas sur des critères musicaux, mais plus sur le niveau de conversation et la soif de savoir que j’ai pu sentir en eux.
Une fois, j’ai demandé à Young Thug pourquoi il n’avait pas réagit à l’affaire Mike Brown (le jeune afro-américain abattu par un policier en 2014 à Ferguson). Il m’a répondu « Clef, la raison pour laquelle je n’ai rien dit à ce sujet, c’est parce que je sais que tout ceux qui me demandent de réagir, ils ne seront pas dans la rue avec moi, ils ne sortiront pas les armes pour moi, et quand la police m’arrête, ils ne feront pas de révolution » avant d’ajouter « Quand ils seront prêts pour une vraie révolution, fais-moi signe. Aujourd’hui j’ai la chance d’avoir une vie paisible, de ne pas être en prison et de pouvoir faire exactement ce que je suis censé faire ». C’est là que je me suis rendu compte que cette nouvelle génération est incroyable.

Comment s’est faite la connexion ?

Young Thug faisait une mixtape, et chaque titre était en l’honneur des personnes qui ont influencé sa musique : Wyclef Jean, Kanye West, Swizz Beatz… Il m’a donc contacté et on a commencé à enregistrer. On s’est posé et il m’a dit « Tu sais, j’ai appris très récemment à faire de la trap. Laisse-moi te faire écouter la musique que tu m’as inspirée. » Là, il a commencé à me jouer un titre hybride avec des guitares acoustiques, une bonne basse, des « drums ». Dès le moment où j’ai entendu le morceau, j’ai su que Young Thug allait être parfait pour « I swear ».

Ce morceau hommage arrive à un moment où l’on reproche aux jeunes artistes de ne pas connaître leurs classiques, comment expliques-tu que ta musique résiste autant à l’épreuve du temps ?

C’est beaucoup de travail, déjà. Je suis de la génération 90’s, celle du hip-hop, du reggae, du heavy, et je sais que la génération qui nous a succédés sera toujours inspirée de ça. Quand j’ai rencontré Kanye West, il m’a parlé pendant près d’une demi-heure de The Carnival. Pareil pour Drake. Ils s’identifient à ma musique parce que j’ai toujours su briser les frontières entre les genres. Quand je vais écouter un morceau trap, je vais ajouter une guitare dessus. Quand je vais écouter un morceau EDM, je vais y ajouter un peu de reggae. C’est ce pourquoi je suis connu. Je suis le chef, ma réputation s’est bâtie sur le fait de mélanger les genres et les nouvelles générations se retrouvent là-dedans. Kanye West, Drake, Thugger, ils s’inspirent de ce mélange.

« Le regain d’intérêt pour la musique caribéenne ne me surprend pas, dans la mesure où si tu recherches sur le Net, tu peux voir Drake chanter du Wyclef Jean à 14 ans. »

Tu es l’un des artistes caribéens les plus renommés du monde de la musique. Comment tu analyses le regain de popularité du genre au cours des derniers mois ?

Je trouve que c’est une excellente chose. D’ailleurs ça ne me surprend pas, dans la mesure où si tu recherches sur le Net, tu peux voir Drake chanter du Wyclef Jean à 14 ans. Quant à Rihanna, elle connaît bien ses racines musicales. Et pour avoir parlé avec tous ces artistes, je sais qu’ils ont beaucoup écouté mon album The Carnival, qui est sorti en 1997. The Carnival a été une sorte de modèle pour tous les sons que tu peux entendre aujourd’hui. Ce qui se passe en ce moment, ça fait bientôt 20 ans que je me bats pour ça, donc ça me fait plaisir aujourd’hui de voir que la musique caribéenne s’impose comme une nouvelle norme.

Du coup, qu’est-ce qui te pousses à effectuer à ton tour un tel retour aux sources ?

Parce que comme je t’ai dit, après tout ce que j’ai eu à traverser ces dernières années, c’est une sorte de résurrection. C’est le phénix qui renaît de ses cendres. Parfois, je regarde dans le rétro et je me dis que c’est fou d’avoir été à l’origine de tant de succès, entre les Fugees, Shakira, Santana…. J’ai reçu plusieurs Grammys, j’ai été disque de diamant à quatre ou cinq reprises. Mais à un moment donné, j’ai réfléchi à quel était le but de ma vie et j’ai presque tout quitté pour aider les miens. Donc aujourd’hui, refaire de la musique, c’est une véritable joie pour moi. Comme boire de l’eau, c’est ce que je fais pour vivre.

 

 

Après le séisme de 2010, tu avais été l’un des principaux ambassadeurs de la cause haïtienne. Cette année, le pays a été à nouveau victime de l’ouragan Matthew. Est-ce que tu as prévu des actions suite à cela ?

Bien évidemment. J’ai enregistré un morceau qui s’appelle « Lady Haïti » et on réfléchit actuellement à un moyen de mettre en place un bouton sur Facebook qui redirigeraient les gens qui achètent le titre vers une page expliquant l’action en temps réel de six associations caritatives. À partir de là, ils seraient en mesure d’évaluer le travail effectué par chacune de ces associations et de sélectionner celle à laquelle ils s’identifient le plus. En plus, il y a les élections qui arrivent bientôt à Haïti et mon rôle est de travailler avec le gouvernement pour aider au mieux et m’assurer qu’il y ait les bonnes personnes aux bonnes positions.

Comment expliques-tu que toutes ces catastrophes aient de telles conséquences à Haïti par rapport au reste des Caraïbes ?

Tu sais, Haïti a eu son indépendance en 1804. À l’époque, ça a été une vraie bénédiction pour le peuple, mais en même temps, c’était quelque chose de très prématuré. Ensuite, il y a eu beaucoup de réparations qui auraient du être faites et qui n’ont pas été faites. Puis, il y a eu les années de dictatures qui ont fait beaucoup de mal au pays. À l’arrivée, si tu avais eu de vrais leaders à l’époque, de bonnes infrastructures auraient été mises en place pour prévenir toutes ces catastrophes. Sauf que les anciens gouvernants n’ont rien fait. Aujourd’hui, je pense que pour aller de l’avant, il faut que les leaders politiques – pas seulement à Haïti mais dans tout le bassin caribéen – comprennent que quand un drame touche une île, ça affecte l’ensemble des Caraïbes. On a besoin de notre propre FEMA (Federal Emergency Management Agency, un organisme américain destiné à assurer l’arrivée des secours en situation d’urgencen, ndlr). Où sont nos hélicoptères ? Nos bateaux ? Notre aide humanitaire en tant que Caribéens ? Tu vois ce que je veux dire ? Je pense que toute la Caraïbe devrait se focaliser là-dessus.

« À Haïti où sont nos hélicoptères ? Nos bateaux ? Notre aide humanitaire en tant que Caribéens ? Tu vois ce que je veux dire ? Je pense que toute la Caraïbe devrait se focaliser là-dessus. »

En 2016, tu as publié une nouvelle version du morceau « If I was president » qui était cette fois liée à l’actualité présidentielle américaine. Pourquoi avoir ressorti ce titre ?

J’ai juste eu le sentiment que ce qui s’est passé dernièrement aux États-Unis était un cirque. Et dans ce cirque, il y a beaucoup de choses complètement folles qui ont eu lieu, notamment le fait que de jeunes Noirs puissent se faire tuer de sang-froid par la police. Dans le morceau « If I was president 2016 », il s’agit juste de dire la vérité. « Il y a une manifestation chaque semaine/Les uniformes sont bleus et les gens sont dans la rue/Et tout le monde est à cran/Car tu pourrais bien être le prochain à marcher du côté des morts ». Tout ça, c’est avéré.

L’idée du morceau, c’est de dire que tout le monde a beau vouloir être le roi ou la reine de son pays, à l’arrivée, ce sont toujours les mêmes qui en payent le prix. Le seul moyen de trouver un terrain d’entente entre les communautés, c’est de parler vrai, de se dire les choses. Et la vérité, c’est un peu de ce qui me touche, et un peu de ce qui te touche. Dans ma vie, j’ai eu la chance de passer un peu de temps avec Nelson Mandela. Et l’une de ses mesures qui m’a le plus marquée, c’était ce tribunal qu’il avait mis en place dans lequel l’accusé et la victime devaient impérativement avoir une conversation entre eux, quel que soit le mal commis. Je partage ce sentiment. Je pense que pour aller de l’avant, il faut qu’un véritable dialogue soit mis en place. On est tous des citoyens du monde. Ce qui affecte les États-Unis affecte la France, ce qui affecte la France affecte le Moyen-Orient, et ainsi de suite. D’une certaine manière, c’est l’idée de « If I was president ».

Quelle a été t’as réaction quand tu as appris que Trump était finalement élu ?

J’ai été choqué, mais pas forcément surpris. Je vais t’expliquer pourquoi. Trump comptait sur le vote d’une Amérique vieille et puritaine. Beaucoup de gens pensaient que cette Amérique n’existait plus, mais c’est faux. Là où les démocrates ont échoué, c’est qu’ils ont largement sous-estimé cette partie des États-Unis. Dans notre pays, le vote électoral est tellement traquenard que je me doutais qu’Hillary allait prendre le vote populaire, mais je savais aussi que dans toutes les petites villes un peu perdues, les vieillards allaient tous voter Trump. Mais malgré tout, j’ai été choqué comme tout le monde.

Pour conclure, « Fugees » était un diminutif de « refugees » en référence à ton statut lors de ton arrivée aux États-Unis. Quand tu vois le traitement qui est aujourd’hui infligé aux réfugiés dans de nombreux pays, tu ne te dis pas qu’il leur manque une voix comme celle que pouvait être les Fugees ?

Je pense effectivement qu’ils ont besoin d’une voix et qu’on se doit de l’être. Mais aujourd’hui, il y a une nouvelle voix avec cette génération. Tu vois les jeunes descendre dans les rues, il y a des grands mouvements comme Occupy Wall Street. Quand les jeunes ne sont pas d’accord avec quelque chose qui se passe, ils n’ont pas peur de le dire. Et je suis persuadé que la grande majorité de cette jeune génération a de l’amour et de la fougue dans le cœur. C’est quelque chose que l’on doit répéter, sans cesse.

C’est dans le hall de l’hôtel Cinq Codet qu’Action Bronson nous fait attendre. Arrivé la veille à Paris, il a rejoint Shane Smith et Spike Jonze, respectivement fondateur et directeur de Viceland, pour le lancement de la chaîne en France, désormais disponible sur le bouquet Canal+. Après avoir gentiment diverti un parterre de journalistes lors de la conférence de presse, il a retourné le YOYO en quelques titres pour la soirée de lancement. Quand on le rejoint finalement dans son penthouse, à la fin d’une série d’interviews, il adoucit l’irritation de l’attente et discute avec nous de son émission « Fuck That’s Delicious » autour d’un Ispahan de Pierre Hermé.

Photos : @Booxsfilm

 

 

Tu sais, on est en retard.
En retard ? Toi ou moi ?

 

Toi.
Non.

 

Tu as fait quoi toute la journée ?
J’ai déjeuné. Et ça a pris trop de temps…

 

C’est ce que j’avais imaginé.
Et il y avait des embouteillages.

 


Je déconne.

 

Je sais… Donc tu es là pour le lancement de ton émission « Fuck That’s Delicious », sur la chaîne Viceland, lancée hier en France. Comment tu te sens ?
Très bien. Je suis content qu’on puisse s’ouvrir à d’autres zones. Au départ, sur Internet, tout le monde pouvait le regarder. Et on a décidé de passer à la télévision et certains ne pouvaient plus le voir. Maintenant je suis heureux qu’un plus grand nombre de personnes y ait accès, chez eux tu vois, à l’aise.

 

Et comment tu vis le fais que ton show soit diffusé en France ?
J’adore ça. J’aime la France. J’aime Paris. À chaque fois que je viens ici, c’est que de l’amour.

 

Je me souviens, il y a cinq ans, je regardais « Action in the Kitchen » sur YouTube. Tu es passé de cette webserie à un vrai show télé.
Tu te souviens de ça ? J’ai l’impression d’avoir parcouru du chemin. Les choses ont fini par changer.

 

Donc tu as d’abord été cuisinier. Ensuite, j’ai lu partout que tu t’étais cassé la jambe avant de te mettre sérieusement à la musique. Bizarrement, je ne sais toujours pas comment tu t’y es pris…
J’ai juste glissé.

 

Dans une cuisine ?
Ouais. Je faisais à manger, je portais des baskets de merde, un genre de New Balance. Des ordures.

 

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On lit aussi que le fait de cuisiner a une place importante dans ta famille.
La cuisine en général. Ma grand-mère est la meilleure cuisinière de tout les temps. Je sais que tout le monde dis ça de sa grand-mère. Ma mère est bonne cuisinière et mon père est un assez bon cuisinier lui aussi. Tout le monde dans la famille est bon, donc j’ai ça dans le sang. Et puis, je ne sais pas…

 

C’est aussi un bon moyen de découvrir une ville.
Oh ! Absolument. Découvrir sa culture, découvrir son histoire. Et découvrir ce qu’elle est devenue. Parce qu’il y a tellement de populations différentes qui s’y sont installées. On n’y retrouve plus seulement un seul type de personne. Il y a tellement de gens, originaires de partout dans le monde, que c’est devenu un grand melting pot et un endroit incroyable où manger, voyager, élever des enfants.

 

Tu viens du Queens.
Je viens du Queens.

 

C’est une grande ville multiculturelle.
Extrêmement multiculturelle.

 

Donc dès le départ tu as pu apprendre pas mal de choses sur d’autres cultures.
En fait, je suis américain de première génération. Mon père vient du Kosovo et de la Macédoine, Yougoslavie. Et mes grands-parents viennent de Manchester en Angleterre d’un côté, de l’autre ils viennent de Hongrie. Ils sont arrivés à Ellis Island et ont commencé une toute nouvelle vie.

 

Avant que tu ne commences à voyager avec l’émission, et à partir de ton expérience dans le Queens, c’était quoi ton type de nourriture préféré ?
J’aime la cuisine jamaïcaine. C’est comme de la soul food, de la cuisine faite-maison. Avec les parfums les plus intenses et les goûts les plus incroyables. J’aime le goût de la cuisine Caribéenne.

 

Oui, j’ai vu l’épisode en Jamaïque, tout avait l’air hyper sain.
Des choses incroyables. Mais c’était aussi une grande expérience. C’est le genre d’endroit où tu peux aller et vraiment être témoin de cette culture. Tu sais, je traînais avec ce rastaman qui vit dans la montagne. Et il fait de la musique. Il n’a aucun moyen de la faire sortir de là. Il trimballait partout un magazine avec sa photo, qui date d’il y a dix ans. Et il le montre à tout le monde, genre, « C’est moi ! Regardez ! ». Mais maintenant, il peut leur dire, « Allez voir à la télé, allez voir mon son avec Action ». C’est ce qui me rend heureux.

 


Ils me respectent pour ce que j’ai fait et ce que je fais dans la musique et dans la cuisine, et ce sont des gens que j’admire, la raison pour laquelle je fais ce que je fais.


 

Tu parles de musique. Aujourd’hui tu personnifies en quelques sortes le lien qui peut exister entre elle et la cuisine. Un lien qui semble pour toi être assez naturel. Comment ça se fait ?
Tout le monde mange. Et tout le monde aime parler de la nourriture qu’il mange. Et tout spécialement les musiciens tu sais. Tout le monde aime la nourriture. Il y a seulement quelques personnes qui n’aiment pas ça, ou plutôt qui se foutent de savoir ce qu’ils mangent. Mais pour la plus grande part, en ce moment, pas mal d’artistes sont vraiment attentifs à ce qu’ils mangent, au restaurant où ils sont vus, ou le genre de nourriture qu’ils vont manger. Je pense qu’à travers moi, pas mal de mes contemporains, des gens qui ont évolué avec moi, sont un peu plus aventureux, ils essaient de nouvelles choses parce qu’ils m’ont vu le faire. J’ai rendu ça acceptable. C’est comme si je vous facilitais les choses.

 

À travers l’émission, il y a pas mal d’endroits qu’on est amené à découvrir. En plus de ça, comme tu l’as dis, l’intérêts pour la cuisine est grandissant, mais il n’est pas nouveau. Est-ce qu’il y a des chefs que tu appréciais plus jeunes et que tu as pu rencontrer à travers l’émission ?
Il y a tellement de shows avec lesquels j’ai grandi…. Tu sais c’est marrant, parce que j’ai deux héros, de l’époque où je regardais des chefs à la télé. Emeril Lagasse, qui était le tout premier à avoir un show de cuisine live, il vient de la Nouvelle Orléans, il fait de la cuisine dans le style Cajun. Et puis Mario Batali. Et j’ai rencontré ces deux personnes et maintenant je suis très amis avec Mario Bartali et Emeril.. C’est fou, ce sont des gens que j’avais l’habitude de regarder à la télévision, comme Rachael Ray… Maintenant on a comme un respect mutuel. Ils me respectent pour ce que j’ai fait et ce que je fais dans la musique et dans la cuisine, et ce sont des gens que j’admire, la raison pour laquelle je fais ce que je fais. C’est quelque chose d’affectif. C’est vraiment cool.

 

Comment tu les a rencontré ? Seulement avec le show ?
Bien. Mario Batali, je l’ai rencontré à cause de « Fuck That’s Delicious ». Il a vraiment aimé le show et ses enfants sont fans de ma musique. Donc il a voulu me rencontrer et il m’a invité à dîner dans son restaurant et on est devenu les meilleurs amis pour la vie. [rires, ndlr]

 

Vous cuisinez ensemble…
Tu sais, je suis un peu une version de lui plus jeune et il est juste…

 

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Vous vous ressemblez un peu…
Presque, presque… J’ai juste à prendre ça [il désigne sa barbe] et à le mettre ici [il montre l’arrière de sa tête]. Mais oui, c’est un putain de bon gars. Il m’a présenté et connecté dans des choses assez incroyables, avec des gens que je n’aurais jamais imaginé rencontrer. Il m’a invité à dîner avec Bono de U2, il m’a invité à dîner avec des gens de tous les milieux. Des acteurs, des musiciens, des producteurs… Tout le monde. Il mélange tout ça et m’introduit un peu comme son fils, comme sa doublure. Genre, c’est mon gars. Et il me met dans des situations qui auraient pu ne jamais se produire. Il créé ces tables rondes de gens…

 

Juste pour toi ?
Non, pas seulement pour moi, mais tu sais, c’est vraiment génial ce qu’il fait. Il m’a en quelques sortes pris sous son aile. C’est un gars génial.

 

Je voulais te parler encore de musique. Parce qu’une chose est assez frappante quand on regarde ton émission, c’est le fait que tu sembles être né pour ça ; pour parler de nourriture, avec une éloquence qui peut être lié au fait que tu sois rappeur finalement. Comment ça se fait que tu parles si bien ? Désolée, la question sonne un peu comme une insulte…
Je ne sais pas [rires] Parfois tu ne sais pas ce que tu as avant d’essayer. Quand j’étais plus jeune, j’étais toujours timide. Enfin pas timide, mais à l’école quand il fallait jouer une pièce, jouer un rôle, ou danser, je le faisais, mais j’étais toujours embarrassé. Maintenant, je ne sais pas. Je m’en fous. J’ai vieilli et j’ai plus confiance en moi, je sais qui je suis. C’est tout ce que j’ai remarqué.

 

Autre chose à propos du langage. Comment ça se fait que celui de ceux qui travaillent en cuisine soit aussi dur et vulgaire ?
C’est toujours comme ça. C’est la nature de la bête. Spécialement à New York. J’ai travaillé avec beaucoup de mexicain et ce sont les plus fous.

 

Pourquoi ?
Parce que ! D’abord ils ont une grande gueule. Ils te parlent salement.

 


Dans 10 ans ? Je serai propriétaire de Viceland.


 

Même hors de la cuisine ?
Absolument. Et ensuite, ils adorent jouer à se toucher un peu, tu vois ce que je veux dire. Genre, quelqu’un va se pencher pour ramasser de la laitue ou peu importe, et un gars vient derrière lui et lui met une main au cul. C’est fou. Mais c’est le genre de jeu auquel ils jouent dans les cuisines et tout le monde rigole. Mais c’est un truc de malade non ? C’est bizarre, juste de hommes adultes, forts, qui se font ça les uns aux autres. C’est vraiment ridicule. Il faut être solide dans une cuisine, c’est un travail sous pression. Donc il y a pas mal d’insultes et on utilise un mauvais langage.

 

Oui c’est un travail difficile. Il faut rester debout toute la journée, se lever tôt pour faire le marché, la cuisine est chaude. Est-ce que tu es content d’être rappeur aujourd’hui et de ne pas avoir à faire toutes ces choses ?
Je suis heureux avec tout. Je veux en faire le plus possible. Musique, restaurant, télé… Tout ce que je peux faire.

 

Tu n’as pas encore de restaurant ?
Non.

 

Comment est-ce que tu l’imagines ?
Je ne le fais pas, je n’imagine pas de restaurant. Parce que je ne veux pas faire de restauration fine. J’aimerais bien avoir un stand de sandwichs ou d’autre chose. Genre, un endroit pour les sandwichs et un autre où je ferais chaque jour ce que je voudrais. Et si tu ne veux pas manger tu dégages. Compris ?

 

Compris ! Etant donné tous ce que tu as fais jusque là, où est-ce que tu te vois dans 10 ans ?
10 ans ? Je serai propriétaire de Viceland.

 

[rires] Bon plan, ça devient de plus en plus gros.
Et je prévois de rester longtemps.

 

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Comment ça s’est passé d’ailleurs ?
J’étais sur le point de signer avec un label. C’était, je pense début 2013 ou fin 2012 je ne sais plus. Il y avait quatre labels qui me voulaient, des gros labels. Et Vice a ce label musical sur lequel ils sont partenaire avec Warner Bros. Je savais que peu importe ce qui se passerait, je pourrais toujours sortir ma musique, je n’étais pas inquiet, je m’en foutais. Certains m’ont proposé plus d’argent que Vice, mais c’est avec eux que j’ai signé, parce que je savais que ça pourrait devenir quelque chose de plus. Je savais que ce ne serait pas seulement de la musique, mais que je pourrais faire ce que je voulais. Tout ce que je voulais… Comme cette performance dans une maison de retraite à Londres. C’est l’une des mes vidéos préférées. Juste faire des trucs cools. Et je savais que ce serait une union idéale.

 

Et comment est-ce que ça fonctionne ? Tu viens avec une idée et ils t’aident sans discussion ?
Non. Ils exécutent c’est tout. Je viens avec une idée et ils exécutent.

 

Autre chose à propos de l’émission : tu sembles toujours très enthousiaste face à tout ce que tu rencontres. Comment ça se fait ?
Je ne sais pas… Je suis juste sincèrement heureux. J’aime sincèrement les choses. J’aime la vie. Ça peut être une jolie fleur ou rester debout sous la pluie. Tu vois, des choses simples. Je sais m’arrêter et apprécier les choses parfois. Il faut parfois se recueillir et apprécier le moment.

 

Je prend note. Tu paraît aussi très accessible. Les gens qui te rencontrent ont l’impression de déjà te connaître, alors qu’en y réfléchissant un peu, on ne sait pas grand chose de toi, de ta vie personnelle… et c’est très bien.
C’est une bonne chose. Ça veut dire que je suis un bon garçon. Tu n’entendras jamais dire que je me suis mis dans la merde, ou dans des histoires stupides. Parce que je ne fais pas ce genre de choses. J’ai deux enfants que j’emmène à l’école tous les jours. C’est une bonne chose qu’on n’entende pas parler de ma vie personnelle. Et qu’est-ce que les gens voudraient savoir ?

 

Pas grand chose de plus.
Exactement ! Je donne tout ce que j’ai. Et je suis accessible parce que je suis un gars normal. Ce n’est pas comme si j’étais un putain de type, monté sur ses grands chevaux parce qu’il fait de la musique ou parce qu’il passe à la télé. C’est ridicule de même penser ça. C’est un art. Il ne faut pas me mettre sur un piédestal parce que je fais ça. J’apprécie ceux qui le font, qui aiment ce que je fais, mais je suis juste un gars normal. Je suis une personne comme une autre. Et je sais ce que ça fait de rencontrer quelqu’un qu’on admire et qu’on estime et qui finalement est un connard avec vous. Je ne voudrais jamais faire ça.

 


Quand je cuisine pour quelqu’un chez moi, ou quand je cuisine pour ma femme, pour mes enfants, c’est un sentiment différent. Je le fais avec mon coeur.


 

Il y a encore des gens que tu admires ?
Bien sûr ! Je n’oublierais jamais ça. Si quelqu’un te traitais mal, alors que tu es une grande fan, que tu écoutes sa musique chez toi, et que quand tu les rencontre ils agissent comme des merdes, ça ruinerais tout pour toi, non ? Je ne faisais jamais ça à un fan ou un n’importe qui, point barre.

 

Le fait que tu sois aussi terre à terre nous ramène encore une fois à la cuisine. Parce que c’est quand même l’une des choses les plus élémentaires dans la vie.
Bien sûr.

 

Ça a aussi beaucoup de sens de cuisiner pour quelqu’un.
Ça veut dire que ça t’importe. Ça veut dire que tu as des sentiments profonds. Tu as raison. Quand je cuisine pour quelqu’un chez moi, ou quand je cuisine pour ma femme, pour mes enfants, c’est un sentiment différent. Je le fais avec mon coeur.

 

Pour terminer, je voudrais te donner le nom de trois de tes morceaux pour savoir à quel plat il pouvait te faire penser. Je ne sais pas si habituellement tu visualises un plat quand tu fais de la musique….
Non, je ne le fais pas [rires] Mais je peux essayer !

 


J’aurais terminé l’album à la fin de l’année. Prêt à sortir pour le début de l’année.


 

D’abord « Actin Crazy ». C’est mon préféré, donc il faut qu’il y ait du sucre.

Ok, donc peut-être… Actin Crazy, je vois un gâteau au chocolat comme ça, jusque là, avec autant de couches et quelques framboises et quelques fruits. Et puis tu prends une grande part comme ça.

 

Comme dans Mathilda ?
Exactement, mais je ne forcerais personne à manger le gâteau. C’est ce que je vois. Un très très gros gâteau.

 

Le suivant, « Easy Rider ».
Un plat que j’ai mangé à Modène en Italie chez Massimo Bottura. C’est le veau psychédélique. Mais ce n’est pas du veau.

 

Comment ça ?
Je ne sais pas. C’est autre chose. C’est fou. C’est un truc incroyable.

 

C’était quoi si ce n’était pas du veau ?
Je ne sais pas, c’était un autre morceau de viande. Je n’ai pas compris les explications, mais c’était génial. Et aussi, tu sais habituellement, il y a de la purée, des épinards, peu importe… Mais là au lieu de ça, il en a fait de la sauce de purée de pomme de terre, de la sauce d’épinards, tout était une sauce et avait le goût de… Tu vois ? Tellement bon… Donc tu prends un morceau de viande et tu le fais tourner dans l’assiette et tu as un plat entier. C’est très très psychédélique. Modène, Italie, premier restaurant au monde.

 

 

Le dernier, « Durag vs. Headband ».
Je ne sais pas, je vois des nouilles asiatiques. Je vois un homme qui fait des nouilles. Tu sais quand il s’assoie sur une longue planche et qu’il saute…

 

J’ai jamais vu ça.
Oh ! C’est fou ! Il saute sur la planche pour aplatir la pâte. Et il continue de sauter sur la planche, un asiatique de 100 kg. C’est incroyable ! Un bon produit.

 

Hey, et à propos du nouvel album ?
Il arrive, j’y travaille.

 

Il est terminé ?
Pas encore. C’est presque fini. Je continue d’y travailler. Je l’aurais terminé à la fin de l’année. Prêt à sortir pour le début de l’année.

 

C’est bientôt.
Très bientôt.

 

F*CK THAT’S DELICIOUS – À partir du 28 novembre à 21h00 et 21h30 sur Viceland

2 Bal 2 Neg’ ? C’est lui ! Diam’s ? C’est lui ! Lino ? C’est lui ! Les 11 commandements ? C’est lui ! « Quand il pète il troue son slip » ? C’est lui ! Tefa semble être le producteur le plus prolifique qu’ait enfanté le hip-hop français. En plus d’être un artiste protéiforme, c’est aussi un business man qui a su faire des choix de carrière surprenants pour ses origines musicales. En interview, Tefa livre sa réflexion dans son jus quitte à dériver parfois de la question initiale. Une parenthèse à une réponse peut devenir une réponse plus importante que la réponse elle-même. Place à la très « fat, » interview de Tefa.

Tu te sens d’abord comme un artiste ou comme un businessman ?

D’abord comme un artiste. D’ailleurs ce qui est marrant, c’est que mon avocate ne défend que des artistes. Skalp et moi sommes les seuls producteurs avec qui elle taffe, elle n’en représente pas habituellement. La subtilité, c’est qu’elle ne nous considère pas comme des producteurs mais justement comme des artistes. L’artiste ne répond à aucune loi mercantile et capitaliste contrairement au producteur. Je vais dans l’extrême, il y a des cas particuliers évidemment. Mais grossièrement un producteur c’est : gérer un budget, les timings, les contrats, les deals…

Justement, ce n’est pas ça ta vie ?

Ce n’est que ça… Quand Kilomaitre s’est arrêté, quand Masta a arrêté la musique, j’avais deux choix. Je pouvais essayer de continuer dans un mouvement qui va trop vite, où avec tout ce que j’ai à gérer, je continue à faire du son au même niveau que les autres… C’est-à-dire que je dois travailler 10 heures par jour. Personnellement, quand tu as 15-20 ans, tu peux faire des sons jour et nuit, mais à 30-40, la notion du temps change. Je ressentais que j’avais besoin d’autre chose. À ce moment-là, j’ai décidé de prendre de jeunes beatmakers et de les mettre en avant pour booster mes structures. J’étais déjà dans l’idée de signer des beatmakeurs, quand aucun producteur de rap n’en signait j’en avais trois ou quatre en contrat. Cette partie business, c’est une partie très importante.

À quel moment tu as ressenti que tu avais cette fibre entrepreneuriale ? C’est quelque chose qui est arrivé sur le tas ?

Depuis le début. C’est quoi mon premier gros projet ? C’est 2 Bal 2 Neg’. On l’a fait comment ? En « indé » pur, en distrib’, sans personne. On se produisait tout seul. Fred le Magicien nous ouvrait les studios la nuit à Bastille parce qu’il commençait à être ingé son, on venait avec des bougies et on travaillait les lumières éteintes. C’était ça 2 Bal 2 Neg’, on n’avait pas de thunes. Vu que c’était 1 500 francs une bande pour enregistrer, on entrait dans les maisons de disques et on volait les bandes. Tu vois ? On a déjà enregistré sur les bandes de Michèle Torr, sans pitié. Je le dis aujourd’hui, je ne devrais pas mais c’est la vérité. Michèle Torr si tu me lis, je suis désolé.

« Vu que c’était 1 500 francs une bande pour enregistrer, on entrait dans les maisons de disques et on volait les bandes. On a déjà enregistré sur les bandes de Michèle Torr, sans pitié. Je le dis aujourd’hui, je ne devrais pas mais c’est la vérité. Michèle Torr si tu me lis, je suis désolé. »

Tu étais en charge de l’aspect commercial du projet ?

C’est Masta et moi qui avons eu l’idée de mettre les deux groupes ensemble, on travaillait avec les deux et on a pensé qu’il fallait les rassembler. C’est quelque chose qu’on trouvait hyper avant-gardiste.
Je n’aime pas trop m’exprimer là-dessus, tu devrais parler aux artistes pour leur demander : « Quel était le rôle de Tefa ? » Si tu parlais avec Mac Tyer, il te dirait : « Tefa est fou, il a trop d’idées… » Sur Tandem, So’ (diminutif de Socrate, le prénom de Mac Tyer, à ne pas confondre avec Sofiane, ndlr) passait souvent chez moi quand j’habitais dans le 18ème. On passait des soirées entières à parler et je lui disais : « Il faut qu’on fasse ça, il faut qu’on fasse ça… »

Mac Tyer qui a aussi une vision très singulière du « business ».

On est a peu près sur la même longueur d’onde là-dessus sauf que lui est beaucoup plus artiste que producteur. Mais il a une très bonne vision de l’industrie de la musique. Tyer est un mec qui a des idées précises, l’organisation de son retour avec les Banger alors que tout le monde disait qu’il ne reviendrait pas… C’est un artiste qui n’a pas peur de prendre des risques, c’est un artiste qui sait se remettre en question en permanence.

Comment tu percevais les maisons de disques lors de tes premiers pas ?

Nous quand on est arrivé, on ne connaissait rien au business. C’est la même chose que dans la rue. Tu arrives, tu es dans une cité, tu vends ton bédo, tu fais ton argent. Tu ne te rends pas compte que les mecs au-dessus de toi, ils font 4 fois plus d’argent. Et à un moment, un autre mec t’explique qu’il est parti acheter son bédo en Espagne tout seul. Tu ne savais pas que tu pouvais faire ça. C’est le même principe sur la musique.

Tu étais un peu débrouillard à tes débuts ?

Au départ, j’ai volé des claviers, des séquenceurs… C’était mon truc ça (rires). J’ai eu la chance de rencontrer Solaar, il m’a bien aimé et m’a emmené avec lui dans des tournées, il m’a présenté des gens… On ne pouvait pas rentrer en boîte nous. Jimmy Jay (producteur des deux premiers albums de MC Solaar) ne sortait pas lui, pendant dix ans, c’était moi Jimmy Jay. Les gens ne le savent pas, mais moi ça me fait rire (rires). Les mecs me voyaient, j’avais une pseudo ressemblance avec lui. On était tous les deux bien portants et on traînait avec Solaar. Du coup, tu connectes des gens comme ça. J’ai toujours été un débrouillard, je ne peux pas rester dans l’attente.

Encore aujourd’hui dans mon business, je gère un peu comme ça. Par exemple, je sais que je dois faire Lino et que ça va me coûter une somme d’argent précise par rapport aux idées de clips que je vais faire et tout ça. J’ai une opportunité, je peux faire Seb’ Patoche, je sais que je peux en vendre tant, ça me permet de financer Lino tranquillement. C’est une vision de producteur, je regarde une connerie à la télé, je flaire le bon coup. Je les appelle pour leur dire : « Ça, je vous le mets sur orbite. » Je sais que le disque le plus vendu de l’histoire de la musique française est « La danse des canards ». On est passé en première position devant Daft Punk, c’est ça qu’ils aiment ici. Toi quand tu vas dans ta famille, tu écoutes Kaaris ou tu écoutes Claude François ? En sachant ça pourquoi je laisserais ça à un autre. Je ne vais pas cracher sur un paquet de fric pour être crédible.

« Par exemple, je sais que je dois faire Lino et que ça va me coûter une somme d’argent précise par rapport aux idées de clips que je vais faire et tout ça. J’ai une opportunité, je peux faire Seb’ Patoche, je sais que je peux en vendre tant, ça me permet de financer Lino tranquillement. »

Robin des Bois quoi. Tu penses que le public n’a pas compris cet aspect de ta réflexion ?

Pas Robin des bois, c’est une gamberge personnelle. Il faut savoir que le rap génère de l’argent à un certain niveau, tu es plafonné dans ce que tu peux faire. Je ne parle pas des mecs comme Gims, je te parle de rap pur. Gims s’il n’avait que rappé, il aurait été plafonné à un certain niveau ; mais comme il a le talent de chanter, d’avoir des mélodies, de faire des chansons… À un moment son plafond explose et il va ailleurs. C’est pour ça qu’il chante plus qu’il ne rappe. D’ailleurs moi je trouve que Gims est un putain de rappeur. Il est sous-côté à ce niveau, beaucoup ont oublié les couplets qu’il a lâchés dans L’écrasement de tête.

Les gens ne pensent pas par eux-mêmes, ils ne vont pas regarder ce que tu as pu faire avant, ils ne vont pas fouiller… Ils jugent un mec sur un acte. À un moment ils ont voulu réduire Tyer à « Ha! Ha! Ha! », mais aujourd’hui tout le monde fait ça. Il est juste arrivé au mauvais moment et tout le monde lui a tiré dessus. Tout est une question de timing. Un mec comme Tyer a payé ça. Quand je te disais que So’ avait des idées en avance, je te jure que c’est vrai. Sur l’album de Tandem, on avait déjà fait un titre chantonné qui s’appelait « Trop speed », un peu électro et tout ça. À part 113 qui avait fait un peu ce truc-là, Mehdi reste la référence absolue de ce mélange entre rap et électro, personne n’osait ça. So’ et Makenzy étaient à l’affut de faire des choses nouvelles et ils étaient des « cailleras ». Dans le propos Tandem était « caillera » mais musicalement on essayait des trucs.

Ce que je reproche à l’auditeur de rap de base, c’est de se focaliser sur un truc en oubliant les classiques que tu as fait. C’est pour ça que moi maintenant, je fais ce que j’ai envie et si tu n’es pas content : « Va te faire enculer. » Et je te jure que ça va beaucoup plus vite. Parce que moi ça m’est arrivé plein de fois que les gens me disent : « Je n’aurais pas fait ça à ta place. » Mais tu n’es pas à ma place frère, tu n’as pas fait un quart de ce que j’ai fait. Je n’ai pas à me justifier vis-à-vis de gens qui ne sont pas des connaisseurs. Si demain, toi, tu veux me faire des retours sur des moments de ma carrière avec lesquels tu n’es pas d’accord, on peut en parler. Par contre, quand d’autres lâchent des commentaires assassins sur Internet alors que ça se trouve tu as 14 ans, tu t’appelles Victor, tu habites au fin fond d’une banlieue, près de Roubaix, tu es « vénère » de ta « life » parce que tu ne pourrais pas être ce que tu veux car tu es petit, tu as des tâches de rousseurs, et que tu t’es fait embrouiller par des rebeus à la gare, tu vois… Avec le Web, tu avances masqué. Ça ne m’atteint plus, je m’en fous en vrai, je m’en branle. Je suis au studio, je fais la musique, je la fais pour moi. C’est là où je suis un artiste, je fais ce que j’ai envie. À côté, il y a une vision mercantile car quand je fais des titres je veux en vendre le maximum. C’est un peu le but. D’un autre côté, si tu regardes bien mes artistes, ils sont sérieux.

 

 

Donc très rapidement, tu décides de fonder Kilomaitre. Pourquoi ?

On commence en fin 91 début 92. Au début, on voulait juste facturer nos « beats », c’était plus simple d’avoir une société. Au début on voulait produire que les 2 Bal, et c’est avec le temps qu’on a fait 2 Bal 2 Neg’.

Précisément, à ce moment-là, tu as une pleine prise de conscience de la dimension économique ?

À l’époque, on voulait juste faire du bon son, on voulait être les meilleurs. Mes premiers disques de rap, je les ai écoutés en 87, j’ai commencé à faire DJ en 89, j’ai monté ma première boîte en 92. Donc si tu calcules et que tu regardes le nombre de personnes qui étaient avec moi à ce moment-là et le nombre de personnes qui restent de cette époque-là… Encore en place, on doit être cinq. Par exemple quand je vois Sulee B qui est un producteur que je respecte énormément, humainement et artistiquement, lui est en place mais de ma génération. Qui est encore en place en producteur ?

En rappeur, il y a des mecs comme Booba. Après, je ne connais pas son parcours, je ne sais pas comment il a commencé. À partir de 93-94, il était déjà actif puisqu’on le voyait à Ticaret, il venait avec La Cliqua. Mais des mecs de cette époque qui sont encore actifs pour le rap, tu n’en as pas 15. Si on a passé ça c’est qu’on a su se repositionner et qu’aujourd’hui tu peux autant me retrouver avec des artistes comme Kery ou Diam’s, tu peux me retrouver avec Stromae en éditeur et Sofiane ou VALD sur un truc nouvelle génération. C’est qu’à un moment on s’adapte et qu’on aime vraiment ça. Si je n’aimais pas ça, un groupe comme L.E.J. ça me fait vivre, largement.

« Avec Masta, on ne connaissait rien de tout ça donc bien sûr au début on s’est fait enfler. Pour notre premier contrat, on nous a donné 10 000 francs pour les éditions de 2 Bal 2 Neg’. »

Pour revenir à tes premiers pas dans l’industrie, à quel moment tu intègres le paramètre des majors ?

Dès le début. Même si je suis en « indé », je sais qu’à l’époque, encore plus que maintenant, une maison de disques ça te changeait tout. Tous les médias ne parlaient qu’aux labels. L’avènement des indépendants est arrivé bien après. Avec Masta, on ne connaissait rien de tout ça donc bien sûr au début on s’est fait enfler. Pour notre premier contrat, on nous a donné 10 000 francs pour les éditions de 2 Bal 2 Neg’. Comme je fais partie des mecs un peu parano, on s’est posés pour comprendre pourquoi ils nous donnaient 10 000 francs. On y réfléchit et directement on décide de monter notre structure de « prod ».

Tu comprends le mécanisme de l’édition à ce moment-là ?

J’ai presque accès à tout le monde rapidement en beatmaking et artiste, quel mec en maison de disques en édition peut faire ce travail de réseau. Personne ne peut parler avec Youss’ (Youssoupha) pour lui dire : « J’ai un beatmakeur chaud, viens l’écouter. » Il va me répondre : « Vas-y, j’arrive. » C’est comme ça qu’on travaille. On a un respect artistique l’un pour l’autre. À un moment, ce travail n’est pas capable d’être fait par un éditeur. Mais à l’époque on avait signé chez un éditeur juste pour qu’il récupère nos éditions…

Et le nerf de la guerre pour un producteur, ce sont les éditions ?

Pour un producteur comme moi tu es obligé de travailler avec les éditions car je fais du développement. Sur Kery on est totalement en indé, notre économie ne peut pas tourner seulement sur les disques.

 

 

C’est une manne financière importante pour les maisons de disques ?

Pas seulement, les maisons de disques ont des visions globales. Pour moi l’avènement du streaming, c’est le développement de l’indépendance. Pourquoi ? Globalement aujourd’hui, les majors n’ont aucune utilité. Elles signent des mecs qui ont déjà percé sur Internet, elles ne font plus de développement. Moi, je prends des artistes que je développe ou je les remets en selle. C’est du temps et les mecs de maisons de disques n’ont pas le temps. Sur Sofiane par exemple, ça fait deux ans qu’on travaille. Il y a dix clips, je ne sais pas combien d’heures de studio. Il y a 7 mois, tout le monde se foutait de notre gueule pour Sofiane. Columbia nous disait « C’est trop dur ça ne marchera jamais ». Aujourd’hui tous les labels veulent le signer au final.

Pourquoi les majors ne font plus ce travail de découverte ?

À l’époque, c’était plus simple il y avait le moteur Skyrock. Tu rentrais sur Skyrock, tu vendais 100 000. Tu es dans un système où tout fonctionne. C’est toujours le même principe que le bédo, tant que ton argent rentre tu ne poses pas plus de questions.

Au début, on n’avait pas la vision de ce qu’allait devenir le rap. Déjà nous qu’on nous paye pour en faire, c’était incroyable. On vient d’un truc où on est 300, mec, on savait qui était qui, on se faisait des rendez-vous. Moi, Rockin’ Squat, je l’ai vu à la première réunion Zulu à Porte de la Chapelle avec Queen Candy. Vu d’aujourd’hui ça peut paraître honteux mais à l’époque c’était mortel. C’était le seul endroit où tu pouvais voir des rappeurs. Si à l’époque on nous avait dit qu’il y aurait un mec millionnaire dans le rap, on aurait rigolé. On était déjà bien content de faire radio Nova… À l’époque tu passais sur Radio Nova, tu étais une « re-sta » dans notre mouvement. Après en 1989, il y a eu l’arrivée de Public Enemy qui a été très médiatisée avec le concert du Zénith qui avait fait la Une des journaux. C’était la première fois qu’on parlait vraiment du rap, ils avaient titré: « le groupe qui fait peur », « les pro-black »… J’y étais, on n’est pas mort.

Tout ça pour dire qu’on ne savait pas que mercantilement ça allait devenir aussi fort. Peut-être que Kenzy (manager historique du Secteur Ä) en avait conscience. J’ai regardé une vielle interview de lui avec Ministère A.M.E.R, il en parlait déjà, il était déjà en avance lui.

« Si à l’époque on nous avait dit qu’il y aurait un mec millionnaire dans le rap, on aurait rigolé. On était déjà bien content de faire radio Nova… »

Justement tu comprends la critique autour de Skyrock qui s’est intensifiée ces dernières années autour de sa crédibilité en tant que média rap ?

C’est un faux débat pour moi. Tu peux cracher sur Skyrock autant que tu veux mais la vérité c’est que ça en a nourri plein pendant des années. À part la nouvelle politique menée, parce que ça change, pendant des années la playlist Skyrock était plus que convenable pour le rap. Quel grand rappeur n’est pas passé sur Skyrock ? À part La Rumeur, tout le monde y est passé. À cette époque-là, c’était vraiment une radio rap. Ils ont joué : Fonky Family, 2 Bal 2 Neg’, X-Men… Après, il y a eu un moment où ils ont joué des gars comme K-Maro… Mais le patron est dans un système où d’autres mecs en haut lui disent : « Fais de l’audimat ! » Comme on n’est pas à sa place, on ne peut pas se permettre de juger. Il y a des choses parfois qui me déplaisent, bien sûr, mais il ne faut pas oublier que ça a été un boosteur qui a permis de vendre des milliers et des milliers d’albums a plein d’artistes, plein. Les trois quarts du rap français sont devenus riches grâce à cette radio…

Mais Skyrock est aussi devenu riche grâce à ces artistes.

Mais grave. C’est ce que dit Kery dans « Racailles », ils se sont tous les deux utilisés. C’est la même chose avec Universal, beaucoup d’artistes se sont sentis volés. Malgré tout, ils ont fait des choses aussi bonnes qu’horribles. Quand je prends du recul et que je regarde la situation dans sa globalité, on est aussi responsable d’avoir donné les clés à une radio. Mais regarde Booba est en train de corriger en créant son propre média, ça va donner des idées à d’autres. Au final, il y aura une concurrence. Il y a l’avènement du digital qui permet aujourd’hui de ne pas forcément passer par Skyrock. C’est ça qui va bouleverser la donne.

Mais la frustration par rapport à Skyrock est la même que celle des chômeurs en France. Tu as 10% de mecs qui veulent travailler, sur une playlist tu as un nombre précis de titres et tout le monde ne peut y rentrer.

Ce n’est pas le diable Skyrock. Parce que si ta maison de disques avait fait un bon travail de promotion en quadrillant vraiment le terrain, tu ne serais pas là à attendre après Skyrock. Cette radio ne peut pas être responsable de tous nos échecs. Je n’ai pas d’intérêts chez eux, je parle comme je le pense. Quand je commence un projet je ne pense pas aux radios, je ne pense pas à Skyrock.

 

 

Ce qui est moins acceptable c’est que des artistes comme Kery James soient en position de négociation avec cette radio. J’ai le sentiment qu’aujourd’hui la musique diffusée ne peut être que dansante.

C’est sûr. 30% de la playlist est construite autour de morceaux d’ambiance. Dans le reste tu as du SCH, du Lacrim, du Jul… Le problème c’est que tu ne peux pas satisfaire tout le monde. Il y a des choses qui sont critiquables mais de là à en faire le cancer du rap, je pense qu’il faut se remettre en question. Par exemple, VALD n’est jamais rentré sur Skyrock est je vends mes 45 00 albums tranquille, je fais mes 80 concerts tranquille.

Tu nous as dit tout à l’heure que tu aimais beaucoup Damso qui a récolté un véritable succès critique. Comment tu vois le fait qu’il ne passe pas sur une radio qui se proclame « première sur le rap » ?

C’est le principe de l’offre et la demande. Quand Damso arrive il y a peut-être plus de demande pour quelque chose d’autre, du coup la réaction c’est de ne pas l’intégrer en playlist. Peut-être que le programmateur fait les mauvais choix mais le média en lui-même joue des titres que j’aime bien. Mais par exemple, il faut reconnaître que le mec (Laurent Bouneau, ndlr) se fait insulter par Booba et il joue quand même « DKR ». Pourtant Booba lui a tiré dessus, tiré dessus, et tiré dessus. Aujourd’hui, il y a l’offre et la demande et quand le public demande tu es obligé d’y aller.

Tu ne crois pas que l’offre façonne aussi la demande ?

Si le 3 millions de personnes qui écoutent Skyrock envoient des messages à Laurent Bouneau pour demander Damso, il serait directement sur la playlist. On n’arrive pas à se rassembler pour créer ce genre de choses. Après Damso est au début de sa carrière, il aura le temps de rentrer en radio et tout ça.

Du coup, toi qui a vu passer toutes les époques, comment tu as vécu l’arrivée d’Internet ? Tu as connu l’avant et l’après.

 J’ai un seul regret, c’est d’être arrivé trop tard sur Internet. Je poste des photos qu’au sport, ça me fatigue. Je n’ai pas ce truc, je ne viens pas de ça et je ne suis pas comme ça.

« Tu peux cracher sur Skyrock autant que tu veux mais la vérité c’est que ça en a nourri plein pendant des années. »

Pourtant comme tu le disais, économiquement, tout se joue là-dessus. Tu n’as pas pris le pli.

Si j’avais voulu prendre le pli, j’aurais acheté une société de streaming comme Jay Z. Mais bon, je n’ai pas les moyens de le faire (rires).

Pourtant tu as même connu l’effervescence des Skyblog ?

Je n’ai jamais participé à cette escroquerie de Skyblog parce qu’il y en a plein qui s’en sont sortis en les trafiquant. Pour moi le Web est une chose virtuelle, tu es face à des choses que tu ne connais pas. Mais tous les gros succès passent pas le Web, on fait nous aussi du développement Web. Regarde sur L.E.J, regarde sur Sofiane, regarde sur VALD. Le Web ça doit venir de l’artiste, il doit l’avoir dans son ADN mais ce n’est pas moi qui changera la donne. Je peux avoir les idées pour les amener à faire des vues, ça me plaît. Après tout ce qui est stratégie digitale, je paye des « community manager » pour le faire, ça ne m’intéresse pas plus que ça. Je ne vais pas te mentir. Moi ce qui m’excite, c’est : être en studio, faire des beaux titres, produire les albums, trouver les concepts, parler à mes artistes.

Aujourd’hui quelle est ta relation avec les labels, comment tu te positionnes ?

Je travaille tout le temps, tout seul. Mais en ce moment, tous les quinze jours je reçois des appels des labels qui me demandent si je n’ai pas un truc… J’ai un très bon rapport avec eux. Par exemple, quand on vend 450 000 albums de L.E.J., j’ai besoin d’une force colossale comme Universal pour me pousser. À un moment, je sais où sont mes limites.

Le Web, je m’en sers que pour découvrir les jeunes talents. Je peux y passer des trois heures à regarder, écouter, aller sur des forums. D’ailleurs tous mes artistes, à part Sofiane, je les ai trouvés sur le Web : VALD, L.E.J, la plupart de mes songwriters et de mes beatmakers… J’appelle les gars, je les rencontre. Comme les maisons de disques ont déserté le développement, c’est une aubaine pour des producteurs comme moi. Je prends un petit artiste, je le développe. « Bam ! » Je lui fais tomber un gros contrat, je me fais tomber une grosse avance. Tout le monde est d’accord.

 

 

C’est toi qui va vers les maisons de disques ou l’inverse ?

Je n’attends rien de personne. So’ (Sofiane, cette fois) me disait : « Viens on va les rencontrer… » Je lui répondais : « Non, ce n’est pas encore le moment. » Sur So’, on travaillait avec Musicast avec qui on a sorti ce qui devait être le premier single de l’album : « Rapass ». Le morceau ne prend pas comme on veut. À un moment avec So’, on se pose, on appelle Musicast : « On ne sort pas l’album, on repositionne. Tant qu’on ne fait pas 1 million de vues en première semaine en vue, on ne fait rien. » Plus tard, So’ me sort le concept de « #Jesuispasséchezso ». Il m’explique qu’il veut commencer par Marseille : « Je veux aller là où personne n’a été. » Je lui demande s’il veut qu’on y aille avec lui et il me dit : « Non, non, j’y vais tout seul. » Et ce fou se casse tout seul à Marseille pour tourner dans la Castellane avec Screetch. À un moment, je lui dis : « Viens on se repositionne, viens on prend la rue. » La définition du mec de rue, c’est bien So’. Il est posé mais si tu viens le faire chier, il ne va pas partir, il va se battre. Il est comme ça. C’est un mec comme j’ai pu en voir toute ma jeunesse. C’est sa force, il est en adéquation avec les jeunes de rue. C’est un des rares mecs, si tu l’emmènes à Tours, Toulouse ou Poitiers, à 85% il se retrouve dans une té-ci à rapper et pillave avec les mecs.

Pourtant dans le cadre de VALD, c’est assez tôt que Millenium (Universal) décide de vous suivre.

Mais qu’est-ce qu’on a fait pour ça ? On a fait le clip « Autiste », sans personne. Le clip a traumatisé tout le monde, ils se sont dit : « Mais qu’est-ce que c’est que ce baisé. » Bien sûr tout le monde vient mais on met combien de temps à signer ? On prend un an. On repousse NQNT de 6 mois parce qu’on n’était pas prêt. Qu’est-ce qu’on a fait sur VALD ? On a pris Kub & Cristo, qui étaient nos monteurs et qui avaient réalisé « Wolfgang » de Lino, pour les attribuer à VALD. Il est fou donc on a voulu créer son univers par l’image. Aujourd’hui, chaque clip de VALD est un événement. Tout le monde clique en se demandant ce qui va se passer. Quand je te dis qu’on a une réflexion par artiste, c’est le travail. Sur Sofiane c’est la même chose, tu te dis : « Combien de mecs ils seront cette fois-ci ? Combien d’armes ? Ils vont sortir des lance-roquettes ? » Ce sont des rendez-vous que tu donnes. Je fais partie des producteurs qui font des carrières. Je ne fais pas des coups…

« À un moment avec So’, on se pose, on appelle Musicast : ‘On ne sort pas l’album, on repositionne. Tant qu’on ne fait pas 1 million de vues en première semaine en vue, on ne fait rien.’ Plus tard, So’ me sort le concept de ‘#Jesuispasséchezso’. »

…Tu as fait quelques coups quand même.

Quand je crée une carrière, que je signe des artistes, c’est pour les développer. Après je peux signer des singles mais c’est normal. Je suis aussi là pour faire tourner ma boîte. J’ai des personnes qui travaillent, il faut les payer. J’ai une structure, il faut que je l’alimente. Les mecs qui me disent qu’il faut œuvrer pour le mouvement. À un moment frère : « Paye mon électricité ! » Moi, je fais travailler des gens. Tu sais que sur mon label et sur ma boîte de prod’ vidéo, j’ai plus de 35 personnes qui travaillent. Je suis fier de ça. Il y a qu’au Monopoly que tu as de l’argent virtuel et que tu peux acheter la rue de la Paix. Il y a des moments où tu vas chercher de l’argent pour pouvoir faire d’autres choses. Tu disais Robin des Bois tout à l’heure, je ne suis pas d’accord avec ça. Il s’agit juste de faire tourner son business.

Il y a des choses que tu as faites qui sont artistiquement contestables. Dans le milieu du rap, on t’a beaucoup reproché d’avoir travaillé avec Michaël Youn.

Je traîne avec Michaël Youn, c’est mon pote. J’écris La beuze, j’écris Les 11 commandements. On nous commande le single d’Alphonse Brown (« Le Frunkp »), on fait un titre pour un film. Après ils reprennent des titres à moi qu’ils adaptent et tout ça. Fatal Bazooka c’est signé par Warner mais vu que je suis la partie apparente, on dit que c’est Tefa.

Tu n’as rien à voir là-dedans ?

Non ! En vrai le truc de Fatal Bazooka, ça part de quoi ? Booba fait Couvre Feu et à cette époque il était en histoire avec Sinik (un artiste que produit Tefa à l’époque), il dit « J’accuse Tefa et Masta. » C’est faux ! C’est le principe de la guerre, tu colles des dossiers sur la tête des gens. La vérité est souvent loin de ce qu’ont dit. En temps de guerre tu peux mettre tout sur le dos de quelqu’un, les gens n’iront pas vérifier et répètent bêtement ce qu’ils entendent. Après c’est de bonne guerre, moi ça me fait rire. C’est le même principe que de raconter que Booba avait des poneys, c’est la même chose. Nous on travaillait avec Sinik mais on n’avait rien à voir, c’était une embrouille entre Sinik et Booba. En France c’était les premiers clashs, on n’avait pas conscience de ce que ça donnerait. On était les dommages collatéraux.

 

 

Mais même ponctuellement tu as contribué à une caricature du rap avec Michaël Youn ? Tu comprends que ça ait pu être mal pris.

Si tu commences à faire la guerre à toutes les personnes qui font de la caricature et de l’humour… On est les premiers à se moquer des bourgeois, à se moquer de plein de choses. À un moment tout est parodiable. Quand je vois le Palmashow qui revisite PNL, ça me fait rire et je ne trouve pas ça dénigrant. Quand les Inconnus se moquaient d’Indochine ou de Florent Pagny, on peut en rire… Mais tu ne peux pas te moquer du rap ?

Ce qui était plus grave par contre c’est que les gens du rap étaient reçus comme des clowns par la télévision. On nous faisait : « Yo », « T’as vu »… Si tu regardes bien, dans l’évolution, on est devenu les caricatures qu’on a dénoncées. On est des pro-capitalistes, on fait l’apologie de l’oseille, on fait l’apologie de Vuitton. Nos seuls combats, c’est la chaîne en or et la voiture de sport avec les grosses jantes. Je trouve ça plus dramatique que Fatal Bazooka. Mieux vaut rire ou faire la promotion sérieuse de choses qui ne reflètent pas la réalité ? La vraie vie ce n’est pas ça. D’ailleurs la plupart des gars qui rappent ça n’ont pas les moyens de rouler en Ferrari. Tout le monde n’est pas Booba, tout le monde connaît les chiffres de tout le monde. Si tu vends 5 000 disques, ne me fais pas croire que tu roules en Lamborghini frère.

Je ne sais pas si je le prenais avec autant d’humour si ça n’avait pas été mes potes. Mais d’un autre côté, j’avais été capable de faire Gomez & Dubois, ça m’avait éclaté. Parce que ça fait partie de moi, j’aime rigoler, j’aime faire des vannes. Booba aime rigoler, il fait des vannes sur son Instagram ou quand il parle de la concurrence. Il utilise des trucs que Fatal aurait pu utiliser. Après on était en temps de clash avec Sinik et à un moment tu ressers les rangs derrière tes gars.

En plus tout le monde a des casseroles, il n’y a pas un rappeur qui n’a pas une casserole. Pas un. On n’est pas tous né avec une vision de mec de 35 ans. On a tous fait de la merde.

Tu as l’impression d’avoir pris pour tout le monde ?

Mais grave, regarde, on a même pris pour Diam’s. Nous avant on était hyper-crédibles dans les choix qu’on faisait : Mission Suicide (compilation sortie en 2001), Pit Baccardi, Doc Gyneco, Stomy Bugsy, Passi, 3 Coups, Ménage à Trois, 2 Bal 2 Neg’… On était sur un truc très puriste, notre son aussi. À un moment tu switch, tu as envie de faire autre chose. Quand je fais une opération comme Gomez & Dubois, je pense que c’est un truc qui est vraiment hip-hop. Si tu écoutes, on dénonçait les abus de la police par l’humour. Rire ça fait du bien. Quand Disiz fait « J’pète les plombs », j’adore ça comme j’adorais Biz Markie, Pharcyde, A Tribe Called Quest, De La Soul… Le rap un peu délirant, des gens que tu n’attendais pas. Tous les artistes que je viens de te citer ont été critiqués mais ce sont des pionniers du rap. Il y a toujours cet écart entre la dureté de la rue et quelque chose d’un peu plus amusant.

« J’ai vécu la critique extrême sur Diam’s mais ça a changé hein… Quand on a vendu 1 million d’albums, ils étaient en moonwalk frère. C’était tous devenus nos amis. »

Quelles étaient les critiques sur Gomez et Dubois ? C’était si violent ?

Tu n’étais pas là pour le vivre… On eu grave de critiques. Et d’autre part, on a été surpris par l’adhésion d’autres mecs car ils ont compris ce qu’on faisait. Gomez et Dubois, ça me permet de me retrouver avec Ardisson qui ne me parle que de ça. Il me convoque pour me dire : « C’est génial. » Je rencontre d’autres gens et je vois que le rap devient un phénomène sociétal.

Quand est sorti Alliance Ethnik, je n’aimais pas, aujourd’hui je leur dis : « Respect ». Avec le recul, quand j’écoute maintenant, je me rends compte que c’était trop bien produit, que les refrains sonnaient… Et c’est du bon rap ! Nous, au début, on n’était pas d’accord car on était dans un truc. 

La critique s’intensifie sur Diam’s, les accusations sont parfois presque graves. On a pu entendre qu’il y avait un repositionnement marketing de l’équipe en place au moment de Brut de femme. 

Est-ce que tu crois en ce que tu viens de dire ?

Je me fais l’écho de choses que j’ai entendues à plusieurs reprises, je préfère te poser la question.

Tu as déjà parlé à Diam’s ?

Non jamais.

Si tu avais déjà parlé avec Diam’s, tu aurais bien vu que c’est impossible que ce soit une fabrication marketing. C’est une rappeuse qui se comporte comme un rappeur car on est dans un milieu qui est très misogyne, très fermé, elle est blanche et c’est une femme. Quand elle voit que faire le rappeur, ça ne fonctionne pas, on a une réflexion toute simple. Pourquoi tu essayes de parler à des mecs qui ne t’écouteront jamais alors qu’il y a une importante population féminine qui ne se sent pas représentée et parfois même agressée par les textes de rap. La gamberge logique devient : « Je vais parler à mes ‘gonz’. » Et si quelqu’un appelle ça de la manipulation, c’est de la grande stupidité. Elle a juste décidé de parler aux meufs comme les mecs parlent aux mecs. Il y a du marketing là-dedans ? Non ! Il y a juste une prise de conscience de qui elle était réellement et à qui elle devait s’adresser. Et même si elle s’adresse aux meufs, elle s’adresse à tout le monde. Des mecs sont venus me voir pour me dire : « Le plus grand rappeur c’est Diam’s. » On peut dire ce qu’on veut sur Diam’s mais qui la prend en tête-à-tête sur un seize ? Qui que ce soit qui s’y essaierait, sait très bien qu’il peut s’en manger une à la huitième.

Moi, je suis un militant du hip-hop et je suis bien passé faire le DJ chez Cyril Hanouna. J’ai fait des choses que les gens ne comprenaient pas mais j’avais ma gamberge là-dessus. Moi j’ai envie de faire mes expériences et peut-être qu’elles m’apportent quelque chose dans ma vie. Je reviens à ma phrase : « Tu n’es pas content ? Va te faire enculer ! »

J’ai vécu la critique extrême sur Diam’s mais ça a changé hein… Quand on a vendu 1 million d’albums, ils étaient en moonwalk frère. C’était tous devenus nos amis. Est-ce que Diam’s restera dans la galaxie du rap ? Oui ! Est-ce que Dans ma bulle est un grand album de rap ? Oui ! Et à l’époque on s’est fait critiquer grave : « C’est du commercial, nanana. » Ce n’est pas du commercial, c’est de la bonne musique.

 

 

Tu as pris du plaisir à être DJ dans Touche pas à mon poste avec Cyril Hanouna ?

Je m’éclate moi, la vie est courte mec. Demain quand j’irai voir mes enfants, je leur dirai : « Tu sais que ton père a fait ça… » Qui peut dire qu’il a eu dix vies dans une vie ? Moi je peux le dire. J’ai été à la télé, j’ai écrit des films, j’ai joué dans des films, j’ai fait de la musique, j’ai produit de la musique. Je suis un artiste, je m’exprime.

Hanouna ça m’éclate frère, j’ai vécu pendant un an dans la plus grosse émission de télé. J’ai fait deux films cultes de toute une génération (La beuze, Les 11 commandements)… Qui va me reprocher de m’amuser ?

Ton rôle dans Touche pas à mon poste n’était pas un peu caricatural ?

Tout le monde à des rôles chez Hanouna. J’allais pas faire DJ Abdel, on trouvait que l’idée du DJ gaffeur c’était marrant. C’est dans ma personnalité, je suis laid back. J’ai rigolé, j’étais très bien payé. En plus ça m’a permis de rencontrer tout le milieu de la télé, du coup pour mes artistes je peux parler en direct avec les patrons. C’est un truc de gangster ça. Dans « Hold up mental » de IAM, ils parlent de cette idée : s’insérer pour mieux dominer. J’applique les préceptes du rap.

Du coup ça a donné lieu à des scènes parfois irréelles où Gilles Verdez, épinglé par Jean-Luc Lemoine, explique que tu es « un professionnel du marketing, le Gérard Louvin des DJ ».

Gilles Verdez ne connaît rien à la musique, ne connaît rien au rap. Tous les chroniqueurs sont supposés maîtriser un sujet, lui en foot il est bon. Mais quand ils parlent de rap, ils peuvent se permettre de juger comme si c’était une musique normale, sans en avoir les codes. Il ferait ça pour de la musique classique ou du jazz on leur dirait : « Ferme ta gueule, tu connais rien… » Mais le rap c’est une musique encore plus codifiée que le classique ou le jazz, il faut connaître la culture, l’histoire.

Concernant le rap, il n’y a que des incompétents en chroniqueur à part Mouloud Achour. Le reste est totalement à ramasser. Quand Enora (Malagré) explique que Booba parle d’une meuf dans un de ses morceaux alors qu’il parle de la rue. Ils sont à l’ouest.

« Après les époques ont changé, dans les années 90 c’était une période beaucoup plus violente que maintenant. Les jeunes sont plus fous maintenant mais notre époque était beaucoup plus violente gros. »

On ne t’a jamais proposé d’être directeur artistique d’une maison de disque ?

On me l’a proposé mais je suis où ? À la tête de ma boîte, ma liberté n’est pas à vendre pour l’instant. Je te dis ça aujourd’hui mais qui sait demain ? En tout cas ce sera à ma façon et à ma vision. Aujourd’hui, je suis tellement libre, je peux signer qui je veux quand je veux. Je n’ai rien à demander à personne, j’ai mon studio et il n’y a pas un boss au dessus de moi pour me valider de signer VALD. Je préfère la position où je signe VALD et les mecs viennent me chercher pour le signer.

Ça ne t’exciterait pas de faire quelque chose à plus grosse échelle avec plus de moyen un peu comme G.O.O.D. Music, YMCMB, Maybach Music aux États-Unis ?

 Si j’avais été en maison de disques, je n’aurais pas pu faire ce que je voulais sur So’, je n’aurais pas pu développer VALD comme je le voulais. On verra… De toute façon, je ne suis pas un DA frère, si je dois aller quelque part ce sera à la tête d’un label. Tu crois que moi je vais écouter un mec qui va m’expliquer ce qu’est le rap. Ce n’est pas que je me la raconte mais avec tout ce que j’ai fait pour cette musique, c’est impossible. Ça voudrait dire travailler pour les autres pour gagner moins d’argent, ça n’a pas de sens.

Regarde Gims avec Monstre Marin, je trouve que c’est une super initiative. Dans le deal de co-exploitation, il doit être à 50-50 et moins la distribution il doit être à 30% des revenus net. S’il avait investit 300 000 € de son argent, il pourrait gagner 80% de ses revenus… Après, il n’a pas pris de risque financier.

Comment tu analyses ce rapport entre des producteurs comme toi et les maisons de disques ?

En ce moment, je fais un truc avec Skalp. Notre but c’est de changer le modèle économique de l’industrie de la musique. On travaille sur la montée de nouveaux types de « deal » sur des artistes notamment. Je t’en parlerai au moment voulu. Mais la répartition, 23 ou 30 % pour un producteur, n’a plus de raison d’être. Je pense que la co-exploitation est un mauvais deal, car elle est calculée sur des taux de distribution. Si je te dis que je fais une co-exploitation à 50-50, mais si Universal prend 30% de distribution, tu n’es plus à 50-50. Au final tu es déjà à 70-30 et dans les 70 tu dois donner la moitié à l’artiste. Tu te retrouves au même niveau qu’une licence sauf qu’eux n’investissent pas dans le marketing le co-payent seulement. Il n’y a aucun intérêt.

 

 

Il y a encore une place pour une approche frontale avec les labels ou tout est devenu lisse ?

Tu demanderas à l’ancien patron de Capitol, Julien Creuzard… Quand il a rendu le contrat de Kery en huit jours. Si tu te sens pas bien avec les gens, tu ne peux pas emprisonner quelqu’un. En tout cas nous, on ne veut pas être prisonnier.

Après les époques ont changé, dans les années 90 c’était une période beaucoup plus violente que maintenant. Les jeunes sont plus fous maintenant mais notre époque était beaucoup plus violente gros. Il s’est passé des choses dans ces années-là qui ne se passerait pas aujourd’hui.

Genre ?

Des mecs de maison de disques qui se font tabasser. Des mecs qui vont tuer son chien, l’ouvrir en quatre. Le rap n’était pas aussi développé, il y avait peu de concerts et peu de soirées et pas de réseaux sociaux. Tu te croisais dans la soirée (il tape son poing droit sur sa main gauche), ça y allait. Ce n’est pas comme maintenant où tu peux avoir une embrouille par réseaux pendant un an sans croiser les mecs. Pas de sécurité, pas de bodyguard… C’était toi et ton équipe.

Aujourd’hui les vrais durs sont tes avocats. Tu vas aller taper un mec, tu as perdu. Tu finis en prison avec des articles sur le Web. Tu as un problème, tu envoies ton avocat. Maintenant on met des clauses de sortie quand il y a des problèmes contractuels.

« Dans mon sens, je préfère faire des gros deals avec une vraie indépendance, je peux négocier ce que je veux dans mes contrats : pas les tournées, pas le merchandising, je ne laisse rien. »

Au tout début de cette interview, on parlait de plafond de verre, comment tu l’expliques ?

Vous vous rendez compte : Mac Tyer a réussi à rentrer sur NRJ, Alonzo a réussi à rentrer sur NRJ, Booba a réussi à rentrer sur NRJ. Le monde change !

Pourtant parfois les ventes ne sont pas à la hauteur ?

Le propos de la trap limite les ventes. Tu as un plafond de 80 000 et pour les superstar c’est 100 000. Mais des superstar en trap tu n’en as pas beaucoup : Booba, Rohff, Lacrim… Après avec le streaming, ça n’a plus rien à voir. Les maisons de disques cherchent à signer de l’électro et de l’urbain car c’est ce qui rapporte de l’argent. Ça vient de bouleverser la gamberge de l’industrie de la musique.

Après il y a très peu de millionnaires dans le rap, on pourrait faire un calcul rapidement de ce que rapporte la vente de 100 000 albums. Ce n’est pas grand chose. L’économie c’est les clubs, le merchandising… Ce sont les à-côtés.

Pour finir comment tu vois le traitement du rap chez les majors?

(Rires) Il y a des labels qui sont nuls, horribles. Je les trouve tout pétés parce qu’ils ne signent que des buzzs. Ils n’ont plus vraiment de couilles car ils ne font plus de développement. C’est plus simple pour eux de signer un buzz très cher, que de signer 10 artistes à développer. Alors que moi je mise sur mes artistes, je me dis ça va me coûter tant et ça va leur coûter tant. C’est ça la réflexion.

Par exemple, Booba prend des artistes qui ne sont pas forcément des mecs qui buzzent. Ils les pousse et il développe des carrières. C’est ce qu’il a fait sur Shay, Siboy, 40 000 Gang, Damso… Il y a une vraie volonté de développement, tu t’associes au sein d’un label et tu développes avec son argent. C’est un truc où au final tu dois t’y retrouver dans ton équilibre.

Dans mon sens, je préfère faire des gros deals avec une vraie indépendance, je peux négocier ce que je veux dans mes contrats : pas les tournées, pas le merchandising, je ne laisse rien. Ça me permet de m’associer complètement avec mes artistes, comme je le suis avec Sofiane même sur le merchandising on est à 50-50. « BAM ! » On est dans l’équilibre, on est ensemble en réalité. Je n’ai pas besoin de gagner plus d’argent que ça car quand mes artistes sont biens, mes artistes restent. Lino ça fait 3 ans qu’il est avec moi, Kery James ça fait 4 albums. On est bien avec mes artistes car avec ce type de montage on peut tous gagner de l’argent.

La marque parisienne Isakin choisi de réunir Oxmo Puccino et l’acteur Vincent Rottiers sur un bateau pour présenter sa collection hiver 2016, d’ors et déjà disponible. Pour décrire ces pièces et leur identité parisienne, on les laisse utiliser leur propres mots :

Les garçons tapageurs des années 90 ont grandi, ils ont digéré le tumulte passé, une époque florissante en créativité artistique, et nourrissent le présent avec des références solidement ancrées dans les trottoirs du 18 et 19ème arrondissements de Paris. Thomas est de ceux-là. Il a sa vision de ce qu’est la marque Isakin : une génétique parisienne donc, transversale dans son approche originale puisqu’elle mêle les codes de la rue avec l’excellence de la haute couture française. La localisation même de la boutique Isakin, à égale distance entre Barbès et la Butte Montmartre, est une passerelle géographique et symbolique entre le Paris de
carte postale et le paname populaire.

Le but avoué du laboratoire Isakin, plus que d’être un acteur de la mode, est de renouveler le style issu de la fin du siècle dernier avec une rigueur contemporaine dans le choix des coupes et des matières. La nouvelle collection automne/hiver 2016 témoigne de ce positionnement « street mature » ferme et élégant. La Coach Jacket s’enfile avec le frottement soyeux et quasi imperceptible de la doublure, la fermeture éclair Riri du Flight glisse sans accroc jusqu’au col, le foulard Pashmina relié au col du Sweat ethnique tombe sur les épaules dans un savant négligé…

 

Après quatre ans de silence radio, l’anglaise Emeli Sandé est de retour avec un nouvel album : « Long Live the Angel ». Plus forte, plus engagée, l’artiste à l’irréductible crinière blonde platine, revient enfin à l’assaut avec dans ses couplets un message spirituel, à la fois pugnace et apaisé. De passage à Paris il y a quelques semaines Emeli nous a raconté comment l’album a été modelé, entre un voyage formateur en Gambie et quelques épreuves personnelles.

 

 

 

Tu es en tournée en ce moment. Comment ça se passe ?

Génial ! J’adore ça, parce que ça fait tellement longtemps que je n’ai pas pu me produire sur scène avec de nouveaux titres et m’exprimer à un tel niveau d’authenticité. Et juste reprendre contact avec la foule, rencontrer de nouvelles personnes, je pense que c’est la partie la plus importante dans le travail de musicien. Je vis un moment incroyable.

 

Et tu joues surtout des titres du nouvel album ?

Oui, principalement du nouvel album. Peut-être trois ou quatre sons du premier album. Ces nouvelles chansons sont incroyables.

 

Pourquoi avoir pris une pause avec la scène ?

Je n’ai jamais vraiment pensé à cette période comme à un stop. Je voulais simplement être certaine que l’album soit vraiment bon, meilleur d’un point de vue artistique. J’ai donc dû prendre du temps pour écrire et traverser pas mal de trucs personnels pour pouvoir grandir. J’ai mis deux ans à concevoir cet album et c’était tellement cool. J’avais besoin de temps pour le faire.

 

Ce qui est beaucoup revenu dans tes précédentes interviews, c’est que tu étais épuisée par la surexposition que tu as vécue à la sortie de ton premier album. Comment tu revois ça aujourd’hui ?

On a fait beaucoup de choses. Avec toute mon équipe, on voulait simplement mener la musique aussi loin que possible. À chaque fois que j’avais du temps, j’allais au studio et je continuais de bosser… Il n’y a rien que je regrette vraiment avoir fait, je n’étais simplement pas préparée.  Je me suis dis que si je m’apaisais un peu, le résultat serait meilleur. Donc j’ai pris une pause.

 

 

À cette époque personne ne t’as conseillé de prendre du temps ?

Si, j’ai reçu des conseils ! Mais comme j’étais encore nouvelle dans le business, je me disais « ouais… » Par exemple Alicia Keys me disait « Tu sais, il faut que tu t’assures d’arranger du temps pour ta famille, tes amis… » Je me disais, « Ouais c’est cool, pour Alicia Keys. C’est un bon conseil pour un hustler. » Mais j’aurais du prendre son conseil au sérieux.

 

Pendant que tu préparais l’album, quelle était ta première idée ?

Je voulais qu’il soit soul, qu’il soit très authentique. Je voulais être complètement honnête et prendre du temps pour faire de la musique, qui je l’espère, plairait aux gens. C’était l’idée principale. Et je voulais que ce soit quelque chose dont je sois fière lyricalement. Je me disais que si jamais je ne faisais pas un autre album, je serais tout de même fière de celui-là quand j’aurais 50 ans. C’était un peu ça l’idée.

 


Je me suis toujours demandé pourquoi moi, qui vivait en Ecosse, je chantais tout le temps et pourquoi j’avais une foi aussi forte. Et là-bas, j’ai vraiment compris mes racines.


 

Et qu’est-ce qui c’est passé pendant ces deux ans ?

La vie, beaucoup de vie. Je suis allée en Zambie et ma rencontre avec ma famille a été un point majeur de ces deux dernières années.

La première semaine, j’ai voyagé avec Oxfam pour combattre les injustices envers les femmes dans une campagne qui s’appelait « I Care About Her ». Le but était de montrer comment la musique pouvait changer l’attitude des hommes et de la communauté sur leur façon de traiter les femmes. Après ça, on est allé dans le village de ma grand-mère. Et je ne l’avais jamais rencontrée avant.

 

Tu y étais seule ou avec le reste de ta famille ?

Oui j’y suis allée avec ma mère, mon père, ma soeur. C’était la première fois que je voyais mon père dans son environnement d’origine. Et je me suis dit « Wow, c’est ce qui m’a manqué toute ma vie. » Ça a été un bouleversement dans ma vie.

 

 

Qu’est-ce qui t’as le plus frappé ? Qu’est-ce que tu as découvert là-bas ?

J’ai l’impression que j’ai pu me comprendre moi-même de façon plus profonde. Là-bas, tout le monde était musicien, tout le monde a une grande foi en Dieu. Je me suis toujours demandé pourquoi moi, qui vivait en Ecosse, je chantais tout le temps et pourquoi j’avais une foi aussi forte. Et là-bas, j’ai vraiment compris mes racines. Ça m’a donné confiance.

 

La spiritualité prend d’ailleurs une grande place dans cet album, et même dans le précédent. 

J’ai réalisé que c’est incroyable d’apprendre de plusieurs religions, votre foi est quelque chose que vous ne pouvez pas vraiment comprendre. C’est quand j’ai écris le titre Sweet Architect, que j’ai vraiment commencé à comprendre que Dieu et que tout ce qui nous entoure est vraiment un miracle. C’est ce que j’ai voulu dire avec cet album. Que c’est quelque chose de réel.

 

 

J’ai aussi l’impression que cet opus est plus fort, plus agressif. Est-ce que tu es d’accord ?

Oui, clairement. J’ai l’impression que dans mon premier album, ou même en tant que personne, j’ai toujours exprimé mon côté gentil. J’ai toujours voulu rendre fier mes parents et ma famille, en étant une bonne élève, une femme bien, une gentille fille. Cette fois-ci je voulais être un être humain accompli. Et c’est sain d’exprimer de la colère parfois, de la frustration aussi. D’autres facettes de soi qui font de vous quelqu’un de meilleur. C’est la chose la plus importante que j’ai apprise en tant que personne.

 

Avec qui tu as travaillé ?

J’ai écris beaucoup de chansons avec un homme qui s’appelle Philip Leigh, c’est un très bon ami et un musicien brillant.  Happen, est la première chanson qu’on a écrite ensemble, alors qu’on venait de se rencontrer. Il joue et je le suis en faisant lalalala et quelques heures plus tard, la chanson est là. J’ai fait quelques chansons avec Naughty Boy encore une fois. Jonny Coffer aussi qui est un excellent pianiste… Pas mal de bons musiciens qui sont aussi mes amis. Des gens avec qui je traîne naturellement et avec qui je fais de la musique.

 


Pour moi cet album est comme une prise de position : c’est là que je me situe et je suis prête à me battre pour ça. Ça ne va pas tout simplement arriver tout seul.


 

Et à propos du titre « Long Live the Angels » ?

Il y a tellement de raisons pour lesquels je l’ai choisi. J’essaie d’en formuler une plus précise… Pour moi c’est intéressant que tu relèves que l’album a plus de force, plus de colère. Parce que j’ai toujours cru que le bien surpasserait le mal et toutes ces choses, mais on ne peut pas être passif. Il faut se battre pour ce qui est bon et il faut devenir un soldat. Pour moi cet album est comme une prise de position : c’est là que je me situe et je suis prête à me battre pour ça. Ça ne va pas tout simplement arriver tout seul.

 

Je voulais aussi parler d’un autre projet auquel tu as participé entre ces deux albums : celui du duo Krept & Konan.

On travaille avec le même label et ils m’ont envoyé une chanson avec un couplet déjà écris. Une semaine avant que je le reçoive, ma cousine est décédé. C’était vraiment douloureux, très inattendu. On était à l’hôpital et ma mère m’a dit : « Je vais planter des roses pour Nina. » Quand j’ai reçu cette chanson, ça m’a rappelé tout ça, et toutes les émotions par lesquelles je suis passé. J’ai donc écris cette chanson, Roses, sur ma mère qui plantait ces fleurs dans son jardin.

 

Tu continues aussi à écrire pour les autres. avec qui tu apprécies le plus de travailler ?

Il y a peu de gens avec qui je me suis vraiment posé pour écrire. Mais Alicia Keys fait partie de ceux-là. Ça a été très naturel. On s’est juste retrouvé, on a bu un verre de vin et joué du piano. Pour moi c’est la meilleure façon de travailler, quand l’artiste a la même façon d’écrire des chansons.

 

Tu parlais d’elle tout à l’heure. Elle a l’air d’être assez protectrice avec toi.

Oui, elle est vraiment devenue une grande soeur pour moi. Elle me donne beaucoup de conseils, parce qu’elle a tout traversé. Et on aime le même genre de musique. À chaque fois que je vais à New York, je sais que j’ai une grande soeur là-bas. S’il y a une urgence, je sais que je peux appeler quelqu’un.

 

 

Est-ce qu’il y a un conseil qu’elle t’as donné pour ce moment précis dans ta carrière ?

Pas vraiment.

 

Tu n’en a plus besoin ?

Non, j’en ai définitivement besoin. [rire, ndlr] Mais je ne sais pas. Je ne lui ai pas parlé récemment. Mais je vais à New York demain donc…

 

À l’heure où on parle, l’album n’est pas encore sortie. Comment est-ce que tu appréhendes sa réception par ton public ?

En ce qui concerne les shows où je joue déjà quelques titres, tout le monde a l’air d’apprécier les titres. Donc c’est bon signe. Mais j’espère qu’on sera vraiment connecté. J’ai l’impression que là, c’est le vrai moi qui s’exprime. S’ils l’apprécient alors, on se comprendra à un niveau plus profond.

 

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Album « Long Live the Angels »

La foule tapisse le parterre d’une salle gigantale sans estrade. Les voix se mêlent dans un babil bourdonnant. On cause futile et siffle des gobelets de bière trop chère pour passer le temps. Soudain, les lumières crues se tamisent. Des « Yeezy » époumonés se répètent en enfilade, les smartphones s’élèvent en chœur au-dessus des têtes. Les snaps s’impatientent, le pouce au garde-à-vous sur le déclencheur. Lardée de faisceaux de lumière, la structure métallique suspendue au-dessus de l’étuve suggère un vaisseau spatial à l’atterrissage. Les cris s’hystérisent. Ce moment où l’on bascule dans l’irréel.

 

Welcome to Universe City

 

Un film de science-fiction. Les nuances carotte, fushia et écarlate crachées par les rangées de projecteurs peignent un ciel cosmique. Des canons à fumée évaporent une brume mystique façon Rencontres du troisième type. Un empire interstellaire, gouverné par un bonhomme qui s’agite en complet camouflage sur une plateforme flottant à trois ou quatre mètres du sol, raccordée par des poutrelles à treillis en acier. La plupart des soirs, un morceau de l’interminable faux plafond constellé de spots lumineux se détache pour former une deuxième scène, plus massive. Pour passer de l’une à l’autre, Kanye West se défait d’abord du harnais qui le retient au centre de la première, avant de rejoindre prudemment la seconde et de se resangler, chaperonné par un professionnel. La manœuvre n’est pas sans risque. Mais Ye ne se démonte pas. Sur son plateau, il bondit, gesticule nerveusement, tire sur la courroie comme un chien sur sa laisse. Dès que la piste tangue, on retient son souffle. Le emcee s’assied sur le rebord, les jambes pendillant dans le vide, ou s’allonge sur le ventre et se penche pour effleurer les doigts des mains tendues. Quelques têtes brûlées s’agrippent et tentent de se hisser, mais un seul geste réprobateur de Yeezy suffit à les dissuader. « Your love is fadin’, I feel it’s fadin’ » ; des nervures rose pétard traversent la salle dans des traînées futuristes.

 

 

La plateforme s’avance lentement au-dessus de l’arène. La masse panurgique suit son berger en cortège. « Le concept de tout ça c’est d’aller n’importe où où vous voulez », clame Kanye. Chacun compose sa propre expérience, se déplace librement dans l’enceinte. L’artiste semble tout proche puis brusquement très loin. Le point de vue oscille sans cesse. West s’élève, s’abaisse et sillonne l’espace. Il abolit les différences de perception entre les premières et les deuxièmes classes. Ceux qui s’entassent et s’enfièvrent en contrebas moyennant 160$ et ceux qui dodelinent mollement sur leur siège hors de prix vivent et voient le show de la même façon. Les placements libres sont même privilégiés ; la fosse se veut la nouvelle tribune présidentielle. Ye porte l’élitisme en horreur, alors il déconstruit le concept de classes. Un spectacle démocratique qui n’exclue personne, une matérialisation de la politique populiste du « Robin des bois de la mode ». « Le vrai racisme est social », soutenait-il sous la caméra de Clique en mars 2015. Avec ses armes et ses idées, il le combat. Les intentions sont belles, la factualité l’est parfois moins. 160$, c’est une rondelette somme. Après des mois de promesse fleuries, Kanye avait échoué à commercialiser sa collection de prêt-à-porter à bon marché. De nouveau, il se heurte à la réalité des coûts de production faramineux qu’il faut couvrir a minima. Ses ambitions prolétariennes ont leurs limites.

 

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Debout, on se retrouve parfois seul pour danser, dans un coin déserté, quand tout le public se serre aux pieds de la scène, aspiré par la lumière. Sous la passerelle éclairée pleins phares, on lâche prise, mouille le sweat, se tortille, pogote sans réserve. « Je veux que les gens rentrent dedans et passent un bon moment […], amener l’expérience du concert à un autre niveau. Ce n’est pas juste à propos de ce que vous voyez sur l’écran ou ce que vous me voyez faire sur scène, mais ce que vous et vos amis faites ensemble » livrait West sur E! cet été. On danse en cercle, filme son enjaillement cathartique à l’iPhone. Les contenus des sacs à dos se renversent, les casquettes épongent les crânes humides. On se pousse, s’essouffle. Certains se sont délestés de leur t-shirt. Récréatif, régressif et hors du temps, le concert prend des allures d’attraction Disney. « Jump, jump, jump, jump ! », des milliers de baskets secouent le sol, sur les directives du maître de cérémonie. Le pouls s’accélère, le cœur cogne violemment. L’adrénaline. Kanye vend des billets et de la magie. Un prestidigitateur qui transcende les limites de la performance, les standards de l’expression visuelle. À travers la musique comme le vêtement, le Chicagoan recherche le beau et l’avant-gardisme dans tout ce qu’il entreprend. Il raconte, prolonge et étoffe l’histoire de ses disques par-delà l’écoute, absorbe son travail dans un projet artistique global.

 


« Il amène les choses à un nouvel extrême. J’aimerais que tous les concerts pop soient comme ça, mais la plupart des rock stars ne veulent pas faire sans le rétro-éclairage, parce que le rétro-éclairage les fait apparaître comme des héros. Kanye a confiance en lui. » Esmeralda Devlin


 

Ses concerts entrechoquent l’art, l’architecture et la mode, fusionnent toutes les disciplines créatives. Leur mise en scène ne dessine pas un simple arrière-plan, elles créent un environnement libérant et cristallisant son imaginaire et son imagination. Parce qu’éphémères, West veut ses spectacles mémorables, cherche à figer le temporel, à construire un événement qui se vit intensément et s’imprègne durablement, une expérience qui ne se grave pas trivialement sur DVD. Le Saint Pablo Tour déclasse l’antérieur, pas tant par sa puissance visuelle qu’émotionnelle. Comme une œuvre d’art interactive, les spectateurs deviennent, pour la première fois, acteurs de la représentation. Souvent, la tête d’affiche s’éclipse dans l’obscurité, laisse les sonorités rutilantes de sa musique vibrer, les fans se délecter, s’abandonner dans la lumière. « Il amène les choses à un nouvel extrême. J’aimerais que tous les concerts pop soient comme ça, mais la plupart des rock stars ne veulent pas faire sans le rétro-éclairage, parce que le rétro-éclairage les fait apparaître comme des héros. Kanye a confiance en lui. Certaines personnes voient juste le monde selon sa géométrie », commente Esmeralda Devlin, faiseuse d’idées scéniques folles pour Kanye West depuis près de dix ans. Kanye rayonne probablement de lui-même. Sûr de lui, l’esthétique et le propos artistique de son spectacle lui importent plus que sa propre mise en lumière. Comme ses morceaux, dont l’architecture et la tessiture l’emportent sur la performance vocale.

 

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Les beats de « Blood on the leaves » crissent comme de l’acier. Les frottements métalliques du dispositif scénique et les envolées autotunées ajoutent à l’atmosphère brute et industrielle. Le Saint Pablo Tour a épongé, digéré et pourléché l’univers de tous les concerts qui l’ont précédé : Glow in the dark dépeignait une figure esseulée sur une planète désertique, Yeezus racontait à grand faste l’histoire du roi David et empruntait à l’Enfer de Dante alors que Watch the throne juchait Jay-Z et Kanye West sur des cubes multi-écrans gargantuesques. La foule chante faux les paroles d’« Only one » ; cette fois-ci, Kanye West baigne seul dans un halo de lumière effervescent.

 

Jesus Walks

 

Une lueur immaculée se projette sur un fan hébété. Un autre le rejoint, puis deux, trois, six, dix … jusqu’à former un groupe compact et recueilli. « We on an ultralight beam, this is a god dream, this is a god dream, this is everything ». Les bras et les yeux plissés se lèvent au ciel, certains s’agenouillent même, les jambes alourdies par un trop-plein d’allégresse. On s’égosille comme à un culte. Les voix lancinantes de la chorale gospel dressent les poils et serrent les coeurs. Les corps semblent possédés. Illuminé à son tour, West passe facilement pour le messie. Littéralement surélevé, il trempe dans la fange sans même la toucher, impalpable comme Jésus. Il souffle entre les lignes « Je suis avec vous, mais au-dessus », pontifie sur des accords de piano, fascine et dévoue ses fidèles comme un gourou. Il a cette drôle d’aura, Kanye, celle qui vous pique d’une passion irraisonnée et vous presse d’acheter des t-shirts oranges vif à prix salé.

 

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Il a cette drôle de force de conviction Kanye, celle qui vous convainc de sa puissance divine et rend le grossier curieusement crédible. Il appelle l’audience conquise à suivre ses rêves, à croire en soi, il impulse, inspire et influence. Sur My beautiful dark twisted fantasy, l’artiste avouait ses travers, expulsait ses remords et quémandait la rédemption. Dieu l’a semble-t-il pris sous son aile. Depuis, il n’a de cesse de prêcher la bonne parole, comme l’ancien pécheur devenu apôtre Paul, Pablo. Paraît que Kanye West n’est pas très grand, en vrai. Sur scène, en contre-plongée, il semble surpuissant. Ye ne remercie jamais ses musiciens ni personne, sauf Dieu. Il s’assure d’être le seul à recueillir les applaudissements et l’attention, de nourrir plus qu’il n’en faut l’idolâtrie.

« That’s all it was Kanye, we still love Kanye, and I love you like Kanye loves Kanye. » West découpe les mots et toupine doucement pour capter tous les regards. Monsieur Kardashian a un ego gros comme la mémoire de LeBron James, mais pas seulement. En s’identifiant au Christ, il a peut-être trouvé l’humilité. Sur scène, pas de montagne de quinze mètres, d’écrans LED géants, de monstre en mousse, d’explosions pyrotechniques, de garde-robe tape à l’œil, de danseurs, de « guests », de musiciens ou de « backeurs ». Juste un micro, qu’il tient fermement dans sa main gantée. Avant Yeezus, en 2013, celui qui s’auto-surnommait encore le « Louis Vuitton Don » accumulait et superposait les sonorités et les goûts, les effets et les idées, les chaînes en or et les vêtements bariolés. Le packaging était saturé et tapageur.

 


« Je suis un minimaliste dans un corps de rappeur » Kanye West


 

Watch the throne célébrait l’opulence, avec ses vers hauts de gamme, son écrin clinquant et ses concerts ronflants. Puis Kanye a découvert le minimalisme et la pureté des lignes graphiques du Corbusier. Il livre l’industriel Yeezus dans son jus, un boîtier en plastique nu, révélant en transparence un CD que l’on croirait vierge. Désormais, seule sa musique compte, débarrassée de toute fioriture qui maquillerait trop le contenu. « Je suis un minimaliste dans un corps de rappeur » prône-t-il. Son style vestimentaire s’épure, ses collections Yeezy aussi, des basiques en coton luxueux dans des tons chair déclinés à l’infini. West s’est purgé du toc artistique, des dorures et des oripeaux. « Bam bam, ‘ey ‘ey ‘ey, Bam bam bam, bam bam dilla » ; les écrans des téléphones mouchètent et emplissent l’obscurité d’étoiles. Aussi majestueuses soient-elles, les installations mécaniques s’utilisent à juste dose, la palette de lumières se restreint à trois couleurs et l’émotion se décuple. Le spectacle est à la fois sobre et grandiose, l’expérience ésotérique. Yeezus le prophète est même devenu Pablo le disciple, un prédicateur plus proche des hommes, un bienfaiteur qui nous ressemble.

 

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Seul sur une scène dépouillée, dégagé de tout élément parasite, Yeezy s’auto-suffit, force et capture toute l’attention mais se met aussi à nu. La démesure de la mise en scène contraste avec la sobriété de sa posture. Perché sur son plateau, il impose sa supériorité mais prouve aussi son insignifiance face à la puissance de la musique, aux prouesses techniques, à l’ampleur du système d’éclairage, à l’immensité de la salle et à l’abondance des bras levés. Une fourmi dans la masse. Des cris de loup s’échappent de l’auditoire en introduction de « Wolves », pendant que les files indiennes de spots qui parcourent le toit jouent leur propre partition. Ye serait finalement humain, vulnérable même. Sans pouvoir se dérober de temps en temps pour reprendre haleine et se soûler d’eau fraîche, il parait parfois à bout de souffle, laisse aux spectateurs le soin de terminer des couplets entiers à sa place. Kanye expose ses limites et ses faiblesses sur un plateau bancal, sans rampes et sans issue, en proie aux anicroches et aux accidents. Il ne se cache plus derrière des cagoules couture Margiela, des dizaines de costumes flamboyants et d’artifices vains. Seul sur une scène dépouillée, dégagé de tout élément parasite, Yeezy s’auto-suffit, force et capture toute l’attention mais se met aussi à nu.

Au bout d’1h30, le vaisseau spatial se pose au sol, sous la clameur du public. Un assistant détache Kanye, qui traverse la salle sous un tunnel. Les lumières se rallument sur les cadavres de verres en plastique, les emballages papiers froissés, les culs de joints écrasés et les mines défaites. La foule se disperse doucement, amorphe, comme tirée brutalement d’un joli rêve.

À côté de Nasser et Husbands, ses deux groupes, le Marseillais Simon Henner s’est lancé seul dans la conception d’un projet. Un nouvel alter ego électro, expérimental, synthétique et organique à la fois, entre dance et nostalgie qu’il choisit de nommer French 79. Mi-octobre, il sort l’album Olympic et le met à l’épreuve sur la scène du Point Ephémère. Aujourd’hui, il dévoile la vidéo de l’un des titres les plus mélancoliques de l’album : « Golden Times ». L’occasion pour nous de découvrir l’artiste en quelques questions.

 

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L’album « Olympic » est disponible ici

 

 

On te l’a souvent demandé : pourquoi est-ce que tu as choisi le pseudo French 79 pour te lancer en solo ?

Mes influences musicales pour ce projet sont essentiellement Anglaises (pour leur capacité à innover) et Allemandes (pour ce son incroyable qui sort de leurs studios). Il fallait bien que je montre mon appartenance à ce pays qui se situe entre les deux. Je suis également fan de French 75, un cocktail délicieux…mais j’ai préféré le chiffre 79 !

 

Cet « alter-ego » existe maintenant depuis plus de deux ans. Pourquoi as-tu ressenti le besoin de prendre cette direction ?

Ce n’est pas venu spécialement d’un besoin, c’est assez naturellement que je suis parti dans cette direction. J’ai toujours beaucoup écouté de la musique électronique, et en composant tous les jours, je me suis forcément retrouvé avec des boucles très électroniques qui ne se prêtaient pas à mes deux autres groupes.

 

Qu’est-ce que ce projet solo t’apporte de plus par rapport à tes deux groupes Nasser et Husbands ?

Cela me permet d’être plus introspectif dans ce que je compose. C’est forcément plus personnel, et concernant les lives, se retrouver tout seul face au public est très différent. La seule personne avec qui l’on peut communiquer est le public, pas de copains avec toi sur scène…

 

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Du coup, qu’est-ce que ça t’apporte de continuer à bosser en groupe ?

L’inverse de ce que je viens de dire à la question précédente… Le fait de pouvoir partager des moments de live, de composition avec des copains !

 

Tu étais en tournée cet été, comment est-ce que tu as trouvé le temps de préparer ce projet ? Est-ce que ça a eu une influence sur son avancée et son résultat ?

En tournée, tu vois énormément de concerts, de live solo, tu fais beaucoup de rencontres et même si tu essaies de ne pas trop t’inspirer, je pense que ça joue beaucoup et involontairement sur ce que tu composes à ce moment précis. Concernant le temps, c’est vrai que tu en as moins, mais ce n’est pas toujours une mauvaise chose, c’est parfois dans l’urgence que tu produis les meilleurs choses !

 

Il s’agit donc de ton premier projet solo. Quel était ton objectif en le faisant ? (si objectif il y avait)

Aucun objectif particulier si ce n’est de me faire plaisir, et pour ça, l’objectif est atteint à 100% !

 

 

 

Tu es Marseillais, signé sur un label marseillais. Quel est ton regard sur la scène électro de cette ville en comparaison à Paris ou même Lyon ?

Mon label de base est marseillais, c’est microphone recordings, mais j’ai signé cet album sur un label Parisien, ALTER-K. Ce n’était pas un besoin primaire de signer sur un label Parisien mais cela est venu naturellement car je m’entends très très bien avec eux, et je n’ai jamais eu un label qui travaille autant et aussi motivé… C’est vraiment plaisant de travailler avec ALTER-K.
Concernant la scène électro de Marseille, je me rends compte qu’elle est vraiment active en ce moment, beaucoup d’artistes produisent ici, et font des choses vraiment bien. Ils sont parfois un peu dans l’ombre ou dans des niches particulières mais se revendiquent de plus en plus venir de Marseille. Je trouve donc qu’elle se porte on ne peut mieux en ce moment !

 

Et par rapport à la scène rap, où est-ce que l’electro trouve sa place et réussi à s’imposer à Marseille ?

S’imposer face au mastodonte Rap Marseillais est quasi impossible ici. Ce n’est pas non plus le même public , donc il n’y a pas vraiment de place à faire. J’espère que bientôt, des collaborations pourront se faire…

 

Musicalement, est-ce que tu as un coup de coeur récent à nous faire partager ?

Il y en tellement, mais le tout dernier est ‘IL EST VILAINE’ que j’ai pu rencontrer à Caen à l’occasion du festival Nördik Impact.

 

C’est quoi la suite pour toi ?

Une belle tournée que je viens de commencer, donc pas mal de concerts, mais aussi finir d’autres productions pour d’autres artistes, je suis en train de finir le prochain KID FRANCESCOLI. Une fois tout ça terminé, je m’attèlerai à produire le troisième album de NASSER…

 

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On n’en voyait plus le bout, et pourtant, le cirque électoral que nous ont offert les États-Unis en 2016 s’apprête enfin à toucher à sa fin. Après de longs mois de campagne et des semaines d’un interminable débat qui a fait passer « Yo Momma » pour un échange d’adultes matures et courtois, l’Amérique connaîtra ce mardi 8 novembre le nom de son prochain président. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat du vote respire plus la crainte que l’attente. La faute à l’intrusion de Donald Trump, un personnage haut en couleur, au teint orangé, au toupet blond et aux idées noires, qui se présente comme une épée de Damoclès planant au-dessus du drapeau étoilé. Alors que sa candidature aux primaires républicaines était donnée largement perdante à ses premiers balbutiements, en juin 2015, le milliardaire fait aujourd’hui figure de concurrent crédible à l’investiture présidentielle avec 46% des intentions de vote. Une folle ascension qui n’a été freinée ni par la xénophobie latente de son discours, ni même par l’absurdité de son programme. Celui-ci implique entre autre la construction d’un mur entre les USA et le Mexique, afin de limiter drastiquement l’immigration des Mexicains, qualifiés de « violeurs » et de « criminels ».

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À Los Angeles, loin de New York et de sa Trump Tower, le candidat républicain est pourtant très loin de faire l’unanimité. Ici, les Hispaniques représentent près de 45% de la population et il suffit de se rendre sur le Hollywood Walk of Fame – où l’étoile de Trump est régulièrement vandalisée – pour mesurer son impopularité.

Keenan Jackson Jr. est un pur produit de la ville des anges, « born & raised ». Et comme beaucoup, il n’a que très peu goûté aux propos tenus par le milliardaire de 70 ans. Celui que l’on connaît sous le nom de YG a grandi à Compton avec des Mexicains pour voisins, camarades, et partenaires en affaires. Entre les communautés noires et latinos, le respect est mutuel, même si leurs relations sont souvent envenimées par les guerres de gang : « Beaucoup de mes fans sont hispaniques. Ils me supportent en achetant mes albums, en portant mes fringues, en venant à mes concerts. […] Il y a beaucoup de quartiers et de gangs hispaniques qui sont en embrouille avec des Noirs, donc il y a beaucoup de fusillades, de meurtres et de tensions qui persistent. Mais d’un autre côté, tu vas rentrer chez toi et ton voisin d’à côté sera probablement Mexicain » expliquait-il au magazine i-D.

Impensable donc de laisser cette communauté subir le mépris flagrant de Donald Trump sans rien faire. Le moment était venu pour YG de prendre la parole : « Je me suis dit « Plus personne ne fait quelque chose de concret pour vous ? Personne ne parle pour vous ? Pas de soucis, n’en dites pas plus, je vais m’en charger ». » Le point de départ d’une véritable croisade anti-Trump de la part du rappeur américain.

« Je me suis dit ‘Plus personne ne fait quelque chose de concret pour vous ? Personne ne parle pour vous ? Pas de soucis, n’en dites pas plus, je vais m’en charger' » – YG

Depuis mars 2013 et la sortie du morceau « FDT », il ne s’est pratiquement pas passé un mois sans que YG ne fasse une apparition pour réaffirmer sa haine à l’encontre du candidat républicain. Le 18 avril, le clip de « FDT » se trouve ainsi publié sur WORLDSTARHIPHOP, quelques semaines après que son tournage, interrompu par une intervention des forces de l’ordre, ait fait grand bruit sur les réseaux sociaux. En mai, Ted Cruz et John Kasich se retirent de la course à l’élection primaire républicaine, laissant la voie libre pour Donald Trump et poussant YG à réitérer, un mois plus tard, en transformant son morceau en une campagne publicitaire, réalisée par le site Genius. « FDT » se décline sous toutes les formes possibles, à tel point que la stratégie globale de promotion de son album Still Brazy semble se centrer entièrement autour de ce seul titre. Le morceau bénéficie d’abord d’un remix « FDT Pt. 2 », publié en juillet, sur lequel YG invite G-Eazy et Macklemore, « les deux plus gros rappeurs blancs du game » selon ses propres dires. Il se transpose ensuite sur un t-shirt de la marque 4Hunnid, sur lequel le nom de Donald Trump est ostensiblement rayé et dont le lookbook le fait porter dans une femme en hijab. Au vu de la position de Trump vis-à-vis des femmes et des Musulmans, la symbolique est forte. Enfin, un Fuck Donald Trump Tour est annoncé par le rappeur au courant du mois d’août, comme le prolongement ultime de sa propre campagne.

My President is Black

Seulement, affirmer avec virulence que Trump n’est pas un bon candidat à la présidence n’indique pas pour autant aux auditeurs quel nom mettre dans l’urne. Au moment de la sortie de « FDT », YG avouait lui-même à Billboard ne pas (encore) être pleinement renseigné sur le programme des différents candidats : « Je suis encore en train de faires mes recherches en ce moment. Je me renseigne réellement de manière à savoir quel candidat parle de choses auxquelles je peux m’identifier. » Difficile dans ce cas d’égaler la pertinence que peut avoir un véritable engagement en bonne et due forme. Et pour cause, Hillary Clinton, l’opposante du candidat républicain, ne parvient pas à faire l’unanimité auprès des anti-Trump. Cela sautait aux yeux il y a peu de temps encore sur le média américain FADER, après la publication d’une vidéo intitulée « What Would You Say To Donald Trump ? », où plusieurs artistes expliquaient leur désaccord avec les idées défendues par le business man. Dans la continuité de ces entretiens individuels en question, publiés à l’écrit sur le site internet de FADER, le rappeur Dave East lâchait le morceau : « Je ne dis pas aux gens de ne pas voter, parce que je pense qu’ils doivent le faire. Moi, je ne vote pas parce que je suis fan d’aucun des deux. J’espère juste le meilleur pour le pays ». Dans le cas de YG, il faudra attendre septembre et une apparition sur le projet Campaign de Ty Dolla $ign pour le voir réellement prendre position en faveur de la démocrate. Et là encore, la prise de position prend une fois de plus les contours d’un choix par défaut : « If all votes count, I’m voting for Hillary, fuck it »/« Si tout les votes comptent, le mien ira pour Hillary, tant pis ».

On est loin de l’élan qui avait auparavant poussé les rappeurs américains à s’engager massivement en faveur de Barack Obama. En 2008 d’abord, quand de nombreux artistes, de Nas à Jeezy, en passant par Big Boi et will.i.am, choisissaient de dédier un titre au candidat du parti démocrate. À cette époque, la volonté d’emmener Obama à la Maison Blanche était si forte au sein du paysage hip-hop, que certains MC comme Ice Cube et Scarface avaient paradoxalement appelé leurs homologues à ne pas trop appuyer leur soutien à l’actuel président américain, de peur que cela ne finisse par tenir son image. Pour son second mandat, en 2012, Jay-Z et sa femme Beyoncé allaient même plus loin, en participant à une levée de fond pour financer sa campagne.

Mais aux yeux des acteurs du mouvement hip-hop, Obama n’avait rien de l’homme politique ordinaire. Il était le potentiel « premier président Noir de l’Histoire » et de surcroît, un personnage charismatique auquel ils s’identifiaient. Seul candidat qui, au détour d’un meeting, faisait sans sourciller référence au « Dirt Off Your Shoulder » de Jay-Z. Rien de comparable avec une Hillary Clinton qui se ridiculise avec des dabs maladroits sur le plateau d’Ellen DeGeneres. Là où l’un embrassait pleinement les codes de cette culture, l’autre tente vainement de lui voler un baiser. Un détail qui ne devrait pas peser lourd dans les urnes, mais qui joue tout de même un rôle dans l’image que véhiculent les candidats. Barack Obama en a d’ailleurs joué tout au long de sa présidence, en invitant à plusieurs reprises des rappeurs à la Maison Blanche, en désignant « How Much a Dollar Cost ? » de Kendrick Lamar comme son titre préféré de l’année 2015, ou ses innombrables « mic drop ».

Bernie Sanders, par son engagement passé dans la lutte contre les lois ségrégationnistes, aurait pu endosser ce rôle du candidat auquel la communauté hip-hop (et plus largement noire) s’identifie pour cette présidentielle. Bun B, Big Boi, T.I. et surtout Killer Mike lui avaient d’ailleurs témoigné leur soutien, chose que Nipsey Hussle – qui a collaboré avec YG sur « FDT » – avouait prendre en compte en avril 2016, au cours d’une interview avec le site Billboard : « J’aime voir ce que Bernie Sanders fait pour le hip-hop et le fait qu’il n’ait pas peur d’assumer le soutien de rappeurs comme Killer Mike. On se doit d’observer quels sont les principes des différents candidats. Obama s’est battu pour la sécurité sociale, la réforme des prisons ou encore le mariage homosexuel et on dirait bien qu’il a fait avancé les choses, même si ça a pris du temps ».

« Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » ?

Mais voilà, Bernie Sanders a finalement échoué aux primaires démocrates face à Hillary Clinton et le prochain président ne sera pas Noir, comme le chantaient Nas et Jeezy en 2008. À vrai dire, plus grand monde ne chante en 2016. Si les rappeurs ont été nombreux à exprimer le dégoût que leur inspire Trump, la plupart l’ont fait via un court post sur leurs réseaux sociaux ou quand les journalistes les lançaient sur le sujet. Les plus téméraires lui ont au mieux accordé quelques mots au fil d’une rime, tel Nas sur « Deep », en featuring avec Robin Thicke. Pas de grandes campagnes en vue. Le salut est finalement venu de YG, un artiste qui n’était jusqu’à présent pas particulièrement réputé pour ses prises de positions politiques ou sociales. Lui-même était le premier à le reconnaître sur « FDT Pt. 2 », lorsqu’il rappait : « Thought I was makin’ songs just to ride to »/« Tu pensais que je faisais seulement des sons juste pour rider ». Sa voix s’est cependant élevée dès le moment où il en a senti la nécessité.

On aurait pu attendre cela de Kendrick Lamar ou de J. Cole, de KRS-One ou de Common, il n’en a rien été. Là où les rappeurs considérés comme « engagés » ont été prompt à évoquer en musique les brutalités policières et la condition des Noirs sur le sol américain, la menace Trump n’aura jamais semblé être une véritable priorité à leurs yeux. Peu importe si sa propension à défendre farouchement le port d’arme est intimement liée aux problèmes pointés du doigt dans leurs morceaux. Eminem a bien fini par dégainer le mois dernier, mais son « Campaign Speech » divague bien trop pour atteindre la force de persuasion de « Mosh », sa diatribe anti-Bush, sortie en 2004. Qu’il s’agisse d’Eminem ou de Kendrick Lamar, on parle pourtant d’artistes dont l’audience et l’influence dépasse amplement celle de l’auteur de « My Nigga ». Il a ainsi fallu deux petites semaines à « Campaign Speech » pour comptabiliser un nombre de vues presque équivalent à celui réalisé par « FDT » en six mois. Cette absence de prise de position de la part des artistes rap a d’ailleurs passablement agacé YG, ce qu’il laissait déjà entrevoir dans le remix de son titre phare : « Ain’t nobody else gon’ speak up, we gon’ speak up »/« Puisque personne d’autre ne veut parler, on va parler ». Dans un long entretien accordé au magazine FADER, le rappeur a pris le temps de préciser le fond de sa pensée : « On a parlé pour beaucoup de personnes qui n’ont pas la plateforme pour s’exprimer ou pour parler au nom de leur communauté. « FDT », c’est pour ces gens-là, c’est une attaque frontale. Trump est là à se comporter n’importe comment, à dire des absurdités comme pas possible. Il est censé représenter les États-Unis d’Amérique, mais on ne peut pas le sentir parce qu’il ne nous représente en rien. On sait parfaitement ce qu’il se passe, on a fait nos propres recherches histoire d’être sûr de bien maîtriser notre sujet – on a fait nos devoirs et on sait aujourd’hui que tout ce qu’on a dit dans le morceaux, ce sont des faits. Les autres artistes, rappeurs, les autres gens ne prennent même pas la peine de le faire. Vous pouvez me remercier, Nipsey Hussle et moi. Le monde du rap ne bouge même plus. […] Le hip-hop s’est bâti sur des prises de position. Rapper à propos de ce propos, de ce qui se passe dans la communauté, à propos de la culture ».

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D’autres artistes ont finalement profité des tout derniers jours précédant l’élection pour se faire entendre plus considérablement. Pharrell Williams s’affiche aux côtés d’Hillary Clinton au meeting de Raleigh, tandis que Jay-Z & Beyoncé ont donné à Cleveland un show XXL en l’honneur de la candidate, où se sont notamment invités Chance The Rapper, Big Sean et J. Cole. À New York, Metro Boomin organisait de son côté le concert « Young Metro Don’t Trust Trump », tout en précisant que cela ne signifiait pas pour autant qu’il apportait son soutien à la démocrate : « Le concert et ses produits dérivés ne veulent pas dire que je supporte Hillary Clinton. Je ne peux pas vraiment dire que j’ai confiance ni en l’un, ni en l’autre… ». Mieux vaut tard que jamais…

Pour ce dernier Somewhere In, on a invité Pablo Attal a partager avec nous les souvenirs argentique de son premier voyage au Sénégal. Un voyage dans la capital qu’il choisira finalement de retranscrire avec les mots d’un autre :

Je n’ai pas la plus belle des plumes, alors je préfère laisser l’écriture aux écrivains. Je trouve ces photos plutôt réussies. Ainsi au lieu de les illustrer avec un texte moyen, lisons donc quelqu’un qui écrit au sujet du Sénégal mieux que je ne pourrait sûrement jamais le faire…

Départ

Je suis parti
Par les chemins bordés de rosée
Où piaillait le soleil.

Je suis parti
Loin des jours croupissants
Et des carcans,
Vomissant des laideurs
A pleine gueule.

Je suis parti
Pour d’étranges voyages,
Léger et nu,
Sans bâton ni besace,
Sans but.

Je suis parti
Pour toujours
Sans pensée de retour.
Vendez tous mes troupeaux,
Mais pas les bergers avec.

Je suis parti
Vers des pays bleus,
Vers des pays larges,
Vers des pays de passion tourmentés de tornades,
Vers des pays gras et juteux.

Je suis parti pour toujours.
Sans pensée de retour.
Vendez tous mes bijoux.

Léopold Sédar Senghor (1906-2001), poète, président du Sénégal (1960-1980)

C’est un tube disco aux allusions lubriques, un succès radio glouton, « Pull up to the bumper ». Sur la pochette du 45 tours réédité en 1985, Grace Jones porte un débardeur gris chiné coupé trop court pour couvrir toute sa poitrine et un slip de boxer taille haute. Les muscles sont saillants, huilés. Comme un air de déjà vu. Dans le clip de « Fade », celui qui l’a révélé aux yeux du monde, Teyana Taylor s’assume comme l’héritière de l’extravagante icône des années 80.

 

Objet de fantasme

Un samouraï africain, un clown, un gladiator, une actrice de kabuki, un toreador … Grace Jones a campé tous les rôles et nourri tous les fantasmes de ceux qui l’avaient érigé en muse. Toujours à demi-nue. Jean-Paul Goude l’a divinisée, la statufiée. Son corps, sculptural, était son terrain de jeu. Il le maniait, le malmenait, le disséquait, le détournait, le « spectacularisait » à l’envie. Entre ses doigts et sous son œil, Grace Jones s’est muée en personnage de science-fiction, en créature mythique. « Mon corps me servait de langage », confiera-t-elle. « Ma performance avait une qualité robotique, un mélange d’humain, d’androïde, d’humanoïde ». Ses courbes bien balancées captivaient, envoûtaient. « Certains artistes séduisent le public, flattent le public, implorent le public, Grace, vous violez le public, votre spectacle est un assaut sexuel », ose un jour Orson Welles sur le plateau du Dinah Shore Show.

 

 

« Fade » aura soulevé le même émoi hypnotique. Dans le clip de Kanye West, Teyana Taylor danse et sue en petite tenue dans une chorégraphie sensuelle et saccadée. Ses abdos découpés, ses fesses rebondies, ses quadriceps modelés et sa poitrine voluptueuse ont fait tourner les têtes de plus de 40 millions de curieux sur YouTube. Depuis, son nom est sur toutes les lèvres. Même celui de Kim Kardashian. « Ok je viens de me lever et de regarder encore une fois la vidéo de « Fade » pour me motiver à faire du sport ce lundi matin. Merci @TEYANATAYLOR » puis « @TEYANATAYLOR a le plus beau corps du monde!!! », twittait la vedette de la fratrie Kardashian au lendemain des MTV Video Music Awards. Un an plus tôt, Teyana Taylor se hissait dans le Hot 10 du magazine Maxim.Dans la foulée, elle posait entièrement nue, enrobée de feuilles d’or craquelées, pour Sasha Samsonova. Parmi les clichés, la chanteuse se délasse sur un matelas dépouillé, cheveux rasés à blanc, lunettes de soleil sur le nez et cigare à la main.

 

Teyana Taylor Sasha Samsonova

 

Sur son Instagram à 4 millions d’abonnés, elle légende : « Maman Grace Mz. Jones Si c’est toi vilaine qui m’a appris. C’est pour toi ». Il y a aussi cette photo, où la belle pose en robe léopard, couchée sur une peau de bête assortie, un pastiche d’un portrait de Grace Jones publié dans l’édition italienne de Playboy en 1978. Samsonova célèbre une beauté façon Jones, androgyne, graphique, hiératique, impérieuse et lascive. Le « body-painting » lui-même évoque les lignes géométriques blanches qu’avait tracées Keith Haring sur la peau de la reine du disco en 1986. Le corps comme toile d’artiste. Mais plus qu’une œuvre d’art ou un « packaging », Grace Jones et Teyana Taylor ont fait de leur enveloppe charnelle une marque. Qui vaut son pesant d’or.

 


« Certains artistes séduisent le public, flattent le public, implorent le public, Grace, vous violez le public, votre spectacle est un assaut sexuel. » Orson Welles


 

Moins de deux mois après la révélation du clip bouillonnant de « Fade », Teyana Taylor affriole de nouveau dans un shooting signé Albert Watson pour le magazine Paper. « Celle-ci est pour ma salope de fée de mère… Hello maman Grace #PAPERMAG #TheHoodGraceJones », écrit le modèle sous l’un des clichés sur Instagram. Elle y apparaît rugissante, la chaire nue imprimée d’un chapelet de lettres et de chiffres. La silhouette athlétique et lubrifiée, magnifiée, le couvre-chef fantasque, la férocité, les perruques, le grillz (rappelant la Une de l’édition du Printemps 1975 de Vogue Hommes)… Tout transpire l’influence de Grace Jones dans cette série capturée par Watson. Quelques semaines auparavant, déjà, Taylor revendiquait la filiation en relayant la couverture du Paper d’octobre 2015, une photo de Grace Jones en noir et blanc, datant de 1978. En hashtag : #MothaGrace.

 

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Mère, fée, plus qu’une inspiratrice, la pin-up jamaïcaine aura été un modèle, une héroïne, un mentor, un ange gardien, aux yeux de la jeune new-yorkaise. Le lien de parenté est plausible, les deux artistes font montre des mêmes bons gênes : un corps naturellement ciselé. « À 6 ans j’avais déjà des tablettes de chocolat », raconte Taylor. Un idéal presqu’irréel, que la maman vingtenaire avait miraculeusement retrouvé à peine quelques semaines après le terme de sa grossesse. Comme Grace, qui alléguait faire très peu d’exercice en-dehors du hula hoop et des sauteries électriques du Club Sept et du Palace (« Je n’ai pas grand-chose à faire pour être musclée. C’est juste génétique »), Teyana, amatrice de junk food, ne jure que par la danse. « Quand je danse, je peux danser 12 heures d’affilée. Je peux répéter pendant 12 heures et ne pas ressentir de fatigue. C’est fou comme le corps tout entier travaille », explique-t-elle. « Strong is the new skinny », paraît-il. Alors on se pâme, s’embrase d’admiration pour cette carcasse aux lignes si parfaites et à l’attrait magnétique, éclipsant tout de go la flopée d’instagirls en legging moulant. « Découvrez le secret que le tout Hollywood meurt d’envie de connaître ! » promet le site de Fade 2 Fit en ouverture. Avec le lancement de son programme d’entraînement, Teyana Taylor compte réintégrer la danse comme une discipline à part entière du fitness. Dans la vidéo promotionnelle, elle rejoue « Fade » en sous-vêtements de sport estampillés « F2F ». Un filon qu’elle épuisera vraisemblablement jusqu’à la corde.

 

If you haven’t seen by now, I have been working to bring you my secrets! Everyone, please check out the link in my bio.  FADE2FIT.COM ! Sign up to get updated on my upcoming FADE2FIT body transformation program!!! You’ll see EXACTLY what I did to get back in shape after having baby Junie! DON’T SLEEP!!! Submit 2 Get Fit with me!!! 💪🏽💪🏽💪🏽 #Fade2Fitness #Fade2Fit #Fade #FadeVideo #dance #Fadechallenge #Juniesmom #TeyanaTaylor #Submit2GetFit #Workout #NewYearsResolution #DANCE #LetsDance

Une vidéo publiée par Jimmy Neutch (@teyanataylor) le

 

Who run the world ?

En 1982, Grace Jones pose dans une cage, délestée de ses vêtements, un morceau de viande crue et une gamelle d’eau aux pieds, sous l’objectif de Jean-Paul Goude, pour les soins de l’ouvrage Jungle Fever. Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme sous Mitterrand, juge à l’époque l’image comme « une atteinte à la dignité des femmes ». Elle fait fausse route. Grace Jones montre les crocs, les lèvres ourlées de rouge à lèvres carmin. Elle semble féroce, indomptée et indomptable, aucunement soumise. « Je n’ai jamais effacé ma part de masculinité, ni ma part animale. Je suis une créature. » Grace Jones était cette amazone, mi-féminine mi-masculine, farouche et indépendante. « Je suis mon propre « sugar daddy » » aime-t-elle à répéter.

 


« Je n’ai jamais effacé ma part de masculinité, ni ma part animale. Je suis une créature. » Grace Jones


 

Ancien garçon manqué, Teyana Taylor est de la même trempe. À la fin du clip de « Fade », la protégée de Yeezy se transforme en créature féline, au milieu d’un cheptel de moutons. Elle étreint son mari, Iman Shumpert, sa fille assise non loin. Teyana se distingue et s’élève au-dessus du troupeau, de la masse, de la plèbe. Devenue lionne à force de travail et de persévérance, elle ne se résigne pas, elle se bat, elle ne suit pas, elle crée. À l’avant-garde, comme Jones. Si la danseuse se meut dévêtue, elle ne fait nullement figure de femme-objet. Vive, fière et déterminée, elle tire les fils de son existence. Sa musculature renforce l’impression de puissance. Le tableau illustre son accomplissement. « C’était plus que de juste danser en brassière et en string », confie l’intéressée auprès de Paper. « Vous pouvez être superwoman. Vous pouvez tout avoir, cet équilibre dans votre relation, votre famille et votre carrière. C’est l’opposé du cliché qui veut que les enfants ralentissent votre carrière. » Grace Jones n’aura pas non plus laissé la naissance de son fils Paulo freiner ses ambitions à l’aube de son âge d’or, en 1979.

 

 

Passée de starlette de seconde zone à icône pop, celle que l’on qualifiait à l’époque de sous-Rihanna a furieusement évolué. « Je veux faire des choses différentes » soufflait-elle à The Fader en 2008. « Ma propre émission télé, mon propre dessin animé, ma propre marque de soins. Je vais essayer de tout faire. » Si Teyana Taylor est dotée d’un joli filet de voix, ses capacités vocales paraissent, comme Grace Jones, relativement limitées. Pas grave, elle voit plus loin, vise plus haut. Chanteuse, rappeuse, auteure, danseuse, chorégraphe, mannequin, actrice, styliste … une diva multi-facettes, comme son idole. Teyana Taylor a pensé la chorégraphie du clip « Ring the Alarm » de Beyoncé, été l’héroïne d’un épisode de « My Super Sweet Sixteen » sur MTV, dansé dans la vidéo de « Blue Magic » de Jay-Z, pondu un morceau à succès, « Google Me », joué dans près de dix films et séries, posé sa voix sur le My Beautiful Dark Twisted Fantasy de Kanye West, écrit pour Chris Brown, Usher et Omarion, dessiné une paire de sneakers pour Adidas puis pour Reebok, livré un premier album et une mixtape ou encore été jurée de la huitième saison de l’émission America’s Best Dance Crew. L’artiste veut tout dévorer. Racée, intense, elle attrape la lumière.

 

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Sur le défilé de la collection Yeezy Season 4, on ne voyait qu’elle, en cycliste et brassière échancrée. De quoi marcher sur les pas de « Motha Grace », fashion queen absolue. Celle qui avoue avoir, comme Jones, un caractère explosif, a aussi bluffé son monde lors des derniers VH1 Hip Hop Honors en se glissant dans la peau de Lil’ Kim. A vrai dire, l’artiste a des talents de transformiste. « Je suis malléable à l’infini » disait Grace Jones, friande des jeux de rôles, des looks futuristes, des chapeaux foldingues et du maquillage prononcé. Comme elle, Teyana Taylor se métamorphose au gré de son humeur, « tomboy » ou « vamp », les cheveux blonds, cuivrés ou noirs, longs, courts, lisses, tressés ou ondulés, les ongles fluos ou métallisés. Elle incarne une foultitude de personnages.

«J’ai signé avec Kanye West il y a quelques années mais je pense que je n’étais pas encore prête. Je pense que le timing, c’est tout. Le timing de Dieu, c’est tout », livrait Teyana Taylor sur le plateau du Wendy Show en septembre dernier. Son heure a sonné, enfin, couvée par une bonne étoile. La même que Grace Jones ?

Le succès se fait désirer. Tantôt ami, tantôt ennemi, il est parfois difficile à obtenir et nécessite une volonté inébranlable. Son enseignement se forge dans la patience, avant d’embrasser la gloire et une reconnaissance nationale. Ninho, rappeur à la croisée entre le 91 et le 77, vient tout juste de sortir sa nouvelle mixtape M.I.L.S, le 21 octobre dernier. Souvent catégorisé comme « freestyleur », Ninho comptabilise aujourd’hui plus de 2 millions de vues par vidéos YouTube. À vrai dire, il n’en est pas à ses débuts dans la musique. Ninho est un rappeur de longue date, expérimenté, qui ne cesse de faire parler de lui. En un clic sur YouTube, on retrouve des vidéos de lui datant de 2013 en train de freestyler dans une voiture… Aujourd’hui c’est dans nos bureaux qu’il vient nous rencontrer pour nous parler de son parcours, de son enfance entre Nemours en Seine-et-Marne et Yerres en Essonne puis de son dernier projet M.I.L.S.

Photos : @booxsfilms

Tu as commencé le rap très tôt, au collège. On a pu retrouver sur YouTube des vidéos de tes freestyles quand tu étais plus jeune. Tu avais déjà des paroles assez sombres pour ton âge… Dans quel état d’esprit tu étais à l’époque ?

J’étais juste un jeune passionné de rap, c’était vraiment un kiff pour moi d’essayer de faire comme les rappeurs. Je tentais de faire comme les grands de mon quartier qui rappaient eux-aussi. J’observais leurs façons de faire et en les écoutant rapper, cette obsession m’est venue. Je rappais avec mes potes pour m’amuser et petit à petit je commençais à développer mon propre style.

Tu t’es essentiellement fait connaître grâce à tes freestyles et remixes. Beaucoup de personnes ont donc eu tendance à te catégoriser comme un « freestyleur ». Ne penses-tu pas qu’on t’a sous-estimé à l’époque ?

Non pas vraiment, c’est l’image que je donnais de moi. J’accordais beaucoup d’importance aux freestyles. Je tenais à ce que mon public sache que je suis capable de « freestyler », de « kicker », avant de pouvoir m’attaquer à un projet et à des morceaux plus construits.

Tu voulais être sûr de maîtriser les bases ?

Oui mais j’étais déjà sûr de moi. J’étais conscient de mes capacités. Je voulais plutôt être sûr que les gens aussi prennent conscience de mes capacités en ne me percevant pas comme un rappeur limité.

Tu as l’air d’être quelqu’un de travailleur et de déterminé. Avais-tu déjà une stratégie, une vision à tes débuts ?

Non quand j’ai commencé c’était vraiment pour m’amuser. Je n’avais pas du tout pensé au concept : Ils Sont Pas Au Courant et Maintenant Ils Savent (I.L.S.P.A.C, M.I.L.S, ses derniers projets, ndlr). C’est au fil du temps que de plus grandes ambitions me sont venues, qu’on a commencé à réfléchir à des concepts avec mon équipe. Etant donné que je n’avais pas de visibilité, je devais réfléchir à des concepts originaux qui interpellent les fans et qui les fidélisent surtout. C’est l’un des avantages de mon public. C’est un public dont je suis très proche et qui me soutient beaucoup. Je pense qu’ils sentent que je suis quelqu’un de vrai, d’authentique.

« Je pense que le rap français fonctionne beaucoup par période. On a eu une grosse période 93, 94 et maintenant c’est au 91 de briller. »

À cette époque, tu faisais des allers-retours entre le 91 et le 77. L’Essonne est un département qui a une place particulière dans l’histoire du rap puisque les rappeurs du département ont souvent été dans l’ombre d’autres MC dont la visibilité était nationale. Comment peut-on expliquer cette situation ?

Dans le 91 on a toujours eu ce côté américain dans notre rap. On écoutait déjà beaucoup de trap et on s’inspirait beaucoup de la culture américaine, notamment celle d’Atlanta et d’autres villes du sud des États-Unis. Peut-être que les fans de rap français n’étaient pas encore prêts pour ce style de musique. C’est vrai qu’on n’était pas autant écouté que les rappeurs du 93 ou d’autres départements. On a une mentalité particulière. On aime bien rester entre nous et ne pas trop se mélanger.

Comment tu définirais le style du 91?

Je pense que c’est un style différent du reste. Notre musique ne sonne pas comme la leur. Prends l’exemple de Niska ou PNL, ils ont réussi à imposer leur propre délire.

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On assiste à une montée en puissance du 91 dans le rap avec PNL, Niska et toi. C’est une évolution logique ?

Je pense que le rap français fonctionne beaucoup par période. On a eu une grosse période 93, 94 et maintenant c’est à nous de briller. C’est une des premières fois que les rappeurs du 91 sont autant exposés. C’est à nous de profiter de cette situation et de faire en sorte que cette « période 91 » dure le plus longtemps possible.

Par la suite tu as déménagé dans le 77 à Nemours. Quel impact a eu ce changement d’environnement sur ta musique ?

En réalité, je n’ai pas ressenti un grand changement. Ce sont deux villes totalement différentes mais la mentalité y est similaire, les gens sont dans le même délire. Tu vas toujours trouver un gars qui te ressemble, sur qui tu peux compter. Je suis un rappeur du 91 et du 77. Je ne revendique pas l’un plus que l’autre mais d’un point de vue rap ce sont deux départements qui ont des points communs. Par le passé, les rappeurs n’avaient pas une énorme visibilité mais aujourd’hui ils se développent dans ces deux départements.

Beaucoup te connaissent comme un « kickeur » pourtant tu es également capable de faire des sons beaucoup plus calmes comme « Dans les temps » ou encore « Bloqués en bas ». Pourquoi ne pas avoir fait le choix de rester fidèle à un style ?

Je pense qu’un bon rappeur doit être tout terrain. Je ne vais pas me cramponner à un style. J’essaye d’être polyvalent et proposer quelque chose de nouveau. C’est en s’ouvrant à d’autres styles que mon public s’élargit.

« À l’époque mes seuls fans étaient mes amis qui m’entourent. C’était grâce à eux que je faisais des vues. »

Néanmoins tu as tout de même une sensibilité au rap américain qui te caractérise : au niveau des clips, du « flow »… Ce style est également dû aux influences américaines du 91 ?

Ces derniers temps de plus en plus de rappeurs français veulent imiter ce que font les Américains. Pour ma part j’ai toujours eu ce côté trap dans mes sons. Comme tu l’as dit, le fait d’avoir grandi dans le 91 m’a permis d’élargir ma musique à ce que font les Américains. C‘est venu au fil du temps naturellement. En tout cas l’influence « cainri » est inévitable. Ce sont eux qui ont inventé le rap donc on est obligé de s’inspirer un minimum de ce qu’ils font.

Tu concilies cet aspect à un style d’écriture très français avec beaucoup de punchlines…

Oui je suis un grand fan de rap français. Vers 12-13 ans j’en ai écouté beaucoup. J’ai donc appris la mathématique du rap en écoutant la musique de mes rappeurs préférés.

Tu analysais les morceaux ?

Oui mais c’était quelque chose d’automatique. Je n’en étais pas forcément conscient mais je commençais à comprendre les changements de « flow », les manières d’utiliser les rimes… J’étais un élève qui cherchait à comprendre la mécanique. Avec le temps, je commençais à comprendre l’importance du changement de mélodie et d’autres aspects techniques. Je n’étais pas apte à comprendre ce genre de choses quand je débutais.

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Tu viens de sortir M.I.L.S, ta nouvelle mixtape. Peux-tu présenter le projet ?

C’est une mixtape dans la continuité de mes trois autres projets. C’est un projet qui vient boucler le concept Ils Sont Pas Au Courant, Maintenant IIs Le Savent. J’ai essayé de continuer sur la lancée de I.S.P.A.C volume 2. J’ai choisi ce titre parce qu’aujourd’hui j’ai un petit public qui s’est formé. Je suis plus attendu qu’auparavant donc je me dois de livrer un projet à la hauteur.

Ils Sont Pas Au Courant car à l’époque les gens ne me voyaient pas comme un gros « kickeur », ils ne savaient pas que j’étais prêt. Les choses se sont faites lentement… De fil en aiguille, ma musique a commencé à tourner dans les quartiers et je commençais à me créer une bonne « fanbase ». D’où le Maintenant Ils Le Savent… Parce que ce n’est que maintenant que les gens prennent conscience de mes capacités. Je me sentais prêt depuis longtemps, je n’ai juste jamais eu l’opportunité de le montrer. À l’époque mes seuls fans étaient mes amis qui m’entourent. C’était grâce à eux que je faisais des vues. Ce n’est qu’à partir de I.S.P.A.C volume 2 que mon public s’est élargi.

J’imagine que M.I.L.S est un aboutissement de longues années de travail pour toi et toute ton équipe. Pourquoi ne pas avoir fait le choix d’un album ?

Sortir une mixtape avec autant de sons que j’estime « lourds » m’oblige à me surpasser pour mon album. J’aime bien quand les choses sont bien faites, je suis assez perfectionniste au niveau de ma musique. Ce sera un album très attendu donc forcément j’ai envie qu’il soit réussi.
J’aurais pu faire le choix d’un album. J’aime beaucoup les sons qui sont sur ce projet mais j’ai préféré me concentrer pour essayer de faire une première mixtape payante de qualité.

« Toujours rester vrai, ce n’est pas le succès qui va nous faire partir en couilles. »

En écoutant ce projet j’ai l’impression que les productions sont plus travaillées.

Effectivement, on a beaucoup travaillé là-dessus. On essaye vraiment de se prendre la tête sur le choix des productions. On reçoit beaucoup de demande de collaboration de « beatmakers », donc tu imagines bien que le choix n’est pas facile. On essaye vraiment de prendre notre temps pour sélectionner les meilleurs.
Je suis quelqu’un d’assez exigeant à ce niveau. J’ai mon équipe qui me suit depuis mes débuts. Ils sont à fond derrière moi et on se consulte souvent. Mais je reste ouvert à toute proposition venant d’un « beatmaker ».

La deuxième différence de M.I.L.S avec I.S.P.A.C sont également tes textes. Tu proposes ici une musique plus personnelle.

Je pense que j’arrive au bon moment pour parler de ma vie et proposer quelque chose de plus personnel. Je voulais exprimer ce que je ressens vraiment. C’est le bon moment parce que mon public a besoin de savoir qui je suis, d’où je viens… Cette mixtape, c’est un peu comme ma carte d’identité, ma carte de visite. Je pense que pour que mon public se sente encore plus proche de moi c’était important que je me livre un peu plus.
À 17-18 ans, je n’avais pas forcément la maturité et le recul pour parler de ma vie et me livrer autant. J’arrive à un stade où j’ai fait du rap mon métier. On peut dire que j’ai une situation stable. C’est le moment de m’ouvrir à mon public sans tout lui dire non plus. Il faut tout de même que je garde des cartouches pour le prochain album.

Je tenais à présent à me focaliser sur le morceau « Tout ira mieux ». C’est un titre assez sombre dans lequel tu dis que le diable entre dans ta tête, tu te décris comme perdu… Dans quel état d’esprit étais-tu quand tu as écrit ce morceau ?

Pour moi ce morceau est juste un constat de tout ce qui se passe dans ma vie. Dans la vie tu as des périodes où tu es triste, d’autres où tu es plus joyeux. Je me suis lâché sur ce morceau et je tenais à faire des titres qui peuvent toucher les gens. Quand tu es triste tu n’as pas forcément envie d’écouter des morceaux joyeux, c’est pour ça que j’ai écrit « Tout ira mieux ». La musique sert aussi à ça : émouvoir et dresser un constat. Dans mon cas le constat n’est pas très beau à voir mais je garde quand même espoir et je me dis que « Tout ira mieux ».

Cette tristesse tu l’as aussi retranscrit dans ton flow, avec un morceau beaucoup moins trap que les autres…

On a vraiment essayé de faire un album qui peut plaire à tout le monde. Les sons sont différents les uns des autres. Tu as des sons comme « Dis moi que tu m’aimes » et « Somnambule ». J’ai parlé de sujets différents : de ma famille, de mes proches, de mes potos… Je t’ai raconté toute ma vie dans ce projet.

Tu n’avais aucun blocage à te livrer autant ?

Si ! Je trouvais ça difficile de raconter ma vie et de me livrer autant. Parler de ma mère, des personnes auxquelles je tiens. J’étais peut-être pas assez mature pour en parler mais je suis arrivé à un point où je me sens prêt.

Quel est donc le terme qui définit le mieux cet album ?

Vrai, vrai, vrai ! « Sah to sah ». Toujours rester vrai, ce n’est pas le succès qui va nous faire partir en couilles. Pour l’instant ce n’est pas un gros succès. Le jour où j’aurais un gros succès ne t’inquiète même pas je vais te le montrer, d’autant plus que c’est un succès acquis de la bonne façon. Pour l’instant je suis toujours entre le 77 et le 91 dans ma cité, en claquettes – chaussettes…

Quels sont tes projets à venir?

Un album terrifiant sur lequel je suis en train de bosser en ce moment. J’espère qu’il va bien marcher et qu’il va plaire au public. Du moins, c’est ce que je me souhaite. On va continuer de charboner.

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L’extraordinaire n’est pas forcément palpable à chaque instant. Quand l’opportunité de discuter avec Myth Syzer s’offre à nous, on y voit un artiste bourré de talent qui ne fait que monter. Il compose des productions originales, il joue pour des soirées prisées, il fait partie d’une espèce de niche parisienne branchée comme s’il en avait toujours été. Tout droit venu de Vendée, Myth Syzer devait faire carrière comme mécanicien chez Alfa Roméo. Pour lui tout ce qui vit n’était pas prévu au programme.

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Photos : @kevinjordanoshea 

À quel moment tu as pris conscience que tu pouvais être producteur ?

Tout petit à 6 ans, je frissonnais quand j’écoutais des sons, ça me mettait dans des émotions de ouf. Un moment, je me suis dit, il faut que je fasse plus que l’écouter, il faut vraiment que je la fasse. Je pense que je peux apporter quelque chose dans cette musique. Au début, j’écoutais ce que mon père et mon frère passaient de Joe Cocker à Otis Redding, de Joe Satriani à Jimi Hendrix, puis Eminem, MC Solaar, Alliance Ethnik… Mon grand frère cachait ses CD, sa Game Boy, il me cassait les couilles. Dès que je trouvais ses albums, c’était comme une relique, j’avais l’impression de trouver un trésor. Du coup, j’avais encore plus d’émotion, le sentiment de braver un interdit. 

Quand as-tu décidé de concrétiser cette envie de faire de la musique ?

Je viens d’une petite ville où il n’y a personne et à un moment on m’a dit que je pouvais faire des dates pour jouer ma musique devant des personnes. Je faisais du son et un jour je suis monté sur Paris, on m’a dit : « Mec, faut que tu fasses une date. » J’ai pris conscience que ça devenait réel.

« Mon grand frère cachait ses CD, sa Game Boy, il me cassait les couilles. Dès que je trouvais ses albums, c’était comme une relique, j’avais l’impression de trouver un trésor. »

Je voulais plutôt parler de l’instant où tu as commencé concrètement à produire ?

À 18 ans. J’avais un pote qui maniait déjà son logiciel de musique et il m’a demandé : « T’es chaud d’en faire avec moi ? » J’ai sauté sur l’occasion. Pendant longtemps, j’étais en phase d’apprentissage car il n’y avait pas les tutoriels YouTube. Du coup, ça se faisait par le bouche à oreille grâce aux potes. D’ailleurs avec Ikaz Boi, on est ensemble depuis le début.

Alors qu’on pourrait croire de l’extérieur, avec vos deux signatures sur Bromance, qu’il s’agit d’une connexion parisienne.

À la base on est du charbon de ouf nous ! On a évolué ensemble, on est « poto » depuis 10 ans, ça fait plaisir. On a commencé le son ensemble, il m’a appris des trucs, je lui ai appris des trucs. En fait, c’est un pote qui nous a connectés car je crois qu’on était les deux seuls à faire des « instrus » dans notre coin (rires, ndlr).

Tu as besoin de conditions particulières pour travailler ?

Avant quand j’étais dans un truc un peu plus doux et émotionnel comme mes projets Hyt, j’éteignais les lumières quand je composais. C’était moins du beatmaking, on est dans l’ambiance tu vois ? J’avais plus besoin d’être dans mon univers pour faire ça. Mais le genre d’instru pour rappeur, je peux les faire dans le train. Je suis pas mal inspirer dans les transports. Dans le train, je sors mon ordi pour composer et dans le métro dès que je rentre chez moi je m’y mets. Parfois j’enregistre des notes vocales ou des personnes qui font de la musique dans le métro pour les sampler. Il y a un mec qui fait de la flûte à République qui est trop lourd, je l’ai rajouté sur un son. J’adore l’ambiance de la ville, le bruit des gens qui passent je trouve ça super intéressant, donc si je tombe sur des mélodies, je prends.

D’ailleurs, on ressent cette ambiance avec Bon Gamin. Comment ça fonctionne entre vous ?

Ichon peut me dire : « J’ai envie de me mettre dans ce style. » Du coup, boom, je le fais. Loveni me passe un sample, du coup je vais le sampler. Et moi parfois j’arrive avec mes beats et ils en kickent certains et d’autres non. On n’est pas forcément obligés d’être ensemble en studio pour réfléchir aux processus de création. On a un groupe Facebook, on se parle là-dessus et on se rejoint après pour enregistrer. Mais parfois on se fait des brainstorming un peu plus important où on se pose ensemble pour réfléchir à ce qu’on souhaite apporter sur un track, un projet…

À tes débuts, tu multipliais les projets, tu travaillais avec un tas d’entités, Joke racontait même dans une interview que tu lui envoyais des « palettes de prods » impressionnantes…

À l’époque, j’étais super-productif de ouf. Aujourd’hui je suis plus dans la qualité que la quantité. Je ne suis pas content de tout ce que j’ai fait actuellement mais j’essayais, c’est ça le truc. J’expérimentais tout : des nouveaux styles, des nouvelles sonorités, des nouveaux drums

Cette productivité dénote un peu au cœur du label Grande Ville où les projets demandent plus de temps et accouchent parfois dans la douleur.

Ouais. Mais je t’avoue que moi je ne suis plus trop dans Grande Ville, t’as vu…

Ah ouais ?

Ouais. Justement, musicalement je me concentre vraiment sur moi aujourd’hui et sur Bromance. Ce sont des potes mais je ne fais plus rien avec eux.

D’ailleurs comment s’est faite la connexion avec Bromance ?

Directement avec Brodinski sur Twitter.

« Parfois j’enregistre des notes vocales ou des personnes qui font de la musique dans le métro pour les sampler. Il y a un mec qui fait de la flûte à République qui est trop lourd, je l’ai rajouté sur un son. »

C’est une opportunité que tu attendais ?

J’y ai pensé avant que ça m’arrive. J’adorais l’image qu’ils avaient, leurs prises de risques et le rayonnement international. Ils ne restent pas dans la case du petit Parisien qui fait de la musique pour Parisiens. Je trouve que leur direction artistique est super cool.
Un label c’est un encadrement en plus, je pourrais être dans mon coin dans une grotte mais ce n’est pas la vie que je veux. Je recherche à partager des choses avec des gens, il ne faut pas être égoïste avec sa musique.

Aujourd’hui, tu cherches à te consacrer uniquement au projet « Myth Syzer » ou tu vas aussi travailler pour d’autres artistes ?

J’aime les deux, j’aime le projet solo et j’aime le projet beatmaker que j’aimerais approfondir pour la scène US et certains en France. Ça va être du 50-50. Vraiment, j’aime autant être en studio avec des rappeurs qu’être sur scène pour défendre mes idées. Justement Bromance me permet de faire tout ça. Brodinski est hyper-connecté aux États-Unis, il m’aide beaucoup sur mes placements de prods. Mais je crois finalement que je préférerais acquérir une dimension d’artiste solo, que les gens se déplacent pour écouter ma musique. Donc ça serait plus du 70-30.

La suite pour toi c’est les États-Unis ?

Je n’ai pas forcément envie de vivre là-bas, mais je souhaite vraiment produire des rappeurs américains : genre Young Thug, Future, Lil Uzi Vert…

Cerebral, l’EP que tu as sorti avec Ikaz Boi, sonne un peu comme une introduction à d’autres projets en commun ?

Ce sont les cacahuètes, c’est l’apéritif. C’est possible qu’il y ait une suite car c’est un duo qui marche bien. Ma mère me dit souvent que quand on fait des trucs tous les deux, ça se passe bien, donc il faut continuer.

[Rires] Ta mère a un regard sur ce que tu fais ?

De ouf ! C’est ma fan numéro un, elle est super à l’écoute. Elle aime quand je suis calme, quand je suis doux. C’est ce qu’il y a de mieux, d’avoir une maman qui t’encourage.

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Quelle est l’histoire derrière la pochette de Cerebral ?

C’est quoi la pochette ? C’est deux potos qui se parlent, il n’y a pas d’artifice. On avait kiffé sur la cover d’un gars des États-Unis, c’était un truc super simple à l’argentique. Du coup, on s’est dit qu’on allait trouver un petit spot sympa et faire ça. Il y a eu plein de shoots et la photo sur la pochette on savait presque pas qu’elle avait été prise. Et on trouvait ça cool qu’il y ait un gars qui ne qui ne fasse pas parti du duo… Le renoi a droite fait partie intégrante de la pochette. Ce cliché ressemble vraiment à la vraie vie, on est nous-mêmes.

Comment vous travaillez ensemble sur les clips ?

Pour le clip avec Hamza, chacun amène ses idées que ce soit moi ou Ikaz. On expose notre vision par mail et du coup en découle une conversation pour vraiment avoir ce qu’on recherche.

Comment s’est faite la connexion avec Hamza ?

Par le biais de Nico Bellagio qui est le DJ d’Hamza, c’est mon poto depuis longtemps de ouf. Il m’a dit : « Faut que tu checkes un Hamza, c’est un rappeur qui veut que je sois son DJ. Dis-moi ce que tu en penses ? » La première fois que j’ai écouté, je n’avais pas kiffé tu vois. Et je suis retombé dessus sur Facebook par hasard et j’ai pris conscience qu’il était lourd. Du coup, je l’ai rappelé pour lui dire : « En fait, ton pote Hamza, j’avais trouvé ça pas top mais c’est lourd. » Depuis on est tous pote de ouf.

Qu’est-ce qui t’avais déplu au départ ?

Sa voix de gosse… Mais après j’ai pris conscience que c’était une force. Puis il a un sens de la mélodie qui est lourd.

« Ma mère me dit souvent que quand on fait des trucs avec Ikaz Boi, ça se passe bien, donc il faut continuer. »

Ce qui est drôle c’est que toi et Ikaz avaient choisi tous les deux de remixer « Respect ».

Bellagio avait les a cappella et je lui ai dit : « J’aime trop ce son. » Du coup, il me l’a passé et j’ai fait mon remix. Ikaz a eu la même démarche. On ne s’est pas tenu au courant mais ça tombait bien : on sort un projet ensemble autant qu’on sorte un remix ensemble. Je trouve que son remix est lourd. Ce qui est cool c’est qu’on a eu deux approches très différentes.

Plus largement, tu travailles de quelle manière avec les rappeurs. Tu es réputé pour envoyer des « palettes de prods ».

C’est fini ça ! Les rappeurs ne méritent pas autant de prods, les rappeurs ne méritent plus rien, les rappeurs méritent plus que cinq prods maximum. J’étais jeune et comme je te disais, je me sentais vraiment productif. À l’époque, je connaissais moins de rappeur donc je misais tout sur le rappeur à qui j’envoyais.

Tu cherches à travailler avec d’autres rappeurs ?

Non, je suis très content des rappeurs avec qui je travaille actuellement. Le seul pour qui j’aimerais faire une prod, c’est Booba. Il n’y a que lui, la vérité. Après j’aime aussi Jok’air de la MZ, j’avais kiffé le son qu’il avait fait avec Alkpote (« Déjà Mort » pour le projet Ténébreuse Musique avec Sidi Sid) et S.Pri Noir.

Je te sens un peu déçu du rap français, tu penses quoi du genre en ce moment ?

Je suis déçu parce que c’est une musique que j’aime et quand je vois le taf que font les mecs, je trouve que ce n’est pas top quoi. J’ai le sentiment qu’il y a trop de copie, de A à Z. Juste PNL a apporté quelque chose de différent, mais pour ceux qui marchent c’est la même soupe autrement. Même si je n’écoute pas forcément, je reconnais que PNL et MHD avec son « afro trap » tranchent avec ce qui se fait. Je respecte. Même JUL a sa patte.
Il y quelques temps, Joke a apporté un truc de malade même si aujourd’hui il est hate. Tout le monde le pompe maintenant, de son style vestimentaire à son flow. Il a juste fait de mauvais choix marketing dans sa carrière.

Comment tu vois le mainstream en France à l’avenir ?

Je ne sais pas ce que ça va être… Musicalement on est bon mais il y a un problème tu vois. Ce n’est pas comme aux États-Unis où Drake peut sortir un son où il n’y a même pas de « drum » comme « Charged up » avec 40 qui était premier sur Billboard. En France ça n’arrivera pas, un gars qui n’a pas de « drum » sur son « instru » ne sera jamais premier. On n’est pas prêt, on a une longueur de retard.
L’industrie est frileuse, quand PNL faisait 10 000 vues je peux te dire que Universal ne sautait pas dessus. Ils attendent juste qu’il y ait des vues sous des clips pour signer, c’est tout. Tous les médias et les maisons de disques pourrissent la musique. Les relais des médias sont principalement de gars qui sont déjà en place.

En tant qu’acteur du projet Bon Gamin, comment tu vis le fait que beaucoup reconnaissent la qualité de votre travail mais que quantitativement tout cela reste assez confidentiel ?

Au début, ça te fait chier quand même. On a le cul entre deux chaises : on ne fait pas du rap de « tess » et on ne fait pas du rap de « swagger ». Et l’entre deux ne marche pas, c’est tout. On est content, on fait ce qu’on aime. C’est le principal tu vois.

Ouais ?

Je n’aurais jamais cru que je ferais des interviews dans ma vie. Pour moi, mes instrus, c’était n’importe quoi, tu vois ? Tu veux que je te dise un truc ? Quand j’étais jeune et que je commençais à faire des prods, un truc qui me faisait rêver de ouf, c’est de me dire qu’un jour je prendrais un cachet à 100 € et que je jouerais devant 20 personnes. Je voulais être dans la même lignée que des mecs comme Elaquent. Et aujourd’hui, je suis plus gros que Elaquent et je trouve ça ouf. Je n’ai jamais cru une seule seconde que je ferais ça à ce point là. Même avoir des paires de chez Nike gratos, des trucs de chez Adidas… C’est tout con.
Je touche de l’argent pour jouer de la musique devant des gens, c’est incroyable pour moi. À la base je suis mécanicien et je me voyais continuer la mécanique chez Alpha Roméo, tu vois. C’est un rêve pour moi. Je vois des gars démonter des scènes au soleil sur lesquelles on joue… Ils ne gagnent pas le tiers de ce qu’on gagne… C’est dégueulasse. J’ai toujours eu du mal avec les gens qui gagnent de l’argent à rien foutre, et le fait que ça m’arrive me fait réfléchir. Je ne suis pas blindé, je ne suis pas Kaytranada. Mais je trouve ça déjà ouf ce qui se passe.

« Je vois des gars démonter des scènes au soleil sur lesquelles on joue… Ils ne gagnent pas le tiers de ce qu’on gagne… C’est dégueulasse. »

En plus ta cote montant, le prix de tes productions et de tes shows risquent de grimper. L’écart devrait encore s’accroître.

Ça me fait flipper, mais je suis prêt. Je suis prêt pour cette money frère [rires]. Après je suis quelqu’un de très raisonnable, je ne rêve pas de trucs de fou. Je veux juste kiffer ma vie tranquillement.

Je ne savais pas que tu étais mécanicien.

Je kiffe trop, je serais prêt à le redevenir. Je n’ai même pas eu mon BEP mais j’étais archi-bon en pratique, tous les garages me kiffaient. Je suis passionné de voiture. Un jour j’en ai eu marre d’avoir les mains dans la merde donc je me suis consacré à la musique.

Le producteur n’est pas un peu le mécano de la musique ?

Ouais, j’aime tout ce qui se fait avec les mains, le bricolage, l’artisanat. C’est un peu des mathématiques.

Pourtant tu dégages l’image du hipster parisien ?

Mec, je te jure que je suis habillé comme ça depuis que je suis né. J’ai eu ma première paire de AirMax 95 en 1995 [en montrant sa paire de basket]. Si aujourd’hui c’est la tendance, ce n’est pas de ma faute… Donc je deviens un hipster… Ça me fait un chier un peu. C’est chiant d’être un hipster mais on est tous le hipster d’un autre. Donc je m’en fous, j’assume.

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Il faut bien le reconnaître, nos photographes aiment joindre l’utile à l’agréable en choisissant des destinations chaudes, parfois brûlantes : Madagascar, Mexique, Grèce, Guyane… Cette fois le Somewhere In vous fait découvrir les paysages norvégiennes par Nina Kauffmann.

Et pourtant je préfère le soleil.
C’est donc bien pour quelques uns de ses habitants plus que pour le pays en lui-même que je me suis rendue là où en octobre il fait déjà -4°C et où le nuit s’abat sur vous dès 17h30.
D’un naturel peu bégueule, j’ai abordé la visite d’Oslo et des alentours de Lillehammer dans la montagne comme la découverte intéressante de quelque chose qui ne m’attire pas a priori.
Le choc des températures n’est rien à côté de celui des cultures. Le froid impose un calme se transformant en sérénité lorsque l’on arpente les rues dégagées et silencieuses de la capitale.
Pas (ou peu) de pollution, des vieux bâtiments colorés en parfait état, des structures architecturales modernes qui respectent le cadre naturel. À tous les coins de rues des « kaffebrenneriet » pour vous réchauffer et des salles de sports pour vous dépenser. Et comme si tout ne semblait pas assez idyllique, le centre du prix Nobel de la paix vous accueille ainsi que des artistes chargés de vous rappeler en pleine rue que dans le reste du monde tout ne va pas aussi bien.
Il faut certainement rester bien plus longtemps qu’une petite semaine pour découvrir les aspérités d’une société qui en surface reflète la perfection.
En attendant la nature elle, s’offre à vous brute et toute entière. Les contrastes entre couchés de soleil éblouissants et brumes matinales aveuglantes auront amplement suffit à contenter les désirs d’exotisme de mon objectif.

Instagram : @kaufmannnina

C’est dans la tumultueuse relation qui l’unit à son label et dans un contexte alarmant pour les réfugiés autour du monde que « AIM » le cinquième album de M.I.A, a finalement vu le jour. De passage à Paris il y a quelques jours, l’artiste a rencontré YARD pour nous parler de ce dernier projet.

Le Somewhere In est de retour avec un tout nouveau numéro à Madagascar. Cette fois c’est Ernest Bouvier qui s’est armé de son appareil photo pour saisir toute la dimension de l’île qui vire au large du l’Afrique du sud-est.

« Mon premier reportage photo devait être porteur de sens. Ayant 17 ans et encore lycéen, je ressens un réel besoin de m’exprimer face à notre génération. Madagascar, c’est une culture, une misère, et un bonheur dont j’ignorais l’existence. Ce voyage m’a permis de prendre du recul sur le quotidien de ma vie parisienne. Derrière mon appareil photo, je souhaitais faire passer un message à cette jeunesse insouciante, dont je fais partie : sensibiliser le plus de personnes, tout en les faisant rêver. Maintenant, je ne souhaite pas réellement qu’on reconnaisse mon travail artistique en tant que tel, mais surtout qu’on accorde, un minimum de temps pour avoir une idée de ce pays. »

Instagram : @ernestbouvier

 

 

 

Malgré les fleurs sur le papier peint et l’éventuel sourire du personnel, les maisons de retraite sont des mouroirs où l’on tente vaille que vaille d’égayer le déclin des cellules. Encore que… le repos de mon arrière-grand-mère s’est paisiblement déroulé dans une propriété accueillante où l’on pouvait voir s’ébrouer Birdy et Gredin, deux cockers facétieux. Le destin m’a une nouvelle fois confronté aux maisons de repos puisque Josette, ma grand-mère de 89 ans, a été admise chez Korian, aux alentours de la gare de l’Est. Il a fallu s’y résoudre, ma petite mamie ne pouvait plus descendre les escaliers quatre à quatre pour aller à une YARD Party.       

 


Texte extrait du YARD Paper #4


 

Nous sommes en début d’année 2014 et il faut bien l’avouer, Josette n’est plus très fringante. Si elle a la motricité de Yoda dans l’Empire contre-attaque, son verbe est encore un sabre-laser efficace et sa faconde demeure le meilleur baromètre de sa santé mentale. D’un commun accord avec mon père, Josette accepte le deal du lit motorisé et des repas grincheux à heure fixe.

Une semaine plus tard je pénètre dans la maison de retraite en passant par un digicode et un sas de banque. Le hall est conforme à mes attentes : quelques vieilles dames éparses mijotent dans une odeur chaude de potage. C’est propre et triste, mais comment pourrait-il en être autrement ? Les locaux abritent les dernières galipettes d’une troupe de vieillards, on est en plein dernier souffle, celui qui précède l’oubli définitif.

 


«C’est ça que tu devrais trouver, Bardamu, une cougar. T’en as une ? » Je fais non de la tête. « Connard ! » me tançe-t-elle alors, toujours soucieuse de mon épanouissement matériel.


 

Je monte au quatrième étage et me dirige jusqu’à la dernière chambre à gauche. Josette est allongée de tout son long, ce qui est peu. Son petit corps souffreteux affiche un teint bien pâle. Mon cœur se serre de la voir si vulnérable, si proche de la fin du film ; elle, pourtant si coquette quelques années auparavant, maquillée avec soin et garnie de breloques onéreuses. Elle est dorénavant dépossédée de ses atours de femme du monde et réduite à la plus simple expression de sa nouvelle réalité de vieille dame fatiguée. Mais fort heureusement son œil espiègle pétille encore et s’agite au rythme de ses histoires.

Les semaines passent et je rends de régulières visites à Josette. Mon père, en fils digne et aimant, est à ses côtés tous les jours. La pauvre est alitée avec son kit de survie à proximité : téléphone, sel, parfum, tomates-cerises, clémentines, dictionnaire, mots croisés et, surtout, les œuvres de Jean d’Ormesson, auteur « druckerisé » qu’elle redécouvre avec enthousiasme. Elle est en forme aussi. Elle m’informe que la dame de l’accueil pense à tort que mon père est le mari et non le fils : « Elle est débile ou quoi ? Elle m’a prise pour une cougar. Comme si j’allais engraisser un petit jeune… C’est ça que tu devrais trouver, Bardamu, une cougar. T’en as une ? » Je fais non de la tête. « Connard ! » me tançe-t-elle alors, toujours soucieuse de mon épanouissement matériel. Elle me parle aussi de Jérôme, le kiné, « qui est très gentil », et qui lui impose quelques balades dans le couloir, qu’elle exécute à 0,3 km/h. Tout bien considéré il ferait presque bon vivre dans cette pension qui coûte la peau des fesses. On est hors du temps chez Korian, ça tourne en slow motion, la semaine est faite de sept dimanches soir. Mais les erreurs sont évidemment légion, ce qui motive autant de réprimandes perlées sur les lèvres de Josette. Ainsi, quand une interne oublie de lui apporter un repas, le couperet s’abat sans tremblement : « La France va mal, le chômage augmente, la croissance est de zéro, et ici il y a pas une fille pour t’apporter le goûter ! »

Notez que son cynisme n’est jamais malveillant.

 

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D’autres personnalités du lieu se dessinent au fur et à mesure. Madame Koenig, par exemple, dans la chambre d’en face, qui pète un plomb de temps à autre et qui hurle à la nuit tombée. « Elle a dû faire du music-hall », susurre mon père en punchliner flegmatique. Les soirs de gala, elle accueille Patrick, un débonnaire interne, par des aménités bien précises : « Au viol ! À l’assassin ! »
Et puis M’ame Clavel, M’ame Chauvin, M’ame Cousseau… Josette tente bien de tisser un lien avec ses copines d’étage : « On se fait des civilités. Quand elles n’ont pas le cerveau trop embrumé, ça va. » Georges Brassens avait parlé de ces dames que la vie n’a pas toujours connues biscornues : « Quand tu penses qu’il y a soixante ou soixante-dix ans des types se sont tapé sur la gueule pour elles. »

 


« C’est vrai qu’elle n’existe plus vraiment, Lily ; juste un tout petit bout racorni qui s’affaisse un peu plus chaque jour, comme si un dieu taquin appuyait sur son dos avec un pouce omnipotent. »


 

             

Josette s’est prise d’affection pour Lily. Lily est une dame très vieille et très abîmée, tellement foutue qu’on l’imagine petite fille à l’époque de Bonaparte. Dorénavant elle est mal pliée sur une chaise roulante et limitée aux fonctions naturelles du corps. Lily émeut beaucoup Josette, qui ne manque pas de lui signifier sa tendresse à chaque fois qu’elles se croisent. Elle lui attrape le bras, la caresse vigoureusement, lui adresse des mots gentils… La pauvre Lily réagit comme elle peut avec le bout de cerveau qui marche encore et répond à ces charmantes attentions par des borborygmes que j’imagine mondains. Ma Josette décrit la manœuvre avec beaucoup de poésie : « Je veux la faire exister. » C’est vrai qu’elle n’existe plus vraiment, Lily ; juste un tout petit bout racorni qui s’affaisse un peu plus chaque jour, comme si un dieu taquin appuyait sur son dos avec un pouce omnipotent.

 

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Moi, j’essaie de raviver les souvenirs de Josette, d’en savoir plus sur son histoire. Elle a eu une très belle vie et un très beau mariage. Un seul enfant, mon père. Un seul mari, qui fut sans doute son seul amant. Un ciel bleu en continu, pas de tempête, le cœur au chaud. Une vie collée au radiateur, une félicité convenable qui peut sembler morne vu depuis nos soirées débridées. « Le bonheur rangé dans une armoire », aurait dit Audiard.

Sa fin de vie la rend philosophe et lucide. Elle parle de sa mort avec beaucoup de simplicité, elle la souhaite pour ainsi dire : « C’est terrible la vieillesse, tu sais, on ne peut plus rien faire, à quoi bon, j’ai fait mon temps. » Le pragmatisme glacial de Josette écaille mon immortalité que mes 36 ans inquiètent déjà. Certaines anecdotes tournent en boucle : « Je radote, mais bon… Tu sais, en fin de vie, on résume. » Avec Josette ma larme se fraye toujours un chemin pour mourir dans les plis du sourire.

 


« Avec Josette ma larme se fraye toujours un chemin pour mourir dans les plis du sourire. »


 

Et puis, un soir de septembre, la salle des machines s’est arrêtée. Plus de batterie. Elle s’est endormie pour la toute dernière fois dans les bras de mon père. Il témoigne de la sérénité de son dernier souffle. Elle est partie comme elle a vécu, quiète et discrète.

Ma mémoire se refuse à une posture trop mortifère, c’est donc les bons mots de Josette qui palpitent dans mes souvenirs comme un banc de saumons coincé dans une flaque.

Pas de grands bouleversements chez Korian, ce n’est pas la première cliente qui casse sa pipe. Toute la troupe continue sa tournée, scellée au même théâtre. Je sais bien qu’une autre petite dame s’est glissée dans la chambre de Josette, dans ses draps pas encore froids. Dans une maison de retraite, la vie n’arrête jamais de finir.

 

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Illustration : Lazy Youg

Dans un des tout premiers articles publiés sur notre média, l’ami Bardamu s’était improvisé arbitre d’un débat aussi vain que tumultueux, et qui semble voué à agiter éternellement la sphère rap. D’une part, les auditeurs plus âgés, les « puristes », gardiens d’un héritage culturel qu’ils jugent bafoué par l’évolution de la musique hip-hop. D’autre part, la nouvelle génération, dont les oreilles neuves ignorent parfois tout des disques qui ont construit l’identité artistique de leurs rappeurs favoris. Les vieux cons et les jeunes branleurs.

Si Bardamu avait de son côté conclu l’opposition par un partage des points en somme toute logique, la partie que se livrent les deux camps n’en est pas pour autant arrivée à son terme. Il faut dire que le temps n’arrange pas les choses : les vieux sont chaque jour un peu plus cons, et les jeunes sont chaque jour un peu branleurs. Les rôles étant d’ores et déjà bien définis, seul le casting change désormais. Et dernièrement, le casting a pris une toute autre envergure, propulsant à nouveau la discussion sur le devant de la scène. Il y a quelques mois, Ebro Darden – notre vieux con – 41 ans dont plus de la moitié passés à l’antenne, pilier de la station de radio new-yorkaise Hot 97, invitait dans son émission Lil Uzi Vert – notre jeune branleur – la nouvelle sensation « rap » de Philadelphie, de 19 ans son cadet. Très naturellement, Ebro a invité Lil Uzi à se prêter à l’exercice du freestyle, un rite de passage presque obligatoire sur Hot 97 au travers duquel Meek Mill, Joe Budden ou encore Joey Bada$$ se sont récemment illustrés. Seulement, de toutes les productions qu’il pouvait donner à ce gamin biberonné par la trap, l’animateur avait initialement choisi de lui jouer « Mass Appeal » de Gang Starr. Une piste composée par DJ Premier que Lil Uzi a rapidement déclinée, prétextant qu’il était « trop jeune » pour ça. Sacrilège.

Lil Uzi Vert – « Mes fans ne seront pas déçus si je refuse de rapper là-dessus, ils me comprendront  »
Ebro – « Oh que si, ils le seront… »
Lil Uzi Vert – « Je suis sur que non. En revanche, TES fans seront certainement déçus, eux, tous les anciens là… »

Plus récemment encore, c’est Lil Yachty qui endossait à son tour le costume du jeune impertinent en avouant très honnêtement « ne pas être en mesure de nommer 5 sons de Biggie ou 2Pac ». Avant lui, Vince Staples avait également affiché son scepticisme face à cette période que l’on a coutume de désigner comme « l’âge d’or » du hip-hop. Interrogé par le magazine TIME en octobre 2015, le rappeur de 23 ans expliquait à demi-mots ne pas comprendre l’engouement suscité par les 90’s, aussi bien d’un point de vue musical que culturel. « Je suis né en 1993 à Long Beach, en Californie, et je ne garde pour ainsi dire aucun souvenir de cette époque parce que j’étais un bébé, mais je suis sûr que c’était quand même cool […] Peu importe ce que tu as écouté ou regardé quand tu étais jeune, ca restera tes musiques, films ou dessins animés préférés parce qu’ils auront fait ce que tu es aujourd’hui » s’était-il alors sobrement justifié. Ce qui n’a pas empêché TIME de titrer cette interview publiée dans sa version web d’un très polémique « Meet the Rapper Who Thinks the ’90s Were Totally Overrated ». Les médias le savent, ce genre de prises de position fait souvent l’objet de réactions fortes et il suffit de les tirer légèrement en épingle pour obtenir le tiercé gagnant : clics, commentaires et viralité. Bon nombre de leurs confrères, de Complex à Hypetrak, ne se sont d’ailleurs pas fait prier pour partager la nouvelle telle quelle, gardant ainsi le titre de la discorde. Présentés ainsi, les états d’âme de Vince Staples n’ont pas manqué de heurter une certaine frange du public rap, qui s’est empressé de le lui faire savoir via les réseaux sociaux, et ce même en passant généralement à côté de son propos global. Un scénario auquel n’ont pu échapper ni Lil Yachty, ni Lil Uzi Vert. Dans le cas de ce-dernier, même l’intervention pourtant symbolique de DJ Premier, venu apaiser le jeu sur Twitter en prenant la défense de son benjamin, n’a pu contenir la fronde.

DJ PREMIER LIL UZI VERT

Des racines aux branches…

Quelques décennies plus tôt, au devant d’une épicerie de l’avenue Bedford à New York, un Christopher Wallace juvénile, chemise à motifs et bouteille à la main, dégaine son fusil verbal et mitraille son opposant du jour devant quelques dizaines de témoins. L’archive date de 1988 et constitue aujourd’hui l’un des freestyles les plus iconique du regretté emcee. La performance de B.I.G. esquisse le parfait portrait du rappeur « kickeur », celui met un point d’honneur à se surpasser dès qu’il prend le micro et rappe quelque soit le lieu, les conditions ou le beat qu’on lui envoie. En 2016, les mêmes auditeurs qui se délectaient des averses de flow du Notorious se retrouvent avec des gamins irrévérencieux qui, en plus de choisir leurs instrus, sont coupables de piètres prestations derrière le microphone. Et pour eux, il est inconcevable que Lil Yachty et Lil Uzi Vert puissent être associé au l’art autrefois pratiqué par la légende new-yorkaise. Lil Uzi et Lil Yachty « ne sont pas des rappeurs », ils « ne sont pas hip-hop ».

Rejeter de telle manière ces artistes du mouvement auquel ils sont commercialement et médiatiquement rattachés devrait normalement être perçu comme une terrible offense. Et pourtant, les principaux concernés ne semblent voir aucun problème à cela. Au contraire, eux-mêmes affirment ne pas se considérer comme des « rappeurs » à proprement parler. Et dans la nouvelle génération, ils sont nombreux à partager ce sentiment. Lil Uzi et OG Maco se définissent par exemple en tant que « rock star ». D’autres comme Lil Yachty ou Tory Lanez optent carrément pour des néologismes au moment de circonscrire leur registre musical. Le premier fait dans la « Bubblegum trap », le second fait dans le « Swavey ». De son côté, le phénomène Desiigner a récemment avoué se considérer simplement comme un « artiste ». Pas de rap en vue. Comme s’ils jugeaient le carcan trop étroit pour résumer le faisceau d’influences diverses qu’ils représentent. Comme s’ils savaient eux-mêmes que leur musique ne correspond pas aux attentes de l’auditeur de rap traditionnel.

Kanye West Influence

Ces jeunes pousses se sont en effet développées dans les années 2000 voire 2010, au cours desquels le hip-hop s’est mis à rayonner au-delà de ses frontières naturelles, jusqu’à devenir une sorte de nouvelle pop culture. Dans son interview avec Ebro, Lil Uzi Vert évoquait par exemple le rôle prépondérant qu’a joué 808’s & Heartbreak dans son envie de devenir artiste. Le choix de ce disque est symptomatique. Car si Kanye West est étiqueté « hip-hop », cet album spécifique avait été introduit comme l’étendard d’un nouveau registre musical, le « pop art », à une époque où Ye estimait en avoir fini avec le rap : « Ce n’est pas du hip-hop. Prendre un sample, le mettre en boucle et faire toutes ces conneries de « Levez les mains en l’air » ; c’est devenu bien trop cliché. Le hip-hop, c’est fini pour moi. Sur cet album je chante, je ne rappe pas. J’ai dû créer un nouveau genre pour définir la musique que je fais aujourd’hui. Je l’appelle « pop-art », ce qui ne doit pas être confondu avec le mouvement d’art visuel du même nom. J’ai réalisé que ma place dans l’histoire était d’être la voix d’une génération, d’une décennie ». 808’s & Heartbreak s’est finalement inscrit en rupture totale de son œuvre et de celle de ses contemporains : au travers de son utilisation massive de l’auto-tune, de la TR-808, et de la vulnérabilité insufflée sur chacun des titres tournant essentiellement autour de sa rupture amoureuse avec Alexis Phifer et la perte de sa mère. Un projet qui a inspiré toute une génération d’artistes qui ne s’en est jamais réellement caché, de Drake à Frank Ocean, en passant par Childish Gambino et désormais Lil Uzi Vert.

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Outre Yeezy, la liste des influences du natif de Philadelphie comprend notamment Wiz Khalifa – son idole – Marilyn Manson et le punk GG Allin, tous deux réputés pour leur jeu de scène transgressif et violent. Dans le cas des derniers cités, difficile d’établir un lien direct entre leur œuvre et celle de Lil Uzi. Et pour cause, ces personnalités ne l’ont pas nécessairement inspiré d’un point de vue strictement musical, mais plus par leur attitude, notamment scénique. « GG Allin se foutait de tout, il ne suivait aucune règle. Il pouvait se mettre nu sur scène, il cognait des gens dans le public, il était complètement fou. […] C’était une vraie rock star, dans sa dimension la plus crue. Beaucoup de gens n’aimaient pas ce qu’il était, mais moi je trouvais ça plutôt cool » s’explique-il dans une interview accordée à FRP TV. Les plus jeunes n’ayant pas forcément le même rapport à la musique que leurs aînés, de plus en plus de rookies se revendiquent de l’influence d’un style vestimentaire, d’une aura, d’une posture adoptée par un artiste plus que de sa discographie. Dans une série de tweets prenant la défense de la nouvelle génération, le producteur 9th Wonder – 41 ans – abondait dans ce sens : « Sans même considérer le fait qu’il y ait des ‘sons visuels’, je vous parie que le vieil auditeur et le gamin n’écoutent pas la musique pour les mêmes raisons ».

« Le hip-hop, c’est fini pour moi. Sur cet album je chante, je ne rappe pas. J’ai dû créer un nouveau genre pour définir la musique que je fais aujourd’hui. Je l’appelle ‘pop-art' »
Kanye West

Lil Uzi Vert et Lil Yachty – puisqu’il s’agit essentiellement d’eux – sont, au même titre que Young Thug ou que leurs semblables Famous Dex, Playboi Carti et Desiigner, des artistes dont l’identité musicale est dérivée de la trap. La trap étant elle-même un dérivé du dirty south, une autre branche dérivée du hip-hop ; il est naturel d’avoir un décalage entre les codes du genre initial et ceux qui définissent les genres nouveaux auxquels ces jeunes « rappeurs » appartiennent. De la même manière que Metallica et les Rolling Stones sont deux groupes appartenant au rock tout en correspondant chacun à des registres de rock très différents qui composent avec leur propre public. Au bout du compte, on se retrouve avec des auditeurs reprochant à des artistes qui rejettent l’étiquette « hip-hop » de ne pas appartenir au « hip-hop ». Les positions ont beau être proches, presque concordantes, les deux camps se complaisent malgré tout dans le conflit intergénérationnel.

Des œuvres « à connaître » ?

Mais quand bien même les kids en question assumeraient leur affiliation au hip-hop, cela les oblige t-il nécessairement à connaître les classiques du genre ? Doit-on absolument prêter allégeance à Biggie et 2Pac pour daigner approcher d’un microphone ? Du haut de ses 35 ans, Danny Brown a exprimé un avis tranché sur la question. « Je ne peux pas dire que j’en veux à Lil Yachty de ne pas connaître l’œuvre de Tupac ou Biggie » a t-il confié à Complex, avant d’ajouter « La vraie question étant : Connaît-il 5 sons d’Outkast ? S’il ne connaît pas 5 morceaux d’Outkast [alors qu’il vient d’Atlanta], là par contre nous avons un problème, car tu ne peux pas savoir où tu vas, sans savoir d’où tu viens ». Que Danny Brown se rassure, il ne rencontrera vraisemblablement pas de problèmes avec Lil Yachty qui, en bon ATLien, a déjà désigné à de multiples reprises Outkast – et plus précisément Andre 3000 – comme l’une de ses principales sources d’inspiration. En revanche, son point de vue tout à fait subjectif sur le minimum de culture musicale que doit posséder un rappeur illustre bien à quel point celle-ci est sujette à des interprétations aussi nombreuses qu’il y a d’auditeurs. Si le hip-hop demeure un mouvement relativement jeune, son histoire est longue de près de 4 décennies et s’écrit sur un territoire géographique si vaste que certaines de ses régions se sont elles-mêmes constituées une identité musicale propre. Considérer qu’il y a des œuvres « à connaître » pour être légitime en matière de rap impliquerait au préalable de définir lesquelles et donc de les hiérarchiser selon leur importance. Or, si des artistes ou groupes comme Dipset, Three 6 Mafia, E-40 ou UGK n’ont pas nécessairement obtenu la reconnaissance commerciale des Nas, Dre et autres Wu-Tang, ils ont tous contribué à faire évoluer le mouvement à différentes échelles, et une histoire du hip-hop qui n’en ferait pas état ne saurait être fidèle.

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Pire encore, vouloir imposer la connaissance de certaines œuvres reviendrait à changer un rapport initialement intuitif à la musique en un rapport scolaire, et contribuerait à faire de l’apprentissage de la musique un devoir. Or, personne n’aime les devoirs. Et c’est exactement ce qui s’est passé dans le cas de Lil Yachty. Car après avoir été vivement critiqué pour son manque de culture rap, l’artiste originaire d’Atlanta est effectivement parti réviser ses classiques et a écouté 2Pac. Sauf qu’il a joué ses morceaux dans son tour bus avec ses potes, tous plus défoncés les uns que les autres, et qu’ensemble, ils se sont copieusement foutus de la gueule du regretté californien d’adoption. Si cette attitude vous choque, arrêtez-vous un instant et songez à cette récente vidéo de Snoop Dogg parodiant le flow de Migos que vous aviez peut-être partagé sur vos réseaux sociaux en l’accompagnant d’un commentaire amusé. Puis rappelez-vous de vos parents ou grands-parents qui, dans les années 90, réduisaient le rap à des casquettes à l’envers, des jeans baissés et des « Yo ! » beuglés à longueur de tracks. Maintenant, vous savez ce que c’est que d’être un vieux con. Là où le respect devrait être mutuel, les anciens agissent comme s’ils l’estimaient dû, et s’étonnent devant la désinvolture des jeunes. « Les négros te chient dessus parce que tu n’as pas été influencé par leur époque musicale et puis se demandent pourquoi tu n’as pas d’attaches avec ces vieux cons » tels étaient les mots qu’avait tweeté Vince Staples après avoir été pris à partie par N.O.R.E suite à ses déclarations.

Les puristes ont vieilli avec leurs albums et leurs codes, qu’ils ont carrément érigés en normes objectives. Le hip-hop est ce qu’ils ont décidé qu’il devait être, point barre. Et depuis, les nouvelles générations y vont à tâtons pour construire leur propre patrimoine, mis à part quand leurs artistes rentrent dans les carcans prédéfinis par leurs aînés. Osez dire en public que tel ou tel album de Kendrick Lamar ou J. Cole – deux rappeurs très portés sur l’aspect lyrical et le militantisme – constitue un classique, et vous n’y verrez que peu d’objections. Osez dire la même chose d’un album de Drake ou Future, et vous serez dévisagés par une multitude de regards interloqués. Pourtant Drake et Future sont deux artistes alliant régulièrement succès d’estime – public et critique – et succès commercial, respectés par leurs pairs – y compris Kendrick Lamar et J.Cole – et dont l’influence musicale s’étend à bon nombre de leurs jeunes contemporains. Ils sont légitimes. Les vieux cons n’ont pas attendu d’atteindre leur âge actuel pour dicter quels étaient leurs références, et personne ne l’a fait à leur place. Il convient donc de laisser les plus jeunes faire de même. D’autant que les jeunes branleurs d’aujourd’hui sont assurément les vieux cons de demain. N’en déplaise à certains.

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L’image a fait le tour du globe. Un genou à terre, la mine sévère, l’afro déliée. Depuis cet été, Colin Kaepernick, vedette déclassée des 49ers de San Francisco, refuse de porter la main au cœur pendant l’hymne américain en préambule des matchs. Une révolte aussi silencieuse que son écho est bruyant.

De l’importance du symbole

Vendredi 26 août 2016. Le soleil se couche doucement sur Santa Clara quand « The star-spangled banner » retentit dans l’enceinte à peine garnie du Levi’s Stadium. Au bord de la pelouse, Packers et 49ers se tiennent debout, tournés vers la bannière étoilée. Tous, sauf un. Colin Kaepernick est resté assis sur le banc, les lèvres serrées. Un affront au pays du patriotisme absolu, où les étendards se plantent dans les jardins, s’accrochent aux fenêtres, s’épinglent en pin’s ou s’impriment sur les t-shirts, où le serment d’allégeance au drapeau se récite en classe chaque matin, où l’hymne national résonne au travail, à l’école, dans les stades ou les églises. Le peuple américain témoigne d’un amour viscéral et inconditionnel pour son pays. Ici, on ne badine pas avec les emblèmes nationaux. Victime du nationalisme crasse de ses compatriotes, la gymnaste Gabby Douglas fut ainsi forcée de s’excuser sur Twitter après avoir laissé pendre ses bras le long du corps pendant l’hymne lors de la cérémonie des médailles aux derniers Jeux Olympiques de Rio.

Gabrielle Douglas Hymne Jeux Olympiques Rio

Il faut dire que « The star-spangled banner » ne manque pas de symbolique. Écrit par Francis Scott Key au cours de la seconde Guerre d’Indépendance en 1812, le texte salue l’héroïsme de ceux qui défendirent le Fort McHenry à Baltimore lors de son bombardement par des navires de la flotte britannique. Le chant marque depuis la révérence du pays à ses soldats. Mais l’hymne américain comporte aussi ses zones d’ombre. Dans le troisième couplet, celui que l’on ne chante pas, « The star-spangled banner » se félicite des « mercenaires et des esclaves » de l’armée anglaise tombés au combat, des esclaves en réalité Afro-américains, enrôlés par milliers par les british en échange de leur liberté. Pas franchement de quoi encourager les Noirs d’aujourd’hui à bomber le torse en l’entonnant.

Les arguments de Kaepernick sont plus terre-à-terre : «Je ne vais pas afficher de fierté pour le drapeau d’un pays qui opprime les Noirs », siffle-t-il au lendemain de son acte. «Il y a des cadavres dans les rues et des meurtriers qui s’en tirent avec leurs congés payés». Un coup de canif dans l’infaillible patriotisme dont le pays s’enorgueillit tellement. Il faut du cran pour oser jouer les infidèles, défier le vénéré. Le quarterback pointe sans sourciller les dizaines d’Afro-américains morts récemment sous les balles policières, comme Trayvon Martin à Sanford, Michael Brown à Ferguson, Freddie Gray à Baltimore, Tamir Rice à Cleveland ou encore Eric Garner à New York. Une série de meurtres restés impunis, grâce à l’imparable argument de la légitime défense.

« Il y a des cadavres dans les rues et des meurtriers qui s’en tirent avec leurs congés payés. » Colin Kaepernick

L’histoire de Colin Kaepernick n’est pas banale. Né à Milwaukee en novembre 1987, d’une mère blanche, mineure et fauchée, Heidi Russo, et d’un père noir ayant plié bagage avant l’accouchement, le gamin métis est adopté à l’âge de six semaines par un couple de Blancs résidant dans la proprette ville pavillonnaire de Fond du Lac. Teresa et Rick Kaepernick viennent de perdre leurs deux garçons des suites de maladies cardiaques. Colin fait office de remplaçant. Pourtant c’est bien les premiers rôles que ce surdoué campera en NFL. « Il a reçu tous les dons possibles et imaginables » dira de lui son futur ex-coach à San Francisco, Jim Harbaugh. Lorsque Kaepernick dispute le Super Bowl après seulement dix matchs en tant que titulaire, sa génitrice refait surface, multipliant les appels du pied dans les médias et sur les réseaux sociaux. En vain. « Je sais qui est ma famille et qui est ma mère », coupe l’intéressé.

«Quand des changements significatifs auront été apportés et que je sentirai que ce drapeau représente ce qu’il doit représenter, que ce pays représente le peuple de la manière dont il doit le faire, alors je me lèverai.»  Colin Kaepernick

Bien vite, le joueur éveille la curiosité des lieux communs. « Je veux essayer de casser le modèle du footballeur parfait », confie-t-il à Sports Illustrated. « Je ne veux pas être quelqu’un qui peut être rangé dans une case. Je veux être moi-même. » Un talent hors-norme, mais trop souvent gâché. Un torse barbouillé de tatouages bibliques. Et une peau brune, rare chez les quarterbacks, postes suprêmes dans l’organigramme footballistique et coqueluches du grand public. Dans sa jeunesse, Colin, entouré de visages pâles, se serait longtemps cherché. Les bavures racistes ont réveillé sa conscience et sa fierté d’être Noir. Le garçon use désormais de sa notoriété pour se faire le porte-flambeau de toute une communauté, privée de projecteurs et de micros. Avant la polémique, il dénonçait déjà sans retenue sur Twitter les atteintes aux droits des Noirs, dans la droite lignée du mouvement antiraciste né d’un hasthtag #BlackLivesMatter. Mais il fallait frapper plus fort, marquer durablement les esprits.

Colin Kaepernick tatouages

Si son geste apparaît comme révolutionnaire, c’est qu’il implique et écorche deux institutions sacrées en Amérique : le sport et l’hymne national. Les deux défendent les valeurs et démontrent la supériorité des Etats-Unis. Les deux exacerbent l’identité nationale, la fierté d’appartenance au pays. Les deux sont d’ordinaires intouchables. Mais Colin Kaepernick ne pliera pas : «Quand des changements significatifs auront été apportés et que je sentirai que ce drapeau représente ce qu’il doit représenter, que ce pays représente le peuple de la manière dont il doit le faire, alors je me lèverai.» La forme de sa protestation a sensiblement évolué. Au départ, le 49er ne bronche pas, les fesses vissées sur son siège. Et puis, le 1er septembre, il décide de poser un genou au sol, accompagné de son coéquipier Eric Reid. Cette nouvelle attitude, moins outrageante pour les hommes de guerre, résulte d’une discussion avec Nate Boyer, ancien béret vert reconverti en footballeur. « Il ne s’agissait pas de renoncer à son combat, mais de ne pas blesser gratuitement » explique Boyer. « Ce genou à terre, c’est un symbole fort. Nous, militaires, effectuons aussi ce geste en marque de respect à nos frères qui sont tombés au combat, devant leur tombe»  Surtout, il se veut plus puissant, photogénique et fédérateur. L’expression est plus militante, affirmée, moins passive. Le geste entraînera une flopée de sympathisants dans sa ronde.

La désobéissance civile

En 1846, l’écrivain américain Henry David Thoreau refuse de payer une taxe de 6 dollars destinée à financer la guerre contre le Mexique, ce qui lui vaudra une nuit en prison. Trois ans plus tard, il publie en réaction La Désobéissance Civile, un essai promouvant la résistance pacifique. Le littérateur a pondu un concept qui inspirera Gandhi, Martin Luther King ou encore Nelson Mandela, qui mèneront des sit-ins, des boycotts, des marches ou autres manifestations non-violentes dans leurs pays respectifs. En violant et bousculant les règles ou normes sociétales, la désobéissance civile refuse de soutenir un pouvoir jugé illégitime.

Dans le sport, il y a eu Muhammad Ali, d’abord. En 1967, le boxeur rejette l’appel de l’armée à aller combattre au Vietnam, car «aucun Vietcong ne [l’a] jamais traité de nègre». Il devra renoncer en conséquence à son titre de champion du monde et aux rings pendant quelques poussières d’années. En 1968, Tommie Smith et John Carlos lèvent leurs poings gantés sur le podium du 200 mètres aux Jeux Olympiques de Mexico, pour protester contre la ségrégation raciale. Les deux athlètes seront interdits de compétitions à vie.

En 1996, vingt ans avant Kaepernick, Mahmoud Abdul-Rauf ne se lève pas pendant « The star-spangled banner ». Le basketteur fraîchement converti à l’Islam proclame que le drapeau et l’hymne national, symboles « d’oppression » et de « tyrannie », heurtent ses convictions religieuses. La NBA le suspend d’abord pour une rencontre, avant de le forcer à se tenir debout pendant la chanson et l’autoriser à clore ses yeux ou regarder par terre. Plus récemment, en juillet dernier, Carmelo Anthony, Chris Paul, Dwyane Wade et LeBron James prononçaient un discours exhortant à lutter contre le racisme, lors de la cérémonie d’ouverture des ESPY Awards. « Servons-nous de ce qui se passe en ce moment pour appeler tous les athlètes professionnels à agir, à faire entendre leur voix, à user de leur influence et à renoncer à toute forme de violence », concluait LeBron James. En décembre 2014, l’ailier des Cavaliers, son coéquipier Kyrie Irving, quatre joueurs des Nets (dont Kevin Garnett) et Derrick Rose deux jours plus tôt avaient enfilé un t-shirt estampillé «I can’t breathe», les derniers mots d’Eric Garner, durant leur échauffement.

D’autres ont aussi osé le t-shirt à message, comme le footballeur Andrew Hawkins et son « Justice pour Tamir Rice » ou les équipes de basket féminines de Minnesota, New York, Indiana et Phoenix, en soutien à Black Lives Matter. Les cols blancs des ligues sportives cherchent la plupart du temps à bâillonner la conscience de leurs athlètes. Le geste contestataire est souvent périlleux. Aux Jeux Olympiques de Rio, le coureur éthiopien Feyisa Lilesa franchissait la ligne d’arrivée du marathon les bras croisés au-dessus de la tête, un salut aux manifestants de la région nord de son pays, opposés au gouvernement, et de ses proches retenus en prison. « Si je retourne en Éthiopie, je vais peut-être être tué. Si je ne suis pas tué, ils me mettront peut-être en prison » , se résignera-t-il a posteriori en conférence de presse. Parfois, certaines causes valent de mettre sa propre existence en danger. Personnalités publiques, les sportifs transmettent et influencent, guident les nouvelles générations, portent et célèbrent des valeurs de respect, de solidarité, de tolérance et de courage. À eux-seuls, ils peuvent mener des révolutions, impulser le changement. Kaepernick a pris sa mission au mot, il a rejoint les grands activistes de l’histoire du sport.

La naissance d’un mouvement

« C’est un traître. » « Il n’a aucun respect pour notre pays. Qu’il aille se faire foutre. » « Je ne peux pas le saquer. » Mike Freeman, chroniqueur pour Bleacher Report, a compilé une ribambelle de témoignages de cadres de la NFL hostiles à Kaepernick, suite à son insurrection. Ils ne sont pas les seuls. Nombre de fans n’ont pas ménagé leur ressentiment, entre maillot brûlé, commentaires haineux sur les réseaux sociaux, demandes de suspension et huées en tribune. Certains journalistes ont outrepassé leur devoir de réserve, le traitant tantôt d’ « imbécile inéduqué » comme David Hookstead pour The Daily Caller, ou de « putain d’idiot » comme Clay Travis pour Fox Sports. Donald Trump conseille au joueur de se « trouver un autre pays ».

https://www.youtube.com/watch?v=MPMQeR1uiBY

Rodney Harrison, ancien joueur de foot US, allègue que Kaepernick n’est « pas Noir » et ne connaît pas la réalité quotidienne des Afro-américains tandis que le tennisman John Isner qualifie sa démarche de « pathétique ». Le syndicat de la police de Santa Clara, lui, a menacé de ne plus assurer la sécurité des 49ers si l’équipe ne réprimandait pas son numéro 7. Kaepernick bouscule, dérange, irrite. Il cristallise les passions. Une frange de la population s’outrage du blasphème, on accuse d’antiaméricanisme et questionne l’honnêteté de la démarche mais on maquille aussi le racisme en patriotisme et cherche à taire l’expression de maux irrésolus et chroniques. Aux États-Unis, on goûte très peu les revendications identitaires ; elles troublent l’ordre social, l’idéal d’une population soudée, affaiblissent la communion nationale. Ceux qui ont adopté à leur tour la génuflexion ont aussi reçu leur lot d’invectives, de blâmes mais aussi de sanctions.

Brandon Marshall proteste pendant l'hymne

Brandon Marshall, line backer pour les Broncos de Denver, a perdu deux de ses sponsors : Air Academy Federal Credit Union et CenturyLink. « Les gens veulent souvent qu’on la ferme et qu’on se contente de les divertir. Tais-toi et joue au foot. Mais nous avons aussi des voix. Quand nous avons une opinion et que nous l’exprimons, beaucoup nous critiquent » renâcle l’intéressé. Megan Rapinoe, milieu de terrain de l’équipe de soccer américaine, s’est faite, elle, désavouer par sa fédération : « Représenter notre pays est un privilège. Nous attendons des joueurs et entraîneurs qu’ils se lèvent et honorent le drapeau pendant l’hymne national ». À plus petit niveau, dans le New Jersey, la surintendante des écoles du Diocèse de Camden, Mary Boyle, a averti dans un courrier que quiconque manquerait de respect à la bannière étoilée serait suspendu pour deux rencontres ou renvoyé de l’équipe. La réaction populaire, brutale et radicale, est à la mesure du patriotisme idéologique qui anime le pays.

« Les gens veulent souvent qu’on la ferme et qu’on se contente de les divertir. Tais-toi et joue au foot. Mais nous avons aussi des voix. Quand nous avons une opinion et que nous l’exprimons, beaucoup nous critiquent » Brandon Marshall

Match après match, la révolte muette de Colin Kaepernick grossit pourtant ses rangs. Ils sont désormais plus de quarante joueurs de près de quinze équipes NFL différentes à avoir rejoint le mouvement. Certains s’agenouillent, d’autres préfèrent lever le poing, à la manière de Tommie Smith et John Carlos. Le 8 septembre dernier, le journaliste et activiste Shaun King appelait l’ensemble des joueurs de la NFL à suivre l’exemple de Kaepernick, dans une lettre ouverte publiée sur le site du New York Daily News : « L’année dernière, 167 millions de personnes ont regardé le Super Bowl. C’est environ 40 millions de personnes de plus que celles qui ont voté lors de la dernière élection présidentielle. […] La Ligue représente 1696 joueurs. Si seulement 100 d’entre vous posent le genou au sol durant « The star-spangled banner », cela deviendrait immédiatement l’une des plus grandes protestations sociales dans l’histoire du sport. » Au-delà de la Ligue nationale de football américain, la fronde s’est propagée dans une foultitude de lycées et universités à travers tout le pays, où des équipes entières fléchissent les jambes en cœur. À Oakland, on s’est même allongé dos au sol et mains en l’air.

Al Woolum Colin Kaepernick

« On n’avait pas vu un tel degré d’activisme sportif depuis presque un demi-siècle. C’est un mouvement », constate Jeremi Duru, professeur en droit du sport à l’Université américaine de droit de Washington. Il y a aussi ce retraité de la marine, Al Woolum, s’agenouillant pendant l’hymne lors d’un match de volley féminin du lycée DeSoto au Texas, vêtu d’un t-shirt « Black Lives Matter », ou ces basketteuses du Fever d’Indiana pliant leurs interminables cannes, bras dessus bras dessous, en ouverture du match contre le Mercury de Phoenix. En NBA, Nick Young, Stephen Curry, Kevin Durant, LeBron James ou encore Victor Oladipo ont témoigné de leur soutien au niner, sans pour autant vouloir l’imiter. Iman Shumpert se mouille davantage. L’arrière des Cleveland Cavaliers, rappeur à ses heures, versifie « Vous avez raison de croire que je vais poser un genou au sol pendant l’hymne » sur son morceau « His story ». À El Cajon, en Californie du Sud, des manifestants ont porté des maillots floqués Kaepernick et placé un genou sur le bitume devant les forces de l’ordre suite au meurtre d’Alfred Olango, un réfugié ougandais de 38 ans ayant eu le malheur de brandir une cigarette électronique sous le nez de policiers.

Le quarterback de San Francisco s’est mué en icône, en symbole du militantisme noir. Il est peut-être devenu ce leader qui manquait à Black Lives Matter. Son maillot – que Trey Songz et J. Cole ont arboré sur scène – s’arrache désormais en boutique, il s’écoula en autant d’exemplaires pendant la première semaine de septembre qu’au cours des huit derniers mois. Le joueur compte reverser l’ensemble de ses royalties et signer un chèque d’1 million de dollars en faveur d’associations de lutte contre les inégalités raciales. Les San Francisco 49ers, qui ont déclaré reconnaître « le droit à tout individu de choisir de participer, ou non, à la célébration de l’hymne national » au nom de la liberté d’expression, ont annoncé leur intention de faire don de la même somme, pour les mêmes causes. La NFL a rappelé de son côté que les joueurs étaient « encouragés mais pas contraints à se lever pendant l’hymne national ». D’anciens combattants ont même lancé le hashtag #VeteransForKaepernick sur twitter. Le nombre d’adeptes de la méthode Kaepernick croît chaque jour. Barack Obama ? Interrogé sur la question lors du sommet du G20 en Chine, le président a estimé que le joueur exerçait « son droit constitutionnel à affirmer une opinion» et se préoccupait « de problèmes réels et légitimes qui méritent d’être discutés », tout en reconnaissant que sa posture pouvait offenser les forces armées. Kaepernick a risqué sa carrière et sa popularité pour servir un projet qui le dépasse, sans s’imaginer que son action drainerait les masses.

Superstar millionnaire à l’enfance facile, le footballeur déghettoïse la solidarité du mouvement, universalise le combat de Black Lives Matter. Il prouve que les questions de discrimination raciale concernent tous les citoyens, quelles que soient leurs classes sociales et leur vécu. Il n’y a pas que les hymnes qui sont capables de rassembler tout un peuple.

20 septembre 2016. « Straight outta the feds » scandait sûrement un certain Radric Davis, plus qu’heureux. À juste titre, ici s’achevait sa liberté conditionnelle qui courrait depuis mai 2016. Après trois ans de prison fédérale, exit bracelet et assignation à résidence, l’ex-prisonnier 65556-019 est désormais complètement libre. Libre, matériellement. Libre, financièrement. Libre, physiquement et spirituellement. Oui. Celui que l’on nomme Gucci Mane entame son quatrième mois sans barreaux. Sans drogues ni alcool, il n’est plus le même, c’est une résurrection. Il est revenu changé à tel point que les réseaux sociaux ont vu en ce Guwop 2.0, un clone envoyé par le FBI. Désormais, le rappeur donne dans la « healthy food », le « workout » et l’auto-développement à la Tony Robbins. Chelou… D’autant plus que depuis ce revirement total, sa notoriété a gonflé comme ses ventes. Alors, peut-on réellement se fier à ce nouveau « Gucci » ? Est-ce une manœuvre hypocrite pour rester dans le coup ? Analyse du phénomène

« La prison ? Demain j’arrête »

Prononciation provinciale, patois rustique, sorbet tatoué sur la pommette droite, embonpoint de pacha et déboires judiciaires interminables. Deux mots : « Gucci Mane ». Individu marginalisé, subversif. Plus connu pour ses allers et venues en prison que pour sa musique, jusqu’à peu, le personnage provoquait plus l’hilarité que le respect pour le grand public. L’air parfois niais, mais dangereux car armé, longtemps le rappeur fut tristement célèbre. Arrêté pour possession de cocaïne en avril 2001, condamné à 90 jours de prison. Attaqué chez lui en 2005, Radric réplique en tuant un des assaillants, se rend à la police le 19 mai 2005 et finit acquitté pour légitime défense. La même année, il canarde un night-club. Condamné à 600 heures de services à la communauté et à six mois de prison, Gucc’ n’en effectuera que 25, écopant ainsi d’un an de prison. En novembre 2009, le justiciable est condamné, une nouvelle fois, pour violation de sa période de probation. Enfin, en septembre 2013, Big Guwop est arrêté pour possession illégale d’arme, condamné à 3 ans et 3 mois. Cette dernière incarcération changera sa vie. Mais pour le comprendre, il faut revenir un peu en arrière.

 

Mar. 27, 2013 Atlanta: Fulton County Sheriff deputy T. Reynolds (left) looks on as defendant Radric Davis (right) listens. Rapper Gucci Mane was denied bond Wednesday at his first court appearance after his arrest for allegedly assaulting a soldier earlier this month at an Atlanta nightclub. His next court date is April 10. The musician, whose real name is Radric Davis, was booked into the Fulton County Jail Tuesday, charged with aggravated assault with a weapon, according to online jail records. Fulton County sheriff’s spokeswoman Tracy Flanagan said Davis turned himself in at the jail about 11:30 p.m. Tuesday, and will face a magistrate for a first appearance at 11 a.m. Wednesday. Channel 2 Action News reported last week that Atlanta police had issued a warrant for the rapper following the March 16 incident at the Harlem Nights club on Courtland Street. The alleged victim told Channel 2 that Davis hit him in the head with a champagne bottle after he asked to take a photo with the rapper. “I’m in the military. I wanted to get a picture with Gucci Mane, is it okay?” the soldier said he asked a security guard. “I was speaking to the security guard, and Gucci Mane hit me in the head with a bottle,” the solder told Channel 2. The soldier told the station that he went to Grady Memorial Hospital by ambulance, and his injury required 10 stitches. JOHN SPINK / JSPINK@AJC.COM

Comment se débrouillait-il pour atterrir en prison aussi fréquemment ? On pourrait croire que le rappeur aimait mener le train de vie glorifié dans ses titres, sorte de « Thug Life » post-Tupac… Se plaisant dans cette attitude de « hustler », tueur et business man. C’est faux. En partie. Car quoi qu’on en dise et peu importe sa représentation dans le film Spring Breakers, lui-même ne se considère pas comme le gangster sans scrupules qu’il prétend être dans ses titres. Guwop déclarait même avoir regretté la mort de son assaillant de 2005, Pookie Loc, un proche de Young Jeezy avec qui il était en beef à cette époque. Pourquoi faut-il que des policiers soient sur son chemin, chaque fois qu’il s’apprête à commettre une petite infraction ? Pour répondre à la question, certains évoquent la déficience mentale. C’est la réponse que donne son avocat pour justifier le non-respect de ses périodes de probation par exemple. « CQFD »… Le tatouage en forme de sorbet sur la joue, son « ignorant trap » : ce rap barbare, simpliste, qui associe argot et interjections (« Purr ») à des basses sourdes et tonitruantes. Besoin d’un exemple ? Le tube « Lemonade » en est la parfaite illustration. « Lemoooo ».

 

« Je lean pour noyer ma peine, comme si j’étais Gucci Mane »

Pourtant. Peut-on être mentalement déficient et peser 800 000 dollars comme lui ? Peut-on être mentalement déficient et révéler les artistes talentueux que sont Young Thug, Mike Will Made It, Waka Flocka, Zaytoven, Metro Boomin, ou encore Future ? Difficile d’y croire. Lui-même n’y croit pas : « J’ai toujours été super intelligent » déclare-t-il sans pression, au journaliste de The Fader. Loin d’être un « débile mentale », Radric devient plutôt victime d’un phénomène sérieux, qui tend à être banalisé, normalisé, car relativement à la mode dans le rap. L’addiction aux drogues. « Rétrospectivement, j’ai compris de quoi il s’agissait, j’étais un drogué. » LaFlare va d’ailleurs plus loin, avouant au NY Times ne pas avoir été sobre depuis ses 17 ans. « J’avais l’impression que je ne pouvais pas faire de musique sobre, je ne pouvais pas savourer mon argent sobre. Pourquoi irais-je en boîte si je ne pouvais pas fumer ou boire ? J’avais l’impression que le sexe ne pouvait pas être bon sobre. J’associais tout à la défonce. » 16 années lui seront nécessaires pour s’en rendre compte… Et trois ans de prison à sécurité maximale ainsi qu’un programme de réhabilitation pour sortir de cette spirale infernale.

 

 

Trois ans, dont les onze mois premiers mois sont destinés à son sevrage. Son corps doit apprendre à ne plus réclamer sa dose. Dur… Dans cette traversée du désert, la douleur est quotidienne. Effectivement. Après avoir absorbé autant de toxines, son organisme en demande . « Ton corps réclame de la lean, tellement fort. L’estomac déchiré, impossible de penser normalement. J’étais juste en colère contre le monde. Tellement de mauvaise humeur, tellement violent, tellement agressif. » Rajoutez à cela l’environnement hostile qu’incarne la prison, une jungle où la mort est omniprésente. « C’était une prison de sécurité maximale. Et des gens mourraient toutes les semaines. Il y a eu beaucoup de morts. Beaucoup de violences. » Mais Radric Davis, s’accroche. Salement même. Un an plus tard, les premiers effets se font sentir. Une lettre à ses fans qu’il écrit en 2014 l’atteste. Il y déclare être physiquement incarcéré mais mentalement et spirituellement libre :

 


« Je sais qu’en restant sobre, en priant, en jeûnant pour être le père et l’homme que je suis destiné être, j’aurai un impact sur ma famille et sur l’univers entier, pour le meilleur. »


 

Après le sevrage, il faut s’assainir : le corps et l’esprit toujours. Et Gucci s’établit une routine quotidienne marquée par la prière et la lecture. Celle de la Bible mais également celle d’ouvrages sur le développement personnel tels Pouvoir illimité de Tony Robbins, ou Les sept lois spirituelles du succès de Deepak Chopra. Il fait également du sport, prend soin de sa santé, perd du poids, et fait pousser des muscles « énormes et secs ». Actif physiquement et spirituellement donc, mais aussi musicalement. Naturellement, l’artiste trouve nécessaire de continuer à écrire chaque jour, et de se tenir au courant de l’actualité hip-hop. Pour ce faire, il use et abuse du service de musique de la prison, s’ambiance sur du Kodak Black, 21 Savage, Lil Uzi Vert… Mais ce n’est pas tout. Il faut rester dans le coup, briller même dans l’ombre. D’où l’instruction donnée à Sean Paine, son bras droit, de lâcher mixtapes sur mixtapes avec du « matériel brut ». Des sons enregistrés avant sa condamnation non mixés. Sean s’occupe de la confection des mixtapes, une vingtaine au total, qui seront lâchées sur trois ans… et rapporteront un million de dollars de recettes au label du prisonnier. Ce dernier se conduit sagement pendant ce temps, ce qui lui permet d’éviter les embrouilles et de sortir le 26 mai 2016, radieux.

« À l’ombre du show-business, le soleil s’est levé. »

 

Astucieuse, cette stratégie consistant à maintenir son emprise sur le game malgré son absence. Car ces « Free Gucci Mane » mixtapes assurent une permanence au emcee, une présence musicale. Néanmoins, cette présence musicale souligne, paradoxalement, l’absence physique du rappeur. Les fans continuent à écouter du Guwop, mais veulent voir Guwop. Sur Snap, sur Instagram, en live… Ils veulent interagir avec le Trap God, se languissent de son retour. Son absence génère donc une attente. Croissante, à mesure que les mixtapes s’enchaînent. Sans forcément le chercher, Gucci fait de plus en plus parler de lui sur les réseaux sociaux. Les hashtags : #FreeGucciMane et #FreeGuwop s’y propagent, marque de soutien et de loyauté envers le prisonnier. Les clins d’œil sur le « real 6 God » (en référence à Drake) nombreux, amusent, et participent à ce battage médiatique. Quant à ses partisans, les comparses et rappeurs protégés du trappeur, ils alimentent le mouvement de soutien et nourrissent eux aussi cette attente. En relayant les hashtags, en mentionnant La Flare dans leurs interviews et en expliquant les bienfaits qu’il a prodigué à leur carrière (Migos pour Vlad TV en décembre 2015), en lui consacrant des titres (« Free Gucci » de Metro Thuggin par exemple), les artistes contribuent à une forme de mythification de Gucci Mane. Le mythe du hustler, parti de rien qui a su s’élever et élever son entourage par sa seule force de caractère. Père d’une frange marginalisée du hip-hop car en inadéquation avec les codes habituels. Young Thug, Peewee Longway, Migos, ILoveMakonnen, mais également les fans, voient en lui un big homie : un mentor, manqué de tous. Le tweet « Gucci Manedela » publié lors de sa sortie de prison, résumera clairement la situation.

 

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Et s’il bénéficie de cette image aujourd’hui sans l’avoir véritablement cherché, elle résulte néanmoins d’une carrière de choix audacieux voire excentriques. La signature de Young Thug est, à ce titre, anecdotique. En effet, Gucci n’avait jamais entendu rapper Thugga avant de le signer. Il ne le connaissait même pas un jour avant. Cependant. Alors que Peewee Longway, ami de longue date rencontré dans les rues d’Atlanta, le lui amène, il accepte de s’occuper de lui et lui offre un sac de 25 000 dollars. Pourquoi ? « Je n’avais même pas entendu un seul de ses sons. J’accorde tellement de l’importance à l’avis de Peewee. » Big Guwop accorde une valeur incommensurable à ses compagnons, ici Peewee, qui dépasse l’intérêt professionnel et financier. Pour le directeur d’un label, étonnant de prendre des décisions sur un coup de tête comme celui-ci. Mais il s’est avéré fortement lucratif. Coup de chance ou calcul instinctif ? Un peu des deux. En offrant sa confiance à Thugga, il l’a motivé à travailler dur pour mériter la reconnaissance de son nouveau boss. Du coup, Young Thug ne quitte plus le studio, enchaîne tracks sur tracks, charbonne dur. Et pond des sons de l’acabit de « Picacho » ou « Danny Glover ».

 

Gucci Mane, Mike Will Made It, Young Thug

 

Par ailleurs, cela montre que le boss du label 1017 BrickSquad Entertainement est capable d’établir rapidement une proximité avec ses collaborateurs, ne s’embarrassant pas de manières superflues. Pas besoin de mise à l’essai avec Thugger, il va droit au but. Mais quel but ? Celui d’offrir les meilleures conditions de travail à son protégé, de manière à produire au mieux. Car Gucc’ est animé par ce désir de guider les jeunes artistes, et de faire face aux grandes maisons de disque. À titre comparatif, Booba, diffuse lui aussi cette image. Notamment par la création de OKLM, son slogan, ses critiques récurrentes envers Skyrock et les majors. Qui plus est. Les deux rappeurs entretiennent la même relation de proximité et de tutorat avec les « jeunes pousses ». Gucci Mane et Kodak Black, Migos, Young Thug, et avant eux Nicki Minaj et plein d’autres. Booba et Siboy, Damso, et plus récemment Shay. Pourtant, il s’agit d’une facette de la personnalité de G-Mane longtemps méconnue.

 

Big Guwop home, we all no longer miss you.

 

La force des plus grands artistes réside dans leur capacité à se réinventer, briser les carcans, se transcender. Parvenir à réactualiser à la fois leur image sans toutefois rompre avec leur identité artistique. Et Gucci Mane ? À sa façon, lui aussi en a été capable. Visage affiné, sourire resplendissant, tous les jours sapés comme jamais, sophistiqué, élégant. Le truand rondouillet que beaucoup écoutait ironiquement, semble être devenu pour le grand nombre plus sérieux, plus crédible, plus imposant. Plus fréquentable car plus respectueux aussi. Il le reconnaît lui-même, et s’excuse pour son comportement à l’égard de la rédactrice en chef de XXL Magazine durant l’interview du 3 octobre 2016. « À toi ainsi qu’à tous ceux qui pensent mériter des excuses, je leur demande pardon. Beaucoup de gens qui n’ont rien fait d’autre que m’aider. » Et cette mue a une incidence sur sa carrière professionnelle. Il le sait, et compte bien jouer de l’image nouvelle qu’il s’est construit. En effet. Gucci Mane, le « guide », le « hustler », débrouillard et malin, s’étant départi de son attitude crapuleuse, son côté irrespectueux qui rendait les entités commerciales et les artistes frileux à l’idée de bosser avec lui, attire les collaborateurs car il semble moins incontrôlable. Dès lors, la marque « Gucci Mane » dispose d’un réel cachet. Il n’y a plus qu’à ramasser les chèques.

Approché par Supreme, par l’intermédiaire de son ami Harmony Korine, réalisateur de Spring Breakers, il est recruté pour un spot publicitaire d’une minute. On y voit le rappeur, encapuchonné, en rouge et blanc, groovant, dans un décor minimaliste, luxueux, immaculé. Sa demeure. Un mois après sa sortie de prison, il invite Kanye West sur « Pussy Print »… qui accepte. Réussir à collaborer avec ‘Ye, compte tenu du calcul précis de ses derniers featurings, dont le fameux « That part », montre que Guwop n’est pas n’importe qui. A la même période vient le titre « Back on the road » avec Drake et l’annonce d’un projet en commun à venir. Des associations avec deux têtes d’affiche avec qui il n’avait jamais travaillé ses dix dernières années. Le changement c’est maintenant. Dans la foulée. Young Thug, Rae Sremmurd en profitent pour retrouver le « big homie » sur une piste. En bref, tous ont compris qu’il faudra, plus que jamais, compter avec « Gucci ». Même le français Kaaris veut son feat !

 

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Et le succès commercial de son album Everybody looking vient confirmer cette réalité. Enregistré en six jours après sa sortie, lâché le 22 juillet 2016, il s’écoule à 68 000 ventes la première semaine d’après Billboard. C’est le premier qu’il glissera à la première place des charts, celui qui lui aura le plus rapporté. Quant au Trap God, toujours aussi prolifique, il charbonne sur son prochain album prévu pour le 17 octobre 2016. Bref. Après des années à inonder le marché par des mixtapes qui individuellement lui ont rapporté de maigres bénéfices (ce qui lui vaut un article du Huffington Post : « Gucci Mane can’t sell albums »), il a profondément changé sa stratégie commerciale et l’explique dans son entrevue pour XXL :  « Ça m’a pris du temps pour comprendre la manière dont les auditeurs consomment de la musique, donc j’essaye de m’adapter aujourd’hui car je veux toujours être à la tête du mouvement. Et je veux juste voir ce que je peux apporter au « game » […] J’ai commencé à écouter d’autres personnes au lieu de prendre mes décisions seulement par moi-même. Si ça ne tenait qu’à moi, je lâcherais trente mixtapes au mois. Mais si tout le monde me parle et me dit : « Peut-être que tu devrais faire ceci, puis peut-être attendre quatre, cinq mois et ensuite faire ça. Ils sont au fait de l’actualité donc je me fie à leur jugement. » La qualité primant désormais sur la quantité, les albums ont remplacés les mixtapes : la réflexion chasse l’instinct . Après avoir débuté sa carrière en passant par la petite porte, Gucci a désormais la clé pour ouvrir la grande porte. La « major key ». Pas étonnant qu’on le retrouve sur le dernier album de DJ Khaled sur « Work for it ». Après tout, Beyoncé nomme son dernier album Lemonade,  7 ans après le titre du rappeur. Ça aurait dû nous mettre la puce à l’oreille… Gucci Mane est reconnu par les plus grands et peut dès à présent consommer les fruits d’un dur labeur. Aujourd’hui, il s’impose vraisemblablement en tant que modèle de réussite. Réussite économique, professionnel, artistique et amoureuse enfin, puisqu’il semble vivre une idylle digne des « post bad couple » de Tumblr avec Keyshia Ka’oir.

 

 « J’suis devenu hardcore et avide, vu qu’aujourd’hui c’est l’premier jour du reste de ma vie »

 

Plus qu’une mise à l’écart, l’incarcération de Gucci Mane a été l’occasion pour lui de réfléchir sur lui-même, sa carrière, et de remodeler les deux. Le nouveau Guwop a à peine quelques mois et, comme tout bébé, fait l’objet d’un amour et d’une admiration débordante. La prison aurait-elle été bénéfique pour et lui et pour sa carrière ? Clairement, oui. Saura-t-il tenir la cadence, sa peine désormais purgée ?

 

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D’après le moraliste Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre ». Radric Davis a réussi à se tenir éloigné de ce qui le détruisait alors qu’il était incarcéré, emprisonné. Il a ensuite réussi à tenir, sous un régime de liberté spécifique, avec l’aide d’un personnel habilité à cette tâche, dans un environnement aménagé en fonction. Aujourd’hui, il a probablement assez d’argent pour arrêter de travailler et vivre paisiblement avec Keshya Ka’oir. Pourtant, il est pressé de goûter à l’aventure qui se présente à lui. Des portes s’ouvrent, et naturellement, il ne rêve que de les défoncer. « J’ai hâte que mon assignation à résidence se termine afin de pouvoir repartir et tournée et commencer à donner des spectacles. Je veux aller partout, être partout, voir tout le monde, et juste briller pour le reste de l’année. J’ai quelque chose de prévu pour tout le monde, très bientôt. » Qu’en sera-t-il alors de ses nouvelles, et belles, résolutions ? Guwop 2.0 est à suivre de très près.

Fan inconditionnel du Kopp et de la marque Unkut, le jeune Pablo Attal ambitionne de rejoindre les rangs de l’entreprise textile. Une passion qui le conduit finalement à concevoir de lui-même 40 pièces originales, dont il se sert aujourd’hui comme « carte de visite » pour enfin frapper à la porte du Kopp avec sous le bras le site : Laissez-moi travailler chez Unkut. Il y explique :

J’ai créé une collection Unkut, à mi-chemin entre nostalgie et modernité. La collection n’est évidemment pas à vendre. Je l’ai créée dans l’unique but que l’équipe Unkut la voit, l’apprécie et m’ouvre les portes de l’entreprise. 

Je suis un fan inconditionnel de Booba, j’ai toujours voulu avoir du Unkut. Mais que ce soit en boutique ou sur le site, je n’ai jamais trouvé l’esprit des pièces qu’on peut voir dans les clips de Temps Mort ou Ouest SideC’est ce manque à consommer qui a fait germer petit à petit l’idée d’imaginer une collection Unkut. 

Cette collection est entièrement auto-produite, je l’ai réalisé avec mes propres moyens. Le processus a donc été on ne peut plus artisanale, tout est fait à la main : la sérigraphie, la couture, les retouches des jeans, les peintures.

 

Instagram : @laissezmoitravaillerchezunkut

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« Bardamu ! Putain j’ai relu notre papier ça défonce ! » C’est avec cette apostrophe courtoise que m’accueille DJ Pone. En début d’année nous avions associé nos forces pour écrire un article légèrement fabulé sur notre tendre bagarre lors de ses sets hip-hop. N’hésitez pas à le lire, c’est effectivement pas mal. Ce matin je suis devant lui pour en savoir plus sur son élégant disque électro-pop, Radiant (sortie le 21 octobre), et aussi pour lui faire déclamer des dialogues de films français des années 80. Il ne s’est pas fait prier.

Photos : @lebougmelo

 

Je crois que je ne sais pas pourquoi « Pone » ? Juste un pseudo qui sonne bien?

 

Mon tag tout simplement. En fait je vois une vidéo de graffiti des ELC qui défoncent un RER avec un mec qui tague Phone, et moi je suis persuadé que c’est marqué Pone. Je me dis « putain ce nom défonce ». Paris Tonkar sort en 91 (livre référence sur le graffiti parisien, ndlr) et je vois la liste des crews avec tous les « gueur-tas » et je vois marqué « Phone ». Je me dis : « Putain c’est bon, Pone est libre je prends ! » Après voilà je tague et tu sais comment ça se passe, tout le monde t’appelle par ton tag, et le jour où tu es DJ le nom est déjà tout trouvé.

 

Comme tu le sais j’ai écouté ton disque avec beaucoup de plaisir (sourire de fouine de Pone qui ne manque pas de relever la dimension sexuelle du mot « plaisir »), j’ai même des termes de journalistes, je l’ai trouvé très « racé » et très « intelligent ». Comment s’est fait le choix de Superpoze (compositeur de musique électronique) à la réalisation de l’album ?

 

Quand je l’ai rencontré je ne savais pas vraiment la « zic » qu’il faisait. On a discuté de musique et je me suis dit : « Quand tu parles de musique de cette façon tu es forcément bon ». Je lui ai fait écouter des morceaux à mon studio de manière complètement détachée, on en a discuté en allant boire un coup après, je l’ai regardé : « Est-ce que tu serais chaud pour réaliser mon album ? » Il m’a répondu : « Banco ! On le fait ». Ce choix de Superpoze c’est aussi pour sortir de ma zone de confort. J’aurais pu me tourner vers plein de producteurs plus expérimentés, plus âgés, que je connais, très proches, comme Para One ou d’autres, ils n’auraient peut-être pas accepté, je ne sais pas… Je me suis dit que j’allais bosser avec quelqu’un que je connais moins, plus jeune que moi, qui a une autre culture, d’autres codes, un autre rythme… Et tu te mets à bosser avec un mec qui à 22 ans, il est là à 9 heures, il a juste besoin de bouffer du Crunch et c’est parti (rires).

 


« J’ai toujours cette image dans Le Bon La Brute Et Le Truand ou tu vois Tuco qui est devant plein de flingues, et il prend le canon d’un, le barillet d’un autre et il se fait un gun de feu. C’est ce que je voulais faire avec ce disque, je voulais avoir un flingue pas possible. »


 

Ce qui change de tes fréquentations (rires)

 

Mes fréquentations rentrent à 9 heures du matin (rires) ! Je pense que c’est un choix judicieux, il m’a apporté beaucoup de choses, on s’est entendu très très vite. Tu parlais de disque « intelligent », il y a la mienne je suppose, et la sienne. C’est un disque qui s’est fait sans douleur, sans césarienne.

Il y a aussi le choix de Boogie Vice (arrangeur et producteur), qui a mixé le disque et qui a fait les arrangements avec moi. J’ai toujours cette image dans Le Bon, la Brute et le Truand ou tu vois Tuco qui est devant plein de flingues, et il prend le canon d’un, le barillet d’un autre et il se fait un gun de feu. C’est ce que je voulais faire avec ce disque, je voulais avoir un flingue pas possible. Superpoze n’a rien à voir avec Boogie Vice, on ne se connaît pas tous les trois mais les ingrédients ont fonctionné ensemble. J’avais besoin de douceur et d’un truc un peu solaire et Superpoze pouvait m’apporter ça. Moi j’avais un truc rugueux, hip-hop, un peu sale dans les rythmiques… Et puis j’aime bien les petits jeunes (rires).

 

D’ailleurs tu fais des voyages avec Frédéric Mitterrand (rires)… Comment s’est faite la répartition du travail ? Tu composes un ours du morceau et Superpoze fignole derrière ?

 

Il était plus sur les compo et moi j’ai fait toutes les rythmiques, les arrangements, les structures derrière. En gros c’est du 50/50. Après il y a un gros travail de mix. C’est de l’orfèvrerie le bordel !

 

Bah ça s’entend.

 

C’est arrivé aussi que Superpoze me dise : « Va faire un tour d’une demi-heure j’ai une idée en tête, j’ai besoin d’être seul pour aller au bout et savoir si c’est bien ou pas ». Il ne faut pas sclérosé les gens parce qu’il arrive qu’une idée de merde t’amène à un truc cool… Et vice-versa.

 

Dans le disque, surtout dans la première partie, il y a une mélancolie heureuse.

 

C’est juste.

 

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Je me suis dit que les invités vocaux épousaient grave ce truc là. L’aspect solaire, lumineux…

 

Ouais… Le disque se fait à un moment difficile de ma vie comme tu le sais. Cet album est une espèce de thérapie qui me sort d’un moment extrêmement sombre, et que le disque soit teinté de mélancolie c’est obligatoire. Mais comme tu le dis il y a un espoir, une lumière. La mélancolie c’est quelque chose que j’aime bien, j’adore la nostalgie. Quand je vais voir ma mère à Meaux (ville d’où Pone est originaire,) je prends sa caisse et je passe devant mon ancien bahut, c’est un peu naze mais j’adore faire ça… Donc oui, il y a un truc qui va mieux dans ce disque. C’est exactement ça, une mélancolie heureuse.

Pour les « feats », déjà j’adore (Il prend une voix de crooner un brin tapette) les voix d’hommes (rires). Une voix d’homme sensible, qui te prend aux tripes ça me touche. Thom Yorke a fait des chansons qui m’ont bouleversé. J’aime aussi les voix de femmes, mais les mecs ont une espèce de sensibilité vocale, comme avec José pour Sarh (Sarh est un album de Pone et José Reis Fontao du groupe Stuck In The Sound). Quand il enregistrait je m’accrochais au siège. Pour Radiant : Jaw, Sage, Isles c’était parfait. Isles c’était sa première fois en studio c’était impressionnant.

 

Tu parlais du moment difficile dans ta vie avant que tu fasses l’album, à ce titre la première partie du disque est une sorte de renaissance en douceur, et dans la seconde partie tu repars au combat avec des titres comme « Discontinuity » ou « Mad boys ».

 

En plus « Mad boys » n’était pas prévu, c’était un vieux morceau que j’avais fait. Avec Superpoze on n’était pas d’accord. Il me disait : « C’est super véner, mais c’est quand même ultra véner ! Est-ce que ça le fait dans l’album ? » Et au final ce que j’adore dans ce track ce sont les accords de la fin où tu te dis : « Tiens il y a Superpoze qui vient d’arriver » (rires). C’est un morceau qu’on a rajouté un mois et demi avant le mastering.

Oui sur la fin de l’album je suis sorti d’un truc, je vais mieux, et je voulais mettre de l’énergie.

 

Comment s’est passée l’écriture des textes ? Tu donnais une thématique ou tu laissais les invités écrire ce que la musique leur inspirait ?

 

Quand Jaw a écrit « Heart swing » j’étais avec lui. Bon je ne lui ai pas dit d’écrire ces lyrics là précisément mais le texte ressemble pas mal au moment difficile que je vivais à ce moment-là. Sage a écrit tout seul mais évidemment je validais. Louisahhh !!! c’est un peu plus vener, c’est « Domina » (il mime le bruit et le geste d’un coup de fouet SM, ce qui nous fait rire de bon cœur tous les deux).

 


« Les Ripoux c’est notre film culte commun avec Kavinsky. »


 

Est-ce que ce disque a été pensé pour la scène ? Je sais que tu es accompagné d’un live band. Et tu es un mec de scène aussi…

 

Ouais… Ma fille m’a demandé l’autre jour combien il y avait de brins d’herbe dans le monde (sourires attendris). C’est un peu la même question avec le nombre de scènes que j’ai faites. La scène c’est quelque chose qui m’anime et quand tu fais un album c’est toujours un prétexte pour y retourner. Bon j’ai quand même eu ma dose avec Casseurs Flowters (Pone accompagne Orelsan et Gringe sur scène). Mais j’ai surtout envie de défendre mon projet. Pour Sarh on a très peu tourné, le projet a été avorté assez vite parce que José avait d’autres trucs perso à faire, j’étais resté sur ma faim. Là je ne suis pas encore satisfait à 200% de mon live, j’ai besoin de tourner, de faire une vraie « V2 » et ça prend du temps. Quelqu’un qui fait un album sans penser à la scène ça peut peut-être se faire en 2016 mais moi en temps que vieux (Pone a 38 ans) : « album égal tournée ». Mais au moment de faire l’album je n’ai pas vraiment pensé à la scène. En plus Pone sur scène ça suppose une certaine énergie, entre Birdy ou la Boiler Room que tu connais bien Pone avait fait un set hip hop années 90 de toute beauté qui avait déclenché une joyeuse émeute ) en général ça saute de partout.

 

Ouais et justement la première partie de l’album est plutôt contemplative.

 

Oui mais on a réussi à la dynamiser. Et puis un moment mon album c’est mon album, si tu l’écoutes en attendant forcément un truc qui tabasse et bah non… Ce n’est pas prévu. Et puis la musique électronique dancefloor c’est un truc dans lequel je me sens moins à l’aise, qui me parle moins. Je vais plus vers mes 40 piges que vers mes 25, je ne serais pas choqué non plus de faire un concert dans une salle avec des gens assis. Avec Sarh on aurait pu jouer devant des salles assises ça ne m’aurait pas bouleversé. Mais j’essaye de dynamiser toujours, faut pas déconner non plus.

 

Tu as 20 ans de carrière, tu as collaboré de façon étroite avec beaucoup de groupe parmi lesquels Svinkels, Double H avec Cut Killer, Scred Connexion, Triptik, Birdy Nam Nam, Sarh, Casseurs Flowters, toi qui a ce background impressionnant quel regard poses-tu sur toute cette génération de DJ iTunes qui ne savent pas vraiment mixer?

 

Bah après ce n’est pas de leur faute… S’il y a des gens qui les payent pour mettre juste une sélection pourquoi ils s’arrêteraient ? Tu ne peux pas te plaindre en disant : « Ouais ce mec prend plein d’argent. » À un moment, il y a un mec qui lui donne… Évidemment ça me désole un peu la supercherie de certains mais je ne vais pas non plus monter un collectif genre « vous êtes des salauds » et manifester. Mon avis on s’en fout. Et le truc de vieux schnock (il prend une voix de grincheux octogénaire), « ouais je fais ça sur vinyle », franchement… Je regarde ça d’un œil amusé mais j’ai autre chose à foutre. Cela dit je ne vais pas citer le nom de la radio (nous oui : il parle de Mouv) où je joue avec Dirty Swift et R-Ash mais de faire mixer des DJs en live sur platines, et filmés, je trouve que c’est une vraie démarche.

 

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Il y a un peu le même phénomène avec des bidouilleurs électro ou rap qui s’autoproclament « producteurs » alors qu’ils ont fait deux sons à la va-vite.

 

Je me dis que les imposteurs sont toujours démasqués. Aujourd’hui c’est difficile de faire le tri mais tu peux quand même le faire.

 

Il y a 4 ou 5 ans tu étais moins dans le rap dans tes DJ set, tu te sentais moins concernés ?

 

Oui, c’était un peu l’euphorie de la techno et de l’électro, avec Birdy Nam Nam les gens nous attendaient là dessus. À cette époque je tournais très peu solo.

 

Qu’est-ce qui t’a remotivé à faire des sets très orientés rap ? Mis à part moi (rires).

 

Oui déjà toi (rires). D’ailleurs depuis la Boiler Room je dis à mon tourneur « tu précises bien que je ne vais pas jouer d’électro ». À part si on est dans un bar à Val Thorens et que je suis ré-bou (rires). À un moment donné j’arrivais plus trop à savoir ce que les gens voulaient dans un DJ set. C’est un peu cette période, vers 2008, où beaucoup de gens se sont mis à mixer. Ça a « switché » hyper rapidement de vinyles à serato à clé USB. Il a fallu s’adapter rapidement. Et je me suis remis dans le peu-ra petit à petit. Les sons un peu à l’ancienne qu’on aime tous les deux sont revenus à la mode et en plus c’est un sujet que je maîtrise.

 


« J’ai un pote de 40 piges qui s’est mis à imiter PNL l’autre jour, et bah tout d’un coup il s’est arrêté et il a dit : « Ça y est je suis un vieux con. » »


 

Petite dédicace au passage à Emmanuel Forlani avec les soirées Free Your Funk qui tiennent le pavé sur ce genre là depuis un moment.

 

Carrément. Et je m’aperçois que les gens sont contents de me voir faire ça.

 

Il y a eu des moments incroyables sur d’obscurs Big Noyd (rires).

 

Ouais il s’est passé des trucs de ouf. Après je sais aussi m’adapter aux nouveautés, à la trap, il y a des trucs qui défoncent, je suis fan de Drake et d’autres mecs récents. En ce moment je me sens à l’aise dans la « zic » que je fais, dans la « zic » que je joue, dans mes lives. Et d’être revenu à mes racines « nineties » ça me plaît.

 

Une facette qu’on connaît moins c’est ta passion pour le cinéma français des années 80. Tu kiffes des vrais nanar de l’époque genre les Ripoux avec Noiret et Lhermitte (il se marre comme un gosse pris la main dans le sac). Ton top 3 des films du genre?

 

T’as cité Les Ripoux, pour moi c’est un gros gros classique. Ripoux 1, Ripoux 2 et Ripoux contre Ripoux(il réfléchit). Je pense que Marche à l’ombre reste très chaud encore aujourd’hui. Les phases font quand même très très mal. Bon je suis obligé de citer un Coluche (rires), Inspecteur La Bavure reste un film qui m’a marqué, je l’ai vu petit. On parlait de nostalgie tout à l’heure mais ces films sont parfaits un petit dimanche un peu pluvieux, une bonne tasse de café, je me fous au plumard et je mets l’Inspecteur La Bavure et je suis au top. Quand ils bouffent du saumon avec du Sancerre, je suis avec eux. On peut citer Calmos aussi (de Bertrand Blier) et Mes meilleurs copains (de Jean-Marie Poiré). Le point commun de tous ces films, ce sont des histoires d’amitié.

 

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Et il y aussi un truc, je pense que tu seras d’accord, c’est qu’il y a un côté franchouillard et patriotique dans le bon sens du terme. C’est la côte de bœuf, le verre de vin, la bonne répartie, un style de vie épicurien…

 

Ouais et comme tu dis dans le bon sens du terme, pas l’aspect français nationaliste bourrin. Ce que j’aime aussi dans ces films c’est que tu y vois un Paris qui n’existe plus. Comme dans L627 de Bertrand Tavernier, ou Tchao Pantin qui est assez incroyable pour ça. Les voitures, le pavé, les métros… Et c’est vraiment des films où les dialogues font « boom ».

 

C’est ma question suivante, tu n’as pas quelques répliques cultes que tu peux balancer ?

 

Dans Les Ripoux, il y a Thierry Lhermitte (qui joue un jeune inspecteur de police face au vieux keuf Philippe Noiret) qui dit à Noiret, « Je veux honnêtement faire un métier honnête », et Noiret lui répond « Ah ? Tu veux quitter la police ? » (rires)

 

C’est quoi déjà la phase de Michel Blanc au début de Marche à l’ombre ? Quand Michel Blanc dit à Gérard Lanvin « au moins en Grèce on avait du boulot »…

 

(Pone reprend du tac au tac la réponse de Lanvin dans le film) « Ah tu préférais lequel ? Quand on lavait les chiottes ou quand on jouait du bouzouki habillés en berger ? » (rires qui durent) Les Ripoux c’est notre film culte commun avec Kavinsky. Avec lui il y a Les dents de la mer aussi mais là c’est cainri.

 


« Les Doors quand ils arrivent c’est la guerre au Viet Nam et ils disent : « Non mais attends viens on prend des extas, viens on baise, viens on chill, laisse-les… Ils sont trop énervés pour nous. »


 

Ta rencontre avec Gérard Lanvin a été un grand moment je crois… C’est comme si un chrétien rencontrait Jésus (rires) !

 

Ouais ! En fait j’ai rencontré Olivier Marchal en Martinique, on avait bien rigolé, il est super cool et il savait que j’étais ultra fan de Gérard Lanvin dans Les Spécialistes, Les Frères Pétards, enfin tout quoi. C’était mon Dieu vivant quand j’étais petit ! Et bref Olivier Marchal avait invité Orelsan à une émission pour qu’on fasse un morceau, et après l’émission il me passe un coup de fil en me disant : « Je ne sais pas si tu es encore avec Orelsan mais venez au resto je suis avec Gérard Lanvin, vas-y viens je te le présente. » Et je me suis retrouvé à côté de Gégé. Le mec hyper ouvert, hyper cool, on a discuté. Quand je lui parlais des Frères Pétards il me disait, « Quand on a lu le scénario on s’est dit c’est n’importe quoi mais on le fait on s’en branle », et il n’imaginait pas l’impact qu’aurait le film. Evidemment pour plein de gens c’est un nanar, mais pour toute une génération de mecs comme moi c’est un film que tout le monde connaît par cœur, qui a marqué. En plus quand tu commences à fumer des oinjs et que tu le vois…

 

Pour finir, toi qui est un grand fan des Beastie Boys, quels seraient tes arguments pour inciter un kid d’une vingtaine d’années, fan de rap, à écouter ce groupe ? Est-ce que les jeunes peuvent encaisser ce type de son aujourd’hui? C’est à la fois légendaire et daté.

 

Pfff (il souffle face à la difficulté de la question)… Déjà je choisirais le bon track. Sur Paul’s Boutique (deuxième album des Beastie Boys), il y a un titre qui s’appelle « B-Boy Bouillabaisse » où ils enchaînent plein de morceaux et il y en a un qui commence par « Hello Brooklyn » et là mec ça part, gros sub-bass mais ultra moderne, sauf que le truc c’est 1989. Jay Z et Lil Wayne l’ont repris je crois (dans l’album American Gangster de Jay Z). Voilà je ferais écouter ce passage là parce que dans sa modernité il aurait pu être fait cette année. Bon dans le premier album, License To Ill, tu as les grosses guitares de Van Halen qui peuvent un peu freiner. Mais de toute façon tu n’as pas besoin de connaître les Beastie Boys pour kiffer le son. C’est extrêmement difficile de rentrer dans Beastie Boys quand ce n’est pas ton école du rap, leur façon de rapper reste quand même très « old school », si tu compares Capone N Noriega et Beastie Boys il y a quand même un monde.
Entre JR Ewing (membre du collectif La Cliqua et « graffiti artist » légendaire, JR Ewing est connu pour la qualité de ses mixtapes des années 2000 truffées de pépites de rap new-yorkais. Pone et lui ont fait une tape intitulée Narcotics Brothers) et moi s’il y avait bien un point sur lequel on n’était pas d’accord, c’est bien les Beastie. Quand j’étais avec La Scred Connexion et que j’écoutais les Beastie, Haroun me disait : « Mais qu’est-ce que tu fais ? » (rires). C’est comme les films, un mec qui a 20 ans tu lui montres les Ripoux il te dit « c’est naze ». J’ai un pote de 40 piges qui s’est mis à imiter PNL l’autre jour… Bah tout d’un coup, il s’est arrêté et il a dit : « Ça y est je suis un vieux con, j’ai l’impression d’être Lagaf qui se fout de la gueule du rap en faisant « yoyo » comme un débile ».

 

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Comme les vieux gardiens du temple hip-hop qui crachent sur la trap, avant nos parents se foutaient de la gueule de NTM.

 

Exactement c’est ça. La trap ça défonce, PNL ça défonce, enfin moi c’est ce que je pense. J’ai encore la lucidité de me dire j’ai passé l’âge de certains trucs mais quand je les entends je comprends pourquoi les jeunes kiffent. Les Beastie Boys quand je me les mange à 11 ans j’étais vierge…

 

(… je le coupe) Tu étais vierge à 11 ans ? (rires)

 

J’étais vierge de musique, j’avais aucune référence. Aujourd’hui tout de suite j’analyse.

 

On a peut-être perdu une certaine innocence face à la musique.

 

Ouais. Je pense aussi que les très gros succès arrivent par rapport à une attente précise des gens et à une époque donnée. On m’a demandé « pourquoi PNL ça marche ? ». Parce que c’est bien, déjà, il y a un truc nouveau, et je pense qu’il y a une douceur, une évasion dans leur « zic » et aujourd’hui, clairement, tu as plutôt envie de faire des câlins aux gens que de faire le « véner », on vit quand même dans une époque extrêmement violente. D’autant plus quand tu habites à Paris, il s’est quand même passé des trucs de dingue ! Et partout dans le monde. Bah voilà PNL ça fait du bien, tu n’as pas envie de sauter partout en criant, ce n’est pas M.O.P…. (il marque un temps) Bon M.O.P. c’est bien aussi (rires). Mon album c’est pareil, c’est normal d’avoir envie de calmer le jeu. Les Doors quand ils arrivent c’est la guerre au Viêt Nam et ils disent : « Non mais attends viens on prend des extas, viens on baise, viens on chill, laisse-les… Ils sont trop énervés pour nous. » Normal que les gens foncent là-dedans, ça fait du bien. Moi je ne peux pas arriver avec de la violence au moment où tu as envie de douceur. Aujourd’hui le mec de 20 ans et le mec de 40 ans ont envie de calme et de s’amuser. Enfin je pense…

Le Somewhere in… vous aura fait voyager un peu partout dans le monde : en Asie, en Afrique, en Europe, en Amérique du Sud et en Amérique du Nord… Cette fois on retourne sur les traces d’une destination déjà explorée par Sony Larson et Louis Lagny, New York. C’est HLenie qui s’est rendue dans la ville de Jay Z, Frank Sinatra et Robert de Niro

New York, 5 jours.

5 jours de marche, de kilomètres parcourus, d’étages grimpés pour admirer « the big Apple » d’un peu plus haut.
5 jours pour s’acclimater aux proportions de cette ville, de la taille des buildings à celles des sodas.
Je viens seulement d’assimiler cette démesure qu’il est déjà l’heure de repartir. J’ai eu le temps de m’émerveiller cent fois, et pourtant j’ai l’impression de n’avoir découvert qu’un infime pourcentage de cette ville. 

« These vagabond shoes
They are longing to stray
Right through the very heart of it
New York, New York »

Instagram : @hlenie

Deux ans après la sortie de son premier album Goddess, la californienne Jillian Banks est de retour avec l’album The Altar. Un titre, une nouvelle fois, symbolique pour une artiste qui transmet avec sa voix ensorcelante, une sensibilité et une vulnérabilité qui se meut aujourd’hui en force et en véritable émancipation. Le 30 septembre, quelques heures après la sortie de son album, YARD est parti à sa rencontre et est revenu sur ses débuts ainsi que sur le parcours qui l’a menée a une telle prise de pouvoir.

Photos : @Booxsfilm

 

 

 

Tu es déjà venu à Paris, pour un concert au Bataclan. Je me souviens que tu faisais face à un public très réceptif. Quel souvenir gardes-tu de cette date-là ?

Je sais que j’ai toujours aimé jouer à Paris, je sens que j’ai beaucoup de soutien dans cette ville. J’aime voyager, c’est toujours intéressant de partager sa musique avec différentes cultures, car tous les publics réagissent différemment.

 

Je voulais revenir au tout début de ta carrière. Qu’est-ce qui t’a poussé à dévoiler ta musique ?

Je ne sais pas. C’est juste une décision que j’ai prise. J’écrivais depuis longtemps sans rien sortir et un jour je me suis dit que c’est ce que je voulais faire pour gagner ma vie. Et j’ai commencé à diffuser ma musique.

 

Le fait que ce que tu écris reste toujours très personnel, cela a-t’il été effrayant ?

Je pense que c’est toujours angoissant de vous jeter là-dedans. Je crois que si vous êtes un musicien, si vous écrivez des chansons, vous avez ce besoin secret de le faire… Même si ça vous met mal à l’aise. Vous devez le faire. J’imagine que je dois le faire aussi.

 

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Tu te dévoiles beaucoup, mais au début de ta carrière, tu restais quand même assez mystérieuse et secrète. Comment cette gestion se répercute dans ta façon de gérer ton image ?

J’ai l’impression d’être très ouverte dans ma musique, mais en dehors, je suis discrète. Et en ce qui concerne mon image, je fais simplement ce que je veux. Ce n’est pas vraiment très compliqué.

 

En ce qui concerne tes inspirations, j’ai lu qu’au-delà de la musique, tu étais aussi inspirée par les arts plastiques.

Oui. Par la peinture ! Je suis aussi inspirée par les bons livres, les bonnes histoires. Les artistes incroyables ne font pas que de la musique… Plus que les artistes, tout le monde peut être vraiment inspirant dans sa façon de créer certaines choses. Par exemple, je trouve ma grand-mère tellement inspirante : elle a élevé ma mère et sa soeur et devait gagner de l’argent pour tout le monde. Pendant qu’elle élevait ses filles elle a étudié le droit pour devenir avocate. C’est inspirant. Il y a tout un tas de gens que je trouve inspirant. Peut-être que tout ça s’intègre à ma musique.

 

Tu parlais de livres. Quel genre de littérature t’intéresse ?

Je ne sais pas. J’adore lire. Quand je suis stressée, que mon esprit ne veut pas s’arrêter de travailler, c’est la seule chose qui m’apaise. On ne peut pas penser à autre chose quand on lit. Je lis un peu de tout : de Femmes qui courent avec les loups qui est plus conceptuel, plus intense, à Harry Potter. C’est ce que je lis en ce moment et j’adore (rires, ndlr).

 


« Je crois que si vous êtes musicien, si vous écrivez des chansons, vous avez ce besoin secret de vous dévoiler, même si ça vous met mal à l’aise. »


 

Tu lis, ou tu relis ?

Je lis ! Je ne l’avais jamais encore fait. J’ai commencé parce que j’avais besoin de lire un truc marrant, pour m’alléger l’esprit. Mais j’adore ça, c’est très bien. Je comprends pourquoi ça a été un tel phénomène. Mais je pense que les livres sont surtout là pour être appréciés, parfois ils n’ont pas besoin d’être compliqués. Ma grand-mère a les mêmes goûts que moi, elle me lit et recommande toujours des choses que j’aime.

 

Toutes ces lectures ont une influence dans ta façon d’écrire ?

Ma vie m’inspire ce que j’écris, et j’écris quand j’en ressens la nécessité. Si je suis joyeuse pendant 5 mois, peut-être que je ne ressentirais pas le besoin d’écrire quoi que ce soit… Ce n’est pas que j’écris seulement quand je suis malheureuse – les titres « Lovesick » et « Mother Earth » sont des titres plutôt exaltants – mais j’écris seulement quand j’en ai besoin.

 

En quoi la conception de The Altar a-t-elle été différente de celle de ton premier album ?

C’était assez différent. Le premier album, je l’ai fait à Londres et celui-ci je l’ai principalement réalisé à Los Angeles, ma ville d’origine. Ça s’est parfaitement bien passé.

 


« Ma vie m’inspire ce que j’écris,et j’écris quand j’en ressens le besoin. Si je suis joyeuse pendant 5 mois, peut-être que je ne ressentirais pas le besoin d’écrire quoi que ce soit. »


 

Pourquoi le premier album s’est fait à Londres ?

Ça s’est juste imposé dans le processus créatif, j’ai travaillé avec beaucoup de gens qui y vivaient et je manquais aussi d’inspiration à Los Angeles à l’époque. J’étais fatiguée par L.A., je voulais déménager. Et à la fin de la tournée, après deux ans et demi, j’ai eu un regain d’estime pour L.A. Bien connaître ce qui m’entoure, me sentir à l’aise là où j’étais, m’avait manqué. Donc quand j’étais à la maison, je me suis rendue compte que c’était un l’endroit idéal pour revenir sur les choses qui m’étaient arrivées, sur ces dernières années qui ont été assez folles. J’avais beaucoup d’éléments sur lesquels écrire. Dans un endroit où j’étais à l’aise, où j’ai été toute ma vie. C’est cool.

 

Maintenant que tu en parles, je trouve qu’on sent l’empreinte de Londres sur Goddess et celle de L.A. sur The Altar. D’ailleurs la première fois que j’ai entendu ta musique, j’ai cru que tu étais anglaise.

On me le dit souvent. C’est peut-être parce que ma musique a d’abord été acceptée là-bas, je ne sais pas. Je ne saurais pas dire à quoi ma musique ressemble, j’essaie juste d’être authentique.

 

Donc, comment as-tu travaillé sur The Altar finalement ?

J’avais juste beaucoup de choses à dire. Ecrire de la musique me vient naturellement, c’est dur d’en expliquer le processus, la façon dont ça arrive. Certaines compositions commencent avec un piano, d’autres en studio avec une autre personne… J’aime travailler avec peu de gens.

 

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Qui a travaillé avec toi cette fois-ci ?

DJ Dahi, Tim Anderson, Al Shux, John Hill et d’autres gars du crew XO qui travaillent avec The Weeknd, comme Ben Billions et Danny Boy Style. C’était vraiment cool. Un peu comme si tout le monde se connaissait.

 

Je voulais revenir aussi sur les thèmes de cet album…

C’est ma vie tout simplement. Je choisis d’écrire sur des choses que je dois extérioriser et analyser. J’ai senti que je prenais plus de pouvoir, que je traversais une transformation. Chacun en traverse plusieurs au cours de sa vie. J’ai écrit sur le fait d’être amoureuse, d’être forte, de se sentir triste, d’avoir le cœur brisé, d’être une femme.

 

Je pense que la prise de pouvoir prend une place importante de cet album. C’est vraiment ce qu’il y a de plus frappant…

J’en avais besoin, je pense que c’est la bonne chose à faire. Il y a eu deux périodes dans ma vie où j’ai été dépossédée de ce pouvoir, incertaine… Et ça ne vous donne pas envie de vous affirmer.

 


« Il y a eu deux périodes dans ma vie où j’ai été dépossédée de ce pouvoir, incertaine… Et ça ne vous donne pas envie de vous affirmer. »


 

Comment cela se retranscrit dans ton rapport à l’industrie du disque ?

J’ai de la chance de faire ce que je fais, c’est certain. Il y a des choses qui sont difficiles et d’autres qui sont incroyables… Je pense que c’est comme ça pour tout le monde. Mais j’apprends sur la route.

 

Au-delà de la musique, je voulais revenir sur tes visuels. Tu en as sorti deux clips pour ton dernier album, quelle est ton implication dans leur conception ? Que souhaites-tu communiquer ?

Je voulais plus montrer mon visage. C’est pour ça que dans « Fuck with myself », il y a mon visage contre mon visage sur un mannequin.

 


«  »Fuck with myself » parle essentiellement des différentes relations que j’entretiens avec moi-même. L’une où je me déteste, l’autre où je m’aime. »


 

Ça a un rapport avec la prise de pouvoir ?

Oui et non. Ça a plutôt un lien avec le titre qui parle essentiellement des différentes relations que j’entretiens avec moi-même. Une où je suis ma meilleure amie, une autre où je suis ma propre mère, et encore une autre où je suis ma plus grande ennemie, ou encore mon propre tyran. L’une où je me déteste, l’autre où je m’aime. Je pense que je voulais montrer cet aspect, en mettant un miroir dans la vidéo pour interagir avec moi-même, me materner, me gifler, m’embrasser. La relation qu’on entretient avec nous-mêmes est la seule qui se manifeste à chaque seconde de la journée. Ça n’arrête jamais. Elle est en constante évolution, quand tu traverses tous ces états, quand tu ressens beaucoup de « haine de soi », ça peut être horrible. Je suis passée par là. Ces dernières années, je suis aussi passée par des moments où je me suis sentie très forte. Faire cet album a renforcé cet état d’esprit. C’est intéressant de montrer toutes ces facettes. Je développe encore cette relation avec moi-même.

 

Et « Gemini Feed » ? J’ai lu que les gémeaux étaient les artistes les plus créatifs. À quel point ce titre a-t-il un lien avec l’astrologie ?

Je n’y crois pas à 100%, mais les gémeaux, moi inclue, avons un esprit en quelque sorte découpé en deux. Tout le monde l’a, dans une certaine limite. Personnellement, mon cerveau se divise constamment en deux parties qui ont l’air de se modeler l’une à l’autre et de discuter entre-elles (rires). Je pense qu’il s’agit plus d’une façon de penser, qu’on comprend mieux les choses quand on lit des trucs sur l’astrologie. C’est assez effrayant de ne pas savoir ce qui nous attend dans le futur, on essaie de le saisir autant que possible.

 

Et finalement pourquoi l’album s’appelle The Altar, l’Autel en français ?

C’est mon autel. C’est moi. C’est pur.

 

 

Qu’est-ce que ça représente ?

C’est un endroit sûr pour moi où je peux être honnête. Pour moi c’est ça un autel. C’est un endroit plein de spiritualité, un lieu de sacrifice où vous analysez les choses.  Peu importe, là où il y a un autel, on sent quelque chose de sacré. Il y a quelque chose de magique là-dedans.

 

Pour boucler la boucle, je voulais revenir sur la scène. Tu reviens à Paris en mars pour un concert à la Cigale. Comment tu te sens, maintenant que tu as toute cette expérience derrière toi ?

Je suis impatiente de recommencer à être sur scène avec de nouveaux titres. J’ai tourné avec mon premier album pendant deux ans et demi, donc à la fin j’avais juste envie de recommencer à écrire des choses nouvelles pour retourner sur scène.

 

 

 

J’ai aussi lu que tu avais assez peur de la scène à tes débuts ? Où est-ce que tu en es aujourd’hui ?

Ça change tous les jours. Il y a des jours où c’est vraiment dur, il y en a d’autres où je ne peux simplement pas attendre.

 

C’est aussi quelque chose qui demande beaucoup d’énergie. Comment tu t’y prépares ?

J’apprends encore. Parfois j’ai du mal. C’est toujours bien si je peux être seule pendant 15 minutes avant un show. Ça m’aide à me recentrer. Parfois je peux être un peu débordée par toutes les personnes autour de moi, donc j’essaie de m’isoler pendant un petit moment  avant de monter sur scène.

 

Et pour l’avenir, comment tu te prépares ?

Je ne m’y prépare pas, peut-être que je devrais (rires).

 

Banks sera en concert à La Cigale le 8 mars. Joue et tente de remporter deux places avec YARD.

De temps en temps, il faut sortir de l’analyse, sortir de la compréhension pour parler à cœur ouvert. Nous avons tous une relation avec des célébrités qui nous ont marquées, touchées, portées, peinées, elles nous parlent mais nous ne répondons pas. Aujourd’hui, YARD répond.

 

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Hatem Ben Arfa ce n’est pas Richard Gere dans Officier et gentleman comme son Instagram veut nous faire croire. Non non. Hatem c’est plutôt Rachel McAdams l’héroïne dans N’oublie jamais, qui nous a fait pleurer avec Ryan Gosling quand ce dernier lui demandait ce qu’elle voulait pour leur couple. Comme elle, Hatem ne sait pas ce qu’il veut. Il hésite encore et toujours entre une étoile filante ou une étoile, tout court.

Il est capricieux, gâteux, gâté, facile, horriblement fort, trop fort, énorme, fragile, dément, étrange, hyper fort, ultra fort, humain, surdoué, génie, génial, incohérent, inconstant, gâché, gâchis. Il est cette personne qui vous fait toujours craquer lorsqu’elle revient vers vous ; avec qui vous passez de bons moments mais qui finira toujours par vous quitter, car ça ne pourra jamais marcher entre vous. Il est ce footballeur incroyable, dégoulinant de talent et détenteur du fameux « mais » qui vient après un compliment. Par exemple : « Hatem est pétri de talent mais… ». Cependant, son talent n’est pas supérieur à son caractère. Son talent et son caractère vont de pair. On n’a pas l’un sans l’autre. C’est comme ça qu’il est. Il est entier !

 


« Tu m’entendras plus glousser « Hatem, je t’aime » à chacune de tes touches de balle, de tes feintes de corps, de tes crochets, de tes passements de jambes… »


 

Depuis son retour en Ligue 1, il nous séduit. Il flirtait avec nous la saison dernière, il nous a dragués dans ses interviews et là je vois qu’il essaie de conclure en faisant sa victime au PSG. Mais on le connaît, résistons. Pour ma part, je résisterai. Il ne m’aura pas comme à Hull, comme à Newcastle, comme à l’OM. Non, cette fois-ci c’est mort Hatem. Non lâche moi. Je ne veux pas voir ton petit pont contre Troyes lorsque t’étais en prise face à quatre joueurs. Non, mais non. Je ne veux pas voir ton vieux pénalty contre l’Angers. Dégage. Non et non. Je ne veux pas regarder cinq fois ton but face à Caen, où tu transperçais cinq joueurs et que tu brûlais les gants de Rémy Vercoutre. Non, Hatem ! Non je n’ai pas envie de voir le condensé de ta saison à l’OGC Nice un dimanche d’automne sur YouTube en pyjama.

Continue à jouer le gendre parfait, fanfaronner sur les pelouses de Ligue 1, humilier des pères de famille et « enjailler » le public azuréen. Continue à séduire les plus jeunes, ceux qui ne te connaissent pas comme nous autres. Continue à jouer juste, répondre aux journalistes et analyser les matchs comme si t’étais Julien Feret. Moi, je vois en toi. Pire. J’ai cru en toi quand tu étais la plus grosse désillusion du football français mec. Tu m’as fait craquer, dans les deux sens contraires du terme. Du coup, je ne tomberai plus dans le panneau.

 

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Tu ne sais pas ce que c’est de te défendre face à une foule de mecs scandant qu’ils préféraient Jimmy Briand à toi (sans vouloir t’offenser Jimmy !). Tu ne sais pas ce que c’est de te défendre en dehors du terrain quand tu faisais n’importe quoi. Sûrement plus dur d’être toi dans ces moments-là. En somme Hatem, c’est mort. Tu m’entendras plus glousser « Hatem, je t’aime » à chacune de tes touches de balle, de tes feintes de corps, de tes crochets, de tes passements de jambes…


« Tu étais en train de te faire carrer comme Yoan Mollo sauf que toi, tu recueilles l’empathie de la France. »


 

Cette saison, t’es enfin à la maison, chez toi, à Paname. Après une année, pour faire taire tes détracteurs, tu as fait la victime pour les émouvoir. Tu étais en train de te faire carrer comme Yoan Mollo sauf que toi, tu recueilles l’empathie de la France. Tes plus grands « haters » arrivent même à te trouver mature dans ta gestion du schmilblick. Tu étais en tribune avec Jamel depuis un mois et tu n’as pas pété de câble, tu n’as pas fait pas ton caca nerveux, ton boucan, ton bordel, ton banlieusard.

T’as changé c’est ça ? Mais arrête. Tu ne changes pas mec. L’homme ne change pas, on ne change pas et oui l’Homme est un imbécile, nous le sommes tous. Il n’y a qu’à regarder à droite de la défense.

Après un mois, tu reviens dans le groupe, tu refoules la pelouse du Parc sous une ovation. Euh une ovation ? Sérieux les gens, une ovation ? Le gars n’a encore rien fait. On t’applaudit pour ne pas avoir insulté Emery je crois ça ne peut qu’être ça.

Bref…Hatem. Tu aurais pu te rapprocher le plus possible de Zizou. Tu aurais pu, mec ! Si seulement tu t’aimais autant que je t’aime… Euh que je t’aimais.

 

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Au terme d’une année riche, condensée dans les 8 minutes du documentaire Zombie Life, Hamza est devenu l’une des nouvelles coqueluches d’un rap « français » désormais devenu « francophone », étant plébiscité aussi bien par ses semblables que par les auditeurs. Un an après notre premier entretien avec l’artiste belge, nous nous sommes à nouveau installés à ses côtés afin de dresser le bilan. L’occasion pour nous d’évoquer avec lui un hypothétique succès outre-Atlantique, mais aussi et surtout New Casanova, son prochain EP à l’accent résolument jamaïcain.

Photos : Babacar Paviot Diasse

Il y a quelques jours est sorti le documentaire Zombie Life qui retrace l’année qui a suivi la sortie de ta mixtape H-24, celle qui t’a vu te faire un nom au sein de la scène rap. Quel bilan tires-tu de cette année ?

Ça a été une superbe année pour moi. J’ai sorti deux projets, H24 et Zombie Life, qui ont été plutôt bien reçus, c’était cool. J’ai aussi eu l’occasion de faire plein de shows un peu partout, ça m’a permis de prendre la température auprès du public. Ça fait plaisir.

Zombie Life était aussi le nom de ton premier projet ayant bénéficié d’une sortie commerciale. Dans quel état d’esprit étais-tu au moment de le sortir ?

À l’origine c’était un projet que je voulais balancer gratuitement, ou au moins faire en sorte qu’il soit disponible en streaming. Les plateformes de streaming, que ce soit Spotify, Deezer ou Apple Music, commencent à prendre de la place donc je me disais que ce serait une bonne chose de balancer Zombie Life là-dessus pour commencer. Puis on a réfléchi avec mon équipe, et on s’est finalement lancé le défi de le commercialiser, histoire de voir comment ça allait prendre pour une première fois.

« Sans mentir ce n’est pas comme si tu allais forcément trouver un putain d’artiste dans chaque recoin de Bruxelles. »

Sur cette tape, tu as réalisé un morceau avec Damso, qui a été l’autre grande sensation belge de 2016. Avec le vent de fraîcheur que vous apportez, penses-tu que la Belgique peut devenir la nouvelle locomotive du rap francophone ?

Nouvelle locomotive… Je ne sais pas, le terme est peut-être un peu fort. Pour l’instant, il y a effectivement Damso, Caballero & JeanJass, Jones Cruipy et moi qui parvenons à sortir un peu du lot – et il y en a certainement d’autres – mais sans mentir ce n’est pas comme si tu allais forcément trouver un putain d’artiste dans chaque recoin de Bruxelles. Après le fait qu’il y en ait qui réussissent à faire leur trou et à amener quelque chose de frais est une bonne chose car ca permet d’ouvrir des portes et ca pousse les gens à se pencher sur le cas bruxellois, et belge plus largement.

On vous voit régulièrement vous apporter beaucoup de soutien entre artistes belges, notamment sur les réseaux sociaux. Penses-tu qu’il s’agit d’une de vos forces par rapport à une scène française où tout le monde ne tire pas systématiquement dans le même sens ?

Je pense effectivement que c’est l’une de nos forces mais ce n’est pas forcément quelque chose qui se faisait naturellement avant. On se connaît tous depuis très longtemps, on se voyait déjà tous dans les mêmes studios mais chacun faisait plutôt son propre truc de son côté. Je pense que quand ça a commencé à prendre petit à petit, on s’est tous dit qu’il n’y avait pas de raison pour ne pas se donner de la force entre nous. Pourquoi on ne devrait forcément pas faire ce que les français ne font pas automatiquement ? Au bout du compte, on est tous des artistes, on a tous eu nos galères, donc autant se soutenir et collaborer pour pousser le mouvement à fond. C’est la seule manière de créer un vrai « game » chez nous et d’inciter le public à nous soutenir à son tour.

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Tu t’apprêtes à sortir un nouvel EP, New Casanova aux sonorités très caribéennes. Qu’est-ce qui t’as poussé à partir dans cette direction artistique ?

Cet été, j’ai beaucoup écouté de titres de ce registre, notamment avec les sorties de Drake, de Roy Wood$ ou de PARTYNEXTDOOR. C’est une vibe qui m’a parlé donc je me suis lancé, tout simplement. J’ai commencé à enregistrer quelques sons dans ce délire puis j’ai publié « One One » et « Ghetto » comme premiers échantillons. J’ai eu énormément de bons retours, les gens avaient l’air de bien kiffer. Après j’ai mis un petit extrait de « Eldorado » sur Instagram, et là c’est parti en couilles… Les gens me demandaient quand ça allait sortir, et j’ai même eu Ramriddlz qui m’a contacté pour faire un remix. Donc je me suis dit que ça pouvait être une bonne idée d’en faire un petit EP.

On parle de toi comme un « rappeur », parfois comme un « chanteur », certains te classent dans la trap, d’autres dans le r’n’b. Sortir un tel projet n’est pas aussi une manière de rejeter toutes les étiquettes qui pourraient t’être apposées ?

Bien sûr. Sortir cet EP me permet de montrer une autre facette de mon talent, de montrer que je suis capable de sortir de l’univers pour lequel on me connaît. J’ai envie que l’auditeur qui a écouté H24 et Zombie Life soit surpris avec New Casanova. D’autant que pour ma part, j’ai plus le sentiment d’être un artiste qu’un rappeur. J’aime créer, j’aime oser, j’aime aller loin dans ce que je fais.

« Quand il y a une vibe, quand un morceau est réellement ‘catchy’, la langue n’est plus forcément un problème. »

Aux États-Unis et au Canada, ceux qui ont fait le pari de s’orienter vers la musique caribéenne ont souvent été accusés de faire de l’appropriation culturelle, de prendre à cette culture sans forcément lui donner du crédit. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

Je ne pense pas que ce soit de l’appropriation culturelle à proprement parler, vu qu’à Toronto en l’occurrence, il y a une grosse communauté jamaïcaine et beaucoup baignent dans ce genre de musique. Ils en écoutent à grosse dose et savent comment la faire. Et puis quand tu regardes Drake par exemple, tu vois qu’il s’est connecté avec un gars comme Popcaan, le genre d’artiste qui incarne totalement cette culture. Je trouve ça cool, ce genre de mouvement montre qu’il respecte réellement les origines du genre. D’autant que dans la réalisation de la musique, que ce soit Drake ou Tory Lanez, ils s’appliquent à faire des morceaux de qualité tout en conservant les codes du dancehall. La musique est bonne donc à partir de là, tout ce qu’on dit là-dessus, c’est secondaire.

Quand on écoute tes sons, on ressent chez toi une vraie facilité à assimiler les codes d’un genre, qu’il s’agisse des flows ou des slangs utilisés. C’est quelque chose que tu travailles ?

Non, c’est quelque chose qui vient naturellement. Je trouve que c’est important, si je fais du dancehall par exemple, d’utiliser tous les codes qui caractérisent cette musique. C’est ce qui va rendre la chose plus authentique, à mon sens. Quand tu vas écouter le son, tu ne vas pas te dire que ça a été fait au hasard, tu vas te rendre compte que le mec s’y connaît un minimum. Pour te dire, j’ai envie qu’un Jamaïcain qui écouterait New Casanova puisse s’y retrouver dedans.

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Penses-tu que cette qualité spécifique peut constituer un atout au moment d’envisager un succès en dehors de la francophonie ? Je devine que c’est quelque chose auquel tu songes.

C’est effectivement quelque chose que j’ai dans la tête, mais pas au point de me focaliser non plus. Ce serait une bonne chose et puis je n’ai pas de raison de me fixer de limites quand je vois qu’un artiste comme Stromae a pu le faire. C’est encourageant. Après, je pense effectivement que le fait qu’il y ait beaucoup de mélodies, beaucoup de vibes dans mes morceaux puisse aider, car c’est peut-être plus facile pour quelqu’un qui ne comprend pas la langue d’apprécier le son. Alors que si tu prends par exemple un mec qui rappe en français, qui a un gros texte mais sans vraie mélodie, la barrière de la langue va probablement être un frein. Quand il y a une vibe, quand un morceau est réellement « catchy », la langue n’est plus forcément un problème. C’est un peu ce qui se passe avec PNL d’ailleurs.

Dernièrement, on a vu Virgil Abloh glisser « La sauce » dans un de ses sets, et deux de tes sons ont été joués sur OVO Sound Radio. Quelle a été ta réaction quand tu as entendu ça ?

C’est cool de leur part et c’est motivant. Quand tu entends ça, tu te dis qu’effectivement il y a peut-être quelque chose à faire outre-Atlantique, qui sait ? Ça tue en tout cas.

Pour conclure, que peut-on attendre d’Hamza à l’avenir ?

Plein de musique, plein de projets, plein de clips, comme d’habitude. Restez connectés en tout cas.

Assa Traoré est la sœur d’Adama Traoré, le jeune homme originaire de Beaumont-sur-Oise décédé le jour de ses 24 ans. Le 19 juillet 2016, à la suite de son interpellation par trois gendarmes, il meurt d’un syndrome d’asphyxie. Alors que l’ombre d’une bavure policière se profile de plus en plus nettement, le procureur de la République de Pontoise est accusé de maquiller les causes de la mort d’Adama. Menés par Assa, sa famille et ses proches se mobilisent pour faire éclater la vérité.

Clique est parti à sa rencontre et la laisse témoigner des faits, exprimer le ressenti des proches d’Adama et de tout ceux qui les ont soutenus et enfin adresser un message au Président de la République, François Hollande.

 

 

Retrouvez également notre entretien avec Hawa Traoré dans l’article « Affaire Adama Traoré, l’histoire se répète-t-elle ? »

Originaire de Londres, passé par les couloirs du métro parisien et finalement récipiendaire du prestigieux Mercury Prize, Benjamin Clementine rayonne encore avec un premier album encensé par tous. Sorti fin mars 2015, l’album « At Least For Now » réussi à moderniser la musique de chambre, à la transposer dans les Londres et Paris d’aujourd’hui, le tout porté avec poésie par sa voix éloquente et profonde.

YARD est parti à sa rencontre pour revenir sur les origines de sa passion et sur les bases de son intégrité d’artiste.

Peace’N’Lové, une philosophie abrégée par l’acronyme PNL. Les deux frangins du quatre-vingt-onze ne s’en sont jamais cachés, une partie importante de leur motivation musicale repose sur leur volonté de faire de l’argent, et beaucoup. Leur troisième album, Dans la légende, marque l’entrée du groupe dans une nouvelle ère économique avec un disque d’or obtenu en à peine une semaine. Un univers économique minutieusement pensé par PNL qu’on a tenté de décrypter entre leur indépendance, leur campagne d’affichage avancée par leurs fonds propres et les ventes colossales. Les chiffres annoncés sont le fruit d’une petite recherche façon Combien ça coûte ? mais peuvent être approximatifs.

Remarque : 

– Le coût d’emplacement de l’affiche est sur une période d’occupation d’un mois
– Concernant les revenus d’album, il s’agit de chiffres bruts

Encore une fois le Somewhere In vous fait voyager, YARD se dirige en Indonésie plus précisément à Bali. Cette fois c’est Marine Desnoue qui a pris son appareil photo pour nous ramener quelques clichés insulaires.

Bout de terre à la beauté insolente, enlacé par la mer de Bali et l’océan Indien, Bali est la tête d’affiche de l’archipel indonésien. Ses effluves se disputent dans un chaos réjouissant, on y sent pêle-mêle le bâton d’encens qui fume, le scooter qui tousse, l’essence en bouteille, l’hibiscus, le frangipanier, le balisier ou le magnolia qui bourgeonne, le poisson, le poulet ou le riz qui frissonne. Ses trottoirs se jonchent d’offrandes aux dieux, de petits paniers de feuilles de palmier garnis de fleurs, de grains de riz, de fruits et même de gâteaux apéritifs. L’île s’habille de dizaines de milliers de temples sculpturaux, nichés dans les jardins privés, plantés dans la jungle luxuriante, couchés sur l’eau ou perchés sur les rochers. Ses volcans s’allongent dans la mer bordée de bancs de sable noir, ses rizières dessinent des terrasses majestueuses et ses collines débordent de palmiers. Loin des plages paradisiaques qui bercent les fantasmes, Bali est bariolée, magnétique et inoubliable.

 

The Hop, c’est avant tout une bande de potes passionnée par les mêmes sonorités hip hop. Un amour commun qui les mène rapidement vers la création d’un orchestre gravitant autour de la crème du rap parisien (1995, Espieem, Jazzy Bazz…) en 2010. Aujourd’hui amputé d’une partie de sa formation originelle et revigoré par l’aventure acoustique Stud, le trio de base composée de Benjamin, Tony et Clément -devenu quatuor depuis l’intégration du dernier-venu Daniel-, continue son parcours de belle manière ; entre une apparition aux dernières Victoires de la Musique avec Nekfeu, et plus particulièrement leur participation à la première édition parisienne Red Bull Music Academy organisé cette semaine.

Le nom The Hop, c’est une référence à A Tribe Called Quest ?

Benjamin : Avant de se rencontrer, on faisait tous de la musique de notre côté. Clément et Tony se connaissaient déjà, un pote nous a présentés tous les trois, et on s’est dit pourquoi pas créer un groupe ensemble et commencer à jouer dans des petits bars. On avait déjà des potes rappeurs à l’époque : Espiiem, Jazzy Bazz, L’étrange et le qui deviendra 1995. On s’est dit que pour notre premier concert, on allait faire une grosse soirée hip-hop avec des musiciens à l’Abracadabra. La salle nous demandait un nom pour nous annoncer, c’est de cette manière qu’on est arrivé au nom de The Hop. À cette période, on écoutait vraiment beaucoup de hip-hop comme A Tribe Called Quest, les Jay Dee, le son de Detroit, tout ce rap un peu jazzy ou nu sound. C’était cohérent, ça indiquait bien notre affiliation.

L’idée initiale du groupe c’était ça, de ne jouer que pour des rappeurs ?

Benjamin : À la base on voulait juste avoir une formation instrumentale et inviter tous nos potes rappeurs et chanteurs. Dans notre premier concert de The Hop, il y’avait 1995, la Cool Connexion, Espiiem, L’Etrange et Kema. C’était il y a 6 ou 7 ans. À l’issue de ce concert on avait quelques compositions qu’on voulait défendre, mais sans avoir à amener 15 rappeurs à chaque fois. Il fallait qu’on fasse un choix et on a décidé de garder deux rappeurs et une chanteuse.

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C’était un format un peu à part dans le paysage du rap français, qui n’est pas forcément habitué aux bands ?

Benjamin : Niveau marketing ce n’était pas top car difficile à classer, mais ça nous permettait de couvrir en même temps le côté hip-hop et nu soul. Après un an d’existence, on était treize sur scène… Et cela jusqu’à notre premier EP.On faisait un peu fanfare avec une section de cuivre très dense musicalement, et visuellement ça fait une troupe. C’est clair que c’était original, mais l’inconvénient c’est que ce n’était pas du tout rentable. Ça devenait trop difficile d’être booké dans des salles, je crois même qu’on n’a jamais été tous ensemble en répétition. C’était un peu compliqué.

Tony : Du coup, on a réduit le nombre de personnes au fur et a mesure. Ça s’est resserré un peu naturellement et un peu par la force des choses.

Benjamin : On se rendait compte qu’à ce nombre, on ne pouvait pas tourner ou seulement à perte. En plus on faisait un son en live qui était beaucoup trop fouillis, tout le monde faisait son truc individuellement, ça pouvait être le bordel. L’autre problème, c’est que notre EP était un peu un fourre-tout, c’était dur d’avoir une vraie image. C’était ni hip-hop, ni soul… Ça peut être une force mais c’était difficile à marketer. Le coté hip-hop, couplet-refrain, plaisait aux producteurs mais nous de moins en moins. Ce fut la base d’une fin prématurée.

On a eu une proposition d’album hip-hop par Musicast dans la lignée de ce qu’on faisait avant. Pas commercial, mais un truc facile d’accès. On a pris six mois pour faire de nouveaux morceaux, et quand on leur a fait écouter les mecs ont pété un câble en nous disant que ce n’était pas hip-hop. À ce moment-là, on était en plein changement, on grandissait musicalement. C’est ce changement qui a été la source de notre séparation avec Kema et Espiiem. On arrivait plus à faire des morceaux hip-hop lambda, ça nous faisait chier.  À partir de ce hiatus, on a continué à faire du son en faisant rejet du hip-hop.

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Comment on arrive à imposer un live band dans le milieu hip-hop, face à des artistes peu habitués au langage musical des musiciens ?  

Benjamin : Franchement ça dépend. Espiiem, vu qu’il joue depuis longtemps avec nous, on n’a jamais eu de problèmes de communication, c’est un musicien dans le rap. Il a la notion du tempo et des rythmiques, qui sont assez développés. Par contre quelques temps plus tard, on a été amené a jouer avec un tas de rappeurs, et parfois on ne parlait pas la même langue. Quand on comptait en mesures, ils n’arrivaient pas à se repérer comme ça, il a fallu s’adapter. Mais on a commencé à la base des mecs qui étaient bons, ils avaient cette particularité, ils savaient jouer avec des musiciens.

Après cette pause, on s’est dit qu’il fallait refaire des trucs, on a trouvé dommage de laisser un projet mort-né alors qu’il avait du potentiel. On avait toujours des propositions de concerts.  Puis on eu l’opportunité d’enchaîner sur STUD avec YARD qui cherchait un live band. Le concept consistait a faire venir des rappeurs dans le studio Davout pour enregistrer des versions acoustique de leurs morceaux en vidéo. À partir de là, on est revenu dans le game mais sans même penser à un retour officiel de The Hop. Grace à STUD, on a pu jouer avec quelques pointures du rap français comme Mac Tyer, Medine, 113, Ärsenik, S.Pri Noir… On a vu que STUD marchait bien, on a donc garder cette formation à quatre musiciens qui était super intéressante.

Pour STUD on a été confronté à des rappeurs beaucoup moins à l’aise avec des musiciens, ils ne connaissaient pas notre langage. Si tu leur demandais combien de mesures dure ton premier couplet, ils ne savaient pas le dire, ils n’arrivaient pas à te faire la fin d’un couplet sans le refaire en entier… Ce ne sont pas de mauvais rappeurs, c’est juste leur manière de taffer. Avec le temps c’est devenu moins difficile, surtout avec les gens qu’on connaît.

« Le coté hip-hop, couplet-refrain, plaisait aux producteurs mais à nous de moins en moins. Ce fut la base d’une fin prématurée. »

Vous est-il déjà arrivé de mauvaises expériences avec des rappeurs, qui ne savent pas lire la musique ?

Benjamin : Tous les rappeurs avec qui c’était un peu tendu dans la communication, c’était stressant car ils étaient dans une zone inconnue. Mais aujourd’hui quand tu joues avec eux, il n’y a aucun souci. Par exemple, Mac Tyer ou Ärsenik marque une autre génération qui, à ma connaissance, à moins l’habitude de faire du live. Pour STUD, il fallait qu’ils jouent avec un métronome dans les oreilles. Ärsenik ça les faisaient chier, mais pour l’enregistrement il fallait s’y tenir ce qui a créé une petite tension. Passé cette étape, on a appris a se connaître et maintenant ça glisse. On sait qu’avec certains il ne faut pas attendre qu’ils t’expliquent donc on prend les informations en amont. Ça se passe toujours bien.

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Quand vous reprenez des morceaux hip-hop, le but est de vous les approprier ou de les reproduire le plus fidèlement possible ?

Tony : Cela dépend des morceaux, si on ne l’aime pas trop on va essayer de le changer. C’est subjectif.

Benjamin : Notre truc, c’est qu’on essaye au maximum de sonner comme une production live, on ne veut pas sonner jazzy. Quand tu joues du hip-hop en acoustique, c’est cool mais ça peut faire jazzy, gentillet et radicalement différent de la « prod' » originale. C’est quelque chose qui nous a souvent fait chier dans les concerts hip-hop, parfois le rendu est moins bon et tu retrouves moins l’énergie de ton son, c’est dommage. Avant de jouer avec un rappeur, on fait un vrai travail en amont. On prend son morceau pour quasiment refaire la « prod’ », garder les parties qu’on aime et pour celles qu’on ne peut pas faire, parce qu’on n’est pas assez, on joue par dessus. Le mauvais côté c’est que c’est un peu rigide, mais le bon c’est qu’on retrouve l’énergie du morceau original.

Vivre de la musique aujourd’hui à une certaine échelle, c’est forcément avoir plusieurs talents ?

Tony : On vit difficilement, mais chaque année ça devient de plus en plus sérieux. On peut en vivre, mais ce n’est pas facile. En tant que musicien, soit tu excelles dans ton instrument et tu fais partie des meilleurs, et là tu ne peux faire que ça, soit tu es obligé de te disperser.

Benjamin : Si tu joues seulement hip-hop, on ne peut pas vivre de ça. Faut être polyvalent, savoir faire des prods et savoir mixer. D’autres sources de revenus font que tu ne compteras plus que sur ton instrument. Malheureusement le musicien reste encore trop rare dans le hip-hop français. Il y a peu de rappeurs qui prennent ce risque, pour eux c’est plus de travail, dix fois plus de travail. Il doit faire rejouer ses « prods » avec des humains, il doit répéter, il n’a pas le même confort et en plus il doit diviser son cachet par dix. Il faut vraiment que le mec kiffe le groupe et ait une culture du band pour en avoir envie. Tu as des mecs qui font des très grosses tournées mais ils s’en foutent d’un orchestre. Et l’autre problème, c’est que le public ne se rend pas compte de la valeur ajoutée, surtout quand il s’agit des très jeunes qui n’ont pas de culture musicale autre que le hip-hop.

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Vous sentez ce problème de perception ?

Benjamin : En France, on a moins cette culture de band et de l’instrument. Aux States ils le font tous, ils ont des fanfares, ils sont beaucoup plus éduqués à détecter un bon musicien. Chez nous, il y a très peu d’émissions incorporant des musiciens, et donc peut de mises en valeur. C’est con, mais on a joué aux Victoires de la Musique avec Nekfeu, mais on a dû nous filmer 3 secondes ! On s’en fout, mais personne ne s’est dit qu’il fallait mettre en valeur un rappeur qui est venu avec un orchestre.

Tony : En Europe c’est assez élitiste. Dans les quartiers populaires, ça ne joue pas assez d’instruments. Je n’y suis jamais allé mais je pense que si tu vas en  Nouvelle-Orléans, c’est assez pauvre mais tu as une tradition de fanfare. Si tu parles de jouer dans une fanfare à un jeune d’ici, il te regarde sans te comprendre. En France le Conservatoire est gratuit pour ceux qui n’ont pas les moyens. C’est vraiment un truc de culture.

Benjamin : C’est une image un peu ringarde et austère, du coup ça repousse un peu les gens. Ce n’est pas l’endroit ou tu vas faire de la musique actuelle. Les gens qui apprennent le piano et qui font des trucs qu’ils n’aiment pas, au bout d’un moment ils arrêtent. L’enseignement attire moins.

« Pour STUD, on a été confronté à des rappeurs beaucoup moins à l’aise avec des musiciens. Ils ne connaissaient pas notre langage. Si tu leur demandais ‘combien de mesures dure ton premier couplet ?’, ils ne savaient pas répondre. »

Quel est votre avis sur la question du financement des musiciens, surtout sur le streaming. Vous êtes pour votre part plus intéressés par une problématique de disponibilité de votre musique ou dans la récompense financière de votre travail.

Tony : Ce sont ces plateformes qui gagnent le plus dans l’histoire. Pas les artistes. On a bien compris que ce n’était par les concerts, les droits SACEM et les « prods ».

Benjamin : Si tu commences à penser à ça tu deviens « ouf ».  Ça ne sert a rien de continuer à grogner parce qu’on perds de l’argent car ça ne sert à rien.

Clément : Après le streaming offre un accès facile à la musique, c’est un peu à double tranchant.  C’est aussi grâce à ça qu’on voit plein d’artistes qui sortent de nulle part, qui font des millions de vues en un mois. Limite les maisons de disques sont secondaires, les artistes arrivent avec des projets tout faits et arrivent à signer vite avec seulement des clips postés sur You Tube. Après ça dépend de ton projet, si tu bosses et investis trois ans de ta vie sur un album, tu ne vas pas faire ça en streaming ou en gratuit. Après pour la promo et les projets gratuits, le streaming est idéal.

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Quels sont vos prochains projets ? 

Benjamin : On a pas mal de projets parallèles. On veut sortir un EP avec la nouvelle formation. On n’a pas de rappeurs ni de chanteurs attitrés mais au gré des collaborations on aura de nouvelles touches avec pour dénominateur commun The Hop. C’est la formule qu’on atrouvé  pour ne pas être cantonné à un style de rap et faire des projets variés. Et pourquoi pas tourner avec ça ? Ensuite, pourquoi pas se vendre en tant que live band pour des rappeurs qui voudraient avoir notre son ?

À coté de ça, on a des projets personnels, Loubenski fais pas mal de prods. On est aussi sur la tournée de Jazzy Bazz, qui est en train de créer un groupe, le 3.14 Band qui l’accompagne en live. On a un autre projet plus expérimental avec Sabrina Bellaouel, avec un autre nom : Aleph. On a fait une maquette qu’on continuera quand on aura le temps mais c’est un truc qu’on garde en tête. On veut aussi faire nos projets solos.

Si vous deviez citer chacun album mythique ? 

Benjamin : Slum Village. The Fantastic Vol.1.

Tony : Peut être le dernier Kendrick, pas encore mythique mais qui le deviendra.

Clément : Moi c’est le Madvillainy. La collaboration de l’univers commun d’un rappeur (MF Doom, ndlr) et d’un producteur (Madlib) m’avait mis une claque. Mais le Kendrick aussi, je l’avoue.

Retrouvez l’actualité du Red Bull Music Academy Festival sur le site.

Photos studio : Samir Le Babtou
Photo couverture : Camille Nehlig

Elles ont pointé le bout de leur nez le 30 août dernier, elles s’appellent Divines. Le long-métrage a saisi d’enthousiasme le tout Cannes,  d’abord la profession avec le prix de la Caméra d’Or puis le public avec un  discours de remerciement empreint de liberté et d’engagement prononcé par Houda Benyamina, sa réalisatrice. C’est avec elle que nous avons eu l’occasion de discuter, et c’est entourée de ses actrices que Vincent Desailly a eu l’occasion de les photographier pour YARD. Direction la grisaille cristolienne dans le quartier des « Choux » pour un shooting avec Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Jisca Kavlanda et naturellement Houda Benyamina.

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« À Cannes, mes petits voulaient rentrer dans une soirée très « hype » et on leur a refusé l’entrée. Catherine Corsini (réalisatrice, ndlr) est sortie de la boîte puis a enlevé ses chaussures car ils étaient en baskets. Elle leur a dit : »Je leur donne mes chaussures, mes bracelets… Vous les laissez rentrer. » Puis elle appelait comme ça : « Télérama, venait voir ! Ils ne veulent pas laisser rentrer l’équipe de Divines, c’est du racisme ! Pourquoi vous ne les laissez pas rentrer, ils sont plein en baskets en haut ! Du coup, j’étais contente que ce soit elle qui nous donne le prix. »


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« Le problème des quartiers populaires que ce soit à Lille, Paris ou Marseille, c’est qu’on a créé une société dans la société avec toute une culture : on a notre restauration, notre musique, nos codes vestimentaires. C’est ça qui est dangereux. On a créé un enfermement car quand tu habites dans une cité, tu ne vois rien d’autre. Tu ne peux pas te projeter vers un ailleurs […] Avec 1000 visages, notre association, un mec qui adore l’électricité peut se dire : « Putain, je peux être chef électro sur un plateau de cinéma. » Dans sa tête ce n’est même pas possible, il ne sait même pas que ça existe. »


 

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« Divines est le premier film qui est raconté de l’intérieur par quelqu’un qui vient de l’intérieur, d’habitude ce sont les gens de l’extérieur qui viennent nous raconter. Ils ont raison de le faire car demain je vais peut-être faire un film sur la bourgeoisie, l’opéra Garnier, sur la danse. Tous les sujets m’appartiennent ! C’est à nous de prendre les armes, le cinéma, la littérature… C’est à nous de le faire ! »


 

 

Interview complète :

Photos : Vincent Desailly
Stylisme :
Camille-Joséphine Tesseire
Hair :
Soraya Meziane
Make-up :
Hannah Nathalie

Le Somewhere In continue de rouler sa bosse aux quatre coins du monde, cette fois-ci il s’agit de retourner sur les traces d’un précédent numéro pour proposer un nouveau regard sur une région. Après Julien Scheubel qui avait posé son objectif sur la cité historique d’Athènes, c’est au tour de David Maurel d’en faire autant. Road trip grec d’Athènes à Corfou.

5 août 2016, ma gonzesse et moi débarquons à Athènes de Copenhague, la feta remplace la saucisse. Dû à un centre ville surpeuplé, on décide de louer une caisse le jour même et cap au Nord, direction Corfou. Arrêt à la première plage accessible Megara, petit bain au calme. On passe 3 jours à vagabonder le long de la mer Ionienne par le le port Antirrio, Anaktorio, on découvre une cote qui fluctue entre des plages paradisiaques et des villes fantômes, on grimpe dans le ferry à Patras et on débarque à Corfou loin sans peine. Et là, couché de soleil rouge sur la mer, ça sent le poisson grillé et le fromage. Il souffle un vent de paradis sur cet île.

The Posterz ne se plie pas aux codes établis par l’industrie. Ce groupe de trois jeunes montréalais « fait son truc », que ça plaise ou non. Inspirés par la réalité de leur quotidien, Husser, Kris the $pirit et Joey Sherrett proposent un rap aux paroles aiguisées et aux sonorités électroniques usinières qui transportent sur une partie de la raposphère encore peu visitée. Ils rappent en anglais dans une ville majoritairement francophone mais peu importe, c’est leur culture. The Posterz file sur une route sans interruption, avance avec fougue, envie et détermination délesté du poids des bling-blings. Le tout porté par une grande touche de lucidité qui les caractérise. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir leur album (pas de date et de nom dévoilé pour le moment), les trois acolytes nous ont accordés quelques mots pour causer : scène montréalaise, intégrité artistique, spirtualité…

 

J’ai entendu dire que vous étiez à fond dans la spiritualité, comment vous l’exprimez au quotidien ?

Kris the $pirit :
  Je suis quelqu’un de spirituel dans le sens où je fais seulement des choses que mon esprit me dicte. Je déteste faire des compromis même si parfois ça m’arrive. La spiritualité est quelque chose d’important, surtout à notre époque. Aujourd’hui les gens se font laver le cerveau facilement. Je préfère faire des choses que j’aime plutôt que de me plier à faire des choses que je n’ai pas envie de faire. C’est aussi ça la liberté.

Joey Sherrett : C’est quelque chose qui ne te quitte jamais la spiritualité, conscient ou pas. Pour notre part, on en est conscient et on est heureux de savoir qu’on en bénéficie. C’est un état d’esprit.

 

Comment elle s’exprime à travers le rap?

Kris the $pirit : Je laisse tourner le beat en laissant les choses se faire. Je ne porte pas tellement attention à ce que je vais dire, je laisse la poésie s’exprimer. Si ça plaît tant mieux, si ça ne plaît pas tant pis.

 

« Je suis quelqu’un de spirituel dans le sens où je fais seulement des choses que mon esprit me dicte » Kris the $pirit

 

Mais sur le plan purement spirituel ?

Kris the $pirit : Le rap est quelque chose de naturellement spirituel. C’est la musique des esclaves rapportée à la société d’aujourd’hui. Les gens pensent que la spiritualité devient un truc de hippies et tout mais on l’a chacun au fond de nous. Le destin nous guide vers des choses, on ne l’explique pas mais c’est comme ça. Il faut que les gens soient plus connectés au monde et entre eux, qu’on arrête de laisser nos égos contrôler nos actes et nos pensées. On trouve toujours l’herbe plus verte chez le voisin, c’est ce que beaucoup se disent alors que ce n’est pas vrai.

Joey Sherrett : On trouve de la spiritualité dans tout, car tout est spiritualité.

 

À quel niveau par exemple?

Kris the $pirit : À tous les niveaux. La musique connecte les esprits mais on est tous trop con pour s’en rendre compte. On aime ou on déteste aveuglement. Le rap était spirituel dans ses débuts, aujourd’hui ça tourne plus autour de la science de la connerie. Ce genre ne m’intéresse pas perso.

Joey Sherrett : Il y en partout. Il suffit de se donner la peine de la voir.

 

Joey Badass a choisi l’améthyste comme pierre spirituelle. La vôtre c’est laquelle?

Kris the $pirit : Toutes les pierres sont précieuses et spirituelles à mes yeux. Je pourrais d’ailleurs faire de chaque meuf ma pierre précieuse (rires).

Joey Sherrett : Je n’ai pas de pierre définie, mais ma petite amie m’a offert la pierre de l’amour (rires).

 

 

The Posterz par John Londono

 


Aujourd’hui j’ai l’impression que beaucoup de gens s’intéressent à différentes tendances comme la nourriture vegan, le sans gluten… On ne voyait pas ça il y a 5 ans. Vous pensez que la spiritualité est une mode aussi ?

Kris the $pirit : Oui, mais si on regarde les choses sur un plan commercial alors tout est une mode. Ce qui n’est pas forcement quelque chose de mal. J’ai découvert la spiritualité dans les rues, quand je n’avais rien, quand j’étais seul. Je me suis toujours demandé pourquoi je n’arrivais pas à me connecter aux autres enfants indigos (forts de capacités spirituelles paranormales). Être seul dans la rue m’a forcé à grandir spirituellement, je n’avais pas le choix. Ça m’a forgé en patience aussi.

Joey Sherrett : Je pense que les gens ne se réveillent que maintenant. Notre génération est consciente de l’effet néfaste de la société nord-américaine. On connaît tous les conséquences qu’il y a à manger de la viande, à bouffer de la « junk-food »… Cette tendance répond seulement à tout ce qui se passe .

 

Reparlons de musique. Vous connaissez d’autres rappeurs de la scène montréalaise? Les Anticipateurs, Dead Obies… ?

Kris the $pirit : Oui, j’apprécie vraiment Dead Obies. Ils arrivent à créer une énergie commune. Big up Dead Obies ! Ils sont authentiques!

Joey Sherrett : Oui, ils sont tous cools. Je respecte vraiment ce qu’ils font.

 

Ça vous plairait de collaborer avec eux ?

Kris the $pirit : Je veux d’abord finir mes trucs, les projets avec The Posterz et quelques tracks avec mon gars Nate Huss. Après je ne sais pas, peut-être plus tard quand j’aurai fini tous mes trucs et que j’aurai construit quelque chose de solide

 

« Je pense que les gens ne se réveillent que maintenant. Notre génération est consciente de l’effet néfaste de la société nord-américaine » Joey Sherrett

 

Il y a quelque chose de très usinier dans votre identité musicale, d’où ça vous vient ?

Joey Sherrett : On joue avec beaucoup de sons et de textures différentes. On ne fait pas de la musique, on fait des films sans images, des films sonores. Pour atteindre cet objectif, on utilise toutes les sonorités nécessaires. Chaque son nous aide à peindre la toile de fond en quelque sorte.

 

Il y a aussi un côté très électro dans votre musique. Vous en écoutez beaucoup ?

Kris the $pirit : Pas vraiment pour ma part mais si un son est cool, je sais le reconnaître et l’apprécier.

Joey Sherrett : Bien sûr ! J’aime beaucoup Daft Punk, Justice, Gesaffelstein, Deadmau5…

 

Pas mal d’artistes français ! D’ailleurs vous êtes de Montréal mais vous rappez en anglais. Pourquoi ?

Kris the $pirit : Je n’étais pas dans la meilleure école on va dire, ils s’en moquaient pas mal que tu apprennes le français ou non. En plus à l’époque je pensais déjà à faire de l’argent pour me payer de belles pompes et régaler ma copine. Je m’en branlais à vrai dire. Je ne connaissais et côtoyais que la communauté anglophone donc bon…

 

 

The Posterz par John Londono

 

Au Canada vous avez un système d’aide aux artistes qui est vraiment intéressant. Pour faire simple, grâce à ce programme, les artistes bénéficient de bourses pour réaliser leur projet tout en pouvant vivre décemment. Vous en avez déjà bénéficié ?      


Kris the $pirit :
 Je crois que c’est grâce à ça qu’on est venus pour la première fois en France. Je vais m’y intéresser un peu plus.

Joey Sherrett :
Au Canada, le système d’allocation est génial ! On fait au mieux pour en tirer profit, on s’en sert surtout en tournée pour payer nos billets d’avion.
Vous revendiquez être “anti bling-bling”. Qu’est-ce que ça signifie ?

Kris the $pirit : Habille-toi comme tu veux tant que ça te va ! L’industrie est fausse dans le sens où un mec va décider de se mettre au rap, va étudier le style d’un autre et le copier. Les gars font de l’argent sur ce que tu fais et vis quelque part. De notre côté on fait notre truc, c’est notre thérapie. On s’en branle de tout ce qui est « fake », je ne veux pas être affilier à ça. Je sais foutre l’ambiance avec mes gars et prendre du bon temps, mais sans m’inventer de vie et être bling-bling.

Joey Sherrett: On fait juste de la musique qui nous parle. On n’est pas des mecs bling-bling. On est des jeunes fauchés mais créatifs qui font la musique qu’ils veulent entendre. C’est ça être vrai pour moi.


Vous semblez avoir des influences assez diverses du coup je me demandais qui vous écoutiez en ce moment. C’est quoi votre top 3 des artistes actuel ?

Kris the $pirit : Mon top trois c’est Cudi, Kanye West, et Lil Wayne. Enfin c’est celui du moment, sinon il y a aussi Biggie, Jay Z, Big L. Tous les vrais quoi (rires).

Joey Sherrett: Je dirais Kendrick, J. Cole et Drake

Husser : Moi, 21 Savage, 21 Savage et The Posterz, évidemment.

 

« L’industrie est fausse dans le sens où un mec va décider de se mettre au rap, va étudier le style d’un autre et le copier » Kris the $pirit

 

Après, Starships & Dark Tints et Junga, j’ai entendu dire qu’un nouveau projet arrivait.

Kris the $pirit : Oui, il va être très lourd ! Ça fait un bout de temps qu’on bosse dessus. On a pris le temps de faire les choses comme on les sentait sur des instrumentales de Joey. C’est notre histoire, notre culture, notre truc… À personne d’autre (rires).

Joey Sherrett: Il est unique et bourré de choses que vous n’avez jamais entendues  auparavant. Plein de bonnes énergies.

Husser : On a fait notre propre truc sans pomper le style ou copier la vie de qui que ce soit.


Hâte d’écouter ça ! Merci à vous les gars.

 

 

Ses tresses collées, ses vêtements lâches, ses bijoux clinquants, ses tatouages anthracite et sa façon de rouler des épaules quand il marche ne trompent pas. Allen Iverson est un enfant du hip-hop. Son look aura bouleversé à jamais les codes d’une NBA obsédée par son image.

Iverson ne ressemble à personne d’autre et personne d’autre ne lui ressemble. Il a la silhouette frêle, le jeu explosif, culotté et instinctif, et un tableau de chasse presque comble. Rookie of the Year en 1997. Meilleur marqueur en 1999, 2001, 2002 et 2005. Meilleur intercepteur en 2001, 2002 et 2003. Deux fois MVP en onze sélections au All-Star Game. All-NBA first team en 1999, 2001 et 2005. MVP de la saison régulière en 2001. Il y a les titres et les à-côtés, l’air arrogant et le cœur guimauve mais surtout la dégaine, subversive sans le vouloir.

Tête à tresses

8 février 1997. Cleveland, Ohio. Dehors, le froid gifle les joues mais derrière les murs gris de la Gund Arena, le climat est bouillonnant. Le All-Star Game presse et excite les foules. Demain, la bande à Michael Jordan fera crisser ses baskets neuves sur le parquet multiplis. Mais ce samedi, ce sont les rookies qui ouvrent le bal. Allen Iverson flotte dans un jersey trop grand pour son mètre quatre-vingt-trois. Las des contours imprécis et des repousses pressées, il a natté ses cheveux le long du crâne, de minuscules cornrows ne chatouillant pas même sa nuque, barrées d’un bandeau éponge. Les tribunes bruissent de commentaires déconcertés. Dans cette affiche sponsorisée par les rasoirs Schick, les têtes sont toutes tondues. Le maillot collé au corps par l’effort, Iverson arrache les ballons, claque des dunks à pleines mains, glisse des lay-ups casse-gueule et sert royalement ses pairs. Après 19 points, 9 passes décisives et une courte victoire, le joueur brandit à bout de bras une étoile sculptée dans un bloc de cristal, sa serviette moite sur les épaules. Il est sacré MVP. Les journalistes encerclent le champion, l’arrosent de questions, louchent sur ses tresses.

« La NBA ne te laissera pas avoir des cornrows. » – Henry « Que » Gaskins, ancien vice-président du marketing chez Reebok

« Je vais les garder jusqu’à ce que j’arrête de jouer au basket. Je ne couperai plus jamais mes cheveux », prévient-il avant de s’engouffrer dans les vestiaires. Les cols blancs de la NBA font la grimace. Et pour cause, la coupe a la cote chez les dealers et les taulards. L’été dernier, Henry « Que » Gaskins, vice-président du marketing monde de Reebok, avait pourtant averti son protégé : « La NBA ne te laissera pas avoir des cornrows. » Affaissé dans le fauteuil moelleux d’un jet privé au retour d’une tournée sud-américaine, Allen avait haussé les épaules.

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Le garçon se moque des interdits, aime déjouer les injonctions. « Allen Iverson est peut-être l’homme le plus rapide de la NBA mais il n’est pas pressé de se conformer à l’image voulue par la ligue », écrira Rick Reilly en mars 1998 dans les colonnes de Sports Illustrated. Pour autant, les autres ne tardent pas à l’imiter ; Latrell Sprewell et Rasheed Wallace les premiers, bien avant que Ludacris n’ait des plans cul dans différentes régions ou que Sean Paul ne fasse grimper la température.

Un du-rag en conférence de presse

2 mai 1997. Ville discrète encadrée par deux gros bonnets, New York et Washington D.C, Philadelphie attire les projecteurs plus que de coutume. Aujourd’hui, elle célèbre celui qui deviendra bientôt le plus éminent de ses porte-drapeaux. « Maintenant le monde sait qu’Allen Iverson est l’un des joueurs les plus excitants, les plus dynamiques et les plus audacieux de la NBA. » Pat Croce, le président des Sixers, paonne derrière son pupitre en bois, au moment de remettre son trophée au « Rookie de l’année ». Allen se lève et s’installe devant le grand panneau bleu roi pavé de logos Schick. Les rangées de journalistes l’intimident quelque peu. Lorsqu’il répond de son phrasé doux mais haché, ses yeux fixent souvent un ailleurs. Le jeune surdoué nage dans un survêtement XXL, ses tresses sont plaquées sous un do-rag, sorte de bandana en lycra moulant que populariseront surtout Ja Rule, 50 Cent et Eminem.

« Je pense que le hip-hop représentait tout pour lui, il lisait son histoire à travers chaque rime de Biggie ou de Big Daddy Kane. C’était la bande-son de sa vie. » Larry Platt, biographe de Allen Iverson

Ce jour-là, David Stern, le commissaire de la NBA, se persuade que le bout de tissu blanc est un attribut de gang. Ce sont ses agents de sécurité qui le lui ont soufflé. Aussitôt convoqué dans le bureau panoramique du grand patron à Manhattan, Pat Croce se fait rappeler à l’ordre. « Vous avez tout faux. C’était un bonnet Reebok, pas un truc de gang mais un truc de mode », rétorquera-t-il placidement. Hors des parquets, les t-shirts d’Iverson lui tombent sur les cuisses, ses shorts sous les genoux. Sur la tête, il s’enfonce une large casquette à visière plate. « Ce qu’il portait était tellement cool ! » s’enthousiasme Robert « Scoop » Jackson, ancienne plume du magazine Slam, officiant aujourd’hui pour ESPN.

Allen Iverson Rookie of the Year

« Toujours coordonné, toujours soigné. Jusqu’aux do-rags ! Jusqu’à la couleur de la casquette ! Un style parfait. C’est ce qui le faisait sortir du lot et ce qui a poussé tout le monde à suivre ses pas ». The Answer s’est fait le précurseur et l’émissaire d’une culture que le professeur et écrivain Todd Boyd appelle « hip-hop ball », l’entrelacement du hip-hop et du basket. « Je pense que le hip-hop représentait tout pour lui, il lisait son histoire à travers chaque rime de Biggie ou de Big Daddy Kane. C’était la bande-son de sa vie », pose Larry Platt, le biographe derrière Only the Strong Survive: The Odyssey of Allen Iverson. La rue l’infuse, l’anime, le raconte, dans le jeu comme dans l’allure. A.I. piétine les conventions, pas par provocation, par sincérité.

À défaut d’une bague de champion

Juin 1997. Slam titre « Who’s Afraid of Allen Iverson ? » Cette Une, Scoop Jackson y tenait. Un an et demi plus tôt, il avait déjà imposé le jeune crack en première page, alors qu’il n’était encore qu’étudiant à Georgetown. Le journaliste avait obtenu gain de cause en menaçant de démissionner. L’adolescent avait un truc, puissant et singulier, une évidence qui méritait de parier sa carrière. « Je l’avais vu planter 62 points dans un match de Summer League contre des basketteurs pro. Pour moi, il incarnait le futur du basket. Pas le nouveau « Jordan » mais le nouveau joueur qui allait façonner et dominer le jeu. » Le numéro fait chou blanc mais la rédaction a eu du flair.

 

Allen Iverson Slam Couverture

Pour l’édition 18 du mensuel, A.I. fait tournoyer un ballon Spalding sur son index, devant un fond de studio virginal. Sur son dos, le maillot framboise des Sixers. À son cou, une longue chaîne en or ornée d’une croix. Elle ne le quitte jamais. À l’époque, le clip de « Can’t nobody hold me down » tourne en boucle. Puff Daddy porte le même bijou version argent, sous un pyjama en satin ouvert. Chez les basketteurs, l’accessoire est moins couru. Si Slam tient une première en couverture, Scoop ne saisit pas immédiatement la portée du geste. Jusqu’au jour où Stephon Marbury et Kevin Garnett demandent à arborer à leur tour des pièces serties pour les soins d’une séance photo. La paire pose avec des mines patibulaires, KG ose même une visière à l’envers. « Puis tout le monde a voulu garder ses bijoux après. On avait vraiment été précurseurs avec Allen », se souvient Jackson.

« Je l’avais vu planter 62 points dans un match de Summer League contre des basketteurs pro. Pour moi, il incarnait le futur du basket. Pas le nouveau « Jordan » mais le nouveau joueur qui allait façonner et dominer le jeu. » – Scoop Jackson, journaliste 

Boucles d’oreilles, bagouses, montres, bracelets et grappes de chaînes multi-carats, Allen aime ce qui brille. D’ailleurs il a son rond de serviette chez Jacob & Co., l’empereur du bling-bling. Pour les jours de match, le coquet a trouvé la parade : il habille ses doigts de finger sleeves, brodées des sigles « AI » ou « 3 ». Il faut dire que « Jewelz », son alias de rappeur, a une revanche à prendre. Gamin, sa mère peinait à joindre les deux bouts. Son géniteur était aux abonnés absents. Son beau-père, dealer à ses heures, vivotait la plupart du temps derrière les barreaux. Dans l’appartement sans charme qu’occupait la famille au milieu d’une barre de logements sociaux, le frigo était rarement plein, l’électricité souvent coupée, l’eau toujours froide. Mais Ann Iverson avait une conviction, son fils deviendrait quelqu’un. « Je t’achèterai les plus beaux bijoux du monde », lui avait-il promis.

Lesté de gros cailloux, celui que la communauté d’Hampton surnomme « Bubba Chuck » affiche désormais crânement son ascension sociale. Sa récompense après les années d’infortune. « I shine hard and I be flossin’ very sweet / But I’m like Iverson dawg, I be ballin’ but very street » ; Lil Wayne a trouvé une formule qui pourrait s’écrire en épitaphe (« 10,000 Bars »).

À fleur de peau

C’est une pile de billets surmontée d’un symbole dollar, planant au-dessus d’un lettrage graffiti : « Money bagz ». Plus haut, le blase d’une bande : « Cru Thick ». Sur le biceps, un bouledogue anglais, la mascotte des Hoyas de Georgetown. Au-dessus, le nom d’un ami tué par balles, « Rahsaan ». Puis un mantra encadrant une paire de dagues entrelacées, d’où perle du sang : « Only the strong survive ». Il y a aussi un crâne hurlant, des mains jointes en prière, une panthère, une toile d’araignée, des prénoms de proches ou des signes chinois. Une tripotée de dessins et d’écritures à l’encre grasse barbouille le corps d’Allen Iverson.

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Ils disent tout de son vécu, de ses joies, de ses douleurs et de sa morale. « C’est vraiment Allen Iverson qui a popularisé le tatouage en NBA. Dennis Rodman avait été fer de lance mais c’était un rockeur, il n’appartenait pas du tout à la même culture », note David Sudre, docteur en sociologie de l’Université Paris Descartes. En 1997, ils ne sont que 35% de basketteurs NBA à avoir la peau tatouée, rapporte Associated Press. Près de vingt ans plus tard, le chiffre a presque doublé.

« Ils signifient quelque chose pour moi. Les effacer, c’est comme une gifle en pleine figure. » – Allen Iverson

10 mai 2000. Philadelphie reçoit. Les spectateurs se massent dans le hall du Wells Fargo Center pour la troisième demi-finale de la conférence est contre Indiana. Sur le chemin résiné qui mène à l’arène cerclée de plus de 20 000 strapontins rouges, on distribue des tattoos éphémères. Un clin d’œil à la star de l’équipe locale et un doigt d’honneur à la ligue. Quelques mois plus tôt, à l’approche de Noël, une version aseptisée d’Allen Iverson paraît en couverture de Hoop, le quinzomadaire de la NBA. Les tatouages de son cou ont été gommés, ceux de ses bras camouflés. « Ils signifient quelque chose pour moi. Les effacer, c’est comme une gifle en pleine figure », siffle le censuré. Les voix indignées grossissent jusqu’à faire plier l’institution. « Ça n’aurait pas dû arriver. Ça ne se reproduira plus », bredouillera Brian McIntyre, directeur de la communication de la NBA. « Maintenant nous le représenterons dans toute sa splendeur. »

Au bras, un bas de contention

21 janvier 2001. Il est 14h30 lorsque l’arbitre fait voler la balle dans le rond central du terrain du Wells Fargo Center. Cet après-midi, les Sixers affrontent les Raptors. Au bout de quelques minutes, Allen Iverson élimine Mark Jackson d’un double crossover sur le bord de la ligne des trois-points avant de rentrer un panier impeccable dans la raquette. Les caméras zooment sur le numéro 3 des Sixers qui trottine pour se replacer. Difficile de rater le collant blanc qui sangle son bras droit.

Allen Iverson Shooting Sleeve

Quelques heures avant le match, Allen cherche une solution temporaire pour soulager une bursite au coude, qu’il devra, à terme, faire opérer. En balayant le matériel médical du regard, Lenny Currier a une idée. Le préparateur physique se saisit d’un rouleau de bandes de contention et en coupe un morceau de la taille du bras du joueur, de son biceps à son poignet. Iverson essaie le pansement de fortune, ses gestes sont fluides, il se sent bien. Le manchon lui portera chance. Contre Toronto, il marque 51 points. Avec une moyenne supérieure à 30 points par match, l’arrière poussera son équipe jusqu’aux playoffs et accomplira sa plus belle saison.

Allen Iverson Shooting Sleeve

Il ne jouera plus jamais sans son bandage, qu’il prendra systématiquement soin d’assortir à ses maillots, coudières, bandeaux et finger sleeves. Son coude n’est pas toujours douloureux mais l’accessoire a du style. La pièce en nylon et spandex est bientôt rebaptisée « shooter sleeve » et fait des émules. Elle se déclinera dans une foultitude de couleurs, de motifs et d’imprimés. En novembre 2015, le Wall Street Journal enquête : 65% des joueurs NBA ont porté au moins une manche au bras ou à la jambe, au cours de la saison. Sans souffrir de bursite.

« I am what I am »

Février 2005. « Putain de merde, continuez ! Continuez ! Laissez le juste parler. » Le réalisateur du spot publicitaire « I am what I am » exulte. Dans une salle de billard tamisée de Philadelphie, Allen Iverson parle préjugés avec ses potes. « Je ne suis pas un gangster, je ne suis pas un voyou. Je n’essaie même pas de passer pour un dur », martèle-t-il sur des accords jazzy. La nouvelle campagne multimédia de Reebok, sa plus importante depuis dix ans, prêche la liberté d’être soi-même à travers des portraits d’idoles du moment. Parmi elles, 50 Cent, Jay-Z, Yao Ming ou Lucy Liu. Mais c’est bien Iverson qui en a inspiré le message. « Allen revendiquait ce qui le rendait unique, il n’essayait pas d’être quelqu’un d’autre que lui-même. Pour défendre le fait qu’il ne changerait jamais, il me disait souvent : « Je suis ce que je suis » », rejoue Henry « Que » Gaskins. Le slogan est né.

Lorsqu’il signe un contrat à 60 millions de dollars avec Reebok en 1996, Allen Iverson n’a que 20 ans et use encore ses fonds de culotte sur les bancs de l’université. La marque manque alors de street credibility. Gaskins : « Allen était très photogénique et stylé, il était l’un de ces gars que la plupart des hommes veulent être et que la plupart des femmes veulent avoir. Chez Reebok, on a vu quelque chose de spécial en lui. On savait qu’il serait la définition parfaite du « cool urbain ». » Le fluet a les traits fins, un charisme magnétique, et ce brin d’aspérité.

« Allen revendiquait ce qui le rendait unique, il n’essayait pas d’être quelqu’un d’autre que lui-même. Pour défendre le fait qu’il ne changerait jamais, il me disait souvent : “Je suis ce que je suis”. » – Henry « Que » Gaskins

Début 1997, Spike Lee fomente un nouveau film à gros budget, l’histoire d’un virtuose de la balle orange berné par un père fraîchement sorti de prison. Pour le premier rôle, Lee pense à Iverson. Mais le joueur chicane. Le tournage aura lieu entre Los Angeles et Coney Island à l’été, son seul moment de répit, et puis, il préfère les parquets en bois ciré aux plateaux de cinéma préfabriqués. Gaskins insistera lourdement, en vain. C’est finalement Ray Allen qui tiendra le rôle de Jesus dans He Got Game. Peu de temps après, Brandy & Monica s’apprêtent à livrer un tube massif et entêtant aux radios, « The boy is mine ». Au générique du clip, le tandem envisage ce basketteur à l’allure folle dont tout le monde parle. Là encore, l’intéressé décline sans plus réfléchir. En-dehors de sa ligne Reebok, Allen Iverson ne capitalisera jamais sur son image pour grossir son portefeuille. Il aurait pu vendre sodas, parfums, barres énergétiques, vêtements, voitures ou bijoux par kilos. Il n’aura rien fait d’autre que de jouer au basket.

Memo de rupture

« Ce qui suit est la liste des articles que les joueurs ne sont pas autorisés à porter, en toutes occasions avec leur équipe ou en représentation pour la ligue :
– Chemises sans manches
– Shorts
– T-shirts, maillots ou vêtements de sport
– Couvre-chef de quelque sorte que ce soit, quand le joueur est assis sur le banc ou dans les tribunes d’un match, pendant ses apparitions médiatiques, un événement ou une apparition avec son équipe ou en lien avec la ligue
– Chaînes, pendentifs ou médaillons portés par-dessus les vêtements
– Lunettes de soleil en intérieur
– Casques audio (en dehors du bus de l’équipe ou de l’avion, ou des vestiaires de l’équipe). »

« Certains propriétaires d’équipes sont hip-hop mais ne suivent pas cette mode. Hip-hop ne veut pas dire négligé. On veut juste que nos joueurs s’habillent bien. » – David Stern, commissaire de la NBA

17 octobre 2005. Ce matin, Allen Iverson a bien reçu le mémo. Ce papier édictant les grands principes d’un dress code rigoriste est signé par David Stern. Le joueur est ahuri. Il aurait dû le voir arriver, pourtant.

Lorsque Stern prend les rênes de la première ligue américaine en 1984, son objectif à peine voilé est « d’attirer la communauté noire dans les stades, afin que ces derniers y achètent des popcorns et des hot-dogs, mais aussi de vendre aux spectateurs blancs « une image de l’altérité noire à la fois « exotique » et « domestiquée ». » », d’après David Sudre dans son article Le basket NBA : l’incarnation d’une Amérique « post-raciale » ?. Mais après 1998 et le départ à la retraite de Michael Jordan, modèle d’excellence tiré à quatre épingles, la stratégie s’émousse. La génération d’Allen Iverson, biberonnée au hip-hop, impose un nouveau style, moins lisse et plus urbain. Le phénomène devient vorace, bien vite la NBA se voit forcée de prendre le pli. Elle invitera, entre autres efforts d’appropriation, LL Cool J et Mary J. Blige à enfiévrer l’Oracle Arena à la mi-temps du All-Star Game 2000. L’essai tournera court, c’était écrit. Le hip-hop traîne une mauvaise réputation et son lot d’excentricités vestimentaires.

PHILADELPHIA - DECEMBER 4: Guard Allen Iverson #3 of the Philadelphia 76ers speaks at the post game press conference wearing a Seattle Seahawks cap after the 76ers defeated the Boston Celtics at the First Union Center on December 4, 2002 in Philadelphia, Pennsylvania. The 76ers won 99-93. NOTE TO USER: User expressly acknowledges and agrees that, by downloading and or using this photograph, User is consenting to the terms and conditions of the Getty Images License Agreement. Mandatory copyright notice: Copyright NBAE 2002 (Photo by Jesse D. Garrabrant/ NBAE/ Getty Images)

Un jour, Allen Iverson se présente en conférence de presse en fourrure bleue électrique. Un autre, Damon Jones en manteau de vison porté à même la peau, lunettes de soleil vissées sur le nez. « C’est là que la ligue s’est dit « ces négros ont vraiment perdu la tête ! » », se marre Scoop Jackson. Peu à peu, David Stern mûrit l’idée du dress code. La NBA cherche à étouffer une culture qui la dépasse et assainir son image. Cela passera par le port du costume obligatoire. « Certains propriétaires d’équipes sont hip-hop mais ne suivent pas cette mode. Hip-hop ne veut pas dire négligé. On veut juste que nos joueurs s’habillent bien », se justifie Stern. Les premières sanctions ne se font pas prier. En décembre 2005, Iverson et douze autres joueurs écopent d’une amende de 10 000$ pour des shorts de match trop longs. A.I. renâcle mais se pliera peu ou prou aux convenances, à sa manière, avec des chemises et des complets oversize sans cravate, des slippers Mauri ou des Clarks Wallabee, et puis des bijoux, toujours des bijoux.

8 avril 2016. La voix étranglée par les sanglots, Allen Iverson commente son admission au Hall of Fame de Springfield. Il tripote nerveusement la chaire derrière laquelle il trône. Ce soir-là, l’ancien arrière des Sixers a enfilé un baggy déchiré sous un t-shirt rouge et blanc, assorti à ses sneakers. Sa veste de survêtement tricolore est raccord avec sa casquette, d’où s’échappent des cornrows. Quatre chaînes pendent à son cou, de gros diamants à ses oreilles. Allen larmoie puis rigole de bon cœur. Aujourd’hui, il le sait, le monde l’accepte tel qu’il est.

Quatre ans. Quatre ans de cache-cache, de guette et d’espoirs. Quatre ans pendant lesquels Frank Ocean aura su dompter la bruyante impatience, depuis son gracieux Channel Orange. En déjouant les expectations, les règles et les usages, l’ovni Blonde aura valu l’attente et chahuté l’industrie musicale.

 

De l’art de teaser

 

Dès avril 2013, Frank Ocean citait en nœud papillon et complet cintré les Beach Boys et les Beatles parmi les inspirations de son prochain opus, sur le tapis rouge de la soirée annuelle du Time 100. « Je ne peux pas en dire beaucoup plus que cela », avait-il ensuite soufflé. Le début d’un feuilleton à rallonge, parsemé d’indices, de mises en bouche et de fausses pistes. Un an pile après, l’homme au bandana rayé attise : « Je vais faire la première partie d’Outkast cet été à Pemberton donc je vais peut-être renoncer à Coachella pour avancer et terminer cette p***… ». Mais les mois défilent, rien ne se passe. En novembre 2014, Ocean livre un snippet, « Memrise » sur Tumblr. Cinq mois plus tard, il publie un auto-portrait sur le réseau social au « t » minuscule. Au pied de ses Air Max TN couleur jaune canari, deux piles de magazines, dont une partie titrée « Boys don’t cry ». « I got two versions. I got twooo versions » dit la légende, accompagnée des hashtags #ISSUE1 #ALBUM3 #JULY2015 #BOYSDONTCRY.

 

 

Frank Ocean Tumblr Boy Don't Cry

 

 

L’album est attendu pour l’été. Août 2015 : Ryan Breaux, le petit-frère de Frank, se joue des frustrations en publiant un lien iTunes truqué sur Instagram. Fin février 2016, images et sons volés lors d’une « avant-première très très secrète donnée par Frank Ocean » fuitent sur Soundcloud et Instagram. Très vite, la Toile en balaie les traces. Le 2 juillet, Ocean publie sur son site internet une fausse fiche de prêt de bibliothèque. Sur les lignes quadrillées, toutes les dates présumées de sortie de son arlésienne d’album. Au bas de la page, on promet une dernière échéance : juillet 2016. Le jour précis a été gribouillé. Du vent. Les plus malins ont décelé le 13 novembre 2016 au milieu des dates tamponnées, alors on s’y raccroche. Finalement, le 1er août, le New York Times annonce avec certitude l’opus pour le 5 août. Un peu plus tôt le matin, boysdontcry.co ouvrait un live stream nébuleux en noir et blanc logoté Apple music. Frank y scie méthodiquement des planches en bois dans un hangar vide. Il se murmure qu’il construirait un escalier pour un clip. Au fond de la pièce, certains reconnaissent l’une des œuvres de Tom Sachs, baptisée Toyan’s, un empilement de ghetto blasters. À la ville, l’artiste et le chanteur, intimes, entretiennent un « dialogue créatif permanent ». La vidéo a en réalité été tournée plusieurs mois auparavant par Francisco Soriano, au siège d’Apple en Californie. Dans un monde trop pressé, elle invite à la patience, exalte le temps long. Le 5 août, évidemment, l’album ne point pas dans les bacs virtuels. Les déçus se consolent avec des filtres Snapchat raillant l’interminable attente. Le producteur Malay défend son pote :

 


«L’art ne peut pas être précipité. Il s’agit de s’assurer d’atteindre l’esthétique parfaite pour la situation, pour y arriver, cela demande constamment des ajustements, des essais et des erreurs… »


 

Et puis, le 19 août, sans crier gare : Endless. À la Beyoncé. Un album visuel ou long clip musical de 45 minutes, déclinant l’esthétique du film signé Soriano. Le projet égrène des morceaux bigarrés, éthérés et complexes. On découvre l’escalier en colimaçon dans sa forme finie. Les fans croient tenir là l’objet tant désiré, il n’en est rien. Le « vrai » album devrait sortir le week-end suivant, d’après Rolling Stone. D’ailleurs, il ne s’appellera plus Boys Don’t Cry. Le lendemain, Blonde est là. Blonde, comme le nom de la société de voitures de course d’Ocean, Blonde Racing LLC, qui gère par ailleurs boysdontcry.co. Sur la pochette, le titre s’écrit Blond, au-dessus d’un Frank Ocean aux cheveux ras teints en vert fluo. De l’ambiguïté, toujours, dont on se fait les choux gras. Un « blonde » genré et un “blond” universel, possible clin d’œil à la bisexualité du néo-orléanais.

 

 

Terminé le temps des sorties d’album soigneusement planifiées, des plateaux télé forcés, des affiches gigantales et de la PLV, Frank Ocean impose son rythme et sa stratégie de communication, pondérée et futée. Avant lui, Dr Dre, avec Compton : a soundtrack, Rihanna, avec Anti, Beyoncé, avec Lemonade, Drake, avec If you’re reading this it’s too late, ou encore Kanye West, avec The life of Pablo, avaient eux-aussi bousculé les convenances : production chronophage, livraison surprise ou mises à jour sans fin. Frank O se tient à l’écart du brouhaha médiatique, accorde peu d’interviews et fuit les réseaux sociaux depuis juin 2013, hormis le presque désuet Tumblr, qu’il s’approprie comme un journal intime. Ses silences auront nourri le mystère et la rumeur. Chaque signal, aussi infime soit-il, aura immédiatement été monté en épingle, tenant ses fans en haleine pendant quelques poussières d’années.

 

Le putsch

 

Internet a tout bouleversé, redistribué les cartes. Internet dématérialise et décuple la consommation musicale. Internet impulse le « Do it yourself ». Internet révèle de nouveaux talents. Internet « désintermédie » la communication et resserre les liens entre artistes et fans. Internet met du plomb dans l’aile des maisons de disque. Frank Ocean l’a compris. C’est par un habile tour de passe-passe que l’auteur-compositeur-interprète réussit à s’affranchir du contrat le liant à Def Jam, propriété d’Universal Music Group. Avant Endless, il n’avait plus qu’un album à honorer pour la major. Endless a des airs d’arnaque à la petite semaine : aucun titre téléchargeable ou diffusé en radio, seule une vidéo à regarder en streaming intégral. Quelques heures plus tard, libéré de ses obligations, Ocean sort Blond(e) en exclusivité sur iTunes, sous l’étiquette du flambant neuf label Boys don’t cry. De quoi faire avaler quelques couleuvres au PDG d’Universal Music Group, Lucian Grainge, signifiant illico que sa société n’accorderait plus aucune exclusivité aux services de streaming Apple et Tidal.

 

Frank Ocean Industry

 

Il y a la question de l’argent et celle de la créativité. Un million de dollars, c’est ce qu’aurait glané Frank Ocean grâce à Blond(e), selon le magazine Forbes, le double de ce qu’il aurait perçu sous contrat avec Def Jam. Un album vendu rapporterait entre 5 et 7,50 dollars en indépendant, 1,50 à 2 dollars avec une maison de disques, soit jusqu’à plus de 75% du prix de vente dans le premier cas, contre un maximum de 20% dans le second. Frank n’est pas le premier à se rebiffer. En 1998, deux ans après avoir quitté Warner Bros à grands fracas, Prince publiait un quadruple album à 50 dollars pièce, Crystal Ball, sur son propre label, NPG Record. 250 000 coffrets s’étaient écoulés sur son site internet. En 2007, fraîchement séparé d’EMI, Radiohead distribuait son album In Rainbows sur le web, selon un principe de téléchargement à prix libre. Un carton financier.

Propulsé directement en tête du classement Billboard, Blond(e) devient le troisième plus gros succès commercial de l’année, derrière le VIEWS de Drake et le Lemonade de Beyoncé. En toute indépendance, sans même un accord de distribution avec un gros bonnet. Ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à se prendre à rêver d’une liberté retrouvée. Être son propre patron, c’est aussi s’assurer d’un contrôle créatif absolu sur son œuvre. Les artistes indépendants produisent une musique libre, authentique et audacieuse, expérimentent à l’envie, font ce que bon leur chante. Chance the Rapper, par exemple, met en ligne ses galettes gratis, travaille à sa propre cadence et s’éclate avec son groupe jazzy-soul The Social Experiment. Le dernier album d’Ocean ne déroge pas à la règle. Un disque hypnotique, dépouillé, un tempo lent, une voix fragile, des nappes de guitare, des sonorités réverbérées et un générique déroutant, où se mêlent têtes d’affiches – Kanye West, André 3000, Beyoncé, Kendrick Lamar, Tyler, The Creator, Pharrell Williams ou encore James Blake – et invités insolites, comme le rockeur vétéran Fish, les rappeurs japonais KOHH et Loota, l’énigmatique Space Man, le guitariste underground Austin Feinstein ou les punks de Gang of Four. Le crooner se paie même le luxe de reléguer Queen B au rang de choriste, sur le morceau « Pink + White ». Peut-être le plus cocasse des pieds de nez.

 

Vers une re-matérialisation de la musique

 

Samedi 20 août, en soirée, quatre marchands de journaux, à Los Angeles, New York, Chicago et Londres, s’agitent plus que de coutume. Quelques dizaines de minutes après avoir communiqué les adresses, d’interminables queues se formaient déjà devant les échoppes. Par coïncidence, Kanye West vend ce même week-end des vêtements griffés « The life of Pablo » dans des pop-up stores situés à quelques encablures.

 

 

 

 

Les centaines d’échaudés qui grossissent les rangs espèrent pouvoir mettre la main sur l’un des épais numéros collector du magazine Boys don’t cry, distribué gracieusement. Les plus rusés le revendront dès le lendemain à prix d’or sur eBay. Emballée dans une pochette gris métallisé, cette luxueuse première édition de plus de 300 pages inclut des interviews de Katonya Breaux (la mère de Frank), Lil B et Om’Mas Keith, des clichés signés Tom Sachs et Wolfgang Tillmans, une tirade sur les voitures, un poème baptisé « Boyfriend », un horoscope, une rubrique titrée « hopes and dreams » ou encore un rap signé Kanye West sur Mc Donald’s, assorti de photos du Chicagoan au drive-in capturées par Nabil Elderkin. Surtout, le CD de Blond(e) a été glissé entre les pages. On remarque que la tracklist diffère de la version digitale : « Mitsubishi sony » et « Easy » n’apparaissent que sur le disque physique, « Facebook story » « Nikes », « Be yourself », « Self control », « Good guy » et « Close to you » sur la variante numérique. « I got two versions. I got twoooo versions« .

 

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Avec son papier glacé, Christopher Francis Ocean, lui le nostalgique amoureux de l’analogique, du palpable et du suranné, revalorise l’album physique, en tant qu’objet précieux et unique. En composant son propre terrain d’expression médiatique, il parvient aussi à donner corps à son imaginaire symbolique, à raconter, prolonger et étoffer l’histoire et l’univers de son disque. « Le storytelling c’est la partie la plus intéressante dans la musique pour moi. Je le ressens tellement que je pourrais ne pas refaire d’album. Je pourrais juste écrire une nouvelle », confiait-il déjà auprès de The Guardian en 2012. Ocean a compris le pouvoir des expériences mi-commerciales mi-culturelles pour insuffler de l’émotion à la consommation et enrichir sa relation à sa communauté d’adorateurs. En offrant généreusement un contenu exclusif, riche, intime et esthétique, Frank nourrit la passion de ses fans, qui se sentent privilégiés. Ce genre de « don » peut favoriser une dynamique d’échange sur le modèle du « contre-don » en incitant les consommateurs, reconnaissants, à « remercier » l’artiste pour le contenu offert par un acte d’achat. Parfait cas d’école, Nipsey Hussle diffusait ainsi gratuitement sa mixtape Creenshaw en 2003 sur la Toile avant d’en proposer une version physique à 100 dollars. Les 1 000 exemplaires de celle-ci s’étaient arrachés en quelques heures. L’année suivante, le emcee récidivait avec Mailbox Money, disponible à la fois en téléchargement libre et en version deluxe à 1 000 dollars. Par nature, l’homme aime choisir. En l’occurrence, de payer ou non.

A l’ère du tout-éphémère, le succès glouton de la ligne de prêt-à-porter « The life of Pablo » et la réalisation de la sculpture inspirée du clip de « Famous » témoignent là-encore d’une volonté et d’un besoin de poursuivre l’expérience musicale au-delà de l’écoute. Dotés d’une sensibilité esthétique et d’une créativité aigues, Kanye West comme Frank Ocean ne se confinent pas à l’objet CD et pensent leur musique comme un projet artistique global. Les consommateurs, eux, veulent garder un souvenir, une bribe tangible, d’un disque ou d’un morceau qu’ils ont aimé. Le 4e art n’est pas mort, il vit sa révolution, douce et profonde. Frank Ocean en est l’un des plus beaux chefs de file.

 

Encore une fois, lors de notre dernière soirée #YSCbySprite avec Kalash l’attention portée à leur tenue par les participants du #YARDSUMMERCLUB ne nous a évidemment pas échappée.
C’est Melo qui parcourt une nouvelle fois la foule de son oeil affûté pour capturer vos meilleurs looks et saisir vos meilleurs portraits.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
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Photos : @lebougmelo

Pour cette nouvelle date du #YSCbySprite, en partenariat avec Sprite, Kalash était de retour au YARD Summer Club après un premier passage sur notre scène aux côtés de Booba. Le rendez-vous était pris pour tous les fans de la première heure et vous avez littéralement enflammé le Wanderlust.

On vous retrouve encore pour quelques mardis avant de signer la toute fin de la saison estivale.

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Instagram : @HLenie

Cette fois direction Oaxaca au Mexique, avec Caroline, un autre membre du #YARDSTAFF qui a sillonné le coin avec ses baskets et son appareil photo en ce mois d’août. Destination méconnue, cet État du sud du Mexique regorge de paradis qui ne sont pas gangrénés par le tourisme de masse. Bien loin des hôtels luxueux de Cancún, Oaxaca offre un moment unique pour les voyageurs en quête d’authenticité et de nature.

« Je ne me remets toujours pas de la richesse des paysages et du concentré de culture rencontré durant ce voyage. De sa capitale, Oaxaca de Juarez, l’une des plus belles villes coloniales du pays : aux pyramides, cascades, lagunes et différents spots pour des couchers et levers de soleils magiques. Oaxaca m’a fait plonger en l’espace de 10 jours dans une atmosphère dont je ne me suis toujours pas réveillée. »

Instagram : @carotravers_

Pour la sortie de son nouvel album, Blank Face LP, Schoolboy Q s’est prété au jeu de l’interview dans les bureaux d’Universal à Londres. Durant quelques minutes, Q nous parle de son admiration pour la scène East coast, et de l’identification aux artistes new-yorkais. Groovy Tony, peu enclin à en dévoiler énormément sur son album, nous dévoile néamoins le pourquoi de la couleur musicale « sombre » du projet, du lien avec son ancienne vie dans le ghetto, ou encore de son choix de faire appel à Dogg Pound en featuring.

Pour cette troisième soirée YSC by Sprite, c’est le chanteur DRAM qui a enflammé la scène du #YARDSUMMERCLUB avec ses pas de danses déchaînés sur les titres « Cute », « Broccoli » ou encore « Cha Cha ».

On vous réserve encore une dernière surprise le 30 août pour le prochain #YSCbySprite et en attendant, on vous retrouve comme chaque mardis au Wanderlust.

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Photo : @lebougmelo

Au centre de cette nouvelle série mode, la Asics Gel Quantum 360 CM laisse ici derrière elle l’une de ses caractéristique principale. Ici, plus question de reprendre la principale caractéristique du caméléon et de s’adapter docilement au paysage urbain. Là, aux pieds de nos deux modèles,  elle se démarque et impose finalement ses termes…

 

Photographe : Ojoz
Stylisme : Félicity BenRejeb Price
Modèles : Maxime Samo & Guillaume Bonnefoy
Disponibles chez Foot Locker.
Article sponsorisé

Anima Sana In Corpore Sano, une vieille expression latine à la base de l’acronyme ASICS signifiant « esprit sain dans un corps sain », est la plate-forme fondamentale et philosophique sur laquelle la marque est toujours appuyée. La société fondée il y a plus de 60 ans par Kihachiro Onitsuka est maintenant un concepteur et fabricant leader de la performance athlétique chaussures, vêtements et accessoires.

ASICS, réputé pour ses produits techniques et consacrés aux athlètes, parfois repris par des icônes de la pop culture avec les modèles Onitsuka Tiger (Bruce Lee, Kill Bill…), revêt aujourd’hui plus que jamais dans son histoire une facette nouvelle tournée vers le lifestyle, un virage nouveau que la marque arbore de belle manière avec ses derniers modèles. Depuis quelques mois, ASICS ne signifie plus seulement performance, les modèles ASICS s’inscrivent dans un lifestyle nouveau apparu récemment qui allie la technicité au design particulier et si reconnaissable de la marque.

La ASICS GEL QUANTUM 360 CM, dernier modèle de la marque japonaise et dernière née de la série GEL-QUANTUM 360, qui comme son nom l’indique apporte une assise tout-terrain sur la totalité de la surface du pied. En effet, la grande particularité de ces modèles réside dans la semelle sophistiquée qui recouvre toute la surface de la chaussure et offre un appui supérieur, atténue les chocs et accroit la longévité de la chaussure..

Les différentes technologies et matières sont employées sur la CM comme le Chameileoid Mesh, un mesh amélioré grace à un brevet de la marque décrit par les représentants de la marque comme un « matériau présentant de grands avantages fonctionnels comme la respirabilité et la souplesse » ajoutant que « les consommateurs seront particulièrement surpris par les différents effets de couleur créé par le mouvement. Une belle combinaison du confort et d’une apparence exceptionnelle. »  L’Impact Guidance System permet au pied d’avoir un mouvement optimisé et naturel, quand le Trusstic System rend la semelle plus légère, aidant les performances des athlètes tout en gardant l’intégrité structurelle de la chaussure.

La Gel Quantum 360 CM est un modèle moderne, qui, s’inscrivant dans la lignée des produits techniques faits pour les athlètes, mais esthétiquement bien fait, qui la font sortir des pistes et autres terrains pour être adopté dans la rue par les « fashionistas ». Un aperçu de ce que donne la CM en mode lifestyle vous ai donné ci-dessous, en attendant la totalité des photos du shooting du photographe Ojoz qui paraîtra bientôt sur le site.

www.ojoz.fr

 

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Photos : Ojoz 

 

Du vert au rouge, la Gel Quantum 360 CM d’ASICS fera de vous un véritable caméléon sur le bitume brûlant de la ville au mois d’août…

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Dernière née de la marque ASICS, le Gel Quantum 360 CM tient son nom de deux innovations de la marque. La première, le chameleon mesh, est un savant maillage de vert et de rouge qui tel un caméléon se meut en fonction de la perspective et de la position de votre pied. La seconde est une semelle Gel Cushioning agrément d’un TRUSIC System qui donne à cette paire lifestyle la possibilité de se voir ouvrir les portes d’une salle de gym.

 

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Le tout dans des lignes futuristes, pour une paire légère et confortable.

Egalement disponible dans différents coloris la paire d’ors et déjà disponible chez Foot Locker, sur leur site internet et en boutique.

Article sponsorisé.
Photos : @Ojoz

 

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Seulement quelques jours après la sortie de son premier album, « Batterie Faible », Damso est venu se frotter au public du #YARDSUMMERCLUB pour sa première scène parisienne en solo. 30 minutes de show, face à un public hyper-réactif, où le Belge est repassé sur les titres Débrouillard, Bruxellsvie, Que De La Vie, Paris C’est Loin ou encore Pinocchio.

 

Rendez-vous mardi pour le prochain #YARDSUMMERCLUB
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Photos : @HLenie

 

De retour de Croatie, on revient en image sur notre passage lors du Fresh Island Festival. Accompagnés de nos DJs Supa! et Kyu St33d, on a comme promis retournés un public qui n’a pas été échaudé par un bon début de tempête, qui bien qu’elle ait aidé à déchaîner la foule et le set de Supa!, aura eu raison de notre passage finalement shutdown.

Pendant ces deux jours ont a également pu croiser les têtes d’affiches Chris Brown et Wiz Khalifa, immortalisés par l’appareil de la photographe HLenie.

Pour ce nouveau On The Corner, YARD a fait mieux que dépasser le périphérique pour se rendre à Marseille pour rendre visite à SCH. Fort d’un tout premier album, Anarchie, qui vient consolider un peu plus sa place dans le rap français, l’artiste a accepté de nous ouvrir les portes de son quotidien entre studio, les quartiers nord et le grec incontournable de l’avenue de Saint Antoine.

Depuis plusieurs mois désormais, il semble impossible de passer à côté du bonhomme, tant il traîne sa longue carcasse dans les clubs, plateaux télés et autres cérémonies musicales. À chaque fois, sa performance y est « unique », et ce dans son sens le plus primaire : il tape dans ses mains, lance son micro, fredonne à peine les paroles de son seul hit, et déploie une énergie incroyable pour lancer des dabs dont on ne saurait dire s’ils relèvent de la frénésie ou de l’épilepsie. Une chorégraphie presque mécanique qui laisse souvent derrière elle de la sueur, parfois du vomi, et surtout des avis résolument partagés.

Surfant sur le succès invraisemblable de son single « Panda », Desiigner a tout récemment eu l’honneur de se voir sélectionné en couverture des très controversé XXL Freshmen, vis-à-vis desquels il s’est distingué par un freestyle tout autant débattu. Là ou une infime poignée de forcenés s’efforcent de démontrer qu’il s’agit là d’une performance lyricale prodigieuse mais malheureusement incomprise, la grande partie du public s’évertue à ériger « Tiimmy Turner » – et plus largement le jeune artiste – au rang d’un triste symbole des maux actuels du rap. Un constat amer, qui plus est quand il est dressé à la face d’un gamin pour qui la musique est en quelque sorte une histoire de famille.

De Bed-Stuy au Madison Square Garden

Petit-fils de Sidney Selby, musicien de blues renommé ayant notamment joué pour les Isley Brothers, celui que l’on surnomme aujourd’hui Desiigner grandit dans le quartier de Bed-Stuy à Brooklyn à la toute fin des années 90. Son éducation musicale se veut très diverse, entre des parents mordus de blues et de r’n’b, et une sœur qui l’initie au reggae et au dancehall. Sans tomber pleinement dedans, le jeune homme semble suivre à tâtons les traces de ses aînés, se prenant régulièrement à travailler son instrument naturel : « La musique a toujours été ancrée en moi. Tout le monde me connaissait par rapport à ma manière de jouer avec ma voix. C’était mon talent. »

« J’ai essayé de vendre de la drogue, ça ne m’a pas réussi » – Desiigner

Seulement, le destin, tout aussi tracé qu’il puisse être, peut s’avérer devenir une route sinueuse, émaillée de dangereuses déviations. Desiigner l’apprend très vite à ses dépends. « J’ai essayé de vendre de la drogue, ça ne m’a pas réussi » confiait-il tout récemment au magazine Rolling Stones. À l’âge de 14 ans, ses activités illégales finissent logiquement par le plonger dans des eaux troubles desquelles le gamin ressort touché d’une balle à la hanche. La blessure, sans grande gravité, le couche sur un lit d’hôpital pour quelques dizaines de minutes seulement. Court, certes, mais suffisant pour opérer un déclic auprès du natif de New York : « C’est à ce moment que je me suis dit : ‘Gros, occupe-toi de tes propres affaires.’ J’étais à un moment charnière ou j’ai du analyser quelles étaient les options qui s’offraient à moi. Je vendais toutes sortes de trucs, puis j’ai commencé à me dire ‘Je ne vais pas vendre ça, je ne peux plus faire ça.’ D’autant plus que je ne bossais pas à mon compte, j’ai décidé que désormais, j’allais vendre mon talent . » La musique devient alors l’activité principale de Desiigner, qui multiplie les connexions dans sa ville et amorce un début de buzz local en signant le refrain du morceau « Danny DeVito » du rappeur Phresher, bénéficiant d’une petite rotation radio.

Un jour qu’il déambule dans sa rue, l’artiste remarque une BMW X6 de couleur blanche garée sur le bord de la route. Par un raccourci très simple, la carrosserie du véhicule lui fait spontanément penser à un panda, et fait naître en lui une étrange obsession, aussi bien pour le bolide que l’animal. Un autre soir, en jouant avec des amis à GTA V, son esprit est frappé par une sorte d’illumination qu’il retranscrit immédiatement sur un type beat acheté 200$ en ligne à Menace, un jeune producteur originaire de Manchester. « Panda » est né. Du moins, partiellement. Car fidèle à sa réputation naissante de « rappeur à refrains », Desiigner n’enregistre que le refrain et envisage de proposer à d’autres emcees de l’épauler sur le morceau. C’est sa manager Zana Ray qui le convainc finalement de publier le titre sous la forme qu’on connaît désormais. « Panda » engrange les écoutes de manière fulgurante et suscite l’intérêt de plusieurs maisons de disques, mais également de Plain Pat. Le directeur artistique, principalement connu pour son travail auprès de Kid Cudi, est en studio avec Kanye West quand il tombe sur l’enregistrement. Séduit par la fougue qui émane du morceau et de son auteur, monsieur Kardashian décide de remodeler la piste en un « Father Stretch My Hands pt. 2 » qui est introduit au tracklisting de son 7ème album, le sublime et très bordélique The Life of Pablo. La suite se déroule devant les 18 000 personnes du Madison Square Garden, au détour d’une release party aussi pompeuse que magistrale. En à peine quelques mois, Desiigner est passé des rues malfamées de Brooklyn au grand stade des franchises sportives locales.

New York, New York…

À la première écoute du titre, les médias comme le public se réjouissent quasi-unanimement de retrouver une nouvelle collaboration entre Future et Yeezy sur l’album de ce dernier. Avec le recul, ils se rendent cependant compte que « Father Stretch My Hands pt. 2 » est en fait « Panda », et que le Future en question est en fait Desiigner. Ce qui était à l’origine perçu comme la performance remarquable d’une superstar du rap devient soudainement le titre médiocre d’un de ses jeunes usurpateurs. Le Brooklynite essuie dès lors de nombreuses critiques qui l’accusent de manière plus ou moins justifiée de n’être qu’une pâle copie de Future.

arnold desiigner future meme

À chaque fois qu’il a été sondé sur le sujet, Desiigner n’a jamais caché le respect qu’il porte au rappeur d’Atlanta : « Cette comparaison me fait plus rire qu’autre chose, il n’y a pas de quoi le prendre mal. Je suis admiratif de la créativité de Future. Je pense qu’il est un grand artiste, mais j’estime faire ma propre musique. Je dirais plutôt que nous avons tout deux été bénis, chacun à notre manière. » Cette « bénédiction » dont Desiigner parle, c’est bien évidemment ce timbre de voix si particulier, à la fois grave et granuleux, que les deux artistes partagent bien malgré eux. Seulement, là où Future avouait utiliser l’auto-tune pour accentuer l’aspect rocailleux de son instrument, cela vient beaucoup plus naturellement chez le new-yorkais. C’est notamment ce qu’expliquait Mike Dean, le producteur qui a popularisé le mouvement dirty south dans les 90s et qui travaille actuellement sur le premier album de Desiigner : « Il n’est pas qu’une simple copie de Future. Il parle réellement comme ca, on dirait que sa voix est sous auto-tune même dans la vraie vie. Il parle comme Future rappe, ce qui est assez bizarre. »

Qu’à cela ne tienne, la liste des reproches adressés au rappeur ne s’arrête pas là. Desiigner est devenu malgré lui une source inépuisable de débats. À défaut de mettre tout son monde d’accord, il profite sans forcément le vouloir de cette attention médiatique disproportionnée qui se cristallise sur sa personne. Ainsi, nul besoin de réellement pousser son single pour le voir gravir les échelons des charts. Le 25 avril, « Panda » atteint la première place du Billboard Hot 100. Une performance supérieure à toutes celles qu’a pu réaliser Future, l’enfant de Brooklyn devient le premier artiste new-yorkais à se classer numéro 1 depuis Jay-Z et son « Empire State of Mind » en 2009. Là encore, ce succès fait grincer des dents. Pour beaucoup d’auditeurs, il est inconcevable qu’un artiste tout droit sorti de Bed-Stuy, le quartier qui a vu grandir Notorious B.I.G, puisse porter le flambeau de la ville en ayant un style calqué sur celui d’un artiste d’Atlanta.

« Il n’est pas qu’une simple copie de Future. Il parle réellement comme ca, on dirait que sa voix est sous auto-tune même dans la vraie vie. Il parle comme Future rappe, ce qui est assez bizarre. » – Mike Dean

Desiigner n’a pas le son « typique » de New York, et au regard de l’héritage musical de la Big Apple, cela gène. « La musique n’a pas de règles. Tu ne peux pas imposer de limites ou de barrières à la musique. […] Juste parce que tu viens de Brooklyn, tu es censé sonner comme un mec qui vient de Brooklyn? Et bien si c’est ça, je ne sais même pas ce qu’est le son de Brooklyn. » se justifiait-il auprès de Genius. Il s’avère que Sidney Selby III – de son vrai nom – est né deux petits mois après le décès de Biggie et n’a donc logiquement pas grandi avec l’âge d’or du rap new-yorkais. Desiigner est le fruit d’une génération pour laquelle Internet a décloisonné les frontières musicales, au même titre que les membres du A$AP Mob ou Bobby Shmurda, également issus de la mégalopole américaine. À une époque où Atlanta se positionne en boussole du rap mondial, là ou la scène new-yorkaise bât de l’aile, il semble bien difficile de reprocher à un jeune artiste d’avoir été plus influencé par les courants musicaux sudistes. Interrogée par FADER, la journaliste Judnick Mayard abondait également dans ce sens, soulignant au passage la jeunesse de Desiigner : « Desiigner a 18 ans et il s’amuse. Il n’a pas demandé à être le sauveur du rap de New York, et il ne devrait pas avoir à endosser le rôle du parfait rappeur new-yorkais qu’on ne semble pas parvenir à trouver. Tu peux t’asseoir et trouver 100 trucs différents à redire sur lui, mais quand les ‘claps’ retentissent en club, tout le monde est là à essayer de reprendre les paroles. »

« Quand j’ai vu les caméras des paparazzis sur moi, à vrai dire, j’avais envie de danser, d’être vraiment sous le feu des projecteurs » – Desiigner

Un grand nombre de ses détracteurs semblent justement oublier que Desiigner reste encore un gamin qui, malgré son incroyable succès, se rendait encore il y a quelques semaines de cela au bal de promo de son école. À 19 ans, il a la chance de vivre de sa passion, et profite simplement de sa célébrité toute fraîche ainsi que de tous les avantages qui lui sont inhérents. Quand Kanye West lui fait écouter « Father Stretch My Hands pt. 2″ pour la première fois devant l’aéroport de Los Angeles, Desiigner avoue par exemple avoir été quelque peu excité de voir la meute de paparazzi qui s’est attroupée autour des deux hommes : « Quand j’ai vu les caméras des paparazzis sur moi, à vrai dire, j’avais envie de danser, d’être vraiment sous le feu des projecteurs. De faire le fou. J’ai profité du moment. Je n’avais jamais eu l’occasion de vivre quelque chose comme ça, de voir une telle attention autour de moi. » Le jeune homme n’a rien demandé à personne, il n’arrive pas avec de grandes prétentions, et pourtant, il se retrouve à subir les foudres d’un public rap qui a souvent tendance à attendre une offre qui s’adapte à sa demande, plutôt que de chercher dans une offre très riche ce qui lui permet de trouver son compte. L’esprit de Desiigner semble être bien loin de toutes les considérations et les questions qui ont entouré son arrivée impromptue dans le paysage musical. Et ça tombe bien, car au vu de sa place et de ce qu’il représente réellement dans le rap game actuel, il est clair qu’il a déjà fait couler bien trop d’encre.

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Haï ou adoré, l’individu déchaîne les passions partout où il passe. Jeune prodige ou blanc-bec présomptueux ? Ian Connor revêt surtout le statut de l’élément perturbateur et sévit sur le monde du streetwear depuis quelques années maintenant. En témoignent ses dernières frasques dans le magasin colette à Paris. Entre ses looks insolites mais acclamés, ses selfies dans les toilettes d’aéroport, ses accusations de viol, Ian est un être à part qu’il est important de comprendre… avant de condamner. YARD décortique pour vous le phénomène.

 

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Crinière hirsute, chaotique, respirant le laisser-aller et le colorant capillaire ; tronche de vilain garnement d’où émane un regard terne, désintéressé, hautain. Le tout porté par le petit corps rachitique et fragile d’un gamin de quatorze ans. «The king of the youth », en chair et en os ; en chaînes et en or. Ses lettres de noblesse, comme son diadème, il les a gagnés à la sueur de son front, à coups de selfies et de clichés flous, de Supreme, Palace et autre Gosha Rubchinskiy, mais surtout par sa photogénie. Cette prestance avec laquelle il arbore un complet Yeezy trois fois trop grand pour lui tout en exhalant la fumée putride de sa cigarette, il en a fait sa marque fabrique. Mélange de nonchalance profonde et d’audace apparente, elle en dit plus long sur l’individu que n’importe quel outil de recherche.

 

Revenge of the Nerd

 

Ian Connor sur Google… Dix pages de liens sur sa récente altercation avec Theophilus London, A$AP Bari et sur ses accusations de viols. Ni page Wikipédia, ni biographie détaillée. Seulement quelques photos et articles disséminés çà et là. Pourtant. N’importe quel adolescent biberonné au cocktail Instagram-Tumblr-Twitter connaît l’énergumène, ses derniers looks, son strip-club préféré… Plus de 500 000 abonnés cumulés scrutent chaque jour ses moindres faits et gestes. Peu sont aptes à retracer son histoire, lui-même tente de brouiller les pistes. Néanmoins. En creusant un peu, une chronologie s’esquisse. Ian Connor est né en 1993 à New York, d’un père qu’il ne connaît pas et d’Andréa Connor, jeune afro-américaine. Un bébé joufflu, souriant. D’ailleurs. Les photos que poste sa mère sur Instagram contrastent totalement avec l’image de jeune rebelle qu’il dépeint. Il semble avoir eu une enfance joyeuse, bien que tortueuse. Avec un grand frère discret – Michael Connor – et une mère attentionnée mais exubérante. Du moins, c’est ce qu’elle espère véhiculer car la daronne a son propre compte Instagram et ses 738 abonnés, son pseudo @ianconnorsmamasrevenge. La vérité, c’est que les deux entretiennent une relation spéciale, confie-t-il à Complex. Elle l’a façonné. Depuis son jeune âge, sa mère l’habille, lui apprend à poser, développe son goût pour les vêtements et son intérêt pour la mode. Cependant, ils ne se comprennent pas. Ils ne communiquent que très peu. « Elle ne me comprend pas. Je l’aime, elle m’aime. On s’entend bien, mais je ne lui parle pas. » Avoue-t-il au site Blckdmnds.

 

instagram ian connor

 

 

2006 marque le début de son épopée lorsque sa famille et lui déménagent à Atlanta. Ian est âgé de treize ans, et doit faire face à la dureté de « la Grande Pêche » en plus de la méchanceté gratuite des pré-adolescents. Un quotidien difficile pour le jeune « weirdo » incompris… Mais tout ceci l’éveille. Après avoir essuyé les moqueries de ses pairs, il prend conscience de son physique, mais aussi de son potentiel. « I realized I was ugly and my style had to save me. / Je me suis rendu compte que j’étais laid et que mon style devait me sauver ». S’il veut s’en sortir, il ne doit compter que sur lui-même, et son image. Ce que lui a, inconsciemment, enseigné sa mère. Cynique. Passionné. Déterminé comme jamais. Il consacre alors son énergie à développer sa « vision », à absorber l’essence de son univers. Solitaire, sombre. Il fréquente les infréquentables et s’immisce dans un « milieu punk hardcore », il avouera à Mary Tramdack pour Ssense que l’empreinte de cette période constitue aujourd’hui la base de son style. Le jeune Ian ride les rues en skate, fait ses armes… Petit prince turbulent et excentrique.

 

To pimp a butterfly

 

Les années passent. Ian se dessine progressivement un cocon dans lequel il prépare sa mue, son évolution. Par quels moyens concrétiser sa vision ? Se mettre en scène, matérialiser et dévoiler les looks qu’il imagine ? Les réseaux sociaux. Twitter. Instagram. Tumblr. Il s’y exprime sans retenue et cherche à étendre son réseau. Plutôt doué, il gagne progressivement en ampleur. Ses photos floues, son air nonchalant, ennuyé, son allure débrayée, fascinent. Qu’il soit torse nu sous une chemise déboutonnée avec un short qui n’arrive même pas à ses genoux, ou qu’il porte une salopette en jean… Chaque fois, Ian trouve des fans qui le comprennent, qui l’admirent, qui s’identifient à lui. De retour à sa source, New York, en 2011, il dort à même le sol, chez son oncle, et vit de reblogs, de sapes et d’eau fraîche. C’est durant cette période qu’il se lie d’amitié avec les Ken Rebel, Glyn Brown, Ade Oyeyemi, Joo Henderson, commence à se faire un nom… et harcèle A$AP Bari pour qu’il accepte de traîner avec lui. D’abord réticent, ce dernier finit par accepter. À la longue, il le forme puis l’introduit au sein du A$AP Mob. Ensembles ils sillonnent la ville, discutent « sapes », font des photo-shootings, voyagent, festoient… Et Ian entretient cette prétendue bromance de telle sorte qu’une grande part des internautes croit que Bari et lui sont frères. Il contrôle son image.

 

ian connor

 

2011, c’est aussi l’année où il rencontre Theophilus London dans les rues de Brooklyn. À l’époque étoile montante du hip-hop, le protégé de Yeezy le prend aussi sous son aile, le loge, le nourrit, l’habille, prend et partage des photos de lui. Il lui octroie une part de sa visibilité, renforçant son influence sur les réseaux sociaux. Il révèlera même à Complex News avoir été celui qui a introduit Ian à Virgil Abloh ou encore Kanye West en 2014… Il a été jusqu’à l’orienter vers le modeling pour de petites marques telles Praise, Rhude, ou Lumières, contribuant de beaucoup à sa success story. C’est donc par et grâce à ces hommes que Ian Connor émerge de son cocon, métamorphosé. Larve incomprise et moquée qu’il était, il s’est en partie nourrie de l’énergie de ses deux mentors, pour devenir un papillon désormais admiré, prisé, courtisé. Même par Nike qui l’engage en 2012 comme consultant et modèle.

 

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The King of the Youth

 

Séduites, elles aussi. Mishka, Stussy, Supreme, Bape, l’appellent pour qu’il orne leurs lookbooks ou qu’il apparaisse dans leurs clips promotionnels. Toutes s’arrachent son style vestimentaire. Novateur, éclectique. Il associe la brutalité et le côté rebelle du mouvement punk, à l’arrogance et la finesse du streetwear. Célèbre grâce à ses grillz, ses lunettes de soleil, ses sketchers… Le petit gamin d’Atlanta accède peu à peu au statut d’incontournable de la street-fashion. Une « hypebeast » qui dispose d’un réseau solide. Conscient du phénomène, Yeezy accepte de lui accorder une place à ses Yeezy Season show 1 puis 2. Il y fait un tabac. La notoriété qu’il en dégage lui permet d’obtenir un contrat qui le lie à Wiz Khalifa comme l’un de ses stylistes personnels. Domaine dans lequel il excelle. Wiz Khalifa finira reconnu comme l’un des « best dressed-guy of the year » par Billboard en 2015. La même année, son apparition remarquée dans le clip « Shabba » d’A$AP Ferg vient entériner la popularité de Soulja Ian. Mais le consultant artistique/mannequin d’A$AP Rocky ne compte pas s’arrêter là. Par Kanye West, il atteint le cercle des Kardashian-Jenner. La benjamine, Kylie, l’engage aussi en tant que styliste personnel. Sur Instagram, l’avant/après I.C est frappant. Après Tyga, elle découvre les joies d’avoir du Supreme et du Gosha Rubchinskiy sur elle. Quant à Ian, il multiplie les apparitions aux Fashion Weeks, ouvre un premier pop-up shop avec l’aide de Bari : Nova. En bref, à 22 ans, tout a l’air de lui réussir. Même le management de son ami rappeur : Playboi Carti.

 

ian connor yeezy

 

Malheureusement. Juin 2016 marquera le coup d’arrêt brutal de la Ian Connor’s Revenge. Tout débute lorsque deux jeunes filles : Malika Anderson puis Jean Deaux publient l’une après l’autre, une confession sur WordPress. Toutes deux y affirment avoir été violées par Ian Connor. Elles décrivent un être tordu, manipulateur, obscène, insistant. Un violeur en série. Allégations que réfuteront l’intéressé puis Theophilus : « Ian est innocent » sur Twitter. Au demeurant. Les tweets de Ian l’incriminent plus qu’autre chose. « If I eat you out or buy you something, you have no choice but to fuck me. I’m as serious as can be with this one / Si je te fais un cunnilingus ou si je t’achète quelque chose, tu n’as d’autres choix que de me baiser. Je suis aussi sérieux que possible. » Par ailleurs, plusieurs de ses supposées victimes s’étant déplacées pour participer à la « slutwalk » organisée par Amber Rose, celle-ci révélait à The Daily Beast que leur nombre approcherait la vingtaine et que la justice aurait été saisie. Enfin, même Theophilus London, après avoir discuté avec l’une des filles apparemment abusée par Ian, ne le pense plus innocent. Un climat de suspicion s’installe rapidement entre Ian et ses amis, renforcé par la jalousie. Le 23 juin 2016 sera le jour des règlements de comptes. Virgil Abloh, Theophilus London, Ian Connor… Tous sont réunis chez colette, à Paris, pour présenter le fruit du travail d’ASAP Rocky et Bari : Vlone clothing. Mais la tension est palpable. Ian, Bari et Theo échangent des paroles haineuses à la vue de tous. Moment de crispation filmé : Ian semble à bout, la tête dans les mains. L’instant d’après, il envoie une tentative de direct dans le buste de son aîné. Après qu’Ian a encaissé le crochet de Bari, les choses se calment chez colette. L’embrouille finira sur Twitter. Les accusations réciproques fusent. Les retweets également. Une chose est sûre, ceux qui ont formé le « Roi de la jeunesse » en ont maintenant après sa tête.

 

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« Ain’t nuthin wrong with being ugly »

 

Soulja Ian est un « pervers », un « nerd », un « weirdo », le revendique ouvertement, et s’en accommode. « Me being weird, awkward, etc…. Has made me push so many bitches away and as much as I wanna change, I’m content with myself. » / Être “chelou”, embarrassant, etc. … m’a permis de rejeter tellement de putes et j’ai beau avoir envie de changer, je suis satisfait de moi-même. » tweetait-il. Et de surcroît, il est laid. Il n’y a qu’à voir les centaines de tweets qui l’expriment chaque jours, l’incompréhension des twittos devant ses selfies accompagnés de fangirls, les messages de haine sans retenue à son égard. Seulement voilà. « Ain’t nothing wrong with being ugly / Il n’y a rien de mal à être laid. » clame-t-il. Assumant sa laideur jusqu’au bout, il décide de la sublimer par sa créativité et son originalité. « Je suis fier d’être moche. Ce n’est pas comme si j’étais repoussant, je suis plutôt artistiquement moche, rien de mal au contraire ». Ian Connor, à la manière d’un Serge Gainsbourg a réussi à magnifier sa laideur. Il en a fait sa propre esthétique artistique en la rendant bankable. La preuve en est que la collaboration avec Wil Fry composée d’un maillot et d’un short à son effigie s’est écoulée en un temps record. Paradoxal ? Comme son rapport ambivalent à la popularité puisqu’il la fuit autant qu’il l’alimente par un flood quotidien sur les réseaux sociaux. Paradoxal également dans son rapport avec les masses juvéniles. Comment expliquer le charme presque magnétique qu’il exerce sur les jeunes ? Une énigme.

 

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C’est qu’au fond… Plus que le nain crade, froid et sombre qu’il est en apparence, Ian Connor est un adolescent qui a compris que pour accéder à la place dont il rêve, il lui faudrait s’assumer pleinement. Qu’importe ses vices et ses défauts. Qu’importe qu’à la naissance il ait reçu les mauvaises cartes, l’important est de changer la donne. Un bras d’honneur envers les codes sociétaux et les canons de beauté. Pour ça, celui qui se décrit comme un « humain lambda qui aime faire des choses banales et aléatoires », puis comme le « Roi de la jeunesse » est perçu comme un petit prodige. Il l’a compris. Il le sait, le cultive et l’utilise. Dégoulinant d’une suffisance irritante et d’un cynisme agaçant, Ian se dévoile dans toute sa splendeur quand on lui demande où il se voit dans dix ans par exemple. La réponse est simple : « mort, assassiné par un fanatique ». Un destin à la Henri IV.

Simplicité. Un mot qui vient spontanément à l’esprit lorsque l’on observe quelques secondes avec Luke Wood. Pas de sophistication, lorsque l’on parle au CEO de Beats Electronics. Mais détrompez-vous, ce n’est pas de business que notre interlocuteur est venu converser, mais seulement de musique. Lui l’ancien guitariste, connaît plus que parfaitement les enjeux que génèrent une position comme la sienne, position qui lui a été léguée en 2011 par les deux co-fondateurs Dr Dre et Jimmy Iovine. Entretien avec un des PDG les plus détendus de l’industrie musicale.

Quel est votre premier souvenir musical ?

Quand j’avais quatre ou cinq ans, mes parents étaient divorcés et je faisais partie de cette génération d’enfants dont la mère ne savait pas quoi faire pendant la journée. Ce qui n’était pas normal, dans les années 70 en Amérique du Nord, j’avais deux maternelles, et quand une personne de la direction me conduisait d’une école à l’autre, on écoutait Radio AM. Et je me souviens avoir écouté les morceaux les plus mièvres,  des anciens tubes de Paul Simon, ou « Hit the road Jack »… Et je trouvais ça tellement intéressant. D’une certaine façon, les 20 minutes les plus excitantes de mes journées étaient celles où je passais d’une maternelle à une autre. J’étais juste attiré par la musique.

Et je me souviens de moi à 6 ans, j’ai eu une raquette de tennis et j’en jouais comme une guitare devant le miroir de ma chambre, sans arrêt. Je jouais du Blondie et j’étais convaincu de faire partie du groupe. Je savais déjà que je voulais me rapprocher le plus possible de la musique mais je n’y ai jamais pensé comme à une carrière, ou une ambition. C’était simplement mon élément, comme l’eau pour un poisson. J’en faisais toute la journée et plus je m’en suis rapproché, plus j’ai réalisé à quel point il était plus compliqué de produire que de faire de la bonne musique. Plus compliqué d’avoir une carrière dans l’industrie que d’avoir un groupe. Plus compliqué d’envisager le commerce de la musique, comment la vendre, la communiquer. J’ai donc décidé de résoudre ce puzzle : comment faire toutes ces choses ? Et c’était lancé.

« Je me souviens de moi à 6 ans, j’ai eu une raquette de tennis et j’en jouais comme une guitare devant le miroir de ma chambre, sans arrêt. Je jouais du Blondie et j’étais convaincu de faire partie du groupe. »

C’est pour ça que vous avez créé un pont entre le choix d’être musicien et celui d’être business man ?

Je voulais simplement voir si c’était possible.  À 16 ans, le plus simple moyen de composer c’était de prendre deux radiocassettes et d’enregistrer chaque partie d’un titre sur l’une des deux machines. C’était du ping-pong. Très tôt, je faisais des chansons comme ça, elles étaient horribles mais elles m’ont aidé à analyser la production. J’ai toujours voulu comprendre la musique, parce que j’ai toujours pensé qu’il y avait quelques secrets de l’univers qui y étaient piégés. Plus j’ai fait de la musique, plus je me suis demandé : comment tu expliques ça aux gens, comment tu le marketes, quel est le business de la musique ? J’ai réalisé qu’il y avait plein de choses à apprendre à ce sujet. Quand j’ai eu 26 ans, j’ai réalisé que j’étais bien meilleur dans le business de la musique que dans sa conception. Je me suis donc dit :  « Ok ! Je vais aller là-bas, parce que c’est ce que je fais le mieux. » Et c’est comme ça que la transition s’est faite. Mais j’ai eu de la chance dans ce que je faisais de signer des groupes et faire des disques. Je partais découvrir des talents et je les aidais à rassembler une équipe de production et des techniciens pour aller au studio, choisir des chansons et travailler. Pendant longtemps, je n’ai pas quitté l’aspect créatif de la musique. Et dans ma position, plus personne n’avait à souffrir de ma musique.

Ce n’est pas douloureux de laisser le romantisme de la musique et du fait d’être un musicien ?

La raison pour laquelle je pense que j’étais un bon A&R (littéralement Artist & Repertoire, découvreur de talents ndlr), c’est que je savais trouver la différence entre quelque chose de bon et quelque chose de potentiellement intemporel et génial. J’étais mon propre A&R en sachant que je n’étais pas aussi bon que d’autres artistes autour de moi. Je pouvais obtenir un contrat d’enregistrement, mais je ne pense pas que j’étais aussi bon que Kurt Cobain, ni David Bowie. Mon objectif est donc devenu celui de trouver le prochain Kurt Cobain et le prochain David Bowie et leur donner les outils pour arriver au succès. C’était terriblement gratifiant. Je n’ai jamais ressenti de regrets, parce que c’était tellement ancré en moi. J’étais dans la musique tous les jours et je continuais de jouer de la guitare.

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Quelles sont les qualités requises pour être le président d’une entreprise aussi énorme ? Cela présente pas mal de risques, vous pouvez tout perdre chaque jour…

Je pense que Beats est une entreprise unique et Jimmy Iovine et Dr. Dre ont une vision très spécifique. Tout simplement, il s’agit de réparer l’écosystème du son. La qualité du son n’était plus primordiale pour les gens, ils ne comprenaient plus vraiment ce que c’était. On voulait donc leur apporter cette expérience et aussi montrer la valeur commerciale inhérente de la musique. À cette époque, quand l’entreprise a été créée en 2006, le piratage était partout. On se demandait comment montrer que la musique a une valeur et qu’il y a tout une galaxie autour d’elle. Alors nous avons attaqué le secteur du casque et en tant que président, mon rôle était une combinaison de trois choses.

La première était d’avoir une assez bonne compréhension de la vision de Jimmy et Dre pour la transmettre dans l’entreprise comme un opérateur, comprendre leur façon d’agir, leur jugement et quand est-ce que je dois appeler Jimmy ou  Dre… Jimmy est le meilleur pour savoir quand c’est le moment, Dre est le meilleur pour dire :  « Ça craint » ou « Ça tue ». Le plus grand décideur de la planète, il est direct et tranche en un claquement de doigts. La deuxième chose a été de réussir à construire une équipe capable d’ériger la vision collective et en laquelle on peut avoir confiance. C’est la clé. Une part du succès d’une entreprise réside dans sa capacité de recruter et de conserver des personnes talentueuses, c’est exactement ce que je disais à mes artistes d’une certaine façon. Et le dernier point, du moins en ce qui concerne Beats, c’est de ne pas avoir peur, et être conscient, qu’on a la responsabilité de conduire la culture. Notre but est de vivre la musique tous les jours, la ressentir et la comprendre. Je pense qu’avec ce qu’on a fait en tant que musicien, on a toujours conscience de cette responsabilité.

Comment ajoutez-vous votre voix entre ces deux poids-lourds ?

Avec soin et attention (rires). J’ai commencé à travailler avec Jimmy en 2003, ça fait 13 ans maintenant, je connais Dre depuis autant de temps et je travaille avec lui depuis 2011. Jimmy a fondé Interscope qui est une immense entreprise et Dre a monté Aftermath puis il a été impliqué dans pas mal de groupes qui ont connu beaucoup de succès. Ils ont tous les deux une bonne compréhension du travail d’équipe. Je vais faire une analogie avec la musique mais le fait qu’ils aient été tous les deux producteurs aide vraiment. Ils ont l’habitude de s’asseoir derrière une console et de dire : « Ok, tu fais des beats avec un 808, toi tu t’occupes de l’ingé, et toi tu vas mixer. » C’est rare pour un exécutif d’avoir confiance en les compétences d’autres personnes pour faire leur travail. Si vous ne faites pas votre travail, ils vous tueront, si vous répondez à leurs attentes vous allez faire du bon travail.

« Le fait que Jimmy et Dre aient été deux producteurs de musique aide vraiment »

En tant que guitariste, quels sont les bases qui vous aident aujourd’hui à votre poste ?

Pour moi, c’est le plus grand terrain d’entraînement au monde, parce qu’on y apprend tellement de choses. La premier enseignement, c’est l’improvisation. Vous essayez des choses pour voir si elles fonctionnent et vous reconnaissez l’alchimie quand vous êtes capable de la sentir. Vous la ressentez parce que vous avez l’instinct viscéral que ça fonctionne. Je pense avoir amener ce sens de l’improvisation dans mon approche du business. Tu peux penser que c’est une bonne stratégie d’aller dans cette direction, mais à la minute où vous sentez que ça ne va pas, vous prenez une autre direction.

Une autre chose c’est d’apprendre à faire confiance à un groupe. Certains l’apprennent grâce au sport, mais les musiciens y font face tout le temps. Un artiste est un groupe à lui tout seul car il comprend son manager, son bookeur, la personne qui conçoit ses t-shirts… Toute cette équipe joue un rôle vital. En ce qui me concerne, j’ai toujours l’impression que nous sommes en train de composer un bon groupe.

Quel est selon vous le plus grand challenge pour Beats en terme de technologie ?

Ça peut sembler être une réponse ridicule, mais notre plus grand challenge et de poursuivre ce que nous faisons. Cette semaine j’étais à Paris et à Shangaï et je vois tout le monde marcher les yeux rivés sur leurs écrans mais sans faire attention au son. La clé d’une vidéo est d’apporter de l’exigence dans l’image et dans le son mais personne n’a encore compris la partie sonore. Je pense que cette nécessité grandira quand on aura une meilleure connexion et une meilleure pénétration de la 4G, plus rapide, la qualité du son suivra et ce sera vraiment géniale. Quand ça arrivera, vous voudrez avoir une expérience premium… Nous savons que notre rôle est vital pour l’histoire de la musique.

Comment vous voyez le futur du son ?

Je pense que ça deviendra une nécessité pour chacun d’avoir un appareil d’écoute. Subitement, on va avoir une qualité de son et de vidéo hi-fi (high-fidelity) qui sera le standard de qualité que les éditions vont vouloir produire. Vous devez pouvoir entendre ce que vous voyez. C’était assez drôle de voir tout le monde enfoncer ses écouteurs dans leurs oreilles. Qu’est-ce que vous regardez ? Un film muet ?

Pour quelqu’un comme vous qui êtes guitariste et qui travaillez pour une entreprise comme Beats, est-ce une suite logique de monter un label comme Jimmy Iovine et Dr. Dre ?

Non, parce que nous sommes évidemment concernés par la musique, on en fait partie. Je vois Beats Music comme une énorme avenue pour découvrir de la musique. Les labels jouent un rôle vital là-dedans, parce qu’ils font un énorme travail pour trouver et faire grandir leurs talents. Ce sont deux tâches différentes. Aujourd’hui, je me concentre sur l’entreprise électronique et Jimmy passe du temps sur Apple Music. On réfléchit vraiment sur la plateforme et l’expérience plutôt que le contenu.

En ce qui concerne le streaming sur Apple Music, les questions autour de ces différentes plateformes sont centrales aujourd’hui. Comment pensez-vous qu’Apple Music va évoluer ? 

Apple Music est le modèle de ce à quoi va tendre le streaming. Je pense que le soin apporté à une combinaison entre la meilleure bibliothèque avec une bonne sélection et une bonne ligne éditoriale. Le problème avec les bibliothèques, c’est que vous ne pouvez pas trouver ce que vous ne connaissez pas. Quel est l’intérêt ? Là où Apple Music essaie de faire un bon boulot, c’est la manière dont vous faites découvrir des choses aux gens. En ce qui me concerne, j’ai appris tout ce que je sais de la musique pendant mon adolescence, parce que j’allais chez le disquaire. Et je me souviens qu’il y avait cette femme, Beth Brown, signée sur un label local qui était super mignonne, elle avait 25 ans et j’y allais pour lui parler. Je ne m’y rendais pas parce que j’avais 14 ans pour parler à une jolie fille, j’y allais parce qu’elle parlait magnifiquement des disques. J’y allais et elle me disait, tu devrais acheter ça, et ça, et ça. Et en un an j’avais cette collection de disques incroyablement sophistiquée pour une gamin de mon âge. Et ça seulement parce que j’ai été obsédée par ses goûts. Je pense que c’est très important car la ligne éditoriale et la curation vous aident à découvrir de la musique et c’est magique d’écouter une bonne chanson ou une bonne playlist au bon moment. Je pense que c’est l’opportunité offerte par l’abonnement et c’est ce que fait Apple Music.

« Future fait avancer le hip-hop d’une manière intéressante, il a changé les règles. »

Pour finir, quel est votre top 5 MC ?

Eminem – 5, Pac – 3, Biggie – 2, –  Jay-Z – 1. Pour la quatrième position, c’est compliqué. Mais je dirais Future. Je pense qu’il fait avancer le hip-hop d’une manière intéressante, il a en quelque sorte changé les règles. Tout avait à peu près le même son et il est arrivé avec le sien et aujourd’hui tout le monde essaie de le reproduire.

Mais on peut dire la même chose de Kanye et Kendrick.

C’’est ce que j’aillais dire. J’hésitais avec Kendrick. Ils sont tous les deux différents, et lyricalement Kendrick est au-dessus de tout le monde. Il est très intelligent et quand j’ai vu sa performance aux Grammys, j’étais littéralement en larmes, c’était tellement puissant. Personne ne peut le toucher. Je pense que Future est important, parce qu’il a modifié le rôle du emcee.

Suite à notre entretien, Beats by Dre a célébré la musique au pied de la Tour Eiffel à l’occasion de son premier sound Symposium parisien en organisant une soirée dédiée à l’importance de la musique et du son au club le YOYODurant cette soirée, Luke Wood, le président de Beats by Dre, a réuni sur scène pour la première fois des piliers de la scène musicale, partageant leur point de vue sur leur passion commune et sur l’importance de la qualité du son : Mike D des Beastie Boys, Thurston Moore de Sonic Youth, Pedro Winter d’Ed Banger Records et Olivier Cachin, spécialiste français du rap et du hip-hop et rythmant cette discussion. À la suite de cet échange, les invités ont pu profiter d’une performance live du groupe Lescop, avant de profiter d’un set de Babaflex.

 

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Photos : Beats

Le 25 juin, c’est le nom de YARD qui illuminait en lettre rouge l’illustre devanture de l’Olympia. Car pour la première fois, ce lieu mythique où se sont produits tous les hérauts d’une jeunesse et d’un temps que nous ne pouvions pas connaître, a fini par vibrer au rythme d’une soirée hip-hop que nous avons souhaité à la hauteur de la circonstance.

Encore merci aux DJs Rakoto 3000, Supa!, Vashtie Kola, Kyu ST33D, Dj Endrixx, Hologram Lo’, et à Michèle Lamy, A$AP Rocky et Playboi Carti pour leur passage.

Instagram : @HLenie

 

C’est l’été et comme chaque mardi le YARD Summer Club prend ses quartiers au Wanderlust, cette fois-ci pas d’artistes mais une belle ambiance surchauffée par des DJ sets d’un haut niveau. Un état d’esprit où se mélange brise des bords de Seine, gros bangers hip-hop et donc forcément petites perles de transpirations sur les fronts de tous ceux qui sont venus cramer la terrasse hier.

Instagram : @lebougmelo

Après Los Angeles et New-York, Kanye West a ouvert une boutique éphémère à Paris, son premier pop-up store européen. L’occasion pour tous les hypebeasts de la capitale d’envahir la rue de Richelieu pour découvrir la nouvelle collection de Ye. Parmi la centaine de personnes présentes, certains ont fait le voyage depuis les États-Unis pour tenter de se procurer les pièces exclusives mises en ventes dans la boutique tandis que d’autres ont posé leurs valises dans le 1er arrondissement à l’aube, aux alentour de 4 heures du matin. Les motivations qui poussent ces personnes à faire le déplacement sont divers et variées. On y trouve des resellers tout comme de simples fans priant pour voir leur messie. Entassés en plein coeur de la queue, nous sommes allé à la rencontre de ces addicts de Yeezy Season.

 

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« Je viens tout juste d’arriver mais je savais à quoi m’attendre. Quand je suis parti ce matin vers 8h, je savais que j’allais me retrouver au bout de la queue. Je n’ai pas vraiment de budget, je vais acheter tout ce qui me plaît. J’ai déjà quelques vêtements des collections précédentes et j’aime beaucoup ce que Kanye fait. J’espère ne pas être venu de Caroline du Nord pour repartir les mains vides. » Steve


 

 

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« Je suis là depuis 3h30 du matin mais quand je suis arrivé il n’y avait pas autant de monde. Ça ne fait que depuis 9 heures que les gens ont commencé à arriver en masse. J’ai un budget d’environ 400 euros mais je ne compte pas tout garder pour moi, je vais essayer d’en revendre une partie parce que je n’aime pas tout les produits de la collection. » Arthur


 

 

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« J’ai environ 600 euros en cash et un peu plus sur ma carte bancaire. En tout je dois avoir aux alentours de 1000 euros. Je compte revendre une bonne partie de ce que je vais acheter, on m’a déjà passé des commandes… Je trouve que Kanye a déjà fait mieux. La collection de Los Angeles avait l’air vraiment pas mal mais bon on a quand même la chance d’accueillir ce premier pop-up store européen. » Maxime 


 

 

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« On est arrivé vers 7 heures, 7 heures et demi. Je m’attendais à ce qu’il y ait beaucoup de monde mais ce n’était pas le cas. Par rapport aux boutiques de Los Angeles ou New-York où la queue était interminable, je suis un peu déçu. L’engouement est moins fort ici qu’aux États-Unis. C’est peut-être parce que l’ouverture de ce pop-up store a été annoncée tardivement. Je me sens comme Pablo aujourd’hui donc je vais prendre le hoodie Pablo.  »  Sacha 


 

 

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« Je ne pensais pas qu’il y allait avoir autant de monde à cette heure-là. Je suis venue de Picardie pour mon frère qui n’a pas pu faire le déplacement. Dès que je suis arrivé sur Paris, je me suis arrêtée ici. Personnellement je ne trouve pas cette collection incroyable, c’est vraiment pour mon frère.  » Sandra


 

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« Je sais déjà ce que je veux. Il me faut 3 casquettes ! Ils ont publié hier sur le site de Yeezy les images de la collection disponible à Paris. J’ai vu qu’il y avait des casquettes « Paris » et « I Feel Like Pablo » donc je vais essayer d’en prendre une pour moi et deux pour mon cousin. » Justine


 

 

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Photos : @booxsfilms

 

Après deux EP (TuaregShawty et liquidcrystal) ou encore la sortie du titre « 92 » où elle apparaît aux côtés de Myth Syzer, la française Ta-Ha poursuit sa voie dans la musique et délivrait il y a quelques jours l’hypnotisant « Kawasaki Ninja ». A son propos, l’artiste raconte :

Kawasaki Ninja est une chanson que j’ai écrite l’année dernière quand je vivais à Tokyo. Elle veut dire beaucoup pour moi parce que c’est le morceau qui m’a mise au travail. Il me rappelle que je dois travailler et me concentrer sur ce qu’il y a d’important dans ma vie et sur qui je dois vraiment compter et m’associer.

Kawasaki Ninja est vraiment un boost d’énergie, comme une boisson énergisante. Les Yakuza n’ont pas une bonne image aux Japon et ils sont perçus comme des personnes mauvaises et dangereuses. Malgré le fait que j’aime la culture Yakusa, j’ai simplement utilisé cette image pour dire que, peu importe qui vous aimez et ce que les gens peuvent en penser, tant que cette personne est là pour vous aimer, vous protéger, vous booster vous et vos objectifs et se donner à vous à 100%, alors ça en vaut la peine. 

 

On attend la suite.

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Cette année Nike a multiplié les collaborations avec les designers. Entre sa capsule avec Olivier Rousteing et sa dernière collection avec Kim Jones, le directeur artistique de Louis Vuitton, Nike affiche sa volonté d’associer sportswear et haute couture. La marque à la virgule dévoile aujourd’hui les premières images d’un des produits inclus dans sa collection avec Kim Jones, la NikeLab Air Zoom LWP x Kim Jones. Cette paire basée sur la L.W.P comprendra la technologie Lightweight Performance. On y retrouve également  la signature du designer à l’arrière de la chaussure.

Bien qu’aucune date de sortie précise n’a été révélée par Nike, Kim Jones affirme sur son compte Instagram que la sneakers sera disponible avant la fin du mois de juin.

C’est à l’issue de plusieurs semaines de compétition à travers le monde, que c’est terminé l’édition 2016 de l’aventure « Winner Stays », au sein de l’éphémère Palais of Speed.

Le rendez-vous était donné à tous le samedi 18 juin pour une journée de matchs ponctuée par plusieurs animations et quelques shows, pour finir en grande pompe après la victoire de la Team Mat du Pays-Bas, par un showcase de Booba.

 

En attendant un temps plus clément et chaleureux au #YARDSUMMERCLUB, on a tenu à célébrer le solstice d’été et la Fête de la Musique, comme il se doit. Avec Sprite, on vous a préparé un line-up à la hauteur de cet évènement annuel.

Merci aux artistes, Kalash Criminel, Bonnie Banane, Y Du V, Raz Simone, May Hi mais aussi J-Slow et ses guests et les crews Bon Gamin et Panama Bende, aux DJs Kyu St33d, Supa, Dj Endrixx, Just Dizle, Rakoto 3000,Yannick Do, Blkkout, Ogiz., Capten Capi, Jeune Lio, Kiddy Smile, Deejay SYT, COLORSBOYZ et à Willaxxx, l’host du Mouv’ qui nous rejoint d’ailleurs cet été.

 

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Pour sa dernière collection N7, la marque au swoosh va offrir une partie des bénéfices aux communautés amérindiennes du pays. La collection comprend des Air Max 2016, des Air Max 2011 ainsi que des t-shirts et débardeurs essentiellement aux teintes oranges et bleues, réellement dans l’esprit estival. Les pièces de cette capsule vont de 35$ à 190$ et sont d’ores et déjà disponible dans les magasins Nike et sur le e-shop.

Quelques mois après leur dernière collaboration sur la Gel Lyte 5, Atmos et Asics ont remis le couvert pour revisiter la Gel Lyte 3. Les deux marques optent pour un  look camo pour cette nouvelle collection qui avait déjà été annoncée le mois dernier. Alors que la majorité de la chaussure est composée d’un tissu noir, un camo clair vient longer les bordures de la paire. Prévu pour le 25 juin, ces sneakers seront accompagnées de t-shirt Atmos dans le même esprit.

Parfois il peut suffire d’un seul featuring pour propulser la carrière d’artiste, surtout quand cette collaboration s’opère avec Drake, chef d’orchestre du label OVO. Longtemps considéré comme les protégés de Champagne Papi, le duo torontois Majid Jordan pourrait aujourd’hui être en passe de devenir l’un des porte-drapeau de la scène r’n’b outre-Atlantique grâce à des titres comme « Something about you » ou encore “My love” qui comptabilisent à eux deux plus de 8 millions de vues sur YouTube. Découvert par Noah “40” Shebib en 2013, Majid et Jordan  deviennent des figures incontournables d’OVO . De passage à Paris pour un concert organisé par Livenation et YARD, nous avons discuté avec les Canadiens de leur carrière, leurs inspirations ou encore de l’évolution du r’n’b.

 

 

Vous vous êtes rencontrés à ta soirée d’anniversaire Majid, mais à quel moment avez-vous compris que vous alliez travailler ensemble ?

Majid : On s’était déjà vus une première fois à ma soirée mais à ce moment-là on n’avait pas vraiment eu l’occasion de parler musique. On s’est revus peut-être trois mois après devant les dortoirs de l’université. Je savais qu’il faisait de la musique donc je suis allé le voir pour lui proposer qu’on commence à travailler ensemble avant que je retourne au Bahreïn voir ma famille. J’avais déjà écouté un des remix qu’il avait fait sur Soundcloud. On a juste parlé musique pendant un petit moment et échangé nos idées, le lendemain on s’est retrouvés à faire deux morceaux ensemble.

 

À cette époque vous étiez tous les deux encore à l’université…

Majid : J’étudiais le business et lui l’économie. Je pense que les études m’ont aidé tout simplement parce que, sans elles, je n’aurais probablement jamais rencontré Jordan. Ça m’a également apporté une ouverture d’esprit encore plus importante,  je pense qu’aller à la fac est important pour la sociabilisation. Le simple fait de rencontrer de nouvelles personnes t’aide à grandir.

 

Lorsqu’on remonte aux premiers titres sur votre Soundcloud, ils étaient sous le nom de Good People. Pourquoi être passé de Good People à Majid Jordan ?

Majid : Good People était notre nom lorsqu’on était en indépendant, c’était une entité anonyme. Lorsqu’on a signé chez OVO, on s’est dit que ce serait plus intéressant d’utiliser nos propres noms de façon pour les intégrer concrètement à notre projet. Au lieu de dire, « C’est Jordan de Good People, et Majid de Good People », c’est plus simple et plus juste de s’appeler Majid Jordan. Malgré tout, je reste toujours attaché au nom de Good People, il fait partie de notre histoire. Majid Jordan correspond bien mieux à notre réalité.

 

En 2013 vous sortiez votre premier EP afterhours, c’est ce projet qui va vous permettre de vous faire remarquer par Noah 40 Shebib, producteur de Drake et des artistes OVO. Comment s’est passé cette première session studio avec Noah et Drake ?

Jordan : J’ai rencontré 40 avant Majid,  à ce moment-là tu étais encore avec ta famille au Bahreïn. J’ai toujours fait de la musique dans ma chambre à l’arrache, je me souviens être obligé de tenir le micro pour m’enregistrer. Passer de ces conditions à un studio professionnel était incroyable, j’étais entouré de spécialistes et de l’un des meilleurs producteurs du pays. J’adore sa mentalité et son approche de la musique, il savait ce qu’il voulait en tant que producteur. C’était comme un apprentissage en accéléré.

 


« J’ai toujours fait de la musique dans ma chambre à l’arrache, je me souviens être obligé de tenir le micro pour m’enregistrer. » Jordan


 


Qu’avez-vous appris de ces séances studios ?

Jordan : J’ai tout simplement appris à faire des morceaux propres et tous les processus nécessaires pour achever un titre. C’est très différent quand tu fais de la musique simplement en tant que loisir, il y a un tas d’étapes et de procédés par lesquels on passe pour faire un morceau que les gens ignorent. Je me suis professionnalisé au côté de Noah.

 

Lorsqu’on regarde OVO on a l’impression de voir une famille, voire même un mouvement. Quel est l’état d’esprit du label ?

Majid : On essaye juste de continuer notre apprentissage et d’être ouvert d’esprit. On est tous solidaires les uns des autres, il y a des profils différents et je pense que chacun apporte sa touche personnelle au label.
Jordan : L’objectif reste avant tout de faire de la bonne musique, mais pour ça on a besoin de se sentir à l’aise avec ceux qui nous entourent. C’est bien plus qu’une simple relation professionnelle. comme tu disais nous sommes une famille.

 

Depuis votre featuring avec Drake sur le titre « Hold on, we’re going home », tout le monde s’est mis à parler de vous, vous avez notamment collaboré avec Beyonce sur le titre  « Mine ». Malgré toutes les demandes, vous faites peu de featurings…

Majid : C’est comme ça qu’on travaille depuis qu’on est chez OVO, on reste concentrés sur notre musique et celle des autres membres du label. Il y a tellement d’artistes talentueux chez OVO qu’on a pas tellement besoin d’aller chercher ailleurs… On est toujours en train de se découvrir donc on évite de trop se disperser pour le moment mais on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir.

 

Si vous ne vous mélangez pas trop c’est probablement aussi parce que Toronto a développé son propre style ces dernières années  : une ambiance éthérée, des productions assez lentes, des refrains particuliers… Comment pouvez-vous expliquer l’émergence de la scène rap torontoise ?

Majid : Je trouve que la musique est devenue très territoriale, surtout dans le hip-hop. Les gens identifient plus facilement un artiste par rapport à sa région d’origine qu’à son style musical. C’est devenu difficile de définir les genres musicaux parce qu’ils sont composés de beaucoup d’influences. Il y a tellement d’artistes talentueux à Toronto que je pense qu’on peut affirmer que la scène musicale torontoise n’a jamais été aussi riche. Je pense qu’elle va continuer de ce développer comme l’a fait New-York, Atlanta et toutes ces grandes villes.

 

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Comment définirez-vous votre propre style ?

Majid : Du r’n’b aux influences house et électronique. Je pense que c’est le meilleur moyen de définir notre musique.

 

Depuis quelques années on assiste à un retour en force du r’n’b avec des artistes comme Franck Ocean, The Weeknd et beaucoup d’autres. Qu’est ce qu’il manquait au r’n’b ces dernières années ?

Majid : Je pense que le r’n’b a toujours été présent, c’est juste que dans l’industrie il y a toujours des hauts et des bas. Ces derniers temps, de plus en plus de personnes se mettent au r’n’b donc forcément petit à petit le public retrouve de l’intérêt pour ce genre. Pourtant le r’n’b n’a jamais disparu, dans les années 2000 il y avait Usher par exemple. Les gens pensent que le r’n’b ne se résume qu’à une seule et unique sonorité ou style de production, mais ce n’est pas le cas. C’est aussi de la soul, du blues… Il y a différentes textures c’est tout.

 

Pourtant j’ai le sentiment qu’il y a désormais beaucoup plus d’influences pop et électro qu’auparavant.

Jordan : Oui c’est vrai mais tout les autres styles ont également changé. Il faut composer avec son temps et s’adapter aux évolutions technologiques, avec toutes les nouvelles machines c’est plus facile de faire de bonnes productions. C’est justement grâce à cette ouverture musicale qu’on va développer le r’n’b.

 

Dans quel état d’esprit es-tu avant de commencer une production Jordan ?

Jordan : Le simple fait de composer un morceau me rend heureux. Bien évidemment, il y a des moments où j’essaye d’arriver à trouver une sonorité précise. J’ai appris le beatmaking en essayant de retransmettre musicalement les idées que j’avais en tête.

 


« Le concert d’hier à Manchester était dingue. Je m’ambiançais sur un morceau et au moment du « drop » j’ai écarté mes mains. Ce court instant a suffi pour qu’une fille jette son soutif sur la scène et qu’il atterrisse parfaitement dans ma main, juste au moment où le son reprenait (rires). » Majid


 

Quel a été le rôle de Noah dans le développement de ton style de production ?

Jordan : Noah est mon mentor, mon mentor à vie (rires). Je n’ai pas grandi en écoutant ses productions. Je viens de Toronto donc forcement j’ai assisté à l’ascension de Drake mais je n’étais pas à fond dans le hip-hop, j’écoutais plus de house et de UK garage. Lorsque j’ai rencontré Noah, il a changé ma vision de la production, il m’a beaucoup appris sur ce domaine et a facilité mon ouverture musicale. J’ai appris à faire des productions en regardant des vidéos sur Internet…

 

Quelle vibe essaies-tu d’apporter ?

Majid : J’essaye juste de faire en sorte que la vibe qui se dégage de de la  production soit unique. Je veux imposer ma propre touche, j’en ai marre des stéréotypes propres à chaque style. Si dans un son il y a une guitare électrique ce n’est pas forcément du rock, il faut juste que tous les instruments s’associent de façon harmonieuse.
Jordan : Certains de nos morceaux sont plus énergiques et d’autres plus lents au niveau de la production et des voix. On veut que nos titres puissent t’accompagner à différents moments de ta vie comme une bande originale.

 

Plus tôt cette année vous avez sorti votre premier album intitulé Majid Jordan. Quel était le concept  ?

Majid : Cet album est une introduction à la musique que l’on souhaite proposer ces prochains mois. Avec cet album les gens vont apprendre à mieux nous connaître, nous et notre musique.

 

Selon vous quel est la différence entre cet album et vos précédents projets ?

Jordan : Ce projet est beaucoup plus complet et consistant. Je trouve que depuis afterhours notre musique a beaucoup évolué et ça s’entend. Cet album est comme le premier chapitre du livre de notre carrière et ce sera peut-être l’un des plus importants. On a une vision très précise de ce qu’on cherche et de la façon dont notre musique doit évoluer.

 

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Dans la plupart des titres de cet album vous parlez de votre relation avec les filles. Pourquoi ce thème est omniprésent ?

Majid : Je pense que l’amour nous inspire, nous ne pourrions pas en être là sans l’avoir connu. Les femmes ont une places essentielle dans notre société et si on fait de la musique ce n’est pas pour être irrespectueux, encore moins vis-à-vis d’elles. Je ne dis pas qu’on est des saints mais on essaie de traiter les femmes à leur juste valeur, je pense que c’est pour ça qu’il y a beaucoup de filles dans notre public.

 

Vous précisément un public féminin ?

Majid : Pas forcément. On aime juste ce qui est beau, on se concentre là-dessus. On cherche à ne garder que les aspects positifs de la vie et l’amour en fait partie. C’est en conservant tous ces éléments que les gens vont pouvoir s’identifier à notre musique, c’est extrêmement cinématographique.

 

La plupart de vos clips sont d’ailleurs très réussis, vous arrivez bien à retransmettre la vibe d’un titre à vos vidéos.

Jordan : La plupart du temps on essaye de réfléchir à nos clips en même temps que l’on crée le morceau. Ça facilite la tache au réalisateur, c’est quelque choses qu’on fait de plus en plus. On a toujours voulu des visuels de qualité qui correspondent à nos morceaux. Maintenant qu’on a les moyens de transformer nos musiques en images, on essaye de dégager une vibe singulière à chaque clip.

 

Quelle est votre destination préférée pour un concert ?

Majid : On aime vraiment beaucoup Paris. J’aime les gens, la culture, leur goût pour les bonnes choses… Nos premiers fans sur Soundcloud venaient essentiellement de Paris et de Lyon… Je ne sais pas quel est le lien entre ces deux villes

 

Depuis la sortie de votre album vous êtes en tournée. Quel a été le truc le plus fou qu’un fan ait fait à l’un de vos concerts ? 

Majid : Le concert d’hier à Manchester était dingue. Je m’ambiançais sur un morceau et au moment du « drop » j’ai écarté mes mains. Ce court instant a suffi pour qu’une fille jette son soutif sur la scène et qu’il atterrisse parfaitement dans ma main, juste au moment où le son reprenait (rires). Ce concert était vraiment cool.

Photos : Ojoz

Pour sa nouvelle collection printemps/été 2016, Carhartt a posé ses valises dans la capitale française où elle a fait appel au photographe Maciek Pozoga afin de capturer sa nouvelle collection. L’idée de ce lookbook était de suivre un groupe de jeunes un jour de ride estivale dans la capitale. Entre chemise hawaïenne, salopette en jean et short fleuris, Carhartt nous propose ici une collection assurant un look décontracté. Cette nouvelle capsule est d’ores et déjà disponible sur le webstore de Carhartt.

Moins d’une semaine après la sortie de Trap Talk, son dernier album, Rich The Kid revient avec Young Thug. Le duo d’Atlanta, plus qu’efficace, continue sur sa lancée en dévoilant « Ran It Up ».

Produit par Rich the Kid lui-même, le rappeur de profession réussit cette ébauche en tant que beatmaker. De la part de Young Thug, un couplet toujours à son niveau. Un message clair ressort du son : si les gens « hate [they] don’t give a fuck ».  De notre côté on attend toujours Hy!£UN35 a.k.a. HiTunes, le supposé premier album de Thugger.

Quelques semaines après la collaboration entre Nike et Olivier Rousteing, c’est aujourd’hui avec Kim Jones, le directeur artistique du Studio Homme de Louis Vuitton que le leader du sportswear s’associe. Annoncée par Jones via Instagram, cette nouvelle collection homme intitulée « Summer Sport » sera à priori composée de vêtements et chaussures aux couleurs vives et au design recherché. Cette capsule devrait sortir le 17 juillet prochain mais pour le moment très peu d’éléments ont été révélé par Nike. Plus d’informations bientôt sur YARD.

 

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« J’adore Paris et mes followers parisiens et j’ai vraiment envie de revenir ici et d’organiser plus d’événements. [Peut-être] organiser une soirée avec YARD… »

C’est ainsi que se concluait notre entretien avec l’entrepreneuse Yes Julz. Une idée qui s’est donc finalement concrétisée hier soir au #YARDSUMMERCLUB, où celle qui produit et anime les meilleures soirées hip-hop de Miami, est finalement venue prendre la température du public parisien. Le résultat n’aura pas été décevant et vous avez fait honneur à la capitale !

PARIS IS SO LIT

— Julz (@YesJulz) June 14, 2016

 

On vous attend la semaine prochaine pour la Fête de la Musique avec Kalash Criminel, Bon Gamin, Panama Bende, J-Slow (+UK Friends), Bonnie Banane, Y du V, Raz Simone, May Hi.

EVENT FACEBOOK (Pour toute la durée du YARD Summer Club)

 

Photos : @lebougmelo

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Quelques mois après le succès de leur dernière collection, Billionaire Boys Club dévoile aujourd’hui sa capsule été 2016. La marque lancée par Pharell et Nigo en 2005 propose essentiellement des t-shirts, des shorts et des pulls aux couleurs roses, bleues, rouges et vertes pour cette nouvelle collection. Loin des designs recherchés auquel elle nous avait habitué, BBC a préféré adopter un style épuré et des tissus de qualité. Cette collection sera disponible le 17 juin exclusivement dans la boutique BBC de New-York et sur le webstore.

Depuis un peu plus de 2 ans, l’industrie du rap est en constante évolution. Les rappeurs se multiplient et les styles se diversifient. En l’espace de quelques mois, certains artistes comme SCH, PNL ou encore MHD sont parvenus à laisser leurs signatures dans le livre du hip-hop. Pourtant, malgré cette métamorphose, certains artistes au talent indéniable restent oubliés des médias et n’arrivent pas à se séparer du statut d’ »underdog ». C’est le cas de J-Slow, un rappeur du 92 dont la nonchalance musicale ne vous laissera probablement pas indifférent. Après avoir surfé sur les instrumentales de son dernier EP New Wave, le natif de Levallois vient tout juste de sortir son nouvel EP Cash Mire, produit par Srabi. YARD est parti à la rencontre de Jeune Slow le temps d’une interview.

 

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« Je ne sais pas si « old school » est le bon terme mais j’avais une certaine nonchalance avec un côté très « lay back » à mes débuts. Avec le temps mon style a changé… Je pense qu’on peut aujourd’hui le qualifier d’hybride même si c’est vrai que je garde toujours ce côté « lazy » par moment comme pouvait le faire un Biggie, un Gyneco ou un Snoop. J’aime bien cette sensation de rider sur l’instru comme si j’étais en train de rider à Los Angeles au volant d’une Impala. »


 

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« Le concept de « Black Mic Mac Remix » était de réunir des MC’s que j’apprécie pour faire une sorte de cypher autour du thème « pimp ». Sur ce morceau il y a différents styles et quand tu l’écoutes il n’y en a pas un qui pose comme l’autre. Malgré tout, ce titre reste homogène et le rendu est juste lourd. »


 

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« Si tu compares le rap américain et le rap français tu te rends compte qu’il y a un énorme fossé. Aux États-Unis le rap est une religion, une musique populaire acceptée de tous que l’on retrouve à la radio, à la télé, dans les pubs, aux événements sportifs… En France la situation est  différente. Tout le monde n’accepte pas encore le rap, les dirigeants n’aiment pas ce style et certains rappeurs font polémique. Le rap français se développe plus lentement, d’autant plus que les médias ne mettent pas forcément en avant du bon rap. »


 

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« Je pense avoir évolué aussi bien humainement qu’artistiquement entre ces deux projets. Je ne les ai pas approchés de la même façon. La mixtape Jour J a été réalisée dans ma chambre avec mes acolytes Joy & Srabi. C’était comme un entraînement pour nous, une sorte de carte de visite pour dire aux gens :  » Les gars on est là et on arrive bientôt sur vous. » On a fait ce projet avec une certaine insouciance et une grosse spontanéité tandis que New Wave a été enregistrée avec plus de réflexion. L’attente était plus forte aussi… »


 

 


Cash Mire est un EP de 6 titres, en comptant l’intro et l’interlude, entièrement produit par Srabi Machine. On a bossé sur ce projet ensemble quand j’étais à Londres courant de l’année dernière. J’y ai vécu un an et quelques mois. C’était assez spécial pour nous deux car on n’avait pas bossé ensemble depuis ma première mixtape sortie en 2011. On a vraiment pris du plaisir à concocter cet EP. C’était une façon de nous retrouver, Srabi est un de mes meilleurs amis, un frèren même s’il n’est pas facile à vivre tous les jours (rires, ndlr). Je le connais depuis plus de 6 ans maintenant, c’est mon gars sûr.


 

Photos : @milonloh

 

EP « Cash Mire » est disponible sur Itunes, Deezer et Haute Culture.

Le 7 juin dernier, c’est au sein du musée Skylight Modern de New York que la petite dernière de la famille des shoes Converse a été révélée au grand jour devant une assemblée venue du monde entier. Nous étions présent pour vivre ce lancement tant attendu.

 

Pour l’occasion la marque étoilée a voulu poursuivre sur les valeurs qui ont construit sa légende en nous proposant de revivre son histoire au fil d’un mini-musée de la Converse, raconté par son archiviste Samuel Smallidge. Ce dernier a souligné encore une fois l’influence du basketball dans l’histoire de la marque et du design de ses produits.

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Avec ce nouveau modèle, Converse fait clairement place à la nouveauté. En effet, la All Star Modern constitue véritablement un nouveau départ pour la marque, qui casse les codes et transgresse avec les usages habituels et l’héritage Converse .

Nouvelles technologies, nouveaux matériaux, collaboration avec le label HTM (on le rappelle, le sempiternel trio formé des designers maison Nike : Hiroshi Fujiwara, Tinker Hatfield et Mark Parker) sur un des modèles de la collection, extra-confort et une légèreté accentuée sont les armes redoutables qui font l’efficacité de la chaussure.

Même si la Modern repose quand même sur la légende et les propriétés de nos vieilles « Chucks » et leur design de 1920, l’empreinte de la marque à la virgule est de plus en plus visible, notamment sur la semelle de la Chuck 2 ou l’introduction plus ancienne d’une semelle Lunar. Nike en back-up de Converse: on passe clairement un step.

La collection All Star Modern sera disponible le 16 juin prochain.

 

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Ci-dessous, on peut contempler avec plus de précision les nouvelles créations. Old school ou nouvelle génération, le choix entre la vielle All-star et la Modern cet été risque d’être assez cornéliens.

 

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Photos : Bordiiix / Converse

 

 

 

Ils ont sorti leur premier album en tant que Las Aves le 27 mai dernier mais le groupe de quatre Toulousains exilés à Paris fréquentent les salles de concert et les studios d’enregistrement depuis leur plus tendre adolescence. Insérés dans le circuit musical avec leur premier groupe The Dodoz, ils ont décidé de renaître de leurs cendres sous un nouveau projet artistique. Cela donne Die In Shanghaï avec plus de machines, une collaboration avec Dan Levy de The Dø et des clips conceptuels. Après leur date parisienne du 7 juin à la Maroquinerie et leur tournée tout l’été en France et en Europe, découvrez un univers rafraîchissant à travers leurs propres mots.

Vous étiez The Dodoz, maintenant vous êtes Las Aves, c’est quoi votre truc avec les oiseaux?

Géraldine : Moi personnellement j’ai extrêmement peur des oiseaux et en particulier des pigeons. Mais ça n’a pas trop de rapport (rires, ndlr).
Jules : On n’a rien de spécial avec les oiseaux. C’est bien parce que ça vole et que c’est un peu libre mais à part ça on n’a pas de réel attachement aux oiseaux. C’est un peu par hasard d’avoir choisi ces noms-là.

Vous jouez ensemble depuis très longtemps à quel moment vous êtes vous dit que vous deveniez des professionnels?

Jules : Aujourd’hui encore on ne pense pas en terme d’activité professionnelle, c’est seulement l’expérience qui fait que les choses sont gérées de façon plus « pro » vu de l’extérieur. On essaye de garder le même esprit qu’on avait au tout début : faire de la musique pour avoir le plaisir de finir un morceau de tous l’écouter et de danser, de kiffer. C’est juste ça !
Après l’évolution a été surtout musicale et le style a un peu changé. Le fait d’apprendre, d’avoir rencontré Dan Levy aussi pour l’album nous a fait vachement progressé musicalement. Ce sont toutes ces choses qui nous changent, et le fait de grandir aussi.

Au début vous jouiez ensemble dans votre garage, c’était un loisir non?

Géraldine : Au tout début ouais, on a commencé à jouer ensemble on avait 14 ans environ, là évidemment c’était un loisir, puis on a commencé à composer nos trucs assez vite. On a rapidement fait beaucoup de concerts aussi avec notre ancien groupe The Dodoz. On pouvait appeler ça un groupe d’adolescents dans un sens. Il y avait beaucoup de fougue, de jeunesse mais au final c’était déjà professionnel. On avait un label, on a sorti deux albums. Par rapport à aujourd’hui, le changement est plus musical. On n’a pas décidé de se professionnaliser il y a deux ans.
Jules : La musique est vite devenue quelque chose de très important pour nous, il n’ y a eu que le tout début, les balbutiements, où c’était un loisir. Après ça s’est transformé en une nécessité, c’est tous notre passion et on vit pour ça, depuis qu’on a 16 ans, on ne fait que ça tout le temps. C’est arrivé très vite.

« On peut faire des choses qui sont assez complexes mais le but c’est d’aller à la simplicité et à l’émotion pour tout le monde. »

Vous n’avez pas fait d’études donc, vous ne vous êtes jamais destinés à autre chose?

Géraldine : Moi j’ai fait médecine, mais c’est naturellement que je me suis rendu compte que je n’avais plus le temps.

Pourquoi avez-vous contacté Dan Levy,moitié de The Dø?

Géraldine : On a envoyé notre projet à très peu de personnes, à deux personnes en fait. Pour nous The Dø est un des seuls groupes en France qui est ultra crédible, qui propose une musique qui se renouvelle tout le temps, qui va toujours plus loin. C’est une sonorité qui pourrait venir de n’importe où dans le monde. On a la chance qu’ils soient Français donc on leur a envoyé nos morceaux.
Dan a tout de suite adoré. C’est bien tombé parce que c’était pile à une période où lui il était en train de faire son troisième album et sans le savoir on était parti dans la même direction musicale. Il s’est reconnu dans pas mal de choses que l’on faisait et c’était assez naturellement qu’on a travaillé ensemble par la suite.

Qui était l’autre personne à qui vous avez envoyé vos morceaux?

Géraldine : C’était Johnny Hostile du label Pop Noire, c’est lui qui produit Savages, Lescop et avant il avait un groupe qui s’appelait John & Jehn. On a eu qu’une réponse sur les deux, c’est déjà beaucoup!
Jules : On avait déjà croisé Dan, on avait joué ensemble il y a très longtemps dans un festival dans le Sud. Mais après c’est un peu inexplicable en lui envoyant, on n’était pas surpris qu’il nous réponde et qu’il aime notre musique. Il nous a dit que c’était vraiment mortel donc bien sûr on était extrêmement contents mais je ne sais pas comment l’expliquer, on sentait le potentiel d’une connivence artistique. On savait qu’il mixait, qu’il voulait produire des choses… C’est bien tombé parce que c’était dans son évolution du moment. Il y a un truc artistiquement que tu sens seulement avec certaines personnes, c’est pour ça qu’on n’a pas envoyé notre musique à beaucoup de monde.

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Vous venez de Toulouse et maintenant vous habitez à Paris. Comme s’est passé le changement d’environnement?

Géraldine : Ça a été une respiration pour nous d’arriver à Paris. On vivait à Toulouse depuis qu’on était nés donc on est arrivés à un moment où on avait un peu fait le tour de notre ville natale. On avait un peu trop d’habitudes là-bas. S’installer à Paris ça nous a un peu bousculé presque comme un coup de pied au cul.  Ça nous a permis de voir plein de choses différentes, culturellement c’est une ville hyper riche. Donc oui on est plutôt très heureux d’être à Paris.
Vincent : Sachant surtout que notre vie finalement est un peu la même qu’à Toulouse : on vit tous dans le même quartier, le XIème, on ne prend presque jamais le métro, on fait tout au même endroit, notre studio de répétition et les bureaux du label sont à quelques centaines de mètres de chez nous.
Géraldine: Ce qui change c’est qu’il y a plus d’ouvertures et de possibilités. On n’a juste pas réussi à apporter le soleil.

Vous semblez vouloir faire une musique très universelle. Quel est votre rapport à la France dans ce contexte?

Vincent : Je pense qu’on essaye ni de se revendiquer Français ni de s’en détacher, on est simplement attachés à notre musique. On essaye de la faire de la façon la plus juste possible. Ça aurait été la même chose à peu près partout où on aurait pu être. Par contre, malgré nous, le fait qu’on soit en France a forcément joué sur notre son, sur les gens qu’on a rencontré… On n’aurait sûrement pas sonné pareil si on venait des États-Unis. L‘influence est inévitable, c’est pour ça qu’on ne renie pas du tout le fait d’être Français. On aime beaucoup la scène actuelle en France. Il y a de plus en plus de groupes qui sont bien meilleurs que des groupes « ricains » ou anglais. On en est plutôt fiers mais on n’est pas non plus dans une défense de la culture française. On aime cette atmosphère générale où un groupe peut venir de n’importe où et peut quand même avoir sa place sur la scène mondiale et apporter un truc un peu nouveau. Avant c’est vrai que la plupart des artistes internationaux venaient des États-Unis, d’Angleterre et le reste était un peu en dessous.
Géraldine : C’est vrai qu’il se passe quelque chose d’un peu magique. Tu peux rencontrer des artistes, même pas très connus, mais qui vivent à l’autre bout de la planète et dont tu te sens super proche. Par exemple dernièrement j’ai rencontré une fille qui s’appelle K Flay, une rappeuse qui vient de San Francisco. La meuf est à l’autre bout du monde, j’ai écouté son album elle est venue faire une date à Paris et on s’est parlé sur Facebook, on a créé une sorte de relation. On se sent moins enfermés en France, on se sent plus citoyens du monde.

« On avait un peu trop d’habitudes à Toulouse. S’installer à Paris ça nous a un peu bousculé presque comme un coup de pied au cul. »

Vous avez écrit les chansons « Die In Shanghaï » et « Los Angeles », y êtes-vous allés ?

Géraldine : Non, enfin pas avant d’écrire les morceaux. L’idée est de rêver d’évasion, d’un voyage, d’un ailleurs. On se concentre plus sur la représentation qu’on se fait de ces lieux plus que sur ce qu’ils sont vraiment. Dans la réalité Los Angeles, ça fait pas tant rêver que ça. Donc ce que l’on cherche c’est plus rêver d’une certaine liberté. Le fait de se dire que tu peux monter dans un avion n’importe quand pour aller n’importe où.

Vous ne chantez pas en Français, qu’est-ce qui vous plaît dans la langue anglaise?

Jules : Pour commencer on ne s’est jamais posés la question de savoir sur quelle langue on souhaitait chanter. Ce qu’on écoute majoritairement c’est de l’anglais. On a une culture anglophone, les films qu’on regarde sont en anglais aussi. Je pense que le cerveau réagit et associe les choses que tu aimes à cette langue et donc naturellement je pense que c’est comme ça qu’on a fait le choix sans s’en rendre compte. Je pense que tu n’évoques pas du tout les mêmes choses en anglais qu’en français. En français ce qui est difficile justement c’est d’arriver à coller à ce que tu veux dire sans être dans quelque chose de trop premier degré. Ce n’est pas évident d’avoir une vraie distance. En anglais il y a quelque chose qui est plus imagé, plus facilement poétique. Ça doit dépendre aussi des gens. Personnellement ça m’évoque plus facilement des idées vagues, quelque chose de plus vaporeux.
Géraldine : C’est plus dans la façon d’exprimer ses émotions, j’ai la sensation qu’il y a quelque chose de beaucoup plus fluide en anglais. En France tu ne dis pas à quelqu’un des trucs ultra émotionnels, ça paraît trop « chelous » alors que quand tu les exprimes en anglais c’est comme un fleuve.
Jules : En anglais, on aime bien aussi le fait qu’on ne soit pas totalement bilingue. Ça offre une façon d’écrire qui, pour nous, est un peu plus intéressante, ça arrive qu’on soit à court de mot donc on va chercher, on fonctionne en terme d’idées. Parfois juste un mot va nous évoquer quelque chose de précis et on va essayer de l’associer avec un autre. Je le vois comme une sorte de peinture textuelle, des collages, ce genre de choses. Alors qu’en français on est tellement conscients du sens de chaque mot qu’il y a une sorte de limite qui s’impose.

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L’instabilité est importante ? À chaque projet allez-vous remettre de nouveau tout en cause comme entre The Dodoz et Las Aves?

Géraldine : On aime bien l’instantanéité des choses. Aujourd’hui on est juste trop contents de ce qu’on a fait avec Las Aves et on est heureux de tout ce qu’on construit autour. Mais pour le deuxième album, on aura effectivement envie de faire complètement autre chose. On n’a pas l’impression d’être arrivés à une étape finie et aboutie aujourd’hui. L’album bien sûr on en est très fiers, on adore le son qu’on a réussi à trouver mais après ça peut complètement bouger. C’est la même chose sur scène quand on a adapté « Die In Shanghaï » pour notre tournée on a déjà fait évoluer le projet initial. On est allés chercher une énergie beaucoup plus rock, presqu’un peu punk qu’on avait l’habitude de manier avant Las Aves. On a mélangé tout ça avec l’album et du coup on trouve que ça donne quelque chose qui est différent.

Se réinventer est nécessaire pour survivre dans le milieu de la musique?

Géraldine : Pas forcément parce qu’il y aussi des groupes qui installent un son et qui le perpétuent pendant des années et c’est ça qui fait que ça fonctionne. Nous c’est juste hyper personnel, on ressent le besoin d’aboutir à de la nouveauté à chaque fois. C’est pour ça que pour nous c’est très important le format album. Il y a certains groupes qui peuvent sortir des titres comme ça au fur et à mesure mais nous on a vraiment besoin de penser les choses par période.

Dans la création d’un album, comment vivez-vous le fait de devoir synchroniser les calendriers artistique, prendre son temps pour arriver au meilleur projet possible, et médiatique, sortir le projet au bon moment pour qu’il puisse marcher ?

Géraldine : Moi c’est quelque chose qui me frustre pas mal et que j’ai un peu de mal à gérer. Mais pour celui-ci on a eu de la chance parce qu’on n’a pas fini trop tôt on a vraiment rajouté des morceaux jusqu’à la fin, ça allait.
Jules : On n’a jamais trop aimé ce décalage entre le moment où tu composes un truc et celui où tu le sors vraiment. L’attente qu’il y a entre les deux c’est difficile à gérer pour tout le monde. Donc on fait au mieux et puis on est content quand ça sort.
Géraldine : Quand on finit un morceau on a tellement envie de le mettre direct sur Internet et de le partager. Quand tu as un label ce n’est pas possible, c’est un peu frustrant.
Jules : Mais en même temps on est bien contents d’avoir aussi le recul. Ça sert d’attendre un peu quand on produit quelque chose dont on est contents. Au final les deux façons de faire sont intéressantes, il y a toujours des ambivalences un peu bizarres. La recherche de ce genre de stratégie ce n’est pas la partie la plus fun mais je pense qu’elle est nécessaire.

« Quand on finit un morceau on a tellement envie de le mettre direct sur Internet et de le partager. Quand tu as un label ce n’est pas possible, c’est un peu frustrant. »

Si votre label vous met la pression, vous feriez un projet plus rapidement?

Géraldine : Non ! Quand on n’a pas fini on n’a pas fini.
Jules : Dans tous les cas si on ne veut pas faire quelque chose on ne le fait pas. Surtout quand il s’agit de la musique, ce qui est pour nous le plus important, il n’est pas question de se forcer à faire n’importe quoi. Si ça doit prendre 6 ans, ça prendra 6 ans, si ça doit prendre deux mois ça prendra deux mois. De toute façon on est plus du style à aller assez vite. On a un côté un peu chiens fous. Mais comme pour cet album on est capable de prendre le temps.

Vous avez connu deux groupes mais aussi deux labels, avez-vous senti une grande différence?

Géraldine : Aujourd’hui on est avec Cinq 7, le côté indépendant fait que ça va plus vite. On en avait pas mal chié avec les Dodoz. On avait des périodes très très longues entre le moment où on finissait l’album et le moment où il sortait, c’était vraiment pénible.

Vous ne voulez pas être assimilés à de la musique de niche, y êtes-vous parvenus?

Géraldine : On a dit ça parce que nos morceaux on les pense de façon à ce qu’ils soient à la portée de tout le monde. On veut que n’importe qui puisse être touché par notre musique, après ça ne veut pas dire qu’elle est ultra-simple au contraire. C’est pour ça que parfois on a un peu peur du côté niche. On peut faire des choses  assez complexes mais le but c’est d’aller à la simplicité et à l’émotion pour tout le monde.

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Quelle est l’histoire du clip du morceau « Léo »?

Géraldine : On voulait faire une série de clips sur des bandes de filles aux quatre coins du monde qui vivaient un peu de façon différente. Le réalisateur (Focus Creeps) avait ces copines qui étaient des surfeuses à Los Angeles qui avaient un lifestyle un peu parallèle. Ça nous a plu et on a continué avec le clip « NEM ». L’idée c’était d’aller mettre en lumière des meufs qui ne sont pas celles que l’on voit tous les jours, hyper « girly ». On avait envie de montrer le côté plus brut de la féminité un peu partout.

Parlez-nous de Daniel Brereton qui a réalisé le clip « REM »?

Jules : On était hyper fans de ses clips qu’il avait fait pour Late Of The Pier et Metronomy, c’était il y a un bon moment déjà, en 2007 par là. On adore son univers qui est proche de celui de Gondry, un peu bizarre, un peu série Z. On lui a juste envoyé un mail comme on a fait avec tous les gens avec qui l’on travaille.
Géraldine : On envoie beaucoup de mails (rires).
Jules : Il a répondu tout de suite qu’il était intéressé par nos idées pour les clips de « Los Angeles » et « Gazoline ». On s’est bien entendus et je pense qu’artistiquement, on s’est compris. C’est le bon point de la modernité on peut envoyer un mail et collaborer avec quelqu’un qu’on admire vraiment. On ne sait pas si l’on va pouvoir échanger un jour et au final on se retrouve à bosser avec eux.

Quelle importance accordez-vous au visuel dans vos projets?

Jules : Ça nous plaît énormément de faire des photos nous-mêmes, des clips nous-mêmes et ce depuis toujours. Maintenant on bosse avec des réalisateurs mais les idées c’est quand même nous. On réfléchit très longtemps à tout ça, l’image générale, le logo, comment bien développer notre identité visuelle. De nos jours plein de gens diraient qu’on est obligés d’avoir cette démarche-là mais non on n’aime pas penser les choses comme ça. J’espère qu’on va arriver à un moment où ça ne sera plus quelque chose d’obligatoire parce qu’on est dans un monde très voire trop basé sur l’image
Géraldine : Oui il y a une overdose d’images par rapport à la musique.
Jules : Les gens qui ont des idées pour l’image c’est très bien mais ils devraient parfois plus s’attacher à la musique. Il y a beaucoup de gens qui écoutent une certaine musique pour l’image qui a été construite autour et qui n’écoutent pas des choses qui sont très intéressantes musicalement parce qu’elle n’ont pas d’identité visuelle particulière. C’est vraiment quelque chose qui nous attriste un peu. On est très attachés au fait de développer notre image mais ça ne devrait pas être la priorité.

Si le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée, c’est surtout le moment pour Stella Lory de tremper ses tartines de Saint-Nectaire dans la chicorée en décortiquant les derniers gossips. L’occasion pour nous de se tenir au courant de ce qui se passe de vraiment important dans le monde.

Pour l’ouverture de l’Euro 2016 Will.i.am nous a offert une performance de niveau zéro pour la modique somme de 3millions d’euros. Tout n’est pas perdu, au moins pour les O.R.L qui ont vu doubler la fréquentation de leur cabinet.

 

 

 

Il aura suffi de deux titres pour le groupe de folk Lola Marsh se fasse un nom. « You’re Mine » et « Sirens ». Deux titres à la saveur mélancolique, cet air de déjà-entendu qui vous rendrait presque nostalgique d’un moment que vous n’avez pas vécu. Porté par le duo constitué par Gil Landau et Yael Shoshanna Cohen et qui s’est depuis élargi avec le bassiste Mati Gilad, le batteur Dekel Dvir et le guitariste et pianiste Rami Osservaser, n’aurait pas pu exister sans la voix de sa chanteuse. Une voix râpeuse et suave, née par accident. À 21 ans, Yael Shoshanna perd brusquement sa voix et à la suite d’opérations, en trouve une nouvelle qui finira par séduire Gil. Pour la suite de l’histoire, on les a rencontré lors de leur premier concert à Paris après la sortie de l’EP « You’re Mine » et on leur laisse la raconter.

Le groupe sera en concert le 14 novembre au Point Ephémère. Tentez de gagner deux places ici. 

 


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Photos : Yannick Roudier


 

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Allons au commencement : comment est-ce que vous vous êtes rencontré ?

Yaël : On vit dans la même ville en Israël, à Tel-Aviv, une ville très cool. On se connaissait, on avait des amis communs, mais on s’est découvert musicalement à l’anniversaire de Gil. Il jouait de la musique, c’était une fête de musicien où tout le monde jouait de la musique. Il jouait de la guitare, j’ai chanté une chanson…

Gil : Et je lui ai dit : « Hey… » [rires, ndlr] Non je lui ai dit « Tu as une très jolie voix ! Est-ce que tu fais quelque chose ? Est-ce que tu as un groupe ? » Elle m’a juste dis « Oh. Merci. » Je lui ai redit « De rien. Mais est-ce que tu fais quelque chose ? » et elle me redit « Oh merci ». Et je lui dis « Ok, d’accord : merci, de rien. On fait quelque chose ensemble ? » Le lendemain je l’ai appelé.

 

Et comment ça c’est passé ?

Gil : C’était très gênant.

Yaël : Oui très gênant. Comme un premier rendez-vous, vous rencontrez quelqu’un, vous essayez de vous connaître. Mais en vérité, je pense qu’au troisième rendez-vous on a écrit notre première chanson.

 

C’était rapide !

Gil : Mais ça c’est bien passé, à la première rencontre on a quand même senti qu’on s’appréciait.

Yaël : Bien que l’on vienne de milieux différents et qu’on ai des goûts différents, on a essayé de trouver quelle route prendre ensemble.

 

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D’ailleurs quel est votre historique musical ? Comment est-ce que vous avez commencé et décidé d’en jouer, d’en faire votre métier.

Gil : Pour moi ça a été quand j’avais 6 ans, j’ai commencé à jouer du piano, puis est venu la guitare. En fait il y a toujours eu de la musique chez moi, d’aussi loin que je m’en souvienne. Mon père chantait un peu, mon frère me montrait des disques. Le premier groupe qu’il m’a fait découvrir, c’était Pink Floyd.

Yaël : Tu avais six ans ?

Gil : Non non, en fait jusqu’à l’âge de 10 ans, je n’écoutais que ce que mon père me faisait écouter. De la musique classique…

Yaël : Toute la variété israélienne…

Gil : Je jouais du piano, des chants hébreux. Et quand j’ai eu 10 ou 11 ans, mon frère m’a donné des disques – enfin pas vraiment, je les ai pris.

Yaël : Moi aussi je volais les CD de mes soeurs !

 

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Qu’est-ce que vous choisissiez ?

Yaël : Alanis Morissette. J’ai des souvenirs de moi petites en train de fouiller dans les disques de mes parents. Il y avait des trucs assez étranges parce qu’ils voyageaient beaucoup plus jeunes.

 

Pour revenir à votre rencontre : quand est-ce que ça c’est passé ?

Gil : Il y a quatre ans et demi.

 

Et pendant ces quatre ans, qu’est-ce que vous avez fait ? Comment est-ce que vous avez travaillé ensemble et fini par trouver comment faire ?

Yaël : Ça a pris du temps. Et tu sais, on a commencé comme un duo, seulement tous les deux.

Gil : Pendant un an et demi on a été tout les deux.

Yaël : On écrivait la musique, on enregistrait un peu, on se produisait dans des petits clubs et ensuite on s’est dit qu’il nous fallait plus de gens. Aussi pour ne pas s’entretuer. Et on avait besoin que la production soit plus large, comme on l’imaginait dans nos esprits.

Gil : Ensuite, il a surtout été question de trouver les bonnes personnes pour notre projet. Et on a trouvé ces gars et ils sont géniaux.

Yaël : Oui et ce sont de bons amis à nous.

 

Vous venez tous de la même ville ?

Gil : Maintenant on vit dans la même ville.

 

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Comment vous avez travaillé sur votre projet ?  Avec votre groupe ou tout les deux ?

Gil : Ca dépend des morceaux. On avait déjà des démos, beaucoup de démos.

 

Pendant quatre ans vous avez eu le temps d’en faire.

Yaël : Exactement.

Gil : On a ensuite essayé de les rassembler. Par exemple « Days To Come », c’était la première chanson qu’on a écrite. Il doit y en avoir 16 versions.

Yaël : Oui ! Elle a changé tellement de fois.

Gil : De l’autre côté, il y a des chansons comme « You’re mine » qu’on a écrite en acoustique, avant même de penser aux arrangements. On s’est présenté au groupe et Mati, notre bassiste et a commencé à improviser. Dekel, le batteur a donner le rythme etc.

 

C’est un travail de groupe, assez instinctif ?

Yaël : Oui et dans notre groupe, il n’y a pas d’ego. On donne les chansons au groupe et tous le monde a son mot à dire.

Gil : On vient tous d’univers différents, de la musique classique, du jazz… Donc chacun apporte quelque chose de son propre monde.

 

 

Il y a quand même un point commun à toutes vos chansons dans ce projet. Elles sonnent comme des bandes-son de films. Est-ce que c’est une inspiration pour vous ?

Yaël : Oui ! Beaucoup des influences de ma vie viennent des films. Quand j’écris une chanson, je peux vraiment voir la scène dans ma tête. Et j’aime aussi les bandes-son. Avec Gil, on va dans cette direction cinématographique – des scènes, des paysages – on adore ça.

 

Pour moi, votre film est toujours un western.

Yaël : Mon père adore les westerns. Je dois avoir ça dans le sang.

 

Autre chose, la scène. Comment est-ce que vous vous préparez pour un concert ?

Gil : En fait c’est drôle, parce que sur cette tournée, on a essayé différents rituels. Donc on en a beaucoup, mais ils sont encore nouveaux.

Yaël : J’ai mon propre rituel !

Gil : Vraiment ? Dis-nous tout !

Yaël : Je me met toujours devant un miroir en parcourant le line-up et je chante un petit peu chaque chanson pour sentir toutes les vibes du concert. Du début à la fin, pour raconter le concert.

 

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Pour anticiper le déroulement du concert ?

Yaël : Oui, je me donne des directives à travers les chansons.

Gil : Hier on a fait du karaoké et c’était génial !

Yaël : Oui, on l’avait backstage en Allemagne.

 

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Vous choisissez quelle chanson en général ?

Yaël : Uptown Girl !

Gil : C’était un jeu playstation, très drôle. Avec toutes ces chansons des années 80. On a eu l’impression que ça nous avait donné de l’énergie avant le show.

Yaël : Et on a aussi une poignée de main secrète. Assez embarrassante.

 

Est-ce que vous continuez d’écrire pendant la tournée ?

Yaël : Oui, on écrit tout le temps. Je pense qu’on a de quoi faire un autre album. C’est important pour nous, même si on vit des moments stressants en tournant, de continuer d’enregistrer, d’écrire.

 


On aura l’impression d’avoir entendu ces chansons, elle seront personnelles, mais épiques.


 

Vous avez déjà une idée de la direction que prendra l’album ?

Gil : Oui ! il est presque prêt. Il sortira cet automne.

Yaël : Tu as entendu l’EP ? L’album sera aussi dynamique que : des hauts, des bas, comme tu l’as dis cette impression de cinéma et cette nostalgie. On aura l’impression d’avoir entendu ces chansons, elle seront personnelles, mais épiques.

 

Dernière question : on vous l’a posé plusieurs fois, mais d’où vient Lola Marsh ? 

En choeur : [rires]

Gil : Elle est française !

Yaël : Non elle a été kidnappée en Israël. On s’est assis et on avait besoin d’un nom parce qu’on était sur le point de donner notre premier concert. C’était au tout début à Tel-Aviv. Et on s’est donc assis avec des amis, et on s’est dit « Allez ! on a besoin d’un nom. Qui a des idées ? » Et on a commencé à jeter des idées en l’air et je ne sais plus vraiment mais on en est arrivé à Lola Marsh. Ca sonnait bien, alors on l’a choisi.

Gil : Oui, ça roule sur la langue.

 

Vous pensez que dans le futur, Lola Marsh va devenir un personnage ?

Gil : Peut-être

Yaël : Il y a des gens qui pensent que je suis Lola Marsh. Ils m’appellent « Lola! » Au début du show il me disait « Est-ce qu’on devrait dire que tu es Lola ? Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse aujourd’hui ? » Et je lui dit « Aujourd’hui je suis Shoshanna [son deuxième prénom], le jour suivant je suis Lola.

 

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Au Brésil les artistes issus de la culture hip-hop se popularisent et certains rappeurs comme Racionais MC’s ou encore Sabotage comptabilisent des millions de vues sur YouTube. Pourtant parmi cette armada, les femmes se font rares et jusqu’à l’émergence de Karol Conka en 2011, elles n’étaient presque pas représentées. Son flow énergique associé à son excentricité lui ont permis de se hisser au devant de la scène rap brésilienne avec des titres comme « Gandaia » ou encore « Boa Noite ». De passage à Paris pour la seconde édition du festival Afropunk, la jeune femme originaire de Curitiba nous a rendu visite au Yard Summer Club pour discuter de sa carrière, de sa relation avec le producteur Nave ainsi que de la culture hip-hop au Brésil.


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Pourquoi t’es-tu lancée dans le monde du hip-hop ?

Je me rappelle avoir vu Lauryn Hill sur la pochette de l’album de Fugees et elle m’a intriguée. Je trouvais ça vraiment cool de voir une femme noire sur le « cover » d’un album donc je l’ai acheté en espérant être inspiré. Plus tard j’ai découvert Erykah Badu, Beyoncé, Rihanna, Missy Elliott et toutes ces figures féminines du hip-hop.

 

Toutes ces influences peuvent s’entendre dans ton premier album Batuk Freak

Oui je pense, cet album est ce qu’il manquait au rap brésilien. Le projet rassemble différents styles et aborde une multitude de sujets. S’il sonne comme ça, c’est aussi grâce à Nave qui l’a produit.

 

Quelle est ta relation avec Nave ?

Nave a toujours été un de mes bons amis. Je le connaissais avant de me lancer dans le rap mais ce n’est que quand on a commencé à vraiment travailler ensemble et à s’entendre d’un point de vue musical qu’il a réussi à tirer ce qu’il y avait de mieux en moi.

 

Si vous vous entendiez si bien avec Nave, pourquoi avoir fait appel à Tropkillaz pour ton second album ?

J’aime le challenge, cette collaboration était une façon pour moi de me mettre au défi de proposer quelque chose de nouveau. Je cherchais à ce que les gens soient étonnés par la musique que j’allais proposer, c’est pour cette raison que j’ai pensé à Tropkillaz. Ça ne veut pas dire qu’il sera le seul producteur avec qui je vais travailler dans le futur, je compte collaborer à nouveau avec Nave.

 

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En écoutant Tombei, le premier single issu de ton second album, j’ai l’impression que ce projet va sonner plus pop que rap. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Je continue le rap mais je trouve juste que la musique brésilienne manque de femmes noires. On ne voit pas souvent de femmes noires sur les pochettes des albums, dans les médias… Le choix de me tourner vers la pop est un moyen pour moi d’élargir mon audience et d’affirmer mon statut d’artiste noir aux yeux du grand public. Ça ne veut pas pour autant dire que j’arrête le rap et mon nouvel album contiendra encore beaucoup de morceaux  du genre. La pop me permet de toucher plus de monde, une fois que ce nouveau public sera fidélisé l’introduirai au rap. Mon premier album était destiné aux fans de rap alors qu’avec ce nouveau projet, je veux faire en sorte que les gens qui n’écoutent habituellement pas de rap se sensibilisent à ce style. J’aime les deux styles… J’ai écouté de la pop avant d’écouter du rap.

 

Au Brésil tu es la rappeuse la plus populaire pourtant le rap est un milieu assez machiste. Quelles difficultés as-tu traversées en tant que rappeuse ?

Souvent des DJ’s ou des promoteurs franchissaient la limite en ne faisant pas de distinction entre une relation professionnelle et une relation sexuelle, les gens du milieu pensaient que si je travaillais avec un producteur c’est parce que j’avais couché avec lui mais ce n’est pas du tout le cas. Si j’en suis arrivée jusqu’ici c’est en restant fidèle à mes valeurs et que j’ai travaillé avec acharnement pour devenir une artiste complète.

 


« Au Brésil tout le monde veut ressembler à Young Thug et Travis Scott mais j’essaye de garder des éléments propres à notre musique »


 

L’industrie musicale brésilienne est en plein développement avec l’émergence d’artistes comme Metà Metà, Siba et bien d’autres. Comment peux-tu expliquer le rayonnement international de la scène rap brésilienne ?

C’est notre culture, notre joie de vivre, la touche brésilienne… Les Européens aiment beaucoup le Brésil, c’est donc plus facile pour nous de s’exporter Outre-Atlantique. Il y a pourtant beaucoup de rappeurs brésiliens qui essaient d’imiter la musique américaine mais en faisant ça ils perdent de leur identité. Les seuls d’entre nous qui traversons l’Atlantique sont ceux qui restent fidèle à leurs origines.

 

Ces derniers temps, le rap est en quête de sonorité caribéenne et sud-américaine avec des morceaux comme « Work », ou « One Dance » de Drake ou encore « Ngatie Abedi » de MHD. Ne penses-tu pas que c’est plutôt les artistes occidentaux qui cherchent à imiter ce courant?

Oui c’est vrai que des artistes comme Rihanna ou Drake font de la musique qui se rapproche de ce que l’on peut faire aux Caraïbes et en Amérique du Sud… Pourtant la plupart de nos rappeurs cherchent à les imiter.  C’est peut-être pour ça que je me sens parfois plus proche de la pop car ma musique ne ressemble pas à celle que font les autres rappeurs brésiliens. Au Brésil tout le monde veut ressembler à Young Thug et Travis Scott mais j’essaye de garder des éléments propres à notre musique.

 

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Comment décrirais-tu ta musique du coup ?

Je ne sais pas trop, ce n’est pas facile comme question… C’est comme une bonne grosse salade de fruits, très colorée avec beaucoup d’aliments.

 

Tu va donner un concert au festival Afropunk. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?

J’ai découvert Afropunk il y a environ deux ans en allant sur leur site. J’ai trouvé ça très inspirant et j’ai essayé de tenir le même message au Brésil. Je me suis toujours dit qu’un jour je ferai un live à l’Afropunk donc forcément je suis très heureuse d’avoir l’opportunité de faire partie de ce festival.

 

Photos : @booxsfilms

Dans le morceau « Facts », Kanye West vante les mérites de sa Yeezy qui aurait surpassé la Air Jordan. Adidas qui a pris le pari coûteux – mais pas si risqué– de déloger le rappeur-designer de Nike en 2013, doit assurément s’en frotter les mains aujourd’hui. Les modèles 350 et 750, par l’originalité de leur apparence et surtout pour le culte voué à l’homme derrière ces créations, ont lourdement redistribué les cartes du paysage mondial de la basket depuis l’an dernier. À défaut d’avoir un représentant de la firme aux trois bandes, trop frileuse pour communiquer, nous avons donné la parole à divers acteurs de la sneakers pour analyser l’engouement autour du phénomène.

Axel Pauporté – Responsable du shop Sneakersnstuff

« C’était le 13 novembre, l’après-midi avant les attaques terroristes. On avait fait un tirage au sort (en réponse à l’effervescence, beaucoup de magasins choisissent d’organiser des jeux-concours pour déterminer ceux qui pourront acheter leur paire, ndlr) et on commençait à appeler les gagnants, ça s’est terminé en début de soirée, avant les incidents. On était tous forcément choqués et horrifiés le lendemain matin, mais on a reçu des dizaines et des dizaines d’appels de personnes qui nous demandaient si on allait ouvrir pour qu’elles puissent venir chercher leur Yeezy. Notre priorité était de savoir si le staff se sentait le courage de venir. Et finalement, sous la pression du nombre d’appels, on a décidé d’ouvrir l’après-midi. Cet engouement est choquant car il y avait des choses plus graves à ce moment-là, on ne voulait pas faire du business. Finalement on s’est dit, autant qu’ils viennent chercher leurs chaussures, puisque apparemment les Yeezy sont «plus importantes que tout». C’était stupéfiant le nombre de coups de fil qu’on a reçus alors que la majorité du pays était sous le choc et ne pensait pas du tout à ce genre de choses.»

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Tex Lacroix – Collectionneur expérimenté

« Le resell est dans l’ADN de base. C’est un truc qui a toujours existé, c’est intrinsèque au délire. Ces dernières années, vu le nombre de sorties limitées, on est passé de l’artisanat à l’industrie. La rareté a engendré le développement d’un autre marché noir. Avant, ils allaient aux States et rapportaient des cartons entiers de shoes, c’était déjà du resell. La plupart des revendeurs français sont avant tout des kiffeurs de basket, donc, s’ils peuvent en faire un business, tant mieux. Mais aujourd’hui, les sorties exclusives et raffles (jeux-concours) encouragent cette tendance. Si tu n’es pas dans la « galaxie sneakers », tu n’es pas au courant de toutes les sorties, donc tu ne pourras pas avoir ta paire à prix normal ; du coup, tu es obligé de passer par le marché parallèle.
L’objectif pour les marques n’est plus seulement de faire de l’argent, mais de faire de l’image. Ce qui me dérange le plus n’est pas le « bizz » en lui-même, mais que des enfants se fassent cogner pour une paire de basket. Si tu es un mouton et que tu es prêt à mettre trois fois le prix, tant pis pour toi et tant mieux pour le mec qui va se mettre le billet dans la poche. Aussi longtemps que porter des paires rares et en série limitée restera à la mode, il n’y aura pas de limites. »

Jeremy Goaziou  – Fondateur de Sneakers Addict

« La Yeezy a marqué une rupture dans le sneaker game. Une nouvelle génération d’acheteurs et de collectionneurs n’est plus reliée à la base originelle. Aujourd’hui, il y a des gens qui viennent directement de la mode, des followers de Kanye et d’autres personnalités comme Travis Scott. Cela crée une nouvelle forme de sneakers addicts, seulement intéressés par les produits portés par leurs idoles. Pour cette catégorie, c’est un must-have, une paire cool à avoir. Adidas a compris qu’il y avait un gros engouement sur ce modèle, donc la marque continue d’en sortir massivement, en déclinaison et en volume. Et ça correspondra à ce que Kanye avait promis : « Des Yeezy pour tout le monde. » Au final ce sera un phénomène dégressif : plus ils en sortent, moins elles auront de valeur sur le marché parallèle.
C’est une bonne chose d’avoir des resellers, des gens qui stockent des paires et qui te permettent de les acquérir plus tard. Tu as ceux à l’ancienne qui ont plein de vieux modèles, des pépites et une vraie culture basket; ils apportent un certain confort dans ta recherche. Ensuite tu as une génération qui n’a pas forcément eu le temps d’assimiler cette culture et qui joue à la Bourse. C’est le côté mercantile du phénomène. C’est regrettable car une grosse partie des gens qui revendent ne sont plus des passionnés.»

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Mathieu – Amateur et consommateur de Yeezy

« Dès le lancement de la première Yeezy, je la voulais absolument. J’ai vraiment fait tous les jeux-concours possibles, j’étais déterminé à les avoir. Pour obtenir le dernier coloris, j’ai dû participer à quinze jeux-concours différents, rien que sur Instagram. Ça ne sert pas à grand chose d’ailleurs, vu le nombre de participants, mais je le fais quand même car ça ne coûte rien. J’ai aussi participé à trois concours en magasin, chez Sneakersnstuff, Foot Locker ou Adidas. Quand tu es déterminé, il y a moyen de l’avoir à bon prix. Moi je l’ai touchée à 300 euros, par rapport aux 1 000 euros du resell c’est abordable. Comme je ne gagnais jamais aux raffles, j’ai demandé à cinq personnes différentes, des potes qui ne sont pas à fond dans la chaussure, de s’enregistrer aux tirages au sort. Si l’un d’entre eux gagne je lui donne 50 euros, c’est comme si je payais la paire 250 euros. Mais je ne l’aurais jamais achetée en resell, c’est pour ça qu’il y a autant de monde sur les concours. Si j’avais plus d’argent, je mettrais 600-700 euros, mais dans ma situation le prix est clairement un frein. »

Depuis un peu plus d’une semaine, des photos non-officielles de la Air Jordan 11 Low « Metallic Gold » circulaient sur le web. Jordan a dévoilé dans la nuit les premières images de sa nouvelle paire, inspirée par les couleurs des Jeux Olympiques. Doté d’une tige doré, la paire est essentiellement composée d’un cuir blanc. Pour l’instant aucune date de sortie n’a été révélée mais ces sneakers devraient être disponibles en magasin d’ici cet été.

Mardi 7 juin, le Hoops Factory ouvrait ses portes à quelques invités et à quelques gagnants pour assister à la finale de la league Hoops Factory.

Pour l’occasion, chacun a aussi pu tester le jeu 2K sur PS4 et assister à la compétition qui a vu son vainqueur repartir avec la console et le jeu en poche. Plus tard dans la soirée, ils ont également pu tester le modèle KD 8 Elite, participer au concours de machine à shoot et assister au concours de dunk et 3pts, en attendant l’affrontement entre les équipes finalistes French Touch et Chacha Legends. Un match finalement remporté pas ces derniers dans une victoire écrasante.

Si cette finale signe le début des vacances pour la league, le  Hoops Factory restera ouvert cet l’été.

Instagram : @HLenie

Le #YARDSUMMERCLUB est de retour et encore une fois l’attention portée à leur tenue par les participants du #YARDSUMMERCLUB ne nous a évidemment pas échappée.
YARD a à nouveau parcouru de son oeil affûté pour capturer vos meilleurs looks, cette fois-ci pour les lives de Migos et de Booba, sous des cieux respectivement clair et pluvieux. On vous attends encore plus chaud la semaine prochaine pour l’arrivée de Yes Julz. A vous de lui prouver que vous valez bien Miami!

 

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
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Photo : @lebougmelo x @booxsfilms

Dans le monde égocentrique du hip-hop, il y a ceux qui utilisent leurs rimes pour s’inventer une vie de gangster et ceux réellement enfermés dans cette vie de débauche essentiellement basée sur le trafic de drogue. Ne vous y détrompez pas, Freddie Gibbs fait bien partie de la seconde catégorie… Tout droit sorti de Gary au nord-ouest de l’État d’Indiana, Freddie Gibbs s’est fait connaître en 2010 avec son flow saccadé et agressif sur des productions entraînantes commeWhat It Be like, son premier clip mis en ligne sur YouTube. La même année il apparaît sur la couverture convoitée des XXL Freshmen. Il enchaîne depuis les mixtapes et albums avec une même ligne conductrice : l’intégrité. Quelques mois après la sortie de son second album Shadow of a Doubt, Freddie Gibbs a entamé une tournée européenne. L’occasion pour YARD d’aller à sa rencontre lors de sa date parisienne.
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« Je ne sais pas d’où je viens. Tu sais pourquoi ? Parce que mes ancêtres étaient des esclaves. Ma grand-mère a quitté le Mississippi pour venir s’installer à Gary et essayer d’y construire une meilleure vie mais c’était toujours aussi pourri ! Grandir à Gary n’était pas évident du tout. On était vingt dans la maison et il faisait froid ! Aujourd’hui grâce à la musique j’ai pu sortir ma famille des problèmes du ghetto mais Gary reste une ville très précaire. »


 

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« Shadow of a doubt est un album qu’on pourrait qualifier de “gangster shit”. J’y raconte mon mode de vie et ce que signifie être un “real nigga”, je ne suis pas comme tous ces autres rappeurs qui s’inventent une vie. La différence entre moi et les autres, c’est que dans mes morceaux je parle autant de mes forces que de mes faiblesses. Ça ne signifie pas que je suis vulnérable mais comme tout être humain j’ai des faiblesses et je ne m’en cache pas. »


 

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« J’aime mon statut d’underdog [challenger, ndlr]. Je ne suis pas ce putain de Wiz Khalifa ou J. Cole, je suis Gangsta Gibbs ! Chacun son truc. Il faut laisser Gangsta Gibbs régner sur l’underground. Rien à foutre de passer à la radio ou de remporter un Grammy, je n’ai pas besoin de ça pour me faire des thunes. »


 

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« Je veux juste que mon album sonne bien, que les négros s’enjaillent dessus, et que les meufs baisent dessus. Si tous ces critères sont remplis, c’est un projet réussi. Un des moyens de savoir si les gens sont réceptifs c’est de faire des concerts. Sur scène j’essaye de créer une atmosphère sauvage, noire, et intense. Tu vas peut-être rire au concert, tu vas peut-être crier au concert, tu vas peut-être pleurer au concert mais dans tout les cas tu t’en souviendras. »


 

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Photos : @booxsfilms

Après le succès de la première édition d’Afropunk sur le vieux continent, le festival fondé par Matthew Morgan était de retour au Trianon du 3 au 5 mai. Trois jours au cours desquels se sont produits sur scène les artistes qui dans toute leur diversité collent à ce mouvement : de Cakes de Killa à Morcheeba, d’Angel Haze à Féfé, de Michael Kiwanuka à Project Black Panthera, sans oublier Young Paris, Karol Conka ou encore Saul Williams. Mais la fête s’est aussi déroulée tout au long du week-end, hors de la salle de concert, entre les stands et les animations, et encore plus loin à l’entrée de la salle de spectacle, où ce sont temporairement installé food truck et marché.

L’occasion pour toute une communauté de se réunir autour de la bannière d’Afropunk et de son slogan anti-discrimination. Tout un public capturé par la photographe Stencia Yambogaza dans cette série streetstyle.

Instagram : @perebisou

Le bleu. La fragilité de l’existence. Le froid. La mélancolie. Une couleur associée au romantisme. À soi. À l’expression de ses sentiments, les plus enfouis, pudiques, des moeurs qui par moment, s’oublient entre chaque ligne de nos poètes contemporains. La vie est un cycle. Et les artistes s’entrecoupent par période. Il y a deux années, Cyclique. Le bleu était prégnant chez Ichon. Un titre “Blue”. Un sample “Fear” de Sade, tiré de Promise, un album à la pochette étrangement bleutée…

Aujourd’hui #FDP (Fils De Pute). La couleur est noire. Rougeâtre. Sur le titre éponyme de l’EP, les notes de piano dessinent une partition aux allures de requiem. Les corbeaux croassent. Bienvenu dans La Famille Addams. Le sourire en moins. Le bleu a disparu de la palette. Le pragmatisme règne, maître de chaque lettre. La réalité a tout baisé. Les rêves attendront, bloqués dans l’ascenseur. Ichon est devenu un de c’est #FDP (“Plus t’es gentil, plus t’es con”). La prise de conscience n’est pas soudaine. Dans “Pulsion”, un titre sorti entre deux projets pour maintenir sa visibilité, il esquissait une ébauche de son futur EP, “J’fais plus du rap, j’nique ta mère”. Nuance. Dans #FDP la métaphore est prolongée. La langue est plus âpre. Les grossièretés plus communes. La voix s’élève. Crie. Et le troisième doigt nous est tendu à plein visage. La fin reste inchangée. Les moyens sont subtilement détournés.

Dans un art où la transgression s’est figée, quitte à devenir norme, Ichon en rit. Face aux paroles vides de la concurrence, le Bon Gamin surenchérit, « Le caca c’est trop bon », puis entame son titre “La Fête” sans complexe. Face aux filles conventionnelles des clips de ses rivaux, Ichon relance. Dans « Dangerous », il choisit une beauté froide, Ylva Falk, au dégradé “déviant”, puis la fourre littéralement. À quoi bon prêcher la paix quand “c’est la violence que l’on félicite” ? Pour son deuxième EP, Ichon désarçonne l’auditeur. L’idée n’est pas de plaire. Mais d’interroger. En deux années, deux EP, Ichon a démontré des facettes profondes. Certains n’ont pas su le faire en un ou plusieurs albums. Deux pièces du puzzle viennent de s’assembler. Ichon est sur un truc de #FDP. La direction est tracée. “Marche ou Crève”. Prochaine objectif : la prise de la Bastille.

Depuis le succès de son titre “White Iverson”, Post Malone est considéré comme l’une des nouvelles sensations rap. Pourtant le rappeur de Dallas n’avait jusqu’alors toujours pas sorti le moindre projet. August 26th, sa première mixtape était donc attendue avec impatience par ses fans qui peuvent désormais réellement juger ses qualités de rappeur.

Loin d’être la meilleure mixtape de ce début d’année, August 26th est dans la continuité de « White Iverson » et « Too Young », les deux titres phares de l’artiste. À vrai dire, le projet manque toutefois d’originalité et d’innovation. Si ce n’est « Oh God » et « Hollywood Dreams Come Down », deux morceaux aux influences country, tous les autres titres sont dans le même registre que « White Iverson » en beaucoup moins entrainants.

Seulement ce manque de recherche n’est pas compensé par les textes de Malone. Ce projet révèle une faiblesse lyricale qui se contente de reprendre les clichés de la vie de rappeur : drogue, argent et sexe. Cette capacité d’écriture limitée n’est pour autant pas camouflée par ses rimes et punchlines, bien au contraire… Après plusieurs écoutes on se rend compte que les rimes sont souvent les mêmes d’un morceau sur l’autre.

August 26th n’a pas que des points négatifs. Ce projet confirme la facilité de l’enfant de Dallas à monter dans les aigus et à jouer avec sa voix pour trouver des refrains efficaces. Ce timbre de voix est mis en avant par les productions trap de FKI, un duo de beatmaker originaire d’Atlanta.

Chaleureuse, agréable, radieuse. L’atmosphère qui saisit l’auditeur dès les premières écoutes de Coloring Book est à l’image de la pochette. Le bonheur est palpable et s’exprime sans artifices. « Yes ! » Coloring Book est un cri de joie. Pur, honnête, et communicatif. « Man, my life right now is perfect. I can merch it. » dit-il lui-même. – « Blessings »,« Angels »,« How Great »–. Et pour cause…

Une « baby mama » qu’il va bientôt fiancer –« All we got »,« Juke Jam »,« Smoke Break »–. Une paternité récente. Sa tournée avec The Social Experiment. La reconnaissance du mentor de toujours, Yeezy, dans tout ça ? La cerise sur le gâteau. Dans « Good Ass Intro» de Acid Rap, « Even better than that was the last time baby, ooh ooh, i’m good. So good. And We back » faisaient écho à l’intro de Freshmen Adjustment Vol. 2 de Kanye West : « It’s your boy Kanye to da… And we back ». Dix ans plus tard, l’apprenti a le luxe de chanter avec le maître. D’abord « Ultralight Beam ». « I made Sunday Candy, I’m never going to hell / I met Kanye West, I’m never going to fail ». Nouveau clin d’oeil. Puis, « All We Got », énième référence à Yeezy, avec Yeezy. Désormais, les deux artistes entretiennent un réel dialogue. Le plus jeune répond au plus vieux. À l’image d’un Balzac avec Flaubert, d’un Kobe avec MJ, d’un K-dot avec Tupac. Bonheur sans faille pour le « Kanye West best prodigee ».

La recette de ce succès fulgurant ? Simple mais efficace. De la passion. Pour sa famille et pour son Dieu, ingrédients principaux, omniprésents dans la trame lyricale (« I get my words from the sermon »). Pour son art évidemment. Une équipe d’artistes hors-pair. L’incontournable Donnie Trumpet et The Social Experiment. Quelques visages habituels : Towkio & Lido, Sabba & Noname. Mais surtout, de nouvelles têtes : Kaynatrada, Kanye West, TyDolla $ign… jusqu’à Young Thug, Lil Yatchy, Future que l’on retrouve métamorphosé sur le sensuel Smoke Break. C’est la vision d’un nouveau monde qu’offre Lil Chano : le « Magnificient Coloring World ». Et après y avoir invité des enfants de Chicago, il y invite finalement un auditoire. Conquis. Prêt à passer à la suite. « Are you ready ? » – « Blessings » -.

Après The king of limbs sorti en 2011, le groupe Radiohead est enfin de retour avec A moon shaped pool. Six années sans album, parsemées de quelques titres inédits ou revisités, qui se concluent par un projet surprise.  L’ombre de A moon shaped pool a commencé à planer il y a quelques mois, quand le groupe dévoilait sa version du thème du dernier James Bond « Spectre », bien plus inspirée, complexe et tragique que celle proposée par Sam Smith. Puis vint leur disparition des réseaux sociaux, un simple ménage à fond de leur compte Facebook et Twitter. Et comme dernier signal, la sortie du clip « Burn the Witch », une dystopie en pâte à modeler, un conte à la morale cynique, dont la musique était déjà familière aux fans du groupe britannique.

Du cynisme et de la distance, c’est pourtant de cela que le groupe s’est délesté, loin de ses expérimentations altières et inaccessibles. Thom Yorke écrit là l’un de ses albums les plus personnels et les plus sombres. Tout au long de l’opus, jamais il ne s’époumone. Il chuchote presque en confidence les tenants d’un tourment et d’une anxiété qui prennent toute leur grâce dans les paroles et la composition d’alchimiste de ces cinq musiciens. Une science qu’on n’effleure seulement et qu’on assimile au fil des écoutes. Sans surprise, l’album est parfaitement abouti, frôlant la note parfaite.

Avec A moon shaped pool, Radiohead renoue avec son public qu’il retrouve d’ailleurs tout de suite après la sortie de l’album, pour une tournée internationale, toujours complète.

Depuis le succès de ses remix postés sur la plateforme Soundcloud – à commencer par celui du titre « If » de Janet Jackson – Kaytranada s’est retrouvé englué dans une interminable tournée mondiale. Une ride permanente qui a considérablement ralenti son processus créatif, alors même que la côte du producteur canadien s’accroissait, entraînant dans son sillon les attentes autour d’un hypothétique premier album. 99,9% se présentait donc comme un essai périlleux, le rendu d’une copie trop longtemps espérée à des professeurs prêts à accueillir le nouveau premier de la classe.

À toute cette expectative, l’artiste d’origine haïtienne répond par le talent. On pouvait craindre de le voir céder aux sirènes des radios, il n’en est rien. 99% est aussi étonnement accessible qu’il est précis et porté sur le détail. Il est un objet hybride dans lequel s’embrassent le funk, le disco, la trap et la musique électronique. Tout au long des 15 pistes qui émaillent le projet, Kaytranada donne tout son sens à l’expression « feel-good music » en jonglant avec les basses et les instruments, dans une atmosphère résolument chaude, voluptueuse et dansante. En réalisateur prodige, il a su s’entourer des acteurs idéaux pour interpréter les rôles qu’il a définit pour son album. C’est ainsi qu’on retrouve notamment un Craig David brillant sur « Got it Good », ainsi que le groove ravageur de Goldlink sur « Together ». Si la météo n’est pas encore au rendez-vous pour lui répondre, 99,9% est d’ores et déjà programmé pour être le disque qui rythmera notre été.

Date de sortie : 6 mai 2016
Label : XL Recordings
Note : 8/10

Cinq ans que Skepta n’avait pas livré d’album. Cinq ans à façonner, mûrir et ciseler son dernier-né, Konnichiwa. Présenté en grande pompe lors d’un concert à Tokyo, clin d’œil patent à sa soif d’exportation, l’opus propose un grime à la fois pur et dilué. Au générique, BBK (dont JME et Wiley en solo), Novelist et D Double E, figures de proue du genre londonien, mais aussi Pharrell Williams, A$AP Nast et Young Lord, vedettes du hip-hop US. Des productions brutes, sombres et convulsives, portées par un flow musclé. Un hymne anti-police (« Crime Riddim »), une ode à la culture du diss (« Lyrics ») et deux vieux tubes ayant propulsé le grime (« Shutdown », « That’s not me »). Parallèlement, des refrains et des gimmicks traînent dans la tête (« Numbers ») et des sonorités trap s’infusent ici ou là, sur le puissant « It ain’t safe » et le langoureux « Ladies hit squad ». En substance, un grime authentique mais moins corseté. Plus abordable. Le bonhomme traîne ses guêtres du côté de l’Oncle Sam et a des envies de conquêtes. Joseph Junior Adenuga, précurseur et héraut du renouveau du rap made in UK, s’est donné pour mission de populariser le grime à travers le globe. Ce que beaucoup croyaient déceler comme un effet de mode se taille doucement une place solide et durable au soleil.

Maintes fois repoussé, Konnichiwa valait son année de patience. L’album s’ouvre (« Konnichiwa ») et se referme (« Text me back ») magistralement. Entre les deux, une enfilade de titres massifs et entêtants. Huitième galette de Skepta, Konnichiwa, « Bonjour » en japonais, salue la renaissance de son auteur.

Suck on this ravira sûrement les fans qui se lamentaient du silence de leur groupe préféré. Les autres ne s’attarderont pas trop dessus. Sur treize pistes, on trouve cinq interludes, quatre chansons originales et quatre remixes. Passé le premier éclat de rire sur les interludes comiques ; passées quelques écoutes sur des remixes un peu décevants, à mi-chemin entre trap, jungle et dubstep ; restent quatre pistes originales de bonne facture.

« Bum Bum »  est une cartouche lubrique et polyglotte. Ninja y pose seul sur un beat poisseux et downtempo. Le refrain est à la fois accrocheur et hilarant si l’on comprend l’espagnol. À l’inverse, la production de « Gucci coochie » est explosive. Le duo Yolandi/Dita Von Teese se révèle très complémentaire, et on retrouve avec plaisir l’hystérie qui caractérise Die Antwoord. Le très réussi « Dazed & confused » offre un trip vaporeux aux sonorités reggae et «I don’t care » est – croyez-le ou non – une sorte de ballade amoureuse entre house et dubstep. Très courte (2min 18), elle n’en est pas moins belle et atteste une fois de plus de la créativité du duo sud-africain.

Tout cela est saupoudré de bruitages délirants (bébés, chèvres) ou de références cinématographiques (Chat noir, chat blanc, Napoleon dynamite), et entrecoupé de scènettes « où est mon putain de cupcake ?! » ou de comptines pour enfants en afrikaans. Finalement, du Die Antwoord assez typique parce qu’imprévisible. Suck on this est en fait un cachou en attendant la vraie douceur…

 

Les rappeurs courent tous après un vilain mot : le « buzz ». Récemment, certains d’entre eux ont réussi à générer cette attention si convoitée et rapidement rémunératrice mais cela ne suffit pas pour bâtir une carrière. Il s’agit de transformer concrètement l’essai par un album à la hauteur de l’intérêt suscité, beaucoup d’artistes ont explosé face à la pression de cette attente et leur incapacité à être au niveau espéré. Après A7, sa première mixtape, SCH a gagné une caisse de résonance nationale matérialisée par l’obtention d’un disque d’or en mars dernier. Avec Anarchie, son premier album, beaucoup de choses se jouent donc.

Les adages sont souvent le fruit du néant de l’intelligence humaine, ils permettent de tout justifier sans s’encombrer de la réflexion. L’un des pires se mange quotidiennement avec plus de sauces qu’un grec du boulevard de Clichy : « On ne change pas une équipe qui gagne. » Sculpteur du palmarès de Barcelone au tournant des années 2010, Pep Guardiola conscient du chantier qu’il devait accomplir pour insuffler un esprit nouveau à son équipe a décidé de quitter les blaugranas pour rejoindre l’équipe de « Götze, numéro 19 ». Timing parfait. Quand SCH et Kore décident de reprendre ensemble le chemin du studio, cela peut faire jaillir quelques interrogations : sur l’originalité, les redondances, l’hétéroclisme… D’autant plus que le producteur investit pleinement les lieux sur ce projet. Présent sur toutes les tracks, il en délègue une seule et à son frère : « Himalaya ». Mais le tour de force de Kore réside dans sa capacité à proposer un éclatement d’ambiances musicales (le truculent « Doc », le mélancolique « Allô maman », l’énervé « Dix neuf » ou encore le caverneux « Alleluia ») tout en conservant une unité dans l’esprit, cette tortuosité collant à la peau de SCH. Plus loin du cas particulier du rappeur marseillais, Anarchie rejaillit sur une jeunesse contradictoire et actuelle. Bourrée de principes, de valeurs qui périclitent avec des aspirations capitalistes portées par des fessiers toujours plus bombés, les meurtrissures de l’artiste concernent un peu tout le monde.

Il incarne ses tourments à un tel niveau que cela le dispense de « guest » sauf quand il s’agit de changer de langue dans « Cartine Cartier » où SCH invite le Lombard Sfera Ebbasta. Le rappeur donne parfois même l’impression d’être en featuring avec lui-même, sur « Trop énorme » on a le sentiment d’entendre Hamza sur le refrain mais non c’est SCH ; sur « Neuer » quelques intonations d’Orelsan mais non c’est toujours SCH. La musicalité du marseillais, sa facilité à épouser les productions de son comparse marquent la partie la plus impressionnante de sa virtuosité. Du coup, il peut se permettre de remettre au goût du jour des classiques du rap français qu’on prend plaisir à redécouvrir au fur et à mesure de l’album : le morceau de 6 minutes sur une instrumentale minimaliste avec « Anarchie », la description détaillée d’une rencontre amoureuse avec « Je la connais », l’hommage maternel avec « Allô maman » et même un clin d’œil un peu trop appuyé mais jouissif à Gyneco avec « Le doc ».

Au-delà du rap, SCH a de vraies qualités d’écriture et donne de l’intérêt à ses textes même sans musique, il nous gratifie de ses fulgurances tout au long d’Anarchie. Florilège : « La lune éclaire le visage des potos que j’ai vu s’éteindre », « J’y pense de la veille à l’aube, dans un livre j’ai tes sourires », « Cette nuit, j’ai compté : 30 000 en petits bleus, 30 000 en marrons, 2 ans de salaires de keuf », « Mon père vous a donné sa santé, je suis là pour payer l’addition. J’ai ses 40 ans de charbon dans l’âme »… SCH n’a pas explosé au contraire, il a concentré ses talents sur treize titres. L’équilibre est juste, l’artiste promet encore plus et confirme qu’il s’installe parmi les tous meilleurs du genre.

Kaos doit être l’album « métropole friendly » qui forge la réputation en France et valide les nombreuses années d’expérience caraïbeéennes de Kalash. Un album qu’il souhaiterait, de ses propres dires, voir devenir le premier disque d’or antillais. Et cela démarre de la meilleure des façons avec un quartet de départ composé des morceaux dévoilés avant la sortie. On retrouve donc avec plaisir le revendicateur « Après L’automne », le sensuel « Danjé », le brutal « Bando » et l’insolent « Rouge et Bleu », qui constituent un début tonitruant, peut être annonciateur d’un classique.

Après cela, une part de l’album est tournée vers la nostalgie et l’envie de retrouver son ile natale de la Martinique, où l’on perd l’aspect cru des premiers morceaux. Son amour pour sa terre transparait alors dans « À Jamais », une ode à un ami disparu, et dans « Aller Simple » réinterprétation du « Petit Pays » de Cesària Évora, ou encore « E.T » qui dépeint un quotidien violent au Antilles.

La figure féminine s’approprie également une place de choix dans la tracklist de l’album avec pas moins de six morceaux lui étant consacrés ; entre relation amoureuse, tumultueuse, fusionnelle ou amicale. Un des points de déception vient du « N.W.A », l’autre morceau en collaboration avec Booba, qui n’arrive pas à recréer l’alchimie établie sur « Rouge et Bleu ». De la même façon, l’album s’essouffle au fur et à mesure des pistes et le dernier tiers fait figure de talon d’Achille.

Même si Kaos regorge de tubes et de morceaux puissants, il s’éteint un peu trop vite, malgré une diversité de style que l’on est en droit d’attendre d’un artiste multi-facettes tel que Kalash. Un album peut-être un peu léger pour l’or, mais qui établi déjà le martiniquais comme un artiste sur lequel il faudra désormais compter dans la scène rap français.

 

Donald Trump ne manque pas une opportunité de rabaisser sa rivale Hillary Clinton. « Si Hillary Clinton était un homme, elle n’aurait pas récolté 5% des votes. La seule chose qui l’aide c’est son étiquette woman card » déclarait-il la semaine dernière. Les illustrateurs de Woman Card ont répondu de façon symbolique au candidat républicain à la présidence des États-Unis en dévoilant un jeu de 54 cartes à l’image des femmes les plus influentes. Parmi les personnalités illustrées Michelle Obama, Oprah Winfrey, Lena Dunham, Frida Kahlo, Hillary Clinton ou encore Rosa Parks. Pour l’instant seulement 13 cartes ont été révélées.

Après la Colombie, après la Grèce, Julien Scheubel nous revient d’une destination moins éloignée, mais toujours aussi dépaysante. Véritable paysage de film, lunaire et désertique à seulement 200 km de la frontière française, découvrez la ville de Bardenas.

A 2h30 de Biarritz côté espagnol, les Bardenas sont un mini Grand Canyon ayant accueilli des centaines de shoots de marques.. L’endroit parfait pour un rapide trip de quelques jours dans le sud-ouest.

Un chemin brut mais utilisable en voiture de 25 kilomètres permet de voir des paysages improbables en passant par des zones désertiques, des gros rochers, des lacs perdus ou même des champs de coquelicots si la saison le veut bien.

Une fois là-bas, un seul spot pour dormir à ne pas manquer : l’hôtel AireBardenas. Hôtel design, très convivial, restaurant excellent, bien sûr une piscine mais surtout les chambres. Des chambres en dur avec vu sur les champs et baignoire extérieur privative ou des bulles gonflable pour vivre l’expérience à fond et dormir à la belle étoile dans le meilleur des conforts. Enjoy.

Instagram : @Julien_Scheubel

Décrire Karim Achoui en quelques mots se révèle être un véritable challenge tant l’avocat laisse derrière chacun de ses pas l’encre des journalistes. Depuis ses débuts médiatiques dans l’affaire Patrick Dils, il ne cesse de se retrouver au centre de l’attention et quand ce ne sont pas les balles qui manquent de mettre fin à ses jours, il est incarcéré presque deux mois pour complicité dans l’évasion d’Antonio Ferrara. Celui qu’on surnomme encore l’ «avocat du milieu » revient sur sa carrière, surlignant une ascension sociale vertigineuse qui selon lui dérange. Mais à seulement quelques heures de la libération de Moussa, dont il est l’un des défenseurs, il fallait prendre des nouvelles.

Comme chaque année depuis 3 ans, le Lasco Project accueille au Palais de Tokyo les meilleurs street artistes pour que ces derniers offrent un nouveau look au centre d’art contemporain. Pour la première fois, cette année les artistes invités ont eu l’autorisation de revisiter les souterrains parisiens pour y exposer leurs oeuvres. Parmi la cinquantaine d’artistes invités, le graffeur argentin Felipe Pantone, réputé pour jouer avec les effets d’optiques et les formes dans ses projets. Il s’est emparé de 4 000 mètres carrés des sous-sols parisiens pour y exposer ses oeuvres colorées. L’exposition est ouverte au public « sous réserve de l’accessibilité aux zones ».

 

 

Pont levis baissé, le Palais of Speed ouvre enfin ses portes au public. En lieu et place du Palais de Tokyo du 4 au 18 juin, un endroit voué à la performance, à la vitesse et au football habite l’espace futuriste pensé par Nike. Naturellement, Cristiano Ronaldo incarne pleinement cet esprit, sa présence est un peu partout autour de nous : l’odeur de ses cheveux gominés, la présence de sa masse musculaire bestiale et l’impact de sa paire de crampons historique, la Mercurial. La chaussure qui explore les qualités du joueur qui privilégie d’abord la vélocité.

Dès qu’on pénètre dans l’arène, on est immédiatement projeté dans un univers parallèle, Paris s’éteint et allume une grille proche de celle de Tron. Jeu de lumières et de sonorités, on entre d’abord dans un bar à t-shirt qui permet, en compilant certaines pièces sur une base choisie, de façonner sur place un maillot personnalisé à l’image de son architecte. Après avoir dépassé un espace avec un diptyque de bornes FIFA, quelques marches plus bas, on tombe nez à nez avec une McLaren tout de noir vêtue. Fernando Alonso n’est pas là mais autour de l’engin on retrouve toutes les Mercurial qui ont marqué l’histoire du modèle, les légendes permettent de saisir les apports techniques apportés au fil des années.

Quelques mètres plus loin, on retrouve une bande de pelouse synthétique bardée de capteur avec des footballeurs de la régions parisiennes. Le principe est simple, une première partie du parcours est une session de dribble sur quelques mètres et un retour en sprintant. L’objectif est de se rapprocher et de vaincre le record établi par Cristiano Ronaldo de 2,82 secondes. Même le meilleur joueur Bundesliga, Pierre-Emerick Aubameyang venu s’imprégner de l’ambiance, n’y est pas parvenu. À côté, les tenues de la marque au swoosh pour le championnat d’Europe sont affichées.

Enfin pendant toute la durée de l’événement se tiendra sur l’esplanade du Palais de Tokyo, le dénouement des tournois Nike Football X qui a vu s’affronter toutes les banlieues de la région parisienne lors des dix derniers jours

 

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Palais of Speed – du 4 au 18 juin
Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson
75116 Paris

Du mardi au vendredi : 12h à 10h
Samedi et dimanche : 10h à 20h

Photos : @HLenie

Après Migos, c’est Booba, déjà présent l’année dernière sur la scène du Wanderlust, qui était de retour ce mardi. Le rendez-vous était donné au #YARDSUMMERCLUB pour tous les ratpis et pas seulement. Le D.U.C est venu accompagné du DJ Medi Med et, surprise, de Bridjahting, Benash, Kalash et Niska.

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On arrive très vite avec le programme du mois de juin.

Photos : @HLenie

De nos jours les réalisateurs de clips ont acquis le statut de personnalités à part entière du paysage rapologique, des stars à la notoriété parfois équivalente à ceux qu’ils mettent en image. Dans ces nouveaux noms ronflants, Il est impossible de passer à côté de celui de Chris Macari. Un des pionniers du genre en France et sans aucun doute le plus reconnu des vidéastes du pays, Macari a tracé le premier un parcours inédit que beaucoup ont suivi depuis. Une carrière déjà bien aboutie qui l’a vu clippé des classiques modernes du rap français comme « 9.3 Tu Peux Pas Test », « Le Combat Continue III » ou « Zoo », mais aussi des artistes aux antipodes de cet univers tels que Princess’ Lover, Tony Parker ou Clara Morgane. Aujourd’hui âgé de 36 ans, le Martiniquais compte à son actif plus de 200 clips depuis ses débuts en 2004 et, malgré ses ambitions, ne songe pas encore à la retraite. Au lieu de cela, le diplômé d’école d’art prend son temps pour développer ses envies. Comme un symbole, c’est chez son loueur de matériel privilégié situé dans le 13ème arrondissement que CM nous donne rendez-vous pour cette interview. Une rare occasion pour celui qui se fait discret dans la vie d’en refaire le film entre sa carrière, l’inévitable question de son lien et de sa relation avec Booba, et son univers culturel et surtout cinématographique. Action.

Photos : @HLenie

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D’où te viens ce goût pour les arts graphiques ?

Petit, j’ai pris l’habitude d’observer les publicités. Ma mère me l’a d’ailleurs fait remarquer, elle me disait : “Tu ne regardes jamais les dessins animés, tu regardes toujours des films ou des séries.” Les pubs c’est comme des rêves mis en images et c’est ça qui m’a donné envie au départ. Je me suis intéressé aux dessins animés qu’après, avec Cosmocats, Les chevaliers du Zodiaque, et Ken le survivant. À la base, je dessine et je peins beaucoup. C’est quelque chose d’inné chez moi mais très peu de gens le savent. Depuis tout petit mes parents étaient très admiratifs de ce que je faisais en dessin et mon art s’est petit à petit mis à évoluer. Plus tard, j’ai fait une école d’art graphique, mais je n’ai jamais fait d’école de cinéma ou de production audiovisuelle. J’ai appris par moi-même en 2002-2003. On m’a juste donné les notions de bases sur After Effect à l’école.

Tes parents devaient beaucoup te soutenir quand tu as décidé de faire cette école. Quel métier tu voulais faire à ce moment-là ?

J’ai grandi aux Antilles et jusqu’à mes 18 ans je ne savais pas quoi faire après mon bac. Mon père était parti en stage à Paris et il en a profité pour me chercher des écoles en rapport avec les arts graphiques. Il en a fait le tour et m’a ramené beaucoup de prospectus. Parmi toutes les écoles qu’il m’avait choisies, il y en avait pas beaucoup qui me plaisaient mais je savais juste que je ne voulais pas rester aux Antilles et finir professeur d’histoire, rien de péjoratif. Du coup mon père m’a amené avec lui en France durant l’été 1998 et on a planifié plusieurs rendez-vous dont un à l’ESAG Penninghen où j’ai rencontré le directeur. À ce moment là, je savais que c’était là-bas que je voulais aller. Mon père était un peu perplexe mais étant donné que j’ai eu une mention au bac il a accepté de m’aider à payer l’école. Très vite, on est devenu juste financièrement. J’ai donc eu un rendez-vous avec le directeur, à la fin de ma première année, pour lui dire que je n’avais plus assez d’argent pour payer et que j’allais donc devoir arrêter. Alain Roulot, le directeur de l’ESAG, m’a offert la scolarité gratuite si je restais bien placé à la fin de chaque année, jusqu’au diplôme. Ça m’a donné un coup de boost et ça a renforcé ma motivation. Je me suis dit que j’avais la chance d’avoir des gens derrière moi pour m’aider et c’est ça qui m’a donné la rigueur que j’ai aujourd’hui dans mes vidéos.

« On ne peut pas dire que j’ai eu un mentor si ce n’est la chaîne BET et le réalisateur phare de l’époque Hype Williams. »

Quand tu sors de cette école qui n’est pas forcément destinée à former au clip ou au cinéma, à quel moment tu t’es rendu compte que tu voulais faire de la vidéo ?

En 1993, mon cousin, qui revenait en Martinique pour les vacances, m’a donné une cassette avec des sons du Wu-Tang. Je mets l’album et je me prends une grosse gifle. À l’époque j’écoutais beaucoup plus de dancehall ou de reggae que du rap. Trois ans plus tard, BET arrive aux Antilles ce qui me permet de me familiariser de plus en plus au rap et je me prends des gifles visuelles. Je passais tous mes après-midis à regarder BET à la télé. Bien évidemment ma mère me gronde parce qu’elle trouvait que les rappeurs étaient de mauvaises influences. C’est comme ça que j’ai commencé à aimer l’image et les clips vidéo, du Wu-Tang à Busta, tous ceux que Hype Williams leur faisait. Je me disais qu’avec After Effect j’allais essayer de faire ce que les Américains faisaient, c’est à dire jouer avec la couleur, l’étalonnage…

Ce que tu me décris se passe vers 2004. À cette période où tu commences à faire des clips, il n’y avait pas beaucoup de réalisateurs connus. C’était plus des collectifs mais il n’y avait pas de place pour l’individualité et pas de considération pour les vidéastes hip-hop.

Au début, je ne pensais pas à l’argent, je voulais juste rendre des projets de bonne qualité qui se rapprochent un peu de ce que font les Américains. J’avais juste mes parents qui m’aidaient de temps en temps mais je n’avais rien de sûr. Malgré tout, j’ai toujours voulu m’accrocher à mon rêve et au fond de moi je savais que j’allais réussir parce que je faisais tout pour. J’ai découvert mon métier sur le tas, au début j’y allais un peu à l’aveugle.

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Avais-tu un mentor à ce moment-là ?

En 2002 j’ai fait un stage chez Fokal, ils copiaient vachement les clips US et je voulais vraiment apprendre le métier de réalisateur mais je me suis finalement retrouvé à être graphiste… Sur la touche quoi. On ne peut donc pas dire que j’ai eu un mentor si ce n’est la chaîne BET et le réalisateur phare de l’époque Hype Williams. J’essayais de m’inspirer sans plagier. Dans mon travail, je me souviens qu’au début ce qui touchait le plus les gens c’était la qualité de l’image et la gestion des couleurs car à l’époque la HD n’existait pas encore. Quand je faisais les clips pour Rim’K ou Mokobé on me disait déjà ça. J’essayais vraiment de récupérer ce que les Américains nous enseignaient. C’est le clip de « Made You Look » de Nas, réalisé par Benny Boom qui m’a donné le déclic. Je suis un vrai fan de rap et à cette époque Nas était en clash avec Jay-Z. J’étais fan de rap new-yorkais et Nas n’arrêtait pas de sortir de nouveaux sons et des albums comme Stillmatic ou God’s Son. Forcément, quand j’ai vu le clip de « Made You Look », je suis devenu fou.

On pense forcément à Hype Williams en tant que pionnier des clips de rap. Quelles sont tes autres références cinématographiques ?

J’ai beaucoup regardé les films de Spike Lee, j’ai vu Do the right thing en 1989 et ce film m’a beaucoup inspiré. Il y a aussi Antoine Fuqua avec Training day. Je suis très ancré dans ma culture, j’aime beaucoup tout ce qui concerne la culture afro-américaine. Malgré tout, je ne suis pas fermé, j’écoute et je regarde de tout. À un moment, je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à montrer que les Noirs n’étaient pas seulement bons qu’à être sportif, comique ou musicien. Il peut y avoir de bons journalistes, de bons réalisateurs… Inconsciemment, je me suis forcé à devenir celui que je voulais être.
Pour revenir à mes influences, mon film préféré est Man on fire. C’est dû à son image générale du film : le montage, le rythme, l’acting… Le film est très « clippé » et c’est ce que j’adore. Ça me fait aussi toujours très plaisir de voir Denzel Washington en tête d’affiche d’un film. Je me dis putain enfin un « Renoi » qui y arrive. Les gens vont peut-être se dire que j’aime que les trucs de « Renois » mais encore une fois je ne suis pas du tout fermé. Mais ça me fait plaisir de voir que notre culture avance.

https://www.youtube.com/watch?v=yqs0y-xX3BY

C’est à cause de réalisateurs comme Hype Williams que tu as décidé de poser ton nom sur les vidéos ?

Quand j’ai commencé, je signais juste avec le logo de Tchimbe Raid Productions, c’était le nom de ma société à l’époque. Avant ça, quand j’ai fait « Trafic de stéréotype » pour Despo j’avais fait une animation dessinée de moi en train de mettre une capuche et j’avais mis mon nom dessus. Après réflexion, ça ne me convenait pas parce que je souhaitais rester discret. En 2009, quand Booba m’a contacté pour faire « Game over », il m’a demandé de mettre mon nom au début de la vidéo. Il m’a dit mot pour mot : « Il n’y a pas de « Renoi » en France qui fait des beaux clips. » Les seuls où il n’y a pas mon nom c’est « Ma couleur », parce qu’il y a des images qui ont été tournées par d’autres personnes, ainsi que « Comme une étoile », parce qu’on ne voulait que rendre hommage à Brams, paix à son âme. À chaque fois que tu vois mon nom au début d’un clip de Booba c’est qu’il qui me l’a demandé. C’est comme si je faisais un featuring avec lui [rires, ndlr]

« À un moment, je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à montrer que les Noirs n’étaient pas seulement bons qu’à être sportif, comique ou musicien »

À partir de 2006 c’est le début de ta collaboration avec Mac Tyer. Comment un réalisateur comme toi qui faisait beaucoup de zouk arrive à se faire repérer par Mac Tyer ?

J’ai eu beaucoup de chance, ça s’est passé plutôt simplement. Quand j’ai commencé la vidéo j’ai créé mon propre site internet. Pour communiquer avec les gens, il faut que tu sois présent sur le terrain, j’étais donc obligé d’ouvrir mon site. J’étais en bons termes avec Princess Lover, qui est une amie, son ex-copain m’a contacté pour que je fasse des clips pour lui et son groupe. À l’époque, je gravais mes clips sur des DVD et je les donnais à des artistes. Un groupe qui s’appelle Hiroshimaa avec qui j’ai collaboré sur deux ou trois vidéos et qui était affilié à Tandem m’a contacté pour que je réalise leurs vidéos. Un jour ils m’ont emmené à leur studio à Saint Denis, où Mac Tyer et Mac Kregor enregistraient également. Je tombe donc nez à nez avec Mac Tyer et Mac Kregor, des mecs que j’écoute tous les jours dans le RER en allant à l’école. Je venais juste de faire le clip de « Juste nous » de Ali Angel, j’en profite donc pour le montrer à Mac Tyer. Il m’a dit qu’il m’appellera quand il aura besoin de clipper mais il restait un peu sur sa réserve pour ne pas trop me saucer. Je me souviens que ce qui les avait frappé c’est que je faisais tout tout seul. J’allais sur le tournage avec un pote, je montais, je faisais l’étalonnage… 6 mois après cette rencontre, Kregor m’appelle pour faire un clip en solo. Tyer était sur le tournage pour observer comment je fonctionnais. Après ça, il me contacte et me présente son projet de faire un clip entre la France et le Cameroun. Initialement on devait clipper « Ouais ouais », son titre avec Booba, mais finalement ça ne s’est pas fait pour des histoires de label, du coup on a fait « 93 tu peux pas test ». Ça a commencé comme ça.

Tu te rends compte de l’opportunité qui se présente et que ce clip va marquer le rap français ?

Non pas vraiment… J’étais tellement passionné par ce que je faisais que je ne m’en suis pas rendu compte, comme un mec qui venait de réaliser un clip sur un son qu’il kiffait. Je n’étais pas trop enthousiaste parce qu’après le tournage Tyer et le label nous demandaient de rendre le clip assez rapidement. J’ai passé des nuits blanches dessus, je ne me rendais pas compte du travail que je réalisais. Je ne suis pas tout le temps satisfait de ce que je fais. Lorsque Tyer a vu la première version, il doutait parce qu’on avait fait un visuel assez dirty et c’était du jamais vu en France. Il kiffait mais il appréhendait le retour du public. Quand c’est sorti, les gens ont pété un câble, le clip a buzzé et m’a permis de me faire un nom. C’était ma première fois en Afrique et c’était dingue.

Il y a des choses curieuses dans ton parcours. Tu as notamment bossé avec Clara Morgane.

Oui. C’était à une période où j’avais du mal à trouver du travail. Je faisais des vidéos à droite à gauche pour me faire un peu d’argent. J’ai posté mon CV sur un site internet et Antoine Laroche, qui travaillait chez 1 2 3 Multimédia, m’a remarqué et m’a fait passer un entretien. Il m’a dit qu’il faisait une émission hebdomadaire avec Clara Morgane et qu’il aimait bien mon profil. Le principe était de la suivre deux ou trois jours par semaine pour ensuite livrer un reportage la semaine suivante. Au début je pensais que c’était pour des films de cul mais il m’a ensuite expliqué que c’était pour la promotion de sa marque de lingerie. Je l’ai donc suivi dans des défilés, dans des séances d’essayages et autres. C’est une fille super cool et c’est une bosseuse qui se donne les moyens d’y arriver. J’ai fait ça pendant 8 mois avant que ça me casse les couilles. J’ai eu un différent avec un des membres de l’équipe et je n’allais pas filmer Clara Morgan toute ma vie.
Je me suis remis en mode charbon dans les clips et, par chance, c’est à ce moment que j’ai rencontré Mac Tyer. Tout s’est enchaîné très vite. Je ne suis pas resté bien longtemps sans ressource même si au début je ne mangeais pas beaucoup. Des clips comme « Trafic de stéréotype » ont coûté zéro euro. Je ne suis pas un mec qui gratte, c’est-à-dire que si je sens qu’il y a une opportunité à saisir, je préfère faire un clip gratuit dans l’esprit qu’ensuite d’autres artistes viennent demander mes services. Mais bon après faut taffer et assurer la plupart du temps sinon tu es vite out…

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Tu sais te créer des opportunités au bon moment. A priori tu serais à l’origine de ta première rencontre avec Booba ?

Oui et non. J’étais allé au Quai 54 un peu au culot avec mes cartes de visite. J’en avais donné une à Manu Key qui m’avait mis en contact avec Mokobé. A l’édition 2007 du Quai 54, tout le rap français était présent. Je me souviens que j’étais avec un pote et au début je n’osais pas les déranger. J’y suis finalement allé, je me suis présenté, j’ai laissé ma carte. Je l’ai donnée à Booba et il m’a répondu : « Ouais t’inquiète je sais qui t’es. » Je pense qu’il a dû la jeter ou la perdre. En hiver 2008, il y a 8 ans, Booba m’appelle et me demande si j’ai écouté son album, si je l’aime bien, mon son préféré… Et il me propose de clipper « Game over ». Il m’a par la suite avoué que c’est Manu Key qui lui a redonné mon contact.

Comment vis-tu cette première expérience avec Booba ?

C’est le tournant de ma carrière. Après « 93 tu peux pas test » et quelques que j’ai fait entre temps, c’est le clip qui a changé ma vie. Je me souviens que 0.9 est un album qui avait été incompris à l’époque. D’après ce que j’avais entendu Booba et son équipe n’étaient pas très satisfait de « Illegal », le clip qu’ils avaient fait juste avant. J’avais donc pour challenge de revenir aux sources visuellement. Je lui ai proposé de faire un clip inspiré des visuels que l’on peut voir dans le rap new-yorkais, avec beaucoup de contreplongées et d’autres éléments techniques. On a échangé nos idées, il a kiffé et c’est là qu’il m’a dit de mettre mon nom au début du clip. J’ai ensuite eu le culot de lui proposer de clipper « Salade, tomates, oignons » façon cuistot dans un grec. Je pensais qu’il allait être contre mais au final il a accepté. C’est donc comme ça que ça a commencé, on est parti de « Game over » et j’ai continué de travailler avec lui sur d’autres projets.

« Je ne suis pas resté bien longtemps sans ressource même si au début je ne mangeais pas beaucoup »

Comment peux-tu décrire Booba dans son travail. De notre point de vue, on imagine une personne très exigeante, autoritaire et perfectionniste.

Je ne dirais pas autoritaire mais quand il te demande de travailler sur quelque chose tu ressens toujours un minimum de pression. Il a eu une grande carrière et tu ne peux que respecter ça. Tu es obligé de donner le meilleur de toi-même et de redoubler d’efforts. C’est quelqu’un d’exigeant qui sait ce qu’il veut. Pourtant je m’amuse beaucoup avec lui, parce qu’il me ressemble dans sa façon de penser,visuellement aussi. On aime les mêmes genres de clips.

Quand tu as commencé à travailler avec lui, tu n’imaginais sûrement pas que vous alliez bosser ensemble 8 ans. Comment qualifierais-tu aujourd’hui ta relation avec Booba ?

On a une relation très simple. À l’époque de « Game over », on avait vraiment une relation professionnelle mais au fil du temps on a bien sympathisé. Au début je n’étais pas sur BBM (l’application de messagerie instantanée de BlackBerry), alors que lui oui, j’ai donc dû m’acheter un BlackBerry pour pouvoir lui parler. On a tissé des liens en discutant de musique, de cinéma. Quand tu travailles avec lui, c’est uniquement dans un cadre professionnel, mais une fois le travail terminé c’est toujours lui qui vient prendre de mes nouvelles et qui vient s’assurer que tout va bien. Cet été par exemple on a tourné deux ou trois clips pour prendre de l’avance sur son album Nero Nemesis. J’étais en mode charbon parce que je bossais avec d’autres artistes en même temps donc je n’avais pas le temps de communiquer qu’avec lui, et en plus de ça mon BBM bugait. Il a des enfants, son site OKLM, sa marque, je ne voulais pas l’embêter. Au final c’est lui qui m’a appelé en me disant : « T’as un soucis ? T’as disparu… » Ça me fait toujours plaisir quand il prend de mes nouvelles. Tout se passe naturellement.

« Au Quai 54, j’ai donné ma carte de visite à Booba et il m’a dit ‘T’inquiète, je sais qui t’es.’ Je pense qu’il a dû la jeter ou la perdre. »

On a l’impression qu’il travaille encore mieux avec ses amis.

Oui bien sûr. Tout est basé sur la confiance. Je sais que Booba a eu pas mal de gens qui lui ont tourné le dos, comme Kaaris et d’autres rappeurs, alors que c’est quelqu’un de très protecteur. Je ne dirai pas qu’il n’aime pas travailler avec d’autres personnes, il a bien conscience qu’il faut que moi aussi je fasse mes sous. Mais je sais que si un jour La Fouine ou Rohff m’appelle, il va être la première personne à me dire : « Mais wesh tu fais quoi ? ». De toutes façons, je n’irai pas faire des clips pour ces gens parce que j’ai eu des problèmes personnels avec eux. Ma relation avec B2O est basée sur la confiance et l’intelligence.

Peux-tu me parler de votre processus créatif. C’est lui qui te propose les scénarios et idées à chaque fois ?

Ça dépend vraiment du morceau. Je vais te citer trois ou quatre titres et t’expliquer la démarche avec laquelle nous avons abordé la réalisation du clip. Pour « Validée », Booba m’a donné le lieu et m’a expliqué de quoi la chanson parlait. À partir de ça, j’avais carte blanche pour réaliser le clip. Il y a d’autres clips comme « Une vie » où Booba voulait absolument tourner au Costa Rica. Il n’avait pas vraiment d’idée et je savais qu’il aimait beaucoup la science-fiction, du coup je lui ai proposé de faire un visuel dans le délire d’Avatar. Pour « Attila », on n’était pas trop inspiré donc on est allés sur un parking pour faire un « street clip ». 50% du temps, il vient avec ses idées puis je lui fait quelques suggestions et on attaque le clip. Il me laisse pas mal de liberté à ce niveau. Ces derniers temps, il m’a beaucoup demandé de lui proposer des idées. On croise nos envies finalement.

Finalement il n’y a pas vraiment de direction artistique ?

Ça dépend. Sur certains clips, il a une idée très précise du rendu final. Pour « Ma Couleur », il voulait qu’on projette des images de ses concerts sur un mur. Pour « Caesar Palace », il n’avait pas vraiment d’idée mais je voulais absolument faire un court métrage. Cette fois, il s’était plus occupé de la direction artistique des vêtements et le choix des voitures et moi du scénario. Quand on me demande un clip, peu importe l’artiste, j’écris toujours un synopsis, parfois des trucs de « oufs » mais faute de moyens ou par frilosité intellectuelle je réduis mes ambitions. Mais la plupart du temps quand tu as des clips courts-métrages comme « Caesar Palace », « Validée » ça vient de moi et de mon goût pour le cinéma donc c’est quelque chose que je fais souvent. À l’inverse, pour tous les clips « performance » ou « street clips », Booba sait déjà quoi faire, comment se placer, et gérer ses déplacements. C’est un mélange de nous deux.

A quelle genre de situation un peu inédites auxquelles tu as dû faire face sur un tournage avec lui ?

Il y en a eu tellement… Sur le tournage de « Double poney », il avait sa chaîne Tallac et à un moment il voulait faire des plans sans. Du coup il me l’a mise autour du coup pour que je la garde. Moi j’étais en train de taffer avec les caméras, j’aurais pu la casser. Sur le coup, je me suis dit : « Il est sérieux ou quoi ? » [rires]. On a eu aussi des petits accidents sur des tournages, notamment sur « Billets violets » où j’ai fini à l’hôpital après un malaise dû à un surmenage. Je sais qu’il a pris de mes nouvelles, ce qui m’a fait plaisir. Il est même passé à l’hôpital, qui aurait fait ça ? Je ne vais donner de nom mais à l’époque de « Double Poney », un rappeur concurrent m’avait contacté pour un clip et quand je lui ai dit que j’étais à l’hôpital et que je n’allais pas pouvoir le faire il s’est énervé. Avec Booba, il y a toujours des petits détails qui montrent que s’il te fait confiance, il sera là pour toi.

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Dans vos domaines respectifs vous avez tous les deux apporté quelque chose au rap français. Mais en tant que binôme, il reste un sentiment d’inachevé visuellement. Ne penses-tu pas sous-exploiter Booba, qui est l’artiste rap le plus esthétique et le plus populaire du rap hexagonal ?

Je ne ressens pas du tout ce sentiment d’inachevé… Parfois on a des idées mais on n’a pas forcément les moyens et le temps de les réaliser. Il faut aussi tenir compte des envies de l’artiste. Je dis sûrement une bêtise mais il n’a peut-être pas forcément envie de se voir dans une tenue d’astronaute en train de sauter sur la Lune. Lui a une certaine image, un certain standing aussi. C’est vrai qu’on pourrait essayer de plus s’amuser, je lui en ai déjà parlé. C’est pour cela qu’on essaye d’innover avec de nouvelles petites touches. Mais il a aussi une image à tenir, un univers à conserver et pas mal de contraintes qui se dressent devant lui. Il m’arrive d’être frustré parce que j’ai envie d’aller plus loin mais ça ne vient pas de notre collaboration.

Tu as beaucoup bossé avec Kaaris mais Booba reste l’artiste pour qui tu as réalisé le plus. Ne penses-tu pas que tu es en train de te fermer des portes ?

Avant de bosser avec Rohff et Booba, les gens me demandaient déjà ce que je ferais après avoir travaillé avec eux. À partir du moment où j’ai été appelé par Rohff et que j’ai commencé avec Booba, mon statut a changé, particulièrement à partir de Booba. Beaucoup de gens que je connaissais et que je côtoyais à l’époque m’ont tourné le dos, en me jetant la faute. Je ne sais pas comment expliquer ça. Pourtant je ne pense pas m’être fermé, la preuve j’avais des projets avec Youssoupha et d’autres artistes cette année. C’est très bizarre, mais en même temps on a enchaîné beaucoup de clips avec Booba : Lunatic, Autopsie 4, Futur… Je n’ai pas eu de répit pour pouvoir démarcher d’autres personnes. Il faut dire aussi que je ne cours pas après les artistes. C’est un milieu d’hypocrites et ma mère m’a toujours dit : « si les gens ne veulent pas de toi tu auras d’autres opportunités dans le futur. » Je sais que certains réalisateurs, producteurs ou artistes pensent et disent que je suis l’esclave de Booba… Mais si ils savaient ce que je pense d’eux, ils se tairaient vite fait bien fait [rires].

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Tu penses que cet état d’esprit est propre au rap français ou qu’il touche d’autres styles musicaux ?

Dans le rap il y a beaucoup d’hypocrites et certains rappeurs n’hésitent pas à l’écrire dans leurs textes. Mais après ce n’est que mon avis, je ne sais pas comment je suis vraiment considéré… J’entends juste des rumeurs. C’est « relou » quand même d’être au centre des mêmes ragots, je fais juste mon taf. Donc si Booba veut toujours travailler avec moi tant mieux, si d’autres personnes veulent aussi bosser avec moi, c’est encore mieux. Je ne me prends pas la tête. Je fais mon taf et si les gens ne veulent pas collaborer avec moi tant pis. Je ne suis fermé à personne. Il y a des personnes avec qui ça ne s’était pas bien passé il y a quelques temps, je ne vais plus travailler plus avec eux. Quelques mecs avec qui c’est mort. Ce n’est même pas qu’ils ne m’ont pas payé mais des histoires personnelles. Mort de chez mort.

Être engagé avec Booba émotionnellement et professionnellement c’est forcément être impliqué dans tous ses combats ?

Tu prends parti sans vraiment le faire mais tu te sens obligé car Booba me booste et m’aide beaucoup. Ce que je vais dire va peut-être paraître démesuré mais c’est comme dire à son frère adoptif de s’occuper de ses problèmes tout seul. Par exemple la dernière fois l’autre (Rohff) m’a défié à la radio de lui faire un clip. J’aurais pu répondre « Tu défies qui déjà ? Je te fais un clip si j’ai envie! » et « entre toi et moi c’est mort. »
Donc c ‘est quelque chose que j’accepte parce que ça fait partie du métier, t’es obligé. C’est dommage parce qu’il y a des artistes avec qui j’aurais pu m’exprimer à travers mon travail, mais je ne regrette pas, c’est inhérent au délire.

« Au début je n’étais pas sur BBM, alors que Booba oui, j’ai donc dû m’acheter un BlackBerry pour pouvoir lui parler. »

Justement, quand Rohff dit : “Regarde avant je travaillais avec Chris Macari on a fait quatre clips ensembles, quatre beaux clips ensemble… Aujourd’hui je ne sais même pas si Chris Macari a le droit de m’adresser la parole. Je le mets au défi de faire un clip de Rohff”. Comment tu réagis ?

Déjà j’aurais pu faire le mec arrogant en expliquant que je lui ferai un clip quand il aura un classique mais ce n’est pas mon délire, je ne suis pas comme ça. Je ne peux pas travailler avec lui, ça ne vient pas de Booba mais de moi personnellement. À l’époque on a eu une altercation verbale et c’est tout. C’est aussi un artiste compliqué, notamment en post-production. Il ne sait pas ce qu’il veut, il change toujours d’avis. Sur les quatre clips, c’est un peu compliqué…

Quand on parle de Chris Macari, une critique revient souvent, celle que tu travailles seulement avec Booba…

C’est dommage parce que j’ai pourtant essayé cette année de travailler avec d’autres artistes. Dans les maisons de disques, on me demande souvent pourquoi je travaille uniquement avec Booba sauf que c’est les autres artistes qui ne m’appellent pas. J’ai taffé avec Vitaa parce qu’elle aime bien mon travail et que c’est une artiste que j’apprécie, avec Youssoupha sur un de ses clips cette année, « Mannschaft ». Il voulait quelque chose de différent, un choc visuel. J’ai kiffé tourner ce titre avec Youssoupha, on s’est bien amusé. C’est une autre facette de sa musique.
Il ne faut pas que les artistes aient peur de venir vers moi parce qu’ils pensent que je ne travaille qu’avec Booba. Certes j’aime beaucoup bossé avec lui, je ne suis pas fermé à d’autres artistes, ça ne me dérangerait pas de faire un clip pour des mecs comme Georgio, Oxmo ou autres. Je suis réalisateur donc mon but est de mettre en image les idées des artistes. Après, il y en a certains qui viennent me voir pour des clips comme ceux de Booba alors que d’autres veulent l’opposé.

« Je sais que si un jour La Fouine ou Rohff m’appelle, Booba va être la première personne à me dire : ‘Mais wesh tu fais quoi ?' »

Je ne dirai pas que travailler avec Booba est un frein parce que grâce à lui j’ai eu plein d’opportunités et je lui serai toujours reconnaissant. Je pense que ce sont les « culs serrés » du rap qui se mettent ça dans la tête. Mais s’ils mettaient leur égo de côté et qu’ils me contactaient pour voir s’il y a possibilité de travailler ensemble, ils verront que je suis ouvert à beaucoup de propositions. Quand Youssoupha m’a appelé je lui ai tout de suite répondu que j’étais chaud. Je ne sais pas si Booba s’entend ou pas avec Youssoupha mais il sait très bien que c’est du taf donc il s’en fout. Je sais qu’il l’a vu. Il ne m’a jamais dit avec qui je dois travailler. Même sachant que j’avais bossé avec Rohff auparavant, il n’a jamais critiqué ou questionner mon travail.

Seconde critique qu’on entend souvent sur la simplicité de tes clips, certains disent même que tu ne cadres plus ?

Vous auriez dû venir sur un de mes tournages [rires]. Pendant toutes ces années, j’ai connu pas mal d’équipes techniques et de mésaventures. Dans la vie tu ne restes pas tout le temps avec les mêmes personnes, je sais qu’il y a pas mal de gens qui sont déçus parce que je ne travaille plus avec eux. C’est sûr que j’entends des trucs à droite à gauche.
Concernant le fait que je délègue le travail à d’autres personnes, je laisse juste le steadicamer faire le cadre tout en le guidant et le conseillant… On a des mecs qui sont spécialisés dans le steadicam donc forcément je ne vais pas le faire moi même. Si tu me dis qu’il n’y a pas de différence entre « Caesar Palace », « Une vie », « Tomber pour elle », « Validée » et « Bakel City », j’aimerais bien savoir qui taffe en France alors ? Presque tout le monde fait des clips quasi identiques… Laisse-moi rire avec ce genre de critiques à 2 francs. Certes on retrouve l’image de gangster de Booba mais ce sont des ambiances complètement différentes les unes des autres. Je me prends la tête honnêtement sur chaque proposition et je ne l’ai jamais fait autant pour un artiste. Quand Booba m’a dit qu’il voulait tourner « Tomber pour elle » au Brésil parce que la sonorité lui rappelait le carnaval de Rio, je lui ait écrit un synopsis et il a kiffé. Un synopsis à 90% comme je le voulais : l’entrée sur la mer en hélicoptère, la moto… Si c’est pas se prendre la tête…
Je suis toujours en stress avant de rendre un clip parce que j’ai envie que l’artiste kiffe. J’aime bien entendre les critiques parce que ça me donne un coup de pied au cul pour les prochains.

La dernière critique concerne l’irrégularité de tes clips, et la qualité d’image trop fluctuante.

Booba est un fan du grain du 5D. Beaucoup de ses clips ont été tourné au 5D comme « Caesar Palace », « Jour de Paye »… Avec la Red, l’image est lissée alors qu’avec le 5D il y a un côté un peu plus brut qu’il aime beaucoup. Forcément quand on passe d’une vidéo tournée à la RED où l’image est presque parfaite avec des effets spéciaux, à une autre comme « Attila », les gens remarquent la différence. Je ne réponds pas à la demande du public mais à celle de mon artiste. S’il me dit qu’il veut un clip sur un parking je ne vais pas lui dire non. Pour « Génération assassin », une semaine après avoir clippé « Validée » en Colombie, on a pris nos billets d’avion pour la Colombie et on a tourné un « street clip » à Rio. On s’en fiche de ce que les gens pensent. On ne peut pas plaire à tout le monde.

Pourquoi tu ne revendiques pas ce statut de réalisateur officiel de Booba ?

Je ne le revendique pas car je n’ai pas envie de faire le Skyrock à dire que je suis numéro un alors que c’est faux. Si Booba souhaite faire un clip avec d’autres réalisateurs, il le fait. Je suis son pote, il aime mon taf, moi j’aime beaucoup sa musique et on en reste là. On est sur la même longueur d’onde mais je n’aime pas revendiquer des trucs comme ça.

« Petite anecdote, ça fait longtemps que je voulais faire une vidéo près des volcans au Groenland ou en Islande avec Booba. On en a reparlé récemment et il m’a fait remarquer que Justin Bieber, PNL et Nekfeu ont fait un clip là-bas. Ça m’a bien fait rire. »

« Bakel City » et « Zoo » sont vraiment impeccable visuellement… À aucun moment, tu ne t’es rendu compte de l’impact qu’allait avoir ces clips dans le monde du rap ?

J’adore les sons agressifs et hardcores, ça me procure quelque chose. Quand Booba m’a proposé « Bakel City », il voulait une image street qui reflète la rue. J’ai juste fait mon travail de réalisateur en l’aidant à faire un clip dans cet esprit. Pour « Zoo » c’était la même chose.
Pour répondre à ta question, je ne réalise pas tout de suite. C’est une fois que je les regarde à nouveau ou que des amis m’en parlent que j’ai une prise de conscience. Pour « Bakel City », la première fois qu’il a été montré au public c’était à Bercy. À ce moment-là, j’étais en train de filmer la foule et les gens étaient bouche bée devant l’écran.
Pour « Zoo », il y a des scènes mythiques et pas mal d’idées qui viennent de l’artiste comme le truc avec le Ciroc à la fin. J’essaye de trouver de bons angles, et de bien cadrer l’image pour me faciliter la tâche au montage.

Il y a d’autres clips comme « RTC » où on a l’impression que tu n’es pas allé au bout de ton idée…

Ca, c’est votre avis… pas le mien. Sur « RTC » on filme tous les inserts à la RED et pour la scène dans la Lamborghini, je ne pouvais pas me trimbaler dans Paris derrière une moto à filmer avec ma RED donc on a dû ressortir le 5D. Je m’adapte aux situations. Après Il y a des problèmes de productions, de coût et autres… J’aurais bien aimé faire un Dark Knight et mettre Booba en Batman mais quand tu as le producteur qui a un budget limité tu ne peux pas te permettre d’excès à la réalisation donc on essaye de faire autrement.

Penses-tu que la majorité des clips de rap français se ressemble.

Je pense que les artistes pourraient se prendre plus la tête. Ils trouvent le gars capable de mettre en images leurs idées et il y a moins de travail de recherche pour le réalisateur. Quand je regarde certains clips trap c’est souvent la même chose. Je félicite le réalisateur qui les a fait, souvent William Thomas, une valeur montante des clips de rap mais il faut arrêter avec les clichés « drone + cité » Ça devient un standard et c’est dommage. Mais encore une fois, je sais que ce n’est pas tout le temps évident car tout le monde veut impressionner. Ils ont vu d’autres clips buzzer donc ils veulent leur part de gloire visuelle aussi. Pour en revenir à « RTC », une des choses qui m’a longtemps posé problème, c’est que les gens m’ont considéré comme un réalisateur low-cost capable de faire des trucs magiques.

C’est aussi une chose que tu as alimenté quelque part. Dans une interview en 2013, tu avouais continuer à faire des clips gratuits malgré ton statut et ton parcours.

Ouais c’est vrai mais c’est parce qu’il fallait bien que je me fasse connaître. C’est comme partout tu fais tes preuves… Crois-moi que les maisons de disques abusent de ce système avec pleins de réalisateurs encore et beaucoup plus maintenant. Je continue à en faire de temps en temps mais j’essaye de bien jauger et de bien choisir l’artiste pour qui je vais accepter d’en faire un gratuit. Si c’est pour un son où les mecs ne font qu’insulter les mères et qu’il ne me plaît pas je vais lui dire non. En revanche si tu as un artiste comme Despo à l’époque qui m’envoie un son comme « Trafic de stéréotype » où je kiffe l’instrumental et les lyrics, je vais accepter de m’investir et de prendre sur mon temps pour lui faire son visuel. C’est au feeling. J’essaye de faire la part des choses et d’aider quand je peux.

Le rap français peut être un milieu difficile : frilosité, manque d’expertise technique, problèmes d’organisation, manque de professionnalisme… Comment as-tu fais pour tenir aussi longtemps ?

Je ne sais pas je pense que c’est la rigueur de Penninghen qui m’a aidé. Pour que ma scolarité soit offerte, je devais à chaque fois rester dans les dix premiers, j’ai donc dû redoubler d’efforts et apprendre à être consciencieux. Je ne sais vraiment pas comment je fais pour rester aussi longtemps dans le rap. Parfois c’est dur, quand tu reçois des pseudos menaces d’artistes, quand tu en as certains qui veulent se battre avec toi parce que tu as refusé de leur faire un clip… Par moment ça me dégoûte de mon travail. À plusieurs reprises j’ai voulu arrêter et faire autre chose mais je suis passionné c’est plus fort que moi. Je voudrai bien aller plus loin mais pour l’instant j’aime toujours autant mon travail. Puis je n’ai peur de personne et j’ai la foi.

« Parfois c’est dur, quand tu reçois des pseudos menaces d’artistes, quand tu en as certains qui veulent se battre avec toi parce que tu as refusé de leur faire un clip… »

Tu travailles avec beaucoup d’artistes « street », il y a un côté brutal dans ce que tu fais. Pourtant tu te dis capable de bosser avec des rappeurs comme Georgio, Nekfeu, ou encore Oxmo Puccino.

J’ai bien aimé la série de trois clips qu’Oxmo a fait avec Seth Gueko, Georgio et Jhon Rachid. J’ai kiffé les trois morceaux que ce soit pour le choix de l’instrumental ou pour les lyrics. Ça ne me dérangerait pas de réaliser des clips sur ce type de son, ça me permettrait de m’exprimer d’une autre manière. J’ai kiffé l’image d’« Égérie », j’ai bien aimé tout ce qui est 3D avec les plans sur la ville. J’adore quand un morceau va bien avec le visuel.
Petite anecdote, ça fait longtemps que je voulais faire une vidéo près des volcans au Groenland ou en Islande avec Booba. On en a reparlé récemment et il m’a fait remarquer que Justin Bieber, PNL et Nekfeu ont fait un clip là-bas. Ça m’a bien fait rire.

Que penses-tu de la nouvelle école de réalisateur ?

Il y en a qui sont très bons, d’autres qui tendent à le devenir et d’autres qui copient beaucoup trop. J’admire beaucoup ce que fait Valentin Petit, il a d’ailleurs réalisé un des derniers clips de Nekfeu (7:77) J’aime bien les clips de PNL, c’est devenu une marque de fabrique, on les reconnaît directement. J’aime bien le côté « glidecam » avec les déplacement fluides, les ralentis. T’as Beat Bounce travaille pour Lacrim et même de pour. J’ai bien aimé son dernier clip pour SCH, « A7 ». Il y a William Thomas qui a beaucoup de potentiel et qui est très fort au montage. Tu as des nouveaux qui arrivent comme Spilly, il y a des anciens comme Charly Clodion…
Aujourd’hui tu ne peux pas faire un bon clip de rap sans un réel travail de montage. Des artistes choisissent des visuels très lents alors que leur son est rythmé et ça donne un résultat plutôt agréable. Nekfeu avait fait ça sur « Égérie ».
J’essaye de regarder ce que tout le monde fait et c’est cool de voir qu’il y a un certain engouement autour des réalisateurs. La plupart du temps on travaille avec des rappeurs alors qu’ils s’en foutent de qui on est, ils veulent juste un joli clip. J’ai eu de la chance d’être tombé sur un mec comme Booba qui me respecte et qui respecte mon travail mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

« Une grosse maison de production m’avait contacté pour un projet Fast and Furious à la française avec Sinik et La Fouine… J’ai dit non, ça ne m’intéresse pas. »

On attend toujours ta transition vers le cinéma que peut de réalisateurs de clips ont réussie, en plus tu bossais sur ton premier long-métrage La mort leur va si bien ?

En 2012, j’ai été contacté par mail pour la réalisation de ce projet de court. On  m’a présenté un scénariste avec qui on a écrit une histoire intitulée “Le Gang”. Un an et demi après on a tourné ce court métrage, à Aulnay, à Sevran et un peu partout, j’étais super content.

Lorsqu’on commence le montage de la vidéo, j’en parle à Booba qui était très enthousiaste pour moi au point de vouloir insérer un de ses sons comme musique pour le court métrage. Il m’a envoyé le titre et je vois qu’il s’appelle « La mort leur va si bien”.  C’est le titre qu’il me fallait !  J’étais tellement content que dans la foulée j’ai fait l’affiche. Ils mont demandé de faire un appel participatif, je ne suis pas producteur du film, on lâche un petit teaser… Malheureusement les producteurs, eux, voulaient finalement absolument faire un long métrage. Je n’étais pas chaud du tout. Ce n’est pas la même chose. L’intention n’est plus la même.

Pour répondre à ta question oui c’est sûr, j’ai envie de me lancer dans le cinéma, c’est un processus qui met du temps, je veux faire les choses bien et surtout par conviction.

On continue le tournage et on filme d’autres scènes. Plus on avançait, plus je sentais que la production commençait à s’éloigner du projet. Je commence à me demander si je n’aurais pas dû m’affirmer sur la question du court. Pendant 2 ou 3 mois je n’ai pas de leurs nouvelles, ils m’ont mis un autre monteur qui comprenait pas forcément l’idée du film, avant d’en mettre un autre mais les acteurs n’étaient pas forcément disponibles pour tourner les prises à refaire. Mais le court-métrage est prêt [rires].

Aujourd’hui on n’est pas en stand-by mais en pourparler et la situation est un peu compliquée. Pour répondre à ta question oui c’est sûr que j’ai envie de me lancer dans le cinéma mais je n’aime pas trop en parler parce que je n’ai pas la prétention de me dire réalisateur de cinéma.

« Je me casse la tête avec les synopsis, je devrais faire comme les autres, faire juste comme les autres… Mettre des images et c’est tout. J’écris des synopsis ! »

Quel genre de réalisateur voudrais-tu être toi qu’on qualifie de « street » ?

Je pense que je pourrai faire une histoire d’amour parce que je kiffe les comédies du style Crazy, stupid, love, La vie rêvée de Walter Mitty. « Street » ou pas ça m’est égal, l’essentiel est de raconter une histoire et de faire ce que tu aimes. Si je fais du cinéma je ne vais pas me contenter de faire que des films sur les cités, les banlieues… Je vais m’imposer vraiment des règles et de nouvelles façons de travailler. J’ai kiffé la préparation, la post-production, le tournage, j’ai vraiment appris autre chose avec La mort leur va si bien. Ça prendra le temps qu’il faut mais j’y arriverai. Il ne faut pas que les gens oublient que la plupart des réalisateurs qui réussissent n’ont pas 25 ans, mais plutôt à 50-60 ans. Morgan Freeman a eu son premier grand rôle à 35 ans alors qu’il fait du cinéma depuis qu’il a 20 ans.

Mine de rien tu as déjà une grosse expérience avec 10 ans de clips à ton actif mais le cinéma français est assez fermé. Penses-tu pouvoir te faire une place ?

Déjà il n’y a pas que le cinéma français… Je suis Français mais le monde est vaste… Si demain je gagne au loto, une grande partie sera dédiée à la production d’un film. Je pense être capable de réussir à toucher les gens. À l’époque du court-métrage, j’étais tellement enthousiaste que la vie m’a stoppé dans mon élan. Ça m’a permis d’acquérir une nouvelle expérience, de travailler avec de très bonnes équipes techniques, de me familiariser à de nouvelles méthodes de travail qu’il faut que j’applique à chacun de mes projets. Je suis de ceux qui pensent que si quelque chose ne fonctionne pas, toujours une autre porte s’ouvrira. Il ne faut jamais baisser les bras. Il n’y a pas de place à prendre, il n’y a que des places à se faire. Par contre une fois que tu as ta place, il faut la garder. Dans la vie il faut toujours chercher à s’améliorer.

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T’as déjà eu des opportunités pour bosser au cinéma ?

Oui j’en ai eu avec les gens d’une boite de production très connue. Ils m’avaient contacté pour un projet Fast and Furious à la française avec Sinik et La Fouine… J’ai dit non, ça ne m’intéresse pas.

Aujourd’hui de quoi est composée ton assiette culturelle ?

Chris Macari écoute beaucoup de salsa gangster comme Willie Colon. J’aime bien cet artiste parce qu’il a fait que des chansons sur la rue. Il parle de gangsters, de trafiquants, c’est de la « salsa street ». Depuis que je suis allé en Colombie, je suis retombé dans la salsa. J’écoute aussi beaucoup de musique de film, surtout de ceux comme Man On Fire où la bande originale est liée à l’image.
Après niveau audiovisuel, je kiffe tout ce qui est série : Narcos, Les experts Miami, j’ai honte de le dire mais je n’ai pas réussi à rentrer dedans car je n’ai pas eu le temps, je n’ai vu que le premier épisode… Au cinéma j’ai kiffé Prisoners.
Je ne sors pas beaucoup, je suis discret, un peu dans mon coin. J’écoute beaucoup de bandes originales chez moi. Parfois ce n’est pas bien car je pourrais découvrir des choses, mais je suis comme ça. Parfois, j’ai des potes qui m’engueulent car ils ne me voient pas souvent, mais je suis bien dans mon petit cocon. Mais j’ai recommencé à sortir, je suis allé voir l’expo de Paps Touré et j’ai kiffé, j’aime bien ce qu’il fait en photo ; ou encore d’un artiste plasticien D-Tone, je kiffe aussi ce qu’il fait. Après je suis ancré dans la culture antillaise que je revendique pur et dur, je parle, je mange, et je vis créole.

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Le visuel importe plus que le message pour toi dans tes clips ?

Beaucoup des clips que j’ai fait étaient pour des morceaux qui me plaisaient, même si certains ne me parlaient pas. Donc il faut trouver le sens du morceau, s’adapter et dépasser tout ça. C’est comme si tu essayais de trouver la quintessence d’un truc. Quelque fois j’ai eu cette critique dans les commentaires, je ne les lis pas tous mais ça m’arrive, expliquant que les paroles ne collent pas trop aux images… Mais si j’ai validé le concept avec l’artiste, ce que tu penses on s’en fout en fait [rires]. Ce n’est pas à toi à qui je rends le clip, c’est à l’artiste de réfléchir à l’image qu’il veut envoyer. La plupart des artistes savent ce qu’ils veulent, même s’ils ne savent pas l’exprimer visuellement. Souvent quand j’écris un synopsis, les gars me demandent des trucs, et moi je dépasse les consignes et ils me disent qu’ils n’avaient pas pensé à ça … Mais je me casse la tête avec les synopsis, je devrais faire comme les autres, faire juste comme les autres… Mettre des images et c’est tout. J’écris des synopsis ! Certains je les écris pour Booba, il ne les lit même pas [rires] ! Je lui demande s’il l’a consulté, il me dit : « Ouais »… Mais je sais qu’il ne les lit pas… Donc on s’appelle pour en parler. Après je sais qu’il n’a pas le temps, mais il m’appelle toujours pour savoir ce qu’il y a dedans. Sur « Validée », ça faisait longtemps qu’il ne m ‘avait pas laissé totalement libre.

On a l’impression qu’à l’échelle du rap français tu seras toujours le réalisateur de Booba, et à l’échelle du cinéma français tu resteras le réalisateur « street ».

En France les gens ne font pas confiance, donc je vais me battre et m’imposer si c’est ce qui doit se passer… J’ai rarement vu des réalisateurs de clips aller très loin dans le cinéma, il y en a comme Brett Ratner qui a fait les X-men et autres. Hype Williams a tenté mais a échoué malheureusement, j’aime bien Belly mais je ne sais pas… L’acting, le film est trop clippé… Si ça m’arrive, je serais le plus heureux du monde, sinon je trouverais des alternatives pour faire des trucs qui me plaisent. Faut faire gaffe. Aujourd’hui, j’imagine que les réalisateurs doivent se dire : « Je vais faire un clip pour untel ou untel. » Mais faut faire gaffe. Ça s’est tellement démocratisé le clip que j’ai plus l’impression que les gars font ça pour la gloire que pour l’esthétisme. Je trouve ça dommage car c’est bien beau de faire des clips mais ça va terminer où ? Tu vas faire quoi de ta vie ? C’est quoi ton projet sur du long terme ?

Chris Macari après Booba, ça donnera quoi ?

Je ne sais pas, je vais me concentrer sur des projets personnels, courts-métrages et autres. Je vais voir ce que l’avenir me réserve mais pour l’instant je n’y pense pas, je n’ai pas le temps d’y penser.

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À une dizaine de jours la sortie de son premier album, Niska tire un bilan lucide et sans concession de son expérience dans le monde du rap : le plagiat qu’il subit, la réception de sa précédente mixtape Charo Life, les succès de « PSG freestyle » et « Sapés comme jamais », la manière dont il a travaillé ce tout nouveau projet… Un entretien où l’artiste se confie véritablement.

Le #YARDSUMMERCLUB est de retour et encore une fois l’attention portée à leur tenue par les participants du #YARDSUMMERCLUB ne nous a évidemment pas échappée.
YARD parcourt une nouvelle fois la foule de son oeil affûté pour capturer vos meilleurs looks. On vous attends encore plus chaud la semaine prochaine pour le live de Booba !

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
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Photo : @Booxsfilms

Pour ce nouvel épisode de Somewhere In, on a profité du retour au source de notre directeur artistique et photographe en Guyane en Amérique du Sud, pour ajouter une nouvelle série à notre collection. Voici son récit :

10 ans que je n’étais pas retourné en Guyane, ma région d’origine. Durant mon absence, je constatais de loin que le pays s’était pas mal développé (nouvelles routes, centres commerciaux…) mais tout en conservant son authenticité. Je profitais donc de mon séjour pour rapporter quelques clichés : de Cayenne et ses bâtisses au style purement colonial , en passant par les rues d’Oiapoque, la première ville brésilienne à la frontière ou encore par le charmant marché Hmongs de Cacao.

Instagram : @lebougmelo

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Photo : @lebougmelo

Ils se sont rencontrés par hasard, dans un bar de Hong Kong il y a 3 ans, avant de retomber – encore par hasard – l’un sur l’autre dans l’avion du retour en Angleterre. Certains signes ne trompent pas. C’est comme cela que les Londoniens, James Carter et Oliver Lee, ont décidé de s’allier et de former Snakehips. Après s’être fait un nom en remixant leurs morceaux préférés, les deux comparses gravissent depuis un an les marches vers le succès, avec leur second EP et leur tube double platine « All My Friends » en duo avec Tinashe & Chance The Rapper. Pas très loquaces mais accessibles, on a tenté tant bien que mal de tirer quelques vers du nez des deux joyeux lurons.

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« Coachella ? C’était fabuleux, tellement fun. On a eu quelques guests qui sont venus. C’était un grand moment pour nous. On a vraiment l’impression d’avoir réalisé quelque chose en étant sur ce line-up. »

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« Notre style peut être définit comme « chill », une vibe soulful. C’est un mélange de plusieurs genres. Nous ne sommes pas électro, on a toujours fait des beats hip-hop. On est définitivement plus hip-hop qu’électro. Quelques uns de nos remix sont house mais c’est notre limite dans ce style. On aime écouter du hip-hop, vraiment. »

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« On aime Tinashe, on aime Chance, on aime vraiment tous les artistes présents sur l’EP, donc on les a contactés et on a réussi à les faire contribuer. C’est juste des gens que nous suivions et apprécions, nous voulions bosser avec eux pour voir si ça fonctionne. C’est fabuleux d’avoir la possibilité de travailler avec eux. On ne s’est jamais vus en studio. Par exemple avec Chance ça s’est fait il y’a quelques mois, en s’envoyant chacun nos partis. »

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 « La plupart du temps, on aime commencer à réfléchir individuellement, et ensuite commencer à créer ensemble à un certain moment et finaliser. En temps normal quand on fait un beat, on est chacun dans notre studio, séparés. Quand on bosse sur un single, on commence de rien avec quelques personnes. Mais quand il s’agit de beats, on fait ça entre nous. » 

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« Snakehips est le nom d’une danse qu’on avait l’habitude de faire. Nos jeans étaient trop serrés, ça avait l’air complètement stupide. C’était un peu une blague, mais ça s’est arrêté. »

A travers les millénaires, la Grèce conserve son aura fabuleuse et chimérique. Une destination que Julien Scheubel a cherché à mettre en image pour son dernier périple et dont il nous revient avec des conseils avertis.

La Grèce, tout le monde en a sa propre idée. Un pays intriguant, tout particulièrement les Cyclades avec ces îles de toutes sortes : touristiques, vierges, volcaniques, grandes ou petites. Il y a quelques jours de ça, hors-saison, je me suis rendu dans trois d’entre elles.

Paros, l’île hautement touristique peut passer de 13 000 habitants à 100 000 en pleine saison. Malgré tout, elle regorge de coins encore préservés et accessibles uniquement par quad ou à pieds. Le village de Naoussa est définitivement l’endroit où il faut être pour se prendre une bonne dose culturelle de la vie locale. Le café au port le matin, les petites ruelles, les restaurants de proximité, tout y est.

Santorin, le cliché. Dur une fois là-bas de résister aux photos des toits blancs se mêlant aux centaines de piscines turquoises sur le fond bleu foncé de la mer. Tout est comme on se le représente sur ces images vues et revues, celles que tout le monde connaît déjà. Tout ou presque car sur les visuels il est rare d’y voir les touristes qui pourtant sont bien présents et en masse, y compris à cette période. Si tu n’as pas  d’hôtel 7 étoiles pour rester au calme, après deux jours, tu fuis.

Enfin Milos, la plus préservée. Rien de glamour à première vue en sortant du bateau. Ici les plages paradisiaques, les criques aux eaux transparentes et le calme absolu se méritent. La meilleure chose à faire est de se perdre dans les chemins rocailleux jusqu’à tomber sur la crique espérée. Une fois trouvée tu y passes la journée et tu sais pourquoi tu as fais ce voyage.

Instagram : @Julien_Scheubel

Véritable phénomène aux Antilles, Kalash est à l’aube d’une toute nouvelle carrière aux yeux de la métropole. L’artiste réfléchit à cette étape charnière, ce nouveau challenge qui, il l’espère, devrait mettre un coup de projecteur sur la culture antillaise. Une culture qu’il incarne profondément en prenant le témoin de son père, Ralph Valleray, philosophe et militant.

Il y a près d’une semaine, notre capitale accueillait un prodige sans véritablement le savoir. À 31 ans, Tony Royster Jr. fait office de valeur sûre auprès des icônes d’un grand public qui le méconnait encore. Jay-Z, Joss Stone, Justin Timberlake, Beyoncé « de temps à autres », tous ont fait appel aux services de ce virtuose de la batterie. De ses débuts précoces à sa reconnaissance actuelle, le musicien s’est installé aux côtés de YARD afin d’évoquer son parcours, l’évolution de la musique et sa relation de longue date avec Hova.

Photos : Yannick Roudier

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Pour commencer, peux-tu nous dire quand et comment tu as commencé à jouer de la batterie ?

J’ai commencé à l’âge de 3 ans. Mes parents sont tous deux musiciens et mon père faisait partie d’un groupe que je m’amusais à suivre partout et tout le temps. C’était un peu comme mon centre de loisir. Quand j’avais 3 ans, je me suis levé un matin de la housse de guitare dans laquelle il m’arrivait souvent de dormir et je suis directement allé vers la batterie pendant que mon père et son groupe faisaient une pause. Là, j’ai commencé à jouer un beat, et je suis parvenu à garder le rythme. Mon père n’en croyait pas ses oreilles. Il s’est rapproché de moi et m’a demandé de m’arrêter, puis il m’a dit : « Recommence ». J’ai rejoué le beat et voilà où j’en suis aujourd’hui. J’ai commencé à assimiler la batterie et plus largement la musique à grande vitesse, et je suis devenu bon là-dedans.

Y’a t-il des artistes qui t’ont influencé à tes débuts ?

Il y a plusieurs batteurs dont j’apprécie le talent. Mon père avait l’habitude de me faire écouter des styles musicaux très divers, ce qui m’a permis d’être assez versatile sur ce point. Je dirais que Dennis Chambers est l’un des premiers batteurs que j’ai écouté attentivement. Il y avait aussi Buddy Rich, ainsi que beaucoup d’autres groupes comme Earth, Wind & Fire, The Gap Band, Frankie Beverly de Maze. Toute cette large palette d’artiste allant de George Benson, jusqu’à des musiciens de jazz comme Wes Montgomery ou Tito Puente ont eu une influence importante sur ma musique.

« Je pense sincèrement que mon talent est un don de Dieu. »

Dans une interview ultérieure, tu parlais également du rôle et de l’influence de ton père.

Tout d’abord, je souhaitais faire une mise au point. À 12 ans, j’ai réalisé un solo que j’ai dédicacé à un batteur nommé Tony Williams, et suite à cela, beaucoup de gens ont cru qu’il s’agissait de mon père. Ce n’est pas le cas.

Mon père était un musicien montant. Il savait jouer de la guitare et de la batterie, mais il m’a surtout influencé dans mon parcours en me laissant faire ce que je voulais étant petit. Il ne m’a jamais forcé ni à jouer, ni à quoi que ce soit d’ailleurs. Rien que ça, c’est une bénédiction pour moi. À côté, il n’était pas forcément strict mais il avait à cœur que je prenne les choses sérieusement et que je sois bon dans ce que je fais. Donc il me répétait sans cesse que je devais m’entraîner. Mais au fond, il devait savoir que si je faisais quelque chose qui me plaisait, ça allait me donner envie de travailler.

En grandissant, il est devenu mon manager et le fait de l’avoir eu constamment à mes côtés vers 16-17 ans, de jouer avec lui sur pas mal de scènes et de concerts, c’est ce qui m’a mis un pied dans l’industrie de la musique.

Plus que « talentueux », le mot qui semble le plus régulièrement utilisé pour te décrire c’est « béni ». As-tu le sentiment d’avoir reçu un don à la naissance ?

Absolument. Je pense sincèrement que mon talent est un don de Dieu. Ma mère est chrétienne, elle va très souvent à l’église et moi-même je crois en Dieu, donc je lui suis très reconnaissant de m’avoir fait le cadeau de pouvoir faire de la musique. Je ne m’entraîne pas forcément des heures et des heures entières, juste une heure et demi et même pas forcément tous les jours. Dieu m’a donné ce don de pouvoir écouter un beat, de l’imprégner dans mon corps et dans ma tête et d’être instantanément en mesure de le reproduire à la batterie. Je m’exprime ainsi. Mais oui, c’est clairement une bénédiction.

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C’est drôle parce qu’en lisant les commentaires des vidéos où l’on te voit jouer, beaucoup d’amateurs désespèrent de voir un batteur avec autant de talent. Alors si en plus tu me dis que tu ne t’entraînes « pas forcément », tu vas finir par rendre tes admirateurs complètement fous…

(Il rit, ndlr). Attention, je ne prends rien pour acquis pour autant. J’apprécie tout le soutien et l’amour que les gens peuvent me porter. Comme chaque personne qui excelle dans un domaine – par exemple Floyd Mayweather, qui est un boxeur incroyable, ou Usain Bolt – je ne vais pas dire que personne ne peut atteindre mon niveau, mais certains ont la chance de pouvoir l’atteindre plus vite ou plus facilement. Après, je fais partie de ceux qui pensent que tout le monde a du talent en soi. Dès qu’une personne se dit qu’elle ne pourra jamais avoir mon talent, moi je me dis que tôt ou tard cette même personne trouvera une voie où elle s’illustrera à merveille. D’un autre côté, j’ai beau te dire tout ça, je sais que je vais tout de même continuer à m’exercer parce que je pense qu’on ne peut jamais être bon au point de ne rien avoir à apprendre.

Qu’est-ce qui te plaît dans le fait de jouer la batterie ?

J’aime voir les gens sourire, les voir s’amuser. J’aime voir que je peux motiver certaines personnes, pas seulement à faire de la musique mais simplement à vivre. Beaucoup de gens m’envoient des messages disant qu’ils m’ont vu grandir et évoluer depuis que je suis tout jeune jusqu’aujourd’hui, et qu’ils sentent que je suis quelqu’un de simple, quelqu’un de très positif. Et c’est ce que j’ai toujours voulu au fond. En commençant la musique, tu ne peux pas imaginer le nombre de personnes que tu peux toucher, que ce soit au travers de ton art ou de ta personnalité. J’aime leur montrer que j’ai de la passion pour ce que je fais. Je ne considère pas cela comme un job, c’est différent, et le public le ressent quand je joue. Donc quand j’arrive à insuffler ce genre d’énergie, le public la reçoit et la garde dans son quotidien. Ça peut même les motiver à en faire quelque chose d’autre, même si ce n’est pas de la musique.

« Jouer devant le président Obama pour son investiture, c’était quelque chose d’incroyable car l’histoire était en train de s’écrire. »

Les batteurs sont quelque part le cœur de la musique, peu parviennent à être reconnus comme tel. Comment expliques-tu cela ?

Comme tu dis, peu de batteurs parviennent à obtenir la reconnaissance qu’ils méritent, mais d’un côté, je pense que la reconnaissance est assez hasardeuse et qu’il s’agit souvent d’être au bon endroit au bon moment. Prends l’exemple de Ringo Starr, on le connaît au travers des Beatles qui est un groupe légendaire. Il semble clair qu’il a obtenu sa renommée surtout parce que son groupe était génial dans son ensemble. Un batteur comme Travis Barker était dans Blink-182 mais il a explosé en solo en apprenant à bien vendre son image. La reconnaissance, ce n’est pas seulement une question de musique ou de talent, parfois le talent n’a même pas d’importance. Je connais énormément de batteurs qui sont extrêmement brillants qui sont complètement sous-cotés. J’ai eu la chance d’être « au bon endroit au bon moment » et à l’époque où j’ai commencé à monter, il n’y avait qu’une poignée de batteurs de mon âge qui faisait parler d’eux.

Avec les logiciels de M.A.O ou notamment l’auto-tune, la musique se dématérialise de plus en plus. En tant que musicien, qu’est-ce que cela t’inspire ?

On peut parler de ça pendant des heures, j’ai récemment eu une conversation de ce type avec des amis. Il y a quelques jours, Prince est décédé et je me suis dit que j’ai eu tellement de la chance d’avoir pu être témoin d’une époque riche d’artistes comme lui, Michael Jackson ou Whitney Houston. Beaucoup de jeunes auditeurs n’auront pas l’opportunité de vivre de telles expériences musicales. À cette époque la musique était vraie, elle avait de la substance. Maintenant, il s’agit d’avoir suffisamment d’808s (boîte à rythme électronique) pour bouger en club et d’avoir le pas de danse en vogue, ce n’est plus que des chiffres et de l’argent, mais ça ne définit pas les réelles aptitudes d’un musicien. Et c’est pourquoi des groupes comme Earth, Wind & Fire ou Frankie Beverly and Maze sont toujours en mesure de monter sur scène aujourd’hui. Cette musique manque au public. Les sonorités qui les font se sentir bien, qui donnent envie de danser, c’est une époque complètement différente. La manière dont la musique avance en ce moment… C’est juste fou, mec. Après, il y a tout de même certains artistes essayent de ramener ou de garder cette substance de ce qu’est le r’n’b, la soul ou la funk. Et ce ne sont pas forcément des vieux, parfois ce sont simplement de jeunes artistes qui aiment ce type de sons. Même si la manière de faire de la musique change, les gens comprennent l’importance des morceaux plus anciens et c’est aussi ce qui explique le fait que ces titres soient aussi souvent samplés. En réalité, je n’ai pas de problème avec ces logiciels, ça dépend surtout de la manière dont tu les utilises, et si tu arrives à insuffler quelque chose. Par exemple, si je fais un rythme batterie, que je l’enregistre et que je l’insère dans mon Fruity Loops en ajoutant des éléments plus « technologiques » je conserve quand même l’essence de la musique.

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Tu as eu l’occasion d’œuvrer dans des registres musicaux très différents. Y a-t-il un genre avec lequel tu as eu plus de difficultés ?

Je ne dirais pas que j’ai rencontré des « difficultés », mais jouer de la musique latine a été un véritable challenge pour moi. Je suis capable de la jouer, je suis capable de jouer une palette très large de rythmes, mais c’est compliqué de réussir à l’emmener à un autre niveau parce que pour cela, il est très important d’assimiler toute la culture qui y est liée. C’est très différent d’être capable de jouer de la salsa, ou de jouer de la bachata. Pour te dire, je reviens tout juste du Brésil, et la manière dont ils jouent, leurs variantes de musique latine est très différente de ce que tu peux entendre dans d’autres parties du continent. Il s’agit de comprendre leur culture et à vrai dire, je pense que ce sera l’un de mes prochains objectifs. Je sais jouer du jazz, de la funk, du blues, du rock, mais assimiler pleinement la musique latine, ça risque de me prendre plus temps. La question n’est même pas de maîtriser la structure, il faut surtout ressentir la vibe.

Sur tes réseaux sociaux, tu utilises très régulièrement le hashtag « #IJustWantToPlay ». C’est une sorte de mantra pour toi ?

J’utilise ce hashtag depuis presque 7 ou 8 mois. C’est parti de presque rien. Quand tu voyages dans pleins d’endroits différents, tu partages avec les gens la musique que tu aimes. Parfois dans tel ou tel pays, je vais voir jouer un groupe de musiciens qui va avoir une énergie incroyable, avec pleins de gens autour qui vont ressentir cette énergie et apprécier le moment. Dans ces moments-là, j’ai qu’une seule envie c’est d’être là avec eux et de jouer moi aussi. Même chose quand je passe à côté d’un playground et que je vois des gens jouer au basket. Tu peux appliquer cette formule sur n’importe quoi, ca dépasse largement le cadre de la musique. « I just want to play » c’est simplement l’idée de vouloir s’impliquer dans quelque chose qui nous rend heureux, quelque chose de positif pour toi et les gens qui t’entourent. J’ai juste eu envie de le partager avec tout le monde et parfois ça aide les gens à se motiver. Pendant un moment, tu ne te préoccupes plus de tes factures, de ta meuf, de tes problèmes, tu te laisses juste aller et tu fais ce qui te rend heureux.

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L’une de tes principales aventures musicales a été avec Jay-Z. Quels souvenirs gardes-tu de cette expérience ?

Il y en a beaucoup mec… D’abord il y a le fait d’avoir eu l’opportunité de jouer devant le président Obama pour son investiture. C’était quelque chose d’incroyable, parce que l’histoire était en train de s’écrire à cet instant. Le premier président Noir des États-Unis. Au-delà de jouer, le simple fait d’être là signifiait déjà quelque chose. Au même endroit, tu avais des superstars, artistes ou sportifs, c’était juste fou. Tu as ton pass « all access », tu rencontres toutes ses personnalités, tu te tiens à leurs côtés mais tous ces gens sont là pour une seule raison qui nous dépasse tous. Du coup, personne ne se préoccupe vraiment de savoir qui est autour de lui.
Avec Jay-Z, j’ai aussi eu l’occasion de jouer dans l’un des plus grands festivals, à Glastonbury. Là, tu as quelque chose comme 182 000 personnes en face de toi, c’était impressionnant. Le fait de jouer aux World Series était dingue également, surtout parce que juste après ce show on devait aller performer au Canada. Dès que le concert s’est fini, on a sauté dans la première voiture avec Jay et Alicia (Keys), sous une escorte de 50 policiers. Si je devais faire un top 3, ce serait probablement celui-ci.

Qu’est-ce que cela implique de jouer avec un artiste comme Jay-Z ?

C’est un individu très intriguant. J’ai joué avec lui pendant près de 9 ans, et pendant au moins un an et demi, je le connaissais sans réellement le connaître. Ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu avec beaucoup d’artistes. Désolé de dire ça, mais je ne suis pas quelqu’un qui va faire de la lèche et quand je travaille avec quelqu’un j’aime être moi-même. J’aime rigoler, passer du bon temps. Et par exemple, je n’ai jamais demandé à Jay-Z une photo, au moins pendant les premières années. Je ne dirais pas qu’il est difficile à comprendre, mais un peu quand même. Il peut te parler tout à fait normalement, mais ca s’arrête là. Tout le monde a un intérêt vis-à-vis de l’autre, mais quand j’étais avec lui, je voulais lui montrer que ce n’était pas le cas pour moi, que je venais juste faire mon job. Au bout d’un moment, il a finit par le voir de lui-même et à partir de là, il a commencé à m’inviter dans différents endroits, à demander de mes nouvelles, et c’est là que notre aventure a réellement débuté je pense.

Au-delà de ça, Jay-Z est une grande personnalité, un génie. Je l’ai vu faire des choses incroyables, la manière dont il réfléchit est juste dingue. Sur scène il sait toujours insuffler une bonne vibe. Sa carrière est remplie de hits, donc être en mesure de jouer tous ces titres que le monde entier connaît, et savoir que lui te fait confiance pour jouer les partitions de batterie, c’est un grand honneur. Généralement, j’extrais les morceaux sur ProTools, je les sample et je les déclenche sur ma batterie afin de les rejouer avec exactitude. C’est une grande responsabilité et je lui suis très reconnaissant de me faire confiance là-dessus. Même le fait d’avoir pu jouer aux côtés de tous les grands artistes avec lesquels il a collaboré est un honneur.

« Jay-Z est une grande personnalité, un génie. Je l’ai vu faire des choses incroyables, la manière dont il réfléchit est juste dingue. »

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaiterait apprendre à jouer de la batterie ?

Tout d’abord, je leur conseillerais de s’assurer que c’est quelque chose qu’ils ont vraiment envie de faire, que c’est quelque chose qu’ils aiment faire et qu’ils ne le font pas parce qu’ils essayent d’en retirer quelque chose. Malheureusement beaucoup de personnes et même parfois des artistes pensent ainsi. Ils vont se lancer dans une activité en ne voyant que ce qu’elle peut leur rapporter. Et quand ils s’aperçoivent que ca n’arrive pas aussi vite que prévu, ils dépriment et lâchent l’affaire. Dans le cas de la batterie, l’argent ou la reconnaissance prennent parfois du temps à arriver, alors il faut être sûr d’être passionné quand tu souhaites apprendre la batterie. Je dirais aussi qu’il est important d’avoir l’esprit ouvert, et d’être en mesure d’accepter les critiques. J’ai beau avoir de l’expérience, je reste à l’écoute des conseils de personnes qui sont dans l’industrie et qui savent de quoi elles parlent. Il faut aussi rester humble, parce que ca peut t’emmener très loin. Je pense que ce sont les meilleurs conseils que je pourrais donner.

Tu as 31 ans, mais tu sembles déjà avoir tout vécu dans ta carrière. A-t-on encore des rêves quand on fait preuve d’une telle précocité ?

Absolument. Il n’est jamais trop tard. Rien que dans mon cas, je n’aurais jamais pu imaginer la moitié des choses qui me sont arrivées dans ma carrière et dans ma vie. Tout ce que je fais c’est prier pour avoir la force d’atteindre mes objectifs et faire en sorte que de belles expériences puissent encore m’arriver.

Ces objectifs, lesquels sont-ils ?

Pour commencer, je songe à proposer autre chose que de la musique, et en l’occurrence à me lancer dans une carrière d’acteur. J’ai déjà commencé à enregistrer des petites comédies et des courts-métrages. C’est quelque chose que j’aimerais faire de manière plus concrète, illustrer un autre aspect de ma personne devant les caméras, d’autant plus que j’ai une personnalité assez folle. À part ça, j’aimerais commencer à communiquer sur mon nom et mon image en général, pas forcément dans la musique. M’étendre à de nouveaux horizons, que ce soit la mode ou la télévision, par exemple.

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Acteurs incontournables de la communauté grandissante de la basket, les resellers sont de plus en plus actifs dans une période où la sneaker n’a jamais semblé aussi prisée. En plus de cette nouvelle notoriété s’installe la pensée persistante que ces revendeurs sont responsables de beaucoup des plaies du milieu : pénurie des produits ou prix parfois exorbitants qui se pratiquent à la revente. Peut-on tout leur mettre sur le dos ? Éléments de réponse auprès de ceux qui sont accusés de marcher à côté de leurs pompes.

Photos : Jérémie Masuka

XI Concord, Infrared VI, I Bred, Foamposite Galaxy, Gel Lyte V Fieg… Pour beaucoup ces noms n’évoquent rien. Pour d’autres, ce sont de véritables sésames et… des dollars en perspective. Le resell de sneakers, un anglicisme qui définit la revente de basket le plus souvent par des passionnés, hors du sillage des points de vente. Boosté par un « baby-boom » version sneakerhead ces dernières années et un appétit vorace pour les paires rares, ce marché secondaire a passé l’an dernier la barre du milliard de dollars. Pour ses multiples adeptes, c’est une compétition où chacun veut le modèle que les autres n’ont pas, et où revendre à forte plus-value est perçu comme une pratique tendance. Le phénomène n’a rien de nouveau, les resellers ont toujours fait partie de la communauté sneaker. Mais plus qu’avant ils semblent avoir pris une place imposante dans le circuit. Une emprise qui dérange et fait germer l’idée qu’ils sont la cause de l’inflation des prix, à une époque où certains produits peuvent ne durer que quelques heures en rayons.

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Désormais une des capitales du milieu, Paris abrite aussi ses propres protagonistes. Julien, plus connu sous l’appellation de Larry Deadstock, est l’un d’entre eux. Larry pour « le côté US » et Deadstock pour « la référence aux sneakers ». Comme la majorité des collectionneurs, sa passion vient d’une enfance à baver sur des paires alors inaccessibles. Puisant son inspiration chez Michael Jordan et Michael Jackson, ses premiers bons souvenirs chaussés sont colorés : « La LA Gear cloutée ! Quand je la portais à l’époque, on me prenait pour un extraterrestre ! » Reconnaissable à une « barbouze » devenue sa marque de fabrique, Larry tombe par hasard dans la revente il y a une dizaine d’années. Le déclencheur surgit lors de l’acquisition d’un lot de soixante paires Fila à un routier sur Le Bon Coin. Achetée 5 € la pièce, il les revend chacune 60 € en un mois. Boom ! Ce bon plan lui met définitivement le pied à l’étrier et pose les bases de son business. Malgré tout, cette activité ne reste qu’un hobby, un prolongement de passion pour un collectionneur forcené d’Air Force 1 et consommateur sélectif : « Pas besoin de porter une paire par jour, j’ai une rotation de trente paires et une centaine que je ne vendrais jamais. »

Sois le premier ou paie le prix fort !

Chaque jour de sortie exclusive, c’est la même rengaine. Les prix s’envolent en même temps que la frustration des déçus. En plus des acheteurs classiques, il faut faire avec ceux qui s’en procurent pour tenter de revendre l’objet 1,5 à parfois 5 fois plus cher quelques heures plus tard. Pour mériter son dû, il faut se lever très tôt. Be first or pay hard money. « Il y a quatre-cinq ans, pour récupérer sa paire, il suffisait de venir à 6 ou 7 heures du mat’ pour l’ouverture du magasin à 10 heures. On était une vingtaine, sûrs de l’avoir. Maintenant, pour n’importe quelle sortie, les gens se mettent à camper deux ou trois jours à l’avance. C’est un bon baromètre », témoigne Larry. Se considérant « trop vieux » pour se planter devant les boutiques et surtout peu enthousiaste à l’idée de passer « trois jours dehors pour des clopinettes », il achète à d’autres resellers, « de 20 € de plus à trois fois le prix », en sortie de magasin pour revendre ensuite à son tour. Un système pyramidal amenant parfois un produit à passer, de la sortie du magasin au porteur, par quatre ou cinq personnes différentes. Quand ce n’est pas du rachat en direct, c’est sur Internet qu’il se procure ses trouvailles, le digging. Quid des arrangements avec certains shops ? Très rare, cela reste un tabou dans le milieu. Il faut mériter sa récompense, comme l’explique notre interlocuteur : « Le consommateur qui veut payer le prix normal doit s’en donner les moyens. Pour obtenir toutes les paires que je revends, je ne suis pas Superman. Quand on souhaite arriver à ses fins, on y arrive. Ceux qui ne veulent pas payer une paire plus chère n’ont qu’à venir la veille à 17 heures et rester toute la nuit devant, et ils l’auront. »

« Il y a quatre-cinq ans, pour récupérer sa paire, il suffisait de venir à 6 ou 7 heures du mat’ pour l’ouverture du magasin à 10 heures. Maintenant, pour n’importe quelle sortie, les gens se mettent à camper deux ou trois jours à l’avance. » – Larry Deadstock, reseller

Faut-il pour autant tout mettre sur le dos des resellers ? Il faut plutôt distinguer les passionnés des revendeurs qui spéculent sur un produit tendance en produisant un « overpricing », faussant le marché seulement dans l’optique de faire un rapide profit. Un usage qui empêche les « vrais » amateurs et collectionneurs d’obtenir ce qu’ils veulent au prix retail affiché en boutique. « Certains pensent qu’en un claquement de doigts ils vont devenir riches avec les baskets, il y a un fantasme du reseller multimilliardaire qui n’existe pas. Ils arrivent dans le business et pensent pouvoir vendre plus cher que Flight Club, qui pratique les prix les plus élevés, se défend Larry. Il y a des revendeurs d’un jour qui voient que la Yeezy marche et tentent de la revendre un maximum. » Prêchant pour sa paroisse, il souligne malgré tout le point positif du resell : « En tant que collectionneur et acheteur, le resell permet de remettre la main sur des modèles sortis en 2004 ou 2005 qu’on a complètement zappés. Et là, on est content de payer plus cher. Faut être juste au niveau des prix

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Vends-là !

Les revendeurs ne sont qu’un maillon de la chaîne, les rennes du business sont tenus et maîtrisés par les marques. Le cas de Nike est certainement le plus significatif. Ses nombreux modèles iconiques et ses fans inconditionnels font depuis longtemps tourné la légende du swoosh. La firme de l’Oregon a compris que la limitation et l’exclusivité accroissent le désir, valorisent le produit, à l’image du luxe. Chaque sortie est le fruit d’une stratégie précise fondée sur un équilibre entre des prix et des quantités jamais trop élevés. En s’assurant que l’offre n’atteigne jamais vraiment la demande, elle alimente également un marché secondaire qui concentre des millions d’adeptes, et cultive ainsi son image auprès de ses consommateurs. Une publicité gratuite.

« Certains pensent qu’en un claquement de doigts ils vont devenir riches avec les baskets, il y a un fantasme du reseller multimilliardaire qui n’existe pas. » – Larry Deadstock, reseller

Yeezy, Just Don, Concord et autres raretés ne sont que l’arbre cachant la forêt. Derrière ces modèles prisés qui servent de vitrine, ce sont les ceux soumis à la grande distribution, appelés general releases, qui renflouent les caisses. « Si ce n’était pas Kanye West, la Yeezy Boost serait tout le temps en magasin et les gens pourraient l’acheter tranquillement, même trois semaines plus tard. Mais il y a un travail des marques créant la frustration et le buzz. La meilleure des pubs », appuie Larry. Hypebeasts, resellers, marques, autant d’acteurs d’un business d’initiés. Les revendeurs paraissent être des coupables idéaux dans ce système, mais, comme dans chaque marché où la demande dépasse de loin l’offre, ils sont inévitables. Combien de temps cela durera encore ? Notre confident nous répond par une comparaison musicale : « C’est un peu le même phénomène que dans le rap, où il y a sans cesse de nouveaux styles, comme la trap… Tous les gens pensent que ça va mourir dans un ou deux ans, mais il y a toujours quelque chose de nouveau pour relancer la machine et, au final, il y a de plus en plus d’adeptes. »

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4 ans après s’être formellement introduit à l’industrie du disque en tant que Bipolaire assumé, A2H revient avec un troisième album solo intitulé Libre. Libre comme l’esprit de son auteur ? Difficile de répondre par l’affirmative, le projet s’apparentant plus à un questionnement qu’à une affirmation claire et concrète. À l’approche de la trentaine, le rappeur bedonnant se sent en effet à la frontière entre jeunesse insouciante et maturité contrainte. L’âge l’oblige désormais à faire face à ses responsabilités (« Grandis un peu ») et c’est un album plein de doutes et très introspectif qu’A2H nous livre.

Libre est une pause dans la vie de l’artiste. Le temps de 18 titres, A2H s’arrête un instant et pose un regard lucide sur sa situation, mais aussi celle de ses proches trentenaires. Un à un, il les voit se stabiliser quand lui se morfond dans ses lubies d’adolescents, sans savoir véritablement quel chemin emprunter : « J’veux ma tiss-mé, j’veux mes gosses, ma piscine et mon butin »/« J’veux voir twerker un millier de paires de seufs » (« Excellent »). Plus qu’une réflexion sur sa vie, Libre est aussi la mise en abyme d’un A2H qui prend du recul sur son propre processus créatif. Son verbe se simplifie – parfois trop, son style s’affirme, dans la lignée de la modernité d’Art de Vivre, et n’entend pas plaire à tout le monde (« Branché »), en dépit de quelques redondances, et d’un énième titre dédié à la weed, sempiternelle muse du rap. Puisqu’il conclut l’album en se considérant comme « prisonnier » de sa vie d’artiste, A2H semble embrasser son lifestyle, ses quelques vices et apparaît ainsi plus décomplexé qu’auparavant. Et si c’était ça, la vraie liberté ?

Date de sortie : 15 avril 2016
Label : Palace Prod
Note : 6,5/10

La Belgique a définitivement le vent en poupe, comme si elle s’était rendue compte de son talent après le triomphe international d’un Stromae devenu l’étendard et l’exemple de tout un peuple. Aujourd’hui complètement décomplexée, une nouvelle génération laisse parler son talent artistique au cinéma, son talent sportif  avec ses irrésistibles Diables Rouges, et donc son talent musical avec une flopée de rappeurs aux multiples facettes. Duo d’un projet, Caballero et JeanJass ont longtemps traîné leurs couplets chacun de leurs cotés, au sein de différents collectifs et groupes respectifs (Les Corbeaux et Exodarap) avant de s’allier sur un EP collaboratif, Double Hélice. Rencontre de deux dignes représentants du rap francophone.

Photos : Kevin Jordan

Que signifient vos noms d’artiste ? Caballero doit avoir un rapport avec ton lieu de naissance (Barcelone), et Jean Jass avec ton prénom Jassim on imagine ? 

Caballero : Pour moi c’est très simple, pour ceux qui ne le savent pas encore c’est mon nom de famille ! Real name no gimmicks.

JeanJass : Je m’appelle Jassim et j’ai la particularité d’avoir un deuxième prénom qui est Jean. Le jour où mes potes l’ont découvert ils ont commencé avec cette histoire de JeanJass et, très honnêtement, ça me cassait les couilles ! Par la suite, j’ai remarqué que les gens retenaient facilement le blaze, il n’était pas si pourri après tout !  Je ne remercierai jamais assez mes potes pour cette trouvaille.

Votre rap est teinté d’auto-dérision et d’ironie, tout en restant  très sérieux et terre-à-terre. Du rap François Damiens par les héritiers de James Deano en somme. Est-ce une définition qui vous parle ?

C : Oui ça me parle, si quelque chose devait nous différencier du reste de la francophonie, je pense que ce pourrait être cet aspect : « Ne pas se prendre au sérieux tout le temps ! » Je trouve que ça manque quand même dans ce « rap musique ».

JJ : C’est une définition parmi d’autres. C’est clair que l’humour tient une place importante dans le projet. Je suis un grand, ce qui ne veut pas forcément dire « bon », blagueur  (rires, ndlr)! Malgré ça, je ne me sens pas vraiment l’héritier de Deano, qui est une référence et probablement l’un des meilleurs en Belgique, car je ne veux pas être rangé dans la case « rigolo ». Ma musique est comme la vie, drôle ou triste selon les périodes.

On peut surtout vous définir, sur ce projet en tout cas, par l’ambition de mettre en avant un egotrip parsemé de votre ambition de faire de l’argent, le tout avec une confiance extrême en tant que MC’s.

C : Très bonne analyse. En fait l’egotrip est un exercice qu’on aime tous les deux pratiquer, du coup c’est venu assez naturellement. En plus, on était dans une période où on voulait être plus léger. Il y a une envie de se prouver à nous-mêmes qu’on est capable de divertir le public aussi.

JJ : Je laisse à chacun l’opportunité de se faire un avis sur le projet, c’est difficile pour moi de le définir. Nous avons essayé de faire un projet divertissant, dynamique, rythmé et bien écrit. L’egotrip est une de nos marques de fabrique et il était tout naturel pour nous de cracher un max de flammes sur ce rap jeu. On veut que tout le monde comprenne bien qu’on est chaud et ambitieux. Toutefois, ceux qui nous suivent depuis le début savent que notre musique ne se limite pas à de la frime. Il suffit d’écouter un morceau comme « Rien de grave« , produit par Le Seize, pour s’en rendre compte.

Quelles sont vos influences rap ? Quand on est Belge et entouré de voisins néerlandais, français, allemands…

JJ : De partout et de toutes les époques. Personnellement, mes premières influences en flow sont new-yorkaises : Nas, Big L, Prodigy de Mobb Deep, Kool G Rap ou plus récemment des gens comme Action Bronson ou A$AP Rocky. J’aime beaucoup le style TDE, avec une préférence pour Ab-Soul. En francophonie, je suis un vieux fan d’Akhenaton qui, selon moi, a écrit les textes les plus intéressants du rap français. Aujourd’hui, j’écoute de tout. Pas forcément du rap d’ailleurs. La Belgique est un pays de passage, le carrefour de l’Europe, et il y a un milliard de choses ou de personnes qui peuvent m’inspirer une idée.

C : Si je devais citer des noms d’artistes la liste serait beaucoup trop longue… Mais principalement du rap américain, du rap français et du rap belge. Il faut savoir que le rap français (surtout parisien et marseillais) a toujours été une grande référence pour nous les Belges. On était admiratif de nos voisins qui faisaient du si bon rap. C’est sûrement une des raisons pour lesquelles cette musique a pris place dans le Plat Pays.

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Fini les clichés de la BD ou des moules-frites, comme le football avec la génération talentueuse des Diables Rouges, le rap et la musique belge ont le vent en poupe en ce moment. Comment vous expliquez ce renouveau dans cette génération?

: Franchement depuis pas mal d’années déjà il y a du très bon rap ici, ce qu’il n’ y avait pas c’était des médias assez importants pour diffuser la musique. Ce qui a changé la donne c’est l’arrivée d’Internet, on a enfin réussi à attirer l’attention et diffuser le truc grâce à ces bons vieux réseaux sociaux !

JJ : Tout d’abord par la qualité et la quantité de travail qui a été fournie par cette génération. Les talents ont toujours été présents, il manquait juste un peu de boulot, d’unicité et d’ambition. Aujourd’hui nous sommes devenus un mouvement plus fort qu’il ne l’avait jamais été par le passé ! Aussi, il ne faut pas négliger l’apport des réseaux sociaux qui nous ont permis de faire notre propre promo et de nous exporter. Les outils promotionnels classiques (télé, radio…) mis a notre disposition sont très rares chez nous. On a charbonné pendant 10 ans avant de rencontrer le succès relatif de ses dernières années.

Quelle est votre sentiment justement sur les artistes émergents de la scène rap francophone belge (Hamza, Damso, Nixon, Négatif Clan…) ?

C : Comme je dis il y avait des très bons artistes auparavant et ça continue, c’est juste qu’on les voit et on a l’occasion de les écouter. Personnellement je suis un grand supporter de la nouvelle scène belge et plus précisément bruxelloise ! Force à tous mes collègues, on va tout défoncer (rires).

JJ : Ça me rend fier ! Je connais plus ou moins toutes les personnes que tu viens de citer et je sais que ce sont tous des bosseurs. Ils représentent le coté un peu plus mainstream de notre mouvement, sauf pour Négatif Clan bien-sûr, qui eux sont 100% street. Il y aussi des gens comme Roméo Elvis ou L’or du Commun qui ont rafraîchi notre mouvement avec un style super original. Force à tous ces gens !

Vous vous connaissiez avant d’entamer cette collaboration, vous aviez vous-mêmes déjà collaboré d’une autre façon en 2014 avec « Le pont de la reine ». Comment en êtes-vous venus à décider de faire un projet entier ensemble ? 

C : Encore une fois très naturellement. On travaille tous les deux au Blackared, le studio d’amis de longue date. Tout est fait en famille, du coup l’aventure qu’on avait commencé avec « Le Pont de la Reine » a continué mais cette fois sous une autre forme,  la Double hélice.

JJ : On fait du son ensemble depuis quelques années déjà, bien avant « Le pont de la reine ». C’est venu très naturellement. On a créé le morceau « Yessai » en premier sans se dire qu’on était parti pour un 10 titres. On s’est dit qu’on tenait une belle cartouche et qu’on ferait bien d’autres morceaux ensemble. 1 an plus tard, Double Hélice était né.

Pourquoi ce projet commun alors que aviez déjà connu une longue expérience en groupe/collectif respectivement ?

: C’était une expérience qu’on voulait tous les deux vivre , on en parlait depuis assez longtemps déjà mais le truc s’est officialisé après qu’on ai fait « Yessai » . On a trouvé le résultat vraiment intéressant et réussi donc on s’est dit que c’était le bon moment d’unir nos forces !

JJ : Bon ok je vais te dire la vérité :  Caballero m’a proposé une mallette pleine de billets de 500 contre deux ou trois prods et quelques couplets. Voilà.

Lomepal, Le Seize, Hologram Lo’… Vous semblez apprécier le formule EP en duo, soit producteur/rappeur ou rappeur/rappeur.

C : Oui , j’aime beaucoup ces défis et expériences . En plus de ça, on se donne de la force mutuellement en s’unissant autour d’un projet. Que du positif !

JJ : Les duos dans le rap existent depuis le début. On ne fait que suivre des recettes classiques, en rajoutant quelques épices par-ci par-là. Sur scène nous devenons même un trio avec DJ Eskondo (Exodarap Crew). C’est une affaire de famille.

Caballero, comment s’est faite la rencontre avec Hologram Lo’ et l’affiliation à Don Dada ? Peux-tu décrire la nature de votre relation aujourd’hui et ton statut au sein de l’écurie ?

C : J’ai rencontré Lo’ via mon gars Lomepal au moment du projet Le singe fume sa cigarette. Une grosse amitié en est ressortie et depuis on avance parallèlement mais en se suivant et en se donnant de la force ! Plus récemment, ils m’ont fait confiance et m’ont demandé d’accompagner Alpha lors de toutes ses dates, histoire de backer, d’ambiancer les concerts et de faire quelques morceaux sur scène. Encore une fois, on unit nos forces pour aller plus haut. Je suis un affilié Don Dada sans que ce soit vraiment officiel même s’ils me traitent et me voient comme un membre du gang. Tout un honneur pour moi parce que je suis fan de leur image et de tout ce qu’ils font.

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Des mecs comme Alpha Wann, Hologram Lo’ avec 1995 ou L’entourage sont une inspiration pour vous ?

C : Évidemment, j’aime beaucoup ce qu’ils font et la façon dont ils entreprennent pour que leur musique aille le plus loin possible .

JJ : Certains d’entre eux sont devenus des amis comme Alpha ou Lo’, ça va au-delà du rap. J’ai beaucoup d’estime pour leur musique et leur démarche. Ils ont bouleversé le game en France et ils sont forcément devenus une grosse influence pour énormément d’artistes. Nekfeu nous a invité pour sa dernière date à Bruxelles devant des milliers de personnes ! C’est un geste fort que je n’oublierai pas. « Shout out » à la famille parisienne.

Vous n’êtes pas un groupe à proprement parler, néanmoins votre duo fonctionne. Envisageriez-vous de remettre le couvert ensemble si Double hélice est un succès? 

: Oui pourquoi pas, on en a déjà parlé. Maintenant il ne reste plus qu’à passer à l’acte !

JJ : Seulement si Caba me donne une autre mallette pleine de billets.

Pour finir, que feriez-vous si ne faisiez pas de musique aujourd’hui? 

C : Un job qui me ferait chier (rires) !

JJ : Je ne préfère pas me poser la question. Cette musique, c’est tout ce que je sais faire !

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C’est au cœur de Sevran, dans la cité de Rougemont, que nous sommes allés à la rencontre de Kalash Criminel, dernier phénomène à faire du bruit au delà des murs de la petite ville de Seine Saint-Denis. Avec « 10 12 14 Bureau », ils nous avait surpris avec un style énergique, des punchlines léthales et une insolente insouciance. Avec sa série « Sauvagerie », il finit de nous convertir à son style et l’occasion était trop belle pour manquer l’opportunité d’en découvrir un peu plus sur l’univers rap, les raisons du port de la cagoule, et les ambitions du rappeur. Sauvage !

Aux abords des beaux jours, G-Shock nous aide à mettre de la couleurs sur nos outfits et nos accessoires en lançant la collection Clean Military, qui comme son nom l’indique prend son inspiration chromatique des couleurs des tenues militaires, le fameux camouflage. On retrouve donc du bleu, de l’orange, du gris et du vert,  quatre coloris mates rappelant à la fois les treillis des soldats mais individuellement offrent de belles couleurs à marier à nos poignets en ces jours ensoleillés.

D’une construction simple et légère, la Clean Military possède la caractéristique d’être construit sur le boitier original G-SHOCK, construit en 1983; qui s’adapte à tous types de poignets et conserve la solidité , et les nombreuses caractéristiques (éclairage, chrono, étanchéité…) qui font l’ADN de la marque et de ses montres.

Placé sous le signe de la compétition, la montre a été adoptée notamment par Danny León, étoile montante du skate espagnol et déjà un des meilleurs skateurs d’Espagne, à seulement 22 ans.

 

 

Dans nos bureaux, nous avons notre propre ambassadeur en la personne de Supa, notre DJ star,  qui arbore avec élégance et pas mal de nonchalance aussi, la Clean Military.

 

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Post sponsorisé
La Clean Military est disponible en magasin ou sur le site de G-Shock dès maintenant en magasin au prix de 99€

Keeping Up With The Kardashians rempile pour une douzième saison. Voilà près de dix ans que la smala donne à voir les coulisses de sa vie paillettée et régale le public de ses aléas, bouffonneries, tendresses et crêpages de chignons. E! aurait allongé 100 millions de dollars pour renouveler et garder les droits de diffusion de l’émission jusqu’en 2020. Mais KUWTK n’est que la face émergée d’un empire gargantuesque et glouton que Kris Jenner, la matriarche, s’est ingéniée à bâtir à la seule force de ses bras. Portrait de l’éminence grise de la fratrie la plus célèbre du globe.

 

Family Affair

 

Mary Jo Campbell est un drôle de personnage. Piquant et pugnace. À 18 ans, elle épouse son amour de jeunesse puis divorce deux mois après. Une hérésie pour l’époque, l’Amérique des années 50. Moins de dix ans plus tard, elle récidive avec son deuxième mari, Robert Houghton, qui lui aura donné deux enfants. Son aînée, Kristen, n’a alors que sept ans. C’est seule que MJ élèvera ses rejetonnes. Elle en fera des femmes indépendantes, au caractère trempé. La matrone subira et vaincra également deux cancers, l’un du sein, l’autre du colon. Les chiens ne font pas des chats. Kristen est un roc, chapeautant d’une main de fer sa carrière et sa famille. « Ma mère me disait que je pouvais accomplir tout ce que j’avais en tête, et elle m’a appris à mettre la barre haute, à voir les choses en grand. Elle me l’a montré à travers sa force et sa persévérance », dira Kris de sa génitrice.

 

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Lorsque Kristen Houghton tombe sous le charme de Robert Kardashian, frisant la trentaine, elle a 17 ans. Kris travaille un temps comme hôtesse de l’air avant de se consacrer pleinement à sa maisonnée, dans les hauteurs chics de Beverly Hills. La vie du couple Kardashian semble une capture de Desperate Housewives. Lui, avocat et “vieux beau”, gagne grassement sa vie. Elle, femme au foyer, choie sa nichée, fait la popote et tue le temps. Le week-end, la paire retrouve sur le court ses amis Nicole et O.J. Simpson, armée de raquettes et de survêt’ Fila. À 30 ans et quatre enfants – Kourtney, Kim, Khloé et Robert Jr – Kris tourne en rond. Et part s’étourdir en douce dans les bras d’un autre. Robert l’apprend, résilie sa carte bleue et la flanque à la porte. « J’ai perdu mon mari, mes amis, ma maison et presque la tête », larmoiera Kris dans ses mémoires, Kris Jenner … And All Things Kardashian. Elle accusera lourdement le coup jusqu’à sa rencontre avec Bruce Jenner, un ancien champion olympique à la bonne gueule et au grand cœur. Les deux s’amourachent mais sont ruinés. Avant Kris, Bruce vivait dans un bungalow une pièce. Mais la brunette n’est pas femme à s’abattre. C’est elle qui s’escrimera à promouvoir les discours de motivation et le livre du décathlonien, Finding the Champion Within, auprès de tout ce que le pays compte d’influenceurs. « C’était un mélange de sang, de sueur et de larmes, d’enthousiasme, de détermination. », rembobinera la businesswoman. Elle poussera aussi son homme à réaliser une série de vidéos de workout. De quoi mettre du beurre dans les épinards et lui faire prendre pleinement conscience de son potentiel. Bruce aura été son premier vrai projet. « La raison pour laquelle je travaille autant, c’est Kris. », confiera l’athlète. « Je me suis débarrassé de tous les agents, managers et étrangers qui voulaient profiter de moi. Kris sait comment garder les pourcentages que tous les autres essaient de récupérer, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien pour le vieux Bruce. Elle m’a refaçonné des pieds à la tête. » Le tandem enfantera deux bambines, Kendall et Kylie. En 2003, Robert Kardashian, l’ex, mourra d’un cancer de l’œsophage.

 

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Début 2007, les médias font leurs choux gras des ébats filmés du chanteur de r’n’b Ray-J avec sa petite-amie, Kim, une copine de Paris Hilton, jolie plante aux courbes voluptueuses. Kris, la mère de l’aspirante starlette, qui mûrissait depuis des mois l’idée d’une télé-réalité autour de sa tribu élargie, flaire le filon. Plutôt qu’une bévue, elle voit là une opportunité. Son concept d’émission a brutalement gagné en désirabilité. Rendez-vous est pris avec le producteur Ryan Seacrest. Hésitant, Seacrest enverra d’abord une équipe filmer le clan lors d’un barbecue, pour tester la « marchandise». « On a un show. Ça va être génial ! », s’écrira-t-il immédiatement après le tournage du pilote, conquit par la loufoquerie de la famille. E! a visé juste. Keeping Up With The Kardashians fera grimper la chaîne en orbite. Dans sa critique du premier épisode, diffusé sept mois après la sortie de Kim Kardashian Superstar, le New York Times décryptera : « En tant que parent, la mère de mademoiselle Kardashian, Kris Jenner, était préoccupée pour sa fille. Mais en tant que manager, elle s’est dit : ”Wow, c’est super.” » En apparence, Kris s’alarme. En réalité, elle boit du petit lait. Le sexe fait vendre et jamais une « celebrity sex tape » n’aura connu autant de succès. Dès le départ, Kim Kardashian s’est imposée comme l’attraction de l’émission.

 

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Keeping Up With The Kardashians décolle et explose. 1, 2, 3 … puis 11 saisons défilent. Kris Jenner rêve d’en faire 26. Le premier épisode aura ameuté 898 000 curieux, le dernier quelques 2 millions. Planquées dans les plafonds de la maison de la matriarche, les caméras tournent 10 à 12 heures par jour, parfois plus. La dynastie Kardashian est devenue la plus bankable du monde pop. Chacun de ses membres est multi-millionnaire. En créant la marque Kardashian, Kris Jenner a édifié un royaume. Très vite, elle s’est empressée de faire parapher à tour de bras des contrats publicitaires ou de licences à sa progéniture. Pour des bracelets, des chaussures, des sucettes, des vernis et autres produits de beauté, du prêt-à-porter ou même une liqueur, alors que Kim ne boit pas. Tous sont à la tête d’une ou plusieurs entreprises à succès. Y compris Rob, le mouton noir, avec ses chaussettes bariolées Arthur George. De son côté, Kris, la tête pensante, a la haute main sur sa société de production, Jenner Communications, sa ligne de bijoux en perles de Majorque, sa collection de vêtements, The Kris Jenner Kollection, la marque de soins Perfect Skin, la boîte de pilules de régime Quick Trim et les parfums de Kim et de Khloé. En septembre 2017, elle ouvrira aussi une école de commerce à Dubaï. Surtout, elle manage ses six poules aux œufs d’or et produit Keeping Up With the Kardashians ainsi que sa flopée de spin-offs, Kourtney and Khloé Take Miami, Kourtney and Kim Take New York, Khloé and Lamar et Kourtney and Khloé Take The Hamptons. Chacune des émissions à laquelle son nom s’inscrit au générique se pose en vitrine des produits griffés Kardashian/Jenner. Ainsi de la fragrance unisexe de Khloé et Lamar Odom par exemple, Unbreakable, dont KUWTK avait chroniqué le processus de création. De la même manière, Jenner avait malignement mis en avant ses petits-enfants Mason et Penelope au moment de l’extension de la ligne Kardashian Kids aux bébés. Peu de temps avant, Kourtney avait annoncé sa troisième grossesse. D’après The Hollywood Reporter, la nouvelle avait été vendue 300 000$ à la presse, sexe de l’enfant et photos à la clé. Kris est une communicante hors pair.

 


« Après la diffusion de la sextape, en tant que parent, la mère de mademoiselle Kardashian, Kris Jenner, était préoccupée pour sa fille. Mais en tant que manager, elle s’est dit : ”Wow, c’est super.” » New York Times


 

Jenner a compris avant tout le monde que l’hyper-médiatisation avait tué la notion de secret. Si tout finit par se savoir, mieux vaut en contrôler qu’en subir la divulgation. Alors elle montre et capitalise sur tout, les naissances, les mariages, les ruptures, l’alcoolisme, l’addiction au crack ou le changement de sexe des uns et des autres. Rien ne l’effraie. Sa fortune culminerait aujourd’hui à 40 millions de dollars. Pas folle, en 2012, elle dépose le mot-valise « momager » auprès du bureau américain des brevets et marques de commerce. À vrai dire, elle n’a pas inventé le terme, mais lui a clairement donné tout son sens. Elle cumule et entremêle plus que quiconque les rôles de mère et de manager. « Ce job requiert que je ne vive, respire, mange, dorme que pour ça, 24/7. », confesse-t-elle.

 

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Kris est une bûcheuse acharnée. Elle s’évertue à transmettre son éthique de travail à ses enfants, qui suivent religieusement ses préceptes et ses pas. « Tout le monde dans ma famille se lève à quatre ou cinq heures le matin et travaille vraiment dur toute la journée. », rapporte-t-elle. Celle qui aime jouer les gourous publie à la pelle des mantras motivationnels sur les réseaux sociaux. « You did not wake up today to be mediocre » (« Vous ne vous êtes pas levé aujourd’hui pour être médiocre ») ou « Sometimes you have to stop thinking so much & go where your heart takes you. » (« Parfois vous devez arrêter de trop réfléchir & aller là où votre cœur vous mène ») peut-on lire sur son compte Instagram.

Le seul des projets de la sainte-patronne qui but la tasse, c’est son propre talk-show, Kris, stoppé net après un an de diffusion sur la Fox, faute d’audience. En réalité, Kris Jenner peine à exister par elle-même. Sur son Instagram à 12 millions d’abonnés, elle se fait l’attachée de presse de ses filles, en les « regramant », relayant leur actualité et leurs plus beaux clichés, qu’elle hashtague #proudmama. Sa propre vie passe en second plan. Si sa marmaille n’existerait pas sans elle, la réciproque est aussi vraie.

 

Machine à cash

 

En tant que manager, Kris Jenner empoche 10% du cachet de ses enfants. Plus ils concluent de deals, mieux elle est payée. Alors, tout est prétexte à faire du blé. A commencer par la sextape de sa fille. Dans son ouvrage Kardashian Dynasty, Ian Halperin clame que c’est bien Kristen qui aurait négocié un contrat avec Vivid Entertainment, magnat du X, pour diffuser ladite vidéo. Pas étonnant quand on sait qu’elle encouragera quelques temps après Kim à se dévêtir pour Playboy, alors que celle-ci se montre hésitante. De toute évidence, Jenner a fait de la plastique retouchée de ses filles son fonds de commerce. Et les pousse toujours plus vers l’hyper-sexualisation. Il n’y a qu’à voir sa petite dernière, Kylie, à peine majeure, dont les seins et la bouche déjà gonflés déjouent la norme. Bruce est lui-même monté au front pour accuser son ex de forcer ses filles à recourir au bistouri. Mais pour préserver les siens, Kris accepte volontiers d’endosser le rôle de mère avide que l’on veut à tout prix lui coller. Elle préfère de loin être la cible des attaques, au bénéfice de ses protégés.

 

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« Vous savez ce qui attire Kris? Le pouvoir, le pouvoir, le pouvoir. Et l’argent », invectivait Karen, la sœur de Kristen, dans une interview. Kris mercantilise tout ce qu’elle effleure. Elle fait notamment peu cas du romantisme ; les sentiments, elle les transforme en dollars. Kim’s Fairytale Wedding, émission en deux parties consacrée au mariage ultra-sponsorisé de Kim et Kris Humphries, fourmillait ainsi de placements de produits, du site LivingSocial aux hôtels Palazzo et Venetian de Las Vegas, en passant par la créatrice de mode Vera Wang. Pire, les Kardashians semblaient à peine connaître et considérer l’époux. L’union, qui sentait le préfabriqué à plein nez, n’aura pas tenu plus de deux mois. Kris aura aussi désespérément essayé de forcer le mariage de Kourtney et Scott Disick en vue de booster les audiences de KUWTK. En vain. Il y a certaines choses qui ne s’achètent pas.

 

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Obnubilée par les billets verts, affairée à gérer son business, Jenner n’entend pas toujours la détresse de ses enfants. Comme cet épisode de KUWTK où Khloé, éreintée par ses nombreuses obligations, réclame de souffler : « Qu’est-ce qui est le plus important, le travail ou la santé de ta fille ? ». Ou cet autre, où Kylie, souvent lésée, confie à Bruce ne pas avoir parlé à sa mère – trop occupée – depuis deux semaines. Entre la parente et la manager, Kris ne sait parfois plus qui elle est. « Parfois, je parle à Khloé comme sa mère. Soudainement, elle se retourne et dit : ”Je suis ta cliente, tu ne peux pas faire ça.” Même si ce sont mes filles, ce sont aussi mes clientes et elles méritent le respect.», livre-t-elle.

Kris est réputée dure, intransigeante. Despotique. Il y a trois ans, le magazine In Touch révélait ce qu’il présentait comme des extraits de journaux intimes du père Kardashian. « Kris était en train de frapper [Kim] et de la battre et elle disait qu’elle allait la tuer!« , aurait écrit Robert en août 1989. Un peu plus tard, il aurait évoqué un coup de téléphone de Kourtney, « en pleurs et hystérique« , se plaignant que sa mère lui tire les cheveux et lui torde les bras. Dans une interview au Vanity Fair l’année dernière, sa première en tant que Caitlyn, Bruce dépeignait à son tour une Kris castratrice, qui l’aurait maltraité et contrôlé durant des années. Il faut dire que KUWTK ne s’attachait pas à soigner son image. Bruce y apparaissait comme un homme apathique, vulnérable et dominé, dont l’avis ne comptait pas. Autant d’anecdotes qui nourrissent le mythe de Kris Jenner, figure aussi fascinante que détestable. « J’imagine que si je deviens un peu bizarre et râle à propos de quelque chose qui ne va pas dans le sens que je voudrais, ça s’appelle ”contrôler” », se défend de son côté l’intéressée.

 


« Vous savez ce qui attire Kris? Le pouvoir, le pouvoir, le pouvoir. Et l’argent » Karen, sœur de Kris Jenner


 

À la fois rivales et amies, Kris et ses filles entretiennent une relation ambigüe. Fusionnelle et pathologique. En fait, Kris projette sur ses héritières ses rêves et ses espoirs déchus. Elle vit à travers elles la jeunesse qu’elle n’a pas eue. Sous couvert d’agir pour leur bien, elle sert ses propres intérêts et désirs. Ses aspirations sont si palpables et pressantes qu’elles étouffent celles de ses enfants. Plutôt qu’encourager, Kris oblige, même à demi-mot. Inconsciemment, ses avortons absorbent ses ambitions. Kylie et Kendall, qui ont grandi sous l’objectif des caméras, n’ont pas eu le choix ni le temps de sentir et de savoir ce qu’elles désiraient, d’essayer, de tomber, de douter et d’apprendre. Soumises au régime médiatique imposé par Kris dès leur plus jeune âge, elles n’auraient pu échapper au même destin que leurs demi-sœurs, il était déjà tracé.

La momager admire ses filles, auxquelles elle se plaît à s’identifier, mais non sans un brin de jalousie. Difficile de le nier, Kris Jenner court après une jouvence éternelle. Ses nombreuses opérations de pimpage esthétique, incluant liposuccion, augmentations mammaire, rhinoplastie, botox et lifting, lui auraient coûté la bagatelle d’1 million de dollars. Kris assume, avait même invité les caméras de KUWTK à la suivre jusqu’au bloc pour sa deuxième chirurgie des seins. À 60 ans, elle ose les mini-robes, les maxi-décolletés, le moulant, le transparent, et chipe régulièrement dans la garde-robe de ses filles. Et alors qu’elle paonne aux côtés de Corey Gamble, son nouveau mec de 25 ans son cadet, la romance serait en vérité montée de toutes pièces. Il se murmure que le toy boy percevrait un salaire mensuel de quelques dizaines de milliers de dollars pour passer du temps et se montrer avec Kristen, s’occuper de ses petits-enfants et satisfaire ses desideratas. Quand on construit sa carrière sur sa propre image, rien n’est laissé au hasard. Tout est calculé et orchestré.

 

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« On dit souvent que la vie est une danse, et j’apprends en permanence de nouveaux pas. », professe Kris Jenner dans sa biographie. Quoi qu’il en soit, elle ne trébuche jamais.

 

Passer la nuit debout… Les Parisiens l’avaient sûrement tous déjà fait pour s’enivrer, pour un salaire ou en cherchant le sommeil. Mais cette fois-ci, elle a une saveur nouvelle. Le rassemblement de la Nuit Debout place de la République part d’une volonté de voir et de sentir, de parler et de toucher. Avide de contact humain, il veut rompre la logique d’isolement de l’état d’urgence et des écrans blafards : que les histoires des uns deviennent celles des autres, être réunis ensemble dans le malheur et le bonheur.

Article écrit avec Noise la Ville 

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Le rendez-vous a un lieu mais pas d’heure, il est permanent. D’ailleurs le calendrier est resté suspendu à cette fin du mois de mars qui a vu naître le mouvement. Comme le décompte d’une nouvelle ère, nous sommes aujourd’hui le 61 mars selon le calendrier révolutionnaire au lieu du samedi 30 avril. Plus qu’un rendez vous, il s’agit d’une invitation où rien n’est déterminé et tout est à faire. Un potentiel citoyen où l’on peut se regrouper et créer : de la musique, des amitiés, pourquoi pas une nouvelle Constitution.

Alors évidemment le mouvement émerge d’une colère trop longtemps tût, et qui rejaillit parfois en cris et en coups de dents. Bien sûr, le mouvement hérite d’une certaine tradition française qui aime bien occuper la rue, faire du bruit et déranger l’ordre établi. Bien sûr, il est teinté de l’idéologie anticapitaliste et d’une tendance révolutionnaire. Bien sûr, l’horizontalité à tout prix – c’est à dire la volonté de ne pas avoir de leader et de garder un système où le vote reste maître – est source de ralentissements et de lourdeurs dans le fonctionnement quotidien et les débats. Bien sûr, la foule n’est pas très diverse. Car pour en être il faut avoir du temps, des convictions et un peu d’espoir.

 

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Toutes ces remarques ne doivent pas obscurcir la nouveauté et la fraîcheur du phénomène, car il réunit des méthodes démocratiques et une jovialité inédite, issues respectivement du mouvement des indignés espagnols et du message solidaire de Merci Patron (le film de François Ruffin). Ce serait alors faire preuve d’un dédain sourd ou d’un pessimisme résolu que de repousser d’un revers de main le laboratoire démocratique qui s’est installé sur la place de la République. Après tout, « un vrai mouvement politique transformateur fonctionne aux deux ingrédients que sont la colère et l’espoir » comme dirait Frédéric Lordon (Monde Diplomatique minute 31).

 

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YARD a donc envoyé pas un mais deux David à Nuit Debout, un pour écrire et un pour photographier les gens qui fourmillent sur cette place. Ces portraits ont été faits à différents moments des deux dernières semaines.

Photographe : David Maurel

 

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« Politisée non, en colère oui. » Agathe


 

Agathe a 19 ans et un skate sous le bras. Tout juste arrivée à Paris, elle se précipite Place de la République avec sa pote Salomé. À Nantes, elle s’est faite gazer pendant la Nuit Debout. Elle résume sa position en quelques mots : « Politisée non, en colère oui ». Alors elle vient tâter l’ambiance, voir ce qu’il se passe. Salomé dont la mère est fonctionnaire et engagée, ne sait pas trop quoi penser de la loi El Khomri : « Je n’ai pas bien compris quel était le problème avec cette loi. Il paraît qu’il y a de bonnes idées dedans, que tout n’est pas à jeter ». Pendant qu’on discute, Matthieu et Rolf arrivent avec un arbuste dans un pot. Sur l’arbuste on peut lire un écriteau « Tree Hugs ». Ils sont là tous les deux pour défendre leur film qui sort en salle le même jour. Rolf est un réalisateur néerlandais qui est parti à la rencontre des communautés primitives aux quatre coins du globe. Les gens s’agglutinent lentement autour de l’arbuste pour lui faire des câlins, Agathe et Salomé ont disparu.

 

 

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« La France prend des milliards à ses anciennes colonies africaines et personne n’en parle. » Malandjo


 

Trois cartons et une pancarte constituent un stand, derrière lui se tient Malandjo. On le croise depuis le début, parfois habillé d’une combinaison de ski Killy ou d’un pull de sapeur pompier. Il nous explique qu’il a reçu une interdiction d’aller sur la Place de la République pour « danse non autorisée », alors il met un point d’honneur à y être tous les jours pour gérer la commission Françafrique qu’il a initié. « La France prend des milliards à ses anciennes colonies africaines et personne n’en parle. Ces pays sont parmi ceux d’Afrique qui vont le plus mal, le franc CFA pèse beaucoup sur leur économie ». La corruption des élites africaines organisée par la France, la fin du franc CFA, le départ des armées françaises, autant de sujets qui agitent les esprits de la commission Françafrique. « Il y a un déni des deux côtés, en Afrique et en France. Il faut que les gens parlent, il faut les psychanalyser ». Parler, c’est pour ça que Mickael est venu. Lui qui a fait sa carrière exclusivement dans la fonction publique (Ministère de l’Éducation Nationale, CNIL, DGA, Fond de Garantie) nous explique la culture de pensée unique qui lui a été imposée à ses différents postes. « On m’a appris à fermer ma gueule et à ressembler aux autres : je ne bois pas, on a voulu que j’aille à leurs cocktails, que je mette des costumes et que j’aie une voiture de service. Ici enfin je peux essayer de parler, d’être moi-même ». Il regrette donc que Finkielkraut ait été insulté et jeté hors de la place de la République un soir par quelques agités. Pour lui, même Marine Le Pen devrait pouvoir venir librement. Malandjo, reprend alors la parole. Il nous explique pourquoi il est vraiment là : « La Nuit Debout c’est une grosse hypocrisie ! Ils ont des ambitions politiques, ils veulent faire un truc à la Podemos, c’est pas eux qui vont froisser qui que ce soit. Moi je veux que le 1er mai, on bloque tout. On réécrit une constitution avec le peuple et on passe à la 6ème République ! »

 

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« Le monde ne va pas bien, c’est important que les gens se rassemblent comme ça, avec différentes origines et différents combats. » Musa


 

Musa me tape sur l’épaule alors qu’on écoute une interview de la TV Debout. Il me demande si je parle anglais. Puis, il pointe du doigt les centaines de personnes assises pour l’assemblée populaire juste derrière nous en me demandant ce qui se passe ici. Après quelques explications il conclut en anglais : « Ils se rassemblent pour faire que la vie soit meilleure ? »

Musa approuve de la tête et nous explique qu’il est réfugié afghan. Il a vécu un an en Angleterre comme interprète pour ses compatriotes, avant de venir en France il y a quelques mois. Il est logé et aidé par une association qui lui apprend le français. Il se moque de moi quand je demande s’il a des contacts avec sa famille restée en Afghanistan : « Tous les jours, grâce à Internet. » Il nous demande ensuite si la question des migrants est abordée à la Nuit Debout. On acquiesce et lui explique que la veille un groupe de Syriens a rejoint la foule avec des pancartes, que certains ont pris la parole devant l’assemblée populaire. Une fois de plus il approuve : « Le monde ne va pas bien, c’est important que les gens se rassemblent comme ça, avec différentes origines et différents combats. »

 

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« La France est un pays de victime, ceux qui sont là pour boire et fumer des joints décrédibilisent le mouvement. » Rose Marie


 

Rose Marie a une bière à la main et un fort caractère. Elle vient de Versailles et fait un Master de sociologie. En tant que femme noire, elle se sent doublement stigmatisée en France. Alors depuis le 31 mars, Rose vient là quasiment tous les jours et s’implique dans différentes commissions. C’est sa façon de faire porter sa voix dans un débat public afin de peser sur les problématiques abordées. Son regret est que la Nuit Debout ne produise pas davantage d’actions réelles. Pour l’instant ça brasse du vent nous dit-elle. « La France est un pays de victime, ceux qui sont là pour boire et fumer des joints décrédibilisent le mouvement. » C’est ce moment que choisissent quelques d’idiots pour emmerder un groupe de filles au loin. Rose Marie tend la tête vers eux, plisse les yeux et disparaît en un instant. Si on la perd du regard, on l’entend distinctement engueuler les types quelque part dans la foule.

Il serait malhonnête de ne pas parler des nombreuses gouttes d’eau qui, une après l’autre, ont fait déborder le vase. Car il y a bien un vase quelque part qui déborde, pour que des CRS et des citoyens viennent se frotter comme cela chaque soir, avec l’ardeur des jeunes amants. En vrac : la loi travail, l’état d’urgence, la déchéance de nationalité, Notre Dame des Landes, la forfaiture du PS, les salariés de Goodyear, la montée de l’extrême droite ou même la défaillance des grands médias à lever les yeux de leur guidon. Mais à s’attarder sur les causes et les colères, on se détourne du cœur du sujet : ce rassemblement spontané que personne n’arrive à expliquer. En effet, la foule qui s’amasse jour après jour dans la rue ne sait pas vraiment ce qu’elle veut. Dessiner ses contours prendra un temps que l’impatience médiatique n’a pas. Et comme tous ne sont pas Parisiens, chaque ville de France s’empare progressivement de cette fièvre.

 

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« Vers 5h du matin la troisième nuit d’occupation, les flics se sont approchés pour nous virer, mais en fait ils étaient en sous-nombre. On les a encerclé ! Ils ne pouvait rien faire, alors ils ont enlevé leurs casques. Certains se sont assis avec nous, d’autres sont repartis vers leurs camions. C’était une victoire extraordinaire. » Clémentine


 

Sous la tente de la cantine, tout le monde connaît Clémentine. Maman joviale et bariolée, autoproclamée « la cantinière », c’est elle qui gère les stocks de nourriture. Elle vient tous les jours depuis le début de la Nuit Debout, et nous dit qu’elle vit le mouvement à fond. « Ici on est tous volontaires et déterminés, moi je suis là pour partager ma bonne humeur ». Elle nous raconte avec excitation la nuit où les CRS ont renoncé à les expulser. « Vers 5h du matin la troisième nuit d’occupation, les flics se sont approchés pour nous virer, mais en fait ils étaient en sous-nombre. On les a encerclé ! Ils ne pouvait rien faire, alors ils ont enlevé leurs casques. Certains se sont assis avec nous, d’autres sont repartis vers leurs camions. C’était une victoire extraordinaire. » Elle regrette pourtant leur stratégie d’épuisement, à venir systématiquement saper les efforts des occupants et vider la place des installations éphémères. Un matin ils viennent avec un bulldozer raser la cabane en bois qui a été construite. Clémentine n’était pas là, heureusement. Elle nous dit qu’elle aurait pleuré. Un après-midi, ils jettent même une marmite de Mafé aux égouts. L’indignation se répand sur Twitter où les photos du « MarmiteGate » ou « MaféGate » sont partagées en masse. Sous les tentes, les CRS sont alors rebaptisés « Compagnie des Renverseurs de Soupe », et le lendemain la cantine reprend son travail de plus belle. « Ils ne nous mettront pas à genoux en tout cas, on tiendra bon ».

 

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« On pense souvent que le droit est là pour peser sur les gens et les victimiser, que c’est une structure contre les mouvements sociaux. Mais il peut être un moyen de lutter contre un patron tyrannique par exemple. » Anis


 

Anis et Xavier sont deux jeunes juristes, ils sont installés derrière le cordon de la commission juridique. Ils nous expliquent qu’au début de la Nuit Debout, l’avocat Dominique Tricaud est venu observer les événements et a décidé d’aider le mouvement de la meilleure façon qu’il pouvait. Il organise depuis un stand d’aide juridique et y réunit quelques volontaires. « Il faut voir ça comme du premier secours juridique » nous explique Xavier. « Les gens viennent nous poser des questions sur le droit au logement, le droit du travail, les questions familiales… Il s’agit de résoudre des problèmes du quotidien qui peuvent pourrir la vie de ceux qui sont en précarité juridique. » Anis ajoute « Évidemment on ne peut pas tout savoir alors parfois on redirige vers un conseiller syndical, une association ou un médiateur ». Tous les deux voient leur service comme profondément politique : « On pense souvent que le droit est là pour peser sur les gens et les victimiser, que c’est une structure contre les mouvements sociaux. Mais il peut être un moyen de lutter contre un patron tyrannique par exemple. » Cette posture est d’ailleurs cause de friction au sein de la profession. Certains ne veulent pas travailler gratuitement puisqu’il existe déjà des structures d’assistance juridique gratuite ; d’autres au contraire aident avec plaisir, et leurs raisons vont de la charité chrétienne à la sympathie politique avec le mouvement. Ainsi, les jeunes avocats prennent part au modèle qui se généralise Place de la République qui veut que chacun puisse apporter son savoir et apprendre avec les autres dans une sorte d’école ouverte et participative. Proposé lors d’une assemblée par un physicien, le #SciencesDebout fédère ces initiatives.

 

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« C’est cool que les artistes soient à la masse pour une fois, ça en dit long sur l’industrie musicale en France qui à mon avis est verrouillée par quelques labels et quelques tourneurs. » Arthur


 

On va d’abord voir Arthur parce qu’on le reconnaît. Il est l’un des guitaristes du groupe Moriarty. Le problème c’est qu’il est occupé : casque sur les oreilles, notes sous les yeux, et console dans un coin de l’œil, il participe à l’émission de Radio Debout. On s’approche lui souffler notre envie d’interview à l’oreille et il répond sans l’ombre d’une hésitation. Aucun souci, par contre, il doit d’abord s’occuper d’un duplex avec New York.

Une heure plus tard on le retrouve, tout souriant, soulagé d’avoir fini son interview avec la Courage Foundation (organisme d’aide financière à la défense des lanceurs d’alerte). Il nous présente Radio Debout en quelques mots : l’émission dure quatre heures par jour et rassemble des témoignages, des portraits, des extraits de l’Assemblée… « La radio n’est pas trop engagée politiquement, excepté bien sûr la retransmission des assemblées qui en soit est une prise de position. » Elle est conçue par des volontaires comme lui, professionnels ou non. « A part Moriarty, je travaille comme producteur chez France Culture. Habituellement je ne touche à rien, j’écris les sujets. Je me charge de l’histoire. Ici j’apprends aussi à gérer la technique, chacun apporte ses compétences et les partage, c’est très formateur ».

Arthur est venu sur son temps libre. Il souhaitait participer à cette expérience radiophonique et vivre la Nuit Debout de plus près, car « il s’y dit plein de choses dans lesquelles je me retrouve ». En faisant traîner son micro pour l’émission, il est surpris d’entendre à droite et à gauche des prises de paroles d’enseignants, d’ouvriers, autant d’actifs qui sont sur le terrain et savent de quoi ils parlent. Pour lui l’intérêt de ce mouvement est de « démonter les mécanismes », d’apprendre et de comprendre comment le système fonctionne. « Les gens sont en colère mais ils sont joyeux, ce ne sera pas une révolution violente ».

Je lui demande alors pourquoi les artistes se tiennent à distance de la Nuit Debout, ou en tout cas ne prennent pas position. « C’est cool que les artistes soient à la masse pour une fois, ça en dit long sur l’industrie musicale en France qui à mon avis est verrouillée par quelques labels et quelques tourneurs. Si tu t’opposes à eux d’une manière ou d’une autre, tu es out ou alors tu es indépendant ». Il enchaîne : « C’est possible aussi que d’autres artistes viennent à la Nuit Debout discrètement tu vois, plein de modestie. Après tout le mouvement se veut horizontal non ? » À ce moment, je suis convaincu qu’il m’envoie un clin d’œil télépathique.

 

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« Ça y est, faut que j’y aille ! » Arsène


 

Arsène est à l’arrêt sur son vélo, penché sur son smartphone. Il porte une veste rose et un gros sac cubique sur le dos. Il a 19 ans et bosse comme livreur chez Foodora pour faire un peu d’argent. Le reste du temps il est apprenti en topographie chez SNCF. « Je passe par République tous les jours, c’est en plein milieu de mon secteur. Je suis sur Nation, République et Bourse ». Les grosses journées, il parcourt près de 40km, et se retrouve parfois à attendre au beau milieu de la Nuit Debout que les commandes tombent. « Honnêtement, je n’ai pas le temps de rester. Mais si je pouvais je resterais pour comprendre ce qui se passe, ça a l’air intéressant ». Curieux, il nous demande ce que l’on a compris du mouvement, quand son écran se met à clignoter. Il nous sourit, « ça y est, faut que j’y aille ! », et disparaît à toute allure.

Depuis 2010, année de sa fondation, Daily Paper n’a cessé de distiller son vêtement à l’esprit hybride, alliant une esthétique et un héritage africain à une ligne contemporaine et moderne. Après plusieurs années d’exploitation, la marque hollandaise poses officiellement ses bases dans la première boutique estampillé de son nom.

De toute évidence, le premier magasin et boutique vitrine de la marque ne pouvait voir le jour autre part qu’à Amsterdam, ville d’origine du collectif et endroit où toute l’histoire a commencé. Le design des 250 mètres carrés de surface de la boutique ont été conçus dans l’esprit de la marque, reprenant notamment les lignes et bandes caractéristiques des tees et chemises Daily Paper.

Pour ceux qui n’auraient pas un pied à terre à Amsterdam, vous pouvez toujours découvrir et vous procurer les collections Daily Paper sur leur shop online.

Daily Paper Store
Bilderdijkstraat 131
1053 KN Amsterdam
Lundi-Samedi: 12h-19h
Dimanche: 12h-18h

Pour connaitre l’histoire de la marque, relisez notre interview-rencontre avec le collectif Daily Paper dans notre rubrique In The Office.

 

5 décembre 2015. Paris Bercy. Booba quitte la scène. Les lumières s’éteignent. Un inconnu s’avance en douce, lesté d’un instrument à grosse calebasse, qu’il porte en bandoulière. Un silence parcourt la salle engorgée. Les spots se raniment. Dès les premières notes, la foule reconnait la mélodie de « Validée ». La version originale s’appelle en réalité « Ignanafi Debena ». Son auteur, Sidiki Diabaté. Rencontre autour d’une session acoustique…

 

Full interview > http://bit.ly/1SvxcM4

5 décembre 2015. Paris Bercy. Booba quitte la scène. Les lumières s’éteignent. Un inconnu s’avance en douce, lesté d’un instrument à grosse calebasse, qu’il porte en bandoulière. Un silence parcourt la salle engorgée. Les spots se raniment. Dès les premières notes, la foule reconnait la mélodie de « Validée ». La version originale s’appelle en réalité « Ignanafi Debena ». Son auteur, Sidiki Diabaté. Bientôt, le D.U.C. rejoint l’alchimiste. Le moment est unique, envoûtant, il marquera fatalement ses quelques 17 000 témoins.

Celui que beaucoup découvrent ce soir-là est en réalité une star dans son pays, le Mali. Sidiki Diabaté, fils de Toumani, porte sur ses épaules un héritage vieux de 700 ans ; il descend de l’une des plus grandes lignées de griots. À seulement 25 ans, « le prince de la kora » se taille une place au soleil en modernisant la musique traditionnelle mandingue qu’il mâtine d’accents électroniques, hip-hop, pop et zouk. Rencontre.

 

 

 

Peux-tu d’abord te présenter pour ceux qui ne te connaitraient pas encore ?

Moi c’est Sidiki Diabaté aka Diabateba music. Je suis malien. Je suis musicien, auteur, chanteur, compositeur. Un jeune artiste avec des rêves. Je suis le fils de Toumani Diabaté et je viens d’une grande famille de griots, de 700 ans existence. Nous jouons de la kora de pères en fils, je fais partie de la 72ème génération.

 

Qu’est-ce qu’un griot aujourd’hui ? La fonction a-t-elle évolué par rapport à ce qu’elle représentait autrefois ?

Oui, déjà un griot n’avait jusqu’ici jamais eu la chance de passer à la télévision ou de jouer à Bercy. Ça a beaucoup évolué mais le message continue de se transmettre d’une manière ou d’une autre. Nous qui sommes les ambassadeurs de la culture africaine, nous continuons de prôner la paix à travers notre musique, nous parlons de situations comme celle de Lampedusa ou du terrorisme.

 

Tu as commencé la musique à quel âge ?

D’abord on naît griot, on ne le devient pas. Il paraît que j’ai donné mon premier temps à l’âge de deux ans. Chez nous, les premiers jouets ce sont la kora, le balafon ou un petit djembé. Chez vous c’est un ballon ou des peluches.

 

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Quand est-ce que tu as commencé à avoir une vraie bonne maîtrise de la kora ?

Je ne dirais pas que j’ai la maîtrise car chez nous on ne termine jamais l’apprentissage. Je ne suis qu’un élève, je continue toujours d’apprendre avec le maître. Mais je dirais qu’à partir de 10 ou 12 ans j’ai commencé à vraiment savoir jouer.

 

Le chant est venu après ?

Oui, avec ma mère. C’est une grande chanteuse, c’est elle qui m’a appris à chanter.

 

De quels autres instruments tu joues ?

Du clavier.

 

Le fait d’être le fils et le successeur désigné de Toumani Diabaté et de porter le même nom que ton grand-père, « le roi de la kora », ce n’est pas un héritage lourd à porter ?

Non, il y a juste des principes qu’il faut respecter, transmettre le message comme il faut. Un griot c’est la paix, la bonté, « Heere » comme on dit chez nous, « le bonheur ». Si le monde était une personne, le griot serait le sang qui coule dans ses veines. Ca fait partie de moi, c’est ma carte d’identité. Je suis né pour ça.

 

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Quel genre de père Toumani Diabaté a été avec toi ?

Toumani Diabaté a été un père formidable. Il m’a beaucoup aidé, notamment lors de nos premiers concerts dans les stades ; imaginez un Toumani Diabaté à la régie, dans les coulisses, à la technique … [il rit]. Je lui dois tout.

 

Penses-tu qu’un jour l’élève dépassera le maître ?

Ah, l’avenir nous le dira ! Inch’Allah.

 

Il y a un livre qui est sorti sur ton histoire en 2008, Sidikiba’s Kora Lesson. C’était ton idée ?

Oui j’étais gosse mais c’était un peu mon idée.

 

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Le but c’était de vulgariser la musique mandingue auprès du plus grand nombre ?

En fait, je voudrais amener ma femme [il désigne sa kora en riant] là où elle n’a jamais été. Mon rêve est très simple, c’est de faire voyager cet instrument, qui est la carte d’identité de la musique mandingue, partout. Faire connaître ma culture. L’Occident ne connait que 2% de la culture africaine. Imaginez cette kora avec la voix de Céline Dion, ça serait magique. La kora est spéciale, elle a quelque chose de particulier, je ne peux pas l’expliquer, c’est comme ça.

 

Tu parlais de Lampedusa tout à l’heure. Tu avais fait une chanson avec ton père sur le sujet, sur votre album commun « Toumani & Sidiki ». Mais tes derniers morceaux en solo tournent plutôt autour de l’amour. As-tu toujours envie de faire passer des messages conscients ?

Oui, c’est ce que j’ai essayé de faire avec ma chanson « Douaou djabira » par exemple. J’y explique que tous les grands ont été traités de fous quand ils ont commencé. Parce que les gens n’y croyaient pas. Mais en fin de compte, si tu réussis, ce sont les mêmes personnes qui viennent te dire que c’est toi le number one. Ceux qui y arrivent sont ceux qui ont la foi. Avoir la foi c’est être spirituel, de croire en dieu. Le but de ce morceau c’était de remercier le bon dieu et mes parents, eux qui m’ont mis au monde et béni pour faire ce métier. Je continue d’essayer de faire passer ce message-là parce que je pense que dans la vie on doit créer une famille. Nous sommes esclaves d’un papier qu’on a créé qui s’appelle l’argent. Si on n’a pas d’argent, on est rien. Et ça ne devrait pas être le cas. On ne reçoit pas de facture à la fin du mois parce qu’on respire. Personne n’a été témoin du premier jour où le monde a été créé. Qui tient le ciel ? Qui tient la terre ? Personne ne le sait. Ce sont des questions que nous devons nous poser. On doit mettre la spiritualité, l’amour et l’humanisme au premier plan, la situation économique au second.

 

Dans ta musique, on entend tous types de sonorités et d’influences. Mais si je regardais dans ton téléphone par exemple, quels morceaux est-ce que je trouverais ?

En tant que compositeur, j’écoute de tout. Si on veut créer, on est obligés de tout écouter pour s’inspirer.

 

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Tu tiens à rester indépendant ?

Ca dépend. Je suis ouvert aux propositions qu’on me fera.

 

Avec quels artistes aimerais-tu collaborer ?

J’aimerais bien collaborer avec Céline Dion, j’aime beaucoup sa voix. C’est la seule voix française [sic] qui me fait pleurer. J’aimerais aussi faire chanter Beyoncé ou Alicia Keys sur ma kora, et pourquoi pas Jay-Z ou Lil Wayne. Tout le monde adore ce type de mélanges, les gens deviennent fous quand ils entendent ça.

 

Peux-tu nous expliquer la manière dont tu crées ?

Par exemple, je prends ce morceau traditionnel [il joue quelques notes sur sa kora]. Et si je prends l’accord comme ça [il rajoute un beat en frappant la caisse de l’instrument], vous le comprenez mieux, n’est-ce pas ? Je compose comme ça. Je prends les morceaux traditionnels de chez moi et j’en fais ce que je veux. Les paroles ça vient après et ça dépend de ce dont j’ai envie de parler, c’est la musique qui inspire mes mots.

 

Peux-tu nous parler de la scène hip-hop au Mali ?

C’est une scène qui est vraiment développée mais qui n’a pas d’aides, qui est vraiment rejetée. Moi j’ai eu la chance de travailler avec des grands, comme M ou Booba, de recevoir des prix et d’avoir été nominé aux Grammys une fois. Grâce à mon expérience, j’ai pu connaître de nouveaux genres musicaux et créer des choses différentes. La scène hip-hop de chez nous est vraiment vivante, les jeunes se battent. Au Mali, il n’y a pas de maisons de disques, il n’y a rien. Tout ce qu’on fait c’est de l’auto-production. Et c’est dommage, parce qu’il y a des vrais talents, avec des voix extraordinaires, inimaginables.

 

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Est-ce que tu vas retravailler avec Iba One ?

Iba One, c’est mon ami. On travaille toujours ensemble. C’est l’un des premiers qui a cru en moi. Quand j’ai commencé à composer, c’est lui qui m’a poussé en me disant « Gars, tu es mieux que Swizz Beatz, tu es mieux que Dre. Ce que tu fais, eux ne le font pas ». De son côté, lui aussi est parvenu à créer son propre style, qu’on appelle aujourd’hui « yèrèfô », c’est « se vanter ». On a grandi en même temps, on a fait beaucoup de choses ensemble. Il fait partie de moi, c’est mon frère.

 

Ces derniers temps, le rap français montre un regain d’intérêt pour la musique africaine. Après Mokobé, on l’observe aujourd’hui avec des artistes comme MHD ou Niska. Penses-tu qu’il y a une vraie tendance de fond derrière ça? Que ça va se populariser de plus en plus ?

En fait, je suis désolé de le dire comme ça, mais les gens en ont marre d’écouter de la merde. Ils veulent du vrai, de l’authenticité, un retour aux sources. C’est pour ça que maintenant tout le monde se tourne vers l’Afrique. Les artistes se servent des rythmiques africaines comme le diansa, ils chantent dessus et ça fait un tube alors que chez nous c’est des danses de baptême ou de mariage [il rit] ! Mais moi je pense que dans tout ça, c’est l’Afrique qui gagne. Booba en est la preuve, MHD en est la preuve, Niska en est la une preuve, Maître Gims en est la preuve, Black M en est la preuve, Lefa en est la preuve.

 

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Justement, quand Booba a repris ton morceau « Ignanafi Debena » pour « Validée », tu as eu une réaction très positive, en disant notamment que c’était, là encore, la culture africaine qui avait gagné. Finalement, ce qui compte vraiment pour toi, c’est que ta musique, et plus globalement la musique africaine, touche le plus grand nombre ? L’aspect financier c’est quelque chose qui ne t’importe pas plus que ça ?

L’aspect financier ça compte beaucoup pour un artiste pour vivre aujourd’hui. Mais quand j’ai commencé ma musique à la maison, je ne pensais pas à ça. J’ai l’amour de cet art, je l’aime vraiment. Par rapport à l’histoire de Booba, il faut dire que « Validée » a fait danser toute la France. Si Booba ne m’avait pas repris, ma musique n’aurait pas eu autant de répercussions. La communauté sénégalaise, guinéenne, ivoirienne … me connaissait déjà mais ça a donné encore plus de force à mon travail. Il faut reconnaître aussi que Booba n’est pas n’importe qui. Il ne va pas écouter de la merde. Donc s’il a écouté Sidiki Diabaté et qu’il a repris Sidiki Diabaté, ça veut dire que Sidiki Diabaté ne fait pas de la merde.

 

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Photos : @JesseLeBabtou

 

 

« Qu’est-ce que ça fait d’être fauché ? Je ne m’en rappelle plus. » Le rap français fourmille de plusieurs dizaines d’exemples de success-stories. Mais peu d’entre ceux-là ont réussi à profiter de cette exposition pour se muer en véritables hommes d’affaires multifacettes à l’américaine. Aujourd’hui installé sous les sunlights de South Beach, Booba en a adopté la mentalité en devenant un businessman redoutable à la tête d’un réseau d’activités tentaculaire, entre musique, mode et média. Vincent Bolloré sauce 92I. Puisque sa mémoire lui fait défaut dans « Talion », inutile de revenir sur les premiers jours de l’enfant des Hauts-de-Seine, mais plutôt sur les outils qui ont bricolé sa « carrière incroyable ».

Photos : HLenie

À quel moment t’es-tu rendu compte que tu aspirais à avoir un mode de vie différent de celui imposé par la société ?

Quand j’ai pris conscience des salaires, de ce qu’on te réserve. Comme je le dis dans le morceau « D.U.C » : « C’est pas la street mon idole, mais fuck le strict minimum. » Ça signifie que, quand tu es quelqu’un de « normal » avec un patron, que tu taffes de 9 à 5 et que tu as le salaire minimum, pour moi, c’est juste du combustible.

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Cette mentalité-là, tu l’as eue très tôt dans ta vie ?

Depuis très jeune, je n’ai pas eu envie de travailler. Je n’ai jamais aimé me lever le matin et je n’ai jamais aimé l’autorité, les profs, les patrons. D’ailleurs, je n’en ai jamais eu. C’est un peu mon caractère. Si je n’avais pas eu le choix, je l’aurais fait, mais j’ai voulu me débrouiller moi-même.
L’école ne m’intéressait pas. Charlemagne, je m’en bats les couilles, triangle isocèle, je m’en bats les couilles, histoire-géo, je m’en bats les couille, flûte, je m’en bats les couilles. Comme je le dis dans mes chansons : « Premier qu’en sport et en chant ». J’aimais la musique, j’aimais l’EPS, et c’est tout.

Avais-tu des modèles d’entrepreneurs quand tu étais jeune ?

Tout jeune je ne crois pas, mais en grandissant, oui. Il y a eu Jay Z, Puff Daddy, Russell Simmons… Des gens comme ça. Ils m’inspiraient parce qu’ils ont réussi dans leur passion et parce qu’ils faisaient ce que j’aimais aussi : de la musique, de la mode. Ce qui m’a donné envie de lancer ma marque de vêtements, c’est Puff Daddy avec Sean John. Ce sont des trucs qu’on n’avait jamais vu, surtout chez des Renois. Le fait qu’ils aient réussi m’a montré que c’était possible, ça m’a au moins donné l’envie d’essayer.

« L’école ne m’intéressait pas. Charlemagne, je m’en bats les couilles, triangle isocèle, je m’en bats les couilles, histoire-géo, je m’en bats les couille, flûte, je m’en bats les couilles. »

Quand tu as commencé à faire de la musique, quelles étaient les méthodes pour se faire connaître ?

Je dirais qu’il fallait être fort, il fallait être meilleur que les autres. C’est tout. À l’époque, c’était comme ça, il n’y avait pas de réseaux sociaux. C’est ta voix et ta performance qui comptaient et qui faisaient que le bouche-à-oreille fonctionnait, que ton nom ressortait.

Du coup, tu freestylais beaucoup en radio ?

J’allais à Générations, j’allais à Pluriel, bien plus tard j’allais à Skyrock dans les « émissions spé » : Cut Killer Show, Couvre-Feu. Il fallait être présent à beaucoup d’endroits. Tu peux comparer ça à de la boxe de rue. La seule technique pour s’en sortir, c’était d’être dans les bons tournois et de casser la bouche à tout le monde.

Quand tu formes Lunatic avec Ali et que vous faites Mauvais Œil, vous décidez de proposer le projet en major. Qui êtes-vous allés voir ?

Chez 45 Scientific, c’est plus Géraldo qui s’occupait de ça. C’est lui qui nous a organisé des rendez-vous avec un peu tout le monde ; du coup, je ne m’en souviens plus précisément, mais je sais qu’on est allés chez Sony notamment.

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Qu’est-ce qui ne passait pas vis-à-vis des majors ?

Nos gueules, nos propos, nos styles… Il n’y a rien qui passait, en fait. À cette époque, les binômes marchaient quand il y avait un Noir et un Blanc. Nous, c’était un Noir et un Rebeu et notre musique sonnait plus hardcore que les autres. Enfin hardcore… pour nous c’était notre quotidien, mais eux voyaient ça comme quelque chose de trop cru, trop franc, trop noir, trop sombre.

Quand vous décidez de monter une structure indépendante, comment vous vous organisez ? 

On bricolait, on se débrouillait. On louait des studios pour pas cher, on y allait, on enregistrait. Il n’y avait pas Internet, donc Géraldo déposait les vinyles à Châtelet avec une petite brouette. On avait des bureaux dans Paris où on stockait des cartons de vinyles. On était des artisans.

As-tu mis en place un plan de carrière rapidement ?

Non, c’était au jour le jour. Jusqu’à aujourd’hui, c’est toujours un peu au jour le jour [rires, ndlr].

« Avant les réseaux sociaux, le rap était de la boxe de rue. La seule technique pour s’en sortir, c’était d’être dans les bons tournois et de casser la bouche à tout le monde. »

Tu n’as toujours pas de plan ?

Non, puisque rien n’est normal dans le business de la musique et dans le rap. Toutes les portes sont fermées et je suis censé les ouvrir. En fait, je ne les force pas, je dirais que j’ai créé mes propres portes. C’est-à-dire que je n’essaie plus de rentrer sur NRJ, sur Fun Radio ou sur Europe 1… Donc, qu’est-ce que je fais ? Je lance ma propre radio. C’est fini de frapper aux portes, toc-toc-toc… J’ai passé l’âge, je ne suis plus en début de carrière. Maintenant l’avenir, c’est quoi ? C’est ce qu’ont fait les mecs dont je te parlais, les P. Diddy, les Russell Simmons… Ils ont créé Def Jam, des labels de rap… C’est la seule solution. Mais en France ils ne comprennent pas encore ça, ils continuent à aller chez Skyrock au lieu de se mobiliser. Il faut créer notre propre mouvement si on veut s’en sortir, sinon on n’y arrivera jamais.

Pourtant, aujourd’hui, tu as signé en major ?

J’ai toujours été en indé. Aujourd’hui, je suis en indépendant, on a arrangé un deal de distribution avec de la coproduction sur des clips, et cetera. Booba a signé chez Tallac Records et Tallac Records deale avec Universal. Depuis le début, je fais mes albums, ils m’appartiennent. Personne ne vient au studio, il n’y a pas de directeur artistique, il n’y a personne de la maison de disque. Je construis mon projet, je leur donne et ils le sortent. C’est tout, ça a toujours été comme ça.

« Dans le business du rap français, il faut créer notre propre mouvement si on veut s’en sortir, sinon on n’y arrivera jamais. »

Depuis le début, ton entourage professionnel n’a pas beaucoup bougé. C’est important ?

Oui, forcément. Mais c’est comme ça dans tous les domaines. C’est toujours mieux d’avoir autour de toi des personnes que tu connais depuis le début et en qui tu as confiance. Si l’équipe gagne, il ne faut pas la changer. Ça m’a beaucoup aidé parce que Booba, ce n’est pas une personne, il y a plein de paramètres.

Tu fais partie des artistes qui ont eu une carrière avant l’arrivée d’Internet. Comment as-tu réussi à prendre le pli des réseaux sociaux ?

Je n’avais même pas d’iPhone, j’étais sur Blackberry. Je n’étais pas dans le délire d’Instagram. On m’en avait parlé et on m’avait expliqué que j’avais un faux compte « Booba officiel » qui avait déjà 70 000 followers, du coup les gens pensaient que c’était moi qui l’alimentais. Quand j’ai vu ça, je me suis dit que j’étais obligé d’acheter un iPhone pour commencer [rires], de créer mon propre compte et, après, je suis tombé dedans. Il n’y a rien de travaillé dans mon utilisation, c’est spontané. C’est comme quand tu es entre potes et qu’on sort des conneries, exactement la même chose.

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Quel impact a eu Internet sur tes ventes ? Pour toi, les concerts ont-ils comblé le manque à gagner ?

Internet a touché tout le monde. Tout le monde s’est mis à vendre moins de disques. Aujourd’hui, la balance remonte un peu parce qu’ils commencent à prendre en compte le streaming. Mais il y a eu un petit gouffre généralisé à toute l’industrie. Et là, qu’est-ce que tu fais ? Eh bien, tu ne fais rien, tu subis. Les shows, je n’en ai jamais faits énormément, quoi qu’il arrive. Je n’ai pas vraiment changé ma façon de travailler.

Une phase importante dans ta carrière musicale est le début de l’utilisation de l’autotune sur 0.9. Lorsque Kanye West décide d’utiliser ce procédé dans 808’s & Heartbreak, pour lui, c’est autant un nouvel outil artistique qu’une manière de toucher un autre public. Tu étais toi aussi dans le même état d’esprit ?

Déjà, en général, je ne suis pas fan de ce que Kanye raconte. Ce n’est pas un bon exemple pour moi. Non, je l’utilise juste comme une réverbération qui te permet d’apporter autre chose, de chanter, de faire des refrains. C’est une ouverture musicale. Je ne le fais pas pour toucher un plus grand public, je le fais parce que je kiffe. L’autotune, j’en ai toujours écouté, on en retrouve souvent dans la musique, du reggae au raï.

Depuis plusieurs années maintenant, tu te trouves au centre de plusieurs clashs. Économiquement, sont-ils profitables ?

C’est profitable quand tu gagnes. Je crois que « A.C. Milan » reste l’un de mes titres où j’ai fait le plus de vues [aujourd’hui le morceau se rapproche des 30 millions de visionnages]. Ce n’est pas le clash qui se vend bien, il attise la curiosité, après le son doit être bon.

« Depuis le début, je fais mes albums, ils m’appartiennent. Personne ne vient au studio, il n’y a pas de directeur artistique, il n’y a personne de la maison de disque. »

Souvent cet angle est choisi par les médias généralistes pour parler de rap ?

Ça a toujours été pareil, même avant les clashs. Ils parlaient de moi si j’allais en prison, si j’avais des démêlés avec la justice, si un concert tournait mal… Ils ont toujours traité le rap de la même manière. Les clashs ne sont pas calculés, certains ont peut-être tendance à l’oublier, mais j’ai toujours dû répondre à des attaques. Une fois que je commence, je ne m’arrête plus, jusqu’à ce qu’il y en ait un qui ait le genou à terre. Rohff a commencé, Laouni [La Fouine] a commencé, Kaaris a commencé. Je n’ai fait que répondre à des attaques, donc ce ne sont même pas des calculs.

Quand on arrive à ce stade de médiatisation, forcément, ça doit attirer les regards des autres, la médisance, les convoitises… On n’en devient pas un peu anxieux ou parano ?

C’est la routine, tu vis avec. On a kidnappé ma daronne, je me suis déjà fait tirer dessus… Ça fait partie de la vie. Des histoires, j’en ai eu dans la rue avant d’en avoir dans la musique, il n’y a rien de nouveau finalement. C’est même mieux d’être dans la musique que dans la rue où tu en as plus. Je ne vais pas perdre des fans, je ne suis pas mort et je vais bien, ce n’est pas un problème pour moi. Après, certains supportent et d’autres pas, une meuf comme Diam’s ou un mec comme Lefa de Sexion d’Assaut par exemple. Soit tu as les épaules, soit non. C’est le revers de la médaille, comme on dit.

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Pour suivre ce rythme de businessman, tu as totalement changé de mode de vie. Tu as arrêté les jeux vidéo, les séries, tu sors moins et, sur Jimmy deux fois, tu rappes même : « Homme d’affaires, j’ai ralenti le te-shi ».

Je n’ai pas le choix, ni le temps pour ça. Je n’ai pas le temps de me buter à la console, d’être défoncé H24, si je l’avais été, je n’aurais pas répondu à ton appel. Dès que je me lève, c’est parti. J’allume mon téléphone et ma journée commence sans s’arrêter.

C’est important que toutes les activités que tu as engendrées fassent vivre des gens autour de toi, ton équipe, tes employés ?

Je kiffe le faire en tout cas. Parfois, je me pose, parce que je ne réalise pas toujours, et je me dis qu’en fait il y a plein de gens qui travaillent pour moi ou autour de ce que je fais… Je trouve ça mortel. Moi, j’aurais kiffé à l’époque où il n’y avait rien qui m’intéressait qu’il y ait un mec comme moi pour me proposer un taf dans un domaine que j’aime. Avec moi, c’est différent, mon employé peut fumer du shit à la pause, je m’en bats les couilles tant qu’il fait son taf. C’est un autre délire, c’est une autre vision du travail.

Forcément, ton nom est intrinsèquement lié à celui d’Ünkut. Comment expliques-tu qu’une partie significative des rappeurs soit affiliée à une marque de vêtements ?

On est issu de la musique, mais le hip-hop, c’est quoi ? Le hip-hop, c’est de l’art, c’est de l’événement… Il n’y a pas 10 000 choses, quoi. Quand tu es dans le rap, tu es censé savoir t’habiller, ça fait partie du truc. C’est un sujet qu’on maîtrise et c’est pour ça qu’on se lance dedans, je pense. C’est un domaine « à notre portée ».

Tu disais t’être inspiré de Puff Daddy pour mettre en place Ünkut, concrètement quels ont été vos débuts ?

C’était du bricolage. Un ancien associé et moi, on a mis un peu d’argent, cherché des mecs qui designaient… Petit à petit, on a essayé de faire des t-shirts, de trouver des logos, de s’appuyer sur des licenciés, des distributeurs… Forcément, au départ, c’était un peu foireux, puis on s’est améliorés petit à petit. On a appris sur le tas comme pour la musique.

« On a kidnappé ma daronne, je me suis déjà fait tirer dessus… Ça fait partie de la vie. Des histoires, j’en ai eu dans la rue avant d’en avoir dans la musique, il n’y a rien de nouveau finalement. »

Lors d’un autre entretien que nous avions réalisé pour YARD, tu nous expliquais que ça faisait huit ans que tu avais le concept d’OKLM en tête. Pourquoi ça a pris autant de temps ?

Parce que je n’avais jamais rencontré les bonnes personnes. Quand tu souhaites te lancer dans un projet, que ce soit pour faire des vêtements, un label, ou un média, tout est une question de rencontre. Il faut qu’il y ait un feeling, une vision commune… Les personnes doivent maîtriser le domaine et avec Internet c’est encore autre chose, tu dois avoir des équipes solides. C’est difficile à mettre en place, de faire un beau site qui fonctionne, ça demande initialement beaucoup de travail.

Pourquoi avoir choisi un modèle qui ressemble à WorldstarHipHop ?

Ce n’était pas vraiment notre référence. On a fait ce qu’on aimait et ce que tout le monde regarde sur un ordinateur. Tout le monde, sur Facebook, sur Instagram, partage des vidéos chocs, des meufs à poil, un clip, une bagarre… On a regroupé tout ce qui est viral pour qu’il n’y ait pas que de la musique. Ce qui donne, oui, un genre de WorldstarHipHop français, mais il y a d’autres sites qui font ça aussi.

Aujourd’hui, tu y as ajouté la radio. Quelles sont les premières retombées ?

On est pratiquement à un million de téléchargements déjà, alors qu’on en espérait 50 000 [rires]. On commence à essayer de nouveaux trucs, on est dans une phase où on cherche à mettre en place des émissions spécialisées, on est dessus. C’est long mais on va y arriver petit à petit. On bricole.

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Originaire de Bed Stuy à Brooklyn,Sidney Selby III a, dès son tout début, fait de 2016 son année. Derrière ce succès un seul titre, qui a longtemps dormi dans ses tiroirs, jusqu’à ce que sa manageuse le pousse à le finir. Panda, dont il a acheté la prod pour 200$ à Menace, s’enracine à la tête des hits hip-hop encore plusieurs mois après sa sortie. Son succès est fulgurant, et le rappeur passe les étapes à une vitesse folle. Son titre est samplé dans sa quasi totalité par Kanye, qui l’introduit à son public dans un défilé/session d’écoute en grandes pompes, pour finir par signer sur le label G.O.O.D Music.

Sans ambage, le rappeur confesse vouloir encore tirer un maximum de profit de ce titre avant de passer à l’étape supérieur. Et à l’heure où il tease la sortie d’une première mixtape labelisée G.O.O.D, Desiigner a raconté au magazine Fader sa première rencontre avec Kanye West et les moments forts qui devraient mener à la sortie de son premier album.

 

 

Sa rencontre avec Kanye West
Quand il m’a appelé pour la première fois, il voulait qu’on se voit, mais il devait faire quelques chose, alors on a du se rentre à telle destination, puis telle autre destination. Quand on s’est finalement rencontré, il était en chemin pour Paris. Je l’ai rencontré devant l’aéroport LAX, on s’est assis en voiture avec TMZ dehors. Il m’a joué le morceau « Father Stretch My Hands II » et est parti pour Paris. C’était mon refrain et il chantait par dessus, il a fait son truc. Et puis on s’est ambiancé sur le son et il m’a demandé : «  Est-ce que ça te parles ? ». Je n’avais pas à ajouter quoi que ce soit, faire d’autres prises ou rien. Il a juste pris ma chanson et j’étais genre, « J’adore. »
Bien sûr il est revenu et on a continué à parler, ce n’était pas fini. On est resté en contact et on l’est encore aujourd’hui.

 

Son introduction pendant le show YEEZY Season 3 au Madison Square Garden
C’état comme un film. Je n’étais pas prêt. Je suis simplement rentré et il était là avec le DJ, il se balançait, faisait ces trucs de Kanye, balançait ses vibes à tous le monde. Je me suis dis ouais, c’est comme ça qu’on fait les choses. Il avait mis tout le monde debout. Je me tenais juste derrière lui, je lui ai dit « Yo, c’est fou que tout le monde soit debout. Je sais qu’ils sont fatigués. » Et il a dit « Ouais, mais c’est comme ça qu’on fait de toute façon. »

Tu savais à l’avance que Kanye allait annoncer ta signature ce soir-là, mais comment tu t’es senti quand ça c’est finalement passé ?

C’était évidemment une énorme opportunité pour moi, de me tenir devant 25 000 personnes. C’était sympa là-bas. De tout les shows que j’avais fait jusque là, c’était le plus gros. Je suis juste fier que tout le monde puisse entendre ma mosque comme ça et finalement passer un bon moment. C’est à ce moment-là que les choses sont devenu concrète; c’est à ce moment-là que je peux dire que les portes se sont ouvertes. Quand vous ressentez ça, vous savez que c’est réel. C’était chaleureux. C’était ça : c’est ce que je devais faire pour le reste de ma vie.

Je travaille sur le clip de « Panda », j’essaie de pousser le morceau et de faire en sorte qu’ils aillent au maximum de son potentiel. Mais tout est en suspens pour le moment parce qu’on travail sur la vidéo. Donc on essaie de la sortie, faire quelques tournées, mettre tout ça sur la route. Et à partir de là je travaillerais sur un album. [DONDA] m’aide sur la vidéo. [G.O.O.D Music] c’est un lifestyle, vous êtes tout simplement une oeuvre d’art. Vous êtes là pour produire de l’art. Vous n’êtes pas un rappeur, vous êtes un artiste, c’est une chose que Kanye a toujours dite. Et ils aiment ma musique; ils voient que j’ai beaucoup à apporter. Si je veux que ça arrive, pourquoi ne pas prendre cette créativité et l’amener à un autre niveau ?

 

La comparaison avec Future
Je m’en moque un peu, il n’y a pas de raison d’être énervé par ça. Je complimente l’homme pour sa créativité. Je pense que c’est un grand artiste et que je fais mon truc; je pense qu’on a tous les deux du talent chacun à notre façon. Que dieu préserve cette positivité, qu’il me garde positif et droit.

 

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Dans la musique, la jeune Abra se laisse portée par l’expérimentation et évolue entre Londres où elle trouve ses origines et Atlanta qui l’a adopté. Chanteuse, parolière, productrice, elle tire de ses influences une musique pop alternative, un mélange à la fois sombre, romantique et profondément nostalgique, inscrit dans l’ADN de son premier projet « Rose », qu’elle sort sur le label Awful Records qu’elle intégrait il y a quelques années. Derrière Awful, c’est aussi une famille dont elle est l’un des deux seuls membres féminins. À l’occasion de son tout premier concert à Paris, nous l’avons rencontré, pour parler de ses début et de ses projets au-delà de la musique.


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Comment as-tu d’abord découvert la musique ?

À partir du moment où je suis sortie du ventre de ma mère, j’ai baigné dans la musique. Ma mère me dit toujours : « Tu pouvais chanter avant de savoir parler. » J’ai été élevée dans une église, ma mère faisait parti du culte et je devais m’asseoir et attendre pendant qu’elle et d’autres parents répétaient. De son côté, c’est musique, musique, musique. Elle adore chanter, elle joue de la guitare…Ça a toujours fait partie de ma vie et il n’y a jamais eu de moment où je me suis dit : « La musique c’est cool, je devrais essayer. »

Du coup dans quel genre tu as commencé à chanter ?

Surtout des chants d’église, mais ma mère aimait aussi beaucoup la musique folk et elle jouait de la guitare. De l’autre côté, mon père était un genre de Disco King. On n’écoutait pas la pop musique qui correspondait à l’époque où on vivait. On écoutait aussi beaucoup de smooth jazz, de jazz classic, de soul, de funk, du Sade. Je dirais que je tiens mes goûts de mon père et ma technique de ma mère.

Tu es née à Londres ?

Non je suis née à New York, mais je suis directement partie pour Londres.

Et après ça ?

J’ai déménagé à L.A.

Tu as toujours cet accent anglais…

C’est sûrement parce que je reviens de Londres.

Peut-être. Mais c’est aussi quelque chose qui se traduit dans ta musique qui a des sonorités très anglaise. Quand j’ai écouté tes titres, j’ai d’abord pensé que tu venais de Londres.

On me le dit souvent.

Tu penses que ça vient d’où ?

J’ai appris à parler en Angleterre, j’ai appris à marcher en Angleterre, j’ai appris à chanter en Angleterre. Je ne sais pas, je ne peux pas l’expliquer. Quand j’habitais là-bas, je n’ai pas le souvenir d’avoir été assez âgée pour me dire « Oh ce son déchire! » Je n’écoutais pas vraiment de musique, donc je ne sais pas vraiment d’où ça vient.

C’est assez étrange parce que ta musique correspond aussi très bien à cette nouvelle scène anglaise.

C’est assez bizarre. Mais ça ne me dérange pas. J’apprécie quasiment tous les artistes originaires du Royaume-Uni.

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Dans le même temps tu fais partie d’Awful Records, un label principalement constitué de rappeurs originaires d’Atlanta et qui font de la musique qui ressemble à cette ville-là. A quoi ça ressemble de faire partie d’un tel groupe ? Comment vous réussissez à tous vous entendre ?

On ne s’entend pas toujours. C’est fou, il y a tellement de choses à dire sur le fait d’appartenir à Awful. C’est comme si on était une famille, mais je ne le dis pas dans un sens mièvre. On est une famille dans le sens où on a tous décidé qu’on allait faire partie de ce truc et que peu importe ce qu’il se passe, ou que tu foires, on fera toujours parti de la famille. Je ne t’aime pas, mais tu reste ma famille. Et si tu traverses quelque chose, on t’aidera quand même, on restera toujours ensemble. C’est comme un pacte qu’on a passé.

Au début quand je les ai rejoint, c’était dur parce que je suis chanteuse et que les autres rappent. La première fois que je me suis sentie anxieuse par rapport à ça, c’est quand on a fait cette date qui s’appelle Awful Sweater Party, où les dix-sept membres se produisaient sur scène. La première fois, j’étais la seule chanteuse. Il y avait genre six gars qui rappaient avant moi, et puis moi qui chantait du RnB et ensuite sept autres rappeurs. C’est vraiment intimidant de devoir essayer de faire la suite d’un show comme ça, quand tout le monde est en train de danser et de se sauter dessus. Moi j’arrive en faisant « lalalala » et personne ne veut entendre ça dans une soirée.

C’est là-dessus que j’ai dû faire le plus de progrès : plus croire en moi. Me dire que ça ne fait rien, que la bonne musique reste de la bonne musique et que je n’écoute pas seulement du RnB, je peux passer de Young Thug à Aluna George, donc je ne peux pas m’attendre à ce que les gens soient aussi fermés d’esprits, qu’ils ne soient pas capable d’apprécier le rap et en même temps ma musique.

D’une autre manière, Awful m’a aussi forgée en ce qui concerne la production. J’ai été inspirée par mes amis car avant eux j’étais vraiment dans des sons low-fi, glam, comme le RnB. Et puis je les ai rencontré et ils m’ont montrée le drumpad et le 808. Et je me suis dis que j’allais faire un genre de musique bass-fairy, de la dance musique qui sonne comme de la musique d’Atlanta. Et je pense que le simple fait d’être entouré par eux m’a beaucoup aidé à forger ma musique. Ils sont tellement créatifs dans tous ce qu’ils font. Ils sont une source d’inspiration.

Quel est ton processus créatif ? Comment est-ce que tu as conçu ton album par exemple ?

Je pense que le projet s’est fait un peu inconsciemment. Habituellement, je traverse quelques trucs nuls et j’accumule pas mal de charge émotionnelle. Je ne sais pas quoi en faire et je deviens assez solitaire. Je vais dans ma chambre et subitement, de cette solitude, les idées surgissent. Je les écris, il y a des mélodies qui me viennent en tête et c’est vraiment démembré. Je peux être en voiture et une ligne de basse va me venir à l’esprit. Je l’enregistre dans mes mémos et je le fais tourner. J’enregistre les paroles et je rentre pour tout étoffer et enregistrer une version brut que je développe. Mais ça vient avec le temps. Comme pour « Roses », la conception m’a pris un mois et demi. Mais j’ai fais certains de ces sons quand j’avais 14 ans par exemple.

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Dans ce processus, à quel moment tu t’es dis que tu avais de quoi faire un album ?

Après avoir eu un vrai bon retour dessus. Je me suis aussi dis que j’avais besoin d’une oeuvre plus large pour pouvoir me produire sur scène.

Tu as parlé du statut de « Internet Musician » dans une interview pour FACT.

Oui j’essayais d’expliquer ce que je faisais à mon père.

Est-ce que c’est un vrai statut pour toi ? Comment tu décrirais ça ?

Pour moi c’est quelque chose de réel et de fou. Parce que je peux être ici, ou à Londres, faire tous ces trucs cools, mais je pense toujours à mes parents à la maison. Je peux faire un show complet où les gens connaissent mon nom, viennent à l’aéroport et crient « Abraaa! » et je suis genre « Comment vous me connaissez ? » Et après tout ça, je suis à la maison, avec mes parents, parfois dans la galère. J’ai l’impression d’un immense décalage. Avant quand quelqu’un devenait célèbre, il devenait célèbre sur tous les points. Je ne dis pas que je suis célèbre, mais dès que des gens hors de ton entourage connaissaient ton nom, ton lifestyle correspondait à ta notoriété. Et pour les artistes d’internet, ça ne colle pas. Les gens peuvent te connaître, mais tu restes la même personne.

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Mais dans le même temps, ta carrière en est encore à ses débuts. Comment est-ce que tu te sens par rapport à ça ?

Je n’ai pas envie de dire « effrayée » parce que c’est négatif, mais disons que je ne sais pas comment prendre ça. Je suis contente que les choses marchent de façon positive. Je suis reconnaissante. C’est tout ce que je peux dire, peu importe ce qui va suivre.

Les choses sont allées très vite, mais une chose qui me rassure c’est que personne d’autre que moi n’a le contrôle de la situation. Si je veux m’arrêter, je peux le faire. Ce n’est pas comme si un label décidait de me mettre face à un public 2500 personnes, parce qu’ils pensent que je suis génial, et que je n’avais jamais fais le travail pour tenir un tel public. Tu dois toujours mériter ta place ou tu peux te sentir mal assurée, mal à l’aise. Mais j’ai fais le travail. C’est arrivé vite, mais j’ai gagné ma place. Et je peux dire stop quand ça me fait trop peur. Mais je ne le ferait pas.

Je voulais te parler d’un autre domaine : la mode. Parce que les sites et les magazines aiment beaucoup te proposer de l’édito. Qu’est-ce que ça te fait ?

Ugh, je ne suis pas un mannequin. C’est vraiment flatteur….

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Ça t’as surpris ?

Non pas vraiment. Pour être honnête, je sais que je suis grande, je suis mince, je rentre là-dedans et on me l’a déjà dit : « Tu devrais devenir modèle. » Mais j’ai l’impression qu’en tant que mannequin tu dois vendre des trucs, et ce n’est pas mon truc. Et pendant les photoshoot, on te demande de sourir, d’être joyeuse, de faire semblant et ça me frustre. J’ai l’impression qu’être mannequin c’est endosser un autre personnage et je veux être moi-même. Mais j‘accepte parce que je pense que ce n’est pas une opportunité donnée à tout le monde et parfois, c’est bien de sortir de sa zone de confort. Donc je le fais et peut-être que sa finira par me plaire.

Quels sont tes projets ?

J’ai envie de faire le tour de monde, de continuer à tourner avec ma musique. Mais j’ai aussi pas mal d’envie humanitaire. J’ai envie d’organiser des festivals porteurs de message. J’ai envie d’investir dans mes amis auxquels je crois et qui galèrent pour atteindre leurs buts. Je rencontre tellement de gens qui font des choses extraordinaires mais qui n’ont pas les financements. Par exemple, j’ai une amie qui est une écrivaine incroyable. Elle ne peut pas se permettre de quitter son travail et de travailler sur son livre pendant un an. J’aimerais lui proposer de lui payer un appartement pour un an, et lui dire « Tu n’as rien à faire, écris seulement ton livre et on verra ce qu’il se passe ». La chose la plus importante que j’ai apprise en devenant artiste, c’est que tout ça tient beaucoup à la chance. Plus que ça, c’est une question de bénédiction. Et pour moi c’est quelque chose de bizarre que des gens qui soient aussi talentueux que d’autres personnes, qui elles sont célèbres, ne le soient pas parce qu’elles ne connaissent pas les gens qui peuvent leur donner la bonne opportunité. La porte ne s’ouvre pas pour eux. Peut-être que ça devait être comme ça, mais je ne sais pas… J’ai l’impression de connaître des gens qui méritent d’avoir la chance d’accomplir leur rêves, et j’ai envie d’investir dans ces gens-là.

À propos de ce soir. Comment tu te sens ?

Je suis excité. Je suis française, j’ai de la famille ici. Je ne parle pas français, mais je me sens française. C’est la deuxième fois que je viens et je me sens vraiment béni d’être ici. C’est comme un objectif. Je me suis toujours dis que je voulais voir Paris, voir l’Europe, voir le monde. Et me voici, je suis payée pour être ici, des gens veulent me voir et je fais quelque chose que j’aime.

La plupart des gens pensent que le Parkour fait de vous un athlète. En vérité ils devraient être considérés comme des artistes. Premièrement, la façon dont ces individus perçoivent leur environnement diffère de ce qu’une personne lambda pourrait voir. Là où nous voyons des grands ensembles d’immeubles, des tunnels ou des espaces vides, eux y voient des opportunités, des terrains de jeu, leurs exutoire. Parce que leur perception de ce qui les entourent pousse ces artistes à voir leur environnement comme des calques se juxtaposant, permettant ainsi à leur créativité de toujours être en alerte. Leurs yeux deviennent des objectifs d’appareil photo tandis que leur corps se muent en pinceaux afin de remplir cette toile urbaine faite de granite, de béton et de matériaux bruts. Des esprits libres parcourant cette jungle urbaine, voilà ce qu’ils sont.

 

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Qu’est ce qui pousse donc ces explorateurs contemporains à apprivoiser ce qu’ils voient ?

Thibaut : C’est sûrement ce désir de ne pas se sentir comme un robot, de ne pas suivre les chemins tracés mais plutôt de chercher de nouvelles perspectives.

Thomas : C’est aussi défier l’interdit. Pour ma part, je n’ai jamais été un grand amateur de règles, par peur d’être formaté et aussi parce que je suis contre les normes, c’est un de mes traits de caractère. Je tiens à ma liberté, qu’elle soit physique ou autre. Je ne veux pas être un mouton et suivre les chemins créés pour la masse.

 

Quel est le meilleur spot pour avoir une vision intéressante de ce qui vous entoure ?

Thomas : Chaque spot a sa richesse. En ce moment on est plus porté par ce qui se passe en hauteur, les toits des villes sont des lieux très calmes. On a une vue dégagée, on est tranquille, c’est presque un monde à part. Sinon, chaque nouveau spot devient mon endroit préféré.

Thibaut : C’est clair que c’est un kiff d’être en hauteur. Ça rejoint ce que Thomas disait, on est pas des robots, on a cette chance de pouvoir atteindre des perspectives que la plupart des gens ne peuvent pas. Suivre une route, tout le monde sait le faire.

 

Y-a t-il des villes en particulier que tu souhaites explorer ?

Thomas : New York évidemment pour son architecture, parce qu’il y a pléthore de lieux à exploiter, mais sinon je suis plutôt quelqu’un de solitaire par nature alors je dirais la jungle. C’est un milieu naturel qui te permet de te reconnecter avec tes sens et à les aiguiser. Un retour à la nature assez intéressant qui encore une fois te donne la possibilité de ne pas rentrer dans le moule.

Thibaut : New York également pour l’ensemble des oeuvres urbaines dont la ville regorge. Sinon, les temples en Asie, car ce sont des lieux chargés d’histoire avant tout. C’est aussi marrant de se dire que les types qui ont construits ces lieux n’avaient pas du tout idée qu’un jour des mecs viendraient se ré-approprier ces pierres pour en faire quelque chose de totalement différent.

 

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L’état d’esprit varie t-il selon l’environnement ?

Thibaut : C’est plutôt par phases, en ce moment on parlait des toits de Paris mais en vérité tout dépend du mood. Et puis la base du Parkour c’est quand même de pouvoir s’adapter à son environnement, et ce dans n’importe quelles conditions climatiques.

Thomas : Il est possible qu’avant un début de séance on soit moins enclin à tenter certaines choses, mais comme le dit Thibaut, l’origine du Parkour c’est pouvoir fuir une situation grâce aux éléments qui t’entourent. Donc, pluie, neige ou autre…il faut être prêt mentalement.

 

Comment voyais-tu ton environnement avant de faire du Parkour ?

Thibaut : Forcément, ta perception évolue. Avant j’avais une vision limitée, dorénavant je ne vois plus les choses de la même manière. Instinctivement je me pose des questions : savoir si je suis capable de descendre d’un endroit sans emprunter la voie normale, savoir si je peux grimper une structure en passant par un autre endroit, bref, tes possibilités deviennent quasi infinies.

Thomas : Exactement, j’ai une vision moins linéaire, là où la foule va progresser quasiment en 2D (devant, derrière et à ses pieds), moi j’ai la capacité à voir autrement. En l’air par exemple, c’est simple comme ça, mais vous seriez surpris du nombre de personnes qui ne lèvent pas leur nez. Notre regard n’est pas différent, c’est notre façon d’aborder les informations qui diffèrent.

 

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Comment ton style (vestimentaire, etc.) influence t-il ta façon de courir ?

Thibaut : Je pense que c’est assez personnel. Moi je suis plus dans le casual en prenant soin d’avoir un pantalon assez stretch qui ressère au niveau des chevilles.

Thomas : Ma façon de m’habiller a évolué avec le temps. Comme beaucoup j’ai eu ma phase « vêtements amples » mais à force de se casser la gueule en se prenant les pieds dans le tissu… Aujourd’hui c’est beaucoup plus « slim » ou « fit », j’aime bien la mode du coup je fais naturellement attention à ce que je porte. Le jean c’est pas optimal pour ce qu’on pratique mais encore une fois, il faut s’adapter à toutes les situations en restant performant.

 

Faire du Parkour a t-il modifié ta façon de vivre ?

Thibaut : Physiquement je me suis épaissi, je fais attention à mon corps mais là où cela a vraiment changé c’est au niveau du mental. J’étais plutôt timide quand j’ai débuté il y a 12 ans, maintenant j’ai confiance en moi, en mon corps et je continue à explorer chaque partie corporelle et mentale car tout est mis à contribution. Le Parkour t’oblige à sortir de ta zone de confort.

Thomas : Ça m’a permis de me sociabiliser, c’est tout bête mais tu dois faire attention à ce qui t’entoure, le matériau comme l’humain. Sinon je vie de la même manière, je suis devenu plus exigent envers moi même et par extension avec les autres. Je suis plus persévérant et je me rends compte que cette discipline accentue mes traits de caractère. Ce désir d’indépendance et de confiance en soi. Affronter ses peurs et y faire face surtout. Je suis quelqu’un qui dans la vie normale monte vite en pression. Bizarrement, quand je suis en mode Parkour je suis calme.

 

Quelle genre de musique écoutes-tu durant une séance ?

Thibaut : Personnellement je n’écoute pas spécialement de musique durant les séances, parce que j’aime bien pouvoir communiquer avec mes potes.

Thomas : Pareil, je préfère entendre le bruit des matériaux, quand je retombe sur mes pieds, entendre si la réception s’est bien faite. Avoir cette possibilité de savoir qui vient derrière moi. Je préfère rester alerte.

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PhotosAlistair Wheeler
Modèles : Thomas Mougne & Thibault De Cassagnac du Collectif Parkour Paris

 

Très attendu, le concert d’Alpha Wann à la Gaîté Lyrique a tenu toutes ces promesses : celle d’une célébration enflammée de l’opus Alph Lauren II. Une fête qui n’aurait pas été la même sans quelques invités : son backeur Caballero, mais aussi Spri Noir, le S Crew, Jazzy Bazz, Sneazzy, Deen Burbigo, Prince Waly, JeanJass, Doums et Nekfeu.

Un avant-goût du concert prévu à la Cigale le 14 novembre, capturé par le photographe Kevin Jordan.

Instagram : @KevinJordanOshea

En passe de remporter la série qui l’oppose aux Pacers d’Indiana, nous avons suivi les Toronto Raptors il y a quelques mois lors du NBA Global Game londonien. L’occasion de croiser le prochain Expendables des joueurs des deux franchises, l’incomparable Horace Grant, le nouveau fils adoptif de Sylvester Stallone, Michael B. Jordan, un ancien vainqueur de la Coupe du Monde 98, Robert Pires, mais surtout de prendre des nouvelles du Frenchy, Evan Fournier. Immersion dans les couloirs de la 02 Arena.

C’est l’histoire d’une meuf de 19 ans au prénom de générique de série B, Jennifer. Une Pennsylvanienne qui s’emmerde ferme dans sa vie rangée, son quotidien balisé. Elle a des envies d’exhib’ et d’irrévérence. En 1996, Miss Ringley installe un appareil photo dans sa chambre d’étudiante, livrant des instantanés impudiques toutes les trois minutes. C’est la naissance de JenniCam.org. Deux ans et un diplôme d’économie plus tard, l’éhontée équipe son chez-soi de quatre webcams qui capturent son intimité 24/7. Des millions de curieux se masseront chaque jour devant leur écran d’ordinateur pour la mater se cambrer au-dessus des fourneaux, astiquer les meubles et, surtout, se faire baiser. Dix ans après, LiveJasmin, Xcams, EuroLive, MyFreeCams, Cam4 ou Chaturbate se tirent la bourre sur le marché juteux de la sexcam.

 


Article extrait du dernier YARD Paper « Hustlers », disponible ici > oneyard.com/shop
Illustrations : Stella Lory

 

Sexe, pouvoir & biftons

 

Des mosaïques de seins et de fesses qui se dérobent sans fin sous les clics. Des dodus, des osseux, des fermes, des fanés, des pâles, des bronzés… Il y en a pour tous les goûts. Baignées d’une lumière crue, les protagonistes minaudent, chaloupent, se caressent, se fessent, s’enduisent d’huile pailletée, posées sur un lit défait ou un canapé mou. Leurs doigts s’agitent. Des objets se glissent entre leurs cuisses. Une playlist de tubes à la mode résonne souvent en arrière-fond. Elles gémissent doucement. Échauffés, les internautes tapent fiévreusement des obscénités sur leur clavier. Guettent l’épilogue. Le spectacle s’étend généralement sur plusieurs heures. On s’y joint rarement dès le début et on n’y reste guère jusqu’à la fin.

Sur LiveJasmin ou Xcams, les nanas s’effeuillent en privé et les mecs paient à la minute pour zieuter. Sur les autres plateformes dites « freemium », elles se soumettent à l’exercice gratuitement mais perçoivent, comme les strip-teaseuses, des pourboires sous forme de « tokens », des jetons virtuels à plus ou moins 10 centimes l’unité. Les mateurs lâchent des tokens par gratitude, émulation ou excitation, mais surtout pour booster le show. Si personne ne met la main à la poche, il y a peu de chances que la cameuse glisse la sienne dans sa culotte. Habitués du fast-food sexuel, où l’on engloutit tout schuss des vidéos X, beaucoup trépignent si le spectacle reste chaste trop longtemps, se trouvent contraints de débourser pour accélérer le rythme, impatients. Pour exhorter l’assemblée à agir, certaines s’arment malicieusement d’un sextoy connecté à distance, vibrant à chaque tipping. Entre les spectateurs et les modèles, le rapport de force se fait et se défait en permanence au gré des tokens, même si, en réalité, les nymphettes ont toujours le dernier mot. Outre le déshabillage faussement gratis, des séances privées ou semi-privées, des abonnements à des comptes Snapchat, des discussions sur WhatsApp, des photos, des vidéos ou encore des dessous parfumés ou portés se vendent comme des packs de yaourts.

 


« Le viewer s’attache à une personnalité et non à un rôle joué par une actrice et, en général, la fille ne simule pas et prend vraiment son pied. » Lexi


 

Quand Lexi, 20 ans et des poussières, branche pour la première fois sa cam devant un parterre d’inconnus, elle n’en mène pas large. Son auditoire lui semble à la fois virtuel et tellement réel. À demi-planquée derrière un masque de chat, elle tâtonne et se renfrogne. « Impossible pour moi de décrocher un mot face à la cam. Je peux dire que le moment de me déshabiller était comme un dépucelage, je redécouvrais le sexe d’une manière totalement différente. » C’était il y a trois ans, quand la novice cherchait à arrondir ses fins de mois d’étudiante. Depuis, elle a roulé sa bosse et aiguisé son tour de main. Suffisamment pour avoir cachetonné un jour 7 000 tokens (l’équivalent de 700 $) sur Cam4, d’un seul jet.

Avec ses cheveux tantôt fauve tantôt platine, sa peau claire, son minois mutin et ses grands yeux cernés de khôl, Lexi semble s’être échappée des pages d’un manga. Pas étonnant lorsque l’on sait que la brindille raffole de culture jap, de cosplays et de jeux vidéo. Affriolante en sous-vêtements comme en jupette de Sailor Moon, elle ameute des milliers de voyeurs quatre ou cinq fois par semaine, satisfait les requêtes grivoises et en refuse d’autres, les plus tordues. Comme ce jour où un amouraché un peu borderline lui réclame une fiole de pisse en échange de 100 €. Pour cette « gameuse », ces numéros sexy ne sont qu’un jeu, une « manière d’assouvir [ses] besoins, de canaliser [sa] libido », en marge de sa vraie activité professionnelle qu’elle adore mais dont elle ne pipera mot. Ses exhibitions sont si lucratives qu’elle songe à troquer son job de 35 heures contre un mi-temps. Dans son entourage, seul son colocataire est au courant. Un plaisir bien gardé. Le porno ? Très peu pour elle. « Je n’aime pas être dirigée dans mes actions, j’aime choisir mes partenaires et je ne serais pas du tout à l’aise face à une équipe de tournage. » La pin-up brandit son indépendance comme un étendard. Sur Cam4 et Chaturbate, elle fait ce que bon lui chante, décide de ses horaires et de sa cadence, selon son humeur. Les jours sans, elle ne se force pas, ses orgasmes sonneraient faux. L’authenticité, là, est la clé du succès des sexcams : « Le viewer s’attache à une personnalité et non à un rôle joué par une actrice et, en général, la fille ne simule pas et prend vraiment son pied. », décrypte celle qui se surnomme Neptune.

 

Naturel profond

 

« Girls next door » à la causette facile et au charme non moins capiteux, les webcameuses flanqueraient presque les poupées porno préfabriquées au placard. Elles rappellent cette voisine, cette collègue ou cette inconnue croisée dans le métro. Se laissent reluquer par le trou de la serrure de leur chambre, plus chaleureuses qu’un strip club déshumanisé ou un studio de tournage aseptisé. «La webcam fonctionne parce que c’est M. et Mme Tout-le-monde. C’est quelque chose auquel on peut s’identifier facilement. Ce sont aussi des filles ou des gars qui parlent aisément, de leur vie, de qui ils sont … il y a un côté extrêmement accessible et une interaction », appuie Christophe Soret, attaché de communication pour Cam4. Les épieurs se prennent souvent d’affection pour ces beautés simples qui déballent sans mesure leur intimité. Pendant les shows, certains papotent plus qu’ils n’évoquent des pensées crasses, passent une tête, viennent aux nouvelles, lâchent une vanne et complimentent la performance de la veille. La plupart du temps, les dévêtues répondent à voix haute. On échange, on pouffe. La pause cigarette des pompistes du plaisir. Puis le sexe repart. Les habitués veillent jalousement sur leurs adorées ; pour elles, ils jouent volontiers les chevaliers blancs lorsque des lourdauds viennent polluer la chatroom. « Doucement, les gars  », recadre l’un. « Pas d’insultes», intime un autre. Mais ce qui se passe sur Internet reste sur Internet, les effeuilleuses ont interdiction de transmettre leurs coordonnées personnelles ou d’accepter des rencontres réelles. La vigilance ne doit jamais mollir.

 


« Je suis une hôtesse indépendante, mais sur les gros sites, ce n’est pas le cas de tout le monde. Il y a des studios dans les pays de l’Est où des filles sont enfermées dans quelques mètres carrés du matin au soir. » Clara


 

D’après Christophe Soret, les filles exercent pendant trois ou quatre ans avant de raccrocher la webcam. Clara est l’exception qui confirme la règle. Avec ses traits fins, son teint « Point Soleil », sa poitrine gonflée à bloc et son regard clair, encadré par des cheveux bruns qui lui chatouillent la nuque, elle pourrait être la femme Barbara Gould des spots publicitaires. Du haut de ses 40 ans, la camgirl a de la bouteille. Une dizaine d’années de pratique au compteur mais une fraîcheur restée intacte, un corps bien roulé. Presque toujours sanglée dans des jupes trop courtes, la MILF cultive sa plastique d’ex-judoka en courant cinq fois par semaine et en nageant presque autant. Ce qu’elle préfère dans le métier, c’est le contact avec le « client » : « L’ambiance est sympathique, conviviale, on ne se prend pas la tête. » Nombre de ses fans lui sont fidèles depuis ses premiers pelotages, l’ont suivie de site en site. Aujourd’hui c’est sur Désir-Cam, jeune petit poucet des live shows, que la chevronnée s’épanouit, déçue par les magnats du secteur : « J’ai l’impression que les grosses plateformes nous prennent pour de la marchandise, qu’elles ne s’intéressent à nous que pour l’argent. Il n’y a pas de suivi individuel. »

Clara a dû faire ses armes et apprendre seule. Pour épargner à d’autres l’école de la débrouille, elle distille ses précieux conseils sur son blog et éclaire les interrogations des néophytes qu’elle prend sous son aile bienveillante. Un coup de pouce altruiste. Rompue à l’exhibitionnisme, la libertine empoche en moyenne 3 000 euros par mois, parfois 5 000, en alternant périodes creuses et denses, soit 3 ou 4 heures de connexion journalière. L’épicurienne se régale toujours autant, la retraite, ce n’est pas pour tout de suite. Elle nous alerte cependant de sa voix douce : « Moi, je suis une hôtesse indépendante, mais sur les gros sites, ce n’est pas le cas de tout le monde. Il y a des studios dans les pays de l’Est où des filles sont enfermées dans quelques mètres carrés du matin au soir. » Il est malheureusement rare qu’un filon aussi florissant n’appelle pas les dérives crapuleuses.

 

Bon coup

 

D’épiphénomène, la webcam lubrique a fissa en poule aux œufs d’or. Elle lève aujourd’hui plus d’un milliard de dollars par an, quand la pornographie en ligne en génère 3,3, accusant une baisse de 50 % depuis 2006. Au-delà des plaisirs solitaires, les parties de jambes en l’air en live grignotent directement des parts de marché au X. Ava est de celles qui en ont fait leur fonds de commerce. Quelques années plus tôt, fraîchement diplômée d’un master en informatique, la belle voit les portes des entreprises lui claquer tour à tour au nez. Trop jeune, inexpérimentée. Le cybersexe la tente. Lestée par un trop-plein de libido, elle a déjà pour habitude de se titiller l’entrejambe dans les lieux publics. Sur la Toile, la brunette paraît seule les premiers temps, puis introduit peu à peu son copain, rencontré sur un site libertin. Celui qu’elle présente comme son « sex friend » est le seul autorisé à l’allonger, même s’il invite des potes à l’occasion. La sauce prend, la cam occupe bientôt tout son temps. Désormais en tête de gondole sur Cam4, « Chiennette », son alias, mène rondement son affaire et tourne à plein régime : 4 ou 5 heures par jour partagées entre coïts et chatteries en soliste. Mais c’est bien la bête à deux dos qui achalande le plus. Ils sont entre 5 000 et 6 000 indiscrets à se connecter quotidiennement pour la voir batifoler avec « Doggy » en plein air : « Plus j’ai de visiteurs et je les sens excités, plus ça m’excite. » La Sudiste perçoit même les premiers indices d’une notoriété grimpante : « L’été dernier, je me baladais sur une plage naturiste et une personne adepte de mes exhib’ m’a reconnue. On a échangé quelques mots et pris une photo souvenir ensemble pour immortaliser le moment. Il était aux anges. » Quand on l’observe s’affairer, on comprend mieux son succès. Ava a un visage parfait, un air espiègle, le sourire chronique, quelques poignées d’amour charmantes et de l’humour : « Je ne suis pas petite », claque-t-elle par exemple à l’attention d’un malin qui la qualifie de « petite cochonne ». Elle a de la répartie et un mantra : « Me faire plaisir et donner du plaisir. »

 


« Je me baladais sur une plage naturiste et une personne adepte de mes exhib’ m’a reconnue. On a échangé quelques mots et pris une photo souvenir ensemble pour immortaliser le moment. » Ava


 

Si ses parades olé-olé saturent déjà ses journées, l’hyperactive trouve encore le temps de travailler comme consultante informatique le matin et de s’épuiser à la salle de sport l’après-midi. À 27 ans, elle voit malgré tout son avenir autrement qu’à travers l’objectif de la webcam. Elle se donne encore un an avant de changer de voie.

La sexcam est une fabrique à rêves salaces, elle exauce les fantasmes les plus fous et rend les filles accessibles, faciles. Mais ces hôtesses à portée de main ne sont touchables qu’avec les yeux. À la fois proches et insaisissables, réelles et fictives, familières et étrangères. Faites de chair et d’html. Symptomatiques d’un drôle de monde où les relations humaines se virtualisent plus que de raison. La main est en tout point la meilleure amie de l’homme.

En 1988, le taux d’abstention aux élections présidentielles avoisine les 42% aux États-Unis, deux fois celui de la France la même année. Plus d’un tiers de la population désavoue le système politique américain et ses dirigeants… Mais qui s’en soucie ? Le président ? Georges H. W. Bush ? Fraîchement élu à 53.4% des voix, républicain, ancien vice-président de Ronald Reagan, Bush « père » n’est connu ni pour être spécialement à l’écoute de ses concitoyens (encore moins des minorités), ni pour son progressisme. Pourtant, c’est sous son administration en 1991, que Daniel Dumile le futur MF Doom viendra au Sénat plaidoyer pour le Motor Voter Bill, un projet de loi visant à augmenter le taux de participation électorale et politique de la jeunesse. Très récemment, le président Obama invitait les rappeurs Chance The Rapper, Dj Khaled, Nicki Minaj ou encore Ludacris pour discuter de réformes concernant la justice et les violences policières ; MF Doom, lui, n’a pas attendu une invitation présidentielle pour franchir le seuil du Capitole. YARD revient sur cette rencontre symbolique pour ce nouveau #TBT.

 

En 1988, MF Doom est un jeune artiste hip-hop qui se veut « éveillé ». Loin d’être un activiste politique, domaine dont il reconnaît ne pas tout saisir, il s’estime toutefois réceptif aux « causes qui valent la peine qu’on lutte ». Rappeur, producteur, co-fondateur du groupe KMD pour « A positive Kause in a Much Damaged Society » initialement « Kausing Much Damage » avec son frère Subroc et son ami Onyx the Birthstone Kid, il diffuse une musique groovy mêlant jazz, afro-beat et parfois électro, dans l’esprit hip-hop de l’époque. Deux ans plus tard, quelques titres diffusés à la télévision, un featuring avec le groupe Third Bass – « Ace in the Hole » – et voilà le groupe approché puis signé par l’écurie Elektra records

 

KMD_Elektra

 

Nous sommes en 1990. Le hip-hop a connu des personnalités charismatiques et les exploits de N.W.A, A Tribe Called Quest, Kool G Rap & Dj Polo. Daniel en reste marqué. À la recherche de ceux qui prendront le relai de cet âge d’or, le label voit en KMD le renouveau du genre et la réactualisation des artistes en vogue à ce moment-là. Brand Nubian, Leaders of the New School (d’où émergera le futur Busta Rhymes) ou encore Ol’ Dirty Bastard du Wu Tang Clan… Tous sont signés au côté de KMD. Tous se veulent impliqués socialement, portés par une sensibilité politique, voire activiste. C’est donc dans ce contexte que le groupe se politise. Et les conséquences se répercutent sur leur premier album. Mr. Hood, imprégné de réflexion engagée et de cynisme rieur, se hisse à la 67ème place du Billboard R&B Albums 1991. Néanmoins, son succès va au-delà des chiffres puisqu’il permet au groupe de se faire entendre par le mouvement « Rock the Vote » et par l’un de ses co-fondateurs : Steve Barr.

 

 

Revenons en 1990. La censure à l’encontre de la musique populaire et plus particulièrement axée vers le hip-hop fait rage. Elle intègre maintenant les stickers désormais incontournables « Parental Advisory » aussi ridicules qu’inutiles. Moins drôle, elle inclut également la modération de performances rap et l’arrestation d’artistes en Floride comme Luther Campbell du 2 Live Crew. Face à ces injustices, une poignée de politiciens – Steve Barr, Jody Utall – accompagnée du directeur du label Virgin Records – Jeff Ayeroff – fondent le mouvement « Rock the Vote ». Désireux de réconcilier le hip-hop et la jeunesse à la politique, le groupe démarche des artistes engagés pour se battre pour la « Kause ». Une chose est sûre, l’utilisation de la musique, de la culture populaire, ou de l’art n’est qu’un moyen pour faire changer le système de l’intérieur, le plus important étant de faire voter des lois. Le Motor Voter Bill est l’un d’eux. Dans la lignée du Voting Rights Act de 1965 – sous Lyndon Johnson – le projet vise à faciliter l’inscription électorale des citoyens afin d’augmenter à terme la participation électorale, surtout des minorités et des jeunes. Elaboré par le Congrès, sous la pression et les avis de groupes d’intérêts tels que Rock The Vote, il constitue la première bataille de ce dernier. Bataille qui amènera les nouveaux champions du groupe, Onyx et le jeune Zev Love X, à s’exprimer devant le Sénat.

 

À l’abri du soleil d’un mercredi 17 avril 1991. Dans l’enceinte du Capitole. Deux Afro-Américains, dix-neuf ans, en tenue informelle font face à la masse formelle qui les entoure. Cette masse aux yeux et aux oreilles rivées sur les deux jeunes, sur le point de s’exprimer. Cette masse, c’est l’ensemble des sénateurs américains. Quant aux deux post-ados, vous l’aurez compris, il s’agit des deux rappeurs du groupe KMD, Onyx et Zev Love X, le prochain MF Doom. En premier, il s’empare timidement du micro et détaille, d’une voix claire et calme, la raison de sa venue. Convaincre le Sénat de voter en faveur du Motor Voter Bill, ce projet de loi qui permettrait aux citoyens de s’enregistrer sur les listes par Internet ou au DMV – organisme qui produit les permis de conduire – lorsqu’ils reçoivent ledit permis. Cette loi permettrait donc de sensibiliser les jeunes à la politique « know I’m sayin », d’encourager leur participation en simplifiant les processus d’inscription et en allégeant les coûts « know i’m sayin ». Et en ce sens, elle s’inscrit de manière cohérente dans la lutte de Rock The Vote. C’est en tout cas ce que défend Zev/Doom, finalement appuyé par Steve Bar face au Sénateur Wendell Ford, visiblement séduit.

 

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L’idée est intéressante et convainc un Sénat majoritairement démocrate, à voter pour l’adoption de cette loi. Qui plus est, elle s’accompagne d’une pétition solide, argument décisif. Résultat : le Congrès vote en faveur. Hourra. Puis ce cher Bush y appose son véto… L’année de la fin de son mandat. Hourra bis. Son successeur, Bill Clinton, réactualise le projet dès son élection. Il permet son adoption sous le nom National Voter Registration en 1993, consacrant ainsi la lutte de l’artiste masqué pour que la jeunesse vote plus, au moins aux élections présidentielles. Malheureusement… Sept mois avant les élections de 2016 qui opposeront vraisemblablement la reproduction sociale – Hillary de la dynastie Clinton – à la folie libérale – Donald « Money » Trump – pas sûr que les jeunes citoyens, notamment ceux des minorités, aient plus envie de voter que la génération précédente.

 

 

C’est dans le Basement des bureaux de YARD que le son prend pleinement ses droits. C’est là que chaque semaine, l’équipe de YARD vous concoctera un mix de sons hip-hop, us, français, electro, trap, oldies, classiques, rnb…
Une semaine sur deux sur OKLM Radio, le samedi à 22h avec Kyu St33d, et l’autre sur YARD, avec Supa!

 

MYRNE – Cult
Desiigner – Panda (Ateph Elidja Edit)
KRNE – Kung Fu feat. Pusha T & Future (KRNE Remix)
X&G – Whiplash ft. josh pan
KRNE – I’ll Be Good
Hoodboi – Closer (ft. ASTR)
TheStand4rd – 07 Decisions
TroyBoi – Do You?
BRAYTON BOWMAN – BRAYTON BOWMAN – IT’S GONNA BE RIH
Bryson Tiller – Sorry Not Sorry
Lil Hank – Dreaming Bout Cheese
SIROJ – Trabalho (Work Brazil Edit)
Drake Ft. Wizkid & Kyla – One Dance (CDQ)
Sam Gellaitry – Sam Gellaitry – Foolish
Moon Bounce – Wingman
Wet – All The Ways (Branchez Remix)
Falcons & Ekali – I Won’t Lie ft. Vanessa Elisha
I LOVE MAKONNEN – Uwonteva
Esta. – Whayawannnn(rough)
ASAP Ferg Ft. ScHoolboy Q – Let It Bang
Full Crate – Bando [Refix]
Athletixx – PNTHR
DJ Snake ft. Bipolar Sunshine – Middle (4B Remix)
Trippy Turtle – Take U Down
TeeFLii – I Don’t Need You (feat. Dom Kennedy)
Majid Jordan – My Love (Remix)
Jeremih – Woosah (feat. Juicy J & Twista)

Il n’aurait rien à envier à Candide, personnage emblématique de la bibliographie de Voltaire. Mais derrière cette façade que beaucoup qualifient de « simplette » se cache (ou pas) un artiste profondément ancré dans son temps. Durant cet entretien, Philippe Katerine n’aura de cesse de nous surprendre par la clarté de ses propos et de son savoir : du basket-ball en passant par Tyler, The Creator ou de Kanye West et son album au désormais célèbre acronyme « T.L.O.P ». On ne pourra s’empêcher de finir sur une référence à Johan Cruyff pour ce grand amateur de football : « jouer au football est très simple, mais jouer simple au football, c’est la chose la plus difficile qui existe ». Comprendra qui pourra !

 

Au départ lieu de remise en forme pour footballeurs, l’académie est devenue le point de chute de nombreux joueurs sans club, venus du monde entier. Un endroit où d’anciennes stars africaines côtoient de plus ou moins jeunes espoirs déchus. Bienvenue au Kampos Saint-Denis, un club vraiment pas comme les autres.

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Saint-Denis, stade Auguste-Delaune, 12 h 37. Une flopée de joueurs en short et en survêtement se tient droit, dessinant un cercle d’une demi-douzaine de mètres de diamètre. Certains ont les yeux clos, d’autres les laissent ouverts, mais tous sont silencieux dans ce moment de recueillement et de remerciement à Dieu, quel qu’il soit. Ce rituel terminé, un homme, Campos (ou Kampos), couvert de sa doudoune et d’un jogging bleu ciel, commence la causerie qui précède l’entraînement.

À l’ordre du jour : remerciements à un ancien coéquipier venu rendre une visite de courtoisie, distribution des bons et mauvais points suite à la dernière confrontation et, déjà, les premières remontrances. Son ton est dur et intransigeant pour expliquer à ses joueurs que le niveau se durcira fortement dans les prochains mois, ainsi que les exigences. Désormais, tous ceux qui n’auront pas trouvé de club au bout de six mois dans l’académie se verront reconduit à la sortie. La structure change d’ambition et le coach entend le faire savoir.
Bordant la ligne du tramway de Sarcelles à Pierrefitte, le complexe sportif situé à l’extrémité nord de Saint-Denis accueille chaque jour les entraînements de la Campos St-Denis Academy. Les planches de bois délimitant le trottoir de la grille du terrain sont habillées de plusieurs graffitis. Sur une d’elles, l’inscription « Campos, la légende », au feutre indélébile.

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La technique au centre du terrain

Le terrain prêté par la municipalité au club de Campos est le plus isolé du complexe, et incontestablement le plus vétuste. Plus couvert par ses granulés noirs que par l’herbe factice censé lui donné une couleur verte, le synthétique de toute première génération semble pleurer sa désuétude aux yeux et aux crampons des joueurs qui le foulent. En ce jour glacial – et de grève des transports – du mois de janvier, seule une « petite » trentaine de footballeurs s’est déplacée pour participer à l’entraînement. En temps normal – au sens large du terme –, plus de soixante joueurs s’y donnent rendez-vous et en été une centaine, selon l’entraîneur. Ici, il ne faut pas se fier aux apparences, et l’habit ne fait pas le moine. Certains sont en short, d’autres préfèrent le jogging, aucun ne s’encombre de protège-tibias. Aux côtés des crampons stars des publicités de Nike et d’Adidas se croisent d’autres marques obscures de sport, telles que Kipsta, Jako ou encore Givova. Après le dernier rituel qui précède l’entraînement, une quête d’un euro symbolique par joueur servant à l’achat de matériel et à son entretien, les choses sérieuses peuvent commencer.

Inaugurée par des séances de jongles à deux, la séance se poursuit par des jeux de conservation de balle. Visiblement agacé par le manque de compréhension des consignes, le coach manifeste ses premiers énervements pendant l’exercice. « Jouez ! » crie inlassablement Campos à ses joueurs. Les ateliers dédiés au travail des centres et à la vitesse se suivent, avant la traditionnelle opposition de fin de séance. Une-deux, « passe et va », permutations, appels en profondeur… Tout le vocabulaire tactique est présent. Le jeu, parfois très technique et léché, pourrait rendre Willy Sagnol moins certain de ses déclarations. Sur le terrain, les bruits sont rares, le jeu est au centre, pas de place pour les fioritures. On perçoit de temps en temps les noms des joueurs, l’occasion de saisir certains sobriquets qu’on imaginerait mal au dos d’un maillot de Ligue 1, dont le plus marquant reste Cacharel.

Jusqu’ici plutôt silencieux, le coach semble véritablement enfiler son costume d’éducateur au cours de l’opposition, il n’hésite plus à hausser le ton pour faire respecter les consignes. À un moment, Campos, ironique arrête le jeu pour montrer à un joueur fautif comment effectuer une passe latérale du plat du pied à deux mètres de lui, puis lui assène un « Bête ! » traumatisant.

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Un refuge d’espoirs et d’anciens

Ancien gardien de but, « Coach Campos » comme on le surnomme, a officié au Cameroun, en Italie et en CFA, avant d’arrêter sa carrière à cause de blessures récurrentes. De sa vie en Afrique, il garde un altruisme et un sens du partage qui l’ont poussé à accepter l’aide d’un jeune gardien il y a une dizaine d’années. Du jour au lendemain, l’ancien professionnel s’improvise entraîneur et coache son premier « élève ». Le bouche à oreille amènera deux, quatre, puis une dizaine d’autres joueurs, pour former aujourd’hui un club structuré presque comme les autres. La spécificité de Campos St-Denis Academy est de permettre aux joueurs sans club de pouvoir garder la forme avant de retrouver un contrat et une équipe.

Dans sa mission, l’entraîneur est entouré de plusieurs personnes qui composent son staff. La plupart sont des amis et connaissances de longue date, animées par le même amour du football. Parmi eux, son bras droit, « Coach Mike ». Ancien pensionnaire du centre de formation du FC Nantes, où il a notamment côtoyé Mickaël Landreau et Olivier Monterrubio, il a fait ensuite carrière en Angleterre, puis aux États-Unis. Pour lui, le but premier de l’académie est clair : « Je serais prétentieux si je parlais de formation ; former, c’est beaucoup plus vaste et ça commence dans les catégories de débutants, poussins, benjamins… On n’a pas les structures et les compétences pour. Les joueurs qui arrivent ont déjà un certain niveau, des mecs qui ont joué plus ou moins pros en Afrique. Nous, nous sommes là pour optimiser leurs compétences et pour les aider. » Avant de compléter : « Ces joueurs-là n’ont pas eu la chance de continuer à cause de blessures, de mauvais choix, de mauvais conseils… Donc, on les accompagne dans leur remise en forme pour qu’ils puissent trouver un club. »

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Car il s’agit essentiellement de cela. Si quelques membres du club venant s’entraîner sont de jeunes Français d’origine étrangère lâchés par leur centre de formation, la majorité des joueurs présents sont des immigrés venus de pays africains, parfois en situation irrégulière. Le club bénéficie aujourd’hui d’une visibilité suffisamment importante pour accueillir des footballeurs venus de toutes les régions du monde – les dernières curiosités étant deux Japonais de passage ces derniers mois –, mais ses lettres de noblesse ont été écrites en accueillant des stars du football africain : Pierre Womé, Geremi Njitap, Stéphane N’Guéma, Salomon Olembe, Apoula Edel… La liste est longue et révélatrice de cette nouvelle dimension.

Les chemins de la perdition

La précarité est souvent le propre de l’immigré. De ce fait, la configuration du club implique une dimension sociale inévitable et inhérente à la situation de ses membres. Une réalité dont est conscient Coach Mike : « On est obligés d’avoir une implication sociale parce qu’on a plus de soixante joueurs, dont certains qui n’ont pas forcément les moyens de vivre. Il y a des gens qui sont contraints de frauder pour venir s’entraîner, d’autres qui n’ont pas mangé, et certains qui ne savent pas où ils vont dormir ; donc, tu ne peux pas avoir le même comportement qu’avec quelqu’un de stable socialement. Ce n’est pas évident parce qu’on a d’abord une dimension sportive, ils sont là pour le football, mais on doit les accompagner dans leur transition. »

Depuis plus d’un demi-siècle, la professionnalisation du football et l’ouverture des frontières offrent un chemin idéal vers le rêve européen. Un rêve sur lequel capitalisent de nombreux « agents » mal intentionnés, avides de se remplir les poches en misant sur l’espoir de jeunes joueurs et le désespoir de leurs familles. « C’est facile aujourd’hui pour quelqu’un de se faire passer pour un agent en Afrique et réclamer de l’argent pour trouver un club à un jeune. Dès qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent, ils abandonnent l’enfant, qui se retrouve alors devant ses responsabilités. Il faut avant tout que les joueurs et la famille ne tombent plus dans le piège de ce genre de business », préconise Campos.

Maka, Camerounais, fait partie de ces victimes d’agents véreux. Joueur professionnel au Cameroun au début de sa carrière, il est choisi par un agent pour aller en Russie, avec neuf autres personnes, moyennant 3,5 millions de francs CFA (5 335 euros) par tête. Après deux jours sur place, l’agent s’enfuit, la cagnotte sous le bras, laissant les joueurs à l’abandon. Malgré plusieurs mois de galère, il réussit à signer un contrat pro en Première Division ukrainienne grâce au contact d’un oncle vivant en France. Maka mènera ensuite une carrière mouvementée qui le baladera à nouveau à Moscou, puis en Asie, en Moldavie ainsi qu’en Lituanie. Sans club depuis la fin de saison dernière, il s’entraîne avec Campos depuis près de sept mois après l’avoir retrouvé grâce aux réseaux sociaux. À 28 ans, Maka est père de famille et ne travaille plus. Il vit aujourd’hui des économies faites au cours de sa carrière, attendant la meilleure opportunité pour repartir, peu importe où ce sera. « J’ai reçu des propositions à Oman, près de Dubaï, dont j’attends le visa. Il y a un agent qui m’a appelé d’Indonésie, il faut qu’il concrétise son offre et qu’il me tienne au courant. Je n’ai plus 17 ans, je ne cherche plus à jouer en France. Je veux juste trouver un endroit où je puisse exercer mon métier et gagner mon argent tranquillement, m’occuper de ma famille et de mes amis. Moi, la France, je m’en fous, je peux y revenir quand je veux. » À la question de son avenir après le football, Maka répond qu’il aimerait coacher quelque part, mais pense avant tout aux années qui lui restent sur le terrain.

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Pour Guy Stephan, jeune Ivoirien d’une vingtaine d’années, l’histoire est différente mais la finalité se ressemble. Formé dans une école de foot au pays, il évolue en Deuxième Division camerounaise à l’âge de 17 ans. Après quelques matchs pros, il est emmené par son « mentor » en France pour effectuer des essais à Saint-Etienne, Montpellier et Avignon. Le garçon donne souvent satisfaction sur le terrain, mais la signature ne se concrétise jamais : problèmes administratifs, changement de direction, soucis financiers, contrats non homologués… Des péripéties qui forcent Guy à revenir en région parisienne pour « gratter » les clubs de Division d’Honneur et de District avant débarquer, lui aussi, dans le groupe de St-Denis : « J’ai fait un entraînement au mois de décembre dernier, la première fois que Campos m’a vu à l’entraînement, il m’a kiffé. Il y avait un match amical le soir même, il m’a convoqué, j’y suis allé, et j’ai fait bonne impression. Depuis, je suis resté car il m’aime bien. Je ne vais pas me jeter des fleurs, mais je fais partie des meilleurs. »

Sûr de lui, aujourd’hui, Guy vit chez sa grand-mère et partage son temps entre les deux ou trois entraînements de son club de l’Olympique Adamois (95) et les sessions quotidiennes de Campos, en espérant intégrer un club de CFA 2, de CFA, voire de National. Comme beaucoup, son objectif ultime est de taper dans l’œil d’un club professionnel, français ou étranger. Par conviction, fatalisme et sûrement pas mal de confiance en lui, le défenseur central ne travaille pas et ne vit pour l’instant que de primes de match aléatoires, de 100 ou 200 euros, et du soutien familial. « Pour l’instant, je ne pense pas à l’après-football c’est pour ça que dans ma tête je suis condamné à réussir. Mais voilà, comme c’est Dieu qui décide, si ça ne se passe pas bien, je serais peut-être obligé de chercher un travail, mais pas maintenant, je suis très jeune, je n’ai que 20 ans. Si ça ne marche pas, ce sera peut-être dans dix ans que je penserais à autre chose, mais pour l’instant je suis à fond dans le foot », assure Guy, déterminé.

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Objectif : Professionnalisation

À l’académie, pas de détections, ni de tests. Si le travail est rigoureux et les objectifs ambitieux, la vocation associative reste centrale. Un état d’esprit dont Campos est le premier garant depuis le début de l’aventure. « Aujourd’hui, je suis à un niveau de maturité qui me permet de jauger qui peut ou ne peut pas jouer, même si je n’ai pas la science infuse. Tout le monde peut participer et tout le monde est le bienvenu, car tout le monde peut avoir besoin d’aide. Mais après il y a des exigences et des ambitions, même si on essaie de faire la part des choses. On ne tourne le dos à personne à St-Denis », affirme-t-il. Même si la porte est ouverte, les places sont chères et la réussite rare.

En effet, beaucoup de joueurs misent sur le football et croient en une carrière. Une obstination qui pousse certains à signer dès leur première opportunité en se précipitant sur des choix d’équipe hasardeux, quitte à repartir vers une aventure à nouveau incertaine. D’autres, au contraire, refusent de bons clubs correspondant à leur niveau, attendant une structure professionnelle et un contrat juteux qui ne viendront jamais. Une approche délicate pour le staff de Campos qui, tout en encourageant les ambitions des joueurs, doit les aider à faire face aux réalités. Pour Coach Mike, des solutions de rechange existent : « Le plus difficile avec ces joueurs-là, c’est qu’il faut leur faire comprendre qu’à un moment donné tu peux vivre du football, même si tu ne gagnes pas ta vie en ne faisant que jouer. Par exemple, quand les équipes de Division Excellence te prennent, elles te donnent un boulot à côté : soit un contrat CAE, soit une place dans le staff. Les joueurs sont conscients qu’on ne peut pas tous gagner 1 500 euros par mois en tapant dans le ballon, parce que tout le monde n’a pas les qualités nécessaires. On leur fait comprendre qu’un club peut aider à s’intégrer dans la vie sociale. »

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En dehors des entraînements quotidiens, le calendrier annuel du club est agrémenté de multiples matchs amicaux, de tournois d’avant-saison, de rencontres contre des équipes réserves ou de centres de formation d’équipes professionnelles. L’occasion pour l’académie de servir de vitrine aux joueurs, qui y trouvent l’opportunité de montrer leurs qualités aux dirigeants et recruteurs présents lors de ces matchs. Forts de ces succès, Campos et son académie voient leur réputation grandir, et aujourd’hui ce sont souvent les clubs qui se renseignent sur les pensionnaires de St-Denis lorsqu’ils sont à la recherche de nouveaux talents.

Preuve de la reconnaissance de son travail, le coach croule sous les propositions, notamment de clubs de la région parisienne, mais aussi d’Europe de l’Est. Détail qu’il ne manque pas de rappeler à ses joueurs, comme un électrochoc. L’année de son dixième anniversaire, Campos St-Denis s’apprête à prendre un nouveau virage, avec deux défis majeurs : l’organisation d’un tournoi anniversaire réunissant des joueurs internationaux et amateurs ; mais surtout l’officialisation de la structure qui est sur le point d’obtenir le statut d’association et de signer un contrat de partenariat avec un cabinet d’agents de joueurs. Deux objectifs qui augurent encore beaucoup de travail pour Campos. Pour l’accomplissement de ce projet sur dix ans, il n’a jamais rien gagné. Le coach touche son argent en officiant en parallèle à Meudon, dans les Hauts-de-Seine. Quand il s’agit de définir son implication pour son académie et la motivation qui le pousse aujourd’hui à se lever chaque jour pour aider ses jeunes de 12 à 14 heures, il botte mystiquement en touche : « Je ne peux pas répondre à cette question. Dieu seul le sait. Il y a des moments où je suis démoralisé, où je n’ai pas envie, mais je me retrouve quand même sur le terrain. Du lundi au vendredi, tu n’es pas payé, tu as une famille, des obligations… Peut-être que le jour où je fermerais les yeux, Il me répondra. Mais j’espère, et je sais que je suis un des messies, un des envoyés de Dieu. »

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Photos : Thierry Ambraisse

> Retrouvez notre reportage vidéo sur l’école de Campos sur notre site.

 

Avec un nom de scène dont le suffixe est emprunté à l’élégant Swagg Man, Maskey a percé la Toile à la toute fin de l’année 2015 en parodiant PNL dans un style singulier : léger mais pertinent, caricatural mais toujours juste dans les codes, acide mais bienveillant. Depuis il a enchaîné sur deux autres entités rap à trois lettres, SCH et MHD, et ces vidéos aujourd’hui entre 1 et 2 millions de vues chacune sont attendues par ses 220 000 followers YouTube et par les autres aussi. Par incompétence et fierté, nous sommes obligés de conclure ce chapeau par une formule que vous retrouverez dans toutes ces prochaines interviews : « Nous avons cherché à comprendre ce qui se cache derrière le masque de Maskey. »

Photos : @terencebk

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Quand on tombe sur ta première « Recette », on se demande d’où tu viens ?

Ça c’est vrai. À l’ancienne, j’avais débuté par un format totalement différent. J’étais dans les jeux vidéo mais ça ne me plaisait grave pas, je ne me sentais pas à l’aise dans ce que je faisais. Je proposais du gaming et j’avais produit une dizaine de vidéos let’s play. J’avais déjà le nom de Maskey et mes vidéos faisaient 70 000 vues. Été 2015, je pars en vacances et je stoppe toutes activités sur ma chaîne YouTube. Je suis un grand fan de musique, je saigne les sons et en tant que beatmaker, j’ai toujours essayé de chopper des références à gauche à droite pour percer l’univers d’un artiste. Du coup je me suis dit que combiner tout ça à de l’humour pourrait être un bon délire. C’est comme ça qu’est née « La Recette ».

Quelle est l’idée qui t’a donné envie de lancer « La Recette » ?

J’en ai d’abord discuté avec quelques d’amis. Même si habituellement tout ce que je fais, je le fais en secret. Actuellement certains apprennent par eux-mêmes que je suis à l’origine de ces vidéos. Je veux absolument éviter les personnes qui te disent en face, « C’est lourd ce que tu fais », et dès que tu as le dos tourné, « Tu as vu ce qu’il fait ? Cet imbécile, il n’est même pas marrant. » Parallèlement, j’ai créé des liens avec des youtubeurs qui aimaient déjà mon délire quand je faisais des vidéos sur les jeux vidéo. Je leur ai parlé de mon choix de changement de direction.

« La Recette » à la base vient d’un youtubeur américain qui s’appelle Brett Domino qui, en 2012, avait fait une vidéo sur : « Comment faire une chanson pop ? » Son axe était musical, c’était le même esprit mais sa proposition se généralisait à un style de musique. Je trouvais ça grave bien et je me suis dit : « Pourquoi on ne ferait pas ça avec un rappeur, son style, ses gimmicks pour reproduire l’artiste lui-même ? » Je trouvais que c’était un fil conducteur intéressant surtout qu’il n’y a pas beaucoup de youtubeurs français qui parlent de rap sur Internet.

Une fois que tu as le concept, tu te diriges vers des boîtes de production pour le financement, c’est ça ? 

J’ai commencé à démarcher en faisant des mails tout en protégeant mon contenu. Je ne suis pas arrivé en faisant : « La Recette c’est ça ! » On nous répondait qu’il fallait qu’on fasse des business plan, des diapositives, des n’importe quoi… De la masturbation intellectuelle ! Pour au final me dire : « Ton projet il n’est pas bien, tu n’es pas assez connu, on ne te financera jamais. »

« Je suis le troisième membre de PNL mais suite à un problème interne de shampooing et d’après-shampooing, on s’est séparés. »

Tu as fait des Powerpoint ?

Oui j’ai fait des Powerpoint, c’était une erreur de parcours [rires, ndlr]. J’ai même acheté la suite Office [rit une dernière fois et reprend son sérieux]. Le pire c’est d’essayer de convaincre les gens, de leur dire : « Ça va marcher, ayez juste un peu foi en moi. » Au moment où je me suis rendu compte que personne croyait dans le projet je me suis dit : « Nique ». J’ai pris conscience que je serais tout seul dans ce truc et que c’est une bonne chose car les résultats me reviendraient personnellement. Je suis parti voir un clippeur professionnel, Zlavko. Je tiens vraiment à lui rendre hommage, c’était une période où il n’avait pas mon temps et il m’a quand même pris en charge. Il m’a dit : « Je vais t’aider dans ton truc, j’apprécie vraiment ton délire. » Il a clippé le PNL et le SCH et c’est lui qui m’aide dans le repérage des lieux de tournage, la base de loisir de Mousseaux pour PNL et l’hôtel sur les Champs-Élysées pour SCH. Il nous a tout trouvé. À l’époque je n’étais personne, je n’avais pas de thunes… C’est pour ça qu’aujourd’hui je veux vraiment lui rendre cet échange de visibilité car il le mérite vraiment.
Je travaille aussi avec un graphiste Chinois de 15 ans mais il ne faut pas l’écrire dans l’interview car ils vont croire que j’exploite des gens [rires]. Il s’appelle Dianos et c’est un tout petit hyper talentueux qui a fait le générique de « La Recette » et toutes les animations chelous.

Au final, j’ai eu besoin de deux personnes alors que les maisons de prod’ voulaient en mobiliser je ne sais pas combien pour des sommes qui dépassaient les 2 500 balles. Faire ça, c’est tuer le talent.

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Aujourd’hui avec le succès que tu connais, on imagine que ces maisons de prod’ reviennent sonner à ta porte ?

Oui, j’en ai parlé sur Twitter. Il y en a un qui a écrit en début de mail : « Waouh Maskey, je ne savais vraiment pas… » C’est n’importe quoi ! Au-delà de marquer les esprits, tout ce qu’il recherche c’est l’audience. La démarche n’est pas honnête et je n’ai aucun scrupule d’assumer le fait que je les ai envoyés chier. Je ne travaillerai jamais avec eux, c’est sûr et certain. D’autres maisons de prod’ m’ont contacté par la suite bien sûr mais dans ce cas c’est fair-play. Elles sont dans une bonne démarche contrairement aux autres.

Pourquoi avoir décidé de commencer avec PNL ? 

Je suis grave fan donc à aucun moment j’ai pour objectif de dénigrer leur travail. Tout le monde ne se prête pas à l’exercice de la parodie mais cette année s’il y avait un groupe qui l’était, c’est PNL. Dès leur arrivée, ils avaient un délire tellement particulier, tellement nouveau par rapport au reste que c’était facilement « parodiable ». Il y avait matière. J’ai tellement écouté Le Monde Chico que ça coulait de source, je n’ai même pas écrit les paroles pour tout te dire. Quand je suis arrivé en studio, j’ai demandé à ce qu’on me balance de l’auto-tune et tout arrivait au fur et à mesure. D’ailleurs, je suis le troisième membre de PNL mais suite à un problème interne de shampooing et d’après-shampooing, on s’est séparés [rires].

Dans quel état d’esprit tu étais quand tu as mis en ligne la première vidéo ?

Il faut poser le contexte, la vidéo je la mets trois jours après les attentats de Paris. Je pense vraiment qu’on avait besoin de rigoler à ce moment-là, vraiment. Dès que je finis le montage, je poste la vidéo à 22 heures pile. Je rentre chez moi pour dormir, je me réveille et je vois que Mouloud Achour me follow, je vois qu’OKLM et Booska-P parlent de moi… Des sites que je consulte tous les jours, je vois ma tronche dessus. Et là, il y a les appels des mecs qui ont cramé mon visage, je vois sur Twitter que ça me mentionne : « Hey connard, t’étais à la fac avec moi ! » Franchement c’est allé trop vite, ça s’est fait en une journée, en une nuit même. Ça m’a grave fait plaisir parce que ça serait malhonnête de dire que je n’attendais pas quelque chose en retour.

« C’est facile de critiquer un artiste mais si tu n’as pas une approche sérieuse sur son travail tu ne peux pas bien le parodier. »

Tu étais ambitieux par rapport à ce format…

J’avais vraiment la volonté de marquer les esprits, d’amener quelque chose de nouveau. Nous les youtubeurs, on n’a pas le meilleur statut, on est souvent pris pour des boloss. Dès qu’on parle de nous c’est pour exhiber la thune qu’on se fait, je ne voulais pas m’associer à cette image-là. Quand je vois que mon concept plaît aux puristes et à ceux qui n’écoutent pas de rap, je ne peux qu’être content. J’ai quand même fourni du travail, un soir le gars du studio allait partir à minuit et j’ai dû lui demander : « S’il te plaît, laisse-moi une heure. » Je n’ai pas travaillé pour 1 200, pour être totalement honnête avec toi. Je m’attendais à ce que ça fasse des vues. Pas aussi rapidement et pas autant. Je ne pensais pas que ça allait autant marquer les esprits. Une audience que je ne pensais pas toucher l’a été… Au final c’est tout bénef’ pour moi, je suis grave content de la situation. Ça m’encourage.

Pourquoi tu apparais masqué ? 

À la base, je suis une personne qui n’aime pas trop se montrer. C’est une valeur que mes parents m’ont inculqué. Ça c’est une manière polie d’expliquer que sinon j’allais me faire défoncer [rires]. Au final le masque ne sert strictement à rien car il arrive qu’on me reconnaisse quand même dans la rue. Mais au final, le personnage est attachant, il y a un petit délire derrière. Au début, c’était une mesure de sécurité. Si ça ne marche pas tu supprimes discrètement ta vidéo et tu reprends le cours de ta vie [rires]. Les gens ont adhéré au délire du mec masqué… Mais est-ce que tu peux préciser dans l’interview que je suis un beau gosse despi, je ne veux pas que les gens pensent que je n’assume pas de montrer mon visage. Je me considère comme un 6/10, je monte parfois à 7 mais pendant le Ramadan je suis à 4 [rires].

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Certains pourraient penser que tu dénigres le rap avec tes vidéos ?

Pas du tout, d’autant plus qu’on est dans une période où les rappeurs français essaient de plus en plus de choses. La pire chose ce serait de les décourager en disant : « C’est de la merde ce que vous faites. » Si je ne les appréciais pas, je ne pense pas que la chronique serait aussi marrante. C’est facile de critiquer un artiste mais si tu n’as pas une approche sérieuse de son travail tu ne peux pas bien le parodier. Si je n’aimais pas autant les clips de SCH je n’aurais pas saisi toutes ses mimiques, je n’aurais jamais analysé l’auto-tune de cette manière-là pour PNL. D’abord j’achète les albums, je les accroche sur mon mur, je saigne ce qu’ils font et si je sens que je peux le faire, je le fais. Parce qu’il y a des artistes qui sont difficiles à parodier… Je pense notamment à Niro, si je le fais aujourd’hui on va se foutre de ma gueule, je n’en ai pas les capacités. Des artistes se prêtent plus à l’exercice que d’autres.

Alors que tu es en pleine exposition, tu prends ton temps et tu n’enchaînes pas les vidéos, pourquoi ?

Je suis en train de tuer le buzz volontairement, je ne veux pas qu’on m’oublie demain. C’est tellement facile de tomber dans l’oubli. Je veux faire comprendre aux personnes qui me suivent qu’elles n’auront pas de la merde, je préfère me concentrer sur la qualité plutôt que sur la quantité. Là les gens attendent les vidéos, ils se demandent qui sera le prochain… Pour le moment je veux asseoir le concept de « La Recette » et quand ça marchera je m’étendrais à d’autres projets. Seulement à ce moment-là, je serais plus prolifique. Le buzz c’est la pire des choses qui puisse t’arriver. C’est difficile de s’accrocher à un buzz sur le long terme, encore plus dans l’humour où tout le monde veut être marrant actuellement. Les gens ont tous des logiciels de montage, une caméra voire un iPhone, ce n’est plus aussi compliqué d’être viner ou youtubeur.

« Dès que je finis le montage, je poste la vidéo à 22 heures pile. Je rentre chez moi pour dormir, je me réveille et je vois que Mouloud Achour me follow, je vois qu’OKLM et Booska-P parlent de moi… »

Tu vis de tes vidéos aujourd’hui ?

Pas de ouf. Les vues ne payent plus comme avant, les gens utilisent beaucoup de bloqueurs de publicités, ça a tué le modèle économique de YouTube. Du coup, les youtubeurs sont obligés de passer par des partenariats. On m’en a proposé mais ils n’étaient pas en accord avec « La Recette ». Mais dès qu’ils le seront je les ferais… Tant que ça ne nuit pas à la qualité de ma vidéo.

J’ai mes études à côté, pour le moment je suis entre le délire et le professionnalisme. Une fois que j’aurais fini mes études, que je serais sûr d’avoir un bon parachute de sécurité et que ma mère me laissera tranquille [rires]… À mon âge tu penses plus à toi qu’à tes parents à ce sujet, même si c’est un facteur à prendre en compte. J’intègre vraiment que du jour au lendemain tout peut s’arrêter.

Pour compléter ma toute première question, je crois que tu ne viens pas de tout ce secteur parisien qui pourrait faciliter ce genre de projet ?

Non, je ne suis même pas Français mec, je viens du « de-blé » : « Straight from the bled ». C’est vraiment une information que je voudrais que l’on sache de cette interview. Je n’ai même pas la nationalité, j’ai une carte de séjour que je dois renouveler chaque année.

Je ne suis vraiment pas de cet univers, la seule chose que l’on peut associer à tout ça est que j’étais beatmaker, auparavant. D’ailleurs on me connaissait plus pour mes qualités de diggeur que de beatmaker, je sais très bien chercher des prods. J’étais « directeur artistique » : je trouvais des instrus pour les gens, je les conseillais sur leur manière de poser. La musique je la connais mais je ne suis pas un puriste, il y a certaines références que je n’ai pas. Notamment au niveau du rap français, toute la génération NTM que je ne connais pas trop, j’ai des lacunes et j’en ai conscience. Je n’essaie pas de me faire passer pour un mec qui a la science infuse dans ses vidéos, c’est l’histoire d’un mec qui aime un groupe et qui veut lui ressembler. C’est aussi simple que ça.

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Qu’est-ce que qui s’est passé quand tes parents ont découvert que tu étais Maskey ?

Bon on est allés chez le notaire et ils m’ont déshérité [rires]. Très concrètement, ils m’ont dit : « Tu es censé faire tes études, à quoi tu joues ? » Ils ne voulaient surtout pas que je passe pour un boloss et me demandaient de faire les choses bien et surtout de ne pas lâcher mes études.

Ma mère était au courant mais il y a quelques jours elle cherchait une recette de cheesecake sur Internet et elle a écrit « la recette » tout court… Et là elle tombe sur mes vidéos. Elle m’a dit : « J’ai regardé ta vidéo tout ça, j’ai pas compris, tu n’es pas marrant. » Ça la dépasse. Quand elle verra les chèques arriver, ne t’inquiète pas, elle va rire.

Quelle est la suite pour toi ?

Je continue de m’amuser, j’adore l’ambiance de travail dans laquelle je suis. Franchement ce n’est que du positif. Il faut savoir que je me suis enfermé pendant une année pour préparer ce concept, j’ai toujours voulu me lancer dedans.

Tu maîtrises le beatmaking, tu sais rapper… Pourquoi tu ne ferais pas simplement rappeur ?

Tu as écouté mes rimes dans mes parodies. Je ne pense pas qu’on puisse aller jusqu’au disque d’or avec ça [rires]. Je suis plus dans l’aspect parodique mais franchement ça pourrait être un projet pour le fun. Si je devais me lancer, je me verrais plus comme un Tyler, The Creator quelqu’un qui serait plus dans l’humour même que dans la musique. C’est impossible autrement. Je n’ai pas de vécu, je n’ai jamais vendu de drogue, ma mère me gâtait de ouf quand j’étais petit… Je suis un blédard.

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Twitter : @MaskeyLeVrai
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Lil Wayne n’a jamais caché son admiration pour Jay-Z, qu’il considère comme l’un de ses « mentors ». Un respect partagé et réciproque qui a amené quelques collaborations mémorables telles que « Mr Carter » ou « Hello Brooklyn« , mais aussi pas mal de déclarations houleuses et de rumeurs douteuses. Au micro du show radio de DJ Drama sur Shade 45, Tunechi a confié une anecdote datant d’il y’a quelques années, concernant une possible signature sur le mythique label de Jay-Z, Roc-A-Fella .

« Je suis allé le voir pour parler d’une possible signature à Roc-a-Fella. C’était il y a plusieurs années. C’était au 40/40 en pleine journée, et quand je suis arrivé, il conversait avec Denzel [Washington, ndlr], Derek Jeter… Et je me suis dit : « C’est ça sa clique !? » Et ils se marraient sur des blagues que je ne comprends même pas. Et ils rigolent bruyamment ! Et il m’a littéralement fait asseoir près de lui mais en contrebas, en dessous des autres, comme pour me dire : «  Tu ne fais pas parti de ce cercle-là.»

Ce n’est qu’après s’être marré sur chaque blague, qu’il daigne m’adresser la parole sur le coté. Et ensuite il m’a fait une offre à 175 000 dollars… [rires] J’y croyais pas. Je le regardais en me disant que deux des dents de ma bouche valent 175 000 dollars. Deux de mes dents. Mes dents du bas. On en rit encore aujourd’hui à chaque fois. »

Pour cette dernière série « Somewhere In », c’est Julien Scheubel qui traverse l’Atlantique pour s’aventurer près des terres de la ceinture de feu du Pacifique, dans la ville de Carthagène en Colombie. Sa verdure luxuriante, ses skylines, ses couchers de soleil et ses façades colorées, découvrez avec lui les multiples paysages dont regorgent la ville.

« Carthagène est une ville surprenante. Pour ma deuxième fois là-bas j’ai eu l’occasion de découvrir Carthagène et ses multiples facettess. Il y a dans un premier temps la ville historique cloisonnée entre ses remparts et son style colonial qui transpire un temps révolu. Entre sa chaleur pesante à partir de midi et ses nombreux touristes, un réveil à 6 heures du matin est définitivement le meilleur deal pour en profiter et se mêler aux habitants.
En dehors du centre historique s’élèvent des buildings façon Miami. De loin seulement car aux pieds de ceux-ci  ce n’est pas la même richesse que sa voisine floridienne qui s’étale. Sunset, musique locale, hymne national sur toutes les radios à 18h et une fraîche Club Colombia Michelada (bière locale) et tu as le sentiment de vivre ici depuis toujours. Pour les aventuriers, prenez un bateau durant 45 minutes pour finir sur une île au milieu de nulle part, Isla Del Rosario, les Caraïbes. »

Instagram : @Julien_Scheubel

Le Kardashian est une espèce invasive qui se reproduit à la vitesse de la lumière. Le petit frère de Kim et Kylie vient de se fiancer avec Blac Chyna, elle-même mère de l’enfant du petit-ami de Kylie. Un mode de vie à la Game of Throne expliqué en BD par Stella Lory.

« Si tu es quelqu’un de bien, je ne te souhaite que le meilleur » Asher Roth prend à contre-pied l’individualisme ambiant. Un personnage énigmatique. D’abord jeune étudiant qui faisait l’apologie de la vie sur les campus, puis rappeur hippie aux cheveux longs qui chantonnait sur des airs smooth, on l’a récemment découvert avec Rawther, dans un nouvel univers. Plus rock, plus brut qui dénote totalement avec l’image de sensei qu’il dégage. Difficile d’en être autrement quand on est entouré de Nottz et Travis Barker.
Le jour de son concert au Petit Bain en plein entretien, Asher Roth impose un calme déstabilisant, une simplicité et une authenticité déconcertante. Autour d’une corbeille de fruits, de Snickers, Mars et autres friandises, on lui a posé quelques questions.

 

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Tu as commencé à rapper à l’université, comment as-tu déboulé dans le monde du rap ?

En fait, j’ai commencé comme un peu tout le monde. Je m’intéressais au hip-hop, j’aimais le rap et je m’y suis mis. Tu sais quand tu mets un pied dedans, tu te dis : « J’adore ça c’est cool, je vais essayer de faire pareil. » Donc j’ai essayé d’imiter les trucs qui me plaisaient. Au lycée, je jouais au baseball puis j’ai arrêté, il fallait que je trouve quelque chose pour combler mon temps libre [rires, ndlr]. Avec des potes on s’est dit que la musique ce serait cool et qu’on pourrait s’amuser. J’ai toujours pris des décisions en me demandant dans quel domaine je prendrais le plus de plaisir.

 

Et aujourd’hui, tu ne joues plus au baseball ?

Non, non, je n’y joue plus, j’en regarde seulement.

 

En 2009 tu sors ton premier album Asleep in the bread aisle, tu connais un succès fou avec « I Love College ». Comment as-tu vécu cette célébrité soudaine?

Mon intention de base n’était pas de devenir riche et célèbre, ça n’a jamais été mon but dans la vie. Tout a explosé, les gens ont commencé à me reconnaître dans la rue et beaucoup de choses me sont devenues accessibles. Je ne me rendais pas compte de ce qui se passait au début car tout allait super vite. J’ai commencé à faire des tournées, j’avais mon tour bus. Je n’avais jamais vécu une chose pareille. Quand j’ai appris que j’allais tourner avec Kid Cudi et B.O.B, c’était incroyable. Puis je suis parti à New York, c’est là que j’ai commencé à réaliser que je voulais vraiment faire carrière. Il y a eu une évolution super rapide entre les petits concerts que je faisais au début et ceux que je me suis retrouvé à donner quelques temps après. C’est allé vite mais j’ai réussi à réaliser ce qui se passait et j’ai pris les bonnes décisions.

 

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Après cet album, tu étais vraiment le mec à suivre, tu as notamment été Freshmen XXL. Mais on a le sentiment que tu as essayé de t’éloigner de tout ça en changeant autant ton apparence que ta musique. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Je ne me suis pas dit : « Ah non, je ne veux pas être ce type de mecs connus. » C’était plus une progression naturelle, on était dans le Top 5 album Billboard, et quand tu commences à jouer dans cette cours, tu te rends compte que c’est un autre monde. Tu as des gardes du corps, pendant les interviews j’étais entouré de 6 personnes, j’avais vraiment l’impression de ne plus vivre ma propre vie. Du coup, je me suis rendu compte assez vite que ce n’était pas ce que je voulais au fond de moi. Une fois on m’a même dit : « Asher, il faudrait que tu te coupes les cheveux pour plaire aux adolescentes. » Donc j’étais là : « Euh non, laissez-moi tranquille, je veux garder mes cheveux longs » [rires]. C’était important pour moi d’être totalement libre.

 

On a essayé de te brider artistiquement ?

J’étais plus ou moins libre mais on me disait : « Fais quand même ces deux ou trois sons dans ce style ». Ils me demandaient un compromis car les trois sons populaires qu’ils me poussaient à faire c’était à ces titres que les gens allaient le plus m’affilier bizarrement. Finalement, je faisais des choses qui ne me correspondaient pas vraiment. Ça te fait gagner en passage radio, en fanbase… Mais les gens ne savent plus ce que tu proposes réellement au final.

 

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Si tu avais choisi de t’écarter du milieu de la musique, tu aurais pris quelle voie ?

Je faisais des études pour être professeur en école primaire. On m’a donné la chance de bouger à Atlanta pour travailler avec Scooter [Scott Braun] qui manage Justin Bieber et Kanye West depuis peu, donc j’ai mis les études de côté. Mais j’aurais pu donner des cours [rires].

 

Tu as aujourd’hui 30 ans et au fil de ta carrière tu es passé par différents univers : de l’étudiant au rappeur hippie, mais aujourd’hui on te redécouvre avec Rawther, un projet bien plus rock. Explique-nous pourquoi tu n’as de cesse de traverser différentes ambiances ?

Exact [rires] ! Tu vois, j’adore avoir la possibilité d’essayer de nouvelles choses. Je n’ai pas envie de me sentir enchaîner à un style de musique. En te restreignant tu ne grandis plus, tant sur le plan humain que sur le plan artistique.
J’ai toujours été fan de jazz mais j’ai aussi grandi avec les Rolling Stones et ce genre de groupe. J’ai toujours aimé m’inspirer de ces différents genres en essayant de les mélanger. Grâce à ça, chaque jour qui passe, je me sens grandir en tant qu’artiste et en tant que personne.

 

Chaque projet correspond à une période un peu spéciale de ta vie non ?

Oui, chaque projet est une sorte de capsule temporelle. Chaque album correspond à l’état d’esprit que j’avais au moment où je l’ai fait, mon histoire à ce moment précis.

 

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Et dans ce dernier projet, tu étais dans quel état d’esprit du coup?

Avec Travis et Nottz, on a presque tout enregistré en Virginie. C’est un projet assez rebelle et agressif, une nouvelle énergie. Sur RetroHash, on retrouvait quelque chose de plus mélodique et mélancolique, un truc à la californienne. Mais ce n’est pas que ça le rap. Parfois, tu as simplement envie de mettre des baffes et de casser des portes ! C’est ce qu’on voulait faire, ramener ce type d’énergie et mixer les genres. Je veux surprendre à chaque projet.

 

Comment tu te sens dans le milieu de rap qui véhicule encore souvent les stéréotypes du bling-bling ?

Ce qui est fou c’est qu’on les voit encore ces stéréotypes, je pense que c’est surtout dû à Internet. On donne beaucoup de visibilité à ce genre de rappeurs et ce qu’ils font, mais il ne faut pas oublier que la musique c’est du spectacle avant tout, les gens ont besoin de se distraire. Personnellement je n’ai jamais voulu jouer de rôle. Pour moi et pour beaucoup de mes fans aussi, je pense que l’authenticité est quelque chose d’important.

 

D’ailleurs dans le clip de « Fast Life » tu rappelles un peu aux gens ces valeurs de simplicité avec la fameuse « message box ». Comment t’es venue cette idée ?

Un de mes amis revenait du festival Burning Man. Il m’a dit : « Mec ils ont fait ça au festival et je pense que ça pourrait être une bonne idée pour ton clip. » Le concept m’a séduit et on l’a fait. Los Angeles est vraiment la ville parfaite pour faire ce type de chose. Il y a tellement de distraction, de gens matérialistes… On voulait leur faire une petite piqûre de rappel sur le confort de nos vies comparé à celui d’autres sur cette Terre.

 

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En écoutant Rawther, on a l’impression de redécouvrir ton écriture. Tu as vraiment voulu faire ressortir ta plume sur ce projet?

C’est vrai. C’est ce que j’ai choisi pour que les gens soient plus connectés au projet, je ne voulais plus faire simplement rimer des mots.

 

Tu as bossé différemment sur ce projet ?

La plupart du temps je travaille main dans la main avec le producteur. Pour Rawther du coup je suis allé en Virginie chez Nottz et on a travaillé ensemble. C’est en faisant de vraies collaborations qu’on obtient la meilleure musique je pense.

 

Parles-nous de tes vidéos Rap Life. C’est une manière d’être plus proche de tes fans ou elles ont une visée plus promotionnelle ?

Comme je t’ai dit l’authenticité est quelque chose d’important pour moi. Je veux permettre aux gens de voir comment les choses se passent de l’intérieur. Je veux me montrer avec mes imperfections. Quand le public voit comment tu es vraiment, une vraie connexion humaine s’instaure. Je ne prétends pas être meilleur qu’un autre et vouloir me mettre en avant avec ces vidéos, c’est plutôt une façon d’embarquer ceux qui me suivent dans ma vie de tous les jours. Quand des gens viennent te voir pour te dire que tu as changé leur vie et que ta musique les a aidés, en faisant ces vidéos tu rééquilibres la balance. C’est aussi une manière de dire : « Regardez, je suis comme vous ».

 

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Dans l’épisode 5 de Rap Life, quelqu’un te dit « Tu commences à rapper en français ! » Tu t’es déjà essayé au rap français donc ?

J’ai essayé récemment [rires]. J’étais venu à Paris pour travailler avec Étienne de Crécy sur un projet orienté dance. J’ai juste dû dire quelques trucs comme : « Tu es jolie ». Je revenais juste de mon voyage en France sur cet épisode, c’est pour ça qu’il a dit ça.

 

Tu as une bonne connexion avec 1995. Comment les as-tu rencontrés?

Hologram Lo’ connaît une amie à moi, Zoe, je les ai rencontrés à LA quand il shootait un clip. Moi je travaillais avec Chuk Inglish à ce moment-là. On s’est rencontrés et on a accroché. Je ne savais pas du tout qui ils étaient et je pense qu’eux non plus ne savaient pas qui j’étais [rires]. On s’est connus en tant que personne pas en tant qu’artiste. Après quand je suis revenu à Paris, Zoe nous a remis en contact, on rodait ensemble et j’ai découvert leur monde. C’était vraiment une super expérience d’être à la fois fan de ce qu’ils faisaient et ami avec ces mecs.

 

Tu penses quoi du succès de Nekfeu?

C’est vraiment cool. Il le mérite. Je ne comprends pas ce qu’il dit mais sur le plan humain en tout cas, c’est un mec en or. Donc je suis heureux pour tout ce qui lui arrive. Toute leur équipe est géniale et si tu es quelqu’un de bien je ne peux te souhaiter que le meilleur.

 

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Photo live : Damien Paillard
Portrait : Booxs

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Avec la sortie de son premier ouvrage photographique, Axel Morin nous emmène en virée. Destination New-York et ses quartiers du Bronx, du Queens, de Harlem et de Brooklyn sous la chaleur écrasante du soleil d’été.

Le jeune photographe parisien y retrouve les thèmes et le type de zones qui lui sont chers. Dans un décor urbain délabré, posent ou sont saisis dans l’instant des personnages – roi auto-proclamé, gamins électrisés par leur éternelle énergie- et leurs accessoires qui s’affichent avec la même fierté. Les regards vous transpercent ou prolongent le nôtre vers un ailleurs et d’autres vies. Certains instantanés, saturés de détails et de couleurs semblent au bord de l’explosion : c’est que toute la vie capturée par l’objectif s’y contient avec peine. Par contraste, d’autres prises de vue désertées de toute présence humaine nous plongent dans l’immobilité la plus irréelle.
Axel Morin contribue avec cette série à façonner une iconographie de la rue, toujours nouvelle et universelle.

Limité à 100 exemplaires numérotés et signés, « Once Upon A Time In America » est disponible en exclusivité sur notre shop online.

Retrouvez l’univers photographique d’Axel Morin sur Instagram et sur Tumblr.

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Hier soir, Kobe Bryant jouait le dernier match de sa carrière au Staples Center. Après une 20ème saison sans enjeu et aux hommages sans égal, le numéro 24 tirait sa révérence laissant derrière lui une génération biberonnée aux exploits du Black Mamba. Un mythe virevoltant qui, à l’instar de ses idoles du game, trimballe aussi des casseroles. Autant de petites histoires de vestiaire et de tribunaux qui ont contribué à l’édification de sa légende…

 

Kobe, l’Italien

 

Tout commence en Italie où la famille Bryant pose ses valises en 1984. Kobe a six ans et son père Joseph joue pour l’équipe de Rieti qui évolue en division 1 du championnat de basket. Une grande gueule capable de poser des dunks pendant sa période universitaire alors que c’est encore interdit. Après quelques saisons en NBA, le paternel est contraint de s’exporter en Europe. Sûr de son talent, le monsieur n’est pas un foudre de guerre, rechigne à s’entraîner et prend du poids. Ses partenaires le surnomment « Jelly Bean » en référence au bonbon préféré des kids américains. En Italie, le Joe devient une petite célébrité, avec notamment deux matchs à 50 points, et découvre un championnat de haut niveau et des supporteurs bouillants. Pendant ce temps, Kobe regarde son père jouer, reproduit ses gestes et apprend la langue de Dante.

 

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À 7 ans, il parle couramment l’italien. Tous les jours, on le retrouve sur le terrain du quartier où il en profite pour enfiler les paniers avant que les bambini du coin débarquent avec leur ballon de foot. Un sport qu’il apprécie mais il sait déjà qu’il peut apporter beaucoup plus au basket. Et non le contraire. La famiglia restera en Italie jusqu’en 1991, déménageant au grès des transferts du padre : Reggio Calabria, Pistoia, Reggio Emilia… Puis, direction Mulhouse. Kobe l’Alsacien se mêle aux pros, leur demande de jouer avec lui après les matchs. Ses parents l’ont inscrit à l’International School de Bâle à 45 minutes de Mulhouse. La famille vit à l’hôtel provoquant l’exaspération des clients dérangés par des bruits de ballon au beau milieu de la nuit… L’exode alsacien ne dure que quelques semaines. Pour Joe, le basket français est une foutue rigolade. Retour aux États-Unis où son père devient l’entraîneur d’une équipe de filles dans la banlieue de Philadelphie tandis que Kobe continue son apprentissage et montre déjà un énorme potentiel.

 

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En 1992, il rejoint les rangs de la Merion High School qui figure parmi les meilleures écoles du pays et dispose d’un programme de basket renommé. Du sur-mesure pour ce diamant brut qui ne tarde pas à se distinguer. Dès sa première année, il termine meilleur marqueur de l’équipe. Lors de sa dernière saison, le futur Black Mamba bat tous les records avec plus de 30 points de moyenne. Les billets pour assister aux matchs s’arrachent. Tout le monde veut voir le phénomène qui permet aux Aces de remporter le titre. Une première depuis 1943. Kobe est élu meilleur lycéen du pays. Les plus grandes facultés lui font du gringue. C’est sans compter l’assurance et la détermination du Kid de Philadelphie…

 

Moi, Kobe Bryant…

 

Printemps 96. Kobe Bryant réunit ses professeurs et quelques journalistes pour annoncer son choix. Les personnes présentes sont ébahies par la maîtrise et le sang froid du jeune homme affublé d’un costard à épaulettes. 16 ans avant François Hollande et son fameux gimmick du « Moi, président », le Black Mamba balance : « Moi, Kobe Bryant, j’ai décidé d’exporter mes talents à… », avant d’ajouter « j’ai décidé de ne pas aller à l’université et d’exporter mes talents en NBA. » La draft 1996, considérée comme l’une des meilleures de l’histoire, désigne Allen Iverson comme le numéro 1. En 13ème position, on retrouve Bryant qui est recruté par les Hornets avant d’être transféré aux Lakers. Jerry West, le boss des Angelinos pour qui « Kobe est le vrai numéro un de la draft », le suit depuis quelques temps et l’échange contre Vlade Divac.

 

Kobe hornets

 

Malgré des débuts timides, le plus jeune joueur de l’histoire de la NBA étonne et intrigue. Il faut dire que le garçon est un bourreau de travail dont l’unique obsession est de dépasser son idole Michael Jordan. Dans son autobiographie, le légendaire entraineur Phil Jackson raconte que Kobe « avait non seulement appris à maîtriser la plupart des mouvements de Jordan mais s’était aussi approprié ses manières. » Le Black Mamba est un athlète éclairé accro aux statistiques, aux systèmes de jeu et aux analyses en tout genre. Son livre de chevet n’est autre que l’ouvrage de Dean Smith, l’ancien entraineur de Michael Jordan à l’université. Comme son paternel, il est sûr de son talent mais contrairement à lui sait que c’est par le travail qu’il réussira. Kobe va même jusqu’à imposer des séances vidéo pendant la mi-temps des matchs. Premier à l’entrainement, le dernier à partir. Une rigueur qui ne plaît pas à tout le monde, à commencer par Shaquille O’Neal son coéquipier. Le géant est un épicurien pour qui le basket rime avec plaisir. Un esprit de camaraderie que Bryant ne partage pas, confiant même qu’il n’a pas d’amis en NBA, qu’il n’a pas le temps pour cela, ni l’envie… Dans une interview pour USA Today, il déclarera : « Les gens pensent qu’on gagne des titres quand tout le monde s’éclate. » Fin de non-recevoir. Si certains s’en accommodent, d’autres pètent les plombs comme le pauvre Smush Parker qui en prend plein la gueule quand il l’aborde histoire de détendre l’atmosphère. La star des Lakers lui rétorque le plus sérieusement du monde : « Tant que ton palmarès reste ce qu’il est, ne viens pas me parler. » Le jeune joueur terminera sa carrière au Maroc dans l’anonymat total. Jeremy Lin fera aussi les frais de la verve venimeuse du Black Mamba qui lui enverra un SMS assassin lui disant qu’il espère « que cette saison [le] dégoûte ». A l’instar d’un Cristiano Ronaldo qui n’a pas besoin que Bale et Benzema viennent diner à la maison pour gagner, Kobe Bryant est un virtuose esseulé qui ne compte que sur son talent pour faire la différence.

 

Kobe Jordan

 

Law & Order

 

Été 2003. Auréolé de trois titres NBA avec les Lakers, Kobe Bryant doit subir une opération du genou dans le Colorado. La star est en pleine bourre et l’avenir est au beau fixe avec l’arrivée de nouveaux poids lourds dans l’équipe. Deux jours avant l’intervention, il prend ses quartiers à l’hôtel Lodge & Spa at Cordillera. Le lendemain matin, la vie de Kobe Bryant bascule quand l’une des employées du palace se présente à la police. Elle raconte que le joueur l’a violée. Dans la soirée, les détectives Dan Loya et Doug Winters débarquent à l’hôtel pour l’interroger. Le basketteur est paniqué. Il a surtout peur pour sa carrière. Les policiers tentent de le rassurer, lui expliquant qu’ils ne sont pas là pour le détruire. Bryant nie en bloc puis fait marche arrière. Oui, il a bien eu une relation sexuelle avec la jeune femme mais il jure qu’elle était consentante. Un mandat d’arrêt est émis par le shérif du comté. L’affaire ne tarde pas à se répandre dans la presse. Kobe Bryant est officiellement accusé d’agression sexuelle et risque la prison à vie. Il clame son innocence lors d’une conférence de presse où il est accompagné de sa femme.

 

Kobe-Vanessa

 

Dans son livre, Phil Jackson racontera qu’il n’a pas été étonné par cette histoire. « Je savais qu’il pouvait être dépassé par de surprenants excès de colère : il l’a prouvé plusieurs fois, à mon égard et à celui de ses équipiers. Etais-je donc surpris ? Oui, mais pas totalement. » Les médias et l’opinion publique s’emparent de ce fait divers croustillant. Une étude classe même le procès Bryant au sixième rang des centres d’intérêt des internautes américains. Un certain Patrick Graber est arrêté car il projetait d’assassiner la victime. L’Amérique est divisée. Malgré tout, Kobe continue à jouer comme si de rien n’était, enchaînant les succès à l’image de cette soirée où il inscrit 42 points. Pendant ce temps, les avocats de la star dévoilent le côté obscur de la jeune femme. L’ex-pom-pom girl a fait deux tentatives de suicide et aurait eu des relations sexuelles avec deux témoins de l’accusation quelques heures après la fameuse nuit avec Bryant. Les poursuites sont abandonnées. Lors du procès civil, un règlement à l’amiable est conclu entre les deux parties. Le montant du chèque signé par KB n’a jamais été évoqué. Plusieurs de ses sponsors comme Mc Do et Nutella décident de ne pas prolonger leur contrat avec le joueur. À Los Angeles, l’ambiance est tendue entre O’Neal et Bryant. À l’occasion d’une interview, ce dernier critique ouvertement le pivot, déclarant qu’il « est gros et hors de forme. Qu’il a exagéré sa blessure à l’orteil pour avoir davantage de congés, et qu’au final, ce n’était même pas si grave. » Le Shaq est fou de rage, prêt à tuer son coéquipier qui se sent isolé depuis l’affaire. Les deux hommes ne veulent plus jouer ensemble. L’entraîneur Phil Jackson souhaite se séparer de Bryant.

 

shaq heat kobe lakers

 

Au final, Shaquille O’Neal rejoint le Heat de Miami, le coach est viré et le Black Mamba signe un nouveau contrat de 136 millions de dollars. Kobe traînera cette sale affaire pendant de nombreuses années. Encore en 2012, le rookie Larry Nance Jr le traitera de violeur sur les réseaux sociaux. Dix ans après le fameux procès, le joueur repasse par la case justice. Cette fois, il est dans la peau de la victime et intente un procès à sa mère qu’il accuse d’avoir mis en vente des objets personnels sans son accord : des maillots, un trophée de meilleur joueur de l’Adidas ABCD basketball camp, un ballon signé des finales NBA 2000 et une bague du titre NBA 2000. La maman avait besoin de 450 000 dollars pour s’acheter une nouvelle maison alors que son fiston lui avait tout de même proposé un joli chèque (250 000 dollars). Entre le Black Mamba et ses parents, tout n’est pas rose. Bien que discret sur sa vie personnelle, le joueur a confié qu’il ne pensait pas que ses parents assisteraient à son dernier match. De quoi provoquer des attaques en série chez les fans de Kobe…

 

Kobe Bryant Black Mamba Out

S’il ne s’encombre pas de bling-bling clinquant et d’egotrips endiamantés, Dawala a pourtant construit avec son label Wati B l’un des empires les plus fastes qu’ait connu le rap français, débordant largement le domaine de la musique pour s’implanter dans le textile, le sport ou même l’associatif. Aujourd’hui entrepreneur respecté, l’ancien gamin du Mali devenu producteur de Sexion d’Assaut, Maître Gims ou Black M a su forcer le destin par l’acharnement et parfois la chance, dessinant au passage un parcours bosselé qui va des compil’ de fortune à l’impôt sur la fortune.

 

Article publié dans le dernier YARD Paper, spécial Hustlers. Toujours disponible > oneyard.com/shop

 

À l’embouchure de la rue Châteaudun, dans un IXe arrondissement parisien compressé par la chaleur de juillet, le café Royal Trinité ronronne paisiblement. Posés devant les restes d’une salade César et trois cafés noirs, deux cadres grisonnants de Sony Music France discutent avec un jeune commercial dont l’aisance fière et forcée masque une gêne juvénile. « Vous savez, j’ai toujours baigné dans ce milieu. Ma famille est dans la banque, mon frère est trader et moi, j’ai monté ma première boîte quand j’avais à peine 10 ans », se vante maladroitement l’apprenti entrepreneur. S’ensuit une cascade de sigles, d’abréviations et d’acronymes de grandes écoles que se renvoient alors au visage les trois hommes dans une joute chevaleresque sans grandeur. Très vite, la discussion tombe dans les clichés de comptoir. « Le problème avec les jeunes, c’est qu’ils n’ont plus d’attention », renâcle l’un des deux pontes de Sony, corseté dans sa chemise trop rigide. Le commercial en devenir acquiesce aussitôt. « Oui, mais ils ont une transversalité que nous n’avions pas. Et la transversalité, c’est ça qui compte », lui rétorque son collègue, tandis que le jeune assis en face d’eux acquiesce une nouvelle fois, comme pour marquer un maximum de points. « Regarde par exemple Wati B, ils s’occupent de tout en même temps. Non seulement ils font les clips, les morceaux et une bonne partie de la promo, mais en plus ils font des partenariats avec un peu tout le monde. Si tous les jeunes étaient comme ça, notre boulot serait nettement plus simple, crois-moi. On a bien fait de les installer chez nous. »

 

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Depuis 2013, le puissant label de rap français a effectivement posé ses bagages au 52-54 de la rue de Châteaudun, chez Sony. La maison de disques détient aujourd’hui 30 % du capital de Wati B. Simples et opérationnels, les locaux investis ne s’embarrassent pas de décoration excessive. Seuls quelques objets disposés çà et là autour des ordinateurs rappellent parfois Sexion d’Assaut, le groupe phare du label. Au mur, une photo montre un disque d’or tenu fièrement par un Noir costaud dont le visage de colosse contraste avec des yeux rieurs. Lui, c’est Dawala, l’homme à l’origine de Wati B, ce genre de jeunes dont parlaient plus tôt les cadres de chez Sony. Vu de loin, cet entrepreneur sans cravate dégage quelque chose d’énigmatique, comme une éminence grise dont on ne sait finalement que peu de choses, si ce n’est qu’elle est la première à palper les billets. Dans la pièce, tout semble s’agiter sans cesse autour de Dawala, comme une fourmilière frémit autour de sa reine. En ouvrant la porte, celui que très peu nomment encore Dadia Diakité claque une poignée de main franche et robuste avant de s’installer derrière un bureau impeccablement rangé. Le ton est calme, la sérénité que renvoie le bonhomme inspire d’emblée un respect révérencieux que ses quelques fautes de français ne parviennent pas à déstabiliser. Pourtant, lorsqu’un associé entre brusquement dans la pièce pour parler affaires, l’intonation de sa voix se fait soudainement plus tendue et presque agressive. Sèche. « Coupe ! Coupe ! » Voilà notre hôte qui force la mise en pause de notre dictaphone. Il faut dire que Dawala a de quoi vouloir préserver son business et celui de sa centaine d’employés, tant Wati B s’est imposé comme l’une des locomotives de l’industrie du disque en France, avec 12 millions d’euros de chiffre d’affaires rien que l’année dernière. Aujourd’hui, sur les six disques de diamant décrochés historiquement par des rappeurs français, trois reviennent à de purs produits Wati B : Sexion d’Assaut, Maître Gims et Black M. Dans un secteur qui peine toujours autant à se remettre sur pied, l’insolente réussite du label fait donc figure d’ovni. D’autant qu’en entrepreneur avisé Dawala a su élargir son public cible en proposant un spectre musical de plus en plus varié, allant d’un rap de rue peu vendeur jusqu’à une forme de variété urbaine plébiscitée massivement par les 10-20 ans. De la même manière, Wati B a aussi diversifié ses revenus à travers une foule d’activités périphériques, comme le sponsoring sportif, les placements produits ou le streetwear, se muant progressivement en une structure tentaculaire. Et si aujourd’hui Dawala affiche un sourire radieux, c’est aussi parce que son histoire à lui commence pieds nus, loin des confortables moquettes des multinationales du disque.


« Je me rappelle les alligators et les rivières, mais c’est assez flou dans ma mémoire. Le village était dans la brousse. » Dawala


 

Enfant de la balle

 

Né en 1974 dans le XIIe arrondissement de Paris, Dadia Diakité quitte la France à l’âge de 1 an pour vivre au Mali avec sa famille, dans la commune de Nioro, à la frontière de la Mauritanie. « Je me rappelle les alligators et les rivières, mais c’est assez flou dans ma mémoire. Le village était dans la brousse et, autour de ma maison, il n’y avait presque que des frères, des sœurs, des tantes et des oncles. Pour passer le temps, on jouait au foot en traçant des lignes par terre et en roulant parfois un chiffon pour faire le ballon », se souvient aujourd’hui le récent quarantenaire. De cette enfance entourée, Dadia a gardé un sens aigu de la famille et des relations humaines, couplé à une passion dévorante pour le football qu’il décrit comme son référent vital, sa manière de prendre ses repères dans la vie. C’est d’ailleurs sur un terrain de foot, alors que le jeune Franco-Malien réclamait la balle dans un français approximatif, qu’est né le surnom « Dawala », déformation de « donne-moi-la ».

 

Dawala-Wati-B

 

Après un bref passage par Bamako, la famille de Dawala décide finalement de revenir vivre en France et s’installe dans le XIXe arrondissement de Paris, quartier Gaston-Pinot, métro Danube. Un retour au pays natal qui prend pourtant des allures de voyage en terre inconnue : « Lorsque j’ai débarqué à Paris à 11 ans, je n’avais jamais vu de Blancs à part au Paris-Dakar. Avec mon frère, on était choqués. On se cachait derrière les voitures en disant : “Toubabou !” (qui signifie « Blanc » en malinké, ndlr). » Comme il ne parle pas encore français, le jeune Dawala file aussitôt en classe de perfectionnement puis enchaîne avec un CAP d’installateur sanitaire. C’est à cette époque qu’il rencontre Abdenor Touil, de un an son aîné, avec qui il lie sur le terrain de foot une amitié durable. « Lorsque j’ai rencontré Dawala, il parlait encore très mal français. On a commencé à jouer ensemble au club de l’AS Saint-Georges, puis il a continué à Bobigny, Aubervilliers, Noisy-le-Sec et ailleurs encore. Dans chaque équipe où il passait, tout le monde l’aimait. Il n’avait pas de quoi payer les licences mais les clubs les lui offraient. Sur le terrain, il était puissant, avec une frappe de mule », raconte aujourd’hui l’ami d’enfance, assis à la table du gymnase de la porte Chaumont, un centre sportif à la façade de bois usée où Dawala fut un temps éducateur. C’est aussi là-bas qu’à la fin des années 90 le futur entrepreneur retrouve son pote de toujours, Oxmo Puccino, avec qui il commence à traîner en compagnie d’une équipe de choc : Time Bomb. « Dans le quartier, on était fiers d’Oxmo, se rappelle le futur “Wati Boss”. Il faisait des tournées avec les mecs de Time Bomb et on les suivait partout en France. On prenait la 405 et on descendait avec eux jusqu’à Marseille rejoindre la Fonky Family. C’était le système D, chacun cotisait un peu pour le plein de diesel et on faisait tourner les boîtes de thon à la catalane. »

 


« Pendant les tournées Sexion d’Assaut, on était une dizaine de personnes compactées dans le van, avec Dawala qui conduisait. Quand on s’arrêtait dans un McDo, les mecs prenaient pour 300 euros de nuggets. » Papys, cousin de Dawala


 

Conscient de la valeur du carnet d’adresses qu’il est en train de se faire, Dawala décide alors de se lancer dans son premier projet musical, afin de réunir sur une même compilation ses amis rappeurs et certains jeunes de son gymnase encore novices du microphone. Sorti en 2001, Pur Son Ghetto volume 1 croise donc bon nombre de têtes brûlées du rap (Rohff, Kery James, Lino, Pit Baccardi, le 113 ou Oxmo Puccino) avec des MC débutants du XIXe arrondissement, comme Le Célèbre Bauza, MC Jean Gab’1, Blackara ou Dawala lui-même, qui pose quelques freestyles dans l’ombre. C’est avec nostalgie que ce dernier se rappelle d’ailleurs cette époque en s’amusant de son sens déjà bien rodé de la promotion : « Je cherchais une stratégie pour le nom et je me suis dit que j’allais l’appeler Pur Son Ghetto, comme PSG. C’était une image forte, c’était Paris. Pour pouvoir la vendre aux touristes, j’ai même mis la tour Eiffel sur la pochette et, à chaque sortie de car de Chinois, j’étais là avec mes compil’. » Ce premier essai en tant que producteur marque aussi la naissance du label Wati B, dont le nom vient du mot bambara waatibè inscrit sur les taxiphones au Mali et signifiant « tout le temps ».

 

 

Tout n’est pas si facile

 

De cette époque qui a suivi la sortie de Pur Son Ghetto, Abdenor se souvient d’un Dawala aux aguets, remuant ciel et terre pour faire connaître Wati B : « Il avait une Mégane toute pourrie dont il n’arrivait jamais à ouvrir le coffre. À l’intérieur, c’était un vrai magasin. Il faisait du porte-à-porte, il allait placer ses disques aux puces de Clignancourt, il vendait ses t-shirts dans les vestiaires pendant les matchs, sur le parking, partout. » Progressivement, les volumes 1 et 2 de Pur Son Ghetto commencent à circuler aux Halles, à la boutique Urban Music, puis à la Fnac de Châtelet, et Dawala devient une figure respectée du microcosme rap parisien. En 2005, les connexions avec la Mafia K’1 Fry finissent même par payer, puisque le duo Intouchable, l’un des groupes affiliés au collectif du 94, choisit Dawala pour produire son second album, La Vie de Rêve. « À l’époque, on avait une image beaucoup plus rue que maintenant. Je me rappelle des grosses sessions d’enregistrement avec presque toute ma cité dans le studio. Une soixantaine de lascars derrière un micro », se souvient aujourd’hui Dry, moitié d’Intouchable, devenu au fil du temps l’un des piliers du label.

 

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Mais alors que son nom gagne petit à petit en réputation, Dawala est secoué par le décès soudain de Sirima, ami d’enfance et associé qui l’avait très largement aidé à ouvrir la société Wati B : « C’était quelqu’un avec qui j’avais grandi. Il avait bac + 5 et c’est lui qui s’occupait de faire les contrats et ce genre de choses. C’était en 2006, j’ai voulu baisser les bras et tout arrêter, mais j’ai pris mon courage à deux mains. Je ne voulais pas que l’histoire qu’on avait construite ensemble se finisse là. » La douleur encore bien présente, Dawala ne souhaite pas s’étendre sur la disparition de son ami, mais entre les lignes et derrière le regard grave du Franco-Malien, on comprend que Sirima reste le moteur invisible de Wati B, celui qui nourrit la détermination sans faille de son patron pour surmonter un à un les coups durs et les coups de mou.

 

Redoublant donc d’efforts pour maintenir la réputation naissante de son label, l’entrepreneur en devenir découvre la même année le groupe Sexion d’Assaut, dans la cave d’un studio de la rue Montorgueil, près de Châtelet – Les Halles. Opérateur discret de cette rencontre, le rappeur H Magnum doit ce jour-là enregistrer un duo avec Dry et décide d’en profiter pour présenter ses amis d’enfance à Dawala. « Je lui avais déjà parlé de la Sexion, mais il ne voulait pas vraiment les rencontrer. Donc, le jour où je devais enregistrer mon morceau avec Dry, je l’ai un peu pris en otage. Les mecs de la Sexion m’attendaient pas loin du studio. Quand je leur ai donné le signal, ils sont entrés dans la cave et ont commencé un freestyle. » Aujourd’hui, même s’il a tendance à réécrire l’histoire en racontant qu’il est allé lui-même à leur rencontre, Dawala reconnaît néanmoins qu’il a immédiatement été soufflé par le niveau du groupe : « Ils étaient comme une bonne équipe de foot, avec des défenseurs et des attaquants. Quand il y en avait un qui kickait, les autres backaient, puis les rôles s’inversaient. Je me suis vraiment vu en eux. » Peu à peu, le producteur commence donc à dépanner Sexion d’Assaut dans la distribution de leurs démos et finit par sortir sur Wati B leur premier street album, Le renouveau. Pas encore stabilisé, le line-up du groupe ne cesse de tourner et beaucoup finissent par se démotiver devant le succès qui ne vient pas. « Les mecs s’amusaient à dire que Sexion d’Assaut, c’était Koh-Lanta. C’est vrai que c’était dur et qu’il y a eu beaucoup d’éliminés », plaisante maintenant Dawala, comme pour mieux rappeler que son équipe fétiche n’a pas atteint le succès d’un simple claquement de doigts. Faute de culminer en haut des hit-parades, Sexion d’Assaut s’acharne, rebondit sur la vague de la tektonik avec le morceau « Anti-tektonic » et enchaîne les concerts de second rang. Papys, cousin de Dawala et habitué des tournées Wati B, se remémore ces années à trimer dans toute la France : « On était une dizaine de personnes compactées dans le van, avec Dawala qui conduisait. Quand on s’arrêtait dans un McDo, les mecs prenaient pour 300 euros de nuggets. En général, on rentrait directement après les concerts et Dawala allait déposer un par un les mecs de Sexion d’Assaut chez eux, comme un grand frère. On se couchait à 6 heures du matin et il appelait trois heures plus tard pour repartir à un autre concert. Il était comme leur entraîneur, c’était un peu l’Aimé Jacquet de Sexion d’Assaut. »

 

 

Le succès en aller-retour

 

Le 29 mars 2010, la sortie de L’école des points vitaux marque le début d’une ère nouvelle pour Sexion d’Assaut. Appuyé par la distribution XXL de Sony Music et des hits comme « Désolé », « Casquette à l’envers » ou « Wati by night », ce premier véritable album du groupe décroche le disque d’or en seulement trois semaines, avant de finir triple platine en à peine un an. Passant brusquement des caves de Châtelet – Les Halles à des programmations radio intensives, le groupe Wati B devient soudainement la locomotive d’un rap français décomplexé, avide de mélodies pop. Invité à faire la première partie de Jay Z à Paris-Bercy, Sexion d’Assaut se permet même de planter à la dernière minute le roi du hip-hop US, à la suite d’embrouilles d’organisation : « Le concert était produit par le tourneur américain Live Nation. Il fallait jouer 50 % moins fort que Jay Z et nous n’avions même pas le droit de faire nos balances. On ne pouvait pas arriver avec sept mecs, des micros mal réglés et un son qui ne sort pas. Donc, j’ai pris la décision de ne pas faire le concert. Au final, on est repartis de Bercy par la porte de secours. On ne l’a même pas croisé. » Malgré ce coup de gueule téméraire, le public continue à s’enthousiasmer pour eux et le succès colossal du groupe finit même par arriver aux oreilles de Puff Daddy, curieux de savoir qui sont ces Frenchies capables de planter Jay Z. Un jour, Dawala reçoit un coup de téléphone et ne comprend pas un mot de l’anglais de son interlocuteur : « Il me disait : « Hello, Wati Boss ?  » J’ai cru que c’était une blague. Puis mon assistante a fait la traduction et m’a dit que Puff Daddy était sur les Champs-Élysées et qu’il voulait me parler. J’étais avec Maître Gims, on est allés le rejoindre à l’hôtel George V et il nous a proposé un featuring sur le morceau « Hello Good Morning« . » En parallèle, le titre « Désolé » fait le tour du monde et tape lui aussi dans l’œil des Américains. On aperçoit alors Snoop Dogg en live en train de rapper sur le tube francophone, Tyga en sort un remix et 50 Cent, faute de pouvoir le reprendre pour des raisons administratives et juridiques, se retrouve à faire des showcases avec Gims.

 


« Le jour où Puff Daddy m’a appelé, il me disait : « Hello, Wati Boss ? «  J’ai cru que c’était une blague. » Dawala


 

Mais tandis que Sexion d’Assaut retourne les charts et les scènes, une interview du groupe parue discrètement dans le magazine International Hip-Hop de juin 2010 refait progressivement surface via les webzines et les réseaux sociaux. Retranscris noir sur blanc, les propos de Lefa, l’un des membres de la bande, font l’effet d’un glissement de terrain emportant tout sur son passage : « Pendant un temps, on a beaucoup attaqué les homosexuels parce qu’on est homophobes à cent pour cent et qu’on l’assume […] Pour nous, le fait d’être homosexuel est une déviance qui n’est pas tolérable. » Le scandale éclate, d’autant plus que la déclaration du rappeur fait référence à d’anciens morceaux comme « On t’a humilié », « Cessez le feu » et « Oh mais vous aussi » sur lesquels le groupe s’en prend à l’homosexualité à coups de punchlines sanguinaires. Face à l’ampleur que prend rapidement la polémique, la presse s’acharne, les concerts se déprogramment les uns après les autres, les morceaux sont retirés des radios et la respectabilité de Wati B, patiemment construite par Dawala, vole en éclats. Le collectif décide alors de présenter ses excuses publiques en plaidant l’ignorance. Ce jour-là, Lefa explique donc ne pas avoir bien dosé ses mots et laisse entendre une confusion de sa part entre les termes « homophobe » et « hétérosexuel », tandis qu’à ses côtés Dawala écoute attentivement la discussion, le visage grave et concentré. Pour certains, cette gymnastique grammaticale est malhabile, pour d’autres, les membres de Sexion d’Assaut se retrouvent prisonniers presque malgré eux d’un problème plus large : celui de la crispation vis-à-vis de l’homosexualité chez les jeunes de quartier. Dépassé par l’ampleur du scandale et boycotté de toutes parts, Dawala décide alors de reprendre les choses de zéro et s’attelle patiemment à la reconstruction de sa réputation et de celle de son groupe fétiche, comme le raconte aujourd’hui son ami d’enfance Abdenor : « Lorsqu’a eu lieu cette polémique, son idée était vraiment de revenir à la base. C’était pour lui quelque chose de symbolique et d’important. Son premier réflexe a donc été d’organiser un concert ici, au gymnase, pour les enfants du quartier. »

 

 

Réalisant la portée et l’influence de ses agissements, le producteur décide alors d’assumer jusqu’au bout son rôle de grand frère en accompagnant ses excuses par des actes tels qu’une tournée de débats avec les associations gays et lesbiennes, la distribution de tracts contre l’homophobie pendant les shows et surtout l’organisation à l’Élysée Montmartre d’un grand concert contre les discriminations et l’homophobie, le 1er mars 2011. Dans un milieu hip-hop où faire ses excuses est parfois vu comme une faiblesse, la repentance zélée de Sexion d’Assaut contribue à déconnecter le groupe d’un rap hardcore et underground tout en lui rachetant une conduite auprès du grand public.

 


« Si Le retour des rois finit par sortir, c’est que Gims et Black M auront fait une fleur aux autres en acceptant d’être moins payés que ce qu’ils valent désormais. » Anraye, ancien membre de la Sexion d’Assaut


 

Rap avec mention

 

Installée derrière son bureau d’adjointe à la mairie de la commune de l’Île-Saint-Denis, Madioula Aïdara-Diaby raconte avec un entrain naturel son amitié profonde avec Dawala. Voilà déjà vingt ans qu’ils se sont rencontrés par l’intermédiaire de leurs parents, tous maliens, et encore aujourd’hui, cette jeune élue, également CPE dans un collège d’Aubervilliers, se souvient de la polémique qui a secoué son meilleur ami : « Ça lui a fait très mal, mais il a pris tout le monde à bras-le-corps pour les relever. Il m’a envoyé une centaine de places à donner à mes élèves pour son concert à l’Élysée Montmartre. Les jeunes se sont rendus compte qu’on pouvait faire une faute et s’excuser, même en tant que rappeur. » Progressivement pardonné par les associations gays et lesbiennes, Dawala parvient donc à replacer Sexion d’Assaut sur les rails du succès en développant et en accentuant le discours éducatif de son groupe phare.

 

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Sorti le 5 mars 2012, le deuxième album, L’apogée, avec ses chiffres de vente fulgurants, témoigne avec force du pardon du public français. Huit mois après, l’opus est certifié disque de diamant avec 700 000 exemplaires, faisant de Sexion d’Assaut le plus gros vendeur de rap français, très loin devant Booba, Rohff et consorts. « Même s’ils vendent beaucoup plus qu’eux, il n’y a pas de clash avec ces artistes. Le rap de Wati B et Sexion d’Assaut est une valeur antinomique à celle de la rue. Dawala l’assume complètement, il préfère faire de l’éducatif. Des membres du groupe sont d’ailleurs venus plusieurs fois dans notre collège pour des ateliers chant et écriture, des dédicaces en période de Téléthon ou même pour organiser des actions humanitaires avec les élèves », explique Madioula. Ce que confirme Dawala : « On veut faire chanter les enfants de 2 ans tout comme les “wati mamies”. » Mais si Sexion d’Assaut est aujourd’hui devenu un groupe pour tous, certains n’ont pas oublié la bande d’une quinzaine de lascars qui se retrouvaient sur le pavé de la rue de Montholon pour balancer quelques freestyles plein de fougue. Pour Anraye, ancien MC ayant préféré quitter l’équipe en cours de route pour se consacrer à la photographie, cette évolution s’explique par un certain réalisme de la part de ses anciens amis rappeurs : « Au tout début, Sexion d’Assaut était vraiment un collectif de mecs qui avaient la dalle et qui voulaient foutre le bordel dans le rap français. Mais comme les choses ne prenaient pas, vers 2006, presque tous les membres ont arrêté le rap pour se consacrer à la religion. Donc, lorsqu’ils ont décidé de s’y remettre, ils se sont vraiment dit : “Quitte à ce qu’on fasse du rap, on va le faire pour gagner notre vie.” C’était un moment où il commençait à être de plus en plus dur de vendre beaucoup de disques. Ils ont compris que ce sont surtout les 8-15 ans qui achètent du rap aujourd’hui, donc ils sont allés chercher l’argent là où il était. »

 

Wati B au pluriel

 

En roi de la transversalité, Dawala a évidemment su profiter de l’aura spectaculaire de Sexion d’Assaut pour développer une activité à laquelle il a toujours été très attaché : le sponsoring sportif. Très tôt, la tête pensante de Wati B s’est en effet proposée de sponsoriser le boxeur Mohamed Diaby, devenu depuis multiple champion du monde en boxe anglaise, savate française, full contact et kick-boxing. Aujourd’hui, avec le département Wati Boxe, Dawala travaille à l’organisation du premier championnat du monde de boxe au Mali, pour lequel il était reçu l’année dernière par la première dame du pays et le ministre des Sports. Naturellement, il a également infiltré le milieu du foot encouragé par une chance bluffante. Tout commence avec le footballeur ivoirien Gervinho, dont le club, Lille, finit champion de France en 2011. L’année suivante, la marque se décide à sponsoriser le petit club de Montpellier qui termine lui aussi premier de Ligue 1. En basket, un partenariat est acté en 2012 avec la JSF Nanterre, alors dernier de Pro A. La saison suivante, les basketteurs sponsorisés par Wati B finissent champions de France et finalistes de la Coupe de France. De la même manière, la collaboration instaurée avec la Ligue de basket française voit l’équipe de France gagner le championnat d’Europe. « Tout le monde me dit que le Wati B porte chance. J’ai commencé à travailler avec le club de foot de Caen et, le jour où on a officialisé le partenariat, l’équipe a gagné huit matchs de suite, même les joueurs n’y croyaient pas. Ils sont finalement montés en D1 et on peut maintenant lire Wati B sur leurs maillots et sur leurs shorts. » En parallèle, la marque de vêtements continue de s’afficher un peu partout, faisant planer l’ombre de Sexion d’Assaut de Paris jusqu’à Marseille.

 


« Comme les choses ne prenaient pas, vers 2006, presque tous les membres de la Sexion ont arrêté le rap pour se consacrer à la religion. Donc, lorsqu’ils ont décidé de s’y remettre, ils se sont vraiment dit : “Quitte à ce qu’on fasse du rap, on va le faire pour gagner notre vie.” » Anraye, ancien membre de la Sexion d’Assaut


 

Mais au milieu de tous ces projets annexes, qu’en est-il exactement du groupe étendard du label ? À l’heure des carrières en solo de Maître Gims, Black M, Maska et récemment Lefa (tous chez Wati B), l’album Le retour des rois de Sexion d’Assaut, annoncé depuis longtemps comme le successeur de L’apogée, n’est clairement pas une priorité. Alors que Dawala botte en touche en repoussant la question à 2017, Anraye, membre du groupe à ses débuts, fait quant à lui part de ses doutes sur la sortie d’un nouveau projet de ses ex-coéquipiers : « Si Le retour des rois finit par sortir, c’est que Gims et Black M auront fait une fleur aux autres en acceptant d’être moins payés que ce qu’ils valent désormais. » Car, entre-temps, les succès des deux poids lourds du groupe ont en effet déséquilibré la dynamique collective. À cela s’ajoute un Maître Gims qui, en créant sa ligne de vêtements Vortex et son propre label Monstre Marin Corporation chez les concurrents Universal, fait preuve d’une indépendance qui aurait pu laisser croire à un futur départ de chez Wati B. Pourtant, avec la sortie en août dernier de son deuxième album, Mon cœur avait raison, chez Sony/Wati B, le rappeur aux lunettes noires vient d’assurer un come-back fracassant aux côtés de Dawala, avec des chiffres de ventes culminant déjà à 300 000 exemplaires. Un succès commercial de plus pour Dadia Diakité, l’ancien gamin de la brousse malienne, qui semble désormais bien loin de l’époque des boîtes de thon à la catalane. Dans le milieu parfois étriqué du rap français, sa réussite sans pareille se mesure désormais en liasses de billets et bouteilles de champagne. Ou plus précisément en Wati Bulle, la boisson gazeuse sans alcool qu’il a lancée en 2013 à l’effigie de son label. On ne se refait pas.

 

Beaucoup ont en fantasmé. Depuis le 8 avril dernier, c’est une réalité. Dans un premier temps lancé aux USA, Converse Inc. a annoncé le lancement de son service de personnalisation Blank Canvas en Europe. Filière de Nike, qui a depuis longtemps démocratisé la personnalisation sur ses modèles, il était logique de retrouver le même concept.

Cette plate-forme créative permet de concevoir et personnaliser les modèles de la marque à votre guise, laissant libre à votre personnalité et votre style sur la Chuck Taylor. Le Blank Canvas permet de nombreuses combinaisons sur la toile, les semelles, les couleurs et lacets à tester sur le site de Converse.

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« Je suis un alien ». Young Thug écule la formule au fil des interviews. Atteste le plus sérieusement du monde être venu d’une autre planète. A vrai dire, on en rit à peine, tentés d’y croire. Mystique, absurde et halluciné, l’homme n’est clairement pas comme nous. Il est surréel. Décryptage.

 

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Parti de rien

 

Avant d’agiter insolemment des liasses épaisses de billets dans des clips à millions de vues, Young Thug battait le pavé de Jonesboro South, l’un des quartiers les plus hardcores d’Atlanta. Le titre de sa première mixtape, I came from nothing, n’aurait pu sonner plus juste. Né Jeffrey Lamar Williams le 16 août 1991, le grand blond refuse systématiquement de s’épancher sur son enfance dans les médias. “C’était très dur, tellement que je ne veux pas en parler”, rabâche-t-il. Les non-dits nourrissent davantage la légende du bonhomme, grossissent son aura.

De ce que l’on sait, Jeff est le deuxième d’une fratrie de onze enfants. Six filles et cinq garçons. À la maison, cafards et rats partageaient le repas. Thug est très proche de sa mère, dont le cœur est mal fichu, littéralement trop gros. Ce qui aurait pu être une jolie métaphore cause essoufflements, étourdissements et palpitations. Dora, l’une des sœurs de Thugger, celle qu’il considère comme sa jumelle, le suit à la trace. Amina, une autre de ses frangines, fait office de manager. L’un de ses frères s’est fait refroidir dans une ruelle quand il était gamin, un autre vivote derrière les barreaux. La rumeur dit que Jeffrey aurait passé une grande partie de son adolescence entre les murs d’un centre de détention pour mineurs, après avoir cassé le bras d’un prof au collège. Le “jeune gangster” a six marmots de quatre femmes différentes. Son premier, il l’a eu à 14 ans. Et assume. “J’enregistre presque tous mes titres avec mes enfants autour de moi. Ils sont toujours autour de moi », confie-t-il au détour d’une interview.

 

 

Biberonné au dirty south de Wayne et des Hot Boys, avant de découvrir Young Jeezy, Q-Tip, Rick Ross et Gucci Mane, Thugga n’a pas 20 ans lorsqu’il sort sa première galette, en 2011. Deux ans après, la presse spécialisée s’emballe pour 1017 Thug. Rolling Stone et The Guardian classent le disque dans le top 5 des meilleures mixtapes de l’année tandis que FACT le sacre numéro un. Mais ce seront les puissants « Stoner » et « Danny Glover»  qui enfièvreront clubs et radios, et impulseront réellement sa success-story. Depuis, le emcee a livré pas moins de dix opus et une soixante-dizaine de morceaux, posé sa patte sur des singles au succès glouton comme « About the money » (T.I) ou « Lifestyle » (Rich Homie Quan), et collaboré avec le gratin du hip-hop sudiste comme avec Yeezy le tout-puissant. « J’ai toujours su que j’allais devenir quelqu’un », se gargarise la nouvelle coqueluche du rap US. « Si vous voulez quelque chose, il faut persévérer et se battre pour l’avoir. [Ce que je suis aujourd’hui], je l’ai toujours voulu ». De son propre aveu, la musique est son échappatoire, elle a sucré sa vie et anesthésié ses souffrances. Comme par crainte d’un contrecoup, la brindille ne souffle jamais et produit à un rythme stakhanoviste. Thugga assène des mixtapes comme on dit bonjour (« c’est comme écrire un mail pour dire « hello » à tes amis ») et enregistre entre 20 et 30 titres par semaine. Il aurait des milliers de morceaux stockés sur son disque dur. « Je suis un bosseur. C’est toujours studio, studio, studio ». Son flegme apparent dissimule un bûcheur acharné et tranche avec sa vitesse d’exécution. Il peut pondre des hits en une poignée de minutes : « J’ai fait « Danny Glover » en huit minutes. « Stoner » m’a pris presque une heure ». Et pose à l’instinct, toujours : « Je n’écris jamais. Je ne me souviens même plus si je sais écrire en vrai… C’est du freestyle en général. Je mets un beat, je raconte des trucs, je retiens des idées, je les refais, avec telle ou telle intonation, je teste, et surtout j’enregistre direct ». Il doit son éthique obsessionnelle de travail à son mentor Gucci Mane.

 

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Malgré la gloire brutale, Thug a su préserver sa simplicité. Il vient de trop loin pour perdre pied. Sur son Instagram a 2,4 millions d’abonnés, thuggerthugger1 déballe sans honte son intimité, sa fille dans son bain, ses pantoufles Minions ou un extrait d’« I wish » de R. Kelly, sa chanson préférée. Sa musique, il dit la faire pour ses fans. Avec eux, il tisse des liens privilégiés. N’hésite pas à les sonder pour déterminer quelle mixtape sortir à Halloween ou leur offrir l’opportunité de concevoir la pochette de son prochain projet. En choyant et en impliquant sa communauté d’adorateurs, en partageant avec eux des bribes de sa vie privée, Thugger renforce leur attachement et leur loyauté. Il sait ce qu’il leur doit.

 

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Malgré un blaze des plus communs, Young Thug est un misfit comme Atlanta seule sait en produire. Objet de curiosité et d’attraction, il a tout d’une rock star. Une tige d’1m90, tatouée, piercée, endiamantée et nattée, dont la présence hypnotise. Avec sa taille S, il mange très peu, se passe sans peine de nourriture. Il se shoote au syrup, au Xanax, à l’herbe et à l’ecstasy. S’enfile parfois tout en même temps. Il dort rarement, peut rester éveillé pendant des jours. Tous les mois, un médecin lui injecte une dose de vitamines.

Thug se cache toujours derrière de grands verres fumés. Cet ancien timide maladif ne croise jamais le regard de ceux qui l’apostrophent. Il semble distant et insaisissable. En vérité, il se fout de tout. “Un putain de mec insensible quand il s’agit des autres. Pas de sentiments, ça c’est ma définition d’un « thug » », gage-t-il dans une interview à Clique. Paradoxalement, son indifférence le rend magnétique.

 

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Comme André 3000, Kanye West ou Pharrell Williams avant lui, le dandy urbain chahute les codes stylistiques du hip-hop. Il ose le vernis, les jupes, les t-shirts d’enfant et les slims de femme. Posait même en tutu et blouse transparente l’été dernier pour Dazed, malgré les protestations de sa manager de sœur. « Les seuls trucs de mecs que j’ai sont genre des basiques. Des t-shirts. 90% de mes vêtements sont féminins », assume-t-il. S’il avait fourré une trentaine de pièces Balmain dans sa valise pour sa tournée avec Travis Scott, il nie être une fashion victim : « Je n’essaie pas de me fringuer, je me mets juste n’importe quoi sur le dos. Je prends ce que j’ai sous la main ». De quoi dérouter certains. Dans une interview à Noisey, notre Lino national s’agaçait : « Les Américains j’en peux plus, c’est trop, ils mettent des robes les mecs ! Kanye, A$AP Rocky mettent des robes ! Young Thug je crois, il avait une robe de petite fille ! Sérieux… « Young Thug » : Tupac doit se retourner dans sa tombe ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ? ». Mais le poulain de Rich Gang est imperturbable, imperméable aux critiques. « J’aime tout ce que les gens disent sur moi », assure-t-il, « Peu importe ce qu’ils disent. Que je suis gay, que je suis punk ». Dans « Halftime », il s’en amuse : « Every time I dress myself it go motherfuckin’ viral » (« Chaque fois que je m’habille, ça devient carrément viral »). C’est sans doute là le nœud de sa bromance avec Kanye West. Avant-gardistes et dérangeants, les deux se sont bien trouvés. « Il est l’un des seuls qui me comprennent. Nous sommes identiques. Il y a une connexion entre nous », roucoule Thug. Homme de paradoxe, l’androgyne a les deux pieds figés dans le bitume, une street credibility indiscutable. S’il appelle ses potes “bae”, “hubby” ou “lover” et chausse des UGG, il a le cœur dur, le sang chaud, et ne prend jamais l’air sans un AR-15 sous le bras. Il séduit les fragiles comme les cailleras, le mainstream comme l’underground, Gucci Mane, Drake, Elton John, Kanye West, André 3000, Kaaris et Booba. Son personnage ambigu est sa force marketing. Un emballage fascinant.

 

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Mais Young Thug n’est pas qu’une bête étrange, il est virtuose et visionnaire. Il module sa voix haut-perché à l’envie, tantôt mélodique, plaintive, mielleuse, étranglée ou rocailleuse. L’influence de Lil Wayne – sa muse de toujours – est palpable mais Thug l’a transcendé. Il passe aisément du murmure au cri perçant, tord et manie ses cordes vocales comme un véritable instrument. Il allonge ou découpe les syllabes et frappe ses mots comme une percussion. Il jongle entre les humeurs et multiplie les tons au gré des changements de beat. Il chamboule le rythme, impose des silences ou les couvre d’onomatopées et de verbiage. Il expérimente, contourne les règles d’écriture, les structures, les temps et les mesures traditionnels. Sa logique est imprévisible. En fait, il comprend et s’empare mieux que quiconque de la mélodie. Si ses textes regorgent de comparaisons, de métaphores ou de doubles-sens, leur cadence et leur sonorité priment sur leur sens. En esthète, Thugga priorise la beauté des mots, la façon dont ils s’harmonisent et riment entre eux. Ce n’est pas tant ce qu’il dit, mais la manière qui importe. Il réinvente la grammaire musicale. Avec lui, le verbe est accessoire, il ne fait qu’habiller son émotion. Alors le boug se fout de ne pas être audible. Sous une couche d’autotune et de codéine, il mange et marmonne ses paroles ou claque des vers inintelligibles, comme « I’ma ride in that pussy like a stroller » (“je vais balader cette chatte comme une poussette”) ou « She running away from my weed like it farted” (“elle fuit ma weed comme si elle avait pété”). Clownesque et sublime. Le titre de son album Hy!£UN35 s’avère lui-même indéchiffrable quand on ne sait pas qu’il doit se prononcer « HiTunes ». Le monde l’embrasse sans comprendre un traître mot de ce qu’il raconte. Lui, se complaît dans une posture de surdoué, d’être surnaturel surclassant le commun des mortels. “Ça devient difficile pour les personnes simples d’esprit de me comprendre”, provoque-t-il. L’audace oscille toujours entre le ridicule et le génial. Thug, lui, vacille toujours du bon côté.

 

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Convaincu de son génie, le site The Book of Thug, créé et alimenté par un musicien, s’efforce de détricoter les fils de ses morceaux, à grands renforts de graphiques, tableaux, schémas et vidéos. Le Washington Post a même écrit un article à sa gloire : “A loss for words : Listening to the post-verbal brilliance of Young Thug”. “Lorsque vous commencez à écouter la musique de Young Thug, le fait qu’il pourrait devenir le plus exceptionnel des rappeurs semble risible. Et lorsque vous avez terminé, ça vous semble indéniable”, pose le papier. En vérité, Thug n’est pas tout à fait un futur grand, il l’est déjà.

En ce début de printemps, Foot Locker lance un Asics Snake Pack composée des deux modèles les plus iconiques de la marque japonaise : la GEL Lyte III et la GEL Lyte V.

 

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Les deux modèles se voient recouverts d’une enveloppe monochrome -rouge pour la V, noire pour la III- composée d’un simili cuir serpent et d’un daim sur toute la surface supérieure de la chaussure. Une belle façon de revisiter les deux modèles crées dans les années 90, et qui restent aujourd’hui des sneakers incontournables de la sphère addict.

Marqués sous le sceau de l’exclusivité et la rareté, les box spéciales ne seront pas disponibles dans les boutiques, mais seulement quelques privilégiés parmi pour la presse et quelques personnalités influentes. Il en existe moins de 100 exemplaires dans toute l’Europe, dont 12 paires pour la France.

La Gel Lyte III et V seront, elles, disponibles dans leurs versions classiques le 11 avril.

Foot Locker sur les réseaux : FacebookInstagramTwitter, Youtube

 

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Double date à la Tête dans les nuages. Loin des atmosphères éthérées et cotonneuses du septième ciel, ce sont les néons colorés qui couvent nos tourtereaux aux allures de Bonnie & Clyde. Perdus entre les univers de Tron et de Casino, Alpha Wann et Hologram Lo’ qui déambulent entre les jeux d’arcades.

Extrait du YARD Paper #7 –  Special Hustlers 

Photographe : Idriss Nassangar
Assistant Photographe : Quentin Bedos
Style : Sara Moukhles
Production : Quentin Bordin
Direction Artistique : Arthur Oriol

Make-up : Hannah Nathalie
Coiffure : Vincent Brière
Modèles : Logia Robert & Émilie Blaise

 

Remerciements:
@ La Tête dans les Nuages
Baskets disponibles chez Foot Locker
colette
Démocratie Store
Nike

Après s’en être pris à Travis Scott plus tôt cette année, A$AP Nast accuse cette fois ci Supreme d’avoir volé certains de ses designs. Le rappeur new-yorkais a posté sur Instagram une série de photos mettant en évidence les similitudes entre ses dessins et les collections de la marque new-yorkaise, notamment leur dernière collaboration avec North Face. « C’est pour ça que je deviens fou quand des jeunes commentent mes photos en m’accusant de Hype Beast, c’est simplement parce que j’ai designé certains de vos vêtements préférés de Supreme en 2015 et même de cette année » ajoute-t-il en commentaire de sa photo. Nast explique ensuite qu’il ne cherche pas à déclencher un beef avec la marque de skate mais plutôt permettre à ses adeptes de se rendre compte de la réalité qui se cache derrière leurs vêtements. Il ira même jusqu’à accuser Supreme de manque de créativité dans la phase de design et de copier des marques vintages comme Polo Sport ou encore Tommy Hilfinger.

 

 

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La populaire Nike Flyknit, portée par Michelle Obama, adopte aujourd’hui une nouvelle silhouette ainsi qu’un nouveau coloris « Oreo ». La paire avait connu un énorme succès auprès des amateurs de running, en partie dû à son confort. C’est dans cet esprit d’optimisation des compétences que Nike a ajouté à sa sneaker une chaussette intégré rendant la chaussure plus agréable à porter. Autre nouveauté, une semelle extérieure plus flexible facilitant les changements de directions.

La Nike Free Run Flyknit « Oreo » est d’ores et déjà disponible sur JD Sports et d’autres revendeurs pour 130 euros.

« Ain’t a woman alive that can take my mama’s place »

Dans son œuvre et sa vie, Tupac a incarné le personnage du thug violent, du macho tatoué ou du militant de la cause afro-américaine. Mais dans certains morceaux le rappeur exprime aussi son vécu sentimental et psychologique. « Dear Mama » est une déclaration d’amour à sa mère, en contrepoint à la violence qui irrigue nombre de ses morceaux. Il s’adresse directement à Afeni Shakur et lui pardonne tout, quitte à ternir son image de gangster. Aujourd’hui encore, la chanson est reconnue comme une des plus émouvantes de sa discographie.

Écrit avec Noise la Ville

 

En 1971, quelques jours après être libérée de prison, une mère black panther donne naissance à son premier fils. Comme prénom, elle opte pour celui du dernier prince Inca quechua dont la résistance farouche contre les conquistadores marque l’histoire de la colonisation espagnole. Tupac Amaru Shakur, deviendra le rappeur mythique que l’on connaît. Pacifique et hardcore, gangster et militant, féministe et machiste, Tupac est de toutes les fresques et les nuances de ses crayons paraissent sans fin. Entre 1991 et 1996, le prince du rap livre 7 albums d’or, platine ou diamant, et une multitude de classiques empruntant à la diversité des modèles et formats des tracks hip-hop. Au versant rap de l’industrie du disque à grande échelle, il engrange les royalties : dans les clubs et les ghettoblasters, sur MTV, en boucle dans les disc man et les radios. Tupac occupe l’espace et s’affranchit des codes de l’establishment américain pour imposer le slang (argot populaire américain) aux oreilles et aux mœurs de la jeunesse.

Elevé par sa mère avec sa soeur, il apprend le respect des femmes et la confiance en soi. La conscience militante maternelle coule dans ses veines et dans nombre de ses morceaux. Afeni est une femme célibataire qui lutte au quotidien pour éduquer ses enfants et les éloigner du ghetto. L’absence de son père est difficile pour Tupac qui lui exprime auss sa rancune dans « Dear Mama ».

 

No love from my daddy cause the coward wasn’t there
He passed away and I didn’t cry, cause my anger
Wouldn’t let me feel for a stranger 

Mon père ne m’a pas donné d’amour car le lâche n’était pas là
Il est mort et je ne l’ai pas pleuré, car ma colère
Ne me laissait rien ressentir pour cet étranger

 

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La musique d’un rappeur est un peu comme la bande son de sa vie, mais aussi de sa génération, de ses rêves et de ses échecs. « Dear mama » est un hymne à la tendresse des mères et un récit de la misère dans les ghettos américains. Tupac chante l’attachement à celle qui lui a donné la vie et par là il se raconte : les bêtises de l’enfance, la pauvreté et le fléau de drogue, mais aussi l’amour filial à la fois inconditionnel et nourri par les belles et sombres années de vie commune. Sans l’accabler et bien au contraire, il revient sur les temps difficiles, notamment l’addiction au crack de sa mère.

 

And even as a crack fiend, mama
You always was a black queen, mama

Et même comme addict au crack
Tu étais toujours une black queen

 

C’est toujours sa reconnaissance infinie qu’il finit par exprimer. Avec Afeni, les attentions du quotidien pour vaincre la misère étaient des exploits : “And mama made miracles every Thanksgiving” (« Maman faisait des miracles à chaque Thanksgiving »). Ce morceau est une lettre ouverte qui s’adresse non seulement à sa mère mais aussi à toutes les familles du ghetto auxquelles il souhaite donner espoir. Comme Nas avec « I Can » et Notorious B.I.G. avec « Sky’s The Limit », Tupac se pose en leader moral de la jeunesse du ghetto et représentant de ses réalités.

 

If you can make it through the night there’s a brighter day
Everything will be alright if ya hold on

Et si tu t’en sors en pleine nuit, un meilleur jour viendra
Tout ira bien si tu tiens bon

 

En cela, « Dear Mama » est aussi un échappatoire aux difficultés du ghetto : la guerre des gangs, les taux de chômage et d’incarcération élevés, l’épidémie du crack, le déclin du système de santé publique…

 

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Dans l’album Me Against the World qui sort en mars 1995, et dont fait partie « Dear Mama » ; Tupac chante ses tares et ses ennemis : il est aux prises avec un douloureux passé et des blessures non cicatrisées. Comme en témoignent les morceaux (« If I Die Tonight », « Death Around the Corner »), il ne place pas beaucoup d’espoir en son avenir. Le thème de la mort est omniprésent dans Me Against the World, qui apparaît comme une œuvre prémonitoire quand on sait que Tupac décède moins d’un an plus tard.

 

C’est donc un sentiment d’urgence qui émerge à l’écoute. Tupac fait le bilan de sa vie, et il de conjugue principalement au passé. Il règle ses comptes avec son âme et l’adversité. Et au coeur d’un album noir,  « Dear Mama » résonne comme une ode teintée de joie et de nostalgie. Peut-être l’occasion pour Tupac – qui compte les jours qui lui restent à vivre – de dire merci à celle qui l’a vu grandir, et de lui rappeler que tout n’est pas que tourment.

 

There’s no way I can pay you back
But the plan is to show you that I understand

Je ne pourrais jamais te rendre tout ce que tu m’as donné
Mais je veux te montrer que je comprends

 

La relation qui relie Tupac à sa mère n’est pas seulement celle d’années de vie commune et de solidarité familiale mais elle peut aussi être considérée comme l’incarnation de la connexion entre le mouvement Black power et le hip-hop. L’œuvre de Tupac participant ainsi du « potentiel inaccompli de l’héritage politique de la musique rap » (extrait de « Seeds and Legacies : Tapping the Potential in Hip-Hop » de Gwendolyn D. Pough ). Alors que l’acquisition des droits civiques pour les Afro-Américains ne portait pas les fruits attendus, les pionniers du hip-hop firent des rues du Bronx des espaces d’expression et de partage, au moment ou tout autour d’eux leur suggéraient l’exclusion. Les années 1990 ne sont guère plus favorables aux ghettos et aux Afro-Américains, et Tupac ne lâche pas les rênes d’une mise en mouvement sociale, teintée d’introspection et de récit personnels.

 

Tupac-Dear-Mama

 

En interview Afeni raconte que « Tupac brillait dans sa capacité à exprimer la force et la diversité des émotions, a faire de son histoire un récit collectif, où nombreux se reconnaissent ». Au sujet de « Dear Mama », elle rappelle que la chanson a été écrite pour toutes les mères qui se battent pour faire du mieux qu’elles peuvent, et portent le ghetto à bout de bras. A son tour d’être reconnaissante, dans sa postérité, l’œuvre de Tupac lui donne l’occasion de continuer à l’entendre rire, chanter et transmettre ce qu’elle lui a donné.

 

Si Tupac envoie un message fort à sa mère et à son public des ghettos afro-américains, les rappeurs qui lui ont succédé ont compris l’impact social et l’influence artistique qu’a joué nombre de ses titres phares. Kendrick Lamar lui est souvent comparé pour sa prose et les thèmes qu’il aborde. La manière dont son aîné exprime sa vulnérabilité est pour lui une source d’inspiration majeure. Interrogé au sujet de « Dear Mama », Kendrick énonce : « Tupac laisse son public entrer dans son monde. Il parle de sa mère, disant que même si elle fut une accroc au crack elle restait une « black queen » à ses yeux. Parler de soi, de ses fragilités, est quelque chose que j’ai appris à faire, et apprécier, dans ma musique ». Eminem exprime aussi sa gratitude envers l’héritage de Tupac : « Il est le premier qui m’a vraiment aidé à faire des chansons qui créaient du sentiment ». D’après le rappeur de Compton et celui de Détroit, cette aptitude est ce qui rend les titres et le message de Tupac aussi actuels vingt ans après sa disparition.

Un don et une malédiction. C’est ainsi qu’il faudra qualifier le fait pour un jeune artiste de connaître un succès fulgurant grâce à un premier titre. Phénomène plus infectieux que viral, le « Harlem Shake » de Baauer a fait le tour du monde, grâce à un gimmick vidéo qui aurait presque vite fait d’éclipser le nom du producteur.

Ce syndrome du one-hit wonder devient alors une épée de Damoclès qui ne demande qu’à s’abattre sur la tête du jeune artiste, si celui-ci manque à faire preuve. Pour Baauer, à vrai dire, on ne s’inquiétait pas vraiment. Etre le « Harlem Shake » et son premier album « Aa », il s’est passé trois ans. Des années au cours desquelles ses quelques apparitions ont laissée présager sa capacité à produire une œuvre dépassant les critères réducteurs du gimmicks.

Avec « Aa », Harry Bauer Rodriguez de son vrai nom, nous emmène dans un tour du monde sur le thème d’une block-party estivale en bord de mer. De Londres et Berlin, où il a passé son adolescence, en départ vers le Brésil avec « Sow », suivi des lumières de la scène underground de Londres et New York respectivement représentée par Novelist et Leikeli47 sur l’hymne guerrier qu’est « Day Ones », en passant par les sonorités orientales de « Good & Bad » et « Temple » (ft. M.I.A et G-Dragon), au Japon avec « Made It Bang » et dans le Pacifique, perdu entre le pays du Soleil Levant et la Terre des Libres avec « Kung Fu » (ft. Pusha-T & Future)

 

Dans chacun de ses titres la culture Sound-System de Baauer imprègnent des ses rythmes frénétiques et dansant, les identités pop et surtout hip-hop des artistes qui l’accompagnent et les mondes qu’il choisi de nous faire traverser. Finalement, Baauer trouve au premier essai la cohérence et la maturité qui permettent aisément d’échapper au tranchant de l’épée. Mieux, il confirme les espoirs portés en lui par ceux qui l’annoncent comme une révélation électro.

Icône pop depuis le début des années 90, Gwen Stefani a toujours su se réinventer en empruntant des virages artistiques sur des circuits originellement rock avec No Doubt puis plus hip-hop et plein d’originalité en solo avec une touche se rapprochant de Neptune(s). Sa carrière solo muette depuis dix ans fait de This is what the truth feels like, un très long titre pour un petit événement.

Reine du grand écart, donc, on était en droit d’espérer que ces années d’attente puissent laisser entrevoir un renouveau d’une pop souvent encrassée dans des recettes formatées. Malheureusement à ce niveau Gwen Stefani déçoit un peu. Ou plutôt elle est en demi-teinte. Dans la première partie de l’album, l’artiste occupe la position d’une bénévole au Resto du cœur, elle sert la soupe. Centrée étonnamment sur l’amour, sa galette et gorgée d’un nombre important de track sans relief du genre et tout à fait convenu (« Misery », « Truth », « Used to love you ») qu’on peut retrouver tantôt chez Rihanna, tantôt chez Taylor Swift, tantôt chez Lady Gaga…

Peu importe, la chevelure dorée nous révèle l’ampleur de sa proposition artistique au fil des tracks. On la retrouve à un moment rappeuse pétillante sur un « Red flag » au beat vrombissant, plein de groove sur l’amusant « Naughty » même ses balades se font plus sombres, plus âpres notamment sur « Me without you » et « Loveable ». Une facette avec laquelle la quasi cinquantenaire semble véritablement s’éclater et qui remonte sensiblement l’intérêt de son retour.

Un numéro 6 aux airs de vision hallucinatoire flottant sur un fond obscur. Toute l’humeur de Drink More Water 6 matérialisée en une image. Tourmenté, iLoveMakonnen réprime ses affres à coups de drogues lénitives. Cette nouvelle mixtape, la sixième de la série Drink More Water et la première non-gratuite, frise la schizophrénie, comme son auteur. Elle oscille entre flow cotonneux, fébrile et sucré. Makonnen a tantôt les yeux dans le vague, la rage au ventre et le cœur au bord des lèvres. Il mêle des beats épais et planants, de la trap (« Sellin », « Big Gucci », « Pushin », « Live for real », « Uwonteva » …), de la pop (« Solo », « Want you ») et des ballades r’n’b (« Turn off the lies »). Son chant est tour à tour aigue et grave, son rap musclé et flegmatique.

Si DMW6 peut manquer de cohérence, ses productions sont toujours impeccables, souvent portées par des basses rutilantes. Elles étouffent même parfois la voix fluette du sudiste (« Where I’m at »). L’opus ne contient aucun banger mais une flopée de refrains simplistes qui rentrent et traînent dans le crâne, comme « I’m sellin’ dope, I’m sellin’ dope / I’m back to sellin’ the dope » (“Sellin”), « Ridin’ in my low-low / Ridin’ in my low-low / I’m ridin’ solo” (“Solo”) ou encore “So watch me live, hey / I live for real, hey” (“Live for real). Emcee fragile assumé, quatre de ses morceaux parlent d’amour. L’absence de featurings prouve que l’œuvre est foncièrement personnelle. La mixtape est délassante, presqu’hypnotique, mais trop minimale. Couchée sur un matelas confortable, elle expérimente peu. A 26 ans, le poulain de Drake, qui cumule les projets à un rythme boulimique, s’émousse-t-il déjà ? Drink More Water 6 est plaisant et prometteur mais Mr Sheran devra surprendre davantage pour son premier album solo, prévu pour l’automne prochain.

Dj Khaled, Rick Ross, Ace Hood, tous ces rappeurs font figure d’icônes du rap en Floride. Pourtant en s’intéressant de plus près a la scène underground, des artistes comme Denzel Curry sont tout aussi talentueux. Le MC de Carol City a sorti le 9 mars dernier son album, Imperial, quelques mois seulement après sa dernière mixtape.

Denzel ouvre ce free album de 10 morceaux avec «Ult », le premier single qu’il avait dévoilé en amont de la sortie d’Imperial. Ce titre aux multiples facettes, à la fois trippy et trap, fait office d’hymne pour son mouvement Ultimate. Il y expose une grande partie de ses convictions qui vont faire surface tout au long de l’album. C’est donc un D.Curry plus engagé qui nous fait partager son évolution comme sur « This Life » où il commence son refrain avec les mots suivant “I think I’ve changed, not the same since my younger days, so far I came, feel my pain till I can’t complain”, une façon pour lui d’analyser son ascension. Si Denzel semble avoir opté pour un rap plus “conscient”, son flow agressif qui avait contribué à son succès lui n’a pas changé.

Tout au long de l’écoute de l’album, les différentes influences de rappeurs se font ressentir. Du boom-bap comme sur « Zenith », son titre en featuring avec Joey Bada$$ au rap hardcore de Gook où il scande sa haine pour SpaceGhostPurp. Denzel est parvenu à s’imprégner de tous ces styles musicaux pour proposer un projet bien construit. En bon floridien, il a également invité son confrère de Carol City Rick Ross sur « Knotty Head », histoire de rappeler à tous ces fans d’où il vient.

 

Depuis plusieurs années qu’on attend son premier album, Domo Genesis a enfin sorti sa Genèse. Stoner de la bande, remarqué grâce à quelques mixtapes bien senties, il était surtout dans l’ombre des autres personnalités charismatiques d’OFWGKTA. La dissolution du collectif lui aura peut-être permis d’ouvrir ses ailes, c’est en tout cas un album plein des doutes accumulés toutes ces années qui voit le jour. De « Questions » à « All Night » en passant par « My Own », Domo arpège ses angoisses et interroge sa capacité à percer, à s’imposer comme un artiste. Si le rap nous avait familiarisé avec les ego trips, on découvre presque ici de l’ego bad-trip… Un son de cloche introspectif qui manque parfois de folie à force de vouloir bien faire. En effet, Domo sait que la longue préparation de l’album a fait monter les attentes.

La production générale de l’album est pourtant excellente, de la soul enrichie de RnB, de jazz ou de funk : l’ambiance est groovy et planante. Les bons featurings de Wiz Khalifa, Anderson .Paak ou Mac Miller ne débordent pas sur la teinte personnelle et honnête de l’album. Celui-ci garde donc sa cohérence malgré une production de Tyler the Creator qui date de trois ans par exemple. Le très festif et décomplexé Dapper fait tout de même un appel d’air chaud salvateur pour tout l’album, où le flow de Domo se transforme en murmure séducteur et plein d’assurance.

Album divan qui étale plus de questions qu’il n’offre de réponses, Genesis est le premier pas timide de Domo Genesis dans la cour des grands. Un peu déçus, on attend toujours le coup de maître.

La cover du projet dévoile le visage d’un 2 Chainz sur lequel apparaissent les tatouages de Lil Wayne. Une belle figure de style de leur union qui dépasse le cadre musical. Tout est une histoire de fusion, même le titre, collage entre College Park, hometown de l’ex-dénommée Tity Boi ; et Hollygrove, le quartier de New-Orleans qui a vu grandir Weezy. Malgré tout, pour causes contractuelles, ColleGrove est officiellement un album de 2 Chainz où Lil Wayne n’est qu’en collaboration sur huit des treize morceaux.

C’est par un hommage émouvant que débute l’album avec le témoignage par 2 Chainz de son histoire commune avec son ami/mentor avec lequel il multiplie les collaborations depuis son apparition sur la mixtape « Lil Weezy Ana » en 2006. Rappelant au passage quelques anecdotes et sa légitimité dans le label Young Money. Après ce premier morceau testament, on peut enfin témoigner de l’alchimie entre les deux sudistes sur « Smell Like Money » morceau à l’esprit matérialiste, ou « Bounce » un battle -amical- donnant naissance à quelques punchlines pleine d’humour comme ce magnifique « I’m on Chronic all day like it’s my favorite album ».

Les morceaux suivants s’enchainent dans la première partie de l’opus et dévoilent des tubes plus ou moins évidents comme « Gotta Lotta » ou « Blue C-Note.» L(es) ennui(s) surviennent ensuite dans la seconde partie avec des morceaux plus insipides, des concepts moins inspirants, et des lacunes crées par l’abscence de Wayne ou paradoxalement certains ses couplets ressemblant à des chutes d’anciens projets. Si on peut saluer l’effort de 2 Chainz, on ne peut que regretter une plus grande implication de Tunchi sur la totalité de l’album, tant la différence se fait sentir quand il est investi. On a déjà la tête à Carter V.

Encore mal dans sa peau, influençable, suiveur, aspiré par un microcosme déviant, il y a sept ans, K. Dot rédigeait son testament. Les lignes étaient courtes, en réalité, un seul souhait apparaissait : « Laissez-moi être moi-même ». Derrière ce message, des désirs forts étaient palpables. Transparence. Quête de soi. Des questions. Des questions. Et encore des questions, sur son art, sa communauté, son rôle, et les convoitises d’une industrie qui l’avait presque consommé (« My Mama said, ‘Boy, that don’t sound like you’ / I said, ‘This is the sound, though »). Sept minutes pour dire ses derniers mots. Quatre couplets. Et entre le troisième et le quatrième, une voix féminine flottait avec quatre questions répétées « qu’essayes-tu de dire ? Qu’essayes-tu d’accomplir Kendrick Lamar ? Est-ce vraiment toi ? Est-ce vraiment ce que tu prétends être ? ».

Chaque œuvre de Kendrick est un chapitre. La musique est son terrain d’introspection. Quand il boucle le volet To Pimp a Butterfly, il se questionne – encore une fois –, surpris par ses émotions, qui, d’un moment à l’autre, peuvent l’emmener vers des champs inexplorés. Au cours de « untitled 7 | 2014 – 2016 », même principe. Huit minutes. Trois parties. Trois positions différentes. Des arrangements sur deux années (certainement). Et la dernière partie, inachevée, ramène à cette idée de construction permanente. Nos oreilles assistent à une session studio entre Kendrick et son orchestre. Pas de thème. Les émotions prévalent. L’improvisation est reine. Et l’instant est inscrit de manière indéfinie. Cette démarche encense l’idée de transparence étayée un peu plus haut. La volonté de se présenter sous son visage le plus sincère (« ​untitled 04 | 08.14.2014 »), mais aussi, l’envie d’être écouté, et non entendu. Nuance (« I made To Pimp a Butterfly for you / Told me to use my vocals to save mankind for you / Say I didn’t try for you, say I didn’t ride for you »).

Ces chutes d’album, pas assez bonnes pour figurer sur son dernier album ; pas assez cohérentes pour coller au concept TPAB ; ou tout simplement trop « médiocres », prolongent les grands thèmes évoqués dans son dernier opus. L’amour de soi (« i ») est perceptible dans la voix chaude de Cee-Lo Green (« untitled 06 | 06.30.2014. »). L’appétit insatiable du vieil Oncle Sam (« For Free ? (Interlude) ») est très prégnant sur « untitled 03 | 05.28.2013. » (« Telling me that he selling me just for $10.99 / If I go platinum from rapping, I do the company fine / What if I compromise? He said it don’t even matter ») – au passage, Astronote, producteur français, talentueux, mais très discret, signe le placement de l’année. Et la névrose, cet emprisonnement mentale, qui finit par enfermer les corps, les rêves, la confiance de chaque individu des quartiers paupérisés, jonche l’intégralité des morceaux « untitled 02 | 06.23.2014. » (« Stuck inside the belly of the beast »), « untitled 05 | 09.21.2014 » (« See I’m livin’ with anxiety, duckin’ the sobriety / Fuckin’ up the system I ain’t fuckin’ with society »), et « untitled 08 | 09.06.2014. » (« Why so sad? Walking around with them blue faces »). Certainement une des raisons pour expliquer ces mots « levitate, levitate, levitate, levitate », l’idée d’outrepasser son être, sa conception physique, sensible, pour s’éclipser vers des monts plus hauts, inaccessibles en apparence. De ce fait, la métamorphose « chenille – papillon » est respectée, et « étrangement », ils font écho aux premières lignes de son testament :

« I think that I finally reached the pinnacle

Of finding myself as an individual

The world is so typical

I just wanna be higher than that? »

 

untilted unmastered. est un tour d’honneur. Un dernier tour de piste pour réaffirmer sa place sur le podium, son importance culturelle, sa pleine maîtrise des fondamentaux (« untitled 01 | 08.19.2014. » est un exercice de style…), et sa science parfaite de la pique subliminale (« I could never end a career if it never started »). La boucle est bouclée. Un grand chapitre se ferme. Cornrow Kenny.

“I’m too high to riot”. Quatre mots. Deux sens. Une phrase, répétée trois fois comme pour se justifier, se dédouaner d’un manque de combativité. Deux ans après les émeutes de Ferguson où son mentor J Cole s’était rendu, deux ans après son premier album « Last Winter », Bassy nous revient avec ce sophomore où il délivre son amertume entre deux moments de sobriété. Le New-yorkais le dit, si Last Winter relatait la défonce liée au succès naissant, « Too High to riot » en dépeint la redescente, le bad trip. Son père est malade –« Dopamine »-, un oncle décède pendant sa tournée –« Methylène »-, des vieilles blessures (–« Live for »-) sont ravivées. Pour les faire taire, se sentir mieux : la dope. Sous toutes ces formes. Et pour ce nouvel opus, Bas en appelle à ses dope dealers préférés : J Cole –« Night Job »-, Cozz –« Dopamine », The Hics –« Matches », « Ricochet »-, les membres de son gang. « Dreamville » : les vendeurs de rêve. Les producteurs Kquick, Soundwave et Ogee Handz, sont les Walter White présents en filigrane.

Et le rendu est bon –« Night Job », « Miles and Miles », « Clouds Never Get Old »-. Malheureusement, Bas deale toujours la même came. Le Banger « Night Job » ressemble à celui de l’album précédent « My nigga just Made Bail »… Plus codéine que cocaine, plus herbes de thé qu’herbe à fumer, « Too High to riot » est bon mais loin d’être addictif. Ironique ? Le fait que « les USA soient une terre d’opportunité où un millionnaire raciste et fou peut se présenter comme président », l’est aussi selon lui. Et pourtant, personne ne semble lutter contre. Au contraire… Finalement, l’adage « life is a joke » en devient caduque, remplacé par « Life is a drug ». Cela explique pourquoi, comme Bas, nous sommes tous « Too high to riot ».

Dans ce vaste laboratoire du rap qu’est Atlanta, les expérimentations foisonnent et donnent sans cesse naissance à des phénomènes tous plus étranges les uns que les autres. Du haut de ses 18 ans, Lil Yachty se présente aujourd’hui comme la dernière espèce hybride estampillé ATL. Récemment aperçu en studio aux côtés de Kanye West, il invitait en ce mois de mars les auditeurs à découvrir son univers artistique au travers d’une mixtape intitulée Lil Boat.

14 titres censés familiariser le public à Lil Yachty et Lil Boat, les deux facettes de la personnalité schizophrène de l’artiste. Dans « Just Keep Swimming », piste d’introduction du projet, le premier est présenté comme « agressif » là où le second serait plus « émotionnel ». La réalité est nettement plus simple : Lil Yachty rappe, Lil Boat chantonne. Titre après titre, les deux dessinent une sorte de trap rose bonbon, terriblement mielleuse, dans laquelle semblent s’entrechoquer Young Thug – la musicalité en moins, iLoveMakonnen – l’émotivité en moins, et Aqua. Si le contraste est intriguant sur le papier, il n’a pas d’autre dessein que de le distinguer de la masse comme étant juste « différent ». Les morceaux de Lil Yachty sont comme des comptines : minimalistes, parfois agaçantes, résolument entêtantes (« Minnesota Remix » notamment). Le flow y est caoutchouteux, les émotions y sont fades quand elles ne sont pas inexistantes, Yachty se contentant de s’égotripper au prisme de relations passées, vaguement évoquées. Émaillé de références à l’enfance, du Monde de Némo à Mario, Lil Boat : The Mixtape est le projet d’un gosse immature, dont on attendra sagement le passage à l’âge adulte.

Date de sortie : 9 mars 2016
Label : Self-Released
Note : 3/10

Alors que certains se languissent de la sortie de Views From the 6, d’autres prêtent une oreille attentive à DVSN (Division), dernière signature du label OVO. Le mystérieux trio produit par Nineteen85 a été révélé au grand public avec “The Line” et “With Me” lors du 8ème épisode d’OVO Radio et a tout de suite retenu notre attention.

DVSN a sorti son premier album Sept. 5th le 27 mars. Ce nom fait référence à la date de diffusion des deux premiers titres sur leur Soundcloud. Les thèmes abordés sont ceux récurrents du RnB/ Soul : l’amour, les relations, le sexe… Mais DVSN le fait avec un regard éloigné des valeurs actuelles d’une société de consommation qui voudrait que l’on vive les relations « comme on achète une baguette de pain ». DVSN rend ses lettres de noblesse à ces sujets en révélant leur caractère transcendant.

Les titres durent jusqu’à 7 minutes. Il s’agit de balades langoureuses inspirées d’artistes comme D’Angelo où les performances vocales dans les aigus rivalisent avec celles de Prince. A cela, ajoutez des backs féminins d’une extrême douceur et vous obtiendrez la combinaison gagnante à mi –chemin entre Drake, The Weekend et Partynextdoor.
Les 10 titres de 5th Sept. sonnent comme une véritable ode à la concupiscence. Cet album donne envie d’aimer, de ressentir et de rêver. Le trio torontois nous offre une vision mature des relations amoureuses teintée de hauts et bas. Oui, nous vous le confirmons cet album est coulant de sentiments et si vous y êtes allergique, mieux vaut ne pas trop vous y frotter.

Il y a maintenant un an que la photographe HLenie inaugurait notre rubrique Somewhere In avec ses photos de voyage. Aujourd’hui, elle fait son retour après quelques jours passé sous le soleil, mais aussi entre les gouttes de la capitale portugaise Lisbonne. Voici son récit :

Sur les bords du Tage, bordée par de petites maisons pastel, Lisbonne se découvre à pieds, en tram, en bateau, en tuk tuk, on traverse les quartiers, les ambiances et les monuments, Baixa, Chiado, Alfama, Belém, Le parc des nations pour finir autour d’un verre au crépuscule, dans le quartier de Bairro Alto : Somewhere in Lisbon,

« Em algum lugar em Lisboa ».

Instagram : @HLenie

Après la Air Max BW, c’est au tour de la Air max 95 de s’offrir une nouvelle jeunesse avec ce coloris « denim » novateur dévoilé par Nike plus tôt dans la journée. La paire revêt 3 différents types de tissus en jeans allant de la tige jusqu’à la languette ainsi qu’une bande réfléchissante au dos, de quoi ravir les fanatiques de sneakers. Pour l’instant, aucune date de sortie officielle n’a été révélée par la marque à la virgule.

 

YARD s’est rendu à la cérémonie des Angels Music Awards, les victoires de la musique chrétienne. Nous y avons suivi L’As Kin Son L’Haïtien et son groupe Diffmakerz. Il font du rap gospel. Un rap déclamant leur amour pour le Christ.

Il y a quelques jours, YARD s’associait au studio Mirz-Yoga pour s’initier à une séance de Yoga R&B. Une séance ouverte aux débutants comme au yogis confirmés où les postures de Hatha Yoga s’enchaînent sur des rythmes de R&B, de Rihanna à Ne-Yo, en passant par James Blake et Solange Knowles !

Pour plus d’infos, direction le site de Mirz-Yoga (6, rue Arthur Rozier Paris 19). Quant aux prochaines séances, just stay tuned !

Photos : @HLenie
Merci à Dear Muesli !

Le rendez-vous était donné le premier avril au Showcase Paris mais on ne vous a joué aucun mauvais tour.

Comme prévu, PNL a enflammé le public du Showcase qui prenait déjà un avant-goût de live en découvrant un autre duo : They. protégé et acolyte de Bryson Tiller tout au long de sa tournée. Pour cette YARD Party exceptionnelle, nous tenions à remercier les artistes mais aussi nos DJs, Richie Reach, Rakoto 3000, Kyu St33d, Louise Chen, DJ Endrixx et Supa!.

A bientôt pour la suite…

Photos : @Kop3to & @Milonloh

À la fin de ses balances, au moment de rencontrer Bryson Tiller, des fans s’alignent déjà à l’entrée du Cabaret Sauvage pour un concert complet depuis plusieurs semaines. Il y a encore un an et demi, son nom ne disait rien à personne. Il faut dire que les choses sont allées très vite depuis le succès providentiel et mérité du titre « Don’t ».
Sur scène, avant d’interpréter le morceau accompagné par ses musiciens, il raconte. « J’ai posté « Don’t » sur Soundcloud quand je travaillais encore chez Papa John’s (chaîne de pizzeria, ndlr). Toutes les trois heures, j’allais vérifier dans mon casier où en était le nombre d’écoutes. La première fois j’étais à 500, la deuxième à 100 000 et ça continuait de monter. J’ai dit à mon boss qu’il fallait que je les quitte. » Deux semaines plus tard, c’est Timbaland qui le contacte et le fait venir à son studio à Miami. Depuis il enchaîne les rencontres, refuse une signature chez OVO, remplit chacune des dates de sa tournée aux États-Unis et continue sur sa belle lancée en Europe. Il faut dire que Bryson fait preuve de patience et de réflexion dans chacune de ses décisions. Le résultat d’une maturité acquise à la naissance de sa fille de deux ans.
Pourtant, à seulement 23 ans, le chanteur sait rester discret. On en veut pour preuve le jeu de lumière qui baigne la scène du Cabaret Sauvage et dissimule à dessein le visage du chanteur. Malgré tout, il nous a accordé quelques minutes et répondu à nos questions.

Photo : @kevinjordanoshea

 

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Quand j’ai commencé la scène, j’étais nerveux, parce que je n’ai commencé qu’au milieu de l’année dernière. Ils m’ont tous dit d’y aller et de m’amuser. Ça m’est venu, j’aime être sur scène dans une certaine limite. Mais je préfère travailler en studio.


 

 

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J’avais 15-16 ans quand j’ai commencé à chanter pour les filles dans les couloirs du lycée. Un gars m’a proposé d’aller en studio et j’ai enregistré un refrain qui a pas mal tourné et ça m’a donné envie de retourner en studio.


 

 

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En ce qui concerne les vidéos je ne m’y montre pas beaucoup. Je n’aime pas l’idée d’être partout sur Internet. Pour Instagram, je ne réfléchis pas vraiment à ce que je poste. C’est plus spontané.


 

 

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Pour moi « Rambo » et « Sorry Not Sorry » sont plus du niveau d’une mixtape. T R A P S O U L est une compilation de chansons que j’ai fait au cours de l’année. La vraie différence entre mon premier album et T R A P S O U L , sera qu’il y aura des featurings. La différence se fera aussi dans la manière dont j’agencerai les morceaux. 


 

 

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En ce qui concerne la longévité, je ne me presse pas, je réfléchis à toutes mes décisions. Quelques artistes m’ont donné des conseils, et tous m’ont dit que tout tient au fait de prendre les bonnes décisions et de s’entourer des bonnes personnes.


 

 

 

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En ce moment je n’écris pas vraiment, je jette juste quelques idées. Mais dès que la tournée européenne sera terminée, j’espère m’y remettre.


 

 

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J’aimerais écrire pour les autres, n’importe qui. J’aimerais écrire pour Beyoncé. On me l’a déjà demandé, mais je ne peux pas encore dire pour qui. Mais pour l’instant je suis sur la route et c’est dur de réussir à travailler.


 

 

 

Certains voient dans le terme hustler, une connotation obscure bourrée d’âpreté flirtant quelque fois avec l’illégalité. Dans ce tout nouveau numéro, nous avons choisi de réenchanter l’idée. Avec une couverture portée par les trapèzes les plus célèbres du rap français, le hustler devient héroïquement un être débrouillard sachant tirer profit de toutes les situations parfois même jusqu’au succès.

Booba a su tirer son épingle du « rap jeu » hexagonal où la rivalité fourmille de partout et a même su s’imposer en véritable homme d’affaires. Vincent Bolloré sauce 92i. Dans son sillage, un autre personnage a réussi à pénétrer les arcanes de l’industrie de la musique avec son label Wati B. Parti de pas grand chose et à la force du poignet, Dawala est à la tête d’une structure tentaculaire qui pèse plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Mais le terrain de jeu du hustler ne se borne pas seulement au rap évidemment. Pour en témoigner, le ténor du barreau Karim Achoui revient sur sa carrière : entre les balles qui ont failli mettre un terme à son existence, son incarcération à tort dans l’affaire de l’évasion d’Antonio Ferrara, mais encore son rôle dans la libération de Moussa, l’humanitaire musulman qui fut emprisonné dans les geôles du Bangladesh. Enfin Mathieu Flamini, footballeur d’Arsenal devenu boss d’une entreprise qui aurait trouvé une molécule qui remplacerait le pétrole…

Mais parfois le chemin qui mène à la gloire paraît trop long, trop périlleux, il faut des raccourcis. Les resellers et les camgirls se servent alors des failles du système pour en tirer profit. Quand l’un peut rester toute la nuit pour se procurer une simple paire de baskets, l’autre fait cracher au bassinet ses clients en multipliant les « tokens ».

Vous retrouverez également une immersion au Jordan Brand Classic Europe, les pupilles de la nation basket, le regard sur l’actualité des deux sœurs Ibeyi, l’incroyable histoire du narcocorridos Chalino Sanchez, une série mode avec les compères Alpha Wann et Hologram Lo’. Et plein d’autres choses encore !

 

POINTS DE DISTRIBUTION
ABONNEMENT

 

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Beyonce vient tout juste de dévoiler les premières images de sa nouvelle marque de sportswear. Loin d’effectuer ses premiers pas dans la mode, l’interprète de « Formation » s’associe avec le propriétaire de Topshop, Sir Phillip Green, pour une collection en hommage à sa fille intitulée Ivy Park. Cette première ligne de vêtement sera disponible le 14 avril chez 12 revendeurs à commencer par Topshop et Zalando.

Beyonce n’en est pas à sa première expérience dans la mode. En 2005, elle avait déjà crée la marque de streetwear House of Dereon, avec sa mère en co-fondatrice.

 

 

« WE PUTTING OUT NEW MUSIC EVERY WEDNESDAY….WAVY WEDNESDAY’S » (On sortira des nouveaux son chaque mercredis… Wavy Wednesday’s)

 

 

A$AP Rocky, l’avait promis c’est chose puisqu’après la sortie la semaine dernière du titre « Goldie Mack » avec Waka Flock, l’A$AP Mob embraie avec le morceau « Presidents » qui réunit Nast, Twelvyy et Rocky. De quoi confirmer ce nouveau rendez-vous hebdomadaire et nous faire patienter avant la sortie de nouveaux projets du crew.

 

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Pour YARD, les baskets sont une affaire plus que sérieuse, presque trop. Nike, Reebook, Adidas ou encore Vans, toutes ces marques nous arrosent chaque semaine de nouvelles paires, il est donc souvent difficile de rester à la ponte de l’actualité.  Chaque semaine, YARD compile les sorties les plus clivantes tout en prenant position. 

 Nike Kobe 1 Black Mamba, l’incontournable.

 

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Pour célébrer les 13 ans de collaboration entre Kobe Bryant et Nike ainsi que la dernière saison NBA de l’icône des Los Angeles Lakers, la marque a annoncé plus tôt ce mois-ci la sortie d’un « Black Mamba Pack » avec en vedette la Nike Kobe 1 Black Mamba. Lors de sa sortie en 2005, la paire avait secoué la sphère sneakers et s’est vue convoitée par tous les  de basketball. Cette fois ci la Black Mamba adopte un coloris gris/argenté qui vient parfaire le look robuste de la chaussure. A l’instar de la Kobe Mentality, Nike a opté pour un modèle montant et rigide assurant une bonne protection des chevilles lors de la prise d’appui. Une paire incontournable pour tout basketteur souhaitant mettre en valeur  son apparence sur le terrain.


Date de sortie : 23 Mars 2016

Prix : 200 $


 

 

NMD Olive Camo, le fail

 

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Adidas a officiellement lancé le 17 mars son nouveau modèle, la NMD, une paire qui a fait polémique au sein des sneakerheads pour son design. La marque au trois bandes a dévoilé cette semaine un nouveau coloris intitulé « Olive Camo » qui est loin d’être le meilleur de tout ceux déjà présentés pour ce modèle. Ce camo fade et pixélisé est en effet tout l’inverse des précédents looks novateurs proposés par Adidas sur la « City Sock » ou encore sur la « Consortium Tubular Doom », d’autant plus qu’aucun élément ne permet de justifier le prix de cette paire : 170 dollars.


Date de sortie : 23 Mars 2016

Prix : 170 $


 

 

Adidas D. Rose 6 Florist City, l’interrogation

 

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Après la D. Lilliard 2 c’est au tour de la D. Rose 6, la nouvelle « signature shoes » de Derrick Rose de faire son apparition sur les parquets. Quel est la place de cette paire au design simpliste, à la languette élancée et aux couleurs flashs sur les terrains de basket et en dehors ? Difficile d’y répondre, cela reste un mystère pour nous.


Date de sortie : 18 Mars 2016

Prix : 140 $


 

 

Nike Air Presto Safari, la surprenante

 

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Sortie en 2002 sous un autre visage, la Air Presto est un modèle incontournable de Nike. La marque a dévoilé le 5 mars dernier son nouveau coloris « Safari », un blanc parsemé de tâches noires complété de maintiens latéraux jaunes savanes. Un nouveau look inattendu pour la Air Presto qui avait jusqu’à présent un manteau bicolore.


Date de sortie : 5 mars 2016

Prix : 125 euros


 

On connaît seulement les artistes quand ils daignent se montrer à nous, leur public. Mais comme tout le monde, ils ont leurs routines, leurs habitudes… Un quotidien qu’on aimerait toucher du doigt. Pendant chaque jour d’une semaine, par une série photo, Hologram Lo’ nous permettra de pénétrer à l’intérieur d’une de ses semaines.

Le beatmaker est le personnage au centre de la culture hip-hop depuis les débuts du genre dans les quartiers new-yorkais. Pas toujours mis en avant, c’est lui qui détient pourtant, encore aujourd’hui, le dynamisme musical du rap, un véritable architecte. Contrairement aux États- Unis, le rap français n’a jamais vraiment su mettre en avant ces hommes trop souvent restés dans l’ombre.

Il a fallu attendre le dernier souffle de DJ Mehdi pour faire jaillir son nom partout dans les médias et qu’enfn soit évoquée sa vision géniale et transversale. 
Au début des années 2010, une véritable contre-proposition commence à voir le jour au sein d’un rap qui s’enlise parfois dans des sonorités rappelant celles d’Atlanta et de Chicago.

Notamment incarnée par le groupe 1995, leur profession de foi cherche à revenir aux bases de ce qui a fait l’âge d’or du hip-hop. En ce sens, les emcees (où on retrouve Nekfeu, Alpha Wann, Areno Jaz, Sneazzy West et Fonky Flav’) revendiquent cette appartenance avec des techniques de flow ciselées en se renvoyant le micro les uns les autres. Mais celui qui a totalement su réinventer ce genre « retour vers le futur » c’est Hologram Lo’. Sa Delorean MPC est au cœur de ce renouveau.

Aujourd’hui on le retrouve acteur d’un nombre impressionnant de projets allant du dernier solo de Jazzy Bazz à celui de Nekfeu en passant évidemment par celui d’Alpha Wann, son acolyte avec qui il décide de fonder le label Don Dada Records. Pour mieux comprendre cet artiste qui foisonne d’influences, nous avons décidé de le suivre pendant une semaine pour voir ce qu’il se cache en dessous de ses longs cheveux.

 

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Lundi 17h40 – Backstage
Ca profite du calme avant concert pour bosser avec mon pote Yass LuXe. On lâche rien, pas le temps de s’amuser en tournée,
il faut avoir de l’auto discipline.

 

CAFE-2

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Mardi 11h15 – Café
Passage au Café curieux aux Gobelins. Le café d’un pote. Meilleur endroit pour démarrer ou terminer la journée.
Ambiance posée mais avec toujours un peu d’animation quand y’a l’équipe au bar.

 

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Mercredi 15h54 – Disquaire

Démocratie , le seul disquaire que je fréquente encore. Soul, Jazz, Funk, House. Peu de Rap.
Pas grave j’y vais pour trouver les prochaines pépites à sampler. Depuis 2007.

 

STAGE

Jeudi 09h30 – Stage
Mode soundcheck activé. Ca répète comme chaque jour de concert. Faire des morceaux en live dans le vide, sans le public,
c’est pas la joie mais bon, comme au foot : l’entraînement c’est obligatoire.

 

STUDIO-2

Vendredi 10h22 – Studio
Dans ma cave, mon petit home-studio. Quand j’ai un peu de temps, je rentabilise ce moment au max. J’essaie de lancer un nouveau truc, ou avancer sur ce que j’avais déjà maquetté auparavant. Le problème c’est que l’inspi vient souvent quand j’ai un rdv juste après et que je dois tout faire dans l’urgence.

 

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Dimanche 01h12 – Tour Bus
Après concert. On peut se relaxer devant FIFA avec l’équipe et s’évaluer un peu. C’est la qu’on voit qui sont les plus grandes gueules. Je joue plus trop quand je suis à Paris, donc c’est bien d’avoir ces périodes où on reprends du poil de la bête pour éviter les fessées.

 

Article sponsorisé
Retrouvez la Converse One Star Hairy Suede sur Converse

Photos : Kevin Jordan

Après l’ouverture de sa première boutique à Paris, Supreme continue de faire parler d’elle. La marque dévoile aujourd’hui les premières images de sa très attendue collaboration avec Nike sur la Air Max 98, moins d’un moins après la sortie de la Supreme x Vans Motion Logo Era. On retrouve sur la semelle intérieur les logos des deux enseignes alors que la doublure avant est elle en cuir et couleur peau de serpent. Un look qui devrait séduire de nombreux sneakerhead.

Si pour l’instant aucune date n’a été révélée, de nombreuses rumeurs circulent indiquant que cette paire sera également disponible en noir et dans deux autres coloris.

Née dans les années 70, la One Star est un modèle incontournable de Converse, qui a réussi l’incroyable exploit de se faire une place à coté de la légendaire Chuck Taylor. Retirée de la vente il y a une dizaine d’années, la One Star a marqué son grand retour ce mois-ci, et de belle manière, avec le pack « Hairy Suede ».

Composé de quatre modèles aux coloris originaux (noir, jaune, rouge et bleu), elle garde sa shape mythique et une robe suede et poilue, comme son nom l’indique, une semelle Lunarlon ainsi que des matériaux premium y ont été incorporés pour améliorer le confort de la chaussure. La One Star est disponible online sur le site de la marque.

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Le site Highsnobiety s’est associé avec Converse pour explorer la nouvelle génération s’approprié la One Star, et fait le portrait de trois entités créatifs (Ilk, Last Night In Paris et eRRdeKa) à travers trois villes européennes (Paris, Londres et Berlin) qui ont aidés à faire la légende de la One Star.

C’est entre le Congo-Brazaville et la scène Londonienne que l’on retrouve Loukoko. Derrière son écran et son synthé elle produit un son chillwave, souvent mélancolique et teintée de mystère. Tout comme le personnage qu’elle s’est créé et qu’elle incarne au fil de ses apparitions et de ses projets. Le dernier en date : son deuxième EP, un projet éponyme, dont elle choisi de dévoiler en avant-première l’un des titres sur YARD. Rimes, en featuring avec le rappeur Venor NRS pour un morceau pile à la croisée de ses influences. On en a également profité pour dissiper le mystère et découvrir qui se cachait derrière Loukoko, en quelques questions.

 

Tente de remporter une invitation pour la release party de son dernier EP au Silencio à Paris, le 22 mars  de 21h à 23h (open bar entre 21h et 22h). Envoyez nom et prénom à martin@recordscollection.fr en précisant dans l’objet : concours YARD. Les trois premiers participants seront sélectionnés.

Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, est-ce que tu pourrais te présenter ?

Me présenter… Je vais essayer ! Loukoko. J’écris et produis. Le style est plutôt Bass music et Electronic Soul. J’aime jouer de plusieurs instruments comme la batterie, le clavier, la guitare le chant et sampler tout ça sur Ableton avec mpc…et rencontrer d’autres « artistes » pour des featuring.

 

D’où vient ton nom, Loukoko ?

J’ai grandi en Angleterre, aux Caraïbes et en France. Mes influences sont multiples et c’est surtout ça que j’ai voulu mettre en avant. Un nom qui permet de s’évader.

 

Tu t’es essayée à différents genre musicaux. Pourquoi avoir finalement fait le choix de l’électro ?

Je découvre des artistes qui m’inspire aussi bien dans la musique que dans d’autres arts des gens qui jouent telle ou telle musique, et je joue selon mes envies. J’aime bien être indépendante et ce genre de musique me permet de l’être. Sur scène je peux jouer mes morceaux seule ou à plusieurs et c’est cette liberté-là que j’adore et qui m’inspire.

 

Comment c’est passé la rencontre avec Record Collection ?

Record collection me suivent depuis le début. Ils prennent soin de moi. J’ai beaucoup joué pour leurs événements et cela m’a permis de me trouver au niveau du live. Pour autant, je suis indépendante. Je n’ai pas signé avec un label pour le moment.

 

 

Quel est ton processus créatif ? Est-ce que tu es le genre de personne capable de sortir cinq sons en une journée ?

Je m’inspire de faits réels.
Un ami est passé me voir il y a une semaine et m’a raconté des choses personnelles qui m’ont touchées.
Je me suis mise inconsciemment derrière mes claviers et j’ai composé un morceau des qu’il était parti. Je crois que c’est une bonne façon de retranscrire ce que j’ai pu ressentir, un peu comme un tableau évoquant une scène. c’est ma façon d’extérioriser ce qui me touche. Du coup je vais le jouer sur scène pour la release. J’aime bien la fraicheur d’un nouveau morceau.

 

Tu as sorti ton premier EP en 2014. Comment est-ce que tu le présenterais ?

Il est bleu, fragile et doux. Le deuxième est jaune, fragile et plus masculin.

 

On voit rarement ton visage en entier dans tes clips. Pourquoi ce choix ?

Je trouvais ça intéressant artistiquement de suggérer ma présence. Je le montre à présent. Je suis entrain de travailler sur le clip de « Young Lust ».

 

 

Comment tu envisages la suite ?

Encore et toujours plus de notes et de rencontres enrichissantes.

 

Si tu pouvais rencontrer un artiste qui te semble encore inaccessible, qui est-ce que ce serait ?

Je n’aime pas trop ce mot « inaccessible ». Ce n’est pas très musical. ça rend la chose plus difficile qu’elle ne l’est.
Pour ceux que j’admire mais que je ne rencontre pas…leur musique me suffit. Ceux dont je croiserai la route…je les admirerai peut-être moins.
Aux prodiges anonymes !

 

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C’est dans le Basement des bureaux de YARD que le son prend pleinement ses droits. C’est là que chaque semaine, l’équipe de YARD vous concoctera un mix de sons hip-hop, us, français, electro, trap, oldies, classiques, rnb…
Une semaine sur deux sur OKLM, le samedi à 22h avec Kyu St33d, et l’autre sur YARD, avec Supa!

 

Bossy Love – Want Some (Big Dope P Remix)
Halpe – Ricen Rain (Remix)
Baauer – Kung Fu ft Pusha T & Future
Desiigner – Panda [Intro Dirty]
Yo Gotti – Down in The DM (DIRTY)
Tory Lanez – Tim Duncan (Prod. C-Sick)
2 Chainz & Lil Wayne – Gotta Lotta (Ft. Lil Wayne)
Wacka Flocka – One Eyed Shooters Ft. Young Sizzle
Dave East – Everything Lit (feat. Jadakiss & Styles P)
J. Cole – Wet Dreamz
Snoop Doggy Dogg – Gin & Juice (Radio Version)
The Internet – Just Sayin/I Tried
Nivea – Still In Love
J-Dilla – Runnin (Sugaboy Edit)
Jazzy Bazz – 3.14 Boogie (feat. Esso Luxueux)
Kap G ft. Young Thug – Dont Need Em
Kendrick Lamar – Untitled 07 (2014 – 2016)
Halpe – Emerald
3010/S.E – J’Lui Ai Dit (Produit Par Jay.Jay & KiddyDubz)
Nov – R.I.P.
Drake – Girls Love Beyonce (Feat. James Fauntleroy)
Guff Star – Say My Name (Guffstar X Marz p)
MNEK vs Disclosure – White Noise (Full Crate & FS Green Remix)
Kandi – Don’t Think I’m Not
Craig David – Fill Me In
Ruff Sqwad – Functions On the Low
Travis Scott – Uber Everywhere Remix
Tyler The Creator – What The Fuck Right Now (Freestyle 4 Remix)
PSO Thug – Captain Cook (Prod. by GKT412)
Kaaris – Ejaculation Faciale
Kery James – Mouhammad Alix
Kodak Black – Like Dat

Le 16 mars 2016 marquait les 50 ans de Vans, la chaussure préférée de tous les skateurs. Pour célébrer cet anniversaire la marque a ouvert les portes de plusieurs de ses House of Vans (New-York, Londres, Toronto, Seoul…) où étaient organisés des concerts, expositions, démonstrations et autres évènements en l’honneur de l’enseigne. Nostalgique de ses débuts, Vans a également sorti une nouvelle collection, « Checkered Past », qui reprend le design de certains de ses produits phares. La marque ajoute ainsi 50 nouveaux coloris à son fameux modèle « Sk8-Hi », qui a fortement contribué à son succès.

 

 

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Comme à son habitude, le Labo vous fait découvrir les dernières nouveautés technologiques, vestimentaires ou encore culinaires. YARD est parti tester pour vous  cette semaine le jeu UFC 2, une des dernières sortie de EA Sports. 

 

C’est dans le 11ème arrondissement parisien, à l’espace dédié aux arts martiaux du Montana Fitness Club que nous sommes partis essayer le petit nouveau EA Sports. Une dizaine de Xbox nous y attendaient dont une placée en plein coeur d’une cage MMA, bien gardé par Brian Hayes, producteur de UFC 2, qui s’empresse de nous présenter son nouveau joujou. Avant de saisir à notre tour les manettes, Bertrand Amoussou, 4 fois couronné au championnat du monde de Jujitsu, nous explique l’histoire du Mixed Martial Arts (MMA), une discipline souvent méconnue du grand public.

 

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UFC 2 traduit parfaitement la réalité du MMA en intégrant toutes la diversité des arts martiaux et de techniques : la lutte, les soumissions, les clés de bras et surtout le combat au sol, qui posait problème dans le premier UFC. Pour ceux qui préfèrent troubler la vision de l’adversaire avec des coup de poings en pleine tête, rien ne les empêche de se défouler. Cependant il faut tout de même tenir compte de la jauge d’efforts et d’endurance qui peut très vite se vider et exposer votre joueur au K.O. La dépense d’énergie se manifeste également avec des gouttes de sueurs qui se font de plus en plus nombreuses au fil du matchs, époustouflantes de réalisme, ainsi qu’un combattants plus passifs aux déplacements plus lents.

 

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En ce qui concerne les graphismes, la question de savoir si la frontière entre le virtuel et le réel n’est pas en train d’être franchie se pose. Des tatouages aux déformations du visages qui s’amplifient avec l’impact des coups , le jeu nous emmène au bord du ring, au plus près du combat. UFC 2 offre également de nombreux modes de jeu dont le mode K.O ou encore le mode légende permettant d’utiliser les poings de figures emblématiques des sports de combats comme Mike Tyson ou encore Bruce Lee.

 


Les points forts

_ combat au sol et soumission

_ les graphismes

_ la diversité des modes

_ une interface facile d’utilisation


Les points faibles 

_ un manque de dynamisme en fin de combat

_ des techniques parfois difficiles à maîtriser pour les néophytes

 

 

Photo : @booxsfilms

Le lancement de l’Euro 2016 arrive à grand pas. Et il est temps pour Nike, équipementier des formations anglaise, brésilienne, portugaise et etatsunienne, de dévoiler le kits des Bleus.
Pour l’occasion, la marque dévoile une toute nouvelle technologie Aeroswift, plus légère, extensible et qui sèche plus rapidement, déclinée aux couleurs du drapeau français.

C’est le 26 février, jour de la sortie de son premier album, P-Town, que nous avons suivi Jazzy Bazz. Pour ce nouveau numéro de On The Corner, YARD a ridé le quartier du rappeur parisien, les studios de Grandeville où il enregistre, en passant par le stade Charléty à l’occasion match du Paris FC, pour finir avec la soirée de lancement de son projet.
Paris en toile de fond, Jazzy Bazz nous a guidé dans cette ville qui constitue l’une de ses principales sources d’inspiration.

Après une première date reportée, c’est dans un Cabaret Sauvage comble que se produisait enfin le groupe The Internet. Porté par le duo Syd the Kid et Matt Martian, le groupe rendait justice à l’album qui leur a valu cette année une nomination aux Grammys, Ego Death, sans pour autant laisser en reste les fans de la première heure.

Tu en as marre d’entendre ici et là des promoteurs d’évènements qui parlent de difficultés « indépendantes » de leur « volonté ». Et tu as raison. Nous avons décidé de te parler de ce qui est dépendant de notre « volonté ».

Car oui Igo, on sait que t’avais pris ta place et que tu comptais monter Sur Paname pour la Yard Party du 26 mars et/ou que tu attendais de savoir quel était l’invité live de la soirée. Que tous les Abonnés se réjouissent, la soirée est juste déplacée au 1er Avril, et malgré les rumeurs qui l’envoient à Mexico, elle est maintenue au Showcase. Pour les plus lents d’entre vous qui n’auraient pas capter le groupe que nous accueillerons à cette occasion, référez-vous aux lettres 16, 14 et 12 de l’alphabet. Et si vous n’avez toujours pas compris, c’est que vous êtes tombés sur un event YARD par hasard et peut-être même que vous êtes Sarkozyste. Si c’est le cas, passez votre chemin, ici c’est Que La Famille.

Pour ceux qui souhaiteraient être remboursé, vous pourrez vous adresser à Digitick.

EVENT FACEBOOK | BILLETTERIE

Mercredi 24 février dernier, après avoir embrasé la scène des Brit Awards en se frottant lascivement à Rihanna, Drake quitte la cérémonie à la hâte, sur la pointe des pieds. Direction Shoreditch, ex bas-fond graffité et gentrifié de l’ « Old Smoke ». Ce soir-là, au Village Underground, haut-lieu artistique du quartier, les Section Boyz font vibrer les murs de briques. Puis, l’inattendu : Drizzy déboule dans son survêt de gala, s’empare du micro et crache les vers de son tubesque « Jumpman ». D’un coup d’œil, on reconnaît celui qui l’escorte : Skepta, figure incontournable du Grime. Le prélude à une annonce détonante. Dans les heures suivant sa performance, le Torontois lâchera une bombe sur Instagram : « The first Canadian signed to BBK. Big up my brudda @skeptagram for life yeah. And my section gunners too».

 

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Le contrat est-il plausible ?

 

Dans l’étouffant brouhaha médiatique soulevé par la nouvelle, peu se sont en réalité questionnés sur la crédibilité et la légalité d’un contrat liant Drake à BBK. Concrètement, aujourd’hui signé sur Young Money/Cash Money, Drake ne peut s’émanciper comme bon lui chante du label. Son engagement était jusqu’à très récemment encore d’actualité. Son dernier-né, « Summer Sixteen », probable future track de « Views from the 6 », est bien estampillé Cash Money. Tout comme le sera à l’évidence l’album. Engagé à la fois pour la production et l’exploitation commerciale de sa musique à l’échelle mondiale (Angleterre inclus) via Universal, le 6 God se trouve cadenassé de toutes parts et peut difficilement ruser pour se désenchaîner. Seule une faute contractuelle pourrait écourter la collaboration. Mais si Drake n’hésite pas à faire étalage de ses différends financiers avec Cash Money, osant, entre autres coups de griffes, un « Walk up in my label like « Where the check, though »?» sur « Star 67 », il n’a à ce jour entamé aucune procédure judiciaire à l’encontre de son employeur, contrairement à Lil Wayne.

 


Il n’y a rien de contractuellement signé et on ne le saura probablement jamais.


 

En revanche, « les histoires d’impayés ont pu amener à une renégociation du contrat, à lever certaines exclusivités. Drake peut très bien être aujourd’hui un artiste OVO à 100%, avec un contrat de distribution de ses albums avec Cash Money, couvrant seulement certains territoires. Techniquement, c’est tout à fait possible », commente Paul*, cadre dans une grande maison de disques. En clair, sous la menace d’une plainte, YMCMB a pu concéder un compromis, renoncer à certains droits, pour pouvoir maintenir sa poule aux œufs d’or dans son sillage. Drake pourrait également s’être simplement rallié à BBK en tant que crew. Comme Pro Era, A$AP Mob ou feu Odd Future, Boy Better Know se définit comme un posse dont les membres ne se trouvent pas nécessairement être des musiciens rattachés au label. Et aucun arsenal juridique ne permet d’empêcher une bande de potes de se réunir.

 

 

Quid d’OVO Sound ? La société, indépendante, échappe au contrôle de Young Money. Et si elle s’est associée à Warner Music, ce n’est que dans le cadre d’un accord de distribution mondiale. Brèche. Libre aux artistes d’OVO de signer un contrat de production ailleurs. Skepta avait d’ailleurs confirmé en substance le partenariat en diffusant sur Instagram le cliché d’un t-shirt floqué Boy Better Know x OVO. Outre la production, Drizzy a pu aussi parapher un contrat de management, puisque Future the Prince, son manager actuel, officie chez OVO. Tout est envisageable mais, pour Paul, il s’agit surtout d’un « délire, d’un effet d’annonce, pour faire parler. Il n’y a rien de contractuellement signé et on ne le saura probablement jamais. Il s’est passé la même chose avec Travis Scott, qui est supposé faire partie de G.O.O.D Music, mais qui est en réalité un artiste Grand Hustle Records. C’est juste de l’image ».

 

Pourquoi BBK ?

 

Drake a Skepta dans la peau. Littéralement. En octobre dernier, le second instagrammait un plan resserré sur l’épaule droite du premier, fraîchement frappée de trois lettres gothiques, BBK. “More than music. OVO BBK family for Life”, dit la description. S’il est toujours risqué d’encrer le nom d’un bien-aimé, ces deux-là ne semblent pas prêts de se quitter. Quelques jours après, le Londonien publiait sur Instagram une déclaration logorrhéique à l’endroit de Drizzy, son « frère », pour son anniversaire. Un « More than music, Love family » flanqué d’un emoji cœur en guise de conclusion.

 

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Les premières lignes de l’histoire de « Drapta » s’écrivent en janvier 2015, lorsque Drake lâche le titre « Used to » empruntant des vers au « That’s not me » de Skepta (« Shout out to the Gs from the ends / We don’t live no girls from the ends »). Premières œillades. Une poignée de semaines plus tard, Aubrey inclue Joseph dans la note de remerciement de If You’re Reading This It’s Too Late, s’emballe sur Instagram pour un clash qui avait opposé le rappeur grime à MC Devilman en 2006 et poste la capture d’écran d’une vidéo de son adoré en compagnie de Frisco, qu’il légende « Another classic ». En mars de la même année, Skepta répond aux clins d’œil de son soupirant en le samplant en introduction de son puissant « Shutdown ». Puis le Canadien invite l’Anglais sur la scène du Wireless Festival à Londres et de l’OVO Fest à Toronto, à l’été 2015. La paire remixera dans la foulée le morceau « Ojuelegba » de Wizkid. « J’étais fan de Skepta, mais après l’avoir rencontré… On est immédiatement devenus des frères. […] Vous ne rencontrez pas souvent quelqu’un qui vous fait penser « Ok, on se parlera probablement toujours quand on aura 35-40 ans » », roucoulera Drake auprès du magazine the FADER. La bromance est scellée et assumée. C’est donc d’abord par amour et admiration que Drizzy a voulu rejoindre les rangs de BBK. Une forme de coup de tête passionnel.

 

 

Au-delà de Skepta, c’est toute la culture britannique que Drake embrasse depuis des années. De Craig David à Section Boyz, en passant par Artful Dodger, Wstrn, Ard Adz, Johnny Gunz ou Giggs, le roi du Billboard Hot 100 égrène ses influences anglaises au fil des interviews ou de ses sessions radio sur Beats 1. Sneakbo a été le premier« grimeur » dont il s’est amouraché. Le « How you mean, how you mean, thought you knew about the team » posé sur le refrain de “Cameras” en 2011 convoque le morceau “How You Mean” de l’artiste brixtonien. Drake citera a posteriori Sneakbo parmi les inspirations de Take Care et le conviera à sa tournée anglaise. L’année suivante, il s’acoquinera avec Wiley, qu’il évoquait déjà quelques mois plus tôt dans une interview accordée à DJ Semtex. Flatté, le Britannique utilisera l’extrait audio en ouverture de son album The Ascent. Et lorsque Champagne Papi et Meek Mill se chamaillent par sons interposés, Skepta décrit l’attitude de son acolyte comme « londonienne et grime », en référence à la « war dub » anthologique à laquelle s’était livrée une tripotée de beatmakers Grime sur Soundcloud il y a trois ans. Drizzy s’assume fan de la série Top Boy et de Premier League. Il s’essaie même à l’argot british, à coups de « gyal », « wasteman » ou « ting ». En vérité, ce vocable aux ascendances jamaïquaines s’emploie aussi à Toronto, qui partage le même héritage migratoire que Londres, une diaspora caribéenne commune dont le vernaculaire s’est disséminé des deux côtés de l’Atlantique. Une proximité culturelle qui joue certainement sa part dans l’attachement du emcee à la patrie de Shakespeare. De façon plus pragmatique, son affiliation à BBK pourrait lui « ouvrir les portes d’un autre marché, la Grande Bretagne, sur lequel il est peut-être plus faible », analyse Paul.

 


C’est d’abord par amour et admiration que Drizzy a voulu rejoindre les rangs de BBK.


 

L’an passé, aux Brit Awards 2015, un Kanye West électrisé interprétait son nouveau titre, « All Day », armé de lance-flammes et d’un gang encapuchonné. Parmi l’escouade : Skepta, JME, Shorty, Krept & Konan, Jammer, Novelist, Stormzy et Fekky. Toute la formation Grime du moment. Grâce à la performance de Yeezy, le hip-hop made in UK, qui retrouve ses lettres de noblesse depuis que Skepta se remplume, s’est trouvé propulsé à la face du monde entier. Puis, après avoir écrit et enregistré la majeure partie de son album At.Long.Last.A$AP dans la capitale anglaise, c’est A$AP Rocky qui reconnaissait à son tour l’influence du Grime dans son travail. Indices d’une popularité grimpante. Drake, qui a du flair, pressent la montée en puissance de ce rap DIY, cru et abrasif. En ce sens, sa décision pourrait se révéler futée et visionnaire, plus qu’elle n’en a l’air.

 

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En fait, Drizzy a des envies d’underground. Au début des années 2010 déjà, alors qu’il met les pieds dans le mainstream, le bonhomme distille des messages contradictoires. « I’m an underground king » claque-t-il sans sourciller sur « Underground Kings », ode au groupe UGK. 1 an après, sur “Show Me a Good Time”, le CEO d’OVO se qualifie de rappeur indé et louange A Tribe Called Quest et J Dilla : « Tell me can we kick it like Ali Shaheed and Phife Dawg / People really hate it when a backpack rapper get rich and start living that life, dawg. / […] I came up in the underground though, so I’mma spend another 10,000 for Dilla”. Les propos ne sont pas si risibles. À ses débuts, le emcee avait posé sur des productions signées 9th Wonder et croisé le micro avec Phonte & Elzhi. Avec If You’re Reading This It’s Too Late, voilà que ça le reprend. Contrairement aux opus précédents, ce projet leaké par surprise, sans teasing ni promotion, n’empile pas les tubes taillés pour la radio. Au départ, le rappeur l’envisageait même comme une mixtape Gangsta Grillz, téléchargeable gratuitement. S’engraisser n’est plus son ambition première. IYRTITL fleure la crise existentielle et versifie sur la solitude plus que la luxure. Le spleen du nanti. Avec trois albums de platine sous le bras et un succès vorace, Drake a presque tout vu et vécu, ne craint plus grand-chose. Surpuissant et intouchable, il peut désormais écouter ses envies, céder à ses lubies et se passer du soutien d’une major. « Ce n’est pas une question d’argent, il n’en a pas besoin. C’est de l’affect. », appuie Paul, avant de poursuivre : « BBK peut lui apporter de la coolitude, plus particulièrement auprès d’une certaine frange de la communauté anglaise, et le rendre plus street. Car il faut se le dire, Drake commence à vieillir et il doit rester dans le coup. Jay Z commençait lui-aussi à faire de vieux os avant de s’associer à Kanye West ». L’indie à la rescousse.

Quelle que soit la nature réelle du contrat et ses justifications, Drake prouve là encore qu’il plane au-dessus de la mêlée. Chacun de ses pas provoque un murmure, chacune de ses décisions un tollé. Si la retraite l’inquiète, il est pourtant déjà presqu’éternel. « If I die, I’m a legend ».

 

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*Le prénom a été modifié

À l’heure où le skate devient un style de vie qui séduit de plus en plus de personnes, Supra vient tout juste de dévoiler sa nouvelle vidéo “Résidency in NYC”. Boo Johnson, un des skateurs phare de la marque californienne était de passage dans la capitale dans le cadre de la promotion de la vidéo et de sa nouvelle paire, la Supra Chino. L’occasion pour YARD d’aller à sa rencontre pour discuter de sa carrière, sa vie de skateur professionnel ainsi que de sa marque JHF. 

 

Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Boo Johnson. J’ai grandi à Tehachapi en Californie mais j’habite actuellement à Long Beach. Cela fait maintenant 4 ou 5 ans que je suis à Long Beach et je m’y plais beaucoup. Je suis un enfant de la Californie. J’ai vécu dans les déserts, dans les vallées et maintenant près de la mer. J’ai commencé le skate à l’âge de 11 ans et je n’ai jamais arrêté depuis, j’adore ça. Je profite juste de ma vie de skateur professionnel. Je voyage à travers le monde avec mes amis et profite de chaque instant.

 

Comment t’es-tu fait repérer par Supra ?

Avant d’être sponsorisé par Supra, je traînais pas mal avec l’équipe de Krew Denim. J’avais probablement 15 ou 16 ans et je recevais donc des vêtements de Krew. Étant donné que Krew et Supra sont deux marques affiliées l’une à l’autre j’ai été repéré assez vite par Supra. Quelques mois après mes débuts avec Krew, Dennis Martins, le directeur marketing de Supra, m’a contacté et m’a dit qu’il voulait me sponsoriser. Je recevais régulièrement des cartons de vêtements, chaussures, stickers Supra. Petit à petit, je me suis fait une place au sein de leur skate team et je ne les ai jamais quittés depuis.

 

Quelle différence as-tu pu constater entre le skateboard amateur et professionnel ?

Pour être honnête, du point de vue du skate, c’est la même chose. Tu continues à aller dans différents skateparks, à chercher de nouveaux spots et à skater tout ce que tu peux. Les gens font preuve de plus de reconnaissance mais je suis toujours le même sur mon skate. En étant pro, tu deviens forcément un peu plus occupé. Tu dois répondre à des interviews pour des médias, poser lors de séances photos pour les marques, animer des concours, faire des démos… Toutes ces petites choses ne me dérangent pas, j’en ai toujours rêvé quand j’étais plus petit donc je ne vais pas m’en plaindre.

 

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Tu viens juste de lancer ta propre marque de casquette JHF. Comment t’es venue cette idée ?

JHF est le diminutif de Just Have Fun. C’est le crew avec lequel j’ai grandi et skaté dans ma ville natale. Mon ami Ryan m’avait proposé, il y a longtemps, l’idée de lancer une marque. Il m’a parlé de son concept au moment où je commençais le skate lorsque j’ai vraiment aimer ce style de vie. Des années plus tard, une fois l’expérience acquise, on a voulu concrétiser ce projet mais ça n’a pas toujours été facile. Avec JHF, on voulait apporter quelque chose de nouveau sur la scène skate internationale, partager de bons moments entre amis et surtout dégager des ondes positives.

 

Pourquoi avez-vous eu du mal à lancer cette marque au départ ?

Nous sommes allés voir des investisseurs pour tenter de booster le projet mais aucun d’entre eux n’a voulu placer de l’argent dans JHF. Ils ne nous faisaient pas confiance. Ils ont vu un groupe de skateurs leur proposer quelque chose de sérieux, mais ils n’ont pas réalisé le potentiel du mouvement que nous nous apprêtions à lancer. Malgré tout, nous n’avons pas baissé les bras et on a réussi notre pari.

 

Quels ambitions as-tu pour JHF ? Tu vas probablement essayer d’élargir la liste de produits proposés avec des pulls, t-shirts…

Pour l’instant je me concentre sur les casquettes, il ne faut pas se disperser. Mais oui effectivement j’ai déjà pensé à cette possibilité, dans la vie tu ne sais jamais ce qui peut se passer. Ce n’est que le début, JHF est une marque récente. Pour l’instant nous observons comment les gens réagissent, s’ils ont remarqué des défauts, s’il y a des choses à améliorer… Et si les gens apprécient ce qu’on fait on commencera alors à penser aux vêtements que l’on pourrait sortir.

 

Chaque marque de skate à son équipe, qui est dans la tienne ?

Tout le monde ! Le but de cette marque est de rassembler tous les skateurs, ou tout simplement toutes les personnes qui aiment ce que l’on fait, pour partager un bon moment. “Just having fun…”

 

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Beaucoup de skateur déménagent en Californie pour tenter de lancer leur carrière. Peut-on dire que c’est la meilleure ville pour skater aux États-Unis.

Je ne sais pas parce qu’il y a tout de même des villes où la culture skate est toute aussi impressionnante. Au delà des États-Unis, à Barcelone on trouve des spots à chaque coins de rue. En revanche, si tu veux travailler dans l’industrie du skate, la Californie est incontournable. C’est là où il y a toutes les grandes marques, là où beaucoup de skateurs professionnels habitent…

 

Avec tous les skateurs qui y vivent ça doit être plus difficile de se faire remarquer que dans d’autres États…

Oui ce n’est pas facile. De nos jours, tout le monde veut devenir célèbre ou sortir du lot, d’autant plus que l’industrie du skate se développe et attire de plus en plus l’attention du grand public. Du coup, on commence à voir beaucoup de skateurs qui rident de la même façon. Celui qui arrivera à se faire un nom est celui qui sera le plus naturel aussi bien sur sa board que dans la vie de tous les jours. En général, il ne faut pas forcer les choses, si tu restes naturel et que tu skates comme tu l’as toujours fait, les sponsors viendront à toi.

 

Tu es un ami de quelques rappeurs résidant à Los Angeles dont Joey Fatts ou encore Vince Staples. Comment as-tu rencontré ces artistes ?

À vrai dire je ne dirais pas que je suis un “ami” de Vince Staples. On a juste des amis en communs dont Johnny Hash qui traîne avec pas mal de rappeurs et beatmakers. En ce qui concerne Joey Fatts, je le connais parce qu’il habite à Long Beach tout comme moi. C’est mon frère de Long Beach.

 

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Beaucoup de skateurs se mettent à rapper : Black Dave, Tyshawn Jones, Nakel Smith… Quels sont les points communs entre le skate et le rap d’après toi ?

Ils essaient juste de raconter notre vie quotidienne c’est tout. Ce sont deux univers très proches dans le style de vie. On s’amuse, on vit le moment présent et j’adore ça. De nos jours, tu peux faire de l’argent en faisant différentes activités donc pourquoi s’en empêcher. Je supporte Tyshawn et les autres qui se lancent dans le rap. Quand je les vois travailler sur leurs mixtapes et autres projets je ne peux que les encourager.

 

Si tu devais commencer une carrière dans le rap quel serait le nom de ta première mixtape ?

Je ne sais pas trop, je peux pas te répondre comme ça, il faut que j’y réfléchisse un minimum donc pour l’instant je vais te dire : YungBooboo (rires, ndlr).

 

 

Photos : @booxsfilms

Supreme Paris

 

Impossible de marcher dans la rue de Barbette ce jeudi 10 mars : Supreme et ses adeptes ont envahi le quartier du Marais. La marque new-yorkaise ouvrait aujourd’hui son premier magasin dans la capitale et sa deuxième boutique en Europe. Un événement très attendu qui a logiquement rassemblé des centaines de personnes, attendant avec enthousiasme l’ouverture des portes. Afin d’éviter tout débordement seulement 500 tickets d’entrée ont été distribués très tôt dans la matinée. Certains s’étaient donc donnés rendez-vous à l’aube pour s’assurer d’être les premiers à fouler le sol de la boutique tandis que d’autres, délimitant la fin de la queue, ont bivouaqué toute l’après-midi avant de pouvoir s’entasser à leur tour dans la skateshop. Revendeurs ou simples fans, tous se sont mis d’accord pour décrire cette journée d’inauguration comme un événement qui restera encré dans la culture urbaine.

 

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Gary (32 ans) : « Étant collectionneur depuis l’âge de 17 ans, je vis cet événement comme quelque chose d’exceptionnel. Aujourd’hui ils ouvrent leur deuxième shop en Europe après celui de Londres. Ce n’est pas qu’une marque c’est un mouvement et avec l’ouverture de ce magasin, on a un côté street dans un quartier chic. »


 

 

Mathéo

 


Mathéo (20 ans) : « Je suis venu pour essayer d’acheter un maximum de vêtements en essayant d’en garder certains pour moi et de revendre le reste sur des groupes Facebook. Supreme propose des produits rares et très demandés, il y a donc une marge à se faire lors de la revente. Maintenant qu’il y a un shop à Paris, il y aura surement moins de demande et nous receleurs devront donc baisser nos prix ». 


 

 

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Clarisse (25 ans) : « Je suis venu pour m’acheter le Box Logo Supreme édition Paris. Je fais la queue depuis 7 heures pour un t-shirt mais c’est également pour observer l’environnement et l’ambiance qu’il y a aujourd’hui. Quand je suis arrivée pour récupérer mon ticket tôt ce matin, il y a eu deux bagarres, maintenant c’est calme. « 


 

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Luc (22 ans) : « Je suis venu pour le t-shirt Box Logo Paris et aussi pour tenter de trouver des articles que l’on ne trouve pas forcément dans le magasin de Londres. Je pense qu’il est important de respecter Supreme pour l’organisation de cette journée alors que beaucoup de problèmes pouvaient se poser. Outre-Atlantique à chaque nouvelle collection les gens se comportent comme des sauvages dans la queue. »


 

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Loïc (26 ans) : « Je suis venu de Genève exprès pour ça sans être sûr que le shop allait ouvrir. Je me suis inscrit sur la liste à 3 heures du matin avant d’aller dormir à l’hôtel. J’ai un avion ce soir à 20h45 donc j’espère pouvoir quand même rentrer dans le magasin et faire mes achats. »


 

 

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Photo: Terence Bik

 

 

Il y a maintenant quelques semaines, Boiler Room s’installait à Paris pour quelques soirées. Parmi elle, le YARD Takeover où nous nous étions donné pour mission d’organiser une nouvelle soirée sous le signe de l’émeute. De véritables riots sur fond de rap français avec nos DJs Hologram Lo’, Kyu Steed, Supa, BLKKOUT et les lives enflammés d’Eddie Hyde et Spri Noir.

Des sessions que vous pourrez revivre, mais surtout télécharger sur le site de Boiler Room !

 

 

 

C’est dans le Basement des bureaux de YARD que le son prend pleinement ses droits. C’est là que chaque semaine, notre équipe vous concoctera un mix de sons hip-hop ( US et français), electro, trap, oldies, classiques, r’n’b… Une semaine sur la radio OKLM, le samedi à 22h avec Kyu St33d, et l’autre sur YARD, avec Supa!.
Le 26 février, l’équipe s’est exceptionnellement installée dans l’une des chambres du Generator, quelques heures avant le lancement de notre toute première YARD Basement Party, où Jazzy Bazz fêtait la sortie de son premier album. Voici le résultat entrecoupé de caméos de DJ Khaled.

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Tracklist
Dj Soysauce – Sushi Park
Ryan Hemsworth – Surrounded
Curren$Y – Roasted
Action Bronson – Actin Crazy
40 Glocc – Drop It 4 Me
Négatif Clan – Boma Yé (Prod By Ponko)
2 Chainz – Mf’n Right [Prod. By Mike Will & Zaytoven]
Mykki Blanco – Scales
Misogi – Beowulf (W/ Oshi)
Kanye West – Fade [Ft. Post Malone And Ty Dolla $Ign]
N.O.R.E. (Aka P.A.P.I.) – Built Pyramids Feat Large Professor
Benzino – Rock The Party (Feat. Mario Winans)
N.O.R.E. – Grimey
Busta Rhymes – Light Your Ass On Fire (Feat. Pharrell) [Club Mix]
Ty Dolla $Ign – Saved (Feat. E-40)
Do Or Die – Paid The Price (Featuring Kanye West)
Honne – Gone Are The Days (Mxxwll Remix)
Dj Mustard Feat. Travis Scott – Whole Lotta Lovin’
Rejjie Snow – Product Feat. Future & Rich The Kid
Ludacris – It Wasn’t Us (Feat. I-20)6
Dj Luucas Young Mr Clean – Ballerina Look Like Jumpman Prod Black Noi$E
Dj Khaled – No New Friends (Feat. Drake, Rick Ross & Lil Wayne)
Pnl – Différents
Lorine Chia + Slade Da Monsta – Monstarage
Myth Syzer & Ikaz Boi – Funeral
Wize – Grape Fanta
Dj Irresistibe Ft. Basedprince – Dont (Jersey Club Remix)
Mm – Why You All In My Face
Acemula – Watch Me (Feat. Chlo)
K Bow – So Sexy♡
Rich Homie Quan – Type Of Way
Rowjay – Salope Du Quartier 3 (Ft Loveni & Andrike$ Black) [Prod Rami B]
Vic Mensa X Skrillex – No Chill
Baauer – Kung Fu Ft Pusha T & Future
Desiigner – Panda [Intro Dirty]
Migos – Look At My Dab (Intro Dirty)
Nyda (Sheguey Squaad) – Fini De Roupiller
Kehlani – The Way (Insutrmental)
Kehlani – The Way (Feat. Chance The Rapper)
Saaj – Slo-Down
Ta-Ha – Lil Bit (Prod. Nxxxxxs)
Timbaland – All I See Is You Feat. Sequence
Chris Brown – Loyal (Siroj Edit) (Sam Tiba Remix)
Drake – Legend
Wiz Khalifa – Lit (Feat. Ty Dolla $ign)

Sa tête est partout : sur ta ligne de métro, sur les plateaux de télévision et sur les différentes scènes parisiennes… Et le 15 mars prochain, sa tête s’exportera dans la prestigieuse salle du théâtre du Châtelet pour sceller le succès de son spectacle : Fary is the new black. Du coup, on s’est demandé ce qu’il y avait dans sa tête. Il nous a gentiment laissé y pénétrer.

Photos : @lebougmelo

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Fary, en as-tu marre de faire des interviews ?

[Il rigole, ndlr] J’aime bien le début de ton interview en tout cas. Ça dépend. Ce qui me gêne, c’est quand je n’ai pas l’impression de parler avec quelqu’un. Quand tu réponds à la personne et qu’elle te dit : « Hmm ». Lorsque ce n’est pas une discussion ça devient vite relou mais à part ça je n’ai pas de problèmes avec les interviews. Ce qui me dérange ce sont les plateaux télé. Tu verras tout à l’heure pendant la séance photo, je ne suis pas très à l’aise devant les objectifs. Les caméras ne me gênent pas, c’est plus le fait de savoir que mes faits et gestes sont analysés. C’est un peu comme la première rencontre avec ta belle-famille : tu dois prouver que tu es un mec super.

J’ai regardé beaucoup de tes interviews et les mêmes choses ressortent souvent. Systématiquement, tu expliques que tu as commencé à écrire tes premiers sketchs grâce à ta prof d’histoire. J’ai le sentiment que, soit les journalistes sont devenus fainéant, soit on te demande à chaque fois de mettre en avant les mêmes traits de ta personnalité.

Ce qui est relou c’est d’avoir l’impression de se répéter, c’est pour ça que quand je le raconte, j’essaie toujours de le faire d’une manière différente. Mais quand la question c’est : “Comment tu t’es lancé dans l’humorisme ?”, je suis obligé de répondre ça, parce que je n’ai pas d’autres histoires.

« Quand j’ai commencé, j’ai eu cette réflexion sur le rythme de la plupart des humoristes, ils vont vite et ont parfois même peur de poser le jeu. »

Comment tu étais avant de faire tes premiers pas sur scène ?

Depuis tout petit mes parents me poussent vers des domaines artistiques. Ma mère me racontait souvent que je jouais avec le balai quand j’étais plus petit, je m’en servais comme si c’était une guitare. J’étais un grand fan de Michael Jackson, je l’imitais tout le temps. Je pense qu’au-delà d’une fibre humoristique, j’avais une fibre artistique. En grandissant j’aurais pu faire autre chose mais je serais resté dans ce domaine. Dans la danse, la musique… Tant que je reste dans le milieu de l’art, je suis épanoui.

Tu avais donc plusieurs possibilités mais à quel moment le choix s’est dessiné ?

C’est là qu’intervient mon oncle. C’est lui qui m’a poussé à devenir humoriste. Il me disait : « Tu es fait pour ça ? » À cette époque, j’étais un grand fan de Jamel Debbouze, je connaissais par cœur son spectacle et je le reproduisais. Le premier sketch que j’ai fait c’était l’un des siens. À la maison, j’étais tout le temps en train de faire le con avec mon cousin qui est mon partenaire de tous les jours. On reprenait les mimiques de nos parents, grands-parents, pour amuser tout le monde. Ils ont très vite dessellé cet aspect de ma personnalité.

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J’ai été au spectacle la semaine dernière et j’étais assis tout au fond. À un moment, pendant la première partie, je te vois arriver par la sortie de secours et te poster au dernier rang. C’est un rite de prendre la température de la salle avant de monter sur scène ?

Oui, j’aime bien sentir l’ambiance. C’est comme toucher l’eau avant de plonger. Étant donné que ce sont des camarades qui font mes premières parties, j’aime bien observer la réaction du public. [Fary interrompt l’interview : « Elles sont chanmées tes chaussures. Je suis un fan absolu de tes baskets. »] Le fait d’arriver avant me permet de mesurer l’atmosphère de la salle.

Pourtant tu avais tes écouteurs.

Ouais c’est vraiment l’atmosphère qui m’intéresse. Je ne mets pas le son à fond dans mes écouteurs pour pouvoir entendre les rires. J’aime bien avoir du son avant de monter sur scène et je ne veux pas choisir entre regarder la première partie et écouter de la musique. Je fais les deux en même temps. Parfois je coupe le son si je sens que la première partie n’emballe pas trop le public, pour pouvoir me faire mon propre avis, mais quand ça rigole vraiment fort j’écoute ma musique tout le long.

Quand je t’ai découvert, la première chose qui m’a surpris c’est ton flow, notamment la façon dont tu mets du silence dans tes sketchs. Aujourd’hui j’ai le sentiment que la majorité des humoristes optent pour un rythme effréné. C’est important pour toi de mettre des pauses ?

C’est un truc qui vient du théâtre. Au théâtre, les silences sont importants. Ce sont des moments qui me plaisent parce que je sais que va suivre une blague qui va assommer le public. Quand j’ai commencé, j’ai eu cette réflexion sur le rythme de la plupart des humoristes : ils vont vite et ont parfois même peur de poser le jeu. Parfois un silence peut être drôle. Il y a plein de moments où le silence avant une de mes répliques fait rire les gens. Un silence peut vouloir dire quelque chose. Je suis un grand fan de Gaspard Proust qui l’utilise pas mal aussi. Le stand-up aux États-Unis est beaucoup plus lent qu’en France et il y a un côté presque exagéré parfois. Lorsqu’une vanne marche très bien, ils ont tendance à attendre que le rire s’éteigne vraiment avant de reprendre. C’est déstabilisant parfois.

« Avec Elie Kakou, il n’y a pas vraiment de vannes, c’est juste un génie de l’humour. »

Tu contrôles à chaque fois ou tu te laisses guider par les réactions du public ?

Je ne peux pas imposer ce rythme. C’est un peu comme une conversation avec le public, c’est un échange, on crée une ambiance. Il y a des moments où je vais accélérer parce que je ne les sens pas chaud et d’autres moments où je prends vraiment beaucoup plus de temps.

Tu disais dans une autre interview que tu aimais que tout soit réglé de manière très précise.

Ça fait partie des exigences du stand-up. Avec le Jamel Comedy Club, on a eu une première floppée de « stand-upper » français. Le stand-up est en constante évolution et c’est un domaine très précis. Tout son art est de faire croire que je pense ce que je raconte au moment où je le dis. Chaque phrase, chaque virgule, chaque silence est pensé à la seconde près. Parfois sur une phrase, il va y avoir un mot plus drôle que d’autres et c’est ce mot là qui va rendre la phrase amusante en live. Il y a des silences plus ou moins longs, c’est à ces moments que je vais m’accorder une part de flexibilité.

La première fois que je t’ai vu sur scène tu m’as fait penser à Elie Kakou dans ton phrasé…

Je ne te crois pas, tu es la première personne à me dire ça. C’est marrant parce que c’était mon idole. Quand j’ai vraiment commencé à m’intéresser à lui, j’étais fou de lui, j’ai appris que ça faisait 3 ou 4 ans qu’il était mort [rires]. C’est horrible. C’est comme un petit aujourd’hui qui commencerait à aimer Michael Jackson aujourd’hui. Je me repassais en boucle ses sketchs, notamment ceux de l’époque où il était au Point-Virgule. C’est un de ces mecs, avec Jamel Debbouze, qui m’a donné envie de faire de la scène. Jamel est un modèle de réussite et Elie Kakou m’impressionne dans la maîtrise des personnages. Il n’y a pas vraiment de vannes, c’est juste un génie de l’humour.

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En quoi le Jamel Comedy Club t’as permis de passer un cap dans ta carrière ?

Au Jamel Comedy Club, c’est mon deuxième passage qui a vraiment fonctionné, bien que j’avais déjà été remarqué lors de ma première apparition. Au départ, j’avais peur du Jamel Comedy Club, je ne voulais pas être catalogué dans ce que les médias ont voulu en faire, c’est-à-dire un endroit de banlieusards où l’on pratiquerait un humour communautaire. Je ne voulais pas y aller pour éviter d’être stigmatisé. Mon metteur en scène Kader Aoun, qui a toujours été un mentor pour moi, m’a permis de réaliser que c’est en y allant que j’allais pouvoir faire partie des humoristes qui allaient changer cette image. J’y suis allé en me disant que j’allais peut-être donner un souffle au stand-up français. Aujourd’hui c’est presque un passage obligatoire.

J’ai l’impression que ça a l’air de te gêner que le stand-up soit automatiquement affilié au Comedy Club.

Ce qui me gêne c’est plus le fait que le stand-up du Comedy Club soit associé à quelque chose de communautaire. Quand une nouvelle discipline arrive, il faut lui laisser le temps de se développer. On n’a pas donné le temps à cet art de mûrir et déjà on le catégorise comme quelque chose de communautaire.

Mais tu ne trouves pas que le Comedy Club a uniformisé un humour communautaire ?

Les mecs qui sont arrivés ont juste parlé de choses qui les faisaient rire. L’art du stand-up et du one-man-show est de raconter son quotidien. Moi mon quotidien c’est la banlieue, c’est des potes qui ont des oncles qui ne parlent pas bien français. On n’a pas laissé le temps à cette discipline de se développer et de tendre vers autre chose alors qu’aujourd’hui c’est en train de se faire naturellement.

« C’est très dangereux de faire intervenir Kader Aoun à la fin parce qu’il risque de te dire de modifier ton texte. »

Je pense qu’il ne s’agit pas forcément d’une question de temps. Pour moi le tandem Jamel Debouze et Kader Aoun a tellement façonné l’humour français contemporain. Ils ont créé une école.

C’est ce que l’on croit mais pas tant que ça… Jamais Kader et Jamel ne vont encourager les humoristes français à faire des accents ou à parler de la banlieue, ils vont leur montrer Chris Rock ou Eddy Murphy qui sont des mecs qui parlent de leur quotidien. Quand tu prends ces mecs-là en exemple tu dois parler de ton quotidien à toi. La plupart des humoristes parlaient de la banlieue, des communautés mais si tu regardes des mecs comme Fabrice Eboué, Mathieu Madénian, ils ne parlaient pas de ça. On est en France donc forcément on a choisi ce qu’on a voulu raconter du Comédie Club. On ne va pas s’arrêter sur un mec comme Yacine Belhousse ou une meuf comme Blanche mais on va prendre ceux qui parlent de banlieue, qui parlent de trucs communautaires et qui font des accents parce que ça arrange les médias.

Jason Brokerss qui a fait un passage au Comédie Club mais qui est un humoriste qui n’a pas encore explosé aux grands jours. C’est quelqu’un qui écrit et qui coécrit beaucoup pour toi mais aussi pour d’autres. Peux-tu nous parler de lui ?

J’ai rencontré Jason au Paname Art Café, c’est là où je teste mes sketchs et lui avait commencé à faire le Labo du Rire, les scènes ouvertes du Paname. On est souvent tous en train de bosser, à parler de nos vannes et lui il répondait hyper-vite. Je ne suis pas seul à penser ça, beaucoup considèrent que l’humour n’est pas quelque chose que l’on fait seul. Le tout découle d’une discussion donc le co-auteur est essentiel. Ça faisait des mois et des mois que je cherchais un mec comme ça et il est arrivé un peu de manière magique. Il répond vite, il comprend mon humour, du coup on a commencé à écrire ensemble. Tout s’est passé rapidement. Les choses commençaient à bien marcher pour ma part, j’étais déjà dans la tournée nationale du Comédie Club. C’est un milieu où on se connaît tous donc il a commencé à être demandé. C’est allez très vite pour lui aussi. Il a commencé à bosser avec Younes & Bambi ensuite avec Alban Ivanov et d’autres. À la fin de l’année, il écrivait même les inter-sketchs de Jamel.

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Pourquoi as-tu choisi d’écrire avec lui en particulier ?

Il a une facilité à trouver la vanne. Ce qui marche bien entre lui et moi, parce que je considère qu’on est un duo car on écrit aussi sur son spectacle, c’est qu’on va trouver assez facilement l’idée, le concept. La plupart du temps j’ai l’idée et on va ensuite la préciser ensemble avant de trouver les vannes. Il va m’aider à trouver les bons mots, il va me rassurer sur le fait qu’une vanne est drôle ou non. C’est en ça que son rôle est essentiel. Notre relation est particulière parce qu’on a la même vision de l’humour, on a les mêmes envies et les mêmes ambitions.

A quel moment intervient Kader Aoun ?

C’est très dangereux de le faire intervenir à la fin parce qu’il risque de te dire de modifier ton texte. En général, c’est lui qui a la brillante idée de dire : « Il faut parler de Christiane Taubira. » Il m’explique qu’il ne faut pas que je sois choqué par le fait qu’on l’ait traité de singe. À partir de cette réflexion, je vais en discuter avec Jason, pour voir si on est d’accord avec cette théorie. Au final on se rend compte que si je me vexe qu’on me traite de singe c’est que j’ai l’impression que c’est possible que j’en sois un. C’est Kader aussi qui va te dire : « Il faut écrire un truc sur les réseaux sociaux. »

Du coup il intervient un peu comme un directeur artistique ?

C’est exactement ça. C’est lui qui m’a poussé à être plus accessible dans mon personnage. C’est lui qui m’a aidé à me lâcher sur scène.

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Au niveau de la mise en scène, c’est aussi lui qui t’apprend à utiliser l’espace ?

Ce n’est pas ce genre de mise en scène dans le stand-up. Tout est basé sur l’écriture et ce que tu vas raconter. Il m’a aidé à orienter mon écriture pour viser un public ciblé. Il m’expliquait que ce n’était pas possible qu’il n’y ait pas de Noirs dans la salle et que s’il n’y en a pas, c’est parce que je ne parle pas assez à ces gens-là. Il faut que j’arrive à proposer quelque chose qui les touchent et qui les concernent. Il faut qu’ils se sentent représentés par ce que je raconte et que ce que je raconte soit inscrit dans le temps. Aujourd’hui tu ne peux pas être sur scène et ne pas parler de Facebook, d’iPhone ou de Christiane Taubira.

Est-ce que c’est cet ensemble qui te pousse à dire que le stand-up est un art ?

La peinture est un art parce qu’il y a un travail de recherche et de création qui découle d’une inspiration. C’est la même chose avec l’humour, c’est de la création. Au-delà de la performance et le fait de faire rire quelqu’un, il faut prendre en compte la forme. Avec mes vannes, je vais te rappeler un moment que tu as déjà vécu mais sous un autre angle. Il y a quelque chose de poétique là-dedans. En ce sens, l’humour est de l’ordre de la création et découle d’une personnalité, d’une manière de faire. Ça touche les gens à un niveau émotionnel, c’est forcément de l’art.

L’entretien se termine, on n’a parlé de plein de choses intéressantes mais c’est drôle parce qu’en interview on te parle presque seulement de tes vêtements

C’est dingue, mais ça fait partie du jeu. C’est la première chose que les gens remarquent et c’est une sorte d’appât. C’est évidemment quelque chose qui fait partie de ma personnalité parce que l’esthétisme que je cultive ne se ressent pas seulement dans la manière dont je m’habille mais aussi dans la manière de me déplacer, de parler, d’aborder les gens. C’est quelque chose qui fait partie de ma personnalité. Je suis comme ça dans la vie de tous les jours.

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Le label Andrea Crews a choisi de présenter sa nouvelle collection femme automne-hiver 16/17 en vidéo. Une vidéo astucieusement réalisée avec une caméra 360° et tournée sur les toits de Paris, au sein du quartier de Barbès. Une performance qui fait côtoyer stylistes et modèles, mais aussi des danseurs et gens du quartier, dans une block party improvisée autour du quartier populaire.

Dans ce nouveau Somewhere In…, c’est l’un de nos rédacteurs, Sony Larson, qui nous offre les images de son voyage dans une ville à la démesure légendaire : New York. Voici son récit :

New York, la hauteur indécente de ces gratte-ciels méprisants, la lumière aveuglante de ces panneaux publicitaires scintillants, jusqu’aux fameux taxis jaunes et pimpants… Tout y est, comme dans les films ! Tout y est, comme pour symboliser la grandeur de la première puissance mondiale. Enivrante, étourdissante, arrogante… On se perd trop facilement dans ses ruelles et plus encore dans son métro. Ce beau bordel, cette bête infernale dont les entrailles regorgent de petits talents à l’instar de ces jeunes breakdancers à Lexington Avenue.  Outre le côté touriste : Ground Zero, Time Square, le Chrysler Building ou encore La Statue de la Liberté… Nous nous sommes familiarisés à l’envers du décor. Le côté plus humain. Celui qui, absent des cartes postales, s’ajoute aux richesses qu’offrent la métropole cosmopolite. Des vétérans de guerre de Williamsburg, les vendeurs de la Trump Tower, Zahi (notre jazzman canaille d’East Village), ce couple qui venait célébrer son mariage par une petite danse dans la gare de Grand Central, le Fat Cat (ses billards et son groupe de chanteurs cubains), sans oublier les immanquables comics shops, fast-foods et Dunkin Donuts. Cinq heures de sommeil par nuit, des centaines de dollars dépensés résument autrement une semaine de ride dans la ville de Rocky, Jay Z et Frank Sinatra. Puis vient le moment de lui dire au-revoir et de rentrer à la maison. “New York, New York.” Quand te reverrais-je?

 

Quel que soit leurs environnements, leurs religions ou leurs origines, les rappeurs – et plus largement les artistes – ont souvent exprimé la difficulté qu’ils rencontraient au moment de concilier la vie artistique et la vie spirituelle. De fait, le succès artistique va de pair avec la célébrité et s’accompagne généralement d’un cortège de tentations, entre substances illicites et groupies aux vertus légères, auxquels peu parviennent à résister. Dans le cas du rap, cette liste de péchés s’élargit aux paroles obscènes qui peuvent être prononcées, le genre de palabres qui poussent un Malice (ex-Clipse) rongé par les remords à se ranger auprès de Jésus à l’issue de sa carrière.

Ajoutez donc à ce cocktail empoisonné l’orgueil et la personnalité torturée de Kanye West, et voici que la problématique s’en retrouve décuplée. Une décennie auparavant, ce-même Kanye West était pourtant le cool kid de Chicago qui dépoussiérait les samples de soul et de gospel et faisait « marcher Jésus » au fil d’un titre. Entre temps, le rappeur-producteur-designer a payé l’opération qui a emporté la vie de sa mère avant de sombrer dans une dépression qui a sublimé sa musique et rendu son personnage d’autant plus instable. Après le chaos grandiose de Yeezus, Kanye est finalement venu nous livrer un septième opus que l’on ne voyait plus venir, tant les changements de titre et de tracklist se sont multipliés. Intitulé The Life Of Pablo, le disque – décrit par l’artiste comme un album de gospel – établit le parallèle entre Ye et l’apôtre Paul, qui a autrefois participé à la persécution de chrétiens avant de faire la rencontre du Christ ressuscité et de se repentir.

Des pistes 1 à 13 (soit les morceaux initialement dévoilés lors de l’avant-première au Madison Square Garden), l’album prend les contours d’une longue confession, tandis que les 5 derniers titres semblent constituer des titres bonus, chose que Kanye avoue à demi-mots dans l’outro de « 30 Hours ». Le projet s’ouvre sur « Ultralight Beam » un titre porté par des chœurs puissants qui s’inscrit dans la plus pure tradition gospel et donne immédiatement le ton de l’album. Il s’agit là pour l’artiste de trouver sa paix intérieure, et ce auprès de dieu : « Somewhere I can feel safe/And end my holy war »/« Quelque part où je peux me sentir en sécurité, et mettre un terme à ma guerre sainte ».

Par le biais de The Life Of Pablo, l’artiste entend se libérer du poids de ses (nombreux) pêchés, qui sont successivement étalés dans divers titres de l’album. L’adultère (« Father Stretch My Hands Pt. 1»), la luxure et autres pensées impures (« Closed eyes, see things […] You in my freak dreams »/« Les yeux fermés, je vois des choses […] Tu es dans mes rêves les plus fous » dans « Freestyle 4 ») sont ainsi dépeintes de manière crue, explicite, immonde même, comme pour mieux souligner leur caractère obscène. Dans « Pt. 2 » il va jusqu’à reprendre le titre « Panda » de Desiigner, la réponse brooklynite de Future, qui synthétise en une ligne ce style de vie malsain, ainsi que tous les vices qui lui sont inhérents : « I got broads in Atlanta, twisting dope, lean & the Fanta »/« J’ai des putes à Atlanta, qui préparent ma drogue, mon lean et mon Fanta ». En outre, Kanye ajoute à cette longue liste de torts son ambition démesurée, celle qui lui fait parfois perdre le sens des priorités et qu’il apparente à celle de son propre père dans un couplet d’une touchante sincérité : « Same problem my father had/All his time, all he had, all he had/In what he dreamed/All his cash »/« Les mêmes problèmes que mon père a rencontré/Il a mis tout son temps, tout ce qu’il avait, tout son argent dans ce en quoi il rêvait ».

Avant sa mort, Donda West avait confié dans son autobiographie que l’une des raisons qui avait provoqué son divorce avec le père de la superstar était la propension de Ray West à faire passer ses projets avant même sa propre famille. En effectuant un tel parallèle, le rappeur laisse l’auditeur entrevoir les tourments qui rongent son esprit. Kanye est effrayé à l’idée de perdre un havre de paix qu’il a désormais trouvé, et qui prend tantôt le visage siliconé de sa femme Kim Kardashian, tantôt le visage délicat de ses enfants, North & Saint West : « God I willing to make this my mission/Give up the women before I lose half of what I own »/« Seigneur, je suis prêt à faire de cela ma mission/Laisser tomber les femmes avant de perdre la moitié de ce que j’ai » (« FML »). Mais plus que tout, Kanye a peur de ne pas être accepté par Dieu, après avoir empilé les pêchés et remis en question sa foi à plusieurs reprises.

C’est précisément là que le parallèle avec Paul prend tout son sens. Tel un chant biblique, The Life Of Pablo vient rappeler que personne n’est trop mauvais pour trouver refuge auprès du tout-puissant. D’abord par une apostrophe de Kirk Franklin – fine fleur du gospel contemporain – à la toute fin d’« Ultralight Beam » puis par l’interlude « Low Lights » qui lui fait écho quelques pistes plus tard : « No matter what you’ve been through or where you’ve been he’s always there, with his arms open wide accepting me for who I am »/« Peu importe ce que tu as traversé il est toujours là, les bras grand ouverts, prêt à m’accepter pour qui je suis ». À l’instar de l’apôtre, qui a pu se repentir après avoir commis des choses atroces envers les chrétiens, l’homme aujourd’hui âgé de 38 ans a eu une illumination.

« Lost and beat up, dancin’ down there/I found you somewhere out »/« J’étais perdu et abattu, je dansais ici-bas/Je t’ai trouvé quelque part » chante t-il dans « Wolves ». Des mots forts qui pourraient aussi bien être adressés à sa femme qu’au Seigneur. Les deux figures qui lui permettent aujourd’hui de se reconstruire et de faire table rase de son passé après avoir traversé des moments particulièrement douloureux. Kanye apprend des erreurs, des siennes mais aussi de celles de son entourage. Ce qui lui importe aujourd’hui, c’est d’offrir le meilleur à ses proches, de les protéger « des putains de loups qui [les] entourent », et qui symbolisent aussi bien les tentations abjectes de la vie d’artiste que les personnes mal intentionnées, les « Real Friends » qui n’en sont pas vraiment. Il laisse finalement à Frank Ocean le soin de conclure, de sa voix claire, le titre d’une part, mais aussi très certainement l’album : « Life is precious/We found out, we found out »/« La vie est précieuse/On l’a compris, on l’a compris ».

Sur un plan plus musical, The Life Of Pablo ne constitue en aucun cas une révolution, et n’a pas réellement vocation à l’être. On n’y découvre pas une autre facette de la folie créatrice du personnage, et Kanye demeure ce rappeur tout juste correct, capable de se dépasser par intermittence comme de nous créditer de lignes complètement absurdes (au hasard : « You let your fridge open and somebody just took a sandwich »/« Tu as laissé ton frigo ouvert et quelqu’un s’est pris un sandwich »). En revanche, Yeezy se transcende en chef d’orchestre virtuose, qui définit l’architecture idoine pour laisser briller chacun de ses invités. Chaque sample, chaque back, chaque détail prend l’étendue de son sens dans l’album, et vient bonifier des pistes ingénieusement construites. On retiendra par exemple l’utilisation du morceau « Hit » des britanniques de Section 25 sur « FML », qui semble avoir été écrit pour l’occasion tant il répond aux lamentations autotunées de Kanye.

Après avoir retrouvé sa foi et s’être converti au christianisme, l’apôtre Paul de Tarse avait grandement contribué à l’expansion de sa nouvelle religion, allant notamment prêcher la parole chrétienne auprès de non-croyants. De son côté, entre deux séries de tweets enflammés, Kanye West clame à qui veut l’entendre qu’il souhaite désormais rendre le monde meilleur. « All positives vibes ». Le rappeur va jusqu’à réclamer un milliard aux riches magnats que sont Larry Page et Mark Zuckerberg pour l’aider à mettre en place des idées qui nous sont encore inconnus et que l’on imagine volontiers farfelues. Que ce cher Ye prenne note : le véritable Paul n’avait pas besoin de mécène pour accomplir de nobles causes.

Date de sortie : 14 février 2016
Label : Def Jam, G.O.O.D. Music
Note : 8,5/10

Se plonger dans l’œuvre de Future c’est un peu comme mettre le nez dans la saga des Rougon-Macquart, par quel bout prendre l’immensité de l’œuvre ? Le tressé d’Atlanta, juste un peu plus de 30 ans et véritablement actif musicalement depuis 2010, a déjà à son actif pas moins de 16 projets (12 mixtapes et 4 albums). Ça vous pose un homme. Alors quand il s’agit de se poser sur son nouveau-né Evol, il faut choisir : soit le prendre dans l’ensemble de cette quinzaine de témoignages artistiques, la tâche est ardue, ou le singulariser de cette masse. Avec le nombre de signes qui nous est imparti : partons pour la seconde option.

 

Une cover illustrant des roses carbonisées, 11 tracks et 40 petites minutes, ce nouvel album tient toutes ses promesses, férocement sombres (bon sauf « Lie to me » qui aurait pu prendre demeure dans le dernier Fetty Wap). Evol s’écoute en complète immersion, avec ses productions oppressantes et aériennes pour la plupart signées soit par Southside, soit par Metro Boomin, soit des deux en même temps (bon sauf « Lie to me », bizarre)… Sûrement l’une des raisons qui expliquent l’homogénéité du projet.

 

Le flow reste, quant à lui, toujours aussi déroutant. Nonchalant, redondant mais complètement enivrant. Evol ressemble un peu au feu dont on n’arrive jamais à détacher le regard. Il fascine, il absorbe, il est dangereux.

Nommer son premier album “In my mind”, après que Pharrell Williams l’ait fait, est en soit un pari ambitieux. Pourtant, dès l’intro, le crooner chicagoan affirme ne rien craindre hormis “perdre quelqu’un qu’il aime, Dieu, les toiles d’araignées”. Pas même la comparaison systématique avec l’album qui nous offrait le titre That Girl en 2006 ? Non, et si défi il doit y avoir, il le relève avec joie. C’est donc aux côtés de Chance The Rapper « Church », Buddy and Constantine « Man Down », ou encore Kendrick Lamar « The New Cupid » que l’on retrouve dans ce premier opus un homme ambitieux qui chante l’amour. Mais pas n’importe lequel. Un amour dualiste torturé. D’un côté l’amour vertueux, la crainte du Divin, présent en filigrane dans la structure de l’album. « Jeremiah and the world needs more love ». Bien avant « Kush and Corinthians », BJ revendiquait déjà son engagement religieux et son penchant pour le Gospel, présent musicalement à travers les cuivres, contrebasses et pianos… De l’autre l’amour charnel, celui des plaisirs du monde, de la femme « Woman’s world ». Alors à mesure que s’enchaînent les tracks, on l’écoute épancher son amour débordant « Love Inside, Crazy », culpabiliser, tomber « Falling on my face » ; « The New Cupid » puis se relever. On l’écoute se déchirer, entre deux camps, puis choisir « Church ». On l’écoute, cet amour cet album, on l’écoute. Et on l’aime… pour ce grain de voix rocailleux et nasillard propre au chanteur ; ce style où R’nB et gospel s’entremêlent lascivement sur un lit parsemé de funk ; pour ce final magique qu’est « Turnin’ Me Up». On l’aime… et quand bien même la structure de l’album paraît parfois décousue, certains titres semblant de trop, on lui pardonnera, de bon cœur. Après tout, l’amour n’est-il pas aveugle?

En témoigne le départ en fanfare de « F Cancer », Young Thug ne s’embarrasse guère des formules de politesses usuelles. En guise de présentation, il préfère nous gratifier de cette bonne grosse trap dégoulinante comme on l’aime, saupoudrée des gimmicks qui le caractérisent si bien. Et une fois la java terminée, la piste suivante démarre, beaucoup plus calme. « My Boys », lancinant, intimiste et doux apaise l’hystérie provoquée par le titre précédent. Quant à l’enchaînement sans transition des deux, il rend compte de l’état symptomatique de l’ensemble du projet. Aucune cohérence entre les tracks, il s’agit d’une sorte de patchwork musical médiocre de titres individuellement bons. I’m Up dénote plus de la prolificité de l’artiste que de sa capacité réflexive, inexistante sur l’ensemble du projet. Style animalier, instinctif, mécanique « For my people » : Young Thug est une machine à bangers. À la différence qu’il lui est facile d’obtenir le jackpot puisqu’il possède l’algorithme, celui qui le rend systématiquement gagnant. Mais voilà, problème. À forcer comme elle le fait, la machine s’enrayerait-elle? On a vu Thugga plus en forme… Qu’il s’agisse des instrumentales ou des flows, des sempiternels thèmes : chant à la bromance, aux fêtes et à l’opulence de la vie de star ou référence à un personnage célèbre « Hercules », rien d’extraordinaire… Thug ne semble être ici qu’une pâle copie de lui même et les titres « Bread Winners » ou encore « Family » n’arrangent rien. I’m Up n’est finalement qu’une démonstration soutenue sur 40 minutes de l’étendue des capacités du rapper. Une manière pour lui de s’entraîner (son auditeur en guise de sparing partner) avant le vrai combat, Slime Season 3, sorti peu après.

“Wiz lance un message à ses Taylors”. C’est à travers cette vidéo que Wiz Khalifa annonçait la sortie d’un nouvel album intitulé Khalifa. Quelques semaines plus tard, promesse tenue, Wiz nous livre son album éponyme alors que sa dernière mixtape Cabin Fever 3 continue d’être téléchargé.

Depuis plusieurs mois maintenant, le style musical du natif de Pittsburgh devenait difficile à définir. Tantôt trap, tantôt pop, Wiz s’adaptait aux attentes du grand public. Avec ce nouvel opus il semble avoir fait abstraction de toutes influences extérieurs pour tenter de revenir à son “rap de stoner” qui a fait son succès. Une décision mûrement réfléchie quand on sait que @Mistercap prévoit de sortir Rolling Papers 2 en 2016. Sur les 13 morceaux du CD, il opte à plusieurs reprises pour des refrains chantés sur des productions lentes comme “Lit” en featuring avec Ty Dolla Sign.

Wiz Khalifa s’essaye à une introspection qui différencie ainsi ce projet de ses précédents. C’est sûrement la raison pour laquelle il a décidé d’appeler son album Khalifa. Je pense que c’est une bonne façon de représenter qui je suis et ce que j’ai vécu“ a t’il déclaré dans une interview pour Iheart Radio. Ce travail d’observation prend tous son sens à ce moment de sa carrière. Un mariage, un divorce, la naissance de son fils, le quotidien du rappeur a bien changé depuis ses débuts et cela s’entend dans ses textes. Sur plusieurs morceaux il effectue la comparaison entre son passé à Pittsburgh et sa vie actuelle. C’est le cas de “Zoney” où Sebastien, son fils de 3 ans, se charge de l’outro.

Malgré l’engouement autour de son dernier single « Bake Sale » en featuring avec Travis Scott, Khalifa n’est pas pour autant le meilleur album de Cameron. Arrivera-t-il un jour à faire mieux que Kush and Orange Juice ?

Ne parlez plus de Majid Jordan comme des petits protégés de Drake. Ce temps-là est bel et bien révolu et leur album éponyme le prouve. Si le duo nous avait mis la puce à l’oreille en disséminant sur la toile quelques titres dont «Something about you» avant la sortie officielle de « Majid Jordan« , cet opus se révèle être une véritable pépite électro pop.

Les torontois signés sous le label OVO Sound nous invitent au voyage tout le long de ces 12 tracks. Le duo confiait au site Ssense « I want our music to sound like it was made for you in a specific moment/Je veux que notre musique soit faite pour correspondre à certains moments spécifiques de votre vie.” Et en effet, cette magie opère dès la première écoute de l’album.
Tantôt romantiques, intimistes, introspectifs avec des sons comme « Learn From Each Other » ou « Small Talk », Majid Al Maskati et Jordan Ullman ont également l’art de vous faire planer, de vous déconnecter avec des titres comme « King City » ou « Warm ».

Si ils puisent leur inspiration de différents courants musicaux comme le R’n’b, la Soul, la Pop et l’Electro, Majid Jordan trouve également ses influences à différentes époques : « Shake Shake Shake » par exemple, est composé de sonorités semblables à celles de « Maneater », pur produit des années 80 de Daryl Hall & John Oates.

Après l’EP « A Place Like This » sorti en 2014, Majid Jordan nous régale une nouvelle fois de ses productions hypnotiques sublimées d’une voix lascive. La cerise sur le gâteau de cet album est l’inévitable collaboration avec Drake, leur mentor, sur « My Love ». Le duo canadien joue avec facilité avec nos émotions et signe un sans-faute avec cet album.

 

« Bienvenu(e)s dans P-Town »… Ville des Lumières, que Jazzy Bazz nous montre à travers son prisme « noctambulaire ». P-Town, Paname, Ris-pa, Paris – comme bon vous semble –, cette ville aux courbes charnelles, aux tentations inévitables, qui ne se laisse saisir pleinement par Jazzy Bazz, hormis quand ce dernier sort l’encrier (« Syndrome »). Le premier titre, « P-Town », en est une évidence. L’écriture dessine des images, et l’exercice est un jeu pour le gamin. « Condescendant » rime avec « condés sans dents ». « Morveux » avec « mort veut ». Le travail est précis. Orfèvre. Dure l’instant d’une piste. Flatte les plus académiciens. Interpelle avec les néophytes. Mais c’est bien l’errance nocturne qui ressort des cliquetis du Myth Syzer. P-Town est une zone dangereuse. Un pas de travers et tu peux « dérailler » (« Joker »). Un pas de côté et tu peux te perdre. Le voyage est périlleux. Traverser l’Atlantique avec une bouée. Mais natif de la 19ème zone, le gamin sait voguer sur les flots (« Fluctuat Nec Mergitur »). Toutes ses idées coexistent sans s’entrechoquer. L’ensemble est parfaitement maîtrisé. Un américain partage même le périple, et ce, en offrant un couplet digne de son nom. Un premier effort plus que prometteur.

Après quelques années d’absence occupées à parfaire son poker-face et à mater le foot, Kool Shen reprend du service. Moins visible que son partenaire aux cordes vocales en téflon, on pensait venue l’heure de la retraite pour le doyen du rap français. Et effectivement, à 50 ans, le rappeur s’approche du micro avec prudence…

Eh vous voyez, papy, il est toujours à l’heure”, cette phrase lâchée à l’AFP et paraphrasée à longueur d’interview résume la crainte qui plane sur cette album. Comment ne pas ressasser les recettes des années 90 ? Comment faire du neuf avec de l’ancien ? Dire oui à la trap ? Dire non aux samples de pop ?

C’est un album maladroit mais touchant que délivre Kool Shen, qui s’essaye aux tempos contemporains. Ses efforts pour rester dans le coup l’arrachent de sa zone de confort, on l’entend chanter ses refrains ou tenter un peu de vocoder… Le flow du grand père est toujours efficace, mais on regrette quelques refrains, notamment le lourdingue de « Ghetto Youth », ou celui de « Ma Rime », une tentative ratée d’opposer son rap et Marine le Pen.

Le FN et la politique française sont présents à travers tout l’album et c’est aussi là que l’album est “à l’heure”. Mais on ne peut s’empêcher de sourire en l’entendant poser “la jeunesse emmerde le front national” – en référence à la chanson des Bérurier Noir, groupe punk français des années 80 – le tout sur une instru de Therapy. Du haut de sa moitié de siècle et avec les anciens Lino et Soprano en featuring, personne n’est dupe du tour de passe-passe.

Soyons clairs, aucun classique sur cet album, quelques lourdeurs, mais tout de même de belles pistes. On ne peut pas enlever au vieux briscard sa plume et son flow redoutables comme un rasoir.

Avec 99c, Santigold aborde un changement de cap symbolisé par une cover ingénieuse montrant la chanteuse emballée au milieu de divers objets. Une plaque personnalisée d’un voyage au Brésil, le piano de son fils, ou encore des Crocs dorée composent notamment le contenu du sac. Toutes ces (vraies) affaires symbolisent le travail d’une vie, vendu au prix ironique -mais pas tant que ça- de 99 cents. Le message est clair, Santigold ne veut pas être un produit de consommation et se bat contre la dévaluation de l’artiste par ce monde ingrat.

Tant dans sa conception, -elle a mis plus d’un an à écrire l’album – que dans son aspect musical inspiré « du son des 80’s et de la pop des 90’s », l’américaine semble vouloir montrer son décalage avec cette époque contre laquelle elle s’insurge. « Banshee » ou «Walking in a Circle », qui abordent son affranchissement du poids de la société et critique un système ou l’argent prend le pas sur les individus la pression, font partis des témoins de cet état d’esprit. « Chasing Shadows » est un questionnement sur la reconnaissance et la valeur qu’on accorde à son travail, qu’elle évoque amèrement dans la chanson : « I give my heart away so that they remember me. I leave em alone, in time they’ll wanna smother what i say ». Santigold nous rappelle également sur quelques morceaux qu’elle sait encore faire dans la légèreté (relative) avec « Who Be Lovin Me », duo catchy avec ILoveMakonnen, ou dans la brillante love song « Before the Fire ». Tout combat qu’il soit, Santogold réussie à rester créative dans un album intelligemment condensé et à fournir sa signature, une pop sophistiquée et méritant le terme, souvent galvaudé, d’alternative. Si il lui manque surement un single tonitruant pour atteindre le Santiplatinum, Santi White nous sort sans contestation possible, son album de la maturité.

Dans cet incroyable vivier de talent qu’est la ville de Chicago, une nouvelle étoile est née : Eryn Allen Kane, artiste aux multiples talents. Actrice, chanteuse, pianiste et parolière elle a déjà derrière elle quelques collaborations avec Prince. Pourtant c’est d’abord sur l’album « Surf » qu’on la découvre au côté de Chance the Rapper et du groupe The Social Experiment.

Mais aujourd’hui la belle brille en solo avec un projet en deux parties qu’elle lançait en novembre 2015 : Aviary. Un projet en deux actes qui est enfin complété et donne toute sa cohérence à cette artiste jazz. Lorsqu’on envisage le projet comme un tout, chacun des titres confirme la maîtrise technique de la chanteuse et la maturité de son écriture. Le tout dans une tracklist étonnamment éclectique. Entre le suave « Bass Song » porté comme son nom l’indique par les premiers accords d’une contrebasse qui prennent, dans un grand finale, quelques airs de parade, la ballade qu’est « Piano Song », « Sunday » et son gospel habité, les intonations folks de « Slipping » ou encore le furieux et engagé « How Many Times », il y a tout un monde. Une distance qu’elle semble parcourir avec aisance et même une certaine virtuosité…

Pour le moment, Aviary : Act I et Aviary : Act II restent ses deux premiers projets solo. On espère qu’elle confirmera l’essai avec un long projet qu’elle saura conceptualiser pour servir son écriture, tout en s’entourant d’une équipe qui saura magnifier ses talents de vocaliste.

 

 

 

Mercredi 2 mars sortait Saint Amour avec un trio d’acteurs infernal : Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde et Vincent Lacoste. Un road movie déjanté et romantique totalement incarné par le duo de réalisateurs Gustave Kervern et Benoît Délépine, figures incontournables de Groland. Nous sommes retournés avec eux sur les lieux du crime un an plus tard, le salon de l’agriculture.

On parle souvent du rap, soit pour l’encenser soit pour le taxer de sous-culture, on en fait des livres, on a des spécialistes de tous niveaux qui en parlent de 100 manières différentes. Mais on n’évoque pas assez son humour!

Par exemple, moi, j’ai toujours pensé que Booba devait avoir un sacré humour. Vous imaginez les couilles que ça demande de porter un pseudo qui évoque pour certains un petit ourson inoffensif ?

Eh bien en réalité le contraste entre la douceur de l’ourson et la BRUTALE VIRILITUDE d’Elie Yaffa multiplie par 1000 sa brutalitude virile.

Est-ce que vous avez vu la fameuse capture du clip « Comme les autres », où le king et son ami le méchant Ours du cirque Pinder attendent côte à côte à une table de pique-nique ? Est-ce que vous aussi vous les imaginez bien partager une fondue aux 3 fromages ?

Moi je file un oscar à cet Ours, et un autre au réalisateur pour ce clip qui fait passer Leonardo pour une fiotte. Big up Serge Aurier !

Pour la première fois, YARD Basement ouvrait ses portes au public et s’installait au Generator Hostel. C’est aussi cette soirée qu’a choisi Jazzy Bazz pour célébrer la sortie de son tout premier album P-Town.

Pour l’occasion, nous avons suivi l’artiste au cours de la journée (Bientôt sur YARD TV). Arrivés au Generator après un passage au Stade Charlety pour soutenir le Paris FC, le rappeur et son entourage ont rejoint l’enregistrement du prochain mix YARD Basement, par Supa!, qui c’est exceptionnellement installé dans une des chambres de l’hostel. Le temps d’une pause et d’une répétition avant de rejoindre son public pour présenter quelques uns de ses nouveaux titres…

 

Photo : HLenie

Les Air Jordan 12 « The Master«  font partie des sneakers les plus attendues de cette année 2016. Issue de la collection Air Jordan Poster, cette paire sera disponible à partir du 27 février sur le site de Nike ainsi que chez plusieurs autres revendeurs comme Afew, FootPatrol ou encore SneakerStuff.

Les Air Jordan 12 « The Masters » sont inspirées d’un poster de Michael Jordan de 1997, une façon pour la marque de célébrer les 20 ans du modèle.

 

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Prix : 190 euros
Date de sortie : 27 février 2016 à 10 heure


 

C’est dans le Basement des bureaux de YARD que le son prend pleinement ses droits. C’est là que chaque semaine, l’équipe de YARD vous concoctera un mix de sons hip-hop, us, français, electro, trap, oldies, classiques, rnb…
Une semaine sur deux sur OKLM, le samedi à 22h avec Kyu St33d, et l’autre sur YARD, avec Supa!

 

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Where Is Alex – Double Elephant
K BoW – So sexy♡
Hi Tom – Work Rihanna Cover
I Am Aisha Ft. Dio & Spanker – Zulke Dingen Doe Je
Nas – March Madness (Remix)
AKOKO – Front To The Back (Pump Up The Bass)
Fredy Fing – Young
Barrett Marshall – Adrift
Tyrese – Sweet Lady
Hamza – Respect
Hi Tom – Still Got Cashhh
KOHH – Paris (Sam Tiba Remix)
MikeQ & Sinjin Hawke – Thunderscan VIP
Fetty Wap – Jimmy Choo
BAESIC – Baewatch
Jamie xx – I Know There’s Gonna Be (Good Times)
Rihanna Ft Drake – Work
Dave Hollister – The Weekend ft. Erick Sermon & Redman
Tha Alkaholiks – Read My Lips
Kev Brown – Albany
Dj Jazzy Jeff – Rock Wit U Feat Erro
Skee-Lo – I Wish
Capone-N-Noreaga – Invincible
Craig David – Rendezvous (Blacksmith R&B Rerub)
Nivea – Don’t Mess With My Man featuring Brian & Brandon Casey of Jagged Edge
Shola Ama – You’re The One I Love
Marques Houston – Clubbin Ft. Joe Budden
Chingy – One Call Away (ft. J/Weav)
Kalash Criminel – Sauvagerie #131
ASAP Rocky – Peso
Fuego – Se Me Nota
Oshi – Oceans
Drake – Summer Sixteen

L’origine du dab, tout comme le twerk de Rihanna sur Drake dans le clip du titre « Work », fait couler l’encre et la salive. Dans l’ignorance la plus totale, tous spéculent, tous conjecturent mais aucun n’y est vraiment. Des plus comiques qui l’attribuent aux personnages des mangas Dragon Ball Z ou Naruto, aux plus créatifs qui mettent en scène sa création comme Maskey, sans négliger ceux qui sont complètement à côté de la plaque comme Bow Wow ou encore ton voisin de classe qui croit encore que Paul Labile Pogba l’a inventé ; personne n’en connaît réellement la genèse… Migos, eux-mêmes n’en ont aucune idée. Certains associent son invention à Skippa Da Flippa, pourtant, dans l’ombre, une personne en revendique discrètement la paternité, à raison ou à tort?
Sors ta tête de ton coude, déplie ton bras, jeune trappeur. Bien. Maintenant pose-le et laisse-nous revenir sur l’événement en question pour toi. « Pipe it up ! »

 

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“The dab been’ around like about two years, we been’ doin dat we didn’t even know it was called Dab. We just needed it to drop on the beat. Huuh / Le dab est là depuis deux ans, on le faisait mais on ne savait pas que ça s’appelait comme ça. Ça sert juste marquer le rythme. Huuh.” – Quavo, chef du groupe Migos.


 

 

À défaut de lui avoir donné son engouement médiatique actuel, le basketteur Dee Brown revendiquait, il y a peu, la paternité du dab. Selon lui, l’histoire remonte au Slam Dunk Contest de 1991. Comme chaque année, des buildings humains aux bras longs enchaînent les dunks spectaculaires. Kenny Smith ouvre le bal. Derrière lui, sept autres concurrents battent littéralement des pieds et des mains pour le titre de meilleur dunker. Et parmi eux, le numéro sept des Celtics, Decovall Kadel « Dee » Brown. « 180 » avec le panier dans le dos, « reverse jam » à deux mains, dunk à deux balles, « 360 »… Ce dernier n’a de cesse d’innover au grand plaisir des spectateurs. Malgré tout, que ce soit Shawn Kemp, Rex Chapman, ou encore Blue Edwards, tous surenchérissent une heure durant pour ne pas se laisser éliminer.
L’heure tourne. Plus que 10 minutes. La tension monte, la fin approche. Sous le regard amusé de Magic Johnson, les athlètes se démènent pour faire la différence. Brown, au milieu, tient ferme et grimpe en pression progressivement. Kemp aussi. Il vient d’exécuter un « windmill jam », remportant ainsi 47.3 points. Le sort en est jeté, le numéro 40 des Seattle Sonics sera l’adversaire de Brown en phase finale. Trois dunks pour faire la diff’, trois dunks pour départager ces deux titans. Bang. Plus que deux. Boum. Plus qu’un. Wow. Kemp vient d’exécuter un terrible « 360 », laissant la foule hébétée. L’excitation est à son comble, le moment fatidique approche. Silence. Dee s’élance du milieu de terrain. À chaque pas, le public se tait un peu plus. Lancé, il semble que rien ne puisse stopper le géant dans sa course. Il s’élève, majestueux, mais… geste incongru, enfouit sa tête dans son coude alors qu’il se dirige vers le « rim » et écrase la balle dans le filet. Il vient d’exécuter le « no see dee », le tout premier dab à apparaître à la télévision. Le résultat : un dunk inattendu, et pour le moins original, qui lui permet de défaire son adversaire.

 

 

“I was just tryna dunk, I didn’t know I was gon’ start a trend / Je voulais juste dunker, je ne savais pas que j’allais lancer une mode.” déclarait Brown. À vrai dire, personne ne savait que le geste prendrait l’ampleur actuelle, surtout 24 ans après. Il faut dire qu’en soi, difficile de faire le lien entre les deux phénomènes. Le nom diffère, le sens aussi. Tous les deux consistent à se cacher la tête dans son coude, néanmoins le dab s’utilise plus pour marquer le beat en écoutant de la trap. Toutefois, le « no see dee » comme le dab sont des gestes marquants et pétris d’audace, d’assurance. Dunker, la tête dans son coude requiert du culot. Dabber quand on s’appelle Hillary Clinton et que l’on concourt pour le poste de Président de la République Démocratique Américaine en requiert au moins autant. De même dabber, durant le culte retransmis à la télévision lorsque l’on est le petit garçon de type caucasien devant la caméra, ou lorsque l’on est Cam Newton et que l’on risque de déclencher une bagarre avec une équipe de joueurs de football américain, demande une grosse dose d’assurance. C’est ce en quoi, il est possible de donner raison à Dee Brown. Le no « see dee », le geste et l’audace qui l’accompagnent, est bel et bien l’ancêtre du dab.
Par ailleurs, c’est cette arrogance effrontée qui a permis à Dee Brown de remporter le Slam Dunk Contest, et au dab de se populariser jusqu’à devenir « a way of fashion » comme l’affirmait Migos. Mis à part quelques mondains, les célébrités qui ont adopté le geste depuis le titre « Look at my dab » ne se comptent plus. L’équipe des Carolina Panthers, Lebron James et les Cleveland Cavaliers, Future, Drake, Wiz Khalifa, Rihanna, les présentateurs de Fox News, et donc l’épouse de Bill Clinton… Mais comme cette dernière, beaucoup feraient mieux de s’abstenir. « Dabbin’ is a way of fashion ? » Pour le meilleur, comme pour le pire.

 

https://www.youtube.com/watch?v=cea6mFRL3DE

 

Parmi toutes les danses devenues virales connues par la culture urbaine, le dab se démarque par son unicité et sa popularité fulgurante pour une raison. Quand les autres se pratiquent pour le partage, donc à plusieurs, rythmées par des cris de joie, des rires, le dab en est le parfait opposé. Narcissique, furtif, brusque, il est autotélique. Il se pratique pour lui-même, pour l’amour du beau geste, pour sa propre survie. Contagieux, il se pratique parce qu’il est enivrant. Parce qu’« une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer. » Actualisé par le trio Migos, certes, le geste a tout de même été pensé par l’ancien meneur des Celtics. Rendons donc à César ce qui est à César, et à Brown ce qui est à Brown. « Right? Now, dab on ’em. Huh ! »

Nous avons rencontré Angel Haze, l’électron libre du rap tout droit venu de Détroit. À l’occasion de son tout premier concert parisien à la Bellevilloise nous avons pu lui poser quelques questions concernant son dernier album Back to the Woods. C’est avec simplicité et à cœur ouvert que l’artiste de 23 ans s’est confiée à nous.

 

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Quelles sont tes attentes pour cette première scène parisienne ? Que vas-tu chanter ?

J’espère voir des seins (rires, ndlr)! J’attends beaucoup d’énergie parce que j’ai entendu dire que le public à Paris était très chaud. Je ne suis jamais venue jouer ici, c’est ma première fois donc je veux juste retourner Paris. J’ai ce nouveau son « Frida », ça va être stylé, « Babe Ruthless » aussi mais « The Wolves »… À ce moment je voudrais juste jeter de l’eau sur leurs putain de visages !

 

Que signifie pour toi ce deuxième album, deux ans après ton premier opus ?

Je qualifierais plus Back to the Woods comme un projet parce que je l’ai fait en 2 mois, je travaille sur mon prochain album depuis toujours et il sortira à la fin de l’année. Ça prend à peu près un an pour écrire un album parce que tu dois le penser comme une histoire et je veux que la mienne soit super thématique, avec une narration. Il faut rassembler des personnages, écrire leur histoire, trouver un tas de trucs stupides, écrire la musique de la façon dont tu l’imagines et c’est dur. Quand on a écrit Back To The Woods avec TK Kayembe, on s’est tout simplement enfermés dans mon appartement, pris de la drogue et enregistré tout ça. Et c’était cool.

 

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Quel a été ton processus créatif ? Cela reposait-il uniquement sur les drogues ?

Non, une grande partie de drogue mais je trouve que c’est plus intéressant de laisser les choses se dérouler naturellement. C’est un aspect qu’on retrouve chez tous les artistes qui m’inspirent, comme Frida Kahlo ou Basquiat. Basquiat disait que la meilleure chose dans la peinture était de laisser un enfant prendre le pinceau parce que quand tu lui demandes à 5 ans de peindre ce qu’il pense, il le fait instantanément sans savoir à quel point le résultat est parfait. Ils sont simplement excités par l’idée d’avoir quelque chose en face d’eux. Je pense que tout devrait être fait de cette manière : la musique, l’amour, même le fric. Tout devrait être fait rapidement et simplement. J’ai l’habitude d’arriver face au micro… Pour Back to the Woods, je n’avais pas de feuilles pour l’enregistrement parce que je n’ai rien écrit. Je me lance juste dans des freestyles et je les chante jusqu’à ce que je les mémorise.

 

Tu fais souvent référence aux loups, que représentent-ils pour toi ?

Les loups sont tout pour moi. Je les trouve fascinants, ce sont des créatures vraiment mystiques. Ils doivent survivre seuls dans la nature, si jamais tu en croises un il ne t’embêtera pas sauf si tu le déranges. J’ai décidé d’appeler mes fans « les loups » car chacun d’eux a une mentalité de loup solitaire. Chaque personne que j’ai rencontré était du genre, « Je traverse ceci, je traverse cela », mais on est tous ensemble là-dedans, c’est ça le pacte des loups. Le leader du pacte est toujours en retrait pour voir tout ce qui se passe en coulisse ou pas, c’est magique la façon dont les loups fonctionnent.

 

 

Vois-tu cet album comme une façon de faire la paix avec ton passé ?

Oui je pense qu’il est purgatoire, c’est une photo instantanée du moment que je vivais. Je venais de quitter mon label quand j’ai commencé à l’écrire ainsi que ma copine. Beaucoup d’émotions vives, il fallait que je l’écrive, que j’évacue tout ça et que je fasse cet album. Mais c’est vraiment juste sur cet aspect de ma vie qu’il m’a aidé.

 

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Les beats et lyrics  sont sombres et tu ajoutes à ça une performance vocale  hyper sincère et sensible. Comment s’opère la cohabitation entre ces deux côtés ?

Premièrement je suis bipolaire, ça craint. Mais elle s’explique par le fait que j’ai une déclinaison de personnalités, des différentes versions de moi. Je pense que ma partie la plus douce s’appelle Raeen Rose, la chanteuse, qui est dans un délire de sentiments profonds, c’est parfait parce que c’est la personne que je suis la plupart du temps. Beaucoup ne savent pas que je suis extrêmement sensible, quand on me regarde on se dit : « Elle ne porte que du noir, elle a tué 50 000 personnes. »  Non mais j’ai l’air d’avoir tué quelqu’un ?

 

Tu t’es autoproclamée comme la nouvelle Frida Kahlo. Pourquoi t’identifier à elle ?

Ce que Frida Kahlo représente pour moi ? La première personnalité androgyne dans la sphère publique. Elle n’épilait pas sa moustache, c’est pour ça que les gens aiment Frida Kahlo aux États- Unis ou prétendent l’aimer je pense. Pour moi, elle est plus que ça. Si vous connaissez toute son histoire, son mari l’a trompée, alors elle l’a trompé avec chaque femme avec qui son mari avait été infidèle. Et elle a fait ce tableau qui s’appelle Ma nourrice et moi, auquel je m’identifie clairement par rapport à ma maman, ma vie, tout ça…  Mais en même temps je l’aime bien parce qu’elle a dit : « Je me peins, parce que je suis si souvent seule. » Elle se comprend plus profondément qu’elle ne comprend autre chose au monde car elle est toujours seule. En tant qu’artiste qui se confesse en musique, un réflecteur émotions, à quel autre modèle je peux aspirer ressembler?

 

 

Tu as fait de nombreuses collaborations musicales avec des artistes de différents horizons comme Iggy Azalea ou Woodkid. Tu choisis d’abord l’artiste ou la chanson ?

C’est vraiment un mélange des deux. Certains font de la très bonne musique mais je ne veux pas collaborer avec des personnes pour la « hype », je trouve ça ennuyeux. J’adore Woodkid parce que c’est un visionnaire : du tournage de ses vidéos comme « Golden Age » à sa texture musicale. Il m’a envoyé ses films quand j’étais en Espagne au moment où je travaillais sur Dirty Gold. J’ai vécu là-bas un mois et je n’avais rien écrit. Il me l’a envoyée et c’est revenu. Woodkid a trouvé ça cool. Et je me disais “c’est canon”. Je n’avais aucune idée d’à quoi ressemblait ce gars, pour moi c’était un mec large genre bûcheron avec une grosse barbe et des vêtements déchirés. Quand je l’ai rencontré ce n’était pas du tout ça. Je trouve ça encore plus cool le fait que la personne derrière toute cette folie n’était pas celle à laquelle je m’attendais. C’est juste la cerise sur le gâteau. Concernant Stromae, j’étais dans le bâtiment d’Universal et j’étais en train d’enregistrer dans la salle juste à côté de la sienne et il m’a dit “Hey, j’aime bien ce que tu fais” et j’étais là genre “J’aime ce que tu fais aussi” et on a fait un remix ensemble juste après. C’était top ! Parfois ça arrive comme ça, spontanément et parfois pas.

 

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Photos : Kop3to

Le rendez-vous était donné au Carreau du Temple ce 21 février pour tout les fans de sneakers. Pour cette nouvelle édition du Sneakers Event, qui rassemble pas moins de 170 exposants, c’est le photographe Jérémie Masuka qui a capturé l’ambiance de cet incontournable marché de la sneakers.

 

INSTAGRAM : @Jeremie_Masuka

Le photographe anglais Tyrone Lebon n’en est pas à sa première collaboration avec Stüssy. Après le Japon, c’est cette fois-ci en Jamaïque que la marque a choisi d’emmener son chasseur d’images préféré pour réaliser le lookbook de cette collection printemps 2016. Inspirée de la culture reggae, cette nouvelle édition est d’ores et déjà disponible dans tous les Stüssy Store et sur l’E-shop.

Après nous avoir donné sa vision de la ville de Chicago, le photographe Jérémie Masuka de retour à Paris, trouve un nouveau terrain de jeu dans les galeries désaffectées du métro.

Tout bon utilisateur du métro parisien s’est demandé au moins une fois ce qu’il se passait dans les tunnels du métro, quels secrets pouvions-nous découvrir si nous bravions le danger et l’inconnu…

Fin décembre, le fantasme est devenu réalité. 00h30, le rendez-vous est fixé sur le quai du Métro à Strasboug-Saint-Denis.
Après avoir attendu que le métro passe, la course commence. Il faut partir à toute vitesse pour rejoindre le checkpoint tout en faisant attention à la voie électrifiée et en vérifiant qu’un métro n’arrive pas !
Après une dizaine de minutes de marche, rythmée par un métro passé à quelques centimètres de nous et quelques pauses photos, nous y sommes : la fameuse station abandonnée Saint-Martin !

Presque 80 ans que cette station est hors service, un moment hors du temps perdu entre Street art et publicités vintages.

 

INSTAGRAM : @Jeremie_Masuka

Une extase sémiologique. Ludiques ou désabusées, sombres ou bariolées, riches ou épurées, les pochettes d’albums de Kanye West se décryptent avec délice. Le emcee a foulé au pied les conventions graphiques du hip-hop et modelé son propre style, gonflé et sublime. Retour sur huit jaquettes cultes qui s’alignent sur l’étagère comme des œuvres d’art. Même The Life of Pablo.

 

« The College Dropout » (2004)


 

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The College Dropout est un joli pamphlet giflant le système éducatif, celui-là même que Jean-Paul Brighelli appelle narquoisement la « fabrique du crétin » ; une institution à la peine qui échoue dans son rôle d’ascenseur social. Le premier album studio de Kanye West ne rompt pas seulement avec les thématiques gangstéristes alors en vogue dans le hip-hop, il propose aussi une nouvelle esthétique, sans mine patibulaire ni muscles saillants tatoués.

Comme un clown triste dont l’enjouement s’éteint en même temps que les feux des projecteurs, privé des claquements de mains qui applaudissent chaudement et du chahut euphorique qui le galvanise, une peluche d’ours à taille humaine et au look preppy se tient là, atone, sur les gradins en bois vides d’un gymnase. La pochette se conçoit comme la couverture d’un « yearbook », ces albums photos qui rembobinent les faits marquants de l’année scolaire. La mascotte – vraisemblablement celle d’une équipe de basket lycéenne ou universitaire – ne semble pas à sa place, engoncée dans son blazer ; elle tend un miroir à l’auteur de l’opus pour lequel elle pose. Ex-étudiant en art, West a effectivement préféré troquer son cartable contre un mic et un sampleur. Le bonhomme mania d’abord la balle orange avant de consacrer tout son temps libre au rap. La fac ne pouvant pas l’aider à réaliser ses ambitions d’artiste, il la quitta sans ménagement. « Tout ce que [cet album] dit, c’est de prendre ses propres décisions. Ne laissez pas la société le faire à votre place », claironne l’intéressé. Son Dropout Bear morose semble vouloir cesser de porter un masque, de jouer un rôle, de s’aligner dans le rang. Il nous dit en substance : « soyez vous-mêmes ». Au dos du boîtier, il retire d’ailleurs la tête de son costume ; c’est bien Kanye que celle-ci camouflait. Le visuel distille aussi quelques indices quant aux penchants luxueux du rappeur ; l’ours bien sapé n’est pas sans rappeler le Polo Bear de Ralph Lauren, et le cadre doré aux courbes baroques se veut symbole d’art et de raffinement. Aussi, en éludant son propre nom et celui de l’album sur la jaquette, Ye transgresse les règles commerciales d’usage et définit son disque comme un véritable objet artistique.

 

 

« Late Registration » (2005)


 

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Pour son deuxième album, Kanye démonte encore un peu plus les clichés éculés du rap. L’imagerie de Late Registration, pensée par l’agence créative Morning Breath, place le rappeur dans un ailleurs graphique improbable. Yeezy donne le ton ; dans le rap game, il fait bande à part.

West ne se montre toujours pas. En fait, celui que l’on dit mégalomane n’affichera son visage en couverture d’aucun de ses albums. Littéralement, en tout cas. Car c’est bien lui que son emblème de nounours personnifie. Late Registration pose un regard amer sur la société américaine et fouille visuellement, comme l’essai précédent, le thème de l’éducation. Sur la jaquette, l’alter-ego à poils doux du emcee, en jean, cravate rayée, veste Ivy League et sac à dos Vuitton, pénètre timidement dans l’enceinte de Princeton, l’une des universités les plus prestigieuses des États-Unis. Les lumières sont éteintes, la lourde porte entrouverte laisse échapper un filet de lumière ; le Dropout bear débarque en retard pour son inscription ; il était trop occupé à rêvasser de devenir une star. Le livret intérieur déroule plusieurs scènes où l’animal se trouve planté là, déconfit, seul dans l’immensité déserte des lieux à l’atmosphère ecclésiastique, digne d’Harry Potter. C’est austère, intimidant, presque glacial. L’ourson semble coincé dans un mauvais rêve. Les clichés s’inspirent des peintures satiriques et irrévérencieuses de John Currin, l’un des artistes favoris de Ye. De fait, ils démontrent sa culture artistique. Au verso du disque, la peluche quitte l’imposante bâtisse sur la pointe des pieds. Les études, ce n’est vraiment pas pour lui. Son destin l’attend ailleurs.

 

 

« Graduation » (2007)


 

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Kanye West n’est pas seulement autre part, il est au-dessus. La pochette de Graduation ne ressemble en rien à un album hip-hop, on la confondrait avec l’affiche d’un film d’animation japonais. A vrai dire, elle frise l’œuvre d’art. Normal, le Chicagoan s’est offert le trait de crayon de Takashi Murakami, superstar du pop art nippon.

 

La toile est multicolore et s’inscrit dans le mouvement Superflat, forme d’art contemporain influencé par le manga et la pop culture japonaise, dont Murakami est le chef de file. Le processus de création se sera étalé sur plusieurs semaines, au cours desquelles l’illustrateur et le commanditaire échangèrent et ajustèrent en permanence.

Graduation clôture le feuilleton trilogique du Dropout Bear. Ce dernier, qui porte à présent teddy, jean, sneakers et Jesus Piece en or, a changé d’école. La nouvelle, située dans la ville utopique d’Universe City, se veut cool et ludique. En vérité, elle métaphorise la raposphère. La créature moelleuse a su surmonter ses difficultés et trouver ses marques ; elle s’apprête à recevoir un diplôme, gage de légitimité. Le booklet de l’album croque les énièmes obstacles rencontrés par le personnage pour se rendre à sa « graduation ceremony », entre sa DeLorean tombant en rade et un nuage carnassier cherchant à l’engloutir. Mais l’animal est téméraire, il pousse les portes de l’université à temps pour recevoir le précieux sésame. Sur le visuel principal, l’ours se trouve propulsé dans le ciel violacé, une fois son certificat en poche. Au dos de l’étui en plastique, il pose pied sur une nouvelle planète. Oui, Kanye, le visionnaire, plane haut, par-dessus la mêlée. L’univers futuriste de Takashi Murakami s’accorde avec sa musique, qui se fait désormais plus expérimentale. L’artiste tokyoïte donnera vie à sa jolie fable à peine surréaliste pour le clip de Good morning. Dans la vidéo, le message est explicite ; on a distinctement écrit « bachelor of hip hop music » (« licence en hip-hop ») sur le papier du diplôme. Kanye a gagné ses galons de rappeur et s’en enorgueillit.

 

 

« 808s & Heartbreak » (2008)

 

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L’école est finie. Elle emporte avec elle l’innocence. Kanye West connaît ses premières vraies souffrances, la perte de sa mère et la rupture avec sa fiancée, Alexis Phifer. Forcément, 808s & Heartbreak est maussade, mélancolique, étalant sans complexe les émotions de son créateur.

L’album aura profondément marqué et chahuté l’histoire du hip-hop. Il est le point de départ de l’émergence de la figure du « rappeur vulnérable », assumant sa sensibilité à travers des textes emmiellés, désancrés de la rue. Pour l’incarner : un cœur en baudruche dégonflé, crevé. Malmené, il se vide, petit à petit. Les boursoufflures indiquent la présence d’air mais il survit péniblement. Le morceau de plastique rouge occupe la place centrale, discrètement encadré par le titre de l’album et le nom de son auteur, en lettres bâtons écrasées. Le clin d’œil à ces ballons d’enfant qui se désenflent aussi vite qu’ils se bombent symbolise la fragilité comme la fin de l’âge tendre. Kanye a bel et bien mis son ours en peluche au placard.

Sobre et épurée, la pochette de 808s & Heartbreak est plus mature, pointue. Une élégance à la mesure du contenu qu’elle renferme. Pour la première fois, Virgil Abloh, créatif aux confins du luxe et de l’urbain, entre en scène. Il supervise la direction artistique du projet et réitérera pour tous les autres qui suivront.

Sur le côté gauche, des carreaux pastel s’empilent et tranchent avec le gris tendre qui tapisse le fond. Ils évoquent le nuancier imaginé par Peter Saville pour le Power, Corruption and Lies du groupe de new wave New Order, faisant écho aux nouvelles sonorités pop et synthétiques de Yeezy.

Pour la version deluxe de son essai, le rappeur pousse l’artistisme encore plus loin ; le street artiste KAWS y appose sa patte, il y déchire le coeur et lui accroche deux mains gantées, celles de son emblématique Companion. C’est de la douleur, il paraît, que naissent les plus belles oeuvres.

 

 

« My Beautiful Dark Twisted Fantasy » (2010)

 

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My Beautiful Dark Twisted Fantasy est un disque tortueux et torturé, duquel émane une grâce folle. Le titre lui-même annonce son antithétisme : une noirceur sublime. Un chef d’œuvre, dans le fond comme dans la forme. Car c’est bien le vrai George Condo, sommité transgressive du néo-cubisme ou de l’abstrait-figuratif, qui en a pondu les illustrations. L’univers du peintre, connu pour distordre ses personnages, colle parfaitement à celui de l’opus, dépeignant un « imaginaire tordu » (« twisted fantasy»).

 

La jaquette principale se compose d’un aplat rouge sang, au centre duquel un tableau carré, bordé par un cadre doré, expose une scène de sexe crue et étrange. Un avatar défiguré et bestialisé de Kanye West, semblable à celui du « Cave painting » de Condo, se fait chevaucher bière à la main par une femme-phénix, au même sourire carnassier. Son nez rond rappelle celui d’un clown, sa face celle de Chucky. La séquence est grossière et pathétique. Elle choque les âmes sensibles et la grande distribution préfère la censurer, lui substituant une image pixellisée ou une ballerine en tutu noire, l’une des quatre autres covers réalisées par Condo. Kanye crie au scandale sur Twitter mais le boycott était bien volontaire et orchestré. C’est le peintre lui-même qui l’admettra. Dans l’art du buzz, le rappeur est maître.

Sarcastique et repoussante, la représentation illustre le côté obscur de Yeezy. Sur les 14 titres, pensés à l’aune du Swiftgate aux MTV Music Awards et de sa vie amoureuse chaotique, il s’auto-flagelle. Dévoré par le star-stystem, le boug s’est pris les pieds dans le tapis rouge et se blâme à l’excès, en proie à des remords étouffants. L’enfer est omniprésent en filigrane, entre les traits de son avatar, l’arrière-plan carmin et les titres de ses morceaux (« Dark fantasy » , « Devil in a new dress », « Monster », « Hell of a life »), mais la copie est foncièrement lumineuse.

 

 

« Watch the Throne » (2011)

 

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Un écrin pour y loger un bijou, l’œuvre bicéphale de Jay-Z et Kanye West. Watch The Throne est un album de « luxury rap », une ode à l’opulence matérialisée par un emballage clinquant, conçu par Riccardo Tisci. La pochette réinvente un imprimé tropical et kaléidoscopique, baptisé Bird of paradise, développé par Givenchy pour sa collection masculine printemps-été 2012. Décliné en 3D doré, il ennoblit l’objet CD, nous indique sa préciosité. Couleur du faste et du luxe, l’or est aussi porteur de puissance et de pouvoir. Il se réfère ici au trône de « king of rap » que se partagent Hova et Yeezy. Ainsi sculpté et gravé, il rappelle par ailleurs les dorures des églises. De même, lorsque l’étui se déploie, celui-ci prend la forme d’une croix, écho aux croyances de Tisci et de Kanye, ainsi qu’au morceau « No Church in the Wild ». Les clichés intérieurs ne peuvent mentir sur leur auteur : de la pénombre à l’ésotérisme, en passant par les formes symétriques et les têtes de félins, tout transpire l’esthétique Tiscienne. Ils feront le bonheur des chasseurs d’illuminatis qui y décèleront quantité d’indices conspirationnistes. L’étoile collée sur le front d’une vierge ailée s’interprétera plus particulièrement comme un symbole blasphématoire. Mais la polémique nourrit la notoriété et Ye, le premier, s’en frotte les mains.

Un drapeau américain à demi-peint, le même qui habille l’arrière-plan du clip d’ « Otis », tranche avec la noirceur des images qui l’entourent. Il incarne l’ « American Dream » des deux rappeurs, celui qu’ils nous agitent à la figure tout au long de l’opus, de « Niggas in Paris » à « Made in America ». Sans jamais s’en lasser, le duo versifie crânement sur sa vie cousue d’or. Enfin, le croisement de leurs visages avec celui d’une panthère renforce leur précellence. Le léopard, dont elle est un dérivé à robe noire, est considéré comme le roi des animaux dans nombre de tribus africaines. La bête est agile, athlétique, redoutable, mais aussi élégante. Une analogie de choix.

 

 

Yeezus » (2013)

 

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« Simplicité » est un terme que l’on n’associe pas d’ordinaire à Kanye West, apôtre de la démesure. Mais pour son sixième album solo, il l’appliquera à l’extrême. Le packaging ressemble à s’y méprendre à nos compilations gravées d’adolescents ou à ces mixtapes que l’on s’échangeait sous le manteau : un boîtier en plastique nu, révélant en transparence un CD que l’on croirait vierge. Un bout d’adhésif rouge scelle l’étui, comme pour pouvoir y noter un nom et/ou un numéro de maquette. Ye livre son disque dans son jus. Avant lui, Mos Def avait déjà réalisé une pochette similaire pour True Magic. C’est qu’entre Watch the Throne et Yeezus, Kanye a découvert le minimalisme, à travers la mode, l’art et l’architecture. Sa musique, brute et industrielle, s’en ressent. « Vous savez, avec cet album, on ne sortira pas de single pour la radio. On n’aura pas de grosse campagne NBA, rien de tout ça. Merde, on aura même pas de pochette ». Seule la musique compte, débarrassée de toute fioriture qui dissipe l’attention et maquille le contenu. Sûr de son produit, Kanye se passe sans peine de l’emballage, jugé superflu. Comme la griffe Céline, qui achète des pages ou des panneaux publicitaires immaculés, comportant seulement l’adresse de sa boutique.

Mais l’absence d’artwork ne célèbre pas uniquement le dépouillement, il invite les fans à se réapproprier et personnaliser l’objet, qui s’offre comme une toile blanche. Jean Touitou, le directeur artistique d’A.P.C., l’avait d’ailleurs tweeté avec la mention « Please add graffiti», ce que beaucoup s’empressèrent de faire, jusque sur les murs de New York. Yeezus traduit la mission obsessionnelle de Kanye : éduquer les masses au beau, façonner leur sensibilité esthétique, encourager leur créativité. « New slaves » en est l’hymne. Un dilettante obstiné et altruiste.

 

 

“The Life of Pablo” (2016)

 

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Un fond orange vif, couleur phare des seventies, décennie qui vit naître Kanye Omari. Des dizaines de lignes qui se répètent comme une incantation et s’enchevêtrent jusqu’à saturer l’espace. Et une photo un peu jaunie par le temps, captation probable de la cérémonie de mariage des parents West, accolée dans le coin inférieur gauche. La pochette de The Life of Pablo se construit comme la première page d’un album de photos-souvenirs et trahit la nostalgie de son auteur. Vintage, pop, et surtout terriblement déroutante, elle embrasa et affola immédiatement la Toile. Quoi qu’en dise les railleurs, loin de n’être qu’un montage Paint, c’est bien d’art dont il s’agit ici. La simplicité décontenance toujours, sauf quand on s’appelle Drake ; son If You’re Reading This It’s Too Late gribouillé ne souleva aucun émoi artistique et analytique. Avant-gardiste, Kanye a confié les clés de la jaquette au méconnu Peter de Potter, dont le travail se laisse difficilement saisir. L’artiste belge, friand de collages, assemblages et citations, collabore étroitement avec Raf Simons, l’une des muses de Yeezy, depuis plus de dix ans. Mais là n’est pas le plus intéressant : mu par des idéaux démocratiques, de Potter expose généreusement et gratuitement ses œuvres sur Tumblr. À chaque nouvelle série, une nouvelle page. Sa démarche rejoint alors celle de West, dans son ambition de vulgariser l’art. Le rappeur est d’ailleurs trop futé pour ne pas avoir anticipé et désiré l’éclosion de générateurs de pochettes permettant de créer sa propre version de TLOP. Virgil Abloh relaya lui-même sur Twitter l’un de ces outils. Ce que certains décrivent comme un « bad buzz » est en réalité tout l’inverse. Non seulement l’artwork anime des débats esthétiques mais il devient un terrain de jeu pour les internautes, qui s’improvisent artistes et inondent le web de leurs créations. Comme Yeezus précédemment. Kanye West a atteint son objectif.

Et puis, il y a cette couverture alternative, affichant un cliché de fessier charnu à côté de celui des épousailles. Elle dit tout des angoisses, du perfectionnisme et des incertitudes de West, redoutant de prendre une décision de peur qu’elle ne soit pas la bonne. Alors on change à quatre reprises le nom du projet, on ajoute des nouveaux sons et on propose deux visuels. Ca n’est pas une lubie, mais de l’exigence.

L’art pique, interloque, fait réagir et parler. Il ne recherche pas l’unanimité, elle n’intéresse que les conformistes. Alors tant pis si Kanye West dérange, tout ce qu’il veut c’est être un artiste.

 

 

Dernière fraîcheur du rap français, MHD a réchauffé le genre avec ses freestyles « Afro Trap ». Cinq morceaux qui ont totalement bouleversé la vie d’un livreur de pizza devenu l’artiste le plus recherché du moment : par les journalistes, les labels et les artistes. Il revient sur le phénomène pour l’une de ces toutes premières vidéos. Vous pouvez le retrouver le 15 avril à la Maroquinerie pour sa première date solo parisienne.

Quelques mois après l’annonce de sa collaboration avec Outdoor Voices, la marque française A.P.C dévoile aujourd’hui sa nouvelle collection automne 2016. Pour cette édition, elle nous propose des parkas, vestes en fourrures ou encore des chaussures à la limite entre chic et sneakers.  Interrogé en octobre dernier sur les raisons de son investissement dans la marque new-yorkaise, le fondateur et directeur artistique d’APC Jean Touitou déclarait que c’était « le bon moment de mixer sportswear avec la mode haute couture. L’opportunité d’investir était trop belle pour la rater.  »

Très loin de la petite boutique de la rue Princesse où Jean Touitou a lancé la marque en 1987, A.P.C compte aujourd’hui 300 points de vente dans le monde dont 200 aux états-unis.

 

En regardant la vidéo de Serge Aurier samedi soir, suis-je la seule à m’être dit : « Oui et alors ?’ Moi aussi les samedis soirs je balance sur mes potes, en parlant comme une caillera et en exhortant tout le monde à sucer des bites. Alors diantre, pourquoi en fait-on tout un fromage ? Est ce que ça mérite tel pugilat ?
Oui, mais mon avis à moi, tout le monde s’en fout. Serge, le pays te regarde, les yeux humides et suppliant que tu lui apportes des victoires. « Qui suce qui ? », c’est un jeu qu’on pratiquait au lycée non ? (Ah non ? Y’a que moi ?).
Alors on imagine l’ambiance au bureau lundi matin… Le Suédois super balèze, celui que tout le monde adore, il va te casser la gueule Serge ! Attends qu’on lui traduise et tu verras où elle atterrira ta chicha.
Franchement, ce « grand moment de télévision que tu nous as offert » comme dirait Jean-Pierre Foucault, il est aussi nul qu’insignifiant. Mais Serge ne pensait pas que tout le monde le verrait.
Voici donc la merveilleuse histoire de comment Serge découvrit l’Internet.

Vendredi 5 février 2016. Fort d’un juteux contrat signé avec Apple Music concernant le lancement de sa propre radio, DJ Khaled donne rendez-vous à ses fans à Palo Alto, où il s’apprête à donner un concert « pour aucune raison » car « c’est que de l’amour ». Une fois sur les lieux, il s’avère que des milliers d’individus ont bel et bien répondu présent à l’appel. Néanmoins, vu de la foule, il semble bien que les nombreux admirateurs ayant fait le déplacement ne verront rien de plus que le dos de cette imposante machine à gimmick, ou du moins l’objectif frontal de son smartphone. Car malheureusement pour eux, le véritable show n’a pas lieu sur scène, mais ailleurs. Dans les foyers, dans les rues, partout et nulle part à la fois : en bref, au travers des écrans des deux millions de cellulaires comptant parmi leurs amis Snapchat le fameux « djkhaled305 ».

tristan Elwell

Par le biais du réseau social, l’artiste est rapidement devenu une superstar en mettant en scène son banal quotidien de magnat de l’industrie hip-hop. Pour la plupart des abonnés qui suivent ses aventures, il est une sorte de running-gag dont on ne se lasse jamais véritablement. Souvent, on l’aperçoit aux côtés d’autres personnalités qui – si elles lui témoignent un certain respect – ne donnent jamais l’impression de le prendre au sérieux, tant elles sont amusées par l’étrange spontanéité qui émane du personnage. On se souvient par exemple d’un Travi$ Scott hilare en voyant Khaled débiter son speech habituel ainsi que d’un Rick Ross joyeusement surpris de le retrouver au bas de sa villa, chevauchant son désormais célèbre jet-ski. On en vient presque à oublier que l’on parle là d’un acteur majeur de la scène rap américaine, à qui l’on doit quelques uns des principaux hits de ses dernières années et dont la longévité s’étale sur plus d’une décennie. Il ne rappe pas, ne compose pas et il n’est pas rare de voir les auditeurs s’interroger sur sa fonction exacte ou, pire encore, remettre en question sa légitimité. Alors, la question s’impose : DJ Khaled n’est-il rien de plus qu’une mascotte, une imposture qui parviendrait à tromper son monde depuis de bien trop longues années ?

Hustle Hard

Il faut bien reconnaître que sa propension à survendre le moindre de ses accomplissements force le scepticisme. Et pourtant, le parcours de DJ Khaled est un modèle d’investissement et de persévérance. Né en Nouvelle-Orléans de réfugiés Palestiniens, Khaled Mohamed Khaled – de son vrai nom – est bercé par les musiques arabes que jouaient ses parents, artistes soucieux de lui rappeler d’où il vient. Alors qu’il n’est âgé que de 9 ans, ces-derniers poussent la logique et l’emmènent en voyage chez sa grand-mère, en Israël. Là-bas, il est marqué par la vision de l’armée débarquant chez son aïeule et retournant sa maison de fond en comble, par erreur : « Cette expérience m’a appris à apprécier la liberté. Dehors, c’est la guerre. Voir des choses que tu ne pourrais même pas imaginer m’a rendu plus fort. » De retour aux États-Unis, Khaled profitera toutefois un peu trop de la douceur de cette vie. Tandis qu’il se construit sa propre culture en se jouant les classiques du hip-hop ainsi que les disques soul de Sam Cooke, des Isley Brothers ou d’Isaac Hayes, il est condamné à 3 mois de prison pour avoir conduit avec un permis expiré.

DJ-Khaled

Il accomplit sa peine sans broncher et ressort avec la ferme intention de ne jamais retourner dernière les barreaux. À cette époque, ses parents traversent parallèlement les pires difficultés financières et voient leur rêve américain s’effondrer peu à peu. Refusant de les voir repartir de zéro, DJ Khaled file à Miami et prend le pari de suivre une hypothétique carrière artistique. Très vite, le jeune homme prend ses aises dans la ville portuaire et se reconnaît dans la diversité culturelle qu’elle abrite : « Les gens pensent qu’il ne s’agit que de South Beach, mais c’est plus que ca. Miami c’est la communauté, la culture, le ghetto, les plages, la musique, les gens. C’est spécial. Tu as des Arabes, des Jamaïcains, des Haïtiens, des Latinos, des Américains qui vivent tous ensemble… C’est un endroit magnifique et authentique à la fois ». Là-bas, Khaled multiplie les connections : il fait la rencontre des Cubains et Portoricains du Terror Squad, qui en feront leur DJ attitré, et accumule les voyages en Jamaïque où il fait entre autre la connaissance de Mavado. Ces nombreux séjours lui permettent de s’imprégner de la culture locale, qui constitue encore aujourd’hui l’une de ses principales influences.

« Cette expérience m’a appris à apprécier la liberté. Dehors, c’est la guerre. Voir des choses que tu ne pourrais même pas imaginer m’a rendu plus fort »

Mais plus que tout autre chose, Khaled charbonne. Concentré d’influences variées, il écume les sound clashes (compétitions musicales mêlant deejaying et toasting, dans lesquelles différents crews s’affrontent), où il se distingue par son style détonnant dans lequel le hip-hop et la dancehall s’entremêlent. À une époque où le bon rap se fait rare dans les antennes de la capitale floridienne, le bonhomme rondouillard s’en impose comme le garant au travers de participations à diverses radios pirates, diffusées dans des endroits de Miami tenus secret. La fréquence de ses participations devenant de plus en plus régulières, son nom se repend progressivement dans l’ensemble de la ville à tel point qu’il atterrit finalement sur 99 Jamz, la fréquence locale incontournable en ce qui concerne le hip-hop. Pour l’anecdote, c’est également à cette période que DJ Khaled accordera à la chaîne CBS sa première interview télévisée. Une première apparition qui laisse transparaître le personnage tel qu’on le connaît aujourd’hui, tant au niveau de l’énergie déployée que de la teneur résolument positive du message transmis.

En parallèle, DJ Khaled s’essaye également à la composition, parfois sous le pseudonyme de Beat Novacane. Au milieu des années 2000, il délivre une poignée de perles pour les projets de Fabolous (« Gangsta »), Rick Ross (« I’m a G »), Pitbull (« Melting Pot ») et bien évidemment Fat Joe (« The Profit », « Temptation pt. I », « Temptation pt. II ») ; sur lesquelles il démontre une nouvelle fois sa faculté à alterner les registres, tout en imposant sa patte définitivement sudiste. Mais contrairement à d’autres, l’artiste aux multiples casquettes ne se voit pas passer une carrière entière dans l’ombre à placer des productions : « J’ai toujours eu l’idée de sortir un album. Je me disais que ce serait la meilleure option parce que j’ai toujours une vision artistique, je sais comment je veux que mes morceaux soient. » Son ami Fat Joe appelle les maisons de disques à lui faire parapher un contrat, décrivant son énergie comme étant celle « de Fat Joe sous stéroïdes ». Le label indépendant Koch vient alors à sa rencontre avec un projet de compilation, et c’est ainsi que DJ Khaled publie son premier album Listennn… the Album. Un projet dans lequel l’Américano-Palestinien a versé son sang, sa sueur, ses larmes… et son argent : « Chaque dollar que j’ai gagné via mon activité de DJ, je l’ai investi dans mes vidéos, dans ma promotion, dans tout. »

All I Do Is… ?

Paradoxalement, c’est précisément au moment où il finit par obtenir une reconnaissance, jusqu’à présent méritée, que ses qualités artistiques deviennent moins perceptibles. De fait, dans ses premiers albums, seule une poignée de titres lui sont crédités à la production, et ses apparitions vocales sont restreintes à quelques ad-libs hurlés en amont de chaque piste. « Mo’ money, mo’ problems » mettait en garde Biggie, et peu à peu, de nombreux auditeurs et médias s’interrogent : « Mais que fait réellement DJ Khaled ? ». Les rares fois où la question lui a été posée frontalement, Khaled n’a pas manqué de souligner son caractère absurde : « Demander ce que je fais, c’est comme demander ce que Jay Z ou Puff Daddy font ? Le public a besoin de se mettre à jour un peu… »

Dj-Khaled-Rick-Ross-Drake

Quand il prend la peine d’expliciter sa fonction, il la décrit comme on pourrait décrire le rôle d’un sélectionneur national d’une formation sportive. Il sélectionne et réunit les meilleurs joueurs à aligner sur le terrain, définit leur rôle, leur positionnement, travaille avec eux sur les moindres détails afin de leur permettre d’exprimer tout leur potentiel et surtout, de faire des hits. Quoi que l’on en dise, le résultat est souvent probant. VIBE avait par exemple désigné le couplet magistral de Lil Wayne sur « We Takin Over » comme sa meilleure apparition de l’année 2007. Si l’on s’arrête au bilan chiffré, 7 des 8 albums que DJ Khaled a sorti comportaient au moins un single certifié disque d’or.

« À vrai dire, il pourrait même être pris en exemple par les professeurs en école de communication tant il illustre à merveille certaines des règles élémentaires qui y sont enseignées. »

Le natif de la Nouvelle-Orléans est toutefois très clair quand il s’agit de nommer sa fonction : il n’est ni plus ni moins qu’un producteur. Cela aura de quoi faire sourire bon nombre de compositeurs, mais il s’avère qu’en disant cela, Khaled n’a pas foncièrement tord. Seulement, il prend le terme dans son sens originel, qui le rapproche plus du directeur artistique que du beatmaker : « Tu dois te rappeler de ce qu’est un producteur. Quincy Jones est un producteur. Tout le monde n’est pas forcément beatmaker. Le producteur, c’est celui qui a une vision complète, avec un certain recul, pour concevoir un titre et le livrer au monde. Ça, c’est un producteur ». Khaled est un exécutif : de par sa connaissance de l’industrie et ses quelques compétences musicales, il conseille les artistes sur les choix artistiques à opérer et effectue tout le travail lié aux arrangements et au mixage avec une éthique de travail irréprochable. Un métier très répandu dans l’industrie musicale que le CEO de We The Best Music Group a effectué dans l’ombre sur chacun des albums studios de Rick Ross. La différence entre DJ Khaled et les autres directeurs artistiques, c’est que le premier a su pleinement commercialiser cette fonction à une heure où l’activité de DJ est déclinante.

On ne rit plus de lui, mais grâce à lui

Qu’à cela ne tienne, être de bons conseils semble bien peu de choses pour expliquer une carrière qui dure depuis près d’une quinzaine d’années. Fort heureusement, DJ Khaled compte bien d’autres cordes à son arc. À vrai dire, il pourrait même être pris en exemple par les professeurs en école de communication tant il illustre à merveille certaines des règles élémentaires qui y sont enseignées.

DJ Khaled Pool

En 1993, alors qu’il travaille chez Odyssey, un disquaire de la Nouvelle-Orléans au sein duquel il mixe occasionnellement, il rencontre des frères « Baby » et « Slim » Williams. Ces derniers sont postés à l’arrière d’un camion d’où ils peinent à écouler les CDs de Juvenile. Alerté par l’œil avisé du DJ sur la musique indépendante, celui que l’on surnommera plus tard Birdman garde contact avec le jeune homme. Nul ne peut deviner que le jour de leur rencontre constituera une date importante dans l’histoire du rap, puisque c’est également en ce jour que les deux dirigeants de Cash Money Records découvrent et signent Dwayne Carter. 12 ans plus tard, la discographie de Lil Wayne est ornée d’or et de platine mais c’est bien DJ Khaled qu’il invite à hoster sa mixtape The Suffix. Outre Lil Wayne et Birdman, d’autres artistes que Khaled a férocement soutenus dans ses années de galère ont su lui rendre la pareille une fois arrivés au sommet, comme ce fut le cas pour Kanye West, qui apparaît sur son premier album. Personnage sincèrement attachant, la figure de Miami est un as du relationnel, et accorde une attention particulière à chacune des personnes de son entourage, comme l’a récemment exprimé Mavado : « Même quand j’étais en Jamaïque et que je ne voyageais pas tant que ça, Khaled prenait toujours de mes nouvelles. On se connaît depuis une quinzaine d’années, avant même que Bounty Killer ne lance Alliance ».

De même, quand son nom commence à se populariser dans les rues de Miami, le DJ prend la peine d’évènementialiser son propre anniversaire, distribuant dans la rue les flyers d’une soirée qui accueille finalement plus de 7 000 personnes. Prenant l’exemple de Jordan, Khaled sait parfaitement capitaliser sur son nom, qu’il vend telle une marque : « Mon but global est de devenir le plus gros exécutif, la plus grosse marque. Mais pas seulement avec la musique. On travaille pour être aussi important que Michael Jordan, la marque Jordan. Posséder mon propre hôtel, mon propre alcool, mes propres chaussures ». Au début de la décennie, Khaled est celui que le public rap aime détester pour son inutilité chronique et ses gimmicks aboyés à répétition. Il lui aura suffit de quelques caméos absurdes dans les clips de « Hold You Down » et « How Many Times » ainsi que d’une ridicule demande en mariage adressée à Nicki Minaj pour que les auditeurs s’amusent de ses apparitions. Désormais, on ne rit plus tellement de lui, mais grâce à lui, quand bien même il affirme ne pas avoir vocation à faire rire.

Snapchat s’inscrit d’ailleurs en plein dans ce processus de branding exacerbé. Depuis son inscription en octobre sur le réseau social, l’auto-proclamé « producteur » a vu exploser le nombre de tweets le mentionnant. En effet, on dénombrait 173 192 tweets le mentionnant au mois d’octobre, contre 2 711 827 en décembre, selon une étude du Crimson Hexagon. Le pic étant bien évidemment ce fameux 15 décembre lors duquel DJ Khaled se perd en mer et capture l’intégralité de son périple. Une émulation médiatique qui tombe idéalement pour un homme d’affaires qui ne cesse actuellement de développer de nouveaux business. Il y a d’abord l’ouverture à Miami de son restaurant Finga Licking, spécialisé dans la cuisine afro-américaine, puis le lancement de ses casques audio BeoPlay et désormais les collection de vêtements qu’il promeut quotidiennement à chacun de ses snaps : claquettes, chaussettes, sweats…

Aujourd’hui, il semble que DJ Khaled se plaise à être une simple parodie de lui-même. Souvent décrit comme une bête de travail par le passé, il dépeint dorénavant l’image d’un préretraité qui profiterait d’ores et déjà du fruit de son labeur, tout en proposant un tutoriel saugrenu sur les méthodes du succès. Son dernier album date d’octobre mais malgré cela, ses journées sont généralement vides et consistent essentiellement à profiter des plaisirs de la vie. Étrangement, plus il se montre inactif dans ses domaines d’activité, plus il cristallise l’attention des médias au travers des réseaux sociaux. Et si c’était ça, la vraie clé du succès ?

DJ Khaled fan


C’est dans le Basement des bureaux de YARD que le son prend pleinement ses droits. C’est là que chaque semaine, l’équipe de YARD vous concoctera un mix de sons hip-hop, us, français, electro, trap, oldies, classiques, rnb…
Une semaine sur deux sur OKLM, le samedi à 22h avec Kyu St33d, et l’autre sur YARD, avec Supa!

 

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TRACKLIST

Daktyl – Girl (Original Mix)
Memphis Bleek ft. Trick Daddy & T.I. – Round Here
Kevin Gates – Thought I Heard (Bread Winners’ Anthem)
Curren$y – Forecast
Jay-Z – Coming of Age (feat. Memphis Bleek)
Westside Connection – Gangstas Make The World Go Round
Freak Like Me – Adina Howard – Freak Like Me – Adina Howard
Consequence – Grammy Family (feat. DJ Khaled, Kanye West & John Legend)
Curren$y – Speed
Little Simz – Full or Empty
TĀLĀ feat. Banks – Wolfpack
pyrmdplaza x Gravez vs Rihanna – BBHMM (jael dj edit)
Kodak Black – Kodak Black -Skrt
PNL – Mexico
Fabolous – Motivation (Prod. By Sonaro)
Bryson Tiller – 502 Come Up
Dave East – No Coachella For Me
Brother – Q.
Post Malone – Post Malone – Too Young
Kalash Criminel
A$AP Ferg Ft Future – New Level
R U N B O X – switch it
Chyna – Thought U Was (prod. 5TH DMNSN)
Isaiah Rashad – Smile
Migos – Hoe On A Mission (Prod. By Murda Beatz)
Smino – runnin w/ jay2aintshit (prod by monte booker)
Drake – Hotline Bling
Dawn Penn – You Don’t Love Me (No No No)

Beaucoup se sont étonnés, voire offusqués, de voir Christine and the Queens et Booba faire un featuring. Étonnante alliance, en effet : une chanteuse poétesse queer et le king du rap game macho. La fragilité en featuring avec la violence (ou vice-versa).

On a publié des tonnes d’articles. D’abord sur le choc ressenti, puis sur la réaction au choc et enfin sur la réaction des artistes au choc que leur a procuré le choc…

Finalement, le rêve ce serait qu’un jour les gens s’arrêtent de parler, et écoutent le son. Sinon on arrêtera à tout jamais de voir ces mélanges dans le paysage musical français : il ne nous restera plus que les compils des Enfoirés et nos larmes pour pleurer.

Ce qui motive Julienna Goddard, a.k.a YesJulz, c’est de joindre l’utile à l’agréable et de se réaliser dans son travail. Un principe en phase avec la nouvelle génération et qui s’illustre parfaitement par sa devise sous forme de hashtag : #NEVERNOTWORKING. À la tête d’une agence marketing spécialisée notamment dans l’organisation de soirées, la jeune femme de 25 ans s’est surtout distinguée sur Snapchat où elle parle quotidiennement à une audience de 100 000 personnes, et s’affiche avec quelques stars de cette culture : Wiz Khalifa, Lebron James, Travis Scott… On a profité de son passage à Paris lors de la Fashion Week pour faire connaissance à l’hôtel Le Pigalle, avec un phénomène des réseaux sociaux, dont on n’a pas encore mesurer l’ampleur en Europe. Mais ça ne saurait tarder, c’est sûr.

Photos : HLenie

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Peux-tu te présenter à ceux qui ne te connaissent pas ou peu ? 

Je suis née à Miami mais j’ai vécu dans différentes villes du sud de la Floride jusqu’à mes 9 ans. Avec ma famille, on a ensuite déménagé à Boston où on est resté plusieurs années pour revenir ensuite en Floride. Je suis donc une fille de Floride et de Boston. Maintenant, je suis à Miami où j’ai une agence de marketing. Nous faisons beaucoup d’organisation d’événements, j’adore organiser des soirées, nous travaillons aussi autour du marketing sur les réseaux sociaux. Je devrais sûrement ajouter Snapchat à tout ça. Je « snappe » beaucoup, je documente ma vie via ce réseau social et c’est ce qui m’a permis de me créer une audience et de faire connaître l’agence.

Comment es-tu venue à faire de l’organisation de soirées ton gagne-pain ?

J’ai organisé ma première soirée au lycée pour la fête de fin d’année. Je me suis fait plusieurs centaines de dollars à vendre des tickets et ça a été le déclic. J’ai compris que si j’organisais plusieurs soirées dans l’année je pourrais me faire de l’argent, c’est comme ça que ça a débuté. J’ai donc commencé à le faire à l’université et des propriétaires de club sont venus demander mes services. Ils voulaient que je devienne leur promoteur en échange de bouteilles gratuites mais je n’allais pas les laisser me donner quelques bouteilles alors que je leur ramenais beaucoup de clients. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ça devenait un business. Je me suis vraiment investie au maximum lorsque j’étais à Tampa, au nord de la Floride. Puis, j’ai réalisé qu’il était temps que je m’installe dans une plus grosse ville donc je suis retournée à Miami et tout a recommencé à zéro, parce que tout est différent là-bas.

À quoi ressemble une journée type de travail pour toi ?

Il n’y a pas de journée type, c’est toujours différent. Aucune de mes journées ne se ressemblent. La plupart des gens ont des routines, ils se réveillent, font de l’exercice, vont au travail… Je ne fais pas ça. Je me réveille toujours à un endroit différent mais dès que je suis debout, je regarde toujours mes mails. Après je continue ma journée soit en faisant des interviews avec des artistes, soit en organisant un événement ou une campagne publicitaire pour une marque. On a plusieurs manifestations par mois donc on est systématiquement occupé. On adore la musique, la mode et faire de nouvelles expériences, l’objectif est de toujours de proposer de nouvelles idées.

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Comment les réseaux sociaux Snapchat et Instagram ont propulsé ta carrière ?

J’exercerais mon métier aujourd’hui même sans les réseaux sociaux, sans aucun doute. J’organisais déjà des soirées à 18 ans alors Twitter, Facebook et Instagram n’existaient pas. Mais ce sont des outils gratuits qui permettent aux gens de se mettre en avant et de communiquer : publier quelque chose, faire de la pub autour d’une activité, la faire atterrir entre les mains de personnes influentes et toucher leurs audiences. Par cette nouvelle branche, de nouveaux emplois ont été crées. Regardez le nombre d’entreprises qui ont débloqué des postes de community manager ou de responsable marketing sur les réseaux sociaux ! Ce sont des jeunes de notre génération qui décrochent ces postes, juste en sachant utiliser un iPhone.
Aujourd’hui, on doit se concentrer sur d’autres façons de faire de la pub et ces outils nous donnent l’opportunité de tous devenir des directeurs artistiques. Pour ma part, je ne l’aurais jamais été dans un laps de temps si court. Ça demande du temps et de l’expérience. Mais les réseaux sociaux permettent d’exposer son travail aux yeux de tous en nous exprimant d’un point de vue créatif. Cela peut déboucher sur des prises de contact avec des gens cools et on peut finalement se retrouver dans des endroits où l’on ne se serait jamais imaginé.

« Je veux que ça arrive, que de nouvelles personnes fassent parler d’elle et de cette ville. J’adore ce que je fais mais je ne le ferai peut-être pas toujours là-bas. »

Comment juges-tu l’importance des réseaux sociaux dans le développement de personnalités publiques ?

En tant qu’humain, on est très attaché à ce qui est glamour. Pendant un moment, les utilisateurs étaient vraiment attirés par le style de vie des personnes riches et célèbres. Les gens ont ensuite commencé à se lasser de regarder des choses auxquelles ils ne peuvent pas s’identifier À l’heure actuelle, avec tout ce qui se passe dans le monde, toutes ces tragédies, toutes ces choses terrifiantes auxquelles nous sommes confrontés dans la vie de tous les jours, les gens cherchent juste à savoir s’ils peuvent s’identifier à quelqu’un qui leur ressemble. Regardez P. Diddy, quand j’étais plus petite et que je le regardais, je me sentais tellement loin de lui… Il était dans toutes les vidéos, on le voyait partout. Mais aujourd’hui les jeunes peuvent regarder des personnes comme vous et se reconnaître beaucoup plus facilement que quelqu’un en couverture de Vogue. Ils se disent : « Nous aussi on peut faire ça ! » C’est pour ça que mes followers aiment regarder ce que je fais parce que je ne suis pas encore au niveau de Diddy, mais je vais y arriver. Ils peuvent donc voir la progression et l’évolution de mes idées. Certains peuvent même m’aider à concrétiser des projets en me faisant des suggestions après avoir vu ma story sur Snapchat. Par exemple un jour j’ai raté un vol pour me rendre au mariage d’un de mes meilleurs amis, des fans m’ont envoyé cinq itinéraires différents pour m’y rendre quand même.

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Tu réponds à tous tes followers sur les réseaux ?

Nan je ne prend pas toujours le temps de regarder toutes mes notifications, mon téléphone vibre tout le temps. Quand j’ai du temps de libre, j’essaye de le faire. Je fais de mon mieux pour répondre au plus grand nombre et aux personnes qui méritent une réponse. Il y a des aspects positifs et des aspects négatifs avec les réseaux sociaux.

Autre sujet, quelles sont les qualités essentielles pour organiser de bonnes soirées ?

Pour être bon dans ce que tu fais, il faut être motivé et faire de ton mieux pour que ça marche : te réveiller tôt le matin, te coucher tard le soir, être passionné, savoir ce que tu veux et rester investit… Sinon tu es condamné à être un simple spectateur. C’est la base du succès. Après si tu veux être bon dans l’organisation de soirées, tu dois être quelqu’un de relationnel et aimer faire la fête. Peut-être qu’il y a des promoteurs qui n’aiment pas faire la fête, mais dans mon cas je sais que j’aime donner de nouvelles expériences aux gens et il n’y a rien qui me rende plus heureuse.

 

Comment fais-tu pour te maintenir parmi les meilleures du business dans une ville aussi concurrentielle que Miami ?

Je ne me pose pas vraiment la question, je fais juste ce que j’aime. Je pense que ce que je fais est plutôt, par contre il est possible que je me découvre une passion pour quelque chose d’autre bientôt. Aujourd’hui, je fais ce que j’aime faire à Miami mais peut-être que je ferais quelque chose de différent l’an prochain. Du coup, il y aurait quelqu’un d’autre qui viendrait prendre ma place dans cette ville en organisant des soirées hip-hop qui déchireront tout. J’espère que ça arrivera, il faut que de nouvelles personnes fassent parler d’elles et de Miami.

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J’ai des tas de plans pour le futur. Je trouve que ce que YARD propose est cool, j’aurais peut-être un magazine un jour, qui sait ? Ça commence avec l’organisation de soirées, puis tu deviens pote avec des artistes, du coup les gens s’intéressent à tes amis et voudront sûrement savoir de quoi on parle quand on dîne ensemble. Ce serait l’occasion de faire des podcasts, des articles… Je connais un bon photographe qui pourrait également apporter sa vision, laissons-lui une chance… Et après tout ça, tu te retrouves avec un magazine. C’est comme ça que ça commence.

Quel est ton business model ?

Je bolosse les gens (rires, ndlr). J’essaie de me démerder par tous les moyens, tu dois savoir être un hustler dans ce métier. Bien sûr, tu te feras des sous en vendant des tickets, en te faisant sponsoriser par des marques mais si tu es vraiment un hustler tu trouveras un moyen de te faire de l’argent plus facilement. Il faut constamment rester en réflexion : comment entrer en contact avec des médias, comment décrocher un contrat de sponsoring… Pour les soirées, il ne s’agit même plus de l’aspect économique. Aujourd’hui, je me fais plus d’argent avec un tweet qu’en organisant une soirée que je mets trois mois à mettre en place. Pourtant c’est par ce biais que j’intègre des artistes, des nouveaux titres, des talents méconnus et c’est cet ensemble qui me permette d’être payée en tweetant. Les soirées resteront toujours importantes pour moi.

« Miami ! On y trouve des filles, des bikinis, la météo est top, encore des filles. Les filles sont essentielles aux soirées piscines. »

De toutes les villes où tu as organisé des soirées, quel est l’endroit où tu préfères donner des soirées en intérieur…

Pour les soirées en intérieur, je dirais Los Angeles. J’y ai organisé ma première indoor et c’était incroyable. Le potentiel qu’a cette ville est dingue.

… Des pool parties ?

Miami ! On y trouve des filles, des bikinis, la météo est parfaite et il y a aussi… Des filles. Elles sont essentielles aux soirées piscines. Tu dois avoir de jolies femmes en bikini qui aiment danser. C’est important.

Où le public répond le mieux ?

Je ne sais pas trop, le public est toujours très content de nos soirées. Je n’ai pas vraiment eu de mauvaises expériences. Je suis allée à Orlando et c’était incroyable, je suis allé à LA et c’était incroyable, j’ai organisé des événements de dingues à New-York. Question difficile.

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Y’a-t-il de nouveaux artistes ou DJs avec lesquels tu aimerais bosser ?

On fait des « music mondays » depuis plusieurs mois maintenant et on a pris d’assaut internet. Le concept est le suivant : on trouve des artistes basés à cinq endroits différents et si on aime leur musique on la poste sur notre Soundcloud. On ne juge que par rapport à la qualité. Je pense que c’est la bonne période pour proposer ça. N’importe qui peut faire un son et le balancer sur Soundcloud, mais tu dois toujours travailler dur pour arriver au sommet.
J’adore Shake du New Jersey… Mais aussi Lil Uzi Vert pour son côté enjaillant, il a une bonne énergie… Il y a également Amir Obè… Il y en a tellement… Je vais travailler avec beaucoup d’artistes cette année. Par exemple, Uzi et moi allons faire une mini-tournée avant qu’il ne se mette à bosser sur son album. Il y a d’autres choses qui arrivent, attendez et vous allez voir.

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C’est vrai que tu es très impliquée dans l’humanitaire ?

J’ai commencé à me sentir concerné car je trouvais que j’habitais dans une ville où tellement de personnes sont prisonnières de leur style de vie sans être heureuses. J’essayais de comprendre pourquoi… Et j’ai saisi que ces gens n’avaient pas un métier qui les rendait heureux. J’ai toujours aidé mon entourage à se réaliser complètement sans en avoir fait réellement une activité complète. C’est quelque chose que je fais de moi-même parce que ma mère m’a éduquée avec ces principes quand j’étais plus jeune. Elle était vraiment investie pour aider les nécessiteux. Du coup, ma plateforme est devenue une opportunité d’organiser des événements caritatifs. J’ai entendu parler du hashtag « lunchbag » et j’ai trouvé ça super intéressant. J’ai proposé de distribuer des repas dans une galerie au lieu d’une simple cafétéria ; plus largement dans des endroits cools avec des DJs, des grosses voitures, de l’art. Je me suis dit que je réunirais des volontaires pour réaliser et distribuer des repas, puis on irait à la rencontre de ceux dans le besoin. Des jeunes qui me suivent sur Instagram venaient m’aider alors qu’ils n’habitaient pas forcément tout près. Puis de nouveaux artistes ont voulu, eux aussi, se rendre utiles donc on a rajouté des performances lives. Ça ne cesse d’évoluer. Tout ça seulement parce que j’ai été inspiré par ce hashtag « lunchbag ». Si j’en parle, combien de personnes vont vouloir lancer leur propre initiative ? J’adore regarder ce genre de projet naître et évoluer.

« Si ce n’était pas pour ma mère, je ne serai certainement pas ici aujourd’hui. »

D’où te vient ce besoin d’aider les gens ?

Je ne sais pas, j’ai moi-même parfois eu besoin d’aide dans ma vie. C’est important, on devrait tous s’entraider. J’aime croire que tous les êtres humains à un moment donné de leur vie ont cette envie d’aider. Je pense qu’on a besoin de gens qui nous inspirent à faire des choses comme ça. Ma mère et ma famille font partie de cette catégorie-là. Si ce n’était pas pour eux, je ne serais certainement pas ici aujourd’hui. J’ai toujours voulu ressembler à ma mère… Finalement, la réponse est ma mère.

Est-ce un challenge d’être une femme dans ton environnement de travail ?

Oui c’est un challenge. Dans chaque secteur où les hommes dominent c’est compliqué, c’est comme ça que le monde fonctionne. Je demande juste à ce qu’on me respecte, que je puisse avoir des responsabilités, qu’on me prenne au sérieux lors de réunions ou rendez-vous.
Je suis aussi mignonne, je me sens sexy, et je me sens bien dans mon corps. La femme qui va réussir est celle qui se sent bien dans sa peau et qui trouve le juste milieu entre sexy et sérieuse. C’est celle qui va se dire : « Quand je me sens un peu sexy, je vais être cette personne et quand c’est l’heure du business je vais être au point, je ne serais pas intimidé, je vais dire ce que je pense. » Je pense que l’instinct féminin cherche constamment à ce que tout se passe bien, quitte à ne pas dire à haute voix ce qu’on pense. On a aussi cet instinct maternel qui veut qu’on protège les autres. Fuck tout ça ! On est en 2016. On ne devrait même plus y penser, on doit juste se confronté aux réalités et faire ce qu’on sait faire, en restant prudentes. Si tu veux du respect, tu dois prouver aux hommes que tu es capable de faire les mêmes choses qu’eux.

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Un dernier mot ?

J’adore Paris et mes followers parisiens et j’ai vraiment envie de revenir ici et d’organiser plus d’événements. J’espère que plus de gens sur place voudront entrer en contact avec nous et organiser une soirée avec YARD (rires, ndlr).

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Après la sortie d’un premier album éponyme, les deux jumelles d’Ibeyi continuent de conquérir un peu le monde de la musique en dépassant les frontières hexagonales. Entre deux avions, elles ont fait une escale au micro de YARD pour répondre à quelques questions autour de leur enfance, leur démarche artistique et leur amour pour le hip-hop.

Vous vous demandez sûrement quel rapport y a-t-il entre le rap et la Renaissance. A priori aucun et pourtant un tumblr (B4-XVI) est parvenu à mettre en évidence les similitudes vestimentaires entre ces deux mondes que tout semble séparer. De la couverture de GQ de Rihanna à l’artwork du maxi 6 de Drake en passant par des photos de Future, Rick Ross, Kanye West ou encore A$AP Rocky, tous ces artistes ont des points communs avec des peintures, sculptures ou autres oeuvres d’art d’époques.

 

 

 

En 2000, la trop classique institution des Victoires de la musique voit débarquer la 504 break du 113 sur les rythmes chaleureux de la derbouka de Tonton du bled. C’est d’ailleurs ce surnom, « Tonton », qui ne quittera plus jamais Rim’K tout au long de sa carrière en groupe, tout au long de sa carrière solo, tout au long de sa vie tout court. Mais, au-delà de cette image pleine de fraîcheur qui fait honneur à une frange de la population régulièrement bannie par ce type de cérémonie, une autre marque la mentalité du groupe et de l’homme, Karim. Celle de la remise de la Victoire des mains de Jean-Luc Delarue, où ce n’est pas seulement le trio qui rejoint la scène mais toute une équipe qui déboule : des amis, un clan, une mafia même. Un état d’esprit qui se construit dès le plus jeune âge dans le hall 13 du 113, rue Camille Groult, à Vitry, à la MJC, voire à la patinoire. Pour revenir sur cette époque fondatrice pour Rim’K et pour le rap français, c’est naturellement vers ses proches que nous nous sommes tournés. Et dès qu’il s’agit de parler et de se rappeler du « Tonton », un grand sourire marque chacun de leur visage.

Photos : Yoann « Melo » Guerini

Extrait du YARD PAPER #3

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Les copains d’abord

Plus de vingt ans après avoir été les enfants de cette commune, Vitry porte encore les stigmates de la Mafia K’1 Fry et du 113 un peu partout dans ses rues, elles prennent forme par des graffitis, des stickers, des gravures… Certaines sont infligées par la trace des protagonistes et d’autres par la fierté de toute une ville qui s’est sentie à jamais représentée par ces groupes et leur musique. Au-delà du rap, Rim’K est Vitriot, et c’est cette ville qui fait de lui à la fois un footballeur au « pointard » dévastateur, un rappeur aux phrasés crus et réalistes, mais d’abord un patineur. D’ailleurs, dès qu’on met les pieds dans la patinoire municipale, des posters de la Mafia K’y Fry, du 113 et de Rim’K ornent les murs avec de petites dédicaces personnalisées. Comme des centaines d’enfants aujourd’hui, Karim et son pote Youssef ont fait des tours sur cette glace. Youssef, ancien hockeyeur professionnel (il illustre d’ailleurs les fameux « sportifs de haut niveau » dans le clip Les princes de la ville), n’a jamais quitté la patinoire depuis son enfance car il y est aujourd’hui employé. Il se souvient qu’à peine âgés de dix ans ils rentraient gratuitement grâce au voisin de palier de Karim qui y travaillait à l’époque. Cet endroit était un véritable lieu de rassemblement où tous les quartiers de Vitry se retrouvaient, notamment le dimanche. Un jour qui donne lieu à des files importantes à l’entrée : « On n’attendait pas, on rentrait en VIP grâce au voisin de Karim, les petites meufs voyaient qu’on était ʺofficialʺ. C’était une période magnifique », se souvient Youssef. Mais c’est aussi en ce jour d’affluence massive que la glace ne suffisait plus à adoucir l’électricité entre les « grands » du quartier. « C’était tellement chaud qu’en 92 ils ont fermé le dimanche et, depuis, ça n’a jamais rouvert », conclut l’ancien hockeyeur. C’est sûrement cela qui marque la jeunesse de Rim’K, le paradoxe entre le bonheur du simple partage avec ses proches et un contexte où à n’importe quel moment un regard, un geste, un mot peut tout faire dégénérer.

« Malgré le mal qu’on a fait, on a quand même des têtes de gentils » – AP

Si cela est le cas à la patinoire, ça l’est encore plus au 113, rue Camille Groult, certainement l’adresse la plus célèbre du rap français. Mais avant tout, Camille Groult est le théâtre d’une amitié de près de vingt ans entre Abdelkarim, Rim’K et Yohann AP. Ce dernier se souvient de sa première rencontre avec son ami d’enfance : « C’est la première tête que j’ai vue dans le quartier, j’avais dix ans, on s’est rencontrés en bas du bloc, il était au hall 11 et moi au 13. » Ensemble ils ont tout vécu. L’insouciance de l’enfance d’abord, des barbecues et des parties de baby-foot organisés au pied des tours l’été : « On sortait les baby-foot qu’on avait eus à Noël et on pariait des 50 centimes… » Mais rapidement des galères, liées à la précarité de Vitry et même au traitement réservé à ses habitants, soudent les deux adolescents qui se sont retrouvés temporairement déscolarisés au lycée : « Avec Karim, lors d’ une rentrée de septembre, aucun de nous deux n’avait d’école. On va à l’académie de Créteil pour faire des démarches, on se retrouve dans des manifestations à crier : ʺOn veut un lycée !ʺ » Puis la réalité de l’existence d’un jeune de Camille Groult le conduit nécessairement à être en prise avec une vie de quartier parfois sombre, et ce très rapidement : « En bas, il y avait un tourniquet, et il se passait des choses vraiment sales. » Lorsqu’un tourniquet devient un endroit préoccupant, cela en dit beaucoup sur le caractère de cette banlieue.

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Voyager avec la rue

Oui, Rim’K et AP ont fait plus que les 400 coups ensemble, mais comme le résume Yohann, « malgré le mal qu’on a fait, on a quand même des têtes de gentils ». Ce que son pote de toujours baptise « la période délinquance » leur a paradoxalement permis de voyager. Car la seule finalité était de s’acheter le dernier survêtement, la paire de Reebok Classic à la mode ou de profiter entre potes de la dernière séance de cinéma au centre commercial Belle-Épine. Mais ces sorties étaient une manœuvre véritablement risquée : « Si on loupait le dernier bus, on était obligés de rentrer à Vitry à pied en coupant par le cimetière. Je peux te dire qu’on courait. », se rappelle Youssef, amusé.

« Si on loupait le dernier bus après la séance de ciné, on était obligé de rentrer à Vitry à pied en coupant par le cimetière. Je peux te dire qu’on courait. » – Youssef

Rim’K est issu d’une famille nombreuse et, pour avoir accès à ces petits luxes, il fallait forcément dégoter les quelques combines pouvant rapporter un billet, et pour cela il fallait parfois savoir aller au casse-pipe. « On faisait des petits cambriolage, on volait des postes de radio, on forçait des caves… » se remémore AP, tout en rappelant la règle fondamentale :  « On ne chie pas où on mange. » Et c’est à ce moment précis que cette idée de voyage prend concrètement son sens et que le duo devient trio. Le troisième sommet de ce triangle, c’est IZM, « quelqu’un qui a toujours été avec nous », affirme Yohann. « Tous le trois, on partait à Chartres, Orléans, Montpellier… » précise IZM, en ajoutant : « Ça nous permettait de faire nos petites affaires, de nous évader du 94 et d’apprendre à conduire. » Car c’est sans permis que Karim et ses complices sillonnaient la France, et parfois sans un sou en poche, ou du moins un vrai sou.

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C’est justement à ce sujet qu’AP raconte cette anecdote : « En 1996, je crois, Ideal J avait une tournée dans le Sud et ils avaient une date à Montpellier. Avec IZM et Karim, on est partis dans le train avec 50 francs dans les poches et des faux billets de 200. On s’en foutait de frauder : ʺMets-nous même dix amendes, on veut aller à Montpellier.ʺ On s’est retrouvés là-bas à payer avec nos faux billets. » Ce périple insouciant montre qu’il n’y a jamais eu de frontière entre la vie de jeunes de quartier et celle liée à l’artistique, à l’époque encore balbutiante pour Yohann et Karim. Le 113 et Rim’K ont toujours été au micro ce qu’ils étaient réellement dans la rue, sans aucune distinction entre les deux sphères.

Artiste par accident

Avant de devenir une place forte du rap français, Vitry était une ville de raggae : « Quand je suis arrivé, c’est la première fois que je voyais des Rebeus s’ambiancer sur du Buju Banton », plaisante AP. Mais les deux enfants de Camille-Groult n’ont d’yeux que pour les États-Unis et son rap. Mais à une époque sans haut débit et avec seulement six chaînes de télévision il est difficile de se tenir au courant. Encore une fois, Rim’K et AP redoublaient d’inventivité : « À l’époque, tout se passait sur l’émission Yo ! MTV Raps, donc c’était une galère. Mais tu as toujours une petite meuf, elle habite à Créteil Soleil, elle a le câble, elle a tout, frère. Donc on demandait de nous enregistrer les émissions et avec Karim on se les faisait tourner. » C’est baigné dans cette culture qu’ensemble ils écrivent leur premier texte dans la chambre de Yohann et qu’ils ʺfreestylentʺ dans le mythique hall 13. Lorsque AP se rappelle ce moment, il raconte au sujet de l’écriture de Rim’K que, « dès le départ, il avait sa patte et cette manière particulière de décrire les choses, et même s’il a évolué, il l’a gardée dans tous ses projets ». Au dernier étage, Mohamed, membre du groupe Système Créatif, repère cette doublette qui commencera à le suivre un peu partout et qu’il initiera au monde de la musique.

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Mais c’est véritablement à la MJC de Vitry où tout va basculer, un endroit que Youssef décrit avec enthousiasme : « C’était chez nous, on se retrouvait tous ensemble ; pour te dire, on appelait même au bled. » Deux jours par semaine, le mercredi et le vendredi, à la sortie de l’école, un ensemble de jeunes venus de Vitry, évidemment, d’Orly et de Choisy se donnent rendez-vous. C’est alors que Rim’K et AP se connectent avec Manu Key, le groupe Ideal J, Rohff et bien d’autres pour former ensemble la Mafia K’1 Fry. Mais cette fois c’est plus qu’un trio qui va se former, bien sûr, la rencontre de Mokobé, la troisième personnalité fondamentale du groupe, dessine un peu plus ce qui deviendra plus tard avec le 113. Mais c’est véritablement DJ Mehdi qui donnera sa chance à cette nouvelle entité : « Aujourd’hui, si le 113 existe, c’est surtout grâce à Mehdi. C’est lui qui a vu du talent en nous et qu’il y avait un truc à faire. Il avait une longueur d’avance sur tout le monde. Un jour, il est venu avec les gens d’Alariana (label indépendant, ndlr) et il nous a dit : ʺIl y a moyen de sortir un projet, mais il faut le plier en deux semaines.ʺ C’est lui qui nous a poussés. » Cela donnera en 1998 Ni barreau, ni barrière, ni frontière, le premier projet du 113 qui obtiendra un beau succès en indépendant. Sans cela, pas de Prince de la ville, de Tonton du bled, de Jackpot 2000 ou d’Au summum.

« Aujourd’hui si le 113 existe, c’est surtout grâce à DJ Mehdi. C’est lui qui a vu du talent en nous » – AP

Finalement, raconter la jeunesse de Rim’K seul est un contresens absolu, car c’est avec ses proches que son histoire s’écrit depuis le début. Logiquement, c’est AP qui résume parfaitement l’état d’esprit qui les unit : « Dans la vie, seul tu n’y arriveras pas, mais pour faire la guerre, tu n’as pas besoin d’être mille. » Quand on les regarde évoluer ensemble, toujours une vanne et une « clope aromatisée de shit » à la bouche, les mots ne servent plus à rien. La force de leur parcours commun parle pour eux.

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Ils sont partout, ses imprimés rottweiler, étoilés, ésotériques ou kaléidoscopiques, en majesté sur les torses des rappeurs. Il est omniprésent, le nom de sa griffe, sur les lèvres de tous les kickeurs. « J’ai amené la haute couture dans la rue », pose l’intéressé. Et vice-versa. Riccardo Tisci a chahuté les lignes du luxe, dépoussiéré les reliques de sa maison-mère, exhaussé les emcees et retaillé les silhouettes streetwear. La rue l’infuse, l’anime, le raconte, l’obsède ; il s’en est fait l’émissaire.

 

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Le rêve américain

 

A l’image des superstars du rap, self-made men absolus, l’histoire de Riccardo Tisci se raconte comme le « Juicy » de Biggie ; une jolie fable urbaine. Le créateur est né en 1974 à Tarente, ville portuaire et polluée du sud de l’Italie. La vie ne l’épargne pas et fauche son père, son « héros secret », dès ses 4 ans. Sa mère suera sang et eau pour l’élever seule, lui et ses huit sœurs. « Nous étions pauvres, et elle a tout sacrifié pour les siens », confie Riccardo pour Madame Figaro. Les poches sont vides mais l’allure soignée, surtout pour la messe du dimanche. Mamma Tisci a des airs de magicienne lorsqu’elle rafistole des vêtements d’occasion ou bricole à son garçon des slippers à partir des talons des chaussures de ses filles, qu’elle arrache sans ménagement. Oripeaux de fortune. Bientôt, la famille doit émigrer vers le nord du pays, où elle peinera à trouver sa place. « Rien n’était simple pour les Italiens du Sud considérés comme des parias en Italie du Nord, et la pauvreté n’arrangeait rien à l’histoire. Tout semblait hors de portée pour moi » (Ibid), raconte Tisci. Le gamin joue au basket, son plaisir, son échappatoire. Lorsqu’il se blesse sur un nouveau mauvais coup du sort, privé de balle orange, il doit trouver un nouveau terrain d’expression. Ça sera la mode. Ricky le découvrira à 17 ans, après s’être exilé à Londres, sans ambitions particulières. Pendant 1 an et demi, le jeune italien, qui ne baragouine pas un mot d’anglais, enquille les petits boulots jusqu’au jour où une pub pour des cours gratuits au London College of Fashion pique son attention. C’est ensuite aux côtés d’Antonio Berardi et sur les bancs de la prestigieuse Central Saint Martins qu’il fera ses classes, après avoir décroché une bourse du British Fashion Council.

 


« J’ai un esprit street. La rue coule dans mes veines »


 

 

La suite se lit en accéléré. En 1999, fraîchement diplômé, le designer regagne le sol transalpin et prête sa vision créative à Coccapani, Puma puis RuffoResearch. Lorsque ce dernier prend l’eau et le met à la porte seulement 2 mois après lui avoir promis une collection éponyme, Tisci, désabusé, décampe en Inde, où il retrouvera l’inspiration. De ce voyage initiatique, s’ébaucheront les premiers vêtements étiquetés à son nom, qu’il présentera à Milan en septembre 2004. 6 mois plus tard, le styliste se trouvera propulsé directeur artistique de Givenchy, à 31 ans, le plus jeune que la pompeuse maison ait compté dans ses rangs. Un brillant coup de poker. Ironie de l’histoire, au départ, le couturier n’est pas partant : « Je n’étais pas intéressé. Pas du tout. J’allais dire non. Mais 1 semaine avant, ma mère m’a appelé en me disant : « Je vais t’annoncer quelque chose que tes sœurs ne savent pas encore : Je pense que je vais vendre la maison parce que tes sœurs en bavent, elles ont des enfants, elles ont besoin d’argent. J’irai dans une maison de retraite » (how to spend it). À la place, Riccardo paraphera le contrat aux multiples zéros estampillé du logo aux 4 G et achètera à sa mère une villa à Côme. En 2008, après la femme, il prendra les rênes de la ligne homme de la maison parisienne. Riccardo Tisci réveillera, relancera et popularisera la belle endormie, à coups de pièces audacieuses aux vapeurs d’asphalte ; « J’essaie de détruire les tabous dans la mode – c’est quelque chose que j’ai appris quand j’étais enfant. Je viens de la rue, et vous devez être un battant » (Elle USA).

 

L’empreinte street

 

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J’avais un peu peur de faire une collection masculine. Je porte beaucoup de vêtements street ; je ne porte pas vraiment de vêtements de designers, alors pour moi c’était un nouveau monde. Donc j’ai commencé à regarder sur Internet ce que faisaient les autres. J’ai vu tous ces beaux garçons, bien sûr, mais qui n’étaient pas vraiment moi. Minces, blancs, pâles » (Vogue USA). Sa différence fera son succès, inattendu et gargantuesque. Considéré comme le précurseur de ce que certains appellent la « street couture » ou le « street luxe », Tisci a introduit sur les podiums sweats, sneakers, joggings, baggys shorts, maillots de basket, imprimé playground, bandanas, casquettes, bombers, t-shirts oversize, sacs à dos et même doo-rags. « J’ai de la chance de travailler pour une maison de luxe et de faire des robes de soirée et des sacs en crocodile mais je n’oublierai jamais l’urbain, le confortable. J’ai un esprit street. La rue coule dans mes veines » clame-t-il au Guardian. Au-delà du vocabulaire stylistique de Givenchy, Riccardo a réinventé celui du streetwear ; les chemises boutonnées jusqu’au col ou nouées autour de la taille, les sweats boxy, les empiècements de cuir sur molleton, les t-shirts longs comme des jupes, les shorts portés sur des leggings et autres jeux de superposition, c’est lui. A l’origine de sa popularité auprès des faiseurs de mode urbaine : son cultissime t-shirt Rottweiler. C’est Kanye West qui mettra en premier le grappin sur ce bout de tissu à 200 euros, dévoilé en janvier 2011, avant qu’il ne se déploie sur le dos de Tyga, A$AP Rocky, Rick Ross, Pusha T ou Swizz Beatz puis de tous les modeux férus de rap. En vérité, plus que le t-shirt, c’est Yeezy qui boosta sa street credibility. Le emcee a tout porté, tout osé, de la chemise en tartan cloutée au kilt en cuir, qui souleva nombre d’émois. Wale y alla même de son petit tacle en lâchant « Givenchy, but no kilt, mi amor» dans « Heaven’s Afternoon ». « Pendant une seconde, il a un peu douté. Et puis il m’a fait confiance. C’est là que vous comprenez qu’un ami est un ami » (Details), soufflait Tisci à propos de ladite jupe, portée pendant la tournée Watch the Throne. Pour l’album bicéphale de Ye et Jay Z, la tête pensante de Givenchy conçut l’ensemble de l’imagerie artistique, de la pochette en métal doré aux tenues de scène. Un coup de pied dans la fourmilière hip-hop. Et lorsqu’Hova sépara un jour la foule en deux lors d’un concert, révélant un bataillon de gamins habillés de t-shirts aux motifs étoiles, Riccardo pleura : « Ca, pour moi, c’est la définition même du designer » (Vogue USA).

 

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Tisci a embrassé les rappeurs quand les autres marques de luxe les boudaient, celles-là mêmes qui, mues par une volonté d’encanaillement, leur font aujourd’hui de grandes accolades. Kanye, Travis Scott, Nicki Minaj, Angel Haze, Swizz Beatz, Dominic Lord, Shyne ou encore P. Diddy ont posé leur derrière au premier rang de ses défilés. Plus de 500 titres hip-hop comprennent des rimes en « Givenchy ». Ils sont signés Meek Mill, Migos, Pusha T, Future, PeeWee Longway, A$AP Ferg, Chief Keef, Rick Ross, Rich the Kid, Wiz Khalifa, Kaaris, Joke ou encore Lacrim. Certains vont même jusqu’à diviniser, déifier la griffe. Dans leur bouche, plutôt que des articles périssables de consommation, ses produits se posent en objets sacrés. Dans « Piccasso Baby », Jay Z évoque la valeur artistique de Givenchy en rappant « Leonardo Da Vinci flows / Riccardo Tisci Givenchy clothes ». Dans le freestyle « Goldie », Hit-Boy la compare au messie chrétien en claquant « Other type of Jesus is Givenchy ». Et dans « Big Bang Théorie » (1995), Sneazzy souligne ses vertus sanctifiantes en assénant « Et moi, j’serai momifié dans des tissus Givenchy ».

 


Tisci a embrassé les rappeurs quand les autres marques de luxe les boudaient.


 

 

Je vis pour la musique – plus que pour la mode » (Elle USA), reconnaît Tisci. Côté hip-hop, Beyoncé, Lil’Kim, Missy Elliott, Ciara ou encore Nicki Minaj excitent son ouïe. Elles sont toutes devenues ses copines. « J’aime tout ce qui est américain, mais je préfère l’Amérique du ghetto». Le ghetto, le créateur en est désormais loin, mais brandit malgré tout des idéaux démocratiques. À l’automne 2009, le couturier lançait Redux, une ligne Givenchy bis aux prix plus doux, puis, en septembre 2015, ouvrait son défilé au grand public, à New York, plus exactement à une centaine de chanceux ayant obtenu leur ticket d’entrée sur un site dédié.

La démarche est la même lorsqu’il collabore avec Nike. Celui qui, avant la gloire, économisait pour s’acheter des sneakers à virgule et possède aujourd’hui plus de 100 paires d’Air Force 1, a pensé des modèles exclusifs oscillant entre 230 et 340€. Cher, mais moitié moins que des sneakers griffées Givenchy. Fan absolu de la marque, le bonhomme réalisa là l’un de ses rêves, encore un : «C’est comme la Légion d’Honneur pour moi » (Vogue USA).

 

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On dit que la rue ne nous quitte jamais. Chez Riccardo Tisci, l’adage prend tout son sens. Il a beau lui avoir faussé compagnie, elle reste son alliée, son repère, voire son rempart. Elle lui est viscérale et magnifie son art. Paradoxalement, c’est sa sombreur qui l’éclaire. Et Givenchy n’a jamais été aussi lumineuse.

Chicago, troisième ville des Etats-Unis, lieu de tout les fantasmes pour les fans de hip-hop. C’est là que le photographe Jérémie Masuka choisi de se rendre pour capturer à sa manière une vie qui s’exprime entre le métal et le béton. 

« Carjack Chiraq,  je suis à Chiraq ! » Après des années de Kanye West, Jeremih, Twista et plus récemment Chief Keef et ses potes, l’envie de découvrir Chi-Town se faisait de plus en ressentir ! A force d’entendre Booba, Niska, Gradur… en parler, j’ai baissé les yeux, vu mes Air Jordan 1 à mes pieds et craqué…

Ma première impression en arrivant : « Un New York plus petit et beaucoup plus propre », loin des images du Chicago d’Al Capone, cette ville se révèle très agréable, culturellement et artistiquement très avancée. J’ai pu, grâce à Instagram, rencontrer un Chicagoan qui m’a emmené découvrir les vues en hauteur de la ville et qui m’a confirmé la réputation du Sud de la ville.

The Wind City, entre Gangsta rap et R’n’b, une ville à découvrir de toute urgence ! »

INSTAGRAM : @Jeremie_Masuka

Introduit au milieu d’1995 et de L’Entourage, Georgio n’est pourtant pas le side-kick des deux collectifs parisiens. Avec un projet par an réalisé depuis près de cinq années, la productivité du jeune rappeur est le signe d’une application singulière et d’un processus l’amenant au premier album mûrement travaillé. Entre états d’âme familiaux, ruptures, et faits divers parisiens, Bleu Noir est la production d’un artiste complexe qui veut s’affranchir des codes actuels de son genre et exporter son art vers d’autres univers musicaux.

On connaît ton affiliation avec 1995 et L’Entourage mais c’est un peu brouillon, peux-tu nous éclairer sur cette relation ?

On s’est rencontrés grâce au rap, et on a toujours roulé ensemble. Avec Lo’ on a sorti en 2013 le projet Soleil d’hiver dans lequel il a fait la totalité des productions. Grâce à ça j’ai fait la première partie du Palais des Sports de 1995, et (Fonky, ndlr) Flav’ m’a toujours plus ou moins managé. Donc ils ont toujours été là.

On sent une inspiration qui ressemble à celle de Nekfeu, surtout au niveau de ton parcours.

On vient de la même école des open-mics et  on a les mêmes influences pour une bonne partie. Après, sur le parcours c’est celui de presque tous les mecs qui vont péter aujourd’hui : énormément de clips, Internet, des EP… Un premier album c’est assez fort, il faut attendre le bon moment.

Tu as pris ton temps avant de le sortir cet album.

Je ne sais pas si c’est une chance ou pas, mais les personnes qui m’écoutent me découvrent petit à petit. Je n’ai jamais eu un clip ou un projet avec un énorme buzz en million de vues et que tout le monde connaît. Ça c’est l’autoroute, moi j’emprunte des vrais chemins de forêt. Mais on monte. Dans le fait de sortir tard il y’a aussi le parti-pris d’être mûr artistiquement pour mon premier album, d’avoir des choses à dire et d’être capable de les assumer, même dans 10 ans. Au moment de l’EP À L’abri, je me suis posé la question de l’album, mais j’avais envie d’attendre le bon moment pour qu’il soit écouté par le plus grand nombre. Si j’avais eu plus de buzz, est ce que je l’aurais sorti avant ? Je ne sais pas, mais je ne regrette pas, je crois que je l’ai fait au bon moment.

Le temps que tu as mis pour faire ce premier album renforce l’estime que tu portes à ce  premier album.

Je crois que c’est assez instinctif comme sensation. Après l’EP, je savais que le prochain projet serait mon premier album. Avant, j’écrivais tout le temps parce que je savais que je progressais, je ne jetais pas beaucoup. Aujourd’hui, je jette énormément, plus de la moitié de ce que je fais. Quand ça me plaît, je garde, et je fais mes morceaux comme ça. C’est très instinctif. Une fois que j’ai fini un morceau je le modifie très rarement mais en amont je fais en sorte de peser chaque mot, chaque virgule, chaque prise de voix, chaque intonation. Je veux que ce soit bien taffé, ne rien regretter. Mais pour moi le premier album est comme un coup de poing sur la table que donnerait un gamin pour s’affirmer. Un premier album quand ça sort, c’est tamponné à tout jamais. Donc il fallait que j’en sois fier à 100%.

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Dans Bleu Noir tu disais « ne pas vouloir être oublié », c’est la raison pour laquelle tu as été si productif avant cet album ?

C’est dur aujourd’hui : si tu ne sors rien pendant deux ans les gens te zappent.  Dans mon esprit, il fallait « battre le fer tant qu’il est chaud », mais comme j’étais dans un processus d’écriture et de concert avec notre tournée de 20 dates et pas mal de festivals cet été, forcément ça donne envie d’aboutir de nouveaux projets pour faire de la scène, rencontrer ceux qui t’écoutent…
Forcément, cette crainte existe, mais je n’y pense pas trop, et ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai enregistré l’album de suite.

Tu joues beaucoup sur l’interaction avec les réseaux sociaux, ton album est financé par un concept participatif… Être « connecté » constitue une étape indispensable pour toi aujourd’hui ?

J’avais laissé le choix des instrus sur le projet Nouveau Souffle, ça me permettait de voir qui me soutenait et ce qu’ils avaient envie d’entendre de moi. Pour l’album, je ne voulais pas trop que le public s’immisce dans l’artistique. Je ne sais pas si c’est une généralité, mais beaucoup de mes projets se sont construits sur Internet après Nouveau Souffle. Les personnes qui m’écoutent font tourner à d’autres personnes, qui ensuite font tourner, et ça fonctionne comme ça. Je ne suis pas dupe, si j’en suis là c’est en grande partie grâce à Internet. C’est pour ça que je trouve important de faire des projets gratuits ou d’essayer de répondre un maximum aux personnes sur Twitter, ou même de tenir un journal de bord, comme des making-of sur ce qu’il se passe en tournée ou en studio. Finalement, on a la chance d’avoir ces outils à notre disposition donc pourquoi s’en priver?

« C’est dur aujourd’hui : si tu ne sors rien pendant deux ans les gens te zappent. »

Cette facette d’indépendant, c’est celle qui te convient le mieux ?

On a fait plein de rendez-vous avec les labels. Un premier où ils veulent voir seulement ton manager, dans celui d’après ils veulent te voir, puis te revoir dans le troisième, et ils te sortent un contrat. Le truc c’est que tu as l’impression que personne ne veut sortir de contrat en premier, ils attendent de voir la proposition d’un autre label. Au final, ils te font attendre et tu te rends compte qu’ils ne te feraient pas ça si tu étais vraiment leur priorité. Et là ils nous faisaient galérer. Pendant la promo de l’EP, j’ai rencontré le créateur de Kiss Kiss Bank Bank, et on s’est dit qu’on allait financer l’album comme ça. On a aussi lancé une opération sur Instagram avec un hashtag et récupéré 70 photos de fans qu’on a intégré dans le CD. On fonctionne depuis longtemps avec ceux qui me supportent et on a continué sur l’album. L’histoire est plus forte, on reste indépendant, et on reste impliqué à 100%.

Pour le deuxième album,  tu comptes procéder de la même façon ?

Non, c’est trop éprouvant de tout gérer, avec Laura, mon attaché de presse et Flav’, mon manager. On est une petite équipe et mis à part la distribution, on a fait tous les corps de métier que tu peux avoir dans un gros label. Il faudrait avoir plus de moyens, plus de temps… Donc pour le deuxième album, on fera différemment, je ne sais pas encore comment.

 

« Les labels veulent un premier rendez-vous avec ton manager, puis veulent te voir et te revoir dans le second et le troisième, et disent qu’ils te sortent un contrat. Le truc c’est que tu as l’impression que personne ne veut sortir de contrat en premier, parce que l’autre label fera mieux. »

Peut-on percevoir Bleu Noir comme un album varié voire de variété dans tes thèmes, tes instrus et l’atmosphère générale ?

Le but n’était pas de classer ma musique, mais oui, dans  « Dépression » ce n’est pas vraiment du chant, ce n’est pas du rap non plus, c’est un style entre les deux. Je trouve que ce morceau représente vraiment Georgio, ce n’est pas un type prédéfini. Dans une interview on me demandait si dans certains refrains j’avais chanté parce qu’aujourd’hui le rappeur doit chanter pour que ça marche et j’ai répondu que c’était l’inverse. Si je chante c’est pour sortir totalement du rap car j’avais envie de m’ouvrir à plus de musicalité, plus de mélodie. C’est pour ça qu’il y a des instrus comme celle de « Malik » ou des refrains comme dans « Rêveur », mais ça n’empêche pas d’avoir des couplets très rap, comme sur « 6 Avril 93 ». J’ai déjà écrit des chansons qui n’ont rien à voir, genre variété ou chanson française mais ce qui me plaît le plus quand j’écris, c’est le flow. Pouvoir lancer des grandes phrases avec beaucoup de mots, beaucoup de rimes tout en exprimant ce que j’ai envie de faire. Du coup le rap, c’est ce qui me plaît le plus, c’est des cris de rage, des cris du cœur, il n’y a que le rap qui te permet de faire ça. Le prochain album sera un album très rap, dans ce sens-là, mais ce sera aussi ouvert à d’autres styles.

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Tu disais récemment ne plus écouter de rap. Est-ce une manière de ne pas être influencé pendant ta phase de création ?

Je ne pense pas, j’ai toujours écouté plus que du rap français. J’ai dit que j’écoutais peu de rap mais par exemple l’album de Nekfeu je l’ai beaucoup écouté, mais le projet que j’ai le plus écouté l’année dernière était une tape de Sadek qui est vachement trap, mais où je kiffe vraiment comment il rappe. J’écoute pleins de trucs qui m’influencent, pas du tout dans mon style de rap, le dernier truc que j’ai écouté c’est l’album d’SCH, nos musiques ne se croisent pas du tout. Il n’y a pas beaucoup de trucs qui sortent du lot qui m’ont mis des grosses claques en rap.

Toute cette partie après « 6 avril 93 », est une chanson très entraînante. On est dans du rap « entertainement » avec des sujets toujours profonds. Et le début et la fin de l’album sont très sombres, c’est plus toi, celui qu’on avait l’habitude de voir. Est-ce que c’est une couleur que tu as voulu ajouter pour plaire un peu plus, ou t’ouvrir à d’autres univers ?

Oui. Mais en plus il ne fallait pas que ce soit trop sombre. C’est dans les moments les plus noirs que j’écris le plus et que j’ai le plus de facilité à le faire. Mais c’est un peu étouffant, donc il ne fallait pas que de ça. Il fallait de l’espoir, il fallait d’autres couleurs. C’était important pour respirer et puis sinon, ça n’aurait pas été honnête pour moi-même de faire un truc trop sombre. Aussi parce que j’avais envie de pouvoir chanter, raconter d’autres choses… Mon premier album, c’est aussi le moment de parler aux miens, d’écrire certains morceaux sous forme de lettres, comme « Rêveur » pour mon petit frère, ou « La Celle Saint-Cloud » pour ma grand-mère. Même si « Rêveur » partait d’une frustration et d’un sentiment de colère, parce qu’il n’avait pas été pris à un match. Finalement la chanson est positive parce que, quand je parle à mon frère, j’en ai rien à foutre de lui dire « Je suis en colère contre ton entraîneur ». J’avais juste envie de lui dire « Continue de te battre, joue à fond et crois en toi. »

 

« Il y a aussi cette phrase : ‘La police nous protège, mais qui nous protège de la police ?’ Elle résume l’insécurité à l’état pur et le problème de Makomé, qui pour des histoires de cigarettes se retrouve en garde à vue avec un flic un peu bourré qui joue avec son flingue et qui lui met une balle dans la tête. »

Sur « Malik » et « 6 avril 93 », tu pars d’un fait d’actualité, et tu l’intègres dans une histoire personnelle. « Malik » est un fait divers arrivé dans le 18ème, où tu te mets en scène en tant qu’observateur en intégrant des scènes de ta propre vie.

C’est parce que ce fait divers moi je ne l’ai pas vécu, on me l’a raconté. Après je me suis mis dedans et j’en ai fait une chanson, parce que quand j’écris, je le fais souvent à la première personne. Donc c’était beaucoup plus facile pour moi de rentrer dans l’histoire pour la raconter justement. Même si du coup, c’est une fausse histoire. Et je trouvais ça intéressant d’ajouter des faits de ma vie d’ado à ce fait divers pour en faire un vrai morceau. En faisant « Malik » et « 6 avril 93 » je n’avais pas calculé le fait d’additionner deux réalités qui en faisaient une nouvelle. Je n’avais pas perçu ce point de vue. A la base « 6 avril 93 » était un morceau sur l’insécurité. Le truc était de raconter comment je perçois l’insécurité et pour le refrain et pour le titre du morceau, je voulais un fait marquant qui démontre toute l’insécurité qu’il pouvait y avoir, ce qu’on considère comme un fait divers mais qu’on peut aussi considérer, mine de rien, comme un fait marquant, parce que ça a inspiré le film « La Haine » et que ça a créé de vrais émeutes à l’époque.

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Ce fait m’avait vachement touché parce que je m’étais retrouvé dans le 18ème, sur le lieu des faits. J’avais sans doute voulu écrire un truc dessus à l’époque et puis j’avais zappé. Et j’ai regardé un documentaire qui était sorti pour les dix ans en 2015 et que j’ai chopé sur YouTube, avec des interviews de Kassovitz et de Cassel. Ils reparlaient de cette histoire. Il y a aussi cette phrase : « La police nous protège, mais qui nous protège de la police. » Et finalement celle résume l’insécurité à l’état pur et le problème de Makomé, qui pour des histoires de cigarettes se retrouve en garde à vue avec un flic un peu bourré qui joue avec son flingue et qui lui met une balle dans la tête. Du coup je trouvais que c’était un fait intéressant pour marquer l’insécurité et puis en même temps c’était lié au 18ème, mon arrondissement. C’était aussi lié au film « La Haine » qui est aussi relié au hip-hop avec sa B.O. En fait tout mes mondes se rejoignaient avec ce fait de vie. Une fois que j’avais ce morceau sur l’insécurité, je voulais que la base du refrain, ce soit Makomé. Et puis finalement, pour moi qui écoute énormément de rap, ce n’est pas une personne dont on a beaucoup parlé. Il a été totalement oublié alors que, putain, ça représente quelque chose. Après, il n’y a pas à en faire des héros, des oubliés ou quoi que ce soit, mais en comparaison à Zyed et Bouna dont tout le monde a énormément parlé dans le rap français, ce mec-là a été totalement oublié alors qu’il a souffert et que son histoire est aussi un témoignage d’une certaine violence de la police dans les quartiers à une époque. C’était aussi le moment d’avoir une petite pensée.

Dans les morceaux « La Celle Saint­ Cloud » et  « Des mots durs sur des bouts de papier », il n’y a plus de pudeur, on retrouve une forme de fragilité, tu exposes ta vie privée sans filtre et avec des mots brutaux. Ce sont des faits réels ?

Oui je ne raconte que des choses vraies. Rien n’est faux dans ce morceau. Au moment où je l’ai enregistré j’étais avec des potes, je faisais des blagues à la con… Si j’enregistre ce morceau c’est que j’ai déjà fait le deuil de tous ce dont je vais parler. C’est du passé et ça ne me touche plus. Je ne suis plus à fleur de peau sur ces histoires. C’est un morceau qui a d’ailleurs été écrit en plusieurs étapes. C’est plusieurs grosses souffrances qui y sont retranscrites. Au moment où je l’ai écrit, ça me soulageait tellement d’écrire que c’est comme si je faisais abstraction de tout ce qui m’entoure. Mais en même temps j’étais super en colère parce que le fait d’écrire m’a fait repenser à toutes ces souffrances. Écrire te permet de te vider la tête. C’est un peu comme une méditation. Une fois que tu as écrit un titre comme ça, tu souffles un grand coup et tu retrouves la vie. Ça m’a fait tellement de bien d’écrire ce texte-là que j’ai voulu tout de suite l’enregistrer. Je savais que ce titre allait être l’outro de l’album. Je ne pouvais plus rapper de morceaux forts comme « La Celle Saint Cloud » après lui. J’aime beaucoup parler des gens qui m’entourent dans mes morceaux donc j’ai voulu parler de ma copine avec qui je suis depuis des années dans « Des mots durs sur des bouts de papier ». Ce morceau est fort. C’est un titre qui donne de l’espoir. A mon avis je ne l’aurais pas enregistré si je ne me sentais pas mieux et que je n’avais pas plus d’espoir qu’au moment où je l’ai écrit. Le fait qu’il y ait de l’espoir signifie que j’ai foi en la morale, en la vie et donc du coup ça m’a permis de me libérer.

« Dans une interview on me demandait si dans certains refrains j’avais chanté parce qu’aujourd’hui le rappeur doit chanter pour que ça marche. J’ai répondu que c’était l’inverse :  si je chante c’est pour sortir totalement du rap et parce que j’avais envie de m’ouvrir à plus de musicalité, plus de mélodies. »

Tu te rends compte que pour un jeune homme de 22 ans, ça fait beaucoup de douleur, de souffrance.

C’est vraiment dans les moments où je ne me sens pas bien que j’arrive à écrire. Je trouve que l’album me ressemble beaucoup mais il aurait pu avoir beaucoup plus de morceaux “joyeux”. Finalement quand je suis bien je n’arrive pas forcément à écrire. Le contraste ne me représente pas forcément entièrement. C’est vrai que je suis très mélancolique, je ne vais pas m’en cacher. Il y a une phase de je ne sais plus quel rappeur qui dit « t’es vide comme un ciel bleu ». Pour moi ça veut tout dire. Quand t’es trop heureux qu’est ce que t’as à raconter ? Je pourrai faire un story­telling un peu golri mais bon…

Être positif n’est pas forcement être vide de sens.

Bien sûr ! Je crois que Bleu Noir comporte beaucoup de tristesse mais reste un album positif. « La Celle Saint Cloud » est une lettre d’amour à ma grand mère, « Des mots durs sur des bouts de papier » c’est finalement dire à ma copine que je crois en la vie, « Rêveur » c’est un morceau sur les rêves, « Appelle à la révolte » c’est du kickage et un hymne à la révolution. Il y a quand même de l’espoir, même les « Anges déchus » c’est un morceau qui touche les miens.

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Sur cet album il y a beaucoup de dépression, d’amour violent, de solitude… Pourquoi tu t’attardes autant sur ces mauvais sentiments ?

Ça fait longtemps que je baigne dans la dépression. J’étais déjà en début de dépression à 16 piges mais je m’en suit rendu compte bien plus tard. A l’époque, je ne savais pas ce que c’était. Je ne voulais plus aller en cours, j’étais vachement seul mais je me plaît dans cette solitude. Ça fait partie de moi. Je n’aime pas sortir tous les soirs, je n’ai pas forcément envie de voir du monde. Depuis que j’ai 16 ans j’ai des vagues de dépressions que je ne contrôle pas et où j’ai plus envie de m’isoler. Ça me représente et en même temps ça me bouffe tellement que j’avais envie de faire un morceau seulement là-dessus et c’est pour ça qu’il y a des morceaux comme « Dépressions » ou « Rose Noire ». « Rose Noire » c’était une manière de parler d’amour mais d’une autre façon, d’une manière un peu moins stupide que « ah je t’aime, la vie est belle ». Les ruptures amoureuses ça existent et quand tu es amoureux tu en chies grave. Je l’ai déjà vécu avec ma copine et j’avais envie d’en faire un morceau. Quand tu te sépares de ta meuf, tes potes ont toujours un tas de conseil à te donner pour aller mieux et tu te dis  » je sais mais ta gueule ça marche pas ». Une fois que tout va mieux et que tu dis à ton pote les mêmes trucs qu’il t’a dit parce que tu sais que c’est la solution, c’est lui qui ne le vit pas comme ça. Ce morceau je l’ai écrit pour exprimer ça, ce moment où tu penses que rien ne va t’aider.

Finalement l’album est plus noir que bleu…

Même sur la pochette le bleu est assez sombre (rires).

 

« Ça fait longtemps que je baigne dans la dépression. J’étais déjà en début de dépression à 16 piges mais je m’en suis rendu compte bien plus tard. A l’époque, je ne savais pas ce que c’était. Je ne voulais plus aller en cours, j’étais vachement seul. Mais je me plaît dans cette solitude. Ça fait partie de moi. »

Dans « Héros » tu dis que tu as peur de l’échec du premier album. Si cela arrive qu’est­ ce que ça changerait pour toi  ?

Je ne suis plus dans ce cas-là vu que l’album a bien marché. J’ai toujours dit sur les premières interviews que sur 1 an j’aurai aimé vendre 10 000 albums et là on va y arriver donc l’objectif est rempli. Si ça n’avait pas marché, j’aurais tout donné sur le deuxième album. J’aurai fait mon album comme je le sens en me disant que de toute façon il fallait que je m’investisse à fond en espérant que ça marche. Mais si après le deuxième album ça n’avait toujours toujours pas décollé, j’aurai peut-être commencé à penser à autre chose. J’ai fait plein de boulots en intérim, des boulots de merdes… Je n’ai pas peur de repasser mon bac en candidat libre, de reprendre des études ou d’aller trouver un boulot. Ça ne me fait pas peur mais je n’en ai pas envie du tout. Si à un moment ça ne marche pas, il faudra se faire à l’évidence. Du coup j’avais peur de ça. Mais avec cet album, je pars un peu plus confiant pour en faire un deuxième avec l’objectif d’en vendre encore plus. Je vais faire une grosse tournée bientôt donc pas de soucis niveau argent. En même temps c’est dur quand tu travaille un an sur ton projet en espérant que ça marche et que tu te casses la gueule c’est pas facile de se regarder dans un miroir après ça et de se dire t’as foiré. J’avais un peu peur de ça.

Inconsciemment il y a peut-être une reconversion qui pourrait te convenir. Tu as récemment dit que tu souhaitais écrire pour les autres…

Aujourd’hui c’est très rare les ghostwriters dans le rap français. Et c’est dur d’écrire pour quelqu’un d’autres parce qu’ils ont déjà leur cercle de paroliers et rentrer dedans n’est pas facile. C’est une situation un peu bâtarde parce que si ta musique ne marche pas, tes textes ne vont intéresser personne. Alors que si demain tu as un disque d’or et que tu vas voir un éditeur en lui disant “J’ai une chanson qui pourrait plaire à untel », ce sera forcément plus facile. C’est un cercle vicieux dans lequel je n’ai pas eu beaucoup d’expérience. Mais ça reste quelque chose qui m’intéresse.

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Tu es un peu dans la lignée d’un Oxmo dans le sens où tu arrives à créer des passerelles entre différents genres musicaux.

Mon but c’est que le plus de personnes me connaissent et aiment ce que je fais. Je pense que ça peut marcher. Je crois vraiment en ma musique, sinon j’aurai déjà arrêté. Je pense que même un public purement rap, s’il prend le temps de vraiment écouter le projet, peut s’y retrouver. Le problème c’est qu’avec la scène actuelle, un petit de 15 ans qui commence vraiment à découvrir le rap risque de ne pas aimer parce que ça ne correspond pas à la vibe actuelle, mais moi je crois que si tu pousses et que tu cherche à mieux me connaître, ça peut te plaire.

Photos : Melo

Photos concert : Kevin Jordan

Booba l’annonçait il y a maintenant quelques mois lors de notre interview, OKLM.com se décline maintenant en appli radio. Une nouvelle aventure au succès certain que YARD rejoindra un samedi sur deux, à 22 heures, pour un mix d’une heure.

Enregistré dans le basement des bureaux de YARD, vous retrouverez à chaque mix une sélection hip-hop, us, français, trap, oldies, classiques, rnb… faite par Kyu St33d.

 

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Après plusieurs mois d’attentes, une date de sortie a été annoncé pour la OVO x Air Jordan 10 Black. La sneaker sortira le 13 février, en plein All Star Game à Toronto. Une décision surement à l’initiative de Drake, ambassadeur de la franchise canadienne.  Plusieurs exemplaires avaient déjà été mis en vente au OVO pop-up store de Los Angeles plus tôt en 2015.

La OVO x Air Jordan 10 « Black » coûtera 225$, un prix qui va sans aucun doute grimper  sur Ebay et autres site de revente. En 2015, la Air Jordan 10 se vendait à plus de 8000$ sur ebay.

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Seulement six petits mois après avoir sorti son deuxième album, Dreams Worth More Than Money, Meek Mill revient avec un tout  nouveau projet : la série d’EP 4-4. Le rappeur fragilisé, par la presse people et les leggings saturés de madame, reprend le chemin des bacs. Dans son dernier opus, l’artiste avait cherché à ouvrir son champ d’exploration artistique à des accents r’n’b et cloud rap. 4-4 réconcilie avec la base. La pochette minimaliste sur fond noir avec l’inscription de lettre romaine trempée dans du sang (ou peut-être seulement dans de la peinture) installe l’ambiance. Huit morceaux de rap pur jus marqué par son flow explosif, parfois un poil criard, sur des productions tantôt dignes d’un film de Tim Burton (« Pray For Em »), d’une trap façon Maybach Music (« FBH ») et d’une orthodoxie hip-hop des années 90 nous ramenant pas trop loin du pont de Queensboro (« War Pain »).

Sans fioriture mais aussi sans prises de risques, le rappeur Philadelphie continue à s’ancrer dans ce qu’il nomme lui-même la rue, dont il s’érige comme l’étendard en introduisant « Give Em Hope » : « Let them niggas have the Grammys, we got the Streets / We rich already and my chick the baddest / This Rollie like my trophy, young nigga » (Laisse ces négros avoir les Grammys, nous on a la Rue / Nous sommes déjà riches et ma meuf est la plus terrible / Cette Rolex c’est mon trophée, jeune négro). Une espèce d’anti-Drake contre qui il ne cesse de régler ses comptes… Mais est-ce vraiment important ?

La cover de « Cuzznz » – terme phonétique retravaillé qualifiant leur lien de parenté – montre un Snoop aux dents longues avant sa période permanente, pendentif «cannabis » au cou et un jeune Daz expirant la fumée de son oinj, snap Dogg Pound sur le crane. Une représentation que l’on voit comme un signe de retour aux sources pour les deux cousins à l’histoire tumultueuse, entre succès, beefs et réconciliation. Si la réunion de famille laisse place à beaucoup d’espoir, on est vite rattrapé par une dure réalité. Dès les premières notes, on se rappelle que le Dogg a depuis longtemps été piqué par son vétérinaire, laissant place depuis un longtemps à un cabot beaucoup moins vigoureux, et bien trop présent sur les 14 titres du projet. Le tout pas non plus aidé par les productions peu inspirées d’un Daz Dillinger, venant d’un ancien apprenti de Dr. Dre et compositeur par le passé de classiques comme « 2 Of Amerikaz Most Wanted », « I Ain’t Mad At Cha » pour 2 Pac. La nostalgie a parfois du bon, notamment quand Kurupt vient squatter la niche sur quelques morceaux, « Dic Walk » et « N My Life Tyme » notamment,  dans un semblant de reformation du légendaire DPGC. Qu’on ne s’y trompe pas, « Cuzznz » n’est pas un album hip hop, mais clairement orienté G-Funk. Dans la lignée des dernières productions de Snoop tels que «Bush » ou « 7 days of Funk », on est dans le registre de la « feel good music ». Et si l’on sent que les deux véterans ont pris plaisir à faire ce projet, celui-ci n’est pas malheureusement pas forcément partagé. A conseiller aux nostalgiques de la vielle West Coast et les inconditionnels des samples et des synthés caractéristiques du style Gangsta Funk.

Future est un pâtissier. Passé maître dans l’art de la cooking dance et de la trap music, il mélange les ingrédients – basses vrombissantes, flow saccadés et rebondissants, refrains entêtants, lyrics mélancoliques, égotrip – avec minutie, connaît les doses exactes, et nous rassasie à chaque dégustation. Chacun de ses projets est une gourmandise et Purple Reign n’y échappe guère. Confectionnée par l’artiste et son comparse DJ Esco, la mixtape est un plat de chouquettes.

Quinze titres soit quinze perles tendres et sucrées, saupoudrées de l’ingrédient magique : la touche prodigieuse de Metro Boomin. Tantôt croquantes et édulcorées à l’image des bangers « Salute » et « Inside the Matress » dont la saveur surprend dès la première bouchée, parfois élastiques et charnues tels « Wicked » ou « Bye Bye » dont la mastication plus soutenue en révèle le goût et la profondeur, voire moelleuses et onctueuses comme « Drippin How U Luv That », « Perkys Calling » ou encore « Purple Reign » dont la douceur délicate nourrit le palais d’un velouté suave… D’aucun diront que Future, après 56 nights & What A Time To Be Alive, ressert la même substance pâteuse et insipide une fois encore. Concédons-leur ceci : chaque piste est semblable à la précédente dans sa structure certes, mais unique dans son contenu. Unique pour satisfaire la soif de nouveauté du consommateur, et semblable aux autres pour le rassurer sur la nature de ce qu’il consomme – un track pour bouncer, dabber ou simplement agiter la tête. Et comme le rappelait Muriel Barbery : “La question, ce n’est pas de manger [mais] de savoir pourquoi. « Au nom du Trap God, du fils, et de la chouquette. Amen.

« Reçu un email plein de beats de mon pote @dreday3000, j’en ai sélectionné 6 à 17h et j’ai tout finalisé à 21h … Actuellement en studio à les mixer pour pouvoir les sortir demain ». Le post Instagram de Curren$y pouvait sembler prétentieux, l’objectif trop gros. Pourtant, 24 heures plus tard, le 19 janvier, le ponte du « stoner rap » livrait bien « The Owners Manual », quelques semaines seulement après son album « Canal Street Confidential ». Boulimique, le néo-orléanais enquille les projets à un rythme excessif. Le surmenage guette mais la came est toujours bonne.

Une contre-plongée serrée sur une « flying lady » argent, déployant ses ailes à la proue d’une Rolls-Royce, au-dessus du logo au double « R », et un hasthtag, #sorryforthewraith, clin d’œil à l’ex-compère de YMCMB mais surtout au coupé de luxe à 400k de l’automobiliste britannique ; la jaquette annonce la couleur. « The Owners Manual » est calibré pour une ride en grosse cylindrée. Moelleuse comme un fauteuil de berline, souple comme la conduite d’une sportive, la nouvelle mixtape de Curren$y se veut raffinée et impeccable. Les productions aux vapeurs soul, toutes signées Cool & Dre, sont chill et planantes, le flow flegmatique et coulant. Les deux derniers des six titres, « Forecast » et « Mallory Knox », plus expérimentaux et un poil plus énergiques, se distinguent, eux, de la masse onctueuse. Ça cause voitures et weed, ça glisse comme du velours et ça passe à une vitesse folle.

Spitta a prévu de saturer l’année 2016 ; son second opus à deux têtes avec The Alchemist, « The Carollton Heist », est d’ores et déjà bouclé.

« Dans mon programme j’élimine la sieste »… « Protocole ». Première piste. Enième vers. L’évocation de ces quelques lettres est beaucoup plus profonde qu’on ne le pense. Entre ces lignes, il faut se détacher de son sens premier, de la futilité en apparence, de la grammaire, pour tenter d’entrevoir la conscience intérieure de Monsieur Alph. Le temps avance sans attendre. Pour le rattraper, mieux vaut ne pas s’assoupir, « fini d’bailler », dormir est la tare absolue. Les frivolités sont tout autant synonymes de distractions, dès lors, même une femme aux cuisses bien gainées ne serait faire vaciller le Tour EiPhaal, et ce, malgré une passion évidente, « pas l’temps pour elle ». En filigrane de Alph Lauren II, le temps résonne. Plus Alph avance, plus il lui fait écho. Même si pour faire son entrée le pas n’est pas pressé, ses vers s’enrobent d’une élégante nonchalance, « Flingue est à la traîne ». Dans son Entourage, les disques d’or sont apparus. L’oseille. Le succès. De la matière à réfléchir, mais Alph est un garçon intelligent. Cloisonné dans « Vortex » spatio-temporelle, il rattrape le temps à force de « charbonnage », sans prendre des raccourcis mal sentis. Aucune impasse n’est faite sur sa plume « Ce grand mince ne s’branle pas mais il s’prend en main / J’ai les dents longues, j’suis pas Didier Deschamps ». Aucune impasse sur l’esthétique visuel (les clips de « 1,2,3 », « Lunettes Noires », la pochette). Aucune impasse sur la production. Brillamment choisie, elle oscille entre continuité (Hologram’ Lo, VM The Don) et modernité (Richie Beats). « A deux pas » du succès. Patience. Maintenant, passez à la caisse.

Difficile en effet de ne pas céder à la tentation de voir ★ comme un album testament.

Après une décennie de silence, la compilation Nothing has Changed en 2014 nous offrait une quarantaine de titres issus de l’ensemble de sa carrière. Comme un best of posthume, on sentait venir la fin.

Mais c’était sans compter la ténacité créative de la légende anglaise. Changeant de masque comme de son, l’homme aux mille visages était passé du rock au glam, en passant par le disco et le free jazz. Cette fois-ci il repousse encore un peu plus loin la frontière qui délimite l’ensemble de son œuvre, avec un album intime, riche et insaisissable. S’il choisit une formation jazz pour l’accompagner, Bowie ne veut pas donner d’étiquette à son album. Son producteur Tony Visconti explique l’influence majeure de To Pimp a Butterfly : « Nous aimions l’état d’esprit de Kendrick Lamar qui n’a pas fait un album de Hip Hop au sens strict ». Ainsi s’explique ce son inclassable, alternant les références musicales contradictoires et brouillant les pistes entre passé, présent et futur. La présence tourmentée et virtuose du saxophone tout au long de l’album est remarquable. Il avait découvert l’instrument avec son demi-frère Terry Burns à qui il vouait une grande admiration et qui s’était suicidé en 1985.

Mais la chanson « Lazarus » est sûrement la plus prophétique. Elle fait référence à Lazare de Béthanie, mort puis ressuscité quatre jours plus tard par Jésus selon la Bible. Dans les paroles, Bowie y annonce sa mort proche comme une libération…

Après avoir abreuvé son public de mixtapes au cours des années passées, Kevin Gates s’est enfin décidé à passer le cap du premier album avec Islah, nommé ainsi en l’honneur de sa fille. Un projet personnel donc, dans lequel le rappeur fait parler un sens de la mélodie qui n’est pas sans rappeler un certain Future, l’habileté vocale en plus. De fait, Kevin Gates alterne rap et chant comme il alterne les facettes de sa personnalité, aisément et sans restrictions, étant tantôt un hustler valeureux, tantôt un sentimental désabusé. Gates est vrai, il le laisse transparaître sans le marteler, et cela lui accorde la crédibilité pour s’ouvrir à l’auditeur sans perdre en cohérence. Quand il récite sa galère quotidienne, Kevin est sans détail. Brut, incisif, parfois rugueux, il moque les rappeurs jouant un rôle qui lui est taillé sur-mesure (« Really Really », « Thought I Heard », « La Familia »), et ne manque jamais de gratifier l’auditeur de wordplays bien sentis. Quand il se veut plus intimiste, le plaisir charnel semble parfois être confondu avec l’amour (« One Thing ») aboutissant sur des relations se révélant infructueuses, si ce n’est chaotiques. En dépit de quelques tentatives audacieuses (« Hard For » et ses riffs de guitare sèche) et d’une certaine régularité dans la performance, Kevin Gates peine toutefois à élever le niveau d’un album qui demeure dépourvu de véritable coup d’éclat et dont les structures des pistes deviennent parfois prévisible. Qu’à cela ne tienne, le louisianais n’a pas de quoi rougir : Islah est un beau bébé.

Date de sortie : 29 janvier 2016
Label : Bread Winners Association, Atlantic
Note : 6,5/10

Anti signe un tournant pour Rihanna qui après une série de sept albums sortis en sept années consécutives, a capitalisé sur son succès populaire à coup de renouvellement de genre et de métamorphoses acharnées. Pour Anti, l’artiste a pris son temps, quitte à laisser sa navy ronger son frein. Le résultat ? Plus que d’habitude, elle s’affirme dans ces choix et sait se faire le réceptacle des talents respectifs de James Fauntleroy, Travis Scott ou encore Glass John. Dans un ordre impeccable l’album passe de sonorité dancehall, aux ambiances de rodéo, du rnb, au pop rock, puis au doo wap pour finir sur des ballades. L’album démarre fort avec « Consideration » ft. SZA et faiblit dès « Never Ending » jusqu’à la fin des trois morceaux qui concluent l’album. Pour autant l’ensemble est consistant et pour la première fois, l’ensemble parait plus proche de ce qu’incarne Rihanna en tant que personnage public : l’indépendance et un charisme qui fait de ses choix souvent atypiques, de nouvelles tendances à suivre.

Anti est une prise de risque, modérée car réussie, timide puisqu’encore faible. Si le succès commercial n’est pas encore au rendez-vous, on souhaitera néanmoins à l’artiste de poursuivre encore plus loin dans cette voie.

« My sister used to sing to Whitney, We came up in a lonely castle, My mama caught the gambling bug, My papa was behind them bars, We never had to want for nothing, All we ever need is love. »

Dès la première minute d’écoute, le décor, le thème et le ton de l’album est posé. Toujours un peu en recul, Anderson Paak de son vrai nom, raconte ce qui l’entoure et retranscrit dans un tourbillon funk, pop rock et hip-hop les étapes qui ont jalonnées sa vie. Dans son parcours – des plus mouvementé – il a gardé le ton et l’optimisme communicatifs des pasteurs baptistes aux côtés de qui il jouait de la batterie chaque dimanche jusque récemment. C’est-à-dire au moins jusqu’au moment où il a croisé la route de Dr. Dre. Là sa chance et son talent opèrent et Andre le prend sous son aile, appose son nom sur pas moins de six morceaux de la tracklist de son dernier album et lui fait signer récemment un contrat sur son label Aftermath.

 

Depuis « Compton », toutes les attentes ce sont reporté sur Malibu, qui ne déçoit pas. Tel l’album de la consécration qu’il ambitionnait d’être, Malibu est un projet cohérent porté par un storytelling inspirant et une identité musicale qui ne se loupe pas. Rappeur, chanteur, batteur, compositeur, producteur, l’artiste touche à tout avec habileté, un véritable sens de la mélodie et une belle identité. Nul doute que cet opus consacre l’artiste au rang de nouvelle sensation cross-genre, aux multiples talents.

Sia remet le couvert avec un septième album intitulé « This is acting ». Un an et demi seulement après « 1000 Forms of Fear», la chanteuse nous propose 12 tracks inédits (+ 2 bonus). Connue pour dissimuler son identité sous ses perruques blondes, ce nouvel album est définitivement le prolongement de l’image mystérieuse que Sia s’est forgée. Pour cause, tous les titres de « This is acting » initialement destinés à d’autres artistes sont interprétés par Sia : « Alive » pour Adèle, « Footprints » pour Beyoncé ou « Birds Set Free » pour Rihanna par exemple. Cet album est donc une compilation de tous les vents que s’est pris l’australienne ces dernières années. C’est en se glissant sous la peau des artistes pour qui elle avait écrit qu’elle a interprété ses propres chansons. Par exemple, « Move your Body » où Sia emprunte littéralement l’identité vocale de Shakira.

Une fois accepté le délire schizophrénique de l’album, une question subsiste : Si toutes ces chansons ont été refusées, est ce que cet album est un échec ? La réponse est évidemment non. Fort de titres comme « Reaper » co-produit et co-écrit par Kanye West, « This is acting » est une machine à tubes. Les titres sont efficaces et sonnent pour la plupart comme du déjà entendu. Pas vraiment de surprise au programme : un air de piano qui va crescendo laisse place à la puissante voix de Sia ou des morceaux pop plus légers comme « Cheap Thrills ». L’exercice en devient presque trop facile. « This is acting » est clairement une fausse prise de risque. Il vient simplement confirmer la maitrise qu’a Sia de son image et de son univers. Il n’y a qu’à relever les 28 millions de vues que cumule déjà le titre « Alive » pour prédire le succès de cet album. Malheureusement, on regrette que l’originalité de « This is Acting » repose bien plus sur la forme de l’album que sur son fond.

En marge d’un premier show parisien donné à la Machine du Moulin Rouge, OG Maco a pris le temps de s’installer aux côtés de YARD dans l’un des multiples bars environnant le quartier. L’occasion pour le jeune artiste de revenir sur « U Guessed It », le hit qui lui a permis de se révéler à la fin de l’année 2014, mais aussi d’évoquer entre autres son goût pour le rock ainsi que la situation actuelle des Noirs aux Etats-Unis.

Photos : @lebougmelo

Au tout début de l’année, tu as sorti ta dernière mixtape, Lord Of Rage. Quels ont été les retours sur ce projet ?

Pour tout te dire, c’est assez incroyable. Depuis que Lord Of Rage est sorti, j’ai probablement fait deux ou trois concerts, pas plus. J’en ai fait un à Los Angeles, et même si je sais que beaucoup de gens me soutiennent là-bas, je n’étais pas vraiment sûr qu’ils allaient connaître les nouveaux sons en arrivant sur scène. Et finalement, dès le moment où le beat de « Sound Of Trumpet » a retenti, avec les cors et tout, le public est devenu complètement fou. Depuis, c’est pareil un peu partout. Hier encore, j’étais à Bordeaux, et une fois sur scène, il n’y avait pas un seul morceau qu’ils ne connaissaient pas. Donc je pense que j’ai de quoi en être fier.

Peux-tu nous raconter la genèse de ce projet ?

Si tu prends le temps de regarder ma carrière jusqu’à maintenant : il y a des sons comme « U Guessed It », qui est une sorte de rage maniaque, quelque chose de plus commun, des sons comme « FUCKEMX3 » où j’extériorise toute cette rage, puis il y a d’autres sons comme « Unleash The Kraken » ou « Mirror Mirror » qui constituent une extension de cet état d’esprit quelque peu anarchiste. Dans Lord Of Rage, on voulait se focaliser un peu sur un aspect. Je sors beaucoup de musique, j’ai certains titres qui sonnent presque comme de la pop, mais mes vrais fans, ils veulent la rock star qui est en moi. Donc on s’est essentiellement concentré sur l’envie de faire ressortir cet aspect de ma personnalité, tout le reste était secondaire. C’est ainsi que Lord Of Rage a été conçu.

Tu as explosé en 2014 avec « U Guessed It », un titre que tu as décris comme « le truc le plus stupide que tu n’aies jamais fait ». Qu’est-ce qui t’a initialement poussé à le sortir malgré tout ?

Parce que parfois, il ne s’agit pas de faire ce que tu veux faire, mais de faire ce que tu dois faire. Autour de moi, il y a beaucoup de gens qui rappent depuis 5 ou 6 ans mais qui ne parviennent pas à sortir d’Atlanta, ils sont là, bloqués. Et même si Atlanta est une grande ville, je savais que j’étais voué à accomplir quelque chose de plus grand encore. J’avais un million de manières d’atteindre mon but, mais je savais aussi que le moyen plus simple pour être un artiste respecté, c’était de faire un hit, quel qu’il soit. Même si je n’en avais pas forcément envie, je n’avais aucun doute sur ma capacité à le faire donc je l’ai fait.

« En réalité, j’étais déjà chaud avant ‘U Guessed It’, les gens n’étaient simplement pas en mesure de le comprendre donc je me suis abaissé à leur niveau. »

À un moment tu ne t’es pas dit que tu allais perdre le lien que tu avais construit avec le public qui te suivait ?

C’est exactement ce que j’ai pensé. Je n’ai jamais eu de doutes sur la musique que je faisais. J’écoute la musique au moins autant que je l’étudie et je sais qu’aujourd’hui, tout ce que le public veut c’est des hits. Parfois, j’ai juste envie de leur dire : « Merde, regardez ce qu’est devenu la musique. » Mais d’un autre côté, quand tu as besoin de faire de l’argent, tu te dois de donner au public ce qu’il attend, ou au moins ce dont il a besoin.

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On te sent tout de même déçu par rapport au public.

Carrément. Mais en réalité, j’ai surtout été déçu quand « U Guessed It » est sorti, parce qu’il était initialement sur Give Em Hell, une mixtape sur laquelle il y avait de biens meilleurs sons. Et pourtant, au cours de certains de mes concerts, beaucoup de gens ne voulaient entendre que  « U Guessed It », malgré le qu’il y ait pleins d’autres morceaux sortis avant ça. Pendant un moment, j’ai eu l’impression que j’allais rester « le mec qui a fait « U Guessed It » ». Même si la manière dont tout s’est déroulé m’a permis de monter plus vite que prévu, le public a complètement zappé le projet qui est resté réduit à ce morceau. Cette obsession autour d’un seul titre enlève quelque peu l’âme du travail qui a été effectué sur Give Em Hell.

Après, il faut que ce soit bien clair : le son en soit ne m’a pas dégoûté. Suite à ça, je suis arrivé avec d’autres projets, tel que Live Life 2 qui m’a carrément fait atterrir sur Rolling Stones. Et il n’y avait pas tant de Noirs que ça sur Rolling Stones à ce moment-là, il me semble que le seul autre Noir qui y était c’était Drake, qui a sorti sa mixtape quelques jours après la mienne. Je pense que c’est à ce moment-là que les gens ont réellement commencé à adhérer à mon univers et à se dire que « U Guessed It » n’était rien à côté de ce que je pouvais faire.

Justement, dans la foulée tu avais également sorti un projet qui s’appelait I Made This Shit Before U Guessed It. C’était un moyen de dire explicitement aux auditeurs que tu faisais déjà fait mieux avant ?

Oui, c’est exactement ça. Ce projet c’était juste une compilation hasardeuse de sons que je travaillais dans mon salon à la même période que « U Guessed It ». Les gens devaient se dire que je faisais pleins de conneries à cette époque et que « U Guessed It » en était juste une parmi tant d’autres, mais en réalité, je bossais sur un album que je produisais moi-même et qui était carrément bon. Entre temps, l’album en question s’est perdu, mais je voulais tout de même que les gens comprennent que « U Guessed It » était un son incroyablement banal et que je ne suis pas devenu chaud grâce à ça. En réalité, j’étais déjà chaud, les gens n’étaient simplement pas en mesure de le comprendre donc je me suis abaissé à leur niveau. C’est un peu le problème du public, il préfère quand les artistes se mettent à leur niveau plutôt que d’apprécier ce qu’ils sont réellement capables de faire.

En écoutant ta musique, j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de très bestial dans ta manière d’interpréter tes titres. D’où est-ce que ça te vient ?

Ça vient de mon environnement, de l’endroit où je vis. Tu sais, ça ne fait pas si longtemps que je suis une « star du rap ». Beaucoup de mes amis font de la musique depuis longtemps et ils sont toujours dedans sans forcément avoir cette chance. Aujourd’hui je rencontre un certain succès… Merde, je suis à Paris quoi, j’ai toutes les raisons du monde d’être complètement excité et heureux de ce qui m’arrive. Mais d’un autre côté, je sais que quand je vais quitter Paris, je vais rentrer chez moi. Et là, je verrais peut-être quelqu’un se faire tuer au coin de la rue. C’est comme ça que les choses se passent. Mais justement, je ne laisse jamais la haine que ce monde attise en moi obstruer ma vision des choses, au contraire je m’en sers. C’est précisément ça la « rage » qui est au centre de mon œuvre, j’ai envie de faire bouger les choses. J’en ai le pouvoir aujourd’hui.

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J’ai également appris que tu avais été membre d’un groupe de hard rock avant de faire du rap. Pourquoi avoir changé de genre ?

Avec quelques amis, dont mon actuel ingénieur du son, j’avais commencé à produire sur Reason 2.5 (un logiciel de composition, ndlr) un peu avant qu’il y ait cette période où tout le monde s’est mis à la production. Sauf que la plupart de mes potes étaient bien meilleurs compositeurs que moi, donc je leur ai dit : « Vous savez quoi ? Je ferai mieux d’être rappeur. » Puis le rap m’a quelque peu saoulé, donc j’ai arrêté d’en écouter pendant plusieurs années. Pendant ce temps, moi et mes potes avons décidé de créer un groupe, qu’on a appelé Dr. Doctor. On avait un guitariste de génie, talentueux au point de jouer de la guitare à 7 cordes aujourd’hui, mais il était un peu là pour sauver l’honneur. Le groupe s’est logiquement cassé la gueule quand il est parti. À cette époque, plutôt que de reprendre le rap, je me suis plutôt dit que j’allais essayer de faire de l’argent, mais malgré tout, je continuais à rapper seul de mon côté, à enregistrer, à freestyler. Et au bout d’un certain temps j’ai fini par prendre tout ça au sérieux.

Avec des rappeurs comme Travi$ Scott, Rome Fortune ou encore iLoveMakonnen, tu fais partie d’une nouvelle génération d’artistes dont l’image ne correspond pas forcément aux standards du hip-hop. D’après toi, qu’est-ce que cela apporte au mouvement ?

Pour commencer, j’estime qu’il y a deux types de personnes qui font ce que nous faisons. Il y a d’abord ceux qui sont réellement à l’origine d’un style ou d’un mouvement, et puis ceux qui l’ont adopté après qu’il ne soit popularisé et qui donnent l’impression d’en être à l’origine. Tu peux vouloir être en accord avec la culture, mais avant tout tu te dois d’être toi-même. Personnellement, je ne dirais pas que je ressemble à personne d’autre, mais la manière dont je me comporte et m’habille est le reflet de la manière dont je vis. C’est ce qui différencie les gens. Aujourd’hui, beaucoup de personnes ne savent pas réellement exprimer leur personnalité, du coup ils vont essayer de se donner une image pour finalement se perdre à essayer d’être quelqu’un d’autre. C’est ce qu’on essaye de montrer aux gens avec OGG, qui signifie « Orginality Gains Greatness » (l’Originalité Accroît la Grandeur). On essaye de prouver que si tu sais qui tu es, tu te dois de tirer le meilleur de ta propre personne. Parce qu’à chaque fois que tu essaieras de copier un style, il y aura toujours des gens qui seront meilleurs que toi, car d’une certaine manière, c’est eux qui t’auront construit.

« Merde, je suis à Paris quoi, j’ai toutes les raisons du monde d’être complètement excité et heureux de ce qui m’arrive. »

Récemment, on a vu Travi$ Scott porter des t-shirts Metallica, Kanye West & A$AP Rocky travailler avec Paul McCartney ou Rod Stewart, tandis que Rolling Stone te décrivait comme la « nouvelle rock star d’Atlanta ». As-tu l’impression que toutes ces petites choses contribuent doucement à refaire de la culture rock une culture noire ?

Oui parce que beaucoup de gens oublient que ce sont les Noirs qui ont été à l’origine du rock. Je peux te garantir que 99% des personnes au monde n’en ont aucune idée. Moi-même, j’ai écouté Black Sabbath comme un taré mais je sais aussi que tu avais des gars comme Chuck Berry. C’était un Noir, notre communauté a fait de grandes choses, tu vois ? Les gens font souvent la dissociation entre la musique et l’histoire, mais la musique va plus loin que le simple champ musical. Sans elle, les gens ne se connaissent pas eux-mêmes. On n’a peut-être pas forcément une grande histoire, mais ce qu’on a accomplit était carrément épique. Et les gens n’en ont même pas idée.

D’un autre côté, j’ai le sentiment que les personnalités noires ont toujours été des rockstars dans l’âme. Par exemple, les rappeurs font exactement ce que les rockstars font, il s’agit juste d’une autre manière de l’exprimer. Finalement, le monde adopte ce qui est en réalité un courant alternatif comme quelque chose de nouveau, les Noirs finissent par lui donner un nouveau nom et les Blancs kiffent. Mais quand tu regardes bien d’où le mouvement part, il y a toujours un moment où les choses prennent un autre tournant. Tu vas avoir une grande figure noire qui va être cool avec un blanc qui l’encourage, « Mec t’es chaud, on kiffe ce que tu fais », et là d’un coup ca va devenir un truc de Blancs. Si l’on arrêtait de tout dissocier et qu’on rappelait aux gens qu’on a bâti ces mouvements et qu’ils sont similaires, ils arrêteraient de parler de nous en tant que « rappeurs » alors qu’on se comporte comme des rockstars. Il s’agit de briser les stéréotypes. Moi j’ai vu des rappeurs, j’ai traîné avec des rappeurs et je sais que je n’en suis pas un. Certes, je rappe, mais j’ai le sentiment que cette culture est différente de ce que je fais.

En 2014, tu avais sorti l’EP Breathe, dans lequel tu abordes notamment la situation de la communauté noire aux États-Unis. C’était un besoin pour toi de t’adresser aux tiens à ce moment précis ?

J’étais en colère. Je me souviens, j’étais au studio, seul face à moi-même. Coach K est arrivé et m’a demandé ce que je faisais, je lui ai répondu que j’étais simplement énervé et que j’essayais d’extérioriser ça. Il me laisse faire comme je le sens et quand il revient, j’avais enregistré deux sons. En écoutant les titres, il m’a dit quelque chose comme : « Mec, qu’est-ce que c’est que ça ? » Je lui dis que c’est simplement mon ressenti du moment et il me répond qu’il faut absolument sortir les morceaux. Je lui dis « Ok, on n’a qu’à sortir ça dans deux mois » et il me fait « Non, je vais appeler Fader tout de suite, il faut sortir ça demain ! » C’était un projet très brut. Le New York Times s’y est intéressé, et ça a été un de mes premiers projets à faire beaucoup d’écoutes sur Spotify. Pour tout te dire, je pense que les auditeurs en avaient besoin. Les Noirs avaient besoin que quelqu’un s’indigne pour eux. La police nous tue tous les jours et sans raison en plus de ça. Quand tu vis dans un tel environnement, la seule chose que tu peux faire c’est exprimer tes sentiments. Je me souviens de vidéos que j’avais vu à Ferguson ainsi que dans d’autres endroits, où les gens faisaient des marches durant lesquelles ils jouaient ma musique, des titres comme « Riot » entre autres. C’est puissant.

« Il y a deux styles de rappeurs : ceux qui sont à l’origine d’un mouvement, et puis ceux qui l’ont adopté après qu’il ne soit popularisé et qui donnent l’impression d’en être à l’origine. »

J’ai pu remarquer la surprise de nombreux auditeurs suite à ce projet.

En effet, mais c’est encore une fois parce que pendant un certain temps, on me voyait comme le mec qui a fait « U Guessed It ». Donc quand j’ai commencé à sortir régulièrement des projets qui étaient réellement chauds, pour le coup, les gens ont commencé à me voir comme une menace. Ils voulaient que je me foire parce qu’ils ont vu qu’une fois lancé, j’étais devenu incontrôlable. Mais je suis là désormais, et je continue d’avancer.

Tu voulais montrer une autre facette de ton talent avec ce projet ?

J’en avais rien à foutre de la question du talent. Pas avec Breathe en tout cas. Ça m’importait peu d’être le rappeur le plus technique, je me suis juste dit que si je devais en parler, il fallait que je le fasse spontanément. Et il s’avère que je sais rapper, donc c’est sorti tel quel. Mais si tu écoutes bien le projet, tu noteras que je suis limite en train de parler sur les morceaux, le beat est clairement secondaire, comme une sorte d’habillage sonore.

Tu viens d’Atlanta, qui fait depuis quelques années office de place forte du hip-hop américain. Comment expliques-tu le fait que la scène locale soit si diversifiée, mais parvienne tout de même à conserver une identité sonore très reconnaissable ?

On a les mêmes bases. On essaie tous de s’en distinguer mais d’un côté, tu as ceux qui viennent sans cesse prendre des éléments auprès des autres. Tu as une personne qui en copie une autre, qui en copie une autre et ainsi de suite, mais aucun d’entre eux ne veulent faire partie du même mouvement. Et quand c’est le cas, tout à l’air très faux. Au final, tu as toute une vague d’artistes qui essayent de réinventer une meilleure version du style d’origine avec la volonté d’être au-dessus de tous les autres. C’est un bon esprit de compétition. Les artistes prennent l’inspiration à la source, définissent leur propre version de la musique et partent conquérir le monde avec.

Tu es signé sur Quality Control, le label de Coach K, qui est célèbre pour avoir révelé Gucci Mane et Young Jeezy. Dans quelle mesure t’aide t-il dans ta carrière ?

Je ne suis pas un artiste qui se limite à l’interprétation en ignorant tout ce qui se passe autour. Je ne me fais pas « macro-manager », il n’y a pas une personne qui me dit quelles productions choisir, comment rapper sur tel ou tel morceau… Récemment, je me souviens que Coach K a ouvert une bouteille de vin de 40 ans d’âge, j’étais complètement bourré et il m’a poussé à enregistrer dans cet état là à base de « Mec, t’es défoncé, va enregistrer ». J’ai fini par l’écouter et ça a aboutit sur « Do What It Do » qui a rendu les gens complètement fous, donc big up à lui. Au-delà de cette capacité à me motiver, je pense qu’on se comprend bien : lui a bâti la trap, et moi-même j’essaye de bâtir quelque chose de nouveau.

Ton premier album studio, Children Of The Rage est attendu pour cette année. Que peut-on attendre de cet album ?

L’album est juste incroyable. C’est ce que je dis à tout le monde et j’ai juste hâte que les gens puissent l’écouter et vérifier par eux-mêmes. Il est assez dur à décrire, c’est un projet dont je suis très fier et dont je sais qu’il est d’un genre nouveau. Il y a tout dedans, du rap, du rock, un petit peu de pop et même un titre plus soul à la Ne-Yo (rires). Je n’ai pas réellement souhaité faire de featurings dessus, il y a juste mes gars et peut-être un morceau avec Quavo. Tout le reste c’est moi. Au niveau de la production, hormis une piste de The Neighbourhood et une autre de Childish Major, tout a été fait-maison par mes gars : Pablo Dylan, Phresh Produce et Talk is Cheap. L’album est carrément fantastique.

Tu as été particulièrement productif au cours des deux dernières années. À l’heure où les auditeurs consomment la musique très vite, n’as-tu pas peur que le public soit lassé avant même la sortie de l’album ?

Ça ne me gène pas de prendre ce risque, mais pour moi ce n’est pas le réel souci. Je pense effectivement que trop de musiques sortent ces dernières années mais d’un côté, regarde Young Thug par exemple : il reste l’excellent, non ? Pourquoi est-il déjà en train de bosser sur Slime Season 3 ? Simplement parce que les gens lui demandent et qu’il est en mesure de le faire. Si tu me demandes des nouveaux sons, et que je peux me permettre de les sortir, alors logiquement je vais le faire. Mais aujourd’hui, tu as des classiques qui datent de deux ans et qui ont l’air d’être loin dans nos archives. On en parle à base de « Oh gars, je me souviens quand… » Mec, ça date d’il y a seulement 2 ans, ça ne relève pas du « souvenir » là ! Personnellement, j’ai l’impression qu’un album comme Confessions d’Usher est sorti juste hier. Aujourd’hui, la musique qui sort quelques mois plus tôt nous semble déjà datée. De mon côté, j’ai également dû sortir beaucoup de projets afin de me tirer de la dimension de mes singles. « U Guessed It » était trop grand, comment étais-je censé me défaire de ça ? Je ne pouvais pas, la seule chose à faire c’était de continuer à balancer de la musique pour que les gens voient que je ne me limitais pas à ça. C’est malsain, d’une certaine manière, parce que ca influence en mal l’attitude des auditeurs.

Pour conclure, que peut-on te souhaiter à l’avenir ?

Des bonnes choses. Là tout de suite, je pense m’installer en France, à Paris (rires). Globalement, je trouve que le pays fait de la légèreté en terme de nourriture, mais à Paris la donne est différente donc je pense que je m’y plairais bien. Plus sérieusement, un Grammy serait pas mal, par exemple.

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Après force de supputations, spéculations et paris, l’heure de #R8, finalement intitulé, ANTI a bel et bien sonnée. Quelque peu maladroite et trébuchante, ce nouveau projet marque la fin d’un processus totalement opaque pour l’œil du grand public. Pour la première fois l’artiste, qui de 2005 à 2012 a sorti un opus chaque année, décide de ne pas sortir d’album pendant deux ans. Pour autant ces quatre dernières années n’auront pas été veines, forte d’une nouvelle maturité, elle prend un autre élan et opère un tournant dans sa stratégie marketing et artistique.

 

Devenir une icône

 

Son dernier album en date ? Unapologetic sorti en France le 19 novembre 2012. Depuis, Robyn enchaîne les concerts et les tournées internationale jusqu’à l’épuisement. On se souviendra notamment du 777 Tour qui suivi cet album et où, pendant sept jours et en sept étapes, elle parcourait le globe en jet privé pour se produire chaque soir sur une scène différente, partageant au passage l’expérience avec fans triés sur le volet et journalistes.

 

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Le temps passant, Rihanna s’illustre au cours de l’année 2014, de moins en moins par sa musique, faute d’actualité, mais de plus en plus par son nom. On la retrouve sur toutes les couvertures de magazines, on se souvient notamment de son shooting à demi nue pour Lui, aux premiers rangs des défilés et commence à réellement capitaliser sur son image, en lui donnant une nouvelle consistance. Si A$AP Rocky avait déjà fait de la belle sa « Fashion Killa », elle recevra en juin 2014 un titre honorifique bien plus prestigieux quand le CFDA (Conseil américain des designers mode) la consacrera Style Icon. En Dior fait même d’elle sa première égérie Noire. En décembre de cette année, encore auréolée de son nouveau statut, l’ancienne protégée de Jay Z signe avec Puma un contrat qui fera d’elle l’une des directrices créatives de la marque, avec pour objectif de faire entrer l’enseigne dans le domaine du sportswear lifestyle. Les choses sérieuses commencent et Roc Nation n’y est pas étranger.

En effet, en avril 2014, Rihanna quitte Def Jam pour rejoindre le roaster de Shawn Carter. Autour d’elle, c’est donc Roc Nation et Universal qui se partagent les rôles. Roc Nation assure son management, la rentabilisation de son image et de sa célébrité, tout en soutenant son travail grâce à son réseaux de producteurs, songwriters et autres artisans de la musique. Universal, affilié à l’agence, prend en main la distribution de son œuvre et récupère de 10% à 13% des revenus engendrés par ces albums (voire 24% si leur accord comprend le marketing, la promotion et la publicité). Dès novembre 2014, le travail de conception de son huitième album semble amorcé, Rihanna et sa Navy le matérialise en un hashtag #R8. Mais en 2015, deux nouveaux deals viendront sceller le destin de son nouveau bébé : Tidal et Samsung.

 

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Avec le premier, elle deviendra actionnaire du service de streaming payant en qualité de son « haute fidélité ». La plateforme qui rémunère ses artistes de façon plus importante que ses concurrents, devra être le médium privilégié de la diffusion de sa musique, de ses clips et de tout autre contenus exclusifs. Le second accord, impliquant la marque coréenne Samsung, aurait été conclu en avril selon Billboard. Mis en place par les managers de Rihanna, Jay Brown et Jay Z, ce contrat fait écho au deal établit par ce dernier en 2013 pour promouvoir la sortie de son album Magna Carta Holy Grail, à hauteur de 5 millions de dollars. Cette fois-ci, c’est une somme de 25 millions qui sera engagée par la marque. À la clé pour Robyn, la sponsorisation de son album et de sa tournée. Pour Samsung, une égérie élue en fin d’année célébrité la plus marketable par le groupe NPD (leader mondial en étude de marché) et une série de vidéos destinée à promouvoir leurs téléphones. Une fois le contrat signé, les premières deadline sont fixées : l’album et la tournée seront attendues pour juin 2015. Mais rien ne se passera comme prévu.

 

Elaborer une vision

 

Depuis novembre 2014, Rihanna a fait de chez elle un véritable camp d’enregistrement. Pendant 18 mois, elle héberge des techniciens et des producteurs à plein temps pour travailler sur ses morceaux. Sa chambre judicieusement placée près du booth d’enregistrement, lui permet de travailler du début de l’après-midi jusqu’au bout de la nuit, parfois pendant des semaines d’affilées.

 

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Et même si elle sort « FourFiveSeconds«  en janvier 2015 avec Kanye West et Paul McCartney, le très vite oublié dans les tréfonds de Tidal « American Oxygen », l’incontournable « Bitch Better Have My Money«  dont elle dévoile les premiers extraits sur Dubsmash, puis la vidéo sur Vevo, aucune nouvelle de l’album ne filtre. En juin, ne voyant rien venir, Samsung repousse sa deadline. Rihanna s’affaire, toujours insatisfaite, et fait involontairement de #R8, l’un des feuilletons de l’année, au même titre que SWISH/WAVE de Kanye West… Les fans s’impatientent et s’insurgent. La Barbadienne aura beau sortir une collaboration avec Stance, être à l’origine du hit sneakers 2015 de Puma avec son modèle de Creepers, réaliser un concert historique à Rio ou s’illustrer lors de son deuxième Diamond Ball pour sa fondation Clara Lionel, une seule question « flood » les commentaires de son compte Instagram : « Where is #R8? »

Octobre. L’album n’est pas terminé, mais qu’importe, le processus de communication, lui, est lancé. Lors d’un vernissage, l’artiste annonce : l’album s’appellera ANTI et l’histoire derrière la cover réalisée par l’artiste Roy Nachum est dévoilée. Il n’en faudra pas plus pour Samsung pour lancer sa propre machine. Les dates du Anti Tour sont fixées à février 2016 et annoncée. Tout est officialisé, ne manque plus que la galette.

Les spéculations sur le moment de la sortie se suivent au fil des démentis et la rumeur gronde. Sia dévoile que Rihanna lui demande encore des morceaux pour ANTI. Le compositeur Glass John reproche à Travis Scott d’abuser de son influence et de retarder encore plus la sortie de l’album en essayant de changer une énième fois la tracklist. Rien de vraiment concret avant ce tweet.

 

https://twitter.com/rihanna/status/691627277940080640

 

ANTI est enfin terminé. Quelques heures plus tard, via Tidal, la chanteuse dévoile « Work » en featuring avec son ex, Drake. Un titre dancehall au refrain incantatoire et infectieux. Et la machine s’emballe, s’enraye et explose au nez de Tidal, qui decide de leaker l’album entier sur sa plateforme dans la nuit (heure française) qui suivra. Dans la foulée, la décision est prise de sortir d’album et Rihanna communique un lien de téléchargement gratuit et éphémère. Le vendredi qui suivra, la version deluxe (avec trois titres en plus) de l’album est disponible sur iTunes.

 

L’évangile

 

A défaut d’être l’album anticonformiste et révolutionnaire qu’elle annonçait, ANTI signe un tournant dans la carrière de Rihanna qui, loin de Def Jam a poussé aussi loin qu’elle le pouvait sa vision. Maître de son oeuvre, la chanteuse est aussi la parfaite incarnation de ses influences et des divers talents qui ont signé avec elle cet opus. On y retrouve des accents dancehall sur les titres « Consideration » et « Work » que l’artiste partage respectivement avec les deux seuls featurings de l’album, SZA, first lady de TDE, et Drake, à la patte indéniable de Travis Scott sur « Woo », dans la lignée de « Desperado » produit par Mick Schultz et Kuk Harrell,  et celle de James Fauntleroy à qui est dédié le titre « James Joint ». C’est aussi le solaire « Kiss It Better » de Glass John qui a échappé heureusement à la purge de Travis Scott. Un projet qui embrasse également des influences rocks catalysées par une reprise de « New Person, Same Old Mistake » de Tame Impala, du doo-wap sur « Love On The Brain » et sa traditionnelle ballade de fin de tracklist avec « Close To You ».

 

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Si la première écoute peut être légèrement déroutante, l’album finit par trouver son chemin. Le projet est finalement très cohérent et fait l’impasse sur l’exigence marketing de faire de chaque titre un hit et un potentiel single radio. Une prise de risque dans la lignée de l’album éponyme de Beyoncé, qui comme Rihanna, peut s’appuyer sur une fanbase gigantesque pour pouvoir faire le grand saut et s’essayer à un tout autre niveau d’exigence artistique.

 

Kanye Omari West na jamais caché lintérêt quil portait à sa propre personne. Propriétaire dun égo hyper dimensionné, lhomme lutte depuis plus dune décennie contre un mal invisible semblant être tour à tour moteur et frein de sa carrière artistique mais aussi de sa vie personnelle. Le Chicagoan en plein raz-de-marée provoqué par ses tweets, nous avons décidé de décrypter lorigine de ses frasques et de ses turpitudes et pourquoi se sent-il résolument seul contre tous.

 

La genèse

 

Le grand public le découvre une poignée de jours avant le début du mois d’octobre 2003 à travers le magnifique titre « Through The Wire ». Ce jour-là, plus que n’importe quel autre marque le début de la légende Kanye West. Victime d’un accident de voiture qui aurait pu le tuer, l’homme en sort presque indemne. Sa mâchoire brisée nécessitera une intervention chirurgicale consistant à passer des fils de fer dans sa bouche. D’où le titre du morceau « À travers les fils ». L’artiste n’hésite pas à rapper cette histoire juste quelques temps après ce traumatisme alors que sa blessure gêne la diction de certains mots. Aucune légende ne s’est écrite sans douleur jeune padawan.

 

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Avant ça, les plus avertis l’ont connu grâce à ses productions teintées de samples soul, de claviers organiques et de voix pitchées, qui deviennent sa marque de fabrique. Cette touche, si particulière, lui apportera les faveurs du tout puissant Jay Z et de son label Roc-A-Fella. Pour lui, il produira le titre « This Can’t Be Life » dans l’album The Dynasty : Roc La Familia, puis prend plus de poids dans The Blueprint en 2001. Cantonné à son seul rôle de producteur, Kanye n’est pourtant pas qu’un simple compositeur et le clame à qui veut l’entendre : c’est un artiste. Il sait rapper, participe même à des battles dans l’intimité des studios d’enregistrement mais personne ne le prend au sérieux… Le Chicagoan tape à la porte d’un nombre incalculable de maison disque, même Damon Dash qui l’a signé chez Roc-A-Fella comprend que son poulain s’impatiente sans avoir saisi encore la pleine mesure de son talent. Kanye, lui, continue de distiller productions sur productions aux divers membres du crew et à d’autres rappeurs et artistes de l’industrie. Cette première étape façonne véritablement la construction de l’artiste Kanye West, qui, malgré l’adversité se fraye un chemin vers son objectif. Cet état d’esprit ne le quittera jamais.

 

Enfant Soleil

 

Kanye West est l’unique rejeton du couple que forme Donda (professeur à l’université) et Ray (ancien Black Panther et reporter-photographe). Lorsqu’ils se séparent, l’enfant part avec sa mère qu’il idolâtre et cette dernière centralise toute son attention sur sa progéniture. Leur relation est fusionnelle et la mère encourage son fils à exploiter tout son potentiel artistique. Des années plus tard lorsqu’il devient une méga star, elle devient alors son manager, déménage à Los Angeles et en profite pour subir une opération de chirurgie esthétique. Cette dernière décèdera malheureusement des suites d’une complication. Le monde de Kanye s’écroule complètement. Le fils chéri n’a plus son interlocuteur privilégié avec qui échanger ou partager ses émotions. Il lui rendra hommage par le biais de plusieurs références distillées dans diverses chansons comme « Only One« , la dernière en date.

 

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Cette fierté qu’il recherchait chez sa mère, Kanye la retrouvera en Jay Z. Jigga aura un impact considérable sur l’éthique et le business du beatmaker devenu rappeur et ce depuis longtemps. Rappelez-vous lorsque Kanye sort son premier album, College Dropout, Sean Carter est en featuring sur le titre « Never Let Me Down ». Une aubaine pour celui qui n’est encore qu’un rookie dans le monde du rap. Du coup, l’idée de celui qui se fait surnommer à l’époque « The Louis Vuitton Don » est simple : un jour il fera un opus avec son mentor, comme pour lui prouver qu’il est son égal (ce qui arrivera 7 ans plus tard avec la sortie du projet Watch The Throne). Un complexe de Napoléon que l’on retrouve un peu dans chaque choix artistique que le bougre choisit. D’abord compositeur, il n’hésite pas à défier ses contemporains pour devenir rappeur. Quand il devient un rappeur de renom il fonce tête baissée dans le milieu de la mode. Honnêtement, il est possible de reprocher beaucoup de choses à l’artiste mais son refus d’appartenir à une catégorie n’en fait pas partie.

 

Personnage omnipotent

 

Forgé par la conviction qu’il doit aller chercher ce qu’il veut, son amour pour lui est immense, très tôt le public raffole de son égo et Kanye West en joue. Déjà en 2006, au Europe Music Awards, quand le clip de Justice et Simian, « We Are Your Friends » est préféré à « Touch The Sky », il grimpe sur scène devant une foule hilare et crie : « Bordel de merde ! Cette vidéo m’a coûté un million de dollars ! J’avais Pamela Anderson en plus, et j’ai sauté dans les canyons. » Sûr de ses forces, quand vient le moment de créer, l’artiste a un mode opératoire qui ne laisse place à aucune approximation : il écrit, compose, réalise ses clips et quand vient le moment de gérer la direction artistique il crée sa société de design. DONDA se constitue d’un pôle créatif ouvert à des collaborateurs triés sur le volet  qui permettront à l’artiste d’exprimer de la manière la plus fidèle ses idées ou celles de ses clients. Il refuse de se laisser dicter une vision par les maisons de disques et ses enjeux économiques mais l’impose de force ou de gré. L’entièreté de son implication s’illustre lors d’une séquence amusante pour l’émission Punk’d où sur le tournage d’une des versions du clip « Jesus Walks », le rappeur se fait piéger. Un acteur revêtant l’apparence d’un homme des forces de l’ordre, demande si l’artiste a les autorisations, quelques minutes plus tard l’artiste s’enfuit avec les bandes de la vidéo criant : « J’ai payé pour ça ! » Quelques années plus tard lors de la tournée Watch The Throne, Kanye prendra en main sur la direction artistique des concerts, n’hésitant pas à dépenser beaucoup d’argent. 48,3 millions de dollars et l’une des tournées les plus onéreuses de 2011 après celle de Sade (48,6) et avant celle de notre trésor de la francophonie, Céline Dion (41,2).

 

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En constante évolution, celui qui se fera bientôt appelé Yeezus a besoin de contrôler tous les paramètres, rendant ainsi son implication nécessaire voire vitale. Bien entendu, cela n’est pas vu d’un bon oeil par l’entre-soi du milieu de la mode où il souhaite maintenant s’imposer. C’est ce qu’il explique sur le plateau de Jimmy Kimmel en 2013 :« Beaucoup de personnes me disent, tu devrais te cantonner à faire de la musique. Mais qui je serais devenu si je m’étais arrêter au moment où on m’a dit « tu ne peux pas rapper » ou « tu ne peux pas performer »… J’ai seulement 36 ans et j’ai d’autres objectifs dans ma vie, j’utiliserais tous les moyens possibles pour clamer : « Je veux créer le prochain Ralph Lauren. »»

 

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Ne se sentant pas assez respecté (rémunéré ?) par la firme Nike, il décide de passer chez l’ennemi juré Adidas emportant avec lui tous les soldats de la hype qui fait aujourd’hui sa renommé et la popularité de ses Yeezy. La marque au trèfle a consenti tout ce que celle à la virgule avait refusé de lui octroyer : plus d’argent, plus de liberté mais surtout plus de reconnaissance.

 

 

Marginalisation assumée

 

Si Kanye West n’est jamais vraiment là où on l’attend, c’est avant tout parce que l’homme semble partagé par deux sentiments qui le tiraillent : l’orgueil que nous avons décrypté plus haut dans le texte mais aussi l’amour. Deux moteurs qui le poussent à se dépasser un peu plus. Malheureusement lorsque le processus créatif d’une personne est trop complexe, trop poussé, l’artiste devient difficile à suivre ou à comprendre pour le grand public. Certains artistes ont besoin de voir leur égo boosté, d’autres ont besoin d’un égo capable de booster leur art et Kanye West fait partie de cette catégorie.
Il n’y a rien de pire que de vouloir expliquer un sentiment ou une idée à un individu non-initié aux rouages d’un art, du coup Kanye West passe souvent pour  un hurluberlu et commence à se marginaliser. C’est ce qui se passe au micro du Sway où il compare sa démarche à celle de Walt Disney, Warhol, Shakespeare, Nike, Google… Une manière d’exprimer son envie de révolutionner tous les champs de l’expression artistiques. Quelques instants plus tard, les blogs outre-Atlantique comme les très cérébraux Celeb Buzz, Hollywood Repporter, Daily Toast reprennent la citation et qualifient une fois de plus l’artiste comme « arrogant ».
Cette marginalisation, souvent provoquée et parfois subie, se retrouve à tous les niveaux de sa vie : ses réseaux sociaux, la direction musicale de ses albums (les controversés 808’s & Heartbreak et Yeezus), sa famille.

 

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Pour le premier aspect, Kanye s’est coupé de tous moyens de communication directe avec son public, notamment des géants Facebook et Instagram. Tous, sauf Twitter. Un choix qui lui confère à ce niveau un contrôle total de son image, une manière de centraliser l’information et d’attirer un peu plus l’attention à sa manière. Le seul moyen de savoir ce que Yeezy a à dire c’est tout simplement de le suivre sur ce réseau de micro blogging. Avec parcimonie, l’artiste partage sa vie, ses projets, ses coups de coeur et chaque tweet est accueilli par des milliers de retweets ou de likes puis repris par différents médias web ou print qui scrutent, épient, décryptent chacune de ses productions écrites.
Une utilisation du réseau social calculé, naturellement à cause de la limitation de signes mais aussi stratégiquement. Oubliez les phrases enjolivées, les émoticônes aguicheurs, le phrasé du personnage est simple, parfois énigmatique, souvent bien senti (une démarche qui respire l’influence Steeve Jobs, autre référence pour l’artiste).

 

My idol. pic.twitter.com/YGFrPhQmDP

— KANYE WEST (@kanyewest) January 10, 2016

 

Contrairement à Jay Z, d’une Beyoncé ou d’un Kendrick Lamar qui tweetent très peu et semblent complètement détachés de ce monde virtuel, Kanye West a choisi de faire de Twitter sa principale tribune. Pour le meilleur ou pour le pire…

 

Larmageddon

 

Si ce terme désigne dans la conscience collective le blockbuster mettant en scène Bruce Willis et Ben Affleck, ici il s’agit de la référence religieuse mettant en scène le lieu de la bataille finale opposant le bien et le mal. C’est ce que semble cultiver Kanye tant dans sa vie personnelle que sur Twitter, comme en atteste son intervention dans la soirée du 27 janvier 2016.

 

Afin de remettre les choses dans leur contexte, il a été décidé de refaire un bref historique de cette histoire et de présenter les antécédents ainsi que les principaux intervenants. Tout démarre lorsque le rappeur de Chicago décide de prendre comme compagne Amber Rose. Des années plus tard, en 2010, le couple se sépare et la bimbo aux formes plantureuse trouve réfuge dans les bras maigrichons du rappeur Wiz Khalifa. Le couple perdure contre toutes attentes et finalement la native de Philadelphie donne naissance à Sebastian le 21 février 2013.

 

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Le couple marié entre temps finit par se séparer sur fond de tweets assassins, ne manquant pas par la même occasion de déballer son linge en public. Durant leur période matrimoniale Wiz/Amber, Kanye West se montre plus que correct voire même respectueux envers les deux tourtereaux. Puis patatra ! Amber, qui n’a pas la langue dans sa poche balance pourtant quelques piques à la fratrie Kardashian qui n’hésite pas a répliquer prenant une fois de plus Internet à témoin.

 

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Finalement, la tension retombe et on entend même les principales protagonistes (Amber d’un côte, Khloe de l’autre) se complimenter à travers médias interposés. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes… Cela est sans compter sur l’égo surdimensionné du bien nommé Yeezus, le fils de dieu. Ce dernier qui entre temps a fondé une douce et heureuse famille avec la naissance de leur fille North suivi quelques années plus tard du bien nommé Saint. L’image et la notoriété de l’artiste redorent le blason et la réputation de Kim Kardashian qui a connu la gloire et le succès grâce a sa fameuse sextape avec Ray J, petit frère de la chanteuse Brandy. En effet, avant cela Kim était plutôt habitué a jouer la pourrie gâtée dans L’Incroyable Famille Kardashian  et les seconds rôles comme l’illustrent ses brèves apparitions dans la télé réalité consacrée à Paris Hilton, son rôle : tête de turc de la riche héritière. Oui mais voila, au pays où l’argent est roi et l’image de  marque une qualité requise pour réussir, Kim décide de se refaire faire la tronche et le cul. Hollywood…

 

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Avant hier soir sur le fuseau horaire parisien… Kanye décide de changer le titre de son prochain très attendu album Swich en Waves.

 

#Waves pic.twitter.com/Azig7aNYOu

— KANYE WEST (@kanyewest) January 27, 2016

 

Le terme « waves » est depuis longtemps, une marque déposée du rappeur harlemite Max B, légende urbaine croupissant en prison pour meurtre et accessoirement une des plus grandes inspirations dans le monde cruel du rap. Wiz n’a jamais caché son admiration pour Cam’ron, son idole, et membre du cercle de Max B. Comprenez alors son état lorsque, prenant contrôle de son Twitter, il vomit son spleen en plein sur la toile.

 

Please don't take the wave.

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

Max B is the wavy one. He created the wave. There is no wave without him.

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

Im a wavy baby for sure and I'm not having it. https://t.co/M7hhKo5TlP

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

He's the reason I sing on all my songs. That's the wave. If theres nothing wit that sound ITS NOT WAVY.

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

Wavy. https://t.co/b8xvypVZBY

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

Just so you know what true waves are. https://t.co/Mot3ab1Kuu

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

Max B number one trending. FREE THE WAVE.

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

Yea aight. https://t.co/z1syUIGo4G

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

 

Les heures passent, le silence émanant du compte Twitter de Kanye se fait de plus en plus bourdonnant. Quelque chose se trame… Que va-t-il se passer et surtout comment l’homme certainement touché dans son égo prendra l’attaque ? Les deux individus ne sont pas ennemis, loin de là, ils ont partagé la même chair et se disputent depuis quelques temps le titre du jean le plus serré du rap jeu. Le tout dans un esprit Coubertin. Dans le titre « Cold », Kanye admettra le respect qu’il porte à l’égard de Wiz Khalifa :

 

« And the whole industry want to fuck your old chick/ Only nigga I got respect for is Wiz »

« Et toute lindustrie musicale veut baiser ton ancienne meuf/ Le seul mec pour que j’estime sappelle Wiz »

 

Nous sommes à J+1 et,  coup de tonnerre ! La foudre de Ye-Zeus s’abat sur Wiz comme un ivoirien sur son poulet DG : fort et sans détail. Égrainant méthodiquement chaque point soulevé par Wiz Khalifa, du style vestimentaire au style musical en passant par la case Amber et Sebastian.

 

 

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#PLF on avait dit… Pas la famille !

 

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Téméraire mais pas fou, après les millions de feedbacks sur le réseau et après que les médias faisant la pluie et le beau ton sur Internet aient repris son « rant » (traduisez par enchaînement en forme de défouloir), Omari décide de retirer sa série de tweets à l’encontre de Wiz Khalifa et de sa famille. Prônant même qu’il milite pour la paix et la bonne énergie. Sans blague ?

 

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Le mal est fait, la machine binaire qu’est Internet s’emballe, décidant de clouer Cameron au pilori sans même attendre une quelconque riposte. Kanye est déclaré vainqueur par contumace et tant pis pour les autres. Cependant, certaines voix s’élèvent afin de montrer leur indignation. Comment une personnalité de la stature de Kanye se rabaisse t-elle à ce genre de chamailleries ? S’attaquer à Amber et a Sebastian est pour beaucoup la goutte qui a fait déborder le vase. L’homme, coutumier du fait fait encore un peu moins l’unanimité. Bien entendu, Wiz Khalifa pas touché pour un sou publiera quelques tweets bien sentis et tentera de désamorcer le cataclysme Ye.

 

KK is weed fool. Reason's why your not wavy. Go bacc to Swish. https://t.co/7OT4xiQa5V

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

I been smashed the idea of that album even existing. I got joints to roll @kanyewest

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

@TheRealBeeBoi ya'll crazy.

— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016

 

En conclusion, il n’y aura pas de conclusion, chacun se forgera l’opinion qu’il voudra au vu des informations et arguments présentés. Soyez malgré tout confortés dans le fait qu’aucun des protagonistes n’a souffert d’aucun sévice sexuel ou d’un quelconque préjudice moral…

Awww @kanyewest are u mad I'm not around to play in ur asshole anymore? #FingersInTheBootyAssBitch

— Amber Rose (@DaRealAmberRose) January 27, 2016

« Vae, puto, deus fio ! », à bon entendeur.

A$AP Rocky l’avait annoncé en début d’année, 2016 va être une année mémorable pour l’ensemble des membres du A$AP Mob. Après un premier Yams Day réussi avec des performances de Joey Bada$$, Lil Uzi Vert, A$AP Ferg ou encore Flatbush Zombies, Rocky nous dévoile aujourd’hui trois nouveaux titres, tous sortis avec la mention AWGE, l’équipe créative du rappeur.

 

Un clip pour JD

 

 

« JD » est un des titres phares du dernier album de Flacko, At Long Last A$AP. De nombreux fans attendaient avec impatience un visuel à associer au morceau, c’est désormais chose faite. Le réalisateur Dexter Navy qui avait déjà dirigé le clip de « LSD » s’est chargé de le mettre en image. Pour ce faire, il a opté pour un visuel coloré avec des graphismes rappelant des peintures.

 

Un featuring avec Pharell

 

 

A$AP Rocky et Pharell se connaissent bien. A plusieurs occasions, les deux artistes ont eu l’occasion de travailler ensemble, y compris pour le film Dope. Produit par Pharell, « Hear Me » est un titre laybach sur lequel Rocky nous montre encore une fois ses qualités de rappeur en variant les flows. Ce titre avait déjà fait parler de lui sur le web avant même sa sortie, notamment sur le site de OVO Sound Radio, qui avait diffusé le titre en avant-première.

 

Un avant-goût de la Cozy Tape avec « Wu Tang Forever » ft. Drake

 

 

Le leader du A$AP Mob a également sorti « Wu-Tang Forever » un morceau avec Drake, qui fera sûrement office de premier single de la Cozy Tape, un projet qui réunit le A$AP Mob et d’autres rappeurs proches de A$AP Yams. Rocky a par la suite mis en ligne « Yamborghini High », sorti plus tôt cette semaine, en qualité CD.

 

Omniprésent dans les médias notamment pour ses déclarations chocs, Donald Trump est le favori du camp Républicain à la Maison-Blanche. Ce qu’on sait moins, c’est que le richissime magnat est aussi une véritable icône du hip-hop outre-Atlantique. Plus proche de 50 Cent que d’Obama, The Donald est en passe de devenir la première mascotte rap à la tête des Etats-Unis.

C’est grâce à sa fortune, son sens de la punchline et son avant-gardisme que le milliardaire s’est d’abord imposé comme l’objet de toutes les parodies et d’une réelle fascination, devenant ainsi une inspiration pour plusieurs générations de rappeurs américains. Pour cause Trump est hip-hop depuis les années 90, un trait de caractère qu’on retrouve dans sa manière de faire de la politique et qui bientôt lui ouvriront les portes de Maison Blanche ?

Article réalisé en partenariat avec Noise La Ville

« Started from the bottom » ?

 

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À l’instar de Drake, Trump serait, lui aussi : « Started from the bottom ». Selon ses dires, il ne devrait sa fortune qu’à son sens des affaires, même s’il concède un «petit» prêt d’un million de son papa qui de toute façon n’est «pas beaucoup » par rapport à ce qu’il a construit. Une légende, comme l’est quelque fois le « thug life » des rappeurs et l’authenticité des kalashs dans les clips de rap. Punchline ! La vérité c’est que Fred Trump, le papounet, avait déjà fait ses deniers dans l’immobilier. À 28 ans, il intronisera son fils comme président du groupe avant de lui léguer un héritage de près de 150 millions de dollars. Depuis le magnat de l’immobilier new-yorkais possède des joujoux un peu partout dans le monde : hôtels, terrains de golf et autres “Trump Towers”.

Par contre ce qui est vrai, c’est que Trump ne paye pas des jolies filles pour qu’elles tournent dans ses clips de rap… Lui préfère racheter les droits du concours de Miss Univers, dont la valeur est estimée à environ 25 millions de dollars. Vous suivez ? Lorsqu’on connaît la dévotion historique des rappeurs pour l’argent et les filles en bikini, le lien entre Donald Trump et Rick Ross, Lil Wayne, Ghostface Killah et tous les autres s’établit plus clairement.

 

Business et punchline

 

Mais le multi-milliardaire a su gagner ses galons dans le « Maison-Blanche game » comme n’importe quel rappeur dans le hip-hop, grâce à son maniement du verbe. Il est aussi doué pour le business qu’il est expert pour la punchline : « Zdedededex ». Il les balance ça et là, tantôt façon Roi Heenok, « Ça gèle à New York. On a besoin du réchauffement climatique », où même à la manière de Kanye West, « Je serai le plus grand président que Dieu n’ait jamais créé ».

 

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Un savoir-faire qu’il sait mettre à profit lors de ses beefs. Trump utilise la punchline comme une arme dans ses clashs, politiques notamment. À propos de sa principale concurrente Hillary Clinton et en référence à l’affaire Monica (Gate) Lewinsky, il déclare : « Si Hillary Clinton ne peut pas satisfaire son mari, comment peut-elle penser qu’elle va satisfaire l’Amérique ? » Une affaire qui avait profondément marqué l’ex-première dame et failli coûter son poste de président à Bill Clinton.

En septembre dernier, le magazine Forbes minorait sa fortune à 4,5 milliards contre les 10 revendiqués par l’intéressé. Peut-être vexé, il rétorque que : «Forbes est un magazine en faillite, qui ne sait pas de quoi il parle» avant d’ajouter  «Je suis candidat à la présidentielle. Je pèse beaucoup plus que ça». Le New-Yorkais n’a donc rien à envier à « Drizzy » et Kendrick, il reste toujours à l’avant-garde des us et coutumes de la culture rap.

 

Déclinaison de la marque

 

Bien avant les Kardashian et le revenant Joseph « Run » Simmons avec Ghetto Pasteur, Donald Trump avait son propre réality-show, The Apprentice. Une émission au cours de laquelle s’affrontaient des candidats issus du monde des affaires, évidemment, et le plus mauvais était viré par Donald Trump en personne. Une recette similaire à celle de Making The Band, un show où Diddy décidait si tu étais assez bon pour « rester dans l’aventure ».

 

Donald Trump tHe Apprentice

 

À la pointe de sa représentation médiatique, il devance 50 Cent et son film Get Rich or Die Tryin’ en 2005. Quelques décennie plus tôt, Trump est déjà sur les grands écrans, interprétant son propre rôle dans Maman, j’ai encore raté l’avion  en 1992, ou encore dans l’incontournable série incarnée par Sarah Jessica Parker, Sex and The City (lors de l’épisode 8 de la saison 2 “The Man, The Myth, The Viagra”).

Donald Trump décline cette démarche hip-hop à l’écran sur le papier. Quand Azealia Banks s’affiche fièrement en mars dernier à la couverture de Playboy, Donald Trump peut se targuer de l’avoir faite 25 ans plus tôt. À l’époque où l’on pouvait encore y voir des femmes nues et que le magazine s’écoulait à des millions d’exemplaires.

 

Donald Trump Home Alone

 

Enfin le milliardaire a aussi été parmi les premières personnalités à commercialiser sa propre marque d’alcool, la T&T (Trump and Tonic). Depuis d’autres stars du milieu ont emboîté le pas, Justin Timberlake et sa 901 Silver Tequila, Xzibit et sa Bonita Tequila, Dr Dre avec Aftermath Cognac et Vodka ou encore l’activité commerciale de Diddy avec Cîroc.
Mais la similitude avec cette image hip-hop atteint son sommet quand il pose pour la couverture du magazine Esquire où il s’est autoproclamé : « King of bling ». Un shooting photo où il porte plus de bijoux que 2Chainz.

 

donald trump esquire

 

L’image de l’âge d’or du hip-hop

 

Pour Mike Yard, célèbre humoriste américain, la popularité de Donald Trump auprès des rappeurs s’explique par l’incarnation dégagée l’âge d’or du hip-hop. Jouant de cette image, il n’est pas anodin de le retrouver à parodier le « Hotline Bling » de Drake au NBC Saturday Last Night ou à confronter Mac Miller sur Twitter par ce qu’il a utilisé son nom dans une de ses chansons.

 


« Little @MacMiller, you illegally used my name for your song « Donald Trump » which now has over 75 million hits. » / «  Mon petit @MacMiller, tu as illégalement utilisé mon nom sur ton titre « Donald Trump » qui a dépassé maintenant 75 millions de vues »


 

En fait, depuis les années 1990 Donald Trump n’a jamais cessé d’être une inspiration pour les rappeurs américains : des vétérans comme Ice-T, Nas ou des plus jeunes comme Kendrick Lamar et Mac Miller. Récemment c’est Rae Sremmurd qui faisait un véritable carton avec son tube « Up like Trump ».

 

 

Pas moins de 67 artistes l’ont cité dans leurs textes. Sans être exhaustif, on peut notamment citer : Nas sur le titre « It’s a Tower Heist », « This a tower heist, even Donald Trump could get it » (« Si haut que même Donald Trump ne pourrait l’atteindre ») ; UGK sur le titre « Pocket full of Stones » : « Fuck Black Caesar Niggas call me Black Trump » (« J’emmerde le César Noir, mes négros m’appellent le Trump Noir » ; mais également Young Jeezy sur le bien nommé « Trump », « Trump richest nigger in my hood » ( « Trump est le négro le plus riche du quartier ») ; ou même Lil Wayne sur le titre « Racks on racks », avec « Get money like Donald Trump » (« Faire du biff comme Donald Trump »). Donald Trump est incontestablement « 90s hip-hop all day ».

 

25 years of « Donald Trump » in hip-hop lyrics.Mandatory viewing: 25 years of « Donald Trump » in hip-hop lyrics.

Posted by The Huffington Post on Friday, August 21, 2015

 

Comme le rock et le rap en leurs temps, Trump est subversif pour de nombreux Américains.Il leur permet d’exorciser leurs peurs et d’exprimer leur ras le bol d’une politique à leur goût trop policée et peu être un peu trop bourgeoise. Toujours est-il que « le 50 Cent du parti républicain » pourrait bien remporter le bureau ovale… Enfin sauf si Kanye West se présente vraiment.

Après une interview fleuve, Kevin Razy prend une pause et ce soumet au jeu du « Tu Préfères? », comme Mister V et Seth Gueko avant lui.

C’est une Cigale complète que Georgio a enflammé, avec ses potes le 22 janvier et que le photographe Kevin Jordan a eu l’occasion de capturer. Un avant-goût pour ceux qui seront au rendez-vous le 6 février et dans toute la France pour le reste de sa tournée.

Longtemps il a dû trouver le parfait équilibre entre sa vie d’étudiant et de rappeur en pleine ascension. Si dans ces eaux troubles il a su forger son propre style dans un registre très mellow, il est maintenant dégagé de tout dilemme. Fraichement diplômé, il est temps pour lui de s’attaquer aux choses sérieuses. Le rappeur qui dévoilait il y a quelque temps son dernier projet « Beautiful Mercy », peut s’appuyer sur le soutien de Soulection et d’une fanbase qui ne cesse de grandir. Avant son retour en France le 18 février pour un concert à La Boule Noire, Jay Prince répond à nos questions.

 

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Comment est-ce que tu as l’habitude de te présenter ?

Je me présente habituellement en tant que Jay ou Jason, tout dépend de la personne.

 

Comment as-tu découvert la musique ? Quel en est ton souvenir le plus lointain ?

Principalement à travers l’église, et aussi avec mon plus grand frère qui jouaient toujours de la musique dans sa voiture. Petit je me souviens que l’un de mes premiers souvenir hip hop, c’est une écoute de l’album « The Blueprint » de Jay Z et aussi « Jesus Walk » de Kanye West. C’était autour des débuts 2000, j’avais genre 10/11 ans. J’étais aussi un grand fan de Nelly à l’époque, « Country Grammar » c’était mon truc ,cet album était génial et « Ride With Me » est toujours l’une de mes chansons préférées. Un autre groupe que j’adorais à cette époque, c’est YoungBloodZ quand ils ont sorti le titre « Damn » avec Lil Jon sur « Drankin Patnaz ».
Mon grand frère avait tout une sélections de morceaux dans sa voiture et je choisissais parfois les chansons que je voulais dans sa collection de CD

 

Tu produits et tu rappes aussi. Par quoi est-ce que tu as commencé ? 

J’ai longtemps joué de la basse et du synthé pour mon église quand j’étais enfant, jusqu’à mon adolescence, c’est donc là que j’ai d’abord eu l’idée de faire ma propre musique. J’avais 14 ans et après un moment, quand j’ai commencé à écrire ma musique et mes lyrics, c’était très dur d’obtenir des beats de la part des producteurs. Je ne crois pas que YouTube était un vrai truc à l’époque, alors trouver des beats originaux, c’était compliqué. Comme ce que je voulais faire, c’était ma propre musique avec mon propre son au lieu de faire des covers d’autres chansons – ce que j’ai fais, éventuellement –  j’ai finalement commencé à produire ma propre musique. Et puis au secondaire, j’ai entendu des gars parler de FL Studio. J’ai écouté leur conversation et je l’ai téléchargé dès que je suis arrivé chez moi. Mes potes du cours de science m’ont aidé à le cracker parce que j’avais une version d’essaie à l’époque et pas assez d’argent, ni même une carte de crédit pour l’acheter.

 


J’ai cette théorie dans la vie depuis tout petit : peu importe ce que je veux, il faut que je me défonce et que je fasse les bons choix pour l’obtenir.


 

À quoi ressemblaient tes premiers essais ?

A l’époque, je pensais que j’étais le plus chaud en production, mais quand je ré-écoute certain de mes premiers beats, ils ne sont vraiment pas les meilleurs. Mais c’était définitivement le processus nécessaire pour que je puisse grandir et développer un son qui m’appartient avec le temps.

 

Comment c’est finalement passé ton apprentissage de la musique ?

J’ai toujours fait de la musique à l’église, du synthé à la guitare, du chant dans le choeur d’enfant et d’autres trucs. J’ai toujours aimé l’idée de tout faire moi-même pour ne pas avoir à répondre de compte ou devoir compter sur qui que ce soit pour me donner ce que je veux. J’ai cette théorie dans la vie depuis tout petit : peu importe ce que je veux, il faut que je me défonce et que je fasse les bons choix pour l’obtenir. Il faut que j’apprenne et que j’étudie les musiciens que j’admire et si je peux tout faire alors je me suffirais à moi-même.

 

 

Tu as réussi à lancer ta carrière dans la musique et dans le même temps, obtenir ton diplôme à l’université. Comment tu t’y es pris ?

Fixer mes priorités a toujours eu une place importante dans mon équilibre. Pendant mes premières années de fac, j’allais aux soirées et je faisait tout ce qu’un freshman fait. Mais à ma deuxième année, j’ai laissé tomber tout ça et j’ai réalisé que j’étais à l’université et que je pouvait me créer un réseau. Qu’au lieu de faire la fête je pouvais faire parler de moi. Au lieu de traîner dans la salle commune, j’ai choisi de créer un réseau avec mes pairs, avec qui j’ai étudié la musique et appris comment devenir meilleur, avec de nouvelles techniques d’enregistrement, de production etc.
J’ai du équilibrer et rendre les deux mondes compatibles. J’ai étudié la Production Musical en mineur de mon diplôme en Média, pour faire en sorte d’alléger l’impression que je travaillais en incorporant ce que je fais en dehors de l’école.

 

Pendant l’année 2015, tu as fait quelques passages à Paris. Quelle relation entretient-tu avec la ville ?

Je suis un fou de voyage. J’aime ça, voir le monde autant que je peux, quand je le peux, spécialement à cet âge, pour être plus perspicace et gagner en inspiration. J’aime Paris. Je viens depuis que je suis gosse, depuis 2005. Mon oncle était DJ à Paris aussi et j’étais fan de son album Street Dreams. J’ai de la famille à Paris et des proches qui vivent là, donc c’est toujours comme une seconde maison quand je viens et que je joue ici.

 

Tu reviens d’ailleurs bientôt. A quoi tu t’attends ?

Honnêtement, je suis super excité par ce concert à Paris, parce que c’est toujours beaucoup d’amour, tout le monde passe un bon moment ici et les Parisiens savent comment faire la fête. Et comme je peux parler français, je trouve facilement ma place à Paris. Il y a toujours de bonnes vibes.

 


Soulection est une famille pour la vie. Ça n’a jamais été quelque chose d’intimidant, seulement du love.


 

C’est aussi l’occasion pour toi de présenter ton dernier projet « Beautiful Mercy ». Qu’est-ce que tu peux nous en dire ? Quel a été ton processus créatif ?

Le processus créatif pour « Beautiful Mercy » était différent de ceux que j’ai fait auparavant. Pour la première fois, j’ai dû travailler pendant que j’étais à l’école et terminer le projet alors que j’avais complètement terminé les études. J’avais donc deux différents regards sur la vie puisque j’entrais dans ce qu’on appelle le monde « réel », puisque je n’étais plus à l’école et que j’étais dehors ouvert à tout. Ce projet est le fruit de mon côté vulnérable, celui où j’ai dû m’ouvrir et être honnête avec les gens. Pas seulement ceux qui me soutiennent, mais aussi mes pairs, ceux de mon équipe, mes amis et ma famille. Je suis passé par une période de transition, où après la fac j’ai quitté la maison de ma mère, je suis parti en tournée pour la première fois, j’ai vu beaucoup de choses qui m’ont affectées d’une bonne comme d’une mauvaise manière dans mon processus créatif pour cet EP et j’ai dû me laisser aller pour reprendre pied et revenir prêt et préparer pour mon prochain projet sur lequel je travaille actuellement.

 

 

Tu es lié à Soulection. Comment c’est passé votre rencontre et qu’est-ce qu’elle t’as apportée ?

Soulection est une famille pour la vie. On s’est rencontré via mes amis IAMNOBODI et Hannah Faith, que j’ai connu bien avant le reste du crew. À partir de là, j’ai rencontré Joe Kay, Jacqueline, Julio et le reste de l’équipe et du roster tout au long du voyage.
Soulection a été d’une grande aide et a poussé ma carrière. Ils ont soutenus mon EP « BeFor Our Time » qui ont continué à jouer des sons de cet EP pendant leur tournée en Amérique du Nord. En m’exposant sur leur plateforme, ils ont donné un boost à ma fan base c’est certain et honnêtement, c’est la famille, ça n’a jamais été quelque chose d’intimidant, seulement du love.

 

Etant originaire de Londres, comment tu décrirais la scène hip hop dans cette ville ?

La scène dans son ensemble joue un grand rôle dans la culture, elle ouvre des portes et apporte plus aux artistes de Londres, que ce soit le grime, le rap ou le hip hop, on est tous pertinent et ce n’est pas encore fini. Londres est une petite ville comparé à d’autres grandes villes populaires, mais la scène musicale et la culture créative de Londres ne mourront jamais, elles continueront de grandir. Et on ne fait que commencer.

 

Quels sont tes projets ?

Tout simplement continuer de grandir en tant qu’individu, travailler sur de la nouvelle musique, partir en tournée en Europe et en Amérique du Nord. J’ai une marque lifestyle et un collectif qui devrait être lancé officiellement qui s’appelle DRMCLB (Dreamclub). Et avec tout ça, je compte faire plus de ma musique, des courts-métrages et il y aura plus de créatifs comme moi qui vont aider à pousser la musique et la créativité à un autre niveau.

 

Jay-Prince

La semaine dernière, la réalité a dépassé la fiction pour Jamie Foxx: il devient un héros en sauvant un type coincé dans sa voiture en flamme. Stella Lory imagine la réaction du candidat des républicains Donald Trump

Lorsque YG déblatère « I’m the nigga with the plug » dans le titre « Who Do You Love? » en 2014, il ne croit pas si bien dire. Encore mieux, ce fournisseur pur produit des rues de Compton est le fer de lance d’un nouveau souffle. En effet, Pushaz Ink, le label/cartel qu’il a fondé abrite un autre « plug » au style complètement différent pourtant porté par la même énergie et par la même influence. Son nom, Tyrone Donnell Junior mais bientôt le monde le connaîtra sous le pseudonyme Ty Dolla $ign, la France l’approchera le 10 avril au Cabaret Sauvage. Trois mots énigmatiques qui renvoient à un personnage qui prend toute sa dimension par la voix de ses proches.

Les prémisses

Durant ce long et tortueux périple menant au succès, Tyrone aura déménagé à New York, plus précisément à Brooklyn entre Flatbush et Brownsville, avant même d’avoir atteint la majorité. Une singularité pour ce gosse de South Central (Los Angeles). Il côtoiera 50 Cent dans les studios de Sony, bien entendu il s’agit encore du Curtis Jackson de l’époque de « How To Rob », une période précédant sa signature chez Eminem. L’occasion pour lui de découvrir un univers différent de celui qui l’a bercé depuis tout petit. Mais voilà, rien ne fonctionne comme prévu et bientôt Tyrone est contraint de retourner sur sa côte ouest natale. Là-bas, il met le pied à l’étrier en signant pour le label de seconde zone Buddah Brown Ent. avec son ami de l’époque Kory. Mais le groupe, basiquement baptisé Ty & Kory, s’enlisera dans l’anonymat. Le tandem se sépare sans rancœur ni animosité, Ty comprend vite que s’il doit réussir, cela passera forcément par une carrière en solo. Il aura donc eu le temps d’écumer tous les studios de Los Angeles souvent dans le rôle du ghostwriter, même s’il est officiellement signé chez Atlantic Records depuis 2012. L’homme aux yeux verts ronge son frein en attendant son heure.

Ty Dolla $ign : une affaire de famille

C’est sans compter sur Shawn Barron, alors simple chef de projet au visage poupin chez Atlantic, qui décide de lui donner sa chance en 2013, après deux années à se croiser et à s’échanger des amabilités dans les studios de la ville des Anges. Shawn reviendra plus tard sur cette expérience en tant que ghostwriter pour Ty Dolla : « Quand tu écris pour d’autres artistes durant tant de temps, c’est comme si tu t’entraînais ». La comparaison à l’effort sportif ne s’arrête pas là : « C’est comme un pick up game au basket [style d’opposition très populaire aux Etats-Unis, ndlr], tu ne sais pas sur qui tu vas tomber, mais tu dois donner le meilleur de toi même tout en t’adaptant au style de l’adversaire. »

Tyrone Donnell Junior naît le 13 avril 1985 à Los Angeles d’une mère agent immobilière et d’un père musicien au sein du célèbre groupe funk Lakeside. Ce dernier lui donnera très tôt le goût de la musique et plus particulièrement celui des instruments. Ty Dolla $ign se dirige instinctivement vers la basse, puis cherchant à étendre son prisme artistique, il maniera la batterie, la guitare, les claviers et la MPC. Un apprentissage le plus souvent effectué de manière autodidacte : « Mes parents étaient très souvent absents à cause de leur métier très prenant. Donc avec mon frère TC et ma sœur Angel, nous avons su très tôt se débrouiller seul. » Malgré tout, la pomme ne tombant jamais loin du pommier, la fratrie excelle naturellement dans la musique. À la question de savoir s’il pense que, comme les Jackson, les Noah (ou les Kardashian), un don se transmet à travers leur code génétique, l’artiste nous répond : « C’est quelque chose qui traverse vraiment les générations chez nous. Ma grand-mère était déjà dans la musique. Ma fille Jaylynn sait, sans aucun doute, tenir la note et pourrait probablement reprendre le flambeau. Même si ça ne semble pas éveiller son intérêt pour le moment. Elle est plus à fond dans le sport, mais on ne sait jamais. »

Les connexions

En 2009, le jeune Tyrone rencontre Dijon (l’origine du surnom Mustard, « moutarde de Dijon », qui deviendra plus tard son nom d’artiste) par l’intermédiaire de Big B, un grand de son quartier qui manageait YG à l’époque. Très vite YG et Ty se lient d’amitié, ce dernier rencontrera peu de temps après le désormais célèbre producteur de la west coast qu’il lancera dans la production musicale.

Une poignée de mois plus tard, Ty Dolla est mis à contribution pour ce qui deviendra bientôt le premier tube de YG : le titre « Toot it and Boot it ». En effet, il est à l’origine du refrain et du beat du morceau figurant sur la mixtape The Real 4Fingaz du rappeur de Compton : « ‘Toot it and Boot it’ était ma chanson à la base, je l’ai donnée à YG parce qu’il avait l’opportunité de signer chez Def Jam. Si je n’avais pas fait ça, qui sait dans quelle situation je serais aujourd’hui. J’ai juste pensé que YG avait besoin d’un single, et tout le monde dans la rue aimait ce son. Je me suis dit qu’il devrait l’avoir, ça devait lui revenir. »

Ty Dolla $ign : une affaire de famille

En plus de s’entendre parfaitement musicalement, les trois amis développent une symbiose particulière et se promettent de développer une sonorité spécifique qui leur permettra d’atteindre la consécration. Pour se faire, ils décident de développer Pu$haz Ink, label fondé par YG, DJ Mustard et AcePushaz en 2008. Car il est vrai que depuis l’ère Death Row, Los Angeles a perdu son emblématique représentant et porte-drapeau du gangsta rap. « Pire », de nouveaux courants fleurissent aux quatre coins de la Californie (TDE, OFWGKTA pour les plus médiatisés) mais aucun ne semble se soucier de la place vacante laissée par Dre, Ice Cube et consorts. Personne ne cherche à redéfinir ce courant musical historique de L.A., DJ Mustard se chargera de venger cette omission à coups d’influences venues de San Francisco, de la scène funk de Los Angeles des années 1970 et de 1980 et de sonorités électroniques contemporaines.

« Ty est quelqu’un de naturellement talentueux, il peut exprimer ce talent à travers sa musique. Sa créativité m’a prouvé de quoi il était capable et pourquoi j’avais besoin de travailler avec lui d’un point de vue musical. »

DJ Mustard, hitmaker et ami de longue date

L’élève que fut jadis Dijon dépasse très vite le maître, Ty Dolla $ign choisit, alors, de se consacrer à l’écriture tout en développant un style à mi-chemin entre le rap et le chant. Certains verront en lui le digne héritier de Nate Dogg pour son flow, d’autres y décèleront plutôt l’influence de chanteurs à la tessiture vocale rocailleuse et soulful d’un Jaheim. Quand nous lui demandons d’où lui vient son inspiration qu’il qualifie lui même de raw r&b, il répond : « Tout ce que j’ai pu écouter, de Kurt Cobain en passant par Bob Marley à Chief Keef. »

Ty Dolla est un grand consommateur de marijuana et ne s’en cache pas, au contraire il en joue. Il suffit de s’attarder quelques minutes sur sa chaîne YouTube pour se rendre compte que l’artiste se complait dans ces atmosphères vaporeuses. Quelle fut notre non-surprise de le voir rejoindre le crew Taylor Gang de Wiz Khalifa en plein été 2013… Musicalement, ce signe d’allégeance au label du rappeur originaire de Pittsburgh ne semble pas tiré par les dreads. D’un point de vue business, encore moins, en effet les deux hommes sont connus pour collaborer avec les pontes de l’industrie musicale et jouissent tous deux d’un capital sympathie énorme chez leur paires.

La maturation

Ty Dolla a donné rendez-vous au succès, hors de question de poser un lapin à sa destinée. Pour son premier projet Beach House concocté dans son coin, il s’entoure de son noyau dur et crée D.R.U.G.S (Dirty Rotten Under Ground Sound) composé de Chordz 3D, G Casso, Nate 3D, Budda Shampoo, Fuego, DJ Mustard et DJ Dahi… Rien que ça. Cette myriade de producteurs permet non seulement à Ty Dolla d’avoir une maîtrise parfaite de l’orientation sonore qu’il souhaite apporter à sa musique mais aussi d’avoir en stock une quantité quasi-illimité d’idées et de concepts.

« Un jour, je lui ai demandé où il en était dans ses projets, il m’a alors remis le projet Beach House que j’ai trouvé fantastique. Nous avons donc décidé de tout mettre en oeuvre pour que sa carrière passe au niveau supérieur, il n’y avait plus de temps à perdre. »

Shawn Barron, chef de projet

Conscient de son talent, Ty Dolla ne précipite pas les choses. Tout vient à point à qui sait attendre écrivait La Fontaine et l’artiste a cette certitude intangible que son heure va bientôt sonner. À défaut d’avoir un succès fulgurant comme bon nombre de « one hit wonder », son équipe et lui décident de travailler la marque « Ty Dolla $ign » de manière plus organique. Cela se traduit par la poursuite de son activité de producteur, par la manière de pérenniser son travail de songwriter pour d’autres artistes, et en continuant de mettre en avant ses qualités naturelles de musicien. Ainsi lorsqu’il se produit sur scène il n’hésite pas une seconde à utiliser sa basse et confie à qui veut l’entendre qu’il s’épanouie pleinement lorsqu’il se retrouve au milieu de ces instruments.

Ty Dolla $ign : une affaire de famille

Joya Nemley, chef de projet et administration : « Ty Dolla est l’exemple même de ce que tout artiste émergeant doit faire pour réussir dans l’industrie musicale au vu de la conjoncture économique actuelle. Il écrit, compose, collabore avec beaucoup d’artistes et se produit beaucoup sur scène. Les nouveaux artistes ont tout à gagner à trouver leur propre zone de créativité et à en profiter. Lorsque vous signiez en maison de disque, la coutume voulait que ce soit elle qui soit responsable de votre carrière. Aujourd’hui, il y a tellement de domaines qui vous permettent de faire fructifier votre carrière sans que vous ayez à sortir d’album. Internet est une plate-forme qui permet d’exprimer ta créativité, d’élargir ton business et aussi de contrôler ce que tu souhaites développer. Chaque artiste est un business et devrait se développer en tant que tel. »

Petit à petit, Ty Dolla peaufine un peu plus son image. Le succès de ses mixtapes font de lui un artiste sur lequel on peut compter, sa touche est recherchée, son nom devient gage de qualité. Son équipe le sait et profite de cette opportunité pour asseoir un peu plus la patte « Ty », permettant ainsi à sa fanbase et au public de masse de l’identifier définitivement : « Je pense que nous essayons juste de gagner en consistance et de rester constamment sur le qui-vive. Si une période s’écoule sans qu’un de ses sons soit en rotation quelque part, nous le sentons immédiatement. Maintenant on arrive avec une stratégie qui va permettre d’alimenter des fans avec de nouveaux morceaux. Ty enregistre au moins un titre par jour et il adore collaborer, ce qui nous donne beaucoup de matériel avec lequel travailler. On essaye vraiment de rester créatifs, plus spécifiquement avec les visuels. Ses vidéos sont toutes incroyables, chacune à sa façon, elles se distinguent de ce qui se fait généralement dans les autres clips rap », affirme Brian « Busy » Dackowski, directeur artistique.

Ty Dolla n’a jamais été quelqu’un d’avare, il en tire un nombre impressionnant de mixtapes qu’il sort entre 2011 et 2015 : House On The Hill (2011), Back Up Drive Vol.1 (2011), Back Up Drive Vol.2 (2012), Whoop! (2012), Beach House (2012), Beach House 2 (2013), $ign Language (2014) et Airplane Mode sorti une poignée de semaines avant son tant attendu premier album studio Free TC.



La consécration

Si certains se demandent encore comment un artiste jusqu’alors habitué aux succès nationaux a réussi à passer au niveau supérieur en si peu de temps, c’est d’abord parce que le raz de marée Ty Dolla Sign a tout englouti à partir de son premier tube international « Paranoid ». Ce titre incarne parfaitement la marque Ty Dolla : un beat simpliste (DJ Mustard), des paroles assez crues – ou « ratchet » comme le définissent les américains – et une voix entre le rap et le chant. Il n’en fallait pas plus. Quelques mois plus tard, il écrit le tube « Loyal » pour Chris Brown, originalement pensé pour lui-même et l’artiste Bobby Brackins. D’ailleurs en y jetant une oreille attentive, on retrouve facilement dans le chant de Chris Brown l’ADN de Tyrone, sans parler de son apparition dans le clip. S’ensuit un second coup de force : « Or Nah Remix ». Le titre en collaboration avec Wiz Khalifa (déjà présent sur la version originale) et The Weeknd en 2014 culmine aujourd’hui a plus de 100 millions de vues. Puis un troisième morceaux vient parachever sa stratégie, en 2015 « Drop That Kitty » avec Charli XCX et Tinashe lui permet d’atteindre une exposition médiatique hors rap.

Le succès de Ty Dolla correspond à celui d’une nouvelle génération d’artistes pour qui la frontière entre le rap et le chant n’est qu’une notion abstraite. Il s’inscrit dans la lignée de Fetty Wap (en featuring sur Free TC avec le titre « When I See Ya »), Rich Homie Quan, Young Thug, mais aussi de Drake et Future… Le caractère atypique du phrasé de Ty Dolla ne semble plus poser de problème et semble avoir trouvé grâce aux yeux et surtout aux oreilles des gens : « Chaque style a sa période, et maintenant c’est la notre. Merde, j’aurai kiffé qu’elle arrive quand j’avais 17 ans, mais c’est arrivé au moment où c’était sensé arriver. Nous y sommes enfin. Même si j’ai toujours eu ce genre de style. »

Ty Dolla $ign : une affaire de famille

Ne vous trompez pas, Ty Dolla est derrière bon nombre de hits de vos artistes préférés. Il écrit assez fréquemment pour des artistes comme Trey Songz par exemple. Éternel rat de studios, il apporte sa touche au tube « Young, Wild, And Free » de Snoop Dogg et Wiz Khalifa en collaboration avec Bruno Mars (qui s’attribuera les crédits de production avec son équipe). Coïncidence ou pas, le titre ressemble à s’y méprendre à « Toot it, Boot it » qu’il avait composé quelques années plus tôt pour le rappeur YG. Enfin, une association marquante prouve qu’il joue maintenant dans la cour des grands. Il s’agit de celle avec Rihanna, Kanye West et Paul McCartney pour le titre « FourFiveSeconds ». À moins que vous vouliez vous intéresser au titre « Only One » de Kanye West, sur lequel Ty Dolla a aussi travaillé ?

« Nous ne pouvons pas communiquer sur le prix que coûte une collaboration de Ty Dolla sur le projet d’un autre artiste car la plupart des featurings sont l’aboutissement d’une amitié avec les artistes avec qui il collabore. »

Joya Nemley

Celui qui, il y a encore peu de temps distillait caviar sur caviar à une palette d’artistes tel Andres Iniesta alimentant le trident offensif du FC Barcelone, décide de penser un petit peu plus à sa propre personne à travers Free TC, son premier album chez Atlantic. Ce qui le plonge dans une introspection salvatrice où il verse quasiment dans une thérapie rédemptrice: « Je considère mon album comme parfait. J’ai pris mon temps et j’ai fait en sorte que tout soit irréprochable. Je n’aurais pas pu imaginer un meilleur premier album. »

« Si les gens ne comprennent pas le sens du titre de l’album avant la première écoute, ils sauront qui est TC après avoir écouté le disque dans son intégralité. »

Shawn Barron

Pensé depuis très longtemps, Free TC est le fruit d’un long cheminement artistique. D’après Shawn Barron, si Ty Dolla ne prêtait pas autant attention aux détails, certaines chansons auraient pu être livrées depuis presque 3 ans : « Ça lui a pris autant de temps parce qu’il est très minutieux, encore plus lorsqu’il s’agit de sa propre musique. »Exemple concret de cette névrose pointilleuse, le titre « L.A » qui réunit James Fauntleroy, Brandy et Kendrick Lamar. Créé il y a 3 ans, le morceau ne cesse d’évoluer à force d’ajustements. D’ailleurs, une version au beat plus rapide avait fuité l’année dernière avec seulement le rappeur de Compton en featuring. Finalement, le track revêt un tempo plus lent et se retrouve en première position dans le tracklisting de l’album.

Tous s’accordent à dire que Ty Dolla adore être en studio, et passe son temps à composer. Dans un souci de productivité, il décide d’installer son studio d’enregistrement chez lui, afin dit-il se consacrer pleinement à la musique car sa notoriété grandissante remplit les studios d’inconnus, de directeurs artistiques : « Je ne suis plus capable de dire ce que j’ai envie de dire parce que tout le monde me regarde ; cela devient une performance alors que c’est juste sensé être un endroit où je dois bosser. » D’Mile, producteur et aussi directeur artistique sur l’album décrypte ce processus de création : « Quand nous bossons ensemble, la première chose que je fais c’est de préparer toutes les machines avec son ingénieur Andy. Dès qu’on est synchro, on commence d’abord par planifier la séance. Puis on démarre. C’est beaucoup de travail d’équipe et énormément de fumette de Ty. Moi je ne fume pas mais une fois qu’on a fini, généralement la nuit, je me retrouve à quitter le studio avec une grosse odeur de weed. C’est marrant, tant que je ne fais pas de mauvaises réactions à la fumée, ça me va. »

« Si j’avais un seul conseil à donner à Tyrone William Griffin Jr. lorsqu’il était adolescent ? Reste éloigné de la drogue. »

Ty Dolla $ign
Ty Dolla $ign : une affaire de famille

D’Mile : « J’écoute l’album depuis presque un an maintenant. Ty et moi avons eu des échanges d’idées, des conversations sur les productions en passant par la couleur sonore… Pour tout en fait. Cet album ne serait pas sorti jusqu’à ce que nous – plus spécialement lui – ne soyons satisfaits. J’ai le sentiment que cela ne va faire que s’améliorer à partir de maintenant. »

Le projet Free TC est nourri par un sujet très longtemps resté dans la vie privée de l’artiste, comme si l’heure n’était pas encore venue de partager cette blessure indélébile qui marque l’homme: « Je me souviens parfaitement du jour où j’ai appris que mon frère cadet TC a été arrêté et accusé de meurtre. Je me suis senti comme une merde, ma famille entière d’ailleurs… Voir ma mère traverser cette épreuve a été la pire chose pour moi. »

« Maintenant que je suis rentré dans son intimité, je me rends compte à quel point il est porté sur sa famille. »

D’Mile

Joya Nemley : « J’ai beaucoup parlé avec le père de Ty Dolla lors de la conception de l’album car il y a participé en tant que musicien, sa sœur aussi d’ailleurs ainsi que son frère TC évidemment. Voir la manière dont une famille peut se réunir afin de travailler sur un projet au potentiel commercial énorme, pour moi, c’est la partie la plus intéressante de mon travail. »

Condamné à perpétuité, voici bientôt 11 ans que le jeune frère de Ty Dolla croupit en prison pour un meurtre duquel tous ses proches clament innocence. Artiste également, vous avez peut-être entendu sa voix sans même savoir qu’il ne s’agissait de lui. Très tôt, Ty Dolla décide d’inclure son frère dans ses projets (« In Too Deep » sur $ign Language et « Miracle » sur Free TC) et ceux de YG (« Thank God »sur My Krazy Life), malgré l’obstacle carcéral. Oubliez les micros onéreux des gros studios hollywoodiens, TC chantera par téléphone. Lorsqu’on lui pose la question de comment il a réfléchi à ce procédé, l’artiste nous confie : « L’idée m’est venue via un artiste jamaïcain qui s’appelle Jah Cure. Il était en prison pour de fausses accusations de viol, malgré son incarcération (il a été condamné à 15 ans de prison en 1999, ndlr) il réalisera 3 albums avant d’être libéré en 2007. Entendre sa musique m’a inspiré, le son restait correct alors qu’il enregistrait depuis sa prison. J’en ai donc parlé à mon frère. On a alors essayé d’améliorer ses vocalises grâce à l’ajout de productions autour. »

Leurs voix sont bourrées de similitudes, dreadlocks en moins, vous pouvez d’ailleurs retrouver sur YouTube différentes vidéos de ses performances vocales en tapant « Big TC & D.Loc » (son compagnon de cellule et acolyte vocal). Mais quand vient la question dérangeante de savoir comment TC a pu se servir d’un téléphone pour faire ces différents enregistrements, la réponse peine à se faire claire et précise.

Miracle

« TC a vraiment enregistré le morceau depuis sa cellule en prison, il chantait au téléphone tandis que son codétenu tapait sur un objet pour faire un beat, c’était complètement fou. »

Shawn Barron
Ty Dolla $ign : une affaire de famille

Sûrement parce que l’usage d’un portable est formellement interdit dans l’enceinte d’une prison et que se faire complice d’un tel acte peut avoir de mauvaises répercussions sur l’image de Ty Dolla, la pertinence de cette question n’a pour but que de mettre en avant les risques et les efforts consentis par le clan de l’artiste. Quand certains regards restent bienveillants, les fonds récoltés grâce à la vente de l’album serviront à défendre le cas de TC, d’autres y voient un opportunisme marketing que seuls les Américains savent manier si habilement. Et si tout simplement l’un n’empêchait pas l’autre ?

Brian « Busy » Dackowski : « Nous essayons de mettre en lumière ces injustices qui gangrènent notre pays en ce moment à travers les réseaux sociaux. Nous sommes alors venus avec le hashtag ‘#FreeMyHomieFridays’ pour dévoiler des cas de personnes dans des situations similaires à celle du frère de Ty Dolla. Nous avons alors découvert qu’un grand nombre de personnes vivaient la même chose et s’identifiaient au sujet. »

« Look at the bigger picture » (« Vois plus loin que le bout de ton nez ») comme disent souvent les Américains. Les différentes stratégies mises en place par l’équipe marketing de l’artiste semblent être payantes même si de l’avis de tous, le message aurait sûrement été plus fort si Ty avait tourné le concept de l’album autour de ce sujet, plutôt que d’incorporer son frère dans chaque interlude. Un « body of work » (projet cohérent dans le fond et la forme) qui aurait assis le message qu’il souhaite passer, à la manière d’un Kendrick Lamar sur To Pimp A Butterfly ou encore d’un YG et son My Krazy Life. Bizarrement, l’album ressemble plus à une compilation de ses morceaux préférés entrecoupés de quelques titres bien sentis et profonds (« L.A », « Straight Up », « Miracle/Wherever », « Finale »), le tout noyé par la ribambelle d’artistes invités à partager la chansonnette avec lui (sur 16 titres, 14 sont en collaboration).

Pour expliquer cette curieuse orientation artistique, D’Mile remet les choses en perspective : « Tout ce dont Ty parle dans cet album représente vraiment ce qu’il est. Il raconte la manière dont il perçoit sa réussite comme un miracle. Par extension le concept de l’album est sa vie sans TC. Il s’amuse, il profite, mais il aurait souhaité de tout son cœur partager cette aventure avec son frère. Ty explique que son frère est injustement emprisonné, il est resté au moins 10 ans derrière les barreaux et risque de passer le reste de sa vie là-bas. Cet album a donc deux buts : le premier cherche à apporter le maximum d’exposition au phénomène d’incarcération de masse qui touche la communauté noire aux USA ; le second veut simplement aider à soulever des fonds qui contribueront à la défense de son frère lors d’un futur appel au jugement. »

« Ty reçoit beaucoup d’amour des autres artistes qui apprécient réellement le travail qu’il fait. Pour lui, ces collaborations ont été faciles à gérer. Je crois que Babyface est le seul artiste qu’il a dû avoir grâce à son label. »

D’Mile

Musicalement, l’orchestration est d’un niveau largement supérieur à ce qui peut s’entendre depuis quelques années, et ce n’est pas un hasard car Ty Dolla y apporte une attention particulière. Son directeur artistique nous confiera même que l’artiste aura dépensé environ 60 000 dollars (le poste de dépense le plus important sur ce projet) pour s’offrir un orchestre live d’une trentaine de musiciens. Tout est donc question de qualité pour lui, il ne s’agit pas de lésiner sur les moyens. Seuls quelques autres artistes étiquetés urbains peuvent se permettre ce genre de folies actuellement. Ne souhaitant pas répondre à la question épineuse du coût de production de Free TC, Joya Nemley (qui gère entre autres l’administratif et le juridique à la section urbaine chez Atlantic) botte en touche en nous confiant qu’un projet similaire pour un autre artiste se budgétiserait à 500 000 dollars environ. Une belle somme.

Et tant pis si la mode est aux mots « bitch », « fuck », « weed », Ty Dolla $ign est rentré dans la sphère des très respectés « hit men » aux côtés des Future, Fetty Wap… Ceci implique une stratégie de retour sur investissement et de rentabilité du temps de production. À défaut de se conformer et de rentrer dans le moule, Ty Dolla l’a façonné à son image. Et comme dirait Jay Z, le plus grand philanthrope de Marcy projects: « I’m not a businessman, I’m a business, man. »

« Je crois vraiment que cet album va donner le ton pour tout le r’n’b en 2015 et ce à quoi il faudra s’attendre dans les années à venir. »

Shawn Barron
Ty Dolla $ign : une affaire de famille

En une heure d’entretien, sa sonnerie de téléphone sonnera à trois reprises. Le thème musical de son smartphone ? « Holla Holla » de Ja Rule. Comme un indice de plus pour marquer sa différence avec le paysage rapologique actuel et les influences d’un artiste que l’on pourrait sans problème associer à une autre décennie. Celui que l’on a découvert sous l’étiquette 1995 s’efforce aujourd’hui de s’accomplir en tant qu’artiste solo et en tant qu’entrepreneur sous la structure Don Dada, qu’il a crée avec son associé Hologram Lo’. Sur de lui, minutieux et seul maitre de ses choix artistiques, Alpha Wann aborde avec précaution le virage du passage à l’âge adulte artistique. Après le coup d’éclat remarqué du premier volume et le succès commercial d’Alph Lauren II, on peut se dire que le rappeur de 26 ans est sur la bonne voie.

Un truc que les gens ne savent pas forcément : Alpha Wann est ton vrai nom civil.

[Rires, ndlr] Non, je le dis aux gens des fois mais ils ne me croient pas ! Alpha c’est mon prénom et Wann mon nom de famille.

Peux tu nous rappeler l’origine du nom Alph Lauren ?

J’aime beaucoup Ralph Lauren, et c’est un jeu de mot que j’avais trouvé au lycée, ou je m’étais dit que j’appellerais ainsi mon premier projet. C’est synonyme de qualité, j’ai vu mon père en porter, j’ai vu plein de rappeurs en porter. Je me suis dit que si mon père et ces rappeurs en portent, c’est que ça devait être un textile de qualité. Et j’ai roulé avec ça. Les gens aiment trop les Louis Vuitton etc. Moi ce n’est pas trop mon délire. Je préfère Ralph Lauren. Le textile dure et les couleurs sont belles.

Dans quel état d’esprit tu étais pendant la conception de ce projet ?

Je ne me sentais pas spécialement prêt pour un album. Et je ne voulais pas faire de mixtape car c’est un peu synonyme de poubelle pour beaucoup. Je me suis dit que j’allais faire comme 1995 et sortir deux EP avant l’album. Faire un second EP, plus ou moins dans la continuité du premier, mais qui ait sa propre identité musicale et un style différent du premier. Je voulais faire un truc qui n’ait rien à voir. Je préfère faire un truc différent et qu’on me dise qu’il est nul plutôt que l’on me dise qu’il est bien car il est comme le premier. Le premier correspond à une certaine période de ma vie et le second à une autre partie de ma vie. Il est différent en terme d’instrus, de contenus. J’ai un peu vieilli, donc ça se ressent dans les textes.

C’est important pour toi de présenter une nouvelle facette à chaque projet ?

C’est important oui, car sinon tu n’est plus un artiste, mais un artisan. Les gens te commandent une armoire, toi tu montes l’armoire, et tu recommences à chaque fois. Je veux à chaque fois faire différent, sinon ça devient du travail à la chaine. Et je ne suis pas dans ce concept-là.

Le choix de « 1, 2, 3 » comme single coulait de source ?

Oui c’était mon choix, mais par exemple mon associé Lo’ le déteste alors que moi je le kiffe de ouf. Il me fallait une plate-forme sur laquelle je pouvais rapper, un son un peu actuel. J’aimais bien l’instru, j’avais jamais taffer avec Richie Beats, ça fait longtemps qu’on voulait le faire, c’était le moment parfait.

Sur le morceau, t’entames ton couplet sur une anecdote : « Je fumais de la vieille beuh, j’étais en train de cailler/J’ai entendu mon son dans une Porsche Cayenne bleue/Je me suis dit : « fini d’bailler, faut mailler, ça y est. » C’est véridique ?

Oui c’est vrai, mais j’ai un peu grossi les traits, et ça s’est passé il y a longtemps. Je ne sais pas, j’étais assis sur un banc, je galérais, j’ai vu un mec passer, ce n’était pas une Cayenne bleue mais un 4X4 blanc. Le mec dedans écoutait un de mes sons et récitait une phase à moi, mais sur un son qui n’avait rien à voir avec la phase qu’il rappait. Il m’a vu, et ne m’as rien dit. Et je me suis dit le gars se pavane dans son SUV sur un de mes sons et moi j’ai froid et faim… Mais c’était il y’a vraiment longtemps.

Depuis le début de l’aventure 1995, on a peu l’impression qu’une aventure solo était inéluctable pour Alpha Wann, comme c’est un peu le cas pour Nekfeu.

J’ai toujours voulu faire des trucs en solo, mais je n’en ai jamais eu le courage en fait. Faire des trucs seul me prenait la tête, j’avais peur de me lancer. Mais depuis le début il en était question car quand j’écris mes textes, je les écris seul. Pendant longtemps je me disais que je vais attendre encore, mais je l’ai toujours su que j’irais en solo. Je prends plus de plaisir car dans un groupe il y’a des concessions. Là ça ne regarde que moi et celui qui fait l’instru, quand je rappe sur sa prod. C’est plus simple en terme d’énergie, mais c’est plus de travail. Mais personnellement je prends plus de plaisir, je choisis tout moi-même.

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Est ce que le succès d’un Nekfeu, critique et commercial, te met la pression ?

J’ai toujours su que ça allait arriver. Je n’en ai jamais douté. Et comment je me place par rapport à ça ? C’est mon gars, il sait faire plein de choses que je ne sais pas faire et est en train de tout niquer. En dehors de sa personne, plus particulièrement dans sa musique, il fait des choses que je ne sais pas faire, et qui moi ne m’intéresse pas de faire. Pas parce que je ne trouve pas ça bien. Il a la chance d’aimer beaucoup plus de choses que moi. Moi il y’a tellement de choses que je n’aime pas. Ma musique je la fais en calculant tout ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Lui il peut se permettre de rapper sur tellement de trucs différents. Moi je suis dans ma niche et je commence à maitriser mon feu dans mon dojo. Je comprends que son style soit plus populaire, le mien est un peu plus niché. Pas plus subtil, mais c’est pas du rap que tu peux te permettre d’écouter en surface. Pas qu’il fasse du rap qui ne soit pas profond, mais quand j’écris des trucs je pense qu’il faut les écouter plusieurs fois. Il arrive à trouver des bonnes sonorités, des bons refrains quand pour moi c’est des trucs qui me prenne souvent un peu la tête. C’est pour ça que je kiffe quand je l’écoute car ce n’est pas mon truc. Tous les gens qui savent faire des trucs que je ne sais pas faire, je suis souvent fan.

Dans une ancienne interview tu disais vouloir « rattraper » Nekfeu avant de songer à un nouveau projet commun entre vous deux ?

Ce n’est même pas une question de le rattraper, mais je veux d’abord installer mon truc à moi, avoir une fanbase qui connaisse mon univers. Pas forcément le rattraper dans le sens vendre autant de disques que lui, mais installer un truc que je considère respectable. Sinon ça sera seulement des gens qui vont écouter juste parce qu’il y a Nekfeu dedans, ça ne m’intéresse pas du tout. Et quand bien même, il faudrait qu’on se prenne la tête musicalement car on n’a vraiment plus les mêmes gouts. Et ça on le voit quand on chill au calme et qu’on écoute du son, quand ils kiffent une prod, moi je la déteste, quand ils la détestent moi je la kiffe, c’est souvent comme ça.

Quelle est la nature de ta relation avec Hologram Lo’ ?

C’est mon associé, c’est mon partenaire en crime. Sur ce projet, il a pas mal supervisé la production exécutive, il a fait la direction artistique. Bon, il ne sera pas DA sur le prochain, car comme on est trop potes, travailler ensemble c’est relou, on s’énerve vite. Mais c’est mon associé, mon partenaire et il a fait la moitié des sons sur le projet.

Dans toute cette nébuleuse L’entourage/1995, pourquoi tu t’es associé avec lui particulièrement ?

Tout simplement parce que quand on a fait le morceau « Réel » avec 1995, Lo’ et moi étions les deux à détester ce morceau ! C’est toujours le cas d’ailleurs. C’est parti de là. Puis on a commencé à développer des trucs ensemble. Quand je l’ai rencontré, il était déjà pas mal dans l’électro-house, autant que dans le rap. Et puis on s’est dit qu’on allait monter une structure, une plate-forme où on allait pouvoir montrer nos goûts aux gens, où on allait collaborer qu’avec des vrais cracheurs de feu, des gens qui savent faire de la musique, et de la musique différente. Après on n’est pas Bad Boy, ni Roc-A-Fella donc on peut pas se permettre d’amener 15 personnes et de leur dire qu’on va s’occuper d’eux. Il faut d’abord qu’on s’occupe de nous. On est en collaboration avec Caballero, avec un rappeur qui s’appelle Infinit, VM the Don, Diabi, Ocho aussi qui fait des sons… On commence à développer une fourmilière d’artistes talentueux et une plate forme sur laquelle on peut bosser et payer des gens. C’est comme ça qu’on peut monter, ensemble.

Devant le nombre important d’artistes présents dans tous les différents groupes, c’est difficile de ne pas froisser d’égos ?

Non parce que j’ai compris que je ne pouvais faire aucun compromis dans ma musique. Quand un truc ne me plait pas je ne peux pas le faire. Je ne peux pas non plus faire un truc pour l’amitié ou pour autre chose. Ce qui est important pour moi en ce moment c’est de m’occuper de Don Dada, et aussi nos trucs de groupes, mais on fait nos propres trucs avec DD, même si on fait parti d’une grande famille avec S-crew, Nekfeu, L’entourage, 1995 etc. Sur DD, on est sur notre propre niche, on développe la sonorité électro-house avec Lo’ et Diabi et VM the Don, et moi je suis dans mon rap et je suis dans mon propre délire, que t’aimes ou t’aimes pas, je fais ma propre sauce. Et de toute façon on commence tous à avoir des styles différents, donc on ne se met pas à dos qui que ce soit entre nous.

Votre histoire est marquée par des soucis et des imbroglios avec les maisons de disques ou labels, cela renforce un peu plus votre idée de l’indépendance et du Do It Yourself que vous prônez ?

On essaye de moins en moins d’aller voir des gens qu’on ne connait pas pour leur demander de faire des choses, mais plus de demander à des gens que l’on connaît. Sinon c’est compliqué. Après voilà, Believe, je les comprends, ils s’occupent d’Alpha Wann, pas de Madonna. Je comprends qu’il y’ait quelques petites erreurs mais de là à avoir ce qu’il s’est passé. Il y’a des disques qui n’ont pas été envoyés en fait, dès la première semaine. Les gens allaient dans des FNAC, demandaient des CD mais y’en avait pas, c’était un peu relou donc on a décidé de prendre une distrib’ avec laquelle on n’aurait pas ce genre de problème. Quand tu es un artiste en maison de disques, ce genre de mésaventure ne t’arrive pas. Tu as le tampon Universal qui approuve, donc le CD est mis où il faut, quand il le faut. C’est juste que quand t’es un petit ou un moyen chez un petit label, ça va être des problèmes, alors que là c’est Universal, ils vont nous respecter. Moi ce statut d’indépendant je compte le garder mais si demain j’ai un contrat avec lequel je peux faire un milliard par jour tout en restant sur le label, je vais signer. C’est juste qu’il faut qu’on soit en accord avec les redistributions et que les gens soient motivés. Pour le moment on travaille qu’avec nous-même car on sait qu’on est motivés, quand on verra des gens qu’on constatera motivés, on sera prêt à travailler avec eux.

D’où vient ce goût pour la technique dans ton rap ?

Je ne peux pas parler pour les autres, mais moi personnellement j’ai commencé dans ce délire-là instinctivement quand j’ai écris mes premiers textes. Je me suis rendu compte que quand les mots étaient un peu plus longs, ça faisait des plus belles rimes, donc j’ai commencé à être dedans. Et les rappeurs que j’écoutais étaient aussi dedans ; plus jeune j’allais au bled, y’avait des rappeurs qui étaient là-dedans, je commençais à capter plus ou moins. Et même quand j’étais nul, – pendant longtemps j’ai été très nul [rires] -, je savais plus ou moins ce qui était une bonne ou une mauvaise rime, en tout cas je croyais savoir. Puis le rap américain, new-yorkais nous a beaucoup « matrixé ». Je trouve que ça fait partie des seuls trucs que l’on a pu apporter avec 1995, c’est que tout le monde est devenu plus technique. Pas qu’on était les plus forts ou quoi que ce soit, mais à partir du moment où les gens se sont dits « ah ouais y’a des petits collectifs de Panam ou ça rap bien » maintenant le standard c’est qu’on fait un minimum de rimes.

Quand j’ai rencontré les gars de l’Entourage et de 1995, on écoutait tous plus ou moins des rappeurs qui étaient chauds et qui faisaient des rimes riches. Je pense qu’il y a aussi le fait que j’ai commencé, très jeune, je n’ai jamais voulu trop raconter ma vie personnelle. Les gars de mon quartier avec qui j’ai commencé à rapper étaient dans le rap de quartier, ils étaient plus deep dans la rue que moi. Ils ne rappaient qu’à propos du crime, donc direct je n’ai pas voulu faire ça. Raconter un truc que je ne vivais pas ne m’intéressais pas, raconter ce qui se passe chez moi non plus. Et les gens me connaissaient, ils savaient que j’allais à l’école et que chez moi c’était religieux etc. A l’époque j’aimais déjà qu’on attrape les rappeurs en flag, perso j’ai pu mentir spirituellement, mais je n’ai jamais menti quant à mon taux de testostérone lors de bagarres, de tirs ou des bandanas portés etc. Donc quand tu ne sais pas trop quoi raconter et que tu fais tes premiers raps, t’habilles un peu plus la forme que le fond. Ça à commencer comme ça. Ensuite on a pu équilibrer avec le temps.

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Avec 1995 comme L’Entourage, rendre hommage aux générations précédentes ou actuelles ne vous a jamais géné, contrairement à beaucoup en France?

Les gens s’inventent des personnalités, nous on a aucun problème a dire aux gens qu’on kiffe ce qu’ils font. Après ce n’est pas parce qu’on a dit qu’on kiffe qu’on veut faire des feats. ou gratter quoi que ce soit, on est juste des fans de rap, c’est ce qu’on est à la base.

Comme pour Dany Dan, avec qui on t’a pas mal été comparé pendant pas mal de temps ?

Quand j’ai voulu faire du rap et commencer à écouter du rap français, il faisait partie des quelques gars que je trouvais fort donc pendant longtemps je prenais ses intonations mais c’était il y’a longtemps. Et puis le fait que j’avais une voix qui comme lui, ne soit pas vraiment grave, que je sois beaucoup dans le swag, plus les tournures littéraires… Au bout d’un moment j’ai capté en quoi les gens disaient ça et j’ai fait en sorte que ça ne sonne plus comme lui. Mais après on me le disait beaucoup plus quand j’étais plus jeune. Depuis que je suis connu dans le rap, on me l’a beaucoup moins dit qu’a mes débuts. J’ai fait un taf d’épuration de mon style Dany Danesque !

Dans ta façon de faire de la musique et aussi dans ta stratégie, t’es un peu hors temps dans une époque ou sortir en quantité et rapidement est devenu la norme ?

Quand je fais les choses j’essaie de les faire bien, c’est à dire que pour des morceaux, il faut les mixer, ça va me coûter de l’argent. Ensuite je vais vouloir faire des clips, je vais devoir dépenser beaucoup d’argent pour un projet gratuit. Quand je me sentirais prêt à proposer plus de pistes, je pense que ce sera mon premier album, mais une mixtape je n’ai pas l’impression que les gens l’écoutent entièrement. Et puis pour avoir un mixage carré va falloir que je paye un gars, pareil pour le clip. Cela veut dire que si je ne fais pas directement plein de concerts pour revenir dans mes frais… Je pourrais le faire mais je n’aurais pas le temps de faire une tournée parce qu’après j’ai 1995, j’ai plein de trucs à coté et surtout avec Lo’ on essaye de développer Don Dada. L’après-mixtape prendrait plus de temps que de faire la mixtape. Donc je préfère donner en petite quantité et que ce soit de la vraie qualité.

Comment tu repartis ton temps, est ce que 1995 passe toujours en priorité ?

Ouais, c’est le projet prioritaire, même si avec nos projets on n’est pas forcément disponibles. J’ai fini Alph Lauren II, Nekfeu a sorti sa réédition, le prochain truc qu’on va faire c’est l’album 1995.

En adoptant cette stratégie de rareté artistique, tu n’as pas peur d’être oublié ?

Non ça ne me dérange pas, par exemple de ne pas être appelé sur des projets car il n’y a pas un rappeur qui me rendra triste en ne m’invitant pas sur son album. Le moment où je kiffe le plus le son c’est quand j’écris et que je fais ma musique tout seul. C’est vrai que ça pourrait arriver mais c’est aussi pour ça que j’ai L’Entourage et 1995. Avec 1995, on continue à faire des albums et avec L’Entourage, où il y a plein de rappeurs talentueux, je suis souvent sur leurs projets. Je reste toujours la tête dans l’eau. Je ne me sens pas encore au maximum et je préfère me donner à fond dans un album 1995 et qu’il pète tout, plutôt que faire un truc à la va-vite. En fait je ne me sens pas prêt musicalement, je ne sais pas trop encore ce que je veux en terme d’instrus, donc c’est surtout pour ça que mon album je le laisse chiller un peu. Faudrait que ce soit du brand new shit, brand new swag, faut que ce soit différent, je ne veux pas refaire les mêmes sonorités, les mêmes chansons.

Cette volonté de prendre son temps, ça traduit pas une peur de l’échec ?

Non, je n’ai pas forcément peur de l’échec, je suis habitué à l’échec depuis que je suis petit ! [rires]. Parce que je ne compte là-dessus. Que ça se vende à 2000 disques, 1 ou 10000, ce n’est pas ça qui va me faire dire que le projet est bien ou pas. Tant que les gens me disent que le projet est chaud, que j’ai des concerts et que les gens sont prêts à y aller, ça veut dire qu’ils ont kiffé. Et s’ils ont préférés acheter un autre truc, bah ce n’est pas grave. Mais tant qu’ils écoutent mon truc et qu’ils en parlent autour d’eux. Je connais tellement de rappeurs qui m’ont influencé et qui n’étaient écoutés que par deux ou trois personnes, tellement de gens que je considère moi comme des stars et que personne ne connait… Tant que je fais des concerts et qu’il y a des gens prêt à crever là avec toi, ça ne me dérange pas.

Comment tu vois justement tout ce qui se passe dans le game aujourd’hui ?

Comme je te dis, moi je suis un fan de musique. Même dans ma façon de travailler, je ne demande pas aux gens de faire comme moi ou de travailler ou d’être comme ceci ou comme cela. Si les gens aiment bien se répéter ou faire deux fois le même son, bah moi dix fois le même son, je peux le kiffer aussi. Et puis je suis content de faire un truc où ce n’est pas pareil. Et si les gens faisaient pareil, je serais encore obligé de faire un truc différent. Non, moi je kiffe à fond, parce qu’il y a plein de trucs différents. En ce moment il y a des sonorités un peu « cainfri » qui vont débarquer, il y a les sonorités un peu électroniques rapides, la trap normal, la trap 2.0. Moi je kiffe, il y a pleins de styles différents, ça m’inspire à fond.

Ah ouais ? Par exemple quand t’entends des Gradur, des Niska, des Jul… tu arrives à trouver des trucs intéressants ?

Ah fond ! De toute façon, personnellement je m’influence de tout. Un baron qui va dire une phrase dans ma tess’, ça tournure de phrase va me marquer et je vais être influencé. Je suis influencé par tout ce que j’écoute. Mais quand je trouve un truc beaucoup trop incroyable, j’évite de l’écouter, parce qu’après ça m’influence et instinctivement, sans faire exprès, j’essaie de faire pareil. Mais je sais qu’avec certains gars de l’équipe, -parce qu’il y en a qui ne veulent pas-, on peut se mettre n’importe quelle radio et se prendre la playlist. Que ce soit Alonzo, que ce soit Jul, que ce soit Gradur, si le son est chaud et que les flows sont chauds, il n’y a pas de questions à se poser. Au bout d’un moment, j’ai arrêté de me poser des questions, genre est-ce que ça c’est bien, est-ce que c’est pas bien ? Est-ce que quand j’écoute la musique, ça me fait bouger la tête ?

On imagine tellement pas les mecs de l’Entourage bouger la tête sur « Sapés comme jamais ».

Ah et pourtant dans l’équipe, il y a des fanatiques ! Après moi tous les sons cainfris, je suis un fanatique. C’est instinctif. Je n’ai même pas le choix d’aimer ou pas. Mon corps bouge tout seul.

D’ailleurs dans une interview, tu parlais de limite d’âge qui est un peu une hantise chez beaucoup de rappeurs. Tu disais, « dans six-sept ans, je ne me vois pas… il va faire la même chose et si je n’ai pas percer je vais me poser des questions. »

Moi ce que j’appelle percer, c’est gagner assez d’argent pour pouvoir payer les gens avec qui je travaille et me payer moi-même. C’est ça que j’appelle percer. Ce n’est pas être en couverture de Voici ou sur TF1 à 20h. C’est pouvoir gagner de l’argent et payer les gens avec qui je travaille et puis générer de l’argent. Après c’est juste qu’au bout d’un moment, pour moi le rap qui est trop léché, jamais vulgaire, ça ne m’a jamais intéressé. Et je ne me vois pas dire des gros mots trop vieux, tu vois ce que je veux dire ? Je veux une grande famille, une famille kainfri tu vois et il y a trop de jeunes, trop de petits… Et déjà là, je dis beaucoup trop de gros mots et de conneries par rapport aux jeunes qu’il y a dans ma famille. Je ne me vois pas continuer jusqu’à je ne sais pas quel âge, à dire des gros mots. Même pour n’importe quelle somme d’argent on n’est pas trop comme ça dans ma famille. Et je ne me vois pas faire une autre musique ni autre chose que du rap. Je trouverais d’autres business dans le rap, mais je ne me mettrais pas en avant.

T’as l’air pas mal attaché à la notion de famille. Quel est ton rapport avec ton pays d’origine, la Guinée ?

L’endroit d’où mes parents viennent. C’est le pays d’origine de toute ma famille. On a la chance de ne pas avoir été délocalisé par l’esclavage, et il faut toujours apprécié ses racines. Et puis il faut essayer d’améliorer les choses là-bas. Pour moi, pour chaque personne qui a des parents d’une certaine origine et dont les parents sont venus ici à une époque où on immigrait beaucoup, c’est un devoir d’essayer d’améliorer le pays de tes parents. Après je ne te dis pas qu’ils doivent dire « Nique la France », qu’ils partent en disant « Je vais au bled. » Non. Et puis si tu ne prévois rien, tu ne vas rien faire là-bas. Il suffit, quand t’es jeune, d’essayer de commencer à créer des trucs là-bas. Comme par exemple Akon qui a installé des panneaux solaires, par exemple, dans mon village, les gens ont de l’électricité grâce à lui. C’est motivant. Donc ouais, j’aimerais aider le pays. Et puis les gens se feront respecter en France, quand ce sera calme dans leur pays. Tant que ce sera la galère en Afrique, ils ne respecteront pas forcément les renois.

Ce serait notamment ton grand cousin qui t’aurais plus ou moins initié au rap.

C’est mon sensei ! Lui est né en 82, moi en 89. Je crois qu’on a du vivre ensemble à partir de 92/93, lui il était déjà dans le rap. Il était déjà allé aux Etats-Unis et on était dans le 9-2, donc on était déjà très rap français. Il m’a fait écouter du rap depuis mon enfance. Lui n’était pas trop Sages Po. Il était plutôt Lunatic, Ärsenik et du rap américain surtout. Il était dans les raps sombres plutôt. Il aimait le rap français sombre. Il m’avait donné la cassette d’Ärsenik « Quelques gouttes suffisent », c’était en 98/99, donc celle-là, je l’ai écouté. Ensuite il y a eu « Les Princes de la Ville » qui est sorti et que j’ai eu aussi. Et ensuite je ne sais pas, j’ai dû acheter un CD d’Eminem et j’ai commencé à m’émanciper à partir de 14 ans. Dès le collège je me suis dit que je voulais faire du rap, parce que j’ai capté que j’étais paresseux, que je n’étais pas quelqu’un qui aime se lever le matin. Je n’aimais pas l’idée de travailler pour quelqu’un que je trouvais moins intelligent que moi. Je détestais tous ces trucs-là et en même temps je kiffais le rap, donc je me disais que c’était mon truc. [Quand je fonde 1995 avec Areno Jazz], je pense déjà à ne pas travailler, à ne pas avoir de 35h. Mais je pense surtout à ma passion. Je suis jeune, pour moi le travail c’est loin, mais je me dis quand même que ce n’est pas ça que je veux faire.

Un dernier mot sur ton année 2015 et sur ce qu’on peut te souhaiter en 2016?

C’était fantastique 2015. Ils ont ramené beaucoup de nouveau swags dans le rap français. Donc vive 2015. Pour 2016, Plein de concert hein ! La santé et la prospérité.

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Incontournable, utile et simple d’accès, le moteur de recherche “Google” a révolutionné le quotidien de millions d’utilisateurs depuis sa création en 1998. Lorsque Larry Page et Sergueï Brin donnaient presque machiavelliquement naissance à ce monstre dans la pénombre de leur garage poussiéreux, se doutaient-ils de la portée de leur geste? En dix-huit ans, Google est devenu omnipotent et indispensable. Une divinité virtuelle dont les avatars se développent progressivement, parfois sous l’impulsion de la contingence. Google Image par exemple, est étrangement né de la rencontre fortuite entre le talent couturier de Donatella Versace et le physique hors du commun de Jennifer Lopez.

 

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Los Angeles, 23 février 2000. Ce soir-là, Rosie O’Donell présente la 42ième cérémonie des Grammy Awards où la jeune Christine Aguilera, le groupe rock latino-américain Santana ou encore Eminem seront récompensés. Pourtant, aucune de ces étoiles ne brille plus que l’astre qui illumine le Staple Centers. À peine arrivée sur le tapis rouge aux côtés de Puff Daddy, son petit-ami de l’époque, la rayonnante Jennifer Lopez fait de l’ombre à la concurrence. Concurrence qu’elle finit d’assombrir au moment de l’annonce du : “Meilleur Album R&B”. À cet instant précis, le temps se fige l’espace d’une minute. La diva au “10 million booty” se dirige vers la scène. L’assemblée, silencieuse, est captivée par cette étoile qui s’avance aux côtés de David Duchovny pour délivrer le message. L’heureux gagnant? Le groupe TLC. Mais qui s’en soucie réellement? Tous les regards sont braqués vers la robe Versace, en soie verte émeraude, aux imprimés exotiques, légère, échancrée et provocatrice, dont s’est ornée la chanteuse. C’est un véritable hold up. “This is the first time in five or six years that I’m sure that nobody is looking at me” ironise même Duchovny. Entre l’euphorie de la victoire et les pleurs camouflés de la défaite, les strass et les paillettes, J-Lo pétille et enivre plus que le Chardonnay versé abondamment dans les flûtes de verres.

 

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L’histoire aurait très bien pu s’arrêter ce soir-là. Les précieuses récompenses déposées sur une étagère et la robe rangée au placard. C’était sans compter sur les milliers de personnes qui voulaient voir ou revoir la diva dans sa tenue de jade… Comment faire ? Un seul espoir, internet ! En à peine 24 heures, les photos de Jennifer Lopez sont téléchargées 642,917 fois sur le site des Grammy affirme Michelle Lee dans son livre Fashion Victim. Mais ce n’est pas assez, il en faut plus encore. Car les internautes ne s’arrêtent pas. Jusqu’au stade où la belle Jennifer dans sa robe étincellante devient le sujet le plus recherché de Google. Seulement, comme le déclarait en Janvier 2015 Eric Schmidt, ancien PDG de google, dans un rapport publié sur le site Project Syndicate : “[Google n’avait] pas les moyens sur [le] moteur web de fournir aux internautes précisément ce qu’ils recherchaient : JLo portant cette robe. Les internautes voulaient plus que du texte. Google Images était né !”.

Depuis, la robe a fait couler beaucoup d’encre, de celle de Trey Parker, co-créateur de South Park, à Lisa Armstrong pour le TIMES la même année, en passant par le Daily Telegraph qui en 2008 la classait à la cinquième place parmi les robes les plus iconiques de tous les temps. Jennifer Lopez, à son apogée au début des années 2000, a quant à elle joui d’un succès lié à sa musique d’abord, à son physique ensuite. Vénus des temps modernes, on lui doit Google Image donc, mais également l’amour de la stéatopygie qui caractérise notre ère. “J’aime les gros tarpés, c’est la faute à J-Lo” scandait Booba, non? Qu’importe qu’elle soit sur le déclin, qu’on la catégorise “MILF”, qu’on la compare à la concurrence, plus jeune et plus provocatrice : Nicki Minaj, Amber Rose, Kim Kardashian… la sulfureuse quarantenaire pourra toujours se vanter d’avoir “break the internet” la première. Habillée.

 

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Pour célébrer la sortie de l’album « Alph Lauren II » le 15 janvier, Alpha Wann a choisi deux villes pour établir ses release party. Entre Paris et Lyon, le Ninkasi Kao et Les Bains, c’est sous le signe de son label Don Dada qu’il célébrait l’évènement avec Hologram Lo’, DJ Endrixx, Gotrunks, Lasmoul & Ocho, Makala, Pink Flamingo, Infinit, Caballero Spri Noir ou encore Take A Mic.

Le photographe Kevin Jordan nous dévoile quelques images de la soirée.

Au delà d’être une jeune marque vitrine d’une mode actuelle, Jour/Né est avant tout un trio composée de trois esprits créatifs : Léa, Lou et Jerry. Sortis tous les trois d’expériences en grandes corporations fashion, ces trois passionnés de « beau » et de vêtements n’ont pas mis longtemps pour se décider à s’allier et offrir leur vision d’une mode qu’ils veulent élégante, intemporelle et universelle. C’est avec le sourire et dans la bonne humeur que l’on est accueilli dans leurs locaux temporaires à Montrouge. L’occasion d’en connaître un peu plus sur la maison Jour/Né et sur les jeunes entrepreneurs ambitieux et innovateurs derrière ce projet, élaboré et imaginé pour habiller chaque instant précis de la vie de la femme urbaine et moderne.

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On a du vous le demander pas mal de fois, mais pourquoi Jour/né ?

Jerry : On avait vraiment une volonté de créer et de proposer un vestiaire quotidien assez complet pour une femme. Qu’elle puisse le porter aussi bien la journée, que le soir. On voulait que ce vestiaire soit bien pensé, beau et qualitatif. Donc on essaie vraiment de faire des vêtements qui sont nés pour le jour, tout simplement. Penser à ce qu’elle peut porter le lundi matin pour aller au travail, aussi bien que le jeudi soir pour aller boire un verre avec des copines ou le dimanche, pour rester chez soi à la maison… Mais toujours garder un vêtement sur lequel on peut compter pour sa qualité, sa beauté et la façon dont il a été pensé.

Est ce que ça a été dès le départ, un projet ambitieux?

Lou : Directement, ça a été vraiment un projet très sérieux. C’était même un projet de carrière pour nous. On voulait vraiment créer quelque chose qui allait durer dans le temps. Le but n’était pas faire un buzz.

Léa : On n’est pas parti sur une idée simple – faire par exemple des t-shirts avec des images qu’on trouve cool ou des choses comme ça. On est directement parti dans ce qu’on avait vraiment envie de faire, en se demandant ce qu’était notre passion et comment on avait envie de la retranscrire. On a essayé de se donner un maximum pour mettre tous les moyens de notre côté, que ce soit sur les vêtements, sur les lookbooks, sur les photos… Là par exemple, pour notre dernier shoot, on voulait un aéroport, donc on s’est démerdé pour être à Charles de Gaulle, dans le nouveau terminal.

Et du coup au niveau des responsabilités, Jerry tu vas être plus commercial, et le coté créatif sera géré par Lou et Léa ?

Léa : On est hyper complémentaire, ne serait-ce que par nos goûts et par la direction artistique qu’on mène ensemble, ou même par nos compétences, nos formations. On s’occupe tous les trois de la direction artistique de la marque, c’est-à-dire les shootings, les lookbooks, la communication etc… On se concerte avant de tout lancer. Ensuite sur la direction artistique de la collection, Lou et moi faisons la D.A. globale. Je m’occupe de ce qui est recherche de tissus, matières et de toutes les fournitures, comme les gallons qu’on met sur les vêtements. Lou s’occupe plus du vêtement, de la recherche iconographique et fait beaucoup de recherche vintage. Et on fait le plan de collection à deux. Et Jerry s’occupe de la partie commerciale, qui est en pleine évolution parce que le côté vente est hyper important pour nous.

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Vous venez tous de grosses boîtes : Nike, LVMH et Marc Jacobs. Est-ce que ça a quelque part aiguillé ce projet-là ? Est-ce qu’il y’a derrière ce un désir d’indépendance,  peut-être de liberté créative ?

Lou : C’est vrai que dans ces grosses boites-là, la partie créative est souvent minime. C’est sûr qu’on ne peut pas forcément s’y épanouir comme on en a envie. Nous, on a envie de toucher à tout. Même Jerry, qui fait la partie commerciale, a aussi un besoin créatif et l’envie de pouvoir avoir son mot à dire sur des shootings, des choix de mannequin, des castings etc. Quand on aime la mode, – si je parle pour moi qui suis styliste et qui a un grand besoin de créativité -, c’est vrai que dans des grosses boîtes on est vraiment déçu et un peu frustré. Alors que là, tout est à faire.

Léa : On ne peut pas tout maîtriser. En plus ce qui est intéressant c’est que, certes on est passionné par la mode, mais ça passe d’un côté par les vêtements, d’un autre par l’image. Donc justement, autant sur le style, que sur le choix du photographe, que sur le choix du mannequin ou sur le choix du lieu, on fait tout. Dans une grande marque, c’est impossible. Tous les métiers sont séparés. Chez Givenchy par exemple, on ne peut pas toucher à de la chemise ou à du pull, parce qu’ils sont réservés à deux personnes différentes. Il y a beaucoup trop de contraintes qui ne nous plaisaient pas. On avait envie de vraiment faire ce qu’on veut en terme de créativité.

Est-ce que vous pouvez expliquer avec vos mots ce qu’est l’ambition et le style Jour/né ?

Lou : Le style Jour/né, c’est celui d’une femme qu’on a imaginé. Pour nous, cette femme n’a pas forcément d’âge défini. Elle est citadine, mais elle vient des quatre coins du monde. C’est sûr qu’étant tous les trois parisiens, il y a une grande influence parisienne, mais on est quand même des enfants, de ce qu’on aime bien appeler la génération easy-jet. On a voyagé. Cette femme, elle, peut aussi être New-Yorkaise ou Japonaise. Chez Jour/né il y a un aussi un côté un peu funky : on aime les couleurs, les femmes qui sourient, rigolent, ont de la joie de vivre. C’est ce qu’on essaye de retranscrire dans nos collections : notre joie de vivre, ce qu’on aime.

Léa : C’est une femme qui aime la vie, qui rigole. Pas une femme filiforme de défilé. Une femme qui a des formes. Elle a un côté sexy sans être too much, ça ne passe pas forcément par un haut ultra-décolleté. C’est bien de marquer la taille. En même temps on a aussi ce côté un peu garçon manqué qui ressort un peu dans la forme des pantalons, ou sur une chemise un peu trop grande. Il y a aussi un petit côté nostalgique aussi. C’est vrai que quand on regarde nos vêtements, il y a des biais rouge, jaune, bleu, qui rappellent l’enfance. Ce sont des petits détails qui font que sur une femme qui a, je ne sais pas, entre 26 et 35 ans, il y a quand même ce côté un peu amusant et cette envie de fraîcheur qu’on ne retrouve pas forcément chez toutes les marques. On essaie d’oser un peu : la couleur, le parti-pris quoi… Quitte à ce qu’on ne nous aime pas. Je pense qu’on nous aime ou qu’on ne nous aime pas.

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J’ai remarqué qu’il y avait pas mal d’influences auxquelles on ne vous aurait pas liées spontanément. Il y a la collection avec Mamo très sportwear. Il y avait du 60’s dans la première collection. Il y a aussi des pièces qui rappellent la haute couture. Qu’est-ce que vous voulez faire passer dans vos collections ?

Léa : Justement, on ne se cantonne jamais ni à une époque, ni à un style particulier. On réfléchi vraiment à ce qu’on a envie de porter d’abord. C’est vrai que sur notre première collection, c’était un peu plus sixties, même si il y a des côtés hyper années 2000 sur un hoodie ou sur une forme, et qu’on a mixé des broderies anglaises. On part vraiment de ce qu’on a envie de porter. Après ça se traduit par certaines époques, par certains styles, en tout cas on ne se cantonne pas à un truc en particulier.

Lou : Sur Mamo, il y avait le côté streetwear, parce qu’il se trouve que le Mamo est un ancien gymnase. On a donc fait nos recherches et on est parti sur des formes sportwear. Nos inspirations viennent un peu de partout. Quand on fait des recherches, ce sont des recherches qui partent autant de l’art moderne, que de voyages, d’inspirations vintages de femmes des années 60-70, mais même des années 80-90. Et c’est vraiment tout ce qu’on aime. On essaie de mettre tout ça dans un grand pot, de mélanger et de voir ce que ça va donner. Aussi, la volonté chez Jour/né, c’est de garder cette femme Jour/né qui au fil des saisons se reconnait dans nos collections sans vraiment changer de style. Mais on essaie également de créer une historie à chaque collection, parce qu’on aime raconter quelque chose. On raconte une histoire, de la conception du vêtement au shooting, en passant par le choix de la mannequin qui vont faire partie de cette histoire.

À quelle cible vous pensez parler aujourd’hui ?

J : Lorsqu’on conçoit la collection, on essaie vraiment ratisser large et de penser vraiment comme un vestiaire. Donc c’est vrai que si tu pioches dans ton propre dressing, il y a des pièces qui vont être un peu plus classique, qu’on va retrouver aussi bien chez une personne un peu plus âgée ou un peu plus jeune. Une chemise, un t-shirt. On sait qu’après chacun va piocher dedans nos collections un peu comme dans un vestaire, en se disant, il y a des pièces un peu plus modeuses, beaucoup plus tendances et d’autres un peu plus intemporelles. Notre travail, notre mission et tous le plaisir qu’on a, c’est d’essayer de créer ce lien pour essayer de proposer l’offre la plus large, mais en même temps la plus cohérente possible. C’est pour ça qu’on peut retrouver du Jour/né aussi bien sûr une dame de 40 ans, que sûr une personne de 20 ans, que sûr une jeune maman de 30 ans. Notre jeu c’est d’essayer de faire le lien et je crois que c’est ce qui nous plaît le plus dans le rapport à la mode et dans le vêtement et dans Jour/né.

Léa : On se compare à personne, mais en tout cas, le seul constat qu’on peut faire, c’est que quand on nous met au Bon Marché ou quand on est en discussion avec de grands magasins, en général, on voit bien dans quel environnement de marque on nous met. C’est comme ça qu’on en déduit que certaines marques peuvent être ou pas nos concurrents. On n’en fait pas la déduction tout seul, mais on nous met en général à côté de noms comme Carven, Rosana, MSGM, Opening Ceremony, ou comme la ligne Shirt de Comme des Garçons…

Lou : C’est un bon compromis. Parce que ça nous permet de faire des vêtements de qualité, mais qui ne sont pas inaccessible parce que ce n’est pas un prix « luxe ». Les gens peuvent se l’offrir. Ils ne vont pas forcément prendre tout le vestiaire, mais on est accessible comparé à d’autres marques de prêt-à-porter de luxe. Surtout que nous fabriquons en Europe et notamment même à Paris, et cela a un coût.

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Vous avez tout conçu autour d’une direction artistique, avec toutes les histoires qui sont inhérentes à chaque collection : le concept de l’heure, jour de la semaine, les couleurs, le moodboard et les influences.. Il y a un truc très carré. C’est important pour vous d’avoir une stratégie de communication qui soit si minutieuse ?

J : Chaque détail est vraiment important. Le moindre mot, la moindre virgule a son importance, donc on ne peut pas se permettre de lésiner et de se dire que ça va suivre. On essaie vraiment de maitriser toute la chaine de communication avec un discours basé sur l’instant. C’est pour ça qu’on retrouve cette notion de temps. Nos postes Instagram sont marqués à la minute prêt, parce que c’est une communication pensée et en même temps elle est aussi sincère dans le sens où on créé le contenu à partir des envies principales de Léa et Lou. C’est tout de suite, c’est dans l’instant, mais en parallèle c’est aussi réfléchi, logique et on essaie de faire en sorte que ce soit le plus cohérent possible pour que tout à la fin devienne extrêmement homogène.

Qu’en est il de la question de la mixité chez Jour/né ? Vous indiquiez qu’il y avait certaines pièces qui pouvaient être portées par des hommes, mais ce n’est pas un truc qui est forcément communiqué chez vous.

Lou : En fait on n’y pensait pas forcément quand on créé la collection. Après c’est vrai qu’il y a plusieurs mecs de notre entourage qui ont envie de porter du Jour/né du coup. On n’a pas envie de le faire mal. Donc on prend notre temps et on verra. Franchement, ce n’est pas une porte qui est fermée.

Léa : Et puis il y a des garçons qui achètent aussi sur le site, on s’en rend compte. Donc c’est drôle et c’est marrant, mais c’est vrai qu’on avait un peu envie de faire de l’Homme. Seulement c’est pas possible de faire les deux en même temps, parce qu’on pense qu’on est trop petit et qu’on y arrivera pas pour l’instant. Mais en tout les cas, on entend des garçons qui en ont envie. Ça nous fait plaisir, parce que certaines pièces sont mixtes.

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Vos bureaux sont quand même situé dans un emplacement atypique, à Montrouge, pourquoi ce lieu ? 

J : C’est un endroit qui nous permet justement d’être en dehors d’une bulle. C’est notre petite bulle ici, on est tranquille, on peut aller déjeuner tranquillement, on peut dire les choses sans forcément se faire écouter. C’est vraiment notre petit monde à nous. Par contre dès qu’on arrive sur la rue Saint Honoré…

Léa : La rue Saint Honoré c’est aussi un endroit important pour nous et c’est dissocié. D’un côté on est vraiment hyper relié par cette rue Saint Honoré qui finalement accueille pas mal de marques et fait écho à pas mal de personnes, mais ont besoin parfois d’être concentré, d’être seuls. On est dans Montrouge, il n’y a rien autour, on ne peut être qu’entre-nous, du coup on ne pense qu’à Jour/né.

 

Finalement, quels sont les avantages et les inconvénients de travailler chez Jour/né ? 

Léa : Il n’y a que des avantages ! On a une grande liberté créative et je pense qu’on arrive tous les trois au bureau content, parce qu’on fait notre passion, donc on n’a pas à se plaindre.

Lou : Oui on bosse tous le temps quoi. Après c’est une façon de voir les choses, parce que quand on aime ce qu’on fait est-ce que c’est vraiment du travail ? Oui et non.

J : Et puis c’est cool, parce qu’il y a quand même aussi une part de magie et de mystère qui fait qu’on ne sait pas ce qui peut nous arriver aujourd’hui. Un jour on s’est retrouvé à tourner notre film promo avec une équipe de 15 personnes pro, avec la même caméra que celle utilisée dans le dernier Besson. Le lendemain on s’est retrouvé dans un aéroport. Et puis il y a des jours où on se retrouve à faire de la compta ici. Ça fait parte du jeu. Mais il y a une petite part de magie qu’on ne maitrise pas totalement au final. et c’est cool de se dire qu’on se laisse aussi guider par le quotidien. On ne sait pas de quoi demain est fait, on fait tout pour le maitriser et l’anticiper, mais c’est ça qui fait notre plaisir et notre magie. Qui l’eut cru qu’on allait faire ça il y a un an et demi ? Donc c’est cool. On a envie de continuer et de rester dans le travail et dans la modestie.

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Je pense qu’au niveau de l’expérience vous êtes assez rôdé par vos passifs respectifs. Mais comment, vous l’équipe créative, vous stimulez votre créativité, vos inspirations ? J’imagine que vous devez beaucoup sortir…

Lou : C’est un style de vie. C’est sortir, c’est des voyages…Après c’est voir aussi ce que les autres font. Se renseigner pour ne pas faire la même chose. Et puis il y a une certaine culture de la mode à avoir.

Léa : Même dans la rue, c’est avoir les yeux ouverts toute la journée, ne penser qu’à ça. Par exemple avant de dormir je suis sur Internet,  n’importe quoi peut m’y faire penser.  J’essaie de voyager un maximum dans des pays qui changent, d’apprendre de nouvelles cultures, d’être ouverte à la gastronomie… Ça n’a rien à voir mais pourtant ça a tout avoir aussi. Des expos, de nouvelles cultures, ça peut être un mix de choses totalement différentes. On a pu découvrir des matières à travers des voyages alors qu’au départ on trouvait qu’elle ne s’inséraient pas du tout dans la collection avant de se rendre compte du contraire. Ou il y a encore la façon dont certaines femmes portent des vêtements, on n’y aurait pas pensé non plus. Après c’est surtout des recherches. C’est être curieux, être très curieux.

Est-ce que vous avez des petites traditions, par exemple quand de nouveaux vêtements arrivent au bureau ?

Léa : Oui  par contre quand il y a un nouveau vêtement, on est surexcité. Donc je l’ouvre, on fait des photos et on les envoies direct, ça c’est sur. Après les nouveaux vêtements arrivent un peu au fur et à mesure. Ou alors c’est moi qui suis contente d’un tissu, et pareil, j’envoie des photos.

J : Sinon une petite tradition, mine de rien, c’est les jours fériés en fait. Ou on se retrouve tous les trois et tout est calme et on fait les plus grosses journées. Ca permet de réguler pas mal de trucs et de faire vraiment des journées sans ordis, sans mails, sans rien, mais plutôt avec des ciseaux et des crayons à discuter et à échanger. C’est un truc qui commence à se mettre en place.

Vous avez eu le bonheur d’arriver en finale du concours de l’ANDAM [Association Nationale pour le Développement des Arts de la Mode, ndlr] en tant que nouvel acteur, quelle impact cela a eu pour vous  ?

Léa : C’était une bonne expérience au final. On s’est bien amusé si on le prend avec du recul. On devait présenter notre collection en plus, devant des personnes importantes, donc on avait ce petit stress que tout le monde a forcément. C’était vachement cool, mais on sait qu’on était très proche. Et puis c’est un concours qu’on suit depuis qu’on est petit. Moi je le regarde depuis je ne sais pas quel âge. Ce sont aussi de vrais moments. Quand on a été finalistes, on l’a appris un vendredi soir je crois, et on se disait : « Non mais tu te rends compte ! Maintenant il faut qu’on l’ai ! » C’était sympa. Et puis on n’avait même pas six mois d’existence. Les produits étaient en magasin depuis moins de six mois. On venait à peine de commencer.

J : On a eu un très bon accueil de la marque de la part des membres du jury, ils ont très bien compris notre message. On a su trouver notre place et marquer de notre empreinte l’année 2015 sur l’ANDAM. On en est sorti vraiment grandis, et puis c’est vraiment valorisant aussi.

Lou : C’est réconfortant. C’est sûr que ça nous rassure et que ça nous donne envie de continuer, parce que ce n’est pas toujours facile d’être indépendant. On se prend quand même pas mal la tête parfois. Parce que ce n’est pas tous les jours facile de monter son truc.

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En tant que stylistes, quel avis portez-vous sur le travail de Kanye sur ses deux collections capsules, et les critiques qu’il a essuyé ?

Lou : Moi déjà, ça me fait trop rire le buzz qu’il y a eu sur les réseaux sociaux, les « memes » avec les zombies, les personnages de Walking Dead, des clochards dans la rue, avec écrit « Yeezy Season 500€ ». Je trouvais ça trop marrant et tellement vrai ! Et franchement, je pense que s’il y a eu un tel buzz sur les réseaux sociaux, ce n’est pas pour rien. Je ne sais pas qui sont les clients de Yeezy. Je suis une grande fan de Kanye West, mais franchement, qu’il continue à faire de la musique. Qu’il se concentre sur ses albums et ses mixtapes, et si il veut, relooker Kim Kardashian. Mais pour faire des sweatshirts couleur taupe, on n’a pas besoin de lui.

Léa : C’est clair. Mais c’est dommage je trouve parce qu’il n’a pas non plus essayé de faire des sweats avec écrit « Kanye » qui se seraient bien vendu à 90 balles. Il a créé son univers à lui. Il faut que ce soit justifié quand même. C’est un sweat-shirt oversize donc il y a beaucoup de matières. Sa matière je ne sais pas d’où elle vient, d’Italie ou de France, donc ça peut être du jersey ultra-qualitatif. Il y en a du jersey à 30€/mètre et c’est cher 30€/mètre pour le revendre après. Mais il n’y a pas du Swarovski sur son pull non plus. Il faut arrêter à un moment le délire quoi.

J : Pour des prix hors du commun, on s’attend à ce qu’il sorte une collection hors du commun. Donc à la limite, heureusement aussi qu’il nous a fait un truc hyper décalé, et qui soit très cher, parce que c’est ce qu’on attend aujourd’hui de Kanye West. Au vu de ce qu’il représente, s’il sort quelque chose de trop commun, je pense que ça décevrait. Le principal c’est qu’on en parle.

La haute couture a cela de particulier de faire des vêtements qui ne sont pas forcément portables. Mais tout le monde est quand même vraiment fasciné par cet art.

J : C’est la vitrine de la mode. C’est ce qui va faire rêver les gens et consommer de la mode derrière.

Lou : Ca fait travailler les artisans aussi. Il y a tout un savoir-faire et des gens qui ont des qualifications hyper rares. Et la haute couture c’est la rareté. Donc il y a des défilés de haute couture où les robes ne vont pas forcément être achetées comme ça, mais c’est plus du sur-mesure. Donc ce sont des femmes qui ont de l’argent et qui pour une réception, un mariage ou une exception, vont se faire faire une robe de couturier.

Léa : Mais en tout cas, je trouve que quand on voit cette pièce, on ressent quelque chose au même titre qu’on pourrait ressentir quelque chose en face d’un tableau. Quand j’étais chez Givenchy, on allait voir leur présentation haute couture et être face à ces robes-là, ça laisse sans voix. C’est-à-dire que moi pendant 5 minutes, on peut me parler, je n’entend rien. Mais ça ne me fait pas la même chose sur le pull à 800 dollars de Kanye. Il y a un travail, je pense. Après chacun est sensible aussi à certaines choses et pour rendre ces pièces commercialisables, il faut rendre un peu de ce travail, parce que tout le monde ne peut pas se payer ce prix. Je préfère faire une gymnastique sur un truc ultra-cher et qui laisse sans voix quand on le regarde et qui ne soit pas accessible pour tout le monde, et après le rendre accessible dans la mesure du possible.

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Kanye West a assurément ce problème d’être tiraillé entre deux ambitions : faire de la haute-couture et habiller le maximum de gens. A votre échelle, vous rencontrez aussi ce genre de problématique ?

Léa : Non, c’est vrai que parfois on peut avoir envie d’utiliser une matière qui est ultra chère, alors ce qu’on va faire c’est qu’on va l’utiliser sur certain produit ou alors si jamais on utilise cette matière ultra chère, on va être obligé de se restreindre à ne pas faire un truc oversize, parce qu’on ne peut pas se permettre d’utiliser deux mètres de matière pour faire une chemise qui peut n’en compter que un mettre cinquante. Et du coup on essaie de jouer aussi là-dessus, et mine de rien, il y’a des mini contraintes qu’on essaie d’avoir pour que le produit soit commerciale. Mais on s’ouvre tout le champ de possibilités. Et ce n’est qu’à la fin qu’on restreint un tout petit peu sur quelque chose qui sera trop cher pour ce produit, parce que si personne ne l’achète et bien notre produit n’a plus d’intérêt en fait. On veut le voir dans la rue notre produit, on veut le voir sur les gens. C’est ça qui nous fait du bien. C’est la finalité du truc quand même.

Vous parliez des formes des femmes, qui est toujours une question d’actualité quand on parle de mode. Qu’est-ce que vous pensez de cette représentation de la femme un peu filiforme dans la mode. Est-ce que c’est un truc que vous voulez changer ?

Lou : On n’est pas militant, mais en fait si la fille est filiforme parce que c’est sa nature et qu’elle est née comme ça est qu’elle est belle comme ça, ça nous va. Voilà, mais c’est vrai que la grande majorité des femmes ne le sont pas. Chez certaines marques, c’est le « modèle », mais nous on n’a pas envie de ça, parce qu’on a envie que les gens puissent se projeter dans les vêtements. On aime les femmes, les vrais femmes qui ont des formes.

Est-ce que vous êtes sensible à certains mouvements esthétiques dans l’habillement. Par exemple les sapeurs ?

Lou : Moi j’adore les sapeurs ! C’est tout dans la sape! J’ai la même philosophie que le sapeur. Personnellement je peux me considérer comme un sapeur.

Léa : C’est marrant. Je pense que ce qu’on aime, c’est les gens qui s’assument et qui aiment ça. Par exemple, les sapeurs sont authentiques. Donc je trouve ça drôle, c’est cool de voir quelqu’un qui a une passion. Même autre que le vêtement, peu importe.

J : Et c’est rempli d’espoir quoi. Les sapeurs sont dans des contextes qui ne sont pas les plus faciles ou autre et quand tu vois que le mec, parce qu’il porte une veste Versace tout va bien pour lui, c’est cool. Tu te dis, tant mieux s’il est bien.

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Vous verriez bien des sapeurs porter du Jour/né ?

Léa : Oui pourquoi pas !

Du coup ça pose la question : où vous habillez vous ?

Lou : Personnellement, principalement en vintage. Après en mixant du Jour/né. C’est du mix. Du Nike, avec des choses un peu plus luxe comme du Marni ou du vintage. Un peu de tout. Il n’y a pas de règle.

Léa : Ça va être de tout. Ça peut être un coup de folie, pour mon anniversaire, c’est mon rêve d’avoir un truc Marni et j’économise de ouf et je collecte de l’argent à droite à gauche pour l’avoir. Tout ce que je trouve beau, pas forcément de la marque, ça peut complètement être du vintage aussi. Et puis surtout, moi je déteste jeter, donc j’ai des trucs d’il y a 10 ans – voire plus d’ailleurs – que je remets tout le temps. Ca peut être de tout et du Jour/né évidement.

Les filles ont beaucoup plus tendance aujourd’hui à aller chiner dans des friperies pour trouver le truc que personne n’a,  pour ensuite le mêler à d’autres pièces. Est-ce que vous pensez qu’on tend de plus en plus vers des tenues dématérialisées, faites tant de vintage que de haute-couture ?

Léa : J’ai l’impression que ça vient de plus en plus. Quand j’étais plus jeune –  à 14 ans ou à 15 ans – j’essayais de m’acheter des trucs en friperie et mes copines à cet âges-là me disaient «Ah dégueulasse, comment tu peux rentrer tes pieds dans ces chaussures, dans un truc qui a déjà été porté ?» Même mon mec, c’est marrant, il ne supportait pas ces trucs. Il disait que ça puait et maintenant il le fait aussi. Je pense qu’il y a un mouvement, les gens ont envie d’un retour en arrière.

J : Il y a plein d’acteurs comme Zara, qui proposent de très belles pièces, bien finies etc. Mais c’est vrai qu’il faut se l’approprier ce vêtement qui a été produit des milliers de fois et qu’on peut retrouver au bout de la rue. Donc il y a pas mal de femmes qui vont matcher avec des choses un peu plus luxueuses, ou alors oser beaucoup plus de façon créative. Et c’est une façon de s’approprier son vestiaire alors qu’on sait que la jupe on peut être 4 ou 5 à avoir la même. Donc ça les force à pousser les limites de leurs créativités.

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Je voulais savoir ce que vous avez pensé du phénomène H&M Balmain ?

Léa : Je trouve que c’est intéressant ce qu’ils font H&M à chaque fois mine de rien, pour rendre accessible un créateur, même si les robes sont chères. Mais il y a un engouement qui est too much. Il faut arrêter et prendre du recul deux minutes. Je trouve quand même intéressant de pouvoir faire participer différents designers. Ça rend le rêve accessible. Il n’y a pas que les robes à 400€, Balmain ou autre.

J : Moi j’ai été complément dépassé par tout ce phénomène. Je ne m’y attendais pas. Je regarde sur Insta et je vois un mec qui se vante parce qu’il a acheté un portefeuille Balmain. Voilà quoi… Il n’y a rien. Alors toute la clique Kendall, Olivier Roustaing etc., c’est vulgaire et j’avais du mal à me dire que c’était aussi mainstream en fait. Parce que dans les files d’attentes, ce n’était pas des modeuses. C’était pas mal de filles de provinces…

Lou : Parce exemple il y avait eu Sonia Rykiel x H&M, c’était trop cool. Après les Kardashian, c’est malheureusement le modèle des filles aujourd’hui. Je ne comprends pas, franchement il faut m’expliquer. Des fringues à 100 balles, faites en Chine par des enfants, je suis contre. C’est très connu que H&M est une catastrophe écologique et humaine. Sois on décide de fermer les yeux là-dessus, sois on décide de ne pas le faire. Mais c’est sur que H&M est une catastrophe, ça a été démontré par de nombreux documentaires et de nombreux journalistes. Après c’est sur qu’ils sont très forts en com’ et qu’on peut tous un jour acheter un truc chez dH&M, mais voilà, on le sait. Ce n’est pas caché.

Qui pourrait être une égérie Jour/né ?

Lou : Rihanna. Après on aime bien Monica Bellucci, Laetitia Casta…

Léa : Ou à chaque fois on ressort des mannequins de l’époque, plutôt dans les années 2000 et elles avaient des formes. Donc ce n’est pas comme maintenant, avec la mode du filiforme. Une Claudia Schiffer, une Naomi, ces femmes sexy, sûr d’elles, qui ont des formes et qui l’assument, ça nous ressemble plus. Ce sont surtout des filles plus à l’ancienne. Ca ne sera pas une Cara, une Kendall ou je ne sais quoi…

J : Et puis on ne les connaît pas personnellement aussi, et il y a toujours la donnée de la personnalité.

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Est-ce qu’il y a des maisons françaises qui vous inspirent, qui sont des exemples ?

Léa : APC c’est quand même un beau modèle. Ils sont restés fidèles à eux-mêmes. On aime ou on n’aime pas. Ils sont un peu classique par rapport à ce qu’ils font, ils n’ont pas bougé quoi. Isabelle Marant, c’est un beau modèle. Un très beau modèle. Elle est restée qui elle est.

Lou : Kitsuné aussi. C’est une belle réussite. Si on arrive à faire ça je serais contente.

D’ailleurs le footwear, c’est un truc qui vous parle aussi ?

J : On est passionné de pompe tous les trois. Il faut prendre le temps et faire une bonne proposition. Ce n’est pas seulement proposer un derby avec écris Jour/né sur la semelle. Ce n’est pas le but, il faut trouver son style, la chaussure, ça peut prendre un peu de temps. En fait c’est un projet à tiroir Jour/né. C’est une très très grosse armoire, on a envie de faire plein de choses et la seule règle c’est de le faire au bon moment et seulement à partir du moment où on sait bien le faire. On parlait de l’homme, est-ce que demain on va parler de l’enfant ? Il y a plein de choses… Mais le fait que ce soit aussi large, même tout à l’heure quand on parlait des cibles larges, c’est qu’on ne se ferme aucune porte. On a juste à actionner au bon moment les choix qu’on a envie de faire et de les assumer.

Où vous voyez Jour/né dans 5 ans ?

Léa/Lou : Une boutique !

Léa : Une boutique à Paris au moins et on n’est plus à Montrouge. Des bureaux cool qui nous ressemblent. Peut-être un truc comme de l’accessoire, des petits goodies, des défilés dans le calendrier.

Lou : Une plus grosse équipe. Gagner sa vie.

J : Être bien tous les trois. Il ne faut pas qu’on se lève avec la boule au ventre ou quoi que ce soit. Il faut qu’on soit bien. Qu’on soit en haut d’une tour ou pas, même si c’est vrai qu’on préfère, mais juste être tranquille. On est ambitieux et on y croit donc on va y croire.

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La rencontre avec Marco Verratti confirme une chose, sur le terrain comme en dehors, un dénominateur commun le définit : le naturel. Une fraicheur qu’il démontre quotidiennement sur la pelouse du Parc des Princes avec son style particulier, entre prise de risque et spontanéité et le calme et la fraicheur qu’il dégage même lors d’un court entretien. L’occasion pour nous d’écouter « Il Gufetto » s’exprimer sur son intégration au PSG, son style de jeu, ou encore sa vie de famille. Naturellement, toujours.

 

 

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Quelle est l’ambiance au sein du vestiaire du PSG ?

Le vestiaire est quelque chose de très important, nous y passons beaucoup de temps car on s’entraîne tous les jours. C’est un endroit où on se sent bien, il y a plein de jeunes, des cultures différentes… C’est enrichissant de faire partie d’un groupe avec plusieurs étrangers car tu apprends beaucoup. En plus, il y a toujours à apprendre avec tous ces grands joueurs !

 

Y a-t-il des clans dans le groupe : les Italiens, les Argentins, les Français ?

Non. Mais comme dans la vraie vie, il y a des amitiés plus fortes que d’autres, c’est normal. Le respect est réciproque envers tout le monde.

 

Quand tu es arrivé, quelles différences il y a eu avec le vestiaire de Pescara ? Qu’as-tu ressenti lorsque tu as vu tous ces grands joueurs : Thiago Motta, Ibrahimović, Thiago Silva ?

Il n’y en a pas beaucoup. En dehors du terrain, les joueurs du PSG sont comme ceux de Pescara, tranquilles. Mais bon, au début c’était bizarre, c’était des personnes que je voyais à la télé, donc j’avais un peu de crainte pour être honnête. Mais ils m’ont très bien accueillis. Ce sont des gens comme les autres, ils m’ont mis à l’aise de suite et je me suis naturellement senti comme un membre du groupe. En plus j’ai été chanceux car beaucoup parlaient déjà Italien, ça m’a beaucoup aidé. On se voit aussi très souvent en dehors du vestiaire et cela m’a permis de bien m’intégrer.

 

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Quelles sont tes affinités dans le groupe ?

Je passe beaucoup de temps avec « El Pocho » (surnom de Lavezzi, ndlr), même en dehors du terrain. C’est quelqu’un que tout le monde aime, car il est très généreux. Il croit beaucoup en l’amitié et on peut toujours compter sur lui. Il donne tout !

 

Quelle est la musique que vous écoutez dans le vestiaire ?

Sincèrement le DJ du vestiaire c’est Lavezzi ! Il branche son enceinte et il met de la musique international, mais pas de rap! Quand il n’est pas là Aurier monte le son avec du rap français, et je rigole beaucoup en les voyant danser là-dessus!

 

Dans une interview que nous a récemment accordé Eric Cantona, il expliquait que sur le terrain « il fallait toujours prendre tous les risques, ne jamais jouer sans cet état d’esprit ». Es-tu d’accord avec lui ?

Parfaitement d’accord avec Eric ! On fait un métier qui est avant tout synonyme de plaisir pour nous, même si prendre des risques sur le terrain est moins marrant pour un supporter ou pour le club, car en cas de but…Il faut que le foot reste un divertissement car sinon on perd la magie de ce sport. Je n’ai donc pas peur de prendre des risques. J’aime ça, c’est ma façon de jouer, mais il faut bien choisir l’heure de prendre des risques. Mais ça reste un sport!

 

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Comment tu te prépares à un match ? Est-ce que tu ressens la pression ?

Je ne suis pas quelqu’un de superstitieux, donc je n’ai pas de routine particulière. Avant un match important je reste renfermé dans l’hôtel avec mon kiné avant tout, et ensuite j’aime regarder des vieux films, mais surtout pas de Playstation, je n’en ai même pas une à la maison!

 

Tu as des statistiques sur les passes hallucinantes, on te voit très souvent dribbler. En revanche tu rechignes un peu à tirer au but…

C’est mon rôle et ma façon de jouer. Essayer de bien faire jouer mon équipe en partant de ma moitié de terrain, ça me permet de toucher beaucoup de ballons et de faire partir l’action offensive en effectuant beaucoup de passes avec mes partenaires. Au PSG il y a déjà beaucoup de joueurs qui tirent au but ! Après c’est comme ça, à la fin du match tout le monde retient plus le but, la passe décisive que tout le reste, moi je préfère m’amuser !
Mais si l’occasion se présente, je n’hésite pas à tirer même si honnêtement je dois m’améliorer là-dessus, c’est vrai surtout quand on joue contre des défenses très fermées. Ma préoccupation principale ce n’est pas celle de tirer mais de servir un attaquant qui est mieux placé que moi.

 

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Tu préférais le rôle que t’avais donné Zeman à Pescara en meneur, ou celui-ci, à la Pirlo devant la défense?

Je me sens très bien dans mon rôle actuel, j’ai beaucoup de liberté sur le terrain et j’ai une très bonne entente avec Thiago Motta, on se complète parfaitement, c’est donc ma position idéale !
Après c’est une fierté à mon âge pour moi d’être comparé à un champion du monde et à un grand joueur comme Pirlo même si je n’arriverai peut-être jamais à son niveau…

 

Qui va gagner l’Euro 2016?

J’espère l’Italie ! Cette année il n’y a pas de très grand meneur comme dans les dernières années, mais notre groupe est fantastique et notre entraineur est notre valeur ajoutée. Il n’y a pas beaucoup d’équipe organisée comme la nôtre, donc si on mise tout sur le collectif et sur le groupe on peut obtenir un grand résultat.

 

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Qu’est ce qui te manque le plus de Pescara ?

Pescara, c’est la terre où je suis né donc… Paris est une ville fantastique, mais tu ne peux pas changer la ville où tu es né. Ce sont les petites habitudes qui me manquent le plus, comme aller au bar de mes copains ou aller à mon resto préféré. Je sors aussi beaucoup ici, mais ce n’est pas pareil. Donc je rentre souvent à Pescara pour voir mes potes ou ce sont eux qui viennent… Mais je suis heureux ici!

 

Sur Instagram tu as l’air d’avoir une vie assez simple, axée autour de ta famille ?

J’ai fais un choix de vie, celui de fonder une famille. Même si à 23 ans je peux sembler jeune, j’ai grandi « plus vite » grâce au foot. J’aime beaucoup passer du temps avec ma famille. Rester le soir à regarder un film avec ma copine et mon fils vaut 100 fois plus qu’une belle soirée en boite ! Mais quand j’ai l’occasion, ça m’arrive d’y aller même si je préfère discuter entre copains autour d’un dîner !

 

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Quelles sont les dérives de la vie de footballeur? Est-ce que tu as déjà été touché par certaines d’entre elles? Comment tu t’en protèges?

Lorsque tu es jeune et que tu commences à gagner de l’argent du jour au lendemain et que les gens te reconnaissent dans la rue, les dérives peuvent exister et c’est parfois difficile. Mais j’ai décidé de ne pas changer d’amis. Ce sont les mêmes depuis tout petit, comme pour ma copine d’ailleurs. Toujours la même depuis la maternelle! Je sais que beaucoup viennent faire les « faux amis » seulement à cause de fait que je suis footballeur. Je respecte tout le monde et je salue tout le monde, mais je sais faire la part des choses.

 

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Photos : HLenie

Originaire de Baton-Rouge dans l’état de Louisiane aux Etats-Unis, Kevin Gates sortira le 29 janvier prochain son premier album. Quelques minutes avant de monter sur la scène de la Bellevilloise à Paris (dans le cadre de sa tournée européenne) nous l’avons rencontré et avons profité de l’occasion pour découvrir un homme complexe, spirituel et surtout un artiste maître dans l’art de la rhétorique,  en toute cohérence avec l’image qu’il renvoie sur les internets.

 

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« J’ai intitulé mon 1er album ISLAH car c’est le prénom de ma fille aînée. Ce n’est pas comme si j’avais donné ce nom à ce projet pour lui donner une dimension personnelle, pour la simple et bonne raison que chaque projet que je sors est personnel. De base, je suis quelqu’un de très intimiste. »


 

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« Je viens de Baton-Rouge, l’un des états les plus répressifs des Etats-Unis. Et pourtant, les gens continuent de se tirer vers le bas. Ce n’est pas de leur faute s’ils agissent de cette manière, ils ne sont que le produit de leur environnement. Si tu leur en donne l’opportunité et les moyens, ces gens feront du mieux qu’ils peuvent. »


 

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« Quand vous voyez ou lisez le nom Kevin Gates, vous ne devez pas le voir comme une personne. Ce patronyme ne devrait pas être interprété comme tel mais plutôt comme un sentiment très fort. Je les expose à un niveau tellement universel, quand je dis universel, je parle de ma musique car elle est partagée aux quatre coins du monde à présent. Inévitablement, Kevin Gates est devenu un ressenti très puissant quel qu’il soit : de la colère, de l’amour, du bonheur, la paix, la joie ou de la dépression, de la tristesse… N’importe lequel ! Mon nom est la personnification de ces sentiments car je suis un être humain. « 


 

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« Dans ma musique tu pourras m’entendre avoir tout un spectre d’émotions, et cela varie au même titre que ma vie évolue. C’est donc normal que cela se retrouve dans ma musique. Je n’ai jamais eu peur d’être à fleur de peau. L’expression de ces sentiments, pour le meilleur ou pour le pire, cela ne m’a jamais effrayé. » 


 

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« Jay Z a dit une fois : « HOV, rappelle-toi que personne n’a été créé de la même façon que toi, tu t’es construit toi-même. » C’est quelque chose que je crois profondément : « Je suis ce que je suis capable de devenir ». Tu dois continuellement te répéter qui tu es. Au quotidien lorsque tu passes devant ton miroir et que tu vois ton reflet tu te dis machinalement « Ah c’est moi… » alors qu’au contraire tu devrais t’affirmer et te dire à voix haute « C’est moi ! ». Tu dois te regarder comme si tu étais quelqu’un de spécial. Et c’est dur pour moi parce que j’ai un complexe d’infériorité. J’ai grandi dans la pauvreté, je n’avais pas d’argent, aucune femme ne voulait de moi. Donc j’ai dû avoir recours à la motivation personnelle. Ca a marché, regarde où nous sommes aujourd’hui ! »


 

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« Je ne suis pas quelqu’un de religieux, je me qualifie plutôt comme quelqu’un de très spirituel. Est-ce étonnant si je dis le nom d’Allah dans mes textes ? Ça vous surprend que je puisse dire « Allah Akbar » ? Dieu sois loué, quel qu’il soit. Yahvé, Jésus, Mahomet ? Qu’ils soient tous loués. »


 

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« Je ne veux attirer les foudres de personne mais je pense que toutes les religions sont bonnes. Elles sont originellement enseignées dans le respect et surtout dans l’amour. Quand les gens me demandent si je suis musulman, je peux leur répondre oui car je me suis soumis à la volonté de Dieu. Je suis musulman, je suis chrétien et je suis juif si je suis cette logique. « 


 

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« J’ai 29 ans, mais lorsque je vois un enfant jouer au basket avec son père je suis jaloux car j’aurais souhaité avoir ce genre d’enfance. C’est quelque chose que je n’ai jamais connu. J’appelais « papa » un homme qui, vu son âge, ne pouvait biologiquement pas être le mien. C’est dire à quel point je voulais avoir une figure paternelle en grandissant. « 


 

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« En prison, j’ai eu mon diplôme en psychologie non pas pour passer le temps mais pour comprendre pourquoi j’avais ces névroses. J’ai donc appris à vivre avec,  j’ai pu mettre un doigt sur ce que je ressentais. »


 

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« IDGT (I Don’t Get Tired/Je ne me fatigue jamais) est plus qu’un leitmotiv, c’est un mouvement. Car après être monté sur scène et avoir tout donné pour mon public, je rentrerais à l’hôtel et je changerais les couches de mon fils Khaza. Je subviens aux besoins de ma famille : je suis venu ici avec ma femme, mes deux enfants, ma belle-mère, mon équipe et je ne peux pas me permettre de lever le pied, car ils dépendent de moi. »


 

 
Propos recueillis pas Massaër Ndiaye
Photos : Eriola Yanhoui

L’histoire de la basket est forcément liée à celle de Foot Locker que ce soit, naturellement, dans la vente mais aussi dans la création originale de modèle. Lors du mois de février, l’enseigne américaine sortira plus de 60 sneakers. D’où le « It Must Be February – The Hottest Month of the Year ».
Dans tout cet éventail, on retrouvera différentes déclinaisons chromatique portées notamment par le monochrome (Nike Rosherun, Adidas Superstar, Adidas ZX Flux…) mais aussi des teintes plus pastelles pour les modèles féminins (Reebok classic, Vans Old Skool…). On y retrouvera également des Huarache, des Tubular mais surtout un belle exposition de la TN.

Foot Locker a présenté à Londres cette nouvelle collection le jeudi 14 janvier, YARD y était et vous a ramené quelques images.

 

 

Vous n’avez pas pu le manquer. À la fin de l’année, le titre « Don’t » était sur toutes les lèvres, révélant par la même occasion son auteur, l’un de nos Rookies 2015, Bryson Tiller.

Alors qu’il sort un court projet de trois titres, le producteur américain Sàngo apporte sa touche brésilienne au morceau et en profite pour annoncer quelques dates au Brésil, de Brasilia à Sao Paulo et en Europe, de Bruxelles à Paris, le 20 février.

 

Depuis son lancement en 2014, la marque new-yorkaise Aimé Leon Dore surf sur la tendance de l’athleisure portée par son designer Teddy Santi, qui présente chaque saison, des collections entièrement dévolues à son idée du confort et du style.

Rien ne manquait à cette vision si ce n’est une collection femme, qu’il présentait pour la première fois, il y a quelques heures. Matériaux de qualités, confortables et réconfortants, ces sweatshirts et sweatpants vous aideront sans aucun doute à surmonter l’hiver imminent.

Collection disponible sur l’e-shop d’Aimé Leon Dore

La musique, et plus particulièrement le hip-hop hexagonal, est la chasse gardée des rappeurs qui s’accaparent l’attention artistique du public et des médias. Avec Meet The Architect, YARD vous propose de rencontrer ceux qui font la musique. Second épisode, le producteur français Mr. Punisher.

Photos : Steeve Cute

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D’où te vient ton nom et comment définis-tu ton travail ?

Tout d’abord, je dirais que je me définis en tant que compositeur, parce que je trouve que le terme « beatmaker » est perçu comme étant limité au virtuel ; un mec seul, qui fait du son sur son PC, qui envoie des mails aux artistes, etc. Tandis que moi, je me déplace auprès des artistes, je suis avec eux en studio, je travaille sur les morceaux, je fais des arrangements, donc j’ai l’impression que « compositeur » me convient mieux.

Pour ce qui est de mon nom, je cherchais quelque chose de sombre. C’était à une époque où je faisais beaucoup de trap avec des sonorités ténébreuses, j’étais vraiment exclusivement là-dedans, du coup je cherchais un nom qui correspondait à cet univers. Entre temps il y a le film Punisher qui m’a inspiré, et de là, j’ai adopté ce nom.

Quels sons les artistes avec lesquels tu as collaboré ?

J’ai collaboré avec pas mal d’artistes français comme Booba, Rohff, Gradur, Lacrim, La Fouine, Niro ou Mac Tyer, mais aussi quelques américains ; Tory Lanez, Dej Loaf, Young Buck, Project Pat, entre autres.

Comment es-tu venu à la production ?

Au début je rappais, j’ai rappé pendant longtemps même. J’assistais beaucoup aux sessions de mon oncle qui était compositeur, et je lui donnais pas mal d’idées. Ca m’a donné envie de composer, donc j’ai commencé mais au début ce n’était pas encore ça, on se foutait de ma gueule carrément (rires). Au fil du temps, j’avais besoin de prods pour mes projets en tant que rappeur et l’ami qui composait pour moi a commencé à avoir des opportunités aux Etats-Unis, donc il m’a fait comprendre que ça n’allait plus être possible. De là, je me suis dit que vu que je ne pouvais plus compter sur personne, j’allais m’y mettre tout seul. Pendant deux ans, j’ai cessé toute activité professionnelle, et je me suis mis à faire de la prod H24. Je ne sortais plus, je ne faisais que ça de mes journées. Ça m’a permis de progresser mais aussi de rencontrer pas mal de personnes dans le milieu, de commencer à proposer mes instrus, etc.

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Et tu as fini par délaisser complètement le rap ?

En fait, j’étais arrivé à un stade où je n’avais même plus envie de rapper. Je me suis rendu compte qu’au final, le beatmaking m’intéressait plus que le rap. Je me disais limite que j’étais nul, que je perdais mon temps et qu’en réalité j’aimais tout simplement rester derrière mon PC à faire du son. J’avais plein d’inspiration, plein d’idées qui me venaient à chaque fois, en me réveillant, en me couchant, etc. Je prenais du plaisir.

Quels ont été les premiers équipements et logiciels que tu as utilisés en commençant à composer ?

Au début j’ai commencé sur le PC du salon, le PC de ma mère, un ordinateur lent qui ramait beaucoup, un vieux PC (rires). Je faisais du son avec ça, je bidouillais, j’avais pris une démo de FL Studio et je travaillais là-dessus. Au fil du temps je me suis aperçu qu’il fallait des VST, des choses comme ça, donc je me suis mis à télécharger les logiciels. Et je m’y suis mis comme ça.

Mais même aujourd’hui je reste un mec simple, je ne me prends pas la tête à acheter tous les derniers matos. Je vais plutôt acheter un clavier maître tout simple parce que de nos jours, il n’y a plus forcément besoin de grand chose pour composer. Tu as surtout besoin d’un bon PC, de quelques plug-ins, de Fruity Loops et c’est parti.

Quels sont les aspects de la composition que tu penses maîtriser le mieux ?

La plupart du temps, les gens aiment mes productions trap. En général, les retours que j’ai c’est surtout au niveau des basses, les gens disent que j’ai une façon particulière de jouer avec les basses. Et c’est vrai que personnellement, j’aime m’amuser avec. Au-delà de ça, je pense qu’un de mes points forts c’est mon éclectisme. Même si j’ai une image de producteur « trap », je ne m’enferme pas dans ce seul registre. En disant ça, je pense à une prod comme « Jamais » de Gradur, par exemple, où le son est plus mélodieux. J’aime justement poser mes mélodies, et même dans les compositions trap j’essaye de chercher des sonorités étranges, qui sortent de l’ordinaire pour mieux marquer.

 

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Quelles ont été tes principales influences ?

Les principaux producteurs qui m’ont influencé ce sont évidemment des gars comme Timbaland et Pharrell mais aussi Boi-1da et surtout T-Minus. T-Minus c’est ma plus grosse référence. J’aime aussi Ryan Leslie, ne serait-ce que pour sa manière de gérer son image, la communication autour de sa personne. Plus largement, j’aime les sonorités canadiennes et aussi qui se fait à Atlanta, logiquement.

Le Canada est en train de devenir une référence pour de plus en plus d’artistes français. Est-ce que tu as le sentiment que c’est la prochaine direction que le rap français va emprunter ?

Bien sûr. Aux Etats-Unis, ils ont déjà compris ça depuis 2011, voire 2010 même. Depuis 2010, il y a énormément de compositeurs canadiens qui ont émergés aux USA, et c’est encore le cas aujourd’hui. En France, c’est plus récent, il faut le temps que ça arrive. Ici, les gens se sont mangés le style canadien avec le succès d’artistes comme Tory Lanez, The Weekend ou PARTYNEXTDOOR.

Si tu étais un autre producteur, lequel tu aurais aimé être ?

J’aurais kiffé être T-Minus, encore (rires). Ce que j’aime chez lui c’est que c’est un gros hitmaker, mais que son son n’est jamais formaté. Il réussit systématiquement à apporter sa touche, même en faisait un hit. Il n’a jamais essayé d’adapter son style pour qu’un son marche plus, il conserve son propre univers. En plus, beaucoup de ses sons sonnent hyper-futuriste. Quand j’ai écouté des titres comme « Swimming Pools » de Kendrick Lamar ou « PMW » d’A$AP Rocky, je n’étais pas prêt, je me disais « Mais c’est qui ce mec ? C’est quoi ces sonorités ? ». Il a ramené des leads, des trucs qui sortaient de l’ordinaire, on n’avait pas l’habitude d’entendre ça. Les producteurs canadiens utilisent beaucoup de samples, beaucoup d’ambiances, beaucoup de pads, et lui a réussi à allier ce son si particulier au côté mainstream.

Dans quels domaines aimerais-tu te perfectionner ?

Justement, j’aimerais avoir cette faculté d’être plus mainstream, de réussir à faire des sons pour des publics plus larges. Par moments, je kiffe tellement les gros morceaux trap que j’ai du mal à en sortir, je vais essayer de partir sur autre chose et finalement revenir là-dessus parce que c’est ma base. J’ai envie de m’ouvrir encore plus. Je sais que je suis capable de faire d’autre types de sons – et c’est ce que je disais tout à l’heure – mais j’ai envie d’en faire plus souvent, et que ce soit plus spontané. J’ai ce côté mélodieux mais souvent ça ne sonne pas comme un hit. Ça ne sonne pas forcément comme LE morceau que tout le monde va retenir, sur lequel l’artiste va accrocher et faire un hit.

Quel a été le conseil qui t’as le plus aidé dans ta carrière ?

On m’a donné énormément de conseils, mais si je ne devais en retenir qu’un ce serait d’être discret. On m’a toujours dit qu’il ne fallait jamais trop parler, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en vrai, de ne jamais trop chambrer ou sous-estimer des artistes parce que tu ne sais pas ce que la personne en face de toi peut être. Dans le même sens, on m’a aussi dit d’essayer de garder un bon relationnel. Le fait est que je suis assez difficile, je n’arrive pas à m’entendre avec tout le monde : avec moi, c’est souvent du « ça passe ou ça casse ». Je marche beaucoup à l’affectif, sur le côté humain, donc quand je suis déçu d’une personne, je peux parfois me prendre trop la tête.

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Comment démarres-tu une nouvelle production ?

D’abord je cherche des mélodies, je vais en faire 2-3 et une fois que je vais sentir le truc, je frappe directement la rythmique pour me mettre dans l’ambiance. Et même si je suis nul quand il s’agit de faire des toplines, je fredonne des idées, des mélodies, des flow en m’imaginant un artiste chanter dessus, ce qui m’aide à assembler les principaux éléments de la production. Et c’est seulement après je vais me prendre la tête sur les détails.

Sur ce point-là, j’imagine que le fait d’avoir commencé en tant que rappeur est assez utile.

Carrément, même au niveau des structures. Si je n’avais pas rappé, je crois que j’aurais fait que des lignes continues alors que là, en me mettant à la place de l’artiste, je me dis qu’à tel moment de l’instru je vais mettre un cut, puis je vais mettre un effet à tel autre moment, je vais enlever une basse là, je vais mettre un kick ici. Ça m’aide énormément.

Quelle est la démarche pour un artiste souhaitant travailler avec toi ?

Je suis quelqu’un de très accessible. Parfois certains sont surpris parce qu’ils croient que je suis fermé, puis ils se rendent compte que je suis sans prises de tête. Je réponds à tout le monde, il n’y a vraiment pas de problèmes. Je laisse accès à mon Gmail partout sur mes réseaux sociaux de manière à ce que tout le monde puisse me contacter, que ce soit un artiste qui veut que j’écoute ses sons ou un compositeur qui aimerait collaborer.

Et quels sont les prix qu’un artiste doit débourser pour obtenir l’une de tes compositions ?

Je ne peux pas donner de prix mais ça reste accessible. En réalité j’ai du mal à vendre mes instrus aux artistes, et surtout aux indés qui croient souvent que c’est gratuit et ne préparent pas forcément le budget pour ça. Après, il y a des cas où un artiste n’a pas forcément les moyens mais a un buzz tel qu’il peut apporter une belle visibilité à mon travail. Dans ce genre de cas, je vais parfois préférer lui offrir la production s’il y a bon feeling et que je sens que l’artiste va exploser. C’est par exemple ce qui s’est passé avec Gradur. S’il y a une bonne opportunité, je vais parfois foncer et tenter la chose sans faire de calcul, sans voir combien ça va me rapporter ; je tente juste et je vois après coup si ça donne quelque chose.

En 2015, tu as coproduit le titre « Diego » de Tory Lanez, qui a eu un retentissement remarquable. Comment s’est effectuée la connexion entre vous  et quelle est la genèse de ce titre ?

J’ai d’abord composé le titre, puis je l’ai envoyé à Ozhora Miyagi, avec qui j’ai coproduit le morceau et qui m’avait dit avoir le contact pour placer la composition auprès de Tory Lanez. Il a retravaillé quelques éléments de la piste et l’a donc transmise à l’équipe qui s’occupe de lui. Tory Lanez nous a rapidement demandé les pistes extérieures et on lui a envoyé tout ce dont il avait besoin. De là, on n’a plus vraiment eu de nouvelles mais Ozhora me répétait qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il avait bel et bien pris le morceau, que tout était bon. Un jour, je me connecte sur le site HotNewHipHop – sur lequel je suis quotidiennement – et je vois « Tory Lanez – Diego ». Et là, instinctivement, avant même de l’écouter je me dis « J’en suis sur que ce son-là, c’est ma prod ». Je clique dessus, et je tombe effectivement sur ma prod mais sur la cover, je vois que ni Ozhora, ni moi n’avons été crédités. Et ça, je l’ai super mal pris. J’en ai immédiatement parlé à Ozhora et on s’est tout les deux mobilisés, on a fait appel à tous nos contacts pour lui prendre un peu la tête sur les réseaux sociaux. Suite à ça, Tory Lanez est directement parti parler à Ozhora en lui disant que c’était sa prod et qu’on n’avait plus rien à voir dessus. Après ce n’est pas quelque chose de spécialement nouveau en Amérique, beaucoup d’artistes font des coups similaires. Mais là-dessus on n’a pas lâché et au bout d’un moment ça a fini par payer. En réalité on se battait juste pour avoir le crédit, mais je pense que ça l’a tellement marqué qu’il a finit par faire appel à ses avocats pour qu’on signe tous les contrats concernant la production, de manière à ce qu’il n’y ait plus de soucis. Et au final, tout s’est bien fini.

La production du titre était effectivement initialement créditée à Tory Lanez et son producteur attitré Play Picasso. Ont-ils tout de même eu un rôle dans la composition du titre ?

À l’origine, j’avais déjà commencé à travailler sur cette production avant même de savoir que je pourrais la placer pour Tory Lanez. J’avais une base, j’ai fais les leads, j’ai travaillé la rythmique, la basse, etc. Puis Ozhora a fait quelques arrangements sur le morceau, il a rajouté des cloches, quelques éléments comme ça. Quand on a envoyé la compo à Tory Lanez, je dois reconnaître que lui et son équipe ont fait un super travail au niveau de l’arrangement et de la réalisation, j’ai vraiment kiffé et c’est en partie ce qui a contribué à faire du son un tel tube. Après, il faut savoir que Tory Lanez est quelqu’un qui travaille vraiment sur du sur-mesure et c’est d’ailleurs ce que Play Picasso et son manager m’ont dit. Vu sous cet angle-là, on peut même considérer que c’était une chance d’avoir pu lui envoyer un titre.

En ayant travaillé aussi bien en France qu’outre-Atlantique, as-tu ressenti des différences notables, tant dans la manière de travailler que dans la considération portée aux producteurs ?

Aux Etats-Unis c’est vraiment différent, il y a vraiment beaucoup plus de respect pour les compositeurs. Quand j’échange avec des artistes américains, ils me font vraiment sentir qu’ils apprécient mon travail et j’ai même eu des propositions pour signer là-bas. Au-delà de ça, les contacts se font beaucoup plus rapidement. Des fois j’envoie des morceaux à des artistes US, le lendemain j’ai déjà une réponse avec leurs couplets déjà posés. Et pourtant, en envoyant, je me disais que certains mecs n’allaient jamais me répondre. Quand j’ai envoyé des prods à Chinx Drugz de Coke Boyz, par exemple, je n’attendais pas forcément de retour et finalement il m’en a carrément demandé d’autres.

À l’inverse, quand j’ai commencé en France, je contactais des artistes sur les réseaux sociaux et ils ne me répondaient même pas. C’était le début de Twitter, il n’y avait pas grand monde dessus encore, mais mis à part 2 ou 3 artistes comme Grödash ou Sultan qui m’avaient envoyé leurs mails, j’étais ignoré. Après ce n’est pas le même marché : aux Etats-Unis ils sortent beaucoup de mixtapes, beaucoup d’albums, donc il y a un besoin constant. C’est une dynamique qui commence aussi à s’installer en France, mais les artistes prennent plus leur temps. Le public consomme la musique de plus en plus rapidement, un artiste n’a même pas le temps de sortir un morceau que le public en demande déjà un autre. Ils ne prennent plus forcément le temps de décortiquer la musique, de la digérer.

N’as-tu pas le sentiment que cette attitude de consommation minimise le travail de l’artiste ?

C’est clair. Le public n’a pas forcément conscience de ce que c’est que d’être un artiste. Un artiste c’est quelqu’un qui passe énormément de temps en studio, qui se prend la tête à choisir des productions, à écrire, à enregistrer le titre, à le faire mixer. Il va parfois assister l’ingé pour s’assurer que tout se passe bien, et encore après ça, il y a le mastering et toutes ces choses-là. Et tout ça, l’auditeur le casse déjà en un clic en téléchargeant l’album, puis au bout d’une heure d’écoute il revient déjà en demander un autre. Alors que l’artiste vient de passer des mois, voire des années dessus pour fournir un bon travail.

Selon toi, qu’est-ce qui manque aux producteurs français pour obtenir la reconnaissance qu’ils méritent ?

D’après moi, il manque un mouvement, tout simplement. Quand tu vois des scènes comme Atlanta ou Toronto, il y a un mouvement aussi important au niveau des rappeurs qu’au niveau des compositeurs. Ils vont parfois jusqu’à organiser des évènements comme des beat-battles. À partir du moment où l’on fait des Rap Contenders en France, pourquoi l’on ne pourrait pas faire de beat-battles par exemple ? Au-delà de ça, ici il y a parfois un esprit de compétition entre les producteurs, chacun reste dans son coin. Par exemple, si un compositeur a une connexion avec un artiste, plutôt que de dire à un autre producteur « tiens je te donne son contact, tente ta chance » il va plus être dans un état d’esprit « c’est ma croûte, je me suis battu pour ça, je ne peux pas le partager ». Tant qu’il n’y aura pas de partage, on va galérer à avancer. Après je ne dis pas qu’on doit forcément tous avancer main dans main, mais ce côté trop individualiste va toujours constituer un frein à notre progression. C’est déjà à nous de s’entraider, de faire notre travail et même de faire reconnaître nos droits. Par exemple, quand on négocie nos tarifs sur nos compos, nos conditions pour qu’un artiste puisse se procurer nos sons, on doit déjà être capable de s’imposer. Sinon l’artiste peut se dire « les sons je les ai déjà gratuit, donc j’en ai pas grand chose à foutre des producteurs, si je veux je peux ne pas les créditer ». Ils négligent.

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Justement, l’année passée, PNL a rencontré un succès considérable en piochant des productions un peu partout sur le net, ce qui a poussé certains compositeurs à venir leur réclamer leur crédit. En tant que producteur, qu’est-ce que cela t’inspire ?

En vrai, je ne saurais pas trop quoi te dire là-dessus. J’en connais des artistes qui reçoivent énormément de sons et qui ne se cassent pas forcément la tête à savoir qui a fait le son, ou même à échanger avec le compositeur. Juste, ils font leur son sans s’intéresser à ce genre de choses. C’est dommage, mais c’est presque courant. Je ne connais pas PNL, je ne sais pas si c’est volontaire ou pas, je pense que ça peut simplement être dû à un manque de communication entre les artistes et les producteurs. Tout dépend de l’artiste : s’il veut être vraiment carré, indé ou pas, il va investir, échanger avec les beatmakers et les créditer. Autrement, il va aller sur YouTube chercher des « Type Beats », télécharger gratuitement des beat-tapes ou des instrus sur Soundclick sans se prendre la tête.

Mais je ne blâme pas les compositeurs pour autant, moi aussi je mets parfois des instrus à disposition gratuitement. Tous les compositeurs n’ont pas la même facilité pour placer leurs productions et dans ces cas-là, la gratuité reste un des meilleurs moyens de communiquer autour de soi. Chacun se débrouille comme il peut. Personnellement, j’ai la chance d’avoir quelques personnes qui me suivent, et des fois je balance des beat-tapes histoire de voir ce que les gens en pensent ou simplement pour voir des artistes freestyler dessus.

Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, beaucoup de producteurs estampillés « hip-hop » ont fini d’asseoir leur réputation en s’ouvrant à d’autres style musicaux, parfois très opposés de leur zone de confort, comme ce fut le cas pour Kore ou Pharrell. Est-ce quelque chose que tu envisages également ?

C’est exactement ce que j’envisage. Pour moi c’est presque une étape obligatoire. Je ne peux pas passer toute ma carrière à essayer de placer. Si je peux développer des artistes, ou voir une maison de disque me proposer des projets d’artistes en développement, quelque soit leurs styles musicaux, je sauterai sur l’occasion. Si un jour une artiste comme Mylène Farmer m’appelle, je kiffe. Aux Etats-Unis, il y a déjà ce truc qui fait que tu peux voir un Mike Will Made It travailler avec Miley Cyrus. Demain, Metro Boomin pourrait taffer avec Marilyn Manson que ça ne me choquerait pas plus que ça (rires). Il n’y a pas de limites. Mais encore une fois, en France c’est plus compliqué, rien que d’essayer de toucher un Maître Gims c’est difficile parce qu’il a déjà son équipe et que lui-même produit parfois.

Après, qu’un artiste d’un autre genre vienne me contacter, je pourrais me lancer le défi de travailler avec lui, me donner les moyens de proposer autre chose, mais sortir spontanément du rap serait difficile à faire pour moi. Tout ce que je fais, je le fais au feeling. Je ne pourrais pas me forcer à faire du Zouk ou du Coupé-décalé par exemple.

As-tu déjà été impressionné par un artiste en studio ?

En studio, pas forcément. Les artistes qui ont su me marquer, c’était plus souvent sur le plan humain. En disant ça, je pense par exemple des gars comme Mac Tyer ou Dosseh avec qui j’ai bien aimé passer du temps, j’ai kiffé leur manière de voir les choses, sa manière de parler, leur regard sur la musique etc. Hier encore, j’étais invité au Planète Rap de Sch, j’ai vu l’artiste et j’ai apprécié la considération qu’il portait au travail des producteurs. On n’a même pas encore vraiment collaboré ensemble qu’il respectait déjà ce que j’avais fait par le passé. C’était d’ailleurs un respect mutuel. C’est plus ce genre de choses qui me frappent. Sch n’hésitait pas à beaucoup mettre en avant son compositeur Guilty.

Guilty qui est d’ailleurs une personne importante dans ta carrière, me semble t-il ?

C’est un compositeur avec lequel j’échange beaucoup, on est au téléphone ensemble quasiment tous les jours. Tout à l’heure tu parlais de conseils, lui c’est quelqu’un qui a un certain âge et qui m’en donne beaucoup, justement. De mon côté, j’ai 25 ans et parfois je manque de recul sur les choses, je pète des plombs sur l’aspect « business » du métier. Lui me permet d’avoir ce recul-là, et c’est bien pour moi d’être entouré par ce genre de personnes là.

Les deux dernières années ont été particulièrement pleines pour toi, tu as été crédité sur de nombreux projets et deux d’entre eux ont même été certifiés disque d’or (ndlr : L’Homme au Bob & Nero Nemesis). As-tu le sentiment d’avoir atteint un certain cap dans ta carrière ?

Pas du tout, parce que je me dis qu’il faut que je bosse encore. Quand je vois les plus grands qui sont encore là, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, je me dis que j’ai encore énormément de travail. Je me dis limite que faire des interviews c’est prétentieux par rapport à tout ce qu’il me reste à accomplir. Tant que je n’aurais pas ramené mes propres artistes, avec ma couleur, mon univers, que j’aurai réussi à les faire connaître, à les faire vendre des disques, je ne considèrerai pas que j’ai franchi un cap. Certes, j’ai placé pas mal de titres, mais pour moi ce n’est rien encore.

Y’a t-il une production dont tu es particulièrement fier ?

« Diego » parce que même avec toutes les histoires qu’il y a eu, j’essaie de rester concentré sur la musique. Je n’ai pas envie de rester rancunier ou quoique ce soit. Le principal c’est que « Diego » reste un très bon morceau et l’artiste a fait le travail. Qu’il m’aime ou qu’il ne m’aime pas, j’en ai rien à foutre, le morceau je le kiffe.

Après au niveau français, ce serait « 4G » de Booba. Bien que je trouve la production minimaliste, Booba en a fait un classique dans sa façon de poser dessus.

Justement, à propos de « 4G » : beaucoup de gens ont fait remarquer les similitudes de cette composition avec celle de « B.L.O.W » de Tory Lanez. Qu’as-tu à dire là-dessus ?

C’est bien que tu me poses la question parce que ça me permet de clarifier certaines choses. Il faut savoir que Booba connaît très bien le son « B.L.O.W » donc s’il avait senti que c’était un copié-collé de d’instru, il ne l’aurait pas pris. Penser ça, c’est remettre en question les choix musicaux d’un artiste comme Booba, c’est penser qu’il ne connaît rien au son. Tu vois les gens se marrer là-dessus sur les réseaux sociaux – même parfois des compositeurs – mais ils ne s’imaginent pas qu’un jour Booba pourrait très bien tomber là-dessus et ça leur enlèvera peut-être l’opportunité d’une collaboration. Je pense que c’est le genre d’artiste qui prend le temps de se renseigner sur les gens avec lesquels il travaille. Et c’est précisément ce que je te disais quand je parlais d’être discret. Moi des plagiats j’en ai vu dans le rap français. Encore à l’heure actuelle, j’entend pleins de choses qui sont calqués sur d’autres morceaux, mais je ne vais pas ouvrir ma bouche bêtement, parce qu’on ne sait jamais.

De plus, sans prétention aucune, la basse de « B.L.O.W » c’est la mienne. Ceux qui suivent attentivement Tory Lanez savent que ce type de basse, il ne l’a utilisé qu’à partir de « Diego ». À l’inverse, tu peux entendre cette basse-là sur la plupart de mes sons trap. Tu prend un morceau comme « Faut qu’ça chie » de Dosseh, c’est la même. Cette basse distorsionnée, c’est presque ma signature donc je ne vois pas pourquoi je ne devrais plus l’utiliser. Quand j’ai composé la prod de « 4G », j’ai d’abord joué le piano, puis j’ai voulu un pad sombre qui pesait sur le morceau. La rythmique n’est venue qu’à la fin, juste avant d’envoyer le morceau à Booba qui a validé directement. Je ne me suis pas levé un matin en me disant que j’allais simplement faire une copie de « B.L.O.W ».

Que peux-tu nous dire d’autre sur Booba et votre collaboration ?

Booba est un vrai passionné, lui-même le dit dans ses interviews : il n’écoute pas forcément beaucoup de sons, mais il écoute énormément d’instru. C’était la première fois qu’il acceptait une de mes compositions et je peux dire que j’ai galéré pour qu’il en retienne une. Je lui en ai envoyé plus d’une centaine. Au départ il en avait gardé trois, puis finalement il en a bloqué une. Six mois plus tard il m’a relancé. J’ai attendu pendant longtemps, je me disais même que c’était mort et finalement il a validé une production qui est devenu « 4G ». Comme quoi, il faut savoir être patient des fois.

Quels sont tes projets à venir ?

En ce moment je travaille avec Dosseh. J’ai également proposé des productions pour une artiste de pop-urbaine qui arrive prochainement, mais dont je ne peux encore dévoiler le nom. Pour tout dire, ces derniers temps j’ai été approché par pas mal d’artistes, je ne sais plus trop où donner de la tête. J’ai aussi travaillé avec Hooss, d’ailleurs, dont j’apprécie la musique.

Quelle devrait être la prochaine étape pour toi ?

Je suis actuellement en réflexion pour monter ma propre structure. C’est un projet que je suis en train de mener avec mon entourage. C’est très important pour moi parce que je suis ambitieux et que je n’aime pas dépendre des gens. Je n’ai envie de compter sur d’autres personnes pour telle ou telle chose et au final avoir quelque chose à leur reprocher. Donc je préfère avancer seul, en autodidacte. En parallèle, j’ai aussi envie de développer des artistes et des projets de mixtapes où je réunis divers artistes sur un seul et même projet.

Après une longue attente Hoops Factory a ouvert ses portes pour la première fois lundi dernier. La journée d’hier était elle consacrée aux médias, qui ont eu droit à une training session spéciale placée sous le signe de la NBA, dont les privilégiés ont pu essayer les nouvelles Kyrie II et Kobe XI, dans des ateliers exercices dédiés aux deux joueurs. Chacun se concentrant sur une thématique, l’entrainement physique, technique et les signatures moves des deux joueurs, Kobe Bryant (fondamentaux, 1 contre 1, jumpshot…) et Kyrie Irving (vélocité, drive, dribble…).

Les privilégiés, parmi lesquelles des personnalités tels que Georges Eddy, Hamadoun Sidibé ou Kevin Razy, auront pu tester les main attractions du site que sont le parquet (celui du champion NBA Golden State) et la machine à shoot, semblable à celles utilisées par les équipes de la ligue nord-américaine. Après une série d’oppositions par équipes, la training session s’est achevé par un cours de yoga donné par Clotilde Chaumet , et une soirée « food & chill. »

Hoops Factory 

Crédit Photos : HLenie

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A l’occasion de la sortie du All Gone 2015 et pour célébrer le dixième anniversaire de l’ouvrage surnommé « bible de la street culture », l’équipe du All Gone s’est associé au label Ed Banger et au constructeur Smart. Cette collaboration à trois têtes prometteuse augure quelques surprises tout au long de l’année, en commençant par le camouflage – « pattern historique de la street culture » selon Michael Dupouy, créateur du All Gone – « IDF » (pour Ile de France) revisité pour l’occasion, appliquée à la cover du livre ainsi qu’à la voiture partenaire.

Placé sous le signe de la French Touch et du Made In France, avec les deux labels français et le constructeur qui fabrique ses modèles en Moselle, la collaboration impliquera chacune des partis, notamment avec la création d’une signature sonore et d’un système audio par Pedro Winter et Ed Banger, et la dévoilement d’une nouvelle voiture par mois, inspirés par 10 couvertures du All Gone depuis 2006, avec en point d’orgue une exposition au prochain Mondial de l’Automobile.

 

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Pour Gaspar Noé, les rebelles, c’étaient ses parents. Fils d’exilés politiques argentins dans les années 70, Gaspar, l’adolescent, découvre une France « ouverte » sous Valéry Giscard d’Estaing. Avec le cinéma comme automédication pour traverser les divers déracinements, il le consommera jusqu’à l’overdose pour engendrer lui-même cinq longs-métrages. Seul contre tous, Irréversible, Enter The Void et Love sorti cet été, ont tous été aussi polémiques les uns que les autres. Gaspar, l’homme, a contracté la maladie de la rébellion passive. Il ne vote pas aux élections républicaines ni ne se rend aux Césars, il se laisse paisiblement oublier à la marge pour être sûr de pouvoir faire vraiment ce qu’il veut.

Extrait du YARD Paper #6
Photos : HLenie
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Peux-tu résumer ton enfance avant d’arriver en France ?

Mon père est un artiste peintre dont la carrière a commencé dans les années 60 en Argentine. Il était dans un groupe de quatre peintres très transgressifs qui étaient un peu les Beatles de la peinture argentine. Ensuite, il a eu une bourse Guggenheim (qui finance artistes et chercheurs sur le continent américain depuis 1925, ndlr) pour aller continuer à faire des tableaux aux États-Unis. Quand je suis né, ils sont partis aux États-Unis et j’ai grandi à New York en pleine période pop art, avec tout ce que ça a de meilleur et de pire. Quand j’ai eu 5 ans, ils sont repartis à Buenos Aires, où j’ai donc vécu jusqu’à mes 12 ans. Là-bas, ma mère était assistante sociale, elle avait travaillé aussi à NY avec des Portoricains, à leur contact elle était devenue de plus en plus politisée. Quand j’avais 12 ans, il y avait une dictature (à la suite du coup d’État de 1976, la dictature militaire argentine engendrera entre autres 1,5 millions d’exilés) qui a fait que mes deux parents ont dû se casser du pays au quart de tour, et c’est comme ça que je me suis retrouvé en France.

 

Tu as donc été élevé dans un univers très culturel…

Oui, très cultivé et politisé. Par exemple, mon père donnait des cours de peinture quand j’étais en Argentine, il faisait venir des filles nues pour les peindre. Donc j’ai grandi au milieu des filles nues et des peintures, c’était les années 70 quoi.

 

Il y avait très peu de limites ?

Si, il y avait des limites. Mes parents n’étaient pas du tout portés sur la drogue. Jusqu’à la fin, ma mère pensait que la drogue était malsaine et me disait que je pouvais tout à fait avoir une vie de réalisateur sans avoir recours à ces produits-là.

Kubrick considérait que son meilleur ami était son cerveau, donc qu’il ne pouvait pas se permettre de jouer avec. Pourtant il a fait un des plus grands films psychédéliques de tous les temps. Mes parents c’était pareil, il y avait des choses qu’ils considéraient valables et d’autres non.

 

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As-tu vécu les différents déplacements de tes parents avec toi entre New York, l’Argentine, la France comme des déracinements ?

Non. Tu n’es pas déraciné si tu es avec tes parents que tu aimes et qui t’aiment. Mon père était parti six mois plus tôt en France, quand on l’a rejoint avec ma mère j’étais trop heureux de le retrouver, en plus dans un pays qui était bien plus libre que l’Argentine de l’époque. Je pouvais acheter des BD tous les jours, voir des super films tout le temps à la télé ou au cinéma. C’était l’époque de Giscard, où bizarrement tu pouvais regarder Délivrance (de John Boorman, connu pour la violence et le pessimisme de son cinéma) à la télé à 20 h 30 sur une chaîne publique. On avait la naïveté de penser que les Français étaient assez intelligents pour interdire à leurs enfants de regarder la télé quand il y avait un petit rectangle blanc.

 

Tu répètes souvent que 2001 : l’odyssée de l’espace de Kubrick est ton film préféré. Que représente-t-il pour toi ?

Pour le premier de l’an tu as tous ces trucs où les gens dramatisent : « Tu le fais avec qui ?  Tu fais quoi ? » Tout le monde devient fou. Donc moi, il y a un rituel que j’aime bien, tous les 31 décembre je suis enfermé dans ma grotte en train de regarder un film pour me recentrer le cerveau. Je vais regarder La nuit du chasseur ou Querelle, mais celui que j’ai regardé le plus souvent, c’est 2001, pour avoir la garantie de bien commencer l’année.

 

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Qu’est-ce qu’il a de plus pour toi ?

Il est tellement en avance sur son temps pour la prévision d’un monde futur. Kubrick avait beaucoup collaboré avec la NASA à l’époque. Parmi les films qu’on appelait futuristes et qui sont encore valables, il n’y en a pas beaucoup. Bien sûr, il y a des choses un peu pop art, notamment la manière dont les hôtesses de l’air sont habillées qui est un peu désuète, mais dans toutes ses prédictions concernant l’avenir de l’intelligence artificielle, des communications sur Terre, ça pèse plus lourd que n’importe quel film.

Le mec a fait une grande œuvre, il a accompli quelque chose de magistral. Ça me fait penser à l’architecture où tu as des temples, des églises, et tu te demandes comment les gens ont fait ça à l’époque. Les pyramides d’Égypte, ça fait à peine deux ans qu’ils ont découvert comment elles avaient été construites. Dans le même esprit, Kubrick, c’est un gars qui s’est mis en tête de faire quelque chose de plus grand que le cinéma. Metropolis était bien plus grand que son époque, King Kong aussi… Mais je n’ai pas la sensation que Star Wars entre dans cette catégorie, 2001 oui. En science-fiction il y a beaucoup de films, mais pour faire monter le cinéma à un niveau supérieur, il est tout seul. C’est juste un long métrage plus grand que tout ce que j’ai vu au cinéma.

Kubrick était athée et il avait dit qu’avec 2001 il avait fait un grand film religieux athée. Il ne vend pas de dieu, il n’est pas associé à une quelconque doctrine. Je suis un athée convaincu, mais c’est vrai que les mystères de l’univers sont immenses et Kubrick a réussi à faire un film sur ce sujet. C’est fabuleux, tu as envie d’y croire comme à une messe ou à un discours religieux. Ça rentre quelque part dans ton système mental d’une manière abstraite, peu ont réussi à y parvenir.

 

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Un réalisateur doit-il montrer des engagements idéologiques, politiques ?

Je suis désengagé politiquement, je n’ai jamais voté de ma vie. Mes parents, ma mère encore plus que mon père, étaient très politisés. J’ai grandi dans un climat de vraie gauche, ce qui a quand même eu comme conséquence la nécessité de quitter le pays pour notre famille. Je ne me suis pas forcément opposé à cet héritage politique, mais à un moment je n’y ai plus cru. Mes parents avaient des convictions plus liées aux idées communistes qu’aux idées occidentales et mon père a travaillé à l’avenir de Cuba. Récemment j’y suis allé et je lui ai raconté le Cuba que j’ai vu. Il m’a dit : « Oh putain, quand je pense que toute ma vie j’ai cru que Cuba pouvait devenir l’utopie qui arrive à terme, aujourd’hui on en est tellement loin. »

 

On constate pourtant que dans tes films la question de la classe sociale et celle de la domination bourgeoise reviennent souvent.

Je ne pense pas profondément que les bourgeois soient pires que les personnes des classes moyennes ou des pauvres, c’est juste qu’ils ont les moyens d’être puants. Le prolo rêve d’être bourgeois justement pour pouvoir être puant avec les autres. C’est Buñuel qui disait ça quand il faisait la promo de Los Olvidados : « Il faut arrêter de dire que les pauvres sont mieux que les riches. » À l’arrivée, l’espèce humaine reste toujours la même. Tu as le même code génétique, il n’y a pas une couleur de peau qui est plus ou moins raciste, tu as juste des gens qui ont les moyens d’afficher leur racisme.

 

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Tu as créé ta société de production, Les cinémas de la zone, très jeune pour être indépendant. Penses-tu que la relation avec un producteur est problématique ?

Quand tu crées ta boîte de prod, ce n’est pas parce que tu aimes être producteur, c’est juste que tu te mets dans une situation où tu veux avoir le dernier mot par rapport aux prises de risques. Mais si tu trouves un mec un peu blindé qui a de l’argent de famille et qui peut s’associer avec toi sans être stressé s’il perd 10 000 euros, autant faire ça. La plupart des gens qui ont de l’argent de famille sont éduqués depuis leur plus tendre enfance à ne pas le dépenser, si ce n’est pour s’acheter de la coke. J’en connais très peu qui ont le pouvoir d’agir et qui font vraiment autre chose que des plans narcissiques. Comme disait Pasolini dans Salo : « Les gens dédient toute leur vie à obtenir du pouvoir, mais quand ils l’ont, ils ne savent pas quoi en faire. À part se prouver qu’ils l’ont en forçant d’autres gens à faire des choses contre leur volonté. »

 

Tu as pourtant déjà remercié des producteurs pour les risques qu’ils avaient pris…

Quelques-uns, pas tous. Je trouve que Wild Bunch a pris des risques pour moi avec Enter The Void. Au niveau commercial, le film n’a pas bien marché et ils ne me l’ont pas reproché. C’est là que je les ai trouvés glorieux, quand tu crois à un truc, tu continues à y croire. C’est bizarre, tu as souvent ça aussi avec les attachés de presse ; quand ils sont sur un film et que la presse est bonne, ils te disent que c’est grâce à eux ; quand la presse est mauvaise, c’est à cause de toi. Je n’ai pas du tout eu ce genre de rapport avec les gens de Wild Bunch et je les en remercie.

 

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Considères-tu faire partie d’un cinéma français ou au contraire te sens-tu à part ?

Je fais partie du cinéma français. Après tu as un cinéma commercial français, les César, c’est quand même systématiquement des films commerciaux. Je ne sais même pas si Irreversible avait postulé… Je m’en fous en fait, je n’aimerais pas faire partie de ça. Pour rigoler, pourquoi pas ? Mais avoir un César, je ne sais pas si c’est un cauchemar ou un rêve. Ce qui est sûr, c’est que ça ne m’a jamais obsédé d’en avoir un. Être en compet’ à Cannes, oui, mais l’intérêt, comme ça a été le cas pour Love, c’est d’être diffusé dans la grande salle avec 3 000 lunettes 3D. Tu ne peux souhaiter un meilleur accouchement que d’introduire le film dans cette clinique-là. L’ambiance est super bonne. Les gens étaient bourrés, j’étais bourré, c’était super festif.

 

Peut-on parler d’une résistance assumée d’un certain cinéma français ? Mathieu Kassovitz ou Vincent Cassel, par exemple, sont anti-César.

Je me souviens très bien du jour où Vincent avait été nominé pour le film d’Audiard, Sur mes lèvres. On était ensemble chez lui avec Monica, on regardait la cérémonie à la télé et on rigolait. On se disait clairement : « Ah putain j’aimerais pas être parmi eux. » Bien plus tard, pour Mesrine, il en a vraiment reçu un et il a été super classe quand il l’a eu, il l’a dédié à son père. Mais il y a des moments dans la vie où tu as envie d’être à un endroit et pas à d’autres.

C’est bien de mettre en valeur le cinéma français. Mais quand on y réfléchit, on pense à celui des années 30, puis à celui des années 60-70. Aujourd’hui, le cinéma français est super éclaté. D’ailleurs le système français produit énormément de films étrangers. Par exemple, 2046 de Wong Kar-wai est un film français parce que l’argent est français. Enter The Void, c’est de l’argent français mais tourné par un réal étranger, par un chef op belge au Japon en langue anglaise : alors, est-ce qu’il est français ? Pour moi les fonds qui financent un film n’en font pas sa nationalité. Mais la vraie question est : est-ce que tu dois forcément mettre un film dans une case ?

 

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Au-delà donc d’un cinéma français, te sens-tu proche de personnalités du monde du cinéma ?

Je suis ami avec Alain Cavalier, Jan Kounen, Alfonso Cuarón, Darren Aronofsky… Tu as tout un ensemble de gens que tu aimes parce qu’ils sont barrés. Et j’aime bien parler de cinéma avec des réalisateurs parce que tu en discutes de manière pratique. Même si chacun suit son chemin, tu as des situations récurrentes dans le cinéma. Tu peux par exemple te retrouver en embrouille avec des festivals qui te demandent des modifications avant de projeter ton film, tu peux te retrouver face à des producteurs qui ne font jamais remonter les recettes, tu peux te retrouver avec des comédiens complètement chiants. Tu as besoin dans ton système de survie de prendre des infos et de donner des conseils aux autres pour que chacun sache comment s’en sortir dans cette jungle. Discuter avec des réalisateurs, ça te rend plus fort.

 

Irreversible était taxé d’irresponsable par Télérama en 2002, la condamnation de l’immoral a-t-elle évoluée depuis ?

Je fais ma route, je préfère ne pas faire attention à ce que l’on dit sur moi. Je lisais récemment un tout petit bouquin sur Clouzot, il disait que pendant toute sa carrière la moitié de la presse était haineusement contre lui et l’autre moitié favorable, et que souvent ça s’inversait. Il faisait son film et des gens comme François Truffaut, par exemple, disaient des horreurs sur lui parce qu’ils pensaient qu’il était collabo. Et du jour au lendemain ils commençaient à le défendre et ses anciens amis, qui étaient plutôt liés à la droite française, considéraient soudainement qu’il faisait des films de merde.

Donc il ne faut pas trop faire attention à ce que les gens disent, tu fais attention à ceux dont l’avis t’importe vraiment. Et souvent ce n’est pas du tout des personnes liées au cinéma. Mais que les gens disent du bien ou du mal au moment des polémiques, ça les concerne plus eux-mêmes que le film.

 

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Au-delà des critiques, ce n’est pas frustrant de voir que le public n’a pas compris ce que tu as voulu faire ?

Non. Dans le lot des gens qui voient ce que tu fais, tu te dis que le message passe. Irréversible, je ne l’ai pas revu depuis super longtemps, je ne sais pas si je le modifierais, mais en tout cas le film est là. Tu ne peux pas changer l’objet.

Il y a une citation d’Hitchcock que beaucoup de gens reprennent : « Si j’ai un message à envoyer, je vais à La Poste. » Tu fais des films, pas des messages, c’est une perception d’un truc précis. C’est aussi un roller coaster que tu fabriques pour faire peur au public ou pour l’émouvoir. Les messages sont de l’ordre du verbal, avec un film tu transmets des émotions, des frissons ou du désir.
Tes films montrent que tu éludes le tabou du sexe.

Il y a un tabou du sexe ?

 

Tu ne trouves pas ?

Bah, pas pour moi. Les gens en parlent partout. Maintenant que tout le monde a un téléphone portable et Internet, on n’arrête pas de regarder des images de cul et de s’en envoyer. Il n’y a pas de tabou par rapport au sexe, il y a juste des tabous de diffusion sur les chaînes d’État ou privées. Il y a des commissions de classification qui appartiennent à un autre temps. Tout à coup tu classifies des films en sachant qu’à partir du moment où ils vont se retrouver téléchargeables, ou chez les Pakistanais qui le vendent dans la rue, n’importe qui peut les voir. Aujourd’hui les gamins de 10-12 ans ont tous déjà vu des images pornos parce qu’ils ont un portable, ils ont l’ordinateur de leurs parents, ils ont Google. Je ne trouve pas que les images sexuelles soient les choses les plus choquantes que l’on puisse montrer à des enfants, un mec qui se fait décapiter à coups de machette en Afrique, c’est autre chose. Le truc, c’est comment la société occidentale a pu expurger la représentation de l’acte amoureux de la société civile comme si c’était quelque chose de sale. Au contraire, à la base, c’est juste un acte génétique de reproduction de l’espèce. Qu’après tu mettes des capotes, que tu le fasses avec quelqu’un de ton propre sexe, que tu le fasses de manière non-reproductive, c’est autre chose. Mais au départ ça reste un truc pur d’affirmation de la vie de l’espèce humaine ou animale. On devrait au contraire le valoriser, l’exacerber.

 

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C’est dans une Maroquinerie encore vide que nous avons rencontré Lady Leshurr. Débarquée de Los Angeles après une escale chez elle à Londres elle se prête facilement au jeu du shooting, malgré le manque de sommeil. L’artiste reste pro et impatiente de monter sur scène. « Je suis déjà venue, mais c’est mon premier show à Paris. J’espère que je vais avoir de bons retours. Je croise les doigts. Ce serait bien d’avoir un bon premier show à Paris. »

Rappeuse grime depuis quelques années, Melissa s’illustrait en 2015 avec une série de freestyle mis en scène avec humour. Jeu de mot ciselés, refrains entêtants, « Queen Speech » devient rapidement virale. « Pour être honnête la série « Queen Speech » était basée sur le fait d’apporter de la comédie, de ramener du fun dans la musique. Je me suis dit que j’arriverais à capter l’attention des gens en mentionnant des choses auxquelles ont peut s’identifier ou comprendre, ou que n’importe puisse aussi chanter. » Pour autant elle y développe un concept qu’elle défend avec ardeur : la royauté. Terme central d’un motto qu’elle explique en ces termes : « La royauté est quelque chose d’important pour moi. J’ai l’impression que de nos jours, peu de gens se respectent vraiment. Et je pense qu’il faut prendre la parole et exprimer ce que vous êtes ou ce que vous voulez devenir. Quand je dis que je suis une Queen, ce n’est pas que je pense être la Reine du rap, ou la Reine d’Angleterre ou quelque chose comme ça. C’est juste que je crois que je suis une reine, que je me respecte et que veux être traitée comme tel. C’est simplement l’idée de donner le pouvoir aux filles, et aux jeunes rois aussi, d’être plus puissant et de prendre le contrôle de leurs vies.« 

Alors qu’elle monte sur scène, le public est déjà enflammé et connait ses titres par coeur. A sa grande surprise d’ailleurs, elle voit son souhait de premier grand concert exhaussé et s’amuse entre quelques sessions dancehall et freestyle pour conclure sur un saut de l’ange.

 

« Je prépare un nouveau projet, similaire à « Queen’s Speech », mais ce sera plus sombre. Ca s’appellera « Unleashed » et se sera surement une série de 5 vidéos, comme Queens Speech. Je serais juste plus technique dans mes lyrics parce que ça me manque et je sais que quelques personnes ont mentionné que je devrais refaire ça. Ce sera plus chaud, plus sombre… Il y aura toujours Queen Speech, mais plus aussi souvent. Et je travaille sur un album, je prépare une tournée au Royaume-Uni et je serais à New-York le 6 février… »

Photo : @Ahtlaqdmm
Stylisme : Shehrazad Methenni
Assitante : Caline Nehme
MUA : France Lila Barberis

Avec Weekidz Production

 

Tout commence par la lettre Alpha.

Une faille spatiotemporelle. Les mots sont maladroits, mais la percée d’Ousmane Badara dans le paysage rap pourrait être comparée à une anomalie. À quinze ans, il quitte la terre chaude du Sénégal pour la Champagne-Ardenne. Par la suite, ce sont les murs effrités de la cité d’Orgemont, un quartier populaire d’Épinay-sur-Seine, qui l’accueilleront de manière définitive. Au départ les études sont envisagées, mais les business licites et illicites prennent le dessus sur sa bonne volonté, puis le rap se transforme en une activité à temps plein. Désormais, Ousmane se prénomme Alpha 5.20, et son premier projet sort en 2001. À mi-chemin entre la compilation, le « bootleg » et la mixtape, Rimes & Gloire Vol. 1 devient la carte de visite d’un rappeur à l’accent du bled, qui rappait avant tout pour manger.

Article extrait du YARD Paper #6, disponible ici.
Illustrations : Stella Lory

 

Shone : ami, rappeur et héritier du Ghetto Fabulous Gang
Diomay : premier collaborateur d’Alpha et rappeur
Fredo : premier mentor et rappeur (La Brigade)
Le Kafir : fréquent collaborateur et rappeur (La Brigade)
Pheno Venom : producteur (Pop mon hood, Gangsta)
Jack S : producteur (Boss 2 Panam, Regrets, Les larmes du soleil)
Le.C : directeur du label Banque de Sons
Primo : producteur (Un monde tout blanc)
Juliette Fievet : attachée de presse du film African Gangster
Mehdi Maizi : journaliste (Abcdrduson)
Genono : journaliste (Captcha Mag/Noisey/Le Mouv’)
Fifou : graphiste et photographe pour l’album Scarface d’Afrique
Julien Kertudo : directeur de Musicast
Jean-Pascal Zadi : scénariste et réalisateur d’African Gangster

 

Shone : « Alpha, c’est un hustler. Avant d’être rappeur, il a commencé par vendre des cannettes à Clignancourt. »

Diomay : « Moi et Alpha 5.20, on a commencé très jeunes. À l’époque, tu avais encore la notion de grand et petit, et nous, d’une certaine manière, on était sous la tutelle du groupe La Brigade. D’ailleurs, dans notre bande, c’était le seul jeune que La Brigade songeait à mettre sur son album. »

Fredo : « Je me baladais à Châtelet, lui était vendeur dans un magasin de vêtements, et il m’a reconnu par rapport à La Brigade. Directement, il m’a demandé de faire un morceau avec lui. »

 

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Shone : « Je ne vais pas te mentir, la première fois que j’ai entendu Alpha rapper, c’était nul. »

Fredo : « Au-delà de l’artistique, c’est l’humain qui m’a plu chez lui. Je l’ai toujours poussé parce qu’il avait quelque chose. Mais j’ai aimé son flow, son concept, même s’il a évolué par la suite car au départ il avait une approche moins gangster. Les premiers titres que j’ai écoutés d’Alpha, tu sentais son côté du bled… Pas dans le mauvais sens, c’est quelqu’un qui a des valeurs du Sénégal, des valeurs qui sont universelles. C’est pour ça que j’ai voulu l’inviter sur l’album de La Brigade. »

Diomay : « Alpha avait beaucoup de famille aux États-Unis, donc il avait la possibilité d’y faire des allers-retours. Là-bas, la communauté sénégalaise est très présente, c’est elle qui vendait les mixtapes de DJ Clue à New York. Du coup, il avait déjà cette culture des tapes, de prendre des morceaux par-ci, par-là, puis de les rafistoler. »

 

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« Ghetto Fabolous »

 

Pour se faire une place dans l’univers « rapologique », Ousmane Badara choisit son modèle économique dans le sud des États-Unis, où Master P, un rappeur-entrepreneur, brasse des millions en totale indépendance. Pour matérialiser ses idées, Alpha 5.20 crée son unité, le Ghetto Fabulous Gang, une bande composée de quatre rappeurs tous issus de quartiers différents : Shone, O’Rosko Raricim, KER et Malik Bledoss. L’une des marques de fabrique de la clique, c’est d’abord une hyper-productivité et des sonorités doublées d’une imagerie très française. Casquette Lacoste, Air Max, lunettes Cartier, boubous. Ensemble, ils embarquent l’auditeur dans leurs histoires de « tess », le plus souvent avec une écriture vindicative. Un détail qui les contraint à se marginaliser, même si, en 2005, la famille signe son premier album commun, Gangsters avec de grands boubous.

 

Shone : « Alpha a vécu plusieurs mois aux États-Unis. Il suivait ce qui se faisait là-bas avec Master P, Eazy-E, Cash Money… Des mecs qui autoproduisaient, fabriquaient et vendaient leurs propres CD depuis leur camion. Je n’en avais pas conscience à l’époque, mais maintenant je me rends compte qu’il avait vraiment réfléchi à un tas de choses. C’est la première personne à m’avoir appris à réinvestir. Par exemple, après la mixtape Boss 2 Panam, on avait écoulé près de quinze mille exemplaires, et il nous a directement proposé de réinvestir notre argent. Quand j’étais jeune, je sortais, je claquais mes thunes, mais lui, c’était vraiment la première personne à me conseiller. J’irai même plus loin, je pense que c’est son ADN du Sénégal. Là-bas c’est comme ça, les Sénégalais sont divisés dans les quatre coins du monde, et peu importe ce qu’ils font, ils essaient toujours de faire de l’argent pour la famille restée au pays. »

Mehdi Maizi : « On a souvent dit que le rap français ne prenait du rap américain que l’attitude et les dernières tendances à la mode, et pas forcément la productivité, mais eux l’ont prise. »

Shone : « On était obligés d’être hyper-productifs pour exister. »

 

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Pheno Venom : « Être crédité, ça a toujours été le fruit de longues discussions avec Alpha. Je voulais être remarqué pour mes morceaux, mettre un jingle au début de chaque production, or, lui ne voyait pas l’intérêt. Parfois, je pensais même que c’était une des particularités du rap français. Quand les rappeurs trouvaient un producteur qui sortait du lot, c’était comme s’ils voulaient se le garder. Mais travailler avec lui, ça a toujours été un plaisir malgré les engueulades. En plus, ce qui me saoulait, c’était quand il me disait : “Ghetto Fab t’a mis sur la carte du rap français.” »

Le Kafir : « Quand je suis allé dans le quartier de Shone à “Forest Foss” (La Forestière, Clichy-sous-Bois, ndlr), j’étais impressionné. J’ai grandi en cité, à Ivry-sur-Seine, mais Forest Fos’, tu arrives, tu n’as pas d’ascenseur, les tours sont immenses, les bâtiments sont brûlés. T’as l’impression d’être coupé du monde. J’étais choqué. Et à partir de là, il y avait une sincérité à laquelle j’étais sensible. »

Shone : « J’ai rencontré Alpha grâce à Fredo, il était plus âgé et connaissait déjà O’Rosko. Moi j’avais mon groupe Holocost et 93 Étendard, mais ce qui nous unissait, c’était plus que le rap, c’était le tiers-monde. J’étais du Burkina Faso, KER était Cambodgien, réfugié politique, O’Rosko était Haïtien. Quant à Malik et Alpha, eux, ils venaient du Sénégal. Je pense que la pauvreté nous a liés. »

Mehdi Maizi : « Dans les années 2000, il y a eu un durcissement du rap avec plusieurs rappeurs qui étaient à la mode. Je pense à Alibi Montana, LIM, Sefyu, l’âge d’or de Rohff. Même si c’est réducteur d’évoquer un rap de rue, dans l’imagerie qui était véhiculée, à l’époque on parlait comme ça. Par exemple on disait “street CD ”, aujourd’hui on parle d’EP, pourtant les formats sont les mêmes. Je pense qu’Alpha 5.20 était l’un des porte-étendards de ce style. Après, quand on y regarde de plus près, on remarque que ce n’était pas si binaire, pas si simpliste, il y avait une vraie identité. »

 

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Shone : « Gangster avec de grands boubous était un aboutissement, c’était notre premier album pour nous tous. C’était une époque où on écrivait sans arrêt, on était des machines. Lorsqu’on rentrait en studio, on ne perdait aucune minute. On avait réussi à être signés en distribution chez Sony BMG. On avait un morceau (Tous les quartiers) pour plaire à un plus large public. Christophe Neny (ancien directeur de la radio Générations) nous avait même accueillis dans ses locaux. Sauf qu’au moment d’être joué en radio… Rien. On avait essayé de discuter, de lui proposer des sous, mais il était catégorique. On était furieux. Après ça, l’album est sorti puis on est revenus à la charge pour lui mettre un coup de pression. Au final, il a accepté de nous jouer, tout en n’oubliant pas de prendre notre argent. Mais pour la première fois qu’on était placés dans les bacs, l’album a très mal marché. Du coup, sur dix mille disques pressés, on a pu en récupérer la moitié pour les écouler aux puces. »

 

« L’argent c’est rien, le respect c’est tout »

 

Une maxime omniprésente sur chaque livret d’Alpha. Plus que cela, cet adage a régi la carrière du rappeur puisqu’il ne s’est jamais réellement préoccupé d’être disponible à La Fnac et consorts. Bien au contraire, sa réputation s’est forgée hors des réseaux traditionnels, aux puces de Clignancourt. Dans ce marché populaire, Alpha y fait sa promotion et s’en sert pour vendre ses projets et produits dérivés. Un point stratégique, sans intermédiaire, directement connecté à son public.

 

Jack S : « La phrase d’Alpha, “L’argent c’est rien, le respect c’est tout”, nous est venue en tournée pendant qu’il repassait ses affaires. On a commencé à déconner en disant “Alpha, c’est le genre de rappeurs qui fait tout”, puis on a dérivé sur la notion de respect. C’est à ce moment-là qu’il a surenchéri : “Si je laisse ma voiture dehors, les portes ouvertes, personne ne me la volera parce que les gens me respectent.” Au départ, c’était un délire. Au final, il a gardé cette phrase : “L’argent c’est rien, le respect c’est tout”.»

Shone : « On s’est installés aux puces purement pour le business. Pour nous, c’était vital. Réduire les coûts. Maximiser les gains. »

Genono : « Alpha 5.20, c’était le fer de lance de l’indépendance. »

Le Kafir : « Il a rendu Clignancourt noble. Je n’ai pas la prétention de connaître toute l’histoire du rap français, mais personne n’y avait pensé avant, pas à son échelle en tout cas. J’ai eu mon stand par la suite, et j’en ai vu des rappeurs défiler. »

 

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Julien Kertudo : « Vers 2011, on a réédité un coffret Boss 2 Panam et Rimes & Gloire, le succès nous a complètement dépassés. Il y a une vraie estime d’Alpha sur le terrain. Il a toujours tourné avec sa camionnette dans les cités ou les marchés pour partir à la rencontre de son public. Du coup, quand on dit Alpha, c’est une marque hyper-identifiée. »

Mehdi Maizi : « Les puces était une manière de montrer qu’on pouvait commercialiser le rap différemment et qu’on pouvait construire des carrières différentes du format : “Je sors un premier album, je fais mon Planète Rap.” »

Le Kafir : « Les gens préféraient se déplacer aux puces pour parler un peu à Alpha, acheter ses albums et ses t-shirts Ghetto Fab. »

Shone : « Quand on a commencé le textile, les sweats Mafia K’1Fry étaient sur la fin. Tu n’avais pas beaucoup de personnes placées sur le marché, et surtout qui avaient compris l’importance des vêtements. Avec Alpha on a mis nos thunes dedans, conçu notre logo, un peu usé comme à l’image du tiers-monde, et c’était parti. »

 

« J’ai fait le cauchemar français »

 

En 2005, en pleine visite dans le quartier de La Courneuv, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se fendait d’une diatribe désormais célèbre pour « kärcheriser » la mauvaise graine française. Quelques années plus tôt, les paroles de rap suscitaient débat à l’Assemblée nationale : Sniper fut poursuivi pour propos racistes et antisémites et La Rumeur assigné en justice pour “diffamation publique envers la police nationale”. Quinze ans après, la République française, laïque et indivisible, ne semble toujours pas bercer tous ses concitoyens dans le même landau “Liberté, Égalité, Fraternité”. Sans papiers, migrant, et avec un discours à contre-courant, Ousmane Badara incarnait plutôt la figure de fils illégitime. Un portrait qu’il s’est fait plaisir d’interpréter dans ses interludes devenus célèbres.

 

Le.C : « Ses interludes m’ont fait penser au délire des Américains, ce n’était pas un morceau, un morceau, puis encore un autre morceau. Au contraire, son album vivait, il avait capté qu’il fallait parler aux gens. »

Le Kafir : « C’était l’un des premiers à avoir apporté ça. Ses interludes étaient presque aussi intéressants que ses sons. »

 

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Jack S : « Sa façon de parler, d’introduire les titres, c’est une des choses qui fait que je l’ai trouvé différent de tous les autres artistes. »

Genono : « Peine Noire. Celle où il dit : “On sera toujours là, comme des putains de cafards à Hiroshima.” Cet interlude m’a marqué parce que l’outro du morceau (une lettre ouverte au président Nicolas Sarkozy en réponse à son discours de Dakar) est plus longue que le morceau lui-même. Je crois que c’était la première fois que j’entendais ça. Ensuite, son discours est extraordinaire. Je n’ai jamais entendu un rappeur tenir ce genre de propos avant Alpha. “Il y a des pays en Afrique mon pote, presque vingt-cinq pour cent des mecs ils ont le SIDA, mais on est là cousin. En Europe, un mec il a le SIDA, il crève tout de suite. On ne meurt pas cousin. Envoie la putain de bombe nucléaire, on sera comme des putains de cafards à Hiroshima, mais on ne meurt pas cousin !” C’était incroyable ce qu’il racontait. Il n’y avait aucune victimisation. »

 

« Ghetto Fab Films. Ghetto Fab DVD »

 

L’univers cinématographique s’est greffé naturellement sur la vision artistique d’Alpha 5.20. En 2010, il produit son premier film, African Gangster, épaulé par Jean-Pascal Zadi à la réalisation. L’histoire : un migrant sénégalais débarque à Paris pour travailler clandestinement, mais ses plans capotent avec l’assassinat de son cousin. Un long métrage dans lequel Alpha se mue en acteur. Une ligne de plus à son curriculum.

 

Shone : « Je pense qu’avec ça il nous a montré qu’on pouvait faire autre chose que du rap. Des choses qui peuvent paraître inaccessibles, lui, il les a rendues réalisables. »

Jean-Pascal Zadi : « La promotion a été très galère. Comme Alpha avait une espèce d’aura, que les gens l’aimaient bien, on a eu une attachée de presse qui s’appelait Juliette Fievet. À l’époque, on ne savait même pas à quoi ça servait. Elle est venue spontanément et nous a dit : “Je veux travailler avec vous.” Par la suite, elle nous a amenés dans plusieurs stations radio. Je me rappelle qu’on avait fait la nocturne de Skyrock. D’ailleurs, vu que c’était pour un film, Alpha 5.20 se posait la question de savoir s’il devait venir ou pas, car à l’origine il n’aimait pas la politique de Skyrock. Il m’a appelé et je lui ai dit : “Non ce n’est pas la peine, comme ça tu rentres dans la légende.” (Rires.) »

 

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Juliette Fievet : « Au début, ils ont eu peur de mon aide. »

Jean-Pascal Zadi : « L’indépendance, c’était la seule manière qu’on avait d’exister. On ne s’est pas demander si on allait faire la même chose au cinéma ou pas. On s’est dit qu’on allait faire un film dans la rue, pour nos frères. Aujourd’hui ça va un peu mieux, mais à l’époque j’étais en marge, lui était en marge, c’était notre discours d’être dans la marge. C’était notre manière de faire. »

Juliette Fievet : « J’ai toujours managé des artistes, déjà à cette époque j’aurais aimé signer Alpha en distribution. Quand j’ai entendu qu’il projetait de produire un film, je lui ai tout de suite proposé mon aide sans aucune contrepartie. Plus que le long métrage en lui-même, c’était la démarche qui était importante. J’ai pris tous les numéros de mon téléphone et j’ai appelé tous mes contacts. On a réussi à faire Libé, Canal+, Trace TV, Skyrock et un tas d’autres radios. Dans un sens j’étais le plébiscite, mais je l’ai fait car j’avais un profond respect pour là d’où il venait. »

 

2-Scarface d'Afrique

 

« La mort avant le déshonneur »

 

Dans Scarface, Brian De Palma enrôle Al Pacino pour incarner le personnage de Tony Montana. Excommunié du régime de Fidel Castro, ce jeune Cubain atterrit à Miami pour vivre le rêve américain. D’un job dans une friterie à la profession de narcotrafiquant, Tony a une vie de rêve avant de finir consumé par l’avarice. Des parallèles criants avec le parcours d’Alpha. Ousmane, le migrant sénégalais, a concrétisé ce qui paraissait impossible pour une partie des siens. Pour éviter le même sort que Tony, le rappeur a orchestré son dernier tour de piste le sourire aux lèvres et un revolver sur la tempe. Un homme serein avant sa mort, comme la pochette de son dernier album Scarface d’Afrique. Une image marquante. Un clin d’œil à Takeshi Kitano. Sombre et apocalyptique, cet opus, qui devait s’intituler Ben Laden d’Afrique mais qui, pour des raisons évidentes, changea de nom, faisait état d’un monde décadent, nihiliste, dirigé par l’impérialisme américain. Sorti le même jour qu’African Gangster, un dernier point pour mettre fin à un personnage rocambolesque qui souhaitait à présent trouver sa quiétude dans la religion, dans ses principes, et surtout loin du rap.

 

Genono : « Scarface d’Afrique est un album grandiloquent. Le dernier de sa carrière. Le thème “La mort avant le déshonneur” imprègne l’album. Tu sens qu’il part sans aucun regret, qu’il dit tout ce qu’il a à dire, sans se soucier de ce que les gens vont penser. Et musicalement, c’est son œuvre la plus aboutie. Aucune collaboration, uniquement Alpha du début jusqu’à la fin, la somme de toutes ses connaissances acquises dans le rap pendant une dizaine d’années. »

 

Juliette-Fievet

 

Mehdi Maizi : « C’est le discours d’un homme déçu, dégoûté de la société dans laquelle il vit et de l’hypocrisie des gens. Ce disque-là, c’est son testament. »

Shone : « Je ne garde pas un bon souvenir de Scarface d’Afrique. Je me souviens d’une époque où on avait beaucoup de problèmes en dehors du rap. Des personnes avaient essayé d’emmerder Alpha, donc on leur avait vite réglé leur compte, mais malheureusement, après cette histoire, Alpha est allé en prison. Même si pour lui ce n’était pas vraiment important, je me rappelle que dans son attitude quelque chose avait changé. C’était vraiment différent, il n’était plus là pour rigoler. Même avec moi, je le sentais différent. Deux semaines après sa sortie de prison, il m’a dit : “Écoute, j’ai réalisé mon dernier album.” »

Primo : « J’ai eu une grosse période Three 6 Mafia et, quand je composais, je faisais des sons qui étaient sombres. Je produisais vraiment des morceaux dans l’ambiance, sans me dire que quelqu’un rapperait dessus. Je m’imaginais même composer des musiques de film. Du coup, il a pris beaucoup de mes compositions qui étaient faites comme ça, dans mon délire. Des boucles de seize, vingt-quatre mesures, alors que les sons n’étaient pas terminés. Sur Un monde tout blanc (premier titre de l’album), il y a juste une boucle tout le long puis un refrain. En 2010, j’avais déjà arrêté de produire et c’est mon frère (Le.C), il y a trois ans, qui a découvert qu’Alpha avait utilisé cette production. »

Fifou : « Pour la pochette, c’était son idée à la base. Il lit beaucoup de bouquins, regarde énormément de films et a toujours été un grand fan de ceux de Kitano. Alpha a constamment ses concepts en tête. D’ailleurs, ça faisait des années qu’il me parlait de cette image. Il est venu en bas de chez moi, je l’ai pris en photo, puis on est remontés pour la finir dans la foulée. En deux heures, c’était bouclé. Pour le pistolet, il est plus gros que dans le film car avec le Ghetto Fab on a toujours fait des séances photos avec de vrais flingues. Et là, on n’avait que ça sous la main ».

 

Fifou

 

Julien Kertudo : « En indépendant, sans média, sans promotion en radio, sans rien ; Alpha faisait partie de nos quatre ou cinq plus gros vendeurs. Il s’est arrêté quasiment au sommet de sa gloire personnelle en termes de ventes. »

Diomay : « Alpha aimait la musique, mais le but du jeu, c’était quand même de s’en sortir. C’est-à-dire qu’il était en France mais que des gens dépendaient de lui au Sénégal. C’était l’un des moteurs d’Alpha. Son but n’était pas d’être une star, il s’en foutait. »

 

Fondé en 2013 par Alpha Wann, Hologram Lo’ et Marguerite du Bled, le label Don Dada a lancé il y a quelques temps une collections de t-shirt et de sweat disponibles en édition limitée sur le shop de Don Dada.

Une collection présenté par les membres du label qui posent devant l’objectif de Kevin Jordan O’shea.

Actuellement en représentation à l’Apollo Theatre du jeudi au samedi à 20h, Kevin Razy s’illustre aujourd’hui dans des vidéos humoristiques, mais aussi politiques.
Un temps beatmaker, il nous explique son cheminement vers le genre, entre parodie, buzz et théatre.

Le banc est dur et sans pitié mais je suis le seul à m’en soucier. Tout le monde regarde vers le box, ces visages cernés et résignés. Dans leurs pupilles la juge. Dans leur ombre des polos bleus comme des gyrophares. Ils ont été arrêtés en flagrant délit et passent maintenant en comparution immédiate. Un bout de leur destin devrait s’écrire maintenant, mais il semble avoir été décidé depuis longtemps… “Est-ce que vous souhaitez être jugé aujourd’hui ?”

Article écrit en collaboration avec Noise la Ville

J’entre sur la pointe des pieds. Le flic m’a demandé d’être très discret, il a tenu à me voir éteindre mon téléphone. À part un deuxième policier dans la salle qui me fouille du regard, personne ne fait attention à mon arrivée.

Patrick a 49 piges, c’est lui le doyen du box. Il est né à Pointe-à-Pitre et on lui reproche de la détention et usage de crack. Seule personne debout de la salle, il est comme couronné de l’hideux papier peint jaune poussière aux motifs fleur de lys. Sans avocat, il a refusé l’identification biologique. « Qui sait combien d’alias et de condamnations vous avez déjà ? » lance la juge, impuissante. Lui, l’œil creux, ne répond pas. Sur la gauche, en face de lui, la procureure referme déjà son dossier d’un air entendu. Elle sait très bien où Patrick dormira ce soir. “Vous avez quelque chose à ajouter ? – Non. – Asseyez-vous et attendez le verdict.” Je suis du regard ses cheveux blancs qui plongent dans le box. Dans un soupir d’exaspération la juge a déjà enchaîné avec le dossier suivant.

Du shit cette fois-ci… “Ah non, attendez !” D’un coup, toutes les têtes tombent dans les épais classeurs, chacun trifouille dans sa paperasse. Pendant quelques instants de flottement les feuilles chantent. Ah ! L’avocate a confondu les prévenus. L’ambiance se détend un peu. Chacun en profite pour tousser un coup ou se chercher une position un peu plus confortable. Elle a confondu deux dealers noirs… Personne ne lui fait de commentaire, il y en a trois autres dans le box. Elle est toute seule pour les cinq affaires et elle rencontre les prévenus en même temps que tout le monde. Bref, on reprend. Les faits sont les mêmes ou presque. Le gars s’est fait choppé à Nation. Détention et revente de résine de cannabis. C’est sa première fois, explique-t-il avec désinvolture à la juge. Il avait des dettes à rembourser. À ce moment je remarque que la juge, la procureure, l’avocate, la greffière sont toutes des femmes. Et dans les polos bleus, que des hommes. Les rôles sont répartis. Les unes font la morale, les uns te secouent par le bras… Quand le prévenu répond avec insolence, il y a une odeur de salon familial, presque de crise d’adolescence.

 

Avec ses 23 piges et sa fougue, le dealer de Nation embobine un peu tout le monde. Enfin c’est ce qu’il croit. “On connaît l’excuse par cœur Monsieur, ils ont tous des dettes à rembourser” assène la procureure. Son élocution est familière. Elle est jeune et blonde, apparence soignée, la trentaine environ. “Je vous signale tout de même que les enquêteurs ont regardé le contenu de votre mobile, l’exploitation des téléphones a été très intéressante…” Son apparence nous dit qu’elle est là depuis une semaine mais son attitude veut dire qu’elle a déjà tout vu. C’est l’effet des comparutions immédiates : une après-midi distille lentement tout ce qui ne tourne pas rond dans ce bas monde. Une vie à faire ça, et tu as vécu mille vies. Les surprises sont de plus en plus rares et la routine de plus en plus rodée. Sans ciller, la procureure demande “un an d’emprisonnement avec mandat de dépôt” et c’est le tour de la défense. “Pourquoi croire qu’à sa sortie – après un an de prison – la situation sera différente ? Il faut accompagner la réinsertion et miser sur une peine alternative. ” Oui, l’avocate aussi a sa routine et ses petits arguments passe-partout.

 

Aujourd’hui les avocats font grève, m’avait prévenu le flic à l’entrée, ça risque d’être chiant”. Ben mon vieux, si tu le dis… “Quand les avocats sont pas là, les affaires sont souvent renvoyées, c’est une galère. On perd du temps”.

Patrick lui, il avait l’air de s’en foutre. L’habitude peut-être.

 

Pour comprendre la bataille de paperasse qui se joue ici : la procureure charge la mule sur la base du procès verbal, et la défense essaye d’humaniser le portrait sur la maigre base de l’enquête de personnalité. Mais il faut savoir comment sont fournis ces deux documents. En général le flagrant délit est idéal, il permet de constater une infraction et de résoudre l’affaire du même coup. Pratique pour gonfler les chiffres. Faites du flag’ ! Du coup les policiers traînent vers Haussmann ou à la Goutte d’Or pour trouver des pickpockets et des dealers. On trouve ce qu’on cherche, le procès verbal ne peut qu’aller dans la direction de la culpabilité, même si les faits sont ambigus. De l’autre côté, l’enquête de personnalité est une recherche d’informations sur le prévenu. Il s’agit de s’entretenir avec lui, puis de contacter ses proches, ses employeurs… Ces éléments sont le début d’une biographie nécessaire pour construire une défense. Mais dans les tribunaux les plus courus comme à Paris – où une dizaine de cas défile par jour – chaque dossier est expédié, les profils sont presque automatisés. Toujours des exclus sociaux dont on résume l’existence en une phrase laconique. “Untel a grandi sans parents ni encadrement à Saint-Denis, il se frotte à la petite délinquance très jeune…”. Ces lieux, ces gens et ces parcours deviennent presque les critères de culpabilité d’une Justice aux bras courts.

 

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Les dealers ont été expédiés et d’un coup le box est déserté. Mais la nature a horreur du vide, c’était pour mieux recevoir la prochaine livraison. Le bal reprend avec un couple de bosniaques.

 

“Hier ça a duré jusqu’à 22 heures” m’avoue un policier en sanglotant sur mon épaule. Je le vois encore se vider sans retenue dans le mouchoir que je lui tends. Bon d’accord il ne sanglotait pas, mais il aurait pu, ce n’est pas une vie.

 

Le couple est là pour du vol à la tire dans le métro. Ils étaient trois au moment des faits, mais le troisième larron est mineur. La juge écoute leurs versions des faits. L’homme dit qu’il connaît la femme mais qu’il a arrêté de voler il y a huit ans. La femme dit que les deux autres n’ont rien fait. Elle admet qu’elle était là pour voler, mais eux étaient là par hasard et ont retenu la porte parce qu’ils s’étaient coincés. Mouais. Lui a un boulot comme peintre en bâtiment et elle est SDF depuis un mois. Les deux sont en récidive, constate la juge.

 

– “Je lis dans le dossier que vous avez appris à voler à l’âge de huit ans ?

–  Oui, je ne sais faire que ça.

– Pourquoi avez vous refusé l’aide au logement que vous a proposé l’officier de police le mois dernier ?

– D’abord je veux retrouver ma fille qui vit au pays”.

 

Effectivement le mois dernier la femme était déjà arrêtée pour des faits similaires. Depuis lors, le camp où elle vivait à Montreuil l’accuse d’avoir donné des informations à la police. Avec une réputation de moucharde, pas question de rester au camp. C’est pour ça qu’elle est aujourd’hui à la rue. Sur ce point tout le monde est bien silencieux… Soudain l’avocate sort un joker, l’article 429 du Code de Procédure Pénale qui énonce que la déposition des flics ne vaut pas preuve. Courageuse tentative de discréditer le témoignage des policiers. Eux qui affirment mordicus que les trois compères faisaient équipe. Mais selon les faits, le trio s’était visiblement réparti les rôles. Et en voyant la police ils se sont tous enfuis en jetant le portefeuille sous les rames. L’avocate le sait, mais affaiblir la version des policiers est sa seule chance. A moins que… “Ne tombons pas dans les clichés des Roms voleurs dans le métro”. Elle tente un autre joker ! Jetée sans conviction, la phrase résonne dans le silence de la salle. Bon, les prévenus ont-ils quelque chose à ajouter ? La femme s’excuse pour ce qu’elle a fait. L’homme l’imite alors qu’il plaidait non coupable ce qui déclenche l’hilarité de la juge et de la procureure. “Ils ont jamais intérêt à ajouter quelque chose” plaisantent-elles comme si elles étaient seules. L’avocate lève les yeux aux ciels. Les jeux sont faits, rien ne va plus… C’est l’heure du délibéré. On nous demande de sortir et d’attendre dans le hall de marbre. Pensif, j’y examine les mots gravés dans la pierre. “Vive le Roy, à mort les cons”, “Nike la police”, et puis un gribouillage daté de 1970…

 

Je suis quand même troublé par cette histoire d’indic. Si elle a bel et bien aidé la police il doit y avoir un retour d’ascenseur à un moment non ? J’ai vu assez d’épisodes de Law and Order pour savoir ça. Peut-être que ces arrangements n’existent que dans les séries, ou peut être qu’il est de rigueur de ne pas aborder ces arrangements à l’audience qui est publique.

 

À mon retour le binôme est reconnu coupable. L’homme prend cinq ans de mise à l’épreuve avec 8 mois d’emprisonnement à la clé. La femme prend huit mois avec mandat de dépôt. La juge, en croisade, s’écrie que “le vol à la tire est un fléau !” Il est 19h30, j’en ai marre. Des infractions bidon, des procès verbaux standardisés et des peines de principes qui s’enchaînent les uns après les autres. La comparution immédiate veut faire le bien, accélérer les procédures et alléger les tribunaux, mais à en croire la population des box, elle sert à punir une frange de la société. Comme si elle ne jugeait plus des faits, mais des auteurs. D’ailleurs les trois quarts des prévenus sont en récidive. S’ils sont là, c’est qu’ils sont déjà venus et qu’ils reviendront. Ils sont l’huile et le charbon de cette machine détraquée. J’ai l’impression que la comparution immédiate, c’est la paresse coupable de Dame Justice. Là où elle déchausse ses talons et relève un peu le bandeau qui lui cache en principe les yeux.

 

Illustrations : Stella Lory

 

Pour cette nouvelle série de Somewhere In… nous accueillions Steeve Cute parti à la rencontre de la capitale du pays du Soleil Levant. Loin des typiques attractions touristique, le photographe choisi de suivre la jeunesse japonaise dans ses tribulations nocturnes jusqu’au petit matin, à travers les rues alors déserte de Tokyo. Récit.

Depuis plus de 10 ans je balade mon appareil photo un peu partout dans le monde, mais c’est la première fois que je mettais les pieds au Japon, pays du soleil Levant, et plus précisément à Tokyo, accompagné de mon boitier argentique. J’ai été très étonné de ce que j’y ai vécu et vu, car j’avais quelques a priori sur cette mégalopole avec tout ce qu’on l’entend ici ou ailleurs, encore une fois il est toujours mieux de se faire sa propre expérience. J’ai aimé me perdre entre « Harajuku » et « Roppongi », ou dans les étroites ruelles de « Golden Gai ». La journée, personne ne dépasse la ligne blanche, c’est très cordial, très codé, mais la nuit tombée c’est une autre ambiance, les mains se frôlent, les regards se croisent, les basses sont lourdes, entre whisky et bière locale… C’est ce contraste qui m’a vraiment marqué, quand la pudeur rencontre l’ivresse c’est juste inoubliable.

SITEWEB : www.steeve-cute.com
INSTAGRAM : @steevecute

C’est dans un décor dystopien qu’évoluent nos nouveaux héros. De véritables soldats urbains mandaté pour bousculer les codes, renverser les idées préconçues et imaginer leur propre identité, établir de nouveaux standards.

Dans cette tâche, il leur fallait inévitablement revêtir un nouvel uniforme, en accord avec leur idéal. Urbain, versatile, novateur.

 

Photo : @Ahtlaqdmm
Stylisme : Shehrazad Methenni
Assitante : Caline Nehme
Mua: Hannah Nathalie

Modèles :
Paul Amadou Samb
Marion Flessel

Le LABO’ est notre rubrique consacrée aux tests de produits de toutes sortes par notre équipe  : technologiques, vestimentaires, ou encore culinaires. Après avoir fait le tour de la question en automobile en testant différents constructeurs, nous avons eu l’occasion de tester la gamme de bagagerie de la marque The Shrine

 

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La marque The Shrine est une société de bagages lifestyle basée à San Francisco, en Californie. Avec l’introduction de leur « Weekender BackPack« , la marque a donné un aperçu des produits qu’ils ambitionnaient fabriquer et préfiguré leur intention de changer notre façon de voyager. La marque élargit aujourd’hui sa collection avec différents types de bagages à main qui se veulent technophiles, élégants et de haute qualité dans la conception comme dans la construction, avec pour but ultime de créer des bagages cools, que l’on n’aurait jamais imaginé avoir besoin.

 

DAYPACK

 

Idéal pour ceux qui ne peuvent se séparer de leur paire de shoes du moment, le Daypack brille par la présence d’un compartiment créé sur mesure pour y ranger sa paire de shoes, ainsi que par sa poche arrière prévu pour placer son laptop. Le soucis du détail est poussé à son paroxysme lorsque l’on jette un oeil sur les petits compartiments situés sur l’autre poche permettant un rangement précis et bien identifiés.  Seul (et gros) bémol du Daypack, le manque énorme de place lorsqu’il s’agit d’y placer autre chose que des petits objets et … une paire de baskets. Le sac a le défaut de sa qualité, et devrait être privilégié pour une utilisation simple et sur une courte durée. Une mission pour laquelle ce sac au concept cool et original semble être construit après tout.

 

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DUFFLE & OVERNIGHT DUFFLE

Le classique format du « Duffle Bag » réinventé par The Shrine. La marque s’est fait une spécialité de pourvoir à ses utilisateurs des compartiments dédiés aux chaussures, et c’est encore le cas ici avec les deux modèles Duffle de la gamme. La grande version bénéficie d’une très bonne capacité de contenance, accentuée par les multiples compartiments qui rendent le sac très pratique et fonctionnel. Néanmoins, on émettra une réserve sur la forme rectangulaire un peu trop rigide qui rend le Duffle moins confortable à transporter lors de trajets à pieds. La petite version du Duffle, elle, brille par son coté minimaliste et la possibilités pour les sportifs, d’y placer leurs chaussures de sport ainsi que leur ballon simultanément dans les différentes poches.

 

 

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WEEKENDER 

Certainement la meilleure pièce de la gamme. Le Weekender a gagné ses lettres de noblesse et est la star incontesté de la gamme. Comme son nom l’indique, ce backpack XL est le compagnon idéal du voyageur en quête d’un week-end chargé, tout en étant déchargé. S’il fallait être pointilleux et retenir un ou deux défauts, on noterait le manque de place réservé aux vêtements, et l’effet carapace du sac à porter sur le dos.

 

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PLUS

+Pratique
+Concept original
+Finitions et qualité des matériaux
+Style

MOINS

– Confort de transport
– Idéal seulement pour des séjours de courte durée

 

Tous les produits The Shrine sont disponibles sur leur site online, et suivez leur actualité sur leur compte Instagram.

 

Tentez de remporter l’un de ces quatre modèle en envoyant un mail à contact@oneyard.com, objet : The Shrine et en précisant le modèle que vous souhaiteriez recevoir. Bonne chance !

 

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Vous étiez déjà nombreux à répondre présent lors de notre première YARD XMAX Party à l’Electric. Et vous l’étiez tout autant en ce 18 décembre, au Showcase Paris, pour célébrer la dernière YARD Party de l’année. Pour l’occasion nous vous avions prévu renne, canon à neige, Willaxxx en Père Noël, des sosies de Drake et quelques autres surprises. Vous vous êtes chargé du reste.

Merci à tous ceux présents et aux DJs, Clems, Babaflex, Supa!, Kyu Steed, Endrixx et Yannick Do. On vous donne rendez-vous encore plus fort pour 2016 !

A l’occasion de la sortie de l’album « Professeur Punchline », c’est au restaurant Street Bangkok que YARD a donné rendez-vous à Seth Gueko qui nous donne un cours magistral sur sa place atypique dans le rap français, son rapport et son regard sur les rappeurs qui l’entourent et les influences de son rap grivois, épicurien et provocant.

“Day ‘n’ nite, The lonely stoner seem to free his mind at night”. Un refrain qui a infiltré et infusé la mémoire collective, propulsé son auteur à la face du monde et chahuté les lignes de la raposphère. C’était en 2008. Depuis, la – pourtant bien roulée et bien huilée – machine Kid Cudi s’est curieusement enrayée. Une fulgurance quasiment tuée dans l’œuf, de l’or transformé en plomb.

 

La tête dans les étoiles

 

Scott Ramon Seguro Mescudi a 15 ans. Ses deux frères et sa sœur l’ont initié au hip-hop. Il a grandi en écoutant du Run-DMC, Kurtis Blow, LL Cool J, Salt ‘N Pepa ou Queen Latifah, a mûri avec Biggie, 2Pac, Jay-Z ou Snoop. À présent, il s’engoue pour la verve consciente et les beats audacieux de Pharcyde, A Tribe Called Quest ou The Roots, adule le style coulant de Lil Wayne et freestyle sur du Wu Tang. Il goûte le rock aussi, surtout Red Hot Chili Peppers et Coldplay. Il devra plus tard ses productions hybrides et planantes à ses penchants et sa culture éclectiques.

 

Mescudi a 20 ans. Il a posé ses valises à New York et rêve de rap. En attendant, il vend des fringues pour Bape, dans le flagship que la griffe nippone vient d’ouvrir. Là-bas, il y croisera pour la première fois Kanye West, venu faire ses emplettes. Mais son oncle, chez qui il vit alors, supporte mal la colocation et finit par le chasser de la maison. Les deux s’embrouillent, Scott est furax. Quelques poussières d’années plus tard, en 2006, le tonton décède. La suite est historique : “Je ne me suis jamais excusé [auprès de lui] pour ça, et ça me tue. C’est pourquoi j’ai écrit « Day ‘n’ Nite ». S’il n’avait pas été là pour m’accueillir chez lui pendant ces quelques mois, il n’y aurait pas eu de Kid Cudi. Ça m’a brisé de le voir partir, mais ça m’a fait un effet genre : « Désormais je dois absolument accomplir ce destin» ».

 

 

Kid Cudi a 23 ans. Il livre sur la toile son tubesque « Day ‘n’ Nite », pensé main dans la main avec Dot da Genius. Hypnotique et entêtant, hip-hop et électro, mélancolique et dansant. A-Trak est l’un des premiers à passer le morceau lors d’une fête donnée en l’honneur de Kanye. Dans la foulée, Cudi signe sur le label indé du DJ, Fool’s Gold. « Day ‘n’ Nite » affole et enfièvre, explose littéralement. Le titre sera copieusement remixé, de Pitbull à Jim Jones en passant par Jermaine Dupri, Trey Songz ou Styles P. Exhortée par A-Track, la paire électro de Crookers le réorchestre à son tour et à sa sauce. Leur version deviendra un incontournable des clubs et un mega-hit mondial, devançant le succès déjà glouton de la version originale en Europe. Ironie de l’histoire, Kid Cudi recale Drake, qui l’approche pour enregistrer un remix officiel du morceau, pour cause de différends artistiques. Quelques années plus tard, le premier qualifiera le second de rappeur matérialiste. Peu de temps après avoir lâché sa première mixtape, A Kid Named Cudi, brassant des sonorités indie rock, électro, dubstep et hip-hop, la jeune pousse intègre l’écurie G.O.O.D. Music, sous l’aile bienveillante de Yeezy. Fin 2008, le rappeur incarne le renouveau de la scène hip-hop en couverture du magazine XXL pour la traditionnelle « Freshman Class ». À ses côtés, posent les « cool kids » Asher Roth, Wale, B.o.B, Charles Hamilton, Cory Gunz, Blu, Mickey Factz, Ace Hood et Curren$y. En réalité, King Cudi et sa créativité bouillonnante les surclassent tous. Il ne le sait pas encore, mais la tendance s’inversera. Bientôt réédité en tant que premier single de l’album Man on the Moon: The End of Day, « Day ‘n’ Nite » se hisse dans le top 5 du Billboard Hot 100. Le morceau comptabilisera plus de 2 millions de téléchargements légaux aux États-Unis. Le clip aux influences pop art réalisé par le graphiste frenchie So-Me inscrit pleinement Cud dans l’héritage esthétique de Kanye West.

 

Le premier volet de la trilogie Man on the Moon ancre sa signature : un phrasé mi rappé-mi chanté, un flow flegmatique et velouté, des textes sombres et introspectifs sur des beats souples, des vapeurs electro, pop, r’n’b et grunge, une atmosphère éthérée, irréelle, à la fois ténébreuse et lumineuse. L’opus comprend un casting trois étoiles, avec Kanye, Common, Wale, Ratatat et MGMT, et un deuxième single fracassant, « Pursuit Of Happiness », certifié disque de platine. Il grimpera logiquement au sommet des charts et s’écoulera à plus de 500 000 exemplaires sur la seule terre de l’Oncle Sam. Le kid ne ressemble à personne d’autre, sa musique est bipolaire et inclassable, se place dans un drôle d’ailleurs, aux confins nébuleux. Il inspira même, en partie, à West son 808s & Heartbreak, pour lequel il co-écrivit quatre titres et prêta son flow. C’est que les deux se sont bien trouvés ; ils expérimentent et innovent sans relâche. Ils initièrent et popularisèrent notamment le rap mélodique, avant que tout le monde ne s’y essaie et n’écule le genre. Ye confirme : « Moi et Cudi sommes les instigateurs de ce style, un peu comme ce qu’Alexander McQueen est à la mode, tout le reste c’est juste du Zara et du H&M ». Les créateurs contre les copieurs. Le tandem bûchera de nouveau ensemble sur la série Good Friday, « Christian Dior Denim Flow », « The Joy » ou « Guilt Trip », ainsi que la compilation Cruel Summer.

 

Kid-Cudi-Kanye-West

 

Kiddy a la gueule du « boy next door », du bon pote. Un mec droit dans ses pompes qui n’agite pas son argent au nez et à la barbe du peuple et musarde en marge du rap game. Avant-gardiste et bankable, branché, simple et sympa. Le emcee tient un rôle récurrent dans la série, géniale, How to Make It in America et enquille les collaborations, de Jay-Z à David Guetta, en passant par Snoop Dogg, Pharrell, Shakira, Robin Thicke ou Asher Roth et B.o.B (pour la tournée The Great Hangover). La crème des artistes du moment se l’arrache. Il est la quintessence du cool. Son second album, aérien, bigarré, et boursouflé de ses affres, Man Of The Moon II : The Legend Of Mr Rager, s’élève directement à la troisième place du Billboard 200. Il sera estampillé disque d’or, comme le précédent. Scotty ne semble plus toucher terre, il chutera pourtant brutalement.

 

Le grand plouf

 

Kid Mescudi a 26 ans. Echauffé par une carrière à son climax, il s’aventure à fonder son propre label, Wicked Awesome Records, et un projet rock avec Dot da Genius, baptisé Wizard, clin d’œil au morceau du groupe de heavy metal Black Sabbath. Wizard sera tour à tour renommé 2 Be Continuum puis WZRD. L’album éponyme du duo, fleurant Electric Light Orchestra, Jimi Hendrix, Nirvana ou encore Pink Floyd, s’alignera dans les bacs en 2012, sous la houlette d’Universal Republic et Wicked Awesome Records. Peu de temps après sa sortie, scellée par un flop, le rappeur reconverti en rockeur s’emballe violemment contre Universal Republic sur Twitter : « Mon connard de label n’a envoyé que 55 000 exemplaires physiques parce qu’il traite cet album comme un petit projet indé. Donc je m’excuse au nom de mon connard de label, et je m’excuse pour le manque de promo, encore une fois, c’est à cause de mon connard de label. […] Ils ont essayé de me mettre la pression pour que je leur sorte un autre MOTM, mais vous savez quoi ? J’emmerde tout ça, le nouvel album est WZRD. » C’est le début de la fin. Cudi a des envies d’émancipation. Il commence par s’éloigner à tâtons de G.O.O.D. Music, jusqu’à acter leur séparation en avril 2013. « The Duder » veut se la jouer solo et affranchi, le boss du rap game ne lui en veut pas. Le même mois, il lâche Indicud, qui marque son retour au hip-hop, poussé par Hit-Boy. Le line-up, composé d’Haim, RZA, Michael Bolton, Kendrick Lamar et A$AP Rocky, claque fort. En bonus, l’album exhume et remixe le tube « Pursuit of Happiness ». Mr Rager pique son ancien employeur en posant « the lost black sheep of G.O.O.D. Music / only good for a hook, huh? » (« le mouton noir perdu de G.O.O.D. Music / seulement bon pour un refrain, hein ? » et brandit son indépendance comme un étendard : « I don’t need nobody » (« je n’ai besoin de personne »). Il définit Indicud, pourtant faiblard et foutraque, comme son Chronic 2001. A l’instar de Dr Dre, il s’improvise chef d’orchestre ubiquiste. Le bonhomme est aux manettes de la quasi-intégralité des productions, rappe, griffonne les lyrics, et joue les pygmalions en impulsant son pote King Chip, qu’il invite sur pas moins de trois morceaux. Son ego a gonflé. Sur twitter, Scott Mescudi s’appelle « The chosen one » (« L’élu »). En interview, il parle de lui à la troisième personne. Se frotte le ventre en évoquant son intégrité artistique, lui qui fait ce que bon lui chante et ne cède pas aux sirènes du bling-bling et du refrain facile. Se félicite de gérer comme il l’entend son agenda et ses apparitions médiatiques, aussi : « Je n’ai pas besoin de faire des interviews tout le temps. Je n’ai pas besoin de publier des vidéos tout le temps pour que vous voyiez ma tête. Je n’ai pas besoin de livrer un morceau toutes les deux semaines pour me sentir légitime ». Il le démontrera un an après en sortant de sa caquette le futuriste Satellite Flight: The Journey to Mother Moon, qu’il leakera sur la toile sans prévenir personne. À la Beyoncé. Il décrira l’album comme le meilleur de ses projets.

 

 

Cud se fout de livrer des sons en catimini. Sa musique est son plaisir égoïste et coupable. Ce qui lui importe, c’est d’accomplir sa vision créative, novatrice. Il n’écoute pas la radio, emmerde le système et les tendances commerciales fugaces, se terre de plus en plus dans l’underground et le revendique à l’excès. Il s’englue dans une posture de rebelle et de génie incompris, crache à l’envie sur le hip-hop mainstream aussi. En mars 2014, dans l’émission The Arsenio Hall show, Kid assène : “Je pense qu’il faut mettre fin à la vantardise, le truc de la monnaie, du cash et des putes. J’ai le sentiment que ça nous ramène en arrière en termes de culture, en tant que Noirs. On fait la même chose depuis des années maintenant ». Quelques semaines plus tôt, il clamait déjà auprès de Complex : « Je ne dis pas que tout le monde doit faire du Kid Cudi, parce que mon délire est vraiment particulier, complètement Scott Mescudi. […] Il y a juste des tas de négros qui essaient d’être flashy et cool et c’est ridicule ». A vrai dire, Scott n’a plus tellement envie de rapper : “J’ai besoin que les gamins aient conscience que je ne vais pas rapper si je ne suis pas inspiré». Encore moins d’être étiqueté rappeur. Il se veut avant tout artiste et créateur, insaisissable et hors-limites. Enfin, Scott se réfugie dans le cinéma, sa vraie vocation (« J’ai toujours voulu être acteur ») ; empile les rôles et s’essaie à la production. Sa musique elle-même est cinématographique, scénarisée, esthétique.

 

Le 4 décembre dernier, Mr Solo Dolo livrait dans l’indifférence quasi générale Speedin’ Bullet 2 Heaven, son cinquième album. Et s’empressait de tweeter que le livret d’accompagnement avait – Ô grossière erreur – catégorisé par inadvertance l’opus comme “hip hop/rap », au lieu d’« alternatif ». SB2H – que son auteur décrit comme « la forme la plus pure de [son] « moi » artistique » – est dédié à « tous ceux qui souffrent d’une maladie mentale » et sonne comme une catharsis de 26 titres (18 sur la face A et 8 sur la face B). Archi personnel, il ne comporte aucun featuring et se pose comme le plus expérimental de tous les projets de Mescudi. Il est bancal et unique, brouillon et fascinant, convoque le grunge, le punk et le rock indé des nineties. Tout sauf le hip-hop. Les ventes sont à la peine. A force de jouer les dissidents, Kid Cudi s’est brûlé les ailes. Las, les gens ne le suivent plus, il les a égarés, s’est auto-ostracisé. « Perdu de vue #WillyDenzey ».

 

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Kid Cudi s’est fourvoyé et hasardé il y a maintenant cinq ans sur un chemin de traverse, obscur, étrange, interminable. Distancé par Drake, Kendrick Lamar, Big Sean et consorts – qui jouaient pourtant petits bras lorsque lui montait en puissance – l’ex prodige du rap s’est fracassé la mâchoire sur le trône de la gloire mais son indépendance est restée intacte.

 

 

Deux générations de héros s’affrontent pour la suprématie mondiale : la nouvelle génération de YARD – La Relève (Gagnante de l’édition 2011 du Quai 54) affrontent leurs aînés, La Fusion. L’équie invaincue du Quai (Gagnante en 2008, 2009, 2010 et 2012) dans un match longtemps attendu et lors d’une finale épique qui s’est tenu dans l’un des lieux les plus icôniques de Paris : la Place de la Concorde.

Dans ce nouvel épisode de « Tu préfères », c’est au tour de Seth Gueko, alias Professeur Punchline, de s’adonner au jeu des questions tordues. Après l’illustre passage du comédien Mister V, il n’y avait pas de  meilleur candidat dans le rap français pour passer cette épreuve que le rappeur reconnu pour ses punchlines corrosives, sarcastiques et pleines d’humour, a passé avec brio et bonne volonté.

Le 12 décembre, la YARD Party faisait son retour dans le Magazine Club à Lille pour une nouvelle soirée hip hop. Cette fois-ci, on emmenait avec nous le duo Wycasaya, Endrixx, Supa! et Kyu St33d, mais aussi le rappeur Spri Noir qui a fait le détour dans son #SombreTour pour interpréter quelqu’uns de ses titres.

Discret dans les médias pour la sortie de son huitième album, Nero Nemesis, Booba a choisi YARD pour discuter notamment de la teinte ce nouveau projet. C’est en Suisse, à Genève, que le DUC nous a donné rendez-vous entre deux répétitions dans le cadre de sa tournée. Il nous a parlé de son nouvel album, de l’émulation autour de toutes les sorties du 4 décembre, de Skyrock et de l’évolution de son public… Toujours brut de décoffrage, Booba se livre entièrement et simplement.

Le LABO’ est notre rubrique consacrée aux tests par notre équipe de produits de toutes sortes : technologiques, vestimentaires, ou encore culinaires. Après avoir testé la Smart ForFour et la Can-am Spyder F3 en Espagne,  on reste dans l’automobile avec la gamme Cross-Over de Nissan, que l’on a testée, cette fois en Suisse. 

 

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C’est au pied du Mont Blanc, sur les routes de montagne entre Genève et Megève, que Nissan nous a convié pour essayer l’ensemble de leur catégorie star : les Cross-over, un concept inventé par Nissan, à mi-chemin entre un SUV et une berline.

Après l’arrivée à Genève, nous avons pu nous divertir jusqu’à l’altiport de Megève en alternant entre une survitaminée Juke Nismo RS (le plus petit et le plus citadin de la gamme des Cross Over), dotée de 218ch dans cette version sport, et un X-Trail (SUV Extra Large, le papa de la gamme) impressionnant de confort.

C’est une fois arrivé à l’Altiport, après avoir gravi les 1439m d’altitude que nous avons pu nous délecter de la grande soeur de notre joujou précédent : le Juke R 2.0.

Pour faire court, le Juke R 2.0 c’est 600 chevaux, 4 roues motrices. De quoi plaquer ton dos contre le siège baquet en une pression sur l’accélérateur!

Après un refroidissement moteur à l’ancienne aidé d’un gros ventilateur électrique , les équipes de Nissan nous installent aux commandes de cet engin venu d’ailleurs. Casque, gants, siège baquet, commande au volant, pilote pro sur le siège passager. On y est.

Et le résultat est… incroyable et… frustrant !

 

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Bien qu’impressionnant, le mini-circuit mis en place sur l’altiport de Megève ne nous permet pas de monter au dessus du 4ème rapport. Ceci dit, il suffit amplement pour comprendre la puissance dégagée par ce concept-car hors du commun. Tel un enfant au sortir du Space Mountain, une seule envie nous emplie après les deux accélérations pleines d’adrénalines du tracé : Recommencer !

Véritable prouesse technologique pour la marque franco-japonaise, créateur et leader du segment Cross-Over en Europe depuis l’entrée du Qasqaï en 2007 sur le marché, le Juke R 2.0 n’existe malheureusement qu’en deux exemplaires pour le moment et s’obtiendrait contre une somme approchant les 500 000€. Un doux rêve en somme.

 

PLUS :


> Manipuler un volant à 500 000 balles !

MOINS :


> Quand on a un volant à 500 000 balles entre les mains, on a plus envie de le quitter…

 

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Cinq ans après son arrêt en 2010, Heroes revient cette saison sous une nouvelle appellation. Heroes Reborn, qui a débuté en septembre dernier, vient rebooster un paysage audiovisuel héroïque déjà bien garni. Panorama sur l’univers télévisuel de ceux qui portent la culotte rouge et parfois la cape sur nos petits écrans.

Réalisée par Terence Bikoumou et Nina Kauffmann

Les 12 et 13 décembre, la jeune marque Eclypsé inaugure son pop-up store. Installé à Paris à l’arrêt Palais Royal, vous pourrez y découvrir et acquérir sur places leurs différents modèle de sneaker aux semelles lumineuses.

Le rendez-vous est donné de 10h30 à 20h, au 41 galerie Vivienne, où vous pourrez croiser les créateur de la marque Tom et Noah.
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La dernière campagne de Footlocker Europe, Week Of Greatness, réunit dans un même spot un paquet de plusieurs talents internationaux tels que les footballeurs Anthony Martial, Marcelo, Marouane Fellaini,  la légende du BMX Maxime Chaveron, le tri-athlète médaillé olympique Jan Frodeno, le freerunner Sébastien Foucan, ou encore le B-boy hollandais Menno. La Week of Greatness rassemble les meilleures sneakers, toujours dans une thématique de couleurs monochrome.

Ci-dessous, le Nike Neochrome Pack, un des ensembles disponibles, composée notamment d’une Air Force 1, Air Max Moire, Huarache, ou encore la Air Max Thea.

Plus d’informations sont disponibles sur la page FacebookInstagramTwitter ou encore Youtube

 

 

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En pleine préparation de son premier EP solo, Kyu St33d accorde à Daily Paper un mix de 40 minutes. Une sélection qui ne devrait pas habituer les habitués des YARD Party où il officie. Pour les autres, voilà une nouvelle occasion d’avoir un avant-goût.

 

Tracklist

Jeftuz – I need you
Rustie – Big Catzz
The Red Baron – It’s True
KRNE – Dollar Sines
Rustie – Slasherr
813 – Thank You
Lucid – Galant ft. Richelle (Vasco Remix)
813 – XoXo
Skepta – It Ain’t Safe ft. Young Lord
San Holo – Hiding ft. The Nicholas
Daktyl – Forgettable ft. Evan Mellows (Slow Magic remix)
The Weeknd – Crew Love
Broderick Batts – ¯\_(ツ)_/¯ ft. Erik Hassle

Fin septembre sortait le nouvel album de The Shoes, « Chemicals », quatre ans après « Crack My Bones ». Les amis d’enfance Guillaume et Benjamin continuent leur épopée musicale et nous parlent de ce nouveau projet, de leur manière de penser leur image, leurs clips, leurs lives… Amoureux de rap, Guillaume revient sur sa collaboration avec A$AP Ferg, la manière dont il perçoit le phénomène PNL et sur l’altercation entre Fabe et Nagui en 1995.

Les leaders allemands Der Stamm, vainqueurs contre les autres compétiteurs des tours qualificatifs du Quai 54 en Allemagne, jouent contre YARD-La Relève dans une demi-finale spectaculaire.

On dit qu’il n’aime pas le sucré, on dit qu’il ne goûte pas ses pâtisseries, on dit qu’il s’est auto-tatoué… Fantasme journalistique, réalité, entre les deux ? Laissons tout ça de côté, l’essentiel est ailleurs. À peine 25 ans, Guillaume Sanchez traîne déjà derrière lui une carrière bien remplie et même, selon lui, quelques casseroles. Mais aujourd’hui, il est surtout à l’aube d’une nouvelle vie avec son restaurant fraîchement baptisé le Nomos. Discussion matinale avec Guillaume Sanchez, le « pâtissiey tatouey de la tête aux piey ».

Photos : HLenie

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La pâtisserie peut-elle s’apparenter à un art ?

C’est la grande question. Pas vraiment, c’est juste un métier qui essaie de planquer tous ses défauts par une seule qualité, la créativité. C’est tout. Le reste, c’est de l’artisanat, un taf lourd physiquement et psychologiquement. Tu refais les mêmes choses tous les jours.

Alors, comment tu conçois tes pâtisseries ?

J’ai un point de vue un peu particulier sur la question, étant donné que j’essaie de créer des choses très éphémères. Je ne supporterais pas de me dire que chaque semaine je dois revenir au taf et faire la même merde, donc j’essaie d’être créatif et éveillé dans ma façon de penser. En plus, je m’intéresse franchement à tout, tout va très vite dans ma tronche et j’arrive à créer des parallèles entre des choses qui ne vont pas ensemble à la base. D’où ce style différent.

De manière plus pratique, comment tu élabores tout ça ?

C’est vraiment à l’instinct, ou alors juste une idée qui apparaît et je la fous sur papier tout simplement. Je vais créer une âme, en fait, c’est un peu ça le truc, je vais raconter une histoire. Mais l’histoire dans ma tronche, elle se fait toute seule. Je n’ai pas besoin de me poser devant une feuille pendant six heures, il me faut approximativement 45 secondes.

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As-tu des cycles de création ?

Ouais, clairement. Je suis un peu monomaniaque, du coup, quand je trouve un truc cool, j’ai tendance à le presser jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien. Ça m’arrive de rester « qué-blo ». Le noir, par exemple, c’est parti de je ne sais où et pendant un an toutes mes pâtisseries étaient black.

Ça t’aide de créer sous la contrainte ?

Je pense que tu es plus créatif quand tu es sous la contrainte d’un thème. Ça demande d’aller chercher un poil plus profond. À l’instinct, c’est plus facile en fait, tu as une idée, tu la balances ; quand tu te donnes une thématique et que tu ne veux pas faire ce que tu as fait la veille, tu es obligé de réfléchir. C’est là que ça devient compliqué.

Quelle rigueur tu t’imposes dans ton métier ?

Il faut s’imposer un peu de culture tout simplement, juste rester éveillé dans le monde dans lequel tu vis, après tout le reste est cool. Au final, ce qui tue un artisan aujourd’hui, particulièrement en cuisine quand tu restes dix-huit heures au même endroit, c’est qu’il rentre chez lui direct sans s’intéresser à ce qu’il y a à côté. En fait, tu te butes, dans tous les sens du terme. Tu ne comprends plus le monde dans lequel tu vis. Comment tu veux être créatif dans un monde que tu ne comprends plus ? Comment tu veux être en adéquation avec ton époque quand ton époque tu n’en connais que dalle ?

Le but, c’est de rester éveillé, de rester entouré, de continuer à sortir, à aller faire des expos, de voir des films. C’est juste réussir à rester un humain alors que physiquement tu n’en peux plus. La rigueur, c’est de se laisser du « off ». Apprendre à souffler et prendre de la hauteur, c’est le plus important. C’est encore plus important que de se foutre une pression pour arriver au taf à l’heure le lendemain. Je préfère arriver en retard que de ne faire que ça de ma vie.

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Je crois qu’au cours de ta jeunesse tes parents t’ont imposé un autre type de rigueur ?

En gros, mon père était militaire, on a vécu en caserne pendant un bail. Ça fait tout déjà. Treize ans en caserne, je t’assure que ça change un gosse. Et à 13 ans, j’en ai eu ras-le-cul, je me suis barré et j’ai contré l’éducation militaire de mon père par un truc encore plus militaire qui est les Compagnons du Devoir. Donc de 0 à 18 ans, j’ai été dans une caserne quoi.

C’est chez les Compagnons du Devoir que tu décides de faire de la pâtisserie. Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a poussé en particulier dans cette direction ?

À la base, non, il n’y a pas vraiment d’explication, en fait. D’habitude, ils créent des types qui répètent, répètent, répètent. Des types qui sont super droits dans leurs bottes, qui rentrent bien dans le moule et qu’ils peuvent vendre n’importe où. Parfois il y a des profils à part, soit ils arrivent à les formater et dans ce cas-là c’est bon, ils en font des moutons et tout va bien ; soit ils se disent que ce n’est pas jouable parce que les mecs ne sont pas assez rigoureux, du coup ils les virent. Après il y a des problèmes comme moi, des bugs. Ils se retrouvent face à un type qui n’est pas vraiment dans les normes, qui n’a rien à foutre là, mais qui est tellement rigoureux qu’on ne peut rien lui dire.

Mais au départ, je devais partir en prépa de droit militaire à Saint-Cyr. Et puis, du jour au lendemain, j’ai pété un câble. Je suis allé à une réunion sur les Compagnons du Devoir en médiathèque à la place d’un cours de maths. Je suis tombé sur des guignols qui chantent et qui taffent toute la journée. Je me suis foutu de leur gueule pendant deux heures et le soir même j’ai expliqué à mon père : « En fait je ne vais rien faire de ce qui est prévu, je vais aller chez les Compagnons. » Il m’a répondu : « Tu veux faire le malin, mais dans quel métier ? » Et j’ai choisi la pâtisserie. Il m’a dit « Mais tu n’as jamais fait de crêpes de ta vie ! Arrête tes conneries. » Et voilà, c’est parti de là.

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Qu’as-tu gardé de cette période ?

Toute ma carrière est basée là-dessus. Chez les Compagnons, tu as déjà une formation de base qui tabasse, un truc un peu premium. Puis en plus de ça, j’en voulais vraiment, j’étais le plus jeune, j’ai toujours été un gros compétiteur et quand on me dit : « Guillaume tu as accès H24 (24 heures sur 24, ndlr) à un laboratoire pour t’entraîner, pour préparer des concours. » Ben, je me suis dit : « Tape dedans. » Au début j’ai pensé : « Tape dedans un an, comme ça tu auras des petits concours et ton diplôme, ce sera bon. » Au final, j’ai tapé dedans un an, deux ans, trois ans, six ans. Je suis sorti et j’ai pensé : « OK, bon, est-ce que je peux avoir une vie maintenant ? » Pendant six ans, j’ai juste oublié que j’étais un gosse. J’ai fait que ça. Je sortais du taf, j’allais au labo ; je sortais du labo, j’allais en cours et je retournais au taf.

Quand tu crées le Horror Picture Tea en 2010, il y a cette idée d’avoir un établissement qui mêle la pâtisserie, le rock et le tatouage, les trois passions auxquelles on t’identifie. Tu continues de travailler dans cet esprit aujourd’hui ?

Ah non ! Justement je rejette un peu tout le monde du tatou, les miens me vont très bien, mais tous ces gens ne m’intéressent pas. Je considère que c’est un milieu qui est très crade avec des gens très crades qui n’ont rien à foutre avec moi.

C’était il y a six ans, l’Horror Picture Tea, donc j’ai eu le temps de maturer le truc. Ça ne m’intéresse plus. J’étais super jeune, j’avais 19 piges. Mes projets évoluent avec moi et c’était un peu une crise d’adolescence d’ouvrir le HPT. J’étais plus con et j’avais un agent qui me laissait faire tout et n’importe quoi. C’était drôle à l’époque. Sur Paris, c’était le début des magasins un peu fusion, il s’en ait suivi huit bars où tu peux te faire tatouer aujourd’hui.

Aujourd’hui, j’en ai un peu honte, en fait, je trouve que c’était un peu de la merde. C’est juste un projet qui ne me ressemblait pas et de savoir que j’ai un truc comme ça dans mon passé, ça me fait un peu chier.

Comment tu vois la pâtisserie en 2015 ?

Je suis assez fier de ce qui se passe en ce moment. Il y a une vraie place pour la nouvelle génération. En fait, elle a pris la place qui lui revenait de droit. On a arrêté d’attendre l’aval de nos pères et puis on y est allé. Et je trouve ça assez chouette. Tous les chefs médiatisés en ce moment ont entre 25 et 35 ans, ce qui est super jeune dans le métier, étant donné qu’avant tu prenais une place de chef à 35 ans. Il y a eu un vrai déclic. Du coup, on a des pâtisseries beaucoup plus fines, beaucoup plus travaillées, avec une histoire, avec une esthétique à 1 000 bornes de ce qui se faisait en 2013. Tout est en train d’évoluer très vite. Et ce qui est cool, c’est qu’aujourd’hui tu peux ouvertement dire « je suis pâtissier » et en être fier. Ça aussi, c’est une nouveauté. Genre il y a dix ans tu disais ça, on te regardait en mode : « Ah… Je suis désolé (rires). »

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Maintenant, tu es à la tête de ton établissement mais tu es passé par Ladurée, Fauchon, Dalloyau… Comment ça se passait avec ces maisons ?

En fait, les mecs ne me disaient rien parce que j’avais un CV long comme le bras, et moi je ne leur disais rien parce que je m’en foutais. Je n’étais pas aussi passionné qu’aujourd’hui. Je m’étais tellement cramé que cette époque parisienne où j’ai fait des belles maisons était très chiante en fait. Je n’avais franchement pas envie. Je m’en suis rendu compte chez Dalloyau où, un matin, je suis arrivé au taf et j’ai fait : « En fait j’ai pas envie d’être là, j’ai pas envie de faire ça, j’ai pas envie d’être avec ces gens-là. » J’ai posé ma dem’ et j’ai arrêté la pâtisserie pendant six mois.

Pendant six mois, j’ai fait l’inverse. J’ai été vendeur de fringues dans un magasin à la con, et je me suis rendu compte que c’était un peu chaud quand même. Là, par contre, je me faisais vraiment chier. Trente-cinq heures par semaine, avant je les faisais en deux jours, donc : « Donnez-moi un peu de taf. » Juste derrière j’ai été barman et c’est ce moment-là qui a tout changé. Primo, parce que j’ai réussi à m’amuser dans un autre métier que le mien ; et deuxio, parce que j’ai rencontré de nouvelles personnes qui n’avaient juste rien à voir avec moi et qui par la suite sont devenues mes agents, ma directrice de com’, la boîte de production qui investit sur mon projet, des gens de la presse.

C’est ce qui t’a fait basculer vers ce que tu es aujourd’hui ?

Ça m’a fait basculé, ouais. J’étais un gosse avec du talent, je suis tombé sur ces gens-là spécialisés dans la pub et le marketing et ils m’ont sauté dessus direct. Six mois après, on ouvrait le HPT. Un truc très marketé, avec un discours qui a plu direct aux magazines. En deux semaines, il y a eu 250 articles qui sont sortis, c’était n’importe quoi. Aujourd’hui, c’est un cas d’étude en master de communication et en master de psycho, ça fait deux ans de suite que ça tombe tellement c’est ridicule.

Donc, j’ai bossé avec ces gens-là pendant cinq ans pour des marques, pour de l’événementiel, pour plein de trucs. Là je viens d’arrêter avec eux. On a mis fin à notre collaboration quand j’ai commencé le Nomos parce que je veux juste qu’on laisse cet endroit tranquille. J’ai envie d’un truc beaucoup plus « à la cool », authentique dans le discours sans en faire une énième pub. Donc, j’ai viré mon agent, ma directrice de com’, en me disant : « Du coup, ça va être calme, on va pouvoir reposer le moteur. » Bon là-dessus, j’ai été un peu con, mais au moins je ne dois rien à personne. Je n’ai pas de temps à perdre avec des journalistes que je n’aime pas. Je ne vois plus les filles de Glamour débarquer, par exemple.

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Comment tu vois tous ces shows liés à la cuisine qu’on retrouve partout à la télévision ?

C’est un peu cracher dans la soupe d’en dire du mal étant donné que, quand ils m’ont appelé sur France 2, j’ai dit oui (il a participé à l’émission Qui sera le prochain grand pâtissier ?). Bon, je n’y suis pas resté super longtemps, ce qui n’est pas plus mal d’ailleurs.

En fait, j’ai deux avis là-dessus qui sont complètement opposés. Ça a été génial pour le métier, ça a permis de nous faire passer de l’ombre à la lumière d’un coup. Mais vraiment d’un seul coup. C’est-à-dire que le lundi tu n’entendais pas parler de cuisine, le mardi c’était partout. Ça a permis aux chefs de se révéler, de se forcer à être créatifs et de communiquer sur leur job. Un autre point cool, c’est que ça a donné envie à des gosses qui ne sont pas forcément en difficulté scolaire ou à des gens qui se réorientent de se lancer dans la food.

Un des points négatifs, c’est l’excès de presse qui fait que les chefs passent plus de temps à répondre à des interviews qu’à créer des plats. Et le deuxième, c’est que ça a donné une idée biaisée de notre travail. Les gens voient sur Top Chef des mecs qui créent des plats en trois heures et qui s’en vont après. Alors que le taf, ce n’est pas ça ; le taf, c’est faire jusqu’à 200 couverts par jour pour les grands établissements. On est proche de la cantine quand même. Ce n’est pas seulement s’amuser avec de beaux produits, c’est aussi taper des produits de merde et essayer de les sublimer. C’est aussi commencer au bas de l’échelle, faire la plonge et grimper petit à petit. Le job, c’est ça, c’est mériter sa place.

Que penses-tu de la starification des chefs aujourd’hui ? On les voit partout, ils font des publicités, ils ont des chroniques dans de gros médias…

Je trouve que ça me permet de gagner ma vie aujourd’hui (rires). Il faut savoir en profiter au bon moment parce que ce genre de truc ça n’existe pas toute une vie. Demain, ce sera les fleuristes, les mécaniciens ou un job à la con, tiens, banquier. Aujourd’hui, c’est nous, profitons-en. Prenons tout ce qu’il y a à prendre, montrons tout ce qu’il y a à montrer, allons-y à fond. Il faut juste réussir à perdurer après ça. C’est super cool de tomber sur une grosse vague, mais il ne faut pas se planter à la fin.

Tu n’as pas le sentiment qu’on arrive à saturation ?

Je pense juste qu’on ne peut plus en rajouter. Mais ça peut durer encore dix ans parce que les gens en ont besoin, ils ont besoin d’être rassurés par quelque chose qu’ils connaissent. Ce qu’on connaît en France, c’est la food. La France a tellement oublié la gastronomie pendant des années que ça devient carrément sociologique ce qui se passe. C’est un retour aux sources, un besoin de retrouver une éducation qui n’existait plus.

En plus, là, il se passe des trucs super intéressants, il y a une sorte de conflit intergénérationnel entre nous et eux. Nous, c’est les jeunes. Enfin, pas forcément. Je pense que ça a commencé avec Yves Camdeborde et la bistronomie, chose que tout le monde connaît aujourd’hui et que les chefs représentent, mais aussi Bertrand Grebaut et son restau Septime, puis Iñaki Aizpitarte et le Chateaubriand. Le truc de dire : « Votre cuisine de merde, on en a ras-le-cul. » On va faire plus simple, tout aussi bon, avec des produits qui se touchent moins, et pour un public qui n’a pas envie de se faire chier au restau. Tout ça a été extrapolé avec le Chateaubriand, qui est complètement parti en cacahuète. Il a fait un truc anti-code et a bien marqué la chose. Nous, on est en train d’essayer de faire un entre-deux, c’est-à-dire de retourner vers des bases très solides tout en restant super ouverts au public.

Pour en revenir à la question, on arrivera à saturation si on ajoute six émissions de plus, si on bloque toutes les chaînes avec Cyril Lignac… Il va y avoir des meurtres (rires).

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Tu as un truc contre Cyril Lignac ?

C’est peut-être ce qu’il représente qui ne passe pas. Je n’aime pas sa façon de parler, il a une gueule de con, ça ne passe pas du tout.

Vous vous êtes déjà rencontrés ?

Mais oui, plein de fois. Au final, on s’en fout de savoir s’il est bon ou pas, c’est juste que ça a été le premier con à se lancer alors que personne ne l’avait fait. Est-ce qu’il a été plus chanceux ou plus intelligent que nous, j’en sais rien ?

Pourtant, on peut dire que toi aussi tu as su jouer de ton image : tu as participé à une téléréalité culinaire, tu as tourné des pubs, tu as fait beaucoup de presse…

Je ne fais que représenter les mecs qui sont nés dans les années 90. On est nés avec Internet, on est nés avec des moyens de communication, et avec une compréhension des choses en termes de marketing. Tout ça a juste surévolué par rapport à la génération précédente. Au final, il n’y a même pas à se dire : « Guillaume sait bien gérer son image… » Non, j’utilise juste les outils de mon époque. Aujourd’hui, on est tous journalistes, on est tous dans la com’ parce que tous les jours on est le DA (directeur artistique) de notre Instagram, de notre Facebook. C’est la vraie différence.

Quel est l’œil des autres chefs sur ton travail ?

Je sais pas, je crois que certains respectent ce que je fais, je crois certains s’en foutent, je crois que certains me détestent, comme d’hab. En fait, je t’avoue que je m’en tape. Au début, je faisais des concours pour être reconnu par la profession, j’avais un profil particulier avec une gueule particulière, j’ai commencé à me tatouer à 15 piges. Donc, vraiment, je tapais dedans. Aujourd’hui, j’ai tellement essayé de me faire accepter par cette profession que si on ne m’aime pas, tant pis. Mes actes ne sont plus faits en fonction de ça. Si un jour le restaurant est étoilé, on sera super contents ; si un jour un mec veut nous remettre un prix de la plus belle porte d’entrée ou de la meilleure entrée, on prendra, mais on ne fait rien pour ça. Je dirai même qu’on va à l’encontre de ce qu’il faut faire. On sait exactement ce qu’il faudrait changer dans ce restau pour plaire aux autres. Il y a des trucs sur lesquels on essaie de faire un geste parce que tu ne peux pas non plus être associable à ce point. Tu ne peux pas leur cracher dessus à ce point si tu veux survivre, ce n’est pas possible.

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Pourquoi avoir choisi d’ouvrir un restaurant ?

La vraie histoire, c’est que je devais ouvrir une boutique de pâtisserie, il y a un an et demi dans le quartier (nous sommes dans son restaurant au Nomos dans le XVIIIe). Au moment de l’acheter, il y a un type qui va plus vite que moi, qui a plus de cash que moi, qui me double la veille pour le lendemain avec une valise de cash. Pas de bol. Donc, ça me fout un peu la rage pendant un an parce que j’avais bossé dessus comme un porc les deux dernières années, j’avais hâte. Et là, j’ai un pote qui tenait le Chéri Bibi qui me dit : « Écoute, Guillaume, j’ai appris, je suis désolé et je vends mon resto. » Je lui réponds : « Mais c’est trop petit ton truc. » Pour faire ce que je voulais, il me fallait mon laboratoire, donc une surface de 150 m2 au minimum, avec une boutique immense. Le projet c’est ça quoi. Donc il me dit : « Trouve un autre truc alors, c’est à toi que je veux le vendre. » Je passe une première fois, je trouve que ça ressemble à rien son bordel, je ne peux rien faire. Finalement, j’en parle avec mes proches et des potes me disent : «  Pars sur autre chose, tire un trait et ça ira très bien. » Et le proprio me dit : « Fais un restau, ne te casse pas le cul. » Et donc c’est parti de là.

Comment on passe de la pâtisserie à la cuisine ?

J’étais dans un groupe de musique à la batterie et je suis passé à la guitare. Il y avait une partition identique, c’est le même milieu, ce n’est juste plus le même instrument. J’ai les bases, je connais la partition, le solfège, donc tu te lances quoi. Tu deviens autodidacte.

Enfin, est-ce que tu te considères comme rebelle ?

Non. Je paie mes impôts.

Dans l’enceinte vitrée du Microsoft Theater de Los Angeles le 22 novembre dernier, plus que l’hommage de Céline Dion aux victimes des attentats de Paris, le medley de Justin Bieber ou le triomphe de Taylor Swift, c’est bien la maîtresse de cérémonie des American Music Awards 2015 qui a braqué l’attention médiatique. Avec ses robes ultra échancrées, ses courbes affolantes, sa patate d’enfer et sa performance de danse bluffante, Jennifer Lopez a embrasé la soirée. La quarantaine fringante, la cougar la plus sexy du microcosme people s’échine et s’acharne à être à la page. Son âge d’or, c’était au début des années 2000. À son top, la bombe latine a chahuté les lignes de la pop culture.

 

https://www.youtube.com/watch?v=axIFUFCJn0w

 

Jenny from the block

 

Jennifer Lynn Lopez est un pur produit du Bronx, le district hispanique de New York. Tout au long de sa carrière, elle jouera sur sa double-culture ghetto et latino. Son premier album, baptisé On the 6 en référence à la ligne de métro traversant son quartier de Castle Hill, amorce son orientation urbaine avec le morceau « Feelin’ So Good » en featuring avec Big Pun et Fat Joe, produit par Puff Daddy, et le single « If You Had My Love » aux sonorités r’n’b. Dans le même temps, la chanteuse ancre son identité latine via le titre « No me Ames » en duo avec Marc Anthony et une édition de l’opus en espagnol. À l’époque, elle définit son style comme « Latin soul ». Des mois et des poussières plus tard, avec ses tubes « I’m Real » et « Ain’t It Funny » remixés par Inc. Records, auxquels Ja Rule prête son flow, elle assoit davantage sa street credibility. Sur « I’m real », J.Lo ose même le « n word », ce qui lui vaudra une giclée de critiques.

 

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Dans ses clips, Jenny popularise un look ghetto-chic copié par une génération entière d’ados en quête de style. Ses rejetons ont les cheveux tirés en arrière, des créoles aux oreilles, portent des Timberland à talons, un blouson de fourrure, un pantalon taille archi basse ou un survêtement peau de pêche. Précurseur, Miss Lopez mâtine le hip-hop de pop, atomise les barrières entre deux genres musicaux originellement cloisonnés. Elle est la première, avant Ashanti ou Mariah Carey, à enquiller les featurings avec des emcees. Un combo gagnant-gagnant ; la chanteuse s’encanaille et le rappeur s’emmielle. Après les massifs « Jenny from the block » avec Styles P et Jadakiss et « All I have » avec LL Cool J, s’ensuivront des collaborations avec P. Diddy et G. Dep, Fabolous, Nas ou Fat Joe, puis plus récemment Flo Rida, Lil Jon, Ludacris, T.I, Pitbull, French Montana, Rick Ross, Iggy Azalea, Tyga ou Lil Wayne. 6 de ses 10 plus gros hits convoquent des artistes hip-hop.

 

 

Comme l’industrie cinématographique use et abuse des suites de films les plus bankables, Jennifer Lopez revisite quasi-systématiquement ses best-sellers, dans des versions hip-hop ou espagnoles. J To Tha L-O! The Remixes est ainsi le premier album de remixes à se hisser dès sa sortie au sommet des charts. The Reel Me, livré l’année suivante, ne décollera en revanche pas vraiment, signe avant-coureur d’une carrière qui dégringolera presque aussi vite qu’elle a monté en orbite. Les succès d’ « On the Floor » et « We Are One (Ole Ola) » (l’hymne officiel de la Coupe du monde de football 2014) mis à part, avec trois derniers albums et un best-of foireux, une chute sur la scène des American Music Awards et une éviction d’Epic Records, Lopez est poussée vers la sortie du game musical. La bronxoise n’innove plus tellement, se cramponne à sa place en recyclant et reproduisant ce qui marche et ce qu’elle entend. Ses disques, façonnés par les grands noms du moment comme Hit-Boy, RedOne, Tricky Stewart ou DJ Mustard, manquent d’âme. Des fourre-tout sans identité singulière. En annonçant une série de concerts à Las Vegas, terre d’accueil des chanteurs déchus, en 2016, J.Lo a elle-même reconnu à demi-mot qu’elle arrivait en fin de course.

Malgré tout, en eaux troubles, la communauté hispanique soutient bec et ongles la plus influente de ses ambassadrices ; Como Ama una Mujer est l’un des rares opus entièrement chanté en espagnol à intégrer le top 10 du Billboard 200 et sa tournée avec son ex-mari Marc Anthony engrangera plus de 15 millions de dollars. Omniprésente et hyper populaire, Jennifer Lopez, qui brandit ses racines portoricaines comme un étendard et incarne l’American Dream à la sauce hispanique, a grandement contribué à propulser les Latinos sur la scène du divertissement mainstream. En 2012, Jenny et Marc Anthony pondaient même « Q’Viva: The Chosen », un programme de télé-réalité visant à promouvoir la culture musicale latino-américaine en recrutant aux quatre coins de l’Amérique latine des talents pour leur spectacle « The greatest Latin show ever » à Las Vegas. Avant elle, la minorité ethnique la plus importante des Etats-Unis ne perçait que trop rarement l’écran.

 

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Gros derrière et multi-carrière

 

Le 23 février 2000, Jennifer Lopez se pointe aux Grammy Awards au bras de son rappeur de mec, Puff Daddy, sanglée dans une robe verte transparente au décolleté profond, signée Versace. Non seulement la tenue précipitera la création de la fonction « images » de Google pour répondre à l’avalanche de requêtes des internautes, mais elle participera aussi grassement de la popularisation et démocratisation des popotins charnus et rebondis. « Après qu’ils l’aient vue (Jennifer Lopez aux Grammy Awards, ndlr) les gens ont commencé à nous demander : « Hey, comment est-ce que je peux obtenir un postérieur comme le sien ? », témoigne le Dr. Constantino G. Mendieta, chirurgien plastique à Miami, spécialiste de l’augmentation fessière. L’icône pop est en réalité l’une des premières à saisir l’atout et la valeur de son arrière-train. Elle l’aurait même fait assurer pour 10 millions de dollars. Très vite, elle ne pose plus que de dos ou de profil devant l’objectif des photographes. Dans le clip de « My love don’t cost a thing », Jennifer est longuement filmée de derrière, déambulant en jean moulant, tandis qu’elle jette ses bijoux à terre. Dans celui de « Jenny from the block », elle se délasse en bikini rose, allongée sur le ventre. « J’aime les gros derrières, c’est la faute à J.Lo », dit l’autre. Aujourd’hui, à 46 ans et deux enfants, la belle portoricaine s’accroche à son statut de sex symbol. Porte-drapeau des MILF, elle truste régulièrement la tête des classements des femmes les plus hots. Sur tapis rouge, elle apparaît toujours gainée et déshabillée, souvent dans des tissus translucides. Il y a deux ans, elle tenta même de recréer l’émoi soulevé par sa robe culte des Grammys 2000 en la faisant décliner en body, pour les soins d’un concert à Orchard Beach. Mais avec les Kim Kardashian, Amber Rose, Nicki Minaj et consorts, J.Lo a de la concurrence. Les gros boules ont plus que jamais la côte. Alors, pour rester dans le coup et sur son trône, la chanteuse se frotte à Iggy Azalea dans un clip sulfureux en clamant « you got a big booty ». Elle frise le pathétique mais ça marche. Plus de 15 millions de vues en deux jours.

 

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Sa chute de reins compense en vérité une voix limitée. Ses pas de danse aussi. Ses premiers, elle les exécutera dans des clips (« That’s the way love goes » de Janet Jackson, notamment), aux côtés des New Kids on the Block (lors des American Music Awards 1991) ou encore dans l’émission In Living Color, dans lequel elle dansera régulièrement avec son groupe The Fly Girls jusqu’en 1993. Au départ, Jennifer Lopez était plus danseuse que chanteuse, ce qui fera d’elle une vraie performeuse, mais son rêve, le vrai, c’était de devenir actrice. Dès 1986, la jeune pousse obtient un petit rôle dans le film My Little Girl, réalisé par Connie Kaiserman. Sa première super-production s’appellera Blood and Wine, en 1997 ; elle y donne la réplique à Jack Nicholson et Stephen Dorff. Au total, Lopez jouera dans une trentaine de films et séries. Et c’est seulement après avoir interprété le rôle principal dans le biopic Selena, que J.Lo prendra le chemin des studios de musique. En 2001, elle deviendra la première chanteuse-actrice à revendiquer à la fois un album, J.Lo, et un film, Un mariage trop parfait, numéros un dans la même semaine. Elle cumula avant tout le monde les deux métiers, enchaînant des va-et-vient permanents sans que l’un n’impacte l’autre. Une double-carrière menée d’une main de fer. Après le flop d’Amours Troubles avec Ben Affleck, elle empilera cependant les nanars de seconde zone, mais restera malgré tout l’actrice latina la mieux payée de la planète. Futée, au-delà de la musique et du septième art, J.Lo a su bâtir un empire, une marque autour de son nom. Pionnière, elle amorça la célébrité 2.0, qui se déploie sur tous les fronts, s’essaie à tout et ne se limite à rien. Son premier projet, son parfum Glow by J. Lo révélé en 2001, se tailla très vite la part du lion en se classant parmi les fragrances les mieux vendues au monde, toutes catégories confondues. La business women a depuis décliné près de vingt senteurs. J.Lo joue aux stylistes avec feu ses lignes de prêt-à-porter J.Lo by Jennifer Lopez et Sweetface, sa collection de bijoux pour Endless et sa gamme textile et maison pour le grand magasin Kohl’s. Elle a créé un programme minceur, « BodyLab », une société de production, Nuyorican Productions, et une compagnie de téléphonie mobile dédiée aux latinos, Viva Móvil. Jen est aussi jurée d’American Idol, ambassadrice de l’ONU et DG de NuvoTV. Elle est partout. Une ubiquiste forcenée. Elue personnalité la plus influente sur terre par Forbes en 2012, sa fortune avoisine les 400 millions de dollars. En 2013, la Chambre de commerce de Los Angeles la gratifiait même d’une étoile sur Hollywood Boulevard.

 

 

Jennifer Lopez n’est ni chanteuse, ni danseuse, ni actrice, c’est une reine de l’entertainment, une diva du spectacle. Accroc aux projecteurs, caméras et foules chauffées à blanc, elle ne raccrochera ni ne vieillira jamais, à l’instar de Madonna, Kylie Minogue ou Mariah Carey. Le vrai rôle de sa vie, finalement, c’est celui de Dorian Gray.

C’est en pleine période de préparation du concert de Bercy que Medi Med nous reçoit dans le studio du palais Maillot, exceptionnellement ouvert pour notre venue. Un privilège que l’on doit assurément à notre interlocuteur du jour. Reconnu pour être le « DJ officiel de Booba », il est avant tout un homme disponible qui tient à rester un homme de l’ombre. Commencée en studio en tant qu’ingénieur du son, l’histoire mènera ce passionné de scratch à devenir un des hommes de main les plus fidèles du emcee du 92i. Plus de dix ans après les débuts de leur collaboration, Medi Med se prête au jeu de l’interview.

Comment as-tu commencé à travailler dans la musique ?

Medi Med : Au niveau du DJing, j’ai commencé en 95. J’écoutais déjà du rap, bien évidemment.  Je me souviens d’un moment avec un ami où on écoutait un morceau des Sages Poètes de la Rue, Logilo scratchait, on était chez moi et je me disais  : « Je ne sais pas comment il fait ça, mais je veux le faire. » Vraiment, j’ai eu une révélation. Pourtant j’écoutais des scratchs depuis toujours, mais là je ne sais pas. Et puis je me suis donné les moyens… Pour les platines, je me suis renseigné… MK2, table de mixage, je suis allé aux championnats du monde DMC…

À ce moment-là, avais-tu déjà un pied dans la musique ?

MM : Non, non. Je suis un passionné à la base, juste un auditeur.

Et pourquoi les Sages Po’. Quand on pense Sages Po’, on pense Beat 2 Boul, 92…

MM : C’était un hasard. Je viens de Montmorency dans le 95, et on avait déjà remarqué que dans les crédits Logilo dédicaçait notre cité. On se disait « Mais qui est-ce qu’il connaît ? » On était des petits et puis après on a su que c’était le grand frère d’un gars… Et j’ai appris ensuite que Logilo avait un studio qui n’était pas très loin, à Domont. C’était marrant. C’était surtout l’un des premiers groupes de rap français où ça scratchait beaucoup. J’aimais le son que les cuts sortaient.
J’écoutais les Cut Killer, les Clyde à la radio. DJ Clyde faisait des trucs, je me disais « Comment il fait ? » Je ne comprenais pas, parce qu’on n’avait pas trop d’images à l’époque. On n’avait pas Internet. On entendait du son, on voulait savoir comment il faisait. Donc on s’entraînait chez nous. On se disait : « Merde, ça fait pas pareil », parfois on y arrivait, parfois non.

 

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C’était déjà une ambition à ce moment là de devenir DJ ?

MM : Non, c’était vraiment pour chez moi, pour ma chambre. Je voulais écouter du son, j’allais acheter des vinyles. Je voulais avoir mes vinyles, écouter mon son chez moi. Je voulais contrôler mon son, tu vois ? À la base c’était beaucoup de soirées de quartiers. Dès qu’il y avait une soirée, j’amenais des enceintes et on m’entendait peut-être presque à 800m. J’avais acheté une grosse sono de ouf. Après professionnellement, je suis rentré en studio avec des amis. Et je suis d’abord entré dans le monde professionnel en tant qu’ingénieur du son. En fait, on m’a mis dans un studio pendant deux ans, et j’ai dormi là-bas, 24/24. J’ai tout appris avec des personnes, en me renseignant.

Cette opportunité tu l’as eu comment ? C’est quelqu’un qui t’a repéré ?

MM : Non c’était des amis avec qui j’étais. On était à un concours de DJ et ils ont eu l’opportunité d’avoir un studio, et ils m’ont dit « Comme on sait que tu es fort sur les machines – j’avais déjà un truc, parce qu’on faisait des mixtapes avant cela et j’étais le technicien du groupe de DJs – donc on s’est dit que dès qu’on a un studio, on te met dedans. » Et c’est ce qu’il s’est passé.

Qui est-ce qui t’a mis le pied à l’étrier à ce moment-là en studio ?

MM : Déjà nous c’est tout bête, mais on avait des multi-pistes numériques. C’est la version condensée d’un studio. T’as tout dedans : t’as les IQ, t’as les compresseurs, t’as les tranches, t’as les pistes, t’as tout. Après c’est juste plus large. En fait, je n’ai aucune évolution. Je n’avais aucun rêve, aucune ambition, vraiment. Pour moi la musique a toujours été une passion, je n’aurais jamais pensé en vivre et ça n’a jamais été mon but. Je ne suis vraiment pas quelqu’un de mercantile. Parce que je ne pensais pas en vivre. Même à cette heure-ci quand j’y pense, pour le futur, je ne suis peut-être pas ambitieux je ne sais pas. Mais c’est vraiment la passion. C’était dur, parce qu’on était dans un studio, on montait et on démontait tous les jours. Je recevais des grosses têtes d’affiches, presque tout le rap français, Kery James, Diams, Blacko, Lino, Kennedy, Mac Tyer, la Fouine, Sniper, 113… Même du raï, parce que j’ai enregistré les premiers Raï’n’B en 2004. A partir de 2003, j’étais enfermé en studio.

C’est à ce moment-là que tu rencontres Booba ?

MM : Oui, c’est exactement à cette période. J’étais un jeune ingé et je me souviendrais toujours de la première séance 92i : c’était pour Nessbeal. Et on m’a mis comme ça derrière la console et je galérais pour un truc et ils étaient tous là derrière… Il y avait Brams, Kopp, Mala, Nessbeal. C’était pour l’enregistrement de morceaux inédits. Je crois que c’est un EP qu’il devait sortir, il a enregistré quelques titres. Quand tu sens le souffle derrière de gaillards d’un mètre quatre-vingt dix… Il y a des trucs que je n’arrivais vraiment pas à faire, parce que j’étais débutant, ça faisait quelques mois, mais bon il y a des trucs qui ne s’apprennent pas de tout de suite.

 

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Comment ça s’est terminé cette histoire du coup ?

MM : Je suis juste en sueur parce que je n’arrive pas, pour être technique, à déplacer un morceau de piste. Je n’arrivais pas à la sélectionner et à la déplacer. Du coup j’ai appelé mon pote qui était de l’autre côté et je lui ai dit de venir. Je suis un peu passé pour un con, mais ça s’est très vite réglé, parce que quand il y a un truc sur lequel je bute, la deuxième fois je ne buterai pas dessus. On me fait une remarque, j’ai tort, j’ai raison, peu importe, je ne la referai pas deux fois. Et ça c’est un truc dans mon travail, dans cette anecdote et de manière plus générale : je me donne les moyens de ne pas faire deux fois la même erreur.

Après avec eux, le feeling est passé tout de suite. Parfois, je bossais depuis 8h du matin, toute la journée, j’avais fait des séances, j’étais éclaté, et quand je les vois arriver à deux heures du matin, j’ai le sourire. Tout de suite il y a un truc qui s’est passé. Après il y a Kopp et sa personnalité. Au début il est souriant, il est blagueur… Il a toujours été comme ça, il n’a pas changé avec l’entourage, Brams, Mala, ça rigolait de ouf. Mais en fait j’ai été adopté petit à petit, parce qu’à cette époque j’enregistrais Panthéon. Et souvent ils étaient là, ou Kopp venait seul. Donc j’ai passé des heures et des heures à enregistrer tout l’album et c’est venu naturellement. D’ailleurs j’ai fait une prod dans Panthéon. C’est la seule prod que j’ai sortie. Mais tout ça est lié, ça a vraiment commencé par Nessbeal je crois, de mémoire.

Comment tu deviens son DJ ? Et surtout comment il sait que tu es aussi DJ ?

MM : Il ne l’a pas su tout de suite, parce que lui me voyait en rat de studio et plus en tant qu’ingé. Mais c’est venu notamment par « La Mal par le Mal ». Il cherchait un refrain et je lui ai dit que j’allais faire un refrain scratché, donc j’ai fait des petits cuts. Et comme il ne trouvait pas de refrain, j’ai repris ses anciennes voix pour ça. Donc il l’a su comme ça, c’était dans un coin de sa tête. Et après Ouest Side, c’est la petite embrouille avec Kore. Il a décidé de changer de DJ et il a pensé à moi.

Pour l’anecdote, ce qui est marrant c’est que j’ai appris que j’étais son DJ via sa manageuse. Elle m’appelle et me dit « Ça va Medi ?  il te faut quoi comme matériel pour ce soir? » Je lui réponds « de quoi tu parles ? – Mais il te faut quoi comme matériel ? – Mais de quoi tu me parles ?! -Bah tu viens sur l’émission, t’es son DJ – Comment ça je suis son DJ ? – Bah oui, il te l’a pas dit ? – Ah bah non, il ne me l’a pas dit. – Ah ok. Bah en tout cas qu’est-ce qu’il te faut ?! »

Je fais la liste de ce qu’il me faut et j’appelle Kopp derrière et je lui dis « Wesh, alors comme ça je fais une émission avec toi et je suis ton DJ ? » Il me dit « Bah ouais, je te l’avais pas dit ?! » Ce qu’il faut savoir avec Kopp, c’est que lors de toutes les décisions importantes qu’on a entre nous, notamment la naissance de sa fille, il m’a toujours fait la même réflexion : « Ah je te l’avais pas dit? » C’est arrivé plusieurs fois dans notre relation. Pour les trucs de tous les jours, on parle, mais les gros trucs, il ne me les dit pas. Et là c’était la première fois qu’il me disait « Ah, je te l’avais pas dit ? Bon ok, bah c’est ça. »

 

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Du coup il te fait confiance instantanément, il ne te teste pas…

MM : Ouais. Je pense qu’au début j’étais peut-être en test. Il ne me l’a pas dit non plus. Après, le DJing avec lui c’est assez simple. Il ne demande pas de scratch de ouf, de passe-passe compliqués… Je fais des passe-passes avec la bouche donc c’est quelque chose de simple. Chaque DJ pourrais faire ce que je fais, je ne vais pas te mentir. Après c’est plus le feeling avec la personne et lui ne pourrais pas travailler avec tout le monde.

Et toi, à quel moment tu t’es senti « Validée », pour reprendre son titre ?

MM : Je ne sais pas. Tout s’est fait naturellement. Mais c’est la première date, à Top of the Pop. Après on a commencé les concerts, les showcases… Le premier concert je crois qu’il était en Suisse. C’était marrant, j’arrive à l’hôtel et j’ai pas payé la chambre (rires). J’étais prêt comme jamais !

Et c’est quoi au quotidien de bosser avec quelqu’un comme Booba ? Est-ce qu’il y a beaucoup d’exigence de sa part?

MM : Il est exigeant bien sûr. Mais c’est normal. Il ne demande pas tant de choses que ça. Et ce qu’il demande chez quelqu’un, je pense que je l’ai parce que je l’ai déjà entendu le dire, il veut quelqu’un qui soit là pour lui, qui soit ponctuel, réactif et attentif. Ce sont des trucs que j’ai de base.

Quelle est la base de vos relations aujourd’hui ?

MM : Je vais parler pour moi, c’est professionnel et amical. Je sens bien les deux en même temps. On parle tous les jours, par WhatsApp. Si je ne l’ai pas pendant trois jours, c’est exceptionnel. C’est que je suis en vacances, que je me déconnecte une semaine. C’est déjà arrivé. Je pars avec femme, enfants, je me déconnecte et salut. Mais il n’y a pas de distance. Je communique plus avec lui qu’avec des potes de chez moi. Là j’ai vibré je suis sûr que c’est lui, je lui ai posé une question tout à l’heure, par rapport au concert…

Cette relation vous permet d’avoir des automatismes sur scène ?

MM : Oui. Parce qu’en fait, sur scène, il change tout le temps. Je pense que c’est un des seuls rappeurs qui fait des cuts tout le temps et où le public chante le plus dessus. Tu peux aller voir tous les autres rappeurs, les têtes d’affiches, avec Booba le public peut tout te chanter de A à Z. Donc moi mon travail c’est de les faire chanter, de beaucoup couper. Certains disent que c’est trop. Il partage ça avec le public. Sauf que c’est au feeling. Parfois, il y a des endroits où il chante, ils connaissent tel morceau, telle phrase. Moi je dois être hyper réactif là-dessus. Et lui aussi quand il coupe, quand il baisse le micro, ça veut dire que c’est le public. Il y a des cuts pour lui, des cuts pour le public. Et c’est vraiment, au regard, au geste, je sais ce qu’il va faire. J’anticipe beaucoup. Ça fait 8 ans que je suis son DJ, 10 ans que je le connais et donc c’est vraiment en « slow-motion », au geste prêt. Parfois il se retourne, je vois son regard, je sais qu’il a foiré un truc et tout… La scène de toute manière, c’est mortel avec lui. Ça change tout le temps contrairement à ce qu’on peut croire.

 

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Quand on est le DJ de Booba, il y a beaucoup d’avantages, mais il doit y avoir aussi beaucoup d’inconvénients ?

MM : Les avantages… Moi je fais des soirées à côté, mais si j’étais le DJ de X, je serais moins booké. Après, c’est là reconnaissance tout ça… Mais je ne suis vraiment pas là-dedans. Je suis quelqu’un de discret. Je rentre chez moi et très peu de gens savent qui je suis. Avec mes voisins et tout, quand ça se sait, je « fait la boule ». « T’as beaucoup de Unkut et tout? » … – Ce n’est pas que je ne veux pas être associé, mais je ne veux pas qu’on me définisse par ça. Parce que les gens, du coup, avec ce qu’il se passe autour de Booba, tout de suite on va me parler des clashs, on va m’agresser. Mais je n’ai pas envie d’être agressé. Je veux vivre ma vie tranquille. Je vis dans un petit pavillon, il ne faut pas m’embêter. Il ne faut pas me parler de Booba quand je vais chercher mon pain. Même si j’ai mon avis et que je suis derrière lui à 200% dans ses histoires, ce n’est pas mon rôle d’aller en parler et d’expliquer au voisin, ou au pote, ou à je ne sais pas qui, le pourquoi du comment.

Est-ce que tu sens que tu as une place enviée dans le paysage français ?

MM : J’ai déjà senti ça mais, pas tant que ça, parce que je pense qu’une fois qu’on me rencontre on voit que je suis assez simple et il n’y a pas spécialement de jalousie. Je ne la sens pas en tout cas. J’ai du profond respect pour tous les DJs que je rencontre. Les fans, aussi. Les fans, c’est fanatique. Ils disent : « Mais tu te rends compte ! Tu le connais ! » Bien sûr, je reçois souvent ces remarques venant des fans. Mais des collègues DJs, non. Chacun fait son travail.

De nos jours les DJs sont souvent producteurs en même temps, mais tu sembles ne pas avoir cette fibre là.

MM : J’ai déjà composé. Mais ce qui se passe, c’est que j’ai besoin de m’approprier les machines. Je travaille dans un studio et quand je fais ma prod pour « Le Mal par le Mal », on était un vendredi soir. Kopp venait enregistrer le lundi et là j’ai eu un truc, je me suis dit j’ai tout le weekend, je sais faire un peu de son, je tapotais sur les MPC. Je me suis donné tout le weekend et je l’ai fait. J’avais pris les machines des autres, parce que je n’avais jamais eu mes propres machines. Étant un technicien du son, j’ai besoin de trifouiller, de tout toucher mais quand c’est la machine de quelqu’un d’autre tu ne peux pas entrer dans tout ses réglages et tout dérégler. C’est une barrière que je me suis mise. Même Timbaland, au début, devait être tout naze. Et quand j’ai composé au début j’ai eu un rendu dont je n’étais pas content, et ça m’a bloqué. Je n’ai pas persévéré, je ne me suis pas dit qu’il fallait que je fasse mieux parce que ça m’a énervé de ne pas pouvoir retranscrire ce qui était dans ma tête, notamment en ne faisant pas de solfège et n’étant pas pianiste. Une fois, je me souviens, j’avais fait un son. Après ce son, je me suis dit, je vais en faire un deuxième. J’étais au studio, il y a Kopp et Brams qui arrivent et je leur dis « J’ai fait un son ! », « Ok ! Vas-y fait écouter ! » La MPC était branchée, je mets play et là il n’y a pas de réactions. Ils ont juste dit « Bon vas-y on commence ! » [rires]. Même eux ils ne s’en souviennent pas. Mais c’était tout naze ! [rires]

Et ce n’est pas un truc que Booba t’encourage à faire ?

MM : Au début si, il me disait : « T’as pas du son ? » Après il a vite compris. Il ne me l’a pas posé 100 fois, la question.

Sur les visuels de tes soirées, tu mets toujours l’inscription « DJ Officiel de Booba ». Tu ne trouves pas ça un peu réducteur ?

MM : Non, ce n’est pas du tout réducteur. Ce sont les promoteurs qui me demandent ça, pour ramener du monde. Ils pensent qu’en mettant Booba, ça va ramener nos ratpis. Mais non ce n’est pas réducteur. Après le seul truc c’est qu’il y a plusieurs types de DJ. Les DJs de soirées, à Paris il y en a des dizaines, dont plein d’amis à moi. Pareil pour les DJs d’artistes et les DJs scratcheurs, de concours etc. Parfois c’est dur de passer d’une catégorie à une autre. Parce qu’un DJ scratcheur ne sera pas forcément appelé pour une soirée. On se dira qu’il ne sait pas ambiancer. Donc il y a des barrières. Moi des soirées, j’en fais depuis 95…

 

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Tu sens que tu souffres d’un manque de reconnaissance parfois ?

MM : Non, c’est aussi moi qui ne fais pas tout pour me promouvoir. J’ai des réseaux sociaux, je suis dedans, mais je ne fais pas énormément de séances photos pour me mettre en avant. Faire des interviews, aller vers les gens… Je ne le fais pas assez. Donc je ne peux pas dire qu’on ne me connait pas assez si moi de mon coté je ne vais pas vers les gens.

Qu’est-ce que tu penses de ce débat et de ceux qui disent que Booba c’était mieux avant? Est-ce que tu as perçu ce changement pour ta part, musicalement et humainement ?

MM : Il est pareil, il est dans l’air du temps, tout le temps. Est-ce qu’un morceau de Lords of the Underground est moins bien qu’un Young Thug ? C’est à toi de décider.

Mais là l’évolution ne concerne pas le même artiste.

MM : Oui, mais Lord of the Underground, ils existent maintenant ? Est-ce que Young Thug existait en 95 ? Il n’y a que lui qui traverse le temps. C’est sûr que personne n’a fait ça, à part aux États-Unis, avec les Jay Z et tout. Mais est-ce que Jay Z on lui pose ces questions ? Snoop on peut lui poser cette question, mais ce qu’il fait aujourd’hui n’est pas terrible. Lui [Booba] a une carrière ascendante et non, il est dans l’air du temps. J’ai aimé ce qu’il a fait sur Temps Mort et voilà.

Tu as vécu le truc de l’intérieur, donc à un moment quand Booba te dis « Met un vocodeur par-ci, par-là… »

MM : Mais je kiffe le vocodeur ! Quand on fait les balances, – parce que la plupart du temps pour les showcases il ne fait pas les balances, ça ne sert à rien pour le résultat du son à la fin dans ces configurations -, c’est moi qui chante, qui règle l’auto-tune. Je kiffe ! Je ne vais pas dire que je n’aime pas l’auto-tune, alors que si ça se trouve, j’aime plus que lui, les gens ne savent pas.(rires) On dira que je suis un vendu, mais j’ai suivi. J’ai toujours aimé [ce qu’il a fait dans sa carrière]. Il essaie d’apporter quelque chose de nouveau. On ne peut pas reprocher à quelqu’un de vouloir avancer. [Dans mon entourage] j’ai tout et son contraire. J’ai un de mes meilleurs amis qui m’a dit quelque chose qui m’a marqué : « Kopp m’a réconcilié avec le rap avec le morceau « Billets Violets.» Alors que c’est full auto-tune et compagnie ! Il me disait que le rap l’énervait, peut-être qu’il me parlait même de morceaux de Booba, mais « Billets Violets » l’a réconcilié avec le rap. Donc tu vois, il y a autant d’avis que de personnes.

Tu as bossé avec beaucoup de gens dans le rap français au début en tant que technicien. Aujourd’hui, est-ce que t’as autant de liberté qu’il y a quelques années, notamment pour bosser avec les rappeurs ?

Ce n’est pas ça. Je vois ce que tu veux dire, mais en gros, je ne peux plus travailler avec eux. Mais est-ce que j’ai envie de travailler avec eux ? Tout simplement ! Je suis dans la même optique. Je veux dire, c’est la famille. Quand il en prend dans les côtes, j’en prends aussi. Je ne suis pas devant, à me battre avec lui, mais je le soutiens, je suis là et je serai dans le bourbier et on fera ce qu’on a à faire. Je pense qu’inconsciemment, je suis comme lui. On a vraiment les mêmes avis, même sur les artistes. On parle tout le temps. Quand tu parles tous les jours avec ton pote, vous vous retrouvez forcément.

Tu disais avoir ta manière de le soutenir, pas forcément verbale. Mais tu l’as fait plus ou moins sur le conflit israélo-palestinien par le biais des réseaux sociaux.

MM : Je l’ai fait aussi parce que moi aussi je recevais des trucs. Beaucoup de « Stop » « Free Palestine » etc. Mais c’est un sujet délicat. Moi je n’ai pas « 3G » pour répondre, et lui a calmé tout le monde. [rires] Mais on en parlait de ce qu’il pensait. Je lui disais « Qu’est-ce qu’il se passe ? Ils sont tous oufs ! Il nous casse la tête ! ». Mais comme je l’ai dit dans mon post, on ne fait pas de politique. Ce que vous dites, vous nous le dites à nous sur nos réseaux sociaux. Mais mes 10 000 fans en ont rien à foutre. Je poste des photos de soirées. Ils en ont rien à battre… Tout comme Booba, il a beaucoup d’abonnés. Mais comme je disais, les politiques savent. Tu crois que Hollande ne sait pas ce qui se passe là-bas ? Obama sait ce qu’il se passe là-bas. Envoyez-leur à eux, envoyez-leur des lettres. C’est eux qui pourront débloquer les choses. Ce n’est pas Medi Med, ce n’est pas Chris Macari, ce n’est pas Booba. C’est ce que je voulais dire.

Donc ce n’était pas qu’un devoir de loyauté ?

MM : Non, là c’est moi. Parce que quand untel attaque Booba, sur un texte, sur ce qu’il dit ou je ne sais pas quoi, ce n’est pas moi. Je ne vais pas répondre à sa place. Je ne suis pas DJ Skorp tu vois ? Il a donné son avis et il fait ce qu’il veut. Mais moi, je n’ai pas à donner mon avis, je suis un DJ. Je pose des disques. Ils ne m’ont pas attaqué moi. Booba, c’est la famille et s’il faut le défendre, je le défendrai. Mais pas  sur Internet. Cela ne veut rien dire pour moi. Je n’aime pas parler à sa place, mais il [Booba] réagit en tant qu’homme, c’est tout. Je pense pas qu’il réagisse en tant que média, même si son Instagram est devenu un média. Et puis ça le fait rire, tout simplement. Je pense qu’il est plus marrant que les autres. Et je pense que les gens le voient. Il est très second degré tu vois. Moi je suis à 200 % avec lui, je suis resté 10 ans avec lui, je vois tout ce qui se passe, j’ai vu tout le monde passer. Donc ce qu’il dit est vrai.

Rumeur internet… Mais ce serait toi qui serais tombé sur Kaaris et qui l’aurais fait écouter à Booba la première fois ?

MM : Non ce n’est pas ça le truc. En fait quand je travaillais sur Autopsie, c’est principalement Booba qui m’envoyait des trucs et qui me disait d’écouter ci ou ça sur YouTube et me demandait ce que j’en pensais. On a toujours fonctionné comme ça. Et je me souviens que c’est lui qui m’a dit d’écouter le Kaaris-Despo. Et j’avais kiffé, je trouvais ça frais. De toute manière sur les Autopsie, la plupart des rappeurs, c’est lui qui me les a envoyés. Pour Kaaris ? Le morceau était frais. J’ai aussi mis des embargos sur certaines personnes que je ne citerai pas… Mais à cette heure-ci, heureusement que j’en ai mis. Je n’ai pas beaucoup d’influence, mais quand il y a des trucs que je ne veux vraiment pas, je suis relou. Je sais être insistant, mais c’est très peu arrivé.

 

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Tu n’es pas nostalgique de la période où il était en France, où tu participais plus au processus de création, ou vous étiez beaucoup plus ensemble avec tout le 92i.

MM : Non. Moi je ne suis pas nostalgique. Pas le temps pour les regrets. C’est une phrase que j’ai toujours pensé, même avant qu’ils la sortent. On ne regarde pas en arrière. Il faut toujours voir devant. Chaque chose est différente. Si on était encore là… avec des si on ne peut pas tout refaire. Il a trouvé sa manière de travailler qui est parfaite au moment présent. Pourquoi se demander si ça aurait été mieux, si on avait tous été là.

Si tu devais choisir entre producteur, ingénieur et DJ ?

MM : Moi j’ai envie de finir ma vie sur une île en train d’écouter du Bob Marley, en train de siroter un petit cocktail sur un hamac. Peu importe comment je vais y arriver ! [rires] Mais oui, je suis plus DJ c’est sûr.

T’as jamais songé à faire un album-compil’ ? Un truc que les ricains font beaucoup, mais qu’on a perdu en France.

MM : Si j’y ai pensé, mais quand j’ai voulu en faire un, j’étais en plein dans les Autopsie. Et je me disais ça fait doublon, c’est comme quand je participe à la conception, j’allais voir des gens, j’allais en studio avec eux. Pas tout le temps, mais dès que je pouvais. Je communiquais avec eux, ils faisaient le mix, mastering, mais j’étais très impliqué sur les choix artistiques. On m’envoyait des morceaux, je donnais mon avis, j’en envoyais à Booba. J’avais déjà ce travail-là, même au niveau des artistes. Il fallait faire une grande recherche, mais cette recherche participait à Autopsie. J’ai voulu « faire le DJ Khaled » pendant cette période-là. Faire un peu comme lui, sauf gueuler dans les morceaux. Parce que Khaled, les gens le sous-estiment. Il est un peu vanné, mais c’est un grand réalisateur. Il ne suffit pas de mettre une prod et de poser dessus. Il faut diriger tout ça. [En France] Il y a des compositeurs qui en ont faits. Il y avait le OneBeat avec Spike Miller. Sa démarche était pas mal, parce que c’était le même sample retravaillé. Ce sont des démarches intéressantes, mais ça reste des trucs de beatmakers.

On perd beaucoup de choses dans le hip-hop, mais par contre on ne compte plus les DJs ?

MM : Par rapport au DJing, souvent certains disent le rap c’était mieux avant et le DJ pareil, parce qu’avant c’était très vinyle. Et ça arrive parfois qu’on me dise « C’était mieux avant, les puristes vinyles. Maintenant tu as les trucs qui t’aident à mixer. Serato entre autre et tous les contrôleurs… » Moi je dis que c’est très bien, parce que c’est un outil en fait. Nous on a la chance d’avoir connu ça. On sait l’utiliser. Mais quand tu nous mets nous tous les deux devant deux contrôleurs, est-ce que ça se sait que je sais manier des platines ? On s’en fout en fait. Ce n’est qu’un outil. Tu as déjà vu les platines où tu peux mettre deux iPods ? il y a des mecs qui avec ça peuvent te tuer une soirée. Peu importe, ce n’est qu’un outil. Après c’est ce que tu en fais. Aujourd’hui, on ne fait plus de concours de scratch, de passe-passe dans les soirées. Mais ça reviendra de toute manière. Toutes les modes passent et reviennent.

Donc pour toi un pilote qui conduit sa formule 1 en automatique a autant de mérite qu’un pilote en manuel ?

MM : Bien sûr. Le seul truc, c’est que si demain il n’a plus sa voiture et qu’on le met sur une manuelle… On ne va pas leur dire « T’es tout nul parce que tu ne sais pas te servir d’un truc. » Ils ne pouvaient pas connaitre. Il avaient 10 ans ou 5 ans les types. On ne peut pas leur reprocher ça. Tu ne peux pas te promener avec tous tes bacs de vinyls. La vraie évolution c’est que beaucoup de DJ écoutent des vinyles, mais il y a les Serato. Il y avait trois potes qui portaient mes bacs en soirée. Imagine ! Aujourd’hui j’ai mon sac, il est un peu lourd, mais j’ai mon ordi, mon contrôleur et un casque et c’est déjà trop lourd. Ce n’est qu’une évolution. Tur-Fu wesh !

Photos : HLenie 

 

 

Papa Ghana est un chanteur hollandais aux origines ghanéennes et membre du collectif créatif Daily Paper. Il est le co-fondateur du label amsterdamois Daily Paper Clothing. Papa Ghana prend ses influences de plusieurs cultures. Il use une variété de styles et de genre dans sa musique tels que l’afrobeat, coupé décalé, kuduro, grime, électro et hip hop.

Le Mandingo EP constitue une introduction à sa musique qu’il nomme ‘Diaspora Beat’. Après le bel accueil de ses morceaux singles I Am An AfricanDVMSKO and Ghana vs Nigeria (ft. Afrikan Boy), Papa Ghana dévoile enfin son premier projet, Mandingo EP. Mandingo EP est constitué de 11 tracks, dont l’intro qui reprend la voix de Nelson Mandela, Karl Lagerfeld ou encore Afrikan Boy. Les productions viennent de différents producteurs comme Petite NoirRiky RickBLKKOUT, OJ Symstem, Amsterdamse NieuweStatik MusicDJ Leee et Papa Ghana lui-même.

The Mandingo EP sera disponible samedi 5 décembre en digital via les stores online.

 

 

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En 2009, le rédacteur en chef du magazine Complex, Noah Callahan-Bever a eu l’opportunité, invité par Kanye West himself, d’assister aux sessions d’enregistrement de l’album My Beautiful Dark Twisted Fantasy, sur l’ile de Hawaii. Le Rap Camp que Kanye y a établit rassemble alors en un seul et même lieu des poids lourds du rap game comme RZA, Nicki Minaj, Q-Tip, Rick Ross, Kid Cudi entre autres. Une occasion en or pour relever les anecdotes de chacun des protagonistes et l’ambiance de ce séjour qui servira de momentum de création du classique acclamée par la critique comme par les fans. Moments recueillis :

 

Nicki Minaj

“J’ai appris par Drake que Kanye me voulait dans son album, et j’ai pris le premier avion pour Hawai. Je ne pensais pas qu’il allait m’apprécier. J’ai toujours pensé qu’il était un de ces rappeurs conscients, qui ne voulait pas de filles habillés de façon ouvertement sexy. Mais quand j’arrive au studio, je vois qu’il n’a que des photos de femmes nues sur son ordinateur, qu’il m’invite à regarder. C’étaient des photos artistiques, mais on sait qu’il aime la nudité, donc ça a été un choc pour moi, parce que je pensais que j’avais tout compris sur lui, mais ce n’était pas le cas. Il regardait du porno quand on était en studio – pas de honte dans son jeu »

 

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Pusha T

“Il me dit, “Yo, tu dois être plus salaud. On a besoin de plus de salaud!” Je ne savais pas quoi lui dire, ‘Poto, je ne sais pas si j’ai du salaud en moi en ce moment.’ J’étais déboussolé, et c’était dur pour moi de même aller sur ce terrain, parce que j’avais des remords. (Rires) Et il me pousse à faire plus. Tout ce que j’entends dans ma tête c’est : ” Plus salaud. Plus salaud. Plus salaud.” Finalement, après deux jours, j’ai dit, “Je vais aller en haut, m’isoler et faire ce que j’ai à faire” Et “24/7/365, pussy stays on my mind [Paroles extraites du morceau « Runaway », ndlr]”. Ça vient de là.

 

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Q-Tip

«Je n’avais jamais travaillé comme Kanye travaillait à Hawaii. Les opinions de tout le monde importaient et comptaient. Tu viens, et il y a Consequence, Pusha T et tout le monde est assis là et il [Kanye] joue de la musique et tout le monde a son poids dans la balance. C’était de la création musicale en comité. (Rires) C’était cool que tout le monde se soucie du projet comme ça. J’ai mes propres gars qui écoutent mes sons – je pense que tout le monde a ça- mais son truc va plus loin. Si le livreur vient au studio et que Kanye l’apprécie et qu’ils entament une conversation, il dira « Ecoutes-moi ça, dis-moi ce que tu en penses. » Ce qui en dit long sur qui il est et comment il voit les gens. Chaque personne a une voix et une idée, et il cherche sincèrement à entendre ce que vous avez à dire. Bon, mauvais, ou peu importe.”

 

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Kid Cudi

«J’absorbais tout à Hawaï, et ce fut une vraie expérience d’apprentissage. J’y repense souvent et réinvente ces moments, car cela a changé ma vie pour moi. En quittant Hawaii, j’ai vu qu’il y avait une formule que je voulais appliquer pour remettre les choses en place. Kanye me demandais toujours de venir jouer au basket, mais je ne suis pas du tout sportif. Qu’allais-je faire, gardien du score? Donc je dormais jusqu’à ce qu’ils aient fini de jouer. J’étais toujours en décalage horaire alors que les autres étaient déjà dans l’ambiance de Hawaï, mais ça a marché, car au moment où ils jouaient, j’étais reposé et prêt à y aller. J’ai esquivé tous les sports qu’ils essayaient de jouer, c’était obligé. [Rires] »

 

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Propos recueillis sur Complex

 

L’histoire entre Nike et Stüssy continue. Après de multiples collaborations de qualité réalisées par le passé, les deux marques s’allient de nouveau pour créer un nouveau hit sous la forme d’une Air Max 95 cette fois. La seule photo révélée de la chaussure dévoile un pack de trois coloris (noire, olive, bleu), comprenant des détails intéressants comme un rappel couleur sous la semelle, la mini virgule qui commence à s’imposer sur tous les modèles du moment ou le logo placé sur la languette. Les trois modèles seront disponibles, surement pour pas très longtemps, dès le 11 décembre.

 

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Le Basket Paris 14 a été créé au mois de mai dernier suite à une scission avec le club omnisport de la JAM. Le club est aujourd’hui entièrement géré par une équipe très jeune, anciens et actuels joueurs du club, et se veut une force innovante qui pense le basket autrement, sur le parquet et en dehors, comme le montre ce shooting dont les «mannequins » sont des joueurs issus des différentes catégories du club.

Les photos ont été prises par le talentueux Kevin Couliau, une éminence lorsque l’on parle de photo de basketball. Le réalisateur-photographe, co-réalisateur  du documentaire « Doin’ it In the Park » avec Bobbito Garcia, est un œil entrainé à la pratique du basket comme l’atteste son projet Asphalt Chronicles, qui illustre la balle orange et sa pratique dans les playgrounds du monde entier, ou son travail effectué depuis des années sur le tournoi du Quai 54.

Le Basket Paris 14 s’est inscrit dans un ensemble de projets visant à développer la pratique du basket dans sa localité, et plus généralement sur Paris. L’obtention de créneaux nocturnes (22h30-Minuit) et la toute récente création d’une ligue de jeu 3 contre 3 permettent par exemple aux joueurs issus des playgrounds de jouer au basket durant la période hivernale. Le club cherche également à mettre l’accent sur les équipes féminines et à s’investir plus fortement dans le tissu social et associatif de son quartier. Une initiative qui prend encore plus de sens dans une zone (Porte de Vanves / Pernety) qui traine parfois une image de secteur difficile. Outre les traditionnelles opérations avec les écoles et centres de loisirs de l’arrondissement, le club envisage le réaménagement de playgrounds ainsi que l’élaboration de camps de basket et éducatifs comme un possible pont symbolique vers Harlem (New York, Etats-Unis) par le biais de la Harlem United Basketball, un programme d’éducation servant les jeunes sur et en dehors du parquet. Le Basket Paris 14, à coup sûr un club à suivre.

Suivez l’actualité du club sur leur Instagram

 

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Depuis « No Type » et « No Flex Zone », le deux frères de Rae Sremmurd on fait du chemin et se sont finalement imposé au-delà du statut de one hit wonder. Une belle concrétisation en soi, qu’ils auront pu célébrer avec leur public français lors de leur concert au Trabendo le 2 décembre. Une date à revivre en image, avec les photos du photographe Samuel Lagarto.

Nike Lab et ACG unissent à nouveau leurs forces pour vous proposer une collection à l’épreuve de l’hiver. Fonctionnelle, cette collection répond une nouvelle fois à des problématiques urbaines en alliant le style à des matériaux techniques (Gore-Tex, Nike Tech Flean, Nike Dri-Fit Wool) qui vous protegerons du froid. Composé de chaussures, d’un blouson, d’un manteau, de sweat, top et pantalons, toute la collection sera disponible dès le 3 décembre sur www.nike.com/nikelab.

 

 

Shop référence depuis 1999, Sneakersnstuff – SNS pour les initiés – a depuis sa création placé la Suède sur la carte mondiale de la sneaker. Après une ouverture à Malmö en 2005 et à Londres l’an dernier, SNS a fait son entrée en novembre parmi les nombreuses enseignes du quartier de Châtelet et de ses environs. Avis aux sneakers addicts, un nouveau paradis a vu le jour près de chez nous. L’un des responsables du projet et de la boutique, Axel Pauporté, nous en dit plus sur ce nouveau lieu de la capitale.

 

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C’est donc la quatrième boutique SNS, et la deuxième en dehors de la Suède. Pourquoi avoir fait le choix de Paris ?

Axel : En fait c’était en préparation depuis très longtemps, l’envie était là. C’était juste une question d’opportunité, trouver le bon endroit. Cela met du temps parce qu’on a besoin de grandes surfaces. La politique de Sneakersnstuff est d’avoir une bonne sélection et des pointures, ce qui veut dire qu’il faut du stock, donc de la place. On attendait de vraiment trouver un endroit qui collait et qui était bien placé sans être à côté de « quelqu’un d’autre ». On est bien tout seul, on est assez indépendant,  on a de toute façon beaucoup de monde qui vient pour les releases. On voulait un quartier qui ne soit pas forcément évident, que ce ne soit pas forcément un lieu très reconnu. On aime bien faire nos trucs de notre côté et c’est vrai qu’on a flashé sur ce spot, parce que c’était une ancienne banque et que l’espace, comme le quartier, correspondaient parfaitement. C’est vrai que depuis qu’on est là, le quartier vit. il est vraiment cool et il est en changement. Ce qui me plait le plus c’est que forcément avec les réseaux sociaux les fans savent où on est avant même que l’on ouvre. Mais ce qui me plaît le plus c’est qu’il y a de la diversité, on a eu un très bon public jusqu’à présent.

 

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Vous êtes dans une zone commerciale très concentrée. Il y a Shinzo à côté, il y a Size un peu plus loin, il y a Foot Locker et d’autres. Comment vous comptez vous démarquer au milieu de tout ça concrétement?

A : Par la sélection. Parce que que de toute façon, pour tous les gens dont tu parles, il y a une super relation avec les marques. Et je pense que c’est un peu le boulot des marques aussi de gérer leurs clients et de ne pas avoir forcément les mêmes produits partout. En ouvrant ici on n’a vraiment pas l’impression de prendre des parts de marchés à qui que ce soit. Au contraire, en étant un acteur nouveau sur la scène, qu’à la limite on va stimuler les fans de sneakers à Paris, qu’on fera des émules et qu’au pire on fera grossir la scène, qu’on créera de nouvelles envies. L’idée ce n’est pas de venir prendre du business à qui que ce soit. Au contraire, c’est plutôt de contribuer à quelque chose sur la scène française et parisienne et amener notre touche à nous. Donc à partir de là on n’est pas venu chercher le business de quelqu’un d’autre et c’est vraiment dans cet état d’esprit-là qu’on a ouvert à Londres, où il y a aussi une concurrence importante. C’était un peu pareil au début : on se demandait comment on allait être reçu et finalement c’est vrai que ça a été génial. Il n’y a eu aucun souci. Tout le monde a été, je pense, ravi qu’on vienne s’installer là. Dans ce quartier en devenir, un peu alternatif… Ce qu’on a fait là-bas, on espère arriver à le recréer ici.

 

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On n’est vraiment pas du tout limité à un certain style. C’est ça qui est le plus intéressant pour nous et c’est ça qu’on recherche. Sans faire du grand public, nos produits parlent d’eux-même, on attire une cible assez précise, mais on veut quand même s’adresser à tout le monde. On ne veut pas être élitiste. On veut avoir des produits exceptionnels et exclusifs, c’est notre image de marque. Mais on a aussi la general release qui plaît à tout le monde. On essaye d’avoir plusieurs niveaux, pour satisfaire une clientèle vraiment diverse.

 

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Vous êtes installé depuis 1999 en Suède et avez une expérience considérable en Suède. Avez-vous pour but de vous adapter au marché français, ou plutôt d’apporter la touche suédoise ?

A : Clairement un peu des deux. On va être à l’écoute de la demande locale, c’est ce qu’on fait déjà un peu à Londres. Mais malgré tout, je crois aussi qu’avec les réseaux sociaux et au site internet, que les fans ont pas mal de goûts en communs dans tous les pays. Même aux US, ou en Australie. Donc à ce niveau-là, ce sont vraiment de légères adaptations sur certains modèles. Après c’est clair qu’on a notre touche, on est connu pour un certain type de produit. Même au niveau de la déco, on a fait des choses qui ressemblent à ce qui a été fait à Londres et à Stockholm, mais malgré tout il n’y a rien d’identique. Quelqu’un qui rentre dans la boutique peut avoir à peu le même ressenti. Mais malgré tout, il n’y a rien d’identique.

 

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Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?

A : L’objectif à long terme évidemment, on est là, on veut le rester très longtemps, mais pour l’instant il n’y a pas de projet d’en ouvrir d’autre ni sur Paris ni en France. On voulait se concentrer. En général, on fait une seule ville par pays et on se concentre pour faire les choses bien. On ne sera jamais une grande chaîne avec des portes multiples sur un pays. L’optique est plus de vraiment bien s’occuper du client, de créer une atmosphère et une expérience qui soit vraiment agréable et après, je pense qu’il y aura des boutiques dans d’autres pays. Mais rien d’autre n’est prévu sur Paris, non.

 

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Quels sont vos produits « stars », ceux qui marchent le mieux ?

A : C’est facile, je pense que c’est le cas partout. En gros c’est Nike, Adidas, Jordan. C’est ce qui ressort de toute façon toujours dans toutes les boutiques. C’est là que la demande est en général la plus forte. Evidemment il y a la Yeezy qui à chaque fois bat tous les records d’affluence pour les releases. Parce qu’elles sont limitées et qu’il y a une demande qui excède très largement l’offre. Après Jordan ça reste une valeur sûre mondialement, mais à Paris aussi il y a une forte clientèle. Et après il y a tous les autres qu’il ne faut pas oublier non plus. Je pense qu’on est connu pour Asics, New Balance, Vans… On est dans une ville où il y a des flagships Nike et Adidas etc. et il y a pas mal de gens qui vont là-bas aussi. C’est vrai que ce qui intéressant aussi c’est d’avoir un beau corner femme, parce que ça ce n’est pas forcément évident. Mais après on a beaucoup de marques qui sont super intéressantes et on a beaucoup de demande. Comme New Balance. Encore aujourd’hui quelqu’un venait pour ça et a été agréablement surpris de voir tout ce qu’on avait. Ce sont des choses, qui je suppose, sont difficile à trouver, et qu’on avait ici. Asics c’est pareil. Le plus gros de la demande reste nos collabs. Ce sont des exclus, donc il y a des chaussures qui sont vendues peut-être dans un ou deux points de vente ailleurs parfois à Paris, mais là il y en a qui sont vraiment nos exclusivités et celles-là, les connaisseurs viennent les chercher chez nous.

 

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Shop Sneakernstuff
95 Rue Réaumur, 75002 Paris

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Photos : Sneakersnstuff

YARD est partis à la rencontre d’Ahmed El Mousaoui, jeune boxeur français d’origine marocaine, destiné à un grand avenir dans le Noble Art, dans sa préparation pour son combat face à l’Australien Jeff Horn organisé en Nouvelle-Zélande, pour remporter le titre IBF-Intercontinental des poids welters.

« Tu en trouvera jamais un tel niveau de basket d’été, où que ce soit dans le monde » comme le dit si bien le coach Nhamo Shire, qui emmène avec lui des équipes d’Angleterre pour participer au Quai 54 depuis 10 ans. Cette année, Nhamo a doublé ses chances en envoyant deux teams pour le tournoi mondial du Streetball : les pros expérimenté de Midnight Madness et l’équipe junior Midnight Madness Futures. Ces derniers, donc l’équipe ne réunis que des nouveaux, a surpris tout le monde en se frayant un chemin jusqu’aux demi-finales pour affronter La Fusion (France), l’équipe invaincue du Quai 54 (gagnante en 2008, 2009, 2010 et 2012) menée par la légende Amara « Amiral » Sy. Watch & witness!

Deux ans après le très réussi Haute-Voltige, ascension vertigineuse vers les « hautes sphères du Kilimandjaro », Espiiem revenait poser début novembre dans les bacs Noblesse oblige, son dernier effort, avec toujours la discrétion en guise de signature. Un personnage atypique et distant, qui s’efforce de rester sobre dans un rap où l’ostentation devient progressivement une norme. À l’occasion de la sortie ce premier véritable album, le jeune noble s’est installé à nos côtés, et a notamment évoqué avec nous la genèse de ce projet, ses ambitions de sommets, ses envies d’ailleurs ainsi que beaucoup d’autres sujets.

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Tu as fait successivement partie des groupes Cas de Conscience et The Hop. Que t’ont apporté ces expériences ?

Pour ce qui est de Cas de Conscience, c’était un groupe composé uniquement de 4 emcees, donc c’est une structure qui m’a stimulé essentiellement au niveau de l’écriture, ca m’a permis de me trouver en tant que rappeur. À côté de ca, The Hop c’était quelque chose de plus acoustique qui m’a vachement aidé sur la dimension artistique des morceaux. Ça m’a appris à ne plus uniquement me cantonner à des couplets basés sur des techniques de rap, mais à voir le morceau dans sa globalité.

The Hop est justement un véritable « live band » plus qu’un traditionnel groupe de rap, et l’on retrouve encore dans ta musique une grande place laissée aux instruments. En quoi est-ce important pour toi de conserver cette dimension instrumentale ?

C’est important pour moi parce qu’avant d’être un rappeur, j’étais un auditeur de rap et principalement de rap américain. Et quand j’étais plus jeune, je ne comprenais pas forcément toutes les paroles qui étaient dites, du coup j’étais vachement attentif aux instrus. En évoluant j’ai gardé ça et c’est ce qui explique aujourd’hui que je mets vraiment un point d’honneur à ce que mes instrus soient à la hauteur.

Quant à l’utilisation d’instruments, c’est effectivement quelque chose que j’ai depuis The Hop. Je continue de travailler cet aspect parce que je trouve que ca apporte une touche supplémentaire au morceau. J’essaye de considérer ma voix elle-même comme un instrument et parfois j’aime bien le faire en duo avec un autre instrument, je trouve que ça apporte quelque chose en plus.

En 2013, tu avais expérimenté des sonorités proches de la trap et du cloud-rap avec le projet Haute-Voltige. Qu’est-ce que ça t’inspire de voir à quel point ces registres se sont depuis démocratisés et popularisés en France ?

D’abord je suis content parce que ca veut dire que je me suis orienté dans une direction qui était plutôt bonne, en France en tout cas. Je n’étais pas complètement à l’Ouest en faisant ce projet. Après, maintenant que ca s’est établi, ca ne m’intéresse pas d’être uniquement cantonné à ça. L’idée c’est d’aller toujours un peu plus loin. Du coup je voulais garder un peu de ce côté électronique et le faire rentrer dans une dimension plus acoustique. C’est là qu’il y a une brèche à creuser selon moi, et c’est l’étape vers laquelle que je voulais tendre avec Noblesse oblige.

Bien que tu sois très jeune, ta personnalité et le respect que t’accordent d’autres rappeurs de la nouvelle génération te feraient presque passer pour un vétéran. Comment expliques-tu ce paradoxe ?

C’est trop bizarre. Je pense que c’est lié à mon tempérament, je suis assez calme comme personne. C’est peut-être aussi lié au son que je fais, je ne suis pas trop vulgaire dans mes textes, que je ne sois pas dans un truc « hardcore ». On ne dirait pas que j’ai la « fougue » du jeune, c’est quelque chose que je garde pour moi. Peut-être aussi que je fais un peu plus âgé physiquement. Après il faut dire que j’ai 26 ans, ce n’est pas très jeune non plus. Je pense que tout cela joue là-dedans mais pour être honnête je ne me l’explique pas vraiment. Ça peut aussi se comprendre par le fait que musicalement j’arrive à voir vers où le son va se diriger, à identifier des artistes qui vont émerger. Peut-être que ce genre de choses me place un peu en précurseur… Je n’en sais rien à vrai dire. Mais c’est vrai que moi-même je me suis déjà posé la question.

Tu as toujours dit vouloir effectuer une gradation dans tes projets : d’abord un EP, puis un mini-album et enfin un album. Maintenant que Noblesse oblige est dans les bacs, as-tu le sentiment d’achever une sorte de premier cycle dans ton parcours musical ?

Clairement. Après la musique va tellement vite que parfois il y a des gens qui écoutent un moment, puis s’éloignent de ton univers, reviennent… Peut-être qu’en écoutant l’album, le public va trouver des jonctions avec les autres projets et trouver ça redondant, ce que je peux comprendre. Mais je voulais vraiment finir par un projet plus dense, un album avec un seul et même producteur, qui viendrait sceller quelque chose. De cette manière, si j’étais amené à arrêter demain, je me dirais que je suis allé au bout de ce que je voulais faire.

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Quel bilan tires-tu de ce premier cycle de ta carrière ?

J’en tire que du positif, évidemment. Sur le plan musical, j’ai le sentiment de m’être épanoui au fil des années. J’ai découvert beaucoup de choses, beaucoup d’influences et de références. Je reste passionné par la musique hip-hop, c’est vraiment quelque chose que je vis au quotidien. Sur le plan humain, c’est assez dingue parce que tous les proches avec lesquels je suis sont toujours avec moi dans la musique, on avance tous ensemble à des rythmes différents. Au-delà de ça, ça me permet de voyager et je gagne correctement ma vie grâce à ça. Ce n’était pas gagné d’avance. On est tellement nombreux à pratiquer cette discipline où j’ai souhaité rester dans un truc « underground », que je me considère comme un privilégié. Le simple fait de pouvoir faire des interviews, que certaines personnes s’intéressent à la musique que je fais, ça me suffit amplement. Beaucoup d’autres pratiquent ça avec autant d’amour que moi et n’ont pas cette chance. Avec ce que j’ai déjà accompli, je me dis que je peux déjà partir fier.

Sur l’album, tu évoques de manière récurrente la discrétion dont tu fais preuve malgré tes aspirations de grandeur. Ne penses-tu pas que l’un puisse constituer un frein à l’autre ?

Complètement. Ça peut l’être mais en même temps c’est ce qui me correspond. Je ne me force pas à en faire davantage, j’essaye vraiment d’être intègre avec moi-même. Après quand je parle d’aspiration de grandeur, je ne suis pas forcément focalisé sur l’aspect musical, c’est aussi par rapport à la vie de tous les jours. Mais pour revenir à la musique, j’ai eu l’opportunité d’aller beaucoup plus haut, que ce soit par des collaborations qui m’ont été proposées ou des demandes venant de majors que j’ai reçues et que j’ai refusées parce qu’elles ne me convenaient pas. Je me considère encore comme un artiste « en développement » et souvent ce ne sont pas des propositions avantageuses pour moi. Si je veux monter d’un cran médiatiquement, j’ai les rouages qu’il me faut pour le faire. Donc ce n’est pas quelque chose que je vis mal dans la mesure où c’est moi qui fait le choix d’être dans cette situation. C’est déjà un bonheur d’être dans mon statut actuel d’indépendant. Si j’arrive à aller plus haut tout en restant fidèle à ce que je suis, c’est d’autant plus réjouissant.

Un homme qui semble avoir joué un rôle essentiel sur cet album, c’est le producteur Astronote. Comment l’as-tu découvert et choisi pour encadrer ce projet ?

La connexion s’est faite grâce à un autre producteur qui s’appelle AAyhasis, qui est orléanais comme Astronote et qui avait produit deux morceaux sur mon premier EP L’Été à Paris. J’étais en discussion constante avec lui parce que humainement on s’entend très bien et il m’a parlé du travail d’Astronote. De là, je suis parti plusieurs fois à Orléans pour les voir et j’ai accroché directement. On partage les mêmes valeurs ; c’est quelqu’un de très discret, c’est un travailleur passionné tout comme moi, il écoute tout ce qui se fait en hip-hop… D’une certaine manière, je pense que si j’étais producteur, je serais un peu comme lui et lui – sans parler à sa place – se rapprocherait de ce que je fais s’il était emcee. On se complète vachement bien du coup. La musique a également motivé mon choix parce que j’ai vu qu’il était éclectique et qu’il pouvait s’adapter à mes requêtes. Quand je lui indiquais des directions pour mes morceaux, il ne faisait pas que les copier, il incorporait sa propre science dedans. C’est aussi ce que j’essaye de faire en tant que rappeur : rester en phase avec mon temps tout en y ajoutant ma propre touche, donc on s’est retrouvés là-dessus. En plus il est aussi ingénieur du son et arrangeur, donc il était en mesure fournir un travail complet.

Espiiem - Noblesse Oblige (Orfevre LabelMusicast)

C’est quelque chose qui te tenait vraiment à cœur de faire cet album avec un seul et même producteur ?

Franchement oui. Pour moi c’est quelque chose qui se perdait vachement, que ce soit en France ou aux États-Unis. Aujourd’hui les albums sont souvent – souvent, pas tout le temps – des patchworks de différents producteurs. Là je voulais vraiment un projet avec une vraie ligne directrice bien définie. Un peu comme les premiers groupe, où il y avait le emcee et un beatmaker qui fixaient la colonne vertébrale du projet. C’était une idée que j’avais en tête depuis longtemps et vu qu’Astronote était un peu tout terrain comme moi, il y a directement eu une alchimie qui s’est créée. Après j’ai conscience que c’est un parti-pris « violent » pour l’auditeur dans la mesure où il y a seulement deux options : soit il accroche et il se prend tout d’une traite, soit il n’aime pas et il passe totalement à côté du projet.

Quelles sonorités t’ont influencé dans le processus de création de l’album ?

J’ai beaucoup écouté des artistes qui mêlent du rap et du chant, mais sans se cantonner à faire un couplet rappé puis un refrain chanté. Comme j’ai commencé à travailler l’album au Canada, j’ai beaucoup écouté des artistes locaux tels que Tory Lanez, Derek Wise ou Drew Howard. Le point commun entre tous ces artistes-là c’est que leur musique s’oriente presque vers le R&B et ca me plaît beaucoup quand c’est bien réalisé. C’est des sonorités électroniques mais pas dures comme ce qui peut se faire à Chicago ou Atlanta par exemple. La scène canadienne me plaît parce que c’est un son puissant et lourd mais qui est très mélodique à côté.

Cette dimension chantée, tu penses qu’elle va prendre de plus en plus de place dans ton œuvre ?

Je pense que oui. Après comme souvent ca marche par phases, un rien peut t’influencer dans un sens comme dans un autre. Je suis un amoureux du hip-hop et là par exemple, il y a Shadow of a Doubt, l’album de Freddie Gibbs qui vient de sortir, lui il rappe dur et quand tu l’entends ça te donne envie de rapper. Mais d’un autre côté j’aspire à essayer des choses nouvelles et le chant peut en faire partie. Beaucoup d’auditeurs ne seront pas forcément d’accord avec ça, mais ce n’est pas forcément de leur ressort. L’idée c’est de rester soi-même et de faire ce qui me plaît. Certains arrivent à suivre chaque étape de ton évolution artistique, d’autres vont arrêter d’écouter parce qu’un projet ne leur aura pas plu, d’autres vont découvrir en cours de route. Je ne me pose demande pas à qui je vais plaire, parce que je pense que c’est le début de la fin. Quand tu cherches à t’adapter au public, tu as un temps de retard parce que tu es dans l’attente de quelque chose. Si je commence à voir la musique comme un calcul, j’ai perdu.

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Plusieurs fois dans cet album tu te montres critique envers le monde du rap et notamment les rappeurs. Pourtant, ton discours semble dénué de tout jugement de valeur. Comment parviens-tu à tenir de tels propos sans avoir l’air d’être moralisateur ?

Déjà, je suis content que tu ne l’aies pas ressenti comme ça parce que je ne veux pas du tout avoir l’air moralisateur. Je ne pense pas l’être parce que je m’inclus aussi dans les failles du milieu. Du coup, je n’agis pas comme si j’étais perché et que je disais aux autres : « Regardez-vous, vous faites les trucs comme ça, c’est cheum, faut faire ça. » Au contraire, je dis qu’on n’est dans la même galère et que chacun doit puiser en lui-même pour se transcender. Je suis en plein dans ce combat.

Pourtant dans « Sombre & Sobre », il y a une ligne où tu dis « Pour percer y’a deux façons quand j’observe les autres rappeurs, c’est d’être très consensuel ou très provocateur. » Tu te places en dehors de tout ça ?

C’est un constat global. Et puis ça m’amusait de le dire tel quel parce que c’est ce que je pense. On est dans une époque où soit tu fais quelque chose de très policé, soit tu rentres dans un délire de provocation qui est devenu paradoxalement « classique ». Jouer la carte de la provocation, ça n’a plus la même valeur qu’avant. Chacun est à la course au buzz et à l’événement, du coup ça m’amusait de retourner le truc en disant : « Puisque vous êtes tous venus pour mettre le hella, bah moi je vais rester sobre et c’est là que ca va trancher ».

La ville de Paris constitue un décor omniprésent sur tes trois projets, ainsi qu’un élément notable de la pochette de Noblesse oblige. Dans quelle mesure ton environnement influence ton œuvre ?

Je suis né à Paris et j’y ai vécu toute ma vie hormis deux ans que j’ai passé dans le sud-ouest. Je suis vachement attaché à cette ville d’autant que je vis en plein centre de Paris. Tu vois un quartier comme Châtelet par exemple, c’est là où tout se passe, le centre c’est vraiment le point vital de la ville. Je baigne dedans, j’y ai passé des journées et des nuits entières, surtout quand j’étais plus jeune. Du coup je suis comme habité par cette ville, c’est mon univers et mon atmosphère et ça se retranscrit dans mes morceaux.

Tu sembles te plaire à souligner tous les paradoxes de cette grande ville.

Carrément. D’un quartier à un autre, tu vas voir une population totalement différente, c’est le genre de choses qui témoigne de la richesse d’une ville. C’est fou, tu vas voir des buildings incroyables avec des gens super aisés et au bas du bâtiment tu as des clochards qui sont là à mendier. Tu vois des grandes disparités qui sont encore plus flagrantes qu’à la campagne. Il y a un melting-pot de plusieurs choses qui se croisent : des cultures, des religions ou des milieux sociaux. C’est le genre d’éléments hyper intéressants pour quelqu’un de curieux comme moi.

Dans tes textes on a le sentiment que c’est un peu une « ville du vice », comment fais-tu ta place dans un tel décor ?

Ma place je me la fais difficilement mais c’est précisément ce qui me plaît. Ça me plaît d’être au cœur d’un mouvement super diffus, parce que je pense que c’est plus facile d’être sain quand tu vis dans le désert ou à la montagne. Là, en étant dans la jungle, je trouve ça beaucoup plus fort de s’astreindre une rigueur, parce que je suis soumis à plein de tentations, plein de vices. Mais c’est ce qui rend le truc palpitant d’une certaine manière. J’ai des périodes où je suis totalement déphasé, d’autres où je suis en harmonie avec moi-même. Quand je suis en dehors de Paris la ville me manque, quand j’y suis je me dis parfois que l’énergie est mauvaise par rapport à d’autres grandes villes où c’est moins « chacun pour soi ».

Tu as le sentiment d’en avoir fait le tour ?

Oui parce que c’est une vie harassante que je mène ici et puis j’aspire toujours à aller ailleurs. Paris c’est un cap dans ma vie mais je pense à voyager, à partir dans d’autres pays. J’ai fait un peu le tour, j’ai fréquenté des classes sociales beaucoup plus élevées, d’autres beaucoup plus modestes. Même d’un point de vue culturel, j’ai visité tous les musées, j’ai fait toutes les sorties qu’il y a à faire ici. J’ai besoin de nouveaux défis, je n’aime pas m’ennuyer ou me reposer sur mes lauriers. J’aime cette ville mais c’est un amour « haineux » parce que j’ai aussi envie de me casser.

Là où d’autres optent pour des destinations « bling-bling » ou un dépaysement radical, tu pars te ressourcer à « Biarritz ».

Comme j’ai vécu deux ans dans un petit village dans le sud-ouest, on allait souvent à Biarritz et c’est un peu devenu ma ville de cœur, mon refuge. Et ça m’amusait de parler de Biarritz comme j’aurais pu parler de Long Beach. Je voulais parler de cette ville dans l’album, en faire un morceau ensoleillé mais pas forcément exotique. On ne s’en rend pas forcément compte mais la France c’est un pays magnifique. Tout est à faire ici. Là je reviens de Marseille et rien qu’en faisant Paris-Marseille en train, tu vois des paysages incroyable, c’est dire.

La sortie de Noblesse Oblige t’a également donné l’opportunité d’effectuer ta première télé. En sachant l’accueil qui est généralement réservé aux rappeurs sur le petit écran, n’as-tu pas eu une certaine appréhension ?

J’avais une appréhension seulement parce qu’il s’agissait de quelque chose de plus officiel, je savais qu’une partie de ma famille allait pouvoir le voir, c’est plus institutionnalisé donc ça les rassure. En réalité, j’ai le sentiment d’avoir été bien accueilli, il ne m’ont pas dit de dingueries et quoiqu’il arrive je pense être suffisamment armé pour répondre à des choses plus complexes. Ma seule crainte c’était qu’on veuille me piéger sur de l’actualité alors que je viens essentiellement pour de la musique. Ça m’aurait un peu agacé, mais en l’occurrence ca n’a pas été le cas. Quand tu es en télé, tu sais aussi que c’est destiné à un public qui n’est pas averti. C’est une sorte de vulgarisation de la musique et du rap car ça ne s’adresse pas à des passionnés comme nous. Je sais que le sujet ne va être que survolé.

Quel est ton ressenti personnel sur l’image du rap qui est véhiculée dans les médias, notamment télévisés ?

Il y a toujours un décalage en France, parce qu’on est assez conservateur et que les gens ne se rendent pas compte que ca fait vingt ans que le hip-hop est là au final. À la télé, ils ont toujours cette image du rap qui doit nécessairement être politique, sans se rendre compte que c’est un champ large avec différentes branches. Sauf qu’à chaque fois on va vouloir te ramener à cette même branche politique et si tu n’es pas dedans, on va vouloir absolument que tu prennes parti pour telle ou telle chose. Je pense que c’est le fruit d’une longue tradition dans la musique française, mais le rap c’est plus subtil que ça. Après, contrairement à d’autres, je suis plutôt optimiste à ce sujet, parce que ceux qui détiennent les médias vont changer au fil du temps, ce sera des gens qui auront intégré cette culture en eux et qui ne la verront plus comme un OVNI.

Tout le long de l’album, on retrouve des hommages rendus à l’Homme de l’Est. As-tu l’impression de porter avec toi la carrière qu’il n’a pas eue ?

Vraiment. C’était archi important pour moi de le citer sur cet album, quitte à paraître redondant. Il fallait qu’il soit présent car c’est un peu son album aussi. À partir de maintenant, je vais garder ça pour moi et je ne le distillerai plus. Je parlerai d’autres choses ou j’arrêterai carrément. Mais c’est vrai que j’ai un peu le sentiment de porter notre carrière, d’achever quelque chose qui ne l’était pas. Au moins maintenant, je sais qu’il y a une trace concrète.

Pour conclure, j’ai pu apprendre que tu participais régulièrement à des ateliers d’écriture. En quoi est-ce important pour toi de transmettre ton savoir aux plus jeunes ?

Ils sont d’une autre ville, ils ont entre 17 et 18 ans et ils ont la rage, c’est ce que j’avais aussi à une époque. Ils veulent vraiment écrire et ils sont à fond dedans. Du coup je fais le déplacement une fois par semaine à Villiers-le-Bel – ce qui n’est pas tout près de chez moi – simplement parce qu’ils ont en eux le feu sacré. Et puis au-delà de ca, ca créé un véritable échange. Je ne place pas en tant qu’ancien, parce qu’on est dans le même bateau, mais ils sont en demande. Je leurs transmets des techniques, un savoir-faire. Après ils se l’approprient ou pas, mais au moins ils savent un peu tout ca. C’est important de partager ce truc là, parce qu’on l’a fait pour moi. L’Étrange, qui rappait un peu avant moi, a fait ce travail de canevas auprès de moi. Je n’en fais pas état parce que c’est vraiment que du plaisir. Je fais une heure de trajet juste parce que de l’autre côté, il y a des mecs qui ont la dalle.

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Si vous suivez l’actu sportive locale ou le basket, vous avez surement du en entendre parler. Après une présentation et une conférence de presse en haut-lieu en septembre dernier, Hoops Factory est sur le point de bientôt ouvrir ses portes et constituera sans aucun doute un des évènements de cet hiver.

Le concept est on ne peut plus simple : un complexe indoor qui sera la première structure en France dédiée à la pratique du basketball, the place to be pour tous les passionnés de la balle orange qui souhaitent vivre leur passion toute l’année, sans se soucier des soucis d’intempéries.

Hoops Factory, telle une véritable usine à paniers, sera un lieu ouvert 7 jours sur 7 de 10h à minuit 350 jours dans l’année. Située à Aubervilliers, à deux minutes de Pte de la Villette, le centre sera constitué de 6 terrains (4 terrains 5X5 et 2 terrains de 3X3) sur une surface totale de 2500 m2. L’aspect performance ne sera pas négligé puisque le parquet du site sera celui utilisé en NBA et les panneaux seront constitués de plexiglas  Hoops Factory ambitionne avec ce lieu de répondre à la forte demande des sportifs de la région Parisienne, favoriser l’accès à des équipements sportifs de qualité et créer une nouvelle génération de complexe thématique à l’image de ceux déjà présents dans le football (Five, Urban…).

Fort de ses deux parrains de marque Evan Fournier et Rudy Gobert ,d’une équipe créative constituée de passionnés derrière le projet et de l’appui de Nike en tant que partenaire, nul doute que Hoops Factory possède toutes les cartes en main pour devenir dès son ouverture, le nouveau temple du basketball en France.

Suivez toute l’actualité de Hoops Factory sur leur compte Instagram

Les plans en 3D ci-dessous donnent un aperçu avant l’heure de ce à quoi ressemblera le lieu.

 

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COULOIR

 

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PLAN

 

Facade sud

 

Facade cafeteria

 

Images 3D : Elliott Penel

 

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Jeudi 26 novembre sur les Docks de la Cité de la Mode et du Design se tenait enfin la finale du tournoi de street football Nike Football X. Une finale remportée par l’équipe Danube face à l’équipe de Garges qui représenteront toutes les deux la France lors de la finale européenne a Amsterdam.

Une soirée ponctuée d’une YARD Party animée par Hologram Lo et Supa! et les live de Gradur et Niska.

Photos par H.Lenie & Kevin Couliau

À 22 ans, Wafia inspire déjà la mesure et la sagesse. Après le succès de son premier titre « Breathe In », il y a deux ans, elle poursuit son chemin sans précipitation et dévoile aujourd’hui le fruit de son travail, l’EP XXIX. Un projet sur lequel elle s’entoure de collaborateur de qualité tel que Thrupence et Ta-Ku, capable de mettre en valeur sa voix profonde et hypnotique.
Découvrez en quelques questions, cette artiste à l’avenir indéniablement prometteur.

 

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Comment as-tu l’habitude de te présenter ?

Seulement en tant que Wafia. C’est mon prénom. Le seul autre nom auquel je répond est Waf.

 

Quel est ton premier souvenir de toi, voulant faire de la musique ?

J’ai toujours chanté mais ce n’est pas avant l’âge de 17 ans que j’ai écris ma première chanson et je me souviens que c’était ma façon de procrastiner au lieu d’étudier pour un examen de fac. Cette année-là, j’ai juste continué d’écrire de la musique, j’ai appris à jouer de certains instruments et c’est devenu difficile de trouver du temps pour la fac après ça.

 

À partir du moment où tu as pris cette décision, qui as été ton plus grand soutien ?

Et bien j’ai pris cette décision sur le chemin vers mon dernier examen universitaire, l’année d’après. J’étais dans la voiture avec mon père et je lui ai dit que je ne pouvais pas passer au grade supérieur parce que je sentais que ma place était dans la musique. Il m’a juste regardé, souri et il m’a dit : « Je sais ». J’avais anticipé ce moment comme une petite lutte avec mes parents, mais ils me connaissaient bien mieux que ce je pensais à l’époque. Ils n’ont pas arrêté de me soutenir depuis.

 

 

Tu as reçu pas mal d’attention après la sortie de « Breathe » In sur le projet Japanese Wallpaper et ensuite avec ta reprise de « Let Me Love You ». Comment  as-tu géré ça ?

Je pense que je l’ai bien géré. Après ces deux sorties, j’ai toujours eu cette hâte de faire d’autres morceaux tout de suite après, mais je n’étais jamais prête. Mais ces deux chansons sont devenues un peu virales et je savais que je ne voulais pas tomber dans une hype. Je me suis dit que si mon public m’aimait assez, il serait d’accord pour attendre que je fasse quelque chose de bien pour le partager avec eux.

 

Et puis tu as récemment sortie l’EP XXIX. Quel a été ton processus créatif ?

Essentiellement de l’écriture à la maison puis apporter des démos et des idées à d’autres personnes pour ce projet, spécialement Jack Vanzet (Thrupence) au début. Il a été la première personne à me donner une chance, je sais que j’ai trouvé le collaborateur de toute une carrière et un ami pour la vie.

 

 

Entre temps, tu as aussi collaboré avec Ta-ku, vous êtes tous les deux Australien. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

En fait on s’est rencontrés d’une façon assez drôle. J’étais à Melbourne pour travailler avec Jack quand j’ai pris une journée pour faire le photoshoot d’un magazine. On prenait des photos sur un terrain de basket quand un gars a essayé de photobomb mon shoot en faisant un « rap-squat ». Je lui ai juste jeté un coup d’œil et comme je commençais à être embarrassée, j’ai marché vers mon publiciste en disant : «  C’est qui ce looser qui se prend pour Ta-Ku ou je sais pas qui ? » J’ai encore regardé derrière moi et PJ, le photographe, était en train de parler au gars. Il m’appelle et me dit « Wafia, voici Reggie, il fait de la musique aussi, sous le nom de Ta-Ku. ». J’étais choquée et je ne voulais rien lui dire, mais cette nuit-là j’ai regardé mes réseaux sociaux avant d’aller au lit et Ta-ku m’avait envoyé un message : « On travaille ? »

 

Comment travaillez-vous ensemble ?

Au début on travaillait principalement via Internet parce qu’on vit à des points opposés du pays. Mais dans les derniers mois, on s’est vus un peu plus avec tous les concerts qu’on a fait ensemble. On a eu notre première session ensemble à New York et elle était géniale. Notre alchimie musicale opérait encore mieux en personne.

 

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Retour sur ton album : le titre et la cover représentent le cuivre. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le cuivre est un métal en transition, ce qui veut dire qu’il est toujours en état de transformation ou de changement parce qu’il s’adapte à la situation dans laquelle il est placé. J’ai senti que c’était la métaphore la plus convenable pour décrire mon état actuel.

 

Comment ça se traduit dans tes morceaux ?

Et bien toutes les chansons de l’EP ont été écrites avant, pendant et après que j’effectue un changement dans ma vie. Le cuivre est plus métaphorique que littéral.

 

Quels sont les artistes que tu estimes le plus ?

J’admire vraiment Robyn, Sia et The Weeknd pour la façon dont ils ont géré leur carrière et leur trajectoire.

 

 

Quelle serait la collaboration de tes rêves ?

(Rires.) J’en ai tellement. Drake, Kanye West, The-Dream, Jay Z, Beyoncé. Il y a aussi cette rappeuse, Tink, que j’aime beaucoup, je voudrais bien qu’on fasse de la musique ensemble.

 

Quels sont tes prochains projets ?

Et bien je travaille sur quelques collaborations en ce moment, je commence à écrire pour d’autres artistes aussi ainsi que pour ma prochaine œuvre .

 

Si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu là, tout de suite ?

Je terminerais ma troisième année de médecine, comme j’étais sensée le faire.

 

Englouti dans la tourmente, dévoré par le scandale, Karim Benzema perd de plus en plus pied ; il ne se relèvera peut-être pas. Le joueur a beau avoir trempé un pied, peut-être plus, dans l’affaire du chantage à la sextape de Valbuena, il faisait déjà figure de coupable idéal dès la tombé des premières bribes d’informations, bien avant la révélation des écoutes. Un délit de faciès pris en flag.

 

« Métèque et mat »

 

12 juillet 1998. Les Français se délectent de la victoire de leur équipe en Coupe du Monde, s’enivrent d’effervescence collective, d’extase fusionnelle, de ferveur nationale. Ils noircissent l’avenue des Champs-Elysées, louangent la génération black-blanc-beur et vénèrent leur nouvel idole, Zidane, dont le portrait gigantal s’affiche sur la façade de l’Arc de Triomphe. Les faiseurs d’opinion se frottent le ventre en évoquant cette France « tricolore et multicolore ». Le symbole est beau, presque trop. Près de vingt ans après, qu’en reste-t-il ? Abimé par des résultats en dents de scie, des Marseillaises conspuées en préambule des matchs contre l’Algérie (2001), le Maroc (2007) et la Tunisie (2008) et une grève cultissime à Knysna. Une série d’événements qui aura précipité des discours aux relents xénophobes et forcé les interrogations sur le patriotisme de certains joueurs. Les moins blancs se ficheraient de porter les couleurs de notre pays, de mouiller le maillot national ; la preuve, celui-là et celui-ci ont l’insolence et le culot de ne pas chanter l’hymne hexagonal. Affront absolu. Même le blog people de Morandini s’en mêle, rapporte que « si certains chantent, d’autres préfèrent mâcher du chewing-gum ou garder la bouche fermée ». En ligne de mire : Karim Benzema. Ses pourfendeurs ont la mémoire courte ; dans les années 80, la bande à Platoche n’entonnait pas La Marseillaise, pas plus qu’Eric Cantona, Laurent Blanc, Zinédine Zidane ou Marcel Desailly. Et personne ne s’en émouvait. Qu’importe, la polémique ne cesse d’enfler.

 

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Le 19 mars 2013, Benzema réagit au micro d’RMC : « Si je mets trois buts, je pense qu’on ne va pas dire à la fin du match que je n’ai pas chanté La Marseillaise. C’est ça, le souci. C’est parce que ça fait un moment que je n’ai pas marqué en équipe de France. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai entendu, comme quoi je n’aime pas l’équipe de France. Il faut se calmer. J’aime bien l’équipe de France. C’est un rêve pour moi de jouer pour l’équipe de France.» Sa déclaration crée un raffut médiatique, soulève la fureur et l’indignation. Jérôme Béglé, le Directeur adjoint de la rédaction du Point, réagit crûment sur le site du magazine dans une tribune hallucinante titrée « Karim Benzema, tais-toi ! ». Il pose, entre autres : « Ce galimatias reflète bien l’état d’esprit de ces footballeurs surpayés et ingrats qui pullulent dans les championnats européens. Dans le monde des (à peine) trentenaires pourris par le fric, on peut ajouter l’insulte à la honte, la bêtise à l’incompétence ! […] Cédant aux sirènes du charity business, Benzema avait participé en février 2012 au concert des Enfoirés à Lyon. Sans doute a-t-il estimé que sa grandeur méritait un tel écrin. Il n’y a pas de doute, l’enfoiré, c’est lui ! ». Le FN est sur le coup et sur les dents, évidemment, et exige le renvoi de Benzegoal. L’occasion est trop belle. Le parti d’extrême-droite, et une flopée de médias dans sa foulée, ressort des archives des propos – simplifiés et condensés – du joueur, prononcés sept ans plus tôt, après avoir décliné les appels du pied de Jean-Michel Cavalli, le sélectionneur de l’équipe d’Algérie : « L’Algérie c’est mon pays, la France c’est juste pour le côté sportif ». La machine médiatique s’emballe de plus belle. « Benzema n’aime pas la France », le constat est exagéré, entériné et propagé. Pourtant, peu mouftaient lorsque Domenech implorait le franco-argentin Gonzalo Higuaín – n’ayant pas même vécu 1 an sur le sol hexagonal – de venir gonfler les rangs de l’Equipe de France. Tant qu’il met la balle au fond des filets. Karim est lucide : « Si je marque, je suis Français, mais si je ne marque pas ou qu’il y a des problèmes, je suis Arabe », déplorait-il auprès de So Foot en 2011. Lorsque les Bleus alignent les victoires, on s’enquiert forcément moins de leur sentiment d’appartenance à la République ou du nombre de fils d’immigrés dans l’équipe (Alain Finkielkraut, en tête, dénonce une équipe de France « black-black-black »). Cynique, Pierre Tanger écrivait dans le journal d’extrême-droite Minute lors du Mondial 2014 : « A partir de deux buts marqués contre le Honduras, on essaie tranquillement de nous expliquer toute la nécessité de la présence sur notre sol de quelques millions de Benzema. […] Il me faudra bien plus qu’un jeu de ballon pour me convaincre que l’immigration est une chance ». Le 21 novembre, en ouverture du clasico Real Madrid/FC Barcelone, KB s’est enfoncé encore davantage dans une fatalité qui lui colle aux basques. Après La Marseillaise jouée en hommage aux victimes des attentats qui ont frappé et meurtri Paris une semaine plus tôt, le joueur s’est laissé aller à un crachat. Le mollard de trop. Le geste n’est pas intentionnel évidemment, récurrent sur les terrains de foot. Et puis, Benze avait publié les jours précédents plusieurs messages de soutien à la capitale française. Malgré tout, le joueur a essuyé le vitriol des internautes, journalistes et politiques. Scandalisée, Nadine Morano a condamné un acte relevant « du mépris et de l’insulte faite aux victimes, à leurs familles et à la Nation toute entière » et posté un cliché estampillé « Karim Benzema a craché sur la Marseillaise ! ». Dans la demi-mesure, toujours. Cette fois, c’est sûr, le joueur a brutalement chuté en disgrâce.

 

 

 

« Hymne à la racaille »

 

En banlieue, le football, sport ouvert et hyper populaire, peut représenter une opportunité palpable d’ascension sociale. Nos cités sont des pépinières de jeunes talents, des couveuses de footballeurs en herbe dans lesquelles les clubs viennent piocher en masse. Karim Benzema, lui, originaire du quartier du Terraillon à Bron, n’a que neuf ans lorsqu’il intègre le centre de formation de l’OL. Il deviendra joueur professionnel à 17. La cité, il y a en vérité très peu goûté. La délinquance encore moins. Pourtant, l’avant-centre peine à se départir d’une image de racaille qui lui colle à la chair comme un pansement de trois jours. Comme lui, beaucoup d’autres sont irrémédiablement associés et ramenés à une condition sociale qu’ils ont quittée très tôt ou n’ont même pas connue.

En 2010, les « mutins de Knysna », – dont Benzema ne faisait pas partie – ces « caïds immatures qui commandent à des gamins apeurés », se sont trouvés violemment mis au pilori par les médias. Depuis les émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005 puis celles de Villiers-le-Bel en 2007, les banlieues sont perçues comme des lieux pestiférés, effrayants aussi, concentrant des maux sociaux, économiques et identitaires, des brebis galeuses qu’il faut « nettoyer au Kärcher ». Alors, lorsque le débat autour de la débâcle de l’Equipe de France s’est déplacé sur l’origine, réelle ou fantasmée, des joueurs, le racisme social s’est réveillé, les angoisses et tensions de la société se sont cristallisées. Du pain béni pour Alain Finkielkraut. Sur Europe 1, le sociologue borderline crachait sur « une bande de voyous qui ne connaît qu’une seule morale, celle de la mafia (…). Après la génération Zidane, aujourd’hui on a plutôt envie de vomir avec la génération caillera ». Sur France Inter, il parlait de « voyous milliardaires » et d’« une bande de onze petites frappes ». Les médias, qui le sollicitent régulièrement, raffolent de ses analyses abusives et provocantes. Vikash Dhorasoo lui-même, reconverti en blogueur sur Le Monde.fr Sport, répondait à la question d’un internaute lors d’un chat : « Cette équipe représente la France des banlieues, la France des ghettos […] Aujourd’hui, dans les quartiers populaires, le pouvoir a été abandonné aux caïds, et c’est ce qu’on retrouve en équipe de France». Les allégations sont simplistes, les boucs émissaires tout désignés.

 

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On plaque sur les joueurs une étiquette de racaille aussi vite qu’on qualifie les meneurs de jeu franco-algériens de néo-Zidane. Samir Nasri à cause d’un doigt sur la bouche et un « ferme ta gueule » à l’attention des journalistes de l’Equipe (qui n’est pas sans rappeler la langue tirée de Dugarry en 1998 contre l’Afrique du Sud). Hatem Ben Arfa parce qu’il n’aurait « aucun respect pour ses coéquipiers, ses entraîneurs », selon Jean-Michel Larqué. Jérémy Ménez parce qu’il « fait la gueule » et « va bouffer des kebabs à Vitry » avec « sa bande », selon Daniel Riolo. Karim Benzema parce qu’il a une « tête de méchant » sur les photos, selon Grégory Coupet. Qu’est-ce qu’une racaille au juste ? Un« ensemble d’individus peu recommandables, délinquants en puissance d’une communauté (banlieues, cités)» d’après Le Petit Robert. Quelque chose relevant davantage de la « culture de l’individualisme, du clan, du gangsta rap, de l’argent qui prédomine », d’après Daniel Riolo, qui avait publié en 2013 un ouvrage baptisé Racaille Football Club). La définition du journaliste brasse en fait grossièrement cultures street et bling bling. De quoi créer de dangereux amalgames. « Dès que quelqu’un parle mal, on dit de lui que c’est une caillera. J’ai reçu une très bonne éducation », s’agace Nasri auprès du Parisien. Dans un entretien au même canard, Benzema renchérit : « T’as un casque [sur les oreilles], t’es une racaille ? Sérieusement… Si j’étais une racaille, je ne jouerais pas au foot ! On juge beaucoup trop les footballeurs sur un détail. Et on ne s’intéresse plus à comment ils jouent mais comment ils sont, leur façon d’être ». Rien à faire, le Madrilène souffre d’une image de caillera de luxe, de délinquant doré sur tranche. Pour l’alimenter encore davantage à la lumière de l’affaire Valbuena, magazines et chaînes TV abreuvent leurs sujets de clichés du joueur à l’allure « bad boy ». En casquette ou hoodie d’abord, des attributs de « jeune de banlieue » dans l’imaginaire collectif. Au cas où on ne l’aurait d’ailleurs pas notifié, le JT de TF1 précise en voix off que le joueur porte « un sweat à capuche » lors de son arrivée à l’hôtel de police.  Le cul posé sur sa Bugatti Veyron ensuite, faisant des signes façon gangsta. Une dégaine de parvenu ? L’Equipe souligne en légende que les voitures de sport sont « son péché mignon ». Paris Match en remet une couche avec des photos en compagnie de ses potes au look « urbain » ou de Booba, décrit comme un « ami de longue date ». Tout pour corroborer son accroche : « Sa carrière l’a mené au Real Madrid mais sa cité l’a rattrapé ». La cité. Elle revient comme une mauvaise rengaine dans tous les papiers. L’Equipe ose même en sous-titre le jeu de mot « Déjà cité dans le passé ». L’entourage enfin. Paris Match évoque des « fréquentations d’éternel gosse des cités » et insiste lourdement, comme l’ensemble de la presse (y compris le très sérieux Le Monde), sur la force des liens, fraternels, unissant Benze à Karim Zenati, ce « délinquant de quartier ». On convoque aussi un troisième Karim, Djaziri, son agent pas très commode, rappelant que, lors du Mondial 2014, le bonhomme avait agressé des journalistes de l’Equipe, irrité par des critiques à l’endroit de son protégé. Frédéric Guerra, agent de Benzema jusqu’en 2004, coure les rédactions pour blâmer à son tour les amitiés tendancieuses du garçon, dont il ne sait à vrai dire plus grand-chose depuis dix ans. « Il est resté très quartier », assure-t-il. Enfin, on extrapole, on dramatise. Il faut inquiéter, il faut vendre. Le Figaro profite ainsi du cas Benzema pour s’épancher sur les liens entre le foot et « les milieux du banditisme, voire de la pègre », notamment à Marseille. Au détour d’une phrase, le quotidien décrit certains footeux comme « des garçons sans éducation, sans respect, sans conscience. Sans foi ni loi », citant en exemple la grève de Knysna. « Qu’on ne s’étonne pas, dans ces conditions, de les retrouver au tribunal avec les voyous », conclue le journaliste.

 

« D’une goutte de sang ils en font une flaque »

 

Karim Benzema est réservé, pudique et peu loquace. Ses commentaires sont souvent froids et lapidaires. Pas franchement le profil du bon client pour les médias. Pire, sa timidité et sa défiance peuvent passer pour de l’arrogance. Mais en réalité, il a de quoi être sur ses gardes.

Le milieu du ballon rond a furieusement évolué ces dix dernières années. Les joueurs deviennent professionnels beaucoup plus tôt, avec des salaires beaucoup plus généreux. Une ribambelle d’enfants-stars se retrouve propulsée sur les terrains des plus grands clubs et à la face des médias, sans avoir la maturité nécessaire pour le gérer. En centres de formation, les études sont de surcroît négligées au profit d’entraînements intensifs ; beaucoup de footballeurs professionnels accusent un niveau scolaire relativement bas. Ainsi, le groupe des 23 bleus sélectionnés pour la Coupe du Monde 2014 comptait seulement 9 bacheliers, de formation générale ou professionnelle (Landreau, Giroud, Lloris, Varane, Mavuba, Valbuena, Cabaye, Cabella et Sagna). Prendre la parole en public se révèle alors être pour certains un exercice particulièrement angoissant et épineux, avec son lot de fautes de français, de bafouillages, d’hésitations ou de « voilà quoi ». De quoi nourrir une condescendance des journalistes vis-à-vis des joueurs, qu’ils admiraient autrefois et dont ils moquent aujourd’hui le faible QI. Le Petit Journal (Canal+), L’After Foot (RMC) avec son top 50 ou encore le J+1 (Canal+) avec son « Bande de confs » se régalent lorsque les footballeurs égratignent la langue de Molière.

 

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Et puis, au-delà d’une distance « psychologique », un mur physique, un garde-fou, s’est dressé. Il est loin le temps où journalistes et joueurs voyageaient ensemble, traînaient dans les bars et bavassaient à l’hôtel ou dans les vestiaires. Dans son pamphlet « Vert de rage », Jean-Michel Larqué témoigne de l’époque où il portait les couleurs et le brassard de l’ASSE : « La tribune de presse se réduisait à une dizaine de journalistes pour les matchs de championnat. Les joueurs suivaient le match dit de « lever de rideau » depuis la tribune de presse. C’était l’occasion pour les journalistes de discuter avec nous. On papotait de tout et de rien. Ce serait impensable aujourd’hui ! Nous les retrouvions ensuite une demi-heure après notre match dans les vestiaires de Geoffroy-Guichard. Il n’y avait pas de zone mixte ni de joueur désigné pour parler à la presse. Les journalistes parlaient à qui ils voulaient ». Aujourd’hui, clubs, sélections, agents, attachés de presse et sponsors veillent jalousement sur leurs poulains et verrouillent la communication. Parallèlement, la concurrence médiatique s’est accrue, le nombre de supports a doublé, entre chaînes télé, émissions de radio, sites internet et titres de presse. Le besoin en informations a, lui, naturellement enflé. Pour émerger sur un marché saturé et faire du chiffre (le nombre d’exemplaires vendus de l’Equipe a, par exemple, baissé de plus de 30% sur ces dix dernières années), on recherche alors le scoop, l’info croustillante et exclusive, quitte à heurter la déontologie. C’est dans ce contexte que, le 19 juin 2010, L’Equipe brocarda en Une le « Va te faire enculer sale fils de pute » déformé d’Anelka. Le natif de Trappes est devenu le gibier d’éditorialistes à la plume acérée, pris au piège d’un emballement médiatique démesuré. Trois jours plus tard, la mère de Raymond Domenech, outrée, venait même pleurer à l’antenne d’RTL. Ingrédient parfait d’un feuilleton manichéen, narrant le monde en noir et blanc, littéralement. Elle s’est fait petite la voix de Robert Duverne (préparateur physique des bleus à Knysna) qui affirmait que cette histoire était du « pipi de chat » comparé aux accrochages dont il avait été témoin dans les vestiaires de l’OL. Les vestiaires, cet espace intime et bouillonnant, où l’on s’engueule, logiquement, voire se bagarre, à la mi-temps ou à l’issue d’un match perdu.

 

Les dérapages, les médias en ont fait leur fonds de commerce, relatant la moindre incartade, escapade nocturne, dépense excessive ou parole de travers. De ces garçons starifés et peopolisés, on exige un devoir d’exemplarité. Soumis à un jugement permanent, de leurs performances sportives comme de leur attitude, certains craquent. Comme Patrice Evra, Samir Nasri, Cyril Jeunechamp ou Karim Benzema, en postant sur Instagram un photo-montage de Pierre Ménès, Damien Degorre, Daniel Riolo et Jean-Michel Larqué juchés sur des poneys. Entre les sportifs et leurs observateurs, le torchon brûle. Benzema et ses « frasques » n’ont bien évidemment pas été ménagés. En juillet 2010, le joueur avait été mis examen dans le cadre de « l’affaire Zahia ». Les médias s’étaient alors empressés de le condamner avant l’heure, il aura finalement été blanchi. En mars 2012, VSD claironnait en couverture : « Karim Benzema : millionnaire du foot et petit-fils ingrat ». Yamina Haddou, la grand-mère du footballeur, réclamait à son petit-fils – qui, selon ses dires, refusait jusqu’ici de l’aider – une pension de 1 500 euros par mois pour subvenir à ses besoins. Une aubaine pour la presse qui s’était grassement emparée de l’affaire. Or, le joueur assurait payer le loyer de son aïeule depuis des années, quand ses parents, eux, réglaient ses dépenses courantes. Quelques semaines plus tard, Yamina Haddou se rétractait, reconnaissant avoir été manipulée. En juin 2013, Lyon mag rapportait qu’un Benzema mauvais joueur s’était embrouillé avec ses adversaires lors d’un tournoi amateur. La même année, l’attaquant avait écopé d’une amende salée pour excès de vitesse. En novembre 2015, bien des papiers colportaient que l’international avait été arrêté au volant d’un bolide, sans permis. Une information réfutée par l’intéressé, photo du papier rose à l’appui. Comme toutes les vedettes, ses faux pas sont guettés, épinglés, grossis, agités. Les médias se plaisent à les rappeler dans le cadre de l’affaire en cours et n’hésitent pas à pondre des articles ou reportages accablants, se foutant de la présomption d’innocence. Le Parisien ouvre le bal en énonçant que « football et morale [sont] deux mots qu’en ce moment l’esprit ne peut décidément pas associer». Christophe Barbier, le directeur de la rédaction de L’Express, soutient lui-aussi dans un édito vidéo qu’« avec les footballeurs c’est les valeurs, c’est l’éthique, c’est le comportement humain, c’est toute l’éducation avec un grand E qui semble nécessaire de reprendre dès la base ». Europe 1, quant à elle, stipule que Benze et son « ami » (Karim Zenati) se marrent au téléphone au cours de la conversation téléphonique qui a fuité et été abondamment relayée. M6 ou Closer prétendent de leur côté que le joueur aurait lâché : « Je vais lui faire comprendre. Il va payer ». Des propos non-vérifiés, que l’on ne retrouve d’ailleurs pas dans la discussion diffusée dans sa quasi-intégralité par l’Equipe. La presse frise l’infraction en tirant, bille en tête, à boulets rouges sur Karim Benzema, dont la culpabilité n’a pas été légalement prouvée.

C’est dommage, le football, au départ, c’était beau. Une fabrique à rêves, un distributeur d’émotions, une parenthèse enchantée où se mêlaient petits ponts, dribbles, crochets, roulettes et buts en pleine lucarne. Un idéal sociétal offrant à tout un chacun sa chance, rassemblant sous son étendard toutes les origines sociales, religions et couleurs de peau. Il est devenu cet objet mal réputé que l’on aime piétiner. Le football ne nous appartient plus ou, peut-être, nous appartient trop.

 

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Alors que les saisons sportives 2015-2016 battent leur plein, les sacres nationaux du PSG et du Stade Français l’année passée rappellent une réalité douloureuse : il manque à Paris des clubs de haut niveau continental. Ce constat amer n’est qu’une partie émergée de l’iceberg, car la capitale française n’est en réalité jamais parvenue à présenter un pôle sportif d’excellence digne de l’aura internationale dont elle jouit. Or avec un tel vivier de talents, Paris a ce besoin impératif d’impulser une dynamique sportive ambitieuse et cohérente, sous peine dépérir en ville-musée pour touristes qui vit dans son passé. Entre l’organisation de l’Euro 2016 et la candidature aux JO 2024, le mastodonte financier des Qataris et le développement institutionnel du Grand Paris, la Ville Lumière se retrouve à la croisée des chemins. Enjeu de perspectives économiques et de marketing international, mais aussi d’identité et de cohésion sociale, le sport en région parisienne deviendra-t-il ce levier d’influence stratégique qui manque au soft power français ? Eléments de réponse.

Article écrit en collaboration avec Noise la Ville

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« Joue-là comme le Barça » le rêve d’un PSG omnisports sur le toit de l’Europe

 

Samedi 7 juin 2025. Dans un Parc des Princes rénové accueillant désormais 60.000 spectateurs surchauffés, le PSG et son capitaine Paul Pogba viennent de remporter à domicile leur troisième finale de Ligue des Champions face à un Barça en fin de cycle. Cette victoire ponctue un quadruplé historique pour le PSG dans les sports collectifs. Un mois auparavant le PSG Rugby, anciennement Stade Français et entraîné par la légende Johnny Wilkinson, parvenait enfin à décrocher le Graal européen aux dépends du RC Toulon. Entre temps, les branches basket et handball du PSG remportaient respectivement les Final Fours de la YARD Euroleague et de la IKEA IHF Champion’s League. Porté par son Big-Three Irving-Batum-Cissé, le PSG version balle orange triomphait au Final Four en prenant sa revanche sur le même Barça devant les 21.000 spectateurs surchauffés de l’enceinte flambant-neuve de la Melty Arena (anciennement Bercy et Accord Hotels), terre du premier sacre olympique de l’équipe de France de basket masculine l’été précédent. Epaulé par l’ancien meneur des Cavs triple champion NBA et le capitaine de l’équipe de France, Boubacar Cissé remporte pour la seconde fois de suite le trophée de MVP des finales. Pur produit de la formation parisienne et originaire de la Grande Borne, dans le sud du Grand Paris anciennement appelé Essonne, le colosse pivot de 2m21 n’avait même pas dix ans lorsque son capitaine Batum remportait son premier championnat d’Europe sur les terres espagnoles. Joueur le plus dominant du circuit européen à seulement 21 ans, Cissé combine des statistiques hallucinantes de 28,5 points, 12,7 rebonds et 4,2 contres par match cette saison et est pressenti parmi les cinq premiers picks de la prochaine draft NBA. Alors que l’on commence déjà à la comparer avec un Lakers-Celtics des années 80, la lutte pour la suprématie continentale entre le PSG et le FCB se trouve également sur les terrains de handball où dans cette même Melty Arena, le PSG entrainé par l’ancien joueur Luc Abalo venait à bout de l’équipe catalane dans la conquête de son deuxième titre européen.

 

« Samedi 7 juin 2025. Dans un Parc des Princes rénové accueillant désormais 60.000 spectateurs surchauffés, le PSG et son capitaine Paul Pogba viennent de remporter à domicile leur troisième finale de Ligue des Champions face à un Barça en fin de cycle. »

 

Digne de la science-fiction, ce scénario trotte probablement dans les rêves des propriétaires qataris du PSG, qui ne cessent de « Rêver plus grand » chaque année. Aujourd’hui, outre ses sections d’élite football masculine et féminine sur lesquelles ses propriétaires ont considérablement investi, le PSG dispose de branches handball et futsal, et la puissance financière de fonds d’investissement QSI laissent présager des spéculations de rachats de club voisins (Paris-Levallois Basket, Stade Français, Paris Volley…). Que ce soit le PUC, l’ACBB, de nombreux clubs omnisports franciliens ont pu esquisser un glorieux passé national, voire international, mais qui aujourd’hui peinent à retrouver l’élite française, et donc loin des compétitions médiatisées. En réalité, l’idée de former un gros club omnisports à Paris n’est pas nouvelle. Elle avait même commencé à se concrétiser au début des années 90, sous l’impulsion de Charles Biétry, alors directeur des sports d’un Canal+ ancien propriétaire du PSG. Cependant, l’expérience aura duré moins d’une décennie, et ce notamment faute d’une enceinte polyvalente conséquente pouvant accueillir les compétitions nationales et continentales des sections sports collectifs. Vingt ans plus tard, avec son fonds d’investissement QSI et sa chaîne BeIn Sport, pas grand choses ne résiste au Qatar pour construire son PSG omnisports, avec l’objectif d’en faire une marque d’excellence sportive mondiale au moins aussi forte que le FC Barcelone. Locomotive de toute une région avec ses enceintes mythiques du Camp Nou et du Pau Blaugrana, le club omnisports s’est non seulement affirmé comme le meilleur VRP de la Catalogne, mais également comme le plus gros réservoir dans lesquelles les sélections espagnoles (football, handball et basketball), à leurs apogées ces dix dernières années, ont allègrement pompé.

 

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Avec ses pétrodollars, les propriétaires qataris du PSG ont donné une priorité immédiate au terrain, et personne ne peut contester que les résultats et le spectacle sont au rendez-vous. Cependant, pour construire à terme un club multisports de type Barça, à savoir doté d’une identité forte sur laquelle toute une région peut se sentir appartenir durablement, (ré)investir dans des repères culturels – supporters, enceintes, formation – est un travail à moyen-long terme tout aussi indispensable. Outre la gestion délicate des ultras et des projets d’agrandissement du Parc des Princes après l’Euro 2016, façonner des nouvelles figures iconiques locales reste certainement l’un des gros chantiers du club. À l’approche de la cinquantaine de bougies, le PSG n’a toujours pas réussi à faire émerger son propre Steven Gerrard, Xavi ou Paolo Maldini. Après un double fiasco nommé Nicolas Anelka, il était permis d’espérer que Mamadou Sakho devienne l’enfant du pays au sang rouge et bleu, qui contribuerait à écrire l’histoire du club jusqu’à la mort sportive. Seulement le timing était mauvais, entre les exigences de résultats à court-terme des dirigeants et la courbe de progression du défenseur né à la Goutte d’Or qui voulait absolument disputer la Coupe du Monde au Brésil.

 

« À l’approche de la cinquantaine de bougies, le PSG n’a toujours pas réussi à faire émerger son propre Steven Gerrard, Xavi ou Paolo Maldini. »

 

Avec un peu de recul, la problématique d’assise locale de la marque PSG dépasse le simple tour de passe-passe marketing. La preuve avec l’échec cuisant du « recrutement banlieue », mis en place en l’an 2000 suite au désir ardent du propriétaire Canal+ de séduire les jeunes de quartiers. L’idée fut alléchante sur le papier, mais les fondations de « l’institution PSG » étaient aussi chancelantes que l’attachement au maillot des jeunes leaders de l’équipe pour qu’une dynamique positive puisse durer. Aujourd’hui, malgré certaines promesses actuelles comme l’intermittent Adrien Rabiot ou le gardien Alphonse Areola qui enchaîne prêts sur prêts, un club de la dimension internationale du PSG n’a toujours pas réussi à pondre ce crack local auquel jeunes supporters et sportifs de la région parisienne pourraient s’identifier dans la durée. Un signe qui ne trompe pas, le PSG s’est offert cet été les services de l’ancien directeur des écoles de football du Barça Carles Romagosa Vidal en tant que directeur technique au centre de formation du club parisien. Avec un CV béton (professeur à l’Université de Catalogne, consultant technique pour les fédérations de football chinoises et japonaises) et une méthodologie d’entraînement pour le développement de l’intelligence de jeu des footballeurs baptisée Ekkono, le technicien catalan est cette tête pensante qui a désormais pour mission de construire les fondations d’une identité de jeu chez les équipes jeunes du PSG, à l’instar du Barça ou de l’Ajax. En somme, un recrutement estival pas aussi bling-bling que Di Maria, mais qui risque de payer à plus long-terme.

 

L’immanquable opportunité du Grand Paris

 

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Comme le rappelle bien AP du 113 « La banlieue a ses qualités et ses défauts, peuplée d’artistes et de sportifs de haut niveau ». Mais lorsqu’il s’agit de convertir le talent brut des innombrables « princes de la ville » franciliens en machines de guerre professionnelles, la réalité est bien plus mitigée. Aujourd’hui, on dénombre moins d’une dizaine d’équipes de région parisienne au sein de l’élite des quatre sports collectifs majeurs français, avec des résultats pour le moins irréguliers. En basketball, le Paris-Levallois, qui a joué l’ascenseur en Pro B entre 2008-2009, peine à accrocher les play-offs tous les ans malgré une victoire en Coupe de France (2013) et un quart-de-finale honorable en Eurocoupe (C2) cette saison. Son voisin du JSP Nanterre, revenu dans l’élite en 2011, poursuit son irrésistible ascension. Champion de France Pro A en 2013, vainqueur de la Coupe de France en 2014, deuxième de saison et régulière en Pro A et victoire à l’EuroChallenge (C3) en 2015. Pour le club des Hauts-de-Seine, il est question de confirmer ces bonnes performances, notamment au niveau continental, où la marge de progression reste encore très grande. Chez les femmes, aucune équipe de basket francilienne ne se trouve dans l’élite. Au handball, le PSG et son équipe All-Star signe un joli doublé Championnat-Coupe de France, mais au même titre que son homologue du football, n’arrive pas encore à atteindre le Final Four de la Ligue des Champions. Quant aux équipes d’Île-de-France-Est, Tremblay, Créteil et Ivry (qui vient de remonter dans l’élite), elles peuvent difficilement prétendre jouer le haut du panier européen. L’équipe féminine d’Issy-Paris Hand est régulière au plus haut niveau national, mais vient d’enchaîner sa cinquième défaite de rang en finale de compétitions, nationales et continentales, ces quatre dernières années. Côté rugby, dans un top 14 principalement dominé par le RC Toulon et le Stade Toulousain, le Stade Français vient de braquer son 14e titre national après un passage à vide de près d’une décennie. Son sulfureux voisin des Hauts-de-Seine le Racing 92 continue sa marche en avant dans l’élite. Mais avec une première qualification en play-off de Coupe d’Europe, on est encore loin de rentabiliser un budget de recrutement cinq étoiles et de construction de la nouvelle Arena 92 de 32.000 personnes proche de La Défense, prévue pour la saison 2016-2017. Enfin pour le football, hormis le PSG et de bons résultats en Champion’s League (quarts de finale chez les hommes, finale chez les femmes), la question est vite réglée, même si le retour au premier plan du Red Star FC en Ligue 2 amène un petit vent de fraîcheur. Mais la situation actuelle de « l’Etoile Rouge » du 93, obligée de devoir quitter son mythique Stade Bauer pour jouer à Beauvais faute de meilleure solution immédiate trouvée entre le club et la ville de Saint-Ouen, est bien symptomatique. Car de façon générale, l’ensemble des acteurs franciliens (clubs, investisseurs, fédérations, collectivités, médias, sponsors) galèrent à constituer un environnement fertile qui permettrait d’incuber et forger des équipes régulièrement performantes sur la scène continentale, lesquelles seraient portées par des athlètes de haut niveau issus du sérail francilien.

 

« Quand Londres fanfaronne avec plus de quatre stades supérieurs à 60.000 personnes, la région parisienne n’a pour l’instant qu’un Stade de France aseptisé comme arène d’envergure à se mettre sous la dent. »

 

On dit souvent que le sport est un vecteur de cohésion, d’intégration voire de promotion sociale. L’idée n’est pas seulement de créer ou rénover des terrains de foot en bas des cités, mais de lancer des politiques ambitieuses globales, à la fois en termes de formation, d’infrastructures et d’évènementiel sportif. Or aujourd’hui, à titre de comparaison, la région parisienne présente une offre d’infrastructure sportive nettement inférieure à d’autres métropoles européennes. Quand Londres fanfaronne avec plus de quatre stades supérieurs à 60.000 personnes, la région parisienne n’a pour l’instant qu’un Stade de France aseptisé comme arène d’envergure à se mettre sous la dent. Le projet de Grand Stade de Rugby à Ris-Orangis dans l’Essonne est sur les rails, mais ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Pour ce qui est de l’indoor, entre le prestigieux mais néanmoins très onéreux AccordsHotel Arena (ex-Bercy) et le Stade Coubertin aux capacités réduites, la région parisienne ne dispose d’aucune offre intermédiaire de salles multimodales entre 6.000 et 20.000 personnes. Construits dans les années 80, les Zéniths de France avaient fière allure, mais aucune n’a été pensée pour l’évènementiel sportif. Cette absence de polyvalence limite fédérations et ligues dans l’organisation de manifestations à la fois sportives et culturelles d’envergure nationale, voire internationale. Constituée principalement de dirigeants sportifs ainsi que d’élus, la commission « Grandes Salles » mentionnait dans son rapport « Arenas 2015 » la nécessité de construire pas moins de sept salles multimodales dans toute l’Île-de-France. Aujourd’hui on parle de nombreux projets en région parisienne, comme le Dôme Arena de Sarcelles ou le Colisée de Tremblay-en France. Cependant les deux projets, tous dotés de 12.000 places et partageant l’ambition de compléter le Stade de France comme lieu d’évènementiel majeur au nord de Paris à l’horizon 2020, se trouvent désormais en concurrence frontale dans la course aux investisseurs privés et aux subventions publiques. Si on peut spéculer sur un scénario à la Game of Thrones entre les mairies des villes respectives, on est de moins en moins sûr que les deux salles puissent voir le jour en même temps.

 

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En France où la puissance publique reste très investie dans le sport, le développement de la métropole du Grand Paris s’avère être une occasion unique pour apporter des solutions au retard structurel de la région. Le projet du Grand Paris Express et son maillage de 18 lignes de métro (dont la rocade de ligne 15 qui ira de Nanterre à Créteil sans correspondance, en passant soit par Bagneux ou par Bobigny), doit amener davantage de mobilité aux sportifs franciliens, mais aussi du développement territorial, avec l’accessibilité et donc l’attractivité d’infrastructures et de pôles de compétitivité en banlieue. Co-financé par les instances fédérales et les collectivités locales du Val-de-Marne, le projet de la Maison du Hand à Créteil semble montrer la voie. Avec les excellents résultats sportifs de l’équipe nationale masculine, l’organisation du Mondial 2017 en France et le solide ancrage de ce sport dans le 94, avec des clubs étendards comme Ivry, Créteil ou le Stella St-Maur, les voyants sont au vert pour mettre en place ce tout premier centre technique national du handball. À l’instar de Clairefontaine (Yvelines) pour le football et de Marcoussis (Essonne) pour le rugby, le centre combinera les activités de regroupement des équipes nationales, de formation, d’hébergement et de santé. Mais la réelle plus-value de ce projet reste l’établissement d’un pôle Espoirs regroupant les meilleurs jeunes de l’est francilien, lesquels viendront renforcer la compétitivité des trois clubs suscités, probablement partenaires lors des matchs le week-end. D’un côté le niveau sportif professionnel national et local se retrouve consolidé, de l’autre un quartier du sport aménagé à Créteil et des emplois crées, car on parle notamment d’hôtels et de bureaux d’activités aux alentours. Cependant pour franchir un pallier supplémentaire et devenir ce hotspot d’élite du sport mondial, le désir d’excellence pour la pratique sportive en Île-de-France, concrétisé notamment par un INSEP (Institut National du Sport, Expertise et Performance) situé au Bois de Vincennes, ne suffit pas pour contrer les armées d’athlètes chinois[es] et américain[es] aux grandes sauteries sportives. À l’heure où le développement du sport se confronte aux restrictions budgétaires de l’État, il devient indispensable d’affirmer des modèles économiques vertueux, avec une offre de divertissement conséquente qui doit contribuer à forger l’identité du Grand Paris dans le monde. Dans une telle ambition, l’organisation de compétitions internationales constituent un examen de passage obligatoire.

 

Avec la candidature aux JO 2024, construire sa propre identité évènementielle pour booster le showbiz du sport

 

Depuis le 23 juin dernier, Paris a officiellement déclaré sa candidature pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2024. Souvent (auto)désignée favorite, la capitale a déjà essuyé trois revers de rang pour les éditions 1992 (Barcelone), 2008 (Pékin) et 2012 (Londres). Acté le 6 juillet 2005 lors du congrès du Comité International Olympique (CIO) de Singapour, le dernier échec face aux Britanniques reste le plus cuisant, tant le dossier parisien semblait techniquement plus solide que celui de son adversaire londonien validé au dernier moment. Mais comme le déclarait avec amertume Bertrand Delanoë « La candidature de Paris était supérieure à celles de Londres, mais nous n’avons pas su la vendre. C’est toute la différence de culture entre les lobbyings français et anglais ». Mauvais perdant, l’ancien maire de Paris et président d’organisation à la candidature ? Ce n’est plus un secret pour personne, lorsqu’à l’époque le président Jacques Chirac serrait des mains en public et passait trois de ses huit heures à Singapour à la soirée inaugurale du congrès du CIO, Tony et Cherie Blair s’enfermaient dans leur chambre d’hôtel pour jouer les Frank et Claire Underwood.

 

« Ce n’est plus un secret pour personne, lorsqu’à l’époque le président Jacques Chirac serrait des mains en public et passait trois de ses huit heures à Singapour à la soirée inaugurale du congrès du CIO, Tony et Cherie Blair s’enfermaient dans leur chambre d’hôtel pour jouer les Frank et Claire Underwood. »

 

L’ancien premier ministre britannique et son épouse sont restés près de deux jours à enchainer les rencontres privées pour « négocier des promesses » à des dizaines de délégués du CIO encore indécis dans leur vote d’attribution des J.O. 2012. Toujours dans un style très House of Cards, il se tramait également en coulisse que chaque délégué avait son lobbyiste pro-Londres attitré dans son avion pour Singapour, et que les services de renseignement britanniques mettaient également la main à la patte. Pragmatique et tacticien, Tony Blair avait œuvré publiquement pour l’annulation de la dette des pays en développement quelques semaines auparavant, favorisant l’appui des voix africaines pour les Britanniques. À chaud après la défaite, la candidature parisienne, trop confiante d’avoir « joué dans les règles » et soigneusement remplie le cahier des charges du CIO, avait dénoncé les pratiques des Anglo-saxons qui « dépassaient la ligne jaune ». Cependant avec du recul, la stratégie de jouer sur les sacrosaintes valeurs de l’olympisme originel du fondateur Pierre de Coubertin – quand l’adversaire britannique n’hésitait pas à tacler publiquement les faiblesses de ses concurrents directs – a été perçue comme arrogante. En réalité, la dernière défaite de Paris dans l’obtention des Jeux illustre une tendance de fond encore plus dure à avaler : la France n’arrive plus à exercer son influence sur les instances internationales du sport. Au moment du vote de Singapour, Paris n’avait que trois membres permanents au CIO lorsque Londres en avait le double. L’autre grosse faiblesse de la candidature parisienne était l’absence de sportifs d’envergure mondiale dans son leadership, quand Londres avait à la tête de son comité d’organisation l’ancien double champion olympique du 1500 mètres Sebastian Coe. Car si aujourd’hui la candidature de Paris 2024 s’appuie sur un solide ticket composé de Bertrand Lapasset (président de World Rugby – la fédération internationale de Rugby) et de Mike Lee (patron des lobbyistes qui avaient fait gagner Londres en 2005), la présence d’athlètes titrés du pays dans les organismes du sport mondial reste cruciale pour faire la différence. Avec leur légitimité sportive, leur charisme naturel et leurs propres réseaux, ces anciennes gloires arrivent à orienter les décisions les plus importantes. C’est d’ailleurs sous l’impulsion de Michel Platini à la tête du comité de candidature que la France a obtenu l’organisation de la Coupe du Monde de football 1998, avec in fine l’unique victoire que l’on connaît. C’est aussi sous le règne de l’ancien numéro 10 des Bleus au sommet de l’UEFA que la France a gagné le droit d’accueillir l’Euro 2016. Pour augmenter la probabilité d’avoir des personnalités du sport français pouvant autant peser que Platini dans la politique internationale du sport, il faut produire davantage de champions. Inculquer aux athlètes cette culture de la gagne signifie les entraîner dans les meilleures conditions, mais aussi les habituer à gérer la pression de l’adversité des arènes combles. Développer ce pôle sportif d’excellence au Grand Paris constitue donc un double levier de compétitivité.

 

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Pour se donner les moyens de son ambition olympique qui leur fera changer de dimension, les acteurs du Grand Paris sportif doivent encore davantage muscler leurs images de marque et leurs business-models. Après une vision « à la papa » franchouillarde trop longtemps entretenue par les clubs, les ligues et les fédérations nationales, certaines disciplines sportives commencent enfin à bien s’appuyer sur le pouvoir d’attraction de la capitale pour se développer. Paris commence à devenir un centre de gravité du sport en s’enrichissant d’éléments étrangers, qu’ils soient financiers ou sportifs. A l’instar de son homologue du football, la Ligue Nationale de Handball a su profiter des opportunités offertes par le combo Qatari « PSG + BeIn + stars internationales », pour lancer avec succès son premier Hand Star Game en 2013 dans un Bercy comble et comblé. De son côté, la Ligue Nationale de Basket a vu son All-Star Game décoller grâce au double partenariat avec Nike et Bercy depuis 2002. Pour le rugby, outre la mise en place de premiers matchs d’envergure de saison régulière du Top14 au Stade de France, l’arrivée de megastars internationales – comme dernièrement Dan Carter au Racing 92 – est en train de rendre le ballon oval d’autant plus attractif en Île-de-France ces dernières années. En somme, susciter l’engouement vif et durable du grand public francilien – source de revenus directs en provenance de la billetterie et du merchandising, et indirects avec les sponsors et les droits TV – nécessite les mêmes ingrédients (performances de haut-niveau des athlètes, communication attractive, animations cohérentes, service des infrastructures d’accueil professionnalisé), mais avec un apport international indispensable. Si la célébration du sport et de ses valeurs sera toujours exigée par nos bons vieux puristes, les compétitions d’envergure du Grand Paris doivent désormais s’assumer comme un spectacle à part entière, sans oublier la forte valeur culturelle ajoutée de la capitale. Avec comme épicentre le prestigieux ouest-parisien bourgeois (Roland-Garros, Hippodrome de Longchamps, Salle Coubertin, Piscine Molitor, Bois de Boulogne), le sport version « Strass et Paillettes » – autrefois injecté par le PSG version Canal+ et le Stade Français ère Max Guazzini, et aujourd’hui par les Qataris – a ce don de nous déverser sa bonne dose de rêve. Cependant, dépourvu de ce supplément d’âme mixant passion du beau jeu et sentiment d’appartenance locale, ce shot de bling-bling ne peut que favoriser l’écrasante domination des « foot/hand/rugby/basket…». Cette domination, bien que rentable financièrement et créatrice de buzz dans l’immédiat, ne soutient le développement du sport que de façon artificielle. Car dans un tel modèle où le public de spectateurs consommateurs s’est dépourvu de supporters passionnés, l’affluence s’effondrera comme un château de cartes si le spectacle sportif a le malheur de baisser de niveau. Après, pourra-t-on voir émerger un stade comme Anfield, Maillol ou la Bombanera, des Handball Arenas allemandes ou des salles de basket serbes ou grecques surchauffées, en Île-de-France? Probablement pas, car la Ville Lumière n’est effectivement ni Liverpool, Buenos Aires, Hambourg, Athènes ou Belgrade. Mais les événements sportifs du Grand Paris gagneraient à s’inspirer de ces lieux magiques, créateurs d’émotions collectives les plus folles.

 

« Dans un monde de la performance olympique où une Amérique sous stéroïdes autrefois hégémonique se livre dans une lutte sans merci avec les autres intraitables usines à champions chinoises et russes, la devise des jeux modernes n’a en réalité jamais été « l’important, c’est de participer » mais bien « plus vite, plus haut, plus fort ». »

 

La candidature de Boston mise à part, la course pour les Jeux Olympiques 2024 risque de se jouer principalement contre des villes européennes (Rome, Hambourg, Budapest, et possiblement Istanbul) qui vont elles aussi faire valoir leurs héritages respectifs pour se démarquer. A ce jeu là, l’évènementiel sportif parisien détient de nombreux atouts qui peuvent faire la différence. Outre le vivier de talents, l’agglomération parisienne dispose d’un réservoir culturel des plus divers pour forger les éléments de son identité : contenu, esthétique et animations. Mélange brut où l’énergie urbaine créative s’approprie le patrimoine classique avec un boost de pop-culture internationale, ce réservoir, qui se situe des deux côtés du périphérique, de Haussmann à Saint-Denis, du Champs-de-Mars à Trappes, de Barbès à Fontainebleau, doit devenir le principal carburant de l’âme du Grand Paris. À ce titre, malgré quelques difficultés rencontrées cette année, un évènement comme le Quai 54 constitue une bonne source d’inspiration pour les compétitions sportives dans la capitale. Fondée par des passionnés de basketball et de sa street-culture sous-jacente, la compétition a su faire ses preuves en termes de crédibilité sportive et d’assise locale pour convaincre les bons partenaires privés et publics. Ces derniers sont à la fois des leviers stratégiques de croissance et des ingrédients qui composent son identité atypique. Avec comme appuis les amateurs de basket, les autorités locales (Mairie de Paris), les lieux prestigieux et historiques de la ville parisienne (Palais de Tokyo, Trocadéro, Champs de Mars..), une marque d’envergure internationale comme sponsor (Jordan) et des personnalités aussi bien franciliennes qu’américaines, le Quai 54 est parvenu à se faire sa propre place. L’alchimie prend, même si l’équilibre entre sport et spectacle reste un point de tension qui nécessite une remise en question permanente. Le temps d’un weekend de juin, Paris s’impose ainsi sur la carte mondiale du basket, et inversement la balle orange obtient son beau moment de promotion dans l’esprit des Franciliens, pour ne pas dire des Français. Les compétitions sportives n’ont naturellement pas vocation à s’approprier l’espace public, mais on en revient à cette nécessité de construire des repères d’identification, là où l’on est fier d’appartenir à des communautés sportives, géographiques, et culturelles. A l’heure où le sport-business professionnalisé ne compte plus ses travers (dopage, matchs truqués, agents véreux, blanchiment d’argent, corruption…), ces repères s’avèrent indispensables pour garder un sens à toutes ambitions de développement. Dans un monde de la performance olympique où une Amérique sous stéroïdes autrefois hégémonique se livre dans une lutte sans merci avec les autres intraitables usines à champions chinoises et russes, la devise des jeux modernes n’a en réalité jamais été « l’important, c’est de participer » mais bien « plus vite, plus haut, plus fort ». Autrement dit, il n’est pas question de gagner ou de perdre, mais bien de progresser constamment face à l’adversité. Le sport français et Paris pourront enfin y parvenir, si et seulement si ils acceptent de se réinventer ensemble.

 

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Boudée un long moment, la Presto retrouve aujourd’hui sa place dans les shops et dans les armoires des amateurs de baskets. La petite nouvelle revêt le fameux sand camo qu’on retrouve aujourd’hui un peu partout. Pour ceux qui sont déjà sur les starting-block pour acquérir ce nouveau modèle, il faudra attendre mars 2016. Patience.

Les pages du Somewhere In… accueillent un nouveau photographe : Samuel Lagarto. Exceptionnellement, ce n’est pas une ville, mais tout un pays qu’il nous fait découvrir, et pas des moindres : le Portugal où il retrouve ses origines.

Un voyage, un pays que je connais bien. Voilà plus de 20 ans que ce pays fait office de deuxième maison. Mes origines, mon père, ma famille… Retour aux sources pour mon petit frère et moi. Redécouvrir les paysages de notre enfance, la photographie, échanger, se promener. Lisbonne, Setubal, la plage du Carvalhal.. Le Portugal, sa douceur de vivre, son calme, son architecture, ses paysages. 

 

À l’approche de Noël, les Muesli Boys de Dear Muesli sont embarqués dans une mission : sauver Noël avec de nouvelles recettes. Mission accomplie dans un court conte de Noêl, où les trois compères élaborent le Uncle Berry, le Two Bells et le Snow Balls.

Trois mélanges disponibles en précommande dans une Christmas Box qui partira dès le 2 décembre.

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Pour ce nouveau On The Corner, YARD s’est rendu au Havre pour rendre visite à Médine. Porte-étendard de Din Records, le rappeur nous fait découvrir sa ville et sa vie faites de séance de répétition au studio, d’entraînement de boxe, de tournage de clip mais aussi de poissons sur le petit port.

Le Dunk Contest du Quai 54, présenté par House of Hoops n’est rien de moins que le championnat du monde de Dunk. Orchestré par la légende de la discipline Kadour Ziani athlète phare de Dunk Elite, le Dunk Contest du Quai 54 2015 présentait quelques uns des meilleurs dunkeurs du monde, dont Rafal “Lipek” Lipinski (Pologne), Justin “Jus Fly” Darlington (Canada), Dmitry “Smoove” Krivenko (Ukraine) et le newcomer français Loïc “Loco” Mitry.

Découvrez les tirs les plus spectaculaires du Quai en 1000 images par secondes, pour un slow-motion encore jamais vu. Des prises à couper le souffle sur des rythmes hypnotiques. What else ?

Street football [st'(r)it football] n.m.

Sport collectif opposant deux équipes de cinq joueurs. Dérivé du football classique et basé sur la technique et la vitesse, il est pratiqué dans la rue, le plus souvent en zone urbaine.

Avec Nike Football X, YARD a parcouru les terrains de football franciliens à la recherche des meilleures équipes de street football d’Île-de-France et immortalise la compétition dans un documentaire dont voici le teaser. Au fil des matchs, entre bitume et synthétique, les équipes se sont affrontées les unes après les autres, témoignant au passage de la philosophie d’un jeu technique qui ne pardonne pas.

Découvrez « Ballon sur Bitume » bientôt sur YARD.

 

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Pour la finale de ce tournoi inédit, Nike et YARD unissent leurs forces ce Jeudi 26 Novembre pour un show qui prendra place sur les berges de la Cité de la Mode. À partir de 16h jusqu’à minuit, les meilleurs joueurs de street football parisiens s’affronteront dans une ambiance surchauffée pour décrocher leur ticket direction Amsterdam et la finale européenne.

Du street football mais aussi beaucoup de hip-hop … Entre les petits ou les grands ponts, les coups du sombrero et les passes aveugles, il se tiendra une véritable YARD PARTY avec les mêmes DJs qui ont fait trembler les murs du Palais de Tokyo, de l’Electric ou du Grand Palais. Et ce n’est pas tout … Vous pourrez assister aux performances lives du « sheguey » national, Gradur, et du très « charo », Niska. Du lourd !

Pour participer à cette expérience, inscris-toi ici: http://go.nike.com/NFX_Paris

 

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Photos : HLenie

Après colette, c’est à l’Art Basel de Miami que l’artiste new-yorkais John Margaritis s’expose. Intitulé « High Tide », cette nouvelle installation mêle une nouvelle fois surf et basket et brouille par la même occasion les lignes entre art et mode en teignant à la mains 300 white-tee dans un camaïeu de bleu. Chaque t-shirt est numéroté est mis à la vente dans cette exposition qui ouvrira ses portes dès le 30 novembre dans le district de Wynwood.

On se souvient tous de cette marmaille qui venait animer l’heure du goûter lors de notre enfance. Et si, comme nous, les Razmoket avaient grandi, à quoi ils ressembleraient ? Eric Molinsky a compilé différentes illustrations qui imaginent la tête qu’aurait aujourd’hui toutes ces bouilles animées et il s’est essayé lui-même à ce travail. Celeste Pille, Isaiah Stephens et donc Eric Molinsky ont pris leurs crayons. Mais ce dernier reproche à ses pairs de ne pas avoir rendu réaliste la représentation de ces personnages, du coup lui les a dessinés dans des situations qui sont  plus en prise avec les réalités actuelles : désabusés, excédés, en surpoids, accrochés aux téléphones ou à leurs écouteurs…

Avant d’être un classique du hip-hop, « My Adidas » fut en 1986 la preuve d’amour de rappeurs à une chaussure, la Superstar. Un témoignage de la considération que porte le hip-hop à la basket. Ce que DMC, Run et JMJ ne savent pas à ce moment-là, c’est qu’ils instaurent les prémices d’un business juteux. Pour la première fois, on se rend compte que le rap peut vendre des baskets. Conscients des enjeux économiques, les protagonistes sont devenus concepteurs à leur tour de modèles pour différentes marques, pour le meilleur, et souvent pour le pire. Des exemples qui poussent à se demander : les rappeurs font-ils de bons sneakers designers ?

Rap. DJing. Graffiti. Danse. Streetwear. Où est l’intrus ? Il n’y en a pas. Le clothing, l’apparel, qui définit l’accoutrement du b-boy, le swag du rappeur, la praticité des vêtements du graffeur, a toujours officieusement fait partie des piliers du hip-hop. Bien que situées à l’extrémité du corps, nos chaussures sont sûrement la pièce centrale de la panoplie du hip-hoper. Avant la casquette ou le hoodie, les sneakers sont imprégnées d’un symbole particulier, porté à son paroxysme dans la street culture. Les dealers des ghettos new-yorkais affichaient leur réussite autant par leurs gigantesques chaînes en or que par la clarté de leurs Air Force 1 neuves, les changeant donc au quotidien. Comme la AF1 justement, la Puma Suede, la Superstar d’Adidas, la Chuck Taylor, de nombreux modèles de basket perpétuent un statut iconique acquis grâce à cette culture. La culture « kicks » s’affiche sans complexe depuis plus d’une décennie, de MTV Cribs à Instagram, en passant par la rubrique Celebrity Sneaker Stalker du site NiceKicks ou les vidéos de shopping présentées par Joe La Puma de Complex.

Les rappeurs ont toujours eu une relation fusionnelles avec leurs paires. Quoi de plus normal alors, après tout ce temps, qu’ils ne deviennent les propres concepteurs de leurs souliers. Un changement qui se dessine en plusieurs étapes, qu’il est difficile de ne pas associer directement au concert du Madison Square Garden et le contrat offert par Adidas à Run DMC qui en résulte. Après cet événement le mariage – commercial – du rappeur et de la basket devient une issue inéluctable. Fabolous, Jim Jones, Maklemore, Game… Aujourd’hui, des tas d’emcees et producteurs se revendiquent sneakers addicts ou sensibles à une certaine idée de la mode. Des artistes comme Wale, DJ Khaled sont de véritables pointures reconnues dans le domaine, et sont devenus des leaders d’opinions.

 

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Il existe plusieurs situations qui amènent un artiste à être sollicité par une marque de chaussures. Les cas les plus répandus concernent une implication plus ou moins grande du rappeur, dans le processus de création. Dans une collaboration, en plus du design, les deux partis s’appuient l’un sur l’autre et la marque utilise la notoriété de l’artiste pour vendre son modèle. Cette association peut isoler l’utilisation d’une personnalité pour qu’elle prête son image et simplement faire la promotion d’un modèle sans en imaginer le design. Le contrat de sponsoring, plus souvent utilisé avec les athlètes, a pour but de créer une signature shoe portant le plus souvent le nom de l’entité qui l’a sponsorise. Un type de contrat qui tend à s’installer dans le domaine de la musique depuis peu.

 

Ils sont plus d’une cinquantaine de rappeurs de plus ou moins grande envergure à avoir eu leur paire. Inutile de se mentir, la plupart n’assumerait pas leur choix aujourd’hui. Force est de dire qu’un artiste, aussi bon soit-il sur un beat, n’est pas toujours aussi efficace quand il s’agit de penser un modèle. L’essence et la raison d’exister de la sneakers est l’activité sportive. On connaît l’histoire, elle a été adoptée par une frange de la population et s’est peu à peu exportée dans la rue pour devenir un outil lifestyle, puis tendance. Après un premier cycle où le sportif était le prescripteur incontestable, on est passé à une période où ce sont les artistes du monde de la musique qui dictent les tendances. Depuis peu, on est entré dans une nouvelle ère où ce sont ces mêmes artistes qui (re-)pensent et créent les chaussures.

 

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Rappeurs/sneakers : un mariage pour le meilleur et pour le pire

 

Les rappeurs, qu’ils soient Français, Américains ou Japonais, ont toujours fait preuve de mauvais goût. Bijoux gigantesques, outfits aux imprimés curieux, mélanges douteux de marques haute couture avec du streetwear, les exemples sont légions. Les sneakers évidemment ne dérogent pas à la règle. Ces vingt dernières années ont été un véritable défilé d’échecs podologiques pour trop peu de réussites. Si Run DMC est parvenu, sous l’impulsion et l’ingéniosité de son manager de l’époque Lyor Cohen, à séduire leur marque favorite en 1986, ce n’est pas le cas pour tous. En 2002, Nelly sort « Air Force Ones », un hymne dédié au fameux modèle de la marque à la virgule. Pourtant, sûrement faute de réel retour de Nike (mis à part le raté Air Derrty en 2003) , c’est une paire de Reebok que le leader des St. Lunatics créera trois plus tard. Le résultat se nommera la Derrty One. Un nom qui fait à la fois référence à l’accent du Midwest dont est originaire Nelly, qu’a son modèle d’inspiration, la Air Force One, dont elle une pâle copie. Intronisée comme le produit star de la marque à sa sortie, elle finira sa vie commerciale bradée à 20 dollars US dans les rayons soldes.

 

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Deux ans auparavant la Derrty One, Reebok souhaite s’acheter une « street credibility » avec sa campagne « I am what I am ». À ce moment-là, la marque anglaise devient la première enseigne sportive à faire signer un deal à un non-athlète en la personne de Jay Z. Avec plus de 10 000 paires en quelques heures après sa sortie, la S. Carter devient la chaussure la plus rapidement vendue de l’histoire de la marque. La même année, la G Unit de 50 Cent sera elle aussi un important succès commercial. Une preuve que ce « naming » est un facteur vendeur, encore plus dans le hip hop, ou l’identification du public, souvent assez jeune, est très forte. Au tournant des années 2000, la marque identifie déjà bien les problématiques comme l’assure KeJuan Wilkins, porte parole de Reebok à l’époque : « Ces deux modèles ont très bien marché pour nous. Mais la S. Carter et la G Unit ne sont pas des chaussures de performance sportive, ce sont des produits lifestyle. Ses acheteurs sont plus intéressés par les tendances mode que par la notion de sport. » Malgré leur succès commercial phénoménal, la S .Carter et la G Unit restent des créations assez médiocres. Chacune d’entre elles ont très mal vieilli, ce qui explique qu’elles n’aient jamais été rééditées depuis. Finalement de cette double signature pour Reebok, le meilleur souvenir restera sûrement ce freestyle issu d’une publicité aussi inattendue que symbolique entre les deux New-Yorkais.

 

 

Plus tendance qu’autrefois, la basket devient l’empreinte du style en milieu urbain, un moyen d’expression. En ce sens le début des années 2000 marque la fin d’une ère où les principaux prescripteurs furent le plus souvent des sportifs, pour laisser place aux rappeurs. Autrefois à la recherche du dernier modèle porté par Bo Jackson, Michael Jordan et autres Charles Barkley, on est désormais inspiré par le rappeur du moment, qu’il soit Jay-Z, 50 Cent ou encore Lil Wayne. Ce dernier, à l’aube de sa phase de skateur de laquelle il n’est toujours pas ressorti, a tenté d’instaurer un nouveau lifestyle en travaillant avec Supra sur plusieurs modèles (Chimera, Skytop, Vaider…). Mais la mayonnaise ne prendra et ne passera pas l’année, au grand désarroi de la marque de skate, désireuse de s’imposer comme une enseigne influente dans le shoe game, un statut qu’elle peine encore à acquérir. Parfois ce sont des marques au passé glorieux qui tentent de retrouver un peu de leur rayonnement d’antan en faisant appel à des rappeurs liés à l’esprit de l’entreprise, comme lorsque Pony joue la nostalgie en remettant le sort de ses créations aux stars Westcoast Snoop Dogg ou Nipsey Hussle.

 

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Les rappeurs et leurs extravagances. Les marques et leurs ambitions. Parfois le mélange est difficile à amalgamer, et le résultat s’en ressent. Même des années après. Difficile en effet de ne pas s’interroger sur les intentions de la marque Lugz lorsqu’elle prête les clés de son atelier design à Birdman, ou encore sur l’idée qui passe par la tête de la firme FILA en choisissant l’éphémère Hurricane Chris comme créateur. La similitude est curieuse et poussée au ridicule entre les deux spécimens nés de l’imagination des rappeurs, des deux marques et celles des chaussures Gucci. Sans conteste le fond de la honte, le bout du chemin de la perdition dans la création de sneakers. Il existe aussi le cas inverse où des marques obscures cherchent à gagner en notoriété en faisant appel à des artistes de renom.

Des rappeurs dont on doute qu’ils soient réellement impliqués dans le processus créatif tant le design laisse à désirer : Soulja Boy et ses godasses multicolores Yums pompées sur Bape/Ice Cream/AF1, Xzibit et ses hybrides mi-shoes mi-wheels Dada Spinners qui surfent sur le succès du show « Pimp My Ride ». Même une légende comme Nas s’est laissé aller au faux pas avec 310 Motoring et sa ligne de chaussures nommée Disciple (2007), dans laquelle il a eu une grande implication dans le département design. L’auteur d’Illmatic justifie sa démarche : « C’est de la customisation, il s’agit d’exprimer son propre style. La collection Disciple est née de cet esprit. Je suis excité de designer une ligne qui respecte que nous sommes uniques, que nous sommes ici pour célébrer notre diversité, nos racines, notre histoire. » Produite en édition limitée, la Disciple témoigne elle aussi d’un amour pour la AF1 ainsi qu’une attirance pour les marques de luxe. Deux ans plus tôt, c’est Game qui collabore avec la même marque et sort une chaussure toute aussi laide, « The Hurricane ». Ces réalisations médiocres prennent sens quand on découvre que 310 Motoring est une sous-division du géant américain Skechers… Généralement peu adopté par les connaisseurs, ces modèles arrivent à se vendre assez bien car compensés par la popularité des artistes co-signés.

 

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Parfois, le contexte… Peu de temps après son départ de Roc-A-Fella en 2007, le businessman Damon Dash, propriétaire d’une licence d’exploitation au sein de la marque Pro-Keds, souhaite remettre la marque au goût du jour. L’ex-associé de Jay-Z échouera dans sa tâche et sera rapidement sorti de l’entreprise un an après. Parfois, la conception d’une paire s’explique par des raisons différentes. En pleine période de récession, c’est le sneaker addict et leader du, alors encore actif, Terror Squad, Fat Joe, qui s’attelle à créer une chaussure qui puisse être acheter par les familles défavorisées. « J’ai des milliers de sneakers et je suis un gros collectionneur, mais je voulais que ma paire soit quelque chose d’abordable pour les enfants. À cause de la conjoncture économique, beaucoup de gens n’ont pas les moyens de s’offrir des baskets à 200$. Avec cette paire les enfants n’ont pas à s’inquiéter du portefeuille de leur père et mère à 34.99$ » explique le rappeur originaire du Bronx lors de la présentation de la chaussure en 2009.

 

Quid de la France dans tout ça ? Comme on peut l’imaginer, les exemples sont maigres. Malgré son succès populaire dans les ventes, aucune marque ne s’est risquée à confier son image et ses créations à des rappeurs. Pas assez corporate, le rap souffre trop longtemps de son image trop subversive, ou peut-être simplement du manque d’envergure des artistes nationaux. Lacoste (Missouri 85), Reebok (Classic, Exofit, Fitness…), Adidas (Stan Smith), Nike (Air Max, Cortez, TN…), les modèles classiques ne manquent pourtant pas dans les quartiers français. Comme souvent l’exception qui confirme la règle en matière de rap, c’est Booba, qui le premier réalisera une collaboration d’envergure en 2008 avec un grand équipementier dont il se ventera sur le morceau « Marche ou crève ». L’homme du 92i fait partie des nombreux artistes dans le monde à avoir le privilège de revisiter la Air Force I pour une campagne nommée 1World. Dans cette collection où l’on peut retrouver diverses célébrités telles que Rio Ferdinand, QuestLove, Kaws ou encore Busy P et So Me, le travail de B2O ne fait pas tâche, loin de là. Fabriquée en matériaux premiums et limitée à 176 exemplaires, la chaussure rouge, sa couleur préférée, contient un tatouage au laser dessiné par son ami et ancienne « tattoo artist » Laura Satana, ainsi qu’un drapeau du Sénégal sous la semelle.

 

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La jurisprudence Kanye – Fashion Over Performance

 

Les années 2010 sont celles de l’émancipation. Cette période coïncide avec les premières fois : premier vrai créateur issu du rap, premier vrai contrat sponsoring pour un rappeur. Le rapport de force est inversé, le rappeur devient véritablement décisionnaire au sein d’une marque et sur le produit fini. Ce changement est personnalisé par une entité : Kanye West. De faire-valoir lifestyle, la basket est devenue un objet high-fashion, portée sur les tapis rouges par les stars du hip-hop, mais pas que… Le Chicagoan, doté d’une sensibilité accentuée à la mode et d’une audace à toute épreuve, a su forcer les portes autrefois fermées et élargir le champ d’action de l’artiste urbain. Il fait une entrée fracassante dans le sneaker design en 2009 quand il crée trois modèles pour Louis Vuitton et lance la même année la Yeezy première du nom. Le success-story sous la bannière Nike continue en 2012 avec les Yeezy II. Paradoxalement, la Red October, dernière Yeezy réalisée chez Nike est certainement la plus populaire, elle sortira après son départ pour Adidas.

 

Attendu au tournant après son départ de Nike pour Adidas, le « producer-turned-rapper-turned-stylist » aurait lui-même à l’époque avoué à un journaliste de Sneakerwatch qu’il pensait que ses Adidas n’attireraient pas la même attention que ses Nike l’avaient fait. Mais c’est sans compté sur le génie et l’influence de l’artiste, autant sur ses fans que sur les célébrités. Malgré cette réussite symbolisée par les différentes Yeezy Boost, Kanye se retrouve aujourd’hui confronté à des critiques sur son travail et notamment au sujet de la gamme de prix de ses collections, en désaccord avec ses aspirations de départ qui visaient à être abordable pour le grand public. Hate it or love it, le succès de Kanye engendre indirectement l’éclosion de nouveaux postes et redistribue les cartes.

 

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Swizz Beatz incarne une autre facette de ce changement. L’ancien architecte sonore du collectif Ruff Ryders a lui aussi exporté ses talents vers la mode puisqu’il a intégré Reebok en tant que directeur créatif en 2011, puis il prendre le poste de vice-président du pôle sport, design et musique de la marque. Celui qui est aussi actuellement dans le board de la société Monster défend ardemment le talent son ami : « Kanye est un génie incompris. Peu importe la création qu’il fait, je la respecte car il y met sa passion et son temps. Il est le seul dans son registre. Un architecte incompris… Kanye est a la musique ce que Ralph Lauren est à la mode. Il est à la mode ce que Dre est à Beats, ce que Pharell est à « Happy », ce que Swizz est à « Ruff Ryderz anthem ». Kanye West est unique. On n’en aura plus jamais d’autres… Nombreux sont ceux qui le critiquent ou lui manquent de respect à cause de sa passion. Il est assez courageux pour le faire. Des tas de gens se cachent, mais espèrent faire ce qu’il fait. Kanye est le meilleur des meilleurs. »

 

Avec son travail sur les marques Billionaire Boys Club et Ice Cream, pour ne citer qu’elles, Pharrell a longtemps fait office de « fashion leader » dans le hip-hop, le véritable « OG » à ce niveau, c’est lui. Mais on ne peut s’empêcher de penser que l’acquisition de Kanye quelques mois plus tôt à joué dans la décision d’Adidas d’accueillir le leader de N.E.R.D. La particularité de ce deal permet à Pharrell de devenir le premier designer de la marque a déjà avoir sa propre entité (Bionic Yarn, qui fabrique du textile issu de bouteilles en plastique recyclées, qui sera utilisées dans les prochaines collections Adidas). Le producteur, comme Kanye, justifie son choix par la grande latitude d’expression et la confiance que l’entreprise allemande laisse à ses créatifs : « C’est une incroyable opportunité de travailler avec des gens inspirés qui comprennent d’où je viens et respectent mes goûts tout en aillant accès à de la technologie de pointe et une marque avec une histoire incroyable. » Pharrell et Kanye, deux paris gagnants à en juger par le revival considérable des modèles Superstar et Stan Smith pour le premier, et le succès de la série Yeezy Boost pour le second. À la différence de Nike adepte du contrôle, friand de sportifs, peu enclin à laisser les clés de son atelier de création aux artistes, et soucieux de son image basée sur la performance, Adidas se place dans une démarche plus « fashion » et focalisée sur le lifestyle, sélectionnant des personnalités sensibles aux tendances mode et reconnues pour leur style. Derrière Kanye et Pharell, on retrouve ASAP Rocky, Big Sean, Nicki Minaj, Pusha T ou encore Rita Ora.

 

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Yeezy Out, Dreezy In. Kanye parti, c’est Jordan Brand qui pique la recette Nike en faisant de Drake et son collectif OVO l’un de ses nouveaux porte-drapeaux, espérant surfer sur la hype de l’artiste le plus en vogue depuis un moment dans le hip-hop. Ailleurs, entre les collaborations de petites marques émergentes ou sur le retour et des légendes du game comme l’association entre le « Chef » du Wu-Tang Raekwon et la marque italienne Diadora, ou le producteur Just Blaze qui collabore avec Saucony ; le business de la sneaker a repris de plus belle depuis l’ère Kanye. Même Puma, une marque qui a longtemps boudé les célébrités qui ne sont pas issues du sport, s’y met par l’intermédiaire des collections textiles et baskets de Vashtie ou Rihanna.
Parfois, le vice est poussé jusqu’à l’excès comme le montre le résultat de l’alliance entre Theophilus London et la marque de luxe Del Toro, mais les projets sont inscrits dans un plan cohérent et mieux travaillé que par le passé. Mais en réalité aujourd’hui, les vraies créations de rappeurs sont rares, le design est laissé aux designers couturiers (Jeremy Scott, Yohji Yamamoto, Raf Simons…) ou aux traditionnels sneakers designers spécialisés (Tinker Hatfield, Bruce Kilgore…). La différence maintenant, c’est que les marques semblent mieux cibler les artistes avec lesquels bosser, que ce soit une histoire de goût artistique, de sens de la mode, ou de notoriété. Et c’est peut-être mieux comme ça…

À l’heure où Matuidi est devenu « charo », qu’en est-il de Serge Aurier ? Titulaire au PSG, lui aussi a sa petite histoire avec le rap français. Quelques mois avant sa signature dans le club de la capitale, le latéral est interpelé dans un morceau de Gradur qui culmine aujourd’hui a plus de treize millions de vues. Suffisamment impressionnant pour partager un écouteur avec l’international ivoirien.

 

Première question un peu basique : qu’est-ce que le rap pour toi ?

Le rap, ça vient de la rue, souvent les mecs qui le font ont vécu des choses fortes dans leur vie, petits ils n’avaient pas ce que certains avaient, ils trimaient. Du coup, c’est leur poésie à eux. Le rap a une histoire, je n’étais pas encore né que c’était déjà une musique qui faisait partie de la culture aux States, mais aussi en France. Aujourd’hui, en France, il y a une nouvelle génération qui commence à mettre un peu d’ambiance positive. Le problème, c’est qu’il y a eu beaucoup de clashs, et pour ma part ça m’a un peu éloigné du rap. Tu ne sais plus qui écouter, pour qui prendre parti.

 

Dans Sheguey 8 – Dani Alves, à la fin du freestyle, Gradur dit : « Serge Aurier, j’suis avec ton frelon, y a rien. » Comment tu apprends ça ?

Sincèrement, il l’a fait de lui-même, on n’en a pas parlé. C’est un très bon ami à mon petit frère, il l’accompagnait toujours à ses showcases un peu partout, ils se connaissent bien. C’est un petit clin d’œil qu’il a voulu me faire, ça m’a fait plaisir. On s’est vus une fois à une de ses prestations, on est entrés en contact, et c’est parti de là. Je sais que c’est un mec qui a la tête sur les épaules, qui est tranquille. Quand tu es avec lui, il ne se prend jamais la tête, il reste vraiment posé. Pour moi, il incarne cette nouvelle génération, il est dans le rap pour ouvrir les portes à d’autres personnes. Du coup, dès qu’il y a un rappeur qui poste un son qu’il aime bien, il le partage. C’est comme ça qu’il faut se donner de la force.

 

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Tu trouves justement qu’il contribue à changer les mentalités ?

J’ai l’impression que tout le monde veut être le boss. Gradur arrive à redonner une définition au rap qui ressemble à celle des États-Unis. Là-bas, dès qu’un nouveau sort un son que tout le monde kiffe, les artistes confirmés le pousse : ils font des « remixes », ils le font venir en concert. Un vrai esprit collectif. Ce qui fait avancer le rap ici, c’est que les mecs s’en battent les couilles, on va dire. C’est du business. Du coup, en France, la nouvelle génération doit apporter un autre délire.

 

Qu’écoutais-tu des générations précédentes d’artistes ?

J’ai grandi en écoutant de Rohff, c’est des sons qui me parlaient. Dans ses albums, il y avait beaucoup de textes dans lesquels je me reconnaissais. J’ai connu le rap à cette époque-là, quand il a commencé à être actif artistiquement ; et tout ce qu’il disait, j’avais l’impression de le vivre automatiquement. Il a des classiques, pour moi ça reste l’un des meilleurs rappeurs en France.

 

Aujourd’hui, quels sont les artistes que tu écoutes le plus ? Ton top 5 ?

Young Thug, Future, Kaaris, Gradur et Ixzo. Mais dans le vestiaire, avant d’entrer sur la pelouse, c’est soit Gradur, soit Kaaris. Ce sont des paroles qui me donnent la patate.

 

Retrouvez cette interview dans le dernier numéro du YARD Paper.

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Après la fameuse altercation dans la boutique Unküt, Rohff s’est fait discret dans les médias. Préférant rapper sa rage plutôt que de l’étaler dans la presse, alors qu’on l’attendait avec une mixtape le 4 décembre prochain l’artiste arrivera avec un nouvel album Le Rohff Game, le huitième de sa discographie. Avec YARD, l’artiste dissèque son parcours personnel (de sa vie aux Comores à son arrivée à l’aéroport) et professionnel (de ses débuts, en passant par la Mafia k’1 Fry, son succès), puis nous fait rentrer dans sa réflexion et son avenir.

Suite aux événements tragiques qui ont touché Paris vendredi dernier, nous sommes contraints dans ces circonstances d’annuler les événements prévus cette semaine : le Howl Festival by YARD ainsi que le concert RBMA prévu à la Gaîté Lyrique vendredi prochain.

En ce qui concerne les remboursements, ils seront effectué automatique par Digitick en ce qui concerne le Howl Festival.

Pour le concert RBMA, vous pouvez vous adresser à la Gaîté Lyrique.
YARD & Free Your Funk souhaitent remercier tous les artistes impliqués dans la mise en place de cet évènement unique notamment les musiciens de The Hop. Nous espérons que ce concept inédit pourra revoir le jour en 2016….nous vous tiendrons au courant.

YARD reviendra prochainement avec d’autres événements. Mais pour l’instant, le temps reste au recueillement et au respect de la mémoire des personnes disparues. Toutes nos pensées vont aux victimes et à leurs familles.

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Photo : @Ahtlaqdmm

Après une collection de rentrée colorée, Foot Locker enchaine avec cette fois une collection sous le signe de l’hiver. Composée d’une sélection des meilleurs modèles des marques du moment, la Winterized Collection se divise en deux collections : une consacrée à la couleur olive (5 paires) et une autre à la couleur sable (8 paires). Parmi la Superstar, la Stan Smith, la Tubular, la Air Force 1 Low et Elite ou encore la Converse MA 1, c’est sans aucun doute la Air Force 1 High qui sort du lot. L’habillage uniforme couleur sable donne au classique de Nike une nouvelle dimension, à la fois sobre mais stylé, qui sied parfaitement au contexte hivernale. Les modèles de la collection Wheat sont disponibles depuis le 12 octobre dans les magasins Foot Locker en Europe ainsi que dans les shops online.

#FootLockereu   #Winterized

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2015 était l’année de la première participation au Quai 54 d’une équipe Chinoise, représentante d’une scène streetball émergente et boostée par son propre roaster de superstars et de talents promoteurs tel que Hot Dog, Jian et More Free.

Pour leur premier game au Quai 54, le FSBA China et son penchant pour le freestyle affrontaient les vétérans de l’équipe espagnole No Spain, No Game, une équipe de professionnels chevronnés.
Là les cultures s’entrechoquent de bien des façons : ce n’est pas seulement China vs. Spain, c’est le Streeball contre le basket pro, les grands contre les petits, le freestyle contre le jeu construit, David contre Goliath.

Dans une série de photo, le photographe Axel Morin nous ballade en plein été dans les rues de New-York entre ses quartiers de Harlem, du Bronx et de Brooklyn. Un voyage plein de rebondissement où se croisent des personnages atypiques, des têtes couronnées et gamins survoltés, dans un décors urbain et une chaleur pesante qui nous ramène à « Do The Right Thing » de Spike Lee. Au détour d’une rue déserte, le photographe capture aussi des paysages urbain qui participe à la création de tout un univers.

Découvrez ces photos les 21 et 22 novembre, à l’Espace Marais, 5bis rue de Beauce, 75003
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Texte : Paul Mousset

Les collaborations Supreme et The North Face sont toujours extrêmement attendues, deux nouvelles vestes issues de ce mariage débarquent sur le marché le 19 novembre sur l’e-store de la marque new-yorkaise. C’est le photographe français Yanis Dadoum ces deux nouveaux produits dans les rues de Paris, on retrouve cette authenticité propre à l’artiste.

 

 

Nos smartphones, nos réseaux sociaux, nos selfie sticks, plus le monde de la technologie avance plus il nous conduit à nous rapprocher des écrans et encore plus à l’ère de l’extrême mobilité de nos téléphones portables. Antoine Geiger, avec sa série de photographies baptisée Sur-Fake, exprime le pouvoir qu’exerce tous ces outils sur nos vies. Des clichés en plein Paris qui témoignent de cette omniprésence perpétuelle.

 

 

C’est dans la cité Picasso que YARD a choisi de tester la Mercedes AMG A 45 4matic. Un modèle qui allie le design racé et les lignes dynamiques d’une classe A  à un moteur AMG imaginé pour les fans de sports automobiles, capable d’atteindre 250 km/h grâce à ses 381 ch.

Un essai capturé par le photographe Pierre-Alexis Mulier, aka @Ahtlaqdmm.

 

NEWSHIRT est plus qu’un simple projet pour le designer hollandais Jetty van Wezel, l’idée incarne plutôt un véritable crédo politique et stylistique. En choisissant des photos de presse et de Une sportive ayant une puissante résonnance sociale ou esthétique, l’artiste délivre son message.

Cover du dernier ‪#‎YARDPaper‬, Éric Cantona revient sur sa carrière de footballeur, d’acteur mais aussi sur son enfance et sur le monde qui nous entoure.
Découvrez l’intégralité de l’interview dans le numéro 6 du YARD Paper.

Le Quai 54 est l’endroit où se bâtissent les légendes, et où les réputations sont défaites. Quand les champions en titre du Hood Mix 2.0 (France – Champions Quai 54 2014) jouent contre YARD-La Relève (France – Champions du Quai 54 2011), dans un match qui rappelle la final du Quai 54 2014, chaque équipe sait qu’elle doit réussir pour poursuivre. C’est « do or die », « go hard or go home » et aucune possession de balle ne doit être prise pour acquise. Pour des gars comme Angelo « Le Tsar » Tsagarakis, capitaine du Hood Mix 2.0 et Zainoul Bah, capitaine de YARD-La Relève, deux professionnels de la ligue française en compétition l’un contre l’autre tout au long de la saison, ce game d’été a tout du règlement de compte.

Graduate, boutique et enseigne emblématique basée dans la ville de Bordeaux, fête en ce mois de novembre ses cinq années d’existence. À cette occasion elle réalise une gamme de produits limités, conçus en collaboration avec plusieurs marques reconnus. Habitué des partenariats (APC, Comme Des Garçons, Neighborhood, Junya Watanabe…), c’est avec des labels bien établis que Graduate s’est associé pour fêter comme il se doit ce cinquième anniversaire : Stüssy, Bleu de Chauffe, Il Bussetto, Maison Ferrand, MONA et Homecore.

La collection capsule est composé de 6 produits, -un par marque-, tous estampillés Graduate et en exemplaires limités: un tee-shirt Stüssy (50 exemplaires), un sac de type cabas Bleu de Chauffe (10 exemplaires), une chemise Homecore (50 exemplaires), un porte-monnaie Il Bussetto (100 exemplaires), une montre Mona (10 exemplaires) et une bouteille de cognac de chez Maison Ferrand (50 exemplaires).

La collection capsule sera disponible dès le 21 novembre à la boutique et sur leur site internet.

Graduate Store – 62-63 rue du Pas-Saint-George 33000 Bordeaux

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Avec l’arrivée de l’automne, Vans se réinvente et dévoile la collection Weatherized. Pensées pour vous suivre sous ces nouvelles conditions climatiques, ces paires deviennent résistante à l’eau, anti-dérapantes, isolantes… bref, conçues à l’épreuve de tous les intempéries et des obstacles de la jungle urbaine.

Pour le prouver, il fallait bien une démonstration. Plus haut, c’est le coursier Fuego qui met sa paire à l’épreuve lors d’une livraison sous la bruine parisienne. Mais le graphiste Veenom et le photographe Dimitri Coste y sont aussi allés de leurs propres séances de torture.

 

Avec YARD tente de remporter toi aussi une paire de #VansWeatherized, en postant sur Instagram, une photo de ta paire de Vans la plus abimée, en mentionnant @YARD et en utilisant le hashtag #VansWeatherized. Le concours prendra fin vendredi 13 novembre.

 

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G.O.O.D Music, le label fondé en 2004 par Kanye West sera désormais dirigée par Pusha T. L’ancienne moitié du groupe Clipse et CEO de sa propre marque Play Cloths se voit récompenser de son travail et de sa fidélité au sein du label. Pusha T sera donc en charge d’un roster qu’on ne présente plus, qui comprend de nombreux artistes confirmés tels que Q – Tip, Big Sean, Common ou encore Cyhi The Prince, mais aussi de nouvelles signatures comme Kacy Hill et HXLT. Pour l’occasion il donne une interview à Billboard, dont voici quelques extraits.

Pusha T explique dans un premier temps dans quelles conditions s’est déroulé cette annonce, qui se serait passé il y a plus de 4 mois.
 

« En fait je prenais un avion pour rentrer et je venais juste d’entrer dans ma voiture à l’aéroport. Ye m’appelle et me dit : « Dis-moi un truc. Que penses-tu de devenir le président de G.O.O.D Music ? » Je lui réponds «  Quelles sont les choses que tu cherches ? » Il me répond simplement qu’il voulait que je façonne le label, le rendre lucratif, et le diriger d’une manière très business dans la croissance du label, le tout en étant pointilleux. »

 

Il s’explique ensuite sur les raisons pour lesquelles il a été choisi par Kanye West pour tenir le rôle de leader au sein du label.

 

« Kanye et moi avons la même vision. Il me respecte en tant qu’artiste, c’est à dire un artiste méticuleux. Je ne suis pas là à faire des choses dans le vent et n’importe quoi. Lorsque l’on parle d’albums et de choses comme ça, j’ai une manière pointilleuse de travailler dans laquelle je prends mon temps et il respecte cela… Depuis que je suis à G.O.O.D Music, il y a eu un tas d’artistes que j’ai amené, que je lui ai fait remarquer pour les signer, que ce soit un truc hot ou quand je mette mon veto quand c’est nul…Il sait que je suis dehors en permanence. Que je suis un mec du peuple. Il sait que je suis en courant des différents courants qui se créent, que ce soit sur internet ou avant que cela devienne hot sur la toile. »

 

Enfin, le rappeur s’exprime sur les probabilités d’une suite à l’album Cruel Summer ou d’un album compilation du label.
 

« J’ai ce projet dans mon moodboard. (Rires) C’est définitivement dans mon moodboard. J’ai eu différentes conversations avec les artistes. Moi et le reste des artistes du label ne sommes qu’à un coup de fil de cet album et on est vraiment sur la même longueur d’ondes sur l’aspect musical de ce projet également. Ce n’est pas un processus difficile et ce sera cool de collaborer avec mes pairs et de présenter le résultat à Kanye en tant que producteur exécutif et lui dire «  Regarde ce truc frais qu’on a là. »

Depuis sa création, la Air Max s’est fait un nom par la bulle d’air visible sur ces nombreux modèles. La Air Max 2016 marque un changement dans cette ligne directrice puisqu’elle adopte un gris métallisé sur toute la surface de la semelle. On connaissait déjà l’aspect de la Air Max 2016, mais cette « innovation » vient ajouter une touche de nouveauté à un modèle qui se différencie peu des années précédentes.

Après Taipei et Copenhague, Kreate nous fait traverser l’hémisphère pour  découvrir Le Cap (Cape Town), capitale d’un pays qui, jeune d’un siècle, se construit sur les marques laissées par une histoire lourde et douloureuse.

Du haut de Lion’s Head, on aperçoit la montage Table Mountain qui divise Cape Town en deux parties, dévoilant par la même occasion toute la portée d’une explosion à deux vitesses dans une ville qui laisse derrière elle Langa, premier township historique de la capitale. Dans ces rues, en quelques kilomètres, on passe de la misère du township aux buildings du City Center, des emblèmes de l’histoire aux ambitions du futur. 

Parfois l’humanité rencontre des phénomènes quelque peu inexpliqués : le Big-Bang, les pyramides égyptiennes, Amanda Lear. La musique aussi. Dans le paysage du rap français qui plane principalement entre la trap de Chicago et celle d’Atlanta, rien ne pouvait laisser présager la perturbation PNL. Même Olivier Cachin ne l’avait pas vu venir.

L’histoire semble prendre sa première majuscule le 2 mars 2015, le jour où le projet Que la famille s’impose comme la profession de foi d’un duo jusqu’ici inconnu, PNL. Peut-être un peu de programmation neuro-linguistique mais surtout beaucoup de Peace & Lovés, la véritable origine de l’acronyme représente parfaitement le message du tandem fraternel. Une utilisation aérienne de l’auto-tune sur des productions qui le sont tout autant ; deux éléments qui plantent le décor d’un conte ultra-moderne de deux dealers (a minima) des Tarterêts. La saison 1, Que la famille, était déjà intrigante donc la saison 2, Le monde chico, qui sortait en fin de semaine dernière, devenait forcément la nouvelle attraction du rap français. L’éclosion du Monde chico, celle d’un second projet, est toujours piégeuse pour des artistes portés par la fraîcheur d’un premier essai inattendu. Il s’agit d’éviter les écueils d’un format souvent caractérisé par une envie de trop bien faire : trop long, trop fouillis, trop répétitif… Alors quand la « tracklist » annonce 17 tracks et près d’une heure et quart de musique… On doute. Et pourtant.

 

 

La force du Monde chico c’est justement qu’il permet pour une dizaine d’euros de le voir, le monde. Le duo nous fait traverser, au fil des tracks, différents univers : dans « Mexico » on se replonge dans l’atmosphère du duel à l’arme blanche qui opposait O-Ren Ishii et The Bride dans le premier Kill Bill, un morceau plus loin c’est les cuivres du New York de Spike Lee qui nous dépose directement sur « La porte de Mesrine », puis quelques secondes après on enfourche une moto sortie de Tron en Kevin ou Sam Flynn pour « Dans ta rue ». Une diversité inspirée et mystérieuse, jusqu’à l’identité même des producteurs qui ne sont pas crédités sur le livret de l’album. Un périple sonore qui épouse parfaitement la texture des voix auto-tunées d’Ademo, à la constante recherche d’une émotion particulière et de nouveaux flows, et de N.O.S, capable à la fois de performances plus construites « rapologiquement » et d’autres plus fantaisistes.

 

Malgré cet exotisme musical qui tranche dans le rap français, le thème central développé dans l’album reste la vie de dealer menée par les deux frères. Là où certains pourraient y déceler une redondance qui révèlerait le manque d’inspiration du groupe et sa contribution à l’uniformisation du rap français, en s’associant notamment à une partie de la trap qui revient largement sur ce type de propos. PNL dénote. Ils apportent une sensibilité, une perspective singulière sur un sujet souvent déshumanisé dans le rap où le deal serait l’affaire de gros durs sans émotions. PNL nuance. Le jeu sur l’auto-tune et la fragilité de la voix des deux artistes, encore plus pour Ademo, apporte une finesse dans l’interprétation de leurs activités illégales. Mais à y jeter une oreille plus attentive, les textes aussi.

 

 

« C’est sale quand je vends la came, mais bon ne croyez pas que je kiffe, des remords quand je suis à table. » Dans « Oh Lala », Ademo vient résumer tout la complexité de la manière dont il envisage leur situation de dealer. Un état de fait totalement assumé, presque revendiqué, « c’est sale quand je vends la came », mais qui le conduit dans une réflexion totalement conflictuelle, des « remords » même. Leurs tourments, PNL les exprime à longueur de track. La précarité pour point de départ, c’est la nécessité qui les amène sur les sillons de l’illégalité (« La famille a faim pas le temps de raconter ma life, trêve de balivernes », Ademo dans « Le monde ou rien »). Cette contrainte originelle liée à l’obsession de l’argent n’est pas nouvelle dans le storytelling du rap français, Booba s’en est fait le porte-voix pendant 15 ans et plus encore. En revanche, le reste est plus rare. L’éreintement et la solitude générés par leur choix de vie se dévoilent notamment dans « Sur Paname » : «  Sans déconner j’ai le cerveau vide, les yeux vides, le cœur vide, le compte vide », « Et mon ombre tu t’rappelles, la bibi 7 sur 7 tout l’hiver ». Cette humanité tranche et permet à toute une frange de la population de s’identifier. Au-delà de la vente de substance illicite, dans une vie, certaines de ces émotions peuvent être éprouvées par tous. D’où le fameux « Je suis PNL ».

 

 

Une complexité qui rappelle Lunatic dans la parfaite expression des contradictions entre la réalité d’un mode de vie et certains idéaux : immatériels, familiaux, religieux… Une autre idée du bonheur, parfois difficile à atteindre. Cette dualité qui tiraille viscéralement une partie du public hip-hop (et pas seulement) a fait de Mauvais Œil un classique qui a su braver l’épreuve du temps. 15 ans plus tard, PNL endosse l’affiliation, met à jour la façon d’écrire et de rapper ces contradictions. Ademo les résume avec la maxime qu’on retrouve à la fois sur Que la famille (dans « Lala ») et sur Le monde chico (dans « Laisse ») : « J’fais l’wodou, j’fais peur au robinet. » En Islam, les petites ablutions (wodou) purifient le musulman et lui permet d’exercer sa prière. Avec la personnification, le rappeur nous fait comprendre que ses péchés sont tellement nombreux que même lorsqu’il essaie de s’en laver, le robinet s’y refuse. Quant à N.O.S, sur « Abonné » et « Mexico », il concrétise sa relation avec ses anges qui cherchent à le conduire vers la bonne direction, celle de la religion : « Mon ange a pleuré, parce que j’ai péché. Je voudrais lui dire que j’aimerais tous les aimer, mais qu’au final ces bâtards me feraient saigner », « On s’écarte des anges, c’est mieux. Faudrait pas qu’ils se brûlent les ailes. » La force de l’écriture de PNL réside justement dans l’originalité de parler de ces contradictions

PNL fait voyager le rap français mais surtout, comme ils le disent eux-mêmes, ils « emmènent la misère en balade ». Dans le clip de « Oh Lala », Ademo et N.O.S sont partis jusqu’en Islande tout en gardant leur style, leur histoire, leur authenticité. C’est ce symbole qu’incarne PNL. En partie, ils représentent les quartiers français et ils ont su les faire sillonner sur les routes de leur Monde chico.

 

A une semaine de la sortie de son premier album studio « Free TC« , Ty Dolla Sign dévoile le titre « L.A. » accompagné de Kendrick Lamar, Brandy, James Fauntleroy. Premier titre de sa tracklist, il inaugure un album auréolé par ses featurings (Kanye West, Diddy, R.Kelly, Babyface, Trey Songz, Future, Rae Sremmurd) et un véritable orchestre dirigé par le musicien qu’est Ty Dolla Sign.
En attendant le 13 novembre.

 

Ty Dolla Sugn

Le spot publicitaire qui accompagne la gamme G-Steel illustre l’ambivalence de la montre, de celle qui va aussi bien au rider qu’a l’automobiliste, au maitre nageur qu’au basketteur. En transports, au bureau, en déplacement, en session sport, le spot montre que la G-Steel s’adapte à toutes les situations urbaines possibles. Avec beauté et simplicité, elle s’impose comme le partenaire idéal de chaque activité de vie urbaine. Le spot d’une durée d’une minute a été réalisé par Syrine Boulanouar, connu notamment pour avoir mis en image de nombreux clips du groupe 1995, Alpha Wann, L’Entourage, S-Crew ou encore Nike notamment. Ici pas d’acteurs, que de jeunes urbains jouant leurs « vrais rôles » dans la vie de tous les jours. Même quand il s’agit d’effectuer leurs propres cascades et leurs figures de flat comme le démontre la participation du célèbre rider français Matthias Dandois qui fait encore démonstration -si besoin en était- de ses qualités au guidon de son BMX, montre en main. La partie sonore bénéficie également d’un traitement haut de gamme puisque c’est Hologram Lo’ qui s’est chargé de composer la musique du film.

Le film présente avec dynamisme la nouvelle gamme G-shock, qui a forgé sa réputation sur sa solidité et sa capacité tout-terrain. La G-Steel, – avec sa structure en acier et résine, son étanchéité à 200 mètres et son fonctionnement à l’énergie solaire-, s’affirme comme l’alternative urbaine/élégance d’une montre qui n’a plus rien à prouver aux aventuriers de l’extrême. C’est la raison pour laquelle la G-Steel, se positionne comme le compagnon idéal et haut de gamme de l’homme urbain des temps modernes. La G-Steel est aussi la solution aux nostalgiques et à ceux qui ont grandit avec la G-Shock ou les montres Casio (fans de Marty Mc Fly on vous voit !) et souhaitant adopter un style plus classique et élégant tout en conservant l’esprit et les caractéristiques de la marque.

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140 euros un débardeur en coton, 440 un jogging en molleton, 1600 un bombers en nylon, 3500 un manteau en peau de mouton. Kanye West a la folie des grandeurs, aligne les zéros sur l’étiquette comme Rocancourt sur ses chèques en bois. Pourquoi le emcee aux relents populistes a-t-il accouché d’une collection inaccessible, lui qui prêche sans relâche l’abordable ?

 

Kanye Yeezy Movie

 

Le Robin des bois de la mode ?

« J’ai une approche très « Robin des Bois » de la mode » lâchait Kanye dans la foulée de son défilé Yeezy Season 1, dans une interview-fleuve auprès de Style.com (rebaptisé « Vogue Runway »). Avant de révéler les prix outranciers de sa collection pensée main dans la main avec adidas originals, le Chicagoan n’avait de cesse de clamer sa volonté de livrer des pièces à portée de toutes les bourses. « Nous sommes tous égaux », ressasse-t-il à l’envie. Il emmerde le matérialisme, l’élitisme, le séparatisme. Il y a deux ans, il posait au micro de Zane Lowe sur la BBC : « Vous pouvez vous acheter un pantalon Zara, pas vrai ? Et après une fille marche dans la rue avec la version Céline, et vous vous sentez comme une merde. C’est le problème. Je parle de vous, les nouveaux esclaves, les gens qui aimez la mode ». Les nouveaux esclaves, son cheval de bataille. Son argumentaire, West le débite sur son titre « New Slaves », où il dénonce la consommation boulimique et moutonnière de ses comparses noirs, ces esclaves monétaires portant des chaînes en or. Si une marque de luxe tentait de lui conter fleurette, le rappeur refuserait en bloc de travailler pour elle, répète-t-il sans sourciller. À la place, il se rêve plutôt en directeur artistique de Gap. Car ce qui lui importe c’est de « faire des beaux produits accessibles au plus grand nombre». « Le moins que je puisse faire c’est de passer mon temps à essayer d’offrir aux gens un bout de ce qu’on appelle la « belle vie ». Tout le monde devrait avoir la belle vie ». Mais Ye, l’esprit un peu brouillé, louange dans un même souffle Zara et H&M pour avoir vulgarisé la mode, et ses maîtres à penser Raf Simons, Hedi Slimane, Helmut Lang ou Martin Margiela, pas franchement bon marché. Le candidat à la présidentielle américaine de 2020 – qui promet de régaler le peuple de Yeezy s’il est élu – ballotte entre ses ambitions démocratiques et son amour du luxe.

 

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Entre rejet et fascination. Ainsi, après s’être auto-proclamé « The Louis Vuitton Don » et avoir dessiné une série de sneakers pour Vuitton, Kanye West crachait sur la maison parisienne et ses prix trop élevés. Puis appelait à son boycott après que son vice-président ait refusé de le rencontrer. Avant d’électriser la fondation Vuitton quatre soirs d’affilée et de se pointer au premier rang du défilé du maroquinier. En vérité, Kanye s’échine à courir après un vieux rêve impossible. Le luxe ne sera jamais cheap. Lui-même ne peut se résoudre à ronger le niveau de qualité et de créativité de ses produits pour les vendre moins chers. Peu après la présentation de sa première collection pour adidas, il assurait pourtant, confiant, que sa veste camouflage serait abordable. Elle coûtera finalement 1 700 euros. Et lorsqu’il dégaina son premier modèle de Yeezy 3 sur le marché, il s’excusa auprès de « tous les enfants et tous les parents qui ne peuvent pas s’offrir ces sneakers parce qu’il n’y en a que 9 000 et qu’elles coûtent 350 dollars ». A la découverte des prix de l’ensemble de la ligne Yeezy Season 1, la Toile s’est immédiatement embrasée et affolée. Un brin mauvaise foi, West rejette la faute sur adidas et claironne qu’il ne refera pas « une autre veste à 5 000 dollars que vous ne pouvez pas vous payer ». Là où la démarche du bonhomme est honnête, c’est dans sa volonté de pondre des pièces uniques et intemporelles, « quelque chose que vous voulez garder pour le restant de vos jours », à rebours des collections de fast-fashion qu’une flopée de créateurs s’empresse de signer pour H&M. Reste que les prix interpellent, interloquent, interrogent. Sont-ils réellement justifiés ou purement démesurés ?

 

Le prix réel

Le prix « naturel et objectif » d’un produit dépend de son coût de revient – soit les frais de tissus, de fournitures textiles (boutons, zips, étiquettes …), de façon, de transport, de logistique et de distribution – auquel s’ajoute la marge de la marque. Les pièces basiques et non-coûteuses comme les sweats et les t-shirts sont généralement celles pour lesquelles la marge est la plus élevée. Dans tous les cas, même s’il coûte moins cher à la production, un top ne peut se vendre 50€ lorsqu’un pull en coûte 1 300, dans un souci d’harmonisation et de cohérence. Le coût de la façon, lui, augmente sensiblement selon la quantité, le niveau de qualité souhaité, le lieu de production et le coût de la main d’œuvre. Les Yeezy Boost ne sont commercialisées « qu’à » 200€ et les moon boots 450 parce qu’elles ont éclos dans les usines d’adidas en Chine, contrairement aux vêtements, tous confectionnés en Europe, dont certains en Belgique et en Italie, pays où le coût minute (le coût de revient de la minute de production) est le plus élevé.

 

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La fabrication en série limitée, elle, enfle encore plus les prix. Si les Zara et H&M sont si peu chères, c’est qu’elles produisent en masse, à la pelle, et se placent en position de force pour négocier les achats de tissus, de fournitures et le coût de la façon. « Je ne suis pas H&M, je n’ai pas d’usines gigantesques », rappelle Kanye West. Ces mega-enseignes, dont le business repose sur la copie de modèles déjà existants, ont de surcroît un degré de créativité quasi-nul. Elles ne font que reproduire. Ye, lui, a bûché d’arrache-pied avec une équipe de designers, notamment via son think tank DONDA, et multiplié les recherches et essayages pour trouver la matière parfaite – comme ce molleton japonais, cette laine bouclée italienne ou ce cuir d’agneau –, le bon coloris, la coupe et le volume idéal. “J’ai toujours eu une approche “luxe” de la mode, qu’il s’agisse d’appeler Nick Knight un million de fois pour travailler avec lui ou aller dans des usines en Italie ou supplier Tessiclub qui ne m’a toujours pas rappelé pour utiliser leurs tissus parce qu’ils collaborent avec Céline et Lanvin. Je me suis toujours battu pour trouver les meilleures peintures avec lesquelles travailler », raconte l’intéressé. West ne ment pas. La finition est impeccable et les détails raffinés, entre zips, boutons de pression, fentes, patchs, déchirures, pinces surpiquées, points d’écrevisse ou coutures à aiguilles doubles. Mais tout ça à un coût. Plus la phase de développement – du patronnage au prototype final – est longue et soignée, plus l’addition est salée. Malgré les apparences, la simplicité d’un t-shirt imprimé ou d’un pull troué, le minimalisme n’est pas moins complexe et étudié que le clinquant. Demandez à Jil Sander, Helmut Lang, Martin Margiela, Ann Demeulemeester ou Phoebe Philo.

 

Le prix psychologique

 

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D’abord, puisqu’il s’agit là de biens exceptionnels, limités dans le temps et la quantité, les prix s’autorisent quelques envolées. La rareté se paye cher. L’exclusivité se mérite. Mais surtout, depuis qu’il a raccroché (au bout de deux collections), celui qui affirme être «un designer avant d’être un rappeur » a toujours rêvé d’un jour exhumer sa griffe éponyme. Avec adidas, il tâte et prépare le terrain. La marque aux trois bandes n’a d’ailleurs pas été impliquée dans la conception de la ligne textile Yeezy Season 2. Et ce que Kanye West veut développer sous sa propre houlette, ce sont des vêtements de luxe. Alors sa collection pour adidas en emprunte tous les codes, à commencer par les prix. Le prix du luxe correspond bien plus souvent à la valeur perçue, la charge symbolique, d’une pièce, qu’à la valeur réelle. Il inclut une notion de prestige, de privilège. Plus il est élevé, plus il gonfle la désirabilité. On achète davantage un objet de luxe pour ce qu’il évoque et incarne, plutôt que pour ses qualités intrinsèques. Pour se créer de la survaleur, étoffer l’aura de ses produits et en justifier ainsi les prix, West se réapproprie l’imaginaire des maisons de luxe. Des photos et un film léché, exaltant le travail artisanal via des plans rapprochés sur des mains en action, en train de dessiner, de coudre ou de manier des fils. Des influences stylistiques brassant Helmut Lang, Martin Margiela, Visvim, Damir Doma, Haider Ackermann ou Azzedine Alaïa. Des coloris baptisés « caviar » et « beluga » pour un short et un jogging molletonnés. Un défilé impliquant le styliste-star Joe McKenna, l’artiste Vanessa Beecroft, et les hair & make-up artists ultra-influents Eugene Souleiman et Pat McGrath. Avec un front row trois étoiles. Une distribution royale, allant de Barneys à colette en passant par Mr. Porter, Opening Ceremony, The Webster, Luisaviaroma, Harvey Nichols ou encore Selfridges. Rien n’est laissé au hasard, tout transpire le haut de gamme. Pointu, malgré ses discours prolos, Yeezus ne cherche pas à plaire à tout le monde, seulement aux érudits. Il a également à cœur d’éduquer et aiguiser le goût de ses fans, même s’ils ne peuvent s’offrir un sweat au prix d’une nuit dans un Palace.

 

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Bien sûr, les prix de la collection Yeezy x adidas sont exagérés, insensés. Mais puisque la plupart des pièces sont déjà en rupture de stock à peine une semaine après leur mise en vente, elles valent visiblement leur pesant d’or, malgré les railleries et l’effarement. Kanye ose, chahute, déroute, surprend, consterne, fascine aussi. Et vend surtout. C’est ce qu’on appelle un artiste. Oui il est définitivement, viscéralement, de ceux-là.

 

Episode 02 • Quand la Chi-League de Chicago (une équipe américaine qui comporte 3 ex-joueur de la NBA et gagnante du « Tournament of Champions » de Nike en 2014) joue son premier game au Quai 54 contre les champions en titres Hood Mix 2.0, ce ne sont pas seulement deux équipes championnes qui s’affrontent. C’est Chicago vs. Paris, USA vs. France et l’atmosphère d’un match 7 de Finals NBA.

 

Episode 01 • Bienvenue au Quai 54. Découvrez une vue d’ensemble de l’édition 2015 du Quai 54 World Streetball Championship, à travers les yeux des organisateurs de l’évènement, des athlètes professionnels et amateurs qui participent à cette compétition, les coachs et les guests qu’ils soient artistes ou joueur de la NBA d’Evan Fournier (Orlando Magic) aux rappeurs Ace Hood, Mac Tyer etc.

 

 

Premier film d’Amazon Studios, en collaboration avec Roadside Attractions, Chi-raq, de Spike Lee, dévoile enfin sa bande-annonce. Si on y découvre que Kanye West n’y fera finalement aucune apparition, les images dévoilent l’essence de l’intrigue de ce film. Adaptation de la pièce d’Aristophane « Lysistrata », qu’on traduira littéralement par « celle qui délie l’armée », le film prend pour décor la ville de Chicago, ou plutôt de Chi-raq. Là, après la mort d’un enfant des suites d’une balle perdue, des femmes s’organisent pour lutter contre la violence dans la ville et remettent en question dans leur communauté, les rapports à la race, au sexe et à la violence.

Attendu pour le 4 décembre aux Etats-Unis, il mettra en scène Nick Cannon, Teyonah Parris, Jennifer Hudson, Wesley Snipes, John Cusack, Angela Bassett et Samuel Lee Jackson. Aucune date de sortie française n’est annoncée pour le moment.

 

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A l’occasion de la tenue de l’exposition « L’expo contre attaque » consacrée à l’univers Star Wars, l’artiste Travid Durden montre quelques uns de ses travaux de sculpture. Spécialiste de l’antiquité et fan de culture populaire, Travid Durden a en réalité travaillé avec un modeleur 3D pour réaliser ses oeuvres.

Il s’agit de 5 statues représentants plusieurs personnages revisités à la sauce antique : Storm Reader, General Niobides, Darth Ressurection, μονομάχος Boba et Yodea Angel.

Les cinq statues sont visibles parmi de nombreuses autres oeuvres à la galerie Sakura depuis le 15 octobre jusqu’au 15 janvier prochain. L’univers et les œuvres de Travis Durden visibles sur son site.

Du haut de ces 24 ans, Mick Jenkins la nouvelle perle de Chicago n’en finit plus de grimper et de surprendre la raposphère. Après la claque sonore balancé avec The Water[s] considéré par beaucoup comme l’une des meilleures mixtapes de 2014, Jayson Jenkins de son vrai nom, a explosé à l’international. Membre actif de la communauté de Chicago, il a séduit les foules grâce à ses textes, son côté jazzy et sa voix de basse.

Avant son concert à la Maroquinerie, vendredi dernier, on a rencontré Mick pour lui poser quelques questions sur sa musique, son obsession pour l’eau, son penchant pour le jazz et la poésie, son activisme à Chicago et beaucoup de choses encore.

 

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Pour commencer, tu pourrais nous parler de ta relation avec Jonny Shipes, avec qui tu travailles depuis peu sur Cinematic Music Group.

Après la sortie de The Water[s], beaucoup de gens ont commencé à venir vers moi, et à me porter de l’attention. Jonny était l’un des rares mecs à m’approcher et à me proposer quelque chose de différent. Différents labels et différents artistes voulaient travailler avec moi, mais ils avaient tous la même approche. Johnny est venu, et a travaillé gratuitement pendant plusieurs mois ce qui nous a permis de voir si ça collait vraiment entre nous. C’est ce qui me semblait le mieux à faire et, après environ cinq mois, je me suis dit qu’il fallait qu’on se lance dans un vrai truc ensemble.

 

Depuis que tu es chez Cinematic Music Group, tu as changé ta manière de travailler ?
Non pas vraiment. Je suis un mec indépendant et j’aime créer, et créer librement. De Trees and Thruth à Waves en passant par The Water[s], j’ai travaillé de la même manière. Je ressentais différentes choses mais j’ai travaillé pareil. Le plus important c’est que je puisse dire ce que j’ai à dire et faire ce que j’ai à faire, je n’aime pas quand on affecte ma création de manière négative.

 

Tu as vraiment l’air obsédé par tout ce qui touche à l’eau. Ta dernière mixtape s’appelait The Water[s] et ton dernier Ep Waves. Dis-nous tout.

[Rires] En fait l’eau dans tous ces projets, représente différentes vérités. Que ce soit l’amour, la chance, le succès, la joie… Toutes ces choses sont importantes pour moi. Donc l’eau c’est une métaphore qui incarne toutes ces choses.

 

Alors explique-nous ton mantra « Drink More Water ».

Comme je viens de te dire, l’eau incarne l’amour, la joie, la vérité, etc. Donc quand je dis « Drink More Water », en réalité je dis « nourrissez-vous de toutes ces choses, allez chercher la vérité, où que vous soyez dans le monde ».

 

 

Dans ton dernier clip « Your Love » tu nous transportes dans les 70s. Qu’est ce qui te plait dans cette époque ?

Ça avait vraiment l’air super cool. Il y avait une good vibe et la musique était vraiment bonne. Ce morceau je le considère comme un bon morceau pour faire du skate et je voulais le faire ressentir aux gens. Cette bonne ambiance, ce sentiment de fête, c’est quelque chose que je voulais partager. D’ailleurs la première version qu’on avait shooté c’était en soirée, mais ça ne rendait pas bien donc on a essayé de transmettre la vibe d’une autre manière et on est content du résultat aujourd’hui, donc c’est cool.

 

Pourquoi tu n’as pas gardé ta petite moustache ?

[Rires] Faudrait que je la laisse repousser mais là j’ai une petite moustache à la française.


Tu as un rap très jazzy et tu as toujours reconnu avoir un penchant pour le jazz. De qui tu t’inspires ?

De tout ! Je trouve l’inspiration dans beaucoup de choses différentes. Quand je travaillais sur The Water[s], j’utilisais beaucoup de beats et de samples d’albums jazz. Donc je me suis inspiré de certains des artistes samplés. Mais l’inspi est partout tu sais, elle vient de toi, des gens, de la nourriture. En termes d’inspiration, je ne me pose aucune limite.

 

Qu’est-ce que tu essayes de transmettre avec ta musique?

Je veux juste donner un truc réel. Peu importe ce dont je parle, je veux que les gens voient la réalité que je veux leur transmettre. Peu importe l’état d’esprit, c’est ce que j’essaie de faire. « Slumber » était un son sur l’amour inspiré par ma copine par exemple et, dans tous mes morceaux j’essaie de retranscrire au mieux tout ce que je ressens.

 

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Parlons poésie maintenant, car avant le rap, tu récitais tes textes pendant des sessions open mic à Chicago. Quelles ont été tes influences, tes auteurs et tes époques préférés ?

Shel Silverstein est l’un de mes préférés. Il écrit des livres poétiques pour enfants vraiment cools. Je dirais aussi Lemony Snicket et il y en a un autre dont j’ai oublié le nom… J’aime aussi beaucoup Paulo Coelho et James Bowen. Quand je travaillais sur Waves j’étais dans un livre de Coelho. J’essaie de lire de plus en plus, mais pour le moment je ne pourrais pas te dire qui est mon auteur préféré.

 

Dans une interview tu as déclaré : « La majorité des gens qui écoutent de la musique et qui connaissent les paroles passent à côté du message. » Tu ne penses pas que ça vient du fait qu’avec internet, on est envahi de musique et donc on ne prend plus vraiment le temps de se pencher sérieusement sur les textes.

Je pense que le problème est un peu plus profond enfaite. Ce que tu dis est en parti vrai, mais je pense qu’en général, les gens passent à côté de l’essentiel. C’est le cas pour beaucoup de choses, pas seulement dans la musique. Si la reine fait un discours par exemple, les gens vont simplement retenir ce avec quoi ils sont le plus d’accord, et donc ne vont pas faire attention à l’ensemble et aux autres points importants.

C’est la société qui fait qu’on est comme ça. Il faut qu’on soit maniables.

 

Donc tu penses qu’aujourd’hui, sur le plan musical, le fond est bien moins important que la forme ?

Tout est plus important que le fond, même le beat. J’essaie de faire en sorte que les gens entendent mon message évidemment, mais il y a certaines choses que je réalise aujourd’hui et qu’il faut que j’accepte comme par exemple le fait que le message soit moins important aux yeux de certains.

 

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Trees and Truth a signé un tournant dans ta carrière sur le plan lyrical. Quel a été l’élément déclencheur de ce changement ?

Je suis passé par beaucoup d’expériences qui m’ont fait réaliser plusieurs choses. Je vivais par mes propres moyens, je suis allé en prison à cause de la weed, j’ai eu un problème avec une de mes meufs, donc toutes ces choses m’ont forcé à me reconcentrer sur ma vie et ça s’est retranscrit dans ma musique.

 

Si tu devais décrire Chicago en un mot ?

Communauté.

 

Pourquoi ?

Je pense que de l’extérieur, les gens ne réalisent pas à quel point à Chicago, notamment sur le plan artistique, nous sommes unis. Les artistes travaillent avec d’autres artistes, collaborent avec des blogs, des journalistes, aident les citoyens… Grâce à toute l’attention portée aux rappeurs de la ville on peut aussi mettre le projecteur sur les autres.

Quand j’ai travaillé avec Chance (The Rapper, ndlr) et Vic (Mensa) c’était incroyable. Ce n’était pas quelque chose de prévu. Un jour, j’ai entendu frapper à ma porte et c’était Chance. Tu vois c’est de cette manière que les choses se passent là-bas. Après on s’est retrouvés avec plein d’autres artistes de la ville en studio. Pour moi c’était nouveau de voir cette proximité et ce sens de la communauté chez les artistes.

 

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Parlons un peu des problèmes sociaux qui règnent à Chicago. Depuis 2012, les choses empirent, le taux de meurtre a augmenté, 10 écoles ont fermé et le déficit continue de se creuser. Est-ce qu’en grandissant tu avais conscience de tout ça, et est-ce que ça t’a affecté ?

Evidemment. Beaucoup des problèmes, sont perçus d’un œil extérieur, et je pense que tout est question de point de vue, de perception. Ce que tu dis est vrai, mais c’est comme partout, il y a des endroits plus chauds que d’autres où il ne faut pas aller si tu ne sais pas comment t’y tenir ou comment réagir. C’est triste et on ne peut rien y faire, c’est comme ça.
La vision que les medias essayent de donner de Chicago c’est l’image d’une ville où on ne peut plus rien faire, qui est dangereuse, où personne ne sourit [
Rires]. Mais ce n’est pas ça Chicago, c’est une ville en émulation. Ce n’est pas la guerre quand tu pointes le nez dehors. Après comme je t’ai dit c’est comme partout, si tu cherches les ennuis, tu les trouves.

 

Tu peux établir un lien entre l’esprit de communauté dont tu parlais et les différents problèmes ?

Il y en a beaucoup tu sais mais le principal c’est la présence de la police. Là-bas c’est vraiment différent d’ici et de tous les autres endroits que j’ai pu voir. Ils sont présents partout mais ne nous connaissent pas, ne connaissent pas nos codes et notre manière de vivre. On pourrait en parler pendant des heures… C’est un vrai problème. Toutes ces arrestations ne riment vraiment à rien. [Rires]

 

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De quelles manières luttes-tu contre ces problèmes sociaux et comment viens-tu en aide à ta communauté? On sait par exemple que Chance The Rapper a lancé une initiative pour lutter contre les violences, Common a rejoint une initiative rap avec Lil Herb, King Louie et d’autres pour lutter contre les violences et les armes.

J’essaie d’être présent auprès de ma communauté et de rester humble, histoire que les gens voient que je suis toujours là, et que je me bats. Personnellement je lutte pour les choses sur lesquelles j’écris, donc j’essaie de démontrer mon amour aux gens. Où que j’aille j’essaie de distribuer de l’amour. Je veux montrer que je ne suis pas dans l’espace, que je suis toujours connecté avec ce qu’il se passe même si ces trois derniers mois j’étais en tournée. D’ailleurs ça fait aussi parti de mon combat parce qu’en diffusant mes textes, je retranscris mes valeurs. J’ai beaucoup de potes qui sont en première ligne, qui ont des démêlés avec la justice et d’autres qui essayent de se battre, qui protestent, qui essaient aussi d’aller à la rencontre des politiques locaux, des enseignants pour faire avancer les choses. Ma musique et celle des autres artistes de la ville c’est un peu la soundtrack de tout ce mouvement. Mais j’aimerai être encore plus actif physiquement.

 

Reparlons musique, tu peux nous en dire un peu plus sur The Healing Component ton premier album qui sortira en 2016 ?

[Rires] Hélas, je ne peux pas t’en dire trop. The Water[s] était l’introduction de toute l’idée que je mets en avant avec « Drink More Water ». Mais je n’avais pas expliqué les composantes (l’amour, la vérité, la joie, etc.), donc cet album expliquera un peu ce que l’eau représente et signifie pour moi. Je mets le doigt sur certains problèmes dont on parlait tout à l’heure aussi, pour montrer ce manque d’amour qui règne dans ce monde, ce manque de croyance, ce manque de fraternité. On pense tellement à ce que devrait être les choses qu’on ne prend plus le temps d’apprendre à savoir ce qu’elles sont vraiment. Et c’est ce que j’essaie de démontrer avec The Healing Component.

 

 

En préparant cette interview j’écoutais ta musique quand un pote est rentré chez moi et m’a demandé si j’écoutais le nouveau Tyler the Creator. Je lui ai dit « Non mec, c’est Mick Jenkins », avant qu’il ne me réponde « Ils ont vraiment la même voix et des flows similaires. » T’en penses quoi?

[Rires] Ce n’est pas la première fois qu’on me le dit. On a tous les deux la voix grave, ça doit être pour ça que les gens trouvent qu’on se ressemble. A vrai dire, je me moque pas mal de tout ça. Mais c’est cool, j’aime bien ce que fait Tyler. [Rires]

 

Comment vis-tu cette nouvelle notoriété et toute cette agitation autour de toi ?

Ça ne me pose pas vraiment de problème. Ce qui me dérange ce sont les gens qui ne me connaissent pas et qui parlent mal de moi. Donc, il faut les corriger, et parfois ca ne suffit pas. Mais en règle général, je ne me prends pas la tête, j’essaie de montrer au maximum que je suis un mec vrai et authentique.

 

Tu penses que pour accomplir son œuvre, un artiste a besoin du succès ? Parce qu’on a l’impression que le succès ne t’obsède pas du tout.

Un artiste doit être libre. Je pense qu’un artiste ne doit pas avoir à travailler la moitié de la journée pour se nourrir et consacrer seulement quatre heures à son œuvre. Un artiste doit pouvoir vivre de l’art ou avoir d’autres moyens de remplir son frigo mais il doit avoir le temps de pratiquer. Pour moi le succès n’a rien à voir avec tes finances ou ton confort. Pour moi il est plus important de savoir ce que tu es en train de faire, succès ou non, et d’être satisfait de ce que tu as. La vie, c’est bien plus que toutes ces choses pour lesquels on part travailler chaque jour. Tu sais au début j’ai quitté mon taff pour me consacrer au rap et je n’avais plus un sous, mais j’étais heureux et j’ai pu m’y mettre à fond donc ça a peut-être participé au « succès ».

 

PHOTOS : @Ahtlaqdmm

 

 

Le duo Wycasaya, constitué des DJ français Loovanovah et DaBoyTisba, choisi YARD pour dévoiler le titre « Ayusta (2 Face) » et sa vidéo. Après la sortie cette année de leur EP « Inception », le duo se remet au travail pour nous délivrer un titre aux sonorité ethnique, tribale, presque incantatoire, porté à un autre niveau par les couplets de Miillie Mesh, rappeuse originaire d’Oklahoma City.

On attend la suite !

 

La Mauvaise Réputation, telle que la considérait Brassens, c’est cette capacité individuelle à transcender les codes imposés par la société quitte à ce qu’elle te rejette. Pour ce numéro 6, le YARD Paper consacre 20 pages d’interviews, de reportages, d’analyses sur des personnalités ou des phénomènes qui ont tranché, qui tranchent ou qui trancheront.

En un demi-siècle sur cette Terre, Éric Cantona a été adulé par certains et sans conditions, mais pour d’autres son attitude dérange. The King est revenu avec nous sur son enfance, sa carrière de footballeur et d’acteur avec cette prose qui le caractérise. Plus discret que Canto depuis son retrait du monde de la musique, Alpha 5.20 s’est effacé des sphères publiques. Par la voix de ses proches et par le coup de crayon de Stella Lory, il fallait redessiner l’histoire d’un artiste énigmatique mais surtout celle d’un homme portée par des valeurs, des codes et par la force de ses racines sénégalaises. Vous retrouverez également : Guillaume Sanchez, « le pâtissiey tatouey de la tête aux piey », Gaspar Noé, le cinéaste qui castre les tabous, Serge Aurier, le latéral qui va plus vite que la musique ou encore PNL, le groupe qui n’arrête plus de monter.

Le YARD Paper #6 sortira du four le samedi 7 novembre dans tous les points de distribution habituel.

 

POINTS DE DISTRIBUTION
ABONNEMENT

 

YARD-PAPER-6-Preview1

À l’occasion de la sortie de sa nouvelle collection Tech Pack et Sneakerboots, Nike a ouvert un endroit éphémère à Bateman Street dans le quartier de Soho à Londres. Seul endroit exposant la collection avant sa sortie, le spot abrite plusieurs salles (Winter Room, Rain Room, Weather Room) simulant différentes ambiances climatiques. L’endroit idéal pour présenter les pièces de la collections de la nouvelle gamme Tech Pack, sous le signe de la polyvalence entre la technologie Aeroloft, qui permet une autorégulation en temps froid comme chaud et le Fleece, tissu redéfinissant la base de l’habillement athlétique. Nous avons eu l’opportunité de découvrir cet endroit, que vous pouvez découvrir en quelques photos ci dessus.

 

La famille Air Force 1 s’agrandit encore. La dernière née est cette paire au coloris Black/Light Bone. Assez simple, est composée de parties en suède et du traditionnel cuir, blanc pour la virgule, noir sur le reste de la chaussure. Les petits détails qui font la différence sont surement la semelle en gomme, et le tandem lacets – œillets qui rappelle les modèles Sneakerboots.

 

Thomas Ollivier, aka Tom le French, est un créatif basé à Londres. Là, dans une projet intitulé « Frenchification : Album Covers », il revisite les pochettes des groupes mythiques du rock anglosaxon et traduit leur nom et le titre de leurs albums aussi littéralement que possible.

Après la présentation de la collection et du price listing des différents articles la composant, un film sur la Yeezy Season 2 vient d’être dévoilé.

On peut y voir des séquences de la confection de sa seconde saison de sa collection. De la confection en atelier au défilé, en passant par l’essayage, le film présente l’ensemble des grandes phases du projet.

Kanye lui, ne prend que peu de place dans la vidéo puisqu’il n’apparaît que peu de fois dans le film, notamment de dos, semblant examiner des photos de la collection affichés sur un mur. Le film se finit néanmoins sur son catwalk d’honneur dans le défilé. A noter l’apparition furtive de sa fille North West dans le dernier quart de la vidéo.

L’ensemble du film est très artistique, avec la curieuse particularité de ne comporter de son, ajoutant à la mystique générale du projet. Encore plus curieux, il est impossible d’avancer ou de revenir en arrière pendant le visionnage. Une précaution surement prise pour s’assurer de regarder le film entièrement.

Le film est visible sur ce lien : http://yeezy.supply/

Dans le cadre du renouvellement des voeux de Coca-Cola et du Paris Saint-Germain et pour célébrer les deux bouteilles créer par les artistes Ceizer et Mambo pour l’occasion, un tournoi de babyfoot ce tenait se vendredi à Le Jeune à Paris.

Retour en image sur une compétition finalement remporté par l’équipe de Nike.

Le festival dédiée à la pop culture a pris ses quartiers dans la capitale pour la première fois du 23 au 25 octobre, pour le plus grand bonheur des fans français. Véritable institution outre-atlantique, la convention se veut le point de rendez vous des passionnés des univers comics, cinéma, séries TV, toys et cosplay.

Après les phases de qualifications départementales, la finale du tournoi Impulstar s’est déroulé hier à la Halle Carpentier. Le tournoi Impulstar, qui réuni des équipes de jeunes de 14 à 16 ans, s’est imposé depuis quelques années comme une référence du futsal en Ile de France.

Dans une ambiance chaude et animée par les supporters respectifs de chaque équipe, ce sont les joueurs de Houilles qui se sont imposés au terme de la compétition, et remportent la cinquième édition du tournoi, sous les yeux des parrains et invités du jour : Wissam Ben Yedder, Michy Batchuayi, Benjamin Mendy, Georges-Kevin Nkoudou, et Blaise Matuidi.

New York, Londres, Los Angeles et Paris, ce sont les quatre villes choisies par Beats pour son premier Beats 1 Run le 25 octobre 2015. Une course simultanée dans ses différents points du globe, où chaque coureurs était invité à courir équipé d’écouteur sans fils connecté à la radio Beats 1 d’Apple Music animée notamment par DJ Clark Kent .

A Paris, le départ a eu lieu à 19 heures au Yoyo – Palais de Tokyo pour se terminer au VIP Room.

Le Comic Con, festival dédié à la pop culture, a pris ses quartiers dans la capitale pour la première fois du 23 au 25 octobre, pour le plus grand bonheur des fans français. Véritable institution outre-Atlantique, la convention se veut le point de rendez-vous des passionnés des univers comics, cinéma, séries TV, toys et bien sur le cosplay.

Une belle occasion pour les nombreux fanatiques présents de s’adonner au plaisir du costume play, cette discipline qui consiste à se mettre dans la peau de son personnage préféré en imitant son accoutrement, sa coiffure et son maquillage. Du conventionnel Dark Vador au surprenant Deadpool, en passant par les Minions, Marty Mc Fly les Power Rangers, les cosplayeurs se sont mis sur leur 31.

Conçue en 1987, le modèle Hummel Globetrotter était une chaussure High Top pour le basket.

Disponible a l’époque en version cuir et en version mesh, ce modèle fut propose dans de nombreux coloris mais ce sont les versions blanches et noires en cuir qui ont acquis a la fin des années 80 le statut de «chaussures de basket-ball préférées d’Europe du Nord ». La Globetrotter a été la 1ere chaussure distribuée par Hummel sans ses deux chevrons emblématiques. Au lieu de cela, la Globetrotter est estampillée d’un «Hummel» brode sur son cote extérieur.

Cet hiver, Hummel décide de redonner a cette dernière son panache d’antan et la réédite dans sa version blanc vintage. La Globetrotter est disponible à 130 euros dans plusieurs boutiques parisiennes dont BlackRainbow ou Le 8 Rive Gauche.

 

 

« Ensemble » : comme le mot d’ordre inculqué par Stéphane Ashpool à son équipe de jeunes. Le fondateur de la marque Pigalle retranscrit ici en image une aventure humaine, entre les entraînements et les matchs, du stade Duperré aux terrains de Manille.

 
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Pour lutter contre le froid mordant de l’hiver approchant, Nike dévoile une collection 2015 alliant les technologie Tech Fleece et Aeroloft, un mélange de matière confortable et à la température auto-régulé.

Pour en découvrir plus sur la collection, téléchargez (sur Google Play ou App Store) le premier lookbook de Nike Sportwear : le Nike Tech Book, qui rassemble les collections Tech Pack et Sneakerboots ainsi que quelques contenus exclusif.

Une nouvelle fois, Coca-Cola, fournisseur officiel du club réaffirme son soutien au Paris Saint-Germain et le célèbre dans une toute nouvelle campagne, mais aussi en concevant deux bouteilles collector en édition limitée issues d’une collaboration unique avec les artistes street-art Mambo et Pieter Ceizer.

Dans la campagne photo réalisé par le photographe Arno Lam, la marque apporte son nouveau motto « Happiness » aux visages des joueurs de l’équipe qu’on a rarement vu autant sourire.

En ce qui concerne les bouteilles, en tant qu’acteurs emblématiques du football et symboles de la pop culture, le Paris Saint-Germain et Coca-Cola s’associent sous l’emblème du lifestyle et du street-art en invitant le français Mambo et le hollandais Pieter Ceizer à concevoir chacun une bouteille. La première, habillée de rouge, conçue par Mambo, met en scène l’iconicité de la ville de Paris, tandis que la seconde, en noir, joue sur les codes du club, son stade, ses supporters, ses joueurs.

Retrouvez ces bouteilles Coca-Cola x PSG en coffrets solo et duo aux Galeries Lafayette Gourmet, chez Colette, dans le réseau distribution boutiques et online du Paris Saint-Germain, et à
gagner sur HappinessFC.konbini.com ainsi que sur les réseaux sociaux du club parisien.

Coffret solo : une bouteille, un verre
Coffret Collector : deux bouteilles, deux verres, une présentation de l’artiste, une impression du design

 

Pour célébrer le renouvellement de l’amitié entre Coca-Cola et le Paris Saint-Germain, deux artistes ont été invités à couvrir de leur travail deux bouteilles collectors disponibles dès à présent en édition limitée dans des coffrets solo et duo aux Galeries Lafayette Gourmet, chez colette, dans le réseau de distribution, boutiques et online, du Paris Saint-Germain, et à gagner sur HappinessFC.konbini.com ainsi que sur les réseaux sociaux du club parisien.
La première, habillée de rouge, conçue par le Français Mambo, met en scène le standing de la ville de Paris ; tandis que la seconde en noir, imaginée par le Hollandais Ceizer, joue sur les codes du club, son stade, ses supporters et ses joueurs. 
Pour mieux comprendre leur démarche, nous les avons rencontrés sur la pelouse du Parc des Princes, pour leur poser quelques questions sur leur rapport à la capitale, le Paris Saint-Germain et la marque Coca-Cola.

 

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Ceizer : Je m’appelle Peter Ceizer, je suis né à Amsterdam, je vis actuellement à Paris et je suis typographe.

Mambo : Salut, je suis Mambo, un artiste français et je vis à L.A. J’aime le football et je suis fan du Paris Saint-Germain.

Quelle est l’histoire derrière cette collaboration entre le Paris Saint-Germain, Coca-Cola et vous? 

Ceizer : Ils m’ont contacté pour cette collaboration et c’était incroyable pour moi. C’est un honneur d’être invité à un tel événement. Que puis-je dire d’autre?

Connais-tu le Paris Saint-Germain ? 

Ceizer : Oui, oui bien sûr. Depuis mon arrivée à Paris, j’ai rencontré des gens et ils m’invitent toujours aux matchs de foot, ou pour jouer entre amis. C’est quelque chose qui créé des liens. C’était vraiment cool de venir ici et d’être intégré dans le monde du Paris Saint-Germain. Et puis quelques joueurs de l’Ajax sont maintenant dans l’équipe…

Mambo : Quand le Paris Saint-Germain est venu à moi, j’étais très fier car je suis un grand fan de football. Comme j’ai grandi en Amérique du Sud, je jouais pratiquement tous les jours au foot. En même temps c’est un honneur de ramener une touche artistique au projet, car Paris toune autour de ça. La ville a une grande culture patrimoniale. Mon art est un pont entre le passé et le présent, j’adore l’art moderne et j’adore la vieille architecture parisienne. J’essaie donc de ramener ses ingrédients aux projets et de les combiner vu que le club devient international.

 

Mambo

Quel était votre première inspiration au moment de designer les bouteilles ? 

Ceizer : J’ai vu tous les noms, tous les numéros, tous les slogans et j’y ai été sensible. Ce que je voulais faire, c’est créer une explosion semblable à celle produite à l’ouverture d’une bouteille de Coca, avec toutes ses bulles. Comme un feu d’artifice.

Mambo : De mon côté, mon travail est très lié aux artistes modernes. En ce qui concerne ce projet c’est une sorte de nouvelle version de Fernand Léger. Comme je disais, j’aime bien construire des ponts entre les générations, entre les mouvements artistiques et c’est ce que j’ai essayé de faire ici entre le goût parisien des années 50 et les goûts d’aujourd’hui.

Je vois une opposition entre les deux bouteilles : sur la rouge, le côté chic de Paris et sur l’autre plutôt le côté sport, populaire. C’est quelque chose que vous avez fait intentionnellement? 

Ceizer : On n’a pas essayé de créer une opposition entre nos deux travaux. Mambo est plus un illustrateur et moi je suis plus concentré sur les lettres donc automatiquement ça allait être deux univers différents qui allaient se rallier.

Mambo : Les couleurs donnent cette impression d’opposition, un peu comme le jour et la nuit. Mais je pense que la vue de Paris n’est pas seulement chic, tu vois aussi tous les toits où se trouvent les chambres de bonnes.

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Avez-vous un message, une histoire à transmettre aux gens à travers ces bouteilles? 

Ceizer : Je pense que c’est plutôt le sentiment d’euphorie que tu peux ressentir dans le sport et dans l’art, quand tu veux conquérir quelque chose, faire en sorte que cela t’appartienne et te sentir invincible. Mon travail se concentre autour du pouvoir et de l’euphorie. J’espère que j’ai réussi à inspirer des enfants, et qu’ils seront enthousiastes, qu’ils voudront rêver plus grand.

Mambo : Mon message se concentre sur la façon dont les Français se perçoivent. Maintenant que j’habite à l’étranger, quand je reviens je vois à quel point les Français n’ont pas une très bonne opinion d’eux-même. « Paris Est Magique » ça c’est sûr, et ça l’est depuis longtemps. Mais pour que l’on puisse conserver cette phrase intacte, ça dépend des gens. Pour apprécier ce match il faut simplement faire des choix et ne pas se laisser emporter par les côtés obscures de Paris, mais ramener de la lumière.

Quels sont les avantages et les inconvénients de travailler sur un objet comme une bouteille, surtout celle de Coca-Cola qui est très particulière. 

Ceizer : Pour moi, c’est génial de rapprocher mon travail du logo de Coca-Cola, c’est un des plus célèbres logos du monde. Quand j’étais enfant c’était peut-être même la première chose qui m’a inspiré. Mais c’est vrai que la bouteille est un défi car l’objet est très petit et tu veux que tout soit propre tout en transmettant le message, donc tu ne peux pas trop en faire.

Mambo : Le logo de Coca-Cola est un icône universel, l’opportunité de pouvoir jouer avec ne peut arriver qu’une fois. Nous avons tous grandi avec, et je suis heureux de pouvoir l’utiliser avec du rouge car c’est l’une de mes couleurs principales. De combiner ça avec mes saveurs et avec une autre icône, qui est la Tour Eiffel, tout en utilisant ma créativité, c’est un privilège.

Peter, tu travailles aussi avec colette, quel est ce lien que tu as avec Paris, et comment la France et Paris t’inspirent ? 

Ceizer : C’est une longue histoire (rires, ndlr). Je visitais Paris pour aller voir deux magasins pour ma marque de vêtement. Je ramenais une bonne énergie et les Parisiens m’en ont donner en retour, je me suis senti emporté par tout ça. J’ai rencontré de plus en plus de personnes, et puis j’ai trouvé un appartement accidentellement. La première nuit j’ai dormi par terre, et le jour d’après j’ai acheté un matelas et depuis je ne suis jamais parti. La première fois que je suis allé chez colette, j’ai vu ça comme un musée. Je n’aurais jamais cru travailler avec Colette. Deux ans après ils ont commandé des pièces de ma collection et puis nous avons collaboré.

Mambo, tu es né au Chili et tu as vécu en Amérique du Sud. Aujourd’hui tu vis à L.A., mais tu as toujours ce lien, cet attachement pour Paris où tu as longtemps vécu. Que représente cette ville pour toi, en tant qu’homme et en tant qu’artiste ?

Mambo : Paris a fait de moi un artiste. Je lui suis redevable pour ça. Mais c’est aussi une énorme source d’inspiration, tout spécialement parce que j’ai commencé entre la fin des années 80 et le début des années 90, et il y avait toute cette grosse tendance new wave, hip-hop, punk, tropical, african autour de médias comme Radio Nova… Il y avait des communautés très créatives et métissées, originaire de partout dans le monde. Des gens de toute l’Europe (Angleterre, Italie) venaient à Paris pour peindre. Il y avait toute cette dynamique super fun et ouverte d’esprit que j’aimais. Je garde toujours cet état d’esprit et je continue de l’utiliser.

 

bouteille_rouge

J’ai vu ton travail. C’est en général très abstrait, des lignes, des courbes… Et pour une fois tu as travaillé sur quelque chose de plus concret : des paysages, Paris, c’est plus réaliste. C’était difficile de changer ta façon de travailler, ou c’est quelque chose qui s’est fait naturellement ?

Mambo : En vérité, j’ai fait dans le narratif il y a deux ou trois ans. Aujourd’hui, mon travail est plus abstrait, mais quand je fais des collaboration, je n’ai pas de problèmes à m’adapter et réussir à capturer toutes ces histoires et à les rassembler. Oui, j’essaie toujours de trouver quelles parts de moi il faut que j’apporte au projet pour en faire quelque chose de malin qui aura du succès.

Qu’est-ce que ça te fait de faire partie des grands noms qui travaillent avec Coca-Cola et le Paris Saint-Germain après des artistes comme Andy Warhol, Keith Haring…

Ceizer : C’est magique d’être l’un des artistes qui travaillent avec Coca-Cola, mais dans le même temps tu dois t’adapter, parce que tu dois penser à la suite. C’est surtout une motivation et dans le même temps il faut rester authentique .

Mambo : Oui je pense que c’est un privilège de prendre le chemin d’aussi grands artistes, mais il n’y a pas de raison de trop penser à ça. Il faut continuer son chemin. C’est ce que font les artistes.

Pouvez-vous imaginer une suite à votre travail, sur d’autres supports ?

Ceizer : Oui, sur de grands immeubles.

Mambo : Oui, le Parc des Princes à besoin de nouvelles peintures ! Ce serait génial.

bouteilles_mix

Jouons à un jeu. Je vous laisse choisir entre deux options. Commençons par Coca-Cola Classic et Coca-Cola Zero ?

Mambo : Zero bien sûr

Ceizer : Classic

Choisissez maintenant entre deux côtés de Paris. Champagne ou vin ?

Ceizer : Champagne

Mambo : Vin rouge

Fashion Week ou Foire du Trône ?

Ceizer : Foire du Trône.

Mambo : Est-ce que je peux donner un troisième choix, parce que personnellement c’est le Salon de l’Agriculture qui me manque. C’est mon festival préféré à Paris, c’est le meilleur.

Taxi ou métro ?

Ceizer : Taxi

Mambo : Métro

Tour Eiffel ou Parc des Princes ?

Ceizer : Tour Eiffel

Mambo : Pourquoi choisir ? J’aime les deux.

Le Louvre ou le Bois de Vincennes ?

Mambo : J’ai vécu à Vincennes, donc j’aime faire du vélo entre les arbres. Mais j’aime les deux.

Ceizer

Paris le jour, ou la nuit ?

Ceizer : La nuit !

Mambo : La nuit.

Rouge ou bleu ?

Mambo : Rouge

Ceizer : Bleu

Grand Paris ou Paris Intramuros ?

Les deux : Grand Paris

Quel joueur du Paris Saint-Germain représente le mieux le côté classique de votre bouteille ?

Mambo : Matuidi, parce qu’il est français et qu’il comprend la culture du Paris Saint-Germain. Il représente la banlieue et c’est un combattant, il est inattendu. Je pense qu’il représente l’état d’esprit du Paris Saint-Germain.

Ceizer : Ma bouteille bien sûr, c’est Van Der Wiel parce qu’il vient d’Ajax. Son nom n’est pas sur la bouteille, mais je l’aime bien parce qu’il est féroce et qu’il a de l’attitude.

Mambo-Ceizer-PSG-Coca-Cola

Il y a tout juste une semaine, le jeune producteur Young Chop attrapait son smartphone et publiait sur Instagram une courte vidéo critiquant Kanye West sur son utilisation opportuniste des artistes dont il s’entoure. « Il se sert de toi, s’enrichit de tout ce que tu sais, te fait écrire des sons pour lui, et une fois que c’est fait il ne te rappelle plus. Qu’il aille se faire foutre ! » vociférait alors de sa voix rauque l’un des nombreux travailleurs de l’ombre de l’album Yeezus.

Paradoxalement, en la personne de Mr. Hudson, c’est ce moment qu’a choisi un autre ex-protégé du rappeur pour effectuer un retour timide sur le devant de la scène musical. Profitant de l’exposition que lui a offert la série de concerts organisés par Kanye pour (re)jouer son album 808s & Heartbreak – auxquels il a logiquement été convié – l’artiste anglais a publié sur son Soundcloud un nouveau titre, « Dancing Thru It » qui devrait selon toute vraisemblance être le premier extrait d’un nouveau projet. Si tel était le cas, il s’agirait seulement du second album solo du britannique depuis 2009, signe de la discrétion dont il a fait preuve toutes ces années.

Welcome To Heartbreak

À l’origine, celui qui répond au nom de Benjamin Hudson faisait parti d’un groupe simplement nommé Mr. Hudson & The Library, qu’il formait avec quelques uns de ses compères londoniens. En parallèle de quelques premières parties notables, notamment pour Amy Winehouse ou The Police, le groupe compose et parvient à sortir un premier effort, intitulé A Tale Of Two Cities. Cet album, sorti en 2007 sous la bannière du label Mercury Records, n’est commercialisé qu’à une échelle nationale et s’écoule difficilement. Fort heureusement, parmi les quelques centaines d’oreilles ayant accordés un tant soit peu d’attention à ce disque mésestimé, on compte celles souvent avisées de Kanye West, qui a notamment apprécié le titre « Cover Girl ». Hudson ne le sait pas encore, mais ce dernier a déjà la ferme intention de faire de lui une popstar. Les deux hommes se rencontrent au cours de l’année 2008 et le courant passe entre eux, si bien que le groupe est intégré au détour européen de sa tournée Glow In The Dark.

hudson kanye west kid cudi

À cette époque, Kanye West s’apprête à prendre un virage résolument plus pop pour son prochain album et retrouve, dans l’œuvre de sa récente signature, le son qu’il cherche. À l’instar de Kid Cudi, il est donc appelé à travailler main dans la main avec Yeezy pour concevoir un opus qui marque un tournant singulier de la carrière de l’artiste. Seulement, une proximité se créée entre les deux artistes et peu à peu, Mr. Hudson s’immisce jusque dans la sphère proche de Kanye : « Quand tu travailles avec des gens comme Kanye West ou Jay-Z, tu veux t’élever à leur niveau car tu n’as pas envie d’avoir l’air d’un fan. Sur ce point, Kanye a été cool avec moi parce qu’il m’emmenait partout. Il m’a inclus dans sa vie personnelle en parallèle du travail, ce qui m’a permis d’être plus à l’aise ». L’anglais à la chevelure péroxydée est introduit par Ye au monde du hip-hop qui finit de le découvrir au travers de sa participation sur le titre « Young Forever » de Jay-Z, extrait de l’album The Blueprint III. Il va même jusqu’à lui faire l’honneur de donner son nom à l’une des paires de chaussures qu’il dessine pour la marque Louis Vuitton.

Les liens qui les unissent sont d’autant plus renforcés par le fait que les deux vivent simultanément une séparation difficile, qui influence alors leur conception respective de la musique : « Je vivais au-dessus d’un pub au nord de Londres, dans une chambre que j’utilisais pour entreposer mes guitares et quelques uns de mes synthés. Quand j’ai rompu avec ma copine, je me disais Ok, où je vais maintenant ?. Donc j’ai finis par dormir au sol et d’une certaine manière j’oubliais de vivre, parce que j’étais distrait et que je n’arrêtais pas d’y penser. Là, je me suis dit que c’était peut-être le moment pour commencer mon album ». De fait, l’album 808s & Heartbreak est souvent qualifié d’album « de rupture » par la critique, notamment par l’introspection et les émotions brutes qui s’en ressentent. La manière avec laquelle Kanye se livre au travers de ce disque pousse Mr. Hudson à en faire de même lorsqu’il conçoit Straight No Chaser, son premier projet solo qui est publié sur G.O.O.D Music en octobre 2009.

« Are you dead ? »

Straight No Chaser demeure toutefois la seule et unique pierre qu’il pose à l’édifice G.O.O.D. Au fil des années, Hudson ne cesse de s’éloigner du label et de ses artistes, si bien que sa dernière contribution accessible se résume à un featuring sur Watch The Throne, l’album commun des magnats Jay-Z & Kanye West, sorti en 2011. S’il affirme qu’il a bel et bien contribué au projet Cruel Summer – aussi bien à l’album qu’au film éponyme – les crédits de la compilation ne laissent nullement apparaître son nom et l’on devine que Kanye a fini par exfiltrer son travail au profit de nouveaux favoris dont le son est plus en adéquation avec les tendances actuelles (Travi$ Scott, Hudson Mohawke, Hit-Boy).

De là, l’artiste revient à ses premières amours londoniennes, et se réinstalle dans la capitale anglaise après plusieurs années de vadrouille aux quatre coins du globe. C’est précisément là qu’il fait la rencontre fortuite de la chanteuse Rosie Oddie. Fille du comédien britannique Bill Oddie, celle-ci est en représentation dans un petit pub du quartier de Camden quand son timbre de voix interpelle Mr. Hudson. « Je n’ai aucune idée de ce que l’on va faire, mais ce qui est sur, c’est qu’on va le faire » lui confie le musicien dès la fin de sa performance. Les deux entités s’amusent en composant et ce qui était à l’origine une collaboration sans but précis aboutit finalement sur un projet commun, BIGkids. L’album Never Grown Up, fruit de leurs délirantes sessions studio, propose une pop joviale et colorée, à des années lumières de Straight No Chaser.

mr hudson rosie oddie

Mais le public de l’artiste, loin de se contenter de cela, attend encore qu’un hypothétique second album solo vienne garnir sa discographie. Il reconnaît même que certains fans l’interpellent régulièrement sur Twitter pour lui demander s’il est toujours vivant : « Je n’ai pas le sentiment d’être franchement parti, mais il semble clair que si tu n’as pas systématiquement un gros single qui tourne en radio, la plupart des gens pense que tu es mort. Sur Twitter, je reçois des messages qui me demandent sérieusement si je suis mort. J’ai envie de leur répondre Si je suis mort, qui penses-tu tweeter en ce moment même ? ». Pourtant, cela fait plusieurs années que des rumeurs circulent au sujet de cet album, et la parution du single « Fred Astaire » en 2013 avait laissé présager d’une sortie imminente. Il n’en sera rien. Aujourd’hui, Mr. Hudson semble se contenter de son rôle d’homme de l’ombre de la scène musicale anglaise, ayant notamment co-produit le dernier album de Duran Duran tandis qu’il laisse à Sam Smith et autres Disclosure le soin de faire rayonner la pop britannique à l’échelle mondiale. On est loin de la starification autrefois promise par Kanye West.

C’est pour une deuxième édition que la FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain) défend Hors Les Murs et s’associe à l’OFFICIELLE, une exposition installée aux Docks – Cité de la Mode et du Design, visible jusqu’au 25 octobre, mais également sur Internet pour une visite virtuelle.

De cette exposition YARD vous a selectionné quelques oeuvres des artistes Alexis Smith, Jacqueline Mesmaeker, Marcin Dudek, Julien Creuzet, John Murphy, Eponine Momenceau, Norman Zammitt, Omar Victor Diop, Nigel Rolfe, Paul Aman et Pingyan Lu.

Plus d’informations son disponible sur le site d’OFFICIELLE.

Après une longue attente pour la sortie – fructueuse- des trois modèles de Jordan V il  y a quelques jours et un teasing symbolisé par une photo d’un Michael Jordan arborant un tee estampillé d’un Jumpman sur la typo Supreme, les deux marques dévoilent aujourd’hui la collection textile coïncidant avec la sortie de la sneaker. Une collection composée d’un tee, un hoodie, un jogging, une veste, un teddy et une casquette, tous déclinés en noir et en blanc. Les pièces de la collab seront dès demain disponibles dans les boutiques de New York, Los Angeles, Londres et sur le site.

21 octobre 2015. C’est à cette date que les personnages de fictions Marty McFly et Doc ont choisi de faire leur Retour Vers le Futur II. Une date célébrée aujourd’hui par tous les fans du film comme le « Back To The Future Day ».

NikeLab se joint aux festivités et réédite le modèle Bruin aperçu aux pieds de Marty dans ce même film. Un modèle qui abandonne les parties suédé du modèle de 1972, pour faire le choix du full cuir, dans un blanc minimaliste seulement rehaussé d’une virgule rouge et d’un empiècement de la même couleur au niveau du talon.

Le modèle est disponible dès aujourd’hui auprès de tous les NikeLab du monde.

 

 

On nous l’avait promis pour l’année 2015, mais à l’approche de la fin d’année, on commençait un peu à perdre espoir. Si le prochain album de Kanye West, présumément intitulé SWISH ne pointe pas encore le bout de son nez, l’artiste nous fait tout de même la grâce de quelques nouveaux titres, sur son tout nouveau compte Soundcloud.

Le titre « When I See It », aux allures de skit ou de snippet et un « Say You Will » revisité avec la musicienne et lauréate du Prix Pullitzer, Caroline Shaw.

 

kanye-west-soundcloud

Cliché mythique dans l’histoire de la lutte pour les droits civiques, chacun se souvient de cette image capturée sur le podium du 200m des Jeux Olympiques de Mexico. John Carlos et Tommie Smith sont alors les hommes les plus rapides du monde. Et loin de jouir pleinement de leur gloire d’athlète, ils montent pieds nus les marches jusqu’à leur consécration et, un point ganté levé vers le ciel, rejettent toute leur lumière sur la cause qu’ils estiment juste, protestant contre les morts de Martin Luther King Jr. et du président Kennedy tout en rendant hommage aux Black Panthers. De cet instant, il reste un monument, érigé à l’université de San José. Mais un détail a changé. À la deuxième position, manque un personnage que l’histoire semble avoir oublié. « L’homme blanc sur la photo » dont le journaliste italien Riccardo Gazzaniga a choisi de retracer l’histoire. Une histoire qui se révèle tout aussi importante et  héroïque que celles des deux athlètes afro-américains.

 

san jose university

 

Son nom : Peter Norman. Cet Australien, né en 1942, grandi dans un pays soumis à un apartheid similaire à celui appliqué en Afrique du Sud. Sa passion pour la course le conduira à l’âge de 26 ans à ses premiers Jeux Olympiques. Véritable outsider, il surprend au fil des épreuves, effectuant à chaque courses ses meilleurs temps. On l’estime alors bien chanceux d’arriver à la dernière étape de la compétition et de courir cette course le 16 octobre 1968. Mais c’est une véritable performance qu’il effectue. Avec un temps de 20.22, il décroche le record d’Australie et le détient encore aujourd’hui. Mais c’était sans compter Tommie « The Jet » Smith qui s’empare quant à lui du record du monde avec un temps de 20.14 et qui s’apprête à recevoir la médaille d’or, aux côté de son compatriote John Carlos qui obtient le bronze.

Au moment de monter sur le podium, un bruit court dans la délégation. Quelque chose d’important se prépare. Quelques minutes avant de monter sur les marches, Norman part à la rencontre de Carlos et Smith pour en savoir plus. Mais avant tout, les deux américains lui demandent : « Est-ce que tu crois au droit de l’homme ? » Il leur répondra oui. « Est-ce que tu crois en Dieu ?« . Oui, dit-il une nouvelle fois. L’athlète tient à faire sa part dans un geste qui ne dit pas encore son nom.

« Nous savons que ce que nous allions faire était bien plus grand que n’importe quelle performance d’athlètes et il a dit : « Je vous supporterais« . Je m’attendais à voir de la peur dans le yeux de Norman, au lieu de ça, j’ai vu de l’amour. » raconte John Carlos.

Dans les coulisses le duo américains s’affaire. Ils décident d’entrer en scène avec le badge du Projet Olympique pour les Droits Humains et des gants noirs en hommage aux Black Panthers. Ne trouvant qu’une paire de gant, c’est Peter qui suggèrera au compère de les partager avant d’ajouter : « Je crois en ce quoi vous croyez. Vous avez un autre badge pour moi ? Comme ça je pourrais montrer mon soutien à la cause. » Smith, circonspect se souvient avoir marmonné « C’est qui ce Blanc australien? Il a gagné sa médaille d’argent, il ne peut pas la prendre, et c’est tout ? » Dans l’agitation, c’est un autre Américain, le rameur blanc Paul Hoffman, qui entendant parler de la requête de Norman, lui offrira son propre badge. Le reste est finalement entré dans l’Histoire. Trois hommes victorieux portant sur eux le symbole de leur soutien aux droits de tous les Hommes immortalisés et portés à la postérité.

Olympics-project-for-human-rights

Pour leur geste John Carlos et Tommie Smith seront immédiatement renvoyés du village Olympique et de leur délégation. Devenus symboles de leur mouvement, ils font face à la violence de leurs détracteurs au sein d’un groupe. Quand à Peter Norman rentré seul en Australie, c’est seul qu’il fait face. Il perd l’appui du comité Olympique et malgré de très bons temps, il ne sera pas retenu pour le JO de Munich en 1972.
Pour être réhabilité, il lui aurait suffi de désapprouver le geste de ses camarades. Ce qu’il n’a jamais fait. Il deviendra finalement professeur de sport. Mais, il trouvera malgré tout une certaine reconnaissance auprès des Américains qui l’inviteront en 2000 pendant les JO de Sydney à les rejoindre pour célébrer l’anniversaire du sprinter Michael Johnson. Puis Peter Norman sera également présent pour l’inauguration de la statue de San José. Si sa place est restée vacante, ce sera pour laisser les passants la prendre eux-mêmes. Pour lui, son absence n’est pas un oubli, mais une occasion pour tous de prendre position comme il l’a fait quelques dizaines d’années plus tôt.

En 2006, il perd la vie des suites d’une crise cardiaque, Carlos et Smith restés ses amis, porteront son cercueil. Plus tard, il sera réhabilité par le Congrès Australien reconnaissant enfin son statut. Dans une motion, il adresse à titre posthume leurs excuses aux sprinter.

Le Congrès reconnaît les accomplissement athlétiques extraordinaires du défunt Peter Norman, qui remporta la médaille d’argent dans le sprint de 200m lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1968 avec un temps de 20.06 secondes, qui reste aujourd’hui un record australien.

Nous reconnaissons la bravoure de Peter Norman dans le fait de porter le badge du Projet Olympique pour les Droits de l’Homme sur le podium, en solidarité avec les athlètes Afro-Américains Tommie Smith et John Carlos, qui ont effectué le salut du « Black Power ».

Toutes nos excuses vont vers Peter Norman pour le mal fait par l’Australie qui ne l’a pas envoyé aux Jeux de Munich en 1972, malgré qu’il se soit plusieurs fois qualifiés ; nous reconnaissons tardivement le rôle puissant joué par Peter Norman dans l’avancement de l’égalité des races

peter norman enterrement

Lacoste L!ve et Foot Patrol préparent l’hiver de belle façon avec une collaboration capsule en trois parties. Ce mariage entre la marque française et le label britannique trouve son inspiration dans leur amour commun pour l’art, au service du streetwear. La première partie de cette collection se compose d’un polo manche longues très réussi ainsi que de deux modèles de la Halfcourt. On peut remarquer le branding des deux marques respectivement inscrits sur ces produits limités à 150 pièces pour le polo, et 450 paires. La collection sera disponible le 17 octobre prochain.

A l’occasion du 35ème anniversaire de la marque Stussy, la marque californienne s’associe avec plusieurs marques dont la vision et la culture les ont inspirées tout au long de leur parcours. Cette collaboration concrétise la rencontre de deux marques iconiques qui se sont chacune à leur tour ouvertes aux jeunes et à la culture de la rue, traçant à leurs époques respectives les prémices du streetwear. La collection se décline sur plusieurs produits emblématiques des collections de la marque britannique comme deux survêtements, trois casquettes et deux polos (manches courtes et longues) ou les logos des deux marques cohabitent.

Ces derniers temps, Rihanna s’exprime peu que ce soit concernant la sortie de son album Anti auquel ses fans ont longtemps fait référence grâce au hashtag #R8, ou de sujets un peu plus personnels. Mais sa tournée médiatique semble belle et bien amorcée. Après un shooting pour le 100ème numéro de The Fader et une interview pour Vanity Fair, c’est le New York Times Style Magazine qui lui rend hommage avec une série de photo réalisée par Craig McDean et en faisant d’elle, aux côtés de Quentin Tarentino, Karl Lagarfeld ou encore Steve McQueen, la cover girl de leur édition The Greats.
Pour la rencontrer, la rédaction envoie la cinéaste et auteure, Miranda July, qui pleine d’admiration pour la Barbadienne, raconte son entrevue avec l’artiste. Après une attente de quelques verres dans un restaurant de Malibu, Rihanna vient à sa rencontre. Pendant deux heures elles discutent, de Google (« Il m’arrive de m’asseoir et de Googler accouchement.« ), Instagram, (« Mes fans peuvent sentir les conneries de loin. Je ne peux pas les tromper. » ou encore « Je veux voir une femme nue qui ne soit pas consciente de sa nudité.« ) de ses relations avec les hommes (« Ils ont besoin d’attention, ils ont besoin de se nourrir, de cette satisfaction de l’égo pour les booster de temps à autre. Je donne ça à ma famille, à mon travail – mais je ne le donnerais pas à un homme tout de suite. »), de sa découverte de la sexualité et de la manière dont elle a sait impressionner sa mère.

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Mais après une première hésitation de Miranda ( « J’ai voulu lui poser des questions sur le fait d’être une jeune femme noire avec du pouvoir en Amerique, mais ça m’a semblé incorrect de parler de ça ; peut-être qu’elle est au-dessus de la race aujourd’hui.« ), Rihanna finira par aborder le sujet. Première égérie noire de Dior, c’est à force de travail que son statut de superstar a pu lui ouvrir de nombreuses portes. Ce qui ne l’aura pas empêcher d’être confrontée au problème du racisme dans l’industrie.

« Mais je dois garder à l’esprit », poursuit-elle, en regardant droit dans l’enregistreur, « que ces personnes vous jugent parce que vous êtes présentés d’une certaine façon – ils sont programmés pour croire qu’un homme noir avec une capuche est le signe qu’il faut serrer son sac un peu plus fort. Dans mon cas, ça se résume à des problèmes moins grave, des scénarios dans lesquels des gens peuvent croire des choses à propos de moi sans me connaître, seulement via mon packaging. »

[…]

« Tu sais, le moment où j’ai expérimenté la différence – ou même que ma race a été mise en avant – c’est principalement quand j’ai commencé à conclure des affaires, à faire du business. » Du business. Ce qui signifie que tout le monde est cool avec l’idée qu’une jeune femme noire chante, danse, fasse la fête et soit sexy, mais quand vient le moment de négocier, de conclure un accord, on lui rappelle soudainement le fait qu’elle soit noire. « Et, tu sais, ça ne s’arrête jamais en fait. C’est toujours le cas aujourd’hui. Et c’est ce qui me donne envie de leur prouver qu’ils ont tord. Ca m’excite presque. Je sais ce qu’ils attendent et je suis impatiente de leur prouver que je suis là pour dépasser leurs attentes. » Elle parlait comme une jeune noire professionnelle qui essaie de faire sa place dans le monde de l’entreprise, et j’imagine qu’elle l’était – juste à un niveau très différent.

 

 

 

Lire l’article dans son intégralité ici.

Crée au 16ème siècle, le Musée Miniature et Cinéma a pour particularité d’exposer une centaine de décors de cinéma reproduits en miniature. Conçus par des spécialistes du travail miniature, les décors trouvent leur singularité dans l’hyperréalisme avec lequels ceux-ci sont faits. Un résultat à s’y méprendre, ou seule la main humaine présente sur certaines photos nous ramène à la réalité.

Découvrez d’autres photos de décors du musée sur leur site.

Après la récente confirmation de l’existence d’eau sur Mars, les amateurs de l’espace et du cosmos vont être ravis de découvrir ce que la NASA vient de dévoiler. En effet, la célèbre agence spatiale vient de révéler les 8400 clichés représentant les expéditions des missions Apollo sur la lune. Prises entre la fin des années 60 et le début des années 70, les photos sont en haute définition, laissant place à une précision et un détail jamais vu en photographie spatiale jusque là. toutes les photos sont visible sur le lien Flickr de la NASA, Project Apollo Archive.

Après avoir parcouru la France pendant les festivals cet été et après la sortie de son projet ASAKUSA, Fakear et son orchestre ont investit la scène de l’Olympia pour une date complète.

Une date qui sera suivi par celle du duo américain Odesza, annoncé pour le 2 avril 2016.
Billetterie

Nadine Morano, ta race. Mon pays ? Nadine dézingue, tournoie, virevolte et se taule. Nadine le self-branding, Nadine la politique.

Samedi 26 septembre, Ruquier exécutait un énième tour de chauffe sur France 2, lors de son émission On n’est pas couché, basse-cour inélégante où politiciens désuets côtoient rappeurs faconds et autres journalistes sponsorisés. Lieu-dit de coups d’éclats multiples dont les audiences se font surtout en replay.

Ce soir-là, Nadine est venue se vendre. Nadine campagne, promeut son Facebook et se débat, trouve offensant que les médias déforment son personnage, que l’opinion publique se plaise à singer une si belle carrière façonnée de tant de gloires personnelles. Nadine remet en cause un esprit de contradiction qui ne pourrait être plus français. Bien, ma chère dame, ce n’est pas très républicain ça, m’a-t-on dit. Et puis on s’en fout de ta life, sérieux.

Pour Nadine, personne ne sait. Fille de prol’, Morano c’est la rage, l’ambition. Complaisante dans un rôle de femme forte ayant gravi les échelons sociaux à la seule force de ses neurones – à défaut de ne disposer d’un physique – Nadine se plaît à voguer à tribord. La Chimène Badi du riche. Le cul serré sur son modeste trône, depuis le studio Gabriel, l’eurodéputée a faim et sera prête à débouter quiconque l’émoustille.

Ça parle présidence, ça dérive sur les migrants. Milliers de personnes enlisées dans leur merde depuis bien des années qui semblent comme tombées du ciel, ou du moins sur le coin de la gueule du monde, sans ne plus pouvoir les ignorer. Pain béni propice à l’irruption intempestive d’amalgames primaires. Le dada des occidentaux depuis ces six derniers mois, les bras ouverts à une Nadine tendancieuse.

Alors l’ex-secrétaire d’État de la famille et de la solidarité s’embourbe et dévoile une pensée très limite. Nadine oublie que la plupart des gens ne comprennent pas la nuance de l’éventail identitaire qu’elle développe. Nadine a chaud et c’est dérangeant. La peur, le repli, le respect des autres surtout s’ils sont loin. Marine Morano.

 

 

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Mariage consommé. Morano, en réalité, nous fait simplement subir sa crise d’ado face à un Nico tremblant. Quand on bâtit une carrière en tant que casse-couilles professionnelle, autant s’enfoncer. Nadine n’est pas raciste, juste qué-blo dans l’archaïsme de sa bonne pensée. De Gaulle, ce grand De Gaulle. C’est à deux reprises qu’elle emploiera son expression « la France est un pays de race blanche » avant que quiconque ne daigne réagir, stupéfait de la fluidité indécente de ses dires.

Des racistes tolérants, j’en ai brassé des masses, ayant moi-même porté l’insigne d’une minorité ethnique supportée. La seule meuf typée de mon institut catholique privé, au secondaire, dans le 78. Le quota exotique de mes amis conciliants. L’exception justifiant la règle. Alors, les faux-semblants, sous les sourires pincés, je les vois venir à cent mille.

Beaucoup seraient prêts à s’acoquiner Le Pen simplement par dépit. Morano et sa race blanche, on est plus à ça près. Fatigant que ces gens, à qui l’on donne la parole plus que de mesure, se perdent à déblatérer des conneries, persistant et signant même face au mur. Nadine, la grâce poissonnière d’une parvenue frustrée.

Ma grande, t’as merdé. De Gaulle n’a pas envisagé le verlan, les « Viva l’Algérie » en fin de match, peu importe le match, la gentrification et Beyoncé. De Gaulle n’a pas écrit pensant que le monde serait une fusion constante où tous les peuples s’extasieraient devant des vidéos de chatons pixélisés. Sans remettre en cause ni ses actes ni sa mémoire, il y a de plus fortes chance qu’il soit mortifié de voir le bourbier militaire mondial, la constance des débats infertiles, ta gueule à la télé et l’obsession de chacun de s’approprier une identité communautaire dénuée de sens. Parce que notre société a évolué, une mise-à-jour aurait dû s’imposer. Fallait y penser, regretter et tout simplement la fermer.

Merci Nadine, ton propre parti a fini par trancher. Après avoir perdu ton investiture aux élections régionales, tu disposes désormais de tout ton temps pour répondre aux mails de ces gens de couleur qui t’écrivent et t’adorent. Allez ciao Morano.

 

Après maintes couvertures de magazines et de sulfureux posts instagram « NSFW », on avait presque oublié qu’elle faisait de la musique… Pourtant la chanteuse à réuni hier soir son monde dans une galerie de Los Angeles pour présenter la cover de son prochain album. Au préalable dénommé R8, il devrait s’intituler ANTI, théorie confirmer par la chanteuse sur Instagram.La cover, représentant un enfant aveuglé par une couronne sur un fond en braille, est l’œuvre de l’artiste contemporain Roy Nachum. Une œuvre qualifié de « cover préférée qu’elle ait jamais eu » par Rihanna elle-même. Pas de date de sortie pour l’instant mais on ne doute pas que cela devrait arriver vite.

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J’aime le fait que le garage et le grime reçoivent enfin l’amour qu’ils méritent. J’ai eu envie de rendre hommage aux légendes de cette scène d’une façon historique. 

De ses propres mots, voici comment l’artiste Reuben Dangoor explique cette série de portrait mettant en scène, Skepta, D Double E, Stormy et son parrain Wiley dans des décors d’un autre temps, comme pour traduire de façon fatalement solennel, toute l’ampleur de ces figures dans leur genre musical.

De retour du Congo, Terence Bikoumou nous rapporte quelques photos de son périple et en quelques lignes retranscrit ses impressions de voyage.

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Ce dicton serait encore plus éloquent s’il exprimait que chaque voyage était une nouvelle jeunesse. Arriver dans un nouvel endroit stimule l’œil humain, et cette fraîcheur visuelle nous offre la spontanéité, ou la naïveté, d’un nouveau né. Cette innocence oculaire nous permet de nous extasier devant chaque forme, quitte à devenir soi-même, chemin faisant, une curiosité pour les autochtones. Ville vitrine de l’Afrique centrale, et celle qui vient d’accueillir il y a peu les 11ème jeux d’Afrique, Brazzaville est le nouvel endroit que l’on a choisi d’immortaliser à notre façon. Roulez jeunesse.

Le 11 septembre 2015 sortait l’album 90059 de Jay Rock. L’occasion pour nous de découvrir le titre « Vice City » réunissant le super groupe Black Hippy, composé de Kendrick Lamar, Jay Rock, Ab-Soul et Schoolboy Q. 

Si le titre laissait présager d’une ambiance sombre et inquiétante, le refrain entonné par un Kendrick Lamar toujours inspiré au niveau du flow, remet vite les pendules à l’heure et ses acolytes au diapason. Le « kid » nous promet dès lors une ode aux vices inhérents à la vie des artistes rap à succès :

« Big money, big booty bitches
Man, that shit gon’ be death of me
Big problems, I must admit it
Man, that shit gon’ be death of me
I pray to a C-Note, my mama gave up hope
I can’t stand myself
I just bought a new coat, I might go broke
I can’t stand myself
Big money, big booty bitches
Man, that shit… »

« Un max de thunes, des putes à gros cul
Mec, cette merde aura ma peau
De gros problèmes, je dois l’admettre
Mec, cette merde aura ma peau
Je pris à la gloire d’un billet de 100 dollars, ma mère a perdu tout espoir en moi
Je ne me supporte plus
Je viens juste d’acheter un nouveau manteau, je risque d’être fauché
Je ne me supporte plus
Un max de thunes, des putes à gros cul
Mec, ce bordel… »

Kendrick-Big-Booty

Le matérialisme monopolise l’attention de l’artiste et celui-ci ne semble, outre mesure pas si inquiet de s’adonner aux clichés, même réalistes, issus de la vie de star. Le couplet ne déroge pas à la règle fixée quelques secondes plus tôt :

« Big money, big booty bitches
Tell the truth, nigga, I’m lost without it
7 figures for a headline
You want some stage time, we can talk about it
Niggas actin’ like they be rappin’
Like nice on the mic, truly doubt it
Go against the kid, y’all don’t wanna live
That decision is hella childish
Rose gold for my old hoes
They ain’t satisfied then I sit ‘em down
10th grade, I gave her all shade
But now she got some ass, I wanna hit it now
I don’t lease, I just all out feast
I put a blue Caprice on Gary Coleman
Bomb head and some cheese eggs
That’s a new raise and a signing bonus »

« Un max de thunes, des putes à gros cul
Pour être honnête négro, sans ça je suis perdu
Cachet à 7 chiffres pour être la tête d’affiche
Tu veux que je sois sur scène, on peut en parler
Les négros se comportent comme s’ils savaient rapper
Du genre ils contrôlent le micro, mais j’en doute sincèrement
Ceux qui sont contre moi ne souhaitent pas vivre
C’est une décision vraiment immature
De l’or rose pour mes anciennes salopes
Cela ne les contente pas alors je m’en sépare
Il y a une fille que je négligeais lorsque j’étais en Seconde
Maintenant elle a un cul, j’aimerai bien me la faire
Je ne fais pas de leasing, je me goinfre
J’ai mis des gentes de la taille de Gary Coleman (Arnold & Willy) sur ma Chevy Caprice bleue
Fellation de dingue et omelette au fromage
C’est une nouvelle augmentation et une prime à la signature »

Kendrick-Blue-Caprice

Plusieurs éléments intéressants et typiques caractérisent le rap de Kendrick Lamar : des références imbriquées tout au long de son couplet. Ainsi depuis quelques temps, le rappeur envoie plusieurs allusions textuelles de façon subliminales à son « rival » Drake, une réelle joute verbale. Sa prestation dans Vice City est sans doute l’une des « attaques » les moins maquillées qu’il aura eu à écrire :

« 7 figures for a headline »

En 2011 Drake sort l’album Take Care avec son titre « Headlines ».

Kendrick-Headlines

« You want some stage time, we can talk about it »

Cela laisse à penser qu’ici Kendrick Lamar s’adresse directement à Drake en lui faisant comprendre que le natif de Compton monopolise toute l’attention et surtout qu’il décide, tel un parrain, qui fait quoi dans ce rap game.

« Niggas actin’ like they be rappin’
Like nice on the mic, truly doubt it »

Drake-Degrassi

Encore une fois il s’agit d’une attaque en règle adressée au rappeur de Toronto que Kendrick trouve trop imbu de sa personne. Mais ce pique de K.Dot prend toute sa dimension lorsqu’on analyse la phrase « Niggas actin’ like they be rappin’ ». Il joue donc avec le double sens du verbe « to act » signifiant tantôt se comporter, tantôt jouer la comédie. Avant d’atteindre une notoriété mondiale dans la musique, Drake a fait ses gammes en tant qu’acteur en jouant dans la série Degrassi au début des années 2000. Pas forcément un atout dans le monde du rap.

« Go against the kid, y’all don’t wanna live »

Kendrick se surnomme souvent « the kid » tandis que Drake fait souvent référence à sa personne sous le nom de « the boy ». Depuis son couplet meurtrier sur le titre « Control », beaucoup de rappeurs se sont essayés de répondre au emcee, mais très peu de réponses (voire aucune) n’a eu l’effet produit par la bombe angelinos. Et ce, même si le rappeur les a personnellement nommés :

« But this is hip-hop, and them niggas should know what time it is
And that goes for Jermaine Cole, Big K.R.I.T., Wale
Pusha T, Meek Mill, Asap Rocky, Drake
Big Sean, Jay Electron’, Tyler, Mac Miller
I got love for you all but I’m tryna murder you niggas »

« C’est ça le hip-hop, et ces négros devraient savoir ce qu’il en est
Et cela vaut pour J.Cole, Big K.R.I.T., Wale
Pusha T, Meek Mill, A$AP Rocky, Drake
Big Sean, Jay Electron’, Tyler, Mac Miller
Je vous porte dans mon cœur mais j’essaie de vous tuer les mecs »

Revenons à « Vice City » et ses phases à sens multiples :

« Bomb head and some cheese eggs
That’s a new raise and a signing bonus »

La première interprétation, la plus simple serait d’y comprendre qu’après une fellation, la fille lui concocte une omelette au fromage (notre Doc Gynéco national avait en son temps une phase similaire : « qu’après l’amour elle m’fasse chauffer des pâtes »); et que cela mérite une augmentation et une prime à la signature, tellement elle a été performante.
La seconde interprétation, plus crue, serait d’y voir une métaphore filée de l’acte sexuel, de ce fait la fellation (bomb head) mènerait à une partie de jambes en l’air non protégée qui se conclurait par une éjaculation (cheese) interne car, le terme eggs désignant les ovaires de la jeune demoiselle.
Le fait que l’action s’ensuive de l’expression « that’s a new raise » qu’on pourrait interpréter par « j’ai à nouveau la trique » en plus de « signing bonus » qui est une expression désignant la fellation ; montre que l’artiste est un homme insatiable.

Kendrick-Egg-cheese

Le couplet de Jay Rock garde le même ton humoristique :

« Fall in this bitch
Like some good pussy, can’t stand myself
So good, she so hood
She a cheesehead, patty melt
GED with EBTs, and some DVDs
That shit was happening
She reel me in with some chicken wings
And some collard greens, that shit was brackin’
Just cracked me a new bitch
Bust a new nut on her nigga’s jersey
My bitch get off at 9 o’clock
So I had to shake her ‘round 7:30
105, I’m stomping fast
With these big guns, I’m hella dirty
Get caught with this shit
I ain’t comin’ home ’til like 2030 »

« Je suis rentré dans cette pute
Comme dans une chatte, je ne peux pas me supporter
C’est tellement bon, elle est tellement ghetto
Elle est vénale, je me suis fini sur son visage
Elle a un diplôme niveau lycée, reçoit des aides de l’état et a quelques DVD
Le bordel s’est déroulé de la façon suivante
Elle m’a eu avec quelques ailes de poulet
Et un peu de chou vert, c’était tellement bon
Je viens juste de me taper une nouvelle salope
J’ai éjaculé de nouveau sur le maillot de son mec
Ma go quitte le boulot à 21h
Donc j’ai dû me barrer aux alentours de 19h30
Sur la route 105 je roule à toute allure
Avec toutes ces armes, je ne suis pas du tout blanc comme neige
Si je me fais sauter avec tout ça
Je ne serais pas sorti avant genre 2030 »

Jay-rock--Collard-Green

Sans la dimension pécuniaire et toujours en rapport à son statut, plus street que Kendrick Lamar désormais millionnaire et internationalement reconnu, Jay Rock, malgré son ascension progressive, conserve les caractéristiques d’un habitant de Nickerson Gardens (Watts, Los Angeles).
On sait donc qu’il aime ces femmes très ghetto, « she so hood », avec un minimum d’éducation et à la limite de la pauvreté « GED with EBTs », en couple « bust a new nut on her nigga’s jersey » et sachant cuisiner « chicken wings and some collard greens ». De surcroît, on en sait un peu plus sur l’artiste lui-même, on comprend qu’il ne supporte plus d’être une proie si facile au sexe, « Like some good pussy, I can’t stand myself », qu’il (a) fait parti d’un gang (Bounty Hunter Bloods) du fait de la transformation du mot crackin’ en brackin’. Il est coutume que les personnes initiées à la culture Blood rejettent systématiquement la lettre C (qui fait allusion au gang rival des Crips) pour la remplacer par la lettre B. Enfin, la référence à l’artillerie lourde, « with these big guns », pouvant l’envoyer derrière les barreaux pour une longue durée (15 ans), sous-entend que Jay Rock a déjà connu l’univers carcéral à plusieurs reprises (3 fois selon la loi) pour des faits ayant impliqué trafic de drogue et crimes violents (The Armed Career Criminal Act).

Jay-Rock-105-Interstate

Le second hook de Kendrick Lamar, même si porté par le même esprit, nuance plus avec son couplet :

« I got big money, big booty bitches
Man, this shit gon’ be death of me (death of me)
Big problems, I must admit it
Man, that shit gon’ be death of me (death of me)
Big dreams, no superstition
Man, that shit gon’ be death of me (death of me)
I pray to a C-Note, my mama gave up hope
I can’t stand stand myself
I just bought a new coat, I might go broke
I can’t stand myself
I just might ban myself
I just might… GOD ! »

« J’ai beaucoup d’argent, beaucoup de putes
Mec, cette merde aura ma peau (ma peau)
Gros soucis, je dois l’admettre
Mec, cette merde aura ma peau (ma peau)
De gros rêves, pas de superstition
Mec, cette merde aura ma peau (ma peau)
Je prie à la gloire d’un billet de 100 dollars, ma mère a perdu tout espoir en moi
Je ne me supporte plus
Je viens juste de m’offrir un nouveau manteau, je risque d’être fauché
Je ne me supporte plus
Je devrais me bannir
Je devrais…SEIGNEUR ! »

Cette fois Kendrick est plus mesuré que précédemment. La répétition de la phrase, « Man, that shit gon’ be death of me », renforce le mépris qu’il éprouve envers lui-même, tandis que dans sa décadence il n’hésite pas à prendre l’auditeur à témoin. Son adoration pour l’argent, « I pray to a C-Note », le sexe « big booty bitches », son manque de superstition, « big dreams, no superstition » (induit qu’il travaille dans le but d’accomplir ses rêves, et que la chance n’a rien à voir avoir son succès) et les biens matériaux « I just bought a new coat » ; met en porte-à-faux sa situation envers la figure divine qu’il interpelle : « I just might… GOD! ». Au risque de se compromettre définitivement, l’artiste a comme ultime recours la censure, voire le bannissement :« I just might ban myself ».

« I’m focused feeling blessed
Cause my eyes be the truth
I’m focused feeling blessed
Cause my eyes be the truth »

« Je suis focalisé sur ma vie qui a été bénie
Parce que mes yeux voient la réalité
Je suis focalisé sur ma vie qui a été bénie »

My eyes be the truth 2

Ici, pivot très important (amorcé par la fin du couplet de Kendrick), l’aspect spirituel qui caractérise Black Hippy à travers le mot « eye », comprenez third eye ou troisième œil (perception allant au-delà de la vision ordinaire). Un moyen très efficace d’introniser Ab-Soul, membre du collectif que l’on pourrait qualifier de dépositaire de la conscience du posse :

« Mental window blurry as a bitch
Still lookin’ out it
So much money off the fuckin’ books
Could write a book about it
Took a minute, no, wait a minute…
Let me think about it
Bout 10 years, Crips, Bloods
Sweat and tears, and we still counting
Had a real thick bitch named Brooklyn
She fucked the whole squad
Now every time I land in Brooklyn
They fuck with the whole squad
I’m more spiritual than lyrical
I’m similar to Eli… Why ?
Cause I’m wearin’ black shades
And I’m headed west with the word of God
I think I’m finally ready to talk about it
Homie you don’t play me for no fool
Poppin’ bottles like enemigos
Ay dios mio, I’m so cold
Get so deep in that water, water
They should call my johnson a harpoon »

« La fenêtre mentale est floue comme une pute
Je regarde toujours à travers elle
J’ai fait tellement d’argent non déclaré
Que je pourrais écrire un livre à ce sujet
Ça a mit son temps, non, attends un peu…
Laisse-moi y réfléchir
Environ 10 ans, Crips, Bloods
Des sueurs et des larmes, et ça continue
J’avais pécho une salope super bonne du nom de Brooklyn
Elle a baisé toute la team
Maintenant à chaque fois que je vais à Brooklyn
Tout le monde nous kiffe
Je suis plus spirituel que lyrical
Je suis comparable à Eli… Pourquoi ?
Parce que je porte des lunettes noires
Et que je me dirige vers l’ouest avec la parole de Dieu
Je pense que je suis enfin disposé à en parler
Ces négros en parlent juste
Poto, tu ne m’auras pas
Tu pètes le champagne comme tes ennemis
Oh mon Dieu, je suis si placide
Je suis si profond dans cette eau, eau
Que ma bite devrait être renommée un harpon »

Dans ce couplet, Ab-Soul justifie amplement son statut de membre le plus sous-estimé de Black Hippy, voire même de la vague West Coast. Tout simplement parce qu’en un couplet il parcourt les maux tiraillant chaque artiste et par extension chaque individu.

Sa posture est simple et sans concession : l’argent, « so much money off the fuckin’ books », le sexe, « had a real thick bitch named Brooklyn, she fucked the whole squad (…) they should call my johnson a harpoon», la foi, « I’m more spiritual than lyrical (…) and I’m headed west with the word of God ».Comme pour chaque croyant, la finalité reste de trouver la paix intérieure (et ce malgré l’environnement qui vous entoure), du coup le rappeur parle d’unité au sein des deux gangs rivaux les plus sanglants et ce durant une longue période : « ‘bout 10 years, Crips, Bloods / sweat and tears, and we still counting ». Schoolboy Q étant affilié aux Crips, Jay Rock aux Bloods, malgré cela les rappeurs ont réussi à passer outre ces différences.

schoolboy-jay-rock-

Subtilement, Ab-Soul nous rappelle qu’il est sûrement la personne la plus clairvoyante et ce malgré la maladie qui l’a frappé plus jeune et qui ne l’a plus quitté depuis. En effet Ab Soul souffre du syndrome Steven-Johson, affectant les yeux en les rendant hyper-sensibles à la lumière. D’où ces références à Eli, personnage cinématographique joué par Denzel Washington, qui était aveugle et portait des lunettes, mais pas que. Inspiré de la figure biblique, Eli portait aussi la parole de Dieu :
« I’m similar to Eli… Why ? Cause I’m wearin’ black shades And I’m headed west with the word of God ». Comme lui, Ab Soul porte un discours conscient, se bat avec ses armes (ses lyrics) et vit à Los Angeles (Eli dans le film se dirige vers l’ouest).

Ab-Soul-Eli

À noter le petit tacle du rappeur envers ces artistes porteurs d’une bonne conscience qui ne font que survoler la morale dans leur texte afin de se faire bien voir :

« These niggas just talk about it / Homie you don’t play me for no fool »

Comme le disait très récemment Kanye West dans le titre « Made in America » : « This ain’t no fashion show motherfucka, we live it ». The Black Lip Pastor ne joue pas, il se sent vraiment investi d’une mission consistant à ouvrir les yeux par des paroles mûrement réfléchies : « Wait a minute…Let me think about it (…) I think I’m finally ready to talk about it ». Il pourrait également s’agir d’une figure de style se voulant l’annonce d’une prochaine sortie d’album pour le rappeur.

Enfin pour conclure cet excellent couplet frappé du sceau liturgique, Ab-Soul joue avec le sens des mots.

« Get so deep in that water, water / They should call my johnson a harpoon »

De prime abord, on comprend que le rappeur est si empêtré dans le sexe féminin qu’on devrait appeler sa verge un harpon. Malgré cela, il est permis de penser qu’il a une autre idée en tête, compte tenu du sens de son couplet. En effet, nous avons mentionné un peu plus haut que l’homme souffrait de la maladie Steven-Johnson, sa phase d’ouverture étant « Mental window blurry as a bitch/ Still lookin’ out it » indique que le fait qu’Ab-Soul souffre d’une insuffisance visuelle l’ai contraint à développer une capacité d’extra-lucide, sa maladie devenant alors une arme permettant d’accrocher qui veut bien se laisser « transpercer » par son savoir.
De plus, il est commun que dans certaines parties des États-Unis et du monde, les personnes souhaitant se faire baptiser et donc accepter la parole du Seigneur doivent s’immerger dans une source d’eau. Avant de recevoir ce sacrement, les fidèles doivent reconnaître qu’ils sont pêcheurs ainsi que leur besoin d’accéder à la rédemption. L’immersion symbolise l’enterrement tandis que l’émersion symbolise la résurrection, l’eau ayant lavé les pêchés (Épître de Saint Paul aux Romains, chapitre 3). Ab-Soul lui a atteint une telle profondeur « Gets so deep, in that water, water » qu’il en a froid « I’m so cold ». Pour clôturer ce sujet, le logo de l’artiste reprend exactement le cryptogramme que les premiers chrétiens utilisaient pour s’identifier à Jésus-Christ. Ce dernier représentant un poisson car en grec (langue internationale de l’époque) le mot poisson se disait ICHTHUS, et ces lettres étaient les initiales de Iesous (Jésus) CHristos (Christ) THeou (Dieu) Uios (Fils) Sôter (Sauveur).

 

Jesus-cryptogramme

 

Ab-Soul-logo

S’ensuit le deuxième pont de Jay Rock :

« Feed the needy, don’t know graffiti
Paint her walls like a cartoon
Beat the pussy up so bad
Send her home with some war wounds
Loaded off the ‘gnac, hit her from the back
Goin’ ‘cross her head… bar stool
Touch her soul ’til I curl her toes
Then it’s time to reload, then it’s part two »

« Je la baise car elle en redemande, on ne fait pas de graffiti ici
J’ai repeint sa cavité vaginale comme dans un dessin animé
J’ai tellement défoncé sa chatte
Je l’ai renvoyé chez elle avec des blessures de guerre
Défoncé au cognac, je l’ai prise par derrière
Ma bite dans sa bouche lui a fait l’effet d’un tabouret
Je vais la faire jouir
Ensuite il faudra que je me recharge, puis seconde mi-temps »

Clairement axé sur le sexe, comme une bonne partie de son couplet, le rappeur décrit une scène de coït particulièrement virulente.

Dernier couplet et non le moindre, Schoolboy Q :

« Damn near 30, still set trippin’ cuz
Where you from, I’mma see about it
Last year I made 10 millions
That’s where I’ve been yeah, a private island
Smoking something, on autopilot
Got too many cars, I might crash a whip
New ‘Rari pedal barely tapping
Nigga, vroom-vroom, yeah I’m ritch bitch
Got two Rollies but one missing
Think my daughter flossing, she in kindergarten
Got one crib worth two cribs
And my front lawn, yeah that’s water fountain
You be talking boss, saying big words
Like philosophies, man you weird homie
What it sounds to me that you broke as fuck
And your bitch gon’ leave and that’s real homie
A dashiki on, with a fedora on
And my round glasses, trying to fool the cops
I’m with you Dot, on that sneak dissing
When you penny bitchin’ nigga, shoot the fade
Ugly nigga, but I’m fine as wine
Did you check your time, I get good with age
Shoot the nine like, fourth grade
Black Hippy droppin’, eyebrows raised »

« Presque 30 ans, toujours à représenter mon gang poto
D’où je viens, pour que je sache
L’année dernière j’ai généré 10 millions de dollars
C’est ce sur quoi j’ai passé mon temps ouais, une île privée
En train de fumer un truc, en mode pilote automatique
J’ai tellement de bagnoles que je pourrais défoncer un gros gamos
Nouvelle Ferrari, je freine très rarement
Negro, vroom-vroom, ouais je suis riche sale pute
J’ai deux Rolex, mais il y en a une qui manque à l’appel
J’pense que c’est ma gosse qui la parade à la maternelle
J’ai une baraque qui en vaut le prix de deux
Et sur ma pelouse, ouais c’est bien une fontaine
Vous parlez comme des mecs qui pèsent, avec de grands mots
Du style philosophique, mec t’es chelou
Ça donne juste l’impression que t’es aussi fauché qu’un clochard
Et ta meuf va te larguer sois en sûr poto

Je porte un dashiki avec un fedora
Mes lunettes sont rondes, j’essaye de tromper la police
Je suis de ton côté Kendrick sur ces rappeurs qui lancent des subliminaux
Pendant que vous bandes de putes inutiles vous vous disputez
J’suis moche mais je suis aussi bon que le vin
T’as regardé quand est ce qu’on était ? Je me bonifie
Je tire au 9mm comme un écolier en CM1/CM2
L’album de Black Hippy est sur le point de sortir, les sourcils se froncent »

Daughter-Schoolboy-Q

Style reconnaissable entre mille, les deux couplets de Schoolboy Q se décomposent en trois sujets distincts. Le premier étant que le rappeur représente toujours avec fierté son affiliation au gang des Crips :

«Still set trippin’ cuz »

Argot de gang, le terme « set » signifiant le quartier, la zone.

Même si le rappeur ne ressemble plus aux stéréotypes des gang bangers et a quitté la rue :

« A dashiki on, with a fedora on/ And my round glasses »

Schoolboy-Q-Dashiki

Comme s’il avait quelque chose à se reprocher, Q essaye de fausser la piste des policiers :

« Trying to fool the cops »

Question typique des membres de gangs, « Where you from ? » , lorsqu’ils rencontre d’autres membres afin de savoir s’ils doivent se battre (dans le cas où la réponse de l’interlocuteur n’est pas la bonne). À partir du moment où la question est posée, l’interrogé doit représenter son gang en énonçant à voix haute ses couleurs. S’il ne le fait pas, il en risque la répudiation voire pire.

« I’mma see about it »

Phrase à double sens. D’abord au sens littéral, le rappeur signifie qu’il est prêt à se battre si la personne en face de lui est un membre d’un gang rival. L’autre sens plus subtil joue sur la phonétique du mot « see ». En effet en tant que Crip, Schoolboy réduit ce mot à la simple lettre C qui s’entend de la même façon que le mot « see » dans la langue anglaise.

Schoolboy-Q-Island

Le second sujet nous plonge sans détours dans l’opulence qui caractérise sa nouvelle vie depuis qu’il a rencontré le succès grâce à son album Oxymoron « Last year I made 10 millions (…) a private island (…) got too many cars (…) New ‘Rari (…) yeah I’m rich bitch/ Got two Rollies (…) got one crib worth two cribs/ And my front lawn, yeah that’s water fountain ».

Abondance pécuniaire qui semble avoir déteint sur lui de la meilleure des manières :

« Ugly nigga, but I’m fine as wine/ Did you check your time, I get good with age »

Enfin le dernier sujet, plus frontal que les deux premiers, nous rappelle que le rappeur n’est pas du tout impressionné par certains artistes « you talking boss, saying big words/ Like philosophies (…) I’m with you Dot, on that sneak dissing/ When you penny bitchin’ nigga, shoot the fade.» Ici, il fait sans doute référence aux différents piques que Kendrick Lamar « K.Dot » a reçu (et a envoyé) depuis son couplet sur « Control ». En écho au couplet du Kid, Groovy Q sous-entend qu’il est de la partie lorsqu’il s’agit de balancer des subliminaux. Contrairement aux rappeurs qu’il semble avoir pris en grippe un peu plus haut dans le texte, il possède un rap basé sur des figures de style plutôt simples telles que les onomatopées « vroom-vroom », de l’analogie « whip » (terme issu du fait qu’au tout début de l’ère industrielle les volants ressemblaient au logo Mercedes, par extension cela devient une référence pour tout véhicule onéreux) ou encore à mi-parcours entre l’élision « trippin’ (…) I’mma (…) gon’ » et l’apocope « ‘Rari (…) Rollies (…) ». C’est donc un artiste adepte de néologie (création, voire modification de mots), qui pour se faire comprendre passe par des canaux simplifiés. Rien de surprenant quand on parle de rap ou de hip-hop en général du fait de l’évolution constante d’expressions issues ou reprises par la rue.

Schoolboy-Q-vice-city

En conclusion, le titre « Vice City » fait magistralement miroiter la quintessence des clichés rap US comme pour se moquer des stéréotypes attachés au mouvement. Non pas que ce constat soit alarmant et encore moins péjoratif, ce morceau dénonce habilement la défectuosité d’une culture ultra riche et libérale. Mais n’est-ce pas ces propres dérèglements qui offrent à ce style musical une richesse hors du commun ?
Que les néophytes se détrompent, tandis que les plus avertis se verront rassurés : le titre ressemble plus à un pamphlet (ou du moins à une satire) qu’à une confession. « Vice City » transpire le réalisme mêlé à un désenchantement criant émanant d’individus recherchant leur salut.
Nul par ailleurs nous n’aurions pu imaginer entendre poser 4 artistes si différents sur le papier, traiter d’un sujet si intéressant de façon si ingénieuse. Et que dire du traitement visuel qui apporte de nouvelles pistes, étayant ça et là les phases des membres de Black Hippy ?

Au cours d’une carrière longue de 50 ans, le photographe Neil Leifer a su saisir les moments sportifs les plus importants de son temps. Sur son site, il en offre une sélection non-exhausitve, mais véritablement poignante.

C’est dans la boutique G-Shock du Marais à Paris, que la marque lançait mercredi sa dernière gamme G-Steel. L’occasion de dévoiler également la vidéo de cette campagne, réalisée par Syrine Boulanouar et produite par YARD.

C’est avec seulement sa première série photographique « Souvenir d’un futur » que le photographe Laurent Kronental explose sur Internet et dans les grands médias français et internationaux.  Après quatre années de travail, il propose son point de vue sur les restes des grands ensembles construits partout en Ile de France après la deuxième guerre mondiale.
L’écart entre les fameuses trente glorieuses et l’état de notre société actuelle soulève forcément de grandes contradictions. Les bâtiments sont restés ainsi que quelques personnes oubliées par la frénésie de notre actualité sans cesse renouvelée. Avec une démarche approfondie assumée, Laurent Kronental a pris le temps d’axer ses photos sur des gens aujourd’hui âgés qui avaient cru en le projet d’avenir de ces immeubles futuristes. On les voit s’éteindre calmement dans des situations plus ou moins précaires alors que les murs qui les entourent glissent dans un vintage majestueux au point d’intéresser des super-productions américaines pour des décors comme ceux d’Hunger Games notamment.

Le trio Major Lazer n’en fini pas d’enflammer Paris ! Après un passage explosif en trois étapes, Diplo, Jillionnaire et Walshy Fire sont revenu le 1er octobre pour imposer leur mélange de Dancehall Electro, à l’Olympia.

Le photographe HLenie a capturé pour nous le concert et son point culminant : Diplo surplombant la foule dans une boule en plastique.

C’est la fin pour le ‪#‎YARDSUMMERCLUB 2015‬.

Merci aux DJ’s, aux guests – de Booba à Skepta, en passant par Nekfeu et A$AP Rocky… Mais surtout MERCI à tout ceux présent tout au long de cette saison.

See ya next year !

« A city in a desert. A culture of possibility. A network of dreamers and doers. » Tel est le crédo du festival Burning Man, rencontre artistique se tenant dans le désert du Nevada dédiée à la culture alternative, à l’expression personnelle et créative. Depuis sa première en 1986, la manifestation annuelle s’est imposée comme une référence du genre, rassemblant plus de 68000 personnes en 2013.

Le photographe français Matthieu Vautrin s’est attelé à capturer à travers son objectif l’atmosphère si spéciale du festival. Une mission parfaitement réussie à la vue de ces clichés, saisissant parfaitement la mystique, entre l’irréel et le fantastique, qui émane de Black Rock City.

Tealer s’est associé au collectif Hit The Road connu pour avoir parcouru Paris en long, en large, et en travers, pour vous présenter cette vidéo de parkour en plein cœur de Paris. L’occasion de découvrir Paris sous d’un autre oeil, et avec plus de hauteur, tout en mettant en scène les hoodies Reflective et Glow que vous retrouverez dans la nouvelle collection de chez Tealer.

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Le samedi 26 septembre dans le décor coloré du stade Pigalle/Duperré, les amoureux du basket se sont réunis le temps d’un après-midi à l’occasion de l’annuel tournoi en 3×3 organisé par la marque Pigalle. Dans une ambiance festive, nourrie par la musique et les victuailles, on pouvait cette année retrouver, en partenariat avec la NBA et 2K Sports, le tout dernier jeu NBA2K16 mis à la disposition de tous.

Ne soyez pas dupes, si toute votre scolarité on vous a fait apprendre la date de 1989 pour la chute du mur de Berlin, la démolition réelle et concrète du fameux mur n’a débuté que quelques mois après, en 1990.
Nike profite de l’opportunité pour fêter cette année encore la réunification de l’Allemagne avec les dates 1990 – 2015 inscrites sur leur nouveau modèle de Pegasus. Les deux motifs représentent les uniformes de chacune des armées de l’ex RFA et RDA. Unis à la machine à coudre et sur vos pieds, voici un nouveau moyen de promouvoir la paix pour une petite centaine d’euros.
Vous les retrouverez le 2 octobre sur le site de Solebox.

Jeune rappeur de 24 ans originaire du New Jersey, Fetty Wap (Fetty l’argot de Money, Wap comme hommage à son rappeur favori Gucci Mane) s’impose doucement comme l’une des révélations hip-hop de l’année. Commençant à rapper en 2013, il se tourne vite vers le chant, voulant explorer de nouvelles textures musicales. Sa nomination dans le Top Ten du magazine XXL en début d’année avait déjà aiguisé notre curiosité, aujourd’hui il semble faire plus que confirmer les espoirs et attentes mis en lui. Cet été 2015 lui appartient, « Trap Queen » constitue sans conteste le morceau phare de cette année – même s’il est réellement sorti en 2014 – avec 80 millions de fois sur Souncloud depuis sa mise en ligne et occupant jusqu’à la seconde place du Billboard Hot 100 en mai dernier. Le morceau s’est imposé comme « must-played » dans toutes les soirées et s’est même payé le luxe d’être adoubé par Jay Z et Beyoncé. Dans la foulée de ce succès, le moment était opportun et propice pour battre le fer et dévoiler les singles « 679 » et « My Way » qui feront chacun à leur tour leurs effets. Du coup cet été encore, Fetty Wap est notamment devenu le premier rappeur à placer 4 morceaux dans le top 10 hip-hop de Billboard. Une annonce plus que prometteuse à l’heure de découvrir son premier album.

 

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L’histoire de Willie Maxwell ressemble à celle de beaucoup d’autres dans le rap US. Elevé dans les cités de Paterson dans le New Jersey, il se serait essayé comme beaucoup d’autres au hustling et à la drogue pour tenter d’améliorer son quotidien. Mais il semble vouloir cultiver sa différence avec le temps. Atteint d’un glaucome aux deux yeux à l’âge de six ans, il en ressortira aveugle d’un œil, une particularité qu’il assume pleinement aujourd’hui en s’affichant sans prothèse oculaire. Cette identité est devenue une marque de fabrique qu’il promeut jusque sur la cover de son premier album. C’est encore pour se démarquer qu’il décide de chanter et d’abandonner définitivement le rap, car il voulait « créer quelque chose de différent ». S’il on doit bien reconnaître une chose au natif de Paterson, c’est qu’il s’est fait un nom seul ; même si le remix de Dreezy du hit « My Way » – déjà coutumier du fait notamment avec « Versace » – a sûrement offert une plus forte visibilité au titre qui constituait déjà un banger – puis Fetty surfait depuis un moment déjà sur le succès de « Trap Queen ». Le «Do It Yourself » est donc une expression chère au rappeur puisque l’on retrouve sur le tracklist que deux artistes en featuring, M-80 et Monty. Ce dernier, membre du crew Remy Boyz, prend une place conséquente dans l’album puisqu’il apparaît sur quasiment la moitié de l’album. Même son de cloche au niveau des productions, ou la plupart des instrumentaux sont assurés par Brian « Peoples » Garcia, producteur pour Fetty Wap depuis le début et notamment auteur de « 679 », et Yung Lan.

À tout seigneur tout honneur, c’est au morceau roi « Trap Queen » d’ouvrir le bal, histoire de lancer sous les meilleurs auspices l’album. Petite particularité pour les auditeurs français, c’est le remix de la même chanson en collaboration avec Gradur qui clôture un disque assez conséquent puisqu’il comprend en tout 18 titres dans sa version frenchie. Un remix opportuniste et préfabriqué dont on remarque beaucoup trop l’artificialité, qu’il n’était sûrement pas indispensable de faire figurer sur l’opus. Au fur et à mesure des tracks, on se rend peu à peu compte que Fetty n’est clairement pas un rappeur, enchaînant les refrains et les couplets mélodieux, et laissant le quota rap à son acolyte des Remy Boys, Monty. On sent l’importance de ce fidèle dernier, seule autre personne en dehors de Fetty Wap sur les photos du livret, par sa présence sur une bonne partie de l’album. Dans les morceaux marquants, on retiendra bien évidemment les singles « Trap Queen » et « My Way » en tête, des love bangers, chansons dédiées à la gent féminine qui constituent l’ossature de l’album avec des titres comme « D.A.M » ou encore « Time ». Bien évidemment, inutile de chercher de la profondeur dans les textes, Fetty Wap n’est pas un storyteller, ni un punchliner. Mais paradoxalement, c’est quand il se défait du spectre du « Trap Luv »  que se présentent les meilleures surprises de cet album. Récit du parcours de leur crew, l’entraînant « How We Do Things » succède admirablement bien au single phare de la tracklist. « I Wonder », introspection où le chanteur réfléchit sur ses accomplissements et relativise son succès, il est incontestablement une des réussites de l’album. On ressent d’ailleurs sur ce morceau l’influence d’un certain Future, tant sur la voix que sur la musicalité. Autre influence, sur le titre « Boomin’ » où Fetty Wap parodie le flow de Chief Keef avant de rendre hommage à sa plus grande influence, Gucci Mane, en fin de morceau. Les titres s’enchaînent inlassablement et on se surprend à adhérer à l’univers de l’artiste. Peu ou pas de véritables fausses notes, Fetty Wap a trouvé sa formule et l’applique à la perfection. Peut-être un peu trop épais, l’album est aéré par la présence de morceaux low-tempo comme « Rewind » et « No Days Off ». Autant de tracks qui pourraient faire office de potentiel single.

 

Fetty Wap

 

Au final, Fetty Wap signe un premier album aux sonorités très homogènes. Malgré le fait que l’on ressente un peu trop l’envie de répéter sa recette, multipliant la présence de « wanna be » Trap Queen, on est au final surpris par la consistance de l’album, qui plus est sur autant de morceaux. À partir du moment où l’on est conscient que l’on n’assiste pas à une révolution musicale mais plutôt à un album tendance, cette répétition devient moins gênante. Un manque de profondeur que le protagoniste explique ainsi : « En gros, je n’ai pas vraiment d’histoire à raconter. C’est la même histoire : tout le monde a la même. Ils venaient d’en bas, ils ont un talent et maintenant ils ont tout. C’est une histoire que tout le monde connaît. Je me dis juste, pourquoi raconter aux gens qu’ils ne peuvent pas avoir une chance de vivre ainsi aussi ? » En conclusion, un premier effort encourageant pour l’artiste, qui devra néanmoins éviter de s’enliser dans son style et apporter de nouvelles cordes (vocales) à son art, et peut-être explorer de nouveaux thèmes dans ce qui constitue une épreuve importante dans la vie d’un artiste : le second album.

 

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Tente de remporter un album et un tee-shirt en envoyant nom+prénom à contact@oneyard.com, objet : Fetty Wap

À l’heure où la déferlante trap s’abat sur le paysage rap francophone, insufflant autant d’énergie que de redondances, Hamza présente bon nombre d’atouts qui pourraient lui permettre de se distinguer de ses confrères tout droit sortis du « bando ». Auteur, compositeur et interprète, le jeune belge fait parler sa maîtrise et son sens de la mélodie sur son dernier projet, intitulé H-24. Il a évoqué avec nous sa conception de la musique, son parcours et son regard sur le mouvement trap.

Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter ?

Moi c’est Hamza, je suis un artiste belge originaire de Bruxelles. Ca fait maintenant 5-6 ans que je fais de la musique et j’ai sorti deux projets pour l’instant : Recto-Verso & H-24.

Comment en es-tu venu au rap ?

Comme beaucoup, le rap est venu quand j’étais gamin. J’avais genre 12 ans, j’étais à l’école et avec mes potes on écoutait du rap. Forcément, j’ai eu moi-même envie de commencer à écrire.

J’ai pu noter que tu composais également la plupart de tes morceaux, quand as-tu commencé à travailler la production ?

Tu as peut-être pu le constater dans ma dernière mixtape, je suis quelqu’un de très « mélodieux ». Quand je travaille, quasiment tout se passe dans ma tête : je fais les mélodies dans ma tête, je vais imaginer un refrain dans ma tête, etc. Du coup quand j’ai commencé à me mettre sérieusement à la musique, j’ai ressenti le besoin de composer. De là, je me suis informé un peu partout où je pouvais puis j’ai téléchargé Fruity Loops, j’ai commencé à composer et c’était parti. Honnêtement, ca m’a donné un vrai plus.

Tu ne trouvais pas ton bonheur dans ce que proposaient les autres beatmakers ?

Non, j’aime bien travailler avec d’autres beatmakers. Quand la vibe me parle, je suis toujours chaud de travailler. Après à l’époque je n’étais pas forcément connu et je ne recevais pas forcément des prods de tout le monde. Et d’un autre côté, je ne trouvais pas forcément intéressant de rapper sur des faces B. C’est un peu comme ça que je me suis mis à composer.

Quelles ont été tes principales influences ?

Le premier artiste qui m’a vraiment parlé, c’était 50 Cent. Quand j’étais très jeune c’est lui qui m’a donné envie de rapper. Tout ce qui était G-Unit, East Coast, j’écoutais ça à fond. Après au fur et à mesure des années, j’ai quelque peu switché et depuis peu ma principale source d’inspiration c’est Atlanta. J’aime beaucoup ce qui se fait là-bas, il y a des grosses stars comme Young Thug, Future, Rich Homie Quan, ainsi que beaucoup d’autres artistes et producteurs très chauds. J’aime beaucoup ce qu’ils font.

Il y a quelques années encore, le style d’Atlanta ne parlait qu’à quelques initiés. Qu’est-ce qui t’as plu dans ce mouvement ?

Atlanta ça m’est venu tout seul, j’ai directement accroché parce que je viens d’avoir 21 ans et que c’est un mouvement qui est très jeune. Ce n’est pas un mouvement qui est là depuis 50 ans, ça parle aux jeunes. Après je ne suis pas pour autant de ceux qui considèrent que tout ce qui est old school est mort ou quoique ce soit. Selon moi il n’y a pas de mouvement qui meurt tant qu’il y a encore de la bonne musique qui se fait dans le domaine. Que ce soit de la trap ou autre chose, tant que c’est bon ça passe.

Toi qui revendiques ouvertement ton influence « trap », comment perçois-tu les critiques dont fait l’objet toute la nouvelle génération de rappeurs issus de ce mouvement ?

Déjà, il y a différents types de critiques. Il y a celles qui ne sont pas objectives et celles qui sont vraiment constructives. Par exemple, quand certains disent que c’est un peu toujours la même chose, je suis assez d’accord d’une certaine manière. Parce qu’en vrai, il y a beaucoup d’artistes qui font vraiment la même chose : les timbres de voix, les gestuelles, les clips, etc. À la fin, je comprends que ça saoule un peu. Mon avis, c’est que tu peux t’inspirer de quelque chose, mais derrière faut quand même apporter un peu de créativité. À partir du moment où tu fais de la musique, tu es un artiste et tu te dois de montrer que tu l’es vraiment. Que ce soit dans tes visuels ou dans ta musique. Malheureusement en France ce n’est pas tout le temps comme ça. Je peux comprendre pourquoi il y a ce genre de critiques. De mon côté, c’est quelque chose que j’essaye vraiment de travailler. Même quand je fais un visuel simple, j’essaye de faire en sorte qu’il y ait une cohérence avec la musique.

Quel a été ton parcours dans le monde du rap ?

Quand j’ai commencé, j’étais dans un groupe qui s’appelait Kilogrammes Gang. Avec ce groupe, on a sorti une mixtape qui n’a pas forcément fait beaucoup de téléchargements parce qu’à l’époque c’était plus un délire qu’autre chose, on était jeune et notre musique était encore assez immature. Après ce projet, on a un peu continué à rapper en groupe puis ça s’est arrêté. Mes gars MK et Triton – les deux artistes qui étaient avec moi dans ce groupe – ont arrêté la musique. Du coup je me suis retrouvé tout seul. Pendant un moment, je me suis isolé pour travailler ma musique, je sortais pas forcément de trucs mais je restais chez moi à perfectionner mon produit : je composais, j’apprenais. Après j’ai rencontré de nouvelles personnes et on a fondé une nouvelle équipe qui m’aide à travailler sur mes projets, en indépendant.

On retrouve toujours le sigle « Kilogrammes Gang », sur tes réseaux sociaux notamment…

Le groupe n’existe plus vraiment mais je représente toujours le nom, parce qu’il me tient à cœur et j’ai toujours envie de le représenter. D’autant que c’était aussi un délire de quartier. La plupart de nos potes au quartier connaissent le truc donc je représente ça, c’est normal.

Comment décrirais-tu ta musique ?

Je dirais que c’est une musique « thug » mais quelque chose d’assez dansant quand même, j’essaye de faire danser tout le monde. Je rappe pas forcément pour un public, j’essaie de faire de la musique qui peut parler à tout le monde. Moi-même, je suis curieux de voir comment ma musique va évoluer, finalement.

Là où beaucoup de rappeurs décrivent le milieu du rap comme un milieu « de rapaces », tu as eu la chance de recevoir pas mal de soutien dans la profession. Qu’est-ce que tu as ressenti en voyant ça ?

Sans mentir ca m’a fait plaisir de voir d’autres artistes partager ma musique, ca donne de la force. À Bruxelles, c’est un peu plus difficile que quand tu es sur Paris ou même dans d’autres région de la France. Ca fait plaisir de voir qu’en France il y a des artistes qui soutiennent et relaient le son des autres. Jusqu’à présent, on avait vraiment l’impression qu’être en Belgique était un inconvénient. Là-bas, il n’y a jamais vraiment eu de marché musical, dans le hip-hop en tout cas. Aujourd’hui avec Internet il y a une vraie force, tu peux être dans le trou du cul du monde et réussir à te faire connaître avec une vidéo. Avant, il y avait bien plus de démarches à faire.

Quant à ceux qui disent que le rap est un milieu « égoiste », en général ils sont établis et connaissent beaucoup plus de personnes que moi. Je ne peux pas confirmer ça, je suis jeune et je ne connais pas encore beaucoup de monde. Et avec les gens que j’ai rencontré jusqu’à présent, ca s’est bien passé. J’ai conscience que des fois les gens peuvent te donner de la force alors qu’en vrai c’est de l’hypocrisie. Mais personnellement, je ne me préoccupe pas de ça, moi je suis là pour faire de la musique, des amis j’en ai et je suis pas spécialement là pour m’en faire.

Il y a quelques mois, tu as sorti une mixtape intitulée H-24. Peux-tu nous expliquer la genèse de ce projet ?

Ce projet je l’ai appelé H-24 parce que j’y explique un peu nos vies au quotidien, ce qu’on fait et ce qu’on voit tous les jours. Et en clin d’oeil au « 24 » je me suis dit qu’on allait y mettre 24 morceaux, mais des vrais morceaux pas quelque chose qu’on a fait « histoire de… ».

Et puis concernant le format, j’ai opté pour une mixtape parce qu’en France, il commence à y avoir une certaine culture de la mixtape qui s’installe peu à peu. Avant ce n’était pas trop le cas, il n’y avait pas de délire à la DatPiff comme il peut y avoir aujourd’hui avec Haute Culture. C’est quelque chose de très cool car ça permet à des artistes de sortir des tapes librement. Et en même temps, l’idée était aussi d’envoyer un message aux autres artistes, de faire comprendre qu’en 2015 tu n’es pas forcé de sortir un album. Aux Etats-Unis, c’est quelque chose qui est déjà bien assimilé, des gros artistes sortent des tapes gratuites juste histoire de tourner en radio, d’aller en boîte et de prendre leur cachet. L’essentiel c’est que ton son tourne, que des gens puissent l’écouter.

Quels sont tes projets à venir ?

D’abord, je compte encore sortir quelques visuels extraits d’H-24. Après il y a un prochain projet d’une quinzaine de titre qui est déjà dans la boîte et qui arrive en principe pour 2016. Je ne peux pas encore donner de noms mais il y aura quand même un ou deux featurings avec des artistes français. Je ne sais pas encore si je vais également le mettre sur Haute Culture, mais je sais déjà qu’il sera gratuit et que je vais le mettre sur les différentes plateformes de streaming. Là encore, ce sera un projet très inspiré par ce qui se fait à Atlanta, quelque chose de très dansant, un projet qui bouge bien. J’ai également commencé à travailler un projet à part avec le producteur Myth Syzer, qui sera entièrement composé par lui.

Si tu ne faisais pas de musique aujourd’hui, qu’est-ce que tu ferais ?

Si je ne faisais pas de musique… (Il hésite) Je pense que j’aurais fini mes études et que je serai en train de chercher du travail, comme tout bon citoyen (rires).

Hamza - Selfie

Matthias Dandois qui nous gratifie déjà régulièrement de ses « Ride » autour du monde, continue à être créatif pour promouvoir ses talents de freestyler BMX.
C’est avec Redbull et le réalisateur Hadrien Picard qu’il présente sa dernière vidéo intitulée #SE4SONS. Sur fond d’une trame légèrement scénarisée Matthias et son BMX nous font découvrir le flat dans des décors majestueux représentant chacun une saison. La référence à Vivaldi remixé avec brio dans la bande sonore nous rappelle que le sport et surtout le sien, peut revendiquer une fibre artistique.

À l’aube du mois d’Octobre, la marque de Drake collabore une nouvelle fois avec Roots sur un nouveau teddy. Avec la même association de cuir et de laine merinos, toute les nouveautés réside dans des coloris contrastant marron et bleu marine.

La veste sera disponible auprès du flagship d’OVO pour la somme de 492 $…

Après trois ans de silence radio, la rappeuse Kelow est de retour avec son mélange de son hip hop et Go Go, concentré dans l’EP « Amethyst Stoner ». Fière représentante de DMV dans le Maryland, elle met un point d’honneur à faire de son art, qu’il soit graphique ou musical, un étendard pour les talents de sa région. Découvrez-la en quelques questions.

 

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AMETHYST STONER

 

Est-ce que tu peux te présenter ?

Kelow #yahearme

 

Comment as-tu découvert la musique ?

Depuis que je suis bébé je pense quand j’entendais les vibrations. J’ai toujours aimé la musique et le son.

 

Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre ton art au sérieux ?

Musicalement, c’est simplement encré en moi. Je me souviens m’être enregistré, et avoir gravé mes propres CDs à 12 ans. J’ai su assez tôt que je voulais continuer.
En ce qui concerne l’art visuel , après mon premier tatouage et j’ai envisagé de devenir tatoueuse, et mes profs d’art m’ont beaucoup encouragée, alors j’ai pris des cours d’art au College Communautaire pendant que je j’étais au lycée

 

Qui a été ton plus grand soutien à cette époque ?

Ma foi et ma famille.
Je prie autant que possible pour garder une énergie positive.
Ma famille m’a soutenue, aimée et il y a tellement d’autres choses qui font que sans eux, je ne sais pas où je me tiendrais aujourd’hui.

 

Kelow interview

 

Ton dernier projet s’intitule « Amethyst Stoner ». Qu’est-ce que tu peux nous en dire ?

C’est l’illustration musicale d’un nettoyage et d’une convalescence dans une bataille en cours, avec des trucs qui déchirent.

 

Tu es partie en tournée en Suède, où tu sembles avoir une bonne fanbase depuis le succès de Press Button. Comment tu explique ce succès outre-mer et que pense tu du public suédois ?

J’ai sorti pas mal de titre avant, mais je pense honnêtement que tout est parti du succès du son et de la vidéo de « Uptwnz Finest ».
Après avoir pris en popularité et être apparu sur un blog appelé « Pussymadeofgold », j’ai eue la chance de partir en tournée en Suède, l’un de mes endroits préférés. C’était la première fois que je partais en tournée à l’étranger. J’y suis allée littéralement un mois après avoir été arrêtée. C’était une culture et un mode de vie différent auxquels je n’avais jamais été exposée. Il y a donc de nouvelles perspectives qui en sont sortie et ma vie et ce que je faisais a changé après avoir vu ce que ma musique faisais.
Press Buttons est arrivée avant ça, mais j’ai finalement échangé quelques mots avec Robyn via Twitter et sa styliste a assisté à mon show à Stockholm.

 

 

Et puis il y a le titre « Finna », qui est a lui aussi été très bien reçu à l’international. Qu’est-ce que tu peux nous en dire ?

Killem J’ai enregistré FINNA dans mon placard.
Je disais à mes gars « Venez écouter! » et je savais que c’était quelque chose d’énorme et de spécial. Je suis allé au studio, je l’ai mixé, j’ai ré-enregistré quelques petites choses, changé le beat sur le troisième couplet, en fait, j’ai laissé le troisième libre pour des featurings, mais ils ont tous traîné. J’en avais rien à faire. Je savais que c’était un hit tel quel pour cette raison.

 

Tu as dis dans une interview précédente que tu voulais de venir le Gucci de DMV. Qu’est-ce que ça veut dire pour toi ?

Aider, faire grandir, autant d’individus que possible dans cette région. Il y a beaucoup de talents et ils devraient tous être écouté.

 

Quels sont tes plans ? Quelle est la prochaine étape ?

Créer et créer quelques projets. Musicalement j’en ai quelques un sur le feu. Il y a aussi beaucoup d’art que je vais sortir bientôt.

 

Si tu ne faisais pas de musique, qu’est-ce que tu ferais, là tout de suite ?

La même chose, dans le sens où j’aiderais la communauté d’une certaine façon.

 

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Depuis quelques années, le terme sneaker addict s’est retrouvé fortement galvaudé au rythme de la multiplication de ses courtisans. Grande passionnée de baskets, Amel Mainich, coordinatrice social média chez Publicis dans la vie « ordinaire », s’est imposée sous le sobriquet Ugly Mely comme la référence féminine de la sneaker en France. Mais la précision « féminine » est réductrice tant l’aura d’Amel dépasse les questions du genre dans le microcosme français de la basket. À 29 ans, elle peut se targuer d’avoir fait de sa passion un hobby lui permettant de rencontrer Michael Jordan ou encore d’avoir une paire à son nom. Qu’importe la « célébrité », elle aime à rappeler qu’elle n’est pas une collectionneuse. Dans son game seul compte le plaisir d’ouvrir une boite et de porter sa paire pour la première fois. Un statut que la jeune femme confirme lors de cette rentrée en sortant un livre dédié à sa collection de sneakers.

 

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Après des années de blogging et d’évènements, sortir un livre doit être un peu une consécration pour toi.

Oui, un vrai rêve car ça concrétise vraiment la collection. C’est surtout le premier bouquin sur la basket écrit par une fille, ou en tout cas le premier où une fille est mise en avant. Cela montre bien que le marché de la femme dans la basket s’est bien développé.

Comment t’es venue l’idée de ce livre et comment sa création s’est déroulée ?

Hachette m’a contacté l’an dernier en me disant qu’ils voulaient sortir un bouquin sur la basket car il manquait un ouvrage en français sur le thème, c’est essentiellement des livres traduits de l’anglais comme le Sneaker Guide de U-Dox. Ils m’ont proposé de revenir avec trois idées, en fait je n’en avais qu’une seule sur laquelle je voulais partir, c’est-à-dire un vrai projet perso, montrer ma collection et ouvrir les portes sur celle-ci. Je ne voulais pas faire un livre sur l’historique car je trouvais que celui de U-Dox est très bien fait et qu’il en existe plein comme celui de Bobbito Garcia (Where’d you get those ?, ndlr) donc ça ne servait à rien. J’ai moins de 30 ans et faire un historique de la basket, je ne pense pas que ce soit légitime. Je me suis dit en regardant les blogs et Instagram : les paires portées c’est ce qui marche le mieux. Ma rubrique sur mon blog Daily Kicks est celle qui est la plus « likée » et la plus vue.

 

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Tu présentes dans l’ouvrage 250 paires. Instinctivement, on se dit 250 pour Ugly Mely ce n’est pas énorme. C’est une sélection ou une vue exhaustive de ce que tu as réellement ?

À l’époque j’en avais vraiment 250, on a tout shooté mis à part 3 paires qui étaient dans un état lamentable et impossible à prendre. Après ce sont des paires que je porte tout le temps. J’en ai d’autres mais elles sont chez mes parents ou ce sont des OG que je ne porte plus… À Paris je ne peux pas tout garder donc j’ai mis ma rotation, les paires que je mets tout le temps. Aujourd’hui j’en ai 320, j’en ai chopé après le lancement. Je n’ai pas sélectionné les paires ce sont vraiment celles que je porte et qui sont chez moi. Pas d’entourloupes de ce côté-la, ni de paires empruntées ou louées. Et puis 250 c’est énorme…

Même en comptant ce que t’offre les marques ?

Oui mais on ne m’en offre pas énormément, ça va être une de temps en temps.

 

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As-tu rencontré des difficultés particulières dans le processus de réalisation de ton livre, notamment au niveau de l’éditorial, qui n’est pas le côté le plus développé sur ton blog ?

Oui c’était surtout des problèmes d’écritures car sur mon blog je n’écris pas et en général non plus. Je ne suis pas à l’aise avec l’écriture. J’ai été aidée par Hachette pour reformuler clairement ce que je voulais dire, parfois tu as l’impression d’être claire mais à tort. Le problème que j’ai rencontré aussi, c’est d’être trop spé dans la basket, de ne pas ouvrir au grand public. Sur ce point également, l’éditeur m’a vraiment aidée en me disant d’expliquer plus les termes, c’est pour cela qu’il y a un glossaire à la fin. Il fallait vraiment que j’axe mon bouquin à quelqu’un qui ne sait pas ce que c’est que HTM (Hiroshi Fujiwara, Tinker Hatfield, Mark Parker), ou ne connaît pas Tinker Hatfield c’était plus ça le problème. Ensuite la seconde difficulté, c’est qu’on a fait ça très vite, ça a duré 6 mois et surtout en hiver. On ressent un petit côté hivernal sur les photos mais c’était la contrainte de temps qui voulait ça. Donc je suis toujours en collant noir car il faisait froid, je ne pouvais pas ne pas en mettre car on était en plein mois de janvier et comme on voulait qu’il sorte à la rentrée littéraire, début septembre, il fallait absolument qu’il parte en impression en avril.

C’est un peu un héritage, un testament de sortir ce type de livre.

Ce sont mes mémoires en fait ! Ça concrétise vraiment la collection, tout collectionneur a envie de montrer au monde ce qu’il a : des pin’s, des Pez ou ce que tu veux. Aujourd’hui les réseaux sociaux font en sorte que tu exposes beaucoup plus ce que tu fais, mais avoir un bouquin c’est pour toute une vie. Forcément il n’y a pas les paires que j’avais il y a 10 ans mais celles que je porte maintenant. Celles qui me font plaisir : que j’ai acheté, que je porte, que j’ai galéré à avoir. C’est une vraie consécration. Je pense que c’est un projet que tout le monde rêve de faire et je suis contente que ce soit sorti, le résultat me plaît.

Avant cela tu as vécu une première consécration en tant que passionnée de sneakers, une paire a ton nom…

Cette fameuse Reebok (rires) ! Une consécration, oui mais il y avait un petit bémol car je n’avais pas le choix du modèle. On était 5 filles à revisiter ce modèle en question. On a pu faire tout ce qu’on voulait dessus mais la paire existait déjà. C’était en 2012, c’était déjà assez fou que ça arrive mais ce n’était pas la paire mythique qui représentait quelque chose pour moi, donc je n’arrivais pas trop à vendre le projet derrière. J’avais juste utilisé le cuir italien de mon vélo pour expliquer que j’aimais le vélo, les matières premiums. Le projet du livre me tient vachement plus à cœur que la paire de basket, même si c’était assez fou à l’époque de sortir une paire avec Reebok.

 

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Sortir un livre a une force symbolique plus impactante que la sortie d’une collection finalement.

Je pense que ça te fait rentrer dans un côté plus artistique. Avoir une paire de basket à son nom c’est déjà une consécration. Mais avec le bouquin tu peux montrer aux gens de n’importe quel âge ce que tu ressens, car les baskets ne sont pas que des baskets, chaque paire a une histoire, un vécu. La porter c’est affirmer qu’elles sont à moi, il y a un truc hyper personnel là-dedans. Et une paire à son nom c’est magique mais ça ne montre pas à quel point tu peux être passionné. Tout le monde peut faire une basket à son nom ! Tu peux être blogueur depuis 1 an, avoir 45 000 followers et ne pas être passionné de baskets mais avoir une chaussure à ton nom. On voit de plus en plus de gens comme ça. Avec le livre c’est plus ma passion qui est montrée aux yeux de tous avec le côté personnel et des anecdotes en plus.

Qu’est-ce qui peut t’arriver de mieux après ça en tant que passionnée ?

The Weeknd, tu m’appelles, on se marie (rires) ! La consécration de fou ! Non la troisième consécration ce serait de sortir une paire qui me tient à cœur avec une marque que j’aime, un modèle à mon nom. Un projet sur plusieurs mois, un vrai truc. Ce serait le top du top je pense. Mais The Weekend aussi !

Quand tu as commencé ce blog, j’imagine que tu ne t’ais jamais dit que tu deviendrais une référence de la sneaker ?

Pas du tout. Quand tu arrives avec ta collection de Strasbourg et que tu bosses dans la mode, tu ne te dis pas qu’un jour… Ne serait-ce que de me dire que c’est grâce à mon blog que j’ai pu changer de boulot il y a trois ans. Aujourd’hui j’ai pu travailler avec les marques en direct sur des projets, on m’appelle pour avoir mes connaissances ou pour que je prête des paires, j’ai rencontré des gens comme Michael Jordan… Pour moi c’était à des années-lumière. Je pense que personne ne s’imagine ça, c’est assez fou de savoir qu’en montrant cette passion aux marques, qu’elles te fassent confiance pour te proposer des choses assez folles. Pour moi c’est le seul paiement que j’accepte : des rencontres, des projets… Je n’ai pas envie de me faire payer quand on me demande de venir pour découvrir une paire en avant-première. À l’époque il fallait attendre un mois avant que tu puisses te l’offrir, et maintenant on te dit de venir la découvrir et peut être que tu l’auras ensuite aussi. Je ne m’attendais pas du tout à ça.

 

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Y a-t-il un moment précis où tu t’es aperçu que ton blog marchait ?

Je pense que c’est au moment de la sortie de la paire de Reebok, je ne m’attendais pas à un tel retour. Quand j’ai sorti la paire, j’étais persuadée que j’allais me faire insulter parce que la paire ne me représentait pas, qu’elle n’avait pas de semelle alors que je suis toujours en Air Force ou en Jordan. Je me suis dit que je n’arriverais pas à me montrer avec, mais j’assume parce que c’est quand même un projet que tout le monde rêvait de faire à cette époque-là. Et en fait j’ai eu des retours de sites comme NiceKicks, Hypebeast, Complex… Je crois que j’ai du avoir 60 parutions en un mois, mais essentiellement aux USA. Là, je me suis dit qu’il y avait un truc. En fait les gens étaient plus passionnés par le fait que je sois une fille, française, et en plus qui aime la basket, sans être mannequin, animatrice télé ou un truc comme ça. Ça a décollé, les marques t’appellent de plus en plus pour des projets, et c’est vraiment en 2012 que j’ai senti un intérêt, que j’ai rencontré plein de gens aussi.

Justement en tant que femme, comment tu trouves le traitement de la gent féminine par cette communauté de sneakers addicts ?

Comme dans toute la culture hip-hop, un peu macho. Au début ce n’était pas facile, même si les mecs ont toujours été un peu attirés par les filles qui portaient des baskets. Parce que c’était hyper sexy, mignon et rare donc les mecs kiffaient. Par contre quand tu rentrais dans leur business et que tu allais acheter les mêmes paires qu’eux – je me souviens qu’il y avait pas mal de mecs qui faisaient ma taille – ils n’étaient pas contents. « J’aime bien voir ça sur Vashtie, mais toi non, n’achète pas la même paire que moi ! » (rires) Et en plus avant c’était encore plus limité qu’aujourd’hui, par exemple la Yeezy n’est pas vraiment limitée. L’accès était limité mais tu avais quand même pas mal de quantité.
Avant c’était assez macho dès lors que tu étais dans le game. Je me souviens en 2005 quand j’étais sur le forum de sneakers.fr, comme tout le monde qui voulait parler basket à cette époque, je me trompe de topic, je poste un truc qui ne va pas dans ce salon de discussion. Je me fais insulter du genre : « Tu te prends pour un bonhomme. » Voilà j’avais des retours où les mecs n’étaient pas très ouverts et d’ailleurs même à l’époque ils avaient lancé une section « Filles ». C’est-à-dire que tout le monde postait dans un topic et les filles avaient leur propre truc car elles voulaient se démarquer, mais on était déjà un peu mises de côté. Je n’ai jamais eu d’expériences frontales sauf des mauvais regards quand tu campes avec les gens, ils regardent tes pieds, se demandent ce que tu fous là… Est-ce que je suis là pour mon mec ou pour un autre mec ? Non mec je suis là comme toi, je veux cette paire comme toi ! Ce n’était pas très galant.

 

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Aujourd’hui est-ce que ça s’est estompé parce que t’es connu ou la mentalité a changé dans le milieu ?

La sneakers s’est démocratisé, tout le monde porte des baskets donc une fille ou un mec, c’est la même chose. On a toujours les filles d’un côté, les mecs de l’autre mais aujourd’hui ils ont assez de modèles pour ne plus être machos et laisser les filles s’amuser avec leurs « petits trucs ». Moi perso aujourd’hui, j’ai des remarques, pas des filles mais des collectionneuses, où on me dit que c’est plus facile pour moi d’avoir telle ou telle paire. Mais non, je me lève tous les matins. La Yeezy je vais l’acheter 200 euros comme tout le monde. Après oui, parfois je suis avantagée forcément, mais je le montre hyper rarement. Quand j’ai accès à une paire avant tout le monde, soit je dois faire du teasing parce que la marque me le demande, soit je vais attendre la sortie ou un jour après pour en parler. Je ne suis pas dans le « show-off » (se la raconter) à ce point, ce n’est pas mon truc. Moi c’est juste l’avoir aux pieds et kiffer, ouvrir la boîte…

J’ai rencontré un mec dans un resto qui voit ma paire de Yeezy et ma copine en rigolant lui dit « Tu connais pas Amel, c’et Ugly Mely » et lui répond « Ah oui, mais tu sais que t’es détestée dans le milieu ». C’est quoi le milieu ? C’est tes copains ? Tout le monde pense que je ne paye aucune de mes paires, que je reçois tout. Si c’était le cas, je me la coulerais douce.

Je me souviens avoir surpris dans un magasin de sneakers parisien, la conversation entre un vendeur et un de ses amis. Le vendeur lui explique qui tu es et son ami lui répond : « Ah c’est elle Ugly Mely ! Mais à nous deux je suis sûr qu’on a plus de paires qu’elle ! »

La remarque qui ne sert à rien (rires) ! Tu soulèves quelque chose que je retrouve souvent en commentaire sur Instagram. Je n’ai pas la possibilité de parler avec les gens mais quand je vais poster mon mur de basket, je reçois des : « Non mais bientôt j’aurais pire » ou « Par rapport à toi, laisse tomber »… Ce n’est pas du show off, mais ce qui m’intéresse c’est de montrer l’accumulation des boîtes que je trouve très sympa. Et j’ai souvent des mecs qui me disent : « Laisse tomber toutes ces boîtes sont vides » ou « Les paires sont nulles ». Okay les mecs, mais je m’en fiche ! C’est surtout les jeunes qui sont dans la confrontation, ils se disent que dans pas longtemps ils auront plus que moi ou que j’ai rien…

 

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Et entre filles ça se passe comment ?

Plutôt bien. Je ne vais pas dans les évènements de sneakers donc je parle rarement avec les gens. Après il y a une fille que je respecte énormément qui est Sneaker Queen, elle me soutient et pour moi elle a la plus belle collection de baskets. Pour le lancement de mon livre elle m’a félicitée, m’a écrit un article et je lui ai envoyé le livre. Donc j’ai le soutien de ces personnes-là.
En Angleterre, il y a énormément de filles qui collectionnent, elles sont accrocs, elles ont des blogs. Après sur la scène française, je n’ai rien à dire. Ce que je vois le plus c’est tout le monde qui essaye de se comparer à tout le monde et ça ne me plaît pas trop. Je préfère rester dans mon délire. Je lis assez souvent des trucs sur moi où les nanas critiquent le fait que je n’aime pas les baskets à talons… En France, c’est une mentalité très ancrée, on se sent toujours obligé de critiquer la personne qui est en face de toi alors qu’aux US le mec tend à vouloir te copier car tu as réussi. En Allemagne, UK, Espagne aussi… Les filles avec qui je parle baskets ne sont qu’à l’étranger, on se pose des questions, s’échange des liens. Mais en France, rien.

C’est un souci de culture à deux niveaux on dirait : manque de connaissance additionné à une mentalité négative. On a l’impression qu’en France les sneakers addicts sont souvent plus des « poseurs » que des connaisseurs.

Je suis tout à fait d’accord. C’est ce que je cherche à souligner quand je dis que les jeunes ne sont pas éduqués. Aujourd’hui j’ai l’impression que c’est ce qui manque le plus. Les gamins sont hyper-lookés mais sont incapables de te dire ce que veut dire HOA (History Of Air, des packs Air Max). Michael Jordan l’a dit de belle manière : « Tout le monde connaît mes baskets mais personne ne sait que je joue au basket. » Ils ne savent pas que Stan Smith est un joueur de tennis. Malgré ça, ils sont directement dans un délire de confrontation. Dans n’importe quelle passion, tu es censé échanger, interagir, montrer ta collection. Des évènements comme le Sneakers Event et le Sneakerness sont là pour ça. Mais aujourd’hui c’est que du show off : « Viens que je te montre toutes les Yeezys que j’ai. »

Et la mentalité qui veut qu’on ne soit pas fier de ce que font les gens, je le vois naturellement quand j’ai un projet qui sort, que ce soit la basket ou le bouquin. Tu as vachement plus de retour aux États Unis ou dans d’autres pays d’Europe qu’en France. J’ai eu des papiers dans 20 Minutes et dans Public… Par contre, il n’y a pas de blogs de baskets qui vont en parler. Je n’ai jamais été dans la jalousie de ce que font les autres. S’il y a un Français qui réussit : « Well done » ! Si une boutique ouvre, je suis la première à aller faire des photos. Après je pense que c’est une mentalité française qui ne changera jamais.

 

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Dans la relation que tu as avec certaines marques, tu ne ressens jamais de conflit d’intérêt alors que tu revendiques ton goût pour la diversité à ce niveau ?

Je pense que les enseignes avec lesquelles je suis en relation comprennent. Elles savent que j’aime plusieurs marques. Si une d’entre elles veut bosser avec moi et cherche de l’exclusivité, ils savent que c’est un contrat, c’est comme sponsoriser un athlète. Par contre, elles ont très bien compris qu’un passionné de basket n’était pas passionné que d’une marque. Si maintenant je portais que du Adidas, je ne serais plus du tout crédible dans ma passion, tout le monde m’a déjà vue avec 20 000 paires de Nike et Jordan donc forcément… Pareil pour Puma, pareil pour Le Coq Sportif. Mais sans citer de noms, certains ne l’ont pas compris.
Aujourd’hui quand j’ai envie d’acheter ma paire de Nike ou d’Asics, je le fais. Je n’attends même pas qu’on me l’envoie et je ne la demande pas. Je pense que je n’ai jamais envoyé de mail pour récupérer une paire. J’achète vraiment tout ce que j’aime. Donc je vais parler toute ma vie de toutes les marques que j’aime. Pareil pour du Filling Pieces, je n’attends pas que les gens m’envoient le modèle même s’ils font sûrement un seeding produit (envoie du produit à des professionnels). Non je ne vais certainement pas l’attendre et risquer de me retrouver sans la paire et être dégoutée toute ma vie.
Puis il y a des marques qui ont choisi d’autre « influencers », blogueurs à qui ils fournissent tout ce qu’ils veulent comme produit. Ça ne me dérange pas car je n’ai pas été baignée dans cette culture du seeding.

 

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On sent chez toi l’envie de ne jamais te mettre en avant, tu ne montres pas ton visage sur les réseaux, tu refuses certains projets qui pourraient t’amener beaucoup plus d’exposition. Est-ce de l’humilité ou simplement un moyen de protection de ta vie privée ?

C’est dur de parler de protection de la vie privée parce que quand tu es sur les réseaux sociaux, tu n’as plus de vie privée. Avant je ne montrais pas mon visage car je n’en avais pas envie. Aujourd’hui tu ne peux plus faire ça. Quand je vois qu’on me reconnaît dans la rue, je me dis : « Merde, j’ai mis une photo ! » Les gens sont curieux. Après je ne peux pas me starifier. Je me lève tous les matins, je vais bosser, je paye mes impôts je paye mon loyer et je pense que ça m’ancre aussi dans la réalité. Quand le bouquin est sorti tout le monde me disait : « C’est ta journée, le bouquin est sorti! » Mais moi j’étais en train de bosser sur le SAV de Courir. J’ai besoin de travailler et je pense que j’ai été élevée comme ça par mes parents qui étaient ouvriers. Je ne peux pas tout claquer. Tout le monde me dit : « Vis de ça ! » Mais vivre de quoi ? Tu ne peux pas vivre d’une passion, je ne suis pas une collectionneuse. Je ne suis pas Ronnie Fieg, je ne suis pas Vashtie. C’est plus la passion que je vais mets en avant. C’est un truc hyper-personnel, je n’aime pas faire des photos, je n’aime pas faire des dédicaces. Quand on m’a dit de faire des dédicaces pour le livre, je ne savais même pas quoi signer. J’ai plein de choses à dire aux gens, que j’apprécie beaucoup, mais je n’aime pas trop ça. Je préfère qu’on voie le bouquin, la paire ou le blog et puis moi plus tard.

 

T’as encore le plaisir de chiner dans des salons comme le Sneakerness ou alors tu es prête à rester jusqu’a minuit en attendant une sortie comme tu disais plus tôt ?

 

Je suis hyper-timide, je ne fais pas les salons parce que c’est du show off : « Quelle paire elle va mettre ? Quelle paire il a mis ? » Ça ne m’intéresse pas et je n’ai pas envie de me dire « Qu’est-ce que je vais sortir pour l’occasion ? » Par contre dès que je vais dans une ville, je vais faire toutes les boutiques de sneakers, il faut que j’en trouve au moins une. Si je ne rentre pas avec une paire j’ai loupé mon voyage. J’ai toujours autant de plaisir dès que je commande une paire et que j’ai attendue toute la nuit de payer l’UPS en 24h pour la recevoir, l’ouvrir et je porte toutes mes paires le lendemain. Je n’ai jamais attendu une occasion, jamais ! C’est un principe. Parfois je les reçois au bureau et je vais me changer aux toilettes pour les mettre. Je l’ai attendue et je la veux ! Parfois je me dis : « Bon demain tu les reçois, tu mets ton pantalon comme ça parce que ça va aller avec.» J’ai toujours autant de plaisir. Même celui de chiner, de trouver des paires que j’ai cherchées depuis hyper-longtemps. Chiner lors des événements, non, je ne le fais pas. Et je sais que je ne trouverais pas ce que je veux, donc ça ne me dérange pas de ne pas y aller.

 

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Comment fais-tu pour ne pas profiter du système ?

 

Je pense que c’est un trait de caractère parce que j’ai été élevée à la « Tu veux quelque chose, tu le gagnes pour l’avoir. » C’est-à-dire que quand je voulais une paire mes parents ont toujours dit oui : j’avais des bonnes notes à l’école, j’étais gentille, je débarrassais… En quelque sorte, j’ai compris que c’était dur d’avoir les choses et qu’il fallait garder la tête sur les épaules. Je ne vis pas du tout de ça, donc tous les matins j’ai besoin d’aller bosser, j’ai besoin d’avoir une carrière professionnelle, j’ai besoin de grandir. Peut-être que ça se fera en parallèle avec la basket, peut-être qu’un jour je travaillerais dans un domaine qui se rapprochera plus de la basket qu’aujourd’hui.
Tout le monde me dit : «Mets-toi en freelance, sois consultante pour les marques…» Mais non, je ne peux pas, j’ai besoin d’avoir un vrai boulot, j’ai besoin de valeurs sûres. Les projets perso à côté, c’est ce qui me fait le plus plaisir, c’est comme une récrée. Par exemple après-demain, j’ai un shooting photo vidéo pour une marque. Je ne suis pas payée, mais c’est un sample que je vais découvrir, je suis hyper-contente. En fait c’est un extra, je me dis que je n’ai pas besoin de voir grand, j’ai peur que tout ça s’arrête.
Je ne ceux pas devenir trop focus dessus à demander des paires à tout le monde. Je pourrais demander à certaines personnes de me mettre une paire de côté, de me la faire envoyer… Quand tu demandes à quelqu’un, il peut rarement dire non. C’est pour ça que les blogueurs en usent encore et encore. Je le vois les gens qui font ça, tu le vois tout de suite que ce n’est pas réglo. Il y a dix ans ça n’existait pas tout ça, tu veux ta paire tu fais comme tout le monde. Je ne vais pas cracher dans la soupe, on m’envoie des paires. Quand j’ai reçu la première Yeezy Adidas je pensais que j’étais le seul seeding de toute la France, voire même Europe. Je l’ai reçu deux mois après le lancement. Je sais que c’est exceptionnel, je sais qu’il y a des gamins qui ont dormi dehors pour l’avoir, je ne vais jamais renier ça. Ce blog m’a ouvert des portes, je ne peux pas le nier mais après j’essaye de faire mon boulot derrière pour les remercier notamment sur Instagram.

 

La première chose qu’on peut se dire en feuilletant ton bouquin, avec ces centaines de photos, c’est qu’il est assez « pied-gocentrique ». 

 

J’ai eu cette remarque-là de Greg Hervieux de BlackRainbow, qui m’a vachement aidé sur le lancement du livre et m’a beaucoup soutenu. Il m’a dit « J’adore ce que tu fais, mais on ne sent pas la meuf dans ton livre, il n’y a pas de mode, il n’y a pas de stylisme». Il a raison mais c’est un choix. Et c’est vrai que c’est peut-être les pieds d’un mec dans un collant ! C’est que du pied mais c’était l’objectif.
C’est surtout que je ne voulais pas mentir. Dans mon blog ou mon Instagram je ne me mets pas ça en avant, il n’y a pas de stylisme. Je mets simplement la paire, le fait que je la porte, le fait qu’elle m’appartienne. Et quand j’ai répondu à Greg, j’ai dit : « Oui mais c’est moi, quand on regarde le blog, c’est moi! » Je ne veux pas tromper, peut-être qu’il y aura d’autres livres après, mais en tout cas ce premier projet est vrai. Je ne peux pas arriver avec une photo de look, je pense que tout le monde aurait été choqué. Puis je ne suis pas légitime sur le sujet, il y a des gens qui le font très bien, ce n’est pas mon truc. Par contre ce que je trouve important c’est qu’on voit la paire de près, c’est plus elle que je vais starifier que moi-même.

 

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As-tu des attentes commerciales sur la sortie de ton livre? 

 

La grosse attente et le travail qui va arriver, c’est la traduction. Le livre est vachement demandé du côté de l’Angleterre, l’Allemagne et des États-Unis. Il n’est qu’en Français, et il a été commandé dans des pays qui ne parlent pas cette langue, comme il y a beaucoup plus de photos que de texte. Donc c’est vraiment mon prochain objectif.

On a réfléchi aussi à des lancements dans des villes autres que Paris, pour montrer que ce n’est la seule ville où tu peux faire des choses.
Pour l’instant c’est vraiment la traduction et la correction de quelques erreurs de titres. Il y a quelques erreurs dans mon bouquin car il a été fait en six mois, donc assez rapidement, et parfois ce n’est pas la bonne légende qui va avec la paire. Par exemple sur le Jordan III Black Cement, ma paire préférée, il y a écrit Jordan III Fire Red… Il y a plein de petites coquilles après malheureusement quand il y a cinq paires de mains qui ont travaillé sur un bouquin de quatre cents pages tu finis un peu par te perdre. C’était des choses que je gérais de quatre heures à huit heures du matin. Je ne pouvais pas me consacrer entièrement à ce bouquin.

 

Tu tiens beaucoup à la notion de passionné plutôt qu’à celle de collectionneur…

 

Être collectionneur pour moi c’est collectionneur. Les gens qui ont un besoin d’acheter qui dépasse la passion. Ils achètent mais la paire est mise de côté. La passion c’est ce devoir de porter la chaussure tout de suite, de l’attendre! Accumuler, c’est comme un réflexe qui te force à d’acheter. Je trouve ça un peu négatif « collection » : alors que quand tu l’attends longtemps, que tu l’as veux, que tu as acheté la robe exprès pour ça. S’il pleut ce n’est pas grave je l’imperméabilise et je la porte quand même, tu prends des risques. Je n’ai pas envie de dire que je collectionne, moi je porte. C’est ma passion !

 

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Photo : Melo

Après avoir révélé la collection qu’elles avaient crée en commun, les marques Supreme et COMME des GARÇONS SHIRT ont apparemment réalisé qu’il fallait une paire de chaussures pour compléter une tenue. A l’arrivée de l’automne, autrement dit au moment opportun, c’est la 6-inch boot de Timberland qui est revisitée à leur image.
Un modèle pour varier les plaisirs du modèle classique pour 290 dollars.

Du 8 au 13 septembre, Paris a été pris d’assaut par quelques uns des riders les plus solides de la scène internationale de BMX !

5 équipes françaises et étrangères (3 teams pros et 2 équipes sélectionnées sur concours), composées d’un rider BMX et d’un « filmeur », ont eu pour mission de réaliser un film de 2 à 4 minutes, avec, pour seule caméra autorisée, un smartphone.

Les 5 films ont été présentés ce dimanche 13 septembre, devant un jury et 150 personnes réunis au Workshop pour une belle soirée de clôture.

Le niveau était de nouveau très élevé cette 4è saison et les figures réalisées toujours plus engagées.

C’est donc le duo Alex Donnachie (rider écossais) et Christian Rigal (filmeur américain) qui remporte le Prix de la meilleure vidéo. L’association de l’exceptionnel talent de ce rider et du dynamisme et de la bonne humeur de Christian ont, sans surprise, conquis les juges et le public.

Les français Matthias Dandois et Maxime Charveron, terminent à la 3ème place avec une vidéo pleine d’humour.

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Matthias Dandois filming Max Charveron

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Pour cette sixième YARD PARTY, toute l’équipe de YARD a pris la route pour s’installer le temps d’une soirée au Magazine Club de Lille. C’est avec Rakoto, Hologram Lo, Supa, Kyu St33d et Yannick Do que les lillois ont pu expérimenter l’une des plus grosses soirées hip-hop de France.

Merci à toutes les personnes présentes !
We’ll be back.

La marque japonaise SOPHnet. revient avec un nouvel équipement pour son équipe imagine le F.C. Real Bristol. En association avec Nike, les créateurs dévoilent une série de vestes légères, de sweaters, survêtement et short dans des couleurs neutres agrémenté d’un motif à pois.

Une collection dont les prix se situent entre 110 € et 212 € et qui sera disponible dès le 18 septembre.

« Ma vie entière est un rodéo », répète-t-il comme un mantra. Agitée, explosive, instable. Aux sentiers battus, la nouvelle coqueluche du rap préfère les chemins de traverse. Il aime l’imprudence, le précipice, l’audace en fait. Travis Scott est fou, mais un fou génial.

 

« The golden child »

 

Le destin de Travis Scott a des airs de fable urbaine ou de tragi-comédie hollywoodienne.

Jacques Webster, sur l’état civil, est un pur produit de la middle-class américaine, à l’instar de son mentor Kanye West. Né le 30 avril 1992 à Houston (Texas), il grandit à Missouri City, une banlieue proprette de la « ville de l’espace ». Son père dirige sa propre boîte de pub et sa mère travaille chez AT&T pour le compte d’Apple. Avec un grand-père compositeur de jazz et un patriarche musicos à ses heures, le gamin a des prédispositions pour la musique. Dès ses trois ans, il bat énergiquement de la caisse claire avant de tâter du piano. Mais c’est au lycée, en lorgnant sur les clips de Mase, Diddy, Kanye West ou Cam’Ron, que Jacques se prend à se rêver artiste. Il griffonne ses premiers textes, commence à poser sa voix grave sur des instrumentaux déjà existants. Mais ça sonne faux, ça ne lui ressemble pas. Les sonorités doivent être plus dark et les basses gronder plus fort. Il composera alors lui-même ses beats, depuis sa chambre d’adolescent. L’apprenti-rappeur sacrifie son lit pour s’aménager un studio de fortune. Tant pis, il dormira dans un fauteuil. Déterminé, il parviendra même à décrocher un rendez-vous avec Mike Dean, pionnier du dirty south et fidèle collaborateur de Yeezy. C’est en duo que Jacques, qui se fait désormais appeler Travis, fait ses premiers pas d’emcee. Avec son pote Chris Holloway d’abord, puis avec OG Chess, avec lesquels il formera respectivement « The Graduates » et « TravisxJason ». Dans les deux cas, l’aventure tournera court.

 

travis scott kanye west

 

Inscrit à l’Université du Texas, Travis préfère l’école buissonnière aux cours théoriques pompeux. Il n’aspire pas à la vie de bureau, le fessier vissé toute la journée sur une chaise à roulettes. Ce qu’il veut c’est rapper devant une foule effervescente et voir sa tête sur MTV. Evidemment, ses parents ne savent pas que leur rejeton a jeté son cartable d’étudiant. Avec l’argent destiné aux fournitures scolaires, Scott s’achète un billet d’avion direction New York. Il a alors 19 ans. Il squatte chez les uns et chez les autres pendant 3-4 mois puis quitte finalement la Grosse Pomme pour Los Angeles. Ses parents finissent par se rendre compte du pot-au-rose, lui assènent entre deux cris qu’il finira clodo et lui coupent les vivres. Travis a le portefeuille vide mais des idées créatives plein les poches. Son acolyte Mike Waxx, proprio du site hip-hop Illroots, lui donne un coup de pouce en promouvant ses sons. Et le jeune prodige a une bonne étoile ; T.I s’emballe pour le clip psychédélique de « Lights (Love Sick) » et l’invite illico à venir le voir au studio. Peu de temps après, le « King of South » enregistre un freestyle sur « Animal ». Le blase de Scott commence à circuler dans la sphère hip-hop, il se fait un peu de sous en vendant des beats mais vit toujours comme un sans domicile fixe. Le mec chez qui il logeait vient de le chasser de son appartement après avoir découvert qu’il sautait sa copine. Alors, ça sera l’hôtel ; ses amis se cotisent pour lui payer une chambre.

Et puis, un jour, Travis reçoit un appel, inespéré, imprévisible : « Est-ce que tu peux venir à New York ? Kanye veut te rencontrer. » La suite est historique et se lit en accéléré. Travis Scott ne se lasse pas de raconter l’anecdote de sa première rencontre avec Kanye, celle où son idole lui sert sur un plateau Hermès un taco dégueulasse fourré à la crème aigre, qu’il se forcera à avaler. Ye a du flair, il sait qu’il a en face de lui un génie. Sa fraîcheur et sa folie douce, c’est exactement ce dont il a besoin pour Cruel Summer, la première compilation signée G.O.O.D Music. Scott posera sa patte sur « To The World », « The Morning », « Don’t Like » et surtout « Sin City », le morceau qui le révèlera à la face du monde en tant que rappeur. L’album se glissera comme dans du beurre au sommet des charts. Dans la foulée, West le signe en tant que producteur sur Very G.O.O.D Beats et Anthony Kilhoffer le prend sous son aile. L’année suivante, en 2013, Travis Scott produit des titres pour trois albums-blockbusters, Yeezus (Kanye West), The Gifted (Wale) et Magna Carta Holy Grail (Jay-Z). Il rejoint l’écurie Grand Hustle, le label de T.I, et lâche le mois suivant sa première mixtape éclectique et hallucinée, Owl Pharaoh. L’opus rassemble un casting extra-étoilé, entre T.I, Wale, 2 Chainz, A$AP Ferg, Theophilus London, Paul Wall, James Fauntleroy, Meek Mill ou encore Kanye West (à la production). En 2014, Days Before Rodeo ancre la signature de « La Flame » : des productions hypnotiques et puissantes, sombres et futuristes, des nappes de synthé et des effets vocaux vocodés. On croirait entendre du Kanye West. Le générique jette, là encore, de la poudre aux yeux, avec Young Thug, Big Sean, Rich Homie Quan, Migos, T.I. et Peewee Longway. Son « Rodeo Tour » au pays de l’Oncle Sam se jouera à guichets fermés. Enfin, Rodeo, son premier album, rongé par l’auto-tune, recycle les mêmes ingrédients mais avec moins de saveurs. Travis Scott se paye quand même le luxe de partager l’affiche avec la crème des rappeurs du moment, Quavo (Migos), Schoolboy Q, Future, 2 Chainz, Juicy J, The Weeknd, Swae Lee (Rae Sremmurd), Chief Keef, Kanye West et Young Thug, auxquels viennent se greffer les improbables Justin Bieber et Toro y Moi.

 

 

Sur ses opus, Scott produit peu. À l’inverse, il enquille les projets pour les autres, de Mr Hudson à Drake, en passant par Kanye West, Jay-Z, Big Sean, John Legend ou Rihanna, pour laquelle il a co-pondu le tubesque « Bitch Better Have My Money ».

 

« I am everything except a rapper »

 

En interview, Travis Scott rabâche que sa musique n’est pas hip-hop. Elle va au-delà. Inclassable, hors limites, elle se place dans un drôle d’ailleurs, brassant toutes les influences du bonhomme, de Kid Cudi – son rappeur préféré – à Björk, en passant par M.I.A, Little Dragon, Portishead, Bon Iver ou James Blake. Un mash-up de tout ce qu’il voit, entend, éponge et digère sur Internet. Un fourre-tout de tout ce qui existe déjà sans jamais sonner comme une reproduction. C’est nouveau sans l’être vraiment. Une sorte de cacophonie avant-gardiste et sublime. Certains lui reprocheront son style fluctuant et ses collaborations à l’excès qui brouillent et diluent son message et son identité. Plutôt que de s’affilier à une poignée restreinte de producteurs, Scott a par exemple fait bûcher une trentaine de noms différents sur l’ensemble de ses morceaux.
Le kid est ambivalent, ambigu, multiple. Son accent lui-même oscille entre le débit traînant sudiste, le phrasé scandé new yorkais et le ton coulant californien. Les rappeurs l’emmerdent, il crache sur la trap et sa mauvaise influence sur la jeunesse mais parle défonce, débauche et sexe à longueur de titres. Il raffole des ambiances ténébreuses, enregistre-même dans le noir, mais déteste le froid et la solitude. Il semble se foutre de tout mais a pleuré la première fois qu’il a rencontré Kid Cudi. Le double-visuel de Rodeo illustre pleinement sa pluri-personnalité, avec cette figurine à son effigie adoptant tantôt une expression sobre, presque mélancolique, tantôt une attitude bestiale.

Non Travis est un artiste, un créateur. Sûr de son talent, il parle de lui à la troisième personne, comme Kanye West. Il se moque d’avoir des hits classés n°1 et veut seulement accomplir sa vision créative, novatrice. Comme Ye, Scott lèche l’esthétique de ses projets. La forme prime sur le fond. Ses paroles sont creuses mais son univers visuel est impeccable, chiadé, d’une grâce déroutante. Le rappeur soigne et entretient son image de chien fou, sur scène, dans ses clips ou pour ses shootings photos, pour coller à l’ambiance chaotique de ses morceaux. En se figurant en Ken sur la pochette de « Rodeo », il nous rappelle finalement que tout ça n’est qu’un jeu. Tirer les fils de sa propre marionnette l’amuse foncièrement.

 

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Créature hors-norme, indomptable et insaisissable, Travis Scott semble inhumain. Il se qualifie lui-même de monstre (« I am a mothafuckin’ monster »), jusqu’à se sangler et se museler dans le clip de « Mamacita ». En réalité, le emcee se rapproche davantage d’un animal. Il gave son imaginaire de références animalières, du cheval, qu’il glisse dans plusieurs de ses vidéos, au hibou, auquel il a dédié son premier tatouage et sa première mixtape, Owl Pharaoh . « Tous mes potes, de Houston à New York, disent que je suis un putain d’hibou. Je ne dors pas. Je suis toujours debout à faire des trucs. […] Je suis un homme intelligent et les hibous sont sages », raconte l’intéressé. Il aime aussi saupoudrer ses beats de bruits d’animaux. Surtout, c’est une bête de scène. Dopé à l’adrénaline, il bouillonne, rugit, saute, sue à grosses gouttes, arrache son t-shirt. Son énergie est communicative et le public devient à son tour sauvage, hystérique. Plus qu’un « entertainer », Travis Scott est une rock star. S’il en avait une, il casserait sa guitare.

 

« High fashion »

 

Looké jusqu’au grillz – qu’il a fait fabriquer sur-mesure par Johnny Dang, l’auto-proclamé « King of bling » de Houston – Travis figure parmi les porte-étendards du rap modeux, mené par A$AP Rocky. Il se définit comme « mimimaliste », porte du Raf Simons, du Balmain, du Bape, du Givenchy ou du HBA, s’inspire de Kurt Cobain comme de Kid Cudi. Pour sa première visite à Paris, c’est au siège d’A.P.C qu’il a filé directement en sortant de l’aéroport, avant même la Tour Eiffel ou les Champs Elysées. CR Fashion Book, GQ, W ou Mr Porter, comptant parmi la fine fleur des magazines de mode, l’ont interviewé. Le rappeur s’est aussi improvisé mannequin pour le défilé printemps-été 2015 de Mark McNairy. Sur le podium, intenable, il a bondit comme un cabri, levé son majeur en direction des photographes et grimpé sur le dos du designer. Et puis c’est Kevin Amato, photographe de mode et directeur de casting, qui a pensé les pochettes de ses deux derniers opus. Travis Scott est un esthète de pied en cap.

A la fois multiple et unique, fantasque et créatif, indéchiffrable et fascinant, Travis Scott a toutes les cartes en mains pour régner sur le rap game. Reste à savoir s’il en a les épaules ou seulement l’étoffe.

 

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Originaire de Compton, le rappeur EPICMUSTDIE a croisé la chance sur son chemin, non sans difficulté. Parti sur les routes pour une date de concert prévue au festival South by South West, il est arrêté pour possession de drogue à El Paso et retenu pour 36h. Au dernier moment, sa caution est payée. À peine arrivé sur place, on lui annonce que son horaire de passage a été avancé. Sans balance, ni répétition, il monte sur scène et assure le show. Coup de chance, Wiz Khalifa et Amber Rose sont dans le public, au premier rang. Ils apprécient le spectacle et vont voir l’artiste en coulisse. Wiz le suit sur Twitter, et l’adoube finalement. Aujourd’hui pour EPICMUSTDIE, il s’agit de poursuivre sa route encore fraîchement auréolé de cette gloire. On lui a posé quelques questions pour découvrir qui il est et comment il comptait s’y prendre.

 

 TWITTER | INSTAGRAM | SOUNDCLOUD | SNAPCHAT : @EPICMUSTDIE

 

Comment as-tu l’habitude de te présenter ?

En général j’utilise mon vrai nom « Malcolm » au lieu d’EPICMUSTDIE. Je ne dis presque jamais aux gens que je fais de la musique, je préfère qu’ils apprennent d’abord à me connaître et qu’ils découvrent ensuite ma musique naturellement.

Depuis quand  fais-tu de la musique ?

J’écris des chansons depuis mes 13 ans. J’ai toujours fait des freestyles et des battles de rap à l’école. Les gars ne pouvaient plus me voir avec mes jeux de mots (rires, ndlr). Honnêtement, je n’ai pas officiellement enregistré de son en studio avant l’âge de 15 ans. Depuis j’en suis tombé amoureux.

Quand as-tu décidé de prendre ça au sérieux ?

Et bien, au départ le rap c’était juste quelque chose de marrant, une façon de m’exprimer. Et comme j’ai continué de le faire, c’est devenu relaxant en quelque sorte. J’ai sorti ma première mixtape en 2011 et il y avait une chanson intitulée « Metamorphosis » dedans. Une fille que je connaissais m’a dit que ce morceau l’avait fait pleurer toute la nuit, elle a revu tout son plan de vie. J’ai pensé qu’elle était folle, mais tout était vrai. C’est là que j’ai su que cette histoire de rap me dépassait, que j’aidais les gens. C’est là que c’est devenu sérieux.

 

Comment tu décrirais ta musique ?

Je ne peux pas vraiment la décrire. J’aime penser  que je suis un artiste complet. Si mon son était une couleur, ce serait le noir. Parce que le noir, c’est toutes les couleurs en une.

Qu’est-ce que ton nom de scène signifie ?

EPICMUSTDIE est mon nom mais il résume aussi l’histoire de toute ma carrière de rappeur. J’ai l’impression que je suis arrivé dans le rap pour apporter quelque chose, être moi-même à 100% pour montrer aux autres qu’ils peuvent l’être aussi. Et ce n’est pas ce que les gens les plus ‘importants » veulent de vous. Ils vous veulent mort, il veulent que vous chutiez. EPICMUSTDIE c’est moi qui sait que je suis le meilleur. Laissez le monde le découvrir.

Tu es membre du collectif Leftoverz. Peux-tu nous expliquer ce que c’est et qui en fait parti ?

LEFTOVERZ forever. C’est juste moi et mes amis, on fait tous de la musique. Quand on est ensemble, nous sommes tous uni comme les différentes pièces d’un robot. Il y a moi, Dezzi Gee, KB Devaughn et PHARO. Et on est tous incroyables. Il y a quelque temps, tout le monde était occupé à mener ses propres projets donc on n’était pas autant ensemble. Mais quand on l’est on est les négros les plus frais sur Terre… sérieusement.

Qui compose le reste de ton entourage ? Qui sont ceux qui te soutiennent ?

En dehors des gens que j’ai cité, il y a mes producteurs et mes vidéastes et même mes fans que je considère comme des membres de LEFTOVERZ, parce qu’ils sont là depuis le début.  Tout ceux qui partagent ma vision sont de ma famille. Andrew Hines, vidéaste, est comme un mentor pour moi, dans l’ensemble de ma vie pas seulement dans la musique. Il était là assez tôt et il m’a montré pas mal de choses. Il y a aussi Tyler Ross, Dave Hung et tout le camp ODOD (collectif créatif) qui sont aussi mes frères. Si ce n’était avec eux, je n’aurais pas été capable de partager ma vision aussi bien. Le soutien vient de partout mais moi et mes amis faisons une grande partie des choses nous-mêmes.

Tu as raconté à Noisey que ton show au SXSW était ton troisième concert et que tu as rencontré Wiz Khalifa là-bas, ce qui a mis un coup de projecteur à ta musique. Peux-tu nous expliquer comment ça s’est passé ?

VIBE SXSW 2014 était mon troisième show de tous les temps, c’est vrai. Wiz et Amber Rose ont regardé tout mon set au premier rang. Wiz m’a approché et il m’a parlé après ma performance, oui c’est vrai. Tout a été très rapide et j’étais défoncé (rires). On a échangé nos twitters, on a fumé quelques joints et c’était tout. À la fin tout ce que j’ai retenu c’est que tu ne sais jamais qui te regardes…Donc sois toujours au top de ton jeu ! Tu pourrais rencontrer quelqu’un d’aussi cool que Wiz et peut-être qu’il pensera que c’est toi qui est cool.

Qu’est-ce que ça a changé ?

Et bien j’ai gagné 900 followers instantanément (rires). En  plus, ça m’a donné en quelque sorte un prestige local. Une fois qu’il m’a fait un shoutout sur REVOLT LIVE, tout le monde a réalisé que ce que je faisais était sérieux. Je pense juste que c’est assez nul qu’il ait fallu que quelqu’un de célèbre dise que j’étais bon pour que les gens le réalisent. Alors que j’étais en face d’eux tout ce temps. Ça a aussi changé beaucoup de gens autour de moi. Ça ne m’a pas changé en tout cas, je serais toujours moi.

Tu étais fan de Wiz Khalifa ?

Oui j’étais un fan de Wiz et je le suis toujours. Je l’écoute depuis ces premières mixtapes comme Price of the City. Il ne savait pas que Taylor Alderrdice était probablement ma mixtape préférée au moment exact où je l’ai rencontré.

Qui estimes-tu dans le hip-hop ?

Musicalement j’ai de l’estime pour mes pairs et bien sûr je respecte des légendes comme Eminem, Tupac, Biggie et la liste continue. Quand j’ai commencé à rapper, mon rappeur préféré était Ludacris croyez-le ou non. Chicken and Beer est le premier album que j’ai payé. Mais définitivement, je suis inspiré pas tout ceux qui sont originaux et fidèles à eux-même.

Compton est sous le feu des projecteurs à un niveau mondial avec la sortie de Sraight Outta Compton. C’est ta ville, quel regard portes-tu sur le film et son succès ?

Je suis allé voir Straight Outta Compton avec toute ma famille. À la différence de plein de gens je connaissais l’histoire, ma mère a grandi avec Eazy donc je savais pas mal de choses. Mais le film était génial, la première scène est tellement incroyable. Gary Gray est un réalisateur fantastique, les acteurs ont fait du bon boulot. Ça m’a inspiré pour ne jamais arrêter.

Pour tout ceux qui ne te connaissent pas encore, quels sont les trois morceaux qu’ils doivent absolument écouter pour comprendre qui tu es ?

Il y a plus de trois sons que je pourrais leur dire d’écouter, mais puisque je dois choisir… « High & Bye » serait le premier. Elle a des années mais je me sentirais toujours comme le jour où je l’ai écrit. « Members Only » en serait une autre, Cardo & Lex Luger on fait un track génial et j’ai laissé parlé mon esprit. Et le dernier mais pas des moindres, vous devez écouter « Little Ol’ Me », un des morceaux les plus personnels que j’ai enregistré.

Quels sont tes prochains projets ?

Je prévois de sortir deux EP avant 2016. J’envisage de sortir No Reflection fin octobre, j’ai déjà 7 tracks, il y en aura probablement 8. Dans le même temps, je sortirai quelques morceaux, donc soyez à l’affût.

 

EPICMUSTDIE

Les détournements des symboles de la culture populaire américaine et plus particulièrement ceux ayant attrait à la saga Star Wars, pullulent aux quatre coins du monde virtuel d’Internet.  Du graphiste tuant son temps libre à Jeff Koons exposant à Beaubourg les démarches artistiques peuvent être de niveaux très variés.
Il appartient à chacun de situer Jorge Pérez Higuera dans cette masse dynamique. Il a choisi de replacer le personnage impersonnel du Stormtrooper dans la vie quotidienne de notre siècle. Avec ses photos on l’envisage plus comme l’humain qui se  cache sous le célèbre costume de plastique et l’on peut commencer à lui prêter un âge, un sexe, une culture. Le photographe réfléchit très sérieusement et presque philosophiquement à ces questions de monotonie et de routine. D’autres projets sans Stormtroopers mais sur le même thème sont à découvrir sur son site internet.

Le rap hexagonal compte un nouveau poids lourd dans ses rangs, avec ses 80 000 ventes Nekfeu a su tirer son épingle du jeu entre Jul, Lacrim, Booba, Gradur et Kaaris. Dans un monde où les Rolex indiquent la réussite d’un homme, YARD a voulu s’assurer que le phénomène n’est pas qu’un chiffre et une couleur de métal pour la SNEP. Feu à Nekfeu, place à Ken. Un homme en constante remise en question et qui cherche à faire le bien autour de lui… Bizarre.

Photos : HLenie

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Tu as plusieurs fois dit que le hip-hop t’avait sauvé… Mais de quoi ?

Ça m’a donné un but dans la vie que je n’avais pas. Puis ça m’a sauvé du désœuvrement, de la galère et de l’auto-destruction aussi. Je n’étais pas trop heureux et je ne savais pas ce que je voulais faire. Je faisais des petits tafs de merde, je n’avais pas de diplômes et je me disais que mon avenir était un peu incertain. Je squattais à droite à gauche, je me faisais aider donc je n’étais pas très fier de moi sur le moment.

Le fait d’avoir une passion m’a permis de me rendre compte que je pouvais supporter une vie comme ça, d’accepter d’être dans la galère tant que j’ai l’écriture. Quand j’avais 17 ans, je me disais : « Une vie comme ça, ça me va. »

Tu sembles beaucoup remettre en question chacun de tes actes en te demandant s’ils sont en adéquation avec ce que tu es ?

C’est un peu la base de ce que je suis. Sans exagérer et rentrer dans un truc relou, mais mon but dans la vie c’est d’être meilleur que la veille. C’est suffisamment vaste pour que j’ai tout le temps du travail à faire sur moi-même. En plus de ça, le fait d’être écouté, relayé et interprété par des gens me projette dans une perspective où je peux mourir le lendemain. Du coup je devrai rendre des comptes sur ce que j’ai écrit : Est-ce que j’étais sincère dans ce que je faisais, ce que j’ai dit ? Parfois toutes ces choses-là sont contradictoires, parce que c’est ce que je suis aussi, comme tout le monde.

C’est comme l’astrologie, tu vas lire un truc sur ton signe et quoi qu’ils écrivent tu vas te dire : « Ouais c’est moi. » Du coup, je me prends grave la tête notamment quand des gens me disent : « – Dans ce morceau tu as dit ci et dans un autre tu as dit ça. » Ouais mais pour les deux, c’est la vérité.

Peut-on se complaire éternellement dans cette contradiction ?

Moi, je veux être le plus sincère avec moi-même possible, de moins me mentir. Puis oui, à un moment il faut simplement devenir ce que tu as envie d’être, mais je ne sais pas encore ce que j’ai envie d’être. Que ce soit dans la religion ou dans la vie en général, tout est basé sur une contradiction, sur un paradoxe qu’on ne peut pas comprendre en tant qu’être humain. Je me dis que je veux faire un maximum de choses bien dans ma vie mais de l’autre côté j’ai le droit d’être heureux, je ne sais pas si je dois privilégier l’un ou l’autre.

Mais rassure-nous, tu es heureux ?

Ouais, je suis super heureux. Justement le rap ça permet de mettre sur papier mes problèmes ou ce qui me tracasse, du coup je me dis : « Putain, je n’ai rien d’autre à vendre comme malheurs. » Ça me fait relativiser. En réalité, je me sens tellement chanceux par rapport au reste du monde. Ce qui me torture, c’est plus le fait de devoir mériter ce que j’ai, je ne considère pas mériter ce qui m’arrive. Je me pose cette question-là tout le temps. C’est une chance que je dois mériter, c’est comme si j’avais un crédit de bonheur. Ça fait plaisir car quand tu n’as pas eu ça toute ta vie, tu as l’impression que tu vas payer la contrepartie.

Pourquoi avoir choisi le hip-hop plutôt que la littérature pour t’exprimer ?

 Par hasard. J’ai déjà écrit des trucs quand j’étais petit mais je ne finissais jamais, je faisais des ébauches, comme j’ai plein d’imagination j’avais des petites idées, mais je suis un flémard donc je laissais tomber. Alors que le rap, vu que c’était un truc de potes, on était dans l’émulation : un pote fait un son, du coup tu te mets à écrire, tu fais un son… C’est vraiment ce qui m’a plu dans le rap : le côté communauté, open mic, battle, concours. Cette approche sportive entre potes.

Et comme je sentais que je n’étais pas mauvais et que je pouvais devenir bon, ça m’a grave plu. Il y a plein de trucs où je n’avais pas la force d’être le meilleur, j’ai fait du sport, j’ai dessiné. Je sentais que je ne pouvais pas faire ça des heures. Le rap je peux faire ça « H24 ».

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As-tu peur, à un moment, de faire le tour de la question du rap ?

Non car si j’ai envie de faire autre chose, je suivrais mes envies donc je resterais dans la même démarche que maintenant. Le rap ce n’est pas prêt de s’épuiser, j’ai l’impression de seulement commencer. Puis le fait que ça ait marché, ça me donne un terrain de jeu quasi infini. C’est incroyable. J’ai des ambitions pour mon label, je commence à penser plus grand. J’avais un crayon et un papier jusqu’à maintenant et là j’ai un atelier. Je peux faire plein de trucs.

Pourtant le rap français est un peu vache avec toi, on entend souvent : « Nekfeu réussit parce qu’il est blanc. »

Déjà pour être positif, dans le milieu de rap que je connais et que je respecte, j’ai eu un soutien de ouf. Je ne m’attendais pas à ça, ils m’ont grave donné de la force.
Après pour la question médiatique, il y a une part de vérité dans le sens où les journalistes peuvent, par exemple, faire un lien avec la littérature. Sur France Inter, ça leur permet de faire un pont avec les sujets qu’ils traitent actuellement pour parler de littérature. Après moi je trouve qu’ils en font trop parce que mon album n’est pas quelque chose de littéraire.

Je connais plein de babtous cramés qui font du rap depuis 20 ans et personne ne parle d’eux. Après moi j’ai cherché à partir d’un moment à ce que ma ganache passe bien alors qu’au début je ne le voulais pas. C’est clair que c’est une chance. Mais il y a aussi des rappeurs qui ont des gueules plus cassées que moi qui passent dans tous les médias aussi. Quand ils ont un succès, ils passent. Je trouve que c’est injuste de me dire ça car tous les gros succès commerciaux rap n’ont pas été boycottés, ils ont été invités partout. Donc pour moi il y a une part de vérité mais le fond du problème c’est le succès. Si mon truc n’avait pas marché, blanc ou pas, personne n’aurait parlé de oim. Le fait que ça ait marché, ça fait effet boule de neige et tout le monde joue le jeu.

Tu ne trouves pas que ce ressort du « rappeur qui lit », ce n’est pas l’éternel ressort d’une partie des médias ?

France Inter était la première radio que je faisais pour l’album, j’étais content qu’ils le remarquent. Ça a permis à des darons qui n’ont pas de culture rap de se dire : « Ah ouais, il y a une valeur artistique. » Mais maintenant quand je suis en interview je leur dis : « Non je ne fais pas du rap littéraire. Je fais du rap tout court. » Après j’ai fait des références, j’ai scratché des livres mais comme j’aurais pu parler d’un film de Scorcese ou d’un morceau de Rohff à l’ancienne. C’est juste que je mets tout au même plan. Pour moi dès qu’il y a quelque chose après rap, ça casse les couilles : rap littéraire, rap engagé, rap alternatif… Ça veut dire que tu ne sais pas rapper en fait, ça ne m’intéresse pas.

Ce que je trouve marrant c’est que d’un côté j’ai l’impression d’avoir réussi mon coup. Dans le sens où pour changer l’image qu’a un journaliste de ta musique, tu lui donnes le nom d’un livre et c’est parti. Moi ça me fait rigoler mais d’un côté je ne vais pas cracher dans la soupe. Il y a pire comme étiquette. Je suis content car quand on me dit « Je n’écoute pas de rap mais je t’écoute toi. », je réponds « Écoute d’autre rap parce que je fais la même chose. Franchement tu vas kiffer. » Je suis un genre de cheval de Troie mais je ne veux pas prendre les honneurs du rap littéraire alors que ce n’est pas le cas.

L’uniformisation qu’engendre le genre trap en France t’a-t-elle permis de te démarquer ? Est-ce que tu n’es pas l’incarnation de l’anti-trap ?

Non. Moi ce qui m’a toujours gêné c’est l’uniformisation, mais je le vois aussi du côté des mecs qui veulent rapper exclusivement à l’ancienne et qui se définissent comme des « puristes ». Cette uniformisation je la trouve aussi dégueulasse, c’est pas parce que tu fais du sous DJ Premier à longueur de journée que c’est lourd. Ces mecs-là me font encore plus chier qu’un morceau de trap où je vais m’amuser sur l’instru ou qui va m’ambiancer en soirée.

Moi je ne regarde pas vraiment ce qui n’est pas bien, j’essaie toujours d’être positif. Il y a des trucs qui sont intéressants dans le trap. Ce qui est dommage c’est qu’il y a plusieurs sortes de trap mais tu assistes au même truc. C’est ça qui me pose problème. C’est Youssoupha qui dit : « Pour un mec chaud en trap, tu en as 20 mauvais. » Je suis assez d’accord.

Après il y a des mecs qui kiffent ça, après si c’est juste une question d’ambiance tu n’as pas vraiment besoin de texte. Moi je suis peut-être une alternative où on trouve plus de texte mais je ne suis pas le seul. Puis il y a des trucs un peu trap dans mon album, je ne le crie pas haut et fort comme ça on ne me catalogue pas. Pour moi le fait que le BPM soit plus lent, je peux faire des flows différents. Ça m’intéresse. Quand je suis aux Etats-Unis, ce n’est pas la même trap que j’entends. C’est autre chose de fou ! Il ne faut pas écouter les gens qui sont cons mais beaucoup disent sur un morceau trap : « Ce n’est pas du rap, c’est de la trap. » Je ne comprends pas ce qu’ils veulent dire en fait. Le problème en France c’est qu’il y a un manque de culture. Quand t’es jeune c’est normal, quand j’ai commencé je ne savais pas ce qu’était un sample ou un back, mais après les médias ne font pas d’effort à ce niveau. Quand je lis dans un journal que je suis « l’anti-Booba »… Je ne comprends pas le délire. Au contraire je me sens plus proche d’un mec comme Booba que d’un gars qui en apparence est dans un truc un peu « cool » mais qui casse les couilles.

En tant qu’observateur du rap, tu ne penses pas que le trap a ouvert le micro à des personnes qui n’auraient pas pu rapper avant ?

Je pensais mais quand tu parles avec des anciens, ils te disent qu’il y avait des wacks à l’époque. Aujourd’hui, des projets ont du charme parce que c’est à l’ancienne donc en accepte les défauts. Il y a des gars c’était des pompeurs, ils faisaient la même chose que Ill ou Booba.

Maintenant, le truc c’est qu’il y a un accès au micro plus démocratisé, tu peux enregistrer un morceau et le balancer sans avoir trop d’argent. C’est une super bonne chose.

Dès qu’il y a un nouveau truc, le public accepte tout sans distinction et petit à petit il commence à y avoir une exigence. Là, le délire de mecs qui font de la trap sans savoir bien rapper ça a ses limites. Et encore ceux qui sortent du lot, ce sont ceux qui ont une plume et qui font de vrais morceaux.

Toi tu estimes faire partie du milieu du rap ? 

Mes potes vont se foutre de ma gueule mais je considère faire partie du mouvement hip-hop. Ce n’est pas parce que j’ai un succès commercial sur cet album que je ne vais plus me considérer membre de l’underground par exemple. Je suis toujours avec les mêmes gars, si je rencontre un mec qui rappe bien qu’il soit connu ou pas j’ai envie de faire du son avec lui. Tant que je suis un fan de rap j’appartiens à son milieu.

J’ai l’impression d’avoir en face de moi Capitaine Planète, tu veux sauver tout le monde.

Non c’est abusé ! Parfois, je me permets de juger des trucs que je trouve nuls après ce qui est important c’est de savoir si tu le dis pour faire avancer les choses ou pas. Mais ce côté positif, je le revendique. Ça ne serait pas honnête et généreux de ma part de ne pas l’être car on m’a donné beaucoup. Les mecs qui m’ont fait rapper à la base ce sont mes meilleurs « soces », ils me motivaient à le faire. Moi j’étais au lycée je n’étais plus dans ce truc-là et ils m’ont encouragé en me disant que c’était cool alors qu’aujourd’hui je réécoute, c’est de la merde de ouf. Vis-à-vis de mon collectif, c’est purement égoïste, c’est ma bande. Les gars avec qui j’ai commencé, je ne me vois pas faire des sons sans eux, je me ferais chier. Je puise beaucoup dans mon entourage, je ne viens pas de nulle part en terme de rap. Dans mon crew, il y a un mec comme Alpha qui est trop chaud, il y a Framal qui m’inspire de ouf, il y a Doums qui me donne envie de dormir plus. Je prends un peu de tout ça, du coup je suis redevable.
Bien sûr, il y a une part négative dans le rap comme dans tous les milieux mais il y aussi beaucoup de solidarité. Je kiffe quand il y a des petits qui ont faim, si je peux leur donner un coup de main ou les conseiller, je le fais. Par contre en France il manque le truc durable qui crée une école de pensée du rap, un vrai label qui va au-delà de l’aspect financier immédiat.

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Avec 1995, S-Crew, L’entourage et tes projets solos, tu n’as pas peur de trop saturer l’espace ?

Si j’apporte à chaque fois quelque chose de différent peut-être que je ne vais pas saouler les gens. Mon rappeur préféré c’est Tupac, il a sorti des milliers de sons, ça ne me dérange pas. Je kiffe avoir de la matière.

Moi ce que j’aime, c’est que les gens m’écoutent après je verrai si je saoule les gens. Quand ils pensent que je suis parti dans une certaine direction musicale, j’essaie de revenir avec un nouveau délire. Je pense que toute ma vie je ferai des freestyles sur face B même si demain j’irai sur mon troisième album. Franchement, je ne me prends pas trop la tête. Si on pensait comme ça vu que tout le monde sort des projets, ça pénaliserait les autres. Vu qu’on est tous dans l’instant, garder un album deux ans ça n’a pas d’intérêt. On sort, si ça ne marche pas c’est pas grave.

Petit, c’est le père de Marvin Gaye qui prophétisa sa gloire. Paradoxalement, c’est aussi lui qui participera à sa chute et qui en 1984, à la veille du 45ème anniversaire de son fils, en mettra fin à ses jours dans des conditions tragiques.

1983. Marvin Gaye, exilé en Europe,  fait son retour aux Etats-Unis dans une suite au Waldorf Astoria, et son comeback dans la musique, plus ou moins remis du décès de Tammi Terrell, décédée sur scène dans ses bras suite à une tumeur au cerveau. Il prend alors un nouveau départ et laisse derrière lui l’image aseptisée du crooner de Motown et de « Ain’t No Mountain High Enough » pour le plus sulfureux « Sexual Healing ».

 

 

Pour autant, Marvin, qu’il s’agisse de son physique ou de son mental, n’est pas au meilleur de sa forme. Il prend du poids, retombe dans la cocaïne et plonge dans la paranoïa. C’est dans cet état qu’il poursuit une longue tournée, tout en étant constamment persuadé que l’on cherche à mettre fin à ses jours. Dans la vie quotidienne, il s’entoure constamment de gardes du corps : les frères Gerald et André White ainsi que Tex Griffin. Sur scène, il renforce aussi sa sécurité. Là, seule sa sœur, Zeolia pourra lui servir de l’eau. Un prêcheur baptiste est également convié à le suivre sur sa tournée pour lui apporter un confort spirituel. Si l’on pourrait aisément attribuer sa paranoïa à sa consommation de drogue, son guitariste Gordon Banks confiera : « Ce n’était pas un délire. Il y avait des compagnies de management derrière lui. Des gens qui voulaient faire de l’argent sur son dos et quand il leur a dit non, ils sont devenus fous. »

Au fil des dates, son état ne fait qu’empirer. Sa peur d’être assassiné le pousse alors à craindre pour la vie de sa famille. Il fait acheter par Gérald deux armes. Une pour lui, l’autre qu’il fait envoyer chez ses parents à Los Angeles dans la maison qu’il a offerte à sa mère. À la fin de sa tournée en 1982, Marvin touche le fond. Son nez abimé par la cocaïne l’empêche d’inspirer dans une chambre climatisée sans assistance respiratoire. Sa mémoire aussi commence à lui faire défaut et chaque jour, il ré-écoute ses albums pour ré-apprendre son œuvre. Il décide alors de partir à Los Angeles, dans le foyer familial où il se retrouve face à son père.

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Un personnage atypique, né au sein de la Maison de Dieu : une Église noire qui adhère à certains aspects du Judaïsme. Il devient prêcheur pour cette même maison et épouse Alberta Cooper, avec qui il aura quatre enfants : Jean, Marvin Junior, Frankie et Zeola. De l’aveu de sa mère, le père ne désirait pas Marvin Jr et ce dernier ne pensait même pas qu’il était son fils. Toute la famille grandit dans le sud de Washington DC, dans un ghetto noir et défavorisé, sous la coupe d’un père intransigeant, inflexible, alcoolique et violent. Frankie, le frère de Marvin racontait : « Nous étions une famille vraiment étrange. Nous étions très à l’abri du voisinage et je sais qu’ils pensaient que nous étions étranges. » En grandissant, Marvin Jr découvre la musique, participe à des concours et enregistre finalement ses premiers titres avec Motown. Et bien que son père ait longtemps prophétisé son don, il désapprouve sa musique et aurait préféré qu’il se consacre au gospel. Tout au long de sa vie, Marvin Jr sera affecté par le désamour de son père.

 

Marvin Gaye

À son retour, les choses ne se sont pas arrangées. « Marvin Senior était jaloux car Marvin était la principale source des revenues qui faisaient vivre la famille. » racontait le pasteur Shelton West. La forte tension entre les deux hommes entraînaient bien souvent de violentes disputes. Avec le temps, son garde du corps André raconte que Marvin savait parfaitement où frapper pour pousser à bout son père. Il extrait même de ses enregistrements cette conversation :

André : Marvin j’espère que tu sais que ton père ne rigole pas quand il dit : « Je t’ai porté sur la Terre et je t’en sortirais » ?

Marvin : Exact. Il l’a dit.

A : Marvin… Marvin, qu’est-ce qui ne va pas ?

M : Il est sérieux aussi.

A : Mec, tu es allé trop loin pour commencer à t’embrouiller avec ton père. Allez, mec.

: Dre, pourquoi est-ce que tu te montres toujours aussi sensé ? (rires, ndlr)

A : C’est la vérité et tu le sais.

: Tu sais la nuit dernière, il a fait quelque chose qu’il n’avait jamais fait avant.

A : Quoi ?

M : J’étais endormi et j’ai senti quelqu’un caresser mon dos. Au début, j’ai pensé que c’était ma mère parce que je lui avait dit que j’avais mal au dos, mais je me suis rendu compte que la caresse était trop forte et je me suis retourné et j’ai regardé. Mon père a dit : « Ça te fera te sentir mieux. » Ensuite il s’est tourné et il est parti. Il n’avait jamais fait quelque chose comme ça.

A : Mec, ton père t’aime ! Pourquoi tu ne peux pas le voir ?

M : Dre, je sais mais…

A : … Mais rien ! Tu veux mourir et tu es trop effrayé pour te suicider. Mais si tu continues à chercher la merde avec ton père, il t’a dit ce qu’il ferait.

M : J’imagine que tu as raison.

 

Dans la maison, la tension est pesante pour Marvin qui passe ses journées en robe de chambre, aménageant son temps entre la drogue et les prières avec sa mère.

1er avril 1984. Dans la nuit, en provenance du foyer Gay, trois coups de feux retentissent. C’est dans la chambre de la mère de Marvin Gaye, que son père l’a abattu, armé du Smith and Wesson qu’il lui avait offert quelques mois plus tôt. Dès l’annonce du décès de l’artiste, les journaux rapportent le récit d’une dispute entre le père et le fils concernant la disparition bénigne d’un papier d’assurance. Les tensions qu’ils entretenaient, auraient alors atteint un point culminant. Le fils s’attaqua physiquement à son père qui se sentant menacé, puis se saisit de son arme pour abattre son fils.

 

Marvin Gaye What's Going On

 

Mais dans la décennie 2000, sa petite sœur Zeola, révèle dans l’une des œuvres qu’elle publie en l’honneur de son frère (livre, pièce de théâtre, scénario), le déroulement des évènements qui font suite aux soupçons du père sur la nature des relations entre sa femme et Marvin Jr.

« Il y avait beaucoup de tensions derrière ces coups de feu, mais ce soir-là, père a vu Marvin sur le lit de ma mère, presque nue, seulement couvert de sa robe de chambre […] En fait, Marvin et ma mère étaient allongés ensemble de cette manière parce qu’ils lisaient la Bible côte à côte. Mon père a mal compris la situation. C’était une période terrible, terrible pour tout le monde et les choses ont atteintes un point d’ébullition. »

Dès son arrestation ce soir-là, le père clame ses regrets : « Si je pouvais le ramener, je le ferais. J’avais peur de lui. J’ai pensé qu’il allait me faire du mal. Je ne savais pas ce qu’il allait se passer. Je l’aimais. Je souhaiterais qu’il passe cette porte maintenant. »

Atteint d’un cancer qu’on lui découvre à la suite de son arrestation, il n’écopera que d’une peine de prison avec sursis. Mais lorsqu’on lui demandera ses sentiments à l’égard de son fils, il répondra simplement : « Disons que je ne le déteste pas. »

 

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Il y a un peu plus de deux semaines, The Weeknd dévoilait aux yeux du monde entier le clip de « Tell Your Friends », titre extrait de son second album Beauty Behind The Madness et produit par le grand Kanye West en personne.

Dans un décor aride et désert, on y voit une silhouette s’avancer d’un pas décidé, la main armée d’une pelle. Dans un premier temps, le plan resserré ne permet pas d’identifier cette silhouette qui s’en va ensevelir le corps d’un The Weeknd susurrant les paroles de son titre. Une fois la tâche accomplie, la caméra laisse finalement apparaître le visage de cet inconnu qui n’est nul autre que… The Weeknd.

La symbolique est forte et vient faire écho au changement de cap significatif qu’a dernièrement entrepris le crooner canadien. Au terme d’une année 2014 ponctuée par d’importants succès commerciaux pour quelques uns de ses singles, The Weeknd a vu son statut évoluer au point de devenir l’un des principaux phénomènes pop du moment. Une position que l’on aurait difficilement pu imaginer pour celui qui brillait encore il y a peu par sa discrétion.

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Retour en 2011. Nous sommes en mars et la sphère médiatique et sociale est en ébullition autour d’un audacieux projet musical mystérieusement sorti du froid canadien. Son titre ? House Of Balloons, une mixtape lâchée gratuitement sur le net qui offre aux auditeurs un r’n’b moderne et aérien, puisant sa force dans la diversité de ses inspirations et porté par la voix angélique d’un homme caché sous le pseudonyme de The Weeknd. Fils d’immigrés éthiopiens, ce jeune Torontois vient tout juste de se consacrer pleinement à la musique après 3 ans d’une vie partagée entre consommation de drogues, petits deals et un job de vendeur chez American Apparel. Dans un tel contexte, difficile d’imaginer une pareille success-story.

House-Of-Balloons

Et pourtant, devant ce phénomène, les médias sont aussi dithyrambiques qu’ils sont intrigués, tandis que Drake, premier porte-drapeau du pays, lui accorde sa bénédiction en relayant quelques uns de ses titres sur son blog. Quant aux labels, ils se précipitent vers l’Ontario et cherchent tous à entrer en contact avec le virtuose.

Cependant, leurs démarches resteront vaines dans un premier temps car The Weeknd entend rester dans l’anonymat. Il n’accorde pas la moindre interview, on ne trouve que peu de photos de sa personne sur le net et ses visuels sont seulement illustrés par des photographies dignes des meilleurs Tumblr. De cette manière, sa fanbase n’a d’autre choix que de se délecter de sa musique qui semble constituer la seule brèche pour pénétrer dans son sombre univers.

Il faudra attendre plus d’un an et une entretien accordé à Complex pour le voir briser le silence qui entoure son personnage. Entre temps, celui qui répond au nom d’Abel Tesfaye a frappé à deux autres reprises au cours de l’année 2011 avant de céder aux sirènes des majors en paraphant un contrat avec Republic Records. Au cours de cette première interview, il évoque entre autres son absence médiatique qu’il justifie simplement par sa nature réservée : « C’est à la fois intentionnel et pas intentionnel. Au début, j’étais vraiment timide devant les caméras. Je détestais ce à quoi je ressemblais sur les photos, au point de demander de me couper des photos qui étaient prises. »

Big as Madonna

Cependant, là où sa timidité naturelle le cantonne à rester dans l’ombre, son irréfutable ambition artistique ne cesse de le happer vers le feu des projecteurs. De fait, à la base du projet The Weeknd, il y a un groupe composé deux individus : Abel Tesfaye et Jeremy Rose, producteur à qui l’on doit notamment « What You Need » ou encore « Loft Music ». Seulement, les relations entre les deux hommes s’effritent peu avant l’explosion de The Weeknd. Le jeune Abel se voit en artiste principal et relègue son collègue au rang de simple producteur quand ce-dernier voit une véritable entité à deux têtes et attend en ce sens que son avis soit bien pris en considération. Il finit alors par s’effacer de lui-même de la trajectoire ascendante de ce qui était aussi « son » projet.

The Weeknd Jeremy Rose Abel Tesfaye

Abel Tesfaye a été bercé aux sons des Michael Jackson, Prince et autres Whitney Houston et aspire à marquer son époque de la même empreinte que ses glorieux prédécesseurs. À la sortie de son premier album Kiss Land, une donnée manque toutefois à l’équation et ce premier jet s’écoule à près de 273 000 copies aux Etats-Unis. Un score honorable aux yeux de tous, mais pas à ceux d’Abel, qui est « profondément heurté par cette sous-performance » selon les dires de Wendy Goldstein, A&R de Republic Records. Malgré son jeune âge (25 ans), The Weeknd fait déjà pourtant office d’artiste confirmé : il compte une horde de fans fidèles qui lui vouent un véritable culte, son travail de l’ombre sur l’album Take Care de Drake l’érige comme l’un des architectes majeurs du son caractéristique de la scène torontoise et il est avec Frank Ocean et Miguel l’un des pionniers du renouveau du genre r’n’b survenu au début de la décennie.

Là où le bât blesse, c’est que l’aspect ténébreux de sa musique cumulé à ses références régulières au sexe et à la drogue font du Canadien un artiste dont le profil n’est que peu en adéquation avec les attentes de la masse. C’est une nouvelle conversation avec Wendy Goldstein qui finit de le convaincre sur ce point. Réaffirmant son souhait de devenir « la plus grande popstar de la planète », cette-dernière le met en relation avec la starlette Ariana Grande et le producteur Max Martin. De cette connexion naît le hit « Love Me Harder » qui inscrit The Weeknd dans les cœurs du grand public sans trop édulcorer son style. S’en suit « Earned It » titre extrait de la B.O. du blockbuster 50 Nuances de Grey qui est certifié quadruple disque de platine, puis une nouvelle collaboration avec Max Martin pour le titre « Can’t Feel My Face » et son clip visionné plus de 60 millions de fois en moins de 3 mois.

À l’instar de « Tell Your Friends », ce visuel réalise également un parallèle tout tracé avec la carrière de The Weeknd. Les premières secondes du clip et de la mélodie concordent avec l’image que l’on pouvait se faire de l’artiste auparavant et sont constituées d’un plan resserré sur le visage d’un The Weeknd tapis dans l’ombre. A l’inverse, la seconde partie s’inscrit en rupture totale avec cette facette du personnage puisque l’on y voit le jeune homme se déhancher sur la scène d’un bar devant un public initialement sceptique. Ce même déhanché, il le reproduira quelques semaines plus tard devant un large public conquis à l’occasion de la cérémonie des MTV Videos Music Awards. Mais aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de préciser qui est Abel Tesfaye.

LOS ANGELES, CA - AUGUST 30: Recording artist The Weeknd performs onstage during the 2015 MTV Video Music Awards at Microsoft Theater on August 30, 2015 in Los Angeles, California. (Photo by Kevin Winter/MTV1415/Getty Images For MTV)

Alors que le joueur NBA Kevin Durant était de passage à Paris, dans le cadre de sa tournée européenne, YARD et Nike organisait ce dimanche, un tournois de basket en son honneur.

Sont entrées en compétition ce dimanche après-midi, dans le décor du Carreau du Temple, les équipes de Blackrainbow, YARD, Hoops Factory, le Ballon, Grande Ville, le Black Friday Club dont faisaient parti Kévin Razy et Mister V, le Quai 54 composé de ses organisateurs et quelques teams médias.

Au fil de l’après-midi, les matchs s’enchainent jusqu’à la demi-finaleoù parviennent les équipes Blackrainbow, YARD, Quai 54 et Hoops Factory. Juste avant la finale, KD fait finalement son arrivée devant un public enchanté, pour voir s’affronter les équipes de YARD et du Quai 54 qui finira par remporter la victoire.

Kevin Durant finira par toucher le ballon et conclura la soirée avec un concours de shoot contre Mister V.

Pharrell Williams leur a crié dessus, Guru les a détestés, Isaac Hayes a essayé de les semer en roulant à tombeau ouvert sur une route de montagne en Suisse… rien n’y fait. C’est simple, pour les Lyonnais Mathieu Rochet et Nicolas Venancio il n’y a pas d’interview ratée, il n’y a que des bonnes histoires. Avec une certaine obsession pour New York et le travail bien fait, le duo Gasface s’est forgé une solide réputation chez les amateurs de… euh… chez qui en fait ? Cinéma, musique, basket, le Kungfoutre est polymorphe, ses fidèles aussi.

YARD étant de ceux-là, c’est avec beaucoup de questions et d’excitation que nous avons rencontré Mathieu, la moitié de Gasface pour la projection parisienne de leur dernière web-série : Hell Train.

 

Mathieu-Gasface

 

Commençons avec les débuts de Gasface, comment vous êtes-vous rencontrés Nicolas et toi ?

 

Notre rencontre se fait un peu par accident. Nico bossait pour une radio lyonnaise – Radio Canut – et un été en 2002 j’ai remplacé un dj de l’émission. On s’est retrouvés tous les deux à tenir la baraque pendant les vacances. C’était marrant, on faisait un peu n’importe quoi. La radio était dans le quartier de la Croix Rousse alors parfois on ramenait des types au studio. On avait un habitué qui venait souvent, Pierre Max, un ancien prof de Luis Fernandez à Vénissieux. C’était notre mascotte, il y a une photo de lui dans chaque fanzine. Un jour il a fait un battle avec un clodo qui savait rapper « Rapper’s Delight » par cœur ! En fait notre ton tranchait vachement de celui de l’équipe habituelle qui prenait le rap très au sérieux. Pour eux, fallait pas du tout déconner avec ça. Six mois après notre rencontre, on lançait le fanzine Gasface : « Journal scientifique dédié à l’amour et la vérité. »

 

C’est l’invention du Kungfoutre…

Nico avait commencé à faire des interviews de son côté, il m’a proposé de me lancer. Madlib passait à Paris j’en ai profité, puis j’ai rapporté quelques interviews que j’ai faites pendant un voyage à San Francisco, puis on est allés en chercher d’autres… On commençait à avoir de la matière alors on a cherché un nom et on a fait le magazine. L’illumination est venue à Nico dans une station service : Gasface en référence à la chanson de Third Bass avec MF Doom et la prod de Prince Paul… L’attitude et tout, ça collait bien à notre état d’esprit.

 

En l’occurrence votre état d’esprit était fun, parfois impertinent, ce qui ne vous empêchait pas d’avoir un contenu de grande qualité.

 

On faisait ce qu’on voulait lire. Entre nous, on peut passer des heures à discuter de trucs précis, des sujets graves ou pas du tout : ça serait bizarre de changer au moment de prendre la parole en faisant un magazine ou un film. La démarche est de faire à chaque fois comme si c’était la dernière. On a toujours donné le maximum, comme si c’était le dernier magazine, le dernier film, la dernière fois qu’on te parlait.

Aussi, on s’est vite rendu compte que pour faire quelque chose de drôle, il vaut mieux le faire sérieusement. Il n’y a rien de plus sinistre qu’un mec qui essaye absolument d’être marrant. Ce n’est pas une finalité…

 

D’où vient l’idée de votre numéro sur « ces enculés de blancs » ?

 

Un jour on était à New York dans la pièce aux trésors de Bobbito (Garcia, ndlr). Il nous montrait ses pépites : des démo-tapes de Nas, de Rakim avant qu’il ne s’appelle Rakim et plein d’autres trucs… Puis il nous montre son magazine dédié au basket de rue qui s’appelait Bounce. Il avait fait un numéro blanc, avec que des joueurs blancs. Sur le coup ça nous a bien fait marrer, et en fait l’idée a fait son chemin. Peu de temps après, on était en train de fabriquer le Gasface n°5, celui avec Prodigy sur la couv’. On passait des heures chez l’imprimeur pour vérifier la qualité du tirage. Comme il y avait pas mal de temps mort, on s’est mis à discuter le sommaire du numéro 6 et on a eu cette idée de titre : «  Ils dansent mal ! Ils sont méchants !! Ils sont partout !!! Même Barack Obama en est à moitié un… Faut-il avoir peur de ces enculés de blancs ? ». L’injure à caractère raciale nous est jamais venue à l’idée… Naïvement je m’inquiétais que pour le mot « enculé » en Une. Quelques mois plus tard, au moment du tirage du numéro blanc, on guettait les réactions en salle des machines, pour voir si un technicien allait hurler et tout arrêter… Mais non, ceux qui repéraient le titre se mettaient à rigoler.

 

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Bref, les camions partent et quelques jours après on reçoit un appel des NMPP : le syndicat des kiosquiers a les boules, ils décrètent le boycott du numéro. Et d’un coup, on se tape des menaces des identitaires, des pages sur les sites genre Fdesouche font circuler nos adresses perso et nos 06 sur leurs forums… Et en face, t’as des gens qui nous défendent en disant que oui, on a bien le droit d’insulter les Blancs, que oui c’est des enculés (rires) alors que c’était pas notre propos. En clair, tout le monde parle de ce qu’il croit avoir lu, et le débat nous échappe un peu. Tout le petit monde de la presse s’agite par principe, parce qu’ils adorent monter sur la table quand on s’en prend à l’un d’eux. La Halde est saisie, Gasface arrive en conseil des ministres… Ça a du durer 30 secondes, le temps de voir que « ah, en fait c’était juste une blague », rien d’insultant. Malheureusement on n’avait pas de recours possible contre le boycott – illégal – il aurait fallu poursuivre en justice tous les kiosquiers de France. Dans ce contexte, on n’avait plus aucune garantie d’une distribution normale de notre titre, on a donc fait le deuil du magazine assez rapidement.

 

…Et vous changez radicalement de concept, vous aviez déjà votre projet de New York Minute en tête ?

 

Il se trouve que Silvain Gire – le boss d’Arte Radio – nous avait envoyé un courrier très sympa pour s’abonner. Il aimait beaucoup le magazine et il voulait discuter d’une collaboration. Du coup on était déjà allés chez Arte avant la publication du 6, et c’est comme ça qu’on a embrayé avec New York Minute. On trouve le concept en reprenant cette expression – la New York minute – qui est assez méconnue en France. Ca veut dire qu’en une minute là-bas, tout peut arriver, pour le meilleur et pour le pire. C’est une sorte de 4ème dimension, c’est spécifique à New York. On est montés dans le métro, ligne 8 direction Arte, avec ça en tête. De là on pense à différents thèmes, aux gens qu’on connaît sur place, ceux qu’on ne connaît pas encore et dont l’histoire nous parle… En arrivant au terminus, on avait tous les épisodes de la mini-série sur un bout de papier.

 

Le passage à la vidéo se fait naturellement ?

C’était un moment un peu béni car à l’époque le webdoc débute et personne ne sait vraiment comment s’y prendre. Le format est à inventer, du coup Arte n’intervient quasiment pas dans l’écriture et nous laisse une grande liberté. Pareil pour la boîte de production, on a géré le tournage et la post-prod nous-mêmes. Dans un contexte traditionnel, cette opportunité n’aurait jamais été donnée à deux types qui viennent de l’extérieur. À la télévision par exemple, personne ne nous aurait filé les rennes. Le timing était bon.

 

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À la technique vous êtes irréprochables pour un duo de débutants…

 

Pour l’écriture et les interviews, on avait déjà du métier, on s’appuie sur ces bases… À l’image on n’était pas tout seuls, ce n’est que sur LOOKIN4GALT qu’on est partis tous les deux. Pour New York Minute, on avait une petite équipe. En chef-opérateur on avait dégotté Edward A. Roberts III parce qu’on kiffait son travail. Il avait fait le clip de « Mac 10 Handle » pour Prodigy qui était classé parmi les meilleures vidéos de la décennie 2000 par Complex. En fait c’était son projet de fin d’étude ! Il fait partie de ces gars qui après l’époque MTV ont fait des clips moins chers mais plus tordus, plus libres avec des Canon ou des Panasonic, montés en 35mm… Prodigy était le fer de lance de cette révolution, et Al Roberts faisait ces images. On lui a proposé, il a accepté et c’était mortel. Du coup entre lui à l’image et l’équipe de Arte Radio au son, on avait une certaine assurance au niveau technique. Pour Helltrain, on est parti avec Emile Darves-Blanc qui a bichonné l’image.

 

Pourquoi New York ?

 

On est passionnés de hip-hop. Quand tu t’intéresses à une culture si riche, elle te permet de toucher à un paquet de trucs différents ; quand tu as la chance de grandir à cette époque, que tu peux t’ouvrir à autant de musiques : la soul, le jazz, les débuts de l’électronique… Ça nous paraît être une évidence, New York c’est la source de tout ce qu’on aime, de tout ce qu’on connaît.

A l’époque du magazine, on s’est jamais demandés quand est-ce qu’on va ailleurs, mais plutôt quand est-ce qu’on y retourne (rires) ? On est sans arrêt en train de creuser là-dedans, même si on ne pensait pas faire trois films de suite là-bas.

 

Tu penses que vous pourriez transposer à une autre ville ?

 

Ouais, pourquoi pas Atlanta, Los Angeles… sans problèmes. On avait même un projet sur Londres à un moment donné, ça nous parlait bien mais à deux semaines du départ on s’est lancé dans Lookin4Galt…

Pour être honnête, à l’époque de New York Minute – ça peut paraître bizarre de dire ça – mais quand on roulait dans notre van, j’avais l’impression qu’on possédait cette ville, qu’elle était à nous, dans notre poche… Alors que je n’ai pas du tout cette impression quand je suis à Paris (rires) !

 

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Ni même chez vous à Lyon ?

 

Il n’y a rien à posséder à Lyon (rires) ! Non, c’est autre chose. Ce n’est pas pour dénigrer mais à New York on a l’impression d’être connectés. Comme si on avait des antennes dans le sol et que tout nous parlait.

 

Arte décrit Hell Train comme un documentaire à l’écriture hip-hop, c’est quoi l’écriture hip-hop ?

 

Le hip-hop est devenu très riche, il y a plein de branches différentes, plus de branches qu’au commencement… Ce qu’on a fait avec LOOKIN4GALT, c’est un assez bon exemple. On aurait pu faire un portrait de Galt MacDermot en disant : « Il est né au Canada, il a appris le jazz…» Non, on a trouvé le prétexte de cette chasse à l’homme, qui nous permettait de faire un road movie à travers l’histoire du hip-hop et plus particulièrement du sample. RZA a dit un jour que le hip-hop n’est pas un genre musical en soi, c’est l’océan où se jettent toutes les autres musiques. C’est la culture du détournement. Ce train va partout, pourquoi pas le peindre, au lieu de ce mur ? Cette platine dans le salon qu’il faut surtout pas toucher, je vais scratcher avec… C’est ce qu’on fait avec Hell Train : on sample Dante, on choppe des nappes de moog mystiques, on cut les néons religieux qu’on a trouvé à Sin City…

Après, on essaye de ne pas être dogmatique et de faire ce qui nous parle. Dans le mag, on n’a jamais mis de pages graff, on n’y connaît rien en break… Alors on n’allait pas tricher ou se forcer à en parler. À la place, on allait voir le travail de Mike T, les comics de Ron Wimberly, les livres de Pelecanos, on creuse le cinéma, le basket, Stax, Bob James… C’est le monde du Kungfoutre. On n’a jamais vraiment revendiqué l’appellation hip-hop, on n’a jamais prétendu détenir la vérité sur ce sujet, on n’a jamais fait la police du rap, ni aucune chronique par exemple. C’est juste une évidence, on vient de là, on a grandit avec ça. C’est la bande-son de notre vie, on fait ce qu’on veut avec.

 

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Le discours de Bodega Bamz, rappeur new-yorkais, est le seul que vous avez entièrement écrit, il est en effet bourré de références, du Biggie, du Tribe Called Quest…

 

Tribe ? Quand ça ?

 

« Envoie ton CV à Seamans Furniture »…

 

Ah ouais ! J’avais zappé… Ça sort sans trop y penser, un peu partout dans l’écriture. Mais si tu fais attention, dans New York Minute il n’y a pas une seule chanson de rap, à part celle de G-Dep à la fin de la version TV. Le truc est déjà tellement rap à l’image que c’est impossible d’en rajouter à l’audio. Même chose pour Hell Train : la seule exception c’est Mobb Deep, dans l’intro. Sinon, on est allés chercher des vieux sons de synthés chez Caldara, Bob Margouleff et Malcolm Cecil, Walter Carlos, la BO de Shogun Assassin, et même chez la fille de Kubrick, pour ramener des sonorités mystiques, habitées… C’est le chant des machines, les sirènes de l’Enfer.

 

C’est intéressant, vous faites comme une généalogie. Ça rend le tout très humain.

 

Une fois Kurious nous a dit « quand on était petits on voulait être comme Michael Jordan ou comme Azie ». Toute l’imagerie du gangsta rap vient de gens comme Chaz (Williams) ou Azie (Faison). Azie et Alpo commençaient à dealer à 17-18 ans et à 21 c’était déjà terminé. Maintenant, c’est des mecs qui ont pratiquement l’âge de nos parents et ce sont des légendes. Chaz c’est le parrain du Queens. Ce qui le faisait tripper quand il était petit c’était James Cagney dans White Heat. Le gangster des années 30-40 qui tient son pistolet très bas, près de la ceinture. C’est intéressant de voir leurs backgrounds, d’où viennent ces mecs. De voir que le père de Chaz a été se battre en Europe et que malgré ça, à son retour, il pouvait pas pisser au même endroit que les autres… Chaz a voulu s’affranchir de ce système et de ses lois, faire selon ses propres règles. Il a exercé sa liberté, en payant un prix que très peu de gens sont prêts à payer. C’est la liberté pour de vrai, pas celle où tu fais semblant de choisir, et de décider « librement » que tu vas aller dans le sens du courant.

 

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Pourquoi Dante ? Pourquoi faire de New York un enfer de fous ?

 

A New York on va forcément remarquer ce qui diffère de chez nous. L’hostilité, la dureté des rapports, l’expression sur la tête des gens. Le sacré toujours collé au profane, tous ces parcs hantés, toutes ces églises, ces néons, ce décor gothique et glacial, tu peux le voir un peu comme l’Enfer. On a essayé de le présenter comme tel, d’assumer pleinement ce choix. Dès le premier épisode on plonge dans le métro, c’est la descente aux enfers avec le sample de Mobb Deep dans les écouteurs…

Il fallait que la ville soit sombre, froide, aliénante. On a enregistré le monologue de Bodega Bamz au Quad Recording Studios. C’est là où Tupac s’est fait tiré dessus, là où démarre la guerre East Coast / West Coast, le parfait endroit pour faire ça. Au quarantième étage, sur fond de Times Square, c’est le cœur infernal de Sin City, le gouffre aux chimères. C’est bleu, glacé et étrange, exactement ce qu’il nous fallait. On s’est aussi beaucoup éclatés sur les éléments sonores, à faire des trains qui ne soient pas du tout réels. Notre métro est un dragon aux écailles de métal, pas le métro qu’on prend pour aller travailler. Bodega Bamz est seul dedans, c’est un véhicule imaginaire. On a mis des sons de navettes spatiales, on a enregistré des heures de silence dans des Églises de toutes les tailles…

 

Pourquoi vous avez choisi Bodega Bamz pour narrer l’histoire ?

 

On voulait quelqu’un qui incarne vraiment cette vie-là, quelqu’un de tiraillé entre le gangsta rap et la parole divine. Un mec qui s’agenouille et prie tous les soirs et qui en même temps adore le rap et ses à-côtés : les meufs, la drogue… On voulait cette vie-là, ce déchirement, quelqu’un qui est croyant mais qui joue pour l’autre équipe. De son côté, il a toujours rêvé d’être acteur, il avait envie de prouver qu’il pouvait jouer. Nous on voulait caractériser l’Enfer d’emblée, démarrer l’histoire avec un texte précis, et il nous fallait quelqu’un qui ait envie de jouer ce texte-là, et de se l’approprier.

 

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Depuis vos débuts avec New York Minute, jusqu’ici avec Hell Train et en passant par LOOKIN4GALT, on voit la progression de votre écriture qui s’affranchit peu à peu du documentaire pour une forme de fiction et de mise en scène. On se demande un peu ce que vous mijotez pour la suite ?

 

C’est un vrai plaisir d’écrire quelque chose et de le faire vivre comme on a pu faire avec Hell Train. On met de plus en plus de nous-mêmes, de ce qu’on aime, de nos obsessions. Du coup on ne se donne pas trop de limites. Le prochain film, c’est la plus belle histoire de sport jamais racontée… Ca s’appelle « DUB », et c’est la légende du premier français à avoir été drafté en NBA, le premier à avoir ouvert la mer Rouge ! Il s’appelle Hervé Dubuisson et en 1984 il est engagé par les New Jersey Nets, la pire équipe de la ligue… La NBA le veut, elle aura Michael Jordan (rires) !

 

Kevin Durant, la star NBA des Thundercats d’Oklahoma City est parti pendant une semaine à la découverte du basket européen. Après une première étape à Madrid, le joueur était ce week-end de passage à Paris. Au programme, apparition au Carreaux du Temple pour un tournoi d’influenceurs tenu en son honneur, où il a entre autre partagé une séance de shoot avec Mister V.

Prochaine étape, Berlin !

Pour toute une génération, l’hypothèse d’un crossover Marvel/Dragon Ball fait l’objet de tous les fantasmes et de toutes les théories. Pierre-Marie Lenoir, D.A. pour le Vogue.fr s’attaque aux mythes de votre enfance et imagine une visite des héros Marvel, DC Comics et même Conan le Barbare dans le monde de DBZ.

Berlin, Oskaar est sorti de l’ombre après une première reprise du titre « Monument » de Robyn et Röyskopp, qui dévoilait sa voix de baryton et sa conception minimaliste de la musique. Avec son premier titre « I Never Met You », il confirme aussi une véritable vision artistique qui s’exprime aussi bien dans la musique que dans ses visuels. Avant la sortie de son premier EP, prévu dans le courant de l’année, il répond à nos questions.

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Est-ce que tu peux te présenter ?

J’ai pris le nom d’OSKAAR bien que mon prénom soit Guillermo.

C’est devenu mon nom d’artiste car j’étais en quelque sorte obsédé par l’un de mes films d’enfance, « L’histoire Sans Fin ». Il y a cette scène où Bastian doit donner un nouveau nom à l’Impératrice (Moonchild) pour tous les sauver, ça m’avait tellement inspiré que j’ai dit à mes parents qu’au lieu de m’acheter un cadeau inutile pour Noël, je voulais un nouveau nom. J’ai donc ouvert une enveloppe et il y avait le nom Oscar noté sur un papier et du cash. J’ai eu une connexion immédiate et innée avec ce nom. Un peu comme si Oscar était mon âme jumelle et que nous nous étions rencontré pour la première fois.

Je suis un musicien, un chanteur, un producteur et la musique est essentiellement ma vie, je fais donc de la musique pour vivre. Sans ça, elle n’aurait pas de sens.

 

Tu restes un artiste assez mystérieux. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur le genre d’enfant que tu étais ? Avec quel genre de musique as-tu grandi ?

Ma grand-mère a toujours dit à mes parents que bien qu’elle soit supposée aimer tous ses petits-enfants de la même manière, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que j’avais quelque chose de spécial et qu’il devait garder un oeil sur moi. Tout ce dont je me souviens de l’école, c’est que je dessinais des bandes-dessinées toute la journée et que mes professeurs disait à mes parents que j’étais toujours dans les nuages. Depuis que je suis enfant, je savais que je voulais dessiner et faire de la musique, il n’y avait pas de questions à se poser là-dessus. J’avais une très forte intuition et une voix intérieure qui me guide et bien que mes parents n’apprécient pas vraiment l’idée que je devienne un artiste, je savais que je ne pouvais pas faire autrement. J’ai grandi dans un mix éclectique de différents styles musicaux, du Flamenco (mes parents sont des espagnols originaire d’Andalousie) à la soul, rnb et gospel (Erykah Badu, D’Angelo, Kim Burrell, Sade) et beaucoup de Björk. Je pense que si on y prête attention, on retrouve ces influences dans ma musique.

 

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Quand est-ce que tu as décidé de prendre ton envie de faire de la musique au sérieux ?

La musique n’était pas une décision mais une affectation, si je pouvais décider, je choisirais un travail sérieux, stable, sur. (rire)

Pour moi ça a toujours été comme une autre Dimension, une Réalité parallèle secrète où je me suis toujours senti complètement compris, libre et vivant. Puisque ça me faisait sentir comme ça, j’ai toujours sû que je devais suivre les rails sans permettre aux autres de me distraire. C’est complètement fou et pas rationnel du tout, mais c’est la magie et la beauté de la musique, c’est ce qui me nourrit et me guérit.

 

Avec les quelques titres qu’on a eu la chance de découvrir, on peut considérer que tu as un style minimal et nonchalamment profond. Qu’est-ce qui t’as inspiré cette direction ?

Je suis confiant et en même temps très humble parce que je n’ai pas d’influence sur mon inspiration. Quand il s’agit de soi c’est un don sacré qui peut t’être retiré à tout moment. Donc je ne sais pas ce qui inspire mon choix, c’est que je ne veux pas faire quelque chose que quelqu’un aurait déjà fait, sinon il n’y aurait pas de raison de sortir de la musique, non ? A l’étape où je me trouve aujourd’hui en tant que musicien, j’aime m’imposer le challenge de réduire la production mais de la garder efficace. Comme la composition d’une salade qui a peu d’ingrédients mais qui sont parfaitement équilibré. Donc la musique que je fais est un hybride de la soul organique et du son et des beats électroniques futuristes et mon but est de créer un son futuriste mais émotionnel et émouvant, capable de construire un pont sonique entre les deux esthétiques sonores.

 

Comment est-ce que tu transposes tous ça à la scène ?

Avant de monter sur scène, je prie toujours pour pouvoir être ému par la musique d’abord et que ça puisse passer de moi à mon public et peut-être même les guérir à un niveau subconscient. C’est ce que la musique que j’écoute fait pour moi, donc si je peux traduire cela quand je joue sur scène alors je ne peux rien demander de plus, c’est plus grand que moi, c’est plus grand que mon égo.

 

 

Tu es aussi un artiste visuel ? Qu’est-ce que tu veux véhiculer dans tes vidéos ?

Absolument. Dès que j’ai commencé à travailler sur les premières chansons j’ai simultanément eu une Vision du Monde/Dimension, cette chanson respire et prend vie. C’est un endroit éthéré et liquide avec des couleurs violettes et turquoises où on peut partir en chute libre, tout oublier et simplement se perdre dans la musique. En tant qu’artiste, je voulais traduire ce que je ressens dans la musique et traduire ma musique dans un visuel, donc pour cette vidéo j’ai collaboré avec mon ami le photographe et le directeur créatif, Daniel Bolliger et on s’est tout les deux mis d’accord que ce n’était pas sensé être une belle vidéo. Elle devait être un chef d’oeuvre réel, cru et dur. Nous voulons que les gens ressentent la peine et le désespoir et se sente légèrement mal à l’aise pendant qu’ils regardent la vidéo, comme s’ils étaient eux-même attaché et coincé dans cette situation. Toute l’équipe a été émotionnellement touchée plusieurs fois pendant le tournage de cette vidéo et pendant que j’éditais moi-même la vidéo, j’ai encore été touché plusieurs fois parce que Favela Punk (qui apparait dans la vidéo, ndlr) a fait un travail si authentique en transmettant l’émotion que j’ai ressenti ce que j’ai ressenti quand j’ai écris la chanson.

 

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Quand est-il d’une collection de vêtement ?

Je n’ai pas de ligne de vêtement, mais j’aime m’exprimer dans la mode et en fait si vous vérifiez mon Instagram (@oskaardistan) vous allez trouver une photo de moi avec une paire de Nike Huarache que j’ai customisé avec mes ciseaux. Je suis généralement une personne créative et j’ai plusieurs idées et c’est sûrement une question de temps avant que je me lance dans une collection de vêtements ou de sneakers. Pour l’instant j’aimerais collaborer avec un label sur quelque chose.

 

Au long terme, qu’est-ce que tu veux accomplir avec ton art ?

Je veux toucher des gens à plus haut niveau, avoir un véritable échange d’énergie quand je joue sur scène et être apprécié pour les bonnes raisons qui tiennent simplement à la musique et comment elle me fait me sentir, tu sais, chacun perçoit la musique de façon unique et c’est ce qui la rend intéressante. Elle veut surement dire des choses qui sont complètement différentes de ce que j’ai ressenti quand je l’ai écrite. Donc au moment où la musique touche vos oreilles et votre âme, ce n’est plus ma musique, elle devient aussi la votre.

 

 

Tu va sortir un EP cette année. Qu’est-ce que tu peux nous en dire ?

Le concept pour l’EP est de sortir 3 morceaux, 3 remix et 3 vidéos avec 3 performances artistiques qui traduisent ma musique de façon unique et lui donne vie. Je peux aussi vous dire que j’ai découvert deux de ces artistes sur Instagram, que  je suis en ce moment à L.A et que je suis sur le point de tourner 3 vidéos.

Dans quelques jours, je vais sortir le remix de Never Met You et je suis vraiment excité de finalement sortir ces chansons et de voir où elles me mèneront.

 

Si tu ne faisais pas de musique, qu’est ce que tu ferais là tout de suite ?

Il y a deux options : sois je deviendrais illustrateur pour Disney ou je serais un hôte dans un Riad et je vendrais des objets fait-main dans la Medina à Marrakech.

 

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Les veinards qui sont encore en vacances ou ceux qui veulent (ou peuvent) flâner les doigts de pieds à l’air au bureau se délecteront sans aucun doute d’avoir des claquettes aussi pointus que leurs baskets.

S’inspirant sans doute de la série de Cortez « Corduroy » Pack dévoilée cette semaine, le concept a été adopté sur le  populaire modèle de sandale, la Benassi. Comme sur la série de Cortez, elle est déclinée en cinq couleurs : rouge, noir, bleu, gris et khaki.

La Nike Benassi Solarsoft Slide « Corduroy »est disponibles chez tous les revendeurs Nike Sportswear.

Dans l’univers de l’humour français, Mister V fait partie de cette nouvelle vague écrasante qui a investi le web usant de sa webcam, avec pour décor des chambres d’adolescents. Avant de parler avec lui de son entrée dans le monde de la comédie et ses débuts dans la musique, on a voulu lui poser quelques questions difficiles.

Pour fêter les 10 ans de sa marque éponyme, Alexander Wang a trouvé qu’il serait de bon goût de rendre au monde le succès qu’il lui a apporté. Concrètement ça se traduit par une campagne pour la promotion d’un t-shirt et d’un sweat imprimés des mots « Do Something » représentant l’association du même nom, plateforme aux 4 millions de membres travaillant à l’aide sociale pour la jeunesse américaine.
Pour garantir l’écho de sa campagne et ainsi pouvoir reverser le plus d’argent à l’association (50% de la vente de chaque pièce) le designer et le photographe Steven Klein ont immortalisé avec créativité 38 personnalités portant le t-shirt ou le sweat. Kanye West, sa femme Kim Kardashian, A$AP Rocky, son pote Rod Stewart ou autre Kate Moss, Tyga, Jhene Aïko, Pusha T se sont prêtés au jeu de la solidarité.

Sorti le mois d’août dernier aux Etats-Unis, comme un film événement, Straight Outta Compton a rapidement conquis le public américain pour devenir un succès au box-office dès sa première semaine d’exploitation. Bien évidemment, ce long métrage retraçant l’histoire courte mais intense du collectif inventeur du gangsta rap ne pouvait se faire sans un tas de controverses. SOC la chronique qui raconte l’histoire et le dénouement de ceux qui se sont autoproclamés « groupe hip-hop le plus influent de l’histoire de la musique américaine ».

Il aura fallu un film, ce film, pour déterrer un tas d’affaires. Pourtant tout part d’une bonne intention, celle du studio New Line, succursale du géant des médias Time Warner. Habitué des réussites commerciales, la New Line compte à son actif des grands succès du cinéma de ses dernières années tels que la trilogie des Seigneurs des Anneaux, celle du Hobbit, la série Austin Powers ou encore l’intégralité des Rush Hour. C’est en 2009 que le projet d’un biopic de NWA est évoqué pour la première fois par le studio. Un temps prêté à John Singleton (Boyz n the Hood), le sort du biopic est finalement confié à Gary Gray, vidéaste turned cinéaste habitué des fables urbaines. Parmi ses faits d’armes, Friday, film qui a confirmé Ice Cube au rang d’acteur, ou encore Set It Off (1996), le récit de quatre amies de Los Angeles qui s’allient pour braquer une banque, où… Dr.Dre tient un rôle.

 

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Une affaire de famille donc puisqu’on retrouve les deux membres originaux du groupe dans le rôle générique de producteurs exécutifs, autrement dit dans un rôle logique de supervision et de chapeautage de ce qui est leur œuvre, leur mission. Un enjeu important aux yeux d’Ice Cube qui explique : « On essaye simplement de raconter l’histoire du groupe le plus dangereux du monde. On tente de donner tous les aspects de nos vies que les gens ne connaissent pas et n’ont jamais été partagés. On ira dans une direction qui je pense sera plus profonde que n’importe quelle article ou documentaire sur le groupe. »

 

Gangsta Gangsta

 

Paradoxalement, la transparence promise, qui semble être le mantra de l’auteur de « No Vaseline », est justement là ou le bât blesse quelques détracteurs. Et le succès du film n’a fait qu’amplifier ces critiques sur le film, dont les plus cinglantes viendront, logiquement, des principaux concernés par NWA. La première réaction cinglante est l’œuvre de MC Ren qui regretta la minimisation de son impact au sein du groupe à la vue du trailer diffusé dévoilé l’an dernier. Le rappeur réagit de façon virulente par l’intermédiaire de Twitter. Extrait. « Mec, qu’ils aillent se faire foutre a Universal Pictures à me laisser en dehors du trailer en essayant de réécrire l’histoire. C’est ce qui arrive quand tu as des putes qui travaillent sur un film hip-hop mais n’y connaissent rien. Comment peut-on me laisser en dehors de ce projet, après tout. Les vrais fans connaissent mon rôle dans le groupe quand on parle de lyrics. Ne laissez pas ce film vous méprendre sur ma contribution au groupe. »

 

Straight Outta Compton Easy E Heller

 

L’autre grand laissé-pour-compte reste le manager historique, partenaire et ami du défunt Eazy-E, Jerry Heller. Celui qui est dépeint comme un arnaqueur, celui qui a divisé le groupe a multiplié les apparitions dans les médias pour défendre son honneur et contre-attaquer, ajoutant de l’huile à un feu déjà bien crépitant. Heller distribue les phrases chocs, minimisant l’impact d’Ice Cube sur le succès de NWA, sa jalousie maladive envers Eazy-E. S’il nomme Dre comme le vrai artisan de la réussite, il n’hésite pas à égratigner sa réputation de « street guy », appuyant le fait qu’il n’ai jamais été un gangster. En outre de ces déclarations fumantes, l’ex-tête pensante semble faire preuve de sincérité quand il parle de The D.O.C (« Je pense encore que D.O.C est le rappeur le plus pur qui n’a jamais existé ») ou quand il regrette l’apparition de Suge Knight dans leur entourage («Suge Knight marquera la fin du fun dans le hip-hop »). Si beaucoup de choses les opposent aujourd’hui, l’intégration de Jerry Heller dans la conception long métrage aurait sûrement apporté plus de contraste à une œuvre qui semble trop portée par la patte de Dre et de Cube. Des ombres un peu trop imposantes qui cachent certains aspects de leur histoire pas aussi irréprochable que voudrait le montrer le film. Misogynie, homophobie, violence conjugale, le retour du bâton fouette fort les deux protagonistes qui aujourd’hui font profil bas face à ces accusations. Interrogé au sujet des violences sur la rappeuse Michel’le et l’ex animatrice Dee Barnes dans les années 90, Dr.Dre botte en touche. « Il y a 25 ans, j’étais un jeune qui buvait beaucoup trop et j’étais sans structures dans ma vie. Cependant, cela n’excuse pas ce que j’ai fait. J’ai été marié pendant 19 ans et chaque jour je travaille à être un meilleur homme pour ma famille, cherchant a faire le bien. Je fais tout pour ne plus jamais ressembler à cet homme. »

 

The Documentary Fiction

 

Straight Outta Compton NWA 2

 

Pour ces raisons, Straight Outta Compton est un film à prendre avec un certain recul. Par l’omission volontaire de plusieurs évènements, les deux producteurs exécutifs ont voulu en faire une œuvre humanisée, plus politiquement correct qu’ils ne l’ont sûrement été. Près de trois semaines après sa sortie américaine, le film qui a couté 28 millions, en a déjà rapporté plus de 140 sur le sol américain, et s’est même payé le luxe de dépasser Mission Impossible 5 sur sa deuxième semaine d’exploitation. Si le succès du film est le reflet de l’engouement du public pour la légende du groupe, il a été massivement aidé par une stratégie de communication bien pensée. L’opération StraightOuttaSomewhere de Beats by Dre, qui permet à n’importe qui de représenter sa ville d’origine sur un visuel, est devenu un véritable phénomène viral. Encore plus important, la sortie une semaine avant le film de l’album Compton de Dr.Dre après 16 ans d’attente. Un opus qui fait office de bande originale non-officielle qui booste le long métrage par son timing de sortie et l’événement qu’il représente.

Mais si le biopic fonctionne, c’est avant tout par sa qualité. Une chronique efficace d’une tranche de vie commune des différents membres d’un groupe précurseur et fortement attaché à l’histoire de la musique noire comme de l’histoire contemporaine des États-Unis. Le film de Gary Gray est porté par un casting étonnamment solide (mention à Jason Mitchell dans le role de Eazy-E, déjà pressenti aux USA comme un « Award-potential »). Straight Outta Compton a été encensé par la presse et est déjà considéré comme un des meilleurs biopics musicaux des dernières décennies. Une affaire pas si simple dans un genre si spécial et singulier au cinéma. Love & Mercy, sorti en juin dernier qui retrace l’histoire des Beach Boys avec dans son casting Paul Giamatti (Jerry Heller dans SOC), n’aura pas autant marqué les esprits en rapportant seulement 13 millions d’euros au box office.

 

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Alors que le film n’a toujours pas eu sa sortie mondiale, l’idée d’une suite est déjà fortement évoquée. Ce sequel récupèrerait l’intrigue où le premier film l’a laissée en mettant en scène les ascensions des différentes grandes figures de la Westcoast telles que Tupac, Snoop, ou encore Nate Dogg. Une suite à laquelle Ice Cube a déjà démenti y être intégré. Ce qui est certain, c’est que Straight Outta Compton a pour ambition de documenter l’histoire de NWA au plus grand nombre, de façon simple mais subjective. Ce film, par sa forme et certains éléments de son fond, s’approche beaucoup plus de la fiction que du documentaire. Il n’apprendra peu ou pas grand chose à ceux qui sont déjà familiers de leur épopée mais restera un plaisir de deux heures et demi permettant de vivre en « live » l’aventure de l’une des entités les plus subversives de l’histoire de la musique. Et pour ceux qui cherchaient un vrai documentaire rempli de secrets et de révélations, peut-être faudra-t-il attendre la mort de tous les protagonistes pour que ce soit fait…

 

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Hier soir se tenait les fameux MTV Video Music Awards et une nouvelle fois l’un des invités à encore fait quelques étincelles. Depuis 2009 et le fameux incident qui l’impliqua face à Taylor Swift, le rencardant rapidement au statut de « jackass » (dixit Barack Obama), Kanye West ne cesse de briller de façon positive ou négative, lors de cette cérémonie.

L’année dernière, il redonnait du « Imma let you finish but… » à Beck, gagnant du prix du meilleur album de l’année face à Beyoncé, s’attirant une nouvelle fois les foudres de l’opinion public amusée et agacée par son respect de l’artistry. Cette année, les MTV Video Music Awards capitalise une nouvelle fois sur leur poulain en lui offrant le mérité Michael Jackson Video Vanguard, précédemment reçu par Madonna, Beyoncé et Michael Jackson lui-même. Valeur ajoutée ironique, le prix lui sera remis des mains de Taylor Swift. Tous les éléments sont alors réunis pour laisser là Kanye s’exprimer dans toute sa gloire, dans un discours de 10 minutes revenant sur sa première rencontre avec la Texane sur cette même scène, et les conséquences qui en ont découlé. S’en suit l’une de ses habituelles réflexions sur sa personne conclut par une annonce de sa candidature aux présidentiels. Une déclaration à ne bien sûr pas prendre au sérieux.

 

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Pour vous aider à comprendre le fil de son discours jusqu’à son étonnante conclusion, en voici une retranscription :

« Frère, frère, écoute-les. Jeremy, je dois poser ça deux secondes. Tout d’abord, merci Taylor d’avoir été aussi courtoise et d’avoir accepter de me remettre ce prix ce soir. Merci. Et je repense aussi souvent au premier jour où je t’ai rencontré. J’y pense quand je suis dans le supermarché avec ma fille et que j’ai une conversation sur une boisson fraîche… Tu sais. Et à la fin on me dit : « Oh, tu n’es pas si mauvais après tout. » Voilà, j’y pense parfois et ça me traverse l’esprit quand je vais voir un match de baseball et que 60 000 personnes me huent. Ça me traverse un peu l’esprit.

Je me demande, si je devais tout reprendre depuis le début : « Qu’est-ce que j’aurais fait ? Est-ce que j’aurais porté une jupe en cuir ? Est-ce que j’aurais bu la moitié d’une bouteille de Hennessy et donner le reste au public ? Si j’avais eu une fille à cette époque, serais-je monté sur scène et aurais-je pris le micro à quelqu’un d’autre ? Vous savez, ce stade sera complètement différent demain, pour un concert… La scène sera loin. Après cette nuit-là, la scène était aussi partie mais les effets qu’elle a eu sur les gens sont restés.

Le problème était la contradiction. La contradiction est quelque chose pour lequel je me bats pour les artistes, mais dans ce combat, d’une certaine façon, j’ai été irrespectueux avec eux. Je ne sais pas comment dire les bonnes choses, les choses parfaites. Je me suis assis aux Grammys et j’ai vu Justin Timberlake et Cee-Lo Green perdre : Gnarls Barkley et l’album FutureSex/LoveSound. Et Justin, je n’essaie pas de t’afficher, mais j’ai vu cet homme en pleurs. Pour moi, il méritait de gagner l’album de l’année. Malgré ça nous sommes réduits à notre rôle d’entertainers ce soir, comment vous expliquez ça ?

J’ai l’impression que toute cette merde qu’ils préparent sur les beefs comme celui avec Taylor Swift enlève mon droit d’avoir une opinion en tant qu’artiste. En fait, un artiste peut avoir une opinion une fois qu’il a eu du succès. Je ne suis pas politicien mais regardez ça : Vous savez combien de fois MTV a rediffusé l’extrait ? Parce que c’était plus vendeur. Vous savez combien de fois ils ont annoncé que Taylor allait me remettre ce prix ? Parce que c’était plus vendeur.

Je ne comprends toujours pas les remises de prix. Je ne comprends pas comment cinq personnes qui ont travaillé toute leur vie pour vendre des disques, des billets de concert puissent se tenir debout sur un tapis pour être jugées sur le couperet et d’être classées comme perdantes. Je ne comprends pas ça. Je ne le comprends pas les catégories « Le plus grand album » ou « La meilleure vidéo » je ne comprends pas. J’ai été en conflit, je veux juste que les gens m’aiment plus. Mais laisse tomber. 2015, je vais mourir pour l’art, pour ce en quoi je crois, et l’art ne sera pas toujours poli. Vous devez tous penser : « Je me demande s’il a fumé quelque chose avant de venir ? » Et la réponse et oui, j’en ai roulé un petit peu, j’ai arrondi les angles. Je ne sais pas ce qu’il va se passer ce soir, ce qu’il se passera demain mec mais tout ce que je peux dire à mes artistes est : « Souciez vous de ce que vous ressentez en ce moment. » J’ai confiance et je crois en moi. Nous sommes la génération Y gars, c’est une nouvelle mentalité. Nous ne contrôleront pas nos enfants avec des marques. Nous n’enseigneront pas le manque d’estime de soi et la haine à nos enfants. Nous leur apprendront qu’ils peuvent devenir quelque chose et qu’ils peuvent lutter pour eux-même et croire en eux. Si mon grand-père était là maintenant, il ne me lâcherait pas.

Je ne sais pas ce que je vais perdre après ça, ça n’a pas d’importance de toute façon parce qu’il ne s’agit pas de moi. Il est question de nouvelles idées, de personnes avec des idées, des personnes qui croient en la vérité. Et oui, comme vous pouvez le deviner, à présent, je décide qu’en 2020, je serai candidat à la présidence. »

 

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Adepte des mélanges, le graphiste canadien Dead Dilly, s’exercait déjà il y a quelques années en réinventé le maillot de foot à travers le regard de différente maison de couture.

Depuis quelques semaines, se sont deux univers plus proches mais à la rivalité plus vive qu’il décide d’entremêler en imaginant des modèles de sneakers hybrides qui tiennent leur identité de Nike, adidas et Reebok.

Les néo-zélandais Anthony Clyde et Daryl Neal on conçu une moto tout-terrain entièrement alimentée par l’électricité. Le UBCO 2×2 Utility Bike se recharge en quatre heures grâce à une batterie 40 Ah Ion Lithium d’une autonomie de 100 kilomètres. Un modèle personnalisable et léger (50kg), capable de supporter un poids de 200 kg  que vous pouvez d’ors et déjà précommander sur le site de UBCO. Prix sur demande.

Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Depuis le début du YARD SUMMER CLUB, vous avez pu le retrouver derrière ses platines. Ce résident du Twenty One Sounds Bar à Paris, jongle entre rythme afro-caribéen, r’n’b, hip-hop, trap et electro. Récemment, il sortait les mixtapes Trill Summer et Purple Chill et pour la première fois, il nous délivre un mix
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Gravez – All These Girls
Mike Will Made It Ft. The Weeknd, Swae Lee & Future – Drinks On Us (starRo Remix)
Asap Rocky ft SchoolBoy Q – Electric
Berner ft Young Thug, YG & Vital – All In A Day
Kanye West – All Day
Booba ft Mavado – Ratpis
$1 Bin ft Goldie Glo – T.U.B (Yeah Hoe)
Ty Dolla $ign ft. Future & Rae Sremmurd – Blasé
Young Thug ft Yo Gotti – Rihanna
K Camp – Po Up Go Up
Travi$ Scott – Antidote
Partynextdoor – Recognize (Promnite Remix)
Vic Mensa ft Kanye West – U Mad (Jersey Remix)
Kendrick Lamar – Alright
OverDoz. ft A$AP Ferg – Fuck Yo DJ (Remix)
Machine Gun Kelly – Till I Die
Rich Homie Quan Ft Lil Boosie & PeeWee Longway – 1500
Young Thug ft. T.I. and Boosie BadAzz – Cant Tell
Wiz Khalifa – No Permission
Bryson Tiller – Don’t

Après avoir récemment réalisé une collaboration footwear avec Vans, Patta propose cette fois une tenue pour compléter son attirail. Le célèbre label hollandais s’est allié au géant américain du jean pour confectionner une collection automnale sous le signe du prêt-à-porter urbain.

A la vue des différents produits, on peut voir l’influence des deux parties : les produits iconiques de la marque de San Francisco tels que la chemise Western, la Trucker Jacket et l’indémodable 501 sont mêlés à la veste longue ou à la casquette 5 panels, caractéristiques du style de Patta. En plus d’un traitement spécial, certaines des pièces ont pris une apparence délavée, proche du tye and dye rappelant l’affinité des deux marques pour les années 90.

Une collection disponible dès le 5 septembre prochain au sein de la boutique Patta située à Amsterdam et sur son shop online.

Hoodie, t-shirt, maillot et snapback YARD seront disponibles en boutique et en exclusivité auprès de la boutique Blackrainbow au 68 rue des Archives, 75003 Paris. Si vous n’êtes pas à Paris, nos produits seront bientôt disponible sur notre Shop.

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Tout l’univers de Westeros s’installera au Carousel du Louvre du 8 au 12 septembre, pour une exposition gratuite sur la série Game of Thrones. Le magazine Telerama dévoile les détails de cette exposition éphémère des costumes et des accessoires de la série, ou quelques animations seront prévues. Tout les détails et conditions d’accès sont expliquées ici.

Qui n’a jamais eu l’envie de tout casser lors de la rentrée avec des sapes et une paire qui marqueraient les esprits dès le premier jour d’école. En cette période de fin de vacances, c’est sur cette corde sensible de notre enfance que Foot Locker appuie sa nouvelle campagne et présente ses nouveaux produits.

 

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« Don’t Go Unnoticed », que l’on peut traduire par « Ne pas passer inaperçu», présente plusieurs sneakers tendances de marques différentes qui devraient être les hits de ces prochains mois. Et pour ne pas passer inaperçu à la rentrée, Foot Locker fait le pari du rouge et du noir pour travailler avec élégance et faire bonne impression autour de soi. Parmi ces modèles, on trouvera les incontournables du moment comme la Roshe Run ou la Tubular, des indémodables comme la Stan Smith, et la Air force 1, ainsi que des nouveautés comme la Air Max Tavas.

 

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Au sein de la rédaction, ce sont la Air Max Tavas et la Jordan I Flight 3 qui ont suscité le plus d’enthousiasme. La sobriété et la simplicité de la Jordan I ainsi que le flow et l’originalité de la Tavas ont définitivement fini de convaincre notre équipe.
La Jordan I, classique parmi les classiques, prend une nouvelle dimension en arborant une robe monochrome noire qui lui confère une discrétion et une efficacité idéale pour être stylé au bureau. Moins établie dans le monde de la sneakers que la « J‘», la Air Max Tavas se rattrape néanmoins par sa shape inhabituelle et sa dualité mêlant un côté lifestyle et un côté running qui colle aux tendances actuelles. Un modèle qui nous semble être la paire parfaite pour marquer les esprits un premier jour d’école.

 

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Jordan

 

 

Les Nike Air Max Tavas Red (119,99€) et les Jordan 1 Flight 3 Noires (99,99€), ainsi que tous les autres modèles de la collection «Don’t Go Unnoticed » sont disponibles dès maintenant dans les magasins Foot Locker. Pour plus d’informations sur la collection et les nouveautés à venir, vous pouvez suivre Foot Locker Europe sur leur Instagram, Twitter et Facebook

Plus d’informations sont disponibles sur la page FacebookInstagramTwitter ou encore Youtube

#DontGoUnnoticed

Incontestablement l’homme de ce début de saison au Paris Saint-Germain avec déjà deux buts au compteur, Blaise Matuidi s’installe encore un peu plus comme l’un des incontournables du milieu de terrain parisien. Deux buts et deux danses du charognard, un clin d’œil au rappeur Niska sur lequel il revient pour YARD ainsi que sur son impact sur la jeunesse des banlieues françaises. 

Comment tu découvres qu’un rappeur, Niska, a fait tout un refrain sur toi ?

Comme tout le monde je pense, sur les réseaux sociaux. Puis un ami m’en a parlé et m’a dit : « Va jeter un coup d’œil, sur un morceau (« Freestyle PSG », ndlr) on t’a fait une dédicace. » J’ai regardé et ça m’a fait rire. Ça fait plaisir parce que tu te dis que c’est un mec que je ne connais pas, mais il me fait quand même une petite dédicace parce qu’il apprécie ce que je fais et le terme « charo » (désigne une mentalité que nous avait expliqué Niska dans une interview) reflète un peu ce que je suis sur le terrain. C’est un honneur qui témoigne que ce que tu fais dans ton métier, les gens, notamment les jeunes de banlieues, le remarquent.

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Par ta proximité avec le public et ton parcours, tu es devenu la véritable icône street du PSG. Est-ce que c’est une volonté ?

C’est surtout qu’il n y a pas beaucoup de joueurs qui sont vraiment issus de Paris. Pour moi c’est important d’en être l’ambassadeur mais surtout de ces jeunes même si les stars du club les intéressent aussi. Je veux que lorsqu’ils voient une star, non je n’aime pas ce mot-là, un joueur reconnu qui est issu de banlieue comme eux que ce soit un exemple. Ma réussite dans mon métier n’a pas été facile j’ai dû travailler, un charognard c’est quelqu’un qui lâche rien et c’est un peu ce que je suis.

Quels sont tes artistes du moment et les morceaux que tu écoutes avant de rentrer sur la pelouse ?

Je n’ai pas d’artistes préférés, j’écoute un peu de tout : du r’n’b, de la house, du rap. Pour la motivation avant les matchs, ça m’arrive d’écouter du Niska. Ça me met bien !

T’es d’origine angolaise, restes-tu lié à cette culture-là ?

La danse (rires) ! Bien sûr, je suis le plus jeune de la famille, on est cinq. Mes parents sont nés là-bas, ce sont mes racines et je les transmets à mes enfants. Pour moi c’est quelque chose d’enrichissant et de très important pour nous, je suis heureux qu’on me l’ait partagé et j’espère que mes enfants le partageront à leur tour.

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Photo : Stéphane Nam Kunn

On a tous vu passer les fameuses box de weekend insolites offrant de réaliser un des rêves d’enfant les plus répandus : dormir dans une cabane dans les arbres.
Si la réalisation de ce concept est devenu trop populaire à votre goût, l’institution suédoise Treehotel monte le standing de ces fameuses chambres logées dans les hauteurs de la forêt. Des habitations presque irréelles tant se fait sentir la contradiction entre le naturel de l’environnement et la perfection de la construction humaine. Les photographies rendent compte très concrètement de ce que l’on peu s’offrir pour environ 1000 euros le weekend.

Énervé, c’est le ton des chroniques de Matthieu Longatte baptisées comme le tout premier roman de François Sagan, Bonjour Tristesse. Énervé, c’est aussi le constat de la misère sociale installée par l’incompétence des politiques qui nous gouvernent que dénonce l’auteur. Enfin énervé, c’est le succès qu’il rencontre avec une centaine de milliers d’abonnés sur sa chaîne You Tube et des vidéos qui culminent à près de 400 000 vues. Entretien avec Matthieu Longatte pour comprendre les raisons de la colère.

Photos : @samirlebabtou

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Tu as un parcours un peu particulier, tu as commencé une formation d’acteur assez tard non ?

En fait je n’ai pas fait de formation d’acteur à proprement parler. J’ai commencé l’improvisation théâtrale au collège et j’ai été repéré par les juniors de Trappes. C’était l’équipe championne de France à l’époque, donc on avait deux entraînements par semaine et on participait à un championnat. Je crois que j’ai perdu un match d’impro sur quatre ans avec eux donc on était une bonne équipe. Il y avait surtout de bons formateurs : Papy, Arnaud Tsamère qui a été mon premier prof… Et après, j’ai pu me former à l’actering mais ce n’était pas du tout dans un truc conventionnel, c’était avec Djinn Carrenard (pour le film Donoma, ndlr) parce qu’il a un rapport au jeu très particulier. Il veut amener un truc vraiment naturel. Et c’est avec lui que j’ai travaillé le côté acteur, sachant qu’en fait c’était diamétralement opposé au côté improvisation théâtrale où tu restes toujours dans la caricature. Et c’était intéressant de toucher au cinéma pour ça parce qu’au final, moins tu en fais et meilleur tu es, alors que c’est souvent l’inverse en improvisation. Mais voilà, ce sont ces deux aspects-là qui font que j’ai ce qu’on peut appeler une formation.

Concrètement qu’est-ce que t’ont apporté Arnaud Tsamère et Papy ?

Arnaud Tsamère, ça a été un peu particulier. Parce que du coup, ça a été mon premier prof au collège à Elancourt. J’avais déjà un côté théâtral, j’étais une tête de con, j’ai toujours été un mec qui aimait bien rigoler en cours. Donc il m’a appris pas mal de choses, notamment à me canaliser, à assumer mon humour et à me rendre compte que j’avais envie de faire du théâtre et du cinéma, et qu’on pouvait le faire sans se foutre la honte. Ce qui est un peu la hantise au collège, lycée. Après Papy, moi je l’ai très peu vu. Il a dû faire un entraînement pour moi et je me suis fait virer de l’équipe de théâtre (rires).

Ah ouais, pourquoi ?

C’est compliqué. C’était l’année du bac, j’essayais d’arrêter le shit, et j’ai bu un coup avant l’entraînement, j’ai fait une blague de trop qui n’a pas plu à mon entraineur, un autre mec qui est devenu connu aussi d’ailleurs, et ce dernier a décidé de me faire virer. Mais oui, passons. Axons-nous sur Arnaud Tsamère. Maintenant il s’est beaucoup « mainstreamé », et ça me déçoit un peu mais à l’époque il a vraiment percé avec son humour Il ne s’est pas du tout tordu à la base il était vraiment dans un humour absurde très particulier, qui n’était pas fait pour être populaire. Et franchement il a été têtu jusqu’à ce que ça marche et il a mon respect pour ça.

Tu as eu un long parcours universitaire ?

Ouais, mais j’étais très peu là, j’étais un mec des exams. Dans les matières littéraires j’avais de vraies facilités mais pas du tout dans les matières scientifiques. Pour tout ce qui touchait les chiffres, j’étais vraiment un bon à rien. Ca ne m’intéressait pas beaucoup, à part les probabilités. J’ai quasiment des tocs avec les probabilités, je calcule tout en « proba ». Sauf que mes « probas » sont fausses, mais j’ai gardé l’âme des probas (rires). Ensuite j’ai eu un long parcours, mais j’ai mis pas mal de douilles. Et puis c’est un peu n’importe quoi parce que j’ai fait deux ans de commerce à l’IUT dans le 92, après j’ai fait une troisième année en science-po à la fac parce que je ne savais pas quoi faire. Mes inscriptions, même pour l’IUT, ce n’est pas moi qui les ai faites, c’est ma copine de l’époque. Après mon père en avait marre de me voir dans son canapé donc il voulait que j’arrête les études. Alors qu’à la base on était forcé de faire des études chez moi. Il me disait : « Je préfère que t’ailles travailler plutôt que de te voir tous les jours dans le canapé. » Du coup pour le détendre, je me suis dis je vais faire deux BAC +4. Pour ça j’ai réussi à escroquer une secrétaire en fait et j’ai commencé le droit en 4ème année. Et ça c’est un joli coup. Après j’ai une cinquième année de droit des nouvelles technologies, mais c’était assez axé droit d’auteurs et du coup ça prenait presque du sens avec mon parcours artistique parce qu’il y avait pas mal de contrats de droit d’auteur.

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À quel moment tu t’es dit que tu allais entrer dans le monde de la comédie et de l’acting ?

Il y a eu plusieurs étapes. À l’époque où j’ai quitté le théâtre et les juniors de Trappes, à 17 ans, il n’y avait pas grand chose. On nous valorisait vachement, on était l’équipe championne de France, on nous moussait pas mal… Mais à 17 ans on était un peu dans un mur où ça y est, on ne nous disait pas de dégager, je caricature, mais on ne pouvait plus rien pour nous quoi. Alors qu’il y avait une structure qui vendait les spectacles avec les adultes, mais on laissait peu de places aux jeunes qui étaient pourtant la vitrine de la compagnie.

Donc on a monté une « asso » nous-mêmes, en mélangeant ceux qu’on considérait comme les meilleurs éléments de deux générations. J’ai fait que des faux stages dans ma vie… Et mon premier faux stage c’était pour cette association-là, en DUT. J’ai vendu des spectacles dans les café-théâtres et du coup on a joué trois mois. Au bout de trois mois, on s’est rendus compte en passant des auditions face à des gens qui avaient des textes écrits qu’on arrivait à passer ces auditions en impro. On croyait beaucoup en nous. En plus dans l’équipe on était vraiment des gens différents, qui venaient de milieux différents, et il y avait vraiment un délire. Du coup on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire. Et la Coupe du Monde 2006 a eu raison de nos espoirs, parce qu’on a eu du mal à mobiliser l’équipe pour le jour de France-Brésil, et l’été arrivant… Bref. Après on n’a pas relancé le truc. Mais à ce moment-là on a compris déjà qu’on pouvait faire des choses. On manquait d’organisation et de motivation pour certains et moi c’est particulier parce que j’avais 18 ans à cette époque-là, mais je traînais plus avec des gens de 23-25 qui n’avaient pas fait d’études et qui du coup savaient qu’ils étaient sur des trucs où il fallait qu’ils bossent quoi. Donc ça a un peu explosé.

Après c’est deux-trois ans Djinn Carrenard, que j’avais croisé une ou deux fois dans ma vie, m’appelle en me disant qu’il avait pensé à moi pour un rôle. C’était très différent, ça m’a fait mettre un pied dans le cinéma et par le parcours de Donoma, qui est un film que j’aime vraiment beaucoup par sa qualité, on s’est rendu compte que c’était possible de mener loin un projet artistique sans argent.

Puis il y a un moment où tu en as eu marre d’être seulement interprète et que tu as l’envie d’être auteur.

Il n’y avait pas énormément de propositions déjà. C’est à dire que j’étais un gamin aussi. Je ne voulais pas faire de bande démo, je ne voulais pas prendre d’agent, j’étais horrible, j’étais le Mélanchon du cinoch’. J’étais dans le dégeu mentalement. Je disais « nique », si on est bons, appelez-nous quoi. Ou on n’était pas bons, mais on ne nous a pas appelés en tout cas (rires). Avec Donoma, on a été plusieurs à beaucoup appuyer le projet et à le porter avec Djinn Carrenard. Pendant cette période là je me suis rendu compte que les interprètes étaient vraiment dépendants des auteurs en fait. Tu ne pouvais jamais être indépendant en tant qu’interprète parce que tu étais toujours dépendant des rôles, dépendants de ceux qui écrivent, de ceux qui créent la matière artistique. Donc il y a eu une prise de conscience que même en travaillant pour un indépendant, tu n’es pas indépendant en fait… Tu es dépendant d’un indé. Et c’était un peu le coup de la dernière chance aussi, parce qu’il fallait que je gagne ma vie. J’avais 27 ans, j’avais des diplômes, j’avais l’envie de faire de l’art, mais ça n’a jamais été une fin en soi. Je m’en fous un peu d’être artiste quoi. J’ai toujours dit que je préférais être un bon avocat qu’un mauvais artiste. Il y a peu de choses que j’aime bien et si c’est pour faire de la merde, je préfère vraiment faire autre chose. Enfin de la merde tout est subjectif. Les autres font ce qu’ils veulent et si ça se trouve ce sont eux qui ont raison. Et du coup il y avait ce côté là de dire, ça y est, tu sais quoi, c’est cette année.

Bonjour Tristesse est un programme écrit ou de l’impro ?

Plus de 90% de ce qui est dit est écrit. Après, c’était naturel. Je suis un mec qui traite sa télé. J’allume ma télé, je traite, je traite… Je suis un beauf ! Dans l’univers de l’intime, je suis un vrai beauf, j’essaie de me canaliser dans l’espace public. Mais j’ai toujours été très politisé. J’ai toujours eu de la haine pour les politiques, enfin très jeune en tout cas.

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Tu viens d’une famille très politisée aussi ?

On débattait et on s’embrouillait beaucoup à table. Il y avait vraiment différents points de vue dans ma famille. Il n’y avait ni extrême droite, ni extrême gauche, mais sinon il y avait tout le reste je crois.

Petit aparté, qui je pense prend tout son sens dans l’esprit du programme qu’on décrit, tu es aussi un vrai supporter de Paris, c’est ça ?

Ouais je suis un vrai supporter de Paris. J’ai cru que j’allais devenir pro vite fait, six mois. J’ai été repéré par le PSG alors que j’étais fan. Mais moi, c’était de l’ordre du TOC quand j’étais petit, j’avais des copains et tout, mais sinon c’était lecture-football-lecture-football. Au début de la Coupe du Monde 94, je disais : « Je suis pour les blancs ou je suis pour les bleus. » À la fin je connaissais les noms de tout le monde, j’ai pleuré quand Baggio a raté son péno (lors de la finale face au Brésil). C’était le début de la folie qui a duré une bonne dizaine d’années.

Et je me suis fait repérer, je jouais pieds nus sur la plage, comme dans un rêve ! Je me disais que quelqu’un m’avait organisé une caméra caché. Je disputais un tournoi de plage et il y a un mec qui vient en Vendée qui me dit : « Tiens, je suis recruteur au PSG, viens faire un entraînement cette année. ». Je suis parti faire l’entraînement, j’étais trop faible. Il a dit, ça va être limite pour l’équipe 1, peut-être l’équipe 2. En gros, c’était trois entraînements par semaine. Ma mère a dit, pas du tout, oublie tout de suite, si t’avais été titulaire indiscutable, on aurait pu en parler. Fin de dream.

Une question de vrai supporter parisien, comment tu as vécu toi le plan Leproux ?

Déjà quand j’étais petit, je me souviens très bien des mecs de la tribune Boulogne qui étaient dos au match. Je demandais à mon père : « Mais pourquoi ils ne regardent pas le match ? » C’est un truc que je ne comprenais pas. Il y avait une bêtise prégnante et un vrai racisme, du moins du coté Boulogne, qui étaient dérangeants. Surtout quand on en vient à se battre entre supporters d’un même club et qu’il commence à y avoir mort d’homme, je pense qu’il était temps de faire quelque chose. Après ils ont eu beaucoup de mal à trouver un juste milieu et ils ne l’ont pas encore trouvé.
C’est vrai que maintenant c’est l’horreur le Parc. Moi je me rappellerais toute ma vie de la première fois où j’y suis allé. Quiconque allait au Parc, il y a plus de 5 ans, se rappelle de sa première fois. Le côté arène, le côté ambiance, c’était unique. La dernière fois que j’y suis allé, c’était un match face à Bordeaux, j’entendais plus les supporters Bordelais que Parisiens.

Hélas, l’autre problème est plus qatarien que Leprouesque, c’est le prix des places. On va commencer à tirer vers un modèle à l’anglaise qui ne me plaît pas quoi. C’est à l’opposé de ce que devrait être pour moi l’aspect populaire du foot. Donc je ne sais pas. Je trouve qu’il fallait faire quelque chose mais ils en font trop.

Une question à laquelle pourrait plus répondre un podcast de Bonjour Tristesse : comment tu as perçu l’arrivée des Qatariens à Paris ?

Il y a plusieurs éléments. Je ne suis pas un gros fan du Qatar en général, après en France tu as une espèce de suspicion islamophobe en fait. C’est-à-dire qu’à partir du moment où ça vient d’un pays arabe ou du Moyen-Orient, il y a suspicion de base. On n’aime pas. La gratuité du truc m’a choqué parce que les remarques qui pouvaient être faites n’étaient jamais expliquées par des faits. La question n’était même pas de savoir d’où venait le pognon. C’était le Qatar, on a trouvé le problème. Après c’est vrai qu’en toute honnêteté, je me suis un peu arrangé avec ma conscience en tant que supporter. Ils ont acheté ma conscience politique avec Ibra (rires).

Du coup Bonjour Tristesse c’est ça ? Un supporteur un peu beauf avec cet état d’esprit PMU, le tout lié à une conscience politique totalement exacerbée.

Ouais, c’est un peu ça. Après je te dis, il y avait vraiment la volonté d’essayer de faire un truc – si je dis « un truc intelligent » c’est prétentieux– mais quelque chose de travaillé sur le fond avec une forme populaire.

Alors que la tendance est à l’inverse, c’est sur la forme que c’est extrêmement travaillé et sur le fond, ça reste plus populaire.

J’ai essayé de faire l’inverse. Bah ça me paraît plus intelligent, je vais pas me la raconter, genre sous-fifre de Molière ou quoi, mais c’est vrai que pour moi le fait d’essayer de faire apprendre des choses ou d’éduquer par le rire, c’est quelque chose qui me parle. J’ai du mal intellectuellement avec l’humour purement gratuit, je préfère quand il y a du fond, on peut à la fois se divertir et en plus s’enrichir. Et au-delà de ça, c’était aussi pour moi une manière de me court-circuiter au niveau de l’écriture. C’est-à-dire que j’ai vraiment du mal à me mettre dans la tête d’un clown, à me dire : « Hey tu sais quoi ? Sois marrant. » Du coup, pour me couper de cette angoisse-là, j’ai toujours besoin de me dire : « Nique, si ça fait pas marrer les gens, pour le coup avec Bonjour Tristesse, ils auront eu leur revue de presse. » Ils auront eu au moins un point de vue subjectif, mais travaillé et argumenté sur certaines visions de la politique.

Bonjour Tristesse est un format qui ressemble un peu à l’humour des pastilles vidéos de Dieudonné ?

C’est vrai à différent niveau en fait. Déjà, Dieudonné c’est quelqu’un qui m’a fait beaucoup rire, vraiment. Et je pense qu’il avait et qu’il a encore un talent énorme, même s’il fait beaucoup moins rire, voire pleurer par son antisémitisme obsessionnel. Je suis peu friand de ses vidéos sur Internet. Et je ne lui pardonnerais pas d’avoir fait voter les jeunes de quartiers pour le Front National. Ça et d’autres choses. Un jour j’ai été le voir chez lui dans la salle à côté de là où il habite, c’était glauque, ambiance horrible, il a commencé le spectacle avec trois heures de retard pour pouvoir vendre des sandwiches et des t-shirts, il a fait virer un mec qui disait juste qu’il entendait mal en expliquant que c’était un sioniste, service de sécu chelou, tracts distribués à l’entrée pour expliquer que les chambres à Gaz n’avaient pas existé… Ce jour là je me suis dit : « Plus jamais je ne mettrais un euro dans sa poche. » D’ailleurs je ne lui ai pas mis un euro, c’était gratuit. Passons (rires).

Puis à un moment donné, ça m’a gonflé de me dire qu’il y a une exaspération ambiante qui est réelle et légitime en France et qu’il soit le seul à s’en servir, pas à des bonnes fins. Et je me disais : « Ras-le-bol qu’il y ait un monopole. » En gros le mec a fait une OPA sur l’exaspération en France et ça n’amène pas les gens à de bonnes choses. Il part souvent de bonnes critiques pour amener à des solutions complètement débiles. Donc je me disais qu’on peut essayer de partir de bonnes critiques et essayer d’amener à des choses qui ont peut-être une plus grande moralité, un peu plus humaniste.

Vous vous rejoignez sur ce constat de ras-le-bol ?

Ouais on se retrouve sur ce ras-le-bol. Après moi je n’ai pas d’obsession, de traumatisme et de rage. Ce qui rend mon truc moins orienté quoi, plus ouvert. Après il y a une certaine rage qu’on peut comprendre aussi. L’ostracisme qu’il a subit après son sketch (performance qu’il a donné dans l’émission On ne peut pas plaire à tout le monde), la violence de ce truc-là était, pour moi, complètement illégitime. Et même s’il était peut-être antisémite à l’époque, il n’y avait rien qui me permettait d’en juger. Ça ne méritait pas cet ostracisme médiatique, d’autant plus qu’il a gagné son procès pour ce sketch, on allait jusqu’à lui jeter des bananes sur scène en Martinique. Il a été confronté au 0,2% les plus extrémistes d’une population, mais sur le long terme. Pour moi Dieudo est devenu fou, mais on l’a rendu fou. Je ne pourrais pas mieux résumer mon propos. Je n’arrive pas à lui en vouloir complètement parce qu’il a vécu quelque chose qui en aurait fait « switcher » plus d’un d’entre nous.

Quelles sont tes plus grandes sources d’inspirations dans l’actualité politique actuelle pour écrire tes podcasts ?

Franchement, il n’y a qu’à se baisser mais c’est toujours les mêmes. Si tu regardes bien, Balkani, Sarkozy, Morano, Le Pen… Ce sont des délinquants multirécidivistes, la justice ne veut pas s’en occuper alors je leur organise un petit procès populaire en tâchant de ne pas en avoir moi-même.

Tu commences à réfléchir comme ça ?

Mais si tu regardes bien, Bonjour Tristesse est très peu attaquable. C’est ça qui est beau. C’est qu’on ne peut pas faire plus violent et moins attaquable. Je me cassais le crâne à trouver des formules qui seraient défendables devant un tribunal.

C’est à cause du droit ?

Oui, du coup c’est une déformation qui me vient naturellement. Mais c’est surtout ça le jeu de l’humour. Puis ce n’est pas le but même si parfois ça paraît l’être. Si tu regardes de loin, il y a ce côté : « Allez tous vous faire enculer. » Mais je n’insulte jamais directement, c’est toujours détourné à quelques exceptions près. Parfois il y en a une qui sort en impro et je dis : « On coupe pas nique, on s’en fout. » Insulter ce n’est pas l’humour. Si t’es en mode « Nique ta mère et suce ton oncle », ce n’est plus du travail artistique, c’est la street.

Et tu n’as jamais été attaqué ?

Non jamais. Après il y a deux-trois trucs où il y a la place mais je pense qu’aucun des enculés dont je parle n’a envie de me faire cette pub.

À aucun moment le monde politique n’a essayé de te contacter pour établir un lien avec toi ?

Si on m’a contacté. Mais mon truc est suffisamment frontal pour que même les gens qui ont voulu me contacter y soient vraiment allés dans des petits chaussons. On te demande de prendre une carte, d’assister à des réunions pour parler politique.

Après on ne m’a jamais attaqué. Le premier politique qui m’attaquera, vu que je ne m’attaque qu’aux enculés… Je ne pense pas qu’il ait envie de me faire ce coup de pub. De toutes manières, c’est quelque chose que je pourrais assumer, parce que je ne choisis pas mes cibles au hasard. D’un je suis prêt à aller au combat et de deux, je pense qu’il me fera un coup de pub qu’il n’a pas forcément envie de me faire.

S’il y en a un qui t’attaque, tu deviendrais un Che Guevara d’Internet ?

Et ce n’est pas forcément le but recherché. Mais encore une fois, il faudrait qu’ils aient les bons juristes, parce que quasiment tout ce que je dis est défendable juridiquement. La liberté d’expression, même si on la critique beaucoup en France, elle est quand même assez large et le droit français permet une critique assez forte de tous les personnages publiques et politiques. D’ailleurs la preuve, Nicolas Bedos a dit que Marine Le Pen était une salope fascisante sans être condamné. Ça aurait pu tomber directement sous le coup de la loi.

Pour revenir à la question précédente, quels sont les thèmes de prédilection de Bonjour Tristesse ?

Pour moi c’est une brève synthèse de la baise actuelle. Je sodomise les personnes qui participent à la destruction de l’idéal démocratique. À la base, il y avait vraiment un travail sociologique que je voulais faire. L’année d’avant, en 2013, je me rends compte qu’il y a des baises politiques toutes les semaines. Et je me dis : « C’est beau c’est de la nourriture artistique. » Et mon pari c’était de dire : « Tu verras, je ne lis pas dans le futur, mais c’est tellement des fils de putes que l’année prochaine, il y aura de nouveau des douilles toutes les semaines. » Et franchement, c’est assez triste la manière dont le futur m’a donné raison. Parce que ça part de ce pari-là Bonjour Tristesse, sans ça mes vidéos font trois minutes. Toutes les semaines : tu as les Balkany ou un tel qui est mis en examen mais qui ne vont jamais en prison, tu as telle affaire de viol ou d’agression sexuelle avec des gens qui prennent du sursis…

Tu disais que tu étais feignant lors de tes études, Bonjour Tristesse avec la cadence que tu t’imposes a été structurant pour toi ?

Complètement. C’est d’ailleurs la prétention de Bonjour Tristesse. On en revient à ce que je disais tout à l’heure, le fait que je voulais me rendre indépendant en devenant auteur. Pour moi ça passe par le travail. Effectivement à la base je suis un feignant, du coup je me suis dit que j’allais écrire toutes les semaines sur un an et que je ne pourrais que progresser. Je savais que si je ne me mettais pas la pression d’un public même si c’était pour 200 personnes, je ne le ferai jamais. Je ne pensais pas du tout que ça marcherait, je croyais que ça tournerait vite fait avec mes potes et que ça ferait marrer les gens qui me connaissent. A la base, ça ne part que de l’objectif de m’infliger une discipline d’écriture. Je n’en ai rien à foutre du buzz, ça ne m’intéresse pas. Trop de gens font de la merde en cherchant ce qui plaît au public.

À quel moment tu a pris conscience que cela a commencé à avoir du succès ?

C’est la troisième vidéo. Les sites de buzz sont des feignants parce qu’il y en a un qui a relayé le format et cinq-six autres ont repris derrière dans le quart d’heure. Du coup ça a un peu explosé et je me suis dit qu’il y avait peut-être un truc à faire. J’ai créé la page Twitter, puis la page Facebook et j’ajoutais juste mes vidéos sur YouTube.

Comment as-tu été confronté à tout ça ? Les commentaires, les interactions, les gens qui te reconnaissent aussi sûrement ?

Pour les gens qui me reconnaissent, moi je déteste la notoriété par goût de la liberté. J’aime pas avoir à réfléchir à comment j’agis parce qu’on peut me reconnaître, d’ailleurs je ne le fais pas. C’est surtout en soirée que c’est relou, parce que t’es avec tes potes et tu es toujours coupé entre deux impolitesses. Au bout d’un moment tu veux être poli avec les gens et tu finis par être impoli avec tes potes. C’est ce truc-là qui est casse-couilles. Mais je ne le vis pas si mal. Ça va. Je survis.

Et les commentaires, ça a été, je me sens presque privilégié. Je trouve ça presque injuste, j’en ai des insultes mais par rapport à la violence de ce que j’exprime et par rapport au fait que sur cinq vidéos, j’aborde cinq sujets clivant… Je trouve que c’est injuste. Je vois des gens qui font des trucs qu’on peut trouver nuls mais qui ne sont pas méchants, et qui se font traiter leur mère, menacés et tout.

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Tu sembles vraiment détaché de la popularité et de ce qu’elle engendre ?

Oui c’est vrai, pour moi la notoriété c’est le sida de l’artiste. Tu me rappelles un truc : j’allais sauter les vidéos quand ça a commencé à marcher. En fait, pour être complètement honnête, je l’ai subie. Je ne m’attendais pas du tout à ce que ça prenne avec le public, alors que je ne le faisais pas dans cette optique-là. Ça a quand même pris très vite, je me suis senti dépossédé de ma vie. Tu vois ce que je veux dire. Ce n’est pas moi qui choisis là. On est en train de me dire que je suis quelqu’un et je ne sais pas si j’ai envie d’être un mec qui fait des vidéos sur Internet, parce que ce n’est pas un milieu qui m’attire. Et vraiment d’un point de vue artistique, ce n’était pas malin. Parce qu’en France on a tendance à toujours vouloir tout mettre dans des cases. La case internet, la case télé, la case cinoche… Et moi, même si j’étais dans un microcosme du cinéma indépendant et qu’il n’y avait pas 1 000 propositions, on avait déjà cassé un mur avec Donoma et on était des mecs du cinoche. Donc pour moi stratégiquement, je savais qu’on pouvait y voir une régression. Puis je n’étais pas sûr de vouloir être exposé aussi frontalement. J’ai vraiment hésité un jour et puis j’ai décidé de les laisser. Ouais j’ai peur de la notoriété, enfin, je n’aime pas ça.

Beaucoup de personnes très différentes s’attachent au personnage de Bonjour Tristesse. Comment tu expliques ça ?

Déjà ça reste un personnage même si ça peut m’arriver au moment du dessert si j’ai bu d’y ressembler plus ou moins. Quand c’est moi, je veux convaincre les gens, je vais beaucoup plus travailler mes arguments selon les personnes face à moi pour essayer de comprendre comment elles se positionnent. Tandis que pour Bonjour Tristesse, je n’en ai rien à foutre. À un moment, je me suis rendu compte que je drainais les mecs du Front National. C’est la dernière chose que je veux. Ça faisait trois vidéos que je ne parlais pas du Front National et je commençais à avoir des blaireaux. Donc je me les suis fait, j’ai fait deux minutes sur le Front National dans la suivante, volontairement

Pour moi l’une des leçons du parcours artistique de Dieudonné, il y en a plusieurs, il a prouvé qu’on pouvait se passer des médias, si on y mettait le travail et qu’on avait le talent. Mais pour moi au bout d’un moment, il s’est rendu dépendant d’un public. L’indépendance ce n’est ni être dépendant d’un public, ni être dépendant des médias. Du coup c’est essayer de naviguer entre les médias et ton public pour au final rester libre.

Tu ne crains pas que dans le futur, on ne veuille que du Bonjour Tristesse de toi ?

Je ne me rends pas dépendant des gens. Là ça fait six mois que je veux lancer Bonjour Bonheur, qui sera très différent de Bonjour Tristesse, moins marrant mais à mes yeux plus utile. Je vais plus ou moins faire dons de mes connaissances juridiques aux gens. Encore une fois c’est pareil : si tu regardes bien depuis le début, tu peux aller sur ma page, tu peux aller partout, je n’ai jamais dit à personne : « Regardez mes vidéos et partagez mes vidéos. » Là-dessus je dois être le seul du Net. Et si je ne le fais pas c’est pour pouvoir dire un jour : « Si vous n’êtes pas contents, allez-vous faire enculer, je ne vous dois rien. » Et c’est la vérité. Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas tout mon respect, qu’ils ne m’aident pas à devenir quelqu’un. Mais plus je vais m’attacher à mon public, plus je vais devoir partir d’eux pour faire ce qu’ils attendent. Tandis que moi je veux toujours partir de moi si ça ne marche pas tant pis, je le fais sérieusement. Je respecte les gens à partir du moment où j’injecte un travail sérieux dans ce que je produis artistiquement, point barre.
Après je trouve que j’ai un public très intelligent en moyenne. J’ai organisé une ou deux soirées où il y avait des gens de tous les milieux, de toutes couleurs avec une espèce d’âme commune. Vraiment pour te battre à cette soirée-là, il fallait cracher au visage de quelqu’un. J’aimerais bien garder ce public-là et aussi, j’en ai marre de ces médias télé et du côté le client est roi qui pour moi baise l’art. Ça m’intéresserait beaucoup que les gens comprennent qu’un parcours artistique, ce n’est pas que du calcul, de l’opportunisme et que ça se construit. Pour durer, je pense qu’il faut partir de soi.

Cette problématique-là, elle va surtout émerger par mon envie de monter sur scène. Parce que forcément les gens qui vont venir, je les ai drainés par Bonjour Tristesse et ce n’est pas forcément ce que je veux faire. Du coup, j’étais parti sur l’écriture d’un spectacle mas je ne voulais pas qu’il traite de politique. Puis je commençais à essayer de me forcer à y injecter du Bonjour Tristesse et j’ai lâché l’affaire. Je préfère en écrire deux, quitte à les faire à deux moments différents, plutôt que de me tordre pour les gens.

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Avec la redondance de Bonjour Tristesse, tu n’as pas peur d’avoir fait le tour de la question ?

Pas au niveau de l’écriture, enfin de moins en moins. C’était un gimmick avec mes potes toutes les semaines, depuis la troisième vidéo, je leur dis : « Je n’ai plus rien, j’ai plus de blagues les frères je ne sais pas ce que je vais faire (rires). » Parce que je ne suis pas dans le calcul, même à ce niveau-là. Je ne garde pas une seule de mes punchlines de côté. Je suis un gamin en fait. Je donne tout chaque semaine et je me suis habitué à repartir à poils et à me rendre compte que la veille j’arrivais à réécrire. Donc je suis un peu sorti de cette hantise-là.
Après à un moment donné, je vais prendre moins de plaisir à le faire. Ça a peut-être déjà commencé. Parce que c’est une récurrence importante, une fois toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Je pense qu’au moment où je vais prendre moins de plaisir à le faire, le miroir se fera beaucoup, c’est-à-dire que je ferais moins plaisir aux gens. Je voudrais lancer Bonjour Bonheur et que Bonjour Tristesse devienne un personnage planant, qui reste et dont on sait qu’il peut intervenir. Typiquement, quand il se passe un truc particulièrement chaud, que les gens se disent : « Il y a moyen qu’il y ait un Bonjour Tristesse. » Tu vois ? Qu’il n’y ait plus de récurrence du tout. Un « Bonjour Tristesse is watching you. Bellek. » Ne garder que le kiff quoi.

Et là tu en es où?

Je kiffe encore. Après je pourrais aller chercher plus de plaisir mais c’est pareil : je suis feignant. Je pourrais aller chercher beaucoup plus de choses dans l’interprétation. Il y a des gens qui trouvent ça fort mais moi je sais que j’abuse un peu : j’écris la veille, le matin ou l’après-midi même et après je dois apprendre trois pages de texte par cœur alors que c’est impossible.

Depuis 7 ans déjà, le Festival Afropunk s’est imposé comme une véritable référence et un point de rencontre pour la « black excellence » ; Une jeunesse aux origines afro-caribéennes, qui dans toute sa diversité, s’exprime à travers l’art sous toutes ses formes. Définitivement installé dans plusieurs villes aux quatre coins des Etats-Unis, le festival clôturait ce week-end une édition à Brooklyn où se produisait Lenny Kravitz, Grace Jones, Mrs. Lauryn Hill, Death Grips ou encore Kelis.
Lors de sa première édition européenne, à Paris, en mai 2015, nous avons eu la chance de rencontrer le fondateur de ce mouvement Matthew Morgan, qui a retracé avec nous les étapes qui on fait d’Afropunk un phénomène planétaire.

 

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En tant que jeune homme originaire de Stoke Newington (Londres), quelle a été l’étincelle qui vous a inspiré la création d’Afropunk ?

Il n’y a pas vraiment eu d’étincelle. Je veux dire que ça prend racine alors que vous ne le réalisez même pas. Quand je pense à ce que nous faisions à l’époque… J’étais manager pour un groupe anglais il y a longtemps, Damage, et aussi pour un gosse qui s’appelle Mushtaq, un rappeur anglais dans un groupe de hip-hop, Fun-Da-Mental. Cet artiste était très politisé dans sa musique, spécialement sur son projet solo qu’on a fait signer sur Mercury Records. C’est là qu’on tient un genre de début, pas encore celui d’Afropunk, mais plus d’un collectif qui souhaitait dire quelque chose et proposer une posture consciente. Je cherchais quelque chose de différent car je n’aimais pas l’industrie de la black music au Royaume-Uni à l’époque. Les artistes noirs s’y trouvaient dépeints de manière clinquante et plus acceptable alors que leurs contrepoids blancs ont été créés avec une image plus soul, plus black, et de plus gros budgets. Ça me rendait malade.

 

Qu’est-ce qui t’as poussé à déménager aux États-Unis ?

Je voulais travailler dans de plus grosses entreprises, avec plus de personnes de couleur et à un plus haut niveau. À l’époque, je faisais l’aller-retour et je me disais que ça se passait beaucoup mieux aux États-Unis. Je m’y suis installé et j’ai rencontré pas mal de gens. J’ai été le manager de quelques producteurs hip-hop et quelques songwriters. Même si financièrement c’était intéressant, c’était à l’inverse de ce que je recherchais. Je ne l’ai trouvé que lorsque j’ai rencontré tout ces « weird black kids » qui me ressemblaient bien plus et qui me permettaient plus d’en apprendre sur moi-même. L’un d’eux est d’ailleurs devenu un jeune réalisateur, James Spooner. À l’époque, il avait réalisé un documentaire sur les scènes punk noires. Je l’ai managé et j’ai plus tard produit le film qui est ensuite devenu Afropunk. Après ça, je me suis occupé de Santigold, pendant son passage dans le group punk rock, Stift.

 

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C’est une accumulation de toutes ces choses qui m’ont poussées à créer ce qu’est aujourd’hui Afropunk. Ça mais aussi mon incapacité à assurer une signature en label à Santi à l’époque, car aucun n’arrivait à se figurer une femme noire dans un groupe de punk rock. À l’époque, le rôle des femmes était très marginalisé dans la musique rock en général, sans même tenir compte de votre couleur. Même si c’était extrêmement difficile d’essayer de lui avoir un label, j’ai vraiment apprécié les personnes que j’ai rencontrées en le faisant et j’ai eu l’impression d’avoir trouver mon « peuple ». Le film Afropunk nous a donné un bagage suffisant pour commencer le dialogue afin de connecter ces différents intermédiaires, de créer de nouvelles cases. Merde, dans cette case il y avait moi, James (Spooner, ndlr), Santi, Doc McKinney (qui produit des morceaux pour The Weeknd), Angela Hunt – pour qui j’ai travaillé à l’époque avec Teron Beal – et un tas d’autres personnes… Même si nous étions 10, ça pouvait nous conduire à une autre dizaine pour nous amener à 1000… Avec ça on pouvait créer un réseau et revenir vers les labels pour prouver que des artistes comme Santi pouvait atteindre une large audience.

 

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Quand tu regardes en arrière, quels ont été les instants ou les incidents les plus marquants de la toute première édition d’Afropunk ?

On a toujours eu des accidents de parcours, même aujourd’hui, c’est impossible de ne pas passer par là. Nous avons bâti le festival à New York et il était initialement gratuit, donc vous pouvez imaginer les difficultés auxquelles on a fait face en grandissant… On ne pouvait pas demander aux artistes de se produire gratuitement. Comme nous voulions que tout le monde vienne et participe, il nous fallait travailler avec des artistes et des productions de gros calibre. Nous sommes par essence une entreprise de minorité. Du coup je suis hyper-sensible au fait de pouvoir garantir que nous travaillons plus fort et plus efficacement. Car beaucoup de personnes, même des gens de couleurs, sont réfractaires à l’idée de bosser avec ces minorités parce qu’elles ont tendance à être moins expérimentées et ne fournissent pas un travail de qualité. En coulisse, c’est l’une des choses que nous voulons toujours mettre en avant, mais cela crée également quelques problèmes : nous voulons les meilleurs. Vous pouvez dire que nous sommes des amateurs de champagne qui avons juste assez d’argent pour de la bière (rires).
Je me souviens, courir partout pour trouver 15 000 dollars pour payer Mos Def. J’ai dû aller le trouver lui et sa mère Umi (surnom de Sheron Smith) pour expliquer que je ne les avais pas. À l’époque j’ai pensé que ça ne faisait que renforcer le stéréotype du promoteur noir, mais finalement Umi est devenue l’une des mes plus proches amies, l’une des personnes pour laquelle j’ai le plus de considération. Elle m’a dit « Frère ne t’inquiète pas, je sais où tu habites » (rires). C’est une femme qui applique ce qu’elle prêche. Elle a confiance en notre vision et elle soutient ce que nous essayons de faire.
Ca me surprend quand plus de 20 personnes assistent à nos événements, car c’est quelque chose que je n’ai jamais vraiment pu accomplir, surtout en tant que promoteur. Je suis un gosse qui n’a jamais eu une fête d’anniversaire avant ses 40 ans. J’ai toujours eu peur que personne ne se montre donc c’est toujours une surprise d’avoir les retours, de voir que c’est sold out.

 

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Comment tu choisis les artistes ?

C’est vraiment un processus en plusieurs étapes qui tient plus à mes goûts, pour être honnête, que de savoir ce qui est chaud en ce moment. Je suis d’abord un fan donc ça peut être n’importe quoi. Puis je suis définitivement influencé par les goûts des gars du bureau et par tout ces gens qui font les choses de façon innovante. Leon Bridges par exemple (présent lors de l’édition parisienne du festival) est quelqu’un d’un peu rétro et de génial, il est le meilleur dans ce qu’il fait en ce moment. Nous présentons toutes les musiques noires, tant que les artistes ont de l’attitude, tout tient à l’excellence. J’ai un ami à New York qui s’appelle Cakes Da Killa, un artiste que j’apprécie et qui sait ce qu’est la « black excellence ». C’est quelque chose de vraiment très important pour nous parce qu’on veut toujours progresser. Nous ne jouons pas le jeu du « in the club, big booty » – sans pour autant dire qu’on ne l’apprécie pas – nous avons l’impression qu’il y en a tellement. On a l’impression que c’est tellement plus important pour nos âmes de réussir à projeter une image différente de celles dont les personnes de couleurs sont bombardées. Willow et Jaden en sont le parfait exemple, lors de l’édition parisienne, j’ai vu ces jeunes de 14 et 16 ans aller à la rencontre de tout le monde avant de passer aux balances et de performer comme s’ils étaient dans un stade. Leur envie de tendre à l’excellence est juste époustouflante. Malgré le fait qu’ils soient les enfants de probablement deux des plus riches Afro-Américain sur la planète, ils m’ont donné l’impression d’avoir reçu une éducation impeccable en leur inculquant une incroyable motivation, un goût du travail. Ils ne font jamais sentir que tout leur est dû, ile n’ont pas une mauvaise attitude et une mauvaise éthique de travail. Je suis définitivement assuré qu’à l’âge de 20 ans, ils seront une force dominante dans l’industrie. Ce sont deux enfants de couleur qui se sont dit : « Laisse tomber ! On se fout de ce que ce vous attendez de nous, on essayer de déterminer nos propres règles. » Si on était capable d’être aussi courageux, ce serait un monde différent !

 

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Quel serait ton line-up rêvé pour Afropunk ?

Je ne sais pas… Je pense qu’il faudrait ressusciter quelques morts. Je suis assez embêté parce qu’on essaie toujours de faire monter Little Richard et Chuck Berry sur scène. On a Grace Jones et Lenny Kravitz sur le line-up de cette année.

Quel est le dernier CD que tu as acheté ?

Alors deux albums : To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar et Black Messiah de D’Angelo pour lequel on a d’ailleurs fait tout le marketing. Ces deux albums sont les plus Afropunk qui sont sortis lors de cette dernière décennie. D’Angelo, avec qui on est très proche, sera à notre festival d’Atlanta en octobre. Ma partenaire, Joseline, lui a fait signer son premier deal de publication quand il avait 16 ans, il y ait d’ailleurs toujours signé. Si notre budget nous permet d’avoir les deux, ce serait probablement le show de la décennie.

Ma dernière question, quand est-ce que vous viendrez à Londres ?

Vous savez quoi ? Je ne sais pas, ça devra bien arriver à un moment. Je sais qu’il y a beaucoup de personnes à Londres qui sont venus à Paris et j’espère qu’il y en aura plus l’année prochaine, c’est en discussion.

 

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Donc le Afropunk à Paris est voué à continuer ?

Absolument. Beaucoup de gens ne savent pas que notre site officiel, afropunk.com, est basé à Paris. Notre rédacteur en chef originaire de Martinique a vécu entre ici et ailleurs pendant plusieurs années, il était mon assistant dans mon entreprise de management avant qu’on passe à Afropunk définitivement. Ça a beaucoup contribué à décider d’amener Afropunk à Paris, en plus du fait que les personnes formidables que sont nos partenaires sont basées ici. Donc quand on trouvera les bonnes personnes ou quand on pourra le faire nous-mêmes à Londres, on le fera. Ça a toujours été mon rêve depuis que j’ai commencé, ramener Afropunk à la maison et le partager avec mon peuple.

 

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Pour plus d’infos à propos de Matthew et tout ce qui concerne Afropunk, visitez le site officiel Afropunk.com et de suivez les sur @Afropunk (Instagram/Twitter)

 

Propos recueillis et édité par Ebony Reid
@Musicbaby87
@NubianNightsOut

Photos :
Andrew Boyle & Elijah Dominique

Les 21 et 22 août, se tenait sur les Docks de Suds à Marseille, la quatrième édition du Positiv Festival avec en têtes d’affiches Paul Kalkbrenner, Fakear, Hudson Mohawke ou encore Odesza. Dans cette sélection éclectique, entre hip-hop et électro, la team YARD s’est approprié l’une des quatre scène du lieu. Là, le public marseillais à pu apprécier la dernière soirée du festival avec Elinass, Lido, SUPA!, Set&Match, KYU ST33D, Nekfeu, Joke MTP, Sango, Dillon Francis, ZEDS DEAD et Point Point.

Le Sosh Urban Motion revient pour une quatrième édition. Ce concours de vidéo BMX est pour cette nouvelle édition de plus en plus ouverte au public et arrive avec quelques nouveautés. Cette année deux équipes seront invité à rejoindre la sélection pro et vous pourrez même devenir juge.

Pour participer, constituez vos duos riders BMX et filmeur et inscrivez vous sur le site Urban Motion pour uploader votre vidéo. Les meilleures seront sélectionnées par un jury constitué des riders Alaric Streiff et Julien Masse et des réalisateurs Will Evans et Pierre Blondel. Les dix premiers repartiront avec des lots fournis par les partenaires de Sosh Urban Motion, XSories, G-Shock, Tealer ou encore Le Vinyle Club.

La remise de prix aura lieu le dimanche 13 septembre au Workshop avec projections, DJ Set et quelques surprises en partenariat avec Tealer. L’entrée sera libre.

 

Pour plus d’informations rendez-vous sur le site de Sosh Urban Motion.

Déposez vos vidéos !

 

La vidéo Wildcard gagnante de l’édition 2014 :

Photo : Brian Fu

 

En cette deuxième année passée avec vous sur la terrasse du Wanderlust, l’attention portée à leur tenue par les participants du #YARDSUMMERCLUB ne nous a évidemment pas échappée.
YARD s’est donc décidé à parcourir la foule de son oeil affûté pour capturer vos meilleurs looks.

Compte-rendu en image de la soirée d’anniversaire de la Air Max 95.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
EVENT FACEBOOK

Dans la majorité des cas, la musique se suffit à elle-même. Les claquements de caisse-claire additionnés aux battements par minute dessinent dans un sens, le squelette d’un corps parfois homogène, ou encore définit le pouls, voire la durée de vie d’une piste. Dans ce cas de figure, l’artiste fait vivre sa partition au gré de ses envies, et pour nous, simples auditeurs que nous sommes, nos oreilles suffisent pour déchiffrer les notes de ses accords. Mais au-delà de la valeur intrinsèque musicale, d’autres vecteurs permettent d’interpréter l’œuvre artistique. Bien avant l’arrivée de la presse spécialisée ou encore la démocratisation du format « music video », un artiste ne disposait que de la pochette de son disque microsillon pour communiquer avec son public. Popularisée à la fin des années trente par Alex Steinwess, le premier directeur artistique de Columbia Records, la jaquette a traversé les âges et est devenue au fil des années le prolongement de la réflexion artistique. Ambitieuse, elle dépeint les couleurs de l’œuvre dans son ensemble alors autant s’arrêter sur celle-ci pour tenter de l’interpréter.

Vince Staples – Ep#5: Summertime 06

 

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Name: Vince Staples
Birth of date: 2nd July, 1993
Album: Summertime ‘06
Artwork: Tai Linzie
Release Date: June 30, 2015
Record Label: ARTium Recordings, Def Jam Recordings


L’enfance est une période un peu à part dans une vie…
Courte, elle rime le plus souvent avec l’insouciance et la légèreté. Du coup, quelques années plus tard, quand le charme de l’âge adulte nous a submergés, se remémorer ces instants suscitent aisément la nostalgie. Pour certains, ne plus avoir un quatre-heures après une dure journée est une tristesse. Pour d’autres, ne plus pouvoir se reposer sur ses parents fait apparaître une pointe d’amertume. Pour Vince Staples, l’enfance semble être une parenthèse. Un moment vécu de l’extérieur, comme spectateur, sans manifester une once de ses sentiments. L’année dernière, alors que son auditoire grandissait de façon exponentielle, pour son single « Nate », il choisissait de rendre un hommage à son père, une figure paternelle qu’il a toujours idolâtrée, chérie, sans pour autant qu’elle n’ait eu besoin de lui imposer un modèle, une conduite à suivre, une vision manichéenne, du bien et du mal.
Dans ce titre, pour rendre son histoire accessible à un public plus large, Vince s’attardait sur un sujet universel, l’âge tendre, et esquissait le portrait de son géniteur à travers quelques anecdotes. L’image est charmante, et Scoop Deville (producteur du titre), renforçait cette sensation en ajoutant quatre touches infantiles de xylophone sur chaque mesure. Couramment utilisé pour l’éveil musical d’un enfant en bas âge, ce bruit n’est certainement pas celui qui a bercé son foyer à North Long Beach (Californie). Débordé par les heurts de la vie, les affaires illicites de son père ont toujours traînées dans sa maison, que ce soit dans la cuisine, où son père pesait ses grammes de coke ; ou bien dans le salon, où son père, étreint d’un bandana noir autour du bras, une aiguille à la main, prenait sa dose… Pourtant, l’ébauche crayonnée par Vince n’est pas critique, juste réaliste. Quand son papa le déposait à l’école, il s’assurait de lui prononcer deux mots magiques : « je t’aime ». Quand il sera enfermé en prison, il veillera à ce que son fils ait les dernières Jordan. Des mémoires particulières, narrées par une voix apathique.

 

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Mais l’enfance est aussi une période pendant laquelle de nombreuses choses sont intériorisées, et certainement à cet instant, Vince a pris son ton monocorde. Outre, son vocabulaire, la manière de se comporter, les habitudes de son milieu familial, ses goûts culinaires voire vestimentaires, ou encore ses activités extrascolaires, sont emmagasinées dès le plus jeune âge. Tous ces facteurs, dénommés habitus par le sociologue français Pierre Bourdieu, sont des éléments acquis inconsciemment, pendant notre jeunesse, et qui par la suite, nous donneront une grille de lecture pour décrypter le monde à notre convenance. Et plus les personnes partagent les mêmes habitus, plus ils forment une classe. À Los Angeles, ce concept de classe est déterminé essentiellement par le salaire. Plus vous avez d’argent, plus vous existez, plus vous côtoyez les mondanités, que vous soyez hispaniques, afro-américains, asiatiques ou anglo-saxons. Avec un père en taule, une mère seule pour maintenir le foyer à flot, Vince va fréquenter ce qui est proche de lui.
À partir d’ici, la réalité commence à se décanter. Sans argent, habiter Rodeo Drive ou Hollywood Hills n’est pas envisageable. Les choix pour résider une municipalité paisible sont mis de côté, et l’appartenance ethnique devient le second critère pour fédérer un quartier, et par extension un groupe. Pour les résidents de Compton, North Long Beach est perçu comme l’issue de secours. Situé à cinq minutes en voiture, ce secteur, érigé comme quartier résidentiel, dans lequel tout le monde croirait se connaître, avec un jardin pour chaque maison, fait rêver tous ceux coincés à la case départ. Avec toutes ses économies, sa mère s’installe dans le Northside, mais les apparences sont parfois trompeuses. Pensant avoir quitté l’enfer, elle atterrit simplement un arrêt plus tôt : au purgatoire.

 

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Car le Northside fonctionne sur le même modèle que Compton. Désocialisé du monde extérieur, même si ce secteur dénote d’une mixité plus grande que sa commune voisine, la vie de quartier est régie par des règles qui lui sont propres. Les couleurs, bleues, rouges, voire marrons, sont synonymes d’ordre face à l’ingérence étatique. Par inversement, les lois en vigueur dans le monde dit « normal » sont obsolètes. Ce changement de paradigme élargit la notion de classe, les mots changent, et on ne parle plus de classe, mais de gangs, qui tous sont associés à des rues ou des blocks précis, et définissent la place de tout individu dans cette microsociété. Pour chaque membre de la bande, les valeurs sont communes. Le langage, la démarche, les accessoires vestimentaires, la loyauté, et même la gestuelle de ses doigts. Une forme d’amour envers les siens, qui provoque inévitablement la haine envers les autres…
Lorsqu’on scrute le Twitter de Vince Staples, on réalise que son image d’arrière-plan est une photo de deux plaques de rue. L’une affiche l’avenue Obispo. L’autre affiche la rue Poppy, numéro 3200, en direction de l’Est. À cette intersection, durant toute son enfance et adolescence, Vince façonne son caractère dans sa seconde famille, les Naughty Nasty Gangster Crips. Malheureusement, les conseils de sa mère et sa grand-mère lui seront très utiles, car à une autre époque, toutes deux firent partie des Crips. Le déterminisme sous la plus belle des formes. C’est sa mère qui découvre que son fils a rejoint la bande, le jour où il rentre à la maison avec un œil gonflé et une lèvre égratignée. Ses larmes n’y feront rien, et de ce fait, quand son fiston admet avoir des embrouilles, plutôt que de larmoyer sur la fatalité, elle le force à les résoudre avec ses poings, quitte à prendre sa voiture pour l’emmener se battre sur-le-champ. #thuglife

 

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L’enfance est une période un peu à part dans une vie…
Au cours de celle-ci, Vince et ses copains délimitent leur terrain de jeu entre l’avenue Obispo, Downey, Poppy Street et le boulevard Artesia. Dans ce périmètre – 600 m² tout au plus -, pour se reconnaître, tous portent des casquettes Yankees ; tous prononcent le Northside « Norf Norf » ou « Norfside » ; tous ont un revolver pour veiller sur leur prochain ; tous sont loyaux à moins d’être radiés du groupe ; tous défendent leurs rues comme si ces morceaux de béton étaient les leurs. Chaque été, en pleine période de vacances scolaires, ils s’amusent sur la chaussée ou à la plage. Des balades naïves qui prennent des tournures dramatiques quand il faut se baigner sans son t-shirt, ou encore traîner avec un t-shirt à manches courtes dans la rue, car s’afficher torse nu, ou montrer ses avant-bras, c’est aussi révéler ses tatouages… Des motifs qui, la majorité du temps, symbolisent l’allégeance à un gang, à un groupe, et engendrent des confrontations mortuaires.
À ce moment, ce quartier, replié sur lui-même, s’aperçoit qu’un monde autour de lui vit, le regarde, l’épie, et relate ses histoires lorsqu’un drame, comme une balle perdue qui toucherait un innocent, viendrait l’émouvoir. Plus ces faits-divers sont dramatiques, plus ils outrepassent la sphère locale pour être relayés dans les journaux, les chaînes de télévision, voire même cités dans les discours des politiciens. Des faits qui ne font qu’accentuer l’incompréhension entre les nantis et les démunis. Plus facile de juger que de comprendre quelque chose qui ne correspond pas à notre culture, encore plus quand on ne met jamais les pieds dans ces quartiers.

 

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Une multitude de lignes sont nécessaires avant de saisir la pleine mesure du titre Summertime ’06. Un passage brutal à l’âge adulte. Ce moment délicat où les lois du monde dit « normal » vous rattrapent. Dans les souvenirs de Vince Staples, cet été 2006 est la fin de son insouciance, la fin de son immunité, le moment où les autorités ont décidé de juger un de ses amis en tant qu’adulte, pour un meurtre qu’il aurait commis. Plus on avance, plus « les cases s’allument une à une comme dans Billie Jean », et plus on comprend pourquoi son projet avec Larry Fisherman (Mac Miller) était intitulé Stolen Youth (« Jeunesse Volée »). Aux États-Unis, même si vous êtes mineur, la loi peut vous considérer comme responsables de vos actes, et donc vous juger comme un majeur. Une erreur de jeunesse peut coûter une vie, ou du moins la moitié, voire le quart. Dès lors, la possibilité d’être condamné à perpétuité à l’âge de treize ans, sans remise de peine, ni même libération conditionnelle, est concevable. Ce thème, énoncé lui aussi dans To Pimp a Butterfly de Kendrick Lamar The judge make time. You know that, the judge make time right ?»), fait prendre un peu plus conscience de l’importance culturelle de son album.
L’été 2006 c’est aussi tout ce qui a été fait avant. Tout ce qui a fait son éducation. Sa mère, son père, ses amis, sa grand-mère, Norf Norf et ses allées sombres où Dieu s’est fait fumer sans complexe. Ici, les valeurs sont inversées. La rancœur n’est pas malsaine, au contraire, elle est saine et assure vos arrières. La loyauté n’est plus vraiment la norme, puisqu’une remise de peine peut être offerte en échange d’un nom ou deux. Un monde paranoïaque, où plus personne ne se fait confiance au final. D’ailleurs, les conseils de ses parents l’ont certainement aidé à nager à travers ses eaux troubles. Lorsque ses problèmes entre bandes rivales escaladent dangereusement, sa mère l’envoie à Atlanta le temps que tout se tasse. Autre exemple, le bonhomme ne s’est fait aucun tatouage, à l’évidence averti des désagréments que cela pouvait occasionner, aussi bien durant les contrôles police, qu’avec ses ennemis.

 

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Cette pochette est indivisible de sa vision artistique, et de surcroît, de sa musique. Pour tenter de l’interpréter, il faut chercher, fouiller, car Vince ne donne aucun indice, lucides que ses auditeurs l’écoutent pour sa personne, ses textes, et son caractère, des traits qui ont gangréné son état d’esprit, ainsi que détruit l’équilibre de sa communauté. Cette sensation se prolonge à l’écoute du disque, puis la réécoute de ses anciennes compositions. Chaotiques, oppressants, alarmants, les moments de répit sont épars dans ses projets, mais lorsqu’on fait l’effort d’y plonger, on découvre un garçon en pleine réflexion, intelligible, et très critique sur l’environnement dans lequel il vit. Un titre comme « LORD », réalisé sur sa mixtape Winter in Prague (2012), s’éclaircit de manière surprenante lors d’une nouvelle écoute. En définitive, sa volonté de ne pas être si accessible – comme à l’image de sa pochette en apparence – c’est certainement parce qu’il se fiche d’être compris par les autres, tant qu’il est compris par les siens. Dans la plupart de ses clips, les figurants sont ses amis. Pour promouvoir son album dans sa ville, Def Jam lui a alloué un camion de glace pour distribuer des sorbets gratuits dans son quartier. Une stratégie intensive plutôt qu’extensive comme à l’image d’une rime du titre « Señorita » qu’il explique ainsi sur Genuis :

« People don’t know what a fuckin’ Douglas Burger is, so they can listen to this song all they want but they don’t know what I’m talking about just because of the simple fact they don’t know where that is – they’ve never been there. I don’t feel like I need to go too deeply into explaining my lyrics » / « Les gens ne savent pas ce qu’un putain de Douglas Burger signifie, donc ils peuvent écouter le morceau autant qu’ils veulent, mais ils ne savent pas de quoi je parle, à cause du simple fait qu’ils ne savent pas où c’est. Ils n’y sont jamais allés. Je ne ressens pas le besoin d’aller plus loin sur l’explication de mes paroles ».

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Vince Staples ne veut pas toucher large, mais il veut toucher juste. Quand on prête attention à sa pochette, elle pourrait avoir sa place dans une galerie très portée par l’art abstrait. Dans celle-ci, le gamin du Norfside orchestrerait sa première exposition, un travail qui lui a permis de casser le cycle du déterminisme, et de se retrouver confronté à autre chose, à une autre culture, et à d’autres gens. Son exposition résumerait son parcours du Norfside jusqu’aux bureaux de Def Jam. Séquencée en plusieurs tableaux, chaque peinture correspondrait à un moment clé de sa vie. Pour son œuvre centrale (sa pochette), l’artiste aurait sobrement intitulé sa peinture « VINCE STAPLES // SUMMERTIME ‘06 ». De base, sa peinture était noire, toute noire, pour matérialiser ses souvenirs, mais aussi la transition brutale de l’âge tendre à l’âge adulte à treize ans. Quelques liserés blancs voire grisâtres seraient laissés par son pinceau sur sa toile. Hormis ça, le noir serait absolu. Mais après avoir fini son aquarelle, les mémoires de la plage de Long Beach lui seraient revenus, et ce dernier aurait décidé de tracer d’un pinceau plus fin, ses rives qui ont bordé son enfance. La quiétude avant l’inquiétude… Parce qu’il faut toujours se méfier de l’eau qui dort, car à travers le bruit des vagues et les pleurs des goélands, un coup de feu peut surgir à tout moment.
La question est la suivante, à quoi aurait ressemblé la peinture « VINCE STAPLES // SUMMERTIME ‘07 » ? Rendez-vous au prochain épisode…

 

En images et en vidéos, Dadoummmmm a pris l’habitude d’immortaliser les événements qui l’entourent.
C’est avec le même grain brut et authentique qu’il rendait hommage à la Air Max 95 qui fêtait, la semaine dernière, ses 20 ans dans une série de photos exposées au AIR MAX SUMMER CLUB et dont voici une sélection.

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Anto Hinh-Thai livre un Dans le prélude de son diptyque intitulé AERØ/TRAIN , le réalisateur Anto Hinh-Thai laisse entrevoir son esthétique à travers la fluidité et le dynamisme de la course transposée à « l’inertie écrasante du béton ». Un agencement de paradox renforcé par la musique à la fois organique et électronique de Tez.

A découvrir en attendant la suite.

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Ce mardi au #YARDSUMMERCLUB, la Air Max 95 fêtait ses 20 ans en grande pompe. A l’étage du Wanderlust, sa double décennie était retracé dans une exposition rendant hommage à l’histoire anatomique de sa création. Et sur la terrasse, Nekfeu, notre invité surprise et Skepta, tout droit venu de Londres, on enflammé le public pour faire de cet anniversaire une date inoubliable

Merci aux guests, aux DJs, à Nike et à toutes les personnes présente pour cet exceptionnel Air Max Summer Club !

Matthias Dandois est le freestyler BMX le plus brillant de France et l’un des tout meilleurs au monde. Il est plusieurs fois champion du monde de flatland et ne cesse de repousser les limites de ses performances. Sa passion qui est devenue son métier l’a conduit aux quatre coins du globe. Chaque mois Matthias vous partagera les plus beaux clichés de ses différents périples et toutes ses impressions.

J’avais dix jours de trou entre un trip et deux contests, du coup on s’est motivés avec des potes à partir en ride dans le sud de la France. Dix jours de ouf, entre Paris, Hossegor et St Aygulf avec une équipe parfaite (la famille Chiquet, la famille Jumelin, les potes d’Hossegor et oim). Voilà donc quelques clichés qui sentent bon les vacances, en espérant que tout le monde en passe des bonnes.

À fond dans le BM break flambant neuf de Raphaël Chiquet : "Si on m'avait dit il y a 1 an que j'aurais un break, un coffre et un gosse, je n’y aurais pas cru."

À fond dans le BM break flambant neuf de Raphaël Chiquet : « Si on m’avait dit il y a 1 an que j’aurais un break, un coffre et un gosse, je n’y aurais pas cru. »

La syllogomanie est une névrose qui prend de la place. C’est une maladie qui pousse ceux qui en sont frappés à accumuler et à garder tout ce qu’ils sont amenés à posséder.
Le photographe Geoff Johnson qui a personnellement été touché par la pathologie via sa sœur, a voulu faire prendre conscience de la réalité de vivre une telle situation lorsque l’on est enfant.
Le projet s’appelle « Behind The Door » et permet de nous plonger dans un univers aussi particulier qu’inconnu. Un bon moyen d’élargir un peu nos perspectives.

Cela fait 4 ans que la Terre continue de tourner sans Amy Winehouse. Alors que ses proches toujours en deuil voyaient le reste de la planète continuer tranquillement sa vie, un homme a de nouveau tout bouleversé. David Joseph est le directeur général d’Universal Grande Bretagne. A la tête de l’ancien label de la chanteuse, c’est lui qui a contacté James Gay-Rees producteur du futur documentaire Amy à peine plus de deux ans après la mort de la star. Il est alors incroyablement tôt pour entamer un travail de rétrospective sur la vie mouvementée d’Amy Winehouse. Pourtant accompagnés d’Asif Kapadia, réalisateur et Chris King, monteur, les quatre individus semblent sûrs de ce qu’ils sont sur le point d’entreprendre.

Sans grande surprise il a été incroyablement compliqué d’amener l’entourage d’Amy à témoigner. Mais le réalisateur n’a rien lâché et a gagné progressivement la confiance de chacun des personnages nécessaires à son film. Pas de place au doute dans le projet donc.

De toute façon, David Joseph n’est pas le genre d’homme à hésiter. Maintenant que tout le monde reparle de l’artiste qu’il respectait tant, il annonce à la presse qu’il a détruit, par conviction morale et sans consulter personne, toutes les bandes démos restées inexploitées depuis la mort de la chanteuse.

En effet plutôt que l’utilisation de miettes pour d’innombrables albums posthumes il a choisi de rendre hommage à la chanteuse, auteure et compositrice à travers un documentaire de deux heures et sept minutes. Loin d’être le genre de doc que l’on regarde avachis et semi inconscients sur son canapé un dimanche après midi sur Arte, Amy se regarde cramponné à son siège en salle de cinéma depuis le 7 juillet dernier.

La bande annonce ne lui rend pas justice. Pour se rendre compte de l’impact du film il faut l’ingurgiter de bout en bout. Loin de révolutionner le genre du documentaire, Amy a quelque chose de spécial qui le différencie du reste.

 

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Leave Amy alone !

 

Outre le fait de mourir, Amy Winehouse a eu la malchance de perdre la vie à 27 ans. Ainsi pas un article de presse ne la mentionne sans l’assimiler au célèbre « club des 27 » Jim Morrisson, Kurt Cobain, Jimmy Hendrix, Janis Joplin… Ces personnalités aussi ont eu droit à leurs films notables. Souvent sous la forme de biopic, The Doors d’Oliver Stone ou encore Last Days de Gus Van Sant retracent la descente aux enfers des rocks stars. Le résultat est souvent émouvant parfois poétique. Le film d’Asif Kapadia comptabilise ces atouts sans être une fiction « tirée d’une histoire vraie ».

Malgré l’inspiration qu’elle trouve au cœur de la soul des années 50 et son mode de vie des plus extrêmes années 70, Amy Winehouse est un pur produit des années 2000. De sa génération, elle est la première avec autant d’influence à mourir et à connaître une glorification. Michael Jackson, Witney Houston c’était la promo d’avant, Amy est une enfant des avancées technologiques fulgurantes. La différence c’est qu’en plus des institutions médiatiques, ce sont ses proches, son entourage qui la filment partout, tout le temps. Comme dans un film de fiction, on rentre dans l’intimité de la jeune femme, mais avec les vraies images de sa vie.

Pour son précédent documentaire sur le pilote de F1 Ayrton Senna, Asif Kapadia avait dû s’accommoder des images de conférences de presse, de courses et de podium pour construire son film. La trame narrative se servait des événements sportifs pour tenter de décoder le personnage. Pour Amy on part de son intimité pour mieux comprendre la musique qu’elle a offerte au monde. Tout le processus de création est inversé. Au lieu de courir après la moindre petite image en mouvement qui dévoilerait par miracle une parcelle de la vie privée d’un artiste, pour Amy Winehouse ce sont des choix et du tri qu’il a fallu faire parmi toutes les vidéos que l’équipe a recueillies. On la voit le jour de son mariage, dans sa chambre en cure de désintoxication, lors de ses premiers entretiens en labels, en vacances avec ses amis… On y voit une Amy Winehouse familière de la caméra qui, dans l’intimité, s’amuse avec. Des moments qu’on n’aurait jamais espéré obtenir pour des Marilyn Monroe ou autres Serge Gainsbourg. « Il y a eu pas mal d’images qu’on n’a pas pu intégrer car cela aurait déséquilibré l’ensemble. On a vraiment cherché à ramener le film à une durée classique de 90 minutes, mais l’histoire nous a imposé autre chose. » raconte James Gay-Rees le producteur.

 

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Just Friends

 

Le XXIème siècle a donc offert au réalisateur des moments de vie à l’état brut mais Amy est hybride grâce à la démarche artistique de ce dernier. Asif Kapadia dit ne pas avoir hésité une seconde avant d’accepter de faire le film ; ça n’en restait pas moins un terrain miné. Construire un recueil d’images inédites et privées d’une personne pour qui l’intrusion des médias dans sa vie personnelle a été l’un des facteurs l’ayant conduit à la mort, soulève de nombreuses questions morales. Comment dénoncer le voyeurisme des paparazzi quand on révèle sur grand écran dans le monde entier, une partie des rares images de la chanteuse encore non rendues publiques ? C’est là qu’intervient le rôle traditionnel du genre documentaire. Différend du reportage journalistique ou de la télé-réalité son but est d’arriver après la bataille et d’apporter un regard distancié et, quand la qualité est au rendez-vous, un point de vue réfléchi. Chris King le monteur d’Amy se positionne dans cette lignée « Notre seul travail est de prendre du recul. » Il poursuit : « Un des points sur lesquels nous n’avions pas de doute c’est que la moindre image dans le film est là pour apporter de la lumière sur Amy et aide à comprendre ce qui se passait dans sa tête. » Pour s’éviter de se mettre tout le monde à dos (les fans, la famille, les collaborateurs) ils ont choisi de faire le film pour elle. Tony Bennett était une des idoles de la chanteuse. Placer en voix off un commentaire élogieux venant du crooner directement après les images de sa mort apparaît comme quelque chose qui lui aurait fait plaisir à elle et à personne d’autre. Comme si elle avait pu voir le film et comme si la mort n’avait pas imposé son point final, Amy, semble montrer que son histoire est encore vivante.

 

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« Amy n’est pas l’un de ces docus hagiographiques, compilant les témoignages élogieux, trop souvent consacrés aux stars. » nous dit Le Parisien. Pas d’observateurs extérieurs qui s’expriment pour nous dire à quel point elle chantait bien. Le concept est simple et n’a rien de particulièrement novateur, sur les images se posent délicatement les voix off de ses proches, uniquement ceux qui l’ont côtoyée. Ca fait pourtant la différence. A la place de commentaires froids et savants on entend des personnes parler subjectivement de la jeune femme qu’ils ont connue. Un documentaire classique cristallise les souvenirs comme pour les empailler, dans Amy ils sont toujours en vie. Lors des entretiens Asif Kapadia n’a pas filmé ses interlocuteurs, il a seulement enregistré leur voix. Augmentant le rapport de confiance, autant que leur facilité à se livrer, on sent nettement la charge émotionnelle et les démons à combattre seulement à leurs intonations. « On n’a pas besoin de voir ça à l’image, l’émotion se ressent à travers la voix. » nous dit-il lui-même. Le ton solennel de Blake Fielder son ex-mari qui explique simplement et franchement qu’il lui a fait découvrir le crack et l’héroïne apparaît comme une pointe de courage plongée dans la culpabilité. Les mots sanglotants de Juliette sa meilleure amie, sont autant de preuves d’un processus émotionnel toujours en cours. Malgré la dureté brute des images d’Amy, ces voix sans visages installent en parallèle une sensation de pudeur qui annule tout effet malsain de voyeurisme, sensationnalisme et misérabilisme.

 

You Know I’m No Good

 

Vous ne verrez jamais Juliette pleurer et si cette formule fonctionne si bien, c’est qu’elle s’adapte à un sujet inédit. Au départ, Amy Winehouse c’est seulement un talent musical unique, elle le dit elle-même dans le film. « Les gens vont très vite se rendre compte que je ne suis bonne qu’à faire de la musique et qu’il est inutile de chercher quelque chose d’autre. » Son karma en aura voulu autrement. Impossible aujourd’hui de n’en parler que pour sa voix tant elle est ensuite devenue un étendard des dérives de la modernité. A partir de Back To Black elle se transforme en cas d’école et expérimente tous les pièges que tend notre société. La voir physiquement tomber dedans est brutal. Le film qui choisit une narration chronologique nous permet de voir jusqu’à l’évolution de son corps. Presque comme une timelapse de la nuit qui tombe sur nos grandes métropoles, on voit s’abattre progressivement sur elle la maigreur et la drogue jusqu’à ne plus la reconnaître. L’évolution est fluide, logique. Les images ne sont pas « chocs » comme elles sont souvent décrites, mais simplement difficiles. Si bien que l’équipe du film a veillé à ce qu’elles ne deviennent pas insupportables : « Dans des montages antérieurs, on montrait qu’Amy avait été une jeune femme adorable et intelligente, et puis on basculait dans 90 minutes de détresse épouvantable. Après, cela devient une véritable épreuve. Les spectateurs auraient légitimement pu se demander: ‘À quoi bon tout cela?’ On a donc cherché le bon équilibre. » explique James Gay-Rees.

 

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Cet équilibre ne change pourtant pas la fin. Comme si l’on n’avait pas vraiment compris la faute, le documentaire nous montre le ralenti en super loupe. Il s’avère que tout le monde et personne à la fois ne mérite le carton. Son père Mitchel Winehouse a violemment critiqué le film estimant qu’il y était dépeint comme une personne nocive pour sa fille. Evidemment trop impliqué, c’est un spectateur plus objectif qui comprendra la complexité d’une situation où la faiblesse des uns, la fuite ou la mauvaise influence des autres nous a tous donné le rôle de témoins d’une mort publique et inévitable. Mais un environnement social précaire, une détresse affective et des addictions destructrices, sont autant de maux que n’importe qui peut endurer sans y survivre. Avant donc de blâmer un mauvais père, ce qui retient l’attention c’est la cruauté collective de ceux qui ne la connaissaient pas. Sans le vouloir Amy Winehouse a été un sacrifice humain sur l’autel de l’expérimentation médiatique 2.0. Sans culpabiliser le spectateur outre mesure, Amy montre concrètement ce que cela représente. Les images les plus pénibles sont finalement celles de paparazzi qui la suivent jusque dans la prison où elle va voir son mari fraichement incarcéré et qui lui reprochent de faire la tête ou celles des multiples présentateurs de talk shows allant tous de leurs petites moqueries quant à l’état de la chanteuse. Des jeux d’esprit parfois subtiles mais cruels lorsque l’on suit en parallèle ce qu’elle vivait de l’intérieur.

Comment résister à la force de la masse quand on ne s’est pas protégé au départ ? Alors qu’est récemment sorti, le documentaire Daft Punk Unchained, apparaît naturellement l’opposition parfaite entre les deux schémas de célébrité. Les deux jeunes parisiens ont anticipé le succès ; il est tombé sur la jeune londonienne sans qu’elle ne prenne le temps d’y réfléchir, et déjà trop fragile psychologiquement, elle n’aura pas eu le temps de se confectionner son propre masque. Insouciante, elle a tout donné à l’état brut, sans penser qu’elle ne pourrait pas assumer un don de soi à l’effet boomerang. Car sans être aussi radical que celui des Daft Punk il n’est pas difficile de déceler les déguisements que se créent des Beyoncé, Miley Cyrus ou autres Nicki Minaj, comme autant de rempart contre la violence médiatique. Chez Amy Winehouse, même son eyeliner n’était pas souvent et puis de moins en moins bien tracé. C’est grâce aux multiples images dévoilant une Amy au mille et un visages pour le film d’Asif Kapadia que ces problématiques nous viennent, un peu tard, à l’esprit.

 

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Lorsque l’on sait que Beyoncé, justement, a spécialement engagé des personnes pour la filmer au quotidien et offrir sa vie à la postérité, Amy n’est certainement que le premier documentaire ultra réaliste d’une longue série à venir. Amy Winehouse a eu une vie courte et intense mais imaginons un instant ce que l’on pourra faire de la profusion d’images issues de la vie de Rihanna ou de Cristiano Ronaldo s’ils ont la chance de vivre encore quelques années. Ce voyeurisme à retardement traité avec intelligence pourrait aider le public à prendre conscience de ce que vivent les membres de cette espèce étrange qui a le privilège d’accéder à la célébrité. L’idée serait d’éviter de précipiter des destins comme celui d’Amy, pas si différent de ce que l’on voyait dans les arènes de Rome il y a quelques siècles.

 

 

Originaire de Nouvelle-Zélande, Janine est partie à l’autre bout du monde pour poursuivre son rêve américain. Si tout n’a pas toujours été simple, c’est à force de travail qu’elle délivre depuis quelques années des projets de plus en plus aboutit. Des titres souls, toujours emprunt d’une volupté et d’une indolence qui font toute sa signature. Après le titre « Hold Me », sur lequel vient poser Pusha T et l’excellent « XXEP », la belle est actuellement en tournée aux Etats-Unis avec l’incroyable duo Floetry ‎(Marsha Ambrosius et ‎Natalie Stewart). Pour en savoir un peu plus, nous avons posé quelques questions à Janine, qui nous répond entre deux dates de concerts.

 

 

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Est-ce que tu peux te présenter ?

Salut YARD ! Je suis Janine and the Mixtape et je suis chanteuse/parolière/productrice originaire de Nouvelle Zélande et je vis maintenant à New York.

D’où te viens ton nom de scène ?

Je voulais un nom qui fonctionne aussi bien quand je suis seule avec mon synthé et mes beats ou lorsqu’il il y a un groupe sur scène avec moi. La « Mixtape » regroupe trois choses qui font parties de ma personnalité. L’une est douce et mielleuse, faite pour ceux à qui on tient. La suivante, ce sont les mixtapes Hip Hop qui sont crues, authentiques et la troisième ce sont les AND1 Mixtape (basketball) que j’avais l’habitude de regarder. C’est donc un mix mielleux, réfléchi, honnête et cru, avec un penchant pour le basket.

Comment est né ton amour pour la musique ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours chanté. Ca m’a toujours fait du bien de chanter et de créer. Avec le temps, j’ai commencé à faire des soirées open mic avec une guitare acoustique, au synthé et puis avec des productions complètes. J’aime tous les aspects de la création.

 

 

Comment c’est passé ton passage de la Nouvelle-Zélande aux Etats-Unis ?

C’était un grand changement ! M’éloigner de tout ce que j’ai toujours aimé a été très dur au début, mais ça a été un voyage incroyable. J’aime énormément les States et faire de la musique ici. C’est super excitant et inspirant.

Qui a été ton plus grand soutien à l’époque ?

Ma famille, je n’aurais jamais trouvé les moyens de faire de la musique sans leurs encouragements et sans qu’il ne me disent que j’avais la voie d’un ange étant gamine.

« Hold Me » est l’un de tes plus gros titre. Quelle est l’histoire cache-t-il et comment c’est passé ta rencontre avec Pusha T ?

C’est une chanson très spéciale pour moi. J’ai créé « Hold Me » il y a 5 ans dans ma chambre à Auckland, en Nouvelle-Zélande avec ma guitare acoustique. Je ne suis pas vraiment du genre à demander de l’aide, mais cette chanson parlait du fait de s’autoriser à être vulnérable et parfois, quand on est dans ce cas-là, tout ce dont vous avez besoin c’est que quelqu’un vous prenne dans ses bras. J’ai produit ce titre avec l’aide des compétences de mon talentueux groupe (merci Willy Henderson et Oli Holmes) et je suis allée en Amérique pour le terminer avec le producteur The 83rd qui l’a porté à un autre niveau. Il est sorti sur internet il y a quelques années.
L’année dernière j’ai été intégrée dans un programme qui s’appelle « Love and Hip hop » et il a atteint le top des charts US et je suis revenue pour rencontrer le label et signer avec Atlantic. Le featuring avec Pusha T était très spécial parce que j’avais l’habitude de danser sur « Fear Of God » quand je travaillais dans une boutique de t-shirt en NZ. Le label a arrangé ça et Pusha a déchiré sur son couplet. Je l’adore.

 

 

En général, comment est-ce que tu créé ta musique ? Quel est ton processus créatif ?

Ça varie entre commencer avec une mélodie et des mots ou en jouant de la guitare et en chantant en même temps ou en jouant du clavier ou en créant une instrumentale, ou en chantant par dessus une instru. J’aime changer et garder les choses fraiches et intéressantes.

Quel artiste t’impressionne en ce moment ?

Il y en a beaucoup, mais Drake déchire tout en ce moment. Il est juste authentique et créatif.

Quels sont tes prochains projets ?

Après (et pendant) cette tournée ou je fait la première partie de Floetry, je travaille sur mon premier album !

 

 

Et si tu nous faisais une mixtape de 5 titres ?

1) Novacane – Frank Ocean
2) 1st Position – Kehlani
3) Hypnotise – Biggie
4) Her- Madjid Jordan
5) 10 Bands – Drake

 

 

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C’est dans la tiédeur du mois de septembre, sur les terrains flambants neufs du Stade Pierre-Mauroy de Lille et de l’Arena de Montpellier, que se jouera l’EuroBasket 2015. La plupart d’entre vous ne le sait pas. Normal, vu la faible agitation médiatique autour de l’événement. Mais il n’y a pas que la bande à Parker qui, malgré un casting trois étoiles, peine à chauffer les foules. Le championnat tricolore est lui-aussi mis sur la touche. Pourtant, vingt ans plus tôt, le basket frenchie se taillait la part du lion à la télévision. 1,5 millions de curieux se massaient en moyenne derrière leurs écrans quand les antennes du service public diffusaient les matchs de Pro A. Aujourd’hui reléguées sur Sport+, les parties de balle orange hexagonales n’attirent plus qu’une poignée d’initiés. Ironie du sort, nos joueurs français n’ont jamais été aussi bons et s’exportent à tour de bras en sacro-sainte NBA. Pourquoi les chaînes télévisuelles boudent-elles le basket bleu-blanc-rouge après l’avoir longtemps et copieusement chérit ? Où les institutions ont-elles failli ? Le cinquième sport national peut-il retrouver grâce aux yeux des médias ?

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La Pro A, un train de retard

Le rugby, ce sport « pâté et sauciflard », a fauché le basket en pleine gloire. La faute à Max Guazzini. Lorsqu’il prend les rênes du Stade Français au début des années 90, ce millionnaire et business man multi-casquettes donne un coup de fouet à l’Ovalie, à coups de stars mondiales, de maillots roses, de corps nus bien roulés, de grand stade, d’animations tape-à-l’oeil, de tarifs attractifs et d’affiches publicitaires. Les autres clubs lui emboîteront bientôt le pas. Le basket, qui prenait de son côté doucement la poussière, s’est alors fait chiper la vedette. Les institutions ont manqué le virage de la professionnalisation. Le ballon ovale, devenu glamour et télégénique, s’est peu à peu offert la part belle à la télévision, sur France TV et Canal+. Aujourd’hui, une saison de Pro A coûte 6 millions d’euros de droits télé, quand le rugby négocie la sienne à 74 millions. Un joli tour de force pour le « Beau jeu », qui comptabilise en réalité moins de licenciés que le basket en France. Le grand public, lui, a apprivoisé et s’est familiarisé avec le rugby par la force des choses et s’est détaché du basketball, qui ne truste plus l’agenda médiatique. Ce sont les chaînes qui dictent nos goûts et façonnent notre culture sportive. Benjamin Maître, journaliste pour l’émission « Lundi Basket » sur Sport+, évoque aussi « la montée en puissance de la NBA » : « A l’époque du titre européen de Limoges (diffusé en prime time en 1993 sur France 2, ndlr), le basket intéressait sur le plan national. Mais, au fur et à mesure, les clubs n’ont plus réussi à avoir ce type de résultat sur la scène européenne ; le basket français a petit à petit décliné et, inversement, la NBA a commencé à prendre beaucoup de poids et à vampiriser la couverture médiatique du basket ».Frédéric Mazeas, commentateur de matchs de Pro A pour France Bleu, renchérit : « [La NBA] c’est la meilleure ligue au monde, ça n’a quasiment pas d’équivalent dans les autres sports. C’est aussi ça qui pose problème au basket français. Au foot ou au rugby, tu n’as pas, de la même manière, une seule ligue qui rassemble tous les meilleurs joueurs du monde ». La NBA, superpuissance absolue du basket, étouffe et éclipse le petit poucet français. Le championnat hexagonal est pourtant gorgé de talents, biberonnés aux matchs NBA, et a gagné en spectacularisation. « Le jeu est là, le niveau a augmenté, mais pas les à-côtés, l’aspect événementiel. Il faut que les deux évoluent ensemble, sinon ça ne marchera pas », nous explique Benjamin Maître, avant de poursuivre : « La Pro A n’a pas su assez s’inspirer de ce que la NBA et Max Guazzini ont réussi à faire. […] Le basket français, c’est un bonbon qui n’est pas appétissant, en comparaison de la NBA, avec ses belles et grandes salles, ses beaux parquets, ses beaux écrans, ses show ultra-minutés … ». Frédéric Mazeas nous confie même que Canal+ n’avait pas voulu se hasarder à venir filmer au Palais des Sports de Nanterre il y a deux ans, car les caméras faisaient face à « un mur un peu pourri », sans tribune.

Ces critiques, Alain Béral les entend. Au départ à deux doigts de refuser de répondre à nos questions, irrité par l’objet de notre article (il n’admet pas le problème de médiatisation du basket français), le Président de la Ligue Nationale de Basket (LNB) reconnaît néanmoins la nécessité de réformer et professionnaliser son sport, de mettre le paquet pour le rendre « télévisable ». Tous les clubs doivent désormais répondre à une même unité de présentation et proposer un vrai spectacle, avec des enceintes plus grandes, des parquets plus beaux ou encore un meilleur éclairage. Des mesures prises il y a trois ans, avec la création d’une « Commission Arena ». Bourg-en-Bresse et sa salle Ekinox, inaugurée l’année dernière, est l’une des premières à s’être reliftée de fond en comble. « Il faut nous laisser le temps, ça va arriver vous verrez », rassure Alain Béral. Aussi, toutes les salles se sont aujourd’hui dotées de caméras capturant les matchs pour les soins des médias et des supporters, en vue de rendre l’image plus accessible. La Ligue orchestre également depuis quelques années des événements strass & paillettes comme le All Star Game, co-organisé par Nike, à Paris-Bercy, ou la Leaders Cup (ex Semaine des As) à Disneyland. Les playoffs de Pro A, eux, se découpent en épisodes depuis la saison dernière avec des demies et des finales en cinq manches, de manière à créer un feuilleton, occuper davantage l’espace médiatique et passionner le public.

Effectif Limoges

La LNB a, par ailleurs, établit des règles strictes quant à la tenue des joueurs et au positionnement des sponsors. Autrefois bardés de logos – qui prenaient le pas sur le nom même des équipes – les maillots apparaissent désormais plus épurés et élégants, même si certains affichent encore des couleurs criardes et un design douteux. Le basket français s’échine à se départir de cette image ringarde qui lui colle à la chair comme un pansement de trois jours. Mais les clubs n’y mettent pas toujours du leur. Il y a quelques semaines par exemple, le SLUC Nancy bombait le torse au moment de révéler sa nouvelle identité visuelle, censée « donner un coup de jeune à la précédente charte graphique ». En vérité, le nouveau logo est le fruit d’un travail graphique amateur, mêlant typographie désuète, couguar grossièrement apposé au centre d’une forme circulaire prémâchée et couleurs fadasses. Pas franchement moderne.

logos

Le basket tricolore doit composer avec un autre problème de taille : le budget. Moins coûteux que le football, le basket est par essence un sport de petites et moyennes villes aux moyens limités, très puissant localement. Un héritage historique que souhaite préserver Alain Béral ; « ce sont les racines du basket, ce qui fait que les salles sont pleines », nous souffle-t-il. Limoges, Pau, Cholet, Le Mans, Gravelines ou encore Antibes ne vibrent que pour la balle orange. Paris-Levallois lambine dans le ventre mou du classement en Pro A tandis que Marseille, Nantes, Toulouse ou Bordeaux sont aux abonnés absents. Le football cannibalise la trésorerie des grandes villes. L’Espagne, en revanche, peut compter sur les deux mêmes mastodontes qui font les beaux jours de la Liga, le Real de Madrid et le FC Barcelone. Et ça change la donne. « Quand tu as ton petit club de Pro A qui est obligé d’aller de partenaires en partenaires pour récolter trois clopinettes, monter un budget bout à bout et acheter un petit joueur, c’est dur d’intéresser les médias. Par contre, quand tu as déjà de grosses puissances capables d’aligner les millions et d’acheter les meilleurs joueurs, c’est beaucoup plus facile », commente Benjamin Maître. Les budgets de Barcelone et de Madrid frôlent les 25 millions d’euros quand ceux de Pro A oscillent entre 2 et 6 millions d’euros. Le CSKA Moscou, lui, tape dans le haut du panier avec ses 40 millions. Frédéric Mazeas ironise : « Quand tu as 40 millions c’est pas dur, tu appelles Nando de Colo qui est à Toronto et tu lui proposes trois ans de contrat à 1,2 millions la saison. 1,2 millions, c’est toute l’équipe de Limoges cette année. Un joueur à Moscou, c’est une équipe entière à Limoges ». Là encore, la Ligue s’active pour développer le basket dans nos métropoles françaises, notamment à Marseille. L’ASVEL Lyon-Villeurbanne, quant à elle, se déploie grâce à Tony Parker, qui met grassement la main à la poche.

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Le Quai 54, l’exemple à suivre

 

« Il faut créer une marque Pro A, comme il existe une marque NBA ou une marque Quai 54 », prône Benjamin Maître. Initié il y a dix ans et des poussières par Hammadoun Sidibé, un amoureux de basket, le plus gros tournoi de streetball au monde est devenu une véritable opération marketing aux œufs d’or. Nike et Jordan brand, ses principaux sponsors, ont d’ailleurs très vite flairé le filon. Un slogan facilement identifiable et mémorisable (« Bring your game, not your name »), des images et des vidéos léchées, une maîtrise parfaite des réseaux sociaux (le hashtag #quai54 se retrouve régulièrement en trending topic monde sur Facebook, Instagram et Twitter), une désirabilité accrue par le nombre limité de places, un emplacement prestigieux (les trois dernières éditions ont pris pied sur le Champ de Mars, au Trocadéro et sur la place de la Concorde), un show à l’américaine animé par Mokobé et Thomas Ngijol et rythmé par des concours de dunk, des démonstrations de danse ou des battles de emcees, du gros son, des invités de premier choix entre stars NBA et artistes phares de la scène hip-hop, un merchandising dédié (t-shirts, casquettes et shorts) et des paires Jordan et Nike exclusives aux couleurs de l’événement : tout y est. Le Quai 54, fiévreusement attendu par les ballers du monde entier à l’approche de l’été, s’apparenterait presque davantage à une gigantesque block party. Plus de 10 000 spectateurs chauffés à blanc se pressent au rendez-vous chaque année. L’édition 2015 aura même été marquée par une mini-émeute aux portes du playground, à l’aube du deuxième jour. Les médias, eux, font leurs choux gras de cette manifestation qui jette de la poudre aux yeux. Le coup de maître est d’autant plus éclatant que les équipes participantes fourmillent de joueurs de Pro A. « Fusion contre Yard La Relève (les deux équipes finalistes de cette saison) ça claque comme noms, mais en fait c’est L’ASVEL contre Gravelines », note Frédéric Mazeas, goguenard. Benjamin Maître rebondit : « L’équipe qui a gagné (Yard La Relève), c’est Gravelines à 60%. Par contre quand ça se passe au niveau du BCM, dans la vieille salle orange du Sportica, un complexe un peu pourri qui fait à la fois piscine et tatami, c’est tout de suite moins sexy ». D’où l’importance de l’emballage. À la Ligue, comme à la Fédération, qui n’avaient toutes deux pas souhaité s’associer au projet au moment de sa création, d’en prendre de la graine. De l’art de faire du basket un spectacle.

 

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L’EuroBasket 2015, un événement mal promu

 

Championne d’Europe en titre et médaillée de bronze au Mondial 2014, athlétique, solide et agile, notre Equipe de France a de la gueule. La moitié de son effectif évolue en NBA et son chef de file charismatique et populaire, Tony Parker, campe à la deuxième place des sportifs préférés des Français, selon un récent sondage TNS Sofres pour l’Equipe Magazine. Mais, curieusement, les exploits de l’équipe nationale n’explosent pas à la face de l’Hexagone ; les Français boudent leur plaisir.

L’effervescence du mois de juin autour du Quai 54 contraste avec le calme plat qui entoure l’Euro. La Fédération Française de Basketball (FFBB) a tout de même quelques circonstances atténuantes. En 2011, l’organisation de l’EuroBasket 2015 échappe à la France au profit de l’Ukraine. Un choix curieux qui se retournera vite contre la FIBA. Le pays, en proie à une crise politique, est à feu et à sang. En juin 2014, la Fédération Internationale rebat alors ses cartes et relance les dés. La France retente sa chance, main dans la main avec l’Allemagne, la Lettonie et la Croatie. Cette fois-ci sera la bonne ; la nouvelle tombe trois mois plus tard. Là où la Fédération Française de Football aura eu près de six ans pour préparer l’Euro 2016, la FFBB, elle, n’a eu donc qu’une petite année. Quand bien même, son plan de communication aux relents d’amateurisme ne se montre pas à la hauteur de l’événement. Depuis début septembre, au-delà de sa photo de couverture, la Fédération n’a publié sur sa page Facebook que six posts, sur une cent-cinquantaine, à propos du Championnat d’Europe. La liste des 24 présélectionnés, c’est Frédéric Mazeas qui l’a tweetée avant la Fédé en mai dernier. L’institution use et abuse des montages made in Paint et produit une web-série filmée à l’arrache, supposée être humoristique, « Le capitaine s’occupe de tout », culminant entre 3000 et 10 000 vues sur Dailymotion. La FFBB mise beaucoup sur la communication locale, en habillant notamment le tramway à Montpellier et le Beffroi de l’hôtel de ville à Lille, mais néglige, en contrepartie, la couverture nationale. Audrey Canlet, la Responsable Médias de l’EuroBasket 2015, nous avoue que « l’affichage dans le métro parisien est hors de prix », mais évoque avec contentement le match des ambassadeurs, organisé au Gymnase de la rue de Trévise à J-100 en présence d’une poignée de joueurs et de personnalités médiatiques, et la mascotte de l’Euro, Frenkie, qui traîne sa carcasse moelleuse sur les parquets de Pro A, au Tour de France, à Roland Garros, sur le camp GRDF ou au Stade de France. Des initiatives nécessaires mais le programme global reste maigre. Pourtant, un teaser bien monté, des portraits de joueurs, un documentaire, des images soignées ou un community management bien orchestré, ça n’explose pas la tirelire. Et puis, il y a ce slogan qui accompagne nos frenchies pour l’Euro : « Ils seront tous là ». A vrai dire, le grand public n’a en tête pas plus de deux ou trois joueurs du groupe tricolore, Tony Parker et Boris Diaw, voire Nicolas Batum. On comprend donc en filigrane que la FFBB s’adresse principalement aux initiés, plutôt que de chercher à glaner un public plus large.

 

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Si les médias ne se bousculent pas pour l’instant au portillon, Audrey Canlet se veut confiante : « Les demandes d’accréditations sont en tout cas très largement au-dessus des chiffres habituels. […] L’intérêt des médias va grandir avec l’Equipe de France. C’est difficile de communiquer 1 an avant, parce que c’est loin et en même temps très proche. C’est aussi compliqué de faire vivre l’Equipe de France tout au long de l’année car le groupe ne se retrouve pas en-dehors des compétitions, contrairement au foot ». Voilà pourquoi la FIBA prévoit de chahuter le calendrier international en imposant dès 2017 des qualifications pour la Coupe du Monde en pleine saison des clubs. La Fédération Internationale souhaite ainsi assurer une meilleure visibilité des sélections nationales, à l’année, sur le modèle du football. L’intention est louable mais la NBA, qui régit le basket mondial, ne laissera jamais filer ses rejetons le temps d’un match national. Une mesure inintelligible et injuste.

 

Enfin, la bonne nouvelle de l’EuroBasket 2015, c’est que son diffuseur officiel, Canal+, maîtrise son sujet. La chaîne a les clés et les ressources pour valoriser une compétition de cette envergure. Et si l’Equipe de France répond présente, les médias relayeront largement l’événement. De quoi ouvrir la voie à la Pro A qui démarrera dans la foulée, si la Ligue parvient à capitaliser sur le succès des Bleus. Benjamin Maître se montre malgré tout plutôt pessimiste : « La réalité c’est que pour le premier match de reprise il y a forcément pas mal de médias qui se déplacent pour filmer « le retour des héros », puis dès la deuxième journée c’est terminé, il n’y a plus personne sauf les journaux locaux et Canal+ qui se déplace de temps en temps ». Rendez-vous dans deux mois.

 

Ce que l’on retient, finalement, c’est que le basket français n’est pas tellement un diamant brut. Au contraire même, il s’est ciselé et poli à travers les années, et n’attend plus qu’un écrin pour le sublimer. À bon entendeur.

 

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En cette deuxième année passée avec vous sur la terrasse du Wanderlust, l’attention portée à leur tenue par les participants du #YARDSUMMERCLUB ne nous a évidemment pas échappée.
YARD s’est donc décidé à parcourir la foule de son oeil affûté pour capturer vos meilleurs looks.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
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La Nike Air Max 95 est un modèle totalement unique dans la gamme des Air Max. Pensé par Sergio Lozano, ce modèle s’inspire directement des parties du corps humain : les côtes, les vertèbres, la peau qu’on devine facilement en regardant la constitution de la paire. Aujourd’hui, à l’heure de son vingtième anniversaire, la longévité et le succès de la 95 témoigne de sa place unique pour les amoureux de sneakers. Alors qu’on attend la sortie de la Ultra Jacquard le 16 juillet, YARD vous concocte son top 5 des meilleures Air Max 95.

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Air Max 95 Neon (1995)

Initialement la Air Max 95 est un modèle qui a aussi la vocation de satisfaire les coureurs notamment ceux de l’Oregon, berceau de la marque au swoosh. En effet, Sergio Lozano explique que ces habitants font leur jogging quelques soient les conditions météorologiques. Alors pour dissimuler la saleté de leurs chaussures quand il pleut, le designer pense à ce dégradé du noir au blanc et prend le pari d’y intégrer du gris alors qu’on lui certifie à l’époque « que le gris ne se vend pas ». Challenge accepted.
(photo : jwdanklefs.com)

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Air Max 95 Valentine’s Day (2000)

Les sneakers et la Saint-Valentin ne font pas souvent bon ménage. Mais pour une fois le couple fonctionne bien en 2000 avec la Air Max 95 car Nike s’est avant tout attaché à sortir une belle paire plutôt que de verser dans le kitch. Le rouge qu’on retrouve sur la semelle et les petits clins d’œil de rose sur l’œillet des lacets ainsi que le logo en forme de cœur sont autant de choix qui témoignent du parti pris de l’élégance pour cette fête des amoureux.
(photo : Ugly Mely)

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Air Max 95 Atmos Viotech (2003)

Les collaborations entre Atmos, l’enseigne japonaise, et Nike sont toujours très attendues par les fans. Le pack viotech de 2003 qui contient une paire d’Air Max 1 et une 95 rencontre un beau succès. La spécificité réside surtout dans l’association de couleurs originales (violet, kaki, marron), déclinées sur les deux modèles, qui tranche à l’époque.
(Photo: sneakersaddict.com)

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Air Max 95 Stash (2006)

Véritable légende du graffiti, Stash s’est également prêté au jeu de la collaboration pour la Air Max 95. Pour celle-ci, l’artiste s’est amusé à travailler le bleu comme il pouvait le faire sur les murs de New York. Résultat, un bijou, qui presque dix ans plus tard peut s’échanger aux alentours du millier d’euros.
(Photo : sneakersaddict.com)

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Air Max 95 Escape (2014)

Le pack Escape sorti en novembre 2014 propose une gamme de modèles Nike avec : la Air Max 90, la International Mid et la Air Max 95. Pensée pour coller à l’esprit des fêtes de fin d’année, cette paire est l’une des plus raffinée depuis son lancement en 1995, le travail sur le cuir apporte une touche un peu moins basket mais plus dans l’esprit des chaussures de ville.
(Photo : rezetstore.dk)

L’idée est simple et très en vogue en ce moment, la superposition de captures d’écran de fiction avec des clichés de la vie réelle. Samantha Gardella a donc associé son amour de la série Orange Is The New Black à son lieu de résidence. À quelques kilomètres de Litchfield et de son Children’s Psychiatric Center, lieu de tournage de la série, elle s’est amusée à réaliser ce collage original.

HLenie est de retour de Barcelone, et comme toujours les mains chargés de photos et de souvenir de son voyage pour la rubrique Somewhere In…

On enfile un maillot blaugrana, on se noie dans la foule où se mélange Barcelonais, Catalans, touristes espagnols anglais, français, italiens. Nous nous promenons sur las Ramblas, dans le quartier Gothique ou dans le Raval, devant la Sagrada Familia, le long de la mer côté La Barceloneta, à la fraîche accompagnés de tapas. Barcelone s’apprécie chaque fois de mille façons différentes. Un passage au sein du Camp Nou pour le tout dernier match de Xavi donne cette fois à ce voyage une saveur toute particulière… « Visca Barça » !

Les architectes grecs Laertis Antonios Ando Vassiliou et Pantelis Kampouropoulos, du groupe OPA Works, ont imaginé une incroyable demeure, située dans un lieu pour le moins atypique : le flanc d’une falaise faisant face à l’océan, à Rhodes en Grèce.

Un bâtiment tout en béton, en hommage au courant brutaliste, qui profite ingénieusement du jeu de lumière en provenance de la piscine située sur le toit, et d’une grande baie vitrée avec la mer pour seul et unique vis-à-vis.  Une bonne raison de défier son vertige.

Il y a des destins qui sortent du cadre, envoient chier les normes. Des parcours qui déroutent et fascinent. Celui de Dominique Saatenang est de ceux-là. Le Camerounais fana de wushu (le vrai nom du kung-fu) a la vingtaine et ne baragouine pas un mot de chinois lorsqu’il claque sa vie au pays et pousse les portes du sacro-saint Temple de Shaolin. Il est alors le premier Noir à s’y oser. Là-bas, repéré par le chef spirituel au bout de quelques semaines de stage, il affutera sa technique et son savoir pendant quatre ans. Depuis, le « chinoir » squatte tatamis (il est double vice-champion du monde de wushu), festivals, forums, scènes de spectacle ou encore plateaux de cinéma. Il a troqué sa soutane safran contre un costume de business-man et prêche la bonne parole Shaolin aux quatre coins du monde.

 

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Vous vous présentez de vous-même comme le « Bruce Lee africain » ou le « premier moine Shaolin africain », finalement ça ne vous dérange pas du tout que les médias s’intéressent à vous en tant que moine Shaolin noir, au contraire même ça vous amuse…

En fait ce n’est pas moi personnellement qui me présente en tant que « Bruce Lee africain », je n’aurais jamais imaginé un jour, même pas en rêve, avoir un tel surnom. Ce sont les Chinois qui ont décidé de me consacrer un film et de l’appeler le « Bruce Lee africain ». Mais moi je sais que je ne serais même pas en mesure de lacer les chaussures de Bruce Lee, je ne sais pas si j’ai fait un millième de ce qu’il a fait de son vivant. Un Chinois m’a dit un jour : « Si on vous a donné ce surnom, il faut avoir conscience de la responsabilité qui pèse sur vous.» Aujourd’hui, effectivement, c’est presque plus un poids qu’une fierté. Pour le reste, je suis Noir et je suis fier de l’être, ça c’est clair et net, personne ne me retirera cela. Si demain je meurs et que je dois renaître – comme à Shaolin on croit en la réincarnation – j’aimerais renaître Noir. Je me sens tellement bien tel que je suis, je n’ai jamais envié une autre couleur. Les gens attachent de l’importance à la couleur alors que nous sommes tous les mêmes, quelles que soient nos pratiques religieuses et nos origines.

Vous avez eu envie de pratiquer les arts martiaux après avoir vu le film Opération Dragon. Lorsque vous êtes arrivé au Temple de Shaolin, la réalité correspondait-elle à la vision fantasmée que vous vous en étiez faites à travers le cinéma ?

Dans le film, on voit des gens voler, sauter, maîtriser des foules… Ça excite son imaginaire d’enfant. Donc quand on commence cet art on s’attend rapidement à cela, on a envie d’appliquer très vite ce qu’on apprend mais c’est au fil du temps qu’on assoit une vraie maîtrise et qu’on comprend que les arts martiaux ont un côté beaucoup plus profond que cela. Pour répondre directement à votre question, je n’ai pas été déçu car j’étais trop envahi par ce rêve de découvrir le pays, le cœur de cet art martial, là où il a été créé. Pour moi c’était le plus important, la découverte, la curiosité de savoir que j’allais enfin pratiquer avec les véritables maîtres dans ce lieu sacré. C’était vraiment mon rêve, plus que d’être Bruce Lee.

Quel traitement avez-vous reçu de la part des autres moines Shaolin qui n’avaient pour la plupart jamais vu d’Africain de leur vie. L’intégration a-t-elle été facile ?

Je n’ai pas eu de problèmes. La seule difficulté que j’ai pu avoir c’était celle de la communication. Ce qui m’a fait tout drôle aussi, c’est de quitter un petit village africain pour un pays, la Chine, où j’étais traité comme une star. Les Chinois accouraient tous pour prendre des photos avec moi. Quand on terminait les entraînements, je ne sortais pas par la porte principale du temple car sinon je n’avais plus le temps de manger après. Tous les gens m’arrêtaient sur le chemin, je pouvais mettre 1h pour faire 300 mètres. J’ai compris que c’était vraiment de la curiosité parce que j’étais cet étranger parmi tous ces Chinois, qui pour certains n’avaient jamais vu de Noir. La première question qu’un Chinois m’ait posé, ce fut : « C’est le soleil qui vous a brûlé pour être noir comme ça ? ».

 

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Vous pouvez me décrire une journée-type au monastère ?

D’abord ce qu’il faut savoir c’est que du lundi au dimanche pour moi tous les jours étaient pareils, j’oubliais parfois quand on était, je n’avais pas la notion du temps.
À 4h30, le gong retentit pour vous réveiller. Dès 5h, vous avez la prière du matin mais vous n’êtes pas obligé d’y aller. Moi, comme je suis curieux, j’y assistais, surtout qu’on vous donnait 10 yuan, l’équivalent d’1 euro à l’époque, à la fin de cette méditation. À 5h30, vous commencez le footing, vous parcourez le Mont Songshan, vous revenez à quatre pattes, vous descendez, vous remontez avec quelqu’un sur le dos… Vous faites quelques exercices d’étirement puis vous revenez prendre votre petit-déjeuner à 6h30. A 7h il y a une petite pause et à 8h30 vous commencez l’entraînement jusqu’à 11h. A 11h30 vous avez le repas du midi et à 12h c’est fini, vous n’avez qu’une demi-heure pour manger. Vous pouvez ensuite être amené à faire quelques services comme accueillir le public qui vient visiter le temple. A 14h30, vous reprenez l’entraînement. L’après-midi c’est généralement l’application de ce que vous avez appris le matin et tout ce qui est Qigong, l’endurcissement du corps etc. De 17h30 à 18h vous dînez, puis vous avez des séances de méditation non-obligatoires ou des cours sur le bouddhisme. Je ne parlais pas encore chinois mais j’avais accès à la formation car il y avait un département étranger qui parlait anglais.

Comment est-ce qu’on parvient un jour à ne plus ressentir la douleur physique lorsqu’on nous plante une lance dans le ventre ou qu’on nous casse un bâton sur le dos ?

C’est ce qu’on appelle le Qigong, ce n’est pas accessible à tout le monde, il faut avoir des années de pratique pour connaître et maîtriser son corps. Vous savez, le corps que vous voyez n’est qu’une enveloppe. L’Occident attache beaucoup plus d’importance à l’aspect physique tandis que l’Orient attache plus d’importance à l’aspect intérieur. Mais il faut quand même se sentir bien dans sa peau pour se sentir bien dans sa tête, ce qui fait qu’un travail physique est très important, déterminant, indispensable pour la suite. Le travail physique entraîne le travail moral qui entraîne le travail spirituel. La formation du corps physique endurcit le mental puis il faut arriver à un moment donné à ressentir le moins possible sa personne. Il faut s’isoler, se canaliser, être en harmonie avec son moi intérieur, se concentrer sur son corps et lui donner une dimension inerte pour être prêt à affronter toutes sortes de douleurs parce que tout se passe dans la tête. C’est notre mental qui nous dit qu’on a mal. Le travail physique, moral et spirituel sont complètement liés, l’un ne va pas sans l’autre, c’est comme le maillon d’une chaîne.

 

 

En devenant une attraction touristique et avec le progrès, le kung-fu shaolin n’a-t-il pas perdu de son authenticité, de sa dimension spirituelle ?

Il faut s’avoir qu’au temple il existe des moines guerriers et des moines religieux. Les moines guerriers sont ceux que vous voyez, qui font des spectacles… Les moines religieux, eux, ne sortent pas et vivent dans la chapelle, interdite aux étrangers. Ils prient au quotidien et dorment même assis, les jambes croisées en méditation. Ces moines-là sont dépourvus de toute sorte de matériel moderne. Avec le progrès matériel, les moines guerriers, quant à eux, ne sont aujourd’hui plus les mêmes qu’il y a 10 ans mais ça a facilité beaucoup de choses, comme le fait de pouvoir joindre tout de suite le chef spirituel sur son portable s’il y a un problème. Ca n’influe pas sur le travail qui se fait au temple mais, au contraire, ça aide à développer et étendre cette culture. Par exemple, s’il n’y avait pas d’avion ou de voiture, comment le moine pourrait se déplacer pour venir partager sa vision?

Les conditions de vie au monastère étaient très rudimentaires pour se recentrer sur l’essentiel. Est-ce que ce n’est donc pas un peu contraire à la philosophie du moine Shaolin de porter aujourd’hui des beaux costumes, une belle montre et de rouler dans une belle voiture ?

Vous savez, on stigmatise beaucoup les choses. N’associez pas un moine à un petit pauvre qui reste dans son coin. Au-delà d’être des moines, nous sommes avant tout des êtres humains avec des besoins, même s’ils ne sont pas extravagants. Il y a les moines religieux qui vivent au temple et font vœu de chasteté, et puis il y a les moines guerriers qui, eux, travaillent pour la promotion culturelle, spirituelle et religieuse du Temple de Shaolin. Je pense que personne ne peut me reprocher d’avoir été moine et de vivre aujourd’hui sur les Champs-Elysées, de rouler dans une belle voiture… J’ai été au Temple de Shaolin pendant des années, quand je suis sorti j’ai fait du sport de haut niveau, j’ai étudié à l’Université des sports de Pékin, j’ai fait des compétitions, je suis double-vice champion de monde de wushu, j’ai été médaillé d’or dans des festivals internationaux… Après sa vie de moine il y a une vie à construire, une reconversion à faire. Il ne faut pas penser qu’un moine ne vit que d’eau. Je peux être aujourd’hui un modèle pour la jeunesse, faire comprendre que tout est possible, surtout lorsqu’on a la volonté, lorsqu’on est discipliné et lorsqu’on a la détermination, d’où mon principe de vie DVD : Discipline, Volonté et Détermination.

 

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Vous dites que la culture chinoise et africaine ont beaucoup plus en commun que ce qu’on peut penser, vous pouvez préciser ?

Dès mon plus jeune âge, mon père m’a initié à la danse traditionnelle africaine et je pense que ça m’a beaucoup aidé pour la suite. En Afrique, il y a des danses traditionnelles qui s’apparentent aux arts martiaux, avec des flèches ou même des épées, qui sont quasiment les mêmes qu’en Asie. Et puis quand je suis arrivé en Chine, j’ai retrouvé la même chaleur humaine, la même hospitalité qu’en Afrique. Ce sont deux cultures qui ne sont finalement pas si éloignées.

Parmi toutes vos activités, le cinéma, les spectacles, les compétitions sportives, les conférences … Qu’est-ce que vous préférez faire ?

Il y a une chose dont personne ne pourra me détacher c’est le spectacle. Et le cinéma c’est mon rêve depuis petit. J’ai connu les arts martiaux à travers le cinéma et j’aimerais à mon tour apporter un message, transmettre, par ce biais. C’est pour ça qu’aujourd’hui je n’accepte pas tous les rôles qu’on m’offre, je reçois tous les jours des propositions de cinéma mais ce sont des personnages qui ne m’intéressent pas ou ne me valorisent pas. Ce n’est parce que je suis Noir que je dois accepter n’importe quoi. Je suis le premier étranger à avoir pénétré le cœur du temple de Shaolin et j’ai fait la plus grande école d’arts martiaux en Asie (l’université des sports de Pékin) donc je ne vois pas pourquoi j’accepterais de jouer un petit rôle où je couperais juste les têtes des gens.

Vous avez pensé à adapter votre histoire au cinéma ?

Il y a beaucoup de réalisateurs qui se penchent sur le sujet mais je préfère attendre que les choses se fassent pour en parler. Il y a un film qui est déjà écrit en Chine à ce niveau. Aux États-Unis, il y a aussi Backstreet, qui est une adaptation fictionnelle de mon histoire.

 

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Quel regard portez-vous sur le kung-fu aujourd’hui ?

Les films de kung-fu ont beaucoup contribué au développement et à l’épanouissement de ce sport à travers le monde, je déplore seulement qu’il ne soit pas olympique pour avoir encore plus de visibilité. Aujourd’hui, tous les arts martiaux sont des dérivés du wushu, comme le karaté ou le taekwondo, donc je ne comprends pas qu’il ne soit pas olympique. J’ai été encadreur physique pour des équipes nationales de basket ou de football et peux vous dire que les joueurs auraient eu du mal à suivre les entraînements de wushu que je donne à mes élèves. Le fait que ce sport n’ait pas de vraie visibilité médiatique nous condamne un peu.

Vous avez encore des rêves aujourd’hui ?

Ah oui, tant qu’on vit on ne peut qu’avoir des rêves.

Les anniversaires des chaussures de sport deviennent des dates propices à de nouvelles créations et innovations réadaptant les kicks iconiques d’un âge considéré d’or par de nombreux sneakers addicts. Habitué de cette tendance avec la Air Max 1, la Air Force 1 ou encore Air Jordan, Nike remet le couvert avec la Air Max 95 cette fois, qui fête ses 20 printemps cette année.

À cette occasion, les designers de la marque au Swoosh ont concocté deux modèles : la Air Max 95 Ultra Jacquard et la Air Max Ultra 95. La première, crée par le designer maison Ben Yun, bénéficie de la dernière technologie Flywire améliorant la stabilité, d’un empiècement unique sous forme de bandes, et d’améliorations notamment au niveau de la semelle, affinée et plus souple que l’original. Le modèle féminin, dessiné par Dylan Raasch, créateur de modèles réputés comme la Air Max Thea, la Roshe Run ou la Air Max Ultra, reste dans un minimalisme qui caractérise parfaitement le travail du designer.

Découvrez ci-dessus en images les réinterprétations de la Air Max 95, mises à jour à la sauce 2015. Les deux paires seront disponibles dans les points de vente Nike dès le 26 juillet prochain.

Au départ une aventure commencée par Switch et Diplo – le projet Major Lazer s’est depuis développée autour de ce dernier et des Djs Jillionnaire et Walshy Fire, venus pour l’épauler sur la production et en concert. En quelques années, le trio à imposer son mash–up Dancehall Electro, réussissant à se faire adouber par le monde de la dancehall, comme par le gratin de la musique mondiale (Snoop Dogg, Madonna, Bruno Mars, Pharell Williams…) De passage à Paris tournée européenne, Major Lazer se produisait à trois endroits de la capitale la nuit du vendredi 24 mai dernier. L’occasion pour nous de vivre au plus près une soirée aux cotés du trio roi du Dancehall Electro et d’immortaliser la ride sous l’objectif de nos caméras.

 

 

Après Booba, A$AP Mob, Kohh ou encore J-Stash, c’est ILoveMakonnen qui a foulé la scène du YARD SUMMER CLUB. Son titre « Tuesday » n’aura jamais été aussi indiqué.

INFOS YARD SUMMER CLUB

Photo : HLenie

Summer Is coming. Présenté de façon joviale par DJ Jazzy Jeff et The Fresh Prince avec leur éternel classique « Summertime », façon mélancolique par Jay-Z dans « Dear Summer » ou un peu chaotique « Today was a good day » par Ice Cube ; l’éte a toujours eu une saveur particulière dans le milieu du hip-hop. Période de block party en tous genres et autre pool-party en pagaille, la saison estivale est aussi un moment propice pour vendre des disques. Et quoi de mieux qu’un tube de l’été qui tournerait partout, quitte à nous saouler dès les premières minutes de la rentrée ? Certains s’en sont plus ou moins fait une spécialité depuis quelques années, avec plus ou moins de succès.

 

10-Soprano

SOPRANO
Faits d’armes : « Chérie coco », « Halla halla », « À La bien »

Le rappeur issu des Psy4 de la rime compte dans son répertoire un nombre de morceaux « estivo-compatibles ». Quoi de plus normal pour un artiste issu de Marseille ? Avant les chemises improbables et les mélodies flamenco de Jul’, c’est Soprano qui a bercé les étés en le faisant « à la bien ». Aujourd’hui plus dans un registre variet’ que hip-hop, Soprano continue de parsemer ses titres estivaux, que l’on aime ou pas.

 

09-BabyBash

BABY BASH
Fait d’armes : « Suga Suga »

La carotte du siècle. Il en fallait bien une. Anciennement appelé Baby Beesh (!), c’est sous l’appellation Baby Bash que le rappeur américano-mexicain conaîtra le succès avec son titre « Suga Suga ». Ce morceau mid-tempo… Il tentera plus tard de nous refaire le coup avec des morceaux comme « Baby, I’m Back » en featuring avec Akon, ou avec Sean Kingston sur le morceau « What Is It ». Heureusement pour les mélomanes, en vain.

 

08-JaRule

JA RULE
Faits d’armes : « I’m real », « Ain’t It funny », « Always on time »

Bien avant 50 Cent ou Drake, c’est celui qui a (re)mis au goût du jour le chant dans le rap. De ses débuts en 1993 à aujourd’hui, Jeffrey Atkins (JA) Rule sera passé de gangsta rappeur hargneux à un paria boycotté par le rap game entier et boudé par son public. Entre temps néanmoins, Ja aura connu une période faste où son personnage de « thug lover » signe un bon nombre de tubes de l’été. La formule est souvent la même : lui au rap et chan puis une chanteuse qui l’accompagne pendant les refrains. On se rappelle notamment de ses duos avec Christina Milian, Charli Baltimore, Ashanti, ou encore Jennifer Lopez. C’est avec cette dernière qu’il signera son plus gros hit estival, l’inoubliable « I’m real ».

 

07-Drake

DRAKE
Faits d’armes : « Best I ever had », « Every girl », « Starting from the bottom »

Presque de la triche de placer le phénomène de Toronto dans cette liste tant il semble être facile dans ce qui est de la conception du tube. Le petit de Degrassi est l’homme des tubes de l’été, du printemps, de l’automne et de l’hiver. Mixtape, albums, collaborations, tous ses projets sont parsemés de bangers qui – peu importe leur date de sortie – tournent encore pendant la période estivale. Nombreux sont ceux qui aimeraient connaître sa recette secrète.

 

06-Nelly

NELLY
Faits d’armes : « Country Grammar », « Hot in herre », « Dilemna »

En arrivant avec son premier album Country Grammar, Nelly a réussi l’exploit de placer sa campagne natale du Midwest, St-Louis, sur la carte des grandes villes hip-hop aux Etats-Unis. Une position maintenue un moment… Jusqu’à ce que Nelly et son pansement ne rencontrent plus le succès d’antan. Quand bien même, il restera attaché a cette image de « faiseur » de tubes estivaux et accessoirement, comme l’ambassadeur de St-Louis.

 

05-Pitbull

PITBULL
Faits d’armes : « Culo », « I know you want me », « Timber »

Dans le monde du rap, on s’en ait fait une raison depuis longtemps. Comme son compatriote et concitoyen de la ville de Miami Flo Rida, le « chien de combat » les a vite arrêté ceux de la rue pour aller parader dans les joutes moins rugueuses mais plus juteuses. Celui qui avait montré un talent certain sur des morceaux comme « Culo » ou « Born N Raised » a vite assumé sa décision de laisser le hip-hop derrière lui pour embrasser la cause de la dance music et de la soupe grand public.

 

04-Mokobe

MOKOBE
Faits d’armes : « Bouger bouger », « On est ensemble », « C’est dans la joie»

Déjà co-auteur de certains des plus grands hits des vacances du rap français lors de son époque 113 (« Au summum », « Tonton du bled », « Jackpot 2000 »), Mokobé s’est sûrement inspiré de cette période pour choisir la meilleure reconversion solo possible ; pour celui souvent qualifié comme l’élément du trio aux capacités rapologiques les plus limitées. Grâce à des duos avec des stars en vogue du continent africain comme Magic System ou Dj Arafat, le rappeur connaît une carrière solo plutôt satisfaisante comparée à celle de ses anciens acolytes. Une belle revanche pour le Vitriot d’origine malienne, qui a fait du tube aux sonorités africaines sa marque de fabrique.

 

03-Snoop

SNOOP DOGG
Faits d’armes : « Gin & Juice », « Gangsta Lluv », « Beautiful»

Sa carrière parle pour lui. À l’inverse de Pitbull ou de Flo Rida partis trop vite vers la pop avant d’avoir véritablement fait leurs preuves dans le hip-hop, Snoop peut se permettre aujourd’hui absolument tous les délires. Même celui de se renommer Snoop Lion pour faire un album reggae-dancehall sans que personne n’y trouve à redire.

02-FloRida

FLO-RIDA
Faits d’armes : « Right around », « Levels »

On se rappelle du morceau qui l’a fait découvrir, « Birthday ». Du pur hip-hop sudiste comme on en raffolait il y a une dizaine d’années et un nouveau « prospec »t à observer dans un Miami en ébullition grâce à des artistes comme Rick Ross, Pitbull, Trina ou encore Trick Daddy. Le « Rapper Turned Pop Star » est devenu le rappeur de l’été par excellence. C’est simple, il ne fait que ça mais il le fait bien. Plus préoccupé par son coffre à hits qu’a sa street-crédibilité, l’amateur aura classé en moins d’une dizaine d’années 52 morceaux dans les charts américains, une moitié en featuring et l’autre en artiste principal… Mais quasiment tous étiquetés pop.

 

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PHARRELL WILLIAMS
Faits d’armes : « Happy », « Lucky », « Frontin’»

En production, en featuring, en groupe ou en solo, Pharrell est partout. Impossible de passer à côté du super producteur devenu superstar de la pop en même temps qu’égérie de la mode. Ces dernières années il a totalement dominé les charts grâce à son omniprésence en quantité comme en qualité et d’excellents choix. Le tube mondial incontournable de l’an dernier « Happy », c’était lui ; celui de l’année d’avant, « Lucky » en compagnie des Daft Punk, c’était lui aussi. Et on est sans doute pas à l’abri d’un nouveau coup d’éclat de Pharrell « Benjamin Button » Williams cet été. Skateboard P, définitivement la valeur sûre de l’été.

 

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PATRICK SEBASTIEN (Bonus)
Faits d’armes : « Le petit bonhomme en mousse », « Tourner les serviettes »

Parce qu’on le sait tous, le boss du summer game, le vrai, c’est lui.
Mentions spéciales aux Black Eyed Peas, Rick Ross, Wiz Khalifa, Cam’Ron, Puff Daddy, Dj Khaled, Lil’ Jon…

C’est après une série de qualifications à travers toutes la France que la compétition de basket en 1 contre 1, Red Bull King Of The Rock a trouvé son champion national. Comme prévu, la phase finale de cette compétition c’est tenues sur un lieu tout aussi atypique que l’île d’Alcatraz, où elle trouve ses origines. Le 4 juillet, c’est donc à Toulon sur un porte-hélicoptère BPC Mistral de la Marine Nationale que les finalistes se sont retrouvés.

Après 6 étapes qualificatives, 46 qualifiés et 4 wild cards accordées à la Marine Nationale, c’est le Parisien Yannick Konso qui remporte cette finale et qui représentera la France le 29 août à Istanbul en Turquie.

 

En cette deuxième année passée avec vous sur la terrasse du Wanderlust, l’attention portée à leur tenue par les participants du #YARDSUMMERCLUB ne nous a évidemment pas échappée.
YARD s’est donc décidé à parcourir la foule de son oeil affûté pour capturer vos meilleurs looks.

On vous donne rendez-vous tous les mardis de l’été !
EVENT FACEBOOK

Hayce Lemsi, XVBarbar, Volts Face, le XVIIème arrondissement devient l’un des épicentres du rap français. C’est accompagné de ces guides que YARD s’est rendu dans le quartier de la Fourche et de Porte Saint Ouen pour comprendre les raisons de ce fourmillement artistique. Un troisième numéro d’On The Corner qui nous fait découvrir un nouvel endroit de la capitale et qui nous dévoile ce Paris à mille facettes.

Dépourvue de sorties majeures, l’année 2014 a été le couronnement de la viralité au sein du paysage hip-hop. Entre OT Genasis, Bobby Shmurda ou encore Dej Loaf, nombreux sont les artistes qui se sont immiscés sous le feu des projecteurs, profitant de l’immense caisse de résonance qu’est le web pour voir un de leur titre affoler les rues et les clubs.

Au milieu de l’été 2014, Fetty Wap est également venu s’ajouter à cette longue liste de trublions au travers de l’entêtant « Trap Queen ». Un titre à mi-chemin entre le rap et le R&B qui, comme beaucoup d’autres titres du second genre, s’inscrit dans le cadre prédéfini d’une relation avec une créature du sexe opposé. A la différence que celle-ci est amorcée par l’artiste originaire du New Jersey de manière peu conventionnelle :

I’m like « hey, wassup ? hello »
Je lui fais genre « Hey, salut ! ça va ?
Seen yo’ pretty ass soon as you came in the door
J’ai remarqué ton beau cul dès que tu as passé cette porte
I just wanna chill, got a sack for us to roll
Je veux juste qu’on se laisse aller, j’ai de la beuh qu’on pourra rouler »

Trap-Queen-Fetty-Wap-1

Seulement, si l’approche est atypique, c’est également parce que la femme en question n’est pas semblable aux autres. Autrement, il n’y aurait probablement pas de quoi y dédier toute une chanson. Non, cette femme sans pareil n’est ni plus ni moins qu’une reine ; une femme forte et indépendante, dont le titre de noblesse vient s’entremêler avec la notion de « trap ».

Au-delà de désigner un courant musical plus que jamais en vogue, ce vocable désigne aussi et surtout l’endroit où se font les trafics de drogues dans les quartiers sensibles.
La demoiselle n’a donc pas froid aux yeux et, telle une Skyler White pour son Walter, s’implique jusque dans les affaires les plus illicites de son compagnon. L’adage « pour le meilleur et pour le pire » prend ici tout son sens.
Du coup, Fetty Wap ouvre bien plus que les portes de son cœur à sa chère et tendre, qui bénéficie de privilèges d’un tout autre genre :

Married to the money, introduced her to my stove
Marié à l’argent, je l’ai impliquée dans mes business

She’s my trap queen, let her hit the bando
C’est ma Trap Queen, je l’ai laissé entrer dans le bando (pour les néophytes, le « bando » est un terme de l’argot américain qui désigne les maison abandonnées – « aBANDOnned house » – dans lesquelles la drogue est préparée)

Trap-Queen-Fetty-Wap-2

Dans son cas, Fetty pousse l’initiation jusqu’à apprendre à sa moitié les rudiments de la préparation de la drogue. Et puisqu’il est très bon professeur, les progrès de sa belle dans le domaine sont fulgurants :

Showed her how to whip, now she remixin’ for low
Je lui ai montré comment fouetter la dope maintenant elle l’a fait fructifier d’elle-même (le terme « remix » désigne précisément le fait de diluer la drogue avec d’autres substances pour en obtenir plus)

A 56 a gram, 5 a 100 grams though
56$ le gramme, 5000$ les 100

Plus proche de Gucci Mane (auquel le « Wap » de son pseudonyme rend hommage, référence au surnom du rappeur d’Atlanta, Guwop) que de Bobby Valentino, Fetty Wap ne peut toutefois se limiter à parler de simples relations amoureuses.
S’il est un romantique, il est avant tout un hustler. Et l’argent dont il dispose aujourd’hui, il se l’est fait tout seul, usant de débrouillardise. De fait, la possession de sommes aussi rondelettes à la provenance douteuse influence logiquement le lifestyle du big ZooWap et de sa « trap queen ». Là où la plupart des couples rêvent d’une situation stable et de fonder une famille, leurs loisirs et leurs ambitions divergent là encore de la norme :

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We just set a goal, talkin’ matchin’ Lambos
On s’est fixés un objectif, on veut nos Lamborghini assorties

I hit the strip with my trap queen cause all we know is bands
I just might snatch up a Rari, and buy my boo a Lamb’
I just might snatch her a necklace, drop couple on a ring
Je vais au strip club avec ma trap queen, parce que la seule chose qu’on connaît c’est les liasses
Je pourrais bien voler une Ferrari, et acheter une Lamborghini à ma chérie
Je pourrait bien lui voler un collier, puis poser quelques billets sur une bague

Devant une relation si fusionnelle, les autres ne peuvent bien évidemment pas rester indifférent:

Everybody hating, we just call them fans though
Ils ont tous le seum mais on pense qu’en vrai ce sont juste des fans

Mais qu’importe, le rappeur laisse finalement éclater son bonheur le temps du refrain, exprimant la sensation qu’il éprouve au contact de sa dame :

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And I get high with my baby
I just left the mall, I’m gettin fly with my baby, yeah
And I can ride with my baby
I be in the kitchen cookin’ pies with my baby, yeah
Et je plane avec ma chérie
Je sors du centre commercial et je me sens pousser des ailes avec ma chérie
Et je roule avec ma chérie
Je suis dans la cuisine, je prépare des tourtes avec ma chérie

D’apparence, il s’agit d’une déclaration à cœur ouvert tout ce qu’il y a de plus sensible. Néanmoins, les termes utilisés par Fetty Wap pour décrire sa relation ne sont pas choisis au hasard et font également référence à l’usage de drogues. De quoi se prêter à une double interprétation :

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And I get high with my baby
I just left the mall, I’m gettin fly with my baby, yeah
And I can ride with my baby
I be in the kitchen cookin’ pies with my baby, yeah
Et je plane avec ma chérie
Je sors du centre commercial et je me défonce avec ma chérie
Et je roule avec ma chérie
Je suis dans la cuisine, je prépare de la coke avec ma chérie (le mot « pie » désigne une simple tourte pour la quinquagénaire américaine, mais est également utilisé pour parler d’un kilo de cocaïne)

En allant plus loin dans le texte, on constate également qu’au-delà de la femme anoblie pour l’occasion, c’est la question de l’argent qui revient en tant que thème principal du morceau :

We be countin’ up, watch how far them bands go
On compte notre oseille, regarde jusqu’où les liasses s’amassent

Fetty Wap I’m livin’ fifty thousand
Fetty Wap, je me pavane avec 50000$

Boy how far can your bands go ?
Mec, jusqu’où tes liasses peuvent aller ?

Là ou le « Wap » de son pseudonyme est un hommage à l’homme qui s’est fait tatoué un cornet à glace sur la joue, le « Fetty » nous vient de l’argot américain et est un synonyme d’argent, signe de la place prépondérante qu’elle prend dans la vie de l’artiste. Ainsi, la véritable « Trap Queen » ne serait alors plus une demoiselle, mais l’argent, personnifiée au travers du titre. De fait, elle constitue le rouage essentiel de la vie des self-made men du ghetto tels que Fetty Wap. L’artiste le concède lui même : il est « marié » au fric. Dès lors, le texte prend un tout autre sens, ce n’est plus avec sa chérie qu’il se « défonce » et « se sent pousser des ailes » mais bien avec ses billets :

Married to the money, introduced her to my stove
Marié à l’argent, je l’ai fais rentrer dans mes plans

In love with the money, I ain’t never letting go
Amoureux de l’oseille, je ne la laisse jamais partir

It’s big ZooWap from the bando, without dinero I can’t go
C’est le grand ZooWap du bando, sans argent je ne peux rien faire

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Depuis le succès de « Trap Queen », Fetty Wap a connu une ascension démesurée. Son single compte aujourd’hui plus de 130 millions de vues sur YouTube et a d’ores et déjà été certifié disque de platine tandis que son talent a été reconnu par Drake qui a contribué à l’émulation en remixant un autre de ses morceaux. Une trajectoire que Fetty avait quelque peu anticipé, avertissant le game qu’il faudra désormais compter avec ses Remy Boyz (son crew, qui tire son nom de la marque de cognac Rémy Martin) au fil d’un second couplet plus égotrip :

I be smoking dope and you know Backwoods what I roll
Remy Boyz, Fetty eating shit up that’s fasho
I’ll run in ya house then I’ll fuck your ho
Cause Remy Boyz or Nothin’, Re-Re-Remy Boyz or nothin’
Je fume de la bonne weed, que je roule dans des blunts Backwoods
Remy Boyz, Fetty claque de l’oseille, y’a pas de doutes
Je vais entrer dans ta maison puis je vais baiser ta meuf
Parce que c’est Remy Boyz ou rien, Re-Re-Remy Boyz ou rien

Mais comme souvent, la plus dur reste de passer le stade l’éphémère, et on suivra avec une attention toute particulière jusqu’où Fetty Wap emmènera ses Remy Boyz.

Le duo Exotic Toy est de retour avec un cadeau : le fruit de leur nouvelles expérimentation aux frontières du hip hop et de l’électro,  le voluptueux Soleast West que vous pouvez dès à présent écouter et télécharger gratuitement.

Aujourd’hui, la ville d’Atlanta maintient incontestablement sa place d’épicentre du hip-hop. La ville recèle d’une scène variée et talentueuse qui brille bien au-delà de la trap grâce à des noms tels que T.I, Ludacris, Jeezy, Gucci Mane, Young Thug ou encore Outkast. Mais dans les années 90, prises entre les coups de gueule et les coups de feu de la West et de l’East Coast, ATL peine à émerger pleinement. Jusqu’au 5 août 1995.

 

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Ce soir-là, se tient au Madison Square Garden à New York la deuxième édition des The Source Awards, les plus grands noms du hip-hop se sont réunis. À l’époque, la tension est déjà palpable. La salle est pleine et les protagonistes du clivage est-ouest ne font rien pour assainir l’ambiance. Suge Knight, manager de Death Row Records, lance quelques piques au patron de Bad Boy Records, Puff Daddy : « To all you artists out there, who don’t wanna be on a record label where the executive producer’s…all up in the videos, all on the records, dancin’…then come to Death Row! / Si vous ne voulez pas que votre manager soit sur vos albums ou dans vos clips, venez chez Death Row ! » Puis Snoop Dogg surenchérit, « The East Coast ain’t got no love for Dr. Dre and Snoop Dogg and Death Row? / La côte est n’a aucun amour pour Dr. Dre et Snoop Dogg et Death Row ? », avant de se faire huer par une partie de la foule.

 

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Perdu au milieu de ces échanges de politesses pour le moins musclés, se trouve le duo Outkast. Les seuls représentant de la South sont venus accompagnés de Shanti Das de leur label LaFace Records. Un an plus tôt, le groupe émerge avec le single « Player’s Ball » aux sonorités funk dont le succès les mène à l’élaboration de leur premier album, le classique Southernplayalisticadillacmuzik. Encensé par les critiques, le duo formé par Big Boi et André 3000 devient l’emblème d’une région qu’ils représentent alors dans chacun de leurs textes et dans chacune de leurs vidéos. Un véritable coup de projecteur porté sur une nouvelle scène par la force de leur créativité et de leur identité. C’est donc sans surprises qu’ils sont nominés dans la catégorie Meilleur nouveau groupe de rap. Pourtant, c’est à la stupeur généralé qu’ils remportent le prix.

 

Quand le duo monte sur scène pour récupérer son trophée, les tensions est-ouest s’apaisent un court instant dans la salle, avant de reprendre de plus belle et de converger tout droit sur Outkast qui se fait huer le long du chemin les menant au pupitre. Si la haine entre les deux parties est démesurée, elle s’accorde néanmoins sur un point : personne ne doit être capable de surpasser Bad Boy et Death Row. C’est pourtant une victoire méritée pour Outkast qui entend bien le prouver.
Agacé, c’est André qui prendra le micro pour déclarer :

«  ‘But it’s like this though, I’m tired of them closed minded folks, it’s like we gotta demo tape but don’t nobody want to hear it. But it’s like this: the South got something to say, that’s all I got to say. »
« Mais c’est comme ça de toute façon, je suis fatigué par ces gars à l’esprit étriqué. C’est comme si on n’avait une démo et que personne ne voulait l’écouter. Mais c’est comme ça : le sud à quelque chose à dire, c’est tout ce que j’ai à dire (sic). »

 

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Les huées prennent fin. Peut-être l’audience prend-elle alors conscience de toute l’ambition et du potentiel du sud ? Et même si la cérémonie se poursuit dans le chaos, à tel point qu’il n’y aura pas de nouveau The Source Awards avant quelques années, la déclaration de 3000 devient le point de départ d’une toute nouvelle énergie pour ATL. « The South Got Something To Say » est porté comme un étendard et l’imposante guerre est-ouest qui aura longtemps pesée sur le potentiel d’Atlanta sera la source d’inspiration du duo, comme le confie Big Boi :

 

“From that point forward, all that hate was just motivation for us. So we went into the studio, and it was just me and Dre together. “
«  À partir de là, toute cette haine n’était qu’une motivation pour nous. On est alors allés au studio et ce n’était plus que moi et Dre, ensemble. »

 

 

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Le résultat : ATLien sorti en 1996. Puis vint Aquemini auquel The Source attribua le score parfait de 5 micros, un gage de qualité à l’époque. La preuve qu’ils ne s’étaient pas trompés.

 

C’est l’histoire de Bob, son crédo est de faire toujours mieux en restant dans un bon esprit. Bob c’est Bob Hurley, après avoir amené Billabong à un niveau plus que confortable financièrement, il a décidé en 1999 de créer sa propre marque de surf et cette fois-ci d’après son nom. Hurley est donc arrivé bien après Rip Curl, QuickSilver et Billabong. Malgré ses 16 ans d’existence la marque garde l’image du petit nouveau malin et volontaire qui s’est associé au géant de l’industrie du sport, Nike.
Toujours en phase d’expansion, le 20 juin dernier l’entité a inauguré l’ouverture d’une première boutique en France dans un de ses hauts lieux du surf, Hossegor.
YARD a été témoin de l’événement dignement fêté et a croisé la route de Bob, son fils et designer de la marque, Ryan, ainsi que Nic Von Rupp athlète reconnu de l’équipe.

 

bob hurley interview

 

La culture du surf est une niche pourtant Hurley tend vers l’ouverture à une cible plus large. Seulement en France tout reste à construire, considérée comme n’importe quelle autre filiale de Nike, Hurley est la solution donnée à ses clients pour tout ce qui concerne l’eau. Mais lorsque l’on cherche Hurley sur nike.com une belle image d’océan avec un surfeur porte l’inscription « We do not currently ship products directly to your région. ». On nous invite à se rendre sur un autre site qui le fera.
On sent pourtant en arrivant à Hossegor qu’il suffit juste de lancer la machine. David Berthet acteur dynamique de la culture surf dans sa ville nous explique que l’on voit déjà depuis quelques étés les dernières combinaisons Hurley sur le dos de tous les surfeurs en herbe : « Quand Hurley est arrivé ils ont habillé la région, sur la plage tous les petits veulent leur combinaison avec les deux bandes. Les marques se sont souvent cassées la gueule Quicksilver, Billabong… Là ça a l’air de durer. » Un must have et une légitimité acquise sans même avoir ouvert une boutique.

Cette aura naturelle s’explique lorsque l’on écoute le big boss Bob parler de la vision qu’il a de son bébé et de la genèse du projet :

« Billabong c’était une licence donc les 5 dernières années avec eux on faisait à peu près ce qu’on voulait et ce n’était plus complètement en phase avec l’idéologie de la marque. C’était devenu évident qu’il fallait faire autre chose sauf si nous voulions uniquement faire de l’argent ce qui n’est pas très amusant. On a décidé de nous retirer de la marque et on l’a remise en en bon état. Quand ça a été officialisé je suis retourné voir les 150 personnes qui constituaient ma team et je leur ai dit qu’on avait une très bonne nouvelle : ‘Nous allons rendre Billabong à l’Australie et nous allons créer Hurley.’ Ils étaient un peu effrayés. Nous gagnions beaucoup d’argent avec Billabong, tout allait bien donc ça pouvait faire peur de tout laisser tomber. Mais j’ai eu assez de personnes qui ont soutenu l’idée et au final je n’ai pas eu à me séparer d’une seule personne. On a créé une nouvelle marque avec des idées différentes et ça a marché, on a beaucoup de chance. »

 

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D’une longue et solide expérience à Billabong est donc né Hurley. Pas vraiment novice l’équipe construit « une nouvelle marque avec de l’expérience » comme l’affirme avec implication le jeune athlète de la marque Nick Von Rupp.
Cependant Bob comprend vite qu’il vaut mieux s’associer avec un plus gros que soi pour obtenir la liberté de faire ce qu’il veut. Ce n’est pas contradictoire car il choisit le rouleau compresseur Nike qui n’a pourtant rien de castrateur ou tyrannique, au contraire :

« Nike c’est comme le « space shuttle », une énorme fusée, et Hurley c’est un Gulfstream Jet, un petit avion privé. Donc quand tu es le Gulfstream tu ne peux pas expliquer à la fusée comment voler. Mais le Gulftream peut prendre des conseils. On a de très bons échanges d’idées, nous sommes constamment dans le dialogue.
Nike avait pris le pari que dans 10 ans le skate serait un sport beaucoup plus populaire, le surf aussi donc ils ont choisi d’avoir une position par rapport à ça. S’ils n’avaient pas eu cette vision ils ne mériteraient pas d’être la marque la plus importante du monde aujourd’hui. Mark Parker, le CEO, et Trevor Edwards, le président de la marque, croyaient profondément qu’ils avaient besoin de se positionner par rapport à ces jeunes sports. Nous faisions partie de leur projet donc nous avons pu faire ce que nous voulions, nous avons beaucoup de chance, cela fait 16 ans que la marque est là. Normalement dans cette situation un gars comme moi aurait dû se faire virer au bout de deux ou trois ans parce qu’une fois la marque associée à Nike ils peuvent se dire facilement ‘On n’a plus besoin de ce gars maintenant.’ Mais dans notre cas c’est une relation très spéciale que nous entretenons. Nike est très intéressé par ce que nous pouvons leur apporter en terme de consommateurs par exemple. Et à l’inverse si Nike reconnaît le surf comme un sport important, les retombées sont incroyables pour nous. »

 

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Ryan de son point de vue de designer explique les bienfaits de la collaboration jusque dans la conception des lignes de vêtements :

« Nous avons un processus de création similaire à n’importe quelle catégorie de Nike. Nous nous plaçons sur le même calendrier. Nous devons partager la même direction créative. Nous nous connectons très bien ensemble. C’est juste une équipe beaucoup plus grande avec laquelle tu dois bosser. C’est super pour moi car ça me fait travailler sur des choses que je n’aurais jamais pu expérimenter sinon. Beaucoup d’éléments passent par la pipeline Nike. On est tout le temps en contact et ce sont des gens géniaux. On apprend beaucoup. »

 

Si Nike les a choisis c’est effectivement qu’ils avaient quelque chose à offrir. La culture du surf ils la connaissent sur le bout des doigts, ils savent donc comment la faire évoluer.

« Nous ne disons pas que nous sommes meilleurs que les autres mais nous sommes différents. Nous sommes en phase avec les jeunes autour de 16 ans dans le monde entier. L’industrie du surf est une vieille industrie qui tourne depuis plus de 20 ans avec très peu de changements. Les vêtements eux ont beaucoup évolués et pourtant l’industrie du surf s’enfonce. Ça m’a fait prendre consceince qu’il y avait une grosse opportunité pour reconsidérer tout ça différemment. Nous sommes dans beaucoup de stores Nike et nos produits marchent très bien dans ce contexte plus large. Je pense qu’amener l’idée d’inspiration et d’innovation c’est ce que le consommateur recherche.
L’industrie du surf n’essayait pas d’être moderne mais de se protéger. Et nous savons pourtant tous que tout ce qui essaye de se protéger tend vers l’échec. Il faut embrasser la technologie. On le voit avec la musique et le téléchargement gratuit par exemple. Je suis désolé mais si tu le combats tu te retrouves hors du business. C’est excitant parce que dans tous les domaines les consommateurs ont tellement plus de pouvoir maintenant.
Nous nous retrouvons beaucoup sur la façon de voir le business avec Mark Parker. C’est un designer donc toute la marque le suit. Son but n’est pas de rendre l’entreprise plus grosse mais de designer un monde meilleur. Il faut se recentrer faire moins de choses mais des choses beaucoup plus intéressantes, plus extraordinaires. C’est vraiment une bénédiction de travailler avec quelqu’un comme ça, nous sommes encouragés à faire de l’extraordinaire tous les jours et faire des produits à notre manière. C’est comme un rêve devenu réalité. Il y a des entreprises où on te dit constamment ‘Il faut devenir plus grand, plus gros, il faut ouvrir de nouveaux shop, allez, allez allez !’ Chez nous c’est ‘Aime tes consommateurs, sers les, soit humble, écoute ce que disent les athlètes, soit une source d’inspiration, soit innovant…’ C’est vraiment unique. Quand tu écoutes Mark parler, c’est fou. Et ce n’est pas pour faire semblant, ça vient du cœur, il n’a pas besoin de faire ça. »

 

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Alors quand on dit à Bob que sa vision des choses semble un peu utopique et qu’avec le fonctionnement du capitalisme vouloir faire passer le profit après n’est pas réaliste voire réalisable, il nous remercie de poser cette question et enchaîne :

« Je le dis très rarement mais avant Hurley j’ai eu un cancer très sévère, j’ai cru que j’allais mourir. Ce n’était pas un problème j’étais heureux mais ça m’a fait réfléchir à beaucoup de choses sur ma vie, sur la façon dont j’avais d’appréhender mon travail, qu’est-ce que je voulais accomplir. Ça a été une grande et forte partie de ce qui nous a fait commencer Hurley. L’objectif était d’être sûrs de faire ce que l’on veut et le réaliser sans faire de compromis. C’est un gros challenge parce que malgré tout tu te développes et à un moment tu es contraint à faire des compromis. Mais je pense que c’est possible, je ne fais pas de sacrifices sur mes idées. Nike est un très bon exemple de cet état d’esprit. Quand on est arrivés c’était une entreprise de 10 millions de dollars, aujourd’hui c’est 30 millions et ce sera bientôt 50 millions. Tout cela en étant encore plus génial.
Mais attention on ne partait pas de rien. Je pense que quand tu pars de zéro ne pas faire de compromis sur tes convictions c’est beaucoup plus difficile. Personnellement j’avais non seulement la guérison de ma maladie qui a été une grande source de force pour commencer et j’ai eu en plus l’énorme soutien de Nike. C’est certain qu’avec tout ça, ça a été plus facile. Mais ça reste quelque chose qui présente un défi sans aucun doute. Le monde veut te rendre commun, normal, te faire faire des choses mauvaises si tu veux faire plus d’argent. C’est terriblement triste quand ça arrive aux gens parce que très tôt tu deviens vieux et qu’est-ce que tu as ? Strictement rien à part l’argent. »

 

L’argent lui permettrait d’atteindre plus de monde mais ne l’intéresse a priori pas en soi. L’homme qui explique en conférence de presse pour présenter sa marque qu’il veut changer le monde décide de le faire avec une entreprise. Bob Hurley a l’attitude d’une personne qui a remis les idées et une certaine forme de foi en l’humanité au centre de ses préoccupations. Lors de la fête qui célébrait l’ouverture de son magasin il passe pour le type sympathique qui va discuter avec tous les Hossegoriens et remercie les gens de porter intérêt à ce qu’il essaye de faire. Son fils Ryan suit son père pas à pas.

 

ryan hurley

 

« En ce qui concerne la direction, on est passés par pas mal de phases avec la marque, je pense qu’on est sur le point d’entrer dans le prochain chapitre. Hurley c’est frais et moderne, à la fois classique mais très nouveau, très présent sur l’innovation.
Pour la direction esthétique nous avons beaucoup d’amis artistes qui nous entourent qui nous inspirent. Je dois apprendre de ces gars, c’est important de garder des amis, des gens autour de soi pour rester inspiré.
Il faut être spécifique en matière de cible mais c’est difficile parce que j’aime que l’on reste ouvert, c’est ce sur quoi la marque a été fondée. Nous sommes dans l’esprit de l’inclusion, laisse les gens entrer, au siège il y a beaucoup de choses qui ont été installées pour accueillir les artistes, comme Craig Stecyk, leur permettre de créer, il y a un skatepark, il y a un studio de musique. C’est très ouvert. »

 

« Bien-pensance » comme stratégie marketing ou réelle volonté d’offrir au monde de beaux produits réalisés dans un bon esprit il est impossible de le savoir vraiment. En tout cas Hurley s’implante en France et va renforcer une culture très communautaire qui tend, en partie grâce à eux, vers l’ouverture.

 

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La promesse était de retourner le Grand Palais… C’est ce que nous avons fait ensemble vendredi dernier, la preuve en images. Nous étions plus de 5 500 personnes à faire vibrer la nef la plus célèbre de France aux sonorités du hip-hop.
Merci à Niska et ses charos, Travis Scott et à vous tous.

Depuis que l’Homme se prétend civilisé, l’univers ne tourne pas rond. Machinations ésotériques ou miracles du mystère de la foi, certains phénomènes échappent à l’entendement du plus grand nombre. La rumeur, toujours plus folle, ravage les masses et prête aux fâcheux des conquêtes providentielles. Dans une société bouffée par la crise et le déclin de l’essor intellectuel, Karim Benzema pécho sereinement Rihanna sous l’effarement du bas peuple. De quoi faire bomber le torse des tabloïdes français. Replaçons le contexte. Si Benzema n’était pas payé à suer derrière un ballon, ce serait très certainement mon voisin de palier, au 7ème, sans ascenseur. Cousin machin, fils illégitime du concierge Rodrigo, dont l’existence se résumerait à vendre du shit à des bourgeoises en quête d’évasion, rue Marcadet. Pour ainsi dire, le seul moyen qu’il aurait eu d’approcher Rihanna, c’est en collant sa tête sur sa télé alors qu’NRJ hits rabâche une énième fois son dernier clip.

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« Baby Benze », sincèrement ?

 

Depuis plusieurs semaines, la presse people se perd à remasteriser le compte de la Belle et du Clochard. Affabulations chimériques tirées de screenshots Snapchat, d’entrevues mondaines et de déclarations chocs par des sources fantomatiques. Les pros Kihanna affrontent les sceptiques et la manif pour tous en aurait presque trouvé un nouveau cheval de bataille. Personne ne comprend ainsi chacun spécule. À tout péter, on les aura croisés ensemble trois fois, ce qui leur vaut d’être estampillés « inséparables ». Pour la sirène de la Barbade il s’agirait d’un coup de cœur, Karim aurait le profil type du mec bien avec qui construire une histoire, « un véritable engagement ». Un brave gars sous tous rapports, un rebeu fragile en bob qu’on s’empresse de présenter à son paternel. Alors ils prennent leur temps, se tournent autour en public et rendent dingue tous les paparazzis.
 

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Simplement, tout est question de timing. Rihanna, ici, ne fait qu’agir comme des millions de femmes avant elle. Quand on reconnaît les penchants de trous du cul que la plupart des mecs s’évertuent à entretenir, se tourner vers un gentil lambda paraît la meilleure des solutions, à défaut de ne complètement changer de bord. Si ton mec n’est pas en mesure d’admirer son propre reflet dans le miroir qu’offrent tes pupilles, y’a déjà moins de chances qu’il aille voir ailleurs. Mécanisme d’auto-sauvegarde féminin qui pousse à préférer se jeter sur le parfait faire-valoir pour un confort serein. Et puis, qu’est-ce qu’on se fait chier avec un minet sans âme. Sois beau et casse toi.

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En ce sens, Karim Benzema est l’espoir de la nation, l’accent de prof’ de LV2 anglais débutant en plus. Un frenchy super sexy partout sauf dans son propre pays, le symbole que rien n’est perdu pour tous les ghetto youth en iench. Avec de la patience et beaucoup de respect, il est encore possible de zouzer au-delà de ses espérances. Il suffit de tomber sur une bombe poisseuse en amour, de prendre le temps de roder et de gagner 50k par semaine. On leur souhaite beaucoup de bonheur. Enfin, tout ceci n’est construit que de bruits de couloir dont la véracité vacille. Il est donc également fort probable que Karim Benzema ne soit juste le nouveau meilleur pote gay de Rihanna. Scénario tout aussi heureux à l’exotisme comparable qui apaiserait quelques tourments. Baby Benze.

Le soir du vendredi 26 juin, nous étions 5500 pour cette YARD PARTY sous la Nef de l’iconique Grand Palais, le son hip hop et cette culture et cette part d’identité qui nous rassemble.

Grâce à vous, nous avons effectivement pu retourner le Grand Palais et faire vibrer ses murs aux sons de nos DJs, Hologram Lo, Supa!, Kyu Steed, Louise Chen et Piu Piu pour Girls Girls Girls, Endrixx et Yannick Do. Le travail a aussi été assuré par tous les Charos de Niska et par Travis Scott, venu accompagné de Virgil Abloh aux platines.

 

Une soirée mémorable dans un lieu symbolique. Merci à MK2, au Cinéma Paradiso et au Grand Palais. Merci à tous ceux présent ce soir-là.

Une nouvelle fois, l’association Pigalle et Nike, prend vie au travers d’un évènement exceptionnel. Pour l’occasion, les deux marques invitent leurs clients et quelques influenceurs à une journée de présentation.

Déjeuner à la Brasserie Barbès, passage à l’Hôtel Pigalle, entraînement au Stade Laumière et finalement, présentation des pièces de la collection sur le playground Duperré, raviver aux couleurs pop de la collection.

Tout un programme à découvrir en image.

« Tout le long de la série, on n’a jamais eu plus d’un épisode d’avance à l’écriture ». Ce sont les mots de Doug Ellin créateur d’Entourage, showrunner puis scénariste et réalisateur du film du même nom sorti 5 ans après, cette semaine. Sans paraître suffisante, cette phrase révèle l’importance donnée à l’ambiance que dépeint la série plutôt qu’à ses péripéties. Le long-métrage marche d’ailleurs sur la voie du succès malgré un scénario classique porteur de quelques failles puisqu’il redonne parfaitement aux fans l’esprit qui les avait accompagnés durant 8 saisons de 2004 à 2011.
C’est donc du côté des détracteurs d’Entourage qu’il faut s’approcher pour comprendre d’où la série des cinq mecs qui traînent leur amitié sur les bancs d’Hollywood détient ce petit supplément d’âme. Plus un divertissement fonctionne plus il attire les foudres des biens pensants…

 

Haters gonna Hate

 

Entourage est bien sûr une série pleine de qualités en elle-même mais elle porte aussi la marque de la célèbre chaîne qui la produit, HBO. Connue puis reconnue pour avoir relancé la légitimité artistique de la série télévisée, le fameux network est aussi moqué plus ou moins violemment pour son ton très porté sur le sexe, la violence et le politiquement incorrect.
L’univers de Vincent Chase n’échappe pas à cette caricature et la première façon de casser du sucre sur son dos est de prendre un à un ces éléments superficiels et de les démonter sans s’occuper du contexte. C’est ainsi que circulent sur Internet de nombreux « tops » tels que celui du site Uproxx intitulé « les 10 moments les plus pourris d’Entourage ». Ce dernier rappelle à quel point la série est bien trop surestimée et correspond à un public d’imbéciles. Les dix instants relayés veulent dépeindre la série comme un ramassis de vulgarité (envers les femmes, les Juifs, les Asiatiques, les homosexuels…) et de superficialité (grosses voitures, sexe avec des stars du porno et égos surdimensionnés).
Impossible de lutter, tout est vrai en apparence. Mais cette grille de lecture littérale omet l’essence même de ce qu’a voulu crée Doug Ellin. Un mode de vie immoral sous couvert de relations humaines subtiles et profondes : « Si ce n’était qu’une série qui parle d’accomplissement de carrière et de pouvoir coucher parce que ton pote est célèbre ce ne serait pas si intéressant » avance Jeremy Piven l’interprète du corrosif Ari Gold.
Piqûre de moustique sur une peau d’éléphant, ces attaques rencontrées fréquemment sur la toile restent faciles à écarter. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, 8 saisons, 4 Emmy Awards et 2,3 millions de téléspectateurs en moyenne par épisode de la dernière saison.

 

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One for the money, two for the show

 

Ça se corse lorsque l’on commence à parler de mise en abyme. Entourage mêle étroitement son fond et sa forme : des acteurs jouent des personnages d’acteurs, le cameo est un procédé surexploité, le tournage prenant place à Hollywood traite de ce même Hollywood. Inspiré directement de la vie de Mark Wahlberg, il est parfois compliqué de faire la part des choses entre la réalité et la fiction. Adrian Grenier notamment représente l’image d’un acteur en tant que Vincent Chase et en tant que lui-même. Quand des indices indiquent un décalage entre les qualités d’amitiés, de partage et d’humilité de Vince et les attitudes d’Adrian les fans n’hésitent pas à se montrer choqués. Le film issu de la série a mis du temps à se mettre en route et a pris du retard sur le calendrier que s’étaient fixés Doug Ellin et Mark Wahlberg (producteur du projet). Le meilleur ami de TED a laissé échappé lors d’échanges avec des paparazzi que la cause de ce retard était due au temps que prenaient les acteurs principaux dont Adrian Grenier pour signer leur contrat insinuant qu’ils seraient un peu trop regardant sur les recettes que pourraient leur rapporter le film. Un scandale qui a forcé le jeune acteur à s’exprimer sur son compte Instagram, un message floutant davantage la frontière entre la série et la vie réelle : « Pour tous les fans d’Entourage. Je vous dois de mettre certaines choses au clair. Je prends le rôle de Vince très au sérieux dans la série et en dehors. Toutes les décisions que je prends dans ma vie personnelle ou professionnelle se font dans le principe d’amitié et de fraternité. Ce n’a jamais été et ne sera jamais une question d’argent pour moi. Je vous le promets. […] »

 

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« I’m the real Ari ! »

 

Être au cœur du système que l’on dépeint est donc une des difficultés majeures d’Entourage que ses créateurs réussissent régulièrement à déjouer habilement. Si Ari Emanuel invite à déjeuner Jeremy Piven (Ari Gold) et explique fièrement à la serveuse qu’il est le « vrai Ari Gold », certaines personnalités d’Hollywood prennent beaucoup moins bien l’image qu’ils renvoient dans la série. L’acteur Seth Rogen notamment, pourtant expert en matière d’humour et de second degré avait publiquement exprimé son agacement quant à un dialogue entre Turtle et Drama le concernant. « Yeah those guys are assholes » avait-t-il confirmé sur l’émission The Daily 10, avant d’ajouter « D’après ce que j’ai compris Doug Ellin est un con donc ce n’est pas étonnant qu’il ne m’aime pas particulièrement. ». Ce genre de petites rivalités intégrées dans la série n’empêchent pas d’être retrouvées dans la réalité.
Cela va même plus loin avec le producteur Harvey Weinstein. Grand ponte de l’industrie du cinéma il a entre autre participé à la production de Pulp Fiction, Gangs Of New York ou le Seigneur Des Anneaux. Doug Ellin a crée pour les saison 2 et 4 le personnage d’Harvey Weingard à l’image du grand producteur. Le showrunner raconte qu’un an après la sortie de l’épisode « Sundance Kids » dans lequel Harvey Weingard hurle violemment sur Kevin Connolly (Eric « E » Murphy), le vrai Harvey Weinstein avait rencontré l’acteur de « E » dans un bar et ayant détesté l’épisode lui avait demandé très sérieusement de dire à Doug Ellin qu’il était un homme mort. Doug Ellin qui en était déjà à plusieurs saisons et une grande expérience de ce monde particulier à son actif, a décidé d’écrire un nouvel épisode relatant cet événement. La bombe était étrangement désamorcée, Weinstein a aimé ce nouvel épisode. L’autocritique est un exercice difficile et le choix même du sujet d’Entourage représentait un risque en soi dans le fourmillement d’égos dont recèle Hollywood. Un défi bien géré par la production malgré quelques polémiques et un aveu d’Ellin. Il explique que les stars du sport ont très bien réagi à la série acceptant facilement de venir en guest star leur univers n’étant pas décripté en profondeur. Pour faire venir Martin Scorcese les négociations ont été beaucoup plus rudes même si on le retrouve bien dans l’épisode « Return to Queens Blvd. » de la saison 5.

 

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« I’m a feminist »

 

Hollywood est donc définitivement un monde à part, ses stars et ses personnages surpuissants exacerbant les vices du commun des mortels. L’objectif pour Doug Ellin a toujours été de décrire tout cela sans se préoccuper du politiquement correct voire même de s’y opposer volontairement. Tous les sujets les plus débattus et controversés de notre société occidentale y sont malmenés sans aucunes pincettes. Racisme, image dégradante de la femme, de l’homosexualité ou des religions, tout y est.

 

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La série assume très clairement cette position « borderline » qui expose sans détours la façon de penser et de vivre de ses personnages. Les soucis arrivent quand on demande au casting de s’exprimer sur ce genre de sujet. Adrian Grenier avait ainsi fièrement affirmé au Guardian qu’il se considérait comme féministe. Mais la suite de ses propos étaient plus confus « Je suis un féministe donc s’il y avait des éléments qui n’étaient pas réels dans la série je n’en ferais pas partie. Vous devriez voir certaines filles de L.A. Entourage est particulièrement authentique. Il n’y a pas d’exagération. […] » Les réactions ont naturellement été vives du côtés de nombreuses bloggeuses et autres fans déçu(es). « La plupart de sa déclaration après ‘Je suis féministe’ est misogyne. En disant cela il voulait seulement préserver son image et celle de sa série qui a reçu tant de critiques dans sa façon négative de décrire les femmes. Sa démarche est hypocrite. » s’exclame le cœur brisé Stéphanie Conklin, l’une d’entre elles.
Des petits dégâts collatéraux qui ont peu d’impact sur l’audience de la série, c’est encore au cœur du tournage que la situation est plus sérieuse. Le plus scandaleux de tous dans ses opinions assumées est bien évidemment Ari Gold. « Ari peut être très drôle mais il y a très peu de personnes dans la réalité qui peuvent s’en sortir avec son comportement. » rappelle Jeremy Piven qui avoue avoir été discuté avec l’acteur de Lloyd, Rex Lee avant certaines scènes pour lui assurer qu’il ne pensait pas une seconde ce qu’il allait devoir lui dire tans il trouvait le contenu du script violent. La relation entre les deux acteurs semble être restée intacte même si Rex Lee a confié recevoir le même genre de blagues racistes et homophobes de la part de membres de l’équipe une fois les caméras éteintes. Doug Ellin s’est empressé de dire à quel point il était « choqué et horrifié » et a assuré qu’une discussion aurait lieu avant de reprendre le tournage en menaçant de licenciement suite à tout comportement similaire à l’avenir.

 

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Avec la politique HBO comme couverture et des fans appréciant la série dans tous ces possibles travers, Entourage n’a jamais été vraiment inquiété. Ces nombreuses et diverses attaques mettent en lumière le caractère tendancieux, attaquable et donc fragile de telles prises de position. Représentatif de la recherche constante de buzz et d’argent, Leonard Taylor, ancien garde du corps et membre de « l’entourage » original de Mark Wahlberg a reproché le manque de diversité raciale dans la série regrettant ne pas avoir eu de personnage crée à son image. Doug Ellin semble avoir compris depuis le début que tout ceci serait le prix à payer pour extraire un paysage non manichéen dont l’esprit perdure dans un film 5 ans après et des saisons qui pourront se revoir encore longtemps.

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Une nouvelle fois, la marque française Pigalle rejoint Nike pour une collaboration entièrement consacrée au basketball. Cette fois-ci, le créateur, Stéphane Ashpool s’inspire des années 90 et donne à ses silhouettes tout en superpositions et en mélange de proportions, des touches de couleurs pop.

Pour expliquer son inspiration, il raconte également :

« En tant que joueur de basket avec un style parisien, j’ai très tôt eu l’idée d’une approche sur et hors terrain. Par exemple j’étais connu pour en short chino, débardeur blanc et des Nike Air Raids. Dès que la partie était terminée, je remettais ma chemise et mon chapeau. Je pouvais aisément passé la journée dans cette tenue. Il n’y avait pas besoin de changer. »

La collection sera disponible dès le 27 juin auprès de Nike Lab.

Mac Tyer a l’une des carrières les plus surprenantes du rap français. Après près de 15 ans de parcours dans l’underground en duo (avec Tandem) et en solo, « Le Général » fait son entrée en major avec sa signature controversée chez Monstre Marin de Maître Gims. La sortie de son nouvel album « Je Suis Une Légende » nous permet de revenir sur la philosophie et l’histoire de cet artiste entre Aubervilliers, son rapport au rap et la religion ; mais surtout Mac Tyer s’exprime sans détour sur la perte de son frère Bigou. Un entretien poignant.

La belle collaboration entre Nike et Pigalle se prolonge cet été avec de nouvelles pièces où les deux univers se rejoignent. Cette fois c’est une paire de Dunk, une balle et un short qui sont revisités par la marque française notamment avec un imprimé moucheté qui devient la signature de cette collection.

Pour incarner ces pièces, YARD a demandé au talentueux Evan Fournier des Orlando Magic de jouer le mannequin dans le cadre prestigieux du Grand Palais. Pigalle, Evan Fournier, le Grand Palais, un triptyque made in France.

« Posture gangsta & attitude ». Depuis une dizaine d’années Booba, le MC Cappucinno, traîne de façon stoïque son immense carcasse dans ses vidéoclips, ses concerts et ses photoshoots. Le hip-hop l’ayant formé à la danse, depuis qu’il a pris le micro avec le duo Lunatic, pas d’esbroufe ni de mouvements superflus, le Duc ne s’était jamais essayé à la farandole ou à quelques pas chaloupés, jusqu’à  « LVMH » et « Mové Lang », dernière preuve en date d’un changement assez surprenant (ou pas) de position du rappeur sur l’art de se mouvoir. Let’s Dance !

 

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Booba, le rappeur anti-danse

 

B2O est un homme de contradictions. 2005. À l’époque sur le point de sortir sa mixtape Autopsie 1, après un premier album solo certifié classique, dans une interview avec le journaliste rap Olivier Cachin, le météore anticipe alors déjà sa date de départ à la retraite. « J’ai 28 ans, je me donne encore quelques années. Mais vers les 33-35 ans, je ne serais plus là en tant que rappeur.  Je ne me vois pas faire un disque de rap à 40 ans. » À l’occasion de ce même entretien, il donne son avis sur les beefs, grandissants dans le rap français : « Ça n’est pas mon truc. Le truc avec Jean Gab’1, je ne le recommencerai pas, je n’aurais même pas dû le faire. C’était sur une mixtape, histoire de faire du buzz ! Ça ne me dit pas d’être en face d’un mec qui m’insulte… » Aujourd’hui à 38 ans, le rappeur continue de truster, de dominer les charts à chaque album, en prenant soin de collecter des trophées sous formes de têtes décapitées parmi celles de Sinik, La Fouine, Rohff ou encore Kaaris.

Les changements de cap ne devraient plus nous étonner venant du Kopp, mais c’est quand même une grande surprise de le voir se déhancher – le mot est quelque peu galvaudé mais souligne l’étonnement – sur ses clips. Une initiative d’autant plus surprenante venant de celui qui depuis ses débuts représente l’image du rappeur gangsta à la française, hardcore jusqu’au bout des ongles. Par ses thèmes de prédilection, son histoire, son statut de boss du rap game frenchie et surtout son répertoire, Booba représente l’antithèse absolue du « rappeur danseur ». En fouillant dans nos mémoires et même dans notre imagination, difficile d’imaginer l’ourson se trémousser sur « Numéro 10 », « Repose en Paix », ou encore « Duc de Boulogne ». C’est pourtant désormais chose faite dans ces deux derniers clips « LVMH » et « Mové Lang » où le DUC nous montre une facette inédite de son personnage. Pas de chorégraphie, ni de danse élaborée, ce sont des gestes succins et saccadés auxquels on a la droit.

Influence US : Drill Movement – La genèse

 

On le sait, Booba voue un grand intérêt pour la culture américaine. Parti très jeune en séjour dans le pays de l’Oncle Sam, il vit aujourd’hui le plus clair de son temps à Miami. En tant que fan de rap US, l’artiste a donc été un témoin privilégié des différentes innovations ainsi que de l’évolution du hip-hop outre-Atlantique. Si la danse a toujours été présente chez les rappeurs américains, il est pendant longtemps l’apanage des artistes dit « cool » ou mainstream, et une ineptie pour les acteurs hardcores, conscients et underground. De Kid and Play à Kanye West, en passant par Biz Markie, Kriss Kross ou MC Hammer, la danse a toujours été un élément inhérent au rap, et le reste encore aujourd’hui comme en témoigne les multiples créations qui ont envahi les dancefloors des soirées hip-hop. Running man, Wop, Robot, Pop & Lock, Stancky Leg, Doogie, Nae Nae, ou autre Harlem Shake –le vrai- en font partis. L’influence auquel le créateur du 92i est sensible, loin de tous ces pas farfelus, s’est développée lors d’un renouveau d’une danse « street » impulsé par les rappeurs grâce à des phénomènes locaux comme le mouvement drill et la popularisation de la trap. Originaire de Chicago, capitale du meurtre des États-Unis, le drill – argot anglais de combat – est né en 2012 puis et a été popularisé par des artistes comme Lil Herb, Lil Durk ou King L. Descendant de la trap des Waka Flocka et Gucci Mane, le drill dépeint avec réalisme la vie quotidienne des ghettos de la Windy City. Au rayon des sujets : l’apologie de la violence, l’argent, le sexe, les gangs… La démocratisation de ce genre a contribué à ramener la danse sur le devant de la scène.

 

stanky leg

 

Chez les protagonistes de ces mouvements, la danse, aussi peu élaborée soit-elle, revêt une symbolique dépassant l’esthétique. À l’image du C-walk, pas gangstas de la westcoast affiliés au gang des Crips , et du Blood Bounce, les mouvements dansants, sans être vraiment de Chicago, introduisent également une idée d’appartenance forte à un groupe, un gang, un quartier et une identité. Pas de mouvements chorégraphiés, les mouvements sont simplifiés au maximum et deviennent des gimmicks plus qu’une véritable danse. Des effets qui donnent à ses gestes une connotation beaucoup plus street que les danses hip-hop classiques. L’un de exemples les plus frappants de cette génération drill est Keith Cozart, alias Chief Keef. Issu des quartiers du South Side de Chicago, le jeune homme de 19 ans a grandement participé au succès et à la médiatisation du genre musical grâce à des morceaux comme « I Don’t Like » ou « Love Sosa ». La vie de Cozart a été celle d’un enfant élevé par sa grand-mère et dont le parcours sera très vite dicté par ses déboires avec la justice, la paternité à l’âge de 16 ans et le succès musical. Vente d’héroïne, consommation de marijuana, excès de vitesse, port d’armes, assaut sur policier, complicité de meurtre, violation de période de probation, conduite en état d’ivresse… Le casier est aussi chargé que les flingues du gang GDE dont il est affilié qu’il exhibe dans ses clips. Face visible et symbole de Chiraq, combinaison de « Chicago » et d’ « Irak » décrivant ainsi le sud de la ville de l’Illinois, terre de violence à laquelle le rappeur est fortement associé.

L’un des derniers à avoir fait démonstration de ses talents avec succès est Bobby Shmurda. Son tube « Hot Nigga » doit autant son succès au côté catchy de son interprétation qu’a la danse attitrée au morceau. Les 15 secondes de déhanchement visibles sur le clip fait maison du New-Yorkais auront permis à la Shmoney Dance et à son inventeur de faire plus de 100 millions de vues You Tube en 10 mois et d’être repris en concert par Beyoncé ou Drake. Bobby et Chief, deux profils identiques et des trajectoires communes. À l’aube de la vingtaine, affiliés à un gang (GS9 pour le New-Yorkais, BD ou GDK pour le Chicagoan), les deux mêlent au succès, leurs déboires judiciaires.

 

shmoney dance

 

Mais le monopole de la danse ne revient pas à Chicago, ni même à New York. Un peu plus au Sud, dans l’état de Géorgie, se trouve la ville la plus créative du hip-hop US, donc mondial, depuis plusieurs années. Terre de Coca-Cola, de liberté sexuelle et de strip clubs, Atlanta est aussi le berceau de la trap et le lieu de naissance de ses maîtres Gucci Mane et Jeezy. Depuis ses premiers émois hip-hop, ATL est le premier théâtre de beaucoup de rappeurs dont la danse fait partie intégrante de l’arsenal artistique comme Outkast, Jermaine Dupri et plein d’autres. Quelques années plus tard, ce seront les D4L, Soulja Boy – et son Superman – ou encore 2 Chainz qui contribueront a cette tendance. Aujourd’hui c’est la trap qui est sur le devant de la scène représentée notamment par Rich Homie Quan, Migos, Young Thug. Plus joyeux, moins gangsta mais tout aussi vendeurs, leurs tribulations inspirent même au delà de leurs frontières…

 

L’exemple français

 

Skippa Da Flippa, rappeur estampillé ATL et homme de main du trio Migos, génère un bon nombre des mouvements que La B. du collectif issu du 91 emmené par le rappeur Niska, effectue dans ses clips. Phénomène rap français du moment, le jeune congolais doit autant son succès à sa trap dévergondée et son rap spontanée qu’ à ses nombreux gimmicks et la fameuse danse du charo directement empruntée à Skippa. Une influence assumée que le collectif a déjà cité dans ses morceaux, et que Niska avoue sans problème en interview : « C’est les Américains qui nous ont eus ! »

La tendance trap qui a débuté il y a plus d’une décennie aux US, mais commence à résonner massivement dans notre paysage rappologique français avec l’avènement d’une scène qui reprend les mêmes caractéristiques musicales, lyricales et presque contextuelles que l’original. Ambiance sombre, instrumentales saturées, contenu violent… tout y est à la sauce frenchie. Des groupes s’en sont faits une spécialité et construisent leur renommée sur cet univers, poussant le mimétisme à son paroxysme comme le collectif parisien XV Barbar ou le groupe 40 000 Gang, nouvelle garde rapprochée de… Booba et signature du 92I. Forcément, ces pas chaloupés sont présents sous forme de mouvements succincts mais assez élaborés, aux cotés des signes de main qui font là presque offices de signatures.

D’autres artistes se sont essayés à la danse sans vraiment se mouiller et optent pour une approche minimaliste comme Kaaris. Plus récemment, Dosseh s’est prêté au jeu de la chorégraphie sur le clip de son morceau « Coup du patron » aux cotés du Montpelliérain Joke et Gradur. Certains de ces nouveaux rappeurs de la nouvelle génération, influencés par leurs origines africaines, incorporent sans complexes la danse dans leur processus créatif et en assument le côté festif. C’est la cas d’artistes comme Black Brut, Gradur ou Niska qui ne cachent pas être inspirés par l’Afrique et ses nombreux courants musicaux à succès comme le n’dombolo, coupé décalé et autres azonto. Cette double culture qui mélange la France aux origines africaines et le (seul ?) grand point de différence aujourd’hui avec le rap « made in USA » qui puise sa substance dans une toute autre culture.

 

Charo

 

Rap et danse : rupture consommée

 

Pourtant la rupture entre le rap et la danse semblait consommée, ces deux piliers de la discipline hip-hop qui avait pourtant commencé ensemble au tournant des années 90 en France . Loin le temps où les rappeurs faisaient appel à des breakeurs pour animer leurs couplets, le hip-hop a quitté – ou a été abandonné par le rap – pour se retrouver dans d’autres univers musicaux comme la pop ou les comédies musicales. C’est ainsi que des artistes allant de Madonna à Stromae font régulièrement appel à des chorégraphes et des danseurs issus de ce mouvement.

L’ironie du sort veut que comme beaucoup de rappeurs de sa génération (NTM, IAM, Mafia K1fry…), B2o soit passé par la case danse à ses débuts. Une étape quasi obligatoire autrefois mais plus aujourd’hui qui témoigne que la frontière entre ses deux univers s’est épaissie. Lamine, membre historique du collectif de danseurs Vagabonds Crew, spécialiste hip-hop et réalisateur, met en avant l’influence des États-Unis. « Je pense que Booba se relâche un petit peu, il suit ce qu’il se passe et voit des gars comme Kanye West faire des steps, Jay-Z qui met des danseurs sur scène ce qu’il n’avait jamais fait avant. Il est très « ricain » même s’il observe aussi la scène française donc il sait que la danse est vraiment mise au centre. Il a aussi créé OKLM.com, son worldstarhiphop.com, ou les vidéos qu’on lui envoie le plus sont celles où les gens dansent sur ces sons. »

L’ère actuelle très portée sur le personnal branling augurée par Internet et les réseaux sociaux tout est basé sur l’égo. « C’est difficile de trouver des danseurs qui sont l’image de ta musique. Et le hip-hop est basé sur l’égo que ce soit dans la danse, le rap ou ailleurs. Je pense que Booba préfère danser lui-même, plutôt que de mettre des danseurs car il faut souvent les canaliser et leur dire : « Détendez-vous, c’est pas vous la star ! » Il ne faut pas qu’ils prennent trop de place face à l’artiste. Ça été le cas avec les danseurs de Madonna, les mecs pouvaient faire des trucs de ouf mais on leur a demandé de plus forcer sur les chorégraphies plutôt que sur les solos » explique Lamine.

Une idée qui rejoint une logique de polyvalence et de débrouillardise adoptée depuis longtemps par le rappeur des Hauts-de-Seine, notamment par l’utilisation du vocoder de plus en plus fréquente dans ses chansons depuis quelques années. Un artifice musical qui lui permet de chanter – du moins d’essayer – et d’assurer la plupart des refrains sur ses morceaux et d’explorer d’autres univers en s’essayant par exemple au reggae sur le morceau « Jimmy » issu de son album Futur. Une déclinaison qui n’est pas sans rappeler la trajectoire d’un Kanye West, qui opéra un virage artistique important après l’adoption de l’auto-tune sur le projet 808’s & Heartbreak. Comme son collègue de Chi-city, Booba ajoute par le biais de cet instrument, une corde à son arc et offre une nouvelle texture à son espace d’expression, jusqu’à la saturer, dans le but de briller seule. Une théorie appuyée par Lamine qui conclu : « On peut comprendre que Booba ne veuille pas de danseurs et qu’il se dise : « Je peux le faire moi-même. » Il s’agit seulement de faire deux trois pas simples sans forcer qui vont avec la vibe du son. C’est comme pour le chant, il s’est servi de l’auto-tune pour éviter de prendre des gens en featuring, même si il a fait pas mal de collaborations avec des gros artistes.»
Histoire financière ? Délire d’égo ? Simple envie de se faire plaisir ? Peut-être les trois à la fois, peut-être aucun des trois. On ne le saura surement jamais vraiment mais l’important est que l’auto-proclamé «boss du rap game » n’est plus pour la première fois à la place de l’innovateur mais dans le peloton des suiveurs. Un crime de lèse-majesté qu’on lui pardonnera volontiers tant on se délecte, avec humour ou beaucoup de sérieux, de cette nouvelle tendance.

 

Booba Mové Lang

 

21 juin 2015. Le jour le plus long. Une heureuse coïncidence puisqu’il fallait à la fois fêter l’été, la musique et les pères. Pour déterminer l’événement qui a eu le plus d’impact, rien de plus simple, il suffit de jeter un œil sur les réseaux sociaux. Alors que l’on pourrait penser que la célébration officielle des géniteurs a été créée par culpabilité de ne fêter au départ que les mamans, c’est pourtant bien le #happyfathersday qui a envahi les fils d’actualité. Instagram s’est transformé ce dimanche en temple d’hommage à ces « héros » du quotidien avec pléthore de célébrités pour mener la procession.

 

Who’s your daddy ?

 

Comment rendre compatible l’acte le plus naturel du monde (cf. la préservation de l’espèce) avec la pratique la plus artificielle du monde (cf la préservation du nombre de followers). Des pères il y en a depuis plusieurs millénaires et des comptes Instagram depuis 2010. La reproduction semble indémodable et la paternité reprend même du poil de la bête en terme de popularité. Après des siècles de sociétés patriarcales où la femme se consacrait seule à la progéniture, revendiquer son rôle de père est aujourd’hui synonyme de modernité. Concrètement ça se traduit par la petite Riley Curry qui attendrit les journalistes dans les conférences de presse de Stephen, Vincent Cassel qui déclare adorer faire « les bibis » pour ses filles ou Kanye West qui fait de North le personnage principal de ses clips. Quand la génération précédente prétextait un emploi du temps trop chargé pour justifier leur absence en tant que père, la nouvelle intègre fièrement ses enfants à sa vie publique et professionnelle. Une communauté de papas impliqués, habituellement éparpillées, se révèle au grand jour en ce troisième dimanche de juin à l’image de Justin Timberlake qui légende sa photo par « #happyfathersday to ALL of the Dads out there from the newest member of the Daddy Fraternity !! – JT ».

 

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Tout le monde s’y met, les plus grands « influencers » de la planète promeuvent cette fête créée au départ en France par la marque de briquets Flaminaire ayant trouvé un moyen pratique de faire une petite plus-value au mois de juin. Beyoncé, David Beckham, et même Michelle Obama témoignent de leur joie en ce jour si spécial. Ainsi des grandes entités rassembleuses de testostérones comme la NBA, la NFL ou ESPN rappellent la beauté de la paternité.

 

Beyoncé Capture d’écran 2015-06-22 à 11.38.11

 

De nombreuses stars suivies par leurs fans pour leurs activités en tant que chanteurs, acteurs, footballeur incrustent donc des photos de leur vie familiale épanouie, parfois même jusqu’à l’extrême. Le Colombien James Rodriguez cher au Real Madrid poste non seulement plus de photos de sa fille que de son équipe mais il a même créé un compte pour la petite Salomé qui a à peine plus de deux ans. Pour la fête des pères on peut se délecter d’une vidéo où elle explique à son papa combien elle l’aime, elle récolte 305 000 likes en 24H.

 

Anguille sous roche

 

Les mœurs évoluent. Les filles Jenner souhaitent elles aussi une joyeuse fête à leur cher père devenu récemment Caitlyn et Diplo alterne entre photos de fessiers et de ses fils, « I feel blessed to be a father. » nous dit-il.

Il y a donc toutes sortes de pères qui mettent au-dessus de tout leur expérience de la paternité mais pourquoi le crier sur tous les toits ? Le nombre de likes en est un premier indice. Les fêtes des pères, mères et autres Saint-Valentin passent souvent pour des fêtes purement commerciales permettant le renflouement des caisses des chocolatiers ; à l’ère des réseaux sociaux elles sont devenues en plus de ça un moyen de gagner de la popularité. Quelle logique trouver dans le fait d’envoyer une déclaration d’amour à son père par Instagram interposé ? « You taught me from day one what hardwork, discipline and détermination is. » légende Usain Bolt en l’honneur de son père. Lui a-t-il dit la même chose entre quatre yeux ?

 

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La première intention est à l’altruisme mais l’opération puisqu’elle est publique permet discrètement de renvoyer une image sympathique de quelqu’un d’attentionné, aimant et aimé. On va plus facilement prendre le parti de Neymar lorsqu’il insulte un arbitre quand on voit constamment à quel point il est présent auprès de son fils sur son compte Instagram.

L’égocentrisme de la démarche est même parfois moins dissimulé que d’autres. Big Sean remercie son père en parlant de que ce dernier a aimé dans son nouvel album. Christiano Ronaldo s’émerveille en anglais « The moments with my son are always amazing » suivi d’un subtil « You can see some spécial moments with him in the new film.».

 

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Tous des salops donc ? Notre société du partage, du like, de la télé réalité exacerbe des sentiments qui dans la plupart des cas sont sincères au départ. Il est simplement difficile de ne pas tomber dans des travers. On peut effectivement se demander le degré de mauvais goût ou de pudeur du post de Meadow Walker la fille de feu Paul qui légende sobrement « Happy Father’s Day ». Heureusement (ou pas) dans ce large univers d’Internet on passe d’une info à l’autre en un instant et sans transition. Il est donc facile de retrouver le sourire quand Tyler The Creator diffuse une photo de Pharrell légendée « huppy fahja dey » ou quand Johnny Hallyday poste la carte de sa fille sur laquelle on peut lire « Tu es le meilleur papa du monde, je t’aime à la folie. Tu es aussi le meilleur chanteur du monde. »

 

Johnny Capture d’écran 2015-06-22 à 13.13.40

 

Depuis leur création après la guerre il n’y avait jusqu’à présent pas photo entre la popularité de la fête des mères et des pères. La compétition est aujourd’hui officiellement lancée. 3 989 983 #happymothersday et 2 881 142 #happyfathersday à l’heure actuelle. Avec la volonté d’indépendance de la femme active moderne et l’affirmation de l’implication de l’homme au sein du foyer, Instagram nous annoncera-t-il un jour une ère matriarcale ?
Tyler The creator Capture d’écran 2015-06-22 à 11.36.45

 

Ronaldo Capture d’écran 2015-06-22 à 11.44.17

Michelle Obama Capture d’écran 2015-06-22 à 12.29.43

Maedow Walker Capture d’écran 2015-06-22 à 12.59.05

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Justin Timberlake Capture d’écran 2015-06-22 à 11.38.46

Jenner Capture d’écran 2015-06-22 à 12.04.24

La musique, et plus particulièrement le hip-hop hexagonal, est la chasse gardée des rappeurs qui s’accaparent l’attention artistique du public et des médias. Avec Meet The Architect, YARD vous propose de rencontrer ceux qui font la musique. Premier épisode, le producteur français Wealstarr.

 

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D’où te vient ton nom et comment tu définis ton travail?

À la base j’étais rappeur, j’ai commencé à 13 ans. On m’appelait Willstarr et au lycée j’ai changé pour mon nom actuel Wealstarr parce que c’était moins commun.
Plutôt que beatmaker, je préfère le mot « compositeur » ou « producteur ». Même si le terme est toujours et encore largement utilisé je le trouve limite péjoratif.

Quels sont les artistes avec qui tu as collaboré ?

J’ai produit pour Booba, Kaaris, Joke, La Fouine, Rohff, Kery James, Niro, Lino, Rim’K, 113… Le rap français de manière général et plein de petits jeunes!

Comment es-tu devenu producteur ?

Je rappais avec un pote et on avait pas de mecs pour nous faire des « prods », du coup je m’y suis mis. Des membres de ma famille composaient déjà. Mes grands frères avaient produit un des premiers titres de new jack en France. Il y en a un qui était dans la drum’n’bass et dans les breakbeats, un peu comme ce que faisait The Prodigy. Du coup on avait un peu de matos, juste le strict minimum, une boîte à rythme et un synthé. Donc je m’y suis mis doucement. C’est au lycée que c’est devenu sérieux, vers 18 ans. Aujourd’hui on continue en explorant d’autres univers avec plein de styles différents. On s’amuse tout en étant conscient que c’est un travail et un business avant tout.

Avec quoi as-tu commencé à travailler?

Mes premières compositions je les ai commencées avec Fruity Loops. C’est un surveillant de mon lycée qui m’a appris à maîtriser le logiciel. Puis je me suis rendu compte que le moteur et le son qui en sortait n’étaient pas terribles. Alors je suis passé à Cubase, que j’utilise encore aujourd’hui d’ailleurs.

Souvent on parle des gens travaillant sur MPC, c’est une sorte de cliché du producteur de rap. Honnêtement je n’ai jamais été dans ce délire de machines. Je m’y suis mis plus tard en achetant quelques synthés, mais même à cette époque j’ai vu qu’il y avait des softwares plus simples et de meilleures qualités. Du coup j’ai tout revendu. Je m’éclate plus avec les softwares qu’avec les hardwares. Après, pour tout ce qui concerne le mix, deux-trois machines à avoir sous le coude c’est pas mal.

En terme de composition, quel est l’aspect que tu maîtrises le mieux ?

Je pense maîtriser la façon dont je séquence les drums (caisse claire, ndlr) et les charlay (charleston), leur groove. J’essaie de ne pas les faire sonner comme si ça avait la mécanique et la rigidité de quelque chose fait sur ordinateur. Je veux qu’il y ait ce truc qui te fasse bouger. Je vais te donner une astuce qui permet de réussir cet effet : il suffit de ne pas systématiquement tout quantizer (espace entre les sons) ou pas de la même manière. Ça permet de donner à tout ça un groove différent. Attention, je parle plus des compositions trap et plus généralement de rap. Tout ce qui est électro, c’est un autre délire.

Sinon au niveau de la mélodie je pense que je ne me débrouille pas trop mal non plus.

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Quels sont les producteurs qui t’ont influencés ?

Je kiffe Timbo (Timbaland), les Neptunes et toute la vibe de Virginie plutôt que celle de Dr. Dre ou des sons dit « East Coast ». À l’époque Pharrell et Chad ont vraiment apporté de l’originalité dans le rap. Je me rappelle d’une période où le Wu-Tang et tout NYC utilisaient des samples et les Neptunes par exemple ne le faisaient pas. Ils sont arrivés avec de la composition au synthé, des beats syncopés pas forcément « quantizés ». Tout ça a créé leur marque.

Du coup, je me retrouve plus dans un Timbo que dans un Dre parce qu’il a plus ce côté créateur où il va chercher des voix hindous et les mélanger avec d’autres trucs. Attention, je respecte Dr Dre mais pour moi il excelle plus dans le mix. Les sons sont lourds, il n’y a rien à dire, mais en vrai Dre a les mêmes beats binaires depuis des années.

Pharrell c’est un créateur, ce qu’il a fait pour Gwen Stephani, les sons de cornemuse qu’il utilise dans ses titres… C’est fou et original ! Dans un même délire : moi avec SINTROPEZ, lui avec N*E*R*D, on se fout de ce que les gens peuvent dire, on fait ce qu’on kiffe, point. C’est ça la recherche de l’originalité. Voilà pourquoi je me retrouve plus dans la mouvance de Virginie. Et même si je les trouve très forts et que j’ai un grand respect pour ce qu’ils ont achevé, des types comme Havoc, RZA ou Dre sont finalement plus classiques.

Si tu étais aujourd’hui un autre producteur, ce serait qui ?

Si on était en 2002, je t’aurais directement dit Swizz Beatz. Lui, en terme de groove, c’est mon gars sûr. Je me suis grave inspiré de lui. Moins maintenant, mais à une époque c’était le producteur que je suivais vraiment. Si on était en 2007, je t’aurais dit Danja car son groove est ouf et sa sonorité aussi en général. Un titre comme « We Takin’ Over » est complètement dingue. Mais depuis qu’on a dépassé 2010, je n’ai plus de producteurs fétiches. Il n’y en a aucun dont je kiffe totalement le taff. Tous les nouveaux sont bons mais je trouve que le niveau s’est abaissé ces dernières années. Quand tu compares à des gars de l’époque comme The Runners ou Danja… Le niveau a baissé car on s’est dirigé vers un son minimaliste, c’est autant un problème de niveau musical qu’un problème de tendance. Aujourd’hui les rappeurs aiment poser sur des morceaux où il n’y a presque rien : un beat, un synthé et c’est terminé.

Mon gars en ce moment c’est Chedda Da Connect et le producteur de son tube « Flicka Dat Wrist », Fred On Em. Tout ça c’est cool, j’aime vraiment bien le délire. Mais pour moi ce ne sont pas des références.

Si tu pouvais te faufiler dans les studios de quelqu’un pour voir sa façon de travailler, de qui s’agirait-il ?

J’aurais kiffé être dans les studios de Kate Bush à l’époque pour voir la réalisation de ses titres. J’ai écouté ses bootlegs où il n’y a ni les basses ni les batteries. Il n’y a que les pianos qu’elle a elle-même joués. Le tout est mal enregistré mais ce qu’ils ont réussi à en extraire est magnifique… J’aurais vraiment aimé être présent parce qu’ils ont fourni un gros travail de réalisation.

J’aurais également aimé voir comment bossaient les Daft Punk à l’époque, la façon dont ils utilisaient leurs compresseurs et avec quel matos ils travaillaient.

Sinon, carrément, j’aurais voulu pouvoir voler les drums de Timbaland, ses caisses claires et ses kicks. Je sais aussi qu’il a plein de samples en stock, je les aurais bien pris avec moi eux aussi. Même pas besoin de regarder sa façon de travailler parce que je vois à peu près.

Kanye West aussi. Parce que j’aime son côté innovateur et le fait qu’il ne s’arrête pas à un style de musique. S’il fait de la trap il va essayer de ramener quelque chose d’autre au titre et lui donner une dimension complètement différente de ce que l’on a l’habitude d’entendre.

Dans quel domaine tu voudrais te perfectionner?

J’aimerais perfectionner mes « skills » en sampling. Je bosse actuellement sur des trucs à ce sujet. Je pense que c’est un domaine vaste où on peut encore dépasser les limites actuelles au niveau du développement du sample, de l’originalité et de la créativité qu’il y a autour. Il y a beaucoup de choses à faire… Aujourd’hui il y a des outils, dont je tairai le nom, qui permettent de vraiment pouvoir s’amuser et de faire des trucs exceptionnels. Mes projets en lien avec cela ne sont pas encore sortis mais lorsque ça arrivera vous en serrez les premiers témoins.

Afin de pouvoir s’y retrouver financièrement avec les samples et éviter de se faire attaquer en justice, il y a des moyens qui permettent de les utiliser sans que les gens remarquent qu’il s’agisse d’un sample. Je l’ai moi-même fait sur des morceaux sortis et personne n’a rien remarqué, que Dieu nous en préserve. Tu peux même appeler une société qui s’occupera de rejouer une partie de la chanson. Par exemple« Call On Me » d’Eric Prydz ou « Barbara Streisand » de Duck Sauce ont été rejoué même si ce processus est assez onéreux. Sinon, si tu n’attends pas de profits économiques de ton track mais juste une visibilité, tu peux aussi uploader ton morceau « inclearable » sur Soundcloud et montrer à toute une audience ce dont tu es capable. Ça peut entraîner un buzz sans dépenser le moindre centime, par exemple le remix de Bill Withers « Ain’t No Sunshine » de Lido.

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Quel a été le conseil qui t’a le plus aidé lors de ta carrière ?

Il y a un conseil qu’un producteur m’a donné, je le considère comme mon mentor, qui a changé ma vie. Je me tire peut-être une balle dans le pied en l’avouant d’ailleurs, mais bref : on m’a rencardé sur la façon d’obtenir des packs de plugins et de samples via Internet. Le fait d’avoir eu accès aux sites permettant de tout récupérer, ça a changé ma vie jusqu’à maintenant. J’ai tout ce que je veux : des discographies d’Elvis Presley en passant par des acapellas. Tout est à ma disposition. Le Web m’a permis d’avoir toute une base de données et ça change tout. Le fait d’installer un nouveau plugin, un nouveau synthé me donne de nouvelles inspirations, une nouvelle dynamique. Quand tu te casses la tête à écouter et à disséquer un sample de jazz, ça génère forcément une vague de créativité. J’ai donc à ma portée des milliers de titres et donc des possibilités créatives et récréatives à l’infini.

Comment démarres-tu une nouvelle composition ?

Ça dépend, souvent on me demande un style de morceau donc pas besoin de proposer autre chose. Par exemple Booba, je ne vois pas l’intérêt de lui soumettre des instrus à la Neptunes alors qu’il a une ambiance sonore bien marquée.

Quand je n’ai pas à cibler les instrus par rapport à l’artiste, alors je ne me pose pas de questions. J’ai remarqué qu’à partir du moment où je suis dans le calcul ça ne fonctionne pas. En général, je commence par choisir un « preset » (trame sonore) que j’entends ou parfois je trifouille les synthés pour avoir un son, lorsque j’ai trouvé ce que je voulais, j’y vais direct. Honnêtement j’arrive à boucler les bases d’un morceau en 5-10 minutes. Attention, ça peut prendre une heure aussi quand je cherche à être hyper pointilleux, mais en général j’essaie d’aller le plus vite possible.
Pour le style trap, je prends un son et je tente de trouver un gimmick ; ensuite je vais directement aux drums puis je passe aux effets. Et en 15 minutes si j’y suis allé à la cool le son est plié mais pour le fignoler je mets une heure voire deux heures maximum. Si ça me prends plus de deux heures c’est que c’est mauvais signe, ça ne sent pas bon. Au total, j’ai mis 1h30 à composer et finir le titre « Billet violet » de Booba. En réalité, je termine la partie de 8 mesures qui va se répéter tout au long du morceau en 15 minutes. C’est ce qui fait la différence avec mon travail de composition d’un titre house qui me prend toute une journée.

Je déteste rester trop longtemps sur une composition, pour moi c’est hors de question. Ça doit aller vite. Honnêtement aujourd’hui ce que l’on fait en France c’est de la musique fast food. Pas dans le sens péjoratif du terme, mais on fait ça vite, la manière de consommer aussi va vite. D’un côté, les artistes sont tellement conditionnés et ne cherchent qu’un seul type de son. Ça ne sert à rien de se casser la tête à faire une instru qui prend grave du temps. Un artiste comme Jul, avec tout le mérite qui lui est dû, a des productions simples et ça marche. Le mec est disque d’or ! Il passe sur NRJ, Skyrock… Du coup, pourquoi se prendre la tête ?

À l’époque quand j’ai commencé, je faisais ce travail d’arrangement super pointu, j’essayais d’utiliser des samples pas communs, des rythmiques différentes… Au final les rappeurs trouvaient ça cool mais bizarre, les prods ne partaient pas ; du coup ça entravait aussi mon business. Donc la conclusion que j’en tire, c’est qu’en France, faire des choses un peu différentes de ce que l’on entend reste risquées. Mon métier est aussi une entreprise donc il vaut mieux s’adapter à ce qu’ils veulent et garder l’originalité pour les États-Unis si l’occasion se présente.

Par contre, quand je balance mes sons sur Soundcloud pour le coup, je me fais plaisir, je prends mon temps et je pousse le plus loin possible le mix. Cette plateforme me permet de m’amuser et d’oublier un peu une frustration.

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Quelle est la démarche pour un artiste qui souhaite collaborer avec toi ?

Pour faire appel à mes services le procédé varie. Quand il s’agit de quelqu’un qui jouit déjà d’une certaine notoriété, vu que tout le monde se connaît, la connexion se fait soit par téléphone, par mail, Facebook ou Twitter. C’est aussi simple que ça. Pour ceux qui sont moins côtés, s’ils me contactent j’essaie d’écouter ce qu’ils font ou je check leurs clips. Si je kiffe leur vibe et leur délire, je produis sans aucun soucis. Je suis toujours à la recherche d’artistes à produire ou à développer mais la réalité c’est que je n’en ai pas encore trouvé.

Financièrement, quels sont les prix pour une composition signée Wealstarr ?

Mes émoluments varient selon l’artiste avec qui je collabore. Pour les artistes qui émergent et qui n’ont pas les mêmes facilités, j’essaie de ne pas trop poursuivre la conversation s’ils n’ont pas prévu au moins un budget. Pour ceux qui sont plus côtés ou en maison de disques, logiquement, on part sur des sommes à quatre chiffres minimum, parfois à cinq si t’as un bon avocat.

Si on parle de « Billet violet » par exemple, je pense que l’album de Booba va très bien se vendre. Donc c’est très bien au niveau de la SDRM (Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs, éditeurs, réalisateurs et doubleurs sous-titreurs, ndlr) je ne pourrais pas chiffrer ce que cela va me rapporter mais ça va être très intéressant. Tu as l’argent des droits d’auteurs qui tombe et tu as le flat (prix de la production).

Comment s’est faite la connexion avec la chanteuse Anggun en 2008 ?

Travailler avec une artiste comme Anggun c’était particulier car il fallait vraiment apporter autre chose que ce que j’avais l’habitude de faire. Elle venait d’un milieu très pop, très variété à la base. Il fallait donc faire un crossover. Dans tous les cas j’apporte toujours des indications dans la direction que devrait prendre un titre. À l’époque on était toute une équipe à travailler dessus : il y avait Stromae, Tefa et Masta. C’est elle je crois qui les a contactés pour bosser sur son album et du coup je me suis retrouvé a produire la moitié des titres.

Tu as collaboré avec Rohff et Booba. As-tu remarqué une vraie différence dans leur façon d’aborder une instru ?

La différence entre Booba et Rohff… Je dirais qu’ils ont plutôt beaucoup de points communs. Ce sont des bosseurs, ils sont tous les deux très exigeants sur le choix des prods. L’un (Booba) prendra une instrumentale plutôt aérée qui laisse la place aux textes, l’autre (Rohff) une instrumentale plus riche au niveau de la compo et qui se fond mieux avec sa voix. Mais la plus grande différence entre les deux rappeurs ne se fait pas sur les prods, elle se fait plus sur les choix artistiques, ou de carrière et d’image. Et dans ce secteur les producteurs n’interviennent pas en général. Tu peux avoir les meilleures instrus du monde avec les meilleurs producteurs du monde, si tu ne sais pas gérer ton image, tu es mort dans le film.

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Comment t’es tu retrouvé à collaborer avec Booba ?

J’ai envoyé pas mal d’instrus à Booba. Je crois qu’on approche de la centaine de titres soumis sur une période d’un an et demi. Il est très exigeant à ce niveau-là, comme je le disais tout à l’heure. Beaucoup de personnes à travers le monde lui envoient des sons, il a donc le choix de sélectionner ce qui lui correspond vraiment. J’ai remarqué qu’il laisse la place à ses textes et son flow, tandis que moi je suis plus le genre de producteur qui va remplir d’instruments mes compositions. J’ai donc dû m’adapter en lui laissant de la place pour qu’il se sente plus à l’aise. Tu peux lui faire écouter du lourd, qui ressemble à du « Booba » ou du « 92I », il peut ne pas la prendre.  La preuve sur D.U.C, personne ne s’attendait à ce qu’il prenne une instru reggaeton ou dubstep. Au final, tu ne peux jamais vraiment prédire ce qu’il va prendre.

Quelles sont les productions dont tu es le plus fier ?

En urbain français, il y a trois productions dont je suis vraiment fier et qui ont eu un rayonnement important, il s’agit de « Benthi » de Mélissa M avec Cheb Khaled. Ce titre a touché toutes les classes de la population, parents comme enfants. Puis en mode trap/rap il y a « Dirty Hous’ » de Rohff. Il l’avait fait à « L’année du hip-hop » (cérémonie française décernant des prix de reconnaissance), du coup la répercussion a été directe. Les gens croyaient qu’ un producteur américain avait fait l’instru. Dernièrement « La mort leur va si bien » de Booba.

Avec « La mort leur va si bien », tu le vois dans les commentaires sur les réseaux sociaux qu’il y a eu une effervescence au niveau de l’instrumentale, je n’ai eu que de bons retours. Il y avait un truc original dans la production, le gimmick récurent en plus d’une vibe qu’on n’entendait pas ailleurs. Je pense que c’est ce qui a fait le succès du titre.

Il y a eu un vrai hiatus entre la période où tu étais sur tous les fronts et ta réapparition. Que s’est-il passé ?

À un moment j’avais produit pour tout le monde, la plupart des instrus que je lâchais devenaient des singles ou étaient « clipées ». C’était vraiment quelque chose que je recherchais, je voulais marquer de mon empreinte le rap français. Puis tu te demandes ce qu’il te reste à faire. Du coup comme tu as tout fait, tu te dis : « Qu’est ce qui me motivera encore plus ? ». J’ai voulu passer à autre chose.

Ça a été un peu compliqué, mais si on voulait retenir un projet de cette phase ce serait SINTROPEZ avec le titre « Berlin Girl » qu’on peut retrouver sur les « Inrocks Lab volume 1 ». On va dire que c’est une petite fierté même si c’est un tout petit truc. Je suis passé du rap français à de la pop new wave et je pense que ça a fait son petit buzz. Aujourd’hui je suis revenu au rap mais je continue de jongler entre les deux genres et si tout se passe bien d’ailleurs j’espère sortir un album ou un gros EP l’année prochaine avec SINTROPEZ.

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Peux-tu nous en dire plus sur SINTROPEZ ?

SINTROPEZ est un projet perso où je chante et compose. Avec ce projet je m’écarte un peu de ce que j’ai l’habitude de faire. Le dernier titre s’appelle « Take Me On ». Plusieurs artistes nous ont bien boosté en publiant le morceau sur leurs réseaux sociaux. On doit d’ailleurs bientôt en faire le clip.

Enfant je n’ai pas grandi qu’avec du rap, j’ai aussi écouté du métal, du hard rock, beaucoup de new wave. Quand je me suis mis au hip-hop je kiffais mais ce n’était pas vraiment mon délire. Grâce à SINTROPEZ je recommence à goûter à ces joies procurées par la musique de mon enfance.

Y a-t-il un titre en particulier que tu aurais aimé avoir produit ?

J’aurais aimé composer « Born to be alive » de Patrick Hernandez pour les droits d’auteurs (rires). De façon plus générale j’aurais rêvé d’être à l’origine de titres qui marquent une génération ou bouleversent une période musicale précise : par exemple « Billie Jean » de Michael Jackson, ou « Good times » de Chic. J’aurais aimé tout simplement avoir la discographie de Nile Rodgers. Pour moi c’est le meilleur producteur, il a propulsé des carrières. Je suis en admiration devant ses œuvres sauf son dernier travail avec Daft Punk.

Côté hip-hop, il y a « Ruff Ryders’ Anthem » de DMX produit par Swizz Beatz. À sa sortie ça a vraiment été un hymne et c’était le titre de l’arrivée d’un nouveau rappeur inconnu, DMX. Puis « Sippin On Some Syrup » de Three 6 Mafia produit par DJ Paul. C’est mon morceau fétiche. Ils sont arrivés avec leur propre son de Memphis, différent de celui de New York, d’Atlanta ou LA. À l’époque, ils étaient beaucoup critiqués et trop en avance. On était une petite communauté de petits jeunes à kiffer toute cette vibe dirty dans les années 2000. Les rappeurs français les critiquaient mais au final aujourd’hui tout le monde fait du Three 6 Mafia. Tout ce qu’on appelle trap c’est parti d’eux. C’est pour ça que ce titre restera ma référence ultime. Il y a aussi « In Da Club » de 50 Cent parce que c’est un classique de Dr Dre et ça a réellement marqué une génération. Enfin « Big Pimpin » de Jay Z parce que le son reste intemporel, jusqu’a présent le titre tourne toujours en boîte et ne vieillit pas depuis 15 ans.

As-tu une anecdote sur des rappeurs ?

J’ai beaucoup d’anecdotes mais qui ne se racontent pas lors d’interviews. Sinon j’ai eu 2-3 soirées de studio avec Salif qui te pose un morceau entier en 30 minutes chrono sans avoir touché une feuille, le tout dans sa tête avec juste une seule prise parfois. C’est un mec grave intelligent, il a signé en maison de disques je crois qu’il n’était même pas encore majeur. Aujourd’hui il fait d’autres choses. Dans ce rap game j’ai rencontré beaucoup de gens faux mais lui c’est différent, c’est un bon et quelqu’un de vrai. Je ne lui souhaite que de la réussite!

Selon toi, y a-t-il un titre que tu as produit mais qui n’a pas rencontré le succès qu’il méritait ?

« Dubaï » de 113. Il n’ont pas fait le clip de ce morceau et c’est dommage parce qu’il avait un vrai potentiel. Encore aujourd’hui on me le rappelle et apparemment il est toujours joué dans des clubs.

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C’est quoi la différence entre un bon producteur et un gros producteur ?

Aujourd’hui, ça ne se joue pas sur la qualité de son travail musical mais plutôt dans la façon dont il va être communiqué. Mine de rien en 2015 la majorité des gens ne regardent plus la qualité mais tout ce qu’il y a autour. Maintenant un producteur pété – désolé de le dire mais il y en a beaucoup – va te faire croire qu’il est lourd parce qu’il est très fort dans sa communication et ça c’est un truc de fou. Les mecs vont être partout sur les réseaux sociaux : ils vont être là où il faut être, se prendre en photo avec des artistes qui buzzent… Toi, tu vas croire que c’est un truc de malade et au final il aura des retombés que d’autres producteurs plus doués n’auront pas.

C’est pour ça que les DJs sont devenus des stars, la plupart font croire qu’ils sont aussi des producteurs alors qu’en fait ils ont des gars de l’ombre qui leur font tout leur travail. Comme ils sont sur le devant de la scène ils récoltent tous les lauriers. Ce constat est malheureux mais c’est comme ça.

Raconte nous les origines du titre « Dirty Hous’ » de Rohff ?

J’habitais dans la même ville qu’Alain de l’ombre de TLF. On se connaissait bien, donc plus tard quand il s’est mis à rapper je lui ai filé des sons. Au même moment, Housni cherchait aussi des instrus et il avait kiffé ce que j’avais donné à TLF. Il m’a appelé en me demandant de lui envoyer une palette, ce que j’ai fait et il a gardé « Dirty Hous’ » et quelques autres.

J’ai composé ce morceau sur Cubase, mais à la base ce n’était pas pour Rohff. J’ai l’habitude de faire des morceaux sans avoir d’artistes en tête, par contre la première personne à l’avoir écouté c’était bien lui.

Je ne me souviens plus trop de la session mais je n’avais pas mis plus de 2 heures pour faire ce titre. À cette période j’enchaînais grave et j’étais souvent sollicité, je n’avais pas le temps de rester longtemps sur un titre.

Une anecdote sur ce titre ?

À l’époque où « Dirty Hous’ » est sorti, mon équipe et nous étions bien à fond dans le délire « dirty ». Pour remettre les choses dans leur contexte, à ce moment-là il n’y avait pas de « trap » en France. Et lorsque je suis parti au studio pendant le mixage du titre pour voir si tout se déroulait bien, je suis tombé sur la partie de Big Ali et franchement j’ai été surpris. Je n’ai pas saisi pourquoi Big Ali était présent sur le morceau. Pourquoi ? Parce que ça faisait partir le morceau dans un autre délire, on avait une autre approche. En écoutant les parties de Rohff, je ne comprenais pas sa façon de rapper non plus. Pour moi ce n’était pas « cainri » tu vois. Au-delà de Rohff, je me suis vite aperçu que cela arrivait avec toutes les productions que je plaçais à l’époque. J’étais tellement habitué au délire américain que la version française me paraissait hors de propos. N’ayant pas ou très peu écouté de rap français à part X-men, Lino et Booba, j’étais déphasé. Avec « Dirty Hous’ » je me suis rendu compte que ça prenait quand le titre est sorti, les Français aiment profondément ce qui sonne français et le rap français avec ses codes. Donc toi en tant que producteur tu t’habitues.

Selon toi, les artistes veulent tes services parce qu’ils savent que t’es une valeur sûre ?

Je pense qu’ils savent qu’ils auront un certain succès à travers ce que je vais leur proposer. Pourquoi je collabore avec les artistes que je viens d’énumérer ? Ils savent quand un son est bon tandis que t’as d’autres artistes qui s’en battent les couilles, ils veulent un son trap sur lequel ils vont rapper et c’est tout.

Ils me font confiance et il y a aussi ce facteur humain. Par exemple Lino, c’est peut être une des premières fois qu’on a nos noms associés sur un projet alors qu’on a déjà bossé ensemble sur d’autres trucs qui ne sont pas encore sortis. On se croise tous en studio. On s’apprécie mutuellement et on sait ce qu’on peut apporter à l’autre.

Des projets à venir ?

En plus de SINTROPEZ, je sors un EP avec toutes les « instrus » que j’ai faites en 2014 : Niro, Rim-K, Booba, Lino… Il y aura des inédits que je vais clipper, mais il n’y aura pas de rap dessus. Je planche aussi sur un EP avec seulement des inédits où je vais mélanger trap et électro. Sinon je bosse actuellement avec Booba, Joke, Rim-K. Je collabore aussi avec Hayce Lemsi, LECK, Dosseh et PNL pour ne citer qu’eux.

Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?

D’abord de sortir tout ce que j’ai en tête. Avant j’étais du style à ne pas sortir un titre si je ne le jugeais pas parfait et au final je me dis que cela m’a fait louper pas mal de choses. J’ai envie de faire davantage de DJ sets, c’est un aspect qu’on ne connaît pas trop de moi mais je kiffe réellement mixer.

Je n’ai pas encore la possibilité de me produire partout mais mon set ideal serait un mélange de trap et de deep house : écouter Young Thug rapper sur un beat binaire de House remixé en live. Sans me comparer, la trajectoire d’un Just Blaze est assez intéressante et j’avais d’ailleurs accroché sur son petit virage électro et sa facette DJ en 2009, mais aussi lorsqu’il balance sur Soundcloud des grosses instrus sans rappeur dessus alors que ça aurait pu atterrir sur n’importe quel projet d’un gros artiste.

En tant que producteur, on a plus forcément besoin d’artistes pour promouvoir nos sons. À la limite un clip pour booster un peu mais pas plus.

IN THE BUILDING (Instrumental Edition)

Pour sa deuxième soirée de l’année, le YARD SUMMER CLUB vous promettait un invité surprise. Et c’est finalement Booba qui a littéralement enflammé la terrasse du Wanderlust lors d’un showcase où il a repris les titres de son dernier album DUC.

En fin de contrat, Djibril Cissé arrive à un tournant de sa carrière entre l’irrésistible envie de continuer et l’année de trop, il n’y a parfois qu’un pas.
Le moment est donc idéal pour retracer le parcours du footballeurs entre ses débuts à Auxerre, sa victoire de la Champion’s League avec Steven Gerrard, son arrivée de rockstar au Panathinaikos et l’équipe de France.

Vous l’avez sûrement croisé au détour des tracklist de Set & Match, A2H, Deen Burbigo ou de 3010, ou encore sur Radio Nova ou peut-être lors d’une soirée parisienne, au Nouveau Casino ou au Social Club. Le DJ et Beatmaker DTWEEZER du label Cosmonostro et membre du collectif Now Futur, nous arrive avec un remix de « Temps Mort » dans la mouvance Future Beats qu’il incarne.

A écouter, à télécharger et à ré-écouter en boucle.

DTWeezer - Booba - Temps Mort

Le designer Calvin Klein a fait l’acquisition récente d’une maison de 16 millions de dollar où son goût du design épurée, et lumineux s’exprime avec force. Pour la première fois, il laisse son photographe fétiche, Bruce Weber, pénétrer sa demeure pour le magazine Vanity Fair.

Dans cette 13ème édition du tournoi international de streetball du Quai 54 placée pour l’occasion sur la luxueuse place de la Concorde, l’évènement phare devait être la visite de Sa Majesté Michael Jordan. Si His Airness n’aura pas fait son apparition tant attendue, l’attention n’en aura que plus été portée sur la performance du nouveau champion couronné ce week-end, l’équipe YARD La Relève, victorieuse du favori absolu et quadruple champion, La Fusion.

Pour les connaisseurs et habitués du Quai 54, le nom La Relève n’est pas inconnu. Fondée il y a 8 ans par le meneur Zaïnoul Bah pour concurrencer la domination de la Fusion, la team La Relève a marqué de son empreinte plusieurs éditions avant ce week-end. Finaliste l’année dernière, elle avait déjà inscrit son nom au palmarès en remportant l’édition de 2011, face aux Américains de Kings of Hoops.

 

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L’arrivée de YARD au sein de l’équipe naît d’une histoire d’amitié entre plusieurs membres des deux entités. Déjà impliqué par le passé dans le Quai 54 et dans d’autres évènements dédiés au basket, l’association s’est faite naturellement et dépasse le simple branding. YARD et La Relève représentent ensemble une certaine idée de la jeunesse, de l’avenir et une forte ambition dans leur domaine respectif. Avec cette combinaison, YARD a pour but d’apporter une valeur-ajoutée par des moyens logistiques, matériels, mais surtout humains. Un détail qui singularise encore plus La Relève des autres équipes du tournoi.

 

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Pour tenter de récupérer le titre convoité de meilleure équipe de streetball mondiale, la team s’est appuyée sur un savant mélange d’historiques de l’équipe comme Zaïnoul Bah, Thomas Larrouquis – qui a pris le poste de coach pour cause de blessure – ou Georgi « Haïti » Joseph, auxquels se sont ajoutés de nouveaux éléments : Jordan Aboudou, Lahaou Konaté ou le meneur Souleymane « Solo » Diabaté. Privilège des équipes reconnues, YLR est qualifiée directement pour le tournoi et commence donc en huitième de finale, qu’elle remporte face au Staff Médical. Le quart de finale sera une revanche de l’année dernière pour YARD La Relève qui vient à bout de Hoodmix, tenant du titre sur le score de 33 à 20. Après une demi maîtrisée face aux surprenants Allemands de Der Stamm, l’opposition en finale face à La Fusion aura été celle du choc des générations. D’un côté, l’équipe emblématique du quai emmenée par l’expérience des Amara Sy, Steed Tchicamboud ou encore Andrew Albicy et de l’autre la jeune garde. Après une première mi-temps serrée bien démarrée par La Fusion, notre équipe brisera les espoirs de l’équipe de L’Amiral en dominant totalement la seconde moitié du match.

 

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La victoire de YARD La Relève représente tout d’abord la consécration d’un état d’esprit au sein d’un collectif soudé, conduit par la bonne ambiance et une soif de victoire partagée. Ce qui est sûr c’est que ce partenariat, ou plutôt cette fusion entre les deux entités n’est pas qu’un « one week-end stand » mais bien une histoire amenée à durer bien au-delà d’une seule édition. L’expérience continuera l’an prochain, dans une 14ème édition où YARD La Relève tentera de conserver son tout nouveau trophée.

 

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Il y a 41 épisodes mourrait Eddard Stark « King of Winterfell ». C’est là que tout a vraiment commencé. Les opportunistes de la culture pop, que la plupart d’entre nous sommes, découvraient ce que les véritables geek avant-gardistes savaient déjà depuis 1996. M. George R.R. Martin tue sans scrupules des personnages nobles, courageux, prêts à se sacrifier pour ramener le bien dans leur environnement naturel. S’il n’y avait eu que lui, Frodon Sacquet, Luke Skywalker, Bruce Wayne ou encore Pocahontas ne seraient que de vagues souvenirs en forme de cadavres.

L’auteur a donc réussi à défier de nombreuses lois traditionnelles du récit et de l’industrie de la télévision en partenariat avec l’audacieuse HBO. Dans la maison Game Of Thrones les acteurs bankables sont virés non pas parce qu’ils sont relous sur un tournage mais parce que leur personnage est important et que leur mort bouleverse le récit conventionnel.

Après 5 saisons de chocs et de traumatismes sur des millions de canapés à travers le monde, les questions symptomatiques d’un essoufflement commencent à se poser. Le rythme devient-il trop lent ? L’adaptation du livre en série est-elle vraiment l’option la plus pertinente ? Les intrigues ne sont-elles pas trop nombreuses ? Vont-ils trop loin dans la maltraitance des personnages ? Faisons le bilan rapidement, sans recul quelques jours après la diffusion du 50ème épisode « Mother’s Mercy ». N’allez pas plus loin si vous n’êtes pas à jour : Yes spoil.

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« Shame ! Shame ! Shame ! »

 

Depuis l’ère « réseaux sociaux », le spectateur a plus largement son mot à dire au sujet des divertissements qu’il consomme. Plein de spontanéité, il utilise les 140 caractères sans trop doser ni l’amour ni la haine. Si l’on prenait le temps de faire des statistiques c’est certainement l’animosité qui prévaudrait pour cette cinquième saison de Game Of Thrones et plus particulièrement son dernier épisode. Suite à la mort du bellâtre charismatique Jon Snow : on compte à la pelle des promesses enflammées de ne plus jamais regarder un épisode de la série. Des serments qui seront aussi vite oubliés que le vœu de chasteté de Sam quand seront leakés dans quelques mois les premiers épisodes de la saison 6.

La foudre viendrait donc plutôt de ceux qui tentent de réfléchir à l’évolution de la série. Journalistes, blogueurs ou statuts Facebook un peu développés, à la moindre brèche ouverte beaucoup s’engouffrent de plein pied dans un « GOT bashing ». La brèche en question cette saison, c’est George R.R. Martin lui-même. Contrairement aux quatre saisons précédentes, l’auteur des livres A Song of ice and fire n’a pas été co-scénariste aux côtés de D&D (David Benioff et David B. Weiss), les célèbres showrunners. Victime de son succès la série se retrouve dans une situation délicate. Avec cinq livres écrits par G. Martin depuis 1996 les cinq saisons télévisées ont déjà épuisé leur capital adaptation. L’auteur n’a donc plus le temps de s’attarder sur l’écriture des scénarios alors qu’il doit sortir le prochain ouvrage qui servira de matière première pour la saison 6. L’écrivain et les showrunners restent en très bon terme malgré cette « séparation ». Une relation qui aboutit à des faits aussi inédits qu’étranges : ce sont les lecteurs des livres qui se font spoiler par la série. Le bûcher traumatisant, érigé par Stannis dans l’épisode 9 où sa propre fille devient un allume-feu, est un élément communiqué par l’auteur directement aux scénaristes que les fans ont découvert à la télévision avant de le lire sur le papier.

 

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Ce qui manque c’est du temps et G. Martin s’est vu contraint d’annuler de nombreuses conférences prévues dans les mois à venir pour achever son œuvre littéraire selon les calendriers d’HBO. Une pointe d’agacement se fait même sentir quand il s’adresse directement aux fans sur son blog pour leur demander d’arrêter de l’apostropher quant au déroulement de la série télévisée. Cette ambiance presque stressante révèle une forme de faiblesse, synonyme pour certains de perte de qualité voire de foutage de gueule.

 

« For The Watch »

 

Tous les défauts de la saison sont alors justifiés à travers ce changement dans l’organisation de l’écriture. « L’adaptation télévisée de Game of Thrones devait dérailler. Cela était inscrit dans son ADN parce que l’œuvre est toujours en cours d’écriture et que la série n’avait pas d’autre choix que de progresser à marche forcée. » lit-on sur lemonde.fr. Comme si ce petit contretemps démontrait que les scénaristes manquaient de respect à l’esprit de la série qu’ils ont pourtant porté à bout de bras depuis 2011. Tom Fontana, ex showrunner d’Oz qui a fait la gloire d’HBO à ses débuts, rappelle (pour So Film) l’essentiel : « Vous savez ce qu’HBO a inventé de révolutionnaire ? Donner tous les pouvoirs à l’écrivain, l’auteur. Leur discours c’était : ‘Ce n’est pas l’acteur ni le réalisateur, et certainement pas la chaîne de télé, qui décident. Le contrôle total est pour l’auteur.’ Pour eux si tu sais raconter une histoire tu es le patron. » Comment penser alors qu’en 10 épisodes la diffuseur ait renié son crédo d’origine, revendiqué fièrement depuis plus d’une vingtaine d’années ?

 

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Des faiblesses sont pourtant bien présentes de l’épisode 41 à 50. Game of Thrones a changé. La fluidité entre les événements qui lie la saison est moins limpide. Avant on passait d’un mariage promis entre Sansa et Joffrey à la mort de Tywin Lannister sans même s’en rendre compte grâce à l’arrivée de Margaery, à l’empoisonnement du jeune roi, au procès de Tyron puis son désir de vengeance. Un liant invisible mais palpitant tenait en haleine le spectateur sans qu’il ait le temps de réfléchir à ce qu’il était en train de voir. Pour la saison 5, même si Cersei leur donne au départ du pouvoir, il est difficile de trouver une logique au fanatisme soudain et acharné de la secte des Moineaux. Les chemins des personnages se sont éloignés les uns des autres. Le tissu qui connectait les nombreuses histoires devient de moins en moins dense. Pour l’instant, ce qui se passe à Meereen n’a aucune conséquence sur ce qui se passe à King’s Landing, ce qui se passe à King’s Landing n’a aucune conséquence sur ce qui se passe à Winterfell, ce qui se passe à Winterfell n’a aucune conséquence sur ce qui se passe à CastleBlack… Et qu’en est-il de l’isolement d’Arya Starck à Bravos ? Les neuf premiers épisodes de cette cinquième saison ont donc plus suscité d’ennui et de frustration que d’habitude. Peu d’avancées jusqu’à des résolutions soudaines et simultanées lors du dernier acte de la saison.

La mort de Jon Snow reste le fait le plus marquant de l’épisode mouvementé. L’avenir du personnage pourra trahir la direction adoptée par tout ceux qui fabriquent la série. Kit Harrington, incarnant le bâtard de Ned Starck, véhicule un sex-appeal qui fournit à la série la fanbase de jeunes femmes de 15 à 35 ans. Le vainqueur du bras de fer entre la toute puissance des scénaristes et le pouvoir commercial de millions de groupies qui voudraient voir ressusciter le « Lord Commander » sera indubitablement un symbole fort pour la suite.

 

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Avant de renier complètement les mêmes personnes qui nous ont fait vibrer pendant 40 heures attendons les 10 prochaines pour juger les 10 dernières. Qui peut de toute façon se targuer à la vue de « Mother’s Mercy » ne pas vouloir savoir ce qu’il va advenir de Westeros ? L’erreur serait de sous-estimer scénaristes et écrivains qui nous ont toujours tant surpris. Malgré ses défauts la saison 5 reste en parfait accord avec l’état d’esprit global de cette course au trône de fer. Lors de la saison 1 on nous annonçait la fatalité d’un hiver menaçant. Pendant les 4 premières saisons on se demandait si cette épée de Damoclès n’était pas une coquetterie pour nous appâter tant le froid semblait encore lointain. On préférait nous montrer des familles se disputer le pouvoir en se détruisant les unes les autres. Quand beaucoup voient en la saison 5 un échec on peut plutôt y déceler un tournant. Discrètement mais clairement on nous apporte la concrétisation de la vraie problématique du monde crée par George R.R Martin : la tension entre la menace extérieure d’un hiver destructeur et l’affaiblissement grandissant des forces en présence qui aurait permis aux hommes d’y survivre. À la fin de la saison avec la rencontre du chef des « White Walkers », la menace de l’hiver n’a jamais été aussi pressante. Pourtant avec la mort de Jon Snow, de Stannis, la capture probable de Daenerys, la fuite de Sansa et l’humiliation de Cersei tous les leaders potentiels sont neutralisés. Ce n’est pas l’essoufflement de la série qu’il faut craindre mais ce qu’elle nous réserve.

 

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Le 1er juin dernier, lors de la cérémonie des CFDA Awards cuvée 2015 à New York, Pharrell Williams, en perfecto peinturluré, jean roulotté sur la cheville et gavroche sur la tête, recevait des mains de Kanye West, en total look black et Yeezy boost low aux pieds, son prix d’icône mode de l’année. Deux gros bonnets du hip-hop et pontes du style qu’à la fois tout oppose et réunit sur le terrain de la mode, entre création de leurs propres marques, multiples collabs, et raffinement de leur garde-robe. Retour sur leur bio fashion.

 

 

 

Du vestiaire street au chic

 

À 20 ans et des poussières, les deux jeunes pousses portent t-shirts, baggys, chaînes et grosses baskets. Dès leurs premiers beats, leurs destins se télescopent. Parmi la foultitude d’images du clip de « Through The Wire », tout premier single de Kanye West qu’il enregistre la bouche encore cousue après s’être fracassé la mâchoire, le rappeur glisse un extrait de session studio avec un Pharrell Williams en casquette trucker jaune et blanche. Un peu plus tard, alors que Skateboard P ne jure que par l’imprimé camo, Bape et BBC, Kanye oscille entre look preppy, en polo, blazer et sac à dos, et streetwear. Les deux emcees frisent aussi régulièrement le bling-bling, à coups de marques tape-à-l’œil, manteaux de fourrure et bijoux massifs (tous deux passent commande auprès de « Jacob the Jeweler », le joaillier chouchou des rappeurs). Ye s’auto-surnomme même le « Louis Vuitton Don ».

 

En 2005, Skateboard P est sacré mec le mieux habillé sur terre par le magazine Esquire. Aux alentours de 2008, il minimalise son style, en t-shirt col V et jean, puis ose tout et n’importe quoi. S’il n’a jamais vraiment eu froid aux yeux, il laisse désormais complètement libre cours à ses folies et lubies stylistiques : du costume sous toutes les coutures – camouflage, à pois, à tartan, irisé, satiné et/ou en version short -, au chapeau XXL Vivienne Westwood, en passant par les boots de ski Nike, les bottes montantes vertes à lacets (pour la campagne Chanel), le manteau rose bonbon ou la chemise hawaïenne. Dandy urbain, Pharrell mêle des éléments à la fois street et luxueux, une paire de Timberland noires estampillées du logo Chanel ou un t-shirt camo avec des chaussures bateau. Le kidult crée les tendances beaucoup plus qu’il ne les éponge. La chemise bûcheron nouée autour de la taille, c’est lui. « Si le cool était une personne, ça serait Pharrell », soufflait Diane von Furstenberg à l’issue de la cérémonie des CFDA.

 

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Yeezy traînera un peu plus à trouver son style. Dans la deuxième moitié des années 2000, il expérimente : coupe mulet, blazer pailletté, veste à brandebourgs satinée Dior, lunettes persiennes ou total look rouge. Son album 808s & Heartbreak, sur lequel il s’assume en tant que rappeur « vulnérable », marque un tournant dans son allure, qu’il affute et affirme. Exit le flamboyant, Kanye se veut plus sobre et sombre. Il écume les bancs des défilés, gagne ses galons d’icône mode et son rond de serviette chez Givenchy après avoir copiné avec Riccardo Tisci et propulsé l’imprimé rottweiler, la chemise cloutée en tartan ou le t-shirt à étoiles. Le bonhomme ose la blouse de femme Céline, le kilt en cuir Givenchy ou le masque en cristaux Maison Margiela. Plus encore que Pharrell, Mr. West s’attache toujours à contrebalancer ses pièces luxe par une touche urbaine, garante de sa street cred ; il associe manteau de vison et sweat à capuche ou pantalon de cuir et paire de Jordan. De cette façon, il a grassement contribué à la redéfinition du streetwear et popularisé des créateurs pointus. Mais le Chicagoan ne se contente pas de jouer les porte-manteaux et s’improvise chef de file d’un mouvement visant à élever les consciences stylistiques. Sur le morceau « New slaves », il clame la nécessité de s’éduquer esthétiquement parlant avant d’acheter aveuglement tout ce qui se chiffre à plus de trois zéros. Il dénonce la consommation d’objets luxueux, boulimique et moutonnière, de ses compatriotes noirs, faisant d’eux des esclaves monétaires portant des chaînes en or.

 

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Métrosexuels assumés, Pharrell Williams et Kanye West ont tous deux posé en veste de tweed Chanel devant l’objectif de Karl Lagerfeld pour le livre et l’exposition, La petite veste noire. Ils ont ouvert la voie aux rappeurs modeux et traînent aujourd’hui une armée de rejetons lookés jusqu’aux dents menée par A$AP Rocky. Et comme Ye le posait justement, presqu’humblement, sur la scène du Lincoln Center aux CFDA Awards : « Il n’y aurait pas eu de moi, pas d’A$AP, sans Pharrell ».

 

BBC vs Kanye West

 

 

Pharrell transforme tout ce qu’il effleure en or. En 2005, il fonde avec son acolyte Nigo, le père de Bape, les griffes de « luxury streetwear » Billionaire Boys Club (BBC) et Icecream. Quelques temps plus tôt, il avait excité l’intérêt et la désirabilité de ses fans pour BBC en jouant à l’homme-sandwich dans le clip de « Frontin’ ». 100% made in Japan, les pièces aux motifs pop et aux couleurs tranchantes sont vendues à prix d’or en séries limitées, dans seulement 40 points de vente à travers le monde. La stratégie de la rareté mène au carton. Et en collaborant depuis trois ans avec le designer Mark McNairy sur les lignes Bee Line et BBC Black, Billionaire Boys Club monte encore un peu plus en gamme. Aujourd’hui, depuis son partenariat noué en 2012 avec Roc Apparel Group, la boîte de fringues de Jay-Z, la paire Billionaire Boys Club/Icecream se porte comme un charme. Plus bankable que jamais, la marque à deux têtes aurait un volume de ventes de près de 30 millions de dollars. Un record depuis sa création. Ses plans d’expansion incluent les accessoires, les parfums, les lunettes et surtout la femme, dont Yoon (l’asiatique peroxydée du clip « LSD » d’A$AP Rocky), co-fondatrice et DA d’Ambush design, dessinera les collections. Dans une interview donnée à Complex, Phillip Leeds, Brand Manager de BBC et Icecream, tente d’expliquer le succès des deux griffes qu’il représente : « André Leon-Talley a porté du Billionaire Boys Club durant la fashion week et a été photographié avec. Pharrell est proche d’Anna Wintour et je pense que le fait qu’ils soient amis nous a donné de la crédibilité. Karl Lagerfeld a aussi porté une veste Billionaire Boys Club dans Harper’s Bazaar, ce qui a été très important pour nous ». En fait, moins segmentant et radical qu’un Kanye West, Pharrell a cette universalité qui fait qu’il touche les « fashionistos » comme les skaters ou les amateurs de rap. Surtout, Mister « Happy » a quelque chose que Yeezus n’a pas et s’échine à obtenir : une vraie légitimité auprès des professionnels de la mode.

 

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On pourrait penser que Kanye se complait dans son rôle de brebis galeuse, de Calimero. Avant de remettre à Pharrell son prix CFDA, le rappeur ressassait ses frustrations vis-à-vis de la fashionsphère : « C’est très difficile de casser les aprioris. La mode a été l’école la plus dure dans laquelle je suis jamais entré ». En introduction de son défilé pour adidas en février, là encore, Ye évoquait en voix off les critiques négatives à son égard. Puis, dans les jours suivant le show, inondait son compte Twitter de messages enflammés à l’attention de ses détracteurs, plus particulièrement de Fern Mallis, la fondatrice de la Fashion Week new yorkaise. Son histoire d’amour-haine avec la mode commence en 2005, lorsqu’il annonce le lancement prochain de son propre label de streetwear, Pastelle Clothing. D’abord, le emcee envisage une paire de lunettes de soleil à 2000 dollars en collaboration avec Ksubi. Un projet tué dans l’œuf. S’ensuivra un édito de quatre pages dans le magazine V Man, faisant la part belle à la marque, toujours au stade prototypique, puis une flopée d’apparitions de Kanye en vestes ou hoodies Pastelle. En octobre 2009, des images du lookbook fuitent sur la toile. Mais deux heures plus tard, après près de quatre ans de teasing, HighSnobiety révèle que la ligne ne verra en réalité jamais le jour. Après ce premier échec, West n’abandonne pas. Il travaille d’arrache-pied, étudie les matières, leur fabrication, l’architecture et la technicité des vêtements… et présente en octobre 2011 sa première collection de prêt-à-porter féminin, en marge de la Fashion Week parisienne. Les critiques giclent et giflent le novice. Les journalistes veulent clairement se le faire, ce rappeur mégalo qui s’improvise designer. Mais, une fois n’est pas coutume, Kanye ne lâche rien et remet le couvert en 2012. Pour son deuxième essai, la critique se montre finalement plus indulgente, peut-être en raison des chaussures, conçues main dans la main avec l’illustre Giuseppe Zanotti. L’esthétique est épurée, nette et racée ; les maîtres à penser de Kanye West s’appellent Raf Simons, Helmut Lang et Martin Margiela. Celui qui affirme être «un designer avant d’être un rappeur » raccroche pourtant après seulement deux collections. Il prête depuis sa vision créative à d’autres, qui s’en frottent les mains, et en profite pour affiner ses connaissances et sa sensibilité esthétique, tout en rêvant sûrement et secrètement, d’un jour exhumer son enseigne éponyme.

 

Des poules aux œufs d’or pour les marques

 

En 2006, Pharrell Wiliams posait en chemise ouverte et fourrure pour la campagne automne-hiver de Louis Vuitton et dessinait pour la maison les lunettes de soleil « Millionnaire », devenues très vite un best-seller. Deux ans plus tard, il récidivait avec le maroquinier pour une collection de bijoux, baptisée « Blason », mêlant or blanc, saphirs et diamants. « Pharrell a une certaine élégance », disait alors de lui Camille Miceli, en charge de la bijouterie Louis Vuitton : « Je ne dis pas que les autres rappeurs sont des ploucs mais lui a un raffinement que les autres n’ont pas. L’élégance, ça ne s’achète pas ». Et les marques s’arrachent cet entertainer touche-à-tout et hyperactif, les poches gavées d’idées artistiques. Williams dessine par la suite une collection-capsule pour Uniqlo, des jeans recyclés pour G-Star – car, oui, il a une conscience écologique – ou encore des vestes et une paire de lunettes de soleil pour Moncler. Remo Ruffini, le PDG de la marque de doudounes, raconte, enthousiaste « [Pharrell] représente un éclectisme visionnaire, une manière d’interpréter la créativité de la musique aux arts appliqués et aux vêtements ». L’année dernière, le chanteur signait également une fragrance boisée, « Girl », en collaboration avec la division parfum de Comme des Garçons, et une première ligne pour adidas. Au total, Pharrell a imaginé pour le géant du sport des Stan Smith colorées, gribouillées, à pois, à fleurs, ou en peau de balle de tennis, des vestes assorties et 50 coloris de Superstar. Un véritable coup de fouet pour la marque. Encore plus fort, le loustic est le héros de la campagne Métiers d’Art « Paris-Salzburg » de Chanel, aux côtés de Cara Delevingne. Un joli coup de maître pour la maison du 31 rue Cambon, qui s’encanaille juste ce qu’il faut avec un rappeur sage et mainstream.

 

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Kanye West empile lui-aussi les collaborations. En 2006, il relooke les Bapesta de Bape, avec son « dropout bear ». En 2009, il pond une série de sneakers montantes et basses pour Louis Vuitton, ainsi que sa première Air Yeezy pour Nike. De l’or en barres pour la marque au swoosh. Les Nike Air Yeezy – il y en aura deux modèles – affolent les sneakerheads du monde entier et s’arrachent comme des petits pains. Commercialisées aux alentours de 250€, les paires se revendent facilement 1000 dollars, parfois 2000, sur eBay. Mais Nike rechigne à partager le gâteau et refuse d’accorder à Kanye des royalties sur les ventes. C’est là qu’adidas, qui a flairé le filon, entre en jeu. Début 2015, Monsieur Kardashian lançait sa Yeezy Boost pour la marque aux trois bandes. Une édition limitée à 9000 exemplaires dans le monde, vendue 350 dollars. Alors que Pharrell et ses Superstar arc-en-ciel à 100 euros brassent large, Kanye, lui, préfère l’exclusif et l’exigeant. Le défilé Kanye West x adidas, archi pointu et minimaliste, à base de collants, de bodys, de crop tops et de sweats destroy, a attisé les passions comme les railleries. Le emcee ne veut pas plaire à tout le monde, seulement aux érudits.

 

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Avant adidas, Kanye avait pensé deux collections masculines pour A.P.C, en 2013 et 2014, sold out en quelques heures. Pour son pote Jean Touitou, il avait osé, entre autres, la parka ultra luxueuse doublée de renard, à presque 3 000 dollars. Enfin, sur scène, c’est en Maison Margiela et Givenchy que le rappeur s’est produit pour ses tournées « Yeezus » et « Watch the Throne ». Des pièces exclusives, spécialement réalisées pour ses soins. Au-delà de la garde-robe, Riccardo Tisci avait même chapeauté la direction artistique de l’album en collaboration avec Jay-Z. De quoi gonfler sa crédibilité dans le fashion game.

Finalement, malgré leurs disparités de style ou de pensée, entre le démocratique et le conceptuel, Pharrell Williams et Kanye West partagent un même credo mode. C’est le chanteur de N.E.R.D. qui le résume le mieux, sur la scène des CFDA Awards : « Être différent, c’est le but ultime ». Singulariser, c’est bien le propre des vêtements ; en cela, ils ne sont pas étrangers au succès gargantuesque des deux artistes.

 

Comme chaque année depuis 2008, le magazine américain XXL endossait le 4 juin dernier son plus beau costume de trendsetter pour dévoiler sa traditionnelle Freshmen Class. Au menu de cette cuvée 2015, une sélection assez diverse où quelques cool kids mésestimés se mélangent aux principaux phénomènes viraux de ces derniers mois.

De quoi donner du grain à moudre aux auditeurs, qui ne manquent pas de débattre une fois de plus sur la pertinence de cette liste ; tandis que quelques rappeurs aigris agissent en bons opportunistes et viennent se servir de leur absence pour prouver au monde entier qu’ils sont effectivement boycottés par l’industrie.

D’une certaine manière, qu’elle soit adoubée ou férocement critiquée, cette sélection n’en reste pas moins attendue. Et ne serait-ce que pour cette raison, XXL a obtenu de la part du public rap le crédit nécessaire pour mener à bien sa démarche. Et pourtant, il suffit de s’attarder un tant soit peu sur les faits et les chiffres pour constater que ceux-ci ne parlent pas nécessairement en faveur du périodique.

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Petites côtes et paris manqués

Quand XXL inaugure le concept en 2008, son objectif affiché est d’identifier les artistes destinés à exploser dans les mois (les années ?) à venir. Seulement, les critères de sélection sont imprécis et l’on ne peut pas dire clairement si la vocation est de faire découvrir au public des prodiges s’apprêtant à marquer l’histoire de leur genre musical ou simplement miser sur ceux qui feront plier les charts en dépit de toute perspective artistique. De fait, la première fournée apportera plus d’interrogations que de réponses concrètes. Ne nous méprenons pas : replacée dans son contexte, cette sélection est qualitativement l’une des meilleures qu’a pu fournir XXL. Cependant, elle comporte son lot d’anomalies avec entre autres la désignation en tant « qu’artistes à suivre » de rappeurs comme Plies ou Lupe Fiasco qui comptent alors chacun à leur actif un album certifié disque d’or. Une prise de risque minime, qui ne se révèle même pas concluante puisque les carrières des deux rappeurs en question finissent par décliner considérablement sur le moyen terme.

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XXL peine à se montrer véritablement visionnaire et ne devance ni les auditeurs, ni même les maisons de disques, ce qui ne concorde pas avec le rôle de « prescripteur » que le magazine prétend endosser. Ainsi, il apparaît que sur les 84 noms s’étant affichés en couverture à l’occasion des classes Freshmen, près d’une soixantaine avait déjà eu l’occasion de contracter un deal avec une major avant leur sélection, contre 9 cas isolés effectuant le chemin contraire. En ce sens, on constate une supériorité numérique des artistes ayant sorti leur premier album avant leur nomination (qui sont au nombre de 29), et ceux l’ayant sorti après (qui sont au nombre de 23), ce qui témoigne toujours de l’attentisme d’XXL.

Ce pourrait être une donnée à minimiser si les franches réussites étaient légion, mais en l’occurrence seuls B.o.B, Kid Cudi, Wiz Khalifa, J. Cole, Kendrick Lamar, Iggy Azalea et Macklemore ont vu leur album s’orner d’or ou de platine après leur sélection. Le fait est que sans critères clairement prédéfinis, le magazine s’égare à vouloir diversifier des listes souvent trop évidentes en y faisant figurer des artistes plus marginaux. Des paris entrepris avec des emcees aucunement bâtis pour exploser les compteurs et dont la présence se solde au pire par des échecs cuisant (Fred The Godson, Mickey Factz, Don Trip, Donnis), au mieux par des carrières honorables menées dans l’ombre des projecteurs (Curren$y, Blu, Freddie Gibbs).

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If You’re Reading This It’s Too Late

Au détour de la parution de la couverture du cru 2014, XXL s’attèle à réaliser un petit bilan des Freshmen Class sous forme d’infographie. Au chiffre 7 correspond le nombre d’artistes ayant décliné une parution en couverture du périodique. Parmi eux, on retrouve notamment Drake & Nicki Minaj, la dernière explique alors le refus des deux têtes de Young Money en avançant une position trop frileuse du média : « Drake et moi, on adore XXL. Mais sans manquer de respect à qui que ce soit, on pense qu’on a déjà été diplômés de la classe Freshmen. On a le sentiment qu’XXL a manqué le coche en ne nous mettant pas sur la couverture des précédentes sélections. Ils doivent payer pour ça. Ils ne peuvent pas simplement dire : ‘Hey, on vous met sur celle de l’année prochaine' ».

Dans le cas de Drake, le Canadien est contacté pour participer à la cover de 2010, une période durant laquelle il est en pleine promotion de son premier album Thank Me Later. Un an plus tôt, il fait déjà chavirer l’Amérique avec son hit « Best I Ever Had » extrait de son EP So Far Gone qui s’écoule à plus de 600 000 exemplaires au pays de l’Oncle Sam. Visiblement insuffisant pour accrocher la couverture de 2009. Ce ne sont d’ailleurs pas les seuls à reprocher ce manque de réactivité à XXL puisque c’est ainsi que Cam’ron justifie l’absence de son protégé Vado l’année suivante.

Autre refus significatif, celui de Young Thug. En 2013, l’excentrique rappeur d’Atlanta électrise les foules à mesure qu’il étire son flow élastique sur les hits que sont « Stoner » et « Danny Glover », puis en multipliant les « guest verses » tout au long de l’année. XXL ne peut passer à côté du phénomène et lui propose la couverture de 2014, chose que Thugger accepte avant de finalement se rétracter à la dernière minute. Interrogée sur l’absence du phénomène, la rédactrice en chef du magazine Vanessa Satten s’en défend alors en expliquant qu’il lui en faut plus : « Une grosse année pour un artiste rap ne peut se baser sur 2 sons. Il nous en faut beaucoup plus pour considérer qu’un rappeur a réalisé une grande année. Young Thug a connu une montée en puissance sur quelques mois, mais je n’ai pas le sentiment qu’il ait dominé une année entière. Je ne pense pas que deux sons peuvent permettre cela. Bien que Young Thug ait eu un buzz, il n’a pas eu le plus gros buzz de l’année. ».

Des arguments qui pourraient lui revenir tel un boomerang aujourd’hui, au regard d’une sélection de 2015 qui comprend des noms tels que Fetty Wap ou Dej Loaf dont le principal fait d’arme reste d’avoir su exploser sur un titre. De quoi laisser penser que les XXL Freshmen Class sont surtout destinés à ne rester qu’un simple coup de pouce médiatique aux élus ayant la « chance » d’y apparaître.

Si vous êtes passés chez colette ces derniers jours, vous avez surement dû remarquer des clichés mêlant océan et panier de basket. Cette exposition, née de l’imagination de John Margaritis, est le fruit de la fusion de ses deux passions, le surf et le basket. Deux hobbies à priori incompatibles que le new-yorkais a su combiner en photographie et en prêt-à-porter, par le biais de sa boutique New York Sunshine. Entrevue avec un éternel enfant, inspiré par la vague et l’arceau.

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Quelle est l’histoire de New York Sunshine ?

Penser au surf à New York c’est étrange. Quand on pense au surf, on plutôt pense Californie, Hawaï… Donc lancer une marque de surf à New York, c’était une idée étrange. Mais en même temps, étant de New York et un grand fan de basket, j’aime beaucoup les Knicks, je voulais lancer une marque, une collection de vêtements en la mêlant au surf. Je voulais combiner les deux mondes que j’aime. Ce sont mes passions.

D’où le choix de combiner les deux …

C’était les deux choses que je voulais que la marque et les vêtements représentent. Je faisais des t-shirt, des jerseys de basket mais ils avaient une espèce de touche surf. Et c’est de là qu’est venu l’art. Je voulais prendre quelque chose qui était vraiment new-yorkais et évoquant le surf en même temps. Les vêtements racontaient cette histoire mais je voulais aussi faire quelque chose que l’on pourrait voir, comme le panier de basket dans l’océan. C’est comme ça que ça a commencé, je me suis dit que j’allais prendre l’océan dont j’avais pris énormément de photos étant issu d’une école de photographie. Je prenais énormément de photos de surf, de surfeurs dans l’océan.

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Comment t’es venu l’idée du concept de cette exposition ?

Je me suis dit : « Je vais juste prendre une photo de l’océan et la mettre sur un panneau de basket. » Ça a été le premier projet artistique. Mon père est menuisier donc j’avais un panier qu’il avait fait dans notre maison et il s’est cassé, il était là sur le sol et j’ai mis la photo dessus et j’ai rajouté un morceau de verre par dessus pour bien les assembler. C’est comme ça que ça a commencé. A partir de là j’en ai fait d’autres avec des vagues différentes. Et puis on s’est posé avec toute mon équipe en se demandant comment on pourrait continuer en mieux. Donc il y a eu la photo qui est celle du flyer. On avait pris un panier auquel on avait attaché des sacs de sables pour le faire tenir dans la mer. Comme si on pouvait jouer au basket dans la mer. C’était un peu l’inverse du premier « tableau ».


Comment as-tu réalisé la photo où le panier est situé sur l’océan ?

C’était un peu fou de faire ça. J’ai demandé à mon père comment il pensait qu’on pourrait mettre un panier de basket dans la mer. Il a été très réceptif il est toujours partant pour des aventures. Donc on l’a pris avec nous ainsi que mon ami Alex qui a été en école d’architecture et on a construit ça ensemble. Il y avait une espèce de cage de 3 mètres sur 3 avec un grillage, on a fait un système de pivot pour qu’on puisse le faire se balancer, je devais prendre la photo donc il y avait une dizaine d’entre nous qui se sont occupé de le faire glisser grâce à des sacs de sable et toute la structure a doucement coulé pour que tout s’installe bien pour la photo. Mais c’était très compliqué, ça nous a pris plusieurs jours d’essais et de ratés pour finalement y arriver. On a enfin eu un moment où il y avait des vagues qui allaient dans le bon sens et qui étaient de la bonne taille. Du coup on a réussi à faire monter l’édifice et ça a tenu toute la journée. J’ai bien sûr pu prendre ma photo mais on a aussi fait des vidéos. C’était incroyable.

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Était ce légal de faire ça ?

Je ne sais pas à quel point c’était légal ou non, il y avait beaucoup de gens sur la plage et ils devaient se dire mais qu’est-ce qu’ils foutent ? Ils sont complètement fous ? Surtout qu’on n’a pas réussi à avoir un résultat avant le deuxième jour. Mais quand on a réussi c’était tellement l’image que j’avais en tête, New York Sunshine, les vêtements, la boutique tout l’esprit de tout ça est condensé dans cette image.


La passion du surf pour un New Yorker, ce n’est pas un peu inhabituel ?

Il y a vraiment une culture surf à New York, des petits groupes à Montauk jusqu’à Long Island, même dans le Queens, il y a une plage appelée Rockaway Beach avec une communauté surf. Les gens y surfent tout le temps. C’est bizarre parce quand tu vois quelqu’un dans le métro avec une planche de surf tu te demandes ce qui se passe. Mais la communauté est bien là, tout le monde se connaît. Tout l’été je suis à Long Island pour enseigner le surf près de notre boutique, c’est mon moment surf. C’est 4 mois où je suis tout le temps sur la mer. Mais l’hiver quand je suis en ville je vais voir les matchs des Knicks, c’est plus urbain. Ce sont deux mondes que j’essaie de faire cohabiter. Le panier est très « New York » et l’océan c’est Long Island. L’intérêt est de les rassembler.

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On sent que c’est vraiment important pour toi de mêler le basket et le surf, plutôt que de choisir une discipline à exploiter ?

Quand j’étais très jeune, mon rêve était d’être un surfeur professionnel ou un basketteur professionnel. Je sais aujourd’hui que je ne serai aucun des deux, je n’ai jamais été assez bon pour me lancer dans l’un ou dans l’autre. Donc le plan B parfait c’est de faire mon art en incluant ces deux passions. Dans tout ce qu’on a fait, on a toujours essayé de combiner les deux univers. Dans le nouveau magasin qu’on a ouvert à Southampton, toute la boutique est rempli de sable et on peut y voir des vidéos de basket. L’idée est toujours de mélanger les deux.


Qu’a tu fait avant tout ça ?

Avant tout ça j’ai été dans une école d’arts visuels, photographie et design pendant un an et demi et puis j’ai abandonné. J’ai travaillé à Quiksilver comme vendeur, 7 dollars de l’heure à vendre des vêtements. Je n’avais jamais vécu en ville tout seul donc Quicksilver me rappelait un peu l’ambiance familière que j’avais à Long Island. Chaque année quand j’avais un job comme ça je démissionnait avant l’été pour pouvoir donner des cours et surfer. Il y avait une bonne ambiance, il y avait tous mes amis. J’ai toujours voulu être à New York et pouvoir travailler par moi-même, selon l’emploi du temps que je choisis. Donc j’ai commencé à faire juste des t-shirts tout seul et l’été je les donnais à mes amis. Ça a commencé à bien prendre, j’ai eu un petit peu de presse qui s’est intéressé à moi, certaines boutiques en voulaient. Donc je me suis dit « Faisons ça pour de vrai, commençons une ligne de vêtement ». J’ai toujours aimé la mode, la culture, le design mais je n’aurais jamais pensé qu’un jour je pourrais avoir une marque, un « business ». J’ai commencé à fabriquer les t-shirts et ça a grossi à partir de ça, on a vendu à New York puis ici à Colette, au Japon, à Hong Kong. L’art a suivi juste à ce moment-là.

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Quelle suite sera donnée à cette exposition ?

Après cette exposition il y en aura surement d’autres. On veut continuer ce qu’on fait là. On travaille sur différentes idées pour d’autres projets. L’inspiration de New York, du basket et du surf seront toujours les mêmes. C’est en préparation mais nous n’avons rien à montrer encore. Ça sera peut-être un livre…


Comment t’a eu l’opportunité de pouvoir exposer ton boulot chez colette ?

Pour être à Colette aujourd’hui ça a été beaucoup, beaucoup d’emails (rires). J’étais venu il y a 5 ans environ. Un ami m’avait dit : « Il faut que tu viennes voir ce shop il est vraiment cool. » En arrivant j’ai été impressionné, il y a de grands designers, des marques de streetwear vraiment cool. C’est un concept qui pour moi n’existait qu’à New York mais en fait tout le monde essaye de s’y mettre à la différence que Colette le fait extrêmement bien. Je savais que quoi que je fasse je voudrais que ça atterrisse ici. On a réussi à avoir un mail par un ami et on les a contacté. Les deux premières fois ça n’a pas fonctionné parce qu’on n’étaient pas encore assez organisés. Je me disais qu’il fallait absolument que la prochaine fois qu’on les contacte ce soit complètement carrée. En février dernier on a présenté à Sarah notre nouveau lookbook avec plein de photos et la réponse a été positive, on était vraiment contents. C’était un vrai but à atteindre. On est resté en contact, une amie nous a dit qu’il y avait le quai 54 un grand tournoi de basket à Paris et qu’il serait intéressant d’y être à ce moment-là. On a tout de suite pensé que ce serait le parfait timing pour venir. On a envoyé l’idée à Sarah et elle l’a tout de suite approuvée.

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A qui est destinée votre ligne de vêtements ?

L’objectif pour la ligne de vêtements c’est que les basketteurs de rue aient envie de porter les vêtements mais que les surfeurs cools en aient envie aussi. Je veux que les surfeurs pro veuillent les porter mais aussi qu’A$AP Rocky veuille les porter.
Je pense que quand tu rentres dans le monde du surf, que tu ne fais que ça, c’est comme si tu y étais coincé. Donc j’aimerais aller au delà de ça et que les gens me suivent là-dedans. Je veux que les personnes de ces univers se mélangent alors qu’ils n’en ont pas l’habitude.

Comment pense tu que les français accueilleront ton expo ?

Je suis arrivé sur le lieu de l’expo et j’ai vu quelqu’un prendre en photo une des œuvres, il avait l’air content. C’est un moment parfait pour ce qu’on a fait, c’est le printemps, il commence à faire beau. Ça serait étrange en hiver. J’ai le sentiment que les français à Paris regardent beaucoup ce qui se passe à New York et inversement.

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Découvrez l’exposition Hoop Dreams et la ligne New York Sunshine chez colette jusqu’au 21 juin.

Le fangilring, cette passion poussée à l’extrême pour une célébrité, un personnage ou une oeuvre de fiction trouve une nouvelle fonction utile et artistique sur le site Fangirl Quest. Là quelques fangirls se réunissent et partent tout autour du monde à la recherche des décors de leurs films et séries favorites.

 

Retour sur le début de la success-story des chaussures Jordan et leurs évolution au fil du temps. L’histoire de la Air Jordan commence paradoxalement de façon idéale. Dès les premiers matchs, la chaussure est jugée trop agressive car elle ne respectait pas le code couleur du règlement. Peut-être la meilleure manière de s’inscrire dans la légende. La marque est créée pour chausser un espoir grandissant de la balle orange, MJ, avec (déjà)  pour ambition de révolutionner le domaine de la « signature shoe », autrement dit le business de la basket portant le nom du sportif l’inspirant.

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Esthétiquement, la Jordan I est pourtant plutôt classique. Elle présente une forme déjà entrevue avec la Dunk, instaure la même année par le même  designer Peter Moore. La légende de la Jordan I s’établit au gré du buzz  de son interdiction et bien sûr des performances de MJ qui portera la « One » lors de son année rookie et sophomore, avant de chausser la Jordan II toujours pensée par Peter Moore. Ce second essai à la silhouette plus massive, reste parmi les modèles portés par Michael Jordan pendant sa carrière, le plus surprenant et certainement l’un des moins  appréciés, à cause de la complexité de sa construction. Fabriquée en Italie, la Air Jordan II fut commercialisée à 100$ à sa sortie, quand la Jordan I commença à environ 20$ en 1985.

air jordan II

La Air Jordan troisième du nom marque un profond changement, le début d’une dynastie qui donnera ses lettres de noblesses à la marque. Ce changement est dûe à un nom : celui de Tinker Hatfield. Le designer historique de Nike sera à l’origine de la création de la série allant de la III à la XV. Même si son humilité l’empêche de l’avouer, il est peut-être la raison pour laquelle Jordan est resté chez Nike, après avoir songé à quitter le navire suite à une blessure au pied en portant la Air Jordan II. Après avoir vu la Jordan III, le basketteur change d’avis et décide de continuer l’aventure.

air jordan III

Bulle d’air visible, apparition du logo Jumpman, création de l’éléphant print… Tinker ne manque pas d‘idées pour rendre la paire épique. Populaires grâce à leur apparition dans la série publicitaire « Mars and Mike » mettant en scène Michael Jordan et Spike Lee, les III seront longtemps les favorites du joueur qui les immortalisera à plusieurs reprises par ses exploits sur le parquet. Après la III, les Air Jordan IV et V seront aussi de grands crus, des évolutions classiques directement inspirées de leur grande sœur, mais surtout des grands succès commerciaux dès leurs sorties.

jordan VI

La Jordan VI représente une première cassure dans l’esthétique amenée par Hatfield jusqu’alors avec sa silhouette montante et les différents éléments de fabrications incorporés sur la chaussure comme le renforcement de la zone du talon et des orteils. Modèle connu pour être celui du premier titre de champion, il est aussi l’un des plus appréciés par les fans de basket comme par le grand public. Comme la lignée III- IV-V, on peut isoler la VI, la VII et la VIII dans un même trio évolutif. La sixième inspire esthétiquement les deux suivantes tout en incorporant des nouveautés technologiques : amélioration du confort, de l’amorti, et de la protection du pied.

Avec ces six premières chaussures, Tinker Hatfield qui dévoile la Air Max au monde entier entre temps, s’impose comme un créateur de génie et un as dans sa capacité à surprendre son monde par les silhouettes originales de ses produits. Parmi les inventions mémorables qui sortiront du cerveau du designer, la Air Jordan XI, considérée par beaucoup comme la plus belle chaussure de sport jamais inventée. Cette paire créée avant le retour de Michael Jordan en NBA en 1996, n’était encore qu’un sample lorsque MJ joue avec pour la première fois. Complètement adoptée depuis, elle font l’objet d’un véritable culte.

Les créations de Tinker Hatfield accompagneront MJ tout au long de sa carrière NBA, jusqu’à la XIV au moment de sa retraite. Parmi les modèles qu’il a imaginé, aujourd’hui appelés les originaux (OG) car portés par His Airness pendant sa carrière, se trouvent quasiment que des succès. Des chaussures qui se voient rééditées chaque année et arrachées par les aficionados de Jordan et sneaker-addict du monde entier. Depuis la retraite définitive de His Airness, le label Jordan s’est quelque peu affranchi de Nike pour devenir Jordan Brand en continuant de développer la série débutée pendant la carrière du basketteur. Aujourd’hui c’est la Jordan XX9, réalisée par l’incontournable Tinker Hatfield, qui est à l’honneur au moment du trentième anniversaire de la marque.

Air Jordan XX9  Quai 54

Certes, quelque peu décriée par la sphère des sneakerheads pour leur aspect très basket-ball et moins lifestyle, les modèles Jordan « post–carrière » restent très appréciées par son cœur de cible, les basketteurs. Et c’est certainement là ou réside la force de la marque aujourd’hui, dans le mélange de sa production partagée entre les sorties rétro des modèles originaux satisfaisant ainsi l’énorme appétit des collectionneurs et dans l’accompagnement des athlètes vers la performance. Une performance qui n’est plus représentée par MJ himself mais par les différents ambassadeurs que compte la marque aujourd’hui parmi des superstars NBA ; Kawhi Leonard, Russell Westbrook, ou Chris Paul. L’expansion de Jordan va aujourd’hui au-delà du basket puisque ses produits équipent et sponsorisent aujourd’hui  des sportifs du la ligue de baseball, de football américain ou encore des courses de NASCAR.

La vie fait bien les choses, cette association entre un joueur et une marque de sport aurait pu ne durer que le temps d’un essai, d’une carrière. C’était sans compter sur l’alliance entre l’entité Jordan et l’un des sportifs les plus charismatiques pour forger un empire unique en son genre et une success-story qui n’arrivera certainement plus à l’avenir. The rest is history.

Chaque mardi, le #YARDSUMMERCLUB prend résidence sur les quais de Seine, à bord du Wanderlust Paris. Tout l’été l’endroit devient la scène d’innombrables péripéties, dont vous êtes les principaux personnages. Pour narrer ces aventures, un oeil veille de la terrasse au club, en passant par le restaurant pour vous rapporter ces histoires estivales. Dans ce premier chapitre, le Duczer, en toute nonchalance, descend de son trône et rencontre son public.

"Bakel city cartel, couille de bois en porte jartelle" Booba au Wanderlust

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Les Yard Summer Club, plus besoin de les présenter. Alors que les rageux ne se lassent pas de jalouser, le reste de l’Île-de-France continue de twerker. Chaque semaine s’opère le même rituel pour dénicher celui qui possède le bob le plus laid, celle qui est vêtue du moins de tissus licites. À croire que certains vont jusqu’à élire domicile au milieu du Wanderlust, la Yard Summer Club c’est plus de 4000 habitués.

Cependant, se reposer sur ses lauriers n’est d’aucun intérêt. Dynamiser des foules panurgiques nourris aux mêmes sons toute l’année demande beaucoup de ressources, et c’est à cet instant que les re-stas rentrent en jeu. Les DJs ne pouvant motiver des miracles hebdomadaires, il faut savoir innover. Les surprises, personnellement, je déteste ça, mais semblerait-il que je ne sois qu’un cas isolé. À l’annonce d’un « special guest », mardi dernier, Facebook s’est métamorphosé en véritable salon de voyance. C’était à qui chierait l’état civil de l’artiste secret en premier, à qui projetterait ses espoirs à la hausse. Snoop Dogg, parmi d’autres, a vaillamment été cité. Mais pour un mardi soir dans le XIIIeme, fallait quand même pas trop forcer. Puis quelques malins ont finalement compris, c’était ce bon vieux Booba qui tâterait du micro.

 

O K L M #yardsummerclub

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Pour l’occasion, le 32 Quai d’Austerlitz a pris des allures de bunker. À mi-chemin entre le Zoo de Beauval et la file d’attente de Space-Mountain, il fallait faire preuve de détermination pour enfin y accéder. Quand le Duc transite dans le quartier, tout le monde serre les fesses. Aux dernières nouvelles, il y avait autant de barrières Vauban que de types torchés ce soir-là. Très tôt, la terrasse fourmillait de jeunes gens aux aguets prêts à dégainer leur punchline fétiche, nerveusement agrippés à leur bière et contrits d’impatience. Comme toute célébrité qui se respecte, Booba n’a pas donné dans la ponctualité, très certainement coincé dans les embouteillages entre la prison et le club.

 

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Bouillants, les esprits commençaient à s’échauffer alors que B2O ne montrait toujours pas signe de vie. Autour de moi, ça jouait des coudes énergiquement, ça tentait de trouver un angle de vue décent. Certaines meufs, à défaut d’arriver à leurs fins, s’en sont même péniblement réduites à zouker les mecs de la sécu. Murs d’indifférences à ne jamais effleurer, erreur tactique d’impertinentes teubées.

Puis, brusquement, quelques claquements de voix d’ambianceur de mariage marocain retentissent, électrisant la foule in medias res. D’un même mouvement, une kyrielle de téléphones portables se soulève de la masse. Les plus agiles se hissent sur les parois du bar central, les plus fragiles sur les épaules de leurs potes. King Kong venait de faire son entrée sur scène et toute sa cours frôlait la syncope. Le temps de quelques titres, et d’une baston éclair, le cœur de la boîte a battu à l’unisson. A ma plus grande stupeur, beaucoup ont passé la moitié du concert à se filmer eux-mêmes. Comportement étrange d’autosatisfaction parfaitement démonté lorsque Booba plaçait : « Je prends des millions quand tu prends des seflies », brillant de sagacité.

À bout de souffle, la foule s’agitait d’une mesure cadencée, envoutée par le rappeur ou simplement désorientée par les motifs de sa veste. Jusqu’au bout, l’artiste a exercé sa puissance magnétique sur un public possédé. Booba est un showman qui maîtrise parfaitement bien son art.

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Après le live, la soirée n’a que doucement repris son rythme de croisière. Comme s’ils avaient déjà tout donné, beaucoup ont préféré se scotcher de fascination devant un Booba entouré qui savourait le reste de sa nuit. Une bande de mouches sur un lampadaire, obnubilées par l’accessibilité inédite d’un dieu baignant dans la fange. Pendant que dans le club, les plus frileux s’amassaient pour danser frénétiquement au sein d’une étuve survoltée, sans avoir pour autant besoin de tendre l’oreille. Une fois l’adrénaline de l’exaltation essoufflée, les uns et les autres ont globalement retrouvé leur vivacité habituelle et jusque tard dans la nuit, une multitude de culs ont encore une fois été squattés.

Mardi dernier était une Yard Summer Club #OKLM.

 

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La Relève est de retour au Quai 54 pour remporter le trophée avec lequel elle repartait déjà en 2011. Pour cette toute nouvelle édition, La Relève prend le nom et les couleurs de YARD et s’offre un tout nouvel effectif coaché par l’un des vainqueurs de l’édition 2011, le joueur Thomas Larrouquis.

Vous pourrez donc venir soutenir l’équipe YARD La Relève, constituée par Abdoulaye Loum (Orléans Pro A), Rémy Barry (New Mexico States Aggics NCAA), Alexis Tanghe (BC Orchies Pro A), Zaïnoul Bah (Saint-Quentin Pro B), Jordan Aboudou (BCM Gravelines Pro A), Murat Kozan (SOM Boulogne Pro A), Georgi Joseph (ASVEL Pro A), Lahou Konaté (Evreux Pro A) et Carl Ona Embo (JL Bourg Pro A).

Rendez-vous tout le week-end sur la place de la Concorde.

Le duo parisien BLKKOUT dévoile le deuxième extrait de leur prochain EP « Noir » : le titre Ghana 2.0. Le tout réalisé en collaboration avec Papa Ghana, artiste d’Amsterdam originaire comme son nom l’indique du Ghana, co-fondateur de la marque Daily Paper et membre actif du crew l’Afrique Som System.

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Les portes du Palais 23 sont à présent ouverte. YARD y a déjà fait un tour et vous donne un petit aperçu de l’exposition qui s’y tient, retraçant les moments fort de la carrière de Jordan et les modèles les plus importants de la Air Jordan.

Jetez aussi un coup d’oeil à la salle dédié à The Last Shot où vous pourrez recréer le dernier shoot de Michael Jordan en immersion totale et interactive sur un demi-terrain LED.

Ici, découvrez comment obtenir votre Flight Pass et avoir votre accès gratuit au Palais 23.

 

Photo : Hlenie

Pour les fans de basket-ball et de sport en général, cette fin de semaine revêtira à coup sûr une saveur particulière. Celui qui est unanimement considéré comme le plus grand basketteur de tous les temps sera sur la capitale ce week-end à l’occasion des 30 ans de la marque Jordan qui seront célébrés au Palais de Tokyo, qui prendra le surnom Palais 23 pour l’occasion. Trois décennies d’une collaboration avec Nike, qui forgeront la légende d’un athlète incroyable qui aura marqué plusieurs générations par son talent et continue aujourd’hui d’inspirer les jeunes générations. Focus sur celui qui a fait sa légende sur le parquet, avant d’envahir les pieds du monde entier.

 

jordan

 

Légende du basket-ball sport…

 

Chaque visite officielle de « His Airness » représente un événement en lui-même. Sa dernière venue à Paris datait de 2006 à l’occasion de l’inauguration de l’espace Air Jordan dans la boutique Nike située sur l’avenue des Champs-Elysées. Presque une décennie plus tard, Michael Jordan revient à nouveau fouler le sol parisien pour célébrer 30 ans de mariage avec la marque au swoosh. Une rencontre du troisième type qui a débuté à l’aube de sa carrière professionnelle en 1984, quand Nike (à défaut d’Adidas) voit en ce jeune basketteur un prodige mené à changer le jeu. Une prophétie qui s’avère être juste puisque le jeune joueur des Bulls sera élu All-Star et « Rookie of the year » au terme de sa première saison NBA. Remarquable par sa polyvalence et son profil hybride qui lui permet d’occuper plusieurs postes au sein d’un cinq, MJ se fait rapidement un nom sur les parquets américains grâce à son adresse, son esprit de compétition, son éthique de travail et surtout sa capacité à être « clutch », décisif dans les derniers instants des matchs. Un talent et une audace qu’il traînera pendant 15 saisons qui marqueront l’histoire par des duels et des paniers de légende, un palmarès remplie de 6 titres NBA (les fameux three-peat) ainsi que deux sacres olympiques et d’innombrables distinctions individuelles.

 

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… Jusqu’au bout des pieds

 

Concord, Hare, Bred, Infrared, Spiz’ike… Tout un vocabulaire sneaker addict aujourd’hui devenu grand public. C’était inévitable, aujourd’hui la figure du basketball est devenue indissociable de la chaussure. Chaque sortie d’un modèle OG, témoin des exploits passés de l’athlète dans la ligue nord américaine, est une secousse sismique dans le monde de la basket mondiale. Une histoire qui a commencé très tôt aussi, quand le jeune Michael arbore la première chaussure à son nom en 1984, et se verra sanctionné par la NBA pour non-respect du règlement vestimentaire et du code couleur, très stricte à l’époque. Pour chaque match avec la Jordan I aux pieds, le Bull reçoit une amende conséquente. Une affaire qui crée un buzz autour de l a paire, en même temps que la réputation du joueur grandit. Lorsque la Jordan I devient disponible au grand public l’année suivante, c’est un succès. De cette première création suivront d’autres modèles qui changeront les codes esthétiques de la NBA en dépassant rapidement le cadre des parquets pour devenir en quelques années des produits phares du monde de la basket et un outil indispensable d’une mode prisée par la jeunesse. Parmi ces modèles incontournables, issus désormais de la marque à part entière Air Jordan, sortiront de l’esprit créatif de Tinker Hatfield (connu pour avoir imaginé la Air Max) la Jordan III et IV, ou encore la V. Le designer star de Nike sera même à l’origine de la création des deux modèles considérés par beaucoup de spécialistes comme les meilleures baskets jamais inventées : la Jordan XI Concord et la Jordan VI Infrared.

 

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Jordan, l’icône Pop

 

MJ est un personnage à part dans la sphère du sport. Tout au long de sa carrière, l’image et l’aura que véhiculent le champion auront été utilisées pour asseoir une cause ou un but lucratif. Car tout ce que touche Jordan devient or ou presque. Par ses exploits sportifs, en ayant placé Chicago comme une franchise importante à une époque où la ligue était dominée par le duo Boston-Los Angeles, représenté par les superstars Larry Bird et Magic Johnson. Par une carrière atypique marquée par deux retraites et une court épisode dans Minor League Baseball et un retour gagnant en NBA. Aussi par la starification des sportifs qu’il aura profondément modifié pendant sa carrière, par les contrats publicitaires et le traitement médiatique qu’il aura engendré. Jamais avant lui, un athlète n’aura autant été (aussi bien) représenté en dehors de son terrain de jeu. Qu’il soit partenaire de Mars Blackmoon alias Spike Lee sur une série publicitaire, allié des personnages de cartoon dans Space Jam ou en duel avec l’autre MJ, King Of Pop, sur « Jam », toutes les apparitions de His Airness sont aujourd’hui cultes. Retraité des parquets depuis 2003 à la fin de son aventure avec les Wizards, il continue encore aujourd’hui de marquer de son empreinte la ligue par l’intermédiaire de joueurs comme Carmelo Anthony, Chris Paul, Russell Westbrook, Ray Allen ou Kawhi Leonard, tous ambassadeurs de la marque Air Jordan et par son travail en tant que dirigeant au sein de la franchise des Charlotte Hornets.

 

jordan

Pour sa deuxième soirée de l’année, le YARD SUMMER CLUB vous promettait un invité surprise. Et c’est finalement Booba qui a enflammé la terrasse du Wanderlust lors d’un showcase où il a repris les titres de son dernier album DUC.

Rendez-vous demain à 11 h pour le récap vidéo.

INFOS YARD SUMMER CLUB

Photo : HLenie

 

« Je veux que ma musique donne l’impression d’une longue chute ». C’est en somme ce que confiait Florence Welch, chanteuse et figure de proue du groupe Florence + The Machine à la sortie de leur premier album Lungs. Un projet qui répond exactement à cette sensation. Le souffle coupé et le cœur battant sur « Drumming Song », le rythme haletant de « Dogs Days are Over », l’empreinte quasi-mystique des percussions de « Howl » et son chant lancinant telle une incantation, ajoutée à la violence amusée de « Kiss With a Fist » ; le groupe tenait là la formule d’un album orchestrale dont l’ampleur animera sans difficultés les plus grandes scènes.

 

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Mais le vertige à la fois enivrant et terrifiant de ce premier album, s’évanouit totalement dans Ceremonial, leur second essai. Tout se joue aujourd’hui, à la sortie d’un troisième opus How Big, How Blue, How Beautiful. L’album s’écoute comme le conte d’une relation tourmentée comme dans « What Kind Of Man », de sa séparation (« Long & Lost ») et d’un cœur brisé. Des émotions amplifiées à l’extrême, une folie (« Queen Of Peace ») et une anxiété difficilement contenue par Florence, dont la voix véhicule un tourment communicatif et nous entraîne dans une toute nouvelle chute, moins physique, plus psychique.

 

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Dès le premier titre, la chanteuse avale quelques somnifères et divague, perdue entre des requins et des souris blanches se retrouvant finalement enterrée vivante. Et tout au long de l’album son délire se poursuit. Dans cette nouvelle tourmente psychologique, la torpeur pousse l’anglaise dans un voyage mystique. Entre sainteté et mythologie, elle invoque tour à tour Marie et Judas, consacre un titre à Dalila et au Troisième Œil. (« Third Eye ») avant de clore avec le gospel « Mother », un appel à la libération. Ici, la chute est plus sérieuse et loin de l’aspect joueur de « Kiss With A Fist », sa conclusion semble bel et bien létale. Moins grandiloquent, les tambours du premier album laissent à regret leur place à des guitares sèches indolentes. La musique ne bat plus au rythme saccadé d’un cœur sous adrénaline. Elle nous berce dans un doux délire, impérialement sombre et mystique.

 

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Encore moins fort que Lungs, l’essai transformé de How Big Bow Blue How Beautiful réussi quand même à raviver l’intérêt pour Florence + the Machine qui tient là un album qui prendra, finalement peut-être, toute son ampleur sur scène.

On se souvient du remake d’Assassin’s Creed Unity par le collectif freerunning French Freerun Family. Cette fois c’est la chaîne You Tube Corridor Digital qui s’est amusée à sillonner les rues de Los Angeles comme Michael parcoure celle de Los Santos dans  GTA V. L’acteur récupère parfaitement toutes les mimiques du jeu et les attitudes robotiques que tous les fans repérerons.

L’univers de la sneakers est parfois proche de celui du blockbuster notamment avec des collaborations au casting étincelant, c’est le cas avec cette association : BAIT, New Balance et la franchise cinématographique G.I. Joe. Ce modèle 710 de la marque britannique s’est inspiré de l’incontournable personnage du film Roadblock incarné par Dwayne Johnson. Au final, la paire sera disponible à partir du 20 juin dans tous les shops BAIT ainsi que sur leur site internet.

Sample, Rimes riches et jeux avec les mots. OVLMD, morceau vitrine de Radikal MC en collaboration avec A2H, nous remémore un temps pas si lointain où la technique et le flow faisaient les beaux jours du rap français. Plutôt que de la garder dans sa poche, le MC use sa langue pour distiller ses phases techniques sur scène et dans la cabine, et pour exprimer au mieux ses états d’âmes.
Au moment de la sortie de son premier opus, Lever L’encre, l’occasion est parfaite pour une discussion d’une rare franchise, ou le rappeur s’attarde longuement sur sa vision du rap aujourd’hui, l’apologie de la rue, le mouvement trap, et ses aspirations en tant que rappeur catalogué conscient. Loin du donneur de leçon ou du rappeur underground aigri, le natif de Châtillon s’exprime toujours de la même façon, avec sincérité et de manière radicale.

RadikalMC1

Que s’est il passé depuis Maturité ?

Sur ce qui est du papier, en parlant de la musique t’as le 1er projet en 2009, une mixtape en décembre 2011 qu’on a fait gratuitement et une autre en décembre 2012. Lever L’Encre, l’album qu’on sort le 8 Juin, on devait le sortir à la base en 2012. L’idée c’était 1ere mixtape, 2eme mixtape, puis l’album dans la foulée. L’album a trainé on a retiré des morceaux, on en a rajouté, on s’était dit 2013 et au final il sort là en 2015… Entre temps on avait hésité à faire une 3eme mixtape, ce qu’on n’a finalement pas fait. Si je dois te donner une vraie raison de pourquoi ça a trainé, c’est juste qu’on veut faire du bon boulot. C’est la seule raison valable que je peux te donner. Après c’est la vie, tu bosses etc.

Ce n’est pas un peu précipité de sortir cet album alors que tu n’as pas encore construit toute ton image?

Si on ne le fait pas là, on ne le fera jamais. Il faut essayer de pousser les portes avec les moyens que l’on a. Quand tu compares avec certains, même s’ils peuvent paraitre en indé, ils ne le sont pas vraiment. Tu as une équipe particulière avec quand même certains réseaux. Quand tu vois un Joke avec Omar Dinho, tu vois qu’il a déjà son circuit. Nous on part de rien du tout. Le projet vaut le coup. En retardant cet album, je me coltinais cette image de kicker et je préfère casser cet image, peut être en sortant un album trop tôt, pour que le peu qui l’aient écouté se disent « Radikal c’est ça en fait, on voit ou il veut aller. » Le but pour nous c’était pas forcement de vendre des CD, parce que les CD on les fait à perte de toute façon, il faut en vendre beaucoup pour récupérer sa mise. Le but c’était de sortir cet album pour pouvoir le proposer sur scène et démarcher des tourneurs, et faire le circuit à l’envers. Toucher des tourneurs permet de faire un maximum de dates et que ça engendre un retour sur investissement. On n’aura pas les semaines Skyrock, les gros medias etc. On fait l’inverse.

De quoi a été faite ton éducation musicale ?

Y’a une grande différence entre ce que je fais et ce que j’aime. Je peux écouter des trucs pendant des heures sans que ça m’influence. Mes deux parents sont sourds, ce qui fait qu’on écoute de la musique chez moi depuis super longtemps, et génération 87 on a grandi avec les boyz bands, même si il y avait le rap. Je n’écoutais pas du tout de rap cainri quand j’étais petit. J’e n’écoutais que du rap français car j’aimais comprendre les paroles. J’étais un peu l’inverse de tous les gens que je connaissais qui n’écoutaient pas de rap français justement parce qu’ils comprenaient et ils n’aimaient pas. Vers 12-13 ans c’est mon frère qui m’a poussé un peu la porte, avec un album qui a tout changé, c’est celui de Common, Like Water For Chocolate (2000). Et après j’ai fait mon introspection, et je suis reparti en arrière. Et du coup là maintenant il y’a beaucoup de monde. Si on doit faire la liste ce sera long.

Certains plus que d’autres peut-être ?

(Long soupir de réflexion ndlr) Après c’est par période. J’ai eu une grande période rap nu-soul, Little Brother, Talib Kweli & Hi-Tek, … ça a duré longtemps, j’en ai pris plein la gueule. Et ensuite c’est passé. Ensuite il y a eu Common, Jay-Z, Talib, Mos Def. En plus récent REKS que j’ai beaucoup écouté et que je trouve vraiment très fort. Mais globalement dans ma vie j’ai écouté moins de rap que tout le reste. J’ai toujours écouté plus de pop, de rock ou de R’n’b que de rap.

Pourquoi ?

Parce que je maitrisais les codes. A un moment donné c’est comme si tu te complaisais à te regarder dans le miroir. Et j’avais besoin de découvrir autre chose, après j’ai écouté beaucoup de pop, beaucoup de rock. Je suis un grand fan de Coldplay par exemple. Mais tu ne me verras pas chanter sur du Coldplay. En fait le rap je l’absorbe très vite. L’album de J.Cole je l’ai écouté une fois, pour moi c’est l’un des meilleurs des dernières années, au bout de la deuxième fois j’en maitrisais les paroles. J’absorbe le rap beaucoup trop vite donc je suis obligé de bouffer autre chose. Je suis du genre à télécharger 30 ou 40 albums par semaine parce que j’ai besoin que ça gamberge. Quand j’enclenche un album, je ne parle à personne, j’y vais tête baissée et j’écoute tous les éléments d’un coup et je les analyse bien. Quand j’étais petit je pouvais m’écouter un album 25 fois pour tout maitriser, là en deux fois c’est plié.

Et en rap français, qu’est ce qui a fait ton introduction ?

Diam’s m’a fait rapper. La Diam’s de Premier Mandat, juste après Mafia Trece. Je viens de Chatillon, c’est à coté de Bagneux, Comité de Brailleurs, Saian aussi sont proches de chez moi. Diam’s m’a fait rapper avec le morceau « Rimer ou ramer », c’est ce morceau qui a allumé la mèche. Après sans méchanceté il y a des rappeurs qui ne m’ont pas du tout touché dans le paysage du rap français. Un Rohff, en comparaison à la carrière qu’il a, même si Génération Sacrifiée est dans mon top 5, ça ne m’a pas du tout touché. Disiz, Kery, AKH, Shurik’n, Fabe,… Après le truc c’est qu’il y a des morceaux, comme Busta Flex avec « Pourquoi » a changé beaucoup de choses. Salif avec un « Dur d’y croire » m’a beaucoup touché. J’ai connu le rap fr juste après Time Bomb donc les Ill, Diable Rouge c’est la génération de mon frère. Mais Retour Aux Pyramides c’est quelque chose, Demain c’est loin je reconnais le classique mais ça ne m’a pas touché. Il y a des morceaux que je reconnais, en tant que classiques et des morceaux qui m’ont fait grandir. J’ai beaucoup écouté Ol’Kainry étant petit, Kamnouze aussi, qui est un ami. Je saurais te donner un morceau de chaque personne qui m’a marqué. Maintenant au niveau des carrières, Diam’s et Booba tout en haut.


Booba j’ai l’impression que c’est quelqu’un que tu respectes beaucoup pour la carrière, pour le rap aussi, mais qu’en est il de son évolution et de ce qu’il a plus ou moins engrangé dans le rap ?

Pour moi, ce n’est pas le meilleur rappeur au niveau des skills. Il y a plein de trucs qu’il ne fera jamais, mais c’est le patron du jeu. Il y a très peu de rappeurs français qui ont su avec leurs qualités et leurs défauts, donner le rythme. On l’a beaucoup critiqué mais il a souvent fait avant les autres ce qui devait être fait. Après on était peut-être pas prêts, on est français, chauvins, on n’aime pas le changement… Dans le fond il a eu raison car tous ceux de sa génération du tout début, ne sont plus là. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, on est obligé de reconnaître son évolution car il est encore là vingt ans après. Le résultat justifie l’évolution. Il aura toujours cette magie où il te déçoit sur un titre, et il revient avec un autre pour t’en mettre une. Et ça fera toujours ça, quand « Temps Mort 2.0 » est sorti, tout le monde a eu mal. « 3G » est sorti, tout le monde a eu mal. Au final je ne trouve pas qu’il ait évolué dans le fond, beaucoup dans la forme, ça s’est épuré, ralenti, ça a changé de rythme. Mais dans le fond… Il a dit il y a vingt ans « Je veux ma tête sur des billets », aujourd’hui il a sa vie de rêve, il la raconte. Je le trouve super linéaire. Sans critiquer, il y a pas mal de rappeurs qui on un côté presque bipolaire. Quand tu prends un Kery, dans certains morceaux tu vas retrouver un côté très « la rue m’a volé mes potes et je regrette » et dans d’autres ce sera l’inverse « 9.4, fier de ce qu’on est, viens pas nous chercher, on va te rentrer dedans. »


Tu t’inspirerais plus du parcours d’un Booba ?

Booba a fait cela pour rester numéro 1. Mais comme moi je ne ressens pas l’envie d’être une star… Quitte à choisir je préfère avoir une carrière à la Common avec 5, 6, 7 albums qui se valent plus ou moins, plutôt que des fulgurances. Entre un Common et un Lil Wayne, je prends un Common. Même s’il a fait des tentatives, c’est resté assez homogène au niveau du fond et de la forme. En français, je dirais plus un Disiz qu’un Booba, mais avec un fond un peu moins paradoxal.



Tu as beaucoup cette image de rappeur conscient. Dans OVLMD tu dis « J’ai croisé le rap conscient, j’lui ai dit tu dates » …

Dans les artistes qui avaient la côte quand j’étais petit, t’avais des NTM, IAM, Diam’s, Kery, Disiz, Rohff, Pit Bacardi, Busta Flex, Ol’kainry… En fait, c’était tous des rappeurs qui savaient kicker et en même temps faire des morceaux conscients. Et franchement, ça fait 6 ans, quand on parle de rappeurs exposés, si tu retires Youssoupha et Médine – qui est semi-exposé – tous les derniers gros succès c’est seulement du sans fond. Ce n’est pas méchant. 1995 c’était beaucoup de freestyle, c’était assez froid, Kaaris j’t’en parle pas, Booba il est là mais lui aussi c’est du sans fond. Il y a eu Sefyu a un moment donné, on y a cru. Despo aussi ça m’a percuté mais je ne sais pas comment a été géré son projet artistique. Ca fait très longtemps que je n’ai pas écouté un album où tu ne bouges pas la tête à la première écoute et où tu as l’impression qu’on te rappelle un truc. Mais je ne me place pas en porte-drapeau du rap conscient, et je ne juge pas le fond ou la forme de chacun. Quand tu écoutes un album, tu rentres dans un univers. Là, j’ai l’impression qu’ils rappent tous pareil, sur les mêmes instrus. Depuis Kalash, il y a eu un tremblement de terre qui a créé plein de minis Booba et de minis Kaaris, j’en peux plus. Et ça a même impacté les gens qui ne faisaient pas ça avant. Quand je vois Médine faire de la trap aujourd’hui, même si c’est de la trap consciente, je me dis qu’on abandonne tous, on va finir par tous faire des demi-phrases avec 20 secondes de trop. Wow! Ce qui m’a fait plaisir c’est d’écouter l’album de Youssoupha. Le rap c’est un grand supermarché il en faut pour tout le monde. C’est juste que quand je rentre dans mon supermarché j e n’ai pas envie qu’il y ait que du poulet. En ce moment il n’y a que du poulet avec écrit « trap » dessus.


Est ce que tu penses qu’il y a toujours un public pour des mecs comme toi, Kery , Youssoupha, Médine ?

Il y aura toujours un public pour tout. Le truc c’est combien de temps ce public va écouter les mêmes personnes. Aujourd’hui un morceau de Kery si il sort, je ne sais pas si ça fera vraiment de l’effet. Je pense que ce qu’il faut ce sont des nouveaux rappeurs conscients, des gens qu’ont laisse monter. Car il y a des rappeurs qui ont leur univers, il faut juste leur laisser un peu de place pour que le panel soit un peu plus beau.

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Tu n’as pas l’impression d’être un dernier des mohicans dans ce paysage, essayant d’amener plus de sens et de fond ?

Plus de sens, plus de fond, plus d’intimité. J’en ai eu marre à un moment d’écouter du rap. Surtout quand j’écoutais beaucoup de rap cainri, quand je revenais à du rap fr, j’avais l’impression de descendre d ‘un palier. Au niveau de l’interprétation, du choix des titres etc. Quand tu écoutes 5 albums de rap français, il y a trop de points communs. Quand tu écoutes 5 albums cainris, tu peux trouver 5 univers totalement différents. Dans la même semaine j’avais pris le J.Cole, Joey Bada$$, et d’autres qui n’avaient rien à voir. Par contre quand les 5 albums français démarrent, t’entends tout venir.

Mais au niveau de ma position, je côtoie pas mal de gens et on est tous sur la même longueur d’ondes. Si tu vois le morceau « Hip hop Ninja » de Vicelow, on est tous là. Et ça marche. Kenyon, A2H, Dandyguel, … Quand on se croise, ça marche. Je ne suis pas un ovni, on est tous des ovnis. C’est plutôt ça. On est tous différents dans cette scène, quand tu écoutes « Hip hop Ninja », chacun des gars a son style, mais on a réussi a s’entendre sur un titre. Si je prends un album de Sadek, Sultan, S-Pri Noir il y a beaucoup de points communs ! Après ils ont peut-être le même public, donc ils répondent aux mêmes demandes, je ne juge pas. Ce n’est pas de l’incapacité à être créatif mais ils ont tous la même vision du rap donc ils tapent au même endroit.


Y’en a quand même qui te font kiffer aujourd’hui ?

Ouais ! Kiffer est un grand mot. Il y a des gens que je peux écouter plusieurs fois, que je respecte énormément. Des gens dont je me réjouirais de leur succés, comme A2H et Kenyon, quand je les écoute ça me fait de l’effet.

A2H et Kenyon sont deux mecs qui sortent un peu du circuit hip-hop bizarrement…

Ils ne sont pas centrés râp à la base. Le Saian Supa Crew est peut-être notre point commun. C’est l’opposé du rap de rue qui dit « J’viens de la rue donc je suis ». Le Saian c’est « Je suis car je suis fort ». Le morceau ne sort que si c’est technique et « rapologiquement dinguissime ». Ce rap d’exigence s’opposait à la street crédibilité d’un 113, Rim’K par exemple qui en matière de rap n’était pas ouf techniquement, on lui donnait du crédit à cause de la street crédibilité. Ce n’est pas un soucis, mais nous on a grandi avec le Saian.

C’est vrai que maintenant on assiste un peu à l’apologie de la non-technique…

Aujourd’hui, il y a des gens qui ont des problèmes ! En ce moment il y a une mode de la demi-mesure et du rap syllabique. Ce sont des onomatopées ! Il y a des bouts de phrases, des lettres, ça va ! En fait je me dis que c’est un cycle. On a eu un rap super conscient, puis un rap de rue en 2000, un rap conscient de nouveau, ensuite un rap samplé à la 1995 puis on est retombé sur un rap de rue qui est la trap d’aujourd’hui. Avant c’était du rap de rue façon dirty south et bientôt ce sera autre chose. Ce qui me rassure c’est que celui qui reste, c’est le Boom-Bap. Il revient à chaque fois. Dans le fond, nous sommes au bon endroit. C’est juste une question de temps. Je n’ai pas trop peur.

Des artistes comme Kaaris ou Gradur, tu as appréciés leurs morceaux ?

Pas Kaaris, mais Gradur oui, c’est autre chose. J’ai apprécié écouter Gradur car je le trouvais cohérent avec lui-même. Kaaris, la première fois que je l’ai vu, il était rasé. A l’époque je faisais des interviews pour Street Live, donc je le voyais avant les Galactik Beat. Quand je l’ai vu revenir, je me suis dis il a vraiment changé. Gradur est arrivé tel qu’il est. J’ai écouté je trouvais ça frais, il faisait bien son truc, mieux que pas mal d’autres personnes. Il a l’air de s’amuser, quand d’autres sont trop dans le cinéma, trop dans l’attitude. Quand je le voyais sur ses premières vidéos, j’ai ressenti quelque chose. C’est le fruit de la mode mais c’était spontané. Kaaris je l’ai vu mal rapper, donc à partir de là…Quand j’ai écouté « Zoo » je suis rentré dans la folie, « Kalash » la folie. Mais après il y a quand même énormément de saletés pour rien. Ça te met de mauvaise humeur quand tu écoutes du Kaaris, c’est aussi pour ça que les gens kiffent. Ça agit sur toi, c’est mauvais pour ta santé. Moi j’écoute de la musique pour me détendre. Quand tu écoutes du Kaaris tu as envie de t ‘embrouiller dans le métro.

Aujourd’hui la scène trap a ses forces : des phrases simples au refrain, des gimmicks et des cris, des danses… des artifices qui marchent à chaque coup. De l’autre coté, on kicke, mais il n’y a pas d’artifices. Est ce que le combat entre le conscient et la trap est égal en France ?

Je crois qu’il n’a jamais été égal. A partir du moment où les médias mettent en avant un style précis, c’est niqué. Les armes on les a, surtout quand tu vois un Youssoupha. Je crois que le rap conscient est une course de fond. Depuis 2000, on a plus de classiques conscients, le dernier doit être « 2 issues » de Kery peut-être. Le rap conscient travaille sur de l’intimité, tu essayes de convaincre quelqu’un avec une dizaine de titres quand ceux qui rappent pour la forme le font sur un titre. A partir de là c’est mort. Dans l’album Noir Désir, qui je pense est un classique des dix dernières années, il est impossible de sortir un morceau, et c’est bon signe. Les bons albums qui ont marqué le rap étaient des projets. L’école du micro d’argent, Première Classe… Je crois que c’est logique qu’on n’ait pas le même impact car on doit le faire sur un projet entier.

OVLMD, c’est une critique envers ce paysage rapologique ?

Quand j’écoute de la trap, c’est vide, il n’y a pas d’âme, c’est froid. Et moi je voulais me faire mon morceau de trap, juste au niveau du BPM. Musicalement, ce n’est pas compliqué. Rythmiquement on est sur un morceau qui se rapproche de la trap, mais il y a du débit, les mesures sont remplies, il y a un sample et une atmosphère. Mais on voulait le faire car mine de rien on en écoute aussi et c’était une manière de dire que c’était facile. On a essayé de faire un truc avec du relief. Le fond n’est pas dingue, mais il y a un truc. Quand l’instru est compliquée, il faut dépasser l’instru. Donc oui c’est un constat amer mais au final ça nous rassure, parce que quand on le fait, c’est facile. Et tant que ce sera facile je ne serais pas inquiet. Les vrais fans de rap sont comme nous, ils s’ennuient. Ils écoutent ce qu’il y a car il n’y a que ça mais ils attendent autre chose.

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Tes parents sont sourds mais ils t’ont quand même inculqué cet amour de la musique, ce n’est pas un truc qui t’est venu spontanément ?

C’est eux qui m’ont poussé vers la musique et nous l’achetaient. Il faut savoir que les tympans sont des muscles. Donc si tu grandis dans un endroit sans bruit, ton tympan s’adapte. Même si ça ne se serait pas produit, je pense que mes parents flippaient qu’on devienne sourds, donc il fallait constamment qu’on travaille nos tympans. Au niveau du choix de la musique on était donc autonomes mais je n’ai jamais manqué de walkman ou de musique dans mes oreilles.

Quelque part ce n’est pas un peu frustrant de ne pas pouvoir partager ta musique avec la chair de ta chair ?

Oui, mais en même temps si je fais ça, c’est aussi parce que je sais le faire. Le rap ça ne coute rien. Tout ce que j’aurais pu faire d’autre comme le théâtre, la danse, n’étaient pas le même type d’investissement. Et il fallait savoir le faire. Et puis je n’ai jamais fait ça en me disant que je rendrais mes parents fiers, mais parce que j’avais la passion du rap. Au départ tu le fais parce que tu kiffes. Et au final c’est parce que mes parents étaient sourds que j’ai rappé, car je pouvais le faire chez moi sans qu’ils m’entendent. Si ils m’avaient entendu, j’aurais surement arrêté car la honte aurait frappé trop fort. Ça va paraître très con ce que je vais dire, mais quand toute ta vie tu n’as jamais parlé à ta mère, ne pas pouvoir lui faire entendre ma musique n’est pas grand chose.

Tu as beaucoup changé musicalement depuis Maturité en 2009 j’imagine.

Au niveau du rap je n’y suis plus, déjà au niveau de l’attitude il y a un truc que je n’avais pas avant. Quand je rappais, j’étais obligé de kicker pour dominer l’instru, je n’en ai plus besoin. Et surtout j’arrive à énormément synthétiser mes idées. Dans le nouvel album, j’ai fait des trucs que j’étais incapable de faire avant. Pas incapable mais je ne les entendais pas, faire des morceaux avec des refrains, des trucs chantonnés, moins kickés et donc OVLMD en fait partie.

L’album s’appelle Lever L’Encre, il y a une idée d’évolution musicale forte, à la fin tu « lèves l’encre » (dernier morceau de l’album). Ça veut dire que ton deuxième album ne sera peut-être même plus du rap?

Il y a un truc que je n’aime pas c’est refaire ce que j’ai déjà fait. Ca veut dire que tout ce que j’ai fait dans cet album-là je ne le referai pas. Je ne peux pas t’en dire plus. C’est en fonction de ce que je trouve, qui je rencontre, les instrus qu’on me propose. OVLMD, je peux t’en faire 25, rapologiquement c’est très facile à faire, mais je ne le referai pas. Il faut faire différent parce que sinon on s’arrête. Avant quand je citais les gens que je kiffais, ce que je faisais, c’était pas très cohérent. Là j’ai réussi à vraiment digérer mes influences et re-rapper ça à ma sauce. A l’époque je rappais vraiment comme un tel, comme dans tel morceau, là c’est fini je laisse parler mon truc. Il y a tout dans l’album ! En fait tout ce que j’aime est dedans. Il y le kick, le posé, le sentimental. En fait le lien c’est le texte. Le lien c’est moi.

Pour cet album, as-tu des attentes au niveau des ventes?

Le principe de base c’est que le peu de gens qui l’écoutent soient satisfaits. Pas dans le sens qu’ils kiffent le truc comme des dingues, mais qu’ils se disent « OK, on voit ce qu’il a voulu faire, on voit que ça a été sérieux ». Si j’arrive à montrer a tous ceux qui écoutent que je n’ai pas pris ça à la légère, que les gens sentent que je suis un gars qui essaye de respecter l’art, ça me suffit. Après tout le reste c’est du subjectif, c’est du perso. Dans Maturité il y a un morceau qui s’appelle « Les Signes », et bien ça n’avait pas vraiment frappé les gens. J’ai refait le même morceau trois ans après, sur la scène des Francofolies, et tout le monde a dit que c’était un truc de ouf mais c’était exactement le même morceau. Ça le fait souvent, au final. Aujourd’hui il aura peut être des morceaux qui ne parleront peut être pas, ça prendra peut être un peu de temps. Mais non, je n’ai pas d’attente particulière au niveau des ventes. J’espère juste que ceux qui me connaissent me reconnaissent. Après le reste…

Y a-t-il des gens avec qui tu aimerais collaborer?

Collaborer non, mais il y a des gens avec qui j’aimerais discuter. J’ai côtoyé tous les gens que je voulais côtoyer dans ma vie au niveau de la musique. Il en reste peut-être un, même si je sais qu’on se connait à distance, le seul avec qui j’aimerais me poser à une table, à qui j’aimerais poser deux trois questions c’est AKH mais pas pour rapper. J’ai vu Oxmo des millions de fois dans ma vie et on a jamais fait de morceaux, et tout le monde se demande pourquoi je n’ai pas fait un morceau avec lui, c’est juste que je n’en ai pas besoin. AKH, parce que surement dans une autre vie j’étais marseillais. L’AKH d’aujourd’hui c’est celui d’hier, c’est le même. Tous les gens que je respectais dans la musique ont tous été là à un moment donné pour me donner leur avis sur ce que je faisais, et il ne manque plus que lui.


Est-ce que tu n’as pas plutôt l’âme d’un écrivain plutôt que d’un rappeur?

C’est possible, j’aime beaucoup écrire. Peut-être même plus que rapper. Dans l’acte de rapper ce qui me procure le plus de sensations c’est d’avoir écrit, d’avoir trouvé, d’avoir deviné, inventé. Le texte je le kiffe quand je suis dans ma chambre et que je suis tout seul. Ceux qui n’ont pas ce truc-là tu le sens, c’est écrit, tu le vois. Ceux qui aiment écrire, souvent sont ceux qui ont des textes magnifiques avec quelques lacunes techniques, mais le texte est tellement beau que tu te le prends dans ta gueule. Et les gens qui savent écrire en général sont ceux qui arrivent à te faire accepter ça. Quand tu sais bien écrire toutes les lacunes techniques s’effacent, parce que les gens absorbent. Oxmo rate énormément de mesures. D’ailleurs Lino dans son dernier album aussi il a des moments de décalage dinguissimes. Au final quand tu vois la carrière d’un Rick Ross, il n’est pas dans les temps, il est dans son propre rythme.

Basiquement, le cubisme représente son sujet par des formes géométriques. C’est sous cette forme que l’artiste et illustrateur Frederico Babina a décidé de représenter plusieurs artistes, acteurs, leaders politiques et intellectuels du XXème siècle. Dans cette série baptisée Inkonik Faces vous retrouverez : Bob Marley, Pablo Picasso, Audrey Hepburn, Malcolm X et plein d’autres.

Non rien de rien, non il ne regrette rien. Pierre Cardo est l’homme qui a paraphé le document ayant permis à La Haine de voir le jour. Dernier espoir de Mathieu Kassoviz au moment des repérages, il a ouvert sa commune en crise à une bande de jeunes parisiens obnubilés par le cinéma. Aujourd’hui, l’homme politique confie passer un moment agréable en regardant le film même si la fin reste trop violente à son goût. Un peu comme cette aventure finalement. Chanteloup-les-Vignes a souffert de l’emballement médiatique qu’a connu le film. Altruiste, le maire UMP n’a pourtant de ressentiments pour personne. Avec un mandat de 26 ans dans sa ville de cœur, son combat aura toujours été de réparer les pots cassés par une image médiatique catastrophique. Il a réussi seul avec les Chantelouvais, à partir de là rien d’autre ne compte à ses yeux.

 

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Dans quel contexte avez-vous accepté le tournage de La Haine à Chanteloup ?

 

Il nous a été demandé si l’on pouvait laisser tourner un film à Chanteloup. À l’époque, le projet s’appelait Droit de Cité. On était en pleine période de troubles dans l’ensemble des banlieues françaises, à Chanteloup on sortait de trois ans d’agitations assez fortes.

D’après ce qu’on m’avait dit, Mathieu s’était fait refusé l’accès de toutes les autres communes. Mes collègues maires de l’époque considéraient que c’était très dangereux. On voyait bien qu’il y avait une agressivité à l’égard des médias, des caméras et donc ce n’était pas évident d’envisager qu’un film soit tourné dans une cité.

J’ai longtemps hésité, je me suis dit que si on réussissait à que ça se fasse sans qu’il y ait le moindre incident ce serait la preuve qu’on était capable de maîtriser beaucoup de phénomènes dans cette ville. Quelque part si on faisait participer les habitants à ce tournage, chose qui était l’engagement de Mathieu, on arriverait à surmonter toutes les difficultés. Et ce fut le cas.

 

Y avait-il des conditions pour que vous donniez votre accord ?

 

De notre côté, nous nous engagions à mettre tous nos moyens à disposition pour que ça se passe bien. Parallèlement ce que je souhaitais, c’est que jamais on ne parle de Chanteloup-Les-Vignes comme étant le lieu de tournage.

Malheureusement Mathieu a emmené des jeunes de Chanteloup au Festival de Cannes et eux n’ont pas pu se retenir. Il y a eu un manque de prudence, l’info est sortie. Au lieu de mettre en avant dans les médias, alors qu’on était en pleine agitation, qu’on avait réussi à tourner ce film sans problèmes on a récupéré le contrecoup. On n’a jamais eu le droit à cette publicité positive qui était à mon avis méritée pour les habitants.

 

Il n’y a eu aucun retentissement positif selon vous?

 

L’intelligence de Mathieu, son génie à l’époque, ça a été de saisir des images clés du comportement dans les quartiers pour exprimer un certain nombre de choses qu’il fallait exprimer. Pour une commune comme la nôtre, qui n’est pas loin de Paris, la difficulté est que dès qu’il y a un incident, les journalistes se disaient : « C’est le lieu où La Haine a été tournée, c’est parfait on y va. ».

Ce que j’aurais simplement aimé, c’est que Mathieu ait à l’esprit que ça allait poser un problème à la ville qui en avait déjà beaucoup. Je ne pense pas qu’on puisse lui mettre sur le dos l’image médiatique négative mais c’est vrai qu’il aurait pu, sachant qu’il était très fréquemment dans les médias, rappeler combien ça avait été une expérience positive, de pouvoir tourner dans ces circonstances, à cet endroit-là. Chanteloup méritait ce service après-vente.

 

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Il aurait donc mieux fallu ne pas faire le film ?

 

C’est toute la difficulté qu’on a pour les quartiers. D’un côté, il faut en parler, parce que si la pauvreté et la misère pouvaient être transparente en France, ça arrangerait beaucoup de monde. Avec ce film, il y a un aspect de prise de conscience et en même temps quand on parle de tout ça et que c’est associé à une ville ça marque, ça stigmatise.

Pourquoi aujourd’hui on a tant de mal à construire des logements sociaux partout ? Ce n’est pas uniquement car il y a des élus qui s’y opposent, ce sont des habitants qui font des manifestations contre. L’image est tellement négative, par ce qui a été répandu par les médias qui n’ont transmis qu’une seule réalité, que ça fait peur. Peut-être qu’il faut en parler plus souvent, en parler de différentes façons, pas uniquement de celle-là.

 

Si vous aviez pu connaître les répercussions négatives avant d’accepter le tournage l’auriez-vous refusé ?

Je pense qu’il est inutile de regretter les choses, on a vécu avec ça et on a remonté la pente à notre façon, au point de réussir à créer une agglomération autour de nous. C’est la plus belle victoire qu’on puisse avoir. Il y a encore 10 ans personne ne voulait de Chanteloup dans une intercommunalité. Ça signifie quelque part que la problématique supplémentaire qu’a généré La Haine nous a obligé à nous dépasser. Mais on ne peut pas dire que le film de Mathieu nous ait aidé, il nous a poussé à nous surpasser c’est différent.

 

Comment s’est passée la période de tournage ?

 

J’ai mobilisé les associations pour qu’ils puissent avoir les interlocuteurs qu’il fallait. Je suis issu du tissu associatif, la politique pour moi c’était un autre monde, je ne pensais pas être fait pour ça. La liberté associative c’est primordial, cela vous donne en plus du pouvoir institutionnel, qui ne suffit pas pour les quartiers, un autre pouvoir. C’est comme ça que vous pouvez maîtriser des phénomènes qui vous dépassent. Mathieu pouvait l’utiliser, c’est tout ce dont il avait besoin. Le reste ça ne me regarde pas. Je ne suis pas intervenu du tout pendant le tournage, j’avais d’autres chats à fouetter.

Je n’ai pas eu de remontées sur l’équipe du film. Ils ont fait ce qu’il fallait. De toutes façons, les acteurs associatifs qui cadraient savaient très bien rappeler éventuellement les choses si c’était nécessaire. Le fait qu’ils se soient immergés quelque temps leur a rapidement fait comprendre les règles. Il suffit d‘un regard, d’une parole mal placée et ça ne se passe pas. Par contre vous avez le sourire, vous dites bonjour, vous montrez aux gens que vous les appréciez, que vous avez besoin d’eux, vous passez partout.

 

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Y avait-il une ambiance particulière à Chanteloup pendant cette période ?

 

Pendant le tournage c’était plutôt calme. Justement parce qu’un certain nombre de jeunes qui n’avaient pas grand-chose à faire, à part tenir les murs, ont eu l’occasion de trouver des moyens de rémunérations et d’occupations. Ils se sentaient investis d’une mission. Le problème des quartiers c’est un problème existentiel, si vous avez l’impression que vous ne servez à rien, et bien effectivement vous n’avez pas obligatoirement envie que les autres soient tranquilles. La république est lointaine, qu’est-ce que vous en avez à foutre des règles qu’elle veut vous imposer ? Par contre, si vous êtes impliqués dans un projet c’est complètement différent et là c’était le cas.

En ce qui concerne le reste de la population, ils ne comprenaient pas toujours tout. Certains téléphonaient à la mairie pour dire : « Enfin il y a de la sécurité, je vois des CRS partout. » Ces CRS c’était des figurants du film. Moi ça me faisait rire.

 

Comment avez-vous vécu les critiques des médias envers le film ?

 

Je suis très loin de ces gens qui s’expriment sur ce qu’ils ne connaissent pas. C’est bien le problème des quartiers. Donc je m’en fous complètement de ce qu’ils ont pu raconter. Pour moi, le film représente correctement un aspect de la vie des quartiers qu’on a vécu il y a 20 ans. Après quand certains expliquaient que c’était des bourgeois qui étaient venus tourner un film sans connaître ce qu’ils filmaient, même ces bourgeois quand ils passent du temps dans une cité, ils finissent par comprendre cet environnement. S’ils n’avaient pas compris, ils se seraient fait casser la gueule tout de suite. De ce coté-là, Mathieu a su avoir l’approche qui convenait, comme les gars qu’il avait autour de lui. Je pense que dans d’autres domaines qui ne sont pas uniquement le cinéma, ça devrait aider certains à réfléchir à la façon de revenir dans les quartiers.

 

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Le designer de Sacai, Chitose Abe, présente une toute nouvelle collection pour le Nike Lab. Une série de vêtements de sport, de coupe-vent et jupe plissés qui prennent vie dans les mouvements effectués par le sportif qui le porte.

Le designer qui a aussi trouvé l’inspiration dans les archives de Nike reprend ses couleurs vives et audacieuses qu’il applique à un modèle de Dunk Lux Slip-On.

La collection sera disponible le 11 juin sur le NikeLab.

L’une des enseignes les plus en vogue dans le monde de la mode nous a ouvert ses portes, il s’agit de Rick Owens. Barbara Mariani, directrice et partenaire de la boutique située au cœur des jardins du Palais Royal, nous a guidé dans l’histoire de la maison qui recèle d’anecdotes truculentes.

 

Comment as-tu rencontré Rick Owens ?

Barbara : Tout à fait par hasard, c’était il y a des années à Los Angeles. Rick était avec Michèle Lamy lorsqu’elle tenait encore son restaurant Les Deux Cafés. Le couple était « the happening » (le phénomène, ndlr) de L.A. Michèle a tenu son restaurant d’une façon tellement mode… Tout le monde voyait son vestiaire et demandait : « Je veux une veste comme ça, un cuir comme ca… » Ça a commencé avec Tarantino ensuite Madonna, Lenny Kravitz… Ils étaient vraiment le « hit » (les incontournables) à Los Angeles.

On revient 20 ans en arrière, je suis à Paris et je travaille dans la mode. Armand Hadida, le créateur de L’Eclaireur, me dit que Rick Owens va ouvrir sa première boutique à Paris et que je serais la partenaire parfaite. Le lendemain j’ai rencontré Michèle, on s’est comprises tout de suite. Une semaine après, on se tape dans les mains avec Rick et on se dit : « Ok, on fait ça ensemble !»

 

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Pourquoi avoir choisi les jardins du Palais Royal comme emplacement ?

Barbara : Rick ne communique pas beaucoup, il ne parle pas français, il est toujours un peu isolé et ici il a senti les bonnes énergies. Il s’est dit un jour en se baladant avec Michèle : « C’est là que j’ai envie de faire ma boutique.» Le Palais Royal n’était pas un lieu de mode, c’était un lieu historique plus qu’autre chose. L’Eclaireur n’avait pas marché ici, c’était une catastrophe. Didier Ludot avait fait un tout petit peu de présence mais c’était pas comme Shiseido ou Marc Jacobs. Marc Jacobs et Rick Owens ont signé au même moment.

Rick s’en foutait de savoir si la boutique allait marcher ou pas, il voulait juste la construire dans un lieu où il se sentait bien. Ça a commencé comme un laboratoire. Quand tout était installé, Rick me regarde et dit « Now what ? » et là je dis « Heuuuu… on tourne la clé ? » et lui répond « Just like that ? » On n’avait pas averti la presse, on n’avait dit à personne qu’on ouvrait la boutique c’était complètement secret. Et Rick dit « You do it ! » et ensuite se casse. Donc j’ai tourné la clé et j’ai vu Rick partir en courant (rires).

 

Quel était ton premier instant de bonheur dans la boutique ?

C’était la première journée ; il y avait une petite dame de 70 ans, élégante comme tout, qui est passée tout à fait par hasard. Elle rentre et admire la boutique. J’ai fini par lui faire une vente de 15 000€, elle n’avait jamais entendu parler de Rick Owens. Là je me suis dit « It’s gonna work ! »

Après ça tous les fashionistas nous ont trouvé, les Asiatiques… Tout le monde a commencé à venir. Lenny Kravitz est venu dès le deuxième jour, il a toujours suivi Rick Owens de près. On a commencé à créer des moments très intimes, car ce lieu est magique. Jennifer Lopez par exemple était là l’autre jour, avec ses gosses qui couraient partout, c’était un bordel. Les gens peuvent se relaxer ici, ce qui est rare dans une boutique. Le voile de la célébrité s’enlève et ils deviennent de vraies personnes. Peu importe si c’est Spielberg, le plus grand joueur de football du monde, Maria Sharapova ou même A$AP Rocky, ils sont tous bien et se comportent naturellement, et non comme des stars.

 

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Comment se sont passés les premiers jours ?

Barbara : J’étais seule ! Le challenge au départ c’est que Rick n’avait jamais ouvert de retail store (magasin de vente), on n’avait pas un énorme budget, on ne savait pas par où commencer.

Rick avait trouvé une moquette similaire à celle de la Maison Blanche. On n’avait pas d’argent et il emmène une moquette qui coûtait une fortune… Je ne veux même pas dire combien, c’était d’une telle qualité qu’elle valait plus chère que la boutique (rires) ! Le mec décide de la clouer partout au sol et au mur, quand le travail était fini il dit : « Ah non, c’est beaucoup trop parfait. Je n’aime pas ! » Le lendemain, il débarque avec une bouteille de javel et il en a mis partout sur la moquette pour donner un genre usé. Au final l’effet était parfait, c’était formidable !

Mais le plus grand challenge n’était pas vraiment esthétique parce que Rick a ça en lui c’est ce qu’il est, puis moi j’étais là pour mettre du contenu dans son énergie, le gros challenge c’était le staff ! J’ai commencé avec un petit stagiaire américain qui s’appelait Brooke, il ne parlait pas un mot de français, c’était lui et moi. Ensuite j’ai eu une stagiaire du Japon qui avait une super énergie, elle ne parlait que japonais. Finalement, j’ai fait appel à Jean que je connaissais depuis 20 ans. Je lui ai demandé s’il ne voulait pas venir me donner un coup de main avec les vitrines, car lui-même est un artiste. Il a compris l’esthétique tout de suite.

Jean : C’était le 11 septembre ! Barbara m’appelle et me dit : « Écoute, on n’est pas nombreux, peux-tu venir faire deux silhouettes ? Une silhouette femme en bas, et une silhouette homme en haut. » Et j’ai géré !

Barbara : Rick a non seulement aimé le travail de Jean mais aussi la personne en elle-même.

 

La personnalité des vendeurs est importante, non ?

Barbara : C’est tout un casting !

 

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As-tu des anecdotes qui te reviennent lors de certains passages de célébrité ?

Barbara : La styliste d’Orlando Bloom appelle à la boutique pour me prévenir qu’ils arrivaient. Il faut savoir qu’Orlando adore les vêtements. Elle me demande de le faire passer par la porte arrière, et m’explique qu’il faut à tout prix éviter les paparazzis. J’ai donc alerté l’équipe, et nous avons attendu son arrivée. Quand je vois Orlando Bloom sortir de sa voiture, il est complètement couvert, une écharpe cache entièrement son visage, il regarde à droite à gauche et court jusqu’à notre porte. Une fois entré, il court se cacher puis demande à son équipe de vérifier toute la boutique. Au final, il n’y avait aucun paparazzis tout le monde s’en foutait de lui (rires). C’était très drôle. Mais il y a beaucoup de célébrités qui se font suivre par des paparazzis dans la boutique, et ça devient vite le bordel.

Quand Kanye est là, il est chez lui. Il vient avec sa musique, son ordinateur et se fait son propre mini-concert. Il est très à l’aise. Il aime beaucoup les vêtements de Rick, il achète généralement pour lui mais il a déjà pris des chaussons d’hôtel en agneau retourné pour Kim, 750€. Kanye a un vrai style, une vraie culture mode. Il comprend tout ce qui est fabrication, tout ce qui est haut de gamme, tout ce qui est plus porté sur le marché italien et français. J’adore parler fringue avec lui. Le gars n’a aucune limite, il est très curieux, ce n’est pas du tout le genre de personne qui va dire : « Moi je sais tout ». Il est très humble, c’est assez fascinant. Il a tellement d’énergie que parfois ça peut partir dans tous les sens, mais quelque part c’est un génie. Donc quelque fois ça peut être un peu hard, mais moi je connais juste un personnage qui a une force qu’il essaye de contrôler un petit peu, pour ne pas aller trop vite parce que les autres ne peuvent pas le suivre ou même ne le comprennent pas.

La première célébrité que j’ai reçue à la boutique était Lenny Kravitz. Courtney Love est venue juste après, elle a foutu un gros bordel ! On a eu toute la famille de Spielberg aussi. Janet Jackson vient souvent pour traîner ici, elle fait partie de la famille. Mais il y en a tellement, je ne pourrais même pas te dire… Je me souviens quand Michael Jackson m’a demandé si Rick – une petite anecdote pour te dire à quel point Rick s’en fout de tout – pouvait lui faire une veste pour son dernier concert. Quand je lui ai demandé, Rick m’a regardé et a dit : « Non je veux pas, ça ne m’intéresse pas. » (rires) Il a fait ça car il n’était pas inspiré par lui. Rick Owens ne cherche pas la célébrité, il n’est pas centré sur l’argent.

 

Comment se passe la relation vendeur/client?

 Barbara : Parce que je suis Américaine, je peux facilement entrer dans le cerveau des gens. Ils sont ouverts avec moi, ils s’expriment facilement, donc tout d’un coup on peut créer un moment magique pour eux et pour moi-même.

Il y a certains clients avec qui tu gardes une énorme distance, mais il s’agit surtout des clients de couture. Ce sont des personnes qui peuvent dépenser 200 000 à 300 000€ par an dans les vêtements, ils ont leur styliste donc je garde une distance et je reste disponible auprès du styliste.

Par contre avec les célébrités non, on se tutoie, on se connaît, c’est cool ! Ils viennent ici sans leur styliste, ce qui est très rare car normalement le styliste est envoyé tout seul à la boutique. Mais Jennifer, Kanye, Lenny viennent tous d’eux-mêmes. La boutique n’est pas un « red carpet » ou un endroit pour se faire une image, ce sont des vêtements qu’ils veulent vraiment porter. Donc nous les traitons comme tout le monde. Chaque personne qui entre dans cette boutique sera traitée comme une rockstar, même si parfois c’est loin d’être le cas.

 

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Quelle est ta relation avec l’équipe ?

 

Jean : Il y a des règles mais il n’y a aucune distance entre nous tous. La première chose qui m’a marqué quand j’ai commencé ici : le client doit être toujours heureux, et nous devons toujours rester cool. Et le fait d’être cool comme ça a donné à la boutique quelque chose que tu ne pourras pas retrouver ailleurs. Dans d’autres endroits les gens ne peuvent pas bouger, ne doivent pas parler… Ici il faut bouger, il faut se détendre…

Barbara : Je n’ai jamais voulu engager des vendeurs ou des vendeuses types. Je n’aime pas ça, j’essaye d’éviter. On ne veut pas convaincre nos clients d’acheter nos vêtements, on veut qu’ils sortent avec des pièces qui leur vont bien. Du coup, je prends des personnes qui ont de l’intégrité, qui ont un vrai style et qui savent ce qui ira bien sur chacun de nos clients. Je veux que le client rentre chez lui et qu’il adore la personne qui lui a vendu la pièce.

C’est important d’avoir une personnalité aussi, car un client va se sentir plus à l’aise avec un vendeur qu’un autre. Jean, par exemple, peut avoir un centre de gravité autour de lui parce qu’il connaît la garde-robe des clients, il sait ce qu’ils achètent, il est cool. Mais il peut y en avoir d’autres qui viennent à moi parce que j’ai une autre façon de voir. Chaque personnalité est différente et j’essaye d’avoir un peu de tout dans la boutique.

Hind attire sa clientèle. Henri aussi. C’est énorme ce qu’il a fait, maintenant tout le PSG s’habille chez nous grâce à lui.

 

Quels joueurs du PSG as-tu habillé ?

Henri : Nous avons reçu Gregory Van der Wiel, je ne le connaissais même pas. C’est un très bon client, très sympa… Enfin, il est moins sympa que Camara. Lui est vraiment humain, on rigole bien quand il vient. Avec Hind nous échangeons avec lui et parlons beaucoup de style. Il veut se donner un air chic tout en gardant une allure street, du coup Rick Owens c’est parfait pour lui. À partir de là, Camara parle à un autre joueur, et celui-là parle à un autre… On a fini par en avoir pas mal qui sont passés nous voir.

Hind : Je me souviens d’un jour quand Camara était venu à la boutique, il cherchait un cadeau pour un ami qui était en réalité Zlatan Ibrahimovic. Donc moi n’ayant aucune idée de la grandeur de cet homme, j’étais là à lui ramener des petites vestes en 48 italien. Camara finit par me regarder en disant : « Ah mais en fait vous n’avez aucune idée de qui c’est ! » Et je lui réponds : « Si, si c’est le petit Suédois avec une petite couette. » Camara me dit « Non, mais c’est un monstre ! » Au final il fait du 54 italien… (rires).

 

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Vous trouvez qu’il y a un esprit d’équipe différent ici, comparé à d’autres boutiques de luxe?

Henri : Mais on n’a même pas besoin de le dire ça, c’est tellement évident. On est une famille.

Hind : Barbara nous a appris à ne pas avoir les codes du luxe. On est luxueux mais sans faire chier nos clients. On n’est pas là à les suivre, à les coller au cul, à dire « Bonjour Madame » avec les mains derrière le dos. Les gens peuvent se sentir dans un univers super chic tout en étant décontractés. On a des clients qui s’allongent par exemple, sans-gêne. Je ne pense pas que tu puisses voir ça chez Chanel. C’est ça nos codes !

Barbara : Je suis avec les jeunes et je suis responsable pour eux. Je veux qu’ils construisent leur vie, qu’ils trouvent leur chemin. Mais parfois je les attrape entre deux portes et je les allume ! Ils répondent bien à mes messages, ils savent qu’au fond de moi je dis ça car je veux qu’ils évoluent. Je pense sincèrement que d’ici tu peux faire n’importe quoi après. Ils sont à l’aise avec les gens les plus difficiles de cette planète.

 

C’est ce qui vous permet de surmonter des situations compliquées ?

Barbara : Un jour nous étions six employés, tous occupés, il y avait beaucoup de monde dans la boutique. Tout d’un coup nous avons Lou Reed qui débarque et deux minutes plus tard Mick Jagger. J’étais complètement débordée avec des Russes, et je vois Lou Reed qui monte tout seul à l’étage puis qui redescend en disant: « Barbara ! Tu sais qu’il y a Liv Tyler qui pisse dans tes toilettes en haut (rires) !» (rires)

Hind : Raconte l’histoire du Babybel !

Barbara : Oh non c’est hard… Bon ok ! Cher c’est une cliente ainsi qu’une amie personnelle. Elle était venue pour le défilé de Rick, bien entendu elle a une garde-robe incroyable ; elle a toutes les fourrures, tous les trucs mais il faut lui dégoter quelque chose de nouveau. Donc j’ai décidé de la mettre dans une grande veste en alligator pour homme. Sur elle c’était top ! 20 minutes plus tard nous étions dans le taxi avec Cher, Loree Rodkin, et Fergie qui, elle aussi, avait emprunté une fourrure pour aller au show. Cher veut manger un petit truc avant d’y aller, et elle commence à prendre des Babybel. Un an plus tard, je me retrouve ici avec un de mes plus grands clients Russe, il avait déjà pour plus de 40 000€ de vêtements de côté et je choppe une veste en alligator pour lui, qui lui allait comme un gant ! Le gars me dit : « Barbara, tu as créé cette veste pour moi c’est pas possible. » Il était émerveillé ! Il garde la veste sur lui, me passe le ticket, l’affaire est conclue. Et là on se dirige vers la caisse, et il met ses mains dans les poches et sort un Babybel. J’étais sans mot… Et au final, le mec n’a pas pris la veste. Je ne savais pas quoi dire ! A part « Putain Cher, merde ! »

 

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Comment est l’ambiance dans la boutique ?

Barbara : Pour moi ce sont comme des frères et sœurs, ils s’entendent super bien puis parfois je dois intervenir pour qu’ils ne se tapent pas dessus (rires). Nous faisons des grandes réunions d’équipe chaque semaine pour essayer de tous s’entraider et travailler en harmonie. Les vendeurs ont du pouvoir chez Rick Owens ; parfois des paparazzis viennent et leur proposent de l’argent pour les prévenir de toutes célébrité qui peuvent entrer. On veut garder au maximum l’intimité de la boutique et le privilège que chacun puisse s’y sentir a l’aise.

On a déjà eu deux clients Russes qui sont entrés dans la boutique, un était là avec sa famille et le deuxième entre par la suite et je remarque directement la tension entre les deux. À un moment un des deux frotte l’épaule de l’autre et le deuxième, étant un catcheur, prend le mec et le jette contre le portant. Celui au sol sort un couteau, moi je suis derrière la caisse en me demandant ce que je vais faire, et j’entends Hind de l’autre côté qui crie : « Il a un flingue ! » Là tout le monde part en courant, sauf Henri qui reste avec moi. Je chope le mec avec le couteau et je lui dis : « Écoute, t’as pas l’air très cool donc tu peux sortir, et tu reviens plus jamais ici. »

 

Que signifie la boutique pour toi ?

Barbara : C’est un laboratoire humain. Regardez cette belle équipe qui s’est transformé!

 

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Photo : HLenie

Les deux producteurs Benzi et Esentrik forment le duo T-W-R-K. Diminutif de twderk, leur nom est à l’image de leur musique, et d’un courant musical qu’ils ont participer à initié et à faire évoluer, bien avant la déferlante Miley Cyrus. Il y a un mois, c’est sur le label de Diplo, Mad Decent qu’ils dévoilent leur premier EP WE ARE TWRK, avec lequel ils arpentent en ce moment même les routes d’Europe pour une tournée où le twerk sera roi. Entre deux dates, le duo répond aux quelques questions de YARD.

WE ARE TWRK
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Vous pouvez vous présenter ?

Benzi & Esentrik et nous sommes T-W-R-K. Les roos du mid-tempo et du son en 100 bpm.

Quand vous êtes vous rencontré ?

Ensentrik : On s’est rencontré il y a deux ans et demi via l’interweb. J’envoyais des démos et des remix à Ben pour pouvoir apparaître sur sa mixtape et ça nous a conduit à travailler ensemble sur des chansons.

Quelle est l’origine de votre nom ?

L’idée était d’avoir un nom qui représentait le stye de music que nous faisons. TWRK était le nom qu’on a choisi mais on l’a trouvé avant tout le truc de Miley Cyrus en train de twerker explose dans la pop culture, etc.

Comment est-ce que vous avez commencer votre duo et quand est-ce que vous avez compris que ça allait marcher ?

On a fait quelques remix ensemble avant TWRK sous nos noms solos. TWRK a vraiment commencer après qu’on ai écouté « Bubble Butt » de Major Lazer et le « Bird Machine » de DJ Snake bien avant qu’il ne soit sorti. On a compris e son et on l’a remplacé par un son plus mid-tempo/100 bpm alors on a capitalisé dessus.

On a su que ça allait marcher quand tout le monde a commencé à faire des sons en 100 bpm, comme nous.

D’où vous est venu votre intérêt pour la musique ?

Des producteurs comme The Neptunes, Timbaland, Dr. Dre. Le début des années 2000 était une grande époque, ces producteurs talentueux régnait sur la music.

D’où vous est venu votre intérêt pour le twerk ?

On a été inspiré par Mr. Collipark/Ying Yang Twins depuis qu’ils ont collectivement débuté le son « twerk » il y a quelques années. La première fois qu’on a entendu le mot « twerk » c’était dans leur chanson « Whistle While You Twerk ».

C’était bien avant que la twerk culture n’explose avec Miley Cyrus. D’ailleurs comment ça a affecté votre succès selon vous ?

Ça nous blesse un peu, parce que Miley a rendu ça tellement énorme que c’est devenu trop banal. En tout cas, le timing nous a été bénéfique parce que ça a répandu un nouveau son qu’on a aidé à créer.

Comment êtes-vous entré en contact avec Mad Decent ( le label de Diplo ) ?

On avait travaillé avec eux depuis tellement longtemps avec les remix et les mix Diplo & Friends sur la radio BBC que ce n’était qu’une question de temps avant qu’on ne sorte de la musique à travers eux. Benzi et Diplo se connaissent depuis des années et ont entretenu une relation forte au fil du temps.

Quel sont tes essentiels lors d’un show ?

Macbook Pro, Serato, casque, serviette et Red Bull.

Qui est le twerkeur le plus célèbre ?

La mère de Benzi

Le meilleur twerkeur dans votre duo ?

Personne, mais Esentrik a le meilleur 2-step du business et Benzi sait faire la roue.

Vos projets après la tournée ?

Continuer à faire plus de musique et contribuer à faire évoluer ce son.

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L’été arrive et avec lui, le YARD SUMMER CLUB. Notre résidence hebdomadaire au Wanderlust reprend ses droits et vous étiez au rendez-vous. Nous étions 4000 hier soir à célébrer notre retour.

Mais ce n’était qu’un début. Le rendez-vous est pris tous les mardis et on vous promets quelques surprises…

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Photo : HLenie

Cette saison 2014/2015 restera historique pour le Red Star, celle de sa remontée en Ligue 2. Le club de Saint-Ouen, une institution du football français, a toujours pu compter sur son enceinte plus que centenaire aujourd’hui, le stade Bauer. Mais ce dernier n’étant pas aux normes de la LFP, les joueurs de l’étoile rouge ne pourront pas l’enflammer une année de plus provoquant l’indignation de l’équipe et de ses supporters.
YARD s’est rendu sur place pour prendre le pouls de ce qui pourrait-être les derniers instants de vie du stade Bauer, entre bonheur et amertume.

 

Animé par sa passion pour l’espace et la découverte de nouveau territoire, le photographe Julien Mauve imagine l’arrivée sur Mars de deux terriens. Dans une série de photos aux camaïeux d’argile, l’artiste profite aussi de l’occasion pour mettre l’accent sur nos comportements face aux paysage…

 

Un Versailles nocturne, brumeux, presque mystique où scintillent lustres à pampilles et robe pailletée. Une bande-son hypnotique, des talons vernis qui claquent le sol. Un déhanché envoûtant, une beauté qui magnétise. Nouvelle muse de Dior, Rihanna électrise l’impeccable collection automnale de la maison parisienne dans le quatrième volet de la saga « Secret Garden », capturé par Steven Klein. Un joli coup de maître pour une marque encline à prendre la poussière. Décryptage.

 

 

Girl power

 

Charnue et charnelle, Rihanna assume et affiche ses courbes voluptueuses à outrance, dispose de son corps comme elle l’entend, couche avec bon lui semble. Femme fatale et forte, farouche et culottée, la chanteuse se risque à toutes les audaces et excès stylistiques, jusqu’à parfois friser le mauvais goût. Elle change de coupe comme de string, se fout des conventions et crée ses propres codes. Là est sa liberté, son pouvoir, son féminisme, l’une des principales raisons qui l’ont propulsé égérie Dior. A propos de la collection « Esprit Dior Tokyo» dont Riri est la VRP, Raf Simons confiait en décembre dernier : « Tokyo a toujours été pour moi une source d’inspiration. Tout particulièrement pour les libertés que les gens prennent dans leur façon de s’habiller ; on trouve cela nulle part ailleurs : la liberté des styles, les nouvelles architectures vestimentaires que vous pouvez voir naître aussi bien dans la rue que dans la tradition de mode créative de la ville ». D’ailleurs, le DA avait baptisé « Liberté » sa première collection couture pour Dior. Il affirmait l’année dernière auprès de Libération Next : « Cette liberté est un état d’esprit absolument propre à la maison Dior ». Libre, indépendante et avant-gardiste, la bad gal colle parfaitement à la vision mode du couturier.

 

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Dans la campagne « Secret Garden IV », Rihanna déambule, déterminée et conquérante, en exagérant l’ondoiement de ses hanches et toise la caméra qui la filme en contre-plongée, exaltant alors sa grandeur et sa puissance. Et lorsque le film cherche à introduire de l’angoisse, alourdie par une musique intrigante et l’immensité déserte du palais, la belle ne se démonte pas, s’affirme et danse de plus belle. Pas intimidée pour un sou, elle s’impose comme la reine des lieux. Son assurance et son irrévérence font écho à l’image de la maison telle que Raf Simons cherche à la redéfinir. Exit la bourgeoise un peu coincée, la femme Dior 2.0 est moderne, émancipée et impertinente, a la démarche assurée, ose les looks futuristes, les cuissardes en latex, les couleurs pop, les mains dans les poches d’une robe de princesse ou les seins nus sous un haut transparent. Affirmée, libérée et parfois gonflée, elle malmène et s’amuse avec les codes traditionnels de l’élégance et du luxe. Et Rihanna cette princesse de la provoc,’ bien plus sulfureuse que les très proprettes Charlize Theron ou Marion Cotillard, lui donne encore davantage de piquant et d’aplomb. Les femmes powerful sont à la mode, Dior l’a bien compris.

 

Super-icône

 

Icône mode d’abord, et ce n’est pas le CFDA (Council of Fashion Designer of America)- qui la consacrait « Fashion Icon » en 2014 – qui nous contredira. La diva barbadienne, lookée jusqu’aux dents, a été l’ambassadrice d’Armani et Balmain et truste les front rows des défilés. Copine avec Anna Wintour, La belle a son rond de serviette chez Givenchy, Chanel ou Alexander Wang, dessine des collections-capsules pour River Island et joue les directrices artistiques pour Puma. Son pote Olivier Rousteing, DA de Balmain, disait d’elle auprès de The Independent : « Aujourd’hui, les gens regardent Rihanna de la même façon que Naomi Campbell ou Claudia. Je pense que l’avoir dans une campagne, c’est comme avoir Cindy Crawford ou Christy Turlington, mais pour ma génération ». Icône générationnelle ultra connectée et hyper populaire, Rihanna règne en monarque sur la webosphère people avec plus de 19 millions de fans sur Instagram et 46 millions sur Twitter. Benjamin Puygrenier, attaché de presse d’Instagram France, raconte au Elle.fr : « Rihanna est une des personnalités les plus influentes sur la plateforme. La relation qu’elle entretient avec sa communauté est très forte. A mi-chemin entre proximité et fascination, elle s’adresse aux gens de son âge, issus de sa génération ». « C’est une déesse, mais elle est accessible» confirme Sidney Toledano, le PDG de Dior. Et Sandra Sifflet, Responsable des Relations VIP chez Chloé, de renchérir : « Elle amène, selon moi, une certaine illusion d’accessibilité qu’une actrice ne pourra jamais apporter. Il est clair que Rihanna est plus populaire qu’une Marion Cotillard ou qu’une Jennifer Lawrence au vu de ses millions de followers. Je pense aussi que Dior a analysé le pouvoir d’une femme telle que Rihanna lorsqu’elle a posé seins nus en couverture de Lui. Bingo ! Des meilleures ventes et une couv qui a fait le tour des réseaux sociaux en quelques heures. »

 

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Futée, la maison Dior a pris pour tête d’affiche une pop superstar qui transforme tout ce qu’elle effleure en or. L’objectif est de booster leur popularité et de les rabibocher avec les jeunes, ses clients de demain. La marque avait déjà tenté de draguer les teenagers avec son spot hallucinogène « Dior Addict » signé Harmony Korine (le réalisateur de Spring Breakers), ou une autre publicité rythmée par le super-tube EDM de Martin Garrix, « Animals ». Plus fort, « Secret Garden IV » tease « Only If for A Night », nouvel extrait du prochain et huitième album de Rihanna. Buzz assuré. Quinze jours après sa mise en ligne, la version courte du film dépasse les dix millions de vues sur YouTube, là où, par exemple, la dernière pub du parfum « Miss Dior » avec Natalie Portman, révélée en février dernier, plafonne à huit millions.

 

Brown sugar

 

Il aura fallu attendre 2015 pour que Dior, à presque 70 ans, ouvre les portes de son imaginaire blanc et aseptisé à une Noire. En matière de diversité, la maison n’a franchement pas de quoi la ramener. Aucune mannequin noire n’a foulé les podiums des sept premiers défilés de Raf Simons pour Dior (en comptant les pré-collections). En mars 2013, quelques semaines avant la fashion week haute-couture, James Scully, directeur de casting pour Tom Ford et Jason Wu, lâche une bombe : « Le casting de Dior est tellement blanc que ça me semble vraiment volontaire. Je regarde le défilé et il m’ennuie. Je ne peux presque pas me concentrer sur les vêtements à cause du casting. […] Natalie Portman peut se plaindre que John Galliano était raciste, je pense que Raf Simons envoie le même message. Je ne vois pas où est la différence ». Secoué et sûrement un peu humilié, le directeur artistique s’empresse de réagir en dégainant six belles « renois » pour sa collection couture hiver 2013. Alors oui, Rihanna est à Dior ce que l’auto-tune est au rap, un vernis qui camoufle ses failles, mais la maison a au moins le mérite d’avoir fait amende honorable, même sur le tard. Au regard de la suprématie « babtou » qui écrase la fashionsphère, avec une moyenne de 85% de blanches et 7% de noires ou métisses sur les défilés, c’est loin d’être le cas de tout le monde. En réalité, la mode assume un rôle de caisse de résonance de la société qui modèle elle-même ses idéaux de beauté. Le tout-puissant Occident a imposé au monde ses standards esthétiques, ses femmes grandes, skinny, blondes et diaphanes. Et puis au-delà des codes et des mythes, les designers se fantasment une clientèle exclusivement caucasienne, chinoise aussi maintenant, mais surtout pas noire. Donc ils bookent des modèles facilitant à leur sens la projection et l’identification. Les clichés ont la peau dure.

 

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Hasard ou non, le palais de Versailles avait été en novembre 1973 le théâtre d’un défilé mythique, la « Battle de Versailles » orchestrée en vue de lever des fonds pour la restauration du bâtiment. Cinq créateurs américains, Anne Klein, Halston, Bill Blass, Oscar de la Renta, Stephen Burrows, le seul Noir, et cinq autres Français, Pierre Cardin, Emmanuel Ungaro, Yves Saint Laurent, Hubert de Givenchy et Christian Dior, s’étaient affrontés de bon cœur à coup de créations extrêmement modernes. Mais les Amerloques avaient volé la vedette aux Frenchies en faisant défiler onze mannequins afro. Une première historique dans l’univers feutré de la mode, jusque là hermétique à la diversité, qui ouvrit ensuite la voie aux Iman, Naomi Campbell ou Tyra Banks. Plus de quarante ans plus tard, Miss Fenty prend possession des lieux pour Dior, en tant que première égérie noire. Un bel acte symbolique.

Elles sont rares finalement, les maisons de luxe à prendre des risques. La plupart rechigne à sortir des sentiers battus, à se débrider et se dérider, engluées dans leur puritanisme et conformisme. En portant les couleurs de la vétérane et sage Dior, Rihanna donne un sérieux coup de pied dans la fourmilière. Elle poussera peut-être les acteurs de la mode, les plus anciens surtout, indécrottables souvent, à chahuter davantage leurs règles. Intemporel le luxe ? Encore faut-il savoir vivre avec son temps, ce temps fugace en mutation. À bon entendeur.

 

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Dans la majorité des cas, la musique se suffit à elle-même. Les claquements de caisse-claire additionnés aux battements par minute dessinent dans un sens, le squelette d’un corps parfois homogène, ou encore définit le pouls, voire la durée de vie d’une piste. Dans ce cas de figure, l’artiste fait vivre sa partition au gré de ses envies, et pour nous, simples auditeurs que nous sommes, nos oreilles suffisent pour déchiffrer les notes de ses accords. Mais au-delà de la valeur intrinsèque musicale, d’autres vecteurs permettent d’interpréter l’œuvre artistique. Bien avant l’arrivée de la presse spécialisée ou encore la démocratisation du format « music video », un artiste ne disposait que de la pochette de son disque microsillon pour communiquer avec son public. Popularisée à la fin des années trente par Alex Steinwess, le premier directeur artistique de Columbia Records, la jaquette a traversé les âges et est devenue au fil des années le prolongement de la réflexion artistique. Ambitieuse, elle dépeint les couleurs de l’œuvre dans son ensemble alors autant s’arrêter sur celle-ci pour tenter de l’interpréter.

A$AP Rocky – Ep#4: At. Long. Live. A$AP.

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Name: Rakim Mayers
Nickname: A$AP Rocky
Birth date: 3rd October, 1988
Album: A.L.L.A. (At.Long.Last.A$AP)
Artwork: Michèle Lamy
Release Date: June 2, 2015
Record Label: ASAP Worldwide, RCA

 


 

 

À la fin du 19ème siècle, les États-Unis prirent un tournant décisif dans leur histoire. Les États sudistes, réputés pour leur penchant nationaliste, adoptèrent les lois Jim Crow. De ce fait, en une fraction de seconde, le spectre de l’esclavagisme revint sous d’autres formes. Les lynchages s’accentuèrent. Les crimes odieux restèrent impunis. Et surtout, les citoyens blancs se virent séparer des citoyens noirs dans tous les lieux publics. Dans cet environnement hostile, de nombreux Afro-Américains firent bagage vers le Nord, dans des contrées plus progressistes sur l’idée d’une nation et des relations entre les différentes communautés. Lors de cette vague migratoire massive, une grande partie des Afro-Américains atterrirent à Harlem. En contact les uns des autres, ces derniers échangèrent, discutèrent, écrivirent, peignirent, rêvèrent, pour au final insuffler un vent frais de créativité, synonyme d’affranchissement dénommé la « Harlem Renaissance ». De Duke Ellington à Langston Hughes en passant par Marcus Garvey, de nouvelles icônes apparurent, au même moment que les communautés italiennes, irlandaises, caribéennes ou encore hispaniques tentèrent aussi l’exode dans cette banlieue. Malencontreusement, la Grande Dépression mit fin brutalement à cette idylle, jusqu’à plonger cet endroit dans un gouffre économico-social sans fond, mais à jamais, Harlem se définit comme un quartier riche de son histoire et de son métissage.

Quasiment un siècle plus tard, les graines semées par ce mouvement culturel sont toujours diffuses. D’origine portoricaine, Steven Rodriguez aka A$AP Yams aka R. Kelly Yamborghini aka Stevearelli The Don, était une pousse indirecte de cet esprit inculqué à chaque harlémite. Épicurien par nature, sa vie oscillait entre hédonisme et libertinage ; plaisir avant raison, insouciance avant anxiété. Néanmoins, ses actes étaient souvent très réfléchis. En seconde, il dégotait un stage non rémunéré dans le store de Juelz Santana. Dans la boutique du rappeur de Dipset, il se retrouvait à emballer des mixtapes à longueur de journée mais peu importe, il décidait quand même d’abandonner le lycée… Sage décision. Avant cette expérience, le bonhomme officiait déjà en coulisses avec des producteurs pour qui il se chargeait de gérer leurs affaires. Une aventure plutôt positive, qui se solda par une composition de l’un de ses clients pour un poids lourd du rap de Houston, Trae tha Truth. À la suite de son stage, Yams poursuivit sa quête vers les monts du plaisir et de la volupté. Inscrit à la faculté, il y étudia un semestre puis finit par s’en aller, sans oublier au passage de dépenser le reste de son prêt universitaire dans des dents dorées… Le savoir est une arme. #YOLO

 

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Mais Yams avait un plan. Loin d’être écervelé, ce gamin arpentait les tréfonds d’Internet pendant que ses camarades partaient en vadrouille. Dans cette toile gigantesque encore mal référencée, il passait ses heures à trifouiller les forums Yahoo, la plate-forme de téléchargement Napster, dans l’unique but de déterrer des morceaux enfouis. Dès lors, quand Internet explosa, Yams était déjà dans le « tur-fu ». Seule une interrogation persistait, de quelle manière utiliser ce nouvel outil ? Un jour, pendant qu’il s’ennuyait, sa copine du moment l’introduisit au réseau de microblogging Tumblr. Après quelques clics, il ne le quitta plus, jusqu’à créer le sien, Realniggatumblr. Dans son laboratoire numérique 2.0., Yams expérimentait et partageait des contenus de tout type pour analyser les réactions de ses abonnées. En fonction de celles-ci, le futur gourou affina son sens de l’observation, et se mit à poster des publications de plus en plus précises pour susciter des interactions. En jouant sur Tumblr, il apprit à faire la synthèse des goûts d’une génération biberonnée par le net, et inconsciemment, décrypta les mécanismes de la viralité. Un œil précieux, indispensable, immortalisé en haut à gauche de la pochette du second album de Rakim Mayers. Par la même occasion, il devint un prescripteur de tendances, une position avantageuse sachant les ambitions à venir pour Steven Rodriguez…

À l’instar de ses prédécesseurs de la Harlem Renaissance, Yams était conscient que la créativité pouvait se développer au contact des bonnes personnes. Accompagné de ses camarades Ilisah Ulanga, un apprenti designer et mannequin par occasion, et Jabari Shelton, un styliste en passe de confirmer, les trois créèrent la cellule A$AP Worldwide. Désormais couverts de la tunique Always Strive And Prosper, ces chevaliers prirent les pseudonymes vaillants d’A$AP Yams, A$AP Illz et A$AP Bari, à la recherche de talents à polir. Ami avec Jabari, Rakim Mayers rejoignit la bande sous l’appellation d’A$AP Rocky. Encore novice quand il rencontre Yams, « quand j’ai rencontré Rocky, il avait écrit environ trois morceaux, et il avait rarement enregistré en studio. Quelques fois, il ne savait pas comment travailler. Il sonnait comme s’il marmonnait », le jeune garçon trouva en lui un mentor sans égal. Doté d’une vision remarquable, Yams modela Rocky avec intelligence, sans lui étriquer sa personnalité « il sonnait comme Kid Cudi mélangé à Lil Wayne. Si j’étais un rappeur, je serais le plus frais de tous, frimant comme pas possible. Du coup, j’ai pris toutes ses inspirations que j’ai toujours voulu voir chez un rappeur, et je les ai modelées à Rocky. Tout était prémédité. Une année plus tôt [2011], je disais ‘Rocky, tu dois écouter le son de Houston, c’est ça la dernière tendance’. Il commença à écouter, et devint naturellement influencé par ce style ». Plus ingénieux encore, il fit la promotion de Rocky via son Tumblr, feignant ne pas connaître l’individu. Un œil à la fois protecteur, prêt à veiller sur Rocky, et éclaireur, prêt à guider son protégé vers les hauteurs de la réussite…

 

asap mob

 

Étrangement, cette dernière phrase résonne différemment quand on observe une nouvelle fois la pochette. Composé de Rocky et Yams, le cliché se divise en deux parties. Tout d’abord, Rocky. Désormais rappeur avéré, l’artiste occupe les deux tiers de la photographie. Les mains sur son visage, ses doigts desserrés laissent volontairement entrevoir ses yeux. Néanmoins, noircis par l’obscurité, ils sont à peine perceptibles. Secondement, Yams. Campé au-dessus de son poulain, une grande partie de son faciès est floutée. En revanche, son œil droit, éclaireur et protecteur, est distinctement ouvert, et par-dessus tout, sa pupille est clairement visible. En histoire, cette prunelle, placée à une telle hauteur, pourrait être un clin d’œil à l’œil omniscient, généralement appelé l’Œil de la Providence. Symbole depuis l’antiquité jusqu’à l’histoire contemporaine, cet œil, le plus souvent entouré de lumières, est censé illuminer ses congénères, et guider les gens atteints de cécité vers les chemins de la vérité. Dans cette photo monochrome, les sources de lumière sont difficilement perceptibles. Coïncidence, un halo de lueurs très léger se pose délicatement sur les cils de Yams, et ce, malgré une atmosphère brumeuse. La vision de Yams a constamment éclairé le chemin de Rocky.

La pochette alternative enlève une once d’ambiguïté. Seul, Rakim Mayers crayonne son portrait dans un décor funèbre. Les yeux ouverts, mais les iris teintés d’un noir absolu, son âme semble absente, chancelante, et son regard, vide de tout esprit, ne sait où voguer sans les yeux de son créateur.

Le 18 janvier 2015, Yams s’est éteint, probablement à cause d’un mauvais mélange de drogues. Un coup de massue pour la famille A$AP. Un coup de poignard pour Rocky.

Life fast. Die young. Rest In Purple Yamborghini.

asap rocky

Le regard sombre, le visage endeuillé, Rocky n’a pas pu se défiler face à son destin. Les jours qui ont suivi la mort de son partenaire, le gamin d’Harlem s’est produit sur scène le cœur lourd, mais conscient que se morfondre ne soulagerait pas sa peine. Proclamé comme le messie d’une nouvelle génération new-yorkaise, A$AP sait son second opus comme une sortie très attendue. Guidé par son bienveillant, son chemin est désormais tracé, impossible de se rater. De ce fait, ses mains sur son faciès pourraient symboliser sa désolation, ses phalanges entrouvertes pourraient quant à elles représenter un garçon résigné, contraint d’accepter son avenir. Car Rocky existe au-delà de l’aura de Yams.

Même si sa tache de vin a déteint sur son image, jusqu’à l’étiqueter comme un simple produit dument marqueté, de nature, le bonhomme a toujours fait attention à son paraître. Plus jeune, ses cheveux étaient déjà soyeux, défrisés, et les filles s’empressaient de venir les tresser. De l’autre côté, ses jeans, ses vestes, étaient customisées par ses soins. Du coup, pendant son ascension vers le succès, Rakim s’acoquine logiquement avec des marques de plus en plus omniprésentes dans un monde globalisé. Du streetwear (Hood By Air, Supreme, Been Trill), au fashion (Comme des Garçons, DKNY), en passant par le luxe (Salvatore Ferragamo, Balenciaga, Givenchy), et les créateurs de renom (Raf Simmons, Alexander Wang, Alexander McQueen), Rakim se forge une image dans les mémoires collectives, et démontre ô combien son apparence est rentable en dehors de sa musique. Un choix à double tranchant puisqu’une partie du public retient son style, en dépit de son rôle crucial dans les vidéos phares du A$AP Mob, « Purple Swag » et « Peso ».

“Fuck swag and you been jacking, fuck fly, I am fashion”

rocky

Crédités sur ces deux vidéos en tant que coréalisateur, Rakim ne tient pas la caméra, mais chuchote des nombreuses idées. Dans « Purple Swag », il décide d’intégrer sa copine Anna au casting. Il choisit ensuite de la plonger dans une ambiance « codéinée », avec un grill ocre, parfait pour faire ressortir une scène mémorable. Pour la mise en images de « Peso », il détermine les lieux, et comment représenter sa clique dans le Harlem contemporain. Des détails qui dénotent un œil adroit pour juger les belles choses, que son ex-mentor se fait un plaisir de rappeler « Tout était de Rocky […] Pendant cette période, il réfléchissait, et mettait un tas d’idées dans son bloc-notes. Il était derrière la personne qui tournait pour lui dire ‘je veux cette prise de vue’ ». Pour se détacher des paillettes qui ont entaché son dessein initial, Rakim a fait le choix judicieux de s’orienter vers une promotion centrée sur fibre artistique.

Après son premier album, Rocky est resté assez évasif quant à la suite de ses projets solos. Dans une interview, il affirmait vouloir prendre du recul pour mettre l’accent sur une facette de sa personnalité encore méconnue : LORD FLVCKO. Sous cet alias, Rakim produit. Un exercice plutôt convaincant car pour son premier album, l’intéressé était crédité sur trois morceaux en tant que producteur (« Long Live A$AP », « Fashion Killa », « Suddenly »). Au cours de l’année 2014, FLVCKO voulut pousser l’expérience un peu plus loin avec la réalisation de son premier projet instrumental (Beauty and the Beast: Slowed Down Sessions, Chapter 1). Même si la tentative sera avortée sans aucune explication, Internet découvre le titre « Unicorn », un track samplé sur le rock psychédélique des australiens Tame Impala, puis « Riot Rave », un titre abstrait, accompagné d’une vidéo d’enfants révoltés sans raison. Sans trop se la jouer esthète, Rakim souhaite se montrer sous un autre angle, celui d’artiste.

 

rocky texte

 

Car entre être un produit ou être un artiste, la frontière a souvent été mince. Pour son premier single promotionnel (« Multiply »), Rocky n’a pas hésité à égratigner les marques Hood By Air et Been Trill. Outre l’aspect folklorique, cette démarche a au moins la légitimité de le détacher d’une image qui parfois lui colle à la peau. À côté de ça, il a décidé de nommer Danger Mouse comme le producteur exécutif de son projet. Avec une telle manœuvre, il s’octroie la chance de pouvoir marmonner en studio, puis de retranscrire ce balbutiement en une mélodie parfaitement harmonieuse. Pour finir, son image, autrefois majoritairement véhiculée par des firmes très célébrées, est à présent associée à des artistes indépendants. Premièrement, il collabore avec Kimi Selfridge, une jeune créatrice spécialisée dans le collage, pour publier en quelques minutes, cent soixante-huit posts de collages, polaroids, correspondant dans son ensemble, à un grand mur digitalisé parsemé de photographies. Cette démarche lui entraînera la fuite de plus de cent mille followers, mais c’est le prix à payer pour un homme qui aspire à provoquer des réactions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Secondement, il assiste Dexter Navy dans la conception de sa vidéo « L$D (LOVE x $EX x DREAMS) ». Troisième single promotionnel, Rakim fournit une œuvre d’art animée, et annonce au passage la création de sa nouvelle nébuleuse. Intitulée AWGE, ce collectif a pour but de tracer les grandes lignes de la nouvelle direction artistique de Rocky. En d’autres termes, le moyen de communication le plus idéal pour transmettre sa verve créatrice.

 

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Mais tous ces éléments artistiques, glissés subtilement les uns après les autres, sont loin d’être anodins. Mieux encore, ils renvoient au dernier point vital de la pochette. Les traits noirs grossis à l’entour de ses yeux. Les bagues épaisses. Les reflets grisés. Les variations claires-obscures. Toutes ces particularités pourraient être induites par sa nouvelle source d’inspiration Michèle Lamy. Muse du créateur Rick Owens, cette dame s’est couramment immortalisée dans des circonstances similaires, excepté que les traits noirs épaissis de Rakim sont remplacés par son khôl. Créditée comme la photographe de cette diapositive, Rocky démontre une nouvelle fois son incursion dans les sphères artistiques, tout en s’efforçant de rester accessible.

 

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At. Long. Live. A$AP. Enfin A$AP. La fin d’une trilogie marquante. L’itinéraire d’un rappeur enfin couronné. L’équation continuité et maturité recherchée. Le parcours d’un artiste arrivé à son épanouissement, sans que son mentor ne puisse le voir… Mais qu’importe, derrière lui Yams a laissé un héritage, un esprit, un label (présent sur l’annulaire de Rakim), que Rocky se doit de pérenniser.

Méconnu du public français, Oscar Zeta Acosta est l’une des figures incontournables de la contre-culture US des années 70. Celui qu’on surnomme le « Bison brun » n’est autre que le fameux avocat sous éther interprété par Benicio del Toro dans le film Las Vegas Parano, de Terry Gilliam. Un personnage mystique bien plus complexe que l’image de gentil junky véhiculée par le grand écran et le roman de Hunter S. Thompson. Un livre culte qui n’aurait pas la même saveur sans l’imposante carrure d’Acosta, alias Dr. Gonzo. C’est en lisant les premières pages de Fear and Loathing in Las Vegas qu’il en prend conscience. Hors de lui, Oscar se sent spolié par son ami et exige de l’argent ainsi qu’une mention de co-auteur. Un bon moyen également d’accéder à une certaine notoriété. En vain. Il restera dans l’ombre. Derrière cette carapace gonflée à la testostérone se cache un homme pétri de contradictions, tourmenté et déterminé à trouver sa voie. Cette figure mythique pour les cinéphiles se révèle être un père étrange pour son fils Marco, aujourd’hui avocat à San Francisco. Tour à tour assistant juridique, dandy ventripotent, écrivain de génie, défenseur des Chicanos, Oscar Zeta Acosta mène une vie qui fait couler beaucoup d’encre. Autant que le sang qui a ruisselé de son nez. Retour sur le destin d’un Chicano hallucinant et halluciné…

 

Riverbank Californie

 

Né le 8 avril 1935 à El Paso, au Texas, le minot grandit dans un petit bled de Californie, Riverbank, 3 969 habitants et autant de paumés dont le rêve américain glisse entre les doigts comme un tuyau poisseux. Originaire de la région du Durango, au Mexique, son père est un beau parleur, dur à cuir, qui épousera Juana, la future mère d’Oscar. Ils habitent une petite baraque sans eau courante. Une vie à la Dickens, la chaleur en prime. Pourtant, ils ont toujours mangé à leur faim, comme l’explique Oscar dans Mémoires d’un bison. Entouré d’un frère et de trois sœurs, le garçon partage ses journées entre l’école et le travail de la terre où il aide son père à cultiver le maïs et les piments. Une éducation à l’ancienne, avec réveil à 6 heures du matin et radio KTRB en toile de fond. « Mes grands-parents voulaient que leurs enfants soient comme tous les petits Américains », confie Marco, le fils d’Oscar. Le paternel, qui a fait la Seconde Guerre mondiale à Okinawa, sermonne ses rejetons et leur inculque le sens du sacrifice et du devoir. Le guide du parfait hombre avec le manuel du Seabee comme livre de chevet.

 

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À Riverbank, à part une usine de douilles et la plus grande conserverie de concentré de tomate au monde, il n’y a rien à faire. Alors, le jeune garçon lit, grille quelques blondes en cachette et joue les durs avec les Blancs du coin, les Okies. Des familles pauvres qui ont quitté l’Oklahoma pour trouver du travail. Oscar devient le roi du ring, ou plutôt des terrains vagues coincés entre les voies ferrées. Il doit également castagner les Pochos, ces Mexicains de Californie qui n’apprécient guère leurs compatriotes. Très jeune, il comprend qu’il est différent, un paria à qui la vie ne fera aucun cadeau. Mais Oscar n’en démord pas. « Il voulait vraiment s’intégrer. Mon père était très actif, un peu idéaliste. Il participait à toutes sortes d’activités », résume Marco. Chez les scouts, il se fait des copains, apprend l’art de la branlette et découvre les plaisirs charnels. L’été, on fait du vélo, on joue au basket, on bécote les filles à l’ombre des arbres. Une jeunesse américaine sauce chicano pimentée.

 

Docteur ès vagabondage

 

Après le lycée, le jeune homme s’engage dans l’US Air Force où il intègre la fanfare de la base. Une expérience chaotique pour l’apprenti libertaire qui n’hésite pas à se faire la belle pour écumer les bars de San Francisco. Alors que la guerre de Corée et son flot de linceuls étoilés se disputent les faveurs du ciel, il joue de la clarinette pour réconforter les troupes. Entre questionnement mystique et quête de soi, Oscar est envoyé au Panama ; il rejoint le 573e bataillon de l’Hamilton Air Force. Au milieu de la jungle, le Chicano devient missionnaire pour l’Église de la Convention baptiste du Sud. Un évangéliste New Age qui, grâce à une gouaille hors du commun, finit par convaincre les païens du coin. En juin 1956, Acosta est de retour aux États-Unis avec une démobilisation à la clé. Bingo ! Le garçon prend ses quartiers d’été à La Nouvelle-Orléans où il renoue avec sa passion pour les zincs sirupeux. Puis direction Los Angeles, avec une arrestation et quelques jobs en guise d’apéro. Sur les conseils de Betty, sa future femme avec laquelle il aura Marco en 1959, le jeune homme fait ses valises pour San Francisco en vue de suivre des cours de littérature et d’écriture.

 

La condescendance ethnique orchestrée par les beatniks à la peau pâle dresse un mur invisible entre les minorités et les WASP dominants. Oscar raille les hippies, les héros de la Beat Generation. Un ramassis de révoltés en préfabriqué qui n’ont pas vécu grand-chose hormis les remontrances de papa. Il leur préfère les grandes figures de la Lost Generation, comme Hemingway. Malgré sa soif de réussite, Oscar se heurte à la généralisation de cet état d’esprit. Comme le rappelle Héctor Calderón, professeur de littérature à UCLA et spécialiste de la culture latino, « dans les années 60, les étudiants d’origine mexicaine étaient confrontés à un système éducatif qui les désavantageait. Pour ces jeunes issus de familles d’ouvriers, leur culture représentait un frein considérable ». Alors, le Bison lit beaucoup, enchaîne les boulots, joue les Don Juan des bas-fonds auprès de jeunes bourgeoises en quête d’acoquinement. La littérature devient un exutoire, une thérapie DIY pour le jeune Hispano qui entreprend d’écrire un roman. L’occasion pour lui de parler de sa vie de métèque au pays de la liberté. Il envoie son manuscrit aux éditions Doubleday qui, malgré la qualité du texte, selon l’un des directeurs, ne souhaitent pas le publier. Oscar décide de mettre sa carrière d’écrivain entre parenthèses. Pour autant, ce désir de reconnaissance, ce besoin vital de créer et de s’intégrer ne s’estompent pas et le poussent à reprendre le chemin de l’école. Il sera avocat…

 

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Avocat commis d’office

 

Point de vocation mais la volonté de prouver qu’il en a dans la calebasse. Direction la San Francisco Law School et cinq années de cours du soir. La journée, il gagne sa vie en gérant les basses besognes au sein de la rédaction du San Francisco Examiner. Pour tenir le coup, Oscar mise sur les amphétamines. Un carburant plus qu’une drogue ; à 2 dollars les 1 000 cachetons, l’entreprise s’avère plus que rentable ! « Mon père n’était pas véritablement un junky. C’était plus expérimental, quelque chose de classique dans la culture underground. Parfois, il m’expliquait ce qu’il prenait, l’effet que ça lui faisait », se souvient Marco.

 

Diplôme en poche, Oscar intègre l’assistance juridique. Nous sommes en 1966. Lyndon B. Johnson multiplie les actions en faveur des plus défavorisés. Avec son programme « Great Society », le président des USA entend mener une véritable guerre contre la pauvreté : sécurité sociale, aide à l’éducation, soutien au mouvement des droits civiques. Des belles paroles du Congrès à la réalité de la rue, il y a un gouffre qu’Oscar mesure à longueur de journée. Assis derrière son bureau, il voit défiler les figurants de l’American way of life : mère contusionnée, quidam alcoolisé, Mexicain ostracisé, Afro-Américain opprimé… Les injonctions d’éloignement, les décharges de faillite, les saisies et les divorces rythment son quotidien. « Il essayait sincèrement de s’attaquer à la misère, d’aider les plus démunis », reconnaît Marco. Oscar ne manque pas de cœur, mais le combat semble perdu d’avance. Face à lui, l’État californien, les avocats privés en costume trois pièces, les créanciers qui vendent du rêve aux affamés. Rien de neuf sous le soleil.

 

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Alors, Oscar se fait de la bile, souffre d’ulcères qu’il soigne à coup de Valium et de Stélazine. Son histoire avec Betty, sa première femme, tourne au vinaigre. Il faut dire que « c’était quelqu’un de très violent avec ma mère et les femmes en général », regrette son fils. Comme la fois où, flingue à la main, il a menacé de la tuer. Heureusement, « c’était une fille du Midwest, avec du caractère, qui lui a dit de le faire s’il avait des couilles » poursuit Marco. Évidemment, il n’a rien fait. « Je pense qu’il voulait être un bon père mais son travail comptait beaucoup, peut-être trop », admet le fiston. Puis sa secrétaire meurt d’un cancer. C’en est trop. L’assistant de la misère humaine tire un trait sur sa carrière d’avocat et prend la poudre d’escampette. Une fuite provisoire…

 

Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable

 

Au lieu de suivre une thérapie comme l’aurait préféré son fils, Oscar choisit les paradis artificiels. Pour Marco, cette période ressemble « à la chute de l’Empire romain : après les excès et le faste de la drogue en l’occurrence, on tombe en ruine ». À bord de sa Plymouth 65, le loustic s’enfuit à tout berzingue. Direction le Nevada. Après, on verra. Les paysages désertiques défilent à vitesse grand V, comme les Budweiser qu’il essaime le long de la route. Sous amphétamines, la fatigue s’estompe tandis que la confiance revient au galop. Il roule trois jours sans dormir avant de prendre une belle blonde en stop. Il s’agit de Karin Wilmington, une amazone friquée dont la meilleure amie est mariée à un copain d’Oscar. Ces quelques semaines d’errance identitaire marquent un tournant dans la vie de l’apprenti contestataire. Il profite de ce road trip pour se rendre sur la tombe d’Hemingway, à Ketchum, dans l’Idaho. Il prend les fleurs de la tombe voisine pour honorer l’un de ses maîtres en littérature. Comme l’explique son fils, « Oscar et Hemingway ne se sont vraisemblablement pas connus, mais ils se ressemblaient. C’étaient des personnages de caractère, des hommes complexes. Mon père a beaucoup lu Hemingway. »

 

La balade sauvage se poursuit dans le Colorado, au milieu des Rocheuses. C’est dans un petit bled paumé qu’il fait la connaissance de Hunter S. Thompson par l’intermédiaire de l’autostoppeuse. Le père du journalisme gonzo commence à être connu. Il a déjà publié un livre sur les Hell’s Angels et écrit régulièrement pour le New York Times Magazine, Esquire… Entre l’avocat et l’écrivain, le courant passe. Hunter S. Thompson semble s’intéresser au mouvement chicano qui pointe son nez. Acosta, lui, est attiré par le succès littéraire du journaliste. Ça se chambre, ça se jauge entre deux packs de bière et un trip sous mescaline. Pendant plusieurs jours, les deux compères se droguent et picolent, semant la pagaille dans la région. Affublé d’un maillot de bain hawaïen (qui deviendra une chemise dans le film Las Vegas Parano), Oscar joue le lieutenant de Hunter S. Thompson. Une manif hippie ? Ils s’y rendent illico, histoire de foutre le bordel et montrer à ces tignasses bouclées en patte d’eph’ qui sont les patrons. Des génies en marge de la société qui ont un sérieux penchant pour la subversion, la vraie. Selon ces enragés profondément engagés, la révolution passe par une certaine forme de violence. Dans le coffre du break de Thompson, on retrouve le kit du parfait anar : bombe artisanale, gaz lacrymogène, couteau de chasse, arbalète en émail et flèches en acier argenté… Pour son fils, « si Oscar était encore vivant, il aurait certainement rejoint une organisation terroriste ». Après une dernière course-poursuite avec les forces de l’ordre, Oscar décide de plier bagage. Avant de le quitter, Hunter lui touche un mot du mouvement chicano et lui parle notamment d’un certain Corky Gonzales. Un ancien boxeur d’origine mexicaine devenu poète et activiste politique… Thompson lui donne son numéro. C’est sûr, ils vont se revoir.

 

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L’aventure se poursuit à El Paso. Retour à la case départ. Faute d’argent, Oscar fait la plonge dans un boui-boui mexicain. Il enchaîne les petits boulots, côtoie les Indiens des montagnes au visage buriné par le travail au soleil. Complètement déboussolé, Acosta appelle son frère qui le rencarde sur le « Brown power », les revendications des Chicanos. Une émeute se prépare à Los Angeles. Cette nouvelle aux allures de prophétie lui fait l’effet d’un uppercut en pleine tronche. Il repart pour la Californie.

 

68, année hispanique

 

Ni Mexicain, ni Américain, Acosta se sent plus que jamais Chicano. À East LA, au milieu de ses semblables et des odeurs de tortilla, il devient l’avocat des « bouffeurs de guacamole ». Pour ces Indiens de l’Aztlan, spoliés de leurs terres par l’Oncle Sam, l’injustice et la misère se vivent au quotidien. « Le mouvement chicano était principalement porté par la classe ouvrière et les enfants dont les parents avaient émigré aux USA à la suite de la révolution mexicaine de 1910 », résume Héctor Calderón. Sur fond de tensions raciales et de violences policières, Oscar se rapproche des Brown Berets qui multiplient les actions coups de poing. Comme le jour où ils mettent le feu à l’hôtel Biltmore durant une visite du gouverneur de Californie, un certain Ronald Reagan. Moins connu que les Black Panthers, le mouvement chicano est pourtant considéré comme l’un des plus violents de la fin des années 60. Une philosophie qui correspond parfaitement au caractère bien trempé d’Oscar, comme en atteste son fils : « Il était très radical et ses méthodes étaient extrêmes. Par exemple, il disait souvent qu’il aurait bien aimé piloter un hélicoptère pour balancer de la peinture verte (couleur du guacamole, ndlr) sur la Maison Blanche. » Extrême mais pas dénué d’humour. De l’occupation d’une église à l’étrange suicide d’un jeune Chicano dans un poste de police, Oscar est sur tous les fronts. Entouré des agitateurs de l’époque, tels César Chávez et Corky Gonzales, l’avocat multiplie les actions en justice et gagne l’estime des siens. Il n’hésite pas à faire citer soixante-dix juges comme témoins. Il en profite pour les confronter à ce racisme institutionnel dont il les accuse.

 

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En 1970, il se présente à l’élection de shérif du comté de Los Angeles avec pour projet de supprimer le LAPD. Tout dans la démesure. Pendant la campagne, il fera quelques jours de prison. À la surprise générale, Acosta récolte plus de 100 000 voix. Une popularité grandissante qui ne réjouit pas tout le monde, à commencer par les autorités locales. Le FBI le suspecte également d’être lié au Front de libération chicano, soupçonné d’avoir posé plusieurs bombes artisanales. Malgré les protestations de son ex-femme, il emmène Marco au milieu des manifestants. « Il était très honnête avec moi et n’hésitait pas à me dire que ça pouvait mal tourner. Mais je ne me suis jamais senti en insécurité. » L’avocat-activiste écrit régulièrement dans les colonnes de La Raza, où il parle de ses procès mais également des limites du système judiciaire californien. Un engagement total qui ne met pourtant pas fin au racisme latent d’une société gouvernée par l’Amérique blanche. Été 1970, le journaliste Rubén Salazar est assassiné par la police durant la marche du Chicano Moratorium contre la Guerre du Viêt Nam. Comble de l’ironie, « Oscar ne parlait pas l’espagnol, il en était incapable », se rappelle son éditeur Alan Rinzler. Un paradoxe de plus qui ne l’empêchera pas d’accéder au Panthéon des grands Latinos. Pour Héctor Calderón, Oscar « est l’une des légendes du mouvement chicano ». Aujourd’hui encore, la jeune génération entretient le mythe, à l’image du groupe de rap Brown Buffalo originaire du quartier de Fruitvale, à Oakland, et de la compagnie de théâtre Angels, qui a produit une pièce inspirée de sa vie. Forest Whitaker et d’autres ont essayé, en vain, de réaliser un film inspiré de la Révolte des cafards. Mais jusqu’à présent rien ne s’est réalisé.

 

La Bête et les Lettres

 

Une légende qui doit beaucoup à son talent d’écrivain et ses deux romans, Mémoires d’un bison puis la Révolte des cafards. Oscar retrouve Hunter S. Thompson pour un trip expérimental et artistique sous le soleil de Las Vegas. Le journaliste doit couvrir la Mint 400, une course de moto dans le désert du Nevada. Au menu, « mescaline, acide-buvard carabiné, cocaïne et une galaxie complète et multicolore de remontants, tranquillisants, hurlants, désopilants », saupoudrés d’une touche de journalisme gonzo. Ou l’art de l’enquête version ultrasubjective. L’occasion d’aborder le désenchantement du rêve américain, d’ébranler les valeurs de l’Amérique puritaine. À l’origine simple commande du magazine Rolling Stone, le papier devient un livre publié en 1972. Là encore, le flou artistique règne. Oscar exige des droits de co-auteur, estimant avoir largement contribué à la genèse du roman. Alan Rinzler, vice-président de la branche édition de Rolling Stone, se souvient : « Il était furieux. Il avait le sentiment que Thompson lui avait volé ses mots, son style, une part de sa vie. Il voulait être payé, mais évidemment Hunter a refusé. » De plus, il n’apprécie guère la façon dont il est décrit dans le livre, à savoir un lascar bedonnant d’origine polynésienne. Le roman devient l’un des chefs-d’œuvre du nouveau journalisme. Nicholson puis Scorsese voudront l’adapter. Mais il faudra attendre 1998, avec Johnny Depp dans le rôle de Thompson et Benicio del Toro dans celui d’Oscar. Malgré cette brouille d’ego, les deux compères resteront très proches, comme en atteste leur extraordinaire correspondance (la plupart de ces lettres sont entre les mains de Johnny Depp, fidèle de Thompson).

 

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Alan Rinzler appelle Oscar. L’éditeur veut le rencontrer. « C’était vraiment un chouette type. Je lui ai demandé pourquoi il n’écrirait pas son propre live. Au début il était réticent, mais ça a marché. » Acosta se remet à l’écriture. Exit le personnage fantasque, les drogues et l’alcool. Il prend la littérature très au sérieux. « Mon père séparait vraiment la drogue de son job. Quand il écrivait, il se levait très tôt, faisait du sport et travaillait pendant dix heures d’affilée », se souvient Marco. Il sera question de sa vie, de ses engagements et du racisme que subit la minorité latino. Ces réflexions donneront naissance à deux romans autobiographiques qui, aujourd’hui encore, font la fierté d’Alan Rinzler : « On était vraiment très contents du boulot accompli. Tant sur le style incomparable d’Oscar que sur le soin apporté à l’esthétique de l’édition. » À l’instar de Hunter S. Thompson, Oscar prend le parti d’écrire de façon instinctive, quasi animale, typique du journalisme gonzo. Mais, contrairement à son collègue, « la prose d’Oscar était beaucoup plus engagée et orientée par des interrogations sur son identité et ses origines ethniques », tient à souligner Héctor Calderón. Mémoires d’un bison et la Révolte des cafards seront publiés par Straight Arrow Press en 1972 et 1973.

 

Avant que ne sonne le glas

 

Le bonhomme ne fait rien comme tout le monde. Mourir ou faire le mort. Il choisit le mystère. 1974. Oscar est au Mexique, dans la ville de Mazatlán, sur la côte ouest, avant de disparaître des écrans radars. Son fils est le dernier à l’entendre : « Je suis sur un bateau avec une belle pelletée de drogue. Je reviens bientôt. Prends soin de toi. » Et voilà pour la fin d’un homme et d’un père qui, espère Marco, « est mort sans souffrir ». Un Hemingway de East LA qui, bon gré mal gré, a entretenu son propre mythe. Un aspirant américain de Riverbank, pétri de complexes et de certitudes, brut de décoffrage. Assassinat, suicide, complot politique… La fin d’Oscar ressemble à sa vie. Le meilleur, le pire, la brute et le soupçon. 1975. Hunter S. Thompson fait appel à un détective. Quelques semaines plus tard, la nouvelle tombe : « Il a été tué et balancé d’un bateau », explique Alan Rinzler. Aucune preuve, on ne saura jamais. Le mythe est là. Pour conclure, les derniers mots de Marco, à l’occasion de notre interview, se suffisent à eux-mêmes : « I hope the French public will have a better idea of this complicated personality. If the French understand and created Voltaire, Flaubert, George Sand and René Descartes, they no doubt will understand Oscar, this Mexican maniac and pugilistic Beast. »

 

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Article publié dans le dernier numéro de YARD PAPER.
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Le 28 avril dernier a eu lieu la grande finale nationale du Nike FootballX Tour. Après avoir vu s’affronter plus de 120 équipes pendant plus d’un mois sur 9 dates, les 16 équipes restantes se sont affrontées dans l’enceinte de la Cigale, réaménagé pour l’occasion en stade de fortune. En jeu, un billet pour la finale mondiale à Berlin le 6 juin, jour de la finale de la Champions League.
Comme dans les précédentes éditions, le public présent a eu droit à des tournois 3VS3, des shows freestyles, des battles, le tout dans la nouvelle gamme de chaussures X comprenant la Mercurial et la Magista. Pour animer la soirée, plusieurs djs ont été conviés parmi Hologram’ Lo, Supa !, ou encore Rakoto, avant que les performances de Sianna, Dinos Punchlinovic, Dosseh, Gradur et Mac Tyer finissent d’achever cette soirée.

Alors que les 30 ans de Jordan à Paris arrivent à grands pas, Nike dévoile trois nouvelles paires autour du Quai 54 qui se tiendra au coeur des festivités. La Air Jordan XIII Low et son imprimé inspiré des plans de la Tour Eiffel, la Air Jordan XX9, all-black à l’exception d’une semelle en gomme et d’un iconique jumpman qui frappe de sa couleur blanche, mais aussi une paire de LEBRON Soldier 9 aux couleurs du Quai 54.

Des paires exclusivement disponibles en France dans le cadre des 30 ans de Jordan et de la 12ème édition du Quai 54.

Programmation artistique de rêve, quatre scènes principales, près de 60.000 personnes attendues, occupation inédite du Bois de Vincennes, mise en place d’un OFF… Alors que la précédente édition reste encore dans les mémoires, le WEATHER FESTIVAL revient pour placer Paris en capitale mondiale des musiques électroniques du 4 au 7 juin prochains. Afin de comprendre comment ce festival a pu atteindre une telle dimension en moins de trois ans d’existence, on est parti à la rencontre de deux des têtes pensantes fondatrices de SURPRIZE, la société d’évènementiel à l’origine de ce projet dantesque qui a également créé CONCRETE, référence du clubbing parisien initialement connue pour ses formats d’after en journée sur les berges de Seine. Si beaucoup estiment qu’ils transforment tout ce qu’ils touchent en or quand d’autres leur reprochent un capitalisme requin aux dépends d’un certain esprit originel de la culture techno, Aurélien Dubois et Brice Coudert – respectivement président et directeur artistique de SURPRIZE – assument sans complexe leur logique entrepreneuriale d’un divertissement professionnalisé et légal, qui chaque jour voit constamment plus grand.

 

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Est-ce qu’il y a deux ans, vous aviez déjà en tête de devenir le festival des musiques électroniques qu’il manquait au Grand Paris ?

 

Brice Coudert : Je pense qu’on en avait envie. On ne savait pas si on allait y arriver, ou du moins que cela aille aussi vite que ça. À partir du moment où tu te lances dans un festival, tu vois les choses en gros. De la même manière que quand on a monté CONCRETE, où on avait l’ambition de devenir un club référence au niveau européen, le WEATHER FESTIVAL c’était un peu pareil : on voulait vraiment se positionner pour être parmi les meilleurs d’Europe, voire du monde.

 

Aurélien Dubois : Dans notre vision qu’on a de la fête, de la musique en général, et des valeurs qu’on défend au niveau de la direction artistique et de la genèse du projet qui est CONCRETE, oui c’était clairement notre ambition.

 

Comment est né SURPRIZE ?

 

A.D. : C’est né en 2011, d’une création de société avec mon associé Adrien. On avait pour envie commune de faire des évènements autour des musiques électroniques. Très rapidement, après des premières éditions qui n’ont pas été forcément une réussite, on a croisé le chemin de Brice et Pete, et on a monté une association qui s’appelait TWSTED. C’était un événement itinérant avec des lieux différents à chaque fois. On a commencé à Saint-Ouen puis on s’est vite retrouvé sur la barge. Après avoir fait deux gros évènements là-bas, on est allé créer un nouveau concept lié à cette barge, donc on a créé CONCRETE (« béton » en anglais, ndlr) qui étaient des évènements en journée de 7h à 2h du matin. C’est un peu comme ça qu’on a commencé à intégrer du monde dans la société, par le développement des évènements CONCRETE qui étaient à la base d’une fois par mois, puis deux fois par mois, puis après l’autorisation de nuit qu’on a obtenue, où là on est à deux évènements par semaine les vendredis et samedis soirs. En 2013, on a développé d’autres activités comme le management d’artistes avec l’agence de booking CONCRETE SOUNDS et puis on a décliné le label CONCRETE MUSIC, et on est aussi devenus éditeurs. Aujourd’hui on a une vraie vision 360° de ce qu’est la musique électronique, en passant par l’édition, la diffusion, la production et je pense que ce qui fait notre légitimité parisienne, c’est la gestion des différentes étapes de la production musicale, de la création à la diffusion, mais aussi à la gestion de l’humain que ce soit le staff ou les artistes qu’on accompagne.

 

Au début de la TWSTED, c’était quoi les pires galères, et à contrario quel était l’avantage d’être un petit collectif ?

 

B.C. : La pire galère, c’est qu’on était quatre et qu’on faisait tout, jusqu’au ménage, mais au moins ça te crée de vrais moments de partage (rires) ! C’est effectivement difficile le fait d’être peu, pas structuré, de pas savoir comment ça marche, d’apprendre sur le tas.

 

A.D. : Pour moi on reste un petit collectif, on n’est pas une multinationale ! On a les mêmes fondateurs décisionnaires qu’au début, avec la même âme et la même aura, sauf qu’on a des équipes qui travaillent avec nous parce qu’on fait plus de choses et qu’on ne peut pas tout faire tout seul.

 

Comment s’est opéré le processus de professionnalisation entre l’association TWSTED et la société SURPRIZE ?

 

A.D. : A partir du moment où on a commencé à signer avec un lieu en fixe avec CONCRETE, on a été confronté à toute la législation, la fiscalité et l’administratif, et on a mis un point d’honneur à rentrer dans les normes réglementaires à tous les niveaux.

 

B.C. : On a vraiment commencé en tant que jeunes passionnés, qu’on est toujours, mais on était comme des newcomers. Certains d’entre nous avaient une expérience dans le clubbing et l’organisation d’évènements, d’autres comme moi n’en avaient pas du tout. On montait les projets pour se faire plaisir, et à partir d’un moment pour continuer il fallait vraiment cadrer et professionnaliser tout ça.

 

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Quand on est initialement dans une dynamique collective fondée sur une énergie bénévole, cette évolution n’amène-t-elle pas des tensions et des profondes remises en question ?

 

B.C. : Ca s’est fait naturellement, en plus on est tous des amis passionnés. Après devenir une entreprise c’est beaucoup de règles à respecter pour que cela se passe bien. Mais comme il s’agit de vendre ce qui constitue notre passion, je pense que c’est beaucoup plus facile qu’autre chose.

 

A.D. : Ca a toujours découlé d’une passion pour la musique et l’événement. Aujourd’hui, on ne compte toujours pas nos heures, on travaille toujours comme des fous. Si vous voyez la fourmilière qu’on a ici. Aujourd’hui, on est quasiment 25 dans les locaux, on se donne corps et âmes dans ce projet, nos vies ne tournent qu’autour de cela. Si notre public ne nous lâche pas, c’est que quelque part malgré des reproches qu’on nous fait. Mais on sait très bien que le public français est assez tatillon, qui appuie avec plus de poids sur la critique que sur les encouragements et c’est toujours constructif car on a tout de suite les problématiques de posées et il faut qu’on y réponde.

 

B.C. : Le public arrive à reconnaître qu’on est d’une autre génération que celle des businessmen qui tenaient des clubs.

 

En parlant de votre public. Trouvez-vous qu’en cinq ans, il y a eu un changement entre celui qu’il y avait à la TWSTED et celui d’aujourd’hui chez CONCRETE ?

 

B.C. : Le gros changement, par rapport à l’époque de la TWSTED, c’est qu’il n’y avait pas de public. Il n’y avait aucune scène techno à Paris. On sortait beaucoup, et on connaissait tous les gens personnellement. Il y avait 1500 personnes qui sortaient, c’était toujours les mêmes. S’il y avait deux fêtes le même jour, il y en avait forcément une où il y avait zéro personne. Aujourd’hui, ça s’est démocratisé, il y a beaucoup plus de monde.

 

A.D. : Aujourd’hui il y a 37 évènements plus ou moins liés aux musiques électroniques par week-end et 100.000 personnes qui sortent. Donc forcément le public évolue et grossit, il y a un vrai engouement des nouvelles générations avec les nouvelles technologies, l’accès à l’information et à la musique est beaucoup plus rapide. Moi qui écoute des musiques électroniques depuis mes 13-14 ans avec des types d’évènements variés, comme les raves, aujourd’hui on voit qu’à Paris ça va vraiment très vite.

 

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B.C. : Aujourd’hui, on peut vraiment dire qu’il y a une scène parisienne, alors que ce n’était pas le cas il y a cinq ans à l’époque des premières TWSTED. Il y avait 1500 clubbers passionnés qui sortaient tout le temps mais ils ne constituaient pas une vraie scène, avec des activités qui gravitent autour de cette musique. Maintenant on a des gens qui n’y connaissent rien, d’autres si, on a des passionnés, des gens qui font de la musique, des gens qui achètent des disques, d’autres qui montent des magasins de disques.

 

De nombreux collectifs et organisateurs d’évènements doivent leurs existences et leurs développements aux réseaux sociaux. Si par exemple, un jour on imagine que Facebook devienne payant ou que les nouvelles générations ne l’utilisent plus, comment réagiriez-vous ?

 

B.C. : Nous c’est clair qu’on est pile dans une génération qui s’est développée en même temps que Facebook. Au même titre que Youtube, on s’en sert pas mal, mais aujourd’hui on ne pense pas en dépendre. On a appris aussi à se faire connaître autrement, et si un jour Facebook disparaît on subsistera grâce à d’autres méthodes.

 

Quand vous avez commencé à développer CONCRETE, aviez-vous la sensation de marcher sur les plates-bandes d’agences déjà établies qui tenaient la nuit parisienne ?

 

A.D. : Clairement non, on n’a pas pris de public ailleurs, car on ne propose pas les mêmes types d’évènements, et il faut de tout. On a commencé sur des dimanches, donc on n’avait rien en face de nous. On n’a rien pris au Social Club car c’est complètement différent. Une agence comme SAVOIR-FAIRE, elle a des artistes particuliers qui correspondent à un certain type de musique que n’écoute pas du tout notre public.

 

B.C. : Ils n’ont pas du voir CONCRETE comme une menace, car nous, la nouvelle génération d’organisateurs, on a créé une nouvelle scène avec du public. Tous les plus anciens promoteurs peuvent justement rebondir dessus. Un club comme le REX, il est en train de vivre une seconde fois, et ça profite à tout le monde.

 

A.D. : À partir du moment où tout le monde fait bien son taff et sait travailler dans une conscience professionnelle accrue et qu’on ne soit pas stigmatisé sur tel ou tel problème, ça ne peut qu’aller dans le bon sens.

 

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Avec CONCRETE, d’où est venue cette idée de faire des fêtes en journée, et qu’est ce qui après vous a poussé vers des formats de nocturnes qui commencent à 21h ?

 

B.C. : Tout simplement car on n’avait pas d’autorisations pour bosser la nuit, mais ça nous arrangeait car c’était un format qui n’était pas exploité à Paris. Et puis c’était un concept qui existait déjà à Londres, NYC ou Berlin. Mais justement, on en avait marre d’aller à l’étranger pour participer à un événement en journée. Après on a toujours eu envie de devenir un vrai club donc si on peut jouer la nuit, ça nous permet de proposer une offre globale et de nous faire plaisir sur le line-up. Dans tous les cas, il faut que ça dure un minimum de 12h, histoire que chaque artiste puisse faire des sets de 3-4 heures. C’est une fête qui va sur la durée, avec ses temps forts et ses temps faibles, sans le stress de se dire qu’il faut profiter à fond tout de suite.

 

A lire votre site internet, vous semblez avoir capitalisé sur votre expérience en production évènementielle pour développer d’autres activités comme l’agence de communication et des prestations techniques. Comment vous arrivez à gérer tout cela ?

 

A.D. : Le site est fait pour présenter nos différentes palettes, mais très concrètement, aujourd’hui on ne s’occupe que du WEATHER FESTIVAL et de CONCRETE. Aujourd’hui pourquoi pas faire des évènements plus corporate avec de la bonne musique et des bons artistes. C’est pas incompatible. Seulement maintenant on n’a juste pas le temps de développer ces activités. On fait des projets à 60.000 personnes et aujourd’hui on préfère se concentrer dessus.

 

On peut vous demander quel est le chiffre d’affaires de SURPRIZE à l’année, et comment il est réparti entre le WEATHER et CONCRETE ?

 

B.C. : 10 milliards ! (rires) 

 

A.D. : C’est un peu compliqué de parler de chiffres, parce qu’on spéculerait tout de suite. Aujourd’hui ce qui est important de savoir c’est qu’on a trente équivalents temps-plein dans la boîte et qu’on ne dégage pas de marges. On paie nos charges, nos salaires, nos loyers et après il ne reste plus rien. Nous ce qu’on retient, c’est la démarche artistique et le staff. On a souvent développé à perte des artistes pendant des années parce qu’on croit beaucoup en cette scène parisienne émergente. Du côté de l’équipe, on mise beaucoup sur de l’humain et ça représente un coût économique mais on l’assume. Contrairement à beaucoup d’agences dans le milieu, on essaie toujours d’embaucher des stagiaires qui ont travaillé avec nous dans la société, des gens qu’on apprécie et avec qui ça s’est souvent bien passé.

 

En termes de structure de coûts, quels sont les postes de dépenses les plus importants quand on organise un festival à 60.000 personnes comme le WEATHER FESTIVAL ?

 

A.D. : À partir du moment où tu fais des économies d’échelle avec un aussi gros évènement, il y a des postes qui ne sont pas comparables. Après quand on investit un lieu comme le Bois de Vincennes cette année, on est sur un site qui est vierge de toute installation, on est sur un stade de foot clairement, il faut mettre des barrières, il faut amener l’électricité, les fluides, de l’eau, les évacuations, sécuriser le tout, on est sur une démarche éco-responsable, on a aussi des médiateurs culturels et responsables, qui vont aller voir les riverains, les mairies locales. C’est difficile de faire le budget d’un événement sans précédent, on n’a pas de calcul de coût qui soit pour l’instant très précis, et on ne peut pas prévoir un comportement du public tel qu’on pourrait le faire à CONCRETE. Tous les weekends on ouvre deux jours, là on sait qu’il faut rajouter de la sécurité, pour gérer le public. Là, on n’a pas de track-records, donc l’idée c’est que ça se passe bien, qu’il y ait du monde, qu’il fasse beau, sans incident sanitaire ou au niveau de la sécurité. Après la sécurité et l’aménagement du site, le deuxième poste où on investit énormément, c’est l’artistique.

 

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Comment avez-vous réussi à faire venir des artistes comme Marcel Dettmann, Len Faki, Chris Liebing ou Nina Kravitz dès la première édition du festival ?

 

B.C. : L’avantage qu’on a c’est qu’on a CONCRETE. On bossait déjà avec les agences de booking qu’on connaît depuis un moment, donc elles nous font confiance pour jouer sur les festivals. Après pour les attirer à CONCRETE, ça s’est fait au fur et à mesure, ça marche bien, on les accueille très bien, et du coup elles nous envoient des plus gros artistes. Aujourd’hui, je pense qu’on est l’un des clubs parisiens les mieux vus, les artistes adorent venir jouer aussi bien au WEATHER que sur CONCRETE.
A.D. : Ce sont des années de relations de confiance qui se construisent sur la durée, et c’est sûr que si on avait commencé par un festival tout seul, on aurait eu beaucoup de mal.

 

En tant que spectateur du WEATHER FESTIVAL, on peut apercevoir qu’il y a une dynamique de hausse des prix des tickets, probablement due à une augmentation des coûts de production de l’événement. Est-ce qu’avec un prix à 50/60 euros la journée comme aujourd’hui, vous pensez avoir atteint un plateau qui va se stabiliser?

 

A.D. : Le but c’est d’être le moins cher possible. Comme je vous l’ai dit, on ne fait pas de marges, et l’année dernière on a même accusé des pertes financières. Mais le souvenir des spectateurs de l’édition du Bourget était tellement incroyable qu’on ne s’est pas épanché là-dessus. On est là pour vendre du rêve, de la fête, donc on ne rentre pas dans des délires financiers avec notre public. Après aujourd’hui les prix qu’on pratique, on fait quand même les exploitations les plus longues qui existent dans des évènements de musiques électroniques en France. Là sur le samedi 6 juin on est sur du 16h à 8h du matin, et on est arrive à le faire accepter par les autorités publiques. On a quatre scènes principales, une scène modulaire, un camion bazar, un espace chillout énorme, des animations en plus, deux chapiteaux. Nous ce qui nous intéresse, c’est de contenter le public au maximum, et avec les critiques qu’on a eu comme celles de la première édition à Montreuil, on s’améliore d’années en années.

 

B.C. : En soi, plus de 30 balles la journée pour un événement en plein air, ça reste cher. Le public ne veut pas payer cher, mais veut des gros évènements. Ils veulent du Time Warp, du Dekmantel à Paris. Mais ça, ça a un coût, et déjà avec des prix qui ont été critiqués l’année dernière, on a perdu de l’argent, et au bout d’un moment il y a des limites qu’on ne peut pas franchir. Aujourd’hui on est très content de ce qu’on offre au public, et on ne sera pas obligé d’aller plus cher que cela.

 

Vous parliez du Bourget et de Montreuil pour les précédentes éditions. Justement comment se sont déroulées les démarches avec les institutions publiques locales de Seine-Saint-Denis, qui sont plus habituées à une offre artistique hip-hop ?

 

A.D. : Je pense que le 93 a toujours été ouvert aux cultures urbaines, dont on fait partie. Quand on était à la SIRA à Saint-Ouen à l’époque TWISTED, ou même avec le WEATHER, ils voyaient ça plutôt d’un bon œil. En général, on a toujours des bons rapports avec les autorités locales. Le principal sujet ça reste Paris, car c’est une densité qui est très importante et que c’est plus en rapport avec la perturbation et des nuisances sonores qu’on peut créer. Mais après on a toujours eu ce parti pris de faire des évènements dans le Grand Paris et dans des lieux avec de l’espace où il se passait moins de choses.

 

Avec l’aménagement du Grand Paris, notamment l’aménagement des transports franciliens, vous avez déjà repéré des lieux franciliens qui pourraient accueillir vos futurs projets évènementiels ?

 

B.C. : On est toujours en recherche permanente de nouveaux endroits, mais on n’a pas de zones qui se dégagent plus que d’autres.

 

A.D. : On est plus sur des recherches spontanées avec des lieux qui nous parlent à nous et à notre public. Pour parler de façon basique, l’idée c’est avant tout d’avoir un spot cool qui fasse kiffer les gens. Si on trouve ce lieu, on va voir le législateur et on lui vante les bienfaits touristiques et culturels, et après on travaille ensemble pour l’élaboration du projet pour que cela nuise le moins possible. Aujourd’hui, tout ça s’accélère car il y a une prise de conscience des autorités publiques de la valeur culturelle des musiques électroniques.

 

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En France, la culture est traditionnellement considérée comme un bien régalien public, donc gratuit. Sans reproduire la techno-parade, serait-il envisageable pour SURPRIZE d’organiser des évènements gratuits subventionnés qui permettraient de démocratiser davantage votre savoir-faire ? On pense notamment à un moyen de faire profiter les populations locales des endroits investis, comme dans le 93, qui aujourd’hui ne sont pas forcément impliquées dans vos manifestations.

 

A.D. : Si demain on nous donne de l’argent pour faire kiffer les gens on le fera tout de suite ! Si demain on arrive à faire des fêtes gratuites car il y a une volonté des pouvoirs publics et de l’Etat de donner des fonds pour en faire profiter aux gens, on le fait direct. Mais bon aujourd’hui je pense que ça va être difficile, on nous parle tout le temps de restriction budgétaire, notamment dans la culture. Mais en tout cas, ça nous permettra aussi de contredire les gens qui disent qu’on ne fait ça que pour l’oseille (sourires).

 

Photos : Luis-Felipe Saenz

Du 12 au 14 juin, Paris célèbrera les 30 ans de la marque Jordan. L’anniversaire d’un symbole important du basket-ball et du sport en général qui sera célébré comme il se doit.

Pour l’occasion, le Palais de Tokyo devient le Palais 23, et rassemblera pour l’occasion les principaux évènements célébrant cet anniversaire. Vous pourrez reproduire le fameux Last Shot de Jordan, vous essayer au Camera Dunk, investir le Playground, immortaliser ces deux jours dans le photomaton, et découvrir une exposition exceptionnelle du photographe IOOSS, ami proche de Michael Jordan.

 

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C’est aussi là que vous pourrez rendre hommage aux paires Jordan lors de séances d’essayage, d’un stand de personnalisation, de discussions dans le Sneaker Lounge et la présentation et la vente des prochaines sorties de l’été (Air Jordan 1 Hi Og, Air Jordan XX9 Q54…). L’occasion aussi de partager vos propres paires sur les réseaux en mentionnant @Jumpman23 et #WEAREJORDAN.

 

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C’est aussi du 12 au 14 juin que se tiendra la 12ème édition du Quai 54, le championnat du monde de streetball.

 

Horaire Palais 23 :

Vendredi 12 Juin 10h – 13h
Samedi 13 Juin 10h – 21h
Dimanche 14 Juin 10h – 21h

 

INSCRIPTION

Les évènements sont gratuits et ouverts à tous. Il vous faudra simplement vous inscrire sur le site de PALAIS 23. Vous pourrez aussi en cliquant sur les liens suivants, réserver vos places pour les différentes PROJECTIONS et pour toutes les ANIMATIONS.

Une fois inscrit, il vous faudra vous présenter le jour indiqué à l’entrée du Palais 23 où vous sera remis le Flight Pass. Il s’agit d’un bracelet personnalisé et individuel qui vous donnera aussi accès au Quai 54, même sil ne constitue pas un accès prioritaire. Puisque que comme chaque année, les premiers arrivés seront les premiers servis.

 

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En partenariat  avec Nike, le réalisateur Alexis Pazoumian délivre dans la vidéo Olympiade, un hommage au hip-hop, au basket et au running, tout en beauté et en poésie. 2 min 30 d’ôde aux valeurs du sport et à l’envie de se dépasser, qui pose la rue au centre de cette passion.

 

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Dès le visionnage de « Purple Swag », le clip qui révèle A$AP Rocky en 2011, on s’incline devant le fashionisme gangsta du personnage qui emprunte beaucoup à l’ADN sonore des premiers Bone Thugs N Harmony où les mélodies vaporeuses fréquentent les rythmes de mauvais garçons. Flow, identité sonore, attitude, style et ancrage « rue ». C’est la force de Rocky, toutes les cases sont cochées, de la musique à l’emballage. Le pôle marketing de la maison de skeud peut alors se réjouir de ne pas bosser sur la bossa nova d’Elie Semoun ou le prochain Nolwenn Leroy.

La carrière de Rakim Mayers, à l’orée du summer 2015, est sans accroc. Une mixtape sublime (LiveLoveA$AP), un album qui confirme (LongLiveA$AP) et nous voilà fiévreux devant At.Long.Last.A$AP. Postés au tournant, puisqu’il y est attendu, nous nous sommes emparés de l’album et de ses 18 mp3 pour en faire un report enthousiaste.

 

 

 

Quelques jours auparavant, le clip du morceau « L$D » nous avait bien scotchés. Le velours psychédélique des images accompagnait parfaitement la ballade trouble d’un Rocky déambulatoire. Une posture élégante qui renseigne sur les intentions du rappeur au tee shirt rentré : un univers musical est en passe d’atterrir et tant pis pour ceux qui espèrent un stupide empilement de bangers. Ce qui est risqué… beaucoup de rookies à peine éclos se sont perdus corps et biens à se la jouer artiste éclairé. Mais finalement Rocky se soumet certainement à une impulsion d’originalité qui l’anime depuis toujours. C’est la marque des grands. Evidemment ça ne suffit pas, il faut du talent, n’importe quel boloss se sent unique et lumineux. Mais Rakim, prédisposé qu’il est par ce prénom légendaire, est assurément une figure à part entière du rap jeu, une de celles sur lesquelles on peut aveuglément double cliquer sur le fichier audio.

 

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L’album fait la part belle aux ambiances brumeuses et raffinées (« Holy Ghost », « Canal St », « L$D », « JD », « Pharsyde », « Westside Highway », « Better Things »). Ce qui est somme toute assez couillu puisque tous les kids réclame du « Hella Hoes » et du « Lord Pretty Flacko Jodye 2 » de toute leur acné purulente. Le morceau « Fine Whine » est assez représentatif de la prise de risque, il offre sa langueur et ses changements de rythmes avec beaucoup de subtilité. Mais quand il s’agit de poser des mines sur le dancefloors, Rocky descend 4 à 4 jusqu’à la cour de récré pour allumer les suceurs (« Lord Pretty Flacko 2 »), croiser le fer avec un ScHoolboy Q discipliné (« Electric Body »), avec un Lil Wayne possédé (« M’$ ») et avec un Mos Def anoblit du titre de Pretty Flacko Senior sur « Back Home ». Dans tous les cas la dextérité du « joli maigre » étincelle.

 

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Au milieu de l’album, les deux fleurons du rap fashion, Rocky et Kanye, se rencontrent sur l’écrin concocté par ce dernier (« Jukebox Joints »). La prod traîne au lit comme une mannequin après l’amour et enveloppe les courbes nues de ses drums dans des samples soyeux. C’est beau, même si Kanye nous pond un couplet un peu foufou en fin de track.

Les ambiances sombres, parfois mystiques, trouvent une résonance dans la mort de Yams. Sa bedaine tatouée et sa larme rouge se sont éclipsées et laissent un Rocky sinistré mais inspiré. Quelques morceaux adoucissent à dessein un album parfois mortifère. Pimp C, décédé, y va de son couplet fantôme sur « Wavybone » pendant que Rod Stewart pose son blues britannique sur le refrain de « Everyday ». L’opus reprend un peu goût à la vie et s’épargne le sponsoring d’une marque de barbiturique.

 

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A$AP Rocky c’est aussi de belles histoires. Soufien3000 (producteur lillois d’ « Acid Drip » et « Get Lit » sur « LiveLoveA$AP » et pour « Pain » sur LongLiveA$ap) s’est acoquiné avec Rocky en le charbonnant sur le chat en ligne de Facebook. Inconnu du public à ce moment là, Rocky est séduit par la patte du beatmaker, soutient maintenant le LOSC et envisage un featuring avec Florent Balmont.

Dans At.Long.Last.A$AP, c’est le nom Joe Fox qui retient l’attention parce qu’inconnu et pourtant crédité sur 5 morceaux. Ce musicien itinérant et marginal chante devant Rocky dans une rue londonienne et lui demande s’il veut lui acheter son CD. Rocky de répondre « Non, par contre grimpe avec nous dans la voiture on va au studio ». Un petit conte de Noël qui se mange comme une friandise à l’écoute de l’album.

 

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Un album solide, brillant, audacieux, dans la droite ligne d’une prise de risque à la Kendrick Lamar. Ils sont artistes, musiciens, explorateurs et leurs choix ne seront pas dictés par les modes ou les revendications vénales de maison de disque. En cette période maussade de fast food musical, où les clips s’avalent comme des dragibus, où chaque soirée au karaoké nous inflige un nouveau chanteur le lendemain, A$AP Rocky nous bénit de sa créativité et de son exigence.

 

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Les célébrités sont comme les chats, vieillissant de neuf ans chaque année, traînant douloureusement les oripeaux de leur jeunesse une fois le cap de la trentaine passé. Voyez Madonna. Les observer s’affairer autour d’une jouvence illusoire tout au long de leur carrière, c’est l’objet de curiosité des lieux communs.

 

Dans les dynasties les plus reconnues actuellement, dur d’échapper à la fratrie Kardashian-Jenner. Alors que les aînées reposent sur des fessiers enflés par la tune, les deux dernières ne sont pas en reste. Kylie l’ado star d’Instagram, petite sœur du flambant neuf top-modèle Kendall, glane autant de succès que sa bouche génère de railleries. Loin d’être prise par ses révisions du baccalauréat, Kylie la rebelle séduit par sa plastique à peine retouchée et par ses échappées sentimentales. À l’heure où je quémandais encore des com’s sur mon skyblog, la naïade underage est certainement l’officiel de notre adulé Tyga.

 

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Kylie représente ce qu’il y a de plus beau dans l’envie de devenir femme avant l’heure : vulgarité, sur-sexualisation de soi, romances à la con. Cheminement typique exacerbé par son exposition médiatique. Protagoniste d’un drame shakespearien siliconé, Kylie c’est la fraîcheur qu’il fallait à Tyga après le coup de vieux qu’il s’est bouffé en devenant papa. Ce qui pourrait passer pour un simple détournement de mineur dans un bled du Limousin, s’expose comme la plus tendance des idylles hollywoodiennes. Kylie, 17ans, un demi-million de dollar d’argent de poche annuel, semble filer le parfait amour avec son rappeur fragile de huit ans son aîné.

 

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Kylie est sortie de l’ombre à une fulgurance inquiétante, tout comme sa relation avec l’artiste. Consommant leur amour sous le couvert d’un secret de polichinelle, l’annonce de leur union fut accueillie avec grand fracas. Ce qui n’était pas pour déplaire à l’ex de monsieur, j’ai nommé la très distinguée Blac Chyna. Soap opéra donnant lieu à tout un tas de pseudo-confrontations 3.0 alimentées de selfies-duckfaces-sideboobsées et autres déclarations passionnées à la presse. Dingue ce que ces gens se font chier dans leurs existences.

Torrent de violence passive sur la jeune fille, confirmé par le refus de son propre clan à bénir ce rapprochement. Mais, pour sa défense, si je m’étais amouraché d’un tismé tatoué au visage, géniteur d’un enfant dont la mère respire le Sida, mes parents n’auraient pas non plus été enchantés. Passons.

Depuis plusieurs semaines, après une rupture éclair, le climat semble s’être tempéré entre les tourtereaux et leur environnement. Ça part en escapade à Monaco, ça s’écrit des mots doux à base de « I can give a fuck what a magazine say, get off my dick ». Tout roule pour eux et c’est tant mieux.

 

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Les tabloïdes, jamais satisfaits, spéculent même sur des fiançailles à venir. Lorsqu’on connaît la DCR d’une association nuptiale sous le feu des projecteurs, une vie pavillonnaire avec garde canine de bonne compagnie me semble assez lointaine pour Kylie Jenner. Cette configuration ne lui laisserait pas assez de temps pour se prendre en photo toute seule dans sa salle de bain et, dans tous les cas, la plénitude doucereuse d’un couple bienheureux, y’a rien de plus chiant.

Si la belle a su essuyer avec dignité une humiliation publique aux Billboard Music Awards et un challenge international pour se foutre de son architecture labiale, espérons qu’elle finisse par attirer l’attention calmement sur autre chose que son « uc » et ses concubinages. Qu’elle ne lambine pas trop, il ne lui reste que 10 ans avant de commencer à décrépir.

 

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La Haine, ce brûlot social et génial, dévorant et incandescent, a 20 ans. C’est dans la foulée du 6 avril 1993 et de la mort de Makomé M’Bowolé, refroidi au Magnum dans un commissariat du 18ème arrondissement de Paris, que Mathieu Kassovitz, ce nanti biberonné à la culture hip-hop, a germé l’idée du film devenu cultissime. Il dit tout, dans un noir et blanc ultra-léché, des failles, de l’ostracisme, de la fébrilité et de la rage des banlieues. Depuis, le genre s’est largement éculé ; une soixantaine de long-métrages ont dépeint à leur tour nos cités françaises, avec plus ou moins de talent. Que nous racontent-ils ? Leur vision, leur style et leur message font-ils écho au chef d’œuvre de Kasso?

 

La crise des banlieues

 

Le 6 octobre 1990, Thomas Claudio est fauché à moto par une voiture de police qui cherche à l’arrêter. Son décès, injuste et insupportable, soulève la révolte et déclenche des émeutes à Vaulx-en-Velin, dix ans après les premières grosses violences urbaines de l’Hexagone dans la Cité des Minguettes à Vénissieux (juillet 1981). Policiers et habitants en découdent, un centre commercial est pillé et incendié. Les émeutes de Vaulx-en-Velin posent pour la première fois « le problème des banlieues », qui s’imposera comme une question sociale majeure. Elles éveillent les consciences politiques qui s’interrogent sur la ghettoïsation sociale et spatiale mais entraînent dans leur sillon des discours médiatiques dramatisant, désinformant et amalgamant. Avec les émeutes de Clichy-sous-bois en 2005 puis celles de Villiers-le-Bel en 2007, le thème de l’insécurité gratte encore plus de terrain. Le public, pas toujours clairvoyant, s’angoisse et stigmatise. L’appareil médiatique décrit la cité comme un lieu symbolique chargé de tous les maux, sociaux, économiques et identitaires, cristallisant toutes les peurs. Alors qu’elles encaissent déjà l’isolement, le racisme ou le chômage, nos banlieues perdent de plus en plus pied, se marginalisent et se radicalisent de plus belle.

 

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Les plus proches héritiers de La Haine sont ceux qui ont cherché à capturer, à raconter cette « crise des banlieues », ce mal sociétal profond et corrosif. A peine 1 mois après la sortie du film de Kassovitz, débarquent coup sur coup sur les écrans Etat des lieux, lui-aussi tourné en noir et blanc, et Raï. Là où La Haine « se contentait » de dresser un constat acide, Etat des Lieux s’affirme clairement comme un film politisé, pro-révolutionnaire. Gavé de références à Marx et Lénine, le long métrage tape allégrement sur la police et les bourgeois à travers une chronique sociale amère. Parmi les séquences marquantes du film, un clip de Base Enemy où le rappeur, cagoulé et entouré d’une clique armée, crache sur « la classe des exploiteurs », les « esclavagistes modernes », les « capitalistes », et appelle à la « lutte contre la bourgeoisie », l’insurrection du prolétariat. Raï, lui, drame social teinté d’humour, introduit la problématique identitaire, celle de ces enfants d’immigrés imprégnés d’une culture patriarcale traditionnelle. Surtout, il montre comment Djamel, ce pacifiste et raisonnable grand frère qui cherche à s’en sortir, va basculer du côté de la violence et venir gonfler les rangs des émeutiers après que son frère se soit fait abattre par la police.

 

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En 1997, Ma 6-T va crack-er, le deuxième essai de Jean-François Richet, le réalisateur d’Etat des lieux, brosse sous des faux airs de documentaire une banlieue hyper-violente, pousse à la révolte sociale. Le message est clair, les cités sont en ébullition, sous tension, prêtes à exploser. Le déclencheur : les bavures policières. « Rien ni personne ne pourra étouffer une révolte / Tu as semé la graine de la haine, donc tu la récoltes ».

 

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Alors que la première génération de banlieues-movies, produits dans un climat militant, tend vers le sombre, l’électrique, le passionné et l’engagé, les nouvelles moutures, développées quelques années plus tard, se veulent plus sobres, tempérées, parfois lumineuses. Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? et Sous X par exemple, ni fatalistes, ni optimistes, racontent tous deux l’échec de leurs ex-taulards de héros à se réinsérer dans la société normalisée. Tiraillés, ils finissent par replonger dans les magouilles malgré leur bonne volonté ; la cité (et ses potes) se pose en repère et en rempart face au monde extérieur qui effraie et rejette, une sureté. Instinct grégaire. Rabah Ameur-Zaïmeche, le cinéaste de Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ?, refuse de verser dans les stéréotypes, de ranger ses personnages dans des cases ; il préfère saisir la réalité dans toute sa complexité, entre la blanche qui défend deux jeunes « beurs » lors d’un contrôle policier musclé et la mère de famille arabe qui n’accepte pas la petite amie gauloise de son fils mais encourage l’émancipation de sa fille. Regarde-moi couvre lui-aussi d’une belle densité et d’une profondeur psychologique ces ados des cités dont les médias offrent une vision réductrice et biaisée. Il s’attarde sur la puissance du regard du groupe qui, lourd et écrasant, prend le pas sur les sentiments individuels, enfouis, refoulés. Tête de turc, lui, révèle les paradoxes d’un gamin de banlieue à la fois agresseur et sauveur, brutal et sensible, sauvage et humain, tandis que La cité rose se truffe de clichés mais avec le mérite de s’intéresser autant aux caïds qu’à l’étudiant en droit à la Sorbonne (anti-drogues de surcroît).

 

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Ces films décryptant le malaise et mal-être des banlieues pointent quasiment tous du doigt la défaillance des institutions – police, école, ANPE, prison ou entreprise – ces entraves à la réussite des protagonistes, leur bridant l’accès au monde normé, au-delà des murs de la cité.

 

La parodie potache

 

le ciel les oiseau et ta mère

 

Au sortir de la Coupe du Monde de foot 1998, soulevée par les Zidane, Deschamps et Thuram, la France black-blanc-beur a le vent en poupe. La victoire de cette équipe bariolée, soudée et brillante, apaise les tensions raciales, fédère le pays dans un moment d’émotion collective, de ferveur fusionnelle. Les politiques y voient le symbole d’une intégration réussie ; oui, qu’ils disent, le métissage peut être une force pour la France. Et puisque la notion de banlieue talonne souvent celle de l’immigration, les gens sont désormais enclins à entendre des propos moins anxiogènes sur la cité et ses résidents. Dans le même temps, Jamel Debbouze fait son trou avec la série H qui déboule sur canal + en octobre 1998. Voilà qui explique en grande partie le succès-surprise, quelques mois plus tard, de Le ciel, les oiseaux … et ta mère !, comédie sans prétention et grossièrement ficelée de Djamel Bensalah, qui rameutera plus d’1 200 000 spectateurs dans les salles obscures. La figure du « scarla » est à la mode chez les jeunes. Ici, le quatuor loufoque et sympa de banlieusards incarnés par Jamel Debbouze, Stéphane Soo Mongo, Lorànt Deutsch et Julien Courbey s’évade de son quartier quadrillé de barres d’immeubles pour la bourgeoise et touristique Biarritz, dont il ne maîtrise pas les codes. Le film grossit le choc culturel et s’amuse des clichés. Depuis, une poignée de films s’est attachée à portraiturer avec autodérision une banlieue chaleureuse, drôle, légère, volontairement caricaturale, à rebours de la violence et de la noirceur jusque là usitée. Les Kaïra, les Lascars ou Les Barons sont de ceux là. Par le rire, ils dédramatisent la « tess » et ses problèmes, parodient ses mythes. Ils exaltent la culture de la vanne, la gouaille, la vivacité et l’humour de ses habitants. Les Kaïra et Les Lascars forcent plus particulièrement le trait, du phrasé et vocabulaire de leurs personnages à leur accoutrement (baskets-survêt-casquettes). Et ça passe d’autant mieux que leurs auteurs ont grandi et baigné dans le milieu. Les barons, lui, qui pastiche les glandeurs se moque de tout, même du terrorisme, mais livre en substance, derrière les bouffonneries, un propos social et culturel ; nous parle de la fatalité du quartier et du poids des traditions.

Le temps d’un long métrage, la banlieue ne sent plus le soufre. Cette « voyoucratie » sur laquelle les médias aiment tirer à boulets rouges devient même sympathique. Des comédies nécessaires, une parenthèse, une respiration dans la salve de films, documentaires et reportages sombres et alarmistes.

 

L’Islam

 

Aujourd’hui deuxième religion de France, l’Islam ne s’y est vraiment implanté qu’à partir des années 50 et de la vague d’immigration en provenance d’Afrique du Nord. De grands ensembles bétonnés se construisent alors à la hâte en périphérie des villes pour accueillir cette main d’œuvre chargée de reconstruire le pays suite à la deuxième Guerre Mondiale. À compter des années 80, la population maghrébine, qui pensait au départ n’être que de passage, revendique la mise en place de lieux de culte islamique. Mosquées et salles de prières s’édifient et s’intègrent alors au paysage hexagonal. Dans le même temps, l’appartenance islamique fonctionnant comme un marqueur identitaire, s’assume et s’affiche de plus en plus. L’Islam devient visible et nourrit les premières angoisses et suspicions de l’opinion publique. Les attentats du 11 septembre 2001 et autres attaques terroristes à Paris, Madrid ou Londres, alimenteront davantage les fantasmes et l’hostilité à l’égard de l’Islam. Les émeutes urbaines, elles, donneront libre cours aux amalgames. Si l’Islam s’est depuis toujours inscrite en filigrane de nombreux films de banlieue, certains ont, ces dernières années, en réponse au gonflement des peurs et de l’influence du Front National, décidé de lui consacrer une pleine part de leur synopsis, de chercher à déchiffrer et dédiaboliser cette religion que la plupart connait mal, d’en justifier la radicalisation aussi. Dans l’édition de mai de Snatch, Pierre Aïm, chef opérateur sur le tournage de La Haine, évoque d’ailleurs la nécessité de traiter cinématographiquement le sujet : « Depuis vingt ans, la situation des banlieues s’est dégradée, et puis, il y a eu l’arrivée de la religion, la place croissante de l’intégrisme, le repli communautaire. Des choses dont on ne parlait pas du tout à l’époque de La Haine ». Qu’Allah bénisse la France, le film autobiographique, humaniste et optimiste, d’Abd Al Malik, ouvertement inspiré de La Haine (Pierre Aïm a d’ailleurs travaillé sur la photographie, noire et blanche, du long-métrage), balaye les clichés en racontant la rédemption de Régis, ex-délinquant à la petite semaine converti à l’Islam soufi. Un manuel filmique du savoir vivre ensemble. La désintégration, lui, campe, l’endoctrinement de trois jeunes banlieusards qui, brebis galeuses de la République laissées sur le bas côté, se laissent happer par un leader spirituel charismatique et tombent dans le terrorisme.

 

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Un thème touchy, brûlant, passionné, que le septième art se doit d’expliquer et exploiter pour ne pas laisser les médias accaparer la parole, forcément partiale.

 

Côté filles

 

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Dans La Haine, les filles sont totalement absentes de la pellicule, la banlieue ne s’exprime qu’à travers les hommes et leur masculinité. Dans les films qui suivent, leurs rôles sont toujours secondaires, confinés à celui de la mama, à la fois tendre et forte, ou de la sœur, sous le joug de l’autorité masculine et patriarcale, en arrière-plan donc. La misogynie est palpable mais ne constitue pas le cœur des récits. Jusqu’à La Squale en 2000. Un film coup de poing féministe, où l’héroïne, une garçonne au caractère trempé, renverse les stéréotypes, prend le pouvoir, venge toutes celles que la banlieue cherche à museler. Sur fond de viols collectifs, La Squale narre la brutalité des rapports amoureux et démontre le magnétisme des bad boys. Si Désirée s’est façonnée cette androgynie et virilité, c’est pour se protéger des mâles dominants. Un mécanisme d’autodéfense. Un film brut, radical, à l’intention louable mais qui s’englue dans le manichéisme. Trois ans plus tard, en réaction au meurtre de Sohane Benziane, brûlée vive à Vitry, une flopée de femmes se mobilise contre le sexisme et les violences physiques ou morales en banlieue. C’est « la marche des femmes des quartiers contre les ghettos et pour l’égalité», qui enfantera le mouvement « Ni putes Ni soumises ». Les meufs se réveillent et se rebellent. Le contrecoup : de plus en plus d’entre elles cherchent à s’affirmer par la violence. La deuxième partie de Regarde-moi, qui se filme du seul point de vue féminin, décortique cette violence hypra prégnante où les filles montrent la même agressivité que les garçons. Elle saisit les disparités communautaires, aussi, entre Céline, la « babtou », qui assume sa féminité, et Fatimata, la « renoi », qui se résout à remiser ses envies au placard pour se conformer aux codes de la cité, ceux édictés par les dominants. Bande de filles évoque aussi ces interdits, cette censure, cette loi du plus fort, mais s’enveloppe de tendresse, de légèreté et d’humour. Même si Marieme finit par étouffer entièrement sa féminité, les protagonistes sont libres, belles, fortes. Et puis l’on retrouve, comme dans Aide-toi le ciel t’aidera, cette figure de la mère, stable, apaisante et courageuse, qui élève seule ses enfants, là où le père est absent ou démissionnaire.

 

Bande de Filles

 

Des femmes que les réalisateurs tendent à représenter, malgré leurs quelques excès de rage, comme plus rassurantes, douces, sensibles et ouvertes, que leurs comparses masculins.

La banlieue en arrière-plan

Enfin, il y a ces films, tournés dans la banlieue plutôt que sur la banlieue, qui figent dans la caméra des tranches de vie ou mettent en scène des récits complètements fictionnels, dans tous les cas loin des portraits sociétaux au vitriol.

L’esquive, Ze film, Tout ce qui brille ou Petits frères prennent la cité en toile de fond, sans chercher à en détricoter les nœuds. L’histoire se situe ailleurs, s’émancipe d’un angle purement banlieue-centré. La cité est présente, seulement présente, pas omniprésente et suffocante, elle est un élément, un support de la narration. Dans L’esquive, modèle du genre, Abdellatif Kechiche aurait pu parler fracture sociale, injustices, religion ou délinquance. Il a préféré capter les jeux amoureux, les dialogues savoureux, ces allers-retours permanents entre la langue de Marivaux (dont une bande de lycéens répète la pièce) et celle du ter-ter. Il y a bien cette scène où les flics jouent les gros bras mais le film s’affranchit globalement de tout commentaire politique.

 

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Et puis il y a les actions-movies caramélisés à la sauce américaine, comme La mentale ou Banlieue 13, ces films en toc, tape à l’œil, aux grosses ficelles, ces séries B fantaisistes et hollywoodiennes, qui ne prennent la banlieue pour décor que pour donner de la street cred à leur esthétique gangstériste. Banlieue 13, porte-étendard du genre, gorgé de bagarres et de cascades, fantasme la cité en un territoire retranché, anarchiste et dangereux, et pompe pêle-mêle New York 1997, Ong-Bak et Scarface. Du divertissement pur jus.

Si les films de banlieue recyclent un nombre hallucinant de clichés, ils en démontent d’autres. En cela, ils sont nécessaires, créent des passerelles avec l’ « en-dehors » de la cité. Une chose est sûre en tout cas, La Haine a encore de beaux jours devant elle. Le genre s’use jusqu’à la corde mais aucun des prétendus héritiers du film de Kassovitz ne tient la comparaison. Une fulgurance stérile, sans rejetons dignes de ce nom. Jusqu’à La Haine 2 ?

Pour sa première édition Outre-Atlantique, c’est dans la ville de Paris que le festival Afropunk a choisi de s’installer. Pendant tout un week-end, les valeurs de ce fameux festival, ont pu s’exprimer : #nohate, tolérance et activisme dans une génération Y aux multiples influences.

L’esprit Afropunk se retrouve d’abord sur scène avec Lianne La Havas, Willow et Jaden Smith, Lion Babe, Lolawolf, Keziah Jones, Young Paris, Leon Bridges, Patrice, Sandra Nkake et The Bots qui ont chacun leur tour enflammé le public du Trianon.

On le retrouve aussi à travers l’art et la cuisine autour desquelles chacun a pu se retrouver. Mais cet esprit aura avant tout été incarné par un public qui a conféré son âme à cette toute première édition, qui, après un véritable succès, ne sera définitivement pas la dernière.

Pigalle s’est forgé une image sulfureuse au fil du temps, notamment depuis les années 70 et l’arrivée massive des sex-shops et autres établissements érotiques. Aujourd’hui, la donne a changé et cet endroit mythique de la capitale semble perdre l’aura dont il bénéficiait il n’y a pas si longtemps. Balade chez ces commerçants ordinaires qui ont fait des vibromasseurs et des poppers leur gagne-pain.

 

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Les couloirs du sous-sol de la boutique sont obscurs, comme pour mieux s’acclimater à l’ambiance. Il n’y a aucune odeur particulière, ni celles que l’on jugerait mauvaises, ni celles que l’on jugerait bonnes. Plusieurs portes se confondent dans ce dédale. Certaines sont ouvertes, laissant entrevoir des cabines aux allures de Photomaton, et d’autres, déjà closes. Après un instant d’hésitation, le choix s’arrête enfin sur une pièce. Mauvaise pioche. Il manque à celle-ci la dernière assurance d’intimité qu’il puisse rester dans un tel endroit : une serrure et un verrou. Ce sera finalement celle d’à côté. Il suffit d’un minuscule tour de tête pour finir d’observer ce curieux endroit : une cabine sous-éclairée d’une superficie d’un double mètre carrée, assez pour sentir le poids des années sur le décor, une plaque métallique remplie d’inscriptions scabreuses (« Si vous vous voulez sous sucer et baiser, et j’avale le sperme si belle bite »), un fauteuil en cuir noir usé de toutes parts par le nombre de postérieurs qui s’y sont posés. Le rouleau de papier toilette installé sur la gauche du siège est le seul élément neuf et encore immaculé. Une fois installé, il ne reste qu’à introduire une pièce de 2 euros pour avoir droit aux dix minutes de luxure promises. Le peu de lumière s’estompe alors pour laisser place aux images d’un petit poste télé. En partenaire indispensable de cet instant onaniste, la télécommande imbriquée sur le mur permet de zapper sur la trentaine de canaux disponibles. Ce zapping hétérogène est la preuve, s’il en est besoin, de la variété du porno : de la production d’Europe de l’Est au gonzo américain, en passant par le film vintage français, scènes solistes ou gays, tout y est ou presque.

 

Internet l’a mise profond

 

Ces cabines, on peut encore les trouver dans certains sous-sols de quelques établissements bordant les deux cotés du boulevard de Clichy, ligne fictive délimitant les XVIIIᵉ et IXᵉ arrondissements parisiens. L’endroit où depuis les années 20 ont fleuri maisons closes, cabarets, hôtels de passe, boîtes privées, bordels, baraques de striptease et bars à hôtesses. Naturellement, la révolution sexuelle fera apparaître dans les années 70 de nombreux établissements érotiques, comme les premiers cinémas pornos, les live shows, puis multipliera les salons de massage et les sex-shops. Aujourd’hui, plus de peep-shows, ni de bordels, et quasiment plus de cinémas pornos : le paysage a incontestablement changé depuis plusieurs années. Beaucoup ont fermé leurs portes et le boulevard, autrefois truffé de ce genre de lieux, laisse aujourd’hui place à d’autres devantures moins folkloriques.

Si le précepte qui dit que le sexe vend toujours reste vrai et indémodable, il ne vend plus autant qu’avant au sein du quartier de Pigalle. Une bonne partie de ce changement est due à Internet, qui a contribué à sa démocratisation et bouleversé les habitudes de consommation. Après cette déferlante causée par la Toile, ceux qui n’ont pas mis la clé sous la porte se sont adaptés. C’est le cas de Jacquie, propriétaire de deux commerces sur le boulevard : Souvenirs Sexy et Love Shop. Pour celui qui a passé vingt années de sa vie dans ces boutiques, après s’être détourné d’une carrière musicale, le constat est clair : « Quand Internet est véritablement arrivé sur le marché, il y a sept-huit ans, l’impact a été assez lourd sur nos ventes comme sur notre fréquentation. En plus, les produits du Net étaient souvent moins chers, il valait mieux s’aligner, sinon on était cuit. Il y a pas mal de boutiques qui ont fermé à cause de ça. » Pour les siennes, le salut est venu donc la baisse de ses tarifs, mais aussi de sa spécialité maison, les gadgets érotiques et humoristiques. L’autre élément qui a rééquilibré la balance financière est le service et l’expertise apportés aux clients, la possibilité pour eux de pouvoir toucher et tester des produits qui auront un usage intime, avant de les acheter. À Souvenirs Sexy, les objets les plus chers sont des vibromasseurs et des poupées gonflables sophistiquées, pouvant coûter jusqu’à 300 euros. Même s’il reste encore un best-seller du magasin, lointaine est l’époque du canard vibrant qui camouflait son objectif sous des traits d’un jouet pour enfant.

 

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Même avenue, univers différent, lorsque l’on passe les deux rideaux rouges du sex-shop de Philippe. Ici, l’ambiance est tout autre : pas de vitrine, à l’intérieur la lumière déprimée obscurcit une décoration déjà minimaliste. Le lieu ne ment pas. Quand on rentre ici, on sait à quoi s’attendre. Gérant de la boutique depuis une douzaine d’années, Philippe dirige un des derniers sex-shops à l’ancienne du boulevard, ceux qui proposent une atmosphère glauque où les femmes n’entrent presque jamais. Ce climat lui permet de fidéliser sa clientèle, soucieuse de rester à l’abri des yeux indiscrets et nostalgique du décor authentique du sex-shop. L’espace de vente de la petite boutique est rempli par les étalages de DVD de toutes sortes, laissant peu de place aux autres produits. À l’étage se trouve une salle de projection X. Dans ce petit cinéma vétuste se rendent essentiellement des habitués, des pères de famille qui ne peuvent se permettre de regarder du porno dans leur foyer, des curieux à la recherche d’une bonne rencontre. D’autres viennent assouvir des envies (porno gay, fétichisme, masochisme…) qui pourraient être perçues par leur conjointe comme une déviance sexuelle. Un billet de 10 euros donne droit à un ticket d’entrée valable toute la journée dans une salle obscure abritant une dizaine de bancs en bois aux dossiers assez grands pour assurer discrétion à chacun. « Le client peut choisir ce qu’il veut voir, à condition que le film soit hétéro pour qu’il puisse être vu par tout le monde », précise Philippe. Ce trentenaire est arrivé après les débuts d’Internet mais a néanmoins été témoin des dégâts que cela a causé sur son commerce. L’exemple le plus parlant reste le DVD, médium sacré du film porno avant l’invasion des nombreuses extensions vidéo numériques – .avi, .mkv, .mp4, .H264… – qui ont envahi nos disques durs. Selon Philippe, si la baisse des revenus de Pigalle serait environ de 60 % depuis ses débuts, les ventes de DVD auraient, elles, dégringolé de 90 % dans son magasin sur la même période. Aux grands maux aucun remède. Malgré ce contexte défavorable, la boutique jouit d’une force, ses habitués. «Nous sommes ouverts depuis pas mal d’années, on a donc développé une clientèle régulière, très fidèle. On tourne assez bien avec elle, donc, pour l’instant, on ne fera aucun changement sur notre disposition ou notre déco. Quand on verra qu’elle partira, là, nous serons obligés de changer », analyse l’entrepreneur.  Aujourd’hui, les produits aphrodisiaques, comme les poppers (sa meilleure vente) et le cinéma (30 % de la recette journalière), lui permettent de renflouer les caisses.

 

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Logiquement, certains ont tenté de dompter cette vague du Web. Ceux qui ont essayé d’ouvrir une boutique en ligne se sont confrontés aux exigences de la Toile. Monter un site Internet, qui plus est un e-shop, nécessite des compétences spécifiques que les petits magasins – qui comptent entre deux ou trois employés au maximum – ne peuvent faire sous-traiter faute de moyens financiers. À l’aide d’un ami informaticien, Philippe a tenté l’expérience il y a quelques années pour profiter du phénomène. Le projet s’est vite arrêté, quasiment au moment de sa mise en ligne : « On a essayé, mais c’était un peu compliqué, donc on a vite lâché l’affaire. D’autres l’ont fait, mais ça ne marche pas vraiment car les fournisseurs ont plus de possibilités que nous. Ils ont fait des beaux sites, ils ont les moyens de les promouvoir. Nous, on n’apparaîtrait pas sur Google. Nous n’avons pas les financements pour avoir un bon référencement ou faire de la pub radio. Il faut vraiment avoir un budget appréciable pour investir sur Internet. À moins d’avoir 200 000 euros à mettre, même plus, ça ne sert à rien. » Malgré ça, les deux protagonistes puisent leur motivation prioritairement dans l’aspect économique. Liés à leur boutique par leur longévité sur le marché, ils reconnaissent que cela reste tout de même une source de confort financier : « C’est un bon moyen de gagner sa vie. Et si je faisais autre chose, tous les secteurs sont un peu difficiles aujourd’hui. Pour l’instant, ça marche très bien, si un jour je gagnais moins bien ma vie, je ferais autre chose », confie Philippe. Jackie, de son côté, revendique son amour pour la profession : « Ça me plaît ! Ce n’était pas du tout mon domaine de prédilection, mais ça m’a passionné et j’ai développé ce commerce à ma manière. À partir du moment où vous travaillez dans un secteur qui vous plaît et que vous arrivez à vous en sortir, autant ne pas prendre de risques. À moins d’être hyper-blindé et de faire dans l’immobilier ; quand on est commerçant comme moi, on sait ce qu’on a, mais on ne sait pas où on va si on bouge. Ce n’est pas évident du tout. »

 

Paris retire son cache-sexe

 

Baisons heureux, baisons cachés. Un dicton qui, s’il existait, ne serait plus aussi vrai de nos jours. Ceux qui squattaient les rayons de Video Futur à l’affût du dernier Clara Morgane, qui se délectaient des pages de la saga SAS, ou qui attendaient avec impatience le premier samedi du mois, se retrouvent tous aujourd’hui devant leur écran d’ordinateur. Connecté à la fibre optique de sa résidence, le Web donne accès à une multitude de services substituant les obsolètes méthodes d’excitation d’antan. Webcam, Video On Demand, Tubes (plateformes hébergeant des vidéos, tels YouPorn ou Xhamster), téléchargement en « torrent », « download direct » ou en « peer-to-peer », streaming … Tous ces moyens ont ouvert d’autres portes et, par la même occasion, permis une nouvelle libération des normes sexuelles qui se propagent de l’écume d’Internet à nos rues.

 

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Pigalle ne fait pas exception à ce changement. Il y a une quinzaine d’années, à côté des établissements classiques s’est développée une nouvelle race de magasins : les lovestores. Plus aseptisés, ces nouveaux sex-shops sont destinés à attirer une nouvelle clientèle, portée par davantage de femmes et de couples. Les Cocottes représentent ces lieux d’un nouveau genre. Situé au bout du boulevard de Clichy, c’est l’un des shops d’un ensemble de huit boutiques appartenant au même propriétaire. Pas de rideaux rouges, de lumière tamisée ou de grands visuels obscènes. Ici, élégance et transparence sont de mise. La devanture est une vitrine claire, l’intérieur est sophistiqué et la personne qui gère le magasin est… une femme. Arrivée en 2001 pour remplacer temporairement une amie en boutique, Imen s’y installe définitivement pour en devenir responsable. C’est avec un grand sourire et à bras ouverts que la brunette accueille chacun de ses clients. Naturellement chaleureuse, la quadra dirige Les Cocottes comme elle aurait géré un restaurant, une épicerie ou un magasin de bricolage. Dans ce commerce, on fait dans l’attrayant et le positionnement est politiquement correct. Vous ne trouverez là-bas aucune cabine de visionnage de films pornos et d’étalages de DVD : « On ne fait pas de cabines ici, parce que cela correspond à une autre clientèle, et on n’en veut pas. Nous sommes dans un lovestore, il y a plus de vêtements que d’outils, et le peu que l’on aura sera esthétique. Par exemple, nos vibros ne ressemblent pas à des pénis. Si une gamine de 15 ou 16 ans entre, elle ne sera pas heurtée. Elle verra des petits lapins, des souris, des choses mignonnes… », détaille-t-elle dans un débit rapide et continu qui la caractérise. Soucieuse du respect des passants, Imen n’expose aucun produit « sensible » en vitrine, préférant les ranger au sous-sol. Les consommateurs des Cocottes ne ressemblent en rien à ceux d’un sex-shop classique. Sa spécificité repose sur une forte base de transformistes – la moitié des acheteurs – qui apprécient la qualité des tenues et des sous-vêtements proposés par la boutique. Le reste de la clientèle sont des femmes, célibataires ou en couple, de gens du monde du spectacle et des touristes. Ces clients, elle met un point d’honneur à les servir de la façon la plus honnête possible, ce qui lui vaut de bonnes expériences : « J’ai eu un couple de garçons. L’un des deux est allé attendre l’autre à une terrasse de café. Celui qui est resté m’a dit : Écoutez, j’ai envie d’être en femme, c’est un vœu de mon chéri, habillez-moi. Alors je l’ai habillé en vinyle avec des escarpins, je lui ai mis du vernis et du rouge à lèvres, il était magnifique. Il a laissé son sac et ses affaires pour aller devant la terrasse, et il est revenu. Je lui ai demandé : Ça ne va pas ?, et il m’a répondu, ému : Tu te rends compte, Jean-Marc ne m’a même pas reconnu quand je marchais devant lui !  C’était un beau compliment », raconte-t-elle fièrement. Contrairement aux sex-shops précédents, rien n’a changé, ou presque, depuis l’arrivée d’Internet. Imen, qui se décrit elle-même comme une « analphabète du Net », est dubitative face à l’impact du Web sur ses ventes. Pour elle, la cause de la baisse de son chiffre d’affaires est un dommage collatéral de la crise économique qui touche ses clients français. La responsable évoque également une concurrence accrue, au sein du quartier comme en dehors.

 

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Cette concurrence décomplexée se trouve désormais dans beaucoup d’arrondissements parisiens grâce à l’invasion de ce type de commerces. C’est ainsi que des chaînes, comme les boutiques Passage du Désir – qui se revendique « première marque dédiée au développement durable du couple » –, ont vu le jour à Châtelet ou dans le Marais. L’invention du concept du lovestore et son implantation dans des quartiers traditionnels sont à créditer à Richard Fahl, fondateur et dirigeant de la société Concorde, leader dans ce secteur depuis de nombreuses années. Une idée conçue pour banaliser le sexe et le rendre plus accessible. « Un de mes clients avait fait une commande par correspondance, il habitait au 133 rue, Saint-Denis, à Paris, il y avait un sex-shop juste en dessous de chez lui. Ça m’a donné l’idée d’établir un petit questionnaire et, à partir de là, ce monsieur m’a répondu qu’il n’oserait pas rentrer dans un sex-shop. J’ai demandé ensuite aux femmes, minoritaires à l’époque, qui m’ont répondu qu’elles aimeraient des boutiques plus glamour et plus féminines », se remémore le chef d’entreprise. Il prendra donc le parti de créer des magasins en dehors des quartiers rouges comme Pigalle ou la rue Saint-Denis. Dans le business depuis l’âge de 19 ans, ce self-made-man assumé s’est établi au cours des décennies une réputation de roi du porno en France. Une success-story qui a failli se terminer à 40 ans, lorsqu’il a dû déposer le bilan, criblé de dettes à cause de l’État qui ne voit pas son business d’un bon œil. Aujourd’hui, Richard Fahl est aux commandes d’un empire à trois têtes comprenant la fonction de fournisseur, de détaillant et de vente par correspondance par le biais d’Internet. Une activité que la société a embrassé sur le tard, l’impact de ce nouveau médium ayant été sous-estimé au départ : « Comme toutes les grosses entreprises bien implantées, on a un peu négligé Internet au début. Pour être franc, je n’y croyais pas. Pour moi, le virtuel ne tenait pas la route. On s’est rendu compte de notre erreur, mais il a fallu trois-quatre ans pour qu’il y ait un vrai marché, plus deux-trois ans pour savoir comment ça fonctionnait. Pendant ce temps-là, il y a eu des petits jeunes nés avec Internet qui ont gagné beaucoup de sous, dans les débuts, les années les plus fructueuses», avoue son patron. Maintenant, le marché virtuel n’est plus aussi rentable qu’autrefois. Notamment à cause de la dictature Google qui oblige les entreprises à payer des sommes faramineuses – environ 100 000 euros par mois pour Concorde – pour pouvoir être bien référencées sur le moteur de recherche dominateur.

 

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Même si Concorde peut voir venir la concurrence des nouveaux acteurs du marché, rester dans le vert est un combat quotidien. Après avoir connu des bilans financiers déficitaires ces dernières années, la société recommence à gagner de l’argent depuis un an grâce à l’équilibre trouvé entre ses différents rôles. Loin d’être pessimiste, son président voit l’économie du sexe encore rentable, malgré la multiplication des protagonistes : « Il y a de la place pour tout le monde, simplement le métier est beaucoup plus dur qu’avant. C’est devenu une industrie physique où il faut faire attention à ce que l’on fait. Il ne faut pas faire n’importe quoi, alors qu’il y a quelques années on n’avait pas besoin de savoir compter pour faire de l’argent. »

 

Sexe un jour, sexe toujours

 

Alors qu’il n’y aurait plus que deux cents sex-shops en France en 2015, le nombre de loveshops continue d’augmenter pour atteindre aujourd’hui quelques milliers. Une tendance qui vaut également pour le quartier de Pigalle, où supermarchés et autres boutiques « nouvelle génération » ont pris le pas sur les petits établissements. Richard Fahl, toujours à l’affût de ce qui se passe de nouveau dans le monde du sexe, est convaincu qu’aujourd’hui ce sont les femmes qui poussent majoritairement les portes des lovestores. Pour lui, elles assument complètement l’utilisation de leurs achats, quand beaucoup d’hommes justifient leur présence par des mensonges impliquant une tierce personne. Le cadeau ou l’achat fait pour un ami semble être le joker universel.

Une timidité, ou une hypocrisie masculine corroborée par l’anecdote humoristique et pathétique d’un autre gérant de sex-shop, « Monsieur H ». « À mes débuts dans le métier, je souhaitais faire un emprunt à la banque pour m’aider. Ma demande a été fermement rejetée par mon conseiller de l’époque, car il prétextait que travailler dans le sexe n’était pas un domaine valable. Ma surprise a été plus que grande quand, quelque temps plus tard, il s’est retrouvé dans mon magasin pour acheter de quoi satisfaire sa femme. Il n’a pas osé me regarder en face au moment de payer. » Dans son établissement, également situé sur le boulevard de Clichy, les transactions sont télépathiques. L’habitué passe le plus souvent le seuil de la porte d’entrée sans salutations, forme de politesse qui semble tout à coup superflu dans ce cadre. C’est ensuite que l’unique instant d’interaction se produit : deux mains se rencontrent, l’une tenant un billet, l’autre un petit ticket jaune servant de sésame pour entrer dans les salles de visionnage du sous-sol. Après « consommation », c’est toujours sans un mot que les clients sortent du magasin.

Parfois honteuse dans les cabines, décomplexée avec les lovestores et incontrôlable avec Internet, la consommation du sexe est partout. Comme la numérisation des journaux, le streaming musical et la vidéo à la demande, l’industrie du sexe doit aussi s’adapter. Richard Fahl continue de réfléchir aux choses qui feront vibrer le marché du sexe de demain : «Aujourd’hui, le métier est devenu plus intéressant sur un plan artistique, car plus riche intellectuellement, mais beaucoup moins sur le plan financier. Il y aura d’autres étapes, c’est certain, je l’ai déjà vécu dans ce métier. Le virtuel, les orgasmes informatiques… Il y aura toujours quelque chose. »

 

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Article publié dans le dernier numéro de YARD PAPER.
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Alors que le cinéma s’exprime par l’image, le Festival de Cannes lui, utilise l’art du verbe. Pendant deux semaines on écoute jusqu’à l’overdose les acteurs d’une communauté qui habituellement laissent parler leurs œuvres. Eldorado de tout chargé de com’ il faut redoubler d’inventivité et d’audace pour extirper la moindre information inédite lors des centaines d’interviews de ces faiseurs de film. Puis pour encadrer cette foire aux mots il y a les discours. En ouverture ou en clôture, beaux, grands ou long, ils remercient, ils introduisent, ils dénoncent, mais surtout ils sont préparés à l’avance. Contrôlant ses paroles à la virgule près, Lambert Wilson était pour la deuxième fois maître de cérémonie lors de la 68ème édition du Festival de Cannes. C’est lui qui avait le plus de place pour s’exprimer. En ouverture, il a choisi de s’attarder sur un thème qui sentait le réchauffer pour certains et au cœur de l’actualité pour d’autres, Lambert Wilson a choisi de toucher quelques mots à propos des femmes.

 

 

L’ordre et la morale

 

Son premier discours l’an passé faisait un état léger et enthousiaste de la magie du cinéma. Comme il le dit lui même pour iTELE « Le monde a changé très violemment et particulièrement depuis l’année dernière. ». En 2015 l’acteur français a peur. Il évoque à plusieurs reprises lors de la cérémonie d’ouverture, un monde « rude » ou une réalité « barbare » et assume au micro de France Inter faire référence à « l’État islamique » ou autres « Boko Haram ». Malheureusement, la peur peut parfois entraver bon sens et réflexion. Ainsi Lambert Wilson nous a cette année peut-être un peu perdus avec ses propos, desquels on peut extraire des idées contradictoires mais aussi symptômatiques d’une façon de penser.

Il a donc pris comme étendard la femme. Choix plutôt logique car sa place est vigoureusement débattue au sein de notre société comme au sein de la grande famille du cinéma. Sans plus attendre le maître de cérémonie tranche : « À l’heure où certains et je dis bien certains voudraient la cacher, la bâillonner, la tenir dans l’ombre, la rendre captive, la violer, la mutiler, la vendre comme on vend une marchandise, le cinéma lui la met en valeur, il la révèle, la révère, il la réveille. ». Quand Lambert Wilson a peur, le cinéma le rassure. « Mesdames les réalisatrices, les productrices, directrices de la photographie, scénaristes, actrices vous avez modifié le regard des hommes. Maintenant et c’est une évidence, il n’y a plus à baisser la tête. ». Focalisé sur les événements qui ont frappé la France en janvier dernier et ce qu’ils ont révélé à ceux qui ne le comprenaient pas encore, l’acteur manque de perspective en écrivant un discours aux teintes moralisatrices. D’Occident ou du Moyen-Orient, nous sommes tous issus de plusieurs siècles de fonctionnement en société patriarcale. La mentalité d’une domination masculine est encrée inconsciemment dans l’ADN de l’humanité. Elle se manifeste donc, à une échelle de violence à bien sûr relativiser, partout. Alors lorsque Lambert Wilson explique qu’ailleurs on martyrise la femme et qu’ici on la valorise, l’opposition entre deux camps si distincts, pleine de supériorité, apparaît comme un peu simpliste et surtout erronée. Mais au delà d’une vision donneuse de leçons, c’est un excès de catégorisation qui rend ses propos incohérents. Comment rassembler tout le cinéma sous une même ligne de conduite quand la particularité du monde artistique est justement pour chaque artiste de partager une vision intime et strictement personnelle du monde. Quel rapport pourrait-on possiblement trouver entre l’appréhension de l’image de la femme d’un Quentin Tarantino, Lars Van Trier, Emir Kusturica ou encore celle des frères Dardenne pourtant tous primés au festival ?

 

Lambert Wilson - Cannes 2015

 

Où sont les femmes ?

 

C’est d’ailleurs pour cette raison que le plus prestigieux rassemblement de cinéastes est le vivier de polémiques toutes plus virulentes les unes que les autres. Les visions se rencontrent et se confrontent comme celle notamment en 2012 de trois femmes : Fanny Cottençon, Virginie Despentes et Coline Serreau. Actrices et réalisatrices, elles se sont élevées dans les colonnes du Monde contre la place trop peu importante des femmes au sein de la sélection officielle du festival. Preuve de l’impossibilité de se targuer d’exemplarité sur le sujet, les faits parlent d’eux-mêmes. 68 éditions de croisettes cannoises et une seule Palme d’or discernée à une femme : Jane Campion. C’était en 1993. Même les figures les plus respectées de notre patrimoine artistique comme celles de l’intouchable Nouvelle Vague, préféraient voir en la femme son potentiel plastique et passif plutôt qu’à la tête de la création. François Truffaut avait à ce propos déclamé « Faire du cinéma c’est faire faire de jolies choses à de jolies femmes. ». C’est même Lambert Wilson qui intègre cette citation à son fameux discours d’ouverture en la taxant de paradoxale avec le respect de la femme que le réalisateur aurait pu avoir.

Si les chiffres et notamment le nombre bien en dessous de la parité de films réalisés par des femmes en compétitions sont difficiles à contester, résident également le problème du traitement des femmes qui sont elles bien présentes sur les marches du tapis rouge. Pour les trois auteures du coup de gueule de 2012, les femmes à Cannes « sont célébrées pour leurs qualités essentielles : beauté, grâce, légèreté… ». Pleine d’ironie cynique cette déclaration dénonce la vision de la « femme-objet » utilisée pour son physique plutôt que pour ses éventuels atouts cérébraux. Problématiques plus subjectives et difficilement démontrables certaines anecdotes peuvent poser la question d’une ambiance cannoise hostile à la gente féminine. Par exemple lorsqu’Isabelle Hupert occupait en 2009 le siège de présidente du jury et a subi trois semaines d’acharnement médiatique qui selon Thierry Frémaux, délégué général du festival, n’auraient pas été les mêmes pour un homme. Pour couronner le tout on l’accuse de décerner la Palme à Michael Haneke pour le Ruban Blanc avec pour objectif détourné de se positionner pour un rôle dans un des prochains films du réalisateur. La séduction et la manipulation peuvent effectivement sembler être des vices plus souvent prêtés aux femmes qu’aux hommes.

 

Isabelle Hupert - Gerard Depardieu - Cannes 2015

 

« On ne crée pas avec son sexe »

 

Pourtant cette année la même Isabelle Hupert était invitée à participer à un cycle de débats intitulé « Women In Motion », crée par la marque de luxe Kering, pendant toute la durée du festival. Son but était de discuter de la place de la femme dans le cinéma. L’actrice s’est exprimée vivement aux côtés de la grande productrice Sylvie Pialat, toutes deux ont signalé leur agacement de voir justement ces questions au centre de l’attention. « Je ne vois vraiment pas comment je serais discriminée en tant qu’actrice : les hommes ne risquent pas de me piquer mon travail !» ironise Isabelle Hupert venue présenter cette année trois films à la fois. Encore plus sérieusement c’est Maïwenn, une de ces rares réalisatrices présentes dans les sélections, qui s’insurge face au débat : « Pour Polisse, quelqu’un de très proche m’avait dit : ‘C’est évident que tu allais être prise en compèt’. Tu fais un film sur les enfants maltraités, t’es une femme, t’es jeune, t’es jolie.’ Comme si je n’avais pas la légitimité d’exister par ce que je fais. C’est fatigant. Tous les ans, on a le droit au même débat, c’est insupportable. ». C’est ainsi que toutes les problématiques de la discrimination positive et des quotas pointent leur nez. Faudrait-il forcer les sélectionneurs de films du festival à choisir la moitié de films réalisés par des femmes et l’autre par des hommes ? Pour Thierry Frémaux la réponse est clairement non : « Le Festival de Cannes ne sélectionnera jamais un film qui ne le mérite pas simplement parce qu’il est réalisé par une femme ».

En politique, la question de la parité est légitime car les dirigeants sont sensés représenter la population. Dans la culture et l’art, la démarche s’y oppose. Le cinéma doit promouvoir des sensibilités toutes aussi nombreuses et différentes qu’il y a de réalisateurs, et non des symboles. A cent poids, cent mesures. Si cette polémique de surface pousse certaines femmes comme Maïwenn à ne plus vouloir s’exprimer sur le sujet, c’est qu’il est traité de manière isolée. Un individu n’est jamais qu’un homme ou qu’une femme. Quand Jane Campion réalise un film, elle crée en tant que femme mais aussi en tant que Neo-zélandaise. Dans la Leçon de piano qui a reçu la Palme il y a une dizaine d’années, on sent tout autant une réflexion sur la place de la femme dans l’histoire que sur l’isolement que représente la situation géographique du pays de la réalisatrice. Comment réfléchir ou même formuler l’idée d’un cinéma féminin quand chaque artiste (masculin ou féminin) doit gérer de nombreux autres facteurs les définissant et les rendant parfaitement uniques ? « On ne crée pas avec son sexe. » nous rappelle en figure d’autorité Marguerite Yourcenar.

 

Maïwenn - Vincent Cassel - Cannes 2015

 

Les bons sentiments apparemment inoffensifs relayés par Lambert Wilson sont le marqueur d’une hypocrisie propre à un comportement très occidental. Porter la place de la femme dans le cinéma en débat, dénoncer la femme-objet, s’insurger contre le sort réservé à la gent féminine loin de chez nous, sont autant de moyens pour faire ponctuellement beaucoup de bruit. Une méthode qui évite d’assumer le passé machiste de notre culture. Le cinéma s’est construit il y a plus d’un siècle presque exclusivement avec des hommes, il est logique que ce genre de changements profonds prennent du temps.
« Notre rêve serait de faire un Festival sans les génériques afin que personne ne sache qui a réalisé les films. » confiait Thierry Frémaux lors d’une interview. Mesure aussi complexe que l’introduction de la vidéo dans le football, elle révolutionnerait trop la façon de fonctionner d’un univers attaché, parfois à tort, parfois à raison, à ses traditions. Il faudra donc s’armer d’une patience double. La patience de voir des femmes talentueuses s’intégrer progressivement au sein de l’élite du cinéma et la patience de supporter encore un bon moment des polémiques et des combats souvent trop peu subtiles.

Kyu St33d est de retour avec un mix du titre Deixe Me de Sango extrait du 100K Project de Soulection. Ici, les fameuses influences brésiliennes de l’américain, laissent place à des sonorités plus orientales.
On vous laisse écouter et télécharger ce son plus haut !

Matthias Dandois est le freestyler BMX le plus brillant de France et l’un des tout meilleurs au monde. Il est plusieurs fois champion du monde de flatland et ne cesse de repousser les limites de ses performances. Sa passion qui est devenue son métier l’a conduit aux quatre coins du globe. Chaque mois Matthias vous partagera les plus beaux clichés de ses différents périples et toutes ses impressions.

L’année prochaine, Vans fêtera ses 50 ans. Pour l’occasion, le team BMX aux États-Unis a décidé de marquer le coup et de filmer un DVD qui sortira début 2016. Une dizaine de trips sont prévus en un an et j’ai la chance de participer à ce projet ! Après l’Australie, l’Argentine et le Pérou, Vans a emmené une partie de sa team à Kobe au Japon. Au programme : filmer des clips pour le DVD et shooter des photos pour le magazine Transworld US.

15 jours intenses à parcourir les rues de la ville nippone accompagné des riders Dakota Roche, Gary Young et Kevin Peraza, des cadreurs Justin Kosman et Colin Mackay, du photographe Jeff Zielenski ainsi que du team manager Jerry Badders. Un vrai trip d’Américains! Plus haut, voilà ce qui nous est arrivés en 13 photos.

14 décembre 2008. Après avoir lancé le début d’une longue invasion militaire de l’Irak en 2003 en réponse aux attentats du 11 septembre, le président américain George Bush tenait une conférence de presse surprise à Bagdad en compagnie du premier ministre irakien Nuri Kamal al-Maliki. Tout deux présents pour établir les accords de sécurité entre les deux États, leur rencontre semble cordiale quand ils se serrent la main pour valider leur entente.

Pourtant, cette amitié de façade masque la situation complexe et critique de l’Irak, où l’intervention des États-Unis ne s’est pas faite sans heurts avec une centaine de milliers de morts civils à déplorer dans tous le pays. Dans ce parterre de reporters un journaliste ne supporte pas l’hypocrisie ambiante. Et tenant face à lui celui qu’il estime responsable des tueries qui sévissent dans son pays, se prépare à réagir.

Son nom : Muntadher el-Zaidi. Ce journaliste autrefois otage d’un groupe d’assaillant inconnu, a part deux fois croisé la route de l’armée américaine qui l’aurait détenue à tort.

Debout, il empoigne sa chaussure et la lance en direction du président Bush Jr. « Ceci est le baiser d’adieu du peuple irakien. » Ce dernier, vif, esquive ce premier assaut. Alors que la réaction des journalistes les plus proches de Muntazir n’est pas de l’arrêter, mais d’immortaliser l’instant, il en profite pour retirer sa deuxième chaussure et rejouer le lancer. « C’est pour les veuves et les orphelins et tout ceux tués en Iraq. » Cette fois-ci c’est le premier ministre irakien qui tente (avec une faible conviction…) d’éloigner la chaussure. C’est alors que les gardes du corps de George Bush interviennent, retenant l’assaillant et l’éloignant de la salle de conférence.

Tout du long, George Bush semble d’abord surpris puis amusé par la situation. Il ne retrouvera son sérieux que lorsqu’il constatera l’intervention de son service de sécurité.

Si les images de cette conférence ont rapidement fait le tour du monde, la suite est beaucoup moins drôle. Sa rencontre avec la sécurité américaine aura laissé à Muntadher quelques traces : un bras et des côtés cassés ainsi que quelques blessures au visage et aux jambes. C’est aussi 35 heures de garde à vue assez musclées et d’un procès dont il ne ressortira libre qu’après une incarcération d’un an. Plusieurs manifestations se sont tenues pour soutenir le journaliste et défendre sa liberté d’expression. En effet, bien plus qu’une attaque physique, jeter une chaussure à un homme et le traiter de chien, constitue la plus haute des insultes pour un Irakien.

 

Protesters_Throwing_Shoes_at_Bush_posters_in_Montreal

 

Aujourd’hui, l’armée américaine s’est retirée d’Irak et il ne reste de cet évènement que des memes, des jeux et une réplique de ces fameuses chaussures exposées dans au musée de TriBeCa à New York.

Il a fallu environ trente-cinq jours pour mettre en boîte 96 minutes d’un film qui raconte 24 heures de la vie de trois mecs qui bascule en une minute. C’était il y a vingt ans. Comment une petite heure et demie de pellicule qui défile peut-elle réussir à laisser une empreinte artistique ? « Au-delà du talent cinématographique, la Haine est un film qui possède une vraie âme », s’enthousiasmait Jodie Foster dès 1995. Indémodables, le noir et blanc à la Mathieu Kassovitz ou le « Robert De Niresque » Vincent Cassel ne prennent pas une ride. L’armée de bras et de cerveaux ayant aidé à fabriquer le film non plus. Ils ont simplement mûri, forts de leurs belles carrières dans le cinéma français. La Haine comme carte de visite, ça ouvre des portes, aucun d’entre eux ne le conteste. Mais ce sont leurs souvenirs qui nous replongent dans les étapes de la confection à la promotion du film qui finira par un prix de la mise en scène à Cannes. Cette expérience singulière, Sophie Quiedeville, en tant que régisseuse générale, l’a vécue de bout en bout : « Ce tournage est particulier, c’est un acte, on ne fait pas qu’un film à ce moment-là. »

 

« Nous, on n’a pas d’armes, on a que des cailloux »

 

L’« acte », c’est Mathieu Kassovitz qui décide de l’imposer au grand écran à la suite de l’affaire Makomé M’Bowolé, victime d’une bavure policière. Tout part de là, Mathieu sait que sa vocation sera le cinéma et c’est le choc de l’injustice sociale qui déclenche l’écriture de son deuxième long-métrage. D’abord baptisée Droit de cité pour paraître plus fréquentable, la Haine se définira par le va-et-vient entre deux aspects de l’œuvre : la conjugaison ou parfois la confrontation entre l’univers du cinéma et celui des banlieues françaises des années 90.

 

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Une longue année de repérages pour trouver le quartier de Saïd, Vinz et Hubert en région parisienne, et même au-delà, s’achève sous la direction d’Éric Pujol, le premier assistant réalisateur. En vain. Une seule commune acceptera d’accueillir le tournage : Chanteloup-les-Vignes. Sa cité, la Noé, qui occupe 80 % de la superficie de la ville, est une grande habituée des reportages, JT et envoyés spéciaux en tous genres depuis sa création dans les années 60. À mesure de son évolution elle s’est érigée, malgré elle, en cible privilégiée des médias pour relayer les problématiques de la banlieue en France. « La caméra n’est pas la bienvenue à Chanteloup. Distinguer une caméra qui vient faire de la fiction de celle du journal de 20 heures qui vient chercher des faits divers, ce n’est pas évident. Une caméra reste une caméra, c’est une intrusion », prévient Juan Massenya, ancien habitant du quartier et réalisateur du documentaire Banlieusards : 40 ans à Chanteloup-les-Vignes.

Face à ces obstacles, Mathieu Kassovitz ne revoit pas un instant son projet artistique à la baisse. Son film ne traitera pas de la banlieue avec une caméra embarquée pour donner une impression de réalisme. Le réalisateur sait déjà qu’il va devoir s’étaler, il veut extraire une beauté esthétique de la cité et, pour ça, il faut plusieurs camions de matériel, des grues, des travellings, des steadycam et même un hélicoptère. Il s’adapte.

« Il fallait que l’équipe du film soit acceptée, ça a été le cas, et à partir de là tout s’est bien passé. Concernant la banlieue, j’ai toujours dit qu’il faut arrêter de faire contre, il faut arrêter de faire pour, il faut arrêter de faire à la place, il faut faire avec les gens. Ils ont décidé de faire avec. Nous savions que dans ces conditions ça allait marcher, c’était le seul moyen. De ce côté-là, ils se sont bien débrouillés, mais avaient-ils le choix ? » précise Pierre Cardo, maire de Chanteloup pendant presque trente ans (1983-2009). Contrairement à des expériences de tournage en cité sur le fil du rasoir (Besson lui-même a dû en annuler un à Montfermeil après s’être fait brûler des voitures destinées à des scènes de cascades), pour La Haine, tout se passe bien. Pendant cinq semaines rien de sensationnel à se mettre sous la dent, pas un affrontement, pas une caméra volée, pas de quoi déplacer MinuteBuzz. Pour Sophie Quiedeville, les appréhensions venaient davantage de l’équipe du film que des Chantelouvais : « Même quand tu tournes dans Paris, les équipes de cinéma sont comme dans une bulle. Tu as l’impression qu’ils se sentent chez eux partout et tout le temps. Pour La Haine, la complexité était d’amener des gens comme ça dans une cité. » Un gros travail de préparation s’imposait pour que Pierre Aïm, chef opérateur, en garde cette image si positive : « Le souvenir que j’en ai, c’est un silence complet pendant les prises. Je pense qu’on faisait partie intégrante du quartier. Ce qui était évident, c’est que tout le monde comprenait ce qu’on faisait. Ces instants où les gens se taisent au bon moment te donnent le sentiment que c’est un film pour eux. Je ne dis pas ça comme ça, c’était clair, c’était un film qui leur appartenait aussi. Cette harmonie inattendue, les médias de l’époque rechignent à y croire, à l’image de Première qui interviewe un bon nombre de techniciens afin d’élucider ce mystère. Au-delà des stéréotypes, l’équilibre entre les deux forces ne s’est pas non plus fait comme par magie.

 

« Vous cartonnez tellement que vous êtes en papier mâché »

 

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Au cinéma chacun a un rôle, la règle sacrée est de s’y tenir. L’organisation que cela implique pousse, selon l’envergure du projet, à lever de véritables armées. Pour La Haine, ils n’étaient pas plus d’une vingtaine sur le plateau. Avec un budget correct mais pas faramineux (2,6 millions d’euros), Mathieu joue sur la qualité de son équipe. Pour la confectionner, il est plutôt, du moins en 1995, de ceux qui misent sur le centre de formation du club, comme l’explique Pierre Aïm, son attaquant de pointe : « La capacité qu’a eue Mathieu, c’est de trouver des mecs qui ont fait d’abord ses courts-métrages, il avait testé toute l’équipe sur celui appelé Assassin. Il a vu que ça s’était très bien passé, l’ambiance était géniale, c’était extraordinaire. Il n’y avait donc aucune raison que sur Métisse (son premier film, ndlr) puis sur La Haine, il change. Je pense qu’il a eu ce pif de trouver les gens qui lui fallait à tous les postes. » Certains sont tout de même issus du mercato, mais toujours recrutés pour correspondre à l’état d’esprit du groupe. Sophie Quiedeville l’avait très clairement ressenti lorsque le réalisateur lui a demandé de participer à son film : « Le choix de l’équipe était important pour Mathieu, ce n’était pas envisageable d’avoir des gens qui ne soient pas à l’écoute ou dans la patience. Il ne fallait pas que ce soit des techniciens brutaux, là uniquement pour faire leur métier. » Elle faisait partie de ceux-là : « J’ai été élevée en cité, mais Mathieu ne le savait pas, simplement je pense que ça se voit. Ce n’est pas une question de vocabulaire ou autre, c’est une approche différente de la vie. » Leurs qualités humaines deviennent plus importantes que leurs compétences cinématographiques. Sur La Haine, il fallait avant tout être capable d’appréhender le lieu, non pas comme un décor, mais comme un espace vivant avec lequel il fallait être capable d’interagir. La chef régisseuse poursuit : « Être technicien sur ce film, c’est donner beaucoup de temps à l’endroit dans lequel on tourne, c’est écouter les petits qui sont là, autour de nous. Il y avait une dizaine de personnes qui entouraient la caméra tout le temps, une trentaine à côté du camion-régie, ils posaient des questions, ils étaient super curieux et à l’écoute. La qualité de Pierre Aïm, George Diane (le cadreur), la maquilleuse, la costumière, c’était de répondre avec patience à ces sollicitations. Les gens qui ont fait ce film étaient tous très doux, ils savaient canaliser leurs émotions. »

 

« Tout ce que j’sais, c’est que je cours pas plus vite que les balles » 

 

« Avant le tournage, le terrain était si bien préparé par la présence de Mathieu, ses acteurs, son assistant et sa régisseuse dans la cité, que je n’ai eu strictement aucune crainte. Je savais que cet endroit était complètement acquis à notre cause. Tout le monde savait parfaitement ce qu’on faisait ici. » Pierre Aïm l’avait compris, même avec cette équipe qui répond aux critères de Mathieu, le cinéaste n’échappe pas à la contrainte du temps. Synonyme d’argent, au cinéma, il n’y en a jamais assez. Il faut faire vite et bien. C’est à ce moment-là que le réalisateur court-circuite le système. Il prend le temps de laisser les habitants de Chanteloup assimiler la démarche de ces « envahisseurs » qui investiront leur lieu de vie pendant cinq semaines. Cela signifie louer deux appartements au cœur de la Noé et s’y installer un mois et demi avant le tournage, avec les trois acteurs principaux, l’assistant réalisateur et la régisseuse.

 

« L’objectif de la préparation était aussi de traîner dans les caves, dans les cours, de ne surtout jamais rentrer à Paris, ne pas avoir de voiture, de se mettre dans les conditions des mecs là-bas. Pour les comédiens, c’était comprendre ce que c’est de s’ennuyer toute la journée », ajoute Sophie Quiedeville. Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui et Vincent Cassel expérimentent grandeur nature la vie des jeunes de banlieue et plus précisément de ceux de la ville de Pierre Cardo. Car même si La Haine ne raconte pas l’histoire de Chanteloup, on retrouve dans les attitudes des personnages, l’isolement que supposent les 40 kilomètres qui séparent la petite commune de Paris. On reste là parce qu’on ne peut pas aller ailleurs. « Dans la scène où le petit mec raconte son histoire interminable de caméra cachée à Vinz, Saïd lui jette des cailloux. Il ne jette pas des cailloux pour rien, c’est que, d’un seul coup, nous aussi, quand on traînait, on s’était mis à en jeter », explique Sophie.

 

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Côté régie, tous les jours on détaille aux gens le déroulement du tournage qui approche. Un jeu d’apprivoisement mutuel s’installe. En s’attardant dans les caves, la régisseuse se fait menacer de la mise en vente imminente de tous ses organes au marché noir. « Tu ne fais rien. Tu vas dans la cave parce que t’en as marre d’être dehors dans la même cours depuis quatre heures, donc tu explores. Tu croises des histoires. Celle des organes, c’était juste pour me faire peur. Ça montre que c’était un jeu pour eux qu’on soit là. On est cinq, six à s’incruster, à raconter qu’on va faire un film chez eux, c’est normal », se rappelle-t-elle sourire aux lèvres.

 

« Ah ouais ? Et qui nous protège de vous ? »

 

Figure d’autorité largement rejetée, par l’équipe du film et par une partie de la jeunesse chantelouvaise, la police est d’office exclue de l’ambiance du tournage. Elle est remplacée par deux leaders qui tiennent intelligemment leurs troupes pour qu’elles s’entendent et travaillent ensemble.

D’un côté, Mathieu Kassovitz n’est qu’un jeune réalisateur qui embarque son équipe dans un projet encore confidentiel. Axel Cosnefroy, second assistant caméra sur le film et aujourd’hui chef opérateur, en témoigne : « On était au maximum de notre talent grâce au réalisateur. C’est Mathieu qui pousse. Moi, par exemple, à la caméra, je faisais le zoom dans le travelling compensé sur l’esplanade de Montparnasse. C’est un plan qu’on a fait en une demi-heure parce que la nuit tombait. C’est pourtant un moment pivot du film, ma responsabilité était énorme. Il y avait trois ou quatre prises possibles et on était tous au taquet, parce que Mathieu transmet ça aussi. » Ses techniciens l’admirent et sont prêts à le suivre dans toutes ses idées audacieuses. Pierre Aïm l’exprime en détail : « Il y a deux parties dans le film, la première quand les personnages sont dans leur cité, la seconde quand ils viennent à Paris. Il y a donc une chose fondamentale que nous a expliquée Mathieu ; la cité, ils y sont nés, ils y ont grandi. Donc c’est leur environnement familier et, pour eux, la jungle c’est Paris. À partir du moment où on est arrivés dans la deuxième partie du tournage, il m’a dit : “Je veux me mettre en danger dans ma mise en scène comme les personnages se sentent en danger à Paris.” Ça a donné certains plans magnifiques qui sont très simples techniquement parce qu’on n’avait rien pour faire quelque chose de compliqué. Pour moi, une des plus belles séquences, c’est celle des toilettes avec le jeu de miroirs, absolument brillant. Je me souviens très bien qu’on avait présenté à Mathieu deux ou trois toilettes en repérage et il avait choisi celles qui étaient les plus petites et donc les plus compliquées pour tourner. »

Alors, quand il s’agit de s’enfermer dans une cité sans jamais revenir chez soi deux mois avant le tournage, on suit Mathieu ; quand la veille du premier jour de tournage il y a une émeute à Chanteloup et que l’on décide de tourner quand même, on suit Mathieu ; et quand il décide qu’il faut qu’une vache traverse la cité, on suit aussi Mathieu.

 

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Du côté des Chantelouvais, c’est Pierre Cardo que l’on suit. Quand l’équipe du film s’installe, il est maire depuis douze ans déjà. Connaissant par cœur les mécanismes de sa ville, il a compris depuis longtemps que le monde associatif, dont il est issu, offre un pouvoir complémentaire à son mandat. Le maire UDF et son rapport unique à Chanteloup explique peut-être qu’il ait été le seul à relever le défi lancé par Mathieu. Pierre Cardo mise sur les forces en présence au sein de l’association Les Messagers, qui va jouer le rôle de relais avec le reste des Chantelouvais. « J’avais quand même une remontée d’informations par le tissu associatif, j’avais mes réseaux partout qui fonctionnaient, j’avais déjà mis en place les médiateurs à l’époque, je savais à peu près ce qui se passait. » Comme Don Corleone, il n’a pas besoin de descendre de son bureau pour avoir la mainmise sur sa communauté. « Tout repose sur la personnalité de Pierre Cardo. Avant d’être notre maire, c’est un habitant de la ville. Et avant d’être maire, c’est un chef de bande. » Juan Massenya appuie son statut de parrain. Le politique atypique renvoie plus l’image d’un homme que tout le monde respecte que celle de l’administration française, trop froide, trop distante pour être crédible. « Je pense que si Chanteloup est la seule ville qui a répondu positivement, c’est parce que son représentant est légitime au regard de tous. Il avait la confiance de tous, ou presque, et lui-même faisait confiance à ses habitants. Si Pierre disait : “C’est bon pour nous”, c’était bon pour tout le monde. »

 

« Jusqu’ici tout va bien »

 

L’enthousiasme du tournage se répercute sur la sortie du film. Plus de 2 millions d’entrées au box-office, l’année où Usual Suspect n’en faisait que 1,4. Après un passage réussi à Cannes, non seulement le film marche bien, mais il s’imprègne aussi dans les consciences. Une bonne demi-douzaine de répliques deviennent cultes et traînent sur les lèvres de la jeunesse française, depuis « c’est à moi que tu parles ? » jusqu’à « l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage ».

Comme quand le noyau dur de l’équipe se répétait constamment pour expliquer le projet de film aux habitants de Chanteloup, c’est devant les médias français qu’ils doivent désormais se justifier. Depuis la sortie en 1995 jusqu’à aujourd’hui, on leur soutire des anecdotes qu’ils répètent sans cesse et sans s’agacer. Les interviews, les plateaux télé, les conférences aident à bâtir une espèce de légende orale. Plus les détails sont précis, plus on se sent privilégié d’être de ceux qui savent. Alors, on apprend que seule une paire de talkies à 200 francs a été volée durant toute la période du tournage, ou encore que les jeunes figurants Chantelouvais tapaient sans se retenir sur leurs potes, également figurants mais en costume de CRS. Aujourd’hui encore, Pierre, Sophie, Axel nous racontent ces mêmes histoires. Un conte, c’est toujours agréable à écouter. Pourtant, rien n’empêche de s’écarter des sentiers battus et de faire la lumière sur d’autres perceptions de l’atmosphère qui régnait au moment de la réalisation du film.

 

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En tant que second assistant caméra, Axel Cosnefroy faisait toute la journée des allers-retours entre le camion de matériel et le plateau pour changer la pellicule. « Je traversais la cité en trottinette. J’étais au contact du plateau, mais j’étais aussi derrière au contact de la réalité. Un jour j’ai croisé un mec, j’avais la caméra sur l’épaule, j’étais tout seul et il m’a bousculé. Je lui ai dit : “Oh, ça va pas ?” Il s’est arrêté, s’est retourné et là j’ai compris qu’il fallait que je parte. Caméra ou pas, ça se serait mal passé si j’avais insisté. J’ai ravalé mon orgueil et je suis parti. » Le jeune technicien à l’époque garde aujourd’hui le souvenir d’un tournage très fatigant physiquement et moralement, sans retirer pour autant une grande fierté de compter son nom au générique : « Après, il y a le résultat final et l’expérience artistique qui est l’une des plus belles de ma carrière. »

Rachid Djaïdani peut aussi faire partie de ces oubliés. Pourtant, son aura a marqué les esprits de toutes les personnes présentes sur le tournage. Prévu au départ à la figuration, il se retrouve finalement à la régie aux côtés de Sophie Quiedeville : « C’était mon stagiaire, je l’adorais. On avait un camion pour la nourriture parce que c’est un principe syndical, dans le cinéma tu dois faire manger les gens. Donc, Rachid gérait ça et tout le monde mangeait avec l’équipe. Qu’on soit 30 ou 800, Rachid s’était organisé pour qu’il y en ait pour tout le monde, qu’il n’y ait pas des gens qui bouffent devant des autres. Il était très talentueux. » Le jeune homme, issu des banlieues et fasciné par ce milieu du cinéma, socialise avec tous, y compris Pierre Aïm : « J’ai découvert ce jeune assistant qu’était Rachid. En trois jours seulement, en discutant avec lui, il m’a montré ses écrits. Je me suis dit que ce mec était super doué, il a quelque chose de particulier. » En vingt ans, il aura publié trois romans et réalisé son premier long-métrage, Rengaine, en 2012. Pas de leçon de vie criée sur tous les toits, ce destin resté discret est la preuve d’un mélange réussi entre les deux univers sans trop en faire.

 

« Regarde, je vais éteindre la tour Eiffel »

 

Le film aurait pu rester confidentiel. Mathieu Kassovitz tenait plus à accoucher d’une œuvre de qualité que d’obtenir un succès incontestable. Quand la réalité le rattrape, c’est pour lui offrir plus que ce qu’il espérait. Juan Massenya en a été l’un des témoins : « À un moment, La Haine n’appartenait plus ni aux Chantelouvais ni à Mathieu, le film est parti aux quatre coins du monde. Ma grande claque a été quand j’ai entendu Jodie Foster en parler. »

La Haine reste une surprise, ce n’était au départ qu’un projet tenu à bout de bras par une bande de débutants inconnus, comédiens comme techniciens. Cependant, discrètement mais sûrement, le cinéaste nourrissait son film d’ambitions assumées et transmises à son équipe. D’un œil extérieur, l’ancien Chantelouvais l’a perçu chez Saïd Taghmaoui : « Je peux dire très honnêtement qu’il m’a fallu du temps avant de croire au film. Avec Saïd, on était dans la même salle de boxe. Tous les soirs il m’en parlait. Mais le monde du cinéma, ça faisait partie des trucs qui n’étaient pas accessibles pour nous. Lui, il y croyait dur comme fer, et le résultat lui a donné raison. Je pense qu’il faut avoir ça en soi, avoir des rêves disproportionnés. Et ce film transpire ça, cette espèce d’ambition démesurée de Mathieu. Un rêve presque inaccessible pour la plupart d’entre nous, mais pas pour eux. 

 

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Une ambition motivée par la volonté de rétablir une vérité sociale. Le choix du titre, La Haine, incarne la rage à l’origine du projet. Un sentiment partagé par toute l’équipe, selon Sophie : « On avait chacun notre histoire avec la société, mais on avait vraiment tous la haine. » Pourtant, dans sa façon de tourner, le réalisateur laisse peu de place à l’improvisation ou à tout débordement. Tout est prévu, calculé, anticipé. Pendant le tournage, l’émotion cède le pas à un surprenant contrôle, presque froid. Peut-on fabriquer La Haine sans avoir la haine ? « Ce qui est réglé comme du papier à musique, c’est le cinéma. Ce n’est pas l’espace dans lequel tu tournes », précise Sophie Quiedeville. « Ce n’est pas parce que le film en lui-même doit exprimer une forme de rage que c’est avec cette dernière que le film s’est fait. La haine, Mathieu l’a eue avant, il l’a retranscrite dans son scénario. Mais au moment même de la fabrication, ça ne se passe absolument pas comme ça. Cette rage, il l’a complètement maîtrisée. Ce qui est étrange, c’est que même si l’image donne cette idée-là, tout est contrôlé. » Ces quelques mots de Pierre Aïm indiquent que Makomé ne pouvait pas rester constamment dans leur esprit. Il fallait relever les défis techniques lancés par Mathieu, toute l’attention est concentrée sur le choix des focales, la profondeur de champ ou le contraste du noir et blanc. Rien d’autre.

En bon admirateur de Spike Lee, le réalisateur français veut élever au même niveau la force de son sujet et celle de ses images. Une conception du cinéma qui aura marqué Axel Cosnefroy pour toute sa carrière : « Je trouve ça formidable de pouvoir parler de choses aussi sérieuses en y mettant autant de forme et pas toujours de façon réaliste. C’est le fantasme absolu. Depuis La Haine, j’ai toujours été en quête de ça. Se dire que le travail sur l’image est un élément fondamental de la mise en scène qu’il faut utiliser et non mépriser. »

Le fond et la forme s’harmonisent, trouvant l’équilibre des films qui restent. Pourtant, si La Haine restera, elle aura du mal à faire des petits, que ce soit dans le cinéma français ou au sein même de la carrière de Mathieu. Plus étoile filante que constellation, l’œuvre laisse l’impression d’un objet insaisissable : « C’est l’alignement des planètes qui a fait que le film a cartonné. Il correspondait au bon moment social, au bon moment esthétique, à une performance visuelle innovante, tout un tas d’éléments. Ce qui fait qu’il n’y ait pas eu de mouvement lancé par le film, c’est justement à cause de cette conjonction des planètes. Peut-être que d’autres réalisateurs se sont dit que ce qui s’était passé pour La Haine s’est passé uniquement pour La Haine, sans possibilité de le reproduire », analyse l’ancien assistant caméra.

 

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Plus secrète, la période de montage se joue entre une poignée de personnes dans des laboratoires et autres petites salles obscures. Dans cette ambiance confinée, Mathieu Kassovitz est présent constamment auprès de ses monteurs image et son. Impliqué jusqu’au choix de son générique, le cinéaste prend, durant cette période, davantage la mesure de son œuvre. Pierre Aïm l’a croisé à ce moment précis : « Je sortais de la salle de mixage, Mathieu était aux anges, la journée s’était bien passée. Il m’a dit : “Tu vas voir, les mecs vont être à genoux.” Moi, sincèrement, je pense à ce moment-là que le film est absolument extraordinaire, mais je crains qu’il ne se trompe. J’ai peur que les gens n’aillent pas le voir à cause du noir et blanc, du titre… Lui, il n’avait aucun doute. C’est là qu’on voit qu’il y a des personnes qui ont une capacité supérieure à imaginer et à anticiper. Mathieu avait compris que le film allait être une bombe. Il me l’a exprimé de vive voix sans aucune ambigüité. »

 

« Et moi, j’sais encore qui j’suis et d’où j’viens »

 

Le moment fatidique arrive enfin. Juste avant la date de sortie, l’équipe apprend que La Haine est sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes. Les rênes que Mathieu Kassovitz tenait fermement lui échappent soudainement des mains. Le film est partout, tous les médias de cinéma puis généralistes demandent des interviews et publient des sujets sur le phénomène. Même un journal comme VSD, à qui l’équipe avait interdit de parler du long-métrage, outrepasse la restriction et se fend de tout un « Dossier la Haine ».

Le festival de Cannes, quant à lui, apporte son quota de paillettes et de poudre aux yeux. L’hypocrisie est pour l’instant plaisante, comme le confirment les souvenirs de Pierre Aïm : « Ce qui était étrange, c’est que le jour de la projection à Cannes personne ne nous connaissait. En milieu de journée, on a commencé à avoir des échos des impressions sur le film. Ensuite, on a tous monté les marches le soir à 19 heures, et là, dans la salle, quand la lumière s’est rallumée, il y a eu des applaudissements pendant 8-10 minutes. C’est très Cannes tout ça, mais j’en ai encore des frissons rien que d’y penser. »

Le retour à Paris marque le début des déconvenues : polémique numéro un, le caractère « anti-flic » de l’œuvre. Bernard Pivot interroge longuement Mathieu Kassovitz sur la question dans son émission Bouillon de culture. Des accusations douloureuses qui s’appuyent sur la réaction des agents de sécurité du tapis rouge à Cannes, qui décident de se retourner en signe de contestation, sans même avoir vu le film.

La seconde polémique, elle, prend pour cible directement le réalisateur et son équipe. On leur reproche leur origine sociale incompatible avec le sujet. Autrement dit, on n’admet pas que des petits bobos parisiens prennent la liberté de parler des jeunes de banlieue. « Ca m’a beaucoup énervée à l’heure de la promo, quand on nous a traités de petits-bourgeois. J’avais envie de leur dire : “Allez-y, les mecs, faites notre travail de préparation, faites les 40 bornes de RER tous les matins et tous les soirs, allez bosser à Chanteloup pendant trois mois…” Mais ne dites surtout pas que Mathieu est parti avec de mauvaises intentions », s’insurge la régisseuse, toujours révoltée. La rage, on la retrouve en cette période de promotion. L’équipe, qui montre une fois de plus qu’elle croit profondément au film, se range derrière tous les choix de Mathieu et le défend encore aujourd’hui. Axel Cosnefroy s’en fait l’avocat : « C’est sûr, Mathieu est plutôt issu d’un milieu favorisé, mais il avait une sensibilité, une ouverture d’esprit, il s’intéressait. Et surtout, ce qu’il a fait a quand même participé à donner une certaine vérité sur la ségrégation des flics à l’égard des mecs de banlieue. Donc, au final,  il a quand même servi à faire avancer les choses, j’en suis convaincu. »

 

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Mais impuissants face au rouleau compresseur de la promotion, certains comme le chef opérateur préfèrent dédramatiser la situation : « Tous les éléments un peu négatifs, personnellement, j’en étais plutôt fier, ça veut dire qu’on en parlait. C’était même le but de Mathieu, il voulait qu’on en parle. » Avec une certaine clairvoyance, il comprend que ces polémiques ne tiendront pas face à l’énergie positive que diffusera La Haine pendant la vingtaine d’années à venir.

 

Seulement, de Cannes à Paris, il faut aussi revenir à Chanteloup. Dans l’engagement initial, Pierre Cardo avait souhaité que Mathieu Kassovitz ne communique jamais sur le fait que le long-métrage ait été tourné dans sa ville. L’information a malgré tout fuité sur la Croisette par le biais de Chantelouvais ayant participé au film. Selon le maire, les conséquences ont été désastreuses pour l’image de sa commune. Elle était une fois de plus associée à la violence, exactement comme à la suite d’une vulgaire Enquête exclusive. À la suite de l’effet pervers de cette surmédiatisation, le calme arrive cette fois après la tempête. Le film attire l’attention d’Alain Juppé, Premier ministre de l’époque, qui organise une projection lors d’un de ses Conseils des ministres. Le point de vue du film dans toute sa complexité commence à être pris en compte. Vingt ans plus tard, malgré les turbulences, on peut parler d’un atterrissage réussi.

Mathieu Kassovitz version 2015 s’est exprimé en janvier dernier en évoquant la possibilité d’une suite à la Haine. Au-delà de la rumeur, cette intervention montre à quel point l’œuvre de 1995 avait finalement fait du bien dans l’expression d’une réalité nuancée des banlieues françaises. Vingt ans plus tard, c’est comme si l’on ressentait un besoin collectif d’une nouvelle œuvre à la vision rafraîchissante en période d’éternels débats sur l’identité nationale. Sophie Quiedeville ne se fait pourtant pas rassurante : «C’est vrai qu’on ne répète pas deux fois une histoire comme ça. Personnellement La Haine 2, ça m’effraie carrément. Le contrecoup, je l’aurai toute ma vie, je ne retrouverai jamais La Haine. C’est beau parce que tu l’as vécu, mais c’est aussi beau parce que tu ne le vivras pas deux fois. »

 

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Photos : Gilles Favier

S’il est difficile de définir précisément ce que définit un hipster et encore moins si le terme doit être pris de manière positive ou péjorative, le graphiste Mainger tranche en revendiquant fièrement le style « hipster » de sa nouvelle série visuelle. Le créatif a sélectionné films et séries emblématiques de la culture pop pour les condenser symboliquement sous un même style graphique. La recette est toujours la même, on essaye de déceler les petits détails qui font la particularité des œuvres cinématographique dans l’espoir de décrocher un sourire, un commentaire ou encore mieux un partage de la part des badauds d’Internet.

Interstellar de Chistopher Nolan ou Metropolis de Fritz Lang, My Beautiful Dark Twisted Fantasy de Kanye West ou n’importe quel concerto de Mozart, Voyage au bout de la nuit de Céline ou le dernier tome d’Harry Potter, le XXIème siècle est ainsi fait qu’il suffit d’allumer son ordinateur pour posséder des œuvres d’art. À l’ère de la reproductibilité, cet art coûte cher à produire mais se consomme presque gratuitement. Et pourtant apparaissait il y a quelques jours dans nos fils d’actualité, la vente record du tableau Les femmes d’Alger (Version O) de Pablo Picasso à 179,4 millions de dollars. L’art pictural vogue donc à contre-courant. Quand les plus grands artistes musicaux peinent à vendre des disques, Picasso encaisse depuis sa tombe des recettes à faire pâlir un mercato de football. Peu présent dans la sphère médiatique de masse, le marché de l’art n’émerge que pour ce genre de record. Dans l’ombre de la culture du divertissement ce milieu brasse de plus en plus de millions de billets verts avec la particularité, assez rare pour l’interroger, de ne pas subir la crise.

I just want a Picasso in my casa

Certainement pour éviter de tenter les Ocean’s Eleven, on ne connaît pas l’identité de l’heureux acheteur de l’œuvre si convoitée. Le lundi 11 mai 2015 la salle de Christie’s à New York est pleine mais ceux qui détiennent le porte-monnaie ne sont pas présents. La scène est à revivre en vidéo sur la chaîne YouTube de la société de vente aux enchères. Jussi Pylkkanen l’homme qui tient le marteau fatidique et accessoirement le commissaire-priseur de la vente, teinte d’humour l’atmosphère qu’il semble bien connaître. Le tableau n’est pas là non plus, un grand écran de télévision en expose la photo pour donner une idée. La salle est comble, face au commissaire plus d’une centaine de chaises toutes occupées avec quelques Smartphones qui se lèvent de temps en temps pour immortaliser le moment historique. Beaucoup de personnes debout débordent sur les quelques espaces libres de la salle du Rockefeller Center comptant photographes, vigils et autres cols blancs améliorés qui se tordent le coup pour ne rien rater. Dans cette assemblée aucune main ne se lèvera car c’est en face qu’il faut scruter le moindre geste. À la droite du maître de cérémonie se trouve une estrade trop étroite pour contenir la vingtaine de personnes en costume et tailleur qui s’y entasse. L’accessoire clé de ces individus, qui on le comprend vite ne sont que des intermédiaires, c’est le téléphone. Des téléphones à fil feignant venir d’un autre temps recueillent les enchères des mystérieux acheteurs.

Femmes d'Alger 1

La scène relève du folklore, Jussi Pylkanen se permet des petites blagues, la tension est restée en coulisses. En effet le record du prix pour ce tableau est une belle performance mais pas une surprise. Un contrat avait été signé au préalable avec les acheteurs potentiels pour garantir que le Picasso partirait au minimum à 140 millions de dollars. L’enchère en elle-même est donc un agréable spectacle que le public ponctuera par des applaudissements mesurés. Pas d’effusion de sang, la seule nouveauté vient de ce prix record, tout le reste paraît installé dans une routine bien solide. Pour cause lorsque l’on remonte dans le temps parmi les vidéos relayées par Christie’s on trouve la première enchère publiée sur la chaîne il y a 7 ans en 2008 pour un tableau de Claude Monet. Le cérémonial s’y déroulait exactement de la même façon.

Rien ne change mais les prix s’enflamment. Les femmes d’Alger (Version O), tableau peint en 1955 en hommage à Eugène Delacroix avait été vendu la dernière fois, en 1997, à 31,9 millions de dollars. Avec un prix multiplié par 5,5, le tableau n’a pourtant pas bougé d’un pouce. La différence vient donc de la demande. Si le marché de l’art ne connaît pas la crise c’est qu’il accueille dans ses rangs de nouveaux acteurs a.k.a nouveaux riches venus de Russie, du Moyen Orient et d’Asie, tous avides de transformer leurs liquidités devenant trop importantes en investissement durable.

Femmes d’Alger dans leur appartement – Eugène Delacroix – 1834

 

Ils nous volent notre travail !

En vulgarisant, le JT de France 2 expliquait déjà en 2013 dans un reportage sur l’envol des prix du marché de l’art que ces nouveaux clients venus d’ailleurs s’adonnaient à l’achat de tableaux dans l’optique de pavaner leur richesse. Une vision un peu réductrice traduisant peut-être une crainte de voir des étrangers toucher au patrimoine artistique occidental. En allant chercher un peu plus loin que l’ethnocentrisme, selon le magazine Art et Finance, 76% des collectionneurs dépensent dans le milieu de l’art dans l’optique de faire un investissement. Par sa rareté, l’art pictural est devenu un actif à valeur financière au même titre que l’or, l’argent, les diamants… Un tableau ne s’achète pas par goût ou sensibilité artistique mais parce qu’il répond à des critères précis qui permettront sa revente : son auteur bien sûr mais aussi sa taille ou encore son état de conservation. Picasso par exemple est l’une des valeurs les plus sûres du marché grâce à sa production prolifique, un style très reconnaissable et des œuvres facilement divisées en période engendrant une gamme de prix clairs. Le peintre franco-espagnol est très régulièrement en tête des artistes les plus vendus (et rachetés) au monde. En 2014 il cumule 345,8 millions de dollars de transactions devant Andy Warhol qui le titille à la seconde place.

L’histoire des Femmes d’Alger (Version O) incarne bien l’évolution au fil du siècle de la manière de consommer l’art. Peinte en 1955, la série de 15 tableaux intitulée Les Femmes d’Alger est vendue du vivant de l’artiste à un célèbre couple de collectionneurs Sally et Victor Ganz guidés par l’amour de l’art et surtout leur expertise. Ils avaient obtenu le lot pour 212 500 dollars. L’enthousiasme retombé, les collectionneurs réalisent qu’ils ont peut-être été un peu trop gourmands et revendent 10 des 15 peintures 138 000 dollars. Ils gardent et profitent des 5 autres chez eux jusqu’en 1997 où ils revendent la fameuse « version O » à 32 millions de dollars. L’acheteur toujours inconnu à ce jour à lui aussi profité d’une plus-value exceptionnelle la semaine passée. Les grands connaisseurs laissent place à des personnes anonymes pas particulièrement attachées à l’art pictural se laissant conseiller par des grandes opérations de maisons d’enchères. On murmure que l’ancien propriétaire du tableau aurait accepté de le remettre sur le marché rassuré par l’affluence de nouveaux acheteurs toujours plus nombreux aux ventes de Christie’s.

Femmes d'Alger 2

Les autorités chinoises poussent d’ailleurs fortement ses grandes fortunes à investir dans l’art et les musées créant ainsi une dynamique d’offre et de demande démultipliée. Une fois ces nouveaux clients confrontés aux maisons de ventes, on ne peut pas dire que l’on incite particulièrement ces novices à la sensibilité artistique. L’état d’esprit mercantile est incrusté au cœur même des institutions censées être les garantes de la tradition culturelle. Les deux plus grandes sociétés d’enchères Christie’s et Sotheby’s ont cédé il y a bien longtemps à la rudesse de la concurrence se battant à coups de records de ventes. La performance est reine si bien que l’on trouve des discours dignes des couloirs de Wall Street et a priori surprenants dans le monde de l’art. Larry Gogasian, directeur de la plus grande galerie new-yorkaise trouve judicieux en 2008 de glisser un petit coup de pression sous forme de courrier dans les boîtes aux lettres de tous ses employés : « Si vous souhaitez continuer à travailler pour Gagosian, je vous suggère de commencer à vendre de l’art. Dans le nouveau climat, tout sera évalué à l’aune de la performance… Je travaille dix-huit heures par jour, ce que chacun peut vérifier. Si vous ne souhaitez pas faire de même, dites-le moi. »

En allant au Louvres on apprend que l’art occidental à l’époque moderne se met exclusivement au service de la royauté et de la religion catholique, aujourd’hui il sert une société capitaliste et mondialisée. « Ce qui caractérise l’art contemporain, ce n’est plus la transgression, mais sa mise en conformité avec les réalités du marché mondialisé », expliquent Gilles Lipovetsky et Jean Serroy auteurs de l’ouvrage L’Esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste en 2013.

 

Les demoiselles d'Avignon - Pablo Picasso - 1907

Les demoiselles d’Avignon – Pablo Picasso – 1907

D’Avignon à Alger

Comme dans n’importe quelle entreprise le marketing prend parfois le pas sur la réalité du produit. Loïc Gouzer organisateur de la vente de tous les exploits a réussi à marketer Les Femmes d’Alger comme les nouvelles Demoiselles d’Avignon avec l’objectif de créer de l’intérêt chez les acheteurs. Les spécialistes clament que le parallèle n’est pas valable. Judith Banhamou, journaliste consacrée au marché de l’art rectifie, rappelle que Les Demoiselles d’Avignon symbolise l’invention du mouvement cubiste alors qu’aucune révolution particulière dans l’histoire de l’art ne touche le tableau des Algériennes. Un poncif de bonne guerre puisque la peinture est devenu la plus chère du monde.

Particulier en tant que valeur marchande, l’art pictural l’est aussi dans le milieu de la culture. S’il est plus aléatoire que la valeur de l’or, il se distingue également du schéma de divertissement standardisé. On peut aller voir le dernier film Marvel n’importe où, ou presque, dans le monde ; pour profiter des Femmes d’Alger (Version O) il va falloir attendre que son puissant acquéreur le remette dans un musée et se rendre dans ce lieu unique qui peut être n’import où, ou presque, dans le monde. Le cinéma, la musique et le sport brassent autant d’argent que le marché de l’art. Les 345,8 millions de dollars pour Picasso en 2014 équivalent quasiment aux 250 millions dépensés pour produire Le Hobbit : La bataille des cinq armées ou aux 313 millions d’euros utilisés pour rénover le Maracana la même année. Pourtant puisqu’il manque la dimension de partage de masse via les téléchargements ou la télévision le milieu de la peinture reste dans sa bulle loin des critiques virulentes que subissent les domaines voisins. Les arts plastiques impliquent connaissance voire érudition et excepté un petit selfie pour la forme devant La Joconde le grand public compte très peu la peinture parmi ses loisirs. Difficile donc de s’y attaquer quand on n’y connaît rien, il est plus naturel de porter son grief contre les salaires faramineux de Brad Pitt, Jay Z ou Lionel Messi.

Cependant générant de plus en plus de revenus et à une vitesse hors du commun, les sociétés comme Christie’s tentent de s’accrocher au wagon de la popularité démocratisée. Sur leur site internet ils nous renvoient à tous les réseaux sociaux possibles et imaginables dont les principaux (Facebook, Twitter, Instagram) sont quasiment aussi actifs que les différents comptes de Game Of Thrones. Sur Facebook ils cumulent plus de 100 000 mentions « j’aime » et, comble de la consécration 2.0, sur le poste annonçant le record des Femmes d’Algers (Version O) ils subissent les foudres de leur propres « haters ». Une foule de commentaires passionnés s’insurge dans un anglais certes plus maîtrisé que sur la page de Justin Bieber, contre le prix scandaleusement exorbitant du tableau. Picasso peut se retourner dans sa tombe ou pas, il est définitivement mainstream.

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Alors que le poids de l’année commence à se faire sérieusement sentir et que l’atmosphère estivale propice aux envies d’évasions pointe son nez, le nouveau Yard PAPER vous emmène en ballade. Nous fêtons, déjà, notre cinquième numéro avec l’envie de faire voyager. Un voyage à travers le regard arrosé de Major Lazer et son emblématique Diplo en immersion dans la capitale ou aux côtés de DJ Snake au-delà de l’Atlantique pour son premier Coachella.
À partir du moment où il y a dépaysement le voyage peut se dérouler à deux pas de chez soi. Un reportage sur le monde caché de Pigalle dévoile subtilement un univers à découvrir quand Michèle Lamy, muse et compagne de Rick Owens, nous offre son tour du monde grâce à mille et unes histoires dans un entretien teinté de la personnalité excentrique d’une femme mûre.

Un retour en arrière peut permettre d’éclairer l’environnement qui nous entoure, un voyage dans le temps apporte toujours son lot de surprises à l’image d’un focus sur La Haine à l’occasion des 20 ans de sa sortie ou en 1991 au détour d’une interview croisée de Bill Gates et Steve Jobs.

Prenez les dédales que nous vous proposons dans le sens qui vous plaira en attendant le prochain numéro et la prochaine ride.

 

POINTS DE DISTRIBUTION
ABONNEMENT

 

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Après une première collection footwear (Era et SK8) en 2013, Vans et Disney remettent le couvert et collaborent à nouveau pour réaliser une collection plus complète, entre accessoires, footwear et textile. A cette occasion, les héros de Disney se sont mis à l’heure streetwear : Mickey et Minnie ont troqué leurs chaussures pour des sneakers pendant que Winnie L’ourson se balade planche de skate au bras sur les imprimés de l’Authentic. Une collection disponible en juin prochain dans les boutiques Vans.

Cela est désormais bien connu. Que celui qui fait appel à la justice s’arme allègrement de patience tant l’attente du verdict peut paraître interminable. Voilà dix ans maintenant que Zyed Benna et Bouna Traoré, sont morts électrocutés respectivement à l’âge de 17 et 15 ans, un jour d’automne, dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), après avoir voulu fuir un contrôle policier. Nous étions alors le 27 octobre 2005 et ce drame allait irrémédiablement embraser les banlieues françaises, déversant leur fiel sur la police – le plus proche représentant de l’État dans ces zones reflétant douloureusement le passé colonial tricolore – et criant leur sentiment d’injustice (d’une manière parfois contestable) au visage de cette France qui ne leur paraît pas si douce. Les deux policiers – Stéphanie Klein et Sébastien Gaillemin – qui ont été mis en cause pour « non-assistance à personne en danger » dans le décès des deux adolescents, ont été relaxés le lundi 18 mai par le tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et- Vilaine). Selon la justice, les deux fonctionnaires n’avaient pas « la connaissance claire d’un péril imminent et grave » lorsque les jeunes se trouvaient à l’intérieur du site. Le tribunal a également précisé que le policier n’avait pas aperçu Zyed et Bouna dans le poste, en dépit « des vérifications raisonnables » avant d’indiquer que les deux agents « n’auraient pas manqué de réagir » s’ils avaient eu conscience d’un danger.

 

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Si le soulagement était perceptible sur le visage des prévenus et de leurs proches, le verdict a inévitablement laissé un goût rance dans la bouche de la famille des victimes, dénonçant « l’impunité des policiers ». « Nous allons faire appel […] et s’il le faut, nous irons jusque devant la chambre criminelle de la Cour de cassation », a indiqué M. Jean-Pierre Mignard, l’un des deux avocats des familles. À la sortie de la salle, Adel Benna, le frère de Zyed, a quant à lui lâché une réflexion qui, pour beaucoup, sonne comme une vérité : « Les policiers sont intouchables, ils ne sont jamais condamnés ». À regarder de plus près les affaires policières qui ont précédé celle de Clichy-sous-Bois, il serait presque tentant de se laisser bercer par cette idée (véridique ?) voulant que la justice se montre d’une agréable clémence envers les membres appartenant à la force publique. En 2008, Hakim Ajimi meurt à Grasse (Alpes-Maritime) lors d’une interpellation violente menée par deux policiers de la brigade anticriminalité et condamnés – seulement, a-t-on presque envie de dire – à dix-huit et vingt-quatre mois de prison avec sursis. Huit ans plus tôt (2007), l’agent qui avait renversé une minimoto provoquant ainsi la mort de deux jeunes à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), avait été condamné à six mois, là encore, avec sursis. La liste de ces bavures est généreusement fournie.

Dans une époque où notre pays baigne dans une atmosphère pesante, ponctuée par les crises identitaires et celles du chômage, il est avant tout déplorable que deux adolescents au casier judiciaire vierge préfèrent courir droit vers leur mort plutôt que de se soumettre aux policiers ; sans doute parce que leurs méthodes de contrôle ne sont pas systématiquement irréprochables. Il est dommageable qu’en France, la police soit davantage associée à la répression qu’à la protection. Mais il est surtout dangereux que le sentiment d’une justice injuste grandisse dans le cœur d’une partie de ceux que l’on aime ranger dans la case stigmatisante de la « France des immigrés ».

Il incombe désormais aux responsables politiques d’agir rapidement et avec efficacité afin d’effacer cette suspicion régnante autour de l’impunité dont semble jouir le corporatisme policier. Car à force d’indignation et sans vouloir endosser le costume de l’alarmiste, il n’est peut-être pas si inconcevable de revivre une nouvelle vague d’émeutes des banlieues. Les récents troubles nés dans la ville de Baltimore (États-Unis) – après les funérailles d’un jeune Afro-américain, décédé à l’issue d’une interpellation par la police – fait office d’un signal fort.

 

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Cela devait arriver, ça s’est fait ce week-end. L’infatigable milieu de terrain du PSG, Blaise Matuidi a fêté son but – quasi synonyme de titre – contre Montpellier en imitant les pas du rappeur Niska. Une célébration à laquelle Adrien Rabiot et Serge Aurier ont pris part, elle prend la forme d’un remerciement au rappeur qui partage les mêmes origines congolaises et qui est l’inventeur de l’expression « MatuidiCharo ».

Charo, une expression sous forme de gimmick que le rappeur Niska expliquait il y a quelque semaines déjà pour notre équipe en interview : « Pour moi, c’est un mode de vie. Un charo, c’est un mec qui a la dalle. Comme un mec qui arrive bien à se démerder, qui avance tout seul, qui réussit à faire sa vie, c’est un charo… En fait c’est ce côté hargneux, comme quand les charognards mangent des animaux morts, faut avoir la dalle pour manger un animal mort mais ils vont quand même le faire ! C’est ça que je veux retranscrire. » Une expression qui décrit assez bien le milieu francilien, quand on connaît son style endurant, besogneux et plein d’abnégation.

 

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L’hommage de Matuidi n’est pas passé inaperçu.

 

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#MatuidiCharo, un hashtag totalement adopté par son inspirateur.

 

Il y a 23 ans, la Air Jordan VII sortait pour la première fois portée par une pub de son athlète fétiche : Michael Jordan. Dans le spot d’origine, on voit « His Airness » claquer un dunk en slow motion, un visuel esthétisé par le choix du noir et blanc. En 2015, pour la réédition de la paire, on retrouve les mêmes plans, la même bande-son et le même « black & white » sauf que c’est Hare (lièvre en anglais) Jordan, Bugs Bunny, qui prend la place de MJ. Un clin d’œil bourré de références amusantes.

La semaine dernière est sorti le premier livre de Kim Kardashian West. N’y cherchez point de roman autobiographique, de poésie ou de contes pour enfants, l’auto-proclamée Queen of Selfies publie Selfish, une incursion dans sa photothèque digitale papier. Kimmy, de plus en plus créative, en viendrait peut-être même à signer une œuvre historique. Décryptage de l’ouvrage en mots, mais surtout, en images.

 

Jusqu’où s’arrêtera son égocentrisme ?

 

Dès le départ, la surprise réside par l’épaisseur du bouquin. Kim ne s’est pas foutu du monde avec cet ouvrage de plus de 400 pages, de petites tailles certes mais bien remplies. Kim ne nous ment pas et la couverture annonce la couleur. Avec ce cliché qui sert de première de couv’, on sait à quoi s’attendre : du chaud, du nu, du sulfureux. Une idée vite enrayée par le premier shot de l’ouvrage où apparaît une très jeune Kim tenant dans ses bras sa petite sœur Khloé. Moment tendresse pour cette photographie qu’elle certifie comme son premier selfie, pour mieux justifier l’idée du bouquin et asseoir sa crédibilité en tant que reine dans ce domaine. Selon le Wiktionary, le selfie est un autoportrait fait à l’aide d’un appareil photo ou d’un photophone, en général publié sur un réseau social. Une ligne directrice confirmée par l’auteur qui précise, dans la deuxième de couverture, que les photos composant l’ouvrage ne sont qu’une petite fraction de ses archives prises à l’aide de son Blackberry et autres appareils numériques. Tous ces clichés ont été imprimés puis choisis pour ensuite figurer dans le livre. Une somme de travail monstrueuse vu la propension de la fille Kardashian à sans cesse immortaliser les moments de sa vie publique et privée. Une caractéristique qui permet à l’ouvrage d’être composé d’un florilège d’images déjà publiées sur ses réseaux sociaux et de photographies inédites.

 

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Organisé comme un almanach séparant les selfies par année de 2006 à 2014, le livre est un témoin de 8 ans de vie débutant par un selfie d’une Kim toute jeune et très différente de ce qu’elle incarne aujourd’hui et qui se clôture par un cliché datant du 24 mai 2014, représentant sa main et celle de Kanye le jour de leur mariage. 8 ans de vie répertoriant en vrac son premier selfie donc, des tranches de vie familiale, des moments d’amitié, des voyages, des photos de pré-shooting ou de pré-tapis rouge. Comme une Martine ou une Dora, on suit au fil des pages les aventures de la reine des selfies en Afrique, Espagne, à Mexico, à la plage, de sa salle de bains à celle de sport, en voiture, en bikini, en tenue d’ouvrier … Dans cet amas d’autoportraits, Kim trouve le temps de faire figurer ses amis stars. On croise tour à tour : Ciara, Lauren London, J.Lo, Serena Williams, Kelly Rowland, Lala Anthony, Beyoncé, Solange, Giusseppe Zanotti… La crème de la crème.

Pour les amateurs de littérature, il faudra passer votre chemin. La place de l’éditorial sur l’ouvrage est minime. Les seuls mots contenus sont les rares annotations qui décrivent certaines photos. Le style est basique, soit par soucis de réalisme et d’authenticité, soit parce que l’expression écrite n’est pas le fort de l’épouse de Kanye. Dans tous les cas, l’effet est le même : l’impression de lire le journal intime illustré d’une fillette, accentué par la typographie choisie. Peu importe, l’essentiel est ailleurs, notamment dans les 115 décolletés, 23 paires de fesses et 10 photos de nue répertoriés dans Selfish.

 

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Le paroxysme Kardashian

 

Selfish, un jeu de mot et un titre évocateur, qui dévoile l’ambition introspective de ce livre. « Égoïsme et Selfie », une addition qui sonne comme l’aveu d’un défaut de la starlette, une justification de l’intérêt de son livre et une anticipation aux critiques qu’il engendrera. Pas besoin d’être expert pour savoir qu’il n’y a aucune démarche artistique dans cette initiative. Souvent de mauvaises qualité, les photos et ses règles (lumière, composition, cadrage,…) ne sont jamais réellement respectées. Ce qui fait de Selfish un objet purement commercial et égocentré. Néanmoins, passé ce détail, l’ouvrage recèle d’une portée intéressante.

 

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En tant que prescriptrice, Kim Kardashian a développé une science du selfie qu’elle a dispensé à ses 30 millions d’abonnés, notamment dans la progression de la qualité du cadrage. Le livre fait donc office de documentation de l’évolution de ses selfies, et du selfie en général. Une introspection visuelle, qui devient la meilleure seule façon pour Kim K de pouvoir s’exprimer efficacement. Puis en englobant des clichés illustrant 8 années, elle livre un témoignage de sa vie en façonnant un nouveau genre d’album photo public. Par ce livre, elle crée un héritage, une occurrence qui restera a posteriori. Peut-être la plus belle incarnation matérielle qu’elle puisse laisser sur Terre après son passage. Une démarche spontanée qui s’ancre éternellement. Aurait-elle eu l’idée lors de son premier selfie en 2006 qu’elle sortirait un bouquin 8 ans plus tard ?

 

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Après avoir brisé nos écrans de télévisions par l’intermédiaire de la téléréalité, l’an dernier, Kim s’est attelée à casser Internet avec son incontournable shooting photo par Jean-Paul Goude pour Paper. Une série de visuels qui lui avait déjà valu à l’époque les critiques de grands médias, qui pointaient la superficialité et l’absence de revendications de ces clichés dénudés. Peu importe, la mannequin et le magazine ont réussi leur mission, les clichés font le tour de la toile et marquent leur temps, notion compliquée à l’ère de l’éphémère.
L’histoire semble aujourd’hui se répéter avec Selfish, qui semble déjà parti pour devenir un best-seller. Les 500 premiers exemplaires signés et mis en vente par un site marchand américain se sont vus arrachés en une minute, et le livre figure comme vente numéro 1 dans la catégorie photo du géant Amazon. Rien d’étonnant pour un bouquin susceptible d’intéresser tant les fans de Kim Kardashian et tout l’engouement qu’elle génère, les collectionneurs, ou les simples curieux, avides de découvrir le phénomène. Sur Instagram, elle recense plus de 2600 publications sur un compte suivi par plusieurs dizaines de millions de personnes. Autant de potentiels acheteurs.
On sépare sans cesse le numérique et le papier. Kim Kardashian a peut-être réussi le meilleur assemblage à ce jour des deux supports en matérialisant son Instagram. De son réseau social favori, elle en a fabriqué un héritage consacrant aussi la victoire d’Instagram. Des photos dédiées à un outil virtuel deviennent d’un coup gravées dans le papier glacé. Au cinéma, on oppose constamment films d’auteur et films du box-office. Si l’on transpose ce poncif à la littérature, Selfish se situe clairement dans la deuxième catégorie et nous donne un aperçu de ce que pourrait représenter un « livre box office ». Un ouvrage qui pourrait faire donner lieu à des suites si l’on garde en tête que seulement une petite partie de ses photos ont été publié.

 

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Mauvaise en tout, experte en rien.

 

« Kim Kardashian is an entrepreneur, actress, model, socialite, and one of the most famous women in America.» C’est par cette sentence qu’elle est décrite sur une biographie d’un site dédiée à la famille Kardashian. L’expression « une des femmes les plus célèbres des États-Unis », souligne la difficulté de définition précise de sa fonction principale. De la télévision au livre, en passant par le jeu vidéo, les tutoriels de workout et le mannequinat, l’Américaine est une véritable touche-à-tout. Souvent perçue comme une femme dépourvue de talent, elle atteint son but aujourd’hui, en capitalisant au maximum sur sa plastique et son image. Finalement, c’est ici que réside son talent. Incapable d’écrire un bouquin conventionnel seule, elle trouve quand même l’inventivité d’être auteur d’un best-seller. Pionnière de ce mouvement, d’autres célébrités suivront sûrement son chemin, peut-être avec moins de succès étant donné la singularité du personnage qui sied parfaitement au format. Kim K s’inscrit de plus en plus dans notre paysage people en y brouillant astucieusement les pistes. Elle devient aujourd’hui de moins en moins la fille qui a été humiliée par le petit frère de Brandy lors d’une sextape. On peut pleurer la décadence de la société ou le manque de morale de la protagoniste, mais ce livre est tout simplement le reflet de l’évolution de notre époque. S’il existe, c’est surtout parce qu’il y a un public prêt à l’accueillir. Finalement le dernier mot, c’est elle qui l’a déjà donné : « Il faut avoir un sens de l’humour de temps en temps. Beaucoup de gens pensent que prendre tant de selfies est simplement ridicule. Pour moi, ce qui est drôle c’est que j’aime prendre des photos et les poster sur les réseaux sociaux en souvenir. » Haters gonna hate.

 

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Imaginé lors de la réalisation d’un numéro spécial du magazine Fricote dédié à la cuisine africaine, le t-shirt « AFRICOTE » est un clin d’oeil au placard de ceux qui ont, de près ou de loin, grandi avec les effluves de la cuisine d’Afrique. Le DJ Yannick Do et le magazine Fricote donnent vie à ce t-shirt en édition limitée à 150 exemplaires. Infos et commandes : jeveuxafricote@gmail.com.

Modèle : Coralie Jouhier

Il est facile d’envisager une campagne publicitaire lorsque l’on est Getty Images. La plus grande banque de données photographiques au monde n’a qu’à puiser dans ses archives démesurément grandes et se servir. C’est ce que l’entreprise a voulu montrer pour fêter ses 20 ans d’existence. Cela donne quatre montages d’une centaine de photos de quatre personnalités emblématiques et omniprésentes durant les deux dernières décennies. Bill Clinton, Scarlett Johansson, Serena Williams et le Prince William se voient donc offrir une évolution chronologique de leurs faciès. Le temps qui passe, les rides qui apparaissent et les changements de styles capillaires, pour célébrer le siècle de l’image.

Internet pullule d’artistes/graphistes aimant détourner les codes de la culture populaire. Un très bon moyen pour à la fois exprimer sa créativité et attirer l’attention sur les fils d’actualités. Malgré la redondance il y a toujours une petite idée sympathique qui parvient à nous décrocher un sourire.
C’est le cas pour le dernier travail de Zak Tebbal qui a réadapté le morceau « Bound 2 » de Kanye West en livre pour enfants. Revivez donc la relation « Kimye » a travers des yeux innocents et une multitude de sous-entendus.

En 2007 se tient l’un des concerts les plus importants de l’année en Angleterre, l’année où tout un royaume pleure le 10ème anniversaire de la disparition de sa princesse : Lady Diana. Le 1er juillet, jour de son anniversaire, un dernier hommage lui est rendu dans le tout fraîchement construit Stade Wembley, lors d’un concert diffusé dans le monde entier. Cet immense concert réunissant les artistes les plus populaires du moment où Nelson Mandela, David Beckham ou encore Ryan Seacrest sont invités à prendre la parole pour honorer la mémoire de l’ancienne duchesse de Cornouailles.

Une date exceptionnelle qui n’aurait pu voir le jour sans l’intervention des princes William et Harry qui, en tant qu’hôtes, ont participé à l’organisation des festivités. Parmi tous les artistes invités à se produire et en tant que fan, Williams a lui même inclus Kanye West. Au programme lui-aussi P. Diddy, un autre choix évident, ce soir-là brillait dans une interprétation impeccable et de circonstance du titre « I’ll Be Missing You ». À la fin du concert, les chemins de nos quatre protagonistes se sont finalement croisés lors d’une after-party où les invités de la famille royale ainsi que quelques médias étaient convié. Deux genres de « king » entament alors une discussion. Si on en ignore tous ces ressorts, la série de photographies laisse transparaître un échange cordial, particulièrement impulsé par Harry, qui semble intrigué par les « shutter shades », les fameuses lunettes que Kanye West a popularisé dans le clip « Stronger ».

 

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Cette combinaison aura le mérite d’indigner la journaliste Kelly Nestruck du Guardian, qui s’offusque du manque de déférence de Kanye à l’égard des héritiers, notamment lorsque ce dernier évoque un pan d’une conversation dont on aimerait connaître tous les tenants et les aboutissants.

 « L’un des princes a dit : ‘Je crois que ces lunettes font bling-bling’, l’autre a  ajouté ‘C’est Kanye West, elles doivent être bling-bling.’ Je n’avais pas le cœur de leur expliquer  que je suis l’incarnation de l’anti bling-bling. »

Une chose est sûre, Harry aura fait bonne impression auprès des deux rappeurs, que ce soit par sa bonne humeur ce soir-là ou par la réputation de fêtard invétéré qu’il s’est forgé au fil des années. De retour en Angleterre, P.Diddy aura d’ailleurs déclaré :

« Je suis vraiment trop impatient de revenir en Grande-Bretagne, parce que Londres est l’une de mes villes préférées. Et j’espère aussi revoir le Prince Harry pendant que j’y serais. C’est un garçon tellement cool et il est temps qu’on sorte. J’ai besoin de lui pour qu’il m’emmène dans l’un de ces clubs sauvages. »

Le reste tient du secret d’Etat.

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Alors que les années 2010 commencent à être bien entamées, la notion de vintage évolue pas à pas avec les décennies. Ainsi les premières heures du XXIème siècle prennent progressivement une saveur nostalgique. The FADER le démontre en ressortant de ses archives des publicités de marques de vêtements qui ont alimenté ses pages depuis la création du magazine en 1999.
Le média culturel en profite pour se targuer de son courage éditorial en terme de choix de marques et de campagnes de publicité. Des mannequins nues de Supreme à un Kobe Bryant tout de cuir vêtu pour Adidas, ils nous rappellent que même la publicité peut relayer une vision esthétique voire sociologique du monde.

Il y a quelques heures sortait le premier album solo de Sneazzy West. À un moment charnière de sa carrière, le rappeur parisien est revenu sur son succès avec 1995 avec quelques années en plus au compteur et beaucoup de hauteur. Entre l’approbation maternelle, sa rencontre avec DJ Lo’ le cousin de son amoureuse d’enfance, l’imbroglio du string et les Tony Montana en herbe qui ont essayé de l’escroquer ; entretien avec Sneazzy West, l’artiste que beaucoup aiment détester.

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À quel moment tu as pris conscience que le rap allait devenir ta principale activité ? Comment tu as vendu ça à ta mère ?

Quand avec 1995, on a commencé à vraiment tourner, j’ai dit à ma mère : « Je vais arrêter les cours. Je gagne de l’argent, je peux t’aider aussi ». Ca s’est fait comme ça. Quand elle a vu que ça marchait, qu’elle a vu nos clips à la télé, qu’elle nous a vu en promo, elle s’est dit que ça avait l’air sérieux. Elle m’a toujours poussé dans ce que je voulais faire. Quand je voulais être footballeur, parce que c’est ça que je voulais faire quand j’étais petit, elle me soutenait aussi.

Elle a saisi que tu n’allais faire que ça maintenant ?

Oui, ça fait longtemps, il serait temps quand même (rires, ndlr) ! Enfin, « je vais faire que ça », ce n’est pas complètement vrai. Je compte entreprendre plein d’autres choses, du cinéma… Je vais essayer en tout cas. Il y a des projets qui arrivent, je vais faire de la sape. Je ne vais pas m’arrêter qu’au rap. Ca me ferait trop chier de m’arrêter ça.

Le fait que tu n’ais pas un parcours classique, que tu ne passes pas de diplômes, que tu n’ais pas un travail classique, elle l’accepte ?

Elle l’a accepté totalement dans le sens où on avait aussi des problèmes d’argent. Donc quand tu peux subvenir aux besoins de la famille, ça fait plaisir. Et quand tu peux le faire au quadruple, ça fait encore plus plaisir. J’aide aussi la famille au Maroc donc c’est un tout qui fait qu’elle voit que j’assume mes choix et que je fais en sorte d’assumer les autres aussi. Elle a compris ça et elle ne m’a jamais demandé de retourner à la fac ou autre. Donc tout va bien, que Dieu préserve cette situation.

Et sa vision du rap ?

Dès le début je lui ai dit que je ne ferai pas que ça. Je lui ai dit que j’allais investir dans plein de trucs. Je lui ai montré que je n’étais pas un « teubé » qui faisait n’importe quoi avec son argent. Peut-être qu’au début c’était un peu plus compliqué, elle avait du mal à voir le bout du tunnel. C’était des petits concerts dans des endroits inconnus, mais une fois que c’était bien parti elle a compris. Je lui disais que j’allais passer au Grand Journal, des choses comme ça donc elle l’a accepté et tout va bien. Après pour l’instant les textes, les clips, on essaye d’esquiver. Mais mon dernier clip elle l’a kiffé de ouf, celui-là je l’ai montré, parce que je savais que ça passerait. Le prochain… on verra (rires).

Là tu es à moment un peu charnière. L’album peut fonctionner, comme ça ne peut ne pas prendre.

Même avec 1995, personnellement je pense qu’on n’est jamais sûrs de rien. Du jour au lendemain, on peut nous dire : « Non ben on vous a oublié les mecs, salut. » C’est quelque chose qui ne m’effraie pas, j’ai 23 ans, il y a des mecs qui ont « céper » à 40 ans. Je n’ai pas la peur du lendemain. Je ne suis pas dans ce truc-là, je suis plutôt vachement optimiste. Si ça ne marche pas demain, ça marchera après-demain. Tant que j’ai la niaque, tant que j’ai l’énergie pour le faire, je le ferai. Après s’il faut gagner sa vie autrement je le ferai aussi. Je serai bien plus content si ça marche bien sûr mais je ne raisonne pas en me disant « Putain si ça ne marche pas comment je vais faire ? ».

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Le rap ça a commencé comment finalement ?

Ça a commencé au lycée. Ecouter du rap ça a commencé beaucoup plus tôt, mais à en faire ça a commencé au lycée. C’était en seconde avec Alpha Wann et Nekfeu qui étaient dans mon lycée. Nekfeu je le connaissais avant de faire du rap et Alpha au moment où je l’ai rencontré il nous a amené dans son délire parce que lui il était déjà dedans. Je ne sais pas si c’est un parcours classique, mais au lycée ça commençait à rapper. C’est surtout Alpha qui m’a poussé. On avait passé un été sur MSN à l’époque, il m’envoyait des prods et il me disait « Vas-y écris sur ça. » Il me faisait découvrir plein de trucs, il a une énorme culture musicale, on l’appelle Wikipedia, parfois même Wikipédé quand il nous casse la tête. Donc moi je lui balançais des textes sur MSN. C’était bien n’importe quoi et cet enfoiré me disait « C’est trop bien, c’est trop chaud ! ». Plus tard j’ai compris que le mec voulait juste nous chauffer pour faire un groupe en fait. Il a été bon d’un côté, pas très sincère au début mais au moins ça l’a fait. Il nous a présenté Areno Jaz qui « rappotait » alors que Nekfeu rappait déjà avec le S-Crew. Il nous avait fait écouter des trucs à l’époque, c’était trop drôle, c’était n’importe quoi. Il pourrait te le dire lui-même, on se foutait tellement de sa gueule. Et donc on a quand même commencé à rapper ensemble. Pour Hologram Lo, elle est folle l’histoire de Dj Lo, c’est le cousin de mon amoureuse de maternelle. J’habitais dans le XIVème, j’étais amoureux de cette fille qui s’appelait Lola, vraiment j’étais amoureux de ouf parfois elle venait à la maison, j’allais chez elle, nos mères se connaissaient. Je l’ai perdu de vue en 5ème et quand je suis revenu dans le XIVème pour le lycée, on s’est croisés dans les couloirs. Je me suis dit « Mais je la connais cette meuf ». Je me rends compte que c’est elle, je l’appelle, on se reparle et on est redevenus potes et au moment où on a commencé à faire du rap elle m’a dit : « Mais mon cousin il fait des instrus je vais vous le présenter ! » Et c’était Hologram Lo. Il faisait des prod à chier, c’était tellement nul. Il faisait du dirty bizarre. On a commencé à travailler ensemble et on est devenus des reufs.

Vous êtes tous très potes, pourtant beaucoup vous ont comparé à un boysband. Comment tu prends tout ça ?

Au début tu te prends les critiques, t’es pas prêt. Tu te dis que les gens sont vraiment méchants. Et au bout d’un moment ça ne te touche même plus. Tous les jours il y a des gens qui cassent les couilles parce qu’il y a des ciste-ra. Dire qu’on est des Benetton c’est juste raciste. Le racisme ça va dans tous les sens. Donc tu as juste à dire : « Vous êtes raciste monsieur ».

Comment tu as encaissé cette violence virtuelle ?

La violence tu te la prends deux/trois semaines. Au début tu lis tous les commentaires, parce que tu n’es pas prêt, tu ne sais pas comment ça marche. Tu te lances dans le truc, tu fais deux millions de vues, tu descends dans les commentaires et tu te dis « waouh ». Après tu encaisses, tu comprends que ça va être ça tout le temps. Tu te rends compte que ce sont des Guy Lux qui ont treize piges et qui sont derrière leur ordi toute la journée.

On prend du recul, je me dis que je fais de la musique. Je sors dans la rue je ne me prends pas la tête, lui il attend que je mette un son pour mettre son commentaire méchant, qu’est-ce que ça peut me faire ? On a eu la validation de tous les anciens qu’on écoutait, tous sans exception. Tout ceux qu’on valide, ils nous ont validés. Que ce soit Booba, NTM, IAM, La Cliqua, Danny Dan, tout le monde. Qu’est ce que j’en ai à foutre d’un gosse de 14 piges qui me dit « Sneazzy t’es un pédé tu portes des strings ».

Comment expliques-tu que ça se cristallise plus sur toi que sur le reste du groupe ?

En même temps j’en ai joué de ça. Dès que ça a commencé à partir en couille, je n’ai jamais été un mec qui fermait sa gueule. Donc ces gens-là je leur répondais par des tweets, j’ai toujours été dans l’ironie. Comme par exemple pour l’affaire du « string ». C’était pour la sortie du clip « La Suite ». Syrine Boulanouar, le real, me dit avant de le sortir qu’il y a un truc chelou sur les images. Il me montre, je me pose, je me dis « Bon c’est quoi ce que-tru ? De la transpiration?» C’était « chelou », ça faisait vraiment un string. Syrine me dit qu’il y a la preuve sur d’autres rushs que c’est la marque du t-shirt ou je ne sais plus. Mais je lui ai dit « Jamais on montre d’autres rushs pour prouver quoi que ce soit. » Pensez que c’est un string que je m’en foutais et même si c’était vraiment un string… Il y a quoi ? Je porte un string et je fais du rap c’est quoi ton problème ? Voilà je m’en fous, on n’est pas là pour juger ce genre de choses. On est là pour juger le « peura ». C’est tout. Tous ceux qui parlent je plie leurs emcee en freestyle. On s’en fout, je te jure on s’en fout tellement.

Cette infantilité dans les commentaires c’est aussi elle qui a permis à 1995 de vivre, parce que vous avez été soutenu à fond par un public très jeune.

Ouais c’était très jeune, du 16-20 ans au début.

Quand vous réfléchissez au groupe vous vous dites qu’ils vont grandir avec vous et on va les amener où on veut aller ; ou est-ce que vous vous dites ils vont nous lâcher à un moment et ils vont commencer à écouter d’autres gars.

Je pense que c’est plutôt la deuxième solution, l’idée de grandir avec nous je n’y crois pas trop. Ca marchait peut-être à l’ancienne mais aujourd’hui il y a tellement de trucs qu’ils te lâchent. Dès qu’il y a un nouveau truc qui sort, ils comparent. Tout ça on ne peut pas le calculer. À partir du moment où tu fais de la bonne musique, il y aura des gens qui nous écouteront et qui la valideront. Ça nous permettra de tourner. Si demain on doit faire des plus petites salles, on fera des plus petites salles, c’est la vie. On n’est pas dans le calcul de qui va nous écouter, comment faire pour que l’on touche la cible que l’on veut toucher. Ce sont des trucs de maisons de disque, nous on est beaucoup plus freestyle. Sur un album on va faire les clips qu’on veut faire, si les gens ne sont pas contents, tant pis. On est 60 millions en France, il y en a bien qui vont kiffer. Il faut relativiser, si c’est un putain de succès tant mieux faisons tous la fête ensemble, si c’est moins le cas c’est comme ça. Il y a plus grave dans le monde qu’1995 ou que Sneazzy.

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Parmi les architectes d’1995 tu as Antoine, Fonky Flav, qui lui a vraiment pensé 1995…

Un peu trop (rires) ! Non je plaisante, c’est parce qu’on s’amuse à le tailler tout le temps sur ça. Sur le fait que ce soit un businessman.

Justement comment tu décris ce businessman ?

Je le décris comme quelqu’un à qui l’on doit pas mal de trucs. Quand ça a commencé à marcher, c’est le seul qui s’est motivé à s’acheter un téléphone avec un abonnement pour recevoir des mails en temps réel et pas attendre 6 jours avant de pouvoir y répondre. Il a pris tous les rendez-vous pour qu’on signe, il a compris qu’il nous fallait un avocat, il l’a engagé. Il est plus vieux que nous donc il était direct dans le délire. Il a fait beaucoup d’années d’études, il travaillait déjà. Quand c’est arrivé il était prêt. Il était content même. Il nous a dit : « Ca vous dérange si je gère le truc ? » On lui à répondu « Bien sûr, laisse nous rapper, on s’en fout du reste. »

C’est vrai lors d’une ancienne interview, au tout début, le seul qui avait un portable c’était Antoine.

Ouais nous c’était re-du. Mais c’est pour ça qu’il s’est occupé de tout c’est juste qu’il avait un téléphone. S’il n’en avait pas eu on n’aurait jamais percé (rires).

On rigole mais au début c’était vraiment ça. Aujourd’hui on s’intéresse beaucoup plus à ce genre de choses parce que maintenant on a tous notre label en dehors d’1995. Je pense que sur le prochain album on sera tous plus impliqués.

D’ailleurs cette pause d’1995 elle nous a fait du bien. On a tous pris en maturité, maintenant on comprend des choses qu’on ne comprenait pas avant. Avant c’était lui qui assumait tout, maintenant on va être 6 face à l’industrie du disque.

Dans « Bouffon du roi », je me souviens d’un passage qui faisait allusion au moment où 1995 a commencé à prendre du poids, on cherchait à vous prendre de l’oseille.

Alors ça, ce n’est est pas fini… On n’est même pas encore sortis de l’auberge. Quand tu vois le cliché des petits mecs qui commencent à réussir et d’un coup tout le monde essaye de leur prendre de l’argent, de les arnaquer. Ça pour le coup on l’a vraiment vécu. On pourrait faire un film dessus. C’était compliqué au début, c’était physique même. Tu devais faire de la musique, des concerts, tu revenais à Paris, tu avais chaud. Tu croisais des gens dans les événements rap c’était relou, tu savais que tu étais en embrouille avec certaines personnes. On l’a assumé plus que pas mal de personnes auraient pu le faire et on ne s’en vante pas. On ne s’en vantera jamais parce que c’est de la merde au final. Tu vois que les mecs ce ne sont que des bluffeurs. Il y en a beaucoup trop dans ce game, beaucoup de grandes gueules et pour des petits sous. C’est ça qui est horrible. Au début tu te dis que le mec c’est Tony Montana, il peut nous liquider. Et après tu te rends compte qu’en fait non il ne va pas faire ça, c’est juste un rigolo. Et des gars comme ça on en a eu des dizaines, des menaces, des appels, ça vient en bas de chez toi. Mais c’est que du bluff, on est toujours là et on a assumé comme des hommes, on s’en est sortis.

Est-ce qu’il y a un moment où c’est allé trop loin ?

Je ne raconterai pas les histoires mais oui il y a eu des moments où c’est allé trop loin. Avec le recul, je sais qu’aujourd’hui ça ne se passerait pas comme ça mais on était jeunes. Mais on n’a jamais rien eu de grave dans le sens où ce sont quand même des gens qui parlent beaucoup. Encore heureux, j’en sui content de ne pas être tombé sur des vrais, sur des baleines. Des mecs qui ne parlent pas mais qui t’avalent.

As-tu une image de consécration avec 1995 ?

C’est sûr que j’en ai une. Le Bataclan, le premier, complet en une semaine. Ils ont rajouté des places, on était 1800, 1900. C’était fou, je me suis dit « waouh ». C’était à Paris, on avait déjà fait une vingtaine de dates en province, plutôt des belles salles et tout était complet. Tu arrives à Paname c’est un peu la consécration de ce mois de travail. Les gens connaissent tes sons par cœur alors que c’était juste un EP. Il n’y avait rien de bien sérieux, le projet était mixé par des doigts de pieds. Ce moment-là, je me rappelle que ça m’avait vraiment touché. Il y a aussi les premières personnes qui te reconnaissent dans la rue. Tu te dis que c’est incroyable, ils veulent prendre des photos. Les séances de dédicaces c’était énorme, il y avait tellement de monde. Et tout ça, ça te redonne une pêche incroyable, tu te dis c’est bon il faut tout donner.

Quand tu remplis une salle parisienne qui a un nom ça fait plaisir. À chaque stade ça fait cet effet. Après on a rempli le Zénith avec Method Man, après on a eu l’Olympia, le Palais des Sports. Ça fait toujours plaisir, tu ne peux pas te lasser.

Il y a autre chose qui va sûrement énerver les gens mais j’ai toujours su que ça marcherait. Je te jure, je l’ai toujours su. Dès que j’ai commencé et je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas si c’est parce que je le sentais ou si c’est parce qu’il valait mieux que je me dise ça. Mais ce qui est sûr c’est que je me le suis toujours dit.

Ce truc de buzz un peu irrésistible que vous avez eu, il va être difficile à retrouver parce qu’il n’y a plus l’effet de surprise.

On n’est plus des nouveaux. Ca va être beaucoup de travail. Déjà je pense que les solo de Nekfeu, Alpha et « oim » ça va dynamiser le truc. On ne compte pas que sur ça, mais quand même, ça peut redonner un « boost ». Et après avec 1995 on n’a pas de recettes précises, ça va être au feeling, on verra. Mais moi j’y crois et comme je l’ai dit, on est jeunes.

Pour conclure sur ton album, tu y crois aussi ?

J’y crois à fond, je suis fier de mon album, je l’écoute sans arrêt. Je suis trop content.

Mais quand je te dis que je savais que ça allait marcher, on n’a pas vendus des milliards et on n’a pas remplis Bercy. On est encore loin du compte. Je suis un éternel insatisfait, si demain on fait Bercy, je te dirai qu’on n’a pas fait le Stade de France. Je ne peux pas me satisfaire d’avoir réussi pendant trois ans et ensuite de me reposer sur mes lauriers. Je ne suis personne pour dire si mon album va marcher ou pas. J’espère qu’il va marcher, j’y crois en tout cas. Il y a ce truc aussi de « Je suis tout seul ». Non seulement je suis tout seul et en plus je suis sûr de moi à fond, c’est lourd. Donc j’y vais tranquille, je sais que ça peut marcher pour moi de ouf et si ça marche pas sur cet album ça marchera sur un autre. Ça par contre je le jure. Ça marchera de toute façon, le premier album c’est ma carte d’identité perso. On avait une carte d’identité à 6 et on nous a dit « Bon les gars elle est plus valable revenez plus tard ». Donc on s’est dit « Bon ben on va en faire une chacun ». Je suis satisfait de mon album comme, j’étais satisfait de tous les projets qu’on a fait avant.

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Connu pour sa capacité à créer de toute pièce des univers visuels et des cadres millimétrés, il est logique de voir des artistes graphiques rendre hommage au réalisateur Wes Anderson. C’est la galerie californienne Spoke Art qui a fait l’effort de mettre cette idée en œuvre avec l’exposition « Bad Dads ». Un événement qui en est déjà à sa cinquième édition et qui se déroule chaque année aux alentours d’Halloween. Cette année ce sera donc à partir du 26 octobre 2015 que l’on pourra admirer officiellement et acheter les œuvres de plus de 80 artistes.
Comment renouveler sa créativité quand cinq années de références aux huit longs-métrages du cinéaste ont déjà été réalisées? l’artiste Matt Chase répond à la question en associant les personnages amblématiques des films à la marque de jouets LEGO.
Une idée originale qui permet de mettre en valeur tous les petits détails visuels qui font la particularité des protagonistes au caractère souvent rocambolesque.

Alors que le collectif Grande Ville appliquait déjà ses talents artistiques à leur label et à la création de musique et d’image, c’est aujourd’hui au streetwear qu’il s’attèle. Preuve en est ce premier lookbook qui réuni une collection de baseball tee et de t-shirt qui reprend les codes du streetwear vintage américain, dès à présent disponible chez Starcow Paris.

La MZ interprète pour Stud’, une version acoustique de leur titre «Embrasse-moi ».

YARD & BELIEVE DIGITAL STUDIOS présentent : STUD’ (Live Session)
L’émission live Hip-Hop de KassDED.
Un vendredi soir sur deux, découvrez des live session Rap 100% inédites.

Des MC’s réinterprètent un de leur morceau avec des musiciens dans le mythique studio Davout à Paris.

L’équipe de YARD a rencontré Campos, un entraineur de football pas comme les autres qui opère à Saint-Denis.

Au départ lieu de remise en forme des footballeurs, l’académie est devenue le point de chute de nombreux joueurs sans club, venus du monde entier. Un endroit où d’anciennes stars africaines côtoient de plus ou moins jeunes espoirs déchus.

Un club porté par le charisme de l’incroyable Coach Campos. Découvrez ce personnage et le club qu’il a crée.

Annie Leibovitz a travaillé de façon permanente pour deux magazines en 45 ans de carrière, Rolling Stone et Vanity Fair. La photographe sait s’inscrire dans la durée avec des photos aussi propres que classiques. C’est avec sa capacité à extraire de l’élégance de n’importe quelle de ses photos qu’elle s’érige en véritable aimant à stars. Une tournée avec les Rolling Stones, les dernières photos de John Lennon vivant, Demi Moore enceinte, Les Obama à la Maison Blanche, elle se retrouve comme par miracle dans tous les bons coups. Rien d’étonnant donc qu’en 2015 elle tienne encore ce statut et se voit catapultée sur le tournage du prochain Star Wars. J. J. Abrams, Oscar Isaac, Lupita Nyong’o, Adam Driver et quelques clichés plus tard, qui confirment certaines de nos prévisions, nous voilà encore un peu plus en haleine pour l’un des plus grands événements cinématographiques de cette année.

Londres, début des années 2000. Excroissance du hip-hop anglais, le grime émet ses premières pulsations dans les faubourgs crasseux de l’est. Un rap DIY, cru et abrasif, soutenu par les radios pirates, brassant UK garage, drum & bass, dubstep, hip-hop et dancehall. Parmi les pionniers du mouvement, Dizzee Rascal, Wiley, Kano… et puis Skepta. Propulsé l’an dernier à la face du monde entier, à 30 ans et des poussières, la nouvelle coqueluche du rap underground s’active en réalité depuis une dizaine d’années dans l’ombre.

 

Vétéran du grime

 

Au départ, Skepta, né Joseph Junior Adenuga, joue des platines et signe des productions épaisses, dark et futuristes, pour le Meridian Crew, collectif grime de Tottenham. Lorsque le Meridian Crew éclate en 2005, Skepta et son frère JME vont palper le mic du côté de Roll Deep, le groupe de Wiley, avant de fonder leur propre clique, les Boy Better Know (BBK). Joseph affute son flow, agile et musclé, sur une flopée de mixtapes ; entre temps, Wiley, Jammer, Frisco, DJ Maximum et Shorty, sont venus gonfler les rangs du crew. Un mouvement de danse aux faux airs de Macarena, le « Rolex Sweep », du nom du tube electro de Skepta, boostera un peu plus tard la popularité de BBK outre-Manche. Mieux, en 2012, le groupe, qui aime se frotter à d’autres à travers des joutes verbales, coucher ses adversaires à coups de rimes acérées, arrache survolté la première place de la gigantesque battle Red Bull Culture Clash. En solo, Skepta pond son premier album dès 2007, « Greatest Hits », applaudit par la critique.

 

 

Il dégainera un nouvel opus en 2009, «Microphone Champion », comptant quelques succès locaux comme « Too Many Men », puis « Doin’ It Again » deux ans plus tard. Ce troisième album, porté par les singles « Rescue Me » et « Cross My Heart », se glisse à la 19ème place du top 100 anglais dès la première semaine. Parmi la tracklist, un remix grime du « Hello Good Morning » de P.Diddy soulève un mini buzz et entrouvre les portes de l’international à son auteur. La même année, Skepta poste sur YouTube une vidéo introspective qu’il baptise « Underdog Psychosis ». La déprime le guette, il a le cœur gros, cogite, s’interroge sur sa place. Il confie à Crack Magazine :

« Ca a été un vrai tournant pour moi. J’y parle de moi pendant à peu près 26 minutes devant mon écran d’ordinateur portable, à propos de ma vie et de ce que je ressens. Vous voyez tous les artistes de l’industrie faire un burnout. […] Underdog Psychosis a été le mien. Après l’avoir sorti, je me suis senti purifié. A partir de là, je me suis dit que je ne traiterai plus avec ceux qui ne veulent pas de moi. Je n’ai pas le temps d’essayer de faire plaisir aux gens dont la plateforme n’est pas faite pour moi. Pourquoi est-ce que je chercherais à satisfaire Radio 1 de toute façon ? ».

Alors son rap sera plus libre, brut, décomplexé. Sa mixtape « Blacklisted », qu’il lâche quelques mois plus tard, porte encore les stigmates de son vague à l’âme. Il faudra attendre 2014 pour qu’il se révèle et explose, achève son tour de chauffe à rallonge pour se jeter dans la cour des grands.

 

La renaissance

 

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Passée l’effervescence des premières années, le mouvement grime retombe comme un soufflé. Il se disperse, s’englue dans la pop, peine à s’exporter. Sa superstar Dizzee Rascal perd elle-aussi de sa superbe. En réalité, si les médias se sont empressés de l’enterrer, le grime n’est pas vraiment mort, il continue de brailler incognito dans les bas-fonds londoniens. En mars 2013, E4 diffuse une nouvelle série, « Youngers », racontant les périples d’une bande d’ados du sud-est londonien aspirant à percer sur la scène grime. La chaîne britannique a du flair. La renaissance du grime est, depuis quelques temps, bel et bien en marche. Elle est instrumentale, d’abord. En septembre 2013, Bless Beats, le producteur fétiche de Wiley, déclenche une « war dub » sur Soundcloud. Une tripotée de beatmakers, parmi lesquels Visionist, Saga, Kahn & Neek, Inkke, Wen, Logos, Slackk ou encore Samename, se livrent alors à des clashs par gros sons grime interposés pendant une semaine entière. Coup de fouet salvateur. Depuis, le grime se remplume, retrouve ses ailes.

 

 

C’est Skepta, ce précurseur oublié, qui se fera le héraut du renouveau vocal du genre, l’amorcera et l’incarnera. En juin 2014, une production massive, hypnotique et entêtante, à la croisée de l’eski-beat et d’une bande-son de jeu vidéo old school, ode aux heures dorées du grime, remet définitivement le hip-hop made in UK à la page. « That’s not me », premier extrait du prochain et quatrième album du emcee, « Konnichiwa », sort à grand fracas et grimpe très vite à la 21ème place du UK Singles Chart. Le grime nouvelle génération a trouvé son hymne. « That’s not me » sera sacré single de l’année par le pointu Fact Magazine. Dans la foulée, la vidéo du banger, à l’esthétique rétro, se bricole pour trois francs six sous (80£ plus exactement) et rafle le prix du meilleur clip de l’année aux MOBO Awards. Joli tour de force.

 

Un entourage trois étoiles

 

25 février 2015, l’O2 Arena à Londres. Kanye West déboule sur scène armé de lance-flammes et d’un gang encapuchonné pour interpréter son nouveau titre, « All Day ». Il embrase et enfièvre la cérémonie des Brit Awards ; la vidéo circule et affole la toile. Parmi l’escouade : Skepta, JME, Shorty, Krept & Konan, Jammer, Novelist, Stormzy et Fekky. Toute la formation grime du moment. Kanye remercie même Skepta devant la foule bouillonnante à la fin de la performance puis le réinvite quelques jours plus tard, avec JME, Novelist et Meridian Dan, pour ouvrir son concert surprise au KOKO, un club-théâtre de Londres. Le coup de pouce de Yeezy attire les feux des projecteurs sur les rappeurs grime et scelle le retour du genre. Mais au-delà de Ye, Skepta sait définitivement bien s’entourer, entre Young Lord (avec lequel il signe le titre « I Ain’t Safe »), Flatbush Zombies (avec lesquels il collabore sur « Red Eye To Paris ») ou encore Drake. Ce dernier s’assume pleinement fan du bonhomme en le louangeant sur les réseaux sociaux, en lui empruntant quelques vers, extraits de « That’s not me », sur son morceau « Used to » (« Shout out to the Gs from the ends / We don’t live no girls from the ends ») et en l’incluant dans la note de remerciement de son « If You’re Reading This It’s Too Late ». Skepta lui rend à son tour la pareille en le samplant en intro de son dernier titre, le puissant « Shutdown », qui comptabilisera près de 2 millions de lecture en un mois sur Soundcloud.

 

 

Adoubé par deux gros poids lourds du rap qui lui apportent, plus que de la visibilité, une légitimité, Skepta est condamné au succès. 2015 sera sans aucun doute son année. Le mainstream lui fait d’ailleurs les yeux doux ; le emcee a été nommé parmi les 50 britanniques les mieux habillés de 2015 par GQ et s’apprête à faire ses premiers pas au cinéma dans le film anglais « Anti-Social ».

 

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Starifié sur le tard, Skepta a la maturité qui manque aux jeunes pousses au succès-éclair dopées aux billets verts. Sur le refrain de « That’s not me », il versifiait d’ailleurs : « Yeah, I used to wear Gucci / Put it all in the bin cause that’s not me » (« Ouais, avant je portais du Gucci / J’ai tout jeté à la poubelle parce que ce n’est pas moi »). Pourvu qu’il la préserve, cette authenticité se raréfiant dans la crâneuse raposphère, baignant dans la luxure.

 

Kanye West Skepta

 

Dan Marbaix peut à première vue apparaître comme un photographe parmi d’autres. Sur son site il nous montre des photos de paysages, de bébés ou de mariages.
Ce qui le différencie de ses collègues c’est son amour des lieux abandonnés. Son travail artistique s’enclenche lorsqu’il recherche à travers le monde des lieux monumentaux mais laissés en décrépitude.
Arrêté plus d’une vingtaine de fois pour avoir transgressé les barrières entourant ces cavernes aux merveilles, il maintient que c’est une maigre punition comparée aux images qu’il peut en ressortir.
Ses endroits préférés, différents asiles européens ajoutent à l’aspect délaissé des lieux, une atmosphère angoissante. Ancien hôpitaux psychiatriques avec tout ce que cela implique, les chaises roulantes ou autres salles d’interventions médicales font rejaillir tout un imaginaire plutôt inquiétant.

Ils ont bercé notre enfance et notre adolescence, tant et si bien que le moindre détails nous permet de reconnaître des personnages qui sont aujourd’hui devenu des icônes de la pop culture. Dans une série d’illustration, le directeur artistique français Madani Bendjellal réalise une série d’illustration en utilisant seulement les cheveux de ces personnages pour les identifier. Et c’est efficace.

Lors de son dernier concert à Paris, JMSN nous ouvre les portes de la Boule Noir au moment des balances un moment. Le temps suffisant pour nous interpréter le titre « All Apologies » extrait de The Blue Album.

Le rendez-vous était pris. Le premier mai au Showcase, le crew FALD vous invitait à le rejoindre pour une soirée exceptionnelle. Avec Supa! et Kyu Steed, se trouvait ce soir-là Lil Mike, mais aussi Lex Luger, le producteur de Hard In Da Paint et BMF. L’occasion de vivre ces sons, joués des mains de leur créateur vous a été donné ce soir-là. Pour les autres, il ne reste que quelques vidéos instagram, et des images…

Selon plusieurs ONG, les éléphants du Mozambique pourraient totalement disparaître d’ici 10 ans. Un sort qui touche intensément le pays et la quasi totalité de sa faune.

L’agence DDB Mozambique a trouvé une forme originale pour dénoncer le phénomène destructeur en dépeçant les animaux affichés sur les logos de grandes marques : Lacoste, Puma et Ecko.

A l’occasion de la prochaine F*A*L*D* qui se tiendra le 1er mai, Kyu Steed, membre du collectif, rend hommage à son invité : le producteur Lex Luger. Figure de proue du hip-hop US et de la trap d’Atlanta, la consistence de son travail a de quoi donner de la matière au DJ dans ce mix d’une demi-heure.
De quoi s’échauffer avant leur passage respectif au Showcase Paris.

 

FALD - Kyu Steed - LEx Luger Special

Pour notre troisième numéro du YARD Paper, notre journaliste Marguerite de Bourgoing s’est rendue à Ferguson dix jours après la mort de Mike Brown. Au vu de l’actualité qui frappe d’injustice semaine après semaine la communauté afro-américaine et de la dimension qu’a prise cette colère à Baltimore après les funérailles de Freddie Gray ; ce jeudi, nous avons décidé de vous partager ce papier. Une mise en perspective nécessaire pour ne jamais s’arrêter de dénoncer.

C’est dix jours après la mort du jeune Mike Brown, tué par les balles d’un policier et dont le corps a été laissé à l’abandon dans la rue plusieurs heures, que j’arrive, nerveuse, à Ferguson. En effet, la petite ville est littéralement à feu et à sang, portée par une vague de protestations et d’émeutes qui feront instantanément la Une des médias.

Les jours qui ont suivi l’assassinat, j’assistais chez moi, effarée, aux nombreux témoignages défilant sur mon compte Twitter, qui décrivaient les affrontements entre la police militarisée et les manifestants. Cette violence n’exclut personne, et même les journalistes n’étaient pas à l’abri des arrestations et des jets de gaz lacrymogène. Pendant ce temps-là, les grandes chaînes de télévision américaines menaient une campagne de diffamation sur la personnalité de la victime, décrite comme un voyou, sans un mot sur le policier l’ayant abattu. Le New York Times ira même jusqu’à écrire sur Mike Brown qu’«il n’était pas un ange». À lire les journaux, à écouter la radio et à regarder la télévision, Ferguson est une zone de guerre.

C’est poussée par la curiosité que j’ai décidé de m’y rendre, mais aussi pour devenir un témoin engagé dans le chapitre le plus récent de la sinueuse histoire afro-américaine qui une fois de plus semble se répéter. Loin des représentations médiatiques, la réalité de cette ville est toute autre. J’ai rencontré une communauté accueillante et pacifique, qui m’a immédiatement mise à l’aise. Les affrontements apaisés, je prends conscience que la population vient de Ferguson mais aussi des quatre coins du pays, un véritable carrefour militant où se côtoie un foisonnement de médias indépendants, de journalistes citoyens, d’activistes, mais aussi de jeunes des villes avoisinantes comme Chicago. Tout le monde interviewait tout le monde et les habitants de Ferguson se montraient soucieux de raconter leur histoire mais surtout déterminés à se battre contre cette injustice.

Un des épisodes les plus marquants auquel j’ai assisté est celui où Wanda, une habitante noire de Ferguson, fait la leçon à un journaliste télévisé de CNN lui semblant peu enclin à s’entretenir avec le capitaine Ray Lewis, un policier retraité de Philadelphie venu manifester. Wanda lui reproche de ne vouloir couvrir qu’une version de cette affaire, elle fait preuve d’une telle conviction que «Chris» (le journaliste qu’elle appelle par son prénom) cède, quelque peu intimidé. Avec ces événements, les habitants de Ferguson ont montré au reste des États-Unis ce qu’étaient le courage et la dignité face à l’adversité du système.

Ce sont tous ces regards, personnalités et discours à l’engagement inébranlable que j’ai pu rencontrer tout au long des cinq jours de mon séjour. Ils écrivent aujourd’hui ensemble cette histoire, et c’est vers eux que j’ai tendu mon micro.

ANTHONY

Anthony

Jeune venant du quartier où Mike Brown est mort, il manifeste avec ses amis.

« Le jour où c’est arrivé, j’étais en train de filmer sur Instagram le corps qu’ils avaient laissé plus de quatre heures dans la rue sans appeler d’ambulance. Tout le monde interpellait la police pour comprendre les raisons qui l’ont poussée à lui tirer dessus et de le laisser encore dans la rue. »

 


 

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Prêtre de Ferguson
Organisateur de marches pacifistes dans la ville.

« Les gens sont lassés du traitement qu’ils reçoivent depuis toujours par la police, et maintenant ils ont la chance de faire entendre leur voix. Les autorités veulent utiliser la violence qui a eu lieu pour dire aux gens qu’il est dangereux de venir à Ferguson, mais ce n’est pas le cas. »

 


 

 

RAY-LEWIS

Capitaine Ray Lewis 
Ancien officier de la police de Philadelphie devenu un activiste reconnu.

« Je n’ai jamais été aussi bien reçu, j’ai rencontré des gens merveilleux tout au long de mon séjour. Ils m’ont très bien traité : ils m’ont demandé si j’avais besoin d’eau, ou si j’avais faim. Ils sont reconnaissants que je sois ici. J’aime Ferguson. »

 


 

 

JB

J.B. 
Chef d’entreprise de Ferguson distribuant des hot-dogs gratuitement pendant la durée des manifestations.

« Je n’ai pas travaillé depuis que tout a commencé, je n’ai pas gagné d’argent. Le simple fait que je prenne un risque personnel en restant dans la rue à la vue des policiers flingueurs montre combien j’adore cette communauté. »

 


 

 

DAVID-BANNER

David Banner & Jasiri X 
Artistes hip-hop internationaux, venus à Ferguson pour afficher leur soutien.

« Honnêtement, je suis fier de St Louis, je ne pense pas qu’ils aient conscience de l’importance de ce qu’ils ont accompli aux yeux du monde. Ils ont défendu des gens qui sont historiquement invisibles. Maintenant, tout le monde en a pris acte pour très longtemps. Mobb Deep a fait le titre Hell on Earth et, dans ce morceau, ils disaient : ʺLes zones urbaines sensibles sont en première ligne et l’ennemi est la police.ʺ C’est ce qui est arrivé ici. Il ne s’agit pas de lyrics de rap, il s’agit de jeunes hommes et femmes noirs courageux, qui se sont opposés aux tanks, aux policiers en gilet pare-balles, au gaz lacrymogènes. Ils ont attrapé les bombes et les ont renvoyées. »

Alors que la NBA discute du fait de faire apparaître les sponsors sur les maillots des équipes de basket, le designer argentin-italien Emilio Sansonili trouve de quoi aiguiser sa créativité. Comme au football, les logos des sponsors et des équipes cohabitent sur des maillots cintrés aux manches courtes.

De quoi donner quelques idées aux équipes, si jamais une telle résolution venait à être prise.

Inès de la Fressange est partout. Elle donne son nom à une voiture, ses rides à L’Oreal, ses idées à Uniqlo, sa plume à un bouquin et son mètre quatre-vingt au musée Grévin. À 57 ans rien ne lui résiste et c’est avec beaucoup de recul et d’humour qu’elle nous parle de cette nouvelle jeunesse. Fille d’une famille aristocrate, comme son nom ose le suggérer, elle revient pour nous sur son enfance et son rapport au milieu populaire qu’elle finira par représenter en partie lors de sa carrière.

Malgré la distance qu’impose le vouvoiement, Inès de la Fressange ne résiste pas à l’envie de sympathiser avec tout ce qui l’entoure. Sa bonne humeur est agréablement envahissante, son énergie magnétisante ; virevoltante elle passe d’un sujet à un autre, d’une réponse à une question à une proposition de selfie à celui qui lui a posé. C’est avec cette joie de vivre qu’elle répond à nos interrogations, elle ne peut s’empêcher de faire le show pour arracher les rires de chaque personne qui l’entoure. La dizaine de spectateurs dans la pièce est fascinée et tombe totalement sous le charme de la grande brune. Inès de la Fressange c’est le contraire de la langue de bois, pour nous et après plus de 30 ans de carrière, elle donne l’impression de vivre cet entretien comme si c’était le premier, à la fois gênée, touchante et amusante. Ce sont ces paradoxes qui nourrissent l’ancien mannequin et qui font d’elle la gosse de riche la plus appréciée des « sans dents ».

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Vous êtes maintenant médiatisée depuis les années 80…

Ça commence à bien faire, je suis la Line Renaud de la mode là. [rires, ndlr]

… pourtant vous restez toujours dans l’air du temps. Comment expliquez-vous que vous n’êtes jamais passée de mode ?

Parce que je paye la presse, vous allez voir déjà demain votre relevé de compte Crédit Agricole. Vous allez titrer : « Cette fille est top. » En plus, je couche avec un grand patron de presse, ça aide (Inès de la Fressange est en couple avec Denis Olivesnes qui est à la tête de Lagardère Active). Ça s’explique comme ça (elle rit puis reprend son sérieux).

En fait, je n’ai jamais été trop à la mode donc c’est un bon moyen pour ne pas être démodée. Il y a quelques semaines, j’ai fait la couverture du Vogue France. Vous avez vu ? C’était la première fois de ma vie, première couverture… 57 ans. En fait, non je mens un peu parce que quand j’étais mannequin ils m’avaient photographiée en silhouette et assise sur une chaise. Moralité : il faut commencer à être mannequin à 57 balais, c’est ça le secret.

« Ça commence à bien faire, je suis la Line Renaud de la mode. »

D’où vient ce renouvellement d’intérêt médiatique et populaire ?

Mais c’est aussi parce que j’aime bien les choses quoi. Le Petit Journal par exemple, je vois les gens qui les fuient et qui refusent de leur parler. Moi je trouve ça trop sympathique, je le regarde tous les jours. Ça m’étonne toujours, les personnes qui n’ont pas de curiosité pour ce qui se fait de nouveau.

Je pense que le piège de la notoriété c’est de croire qu’elle existe alors qu’il faut en prendre que le bon côté ; c’est-à-dire toute cette bienveillance que les gens ont pour vous spontanément sans vous connaître. Mais, il faut continuer à avoir une vie, pas normale, parce qu’on n’a pas une vie normale mais d’essayer plus ou moins quand même. Il y a des gens qui ne marchent jamais dans la rue, qui ne vont jamais au Monoprix acheter du dentifrice, qui pensent qu’ils doivent garder une espèce de statut de notoriété. Moi, je n’ai jamais fait ça.

J’ai toujours été consciente d’avoir une vie très facile et très privilégiée mais je ne suis jamais rentrée dans mon rôle d’Inès quoi. Peut-être que les gens le sentent… Je n’ai pas la même vie qu’eux mais j’ai quand même une vision assez similaire des choses. Enfin, je ne sais pas, je déteste qu’on me fasse parler autant de moi comme ça.

Justement, vous restez grand public tout en incarnant le luxe : vous sortez une nouvelle collection avec Uniqlo, vous donnez votre nom à une voiture et venez d’entrer au musée Grévin…

Non mais le musée Grévin c’est parce qu’ils n’avaient pas beaucoup de cire, il leur fallait un truc un peu maigrichon. Ça leur coûte moins cher [rires] ! C’est une question d’économie. En plus, je fournissais les pompes, les vêtements, j’ai quand même une veste Uniqlo au musée Grévin. Ils avaient tout ça gratos, ils avaient calculé leur truc.

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Êtes-vous consciente de représenter quelque chose ?

Non ! Je ne représente rien du tout. Heureusement que je ne pense pas à ce genre de trucs : « Alors oui qu’est-ce qui se concentre autour de moi en ce moment ? » Jamais je ne me pose ce genre de question. De toute façon, il faut toujours se méfier des gens qu’on croise en montant parce que ce sont les mêmes que l’on croise en descendant.

Non mais c’est très drôle la notoriété. Un jour, j’étais dans un taxi et puis le type regarde dans le rétroviseur et dit : « Mmmh, je vous reconnais vous. » Moi je suis entrain de me remaquiller, à mon mieux quoi ! Et là, il me sort : « Vous êtes Inès de Funès ? » [rires]. Ça vous remet en place quand même, et comme une crétine, je lui ai dit : « Oui ». Il avait un peu mixé mais bon porter le nom « de Funès » c’était quand même frais.

Qu’est-ce qui vous rapproche des personnes « normales » ?

Beaucoup de personnes ont des idées préconçues sur la mode : ils imaginent que les stylistes sont des folles, tordues, hystériques et que les mannequins sont des écervelées crétines. Mais je pense que les gens se disent qu’ils sont dédaigneux avec le commun des mortels. Alors que moi, on me voit comme une fille devant son pastaga à Tarascon le dimanche, gaga avec ses enfants et ses chiens. Puis, les femmes ont vieilli avec moi : elles ont eu 20 ans dans les années 80, elles ont eu des enfants en même temps que moi et elles ont pu s’identifier je crois. Mais enfin, si je commence à trop me poser de question, je deviendrais une espèce de malheureuse en fait.

Je n’ai jamais été entourée d’une cour avec un coiffeur et un maquilleur qui me disaient que je suis divine. Ça je le regrette (ironique)… Oui, j’aurais pu être entourée de porteur de traînes mais il se trouve que non. J’ai toujours été entourée de gens qui ne travaillaient pas forcément dans la mode, et puis qui n’ont jamais été vraiment porteurs de traînes. C’est ce qui m’a sauvée.

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Comment définissez-vous brièvement la Parisienne ?

Ça ne veut rien dire à Paris mais beaucoup à l’étranger. Celle-ci ou celle-là (pointant la styliste et la photographe m’accompagnant), elle se balade à New York, ils vont dire que c’est une Parisienne mais on n’est pas du tout conscientes de ça. Ils parlent d’« effortless chic ». Comment ça « effortless chic » ? Nous, on a l’impression de s’être données un peu de mal – coiffées, maquillées -, eux ils trouvent que c’est sans effort… Bon ok d’accord !

Aujourd’hui, tout le monde vous identifie comme la Parisienne justement ?

Ouais c’est marrant. C’est parce que j’ai du sang hongrois, du sang juif, du sang sud-américain, et mon nom date du XIIème siècle ; c’est ça la France et Paris. Mais en réalité, c’est Caroline de Maigret la Parisienne.

Enfin bon, on va faire un selfie tous les deux, et vous l’enverrez à votre maman, elle sera ravie. Peut-être pas, peut-être qu’elle n’en aura rien à faire (elle se lève, nous faisons une photo ensemble, rions de l’originalité de la situation et reprenons l’interview)

Mais, j’en suis très fière dès que je voyage, Paris c’est mythique et culte. C’est le pays de Ratatouille et de la tour Eiffel.

Au-delà de ce que vous représentez, vous êtes une personne qui tout au long de sa carrière s’est excusée d’avoir été privilégiée.

C’est vrai, quand j’étais mannequin je pensais que j’avais de la chance d’être grande et mince et que mes parents m’avaient fait comme ça. Après quand je suis devenue styliste, j’ai choisi des mannequins et j’ai vu des filles avec des têtes sublimes et des corps de rêve, mais que ne sont pas devenues connues. C’est à ce moment que j’ai compris que les mannequins qui réussissaient ont quelque chose d’autre, ne serait-ce que sa personnalité, son caractère. À l’époque, je ne le savais pas, je pensais que j’avais juste que de la chance.

Mais j’ai toujours essayé de faire la part des choses, j’ai été élevée par une dame polonaise, très pauvre. On était dans des Rolls avec mon frère, on passait nos vacances à St Tropez, à Deauville, à Megève, et à chaque fois elle nous rappelait que des gens étaient démunis. Du coup, on choisissait des vêtements qu’on n’aimait plus et on allait les apporter nous-mêmes, Les Quatre Filles du docteur March quoi ! Puis, on habitait dans un village et d’autres vivaient dans des grottes et on leur apportait des choses à manger come au XIXème siècle. Elle a toujours été là pour nous rappeler qu’on jouissait de tout mais qu’il ne fallait jamais oublié les autres. D’ailleurs, elle gardait toujours des petites soucoupes avec des carottes râpées, des betteraves… Il y avait 50 000 petites assiettes dans le réfrigérateur, on ne gaspillait rien. C’était aussi dans notre éducation.

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Vous parlez souvent de cette personne, c’était quelqu’un d’important pour vous.

Elle était comme ma mère. Ce n’était pas quelqu’un de cultivé, quand elle était petite elle allait à l’école pieds nus. Mais elle avait la culture de l’être humain et des qualités extraordinaires avec un sens incroyable de la dignité et de la bienveillance. Mes parents m’ont apporté mon goût pour la créativité, et pour oser d’être différente et originale ; mais elle a façonné toute une pensée politique. C’est quelqu’un qui m’a apporté un équilibre psychologique.

Quelle vision vous aviez du milieu populaire quand vous viviez dans votre moulin de 26 pièces à l’époque ?

J’étais dans l’école communale, j’étais très timide et réservée, et je rentrais en larmes parce que tout le monde me bousculait un petit peu. Du coup, on m’a mis dans une école privée de garçons avec que des gosses de riches abandonnés, l’opposé. Dans ma petite enfance, il y avait de grandes différences de classes sociales ; et les gens étaient très concentrés sur ces différences. Tout le monde était habillé selon ses moyens, aujourd’hui quelque soit la classe sociale, on a tous les mêmes Stan Smith. La Stan Smith du 93 est la même que celle du VIIème.

Puis quand j’étais en école à Mantes-la-Jolie, on me parlait un peu comme si j’habitais dans un château. Ils imaginaient que ma mère portait un chapeau pointu et mon père avait un sceptre d’Ottokar. Malgré cette enfance très luxueuse, je déjeunais dans la cuisine avec le chef, le cuisinier, le commis, la femme du chef, le jardinier, la femme du jardinier la femme de ménage, la nurse et c’était la fête quoi !

« La Stan Smith du 93 est la même que celle du VIIème. »

C’est vrai que vous fantasmiez sur les barres HLM quand vous étiez petite ?

Ouais mais c’est un peu délicat de le dire comme ça. Ma grand-mère invitait les enfants du maître d’hôtel en vacances en Suisse à faire du ski ou à Deauville donc ils m’invitaient à Rueil-Malmaison dans leur HLM.

J’avais un caniche et mon frère un labrador, ils avaient un perroquet qui s’appelait Coco. Nous on avait ces grandes boîtes de chocolats, de marrons glacés enveloppés, ils avaient la pochette de bonbons à un franc avec tout. Tout était plus drôle. Alors quand je le dis aujourd’hui, ça fait très « Marie-Chantal ». Mais nous on était dans une maison de 24 pièces seuls au milieu de 12 hectares, eux en haut et en bas ils avaient leurs copains et ils se retrouvaient dans la cage d’escalier et on trouvait ça super rigolo. En plus ils étaient collés à leurs parents, les nôtres allaient dîner en ville, ils avaient des plans… Guy, le père, et Yvette, la mère, étaient devenus tonton Guy et tata Yvette.

Ils nous racontaient leurs vacances à Romorantin où ils avaient une petite maison avec toute la famille au bord de la rivière : « – On prend la barque, on va pêcher et on va au PMU. – Mais c’est quoi le PMU ? – Le café où on joue au flipper et tout. » Avec mon frère, on avait les yeux écarquillés parce que nous on était à Trouville sur la plage et notre grand moment de vacances, c’était quand la nounou nous offrait une gaufre. Ça nous faisait rêver donc on allait voir notre grand-mère : « On peut aller à Romo ? » Elle a accepté et on s’est retrouvés dans les voitures bondées, les valises sur le toit, toute la famille en débardeur autour de la table, les enfants sur les genoux des parents, des bouteilles de pinards posées… Nous sinon on était à l’hôtel Royal de Deauville tous les deux dans la grande salles à manger, c’était beaucoup moins drôle pour un enfant.

Pendant longtemps sur mon composite quand j’étais mannequin, je mettais seulement Inès et pas de la Fressange. Car quand j’arrivais dans les maisons de haute couture dans lesquelles ma grand-mère avait été une grande cliente et je ne disais jamais qui j’étais, j’avais une honte. Maintenant rien à battre. [rires]

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« Je crois que les couvertures de magazines s’inspirent directement ou indirectement e la peinture classique. » C’est ce que confiait l’artiste Eisen Bernardo dans une interview pour promouvoir son travail Mag+Art : une série de une de magazine incrustée et fondue tout naturellement dans des tableaux classiques.

Mais il ne s’arrête pas là et depuis quelques mois, il trouve aussi un lien assez frappant entre ces tableaux et ces pochettes classiques d’albums d’artistes féminines. De quoi lui faire reprendre le travail dans de nouvelles séries à retrouver sur son tumblr.

Il s’appelait Fubu, Ecko, Enyce ou Karl Kani, se taillait dans du velours peau de pêche, des imprimés bariolés, du coton ou du denim extra-large. Aujourd’hui, il sangle les corps, lèche son design, anoblit ses matières et s’acoquine avec la fine fleur des créateurs. Le streetwear s’est radicalement relifté ces dernières années, en atomisant les frontières qui l’isolaient jusqu’ici de son meilleur ennemi, le luxe.

 

Les prémisses du streetwear

 

En 1992, Ice Cube posait sur son morceau « Us » : « Us niggaz will always sing the blues / ’cause all we care about is hairstyles and tennis shoes » (« Nous, les négros, chanterons toujours le blues / car tout ce qui nous importe sont nos coupes de cheveux et nos baskets »). Dans les quartiers désargentés, l’estime et la popularité s’achètent à coups de sapes et d’accessoires clinquants. Plus la situation est précaire, plus le look est soigné ; il farde et vernit la réalité. « C’est très égocentrique, mais à l’époque, la société nous rabaissait sans arrêt. On avait besoin de s’affirmer en disant: « Boum ! Boum ! C’est moi ! ». On était comme les paons mâles qui utilisent leurs plus belles plumes pour attirer les femelles. Les mecs se disaient: « Je dois être super bien sapé, leur en mettre plein la vue » », raconte Doze Green, ex-break dancer du Rock Steady Crew, dans le documentaire Sneakers, le culte des baskets. De là, le streetwear est né ; de cette volonté mordante de se signaler et se singulariser malgré la légèreté du portefeuille, mais aussi de signifier son appartenance au hip-hop, l’expression culturelle des laissés pour compte.

Lorsque le mouvement explose dans les nineties et que les clips s’imposent comme vitrine stylistique, les entrepreneurs flairent le filon et dégainent une flopée de marques streetwear. Cross Colours, Karl Kani, Mecca USA, Fubu, Ecko, Akademiks, Phat Farm, Rocawear (Jay-Z), G-Unit (50 Cent), Sean John (Puff Daddy) ou Vokal et Apple Bottoms (Nelly) chez l’Oncle Sam, avec Dr Jay’s pour Mecque suprême. M. Dia, Wrung, Bullrot, Com8 (Joey Starr), 2 High (Kool Shen) ou Royal Wear (Sully Sefil) du côté de l’hexagone. La coupe est oversize, le logo criard, le tissu moelleux. Et ça cartonne.

 

DR DRE FUBU

 

Fondée au début des années 90 par Nigo, l’acolyte de Pharrell Williams, A Bathing Ape (Bape) est l’une des premières à proposer une garde-robe urbaine de luxe. Avant elle, le tailleur Dapper Dan avait déjà jeté les bases du streetwear couture dans les eighties. Dans son échoppe de la 125ème rue à Harlem, Dapper Dan fabricotait des bombers, manteaux, survêtements et sneakers, généralement en cuir, sur lesquels il sérigraphiait à la peinture les logos de Louis Vuitton, Fendi ou Gucci. Il habillait Eric B. & Rakim, LL Cool J, Big Daddy Kane, Salt ‘N’ Pepa, Run DMC, Fat Joe ou encore Public Enemy de ses élégantes contrefactions, moyennant quelques centaines ou milliers de dollars.

La stratégie de Bape, elle, est futée ; vendre ses produits à prix d’or et en séries ultra-limitées (parfois en un seul exemplaire) pour se créer de l’exclusivité et exciter sa désirabilité. Mais son marketing de la rareté enflammera le marché de la contrefaçon et ne durera qu’un temps. Coogi aussi, se pose en précurseur, avec ses pulls luxueux aux motifs bigarrés, dont s’amourachera Biggie. Willie Esco, le nouveau DA de la marque australienne, confiait ainsi au Times l’année dernière aspirer à concurrencer Gucci et Missoni. Evisu et ses jeans à 300 dollars ou Supreme et son vestiaire de skater haut de gamme leur emboîteront le pas.

 

La montée en gamme du streetwear

 

Dans un article de septembre 1998, titré « Rappers Deluxe », le Vogue américain fait poser Mary J Blige, Lil’ Kim et Missy Elliott emmitouflées dans des manteaux de fourrure et affirme que le hip-hop s’est « glamourisé » dès lors qu’il a troqué ses « baggys contre du Bulgari » et adopté un look « moins ghetto et plus Gucci ». C’est dit, les rappeurs dorés sur tranche embrassent le bling-bling à pleine bouche et mettent au placard leur uniforme streetwear au profit de griffes plus prestigieuses.

 

vogue mary j blige lil'kim missy elliott 1998

 

Dans la deuxième moitié des années 2000, Pharrell Williams et Kanye West, entre autres, qui collaboreront tous deux avec le mastodonte Vuitton, participent grassement de la redéfinition de la silhouette du rappeur, plus cintrée, affutée et pointue. Ils achèvent de ringardiser le streetwear de notre adolescence. En 2012, Complex liste par ordre croissant les dix marques nouvellement à la côte chez les emcees : Tom Ford, Lanvin, Chanel, Balenciaga, Alexander Wang, Christian Louboutin, Rick Owens, Balmain, Maison Margiela et Givenchy. Les labels street n’entrent plus dans leurs bonnes grâces. L’année suivante, sur le titre « Fashion Killa », l’ultra-looké A$AP Rocky ne cite pas moins de vingt-sept designers parmi lesquels Helmut Lang, Alexander Wang, Jil Sander, Ann Demeuelemeester, Damir Doma, Vena Cava, Rick Owens ou encore Raf Simons. Au-delà de son pouvoir de prescription, le hip-hop assume un rôle de caisse de résonance de la communauté urbaine qui aiguise son œil aux coupes et aux matières, redouble d’exigence.

Alors le streetwear s’ajuste, mue, se réinvente, se raffine. Il mûrit sa première mouture, digère les évolutions esthétiques. Alors que la plupart des marques urbaines des nineties ont mis la clé sous la porte, une poignée de nouvelles venues chahute les codes en calquant ceux du luxe ; elles absorbent les tendances des défilés, développent une vision créative, soignent leur fabrication et salent leurs prix. Dans le même temps, l’allure street se dédiabolise et se popularise, séduit jusqu’aux mécheux des beaux quartiers. Ce voyou de streetwear devient désormais fréquentable, joue même des coudes avec le luxe dans les concept-stores. « Avant, le street avait forcément un côté bad boy, quand on était bien éduqué on était BCBG. […] Aujourd’hui tout le monde achète du streetwear ! Même les MILF qui s’habillaient en talons et perfecto il y a 5 ans portent un bomber et des running maintenant ! », commente Maroussia Rebecq, fondatrice et DA d’Andrea Crews, collectif arty et marque de « street créateur ». On cherche donc aussi désormais à appâter le client plus aisé, à brasser un public plus large.

 

interview-magazine-asap-rocky

 

Porte-étendard du « luxury streetwear », Virgil Abloh, DA de Kanye West à ses heures, s’échine à édifier des passerelles entre le luxe et l’urbain, avec #Been #Trill d’abord, puis Pyrex Vision et Off-White, qui compte parmi les huit finalistes du prix LVMH 2015. Il est de cette génération de créateurs réformant et ennoblissant le streetwear, comme Hood by Air, fantasque et futuriste, Stampd, chiadé et épuré, KTZ, ethnique et mystique, En Noir, sombre et minimaliste, Marcelo Burlon (County of Milan), graphique et ésotérique, ou Nasir Mazhar, audacieux et tape-à-l’œil. Parmi eux, certains défilent même dans le cadre de la sacro-sainte fashion week. Pharrell Williams, lui, va plus loin ; depuis 2012, il bûche en choeur avec le designer Mark McNairy sur les lignes Bee Line et BBC Black de Billionaire Boys Club. Il y a un mois, A Bathing Ape lançait à son tour une gamme premium, Bape Black, à base de cuir, néoprène et cristaux Swarovski.  En France, berceau du luxe, une grappe de griffes urbaines joue pleinement la carte du savoir-faire local, de la « qualité-terroir », comme Pigalle, Andrea Crews ou Larose Paris. Improbable mélange des genres entre deux sphères qu’au départ tout opposait.

 

Drake Spotted Out In Paris

 

L’encanaillement des marques de luxe

 

La récupération de la culture street par les marques de luxe n’est pas vraiment un fait nouveau. À la fin des années 70, le couple de stylistes Marithé et François Girbaud pond l’ancêtre du baggy, en 1981 la construction des poches en X puis en 1985 l’ « African waistline », laissant déborder le caleçon. La marque élève alors le streetwear dans les rangs du prêt-à-porter de luxe et fait descendre, dans un même souffle, la mode des podiums dans la rue. En 1986, pour sa collection « Constructiviste », Jean-Paul Gaultier affuble ses modèles de bonnets de rappeurs en lycra à bande élastiquée, puis cinq ans plus tard Chanel imagine une tripotée d’accessoires street : casquettes à l’envers et répliques de bobs Kangol, colliers à gros maillons dorés portés en grappe, pendentifs-plaques et sneakers. La Maison du 31 rue Cambon pétrira à plusieurs reprises ses collections d’influences streetwear au cours des nineties, entre culottes hautes surmontées d’un large élastique, vestes en jean extra-larges, salopettes-baggys et bandanas rouges glissés dans la poche-arrière. En mars 1994, lorsque Snoop Dogg interprète « Lodi dodi » sur le plateau du Saturday Night Live en t-shirt XXL logoté Tommy Hilfiger, la marque classico-preppy, un peu coincée, devient définitivement cool et populaire. Elle saisira l’opportunité au bond et prendra depuis un virage radicalement street.

 

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Dans les années 2000, le streetwear gagne ses galons auprès de l’élite fashion en s’inscrivant dans une tendance « chic-décontractée » prônant une dégaine simple et laid-back. Sneakers, sacs à dos, sweats, joggings et autres pièces fleurant le bitume envahissent alors les podiums, aident en vérité à façonner un luxe jeune, portable et confortable. Felipe Oliveira Batista, le DA de Lacoste, expliquait en 2012 auprès de L’Express : « Le hip-hop apporte une énergie brute, puissante, qui vient casser les clichés du bon goût », s’amusant lui-même à jouer sur une « dichotomie entre les références nobles et pures et celles des rues ». Paradoxalement, alors que dans les années 90 elle snobait Ärsenik et pleurait l’invasion des survêtements fluo, casquettes et bananes dans les banlieues, la marque au croco lançait en 2011 son pendant urbain, Lacoste Live.

Plus encore, toute une nouvelle génération de créateurs biberonnés au hip-hop réinterprète aujourd’hui l’esthétique street, partie intégrante de leur culture, de Bernhard Willhelm à Riccardo Tisci (Givenchy) en passant par Alexander Wang, Jeremy Scott, Juun.J, Rick Owens, Christopher Shannon, Julien David ou encore Carol Lim et Humberto Leon (Opening Ceremony et Kenzo). Riccardo Tisci, plus particulièrement, a su réinventer à la fois le vocabulaire stylistique masculin de Givenchy et celui du streetwear, entre chemises boutonnées jusqu’au col, t-shirts ou sweats émaillés d’empiècements en cuir, shorts portés sur un legging et jeux de superposition. Pour Maroussia Rebecq, plus qu’un effet de mode, il s’agit là d’une tendance durable : « Les codes du street ont été assimilés par la population, aujourd’hui on ne va plus travailler en chemise mais en t-shirt et sweat ».

 

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En réalité, la définition du streetwear se brouille et s’épuise, ses inspirations s’entremêlent, ses confins se perméabilisent. Marques streetwear aux accents couture et griffes de luxe au parfum d’asphalte s’entrelacent, s’imprègnent l’une de l’autre. Il n’y a plus vraiment de streetwear aujourd’hui mais plutôt des influences street, disséminées ici ou là. Elles témoignent de la puissance et de la portée de la culture urbaine, universelle et contagieuse.

 

Lors de la présentation de la collection Home Field Advantage de la marque Kith dont il est le directeur artistique, le New Yorkais Ronnie Fieg s’est confié à la caméra de YARD sur ses projets et ce parcours atypique ayant fait de lui l’une figures les plus importantes de l’univers des sneakers.

La petite dernière de la gamme Air Max a beaucoup clivé lors de sa sortie, mais au fil des déclinaisons des coloris la 2015 se fraie une place dans la grande famille de Tink.

En effet, la Air Max 2015 visite les teintes les plus classiques et continue de s’installer peu à peu dans le monde de la sneakers. Après, une belle réussite avec un modèle totalement en noir, cette fois c’est la très classique association du « black and white » que nous propose la marque au swoosh. Une paire que vous pouvez retrouver sur l’e-shop de la marque de Ronnie Fieg, Kith.

Le 23 avril, YARD et SOUNDS. se sont associés pour une soirée exceptionnelle au Twenty One Sound Bar. Là, pour une centaine de personnes, le trio Major Lazer a fait vibrer les murs de ses meilleurs sons dancehall et hip-hop.

Les passionnés de streetwear de la planète attendent toujours les nouvelles collections de BAPE. Pour eux, il y a du nouveau pour cet été.

La marque, fondée il y a plus de vingt ans par Nigo, continue de proposer de nouvelle vision de son univers tout en maintenant une cohérence importante à travers les années. Pour la saison estivale, nous trouverons à la fois des pièces classiques comme un polo et un débardeur mais aussi des propositions plus originales comme la chemise au dégradé camo et un t-shirt reprenant l’idée des incontournables shark hoodies.

Une collection déjà disponible chez les revendeurs et sur le store online.

Le 23 avril, YARD et SOUNDS. se sont associés pour une soirée exceptionnelle au Twenty One Sound Bar. Là, pour une centaine de personnes, le trio Major Lazer a fait vibrer les murs de ses meilleurs sons dancehall et hip-hop. Un mix que nous vous invitons à vivre en écoutant le live de cette soirée définitivement bouillante.

Plus de contenu arrive bientôt sur le site

Il est rare de voir Jay Z prendre la parole sur Twitter. Chacune de ses interventions, font l’évènement : c’était le cas il y a quelques années, quand pendant quelques heures, Jigga répondait à certaines questions des utilisateurs du réseau lors de la sortie de Magna Carta Holy Grail. Cette année, il utilisait son compte pour promouvoir son dernier projet, Tidal, avec un tweet à la mesure du caractère révolutionnaire qu’il souhaitait donner à son service de streaming : « The Tides They Are-A Changing » pour reprendre les mots du grand Dylan.

Après près d’un mois de mise en service sous la tutelle de l’entrepreneur new-yorkais, les news de mauvaises augures à l’encontre de Tidal se multiplient. L’application n’apparaîtrait pas dans les 700 premières applications téléchargées sur l’AppStore et ses détracteurs dénoncent l’initiative d’une augmentation des revenus d’artistes déjà millionnaires. Une mauvaise mine symbolisée par la tête Andy Chen obtenue par l’actionnariat, Shawn Carter en tête.

En réaction aux foudres qui s’abattent sur lui, Shawn Carter prend la parole sur twitter pour défendre Tidal.

Le monologue commence dans 5, 4, 3, 2… #TidalFacts
Tidal va bien. Nous avons plus de 770 000 inscrits. Nous sommes là depuis moins d’un mois. L’itunes Store n’a pas été construit en un jour. Cela a pris 9 ans à Spotify pour connaître le succès. Nous sommes là pour le long terme. S’il vous plaît, laissez nous une chance de grandir et de devenir meilleur. Il y a beaucoup de grosses entreprises qui dépensent des millions dans une campagne de dénigrement. Nous ne sommes contre personnes, nous sommes pour les artistes et les fans. Nous avons fait Tidal pour les fans. Nous avons plus que de la musique. Nous avons de la vidéo, des concerts exclusifs, des billets pour des événements en avant-première, du sport en direct ! Tidal est l’endroit où les artistes peuvent donner plus à leur fans sans intermédiaire. Les artistes indépendants qui veulent travailler avec nous gardent 100% de leur musique. « Si vous ne voulez pas du boss partout sur les vidéos. » Tidal paie 75% du taux des royalties à tous les artistes, paroliers et producteurs, pas seulement aux membres fondateurs sur scène.

Les riches deviennent plus riches ? En valeur nette, YouTube pèse 390 milliards de dollars, Apple 760 milliards de dollars, Spotify 8 milliards de dollars, Tidal 60 millions de dollars.
Mon cousin vient de déménager au Nigeria pour découvrir de nouveaux talents. Tidal est une entreprise globale. Nous avons Tidal X – qui supporte les artistes en leur donnant une plateforme pour communiquer avec leur fans les plus loyaux. Tidal est fait pour tous.

Nos actions parleront plus fort que les mots. Nous avons fait Tidal pour apporter aux gens les meilleures expériences et pour aider les artistes à les donner à leur fans encore et encore…
Nous sommes humains (même les Daft Punk). Nous ne sommes pas parfaits mais nous sommes déterminé.

 


 

Des justifications optimistes, mais qui laissent encore planer quelques questions. Le chiffre des 770 000 utilisateurs, comprend-t-il les anciens utilisateurs ? La question de la rémunération intéresse-t-elle vraiment les consommateurs ? Que reste-t-il encore dans les manches de Tidal ?

En attendant de trouver les réponses, un compte parodique à suivi la tirade de Jay Z : Tidal Facts !

 

 

La Seconde Guerre Mondiale laisse encore aujourd’hui des séquelles mentales et physiques, le photographe Jonathan Andrew a décidé d’explorer ces dernières.

Lors de son périple européen, l’artiste néerlandais est parti à la rencontre des bunkers construits lors de la Seconde Guerre Mondiale : ceux des Pays-Bas, de France et de Belgique. L’esthétique de ces clichés reste sombre et laisse transpirer la trace apocalyptique de l’époque.

 

Encore une fois, JR sort de l’ombre ceux qui méritent d’être mis en lumière. Avec le New York Time Magazine, il lance son dernier projet : Walking New York. Dans une série de photos publiée dans le dernier numéro du magazine et sur leur site internet, JR met en avant les nouveaux immigrants new yorkais. 18 personnes aux parcours et aux origines diverses qui traversent la ville avec sous le bras, leurs répliques en noir et blanc et taille réelle.

Parmi ces personnes, se trouve Elmar Alikev, 20 ans, étudiant en langue et serveur arrivé de Baku en Azerbaïdjan. Sa réplique quant à elle se retrouve affichée sur le sol du terre plein en triangle situé sous le building Flatiron au coeur de New York. Une image capturée d’un hélicoptère qui finira en couverture du dernier numéro du New York Times Magazine.

People walked on him all day without noticing him …now he is on the cover and everyone else is in the shadow :)
Les gens lui ont marché dessus toute la journée sans le remarquer… maintenant il est à la Une et tout le monde est dans son ombre :)

JR

Un projet que le New York Time explique en ces termes : « To be an immigrant is to have moved ; to be a New Yorker is to keep mowing. »

Source : New York Times

 

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Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement. DJ, producteurs, compositeurs et beatmakers, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Pour la première fois, c’est un duo qui nous rejoint : Wycasaya. Constitué de deux producteurs français, Loovanovah et DaBoyTisba, ils définissent leur touche artistique par un mélange de sonorité ethnique, tribale et électro. Après la sortie de leur premier EP « Inception » sorti en 2014, vous pourrez retrouver le Wycasaya au Bar Brûlé où ils ont établi résidence.
> @wycasaya

Rihanna – Pour It Up (Wycasaya Remix)
OG Maco – U Guessed It (Da-P Remix)
Big Sean – Paradise
Kanye West – Black Skinhead
Bobby Shmurda – Bobby Bitch
Yung Gleesh – Wasabi (Sam Tiba Remix)
2 Chainz – Jump
Wiz Khalifa – Post Up feat Ty Dolla Sign
Cashy – Heavy Toter feat. Denzel Curry
Fetty Wap – My Way
Father – Look At Wrist feat The Cool Kids
Childish Gambino – Unnecessary feat. Schoolboy Q and Ab-Soul
Johnny May Cash – Tacos feat. Cash Out
Rick Ross – Sanctified feat. Kanye West & Big Sean

Nouveau phénomène du rap français connus pour son « Allô » ainsi que pour son « Matuidi Charo », il nous raconte son parcours à la fois dans la vie et dans le rap. L’artiste du 91 nous explique comment il analyse cet engouement et comment il le vit.

HLenie est de retour de son voyage à Chypre et nous envoie ses meilleures images avec ces quelques mots :

Au Sud de l’Anatolie, voisine de la Syrie et de l’Egypte, l’île se découvre en quelques jours : massifs montagneux et vastes plaines de terre sèche, un pope croise un touriste en slip. À l’ombre des jasmins en fleurs, l’air est doux, presque sucré. L’île garde une cicatrice longue de 152 kilomètres. Depuis 1974, 38% du territoire chypriote est occupé par la Turquie.

Si Hollywood a son Walk of Fame, New York n’est pas en reste. La photographe américaine Lynn Goldsmith a parcouru la Grosse Pomme entre 1973 et 2013 où elle a réalisé le portrait des stars de passage dans la ville. 

Lynn Goldsmith expose actuellement dans la Morrison Hotel Galery et ce jusqu’au 6 mai les photos des icônes de la pop et du rock qui ont croisé son chemin pendant 30 ans à New York. Michael Jackson, LL Cool J, les Beastie Boys ou encore Bob Dylan sont passés dans son viseur. Des rencontres et des moments immortalisés par l’artiste à la carrière bien remplie puisque 12 livres de ses clichés sont déjà parus.

Le LABO’ est notre nouvelle rubrique consacrée aux tests par notre équipe de produits de toutes sortes : technologiques, vestimentaires, ou encore culinaires. Après avoir testé la Smart à Barcelone, c’est toujours en Espagne, sur l’île de Majorque que nous sommes partis rider avec le Can-am Spyder F3.

 

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C’est sur les routes des Baléares que nous avons eu le privilège de tester le Can-am Spyder F3, petit dernier de la gamme proposée par BRP. La marque canadienne reconnue pour ses Ski-Doo et Sea-Doo, motoneiges et jet ski réputés mondialement, s’est lancée à la conquête des routes françaises depuis 2008 avec ses tricycles pour adultes. Le Sypder F3, débarque 7 ans après, reste dans cet esprit de conquête des grands espaces.

Quand on croise pour la première fois le Can-am Spyder F3, on se demande d’où vient ce gros tricycle au look agressif. C’est vrai qu’il ne ressemble à rien de connu. C’est un tout nouveau type de véhicule, une sorte de scoot à 3 roues qui aurait pris des prot’. Il se place clairement à la croisée d’un quad et d’une moto tout en gardant la largeur d’une Smart. Étrange sur le papier, mais une fois calé sur la large selle et après quelques accélérations, on comprend tout de suite en quoi le Can-am Sypder F3 est un véhicule hors du commun.

Après plusieurs minutes au guidon c’est le sentiment de puissance qui prédomine. Propulsé par 115 chevaux, l’engin vous amène de 0 à 100 km/h en 4 secondes. Un vrai bonheur pour les amateurs de vitesse, c’est d’ailleurs sur les routes désertes aux longues courbes que le F3 est le plus à l’aise et qu’on prend le plus de plaisir. Pas de ride sur le boulevard périphérique parisien donc.

 

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PLUS :


> Puissance : 3 cylindres en ligne Rotax de 1330cc développant 115 chevaux.

> Position de conduite confortable : Selle large et système UFit qui permet de régler la position des repose-pieds et du guidon.

> Silhouette agressive qui ne passe pas inaperçue. Parfait pour pécho aux feux rouges.

> Pas besoin d’avoir un permis moto pour prendre le guidon.

 

MOINS :


> Prix : 18 999€

> Combine les inconvénients de la voiture et de la moto, inadapté à la conduite en ville.

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C’est dans la plaine de la Vallée d’Indio que le mythique Coachella lance chaque année la saison des festivals. Étalé sur deux week-ends au cœur du mois d’avril, cet événement de légende réunit dans un décor de carte postale une sélection gratinée d’artistes venus de tous bords musicaux. Si les places se sont écoulées en seulement quelques dizaines de minutes, YARD a eu la chance de pouvoir s’y rendre en personne. Vivez ce moment phare de l’année musicale dans la peau d’un festivalier, le tout agrémenté de clichés tout droits sortis de son smartphone.

Friday

Après une arrivée tumultueuse sur le sol américain et une matinée à remuer le désert Californien à la recherche d’une carte SIM, nous sommes finalement en route pour Coachella. Notre navette avale sans encombre les quelques 25 miles qui séparent Palm Springs – où nous logeons – de la Vallée d’Indio, tandis que la bonne humeur ambiante et la présence de quelques jolies créatures à l’intérieur du car fait progressivement croître notre impatience.

Coachella Indio Valley

Il est un peu plus de 14 heures quand notre véhicule atteint son point de destination. Les premières basses se font déjà entendre au loin, mais avant d’en profiter pleinement, il nous faut d’abord marcher une dizaine de minutes sous un soleil de plomb et traverser les quelques portiques de sécurité. Celles-ci se révèlent être une formalité, bien aidées par le laxisme d’un personnel très « cool » qui permet à toute personne un brin astucieuse d’y introduire n’importe quel objet pourtant prohibé (parmi lesquels figurent entre autres les caméras vidéos, les selfies sticks ou… les hula hoop).

À peine foulent-ils (enfin) la pelouse de Coachella que les festivaliers sont instantanément pris d’un sentiment de liberté. Certains crient, d’autres sautent et même les membres du staff ont l’air de se prendre au jeu quand ils s’improvisent chauffeurs de salle.

ACTION-BRONSON-Coachella

Mais venons-en au cœur de la machine : la musique. L’heure avancée nous a malheureusement fait manquer le set de Vic Mensa, qui a déjà laissé place à Action Bronson sur le main stage. Parti pour s’y rendre, notre trajectoire est déviée vers la Sahara Tent où Trippy Turtle fait résonner sa version d’« Hold On, We’re Going Home » de Drake. Au loin, la foule qui se tient devant lui semble compacte et conséquente. À y voir de plus près, on constate avec surprise des trous béants qui permettent à n’importe quel individu de se frayer aisément un chemin vers les premiers rangs.

Quelques minutes pour prendre la température avant de rejoindre un Bronsolino poussant la chansonnette sur « Baby Blue », puis communiant au plus près de son public avant de s’éclipser par la petite porte. Dès lors les sets s’enchaînent : du TDEiste Ab-Soul sur Gobi au « Based God » Lil B, tout semble réglé à la seconde.

Si les artistes assurent clairement le show, il leur est parfois difficile de transmettre leur énergie à un public quelque peu apathique. Sur le main stage, l’électrisante Azealia Banks parvient à faire lever les foules, c’est moins le cas de Ryan Hemsworth sous la Mojave Tent – quand bien même celui-ci aura été à créditer de l’un des meilleurs sets de notre première journée.

Azalea

On arrive alors aux alentours de 19 heures et l’heure est venue pour nous de nous restaurer. De nombreux stands voués à cet effet sont ainsi installés dans l’espace du festival, offrant un large choix aux spectateurs, allant des classiques du fast-food à des cuisines du monde. Tout juste de quoi payer 15 dollars pour un burger peu consistant et une petite bouteille d’eau. Mais qu’à cela ne tienne, il en faudra clairement plus pour entamer notre joie. D’autant que le coucher du soleil vient nous révéler un peu plus ce sublime paysage que constitue Coachella, sous fond de palmiers, de grande roue et d’installations lumineuses. On se dit que le paradis est peut-être bien sur Terre, finalement.

Coachella

Tandis que Tame Impala et les légendes d’AC/DC monopolisent l’attention sur la scène principale, on se décide à clôturer notre « day 1 » à Mojave, plongés dans l’univers psychédélique de Flying Lotus. Caché derrière ses larges lunettes d’aviateur, le producteur américain nous a délivré l’une des performances les plus visuelles du weekend. De quoi se reposer, des images plein la tête.

FLYING-LOTUS

Saturday

Désormais armés de nos cartes SIM, la matinée nous laisse tout le temps de rejouer ce « day 1 » au travers des réseaux sociaux. La performance de Vic Mensa, qui a apparemment profité de sa présence pour dévoiler son nouveau morceau avec Kanye West, la présence de Travi$ Scott et Chris Brown qui se sont immiscés dans le public pendant les sets d’AC/DC ou Flying Lotus : la sphère sociale devient rapidement notre séance de rattrapage quotidienne.

De même, ces moments de latence post-festival sont aussi l’occasion de recevoir les messages de nos proches. Certains nous demandent de profiter, d’autres qui nous maudissent et bien évidemment une poignée plus opportuniste nous réclame des souvenirs.

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Pas le temps de s’attarder plus que ça cela dit, car à Indio, la journée a déjà commencé. Le premier live que nous avons coché est celui de Cashmere Cat, sous la Gobi Tent. Le DJ norvégien chevelu a offert une performance sans artifice au cours de laquelle il a notamment joué « Wolves » le titre qu’il a produit pour le prochain album de Kanye West, dévoilé en grandes pompes lors de la présentation de la collaboration entre le rappeur et Adidas.

Pas vraiment prophète en son pays, c’est la française Yelle qui prend le relai, poursuivant ainsi son « rêve américain » devant un public étonnement réceptif.

Partis bien avant la fin du set chercher quelques rafraichissements et recharger littéralement les batteries, on aperçoit en chemin un crâne rasé et un large fessier qui nous semblent étrangement familiers. Je pense à haute voix « C’est pas Amber Rose là ? » avant que la horde de festivaliers improvisés « paparazzi amateurs » qui la suivra sur plus d’une cinquantaine de mètres, ne se charge de la réponse. Une scène qui se répètera plus tard dans la journée avec Kendall Jenner, puis à nouveau Amber Rose, revenue chercher un simple café auprès du peuple.

Par la suite, on retourne à Mojave pour y voir le duo Run The Jewels délivrer une prestation parfaitement calibrée pour la scène avec en bonus l’apparition de Zach de la Rocha. Puis, un petit tour vers le main stage où Alt-J se produit devant un parterre déjà plus rempli qu’à l’accoutumée. Là encore, on se décide à écourter sa performance pour attendre Tyler, The Creator à l’Outdoor Theatre.

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Tandis que le staff installe sur la scène un lit et une table de chevet formats XXL, laissant présager du désordre à venir, une jeune fille d’origine asiatique accompagnée d’un groupe de copines nous regarde avec attention. Celle-ci a remarqué que nous parlions français, nous signale qu’une de ses amies a également appris la langue et de ce fait, nous commençons à échanger. Si la description « jeune et asiatique » concerne ici la fille dont il est question, on peut très bien l’étendre à près de 30% de la population globale de Coachella, tant les Asiatiques et autres Philippins sont présents dans le désert californien.

Il est 21h15 quand Tyler rentre en scène. Accompagné de quelques membres de son crew, le leader d’Odd Future fait parler la folie caractéristique de son personnage, égratignant au passage Jack White et Kendall Jenner de son humour acerbe mais pas bien méchant. Le rappeur a également profité de sa présence pour tester auprès du public deux extraits de son nouvel album, prévu pour le lundi suivant, dont il a expressément recommandé l’achat, sinon quoi « [notre] chiot allait mourir ».

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On file vers la Sahara Tent, où il se murmure que Deorro a prévu un guest. Il n’en sera finalement rien. On se redirige alors vers le Coachella Stage pour The Weeknd. Exceptionnellement, le canadien se fait désirer. Le moment d’attente fait cependant jaillir le second « Cocorico » de la journée quand on constate avec surprise que deux titres du rappeur montpelliérain Joke (« Majeur en l’Air », « New Jack City ») ont été insérés en playlist pendant l’entracte.

The Weeknd finit par faire son entrée, et sa douce voix agit en berceuse qui émerveille plus qu’elle n’endort. Le public reprend en chœur. Son set se dynamise quand il enchaîne quelques uns de ses morceaux plus mainstream tels qu’« Or Nah » et « Crew Love ». Cependant, Drake se garde bien de le rejoindre sur scène, préférant observer la performance depuis le crowd.

A quelques dizaines de mètres de lui, Axwell & Ingrosso, deux tiers du supergroupe d’EDM suédois Swedish House Mafia, déchainent les foules de l’Outdoor Theatre. En habitués du festival, les deux DJs nous offrent quelques très beaux moments de communion. Au loin, on est attristés de voir les « no man’s land » devant lesquels se produisent Swans et Antemasque, même si l’on conçoit que leurs horaires de passage n’ont pas facilité les choses. L’heure est déjà venue de rentrer, mais on a envie d’en voir plus. Ca tombe bien il nous reste une journée pour finir en apothéose.

Sunday

Troisième et dernier jour de festival pour ce premier weekend de Coachella. Paradoxalement, cette journée est celle qui nous paraît la moins bien repartie en ce qui concerne les lives que nous avions notés en amont. Du coup, on débute ce Day 3 au niveau du Do-Lab, petite scène annexe colorée où l’ambiance – sous fond de trap et bass music – est très souvent au rendez-vous.

Tout juste le temps de laisser le soin aux français Martin Solveig et Madeon de faire jumper le crowd de la Sahara Tent (car oui, à Coachella, l’électro apparaît encore comme le genre qui soulève le plus les foules). Si aucun style musical ne semble se démarquer sur les cinq autres scènes majeures du festival, ce n’est pas le cas de la Sahara Tent résolument électro-club, où se sont produits au cours des 3 jours de festival la crème de l’EDM mondial avec entre autres DJ Snake, Alesso, Deorro et David Guetta.

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S’ensuit une longue période de battement durant laquelle on papillonne de stage en stage, mesurant au passage l’engouement que suscite la performance de Drake, prévue pour le soir même. Cet engouement se manifeste par de nombreuses parodies du titre de sa dernière mixtape qui devient ici « If You’re Reading This We’re at Coachella » ou encore des photos de Drizzy sans dents et du « Wheelchair Jimmy » qui s’élèvent au dessus du public.

On le mesure également en s’installant quelques instants avec un groupe d’américains dont on a deviné qu’ils étaient amateurs de hip-hop à la vue d’un t-shirt « Yeezus ». Ils nous demandent : « Are you going to see Drake tonight ? ». La réponse est évidente, quand bien même nous avons remarqué avec tristesse que Kaytranada était programmé à la même heure. A notre tour, nous leurs demandons s’ils prévoient de voir le live de Stromae, dont on explique qu’il est un phénomène en France. Ils ne connaissent pas.

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Ils ne sont visiblement pas les seuls puisque l’on finit par s’installer sous une Mojave Tent à moitié pleine au début du set de l’artiste belge. Au fur et à mesure de sa performance, celle-ci se remplit à vue d’œil. Son interprétation est fascinante et il réussit à conquérir son public au fil d’une prestation rythmée et joliment mise en scène. Les retours sont bons et la foule saute au rythme des basses d’ « Alors On Danse » ou d’ « Humain à l’eau ». Il sort finalement sous une standing ovation qui confirme le succès de la francophonie à Coachella après Yelle la veille.

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C’est Gesaffelstein qui enchaine après lui, mais nous nous éclipsons rapidement afin d’être dans des conditions optimales pour le set de Drake. Pour une fois, il s’avère difficile d’accéder aux premiers rangs et il faut s’y prendre de force pour débroussailler la foule. Comme son confrère canadien The Weeknd la veille, Drake accuse d’une bonne vingtaine de minutes de retard.

C’est donc aux alentours de 23h35 que celui-ci nous emmène dans sa « Jungle » avec un décor feuillu surplombé d’écrans géants sur lesquels s’affichent des paysages enneigés. Le Torontois enchaîne ses titres phares et les extraits de sa dernière mixtape avant de s’éclipser au second plan, assis devant un feu de camp. Madonna fait alors son entrée, cachant d’abord son visage derrière sa casquette. Pendant son troisième titre, Drake repasse au premier plan – tandis que les projecteurs sont toujours braqués sur la Madonne – et vient se poser sur une chaise. On devine que quelque chose va se passer. Pas de lapdance, comme l’aurait probablement fait Nicki Minaj, mais un langoureux baiser qui fait déjà la Une des médias, au même titre que la réaction dégoutée du Champagne Papi. Après s’être fendu d’une réaction légèrement surjouée du type « What the fuck did just happen ? » le Canadien reprend son show.

C’est alors avec stupeur que l’on constate le calme plat du public quand il balance « Worst Behaviour » un banger dont on a l’habitude de voir remuer les foules de la YARD Party. Il s’agit d’ailleurs là d’un des seuls points noirs de cette expérience. La forte augmentation du prix des places au cours de ces dernières années semble avoir desservi les passionnés au profit de classes aisées dont la principale volonté est simplement « d’en être ».

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Mais peu importe, l’artiste repart de plus belle en envoyant les terriblement efficaces « Know Yourself », « HYFR » et « Started From The Bottom » qui eux ne manquent pas de faire bouger la foule. Il conclut finalement son heure et demie sur le stage par un feu d’artifice grandiose, chantonnant « All I know, if I die, I’m a mothafuckin’ legend ». On ne peut lui donner tort.

Les lumières se rallument et je file à toute vitesse vers la Gobi Tent pour essayer d’assister ne serait-ce qu’à la fin de la prestation de Kaytranada, hélas c’est déjà trop tard. D’une certaine manière, c’est aussi ça Coachella.

Nous prenons alors la direction des navettes. Dans la file d’attente, un festivalier tape le « high five » avec chacun de ses confrères. « We’ve been great guys, see you next year », nous dit-il. Peu probable, mais ce n’est pas la volonté qui nous manque.

YARD

Les célébrités s’arrachent le photographe Terry Richardson reconnu mondialement. Récemment le grand gourou de la photo provoc’ a ouvert les portes de son studio aux étoiles montantes du hip-hop Rae Sremmurd

Terry Richardson s’illustre comme un photographe hors pair, ses clichés identifiables par leur background blanc immaculé ont séduit les personnalités les plus bankable du moment : de Miley Cyrus à Rihanna en passant par monsieur le Président Barack Obama. Le photographe exposait durant mars et avril à Paris « The Sacred and the Profane » , un nom qui correspond parfaitement à l’intérêt qu’il porte aux personnalités sulfureuses. Le New Yorkais a publié quelques photos du shooting des deux frères Rae Sremmurd. Swae Lee et Slim Jim ont comme toujours assuré le show en prenant des poses plus délirantes les unes que les autres.

La saison 5 de Game of Thrones est de nouveau visible sur HBO, la série la plus piratée du monde est également une grande source d’inspiration pour les artistes. Mordi Levi, graphiste spécialiste de l’illustration a refait le portrait des personnages de George R. R. Martin. 

Mordi Levi utilise la technique du Low-Poly comprenez la triangulation d’image. Grâce à Photoshop ou d’autres logiciel comme Dmesh, l’artiste obtient des portraits originaux de n’importe qui, le graphiste s’était déjà attelé à réaliser ce travail sur des personnages de série comme Dr. House ou Dexter. Cette fois-ci, la Khaleesi, Tyrion Lannister ou Arya Stark ont retenu son attention. Le résultat de ce projet en 3D est saisissant de réalisme.

Dérivée du dirty south, la trap music est un genre hip-hop qui s’est définitivement imposé cette décennie. Reconnaissable entre milles par sa rythmique percutante, et ses boucles envoûtantes, elle est passée, en l’espace de quelques années, du stade de musique marginalisée au genre incontournable et apprécié de tous. Lex Luger, né Lexus Lewis et originaire de Suffolk dans l’état de Virginie aux États-Unis, est la référence lorsqu’il est question de trap music. Il est celui qui a permis à l’auditeur moyen d’apprécier cette musique aux basses grondantes et dont les percussions rappellent les sonorités de l’artillerie lourde. Alors âgé de 19 ans, il débute chez 1017 Brick Squad Records avec le titre « Hard In Da Paint » de Wacka Flocka Flame puis enchaîne les hits avec les plus grands. De R. Kelly, Snoop Dogg à Kanye West, tous les artistes le reconnaissent, veulent collaborer avec lui, même Queen B se plaît à écouter sa musique.

À l’occasion de son passage sur la capitale, et notamment de sa participation à la prochaine F.A.L.D en compagnie du crew Kyu Steed, Supa !, Lil Mike, voici un récapitulatif de ses œuvres les plus saisissantes.

 

10. Dj Khaled – Money ft. Ludacris & Young Jeezy [Prod. Lex Luger]
Année : 2011
Album : We The Best Forever

Ce track présente les sonorités du dirty south, il témoigne d’ailleurs de son évolution. En effet, Ludacris comme Young Jeezy, tous deux originaires de Georgie, ont été les premiers à défendre ce style nouveau tandis que l’auditorat comme les artistes avaient les oreilles rivées vers la scène new yorkaise ou californienne. Ce style de musique, par la violence de ses sonorités accompagne le quotidien difficile d’une population laissée pour compte, dans des villes presque fantômes gangrenées par le crack. Ainsi ce son est l’archétype de l’instrumental de trap, qui marque par sa rudesse. Ces enchaînements drums/snares mimant un tir au AK 47 viennent se poser avec justesse sur les lyrics de Ludacris et Young Jeezy pour 3 min 55. 3 min 55 durant lesquels ils crachent leurs punchlines comme des balles de longs rifles pour une ode à l’argent facile. Le style est tranchant. Simple, et efficace.

 

9. Mac Miller – Lucky Ass Bitch ft. Juicy J [Prod. Lex Luger]
Année : 2012
Album : Macadelic

Lex Luger démontre par ce track, son aptitude à utiliser la voix candide d’Inara George pour produire ce qui semble être une célébration du sexe et des filles faciles. Une boucle empruntée à « Again and Again » de The Bird and the Bee utilisée à merveille, à laquelle s’ajoute les couplets de Mac Miller et de Juicy J. Le vétéran à qui le « rookie » a fait appel, s’associent sur ce qui semble être le son le plus emblématique du projet Macadelic. De quoi faire danser les hôtesses de Magic City et les billets verts avec.

 

8. Meek Mill – Work ft. Rick Ross [Prod. Lex Luger]
Année : 2011
Album : Dreamchasers

Cette fois il ne s’agit plus seulement d’un tir d’artillerie lourde, mais bien de l’armée entière en mouvement que Lex Luger est parvenu à reproduire. Le son annonce un temps de guerre, par ses synthés claironnants, sa rythmique sèche et régulière comme le pas d’un corps d’assaut avec lesquelles s’accordent les voix de Meek Mill alors au meilleur de sa forme & Ricky Rozay égal à lui même. Le message est encore une fois simple et efficace « travaille ! » ou encore « Va charbonner ». Une phrase que les parents ne cessent de répéter à leurs progénitures, pas sûr qu’elle ait le même sens dans ce contexte.

 

7. Snoop Doggy Dogg – Platinum ft. R Kelly [Prod. Lex Luger]
Année : 2011
Album : Doggumentary

Les doyens du rap et du r’n’b se retrouvent sur une bande audio qui annonce la modernité du hip-hop. Snoop Dogg et son flow s’allient aux à la voix mélodieuse de R Kelly. Tous deux sont loin de leur fraîcheur d’antan, mais désireux de perdurer. Pour cela, ils font appel à la vigueur du jeune Lex Luger, alors âgé de 20 ans. La production s’accorde parfaitement au signifiant, c’est-à-dire à la poésie de Snoop Dogg et au chant de R Kelly, comme au signifié. En effet, « Platinum » évoque l’opulence que célèbrent les deux artistes, dès lors les notes de synthé audibles dans le fond s’apparentent tout à fait aux sonorités d’une pluie d’or. En bref, l’ensemble des éléments fusionne dans une alchimie parfaite.

 

6. Big Sean – FFOE (Finally Famous Over Everything) [Prod. Lex Luger]
Année : 2012.
Album : Detroit

Dans la continuité de cette célébration de l’opulence vient s’enraciner le titre « FFOE » pour « Finally Famous Over Everything » de Big Sean disponible pour sa quatrième mixtape : Detroit. Big Sean reprend le titre de sa fameuse devise de Finally Famous sur ce track et fait appel au phénomène Lex Luger. Ce dernier rompt avec la zone de confort dans laquelle il demeure habituellement. Il opte pour un style moins « brut », plus « ouvert », notamment grâce à cette mélodie spatiale qui rappelle les bandes-son de jeux vidéo. Il s’agit d’une instrumentale qui illustre l’ascension dont Big Sean est si fier. « Finally Famous Over Everything » s’inscrit comme un cri de soulagement dans la discographie du rappeur de Détroit. Après des heures de travail pour arriver au top, il peut enfin contempler le monde du haut de son Dark Sky Paradise.

 

5. Wiz Khalifa – Taylor Gang ft. Chevy Woods [Prod. Lex Luger]
Année : 2011
Album : Cabin’ Fever

Lex Luger sans le savoir produisait courant 2008 l’instru parfaite pour inaugurer le crew/label de Wiz Khalifa : Taylor Gang. Virulent, ce son a été explicitement demandé par Wiz Khalifa pour figurer sur sa neuvième mixtape alors qu’il était tombé dans les limbes des fichiers de Luger. Il avait toutefois fuité une première fois, nous apprend le producteur, avant d’être remasterisé et fourni en tant que bonus de la version deluxe sur l’album Rolling Papers. Son succès, sans appel, est venu confirmer le talent de Wiz Khalifa, et la maîtrise exceptionnelle de Lex Luger.

 

4. Travis $cott – M.I.A. [Prod. Lex Luger & Travis $cott]
Année : 2013
Album : Owl Pharaoh

Lorsque deux enfants de la trap music se rencontrent, ce sont deux orientations de ce genre qui fusionnent. Travis Scott et sa facette alternatative, en marge du rap, et Lex Luger méconnaissable se retrouvent, le résultat est grandiose. Le sample de « The Art of Peer Pressur » de Kendrick Lamar dès les premiers moment contribue à la grandeur du morceau. À la première écoute le contrôle est perdu car au moment où les kicks et les snares martèlent les tympans, la voix de Travis $cott martèle, elle, l’esprit de l’auditeur. Les basses sont profondes et entrent en résonance avec l’auditeur. Ce dernier n’a alors plus d’autres choix que de céder à son désir d’appuyer sur le bouton repeat.

 

3. Wacka Flocka Flame – Hard In Da Paint [Prod. Lex Luger]
Année : 2011
Album : Flockavelli

L’instrumentale d’ « Hard In Da Paint » est celle qui a permis au monde de découvrir Lex Luger. Si le son vous est familier, c’est probablement parce qu’il est le premier grand hit du producteur comme du rappeur et qu’il a instigué une vague de remixes d’artistes en tout genre (Rick Ross, Curren$y, Tyga, Travis Barker, BADBADNOTGOOD et bien d’autres). Les basses sont du même calibre que la voix puissante de Flocka Flame. Ce dernier délivre un couplet anthologique en matière de rap « inconscient », ponctué par des interjections en tous genres. Considéré comme du « hard rap », Lexus s’est d’ailleurs étonné du plébiscite suscité la première fois qu’il a entendu sa musique à la radio.

 

2. Kanye West – H.A.M ft. Jay Z [Prod. Lex Luger & Kanye West]
Année : 2011
Album : Watch The Throne

Alors qu’il travaille sur leur première collaboration « See Me Now », Kanye annonce à Lex que Jay Z et lui préparent un album sur lequel il aimerait l’inviter. Après trois semaines à chercher la bon beat et les multiples refus de Kanye, il tombe finalement d’accord sur la piste, prénommée #6, sur laquelle Kanye travaillera. Pour celle-ci, la trap de Luger prend une forme tout à fait nouvelle. En effet, bien que l’on retrouve les sempiternels kicks propres au producteur, la puissance de l’instrumental se manifeste par les « hard choirs » est amplifiée par les chants lyrique que Kanye a rajouté. Ce dernier a d’ailleurs bâti le beat sur les fondements posés par Lex Luger. Il était question de la fusion de Travis $cott & Lex Luger, « H.A.M » est encore un cran au dessus. Le Gogeta SSJ4 de la production.

 

1. Rick Ross – Blowin’ Money Fast ft. Styles P. [Prod. Lex Luger]
Année : 2010
Album : Teflon Don

Il s’agit probablement de la forme la plus aboutie de la musique de Lex Luger que Rick Ross a su dompter tant pour une ode à un mode de vie qu’un hommage à la Black Mafia Family d’Atlanta. Cette dernière menée par Demetrion « Big Meech » Flenory est à l’origine de l’essor des ghettos d’Atlanta de la fin des années 80 aux années 2000 et du développement de la trap music. Un hommage aux instigateurs d’un courant musical aujourd’hui respecté par tous. Derrière ce titre se cache une histoire. Rick Ross, après avoir entendu « Hard in The Paint » dans la rue, décide de faire ses recherches sur Lex Luger. Il s’essaye à un remix du morceau, puis insatisfait, prend contact avec le producteur. Lexus lui aurait envoyer environ 50 sons, parmi lesquels il choisit les futurs « Mc Hammer » & « B.M.F » pour son quatrième album. Il est étonnant de savoir que Lex Luger la manière dont le producteur prend connaissance du succès de ce morceau :

« I heard « B.M.F. » way after it came out. For real, I was working and I ain’t want to be bothered with no Internet, no TV, nothing. People was telling me about the song, but I didn’t hear it. But I heard it a week later. It blew my mind. Then, everybody started hitting me up on Twitter, that’s when I realized. »

« J’ai entendu « B.M.F » bien après qu’il soit sorti. Je travaillais et je ne veux pas être dérangé par Internet, la télévision, ou quoi que ce soit. Des gens me parlaient du son, mais je ne l’ai pas écouté. Je l’ai entendu une semaine après… Puis, tout le monde a commencé à me contacter sur Twitter, c’est à ce moment là que je me suis rendu compte. »

 

Après l’effervescence générée par la question de qui incarnerait Batman dans Batman s Superman : Dawn of Justice, le réalisateur du film  Zack Snyder continue d’alimenter le buzz en dévoilant des affiches promotionnelles de ce qui s’annonce être un succès au box office.

Le teaser de la bande annonce du film diffusé ce weekend comptabilise déjà 24 millions de vues sur Youtube. Un extrait qui laisse entrevoir les tensions entre un Superman (Henry Cavill) adulé par la population et un Batman (Ben Affleck) beaucoup plus sombre opposés dans leur légitimité de justiciers.

 

La série d’affiches twittée par le réalisateur du film Zack Snyder aujourd’hui s’inspire clairement du mouvement street art. Le concept est simple : des affiches ressemblant à celles de campagnes électorales présentant les deux super héros sont vandalisées respectivement par le logo de la chauve souris ou par le « S » de Superman.

twitter zack snyder affiche batman v superman : dawn of justice

Le film sortira dans les salles obscures le 25 mars 2016. Le film aux 250 millions de dollars de budget risque de continuer à disséminer les éléments de promotion afin de garder en haleine son public.

Le modèle mythique de la Air Max 90 fête cette année son 25ème anniversaire, afin de célébrer cet événement Nike a spécialement conçu la Air Max 90 « Poppin Corks ».

Nike propose une toute nouvelle paire fabriquée en véritable liège. La Air Max 90 « Poppin Corks » possède des détails de cuir noir notamment sur la virgule emblématique de la marque. L’ensemble est rehaussé par des touches d' »infrared » (couleur située entre le rouge et le rose). Nike avait déjà proposé l’option « liège » dans la customisation des modèles : Air Force 1 High et Air Force 1 Low mais la Air Max 90 « Poppin Corks » est nettement plus aboutie et possède plus de détails. La chaussure anniversaire sera disponible le 25 avril au prix de 127 euros sur Sneaker Politics.

Après une première virée dans le XIIIème arrondissement de Paris avec la MZ, YARD file sur les traces de l’enfance d’Yseult au coeur de la capitale. La chanteuse vient d’apporter un souffle nouveau à la chanson française en sortant en début d’année son premier album dans un registre tout à fait original mélangeant variété, pop et électro. Avec elle, nous nous glisserons dans l’intimité de son parcours avec simplicité entre sourire et émotion pour un On The Corner touchant.

Martin Beck, photographe écossais et sud-africain basé à Dubaï est passionné de portraits. C’est dans un style très décalé que l’artiste s’est lancé dans une nouvelle série de photos intitulée « We can be heroes » . Son appareil a immortalisé des super héros d’un genre particulier.  

Captain America, Green Lantern, Wonder Woman… Autant de super guerriers qui ont traversés les années sans  prendre la moindre ride, le moindre kilo et dont on cherche encore les vices. Ceci étant dit, en dehors de ses missions, une fois la ville de Gotham City sauvée des plans machiavéliques de ses truands, que fait notre Bruce Wayne ? Dans un égotrip digne des rappeurs, il lirait tout simplement un comic relatant ses prouesses accompagné de sa copine enrobée accro au KFC.Martin Beck dépeint le mythe en imaginant la vie privée des super héros qui une fois les lois de la nature rétablies ne sont pas bien différents de nous. Finalement toi qui est assis devant ton ordinateur tu as peut-être l’étoffe du Superman de demain.

 

La psychologie féminine s’enferme systématiquement dans les mêmes travers. La vie d’une femme ne vaut d’être vécue que portée par l’espoir utopique de recadrer l’instinct primaire d’un rustre néandertalien. Challenge absurde guidé par la peur de souffrir d’une routine mortifère. Automutilation ordinaire, masochisme intégré. Les gentils finiront seuls.

Chris Brown, goujat populaire, incarne le symbole d’une « gentleman attitude » chancelante. Retour sur cinq ans de tumulte avec sa dernière compagne dont le blaze affole ma dyslexie : Karrueche Tran.

 

chris brown karrueche

 

De base, quand ton boyfriend est un bipolaire diagnostiqué, ex-taulard éprouvé pour tabasser ses meufs et ses fans, ce n’est pas bon signe. De la même manière, lorsqu’on porte le prénom d’une plante sponsorisée par Ricola, cela prête sans doute à se faire violence plus volontier. Enfin, l’espoir fait vivre là où la déférence fait défaut. Le sex-appeal de la violence aura eu raison de Karrueche.

Chris Brown, l’infidèle pathologique. Non satisfait de fréquenter des be-bons adulées, Chris souffre sans doute d’un goût pour la découverte qu’il se doit d’assouvir dans différents vagins. Une passion prononcée pour la gente féminine et un penchant pour l’humiliation, Chris a quelque temps hésité entre Rihanna et Karrueche. D’une métisse à l’autre, mon cœur aussi aurait balancé. L’artiste à scandale ne pouvait qu’y gagner en « street credibility ». Pourtant, Chris est un type simple, un bon vivant épanoui. Chris apprécie les joies frugales de fêter son anniversaire avec son poto Tyga, chaperonné d’une ribambelle de porn stars. Pendant son temps libre, Chris s’amuse naïvement à palper des stripteaseuses bon marché et quand Chris apprend qu’il est le géniteur d’un illégitime morveux accidentel, Chris s’émerveille de cette paternité inespérée. Parce qu’avant tout, Chris est amoureux de sa « Blasian » adorée, particulièrement lorsqu’il l’insulte devant une foule en délire.

 

https://instagram.com/p/1j06g3vpX6/

 

Karrueche a souvent tenté de moufter. Je ne la juge pas, nous sommes toutes portées à emprunter ce chemin de croix un jour ou l’autre. Je ne juge pas non plus Brown, c’est ici une histoire universelle de confort masculin, d’immaturité. Après plusieurs ruptures de courtes durées, la mannequin qui en fait baver plus d’un semble définitivement embourbée dans cette relation déviante. Enracinée dans un pardon permanent dû à un degré d’auto-persuasion musclé, Karrueche c’est Jésus. Et puis, rien n’est plus vraiment grave avec la notoriété. Durant une interview « intime » sur la chaîne d’Oprah Winfrey, cette dernière pleurait à chaudes larmes, nostalgique d’un idéal déchut de mariage et de plénitude. Blague. C’est de Chris Brown dont il est question tout de même, le mec qui se prend en selfie dans une piscine de faux billets, vêtu d’un bob à fleurs et d’un peignoir zébré rose dans ses clips. Qui plus est, le gars déclare à la presse qu’il désire désormais lui imposer le fruit de son adultère dans l’espoir de la récupérer.

 

draya-chris-brown

 

Alors, tout le monde y va de son petit avis, de son conseil avisé, et qui de mieux placé que ses copines les pulpeuses bouffées par leurs concubins rappeurs pour s’y connaître en la matière. Les tabloïdes n’en finissent pas non plus de prophétiser un énième rabibochage de ce couple qui, au final, est des plus banals. Dans un système relationnel alimenté de rapports de force, chacun chemine à sa façon, toujours plus loin dans l’irrespect. Les gens ne changent pas, évoluent certainement. Le milieu du hip-hop ricain serait bien ennuyant autrement car à part pour leurs histoires de fesses, ces gens-là ne sont d’aucun intérêt.

Se servir de ses copines comme de vulgaires sacs à mains, quand on ne motive plus autant d’enthousiasme au niveau musical, semble être l’inépuisable crédo de ce narvalo de Brown. Incroyable reste la fascination qu’il procure chez une zouletterie internationale, au détour de coupes de cheveux approximatives et de frasques étincelantes. J’en ris, mais c’est pénible tout de même.

Nike dévoile le modèle Air Jordan 7 Retro « Barcelona Days » imaginé en référence à une période forte dans la promotion du basketball. 

Les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 ont mis le basketball sur le devant de la scène internationale, la discipline autorisait pour la première fois l’accès aux joueurs de la NBA. L’équipe masculine américaine alors surnommée la Dream Team rafle tout sur son passage. La dernière Air Jordan 7 Retro « Barcelona Days » s’est inspirée de cette année décisive dans l’histoire du basketball pour créer une paire de sneaker aux couleurs de la ville espagnole. La Air Jordan 7 Retro « Barcelona Days » est majoritairement en cuir de couleur gris souris et gris anthracite. La languette et la plante de pied rappellent le côté haut en couleur de Barcelone et sont composées de rouge, d’orange et de bleu ciel. La dernière création de Nike sera disponible sur leur site le 25 avril.

 

 

 

 

 

Lino et Calbo interprètent pour Stud’, une version acoustique du titre « Sexe, Pouvoir et Biftons ».

YARD & BELIEVE DIGITAL STUDIOS présentent : STUD’ (Live Session)
L’émission live Hip-Hop de KassDED.
Un vendredi soir sur deux, découvrez des live session Rap 100% inédites.

Des MC’s réinterprètent un de leur morceau avec des musiciens dans le mythique studio Davout à Paris.

 

Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement. DJ, producteurs, compositeurs et beatmakers, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Depuis maintenant plus de 10 ans, Just Dizle se fait l’ardent défenseur du hip-hop qu’il considère comme une sorte de langage universel, un passeport qui lui ouvrira les portes de toute l’Europe et du reste du monde. Si depuis toujours, il baigne dans la musique, constamment entouré de musiciens, c’est vers le hip-hop que son soeur se dirige et c’est là qu’il nous emmène avec ce mix.
> @justdizle

Empire Cast – Drip Drop (feat. Yazz and Serayah McNeill)
Fly Street Gang – On Errythang (Feat. Juicy J)
Ludacris – Money (feat. Rick Ross)
Action Bronson – Brand New Car
Rapsody – Waiting On It (Baby Girl)
Fabolous – Cinnamon Apple (feat. Kevin Hart)
Fashawn – Confess
Big Sean – Play No Games feat. Chris Brown & TY Dolla $ign
Azealia Banks – Heavy Metal and Reflective
Lupe Fiasco – Little Death Ft. Nikki Jean
G-Unit – Doper Than My Last One
Kendrick Lamar – Hood Politics
Drake – Energy
Fat Joe ft Troy Ave – How U Luv Dat
Slum Village – Push It Along (Feat. Phife Dawg)
Meek Mill – Monster
Vado – Check N Cash (Feat. Manolo Rose)
The Hoodstarz – Contagious (Feat. Clyde Carson)
Timbaland presents Tink – Ratchet Commandments
J. Cole – No Role Modelz
Rihanna – Bitch Better Have My Money
The Game – Ryda (Feat. Dej Loaf)

On nous a rabâché les oreilles avec des histoires de réchauffement climatique. On nous a montré des photos chocs de la misère dans le monde pour nous marteler l’esprit d’un sentiment de culpabilité. Aujourd’hui les mentalités se responsabilisent mais lentement. Le photographe belgo-béninois Fabrice Monteiro a réalisé une série de photos intitulée  » The Prophecy »un message lourd de sens. 

Fabrice Monteiro est un artiste très inspiré par la culture africaine du choix de ses modèles au choix de ses thématiques. Ses séries de photos « A Gorean Summer » ou encore « The Way of The Baye Fall » montrent les multiples visages du continent africain. The Prophecy littéralement « la prophétie » est un projet mené en collaboration avec Jah Gal et Ecofund un réseau entre particuliers pour protéger l’environnement. L’idée a germée dans la tête du photographe après une rencontre avec Haïdar el Ali, ministre de l’écologie du Sénégal. Fabrice a sélectionné les problématiques environnementales susceptibles de toucher le pays dans les années à venir dans le but de sensibiliser la population locale et promet une terrible prophétie aux sénégalais si leurs habitudes ne changent pas.

Fabrice Monteiro à mis en scène un Djinn (esprit) omniprésent dans la religion animiste ancrée en Afrique. Le résultat est bluffant, du traitement des déchets à la pollution des eaux en passant par les inondations.  La série est colorée, efficace, de toute beauté et éveille sans conteste la conscience collective.

 

 

S’il y a bien une reprise que l’on retient c’est évidemment celle d’« Happy birthday » entonnée par la minaudière Marilyn Monroe lors d’une levée de fond pour le parti démocrate de John Fitzgerald Kennedy le 19 mai 1962 . Ce TBT revient sur la divine idylle de ces deux icones américaines.

 

John a rencontré Marilyn à deux reprises avant de vraiment prendre contact avec elle. En février 1962 à l’occasion d’un dîner organisé en son honneur à New-York, la starlette est conviée. À l’arrivée de l’actrice hollywoodienne, avec près d’une heure de retard, la soirée bascule. Le repas réunissait une vingtaine de personnes parmi lesquelles Arlene Dahl, l’actrice raconte :

 

« Marilyn walked in and everything stopped, everyone stopped. It was magical, really. I’ve never seen anyone stop a room like that. »

« Marilyn est entrée et tout s’est arrêté, tout le monde s’est arrêté. C’était magique. Je n’ai jamais vu quelqu’un arrêté le temps dans une pièce comme ça. »

 

La nuit reprend son cours au moment où le président s’exclame :

« Finally you’re here»

« Finalement tu es venue »

 

L’ambiance est badine, les conversations fusent quand le dîner arrive à son terme. Avant que Marilyn ne s’éclipse, l’ex-président lui demande son numéro qu’elle lui donne. Le lendemain, JFK ne tarde pas à l’appeler pour lui proposer de l’accompagner chez sa sœur à Palm Springs et mentionne bien entendu l’absence de sa compagne Jacqueline Kennedy. La comédienne de Les Hommes Préfèrent Les Blondes ne se fait pas prier pour se joindre à lui.

Une fois arrivés à destination, les deux amants boivent énormément, passent de bons moments et partagent la même chambre. Néanmoins, cet instant où naît la passion entre John Fitzgerald Kennedy et Marilyn n’est pas vécu de la même manière. Pour JFK ce séjour ne représente qu’une aventure comme une autre ; pour elle, convaincue d’être importante aux yeux du dirigeant des Etats-Unis, c’est le début d’une obsession.

 

JFK Marilyn Monroe

 

John aurait pourtant confié à un de ses amis sénateur George Smathers avoir parlé avec elle pour éclaircir la situation :

« You’re not really First Lady material, anyway, Marilyn. »

« Tu n’es pas la Première dame de toute façon Marilyn. »

 

Une phrase qui a profondément touché la pin-up. Selon ce même témoin, les deux tourtereaux ne se seraient revus qu’une fois après le voyage à Palm Springs lorsque la plantureuse actrice se serait décidée à rendre une visite inopinée à son amant à Washington. Ils ont pris un bateau accompagnés de quelques proches où ils se sont amusés avant de rentrer chacun de leur côté.

L’histoire aurait pu en rester là mais Marilyn, totalement instable et imprévisible, se voyait comme la future Première dame des États-Unis. Un soir, elle aurait appelé Jackie pour lui dévoiler toute l’histoire et lui annoncer que John allait la quitter pour elle.

Mais l’épouse de JFK savait que son mari la trompait régulièrement et fermait consciemment les yeux dessus persuadée qu’il l’aimait comme son père infidèle aimait sa mère. De fait, lorsque Jackie a décroché son téléphone, elle se serait contentée de répondre sarcastiquement :

 

« Marilyn, you’ll marry John, that’s great … and you’ll move into the White House and you’ll assume the responsibilities of First Lady, and I’ll move out and you’ll have all the problems. »

«  Marilyn tu vas te marier avec John, c’est bien… et tu viendras t’installer à la Maison Blanche à ma place et tu récupèreras tous les problèmes. »

 

Jacqueline Kennedy n’avait jamais craint une seule liaison, elle les acceptait tant que son image n’était pas écornée publiquement. Marilyn a su faire battre de l’aile le couple Kennedy et si, encore aujourd’hui, leur courte histoire fait partie des mythes c’est qu’aucun des deux n’aura jamais pu s’exprimer à ce sujet. En 1962, la belle meurt alors accro aux drogues et à l’alcool, instable émotionnellement, elle craint d’avoir hérité de la schizophrénie paranoïaque de sa mère. JFK lui décède un an plus tard, le 22 novembre 1963, assassiné par balles lors d’un cortège présidentiel. Marilyn Monroe et JFK ont emporté dans leur tombe le secret de la passion qui les liait. Une histoire digne de Roméo et Juliette, voilà peut-être la raison du fantasme encore présent aujourd’hui autour de leur relation.

 

 

Le shake fait partie des banalités de notre génération : on se salue avec un shake, on se congratule avec un shake, mais surtout on s’identifie avec un shake. Personne ne sait vraiment pourquoi, mais le geste est devenu universel, c’est justement vers la compréhension des racines de ce phénomène que naît Shake This Out. Un documentaire qui verra le jour le 13 avril prochain sur France 4. Ce film co-produit par Sofilms et Step by step a été pensé par Julien Nodot et Joachim Barbier, c’est d’ailleurs ce dernier qui en parle le mieux.

 

Alberto – Membre des Latin Kings   « Il faut connaître le handshake : ses lois, ses règles et tout le reste. »

Alberto – Membre des Latin Kings
« Il faut connaître le handshake : ses lois, ses règles et tout le reste. »

 

 

Shake This Out est un mauvais jeu de mots pour aborder un phénomène malentendu. En France, on parle de shake, une contraction de handshake, mais on le prononce et, quelquefois, on l’écrit comme check. Vérifier. Ce n’est pas seulement un souci de prononciation. Le shake est aussi une vérification.  À l’origine, serrer la main était une preuve de confiance. Offrir sa main ouverte pour montrer qu’on ne portait aucune arme. Aujourd’hui, tout le monde « se shake ». Le matin au portail des écoles,  le soir à l’entrée des concerts, sauf les animateurs de RTL, qui, eux, continuent de « se checker ». Avant Laurent Ruquier et Yves Calvi, Barack Obama avait fait de même, un jour de 2008 à St Paul. Ce soir-là, il sait que les démocrates l’ont choisi, à l’issue de leur primaire,  pour représenter leur parti à l’élection présidentielle. Alors, il fête sa victoire, à sa manière, celle de l’homme le plus cool du monde. Il monte sur la scène de l’Union Depot, s’avance vers son épouse Michelle, la prend dans ses bras, lui offre son poing, avant de lui donner une petite tape sur le bas du dos, comme dernière preuve de leur intimité et de leur complicité. On connaît la fin de l’histoire du premier candidat noir à l’investiture suprême. Moins celle de ce geste qui, le lendemain, sera largement commenté sur toutes les chaînes d’informations américaines. Y compris Fox News qui osait se demander, le plus sérieusement du monde, si derrière ce signe ne se cachait pas l’ombre du djihadisme international. S’il s’est invité de façon presque accidentelle dans le bureau de l’homme le plus puissant du monde, ce poing contre poing ne vient pas de nulle part. Il raconte une longue histoire culturelle, difficile à imaginer tant les chorégraphies manuelles qui ritualisent aujourd’hui nos échanges se sont émancipées de sa substance.

 

Common – Rappeur et acteur « Le fait que Barack Obama et sa femme fassent un fist bump montrent qu’ils se soucient des gens. »

Common – Rappeur et acteur
« Le fait que Barack Obama et sa femme fassent un fist bump montrent qu’ils se soucient des gens. »

 

Marion Barry – Ancien maire de Washington DC « Ces politiques qui se font des fist bump, je trouve ça ridicule. Ils essaient de s’identifier  à la communauté noire. Vous voulez vous identifier ? Trouvez-nous des emplois ! »

Marion Barry – Ancien maire de Washington DC
« Ces politiques qui se font des fist bump, je trouve ça ridicule. Ils essaient de s’identifier à la communauté noire. Vous voulez vous identifier ? Trouvez-nous des emplois ! »

 

Ce poing d’Obama à son épouse est le même poing que levaient les Black Panthers dans les années 60 pour appeler à la fin de la ségrégation raciale dans l’Amérique des tout jeunes Civil Rights. Le Black Power n’avait fait que recevoir en héritage, de génération en génération, le signe des esclaves émancipés qui voulaient montrer au monde que leurs poignets n’étaient plus enchaînés. Tout vient de ce geste symbole de liberté arrachée. Une forme de communication non verbale que l’on va retrouver à toutes les étapes de l’émancipation des Noirs américains. Il prendra le nom de DAP, Dignity and Pride, pendant la guerre du Vietnam. « À chaque fois que nous avions une sale journée, c’était notre petite zone de confort parce qu’il y avait encore beaucoup de racisme à cette époque », témoigne dans le film Dennis Hugues, un vétéran noir incorporé en 1966. De la « dignité et de la fierté » pour une minorité qui combattait pour ses droits à l’intérieur de son pays et devait défendre, à l’extérieur, les idéaux de ce même pays engagé sur le front de la guerre froide. Le film commence avec Obama et se termine dans une community radio d’Anacostia, à l’est de Washington DC, l’un des derniers quartiers noirs à ne pas encore avoir été touché par la gentrification générale de la capitale fédérale. « La culture, c’est la façon dont vous faites les choses », rappelle dans le film Kymone Freeman à des jeunes d’Anacostia qui font la démonstration de leur shake sans être capables d’en expliquer la signification profonde. Dans cette séquence, la bande d’adolescents est un peu perdue face au discours de ce leader communautaire et charismatique qui tente de leur expliquer que « rien ne vient de nulle part ». Que tout est affaire de culture.

 

George Pelecanos – Scénariste de The Wire et Treme « Le handshake est jeune et branché. Une nouvelle génération est en train de prendre le pouvoir. »

George Pelecanos – Scénariste de The Wire et Treme
« Le handshake est jeune et branché. Une nouvelle génération est en train de prendre le pouvoir. »

 

À seulement quelques miles, le locataire de la Maison Blanche est bien conscient de la portée de ce geste dans un milieu, la politique, où chaque geste est étudié sous l’angle du symbole. Car, comme le dit Cornell Belcher, l’un de ses conseillers : « Obama est quelqu’un de très différent culturellement de ses prédécesseurs et ce geste lui a permis de rallier un bon nombre d’électeurs jeunes et issus des minorités ethniques. Des gens qui, tous les jours à l’université ou au coin de la rue, se saluent de cette manière. » Traduction, il connaît les codes de la rue et de la culture populaire, notamment celle du hip-hop et du sport, les deux milieux dans lesquels les shakes ont pu devenir des plus visibles. Deux mondes habituellement peu connus des élites politiques traditionnelles.

 

Ted Leonsis – Propriétaire des Washington Wizards « Le simple fait de pouvoir lever le poing était un signe de liberté ; cela ne symbolisait pas le pouvoir mais le fait d’être un homme libre. »

Ted Leonsis – Propriétaire des Washington Wizards
« Le simple fait de pouvoir lever le poing était un signe de liberté ; cela ne symbolisait pas le pouvoir mais le fait d’être un homme libre. »

 

Entre les deux lieux symboliques, Shake This Out est un road movie de quelques miles qui interroge différentes figures de Washington DC, comme un résumé de l’Amérique d’aujourd’hui. Une ville qui concentre tous les lieux de pouvoir et qui fut pendant longtemps surnommée « Chocolate City ». Le lieu de toutes les musiques noires, mais qui fut, bizarrement et pendant longtemps, assez peu réceptive au hip-hop, le style qui a popularisé le shake, grâce notamment à la puissance de l’industrie de l’entertainment américaine.  Shake This Out raconte une autre histoire que celle d’une posture facile pour jouer au bad boy du ghetto quand on habite loin de South Central ou du Bronx. Qu’est-ce que ce geste dit de nous ?  Pourquoi ? Comment ce symbole d’émancipation est-il devenu un rituel urbain ?

 

Cornell Belcher – Sondeur d’opinion pour Barack Obama « Je suis allé à des réunions au Capitole et j’ai fait des fist bump à des membres du Congrès. C’est en train de remplacer la poignée de main traditionnelle. »

Cornell Belcher – Sondeur d’opinion pour Barack Obama
« Je suis allé à des réunions au Capitole et j’ai fait des fist bump à des membres du Congrès. C’est en train de remplacer la poignée de main traditionnelle. »

Joachim Barbier

Booba a sorti son nouvel album (D.U.C.) il y a maintenant quelques jours. C’est un évènement pour le game, aussi bien pour les haters que pour les fans. Pour les meufs aussi puisque des statuts énamourés bourgeonnent (« Booba est beau. Point final. »).

Mais qui est Booba finalement? « Notre Jay-Z » entend-on parfois… La longévité de sa carrière est inédite dans le rap français. 20 piges protéinées qui comprennent des classiques à la pelleteuse, des interventions télévisuelles d’autiste, des pecs huilés à l’Isio 4, une collection de punchlines inestimable et quelques cadavres de rappeurs français dans le jardin.

Pour un fan de rap français, Booba est, ou a été, une référence. Les septuagénaires de 35 ans « ne le supportent plus », les kids le trouvent « chaud » et les grands mères « le reconnaissent car elles l’ont vu à la starac ».

 

 

Le début de l’album envoie de la trap de malfaiteurs (« D.U.C », « Tony Sosa », « Bellucci ») et ça reste très bon jusqu’à « Mon Pays » inclus, une déclaration d’amour/haine envers la France où quelques phases nostalgiques affleurent (« Loin est le temps du silence n’est pas un oubli », « Les retours zombie de boîte de nuit/ Perdu dans le cul d’une ghanéenezer de la rue Saint Denis »). Finalement c’est assez rare quand Booba se livre et ce morceau efficace affiche cette plus-value. À chaque album il y a bien quelques fulgurances intimes (l’Afrique exsangue, les potes disparus), mais elles boivent la tasse dans un océan de « 92i », « lambo » et autres « uzi ».

À ce titre l’évocation de sa « petite fille » est un heureuse nouveauté. On souhaite à Luna bien du courage pour exister dans une discographie étincelante de misogynie, son papa étant quand même programmé pour couvrir les femmes « d’or et de semence ».

 

Booba-D.U.C-5

 

L’écoute se poursuit, et rapidement deux morceaux gênants se faufilent dans nos tympans: « All Set » avec Jeremih, dont la prod dance/pop rappelle les heures les plus sombres de Jul, et G-Love avec Farruko, qui lui est un manifeste Reggaeton un peu étrange. Bon… Les phases sont là comme d’hab mais c’est plutôt indigeste.

Il est temps d’ouvrir un chapitre spécial:

 

La Variet Caillera :

 

Que s’est-il passé quand Booba a découvert l’autotune ? Venait-il de regarder un documentaire animalier sur les bébés Panda ? Qu’est-ce qui explique ce moment de faiblesse que nous payons encore aujourd’hui ? Car s’il se targue d’être toujours en phase avec son époque, il use et abuse pourtant d’un procédé technique que 95% des cainris ont abandonné. Ceci étant dit, il nous a gratifié par le passé de petits bijoux du genre (« Tombé Pour Elle », « Jimmy ») qu’on pourrait qualifier de Variet Caillera ; une appli que Doc Gyneco avait brillamment inauguré sur Première Consultation.

 

Booba-D.U.C-1

 

Une chanson de Variet Caillera se singularise par des paroles assez poivrées (insultes et saloperies en tous genres) chantonnées en toute innocence ; un peu comme si Patrick Juvet ou Joe Dassin lâchaient du « fils de pute  » et du « nique ta mère » à longueur de mélodie. Cette réappropriation de la variété française avec un glossaire urbain est assez jouissif mais flirte fréquemment avec le ridicule chez notre Booba autotuné. Preuve en est les toutes premières paroles de l’album, autotunées donc, qui sont : « étoiles et constellations ». On dirait le début d’allocution d’un prédicateur Inca au pied du Machu Picchu. Le fou rire n’est pas loin.

Les morceaux de l’album les plus concernés par ce label de Variet Caillera sont « Loin D’Ici », « Mon Pays » et « Jack Da ». Ce dernier, qui parle des femmes avec un raffinement particulier, ne manque pas d’épices sémantiques bien troussées:

« Le coup de rein la fera revenir/ Laisse tomber ta garde »
« Mon poto m’dit qu’t’es cheum mais j’suis alcoolisé »
« Tout ce qui est petit est mignon/ Rien de mignon chez moi »

 

       Nous parvenons au dernier tiers du D.U.C. qui est fourni en bonnes bastos (« Billets Violets », « Ratpis », « Mr. Kopp », « 3G », « OKLM »…). Mais le point d’orgue, le 14 juillet de l’album, ou le 11 septembre, c’est bien sûr « Temps Mort 2.0 » avec Lino. Nos deux meilleurs rappeurs gaulois croisent le mic comme des légendes de la mythologie greco-romaine. Lino, qui n’a jamais lâché le ter-ter du rap nerveux, est en grande forme avec une musicalité exemplaire et des punchlines énervées (« Musique émasculée prise dans la masse de tubes/ Comme quand Edward Aux Mains D’Argent s’masturbe », « Le soleil pionce la lune devient ma lampe de chevet », « J’ai foiré tous mes examens j’réussis l’alcootest »). Booba quant à lui nous balance en drive by rhyming son meilleur couplet depuis un bail. Hyper motivé au vu de l’adversité, il reprend ses guibolles de 20 ans pour fondre sur le beat comme une buse sur un mulot. Ça fait un bien fou que nos pendules de rap francophone se mettent subitement à l’heure comme un iPhone après un vol long courrier.

 

Booba-D.U.C-2

 

Au final pas de surprise, D.U.C. est bien un album de Booba avec toujours les mêmes thématiques d’homme des cavernes:

 

1. Je suis plus fort et plus riche que toi espèce de boloss au RSA:

« Encore quelques millions et je ne sais plus qui tu es »
« Nique sa mère courir pour être à l’heure au taf »
« J’baise la propriétaire/ Tu lèches la chatte de la voisine »

2. Je rappe mieux que toi espèce de sac à foutre du rap:

« Dans ce rap game niquer des mères ça me rémunère »
« Ils ne remplissent que le bataclan/ Leur fanbase tient dans la boîte à gant »

3. Je suis un gars de la rue qu’il ne faut pas tester parce que si tu me testes c’est chaud:

« Calibré jusqu’au menton tah middle east »
« Quelques negros à terre il n’a fallu qu’une seule moto »

 

Booba-D.U.C-3

 

Tout ça est un peu débile. Et pas forcément bien foutu non plus d’ailleurs, il a du mal à tenir un thème sérieusement, les punchlines s’enchainent souvent sans queue ni tête, les sons pourraient s’arrêter une minute avant ou une minute après ça ne changerait rien… Et ce n’est pas grave, le D.U.C. est un blockbuster musical, une tranche de jambon avec la couenne, un divertissement goût cholestérol. C’est immoral au possible, réactionnaire, UMPiste même, mais il exprime, avec son génie du sens de la formule, tous les fantasmes les plus inavouables et répréhensibles du mâle occidental :

– Dominer son prochain par le pouvoir et l’argent.
– Baiser des putes à tour de bite.
– Défourailler en cas de contrariété.

 

Il est aussi drôle et spectaculaire dans ses phases les plus gerbantes (« Personne a les yeux bleus chez nous à part un huski » ce qui est clairement raciste, ou le polémique « Ai-je une gueule à m’appeler Charlie ? Réponds moi franchement/ T’as mal parlé tu t’es fait plomber/ C’est ça la rue c’est ça les tranchées »). De fait, écouter ce disque, comme tous les autres du même auteur, est un défouloir fantastique, un karaoké satanique auquel on s’adonne en dansant les bras en l’air avec un verre rempli d’alcool fort. Le D.U.C. fourmille une nouvelle fois d’aphorismes racaillo-burlesques déclamés avec un flow impeccable qui renvoie 92% des rappeurs français en classe de neige.

 

Booba-D.U.C-4

 

En bref, pour ceux qui veulent du sérieux allez bouquiner du Proudhon ou du Aristote bordel, nous on se bute à Booba, et si t’es pas content on te « tire une balle grosse comme un gnocchi dans le larynx » juste avant d’envoyer notre « jet privé au Mexique pour un tacos ».

Conjointement au Record Store Day (journée dédiée aux disquaires), le label londonien Trax Couture, magasin spécialisé en sneakers Footpatrol, et la marque Puma lancent une version revisitée de la R698. 

La silhouette de la paire est conforme au modèle original. Pour cette édition, la R698 est en cuir noir, ses lacets en cordage sont entremêlés de blanc et de noir, le midsole est blanc tâcheté de bleu ce qui achève de lui donner du caractère. Bien loin des paires blanches immaculées prévues pour cet été, la R698 se positionne sur un créneau « dirty ». Cette édition spéciale sera vendue dans une boîte noire mate marquée d’une sérigraphie du logo du projet. Un modèle disponible samedi 18 avril dans le magasin Footpatrol 

 

Dans la majorité des cas, la musique se suffit elle-même. Les claquements de caisse-claire additionnés aux battements par minute dessinent dans un sens, le squelette d’un corps parfois homogène, ou encore définit le pou, voire la durée de vie d’une piste. Dans ce cas de figure, l’artiste fait vivre sa partition au gré de ses envies, et pour nous, simples auditeurs, nos oreilles suffisent pour déchiffrer les notes de ses accords. Mais au-delà de la valeur intrinsèque musicale, d’autres vecteurs permettent d’interpréter l’œuvre artistique. Bien avant l’arrivée de la presse spécialisée ou encore la démocratisation du format « music video », un artiste ne disposait que de la pochette de son disque microsillon pour communiquer avec son public. Popularisée à la fin des années trente par Alex Steinwess, le premier directeur artistique de Columbia Records, la jaquette a traversé les âges, et est devenue au fil des années, le prolongement de la réflexion artistique. Ambitieuse, elle dépeint les couleurs de l’œuvre dans son ensemble alors autant s’arrêter sur celle-ci pour tenter de l’interpréter.

 

Cover Stories – Ep#3: D.U.C.

 

 Booba


 

Nom : Elie Yaffa
Surnom : Booba
Date de naissance : 9 décembre 1976
Album : D.U.C.
Artwork : Discipline Studio – Photo Loïc Ercolessi
Date de sortie : 13 avril 2015
Label : Tallac Records
Groupe : Ex-Lunatic, 92 Injections (ou Izi)

 


 

La communication est à la base de chacune de nos relations. Siège de nos idées à travers la parole, elle est incontournable pour se faire comprendre par nos semblables. Cependant, communiquer n’est pas une chose aisée. Des obstacles comme la culture ou encore le contexte peuvent gêner la compréhension jusqu’à entraîner un « malentendu » – se prénommer « Kaka » au Brésil est acceptable, en France, un tel nom promet une enfance difficile. De l’autre côté, la communication est aussi séduction. Outre le fait de pouvoir accoster une fille avec désinvolture, au risque d’être étiqueté de « beau parleur », échanger notre point de vue grâce à nos mots est un art surnommé la rhétorique. Pour Socrate, ce style consistait à faire remporter le vraisemblable sur la véracité, en somme, une arme de destruction massive, qui permettrait à quiconque la maîtrise, d’anéantir son adversaire lors d’une joute verbale, et ce, même avec des arguments frelatés. Mais comme souvent, après la thèse vient l’antithèse. Et cette fois-ci, l’antithèse se manifeste sous la forme d’un « dos argenté » sur lequel trois lettres « gravées en or » sont sculptées : B-2-O.

Poète contemporain français, Élie Yaffa manie les mots « comme personne » mais ne perd pas son temps à les embellir. Face à sa page vierge, la grammaire est sienne. La syntaxe est désossée. Et les possibilités deviennent multiples. Le langage châtié de l’académie française, Élie l’a « dé-vi-èr-gé ». Une approche singulière, parsemée d’images charnelles et mortifères, que nos figures de style vétustes ont du mal à décoder. L’essayiste Thomas Ravier ira de son néologisme « la métagore », mais rien n’y fait, tout comme le marquis de Sade provoqua l’hérésie pendant les Lumières avec Les Cent Vingt Journées de Sodome, B-deux-O est point de discorde.

Cette discorde ronge chacune de ses relations. Plus habitué aux inimitiés qu’aux amitiés, le phrasé du Kopp déclenche des ulcères à ses congénères. Par exemple, Booba et Marianne. Les deux parlent, mais ne s’écoutent pas. L’un ne comprend pas l’autre depuis la fabrication de son état civil. L’autre ne comprend pas l’un depuis que « du CP à la seconde » cette dernière lui rabâchait des histoires « de la Joconde et des Allemands ». Booba et Diamé. Les deux ne se parlent pas ou peu. L’un est fasciné par son image avant ses textes. De son côté, l’autre s’en sert pour élargir sa zone d’influence. Booba et Rapcéfran. Depuis la querelle « bouteille de Jack », le divorce est consommé. Les deux ne se tiennent plus comme à l’époque de Mauvais Œil, mais néanmoins, forniquent quand cela est nécessaire. Puis, Booba et Doria. Bien avant ses « premiers seize à l’assaut des ondes hertziennes », Doria était cette fille de bonne famille, charmante, allumeuse, mais qui n’allait jamais au bout. Désormais, « elle écarte les cuisses pour un Filet-O-Fish » mais le duc-zère est dans d’autres sphères… Du style « Sonia Rykiel ».

 

Letruk-Booba Ennemies

 

Dans ces eaux troubles, Booba navigue seul aux commandes de son Black Pearl. Loin d’être inquiet pour son magot planqué « entre Key West et Key Largo », le capitaine a pris la mer, remonté les eaux chaudes caribéennes, traversé le froid épais de l’Atlantique, pour nous dévoiler, enfin, sur la terre ferme hexagonale, la pochette de son septième album solo : D.U.C.

Comme le climat délétère qui compose le rap français ces dernières années, le ton donné à la couverture de son opus est hostile. Les couleurs de l’arrière-plan sont sombres, oscillent du noir au gris, et le regard du Kopp est menaçant. Ses pupilles sont noires, opaques, sans éclat, des détails qui transpercent parfaitement l’observateur. Bien que muette, l’image parle. Ce regard déterminé nous toise, nous provoque, et semble nous dire avec impertinence « j’vais tout baiser… ».

Car 2015 est une année chargée pour le rap français. Après les nombreuses rixes qui ont gangréné la compétition et nourrit les commentaires sur les réseaux sociaux, la majorité des têtes d’affiche ont prévu de rendre leurs feuilles. Du coup, l’heure est maintenant à la notation, à savoir qui écoulera le plus de copies. Sous cet angle, le regard de Saddam Hauts-Seine peut être interprété différemment. Là où sa dernière pochette Futur affichait ses muscles saillants, ses tatouages, ses bagues, sa Rolex, sa chaîne et son bonnet, celle-ci ne laisse paraître que son faciès. Au vu des échéances à venir, ses yeux peuvent paraître lourds. Fixes, ils sont témoins du travail et des heures incalculables passées en studio ou dans sa voiture, à écouter du son, du son, et encore du son pour trouver LA production qui voudra bien épouser son « verset qui bouleverse » car sa « diction est malédiction ». Loin d’être un fait anodin, D.U.C. est le premier opus depuis Autopsie Vol. 2 (2007) qui ne comprendra aucune production du carré magique Therapy. Ces dernières années, cette équipe de producteurs avaient fourni la majorité des compositions du « purple fœtus ». Plus encore, cette formation avait fini par s’immiscer dans le carré VIP du Kopp. Grâce à la musique, les deux parties communiquaient avec harmonie. L’un bénéficiait d’une offre pléthorique de singles. L’autre voyait son jingle « back to the future » passer de ponctuel à inévitable. Or, un « différend artistique » a coupé court à l’idylle. Une circonstance de plus pour venir alourdir le poids de la photographie.

Le visage fermé, les traits de Booba sont rigides. Impassible, sa face ne transmet aucune émotion. L’esthétisme est clairement mis de côté. Ses pores sont apparents. Sa barbe semble avoir été rasée la veille. Le « 7 » tatoué sur sa pommette droite complète ce raisonnement. Né le 7/7/73, la disparition subite de son « meilleur srab » Bram’s a enlevé une part de sa personne. Les choses ne sont plus les mêmes. Les tournages de clips sont différents. L’unité 92i a perdu son colonel. Malgré tout, une règle fondamentale régit la diapositive : la symétrie. Tout est parfaitement centré (le « U » du bonnet, ses yeux, le point de rencontre de ses deux index, sa figure… etc.). Les proportions sont respectées et les figures géométriques fusent de toutes part. Enfermé dans cette approche artistique, au premier plan, B2O s’encage derrière un triangle imparable formé par ses deux mains. Un triangle comparable à la lunette d’un fusil ou bien à des théories bancales très à la mode sur la webosphère…

 

Booba-2

« Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers, car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus » – Saint Matthieu.

 

La référence est biblique, mais la parole de l’évangile Matthieu colle parfaitement au rappeur de Boulbi. Récurrent dans ses thèmes, album après album, morceau après morceau, Booba martèle souvent cette fierté d’avoir réussi sans « aucun diplôme valable » dans une société qui ne le voyait pas ailleurs qu’à Bois-D’Arcy. Les jeux étaient faits, mais en tirant les bonnes cartes une à une, il a fini par « s’acheter une piaule à Miami Beach » et devenir l’attraction numéro une du rap français. Aujourd’hui, cette ascension sociale sans piston ni plafond est à double-tranchant. D’un côté, le duc peut être pris comme exemple de réussite. De l’autre, il peut paraître à des années lumières de nous. En somme, pendant que nous sommes sous la grisaille parisienne, lui dore sous le soleil de la Barbade. Pendant que nous songeons minutieusement à prendre nos vacances en juillet pour ne pas empiéter sur les congés notre collègue au mois d’août, lui, s’exile quand bon lui semble. Pendant que nous envoyons des textos à notre bien-aimée, lui, expédie des diamants à sa go. Ou encore, pendant que nous l’écoutons tranquillement, lui, est peut-être à Miami… Pourtant, l’artiste du 100-8-Zoo n’a fait « que » saisir chaque opportunité qui lui a été donnée. Un triomphe si rare qui le différencie du commun des mortels, quitte à le faire entrer dans une nouvelle case : une société secrète.

De nos jours, dans l’industrie du disque, la « société secrète de la réussite » est financée par les illuminatis. Chaque artiste en haut de la pyramide se trouve pousser dans cette case. Et chaque triangle exposé discrètement ou ostensiblement suffit pour adhérer à la secte. Ces théories conspirationnistes ont l’air de faire rire Booba qui a choisi de placer un triangle flagrant en plein centre de sa pochette. La vidéo « LVMH » donne des informations plus claires pour décrypter ce geste. Collaborateur de longue date avec le réalisateur Chris Macari, les deux protagonistes ont rejoué avec plaisir un passage du film Eyes Wide Shut. Dans son dernier long-métrage avant sa mort, Stanley Kubrick enrôla Nicole Kidman et Tom Cruise pour interpréter un couple ordinaire à New York. Invités dans une soirée mondaine par un ami, les deux compagnons découvriront peu à peu les rituels occultes de cet univers. Durant l’une de ces cérémonies, Tom Cruise se retrouve au milieu d’une orgie dans le château Mentmore Towers, une ancienne résidence des Rothschild… Vêtu d’une cape et d’un masque, le jeune médecin observe le grand-prêtre, entouré de demoiselles nues, énoncer les litanies. Cette séquence fait écho à la dernière réalisation de Macari. Encerclé de femmes aux formes généreuses dans des bas résilles, Booba fredonne ses cantiques dans le château de Breteuil pour avertir ses futures fidèles « j’te la mets jusqu’à la ge-gor comme si j’baisais Mimie Mathy ». Saupoudrée d’un feu d’artifice, la fin du clip renforce l’image d’un artiste esseulé, au sommet de la pyramide, loin, « tellement loin », qu’on ne peut rationaliser son succès que part des « bails noirs, très noirs, tah illuminati ».

Mais la demeure du marquis de Breteuil a un second rôle. Patrimoine de la culture française avec ses « jardins remarquables », elle place Élie Yaffa dans l’histoire de France. Un contexte particulier qui fait évidemment référence au titre de son album : D.U.C.

 

DUC-Booba

 

Édifié d’un style néo-classique, le Panthéon incarne le raffinement français par excellence. Les colonnes, les frontons, les coupoles sont harmonieusement proportionnées, et l’ensemble dessine un édifice incontournable de la capitale. Prévu pour être une église, ce haut lieu de la culture française honore les grands personnages de l’histoire de France. André Malraux, Victor Hugo, Émile Zola, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau ou encore Jean Jaurès sont inhumés dans ce temple républicain. Au-delà de la dimension culturelle, Panthéon était aussi le titre du second album solo de Booba. L’impertinence était volontaire, mais les réactions excessives de certains cristallisaient parfaitement l’incompréhension d’un courant artistique qui utilise d’autres mots pour communiquer. Onze années plus tard rebelote, le MC de Bakel a choisi trois lettres enracinées dans la langue française.

Dans son livre Peau Noire, Masques Blancs, Frantz Fanon analyse d’un point de vue psychologique l’héritage colonial laissé aux colons et aux colonisés. Son premier chapitre traite le langage, et selon lui « parler une langue c’est assumer le poids tout entier d’une civilisation antécédente ». Né d’un père sénégalais et d’une mère franco-marocaine, Booba est traversé par deux cultures. Moitié « babtou ». Moitié « re-noi ». Le trait d’union entre ces deux mondes est orageux car depuis son voyage à l’Île de Gorée, sa rage est automatique et ses aspirations se trouvent ailleurs que dans l’hexagone. Quoi qu’il en soit, le rappeur du 92i s’exprime en français et D.U.C., inscrit en bas à droite de sa pochette provient du latin. Ce terme qui définit un chef ou un meneur, symbolisait sous l’Ancien Régime – soit les deux siècles antérieurs à la Révolution Française – le statut le plus élevé de la haute noblesse. Bâti durant cette époque, le château du marquis de Breteuil intronise un duc d’une nouvelle génération. Air Max aux pieds. Casquette Unküt bien « vissère ». Le duc de Boulogne se pavane à côté du mobilier et des tableaux d’un autre règne. L’image est anachronique, mais l’utilisation de ces trois lettres de noblesse ancre de gré ou de force Élie Yaffa dans l’histoire de France.

« Parti du testicule droit, plus rapide que Michael Phelps », les neuf premiers mois de l’état fœtal de Booba ont suffi à lui montrer la dureté de la vie. La sélection naturelle fait les choses. Ici-bas, « pas de place pour les faibles ». Après vingt années dans l’industrie, cet état d’esprit s’est transformé en philosophie, en manière de vivre, en image de marque. Sur son bonnet, le « Ü » est affiché à la vue de tous. Un placement de produit sans vergogne qui dénote le poids pris aujourd’hui par l’artiste. Deux millions de followers sur Twitter. Presque cinq millions de fans sur sa page Facebook. Des millions de disques vendus. La carrière de Booba est incomparable. Désormais, seul le virage de la sortie est à négocier « pour ne pas faire l’album de trop ».

« Tournés vers les bleus chaque gosse rêve de ballon rond / Et d’être ballon d’or / Parmi les forts au talent hors norme / Amoureux de sport, chaque jour ils cherchent la performance / Comme une dernière chance pour qu’leur talent perce en France », pose Alcide H en ouverture du morceau « C’est pour toi qu’tu joues » (IV my people), bande-son simplette et moralisante du docu-série culte À La Clairefontaine. Fabrique ultime de prodiges, l’INF Clairefontaine a en réalité pouliné bien plus de futurs talents déchus, de Philippe Christanval à Hatem Ben Arfa, en passant par Jérémie Aliadière, Jacques Faty, Gabriel Obertan, Abou Diaby, Mourad Meghni ou Jimmy Briand, qu’elle n’a écrit de success stories, en l’occurrence celles de Nicolas Anelka, Thierry Henry, William Gallas, Louis Saha et Blaise Matuidi. Ils sont nombreux, ces jeunes surdoués du foot hexagonal, à s’être fracassés la mâchoire sur le chemin de la gloire, trop loin, trop long, bosselé, engorgé. Une violente bascule qui les conduit de la posture d’espoir national à celle de persona non grata. Pour ne pas oublier ceux qui auraient pu marquer l’histoire, nous avons sélectionné et réuni la crème de ces génies tués dans l’œuf pour composer une Équipe de France bis. Et elle a de la gueule.

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Titulaires


Sébastien-Frey

Sébastien Frey

Hyper précoce, le joueur peroxydé n’a que 17 ans lorsqu’il garde ses premières cages de Ligue 1, sous les couleurs de l’AS Cannes, son club formateur. Courtisé par l’Inter Milan et la Juventus dès la fin de sa première saison, Frey plie finalement bagage pour la capitale lombarde. Prêté l’année suivante au Hellas Vérone, il explose, impose son style spectaculaire et son énergie mordante. Coqueluche du Calcio, le gardien barrera tour à tour les buts de l’Inter (de retour de prêt), Parme et la Fiorentina. Malgré ses prouesses transalpines, les sélectionneurs successifs de l’Equipe de France le bouderont à tour de rôle. Tout au mieux, Raymond Domenech lui offrira deux sélections, dont une délicieuse bourde face à l’Ukraine, et un poste de suppléant à l’Euro 2008. Sa blessure au genou en 2006 enrayera prématurément sa carrière. Il la poursuivra à Gênes (Genoa CFC) en 2011 puis à Bursa en Turquie, terre d’accueil des starlettes en fin de course.

 

Younes-Kaboul

Younès Kaboul

Champion d’Europe des moins de 19 ans en 2005 avec les Lloris, Diaby, Cabaye et Gourcuff, Younès Kaboul est de ceux qui jaillissent au-dessus du lot. Après seulement trois saisons à Auxerre, le défenseur rêve déjà de giga stades et embarque pour l’Angleterre. A Tottenham, malgré le flottement des débuts, il brille, enfile même à l’occasion le brassard de capitaine. Des pépins physiques l’éloignent des terrains pendant quelques temps et le privent, entre autres, de l’Euro 2012. En vérité, même bien portant, Kaboul ne réussira jamais à gagner sa place en Bleu. Et puis, le temps faisant, Mauricio Pochettino, l’entraîneur des Spurs, le colle de plus en plus au banc de touche. Younès n’est plus le bienvenu. Une brebie galeuse, chassée à demi-mot, qui n’a désormais plus qu’1 an pour trouver preneur ailleurs.

 

Philipe-Christanval

Philippe Christanval

Titulaire dès ses 20 ans dans une équipe de Monaco au casting étoilé, entre Willy Sagnol, Marcelo Gallardo, Ludovic Giuly, Thierry Henry et David Trezeguet, le Guadeloupéen est sacré la même année meilleur espoir de Ligue 1 par l’UNFP. Son transfert faramineux au FC Barcelone l’année suivante (près de 17 millions d’euros) s’avérera pourtant foireux. Si Christanval a l’élégance d’un Laurent Blanc, le nouvel entraîneur du club catalan, Louis van Gaal, le placardise rapidement. Bête noire du Barça, le libéro espère se relancer à l’OM. Là-bas, il se blesse, a du plomb dans l’aile. José Anigo, qui remplace Alain Perrin, n’en veut pas et le pousse outre-Manche, à Fulham. Puis rebelote, bobos et carences techniques. Il raccroche les crampons à 30 ans et se reconvertit dans l’immobilier à Londres. Son empreinte n’aura pas été si fugace puisqu’un stade porte son nom à Sarcelles.

 

Jacques-Faty

Jacques Faty

Jacques Faty n’est qu’une toute jeune pousse lorsqu’il confie aux caméras d’M6, pour l’émission Capital, que Bologne et Rennes lui font les yeux doux. Il hésite, choisira finalement le deuxième. La chaîne a eu du flair ; grand espoir du foot français, Faty rafle la Coupe du Monde des moins de 17 ans en 2001 (avec Mourad Meghni, Florent Sinama-Pongolle et Anthony Le Tallec) puis la Coupe Gambardella en 2003 avec le Stade Rennais. Après deux saisons flambantes sous le maillot rouge et noir, il perd de son temps de jeu au profit de la paire John Mensah/Grégory Bourillon. L’OM le récupère en 2007 mais balaye très vite sa recrue vers le bas-côté. Dans le même temps, l’ex-bleuet décide de porter les couleurs du Sénégal plutôt que celles de la Douce France. Mis au ban, il finit par traîner sa carcasse dans des clubs de seconde zone, Sochaux d’abord, puis Sivasspor en Turquie, Bastia, Wuhan Zall (un club de D2 chinoise) et le Sydney FC aujourd’hui.

 

Marvin Martin

Marvin Martin

Marvin Martin fait ses gammes au FC Sochaux et foule sa première pelouse de Ligue 1 à 20 ans. Technique et clairvoyant, il tient le pavé après le départ de Dalmat. C’est en 2011 qu’il affole le microcosme footballistique. Meilleur passeur du championnat (le troisième au niveau européen) et révélation France Football de l’année, il pousse avec fracas les portes de l’Équipe de France. Aligné pour la première fois sur la feuille de match contre l’Ukraine, le jeune numéro 10 claque deux buts et une passe décisive. Pour sa première sélection aussi Zizou avait décoché un doublé. Il n’en faut pas plus aux médias pour s’empresser de le comparer au saint patron même Le Parisien s’interroge en Une : « Est-il le nouveau Zidane ? ». En vérité, Marvin a les épaules trop étroites pour tenir la comparaison. En 2012, il signe au LOSC mais peine à s’imposer dans le groupe. Pire, après deux opérations du genou l’an dernier, il repasse sur le billard en février et gèle donc sa saison. Surestimé sur une fulgurance, Martin n’aura finalement plus jamais étincelé.

 

Abou-Diaby

Abou Diaby

Abou Diaby laisse un goût amer, qui traîne sur les lèvres et déchire le cœur, à l’évocation de sa carrière. Un talent hors-norme dans un corps de verre. Auxerrois pendant quelques poussières d’années, il rejoint les rangs d’Arsenal en 2006. Longiligne, agile et puissant, le joueur se pose en héritier de Patrick Vieira, ancienne gloire des Gunners. Mais voilà, à peine débarqué en Premier League, Diaby se fait sévèrement tacler et ne tâte plus le ballon pendant huit mois. Première blessure d’une série de 42 en l’espace de neuf ans, frappant ses ischio-jambiers, ses chevilles, ses mollets, ses adducteurs et ses ligaments croisés. Ahurissant. Malgré quelques coups d’éclats ici et là, comme ses performances à la Coupe du monde en 2010, ses saisons tournent trop court et sa carrière ne décolle jamais vraiment. L’avenir du milieu de terrain, en fin de contrat en juin, est incertain, entre un probable départ et une prolongation à Arsenal qui le paierait, cette fois-ci, au match joué. Malin le Wenger.

 

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Gaël Kakuta

Un éternel espoir qui tarde à éclore. Très (trop) vite surnommé le « black Zidane » pour son aisance technique, Gaël Kakuta n’est encore qu’un gamin lorsqu’il file tout schuss, et dans le dos de son club formateur, le RC Lens, à Chelsea. Son parcours en Angleterre sent vite le soufre. Pro à 17 ans, l’International Espoir (il remportera notamment l’Euro 2010 des moins de 19 ans) n’a pas la maturité requise. En prime, une fracture de la jambe le terrasse pendant près de huit mois en 2009. Gaël déçoit, désillusionne. Chelsea le trimballe de prêt en prêt, entre Fulham, Bolton, Dijon, le Vitesse Arnhem, la Lazio Rome et, enfin, le Rayo Vallecano. Il ne mouillera pas une fois le maillot des blues en cinq ans. Mais le prodige n’a pas dit son dernier mot ; il retrouve un peu de sa superbe en Liga espagnole. L’AS Monaco, armée de son portefeuille gonflé, serait aujourd’hui sur le coup.

 

meghni

Mourad Meghni

Premier nom sur la liste des ex-futurs Zidane, Mourad Meghni avait de l’allure et beaucoup de potentiel. Seulement, sa carrière se sera émoussée aussi vite qu’elle s’était embrasée. Tout juste sorti de l’INF, le gamin est parachuté en Italie, à Bologne, à seulement 16 ans. Le natif de Paris ne trouvera en fait jamais ses marques en Série A. Prêté un temps à Sochaux, le Bologne FC le réutilise une saison avant de le larguer à la Lazio. Le meneur de jeu a alors 23 ans et, là encore, il rame. C’est au Qatar qu’il trouvera refuge, à Umm Salal, Al Khor puis Lekhwiya. Après plusieurs années de bons office pour les bleuets, il choisit la sélection algérienne sur le tard. Chouchou du public, il reprend des couleurs et de l’adresse avec les Fennecs. On croit en son retour en grâce mais ses blessures répétitives achèvent de saboter sa carrière. Laissé sur le bord de la route, Meghni regagne finalement en janvier la ville de son enfance et le Futsal Club de Champs, équipe de DH entraînée par son frère.

 

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Hatem Ben Arfa

Les fées qui s’étaient courbées sur son berceau l’avaient pourtant bien gâté. Une pépite, un diamant brut, surclassé à ses 12 ans par l’INF Clairefontaine. Les plus grands clubs européens content alors fleurette à cet enfant-roi que l’on compare tantôt à Ronaldo, tantôt à Lionel Messi. Il posera finalement ses valises à Lyon, à 15 ans. La suite, on la connaît. Champion d’Europe des moins de 17 ans en 2004, quadruple Champion de France avec l’OL puis avec l’OM en 2010. Virtuose oui, mais irrégulier surtout. Son talent, gargantuesque, le submerge, l’engloutit. A vrai dire, il ne sait pas s’en servir. L’ailier peut enrhumer un jour à lui tout seul une défense, puis cirer le banc la semaine suivante. Ses expériences à Newcastle et Hull City tournent également au vinaigre. Egoïste, caractériel aussi, Ben Arfa s’embrouille systématiquement avec ses entraîneurs et coéquipiers. Sans club depuis janvier 2015, le franco-tunisien ne rejoindra finalement pas l’OGC Nice, à cause d’un imbroglio juridique. Le plus gros gâchis du football français.

 

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Florent Sinama-Pongolle

Porté aux nues après l’Euro 2001 des moins de 16 ans puis, dans la foulée, la Coupe du Monde des moins de 17, qui le sacre meilleur joueur de la compétition, Florent Sinama-Pongolle a vite la tête qui tourne. Dans son euphorie, l’ado quitte à peine deux ans plus tard Le Havre pour le Liverpool de Michael Owen. Là-bas, concurrencé par Morientes et Crouch, l’attaquant n’obtient guère plus que des bouts de match. Après un crochet par les Blackburn Rovers, il signe alors en 2006 pour le Recreativo de Huelva. La Liga lui réussit plutôt bien, mais il ne percera jamais réellement. Le Réunionnais empile les contrats, pour l’Atlético de Madrid, le Sporting de Lisbonne, le Real Saragosse, Saint-Étienne, le FK Rostov, le Chicago Fire et enfin le FC Lausanne en janvier 2015. Mais la poisse lui colle à la chair et Sinama-Pongolle se blesse avant même de disputer un seul match avec son nouveau club.

 

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Anthony Le Tallec

Le tandem offensif Sinama-Pongolle – Le Tallec, annoncé comme un combo Henry – Trezeguet 2.0, en met tellement plein la vue à la Coupe du Monde U17 de 2001 que Gérard Houllier chipe les deux d’un coup au club havrais. Le destin du breton, comme celui de son pote et cousin par alliance, est presque tout tracé. Jeune et un peu crédule, Anthony Le Tallec se fantasme l’Angleterre en terre promise ; la réalité sera tout autre. L’effectif surchargé de Liverpool le laisse sur la touche et le club le prête à tour de bras, à Saint-Etienne, Sunderland, Sochaux puis Le Mans, qui lève l’option d’achat. Une relégation en L2 plus tard, l’avant-centre file à l’AJ Auxerre, qui dégringole à son tour en deuxième division. Là aussi, il décampe et s’engage avec Valenciennes. Sa nouvelle équipe descendra également mais, cette fois-ci, il y restera. Le joueur erre depuis dans l’antichambre de la Ligue 1.

 

 

Remplaçants


 

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Charles Itandje

Charles Itandje était un bleuet prometteur avant de devenir un lion indomptable. Passé du RC Lens à Liverpool, il s’est depuis exilé en Turquie, à Konyaspor, après un détour par la Grèce. Du portier franco-camerounais l’on retient surtout ses pas de danses déstabilisateurs au moment des penaltys et puis ces clowneries, malvenues, lors d’une cérémonie-hommage au drame d’Hillsborough en 2009.

 

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Grégory Vignal

Grégory Vignal bluffe Gérard Houllier à l’Euro 2000 des moins de 19 ans, dont il soulève la coupe. Enrôlé à Liverpool, le défenseur brille d’abord, avant de se faire croquer par la concurrence. Bourlingué ensuite du SC Bastia au RC Lens, en passant par Rennes, l’Espanyol Barcelone, les Glasgow Rangers, Portsmouth ou encore Southampton, il finira par atterrir, après une carrière en dents de scie, à Béziers, en CFA.

 

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Stéphane Dalmat

Un phénomène au départ, précis et percutant, mais instable et décevant. Stéphane Dalmat change de maillot comme de slip, passe très rarement plus d’1 an au sein d’un même club. Au total, il en connaîtra une dizaine dans quatre pays différents. Ses ratés lui valent même d’être nominé à cinq reprises au trophée parodique du Ballon de Plomb (Les Cahiers du football). Usé par une carrière gâchée, le milieu de terrain prend sa retraite en 2012.

 

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Camel Meriem

Lui-aussi avait, parait-il, l’étoffe d’un Zidane à l’aube de sa carrière. Débarqué du FC Sochaux aux Girondins de Bordeaux en mini-star à 23 ans, Meriem ne cessera plus, depuis, de décevoir. Le numéro 10 aux deux pieds traîne ses faiblesses sur les terrains de l’OM, l’AS Monaco – où les supporters le surnomment Casper -, l’Aris FC (en Grèce), l’AC Arles-Avignon, l’OGC Nice et enfin L’Apollon Limassol FC (à Chypre).

 

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Vincent Pericard

Une vaste blague cédée à la Juventus de Turin à 17 ans pour près de 8 millions d’euros, sans avoir joué, ou presque, un seul match en L1. Les médias font alors leurs choux gras du pseudo petit génie ; l’émission Les Sept Péchés Capitaux ira jusqu’à titrer « L’homme qui vaudra des milliards » un reportage qui lui est consacré. Viré de la Juve après trois saisons creuses, Pericard chauffera successivement le banc de neuf clubs britanniques. Il mettra finalement un terme à sa carrière trois mois après avoir signé à Havant & Waterlooville, une équipe de sixième division anglaise.

 

Julien FaubertJulien Faubert

Homme-clé des Girondins de Bordeaux à 20 ans et des poussières, son transfert à West Ham amorce une série noire au long cours. Le club anglais le prête au Real Madrid où il fait pâle figure, le récupère, l’encense puis le rejette, avant de couler en deuxième division. Faubert joue quelques mois en Turquie avant de retrouver Bordeaux qui, fidèle, se refuse à laisser tomber son ancien prodige.

 

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Gabriel Obertan

Recruté par les Girondins de Bordeaux à seulement 16 ans, Gabriel Obertan, explosif et habile, est alors pressenti comme un grand espoir. En réalité, le milieu bleuet cristallise des attentes qu’il ne saura jamais satisfaire, oscillant en permanence entre insuffisances et fulgurances, à Lorient comme à Manchester United ou Newcastle, son club actuel.

 

Soccer : Lorient / Auxerre - League 1 - 21.09.2011 -

Jérémie Aliadière

Flairé comme un futur crack, Jérémie Aliadière cède dès ses 16 ans aux sirènes de l’étranger. Il soulève les premières polémiques médiatiques autour des enfants-stars expatriés. À Arsenal, il n’émergera jamais, étouffé par une concurrence qui fait rage. Après avoir enchaîné les prêts, l’attaquant renaît plus ou moins à Lorient avant de s’exiler au Qatar, à Umm Salal. Une carrière en demi-teinte, barrée par une tripotée de blessures.

 

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David Bellion

Pétri de talent, Bellion attire l’œil de Sunderland puis de Manchester United et de l’éminent Alex Ferguson. Le reste est moins glorieux, The Flying French Manle français volant ») ne saillira jamais outre-Manche et rentre en France à 24 ans. Il ronge son frein à Bordeaux (malgré des débuts prometteurs) puis, sept saisons faméliques plus tard, snobe les appels du pied des qataris et rejoint le Red Star, en National.

 

Autant de destins brisés portant en épitaphe : « Tout ce qui brille n’est pas or ».

Après une première collaboration sur la Dover Street Market x Nike Air Force 1 30th Anniversary, le concept store londonien Dover Street Market et Nike réitèrent l’expérience pour produire la Dover Street Market x Nike Air Max Jordan 1

Globalement la silhouette de la Jordan et ses caractéristiques sont respectées. Ce nouveau modèle a été fabriqué dans un cuir bleu nuit brillant qui se voit contraster par une semelle intermédiaire blanche immaculée. Le logo Air Jordan est gravé dans le cuir. La version revisitée sera disponible dès le 15 avril chez Dover Street Market ainsi que sur certains Nike Store.

De nos jours, créer une marque est devenu un acte banal dans la culture urbaine, et souvent promis à un échec certain. Même si cela sonne comme un poncif agglutinant, l’identité, l’histoire, et l’authenticité sont des éléments essentiels permettant à une marque de perdurer, qu’elle soit issue du streetwear ou d’autres domaines. Des caractéristiques qui sont totalement ancrées dans Daily Paper, ce crew d’amis originaires d’Amsterdam. Daily Paper est une petite partie d’une famille multi-talents (Musique, Djing, Party-maker…), mais qui s’illustre aujourd’hui à échelle mondiale dans le domaine de la mode avec des labels comme Filling Pieces, Olaf Hussein et donc Daily Paper. En dépit du succès, la philosophie basée sur l’esprit de famille et l’unité reste surement le meilleur atout de ces jeunes entrepreneurs ambitieux, symboles d’un certain rêve hollandais, pas si lointain cousin de son homologue américain.

 

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Comment est né Daily Paper ? Qui en sont les membres ?

Daily Paper est composé d’Abderrahmane, Souleiman et moi : Jefferson Osei. Nous sommes tous nés en 1989. Abderrahmane et moi venons d’Amsterdam, Souleiman lui est originaire de Somalie. A sa naissance en 2008, Daily Paper était un blog alimenté par une grosse équipe. Nous étions 8 ou 9 mecs et nous écrivions du contenu lifestyle, sur les événements que nous avions organisés, sur les fêtes auxquelles nous étions allés pour faire la promotion du blog. Puis, nous avons commencé à imprimer quelques T-shirts que nous avons envoyés à nos familles et nos amis. Et comme nous envoyions de nouveaux coloris et de plus en plus de vêtements, nous avons décidé de lancer une marque.

Aujourd’hui combien de personnes sont mobilisées sur ce projet ?

Nous avons commencé avec un blog mais on a du faire quelques concessions parce que tout le monde était enthousiaste à l’idée de créer une marque de vêtements mais nous étions très jeunes et nous avions des vices. Par exemple Guillaume Philibert a commencé à créer ses propres paires de chaussures. Nous avions des visions différentes, au début nous devions dessiner un T-shirt et ça a pris 6 mois pour ne fait qu’un T-shirt ! Tout le monde voulait y mettre de sa vision, de son propre design et c’était difficile de rendre tout le monde heureux donc on a du faire des concessions. Les gens ont alors lancé leur propre label et Daily Paper ne regroupe aujourd’hui que Souleiman, Abderrahmane, 3 employés et moi. Les employés de Filling Pieces aussi sont des membres de Daily Paper, nous nous sommes divisés et ce qu’on veut vraiment représenter c’est une certaine génération d’Amsterdam : un nouveau modèle hybride. Tout ce que nous faisons nous essayons de le faire ensemble : voyager, le travail en boutique, en agence. Nous parlons de l’industrie au quotidien, nous sommes plus que des amis maintenant, nous sommes des frères, une famille.

Pourquoi avoir choisi le vêtement comme médium d’expression ?

Les vêtements représentent notre collectif, ils racontent notre histoire sur la diaspora des jeunes hollandais qui veulent une meilleure vie à Amsterdam. Nous incitons vraiment la nouvelle génération à faire quelque chose avec leurs capacités, à donner le meilleur. C’est très important pour nous de s’assurer que les enfants issus de la diaspora réussissent à montrer aux autres membres de la communauté que tout le monde peut y arriver. Parfois les gens ne croient pas qu’un guinéen, qu’un malien ou un marocain puisse avoir une marque ou une entreprise comme ça. Les gens ne sont toujours pas accoutumés à ça, nous essayons de changer cette vision.

Qu’en est il de la scène d’Amsterdam ?

En Hollande, Patta est considéré comme un pionnier du streetwear. Avec Daily Paper, nous sommes la première génération qui travaille à travers sa propre vision. La plupart des personnes qui travaillent dans notre niche créative collaborent avec Patta : les DJs, les artistes, beaucoup d’entres eux sont affiliés à Patta. Nous sommes les premiers à montrer aux générations suivantes qu’ils peuvent faire bouger les choses avec leur propre vision et leur propre réseau. Il a été difficile pour toutes les générations de nous accepter, ils se disaient « Qui sont ces africains ? Qu’est ce qu’ils essaient de faire ? Ils empiètent sur nos racines…» mais nous avons un très gros réseau donc nous avons avancé et ils ont été contraints d’accepter notre façon de nous exprimer comme label, comme collectif, comme êtres humains, ils doivent nous respecter pour ça.

 

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Vous vous entendiez bien avec Patta à vos débuts ?

Nous nous entendions bien, les propriétaires de Patta sont des gars très gentils, ils se revoient dans leur jeunesse à travers nous. Ils ont également du établir leur activité dans la communauté hollandaise. Ces mecs ne sont pas fait pour Amsterdam, ils ne peuvent pas faire adhérer les gens qui sont nés et qui ont été élevés à Amsterdam donc pour eux c’est difficile de voir des petits jeunes les surpasser. Si nous avions été d’un autre pays ils seraient venus nous parler et auraient été sympa mais comme nous sommes d’Amsterdam ils sont perplexes. C’était une atmosphère très étrange. Maintenant il y a également la génération suivante, ils s’appellent « The New Originals » vu comme un groupe d’enfants du Ghana, de Turquie, du Maroc etc. Ils viennent d’un groupe mais la plupart d’entre eux ont été stagiaires chez Patta, chez Filling Pieces ou Daily Paper. Nous essayons de leur montrer qu’ils peuvent suivre leur propre route. La plupart des gens en Hollande pensent que Patta est de la merde, à cause de ce qu’ils ont fait pour les générations futures. Amsterdam est assez petit donc nous avons le sentiment que la génération Patta ne veut pas partager le gâteau, mais aujourd’hui ils le doivent, ils n’ont pas le choix.

Qu’en est-il des gens à Amsterdam ?

Les gens à Amsterdam nous respectent parce qu’on connaît beaucoup de monde, tous différents. Nous connaissons des turques, des marocains, des criminels, des joueurs de football alors que les gens de chez Patta connaissent uniquement des gens issus de la hype, nous en connaissons également mais nous sommes en relation avec des vraies personnes d’Amsterdam.

Peut-on définir l’ADN de la marque comme un mélange d’imprimés africains adapté au dress code européen ?

La majeure partie de nos centres d’intérêt sont liés à l’Afrique donc pour le premier design on a essayé de mettre des élément africains dans la couleur ou les imprimés. Il y a peu de marques qui montrent l’Afrique d’un point de vue européen, nous y avons vu une opportunité sur le marché donc nous avons voulu créer des vêtements abordables et reconnaissables tout en étant modernes, c’est pourquoi Daily Paper est née. Nous n’allons pas sur les marchés de textile africain pour acheter des motifs classiques et les mettre sur un T-shirt. Nous créons nos propres imprimés. En Afrique, les imprimés t’apprennent pourquoi il est fait, montrent les différentes facettes du continent et c’est ce que nous essayons de faire également.

Les gens vous appellent « hispters », mais comment vous définiriez-vous ?

Je ne sais pas. J’accepte que les gens m’appellent « hispter », ça m’est égal. C’est ainsi que les choses sont faites, les gens vous regardent et en tant qu’influenceur et aiment vous définir, vous mettre dans une catégorie. Je ne suis pas le hipster qui ne prend pas de douches et qui ne se brosse pas les dents. (rire)

Avez-vous des règles au bureau ?

Pas de porc, pas de cigarettes, pas d’alcool, pas de relations en interne avec les stagiaires ou employés. Par le passé, il y a eu une stagiaire et qui essayait de s’arranger des coups avec chacun d’entre nous. Elle voulait avoir des rapports sexuels avec nous tous mais j’ai vu qu’elle avait d’autres plans en tête alors je l’ai mise à la porte et encore aujourd’hui elle continue d’essayer.

 

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D’où viennent la plupart de vos acheteurs ?

Nous sommes plutôt globaux, mais nous avons aussi beaucoup de détaillants en France à Paris,Bordeaux, ou Montpellier, et en Hollande. Nous sommes à la recherche de plus de présence sur le marché anglais, le marché espagnol et le marché italien. Tous ces marchés essayent d’introduire Daily Paper, nous avons quelques distributeurs dans les autres pays mais pas autant qu’ en France ou au Pays-Bas.

Comment vous êtes vous construit ce fameux réseau et ses connections à toutes ces personnes ?

Nous organisons des événements partout et les gens veulent nous avoir à leurs évènements, et nous demandait de venir avant même Daily Paper. A cette période, nous n’étions qu’un blog et les gens nous portaient de l’intérêt donc ils nous voulaient à leurs soirées ou voulaient faire quelque chose avec l’équipe Daily Paper pour toucher une nouvelle cible ou pour redevenir cool. Au départ ils nous utilisaient et on disait toujours oui. Daily Paper à une certaine équipe intouchable, les gens veulent avoir un peu de ça, demandent des collaborations, de participer à des fêtes, booker Papa Ghana, booker African som system. C’est comme ça que nous avons connu beaucoup de monde. Les gens qu’on a connus nous ont vu comme leur famille, ils ont vu notre potentiel mais ils ne savaient pas ce qu’on faisait exactement précisément. Nous sommes passer d’un blog à entreprise, ça a grandit organiquement c’est pourquoi les gens aiment ce que nous faisons, c’est authentique et les gens le voient, ce n’est pas quelque chose sorti de nul part c’est pour ça que les gens aiment nous avoir.

On peut dire que la base du projet a été créée par African Som System

Oui vous pouvez dire que l’ensemble des vêtements et de la marque a commencé avec le blog. Nous avons créé African Som System, Filling pieces est arrivé, Papa Ghana est arrivé. Tout le monde a commencé à pratiquer sa propre discipline et chacun de nous fait sa propre activité pour le moment.

Qui est la cible de Daily Paper ?

La cible est très large de 16 à 40 ans. C’est étrange mais une fois dans le train j’ai vu un homme très âgé porté un bomber Daily Paper ! C’est bizarre mais nous faisons des designs pour tout le monde donc pourquoi pas ! Nous recherchons vraiment le style. Certaines personnes ont pris peur parce que notre premier design était 5 T-shirts avec des imprimés africains uniquement donc ce qui est arrivé c’est que les personnes originaires des petites villes d’Hollande ne se sont pas reconnues à cause de cela. Nous en avons parlé et nous avons décidé de créer des designs plus « clean » pour que les personnes puissent se retrouver dans la marque et la porter. Les gens aiment se retrouver dans Daily Paper, dans les vêtements, leur musique. C’est quelque chose à laquelle on pense y compris dans les lookbook où il y a des mannequins blancs, métisses et noirs pour que les gens comprennent que la marque est pour tout le monde. Si nous n’avions mis que des hommes noirs les gens auraient dit qu’on ne prends que des mannequins noirs. C’est la façon dont les gens pensent, ils ont un esprit très fermé, ils ne voient pas au delà donc il faut penser à l’image que tu souhaites faire véhiculer à ta marque. Cette image commence aux lookbook, aux designs il faut faire en sorte qu’ils soient ouverts à tous, il faut avoir une communication « polie ».

 

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A quelle fréquence devez-vous voyager pour votre travail ?

Chaque année nous voyageons pour les Trade Shows où nous présentons la nouvelle collection donc chaque saison nous choisissons ce qui peut nous faire gagner de nouveaux marchés. 2 fois par an nous devons aller dans les manufactures en Chine à Hong Kong. Pendant l’année nous voyageons également en Europe lors d’événements où nous sommes invités. Je pense qu’il y a quelque chose de nouveau pour nous, nouveaux continents, nouvelles invitations. Nous sommes également allé à Dubaï l’année dernière c’était une très bonne expérience. Nous avons appris beaucoup de choses Dubaï qui est un territoire jeune de 40 ans, ils sont en train d’écrire leur histoire et ils ne sont pas familiers à la street culture. Là bas on peut voir des femmes porter des burqa et des Air Max. Ils sont différents de nous, Dubaï est plus flashy les gens portent du Gucci, Louis Vuitton etc. C’est un pays étrange, un pays musulman en progrès vers le modernisme mais il y a également un ancien modèle datant de l’esclavage donc c’est vraiment contrasté.

Quelle est ta plus grande fierté depuis le début ?

Ma fierté est de voir les gens porter mes vêtements. Le meilleur là dedans c’est que les gens ne savent pas que c’est moi qui les ai fait. Je fais du football et mes coéquipiers ne savaient pas ce que je faisais, certains d’entre eux connaissaient la marque en parlent et tu rigoles parce que tu sais. Maintenant les gens savent, mais c’est la meilleure partie du job quand tu marches dans la rue après une rude journée et que tu vois un petit garçon porter un de tes T-shirts ou un homme âgé porter un de tes manteaux. C’est là où tu sais pourquoi tu fais ce métier et tu te dis que tu dois continuer comme ça. Avec ce marché il faut être très patient, c’est notre passion, notre hobby, créer des vêtement c’est faire de ma passion mon métier.

Quelles ont été les difficultés quand vous avez commencé Daily Paper ?

L’argent. Nous avons commencé avec seulement 5 T-shirts. Quand tu débutes tu as envie de créer tout et n’importe quoi mais il faut être patient et laisser les choses se développer naturellement. Même pour 5 T-shirts il faut trouver une manufacture, la plupart sont en Asie et ils ne veulent produire que 500 T-shirts alors que tu en veux moins. On a du trouver une manufacture qui pouvait grandir en même temps que nous et ce n’était pas le plus grand problème. Le problème a été d’obtenir de l’argent ensemble donc Abderrahmane et moi avons investis les fonds donnés par l’Etat pour les études et nous les avons utilisés pour Daily Paper. Nous avons pris un risque mais un risque qui en valait la peine plus tard. C’est toujours difficile, mais on est encore la aussi parce que les boutiques de détaillants sont toujours derrière nous. Les détaillants doivent faire de l’argent et nous avons commencé il y a 11 ou 12 ans à une période où la Hollande traversait une période de crise mais nous sommes toujours là. Nous avons commencé avec les détaillants, nous avons donc une bonne exposition chez eux et maintenant nous essayons de faire une marge sur l’ e-shop. Nous nous sommes concentrés sur l’e-shop, sur le contenu des réseaux sociaux pour faire plus de marge. Beaucoup de magasins ont des problèmes d’ordre financiers, ils vendent peu et leur budget est revu à la baisse. Nous nous intéressons au e-shop puisqu’il dégage plus de bénéfices. Si vous vendez au détaillant, il revend aux clients alors que via l’e-shop nous sommes directement lié au client, qui nous paye le prix total du vêtement, sans intérmédiaire.

 

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Aujourd’hui qu’est ce qui va et que manque-t-il dans une ville comme Amsterdam pour des jeunes entrepreneurs comme vous ?

Ce qu’il y a de positif, c’est de voir la nouvelle génération nous regarder et se dire qu’il y a des opportunités pour tous. En revanche, c’est un univers très petit et les gens sont fermés d’esprit, pour être honnête nous travaillons dans une industrie très « blanche ». Je ne vais pas faire comme Kanye West et vous dire « Oui vous n’avez pas assez de chance blablabla » parce qu’en Hollande il y a beaucoup d’opportunités, vous pouvez aller à l’école, être créatif et j’ai pris le meilleur de toutes ces possibilités. Ensuite arrive le revers de la médaille. Vous devez être accepter par la communauté hollandaise, la communauté sociale ainsi que l’industrie de la mode hollandaise parce qu’ils nous voient comme un groupe d’africains ou comme un groupe d’enfants. Ils ne nous prennent pas au sérieux donc on doit toujours faire nos preuves et ce n’est pas quelque chose d’honnête, chacun mérite d’avoir sa chance et c’est ce qu’on essaye de faire avec Daily Paper, faire la différence. Je crois au destin, en Dieu. Je pense que s’il m’a mis sur terre c’est pour montrer cette route, pour montrer aux gens que tout est possible peut importe si ta peau est jaune ou orange.

Avez-vous du faire face au racisme ?

Oui bien sûr, par exemple dans notre premier bureau qui était dans le quartier Posh à Amsterdam il y a beaucoup de personnes blanches et ces personnes avaient beaucoup d’argent. Certains étaient footballeurs, certains des criminels. Nous étions sous un bar restaurant. Nous allions tous les jours au travail en groupe et tout le monde avait peur. Les gens se demandaient ce qu’on faisait ici. Un jour ils ont commencé à poser des questions « Qu’est ce que vous faites là haut ? Qu’est ce que vous avez dans vos sacs ? » ; ça me mettais en colère mais si je m’énervais je leur donnais raison alors le jour où quelqu’un m’a demandé s’il pouvait monté, je lui ai simplement dis « Viens et je te montrerai ! ». La personne est venue et a été suprise elle était là « Je ne savais pas que vous étiez des entrepreneurs. » voilà la vision qu’on a des enfants aux Pays-Bas. Si nous avions été blancs, ils ne nous auraient rien dit et c’est quelque chose qu’il faut vraiment changer et pas seulement aux Pays-Bas mais dans le monde entier. Imaginez cette situation en Afrique ou ailleurs. Si vous allez en Afrique vous voyez qu’ils ont des cicatrices du racisme et c’est quelque chose qui doit être changé en 2015, c’est fini ! Il faut arrêter avec ça. Ok le racisme a toujours existé mais il y a des formes de racisme qui doivent disparaître les gens ne peuvent pas dire « Je suis noir, je ne peux rien faire, je suis chinois je ne peux rien faire. Je viens du Maroc mais je n’ai rien fait. Je suis musulman donc ils vont penser que je suis un terroriste. »

Comment vois-tu Daily Paper dans 5 ans ?

Notre ambition est d’être un pionnier dans la niche pour laquelle on travaille pour que les gens puissent se dire « Daily Paper existe depuis 10 ans et je peux toujours en porter » qu’il se disent que ça peut être un classique comme APC, ACNE. Nous avons créé une esthétique ainsi qu’une philosophie de marque. Si on regarde encore ces marques aujourd’hui c’est parce qu’elles avaient ces choses là. De nos jours je vois de nombreuses marques émerger des réseaux sociaux en surfant sur une tendance, elles n’ont pas d’identité et n’existeront plus dans
quelques années. Quand vous créez une marque assurez vous que votre histoire est authentique et que vous serez encore efficace dans les 10 années à venir. Pour les 10 ans à venir nous aimerions avoir au moins 400 boutiques dans le monde entier vendant du Daily Paper, au moins 2 ou 3 boutiques officielles Daily Paper une à Amsterdam et une à Paris par exemple, une en Afrique du Sud, quelque chose comme ça.

 

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Qu’en est-il de l’Afrique ? Allez-vous développer des projets là-bas ?

Le problème est qu’en Afrique la qualité de la manufacture pour l’instant n’est pas bonne. On a essayé de faire un article en Afrique du Sud et ça n’avait pas de sens parce que le coton était importé de Chine. Les gens vous demandent si le produit est naturel et pourquoi il n’est pas fait en Afrique. Il n’y a pas de manufacture là bas et nous n’avons pas les moyens d’en ouvrir une en Somalie, au Maroc ou au Ghana. Ce n’est pas notre rôle mais c’est notre plus grand rêve même si pour l’instant c’est impossible des choses doivent changer. Vlisco, une entreprise dans le textile qui vient et produit aux Pays-Bas. Leur idéologie n’est pas correcte, ils vont en Afrique, ils regardent les textiles pour en acheter quelques échantillons, ils les reproduisent massivement et ensuite ils les revendent à l’Afrique. Au lieu de faire travailler les gens en Afrique, ils produisent aux Pays-Bas et les revendent en disant qu’il s’agit de produits africains. Si vous allez acheter des produits y compris dans la boutique de Booba tu vois du Vlisco et ce n’est pas bon et ça doit prendre fin.

D’où vient le nom Daily Paper ?

Ce nom vient de la chanson « Mouths to feed » de Ludacris. La chanson dit « Can’t keep up with the news, but I get that Daily Paper » ; ça a également été une inspiration pour le blog donc nous avons gardé le nom. C’est un nom très catchy et un logo fort donc je pense que nous avons trouvé la bonne combinaison.

Pensez-vous créer le rêve hollandais, comme il existe le rêve américain ?

Non il n’y a pas vraiment de rêve hollandais mais comme tous les parents ici ils pensent « Tu dois finir l’école et devenir avocat ou médecin ». Ils ne comprennent pas qu’on veuille travailler dans l’univers artistique parce qu’ils sont venus en Europe pour nous et ils se demandent ce qu’on fait. Ma mère par exemple était très stricte avec moi. J’avais beaucoup de problème avec mes parents et j’ai quitté la maison à l’âge de 17 ans parce qu’ils étaient trop sévères pour moi. On peut vivre dans un système, on peut vivre en voyant les opportunités, j’ai vu les miennes avec le talent que j’avais et je les ai saisies. Aujourd’hui ma mère voit les résultats et est très fière de moi. Je pense qu’on devrait travailler sur cette notion de «rêve hollandais ». Chacun veut être heureux en exerçant son métier. Qu’importe si vous êtes jardinier, si vous êtes heureux avec ça !

 

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Il y a quelques semaines YARD rencontrait l’artiste londonienne Denai Moore. À cette occasion, la jeune femme nous a interprété le titre « Feeling » issu de son nouvel album « Elsewhere » sorti le 6 avril.

MK2 et son Cinema Paradiso vous offre pour commencer l’été 10 jours de cinéma (du 16 au 26 juin) dans le cadre exceptionnel qu’est le Grand Palais. À raison de deux films par soir, Yard vous propose sa sélection de cinq d’entre eux pour dégrossir le travail de choix d’une séance. Tous les goûts sont permis.

 

Y avait-il assez de place pour deux sur cette foutue planche? Si vous faites le choix judicieux de Titanic, voilà qui vous tiendra encore en haleine pour aller au bout des 3H14 de film réalisées par James Cameron. Un monument dans un monument, voilà ce que vous propose humblement MK2 pour occuper votre dimanche 21 juin prochain. Privilégiez le cinéma à la musique pour une première partie de soirée sous le signe de la culture populaire par excellence. Sur les 2000 personnes présentes 1999 et demi auront déjà vécu la fin tragique de Rose et Jack, et plus de la moitié d’entre eux l’auront déjà vu une dizaine de fois. Ce sera donc sur des valeurs de partage que repose l’achat d’un ticket pour le film aux 11 Oscars. Maudire ensemble Cal Hockley et son valet sournois ou frémir une fois de plus quand Kate Winslet s’essaye à la hache sur Leonardo DiCaprio ça n’a pas de prix.

 

 

Cent années se sont écoulées entre les deux histoires dont le seul dénominateur commun est Céline Dion. Si le malheureusement le 21 juin vous avez piscine, faites le choix inspiré de Mommy le mardi 16. Sorti en 2014 beaucoup d’entre vous vont seulement découvrir la dernière oeuvre de Xavier Dolan. Pour rassurer les plus sceptiques le jeune réalisateur canadien a, pour ce film, délaissé sa vision égocentrique du monde pour rendre son cinéma agréable au plus grand nombre. À l’image d’une bande son aux accents très populaires il ne vous restera qu’à profiter des ascenseurs émotionnels très bien sentis et d’une forme qui épouse parfaitement le fond, pour parler sans spoiler.

 

 

On retourne dans le film culte avec Jurassic Park. En effet que serait une sélection de cinéma mythique sans un Spielberg? Et celui-ci tombe à pic sachant qu’une semaine plus tôt sera sorti Jurassic World (le 4ème du nom) dans nos salles classiques. Deux cas de figure s’offrent donc à vous : vous voyez le numéro 4 de la saga dès le mercredi 10 juin et par déception ou nostalgie vous vous offrez le luxe de revoir la naissance de la saga sur grand écran; ou bien vous choisissez l’option marathon en commençant par le premier le 17 juin et vous vous enfilez ensuite les trois suivant, histoire de respecter la chronologie. Dans tous les cas assister à la confrontation entre humains et dinosaures dans une unité spatio-temporelle au travers des caméras des années 90, il y a des chances que vous en ayez pour votre argent.

 

 

– Tu viens voir Phantom Of The Paradise au Cinema Paradiso du Grand Palais?
– C’est quoi déjà Phantom Of The Paradise?

 

1974, Brian De Palma, Paul Williams, il est vrai que peu d’entre nous peuvent se targuer de l’avoir vu en salle à sa sortie. Excepté pour les inconditionnels, le titre du film n’évoque souvent qu’une vague impression d’objet incontournable de la culture générale mais dont il serait compliqué de tenir conversation. Comment pourriez-vous mieux occuper votre samedi 20 juin qu’en rafraichissant votre terreau culturel? Vous gouterez au plaisir d’allier soif de connaissances et soif de champagne pour les détenteurs de billets carré or. Le tout en profitant de l’univers loufoque crée par le célèbre réalisateur de Scarface ou Mission Impossible. Entre références littéraires (Faust, le Fantôme de l’opéra) et critique virulente de l’industrie du disque, Brian tentera de vous faire aimer les comédies musicales.

 

 

Le concept du Cinema Paradiso au grand palais associe les projections de film à une deuxième partie de ces jeunes nuits estivales au Superclub. Orange Mécanique semble alors être le choix idéal pour se mettre dans l’ambiance d’une soirée hors du commun. Malgré les débats acharnés concernant le mauvais vieillissement du film ou non, il est difficile d’échapper à l’état étrange généré par le visionnage du neuvième film de Stanley Kubrick. Vous gouterez à la douce contradiction entre le malaise engendré par le film et le confort de vos sièges ou de votre lit pour les plus chanceux. Au delà du génie inquiétant du réalisateur c’est pour l’expérience originale que nous vous conseillons cette soirée du 22 juin en salle A.

 

Restez vigilents, le site de l’événement va sortir progressivement de nouvelles séances et donc de nouveaux films à ajouter à vos choix. Les séances divisées en deux salles commencerons tous les soirs à 21H50 et pourront être précédées ou suivies d’interludes gustatives et/ou de clubbing.

JR s’est souvent approprié le paysage dans des projets qui dénoncent et qui unissent les populations, mettant en avant ceux qui n’ont pas de vitrine médiatique. Après un premier projet cinématographique rendant hommage aux femmes du monde entier, il dévoile maintenant son projets « Les Bosquets » : un court-métrage où la danse classique s’impose dans un décor de banlieue. Pour ce film, il s’entoure de la danseuse classique Lauren Lavette et du danseur Lil Buck, un prodige décrit comme le « Baryshnikov du Jookin' ». Pour la musique, on retrouve Hans Zimmer (Le Roi Lion, Inception, The Dark Knight…) et Pharrell Williams, pour un résultat tragique et cinématographique.
Le film, de 17 minutes sera présenté au Festival du Film de Tribeca le 18 avril.

 

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Le soleil semble avoir pris ses quartiers en France, un temps estival qui est synonyme de nouveaux achats. Nike lance une paire dédiée aux femmes : la Nike Air Max 1 Ultra Essential « Triple White ».

Beaux jours rime avec paire de sneakers blanches. Après la sortie de ses packs « White & Gum » et « White Hot »,  Nike continue sur sa lancée avec la « Triple White ». La tendance sera définitivement au blanc pour la collection Spring/Summer 2015. Pour sa nouvelle Air Max 1 Ultra Essential, la marque à la virgule a choisi de travailler deux matières : le cuir et la maille. Le tout contrasté par des touches grises présentes sur le logo de la marque au niveau de la languette, l’avant de la chaussure ainsi que sur la semelle. Ce modèle pensé pour les femmes est d’ores et déjà en vente sur des sites sélectionnés comme Overkill pour le prix de 134,95 euros.

 

 

Après une semaine de teasing, la marque JOUR/NÉ dévoile la vidéo de sa campagne printemps-été 2015. Au cours d’une semaine, nous y suivons le quotidien d’une blogueuse mode, entre réalité romancée et mensonges éhontés, on découvre au fil des jours les silhouettes phare de la marque française.

 

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Quand il n’est pas à la tête d’une armée d’Immaculés dans la série Game Of Thrones, Grey Worm devient Raleigh Ritchie, chanteur anglais originaire de Bristol. Ses titres frappent par leur musicalité et des textes authentiques inspirés d’expériences personnelles. Alors qu’il prépare la sortie de son premier album, Jacob Anderson de son vrai nom, nous accorde une interview et nous parle musique et storytelling.

 

 

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Est-ce que tu peux te présenter ?

Mon nom est Raleigh Ritchie, je vis à Londres originaire de Bristol, je suis chanteur et parolier. Et j’aime beaucoup les dinosaures et les bandes-dessinées.

Comment as-tu commencé la musique ?

J’ai commencé à faire de la musique à l’école pour m’amuser, je faisais des beats sur Cubase pendant ma pause déjeuner. J’écrivais des morceaux sur ces beats pour les chanteurs de mon école, mais c’était seulement des dérivés de chansons que j’aimais. Je gardais tous ces journaux où j’écrivais mes pensées et mes sentiments, puis j’en suis arrivé à la conclusion que je pouvais réunir les deux et écrire des titres sur des sujets plus personnels. Du coup les chanter m’a semblé naturel. C’est ce que je continue à faire, sauf que je ne fais plus de beats, ce qui est finalement une bonne chose.

Qui a été ton plus grand soutien ?

Ce n’est pas une personne en particulier, il y a beaucoup de gens qui me soutiennent dans ma vie. Ma copine est un pilier. Elle m’aide à surmonter mes moments d’anxiété, elle m’aime et elle me permet de continuer quand je me sens vulnérable. Mes amis et ma famille sont parfois plus patients que ce que je ne le mérite. Mon manager surveille toujours mes arrières et m’appuie dans certaines de mes idées étranges. J’ai un groupe fort à mes côtés qui atténue mes faiblesses.

Raleigh Ritchie n’est pas ton vrai nom. D’où vient-il et quel est son histoire ?

Le nom Raleigh Ritchie vient de deux personnages du film The Royal Tenenbaums, qui est l’un de mes films préférés. J’ai pensé qu’ils incarnaient deux facettes auxquels je pouvais m’identifier à ma façon. Quand j’ai cherché comment m’appeler, ça s’est imposé.

J’ai découvert ta musique avec un remix de « Stronger Than Ever » par The Internet. Comment cela s’est-il produit et est-ce qu’il y aura une suite à cette collaboration ?

Je voulais commander un projet de remix qui s’éloignerait du concept d’avoir le producteur le plus chaud pour avoir le remix le plus chaud. Je voulais faire quelque chose qui ressemble à un EP indépendant, où tous les remix avaient un lien les uns avec les autres. Je venais de rencontrer The Internet à Los Angeles et on a parlé de travailler ensemble. J’aime leur musique alors je me suis dis, pourquoi ne pas demander s’il serait intéressé pour  re-produire certain des meilleurs titres que j’ai fait jusque-là. À ma grande surprise, ils ont dit oui ! J’espère pouvoir travailler à nouveau avec eux, ce sont des musiciens géniaux, des personnes très cools et vraiment gentilles.

Tu as sorti deux clips qui mettent l’accent sur la narration. Comment tu les imagines et les conçoit ? Essaies-tu systématiquement d’y apporter du sens ?

J’ai tendance à avoir une idée de vidéo pour chaque chanson que j’écris. Elles ne finissent pas toujours de la même manière dans le clip, mais elle donne assurément des informations sur la structure du morceau. Je fais toujours un pitch de quelques idées pour chaque titre. J’aime les clips avec des histoires. Je trouve les vidéos où le chanteur se tient debout devant une voiture ou un écran coloré tellement ennuyeuses.Il s’agit de créer un monde plus grand que la musique, de renforcer l’histoire qu’on raconte.

 

 

Comment le storytelling influence ton écriture ?

Je pense que, structurellement, elle y joue une grande part car un track devrait avoir un début, un milieu et une fin, quand toutes les idées sont posées. Pour écrire mes chansons, je jette tout un tas de choses qui me passent par la tête et ensuite je les structure pour qu’elles s’articulent correctement. C’est cette exécution qui fait que le morceau devient une histoire et pas une page d’un journal je pense.

Tu es aussi acteur et tu joues en ce moment dans la série Game Of Thrones qui reprend dans quelques jours. Est-ce que ça a changé quelque chose au succès de ta musique ?

Pas vraiment, non. J’ai signé pour la série au moment où je signais sur le label. Les deux ont simplement co-habité de façon assez harmonieuse. Je pense que parfois les gens doivent avoir du mal à me voir comme un musicien s’ils sont de grands fans de la série, mais pour moi, ça ne fait aucune différence. J’écris des chansons depuis que je suis enfant, donc pour moi ce sont des choses distinctes.

Tu commences bientôt ta tournée au Royaume-Uni : « The Greatest Toor ». Comment l’envisages-tu ?

Je suis assez impatient. Ça me choque que des gens puissent venir me voir chanter mes chansons. C’est un sentiment très agréable d’être dans une pièce pleine de gens qui vous comprennent et qui ont vécu des expériences similaires aux vôtres et qui le partagent ensemble. Les concerts me font me sentir moins seul.

 

 

Commnet prévois-tu cette année ?

Tournée et festivals ! L’album sera terminé cet été et cette sortie est quelque chose d’énorme pour moi. C’est le gros éléphant dans la pièce, qui me distrait constamment. Je veux que ce projet soit aussi bon que possible, donc je ressens une certaine pression maintenant qu’il est presque terminé. Mais c’est excitant ! 2015 sera l’année où je sors mon album !

 

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Forte de ses deux milliards de dollars US de recettes globales cumulées en douze ans, la série est en train d’affoler les compteurs du box-office pour la septième fois. Malgré un scénario et des jeux d’acteurs toujours aussi limités, Fast & Furious accélère sa course effrénée vers les sommets. Bien au-delà des belles cylindrées, du casting XXL et de la pluie d’effets spéciaux, « F&F » a réussi à construire sa propre marque, celle d’une famille américaine pluri-ethnique aux forts accents latinos, qui s’ouvre progressivement sur le reste du globe. Fédérant toute une jeune génération mondialisée qui se sent enfin bien représentée dans la culture populaire, les films ont su resté en phase avec leur temps et fidéliser un public grandissant. Décryptage de la saga de ce début du siècle, qui n’a pas fini de marquer l’histoire du divertissement.

 

L’étendard de l’Amérique multiethnique dopée à la nitro hispanique

 

Entre des démarches artistiques revendicatives, comme le dernier album de Kendrick Lamar ou les récents films Selma ou Dear White People, des polémiques aux Grammies et aux Oscars, les industries culturelles américaines n’ont toujours pas résolu leurs problématiques de valorisation des minorités visibles en ce début de siècle, notamment la division « noirs-blancs ». De son côté, Fast & Furious a décidé que le culte du bolide n’avait plus de couleurs au XXIe siècle. La saga a vite misé sur une identité urbaine plurielle qui a bien digéré ses questions etho-raciales et culturelles. Du côté du casting, la bande construite autour de Dominique Torreto (Vin Diesel) et Brian O’Conner (Paul Walker) intègre progressivement des personnalités issues de toutes les principales minorités ethniques du pays : latino, noir, asiatique. Le dénominateur commun initial reste la passion et le savoir-faire des grosses cylindrées.

 

Cette dilution raciale se retrouve également du côté des méchants, qui bien qu’universellement guidés par le pouvoir et l’argent, ont changé d’échelle et de niveau. Ainsi la bande de Torreto est passée de l’affrontement de la mafia chinoise locale de Los Angeles à celui des organisations paramilitaires internationales suréquipées, composées de mercenaires apatrides, sans oublier les cartels de drogue et les politiciens corrompus d’Amérique Latine. Ce contexte vite établi, les scénaristes de la saga ont alors eu une certaine audace d’éviter certains clichés raciaux. Ainsi, on peut très bien trouver le métisse afro-hawaïen Dwayne The Rock Johnson comme un agent spécial du prestigieux Service de Sécurité Diplomatique américain ou Han, l’Asiatique de la bande de Torreto, perçu davantage comme un séducteur mystérieux qu’un geek de service (rôle attribué au rappeur Ludacris, Tej Parker). Du côté de la bande originale, la diversité est encore plus forte. Si la place du hip-hop prend de plus en plus de place (Wiz Khalifa, YG, Rich Homie Quan, Tyga, ont, entre autres, succédé aux Ludacris et Joe Budden), l’habillage musical de tous les films de la série intègre aussi bien du rock, du reggaeton, du métal, de l’EDM en passant par des sonorités japonaises.

 

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Cependant, au cœur de son identité multi-ethnique, le coup de poker le plus audacieux de la saga aura été de miser sur une ossature hispanique, et ce dès le premier opus. En 2001, la population hispanique des États-Unis devient la minorité visible la plus importante du pays, et les prévisions démographiques affirment qu’elle pèsera 25% de la population américaine en 2050. Cette croissance s’exprime également dans la fréquentation des salles de cinéma. D’après plusieurs études de l’agence Nielsen, près de 50% des jeunes Latinos entre 12 et 34 ans vont au moins onze fois au cinéma par an (contre sept fois pour les Caucasiens, et huit fois pour les Afro-Américains), et 50% aiment regarder les films dans les dix jours après sa sortie. Ainsi, construire l’histoire de la série autour des Torreto, une famille hispanique chrétienne et californienne, est tout sauf anodin. Vin Diesel, qui joue le chef de la famille, est originaire de New York dénué d’origines hispaniques (italiennes et africaines), incarne parfaitement cet imaginaire métissé de l’Amérique aux traits latins prononcés. Son amitié progressive avec Brian O’Conner, le blond caucasien agent du FBI, renforce cet imaginaire, à des années lumières de celui des gangs sur-tatoués sectaires vendus par les reportages d’Enquête Exclusive. Mais le principal atout du « marketing latino » de Fast & Furious n’est autre que sa compagne Leticia Ortiz, incarnée par une excellente Michelle Rodriguez devenue l’une des actrices populaires d’Amérique Latine. Le retour fracassant de cette dernière au premier plan dans Fast & Furious 6 a eu un impact certain dans les recettes de la série. Selon cet article du Huffington Post, le Mexique a été, avec ses $13M cumulés pour la première semaine d’exploitation de cet opus, l’un des marchés avec la plus grosse croissance. Aux États-Unis, sur les $150M engrangés par les deux premières semaines d’exploitation de Fast & Furious 6, près d’un tiers serait à créditer à la population hispanique. « 20% ange, 80% diablesse » selon les dires de Torreto, Leticia Ortiz représente cette fierté latino-américaine besogneuse, débrouillarde et increvable dans l’adversité, à des années lumières du fantasme bimbo Gabrielle Solis.

 

Un plan de course géo-stratégique pertinent pour conquérir le monde

 

Le « marketing latino » est aussi présent dans le choix des villes. Constituant un décor à part entière, elles rendent la saga aussi unique au sein de l’industrie. Le choix d’East L.A. comme point de départ contribue à renforcer cette esthétique hispanique d’un néo-western du XXIe siècle aussi urbain que solaire. Et même quand Dominique Torretto n’apparaît pas dans un 2 Fast 2 Furious qui met Paul Walker et Tyrese Gibson à l’affiche, les palmiers de Miami et la plastique d’Eva Mendes cultivent cette nitro latino qui va doper la série de façon prépondérante jusqu’au tournant de Fast Five.

 

C’est d’ailleurs à partir de ce film que la saga prend définitivement un envol international et voit ses recettes au box-office mondial quasiment doubler. Après une parenthèse japonaise sans Vin Diesel dans le Fast & Furious 3 : Tokyo Drift et une escapade dans le far-west californio-mexicain, l’exil de la bande de Torretto à Rio présente de nombreux atouts pour propulser Fast & Furious dans une autre dimension. En termes d’identité esthétique, la ville conserve son statut de fabrique à rêves depuis des décennies. Soleil, plage, bikini, favelas et baile-funk sont les ingrédients parfaits d’un blockbuster autant explosif qu’exotique. D’autant plus que le timing reste pertinent, avec la dynamique d’un Brésil émergent et ambitieux qui organise successivement la Coupe du Monde 2014 et les Jeux Olympiques de 2016.

 

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Après une transition internationale réussie en Amérique Latine, Torretto et ses compères débarquent enfin en Europe, et par la grande porte. Finie la cavale dans le bordel brésilien jovial et ensoleillé, place aux missions pour les autorités diplomatiques américaines dans une ambiance britannique froide, austère mais classieuse. Le signal est fort : Fast & Furious boxe désormais dans la même catégorie qu’un James Bond vieillissant. Armée d’un culte de la belle voiture, de course-poursuites, des chorégraphies de combat qui se modernisent, d’une dimension internationale, de méchants de plus en plus puissants ou des personnages féminins encore plus belles ; la bande de Vin Diesel parvient à rajeunir une formule gagnante vieille comme le monde. Cette équipe peut ainsi apparaître comme une version plus crue d’un 007, créé dans les années 50 et dont l’adaptation aux exigences du XXIe siècle entraine souvent de profondes crises d’identité.

 

En choisissant l’émirat d’Abou Dhabi pour Fast & Furious 7, la franchise opte pour une ambiance futuriste au milieu du désert. Construits dans les années 1970, les Emirats Arabes Unis représentent le stade ultime du capitalisme mondialisé pour lequel cet archipel doit sa raison de vivre. Faire venir la saga, ultra-consommatrice de voitures et autres véhicules à carburants fossiles, sur une terre de nouveaux riches producteurs de pétrole est un joli clin d’œil. Au milieu d’un complexe urbain où la démesure s’est construite à une vitesse sans précédent, l’équipe de Torretto et O’Conner s’impose une nouvelle fois par la force. Après les rues de Rio le jour et celles de Londres la nuit, nos héros ravagent la ville bling-bling en faisant traverser le cœur de ce qui constitue ses premiers signes extérieurs de richesse : ses énormes tours. La symbolique est claire : Sky is the limit, et au diable le réalisme.

 

Toujours choisies stratégiquement, davantage pour conquérir de nouveaux marchés que pour de réels besoins scénaristiques, le plan de course global de Fast & Furious reste ainsi des bons révélateurs d’une progression patiente et réfléchie. Vin Diesel vient récemment d’annoncer que Fast & Furious 8 se déroulera à New York. A l’instar de Londres et du Vieux Continent dans le sixième opus, les équipes de Fast & Furious débarquent dans le fief de Batman en position de force, sans avoir grillé les étapes, avec le plein d’expérience et un public fidèle qui le suivra dorénavant n’importe où. Enfin, après une escale japonaise dans le troisième opus Tokyo Drift, il ne serait pas surprenant que la saga revienne en Asie par la suite. En pleine ébullition, certaines villes, qui ont déjà accueilli des sagas locales de films d’action comme Ong Bak ou The Raid, seraient des relais de croissance pertinents à la série et offriraient des scènes d’action impressionnantes.

 

Un esprit familial attachant, qui évolue avec son temps et son public

 

Outre les personnalités et le décor, le dernier élément clé qui fait la différence dans le succès de Fast & Furious : les valeurs incarnées par le clan Torretto. Depuis le début de la série, le chef Vin Diesel invoque sans cesse l’importance de la famille, avec des mots comme la fraternité, la solidarité et la loyauté. Il en résulte une énergie collective attachante au sein de cette bande qui s’est définitivement soudée à partir de Fast Five. Cette énergie compense aussi bien des interprétations pour le moins limitées des acteurs que les nombreuses incohérences de la saga. Au niveau du divertissement pur, cela permet de diminuer les risques de lassitude et de répétition. Intégrer une équipe grandissante sur un même braquage permet aux scénaristes de diversifier les fronts et ainsi tenir les spectateurs en haleine, avec des possibilités quasi-infinies de surprises permanentes. Si les scènes de courses et de combats séduisent et captivent le public, les moments collectifs « sans action » allant de la préparation de braquage aux simples moments de détentes communs, comme les barbecues, contribuent à renforcer l’attachement entre la saga et son public. C’est d’ailleurs le côté familial de Fast & Furious qui a permis à la franchise de gérer la mort de Paul Walker avec intelligence. Les doses de pathos dégoulinantes étaient inévitables, mais l’entertainment américain sait parfaitement s’en servir, comme l’illustre morceau générique-hommage See You Again de Wiz Khalifa avec Charlie Puth.

 

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Malgré des recettes et des budgets colossaux d’un niveau similaire aux autres Matrix, Star Wars ou Harry Potter, la saga dégage une simplicité et une sincérité très efficaces pour fidéliser sa fanbase. Les héros de Fast & Furious ont développé un talent pour la mécanique, mais ils restent des hommes et des femmes simples dans la vie de tous les jours, sans pouvoir surhumain ni prétention messianique. Les fans ont vu grandir la série en assumant ses défauts, comme des parents attendris devant la croissance de leur bébé. Entre un budget relativement réduit dans le premier opus – où le clan Torretto avait toutes les peines du monde à braquer un conducteur de camion en Californie – et la dernière surproduction Furious 7 – où la bande de Vin Diesel fait atterrir des voitures en parachutes tranquillement en Azerbaïdjan – la progression de la série aura été aussi exponentielle qu’organique. Colonne vertébrale iconique de Fast & Furious, Vin Diesel, Michelle Rodriguez et Paul Walker sont devenus des symboles de la saga. Après des tâtonnements dans les trois premiers épisodes, nourris notamment par des désaccords autour de Vin Diesel, la série est parvenue à faire des choix audacieux et pragmatiques dans son développement, comme réintégrer Tej Parker (Ludacris) et Romain Pearce (Tyrese Gibson). Si en termes de narration, leurs rôles et leurs personnalités respectives n’ont pas évolué de façon très cohérente, ils deviennent d’excellents compagnons de route, qui restent ces cautions « reality-check » de la famille. Leur fraîcheur burlesque teintée d’auto-dérision permet à la saga de garder cette simplicité, et ce malgré des envolées lyriques de Dom’ et l’agent Hobbes qui aiment se prendre souvent au sérieux.

 

À l’origine, Fast & Furious était un film de course-poursuites urbaines pour satisfaire un public principalement constitué de gamers du jeu vidéo Need For Speed en manque d’étendard cinématographique. Fort de son succès, le film est devenu une saga, ou plutôt un joyeux bordel qui a su s’inspirer de tout ce qui l’a entouré ces dernières années. On y retrouve désormais des chorégraphies de combats qui tendent vers Matrix, du suspense d’action à la Prison Break, de l’espionnage façon Mission Impossible, ou de la comédie de braquage collectif qui rappelle Ocean’s Eleven, le tout avec une dose de testostérone bien plus élevée. En définitive, même si le septième opus est déjà en train de battre ses propres records de démarrage au box-office, il est encore trop tôt pour affirmer si Fast & Furious marquera la postérité d’Hollywood. Par contre, la saga sera assurément perçue comme cette belle histoire qui aura redynamisé à sa manière la culture populaire américaine. Mieux, elle se sera mutée, à l’instar de la NBA de Michael Jordan ou de MTV un peu plus tôt, comme un véritable ambassadeur du soft power US dans le monde de ce début de XXIe siècle. Car si l’on peut émettre de fortes réserves sur les revendications d’Oscar de Vin Diesel, force est de réaliser que Fast & Furious a déjà gagné la course avec son époque. Et c’est bien le plus essentiel.

L’aboutissement de l’aménagement d’un chez-soi se traduit par l’intégration de ses passions dans le décor. Ici, plusieurs agences démontrent comment il est possible d’intégrer un terrain de basketball dans le foyer de passionnés, tout en conservant l’identité de l’habitant.

En 1997, Nike lançait sa première version de la Foamposite Pro sur le marché. A l’occasion de l’arrivée de l’été, Nike revisite le modèle avec une nouvelle formule : la Foamposite Pro « Gym Red »

La Foamposite est reconnue et reconnaissable, elle s’est imposée comme un modèle original et a su conquérir les sneakers addict. Une fois encore la Foamposite ne passe pas inaperçu, la chaussure de basketball emprunte une silhouette totalement rouge depuis la languette jusqu’à son outer-sole. Nike a ajouté une légère touche de noir au niveau de la semelle composée de fibre de carbone notamment. Autre détail, ses aglets dorés lui donnent une touche plus chic. Celle que l’on surnomme Penny Hardaway en référence au joueur de la NBA du même nom sera disponible dès le 11 avril sur le Nike Store au prix de 212 euros.

Jay Z a annoncé la semaine dernière son nouveau projet, le site de streaming Tidal. Une plateforme possédée par des artistes, une meilleure redistribution des bénéfices, un son haute définition… les promesses du médium sont nombreuses. Mais l’annonce de cette révolution technologique aura-t-elle vraiment lieu pour l’industrie du streaming musicale, qui en serait la formule ultime d’après l’artiste ?

 

L’Empire Contre Attaque

 

Dans le premier épisode de la nouvelle série événement « Empire » du network américain FOX, l’ancien gangster Luscious Lyon, reconverti rappeur et businessman à succès, s’apprête à ouvrir le capital de sa société, Empire Entertainment. Une opération qui lui permettra d’obtenir le soutien financier de puissants investisseurs et de banques afin d’amener cet empire à devenir la première entreprise hip-hop cotée en bourse. Une situation qui à un air de « déjà-vu ». Ce modèle fictif connaît un parallèle avec la réalité de la vie d’un certain Shawn Carter ; dont le dernier acte en tant qu’homme d’affaires, a encore  fait effet dans la presse.
Il faut dire que le rappeur bussinessman est devenu maître en matière de communication. Un art qu’il amène encore plus haut avec son nouveau coup d’éclat, son nouveau joujou, la plateforme de streaming musicale Tidal. Lors de sa carrière artistique, Hova a servi de VRP de luxe pour plusieurs marques, lançant de nombreuses tendances pour des enseignes qui ne le lui rendront pas assez : Nike, Cristal, ou encore Reebok… Après un « moment of clarity », Jay comprend assez vite que le véritable enjeu est d’entreprendre plutôt que de servir de faire-valoir. Rocafella, notamment avec Rocawear, sera son terrain d’entraînement. En un peu plus d’une décennie, Hova s’est métamorphosé en patron averti, multipliant, avec plus ou moins de succès, les expériences dans différents domaines : restaurants, nightclubs (40/40), l’industrie de l’alcool (Armadale Vodka), industrie musicale (Def Jam, Roc Nation), l’actionnariat au sein d’une franchise NBA (Brooklyn Nets), ou plus récemment le management sportif (Roc Nation Sports).

 

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Aujourd’hui, c’est avec Tidal que le Brooklynite fait du bruit et secoue le monde de la musique. Cette plateforme créée par le groupe suédois Aspiro s’est vu rachetée par la société Project Panther Bidco appartenant à Jigga, pour une somme avoisinant 56 millions de dollars (51 millions d’euros). Tidal n’est donc pas une création de Jay Z, mais une acquisition. Pourquoi ne pas avoir fondé son propre service de streaming ou en racheter un plus connu ? Il l’explique par le relatif anonymat du logiciel scandinave, propice à l’attaque d’une concurrence déjà installée et critiquée par une partie des professionnels et des consommateurs, ainsi que par la force du savoir-faire technologique de l’équipe Tidal. Car la clé de ce phénomène, si l’on en croit la communication, se trouverait dans la qualité de son « haute-fidélité », supérieure à la proposition du marché.
Puis, Tidal se veut aussi la condition sinequanone à l’obtention de toute exclusivité des plus grands artistes mondiaux. Un éventail qui se constitue par : leur musique, leurs clips, du contenu éditorial et un portail de communication avec les fans. En somme, la promesse d’une nouvelle expérience pour les mélomanes, fans comme artistes. Opportuniste, l’entreprise a déjà joui de la diffusion exclusive des derniers morceaux de Rihanna, « Bitch Better Have My Money » et « American Oxygen » puis du dernier titre de Mrs Carter, Beyoncé, « Die With You », quad Nicki Minaj annonce déjà l’arrivée de nouvelles exclusivités.

 

Robin Hood Of Music

 

En une semaine, Tidal a clairement touché plus de monde qu’il n’avait pu le faire depuis sa création lors du dernier tiers de 2014. La « faute » à une campagne visuelle maîtrisée et une conférence grandiloquente, sous forme de G8, relayée sur toute la toile.
« Together, we can turn the tide and make history. » Un exemple de phrase que l’on a pu entendre autour de ce projet. Le ton est sérieux et les mots sont forts, voire alarmants. Sortis de la bouche de Madonna, Kanye West ou de Nicki Minaj, ils revêtent d’une puissance encore plus accrue. Il en est de même pour la cérémonie de signature du contrat d’engament au projet qui se fait autour d’un parterre de célébrités : Beyoncé, Madonna, Arcade Fire, Daft Punk, Kanye West, J. Cole, Rihanna, Alicia Keys, Jason Aldean, Chris Martin, Deadmau5, Calvin Harris, Nicki Minaj, Jack White et Jay Z. Mais avant cela, ce sera sur les réseaux sociaux que ces stars agiront avec ce fameux visuel monochrome bleu en image de profil, aussi accompagné de messages de ralliement à la cause Tidal. Celle des artistes. Le message est clair, la propagande également. Tidal se veut l’alternative au marché actuel du streaming, qui négligerait les artistes. Alicia Keys et Madonna résument même l’enjeu à un combat de la technologie face à la race humaine. La technologie étant incarnée par les géants du streaming, plus particulièrement Spotify, et l’humain par les artistes. Tidal est voué à sauver les artistes de leur misère et récompenser le travail de ceux-ci.

 

Together, we can turn the tide and make music history. Start by turning your profile picture blue. #TIDALforALL

— NICKI MINAJ (@NICKIMINAJ) March 30, 2015

 

Rendre à César ce qui est à César. Voilà tout l’enjeu de cette opération qui repose pour l’instant sur de maigres fondations. La grande idée de ce projet est d’offrir l’opportunité de pouvoir posséder en partie la plateforme –chacune des célébrités présentes à la conférence posséderait 3% de l’entreprise – et pour les autres artistes d’obtenir le double des royalties reçus chez la concurrence. Sur le papier, l’ambition est intéressante : un medium musical par les musiciens, et pour les musiciens. Une initiative qui doit emmener le consommateur à un sentiment d’empathie envers des artistes pour qu’il puisse bénéficier d’exclusivités.
À la différence d’un Spotify, Tidal ne propose pas de forfait Freemium : une gratuite mais compensé financièrement par la publicité et l’autre payante afin de supprimer les bandes-annonces. La boîte suédoise soumet, quant à elle, deux formules payantes : le Tidal Premium à 9.99 $ par mois avec un son de qualité standard, des vidéos en HD et du contenu éditorial, et le Tidal Hifi, proposant la même chose à 19,99$ avec une qualité d’écoute supérieure, qualifié de « lossless », sans perte. Ce tout payant est un parti pris qui permet déjà à l’entreprise de bénéficier du catalogue entier de Radiohead et de Taylor Swift, hormis son dernier album 1989. Cette dernière symbolisant ce nouveau combat contre le streaming audio gratuit depuis sa décision de retirer son répertoire de Spotify, déclarant qu’elle « n’était pas disposé à mettre tout le travail de sa vie au service d’une plateforme qui ne compense pas de façon juste les auteurs, producteurs, artistes et créateurs de musique ».
De grandes idées, de grands noms et de grandes attentes pour un modèle qui compte à peu près 500 000 inscrits répartis sur 31 pays répartis majoritairement en Europe et en Amérique du nord. Un chiffre encore ridicule en comparaison aux 15 millions d’abonnés du leader mondial Spotify et de ses 60 millions d’utilisateurs gratuits. Une des questions importantes sur Tidal, communiqué comme le premier service de streaming audio, reste le positionnement. Vivra-t-il comme une véritable alternative concurrentielle, ce que suggère déjà l’imbroglio Taylor Swift et la probable bataille des catalogues artistes, ou un élément complémentaire des freemiums qui ouvrira un nouveau segment du marché ? Une branche du streaming pointue, destinée à conquérir une cible audiophile prête à payer pour une qualité de son supérieure d’un médium qui pourrait être l’un des derniers à être inventé.

 

Wanted : Spotify

 

Depuis l’annonce, le tout Internet se pose la même question : le nouveau venu signera-t-il la fin de Spotify ? Si l’emballage a de quoi impressionner, et devrait en attirer plus d’un, la secousse annoncée ne devrait pas avoir lieu. En décembre dernier, le président de Spotify signifiait déjà ne pas vraiment avoir la tête à la concurrence : «Je ne dis pas que nous serons les seuls sur ce marché, mais nous sommes de loin le service qui a le plus d’abonnements, probablement plus que tous les autres combinés. Donc dois-je me préoccuper de leur prendre des parts de marché ou prendre des parts dans le milliard de personnes qui n’utilisent pas de streaming mais consomment de la musique ? »
En effet, avec la puissance de son audience, le CEO suédois peut voir venir avant de s’inquiéter d’une éventuelle prise de pouvoir du marché par Tidal. D’ailleurs, ce dernier ne bénéficie pas seulement de bonne presse depuis le lancement de sa campagne, se voyant fortement critiqué pour sa communication grandiloquente sous forme de propagande et son projet élitiste destiné à enrichir encore plus les superstars. Des critiques cohérentes lorsque que l’on analyse de plus près le fonctionnement du site. La promesse principale du projet Tidal est le doublement des royalties sur le nombre d’écoutes. Mais difficile d’imaginer que les bénéfices redistribués soient si conséquent pour l’instant, surtout lorsqu’il s’agit d’artistes moins connus bénéficiant seulement d’un auditorat de 500 000 personnes.

 

guys these artists need our help! they're really financially struggling! it's time to turn the tide #TIDALforALL pic.twitter.com/a3DBjlzhG3

— Edgar Rangel (@EdgarAllanFauxx) March 31, 2015

 

Même si Tidal tend à l’universalité en proposant une expérience audio unique à tous les amateurs, l’entreprise s’écarte d’une bonne partie de ses utilisateurs potentiels par l’importance du prix d’abonnement, ainsi que le coût potentiel du matériel audio compatible avec la haute définition sonore. Spotify, de son côté, se targue d’avoir l’offre gratuite comme tremplin permettant de basculer un nombre important de ces utilisateurs en payant (plus de 80% de leur 15 million d’abonnements), et reste, même si son système de redistribution avantage également les gros artistes, un moyen important de découverte influant sur de d’autres paramètres : ventes d’albums, concerts et offre une visibilité exceptionnelle pour beaucoup d’artistes et de publicitaires.
L’une des forces de Tidal est la promesse de l’exclusivité, tissée par le lien avec les artistes, mais elle reste temporaire sur les nouvelles sorties, entre quelques jours et quelques semaines. Mais le véritable nerf de la guerre devrait se trouver dans la bataille de catalogue. Le consommateur, fan et utilisateur de streaming, ira naturellement là où son artiste est joué. Ce qui devient un atout de vente supplémentaire pour les services de streaming, pourrait fatalement et rapidement être un problème pour le consommateur, victime d’une segmentation des catalogues répartis sur plusieurs fournisseurs.

 

Daniel Ek Tidal

 

Tidal ne sera pas la révolution annoncée sans être non plus un feu de paille. Il peut devenir le point de départ d’un nouveau modèle de business appartenant aux artistes, une nouvelle économie de redistribution et la globalisation d’un nouveau standard d’écoute sonore haute définition. Mais la tâche sera difficile pour la troupe de Jay Z qui sera bientôt en compétition avec de nouveaux arrivants : comme le Google Play Music, une probable plateforme de l’hébergeur de vidéos YouTube, mais surtout avec Apple se lancerait cette année, en plus de celle de Beats Music racheté récemment. En effet, difficile de croire à un avenir radieux pour Tidal, si Apple se mettait lui aussi dans le créneau de la haute-définition et de l’exclusivité.

Le studio de design barcelonais Hey, s’est lancé il y a maintenant plus d’un an dans une série d’illustrations minimalistes de personnages de la pop culture. Des personnages si cultes, qu’on les reconnaît en un clin d’oeil. Toutes leurs illustrations, ainsi que quelques animations, sont disponibles sur le compte Instagram @every_hey.

 

 

 

A l’approche de Pâques, le designer Ruudios, imagine une série d’oeufs qui reprennent les caractéristiques de paires iconiques. Saurez-vous les reconnaître ?

C’est un classique français. Comme les gorges du Tarn, l’andouillette de Troyes ou « Pour Ceux » de la Mafia K1fry. Chaque année les médias, en bons couturiers sensationnalistes, montent la rivalité en épingle entre la province qui se rebiffe et la capitale qui se la pète. Le peuple se presse autour du gazon comme naguère autour des arènes antiques. Il faut que ça saigne un peu pour que le rendez-vous ne déçoive pas. Historiquement les matchs n’ont pas toujours été de qualité mais leur voltage demeurait élevé. Surtout dans les années 90, grâce à des poètes tels que Eric Di Meco ou Francis Llacer qui ont tourmenté de nombreuses malléoles et sectionné moult artères.

Cette rivalité footbalistique est pourtant une création de Bernard Tapie et de Canal+ au début des nineties pour relancer l’intérêt de la Division 1. À entendre les supporters de part et d’autre on croirait que leur haine viscérale remonte à des temps immémoriaux alors qu’elle est un business plan fomenté par les puissants. Ceci étant dit, la ferveur d’un OM-PSG est tout à fait respectable car humaine, émotive, identitaire, grégaire, démesurée. Enervante aussi quand deux grappes de demeurés se foutent sur la gueule pour du football.

Le football justement… Car il s’agit de ça au départ, d’un sommet émotionnel du sport français avec ses cohortes de héros et de vaincus. Le but de Pauleta sur Barthez, le film porno de Ronaldinho au Vélodrome, la frappe de Dhorasso en finale de la coupe de France, les simulations de cette pute de Ravanelli, bref autant de faits de jeu qui renseignent le lecteur sur mon code postale. Encore que l’adresse des gens ne détermine pas nécessairement le choix de l’équipe supportée. Ce qui nous amène à l’une des énigmes parmi les plus nébuleuses de ces 25 dernières années: comment peut-on être supporter marseillais en habitant et en étant né en Île-de-France ? Deux réponses reviennent fréquemment :

 

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1 – « Je kiffe leur jeu, et en plus ils ont 10 fois moins de budget que Paris, c’est pas une équipe montée avec le fric ». Pourquoi alors, espèce de boloss, ne supportes-tu pas Lorient ou Carcassonne ?

2 – « Ils avaient une équipe de fous vers 93, c’était dingue je m’en remets pas et je suis loyal ». C’est clairement la réponse la plus satisfaisante ; j’étais également fan de Marseille à cette époque et j’avais même tenté le mulet à la Waddle, ce qui me valu quelques quolibets fleuris sur le terrain au milieu de ma cité. Réponse satisfaisante donc, mais pas suffisante. De plus, chers supporters phocéens en Passe Navigo, sachez que les Marseillais vous conchient cordialement.

 

Avril 2015. Ça chauffe au sommet de la Ligue 1, le trio de tête se tient à quelques poils de cul. L’OM, étonnamment, est encore sur le dance floor. Le PSG, pourtant multimillionnaire et halal, n’est leader que depuis une journée. Autant dire que le spectre de la défaite compresse les trous de balle des deux côtés.

Marseille, il faut bien le dire, a fait une première partie de saison exemplaire avec du fond de jeu et de l’athléticité. Bielsa et ses entrainements militarisés ont discipliné une équipe moribonde l’année dernière. Depuis janvier la Canebière cherche son second souffle mais reste quand même dans le game.

Paname n’est pas irréprochable en Ligue 1, loin s’en faut, mais botte des culs en Champions League, Paname est encore en lice sur 4 tableaux mais Paname peut aussi se ramasser partout. En bref c’est une rencontre déterminante entre deux prétendants au titre. Paris est dans une meilleur dynamique et aborde donc le rendez-vous galant avec un cialis en poche. Voici pourquoi.

 

Les Coachs : Marcelo Bielsa a indéniablement plus de charisme que Laurent Blanc. Même si ce dernier envoie un brin plus de swagg (encore qu’il serait temps de lui expliquer que cet espèce de bouc de hardeur du sud est ringard depuis 1982), Marcelo lui se linge avec le survet du club et s’en bat complètement les couilles de son allure, posture vestimentaire qui démontre s’il le fallait que sa marmite cérébrale bouillonne plein gaz. D’ailleurs il a soufflé un vent d’air frais technico-tactique sur la Ligue 1 en même temps qu’il a déclamé son espagnol monocorde en conférence de presse. Mais, depuis Chelsea, Paris peut se targuer d’avoir un Laurent Blanc majuscule, peut-être enfin positionné sur la carte des coachs européens. Son accent du sud pèse quand même très lourd au moment des ultimes délibérations.

AVANTAGE OM.

 

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Les Gardiens: Sirigu est trop beau gosse. Même si Marseille gagne, sûr que la raclie de Mandanda aura laissé une batterie de sextos sur le 06 de Salvatore.

AVANTAGE PSG.

 

Les Remparts : Nkoulou avait le buzz en 2012, Rod Fanni paye à boire, Djadjédjé est au mieux un exercice d’orthophonie et Jérémy Morel a un blaze de stagiaire ou de pompiste. Ok, tous alignés y’a un côté terroir et fait à la main, mais bon…

À Paris les défenseurs viennent de reprendre une bouteille au TT Twister: David Luiz a la patate il vient de rebaiser son ex, Thiago Silva fait flipper avec son talent et sa rigueur, Marquihnos ferait presque oublier son appareil dentaire, Maxwell est propre comme un missionnaire avec un amour d’été et Van Der Wiel est tout pourri mais on lui pardonne en faisant des Google image de sa meuf.

AVANTAGE PSG.

 

Les Artistes: On rentre dans le vif. Côté azur, Dimitri Payet… ouais ouais, y’a du crochet court, une belle vista, une certaine humilité, une coupe pas trop répugnante. Florian Thauvin… bof bof, le profil du joueur qui élimine sans jouer au foot, qui compte ses petits ponts à la fin d’un match perdu 4-0. Heureusement il y a Imbula. Propre. Fort. Technique.

Motta, fin de carrière, fin de règne, le buste haut, il a encore quelques passes soignées à donner et quelques semelles à offrir. Pastore a le talent tendre et juteux comme une pièce de bidoche argentine. Quant à Marco Verratti, l’admiration et la fascination se disputent mon clavier. Le destin est d’ores et déjà écrit : il va éliminer ses adversaires dans sa propre surface, prendre un jaune à la cinquantième et donner une passe dé que Cavani va vendanger comme un joueur à 35 euros.

AVANTAGE PSG.

 

Les Happy Ending: Ce sont les buteurs, les joueurs censés finir les actions, comme les putes viets dans les salons de massages. Je vous écris de Saigon d’ailleurs, et j’y ai déjà le désagréable souvenir d’une hôtesse courte sur pattes et courte sur cul qui me demande beaucoup trop d’oseille pour une pipe. Ça me rappelle Cavani. Edinson plante quand même un nombre de buts tout à fait louable mais au vu des occasions qu’on lui offre sur un plateau et du montant de son transfert, son compteur devrait être indécent. Ibra se dirige en trottinant vers sa retraite mais on est pas à l’abri d’un triplé et ça c’est cool. Pour Lavezzi, autant ne pas compter sur lui, il rentrera de résoi le jour du match à 16h.

Plus au sud, André Pierre Gignac. J’aime bien son nom qui sent la France comme une vieille édition de Marcel Pagnol. En tant que supporter parisien, il ne m’inquiète pas trop, comme un gars avec des blagues trop grasses et une chemise trop beauf qui drague ma meuf. Batshuayi, par contre, s’est révélé très efficace et il pourrait bien être l’athlète cultivé qui pécho ma meuf devant mes yeux. Méfiance les sos!

AVANTAGE PSG.

 

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Je sais comme vous que ces petites tendances s’autodétruiront au coup de sifflet. La réalité du terrain est totalitaire et ne livre son verdict qu’après coup. Toujours est-il que j’ai hâte, nous avons hâte, de pouvoir réveiller nos pulsions régionalistes et insulter l’arbitre et l’équipe adverse pendant une heure et demie. Le YARD office va lui aussi naviguer dans les sinuosités ordurières du langage et il n’y aura qu’un neutre Guingampais pour tenter de ramener les esprits à la raison. Pour ma part je serai toujours au Vietnam… et si cette tchouin de Cavani rate ses face à face il n’est pas dit que je n’aille pas demander un discount dans le salon le plus proche.

Nike dévoile de tout nouveaux coloris pour son modèle ultra-ventilé : la Free Virtuous. Un premier assemblage d’inspiration color-block dans des coloris « cramoissi brillant » qui mêle de façon frappante les couleurs complémentaires que sont l’orme, le marine et le « bleu légende ». Dans une association, plus tempérée, la « retro clair » se fond dans des tons verts où seule le talon frappe de sa couleur ocre. Dès a présent disponible sur le NikeStore, vous retrouverez aussi les coloris blanc loup et fuchsia flash.

 

 

Deux mois après l’annonce de sa collaboration avec Warner Bros, la marque Nike à l’occasion de sa collection de Pâques dévoile deux des modèles de Jordan attendus : la  Air Jordan 1 Mid “Hare” et la Air Jordan 1 Mid “Lola”.

Les deux paires de sneakers révèlent sur la languette une silhouette du malicieux Bugs Bunny qui revêt une tenue et un ballon de basketball pour l’occasion. La languette est multicolore et s’inspire principalement de la carotte de Bugs indissociable signature du personnage. Le mot « Hare » qui signifie lièvre se trouve sur le talon de la chaussure. Le rendu est pétillant, du vert menthe, du jaune ou du rose  suffisent à rappeler l’univers de Warner Bros. Le modèle plus féminin « Lola »  est jaune moutarde et rose poudré principalement et dispose des mêmes attribus que sa congénère. Les deux modèles seront disponibles le 4 avril sur le site Jordan.

 

 

 

Retour en 1981. Toujours charismatique et toujours légendaire, Muhammad Ali conclut cette année-là sa carrière de poids-lourd. Ses combats ne sont plus aussi glorieux et son « Last Hurrah », son avant-dernière opposition face à Larry Holmes, ne recevra pas la considération espérée par le champion. Pourtant, le personnage n’a rien perdu de son éloquence et de sa grandeur. La preuve en une image.

 

C’était un lundi. En tout début d’après-midi, le 19 janvier, Joe, un jeune afro-américain de 21 ans, grimpe à l’échelle incendie d’un immeuble du boulevard Wilshire à Los Angeles. Au neuvième étage, il s’arrête et se pose sur le rebord d’une fenêtre en hurlant qu’il est prêt à se suicider puis hystérise dans un jargon militaire, que les « Vietcongs » vont venir le chercher. Très vite, la police arrive sur place. Les forces de l’ordre tentent sans succès de le raisonner, elles font appel à des professionnels : d’abord un psychiatre, puis un aumônier, qui n’arrivent pas à convaincre le jeune homme de descendre. Joe se balance alors dangereusement et dans la foule qui s’amasse à ses pieds, certain cyniques lancent des « Saute ! Saute! ».

C’est à ce moment qu’Howard Bingham assiste à la scène. Photographe autodidacte réputé pour ses clichés mythiques du boxeurs Muhammad Ali, il est l’un de ses meilleurs amis. Soucieux de la finalité de cet évènement, l’artiste approche la police en leur proposant de ramener Ali, qui habite tout près de là. Si Bingham est certain de l’influence de son ami qu’il a pu éprouver lors de multiples voyages autour du monde, les policiers ne sont pas pour autant convaincus.

« Je suis retourné à ma voiture et j’ai appelé Ali quand même. Je lui ai dit qu’il y avait un gars là-haut, dans l’immeuble à un mile de chez lui et qu’il pouvait peut-être y passer. » raconte le photographe. Ali monte alors dans sa Rolls-Royce, apprêté d’un costume immaculé. En arrivant par la mauvaise direction et les phares allumés, le boxeur refroidi encore plus la police déjà peu enclin à ce qu’une célébrité intervienne, tel un héros en plein film Hollywoodien. Le sergent Bruce Hagerty, sur place ce jour-là, raconte qu’ils ont finalement changé d’avis :  » Joe disait qu’il allait sauter de tout façon et il était proche de le faire. Nous avons décidé de donner une chance à Muhammad de lui parler. »

Ali monte alors les neuf étages et par la fenêtre la plus proche, il apparaît à Joe qui s’exclame instinctivement :  » C’est vraiment toi ? «  Les deux hommes discutent alors et l’athlète apprend que son interlocuteur déprime à cause d’une situation familiale et professionnelle délicate. Le poids-lourd demande alors à s’approcher afin de faciliter la discussion et se retrouve à la sortie incendie. Puis à Joe de raconter que la police le pensait armé et que personne ne voulait s’approcher de lui. Avant de monter, le champion lui aurait dit « Je sors, mais ne me tire pas dessus.« ; ce à quoi Joe aurait répondu : « Je ne tirerai pas. Je n’ai même pas d’arme. »

Leur conversation reprend, et Joe exprime à ce moment tout son mal-être : « Je ne vais pas bien. Je ne vais pas bien. » Ali lui rétorque passionnément : « Tu es mon frère. Je t’aime et je ne te mentirai pas. Tu dois m’écouter. Viens à la maison avec moi, rencontrer quelques uns de mes amis. – Pourquoi tu t’inquiètes pour moi ? Je ne suis personne. – Tu n’es pas « personne » ! »  Ce leader de la communauté afro-américaine est ému aux larmes par le trouble du jeune homme. Pour l’empêcher de sauter, il lui propose de l’aider à trouver du travail, d’intercéder en sa faveur auprès de ses parents et fini par lui dire : « Si tu sautes, tu iras en enfer, parce qu’il n’y a aucun moyen de se repentir. »

C’est après 30 minutes d’échange que Joe finira par descendre avec Muhammad Ali. Le champion du monde, une fois l’incident terminé, déclare à la presse : « Joe connait mon adresse. Je leur [les forces de l’ordre, ndlr] ai dit de me l’amener une fois qu’il auront fini avec lui. Je l’aiderai. Il sait qu’il a une maison, ma maison. »

Une histoire qui fini bien et qui renforce la légende du boxeur charismatique désigné ensuite par la presse comme un « superhéros ». Pourtant, trois mois plus tard, Joe tente à nouveau de se suicider sans y parvenir. Quand la police le récupère, une nouvelle fois, le jeune homme dénonce alors la pression de l’effervescence de la médiatisation dont il a été l’objet lorsque Ali lui sauva la vie.

Généralement lors d’un voyage la coutume veut que l’on visite des lieux dits « touristiques » mais d’autres fois la découverte d’un pays nécessite un passage oblige dans des endroits bien plus insolites.

Thomas Windisch est un photographe amateur autrichien passionné d’exploration urbaine. L’artiste immortalise des lieux laissés à l’abandon, comme figés dans le temps. A travers son objectif, Thomas Windisch leur redonne une seconde vie, son appareil devient une machine à remonter le temps. Ainsi, à travers ces clichés incongrus chacun peut gamberger sur l’histoire de ces lieux. La dernière série de photos de l’autrichien est consacrée aux vestiges du plus grand hôtel abandonné d’Autriche. Ce dernier n’a rien perdu de son faste, ou presque. Thomas Windisch vous propose de découvrir ce pays sous un nouvel angle, celui d’un hôtel où des salles sont presque intactes tandis que dans d’autres la nature s’est installée. Ce lieu de vie dénué de toute humanité prend des airs du Stanley Hotel du film Shining.

 

NikeLab lance la collection White Label destinée aux homme. Parmi la collection le pack camo, composé d’un sweat à capuche entièrement zippé et d’un shortretenu notre attention.

Le motif militaire est à l’honneur sur ce modèle camouflage décliné en 3 coloris : vert kaki, gris/noir ou bleu canard. Le Tech Fleece AW77 Full-Zip a été conçu par le NikeLab afin de prévenir le temps pluvieux puisque son tissu est imperméable. Le Lab a poussé la personnalisation assez loin puisque sa capuche est ajustable et les coudes réglables pour un plus grand confort. Le short a été conçu pour être pratique puisqu’il comporte de multiple poches et a été fabriqué dans une matière innovante qui permettrait de parfaitement conserver la chaleur du corps. Tout celà à un prix, comptez 115 euros pour le short et 240 euros pour le sweat dès à présent disponible sur le NikeLab.

Un drôle d’oiseau le Bronsolino. Une élégance rustre, une dégaine de viking avec ses courbes de bibendum et sa barbe rousse XXL. Un mash-up, loufoque et improbable, entre Ghostface Killah et Gordon Ramsay. Un imaginaire délicieusement absurde porté par une musique-ovni fourrée aux bons mots, percutants, ciselés, barrés. Ambiance potache et régressive. Exquise.

 

De la bouffe aux beats

 

Fils unique d’un immigré albanais et d’une juive brooklynoise à tendance hippie, Arian Arslani, est un pur produit du Queens, comme ses idoles Nas, Mobb Deep et Kool G Rap qu’il adule par dessus tout. Son quartier de Flushing, grouillant de restaurants, d’étals de nourriture et de commerces en tous genres, a des faux airs de Chinatown (la moitié de sa population est asiatique), mais en plus authentique. Lui, vit tout près du coin jamaïquain. Son père met un point d’honneur à respecter les mœurs musulmanes mais Action aime trop le porc pour s’y tenir.

Arian a dix ans quand le rap abrasif du Wu-Tang Clan et de son cultissime Enter the Wu-Tang (36 Chambers) bourdonne dans les enceintes du ghetto blaster de son pote Miguel, le gifle et l’embrase. Il tombe alors amoureux du hip-hop et de l’un de ses plus beaux porte-drapeaux de l’époque. Avant de palper le mic, Action graffe, beaucoup, et vend de l’herbe, un peu. Il la fume plus qu’il ne la deale. Aux alentours de 2004, le jeune homme perd beaucoup de poids suite à une opération de la vésicule biliaire et décide de changer de vie. Il arrête (provisoirement) la weed et étudie la bonne chère sur les bancs de l’Institut d’Art de New York. Là-bas, l’étudiant rencontre la mère de ses deux rejetons, Elijah et Hannah. Plus tard, il confiera dans une interview : « Je suis un père avant tout. Fuck l’artiste. Il n’y a que mes enfants qui comptent, je fais cette merde pour eux ».

Chef à 20 ans et des poussières, le cuistot tranche, taille, cisèle, émince, mijote et marine pour divers établissements, dont le restaurant albanais du patriarche à Forest Hills et le Citi Field Baseball Stadium pour les New York Mets, qui le mettra à la porte. Il distillera même ses conseils gourmands dans une mini web-série aux vapeurs hip-hop, filmée à l’arrache, « Action in the kitchen ». Le rap le tente depuis belle lurette mais le New Yorkais rechigne à sauter le pas par peur du ridicule. Finalement, motivé par son acolyte Meyhem Lauren, il finit par cracher sa première rime, une mauvaise copie de gangsta rap : « $30,000 on my wrist » (« 30 000 dollars sur mon poignet »). Il se sent con mais continue, affute sa plume et son flow en-dehors des fourneaux, avec Meyhem et Jay Steele. Le trio s’appelle The Outdoorsmen et lâche sa première mixtape en 2007, Last of a Dyin’ Breed: Volume 1, hostée par J-Love.

Puis le 31 janvier 2011 au matin, le cuisinier glisse et se vautre sur le carrelage de la cuisine de son établissement. Une douleur lui déchire la jambe et l’ankylose. Contraint de raccrocher le tablier, Bronson remet le nez dans ses carnets griffonnés de lyrics acérés. Il les noircira nuit et jour pendant deux mois depuis son lit d’hôpital. C’est décidé, il sera rappeur à plein temps.

 

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Une jambe bionique plus tard, le rouquin dégaine coup sur coup une mixtape, Bon Appetit ….. Bitch!!!!!, un EP, The Program EP, et deux albums, Dr Lecter et Well-Done (en collaboration avec l’incontournable Statik Selektah, rencontré quelques temps plus tôt sur Twitter). La barbe n’est pas encore épaisse, le cheveu rasé à blanc ; mais l’appétit du bonhomme est gargantuesque, ses projets boulimiques. Il se goinfre de hip-hop jusqu’à s’en bousiller les crocs, craint en vérité que sa carrière d’emcee s’arrête, elle aussi, brusquement. « Bon Appetit ….. Bitch!!!!! » ne comporte pas moins de 35 tracks. Le rappeur y impose son flow musclé, sa voix rocailleuse, légèrement pincée, et son écriture singulière, nappée de punchlines culinaires. Quant à Dr Lecter, le projet célèbre au second degré l’anti-héros du Silence des Agneaux. Dans la plus pure tradition hip-hop new yorkaise, Tommy Mas, son producteur, découpe des samples jazz, funk, blues et soul, pour concocter ses beats, bruts et rétro. Action Bronson y parle encore de bouffe, sexe et herbe fraîche, son triptyque-signature, cite Barry Horowitz (superstar du catch), Chuck Person (joueur NBA des années 80/90), Ronnie Coleman (bodybuilder), Liu Kang (personnage de Mortal Kombat), Dennis Eckersley (ancienne gloire du baseball) ou encore Larry Csonka (joueur de foot américain des seventies). Un méli-mélo savoureux. Il s’en tient à la même recette pour Well-Done, saucé par les productions, minimalistes et délectables, de Selektah. Action Bronson a trouvé sa patte, hors-norme et sublime.

 

Rétro-modernité

 

Biberonné au rap new-yorkais des nineties, sa musique en porte incontestablement les stigmates tout en sonnant avant-gardiste dans le même souffle. « C’est une approche moderne du rap classique », pose l’intéressé dans une interview à Daily Beast. Son simple flow, quasi-identique à celui de Ghostface, nous ramène immédiatement à l’époque bénie du hip-hop. Action Bronson musarde entre old school et modernisme, mitonne ses opus avec des producteurs de légende comme The Alchemist, DJ Premier ou Statik Selektah, et d’autres plus « frais » comme Mark Ronson, Party Supplies ou Noah « 40 » Shebib, le faiseur des titres de Drake. Il mélange et agite tout ce beau monde (excepté DJ Premier) sur son dernier et excellent album, son premier essai signé en major sur Vice/Atlantic Records, Mr. Wonderful, où se télescopent hits (« Actin Crazy », « Easy Rider »),  beats à la fois chill (« A light in the addict »), jazzy (« Galactic love ») ou soulful (« The Rising »), puis des sonorités boom-bap (« Terry »), riffs de guitare eigties (« Only in America »), blues rétro-psychédélique (« City Boys Blues ») et balades pop-rock (« Baby Blue »).
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Le morceau « Contemporary man », extrait de la mixtape Blue Chips 2, résume toute l’ambiguïté du bonhomme : il annonce une contemporanéité tout en samplant des tubes des eighties, de Peter Gabriel à Phil Collins (Party Supplies change de beat cinq fois). Bronsolino peut croiser le micro avec Prodigy, Fat Joe, le Wu-Tang, Kool G Rap, Lil’ Fame ou Styles P ; mais aussi avec Wiz Khalifa, Earl Sweatshirt, Chance The Rapper, Mac Miller, Danny Brown ou Schoolboy Q. Il peut poser sur des productions épaisses calibrées pour le mainstream et former un supergroupe (M.A.R.S) avec la crème de l’underground (Cormega, Roc Marciano et Saigon), sous la houlette de Large Professor. Il peut se nourrir de films historico-iconiques et de vidéos crétines sur YouTube, mentionner Zinedine Zidane puis Lionel Messi, Paul Orndorff (le « vrai » Mr. Wonderful) puis Rey Mysterio, Dikembe Mutombo puis Chris Paul, Rickey Henderson puis Dillon Gee, Madonna puis Keri Hilson, Michael Jackson puis Usher.

L’homme brasse allègrement le neuf et l’ancien pour en faire une mixture furieusement moderne, un rap atemporel.

 

Acteur studio

 

« Quand je commence sur « The Rising », je veux que vous pensiez à Terminator quand il arrive sur Terre. Il est nu, en boule, et la lumière est incroyable. C’est une scène folle, il y a des éclairs partout, et là : « Je suis arrivé. Terminator est arrivé ». Cette chanson, c’est ça», raconte Action Bronson auprès du magazine Complex. Quelques mois plus tôt, il décrivait déjà sa mixtape Rare Chandeliers comme un action movie funky à la sauce seventies. Le ventru de rappeur rêve de cinéma et s’improvise acteur dès qu’il le peut. Dans une interview à l’abcdr du son, il reconnait d’ailleurs : « Je voudrais faire des films un jour. Mais qui ne voudrait pas devenir acteur ? ». Son blaze lui-même lui vient de Charles Bronson, dont il dévorait les films, gamin, avec son grand-père. Ses clips, presque toujours hallucinés, sont un prétexte pour jouer la comédie. Pour « Actin Crazy », il prend les manettes d’engins fantasques avant de dunker au-dessus des nuages, dans la foulée d’un un-contre-un avec un dinosaure ; le tout sur fond vert et entre deux bouchées de céréales. Dans l’introduction de « Baby Blue », inspiré du nanard Coming to America, il se triplique dans un salon de coiffure puis interprète tour à tour un oligarque russe en fourrure, un employé de restaurant en gilet et béret à tartan, un crooner albanais et l’un de ses spectateurs en pull Coogi. The Symbol pastiche les films policiers de Blaxploitation ; il y campe un justicier borderline, à la gâchette légère, en perruque platine à frange. « Easy Rider » enfin, emprunte son esthétique aux road movies (à commencer par celui du même nom) ; le clip convoque Las Vegas Parano, Wayne’s World, Kill Bill ou encore la série Sons of Anarchy. La pochette de « Mr. Wonderful » célèbre, elle, le grand écart de Jean-Claude Van Damme, dont Action s’assume fan. L’emcee entrecoupe en outre l’album d’un mini-sketch musical bluesy (« THUG LOVE STORY 2017 THE MUSICAL »).

 

A

 

Son écriture en soi peut, elle aussi, prendre des allures cinématographiques. Sur le titre « Hookers at the point » par exemple, Bronson rappe en modulant sa voix selon le point de vue d’un mac (Silk aka Montel), d’une prostituée (Cyndi) et d’un client (Dano dans le texte, Ramón dans le clip). Bluffant. Presqu’un virtuose qui s’ignore (il s’étonne toujours d’être payé pour ce qu’il fait), le emcee enrobe copieusement son rap de fun et de dérision, s’emploie à en faire un spectacle, un feel-good movie extra jouissif.

 

Folie douce

 

Sa musique comme sa vie ont le goût de la folie, drôle et récréative. Les stupéfiants étourdissent ses neurones et dopent son imagination. Rompu aux WTF, Action fait tâche d’huile dans la raposphère. Il ose tout, glisse parmi les tracks de son « Mr. Wonderful », un live rock déroutant, purement instrumental (« The Passage : Live From Prague »), raffine le mauvais goût et les blagues grasses. Son obsession première, la nourriture, saupoudre et sublime ses vers, du type : « Rims spin just like spaghetti on the pasta fork » (« Mes jantes tournent comme des spaghettis autour d’une fourchette ») ou « I’m straight raw like Carpaccio » (« Je suis cru comme le Carpaccio »). Egotrip gastronomique. L’ancien cuistot gave également son rap de références kitschissimes à la pop-culture, entre vedettes de seconde zone, célébrités déchues, sportifs obscurs (il est fou de basket et de catch) et navets cinématographiques. Quatorze de ses titres prennent le nom d’une personnalité plus ou moins populaire (Ickey Woods, Steve Wynn, Sylvester Lundgren – mix entre Sylvester Stallone et Dolph Lundgren -, Dennis Haskins, Mike Vick, Ron Simmons, Jackson Travolta – mix entre Michael Jackson et John Travolta -, Ray Lewis, Barry Horowitz, Steffi Graf, Larry Csonka, Ronnie Coleman, Chuck Person et Mark Sanchez).

 

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« Pop » jusqu’au bout des ongles, Action s’est même fait tatouer sa BMW et le logo New Balance sur ses bras dodus. Son imagerie, démente, foutraque et burlesque, est bourrée de running gags ambiance coussins péteurs. En témoigne le mini-documentaire poilant « Mr. Wonderful » où un jeune thug, une grand-mère et une famille de latinos révèrent Bronsolino, leur Dieu, dont ils ont tous une icône accrochée au mur. Le premier lâche un « Sans lui, je ne me laverais pas le cul, je n’appellerais même pas ma mère. Merde, il est ma mère », la seconde encourage sa petite-fille à le prendre pour modèle tandis que les derniers prient pour que sa barbe continue de pousser. La vidéo se conclue sur un Action Bronson surpris sur ses W.C, beuglant pendant l’effort. Dans son émission online « Fuck that’s delicious » diffusée sur Vice (Munchies), il plante un concert pour aller courir dans la rue avec une poignée de fans ou s’acheter du poulet, râpe de la weed sur sa pizza, mange des côtes de bœuf sur un parking, un milkshake au baklava-bacon ou des oreos frits recouverts de glace menthe-chocolat. Givré mais génial.

Excessif, Action l’est aussi dans sa générosité. Il se donne sans mesure, passionnément ; livre un peu moins de dix mixtapes ou EP et trois albums, dont certains gratis, en seulement quatre ans de carrière, s’époumone sur chacun de ses vers, étouffe ses fans de hugs et prend volontiers la pose pour leur smartphone, bouillonne sur scène, se produit en maison de retraite et fait grimper les handicapés sur ses épaules lorsqu’il en aperçoit à ses concerts. Action Bronson, c’est un moelleux bien fat au cœur coulant. Coqueluche des puristes, des hipsters, des mecs de quartier, des jeunes et des vieux, sa singularité fait paradoxalement l’unanimité. D’anomalie du hip-hop, Action est en passe de devenir, à la force de ses bras mous, de son talent surtout, une sommité.

 

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Alors que le Air Max Day vient de toucher sa fin, Nike lance une nouvelle version de sa désormais classique Air Max 90.

La nouveauté du modèle « Vapor » réside essentiellement dans l’association des couleurs : à une base noire s’additionne une languette, des lacets et une toe-box vert menthe avec un effet « filet ». La célèbre virgule, de la même couleur est en cuir de crocodile. L’outersole ainsi que la bulle sont d’un rouge flashy qui finit de donner à la Air Max 90 Essential un revêtement accrocheur et frais. Le modèle est désormais disponible sur le site Wishe ou dans leur boutique située à Atlanta.

 

HLenie est de retour de son voyage à Istanbul. Au programme, visite de la métropole Turque, de ses marchés ouverts et de ses restaurants et passage dans le stade Şükrü Saracoğlu pour un électrique Fenerbahçe – Galatasaray. Quelques mots de la photographe :

Entre Orient et Occident, Sainte Sophie et la grande Mosquée bleue, j’arpente la ville remplie de surprises, de contrastes, les cultures se répondent, se croisent, fusionnent parfois. Istanbul, lieu de rencontre, à cheval sur deux continents.

Nike lançait le 19 mars son « White Hot » Pack  pour la collection Spring/Summer 2015 composé de Blazer, de Dunk et de Lunar Force 1. La marque à la virgule a décidé de revisiter trois autres de ses modèles phares : la Huarache, la Air Max 1 et la Air Max 90.

Le beau temps réapparaît et cette année Nike mise tout sur le look blanc immaculé. La formule est la même pour la Huarache, la Air Max 1 et la Air Max 90 : un corps en cuir blanc porté par une semelle en gomme d’une légère teinte brune venant contraster sa blancheur. Le « White & Gum » Pack adopte un style qui se veut simple et efficace pour les journées d’été. Elles seront disponibles dès le 4 avril chez des détaillants comme le site japonais Atmos.

C’est à Londres que YARD rencontre Selah Sue en plein tournage de la vidéo du titre « Alone », premier extrait de son album « Reason » disponible dès le 30 mars.
Découvrez les coulisses de son tournage.

À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Je suis devenu supporter du PSG à l’âge de 10 ans. Étant de province, j’ai vu mon premier match à la télévision en 1995. J’ai découvert toute la génération de Raï et Weah, c’était la première fois que je voyais le PSG jouer.

Quel est ton premier souvenir de supporter ?

C’était le match retour contre Barcelone en 1994-95, avec les deux buts de Guérin et de Raï. Ce match extraordinaire qu’on finit par remporter et qui nous mène en demi-finale de Coupe d’Europe. Malheureusement, on perd derrière contre le Milan AC. C’était la première fois que je me suis pris de passion pour ce club.

Comment définirais-tu ta relation avec le PSG ?

C’est une relation amoureuse. Comme quand tu tombes sur quelqu’un et que tu as un coup de foudre, tu ne peux plus changer la direction de ton regard. Je me souviens très bien avoir acheté mon premier maillot avec mes économies – un maillot bleu – et je n’ai plus jamais changé de couleur. C’était mon premier achat assez important et depuis je ne l’ai jamais quitté. Je ne quitterai jamais le PSG.

Quelle est ta réaction après la victoire et la défaite ?

Après une défaite, je suis invivable ! Il ne faut pas trop me parler, je déteste perdre et je déteste que le PSG perde. En cas de victoire, tu peux avoir une journée complètement pourrie au travail, ou tu as beau avoir eu une nouvelle difficile à entendre, ça n’a pas d’importance. Si jamais le PSG gagne, ça peut complètement changer la physionomie de ma journée, et je serai heureux quoi qu’il arrive.

Quel est l’objet ou le symbole qui définit le plus ta passion pour ce club ?

Je me suis fais tatouer le blason de la ville de Paris. Je suis amoureux du PSG et de la ville de Paris. C’est ce que je porte quotidiennement sur moi, puisque c’est tatoué.

 

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Comment ton entourage subit ta passion ?

C’est quelque chose qui s’est fait assez naturellement et assez tôt puisque j’ai tout de suite été un gros fan du PSG et étant de province, tu te retrouves un peu tout seul. Tout le monde est pour Marseille, quand je jouais dans un club de foot j’étais le seul à porter un maillot du PSG, tout le monde avait le maillot de l’OM. Paris c’est un club qui est aimé au sein de Paris mais tu sens que dans le reste de la France il y a quelque chose de très pro-Marseille. Donc déjà c’est la sensation d’être seul contre tous donc il y a très vite ce sentiment de devoir se battre pour pouvoir faire aimer ce club. Personnellement, je me sentais plutôt à l’aise avec ça. Mes proches avaient toujours ce côté un peu chambreur, sachant en plus qu’on a eu des heures un peu difficiles avec Paris. Tout ça ne m’a jamais fait changer de club. Quand tu es petit tu peux être influencé, mais c’était moi qui essayait d’amener les autres à la raison. Puis une fois arrivé à Paris, tu retrouves pleins de gens qui sont pour ce même club et forcement tu te lies d’amitié avec eux et là ça devient beaucoup plus facile. Mais du côté de ma famille, ils savent que ça a toujours été Paris et maintenant mes parents, ma sœur, par la force des choses, me demandent et suivent les résultats.

Quelle est la plus belle ambiance de stade que tu aies vécue ?

Je suis arrivé à Paris à 24 ans, je n’avais pas eu beaucoup l’occasion d’aller voir de match de Paris avant. J’ai vite rattrapé mon retard et je me suis abonné. La dernière grosse ambiance que j’ai vécue au Parc, c’était PSG – Chelsea en quart de final l’année dernière avec ce 3-1 et le dernier but  de Pastore dans les arrêts de jeu. À ce moment-là, l’ambiance était incroyable, ça criait, ça chantait, tout le monde s’aimait et à la sortie du stade. Je me souviens très bien il y avait une atmosphère électrique. Tout le monde se prenait dans les bras, tout le monde se congratulait. C’était vraiment quelque chose de génial. Il n’y a que ce genre de match en Champions League qui peut nous transporter vraiment dans des ambiances connues lors des époques précédentes.

Quel est le chant qui te fait le plus frissonner ?

Le chant qui me fait le plus frissonner c’est « Ô Ville Lumière » car il reflète un peu tout ce à quoi les gens pensent autour de cette ville de Paris. Et puis en général, c’est un chant que tout le monde connaît, que tout le monde chante en cœur dans le stade. Quand les 45 000 personnes se mettent à chanter, ça donne des frissons et on sent que ça soulève presque le Parc des Princes. Ça doit transcender les joueurs aussi.

Quelle est la marche à suivre pour devenir un 300?

Il faut répondre à diverses questions comme : « Quel est le plus beau but pour toi ? », « Quel est le match qui t’as le plus transcendé ? », « Un souvenir personnel ? »  Ce n’est pas nécessairement les plus beaux buts qu’on ait vu, parce que tout le monde va répéter la même chose, on va parler des buts de Ronaldinho ou de Pauleta ; c’est plutôt une action dans un match, quelque chose qui nous a fait aimer ce club. On peut parler d’un joueur qui n’est pas forcément le plus connu mais qui avait un certain charisme, qui se battait peut-être plus sur le terrain. Donc nous devons répondre à toutes ces questions, puis ensuite il faut faire vivre le groupe, mais avant tout c’est une bande de copains qui aiment la même chose. Donc en général c’est plutôt facile.

En quoi te sens-tu légitime dans ce club ?

Au sein des 300, ma légitimité est comme celle des autres. On est là pour débattre, débriefer, rigoler, se lancer des piques de temps en temps… Il n’y a personne qui soit vraiment au-dessus, ou qui ait un rôle précis. Forcement il y a le « coach » (surnom de Jonathan Candan, ndlr) qui à créé ce groupe. Après c’est nous qui le faisons vivre et je pense que chacun à sa petite pierre à apporter à l’édifice, c’est le plus important. Ce que j’aime beaucoup dans ce groupe c’est que ce n’est pas ouvert qu’aux Parisiens, on accueille des gens comme moi qui viennent d’une autre ville. C’est vraiment l’amour que tu as pour ce club qui compte.

 

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Que représente l’OM pour toi ?

L’OM c’est ce côté populaire que tu peux trouver en province où tout le monde est pour l’OM, tout le monde renforce le club. Malgré cela, je ne peux pas les encadrer. Tout le monde était pour eux donc je devais me battre trois fois plus qu’une personne normale qui était pour Marseille pour montrer les valeurs du club du PSG. Marseille est l’opposé de Paris, je les déteste autant que je peux aimer Paris.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

Une des plus grandes joies, c’est le fameux 3-0 du PSG à Marseille avec le but de Ronaldhinho, et le doublé de Jérôme Leroy. On voit Ronaldhino qui dribble tout le monde, ensuite il met la balle et tu as Jérôme Leroy qui vient tacler. Cette victoire à l’extérieur était tellement jouissive. En plus de ça les buts sont tellement beaux, c’est une des victoires de Paris qui m’a le plus marqué.

Quelle est ta plus grande peine lors d’un PSG vs OM ?

Une des plus grandes arnaques était cette scandaleuse simulation de Ravanelli. On la regarde aujourd’hui et on se marre avec le recul ! C’était quelque chose qui m’avait beaucoup révolté, comme beaucoup de Parisiens. Il l’avait faite face à Rabesandratana, c’était tellement grossier que c’est incroyable que l’arbitre soit tombé dans le panneau. C’est l’un des plus mauvais souvenir que j’ai : se sentir floué et trahi. Tu as toujours l’impression que tu as tout le monde contre toi dans ce genre de match.

Quel est le but le plus fort en émotion que tu aies vécu lors d’un PSG vs OM?

Le fameux but de Pauleta qui entraîne la balle sur le côté gauche, avec Barthez par la même occasion, et qui en se retournant te met la balle dans un angle complètement fermé en le lobant légèrement pour mettre la ballon au fond. C’est un des plus beaux buts techniquement qu’il puisse y avoir lors d’un Classico. Il y en a eu bien d’autres mais celui-là a une saveur particulière et Pauleta était un grand attaquant pour nous, donc quand on l’a mis c’était complètement fou.

Quel est le geste technique qui t’a le plus transporté lors d’un PSG vs OM ?

Lors des affrontements entre Marseille et Paris, Ronaldhinho était particulièrement en forme. Des gestes qui m’ont transporté, il y en a plusieurs, sa virgule entre autre. Dès qu’il y avait Marseille, tu sentais qu’il en avait laissé dans le sac et qu’il sortait tout à ce moment-là. Il y a plusieurs gestes techniques qui sont incroyables, mais il y en a un en particulier : c’est le but qu’il marque techniquement. Il y a cette balle avancée en profondeur, lui qui court, qui court, qui court… Il résiste à la charge de deux défenseurs et tu penses qu’un des deux va le prendre… Le gardien sort, il te met une petite balle piquée extérieure. Impossible de savoir comment il arrive à la piquer alors qu’il reste 10cm entre la balle et le gardien. De ne pas tomber déjà est fou, mais alors en plus de faire le bon geste avec les deux Golgoths derrière… Ce but est juste incroyable.

 

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Comment vois-tu l’évolution du Classico aujourd’hui ?

L’évolution du Classico par rapport aux dernières années, avec l’arrivée des Qataris au PSG, a forcement donné une autre dimension au club. Sur ce genre de match c’est beaucoup plus facile de battre Marseille. Mais c’est vrai que cette année c’est beaucoup plus intéressant. On a beau dire ce qu’on veut et détester l’OM, on a quand même envie de voir des gros chocs. On a envie de voir une équipe qui peut se mesurer à nous. C’est quand même plus intéressant que de les piétiner et de les écraser trop facilement. Cette année avec Marcelo Bielsa à Marseille, c’est intéressant parce qu’ils jouent vraiment bien et en plus de ça tout le monde est encore en course pour le titre. C’est vraiment le genre de Classico que tout le monde aime voir, que tu sois du côté de Paris ou de Marseille. Je peux te dire que le lendemain ça va chambrer pour la défaite de l’un ou l’autre.

Ton pronostique pour le 5 avril ?

Paris va gagner, et Marseille marquera. Je pense que Gignac va marquer, mais je pense que Paris va l’emporter 2-1. Cavani et Lavezzi marqueront.

Quelle est la vie d’un supporter parisien sans Marseille ?

Elle continuerait, mais elle aurait moins de peps. Si tu enlèves le Classico, on perd de l’intérêt. Forcément on aimera toujours autant notre club, on le supportera toujours, mais il n’y aurait pas ce goût du sang, du moment où il faut se battre. Quand on commence le championnat, dès que tu as le planning, tu notes deux dates sur le calendrier : quand Paris reçoit Marseille et quand Paris va à Marseille.

 

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À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

J’étais ado, prépubère et je grandissais en banlieue. Mon père m’emmenait beaucoup au Parc, c’est devenu un héritage : d’abord le football, et par la force des choses le PSG. Je suis très attaché à ma ville, à ma banlieue et je pense qu’il n’y avait aucune autre façon pour moi d’aimer le sport que de passer par le PSG.

Quel est ton premier souvenir de supporter ?

Cela doit être l’un de mes premiers matches au Parc des Princes. Je suis né en 1980, donc ça devait être en 1986-87. Au début, j’y allais plus comme un spectateur fasciné par le Parc que par le PSG. Le premier gros match, je pense que c’était celui de 1993 contre le Real. C’est à ce moment-là que mon amour pour ce club est né. La capacité de retourner un match et d’arriver à transformer un scenario qui était perdu en une victoire magnifique avec ce but de Kombouaré, c’était incroyable. Je pense que je me suis roulé par terre et que j’ai embrassé ma télé ce soir-là.

Comment définirais-tu ta relation avec le PSG ?

Elle est particulière. Le PSG est devenu un ami proche avec qui je discute quasiment tous les jours. C’est de l’amour pour le club, de l’amour pour la ville, de l’amour pour le stade. J’ai la chance d’avoir tous mes amis qui sont supporters de ce club. J’adore ce sport, j’adore cette équipe, j’adore ce côté théâtral et tous ces acteurs.

Quelle est ta réaction après une victoire ou une défaite ?

Après une défaite du PSG je réagis très intérieurement, j’ai besoin de me mettre dans ma coquille, de refaire le match. J’adore le mettre dans une timeline, savoir si la défaite à un réel impact, savoir si j’ai vraiment raison d’être triste ou si je peux garder espoir. Il y a des défaites comme celle contre Bastia, le 4-2 dégueulasse de début janvier, qui sont vite oubliées. C’est la même chose pour la défaite d’il y a deux-trois semaines, contre Bordeaux, il y avait eu Chelsea juste avant. J’arrive à rationaliser un maximum. Par contre il y a des défaites qui me blessent, et je le vis seul. J’essaie de ne pas trop en reparler après. Concernant les joies liées aux victoires, c’est indescriptible. En fonction du club en face, je vais charrier. Les lundis de victoires en Ligue 1, après un gros match je suis hyper fier, et je pense que ça se voit sur ma gueule. En réunion, c’est quelque chose qu’on souligne souvent. Je suis indestructible un lendemain de victoire.

 

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Quelle est la plus belle ambiance de stade que tu aies vécue ?

Le soir contre Galatasaray, dans les années 2000 [deuxième tour de la Ligue des Champions, ndlr],  j’ai vu une explosion. Ce n’était pas vraiment une explosion de joie, mais il y avait quelque chose de particulier, c’était sulfureux. Il me semble que j’étais en tribune Auteuil et à côté de nous il y avait des supporters Turcs avec des maillots de l’OM pour nous narguer. En terme d’ambiance, il y a eu aussi le dernier match de Pauleta, où il y a eu une communion dans le stade. C’était un joueur tellement beau et élégant,  j’ai beaucoup aimé le remerciement que le stade à pu lui faire ce soir-là. C’était magique.

Quel est le chant qui te fait le plus frissonner ?

Sans aucun doute « Ô Ville Lumière » pour moi c’est intouchable. Il réussit à mélanger le PSG et Paris. Personnellement, je ne peux pas les dissocier. À chaque pas que je fais dans cette ville, chaque moment où je regarde un monument, où je me balade, je ressens un amour pour la ville très important.

Comment as-tu eu l’idée de créer les 300 et pourquoi la référence au film « 300 »?

Le groupe des 300 est assez singulier. Après la naissance de mon fils, j’étais moins présent dans les sorties avec les potes. J’avais besoin de rester en contact sur un sujet qui me passionne sans forcément sortir de chez moi. Facebook a créé une fonctionnalité groupe avec des outils très novateurs par rapport à un forum : envoyer des liens, liker, commenter… C’était beaucoup plus adapté à notre mode de discussion. Nous ne sommes pas comme sur un forum, à visage caché. Là ce sont de vrais individus, de vrais personnalités, c’est là-dessus que ça a été créé.
Dans les années 2000, on en a vraiment chié sportivement et je ne sais pas si on aurait pu réussir à avoir un groupe aussi stable aujourd’hui si il avait été basé sur les résultats de l’époque.

La particularité du groupe c’est notre façon d’exprimer notre passion. J’ai un grand respect pour le boulot qui a été fait pendant des années par les Ultras, j’en ai bénéficié, comme tout le monde. L’ambiance au Parc n’est pas née de nulle part, il y a des gens qui ont travaillé dur pour ça, qui se sont levés tôt le weekend, qui ont fait des déplacements. Je pense juste qu’on a une autre manière d’exprimer notre passion, elle est tout aussi respectable, elle n’est pas au dessus ni en dessous. On y passe autant de temps, mais différemment.  Notre passion s’exprime plus virtuellement, mais elle est dans l’air du temps. On est dans une époque football business, et maintenant c’est beaucoup plus simple pour nous de s’exprimer librement sur le digital, surtout dans un stade où tout est un peu trop aseptisé aujourd’hui.

Quant à la référence au 300, elle est assez simple. Quand j’ai créé le groupe on était une dizaine, mes potes, mon frère. Petit à petit, les potes de potes sont arrivés, puis tous ceux qui assumaient à l’époque leur passion pour le club sur mon fil d’actu Facebook. C’est vraiment quelque chose qui était assez rare, ce n’est pas de la honte, mais ce n’était pas un truc aussi élégant qu’aujourd’hui d’aimer le foot et le PSG. On s’est très vite retrouvés à 100, 200, ça devenait compliqué à gérer, mais on a réussi à s’en sortir. Quand on est arrivé à 300 mecs sur Facebook qui commentaient en même temps, ça devenait un brouhaha pas possible. On a dû instaurer des règles, c’était juste pour organiser l’intérieur. On s’est arrêté à 300 parce qu’on se disait que plus de membres, ce serait impossible. Et puis le film est sorti à ce moment-là, et on se considérait comme des Spartiates, dans le sens où on ne s’arrêtera pas, on est indestructibles. La référence était un clin d’œil. Et d’un clin d’œil on est passé à une identité visuelle.

 

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Que représente l’OM pour toi ?

L’OM, c’est avant tout une passion. Je respecte toute forme de passion, même si on n’a pas le même attachement. Je suis très respectueux des Marseillais par rapport à leur ferveur, mais sur un terrain et dans un stade je les déteste. Ça représente une rivalité très saine, très belle. C’est notre « sparring partner » préféré.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

C’est une joie très intérieure, un peu mathématique. C’est le dernier match en date pour une raison toute bête. En terme de confrontations et de nombre de buts marqués on les a dépassés. Nous sommes un petit club né en 1970 alors qu’eux existaient déjà à l’époque de Pagnol et du pastis. A la vue de notre jeunesse, j’ai aimé me dire qu’on leur passait devant. Symboliquement, c’est cette victoire qui m’a procurée le plus de joie parce que je suis un fou de stats, et c’est la plus belle stat qu’on puisse m’offrir sur un plateau.

Quelle est pour toi la plus belle victoire d’un PSG vs OM ?

Je dirais quand même la finale de la Coupe de France de 2006. C’est aussi parce que je me suis retrouvé à faire la fête sur les Champs et que c’était assez rare de le fêter comme ça. J’adore me retrouver à fêter des victoires.

Quelle a été ta plus grande peine lors d’un PSG vs OM ?

Leur victoire un petit peu après leur sacre en Ligue des Champions. En plus de la gagner et d’être crevés, ils nous ont malmenés. Ça m’a vraiment saoulé, ça m’a même dégouté. Plus récemment il n’y en a pas eu, déjà parce qu’ils perdent tout le temps, et ensuite parce que leurs victoires généralement je les trouve assez anecdotiques.

Quel est le but le plus fort en émotion que tu aies vécu lors d’un PSG vs OM?

Le but le plus fort en émotion sans hésitation c’est celui de Pauleta. J’avais l’impression de voir Michael Jordan mettre un panier, de voir sa trajectoire de balle. Je l’ai vu au ralenti et dès que je le revois c’est pareil. Je ne sais pas comment il a fait pour se placer, pour voir Barthez avancer, c’était du génie. Je crois que sur le moment j’ai fais des tours de table dans mon salon pendant un quart d’heure. J’étais comme un fou. Dès que j’y repense, j’ai des frissons.

Quel est le geste technique qui t’a le plus transporté lors d’un PSG vs OM ?

C’est simplement tous les grigris de Ronaldhino. C’est un mec qui a compris très vite que pour nous ce match-là était important. On n’avait pas l’Europe à l’époque donc on ne pouvait se rattacher qu’au Championnat. Roni’ nous a fait kiffer et il a récupéré le passif de la série de défaites subie contre eux dans les années 90. D’un seul coup le mec est arrivé et leur a dit : « Allez vous faire foutre, ici c’est Paris ».

Quel est le duel de joueurs qui t’a le plus marqué ?

Je n’ai pas l’impression qu’on ait pu vraiment vivre des OM-PSG avec une tête forte de chaque côté, comme on peut vivre un Barca – Real avec Messi et Ronaldo. Le truc qui m’a le plus marqué c’est le front contre front de Ducrocq et Ravanelli. Pierre Ducrocq est un mec qu’on aime tous par rapport à son amour du maillot, son attachement au club et à la ville. Dans ce face à face, il n’a pas lâché alors que Ravanelli était un peu plus grande gueule et plus vieux. Il m’a fait kiffer, il n’a pas baissé le regard.

Quel est le duel de dirigeants qui t’a le plus marqué ?

C’est un peu plus compliqué parce qu’il n’y a jamais vraiment eu de duel de dirigeants, on n’a jamais eu de grandes gueules. Je pense que si Borelli avait été là dans les années 90 quand la confrontation a vraiment explosé médiatiquement, il aurait eu plus de couilles qu’un Denisot qui était un peu plus en retrait. Tapie et Diouf par contre sont de vraies grandes gueules. Ça nous manque, j’aime bien quand ça part dans la presse, ça fait partie de ce sport. Peut-être que ça va disparaître dans quelques années et on aura eu la chance de le vivre, mais pour moi c’est important qu’on prépare un match comme ça.

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Comment vois-tu l’évolution du Classico aujourd’hui ?

Je ne vois pas une bonne évolution du Classico. Dans les années 90, il y avait des joueurs franco-français. Aujourd’hui, on a la chance d’avoir une tribu étrangère, italienne, argentine, brésilienne. Par contre je ne pense pas qu’ils aient autant conscience que dans les années 90 de la rivalité entre les deux clubs. Pour eux je pense que l’important ce sont les trois points. Si Marseille n’a pas un investisseur costaud, ce n’est pas vraiment un duel. On a la Ligue des Champions, on est encore dans les deux coupes nationales, eux comme Lyon n’y sont plus. J’aimerais bien qu’il y ait un petit retour du club sur le devant de la scène européenne, là ce serait un vrai Classico. Il y a un vrai déséquilibre aujourd’hui.

Un pronostic ?

Je mise sur un 3-0 là-bas et des buts de Cavani et Ibra et je mets une petite bille sur Silva de la tête.

Quelle est la vie d’un supporter parisien sans Marseille ?

Je pense que le PSG d’aujourd’hui s’en fout. C’est juste une équipe à battre pour atteindre les titres. Pour les supporters, je pense que ce serait un peu différent. D’abord j’adore charrier, donc si je n’ai plus cette petite tête de Turc, c’est un peu moins drôle. Les supporters du PSG ne peuvent pas exister sans ceux de l’OM, par contre le PSG peut vivre sans l’OM.

 

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À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

J’ai commencé à supporter le PSG au début des années 90 quand Canal + a repris le club. C’est vraiment là que l’histoire d’amour a commencé. En tant qu’enfant de Canal Plus, je m’identifiais aux valeurs que le groupe pouvait amener à ce club et évidemment il l’a emmené vers ce que j’aime dans le foot : du spectacle, des paillettes, des beaux recrutements comme Ginola et Weah. De plus l’équipementier était une de mes marques préférées.

Quel est ton premier souvenir de supporter ?

Encore en rapport avec Canal +, c’est l’imbroglio concernant le transfert de Jurgen Klinsmann qui devait arriver au PSG, et la venue de George Weah à la place (en 1992 ndlr). Weah était pour moi et il est toujours pour moi une des plus grandes stars du football : Ballon d’Or africain etc… Ce n’est pas un souvenir de stade, mais plutôt de projection, de rêve.

Comment définirais-tu ta relation avec le PSG ?

C’est une histoire d’amour et de passion. C’est un peu comme la plus belle de tes maitresses ; la capricieuse, la diva, qui te fait à la fois des sales coups que tu ne digèrent pas mais qui peut aussi t’apporter les plus beaux jours de ta vie.

Quelle est ta réaction après la victoire et une défaite ?

Les victoires ou les défaites du PSG dictent un peu ma semaine, c’est un peu comme un horoscope. Le dimanche soir, un match nul ou une défaite, c’est une semaine pourrie. Une belle victoire ou une victoire grandiloquente en Champions League, c’est le mois qui est ensoleillé, même en hiver, même s’il neige ! C’est un baromètre d’humeur, ton club c’est quelqu’un qui t’accompagne dans ta vie.

 

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Quel est l’objet ou le symbole qui définit le plus ta passion pour ce club ?

Je n’irais pas jusqu’à me tatouer, pour moi c’est plus mental. Je n’ai pas de talisman particulier, si ce n’est un maillot de temps en temps ou m’acheter une figurine comme un enfant de 40 ans.

Comment ton entourage subit ta passion ?

Ils n’ont pas le choix, ils l’acceptent. Le PSG a aujourd’hui plutôt bonne presse, même tes copines peuvent apprécier le PSG, il n’y a rien de honteux à cela. Le football a changé, ça en devient même sexy. Combien de copines me parlent de Zlatan comme un objet sexuel ou un fantasme sur lequel elles se projettent. Non il n’y a pas vraiment de soucis, c’est même devenu un atout.

Quelle est la plus belle ambiance de stade que tu aies vécu ?

J’ai adoré le but de Pastore l’an dernier contre Chelsea. J’ai eu de la chance, ça s’est passé devant ma tribune. C’était une ambiance extraordinaire ! J’ai trouvé ce soir-là un Parc qui n’avait jamais autant vibré et j’ai eu quelques frissons. Après grâce à mon métier, j’ai eu la chance de suivre pendant trois mois le PSG. J’étais sur la pelouse du Parc quand j’ai vu se dérouler devant moi l’action de Lucas contre l’OM. J’ai aussi pu voir le Parc du toit… J’ai des souvenirs tellement variés dans ce stade. Je ne suis pas fan du Stade de France, un stade froid, trop ouvert ; je trouve que le Parc est un joyau d’émotion où l’on vibre souvent.

Quel est le chant qui te fait le plus frissonner ?

Le chant qui me fait le plus frissonner c’est : « Ici C’est Paris ». Il n’y a pas plus fort pour moi.

Quelle est l’anecdote la plus insolite que tu aies vécu ?

Elle est très récente. À la suite de la qualification du PSG contre Chelsea, notre groupe de supporters avait anticipé la qualification, et préparé une réaction sous la forme d’une vidéo, que l’on a faite à la suite du match. On a parodié la tragique vidéo montrant des supporters de Chelsea qui avaient refusé l’accès au métro à un Noir à Paris, en faisant également référence à un incident mettant en scène John Terry. On a décidé de se moquer de ce fait avec sincérité. Pour moi, c’est l’anecdote la plus folle car, d’une bande de passionnés qui veulent prouver leur amour au club, on a fini par créer un espèce de buzz qu’on n’a pas contrôlé. Aujourd’hui en tant que supporter, je suis fier de renvoyer cette image de mon club, et d’avoir apporté une pierre à l’édifice qui vaut bien plus que certains actes de supporters décriés dans la presse.

 

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Comment devient-on un 300 ?

On devient 300 en étant parrainé. Pour ma part, c’est Guillaume Salmon qui m’a introduit dans le groupe il y a deux ou trois ans. La personne qui te parraine te rend légitime, et où l’on doit répondre à un test qui prouve ton amour pour le club.

Quelle est ta caractéristique au sein des 300 ?

Moi j’aime bien rigoler, je suis quelqu’un d’assez vivant. Je suis un « Pastoriste » et surtout un « Matuidiste », donc un pro-Matuidi. Quand on dit du mal de Matuidi, ça me fait mal donc je le défends corps et âme. Pour moi il représente tout ce que j’aime chez un footballeur : la grinta, l’amour du maillot et ça me révolte qu’on me dise que ce n’est pas un joueur technique. Et évidemment je ne cite pas Marco Verratti, qui est pour moi un ovni du football, un dieu vivant. C’est plus grand que Zlatan, c’est plus grand que tout pour moi Verratti.

Que représente l’OM pour toi ?

C’est un grand club, un club avec une histoire. Je ne suis pas bête et méchant pour dire simplement l’OM c’est de la merde. J’ai 40 ans, je suis né dans le football, je suis arrivé à Paris à 11 ans. Il y avait un grand club qui s’appelait les Girondins de Bordeaux de Claude Bez avec Tigana, les frères Vujovic, des grands du football. Très vite, il y a eu l’OM de Papin. À l’époque je jouais au football, et on était invité à des matchs du Matra Racing. Quand on regardait les matchs du Matra contre l’OM, on y voyait des joueurs incroyables : Papin, c’était des buts de 25 mètres, Eric Di Meco était phénoménale sur son aile, il a révolutionné un peu le poste. Donc l’OM est un grand club, et moi je fais partie de ceux qui souhaitent que l’OM reste fort pour qu’il y ait une vraie histoire de Classico, que ce ne soit pas qu’une affiche montée par les médias pour faire de l’audimat. Il faut un OM fort et je suis content qu’il soit en haut du classement, ça rend la victoire encore plus forte.

Comment définis-tu l’opposition PSG vs OM ?

C’est deux grands sorciers des médias qui ont créé cette image, moi j’adore l’entertainment, donc ça me plaît. C’est Pierre Lescure, Michel Denisot et Bernard Tapie qui ont monté cette affiche parce qu’il en fallait une. C’était les deux clubs les plus puissants de l’époque, il y avait un diffuseur aussi, tout était parfait.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

Ma plus grande joie est liée à la saison 2002-2003, avec la victoire de Paris 0-3 au Vélodrome avec un Ronaldinho qui leur met une misère, c’était extraordinaire. Je crois qu’on n’y avait plus gagné depuis 1988. Un autre joueur que j’adoube c’est Jérôme Leroy, même s’il a joué à Marseille j’en ai rien à faire. Leroy, c’est un petit gamin de Paris, fan de NTM, qui à chaque but enlevait son maillot pour montrer son amour au groupe. Ce match reste une de mes plus grandes joies car l’OM était très fort à l’époque, mais ce fut une belle fessée, avec un des joueurs les plus fantasques de l’histoire du football.

 

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Quelle est la plus belle victoire d’un PSG vs OM ?

Je crois que c’est celle-là ! C’est une victoire historique, gagner 3 à 0 à Marseille, c’est pas mal. C’est un peu une vengeance des grandes défaites comme celle au retour du sacre européen en 93, on mène 1 à 0 puis tu as Basile Boli qui met un but phénoménal, tu lui demandes cent fois de faire l’action, il ne la met jamais. Cette défaite a fait beaucoup de mal, ce fut un parfait story-telling pour eux.

Quel est le but le plus fort en émotion que tu aies vécu lors d’un PSG vs OM?

Barthez rencontrait à chaque fois un Pauleta extraordinaire. Le geste le plus classe, c’est celui de Pauleta, qui lob Barthez sur une sortie. C’est un geste magnifique. On ne peut pas faire mieux. Tu ne sais pas comment il l’a mise, mais par contre s’il essaye 100 fois ce geste il le réussit 100 fois, là est la différence. Pour moi c’est un des gestes les plus forts.

Quel est le duel de joueur qui t’a le plus marqué ?

Moi j’adore les histoires dans le football, je suis passionné de storytelling. Et le duel Pauleta-Barthez pour moi est extraordinaire. Déjà, ce qui m’arrange c’est qu’il est toujours à l’avantage de Pedro Miguel Pauleta. Comme le but qu’il a pris contre Roberto Carlos, Barthez se souviendra des buts de Pauleta, qui est en plus un joueur exceptionnel et discret.

Quel est le duel de dirigeant qui t’a le plus marqué ?

C’est les deux monstres que sont Canal + et Bernard Tapie. Il n’y en a plus aujourd’hui de ces duels, ces attaques dans la presse, « On va leur marcher dessus », ça dépassait souvent le cadre du football. Les rassemblements en équipe de France étaient très durs à supporter à cause de cette dualité qui dépassait le cadre de l’affiche PSG-OM, il y avait un antagonisme qui dépassait les limites du fair-play.

Comment vois-tu l’évolution des Classicos aujourd’hui ?

Je suis désolé pour les Marseillais, mais aujourd’hui on est passé dans une autre dimension : on joue Barcelone, Chelsea… C’est mignon Marseille, c’est un peu comme la coupe de France pour eux d’affronter le PSG. Mais ça fait moins vibrer, je pense qu’il y a plus d’animosité dans un PSG-OM qu’on se fait sur FIFA entre potes que dans un match. Donc pour le futur de cette affiche, je souhaite qu’il y ait un généreux mécène qui fasse une équipe de All Stars, et là on parlera. J’aime le football, ce n’est pas parce que je suis supporter du PSG que je veux que l’OM finisse en National. Marseille est une belle ville, c’est une ferveur, un exemple d’identité. Faut être juste. Je souhaite que Marseille existe, mais je suis supporter parisien, j’ai envie qu’on les écrase à chaque fois, ça fait partie du folklore. Mais l’OM et le PSG doivent rester des équipes fortes du championnat, avec l’OL et St-Etienne.

Quel est ton meilleur souvenir de Classico, d’un point de vue personnel ?

Ça sort un peu du contexte de fan, c’était lors d’un tournage, et je fêtais mes 40 ans. Le 15 février, jour du Classico de l’an dernier : je l’ai vécu au bord de la pelouse, sur le toit et un peu partout au sein du Parc. Je faisais un film pour un annonceur du PSG et j’ai vu l’action de Lucas se dérouler sous mes yeux au bord de la pelouse, c’était complètement fou. Ce jour là était particulier. 40 ans dans la vie d’un homme c’est particulier et aussi le jour d’un Classico, j’en ai pris plein les mirettes, comme on dit.

Un pronostique pour le 5 avril ?

Le pronostique est simple pour moi, je jouerais même à Parions Sport, au Loto Sportif et tout ce que vous voulez… Je mettrai  1 000 euros sur Paris, bien évidemment. Je vois une victoire, tout simplement. J’aime bien quand Marseille veut mettre un peu la pression sur nous en disant qu’on va faire le jeu… Mais on va juste les niquer quoi ! Comme d’habitude ! C’est comme l’happy end à l’américaine, et en ce moment l’happy end, c’est le PSG.

Quelle est la vie d’un supporter parisien sans Marseille ?

On sera toujours là, car on est passé dans une autre dimension. Donc je suis désolé pour Marseille, on fait partis des 8 meilleures équipes européennes depuis 2-3 ans, on est au-dessus. Je ne veux pas être méchant ou sarcastique, mais Marseille c’est combien de points l’an dernier en matchs de poule Champions League ? Zéro point ? Nous quand on joue à 10, on élimine Chelsea. C’est comme comparer le baseball US au baseball français un peu. On peut totalement exister sans Marseille. Tu retrouves aujourd’hui le maillot du PSG dans les NikeTown à New York, je pense qu’au niveau des réseaux sociaux on commence à talonner les clubs comme Manchester City. Je ne pense pas que Jay Z et Kanye West aient fait un « Ni**az in Marseille », c’est « Ni**az in Paris » ! On est au dessus de tout ! On a enfin la dimension sportive à l’image de la dimension internationale de notre ville, et ça commence à se voir même au niveau sportif. Regarde le maillot et le survêtement de Marseille, qui a envie de mettre ça dans la rue ? Turquoise, blanc, des bandes de partout… C’est comme un dessin d’enfant qui ne sait pas dessiner. Tu serais beaucoup plus classe en short-claquettes. C’est un peu du stylisme du tiers-monde.

 

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Tu as joué dans trois clubs de Paris et sa région, quelle place occupe le PSG ?

Pour moi le Paris Saint Germain c’est le club de mon cœur. Je suis né à la clinique du Parc des Princes, c’est un hasard mais c’est comme ça. Le premier match que j’ai été voir au Parc des Princes, c’était lors de l’ère Dahleb et il y avait-là les premières odeurs d’un stade professionnel. Pour moi c’est le club de la capitale. J’ai eu l’occasion par mon parcours de jouer au Matra Racing et au Red Star plus épisodiquement, mais le Paris Saint Germain reste le club de mon cœur.

Comment définirais-tu ton lien avec ce club ?

Un lien amoureux, tout simplement. J’aime intrinsèquement ce club car il m’a apporté énormément de satisfactions. Et ce avant que je sois joueur. Quand j’ai été joueur ça a été une période dorée car j’ai eu la chance de gagner des titres tous les ans, d’aller très loin dans les compétitions européennes. On a quand même été cinq fois au moins en demi-finales de Coupe d’Europe consécutivement, on est le seul club français et on doit être trois clubs européens à avoir fait ça. On a fait deux finales, on a été premier à l’indice UEFA en 1997. Donc on a une génération extraordinaire et ce club nous a procurés des émotions fabuleuses. Il n’y a que dans ce domaine-là qu’on peut vivre ces moments magiques. Ce ne sont pas que des moments magiques personnels, ce sont des moments de partage avec les partenaires, les supporters, les dirigeants, le public derrière leur écran qu’on retrouve dans la rue. Ça reste des anecdotes, des sourires et la vie c’est aussi ça ; du bonheur commun, collectif. Je crois que ça n’a pas de prix.

Que représente l’OM pour toi ?

Un grand club ! Parce que s’il y a une rivalité cela signifie qu’il y a une force en présence. À notre époque les deux équipes étaient le parterre des joueurs de l’Équipe de France, il y avait des internationaux dans les deux camps. Donc Marseille représente une place forte du football : par sa popularité, c’est un club très apprécié, par son passé, par ses résultats. Même s’il y a eu l’ère Deschamps où ils ont trusté quelques titres, ils ont fait leur histoire à travers des parcours européens très forts. S’il y a eu deux clubs français qui ont eu des parcours importants en Europe lors de ces vingt dernières années, c’est Marseille et le Paris Saint-Germain indéniablement. Ils sont aussi portés par des supporters qui sont à 300 % derrière eux et qui adorent leur club, c’est ce qui fait aussi partie de la rivalité.

Comment tu abordais les matchs face à l’OM, avais-tu un état d’esprit particulier ?

Non pas spécialement mais le contexte extérieur était changeant. Il y avait beaucoup plus de pression de la part des supporters. Pour eux c’était un match à part. Pour nous, c’était un match qui valait trois points. Après, c’était une équipe très forte qu’il fallait écarter de la course au championnat ou en Coupe quand on a eu l’occasion de les jouer. Nous on était des compétiteurs alors qu’ils s’agissent de Troyes, Valenciennes ou Marseille, le plus important c’était la gagne. Mais Marseille par rapport à l’effervescence autour du match, ça mettait un petit peu plus de piment effectivement.

Tu es arrivé au PSG à l’époque où la rivalité avec l’OM s’est créée, est-ce qu’il y avait un excès d’excitation dans les vestiaires ?

Tout dépend des personnalités, mais je pense que de notre côté on avait pour seul objectif de gagner. Il y avait cet enjeu d’être le meilleur. Il y avait aussi l’aspect de l’excitation du match qui ressemble un peu à ce qu’on retrouve en Coupe d’Europe. Mais quand on est joueur, il ne faut pas perdre ses moyens, il faut rester mesuré parce sinon tu joues les matchs avant. J’ai connu quelques joueurs qui jouaient le match dans leur lit avant de le jouer sur le terrain. Il y en avait un particulièrement et c’est terrible car nerveusement il avait lâché beaucoup de son potentiel sur l’avant-match. Il faut avoir autant de sérénité que d’anxiété car elle t’amène cette petite adrénaline qui fait que tu lâches tout dès que l’engagement a lieu.
Ce joueur c’est Jean-Luc Sassus, il était surexcité et stressé avant les matchs. Du coup, il perdait beaucoup d’influx sur ces matchs. Pour nous, c’était compliqué de le gérer. Sur un match de championnat, Daniel Bravo est à côté de lui et il demande à Daniel : « Où est mon protège tibia, il m’en manque un. » Daniel lui répond : « J’ai pas ton protège tibia, je suis dans mon match… » Il lui dit : « – Regarde dans ton sac. – Mais non je ne l’ai pas, regarde. » Après, il fait le tour du vestiaire pour vérifier s’il n’y avait pas quelqu’un qui lui avait volé. Il nous casse les pieds avec ça alors qu’on est en train de se préparer. Ça dure 20 minutes. Et quelqu’un lui dit : « Baisse tes chaussettes. » Il avait mis ses deux protège tibias sur la même jambe. C’est pour vous dire dans quel état psychologique il était avant les matchs [rires].

 

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Comment tu te sentais après une défaite contre l’OM ?

C’est compliqué parce que déjà quelle que soit l’équipe, je détestais perdre. J’étais un guerrier, je ne voulais qu’une chose c’était la gagne. Pas à n’importe quel prix par contre, j’étais sportif dans l’âme donc respectueux des règles.
Les défaites, on en a connu. Pas beaucoup pendant six ans quand j’étais au PSG mais contre Marseille, on en a connu aussi. Donc là pendant trois jours, c’était la soupe à la grimace, on n’était pas contents et c’était une ambiance plus morose. On ne pensait qu’au prochain match pour pouvoir tuer ceux qui arrivaient derrière [rires].

À ton époque, quelle était la relation en équipe de France dans le vestiaire entre les Parisiens et les Marseillais ?

Le France – Bulgarie [match éliminatoire de 1993 qui élimine les Bleus du mondial américain ndlr] a été un réel problème dans l’homogénéité de l’équipe de France. Il y avait des soucis avec d’un côté les Marseillais, de l’autre les Parisiens même si on essayait de faire cause commune. C’était une cohabitation obligatoire pour une tunique, pour un maillot, pour l’équipe de France. À travers ce qui s’est passé dans les confrontations PSG – Marseille, que ce soit sur le terrain, dans les déclarations d’avant match ou même pendant le match, ça a laissé des traces. Bon on avait la Bulgarie et la Suède dans notre groupe mais à deux journées de la fin on est normalement qualifiés ; même si ces deux sélections ont fait quatrième et troisième lors de la coupe du monde de 1994. Franchement avec l’effectif qu’on avait, on avait des chances de l’emporter. Là, on se rend compte qu’à partir du moment où il n’y a pas cause commune et que les objectifs ne sont pas communs et que l’entente est loin d’être parfaite, ça devient des grosses carences pour la performance.
Ce qui était complètement fou c’est qu’on se retrouvait en équipe de France et on se côtoyait, mais quand il y avait PSG – Marseille, on ne se disait pas bonjour. C’est des choses invraisemblables, les Marseillais avaient pour interdiction de nous dire bonjour. C’était de l’intimidation. Du coup, en équipe de France, les relations n’étaient pas cordiales. Avant même de rentrer sur un terrain, on a tendance consciemment à jouer avec ses partenaires de club. Sur le terrain, inconsciemment on devient moins logique dans son instinctivité de jouer avec des joueurs qui sont plus des rivaux.

Est-ce qu’il y a un joueur de Marseille que tu aurais aimé avoir à Paris ?

Il y en a un qui aurait bien correspondu au profil du public parisien, de l’équipe éventuellement : c’est Chris Waddle. À la fois déstabilisateur, percutant, « artiste » et efficace, il aurait plu au public.
C’est un joueur qui avait beaucoup de ficelles et de métier, techniquement très performant. Il fallait le surveiller comme le lait sur le feu.

Quelle a été ta plus grande joie lors d’un PSG – OM au cours de ta carrière ?

De marquer au Parc des Princes, quand on avait fait un partout, contre Fabien Barthez. J’ai ouvert le score et juste avant la mi-temps, Rudy Völler égalise sur un but foireux. C’était la qualité du renard allemand qui en taclant un ballon un peu perdu, arrive à égaliser. Alors qu’on avait maîtrisé le match mais malheureusement on avait fait nul. J’avais marqué un très beau but sur un centre en retrait de David Ginola côté gauche, j’avais mis un plat du pied à l’opposé. Je m’étais régalé, c’est le grand plaisir qui me revient à l’esprit.

Quelle est la plus grande peine que tu aies vécu lors d’un PSG – OM ?

C’est peut-être le match qu’on avait perdu 3 – 1, j’avais marqué à Marseille sur une action où j’étais parti de mon camp poursuivi par George Weah. On maitrisait les débats, on l’a perdu sur pas grand chose parce que le premier but que marque Marseille nous fait très mal et après on perd le fil de la rencontre.
Ça nous a beaucoup touché car on jouait le titre et Marseille devait être émoussé mais on avait des lions en face de nous.

 

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Tu te rappelles d’embrouilles entre des joueurs de Paris et de Marseille ?

Je m’étais pris le bec avec Jean-Jacques Eydelie, on s’était insultés. Après, il faut être costaud, moi je n’avais peur de personne. Une fois sur le carré vert, si tu m’agressais, tu peux être sûr qu’il aurait la monnaie de sa pièce. C’était des matchs engagés, athlétiquement, il fallait être fort et d’entrée de jeu. On savait qu’on n’avait pas le droit d’être en dessous. Moi c’est dans mon caractère d’être prêt pour les défis. Si vous vous faites marcher dessus, le score peut basculer.

Comment vois-tu l’évolution des Classicos ?

Ça n’a plus rien à voir, la rivalité a quand même baissé. C’est incomparable car les internationaux français jouaient dans ces deux équipes donc le niveau était très élevé. Aujourd’hui, le fait que les équipes se soient internationalisées et notamment au PSG, ça change tout. L’ouverture des frontières par rapport à l’arrêt Bosman en 1997 a bouleversé les choses. Puis Marseille et Paris ont eu un trou de résultat pendant dix ans au niveau national et international.

Comment tu vis le classico depuis ta retraite sportive ?

Avec plaisir. Je les suis toujours avec attention. C’est toujours un régal de voir ce genre de match. Après, je regarde toujours le contenu et ce qu’on peut voir au niveau du jeu. Mais il y a eu des matchs intéressants et il y a des joueurs qui ont rehaussé leur niveau de jeu lors de ces matchs-là même s’ils n’étaient pas exceptionnels. Je me souviens des Ronaldinho, des Pauleta qui ont marqué de leur empreinte ce genre de match. Ils ont illuminé ces rencontres sur des actions dont tout le monde se souvient. Ils ont amené cette étincelle, ce feu d’artifice qu’on attend lors de ces matchs. Ce sont des souvenirs qui sont bien ancrés.

Que penses-tu du PSG à l’ère de QSI (Qatar Sport Investments) ?

Je pense que c’est un actionnaire très fort économiquement car aujourd’hui si tu n’es pas à la hauteur ce n’est pas facile d’exister au niveau national et international. Évidemment, il y a une évolution, une progression, aujourd’hui le PSG est très international. Il y a très peu de Français qui jouent au PSG, il y a beaucoup plus d’étrangers. Mais pour avoir une équipe forte maintenant, il faut puiser sur des références étrangères sur différents postes. Aujourd’hui, moi, je suis content de voir le Paris Saint Germain en haut de tableau et de revenir au niveau européen. Nous aussi on avait un actionnaire très fort avec Canal +, à un moment ils se sont désengagés car ils ne mettaient pas assez d’argent même si c’était déjà pas mal. Il ne faudrait pas que l’histoire se répète avec les Qataris.

Si on devait opposer l’équipe de Paris d’aujourd’hui avec celle de ton époque, qui gagnerait ?

C’est très difficile de comparer des générations, car ce n’est pas le même football. Aujourd’hui, ça joue plus sur des petits espaces. Après les joueurs de ma génération s’adapteraient très bien au football d’aujourd’hui car il est très technique, très rapide, très vif et on avait des joueurs qui avaient ces qualités-là.
Peut-être qu’aujourd’hui, ils ont plus de qualités individuelles. Mais sur le côté âme, cohésion d’équipe et solidarité, on était largement au-dessus de l’équipe d’aujourd’hui. Si on a duré six ans, c’est qu’il y avait une solidarité de tous les instants et tous les joueurs se battaient pour les autres, avec une force incommensurable. Aujourd’hui je pense que cette cohésion est moins forte aussi parce qu’on était un groupe franco-français, ça unit d’avantage que quand on vient de différents pays sans racines communes.

 

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Un pronostic pour le 5 avril ?

Ça va être très serré. L’enjeu pour Marseille est colossal, il va y avoir une ambiance d’enfer au Vélodrome car l’objectif c’est la première place pour les deux équipes. Ça va être un match très intéressant. Je pense qu’il difficile à pronostiquer, même si le Paris Sains Germain à un potentiel intéressant. Je vais dire match nul pour cette rencontre, mais j’aimerai qu’on gagne. 2-2 avec des buts de Cavani et Verratti.

Quelle serait la vie du PSG sans Marseille ?

C’est une très bonne question. Mais elle vaut aussi pour Marseille : que serait Marseille sans le Paris Saint Germain ? C’est important d’avoir cette rivalité sportive et de population, automatiquement ça agrandit l’appétit des deux clubs et ça les fait grandir.

Y’a-t-il un joueur qui symbolise pour toi les PSG – OM après ta période ?

Ronaldinho même s’il est resté une trop courte période pour être estampillé PSG. Gagner 3-0 à Marseille avec le festival qui fait sur ce match-là, c’est une image qui me reste.

As-tu un joueur qui symbolise pour toi les PSG – OM durant ta période ?

Nous c’était des guérillas. Di Meco à Marseille représentait cette agressivité, il était vraiment dans la violence et parfois à la limite. Aujourd’hui, il ne pourrait plus jouer car si tu lui enlèves cette agressivité ça lui retirerait beaucoup de son potentiel. Du côté PSG, il y avait très peu de Parisien donc on va dire Vincent Guerin [rires].

 

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Comment as-tu commencé à supporter le PSG ?

J’ai commencé à supporter le PSG quand j’étais collégien. C’était avec mes potes dans le 15ème, on commençait à aller au Parc, parce que c’était cool. Il n’y avait pas véritablement d’amour pour le PSG, mais en allant au Parc et en voyant la ferveur qui y régnait et parce qu’on aime le foot aussi, on a commencé à aimer le club. On avait 14-15 ans.

Est-ce qu’il y a un objet, un symbole, que tu portes toujours sur toi, qui symbolise ton amour pour le PSG ?

Mon abonnement. J’ai toujours mon abonnement dans ma poche. Parce que je n’ai pas envie de le perdre tout simplement. Je suis assez tête en l’air et je peux facilement perdre les choses. Mais quand j’ai mon abonnement avec moi c’est que j’ai tout avec moi.

Que représente l’OM pour toi ?

Concrètement, pas grand chose. C’est insignifiant pour moi l’OM. Je ne suis pas les résultats de l’OM, je ne connais pas les joueurs de l’OM. Après, le match est important dans le sens où c’est le Sud contre le Nord et que je suis parisien. L’OM c’est un peu notre opposé.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

Je pense que c’est le but de Heinze en Coupe de France, c’était en 2002. Il a marqué dans les dernières minutes, 87ème ou 88ème [86 éme ndlr.]. On égalise et ensuite on gagne aux tirs au but. Cette égalisation-là nous a bien foutu en l’air.

Quelle est la plus belle victoire d’un PSG vs OM ?

Le 3-0 avec Ronaldinho. En plus c’était une période où on a gagné je crois huit fois d’affilée. donc il y avait une sorte de suprématie alors qu’on avait broyé du noir pendant pas mal d’années. Et le spectacle de Ronaldinho, quand on aime le foot, c’était juste magnifique. Il avait la suprématie totale. Tactique, technique, sur le score : on les a humiliés.

 

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Quelle est ta plus grande peine lors d’un PSG vs OM ?

Je n’ai pas eu de peine. J’ai eu la rage, les nerfs. Je ne suis pas sûr que ce soit lors d’une défaite. Je n’en connais plus le score. Mais c’était l’un des frères Ayew qui m’avait bien énervé. Je n’en pouvais plus. Je pense que j’aurais tout cassé autour de moi, mais j’étais dans le stade. Les défaites, je pense que je les ai un peu zappées.

Quel est le but le plus fort en émotion que tu aies vécu lors d’un PSG vs OM?

Il y avait ce fameux but de Heinze qui était vraiment fort. Sinon, il y a les grands classiques, je les mettrais tous au même niveau : Pauleta, Ronaldinho, j’aime bien le but de Zlatan contre l’OM, quand il marque en tendant la jambe. Ce sont les buts assez spectaculaires que je retiens.

Quel est le geste technique qui t’a le plus transporté lors d’un PSG vs OM ?

Jaime bien les gestes défensifs et j’étais très fan de Heinze. Sa rage et ses gestes défensifs plein d’abnégation m’ont marqué.

Si tu devais retenir un joueur charismatique dans ses performances en Classico, ce serait ?

Weah. Parce que c’est le premier qui m’a fait rêver à cette époque-là et c’est mon premier souvenir de but dans un PSG-OM. C’était dans les années 90, la grande époque du PSG pré-qatari. Il nous a fait rêver, c’était un grand joueur qui portait le club à lui seul. Ses buts contre l’OM ou contre le Bayern sont légendaires. Weah, définitivement.

Quel est le duel de joueurs qui t’a le plus marqué ?

Il y en a eu de nombreux ! Alors j’ai vraiment un truc contre Jordan Ayew. Un soir, il s’en est pris à un joueur du PSG, je ne sais plus qui, mais tout le stade s’est levé comme un seul homme et je pense qu’on lui aurait tous réglé son compte si on avait été face à lui. Mais je n’ai pas de duel précis entre deux joueurs. C’est plus une haine contre un seul.

Quel est le duel de dirigeants qui t’a le plus marqué ?

Tapie et Denisot. Parce que ce sont ceux qui ont véritablement créé le Classico, la rivalité entre les deux clubs. Elle n’existait pas avant. Je n’ai pas de souvenirs, je m’en foutais un petit peu aussi, mais l’OM n’a jamais été pour moi une équipe qu’il fallait absolument battre. Ce sont les médias qui ont un peu monté le truc en épingle. Donc ce sont eux qui ont véritablement fait la légende de ces deux clubs. Tapie est un vrai personnage et on a envie de l’aimer ou de le détester et Denisot, parce qu’il a amené Paris à un degré supérieur.

 

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Comment vois-tu l’évolution du Classico aujourd’hui ?

C’est nettement plus sage. Ce ne sont plus les supporters qui font la force du Classico. Je ne suis pas sûr que les joueurs aient la même envie non plus. À mon avis, ils n’abordent pas le match de la même façon que dans les années 90. Donc c’est vraiment nous les supporters qui faisons le duel, avec les médias aussi. Je pense que ça s’est assagi au niveau des clubs. Même les dirigeants tiennent des discours beaucoup plus propres et policés.

C’est quoi ton pronostic pour le 5 avril ?

Une victoire de Paris évidemment, parce qu’on est meilleur à tous les niveaux depuis quelques temps maintenant. Donc on n’envisage pas la défaite. On se demande de combien on va gagner. Donc je dirais 2-0. J’aimerais bien un doublé de Cavani. Mais ce sera Zlatan et Pastore.

Quelles serait la vie d’un supporter parisien et du PSG, sans l’Olympique de Marseille ?

Pour moi l’OM n’existe pas. C’est comme une autre équipe. C’est le nord contre le sud, mais s’il n’y avait pas l’OM, on trouverait une autre équipe. Ce n’est pas un problème. Il y a plein d’équipes à battre dans le sud. On se démerderait pour trouver quelqu’un. Nice, Arles-Avignon, je ne sais pas…

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À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Franchement, je crois que je ne me souviens même plus du moment où ça a commencé. Je fais du foot depuis que j’ai 6 ans, je suis né en région parisienne donc c’était juste une évidence. Il n’y a pas un moment où je me suis posé la question : « Est-ce que je vais être supporter de Marseille? » Je suis né en banlieue qui plus est, tout le monde supportait le PSG. Je pense que ça a dû démarrer vers 6-7 ans.

Est-ce que tu as un premier souvenir de cette période-là, en tant que supporter du PSG ?

Quand j’étais petit, j’étais pas vraiment dans le côté supporter, parce que je jouais au foot, je n’avais pas Canal Plus, donc regarder les matchs de Ligue 1, n’était pas forcément évident. Ça a vraiment commencé avec les épopées européennes contre le Real dans les années 90 avec George Weah. Mes premiers souvenirs du PSG viennent plutôt de cette époque-là. Je suis né en 1985, donc je suis plutôt de cette génération.

Comment définirais-tu ta relation avec le PSG ?

J’ai une relation hyper forte avec le PSG, évidemment je suis supporter, je suis abonné au Parc des Princes depuis 5 ans, j’habite à Paris. Aujourd’hui, mon lien avec le PSG est quotidien. Je fais partie d’un groupe de supporters qui s’appelle les 300 où on discute, on échange beaucoup autour du PSG. Donc oui, c’est ancré dans mon quotidien aujourd’hui.

Dans quel état d’esprit te trouves-tu après une victoire ou une défaite du PSG ?

Cela se voit tout de suite sur ma tête si le PSG a gagné ou si le PSG a perdu. Quand ils gagnent, je suis content, rien d’exceptionnel, ça dépend aussi de la nature du match. Mais quand ils perdent par contre, ça se voit tout de suite. Je fais un peu la gueule [rire].

 

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Et dans ton entourage, ils en sont conscients ? Comment ils le vivent ?

Ma copine le subit peut-être un peu trop à son goût. Enfin, ça fait partie de moi, ça fait partie de mon caractère et de ma personnalité d’être à fond derrière le PSG et le foot. Donc les gens doivent me prendre avec, sinon tant pis pour eux. Mais ça prend beaucoup de place dans ma vie, c’est vrai. Je peux comprendre qu’à un moment donné ça puisse prendre trop de place pour certains.

Je vois que tu portes ton écharpe 300 avec ton maillot. Est-ce qu’il y a un objet, ou un symbole que tu portes constamment sur toi, au quotidien et qui te rappelle un peu le lien que tu as avec le PSG ?

Ça va du truc basique, le fond d’écran des 300 sur mon téléphone, jusqu’à des objets fétiches pour aller au parc. Je mets toujours la même paire de basket par superstition. C’est une paire de Nike ID PSG, avec le logo et estampillé « Ici c’est Paris » sur la languette. C’est un peu la chaussure fétiche pour aller au Parc.

Quelle est la meilleure ambiance que tu aies connue dans un stade ?

Les plus belles ambiances que j’ai vues, c’est quand même les PSG-OM, il faut le reconnaître. Après il y a eu les derniers huitièmes de finale en Ligue des Champions. Que ce soit contre Chelsea ou contre Barcelone dans les années précédentes, c’était quand même assez fort. Et puis j’ai fait le déplacement, malheureusement pas la bonne année, en 2014 à Chelsea pour aller voir le quart de final. Mine de rien avec le peu de supporters du PSG qu’on était, on a fait beaucoup de bruit et j’avoue que j’ai énormément vibré.

Justement puisqu’on parle de vibrations, est-ce qu’il y a un chant qui te fait frissonner plus qu’un autre ?

Oui, il y a « Oh Ville Lumière » du PSG qui est quand même l’hymne un peu officiel. Tous le monde le connait. Quand on le lance tout le monde sort les écharpes. C’est beau à voir et c’est beau à entendre.

Comment devient-on un 300 ?

Personnellement j’ai été invité à rejoindre ce groupe par Guillaume Salmon qui est responsable presse chez colette. C’est un ami avec qui je partage la même passion pour le PSG. Lui faisait déjà partie de ce groupe et il m’a invité à y entrer. Je n’ai pas tout de suite su où je mettais les pieds. C’est au bout de quelques jours, quelques semaines que j’ai compris qu’on était dans un groupe fermé avec de vrais passionnés. Il y a vraiment différents milieux sociaux, culturels, ou socio-professionnels, des gens de tous les horizons. C’est intéressant et puis c’est une vision de l’amour du PSG dans laquelle je me retrouve. Je ne me considère pas comme un Ultra, je me considère comme un supporter fervent c’est tout. Les Ultras reprochent aux nouveaux supporters d’être des Footix, et inversement, les nouveaux supporters reprochent aux Ultras d’être trop enfermés dans leur rôle, de tout dénigrer sous prétexte que ce n’est plus comme avant. Et je pense que chez les 300 justement, il y a du compromis et un peu d’intelligence qui fait que tout le monde se sent à sa place. C’est un groupe sain.

Comment ça se passe pour intégrer les 300 ?

C’est les 300 qui te choisissent plutôt que l’inverse. Après je pense que selon ton implication dans le groupe, ta place est plus ou moins préservée. Si tu ne donnes pas de signe de vie pendant un an, c’est probable que ta place soit menacée et ainsi de suite… Si quelqu’un part, ça libère la place pour quelqu’un d’autre et ensuite dans les 299 autres, il y a des gens qui ont des amis qui aimeraient y rentrer etc.

Toi personnellement, en quoi te sens-tu légitime dans ces 300 personnes ?

Je me sens légitime dans la mesure où j’estime que je suis un supporter vraiment fervent du PSG. Ce qui est intéressant c’est que dans ce groupe des 300 il y a vraiment de tout et tous les membres dans leurs activités professionnelles font quelque chose d’intéressant. Donc au final, ça amène des valeurs autres que la discussion autour du football. Je sais qu’il y a des membres qui ont trouvé du boulot grâce à un d’entre nous qui travaille dans les ressources humaines, quand ils cherchaient du boulot etc. C’’est avec des choses comme ça que c’est devenu un groupe presque familial.

 

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Si tu pouvais décrire ta personnalité au sein des 300…

Je ne peux pas me considérer aujourd’hui comme un porte-drapeau des 300… Je suis plutôt un sportif, je joue au foot à côté. On va dire que la partie des discussions qui m’intéresse le plus, c’est la facette sportive de l’équipe : les résultats, les discussions autour des tactiques des joueurs etc. Je ne suis pas forcément l’ambianceur. Je sors un peu, mais ce n’est pas moi qui vais organiser des sorties. Je pense que justement ce qui est intéressant dans ce groupe, c’est que tout le monde a le sentiment d’avoir sa place, de pouvoir donner son opinion et justement d’échanger tout en ayant son propre avis.

Que représente l’OM pour toi ?

L’Olympique de Marseille, c’est le rival historique du PSG, en tout cas celui de ma génération. Parce que le vrai rival de l’OM à l’époque était Bordeaux. C’est seulement depuis les années 80 et l’exposition médiatique qui en a fait un grand classique. Moi je suis né avec ça, donc pour moi c’est le classique PSG-OM.

Comment définis-tu l’opposition PSG vs OM ?

OM-PSG, c’est le match de l’année forcément. Le PSG-OM et l’OM-PSG. D’après mon expérience, ce sont les meilleurs ambiances que j’ai vécues au Parc des Princes. On ne peut pas nier que Marseille est un grand club français. Aujourd’hui c’est le PSG qui a la place de leader et on a envie de le rester.

Quelle est la plus grande joie que tu aies vécue dans un PSG vsOM ?

La plus grande joie ? Chaque victoire est une grande joie. Après j’ai des souvenirs qui me passent par la tête… Un PSG-OM en 2002 où Ronaldinho met son coup franc et Luiz Fernandez commence à danser la samba sur le bord de la pelouse. C’était un moment magique. On parle de quelqu’un qui aime le PSG. Tout le monde se souvient de cette danse.

Et la plus grande victoire parisienne face à l’OM ?

Je ne sais pas si c’est la plus grande, mais c’est la plus récente et la plus importante, c’est la finale de la Coupe de France, au Stade de France, car il y avait un titre au bout. En général, les PSG-OM sont en milieu de saison et ne sont pas forcément décisifs pour le championnat ou pour le palmarès. Là il y avait un titre derrière, c’était une finale, et la gagner au Stade de France, c’était beau.

Si tu devais citer la plus grande peine que tu aies vécue lors d’un PSG vs OM…

Je ne sais même plus si on avait fait match nul ou si on avait perdu mais c’était le match où Marseille avait envoyé les minots au Parc des Princes. C’était l’équipe des moins de 21 ans je crois, en tout cas des jeunes, des réservistes. Donc pour commencer c’était déjà un peu la honte et en plus on n’a même pas gagné. Après ce match-là, j’ai été chambré par mes potes marseillais pendant longtemps.

Le but le plus fort que tu aies vécu lors d’un Classico ?

Je pense que c’est la chevauchée fantastique de Ronaldinho à Marseille, je crois que c’est 2004 ou 2005 je ne sais plus. 2003 ! Oui c’est ça. Il part tout seul, il dribble tout le monde, même le gardien, il n’a plus qu’à la pousser au fond. Je me souviens, il y a même eu Jérôme Leroy qui a fait le « crevard », il a taclé pour dire que c’était lui qui avait marqué alors que c’était pas mérité.

 

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Quel est le joueur pour toi qui caractérise le mieux le PSG vs OM, côté parisien ?

Aujourd’hui je pense que c’est Blaise Matuidi qui représenterait le mieux la rivalité. Il est attaché au PSG, à ses valeurs. Globalement, tout confondu, il faudrait un joueur beaucoup plus agressif, peut-être un Patrick Colleter ou encore Alain Roche. Tous ces gars qui compensaient peut-être un manque technique par une envie, une détermination au dessus de tout. C’est ce genre de défenseurs un peu rugueux qui me vient à l’esprit tout de suite quand je pense à un PSG vs OM. De toute façon c’est une bataille, un combat, donc il faut des guerriers. Et en général ces gars-là, ils sont prêts.

Est-ce qu’il y a un Classico que tu aurais vécu d’une façon un peu inédite, dans les conditions dans lesquelles tu l’aurais vécu ?

Je me souviens du Classico où Pauleta met son lob sur Barthez. Je me souviens de l’endroit où j’étais. On était quinze chez moi devant la télé alors que j’ai un salon de 10m2. Je me souviens qu’on avait fait beaucoup de bruit et que mes voisins m’avaient pris pour un sauvage à ce moment-là.

Est-ce qu’il y a un duel de joueurs qui t’a marqué pendant un OM vs PSG ?

Ça serait fin des années 90 ou début 2000, le match avec Ravanelli avec le tête contre tête avec je ne sais plus quel défenseur du PSG [Pierre Ducrocq ndlr.]. Cette image est assez forte. Comme celle lors d’un OM vs PSG en Coupe de la Ligue en 2005, où le dernier but est marqué par Bernard Mendy après une tête en retrait de Lizarazu. Le mec était revenu six mois à Marseille et il finit là-dessus, c’était assez marrant.

Et dans le même sens est-ce qu’il y aurait un duel de dirigeants qui t’aurait aussi marqué ?

Je ne trouve pas que les dirigeants mettent beaucoup de pression sur le match. Encore moins depuis qu’on a Monsieur El-Khelaïfi comme président parce qu’il a quand même un côté classe et assez « low-profil ». C’est la même chose pour Monsieur Labrune d’ailleurs. Je pense que ça l’a été beaucoup plus avant, mais j’y faisais beaucoup moins attention.

Comment vois-tu l’évolution du Classico ?

Je pense qu’aujourd’hui on se concentre quand même plus sur l’aspect sportif du match, moins sur le bruit qu’il peut y avoir autour. Aujourd’hui, les mouvements de supporters, il y en a de moins en moins. Les déplacements sont de plus en plus encadrés, voire interdits. Donc je pense que maintenant la ferveur reste sur le terrain, ce sont les joueurs qui prennent la pression. Nous en tant que spectateurs, on se concentre surtout sur le vainqueur le match et pas sur la rivalité qui existe autour. Je pense que ça a un petit peu moins de charme à ce niveau-là.

Est-ce que tu aurais un pronostic pour le 5 avril ?

On va gagner 2-1. But de Thiago Silva et de Zlatan. Côté marseillais, but d’André Ayew.

Dernière question : pour toi quelle serait la vie d’un supporter parisien et du club sans Marseille ?

Je pense que la vie d’un supporter du PSG sans Marseille ne serait pas forcément triste, mais elle serait moins drôle. On a toujours un meilleur ennemi avec qui on aime bien charrier. Et c’est vrai que Marseille est le client idéal pour ça. Au-delà de la rivalité sportive, ils ont eu des histoires aussi extra-sportives, sur lesquelles on peut s’amuser. Ils n’ont pas toujours été très forts, ils sont descendus en D2 pour des raisons assez obscures. Sans l’OM, on n’aurait pas d’équipe à chambrer. Monaco, même si sportivement ça vaut le coup, ils ont un stade pourri, ils n’ont pas de spectateurs. Il pourrait y avoir l’OL mais Lyon n’est personnifié que par le président, donc on s’ennuierait un peu.

Il y aurait quand même une vie pour le PSG ?

Il y aurait une vie pour le PSG évidemment. Le PSG s’auto-suffit.

 

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À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Ça s’est fait assez naturellement. Je suis né et j’ai grandi à Paris, dans le 11ème. Je joue au foot depuis tout petit dans les clubs de Paris. Et quand j’ai commencé à chercher un travail je me suis retrouvé au Parc des Princes. Je ne l’ai pas choisi, je suis né a Paris, j’habite Paris, je supporte Paris, ça va ensemble.

Quel est ton premier souvenir de supporter ?

Quand j’avais 7-8 ans mon père a eu deux places pour voir PSG-Rennes. Il y avait eu 3-1, on devait être en 1991. Il me semble qu’avant je n’ai pas eu de souvenirs précis du PSG. Ce qui est bizarre c’est que mon père n’a jamais été fan du PSG, donc je ne sais même pas pourquoi ce jour-là il est venu avec des places.

Comment définirais-tu ta relation avec le PSG ?

Je pense qu’elle évolue. C’est quelque chose que je n’ai pas choisi, parce que je suis né ici, mais qui s’est construit avec des joueurs, des moments, des maillots que j’ai commencé à acheter. Je les achetais en général en Turquie ou en Indonésie, parce que ça coûte moins cher. Après la relation s’est développée, surtout après cette histoire de groupe des 300 où tu te retrouves entouré de gens qui partagent le même amour, la même passion. En tout cas elle évolue, elle est de plus en plus forte et elle a de plus en plus de sens.

Quel est l’objet ou le symbole qui définit le plus ta passion pour ce club ?

J’ai dans mes placards une kippa PSG qu’un pote m’avait ramenée d’un voyage. Je ne dirais pas que je la porte souvent, je la porte même très rarement, mais elle fait toujours son effet. Sinon, j’ai depuis peu des petites Air Max PSG qui passent très bien. Les jours de match en général, je suis sur mon scooter et on me fait des signes du pouce dans la rue.

Quelle est la plus belle ambiance de stade que tu aies vécu ?

Quand je travaillais au Parc des Princes, à la billetterie, j’étais dehors avec mon blouson du PSG. Je faisais rentrer les gens, et un jour je me suis retrouvé à la tribune Boulogne, je devais avoir 17 ans. Il y avait d’un côté les supporters de Boulogne qui chantaient « Bleu Blanc Rouge » avec de bonnes trognes alcoolisées et violentes, et de l’autre côté il y avait les CRS qui étaient prêt a charger. Et moi je me trouvais un peu au milieu avec ma parka du PSG, une vraie sensation parisienne.

Quel est le chant qui te fait le plus frissonner ?

Celui qui a été créé il y a très peu de temps à la gloire de Verratti. Il représente pour moi le tout nouveau PSG. Verratti, c’est du toupet, mais en même temps un talent incroyable. Puis, on est allé choper un jeune contrairement à ce que beaucoup de gens aiment dire.

 

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Comment as-tu intégré les 300 ?

J’ai fait mes études avec le coach Candan qui est le grand chef du groupe. On se connaît depuis longtemps, on a souvent fait du foot ensemble, on a souvent discuté foot ensemble. Quand il a commencé à créer le groupe qui allait devenir les 300,  je faisais partie des gens qui étaient dans son entourage. Tout s’est fait assez naturellement et avant qu’on se fixe une limite de taille.

Que représente l’OM pour toi ?

Entre l’OM et le PSG tout est opposé : la ville, la mentalité, le look. Ils représentent nos meilleurs ennemis, on adore les détester. C’est génial de détester un Marseillais.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

Je ne pense même pas que ce soit lié à une victoire, mais plutôt à des sensations. Je ne suis pas vraiment un historien du football, mes souvenirs iront dans les deux années passées maximum. J’ai le souvenir qu’il y ait eu un PSG-OM en 2012 où le gros Gignac nous met deux buts et Zlatan marque lui aussi deux buts incroyables, dont un espèce de coup franc que personne n’attend. De 30 mètres il envoie une sorte de praline. J’étais tout seul chez moi et je me rappelle avoir rigolé pendant 20 ou 30 secondes. J’étais sous le choc, c’était trop beau.

Quel est le but le plus fort en émotion que tu aies vécu lors d’un PSG vs OM?

C’est ce coup franc de Zlatan qu’il plante il y a deux ans à la trentième minute. Après, je pense forcément au but de Pauleta, mais ce n’est pas le plus fort en émotion dans le sens où je ne me rappelle plus comment je l’ai vécu. Celui de Zlatan était incroyable, j’ai sauté de mon canapé, rigolé, crié, j’ai beaucoup aimé.

Quel est le geste technique qui t’a le plus transporté lors d’un PSG vs OM ?

Je ne vais pas chercher très loin, mais la dernière percée de Lucas est vraiment trop belle. Il y a une expression qui est un peu naze dans le foot qui dit « si ça rentre c’est pareil » et pour celle-là, c’est vraiment approprié ! Sinon je me souviens d’un petit une-deux en 2008, le PSG gagne 4-2 contre l’OM et il y a notamment Luyindula qui la remet à Hoarau, ce but là est magnifique.

Quel est le duel de joueur qui t’a le plus marqué ?

J’aime bien l’image de Ravanelli avec son front contre Ducrocq. Il n’y a pas longtemps, il y avait Barton qui faisait son grand nez en direction de Zlatan.

 

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Un pronostique pour le 5 avril ?

Je pense que le 5 avril nous allons gagner 3-1. Ils vont commencer par nous en mettre un, ensuite on égalisera et puis on va réussir à en planter deux. Parmi les buteurs, je mettrai Zlatan, qui mettra un doublé, de toute façon, pour chaque match je pronostique deux buts de Zlatan. Et puis, Pastore, car il est chaud en ce moment.

Comment vois-tu l’évolution du Classico aujourd’hui ?

Je trouve qu’il perd en intensité, mais ça reste toujours les matchs les plus intéressants. Ce qui est bien, c’est que pour Paris et Marseille, peu importe leur classement ou le moment de l’année : c’est la guerre. Je me rappelle quand j’étais plus jeune, il y avait sur le terrain beaucoup plus d’énergie. Les duels n’étaient pas les mêmes dans un Classico que dans un autre match,  c’était niveau Ligue des Champions. Les mecs donnaient tout, ils avaient la rage, et de la belle rage. Ils n’y allaient pas par médias interposés, ils se rentraient dedans, un peu comme dans un match de rugby. On se castagne, on se fait les pires saloperies. J’ai tendance à dire que le Classico est de plus en plus monté en épingle par les médias pour vendre un maximum de trucs. Dans l’intensité j’aimerais bien une belle guerre.

Quelle serait la vie d’un supporter parisien sans Marseille ?

On a tous forcément un ennemi juré, que ce soit les derbys en Bretagne ou en Corse, nous c’est Marseille. Ce serait dommage une vie sans Marseillais, quand ils étaient en D2, c’était triste. C’était bon, mais c’était triste.

 

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A quel moment et pourquoi est-ce que tu as commencé à supporter le PSG ?

J’étais en CM2, j’avais 9 ans, donc ça devait être en 1982. J’habitais dans le 17ème et je m’étais fait virer de la cantine de mon école. Du coup j’allais déjeuner chez un pote à moi qui était fan de Paris. J’ai commencé à supporter le club à partir de ce moment-là très précisément. En CM2, dans le 17ème à Paris.
Il avait des posters partout. Son père était un ancien joueur. Comme tous les gamins, je m’intéressais un peu au foot, j’avais les albums Panini mais je ne m’affiliais pas particulièrement à un club. Mais à cet âge-là quand j’ai rencontré ce pote qui était déjà vraiment à fond, je suis tombé dedans avec lui.

Et du coup quel serait ton premier souvenir ?

Mon premier souvenir conscient du PSG était une finale de Coupe de France. C’était en 1983 un PSG – Nantes et Paris remporte la Coupe. J’étais encore loin d’aller au Stade à l’époque, mais je l’avais regardé avec ce pote. Premier trophée, première victoire, premier titre.

Et aujourd’hui, comment définirais-tu ton lien avec le PSG ?

Mon lien avec le PSG est une présence permanente. C’est selon mon emploi du temps, ma charge de travail, si je suis en vacances ou à Paris. Le PSG est plus ou moins là, selon l’actualité, le calendrier aussi. Mais même quand il ne se passe rien, c’est présent à tous les instants de manière plus ou moins graduelle, selon toute une série de paramètres externes ou internes.

Donc quotidiennement, comment vis-tu le PSG ?

C’est lié au calendrier. De toute façon, il se passe toujours des choses. C’est vrai que les 300, c’est un lien permanent. C’est-à-dire qu’au lieu d’aller chercher une informations sur douze sites différents, tu es à la fois dans le sujet et à la fois tu échanges donc c’est très interactif. Le quotidien est aussi lié aux grand rendez-vous. Il y a les rendez-vous de championnat, c’est un peu la routine et la Ligue des Champions c’est un peu l’exception. Et puis tu peux te concentrer sur tout ce qu’il y a comme à côté, l’extra-sportif, les scandales, les transferts. Et il y a toute la période du mercato qui est aussi autre chose. On mise sur telle ou telle arrivée, ou sur tel départ. Chaque saison a son lot de surprises et d’intérêts.

Et justement dans quel état d’esprit tu te trouves lors d’une victoire ou d’une défaite ?

Alors j’ai un rapport aux médias qui est assez rigolo. C’est à dire que lors d’une défaite, heureusement elles sont rares,  je fais un black-out sur tout ce qui est média. Surtout qu’aujourd’hui quand on perd, on perd comme des chèvres. Cette année j’ai fait la même chose pour les matchs nuls. Je ne regarde pas le Canal Football Club, je ne regarde pas les émissions sportives du week-end, j’évite l’Équipe, Football 360, même un peu les 300. J’attends que ça passe et que le flux d’actu reparte sur la prochaine actu. Donc en général, j’ai besoin d’un espèce de sas où je fais semblant de ne pas m’y intéresser.

 

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Est-ce qu’il y a un symbole que tu as toujours sur toi et qui symbolise ton lien avec le PSG ?

Alors mon lien avec le PSG, attention, c’est du très lourd. J’assume complètement ce que je vais vous dire. C’est mon chat. J’ai un chat qui s’appelle Zlatounette. Elle a un an. Je ne voulais pas de chat, et ma copine en voulait un. Donc j’ai dis « Ok, mais c’est moi qui choisis le prénom ». Il a été validé… Il y a deux écoles : il y a pas mal de mes potes et aussi des siens qui trouvent que c’est carrément un acte de génie et puis il y en a qui sont consternés, qui n’osent même pas parler au chat, tellement ils ont honte. Heureusement un chat, ça ne se sort pas donc, ça reste chez moi.
Elle a un petit hoodie, avec écrit Zlatounette derrière et un numéro 10. Mais je vous rassure, je ne lui mets pas. Elle n’a pas joué au foot., elle est trop débile pour ça.

Justement tu parlais de tes amis et de ta copine, comment vivent-ils cette passion que tu as pour le PSG ?

Dans les moments où ma copine a des choses à faire, elle a beau dire qu’elle me trouve souvent pathétique, je pense que ça l’arrange bien. Elle peut, soit sortir avec ses copines, soit voir un film que je n’ai pas envie de voir etc. Grosso modo ça pose seulement problème quand ça tombe pile poil sur l’anniversaire de la grand-mère, ou le diner de famille, là il y a des conflits de calendriers…. Mais généralement elle le vit plutôt bien. Elle est très contente quand je vais au stade, comme ça elle peut faire des soirées à la maison.

Quelle est la plus belle ambiance que tu aies vécue dans un stade, que ce soit au Parc des Princes ou autre ?

Alors, je suis content, parce que chez les 300 c’est un moment tellement bateau qu’on n’a pas le droit de le mentionner. J’étais au stade pour le retour de PSG – Steaua Bucarest [lors du tour préliminaire de la Ligue des Champions en 1997 ndlr]. Donc pour mémoire on perd sur tapis vert au match aller, parce qu’on aligne un joueur dont on avait oublié le fait qu’il était interdit de jouer. On perd donc 3-0, et on gagne 5-0 au retour. Je suis au stade et d’un point de vue sportif, c’est extraordinaire, avec un but de Raï au bout de trois minutes.
Et sinon à titre perso j’ai un souvenir avec mes potes. C’était l’année dernière pour mes 40 ans, mes amis m’offrent un voyage à Lisbonne pour le retour Benfica-PSG, c’était des matches de poules, on était déjà qualifiés, on envoie une équipe B, le match n’était pas fou, en plus on perd 2-1. Menez a été assez mauvais. Mais bon, j’étais avec mes potes, c’était mes 40 ans.

Quel est le chant parisien qui te fait le plus frissonner ?

Bon, je vais faire un peu d’auto-promo, mais c’est le chant que les 300 ont inventé sur Marco Verratti. Je ne vais pas vous le chanter là, il y a des gens qui font ça beaucoup mieux que moi. On était très très contents que Verratti le reposte. C’est un peu notre petit chant du moment. Je crois qu’ils en préparent d’autres.

Est-ce qu’il y aurait une anecdote que tu aurais un peu insolite, un peu farfelue, un peu atypique, que tu aurais vécue en rapport avec le PSG ?

Il y a un truc qui est un souvenir d’enfance où je devais avoir 11-12 ans. C’était très peu de temps après que je m’intéresse au club. J’ai été garçon d’honneur au mariage de Luis Fernandez. Mon père connaissait très bien Francis Borelli, c’était son premier patron quand il a travaillé. Et je ne sais pas comment, il avait réussi à me faire incruster au mariage. Et comme j’étais un enfant, du coup, il m’avait mis un peu dans les trucs avec les autres enfants du mariage. Du jour au lendemain, j’ai vu toutes mes idoles, Rocheteau, Susic, Fernandez, Bathenay, Pilorget. Voilà, c’est un peu le souvenir que j’ai, un peu private où j’ai vécu un truc avec le club. Ils ne jouaient pas, mais ils étaient tous là.

On va parler des 300. Comment on devient un 300 ?

J’avoue que ça a beaucoup évolué au fur et à mesure du succès du groupe. Moi quand j’y suis rentré, c’était relativement au début, donc il y avait de la place. Il n’y avait pas besoin de montrer patte blanche. Aujourd’hui, c’est très très chaud. Il faut être co-opté, sur liste d’attente. Qui qu’on soit, on passe par la liste d’attente. Il faut faire une profession de foi, il faut y raconter un souvenir sportif qu’on a vécu personnellement avec le club. Sachant qu’il y a quelques interdits qui sont trop bateaux. Il y a donc Steaua Bucarest, il y a le retour de la Ligue des Champions au Real Madrid, la tête de Kombouaré. et donc ça ne rigole pas. C’est le club le plus difficile dans lequel on peut rentrer aujourd’hui.
Pour moi c’était comme une lettre à la Poste. Je suis rentré, je connaissais le fondateur et il y avait de la place. Je suis entré on a sympathisé, il m’a proposé de rejoindre le groupe et voilà.

 

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Depuis les critères se sont un peu endurcis, en quoi est-ce que tu te sens un membre légitime ?

En fait ce que j’aime bien dans les 300, c’est que c’est un club très sérieux. Il y a quand même suffisamment de second degré et « d’éducation » qui font que chacun a son rôle. Il y a les mecs qui sont bons sur les punchlines, les mecs qui sont bons sur le fond. Il y en a d’autres qui sont un peu la mémoire du groupe, qui sont très techniques, des abonnés de la première heure. Maintenant il y a une certaine auto-dérision et je dirais presque une manière de surjouer la mise en scène, le côté société secrète où tout le monde joue un peu avec ça tout en restant très sérieux sur le fond. Ça ne rigole pas, surtout sur un PSG-Chelsea par exemple, mais il y a quand même une espèce de va-et-vient permanent entre le premier et le second degré. C’est ça que j’aime bien. Moi par exemple je ne suis pas dans les « hardcore », je n’ai jamais été abonné. Il m’arrive assez souvent d’aller au stade mais, je n’ai pas été, ni abonné, ni dans les ultras, ni dans les virages. Donc je suis vachement en retrait sur les débats qu’il peut y avoir sur les supporters, parce que je n’en ai jamais fait partie. Donc en ce qui me concerne je suis plus là, je fais des vannes.
Je suis assez présent dans les commentaires en live pendant les matchs. Donc ça fuse dans tous les sens. Lavezzi qui a encore quiché et Zlatan qui rate pendant tout le match et tu dis qu’il est fini et puis tout d’un coup, il plante un but et puis te te dis évidemment j’y ai toujours cru. Oui ma spécialité c’est le « j’y ai toujours cru ». C’est un peu ma vanne.

On a parlé du PSG et sans rentrer dans les détails, que représente l’OM pour toi ?

C’est pas très original, mais c’est le rival éternel, le meilleur ennemi, le yin et le yang. Je n’ai jamais eu – je vais me faire des ennemis du côté de l’OM – de véritable attraction pour l’OM, même à l’époque où j’étais moins sur le PSG. Par contre j’étais quand même content, quand ils ont gagné la Ligue des Champions. Après, ils représentent quelque chose – peut-être plus que Paris aujourd’hui – la mixité d’une ville, la ferveur populaire, un brassage social évident. Un club qui a une grande histoire, ça c’est sûr, mais je pense qu’aujourd’hui le maillage, même sociologique et le stade, est plus l’âme de la ville que peut l’être Paris. On voit clairement qu’on est en train de bouger vers quelque chose de plus élitiste, de moins populaire. Donc de ce point de vue là, je respecte beaucoup ce qu’incarne l’OM dans la ville. Après, je ne les aime pas parce qu’on est programmé pour.

Et qu’est-ce que représente pour toi la rivalité entre le PSG et l’OM ?

C’est l’histoire d’une vie. Ca fait partie des moments qui rythment une année scolaire d’abord. Après une année tout court, quand le calendrier du championnat est dévoilé, c’est le premier truc que tu vas regarder. Que seraient les Stark sans les Lannister dans Game of Thrones, ou les 101 dalmatiens sans Cruella? On a besoin d’eux. Un PSG sans l’OM, quelque part on serait un peu orphelins de notre meilleur ennemi. Ça n’a pas les mêmes valeurs au fil des années. Il y a des années où sportivement on était à la lutte, d’autre où ils nous mettaient carrément 50km. Depuis quelques années on est devant. Cette année c’est vraiment particulier, la saison peut se jouer dessus. C’est dans quelques jours. Grosso modo, l’intensité est liée un peu à la période et au contexte sportif. Sinon globalement ça fait partie des rendez-vous d’une année, il y a Noël, les anniversaires et le Classico.

Je te pose la question différemment : y’a-t-il une vie pour le PSG sans l’OM ?

Il y a une vie européenne, ça c’est sûr, qu’eux n’auront jamais. En tout cas jamais plus. Et en championnat, il y a une vie pour le PSG sans l’OM. Globalement je pense que là il y a une génération de joueurs qui ont un problème de motivation dans le championnat, en tout cas cette saison. L’un des derniers ressorts de motivation, pour peu qu’il y en ait besoin, c’est vraiment celui-là. Quand on entendait Leonardo dire que l’équipe était plus programmée pour la Ligue des Champions, il faut quand même déjà commencer par gagner chez soi. Et surtout prouver, montrer, courir, donner. Le seul match qui m’a fait vibrer cette année c’est le match aller du Classico. Donc que serait le PSG sans Marseille ? Un club peut-être qui s’ennuie et qui ennuie un petit peu aussi.

Quelles est la plus grande joie que tu aies ressentie lors d’un PSG-OM ?

Je crois – même si c’est relativement récent – que c’est le but de Dhorasoo en finale de la Coupe de France. C’est un match difficile et arrive ce but de martien. Le gars qui mesure 1m52 et qui a une frappe de mouche, sors une espèce de truc de malade pendant la prolongation. Je crois que c’est le plus fort. Au niveau de l’enjeu aussi, parce qu’il y avait le sportif et l’enjeu : un trophée.

 

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Quelle est la plus grande peine que tu aies vécue lors d’un PSG-OM ?

La plus grande peine ? Si je peux, j’en aurais trois. La première c’est une humiliation : c’est l’année, il n’y a pas très longtemps, où le PSG joue contre l’équipe des minimes de l’OM qui ne veut pas envoyer l’équipe A pour des histoires de sécurité. Et on ne les bat pas, on fait 0-0, le match est nul, c’est la honte. Ensuite c’est une défaite en 1986, je crois qu’on prend 4-0 là-bas, quatrième but de Papin, de nouveau c’est l’horreur et la honte. Et enfin un truc qui est très spécifique pour moi de la rivalité PSG-OM, ce sont les joueurs anciennement parisiens qui vont joueur à Marseille. Donc il y a d’abord les traîtres : ceux qui passent directement de Paris à Marseille, type Fiorèse. Et après il y a ceux qui ont été des grands joueurs et qui ont un peu l’âme du club, comme Heinze qui est revenu à Marseille des années après, mais ça fait quand même mal. Et il j’ai un souvenir particulier sur le sujet, c’était Déhu en finale de la Coupe de France 2004 gagnée par Paris, c’est donc un moment de joie. Il monte prendre sa médaille, il se fait huer par tout le stade, le mec pleure. Il est encore parisien, mais déjà annoncé à Marseille pour la saison qui suit. C’est un moment de peine, parce qu’on ne sait pas quoi faire. Est-ce qu’on a un peu pitié du gars ? Est-ce qu’on se dit « Non mais t’es un traître c’est bien fait! » ? Le cas des transfuges, c’est un vrai sujet parce que c’est là qu’on voit que PSG-OM c’est vraiment spécifique. N’importe quel joueur de Paris qui va n’importe où, y compris à Lyon on se dit : « Bon c’est la vie ». Mais un joueur de Paris, qui va directement à l’OM, ou qui y va après, on n’aime pas.

Est-ce qu’il y a un but que tu gardes en mémoire ? Qui t’a marqué ou qui t’a fait frissonner lors d’un PSG-OM ?

Il y en a deux. Mais je pense que tous le monde va répondre pareil. C’est Pauleta qui va s’excentrer, qui attire Bartez, qui se retrouve dans un angle impossible, pas au poteau de corner, mais pas loin. Il fait une espèce de lob, qui rase la ligne et qui rentre dans le but. Et le deuxième c’est Dhorasoo, on en a parlé tout à l’heure : finale de Coupe de France, prolongation. Et j’aime bien quand même le doublé de Zlatan il y a deux ans aussi. On dit qu’il n’est pas dans les grands rendez-vous mais là lors du Classico il met deux buts : un coup franc (il n’en met pas beaucoup) et un espèce de truc de Kung-Fu, complètement dingue.

Et pareil, un geste technique ?

Un geste technique lors d’un PSG-OM, c’est le rendez-vous manqué avec l’histoire… C’est le rush de Lucas où le mec est à 5 centimètres du but de légende. Encore plus que Weah contre le Bayern, où il traverse le stade, il dribble un, deux, trois, quatre joueurs, il fait le geste juste, alors qu’il ne le fait pas toujours. Et là il y a Rod Fanni qui revient d’on ne sait où et qui sauve sa ligne. Si Lucas avait marqué ce but, sauf si ce n’était pas trop tard, je pense qu’il aurait pu aller en sélection du Brésil. Et puis c’était un but de légende, à la Ronaldinho. Il y a d’ailleurs surement eu des gestes de Ronaldinho aussi contre Marseille, mais c’est pas ceux qui me reviennent.

Si tu devais trouver un joueur parisien qui caractérise le mieux le PSG-OM pour toi ?

Pauleta ! On n’avait que lui et il était toujours là.

Et de la même manière, est-ce que tu aurais un duel de dirigeants ?

En gros il y a Tapie, Pape Diouf et Labrune… J’ai l’impression qu’à part Borelli qui était un peu icônoclaste et un peu fantasque, les présidents du PSG étaient quand même toujours, c’est pas péjoratif, des cadres de l’establishment. Donc plus policés, moins provocateurs, comme peuvent l’être un Aulas ou un Tapie. Je n’ai pas de souvenir. J’étais trop jeune sur Borelli-Tapie. Denisot-Tapie, ça ne me dit rien. Je n’ai pas de souvenirs d’affrontement à distance.

Comment tu vois l’évolution du Classico aujourd’hui par rapport aux années 90 ?

Je dirais plusieurs choses. Un : il y a un truc très spécifique à cette année, et ensuite les années à venir. Cette année il est très très très particulier, parce qu’il est sportivement capital, il arrive à un moment de la saison où elle va basculer. Soit on va faire une saison magnifique, soit tout peut s’écrouler dans le mois qui vient. Donc cette année est unique parce que le sportif est à la hauteur de l’enjeu en plus de la rivalité historique. Dans les années qui viennent, je pense que ça va devenir un vecteur de motivation très important pour le club. Parce qu’on voit bien que la motivation des joueurs n’est pas forcément la même quand ils vont jouer à Lorient ou à Caen, que quand ils jouent le Barça. Et je pense que le Classico reste un moyen de les réveiller, de se motiver, de galvaniser un peu l’enthousiasme, d’aller chercher des résultats. Au niveau sportif je pense qu’on sera toujours les favoris et donc maintenant l’enjeu ce sera de tenir le rang, a priori, on peut imaginer que si l’actionnariat de Marseille ne bouge pas et que celui de Paris non plus, on sera toujours tellement favoris sur le papier qu’on aura plus à perdre qu’à gagner. Donc logiquement je pense que Marseille aura plus à gagner qu’à perdre. Et au niveau de l’ambiance, bon, c’est un vaste débat, on ne va pas le faire maintenant, mais c’est sûr que ce n’est pas la même chose au Parc, qu’au Vélodrome. Je pense que c’est beaucoup plus chaud et qu’il y a une beaucoup plus grande ferveur chez eux. Mais ça restera toujours pour des raisons différentes, un rendez-vous capital.

Quel est ton pronostic pour le 5 avril ?

2-3 pour Paris. Buts de Gignac et de Batshuayi, buts d’Ibra, de Pastore et de Matuidi pour Paris.

 

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A quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Quel moment précisément je ne saurais pas dire. Mais je sais qu’après 1991 pas mal de mecs de mon quartier supportaient l’OM. Je ne comprenais pas comment on pouvait venir de Paris et supporter l’OM. Si tu es marié, tu ne vas pas aimer la femme du voisin, tu aimes la tienne. J’étais pas très football à l’époque, je suis basketteur, mais par contradiction face à tous les mecs à côté de chez moi qui supportaient l’OM – et en plus j’habitais à côté du Parc des Princes – j’étais obligé de soutenir Paris.

Ton premier souvenir en tant que supporter ?

Etant donné que je suis encore assez jeune, mon premier souvenir remonterait vraiment autour de 1994-95. Les belles années avec d’abord Ginola, Weah, Djorkaeff puis Julio César, Dely Valdes, l’année où on gagne la Coupe d’Europe. Mon premier souvenir du Parc viendra un peu plus tard.

Comment définirais-tu ton lien avec le PSG ?

Mon lien avec le PSG est assez fort et c’est quelque chose qui passe au dessus de beaucoup d’autres. À la base j’étais basketteur, fan de sport américain, et je n’aimais pas le football. Le PSG pour moi ce n’était pas du football, c’était ma ville, mes couleurs, défendre un stade, défendre un quartier, défendre son honneur donc ça passait bien au delà du sport en lui-même. Regarder l’équipe de France à la télé dans les années 90, ça ne m’intéressait pas. Par contre n’importe quel match du PSG était une guerre pour moi.

Aujourd’hui comment réagis-tu après une victoire ou une défaite du PSG ?

Cela dépend du lieu où je regarde le match parce que maintenant je suis père de deux enfants donc à la maison c’est une joie très muette. Les bébés dorment donc tu ne peux pas crier. En plus de ça ma femme ne supporte pas le football, donc ça la saoule suffisamment. Par contre quand je suis au stade je suis un autre homme. Je suis quelqu’un de très anxieux, de très calme pendant les matchs mais s’il y a un but c’est une explosion de colère et de joie en même temps.

Est-ce qu’il y a un objet que tu gardes constamment sur toi qui te rappelle le PSG ?

Non je garde tous mes souvenirs en tête. Ce qui m’a fait encore plus aimer Paris c’est que j’avais trois potes de mon quartier qui étaient au centre de formation du PSG. J’ai été au Parc des Princes pour la première fois très tard. Par contre, j’allais au Camp des Loges dès l’âge de 15 ans, tous les samedis après-midi on allait voir les matches de CFA, de CFA 2 et les mecs comme Raï, Djorkaeff, Bruno Germain se baladaient au Camp des Loges. Toi t’étais là, assis à côté d’eux, tout heureux. Il y avait Anelka qui était sur le terrain, tout jeune à l’époque. C’est plus des souvenirs que j’ai en tête et des rencontres qui m’ont fait vibrer plutôt qu’un souvenir tactile. J’ai une vieille écharpe des années 90 que je porte à chaque match mais je n’ai pas d’objets que je porte sur moi constamment.

Comment ton entourage vit ta passion pour le PSG ?

Bizarrement j’ai de plus en plus de potes qui supportent le PSG donc c’est presque devenu le sujet numéro un des conversations. Après ce qui est marrant, c’est que j’ai des potes qui ne me parlaient jamais de foot ni du PSG il y a 5 ans qui maintenant me sortent tout l’historique du club, des trucs que parfois j’ignore moi-même.

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C’est quoi la plus belle ambiance de stade que tu aies connue ?

L’un des premiers PSG-OM, ça devait être en 1999 ou 2000 [saison 1998/99 ndlr.] on gagne 2 buts à 1. Nous étions menés 1-0 une bonne partie du match et dans les dix dernières minutes il y a un but de Marco Simone et un autre de Bruno Rodriguez. Une super passe en profondeur où le gardien, Porato, sort. Rodriguez qui fait juste un décalage et le gardien qui part totalement à côté. On faisait une saison de merde comme on en a fait certaines, mais cette victoire nous permet de priver Marseille du titre, donc c’était plutôt cool. L’ambiance dans le stade ce soir-là était vraiment folle, même si j’ai retrouvé quelques ambiances sympas ces dernières années sur des matches comme PSG-Barça ou PSG-Chelsea. Mais je suis un peu nostalgique des années 90.

Quel est le chant parisien qui te fait le plus frissonner ?

Ça reste « Ô ville lumière » parce que c’est un vrai hymne qui est là depuis très longtemps que j’entendais déjà quand j’allais au stade avant donc c’est vraiment un chant qui me parle. Je pense qu’il faudrait vraiment trouver de nouveaux chants surtout avec l’équipe qu’on a, il y a vraiment de quoi faire. Notre équipe des 300 en a trouvé un sur Verratti, on en cherchait un sur Zlatan donc je pense qu’on peut encore innover et trouver des choses à l’avenir.

Que représente Marseille pour toi ?

Ça ne représente pas grand-chose en fait. En plus j’ai vécu à Marseille où j’ai signé un contrat d’un an dans une équipe de basket. J’ai même vécu un OM vs PSG au Vélodrome avec une victoire de Paris. Pour moi ça représente les grèves d’éboueurs, la ville sale, enfin les Champs-Elysées de Marseille – la Cannebière – dégueulasse et jamais lavée, des accents bizarres, des mecs qui aiment bien en rajouter, qui aiment bien sortir des mythos [rires]. Je rigole, j’ai des potes marseillais mais pour moi Marseille ça ne vaut pas grand chose. Ils sont encore là, à nous saouler 25 ans après pour une Coupe d’Europe très litigieuse. Les matches très douteux comme OM vsValenciennes et leurs commentaires du genre : « On n’avait pas besoin de l’acheter le match ». On s’en fout, tu l’as acheté et logiquement tu t’es fait disqualifié ! Ça ne représente pas grand-chose mais c’est en même temps notre seul adversaire. S’il ne devait y avoir qu’un match dans l’année pour moi ce serait PSG-OM. Au delà des Coupes d’Europe, c’est la rivalité Nord-Sud, entre les deux plus grandes villes de France et pour beaucoup c’est aussi la rivalité Paris-Province. Je suis fier d’être parisien, j’ai vécu en province et même s’il y a des endroits sympa là-bas, je ne me verrais pas vivre ailleurs qu’à Paris.

 

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Quelle a été ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

C’est celle que j’ai vécue au Vélodrome. La vraie joie, c’était de voir la tête des mecs, parce que je n’étais pas dans une tribune parisienne. J’avais eu des places par un pote et c’était un match de Coupe qu’on a gagné après prolongations. Il y avait eu un but de Drogba et un de Pauleta, et je crois que c’est Sorin qui marque en prolongations et qui nous qualifie pour le tour d’après. Ca me faisait rigoler de voir des gens pleurer dans les tribunes. Moi j’étais calme parce que je savais que j’étais le seul parisien, je n’allais pas non plus faire le fou en tribune marseillaise. Ça restera un grand souvenir parce que pour une fois j’étais à l’extérieur c’était assez jouissif surtout qu’on a eu des années difficiles avant. C’était lors d’une période où on avait aligné 8 victoires de suite face à l’OM donc ça faisait un peu de bien.

La plus belle victoire lors d’un PSG vs OM ?

Il y a un match que je retiens beaucoup curieusement – peut-être parce qu’on n’avait pas une super équipe. C’est un match qui a eu lieu il y a quelques saisons, un 4-2 au Vélodrome avec un but de Luyindula notamment. J’étais chez moi et je me suis dit « Putain on est capable de faire ça et on fait rien le reste de l’année!?»

Quelle a été ta plus grande peine lors d’un PSG vs OM ?

Je ne dirais pas un PSG vs OM, mais je sais qu’il y a un match qui m’a vraiment rendu fou c’était le PSG-Chelsea avec Drogba qui marque et qui nous dit « Allez l’OM ». C’était comme si j’avais perdu contre Marseille, mais en pire. Je me suis dit : « Pourquoi ? T’es parisien mec ! Reviens dans le droit chemin ». Sinon il y a un OM-PSG avec un but de Fiorese ou de Florent Maurice qui venait de quitter le PSG. Ca me rendait fou que les anciens parisiens quittent Paris pour aller à Marseille. Je peux accepter qu’un marseillais vienne à Paris, je me dis « Ok, t’étais perdu dans ta vie, t’as vu la lumière, t’as vu Jésus, tu t’es dit : je viens ! » Mais que tu fasses une Déhu, que tu quittes Paris pour aller dans un caniveau, je ne comprends pas. Tous les matchs où les anciens parisiens marquaient face à nous me rendaient fou.

Le but le plus fort en émotion lors d’un PSG vs OM ?

Si je devais en retenir un, je garderais celui de Pauleta. Je sais que c’est un petit peu classique, mais le but vient de nulle part. Tu peux mettre 10 joueurs de génie à sa place, je ne suis pas sûr que la moitié le marquent. Et c’était face à Fabien Barthez. C’est vraiment un but qui m’a marqué.

Le geste technique qui t’a marqué lors d’un Classico ?

Ronaldinho nous en a fait une ribambelle…  Il y a aussi le coup franc d’Ibra à Marseille il y a 2 ans. Une sacrée frappe et je le retiens surtout car que je l’ai vu chez des potes marseillais donc ça m’avait vraiment fait plaisir de foutre le bordel chez eux.

Si il y a un joueur emblématique de cette opposition?

Celui qui représente le mieux Paris parmi les joueurs actuels, pour moi c’est Zlatan. Parce qu’il a quelque chose d’extrêmement parisien : il est arrogant, fort, talentueux mais il respecte ses adversaires malgré tout. Il a un truc en plus qu’on ne trouve qu’à Paris. A Paris on est arrogant, on n’arrête pas de critiquer la province et ça peu importe d’où tu es ! On est fier de notre ville et je pense que l’esprit Zlatan représente bien l’esprit parisien. Si je devais revenir sur d’anciens joueurs, je mettrais Ginola parce qu’il avait ce même truc arrogant, parfois agaçant. Il était hyper talentueux très sûr de lui et c’est ça pour moi la mentalité parisienne.

Si tu devais citer un duel de joueurs PSG vs OM ?

Il y a un moment où j’aurais aimé être sur le terrain. C’est la fois où Jérome Leroy pousse Laurent Leroy. Je me suis mis à la place du Leroy parisien en me disant « Pourquoi tu ne lui as pas mis une patate ? Quitte à prendre un carton rouge, mets lui une patate, met le K.O !» Si je devais retenir une rivalité, ce serait celle-là surtout que Jérôme Leroy était parisien avant ça, donc c’était encore un mec qui s’était égaré.

 

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Il y a un duel de dirigeants auquel tu penses ?

Un des meilleurs dirigeants à Paris était Denisot. Denisot-Tapie était une belle rivalité mais à l’heure actuelle j’ai l’impression qu’il n’y a plus de leader charismatique à Marseille et très peu dans les autres clubs non plus. De nos jours il n’y a plus vraiment de rivalité entre dirigeants, c’est très aseptisé, très respectueux.

Comment vois-tu l’évolution du Classico ?

Ce qui est drôle, c’est qu’avant on était sûrs de rien parce qu’on était souvent irréguliers et l’OM était souvent en haut de tableau. Ce match-là est très particulier parce que nos joueurs étaient capables de sortir un match de folie, de se surpasser et de gagner. Quand on y allait, on n’était pas spécialement confiants, on y allait avec la rage mais sans être sûrs de l’emporter. Aujourd’hui, je n’ai aucun doute sur aucun PSG-OM. Pour moi on ne peut pas perdre. On est beaucoup plus fort, on est au dessus, on a du talent. C’est là que ça a changé. Avant j’appréhendais, maintenant la seule question que je me pose c’est « Combien on va leur mettre ? »

Que serait la vie d’un parisien sans le club de Marseille ?

Il faudrait alors trouver une autre équipe de province sur laquelle taper. Mais qui ? À part Lyon, y’a pas grand monde. PSG-OM reste quand même ma rivalité préférée. Il y a le bien et le mal. Il ne peut pas y avoir l’un sans l’autre. Il ne peut pas y avoir PSG sans OM ou OM sans PSG. Même si l’OM était en D2 on continuerait à parler de nous. Mais pour l’intérêt du championnat, il faut qu’il y ait les deux équipes, qu’elles s’affrontent parce qu’il n y a aucun autre match dans le Championnat qui déchaine autant les passions.

 

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 À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Ça fait à peu près 30 ans que je vais au Parc. L’événement fondateur on va dire, c’est un Metz-PSG où Fernandez [au PSG de 1978 à 1986 ndlr] se retrouve dans les buts et il claque une parade sur une frappe à 20 mètres. Ça m’a procuré un truc assez dingue et je me suis dit « Ouais, ça va être mon équipe ». J’ai eu la chance d’en parler avec lui, il y a un mois ou deux, parce que je l’ai interviewé pour un magazine. C’était assez dingue de pouvoir faire ça.

Ton premier souvenir marquant concernant le PSG ?

Ma première fois au Parc quand j’étais petit, ça faisait beaucoup de bruit. C’est un peu ce que tu en gardes quand t’es gamin. En terme de foot, oui c’est cette parade de Luis.

Tu peux nous raconter un peu le contexte justement ?

Alors en fait, c’est lui qui m’a expliqué ça, il était en renégociation de contrat avec le club, ça ne se passait pas bien. Il démarre le match sur le banc, on perd notre gardien et on n’a pas de gardien remplaçant, et Fernandez se retrouve à aller dans les buts. On perd 2-1 je crois, il prend un péno, une frappe de merde, mais il sort ce truc qui était en pleine lucarne. Et là c’est sûr, ça fout les poils sur les bras, enfin j’étais petit mais j’avais un peu de poils déjà quand même [rires]. C’est une émotion assez dingue de voir quelque chose qui sort de l’ordinaire : un joueur de champ dans les buts, tu te dis qu’il va en prendre 15 et puis finalement il te sort ce geste fou.

Comment tu définirais ton lien avec le PSG ?

C’est ma plus longue histoire d’amour on va dire. C’est quelque chose qui ne s’éteint jamais, même quand c’est dur. C’est même plus qu’une histoire d’amour, quand ça ne va plus avec une nana, tu pars ou elle part. Tu ne peux pas quitter Paris, c’est impossible. Donc tu souffres avec eux quand c’est dur et tu es heureux avec eux quand c’est chanmé. On a beaucoup souffert quand même [rires] pendant très longtemps, donc là on kiffe ce qu’on vit.

 

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Quelle place occupe le PSG dans tes journées, dans ta vie au quotidien ?

C’est compliqué à dire. Quand tu aimes le foot, quand tu aimes le sport, tu en parles un peu tous les jours. Tu refais les matchs tous les jours, ceux qui sont passés, ceux qui arrivent. C’est toujours un sujet de discussion. Donc tu défends toujours ta chapelle.

Quelle est ta réaction après une défaite ou après une victoire du PSG ?

Ça dépend de la manière dont ça s’est passé. Moi je ne leur reproche jamais de perdre si je ne me sens pas trahi. S’ils se sont battus, s’ils ont tout donné, ça fait juste partie du sport de perdre. Quand tu sens qu’ils n’ont pas été au bout, t’es un peu fâché. Et les victoires, elles te rendent les journées un peu plus chouettes. Les potes qui supportent les autres clubs te laissent un peu tranquille.

Est-ce qu’il y a un objet ou un symbole qui représente un peu ton lien avec le PSG ?

Oui, un tatouage qui représente la devise de la ville de Paris que j’ai sur le bras.

J’imagine que ton entourage, ta famille et au courant de cette histoire d’amour comme tu dis.

J’en ai eu très longtemps honte, mais j’a fini par l’avouer [rires]. J’ai un fils qui a 11 ans qui est dingue de Paris. On se demande pourquoi… On se mate tous les matchs en famille on va dire.

Ça fait 30 ans que tu es supporter du PSG. Est-ce qu’il y a un moment où ils l’ont mal vécu ? Est-ce que c’est toi qui les a un peu mis dedans ?

Mon fils oui, un peu malgré moi, il a fait comme papa. Je regardais les matchs à la maison et puis c’est un moment de partage aussi. Que tu sois avec tes potes ou avec tes gamins c’est un truc génial à vivre. Mais, non ce n’est pas non plus envahissant dans la déco.

Quelle est la plus belle ambiance de stade que tu aies vécue ?

C’était à Madrid. Le Real ça faisait du bruit quand même. C’était pour le quart de final en 1993, le match retour. J’y étais, je suis un peu vieux. Ça faisait beaucoup de bruit, mais le Parc en général fait du bruit. Il a été conçu pour faire tourner les sons en fait, c’est un stade qui a une ambiance assez unique. Et c’est vrai que ce jour-là ça tremblait, c’était fou.
Le match contre Chelsea l’année dernière aussi c’était quelque chose. Sur le but de Pastore dans les arrêts de jeu j’ai retrouvé un truc assez dingue. J’avais un vieux monsieur à côté de moi et en fait quand Javier est rentré je lui ai dit : « On lui crache tellement dessus, vous allez voir il va faire un truc de dingue ». Ce vieux monsieur s’est jeté sur moi, on s’est fait un gros câlin, alors que je ne l’avais jamais vu de ma vie [rires]. C’était assez émouvant.

Quel est le champ parisien qui te fait le plus frissonner ?

« Ville Lumière » et non je ne chanterai pas. Pourquoi ? Parce que c’est un chant qui nous unit un peu, c’est un truc qui nous porte, qui est sensé porter les joueurs aussi. C’est un moment de communion.

Est-ce qu’il y a une anecdote insolite que tu as vécu dans le stade ou dans une ambiance de match, pendant ces 30 années de Parc ?

Alors c’est paradoxal parce que c’est un chouette souvenir sportif. C’était Arsenal-PSG en 1994, on les affronte en quart de final et on fait un partout. Je découvre une équipe absolument dingue sur le terrain, qu’était Arsenal ; et dehors, avant et après le match, c’était ultra violent. Donc je kiffais un moment de foot et en même temps je me disais : « Putain comment ça va se passer quand on va sortir ? » C’était quelqu’un qui venait me chercher en voiture, j’avais dû appeler d’une cabine pour dire « Viens me chercher plus tard parce que ça craint un peu. » Je m’étais et je regardais les mecs se taper dans le square et j’attendais patiemment qu’on vienne me chercher. C’était paradoxal, parce que c’était un vrai kiff de foot, mais ultra violent, avant et après.

Comment est-ce qu’on devient un 300 ?

Il faut être amoureux du club déjà. Moi ce que j’aime dans ce groupe, c’est que c’est une manière un peu plus intelligente de parler de foot. J’étais lassé de tous ces sites où les mecs s’insultent en fonction de leur club, tu as finalement zéro discussion et tu n’es pas plus malin une fois que tu as fermé Internet. Là on est entre mecs plutôt cools, plutôt intelligents, qui essaient de se raconter des vrais trucs. On n’est pas toujours d’accord, mais on se le dit en y mettant les formes et on apprend de chacun. Et pour entrer dans le groupe, il faut un parrain ou quelqu’un qui t’intronise.

En quoi te sens-tu légitime dans ce groupe ?

À partir du moment où tu supportes Paris, tu es légitime. Il y a des mecs qui disent : « Le Parc c’était mieux avant, vous êtes des Footix… » Personnellement je vais au Parc depuis 30 ans, je n’ai jamais cassé la gueule de personne… enfin dans un stade. [rires] Et finalement je t’emmerde quoi, Paris ce n’est pas plus à toi qu’à moi. À partir du moment où tu aimes le club, il y a toujours une première fois. Canal + a fait arriver des mecs qu’on traitait de Footix, enfin pas de Footix à l’époque, mais de… voilà. Le Qatar, c’est pareil. C’est la même chose pour tous les clubs. T’as des mecs qui ont aimé Lyon pour la première fois, qui ont aimé Bordeaux pour la première fois. Tout le monde est légitime. À partir du moment où tu es sincère dans l’amour que tu portes pour ce club, il n’y a pas de jugement à avoir.

Quelle est ta personnalité dans les 300 ?

J’aime bien faire marrer. J’aime bien mettre la petite punchline qui va soit désamorcer un truc, ou au contraire provoquer une discussion. C’est le côté amoureux des mots.

On va parler de la rivalité Marseille-Paris ?

De quel club tu parles [rires] ?

Qu’est-ce que l’Olympique de Marseille représente pour toi ?

Très honnêtement pas grand chose. Sportivement, ils ne m’ont jamais fait rêver, même s’ils ont eu de belles épopées et ça tu ne peux pas l’enlever. Mais, j’ai plein de potes de mon âge qui supportent Marseille parce qu’il y a eu les années Tapie, la Ligue des Champions. Mais moi, ça ne l’a jamais fait, parce que je l’avais déjà vécu avec Paris. Tu ne tombes pas amoureux deux fois.

 

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Que représente pour toi cette opposition OM – PSG ?

Même si elle a été un peu fabriquée, on aime bien la nourrir tu vois. Moi je ne les aime pas. C’est-à-dire que je ne les supporte jamais, c’est impossible. Mon plus beau moment de supporter anti-Marseillais, c’était la finale de Bari en 1991 qu’ils perdent aux pénos. C’était magique ! J’avais l’impression d’avoir gagné un truc.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un OM-PSG ?

Il y a la Coupe de France en 2006. On les tape 2-1 au Stade de France avec deux buts un peu dingues. Un but de Kalou sous la barre à 100 à l’heure et le deuxième est encore plus dingue, c’est une passe de 25m de Dhorasoo qui est cadrée et qui fait but. C’est-à-dire que c’est impossible que ce mec mette une frappe comme ça. C’était assez génial de leur mettre ça.
Il y aussi celle de 1999 au Parc, où ils prétendent avoir perdu le titre. Ils mènent 1-0 et on marque avec Simone et Rodriguez. C’était assez jouissif parce qu’on était à la rue : offrir le titre à Bordeaux, c’était assez cool.

Quelle est la plus grande victoire face à l’OM ?

On est sur une belle série là quand même. Ils ne montrent pas grand chose, on maîtrise le truc depuis un moment. Il y avait une belle série de huit victoires début 2000 avec Pedro, ce n’était pas la même chose, on était souvent à la rue pendant le championnat mais on arrivait toujours à les taper. Là on maîtrise vraiment le truc, mais je dirais le 3-0 au Vélodrome avec Roni’ et Leroy. C’était assez fou ! Voir LeBoeuf à quatre pattes, regarder passer Ronaldinho c’était cool. Je pense souvent à ça quand je le vois se la raconter dans Téléfoot. Je me dis : « Mais toi je t’ai vu à quatre pattes. Et t’as regardé un mec passer. »

Quelle est ta plus grande peine lors d’un PSG-OM ?

Il y a quelques saisons, on prend un 3-0 au Parc. Et pareil, ça avait été assez violent à l’extérieur entre supporters parisiens. Je me demandais un peu ce que je faisais-là. C’était une année où je ne pouvais pas emmener mon gamin au Parc. Et tu te sens un peu con, tu te dis : « Tout ça pour ça, quoi. » C’était la soirée de merde.

Est-ce qu’il y a un geste technique qui t’as transporté ?

Pedro Pauleta leur a mis des misères quand même,  il a mis deux-trois buts d’anthologie à Barthez. Mais pour moi il y a aussi un dribble d’Okocha sur Blondeau, il réussit à lui rentrer une roulette. Au Parc, il y a une stelle pour le short de Blondeau qui a été enterré à cet endroit. C’est le match qu’on gagne 2-1, ils perdent le titre. C’était la cerise. Okocha était un mec qui nous a fait rêver. Bergeroo avait fait un truc dingue en le remettant au milieu de terrain et en le faisant descendre un peu. Il était capable de nous rendre complètement fous quoi, tellement fou. Il était trop irrégulier, c’est dommage parce qu’il était exceptionnel ce joueur.

Le match le plus incroyable que tu as vécu de ton point de vue ?

J’avais bien aimé, celui où on va gagner 4-2 avec Rothen et Hoarau . C’était Villeneuve le président et le PSG n’était pas forcément favori. Villeneuve se fait insulter par tout le monde au début du match parce qu’il est sur la pelouse et aussi à la fin parce qu’il dit « C’est rigolo parce que les supporters marseillais m’avaient promis un truc, et finalement c’est le contraire qui s’est passé. » C’était des « Villeneuve on t’encule » pendant tout le début du match et le fait qu’il dise finalement à la fin « c’est le contraire qu’il s’est passé » avec un petit sourire, c’était assez cool [rires].

Est-ce qu’il y a un duel de dirigeant qui t’a marqué ?

Non. Je n’aimais pas Tapie, pour plein de raisons qui s’avéraient assez justes ma foi. Wenger qui était à l’époque entraîneur de Monaco disait que pendant les années Tapie, c’était absolument impossible de gagner le Championnat de France. Voilà, tout est dit. J’aimais bien Pape Diouf, je trouvais que c’était un mec plutôt intelligent qui avait de la verve, qui ne se laissait pas faire, c’était cool. Et j’aimais bien Villeneuve. Je pense qu’il est pour beaucoup dans le renouveau de Paname avec quelques idées assez malignes qu’il a pu avoir dans le recrutement, avec Makelele, Giuly, on avait même loupé Thuram à cause de ses problèmes de santé. Et déjà, il voulait reprendre le club.

 

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Il y a eu des histoires sur des accords entre Borelli et Tapis à un moment, il y a eu aussi l’ère Denisot qui était en activité en même temps que Tapie.

On dit que c’est Tapie qui a poussé Canal à reprendre Paris. Donc, peut-être, oui, que cette rivalité a été un peu fabriquée, mais je m’en fous je ne les aime pas quand même les marseillais. C’est pas grave.

Comment vois-tu l’évolution des Classico ?

Depuis que les Qataris sont là il n’y a pas vraiment match. Et oui, c’est dommage. Il ne perdra jamais de sa valeur. Même quand ils étaient en Ligue 2, parce que c’étaient des vilains tricheurs, j’étais quand même content de les taper quand on les jouait en Coupe de France. Je suis toujours ravi par une défaite de Marseille telle qu’elle soit. Contre Sochaux, n’importe qui, je suis content. Donc comment ça va évoluer, je ne sais pas… Ça dépend beaucoup d’eux je pense. Ils vont vivre des années un peu compliquées, financièrement, donc sportivement. C’est quand même cool d’avoir ces deux équipes au plus haut dans le foot français, n’en déplaise à Aulas. D’ailleurs le drame d’Aulas c’est que tout le monde s’en fout de Lyon. Il aurait pu gagner 15 titres, tous le monde s’en fout. Et ça je pense que ça le rend dingue. Les gens aiment Paris ou Marseille ou détestent Paris ou Marseille. Lyon on s’en cogne quoi.

Ton pronostic pour le 5 avril ?

2 ou 3-1 pour Paris. But de Lucas s’il est revenu, j’aimerai beaucoup parce que je pense qu’il va être déterminant pour cette fin de saison. Et Ibra pour le 100ème but, puis le 101ème, le 102ème, le 103ème. On ne sait pas. Il va peut-être leur faire un truc très sale. Ils mériteraient en tous cas de prendre un truc très sale [rires].

Quelle serait la vie d’un supporter parisien et du PSG sans l’OM ?

On l’a déjà vécu, quand ils étaient en Ligue 2… Et ça ne nous empêche pas de dormir. Mais ça reste quand même cool qu’ils soient là, c’est cool d’avoir des gens à détester en fait. Ils nous le rendent bien. Parfois je me dis c’est marrant, ces mecs ont sûrement la même passion que j’ai moi pour mon club et ils vibrent de la même manière pour des trucs qui me paraissent impossible. Finalement on vit le même truc, c’est ça qui est assez drôle.

 

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En plein cœur de l’hiver, Sosh nous convie à une édition radieuse et ensoleillée de la Poney Session. Et entre deux descentes, YARD fait s’affronter les compétiteurs et quelques anonymes lors d’un quiz où chacun devra démontrer l’étendue de sa culture générale.

Un an après ses débuts, YARD est retourné là où tout a commencé : le YOYO. Une soirée explosive où la musique, le champagne et les ballons ont coulé à flot sur les 1 800 personnes venues célébrer cette anniversaire avec nous. Nous vous remercions d’être venus si nombreux et de continuer à nous soutenir depuis le début, et on vous donne rendez-vous le 26 juin au Grand Palais pour marquer l’histoire.

Les peluches ont marqué notre enfance mais pour beaucoup d’entre nous elles ont fini leur vie dans un débarras, un grenier ou même dans une poubelle. Mark Nixon nous les montre mais avec la tête qu’elles auraient aujourd’hui : démembrées, amputées, lessivées.

Dans un livre baptisé Much Loved, Mark Nixon tire le portrait de plusieurs dizaines de peluches où on retrouve le fameux Teddy Bear. Sur chacune des pages en plus des photographies, on retrouve l’histoire qui lie ces objets et leur propriétaire pleine d’anecdotes et de souvenirs. Retrouvez cette série de clichés qui nous plonge inévitablement dans notre enfance.

A quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Ça commence dans la cour de l’école, tu sens vite qu’il faut choisir ton équipe pour en parler avec les potes le lendemain matin. Pour moi c’était une évidence, je suis Parisien, j’ai grandi à Paris.

Quel est ton premier souvenir du PSG ?

Les premiers trucs dont je me souviens ce sont de très mauvais souvenirs mais c’est le plus marquant pour moi. Ce sont les matchs de Ligue des Champions contre les équipes italiennes. La Juve et le Milan AC dans les années 80 où tu as l’impression que les mecs sont 15, ils maîtrisent toute la partie, tu peux gagner quand même mais ça finit toujours de la même façon. Horrible ! Ce sont de mauvais souvenirs mais il y en a eu des meilleurs depuis.

Quelle est ta relation avec le PSG ?

C’est pas compliqué, c’est en même temps un hobby, une passion, et un espèce de feuilleton, un truc qui ne s’arrête jamais même quand les championnats se stoppent pendant deux mois, il y a toujours quelque chose de croustillant à se mettre sous la dent. Quand tu as fini avec les news qui ne concernent pas le sport et que tu veux t’évader un peu du quotidien, Paris c’est le refuge.

Aujourd’hui dans ta vie de supporter quelle place occupe le PSG ?

C’est pas mal de tours sur les réseaux sociaux pour voir ce qu’il se passe. La routine du web le matin, un petit tour sur MagicPaname, Pariskop,les 300 voir qui dit quoi, quelles sont les dernières infos. Ça dépend de l’actualité. Quand c’est bien chargé vers février/mars avec la Ligue des Champions je peux me le faire un peu toute la journée, et l’été ça va être une fois le matin, une fois le soir.

Comment réagis-tu après une défaite du PSG en championnat ?

Ça dépend vraiment si tu es seul à la maison, avec des potes ou au stade. Quand je suis à la maison, je suis cool j’ai un peu de recul et les défaites au stade ça fait longtemps qu’il n’y en a pas eu mais ça peut vraiment être des moments difficiles. Par exemple les matchs très fermés où jusqu’au bout tu a de l’incertitude ou même pendant les années Vahid [Halilhodzic, ndlr] où on perdait pas mal de matchs 2-0, tu te dis : « Merde, qu’est-ce que je fous là ? » Tu passes 1h30 à crier et tu repars la queue entre les jambes, c’est un peu dur.

 

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Quel est l’objet ou le symbole qui définit le plus ta passion pour ce club ?

Il y a quelque chose que j’ai toujours sur moi mais ce n’est pas forcément du PSG, c’est l’Equipe. C’est la Bible. Évidemment, il y a forcément presque tous les jours un article sur Paname. Ce n’est pas vraiment un outil de partisan mais c’est le truc Paris Saint-Germain que j’ai tous les jours sur moi.

Quelle est la meilleure ambiance que tu as vécu au stade ?

Les ambiances les plus fortes c’était il y a 10 ans pour le Classico. Les tous premiers que j’ai dû faire c’était à 14 ans, j’étais encore minot. Tu sens qu’il y a de la tension même aux abords du stade, tu ne faisais pas le malin même si tu savais que les mecs autour de toi supportaient la même équipe.

Quel est le chant qui te fait le plus frissonner ?

Le plus cool, le plus construit je trouve que c’est « Ô ville lumière ». C’est le premier que j’ai appris et c’est celui que j’aime le plus.

As-tu une anecdote sur ce qui a pu t’arriver dans les stades ?

Le dernier truc marrant qui m’est arrivé au stade était cette année. On est dans une tribune où il y a le supporter numéro 1 de Verratti. Il y en a plusieurs qui le revendiquent mais je pense que lui c’est vraiment le premier. Ce jour là je me suis tapé une barre, Verratti est sorti, il est sorti aussi à son tour. Il était super tôt ça devait être la 60ème et il a dit « Ok, ciao les mecs j’me casse ! » Ça ne lui a pas plu.

Quelle est la marche à suivre pour devenir 300?

Il faut être patient. Il y a le cérémonial d’entrée où tu dois : raconter ton premier souvenir, donner ton joueur préféré, parler de ton rapport avec le Parc aussi. C’est important car le Parc c’est le truc qui revient toujours quand tu parles du Paris Saint-Germain avec les gens : « Qu’est ce qui t’es arrivé au Parc ? Qu’est ce que tu ressens avec ce stade ? » C’est une enceinte de malade ! Donc tu racontes tout ça, tu postes ça sur le groupe. Sur les 300 mecs il y en a 150 qui te disent « welcome », t’en as 80 autres qui te posent des questions, qui veulent en savoir plus, qui s’intéressent à toi… Mais c’est un truc assez chaleureux, très cool. D’ailleurs c’est une des règles : tout le monde est cool, tout le monde écrit, personne ne se gueule dessus, personne ne s’insulte. Il y a quand même un ou deux autres sites publics sur le web où ça existe aussi, mais 99% des trucs de sport, tu ne peux pas parler ça ne sert à rien. Les échanges sur l’Equipe ou les mecs se disent « footix » 50 fois d’affilées, ça n’a aucun sens. Chez nous les choses sont construites, on te demande de te justifier du coup, tu justifies tout. Ton opinion peut changer, tu écoutes les autres et ça c’est vraiment intéressant. C’est positif.

 

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Qu’est ce que l’OM représente pour toi ?

C’est la ville rivale de Paris. Moi je ne suis pas un vrai titi parisien mais j’ai passé toute ma vie dans cette ville, et j’en suis super fier. L’OM c’est Marseille et c’est deux France différentes qui s’affrontent. Positivement, c’est un jeu, mais un jeu sérieux.

Comment définis-tu l’opposition PSG vs OM ?

Cette opposition pour moi c’est vraiment un jeu. J’ai plein de potes qui sont supporters marseillais, on en parle ensemble, on se tape des barres, il y a aucun problèmes.  Je ne vais pas renier un ami parce qu’il est supporter de l’OM. On est des grands garçons et ça reste du sport. Mais c’est quand même un jeu qui est sérieux et surtout qui ne s’arrête jamais, l’histoire est de plus en plus longue, de plus en plus drôle et de plus en plus fournie. Tu as toujours le pote qui se souvient de tout, et qui te raconte toutes les anecdotes.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un PSG vs OM ?

Je pense que c’est la finale de la coupe de France 2006. Je pense au but de Dhorasoo pour le 2-1. C’était vraiment une joie parce que juste avant il y avait des Parisiens qui étaient partis à Marseille : Lorik Cana et puis Déhu c’était l’enfer. Donc le fait que Cana perde au Stade de France avec le maillot de Marseille sur un but de Dhorasoo qui n’est pas un joueur emblématique, je trouvais ça très cool. C’était le joueur un peu So Foot, décalé, ça envoyait vraiment du rêve.

Quelle victoire est sortie du lot selon toi ?

Le 3-0 à Marseille avec le show de Ronaldinho, c’est le souvenir qui reste…

Quelle est la plus grande peine que tu aies vécue lors d’un PSG vs OM ?

La première idée qui me vient ce n’est même pas une défaite. C’est le 0-0 dégueulasse face aux minots qui se ramènent et c’est la seule fois où il y a eu un vrai battage médiatique nauséabond des deux côtés. T’as les remplaçants des remplaçants qui se pointent, qui n’ont même pas 18 ans et ils font 0-0. C’était vraiment dégueulasse !

Le geste technique qui t’as le plus transporté ?

Je crois que pour le geste technique, on pense tout de suite à Ronaldinho c’est une évidence. Le plus récent et qui était loin d’être ridicule c’est celui de Lucas l’année dernière sur Alessandrini. Il lui fait une feinte et Alessandrini se retrouve à 5 mètres derrière alors qu’il n’a même pas touché le ballon. C’était juste parfait.

 

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Est ce que tu aurais une anecdote pendant un PSG/OM à raconter ?

Je les regarde un peu tous de la même façon. Les matchs un peu sensibles, les grands matchs à partir des huitièmes de finale de Coupe du Monde, de Ligue des Champions, le Classico, c’est toujours dans ces cercles proches. Je ne me mets pas en danger dans ces moments-là avec des vieux supporters marseillais autour de moi, ce serait insupportable ! Je suis en lieu sûr.

Est ce qu’il y a un duel de joueurs qui t’as marqué ?

Parmi les mecs qui ont des grosses personnalités et qui sont en même temps des joueurs très forts, le premier duo qui me vient c’est Heinze et Drogba. Au début des années 2000, même si on sait ce que Heinze a fait ensuite [il est transféré à l’OM en 2009], ils portaient quand même leur maillot jusqu’au bout. Tu sentais qu’ils avaient un lien fusionnel avec leurs couleurs et ça se voyait sur le terrain, ça se tabassait avec de vrais contacts, il y avait vraiment de l’engagement.

Et dans le même sens un duel de dirigeants ?

J’ai toujours l’impression, en bon Parisien, que les Marseillais en font beaucoup et que les Parisiens sont les mecs du nord qui ne veulent pas rentrer dans la polémique. J’ai pas trop connu les années Tapie, c’était peut-être plus chaud à cette époque mais personnellement les Leproux, les Cayzac, cela aurait été plus drôle si de temps en temps ils faisaient du Aulas. J’ai toujours l’impression qu’eux l’ouvrent et que nous nous faisons les timides. Parfois c’est bien, parfois c’est nul mais je n’ai pas de souvenirs de clashs, de joutes verbales où les mecs se répondent les uns après les autres.

 

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Tes pronostics pour le 5 avril ?

J’ai toujours envie de dire un 2-0 avant un Classico. Lucas revient de blessure, il peut mettre un pion et si Zlatan peut mettre un doublé pour un OM-PSG ce serait pas mal. Ça devrait bien se passer, là on est en position de force même si eux cette année ils font plutôt du bon boulot par rapport à ce qu’ils ont, ce qu’ils font c’est vraiment bien. Je pense que là le futur est plutôt pour nous.

Quelle serait la vie d’un supporter parisien  sans Marseille ?

La même mais en moins drôle. La rivalité c’est un truc auquel j’aime jouer mais il ne faut pas rentrer dans le ridicule non plus. S’ils n’étaient pas là, il manquerait clairement quelque chose. Il y a peu de clubs que l’on aime détester… à part les Corses mais bon tout le monde déteste les Corses [rires]. Je rigole ! S’ils n’étaient pas lÀ, Aulas et les Lyonnais prendraient peut-être la place mais bon. Bastia s’ils étaient plus forts…? Non, il faut que les Marseillais soient là.

 

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Deux ans et demi. C’est la durée qui sépare Good Kid, Maad City du nouvel opus To Pimp a Butterfly. Un titre qui ressemblait beaucoup à un effet d’annonce mais qui finit par prendre tout son sens lors de « Mortal Man », dernier morceau du projet. Mais cette absence de Kendrick Lamar ne s’est pas réellement fait sentir, car tout simplement le bougre n’aura cessé de distiller ça et là quelques couplets dévastateurs afin de nous sustenter : son feu d’artifice sur le titre « Control » de Big Sean, le « cypher » TDE pour les BET Awards 2014 et enfin la publicité Beats by Dre. À part ça, il parcourt le monde lors de concerts ou festivals défendant bec et ongles les titres de son désormais classique Good Kid, Maad City.

Composé de 16 titres (interludes compris), To Pimp a Butterfly frappe par sa musicalité teintée de sonorités funk, jazz, soul issue des 60’s et 70’s. Seuls les producteurs Pharrell Williams, Rahki & Fredrick « Tommy Black » et Sounwave ont survécu à la transition entre les deux derniers projets de Kendrick Lamar. Du coup, plusieurs nouvelles têtes apparaissent parmi lesquelles Flying Lotus, Boi-1da, Lovedragon, Knxwledge, Tae Beast (même si certains font des apparitions dans des projets antérieurs à Good Kid, Maad City) et la bonne surprise Taz Arnold du groupe Sa-Ra. Un parterre de compositeurs qui offre un univers cohérent où l’enfant de Compton peut s’y épanouir en toute liberté.
À aucun moment ce dernier ne parrait être pris de vitesse par les productions qui semblent avoir été taillées avec précision pour l’occasion. La présence d’instruments live sur la majorité des titres n’y est pas étrangère. Ainsi, les cuivres joués par Terrace Martin, l’un des architectes sonores les plus importants de l’album, apportent cette touche à la fois chaleureuse et dramatique que l’on pouvait retrouver dans les films de Blaxplotation. Une direction artistique qui peut désorienter les auditeurs glanés grâce à Good Kid Maad City, certainement plus habitués à voir Kendrick performer sur des morceaux plus conditionnés aux clubs. L’Angelin prend également à contre-pied bon nombre de ses collègues ayant sorti un projet récemment (Drake, Big Sean, Wiz Khalifa, etc.), le rappeur embrasse totalement cette nouvelle voie et propose à son auditoire d’entamer une initiation musicale plus poussée. Dans la lignée du Niggaz4Life de N.W.A accouché en 1991, d’un Miseducation of Lauryn Hill sorti en 1998 ou d’un Black Messiah de D’Angelo délivré l’année dernière, l’album de K.Dot est à l’ampleur du talent de l’artiste et surtout de sa réflexion : énorme.

Il nous emmène dans ce virage avec le lancement du premier titre « i », puis par la déferlante médiatique causée par « The Blacker The Berry » un peu plus tôt cette année. Les propos du rappeur sont beaucoup plus engagés que dans son précédant album et si sa posture était plus narrative dans Good Kid Maad City, cette fois Kendrick ose donner son opinion sur les sujets très sensibles comme le racisme, les inégalités, et un constat de la communauté afro-américaine. Tantôt pointant du doigt la machine américaine (représentée par la Maison Blanche et le juge présents sur la cover de l’album) à travers entre autres le titre « The Blacker The Berry », tantôt mettant les membres de sa communauté face à leurs responsabilités comme dans le titre « i » ; le rappeur rend le pouvoir à l’homme noir si souvent décrié dans une Amérique encore titubante au lendemain d’émeutes : affaire Trayvon Martin et Eric Garner.
C’est dans cet esprit qu’un titre comme « Complexion (A Zulu Love) » prend tout son sens : « Dark as the midnight hour, I’m bright as the mornin’ Sun »/« Aussi noir que minuit, je suis aussi éclairé que le soleil matinal ». L’artiste y manie ironie et sarcasme : « Sneak me through the back window, I’m a good field nigga/ I made a flower for you outta cotton just to chill with you »/« Fais moi passer par la fenêtre de derrière, je suis un bon nègre des champs/ J’ai fait une fleur à partir de coton juste pour trainer avec toi ». À noter que Kendrick est formidablement bien épaulé par la rappeuse Rapsody, protégée du producteur 9th Wonder, qui n’aura pas à rougir de son échange textuel avec le lyriciste de Compton.
Mais le point d’orgue émotionnel de To Pimp a Butterfy reste la conversation entre le défunt rappeur Tupac Shakur et Kendrick Lamar dans le titre « Mortal Man ». Un instant conçu à partir d’une interview donnée par Makaveli deux ans avant sa mort, l’échange entre les deux hommes paraît plus vrai que nature. Une espèce de consécration car dès Section.80 et l’outro du titre « Hiiipower » (lorsqu’il crie les mots « Thug Life »), le rappeur commence déjà à tracer les lignes d’une éventuelle collaboration avec l’icône rap grâce à un rêve où Pac lui serait apparu, lui demandant de continuer de prêcher son rap pour que son héritage ne s’éteigne jamais. Porte voix de toute une communauté au cours de sa vie, la conscience politique de Tupac dégouline de toute son œuvre discographique. C’est exactement ce que nous retrouvons aujourd’hui avec To Pimp a Butterfly.

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Un projet intimiste donc, où l’on apprend que le rappeur a souffert de dépression à la suite du Good Kid Maad City. Les effets collatéraux (« The Survivor’s Guilt » comme disent les Américains dans le 2ème couplet du titre « U ») ? Une spiritualité grandissante et le rôle de leader (le morceau « How Much A Dollar Cost ») qu’il semble embrasser de manière plus frontale suite à différentes épreuves traversées (les quelques pensées suicidaires qu’il mentionne dans « Momma », « These Walls » ou encore dans le titre « U »).
Tout cela fait de cet album son exutoire et la psychanalyse effectuée à travers les titres du projet ne les rendent que plus attachants. Il réussit le tour de force de nous faire ressentir les émotions qui l’ont traversées grâce à un « story telling » impressionnant et c’est sans doutes là où Kendrick Lamar se distingue des autres rappeurs de sa génération.
C’est dans cet esprit que l’opposition du titre « U » et « I » tant sur la forme que sur le fond prend toute sa dimension. Des morceaux auto-critiques poignants et introspectifs où le rappeur se lâche littéralement sans la crainte d’être pointé du doigt ou jugé. Sa bluffante habilitée à changer de voix (par exemple sur le titre « You Ain’t Gotta Lie » lorsqu’il imite sa mère) nous rappelle Eminem et le morceau « Kill You » ou Notorious BIG sur « Gimme The Loot » extrait de Ready To Die.
Kendrick Lamar est en mission et tel un messie, il est investi de la responsabilité de reconquérir le cœur des brebis égarées pour insuffler un nouvel espoir (avec le très réussi « How Much A Dollar Cost ») à une communauté aveuglée par des idoles et de mauvaises croyances symbolisées par Lucy (jeu de mot pour Lucifer) dans l’interlude « For Sale ».

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Une partie des auditeurs de la galette To Pimp a Butterfly passera peut être à travers le message que l’artiste tente de délivrer, et c’est tout à fait compréhensible. Quant à ceux qui auront assimilé la démarche artistique et compris sa quête existentielle entamée depuis Section.80, Kendrick Lamar dénote dans une industrie s’aseptisant de plus en plus et qui désacralise certains mots comme « nigga » car jugés à la mode. Réaliser cet album aujourd’hui alors que tout le monde l’attend au tournant au sortir de son dernier projet unanimement acclamé par l’opinion public, n’est pas le fruit du hasard.
Et si l’artiste avait savamment orchestré la sortie de son Good Kid Maad City en fédérant toute une masse à travers des titres plus accessibles tout en restant porteurs de messages forts pour attirer l’attention de tous, sur des sujets de société qui lui tiennent viscéralement à cœur grâce à To Pimp a Butterfly ?

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Car l’artiste incarne l’histoire de la communauté afro-américaine en se la réappropriant de la plus belle des façons : une maitrise parfaite de son art, un message fort et puissant sans verser dans des clichés ou la violence de certains propos (comme le titre « I Wanna Kill Sam » d’Ice Cube). C’est avec virulence et passion que le rappeur explique l’étymologie de« niggas » à la fin du titre « i », un terme souvent utilisé de manière légère, simpliste et ignorante. L’artiste revendique que la pire des erreurs serait d’ôter toute la substance du mot en le laissant se banaliser dans la bouche de personnes non averties de son sens.

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Au final, c’est un quasi sans fautes que nous livre là King Kendrick. Aucun invité n’est superflu, chacun contribue même à apporter sa pierre à l’édifice du projet en lui offrant liant et cohésion. Ainsi, cet univers (re)crée durant une heure aura du mal à s’estomper le dernier morceau terminé. Classique ou non, c’est une œuvre politisée qui passera inévitablement l’épreuve du temps au même titre qu’It Takes A Nation To Hold Us Down de Public Enemy ou de Death Certificate par Ice Cube. Au vu des réactions générées par ses pairs quelques jours après la sortie du projet, To Pimp A Buttefly de Kendrick Lamar a déjà remporté son premier pari. Désormais, il ne reste plus que  la tâche la plus ardue, celle d’élever les consciences d’une masse gâtée (d’où l’analogie du papillon dans le titre de l’album et du mot « pimp » qui prend ici le sens « d’améliorer »), habituée à entendre ce qu’elle veut mais très souvent réfractaire à l’idée d’écouter ce dont elle a besoin. Coup de chance, le rappeur de Compton semble avoir trouver la formule pour allier les deux.

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Jason deCaire Taylor est un sculpteur anglais de génie réputé pour avoir co-fondé le MUSA (Museo Subacuático de Arte) en 2009. Un musée qui, comme son nom l’indique, a pour particularité d’être sous-marin. L’artiste a effectivement submergé une collection de plus de 500 de ses sculptures au large des côtes de Cancun (Mexique). Un projet un peu fou qui a attiré le viseur de la photographe Claudia Legge

Passionnée par le milieu aquatique, la photographe expose à travers le monde ses photographies de modèles immergés. Forcément, ces deux artistes étaient fait pour s’entendre, si Jason deCaire Taylor souhaite donner vie à ses statues de pierre en laissant le corail les recouvrir, Claudia Legge, cherche à travailler les faisceaux lumineux à travers l’eau. Cette dernière vient donc rendre hommage au premier musée subaquatique en le shootant dans l’océan. Cette série de clichés à la fois sombre et pleine d’espoir est clairement une invitation à plonger dans l’univers des ces deux entités.

 

À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

En 1986 quand le PSG est devenu champion pour la première fois, mais sur la fin de la saison. Quand j’ai vu les scènes de joie chez mon beau-père et son fils à l’époque, ça m’a interpellé et j’ai commencé à aimer le club. C’est mon premier souvenir du PSG.

Comment définirais-tu ta relation avec le PSG ?

Elle est sanguine, elle est dans les veines. Elle existe au quotidien, elle fait partie de moi.

Quelle place occupe le PSG dans ton quotidien ?

Il ne faut pas exagérer, ça occupe un petit peu de place mais ce n’est pas non plus primordial. Tout dépend de la journée, des urgences, des priorités et du travail. Mais il y a toujours des clins d’œil grâce aux applications smartphones pour être au courant des news, des infos. Je ne suis jamais déconnecté.

Quelle est ta réaction lors d’une victoire et lors d’une défaite ?

Dans les victoires il y a différents niveaux d’intensité, la victoire contre Chelsea n’est pas la même que celle contre Metz au mois de janvier quand il fait -2°C et que tu as vite envie de rentrer chez toi. Selon l’équipe, tu décuples un peu plus de joie et tu développes une grande banane. Pour une défaite, tu baisses la tête et tu rentres vite te coucher, tout simplement.

 

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Qu’est-ce qui symbolise le plus ton attachement au club ?

Ce sont mes tatouages, la tour Eiffel derrière le bras gauche c’est le symbole de la ville de Paris et la phrase sur l’avant-bras droit. Et pour paraphraser un grand poète urbain,  » je suis tatoué, je vais mourir avec. »

Comment tes proches vivent ta passion pour le club ?

Personne dans ma famille n’aime le foot et encore moins le club. Mais tout le monde m’accepte et parfois ils jouent même le jeu. Dans ma vie de couple, je ne suis pas toutes les émissions, on a juste un deal pour le Canal Football Club. Sinon je regarde ailleurs, les matchs je vais les voir au bar, au Parc ou chez des potes. Je ne mets pas une pression néfaste donc tout se passe bien.

Quelle est la plus belle ambiance que tu as vécue au stade ?

La victoire de la Coupe de France au stade de France, malheureusement ce n’était pas au Parc, quand on les bat 2-1 [score sur lequel Paris bat Marseille en 2006, ndlr]. C’était magnifique. Ce qui était très beau, c’était à la fin quand les supporters marseillais dépités tournent le dos pour repartir puis ils se retournent une dernière fois et les Parisiens avaient mis un tifo avec écrit : « Droit au bus » [parodie de la devise des Marseillais].

Quel est le chant qui te fait le plus frissonner ?

Le chant numéro un, c’est « Ô ville lumière ». Il est beau, il est fédérateur et quand il est repris en cœur dans les tribunes, il devient magnifique. Tout supporter doit le connaître, c’est dommage d’ailleurs que le club ne s’appuie pas plus dessus pour unir les nouveaux spectateurs. Ce n’est pas un chant guerrier, c’est l’ôde d’une ville et d’une équipe. Il faut vraiment le mettre en exergue.

Que représente Marseille pour toi ?

Pas grand chose, c’est une ville dans le sud.

 

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Comment définirais-tu l’opposition PSG – OM ?

J’exagère évidemment, si ça ne représentait rien, il n’y aurait pas d’opposition. La rivalité s’est amoindrie par rapport aux années 90. J’ai grandi dans ces années et c’était violent sur le terrain et en tribune. Maintenant et tant mieux d’ailleurs, c’est nettement plus sécurisé. Quoiqu’on en dise, même si Paris a une belle équipe et des beaux joueurs qui devraient maîtriser ce match, ça reste un choc, ça reste une opposition. Je dois avouer que les deux dernières années passées, je frémissais moins à l’idée de rencontrer Marseille que St-Etienne par exemple, je me disais : « On les tape easy ! » Mais quand l’échéance approche, tu as bien envie de faire bonne figure.

Quelle a été ta plus grande joie pour un OM – PSG ?

Quand Ronaldinho a fait un carnage au Vélodrome. Quand on les tape huit fois d’affilée, ce qui est exceptionnel car l’équipe de Paris n’était vraiment pas bonne. Les saisons étaient difficiles mais on enchaînait les victoires contre Marseille. Puis, la finale de Coupe de France reste une victoire majeure ; car encore une fois en championnat ce n’était pas terrible, encore une fois ils étaient favoris, et encore une fois on les tapait.

La plus belle victoire selon toi ?

Tu en as plusieurs, notamment quand on a enchaîné les huit victoires. Puis, il y a ce moment au Parc quand Pauleta fait son petit lob sur Barthez dans l’angle, ça reste de très belles victoires [en avril 2004]. Mais la plus belle c’est toujours la prochaine.

La plus grande peine selon toi ?

Chaque défaite ! C’est une sensation terrible car tu sais que si le dimanche tu perds contre eux, le lendemain tu vas croiser des supporters de Marseille et c’est assez pénible.

Le but le plus fort lors d’un PSG – OM ?

Le deuxième de Dhorasoo en Coupe de France, le seul but de sa carrière [rires] qui permet de gagner. C’est une explosion de joie pour toute une équipe, toute une ville.

Le geste technique qui t’a le plus marqué lors d’un PSG – OM ?

Ça doit être un gros tacle de Colleter sur un genou [rires], j’aimais bien ces matchs-là. Il n’y avait pas beaucoup de technique mais c’était physique.

Quel est le PSG – OM le plus insolite que tu aies vécu de ton point de vue ?

En terme d’expérience, il n’y a rien d’exceptionnel par rapport à ça… En général c’est soit au Parc soit chez des amis, ou dans un bar. Mais lors du 5 avril, je serai au Vélodrome pour la première fois sans être dans le parcage visiteur donc je ne serai pas protégé. On verra ce que ça va donner. Ça sera intéressant au niveau de la gestion de ses émotions. Je vous ferai signe le 6 [rires].

 

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Quel est le duel de joueur qui t’a le plus marqué ?

Ronaldinho contre onze joueurs, c’était magnifique. Mais tu avais surtout les duels des années 90 quand Ginola se tapait Boli ou quand Mozer se tapait Valdo. Ces chocs-là étaient fabuleux.

Est-ce qu’il y a un duel de dirigeant qui t’a marqué plus qu’un autre ?

Malheureusement et force est de constater que Tapie avait la mainmise sur le foot et les médias français en 90-91. Il écrasait tout le monde. À l’époque, Denisot est plus en retrait donc on ne peut pas parler de duel. C’était clairement plus le cas avec Bez à Bordeaux car Paris essayait de garder une stature, une élégance.

Comment vois-tu l’évolution du Classico aujourd’hui ?

Il y a énormément de changements et ça ne va pas aller en s’améliorant avec l’aseptisation des tribunes et du Parc. Les caméras partout en tribune, dans les couloirs des vestiaires, on ne retrouve plus cette liberté.

Ton pronostic pour le 5 avril ?

2-1. But de Zlatan et Lucas et pour Marseille on verra…

Quelle serait la vie du supporter parisien sans Marseille ?

C’est assez simple, on aurait trouvé une autre opposition. Tu en as besoin. Le Classico a été créé de toute pièce par Canal et si ça n’avait pas été Marseille, ça aurait été une autre équipe. Après c’est plus intéressant, tu as le Nord contre le Sud, les riches contre les pauvres… Puis parfois je peux me dire, je veux qu’ils disparaissent de la carte et d’autres fois je trouve que c’est rigolo. Ça fait partie du folklore. C’est notre équipe folklorique [rires].

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Nike agitait le net depuis quelques temps avec une mystérieuse paire : la Nike Air Max Zéro. La marque au swoosh a dévoilé et mis en vente sur son store ce modèle à l’histoire particulière. 

Tout le monde a eu, ou possède une paire de d’Air Max. Une gamme pensée par l’esprit ingénieux de Tinker Hatfield, designer et concepteur de nombreux modèles chez Nike. Quand il pense ce nouveau modèle tiré de l’architecture du centre George Pompidou, la Nike Air Max Zéro est sa première idée. En effet, il y a peu de temps, l’enseigne a retrouvé dans ses archives un dessin esquissé par le designer, un tout premier croquis de la paire mythique datant de 1987 qui n’a jamais été conçu.

 

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En pleine période du Air Max Day (qui aura lieu le 26 mars) et forte du buzz de la station de métro fantôme, la marque s’offre un nouveau coup de pub en mettant en vente le modèle Air Max Zéro. Logiquement, il s’inspire très largement de la première esquisse de son créateur a quelques détails près : le jaune criard a laissé place à un bleu nuit agrémenté de détails couleur jade sur la languette et sur la bulle d’air. Les amoureux de la Air Max peuvent dès à présent se la procurer pour la somme de 160 euros sur le Nike Store 

Toutes les deux semaines, Agathe reviendra sur l’actualité pour nous en délivrer sa vision et son interprétation. Truculente et décalée, sa plume revisite ce qui sature nos journaux télévisés, nos sites Internet et nos journaux ; « Les Chroniques d’Aujourd’hui » sont un véritable Ice Bucket Challenge au vitriol sur notre monde médiatique.

La plume vive, le revers facile et le scandale pérenne. L’ex-concubine agréée du chef de l’État, Valérie Trierweiler, s’est illustrée plus d’une fois aux détours de croisades manuscrites. Souvent bafouée, l’âme vengeresse, madame aime bien faire pipi pour marquer son territoire, surtout sur Twitter. Un règlement de compte par-ci, une tatane par-là, Trierweiler tire à vue lorsqu’on s’égare sur ses faiblesses. Malmenée par les médias et très exposée, elle s’est forgée une carapace à la mesure des attaques reçues. Dame d’envergure aux atours féroces dont l’irrévérence émérite m’épate. Valérie, femme de caractère ou les séquelles d’une vie de couple merdique.

Le soufflet magistral de son dernier livre, l’amical Merci pour ce moment, son de clairon d’un bon vieux « ta gueule » seriné aux oreilles de notre cher président, semblait doucement retomber. Tout allait bien dans le meilleur des mondes pour l’auteur du bestseller 2014 et certainement 2015 avec l’édition de poche prévue pour le 13 mai. Du moins, jusqu’à ce qu’elle paraphe le visage d’un mec, dans un café du XVe, ce jeudi 12 mars dernier. Une récidive manuelle dont elle est, parait-il, coutumière. Val’ n’est sans doute pas du matin, Val’ a la gifle facile. Val’ est une insoumise sanguine, la ola pour Val’.

 

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Duel d’égos procéduriers. Plaçant une cyber justification des moins intéressantes, si ce n’est particulièrement optimiste : « Un seul mot #StopALaMuflerie », Twitter-weiler tentait alors d’étouffer une énième palabre concernant sa vie privée. Raté. À défaut de l’usage des mots, perdre son sang-froid heurte l’orgueil masculin plus que de veines paroles. Mohamed Rizki, poulain UMP, s’est pris une branlée acoquinée socialiste. Plutôt que d’encaisser silencieusement cette main maladroite, Momo a porté plainte pour coups et blessures. Mise en lumière inespérée sur cet homme dont l’existence médiatique pulse désormais grâce au bon vouloir des pigistes de chez Closer. Chapeau l’artiste.

Qu’on se l’avoue, être la cocu #1 de France, ça n’aide aucun profil psychologique. Essuyer quelques embardées lorsque l’on entame une rupture relève de l’anodin pour la plupart des gens. Alors, quand on se fait tej devant tout un pays, ça irrite forcément de s’entendre demander à l’impromptu « Comment va François ? » par un sombre connard. À l’heure où le débat sur l’interdiction de la fessée s’est échoué en recours ultérieur à l’Assemblée Nationale, Valérie Trieirweiler ponctue ses échanges publics à l’aide de baffes. Appelez-la « maman », elle va vous remettre les idées en place.

 

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Toute cette farce aurait pu s’essouffler d’elle-même, ce n’est pas comme si l’ex-première dame avait fumé ce pauvre inconscient à coups de béquilles entre deux expressos. Pourtant, Mohamed Rizki n’a pas dit son dernier mot. Comptant sûrement sur les 750 à 1500€ d’amende en jeu, la victime de l’incident a réclamé une analyse psychiatrique de la journaliste. Aveuglé par sa virilité écorchée, l’ancien candidat aux municipales de Compiègne n’a peut-être pas conscience que le tribunal correctionnel a autre chose à foutre que de satisfaire les débordements de son outrecuidance.

Feignant l’innocence de propos bénins ayant provoqué la fureur d’une folle, Mohamed Rizki agite son bon droit. Moi, tout ce que je vois, c’est une vanne vaseuse qui s’est pris un gros stop. Et puis, Valérie, on sait déjà tous qu’elle a les fils qui se touchent mais que rien ne filtre jamais vraiment. Cas renouvelé quelques jours après, lors de son passage langue de bois au 19/20 dominical de France 3.

Trieirweiler qu’elle l’ouvre ou pas, il y aura toujours des mécontents. Au grand plaisir des polémistes à l’affut de ses dérapages et dans l’attente d’une adaptation cinématographique de son bouquin par flemme de le lire, on n’a pas fini d’en entendre parler.

 

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Louis Vuitton avait fait sensation l’an dernier lors du lancement du modèle Escale Worldtime, une montre peinte à la main par un artisan comprenant 38 couleurs et représentant 40 heures de travail. Cette année, la maison française revisite son modèle d’horlogerie haut de gamme. L’Escale Worldtime Minute Repeater s’offre le luxe de faire voyager son possesseur. En effet, 24 abréviations de villes aux quatre coins du monde vous permettent de connaitre l’heure à Londres ou à Mexico en temps réel.

La montre est composée de 3 disques ajustables uniquement grâce à sa couronne. Il suffit de positionner le « V » sur le fuseau horaire de la ville de destination pour en obtenir l’heure précise. La nouveauté de ce modèle est l’intégration d’un système à répétition minutes. Ce mécanisme permet d’indiquer l’heure précise grâce au martèlement d’une clochette qui prodigue différents sons pour les heures ou les quarts d’heure par exemple.

Le cadran mesure 44 mm de diamètre et seulement 11.7 mm d’épaisseur, ce qui fait de l’Escale Worldtime Minute Repeater une montre assez fine en rapport à sa complexité. Nous sommes réellement en présence d’un bijou car la monture est en or rose 18 carats, et le mouvement du marteau est visible derrière un disque de saphir. Les éléments techniques ont été développés et assemblés par la célèbre Fabrique du Temps, possession du groupe LVMH. Ce petit objet coloré et dans l’ère du temps va chercher dans  les 61 500 euros. L’Escale Worldtime Minute Repeater est disponible dès maintenant en or blanc uniquement sur le site de Louis Vuitton.

De retour de Copenhague Lamine Kreate partage avec nous quelques une de ses photos.

Traversée par un fleuve et à quelques kilomètre du cercle polaire arctique, la ville de Copenhague est peut-être l’endroit le plus chaleureux du Danemark. De ses maisons colorées à l’animation des ses rives, c’est toujours avec douceur que la ville semble s’éveiller à l’approche de la belle saison.

À l’approche du 26 mars, date annonciatrice du Air Max Day pour chaque sneakerhead, Nike s’est installé dans le métro parisien. Une station fantôme à l’image de la classique bulle d’air qui s’est installée sur la ligne 9 entre les stations République et Strasbourg St-Denis, direction Pont de Sèvres. Un espace sans arrêt et éphémère qui disparaîtra juste après le Air Max Day.

Pendant deux jours, la radio Mouv’ acceuille l’équipe de YARD !
Une première fois vendredi 21 mars de 21h à 23h pour la Team et ses DJ vous donnerons un avant-goût de la YARD PARTY ANNIVERSARY qui se profile dès le lendemain.
Une soirée qui sera d’ailleurs retransmise en live et en exclusivité de 23h à 3h du matin sur Mouv’ Xtra, disponible sur le web ici et l’application Mouv’ que vous pouvez télécharger ici pour iPhone ou ici pour les smartphones Android

Le MOUV’ 

 

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UPDATE : (Ré)écoutez les mini-mix de nos DJs !

Le grand public a découvert Tyler en 2011 avec « Yonkers », avant de se familiariser à son collectif Odd Future. Si le succès a été au rendez-vous pour le groupe et les entités qui le composent, aujourd’hui elles n’occupent plus depuis longtemps les esprits. Deux ans après son deuxième album Wolf, Tyler, The Creator vient d’annoncer une tournée qui le verra traverser les Etats-Unis ainsi que l’Europe pendant deux mois. Le «créateur » aura-t-il le pouvoir d’insuffler un nouveau souffle à sa famille musicale ou son échec signera-t-il la fin du collectif ?

 

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Tyler, The Destructor

 

Cela ne fait pas moins de 4 ans que l’on connaît Tyler et pourtant il semble s’être écoulé une éternité depuis le moment ou Tyler Gregory Okonma était vu comme le prochain phénomène du rap et de la musique. Jeune, talentueux, impertinent, drôle, torturé, et une voix ténébreuse reconnaissable entre mille : tous les ingrédients étaient réunis pour permettre l’éclosion de cette nouvelle étoile annoncée. Tout avait pourtant bien commencé pour cet enfant prodigue. Précoce il s’amuse à imaginer et dessiner les jaquettes et les tracklists de ces albums à l’âge de 7 ans, il apprend même le piano à 14 ans. Une précocité qui s’oppose à une autre tendance déjà forte à l’instabilité pour le Californien, qui connaîtra pas moins de 12 établissements scolaires… en 12 ans. Très tôt donc, Tyler affiche un esprit novateur et rebelle qui se révèlera aux yeux du monde sous l’étiquette Odd Future, un collectif qu’il façonne entièrement dès ces 16 ans. The Creator écrit et rappe, mais The Creator produit également, dessine – le logo OF est une de ses créations -, design la ligne de vêtements, ou encore réalise certains clips du collectif. Un alias non galvaudé donc pour celui qui représente à lui seul OF, l’âme d’un groupe qu’il a fondé avec un noyau d’amis d’enfance et de rencontres diverses, parfois même virtuelles, comme celle d’Earl Sweatshirt avec qui les premiers contacts se font sur Myspace. Adepte du « Do It Yourself », il met un point d’honneur à tout faire seul, de l’enregistrement qui se fait dans le garage-studio de Syd Tha Kid, à la communication, que Tyler maitrise sous toutes ses formes. « I created O.F cause I feel we’re more talented/ Than 40-year- old rappers talking about Gucci/ When they have kids they haven’t seen in years » annonce-t-il dans Bastard en 2011, comme pour mieux justifier son arrivisme.

 

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L’empire que Tyler a crée s’est bâti autour de plusieurs personnalités singulières comme Syd Tha Kid, Earl Sweatshirt, Frank Ocean, mais surtout du caractère de son leader, qui mène le groupe, et surtout dicte la ligne directrice. Une emprise sur la pensée collective qui semble avoir fait des victimes parmi lesquelles BrandUn Deshay, ancien membre du groupe qui déclarera plus tard : « C’était cool. Je n’aurais jamais travaillé avec eux si je ne les appréciais pas mais dans une bande il y a forcément des divergences dans les mentalités et dans la façon de voir la musique. Tu dois t’ouvrir et essayer des choses différentes dans le but de grandir. C’est ce qu’on a fait. » Ou encore Casey Veggies qui abandonnera le navire très tôt, pour se mettre en solo et assouvir ses envies de liberté. Autre exemple, le cas du rappeur Vince Staples, non-membre mais affilié au groupe. Une confusion qui passe mal aux yeux de Tyler, qui déclare ne pas le détester, mais détester le fait qu’on le prenne pour un membre du collectif. Vince Staples calmera le jeu en expliquant qu’ils ne se connaissaient à peine tous les deux. Offensif avec les « siens », Tyler s’est forgé une réputation d’agitateur par ses lyrics politiquement incorrectes et des sorties virulentes et provocations qui lui ont valu de nombreuses critiques contre la teneur homophobe, sexiste et sa supposée apologie à la violence et au viol, ainsi que des « beefs » avec Chris Brown, B.o.B ou Bruno Mars. Bipolaire, Tyler est paradoxalement la colonne vertébrale et le garant de l’idée artistique du groupe mais en même temps un catalyseur, empêchant peut être l’épanouissement des autres membres. Assez gênant quand on s’aperçoit que le créateur a signé son plus gros succès d’estime, « Yonkers », il y a déjà plus de quatre ans. Une éternité pour une si jeune carrière.

 

Wu-Tang Is Not Forever

 

Battre le fer tant qu’il est chaud. Un adage que les membres n’ont pas su, ou voulu respecter : peut être par manque d’ambition, d’expérience, ou simplement par simple envie de profiter d’une réussite financière à laquelle aucun d’eux ne s’attendait réellement. Il semblerait que chacune des personnalités du collectif ait choisi de prendre le temps de réaliser des projets divers. Peut-être à tort, tant leur instant de gloire semble éloigné et difficile à retrouver aujourd’hui. Google, souvent un baromètre assez précis d’une situation, agit comme un indicateur de ce que pense le monde. « What.Happened.To.Odd.Future », il suffit de taper ces cinq mots et de se rendre sur une poignée des résultats pour se rendre compte de la détresse affichée par les fans et admirateurs du groupe dans différents forums de la toile. Peut-on pour autant parler d’échec de la bande à Tyler ? Pas vraiment. Dans cette équipe de joyeux lurons, certains ont su tirer leur épingle du jeu en réussissant à se faire un nom dans ce bordel organisé. On pense à Domo Genesis, qui collabore notamment en 2012 avec Alchemist sur le projet No Idols ou Syd Tha Kid et son association avec le producteur maison Matt Martians sous le groupe The Internet, qui a connu un joli succès pour son album Feel Good en 2013. Deux projets lointains pour ces deux entités qui restent somme toute assez insignifiante dans le monde du hip-hop. Avec Nostalgia, Ultra (2011) et Channel Orange (2012), Frank Ocean devient véritablement la grande révélation et le (seul) cheval de course sur lequel miser au sein du groupe, même si le dernier projet commence aussi à dater pour le double détenteur de Grammy. Malgré ces coups d’éclats, un goût d’inachevé nous vient inévitablement quand on pense au potentiel du collectif.

 

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Tout ça pour ça ? L’interrogation est légitime. Si tout a si bien commencé, on est en droit de s’interroger sur les raisons de ce hiatus musical. Peut-être s’agit-il de la fin de l’efficacité d’une stratégie basée sur la provocation et un anticonformisme excessif qui ne paye plus aujourd’hui dans le monde de la musique (une pensée pou Miley Cyrus) ; ou de la sur-utilisation d’Internet qui à certes fait leur succès, et de l’extension de leur activités (notamment télévisuelle, avec Loiter Squad, une émission de sketchs diffusée sur le câble américain ; ou marketing, avec leur pop-up shop à Los Angeles, ouvert en 2011 et qui a fermé ses portes il y a à peine quelques mois) au détriment peut-être de leur projets musicaux, vrai nerf de la guerre. Peut-être est-ce aussi l’échec d’un système assez déroutant de collectif porté par des subdivisions au sein du collectif, où une individualité peut faire partie de plusieurs petits groupes, ajoutés aux différentes entités solos et à leurs alias et autres alter-egos. Tout cela accroît l’impression de flou chez les néophytes. Enfin, est-ce peut-être aussi la démonstration de l’échec d’un certain hip-hop alternatif aux ambitions grand public, ses représentants peinent à se frayer une place : à l’image d’artistes comme SpaceGhostPurrp ou Hopsin, qui a récemment décidé d’arrêter la rap. Une place encore plus difficile à obtenir, même à échelle locale dans le contexte d’émulation et de renouveau de la côte ouest qui a vu des artistes comme ceux du label TopDawg Entertainment imposer leurs marques sur le territoire. Peu importe la raison, la situation laisse perplexe, pour un groupe que l’on annonçait trop vite et à tort, comme le nouveau Wu-Tang Clan.

Alors que beaucoup spéculent sur un éventuel quatrième album de Tyler, the Creator pour cette année 2015 qui devrait voir de nombreux projets du collectif : comme le nouveau d’Earl Sweatshirt, I Don’t Like Shit, I Don’t Go Outside: An Album by Earl Sweatshirt le 23 mars prochain, ,e premier album de Domo Genesis, de nouveaux projets pour The Internet et Franck Ocean, de nouvelles tapes des rappeurs Mike G et Hodgy Beats, ainsi qu’une éventuelle collaboration de longue date entre Tyler et Earl Sweatshirt sous le groupe EarlWolf, seront autant d’indicateurs de l’avenir du collectif. Et surtout, l’occasion de savoir si Tyler saura insuffler une énergie nouvelle à sa création principale, remettre en marche une machine enrayée ou si son échec signera la fin du groupe. Pour l’instant toutes les hypothèses sont possibles, même celle d’une pause planifiée et d’un acte calculé de Tyler, grand plaisantin, qui n’en serait pas à son premier coup.

C’est reparti pour une nouvelle collaboration entre les marques Supreme et Champion. Une collection capsule dès à présent disponible sur l’e-shop de Supreme qui se décline en sweat, sweatpant et 5-Panel aux différents coloris.

Dans la majorité des cas, la musique se suffit à elle-même. Les claquements de caisse-claire additionnés aux battements par minute dessinent dans un sens, le squelette d’un corps parfois homogène, ou encore définit le pouls, voire la durée de vie d’une piste. Dans ce cas de figure, l’artiste fait vivre sa partition au gré de ses envies, et pour nous, simples auditeurs que nous sommes, nos oreilles suffisent pour déchiffrer les notes de ses accords. Mais au-delà de la valeur intrinsèque musicale, d’autres vecteurs permettent d’interpréter l’œuvre artistique. Bien avant l’arrivée de la presse spécialisée ou encore la démocratisation du format « music video », un artiste ne disposait que de la pochette de son disque microsillon pour communiquer avec son public. Popularisée à la fin des années trente par Alex Steinwess, le premier directeur artistique de Columbia Records, la jaquette a traversé les âges, et est devenue au fil des années, le prolongement de la réflexion artistique. Ambitieuse, elle dépeint les couleurs de l’œuvre dans son ensemble alors autant s’arrêter sur celle du nouveau Kendrick Lamar, To Pimp a Butterfly, pour tenter de l’interpréter.

 

Cover Stories – Ep#2: To Pimp a Butterfly

 

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Name: Kendrick Lamar Duckworth
Nickname: K-Dot
Birth date: 17th June of 1987
Album: To Pimp a Butterfly
Artwork: Denis Rouvre & Diego Cambiaso
Release Date: March 23rd, 2015
Record Label: >Top Dawg Entertainment/Aftermath
Group: Black Hippy


 

 

Le rêve américain…

Le château de Versailles possède une place symbolique dans l’Histoire de France. En plus d’avoir été habité par de nombreux rois qui ont participé à la construction de notre pays, sa galerie des Glaces fut le lieu choisi pour ratifier le traité de Versailles du 28 juin 1919. À la suite de cet accord, la fin de la Première Guerre mondiale fut officielle, mais surtout, l’Hexagone récupéra les départements de La Moselle et La Meurthe, ainsi que l’Alsace, une région qui lui était chère. Cette histoire commune, désormais enseignée dans nos collèges et lycées, démontre les détails qui peuvent construire une frontière, et qui plus est, symboliser un des liants essentiels qui compose une nation. Selon le Dictionnaire de la langue française « la nation est une communauté humaine caractérisée par la conscience de son identité historique ou culturelle, et souvent par l’unité linguistique ou religieuse ». Autrement dit, chaque Français devrait manier un langage bien châtié ; connaître La Marseillaise sur le bout des doigts ; être une (ou un) Lumière ; et rêver secrètement de pouvoir remettre un jour son bonnet phrygien. Cependant, entre la théorie et la pratique… il y a deux mots.

De l’autre côté de l’Atlantique, chez nos voisins américains, l’idée de nation est vue de manière un peu plus pragmatique. Conscient de la difficulté de regrouper chaque individu dans le même récit collectif – les États-Unis sont composés de trois cents dix-huit millions d’habitants –, sous l’impulsion des politiciens, le vingtième siècle fera naître ces trois mots magiques « le rêve américain ». Drôlement bien trouvé, ce slogan étiquette le pays de l’oncle Sam comme un endroit où tout est possible. Une terre qui accueille tout le monde, peu importe sa position sociale, car l’essence se résume dans sa volonté, son travail et son abnégation. Dans un sens, les États-Unis ne regardent pas ce que vous êtes, mais plutôt comment ce que vous pourriez être. Une idée qui sera renforcée par les nombreux migrants, ces « self-made men », ces hommes, qui à eux seuls, grâce à l’unique sueur de leur front, ont réussi à accumuler centime après centime, assez de sous pour devenir millionnaire. Une « poursuite du Bonheur », synonyme de réalisation de soi, garantit dans la Déclaration d’Indépendance.

Ce concept devenu un idéal vers lequel il faudrait tendre, Kendrick Lamar a les deux pieds dedans. Autrefois, le bonhomme faisait la queue devant les services sociaux de Compton pour gratter ses bons de nourriture mensuels. Désormais, son réfrigérateur doit être plein, du type « américain », avec deux grandes portes et des glaçons en option. Pour célébrer sa réussite, K-Dot est venu « with the homies » dans les jardins de la Maison-Blanche. Ces mêmes compagnons, avec qui il traînait dans un mini van, sont à présent chez eux, comme à la maison, torses nus dans les allées de la plus haute instance politique du pays. Bouteilles de champ’ dans une main, liasses de billets dans l’autre, ils exhibent fièrement les signes de réussite qui animent le récit collectif de leur nation. L’ambiance dépeinte à travers ce cliché est à la fois joyeuse et surréaliste. Certains ont mis des lunettes de soleil pour poser devant l’objectif, quand d’autres partagent cet instant en passant des coups de fil. Quelques-uns lèvent les mains au ciel et seniors, majeur(e)s et mineurs viennent compléter l’ensemble du tableau. Au centre, Kendrick a l’air le plus euphorique de tous. Debout, son cri de joie transperce la pellicule et le distingue naturellement de la masse. À son bras droit, il maintient un nourrisson comme si d’une génération à une autre, quelque chose était transmis, une aide, une culture, une histoire, lui, le seul gamin du quartier qui avait ses deux parents pour le conseiller.

 

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Cependant, quelque chose proche de l’insurrection compose la scène. Tous réunis sous la même bannière étoilée (« The Star-Spangled Banner »), ces filles et fils de la patrie ne sont pas venus vêtus comme les normes le voudraient. Au contraire, l’attitude est provocante (en bas à droite, un jeune garçon fait un doigt d’honneur) et défiante envers une institution dans laquelle de nombreuses décisions ont affecté la vie de ces individus. De ce fait, l’unique personnification de l’Etat (le juge au premier plan) est blanche, distante d’un point de vue ethnique, et supprimée de la diapositive (des croix sont à la place de ses yeux), car dans la réalité de King Kendrick, certaines frontières ne disparaissent pas, et ce, malgré les billets verts…

 

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… Dans une société « post-raciale »,

 

L’année dernière, le chef de Top Dawg Entertainment avait clamé haut et fort que six albums de son écurie ponctueraient l’année. Pas de chance, quatre ont atteint les rayons, et deux sont restés dans les disques durs du label. Parmi ces derniers, Jay Rock puis bien évidemment To Pimp a Butterfly. Malgré la force de sa volonté – un studio a été installé dans le bus du Yeezus Tour pour sa vedette -, sa parole n’a pu être tenue. L’actualité a certainement forcé Kendrick à repenser quelques traits de son troisième volet.

17 juillet 2014. 16h45. Dans le quartier de Tompkinsville à Staten Island, Eric Garner est devant un magasin de beauté, au numéro 202 de la rue Bay. D’origine afro-américaine, son mètre quatre-vingt-onze et ses trois cents soixante kilos viennent tout juste de lui servir pour séparer une bagarre. Néanmoins, son geste valeureux lui attire l’attention de la New York City Police Departement (NYPD). Bien connu des fichiers de police notamment à cause de cigarettes vendues sans licence d’exploitation, Eric est approché par plusieurs officiers. L’atmosphère est tendue. La place laissée à la discussion est quasi inexistante. Cependant, Eric a le temps d’échanger quelques mots : « A chaque fois que vous me voyez, vous me cherchez des problèmes. J’en ai marre. Ça s’arrête aujourd’hui. Pourquoi voudriez-vous … ? Chaque personne ici vous le dira, je n’ai rien fait. Je n’ai rien vendu. Car à chaque fois que vous me voyez, vous m’harcelez. Vous voulez que j’arrête de vendre des cigarettes. Je m’occupe de mes affaires officier, je m’occupe de mes affaires. S’il vous plaît juste laissez-moi seul. Je vous l’ai déjà dit la dernière fois, s’il vous plaît, laissez-moi seul ». Le policier Daniel Pantaleo tente de lui mettre les menottes mais l’interpellé repousse ses mains en s’écriant « ne me touchez pas, s’il vous plaît ». Prise en vidéo par plusieurs passants, la violence de l’altercation escalade. De dos, l’agent Pantaleo procède à un étranglement pour le neutraliser et le gabarit imposant d’Eric Garner tombe lourdement au sol. Le visage face au trottoir, les mains derrière le dos, l’officier continue son geste alors qu’il crie précisément onze fois « I can’t breathe ». Inconscient – mais menotté -, son corps est laissé inerte sur le pavé. Plusieurs minutes s’écoulent avant que l’ambulance arrive, mais pendant ce temps-là, rien. Pas de massage cardiaque. Un autre officier témoin de la scène placera deux mots « expire, inspire », pensant que Garner respirait encore. Une heure plus tard, dans des circonstances douteuses, Eric est prononcé mort dès son arrivée à l’hôpital.

9 août 2014. 11h50. Dans la banlieue de St. Louis à Ferguson, Michael Brown est enregistré sur les caméras du Ferguson Market en train de voler des cigarillos, puis de pousser un employé pour sortir. Trois minutes plus tard, un vol en cours est reporté sur les radios de police. Le suspect est identifié comme un homme noir vêtu d’un t-shirt. Proche de la scène, l’officier Darren Wilson demande du soutien … puis la suite les événements diffèrent entre son point de vue et celui des témoins oculaires. D’un côté, une altercation aurait eu lieu lorsque le jeune homme tenta de s’emparer de l’arme du policier. De l’autre, Michael Brown – accompagné d’un ami au moment des faits -, n’aurait pas écouté l’officier qui lui ordonna de marcher sur le trottoir et non sur la route. Encore dans son véhicule, une dispute éclate et deux coups de feu sont tirés. Effrayé, le jeune homme de dix-huit ans tente de prendre la fuite, une poursuite s’ensuit, le policier tire à nouveau. Blessé, Michael Brown s’arrête, met les mains en l’air, mais trop tard, cette fois-ci l’agent Wilson le touche mortellement. Difficile de déceler le vrai du faux, néanmoins la suite est d’autant plus accablante. Durant quatre longues heures, la dépouille du jeune homme de dix-huit ans est laissée dans la rue, là où il a été abattu, en plein quartier résidentiel. Le périmètre de sécurité n’empêchera pas les nombreux habitants de prendre des photos, des vidéos, pour ensuite les partager massivement sur les réseaux sociaux. Le peu de considération adjugée à deux victimes d’origines afro-américaines, mortes involontairement des mains de deux officiers blancs, fera renaître les relents d’un racisme latent, toujours bien présent dans une société américaine. Un contexte que Kendrick ne pouvait laisser passer (« The Blacker the Berry »). Un contexte qui amplifie l’interprétation de sa jaquette.

 

« I mean, it’s evident that I’m irrelevant to society » / « Je veux dire, il est évident que je ne suis pas pertinent pour la société »

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Aux instances dépassées.

 

Sans oublier les disparitions de John Crawford III, Akai Gurley ou encore Tamir Rice les jours et les mois qui suivent dans des conditions similaires, les deux tragiques incidents d’Eric Garner et Michael Brown mettent en lumière le second élément le plus important de cette pochette : le juge.

Malgré l’indignation générale, les manifestations nationales, la pression médiatique internationale et un hashtag de feu #BlackLivesMatter, le grand jury blanchira les deux agents de toute faute. La frustration naviguera jusqu’en France à travers notre Garde des Sceaux qui dans sa tribune numérique déclare « Quel âge avait #Mickael Brown ? 18 ans. #Trayvon Martin ? 17. #Tamir Rice ? 12. Quel âge le prochain ? 12 mois ? Tuez-les avant qu’ils ne grandissent Bob Marley ». Sur France Info, elle précisera ses propos en affirmant « on se rend compte que ça n’arrive qu’aux mêmes, d’une certaine façon : ce sont des gamins afro-américains. Il y a le problème encore d’un certain nombre de clichés, de représentations, de préjugés qui peuvent créer des réflexes terribles ». La subjectivité de notre ministre peut être remise en cause, or les statistiques symbolisent sa colère.

Aux États-Unis, les Noirs ne représentent que 12% de la population totale. « En 2013, selon le Federal Bureau Investigation (FBI), un quart des quatre cent soixante et un « homicides justifiés » commis par la police, soit un tous les trois jours, a eu pour victime un Afro-américain. La disproportion est encore plus flagrante en prison, où ils constituent 38 % des deux millions deux cent mille détenus. Ce chiffre traduit à la fois leur fragilisation socio-économique et la propension des policiers à contrôler prioritairement des Afro-américains »*. Le système judiciaire est-il réellement juste ? Kendrick ne tergiverse pas, et c’est ce juge, symbole de l’autorité et de la justice, se retrouve à joncher le sol, marteau du président cramponné à sa main, mais impuissant face à « 12 Homies at the White House ».

 

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L’histoire d’amour entre les États-Unis et sa communauté noire est tumultueuse. Jadis, les lois de Jim Crow légitimées la ségrégation raciale. Aujourd’hui, le grand jury n’esquisse aucun doute au moment de ne pas incriminer deux officiers de police. Dans cette société, Kendrick survole, personnifiant ce rêve américain à travers une industrie du disque où les clichés se répandent facilement. À l’image de cette fresque où le jeune homme de Compton fête à sa manière, son arrivée à la Maison-Blanche avec les siens, les poncifs malsains ne peuvent s’empêcher de resurgir automatiquement. Car de nos jours, comment les Noirs aux États-Unis sont-ils réellement perçus ? Et comment ces derniers conçoivent-ils la nation dans laquelle ils vivent ?

Quoi qu’il en soit, Kendrick Lamar souhaite intégrer ce pays comme il est. Il ne dit pas « Yo bitch » mais « Ya bish ». Lorsqu’il déambule à la résidence officielle du président, il n’est pas apprêté d’un costume. Les normes, ce sont les siennes. Quand l’académie des Grammy Awards lui décerne deux petits gramophones, le bonhomme crayonne le portrait admirable qu’une partie de l’Amérique aime préjuger. Dorénavant dans les hauteurs hollywoodiennes, la chenille a quitté son cocon Compton, pour devenir le papillon, idéal d’une nation, et symbole d’un rêve américain. Le succès a donné des ailes à Kendrick pour décrypter son nouveau monde. Il y a une semaine, il affirmait dans le magazine des Rolling Stone : « sortez un gamin noir de Compton, mettez-le sous les projecteurs, et vous trouverez des réponses sur vous-mêmes que vous n’auriez jamais recherchées ». To Pimp a Butterfly est un titre ironique, une œuvre profonde, dans un contexte socio-politique inextricable.

 

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*Desmond King, « Pour les Afro-Américains, amer bilan d’une présidence noire », Le Monde Diplomatique. Janvier 2015.

1996. Il y a deux ans, Notorious B.I.G. sortait l’indétrônable classique Ready To Die, se positionnant comme maître incontesté de la côte est et de sa capitale rappologique de New-York. Mais cette année-là, émerge doucement Jay-Z, en pleine préparation de son premier album Reasonnable Doubt.

En mars 2015, Damon Dash, producteur et co-fondateur de Roc-A-Fella, passait devant le micro de Kenyatta animateur de la station Hip-Hop Motivation. L’occasion de revenir sur ses premiers travaux et notamment sur son album favori : Reasonnable Doubt de Jay-Z.

Well, as for Roc-A-Fella days, all my first records that I loved the most were Reasonable Doubt. And the reason why was because everything Jay said was basically about us. Everything he said I felt like he was speaking about me directly. The things he said were things I was saying directly out my mouth. And it was the spirit. There was a circular success thing where we were all trying to make each other rich. And that was the thing, keep each other rich, so we could never worry about going broke. And my favorite record was the one I produced with Clark Kent…It’s called ‘Brooklyn’s Finest’ and it’s featuring Biggie Smalls.

« En ce qui concerne l’époque Roc-A-Fella, de tous mes premiers albums, celui que je préfère est Reasonable Doubt. Tout ce que Jay-Z  rappait nous concernait Tout ce qu’il disait j’avais l’impression qu’il me le disait directement, que ça sortait de ma propre bouche. C’était l’esprit. Il y avait ce cercle vertueux où on essayait de se rendre riche. C’était notre règle, rester riche pour ne jamais avoir à s’inquiéter d’être fauché. Mon titre préféré est celui que j’ai produit avec Clark Kent… Il s’appelle « Brooklyn’s Finest » et Biggie Smalls apparaît dessus.« 

 

Alors que Damon Dash se souvient de sa première rencontre avec Jay-Z et Notorious BIG lors du tournage de « Dead President » en 1996, il revient sur la conception du titre avec Clark Kent, le fameux studio D&D qui a accueilli tout le hip-hop new-yorkais. C’est justement durant cette période que la relation entre Shawn Carter et Christopher Wallace se forge. Contre l’avis de Damon Dash, Jay-Z décide de poser directement son couplet sans attendre Biggie qui préfère prendre son temps. C’est au bout de quatre mois que BIG mettra un point final au dernier titre de l’album Reasonable Doubt en posant sur ce morceau  qui prendra le nom de « Brooklyn’s Finest ».

 

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Un titre qu’ils joueront ensemble sur quelques scènes avant la disparition tragique du Big Poppa, mais qu’ils ne porteront jamais à l’écran. Tout cela car celui qu’on connaissait à l’époque sous le nom de Puff Daddy, manager de Biggie Smalls, a refusé de donner son autorisation à la réalisation d’un clip qui serait incontestablement entré dans la légende. Une manoeuvre qui n’a rien d’étonnant quand on sait que Sean Combs avait déjà, entre autres anecdotes, mis de côté une production de DJ Premier sans consulter Biggie. Ce dernier tombera finalement dessus et contactera directement le producteur pour donner le jour au titre « Kickin The Door ». Le visionnaire Puffy aurait-t-il senti le potentiel de Jigga puis refusé de lui offrir la puissance de frappe de Notorious lors d’un clip ? Comme le disait d’autres artistes new-yorkais : « Strictly Business ».

 

Steve Berrington, anglais spécialiste de l’art digital, propose un projet surréaliste. Très inspiré par l’espace et les super-héros, l’artiste a décidé de lier ses deux centres d’intérêt.

Le projet du designer graphique a été de customiser le célèbre robot R2-D2 de la saga Star Wars en lui faisant revêtir les traits des incontournables personnages de Marvel. La création est amusante et colorée, le droïde porte tour à tour le bouclier de Captain America ou la cape rouge de Superman. Cependant, Steve Berrington ne s’est pas cantonné aux héros puisque R2-D2 prend aussi le rôle du méchant avec le costume d’Harley Queen compagne du Joker.Une série totalement représentative de l’univers de l’artiste qui juxtapose des univers de façon inattendue.

 

 

Nike offre un aperçu de son « White Hot » pack. Le géant de la sneaker offre un nouveau souffle à trois de ses modèles phares : la Blazer, la Dunk et la Lunar Force 1

Le soleil revient et à cette occasion Nike revisite trois paires pour le « White hot » pack. Comme son nom l’indique, le blanc immaculé est à l’honneur. Les trois modèles sont en cuir, une semelle en gomme finit de mettre en valeur la nouvelle version de la Dunk, Lunar et Blazer. Les trois classiques de la chaussure de basketball sont remis au goût du jour. Si la forme globale des sneakers est respectée, c’est dans le détail que Nike essaye de séduire sa clientèle avec un design épuré qui permet d’offrir toute leur dimension lifestyle. Le pack sera disponible à l’achat dès le 19 mars sur le site Nike.

 

Lundi 16 mars, Sofilms et Step by Step diffusaient en avant-première au cinéma mk2 Bibliothèque, leur documentaire sur l’histoire du shake. Naturellement intitulé Shake This Out, le film retrace la genèse d’un geste qui fait aujourd’hui partie des banalités de notre génération. Un travail signé des mains de Julian Nodolwsky et Joachim Barbier à découvrir le 13 avril prochain sur France 4.

Ale Giorgini est un artiste italien de renom qui s’est lancé le défi de revisiter les affiches de films, ou de séries sur format imprimé.

Le coup de crayon d’Ale Giorgini vous est sans doute familier, pour cause, ses célèbres personnages aux formes géométriques sur des affiches fictives rappellent les personnages des dessins animés de la chaîne Cartoon Network pour laquelle travaille l’artiste. La série est très colorée, amusante, pétillante et ludique. Elle apporte un souffle nouveau sur les classiques du 7ème art selectionnés par l’Italien. Ale Giorgini joue sur les symboles présents dans les films pour nous permettre de les reconnaître rapidement. Un art caricatural mis en vente sous différents formats allant du mini à l’extra large à des prix oscillants entre 17, 60 et 52 dollars sur des plateformes comme Society.

Bape la marque japonaise spécialisée dans le streetwear de luxe lance sa collection en collaboration avec le géant Lacoste.

La marque autrefois adulée par Pharrell Williams ou NERD dévoile sa toute dernière collaboration avec ni plus ni moins que Lacoste Live!. L’enseigne française aux collections assez sobres se laisse contaminer par le design un peu plus extravagant de BAPE.

Résultat : un logo totalement revisité mettant en avant le mythique crocodile aux incisives affutées gueule ouverte sur le gorille de BAPE. L’article phare de cette collaboration est sans nul doute le gilet qui une fois fermé laisse découvrir sur la capuche le visage de l’animal de Lacoste, l’union parfaite des deux marques. La collection sera mise en ligne au Japon à partir du 28 mars.

Matthias Dandois est le freestyler BMX le plus brillant de France et l’un des tout meilleurs au monde. Il est plusieurs fois champion du monde de flatland et ne cesse de repousser les limites de ses performances. Sa passion qui est devenue son métier l’a conduit aux quatre coins du globe. Chaque mois Matthias vous partagera les plus beaux clichés de ses différents périples et toutes ses impressions.

Vans Europe a emmené une grosse partie de son team à Cape Town en Afrique du Sud pour deux semaines de shooting vidéos, photos, faire deux contests et puis un peu profiter aussi… On n’est pas des bêtes.

J’étais vraiment refait de faire partie de l’aventure ! Cape Town est vraiment un de mes endroits préférés sur Terre, coincé entre les Table Mountain et l’eau glacé de l’Atlantique. Les paysages sont incroyables, les habitants plus agréables les uns que les autres, et la faune est plus diversifiée qu’une collection H&M.

Vans nous avait mis vraiment bien en réservant tout un complexe d’appartements pour le team. On faisait à peu près tout ce qu’on voulait dans le truc c’était fou ! Le vrai but du trip était de faire un maximum d’images là-bas pour finir les projets vidéo de chacun. Pour faire court, on s’entasse dans un van avec un local qui nous guide et on va rider des spots dans la rue, toute la journée. C’est ce qu’il y a de bien avec le BMX, tu vois la réelle vie d’une ville, et pas uniquement les zones touristiques protégés.

On se retrouve forcément à rider dans des endroits sketchy, il y avait ce spot incroyable en face d’une gare qui donnait sur une espèce de bidonville avec des kids qui snifaient de la glue

dans des sacs plastiques… C’est vraiment triste de voir les différences sociales qui existent encore là-bas (il y avait un magasin Ferrari trois pâtés de maisons plus loin), mais honnêtement même dans les quartiers les plus craignos, les gens étaient trop contents de voir du BMX, ils essayaient de parler à la sécurité pour nous laisser rouler le spot. À ajouter à cela, Cape Town est en hiver le rendez-vous des mannequins européens, on était pas mal.

Quelques photos du trip !

Jeudi soir a eu lieu le lancement du festival Le bruit de la ville 2015 organisé par le collectif Noise. C’est au coeur de l’école Sciences Po dont sont issus les organisateurs, que se tenait l’introduction à ces trois jours placés sous le signe de la culture émanant de la «ville ». Parrainé par Youssoupha, c’est logiquement le rappeur en personne qui a animé l’introduction du festival. En collaboration avec YARD, le but était de créer, lors d’une masterclass, une réflexion sur le rapport du parrain à la ville. Débuté par un discours plein de bonne volonté de la part du président de Sciences Po lui-même, Frédéric Mion, il a expliqué au parterre principalement composé de ses élèves, l’objectif d’ouverture aux cultures actuelles de la part de la grande école française.

L’audience s’était réunie en grand nombre bien trente minutes avant l’événement pour s’assurer de ne pas rater l’occasion d’entendre ce qu’avait à leur dire le rappeur français. C’est donc dans une ambiance studieuse que ce dernier a pu parler de son prochain album Négritude, mais pas que. L’entrevue de deux heures a été orientée de sorte à ce que l’actualité du rappeur soit seulement un prétexte à emmener le débat plus en profondeur.

Négritude sera le quatrième album de Youssoupha, il a donc pu discuter la notion d’évolution artistique en musique et plus précisément dans le hip-hop. Après quelques traits d’humour installant la salle dans une atmosphère plus intimiste, Youssoupha a pu donner sans détour ou langue de bois sa vision de l’univers du rap français ou encore sa relation aux labels et sa situation d’artiste indépendant. Et comme au cœur de la ville tout se lie, les co-animateurs l’ont même interrogé sur des sujets dépassant le cadre stricte de sa production musicale. On a donc pu le voir s’exprimer sur son rapport à la religion, sur sa vision de la notion d’unité nationale et sur la responsabilité d’un artiste médiatiquement visible vis à vis de ces questions de société.

La simplicité et la sincérité développées tout au long de la masterclass semblent avoir touché les quelques centaines de personnes présentes aux vues du nombre de mains levées spontanément lors de l’échange de questions-réponses avec l’artiste. Des questions dans la lignée du reste de la soirée, honnêtes, qui ne le brossaient pas toujours dans le sens du poil, nous rappelant l’utilité de la démarche du collectif Noise et de YARD. Quand il est souvent difficile de faire la part des choses dans les interviews et autres interventions médiatiques de promotion, ce genre d’événement offre un moyen différent voire privilégié de confronter intelligemment des points de vue avec des artistes qui font notre quotidien.

Le rappeur de l’est-parisien, S.PRI NOIR, du label NOUVELLE ÉCOLE, s’associe avec YARD pour mettre en image son titre A380. Inspiré de l’univers des génériques de James Bond, S.PRI NOIR nous interprète son morceau qui annonce la sortie de son nouvel EP, Le Monde Ne Suffit Pas attendu le 1er juin.

L’occasion de saisir quelques instants de ce tournage en images.

Un clip à découvrir ici 

Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement. DJ, producteurs, compositeurs et beatmakers, s’y retrouvent sous différentes expériences.

D’abord danseur, attiré par les sons rock et les titres de Gainsbourg ou Bjork, Ateph Elidja deviendra finalement un compositeur-producteur fortement influencé par le hip-hop et la techno. C’est assez logiquement et en forçant un peu le destin, qu’il intègre le label Bromance. Cet homme de studio s’exprime aussi derrière les platines et nous délivre cette semaine un mix d’une trentaine de minutes, à découvrir d’urgence.
> @ateph-elidja

#YARDLAB

Twista – Overnight celebrity (Ateph Elidja Remix)
Sam Tiba Feat Sad Andy – Up in the clouds ( #Ae Edit )
Ambassadeurs – Trouble
Lido – lost
Blaqstarr Feat Diplo – Get off
Fatherhood – Hide u
Canblaster – Afterline
Brodinski – Cant help myself
Ateph Elidja – Road Junction
BNJMN – Slowwave
Ateph Elidja – Jungle Legacy
Arca – &&&&&

Depuis le 26 mars 1987 et la sortie de la première Air Max, de nombreux modèles ont suivi les traces de la mythique AM1 et l’innovation de son inventeur Tinker Hatfield: la bulle d’air visible. Originellement crées pour améliorer les performances d’athlètes, les modèles Air Max se sont imposés dans la rue avant de devenir de véritables icônes de la street culture. L’aventure de la bulle d’air visible aura véritablement débuté en 1985, lors de l’intronisation de David Forland au poste de directeur du département de l’innovation du « Cushionning » (Matelas d’air), qui donnera la direction à suivre et insufflera la création dans ce domaine pendant plus de 30 ans. L’infographie ci-dessus nous montre l’évolution et les innovations propres à chacun des modèles telles que la Air Max 90,  la Air Max Plus ( aussi connu dans notre pays sous le nom de « Requins »), ou plus récemment, la Air Max 2015. Une histoire racontée et illustrée sur le site de Nike.

 

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Au sein du paysage rap, Atlanta a toujours fait figure de monde à part. Longtemps réputée essentiellement pour son statut de plaque tournante du trafic de drogue, cette ville, au travers de cette facette, a dessiné la couleur de sa musique locale, la trap. Un genre à qui il faudra moins d’une décennie pour s’étendre au-delà de ses frontières, à tel point qu’en 2009 le New York Times consacre Atlanta en la désignant comme le « centre de gravité du hip-hop », un comble.

Néanmoins, c’est dans le marasme des succès éphémères de 2014 qu’ATL libère quelques uns de ses spécimens les plus étranges, parmi lesquels un certain iLoveMakonnen. Sorti de nulle part, le jeune artiste de 25 ans profite de cet instant pour délivrer un premier EP éponyme joliment ficelé. Un effort qui permet au public de découvrir son style fait d’acrobaties vocales baladées sur des compositions oscillant entre les genres musicaux.

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Toutefois, si le projet passe relativement inaperçu dans sa globalité, celui-ci contient en son sein deux véritables hits qui parviennent à attirer le feu des projecteurs sur Makonnen. Le premier, « I Don’t Sell Molly No More » est rapidement relayé sur Instagram par Miley Cyrus, tandis que le second « Club Going Up On A Tuesday » (ou plus simplement « Tuesday ») voit Drake y apposer sa signature par un couplet qui finit de renforcer le buzz lévitant autour de ce personnage atypique.

Bien qu’il se dise « inspiré » par la trap et qu’il soit soutenu par le gratin des producteurs du genre, iLoveMakonnen se place définitivement en marge de celle-ci et avoue sans besoin de convaincre qu’il n’a pas vocation « à être un thug ou un gangster ». Pourtant, à l’instar de nombreuses autres progénitures d’ATL, le quotidien de Makonnen a également été marqué par son lot d’histoires troublantes.

Love Yourself

Natif de Los Angeles, Makonnen Sheran quitte le soleil de sa Californie à l’âge de 13 ans pour emménager à Atlanta. C’est ici-même que le jeune homme commence à développer un intérêt pour la musique avec le soutien bienveillant de sa mère. Chanteuse à ses heures perdues, cette dernière introduit son petit dans ce milieu en lui offrant un premier clavier avec lequel mère et fils enregistrent l’équivalent de 3 albums, selon les dires de Makonnen. À cette époque, sa pratique reste au stade de simple passion. L’adolescent n’a pas encore le temps d’envisager un avenir dans la discipline qu’un événement tragique remet déjà en question l’idée d’une hypothétique carrière.

Un soir de 2007, Makonnen circule en voiture avec l’un de ses amis les plus proches quand le ton monte entre les deux hommes. Sous le coup de la colère, son compagnon dégaine un gun et se met à l’agiter dangereusement sous les yeux de l’artiste. Quelques minutes passent, la tension s’estompe et les deux amis finissent par laisser leur rancune s’envoler dans la fumée d’un joint, tandis que l’arme reste posée sur les genoux de son camarade. Emettant quelques craintes quant à la proximité du canon, Makonnen se décide de l’écarter quelque peu mais fait accidentellement tomber l’arme, chargée, qui s’enclenche à sa chute. La balle perdue vient se loger dans le crâne de son ami qui meurt sur le coup. L’adolescent risque alors 25 ans de prison et la famille de son défunt camarade s’engage dans un véritable combat pour le faire enfermer. Le juge en décide autrement : Makonnen est finalement condamné à passer 2 ans en maison d’arrêt et écope d’une période de probation de 7 ans.

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Une période douloureuse très mal vécue par l’adolescent qui, en plus d’avoir perdu la personne avec qui il passait le plus clair de son temps, endosse le poids de la responsabilité de cette tragédie. Afin de faire son deuil, le jeune homme passe l’essentiel de ses journées à créer – qu’il s’agisse de compositions musicales, de tenues ou de dessins – mais surtout – il lutte contre la dépression en apprenant à s’aimer à nouveau en tant que personne. Et c’est quelque part au milieu de cette solitude que s’est créé le personnage de Makonnen tel qu’il prend forme aujourd’hui, véhiculant un message d’acceptation de soi que l’on retrouve jusqu’à son nom de scène « iLove » Makonnen : « Les gens n’aiment pas voir l’amour-propre, mais c’est bien la valeur que j’entends appuyer étant donné que lorsque j’étais en maison d’arrêt, tout le monde me détestait. J’ai du apprendre à m’aimer parce que si j’étais resté dans la négativité, ca m’aurait fait sombrer. Me détester m’aurait probablement mené jusqu’au suicide ».

Mais quand on s’intéresse à la musique du bonhomme rondouillard, il semble que l’apparence décomplexée et haute en couleur d’un revanchard de la vie ne soit que le costume endossé par une sorte de clown triste. En effet, bien que les deux extraits de son EP qui ont contribué à son ascension soient particulièrement festifs, la teneur de la plupart des autres titres est singulièrement différente. Entre « Tonight », « Sarah », « Meant To Be » ou encore « Too Much », tous relatent des relations amoureuses chaotiques dans lesquelles il présente les stigmates de son traumatisme passé : « I don’t need your love hauting me, I have enough fucking demons stalking me »

L’avènement des weirdos

C’est donc de contrastes en contrastes que le personnage d’iLoveMakonnen s’est construit et qu’il s’installe peu à peu parmi les artistes à suivre du côté d’ATL. De même, dans un énième paradoxe, le seul critère qui semble finalement le rattacher à sa ville d’adoption, c’est justement son excentricité. À la différence que celui-ci vient pousser un peu plus loin les limites de limites de la bizarrerie.

Faire preuve d’étrangeté dans une ville sur laquelle plane l’ombre d’un homme qui s’est fait tatouer un cornet de glace sur la joue n’apparaît pas comme une mince affaire, mais c’est précisément le créneau qui a été emprunté par quelques uns de récents phénomènes issus d’Atlanta. En effet, qu’il s’agisse d’iLoveMakonnen ou de Young Thug, tous deux détonnent aussi bien par leur voix cartoonesque – allant de l’infiniment grave à l’infiniment aïgu d’une mesure à l’autre – que par l’aspect « androgyne » que l’on retrouve dans leur allure et leur personnalité. Dans le cas du premier, on retrouve cela jusque dans son parcours, puisque Makonnen a étudié la cosmétologie, période dont il a gardé cette tête de mannequin que l’on retrouve sur la cover de son premier EP. Une particularité qui aurait pu être raillée à une époque mais qui ne choque plus aujourd’hui.

alex welsh

C’est justement là que la démarche devient intéressante : au travers de leur excentricité, des personnages comme iLoveMakonnen et Young Thug contribuent à briser aussi bien les frontières de leur environnement musical que les codes marketing de l’industrie du disque. Une portée qui avait été parfaitement résumée par Makonnen dans une récente interview : « L’idée ce n’est plus d’être marketable, c’est au contraire de ne plus l’être ».

En voyant les choses en grand, ces derniers pourraient bien contribuer à l’émergence d’un genre nouveau, surtout quand l’on constate que d’autres artistes tels que Rae Sremmurd ont récemment connu le succès avec des recettes identiques. Toutefois, avant de pouvoir observer l’avènement d’une éventuelle branche de hip-hop « weirdo », il reste encore à ses potentiels représentants de confirmer qu’ils ne sont pas que de simples phénomènes.

Photos : Mike Belleme & Alex Welsh

Lundi 9 mars, Alexis Vastine meurt lors d’un accident d’hélicoptère en Argentine dans le cadre de l’émission de téléréalité « Dropped ». Une fin tragique pour ce boxeur de 28 ans qui vient conclure une série d’injustices dont il a été victime. Ce #TBT revient sur le jour où le jeune homme s’est fait volé la victoire des Jeux Olympiques de 2008.

Alexis Vastine, un nom sur toutes les lèvres lors des Jeux Olympiques pékinois. Il est alors l’espoir français et devient le plus sérieux prétendant au sacre dans la catégorie des super-légers, le boxeur a franchi brillament chaque étape de la compétition. Lors des demi-finales du tournoi, Alexis Vastine doit affronter le Dominicain Felix Diaz. Le Normand délecte le public français. Il enchaîne les touches avec brio et débute la seconde reprise en menant sur le score 5 points à 2.  Sans relâche,  Vastine continue son ascenssion et touche deux fois son adversaire, mais aux yeux de tous, le cubain gangrène le combat par des coups interdits. L’arbitre qui rappelle à l’ordre Felix Diaz ne le pénalise jamais. Le duel s’allonge sur un rythme relevé. Quand sonne la fin de la troisième reprise le score est de 9 à 6 en faveur du boxeur français qui voit la victoire se rapprocher. Mais, Felix Diaz entame une remontée inopinée. Il n’est plus qu’à une touche d’Alexis Vastine à seulement 40 secondes de la fin de la rencontre. La tension monte, Vastine prend le dessus en optimisant la distance avec son adversaire qui, lui, préfère le corps à corps.

 

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Le Dominicain égalise sur une touche contestable alors qu’il ne reste plus que vingt secondes de jeu. Les pires craintes du public français se concrétisent, l’arbitre finit d’achever Alexis Vastine, en le sanctionnant sans raison valable pour la seconde fois. Le Français affiche au compteur deux avertissements et perd le match sur un score final de 12 à 10. Une  injustice.

 

 

Le boxeur normand de 21 ans, échoue après avoir dominé tout au long du combat, et finit par fondre en larmes en criant : « Ils n’ont pas le droit. » Alexis Vastine accèdera tout de même à la médaille de bronze, une maigre consolation pour celui qui a vécu un match contesté par la délégation française en vain. Plus tard, en 2012, il échoue avec le même sentiment d’injustice en quart de finale des JO de Londres. Il n’a jamais pu décrocher la victoire et la distinction qu’il méritait avant de perdre la vie le 9 mars 2015, Alexis Vastine s’était lancé dans une préparation physique qui annonçait son grand retour après une opération au coude en janvier. Il racontait aux caméras de L’Équipe :

« Si j’ai repris la boxe c’est que j’en avais besoin aujourd’hui pour me faire plaisir, pour mon bien personnel, pour l’or, si je m’entraîne c’est pour gagner. »

 

Celui qui confiait ne pas aimer  faire sa « pleurnicheuse » préparait les Jeux Olympiques de 2016 à Rio auquel il ne participera pas. Destin brisé.

 

Le photographe Thierry Ambraisse lançait il y a quelques jours son site internet, un portfolio regroupant ses travaux et ses multiples photos de voyage. L’occasion d’un retour sur son passage sur la ville de Los Angeles :

Ce piquant de l’air du Pacifique malgré la chaleur des derniers souffles d’été, la lumière si pointue et vive qu’elle cisèle et découpe, pour nos yeux, les acteurs et les monuments du rêve américain qu’est Los Angeles ; telle est l’atmosphère que cette série de photographies devait savoir magnifier. Les images d’Epinal, du cliché d’Hollywood au mythe de Malibu, apparaissent adoucies par cette lumière blanche, claire, sans tristesse. La vie de cet endroit qui borde l’océan laisse croiser des figures colorées, dynamiques, à l’image des mots de Kerouac dans Sur la route, les Californiens ont cet air, d’une manière ou d’une autre, de beaux acteurs de cinéma détraqués.

Le photographe Alex de Mora a eu l’idée de réaliser une série de portraits haut en couleurs. Cette fois-ci son objectif ne s’est pas fixé sur la chanteuse Tinashe mais bien sur des séniors.

Le photographe brittanique s’est en effet lancé à la chasse aux mannequins âgés de plus de 60 ans pour un shooting déluré. Ce projet a été réalisé en collaboration avec le magazine Vice spécialisé dans la culture urbaine, l’idée de cette association : habiller des personnes âgées dans un look streetwear. Toutes les marques y passent de Moschino, au Coq Sportif en passant par Champion.

Le message peut être interprété de différentes façons. Alex de Mora a sans doute voulu représenter notre génération streetwear qui aura vieilli d’ici quelques années. Le résultat est brillant. Avec l’aide de la styliste Kylie Griffiths, la set-designer Penny Mills, le coiffeur Sami Knight et la maquilleuse Lydia Warhurst, Alex de Mora a réussi son pari. Ces séniors sont drôles, décalés et bien plus intéressants que les mannequins « skinny » comme il l’avait annoncé sur BoredPanda.com.

Paul McCarthy, créateur du très controversé «plug anal» de la place Vendôme, s’est lancé dans une collaboration avec The Skateroom dans l’objectif de financer le projet de l’ONG Skateistan. L’association souhaite construire la première école de skateboard africaine à Johannesburg.

Les deux entités se sont associées pour une collection de 10 planches de skate en édition très limitée. Leur design est inspiré de la série de photographies « PROPO » réalisée par Paul McCarthy entre 1972 et 1983 qui met en scène des masques, des bouteilles, des poupées, les animaux en peluche et des uniformes. Les planches, limitées à 250 unités, sont disponibles sur des plateformes en ligne telles que MoMa ou colette au prix de 350 dollars. Les 35 premières planches de chaque design seront signées et présentées dans un flight case fabriqué sur mesure avec strucks, visseries et grip transparent.

À l’heure où les télé-crochets fabriquent des popstars aussi vite qu’ils les démolissent, les temps sont durs pour les artistes qui ont établi des bases solides depuis plus de trente ans. En 2015, la concurrence se fait rude : chaque année voit naître son lot de petits nouveaux qui sont plus que prêts que jamais à récupérer les miettes parsemées autour du trône de leurs aînés. Très marqué dans la pop, le passage de flambeau est également fréquent dans le rap, le R&B ou encore les musiques électroniques. Pourtant, malgré le talent et la détermination, la majorité d’entre eux échouent et ne fait qu’une courte apparition dans l’industrie du disque. Du côté des légendes vivantes, le constat n’est pas non plus reluisant. Des personnalités qui ont bâti une carrière incroyable telles que Madonna, Jay-Z, Paul McCartney ou Giorgio Moroder sont-elles vouées à disparaître pour ne laisser derrière elles qu’une sorte de belle histoire que l’on aime se remémorer un soir d’hiver ? Sont-elles trop vieilles pour prétendre au titre de champion suprême dans l’arène impitoyable qu’est le show business ? Y a-t-il réellement une date de péremption invisible tatouée sur leur dos  ? L’âge, prisonnier du temps immuable, semble avoir une certaine emprise sur la carrière des artistes. Personne n’est éternel…

 

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Les premiers à avoir posé des bases solides

Avant l’arrivée de génies populaires tels que Madonna, Michael Jackson et Jay-Z, l’aspect visuel dans la discipline musicale n’avait que très peu d’importance. Si Elvis était surnommé « The King » en son temps, il se contentait pourtant de chanter accompagné de sa guitare devant des hordes d’adolescentes en chaleur. Certes, les artistes des années 50 ont du mérite pour ce qu’ils ont apporté à la musique, mais l’on est bien loin de la révolution sexuelle et des mélanges hybrides des genres qui sont survenus quelques années plus tard. Les artistes dits « périmés » ont révolutionné leur époque. Aucun homme n’avait jamais accordé autant d’importance à la danse dans ses performances avant Michael Jackson. Personne n’a transformé le blues rock en pop rock avant les Beatles dont Paul McCartney faisait partie. Madonna, elle, a été la première artiste féminine a jouer de la provocation pour revendiquer ses combats : pendant que des dizaines d’homosexuels décédaient du sida, Madonna était là pour les soutenir. Elle s’est également engagé contre le racisme très tôt avec des clips comme Like A Prayer et a toujours été au premier rang pour souligner les méfaits du capitalisme américain. Elle incarne l’image de la femme puissante par excellence. Musicalement, Madonna a façonné le genre pop grâce à l’influence des musiques électroniques, de la dance et du disco sortie des nightclubs underground. La reine de la pop a inventé le concept même du show à l’américaine : des différents tableaux, des décors amovibles, de nombreux changements de tenue, des écrans géants… Sans Madonna Louise Ciccone, toute une armée de chanteuse (Britney Spears, Rihanna, Beyoncé, Miley Cyrus…) n’aurait pas été au combat après elle. Quand il a débuté sa carrière dans les années 90, Jay-Z a aussi changé la donne dans le rap. Petit à petit, il a bâti son empire avec Roc Nation et il peut se vanter d’avoir découvert des talents comme Rihanna. Il a également aidé Kanye West à être reconnu en tant que producteur grâce à la sortie de The Blueprint en 2001. Jay-Z n’est pas son mentor pour rien. Cet album a influencé de nombreux rappeurs par la suite notamment à cause des samples de musique soul dissimulés dans les tracks. Côté disco, le producteur Giorgio Moroder a innové avec ses machines en signant des tubes pour Donna Summer et Blondie dans les années 70. Qu’ont-ils tous en commun ? Un talent innovant qui a marqué à jamais l’histoire de la musique.

 

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Trop vieux pour qui ?

De nos jours, il est assez irritant de voir sur les réseaux sociaux « Who the fuck is Paul McCartney ? » quand la nouvelle génération découvre le bonhomme parce qu’il apparaît sur un single de Kanye West. Les mecs, Sir Paul McCartney a derrière lui plus de 50 ans de carrière ! Compte tenu de l’influence qu’ont eu les Beatles sur la musique avec leurs structures de chansons révolutionnaires et leurs refrains pop imparables, il y a fort à parier que tout ce qui passe sur les ondes radios en 2015 n’existerait pas sans eux. Pareil pour le pauvre Jay-Z qui a du se raidir quand Young Thug a affirmé lors d’une interview accordée à GQ : « Jay-Z peut avoir les meilleures paroles de l’histoire du rap dans certains de ses morceaux mais je n’achèterai jamais ses disques, juste à cause de mon âge et à cause du sien. Je ne veux pas rapper toute ma vie… Je ne veux pas avoir 50 ans et encore rapper, franchement. Je suis sûr que personne ne veut ça ». Parce que Jay-Z a 45 ans cela veut donc forcément dire que sa musique est démodée ? Les rappeurs de vingt-deux ans comme Young Thug feraient mieux de montrer plus de respect envers leurs aînés. Ah l’ingratitude de la jeunesse ! Il y a deux dizaines d’années, Madonna avait vu juste en expliquant : « En plus de souffrir du racisme et du sexisme, nous souffrons aussi de l’âgisme. Une fois que vous avez atteint un certain âge, vous n’êtes plus autorisés à être audacieux. Vous n’êtes plus autorisés à être sexuels. Beaucoup de gens disent ‘Oh c’est tellement pathétique, j’espère qu’elle ne fera plus ça dans dix ans !’ Je veux dire, qui s’en soucie ? Qu’est-ce qu’on va me faire si je continue ? Y a-t-il une règle ?! Êtes-vous juste supposés à mourir quand vous avez 40 ans ? ». Les réactions à la chute de Madonna aux Brit Awards 2015 étaient affligeantes : l’icône de la pop est tombée ce soir-là. Mais comme pour faire un gros doigt d’honneur au temps et à ses détracteurs, la chanteuse de 56 ans s’est vite relevée et a livré la performance la plus divertissante de la soirée britannique. Pour revenir au rap, le constat est le même. Quand on découvre que Common, qui est un monument dans sa catégorie, éprouve des difficultés à vendre ses places de concerts tandis qu’Iggy Azalea remplit des stades, la pilule a du mal à passer… L’âge semble être un point sensible que personne n’ose aborder. Après, il ne faut pas s’étonner que des stars telles que Madonna ou Cher fassent tout pour rester jeunes en apparence, chirurgie esthétique incluse. Le culte de la jeunesse n’a donc pas de limites.

 

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Une nouvelle génération menaçante ?

Comme indiqué justement plus haut, la nouvelle génération d’artistes doit tout à ses aînés. C’est ainsi pour chaque période dans l’histoire de la musique. Les nouveaux apprennent des anciens et volent leurs idées pour les remettre au goût du jour. Impossible de nier par exemple l’influence considérable que Madonna a eu sur le personnage Lady Gaga, qui n’a pas hésité à singer autant les anciens looks de la chanteuse que de puiser dans son répertoire musical. Récemment, Madonna a été bannie de la la radio la plus écoutée (BBC Radio 1) au Royaume-Uni : la raison ? Elle serait trop vieille pour intéresser les auditeurs jeunes avec son single Living For Love. Décidément, être âgé prive bien de prestiges… Si l’élève dépasse parfois le maître comme c’est le cas avec Jay-Z et Kanye West, on ne peut omettre la discographie bien garnie de Shawn Carter qui continue d’influencer des dizaines de jeunes rappeurs aux quatre coins des Etats-Unis. Évidemment, les artistes sus-cités traînent sans doute leurs jours de gloire derrière eux, mais cela ne les empêche pas de faire des expérimentations, de tenter d’innover aussi bien musicalement qu’au niveau visuel. Combien d’artistes ont essayé de faire perdurer leur carrière en vain ? Combien de one-hit wonders se sont faits oubliés aussi vite qu’ils sont arrivés ? Des centaines. En ce qui concernant la nouvelle génération en vogue aussi bien dans la pop (Taylor Swift, Miley Cyrus, Justin Bieber…) que dans le rap (Drake, Young Thug, Nicki Minaj…), on est curieux de savoir où ils en seront dans vingt ans. Comme le remarquait très bien Madonna dans une récente interview : chacun a sa place aux sommets. Quand elle raconte des histoires de son passé où elle errait dans les rues de New-York avec Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat, c’est avec amertume qu’elle constate qu’aujourd’hui plus aucune solidarité et communauté n’existe entre les vedettes. Tout le monde essaie de sauver sa place, quitte à empiéter sur celle des autres. Concernant la potentielle menace des nouveaux artistes, les anciens n’ont rien à craindre puisqu’il est difficile de refaire ce qui a déjà été fait. Et certains en ont déjà fait beaucoup par le passé. On ne veut pas stigmatiser tous les jeunes artistes, loin de là, en insinuant « C’était mieux avant ! ». En 2015, on ose espérer que l’on peut encore créer et innover dans l’art…

 

Les seniors contre-attaquent en 2015

 

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Les premiers resteront toujours les premiers. S’ils ne sont peut-être plus aussi frais que la rosée du matin, les seniors pourraient bien reconquérir tous ensemble le monde en 2015. Madonna est de retour avec un treizième album : le jouissif Rebel Heart. Au contraire de Katy Perry qui doit faire encore ses preuves en n’ayant sans doute pas sont mot à dire sur la musique qu’elle enregistre, Madonna s’est impliquée personnellement dans ce nouvel album plutôt réussi. À 56 ans, elle s’est permis d’expérimenter de nouvelles choses, ce qui rend sa musique toujours intéressante. Dans sa récente interview accordée à Pitchfork, le journaliste lui a posé : « Pouvez-vous imaginer un moment où vous n’aurez plus envie de faire des concerts et d’enregistrer des disques ? », ce à quoi elle s’est empressée de répondre : « C’est une question stupide ». À 72 ans, Paul McCartney ne chôme pas non plus puisqu’il a co-produit So Help Me God, le futur album de Kanye West. Il travaille également avec Lady Gaga en studio. Cette dernière a permis au crooner Tony Bennett (88 ans) de revenir sous le feu des projecteurs à l’occasion de leur collaboration sur Cheek To Cheek, son album jazz. Il n’est donc pas trop tard pour naître une seconde fois ? Si Jay-Z avait annoncé sa retraite en 2003, le rappeur a prouvé qu’il n’était finalement pas prêt à se retirer de l’industrie du disque. N’en déplaise à ceux qui le trouvent « périmé », il enregistrerait un nouvel album en commun avec sa femme Beyoncé. Quant au vétéran du disco qui a travaillé avec Daft Punk en 2013, Giorgio Moroder, il revient cette année avec un nouvel album 74 is the new 24. Encore une référence à son âge avancé qu’il a décidé de tourner en dérision. Des collaborations avec Charli XCX, Britney Spears et Sia ont été confirmées par le producteur. Cela sera le premier album de Moroder depuis trente ans. Common, lui, pourrait bien relancer sa carrière grâce à son rôle dans Selma. Retraçant la lutte historique du Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens, le film a fait beaucoup de bruit aux Etats-Unis. La preuve, que le plus important c’est ce qu’il y a l’intérieur et non la date limite marquée sur l’emballage à l’extérieur.

Nike continue de proposer de nouveaux coloris et de nouvelles versions de son Air Foamposite.

Celle-ci revêt une robe de couleur dorée. La partie supérieure qui semble avoir été coulée dans de l’or est renforcée par les traditionnelles stries de la Foamposite. Une languette noire et une semelle bleue glaciale complètent cette paire. La Nike Air Foamposite One « Metallic Gold » sera disponible sur le site de la marque dans la catégorie Sportswear dès le 14 mars pour le prix de 230 dollars.

S’il est un domaine qui donne encore l’impression d’une écrasante domination masculine, c’est l’aviation. Après plusieurs années d’études en école d’ingénieurs, Eleonore, 30 ans, co-pilote chez Air France embarque quotidiennement depuis 4 ans des centaines de personnes sur ses trajets moyens courriers. Une rencontre qui permet de casser ces dangereux poncifs, Eleonore représente un bel exemple de la diversité, de sexe mais aussi simplement de profils de ce qui constitue aujourd’hui ce corps de métier.

Pilote d’avion, c’est une réelle vocation?

Tout à fait. C’est particulier parce que mes deux parents étaient navigants chez Air France. J’avais une mère hôtesse de l’air et un père pilote, donc j’ai été immergée dans ce milieu dès mon enfance. Je n’ai connu que ça et pour moi travailler, c’était travailler dans l’avion. J’ai découvert en grandissant qu’il y avait d’autres métiers que ceux de l’aviation, c’est un peu le chemin inverse. J’ai fait 5 ans d’école d’ingénieur en ayant en tête que derrière je voulais faire pilote et ça m’a permis d’acquérir une certaine maturité, d’avoir un peu plus confiance en moi. J’ai passé le concours pilote à 23 ans, à la fin de mon école d’ingénieur, donc j’ai pu vraiment mûrir le projet et partir à l’étranger, ce qui m’a permis d’apprendre, de pratiquer vraiment l’anglais et d’être à l’aise. Donc à la base je suis plongée dans ce milieu-là mais, il y a eu une phase où je ne savais plus trop ce que je voulais faire et surtout où je n’étais pas sûre d’être capable de faire ça. Pour moi une fille c’était hôtesse de l’air, ce n’était pas forcément pilote donc j’ai mis un peu de temps. Mais c’est quand même venu assez vite, après mon école, je ne voulais qu’une chose, c’est être pilote.

En 2015 les possibilités pour une femme de devenir pilote sont-elles aussi difficiles qu’avant ?

Non je pense que le métier a évolué. Je pense que si on discute avec des femmes en fin de carrière aujourd’hui, elles nous diront qu’elles n’ont pas du tout connu la même chose que moi. Elles ont vraiment dû faire leurs preuves. Certaines volaient parfois avec des capitaines qui estimaient qu’une femme n’avait rien à faire dans un cockpit. Elles travaillaient dans le cockpit avec eux, mais eux ne voulaient pas qu’elles soient là. Ils ne les considéraient pas, ne considéraient pas leurs avis et pouvaient avoir des réflexions un peu limitées. Aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas, l’ambiance est très bonne. Bien sûr il y a des cas particuliers mais il y a des imbéciles partout. Ces personnes en question ne sont pas très sympas non plus avec les hommes pilotes d’ailleurs. Effectivement de temps en temps il y a des petits trucs mais c’est très rare c’est pour ça que ça m’embête presque de le dire. Pour certaines personnes, le fait que je sois une femme remet en question mes compétences, mais je pense que c’est inconscient et très rare. Ça a dû arriver 2 fois en 4 ans.

Aujourd’hui, comment tu penses être perçue dans le métier par les hommes ?

Je n’en sais rien, j’ai du mal à savoir. Les relations sont bonnes, je pense que dans un poste de pilotage ils me considèrent comme un pilote, peu importe le sexe. J’ai des choses à faire, on est chacun responsable de certaines tâches et ils attendent de moi que je me comporte comme un pilote. Après que je sois une fille ou un garçon, il y en a peut-être certains qui y sont plus sensibles que d’autres et que ça a dérangé au début. Franchement, aujourd’hui je n’y accorde plus tellement d’importance. Pendant ma formation et ma première année, j’y faisais beaucoup plus attention, j’avais du mal a assumer le regard des passagers au tout début. Les passagers nous voient dans la passerelle et quand ils voient une femme, ils regardent tous. Mais je ne pense pas que ce soit méchant, ils nous montrent à leurs enfants parce que c’est rare une femme  – on est entre 7 et 10% de femmes pilotes chez Air France – mais au début on avait du mal à assumer ce regard alors qu’aujourd’hui je m’en fiche complètement, ça me fait rire, c’est mignon. Parfois ça arrive que des femmes passent la tête pour me lancer un « félicitations » des choses comme ça. Alors quand on est deux femmes au poste… là je ne vous raconte pas, il y a pas mal des réactions. Au début c’est intimidant mais maintenant ça me passe complètement au dessus, je trouve ça marrant.

Ce sont des réactions positives le plus souvent ?

Je n’ai jamais vu frontalement des réactions négatives. C’est déjà arrivé à une de mes collègues mais encore une fois c’est très rare et c’était au tout début. Un passager a demandé à l’hôtesse : « Est ce que ce serait possible que ce soit le commandant de bord qui pilote l’avion ? » Parce qu’il avait pas confiance et qu’il avait peur que ce soit une femme qui conduise. L’hôtesse l’a envoyé bouler en lui disant « Écoutez, je vole avec elle depuis 3 jours ça se passe très bien il n’y a aucune raison d’avoir peur.» En plus, il était avec sa femme qui avait trop honte… Mais ça c’est une anecdote parmi tant d’autres. Autrement, il y a beaucoup de réactions positives, il y’a peut-être plein de gens qui pensent des choses négatives mais je n’y prête pas attention.

 

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On imagine que ce sont des pensées négatives et des doutes qui s’évaporent aussitôt l’atterrissage effectué ?

Oui voilà quand ils sont posés, c’est bon. Mais concernant la perception de mes collègues, j’ai un peu de mal à la formuler. Je ne sais pas réellement. Ça se passe bien, on s’entend bien. Je pense qu’à mes débuts j’étais impressionnée par les passagers, par le commandant de bord ; je pouvais être un peu sur la réserve, faire attention à ce qu’ils pensaient de moi mais c’est valable pour tous les débutants, même les hommes, réagissent de la même façon. Je pense que c’est plus lié au fait de débuter dans le métier.

Juges-tu égales les chances de réussite pour un homme et pour une femme ?

Oui je pense qu’à partir du moment où la femme s’intéresse au métier, il n’y a pas de raison qu’elle réussisse moins. Je pense qu’en France c’est de plus en plus dans les mœurs, même si on peut toujours tomber sur des instructeurs un peu macho, plus sévères. De plus en plus, les gens s’efforcent de se comporter de la même façon avec les hommes et les femmes. J’ai eu un instructeur qui était assez âgé et qui était un peu ancienne école, qui pouvait effectivement être un peu méfiant. Il était plus exigeant mais je trouve que ça rentre quand même dans les mœurs. Il y a 7% de pilotes femmes chez Air France, mais à la sélection, il y a aussi beaucoup plus d’hommes que de femmes. Je pense que si on n’est si peu, c’est que c’est un métier qui n’intéresse pas toutes les femmes ou alors qui, sous la pression sociale, se disent « je ne suis pas faite pour ça, je ne peux pas y arriver parce que je suis une femme. » Mais à partir du moment où on a le courage et l’audace et où elles se décident à aller à la sélection en se disant « je peux le faire », les chances sont quasiment égales.

On loue souvent certaines qualités des femmes est-ce qu’il y a une valeur ajoutée en tant que femme pilote ?

En ce qui concerne la manière de piloter je pense que homme et femme sont semblables, on n’a pas une manière particulière de piloter. Dans les relations humaines, j’ai l’impression que la sensibilité est une sorte d’intelligence sociale qui fait que la femme est plus sensible à chacun, ce qui qui lui permet, peut-être, de comprendre davantage le fonctionnement d’un groupe. Un pilote décolle et atterrit mais il y a beaucoup de relations humaines, la gestion d’un équipage c’est surtout des facteurs humains. Au final il y a 50% d’humain et 50% de technique. Oui je crois que la femme a peut-être un petit avantage la dessus et je remarque que voler avec des femmes ou avec des hommes, c’est différent. Il n’y a pas de moins bien ou de mieux mais c’est très différent, c’est une autre ambiance, une façon de présenter les choses différemment. C’est intéressant d’avoir cette diversité.

Est-ce que tu vois ta réussite dans ce métier comme un exploit ou comme quelque chose de normal ?

Je ne vois pas du tout ça comme un exploit sinon j’aurais les chevilles comme ça ! Non mais le truc c’est qu’au début j’étais pas sûre d’y arriver et malgré ça, j’ai quand même persévéré et pour moi une fois que j’y suis ce n’est pas un exploit. Une fois que j’y suis je me dit que c’est accessible à plein de gens beaucoup plus que ce que les gens pensent. C’est à dire que je pense qu’il y a plein de femmes qui se mettent des barrières toute seule, c’est un peu dû à la société tout ça et non pour moi ce n’est pas un exploit, c’est accessible à toutes les femmes.

Aujourd’hui que signifie la Journée de la Femme concrètement pour toi ?

Franchement la Journée de la Femme pour moi, c’est tous les jours ! Je trouve ça dommage de devoir attendre la Journée de la Femme pour faire cette interview par exemple. Je n’y suis pas spécialement sensible, je n’ai pas particulièrement l’impression d’être honorée. C’est peut-être l’occasion de parler de ce genre de sujet parce que socialement c’est un sujet intéressant, il y a encore plein de choses à faire mais moi je ne vais pas avoir un comportement différent ce jour-là. Je rentre de vacances, je pense que je ne vais rien faire de particulier j’irai peut être voir l’interview sur le site. Si ça a une symbolique pour certaines, tant mieux. Je ne vais pas me dire que c’est scandaleux de faire une Journée de la Femme, si ça peut faire plaisir à certains pourquoi pas si c’est l’occasion de parler de sujets intéressants. Après je trouve qu’on pourrait aussi parler de ces sujets tout au long de l’année.

Quelles difficultés tu rencontres au quotidien en tant que femme ?

Je n’ai pas l’impression de rencontrer des difficultés au quotidien. Cela fait quatre ans que je suis pilote, j’ai eu le temps de cerner le truc et j’ai pu prendre mes marques. J’ai eu des pertes de confiance pendant ma formation mais ce n’était pas lié au fait d’être une femme, même si évidemment ça participe car on nous parle souvent des femmes qui ont échouées et qui se sont fait virées de la formation. Comme on est peu, dès qu’on fait quelque chose tout le monde le sait et ça qui peut fragiliser notre confiance en nous. Au début le regard des passagers pouvait me déstabiliser, je ne savais pas comment me placer par rapport au commandant de bord, j’étais un peu sur la réserve ; alors que maintenant je suis spontanée. Le comportement quand on n’a pas confiance en nous ça se sent et du coup la personne va pas avoir confiance. Ce n’est pas un poids au quotidien au contraire. Je suis très contente je ne me dis pas du tout que si j’étais un homme ce serait plus facile.

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De nos jours, le nombre de DJs explose le marché de la nuit, et il semble de plus en plus difficile de se faire un nom dans ce monde. Un monde où les têtes d’affiche sont principalement des hommes. Mais Louise Chen a su s’imposer depuis plusieurs années devant les platines, que ce soit seule ou accompagnée de son crew Girls Girls Girls. Mais ne lui parlez pas d’exploit, il s’agit avant tout d’une passion et surtout de s’amuser.

Que penses-tu du terme DJette?

DJette c’est “cheum” comme mot. Enfin moi je trouve ça moche mais les goûts et les couleurs après… Mais je m’en fous, je me dis que si les gens veulent faire la différence là-dessus ça les regarde, ça ne change pas ce que je fais. Ça ne veut pas dire que tout d’un coup, je vais me mettre à faire de la musique où ça va balancer des cœurs et des arcs-en-ciel et des petits rubans.

Pour toi devenir DJ était une vocation ?

Franchement je pense que c’est plus une vocation, mais en même temps j’ai un peu l’impression de me la raconter quand je dis ça. Je suis passionnée de musique depuis que je suis gamine, ça court un peu dans la famille. J’étais vraiment baignée dedans. Très tôt je faisais déjà des compils sur des cassettes et quand j’ai eu 14/15 ans j’ai voulu m’impliquer. On faisait des concerts, c’était du hard core punk, mais disons que j’avais vraiment trouvé une niche. C’était mon truc, j’étais totalement obsédée par ce que je faisais. Mes seuls soucis dans la vie étaient que mon Discman fonctionne, que mes écouteurs fonctionnent et de toujours avoir des piles sur moi.

Comment est né ton collectif Girls Girls Girls ?

Au départ, c’était vraiment juste des copines qui voulaient faire la fête et écouter le même genre de musique. Des passionnées de musique. Girls Girls Girls s’est formé un soir où on était bourrées : « Pourquoi on ferait pas des soirées? Ce serait trop bien ! ». Puis je suis rentrée j’en ai parlé avec Brodinski (producteur de musique, ndlr) qui me disait que c’était une bonne idée, il m’a répondu : « Demain il faut que tu rencontres Manu Baron, vous en parlez directement je suis sûr qu’au Social Club ils trouveront une place pour toi, tu peux complètement faire le mardi soir. » C’était le soir qui commençait à être dédié aux soirées hip-hop, c’était aussi à une époque où les gens sortaient vachement en semaine. Un bon moment pour commencer quelque chose. C’est devenu un peu notre terrain de jeu et au bout de deux soirées on s’est rendus compte : “C’est toujours la même équipe de filles qui vient et y’a pas besoin d’afficher qui fait partie de la team.” Alors on s’est dit « Venez on fait ‘crari’ on est un collectif. »
On a essayé de trouver des jobs à tout le monde du coup dans notre groupe : Moon Kyu était notre graphiste DA, c’est elle qui a fait notre logo, elle faisait nos flyers, avec Betty et Piu Piu, on essayait de choisir les line-up ensemble. Au fur à mesure plus on bossait sur des trucs et plus on se professionnalisait. Je nous ai trouvé un agent qui pouvait nous booker toutes les trois ensemble. L’idée c’était d’imposer notre “vibe”, parce que comme on était trois forcément on jouait plus longtemps. Ça a été assez vite, mais du coup rencontrer Piu Piu et même Betty toutes les meufs du crew à l’époque c’était une vraie source d’inspiration

Aujourd’hui vous n’êtes plus que deux que s’est-il passé ?

On était en équipe, puis l’année dernière Betty avait envie de faire des trucs plus solo, de produire de la musique pour elle. L’important c’est qu’on ait passé 2 ans “fat” ensemble, qu’on ait fait une partie du chemin ensemble. On n’oubliera jamais les bons moments et les bonnes soirées ensemble. Puis tu vois on est à Paris il y a de la place pour tout le monde. Voilà du coup Piu Piu et moi, on continue toutes les deux.

Comment expliques-tu la transition entre l’organisation de soirée au métier de DJ ?

Je devais avoir 22/23 ans, j’ai pris conscience que je pouvais le faire. C’est vraiment en ayant l’idée de faire la teuf, en organisant les soirées Girls Girls Girls que je me suis dit : “Ça me fait kiffer de faire les warm-up mais en fait j’aime bien mixer”. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de me poser la question après la première soirée Girls Girls Girls directement derrière : « – Tu veux pas venir jouer à Cannes ? – Grave ! Festival de Cannes ouais grave ! ». À un moment on m’a même proposé de jouer sur la tournée de The Weeknd aux États-Unis et là j’ai flippé je me suis dit que je n’étais pas assez douée pour ça.

 

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Est-ce que ça a été difficile de t’imposer comme DJ en tant que femme?

Franchement pas plus que ça ! Après je pense que j’ai eu beaucoup de chance. J’ai eu la bonne idée, au bon endroit, au bon moment mais je n’ai pas l’impression que ce soit plus galère pour une femme de mixer. Par contre, c’est vrai que tu dois accepter d’arriver dans une pièce en sachant qu’on va te mater et te juger : « Est ce qu’elle va faire le job ou pas ? » Là où peut-être un “keum” aura moins besoin de faire ses preuves. C’est pas grave parce que si tu fais un bon set, il n’y a pas de raison. Peut-être que le déficit c’est un véritable écart de confiance. Tu dois plus bosser pour avoir confiance en toi, confiance en ce que tu fais en tant que femme.

Comment es-tu vu par les DJs hommes ?

Honnêtement, je n’en sais rien je pense que la plupart du temps ils pensent« ah elle est mimi » non je rigole ! Franchement, je suis plus perçue comme une “meuf” un peu média : « Ah ouais elle a fait des trucs à la télé, elle mixe, elle fait des teufs ». Je suis plus vue comme une “meuf” du milieu plutôt que comme une artiste mais ça me va. C’est un peu ce que je suis. Mais ça me fait marrer parce que parfois quand je sors, je connais déjà les promoteurs ou les mecs des labels, je me dis : « Putain, je suis une ancienne en fait ». Je n’ai pas cette fraîcheur de nouvelle DJ. C’est rigolo.
Je pense que je suis plus connue pour jouer du rap et du r’n’b plutôt que de la disco, alors que j’en passe aussi mais je suis cool avec ça. Être fidèle à moi-même c’est le plus important, si je peux être perçue comme une fan de Drake qui joue à l’After-Party avec Solange ça me va. Pas de problème.

Tu penses que les futures DJs femmes ont autant de chances d’y arriver que les hommes DJs ?

Mais grave, c’est pas la chance qui déciden c’est vraiment toi ! C’est important pour les filles de prendre cette chance. Homme, femme,  on s’en tape. Si je bosse le mieux, il n’y a a aucune raison qu’elle aille à quelqu’un d’autre. Il faut avoir cette flamme et cette confiance de se dire je fonce et je m’en fous de ce qu’on puisse dire. Je m’en fous qu’on me décourage, si c’est ce que tu veux faire si c’est ta passion ça va te dépasser. C’est un peu comme Lauryn Hill dans Sister Act 2, elle a beau se dire :  « Je ne veux pas chanter ma mère ne veut pas que je chante. » Elle ne peut pas s’en empêcher, si elle ne chante pas elle est malheureuse, je pense que c’est pareil.

En tant que femme DJ, as-tu une façon différente de mixer ?

Je ne veux pas généraliser, mais je pense que pour certains trucs dans la sélection des tracks tu abordes la musique différemment. Tu lies plus le public féminin dans le sens ou moi je sais ce qu’elles veulent, elles veulent danser comme des pétasses, elles veulent onduler leur corps. Il faut leur donner un truc un peu sexy un peu sensuel, un truc qui n’est pas dans la performance. Je pense que les femmes DJs savent s’effacer pour laisser place à la fête . Cette fête à besoin de filles sur le dancefloor, tant pis si notre set n’est pas le plus puissant, on va au moins faire crier deux trois “zoulettes” (femmelettes). Je pense qu’il y a aussi plein de mecs comme Supa, Kyu qui savent faire des set r’n’b “sensualidad” incroyables. Quand t’es bon DJ, tu sais lire la foule, tu sais capter la “vibe” des gens.

 

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Est ce que l’accueil du public est différent car tu une femme ?

J’aime bien joué des vieux tracks de rap. Je suis une énorme fan de Tribe Called Quest, du premier album de Nas. Quand je joue toute seule ces tracks-là, en général s’il y a un gars un peu plus âgé qui est là, il est un peu genre : « Quoi ?! » J’ai joué à l’anniversaire de Thibaut de Longeville l’année dernière pour ses quarante ans. Tous ses potes étaient là : « Ohlala, mais t’as joué ce Talib Kweli là.» Je pense qu’ils ont plus été étonnés que je connaisse des deep cuts, que je sois vraiment un peu connaisseuse en hip-hop et pas juste des tubes du moment. C’est ça qui surprend plus que le fait que je sois une femme.

Comment vois-tu ta réussite ?

Je ne considère pas tellement avoir réussi. Je pense que le chemin est encore long, avant de pouvoir dire que je me sens comme Jay-Z. Tu peux choisir de le voir de manière hyper positive, il y a des gens qui m’ont aidé sur le chemin et je ne les oublie pas. Il y a des gens qui m’ont fait galérer et je ne les oublie pas non plus. Tu peux aussi choisir d’être un peu vénère  genre « Putain, comment j’ai le seum, ils m’ont pas aidée. » Tu vois je pense que je vais paraître hyper hippie et yoga, mais je pense que c’est ce truc d’énergie.
Si tu es heureux de faire ce que tu fais, même pour 100€, t’es heureux de le faire. C’est jamais cool de galérer. Mais tu te dis “C’est mon choix, c’est ce que je veux faire. Je suis heureux, les gens que je rencontre sont passionnés par les même trucs.” Au lieu de voir le côté partage, on est les mêmes, on aime les mêmes trucs, on va bien s’entendre ; tu peux très bien te dire “putain il est sur mon turf, il joue mes tracks.” Après cette bonne énergie ne fait pas devenir millionnaire parce que franchement regarde le dalaï-lama. Je pense que c’est important d’être content de faire ton taf, de rencontrer des gens, de juste montrer que c’est un kiff de faire ça. Jouer de la musique, ce n’est pas la responsabilité de changer une vie. C’est rendre les gens heureux, les faire danser, les faire chanter. Ça défonce !

Aujourd’hui en tant que femme, quelles difficultés rencontres-tu au quotidien ?

Le truc qui m’énerve le plus, c’est le fait que les femmes ne soient pas payées autant que les hommes. C’est un peu le b.a.-ba. On part de là, on livre la même chose, on peut faire exactement les mêmes choses. Il y a un moment où quand on fait les même trucs et qu’on est aussi performants les uns que les autres, il faut que ce soit égal. C’est un peu aberrant.
Après, au quotidien, ce qui me dérange le plus, c’est que quand je fais du sport, je ne gagne pas du muscle aussi vite que les homme mais c’est la biologie, je peux rien y faire.
Je pense qu’on vit une époque assez cool où vraiment on est dans un confort. On peut chiller, on peut voyager en un clic. Après c’est évident qu’il y a des inégalités, il y’a des trucs horribles qui sont fait aux femmes et je remercie le ciel tous les jours de ne pas vivre dans ces conditions-là. Je ne le cache pas, j’ai eu la chance de grandir dans une famille matriarcale. Ma mère c’est la boss et c’est la plus grande inspiration de ma vie. C’est une bosseuse, elle est généreuse, elle est mignonne, un peu envahissante mais tout part d’une bonne intention. Pour moi c‘est un vrai modèle et si un jour j’arrive à la cheville de ma mère c’est cool, ça me suffit.

Qu’est ce que ça signifie pour toi la Journée de la Femme ?

Depuis que je suis gamine je pense que c’est une journée où il faut plus penser aux responsabilités et pas seulement à l’égalité. Ce n’est pas tant une journée pour parler des différences entre hommes et femmes, mais pour se rappeler qu’il y a encore des femmes qui sont violées, qui sont agressées, qui sont battues, qui vivent réellement dans des conditions de merde. La Journée de la Femme c’est une journée de mémoire. Il faut que les filles soient éduquées et puis c’est hyper intéressant parce que Salma Hayek a créé une fondation où ils ont une théorie et un projet qui explique que si tu éduques une seule femme tu nourris et éduque tout un village. Ce n’est pas faux parce qu’une fois éduquée, une femme peut ensuite monter une micro enterprise de textile et ça nourrit tout un village. La femme peut aussi permettre la transmission à ses propres enfants.
Je pense qu’au-delà de tout ça, il y a aussi ce truc hyper positif : si tu fais quelque chose pour aider une femme ça ne va pas aider que cette femme. Pour moi le 8 mars c’est avoir ces réflexions-là et me dire putain si un jour je suis à la place de Jay-Z qu’est ce que je vais faire de mes thunes ? Peut-être que je vais éduquer des femmes. Mais que ce soit des femmes, des filles, ou des hommes on est tous des humains, on est tous égaux et ce n’est pas le sexe qui devrait faire la différence.

Qu’est ce que tu comptes faire dimanche ?

Je pense que j’enverrai un petit texto à ma mère pour la remercier parce que la Journée de la Femme ça me fait vachement penser à elle. Après l’école je la retrouvais et on avait toutes une fleur, un truc qu’un collègue lui avait donné. Du coup, je pense envoyer un petit texto à ma mère, une petite pensée pour lui dire: « Merci de m’avoir élevée en bonne fille »

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Est-il véritablement utile de présenter en 2015, Inès de la Fressange ? Mais nous nous y risquons. Au tournant des années 80, elle devient l’égérie de Chanel et symbolise sur les podiums l’image de la Parisienne. Puis en 1989, elle sort du parisianisme pour être officiellement la femme des Français en posant comme Marianne. Enfin, comme une consécration, elle rajoute sa bouille aux nombreuses poupées de cire du musée Grévin. Inès de la Fressange incarne la féminité « à la française » et c’est avec son éternelle dérision qu’elle répond à nos questions.

 

Mannequin et créatrice de mode, c’est une vocation ou un hasard de la vie ?

D’abord ce ne sont pas les mêmes métiers ! Mannequin ne peut en aucun cas être une vocation : il faut être choisi. En revanche le dénominateur commun des deux c’est le goût de la mode et du vêtement. Ça je suis née avec …

 

Comment vous perceviez les regards et l’envie qui vous entouraient lorsque vous étiez égérie chez Chanel ?

Les autres mannequins ne m’enviaient pas surtout lorsqu’elles me voyaient faire des discours et des interviews lors de déplacements à l’étranger pendant qu’elles pouvaient aller à la plage !
Les autres femmes arrivaient elles à s’identifier à moi parce que finalement je n’étais pas un mannequin typique.

 

Que ressentiez-vous en tant que femme ?

Mon rôle au studio était d’être porte parole des femmes, de la cliente du désir des femmes.
Karl Lagerfeld me mettait exagérément sur un piédestal mais lorsqu’on se sent très aimé on devient forcément meilleure. La chance c’est aussi de savoir la réaliser quand elle est là. Comme le bonheur.

 

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Depuis votre reconversion de mannequin à styliste, comment êtes-vous perçue par les hommes du milieu et quelles sont vos relations avec eux?

Lorsque ils étaient bébé, je travaillais déjà ! Donc ils savent que j’ai une petite expérience .

 

Que répondriez-vous pour convaincre un homme persuadé que les femmes ne peuvent pas être styliste ?

Que sa femme à lui devrait consulter plus souvent des stylistes !

 

Y-a-t-il une différence dans la façon de créer, de travailler, d’appréhender votre métier, en tant que femme?

Non, il y a juste pour nous la possibilité de porter nos créations !

 

Le métier de mannequin et le fait de se faire un nom (ou prénom) par le biais du physique est-t-il toujours aussi dépréciatif qu’a une certaine époque ?

Euh , je ne sais pas… Mais ce soir en venant dîner chez vous je viens avec ma copine inspectrice des impôts ou Natalia Vodianova (mannequin russe, ndlr) ?!

 

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L’image d’une femme réduite à son physique n’est-elle pas gênante à porter ?

J’ai vu beaucoup de jolies filles même très très jolies et pourtant elles ne sont pas forcément devenues célèbres. En revanche les über star mannequins que j’ai connus n’étaient pas parfaites .Que faut il en conclure ? En tout cas il y avait peu de Françaises peut-être justement parce c’était gênant pour ces filles d’avoir l’impression que leur intellect n’était pas considéré. Personnellement, j’ai toujours pensé que tout dépendait du photographe ou du styliste pour le résultat mais si ma présence stimulait sa créativité et son talent tant mieux !

 

Voyez-vous votre réussite en tant que créatrice et femme d’affaires comme un exploit, ou une chose normale ?

Ma « réussite » ce n’est pas ma notoriété ou ma même ma vie professionnelle. Ma réussite est de faire ce que j’aime avec des personnes que j’estime, ma réussite c’était donc surtout de savoir écouter mes envies et ce qui m’épanouissait, mais je n’ai pas d’histoire de vache enragée à vous raconter (rires) !

 

Quelles difficultés rencontrez-vous encore au quotidien en tant que femme ?

Principalement des difficultés capillaires ! Les hommes ont moins ce problème et ne se soucient pas de trouver un bon coiffeur lorsqu’ils sont en voyage d’affaire à Shangaï !

 

Quelle signification revêt la journée de la femme concrètement aujourd’hui pour vous?

C’est dommage qu’il faille que cela existe encore de nos jours, ce « à travail égal, salaire égal… » Mais en tout cas cela peut aussi nous faire réaliser qu’en France les femmes peuvent étudier, travailler, conduire, voyager, voter et que nous vivons dans un pays libre .

 

Que comptez-vous faire de spécial ce jour-là ?

C’est un dimanche ! Rien ! Et apprécier de ne rien faire. Heureusement je n’ai pas besoin d’attendre le 8 mars pour que mon amoureux m’apporte le petit déjeuner au lit …

 

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Humoriste révelée au grand public par le Jamel Comedy Club, Nawell Madani s’impose dans le dur domaine du stand-up avec son accent belge et quelques pas de danse hip-hop. Récemment intégrée au roster de Def Jam Comedy, elle joue en ce moment son spectacle « C’est moi la plus Belge » partout en France et raconte aujourd’hui son parcours.

En préparant cette interview dans le cadre de la Journée des Droits des Femmes, en avec les quelques recherches que j’ai faite sur toi…

Tu as découvert que je n’étais pas une femme.

(Rires, ndlr) Non j’ai découvert qu’en tant que jeune fille, quand tu évolues à Anderlecht, à Bruxelles, tu es un peu un garçon manqué.

J’évolue en tant que garçon manqué parce qu’on était que des filles dans la famille. Quand on allait à l’école, il fallait développer un peu ce côté masculin pour se défendre. On avait pas de grand frère, et donc on devait montrer que s’il fallait taper, on répondait très bien. Il fallait endosser la casquette de petit mec quoi.

Il paraît que t’étais une punchlineuse redoutable jeune. C’est vrai ?

Oui, mais tu sais quand j’étais petite, j’ai eu une accident domestique. J’ai été brûlée au troisième degré et quand tu es petit, tu connais la méchanceté dans les cours d’école. Il a fallu que je me défende. Tous les jours, je rentrais en pleurant à la maison. Ma mère me disait : « Il faut que tu essaies de déceler leurs failles, leur défauts. Et avant qu’ils t’attaquent, attaque-les ou sois déjà prête. » Elle a développé en moi ce sens de l’observation, ce sens de la répartie, sans qu’elle le sache.
Et quand tu es dans une famille nombreuse, il faut aussi trouver ta place. J’étais la petite dernière, j’en avais marre de manger un peu plus que les autres. Donc, pour faire ma place, il a fallu que je développe aussi ce sens de la vanne.

Quand es-tu devenue une meuf, véritablement ?

Quand j’ai rencontré la danse et surtout le hip-hop. Ca m’a permis d’accepter mon corps J’allais dans le classique, elles étaient toute fines. Moi j’avais le tutu qui rentrait entre les fesses tellement j’étais boulote. Je me suis rendue à un cours de hip-hop, j’ai vu que les femmes avaient plus de formes, des gens de toute tailles, des mecs, des meufs, des blacks, des blancs. Et c’était une discipline qui ouvrait la porte à tout le monde, plus tu étais atypique et plus ça te donnait une force.

Quand est-ce que c’est devenu un projet professionnel la danse ?

À partir du moment où j’ai commencé à regarder les clips. J’ai grandi en regardant les clips de Janet Jackson, Paula Abdul… Je voulais devenir danseuse professionnelle, et je me voyais aux États-Unis à danser, créer des chorégraphies, faire des tableaux. Je savais déjà à l’âge 8-9ans, ce que je voulais faire.

Comment l’as-tu annoncé à tes parents ? Quelle a été leur réaction ?

C’était très compliqué. Quand j’ai appris la danse, j’étais entourée de blacks. Mon groupe de danse s’appelait les Blacks Barbies. Mon père me voyais revenir de mes cours de danse entourée de blacks et les voisins lui disaient : « Tu vas voir, un d’entre eux va la mettre enceinte. » Ils partaient dans des raccourcis : « Regarde elle est entourée de Black, il y en a un qui va la choper. Leur danse, ils se frottent les uns les autres. » Les gros clichés tu vois. Et mon père s’est laissé avoir par les bruits de couloirs, j’ai dû me battre deux fois plus. En Belgique, il n’y a rien qui se passe, on a pas de vitrine. Il fallait que je parte, mais en plus de ça, j’avais un deuxième obstacle, c’était l’approbation de mes parents. Je l’ai jamais eu d’ailleurs.

 

Nawel-Madani-3_Trianon-2014_©JeanRymond-Lebeau

 

Tu l’attends encore aujourd’hui ?

Aujourd’hui, ce sont les premiers à applaudir. Mais quand j’ai dû partir, j’ai dis à mon père que j’allais à Paris pour étudier du marketing. C’était ma couverture. J’ai mitonné grave, je suis arrivée à Paris, j’avais dit que j’allais faire mes études, mais en fait je venais parce que je voulais absolument avancer. Et d’ailleurs je pensais que j’allais tout de suite trouver du travail. Je ne mangeais pas à ma faim, il fallait que je sers les dents, parce que je ne devais surtout pas revenir en Belgique. Déjà, ils allaient comprendre que j’avais mitonné et de deux, une fois que j’étais partie, si je me plaignais, ils n’allaient plus jamais me laisser partir.

Dans ce milieu hip-hop, comment tu te retrouves en tant que meuf ?

J’ai fait le parcours un peu classique. J’ai fait l’AED (l’Académie Internationale de la Danse). J’ai intégré cette école, et au fur et à mesure des rencontres, j’étais mise au courant de castings. J’ai fais le casting de Diam’s pour être danseuses et le directeur du casting m’a pris en tant que modèle. Il m’a dit « Je ne veux pas du tout que tu danses, je veux que tu sois en bombe latine dans le clip. » (Nawell apparaît dans le clip « DJ » de Diam’s) Et c’est comme ça que ma carrière de modèle à commencer.

Dans ce milieu archi masculin, comment tu arrives à t’adapter ?

Tu n’y arrives pas  justement. Déjà il faut essayer de ne pas céder aux propositions. Dès que tu arrives et que t’es un petit peu jolie, tu es fraîche, tu es « brand new » dans le milieu. La plupart des nanas qui sont dans le hip-hop, on les connaît, les danseuses on les connaît, les modèles on les connaît. Dès qu’il y a une nouvelle tête, tout le monde la veut en fait. Et puis souvent tu te fais draguer, tu te fais aborder par des mecs de ce milieu-là, et il ne faut surtout pas céder à ces propositions. Il faut rester ferme, même si parfois il y a des gens qui peuvent être très sincères dans leur proposition. Même s’il y en a, il faut que ça reste professionnel. Il ne faut pas passer d’un mec à un autre, parce que ça parle beaucoup et tu peux être grillée assez vite en fait.

J’imagine que dans des ambiances de clips, les gars ont une parole très débridée et toi tu te retrouves là-dedans.

T’es un steak dans une cage à lion. Et souvent les rappeurs, dès qu’ils tournent un clip, ils viennent soutenus par leur team. Et ce qui est bien, c’est qu’à partir du moment où tu établis des règles, tu leur montres que tu n’es pas comme ça, tu gagnes un respect extraordinaire. Tu vois moi aujourd’hui, j’ai des très bonnes relations avec des rappeurs, parce que j’ai montré une ligne de conduite à respecter. Déjà, pour montrer qu’on est apte à travailler, qu’on n’est pas groupies, pour passer d’un artiste à un autre. Tu vois moi à l’époque, j’ai fait le clip de Mac Tyer et jusqu’à aujourd’hui on est amis. Je m’entends très bien avec Sopra, je m’entends très bien avec Akhenaton. À partir du moment où t’as une ligne de conduite, en fait dans n’importe quel milieu c’est la même chose.
Finalement, c’est partout pareil. Dans tous milieu prédominant, tu regardes même dans la politique, si t’es politicienne, et que tu t’es tapée un ou deux ministres, un ou deux  mecs de la professions, on se dit : « Bah voilà, elle est passée sous la table pour y arriver » Ce sont les même codes. Seulement le rap, c’est une formation accélérée. Parce que c’est des mecs qui sont rentre dedans, sans beaucoup de finesse. On ne tourne pas autour du pot et tout s’ébruite assez vite. C’est une formation accélérée du monde réel.

Pour passer au stand-up, quand tu dis à Kamel Laadaili, que tu veux t’y mettre et qu’il te dit  « Fais attention, c’est un milieu de gars, il n’y a pas beaucoup de meufs qui percent » quelle est ta réaction ?

En fait ça ne c’est pas vraiment passé comme ça. J’étais en cours d’acting avec Kamel Laadaili. Un jour je l’ai vu monter sur scène, je lui dis : « Ca me plaît, j’aime ce que tu fais. Ça me permettrait de jouer les rôles qu’on ne va jamais me proposer et ça me mettrait en vitrine. Est-ce qu’il y a moyen de le faire tu vois ? » Je pense qu’il ne m’a pas prise au sérieux. Et j’ai du par moi-même, chercher ce milieu qui était pour moi un monde parallèle.
Tu avais un milieu du stand-up où les mecs se donnaient rendez-vous de scènes ouvertes en scène ouvertes, avec des programmateurs qui se connaissent qu’entre eux. Il fallait qu’ils connaissent ton set pour te programmer. Je me disais :« Mais comment je vais venir tester, comment est-ce qu’on écrit ses premières vannes. Comment est-ce qu’on fait pour avoir un cinq minutes qui tienne la route ? C’est quoi la thématique ? C’est quoi la technique ?» Un jour Kamel a mis sur son Facebook : « Retrouvez-moi ce soir au Pranzo » et j’ai été le voir. J’y ai été deux-trois fois, j’ai observé, je l’ai regardé. J’ai été voir le directeur de l’établissement. Je lui ai dit « Ecoute, je veux jouer. », il m’a répondu : « T’as un cinq minutes ? » Et là j’ai baratiné, j’ai dit oui. Il m’a dit « Ok , rendez-vous la semaine prochaine. » J’avais une semaine pour écrire un texte de cinq minutes.

Là tu te rends compte que tu t’attaques à un cercle fermé, mais aussi archi masculin, où les plus grosse têtes d’affiche sont des mecs.

Pas encore. Je connaissais des têtes d’affiche comme tous le monde, mais je me disais pas encore que c’était un milieu masculin aussi dur. Pas du tout. Parce qu’en plus de ça, là où on répétait au Pranzo, c’était bon enfant. Il n’y avait que des jeunes humoristes qui venaient tester. Le directeur ne nous mettait pas du tout en compétition. Il donnait sa chance à tout le monde. Et à partir du moment où je suis montée sur scène, je me dis si ça marche, je continue. Si je me tape la honte, j’efface cette idée de ma tête à tous jamais.

À quel moment tu captes que tu rentres dans un milieu masculin ?

Le Jamel Comedy Club. Trois mois après.

 

Nawel-Madani-7_Trianon-2014_©JeanRymond-Lebeau

 

Comment tu es confrontée à ce truc-là ?

Ce sont des réflexions. Des humoristes me présentait et je ne trouvais pas ça du tout drôle tu vois : « Bon vous allez voir la prochaine, sa ‘teuche’ fait du miel, je l’ai goûtée. On dirait un Miel Pop’s. La prochaine : Nawell Madani. » ou « Ouais la prochaine, je l’ai ken sans pot-ca, ça glissait, elle a un cul de rabzouz. Nawell Madani. » Aussi hardcore que ça. Et je suis gentille car je me mangeais des réflexions encore plus hardcore. Et puis dans les loges, c’était en mode : « Ouais tu sais Nawell, ça marche pas. Au lieu de passer 10 minutes comme nous, joues que trois minutes tu vois. »

Comment tu réagis à ça ?

Si tu veux déjà pour moi ils étaient très forts, c’était comme dans une cour d’école, quand tu as un mec qui a le power, tu n’ouvres pas trop ta gueule. Ils m’impressionnaient tous tu vois. Ils étaient forts. Ils cartonnaient. Donc quand ils me parlaient au début, à propos de mon passage, je me laissais faire, j’essayais d’écourter un maximum. Mais quand ils ont parlé de moi et de ma condition de femme, c’est parti en sucette. C’est là que j’ai appellé Jamel. Je lui ai dit « Sois tu leur parles, sois je me barre. »

C’était très violent.

J’ai souffert au Jamel Comedy Club. Tu sais, ça ressemble au moment où tu n’as pas envie d’aller à l’école. Tu ne t’entends pas avec ta classe, tu y vas à reculons. Et on te dit qu’il faut y aller. Tout le monde me disait « Putain Nawell t’es obligée. Au Jamel Comedy Club, t’es la seule meuf ! Tu y es arrivé après trois mois sur scène. Tu imagines ? Monte, prends, tu t’en fous d’eux. » Et moi je leur réponds : « Mais vous ne savez pas comment c’est dur. ».
Personne ne me parlait. On ne me disait pas bonjour. Ils peuvent être à trois-quatre sur toi, en train de rigoler sur ta gueule tu vois. Des réflexions déplacées. Par exemple, j’avais des potes renois qui venaient me chercher, ils me disaient « Ah ! Toi aussi t’es une rebeu à renoi. Ah ouais, ça se voit que tu aimes bien le renoi, ça se voit. » Des réflexions constantes comme ça. Et un jour j’ai appelé Jamel.

Et justement toi à contre-pied presque, la manière dont tu te présentes au public, c’est trois sketches qui présentent ta féminité d’une manière controversée : le porno belge, le garçon manqué et une relation sexuelle avec un Noir.

Ouais mais parce que je répondais à ces connards en fait. C’est pour ça qu’aujourd’hui que je n’en parle plus du tout. Pour moi, c’était le reflet de ce que je vivais. La Brigade Anti-Batard, je l’ai faite pour eux. Le fait que ma première relation sexuelle, je l’ai eu avec un renoi et qu’il avait genre un sexe énorme, c’était pour eux en fait. La scène c’est un exutoire. Et je voulais leur montrer que j’allais devenir la meilleure, qu’ils m’ont hagar (persécuté) et qu’il ne fallait pas le faire. Ils ont touché au bâton qui va leur piquer l’œil.
À partir du moment où j’ai appelé Jamel, il a fait une réunion et leur a dit : « Mais lâcher lui les baskets. Je ne comprends pas votre délire avec elle. » Ils disaient « – Non mais vas-y on rigole. » « – Non non non, ça fait rire que vous. » Et une fois que je me suis plaint à Jamel, ils étaient tous là genre « Hahahaha t’es partie balancer à Jamel. » Ça a été pire. C’était la descente aux enfers. Et malgré le fait que j’ai eu un succès extraordinaire au Jamel Comedy Club, que j’ai eu l’un des passages qui a récolté le plus de vus, et que derrière le Grand Journal ma appelé. Au moment le plus important, le pic du Jamel Comedy Club, je me suis barrée.

Comment tu conçois les critiques du public sur Internet ?

Après tu sais sur Internet, tu ne connais pas leur âge, ou leur niveau mental. Je ne me fie pas trop à ces gens-là. Je ne me fie plus aux retours de mon spectacle. À partir de ce moment-là, ma carrière a commencé. Moi c’est ça que je retiens. Après que quelques internautes… C’est vrai ! C’est une réalité. Il y a un racisme latent. Il est là, on ne peut pas se le cacher. Maintenant, ils oublient que ces trucs-là, c’est un personnage et que ce n’est pas la vraie vie.

Comment toi tu te définis en tant que femme aujourd’hui ?

Je suis une femme urbaine, je vis avec mon temps. C’est vrai qu’aujourd’hui, malgré moi, j’ai un peu cette résonance féministe. À travers mon vécu, forcément j’ai une sorte de message d’espoir pour les nanas. Vous savez que si c’est plus dur pour nous, c’est parce que la récolte va être meilleure, c’est tout et qu’il faut se battre.
Déjà être une femme en général, c’est dur. Tu laisses une nana qui va un peu s’habiller en été, elle marche dans la rue, le regard des passant, ce qu’ils disent… On en a vu des caméras cachée. Donc je ne t’explique même pas quand tu prends un métier comme celui-là. Parce que le rire et l’humour, c ‘est un métier où tu prends beaucoup de place.
On est des prescripteurs, des messagers. C’est-à-dire qu’on fait appel à nous même en politique. On a de positions importantes. Quand une nana elle prend une place aussi décisive, c’est compliqué.

 

Nawel-Madani-4_Trianon-2014_©JeanRymond-Lebeau

À seulement 27 ans, Anne-Charlotte Vermynck crée son propre magazine pour les parents sur les enfants, Doolittle. 5 ans plus tard son petit se porte bien mais… L’entrepreneuse qui vient de passer le cap de la trentaine, n’est toujours pas maman. Un comble pour certains qui n’hésitent pas d’être à la fois critique et insultant à son égard. Dur, dur de ne pas avoir de bébé…

Qu’est-ce qui t’a amené à créer ce magazine ?

En fait, je suis autodidacte. J’ai commencé à travailler dans la presse à 19 ans. De fil en aiguille, je suis restée dans ce milieu. À la base, j’ai commencé par la presse féminine et j’ai « switché » (basculé, ndlr) sur plein de magazines et postes différents. À la fin de ce cycle, on m’a proposé d’être « rédac’ chef » d’un magazine pour les parents sur les enfants. J’ai fait un numéro pour eux avec zéro sous. Quand j’ai vu que j’ai réussi en appelant tous mes contacts et en faisant bosser tous les potes que j’avais rencontré pendant toutes ces années-là ; je me suis dit pourquoi pas. Puis j’ai eu une très bonne rencontre avec Franck Annese qui a rendu tout ça possible.

Pourquoi ce choix de l’autodidaxie plutôt que de suivre le chemin académique ?

J’ai passé mon bac que je n’ai pas eu à l’époque. Je n’étais pas hyper assidue, enfin si mais plutôt en bavardage. En fait, j’ai fait une prépa d’art pendant un an, à la fin, je suis partie un mois de stage dans un bureau de presse, Sandie Roy. Au bout de quinze jours, on m’a proposé un boulot, du coup j’ai tout planté et j’ai commencé à travailler comme ça. Après j’ai passé mon bac en candidat libre, que j’ai eu avec mention. C’est ma petite fierté de me dire que quand même je n’étais pas débile mais juste trop jeune et insolente.

Comment es-tu devenue compétente dans ce secteur de la presse ?

Dans ce genre de métier, il n’y a pas d’école pour apprendre à être créative et rigoureuse. Je pense vraiment que j’ai fait la meilleure école, pour moi en tout cas, car je ne le conseille pas à tout le monde. C’est très particulier d’être autodidacte. C’est très plaisant pour plein de choses, mais c’est hyper dur aussi. Déjà, on n’a pas le même rythme que ses amis. J’étais toujours avec des gens plus âgés que moi, tout est très différent.
Mes modèles de réussite dans la vie, je les ai côtoyés dès mon plus jeune âge. J’ai pu me former en les observant, en travaillant pour elles. En plus, je n’ai bossé qu’avec des femmes. Toutes ces rencontres-là m’ont forgée au fur et à mesure. Quand j’ai monté Doolittle, j’avais 27 ans, ce qui est assez jeune, mais en même temps je travaillais depuis 7 ans. Honnêtement, ça t’apporte une ambition que tu n’as pas forcément quand tu es sur les bancs de la fac et une envie de réussir.

Tu as travaillé avec beaucoup de femmes mais c’est ta rencontre avec un homme, Franck Annese, qui t’a permise de concrétiser ton ambition ?

Ouais, c’est marrant c’est vrai. C’est d’autant plus marrant qu’en 2009 dans So Press (boîte comprenant So Foot, Pédale, So Films et depuis vendredi dernier Society, ndlr), il n’y avait que So Foot.

Tu sais ce qui a plu à Franck ?

Bah alors là, c’est une bonne question, je ne sais pas. Il faudrait lui demander, mais Franck est un amoureux du papier et des projets. Il aime bien donner sa chance aux gens, et je pense qu’il a vu en moi toute cette envie.
Le rendez-vous a été rapide. Je suis arrivée à l’époque dans le XIVème dans le troisième sous-sol, dans le garage, il y avait cinquante mecs. Il m’a dit : « – Bon, apparemment tu as envie de faire un mag ? – Ouais. – C’est sur quoi ? – Là, je viens de finir telle expérience, donc je voudrais faire un mag pour les parents sur les enfants. – Bon bah écoute, la semaine prochaine, je te fais une petite place au bureau, viens ! » J’étais là à me dire : « Mais c’est tout, tu veux pas en savoir plus… » Je me suis retrouvée une semaine après dans un bureau avec mon ordi en me demandant par quoi je devais commencer. J’étais perdue.

Quand tu es arrivée avec ton ordinateur dans ce garage et cette cinquantaine de mecs, étais-tu perdue ?

C’est génial, moi j’adore. J’adore car j’ai deux grands frères, donc je suis la petite. Du coup, j’ai toujours été entourée de mes frères, leurs potes, c’est un truc que je maîtrise bien. C’est aussi pour ça que le magazine fonctionne si bien. C’est que ça doit se ressentir. D’ailleurs beaucoup d’hommes écrivent dans le magazine, et le rédacteur en chef est Marc Beaugé.
Je trouve ça génial car on se chambre tout le temps, il faut avoir de la répartie. Je trouve que c’est un jeu hyper agréable autant pour eux que pour moi. Ça évite d’être trop dans les histoires entre filles, alors qu’au bureau : on va jouer au ping-pong, au ballon… C’est drôle, ils me parlent parfois de leurs histoires de meuf. Ça me fait rire de les écouter. Et généralement, les filles sont toujours plus trash que les garçons.
Aujourd’hui, les filles qui travaillent avec moi adorent venir au bureau car il y a ce mélange. Hier on a fêté la sortie de Society, et vraiment on a une ambiance dans le crew qui est vraiment géniale.

 

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Est-ce qu’être une femme t’a aidé lors de cette aventure ?

J’ai un magazine pour les parents sur les enfants, n’ayant pas d’enfant. De base, c’est un peu fou. J’ai du beaucoup me défendre là-dessus, ce sont des attaques assez régulières. Maintenant, je pense que c’est rentré dans la tête des gens donc ça passe. Mais j’ai dû et je dois encore me justifier des raisons qui me poussent à faire ce magazine. Donc je suis attaquée plus là-dessus que sur le fait d’être une femme.

Les gens te pensent illégitime, c’est ça…

Oui mais je n’écris pas dans mon magazine, déjà ça aide. Deuxièmement, je suis entourée de plein de personnes qui ont des enfants. Après, je pense qu’au quotidien, je prouve que les gens ont tort car on existe toujours et qu’on se développe.
En plus, je pense que le fait que je n’ai pas d’enfant dans l’immédiat, aide à avoir ce ton un peu cool, un peu décalé, un peu drôle. L’idée est de décomplexer un peu les gens en exprimant l’idée que c’est merveilleux d’avoir un enfant mais qu’on a le droit aussi de dire qui sont un peu relou. Ce n’est pas grave.

La critique est violente à ce point…

Je n’ai jamais fait un rendez-vous où les gens ne sont pas au courant que je n’ai pas d’enfant. Jamais. Ça m’est déjà arrivé d’avoir des personnes agressives sur le projet parce qu’ils ne comprenaient pas que je puisse faire ce genre de magazine sans avoir d’enfant. Et ça m’est arrivé de dire en réunion : « En gros vous êtes au courant de tout, vous savez si je suis stérile ou pas, si je suis entrain d’adopter ou non… » Parfois t’es un peu obligée de rentrer dedans. Dans le dernier numéro de Doolittle, j’ai absolument tenu à faire ce papier : « Quoi t’es pas encore enceinte ? » C’est mon message, j’ai dit à Marc Beaugé : « Celui-ci, c’est obligé qu’on le fasse. »

Pourquoi avoir attendu 5 ans pour faire ce papier ?

Car j’ai passé le cap de la trentaine. Donc ça devient plus compliquer de justifier le fait que je n’ai toujours pas d’enfant. Ce qui est chiant, c’est que les gens te regardent comme si tu n’en auras jamais. Je vais bientôt avoir 32 ans et je fais bien ce que je veux. Mon métier n’a rien avoir avec ma vie personnelle, je ne vois pas le rapport. Ce n’est pas parce que je n’ai pas d’enfant que je ne sais pas faire un magazine. La preuve.

Comment tu vis ces critiques ?

Ce n’est pas tous les jours facile, mais je me dis toujours qu’il faut prendre le négatif et le transformer en positif. Du coup, ça me donne une raison de plus de vouloir y arriver, et de prouver que j’ai ma place. C’est une motivation de continuer à faire ce que je fais avec passion, envie…
Je dis à chaque fois aux gens pour désamorcer la chose : « Appelez-moi Dorothée (qui a réalisé toute une carrière artistique et médiatique autour de l’enfance sans en avoir). » C’est évidemment une image qu’ils ont. Après, je ne vais pas me construire sur l’image des gens. J’ai autre chose à faire quoi. C’est chiant mais ce n’est pas grave.
Je suis très heureuse de ma vie, je sais pourquoi je n’ai pas d’enfant aujourd’hui. Je suis en couple, je suis amoureuse. J’ai un magazine qui marche, c’est ma priorité. Je développe plein de choses à côté. Les gens n’aiment pas qu’on puisse avoir une autre ambition que d’être maman tout de suite.

Comme tu le disais, le fait de dépasser le cap des 30 ans intensifie la critique ?

Je le ressens à travers le regard des gens. Maintenant, je donne rendez-vous à toutes ces filles dans dix ans avec leur vie professionnelle et leur vie familiale. Ça m’ira très bien, je pense que je serai au top.

Vashtie is one of those Jack of all Trade, that convinces us that it doesn’t mean that she cannot master them all. Director and designer, she is also known for being the first woman to collaborate with the brand Jordan on her own Jordan Sneakers. Now collaborating with Puma this New-York native tells us more about her career.

You studied directing at school, was directing a vocation or something you went into ramdomly?

As a kid I always wanted to be an artist and stumbled upon the idea of pursuing directing around the age of 11 since I was so obsessed with movies. I also loved music videos and the idea that you could pair a visual with a sound and make art.

In 2015, concretely, are the possibilities of becoming a director/ designer still limited for a woman?

It’s as limiting as a woman makes it. In 2015, you can be anything you want to be – you just have to pursue it passionately!

How are you perceived by men at work and what is your relationship with them, knowing the low presence of women in the establishment?

I think the men I work with respect me and sometimes (unintentionally) fear me. As, usually, the only woman in a team of men, I have to make myself heard and I have to be firm. I’m not aggressive, but I speak my mind. I also think it’s important to be a good person above all, making sure people feel good and are comfortable on the job…it makes for a happier atmosphere.

Do you rate the chances of success in the business ( Design, directing) equal for men and women?

Definitely not equal. I think it’s harder to be a female director than it is to be a female designer, because historically women have had a major hold on fashion. Female directors are more rare and have a harder time being taken seriously in the industry.

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How will you respond to convince that women also have the qualifications to become a director or a designer, to a man who would doubt it ? 

Don’t believe me, just watch.

Is there a difference in how you work (different sensitivity, stress management …) compared to men ?

As a woman, I’m emotional so I think that works in my favor. My emotions help my creative vision and it makes me more aware of who other feel. I don’t think most men work with their emotions the way a woman would. There’s a difference there, but I also think women are designed to handle stress better because they can express their emotions.

Do you see the professionnal success you have  as something exceptionnal or a normal thing?

For me it’s exceptional. I mean, I come from nothing and I’ve been able to really create my own brand and succeed with it.

Knowing the sollicitations you receive, how do you manage to combine your professional and your private life?

I rarely combine my private and work lives. I share a lot of myself on social media, but there’s a large portion that I keep very private. I think it’s important to save things for the offline world, it keeps certain things special and sweet.

 

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What challenges and difficulties you still meet in your everyday life as a women?

Not being taken seriously by men in positions of power or being disrespected on the street by random men…

What is meant by Women’s Day concretely today?

The celebration of women worldwide! They/We are the reason we are all here on earth!

What will you do during this day?

Celebrate the women that I love as much as I can. I’m in Paris now, so I can’t do too much…but I’m calling and texting them with expressions of love.

Lino interprète pour Stud’, une version acoustique de son titre « 12ème lettre ».

YARD & BELIEVE DIGITAL STUDIOS présentent : STUD’ (Live Session)
L’émission live Hip-Hop de KassDED.
Un vendredi soir sur deux, découvrez des live session Rap 100% inédites.

Des MC’s réinterprètent un de leur morceau avec des musiciens dans le mythique studio Davout à Paris.

 

Après HLenie, c’est aujourd’hui Lamine Kreate qui nous fait parvenir son dernier carnet de voyage. Un périple qui le mène à la capitale Taïwanaise : Taipei.  Il nous confie son oeil de photographe et nous donne sa vision de cette métropole asiatique.

Sortie des marécages, la ville de Taipei est aujourd’hui le centre névralgique de Taiwan. De jour, de nuit, cette métropole internationale constamment fourmille de vie et l’effervescence de ses millions d’habitants fait vrombir les rues. Sur les marchés, sur les routes, le courant qui afflue dans ses veines est perpétuel. Tantôt tranquille, tantôt vibrant.

Longtemps perçue comme un sous-genre anecdotique et grotesque, la Blaxploitation revient depuis quelques années sous les feux de la rampe. Grâce aux efforts obstinés d’une poignée de cinéastes et de musiciens passionnés, ce genre de films en principe exclusivement afro-américain semble ressusciter de ses cendres honteuses. En vérité, la Blaxploitation n’a jamais disparue des radars. Apparue subitement en 1971 et disparue aussi sec quelques années plus tard, elle s’est distillée dans la culture afro-américaine, hip-hop en tête.

 

Le Hollywood Noir

 

Issu des mots “black” et “exploitation”, Blaxploitation désigne un genre de films à vocation commerciale et destiné à un public noir. Le terme apparaît vers 1971 avec Sweet Sweetback’s Baadasssss Song de Melvin Van Peebles. La durée de vie de la Blaxploitation est courte, puisque le courant s’essouffle vers 1976, mais sa vigueur est extraordinaire. Pour comprendre le phénomène, il faut saisir le contexte social et idéologique afro-américain du début de la décennie, mais aussi la structure du marché cinématographique.

 

S’il y avait cinq noirs à un coin de rue, la police appelait ça une émeute et ils ramenaient les chiens !

 

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Fred Williamson est une star dans le monde de la Blaxploitation. Ancien footballer, surnommé “Le marteau”, il devient le héros d’un bon nombre de succès donc l’excellent Black Caesar mis en musique par James Brown. Selon lui, le genre est d’abord une bouffée d’air pour les communautés afro-américaines dans un paysage culturel étranglé par la ségrégation.

Si tu te défendais ils te jetaient en taule, ces trucs là arrivaient encore dans les années 1970. Le seul moyen d’y échapper c’était le grand écran…” Et en effet, au début des années 70, le Hollywood traditionnel est en berne. La présidence Nixon tourne au vinaigre, le féminisme réévalue les rapports entre homme et femme et les salles de cinéma sont encore partagées entre public blanc et public noir. Sur la lancée du mouvement des droits civiques (dès le milieu des années 50), une génération de jeunes artistes noirs parvient alors à s’affranchir de l’art blanc. Biberonnés aux discours de Martin Luther King, ils envisagent enfin des héros noirs dont la fin est ailleurs qu’en prison ou sur le bitume, baignant dans leur propre sang. Ils inventent des personnages victorieux et charismatiques. Une nouvelle narration naît, emportant l’engouement populaire avec elle.

 

Un cinéma commercial et stéréotypé

 

Il ne faut pas longtemps après les succès délirants de Sweet Sweetback et de Shaft pour que les majors s’emparent de la Blaxploitation. En un rien de temps, les productions se systématisent, le rare contenu politique est définitivement évacué et les scénarios sont formatés. Pour la plupart, il s’agit de polars en milieu urbain, dont les héros sont des gangsters ou des dealers noirs. Belle part est faite aux tenues extravagantes et, à la manière d’un bon James Bond, le protagoniste finit toujours avec le pactole et la fille. Admettons-le, la Blaxploitation est véritablement encrassée de stéréotypes. Une fois rencontré le pimp séducteur, le vilain policier blanc et la course de voiture haletante, les scénarios tournent rapidement en rond. D’ailleurs Melvin Van Peebles admet sans honte avoir inventé un héros doué de talents sexuels hors normes pour mieux vendre son film. Tout au long de l’histoire, le protagoniste échange donc son corps contre… un peu d’aide, à droite et à gauche. (Rappelons qu’à l’époque la révolution sexuelle bat son plein). Cette ambition commerciale assumée ne fait que grandir par la suite grâce aux croisements entre les genres à succès. Horreur avec Blacula (le Dracula noir évidemment), Kung Fu mais aussi espionnage, western, péplum, comédie tout y passe, avec comme fil conducteur l’utilisation outrancière des stéréotypes caractéristiques de la Blaxploitation. Mais le spectacle est au rendez-vous et malgré ces ressorts souvent faiblards, le genre bénéficie d’une fraîcheur étonnante.

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Désintérêt politique

 

Surprenant ou non, ces films ne sont jamais politisés. Malgré la proximité historique avec la plus grande ébullition intellectuelle et idéologique qu’a traversé la communauté afro-américaine au 20ème siècle, ces films manquent cruellement d’ambition propagandiste et de positionnement politique. Le cinéma aurait été un véhicule idéal pour transmettre les messages progressistes et égalitaires au plus grand nombre, mais la Blaxploitation n’a jamais été utilisée comme tel. Au contraire, en bon média de masse le cinéma distrait. La communauté noire se divise alors entre les élites qui voient ces “caricatures” d’un mauvais oeil, et les classes populaires qui trouvent enfin des héros auxquels s’identifier. Inquiet de voir ses jeunes militants disparaître dans les salles obscures, le Révérant Jesse Jackson prit le risque de dénoncer publiquement la Blaxploitation et les piètres modèles qu’elle offrait à la jeunesse noire.

Mais le débat de l’image positive ou négative des afro-américains dans la Blaxploitation passe à côté du cœur du phénomène. La simple existence d’un tel type de cinéma est à l’époque un formidable pied de nez aux conservateurs et nationalistes américains. Quelques années seulement séparent la Blaxploitation des émeutes de Watts, de la mort de Malcolm X et de celle de Martin Luther King Jr.. Orphelin, le combat de l’égalité a perdu ses leaders et cherche de nouvelles solutions. La force créatrice développée autour de ces films valide l’existence de la communauté noire et de sa culture et lui redonne sa fierté. Bien qu’elle s’arrête brusquement faute d’intérêt des majors, elle perdure bien au delà des années 70 et trouve un écho naturel avec la naissance du hip-hop.

 

Le prisme de la réalité

 

Le hip-hop des années 90 est bien plus mature que celui de la décennie précédente. Les emcees, animateurs de soirées, joyeux lurons, se transforment en romanciers amers, en reporters de l’asphalte et de la vie des quartiers. Le rap emporte progressivement avec lui un message social, parfois même politique. En témoigne le rap de Public Enemy, mais aussi KRS One ou Nas. Ceux-là parlent de la rue comme les meilleurs plumes des années 70, pensons à Iceberg Slim dans ses Mémoires d’un Pimp ou Gil Scott Heron dans Le Vautour.

 

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Lorsque la Blaxploitation mettait en scène la réalité des quartiers, elle fantasmait la sortie du ghetto. Dans un registre du rêve, la communauté afro-américaine se voyait réussir, à grands coups de stéréotypes vengeurs, spectaculaires et libérateurs. Vingt ans plus tard le rêve s’est cassé la gueule. Le sida, le crack et la crise économique ont ravagé les quartiers noirs. Le réalisme journalistique, quasi-photographique que développe Nas par exemple est le symptôme d’un pessimisme ambiant. D’une certaine façon la Blaxploitation et le hip-hop des années 90 racontent la même chose. Mais entre temps, l’euphorie est redescendue, et le ton est monté. Avec Jackie Brown, Quentin Tarantino saisit ce changement et lui donne vie de la manière la plus brillante qui soit. Il suffit de voir le générique d’ouverture du film : Pam Grier la femme forte de la Blaxploitation, égérie indépendante et sexy des années 70, a désormais la quarantaine et se laisse traîner dans un travelling de plusieurs minutes sur un tapis roulant. Hôtesse de l’air, elle semble résignée. La musique l’accompagne, c’est Bobby  Womack :

 

I was the third brother of five
Doing whatever I had to do to survive
I’m not saying what I did was all right
Trying to break out of the ghetto was a day-to-day fight

J’étais le troisième d’une fratrie de cinq
J’ai fait de mon mieux pour survivre
Je ne dis pas que tout ce que j’ai fait était bien
Sortir du ghetto est un combat quotidien

 

Tout est dit. Entre les images et les paroles, sont résumées les vingt années de galères de la communauté afro-américaine. Comme une voix intérieure, Bobby Womack chante ce désenchantement et Pam Grier l’incarne. La revoir, vingt piges plus tard, en hôtesse de l’air fatiguée, c’est recevoir deux claques. La claque du temps qui passe et la claque des rêves perdus.

 

 

Pimp ou Gangsta ?

 

Si dans le fond, Blaxploitation et Rap partagent beaucoup de choses, la forme est quasi-fusionnelle.

Comment ne pas voir dans le Thug popularisé par 2pac une adaptation du pimp de la Blaxploitation les fringues bariolées en moins ? Un antihéros amoral, macho et fier de sa réussite matérielle. De la propre confession de sa mère, le rappeur détenait à sa mort une gigantesque collection de films de Blaxploitation. “Il les regardait sans arrêt quand il était petit, encore et encore. Il regardaient ces films et ceux de Bruce Lee, c’était sa culture de base”.

Et comment ne pas entendre les centaines de samples éparpillés ici et là dans l’histoire du hip-hop, parfois pour leur message, parfois pour leur musicalité ou encore pour leur symbole… Car oui, la musique des films de Blaxploitation mériterait un autre article à elle toute seule. Superfly, Brother gonna work it out, Shaft et son Academy Award pour la meilleure musique… La force irrépressible de la Blaxploitation réside aussi dans l’accès qu’elle a aux studios des labels Motown et Stax, et les orchestrations funky légendaires qui en résultèrent. Tous les grands musiciens afro-américains de l’époque se prêtèrent au jeu. Isaac Hayes, Willie Hutch et Curtis Mayfield viennent d’être cités, mais aussi Marvin Gaye, les Temptations, Roy Ayers, James Brown etc. Ces bandes originales souvent improvisées avaient des moyens et un raffinement exceptionnel pour l’époque, à tel point qu’ils devinrent un argument commercial majeur. Il va sans dire que le hip-hop s’est abondamment servi dans ce répertoire musical pour composer ses plus grands classiques. Pimp ou Gangsta ? Orchestre ou sample ? Entre les deux, c’est la magie qui opère.

 

 

* * *

 

Il est difficile de parler d’un Black Hollywood tant les retombées économiques de la Blaxploitation sur la communauté noire sont faibles. Impossible aussi d’affirmer que le genre a permis de tisser un réseau d’artistes noirs dans l’industrie du cinéma car la fin de la décennie 70 rime avec la fin de nombreuses carrières. Seule les initiatives isolées de Quentin Tarantino (Jackie Brown) ou de Fred Williamson (Original Gangstas) permettent aux stars déchues de réapparaître à l’écran. En fait, qu’ils soient musiciens (comme Isaac Hayes invité par le Wu Tang sur I Can’t Go to Sleep) ou acteurs (comme Pam Grier et Richard Roundtree revenus d’entre les morts après 20 ans de traversée du désert), la première génération a été élevée au rang de légendes vivantes par la seconde génération, celle des rappeurs. Aussi court fut ce moment Blaxploitation, il a su inventer les héros, les codes et la narration de la dynastie culturelle hip-hop.

Vingt ans ont passés depuis les années 90 et la résurrection de la Blaxploitation. Presque cinquante depuis l’assassinat de Martin Luther King. Le hip hop continue de refléter la société qui lui donne vie, et Ferguson regarde derrière elle, en se demandant quel chemin a été parcouru…

Martin had a dream, Kendrick have a dream

A l’aide d’un kit LEGO « Retour Vers le Futur », Vicki Smith et Daniel Jamieson rejouent la point culminant de Retour Vers le Futur 2, où Doc cherche à recharger la batterie de la DeLorean, pour renvoyer Marty vers le futur.

Après Tealer, YARD vous propose aujourd’hui le second numéro de la rubrique « In the office with… », Guillaume (le représentant presse de la marque) nous fait pénétrer dans l’intimité du magasin. Même si cette fois nous n’entrerons pas épier les bureaux de l’enseigne, Guillaume nous expose l’état d’esprit de l’un des endroits les plus incontournables de la capitale.

Peux-tu nous dire qui est derrière colette, et de qui se compose l’équipe, parce que ça reste flou de l’extérieur ?

C’est normal, mais en même temps, il n’y a rien de secret. C’est difficile de parler d’organigramme et de structure même s’il y en a forcément une pour que cela puisse avancer, mais il y a à peu près 110 salariés. Tu as le magasin, avec différents managers, chacun dans leur pôle : le manager du waterbar et après dans les bureaux tu as le pôle internet, le pôle musique, les commandes, la comptabilité… Tu as Sarah, notre acheteuse et directrice artistique, qui sélectionne, achète, décide et choisit ce que l’on propose dans le magasin, et son assistant. Colette est la présidente directrice générale du magasin. Elles travaillent main dans la main, mais Colette fait en sorte que tout fonctionne in situ. Mais c’est vraiment si on doit résumer.

Et dans le magasin vous êtes combien ?

Dans le magasin on est une bonne soixantaine, je ne pourrais pas donner un chiffre précis, il faudrait que je compte ce que je n’ai absolument pas envie de le faire… Mais oui, je dirais une soixantaine, après tu as un stock aussi avec un responsable de stock et des gens qui font la liaison entre le stock et le magasin. C’est une équipe très bien rôdée.

Comment est Colette au quotidien avec ses employés ?

Tant que chacun fait ce qu’il doit faire, c’est la personne la plus adorable du monde. C’est une femme très généreuse, très chaleureuse, très humaine, très sincère. Donc on peut être chaleureux, sincère, humain, on peut rigoler, on peut sourire mais d’abord, il faut travailler.

Colette donne l’impression de fortement cadrer sa communication, et ne laisse pas filtrer n’importe quoi. Par exemple aujourd’hui on ne peut pas shooter dans vos bureaux, même dans une rubrique qui s’appelle « in the office with» ?

Oui. Si tu veux on a la chance d’avoir le magasin et à l’inverse des gens qui ne travaillent que dans les bureaux et qui n’ont que leur matière grise, ce que l’on fait dans le magasin est la concrétisation de ce que l’on fait dans les bureaux. On préfère se servir de la boutique car elle représente l’essence même de colette : dévoiler, proposer des créateurs, des artistes, des designers. Leur travail est bien plus important que de montrer nos pots à crayons, nos ordis, ou nos agendas qui trainent.

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J’ai l’impression que l’entité colette ne veut montrer que le côté clinquant, que le résultat final et pas le « making-of ». Est ce que quand on est colette, il faut toujours en envoyer plein les yeux ?

Colette est un puzzle. Il y a plein de pièces pour que le puzzle se constitue, je préfère montrer le puzzle final plutôt que les pièces une à une. Parce que ça n’a pas forcément un grand intérêt, ça peut ne pas être joli. Mais quand tu allies toutes les pièces du puzzle ça donne le magasin et c’est ce qu’on veut mettre en avant au final.

Colette et Sarah communiquent que très rarement dans la presse. Pourquoi ce choix de prise de parole hiérarchisée chez Colette ? Pourquoi on n’entend pas un vendeur ou un cuisinier ?

Tout à l’heure je parlais de puzzle et de pièces. Moi c’est vrai que je vais avoir un regard global, je ne vais pas uniquement être fermé sur l’univers du magasin. On va toujours essayer de porter l’entité globale plutôt qu’une section ou un point par ci par là. Sarah est la seule acheteuse par exemple. Si un média souhaite faire un papier sans photos sur comment Sarah achète sa sélection mode, c’est quelque chose que l’on peut organiser par exemple. Et elle intervient d’ailleurs de plus en plus, alors que Colette, elle, reste délibérément discrète. On veut faire en sorte que le discours soit associé à l’entité globale du magasin mais on n’est pas non plus dans une dictature… Loin de là d’ailleurs.

Ton histoire personnelle dans le magasin est atypique. Comment on passe de vendeur à mi-temps à attaché de presse ?

Et bien j’ai eu la chance que Colette croit en moi tout simplement. J’étais vendeur à mi-temps, j’essayais de faire des études de lettres à côté, je faisais aussi des stages dans la pub en tant que concepteur/rédacteur mais ça me tentait moyennement. Elle a dû voir que je m’exprimais pas trop mal, que j’avais un bon relationnel et à l’époque l’attaché presse montait son bureau en extérieur. Colette souhaitait quelqu’un en interne pour faire le lien, je me suis proposé et j’ai eu la chance qu’elle accepte.

Colette a cette particularité d’être à la fois détesté, parfois pour de mauvaises raisons, mais en même temps adulé par certaines personnes. Comment tu vois cette opposition de l’intérieur ?

J’en ai surtout conscience en France, c’est quelque chose de très Français et Parisien mais moins à l’étranger. C’est comme cela pour beaucoup de lieux qui marchent. L’avantage c’est que nous ne sommes pas un monopole d’État donc si les personnes n’aiment pas venir, ils ne sont pas obligés de le faire. Pourquoi se rendre la vie compliquée ? Après je le regrette parce qu’évidemment on aime toujours être aimé mais personne ne fait jamais l’unanimité, malgré, je me répète, une grande humanité.

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Comment arrives-tu à apprécier cette identification de votre public qu’elle soit positive ou négative ?

Je vais vous répondre comme nous aimons répondre. C’est-à-dire que nous, on peut ne pas nous croire, mais on travaille, on fait ce qu’on aime, on aime choisir les artistes que l’on aime, les produits que l’on aime, les designers que l’on aime. On essaie de faire un lieu humain où à partir de 1 euro tu peux vivre l’expérience colette. Il n’y a pas de snobisme. À part des gens qui, malheureusement, sont en situation d’urgence, n’importe qui peut entrer dans le magasin et ne pas se sentir rejeté. Après je pense que c’est une question personnelle mais tu peux vivre l’expérience, tu peux acheter un produit tu peux te sentir satisfait de ton achat. Tu peux entrer voir une expo et boire un café à 2 euros en salle. On existe depuis 18 ans, on a la majorité le 21 mars, et depuis quasiment l’ouverture il y a des gens qui nous aiment, des gens qui nous détestent, des gens qui nous ont aimé, des gens qui sont partis, des gens qui reviennent. Mais pour nous c’est assez simple, on fait notre chemin, on fait ce que l’on a à faire puis les choses que l’on aime faire et on porte peu d’attention si tu veux aux « qu’en dira t’on » positifs, même si c’est toujours agréable, ou négatifs. On continue de proposer, on continue d’exister.

Ne penses-tu pas qu’il y a un aussi un problème de perception des différents publics ? C’est-à-dire que les personnes imprégnées de culture street vont se dire « c’est pas street, il y a du luxe » et ceux qui viennent du luxe vont dire « c’est pas du luxe, il y a du street ».

Oui certainement, c’est dommage mais c’est la raison que je vois. Encore une fois, je parlais de puzzle, cette notion est vraiment importante, car il faut nous lire dans un ensemble. Au début quand on a ouvert on avait aussi ce débat pour l’art contemporain : « Mais comment ça de l’art contemporain ? On est dans un espace commercial, c’est honteux…» Au final si je regarde les expositions que l’on a faites depuis 18 ans, c’est très impressionnant.
Vous, toi et d’autres personnes, vous aimez plein de choses complètement différentes et ça forme votre personnalité. Colette c’est pareil, c’est fait c’est la concrétisation des goûts et de la curiosité de Sarah et Colette.

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La tenue vestimentaire et le style doivent être des éléments très importants chez colette. Est-ce un élément primordial et déterminant?

Colette croit beaucoup en la liberté individuelle, et ça commence souvent par les vêtements, c’est pour cela qu’il n’ y a pas d’uniforme. Chacun vient comme il veut, si la personne est bien dans ses baskets elle sera bien dans sa tête. Tu as des modeux, certains que’on qualifie d’hipsters, tu as des rockeurs, tu as des old timers, tu as des gens lambda, des artys, des plus street… Il faut de tout pour faire un monde.

Les vendeurs font partie de l’image du magasin. Comment vous les recrutez ?

C’est assez simple, la personne a rendez-vous avec Colette, si elle est satisfaite de l’entretien tu peux commencer à travailler dès le lendemain si tu es disponible.

Je connais pas mal de gens dans mon entourage ou autre qui m’ont dit : « J’ai envie de bosser chez colette. » Le magasin suscite pas mal d’envie. Qu’est-ce qu’il faut pour être embauché chez colette ?

Faut pas se faire tout un monde. Déjà, il faut qu’une place soit libre. ça paraît tout bête mais mine de rien c’est important. Colette essaye de mettre les gens dans la bonne case, si tu aimes la mode depuis l’âge de 8 ans, que tu étudies la mode, on ne va pas te mettre en cuisine. On essaiera de te mettre dans l’étage homme/femme. Si tu aimes la musique, que tu n’as fait que de la musique, que tu es un ancien DJ, un ancien disquaire ça paraît plus logique de te mettre au coin musique qu’au coin street. Si en revanche les baskets c’est ta passion depuis toujours… Mais ce sont des choses qui se font de manière très naturelle, de manière instinctive. Après effectivement il faut être poli, courtois, il faut savoir s’exprimer, parler anglais. Tu es dans un univers où tu vois autre chose où tu te nourris différemment. Si tu es curieux, tu vas apprendre et découvrir. Là encore, petit à petit j’ai vu des gens changer radicalement de style, moi le premier d’ailleurs, parce que tu es nourri par autre chose, par une incroyable force de créativité, de nouveauté, de qualité. C’est vraiment impressionnant tout ce qui arrive à toi quotidiennement, c’est une incroyable chance.

En ce sens, colette représente un lieu d’apprentissage et un lieu de notoriété pour des personnalités comme toi qui sont là depuis longtemps. Quand on arrive chez colette on devient quelqu’un personnellement ? Cela va à l’encontre de votre communication basée sur le groupe plutôt que sur les individualités.

Je vois ce que tu veux dire mais au final en tant qu’employé du magasin on travaille pour le magasin, notre image doit passer après. Ensuite colette est un lieu qui a un rayonnement. On existe, on communique donc par la force des choses on est présent, on existe. Tout ça sans la boutique n’existerait jamais. Ce n’est ni une bonne, ni une mauvaise chose, c’est ainsi. J’en ai connu beaucoup qui sont partis, beaucoup aussi qui sont revenus, ou qu’on n’a plus jamais revus. Il faut faire très attention au rayonnement dans les microcosmes. La notoriété individuelle n’est pas forcément toujours bonne et peut amener à une mauvais interprétation de soi.

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Êtes-vous attentifs à ce que les employés n’en fassent pas trop sur leurs réseaux sociaux par rapport à colette?

Attentif non. Ce n’est pas une mission on a tous autre chose à faire mais on travaille pour un lieu, donc par la force des choses, tu y es assimilé et forcément si tu as un comportement déplaisant à l’extérieur, cela peut desservir le magasin. On souhaite avoir des gens qui soient polis, bosseurs, courtois, gentils. Après je pense que Colette essaie de faire attention à ça au moment du recrutement. Parfois tu peux avoir une mauvaise surprise ou bonne. Ensuite la notion de vie personnelle et de liberté individuelle reste fondamentale.

Il y a eu des dates heureuses et d’autres moins heureuses dans l’histoire de colette. Je pense au 22 mars 2014 et le cambriolage du magasin. Qu’est-ce qui a changé depuis le braquage ?

Sincèrement très peu de choses. On a un esprit de corps avec le lieu et avec Colette et Sarah, donc ça nous a beaucoup touché, beaucoup attristé, mais ça arrive. Le quartier dans lequel on vit a été énormément visé à cette période-là. Après ça, la vie continue, tu te prends un coup sur la tête, tu te relèves. Je parle beaucoup de Colette et Sarah parce que sans elles le lieu n’existerait pas et les deux sont vraiment nos locomotives.

Et est ce qu’il y a eu un speech de remise au travail après cet événement de reconditionnement ?

« On continue. » Le magasin a ré-ouvert 2h après. On continue, la vie est faite de coups, tu te prends un coup, tu continues. C’est propre à tout le monde. À une société, a une personne. Pour moi c’est un peu particulier, j’étais en weekend à l’étranger. J’ai reçu l’information via Instagram. Je m’étais levé tôt, j’avais posté une jolie vue et j’ai eu un commentaire disant : « Profite bien, tu viens de te faire braquer. » Donc là, j’ai rallumé mes téléphones et j’ai compris qu’il s’était passé quelque chose. Ensuite j’ai eu un message très gentil de Sarah qui me disait « ne gâche pas ton weekend, tout va bien il n’y a pas eu de blessés ».

C’était une façon de minimiser ?

Le plus important c’est qu’il n’y ait pas eu de blessés, s’il y avait eu des blessés on l’aurait certainement vécu différemment et ça aurait certainement été tout autre. Après ce qui est important et que j’ai envie de signaler, on parlait des gens qui nous aiment et qui  nous détestaient ; il y a eu beaucoup d’humour qui a été fait. C’était un braquage, donc il y a eu des armes, des gens qui ont été pointés, qui ont été mis au sol. Je trouve un peu dommage toutes ces choses qui ont été dites, un peu malvenues, mais c’est un peu à l’image de l’état actuel du monde.

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Une de vos marques de fabrique est quand même la visite de stars au sein de la boutique…

Ce n’est pas une marque de fabrique. On va distinguer deux choses il y a les personnalités avec lesquelles on fait un événement, une opération promotionnelle parce qu’ils ont fait un produit, une collection… On aime le produit, on aime le livre et on se dit : « Faisons quelque chose ensemble ». Après ça fonctionne ou pas, et encore une fois ça résulte de notre goût, de notre sélection.
En revanche, il y a des personnalités qui viennent parce qu’elles aiment le magasin, parce qu’elles s’y sentent bien, qu’elles sont de passage à Paris et viennent y faire leurs courses. Ce n’est pas quelque chose qu’on cultive dans le sens où on n’a pas de salon VIP, on n’ouvre pas avant l’ouverture ou après la fermeture, on n’a pas d’accueil privilégié. Je ne suis pas prévenu quand une star passe, je le découvre après coup parce qu’il va y avoir une photo sur Instagram. Même pour Zlatan (Guillaume est fan du PSG, ndlr), personne ne me prévient;
Mais je pense qu’elles reviennent parce qu’on les laisse tranquille justement. On apprécie parce qu’on aime que les gens aiment la boutique et qu’un client soit content de notre sélection. S’il a une renommé en plus c’est bien, mais on ne le cultive pas dans la mesure où on ne va pas essayer de savoir qui est à Paris et qui ne l’est pas.

En amont vous ne le cultivez pas mais en aval  par le biais des réseaux sociaux et des photos vous en profitez ? Notamment avec Drake…

Comme on le fait avec d’autres artistes, d’autres photographes, d’autres types de personnalités. Il y a un eu un avant Instagram et un après Instagram. Avant Instagram, les photos étaient interdites dans le magasin, pas de photos de personnalités, on ne dit rien, on les laisse tranquille. Après Instagram, il y a 2 ans, on a décidé d’arrêté de se battre contre les Smartphones, car c’est impossible. On s’est dit, plutôt que d’avoir les gens qui shootent si une personnalité vient, autant le faire nous-même, si la personne est d’accord pour être photographiée sur le compte officiel du magasin.

Qu’est-ce qui te plait le plus au quotidien dans ton boulot chez colette ?

Le relationnel. Pouvoir évoluer dans tous ces milieux, c’est fondamental : mode, street, food, sport, beauté, design, art… Je trouve que c’est une chance formidable. Pour l’autodidacte que je suis c’est extraordinaire.

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Question a deux balles. Comment tu vois colette dans 5 ans?

Je vais te faire une réponse equivalente. Le même mais en mieux avec plus de produits, d’autres artistes, d’autres designers, des projets à la pelle. Il n’y a pas de volonté de vouloir ouvrir d’autres magasins dans le futur. Peut-être que les murs seront peints en noir, mais il y aura d’autres surprises, d’autres créateurs, d’autres designers, d’autres découvertes, d’autres marques. Il y a aura peut-être dans 5 ans un phénomène digital grand public qui aura pris le pas. Difficile de répondre, on vit beaucoup dans l’instant, dans le feeling, le coup de cœur, il n’y a pas vraiment de position sur 5 ans. L’avenir sera ici mais en mieux, toujours mieux.

Comment évalues-tu l’évolution de la culture urbaine et l’impact de colette dans cette mutation là ?

Je pense qu’il faut arrêter de voir la culture street comme un segment ultra-fermé et réservé à une élite de la rue. La culture street c’est hyper international. Toute personne qui a entre 7 ans et 40/45 ans, a grandi avec la culture street, la culture basket, avec les marques de sport. C’est une tranche de la population hyper large. On a certainement contribué à ce que des personnes qui n’étaient pas familières avec cette ambiance le deviennent peut-être, à force de venir pour acheter du prêt-à-porter, des marques de beauté, des livres, des baskets, hoodies, des t-shirts, des bonnets et autres. Mais je reste fondamentalement persuadé que tout résulte de cet agrandissement générationnel.

Vous ne vous voyez pas comme précurseur de ce changement ?

Oui, non, je ne sais pas, difficile de l’affirmer, mais force est de constater que l’on a présenté beaucoup de modèles en avant-première, en séries limitées. Peut-être qu’on a ouvert le regard d’autres personnes sur cette culture mais c’est difficile de se dire « je suis précurseur de», c’est un peu présomptueux. Je préfère que ce soit toi qui le dise. Nos collaborations et nos exclusivités, pas que dans la culture street, sont très importantes pour nous. C’est fondamental de se distinguer d’autres magasins, pas uniquement à Paris d’ailleurs.

Dans une époque où tout le monde se sent trendsetter, chez folette il y a très peu d’égo finalement. C’est un joli contrepied.

Pour durer il faut travailler. Donc c’est bien de le démontrer, avant de le crier. On est à très bonne école, il n’y a rien qui se fait sans travail et sans abnégation. Tu peux faire un coup d’éclat mais il vaut mieux être conçu pour durer. Non ?

New York, février 2015, il fait -10°C et le vent traverse Manhattan d’Ouest en Est, on se les gèle mais la ville est en ébullition.

Pour la cinquième fois de son histoire, la Mecque du basket héberge le traditionnel All Star Game NBA et se transforme en block party géante pendant une semaine.

Une énergie palpable aux quatre coins de la ville, dans le métro, sur les murs, les clubs… la ville est rythmée par les events Nike, Under Armour, Adidas et autres géants du sportswear ainsi que l’invasion des médias. Cette émulation, j’ai eu la chance d’en faire parti en exposant mon travail dans l’enceinte du légendaire playground de West 4th pendant l’exposition RAISED NY. Trois jours avant d’atterrir, le grand flou niveau planning mais tout s’est débloqué le vendredi avant mon départ – une accréditation, un plan taf – et me voila au coeur du poulet. Je vais assister à un All Star Game, un rêve de gosse qui se concrétise à 33 piges. L’excitation est bien là, mais hors de question de rester les bras croisés, j’ai donc sorti le téléobjectif et shooté le match depuis les tribunes. Mon but était de donner une perspective différente de l’événement, j’ai donc navigué aux quatre coins du Madison Square Garden. Impossible d’atteindre le terrain, seuls quelques élus ont le droit de s’asseoir pour shooter courtside. Il m’a fallu improviser, bouger de tribune en tribune pour trouver des angles différents, vivre l’évènement comme un spectateur mais en capturer l’essence.

Kévin Couliau

NikeLab présente une première forme de la NikeLab Flyknit Trainer Chukka SFB Pack.

Dans ce package, la basket revêt une couleur bleue et rouge tout en restant fidèle à la silhouette de la Flyknit qui devient incontournable. La zone des orteils a été renforcée pour plus de stabilité et le filetage de la Flyknit permet des zones de « respiration » de la paire. Toujours dans ce souci du détail, la chaussure est munie d’une semelle de coussin Lunarlon pour un meilleur amorti. La NikeLab Flyknit Trainer Chukka est très aboutie. En plus de la sélection NikeLab, de nouveaux coloris seront disponibles dès aujourd’hui.

Levi’s sort le lookbook de la collection Commuter SPRING/SUMMER 2015.

Cette gamme, faite pour les cyclistes par des cyclistes s’inspire fortement de l’ADN des jeans Levi’s classiques. La collection initialement pour hommes inclue désormais une sélection pour femmesCommuter se veut urbaine et discrète. Les pièces sont composées dans des tons sobres (bleu, gris, noir).

L’artiste et photographe Erik Johansson a publié une série d’images déboussolante. Le Suédois a un style bien particulier qui consiste à mixer des éléments photographiques pour concrétiser ses propres idées. Le résultat est bluffant, l’artiste réussit à nous faire perdre nos repères, à briser les lois de la gravité et les axes naturels de vision. Il illustre à la perfection les figures de style avec des images proches de l’allégorie ou parfois de l’oxymore.

À découvrir.

Ce n’est pas tous les jours que vous aurez l’occasion d’attraper des super héros en pleines incivilités.

Le photographe Edy Hardjo a choisi de mettre en scène l’impensable en utilisant des figurines des héros. Afin de dépeindre ces « protecteurs », il les a placé dans des situations les mettant peu à leur avantage. Ainsi, Thor, Hulk, Wolverine ou encore Captain America sont dans leur plus stricte intimité et le moins que l’on puisse dire c’est qu’être un héros n’empêche pas d’être humain avant tout.

Un vent de paranoïa souffle sur Internet. Nous sommes mardi 3 mars et depuis quelques jours les réseaux sociaux bouillonnent avec le titre « Bang Bang », tiré du premier album de Gradur en featuring avec Chief Keef. Un morceau où le rappeur de Chicago se moquerait ouvertement de celui de Roubaix pour lui avoir soutirer 10 000 $ pour un couplet minable. Le ramdam est tel que Millenium Barclay, le label de Gradur, s’est depuis fendu d’un communiqué :

Communiqué Millenium Barclay

Au vu du débat qui agite la toile nous avons choisi de décortiquer le fameux couplet de l’artiste de Chicago :

« Heat on my lap, passenger seat
Box of Swishers Sweets »

« Flingue sur les genoux, je suis sur le siège passager
Boite de Swishers Sweets (cigare désossé pour n’en gardé que la feuille et en faire un blunt) »

« Fuck a body a week ago, boy get killed this week
You a killer yeah yeah yeah yeah you be killing me »

« T’as buté quelqu’un la semaine dernière et le mec s’est fait sauté cette semaine
T’es un tueur ouais ouais ouais ouais ouais tu me fais tapper des barres »

chiefkeef-bobbyschmurda

 

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Flashback. Il y a quelques mois, une embrouille « Instagram » éclate entre Chief Keef et Bobby Shmurda qui depuis croupit en prison pour une sombre affaire de gang et d’armes. Sosa n’hésite pas à taquiner une première fois le rappeur dans le titre « BeetleJuice » sorti au mois de septembre :

« You know you ain’t catch no body bout a week ago »
« Tu sais que t’as tué personne la semaine dernière »

Ainsi la réadaptation de la fameuse phrase de « Hot Nigga » du rappeur new yorkais : « Fuck a body a week ago (…) » par le rappeur de Chicago est une allusion accentuée par la moquerie : « boy get killed this week », signifiant « le mec s’est fait arrêté cette semaine ». En effet, Bobby Shmurda s’est fait arrêter aux alentours du 19 décembre 2014, tandis que Chief Keef aurait enregistré durant la même période lorsque Gradur se rend à Chicago. Lorsque l’arrestation intervient, il lui rit au nez avec « You a killer yeah yeah yeah yeah you be killing me ».

Il continue :

« He got 10 bands for 8 bars, yeah I’m Tennessee »
« Il a 10 000 dollars pour 8 barres, ouais j’suis Tennessee »

Chief Keef évoque simplement le prix qu’aurait coûté sa collaboration avec Gradur. Nous savons que les Américains n’ont pas le même rapport à l’argent que nous Européens. Nicki Minaj symbolise cette relation décomplexée sur le titre Monster de Kanye West :

« 50k for a verse, no album out
Yeah my money’s so tall that my Barbiez got to climb it »

« 50 000 $ pour un couplet alors que je n’ai même pas encore sorti d’album
Ouais ma pile d’argent est tellement haute que mes supportrices doivent escalader ma fortune »

Alors, Nicki Minaj se foutrait-elle ouvertement de la gueule de Kanye West ? Difficile à croire…

Quant à la mention de l’État du Tennessee, il est employé car l’abréviation du mot, soit TN est aussi la même que l’expression « Trippin’ Nuts » qui en argot signifie « complètement défoncé ». De plus, Chief Keef continue un peu plus loin en incorporant le nom des artistes Juicy J et 8Ball & MJG tous les trois originaires de Memphis dans le Tennessee. Si Chief Keef avait fait référence à son couplet il n’aurait pas dit « 8 bars » mais 9 voir 10 (taille réelle de son couplet, une « bar » autrement dit une mesure est une ligne de texte se terminant idéalement par une rime).

« Knock knock on my door, who that ? Grab the pole and finna see »
« On frappe à ma porte, qui est-ce ? J’attrape mon flingue et je vais voir »

« Got the juice like Juicy J, got 8 balls like MJG
Got 30 up in my Nina baby, show a nigga how a Nina feelin’ maybe
Like « why you be plottin’ on killin’ baby ?
Where I come from lot of killing, maybe »

« J’ai des stéroïdes comme Juicy J, j’ai ma coke comme MJG
Mon 9mm (Nina = Nine) est chargé, peut être que je canarderais un négro
Et on me dit : « pourquoi tu complotes à vouloir tuer bébé ? »
Peut être parce que d’où je viens il y a tellement de meurtre »

Il file donc ici la métaphore de la drogue qui commence avec « 8 bars » (xanax) puis « juice » (stéroïdes mais le terme peut aussi désigner de l’alcool mélangé à de la codéine), et enfin « 8 balls » (3,5 grammes de cocaïne), aussi un jeu de mot avec le duo de rap 8 Ball & MJG.

Finalement, même s’il est compréhensible que la plupart des internautes soient induits en erreur, il s’agit avant tout de constater une incompréhension du langage américain, et de ses dérives linguistiques. Ces éclaircissements espèrent être quelques goûtes de pluie pour doucher l’embrasement du Web sur cette petite polémique. Mais que personne ne s’inquiète, le grand barnum rap game trouvera sûrement quelque chose à se mettre sous la dent bientôt. Le titre « Bang Bang » n’a pas à tellement à rougir face à une longue liste de collaboration franco-américaine pas toujours réussies. Fidèle à sa ligne de conduite, Grady n’aura à aucun moment caché que le montant payé par son label était important.

Quasi-systématiquement pour faire participer un artiste américain d’une certaine envergure sur son projet, il est coutume de payer. Et si aujourd’hui les aficionados semblent surpris voire outrés par les chiffres mis en avant (on parle de 10 000 $ soit 9 000 €), c’est parce que ces montants sont tenus secrets par les maisons de disques. Mais ils sont dans la lignée de ceux pratiqués normalement. Un investissement global qui, aujourd’hui semble porter ses fruits au vu des chiffres réalisés par le premier album du nordiste Gradur et son Bataclan affichant complet.

Après la sortie de sa collection SPRING/SUMMER 2015, Supreme dévoile le produit de sa dernière collaboration avec le célèbre fabricant britannique de chaussures Clarks.

C’est ensemble qu’ils ont retravaillé un modèle phare de la marque : la Wallabee. Conçue avec du cuir suédois bicolore, la chaussure est produite en 4 coloris différents (noir, vert, rouge violet) ce qui donne un coup de jeune au modèle initial beaucoup plus sobre. La Wallabee Supreme x Clarks sera disponible à New York, Los Angeles et Londres. Pour le reste il faudra attendre le 5 mars pour le retrouver en ligne.

Invité de la Red Bull Music Academy (RBMA), Brodinski était le 27 février dernier au Badaboum, pour raconter à une public réduit, en avant-première, les secrets de fabrication de son premier album « Brava » qui sort le 2 mars. Une conférence animée par Raphael Malkin (Snatch Magazine) qui était l’occasion de revenir sur les différents featurings, mais aussi sur la carrière du DJ, de ses premières expériences musicales au studio de Kanye West. Patron de label, le DJ détallait également sa façon de travailler avec la bande de producteurs qui l’entoure et avec qui il parcourt les clubs du monde entier.

Benoit Jammes imagine la vie des aliments qui, une fois seul, se lancent dans de périlleuses sessions de skate.

A aujourd’hui 21 ans, Leonardo Dessi prend le nom d’Art Of Shades. DJ et producteur qui opère lors des soirées parisiennes, il sortait en décembre l’EP « Into The Wave ». Découvrez le parcours de ce pianiste un temps tenté par le classique et le jazz, qui nous offre l’avant-première de la vidéo du titre « All Away », un titre né en 2013 de la collaboration avec son amie, Soukaïna.

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Est-ce que tu peux te présenter?

Je m’appelle Leonardo Dessi, j’ai 21 ans et je suis musicien depuis toujours !

D’ou vient ton nom de scène ?

Art Of Shades signifie l’art des nuances. J’ai longtemps cherché un nom qui pouvait correspondre à mes compositions ! Du coup ce pseudo s’adaptait bien vu que j’aime composer dans tous les styles ! (jazz, classique, rap, etc..)

Tu as longtemps étudié la musique. Quel a été ton parcours ?

J’ai commencé la musique au conservatoire à l’âge de 8 ans. J’ai fait 8 ans de classique et 2 ans de jazz puis juste après le Lycée j’ai enchainé avec 2 ans d’American School en jazz a Paris.

Comment en es-tu arrivé à l’électro ?

J’ai commencé à composer de l’électro au collège mais ça n’a jamais été une priorité. Puis petit à petit j’ai compris que l’éléctro pouvait réunir une multitude de styles et représenter en quelque sorte mon univers. Depuis je n’ai plus arrêté !

Depuis 2 ans, ton style a beaucoup évolué. Pourquoi ? Quelles ont été tes principales influences ?

J’essaie de ne pas me confiner à un « son » en particulier. Il faut essayer de toujours varier et innover tout en gardant son univers propre. C’est aussi une sorte de challenge de voir si on peut toujours aller plus loin.

Comment tu décrirais ta musique aujourd’hui ?

C’est super difficile de répondre à cette question.. Je pense que ma musique colle a mon époque ! Elle est simple et pas prétentieuse ! J’essaye de rendre aussi la musique électronique plus fédératrice.

Comment c’est passé la conception de « Into The Waves » ? Quelles difficultés as-tu rencontré et quelles ont été tes principales satisfactions ?

Into The Waves s’est composé assez rapidement. L’univers que je voulais montrer était très clair ! La principale difficulté était l’attente.. Je n’avais qu’une envie : sortir l’EP ! Il y a eu surtout beaucoup de satisfactions avec par exemple le featuring avec Beat Assailant, ou la magnifique pochette qu’ont réalisés mes amis Maximilien Lebaudy (photographe) et Alexandre Zhu (graphiste) qui est aussi l’auteur des textes !

C’est un projet qui s’est fait entre amis mais toujours avec beaucoup de professionnalisme. C’étais absolument génial, une super première expérience.

Tu fais parti de The Walking Machine. Qu’est-ce que c’est ?

The Walking Machine c’est le nom de soirées organisées par Butchers (label parisien). Romain Casa a été le premier à me faire jouer en soirée il y a 1 an et demi déjà ! Depuis j’enchaîne les soirées avec lui et toute la team du label !

Comment tu prépares les soirées ?

J’allume les platines et je commence a jouer les morceaux qui me plaisent ! Petit à petit le set se dessine, deux trois retouches par rapport à l’horaire de passage et let’s go !

Quel en est ton meilleur souvenir ?

Le meilleur souvenir était la Walking avec Kaytranada au Social Club. La plus grosse ambiance des soirées où j’ai joué ! Bon quand tu commences ton set à 4h du mat après Kaytra et Darius t’es pas très serein mais tout s’est très très bien passé, j’ai adoré et le public aussi d’après mes souvenirs haha !

Quels sont tes prochains projets ?

Tout d’abord la sortie du clip et la release party de l’EP le 28 au Nouveau Casino ! Ensuite je travaille sur un deuxième EP avec des featurings très différents ! Je vais commencer à rechercher et à m’entourer d’une équipe d’artistes. J’en ai très envie.

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YARD s’est rendu au plus près de la préparation du concert de Gradur, hier soir, le jeudi 26 février. Interviews, balances, invités et performances lives, découvrez toute l’ambiance de l’un des shows les plus attendus du rap français. Un véritable phénomène car en seulement trois jours, « L’Homme au Bob », son album.

Et si le fait d’être une icône se résumait simplement à la capacité de créer l’effervescence sans le vouloir ? Alors que la chute de Madonna aux Brit Awards fait la une des journaux , la Madone n’en est pas à son coup d’essai. En effet, durant les MTV Video Music Awards de 1984, elle  marque l’histoire de la cérémonie  avec son interprétation de « Like a Virgin » d’un simple accident…

Madonna débute sa carrière et sort en 1984 son second album après un premier essai éponyme prometteur, et voit déjà les choses en grand. Initialement, la Madone prévoyait pour sa première prestation aux VMA la présence d’un tigre du Bengale adulte sur scène qui lui a été refusé. Sans doute un peu déçue, elle choisit finalement de faire son apparition au sommet d’une pièce montée haute de 5 mètres.

 

Ambiance tamisée, la scène fait émerger la popstar et les spectateurs braquent leurs yeux sur elle comme une véritable curiosité. Elle revêt une robe de mariée assortie d’une ceinture à la boucle aussi kitch que mythique « BOY TOY ». L’interprète se fait un malin plaisir de bafouer l’image de la mariée encore pure et du religieux avec cette ceinture qu’elle brandit comme un symbole de dépravation. Madonna crée la controverse en mettant en opposition l’image de la femme mariée à celle de pouvoir qui contrôle l’homme. Cette jeune épouse version punk investit la scène en lâchant sa crinière, descendant les marches de sa pièce montée quand le show prend une tournure inattendue.

 

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Madonna se met à genou et mime avec passion la position sexuelle de l’Andromaque. Cependant, cette incitation à l’indécence n’aurait pas été préméditée ; d’après la star, il ne s’agit que d’une improvisation due à l’instabilité d’un de ses talons aiguille comme elle l’a expliqué plus tard à Billboard:

«  So I thought, ‘Well, I’ll just pretend I meant to do this’, and I dive on the floor and I rolled around »

« Donc j’ai pensé : « Bon je vais faire comme si je voulais faire ça et j’ai plongé sur le sol et j’ai roulé autour » »

Madonna se roule par terre, minaude, jusqu’au moment où sa robe se soulève pour dévoiler ses dessous aux yeux de tous.

« And, as I reached for the shoe, the dress went up. And the underpants were showing. »

« Et pendant que j’atteignais la chaussure, la robe s’est soulevée. Et le slip est apparu.»

Accident ou non, Madonna a assuré le show et délivré une performance d’anthologie qui a sans nul doute contribué au succès de son album Like a Virgin, vendu à près de 21 millions d’exemplaires à travers le monde.

Si ce soir là, la starlette repart les mains vides, cette performance imprévisible a très certainement participé à l’image sulfureuse qu’on lui connaît. La business woman a très bien compris les clefs de la réussite et en a fait une véritable identité qu’elle a tenté de conserver tout au long de sa carrière notamment lors du baiser avec Britney Spears en 2003 sur le même plateau des VMA.

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Ce lundi 23 février, le sheguey Gradur est venu nous gratifier de son tant attendu premier album L’Homme au Bob. L’aboutissement d’une longue émulation autour du rappeur roubaisien qui n’est que la réaction en chaîne d’un simple partage de Booba sur sa page Facebook. En étant à la source d’un tel phénomène, le Duc a prouvé une nouvelle fois qu’il avait l’œil et l’influence nécessaire pour détecter les futurs as du micro. Si cette facette a jusqu’à présent été mise en retrait par Booba, de nombreux signes indiquent que celui-ci pourrait orienter sa reconversion dans ce sens, à l’approche d’une retraite inéluctable. YARD s’est donc attelé à analyser cet aspect si régulièrement critiqué de la personnalité du Météore.

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Autopsie d’un paradoxe

 « Trop égoïste, tu n’as fait briller personne depuis l’temps. » Tel était le reproche qu’adressait Rohff à Booba au fil d’une rime de sa diss track « Wesh Zoulette », tandis qu’il se vantait d’avoir « lancé la carrière » de Sultan. Avec cet angle d’attaque, le rappeur du 94 a fait ressurgir l’un des vieux démons de son éternel rival, à qui l’on a souvent reproché, tout au long de sa carrière, le fait de ne pas suffisamment user de son aura pour mettre en lumière de nouveaux talents.

Il suffit pourtant de jeter un simple coup d’œil sur les principaux acteurs qui composent la scène actuelle du rap français pour se rendre compte de l’influence du Kopp. En effet, entre Kaaris, Dosseh, Niro ou encore Gradur ; Booba a contribué à l’exposition d’emcees destinés à laisser des traces hautement plus mémorables que celles de Sultan. Les mois de février et mars 2015 constituent en quelques sortes le point d’orgue de l’impact du Duc sur le rap français, avec la sortie des albums de 4 artistes dont le nom a été un temps associé à celui de Booba. Si l’engouement entourant chacun de ces projets varie, entre un Ali tombé dans l’oubli et un Dosseh en pleine « restructuration », les attentes suscitées par les albums Kaaris & Gradur témoignent du potentiel de Booba en découvreur de talent. Dès lors, comment expliquer que celui-ci ne demeure pas perçu comme le prescripteur de tendances qu’il peut être par intermittence ?

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Force est de constater que les principaux éléments de réponses se trouvent dans les supports utilisés par le Boulonnais pour offrir de l’exposition, à commencer par les mixtapes Autopsie. En effet, lorsqu’on y regarde de plus près, celles-ci prennent parfois les contours d’un vaste laboratoire où il teste l’étoffe des différents protagonistes de la nouvelle scène, afin d’identifier les profils susceptibles de redorer un peu plus son blason. Ainsi, Kaaris et Dosseh, forts de leurs couplets respectifs sur « Criminelle League » et « Non Stop » ont successivement été conviés à performer sur un album du Météore. Là où le premier, tel le bulldozer qu’il est, terrasse tout sur son passage dans « Kalash » et aide Booba à s’octroyer un classique de plus ; le second, moins incisif sur « 45 Scientific » finit par disparaître totalement des radars de Booba. Et les cas abondant dans ce sens sont légions. Les mauvais retours reçus sur le titre « Cruella » l’auront par exemple freiné dans sa démarche de promotion de Shay, une artiste pourtant estampillée « 92i » qui est alors contrainte de tracer sa route sans pouvoir bénéficier du halo médiatique que génère B2O.

Plus proche d’une démarche égocentrée que d’un tremplin favorisant la découverte des acteurs de demain, la série Autopsie symbolise à elle-seule ce paradoxe, et amène Booba à en sortir gagnant quelque soit le cas de figure. A ce titre, certains indices conformés par La Fouine indiquent à penser que le titre de Fababy prévu pour Autopsie vol. 4 s’est vu écarté à la dernière minute après que Kopp se soit rendu compte de sa présence sur Capitale du Crime vol. 3. À la vue de sa proximité avec Banlieue Sale, une apparition de F.A.B sur Autopsie aurait alors permis à l’artiste de s’offrir une double-promotion dont aurait profité La Fouine. Impensable aux yeux de Booba.

Pas le temps pour les regrets ?

D’autres emcees, plus téméraires et probablement lassés d’attendre leur tour de briller auprès de B2O, préfèrent s’en détacher et tracer leur route en solo, à l’image de Nessbeal. Considéré comme l’une des plus belles plumes du rap français, Nessbeal fait le choix de quitter Booba et le 92i en 2005. Après un premier album qui ne rencontre pas le succès escompté, NE2S délaisse peu à peu le style brut qui avait fait sa renommée depuis Dicidens pour se laisser aller à quelques titres plus légers (« On aime ça », « Ma grosse »…). Là où la plupart des observateurs s’accordent pour dire que Ness n’a pas eu la carrière qu’il se devait d’avoir, le rappeur revient à son tour sur le sentiment de gâchis qui entoure sa vie artistique, dans le titre au nom évocateur de « Balle dans le pied » où il affirme « regretter le jour où [il] a dit non à B2O ». Et pourtant, il semble bien difficile d’affirmer avec certitude que son choix de quitter le 92i était véritablement une erreur.

En effet, si la plupart des artistes créent leur propre structure dans l’idée de développer de nouveaux talents, Booba apparaît comme l’exception qui confirme la règle. Depuis qu’il a posé la première pierre de son édifice Tallac Records, seul son fidèle hype man Mala a eu la chance de voir son unique album Himalaya sortir sous la bannière du label. En dessous de Nessbeal, celui-ci était également perçu comme l’un de ceux amenés à faire de belles choses au sein de la scène hexagonale. À l’inverse, qu’il s’agisse de Djé, Gato da Bato ou le défunt Brams, tous les artistes ayant fait le choix de s’engager durablement auprès de Kopp doivent se contenter au mieux d’apparitions furtives et ne voient jamais leur patience se concrétiser par un projet quel qu’il soit. Fin 2011, Booba annonçait pourtant travailler sur un hypothétique album de Shay qui n’a toujours pas vu le jour.

Ainsi, l’émancipation ne semble être, non pas une possibilité, mais presque une condition sine qua none pour se défaire de l’ombre de B2O. L’essentiel est surtout de faire fructifier au mieux l’engouement public que peut apporter une apparition aux côtés du Duc. Et pour cela, le mieux reste encore d’être bien encadré. C’est ce qu’explique Dosseh dans une récente interview pour Rapelite où il revient sur ce qui l’a empêché d’exploser après ses apparitions successives sur Autopsie vol. 3 & Lunatic : « Quand on a fait notre featuring, Booba c’était le Barça et moi j’étais géré comme l’US Orléans. À un moment donné, pour négocier le bon virage il faut être encadré. Ce n’était pas mon cas, j’étais juste Dosseh avec mes quelques potes d’Orléans. »

Signés respectivement chez Therapy Music et Street Lourd, Kaaris et Niro pouvaient eux se targuer de disposer de cette structure si importante dans un tel contexte. Et le résultat est sans appel : après « Kalash », Kaaris envoie dans la foulée son street-hit « Zoo » puis son album Or Noir qui le place en solide numéro 1 bis du rap français. Quant à Niro après « Fenwick » sur Autopsie vol. 4, il multiplie les featurings tout au long de l’année 2012 avant que son street album Paraplégique ne fasse de lui l’un des hommes les plus à suivre de l’hexagone.

Ainsi, il est également indispensable pour les rappeurs ayant su profiter du buzz obtenu par Booba de battre le fer tant qu’il est encore chaud, et de faire ainsi preuve de réactivité. Une donnée qu’a rapidement assimilé Gradur quand, au-delà de marketer lourdement le fait d’avoir été « validé par le Duc’zer », il monopolise l’attention médiatique durant plusieurs mois avec sa série de freestyles Sheguey.

Le luxe d’une retraite « OKLM »

Mais cela, c’était avant que de nouveaux éléments entrent en compte et amènent Booba à changer quelque peu de position. Soucieux de ne pas « faire l’album de trop », le Duc sait qu’à 38 ans et avec la naissance récente de sa fille Luna, ses beaux jours dans l’industrie musicale sont plus que jamais derrière lui. Toutefois, si ses ventes d’albums et sa marque de vêtements Ünküt devraient assurer aisément sa pérennité financière ; il reste encore à Booba de trouver un moyen de continuer à faire l’actualité musicale française sans sortir le moindre CD.

Pour ce faire, le boulonnais s’est finalement décidé à partir à la recherche de diamants qu’il pourrait polir et à qui il léguerait son large héritage musical. Son attention s’est portée sur un jeune groupe local, 40000 Gang – anciennement Soldats des Hauts de Seines ou S.D.H.S Family – dont on pourrait presque dire qu’il est façonné de toutes pièces par Booba, tant l’on sent l’empreinte du Duc dans leur personnalité. Vêtus en Ünküt de la tête aux pieds, ces-derniers partagent avec B2O des références et des tournures de phrases communes, et sont déjà à créditer de deux apparitions aux côtés de celui-ci (« Vrai », « Porsche Panamera »). En parallèle, Booba a également fini par faire signer Shay, plus de 3 ans après son irruption sur Autopsie vol. 4. Au cours de sa traversée du désert, la belle a affiné son style, délaissant la pâle copie de Nicki Minaj que l’on avait pu entrevoir sur « Cruella » pour finalement aboutir sur quelques titres de bonne facture à l’image de « Perpétuité ». Cependant, si ces deux signatures sont calquées sur la déferlante trap qui s’abat actuellement sur le rap français, rien ne laisse actuellement à penser qu’ils aient le bagage nécessaire pour s’imposer comme des têtes d’affiche de leur discipline.

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Mais la démarche la plus significative de Booba dans ce processus de reconversion, reste à n’en pas douter le lancement du site OKLM.com. Celui qui critique incessamment les médias spécialisés depuis des années maintenant entend désormais s’ériger comme leur concurrence avec une plateforme 100% vidéo où les clips de nombreux « talents urbains » sont perdus au milieu de divers buzzs insolites.

Bien que le rappeur présente le profil idoine pour se lancer dans une telle entreprise par sa renommée et sa puissance dans l’industrie hip-hop, sa démarche est clairement freinée par les quelques lacunes de son support. Le format, tout d’abord, car en créant une sorte de « Dailymotion urbain » Booba ne peut jouer son rôle de prescripteur en agrémentant ces contenus de propos qui viendraient consolider ses recommandations et indiquer pourquoi il faut suivre tel ou tel talent. De plus, dans son souci de donner de l’exposition à tous les boycottés des médias leader dans ce domaine, OKLM ne valorise plus tellement les talents « d’exceptions ». Il n’y a plus de sélection. Enfin, ce qui faisait précisément la force du soutien de Booba envers un artiste, c’était la rareté des élus à qui il l’accordait. Or, au vu de la quantité de rappeurs qu’il « valide » au travers d’OKLM, il devient difficile pour le public d’accorder une véritable valeur à leur présence sur le site.

C’est paradoxalement au moment où Booba s’oriente réellement vers la mise en exergue et la production des artistes de demain que celui-ci se révèle moins efficace dans son rôle d’influencer. Et le chemin semble encore long avant que l’on soit en mesure de parler d’un rappeur en se disant que « la première fois qu’on l’a entendu, c’était sur OKLM.com ».

Après avoir envoyé son travail dans l’espace une première fois en 2012, Invader continue vers l’infini et au-delà.

Le virus de la mosaïque se propage puisque l’artiste a laissé sa trace sur des structures astronautique. En effet, Invader a pu poser sa célèbre signature, le personnage du jeu Space Invaders, sur des bâtiments du Centre des Astronautes Européens à Cologne en Allemagne ainsi qu’à l’Euro Space Center en Belgique.

Plus fou encore, son art a même franchi les limites de la thermosphère terrestre (entre 80 et 700 km au dessus de la surface de la Terre) où il règne une température de 1000 degrés à bord de la Station Spatiale Internationale grâce à un astronaute.

Le résultat en images.

Les collaborations du NikeLab n’en ont pas fini de nous faire courir et rêver. Après Pedro Lourenço, c’est au tour de la designer Berlinoise, Johanna Schneider de signer une collection modulaire. Des vêtements souples et techniques qui s’adaptent aux mouvements de celles qui les portent.
Nous avons fait appel à la célèbre danseuse Emilie Capel qui s’est entourée de deux danseurs : Fanny Sage et Oliver Tida Tida.
L’occasion pour eux de nous montrer que la collection de Johanna s’adapte parfaitement à tout mouvement et type de corps.

Styliste : Audrey Michaud Missègue
Interview : Caroline Travers & Raïda Hamadi
Make-Up : Margaux Jalouzot
Coiffure : Lucie Champion

Peux-tu te présenter et nous parler un peu de ta carrière professionnelle?

Je suis une designer basée à Berlin. J’ai grandi dans cette ville mais je suis d’origine Allemande et Belge. Je viens d’une famille très artistique. J’ai toujours été une passionnée du sport depuis mon plus jeune age. J’ai donc commencé à travailler dans le sportswear, mais plus précisément dans le vente et les relations presse. Je suis arrivée au point où j’ai vraiment eu envie de concentrer mes études là-dessus, en combinant ma passion pour la mode et mon expertise dans le sportswear. C’est donc une idée qui m’est venue très rapidement. Une fois que j’ai eu mon diplôme universitaire j’ai travaillé pour Kostas Murkudis un designer basé a Berlin, j’ai ensuite eu différentes expériences professionnelles en travaillant pour Acronym avec Errolson Hugh et Stone Island. Grace à ces experiences j’ai réussi à mettre en place mes idées dans le design et le sport sans aucun compromis. Voila d’où je viens.

Quel sport as-tu exercé? 

Quand j’étais jeune, j’étais toujours entrain de courir. J’aimais beaucoup aussi le skateboard, le snowboard et le surf. Quand je me suis mise à travailler j’ai commencé le training et la course. J’ai par la suite rejoins le crew de Nike avant de commencer à travailler sur la collection, ce qui était génial car j’ai eu une vraie expérience en tant que cliente, j’ai eu le temps de connaitre toute l’entité, la communauté mais j’ai aussi appris à m’entrainer en équipe. C’etait une superbe expérience.

C’est de là que la collaboration est parti ?

J’avais déjà fait des projets avec Nike, mais c’était beaucoup plus interne et créatif, nous échangions nos avis et nos idées. Après le training, la relation avec l’équipe est devenue beaucoup plus forte. Un jour j’ai eu un appel très intéressant où ils me demandaient si je voulais créer une collection Capsule pour eux. C’était géniale car j’avais cette idée de combiner ma vision et mes approches en design dans les produits Nike.

C’était comment de bosser pour une si grande compagnie? 

C’était assez différent comparé à mes expériences et collaborations précédentes en tant que designer en freelance. Je n’avais pas peur car je connaissais déjà des gens chez eux, j’étais surtout très excitée car je savais que ça allait être quelque chose d’énorme! Je suis vraiment heureuse de l’avoir fait. J’étais très excitée par les matières et les innovations de Nike. Dès le départ je voulais passer du temps avec l’équipe et vraiment créer la collection avec eux. C’était une vraie collaboration!

Pour créer la collection tu as utilisé des patrons en papier, directement assemblé sur les modèles. Est-ce que tu peux nous expliquer ce processus ?

Grâce à mes origines, j’ai deux façons de créer mes designs. L’une est beaucoup plus visuelle et l’autre est beaucoup plus constructive. J’appelle ça « my building room.»  J’arrive à créer un environnement plus intime, et j’aime beaucoup travailler et construire avec des patterns. En plus de mon expérience avec Nike, ma stratégie était de ramener de nouvelles silhouettes, de nouveaux types de produits qui marchent bien avec le corps des femmes. Travailler avec la féminité d’une façon différente. J’aime puiser à l’origine graphique du design et l’associer aux différentes innovations développées par Nike. Et ces deux mondes se rejoignent finalement dans le produit.

Ta collection est conçue pour être modulable. Est-ce qu’il s’agit d’un moyen d’exprimer son individualité ou de s’adapter à différent mode de vie ? 

Absolument! L’objet de cette collection était de construire un set-up avec différents systèmes de modulations. Tu as différents produits que tu peux combiner avec d’autres dépendant du sport que tu vas exercer. Il y a des jours où tu ne voudras pas avoir de vêtements sur toi, et tu veux te sentir à l’aise, montrer un peu plus de peau, donc tu porteras un soutien gorge et un leggings. Et d’autres jours tu auras un autre type d’entrainement, comme le yoga ou les pilates où tu voudras te couvrir un peu plus. Tu peux donc construire ton propre look d’un point de vue esthétique en intégrant les caractéristiques sportives du vêtement. Certaines pièces ont des bretelles et des manches avec lesquelles tu peux ajuster une silhouette. Il est donc très important pour moi que les vêtements interagissent avec le corps, pour que tu puisses te sentir à l’aise.

Qu’est-ce qui fait un bon vêtement de sport pour femme ? 

Pour moi la qualité numéro une c’est de ne pas avoir à trop y penser. Pour moi, en tant que femme, je ne veux pas être distraite par mes vêtements. J’ai encore une fois deux points de vues différents; je veux me sentir à l’aise sans être distraite avec la piece que je porte mais je veux aussi montrer ma personnalité. Le vêtement doit mettre en avant ta personnalité et ton individualité. Tu dois être visible tout en mettant en valeur ta silhouette.

Le concept de la collection a fini par beaucoup me plaire, et c’est très connecté avec ma personnalité et mon point de vue sur le vêtement. C’est un processus très direct, c’est dans ma nature, c’est comme ca!

Quels sont à ton avis, les meilleurs changement dans le sportwear ?

Sur ce qui se passe en ce moment même, j’ai beaucoup apprécié toute cette nouvelle tendance où tu peux intégrer tes vêtements de sport dans ta vie de tous les jours. D’un point de vue matériel mais aussi de style, il y a tellement d’avantage dans la coupe ce qui te donne une très bonne sensation. Nous sommes tous des « urban travelers » nous allons à l’intérieur à l’extérieur, dans de différentes températures. il y a tellement de chose que tu peux apprendre du sportswear, et j’adore comment les femmes sont prêt à utiliser ces vêtements et les interpréter à leur façon et les intégrer dans leur garde-robe. Je suis heureuse de voir que dans les compagnies de sportswear ils veulent tous explorer ce domaine et connecter ces deux mondes. Etant une personne qui fait beaucoup de sport, je reste tout de même très intéressée par la mode et j’ai toujours pensé qu’il ne devrais jamais y avoir un mur entre ces deux domaines. J’aime e fait que ce mur tombe aujourd’hui !

Est-ce que vous préparez une autre collection ? 

Nous sommes entrain de travailler sur une collection de fin d’année. L’idée c’est de trouver de nouvelles pieces à combiner avec celles d’aujourd’hui, et de créer tout un système en suivant un fil rouge. Je suis très curieuse de voir comment les femmes vont porter les vêtements, comment elles vont les combiner avec leurs habits personnels ou sportifs, qu’elles possèdent déjà. Je suis très excitée de voir les différentes personnalités mise en valeur.

Les américains sont une race à part, certainement confectionnés dans d’obscurs éprouvettes par un professeur fou. Ils sont plus grands, plus gros, plus riches, ils rappent mieux, leurs meufs sont plus bonnes et ils peuvent aller chez Shake Shack et Five Guys quand bon leur semble. Mais Big Sean reste proche de nous avec son physique bio sans tattoo et sa taille modeste. Un peu à l’écart du troupeau donc, mais bien au coeur de la machine: signé chez le label de Kanye G.O.O.D. Music et en management chez Roc nation (Jay Z). Cet album est sans doute un tournant de sa carrière et les graviers l’attendent sournoisement en sortie de virage. Pas d’inquiétude cependant, son Dark Sky Paradise est parfaitement paramétré pour les clubs, les coeurs et les cerveaux.

Le titre de l’album (Dark Sky Paradise) annonce la couleur, ou plutôt l’absence de couleur. La symbolique est déclinée tout au long de l’opus, Sean nous y explique en long, large et travers qu’il vient d’en bas, qu’il a bossé « 8 days a week » pour y arriver, que ça n’a pas été sans difficultés et qu’il se sent béni d’être maintenant au top à pop champagne avec son crew. Le rêve américain c’est lui, même s’il est traversé par des doutes légitimes et que ses plus vieux amis ne comprennent pas qu’il soit trop busy.

Au-delà de ce fil rouge, le ficelage artistique est habile. La production est confiée aux pontes du moment (le dijonnais DJ Mustard, l’étincellant Mike Will Made It, l’assoce de toujours Key Wane, le drakophile Boi-1da et le TDEiste DJ Dahi, entre autres). C’est sombre dans l’ensemble mais bien léché (« All Your Fault », « Stay Down », « I Know », « Deep ») et bien rythmé (« Blessings », « I Don’t Fuck With You », « Paradise », « Outro »). Big Sean sort, quant à lui, son « A game » en terme de performance vocale, au commande d’une mitraillette sur le grandiloquent « Paradise » et langoureusement virtuose sur « I Know ». Les invités de renom se bousculent dans la cabine d’enregistrement (Kanye, Lil Wayne, Jhené Aiko, Drake, PARTYNEXTDOOR, Chris Brown et Ty Dolla $ign) mais c’est bien Sean qui reste la star de son propre produit, et c’est une preuve de la réussite du disque.

Au final c’est vraisemblablement le projet le plus accompli du Gros Sean avec un bel équilibre entre la déballe de skillz et les sujets plus profonds. Une mention spéciale pour « Win Some, Lose Some « (moelleux à souhait), « Paradise » qui donne envie de tout casser chez soi et l' »Outro » produite par DJ Dahi dans une veine à la Kanye époque College Dropout.

 

Depuis une vingtaine d’années, les frontières entre objets de luxe et de grande consommation se perméabilisent et se brouillent. Les cuvées de champagne trois étoiles s’achètent en grande surface, le parfum de supermarché « Brut » se commercialise sous le nom du feu joaillier Fabergé, Zara et H&M se taillent la part du lion en épongeant et plagiant les tendances des défilés, une flopée de designers habillent des bouteilles de Coca ou d’Evian et les collabs entre grands noms de la mode et griffes plus ou moins bon marché surabondent. Ces co-branding improbables se tissent d’une part avec des marques de sportswear branchouilles comme Nike (Riccardo Tisci, Pedro Lourenço …), Adidas (Jeremy Scott, Raf Simons, Rick Owens …), Van’s (Comme des Garçons, Kenzo) ou Converse (Maison Margiela, Missoni), de l’autre avec des enseignes ultra-popu à contre-courant du luxe, de la trempe d’un Tati ou d’un H&M. Ce sont ces temples du discount, de la fast fashion, du polyester et du nylon made in China, qui nous intéressent ici.

 

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Dès 1969, le vépéciste aux prix doux, La Redoute, collaborait avec la créatrice Emmanuelle Khanh, pour pas moins de trente-deux pièces, première d’une longue liste d’invités prestigieux parmi lesquels Issey Miyake, Yves Saint Laurent, Jean-Paul Gaultier, Christian Lacroix, Alexis Mabille, Courrèges, Azzaro ou encore Anthony Vaccarello. Son concurrent direct, les 3 Suisses, s’est lui acoquiné avec Jean-Charles de Castelbajac,Karl Lagerfeld, Anne Valérie Hash et Manish Arora. En 1991, Tati, eldorado du pauvre porté par le slogan « Tati, les plus bas prix », joyeux bazar XXL au cœur de Barbès, accueillait dans ses bacs une mini-collection tatouée de son iconique vichy rose, signée Azzedine Alaïa. Un sac, un t-shirt et des espadrilles dessinés gratuitement par le couturier et vendus moins de 20 francs. Felipe Oliveira Baptista, Phillip Lim, Alexander Wang, Opening Ceremony, Jil Sander et Helmut Lang ont imaginé des lignes exclusives pour Uniqlo. Christopher Kane, Ann-Sofie Back, Jonathan Saunders, Ashish, Mary Katrantzou et J.W. Anderson pour Topshop. En 2004, le mot-valise « masstige », contraction de « mass-market » (marché de masse) et « prestige », émerge en même temps que la collection de Karl Lagerfeld pour H&M. Le géant suédois a depuis usé le concept jusqu’à la moelle en dégainant tour à tour et à grand bruit, des collections avec Stella McCartney, Viktor & Rolf, Roberto Cavalli, Comme des Garçons, Jimmy Choo, Sonia Rykiel, Versace, Marni, Maison Margiela, Lanvin, Isabel Marant et Alexander Wang. Alors vraie ou fausse bonne idée ? Le luxe peut-il s’engouffrer dans la masse sans se dénaturer et se vulgariser ?

 

Une stratégie win-win

 

Les enseignes de mode à petits prix se sont englouties dans un rythme effréné de collection, leur imposant de livrer de nouveaux produits chaque mois (si ce n’est chaque semaine) pour satisfaire leur clientèle gloutonne. Leurs collaborations avec des poids lourds de la mode nourrissent alors leurs consommateurs en excitation et nouveauté. Dans le même temps, elles se glamourisent et s’anoblissent par un effet de halo, captent l’attention des médias et enflent leurs caisses (les stocks s’épuisant généralement en quelques jours).

Les marques de luxe, elles, profitent du bouillonnement médiatique autour de ces collections-capsules pour gonfler leur notoriété et booster leur popularité. La notoriété dope la puissance d’attraction des marques de luxe : « le luxe a deux facettes de valeur : le luxe pour soi et le regard des autres. Pour entretenir cette seconde facette, il faut qu’il y ait bien plus de gens connaissant la marque que d’acheteurs potentiels », expliquent Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer dans les pages de Luxe Oblige. Alexander Wang assumait lui-même sur le site d’H&M : « [La collection Alexander Wang x H&M] est une formidable opportunité pour permettre au grand public de découvrir l’univers et le style de la marque Alexander Wang ».

 

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Les marques de luxe poursuivent un objectif évidemment commercial sous couvert de philanthropie, de revendication d’un luxe à portée de toutes les bourses. Dans une interview à Libération Next, Azzedine Alaïa racontait : « Ce qui m’excitait [dans cette collaboration avec Tati], c’était d’accoler mon nom, l’univers de la haute couture, avec cette marque qui était alors la moins chère de toutes. Lorsque je voyageais en Tunisie, je voyais toujours ces gens à Orly encombrés de leurs grands sacs Tati pleins à craquer, et j’ai eu envie de faire quelque chose de qualité pour cette clientèle populaire, souvent pauvre, qui n’avait pas les moyens de se payer des articles plus mode ». Alber Elbaz renchérissait à son tour dans un communiqué de presse pour la collection Lanvin x H&M : « Les créations de designers sont généralement destinées à une minorité mais la collection conçue pour H&M se propose au contraire de transmettre ce rêve de luxe à un plus large public ». En réalité, les marques de luxe, qui vivent aujourd’hui essentiellement de la vente de produits d’entrée de gamme de type petite maroquinerie, ceintures, lunettes de soleil, chaussures ou parfums, cherchent à conquérir de nouveaux clients, plus jeunes, au portefeuille moins épais, prêts à se sacrifier sur des objets courants pour s’offrir occasionnellement un bien de plus grande valeur, à ne plus se nourrir que de pâtes au beurre pour s’acheter un sac à damier. En flirtant avec des griffes grand public, elles reconnaissent à demi-mot leur besoin de glaner une nouvelle clientèle, en se faisant connaître et en se rendant plus accessible, en dépoussiérant leur image et en révélant leur audace et leur dynamisme. Et ça marche.

 

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Ponctuelles, ces collaborations ne dénaturent aucune entité puisqu’elles ne s’inscrivent pas dans la durée donc dans l’identité des marques. Plus encore, elles créent de la désirabilité et de l’exclusivité via une communication aux accents luxueux habilement orchestrée, généralement à coup de teasing, de stars, de mannequins en vogue et de photographes étoilés, et une logique marketing de rareté reposant sur une auto-limitation de la demande (séries limitées) et une distribution sélective (dans le cas d’H&M : à peine 10% de ses magasins dans le monde). Les clients piétinent parfois jusqu’à plusieurs heures à l’entrée des magasins pour pouvoir accéder à l’objet de leur quête, devenant de fait un objet d’exception se méritant. La rareté est l’un des composants essentiels du luxe, elle excite le désir et sacralise.

 

Une réputation sur le fil

 

Malin, Alber Elbaz déclarait à propos de sa collaboration avec H&M : « Je m’étais toujours dit que je ne ferais jamais de collection grande diffusion, mais ce qui m’a finalement séduit, c’est de l’envisager comme l’idée de H&M s’élevant vers le monde du luxe plutôt que Lanvin descendant en gamme ». Malheureusement, le nivellement vers le bas est quasi-inévitable. Les collections en soi empestent généralement l’usine asiatique et les matières bon marché : « Plus on va vers le bas, plus on vend, mais plus on perd en qualité, en créativité, en exclusivité, donc en rêve », pose le livre Luxe Oblige. Quatre ou cinq jours après le lancement de la collection Lanvin pour H&M en novembre 2010, la majorité des pièces pendait encore sur les portants des magasins H&M des Champs-Elysées et des Halles, pourtant centres névralgiques. Les vendeurs allant jusqu’à avouer la qualité médiocre des vêtements et l’approximation des coupes. Les Maisons assises sur un patrimoine historique et un savoir–faire jouent en fait beaucoup trop gros dans le « masstige », contrairement aux marques de luxe contemporaines qui produisent grassement du côté de l’Empire du Milieu. Karl Lagerfeld n’a d’ailleurs pas mouillé Chanel en accolant son seul nom à celui d’H&M, de La Redoute ou de Kookaï. Autre échec cuisant : la collection Maison Margiela x H&M, aux prix trop élevés (249€ le manteau-couette, le caban ou le perfecto, 149€ le blazer, 99€ le pantalon XXL, 199€ les escarpins …) et à l’esthétique trop avant-gardiste, entre volumes oversize, coupes asymétriques et allure futuriste ou boyish.

 

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Aussi, les marques de luxe se contentent trop souvent de reproduire dans des versions cheap des pièces de leurs anciennes collections, pastichent plutôt que de créer, écornant alors leurs valeurs innovantes et créatives. Miuccia Prada, qui chapeaute Prada et Miu Miu, affirmait elle-même auprès de WWD : « Je n’aime pas l’idée de faire une mauvaise copie de ce que l’on fait déjà pour sa marque principale. Si je savais comment faire une mode qui coûte moins cher sans être la mauvaise copie de quelque chose d’autre, je le ferais. Mais pour le moment, ce que je vois plus ou moins, c’est juste de la mauvaise copie. Vous devez également réfléchir à pourquoi ces vêtements coûtent si peu cher ». Les clients se laissent leurrer par un semblant de luxe qui n’en a en réalité pas les caractéristiques. Ce que l’on vend, c’est du H&M ou du La Redoute grossièrement maquillé en produit de luxe.

Et alors que la boutique de luxe, cet espace sacré, constitue d’ordinaire l’un des lieux privilégiés de l’expérience de marque, le « masstige » déshumanise l’acte d’achat, encourage le « tout doit disparaître », la consommation compulsive et frénétique d’articles pseudo luxueux à bas prix. Dans les dédales embouteillés des magasins, les clients jouent des coudes pour rafler les pièces les plus convoitées (souvent les moins chères). La cohabitation même entre des produits étiquetés luxe et des produits de grande consommation au sein d’un même espace de vente réduit la distance psychologique entre les deux segments. Pire, certains articles Versace et Marni pour H&M se sont retrouvés bradés pendant les soldes, parfois jusqu’à moins 50%. De quoi flinguer son prestige.

Finalement, qu’est-ce que le luxe ? Du rêve. Offrir à tout un chacun l’opportunité d’effleurer ce dernier du bout du doigt c’est beau, il faut seulement s’attacher à le préserver.

 

La photographe Danila Tkachenko parcours la Russie à la recherche des vestiges de l’URSS. D’ancien bâtiments destinés à l’ingénierie spatiale, qui cachent encore quelques fusées et vaisseaux spatiaux. Des infrastructures laissées à l’abandon, vouée à la destruction et perdues dans des paysages quasi sibérien.

Toutes les deux semaines, Agathe reviendra sur l’actualité pour nous en délivrer sa vision et son interprétation. Truculente et décalée, sa plume revisite ce qui sature nos journaux télévisés, nos sites Internet et nos journaux ; « Les Chroniques d’Aujourd’hui » sont un véritable Ice Bucket Challenge au vitriol sur notre monde médiatique

L’information est monomane, obnubilée par le prisme simplifié que réverbèrent les grandes agences de presse. Ce qui intéresse est basique : le crime, les mœurs déviantes et le pouvoir. Ce qu’ont ressassé tous nos JT chauvins pendant trois semaines : le procès de Dominique Strauss-Kahn et de son proxénète vedette du Carlton lillois. Parce que nos vies sont pourries, les frasques des autres nous passionnent.

Cette histoire, tout le monde la connaît et elle en a saoulé plus d’un. Alors que Dominique vivait sa libido tranquillement aux yeux et à la barbe des cercles privilégiés de la nation, Dominique a voulu prendre la tête de l’État et Dominique s’est fait balancer. Coupé dans son ascension, Dominique, le gentil papa de la gauche caviar dans sa bagnole de compet’, s’est métamorphosé en un atroce détraqué sexuel ventripotent chef de cartel. MC Domi brasse des putes et des billets, MC Domi me fait rêver.

Mais, le fatras juridique dans lequel DSK se trouve, ressemble à s’y méprendre à un navet de série B. Le casting n’a pas de sens et les acteurs jouent très mal. Musso n’aurait pas pu chier mieux, du moins, ça n’aurait peut-être pas déplu à la ménagère en quête d’évasion.

Sur fond de sodomie mal lubrifiée, les journalistes s’emballent et s’épanchent sur l’intimité d’une figure politique, alors que le problème intrinsèque transpire mal. Dérangeant. Ici, il s’agit surtout de faire de cette incartade morale un exemple de répréhension judiciaire, un coup d’éclat de bons sentiments. Peut-être pas la jurisprudence de l’année, mais, en tout cas, l’un des meilleurs coups de com’ 2015.

Périple en trois actes, retraçons le tumulte, entre pulsions haletantes, conflits d’intérêts et théorie du complot.

 

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Plusieurs jours avant le début du procès, les médias préparaient déjà le terrain. TF1 en aurait presque hésité à rediffuser l’épisode de New York Unité Spéciale avec Nafissatou super star. Une mise en condition forcée avant un martelage millimétré de toutes sortes de déclarations incongrues sorties de leur contexte. Grande mascarade médiatique à laquelle 300 journalistes ont eu l’extrême honneur d’être accrédités.

Sous le feu des projecteurs, 14 prévenus en comparution pour proxénétisme aggravé en réunion. Jusqu’ici, rien de bien golri. En tête d’affiche – hormis notre ancien directeur du Fond Monétaire International chéri – l’ex-commissaire Jean-Christophe Lagarde depuis banni du Nord-Pas-de-Calais ; Les Thénardier, Béatrice Legrain et Dominique Alderweireld A.K.A Dodo la Saumure, proprios d’une chaine de bordels en Belgique ; Emmanuel Riglaire, ténor du barreau responsable RH pour jeunes femmes désœuvrées à ses heures perdues ; David Roquet, ancien padre d’une filiale nordique d’Eiffage, bon copain intéressé de DSK ; Fabrice Paszkowski et son ex-compagne, Virginie Dufour, entrepreneurs et logisticiens de mérite ; Francis Henrion et Hervé Franchois, hôteliers de renoms spécialisés dans le B&B sexuel ; René Kojfer, responsable RP et livreur de colis ; Et enfin, Mounia et Jade, la viande civile. Une liste de noms alors jusqu’ici inconnus du commun des mortels mais qui, pour certains, risquaient jusqu’à dix ans de réclusion. Thug life. Des bandits en col blanc comme on en fait des milliers. C’est ainsi que le bal des accusés a démarré en ce lundi 2 février dernier.

 

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Le président du tribunal correctionnel de Lille, Bernard Lemaire, le concédait lui-même, par la simple présence de DSK le dossier s’est embrasé. Mais pas seulement. Le dossier s’est également complexifié à cause de la bande de mythomanes pathologique qu’il confronte. Une défense rodée, une pléthore d’avocats et une minimisation des faits maximisée. Observer ce procès placé sous l’égide de la défense, du respect et des droits, c’était presque aussi palpitant que de voir l’adaptation cinématographique de Fifty Shades of Grey se faire dézinguer sur le web.

D’abord, Dodo la Saumure, avec son blaze de mercenaire sous qualifié, a vu la fatale destinée s’abattre sur lui. Il ne sait pas, ne comprend pas et a peur pour sa réputation ainsi que pour la santé de son bizz. Criant à la machination, lui, comme les autres, dénient toute prise de position dans une organisation qui paraît pourtant bien planifiée. Strauss-Kahn, aussi, nie, dès ses premiers mots, avoir eu connaissance du statut professionnel de la partie civile. Mounia et Jade ne se seraient alors adonnées qu’à un hobby fiduciaire. Pourtant, le discours de ces dernières détonne grandement avec cette peinture euphémique. N’y allant pas de main morte avec les détails scabreux d’ébats fort musclés, dont mon imaginaire se détourne, la première semaine de ce procès naviguait entre deux courants. Difficile de distinguer les véritables victimes.

Après cette première semaine d’auditions incohérentes, c’était au tour de Dominique Strauss-Kahn de donner de la voix. La deuxième semaine s’ouvrait alors en fracas par une démonstration Femen, le 10 février aux aurores. Je les aime bien ces meufs qui n’ont rien d’autre à faire de leur vie que de s’exhiber à moitié à poil, scandant des slogans dénués de sens. Elles me font marrer ces grandes optimistes. Comme si se jeter sur une gove, le torse peinturluré, pouvait changer le monde. On n’est pas en Ukraine, je salue tout de même le geste.

 

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Une chose me dérange alors à ce stade de l’affaire. Les médias, prêts à tout pour sortir l’info qui fera tilt, n’ont fait que conglomérer un ensemble d’amalgames vomissant de bêtises. Ce qui revenait le plus souvent, c’est que certaines pratiques sexuelles ne pouvaient être exécutées que par des prostituées. Merci les mecs, j’ai beaucoup de copines épanouïes qui ne font pas le trottoir et dont l’intimité ressemble pourtant à s’y méprendre à ce qui est techniquement désigné.

Il y avait, aussi, le mépris. Le mépris des prévenus, le mépris de l’opinion publique. La peur de dire les choses telles qu’elles sont par rapport au problème de fond. Il y a, certes, une distinction à émettre entre une sans papiers séquestrée, mutilée puis réduite à néant, et une escort frustrée par des cachets plus maigres que ses espérances. S’il y a eu rapport, c’est certain. Et même s’il n’est pas possible de juger du degré de dignité de chacun, la vanité des uns et des autres a grossi le trait et enflé l’esquive. Le traumatisme de ces femmes, sûrement dépassées par les évènements, n’est pas à déplorer. Elles n’ont pas la gouaille de politiciens dressés aux pirouettes, manquent franchement de subtilité et se sont quelque part perdues dans un épanchement vain, mais elles ont fait front. Peu importe la déception finale, elles ont essayé de tacler Goliath. Mes respects.

Tout le monde a brandi un souci religieux d’exprimer une vérité cristalline. Peu de preuves en réalité mais beaucoup de blablas. C’est enfin, après deux semaines de témoignages, que les véritables méchants se sont esquissés : René Kojfer, David Roquet, Fabrice Paszkowski et Dominique Alderweireld. Du moins, ces derniers ont moins bien su jouer les incrédules que les autres. Puis, sans crier garde, ultime coup de théâtre dans cette tragi-comédie mal ficelée. Plusieurs parties civiles ont abandonné leurs poursuites contre DSK le lundi 16 février de cette ultime semaine de procès. On se doutait tous qu’une relaxe serait requise pour, mais sûrement pas que certains partiraient en courant. À quelques jours de la fin, c’est d’une ironie sans saveur. Pour les autres, c’est loin d’être terminé, mais au final, on s’en tape. Le verdict final terminera de les enfoncer le 12 juin prochain.

 

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Il est bien évident que je condamne la prostitution et toute forme de violence primaire envers la gente féminine. Cependant, bon nombre sont les individus ne se refusant pas à un billet pour quelques étirements et qui, pour autant, ne cheminent pas vers le pénal. Au terme de ces 3 semaines de procès, se sont clos 3 ans de telenovelas offerts au voyeurisme d’une France déçue, nourris par une violation flagrante du secret d’instruction. Certains condamnent maintenant l’investigation, d’autres mettent le doigt sur des questions sociétales. Dominique Strauss-Kahn, politicien déchu embringué dans un débat, comme à sa française habitude, mal placé.

De manière générale, le traitement médiatique associé aux faits divers sera toujours remis en cause, peu importe l’affaire. Ce sans quoi, nos existences n’en seraient que plus insipides. Je ne dénoncerai alors pas le nivellement par le bas auquel je participe moi-même avec le plus grand des plaisirs. Simplement, je constate ici le grand écart pénible qui s’exerce entre ce qui a de l’importance et ce qui divertit. Le procès de Nuremberg n’est pas si loin, celui de Nabilla et Thomas Vergara non plus. Comme Dominique, soyez frivoles mais faites gaffe quand même.

 

Crédit illustration : ELISABETH DE POURQUERY / FRANCETV INFO

Il y a quatre ans, la marque Air Jordan s’associait avec Just Don, célèbre designer New Yorkais, pour une Air Jordan 1 immaculée. Les gains remportés lors de la vente avaient alors été reversés à une œuvre de bienfaisance. Ils remettent ça aujourd’hui.

En 2015, le duo remet le couvert avec une sortie au détail de la Just Don x Air Jordan 1 “BHM”. A l’occasion du 39 ème anniversaire du Black History Month (BHM) qui célèbre les populations noires ayant vaincu l’esclavage, 39 exemplaires sont disponibles sur la plateforme eBay. La paire est mise en vente au bénéfice d’une association caritative : Ever Higher Found qui aide les enfants de milieux défavorisés à révéler leur potentiel.

Cette sortie est une des plus attendues du mois. En effet, le modèle se présente dans un total look blanc. Le motif BHM orne la chaussure, une doublure noire souligne le contour de la basket et le bout des lacets doré finit de compléter la Just Don x Air Jordan 1. Les enchères se termineront le 29 février à 2h du matin à Paris.

 

Attendu le 11 mars en France, le film Selma réalisé par Ava Duverney est déjà célébré aux États-Unis comme une oeuvre dont la portée sociale résonne encore aujourd’hui dans l’actualité des États-Unis, où les débats sur le racisme institutionnel fait rage.  Dans ce film, on nous donne à suivre le combat de Martin Luther King Jr. qui menait en 1965, une longue campagne pour le droit de vote des Noirs. Une lutte dont le point d’orgue reste la marche qu’il organise de Selma, Massachussets à Montgomery en Alabama, qui sera suivie par la signature d’un décret par le président Johnson qui accéde à leur requête.

Pour le film, le rappeur Common et le chanteur John Legend unissent leur voix, qu’ils ont usées déjà depuis plusieurs années en faveur de l’émergence de la conscience sociale de leurs auditeurs. Avec Glory, ils réussissent leur pari. Le titre par la force des circonstances  devient un hymne de la lutte actuellement menée par les habitants de Ferguson, et plus largement par les Afro-américains. Dans toutes les cérémonies qui ont précédé les Oscars, ils ont raflé tous les prix, jusqu’à la consécration d’hier pour « Musique originale ». A quelques jours de la fin du Black History Month, c’était aussi l’occasion pour le duo de reformuler leur message dans un discours qui a ému toute l’assemblée.

 

 

« This bridge was once the landmark of a divided country, but now it’s a symbol for change. The spirit of this bridge transcends race, gender, religion, sexual orientation and social status. The spirit of this bridge connects the kids from the south side of Chicago, dreaming of a better life. to those in France standing for their freedom of expression, to the people in Hong Kong protesting for democracy. This bridge was built on hope »
« Le pont était autre fois le symbole d’un pays divisé, mais aujourd’hui, il est le symbole du changement. L’esprit de ce pont, transcende la race, le genre, l’orientation sexuelle et le statut social. L’esprit de ce pont connecte les enfant d’un sud de Chicago qui rêve d’une vie meilleur, pour ceux en France qui se battent pour la liberté d’expression, pour ceux à Hong Kong qui manifestent pour la démocratie. Ce pont à été battis sur l’espoir. » – Common

« We say that Selma is now, because the struggle in justice, is right now; We live in the most incarcerated country in the world. There are more black men in correctional control today than there was in slavery in 1850. People are marching with our song, we want to tell you we are with you, we see you, we love you, and march on. God bless you. »
 » Nous disons que Selma, c’est aujourd’hui, parce que la lutte pour la justice se tient aujourd’hui. Nous vivons dans le pays au plus fort taux d’incarcération. Il y a aujourd’hui plus d’hommes Noirs sous le contrôle carcéral qu’il n’y en avait pendant l’esclavage en 1850. A tout ceux qui marchent aujourd’hui sur notre chanson, je veux dire que nous sommes avec vous, nous vous voyons, nous vous aimons, et poursuivez la marche. Que Dieu vous bénisse. » – John Legend

 

 

1997. La Fnac des Ternes organise le concert conjoint des X-Men, Lunatic et, si ma mémoire ne me fait pas défaut, Busta Flex. Trois entités qui peuvent réunir Karl Kani et Lacoste dans la même pièce, autrement dit tous les jeunes un peu canailles de l’époque. La Fnac, dont l’impulsion évènementielle est évidemment à saluer, se goure vener sur les prévisions d’affluence. Ils s’attendaient à une assemblée de 300 adolescents poupons, il y eut plus de deux mille orques du Mordor. Ma métaphore force un peu le grand écart, certes ; preuve en est j’étais là avec ma gueule de puceau bien élevé… mais autant vous dire que toutes les équipes du championnat étaient de sortie. C’était un évènement. L’avènement d’une génération divine de rappeurs. Ce concert se promettait d’être une messe païenne où l’on célébrerait la poésie vitriolée des cages d’escaliers. Il n’aura pas lieu… Que s’est-il passé? Pourquoi autant d’engouement? Mais ou et donc or ni car?

 

1997 donc… Le rap français affiche une arborescence inédite de talents purs : Time Bomb, La Cliqua, Scred Connexion, Fonky Family, Ménage À 3, Ärsenik, Beat 2 Boul, Ideal J… Même en 2015 la liste donne des frissons à mes vieux dorsaux de trentenaire bien tassé. Le collectif Time Bomb en particulier qui compte dans son giron Lunatic, X-Men, Hi-Fi, Oxmo Puccino, Pit Baccardi, Jedi et Diable Rouge. À l’époque pas de You Tube pour mettre en ligne sa vidéo sans budget, pas de mp3 qu’on lâche sur le net comme on lance une crotte de nez ; tout se faisait à la main, avec des vrais morceaux sur des vrais disques qui existaient vraiment.

Il serait fastidieux de revenir sur les apparitions détaillées de l’époque mais un rapide tour de table des intervenants s’impose :

. Lunatic (Booba et Ali) est le groupe racaillo-sublime qui embrase les tympans en cette année 97. Outre les apparitions sur de légendaires mixtapes (Cut Killer, C2Laballe) et autres featurings épiques (Sages Po, La Brigade), le groupe assène deux tracks délétères : « Le Crime Paie » et « Les Vrais Savent » qui font saigner tous les zens de France et de Navarre. Avec son flow abrasif, Booba sert un éblouissant smoothie caniveau/poésie qui nous laisse salis, violés et heureux après chaque écoute. Emile Louis-Ferdinand Céline.

. X-Men (Ill et Cassidy) commence avec J’attaque Du Mike (folles promesses), poursuivent avec J’attaque Du Mix (sublime confirmation), blesse avec Pendez-Les (violence en réunion) et rentre dans l’histoire avec Retour Aux Pyramides (texte sacré). Ill surtout enflamme l’auditoire ; son flow est fait de lumineuses et surréalistes balles rebondissantes dont on entend encore les échos aujourd’hui dans les morceaux de Joke et Prince Wally.

. Busta Flex : Il serait né de la fausse couche entre Redman et Busta Rhymes. Toujours un peu ostracisé pour sa posture américaine, Busta Flex met quand même grave la pression et son premier coup de pompe dans le game date de l’album de Lone avec sa participation tapageuse sur « Je Représente » ou « Les Skyzos ». Son premier maxi « Kick Avec Mes Nike », et « Le Zedou » sur la compil L432, braquent les tempes des plus sceptiques pendant que ses impros dézinguent pas mal de micros ouverts.

Outre les morceaux ce sont les freestyles du collectif Time Bomb sur Générations qui créent un engouement incontrôlé. C’est tout simplement un âge d’or du rap français. Je me revois devant ma chaîne hi-fi, fébrile, les doigts déjà en position pour enregistrer l’émission Original Bombattak où Ill, Cassidy, les Jedi, Booba, Ali, Oxmo, se lançaient à n’en plus finir dans des joutes lyricales. Les 4 temps de la mesure suffoquaient de trésors, gavés comme des oies, et les caisses claires amerlock se faisaient passer à tabac par ces modestes mais géniaux artilleurs de Molière. Ill donne la pleine mesure de son talent et traite les instrus comme un sac de frappe. Dans un texte qu’il pose avec Cassidy et Hi-Fi sur l’instru de Camay de Ghostface, Ill finit son couplet dans une gerbe d’assonances et d’allitérations à rendre ivre un marin agrégé: « Pilier du hip-hop mon trip les flics les cops humiliés/ Je shoote de loin comme au sketba position ailier/ Des milliers de mots si j’tire au but j’te jure qu’il y est/ On m’appelle Ill yo/ 96 j’ai le flow et le style yeah ». Quand ce n’est pas la fin, c’est le début du texte qui danse le ndombolo: « Les frères se masturbent sous la couette/ fouettent sous les sweats shirt/ rêvent de filles aux belles silhouettes, dans des belles îles/ Sous le vol des mouettes, mais c’est plutôt Belleville ».

 

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Pendant que Ill s’amuse comme un petit foufou en entraînant les musiques et les auditeurs dans ses jongles sémantiques, Booba débarque sur les ondes avec un calibre et séquestre les instrus pour s’entraîner aux coups de pression:

. « J’aimerais pas être flic, taffer dans l’trom ou aux PTT/ C’est bidon, c’est naze, comme un drive by en VTT »

. « Sans cash tu finis sous terre sans tes chicots/ Tristesse, pleurs, sermons, bouquets de coquelicots »

. « T’as l’air de dire qu’j’suis pessimiste, comme si j’étais au pénitencier/ Qui t’as dit qu’j’y étais pas qu’est-ce que t’en sais? »

 


 

C’est donc des lyrics à haut voltage plein la tête que 2 500 jeunes hurluberlus s’amoncellent dans la Fnac des Ternes. J’arrive sur les lieux avec ma team de 5 ou 6 types, mains dans les poches et regards froids de circonstance. Dès les premiers instants on sent bien que ça ne va pas se passer comme prévu. Lentement, sournoisement, le nombre des participants infectent le tissu des infrastructures comme autant de mini-tumeurs cancéreuses. Les sourires se font plus carnassiers, les attitudes trahissent une excitation coupable. Les vigiles désertent, les accès aux étages se ferment, les rideaux de fer se baissent, les « honnêtes » clients sont invités à se débiner. 1789 dans le building, le pouvoir change de main…

L’escalator qui mène au premier étage où se trouve l’auditorium du concert déborde de scarlas jusqu’ici plutôt dociles. J’y revois très clairement mon pote Como, fougueux bellevilo-comorien, nous inviter à le rejoindre en mâchonnant un stylo dans sa bouche. On accède finalement à l’étage… une jeunesse cosmopolite et retorse se baladent dans tout l’étage avec des velléités séditieuses. J’aperçois Booba et Ali dans un couloir qui discutent calmement avec quelques fans. Une bagarre éclate mais sans grandes conséquences… à mon souvenir ce sera la seule, un respect des quotas en somme.

Le concert n’aura pas lieu, c’est maintenant évident. Mais il faut bien s’occuper, on a tous peu ou prou la vingtaine, on boit des sodas et on mange des grecs tous les jours, y’a un trop plein d’énergie qu’on doit évacuer. Puisque cette Fnac brillante et bourgeoise offre son corps sans défense immunitaires, autant tout niquer. Les nuisibles que nous sommes commencent à piller les présentoirs où figurent les K7 VHS de Seven et des K7 vierges audios. Pas de quoi se payer une semaine aux Seychelles mais le plaisir de voler est bien là. Et quoi qu’on puisse imaginer l’ambiance générale est plutôt bon enfant. Ça donnerait presque du « après vous cher ami » au moment de saisir un peu de butin. Les caisses étant malheureusement inviolables, l’étage perd de son intérêt et nous redescendons dans la rue en abandonnant la Fnac comme un chat délaisse une souris crevée.

 

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L’avenue Niel qui borde le magasin est foulée par des centaines d’Air Max et de Reebok Classic, j’y observe le ressac d’une belle marée humaine qui donnerait la trique à un fourgon cellulaire. Il y a tout le pantone derme et textile, la collection printemps-été 1997 de Lacoste défile sur un piédestal inattendu. L’assemblée ghetto youth est un peu dans l’expectative, l’artère haussmannienne est comme une jarretelle qui se balance dangereusement à sa portée. Doit-on la caresser? La tirer en récitant « Le Crime Paie »? Evidemment c’est plus cette option qui circule dans les imaginations mais on manque cruellement d’un Robespierre pour guillotiner la décision.

Nous sentant en demi molle, la préfecture de police décide de nous envoyer plein de cars de CRS pour animer un peu la situation. Effectivement je les vois, en haut de l’avenue Mac Mahon, enveloppés dans un air trouble et pollué, noircir le tableau et l’horizon. Nous on est flatté pour ainsi dire, tout ce déballage viril pour des jeunes qui venaient assister à un concert ? Une fois le moment de reconnaissance bu, une sourde inquiétude s’empare des alligators de nos survets et polos. Les cars descendent l’avenue à la vitesse précautionneuse d’un retraité. On se demande ce qu’on va bien pouvoir faire, pas mal ont envie d’en découdre mais ça s’annonce ardu. C’est alors que quelques voitures banalisées déboulent devant la Fnac à fond de 4 avec les pneus qui poussent la note en mode castra. On laisse illico notre courage sur la chaussée tout en courant à toutes enjambées vers la place Pereire. Cette cavalcade est d’ailleurs le souvenir le plus clair dans ma mémoire : quelques centaines de jeunes fripons courant de concert en rigolant ; j’oserais même ajouter que c’était très sain et très pur de voir une génération se faufiler hors de portée des forces de l’ordre. Alain, le philosophe, avait formulé des attentes en ce sens : « On dit que les générations futures seront difficiles à gouverner, je l’espère bien ».

Bon, on se marre en déguerpissant mais il s’agit quand même de ne pas se faire serrer pour une VHS pourrie. Ma connaissance du quartier permet à un petit groupe d’une trentaine de types de rallier le métro Porte de Champerret sans encombre. Initiative salutaire puisque des escadrons de condés attendaient les rebelles à Ternes et Pereire. Beaucoup de compagnons d’armes se sont faits arraisonner pour passer 24h en GAV, dont le brillant illustrateur de ce papier, Lazy Youg.

 


 

Que reste-il de ces échauffourées sans gravité ? Un regret déjà, puisque Lunatic et X-Men sur une même scène c’est pas pour tout de suite, on a plus de chance de voir un spectacle de Dieudonné à Tel Aviv. Un bon souvenir aussi, c’est toujours assez cool et assez rare de pouvoir faire un bukkake entre copains sur un lieu de culte du capitalisme. Et puis cet évènement avorté est un peu l’apogée par défaut d’un collectif unique, Time Bomb, qui ne parvint jamais à transformer l’essai de l’amateurisme au professionnalisme. Les Lunatic et Booba connaitront leurs succès chez 45 Scientific, les X-Men sortiront leur brillant et mal vendu album hors de la maison mère, seul Oxmo resta fidèle le temps du classique Opera Puccino.

Alors je fouille dans mes tiroirs et j’en exhume mes vieilles K7 où figure les rares morceaux qui réunissent tout le crew (« Les Bidons Veulent Le Guidon », « Rentre Dans Mon Dôme », « Time Bomb Explose »), sans omettre la culte, géniale et mal mixée mixtape du généreux « Thibaut le patron » (Opération Coup De Poing) dans laquelle toute la fine équipe du 16 (comme 16 mesures) batifole avec le Larousse et les face B.

Symbole malheureux de cette époque bénie des dieux du rap, Ill traine difficilement ses guêtres dans le 21ème siècle. Il n’a plus sa magie d’antan et les récents morceaux, épars et asthmatiques, n’invitent pas à beaucoup d’optimisme. Reste néanmoins, et pour l’éternité, des performances de rap français inégalables:

« J’compresse plus de disques qu’Elvis Presley n’a d’graisse/
Garçon sans raison j’lâche des flacons d’flocons d’flow sur les faux douze mois 4 saisons/
T’attaques, ah ouais? Ton flow c’est des gouttes d’eau sur mon K-Way »

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                                                                                                                                                                        Illustration: Lazy Youg

La Air Max I emprunte une parure aux allures militaires et camouflage avec ces trois coloris issus du pack Monotone. La dernière réalisation du NikeLab utilise du canvas, la technologie Hyperfuse, ainsi que du Velcro sur la languette, permettant d’ajouter une série de patchs originaux et interchangeables. La sortie du pack est annoncé pour le 26 février prochain.

Entre la présentation de sa collection avec Adidas en pleine Fashion Week new-yorkaise, la promotion des titres extrait de son prochain album, et ses multiples featurings pour Big Sean et Rihanna ; Kanye West accorde du temps au médias, quelque chose de plutôt rare. Ce vendredi 20 février, il fait un retour remarqué dans l’émission radio le Breakfast Club. Une interview délicieuse où il revient sur ses faits d’armes les plus récents, discute de l’image de sa femme Kim et évoque son prochain opus ; le tout sans langue de bois.

 

Yeezy Boost

Dès le début de l’interview, il aborde les difficultés qu’il rencontre lors de la conception de sa collection et spécialement en ce qui concerne les Yeezy Boost. Evoquant ses rencontres avec des designers, il évoque aussi sa relation avec Adidas et son envie de créer des modèles accessible à tous : « Je ne voulais pas qu’elle soit limitée, c’est un choix de la marque. Je voulais juste que les gens ait ce que j’ai fait. » Plus tard, il ajoutera « Mon approche est plus celle de Robin des Bois aujourd’hui. » Une déclaration qu’on doit sûrement comprendre en opposition avec sa collaboration avec Nike, extrêmement onéreuse et élitiste.

S’agissant des critiques faite à l’encontre de son nouveau modèle, il répond :

« Les gens blaguent sur le fait qu’elles ressemblent à des UGG. Mais ce qui est marrant c’est que j’ai vraiment essayé de faire des UGG plus sexy. »

Beck et son intervention aux Grammy

 

 

Concernant son grand retour à la soirée des Grammy et son intervention remarquée à la remise du prix de l’album de l’année alors que Beck est sur scène, Kanye revient sur les traces de son passé. Lorsque les animateurs évoquent les différents reproches qui lui ont été faites, le rappeur admet :

« Je l’ai mérité. J’ai été hypocrite. […] J’ai été dîner avec Taylor Swift et ironiquement, ils jouaient l’album de Beck et je me suis dit « Gars, c’est pas mal. » »

Malgré cela, il persiste :

 » Il aurait du gagner le Grammy du meilleur album rock. Pas l’album de l’année. »

Kim Kardashian

 

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Une autre actualité concerne indirectement l’artiste :  il s’agit des séries photographiques de son épouse Kim Kardashian posant nue pour Paper Magazine ainsi que Love Magazine. Mais Kanye West répond rationnellement à la controverse :

 » Une des choses qui brise la barrière des classes, c’est de respecter l’idée que l’art peut briser ces frontières.  Lorsque Jean-Paul Goude a photographié Grace Jones cela a secoué quelques personnes. La silhouette, le physique de Grace Jones était aussi nouveau et différent que le physique de Kim l’était. Dans notre position, nous n’allons pas accepter la norme physique qu’on nous a enseigné comme la façon d’être la plus correcte. Ma fille aura sûrement les même formes que ma femme. Donc, de cet âge jusqu’au moment où elle sera comme ça, je me battrais pour que ces formes soient associées à la plus haute des classes. Ou au moins égale. »

Et lorsque la journaliste la lance sur les critiques émise par Amber Rose à propos de son épouse, il répond :

 » Si Kim était sortie avec moi la première fois que je lui ai demandé, il n’y aurait pas eu d’Amber Rose. »

Il conclut sur son ex d’une phrase sanglante :

 » Après Amber Rose, j’ai du prendre une trentaine de douches avant de me mettre avec Kim. »

Prochain album

Le Chicagoan qui explique que son prochain projet est conclu à 80%, raconte cet album avec la fougue qui le caractérise quand il parle de sa musique.

 » Des punchlines, des chansons, des expérimentations, de la musique qui vous fait vous sentir bien. Mon dernier album sera juste une protestation contre la musique. Je me disais, je vais prendre mes couilles et rentrer chez moi. Si vous ne voulez pas me laisser jouer ce que je veux jouer, faire des vêtements, ou autre chose. Je vais sortir mes couplets lentement, comme si j’allais faire un lancer franc pendant longtemps. Dans Yeezus, on était sur du sans musique, il y avait juste un peu de musique dans « Bound ». Mais cet album embrasse la musique, la joie et cherche à rendre service au peuple. J’espère qu’ils vont l’aimer et l’apprécier c’est tout. »

Ferguson

Celui qui a toujours été perçu comme un homme engagé après avoir eu la fameuse phrase « Bush s’en fout des Noirs » lors de Katrina revient sur silence lors des événements de Ferguson :

« Mon père m’a envoyé un e-mail et ma dit : « Reste en dehors de ça. » Et mon père est mille fois plus intelligent que moi et mille fois plus social que moi. Il a littérallement vécu dans des foyers de sans-abris. C’est mon seul parent, et je dois l’écouter parfois. Je pense qu’il essaie juste d’être protecteur avec son fils. Je ne peux pas courir pour toutes les balles. Mais je parlerais toujours de ce qu’il se passe . » 

 

 

 

À aujourd’hui 21 ans, Ioan Delice n’a de cesse de créer. Tombé très jeune dans la musique, l’artiste se lance il y a quelques années dans le hip-hop. Cet enfant de Brooklyn, New York, est influencé par le jazz et la soul qui l’entourent. Fort de ses origines franco-haïtienne, c’est donc en français qu’il répond à nos questions et qu’il évoque avec nous ces projets d’avenir.

 

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Est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Ioan Delice, je suis artiste et rappeur de Brooklyn, New York

Quelle place a pris la musique dans ta vie en grandissant ?

Mon père a été DJ pour quelques grandes boîtes à New York, dont Nell’s. Pendant les weekends, il organisait souvent des fêtes à la maison. C’était une passion et ça lui permettait de passer du bon temps avec la famille et ses amis. Du coup, j’ai compris que la musique nous unifiait.

Dans tes influences, on note Jim Lang (qui a fait toute la bande son de Hey Arnold) et Nujabes (au générique de Samurai Champloo). Est-ce qu’on peut dire que les dessins animés ont participé à ton éveil à la musique ?

Oui, j’adore les dessins-animes, manga et BD. Tout ce qui est art m’inspire et en grandissant, ma première rencontre avec l’art visuel c’était ces dessins. J’apprécie la mise en scène et la composition de ce genre et compte un jour faire de la production musicale pour quelques dessins animés et films.

Comment t’es tu finalement lancé dans la musique ?

À 13 ans, moi et mes cousins avons appris Fruity Loops (ndlr, logiciel de création de musique électronique). Du coup, on passait tout notre temps à enregistrer des chansons. C’était en quelque sorte notre console de jeux.

À quoi ressemblait ton tout premier morceaux ?

Très répétitif, un peu monotone et nostalgique. J’apprenais à suivre le rythme d’une chanson, donc ça sonnait plutôt mécanique. Pour affiner mon “flow” j’enregistrais sur des chansons que je connaissais, tout ce qui était funk et rap 90s.

 

Quelles sont tes plus grandes influences et inspirations ?

Michael Jackson, Tupac, The Temptations, J Dilla, Air, Zin, Carimi, Charles Aznavour, Serge Gainsbourg, MC Solaar, surtout sa chanson « Caroline ».

Comment décrirais-tu ta dernière mixtape Square Doughnuts ?

Un « square doughnut » est un beignet différent du beignet circulaire, mais que l’on peut manger pour le petit-déjeuner. L’idée est de fournir une chanson différente avec un sentiment différent pour chaque jour. Un jour tu peux te sentir vexé et le jour suivant tu peux te sentir amoureux. « Square Doughnut, different type of breakfast for different type of day. »

Quelle a été ta démarche créative dans l’élaboration de ce projet ?

Chaque jour je travaillais sur Square Doughnuts. Il n’y avait pas un moment dans ma journée où je ne pensais pas à une chanson ou un beat. Je passais mes matins à écrire, l’après-midi à faire un beat, et le soir à enregistrer. Souvent je sortais pour me rafraîchir les idées. J’ai fais ça pendant des mois, et à la fin j’avais en tout 26 chansons, dont 18 sont sur la mixtape.

Qui (ou quoi) a été ton plus grand soutien tout au long de ton parcours ?

Ma soeur.

Quels sont tes projets ?

Par ordre chronologique : Silent Springs, Square Doughnuts, et ma dernière mixtape Bathwater. Mon prochain projet est 52HERTZ. Suivez-moi sur soundcloud pour #TuneTuesday où je lance une nouvelle chanson chaque mardi.

Et si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu, là tout de suite ?

Impossible à dire, la musique est ancrée en moi.

 

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Directeur artistique de la marque Illest et ancien designer de Nike, Mark Arcenal s’associe à l’un de ses anciens collègue, Ben Slammin, pour mêler voiture et sneakers dans une série d’illustration qui termine sa route sur une série de t-shirt distribué par Fatlace.

On vous présentait JOUR/NÉ dans notre dernier PAPER, la marque lance désormais son e-shop. À la veille de nous présenter leur collection de l’hiver prochain. Léa, Lou et Jerry puisent leurs inspirations dans notre quotidien, faisant aussi un passage dans les sixties et dans nos cours de sport!

Photographe : Mathieu Vilasco
Réalisation : Audrey Michaud Missègue
Modèles : Mary Lou & Adreanina

Photo Assistant : Margaux Gayet
Lieu : Fantome Paris

Site web : http://jour-ne.fr

Kery James, l’un des piliers du rap français, s’attèle actuellement à l’écriture de son autobiographie qui devrait sortir en octobre 2015. Si tout le monde se souvient de son « Hardcore » avec Ideal J, on a tendance à oublier les premiers pas de ce groupe de hip-hop alors qu’il n’était encore qu’enfant. C’est à ce moment là, que ce gamin d’Orly fait la rencontre d’un certain Mehdi Faveris Essadi de Gennevilliers, plus tard connu sous le nom de DJ Mehdi. Retour sur la rencontre qui a changé à jamais l’histoire du rap français 

En 1990, à l’âge de 13 ans, Kery James, Teddy Corona, Jessy Money et Selim du 9.4 forment la plus jeune formation hip-hop en France : Idéal J. Des rêves et des textes plein la tête, cette bande de potes se produit sur scène dès qu’elle le peut. Leur musique est bien loin de la conception des boys-band de l’époque. Le groupe d’amis lance son premier véritable single en 1992 avec « La vie est brutale » et commence à se faire connaître. Ils sont à l’époque repérés par MC Solaar, qui amène un nouveau souffle sur le hip-hop français avec son album Qui sème le vent récolte le tempo, notamment. L’artiste est alors à la recherche d’une première partie.

Ideal-J

 

Alors dans une logique d’évolution, Idéal J recherche un beatmaker pour concevoir l’architecture sonore du groupe et un DJ pour les accompagner sur scène. Manu Key, manager mais surtout le « grand frère » de cette bande, présente alors un certain Mehdi Faveris à Kery James. À l’époque, comme les membres du crew, il a 15 ans et est un véritable passionné de musique. C’est la première connexion qui se fait entre les deux artistes grâce au flair de Manu Key. En effet, Mehdi, à la différence des autres membres d’Idéal J qui sont tous originaires du Val-de-Marne et de l’axe Orly-Choisy-Vitry, habite à Gennevilliers (92). Une autre ville, une autre réalité. DJ Mehdi propose alors au groupe quelques instrumentales de sa composition, et le coup de foudre est immédiat. Peu de temps après, la success story du groupe prend de l’ampleur comme l’explique le beatmaker dans le documentaire Si tu roules avec la Mafia k’1 Fry :

«  J’ai vu Kery pour la première fois chez moi et immédiatement après en mars, le 17 mars 1992, c’est marrant que je m’en souvienne, on a fait la première partie de Ministère A.M.E.R. »

À partir de ce jour, il compose, construit, élabore chaque son d’Idéal J. Et comme le confiait le rappeur d’Orly à la chaîne de radio Equinox :

« Idéal J c’est 50 % de Dj Mehdi. Donc quelque part je me sens héritier. Pour l’anecdote Mehdi était un artiste polyvalent il a même rappé sur un morceau qui est resté inédit. »

 

Effectivement, Mehdi a la capacité de se muer en backer. Il a une petite expérience de rappeur avec Different Teep, groupe des premières bases de la Mafia k’1 Fry. De plus, le DJ après sollicitation de Manu Key écrit un couplet sur le titre « Ne perds pas tes amis ». Définitivement, Kery et Mehdi sont unis par cette force entre beats et rap.

 

 

Malgré la force de leur amitié et leur parcours artistique commun, leur chemin se sépare progressivement au tournant des années 2000. Pendant que l’un, Kery James, embrasse la religion musulmane suite à une conversion extrêmement médiatisée ; l’autre s’affranchit du hip-hop et de la Mafia k’1 Fry (tout particulièrement du 113) pour rejoindre le label électro Ed Banger et faire le tour du monde des clubs avec sa nouvelle famille. C’est finalement dans l’univers musical de Kery que s’inscrit le titre « La mort qui va avec », un dernier hommage poignant à DJ Mehdi décédé le 13 septembre 2011.

« De l’insouciance à la tragédie / Ideal J s’est éteint avec DJ Mehdi »

 

De ses peintures saturées de dessins faussement imparfaits et de mots nerveusement griffonnés, émane une grâce bosselée, chaotique et déroutante. Il était génial et tranchant, un chien fou, un prodige hors-norme. Dans la galerie des légendes fauchées par la dope en pleine gloire, Jean-Michel Basquiat trône en maître, entre Jim Morrison et Janis Joplin. Il laisse derrière sa carrière en étoile filante une empreinte posthume massive, profonde et vivace, dans la culture urbaine.

De rockstar de l’art, Jean-Michel Basquiat s’est naturellement mué en icône pop consacrée post-mortem : par une pléiade de films, d’expositions, d’artistes (Christopher Wool, Richard Prince et Jonathan Meese en tête), de gourous de la mode (Jean-Charles Castelbajac et Agnès B.) et de licences, entre assiettes, bougies et bouteilles de tequila. Mais ses fanatiques les plus mordus traînent du côté du bitume.

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L’héritage Basquiat

Une tripotée d’œuvres de street art porte les stigmates stylistiques de l’artiste. Eduardo Kobra comme Shepard Fairey (Obey) ont bombé son visage sur les murs et les messages militants de Banksy rappellent ceux de Samo, l’alter-ego graffeur de Basquiat.

Une flopée de rappeurs le citent dans leurs tracks, de Jay-Z à Rick Ross en passant par Swizz Beatz, Cyhi The Prynce, Nas, J. Cole, A$AP Rocky, Wiz Khalifa, Kanye West, Nipsey Hu$$le ou encore Juelz Santana. Fan absolu du bonhomme, Jigga ne cesse de se revendiquer de son héritage. Au dernier Halloween, il copiait même son allure au bras de sa Beyoncé-Kahlo. Dans l’ouvrage Combat rap de Thomas Blondeau et Fred Hanak, il confie : « Le morceau « Most Kings » est inspiré d’un tableau de Jean-Michel Basquiat, un peintre que j’adore. J’ai d’ailleurs acheté ce tableau». En 2009, Kanye West, rappeur arty, assimilait le processus créatif de son morceau « Love Lockdown » à celui d’une peinture de l’artiste, sorte de cacophonie sublime. Il y a un mois, Ruffmercy illustrait le titre « Old English » de Young Thug, Freddie Gibbs et A$AP Ferg à travers une série d’images hypnotiques dans la veine de l’artiste. Ses locks, dressées sur sa tête en plusieurs masses, ont vraisemblablement inspiré celles de The Weeknd. La pochette de la première mixtape d’Iggy Azalea, Ignorant Art, détourne le cliché iconique de Warhol et Basquiat en tenues de boxeurs, shooté par Michael Halsband en 1985. Rick Ross s’est fait tatouer le portrait du peintre sur sa cuisse potelée, Swizz Beatz sur l’avant-bras. Tyga (qui rappe « Basquiat I’m cocky » dans le remix de « Versace »), et surtout Swizzy, s’essaient à la peinture dans un style fleurant le graffeur new yorkais à plein nez. À 25 ans, Mr Dean craquait sa tirelire pour s’acheter sa première toile originale, il en possède aujourd’hui six.

http://instagram.com/p/bFe9KgyDAm/

La mode urbaine n’est pas en reste. En 2009, la marque frenchie Hype Means Nothing floque le portrait de Jean-Michel sur ses t-shirts. Supreme livre à l’hiver 2013 une collection-capsule de t-shirts, sweats, chemises et vestes frappés d’éléments propres à l’iconographie de l’artiste. Au même moment, la griffe hong-kongaise Clot lui rend également un hommage zélé à travers une ligne exclusive. Kenzo et New Era dessinent au printemps 2014 un modèle de casquette baptisé « New Wave », follement Basquiat de la visière au bouton central. En 2006, Reebok conclut un accord de licence avec les ayants droits des œuvres de l’artiste pour développer une collection spéciale de sneakers, les Reeboppers. Puis entre 2009 et 2013, la marque de sportswear relooke régulièrement ses modèles iconiques à la sauce Basquiat. Lorsqu’il débarque à la tête de la direction artistique en 2011, Swizz Beatz se présente comme le curateur du projet Reebok presents the Art of Basquiat et l’étendra aux vêtements.

Malgré son passage-éclair sur Terre, Jean-Michel Basquiat s’ancre aujourd’hui plus que jamais dans l’éternel. Pourquoi se pose-t-il en artiste-totem pour la communauté urbaine ?

Self-made man

Passé de graffeur SDF à megastar de l’art contemporain en quelques poussières d’années en total autodidactisme, Basquiat fascine. Les rappeurs, en self-made-men accomplis, se voient en lui, assument et exagèrent la comparaison, entre un Rick Ross posant « Basquiat when I paint » (« John ») et un Jay-Z proclamant « I’m the new Jean-Michel » (« Picasso baby »).

En 1978, Jean-Michel Basquiat, né dix-huit ans plus tôt à Brooklyn d’un père haïtien et d’une mère portoricaine, jetait son cartable et quittait le domicile familial pour Downtown New York. Un endroit où abondait chaque soir une ribambelle d’artistes attirés par l’aura sombre et mystérieuse du quartier. Fauché, il squattait d’appart en appart, bouffait des chips à quinze centimes, ramassait des pièces tombées des poches dans les clubs. Pour continuer à mener sa vie de bohème, il vendait t-shirts et cartes postales. Il arriva même à refourguer deux ou trois de ses dessins sur carton à Andy Warhol, qu’il aborda avec culot dans un restaurant.
Alors que Jean-Michel peignait sur des portes ou des fenêtres trouvées dans la rue et gribouillait des centaines de feuilles, il caressa de son pinceau sa première toile au cours du tournage de Downtown 81, un film indépendant dépeignant l’avant-gardisme artistique de Lower Manhattan, dans lequel il joue son propre rôle.

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En 1980, il participa au Times Square Show, exposition collective célébrant l’art radical. L’année suivante, Diego Cortez lui réserva un pan de mur entier dans le cadre de la manifestation New York / New Wave au P.S.1 (Contemporary Art Center). Dans la foulée, Annina Nosei lui prêta le sous-sol de sa galerie en guise d’atelier. Lorsqu’elle lui consacra sa première exposition solo en 1982, ses œuvres s’arrachèrent toutes en l’espace d’une soirée. Jean-Michel Basquiat empochera 200 000$. En 1983, le prix moyen d’un tableau bondira de 5 000$ à 30 000$. Désormais ultra-bankable, il palpera les millions, deviendra une superstar de l’art, une icône du cool, fréquentera le gratin mondain, sortira avec Madonna et défilera pour Comme des Garçons. Les prémisses sont légendaires, la suite est historique. Sa biographie, se lisant comme une fable urbaine, tend un miroir aux moguls du rap qui, comme lui, ont gonflé leurs poches, autrefois vides de billets, à la seule faveur de leur talent.

Pionnier du hip-hop

Jean-Michel Basquiat compte parmi les bâtisseurs de la culture street  « ayant compris et rendu compte de l’énergie qui à la fin des années 70 existait dans les rues de New York », explique Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art Moderne de Paris qui avait abrité en 2010 une rétrospective de l’artiste.

Enfant précoce et rebelle, Basquiat graffita dès la fin des années 70 les murs crasseux de Soho avec son pote d’école Al Diaz. Des aphorismes poétiques, libertaires et subversifs signés « Samo », pour « SAMe Old shit ». Ses graffitis intriguaient, piquaient, captivaient. Il s’assuma en tant que Samo à visage découvert, coiffé à l’iroquoise, un soir d’avril 1979 lors de la Canal Zone party organisée aux abords de Canal Street. Là-bas, il rencontra son acolyte Fred Brathwaite aka Fab Five Freddy, grand activiste de la culture hip-hop. La planète rap, dans sa grande majorité, ne découvrira Jean-Michel Basquiat qu’en 2010 grâce à l’excellent documentaire de Tamra Davis The Radiant Child, auquel Fab Five Freddy apporte son témoignage : « C’est là que les gens de la communauté hip-hop ont découvert que nous étions liés », raconte Mr Brathwaite au New York Times en 2010.
Graffeur, Basquiat s’improvisait aussi DJ à ses heures (pour rappel, bien avant l’émergence de la French touch, le deejaying, moteur du mouvement hip-hop, battait sa pleine mesure dans les seventies). En 1981, il jouait des platines dans le clip de « Rapture » de Blondie où la chanteuse expérimente le rap. En 1983, il produisait et croquait la pochette du single hip-hop « Beat Bop » de Rammellzee et K-Rob, sous la houlette de Fab Five Freddy. Dans une interview à Cocaine Blunts en 2008, Rammellzee raconte : « [Jean-Michel] voulait rapper ses propres vers … Quand K-Rob et moi les avons lus, on a éclaté de rire, écrasé le papier sur lequel il avait écrit et le lui avons jeté à la figure ».

Basquiat a barbouillé et tapissé les murs aseptisés des musées de morceaux de macadam et forcé l’intérêt des lascars à l’art. Commentaire social, son art débine le racisme, le néo-colonialisme et le consumérisme. Il se rangeait du côté des opprimés et insufflait dans son travail les mêmes bouffées de fièvre rageuse et contestataire que celles du hip-hop. « Son oeuvre garde une très grande authenticité parce qu’elle est motivée et traversée par un sentiment de révolte contre un confort à l’américaine qui lui semblait faux », renchérit Fabrice Hergott. La marque de skate arty bruxelloise The Skateroom, qui a reproduit début janvier quelques unes des oeuvres les plus emblématiques de Basquiat sur des skateboards en bois, nous rappelle à son tour que le « style contestataire et égalitaire » du peintre colle avec les « codes que partagent le skate, le graff et toutes les autres sous-cultures urbaines ».

Dans les pages de « Decoded », son autobiographie, Jay-Z, va plus loin : « [Basquiat] était hip-hop quand le hip-hop était encore au berceau. […] Sa technique était hip-hop au sens où elle combinait différentes traditions pour créer quelque chose de nouveau. Il a mélangé des éléments du street art avec ceux de grands maîtres européens. Il a associé peinture et écriture. Il a mêlé des icônes chrétiennes, Santería et vaudous. Il a pris des boxeurs et des musiciens de jazz et en a fait des rois avec des couronnes en or ». Comme la musique rap, qui entremêle funk, reggae, soul et jazz, ou le break dance, qui brasse danses tribales africaines, arts martiaux et mouvements gymniques, Basquiat s’est créé sa propre esthétique, novatrice, impulsive et métissée, au carrefour d’inspirations culturelles multiples.

« The nigga don’t paint the same »

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Les Afro-Américains portent Jean-Michel Basquiat en héros, modèle aspirationnel de réussite ayant su s’imposer en tant que noir dans le milieu ultra-sélect et monochrome (blanc) de l’art. Mais Basquiat, comme le hip-hop à ses débuts, s’échinait à décrocher une légitimité qu’on lui refusait. Défricheur du néo-expressionnisme, il dessinait sous des traits naïfs et fébriles sa vie à la fois bouillonnante et torturée. Son esthétique brute, primitive, mordante, urbaine et anarchique, qui ne ressemblait à rien d’autre et se voulait un contre-pied à l’académisme minimaliste alors en vogue, détonnait et rebutait les élites artistiques. Trop underground, trop exotique, trop explosif. Le MOMA, le Whitney Museum ou le prestigieux galeriste Leo Castelli lui claquèrent la porte au nez. La presse étouffait à peine ses relents racistes. Dans le documentaire The Radiant Child, Basquiat confie : « Ils me voient comme un jeune sauvage, un homme-singe, des conneries dans le genre ». Chéri et rejeté dans un même souffle, il cherchait sa place dans un monde blanc et bien-pensant dont il maîtrisait difficilement les codes. Il en affirma d’autant plus sa négritude, figeant sur toile ses héros afros, esclaves, sportifs ou musiciens. À partir de 1984, il réalisa des toiles à quatre mains avec son ami et mentor Andy Warhol. Les deux étaient inséparables depuis deux ans. En s’associant avec le maître du pop art, Basquiat pensait gagner la reconnaissance qu’il espérait tant. Mais en vain. Les critiques giclèrent et giflèrent, rien ne se vendit.

Basquiat Warhol

L’artiste et ses âpretés, son destin de traviole, sa vie cabossée, faisait tâche d’huile. Comme les rappeurs, son art sent le soufre. Tourmenté, dévoré par le star-system, perdu entre le gamin agité et l’artiste appliqué, il peignait défoncé à l’héroïne pour forcer sa concentration et toucher du bout du doigt le bonheur, aussi artificiel soit-il. Lorsqu’en 1987, Warhol mourra suite à une opération de la vésicule, Basquiat, inconsolable, se piquera encore davantage à la blanche. Le 12 août 1988, il ferma pour de bon les paupières à l’âge de 27 ans. Overdose de speedball. Sa carrière, aussi magnifique qu’éphémère, aura duré moins de dix ans. Une fulgurance tuée dans l’œuf. L’histoire retiendra qu’avant de sombrer dans un dernier sommeil, il s’apprêtait à se rendre au concert de Run DMC. Hip-hop jusqu’au bout.

Surfant sur l’inlassable vague du succès de Breaking Bad, l’artiste Ralph Steadman sélectionne les oeuvres représentant les personnages aux parcours tortueux de la série culte. Une sélection qu’il rejoint avec quelques portraits et des figurines qui seront jointe au coffret Blu-Ray de l’intégral de la série.

Le morceau est arrivé dans les oreilles des auditeurs sans crier gare alors qu’une grande partie d’entre eux se remémoraient encore les différentes performances des Grammys de la veille. Ce même soir où Kendrick Lamar, grand perdant de l’édition précédente, reçoit le prix de la « Meilleure chanson rap » de 2015 pour « i ». Compensation pour certains (le rappeur était en lice pour le meilleur album rap de l’année dernière), attribution méritée pour d’autres, l’essentiel est que cette récompense n’est pas volée. Loin de là…Dans un contexte où cette cérémonie n’aura jamais autant été décriée, le titre « The Blacker The Berry » tombe dans un timing parfait.

 

Une année auparavant. Nous sommes le 26 janvier 2014, l’artiste Macklemore (et son comparse Ryan Lewis) raffle 4 récompenses, dont celle de la « Meilleure chanson rap » avec le titre « Thrift Shop » et surtout du « Meilleur album rap » avec « The Heist » (ironiquement « The Heist » signifie « Le Vol » en anglais). Le rappeur est blanc, alors il ne faudra pas attendre longtemps pour que les Internets se déchainent sur l’homme originaire de Seattle. Sur fond d’arguments raciaux et économiques, la twittosphère se déchire et beaucoup l’ont mauvaise. D’autant plus qu’un an plus tard (le 8 février 2015 pour être précis) les dents grincent de nouveau car Iggy Azaela, artiste rap originaire d’Australie, est nominée dans 4 catégories dont celle de la « Chanson de l’année » et surtout celle du « Meilleur Album Rap » pour The New Classic (qui n’a de classique que le nom).Heureusement, la rappeuse repartira bredouille. Comme quoi…

Alors « The Blacker The Berry » est-il un ultime pied de nez de K.Dot, avant d’oublier à jamais l’affront qu’il aura subit un an auparavant, le titre étant dévoilé au lendemain des Grammys ? Ne faut-il y voir qu’un simple concours de circonstances car nous sommes au mois de février plus communément connu outre Atlantique comme le « Black History Month » ? Quand le jeune homme décide de nous pondre un son dont le titre est « The Blacker The Berry », notre curiosité l’emporte. L’introduction sonne comme une incantation qui nous plonge directement dans l’atmosphère oppressante du morceau :

Everything black, I don’t want black
I want everything black, I ain’t need black
Some white some black, I ain’t mean black
I want everything black

Tout est noir mais je ne veux pas de noir
Je veux tout en noir mais je n’ai pas besoin de noir
Un peu de blanc et un peu de noir, je ne parle pas de noir
Je veux que tout soit noir

Ici Kendrick fait part de cette dualité qui définit tout être, souhaitant les avantages de cette vie sans être prêt à assumer les aspects négatifs qui vont avec. Comme un dialogue interne, l’homme est tiraillé par ce qui le caractérise mais aussi ce qui ne le définit pas :

Six in the mornin’, fire in the street
Burn, baby, burn, that’s all I wanna see
And sometimes I get off watchin’ you die in vain
It’s such a shame they may call me crazy
They may say I suffer from schizophrenia or somethin’
But homie you made me
Black don’t crack my nigga

Six heures du mat’, c’est le feu dans la rue
Brûle, bébé, brûle, c’est tout ce qu’on veut voir
Et parfois je sors pour te voir mourir en vain
C’est tellement honteux qu’ils puissent dire que je suis fou
Ils doivent dire que je souffre de schizophrénie ou quoi
Mais mec, tu m’as créé
Le noir ne casse pas mon négro

Le rappeur personnifie la rue, il la féminise même avec le terme « baby », évoquant le fait que l’homme noir aime voir ses rues s’embraser. En effet l’expression « burn baby burn » était le slogan repris par tous les manifestants descendus dans la rue lors des émeutes raciales du quartier de Watts à Los Angeles en 1965. Quant au « they » et au « you », ils marquent une opposition (accentuée par le « mais ») et réfèrent aux institutions américaines et plus largement à ceux qui rendent fou les Noirs-américains. À noter que le terme « schizophrénie » provient du grec et signifie « fractionnement de l’esprit », une mention qui reprend en écho le slogan « Black don’t crack » / « Le noir ne casse pas ».

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Nous avons ici les deux grandes lignes directrices du texte de Kendrick Lamar. Construit méthodiquement, « The Blacker The Berry » fonctionne de la manière suivante : d’un côté, l’homme noir est confronté à tous ses démons aussi bien internes qu’externes ; de l’autre, sa confrontation avec cette Amérique raciste, qui persécute un peuple et tente de le ramener à sa condition d’esclave sans se l’avouer. D’où la répétition de la question rhétorique tout au long du morceau : « You hate me don’t you ? » / « Tu me détestes n’est-ce pas ? »

I’m the biggest hypocrite of 2015
Once I finish this, witnesses wil convey just what I mean
Been feeling this way since I was 16, came to my senses
You never liked us anyway, fuck your friendship, I mean it
I’m African-American, I’m African
I’m black as the moon, heritage of a small village
Pardon my residence
Came from the bottom of mankind
My hair is nappy, my dick is big, my nose is round and wide
You hate me don’t you ?
You hate my people, your plan is to terminate my culture
You’re fuckin’ evil I want you to recognize that I’m a proud monkey
You vandalize my perception but can’t take style from me
And this is more than confession
I mean I might press the button just so you know my discretion
I’m guardin’ my feelins, I know that you feel it
You sabotage my community, makin’ a killin’
You made me a killer, emancipation of a real nigga

Je suis le plus grand hypocrite de 2015
Une fois que j’aurai fini ça, les témoins seront d’accord sur ce que je dis
Je ressens ça depuis que j’ai 16 ans, je suis revenu à la raison
Vous ne nous avez jamais apprécié de toutes manières, nique votre amitié, je le pense
Je suis Africain-Américain, je suis Africain
Je suis aussi Noir que la lune, l’héritage d’un petit village
Veuillez me pardonner là où je vis
Mes racines remontent à l’origine de l’espèce humaine
Mes cheveux sont crépus, j’ai une grosse bite, mon nez est rond et épaté
Vous me détestez n’est-ce pas ?
Vous n’aimez pas mes semblables, votre dessein est d’annihiler ma culture
Vous êtes le putain de diable, je veux que vous me reconnaissiez le droit d’être un singe fier
Vous vandalisez ma perception mais vous ne pourrez pas m’enlever ce style
Et c’est plus qu’une confession
Comprenez, je pourrais appuyer sur le bouton juste pour que vous réalisiez que j’ai une liberté d’agir
Je contrôle mes émotions, je sais que vous le sentez
Vous sabotez ma communauté, orchestrez des meurtres
Vous avez fait de moi un tueur, l’émancipation d’un vrai nègre

Dans ce couplet, le rappeur n’y va pas de main morte et plus qu’un simple défouloir, il s’agit avant tout d’un cri du cœur. Kendrick met en avant ses racines, ses origines… Puis prend conscience qu’il n’est ni aimé ni souhaité dans cette Amérique qui ne le reconnaît qu’au travers de clichés « Mes cheveux sont crépus, j’ai une grosse bite, mon nez est rond et épaté », au risque de faire de lui une bombe humaine : « Je pourrai appuyer sur le bouton ». Kendrick conclue ce couplet sur « nigga », terme si souvent décrié ces dernières années, il se réapproprie le mot en le justifiant à travers son texte. La tête d’affiche de T.D.E fait de lui plus qu’un simple « nigga », il est un « real nigga ».

The blacker the berry, the sweeter the juice
Plus la baie est noire, plus le jus est doux

Cette expression pourrait être remplacée par le fameux « Black is beautiful », une phrase répétée qui renforce son sens. Le point d’orgue se situant lors de la quatrième répétition portée par une alternative, permettant au passage d’insérer un énième cliché:

The blacker the berry, the bigger I shoot
Plus la baie est noire, plus je tire

Le refrain est l’œuvre d’Assassin (pas le groupe de rap français), raggaman jamaïcain. Reprenant le fil du morceau là où Kendrick le laisse, l’homme joue sur son terrain :

I say they treat me like a slave, cah’ me black
Woi, we feel a whole heap of pain, cah’ we black
And man a say they put me in a chain, cah’ we black
Imagine now, big gold chain full of rocks
How you no see the whip, left scars pon’ me back
But now we have a big whip, parked pon’ the block
All them say we doomed from the start, cah’ we black
Remember this, every race start from the block

Je dis qu’ils me traitent comme un esclave, car je suis Noir
On sent tout un tas de peine, car nous sommes Noirs
Et mec, j’ai dit qu’ils m’ont enchaîné, car nous sommes Noirs
Imagine maintenant, des grosses chaînes en or pleine de diamants
Comment ne pouvez-vous pas voir le fouet qui m’a laissé des cicatrices dans le dos
Mais maintenant on a des grosses voitures garées dans le quartier
Tout ce qu’ils disent c’est que nous étions maudits dès le départ, car nous sommes Noirs
Rappelez vous de ça, chaque course part des starting blocks

Nous retrouvons ici le même « ils » qui ne fait référence à personne précisément mais qui englobe tout une communauté, tout un État. Il poursuit la mention à l’esclavage pour appuyer ses propos, Asssassin met en perspective la condition des hommes de cette période avec celle d’aujourd’hui.

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Un passage suivi du second couplet de Kendrick, repartant sur les mêmes bases que le premier. Cette confrontation prend des allures de règlement de compte :

I’m the biggest hypocrite of 2015
Once I finish this, witnesses will convey just what I mean
I mean, it’s evident that I’m irrelevant to society
That’s what you’re telling me, penitentiary would only hire me
Curse me till I’m dead
Church me with your fake prophesizing that I’mma be just another slave in my head
Institutionalize manipulation and lies
Reciprocation of freedom only live in your eyes
You hate me don’t you?
I know you hate me just as much as you hate yourself
Jealous of my wisdom and cards I dealt
Watchin’ me as I pull up, fill up my tank, then peel out
Muscle cars like pull ups, show you what these big wheels ’bout, ah
Black and successful, this black man meant to be special
CAT scans on my radar bitch, how can I help you?
How can I tell you I’m making a killin’?
You made me a killer, emancipation of a real nigga

Je suis le plus grand hypocrite de 2015
Quand j’aurai fini, les témoins seront d’accord sur ce que je dis
Comprenez, c’est évident que je suis sans importance pour la société
C’est ce que vous dites, seules les prisons nous embaucheraient
Insultez-moi jusqu’à ma mort
Éduquez-moi à travers votre Bible sur votre fausse prophétie selon laquelle je serai un autre esclave dans ma tête
Vous institutionnalisez manipulations et mensonges
La même liberté n’existe que dans vos yeux
Vous me haïssez n’est-ce pas ?
Je sais que vous me détestiez autant que vous vous haïssez vous mêmes
Jaloux de ma sagesse et des cartes que j’ai distribué
Vous me regardez tandis que je me gare, que je remplis mon réservoir et démarre en trombe
Des voitures tellement grosses qu’on dirait qu’elles font des tractions, on vous explique le concept des grosses roues
Noir et plein de réussite, cet homme noir était destiné à être spécial
Ils veulent me faire un scanner du cerveau mais je vois ces putes, comment puis-je vous aider ?
Comment vous dire que je déchire tout ?
Vous avez fait de moi un tueur, l’émancipation d’un vrai négro

Petite référence du rappeur à l’Histoire :

Church me with your fake prophesizing that I’mma be just another slave in my head
Éduquez-moi à travers votre Bible sur votre fausse prophétie selon laquelle je serai un autre esclave dans ma tête

En effet les propriétaires confédérés d’esclaves justifiaient leur subordination par le biais du Nouveau Testament et L’Épître de Saint Paul aux Éphésiens 6:5 :

Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair avec respect et crainte et dans la simplicité de votre cœur, comme au Christ, ne faisant pas seulement le service sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais en serviteurs du Christ, qui font de bon cœur la volonté de Dieu.
Servez-les avec affection, comme servant le Seigneur, et non des hommes, assurés que chacun, soit esclave, soit libre, sera récompensé par le Seigneur de ce qu’il aura fait de bien.

kendrick-gang-blacker-the-berry

Puis l’ultime couplet :

I’m the biggest hypocrite of 2015
When I finish this if you listenin’ sure you will agree
This plot is bigger than me, it’s generational hatred
It’s genocism, it’s grimy, little justification
I’m African-American, I’m African
I’m black as the heart of a fuckin’ Aryan
I’m black as the name of Tyrone and Darius
Excuse my French but fuck you — no, fuck y’all
That’s as blunt as it gets, I know you hate me, don’t you?
You hate my people, I can tell cause it’s threats when I see you
I can tell cause your ways deceitful
Know I can tell because you’re in love with that Desert Eagle
Thinkin’ maliciously, he get a chain then you gone bleed him
It’s funny how Zulu and Xhosa might go to war
Two tribal armies that want to build and destroy
Remind me of these Compton Crip gangs that live next door
Beefin’ with Piru’s, only death settle the score
So don’t matter how much I say I like to preach with the Panthers
Or tell Georgia State « Marcus Garvey got all the answers »
Or try to celebrate February like it’s my B-Day
Or eat watermelon, chicken, and Kool-Aid on weekdays
Or jump high enough to get Michael Jordan endorsements
Or watch BET cause urban support is important
So why did I weep when Trayvon Martin was in the street?
When gang banging make me kill a nigga blacker than me?
Hypocrite!

Je suis le plus grand hypocrite de 2015
Quand j’aurai fini avec ça, si vous écoutez je suis sûr que vous serez d’accord
Cette conspiration est plus grande que moi, c’est une haine générationnelle
C’est un génocide, c’est salace, petite justification
Je suis Africain-Américain, je suis Africain
Je suis aussi noir que le cœur d’un Aryen
Je suis aussi noir que les prénoms Tyrone et Darius (noms à consonance afro-américaine)
Pardonne mon langage mais vas te faire foutre, non va t’faire enculer (la figure de style de l’apocope renvoie souvent à quelque chose de négatif or Baudelaire ou Céline l’utilisaient aussi)
La vérité brute, je sais que vous nous haïssez n’est-ce pas ?
Vous détestez mon peuple, ça se voit car plein de menaces quand je vous vois
Ça se voit parce que vos méthodes sont trompeuses
Sachez que ça se voit car vous êtes amoureux du Desert Eagle
Pensant malicieusement « il a une chaîne donc je dois le saigner »
C’est drôle la façon dont les Zoulous et les Xhosas se font la guerre
Deux armées tribales qui veulent construire et détruire
Me rappelant ces gangs Crip de Compton qui vivent juste à côté
Et s’embrouillent avec les Pirus, seul la mort remet les compteurs à zéro
Alors peu importe le nombre de fois où je dis que j’aime prêcher avec les Black Panthers
Ou dire à l’État de Géorgie (État sudiste américain réputé pour son racisme, c’est l’un des berceaux de l’esclavage américain) : « Marcus Garvey (grand activiste jamaïcain du Panafricanisme) détenait toutes les réponses »
Ou d’essayer de célébrer le mois de février (Black History Month) comme si c’était mon anniversaire
Ou de manger des pastèques, du poulet et boire du Kool Aid durant la semaine (mets stéréotypement attribués et plébiscités par la Communauté noire Américaine)
Ou sauter assez haut pour avoir des sponsors comme Michael Jordan
Ou regarder BET (acronyme de la chaîne de télé Black Entertainment Television) parce que c’est important le soutien de la rue
Alors pourquoi ai-je pleuré quand Trayvon Martin (jeune noir tué à l’arme à feu par un homme blanc en Floride en 2014) s’est fait tué dans la rue ?
Quand les histoires de gang me font tuer un nègre plus noir que moi ?
Hypocrite !

Etat de la Géorgie

 

La construction de cet ultime couplet ne déroge pas à la règle, on retrouve donc un Kendrick qui se définit en tant qu’individu suivi d’accusations envers la machine oppressive américaine puis les idées reçues :

Or jump high enough to get Michael Jordan endorsements
Or watch BET cause urban support is important

Ou sauter assez haut pour avoir des sponsors comme Michael Jordan
Ou regarder BET parce que c’est important le soutien de la rue

Une phase assez similaire que celle de Notorious BIG dans « Things Done Changed » (1994) même si les contextes diffèrent :

Because the streets is a short stop
Either you’re slingin’ crack rock or you got a wicked jumpshot

Parce que la rue peut te la mettre à l’envers
C’est soit tu vends du crack ou soit t’as un putain de tir en suspension

Élément repris plus tard par Booba dans le titre « Indépendants » sorti en 2002 sur l’album Temps Mort :

Pour eux, si t’es black, d’une cité ou d’une baraque
T’iras pas loin, c’est vends du crack ou tir à 3 points

Finalement le twist interviendra à la moitié du couplet et nous comprenons enfin ses ouvertures «I’m the biggest hypocrite of 2015 ». Après avoir déversé sa haine envers « l’ennemi », le rappeur se retourne contre les siens :

Know I can tell because you’re in love with that Desert Eagle
Sachez que ça se voit car vous êtes amoureux du Desert Eagle

L’artiste parle de la propension qu’ont les Noirs-Américains à utiliser les armes à feu (le Desert Eagle est un pistolet semi-automatique américain)

Thinkin’ maliciously, he get a chain then you gone bleed him
Pensant malicieusement « il a une chaine donc je dois le saigner »

L’artiste les pointe à nouveau du doigt car ils se dépouillent entre eux en allant jusqu’au meurtre pour parvenir à leurs fins. Le rappeur 50 Cent avait d’ailleurs réussi à se faire connaitre du grand public grâce à son titre « How To Rob » :

The bottom line is I’m a crook with a deal
If my record don’t sell I’mma rob and steal
You better recognize, nigga, I’m straight from the streets
These industry niggas is starting to look like something to eat

Au final je suis un escroc avec un contrat d’artiste
Si mon album ne se vend pas, je vais piller et voler
T’as intérêt à le reconnaître, négro, je viens tout droit de la rue
Ces renois de l’industrie musicale commencent à ressembler à de la bouffe

50 Cent - how to rob

Kendrick enchaîne :

It’s funny how Zulu and Xhosa might go to war
Two tribal armies that want to build and destroy

C’est drôle la façon dont les Zoulous et Xhosas se font la guerre
Deux armées tribales qui veulent construire et détruire

Le mal dont souffre la communauté noire-américaine est sociologiquement plus ancré qu’il n’y paraît et le rappeur y trouve même un parallèle avec la guerre fratricide opposant les ethnies sud-africaines que sont les Zoulous et les Xhosas.

kendrick-zulu-xhosas-the-blacker-the-berry

Remind me of these Compton Crip gangs that live next door
Beefin’ with Piru’s, only death settle the score

Me rappelant ces gangs Crip de Compton qui vivent à juste à côté
Et s’embrouillent avec les Pirus, seul la mort remet les compteurs à zéro

Encore une analogie faite par Kendrick, cette fois-ci l’exemple se situe sous son nez à Los Angeles. Les Crips (représentés par la couleur bleue) dont les célèbres rivaux sont les Bloods (arborant la couleur rouge) se livrent une guerre dans les rues de la ville.

crips-Bloods

Comprenant qu’un travail de fond devra s’opérer au sein de sa communauté souffrant d’un mal plus profond et viscéral qu’il n’y paraît ; avant qu’un changement extérieur ne se dessine, K.Dot met les Noirs-Américains face à leurs propres démons et responsabilités. Un Kendrick Lamar critique avec lui même (ici l’artiste incarne la communauté noire), hypocrite dans sa critique de l’oppresseur avec une diatribe justifiée et pleine de sens ; car parallèlement des Noirs s’entretuent et véhiculent des valeurs néfastes. « The Blacker The Berry » suit la lignée de titres forts et revendicateurs tels que « Fight The Power » de Public Enemy (1989), ou d’un « Changes » de Tupac (enregistré en 1992 mais sorti en 1998).

Aucun autre artiste de sa génération et de son calibre n’aurait eu autant de légitimité pour nous offrir un titre avec tant de passion. Ceux qui pensent que le rappeur s’est vu développer une conscience activiste opportuniste, rappelez-vous que Kendrick Lamar n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2011 sortait la galette Section.80, parmi les très bons morceaux que composent l’album figure le titre « HiiiPoWer ». Pépite qui, déjà à l’époque posait les bases d’une réflexion destinée à de grandes choses. Et qu’importe si « i » le premier extrait de son prochain opus n’a pas été accueilli comme il se devait, peut-être trop en avance ; on commence à comprendre où le bougre veut en venir :

We got a young brother that stands for something ! We got a young brother that believes in the all of us ! Brother Kendrick Lamar ! He’s not a rapper, he’s a writer, he’s an author ! And if you read between the lines, we’ll learn how to love one another ! But you can’t do that – right on ! – I said, you can’t do that without love yourself first.

Nous avons un jeune frère qui s’érige pour quelque chose ! Nous avons un jeune frère qui croit en nous tous ! Frère Kendrick Lamar ! Ce n’est pas un rappeur, il est écrivain, c’est un auteur ! Et si vous lisez entre les lignes alors nous apprendrons comment nous aimer les uns les autres ! Mais vous ne pouvez pas y arriver – Clairement ! – J’ai dit, vous ne pourrez pas y arriver sans vous aimer d’abord.

Et à ceux qui n’ont pas encore saisi la portée de ce morceau : faites place maintenant vous comprendrez plus tard, Kendrick Lamar est en mission.

Accessoiriste et scénographe, la française Elise Siegwald, réinvente la Game Boy de notre enfance et la transporse dans un univers Steampunk, proche de la révolution industrielle. Adieu plastique et écran rétroéclairé, remplacé ici par du bois et un mécanisme de roues dentées.

Non, ils ne viennent pas de la « Flex Zone » ni même d’une autre planète, mais alors qui sont les membres de Rae Sremmurd ? Si le nom ne vous dit rien c’est parce que votre cerveau l’a occulté faute de pouvoir le prononcer. Vous avez chillé, ridé, rôdé avec leurs morceaux en boucle et vous le faites encore. « No Type », « No Flex Zone » ou encore « Throw Sum Mo », c’est eux ! Ce qu’on sait, c’est qu’ils sont frères, qu’ils sont âgés de 22 et 20 ans, qu’ils viennent de Tupelo dans le Mississipi et qu’ils cumulent les millions de vues sur YouTube. Décryptage.

 

Homeless and Parties in Tupelo

 

Nés respectivement en 1993 et 1995, les deux frères s’appellent Aaquil Brown aka « Slim Jimmy » et Khalif Brown aka « Swae Lee ». Malgré leur jeune âge, cet étrange duo a débuté sa carrière il y a près d’une demi-décennie. Encore ados, ils quittent leur ville de Fort Hood au Texas pour Tupelo au Mississipi. Ils ont alors 14 et 13 ans et ils vont former avec Lil Pantz leur premier groupe : Dem Outta St8 Boyz. Ils n’en sont alors pas à leur premier essai, ils font des beats depuis leur enfance , tout a commencé après qu’un ami ait installé sur l’ordinateur de leur mère, le logiciel Fruity Loops. A cette époque, ils commencent à écouter des artistes comme Lil Wayne ou Soulja Boy et se font connaître sous les noms de « Cali Boy » (Slim Jimmy) et « Kid Krunk « (Swae Lee).

 

RaeSremmurd

 

À l’époque de Dem Outta St8 Boyz, les frères rappent chaque matin et pour tout le monde sans distinction, des plus populaires du lycée en passant par les nerds. Affamés, ils en veulent mais leur parcours reste encore assez banal. Alors qu’ils approchent de leur seizième année, leur mère n’est plus en mesure de subvenir aux besoins de la famille. Slim Jimmy et Swae Lee quittent donc le domicile familial pour soulager financièrement leur mère alors qu’ils sont encore lycéens, et se retrouvent à la rue. Si certains rappeurs se seraient apitoyés sur leur sort ou s’en seraient servi pour exister médiatiquement, eux pas du tout. Ils en parlent simplement :

« Nous étions sans-abris mais nous avons fini par trouver un endroit, une maison abandonnée. Au bout du compte nous en avons tiré le meilleur, il n’y avait pas de chauffage, pas de gaz, il y avait l’électricité donc on payait seulement les factures d’électricité (…) on s’en servait pour faire des vraies fêtes »

Ils auraient pu mal tourner en cédant aux sirènes de la rue et de son « argent facile », les frères préfèrent enchaîner les jobs pour pouvoir se financer : Olive Garden, Mc Donald’s et à la chaine dans une usine de matelas. Aaquil et Khalif travaillent dur la nuit pour des gamins mais ces deux-là ne s’en plaignent pas, bien au contraire : « On a eu de meilleurs jobs, on a fini par avoir un meilleur appartement dans lequel on organisait aussi des fêtes. Des soirées de fou à la Projet X. » Déjà populaires à cette époque dans les lycées de la région grâce au bouche à oreille, les fêtes qu’ils organisent font exploser leur côte.

 

Atlanta et EarDrummers Entertainment

 

En 2010, leur carrière prend un premier virage, les Brown participent à Memphis au concours « Wild Out Wednesdays – 106 & Park », une compétition organisée par la célèbre chaîne Black Entertainment Television et gagnent. Toutefois, si cette victoire marque le début de leur carrière, ils ne décrochent pas de contrat. Selon les rumeurs de l’époque, les garçons étaient entrés en pourparler avec Def Jam et Sony sans jamais aboutir à un accord, ce qui ne les a manifestement pas découragés : « Rien ne s’est passé, on est juste reparti de zéro, ça n’a pas marché et alors ?! Ca va marcher, regarde », pour Swae Lee « ce n’était pas le moment. »

Ils n’obtiennent pas de contrat, mais leur son « Party Animal » commence à faire du bruit, ainsi la côte de popularité des frères augmente à tel point qu’ils se produisent dans des clubs en dehors du Mississipi munis de fausses cartes d’identité.

 

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Les rencontres sont souvent faites de petites choses et comme le souligne Slim Jimmy dans une interview accordée à Vice : « chacun à son moment ». Et le leur arriva. Un cousin des Brown fait écouter un de leurs morceaux au producteur P-Nasty qui les appelle dans la foulée « Yo, laissez tomber tout ce que vous faites, on va commencer à faire du lourd, laissez tomber ce que vous faites et venez à Atlanta ». À cet instant, fini le trio,  ils deviennent alors le duo que l’on connaît aujourd’hui.

Atlanta n’est pas seulement la ville d’origine d’ILOVEMAKONNEN ou de Soulja Boy c’est aussi un vivier d’artistes et de producteurs, l’équivalent de ce qu’est L.A pour le cinéma. Là-bas, leur carrière prend un nouveau tournant, P-Nasty leur présente à la sortie d’un club un certain Mike Will Made It. Logiquement en 2013, les deux frères enregistrent le morceau « We » paru sur la mixtape #MikeWillBeeTrill. Début 2014, Mike Will Made It les signe sur son Label EarDrummers Entertainment d’où leur nom de scène inversé Rae Sremmurd – prononcé « Ray Shrimmer » – c’est parti. Une loyauté envers Mike que le duo explique : « Nous n’avions rien et il nous a donné l’opportunité de faire quelque chose ».

La suite on la connaît, un EP Sremmlife, la sortie le 18 mai dernier du morceau « No Flex Zone » puis en septembre « No Type ». C’est un véritable succès, en à peine quelques mois, les frères atteignent les 100 millions de vues sur YouTube. Et c’est en tant qu’artistes signés qu’ils retourneront quatre ans après leur victoire au goût amer interpréter « No Flex Zone » , en août dernier, sur le plateau de 106 & Park. L’album studio de Rae Sremmurd, sorti le 6 janvier dernier, se compose des quatre morceaux de l’EP dont « Throw Sum Mo » repris pour l’occasion avec Nicky Minaj et Young Thug. Une véritable prouesse pour les frères qui se classent directement en 5ème position au classement Billboard 200.

 

Un nouveau « type » ?

 

Réalistes et conscients, ils savent ce qu’ils font. Si on ressent clairement une impression d’amateurisme, nous en sommes très loin et leurs tonalités de voix demandent énormément de travail. Non, pour la centième fois, ils ne sont pas en train de muer. Leurs physiques semblent juvéniles, presque « boy next door ». D’un autre côté, Rae Sremmurd, se démarque par une production complétement déséquilibrée dans son mélange des genres, loin de celles qui composent le hip-hop d’aujourd’hui. Le duo voudrait pouvoir mélanger rock et rap sans tomber dans les clichés habituels de la scène hip-hop américaine. Donc pour le moment pas de chaînes en or mais des skates.

Selon eux, Rae Sremmurd est une continuité de Dem Outta St8 Boyz ce qui se ressent dans les sonorités qu’ils proposent, plus abouties, plus matures musicalement. Une évolution en contradiction totale avec leurs tonalités et leurs paroles loufoques. Certains ne font que passer dans le monde du hip-hop, les deux frères indéniablement complémentaires ne comptent pas s’arrêter à mi-chemin. Ils sont là pour durer et projettent déjà « 50 ans » de ce qu’ils appellent la « Sremmlife ».

 

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Supreme présente sa collection de bombers, vestes et autres blousons pour le printemps/été 2015. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est très inspirée du streetwear des années 90.

Pour l’occasion, Supreme revisite le grand classique du motif militaire, met en lumière les Yankees avec une veste en cuir marquée du célèbre « YN », ou des motifs beaucoup plus ethniques et colorés. Supreme mêle différents univers et les réunis autour d’une collection éclectique. En prenant autant de directions, le marque new yorkaise ne cherche pas la cohésion. Cependant, la force de cette diversité est que chacun pourra trouver une pièce à ajouter à son dressing.

 

 

 

 

 

Du basket, du basket et encore du basket ce weekend avec le traditionnel All Star Game annuel, qui revient à New York et prend ses quartiers au Madison Square Garden, 17 ans après la dernière édition dans la Grosse Pomme. Petit résumé du week-end en quelques actions importantes.

Rising Stars Challenge

Le Rising Stars Challenge, anciennement Rookie Challenge, oppose désormais une sélection américaine à une autre mondiale, contenant chacune d’elle au moins trois rookies et trois sophomores. La sélection mondiale comptait dans ses rangs le Français Rudy Gobert, auteur d’une belle prestation avec 18 points au compteur et 12 rebonds, et le Canadien Andrew Wiggins qui terminera MVP de la rencontre, dans un match remporté par la sélection mondiale.

Slam Dunk Contest
Un contest dominé totalement par Zach Lavine qui aura réussi ses dunks avec une facilité déconcertante et une détente incroyable.

Concours 3 points
Avant le « Main Event » du dimanche soir, Stephen Curry s’est échauffé de belle manière en remportant le concours à trois points, ou figurait notamment Klay Thompson et Kyrie Irving.


All Star Game

Un starting line-up assez impressionnant avec l’entrée de Stephen Curry, James Harden à l’Ouest et la présence des deux superstars à l’Est Lebron James et l’enfant du pays, Carmelo Anthony. À noter également, le duel fratricide entre le frères Gasol, une première dans l’histoire du All Star Game.

Un match à oublier pour les fans de défense, mais une finale qui aura contenté les amateurs de spectacle, dans une opposition ultra-offensive qui aura battu le record de points combiné pour la deuxième fois de suite, avec 321 points. Au niveau individualités, Lebron James (30 points), Kyle Korver (21 points) à l’est, James Harden (29 points), Stephen Curry (15 points, 5 passes) et surtout Russell Westbrook à l’Ouest auront fait le spectacle tout au long de la soirée. L’arrière de OKC finira MVP de la finale, avec 41 points, à un point du record de Wilt Chamberlain, et contribuera à la victoire de son équipe, qui finira tout de même sur le score serré de 163 à 158, malgré une domination de la conférence Ouest.

Palmarès

Match des Stars
Team West (MVP – Kevin Hart)

Rising Stars Challenge
World Team ( MVP – Andrew Wiggins )

Concours à 3 points
Stephen Curry

Concours de dunk
Zach Lavine

All Star Game
Conférence West (MVP Russell Westbrook)

En ce week-end de saint-valentin, Supa! est de retour avec un mix qui vous donnera de quoi réchauffer vos soirées d’hiver.

Valentine’s Intro

_____________________

S-TYPE – Sensi Star
KANYE WEST – Heartless
JA RULE – Down Ass Bitch ( Instrumental Loop )
BOBBY VALENTINO – Only Human ( Beat Loop )
JOE – Stutter ( Acapella Loop )
TLC – Waterfalls
KEITH SWEAT – Twisted
P REIGN – DNF ( Loop )
P REIGN – DNF ( XXYYXX Remix )
BENZEL & STEVIE NEALE – Wasted Love ( feat. Stevie Neale )
SEIHO – Collapse
MURA MASA – Intro?
TREY SONGZ – Slow Motion
OMARION – Already
MIGUEL – Like You
SIROJ – Loyal feat. Chris Brown ( SirOJ Sad Edit )
CYPHR – Have Faith
LIDO – I Love You ( Obey City Remix )
ALT-J – Left Hand Free ( Lido Remix )
T-PAIN – Bartender ( Instrumental )
MARQUES HOUSTON – That Girl ( Acapella )
PLATINUM PIED PIPERS – After The Worries ( Piano Loop )
R.KELLY – Light On
JANET JACKSON – Escapade
TEEFLII – Twerk It ( Acapella )
WALE – The Body Feat Jeremih ( Instrumental )
CIARA – Love Sex Magic Feat Justin Timberlake ( Acapella )
JMSN – The One ( Instrumental Loop )
Chris Brown – AYO ( Instrumental Loop )
T-PAIN – Bartender ( Acapella )
WONDERFUL HUMANS – Edge of the Night (Daktyl Remix)
DUKE DUMONT – Need U (100%) feat. A*M*E  ( Acapella )
JODECI – Cry For You ( Acapella )
BANDO JONEZ – Sex You
BANDO JONEZ – Sex You ( GANG$IGN$ x R3ll Remix )
GINUWINE – In Those Jeans
TORDJUS – Coco Elated
TRIPPY TURTLE – Fofo ( Supa! Edit )
JODECI – Every Moment ( Piano Loop )
LIZ – Do I Like U ( Keys Loop )
JAMES BLAKE – CMYK
LLOYD – All Of Me

Il se définit lui-même comme un « nouveau rebeu », Misa a mis sa main dans la porte du « rap game » et compte bien l’ouvrir au forceps. Son EP Nouveau Rebeu, sorti en fin d’année dernière, a tout pour séduire entre egotrip et morceaux à thème. Il nous raconte son histoire entre l’Algérie, la France et le Canada, nous décrit sa musique et nous parle de son futur artistique.

Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter ?

Mon nom est MISA, je suis un jeune rappeur de 19 ans. J’ai commencé, il y a 6 ans. Mon écriture est versatile et s’inspire beaucoup de la vie de tous les jours. Je rappe, je chante, j’aborde l’amour, la haine, l’amitié et la réussite. Artistiquement, j’affectionne le contraste dans les thèmes: je peux rapper d’une meuf que je kiffe sur une chanson et ensuite entrer dans un gros texte egotrip ou personnel sans aucun problème.

Tu es né à Alger, puis tu as fait un passage à Paris aujourd’hui tu vis au Canada. Comment cela s’est-il passé ?

Je suis né à Alger à Kouba. Ma famille et moi sommes entre Kouba et Bab el Ouad, des quartiers populaires d’Alger. Je suis né en plein dans le terrorisme des années 90, c’est pour ça qu’on est partis. À Paris, j’ai de la famille dans le 94 à Alfortville et dans le XIXème, c’est à cause d’eux que j’ai commencé à écouter du rap français. Ensuite je suis arrivé au Canada, au mois de mars en pleine tempête de neige. Ça a toujours été agité dans ma vie, c’est ce qui m’a poussé à commencer à écrire.

Qu’est-ce que chacune de ces escales t’ont apportée ?

L’Algérie est le plus beau pays du monde, il y a tellement de bon et de mauvais qui sont en moi à cause de ce pays. C’est comme une cicatrice à laquelle on s’est attaché. J’ai une mélancolie que je n’arrive pas à expliquer et je suis convaincu que c’est dans mon enfance que ça s’est fait. La France en fait, c’est tout mon rap. J’ai forgé mes oreilles sur la génération de rappeurs des années 2000. L’Amérique c’est ce qui m’a donné le goût pour la musique plus légère, la musicalité, les intonations, le flow. L’Amérique c’est aussi cette capacité d’apprécier les choses : je peux décompresser même quand j’ai des problèmes, et j’aime ma vie, peu importe ce qui s’y produit.

Pourquoi t’être finalement lancé dans la musique ?

C’est tout ce qui m’a intéressé. J’ai fait du sport, mais quand je revenais d’un match la seule chose à laquelle je pensais c’était écouter le dernier son de Sefyu ou Nessbeal par exemple. Pour moi c’était évident, quand on aime autant quelque chose, on ne le laisse pas partir. Je n’ai pas calculé et j’ai demandé à ma mère si je pouvais avoir un micro. J’ai reçu un micro casque, je mettais ma radio avec une instru et je m’enregistrais rapper sur l’ordinateur !

Quel a été ton parcours ?

À 13 ans j’ai commencé à sortir mes sons sur les blogs Skyrock, ensuite j’ai sorti environ 4 ou 5 mixtapes sur le net. À 15 ans, en 2009, j’ai rencontré un ingénieur de son qui s’appelle Quest. On a commencé à enregistrer des sons de qualité studio, j’étais assez productif, donc on a tout de suite sorti une mixtape qui s’appelait Le Départ. À 17 ans, j’ai fait la rencontre d’un promoteur qui s’appelle Stéphane, il a été mon manager pendant 2 ans. J’ai aussi, conséquemment, fait la rencontre de Koudjo, qui est mon producteur à ce jour. Durant 2 ans environ après ces rencontres j’ai eu la chance de faire la première partie de La Fouine, Youssoupha, Mister You et Médine. Tous ces artistes que j’écoutais quand j’étais jeune m’ont donné la force et beaucoup de conseils pour ma jeune carrière et mon rap. En 2014, j’ai sorti mon EP Nouveau Rebeu, signant dans la foulée avec Warner Chappell.

Quelles sont les personnes qui t’ont soutenu ?

J’ai le soutien de mes parents, ce qui me rassure et surtout m’enlève une certaine pression. J’ai toujours eu le soutien de mon frère et aussi de mes potes. Le soutien qui selon moi pousse le plus un artiste vient directement des gens qu’on ne connaît pas personnellement. C’est quand quelqu’un que je ne connaissais pas a commencé a m’écouter que je me suis dis qu’il y avait peut-être quelque chose a faire.

Comment tu décrirais ta musique aujourd’hui ?

Je pense que c’est de la musique tout court, ce n’est ni du rap, du chant, du conscient, du turn up, c’est de la musique. Ma musique s’inspire de faits réels, de faits de tous les jours, de ma vie et de la vie des gens. Plus techniquement, j’ai une approche de  »songwriting’‘ quand je compose un titre. Au lieu de suivre le format classique, je laisse l’émotion que je veux transmettre guider la structure de la chanson.

Un « nouveau rebeu », qu’est-ce que c’est ?

« Nouveau rebeu », c’est un mec brand new, rebeu ou pas rebeu. Une nouveauté, un truc différent et osé, une approche alternative de la musique. Le titre est arrogant, c’est pour cela que je l’ai choisi comme single. En même temps, ce n’est pas prétentieux puisque tout le monde veut être frais. J’aime l’idée de fraîcheur d’un nouvel artiste ou d’un artiste qui se renouvelle. Dans la musique c’est important de faire une bonne première impression. Le titre parle de lui même, je suis un nouveau rebeu, et ce que j’amène est frais et jamais entendu !

Quel sont tes projets ?

On continue à défendre le EP Nouveau Rebeu. J’imagine qui buzz en radio, on est contents. On a pressé 100 copies physiques du EP avec 8 titres en plus. C’est en édition limitée mais ils ne sont pas à 100$ comme Nipsey Hussle… Il y a encore 1 clip de cet EP qui va sortir bientôt. Actuellement je suis en studio en train de préparer un très gros concept qui, je pense, fera beaucoup parler ! Au printemps le projet va sortir si Dieu veut. D’ici là je vais continuer à sortir des sons ici et là sans arrêt. C’est la constance qui fait en sorte qu’un artiste peut garder sa pertinence je pense. Je vais donc continuer de sortir des sons, clips…

Si tu ne faisais pas de musique, qu’est-ce que tu ferais là, tout de suite ?

J’essaierais de lancer une affaire, sûrement dans le domaine des arts. J’ai toujours aimé le graphisme donc là si je ne faisais pas de musique je voudrais sûrement être un genre de businessman dans le design graphique.

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Ça fait quelques jours que tournait un compte à rebours sur yeezy.supply… La finalité, nous la connaissions, lorsque le chronomètre afficherait 0 ; Kanye West aura lancé à New York sa première collection avec Adidas : celle qui l’appelle la Yeezy Season 1. Par contre ce qu’on ignorait c’est que cette cérémonie allait être diffusée dans les cinémas d’une dizaine de pays. À Paris, le rendez-vous était donné à 22 heures au cinéma Gaumont à Opéra, au terme du fameux compte à rebours.

Sur place, environ 200 personnes sont excitées par l’événement mais pendant plus d’une demi-heure, elles auront le droit à un spot de vingt secondes qui tourne en boucle. Puis les lumières s’éteignent et donnent lieu à un défilé d’un nouveau genre d’une vingtaine de minutes que vous pouvez retrouver sur le site de l’artiste. L’autre surprise était la découverte du premier titre du prochain album du Chicagoan, l’excellent « Wolves » avec Vic Mensa et Sia. Mais bon tout cela vous le savez sûrement déjà.

Cette opération imprévue est symptomatique d’une interrogation qui frappe les fans depuis quelques temps maintenant : Comment comprendre Kanye West ? Quasiment absent des réseaux sociaux, excepté son utilisation particulière de Twitter, l’artiste entretient une communication obscure avec son public. Outre ses choix artistiques alternatifs qui le boutent des radios, le rappeur a proposé plusieurs opérations du même genre au succès plus que relatif.

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En février 2013, nous apprenons que dans deux semaines se tiendrait un concert surprise au Zénith alors que ses collègues de profession prennent plusieurs mois avant d’annoncer ce type d’événement. Après une prestation déroutante et une salle qu’il peine à remplir, c’est sous les huées d’une partie du public qu’il quitte la scène en refusant un rappel sur l’hymne de la ville « Niggas In Paris ». Quelques mois plus tard, en mai, on apprend que sera projeté sur les murs de la capitale, ainsi que dans d’autres villes partout dans le monde, le clip de son nouveau morceau « New Slaves ». Une fois de plus, le rappeur prend de court ses fans mais aussi l’organisation car c’est en demi-teinte que se déroule les diffusions : entre retards, projection de l’image sans le son ou l’inverse mais surtout l’ambitieuse transmission sur un Arc de Triomphe allumé est un bide complet.

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Hier soir, Adidas et Def Jam (entités qui lient contractuellement Kanye West) ont été tenu informés de cette opération dans la nuit ne pouvant aucunement assurer une animation digne de la dimension de l’annonce. C’est pour cela que la salle de cinéma Gaumont d’Opéra est à moitié remplie, l’artiste court-circuite toute le monde et se prive d’un retentissement encore plus fort.

Malgré l’énumération de ces flops, Kanye est le seul dans le monde du hip-hop et de la musique a proposé à son public une expérience aussi forte. Il s’est créé une véritable communauté qu’il emmène avec lui dans sa créativité. Mais surtout malgré le poids de ses engagements contractuels, sa liberté artistique est totale…

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Ce soir, quelques personnes auront le « privilège » d’assister à la présentation de la première collection de Kanye West pour Adidas depuis la signature de son contrat en tant que designer en novembre 2013. Retransmise dans les quatre coins du monde par le biais de projections, cette cérémonie sera l’occasion pour tous les impatients de découvrir un peu plus amplement la Yeezy 750 Boost, qui reprend la série des Yeezy auguré sous la bannière Nike. Le moment idéal pour retracer l’historique des créations du rappeur.

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Dévoilée pour la première fois en 2008 lors des Grammy, la première salve de la Yeezy aura demandé plus deux ans de travail et une douzaine de prototypes à Kanye West et au designer Mark Smith. Modèle hybride comme il en existe peu, la Yeezy 1 trouve ses inspirations dans plusieurs sneakers iconiques de Nike comme la Jordan ou la Air Tech Challenge. Les coloris des trois modèles, caractérisés par un mélange de trois couleurs originales, poseront les bases de l’identité visuelle de ses créations, et seront reprises plus tard sur de nombreux autres modèles Nike ( Roshe Run, Air Max 1, Jordan CS3, Faomposite…)

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Premières créations originales de Kanye West, la collection Louis Vuitton est sortie presque en même temps que les premières Yeezy. Pour celui qui s’était surnommé « The Louis Vuitton Don », c’est logiquement que se fait la collaboration avec le géant de la maroquinerie de luxe. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les trois modèles sont réussis, remplissant leurs rôles de pont entre la sneaker et le soulier et s’imposant comme modèle pionnier qui inspirera beaucoup d’autres marques de haute couture (Isabel Marrant, Zanotti, Dior, Balenciaga…). Fait intéressant, chaque modèle prend le nom d’un proche de Kanye West : Don, le tour manager de Kanye ; Jasper est son barber, et son collaborateur au sein de Good Music, Mr.Hudson.

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Trois ans après le modèle initial, sort la deuxième paire du nom. La Yeezy 2, même si elle reprend fortement les bases de sa grande sœur (sneaker hi-top, scratch, glow in the dark…), elle emmène néanmoins le modèle sur un autre terrain. Moins massive et plus sophistiquée que la première, la chaussure affiche sur sa surface de nouveaux détails tels qu’une couche au relief reptilien. Succès total pour ce deuxième essai, qui finira « sold out » peu de temps après chacune des ses sorties. La Red October, en 2013, offrira à la Yeezy un magnifique point final à l’idylle entre Nike et Kanye.

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Après visionnage des premières photos, on peut affirmer que la Yeezy 750 Boost satisfera à la fois les partisans d’un changement radical et ceux de la continuité. Si elle reprend la silhouette et le scratch de ses anciennes réalisations, elle incorpore de nouveaux éléments tels que le zip latéral ou les lacets en corde. Sorti du carcan de Nike, les inspirations sont naturellement toutes autres. On tend vers les chaussures Visvim, une marque que le rappeur affectionne, ainsi qu’Adidas avec la semelle Boost, qui donne son nom à la chaussure. Avec ce modèle, Kanye s’établit encore un peu plus sur le chemin de la haute couture, et signera à coup sûr un nouveau succès.

Avant de poster hier son dernier clip  « Lord Pretty Jodye Flacko 2 », A$ap Rocky a régalé ses fans en jouant au jeu des « questions/réponses » sur son Tumblr. Le New Yorkais a répondu sans aucune langue de bois à toutes les interrogations : musique et sexe entre autres. Comme il l’a assuré à un internaute qui se demandait en quelle période nous étions, nous avançons vers « la saison FLACKOJODY « .

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MUSIQUE 


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« Quel est le nom de ton prochain album ? Et est-ce qu’il va sortir bientôt ? »
« Je vais te donner les initiales, tu devines le titre (A.L.L.A) »

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« De quelle chanson de ton album es-tu le plus sûr ? »
« Toutes pour être honnête avec toi. »

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« Quel artiste avec qui tu n’as pas travaillé t’intéresserait pour une collaboration ? »
«  Andre 3000 »

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« Quel est ton rappeur préféré ? Mis à part toi »
« Vince Staple, Kendrick Lamar, Schoolboy Q »

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« Qu’est ce que tu penses d’Iggy ? »
« Elle a l’air d’être mal-baisée ces derniers temps. Lol. Je plaisante. »

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« Est-ce que tu aimes les Haim Girls ? »
«  Oui, elles étaient sur mon premier album sur « level » elles chantaient à la fin #flackolafaitenpremier »

 

 

SEXE 


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« Quelle est la chose la plus bizarre qu’une salope t’aies demandé avant ou pendant un acte sexuel ? »
« Une fois quad j’étais jeune, j’ai baisé une meuf en face de sa grand-mère handicapée, littéralement sale, j’ai honte… La grand-mère avait l’air excitée par contre »

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« Ton dernier fantasme et/ou fétichisme ? Allez ! Dis moi. Je t’aime »
« Je veux juste baiser le vieux cul de Madonna avant de mourir, tu comprends, peux-tu me blâmer ? »

 

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RANDOM 


 

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« Sur une échelle de 1 à10 à quel point dirais-tu que tu es génial ? »
« Peut-être 7 ou 8. Je suis vraiment une merde quand même, donc peut-être 4. »

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« Burger King ou Mc Donald’s mec !? »
« Aucune de ces merdes n’est bonne pour toi »

 

Les Grammy Awards sont l’occasion de réunir tout le gratin des stars du moment. Cette remise de trophées, très médiatisée, est également un moment propice aux pires dérapages : blagues de mauvais goûts, prestations scéniques catastrophiques ou encore intrusion lors d’une remise de prix. Ce #TBT revient sur la cérémonie où Ol’ Dirty Bastard du Wu-Tang Clan a interrompu la soirée pour transmettre son message.

Lors de la 40ème cérémonie des Grammy Awards, le Wu-Tang Clan est nommé dans la catégorie « Album hip-hop de l’année » pour Wu-Tang Forever. Un deuxième opus très bien été accueilli par le grand public. La première semaine de sa sortie, il se classe au top des charts et se vend à 600.000 exemplaires. Le groupe confirme après le classique 36 Chambers. Convaincu, le collectif attend avec angoisse le verdict. Le présentateur appelle alors le grand gagnant… Puff Daddy. Devant l’ampleur de cette déception, la peine d’Ol’ Dirty Bastard est immense quand le prix tant espéré lui file entre les doigts. Cette désillusion va se transformer en une des scènes les plus mémorables de l’histoire des Grammy.

En effet, plus tard dans la soirée, pendant que la chanteuse Shawn Colvin reçoit son précieux sésame ; ODB décide de lui voler son moment de gloire. Il saisit un micro, monte sur scène et commence à tenir un discours qui visiblement lui tenait à cœur.

 

 

« Please calm down the music and everything, it’s nice that I went and bought me an outfit today that costed a lot of money today you know what I mean because I figured that Wu-Tang was gonna win. I don’t know how you all see it, but when it comes to the children, Wu-Tang is for the children, we teach the children, you know what I mean. Puffy is good but Wu-Tang is the BEST ! Ok, I want you all to know that this is ODB [Ol’ Dirty Bastard] and I love you all, peace ! »
« S’il vous plaît, baissez le volume. C’est bien que je sois venu et que je me sois acheté une tenue qui m’a coûté très cher aujourd’hui, tu vois ce que je veux dire, parce que j’ai supposé que le Wu-Tang allait gagner. Je ne sais pas comment vous le percevez mais lorsqu’il s’agit des enfants, le Wu-Tang enseigne aux enfants, tu vois ce que je veux dire. Puffy est bon mais le Wu-Tang est le meilleur ! Ok, je veux que vous tous sachiez que c’était ODB et je vous aime tous, peace ! »

 Après cette intervention, Shawn Colvin reste sans voixn, Ol Dirty quitte la scène sous de timides applaudissements. Ce-dernier s’excusera publiquement auprès de la chanteuse lors d’une interview accordée à MTV. Cependant, quand les journalistes lui demanderont si le moment était adéquat pour passer ce message, le rappeur persiste en répondant à l’affirmative. Mais son intervention que certains jugeront déplacée reste un moment mythique des Grammy Awards.

S’il n’était pas décédé en 2004 il aurait vu que le Wu-Tang appartient toujours aux enfants. Un de ses membres, GZA, donne aujourd’hui des cours de science à travers le hip-hop dans des lycées new-yorkais.

Lors de notre interview, YG nous raconte la mort de son ami, survenue le 4 juillet 2014.

A l’occasion des NBA All-Star Game, Nike s’apprête à ouvrir un tout nouveau store éphémère. Situé à New York, à Bowery sur la rue Great Jones, cette boutique prend la forme d’une boite de sneaker.

Elles pondaient des tubes en or dans les nineties, squattaient le top des charts, écoulaient des orgies de disques, raflaient des récompenses et portaient fièrement la brassière et le baggy. « TLC is back to make our final album with you ! »/« Les TLC sont de retour pour faire leur dernier album avec vous ! ») claironne leur page Kickstarter. Anciennes gloires du r’n’b mises au ban, les TLC, comme Public Enemy ou Björk avant elles, ont sauté le pas du crowdfunding et quémandent les dollars auprès de leurs fans pour financer leur nouvel opus.

Depuis les années 2000 et l’avènement du numérique, les internautes consomment la musique avec boulimie sans débourser un centime, s’empiffrent d’EP et de mixtapes gratis, de sons téléchargés illégalement ou partagés en peer-to-peer. Les bacs des disquaires débordent de CD sous blister qui ne se vendent plus et les labels rechignent à investir dans des projets au succès incertain. Conséquence de la crise qui frappe l’industrie du disque, les plateformes de crowdfunding (ou « financement participatif ») visant à impulser la carrière d’apprentis-chanteurs ou à repêcher des superstars déchues, fourmillent entre les généralistes comme Kickstarter (qui se targue d’avoir levé 2 billions de dollars depuis sa création), Indiegogo, Rockethub ou KissKissBankBank et les spécialisées comme SellaBand, Pledge Music, Artistshare ou My Major Company. Elles appellent au don pur, monnayent des avantages en nature (chat vidéo, messagerie vocale personnalisée, place de concert VIP, pass backstage, CD dédicacé et autres goodies) ou assurent un retour sur investissement en reversant un pourcentage sur les bénéfices. En 2009, Public Enemy était le premier véritable groupe d’envergure à s’aventurer sur le terrain du crowdfunding. La bande à Chuck D essuyait les plâtres du précurseur en ne collectant sur SellaBand que 75 000$ sur les 250 000 escomptés au départ.

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Les SLF (Sans Label Fixe)

Si une poignée d’artistes-stars se résigne à faire la manche c’est pour des raisons évidemment financières d’abord, éthiques ensuite. Là où les grosses maisons de disques s’empêtrent dans les griffes du mainstream, une frange d’artistes, leur indépendance en bandoulière, préfère l’auto-production. « Il est essentiel que nous fassions notre dernier album complètement à notre manière, sans aucune restriction, avec vous », clament ainsi les TLC sur Kickstarter. Quant à Soko qui présente son nouvel opus My Dreams Dictate My Reality sur Pledge Music, elle est affiliée à Because Music en Europe mais sans label au pays de l’Oncle Sam, là où les coûts de promotion sont gargantuesques, où « un PR (attaché de presse, ndlr) coûte 5000 dollars par mois ». Dans l’incapacité d’amener à la table des fonds nécessaires à la sortie de son album aux États-Unis mais tenant à tout prix à sa liberté créative, elle nous confie : « Je n’avais pas trop le choix, c’était soit j’allais avec un label qui ne me correspondait pas, soit je faisais ça toute seule ».

Remiser son ego au placard et assumer aux yeux du monde ses besoins financiers n’est pas chose aisée. « Ce n’est pas facile de demander. C’est un problème pour un grand nombre d’artistes. Demander vous rend vulnérable », confirme Amanda Palmer dans une conférence TED, elle qui avait glané en 2012 plus d’1 million de dollars sur Kickstarter pour son album Theatre is Evil. Soko n’a en revanche pas le sentiment de mendier : « On vend des expériences, des vrais trucs, ce n’est pas « donne-moi de l’argent pour rien » ». Au-delà d’une panoplie de gadgets à moins de 100 dollars, la chanteuse peroxydée a voulu inclure des offres plus chères mais plus fun et mémorables, pour les comptes en banque plus fournis. Elle propose pêle-mêle un cours de yoga, une session relooking, une virée en friperie, un dîner cuisiné par ses soins ou de se glisser toute une journée dans une robe de mariée et simuler l’amoureuse transie, moyennant 50 000 dollars.

Soko

L’art e(s)t la manière de quémander

Comment réussir à faire débourser aux gens de rondelettes sommes pour de la musique ? A propos de son casse-record sur Kickstarter, Amanda Palmer explique : « La vraie réponse est que je ne les ai pas obligés. Je le leur ai demandé. Et par le fait même de leur demander, j’ai créé un lien avec eux, et en créant un lien avec eux, les gens veulent vous aider ». Alors que certains consommateurs n’ouvriront jamais leur portefeuille pour un artiste, d’autres, moins nombreux mais plus dévoués, seront toujours prêts à craquer leur tirelire. « La célébrité c’est un grand nombre de personnes qui vous aiment de loin, mais [avec] Internet et le contenu que nous sommes libres d’y partager, il s’agit de quelques personnes qui vous aiment de près », renchérit Amanda Palmer.

Ce sont ceux-là, ces potentiels mécènes ou producteurs d’un jour, que les chanteurs doivent flatter et cajoler. Les TLC, qui, dès 1999, versifiaient sur les lettres passionnées de leurs fans sur le morceau « Fanmail » (extrait de l’opus du même nom), dédient leur nouvel et ultime album « à tous ceux qui sont restés à [leurs] côtés ». Sur leur page Kickstarter, elles leur passent la pommade en surcouche, à coup de « our amazing fans », « our super fans » ou « our babies » et de « YOU » majuscules. Elles démontent les remparts de leur intimité en distillant une série de clichés old school du temps de Lisa « Left Eye » Lopes et en proposant, parmi la flopée de lots, de chiller au téléphone, passer une soirée au cinéma, suer à la salle de sport ou encore se goinfrer de sucreries et faire voler les oreillers en total look pyjama. En récoltant plus de 200 000 dollars en seulement trois jours, elles ont explosé leur objectif initial de 150 000 dollars. Elles ont pu compter sur le soutien de poids lourds de la musique comme Russell Simmons, Lil’ Kim, Missy Elliott, Jermaine Dupri, Talib Kweli, Soulja Boy ou Katy Perry (qui a dépoché 5000 dollars pour la pyjama party), mais aussi et surtout sur leur communauté d’adorateurs anonymes.

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Pour faire de leurs fans des « ultras », les artistes doivent leur faire lourdement du pied, tisser avec eux des liens serrés sur Facebook, Instagram ou Twitter : partager avec eux des tranches de leur vie, du selfie sur la banquette arrière d’une grosse cylindrée à la vidéo tournée en coulisses du studio ou d’un concert en passant par le partage de leurs coups de cœur ou de blues.

Si en 2013, Björk échouait à lever des fonds sur Kickstarter pour financer son appli éducativo-expérimentale « Biophilia » et plaquait sa campagne au bout d’une dizaine de jours avec seulement 4% de son objectif atteint (15 400 livres sur les 375 000 escomptées) c’est que, au-delà de la maigreur des avantages offerts, la chanteuse n’avait pas su copiner et fédérer ses millions de fans autour du projet sur les réseaux sociaux.

Le public ne lâchera des billets que si son implication se trouve pleine et entière, des relations nouées avec l’artiste aux contreparties elles-mêmes. Soko raconte : « Si les gens veulent t’aider je trouve ça plus sympa de les rencontrer et de faire un truc plus personnalisé, d’avoir un vrai échange, qu’ils se sentent connectés. Pour moi c’est assez naturel de faire ça, à mes concerts je vais toujours à la rencontre des gens, ils me demandent si je peux leur enregistrer un message sur leur téléphone ou leur faire une vidéo pour un anniversaire, ce genre de choses ».

Donner pour mieux recevoir

La dynamique d’échange est le moteur du crowdfunding. Lorsqu’El-P et Killer Mike, le duo barré de Run The Jewels, balancent gratuitement leur premier album éponyme, ils soulèvent un sentiment de reconnaissance et de gratitude auprès du public qui n’hésitera pas à investir 60 000 dollars (au-delà de l’objectif initial de 45 000 dollars) sur Kickstarter, dans un projet aussi halluciné que celui de Meow The Jewels, un opus de remixes rythmés par des miaulements de chats. Une forme de remerciement ou de « contre-don » suite à leur premier cadeau (l’album Run The Jewels), selon la théorie de Marcel Mauss. Pied de nez total à l’industrie du disque et cas d’école, en 2013 Nipsey Hussle lâche gratos sa mixtape Creenshaw sur la toile après avoir planté son label Epic Records. Dans le même temps, il en propose une version « physique » à 100 dollars. Les 1000 exemplaires s’arracheront tous en quelques heures. L’année suivante, il récidive avec Mailbox Money, disponible à la fois en téléchargement libre et en version deluxe à 1000 dollars. A chaque galette vendue (une soixantaine à ce jour), le rappeur s’attache à appeler personnellement l’acheteur. Les raisons du succès ? Un mélange de « don / contre-don », d’exclusivité et de proximité affective.

Aujourd’hui, la question, pour le consommateur, est moins de savoir combien coûte un album mais combien il aime l’artiste qui l’a produit. Pour l’artiste, il s’agit de trouver comment décrocher le cœur du consommateur. Finalement, c’est l’amour qui sauvera la musique.

#proud2pay #crenshaw #victorylap otw

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Le printemps approche, l’occasion pour FILA, une des marques incontournables des années 1990 de faire son grand retour.
L’entreprise lance sa collection printemps/été 2015 en collaboration avec les Japonais de Monkey Time.

Une association qui témoigne de la volonté de la marque italienne de regagner du terrain sur la scène streetwear. Inscrit sur la manche de certaines pièces de sa nouvelle collection ; « 2020 » se place comme une promesse de futurs partenariats pour les Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo.

Un véritable coup de jeune pour la marque qui a décidé d’opter pour un style très épuré avec des couleurs sobres (noir, blanc, bleu, gris).

La marque frenchie QUATRE CENT QUINZE revient en force avec une nouvelle collection streetwear créée en collaboration avec Zaven Najjar.

Ce-dernier, est un illustrateur de talent déniché sur Tumblr qui a relevé un défi extrêmement original : celui de réaliser 100 affiches illustrant des morceaux incontournables issus du hip-hop. 
Il s’est inspiré des grands classiques : Kanye West, Oxmo Puccino, IAM ou encore Gil Scott Heron… Des affiches personnelles qui représentent ce que l’artiste a ressenti à l’écoute de ces tubes.
QUATRE CENT QUINZE a eu la bonne idée de donner vie à ces affiches en lançant la gamme RAPPOSTERS. Une collection lifestyle composée de t-shirts et de sweats à l’effigie de vos tracks préférés.

Des produits 100%, made in France, en coton bio.

Matthias Dandois est le freestyler BMX le plus brillant de France et l’un des tout meilleurs au monde. Il est plusieurs fois champion du monde de flatland et ne cesse de repousser les limites de ses performances. Sa passion qui est devenue son métier l’a conduit aux quatre coins du globe. Chaque mois Matthias vous partagera les plus beaux clichés de ses différents périples et toutes ses impressions.

« À chaque hiver, je m’éclipse du froid et de la grisaille parisienne pour de plus vert pâturage. Histoire de pouvoir faire du vélo sous le soleil, et préparer la saison des compétitions qui s’annonce vraiment folle cette année mais aussi m’aérer l’esprit. Cette année, j’ai choisi l’originalité et je me suis envolé vers ma deuxième maison : les États-Unis d’Amérique.

Premiére étape en Californie, histoire d’aller voir les copains à San Diego, participer à la One Love Jam de Newport Beach et faire 2-3 soirées à Downtown LA. Ensuite, petit road trip avec 3500 km de voiture accompagné de mon pote Alex Jumelin à travers l’Arizona, le Nouveau-Mexique, le Texas et la Louisiane pour rejoindre la Nouvelle-Orleans.

Pas de routine, du soleil, du vélo et mes potes. Tout ce que j’aime.Voilà donc en quelques photos ce dernier mois passé chez l’Oncle Sam.

Bisous!

M. »

Après un périple à San Francisco, cette fois HLenie nous renvoie sur notre Hexagone en pleine banlieue parisienne :  pour ce second numéro, direction Nanterre. Ses buildings, sa faculté et son bourg rien n’échappe à l’objectif de la photographe qui nous explique en quelques lignes ses ressentis sur place :

Plusieurs heures passées, quelques kilomètres parcourus, à quelques pas les uns des autres les quartiers s’opposent, les géométries évoluent, le calme harmonise, les populations, les générations, les histoires se croisent. Les couleurs se répondent, celles du vieux centre, de l’université, d’un parc et de la cité Picasso, celles du temps, celles du jour qui se couche et qui vient border la ville, de son centre aux extrémités : un regard sur Nanterre.

L’équipe de YARD a rencontré Malik Bentalha pour une interview revenant sur sa carrière et le moment où il a décidé de quitter sa province pour la capitale.

Cette dernière édition des Grammy est définitivement marquée par le retour de Kanye West, après 6 ans d’absence. Alors qu’il prépare la sortie de son prochain album, il venait présenter sur scène son titre Only One et accompagnait Rihanna et Paul McCartney pour FourFiveSeconds.

Et si il s’est apparemment bel et bien réconcilié avec Taylor Swift, il ne s’est pas encore tout à fait réconcilié avec les Grammys. C’est à la surprise générale, et même à celle du concerné, que le chanteur-compostieur Beck remporte le Grammy de l’Album de l’année pour Morning Phase. Une victoire qui s’est faite au dépend de Sam Smith, Pharrell, Ed Sheeran, et Beyoncé. Il n’en fallait pas plus pour que Kanye s’élance vers la scène… avant de faire demi-tour. De quoi donner un coup de chaud à Jay-Z et Beyoncé.

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Pourtant, il ne fera que reporter sa plainte à plus tard :

« If they want real artists to keep coming back, they need to stop playing with us. Flawless Beyoncé video, and Beck needs to respect artistry and he should have given his award to Beyoncé. And at this point, we tired of it! Because what happens is, when you keep on diminishing art and not respecting the craft and smacking people in the face after they deliver monumental feats of music. It’s disrespectful to inspiration. And we as musicians have to inspire people who go to work everyday, and listen to Beyoncé and they feel like it takes them to another place.
Then they do this whole promotional event, and they’ll run the music over somebody’s speech, an artist, because they want a commercial advertising. No, we not playing with them no more. And by the way, I got my wife, I got my daughter, and my clothing line, so I’m not gonna do nothing to put my daughter at risk. But I am here to fight for creativity, that’s the reason I didn’t say anything tonight. »

S’ils veulent que les vrais artistes continuent de venir, ils doivent arrêter de se jouer de nous. La vidéo « Flawless » de Beyoncé, et Beck doit respecter son talent et il aurait dû donner son prix à Beyoncé. A ce niveau, on n’en peut plus. Parce que ce qui se passe, c’est que l’on continue de diminuer l’art et de ne pas respecter l’oeuvre, de frapper les gens au visage alors qu’ils délivrent de monumentales prouesses musicales. C’est un manque de respect à l’inspiration. Et en tant que musiciens nous devons inspirer les gens qui vont travailler tous les jours, et qui écoutent Beyoncé et qui ont l’impression que ça les transportent ailleurs. Ensuite ils montent cet évènement promotionnel, et ils mettent de la musique par dessus le discours de quelqu’un, un artiste, parce qu’ils veulent passer une publicité. Non, on ne joue plus avec eux. Et à propos, j’ai ma femme, j’ai ma fille et ma ligne de vêtement, donc je ne vais rien faire qui pourrait être risqué pour ma fille. Mais je me battrai pour la créativité, c’est la raison pour laquelle je n’ai rien dit ce soir.

 


Only One

 


 

Cette année, la cérémonie échappe à d’autres polémiques en ne remettant aucun prix à Iggy Azalea dont les multiples nominations ont été assez controversées. Elle laisse échapper les prix d’Album de l’année, de Nouvel Artiste, d’Album Rap au profit de Sam Smith et d’Eminem.


Sam Smith & Mary J Blige

 

Quant à Beyoncé, elle n’est pas repartie les mains vides, mais avec trois Grammy, celui du meilleur album enregistré en surround, et des meilleures performances et titre RnB pour « Drunk In Love ». Elle a aussi gratifié l’audience d’une performance gospel de “Take My Hand, Precious Lord” pour introduire le titre phare du film Selma, biopic de Martin Luther King Jr. à l’heure de la marche pour les droits civiques aux Etats-Unis :  Glory de John Legend et Common.


Beyoncé


John Legend & Common – Glory

Cette 57ème cérémonie des Grammys signait aussi le retour de le « Reine de la Pop », Madonna, qui venait défendre son titre Living For Love. Costume burlesque, masques de Minotaures signés Givenchy, play-back. Tout y était.


Madonna

D’autres performances ont également marqué la soirée :


Beck & Chris Martin


Usher & Stevie Wonder

Rihanna ft. Kanye West & Paul McCartney

 


 

Palmarès 2015 :

Album of the Year
Morning Phase, Beck

Record of the Year
“Stay With Me (Darkchild Version),” Sam Smith

Song of the Year
“Stay With Me (Darkchild Version),” Sam Smith

Best New Artist
Sam Smith

Best Pop Solo Performance
“Happy,” Pharrell Williams

Best Pop Vocal Album
In the Lonely Hour, Sam Smith

Best Urban Contemporary Album
G I R L, Pharrell Williams

Best Rap Song
“i,” Kendrick Lamar

Best Rap Performance
“i,” Kendrick Lamar

Rap/Sung Collaboration
“The Monster,” Eminem feat. Rihanna

Best Rap Album
The Marshall Mathers LP 2, Eminem

Best Music Video
“Happy,” Pharrell

Best Dance/Electronic Album
Syro, Aphex Twin

Best Rock Album
Morning Phase, Beck

Best Rock Song
« Ain’t It Fun » – Paramore

Best Alternative Album
St. Vincent, St. Vincent

Best R&B Performance
Drunk in Love – Beyoncé featuring JAY Z

Best R&B Song
« Drunk in Love » – Beyonce featuring JAY Z

Depuis 2012, le rappeur Brav abreuve ses fans de différents voyages qui le guident vers la sortie de son album Sous France. Choix artistiques, barrières, son public a ainsi pu vivre tout cela avec lui, s’attachant à un projet qu’ils  ont finalement entre les mains le 26 janvier. L’occasion de lui poser quelques question.

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Peux-tu te présenter ?

Brav. Je suis né au Havre  un peu avant Tchernobyl et l’affaire du sang contaminé. Appartenant au duo Bouchées Doubles avec Tiers Monde et membre du label Din Records. Une structure indépendante qui existe déjà depuis plus d’une quinzaine d’années et qui compte dans ses rangs Médine, Tiers Monde, Alivor, Proof…

Comment as-tu commencé la musique ?

J’étais nul au football (rires, ndlr). Non, comme tous les adolescents, j’écoutais déjà pas mal de musique. Perso, c’était Michael Jackson à longueur de journée, en même temps faut dire que je n’avais qu’une seule K-7. Proof, qui est aussi mon grand frère, écoutait beaucoup de rap de son côté. Il m’a fait découvrir ce milieu et aussi de nombreuses pointures comme : Mobb Deep, Wu-Tang Clan, Tupac, Biggie, Naughty by Nature … Et, un jour, j’entends l’album ATLiens d’Outkast. Là, c’est la claque ! Musicalement, j’ai toujours aimé le son de cet album. D’ailleurs, c’est aussi ce qui m’a fait aimer Kendrick Lamar récemment. J’ai retrouvé une sonorité proche d’eux. Par la suite, j’ai décidé de me mettre à écrire lorsque j’ai entendu Ministère A.M.E.R, Time Bomb, D Abuz System, Double Pact ou la Dj Poska 25. Ça m’a donné envie de m’y mettre.

Quelles sont tes principales inspirations ?

C’est pas si évident que ça d’expliquer l’inspiration pour écrire tel ou tel morceau, mais je dirais tout simplement la vie, pour faire original (rires). Ensuite, si tu connais un peu la ville du Havre, il y a ici un côté très mélancolique. Je pense qu’inconsciemment nous sommes imprégnés de cette humeur et que ça se ressent dans l’écriture. Entre nous, le Havre, on l’appelle «  le Detroit de France ». Avec toutes ces usines, cette grisaille, la mer très sombre, ça aide sûrement plus facilement à écrire et libérer les mots que l’on trouve moins en sirotant un Virgin Mojito sous un soleil de plomb (rires). Ensuite, j’essaie de rester dans la simplicité et non dans la facilité. J’utilise mon histoire tout simplement. En même temps, si à travers un morceau, la Sacem me permet de récupérer ce que cet enculé d’huissier nous a pris (rires).

Tu viens de sortir ton premier album Sous France. Peux-tu résumer son propos en quelques mots ?

En quelques mots : Souffrance, pas un sous, France, Sous France.

On retrouve un morceau intitulé Tyler Durden dans ta tracklist. Qu’est-ce que tu retiens du film « Fight Club » de David Fincher ? Y’a-t-il un lien avec ton album ?

Fight Club est à l’origine un livre écrit par Chuck Palahniuk en 1996, puis mise en image par le célèbre réalisateur David Fincher en 1999. Encore une fois, c’est Proof qui m’a fait découvrir ce film (Ne lui dites pas svp. En tant que grand frère, il ne faut pas qu’il le sache, sinon, il aura trop de force sur moi après. [rires]). Un soir, j’allais chez lui, il m’a dit : tiens, bouge pas, regarde ça. Le film terminé, je l’ai remis aussitôt. Je crois que tout me fascine dans l’histoire : les dialogues, la philosophie, le cadrage de certaines scènes (mon côté réal), les personnages, la chute… Je ne souhaite pas spoiler les gens qui ne l’ont toujours pas vu mais je dirais qu’entre l’album et ce film, le lien qui ressort, c’est peut-être la façon dont le personnage principal est tiraillé entre deux mondes. Entre le rap et le chant, par exemple. Et puis, « c’est seulement lorsque l’on a tout perdu qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut », c’est une vraie parole de souffrance je trouve, non ?

Tu as aussi sorti une web-série où tu abordes l’avancée de ton album. Pourquoi ?

C’est mon côté « Norman fait des vidéos » ça [rires] ! Les gens ne veulent pas seulement écouter de la musique, ils veulent aussi la vivre. Mon idée, c’était de pouvoir garder un lien avec les gens qui soutiennent notre démarche et les immiscer dans les coulisses de l’album. Un jeune artiste, un certain Stromae [rires] l’a très bien fait avec ses « leçons ». Je trouve ça bien que les gens puissent t’accompagner dans une aventure. A ce moment, l’auditeur n’est pas seulement un acheteur potentiel de musique ou un commentateur de statut Facebook, il devient un contributeur de cette musique. Peut-être que c’est vers ces nouveaux concepts qu’il faut se tourner. D’un autre côté, tu peux te permettre de tester des choses et les gens sont plus à même de comprendre le choix d’un thème ou d’une prod si tu les plonges dans un autre univers plutôt que de risquer une carrière sur un titre mal compris. Pour ma part, j’ai trouvé ça cool de pouvoir échanger avec le public grâce à ce genre de format vidéo. Je crois qu’on était qu’à notre première essai avec ces épisodes « Diary Of Brav ». Il y aura forcément une suite …

Qu’est-ce qui a constitué ton plus gros soutien dans ton parcours ?

Le plus gros soutien ? Un seul ? C’est difficile d’en citer un en particulier. Y en a eu plusieurs :

Mes parents. Je crois qu’avoir eu des parents pauvres mais compréhensifs, ça valait mieux qu’avoir des parents riches et cons… (tout court). Ensuite, ma famille en général. Une famille nombreuse, ça aide, surtout à la sortie d’un disque. Tu es assuré de faire un minimum de ventes [rires]. Ma famille de coeur (Din Records pour la majorité), ces personnes qui te donnent un coup de pied au cul quand tu crois que tu as réussi, et qui te portent quand tu n’y arrives plus. Ensuite, socialement parlant, je dirais la Fondation Abbé Pierre et les Restos du Coeur de Coluche, ils ont nourri toute ma famille à un moment et nous offraient des cadeaux à la Noël (je garde une gratitude éternelle). Et, enfin musicalement parlant, je pense à tous ces gens que je rencontre grâce à cette musique et qui nous portent comme un membre de leur famille parfois.

Que représente pour toi le fait de faire partie de Din Records ?

C’est magnifique, c’est comme si tu avais demandé à Michael Jackson ce que ça faisait de travailler avec Quincy Jones. Ça représente pas mal de chose. Un mode de vie, une vision, une méthodologie de travail, une discipline, une manière de pensée collective et non individuelle.

Quels sont tes projets ?

L’album enfin sorti, je consacre du temps actuellement aux répétitions pour des lives éventuels. Ensuite, j’aimerai retenter l’expérience de l’année dernière que j’ai eu avec mon livre photo « La lune sans les étoiles », mais cette fois-ci avec un livre où il y a plus d’écrit, tout en l’accompagnant de photographies que je prendrai le long de cet aventure et de mes prochaines rencontres. Et puis un disque, ça doit se préparer alors je suis déjà en train de plancher sur les thèmes du prochain album. Maintenant qu’on a allumé un peu de lumière sur moi, je ne vais pas attendre que l’ampoule grille. Quoi que j’ai eu le temps de m’habituer à force de rapper dans le noir.

Si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu aujourd’hui ?

Des films… Fight Club 2 Le retour, Fight Club 3 ne meurt jamais, Fight Club en Russie (rires) !

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A l’occasion du All-Star Weekend qui se déroulera à New York du 13 au 15 février prochain, Nike Sportswear réalise la collection « Constellation », composée de quatre modèles (Faomposite, Dunk, Lunarwavy, Air Force One). Ornée de différentes étoiles sur toute sa surface, la Air Force One All Star 2015 symbolise l’amour du basket et la philosophie innovante de la Grosse Pomme. La Nike Air Force 1 Elite « All Star » sera disponible le 11 février chez les revendeurs Nike.

S’il y a bien un artiste qui a le mérite de se livrer corps et âme dans ce qu’il fait, au risque d’écorner son image et d’attirer les critiques c’est bien Kanye West. Nous sommes le 31 décembre 2014 – date symbolique entre une période sur le point de s’achever et une autre sur le point de débuter -, Kanye Omari West nous livre le titre « Only One » en compagnie de la légende Paul McCartney.

La réalisation du titre reste somme toute assez simple : le Beatles s’attellera au Rhodes (piano au son électrique), Mr. West lui s’occupera des lyrics en compagnie de Kirby Lauryen, nouvelle signature de Roc Nation, quant à Mike Dean, lui officiera dans l’ombre pour arranger le titre en lui donnant une cohésion générale, et enfin, Ty Dolla Sign fera les vibes musicales du background.
Du beau monde donc.

Pour beaucoup, le titre « Only One » est l’ode d’un père à sa fille et le clip réalisé par Spike Jones accentue cette idée. Or il n’en est rien, la chanson qui s’apparente plus à une berceuse serait en réalité les paroles d’une mère à son enfant : Donda West parle à son fils Kanye

As I lay me down to sleep
I hear her speak to me
Hell ‘Mari, how ya doin’ ?

À mesure que je m’allonge pour m’endormir
Je l’entends me parler
« Salut ‘Mari (diminutif d’Omari, 2ème prénom de Kanye West), comment ça va ? »

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Ce qui saute aux yeux sur « Only One » est cette collaboration avec Sir James Paul McCartney. Pourquoi ? Et bien parce qu’il y a de cela 44 ans, l’homme écrit le titre « Let It Be » des Beatles (sur une production de Phil Spector). Morceau dans lequel lui aussi reçoit les conseils de sa mère

When I find myself in times of troubles, Mother Mary comes to me
Speaking words of wisdom: let it be

Quand je me retrouve dans des moments troubles, ma mère Mary vient à moi
Me délivrant des mots pleins de sagesse : lâche prise

Comme un passage de flambeau entre deux générations, deux courants musicaux, Kanye reprend et s’approprie les codes de la structure du classique « Let It Be ».

Ainsi, le rappeur navigue entre les songes de la nuit et ceux du réveil, lui permettant d’entendre sa mère défunte. Donda West est décédée le 10 novembre 2007 à 58 ans, suite à des complications cardiaques résultant de plusieurs opérations chirurgicales. À travers ses paroles, elle rassure et réconforte son fils tout au long du premier couplet :

I think the storm ran out of rain, the clouds are movin’
I know you’re happy, ‘cause I can see it
So tell the voice inside ya head to believe it
I talked to God about you, he said he sent you an angel
And look at all that he gave you
You asked for one and you got two
You know I never left you
‘Cause every road that leads to heaven’s right inside you

Je pense que l’orage se calme, les nuages se dispersent
Je sais que tu es heureux parce que je peux le voir
Donc dis aux voix dans ta tête d’y croire
J’ai parlé de toi à Dieu, il m’a dit qu’il t’avait envoyé un ange
Et regarde tout ce qu’il t’a donné
Tu en as demandé un, il t’en a donné deux
Tu sais que je ne t’ai jamais laissé
Car toutes les voies qui mènent au paradis sont en toi

Mélodiquement, la chanson rappelle certaines comptines que l’on chante aux enfants afin que ces derniers s’endorment. Tous ces éléments additionnés nous plongent dans un espace onirique, coupé du temps. La répétition de phrases de façon très douce et calme peut entraîner un état de léthargie comme si les paroles de Donda West résonnaient dans la tête de son fils:

Hey, hey, hey, hey
Tell Nori about me, tell Nori ab-
I just want you to do me a favor
Tell Nori about me, tell Nori about me
Tell Nori about me, tell Nori about me
Tell Nori about me, tell Nori about me
Tell Nori about me, tell Nori about me
Tell Nori about me…

Hey, hey, hey, hey
Parle de moi à Nori (petit nom de la fille de Kanye, North), dis à Nori qu-
Je veux juste que tu me fasses une faveur
Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
Parle de moi à Nori…

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Il en va de même lorsqu’elle dit :

So hear me out, hear me out
I won’t go, I won’t go
No goodbyes, no goodbyes
Just hello, just hello
And when you cry, I will cry
And when you smile, I will smile

Donc écoutes moi, écoute moi
Je ne partirai pas, je ne partirai pas
Pas d’au revoirs, pas d’au devoirs
Juste des bonjours, juste des bonjours
Et quand tu pleureras, je pleurerai
Et quand tu souriras, je sourirai

Même si cette fois-ci, il s’agit plus d’un tentative de persuasion, comme lorsque l’on se répète quelque chose plusieurs fois afin de se convaincre que cela se réalisera (les hindouistes appellent cela un mantra).

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Le refrain, lui, témoigne de l’amour inconditionnel d’une mère à son enfant chéri :

Hello my only one, just like the mornin’ sun
You’ll keep on risin’ ’til the sky knows your name
Hello my only one, remember who you are
No you’re not perfect but you’re not your mistakes

Bonjour mon seul et unique, juste comme le soleil du matin
Tu ne cesseras de t’élever jusqu’à ce que le ciel connaisse ton nom
Bonjour mon seul et unique, rappelle-toi de qui tu es
Non tu n’es pas parfait mais tes erreurs ne te définissent pas

À noter qu’en swahili, dialecte qu’on retrouve souvent dans la région des Grands Lacs en Afrique, Kanye signifie « seul et unique » ; tandis qu’en igbo, il se traduit par « donnons », « rendons hommage à ».

Swahili

Le second couplet reprend le principe du premier, les paroles sont apaisantes voire encourageantes :

Hey, hey, hey, hey
Oh the good outweighs the bad even on your worst day
Remember how I’d say
Hey hey one day, you’ll be the man you always knew you could be
And if you knew how proud I was
You’d never shed a tear, have a fear, no you wouldn’t do that
And though I didn’t pick the day to to turn the page
I know it’s not the end every time I see her face, and I hear you say (…)

Hey, hey, hey, hey
Oh, le bien l’emportera toujours sur le mal même lors de ton jour le plus compliqué
Souviens-toi quand je disais
Hey hey un jour, tu seras l’homme que tu as toujours su que tu pourrais être
Et si tu savais à quel point j’étais fière
Tu ne verserais pas la moindre larme, n’aurais aucune crainte, non tu n’aurais rien de tout ça
Et bien que j’e n’ai pas choisi le jour de ma mort
Je sais que ce n’est pas fini chaque fois que je vois son visage et que je t’entends dire (…)

La fin du couplet, pleine d’émotions, nous entraine une fois de plus dans une zone floue. Lorsque Donda parle de « son visage », elle fait bien sûr référence à Nori et à l’effet visuel de la mise en abîme ou l’effet « Vache qui rit ». À travers Kanye, Donda regarderait dans les yeux de sa petite fille et s’y verrait.

 

Vache qui rit

Jean-Jacques Rousseau disait : « L’homme naît bon, c’est la société qui le transforme. » Partant sur la base de ce postulat, il est intéressant de penser que Donda voit seulement le « Kanye enfant » comme l’être pur et bon qu’elle a élevé loin de toutes les polémiques et coups d’éclat que le « Kanye adulte » engendrera dans le futur. En effet, le 8 juin 1977 à Atlanta, Donda West met au monde son « only one » child, Kanye Omari West. Dès lors, le jeune homme ne cessera de nous éblouir tantôt par son génie musical, tantôt par ses allocutions ou prises de positions très auto centrées. Nec Pluribus Impar, tel était la devise de Louis XIV le roi Soleil, comprenez « Supérieur à tous ».

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Tout au long de sa carrière, Ô(mari) Kanye ne cessera de nous rappeler qu’il ne se soucie guère voire pas du tout de l’avis d’autrui, car quoi qu’il fasse, il est dans le vrai. Ou plutôt, il est la vérité. Alors rien de plus normal pour lui de s’entendre dire ces mots par la femme qui lui aura donné naissance :

Hello my only one, remember who you are
You got the world ‘cause you got love in your hands
And you’re still my chosen one
So can you understand ? One day you’ll understand

Bonjour mon seul et unique, rappelle-toi qui tu es
Le monde est à toi car tu as l’amour dans tes mains
Et tu es toujours mon précieux
Alors le comprends tu ? Un jour tu comprendras

Et loin d’un rendez vous morbide, Donda promet à son fils que la prochaine fois qu’ils se verront, ce sera au paradis :

And next time when I look in your eyes
We’ll have wings and we’ll fly

Et la prochaine fois que je regarderai dans tes yeux
On aura des ailes et on volera

En conclusion, il n’est pas rare d’entendre de Kanye West des textes gorgés d’émotions, de références et surtout de concepts. Le titre « Only One » en est le parfait exemple et qui de mieux que sa mère pour en être le sujet le plus pertinent. La légende voudrait qu’après avoir enregistré ses paroles en studio, lors d’une réécoute, le Chicagoan ne se souvint même pas avoir chanté ces paroles. À mi-chemin entre l’épitaphe, l’oraison funèbre et un Kanye West possédé, ces paroles sont l’écho d’un amour indéfectible d’une mère à son fils unique et d’un père à sa fille. Le rappeur que l’on dit égocentrique aura pour mission de perpétuer la mémoire de sa mère intacte à travers l’amour qu’il porte à sa propre progéniture.

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A chacune de ses victoires, Michael Jordan brandissait le trophée tandis que son père James se tenait à ses côtés. Ces moments père/fils immortalisés par les photographes restent une des images fortes de l’histoire du championnat NBA.

Le 16 juin 1996, jour de la fête des pères, se joue le sixième match de la finale NBA. Les Bulls de Chicago reçoivent alors les Supersonics de Seattle, cela fait trois ans que Michael Jordan et son équipe n’ont pas glané de nouvelle bague.

Les Chicagoan partent nettement favoris puisqu’ils mènent logiquement 3-0 dans la série. Cependant, les Supersonics resserrent l’écart à 3-2 et font douter les partenaires d’Air Jordan. La solution viendra du « franchise player » des Bulls. Dans ce « game 6 » disputé, il signe une performance mythique : Michael Jordan assure un total de 22 points en l’espace de 43 minutes. Il marque panier sur panier sans jamais échouer comme s’il était animé par une force extérieure. Le leader de l’équipe se donne corps et âme dans cette rencontre si bien qu’il la mène à la victoire avec un score final de : 87-75. Quand sonne la fin du dernier quart temps, tous les coéquipiers de Michael Jordan sont à la fête et sabrent le champagne pour célébrer leur quatrième titre NBA alors que le joueur s’effondre au sol. Michael Jordan cède à l’émotion qui le prend depuis le début de la rencontre. Il s’allonge sur le parquet les yeux humides après cette victoire et ne se relève pas.

 

 

La cause de cet effondrement s’explique par l’absence de James Jordan. Pour la première fois, il n’est pas là lors d’un des succès de son fils. En effet, James Jordan a été sauvagement assassiné en 1993, c’est pourquoi la même année Michael avait annoncé sa retraite, alors à l’apogée de sa carrière, avant de revenir et de remporter ce titre.

Si les larmes de Michael Jordan ont coulé ce jour-là, c’est bel et bien pour son père qu’il aimait appeler son « meilleur ami ». Cet homme de pouvoir était omniprésent dans la vie de son fils et a joué un rôle important dans sa carrière. James Jordan a encouragé et nourrit l’ambition de Michael à devenir l’athlète qu’il est devenu. Le joueur de basket gardait en tête les paroles de son père :

« My father used to say that it’s never too late to do anything you wanted to do. And he said, ‘You never know what you can accomplish until you try.’ »

« Mon père avait l’habitude de m’expliquer qu’il n’est jamais trop tard pour faire ce que tu as toujours voulu faire. Et il m’a dit : « Tu ne sais pas ce que tu peux accomplir jusqu’à ce que tu essayes. »

Un père strict et intransigeant à qui MJ a rendu hommage en déployant toutes ses forces lors de la finale contre Seattle pour remporter ce titre en 1996.

 

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Le temps d’une respiration entre la Paris Fashion Week Homme et l’arrivée de la Fashion Week Femme, prenons donc le temps d’apprécier la série réalisée par le magazine Wallpaper*. Une compilation des lieux les plus impressionnants choisi pour les défilés Printemps / Eté 2015 qui se déroulaient en décembre dernier.

Rick Rubin s’est prêté au jeu des annotations du site Rap Genius – système permettant aux artistes et à n’importe quel utilisateur d’agrémenter des lyrics de précisions ou d’anecdotes – sur des morceaux choisis, en rapport ou non avec sa discographie. Le co-fondateur de Dej Jam et illustre producteur, fort d’une discographie de production s’étalant sur plus de trois décennies et des collaborations avec des artistes aussi divers que Run DMC, Public Enemy, Red Hot Chili Peppers, Shakira, Johnny Cash ou encore Slipknot, fait de Rick Rubin le candidat parfait pour remplir cet exercice.

 

Les Beastie Boys

 

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Rick Rubin revient notamment sur sa relation avec les Beastie Boys, groupe qu’il a aidé à faire monter et à développer.

« Le premier album que j’ai fait était Radio de LL Cool J, et le deuxième était Raising Hell, puis Licensed to Ill. J’ai aussi travaillé sur « Reign In Blood » de Slayer et « Electric » de The Cult. Je me souviens que Mike D m’a appellé alors que j’étais en studio avec The Cult pour me demander pourquoi un morceau des Beasties n’avait pas été fait. »

 

« 99 Problems » de Jay-Z

 

Il s’exprime en plusieurs occasions sur une de ses productions hip-hop les plus connues, le morceau « 99 Problems », extrait de l’album de Jay-Z, The Black Album. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur la conception de ce titre à part de la discographie du Brooklynite, notamment sur ses lyrics et la légendaire croyance voulant que Jigga n’ait jamais écrit ses textes :

« Je pense que Jay invente littéralement ses lyrics. Il se peut qu’il ait des concepts dans la tête, je ne suis pas sûr, mais j’imagine qu’il a déjà des idées de chansons, des sujets. Je ne pense pas qu’il parte d’une feuille blanche. »

 « Jay n’avait pas de paroles au départ. Je lui ai joué la piste et il a adoré. Je lui ai exprimé cette idée que Chris Rock avait environ « 99 Problems ». Il m’a dit : « Il y a cette chanson Ice-T appelé ’99 problems’ et le refrain est vraiment super, il y a probablement une chanson intéressante à faire avec ce refrain. » »

«  Jay a écrit le premier couplet en une vingtaine de minutes, assis à l’arrière de la salle de contrôle. Il faisait juste une sorte de chantonnement, pendant que nous faisions tourner la piste en boucle, et peut-être au bout de trente minutes, il a sauté et a dit : « We got it ». Il l’a fait dix fois, et chaque fois qu’il l’a fait, c’était différent. La plupart des mots étaient les mêmes, mais le phrasé était différent. Il avait écrit et mémorisé les mots, puis jouait avec différentes façons de le faire. C’était incroyable. »

« C’est le seul couplet qu’il ait écrit. C’est la première fois que je l’ai vu écrire un truc. Il l’a lu de son ordinateur portable. Il l’avait écrit durant la nuit. »

 

Enfin, le producteur revient sur la surprenante dédicace faite par le rappeur en fin de morceau « You crazy for this one Rick » :

« Quand nous avons terminé, pendant que nous faisions les finitions, j’ai enlevé les ad-lib de la chanson, avant qu’il ne me dise : « Non, non, ça reste.  » J’étais étonné, du genre  » Vraiment ? « Moi je viens d’une ère de hip- hop où nous ne faisions pas de shoutouts. Une ère pré-shoutout. »

 

Yeezus de Kanye West

 

Yeezus

 

Rick Rubin s’exprime aussi longuement sur Kanye West et sur la conception de Yeezus, auquel il a été invité à travailler sur le tard par le Chicagoan pour entièrement refaire la production de l’album, quelques jours avant sa date de sortie. Producteur exécutif du projet, il sera à l’origine de plusieurs changements, notamment la réduction du nombre de tracks de 16 à 10 sur la version finale. Ces quelques jours intensifs de travail avec le rappeur font de lui un témoin privilégié de la conception de Yeezus et du comportement de Kanye, dont il partage avec nous certains détails :

« Kanye est une combinaison d’application et de spontanéité. Il trouvera un thème qu’il aime rapidement, et ensuite il vit avec pendant un moment, sans nécessairement remplir tous les mots sur le moment. À la fin, il comble tous les trous. Il s’est même énervé quand je lui ai dit qu’il écrivait ses paroles rapidement. Il a raison, il laisse cogiter pendant une longue période, trouve le phrasé dans son cerveau, vit avec, puis les paroles apparaissent. Il commence vraiment à partir de cette chose très spontanée. Sur « Only One », beaucoup de ces paroles sont venus de manière spontanée avec des additions libres. La chanson est essentiellement « live », écrite dans l’instant. Certains mots ont été améliorés plus tard, mais la plupart étaient sortis de sa conscience, juste Kanye dans l’instant. »

« Kanye m’a dit que Yeezus était le premier album où il était heureux de la façon dont il est sorti. »

« Quand il jouait Yeezus pour moi, c’était comme, trois heures de trucs. Nous l’avons parcouru et avons réfléchi à ce qui était essentiel et ce qui ne l’était pas. C’était comme de décider d’un point de vue, et c‘était vraiment sa décision de le rendre minimal. Il répétait sans cesse que les sons n’étaient pas assez bons et qu’ils avaient besoins d’être encore travaillés. Quand il devait me laisser travailler sur certaines choses, il disait : « Tout ce que tu peux faire pour retirer des choses plutôt qu’en ajouter, faisons-le. »

« Nous en avons parlé avec Kanye de faire une version alternative de Yeezus, parce qu’il y’a tellement de versions de chansons, de magnifiques versions. Il existe des versions toutes aussi bonnes que celles qui sont sur l’album, mais juste différentes. Je sais qu’en tant que fan, j’aimerais les entendre. Peut-être un jour, quand il le voudra. Mais il existe ! Ce projet existe »

 

Rick Rubin, l’auditeur

 

Dans la multitude d’annotations, « DJ Double R » aborde également simplement ses goûts musicaux, commençant par exprimer son avis sur un album classique du hip-hop, The Chronic (1992) de Dr. Dre :

« Je n’ai jamais vraiment écouté The Chronic. Je suppose que je n’ai jamais aimé ce qui est lisse. Même avec Puff, qui a vraiment apporté du r’nb dans le hip-hop. Je préfère le hip-hop quand il n’a rien à voir avec le r’n’b. J’adore les breakbeats et les boîtes à rythmes de style b-boy. Je n’ai jamais aimé les trucs lisses. »

En 2000 sort le second album du chanteur D’Angelo, Voodoo. Cet opus connaîtra un immense succès commercial et se verra acclamé par la critique, trustant nombre de places d’honneurs dans les classements d’albums de l’année et sera la pierre fondatrice du genre néo soul. Rick Rubin n’est pas passé à côté de ce phénomène. Certainement l’une des annotations les plus étonnante de toutes :

«Je ne pense pas qu’il y ait un album que j’ai plus aimé que Voodoo durant les quinze années qui ont suivi sa sortie. Je pense tout simplement que cet album est spectaculaire.»

 

Pour ceux qui se demandaient ce que le producteur a écouté et apprécié l’année passée, le musicien Beck est la réponse :

« J’adore Morning Phase. Probablement mon album préféré de l’année 2014. C’est certainement son meilleur. Je l’aime mille fois mieux que Sea Change. »

Peu avare en anecdote, Rick Rubin s’exprime sur le succès retrouvé du groupe de country Dixie Chicks, qu’il a aidé à réhabilité en produisant leur album Taking The Long Way en 2007, après plusieurs années de boycott aux USA, suite à leurs critiques sur la politique de George W. Bush en Iraq :

« Taking The Long Way  était vraiment cool. J’aime les albums comportant de la controverse. Dixie Chicks était simplement le plus grand groupe féminin de l’histoire, le plus couronné de succès de l’histoire, puis Natalie Maines a fait un commentaire à propos de George Bush lors d’un spectacle 2003 à Londres. « Juste pour que vous le sachiez, nous avons honte que le président des États-Unis soit du Texas. » Presque toutes les stations de country d’Amérique ont cessé de les jouer. Elles sont passées d’artistes les plus joués à être blacklistés. Et n’ont toujours pas été pardonnées, cela dit. Elles ont complètement été éliminées de leur marché principal.
Nous avons fait un nouvel album après ce qui est arrivé, qui parle en grande partie de cela, et il a fini par gagner le Grammy de ‘l’Album de l’année’, c’est un projet spectaculaire. C’est vraiment un bon album. Il y’a de très bonnes chansons.

De sa propre bouche friand de musiques en tout genre et de tous les univers possibles, le double R revient sur la situation du King of Crunk, Lil’Jon, avec lequel il avait collaboré sur le titre « Stop Fuckin’ Wit Me”, extrait de son album Crunk Juice (2004) :

« Vous souvenez-vous quand Lil ‘Jon est arrivé, qu’il était en vogue et qu’il a en quelque sorte disparu parce qu’il avait des problèmes avec son label ? Nous avons enregistré cette chanson, mais elle n’est sortie que des années après. J’ai fait qu’une chanson avec Lil ‘Jon. C’est fou et génial. Elle utilise des samples de Slayer, ce qui était son idée parce qu’il était un grand fan de Slayer. C’est super. C’est comme si le morceau n’était jamais vraiment sorti, même si c’est le cas. Personne ne l’a entendu. Ce n’était pas parce que Lil’Jon n’était pas bon; il a juste eu une certains problèmes qui l’on empêché de le sortir. »

Il est vrai que question folie sur Internet, les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Ils sont mêmes les principales sources de ces phénomènes à la fois incongrus et tordants. Si Twitter & Facebook sont bel et bien établis sur le podium du « What The Fu*k? », Instagram se hisse sans peine dans le trio de tête. Le mérite en revient à ses dix personnalités qui se sont données corps et âme pour convaincre les plus sceptiques. Par leurs exploits sur le réseau social ; ils vont tour à tour agir de manière « toujours plus folle ». Et ce, pour notre plus grand plaisir…

 

10 – Austine Mahone, l’inarrêtable

 

Beaucoup d’utilisateurs sont rapidement devenus accrocs aux réseaux sociaux y compris Instagram, à l’instar de Austine Mahone. Une addiction telle qu’il s’est senti le besoin, alors qu’il était à l’hôpital, suite à son opération des amygdales, le 23 décembre dernier, de poster une photo de lui en train de composer. Petite attention pour ses fans, ou grosse peur de se faire oublier durant sa convalescence alors même que sa célébrité reste fragile ?

http://instagram.com/p/w7BOBVLUBP/

 

 

9 – Chris Brown, l’impudique

 

Habitué des Top 10 en tout genre, qu’il s’agisse de ses performances artistiques ou de ses pires bêtises, Breezy n’échappe pas au nôtre. 2014, fut une année difficile pour cette tête blonde. Les centres de désintoxication, la prison, les bagarres répétées, les ruptures… Il a cru bon de rendre publique la dernière en date avec le mannequin Karrueche Tran. L’occasion pour nous d’en apprendre plus sur l’intimité du couple. Nous voilà informé qu’il s’est fait taclé une énième fois par Drake, et que Karrueche aurait même participé à des threesomes -plans à trois-. De quoi ternir la réputation de cette dernière. Nous souhaitons donc une bonne année 2015 au chanteur, année qui commence mal puisqu’il lui faut effectuer encore 100 heures de Travaux d’Intérêts Généraux, avant d’espérer reprendre sa tournée. Au grand désespoir de ses fans.

Chris-Brown-blast-Karrueche-Tran-on-Instagram

 

 

 

8 – Rihanna, la lunatique

 

Récemment devenue directrice artistique et ambassadrice de Puma, puis actuellement en train de préparer son 8ème album, Bad Gyal Riri est l’une des éminences du « IG Game » et pour cause… Le 30 mai 2014, elle gratifiait la toile de la quasi-intégralité de son photoshoot pour le magazine Lui, dont les photos sont un hommage à un ancien numéro publié en 1972 avec Karin Schubert, seins nus, en couverture. Bien mal lui en a pris. Les responsables du service de censure d’Instagram, probablement outrés se sont empressés de supprimer son compte. Les tensions se sont aujourd’hui apaisées entre les deux entités mais elle ne cesse d’user de son sex-apeal. Lorsqu’on lui demande les raisons de cette obsession de l’objectif, elle répond : « J’aime mon corps, je me sens sexy tout simplement. »

:(

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7 – Les Graham, la Familia

 

Drake le Fragile. Cette année encore, l’homme qu’on aime autant que l’on déteste s’illustrait brillamment dans l’industrie de la musique. Tant par ses talents d’artiste, que par ses facultés à dénicher les « next big thing » du rap et du r’n’b comme le dirait si bien Lupe Fiasco. Seulement voilà, Drake c’est aussi quelques ratés. Nous pourrions « épiloguer » sur son style vestimentaire plus que douteux mais c’est l’incident avec l’actrice du X Mia Khalifa qui lui vaut sa place cette fois-ci. En tentant vainement de la séduire par message Instagram privé, il affiche un comportement qui aurait de quoi faire rougir n’importe quel père, excepté le sien…

Dennis le Pervers, dont le monde ignorait le visage avant le visuel de « Worst Behaviour ». Ce dernier a, particulièrement bien, su trouver sa place par rapport à la célébrité de son fils. Adepte d’Instagram, il s’en sert pour lancer des avis de recherche  » I am in search of a classy female rapper with me to collaborate on my new single / Je suis à la recherche d’une rappeuse chic afin de collaborer sur mon nouveau single. » Mais aussi pour publier chaque jours, les photos de ladies qu’il complimente à chaque fois. Artistes, grands amateurs de femmes, parfois fragiles, il semblerait que les Graham n’échappent pas à l’adage « Tel père, tel fils ».

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6 – Rita Ora, le bonnet d’âne

Qui est Rita Ora ? Une des égéries de la marque Adidas ou une pop star ?

Incontournable sans que personne ne fasse attention à elle, Rita Ora est tout et pas grand chose à la fois. En effet, la chanteuse anglaise au teint doré est depuis le début de sa carrière, à l’ombre du show business. Depuis qu’elle a attiré l’attention de Jay Z, et décroché un contrat chez Roc Nation, elle ressemble plus à une version incomplète de Rihanna, tout comme Saints Row I le fut de GTA IV et C-16,17 et 18 le furent de Cell. Elle s’est dernièrement faite remarquer pour ses frasques douteuses sur Instagram, des photos dont les légendes sont toujours ponctuées d’un « Lol ». Oubli de culottes sur le Red Carpet, photo topless, baisé avec Kate Moss ; le 9 novembre, elle apparaissait gros plan avec un grand sourire aux lèvres, allongée sur son lit avec la légende « Had my first facial today lol a little late but I got there! / J’ai eu mon premier facial aujourd’hui lol un peu tard, mais j’y suis arrivé ! » Déroutant, n’est ce pas? Cet épisode aura tout de même valu à Rita Ora le surnom de Rita Orale.

 

http://instagram.com/p/vKWH7_RsyP/

 

5 – Miley Cirus,  la lubrique

 

Comment ne pas mentionner cette lutine qui enchaîne les provocations depuis quelques temps sur tous les réseaux sociaux. Entre les jours où elle prône la masturbation, ceux où elle apparait entièrement nue ou en train de se trémousser en maillot de bain contre un arbre, en plein mois de janvier, on finit par s’habituer à ses frasques instagrammesque. L’ardente militante du mouvement « Free The Nipples », illustre parfaitement le burn-out comportemental des jeunes stars de Disney caractérisé par une attitude de négation de l’enfance « mielleuse et sage ». Epaulée par son ultime boyfriend en date Patrick Schwarzenegger, elle n’en a pas fini de nous surprendre et/ou de nous agacer.

bring me out bring me ouuuutttt ( . ) ( . )

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4 – Amber Rose, la Reine-MILF

 

Instagram semble être la plateforme parfaite choisie par les demoiselles pour exposer leurs courbes, quelque fois en quasi-intégralité. Besoin profond de considération, générosité proche de la philantropie…? Pour Amber Rose, il semblerait que ce soit surtout pour attirer l’attention de son ex-mari Wiz Khalifa, père de son fils, et modèle du tatouage qu’elle porte sur le bras gauche. Elle twerkait déjà en 2013 en robe de mariée, elle re-twerkait après son divorce, en compagnie de Black Chyna ex-femme de Tyga. Cette fois elle s’expose, photographiée sous quatre angles différents dans un maillot de bain, plus prétexte à décorer son corps qu’à le cacher. Puis, encouragée par le succès de ses photos, elle récidive deux jours plus tard, en postant une photo seins nues et string fluo dans une douche. Visiblement en manque de buzz, et de travail, la desperate housewife pense plus utile de se dénuder sur le net que de s’occuper de Sebastian, son fils. De quoi rendre euphorique les plus « Dennis Graham » d’entre nous.

 

http://instagram.com/p/x983Tekq-p/

 

 

3 – Kim Kardashian, le Boul de Cristal

 

Impossible de parler de 2014 sans revenir sur l’incident qui a « Break The Internet ». Il s’agit bien sûr de la Une du Paper Magazine d’hiver 2014 où Jean Paul Goude immortalisait l’incontournable postérieur de la cadette des sœurs Kardashian. En recréant son chef d’oeuvre « Champagne Incident » de 1976, il a permit en quelque sorte à Kim de rentrer dans l’histoire, en provoquant un véritable tollé. Tollé qui n’a pas manqué d’atteindre Instagram. En effet, les photos nues de Kim sont les plus bruyantes du fait de l’effet de surprise. En glissant, une photo entièrement nue parmi une centaine d’autre où elle est vêtue de manière chic, elle crée un véritable buzz systématique ce qui lui assure sa place de chef de troupe des icônes féminines d’Instagram. C’est d’ailleurs elle qui détient la médaille du compte le plus suivi.

À noter qu’il est ironique de parler de deux des conquêtes de Kanye West à la suite. Ce faisant, on pourrait s’interroger sur son influence sur elles tant le pré et post-Yeezy présente deux personnes vraiment différents. Qu’il s’agisse d’Amber qui peinait dans une carrière de mannequinat ou de Kim, icône de la téléréalité encore dans l’ombre de Paris Hilton. Si on leur demande comment elles sont parvenues à ce statut de « Femme Fatale », ces deux la pourraient bien répondre « Yeezy Taught Me ».

http://instagram.com/p/ylAbwouS6D

 

 

2 – Booba, l’incompris

 

Lorsqu’il n’est pas derrière le micro ou en train de s’occuper de sa fille Luna, le n°1 du rap français et ambassadeur d’Ünkut est la plupart du temps sur son smartphone, en train de scroll sa timeline Instagram. Bien occupé avec son nouveau site web OKLM et toutes les vidéos que les artistes, et fans lui envoient, il trouve tout de même le temps d’animer son compte. Il provoque les fou rires en postant les vidéos les plus drôles qu’on lui envoie, ou clash destinés à ses ennemis Kaaris, La Fouine, dernièrement Anelka… Néanmoins, là où il règne en maître, c’est dans l’art du hashtag. Observez : #fruitdemerzer #gambasland , #comprendrontilsunjourquilssontfinisaufromagedechêvre , #tamèrelanguilletonpèrelaquenelle, #92izihautsdseizeinefiletmignon , #fantomialddanslebuildingizer, #contrôledechickenwings. Ces derniers qui n’ont rien à envier à ses lyrics, mériteraient même qu’on leur consacre un Top Ten. #Izi.

L'important c'est pas la chute mais l'atterrissage #jusquicitoutvabien #chanteloup #saïdbaiselapolicemaiskopptebaise #obélix #vinzland #çafaitdubiendechieruncoup #lahaine #92i

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1 – 50 Cent, l’acide

 

Curtis Jackson a prouvé, tout au long de sa carrière, qu’il savait manier le phrasé et la punchline tant dans ses textes que dans ses clashs où il tire sans sommation. On retrouve dès lors le clasheur émérite qui rendait public la sextape de Rick Ross en 2009, la photo de The Game en strip-teaser en 2005. Toutefois, c’est sur un autre terrain de chasse qu’il vide ses chargeurs en ce moment. Qui sont ses cibles cette fois ? Floyd Mayweather, lorsqu’il parie 750 000 $ que son ancien ami et boxeur n’arrivera pas à lire une page de Harry Potter à haute voix sans se reprendre, ce à l’issue d’un beef qu’ils traînent depuis deux ans. T.I lorsqu’il attise le « clash » l’opposant à Mayweather. Mais plus récemment, c’est sur A$AP Rocky qu’il fait feu en publiant une photo qui montre ce dernier en train de s’immiscer dans les DM -direct message- de Holly, son ex… « Fuck you think I’m Kanye and You Wiz? » a t’il clamé, tout en ne manquant pas de rappeler à l’impétueux Rocky l’écart vestimentaire « Last time i seen this punk he had a dress. / La dernière fois que j’ai vu ce minable il portait une robe » et l’écart monétaire « You can’t afford Holly, I gave her habits. / Tu n’as pas les moyens pour Holly, je l’ai trop bien habitué » qui les sépare. Certes moins médiatisé qu’avant, l’homme n’en a pas moins l’œil vif et la gâchette facile ce qui lui vaut la première place de ce Top Ten des 10 Instagrammeurs les plus fous.

YUHYoXp

 

Quelques minutes avant leur entrée en scène, au moment où la tension et l’excitation atteint son paroxysme, quel est l’état d’esprit de vos artistes préférés ? Pour le savoir YARD les suit jusqu’à leur rencontre avec leur public, en recueillant leur ressenti.

Perdue dans la forêt japonaise, surgit la « maison d’Itsuura ». Une construction organique, constituée de bois dans la pure tradition de l’architecture japonaise, par l’agence Life Style Koubo.

Le milieu de la décennie 2010 est actuellement témoin de la domination sans partage d’un rap Twitter sur fond de trap. Plébiscitée par une génération « Like » friande d’instantanéité qui commence à faire la pluie et le beau temps du marché musical, la grosse machine à punchlines a mis un K.O. commercial à ce qu’on appelle vulgairement le « rap conscient » au tournant du siècle. Pourtant, malgré ce phénomène contemporain, il serait lapidaire de penser que la révolution numérique a désintégré la substance engagée du hip-hop sur l’autel du divertissement et de l’émotionnel. Car si elle a provoqué une sévère remise en question des industries musicales, elle développe à vitesse exponentielle l’émergence d’une pluralité d’opinions transparente qui donne un nouveau sens aux productions culturelles. Chaque artiste, même « alternatif », gagnera qualitativement en influence culturelle, voire politique, ce qu’il ou elle a perdu quantitativement en termes de ventes, si tant est qu’il ou elle maîtrise les enjeux de cette nouvelle donne digitale. Dans un tel contexte, des évènements de société comme ceux de Ferguson ou de Charlie Hebdo, risquent d’abonder dans ce sens.

 

 

Soulquarians

 

 

Les limites d’un positionnement marketing nommé « rap conscient »

 

En plus de quatre décennies d’existence, le hip-hop est passé de no man’s land artistique au statut de pop-culture la plus consommée au monde. Au sein d’une telle évolution, son expression rap a vu son rôle évoluer sensiblement de haut-parleur social et engagé du ghetto en une machine de divertissement des plus rentables. Si la comparaison historique entre les morceaux cultes « The Message » et de « Rapper’s Delight » est l’une des premières illustrations de cette schizophrénie propre au hip-hop, le mouvement de balancier va prendre une autre tournure quand le très rentable gangsta rap, prend le pouvoir dans les années 90. À contre courant des mastodontes du showbiz de l’époque que sont Death Row et Bad Boys, une nouvelle vague d’emcees tire son épingle du jeu en proposant une alternative artistique séduisante. Les plus connus s’appellent Mos Def, Common, The Roots, The Fugees ou encore Talib Kweli. Aussi bien sur le fond que sur la forme, leur prise de recul sur des thématiques variées, leur champ lexical recherché et leur volonté sincère de faire passer des messages apportent une bouffée d’oxygène à un certain public. Ce dernier, probablement lassé par la violence ambiante qui tourne en rond sur l’Amérique d’Est en Ouest, voit en ces successeurs désignés des KRS-One, A Tribe Called Quest ou Public Ennemy, une réponse crédible et constructive. On est au tournant du siècle, et tel un Néo solaire indissociable de son pendant sombre l’agent Smith, le terme de « rap conscient » s’affirme en réaction à un imaginaire gangsta qu’il compte combattre à la force de la plume et du micro.

 

 

Du moins, c’est ce que se complaît à présenter la matrice opportuniste qu’est l’industrie rap. Si celle-ci oppose deux étiquettes – l’une « gansta » devenue mainstream contre l’autre « consciente » et championne du hip-hop alternatif – cette dichotomie marketing va voler en éclat pendant la décennie 2000, ringardisée par une nouvelle génération d’artistes créatifs qui, arrivés à maturité, tracent leur propre voie. Ces talents proposent des univers hybrides (divertissement sans posture de street-credibility, mais avec des injections de thèmes de société pas toujours très reluisants, comme la politique, les droits civiques, l’éducation…) qui leur ouvre les portes du Billboard. On pense notamment au fantasque duo d’Atlanta Outkast qui explose aux yeux de l’Amérique entière avec son quatrième et cinquième album, Stankopia et Spearkerboxxx/The Love Below, ou encore à un certain rappeur-producteur de Chicago, Kanye West, et son époustouflant The College Dropout, rampe de lancement d’une carrière que l’on connaît. Aujourd’hui, alors que la trap tend à uniformiser le son, l’écurie TDE et sa figure de proue Kendrick Lamar représentent fièrement cette virtuosité versatile. Malgré de nouvelles productions et un public fidèle, ceux qu’on appelait les rappeurs conscients n’arrivent plus à affoler les charts. À croire que la demande de masse s’était lassée de leur message positif – transformé en bien-pensance lourde à l’interprétation monotone – quitte à aller se réfugier vers O.T. Genasis ou Chief Keef, porteurs d’un « rap conscient » d’un genre nouveau et sans prétention moralisatrice, façon Geto Boyz et leur morceau phare « My Mind Playin’ Tricks On Me » mais adapté à au combo trap-twitter contemporain.

 

 

Et si la crise de l’industrie musicale concerne tout le monde, elle a été particulièrement violente pour ces représentants éminents d’une certaine idée du rap poétique et engagé. Plus d’une décennie après leur consécration commerciale, The Roots, Mos Def, Common et Talib Kweli ont vu leurs ventes s’effondrer, dans laquelle l’album sorti se vend deux fois moins que le précédent. Si ils n’ont pas disparu comme l’étoile filante des Fugees, nos lyricistes peinent aujourd’hui à vendre le dixième des Disques d’Or et leur barre symbolique des 500.000 unités vendues, qu’ils ont tous connus entre 1998 et 2002.

En France, si l’on compare les évolutions artistiques et commerciales de rappeurs comme Oxmo Puccino, La Rumeur ou Booba qui ont commencé sur la même ligne de départ, la tendance est similaire. Tandis que depuis une quinzaine d’année les premiers ont affiné leurs textes et vu leur public vieillir à mesure que leurs propos respectifs s’affinaient vers d’autres horizons teintés de dimension consciente (mélancolie poétique, Françafrique…), l’ancien membre de Lunatic explose toutes les ventes avec des jeunes qui consomment en masses son rêve américain, bien que la plupart d’entre eux n’étaient même pas nés lorsque « Le Crime Paie » déchainait les passions. Aujourd’hui ce constat des ventes, sans appel, est accompagné par des nouveaux indicateurs, ceux des likes, followers et autres abonnements numériques. Bien que limités, ces outils sont devenus incontournables, fantassins d’une révolution numérique qui a totalement redistribué les cartes des industries culturelles, aussi bien dans la confusion des nuances musicales que dans l’impact des artistes auprès de l’environnement qui les entoure.

 

 

 

Réseaux sociaux : could the medium be the conscient message ?

 

Outre l’effondrement des ventes d’albums, il est indéniable que les transformations numériques ont profondément retourné les règles du jeu pour les artistes. Processus de création, business-model, communication, construction de personnage : tout se mélange au sein de l’affirmation de leur identité numérique.

En termes de production culturelle, le décloisonnement digital accéléré par l’architecture en réseau du web 2.0 multiplie les opportunités d’inspirations, de collaborations, et fait exploser toutes les frontières artistiques. Dans ce contexte de multitude, le hip-hop, considéré comme la première musique électronique de l’Histoire, se trouve au centre de ce bouleversement créatif qui peut offrir à ses artistes une palette de couleurs musicales infinie. D’autant plus que ces derniers, grâce à cette même architecture en réseau sociaux, voient la communication avec leurs publics respectifs désintermédiée. Sur le papier, tout semble réuni pour que tout artiste voulant se faire écouter soit en mesure de partager sa production propre, qui plus est fidèle à ses convictions, et ce avec l’auditoire le plus large possible. Mais la réalité de 2015 est impitoyable : le mode de consommation et d’interaction de cet auditoire est tel que son attention est devenu un bien rare. Conséquence, aujourd’hui celui qui veut se faire entendre, à défaut d’être totalement écouté, doit produire et communiquer en format court. Dans sa quête, le rappeur doit donner sa priorité aux tubes de trois minutes, à leurs clips vidéos, moins à la construction d’un album cohérent. De fait, l’environnement numérique a laissé la place à la dictature de l’image instantanée, du buzz et des punchlines twitter, aux dépends des nuances, dont la diversité est indispensable à l’originalité et à la profondeur de la création. Le hip-hop n’échappe pas à la règle, loin de là. Comme le démontre tristement cette récente vidéo sur le rap français de 2015, l’arrivée de YouTube et des autres réseaux de partage incite davantage à la communication et au mimétisme qu’à la réelle création originale. Il en résulte une uniformisation de l’offre artistique (production instrumentale, flow, interprétation, champ lexicale) qui entraine une uniformisation du goût des consommateurs cliqueurs, qui paradoxalement désirent en permanence de nouveau contenu.

 

 

Le caractère conscient, voire engagé, du rap est-il inadapté au 2.0 ? Pas nécessairement, d’autant qu’à long-terme, ce caractère s’avère être la substance de fond qui fera la différence sur l’obsession de l’image et la recherche incessante de buzz propres à l’entertainment, et ce en termes de créativité, de cohérence et de transparence. A l’instar d’une marque qui s’affirme, la construction de l’identité digitale, devenue essentielle pour tout personnage public tels que les artistes qui veulent se faire connaître, est un sprint de semi-fond, où il faut que l’essence se compose aussi bien de solides valeurs, que d’un minimum de substance intellectuelle . Car au-delà du nombre d’abonnés et les risques permanents de désabonnement et de bad buzz sous-jacents, c’est la relation de confiance avec ces derniers qui se sont regroupés en communauté numérique autour d’eux, est primordiale. Las de rechercher la nouveauté permanente dans la consommation pure de divertissement, les abonnés potentiels sur l’espace public numérique sont non seulement en demande de prédicateurs de tendances culturelles, mais aussi de référents qui valident des orientations politiques. Il en résulte une pression médiatique considérable sur les artistes, et notamment les rappeurs, qui ne peuvent pas toujours la maîtriser. Booba, apôtre de la réussite individuelle et du chacun pour soi apolitique à la ODB, l’a d’ailleurs amèrement constaté l’été dernier. Le rappeur du Pont de Sèvres s’est retrouvé au cœur d’une joute numérique contre l’intellectuel Tariq Ramadan, qui lui reprochait son irresponsabilité après son rejet d’importation du conflit israëlo-palestinien sur son compte Instagram par ses fans. Les réseaux sociaux ont posé les fondations d’une société d’opinions en ligne, théâtre permanent de débats en tout genre. Bien que certains soient lassés de n’être pris que pour des représentants sociaux et non comme des artistes de divertissement à part entière, les rappeurs, avec un recul plus ou moins conscient, bénéficient d’une assise de personnalité publique influente. Si l’artiste maintient de façon cohérente ses valeurs et sa substance intellectuelle, son identité digitale s’affirmera comme une marque solide dont la force ira bien au-delà du simple placement de produit rémunérateur.

 

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A l’époque de Ferguson et de Charlie Hebdo, un certain hip-hop teinté de spiritualité et d’activisme

 

Chaque mot communiqué ayant son poids, l’impact d’un rappeur ou d’une rappeuse auprès de sa communauté de fans peut facilement se muer en tribune d’activisme politique, et parfois atteindre les sphères du spirituel. La religion est un sujet très présent chez de nombreux rappeurs, aussi bien dans les textes de leurs morceaux que dans les messages qu’ils postent. Si l’impact sur le public, notamment si celui partage la même confession, est très important, son appréhension, sa communication et sa réception varient naturellement en fonction des artistes et des contextes. Si un Busta Rhymes vit et partage différemment sa spiritualité qu’un Yasiin Bey ou d’un Kanye West de l’autre côté de l’Atlantique, on peut distinguer certaines nuances d’approches, notamment générationnelles, de la religion en France par les rappeurs. Des piliers du rap français trentenaires arrivés à maturité comme Kery James ou Youssoupha, n’abordent pas l’Islam de la même manière qu’un Niro ou un Sofiane. Ces derniers, qui se sont fait connaître à partir des années 2010, l’amènent de manière plus brute, notamment quand il s’agit d’exposer leurs contradictions internes sincères – celles d’un jeune occidental de confession musulmane issu des quartiers au XXIe siècle – dans lesquelles de nombreux jeunes de France s’identifient.

 

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La démarche consciente, plus ou moins publique et parfois prolongé par un activisme de terrain, ne fait plus nécessairement vendre, comme il y a une quinzaine d’années. Mais à l’heure où le traitement de l’actualité a largement débordé le cadre des chaines de télévisions, les figures éminentes qui l’adoptent pleinement n’ont jamais été aussi présentes. Les raisons, le contexte et les conséquences des drames de Ferguson l’été dernier et de Charlie Hebdo récemment, sont bien distinctes, mais ces deux événements mettent violemment en exergue des problématiques de société qui interpelle tout le monde. Et c’est à la lumière de ces faits avec une grosse dimension tragique que l’on distingue ces artistes dont l’activisme réel dépasse la simple posture. Investies sur le terrain pour la communauté en dehors des projecteurs, ces personnalités engagées ont non seulement l’expérience pour trouver le mot juste au bon moment avec le bon ton lorsqu’ils sont attendus au tournant, mais également la crédibilité pour retenir l’attention. Common, qui vient de remporter le Golden Globe de la meilleure chanson originale pour Selma (le film sur la marche des Droits Civiques de 1965 dont il est acteur secondaire en incarnant le révérend activiste James Bevel), n’hésite pas à monopoliser du temps aux derniers MTV VMA en mémoire de Mike Brown. Talib Kweli et Killer Mike, présents dans les manifestations des rues de Ferguson, sont intervenus pour débattre avec les journalistes de CNN. En France, Kery James, en tournée solidaire pour redistribuer une bonne partie de ses cachets de concerts pour financer son propre système de bourse étudiant aux jeunes, a probablement signé l’une des meilleures tribunes publiques sur les attentats de Charlie Hedbo. Lue par des centaines de milliers de personnes, elle est sereine, sans démagogie et porteuse d’espoir, appelant à un travail de long-terme, collectif et patient. Alors que l’industrie s’évertue à formater et diluer ses propos engagés au profit du pur divertissement, la dimension consciente du rap, malgré sa faible rentabilité économique, est belle et bien en vie, trouvant une seconde jeunesse sur la toile et puisant une partie de son inspiration dans ce vivier sans fin qu’est l’actualité. Et c’est plutôt une bonne nouvelle pour notre vivre-ensemble.

 

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31 janvier > Les festivités du Superbowl ont commencé la veille de l’évènement le plus suivi des États-Unis. Rihanna donnait un concert surprise lors d’une soirée privée pré-Superbowl et convie par la même occasion Kanye West.

00:02 > John Legend, actuellement nominé aux Oscars pour la bande-son du film Selma, chante America The Beautiful. Sans surprise, son interprétation soul est impeccable.

00:30 > Le coup d’envoie est donné au New England Patriots qui prennent la main sur l’attaque, pour un premier quart-temps qui sera essentiellement défensif. Les équipes se jaugent l’une-l’autre. Résultat : 0-0.

01:03 > Le deuxième quart-temps est bien plus animé. Alors que Seattle perd le ballon, laissant l’offensive à New England, c’est Jeremy Lane qui brille en surprenant le légendaire Tom Brady et toute l’équipe des Patriots en effectuant une exceptionelle interception. Après quelques touchdown, une passe de 44 yard et un nouveau record du célèbre quaterback (avec 11 passes pour un touchdown lors d’un Superbowl).

01:06 > C’est l’heure de la pub. Esurance tire son épingle du jeu en se payant Bryna Cranston sous les traits de Walter White et Lindsay Lohan dans son propre rôle.

02:15 > L’heure est venue pour la traditionnelle performance du Superbowl. Assumé successivement ces dernières années par Madonna, Beyoncé et Bruno Mars, le nom du « halftime show » c’est cette année porté sur Katy Perry, à la suite d’une proposition impliquant Coldplay et Rihanna. Pour cette prestation non rémunérée, l’association proposait aux artistes de participer financièrement à leur performance, ce qu’ils ont tous les trois refusés. La NFL a tout de même fait appel à Katy Perry.

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Mais passons sur le show cartoonesque de la chanteuse, ou sur la cover rock’n’roll de « I Kissed A Girl » par Lenny Kravitz, pour célébrer le retour de Missy Elliot.

On espère simplement que cette prestation signe définitivement son retour annoncé depuis deux ans, de cette icône d’une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

is it bad idk who missy elliot is — karalyn !! (@sweatermukes) 2 Février 2015

Ok I’m gunna act like I know who missy Elliot is but I have no clue to be honest — Stephen Kim (@KimDynasty66) 2 Février 2015

02:39 > Le match reprend, et les Seahawks prennent enfin la tête. Et le troisième quart-temps se termine avec un 24-14, les New England Patriots n’ont plus que quinze minutes de jeu pour renverser le score.

02:35 > Nouveau fait d’arme, le Rookie Chris Matthews réceptionne une passe de 44 yards réalisant son deuxième touchdown. Pause sur un score de 14-14.

Ladies and gentlemen, We present Chris Matthews.. He’s really good at crazy TD catches. #SB49 http://t.co/OX6F3pzYII

— NFL (@nfl) 2 Février 2015

04:17 > Voici venu l’instant décisif de la rencontre. Alors que le score est de 28-24 à l’avantage des Patriots, les Seahawk ont encore une chance de l’emporter, et s’apprête à réaliser le touchdown de la victoire. Mais à un yard de la zone d’en-but, Russell Wilson est intercepté par le rookie Malcolm Butler.

« Pass is INTERCEPTED!!! » Brady loses it. Sherman loses it. Twitter breaks in two. One of craziest finishes EVER. http://t.co/GazYbK6Lsz

— NFL (@nfl) 2 Février 2015

Les New England Patriots sont sacrés Champions.

Dans une dizaine de jours, le All Star Game aura lieu au Madison Square Garden, c’est donc dans ce timing que Nike choisit de révéler le dixième volet de sa Kobe. Malgré une nouvelle blessure qui l’handicapera pour une troisième saison d’affilée, le joueur emblématique des Lakers trouve un nouveau souffle en dehors des parquets avec l’un des modèles les plus réussis de sa série. Esthétiquement épurée et techniquement irréprochable (une combinaison parfaite des technologies Zoom et Lunarlon), la Kobe X trouvera sa place sur et en dehors des arènes.

« Tonton Marcel, toujours au cœur du terter pour la caméra N-da-Hood.com », une phrase qui résonne chez tous les amateurs du hip-hop. Avec son site, le journaliste formé à l’école de la débrouille a roulé sa bosse et sa caméra dans toutes les banlieues de la région parisienne à la traque de ces rappeurs qu’il aime tant. Sa truculence et son humour ont rendu certains de ses entretiens mythiques sur Internet où on retrouve des artistes comme nous ne les voyons jamais dans les médias. Aujourd’hui nous avons pu l’interviewer dans une autre activité beaucoup moins répandue que celle qu’il occupe sur You Tube mais plus rémunératrice : cuisinier.

Photos : Yannick Roudier

Tonton-Marcel

Bon déjà peux-tu te présenter ?

Tonton Marcel c’est le journaliste, Marcel c’est le cuisto, et papa c’est le papa.

Comment ça a commencé N-da-Hood.com ?

Ça a commencé quand j’habitais aux États-Unis à Denver, j’étais cuisinier là-bas en fait. Je suis rentré en France parce que j’en avais marre d’y être et j’avais créée une marque de vêtements aux États-Unis qui s’appelait MLK. Il y avait un petit du quartier de Ol’Kainry [Le canal d’Evry, ndlr] qui est venu chez moi pour que j’habille deux petits rappeurs qui commençaient à monter.

Toi tu es de Grigny ?

Moi à la base je suis un mec de Grigny, Evry, Corbeil, les Ulis, je suis un peu de partout. Donc le petit du quartier en question s’y connaissait en informatique, il savait monter des sites et il m’a demandé si je connaissais le site de rap Booska-P. Moi je ne connaissais pas le site de rap Booska-P car j’étais aux États-Unis… On est allés dessus et il m’a dit qu’il pouvait me faire un meilleur site que celui-ci, si je voulais. Donc le lendemain j’ai été au Carrefour d’Evry Courcouronnes, j’ai volé une caméra et j’ai lancé mon média.

C’était il y a 6 ans quasiment. J’étais aussi cuisinier et je me suis lancé dans la création d’un média. J’avais une réelle envie de mettre en place une activité parce que ma femme travaillait le soir et je savais que je devais m’occuper quand elle n’était pas là. Le soir je pouvais aller filmer des rappeurs. Au départ j’ai fait ça pour rigoler.

Tu étais dans ce milieu avant ?

Je ne connaissais personne mais mon grand frère est très connu dans le game. C’était un Black Dragon avec Joe Dalton et tout. Il a fait la sécurité des NTM, c’est un bon ami de Zoxea, de Jean Gabin, et Kool Shen. C’est aussi un bon pote de l’ex-manager de Booba, Mathéos et un bon ami de Kery James.

Quand j’ai commencé à monter ce site, je ne parlais jamais de mon lien de parenté avec mon frère. Ça a vraiment commencé à se savoir au moment de l’histoire concernant Rohff, MC Jean Gabin et Joe Dalton. Cette histoire à Montreuil avec Jean Gabin, Jean Gabin avait répondu mais Joe Dalton n’avait pas encore répondu. Mon grand frère m’a appelé pour me dire d’interviewer pour qu’il me donne sa réponse. J’avais besoin à ce moment là d’une vidéo qui fasse parler du média tout de suite donc mon frère a fait marcher ses relations. On peut dire que c’est grâce à Joe Dalton que mon site a été connu en fait.

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C’est un peu ton fond de commerce de jouer sur les clashs ?

C’était mon fond de commerce, fut un temps. Aujourd’hui, mon fond de commerce c’est de faire découvrir de nouveaux talents. J’étais à la base de la découverte de Gradur, j’étais à la base de la découverte de Mister You, j’étais à la base de la découverte de Sexion d’Assaut, j’étais à la base de la découverte de la MZ. Ça fait 6 ans que je suis dans le game, et la plupart des rappeurs qui sont connus maintenant, sont tous passés devant ma caméra bien avant de percer. Donc qui les a fait découvrir ? C’est Tonton Marcel. Ils ne peuvent pas le nier, ils peuvent aller voir la date sur You Tube à laquelle j’ai posté leur interview donc ils ne peuvent pas démentir ces rappeurs.

Sadek t’avait reproché de désunir le mouvement hip-hop en opposant les rappeurs entre eux ?

Tonton Marcel c’est pas un fouteur de merde. Tonton Marcel est un journaliste. Sadek, je comprends sa réaction. On a eu l’occasion de se revoir plusieurs fois dans des endroits intimes pour discuter. Il a compris ma démarche, il a vu l’amour que j’ai réellement pour le hip-hop. Il a compris que cette confrontation dans la vidéo ne devait pas avoir lieu. Il avait un truc sur le cœur à dire. Mais quand on regarde bien dans le fond, je fais que poser des questions ! Une personne peut toujours refuser de répondre. Aujourd’hui, tu peux me poser une question je peux te dire : « On passe ! » Pourquoi je vais dans le fond ? Parce que je sais que ces deux rappeurs sont en embrouille, je sais très bien qu’une fois que je vais dégainer la caméra, on va voir si, comme ils disent : « Il est chaud ! ». Voilà moi je ne cherche pas les embrouilles moi je te pose une question après tu réponds ou tu y réponds pas.

En fait tu veux mettre les gens face à ce qu’ils sont ?

Je veux mettre les gens face à ce qu’ils sont, effectivement. Tu dis que t’es un gangster ? Alors montre-moi que tu es un gangster. Tu dis que tu roules dans une Bentley ? Montre-moi que t’as vraiment la Bentley. Tu dis que demain tu vas acheter une Ferrari ? Alors j’irai avec toi avec ma caméra et tu vas me montrer que tu vas acheter la Ferrari. Ne vends pas de rêve aux enfants ! Sinon Tonton Marcel viendra montrer que tu ne vis pas ce rêve-là. Regarde-moi je suis cuisinier, je suis dans ma cuisine, je suis dans un restaurant, je ne roule pas sur l’or. Certes, j’ai de l’argent pour mes enfants, pour payer mon loyer, je n’ai pas de soucis ; mais je n’irais pas dire aux gens : « J’ai pris un gun, j’ai tiré tout ça. » Non ! Je suis un simple journaliste. D’ailleurs je m’en fous de tout ce que les gens peuvent dire et que j’ai créé des embrouilles. Où est le problème ? Je suis encore là, personne ne me casse les couilles.

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Tu as un métier, tu as une famille, pourquoi tu te casses la tête à faire tout ça? Pourquoi tu ne restes pas calmement avec tes enfants à t’occuper d’eux ?

Tu vois, je pense que depuis que je fais ce pseudo-journalisme rap, c’est la meilleure question qu’on m’ait posée. Tout simplement parce que j’aime ce truc-là. Regarde, je gagne bien ma vie, j’ai de l’argent qui tombe, pourquoi je me prends la tête à aller m’embrouiller avec des rappeurs de merde qui me cassent les couilles tous les jours ? Parfois, tu leur demandes de l’argent et ils ne te payent même pas alors que dans leurs clips ils disent qu’ils ont des Ferrari, la dernière Louis Vuitton, la dernière Zanotti et ils font des clips à 15000-30000 € mais ils ne sont pas foutus de payer une interview à 100 €. J’aime vraiment ce que je fais, sinon ça ferait déjà longtemps que j’aurais arrêté.

Tu te vois arrêter aujourd’hui ?

Je pourrais très bien arrêter. Mais arrêter pourquoi ? On aime ça, à force ça devient une drogue. Je ne fume pas, je ne bois pas, mais c’est vrai que je baise beaucoup ! À cause de la célébrité, j’ai tellement de groupies maintenant ! C’est pour te dire que j’aime vraiment cet art, j’aime la musique, j’aime le rap, j’aime dégainer ma caméra : « Tonton Marcel tous les jours au cœur du ter-ter en exclu pour la caméra de N-da-Hood.Com » même cette phrase elle est devenue mythique.

Et le plan aussi, le panorama de haut en bas ?

[rires] Le plan est devenu mythique ! Carrément maintenant, il y a des parodies sur moi tu vois. Un jour, un journaliste de rap m’a interviewé m’a dit « Tonton Marcel, le journaliste qui a plus de buzz que les rappeurs » Je te jure, je vais dans des endroits avec des rappeurs connus, et les gens me demandent des photos. Il y a plein de journalistes, ils dégainent leurs caméras, et rien ne se passe. Quand Tonton Marcel dégaine la caméra, tout le monde vient comme des mouches ! Pourquoi ? Il se passe un truc avec Tonton Marcel. Il va y avoir la question qui va faire que vraiment la vidéo va buzzer tu vois.

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Finalement tu es un flambeur non ?

Oui mais c’est le game ça aussi. Il faut faire plaisir aussi à sa fanbase : Twitter, Facebook… Et c’est vrai que la dernière fois que j’étais à Monaco, j’ai mangé un burger à 50 euros. Oui c’est la vérité ! Oui la dernière fois que j’étais à Monaco, j’ai une copine à moi qui est venue me chercher en Ferrari ! Tu vois, je vais pas mentir c’est la vérité. Moi ce que je dis, je le vis vraiment. Ce ne sont pas des mensonges. J’ai acheté deux paires de McFly, une pour moi, une pour mon frère. Ça participe au mythe de Tonton Marcel.

Quelque part, tu deviens un acteur, comme beaucoup de rappeurs.

Je deviens acteur sans m’en rendre compte à force de filmer des acteurs dehors. Regarde, j’étais en soirée privée avec Joey Star, il me dit : « Tonton Marcel, je regarde tes vidéos… Continue, ça déchire. » Quand des mecs comme ça te disent ça, ça fait plaisir. J’étais avec Akhenaton « Tonton Marcel ça déchire » donc finalement tu t’en bats la race de ce que les autres rappeurs pensent de toi.

La dernière fois, je me promène dans le XVIème, j’ai croisé des enfants qui normalement ne devraient pas regarder mon site, mais ils font des photos avec Tonton Marcel : « C’est pas toi Tonton Marcel ?! ». C’est pour te dire que j’ai plus de buzz que les rappeurs. Les gens sont prêts à me donner des cachets pour que je vienne les filmer en Suisse, en Belgique. Mais j’ai pas le temps, j’ai un métier moi : je suis cuisto ! J’aime bien couper mes petits oignons, mes carottes, tu vois.

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Est-ce qu’il y a des rappeurs qui t’ont déçus ?

Il y a énormément de rappeurs qui m’ont déçu. Je ne veux pas citer de noms. Il y a 6 ans, tu m’aurais posé la question je t’aurais cité des noms. Parce que j’étais prêt psychologiquement à les affronter, tu vois ce que je veux dire ? Aujourd’hui ça ne m’intéresse pas. Je fais mon guignol, je fais mon truc comme mon frère Morsay et on avance. Même si je suis en clash avec lui, la meilleure personne dans le rap français, humainement c’est Morsay. Beaucoup dans le rap français m’ont dit : « Tonton Marcel, quand je serais au sommet tu le seras avec moi. »

Toi qui demande aux rappeurs d’assumer, tu ne dévoiles pas les noms ?

Ouais il faut assumer. Mais j’ai 36 ans, j’ai 2 enfants, qu’est ce que je vais aller me casser les couilles à créer des embrouilles. Tu sais aujourd’hui quand Melty Buzz ou France 24 parlent de moi, c’est comme spécialiste du rap français. Tonton Marcel n’est plus le clasheur ou celui qui ramène du clash dans le rap français. Voilà, je suis devenu un journaliste. Même Olivier Cachin quand il me voit, il me serre la main parce qu’il sait le travail que je fournis. Tous le savent ! Les clashs, j’ai laissé ça à d’autres sites. Je vais te dire un truc : le clash fait partie du rap mais réellement il ne valorise pas le rap.

Tu dis que le clash ne valorise pas le rap… Mais tu y as contribué ?

C’est moi qui ai ramené les clashs entre Booba et Rohff  ? C’est moi qui ai ramené le clash entre Booba et la Fouine ? Quand les gros piliers du rap s’embrouillent, ils ne passent pas par moi. Pourquoi ? Parce qu’ils savent qu’ils n’assumeront pas les questions que je vais leur poser. Ils passent devant Fred de Skyrock qui leur pose des petites questions molles. Mais venez vraiment passer devant la caméra du terter, montrer aux petits jeunes que vous êtes de vrais thugs. Vous n’allez pas assumer parce que je vais vous déchaîner des vraies questions.

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Tu m’as dit que pour toi, le rap était une drogue.

Oui c’est une drogue, mais il n’y a pas de média dans le rap français avec tout le respect que je dois à Rapelite et avec tout le respect que je dois à des sites comme Booska-P, vous êtes des sites de rap ou vous êtes des sites de l’élite ? Rap – Elite…

Le vrai rap n’est pas en maison de disque, le vrai rap est dans les quartiers, fait par les jeunes. Va donner de la force aux jeunes ! Ça fait combien de temps que je n’ai pas vu de découvertes sur des sites de rap en dehors de Tonton Marcel ? Tu vas sur des sites de rap, tu as découvert qui sur Booska P ? Tu as découvert qui sur Rapelite dernièrement ? Il faut dire qu’eux ils vont dans le sens des maisons de disque tout simplement.

Comment tu procèdes avec les artistes ?

Ma manière de procéder, on la voit il n’y a même pas besoin d’en parler. Je vais dans la rue et je vais les chercher les artistes. On peut dire que je leur cours après, je suis un peu un paparazzi. Ces mecs ne sont pas des paparazzis, ces sites que je viens de citer en ont rien à foutre du rap. C’est la vérité.

Quelle est la chose la plus folle que tu ais faite pour une interview ?

Le seul truc de ouf que j’ai fait, c’était pour filmer tous les anciens joueurs du Paris St Germain qui organisent chaque année un événement à Courbevoie. J’ai fouillé les poubelles pour récupérer un pass VIP Presse et j’en ai trouvé 4. Tout le monde est rentré avec moi et j’étais en tongs. Le seul journaliste avec une petite caméra et je posais des questions à Raï et il répondait. Toute la sécurité se demandait qui j’étais. J’ai dit « Je suis le site de rap » après Raï réplique en disant « N-da-Hood ». J’ai encore les vidéos à la maison.

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Finalement, tu es un journaliste qui a aussi compris le tournant de l’ère d’Internet ?

Ouais c’est vrai qu’on a compris comment marche la communication parce que tout simplement on essaye d’anticiper. Aujourd’hui on sait que pour promouvoir notre propre média c’est les réseaux sociaux. Tu sais quoi ? Si aujourd’hui c’est la merde qui marche, je n’arrêterai pas de chier ! Si je marque « Salut ça va ? » sur une interview les gens ne vont pas cliquer. Si je mets « Booba s’embrouille avec untel » les gens vont cliquer. Pourquoi ? Parce qu’ils aiment que les embrouilles. Donc effectivement c’est les mots « dangereux » qui accrochent et qui donnent envie aux gens de cliquer. C’est pas nous qui avons inventé ça. Nous on a juste suivi ce que font les journaux et on l’a remis sur Internet. Quand il y a eu la Coupe du Monde en 2006 en Afrique du Sud ils avaient dit qu’Anelka avait dit « fils de pute » à Domenech pourtant c’est faux ? On a rien inventé, le monde s’est créé avant nous. On ne fait que suivre le cours de l’histoire c’est tout.

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Donc toi tu t’en fiches, tu veux juste que ça marche ?

Je m’en fiche je veux juste que ça marche. Voilà c’est tout. Je suis tout simplement un journaliste qui veut faire fonctionner son média.

Aujourd’hui tu as des potes dans le rap ?

Non je n’ai pas de potes dans le rap et je n’en veux pas. Le seul pote que j’ai c’est Morsay, mais je suis en clash pour l’instant avec lui.

Vous êtes en clash ?

Ouais on est en clash parce qu’il me doit de l’argent il me doit 30 000 euros. Tu connaîtras l’histoire, elle arrive.

Tu ne veux pas nous raconter ?

C’est personnel ça ! Mais franchement, je n’ai pas de potes dans le rap. Youssoupha a dit une fois « Marcher avec n’importe qui, ça ne sert à rien du tout ». Je veux bien filmer tous les rappeurs, devenir potes avec eux mais pas proche. Le rappeur est ami avec toi parce qu’il sait très bien que tu peux lui apporter quelque chose…

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Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Vous l’avez surement croisé lors de l’une de nos soirées, ou encore en première partie de l’unique date française de l’A$AP Mob. Il se joint aujourd’hui à ses confrères et offre un mix au YARD LAB. Un concentré de hip-hop !
> @endrixx

Nino Rota – The Godfather
Tory Lanez – The Godfather (Remix Edit Drixxa)
Travi$ Scott – Bacc
Rae Sremmurd – Lit Like Bic
Future – Gangland
Nicki Minaj – Want Some More
Caraka Beat!
Rich Gang – 730
Rae Sremmurd – Up Like Trump
A$AP- Perfume
Drake – How Bout Now
Dj Jayhood – Pop My
4B Ft. Donna Goudeau – POP
Rick Ross – Neighborhood Drug Dealer
Zhu – Faded (Vices & Jailo Remix)
A-Trak & Lex Luger (Low Pros) – Intro (Prod. By Lex Luger)
Future – F*ck Up Some Commas
Mike Will Made It – That Got Damn Freestyle Feat. Swae Lee, Jace & Andrea (Prod By Mike WiLL Made It, Ducko Mcfli & Syk Sense)
Basenji – Tribute To The Cat
A-Trak & Lex Luger (Low Pros) – 100 Bottles Feat. Travis Scott (Prod. By A-Trak & Lex Luger)
Booba – Kalash feat Kaaris
Booba – Kalash feat Kaaris (Remix)
Hudson Mohawke – Chimes (Remix) (feat. Pusha T, Future, French Montana & Travi$ Scott)
Schoolboy Q – Studio (Vices & Yung Wall Street Remix)
Pusha T – Machine Gun (prod. Chase and Status)

La semaine dernière, Action Bronson prêtait sa voix à un personnage du dessins animé de la chaine Cartoon Network, Lucas Bros. Moving Co. L’ancien cuisto prenait alors les trait de l’Oncle Taco, un cuisinier ambulant, dont le dessinateur Sean Solomon a imaginé le Food Truck. Le sujet semble l’avoir inspiré puisqu’il imagine toute une série de Food Truck à l’effigie des grands noms du hip-hop us et les publie sur son Tumblr.

Nelson Mandela connu comme l’icône de la lutte contre l’apartheid était également un boxeur émérite. Retour sur cette facette d’un combattant qui a marqué l’Histoire.

Avant de préconiser le renversement du régime de ségrégation à coup de sabotage à la bombe, Nelson Mandela a appris à désamorcer les uppercuts de ses adversaires sur le ring. C’est dans les années 50 qu’il débute la boxe dans la salle de Soweto en Afrique du Sud.

Pour lui, le sport et la lutte contre l’Apartheid sont intimement liés :

« Boxing is egalitarian. In the ring, rank, age, colour and wealth are irrelevant (….) My main interest was in training; I found the rigorous exercise to be an excellent outlet for tension and stress. After a strenuous workout, I felt both mentally and physically lighter. »

« La boxe est égalitaire, sur le ring : le rang, l’âge, la couleur et la richesse n’ont aucune importance ( …) Mon principal intérêt était l’entraînement ; j’ai trouvé l’exercice rigoureux, un excellent exutoire pour la tension et le stress. Après une séance d’entraînement pénible, je me sentais plus léger tant physiquement que psychologiquement. »

Pour rester en forme, Nelson Mandela se rendait au D.O.C.C Club pour boxer à Orlando tous les soirs. On le voit sur la photo en plein assaut sur le toit de l’Associated Newspapers Office avec la star du club Jerry Moloï. Un cliché devenu un des symboles de la lutte contre la ségrégation.

En effet, ce dernier est le premier poids léger catégorie «non blanc ». À travers cette photo, Nelson Mandela dénonce donc l’existence de salles de gym réservées aux blancs avec des installations beaucoup plus nombreuses et récentes. Son combat dans la société sud africaine est symbolisé jusque sur le ring

Au-delà de ses convictions, Madiba a toujours loué les vertus de la boxe qui étaient également des règles de vie pour lui : le respect de soi, la discipline, la dignité. Pendant ces années d’emprisonnement, il a maintenu un régime de forme physique irréprochable en boxant. C’est d’ailleurs de sa petite cellule qu’il entendra parler du légendaire Mohamed Ali qu’il rencontra à deux reprises.

Deux légendes, deux boxeurs, Mohammed Ali ne cache pas son admiration pour Madiba :

« His was a life filled with purpose and hope; hope for himself, his country and the world. He inspired others to reach for what appeared to be impossible and moved them to break through the barriers that held them hostage mentally, physically, socially and economically. (…) He taught us forgiveness on a grand scale. »

« Sa vie tendait vers un but et un espoir ; un espoir pour lui-même, son pays et le monde entier. Il a inspiré des gens à se battre pour ce qui paraissait impossible et leur a fait briser les barrières qui les maintenaient mentalement, physiquement, socialement et économiquement otages (…) Il nous a appris comment pardonner à grande échelle. »

Le monde se rappellera de Madiba comme d’un combattant autant sur le ring que dans la vie. À Johannesburg, une statue haute de 6 mètres a été créée par Marco Cianfanelli. Cette œuvre le montre en position de combat, une véritable représentation de celui qui s’est battu jusqu’à son dernier souffle.

Cette semaine, le duo LION BABE dévoilait un nouveau visuel pour « Treat Me Like Fire« . Un titre soul et lancinant qui a valu le succès à ce duo New-Yorkais leur ouvrant même les portes du studio de Pharrell Williams. Avant que le fruit de cette collaboration ne soit révélé, nous avons saisi l’occasion de poser quelques questions à Lucas Goodman et Jillian Harvey (la fille de Vanessa Williams, la chanteuse et actrice plus connu sous les traits du personnage de Wilhelmina Slaters).

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Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

On est Jillian et Lucas, amis et partenaires créatifs et on forme aujourd’hui un groupe. On est originaire de New York.

Comment vous vous êtes rencontrés ?

Jillian : On s’est rencontré grâce à des amis communs au début de nos études. Lucas était en premier année, moi je terminais le lycée et je regardais différentes universités. On a été brièvement présenté pendant une soirée et puis quelques années plus tard, quand on est retournée vivre à New York, on s’est retrouvé grâce aux même amis et on a renoué des liens à partir de là.

Pourquoi avoir finalement décidé de faire de la musique ensemble ?

Jillian : On a décidé d’essayer la musique avec les basiques, en pensant que ce serait marrant. On était tous les deux des jeunes adultes diplômés qui avaient le temps d’être créatif. Lucas a commencé à produire des beats plusieurs années avant que je ne commence à chanter. Je gravitais autour de sa musique et je voulais essayer de chanter. Notre première collaboration musicale à été d’écrire notre premier titre « Treat Me Like Fire », qui est sur notre EP et notre single en ce moment. Après avoir fait ça, on s’est senti assez bien pour continuer.

Jillian, tu étais danseuse avant de devenir chanteuse. Pourquoi avoir pris une pause ?

Je n’ai jamais eu l’intention d’arrêter ou de remettre à plus tard ma carrière de danseuse, mais le chant et LION BABE on pris le dessus après qu’on ai eu une réelle opportunité d’intégrer l’industrie. J’ai eu le poignet cassé à la veille de mon premier show professionnel avec TAKE DANCE, une compagnie avec laquelle j’ai dansé tout au long de l’université, mais j’ai continué de danser dans d’autres évènements en tant que danseuse solo ou collaboratrice jusqu’à ce que LION BABE commence à me prendre de plus en plus de temps, j’ai finalement écris plus de musique. Je suis heureuse de pouvoir apporter la danse dans notre groupe.

Qu’est-ce que la danse t’as apporté, en ce qui concerne tes performances de chanteuse ?

La danse, c’est la façon dont je bouge et dont je vois le monde. Ca m’a donné toute ma force et façonné mon état d’esprit, en ce qui concerne la façon d’être une artiste. Les danseurs sont toujours mis à l’épreuve, ouvert, vulnérable et préparé. Techniquement parlant, être une danseuse m’a été d’une grande aide parce que je pouvais facilement comprendre ce dont le corps a besoin pour chanter correctement. Mis à part la technique, ça m’a autorisé à aborder la pratique de l’improvisation. Même quand tu danses avec une chorégraphie, tu dois être formé à faire de l’improvisation. C’est un outil utile quand les choses tournent mal. C’est aussi utile pour l’écriture des chansons, pour les visuels, les shows… la liste continue. Au final, la vie c’est de l’improvisation et avoir des années de pratiques et d’entrainements sur comment se tenir avec grâce, fluidité et émotion, ça a été mon plus grand cadeau.

Lucas, quel a été ton parcours dans la musique ?

J’ai d’abord commencé la musique en jouant de la guitare quand j’avais 11 ans. Moi et mes amis, on se réunissait et on jouait ensemble en apprenant des chansons. Mes parents mon initié à la musique qu’ils ont écouté en grandissant, Jimi Hendrix, The Beatles, The Beatles, Sly and Family Stone, Velvet Underground… et c’est là que j’ai commencé à m’intéresser plus profondément aux vieux disques en même tant que ce qui sortait à l’époque. Je me suis ensuite intéressé à la production et à la création de beats. Les disques de A Tribe Called Qu’est, Madlib, Wu Tang etc. étaient vraiment inspirant pour moi. La façon dont ils mélangeait les sons et les percussions dans leurs disques a été d’une grande influence dans le son que je voulais créer. J’ai toujours admiré les gens qui pouvaient vivre de leurs créations et je voulais le faire depuis tout jeune.

Comment est-ce que vous travaillez ensemble ? Quel est votre processus créatif ?

On travaille très bien ensemble. On a commencé à faire de la musique dans la chambre de Lucas. C’était vraiment improvisé et maintenant on s’est développé et on essaye d’utiliser le studio comme un espace on on complète nos chansons. C’est aussi bien d’essayer de finir une chanson le jour où elle a été créé par que la vide initiale est irremplaçable. La plupart du temps, le beat vient en premier ensuite, la mélodie et/ou le refrain. Après qu’on ai eu assez d’idée, on commence à construire la structure. C’est vraiment utile quand on a un concept en tête, mais ça ne garanti pas que ce sera le thème final de la chanson.

Vous avez aussi travaillé avec Pharrell. Comment est arrivée cette collaboration ?

On a eu l’honneur de travailler avec Pharrell, qui s’est vraiment avéré être un mentor et un incroyable soutien pour LION BABE. On a été connecté très peu de temps après que la directrice de notre label, Amanda Ghost, l’ai contacté en lui montrant « Treat Me Like Fire ». Soudainement, après ça, on était à Miami, en train de travailler dans un studio avec lui. C’était un moment assez historique pour nous deux et on en a tellement retiré. On est tellement impatient de partager notre collaboration avec lui.

Qu’est-ce que vous en avez retiré ?

On a appris que dans le but d’essayer de devenir un artiste de son niveau, il fallait avoir un sens aigu de votre identité d’artiste. Il est essentiel de visualiser le type de carrière dont vous rêvez, quel message vous essayer de faire passer et qui vous voulez toucher. Il nous a aussi appris à être sérieux et à nous autoriser à jouer, essayer de nouvelles choses et à nous surpasser. On a toujours ses mots et son soutien dans notre esprit.

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Alonzo revient sur sa carrière et son nouvel album avec la team YARD et aborde son nouveau départ 16 ans après son premier contrat ainsi que la question des contradictions qu’il rencontre sur son chemin.

Quelques minutes avant leur entrée en scène, au moment où la tension et l’excitation atteint son paroxysme, quel est l’état d’esprit de vos artistes préférés ? Pour le savoir YARD les suivra jusqu’à leur rencontre avec leur publics, en recueillant leurs ressentis.

Après cinq jours intenses, la Fashion Week Homme prend fin. Nos grandes marques françaises nous présentaient leurs collections, les tendances du prochain « automne-hiver ».

SURPRISE

Mention spéciale pour le show Rick Owens qui a beaucoup fait parler. Le « pape de la mode dark » a décidé de mettre ses mannequins à nu et ce physiquement. Du coup, ces derniers se dévoilent entièrement, voire un peu trop. Sur les réseaux sociaux, les internautes se sont joués de la situation à coup de « #dickowens » ou encore « #freepenis ».

VISIONDHORREUR

Ce prix revient aux imprimés slogans sur les longs manteaux blancs de Raf Simons. Une sorte de « youth culture » qu’il adore, mais que l’on espérait voir disparaître.

COUPDECOEUR

La collaboration entre Andrea Crews et Opel, une prise de risques réussie. Les deux marques nous ont amenées dans un parking près des Champs-Elysées pour nous présenter l’ « Opel Adam Rocks » revisitée par le collectif AC autour d’une thématique axée sur les sports mécaniques. L’occasion pour la créatrice Marroussia de nous présenter sa nouvelle collection dans ce même thème.

PLACETOBE

Kenzo reste le numero uno pour investir les lieux parisiens les plus beaux et originaux de la Fashion Week. C’est au Philharmonie de Paris, cette salle de concert à l’architecture unique et à l’acoustique remarquable, que la marque nous présentait sa nouvelle collection masculine.

ACCLAMATION

Après Stella Mc Cartney c’est Stéphane Ashpool qui décide de nous présenter sa nouvelle collection à l’Opéra Garnier. Une union encore entre le streetwear et les classiques de la haute couture portée par une chorégraphie de danse hip-hop sur une musique classique. Un beau parcours pour la marque Pigalle, depuis l’ouverture de sa première boutique en 2008.

WEIRDO

Les balais WC qui flottaient au dessus de corps couverts au défilé Henrik Vibskov ???

Il y a eu bien sûr les paillettes chez Margiela, ou encore Saint-Laulau au Carreau du Temple qui ont marqué les esprits. Mais en tout cas, pour ceux qui en ont douté, la Fashion Week homme prend aujourd’hui autant de place et d’ampleur que celle de la femme. Ce qui ne laisse aucun répit à nos créateurs ! Nous voici à mi-chemin de la (petite) semaine de la haute couture du printemps-été 2015. Rendez-vous dans quelques semaines pour le ready-to-wear féminin. En attendant #itscouturebaby !

Le rappeur Espiiem raconte la fois où un membre de son crew a totalement renversé la vapeur durant un Open Mic.

Sorti le 6 juillet 2014, le titre « Tuesday » intronise le rappeur ILoveMakonnen parmi l’élite de la scène hip-hop d’Atlanta. Il aura fallu attendre le mois suivant pour que Drake ne saute sur la puissance de ce tube local pour le transformer en hit planétaire. Depuis, le jeune Makonnen a signé sur OVO (October’s Very Own), le label de l’artiste de Toronto, rejoignant ainsi l’armada grandissante du Général Aubrey Graham. Surfant sur la vague de ces tubes festifs ventant les effets de substances contrôlées ou illicites, « Tuesday » ne déroge pas à la recette : mélodie entêtante, textes simplistes et refrain qui résume en un minimum de rimes le titre entier.

 

« Club goin’ up, on a Tuesday
Got your girl in the cut and she choosey »
« Ça s’ambiance dans le club un mardi
Ta meuf est avec nous et elle fait la difficile »

Malgré tout, ce qui est intéressant de mettre en valeur est la différence qu’il existe dans l’approche de ces soirées ; quand ILoveMakonnen lutte encore pour s’en sortir, Drake est déjà une star. Tandis que le premier doit vendre de la drogue pour vivre…

BOULEVARD

« Workin’ Monday night, on the corner flippin’ hard
Made at least three thousand, on the boulevard
I’ve been workin’ graveyard shifts every other weekend
Ain’t go no fucking time to party on the weekend
I’ve been flippin’ in the house, makin’ money like my way
I’ve been ridin’ out of state, makin’ money like my way »
« Je bosse au coin de la rue un lundi soir, ma came part très vite
Je me suis au moins fait 3 000 dollars sur Boulevard Avenue
J’ai bossé de nuit jusqu’à la première heure un week-end sur deux
J’ai pas le temps de faire la fête le week-end
J’ai bicrave à la baraque, j’ai même exporté mon business
J’ai conduis jusqu’à sortir de la Géorgie pour faire de l’argent »

GEORGIA

… Drake placera plutôt ses efforts dans une soirée afin de récolter les fruits de son travail acharné :

« Squad goin’ up, nobody flippin’ packs now
I just did 3 in a row, them shows is back-to-back to back now »
« Mon crew s’ambiance, plus personne n’est obligé de vendre de la drogue maintenant
Je viens juste de faire 3 concerts consécutifs » (tournée Drake VS Lil Wayne)

drake-lil-wayne

« Always workin’ OT, overtime and outta time »
«Toujours à bosser en heures sup’ et hors de la ville»

« And when I’m puttin’ work in on a weekend
I’ll look back on this and think how we had the club going up »
« Et quand je bosserai le week-end
Je regarderai en arrière en pensant à comment on a rendu la boîte complètement folle »

Le Canadien raconte la manière dont il s’octroie quelques moments de répit, mais toujours avec raison et maîtrise :

« Tell Gelo, « Bring the juice, we about to get lit »
Fill the room up with some tings, one night off and this is it »
« Dis à Gelo de ramener les substances, on va bientôt se défoncer
Remplir la pièce de vapeurs illicites, juste une nuit et ensuite on arrête »

Gelo

« Upstairs I got Xans in an Advil bottle, I don’t take them shits
But you do, so I got ‘em for you
I don’t need the pills,I’m just gon’ have another drink »
« À l’étage j’ai du Xanax (pilule tranquillisante) dans un flacon d’Advil, je ne prends pas cette merde
Mais toi si, alors je les ai prises pour toi
J’ai pas besoin d’avaler des pilules, je vais juste me resservir un autre verre »

advil-xanax

 

Or on comprend qu’ILoveMakonnen est déjà sous l’emprise de drogues, et plus particulièrement de celle qui en soirée fait fureur outre Atlantique, l’ecstasy qu’on retrouve dans ce texte et dans d’autres morceaux de rap sous l’appellation « molly » :

« I don’t think that I should dance, I’m just gon’ have another drink
I’m doing my stance, you know my molly pink »
« Je ne pense pas qu’il faille que je danse, je vais juste reprendre un verre
Je vais gesticuler à ma façon, tu sais que mon ecstasy est rose »

STANCE

Car un des effets liés à la consommation de cette drogue est la déshydratation. Comme le disait déjà Trinidad James il y a quelques années :

« Popped a molly I’m sweatin’ »
« Je viens de gober une pilule d’ecstasy et je transpire »

Il s’ensuit un effet d’abandon du rappeur qui s’intensifie par l’apparition soudaine d’une pensée d’abdication juste après s’être vanté d’avoir des drogues de qualité :

« I got the loudest of the loud, you know my gas stink
My P.O think I’m in the house, don’t give a damn ‘bout what she think »
« J’ai la weed la plus odorante de toutes, tu sais que mes produits sont dingues
Mon agent de probation pense que je suis chez moi, j’en ai rien à faire de ce qu’elle pense »

Gas-Stink

Il semble pertinent de rappeler un évènement qui marquera au fer rouge la vie du jeune Makonnen Sheran. En juin 2007 alors âgé de 18 ans, il tue accidentellement un ami et risque une peine de 25 ans de prison. Finalement, les charges sont abandonnées mais le jeune homme doit se restreindre à rester chez lui durant presque 2 ans, ne pouvant quitter sa zone de vie que lors d’occasions très strictes et règlementées. C’est ainsi qu’il développe un son particulièrement simplifié et dénué de tout artifice non nécessaire.

Voilà pourquoi les paroles de Drake semblent si superficielles dans ce contexte morbide. Mais là encore, comme tout artiste voulant glorifier son côté « thug » ou qui fantasme un aspect des ghettos ; ceux qui ne le vivent pas en rêvent ou le vivent par procuration, et ceux qui le vivent le glorifie à outrance pour sustenter les premiers. Mais pour résumer, Dreezy en fait trop :

« Shit is crazy back home, it kills me that I’m not around
I think we gettin’ too deep, shit I’m talkin’ might be too true »
« C’est la merde à Toronto et ça me tue de ne pas être parmi les miens
Je pense qu’on est en train d’aller beaucoup trop loin, les choses dont je parle sont peut être trop vraies »

Enfin, Drake ne serait pas Drake s’il n’avait pas ces fulgurances linguistiques qui continueront de faire grincer des dents ses détracteurs les plus virulents :

« Put the world on our sound, you know PARTY and The Weeknd
Ain’t got no motherfuckin’ time to party on the weekend »
« Au monde entier j’ai mis notre sonorité au gout du jour, vous savez, PartyNextDoor et The Weeknd
J’ai pas une putain de minute pour faire la fête le week end »

partynextdoortheweeknd

En conclusion, si le titre « Tuesday » d’ILoveMakonnen était un morceau aux intonations sonores assez festives quoique teintées de mélancolie, Drake, grâce à son couplet aura réussi le tour de force de le rendre plus accessible aux clubs et donc aux radios. Sous prétexte qu’il est en soirée l’artiste légitimise le temps d’un morceau l’usage de ces drogues « mondaines », ILoveMakonnen lui – plus difficilement – après avoir fait son chemin de croix, se dirige selon toute vraisemblance vers un tracé beaucoup plus radieux.

Après un travail remarquable sur la Jordan I en décembre dernier, le label du designer Hiroshi Fujiwara, Fragment Design, collabore de nouveau avec NikeLab pour produire le deuxième coloris de la Soke Dart. Après le vert « Dark Loden », la running aux allures de Presto adopte cette fois le bleu « Obsidian ». La Nike Soke Dart sera disponible uniquement sur les différents shops NikeLab et sur le site online le 29 janvier prochain.

Le photographe français Franck Bohbot concentre son travail à l’étude des lieux publics, des paysages urbains et de l’architecture. Dans sa série sur le cinéma, il parcours les Etats-Unis et immortalise des lieux somptueux symbole de l’âge d’or du cinéma.

Tête de gondole du label Cash Money depuis vingt ans, Lil Wayne est peut-être sur le point de quitter la seule maison qu’il ait connu depuis ses débuts. Un mal pour un bien pour le rappeur ? Est-ce que ce départ sonne le glas pour le label de Nouvelle Orléans ? Des interrogations dans toutes les têtes à l’aube d’un bouleversement géopolitique sur la carte du rap game.

 

La fin d’une success story

 

L’image est équivoque, elle montre le bras ballant de Lil Wayne qui s’étend sur la longueur du visuel. Le poignet droit du rappeur est enchaîné à des menottes, alors que l’autre boucle est ouverte. La symbolique est claire, c’est un Weezy sur le chemin de la libération que nous montre la pochette de Sorry 4 The Wait, deuxième du nom. La mixtape, comme son nom l’indique, est une façon de faire patienter ses fans et d’excuser les multiples reports de son prochain album, Tha Carter V. Une situation quasi similaire à celle de 2011 lorsque le rappeur sort le premier S4TW, en attendant la sortie du dernier Tha Carter, qui connaît à l’époque lui aussi plusieurs ajournements. Quatre ans plus tard, l’histoire se répète, mais il semble que le scénario ait pris des tournures plus dramatiques cette fois.

Originellement prévu le 5 mai dernier, Carter V s’est vu repoussé à octobre, avant de se voir à nouveau programmé pour le 9 décembre. C’est à cette occasion que la bombe est lâchée : par l’intermédiaire de Twitter, Tunechi accuse son label et, surtout, Birdman de ne pas vouloir sortir son album. L’histoire de Cash Money Records est singulière. En 1991, Ronald Williams, alias Slim, et son frère cadet Bryan Williams, alias Baby, montent un label qui marquera d’une belle empreinte le hip-hop US. Le premier est discret, dirige son business d’une main ferme en coulisses, ce qui lui vaut le surnom de « Godfather ». Le second, lui, aime la lumière et devient la face visible de l’entité, poussant même le vice à devenir lui-même artiste à ses heures perdues. Les premières années du label seront poussives, seulement portées par un succès local qu’auront les premiers artistes signés sur la structure.

 

birdman cash money

 

C’est à partir de 1995, avec l’arrivée de la deuxième génération d’artistes représentée par les Hot Boyz, que l structure obtiendra une aura nationale. À coups d’albums communs et de solos, B.G, Turk, Juvenile, et surtout Lil Wayne placeront le nom Cash Money parmi les labels qui comptent et finiront d’implanter la Nouvelle-Orléans sur la carte du hip-hop. Toujours cette année là, « Petit » Wayne a 12 ans lorsqu’il est accueilli au sein de Cash Money par celui qui deviendra rapidement son père spirituel, Baby. Un lien unique sur la scène hip-hop symbolisé notamment par un album commun au titre évocateur : Like Father, Like Son (2006). 20 ans après son arrivée à Cash Money Records, il est le seul rescapé et aura porté pendant longtemps le label à lui seul. Peut-être plus pour longtemps…

 

Une issue inévitable

 

Les années se suivent et semblent se ressembler au sein de Cash Money. Derrière les succès et les ventes, se trament des histoires moins glamour de sous, de droits ou de liberté. Le dernier exemple en date, Tyga, qui annonçait son intention de quitter la structure il y a quelques mois, déçu par l’attitude mesquine de son board, l’accusant lui aussi de bloquer sa créativité et de bloquer son album. Il raconte : « En tant qu’artiste ce que nous créons ne devrait pas être emprisonné car ce que nous faisons c’est pour les fans. Il y a des millions de personnes qui veulent ta musique et ils ne comprennent pas forcément les coulisses du business »

tyga birdman cash money

L’histoire de Cash Money est remplie de ce genre de phénomène. La main mise de Birdman sur les contrats de ses artistes et les profits qu’il en retire sont souvent la cause de conflits entre lui et ses artistes. Avant Tyga et Lil Wayne, Juvenile a été le premier à avoir le courage d’entrer en conflit avec son patron. Le rappeur quittera le label en 2002 avant de l’attaquer en justice au sujet de revenus non versés à une époque où il « cassait la baraque » avec les Hot Boyz. L’ancienne poule aux œufs d’or du label, ira même jusqu’à parler d’esclavage : « La raison pour laquelle j’ai quitté Cash Money est la même que pour la plupart des artistes : l’argent. Quand tu mets autant d’énergie dans ton travail, tu dois recevoir une compensation. Je suis un numéro sur cette radio, numéro un sur celle- là, alors j’ai vérifié mes contrats et relu toute la paperasse. Avant, j’étais naïf. Il n’y avait pas de futur pour moi avec ces contrats » Le départ de « Juve » inspirera BG et le producteur maison Mannie Fresh à en faire autant et les poussera à se créer leur porte de sortie quelques temps après. Ces dernières années se seront les producteurs Jim Jonsin (« Lollipop »), Deezle, ou encore Bangladesh (« A Milli ») qui se plaindront publiquement de sommes non-perçues, avant de voir leurs cas réglés en interne. Lil Wayne lui-même aurait pensé à un moment partir du label après avoir vu tous ses acolytes quitter le navire, avant de se désister. Une décision que Juvenile attribuera à la peur : « Je pense qu’il avait peur, c’est pour cela qu’il est resté. C’est comme ça que je le prends. Sans leur manquer de respect, je suis dix fois plus ghetto qu’ils le sont. Ils n’iraient jamais dans certains lieux que je fréquente, parce qu’ils ne sont pas de ce calibre- là. C’est deux mondes différents. « Ne les laisse pas t’intimider parce que je suis la. Si tu veux partir, pars. T’es avec moi maintenant, plus avec eux. »

 

lil wayne sorry for the wait 2

 

Au lieu de ça, le dernier Hot Boyz rempile et signe un nouveau contrat qui le lie au label pour plusieurs albums. La suite, on la connaît : il grandira au sein de la structure jusqu’à en devenir une des pointures du rap game US. Hormis les problèmes financiers, Cash Money s’est forgé une réputation de catalogue qui stocke un nombre important d’artistes, sans les voir sortir le moindre projet : Bow Wow, Brisco, Busta Rhymes, Gudda Gudda, Cory Gunz, Paris Hilton, Lil Twist, et plus récemment Christina Milian, sont des exemples de cette gestion étrange. À côté d’eux, d’autres ont fait des passages éclairs : Omarion, Mystikal, Currensy, Pretty Ricky, Lil Chuckee, Jay Sean.

 

Un bien pour un mal

 

Si des mésententes de la sorte sont déjà arrivées auparavant, le point de rupture semble être atteint aujourd’hui entre Lil Wayne et Cash Money. En effet, il est difficile d’imaginer un retour à la normale après les accusations frontales et la mise en pâture de Birdman faite par Tunechi. Le rappeur veut être libéré et semble être certain du dénouement de cette affaire. Après avoir passé toute sa vie au sein du label, est-il aujourd’hui possible de le voir évoluer autre part ? Rien n’est moins sûr. Contractuellement, il est toujours attaché à Cash Money, pour quatre albums. La seule issue possible serait que Birdman le libère de ce pacte avec le « diable », un acte impensable de la part du businessman. Véritable pilier, il a signé la plupart des gros succès du label pendant longtemps avec comme point d’orgue Tha Carter III, qui reste son plus grand succès commercial. Depuis, plus grand chose.

Tha Carter IV a reçu un accueil mitigé et Weezy devient un oublié des charts depuis quelques temps. En 2014, son seul morceau classé est « Believe Me », en featuring avec … Drake. Le Canadien prend de plus en plus de place et représente sans aucun doute avec Nicki Minaj, l’artiste le plus « bankable » de Cash Money. Une ombre imposante pour un Tunechi, peut-être en manque d’inspiration, ou tout simplement malheureux. Il est probable qu’il bénéficierait un changement d’air, une nouvelle équipe. En bon opportuniste, Jay Z aurait déjà signifié qu’il était intéressé pour le récupérer au sein de Roc Nation alors qu’il avait déjà essayé de le signer en 2008 sous Def Jam, avant de se désister en recevant des lettres d’avocats envoyés par… Birdman.

 

Sorry4TheWait2 Flow Deaux

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Avec la détermination qui semble habiter Weezy, il n’est pas impossible de le voir renforcer son homonyme et ainsi imaginer un duo de Carter réuni sous la même structure, en -belle- compagnie de Rihanna… Avec le statut acquis pendant toutes ses années sous CM/YMCMB, et accessoirement son talent, nul doute que Tunechi ait un avenir sans Cash Money. Peut-on dire la même chose de l’avenir du label sans Weezy ? À première vue le pouvoir attractif de Birdman n’aurait pas baissé puisque le mogul gère actuellement les carrières des deux révélations Rich Homie Quan et Young Thug. Et quand bien même la musique ne marcherait plus, l’homme oiseau a prévu le coup en créant Cash Money Sports, qui gère des contrats de sportifs, ainsi qu’une compagnie pétrolière du nom de Bronald (contraction du prénom de Baby et de celui de son frère). De quoi voir la vie en vert dollar, pour le label qui porte si bien son nom.

C’est à l’Opéra Garnier que c’est déroulé la présentation de la collection d’Automne-Hiver 2015-2016 de Pigalle. C’est sur ses marches que nous avons pu admirer et photographier les modèles d’une marque qui maintien sa direction artistique. Le tout en présence d’A$AP Rocky.

Pour cette 9ème session au studio Davout, les Neg’Marron prennent le micro accompagnés de nos musiciens, pour interpréter une version artistique de leur classique des années 2000 : « Le Bilan »

L’actualité de la chanteuse Selah Sue s’annonce chargée, avec une date déjà complète prévue à l’Olympia, ainsi que la sortie de son nouvel album « Reason » annoncé pour le 30 mars. Avant de se lancer dans un nouveau tourbillon de concert et de promotion, elle nous accorde une session acoustique sur le titre « Won’t Go For More ».

C’est de Hawaii qu’est originaire notre nouveau « newcomer ». Un endroit où réside une scène hip-hop insoupçonnée dont il est pour le moment le digne représentant. À 23 ans, Prie (prononcé Pri) a déjà partagé la scène avec A$AP Mob, Kid Ink, YG et bientôt G-Easy. Alors que l’artiste prépare la sortie de son prochain projet, c’est un rappeur plein d’optimisme qui nous accorde cette interview.

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Est-ce que tu peux te présenter ?

Bien sûr ! Je m’appelle Shaheem Falaniko aussi connu sous le nom de Prie. Je suis un emcee de 23 ans, Noir, Samoa, Allemand, Fijian, je suis originaire d’Hawaii et je fais de la musique chez ma grand-mère (rires, ndlr).

Comment as-tu commencé la musique ? Tu te souviens de ton premier morceau ?

Et bien, j’ai commencé la musique quand j’étais en 6ème à Las Vegas, dans le Nevada avec un ami de la famille qui s’appelle TILT. Il a un studio et il m’a appris à enregistrer et aussi à écrire des paroles. La première chanson que j’ai faite s’appelait « Living In The Street » (rires). Mais dans l’ensemble mon influence dans la conception de ma musique a été Tupac. Quand j’ai écouté son album Makaveli pour la première fois, j’ai été intrigué par sa façon de raconter sa vie à travers sa musique.

Qui a été ton plus grand soutien dans ton parcours ?

Ma première grande influence et mon plus grand soutien a été ma mère. Elle m’a toujours aidé et soutenu dans ma carrière musicale tout au long de ma vie en sacrifiant chaque dollar à mon rêve même si elle n’avait pas d’argent.
Elle trouvait le moyen de m’aider, peu importe comment. Je lui dois le monde, voire plus, pour tout ce qu’elle a fait pour moi et ma famille en tant que mère. J’aime tellement cette femme !

 

Quel est le thème de ton album « Beautiful Memories » ?

Mes souvenirs.

Est-ce que l’histoire que tu décris dans ton album est vraiment arrivée notamment les rencontres que tu as faite à New York ?

Oui ! C’est arrivé quand j’étais en tournée sur la côte l’année dernière, pour un documentaire auquel j’ai participé avec Logic intitulé The Curators of Hip-Hop par Jermaine Flecther qui est en ce moment projeté dans des universités à travers les États-Unis au moment où on parle. Mon ami, Matt Reeves, un emcee incroyable originaire de Staten Island et qui est aussi dans le documentaire, m’a fait visiter New York car c’était ma première fois là-bas. C’était une expérience géniale et j’ai rencontré tellement de personnes incroyables là-bas, qui sont devenus des amis pour moi.

 

Quel est ton meilleur souvenir sur scène ?

J’ai fait une première partie pour Nas deux soirs de suite à Hawaii et un salle complète avait le signe H en l’air, et ma famille était présente. J’en ai pleuré de joie. Un autre souvenir est celui de ma première rencontre avec Murs en backstage dans sa loge au Waikiki Shell avant sa performance et il m’a dit qu’il était un fan de ma musique et qu’il croyait beaucoup en moi. C’était un moment unique que je n’oublierai jamais, c’est sûr !

Comment tu décrirais la scène hip-hop de Honolulu ?

Géniale ! Le monde doit entendre ce que Hawaii a à dire !

Que cherches-tu à accomplir avec la musique ?

Je veux avoir de l’impact sur la vie des gens, d’une manière positive et inspirer tout le monde à poursuivre ses rêves avec courage et honnêteté. Je veux aussi les laisser savoir qu’ils ne sont pas seuls quand les temps sont sombres dans leur vie, qu’ils sont appréciés et importants et que personne ne peut les empêcher de briller excepté eux-mêmes. En somme de ne jamais abandonner dans la vie, peu importe la raison !

 

Quel sont tes prochains projets ?

L’album Please Pray en mars 2015. Ce sera un véritable album qui fera suite à Beautiful Memories qui donnera à mes fans et à ceux qui m’écoutent, un regard plus profond et complet sur ma vie en ce moment et sur les batailles que je mène. Ce nouvel album sera disponible gratuitement sur mon Soundcloud.

Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, quels sont les trois morceaux qu’ils doivent absolument écouter ?

« Memory Lane » « Find A Way »« Blackberry Molasses »

 

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Véritable culture, la sneaker a bien évidemment son histoire. C’est à se titre que le site Classic Kicks s’est lancé dans une rétrospective, une chronologie qui nous mène jusqu’aux années 70. Le tout alimenté d’images et de publicités vintage des paires qui ont marqué l’histoire.

À 18 ans, la vie d’Aaliyah Haughton n’a déjà plus rien d’ordinaire. Dès l’âge de 14 ans, elle est sous le feu des projecteurs avec l’album Age Ain’t Nothing But A Number, sorti sous la houlette de R.Kelly. Deux ans plus tard, elle est mise en valeur par le duo incontournable des années 90 : Timbaland et Missy Elliot. Déjà consacrée au rang de star, son quotidien est le plus souvent interrompu par des voyages aux quatre coins des États-Unis, mais celle qui était déjà Baby Girl, poursuit malgré tout ses études, au lycée de Détroit pour les Beaux Arts et les performances artistiques.

 » I like having a tutor on the road with me better, because I am not a morning person, so me getting up at 8am to go to school just wasn’t cool when you’re used to being on the road. I like a tutor because I only had to do 3 hours of school a day and my projects were done at my own pace. But on the other hand I missed my friends. « 
« Je préfère avoir un tuteur sur la route, parce que je ne suis pas quelqu’un de matinal. Alors pour moi me lever à 8 heures pour aller à l’école ce n’était pas vraiment cool comme j’avais l’habitude d’être sur la route. Je préfère avoir un tuteur parce que je n’avais que trois heures de cours par jour et mes projets on été fait à mon propre rythme. Mais d’un autre côté, mes amis me manquent. »

 

En se remémorant cette époque de sa vie, ses proches évoqueront souvent son côté perfectionniste, mais cela explique aussi son désir de devenir, en tant qu’artiste, un modèle pour ses fans.

 » I was always a good student. I always wanted to maintain that, even in high school when I started to travel, I wanted to keep that 4.0. Being in this industry, I don’t want kids to think « I can just sing and forget about school. »
« J’ai toujours été une bonne élève, j’ai toujours voulu le rester, même au lycée quand j’ai commencé à voyager, je voulais garder une moyenne parfaite. En étant dans l’industrie, je ne voulais pas que les jeunes pensent : « Je peux chanter et oublier l’école. » »

 

Un objectif qu’elle atteint sans grande difficulté, quand elle obtient son diplôme de fin d’étude avec une moyenne parfaite avec que des A soit une moyenne entre 97 % et 100 %.. Le tout avec deux doubles disques de platines et une carrière encore prometteuse.

La mère du défunt rappeur raconte un évènement qui met en lumière l’abnégation de son célèbre fils.

Il y a deux ans et des poussières, le hip-hop queer ou  gaynsta, celui des gays, des drag-queens et des transgenres, même s’ils en refusent généralement l’étiquette, s’est retrouvé propulsé à la face du monde entier. Comment ce genre rapologique expérimental, sulfureux et culotté, a-t-il chamboulé les codes bourrés de testostérone du hip-hop ?

Les relents homophobes du rap

En 1991, A Tribe Called Quest et les Brand Nubian, porte-étendards du rap conscient, pondent « Georgie Porgie », première mouture crade, puant l’homophobie, de leur morceau « Show Business ». Leur label leur renvoie alors leur brouillon ultra-borderline et leur intime de retravailler et adoucir leurs propos. Mais à l’heure du tout 2.0, le texte de la version non-censurée traîne sur la toile et estomaque : Phife ouvre le bal en vociférant « In the beginning there was Adam and Eve / But some try to make it look like Adam and Steve », puis Lord Jamar, Grand Puba, Sadat X et Q-Tip claquent tour à tour des rimes dégommant les tantouses. Ils ne sont pas les seuls à tirer à boulets rouges sur l’homosexualité dans les nineties. Big L rappe « I buck queers » (« Da Graveyard »), KRS-One « Where oh where, are all the real men? / The feminine look seems to be the trend » (« Ya Strugglin’ »), Common « Homo’s a no-no, so faggots stay solo » (« Heidi Hoe ») et Mos Def « Cats who claiming they hard be mad fags / So I run through ’em like flood water through sandbags » (« Definition », en featuring avec Talib Kweli).

Dans les années 2000, Eminem décoche des « faggots » à tout bout de champ, DMX crie son homophobie sur son tube «Where the hood at », lâchant, entre autres, « I show no love to homo thugs », et Lil Wayne martèle des « no homo » à l’excès. Dans son documentaire Hip-Hop : Beyond Beats and Rhymes (2006), Byron Hurt discute homosexualité avec Busta Rhymes et le rappeur s’agace : « Je ne peux pas prendre part à cette conversation », avant de poursuivre, « Sauf ton respect, je ne cherche à offenser personne … Le mouvement culturel que je représente n’approuve absolument pas ça ».

Les rappeurs, puisque supposés représenter la rue où le hip-hop poussa ses premiers cris, s’efforcent de véhiculer un message fidèle à une idéologie « ghettocentrée », hyper-virile, machiste et homophobe. Ils se moulent selon des stéréotypes raciaux fantasmés, leur imposant de jouer aux durs plutôt qu’aux doux. « Le processus de racialisation, entendu comme un rapport de pouvoir, installe une configuration mettant en scène des figures racialisées – celle du « real Nigga » (« vrai négro ») et de la « real Bitch » (« vraie chienne ») – se confrontant et construisant un modèle opposé à une féminité et une masculinité blanches et bourgeoises », confirme Franck Freitas dans son article Blackness à la demande : Production narrative de l’authenticité raciale dans l’industrie du rap américain, publié dans la revue Volume !. En 2002/2003, le coiffeur reconverti en rappeur Caushun, qui s’avèrera a posteriori être un personnage monté de toutes pièces, se définit comme un « homo-thug » et fait un flop complet. Le public n’est pas prêt.

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Vers un hip-hop métrosexuel, gay-friendly et queer

À compter du milieu des années 90, Puff Daddy rappait déjà sa sensibilité sur des musiques au sirop de fraise et se vautrait dans le glamour. Dans sa veine, une poignée d’artistes vient profondément chahuter l’esthétique bitumée et brutale du hip-hop au début des années 2000, compose un rap emmiellé, désancré de la rue, et réinvente le chic à sa sauce. André 3000 raffole des perruques, s’affiche en salopette rose poudréee ou en fourrure fuchsia, préfère le patte d’eph’ au baggy. Pharrell Williams brasse hip-hop, rock, funk et electro, se pose d’abord en icône du mouvement fluo puis en dandy urbain, en nœud-papillon, costume-short ou colliers de perles Chanel. Avec son quatrième album 808s & Heartbreak qui flirte avec le pop’n’b, Kanye West incarne une nouvelle figure de rappeur dit « vulnérable ». Le style affuté, Yeezy ose la veste à brandebourgs satinée Dior, la blouse de femme Céline ou encore le kilt en cuir Givenchy. Tous trois, avec d’autres, ouvrent la voie à une nouvelle génération de rappeurs modeux sanglés dans des jeans slim et lookés jusqu’aux dents, A$AP Rocky en tête. Ce dernier se soustrait des thèmes et de l’imagerie gangsta, brouille les genres, démode définitivement l’hyper-masculinité, ses guns, ses meufs en string, ses pantalons XXL et ses muscles archi-gonflés.

Kanye West Celine

Puis 2012 est à marquer d’une pierre blanche. Frank Ocean, poulain r’n’b de l’écurie Odd Future, sort du placard, Jay-Z, Tyler the Creator ou encore 50 Cent applaudissent. Moins d’une semaine après le discours de Barack Obama en faveur du mariage gay, Hova, bientôt suivi par T.I., Diddy et autres, abondent dans le sens de son président devant les caméras de CNN : « J’ai toujours vu ça (l’interdiction du mariage gay, ndlr) comme quelque chose qui empêchait le pays d’avancer. Vous êtes libres d’aimer qui vous voulez … [Ce] n’est pas différent du racisme anti-Noirs. C’est de la discrimination, purement et simplement ». Macklemore et Ryan Lewis produisent le beau et puissant « Same love », ode au mariage pour tous, et Murs condamne l’homophobie dans le clip poignant d’ « Animal Style ».

Azealia Banks, Syd the Kyd (membre d’Odd Future), RoxXxan ou encore Sasha Go Hard assument leur homosexualité ou bisexualité. Désormais, être gay dans le hip-hop peut rendre cool, surtout en tant que femme, Nicki Minaj l’a bien compris. La rappeuse au fessier surdimensionné se dit bisexuelle pendant un temps et se crée le personnage de Roman Zolanski, le plus connu de ses alter-egos, un homosexuel londonien.

En réalité, une scène hip-hop gay, hybride et décomplexée, s’agite en coulisses depuis les années 70 et le voguing, danse mêlant pas urbains et poses-mannequins, né dans les ballrooms new yorkais où se pressaient sur la piste les homosexuels latino et afro-américains. La culture des balls a pour rejetons une flopée de rappeurs gays, prenant le micro dans les milieux underground. Si en 2006 le documentaire Pick up the mic consacré au homo-hop passe quasiment inaperçu, le mouvement explose six ans plus tard sous l’impulsion de Mykki Blanco, Zebra Katz ou LE1F. La musique queer se veut barrée et conceptuelle, se place dans un ailleurs indéfinissable, et tisse un univers visuel puissant et léché. Alors oui Snoop Dogg déclarait dans une interview au HuffPost Entertainment en juin 2013 que l’homosexualité ne serait jamais acceptée dans le milieu hip-hop et Lord Jamar s’échine à brocarder le look métrosexuel de Kanye West, qu’il considère comme un pionnier du mouvement queer, mais le rap arc-en-ciel s’est bel et bien taillé une place au soleil. La preuve par 5.

Cakes Da Killa

Cake-Da-Killa

Rashard Bradshaw aka Cakes Da Killa voit la vie en robe bonbon avec supplément chantilly. Le rappeur aux airs de diva déballe son flow rapide sur des beats massifs, prône un rap sucré, fun, débridé et dansant. Remy Ma, Lil’ Kim, Foxy Brown ou encore Cam’ron l’inspirent. Il qualifie son rap de « Gully Cunt Music », assume son côté putassier et parle de sexe sans complexes mais s’agace de l’appellation « rap queer ». Après deux mixtapes et un EP, il sort à l’été 2014 un nouvel opus enfiévrant aux productions épaisses, Hunger Pangs.

Mykki Blanco

Mykki-Blanco

Mykki Blanco, alter-égo féminin de Michael Quatelbaum, drag-rappeur sombre et poète à ses heures, débite son flow grave et étranglé sur des productions hypnotiques et minimales. Révélé sur la toile grâce à son morceau psychédélique « Wavvy », le emcee androgyne et fantasque en perruque, soutif, mini-short ou legging, se pose en figure de proue du hip-hop queer. Son élégance rustre et punk emprunte aux mouvements riot grrrl et queercore. Eclectique, il pioche à la fois ses influences chez Lil’Kim, Eminem, Marilyn Manson, Jean Cocteau, Rihanna ou Kathleen Hanna. Après deux EP et une mixtape, Mykki Blanco livre Gay Dog Food, nouvel opus cru et halluciné, en attendant la sortie de son premier album, Michael.

LE1F

le1f

LE1F (prononcez « Leaf »), Khalif Diouf dans la vraie vie, brillant danseur, beatmaker et pétillant rappeur au flow mitrailletté, est l’inventeur du terme « gaygnsta ». Après avoir joué des platines dans des bars new yorkais et produit dans l’ombre des titres pour Das Racist ou Spank Rock, il dégaine sa première mixtape en 2012. Le clip de son titre « Wut », calibré pour les clubs, affole la toile. Le rap de LE1F est arty, pointu, pop, piquant et électrisant. Après trois mixtapes, il sort son premier EP solo, Hey, signé sur XL et Terrible Records.

Angel Haze

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Féministe hardcore et pansexuelle auto-proclamée, Angel Haze, née Raykeea Angel Wilson, fuit à l’âge de 16 ans le milieu hyper-religieux et rigoriste, assimilé à une secte, dans lequel elle a grandit. La rappeuse au flow puissant et incisif crache sa rage sur des morceaux cathartiques, torturés et sombres. Après avoir leaké gratuitement son premier opus, Reservation, en 2012, Angel Haze signe dans la foulée sur le label Universal Republic aux Etats-Unis et Island Records en Angleterre. Elle enchaînera les mixtapes avant son premier album, Dirty Gold, aux vapeurs electro-pop.

Zebra Katz

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Ojay Morgan ou Zebra Katz, ex-étudiant en théâtre, « dancehall queen » échappée des ballrooms et rappeur bellâtre coiffé façon Grace Jones, explose en 2012 avec son « Ima read », célébrant l’art du clash et le voguing. Rick Owens en fera la bande-son de son défilé automne-hiver 2012. Signé sur Mad Decent, le label de Diplo, Zebra Katz pose sa voix ultra-grave et capiteuse sur des beats lourds, dark, futuristes et lancinants. Il s’inspire de Nina Simone comme de Jean-Michel Basquiat ou de Missy Elliott. Le rappeur a accouché à ce jour de deux mixtapes, Champagne et DRKLNG.

Le hip-hop hexagonal, lui, est encore loin d’embrasser la culture gay, à mille lieues d’imaginer un Booba se trémousser sur un son pétulant moulé dans un legging pailleté.

Quand ils parcourent les routes du monde entier, les 9 yeux de Google Street View capturent aussi à la faveur du hasard, des scènes intrigantes, des paysages saisissants, des situations comiques. L’artiste canadien Jon Rafman est parti à la recherche de ces instants dans les méandres de Google, et en détache une collection de captures qu’il regroupe sur le site 9 eyes.

Dans la majorité des cas, la musique se suffit à elle-même. Les claquements de caisse-claire additionnés aux battements par minute dessinent dans un sens, le squelette d’un corps parfois homogène, ou encore définit le pouls, voire la durée de vie d’une piste. Dans ce cas de figure, l’artiste fait vivre sa partition au gré de ses envies, et pour nous, simples auditeurs, nos oreilles suffisent pour déchiffrer les notes de ses accords. Mais au-delà de la valeur intrinsèque musicale, d’autres vecteurs permettent d’interpréter l’œuvre artistique. Bien avant l’arrivée de la presse spécialisée ou encore la démocratisation du format « music video », un artiste ne disposait que de la pochette de son disque microsillon pour communiquer avec son public. Popularisée à la fin des années trente par Alex Steinwess, le premier directeur artistique de Columbia Records, la jaquette a traversé les âges et est devenue au fil des années le prolongement de la réflexion artistique. Ambitieuse, elle dépeint les couleurs de l’œuvre dans son ensemble alors autant s’arrêter sur celle-ci pour tenter de l’interpréter.

 

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Name: Jo-Vaughn Virginie Scott
Nickname: Joey Bada$$
Birth date: 20th January of 1995
Album: B4.DA.$$
Artwork: Tony Whlgn & Dee Frosted
Release Date: Jan 20, 2015
Record Label: Cinematic Music
Group: Pro Era


 

Parfaitement quadrillée par son plan en damier, Manhattan est une ville structurée entre ses avenues verticales et ses rues horizontales. Dans cet espace comprimé, les citadins respirent et surtout fourmillent, prêts à se réapproprier chaque bout de territoire mal découpé. Entre la Cinquième et Neuvième avenue, le quartier de Garment District y apparaît. Délimité entre de la 35ème à la 41ème, cet emplacement joua un rôle crucial dans le développement de la ville en manufacturant la majorité des produits textiles. Cet attrait pour la confection de vêtements embellira la vision de Manhattan auprès des banlieues avoisinantes mais aussi au reste du monde entier. Du coup, pendant les seventies, certains grands couturiers poseront bagages dans ce coin qui finira par devenir un haut lieu de la capitale. Cependant, durant les années suivantes, la baisse drastique des coûts de production de l’autre côté du Pacifique mettra un terme au rayonnement de Garment District.

 

 

Jo-Vaughn Virginie Scott n’a peut-être que faire de cette considération historique, néanmoins, elle conditionnera le reste de son existence. En plein déclin économique, la culture urbaine débordante ne se fera pas prier pour investir ces lieux. En 1984, Douglas Grama et David Lotwin fondent le D&D Studios sur la 37ème rue. Dans cet endroit, les « fashionistas » ne prennent plus le temps de s’y arrêter. Désormais, une jeunesse insouciante, et quelques fois un camé perdu entre deux ascenseurs, investissent les locaux. Parmi ses jeunes, trois producteurs passent cinq jours par semaine à trifouiller les 33 tours dans tous les sens, et ce, pour sampler une ou plusieurs boucles. Répondant aux noms de DJ Premier et Da Beatminerz (Evil Dee & Mr. Walt), les trois compères façonnent le son de Brooklyn. Poussiéreux, sales et crasseux, leurs compositions attirent évidemment la crème des quartiers de Manhattan. Dans le D&D Studios seront enregistrés et mixés « N.Y. State of Mind », « Memory Lane » et « Represent » de Nasir Jones, un gamin du Queens, tentant de sortir de l’anonymat avec son premier album. Christopher Wallace, un autre môme avec certes un peu plus d’embonpoint, enregistrera et mixera le morceau « Unbelievable » pour son premier opus Ready To Die. Un gosse, Shawn Corey Carter, issu de la cité de Marcy dans le borough de Brooklyn, enregistrera à son tour ses titres « D’Evils », « Friend or Foe » et « Bring It On ». Les alias tels que Black Moon, KRS-ONE, Gang Starr, Big L, Smif-n-Wessun ou encore Jeru The Damaja imprégneront les murs de leurs esprits et marqueront le son d’une époque que les spécialistes – ou nostalgiques – qualifieront de « golden era ».

 

 

En 2014, cette « ère dorée » est révolue. Autrefois, New York polarisait toute l’attention, dorénavant, cette dernière s’est glissée vers le Sud et la « trap » d’Altanta. Symboliquement, comme si le destin souhaitait en rajouter une couche, le D&D Studios a définitivement fermé ses portes pour laisser place à des appartements luxueux en début d’année. Il ne reste plus que des traces, des vestiges de cette époque, décelables sur l’acier froid, rigide et longiligne des gratte-ciels de Manhattan. Dominée par l’Empire State Building en haut à droite de la pochette, les camarades du collectif Pro Era (Tony Whlgn et Dee Frosted) ont immortalisé leur ami face à cette jungle urbaine. Ironiquement, ce bâtiment fut édifié à la fin des années vingt dans un style Art Déco prônant un retour au classicisme et ses formes symétriques. En somme, pas étonnant de voir étiqueté aujourd’hui la capitale comme une ville tournée vers son passé prolifique quand ses monuments les plus culminants transpirent le conformisme. Néanmoins, le jeune JayOhVee n’a que faire de ce jugement et c’est bien sa métropole qu’il a décidé de mettre à l’honneur sur la majeure partie de sa jaquette. Dans ce cliché quasi monochrome, Joey renforce l’impression d’appartenir à cette époque terminée, achevée, qui a déjà épuisée toutes ses minutions à coup de CD estampillés « classiques ». Or, à tout juste vingt ans, Joey Bada$$ se présente enfin distinctement sur sa pochette. Là où sur 1999 le bonhomme nous tournait le dos pour s’en aller sur son skate ; où sur Summer Knights il nous délaissait préférant une escapade au bord d’un lac ; cette fois-ci, ce dernier ne fuit pas ses responsabilités pour avancer, seul, sans crainte, vers les gratte-ciels de la Grosse Pomme.

 

 

Outre-Atlantique, la philosophie d’Ayn Rand a eu un impact sans précédent sur la société civile américaine. Parmi ses nombreuses idées très discutables, elle n’eut cessé de plaider que l’individu se devait de poursuivre son bonheur pour le bien de son propre intérêt personnel. En substance, l’homme se définit seul, peu importe son environnement, et l’égoïsme devient alors une vertu, car persuadé d’agir dans son intérêt personnel, il œuvrerait pour le bien-être de la société toute entière. Du coup, Jo s’illustre seul sur sa pochette. Lui, originaire du quartier mal fréquenté d’East Flatbush à Brooklyn, qui a grandi à seulement quelques « blocks » de Bobby Shmurda, mais qui a pourtant fini tout autrement. Mais au-delà de la symbolique et des coïncidences, Joey a surtout tenu à ancrer son nom seul – avec l’aide de son label indépendant Cinematic Music Group – pour avoir l’affection d’une ville qui a déjà tout connu. Révélateur, le titre B4.DA.$$ (« Before the money ») écrit en lettres capitales, colorées, projetées au-dessus de New York pourrait résumer pourquoi ce gamin a refusé une offre de JAY Z même s’il clamait haut et fort « But it’s far from over / Won’t stop ’til I meet Hova and my momma’s in a Rover ». Car avant tout, Joey ne cherche pas les dollars, mais plutôt la reconnaissance unanime d’une ville qui a façonné son oreille musicale.

Le 2 décembre 1985, une bande de forains assiège les Tuileries et dispose manèges et baraques à frites sans aucune autorisation. Leur chef de file est Marcel Campion, son nom de baptême médiatique, « le roi des forains», en dit long sur son importance. Car, comme un monarque, Marcel a le droit de vie ou de mort sur le mouvement forain ou, du moins, sur une bonne partie de celui-ci. À soixante-quinze ans, il est notamment à la tête du marché de Noël sur les Champs-Elysées, de la foire du Trône et, depuis cet hiver 1985, de la fête des Tuileries. Tout au long de sa vie, Marcel Campion a été prêt à tout pour dominer ce mouvement, mais surtout lui redonner de l’allant: balancer les manèges de ses opposants en pièces détachées dans la Seine, casser l’index d’un membre du cabinet de Chirac et surnommer Bernard de la Villardière, Bernard de la Merdière.

C’est justement le coup d’éclat de la prise des Tuileries qui a redoré le blason de toute une culture qui s’effritait depuis une dizaine d’années. En effet, les forains et leurs fêtes étaient chassés des centres-villes et relégués en banlieue, il fallait donc une victoire symbolique et spectaculaire pour les réintégrer nationalement au cœur des villes. Nous sommes partis à la rencontre de Marcel Campion pour qu’il revienne précisément sur ce qui s’est passé et ainsi nous immerger dans ces instants qu’il retrace avec sa gouaille truculente. Difficile de le couper, il raconte avec un tel enthousiasme : il reconstitue les dialogues en y mettant le ton, sourit en parlant et agrippe même le bras de son interlocuteur pour l’impliquer. Un flashback entre prise d’otage de ministre, négociation secrète avec Mitterrand et menace d’incendie du jardin des Tuileries.

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«J’ai réuni les forains en plein hiver, je leur ai expliqué que la ville allait organiser une grande fête au centre de Paris et qu’on allait se mettre avec eux. Ils me répondent :  » Ah bon, tu as eu l’autorisation ? – Ouais, ouais, tout est réglé. » J’avais seulement deux-trois copains que je connais aujourd’hui depuis plus de cinquante ans et je leur ai dit :  » Organisez-vous et préparez-vous, on met les convois comme ça. » Je ne les laisse pas réfléchir, faut qu’ils m’écoutent, sinon je les vire. J’ai eu deux-trois forains qui n’ont pas voulu suivre et je les ai dégagés tout de suite avant que ça aille mal. Quand tu fais des trucs comme ça, il ne faut pas que tu aies des traîtres avec toi.

Je les fais entrer un vendredi soir dans les Tuileries, c’était une stratégie car le week-end il n’y a plus aucune autorité en France avant le lundi après-midi. T’as le temps d’organiser une grande fête sans que personne ne soit au courant. L’État avait loué des chapiteaux à des cirques que je connais pour leurs fêtes. Je les avais appelés et ils m’ont dit qu’ils rentraient vendredi soir:  » Bah, on va y aller avec eux. » J’avais reçu une lettre du ministère qui m’expliquait qu’il était hors de question qu’on s’installe devant les Tuileries. Donc j’ai fait un faux, j’ai gardé l’en-tête du ministère et la signature et j’ai écrit :  » Laissez passer les convois « . Je suis arrivé devant avec ma voiture, j’ai fait des appels de phares aux deux vigiles qui étaient là. Il devait être 23 heures, j’ai montré mon papier et ils nous ont ouvert les portes. Mais, même s’il ne l’avait pas ouverte, on l’aurait ouverte. On est rentré aux Tuileries, on s’est installés.

Le lundi, quand j’ai vu que personne ne réagissait, ça m’a fait chier. J’ai appelé Mourousi (journaliste incontournable de TF1 à l’époque, ndlr), je lui ai raconté:  » Écoute, Yves, passe voir, on a installé une grande fête foraine, ça serait bien que tu en parles parce qu’on a un problème.  » Il est venu et m’a dit :  » Qui t’a donné l’autorisation ? – Personne, justement il faudrait qu’on en parle.  » Donc, ça passe au journal de TF1 et, l’après-midi, on nous a envoyé deux mille CRS, ils ont entouré les Tuileries et viré les gens en nous ordonnant avec leur porte-voix de nous tirer tout de suite. Ça a duré une dizaine de jours, avec des confrontations entre la police et nous, ils nous avaient encerclés mais n’osaient pas venir nous déloger. Parce que s’ils nous délogeaient, le matériel restait là. J’avais mis des bidons d’essence dans tous les manèges, y compris dans le mien, sans le dire aux forains. Quitte à finir, on va liquider le truc tout de suite, moi, je fous le feu partout.

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Georgina Dufoix (ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale) est venue à l’intérieur pour visiter la fête de l’enfance dans le jardin. On les a drôlement emmerdés car ils avaient pris l’allée centrale et nous celle d’à côté. Il y avait trois ministres là-dedans, dont Jack Lang. Et cette femme-là vient me voir et me dit : « C’est dommage que ça se déroule comme ça, mais qu’est-ce qui s’est passé ?  » Elle avait l’air complètement dans les nuages. Je lui demande :  » Vous ne voulez pas faire un tour de grande roue avant qu’elle ne parte, ce sera peut-être la seule fois qu’il y en aura une dans les Tuileries ?  » Elle accepte, j’explique à un copain qu’il doit monter avec elle, et je le préviens qu’on va les bloquer quand ils seront en haut… Pas trop longtemps. Son chef de cabinet panique :  » Mais elle ne tourne plus, la roue. – Elle est en otage! » Les flics couraient partout, le préfet nous ordonne d’aller la chercher, je lui réponds:  » Bah, monte, toi!  » Ça n’a pas duré longtemps, on rigolait. Mais la presse a dit qu’on avait pris la ministre en otage.

En réalité, elle était bienveillante, quand elle est descendue, elle m’a dit: « Je vais en parler à Mitterrand car il n’y a que lui qui puisse arranger ça.  » Et, le lendemain, un de ses sbires est venu pour qu’on organise une rencontre :  » On ne peut pas vous faire venir à l’Élysée car vous squattez les Tuileries, c’est un terrain d’État. – Mais qu’il vienne! Il est chez lui, le président. » Il fallait que ce soit secret et moi, je ne voulais pas sortir du jardin car s’ils m’avaient attrapé, tout le monde aurait démonté. Donc, c’est lui qui s’est déplacé à l’arrière des Tuileries. On a discuté avec Mitterrand pendant deux minutes, pas très longtemps. Il me dit :  » C’est quoi cette histoire ? – On a besoin de travailler, on nous supprime partout. Ce serait pas mal de nous laisser dans les Tuileries – Moi, je n’y vois pas d’inconvénient. – Oui mais, regardez, on est encerclés par la police. – Je vais vous arranger ça.  » C’est Mitterrand qui nous a arrangé le coup.

 

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Maintenant, quand je vois Lang, lui c’est le plus culotté, je suis son « ami Marcel ». L’année dernière, il est venu à l’inauguration de la fête au Grand Palais et il a dit :  » C’est grâce à nous deux qu’il y a la fête des Tuileries. » Il nous avait juste mis les CRS autour et envoyés au tribunal… Il faut les laisser raconter leur truc. »

C’est lors de son passage en France pour une date parisienne, que nous avons rencontré Common. L’occasion de lui poser quelques questions sur Chicago, sa scène Trap et Drill, les différences entre le travail de Kanye West et No I.D. et son apparition dans le film Selma.

Le monde du hip-hop est en deuil depuis l’annonce de la mort hier matin de Steven Rodriguez, plus connu sous le nom d’A$AP Yams, co-fondateur d’A$AP Mob et mentor du groupe.

Les réseaux sociaux ont encore joué leur rôle de relais d’informations à l’impact immédiat. C’est par le biais des comptes des différents membres d’A$AP Mob que l’on a appris le décès du créateur du crew. 2 Chainz, Rihanna, Chance The Rapper, Joey Badass, A-Trak, Action Bronson, Mobb Deep, M.I.A, Lil’B, ILoveMakkonen, Alchemist, Azelia Banks,Dj Clue, Large Professor, Drake, Mac Miller, Ryan Hemsworth, Talib Kweli, Wiz Khalifa, Russell Simons… la liste est prestigieuse et les messages de condoléances nombreux pour marquer son soutient aux proches de celui qui est décédé hier, à 26 ans. « You were the brilliant mind, you put us on Game, you changed our lives. You changed my life, you changed the world. R.I.P YAMZ. There can never be another one after you. » (« Tu étais l’esprit brillant, tu nous a introduit dans le game, tu a changé nos vies, tu a changé ma vie, tu a changé le monde. R.I.P Yamz. Il n’ y aura jamais plus un autre comme toi ») L’hommage émouvant rendu par A$AP Ferg sur Instagram illustre parfaitement la place qu’occupait Yams dans le Mob.

http://instagram.com/p/x_k8TfLA4i/

Pour beaucoup, il est un relatif inconnu, seulement reconnaissable à sa tache de naissance caractéristique sur le visage. Pourtant, il a joué un rôle crucial dans la création et le développement du crew, qu’il fonde en 2007 à l’âge de 17 ans, avec A$AP Bari et A$AP Illz, et dans le succès de ces membres. C’est lui qui dénichera la tête de gondole du crew, A$AP Rocky, qu’il invite à rejoindre cette équipe en 2008 quelque temps après la création du Mob. De l’avis de tous, Yams est le maître à penser du roster, le gardien de la machine. Ce Harlemite dévoué fait ses gammes en tant que stagiaire au sein du label Diplomats Records, et fait progressivement connaître un sens aigu pour la mode, l’art et la musique grâce à son utilisation habile d’Internet et des outils comme Tumblr. De là, il construit les bases de ce que sera le Mob. Visionnaire, il est celui qui inspirera le style intemporel et flexible de Rocky. Stratégiste et businessman talentueux, il sera à l’origine de la découverte d’artistes et tels que Vince Staples, Joey Fatts, Ashton Mattews. Se définissant comme le « Maître Yoda » d’A$AP Mob, il est loué pour sa connaissance de la musique, décrit comme une encyclopédie du hip-hop et déjà comparé à des moguls du business comme Puff Daddy, Irv Gotti, Damon Dash.

Si les causes de sa mort n’ont pas été annoncés et sont encore à déterminer, une overdose en serait la raison. Yams luttait depuis longtemps contre une addiction à la drogue, un mal qu’il avouait lui-même devoir maitriser. Une mort qui à pour effet de réveiller des vieux démons pas vraiment endormis du hip-hop, qui semble ne jamais être à l’abri d’une tragédie lié aux maux que sont la drogue et la violence. Mort en pleine force de l’âge, Steven Rodriguez restera celui à l’origine d’un des crew hip-hop les plus créatifs et des plus emblématiques de cette décennie. Et en cela, il aura marqué son temps.


Il y a près de 10 ans de cela, Rhymefest – éminent emcee de Chicago – clamait haut et fort que sa ville d’origine ne parviendrait jamais à devenir une place forte du hip-hop, en raison du manque d’union et de collaborations entre les artistes de son fief. Le temps lui aura finalement donné tord puisque deux décennies après que les Common, Twista et autres No I.D. aient placé Chi-Town sur la carte du hip-hop, la plus grande ville du Michigan constitue aujourd’hui un inépuisable vivier de talents du rap outre-Atlantique. À l’instar d’Atlanta, Chicago dispose en effet d’une scène abondante et diversifiée, partagée entre le « Chiraq » des artistes issus de la Drill et les « déviants » que peuvent être Chance The Rapper ou Vic Mensa.

Au milieu de ces deux générations dorées, Chicago aura surtout vécu l’avènement de son fils prodigue Kanye West, qui aura essayé tant bien que mal de mettre en lumières d’autres artistes locaux dans son sillon. Dans un premier temps à travers son label G.O.O.D Music et les signatures de GLC & Really Doe, puis lorsqu’il invita sur le single « Touch The Sky » un jeune rappeur répondant au pseudonyme de Lupe Fiasco. Et contrairement aux deux autres emcees, ce dernier semblait à l’époque avoir toutes les cartes en main pour devenir « The Next Big Thing » d’un paysage rap en pleine mutation.

Adoubé par le grand Jay Z, qui l’aide à obtenir un contrat avec la maison de disques Atlantic Records, Lupe Fiasco – de son vrai nom Wasalu Muhammad Jaco – est l’une des attractions majeures du tournant des années 2000. Alors qu’il est initialement hostile à ce milieu qu’il jugeait vulgaire et misogyne, le jeune homme surprend par son style atypique, tant vestimentaire qu’artistique, usant de références à des univers peu communs dans le rap tels que le skateboard, les mangas ou les jeux vidéos. De sa plume aiguisée, Lupe se montre à l’aise tant sur des story-tellings légers (« Kick, Push ») que sur les sujets des société profonds (« American Terrorist », entre autres) à tel point que son premier jet Food & Liquor – dont le producteur exécutif n’est nul autre que Jigga lui-même – devient immédiatement un large succès d’estime, puis commercial. Il n’en faut pas plus pour que le Chicagoan n’embraye la seconde dans la foulée, en envoyant The Cool, ce deuxième effort, 15 petits mois plus tard. Les éloges et les ventes seront une nouvelle fois au rendez-vous, conduisant logiquement à une évolution du statut de l’artiste alors âgé de 25 ans.

L’imbroglio Lasers

En effet, avec deux albums certifiés disques d’or au compteur, Lupe Fiasco est désormais bien loin du stade des promesses. Une donnée que son label Atlantic a parfaitement assimilée, cherchant inlassablement de nouveaux moyens pour faire fructifier sa pépite avant que le phénomène ne s’essouffle. Toutefois, c’est à ce moment clé de sa carrière que la vision artistique de Lupe évolue, l’homme se veut plus revendicatif et concerné par les problèmes sociaux. L’exacerbation de cette facette inquiète Atlantic Records et brouille progressivement les relations entre l’artiste et sa maison de disques. Dès lors, le rappeur perd peu à peu le contrôle de ses projets, et est sans cesse contraint d’édulcorer la direction qu’il souhaite leur donner. Ainsi, son troisième album, initialement prévu en tant que LupE.N.D est successivement renommé en The Great American Rap Album puis We Are Lasers, pour simplement Lasers. Mais un nouvel obstacle vient se dresser devant le rappeur car Atlantic refuse de fixer une date pour l’album, obligeant Lupe à rejoindre une petite horde de fan protestant en octobre 2010 devant les bureaux du label en faveur de sa sortie.

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Ce sera finalement chose faite le 7 mars 2011, date à laquelle l’album voit le jour. Toutefois, même si les ventes sont une nouvelle fois au rendez-vous – l’album s’écoulant à plus de 200 000 copies dès la première semaine –, les critiques se montrent bien plus sceptiques devant ce projet bancal, tiraillé entre les intérêts commerciaux du label et les ardeurs contestataires de l’artiste. Ce-dernier avouera même publiquement ne pas être satisfait de ce projet : « Je déteste cet album. Je ne hais pas la musique, mais j’ai détesté son processus de création. Quand je l’observe, je ne vois pas la tracklist ou la direction artistique, je vois la lutte et les sacrifices qui l’ont précédé. Il y a une poignée de sons que j’adore, mais Lasers c’est un peu de ce que j’adore, un peu de ce que j’aime, et un peu de ce que j’avais à faire. »

Seule consolation, la présence dans l’opus du single « Words I Never Said » que lui-même perçoit comme « la voix de l’album ». Le titre en question ? Une diatribe d’un peu plus de 4 minutes au cours de laquelle il se laisse aller à de virulentes critiques, notamment envers le gouvernement américain et plus précisément son leader Barack Obama. Il lui reproche sa passivité sur le conflit israélo-palestinien ainsi que sa décision d’envoyer des troupes en Afghanistan : « I really think the war on terror is a bunch of bulls/Just a poor excuse for you to use up all your bullets » / « Je pense vraiment que la guerre contre le terrorisme est une connerie sans nom / Juste une excuse minable pour utiliser vos balles ». Un avis tranché qui vaudra à Lupe Fiasco quelques menaces ; mais qu’à cela ne tienne, le rappeur ne compte alors pas s’arrêter en si bon chemin.

Lupe vs. Everybody

À partir de là, la langue de Lupe Fiasco se délie, et chaque apparition devient le prétexte d’une intervention polémique. Peu de temps après la sortie de Lasers et « Words I Never Said », le rappeur enfonce le clou vis-à-vis du président américain en affirmant dans une interview pour CBS que ce-dernier est « le plus grand terroriste » au vu de sa politique à l’étranger qui – toujours selon Lupe – est « la véritable source du terrorisme ».

Qu’il s’agisse de sa musique ou de ses interventions publiques, tous les sujets y passent avec à chaque fois la même virulence. La politique d’abord, mais aussi l’éducation quand Lupe Fiasco, invité en 2013 à faire un discours lors de la cérémonie de remise de diplôme d’un lycée public de Chicago, allume tout le système éducatif de sa ville natale : « Félicitations, vous venez d’être diplômés de l’un des pires systèmes éducatifs du monde entier. Vous avez juste passé les 12 dernières années de vos vies à recevoir la pire éducation sur Terre. Vous êtes au moins 5-6 cases en-dessous d’étudiants étrangers plus jeunes que vous. »

Le monde du rap en prend également pour son grade, Lupe n’hésitant pas à dénoncer son influence néfaste sur la jeunesse : l’usage du fameux « B word » envers la femme, critiqué dans le titre « Bitch Bad » puis dans un long débat avec Talib Kweli sur la twittosphère ; ou la glorification de la violence dont Chief Keef et ses compères de la Drill Music se sont fait une spécialité, critiquée par le rappeur dans une nouvelle série de tweets. Cette dernière remontrance déclenche le courroux de l’auteur d’ « I Don’t Like », qui réplique en le menaçant publiquement avant de se rétracter sous prétexte d’un énième piratage de son compte. Suite à ces réponses, Lupe annoncera la fin de sa carrière avant de se rétracter à son tour, s’attirant l’hilarité de la sphère sociale.

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Et c’est là que le bat blesse : à mesure qu’il traîne son discours moralisateur à chacune de ses irruptions, le Chicagoan finit au mieux par lasser et au pire à se couvrir parfois ridicule. D’autant qu’en parallèle, sa carrière artistique est en pleine stagnation, avec un Food & Liquor II : The Great American Rap Album qualitativement à des années lumières de son premier volet, et dont les ventes constituent le pire score de sa discographie avec « seulement » 128 000 exemplaires écoulés.

La lumière au bout du tunnel ?

Il faudra finalement attendre 2013 pour que l’intéressé semble prendre conscience de cette réalité. En préparation de son 5ème album studio Tetsuo & Youth, Lupe Fiasco confie en effet au cours de cette année que celui-ci ne contiendrait pas de politique : « Si vous voulez entendre mon baratin politique ou un Lupe “pseudo-intellectuel” alors allez écoutez Food & Liquor II. À partir de maintenant, je ne fais plus que de la musique ». Un projet qui par ailleurs pourrait bien être le dernier de l’artiste, si l’on considère que le emcee – qui songe à la retraite depuis la genèse du projet avorté LupE.N.D – est actuellement en train de négocier la fin prématurée du contrat de six albums qui le lie avec Atlantic Records.

En tenant compte de ces données, peut-on croire au retour du Lupe Fiasco des grandes heures, concentré sur son œuvre, pour une fin en apothéose ? Au regard de ses dernières apparitions, l’espoir est de mise. Bien qu’il ne soit pas nécessairement plus discret dans ses interventions au cours des deux dernières, étant engagé dans une quantité invraisemblables de clashs par tweets interposés, le rappeur a été à créditer de couplets solides sur les récents albums de deux des meilleurs lyricistes de la nouvelle génération en les personnes d’Ab-Soul et Big K.R.I.T.

Quant à ses titres solos, ils laissent paraître un Lupe traditionnels avec des morceaux plus légers mais pas pour autant dénués de profondeur et de sens (« Next To It », « Deliver ») et même quelques références geek qui avaient contribué au succès du personnage (« Adoration Of The Magi »). Malgré une confusion sur le premier extrait de l’album (« Crack », « Old School Love » & « Mission » ont successivement été annoncés comme tel), Lupe Fiasco a semble t-il savamment préparé son retour aux affaires, s’enfermant au studio avec les jolis noms que peuvent être DJ Dahi, S1, Ab-Soul ou encore Terrace Martin. De quoi espérer, à défaut d’un retour au sommet, un véritable album de qualité. On l’en sait capable.

 

Selon le film « Retour vers le Futur », 2015 aurait dû être l’année des hoverboards, des Air Mag à laçage automatique et surtout des voitures volantes. Une prédiction idéalisée qui ne semble pas prête d’arriver, mais qui sera la source d’inspiration du photographe Jacob Munkhammar. Dans son « studio garage », il conçoit des images à l’aspect vintage, des scènes anachroniques où les voitures flottent dans les airs.

Producteur et rappeur, Chevalien dévoilait à la fin de l’année l’EP « ΛLLRΛTS ». Là il délivre un un rap qu’il décrit comme « déviant et sombre » et des productions lyrique et électronique propice à une ambiance obscure et apocalyptique. Il décrit le tout en deux mots : Bath Music. Un terme qu’il tentera de nous expliquer au détour de quelques questions sur son parcours.

Photo :  Manon Cornieux

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EP « ALLRATS » disponible ici

 

 

D’abord, est-ce que tu peux te présenter ?

Chevalien, prononcé cheval-hyène, 25 hivers, compositeur & rappeur, Pitcity.

Comment est-ce que tu as commencé la musique ? Comment décrirais-tu ta musique à ses débuts ?

J’ai commencé par 10 ans de batterie, tous styles confondus, puis vers 2008 j’ai découvert la musique sur ordinateur, à laquelle je me suis mis plus sérieusement depuis 2011. Au début, je composais essentiellement des morceaux dans des styles variés afin d’explorer le truc, puis des genres de musiques de films décousues, puis des tracks d’electro dark en parallèle d’instru de rap que je destinais naïvement à Booba.

Selon tes propres mots, comment décrirais-tu ton projet artistique aujourd’hui ?

Hybride, Epique, Ethnique, Tellurique et Tentaculaire. Il n’a que les limites que je lui impose. C’est mon groupe où je suis tout seul.

Quelles sont tes principales inspirations ?

Les drive-by en corbillards, les civilisations pagan pré-islamique, l’ascension du déclin, l’absurde.

Tu classes ta musique dans le genre « Bath Music ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Tout l’intérêt réside dans le fait que je suis actuellement moi-même en train de découvrir ce que ça signifie, dans la mesure où avec un seul EP au compteur et quelques remixes, rien n’est scellé dans ma musique, après je pense que je lui destine une dimension mystique & salvatrice, quelque chose qui te submerge et te dévaste, te détruit pour mieux que tu te rebâtisses et en ce sens te nettoie, une religion pour athéiste pratiquant, un truc étranger, un truc d’alien.

Visuellement, comment tu retranscrits tout ça ?

J’utilise des codes et symboliques qui me sont chers, tout ce qui lié aux voyages, à la fin du monde, à l’inconnu, j’essaye d’éviter de filmer des meufs qui clopent au ralenti pendant 3 minutes et d’appeler ça un clip, ma seule ligne directrice c’est d’essayer de jouer le jeux de l’intemporalité, d’avoir un résultat qui aurait pu être fait et valable il y a 30 ans ou dans 30 ans.

 

 

D’ailleurs, comment c’est passé la rencontre/le tournage avec Valentin Petit pour « CVΛN » ?

Je l’ai contacté très simplement par mail avec une version flinguée de mon morceau en lui expliquant le projet, il m’a répondu avec ses conditions et blratata, on se connaissait vite fait via une connaissance de Bourges d’où on est originaires tous les deux. Il à été arrangeant, maintenant il est encore plus demandé qu’avant, ce serait moins simple je pense.

Le tournage fut éprouvant car éclair et chargé à la fois, je l’ai laissé leader le truc sachant que j’avais déjà intégré toutes les choses que je voulais y voir absolument, après il fallait savoir se mettre en retrait et le laisser faire son truc, ça à pas loupé je trouve, on a monté le truc en collaboration et j’avais mon premier clip.

Pourquoi avoir choisi de rapper en anglais ?

Le russe ou l’arabe c’était trop raide pour moi et ce que j’écoute en musique francophone se compte sur les doigts d’un menuisier donc l’anglais s’est imposé sans même que la question ne se pose, aussi car j’ai pas du tout envie de réaliser des choses en France uniquement, ma musique est tournée vers un maximum de cultures (écoute Voodoo Fuck Are You ? si t’es pas sur), il est naturel que son langage aussi.

Après pour les chauvins j’ai quand même craché un premier couplet en français en duo avec 2 acolytes, ça s’appelle « France Graal ».

Quels sont tes projets pour l’année 2015 ?

Continuer de faire connaitre mon premier EP ALLRATS sortie le 17 Novembre dernier, boucler le prochain, balancer des nouvelles vidéos, des remixes, jouer en live et en DJ set au maximum et puis je viens de rejoindre les rang de la Snacksounds Agency pour ce qui est booking/management donc on verra ou ça m’emmène mais j’ai la dalle matte le selfie, et je me taille vivre au Canada pendant 1 ans aussi.

Si tu ne faisais pas de musique, qu’est-ce que tu ferais là tout de suite ?

J’organiserai mon 3eme tour du monde ou bien je serais moine Shaolin ou scénariste, certainement les 3.

 

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Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Adepte du hip-hop, de la funk, de la trap et de l’électro, Richie Reach trimballe depuis un moment sa musique entre les lieux incontournables de la nuit parisienne, les premières parties de Théophilus London, Ryan Leslie ou encore Miguel et près des podiums de Chanel. Aujourd’hui, il intègre le YARD LAB pour nous offrir son dernier mix.
> @thereachkid

Juicy J – All I Blow Is Loud (Zuper Edit) (Richie’s Yard Intro)
Game face – Wanna (Original Mix)
Face Rex – One Of A Kind (Original Mix)
Cash Out – Twerkin
Ian Munro – #STFU (Ray Volpe Remix)
Faec Rex – Lebron James (Original Mix)
Key N Krates – Are We Faded
WRLD – Triumph
Rae Sremmurd – Throw Sum Mo (feat. Nicki Minaj & Young Thug)
Crystal Caines – White Lines (feat. A$AP Ferg)
Infinit – Wacka Flocka Flame & Tyga – Get Low
Lil Scrappy feat. 2 chainz – Helicopter
YT productions – Guitar Trap (Richie’s yard outro)

Ancien voyou incarcéré devenu couteau suisse du Septième art, Jean Michel Correia est en ce moment à l’affiche de Sous X, film noir introspectif teinté de drame social qu’il a lui-même écrit et réalisé. A la manière d’une chronique urbaine en partie vécue, celui qu’on surnomme JMC raconte les contradictions d’un braqueur en quête d’identité, de retour à la cité après neuf ans de placard, tiraillé entre velléités de réinsertion et appels du pied de l’illicite. Alors que son premier long-métrage constitue une des bonnes surprises cinématographiques de ce début d’année, ce conseiller technique de Jacques Audiard (Un Prophète) revient sans tabou sur son parcours atypique, la vie de quartier, sa vision d’un cinéma urbain naturaliste aux antipodes de Scarface. Entretien fleuve avec un ambitieux aux allures discrètes mais à la bonhommie attachante, qui nous a reçus à Châtenay-Malabry, au cœur de la cité qui l’a vu grandir, devenue décor principal du film.

Crédits photos : Luis Felipe Saenz & © PAN-EUROPEENNE – Photos : CLARTE NOIRE

 

 

Peux-tu nous expliquer ton parcours, et comment tu t’es retrouvé dans le cinéma ?

J’ai grandi dans le quartier où t’es en ce moment. Adolescence turbulente, petits engrenages, après quelques années de prison (ndlr : deux fois incarcéré, pour un total de 8-9 ans), une période de transition, pas mal de voyages à l’étranger également. Début des années 2000 j’étais devenu papa. Et là, j’ai un ami dans le cinéma, qui était directeur de production qui m’a dit « avec la vie que t’a vécu, il y aurait de quoi écrire des histoires, des scénario de films ». C’est vraiment via l’écriture que je me suis tourné vers le cinéma, c’est vrai qu’à l’école j’avais un profil plutôt littéraire. Durant mon enfermement j’ai repris mes études, j’ai participé à des ateliers d’écriture qui m’ont beaucoup servi. Entre ma sortie et mes premières approches avec le cinéma, il y a eu plus de dix ans qui se sont écoulés.

A cette époque, quand tu commençais à écrire, c’était pour le plaisir ou t’y croyais vraiment ?

Pas mal de fois mon pote directeur de production m’encourageait à me lancer. Et il y a eu un moment je me suis pris au jeu avec la fièvre du débutant, j’ai commencé à écrire de nuit, j’ai commencé à aimer ça. Et à mesure que je produisais du contenu, je rencontrais des gens à qui je faisais lire, et par ces rencontres, j’ai eu la chance de commencer à bosser dans le milieu.

C’est pas trop dur de se faire sa place dans ce milieu quand on n’est pas « un fils de » ?

Franchement je vais abonder dans ton sens. Il y a des réalités, c’est un milieu un peu fermé. Mon ami m’a ouvert des petites portes et j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui étaient légitimes dans ce qu’ils faisaient, donc j’ai rencontré Jean-François Richet (ndlr : le réalisateur de Ma 6-T va cracker, le diptyque Mesrine), je lui avais montré mes textes, on a bien accroché. C’est d’ailleurs le premier qui m’a fait bosser, à la régie. Et même si on s’entendait bien, je sentais bien dans l’équipe qu’il y avait des gens qui ne me trouvaient pas à ma place. Puis après j’ai rencontré Jacques Audiard, quand il commençait à travailler sur Un Prophète, avec Thomas Bidegain aussi. Ils m’ont intégré dans le projet comme conseiller technique puis Jacques m’a pris avec lui à la mise en scène, et ça m’a ouvert de nouvelles perspectives dans ma carrière.

 

 

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Qu’as-tu appris aux côtés de Jacques Audiard ?

Aussi bien à titre personnel que professionnel, c’est quelqu’un d’exceptionnel. Super intelligent, super instruit, sensible, généreux. Quand tu le côtoies, t’as envie de bien faire les choses, il te transmet ce désir d’excellence. Professionnellement j’ai tout appris de lui. Il m’a fait confiance en me donnant des responsabilités, j’ai eu des décisions à prendre, des indications à donner. Sur la mise en scène, je tiens de lui mes petites références, où de manière empirique je m’inspirais de sa façon de diriger ses comédiens, de les aborder, de leur donner des indications en employant toujours le bon mot, avec une bonne précision dans ses intentions, c’est assez magique. Après chacun agit avec sa personnalité, ses bagages intellectuels et culturels, et c’est évident que les miens sont différents de Jacques ! D’ailleurs il m’a fait découvrir de nombreux films et artistes.

Quel est selon toi l’impact de Un Prophète dans le cinéma français ? Dans quelle mesure ce film a permis d’ouvrir des portes à d’autres thématiques, autrefois mal abordées dans l’imaginaire collectif ?

Thématique je ne sais pas, car somme toute, il y a eu de nombreux films sur la prison. Après jamais avec autant de pertinence. Car la pâte de Jacques c’est pour le coup d’avoir voulu aborder le thème carcéral de manière très naturaliste, il voulait vraiment que sa fiction soit ancrée dans une ambiance crédible. Trop souvent les gens font des films sur la prison en s’inspirant des films précédents dessus qui eux-mêmes s’inspiraient du film américain dessus, et donc ils se retrouvaient souvent en décalage par rapport à la réalité. Et puis il a quand même créé une impulsion considérable en lançant une nouvelle génération d’acteurs, notamment Tahar (Rahim) d’origine « périphérique », ou encore Reda (Kateb). Il y avait que lui qui pouvait se permettre de faire ce casting de ouf, mais il a eu le cœur et l’intelligence de le faire. C’est un bon coup d’élan, car après cette génération d’acteurs, il y aura peut-être une nouvelle vague de scénaristes et de réalisateurs derrière.

 

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T’évoques la crédibilité des ambiances de film. Justement, quand on aborde des thématiques urbaines complexes, et c’est notamment le cas dans Sous X, avec l’univers des banlieues et leurs trafics, comment arrive-t-on à éviter les écueils de la caricature ou de la complaisance, qui au final nuisent à la crédibilité du projet ?

Avec Sous X, je voulais quand même faire une fiction de voyous, mais autour de ça j’avais la volonté d’intégrer de vrais instantanés de la vie de mon quartier tel qu’on peut la vivre. Dans ma vie de tous les jours, je suis souvent encore dans le coin, je n’ai pas encore quitté « la communauté » et c’est pas pour rien que j’ai tourné dans ma cité, en décor réel, chez mes parents, chez des voisins, beaucoup de gens de la cité ont été impliqués dans le projet, à la technique, à la régie. Toutes ces choses ont contribué à créer des vraies représentations de vie de quartier. Dans le film il y a une fête de quartier, il faut savoir que c’est un fête organisée tous les ans via une association qu’on a créé il y a pas mal de temps. Et pour le tournage, on a fait coïncider les dates de cet événement avec le tournage, ce qui fait que l’énergie est réelle, qu’on n’est pas dans de la reconstitution avec des figurants etc. Et c’est finalement un peu le principe du film, les fêtes qu’on tournait étaient assez naturelles [rires].

Mais derrière ce côté familial et artisanal de quartier, on sent une vraie ambition dans le projet.

C’est incontournable. J’ai effectivement l’ambition que beaucoup de gens issus des quartiers se sentent représentés quand ils voient ce film.

Tu penses que le cinéma français aborde de mieux en mieux les thématiques urbaines ?

C’est délicat de donner un avis là-dessus, mais j’ai l’impression que les choses avancent. Je trouve que dans la comédie, qui est un genre où l’on peut facilement s’identifier, il y a du progrès. Omar Sy est un bon exemple. Avant Intouchables, il jouait le rôle d’un médecin avec Olivier Nakache et Eric Toledano. En France, c’est un travail de longue haleine, et il y a encore des progrès pour que les représentations au cinéma soient en phase avec la réalité de notre société aujourd’hui. Car même si je déteste citer les Etats-Unis et ses quotas ethniques en exemple, ça fait quand même plus de dix piges qu’ils arrivent à mettre un président noir crédible à l’écran.

 

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Dans ton film, le héros, Jean-Jacques, se cherche, que ce soit d’un point de vue moral, professionnel, sentimental ou culturel. Finalement, Sous X est-il un exutoire personnel ? 

Consciemment, je serais tenté de te dire non. Après depuis que je commence à écrire, c’est toujours la même histoire qui reste, mais décliné de manières différentes. Et même si j’ai commencé à écrire sur d’autres projets, j’avais vraiment l’impression que c’était une étape obligée pour évoluer.

Autrement dit, il y a une dimension thérapeutique dans l’écriture ?

Ca reste une fiction, heureusement que je n’ai pas rencontré toutes les situations que doit affronter Jean-Jacques ! Après oui, c’est quand même plaisant via l’écriture d’essayer de retrouver dans sa mémoire des moments ambigus et douloureux pour en faire quelque chose de constructif.

Ce fil rouge scénaristique de quête personnelle, est ce que c’est un prétexte pour parler d’une France et de ses quartiers qui se cherchent aussi ?

Il y a des problématiques sur les quartiers. Mais après ce n’est pas le thème central du film, ça aurait nécessité un autre travail. C’est vrai que j’ai essayé de distiller des moments de réalités sociales. Dans ces quartiers se concentre une somme de problèmes économiques, culturels, sociaux, avec de la précarité, donc forcément ça fermente des épiphénomènes violents et brutaux. Après si on observe sereinement les choses, quand tu vois les millions de gens qui vivent en quartiers, et les millions de problèmes qui s’y trouvent, je pense que dans l’ensemble, on s’en sort plutôt bien. Justement parce que dans ces quartiers il y a une entre-aide, une solidarité, parfois un système D, mais c’est une soupape qui permet aux gens de continuer à vivre dans des conditions difficiles. Dans le film je dis que j’avais l’impression que depuis les années 80, rien n’avait vraiment évolué. A travers le film, je montre des petits instantanés de ces problématiques sociales, sans avoir la prétention de les résoudre.

 

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Il y a justement une scène qui peut paraître anodine mais que j’ai trouvé forte, c’est quand les jeunes filles qui organisent la fête du quartier viennent demander de l’argent aux grands frères qui tiennent les trafics de drogue à la cité, en disant ne plus rien attendre des subventions locales. Cette illustration de la faillite de l’Etat et des autorités publiques, c’est un avertissement, un cri d’alarme, ou un fait banal de quartier ?

C’est un mix entre parti-pris artistique et la réalité. Là aujourd’hui, on est dans les locaux d’une association, il y a des moyens qui sont alloués pour avoir une certaine activité sociale à destination des jeunes. On fait de l’aide au devoir, il y a des ateliers famille, il y a une vie qu’il faut encourager. Je voulais mettre cette scène sans en faire des tonnes, car il n’y a pas si longtemps ça a pu arriver dans l’histoire de cette asso, et c’est le cas dans d’autres quartiers. Il y a une activité de trafics illicites aussi, mais on ne peut pas en vouloir à quelqu’un de vouloir améliorer son niveau de vie et qui parfois veut redistribuer dans la vie de quartier.

Dans le film, on voit que le héros du film, Jean-Jacques, s’est converti à l’Islam. Selon toi, cette tendance spirituelle qu’on voit dans les quartiers est exagérée et mal interprétée dans les médias ?

Par rapport à la réalité de mon quotidien, je ne ressens pas de pressions particulières de telles ou telles religions. Je côtoie des croyants, je suis moi-même musulman. Après chacun a son degré d’engagement spirituel. Mais effectivement je pense qu’il y a un décalage dans la perception des médias, après c’est le cas dans plein d’autres domaines, notamment la délinquance. Sur mille personnes qui vivent dans un quartier, tu dois avoir dix jeunes qui trainent, après il y a en a peut être quatre qui sont dans le biz, dont deux de manière périphérique et deux autres qui y sont ancrés vraiment de manière définitive. Ca c’est une réalité, mais ça représente une part infime de ce qui se passe dans les quartiers. On ne nous fait pas des émissions sur des gens de banlieue qui se lèvent le matin, qui travaillent et qui construisent du positif, car ça ne fait pas d’audience. Et même d’un point de vue politique, t’as des effets d’annonces électoralistes à tout va qui divisent les gens, alors que ça ne reflète pas la réalité du quotidien. Au quartier il y a des mélanges, du métissage. Ce n’est pas parfait, mais tant que tout le monde se respecte, les gens arrivent à travailler ensemble. On parle de quartiers chauds, de zones de non-droit, mais honnêtement, t’y vas cent fois, t’es poli, tu rencontres les gens, et rien ne va t’arriver.

Quand tu vois des éditorialistes ou des intellectuels qui parlent des banlieues sans vraiment les connaître, ça ne te donne pas envie d’intervenir sur le débat public médiatique ?

Pas spécialement. C’est pas parce que je viens de sortir un film que je me sens d’une légitimité particulière. Après on échange au quotidien, on discute au quartier. Et puis le tourbillon médiatique, ça peut vite devenir assez scabreux.

 

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Le film s’ancre dans un décor urbain de la cité, l’intrigue amène aux trafics de drogue, avec également l’ambiance de la Costa del Sol en Espagne. Je ne peux pas m’empêcher de penser à Tony Montana, qui est un personnage qui fascine chez les jeunes depuis des décennies, et ce notamment dans les quartiers. Tu penses que ça risque d’être le cas encore longtemps, ou la France va pouvoir créer des icônes culturelles concurrentes au cinéma?

Je ne suis pas sûr que ça ait autant d’influence sur le quotidien des gens. Je ne pense pas qu’un mec va commencer à faire du business parce qu’il a vu Scarface. En termes d’icône, le cinéma français en a déjà. Et puis Scarface, ça date, il y a des références plus actuelles. Quand je discute avec les jeunes, ils me parlent plus de Marlo dans The Wire.

Dans Sous X, Jean-Jacques c’est l’anti-Tony Montana.

Bien-sûr, c’est une tentative artistique qui se veut ancrée dans une réalité actuelle. Scarface, c’est une genre cinématographique qui était super bien fait. Mais aujourd’hui, c’est un modèle révolu, il y a une autre manière dans le business, c’est plus « fais des thunes, fais du bien à ta famille, sois discret ». C’est fini l’époque du bling-bling, même chez les voyous. L’oseille, ils essaient plus de l’investir que de vouloir briller à tout prix.

Si on revient au film, on s’aperçoit que les morceaux de la bande-originale ne font pas office d’habillage sonore direct, mais se retrouvent directement intégrés dans la captation, comme si la musique faisait partie intégrante du décor. Tu peux expliquer cette démarche ?

C’est vrai que c’était une volonté vraiment réfléchie. L’habillage sonore ça fait du bien, surtout à certains moments, mais pour rester en cohérence avec ma démarche naturaliste, je me suis dit « on va rester brut ». Avec la bande originale, j’ai fait deux dédicaces cinématographiques. Une à Ma 6-T Va Cracker et l’autre à La Haine. L’une qui sort d’un autoradio et l’autre qu’on entend dans une fête. Les morceaux restants sont des inédits. Soit ils sont réalisés par Cut Killer qui a assuré la supervision musicale du projet, soit ce sont des titres interprétés par des rappeurs de Châtenay, avec Baladib, Diro, Double S.

Quels sont tes futurs projets ? Peut-on imaginer une suite à « Sous X » ?

Non, je ne pense pas qu’il y aura de suite. A moins qu’on me fasse un pont d’or [rires]. Je travaille sur un scénario d’évasion, et un autre dont le personnage principal est une femme, où j’ai envie d’apporter une autre esthétique, tout en restant dans le même univers urbain. Après ce qui est beau dans le cinéma, c’est que tout est possible, donc peut-être faire une bonne comédie, j’y pense aussi avec quelques potes.

 

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L’actualité est lourde. Tragique. Pas plus que d’habitude si on la considère par le prisme planétaire. Mais elle est étonnamment proche ce coup-ci. À quelques pâtés de maison si l’on est Parisien. De quoi rendre toutes ces histoires de best of de l’année bien dérisoires. Mais ce qui est dérisoire c’est aussi ce qu’on appelle la légèreté les soirs de fête.

Pour ma part, et de façon totalement arbitraire, j’ai choisi trois personnalités qui ont marqué 2014. J’en oublie beaucoup, et à dessein. Comment rendre hommage à la formidable année d’Anissa Kate? Impossible, j’ai toujours eu du mal à écrire avec une demi molle. Young Thug? Ses jeans sont déraisonnablement serrés, ce serait rompre avec un idéal de vie ou l’espace vital du scrotum est préservé. L’équipe de foot allemande? Perso j’ai toujours pas digéré 39-45.

Alors j’y suis allé de ma petite miscellanée de genres et d’individus. Rassurez-vous il y a du sexe, du foot et du rap. Et même un pote.

 


Acteur Porno de l’Année : Marco Verratti


 

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Parce qu’il a un corps de lâche et la taille d’un habitant de La Comté. Parce qu’il te dribble comme il te sodomiserait sur son canap Roche-Bobois entouré de bougies parfumées. Parce que balle au pied il ne débande jamais. Parce qu’il y a du génie pur dans ses passes au dessus de la défense. Parce qu’il a sans doute fécondé sa femme avec un de ses orteils magiques. Parce qu’il fait des fautes de salopes et qu’il dit que c’est même pas lui juste après. Parce que Pirlo ne jouera pas jusqu’à 50 ans et que Rocco a raccroché les tampons.

Marco Verratti est l’acteur porno 2014. La nature l’a avantagé puisqu’il possède trois pénis: celui entre ses jambes pour les fonctions urinaires et les deux autres dans les pieds pour tout ce qui concerne viol et reproduction. Pour lui l’équipe d’en face n’est composée que d’actrices séronégatives qu’il peut malmener en toute sécurité.

Verratti est positionné juste devant sa défense tel un apollon chétif et turgescent, gardien pugnace de l’élégance balle au pied. Ce chevalier en liquette parisienne ne s’émeut que dans le ballet fluide et précis de la gonfle en cuir. Son touché artistique la frappe tendrement, comme une caresse de dictateur, pour que ses courbes s’affolent et parviennent jusqu’à un partenaire en mouvement. Ce maestro de la conduite de balle n’est jamais aussi proche de l’orgasme que lorsqu’il doit éliminer les attaquants dans sa propre surface de réparation. C’est son moment d’éjaculation pédestre. La beauté de ses pénétrations au milieu de tes reins confine à l’art corporel et tu peux le retrouver en cliquant sur l’onglet Velours d’Italie quand tu navigues sur YouPornSoccer. En de très rares occasions il lui arrive de perdre la balle. Il fulmine alors, vitupère de tout son petit corps de jeune adulte glabre, tacle, reprend la balle, supprime, pénètre et délivre. Un étalon sublime et mécanique qui offre au sport collectif une leçon de fertilité.

Bien sûr il pourrait marquer des buts mais les buts c’est pour les beaufs comme Gignac qui vont boire des bières au café Oz. Lui il prend des cartons à chaque match telle une caillera qui se ferait contrôler par le même keuf au même coin de rue tous les jours.

L’année 2014 a confirmé son inexorable ascension dans l’industrie du divertissement pour adultes et 2015 risque de voir le petit italien se soulager encore plus abondamment sur les croupes des grands championnats européens.

 


Écrivain de l’Année : Ghostface Killah 


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Aaaaah ce bon vieux tête-de-fantôme-tueur, 44 ans le mec. Il n’est pas impossible qu’on le retrouve bientôt en gériatrie à réciter Supreme Clientele d’une seule traite devant une infirmière fan de Bruno Mars… Mais en attendant il continue de déclamer de vrais seize mesures emmitouflés dans des instrus aux teintes soulful.

Parce que Tony Starks (un de ses alias) aurait pu lâcher l’affaire et laisser l’estrade aux Rich Homie Quan et autre Young Thug. Mais non, le gars s’obstine, utilise toute sa graisse de quarantenaire pour bloquer la porte de son sanctuaire proche de céder sous les coups de boutoir de la vigoureuse jeunesse. Peut-être considère-t-il qu’il y a une certaine idée originelle du rap à défendre? Peut-être qu’il arrivait en fin de droit au Pôle Emploi de Staten Island? Tout est possible.

En tout cas Ghost Deini, un autre de ses surnoms, éclate la concurrence à la sortie de son album, 36 Seasons, le 9 décembre 2014. Le problème c’est que la concurrence en question n’est autre que son propre groupe de seniors, le Wu-Tang Clan. Mais là où le crew se plante complètement avec une direction artistique étrange et édulcorée, Ghostface nous gratifie d’un album concept articulé autour d’un personnage de fiction, Tony, qui rentre dans son quartier d’origine après une absence de 9 ans (36 saisons). Il cherche à reconquérir son amour de l’époque, Bambou, mais il fallait s’y attendre, la petite friponne a remplacé Tony par un autre raclo. D’autres personnages interviennent dans ce conte hip-hop et sachez qu’ils sont interprétés au micro par des sommités tels que AZ (en grande forme), Kool G Rap (proche de la ménopause mais toujours affûté) ou encore Pharoahe Monch. L’habillage musicale, classe et acoustique, est l’oeuvre du band The Revelations.

Je vous recommande chaudement de vous procurer ce roman sonore, il y flotte une odeur de cuisine de grand-mère qui ravive des sensations oubliées. Et pour peu que vous respectiez des traditions ancestrales et désuètes, vous pouvez vous procurer la copie physique du disque qui compte un livret en bandes dessinées. Bref Ghostface Killah fait du bien au rap, à la musique, à la littérature, à la planète, bref à la voie lactée.

 


Ballon d’Or : Un pote à moi 


 

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Comme tout le monde j’ai plein de potes qui mériteraient un peu de considération publique. Leurs bons mots, leur humanité, leur singularité, leur résistance à l’alcool… Mais moi j’ai un pote que vous n’avez pas. Une énigme superbe, un être à part. Je ne peux révéler son nom, deux gros contrats sont en cours de renégociation avec ses équipementiers (Louboutin & Quechua). Appelons-le, sans doute à son corps défendant, Honoré.

« Il serait bien peu de choses si je pouvais vous le décrire », c’est vraisemblablement ainsi que Mme De Sévigné me viendrait en aide. Je peux malgré tout tenter d’approcher le phénomène. Pour commencer Honoré tête goulûment trois mamelles que nous les mecs connaissons bien: la musique, les polos et les petites. Pour la zique il a prouvé à plusieurs reprises qu’il pouvait abandonner femmes, enfants, père et mère pour déployer ses grands segments sur la piste de danse en cas de « Dipset Anthem » dans les enceintes. Les polos sont simplement un stigmate de sa coquetterie, et comme il le dit lui-même: « Gars, je suis congolais, j’aime la fantaisie. » Quant aux « petites », c’est le doucereux sobriquet qu’il emploie pour les femmes. Il se passionne pour elles, il cherche leur compagnie, il ne les comprend pas bien, pas plus que nous. Mais il aime leur faire l’amour, et parfois en chaussettes « pour pouvoir s’esquiver plus vite. »

Honoré est magnifique parce qu’il est proche de nous mais dans une autre dimension; une dimension où candeur et simplicité sont des reines choyées. Bien que responsable et mature, un grand enfant gouverne nombre de ses propos et ses interventions sont souvent rafraichissantes car affranchies de la suffisance parisienne et/ou du cynisme ambiant. Il parle français, anglais et araméen. L’araméen, langue morte et biblique, n’apparaît cependant sur ses lèvres qu’après 7 ti punchs. Chacun de ses sourires lève le voile sur une mine d’ivoire. Nous le soupçonnons d’ailleurs d’avoir un nombre de molaires anormalement élevé. Les dents de folie sans doute. Car il est indéniablement un peu fou. De nombreuses anecdotes se télescopent dans mon crâne mais la majorité d’entre elles sont tout bonnement inénarrables. Je m’y risque cependant…

Nous étions à Munich pour un week end et nous nous rendîmes en discothèque en grosse équipe. Bien entendu nous éclusâmes plusieurs bouteilles d’un rhum de facture misérable. Au faîte de notre alcoolémie nous retournâmes le club en exécutant des pogos décomplexés. Puis vint le moment du départ. Je me trouvai à l’extérieur du club, proche de deux jeunes cailleras allemandes entourant une amie affriolante. Honoré déboula en provenance du vestiaire et considéra un instant le trio local. Sans coup férir il s’empara de la jeune fille, la mit sur une de ses épaules et courut vers les bois sombres environnants, son chargement hurlant à la mort dans la langue de Goethe. Ils disparurent tous deux dans la nuit. L’enlèvement ne manquait pas d’innovation et les deux voyous n’esquissèrent même pas un geste de défense. Quelques dizaines de secondes s’écoulèrent puis, du fond des ténèbres boisées, le hurlement de la kidnappée revint à nos oreilles. Honoré, toujours en courant, déposa la jeune femme où il l’avait prise et s’éclipsa. Je riais fort devant cette go bouleversée et de ses potes qui faisaient mine de n’avoir rien vu. Cette habitude de soulever les femmes succédait à celle de courir derrière les noctiliens. De toute évidence Honoré est possédé par l’âme damnée d’un golden retriever amateur de croquettes alcoolisées.

Je n’en dis pas plus, le personnage mérite un roman de Frédéric Dard et un film de Bertrand Blier. Il ne peut être emprisonné par une définition logique, son existence est une incongruité dans ce monde conformiste et aberrant. Honoré, c’est un joueur de cricket qui rafle le ballon d’or France Football 2014.

Illustration : LazyYoug

Autrefois lieu sacré et passage obligé pour toute la culture streetwear, les puces de Clignancourt ne sont plus que l’ombre de ce qu’elles étaient il y a encore quelques années. Terni par l’invasion de faux, ce lieu mythique a pris de l’âge et perdu de sa superbe au grand dam des vrais commerçants toujours présents, malgré les difficultés.

Aux puces, deux mondes se côtoient sans jamais interagir : celui des antiquaires qui présentent les objets de collection, les tapissiers, les librairies spécialisées, le mobilier rétro, et l’« autre ». C’est cet autre monde qui nous intéresse, celui dans lequel une génération entière a passé des après-midis à traquer la paire rare, celle de la rentrée, ou le dernier 501 cartonné. Ce « reste du monde » est représenté notamment par un des endroits mythiques des puces, le marché Malik, une surface de 3 000 m2 louée à vie à Malik, un prince albanais venu s’installer à Saint-Ouen dans les années 20. À l’origine, cet ancien jardin s’est rapidement transformé en un ensemble de stands, plus d’une centaine aujourd’hui, où l’on peut désormais trouver de la fripe, des blousons en cuir, du sportswear ou de la basket. Pour essayer de mieux comprendre le quotidien de ces vendeurs du « ter-ter », rien de mieux que de passer du temps avec eux, au cœur de leur terrain, justement. Pour cela, nous nous sommes immergés dans cet univers particulier, par le biais d’un duo composé de Yao et Aziz, propriétaires de la boutique Red Line, spécialistes de la basket, située au cœur du marché Malik.

 

 

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Le dernier bastion

 

« C’est bizarre, on dirait du vrai ? » C’est le genre de remarque que l’on entend fréquemment dans les quelques mètres carrés qui composent le Red Line. Ce dimanche, c’est dès la première visite de la journée que cette phrase sera prononcée par une femme proche de la quarantaine, à la recherche de chaussures de sport. Malgré les dix minutes d’argumentaire pour démontrer l’authenticité du produit, c’est les mains vides que cette dame repartira. Lorsqu’on est à la recherche de sneakers authentiques au marché Malik, il n’y a plus qu’un seul lieu où aller, Red Line. Depuis la fermeture du voisin, Foot Max, pionnier de la basket pendant plus d’une quinzaine d’années, Red Line est aujourd’hui le dernier bastion du « vrai » au marché Malik. Un cas à part, devenu presque une ano- malie dans l’amas de contrefaçons qui a envahi les couloirs du marché. Cette boutique, c’est d’abord l’alliance de deux amis amateurs de pompes que la vie a menés au commerce par des chemins différents. Yao, c’est l’entité merchandising du shop: il dirige la vente dans le magasin, sélectionne les produits, en somme c’est lui qui gère le terrain. Ancien technicien de maintenance, il a été introduit un peu par hasard, par l’intermédiaire d’amis déjà implantés aux puces. Aziz, lui, gère le côté financier, la trésorerie et l’administratif. Enfant de Saint-Ouen, il a vécu une bonne partie de sa vie aux puces, enchaînant les jobs depuis tout petit, de manutentionnaire à vendeur. Devenir propriétaire de sa boutique est une finalité naturelle pour cet Audonien. Après maintes expériences, les deux amis autodidactes, formés à l’école de la débrouille, s’associent pour mener cette aventure qui débutera vraiment en décembre 2012, à l’ouverture du magasin.

Mais depuis quelques années les puces ont bien changé, les rues se sont massivement vidées, et le marché Malik ne fait pas exception à la règle. Alors qu’il était difficile de se frayer un chemin dans la foule par le passé, il est aujourd’hui presque rare de trouver deux clients simultanément dans un stand, même un samedi ou un dimanche. à Red Line, il n’y a plus d’objectifs financiers journaliers, ni de calculs sur la rentabilité depuis un moment. «C’est beaucoup trop aléatoire, on essaie simplement de faire au mieux», assure Yao. S’il était auparavant possible de faire un chiffre d’affaires allant jusqu’à 3 000€ le samedi ou le dimanche, la boutique n’encaisse rarement plus que 500€ aujourd’hui. Les meilleures journées sont faites d’une trentaine de passages, « ce qui est très peu », souligne Yao. Cette absence de clients permet aux vendeurs de passer dans les stands des uns et des autres, comme lorsque « Tonton », le vendeur de sportswear d’à côté, vient lâcher sa bonne humeur dans les rayons de la boutique. Ancien client devenu vendeur, Tonton a un parcours digne d’un téléfilm: un récit fait d’histoires de drogue, de passages en prison et une repentance au nom de la religion. Celui qui se décrit comme «un SDF sans difficultés financières» est un amateur de sneakers, comme beaucoup d’autres sur le marché, et c’est avec la dernière Jordan VI Infrared de la boutique en main qu’il se fait photographier par Yao, avant d’entamer une improvisation avec un bagout caractéristique et un accent maghrébin légèrement forcé : « Tonton il est content / Parce qu’il a pas vingt ans / Mais si tu paies comptant / On peut s’entendre jusqu’à cent ans ! » Entre-temps, un passant inspecte d’un œil sceptique une paire d’Air Max sur le mural et joue au jeu des sept différences avec le modèle identique… qu’il porte aux pieds.

 


« Demain, si je veux, je peux me mettre à vendre du faux aussi, je connais toutes les filières pour cela. Mais ça ne m’intéresse pas.» Aziz, Red Line


 

Jouer le jeu de l’authenticité dans un environnement où règne désormais la contrefaçon rend l’activité d’un ovni comme Red Line plus difficile que jamais, chaque vente devenant une lutte où l’argumentaire classique ne suffit plus. Avant de vendre un produit, il faut convaincre de son authenticité et justifier son prix, parfois bien plus élevé que celui pratiqué par le faussaire d’en face. «Tu places la boutique n’importe où dans Paris intra-muros, tu bosses. Ici, c’est difficile. On a de la came, mais on ne travaille pas », précise Aziz, avant d’ajouter : « Demain, si je veux, je peux me mettre à vendre du faux aussi, je connais toutes les filières pour cela. Mais ça ne m’intéresse pas.» Depuis quelques mois, Yao et Aziz ne s’octroient plus aucun salaire et développent d’autres moyens de rentabilité par le biais d’un deuxième point de vente situé à Châtelet, ou encore par le renfort d’Internet et des réseaux sociaux. Une nécessité pour faire face à cette nouvelle clientèle décomplexée par l’achat de faux, comme l’illustrent les propos de cette fille à la recherche d’un modèle Air Max 1 couleur dorée en édition limitée, introuvable en version originale aux puces : « Je m’en fous d’acheter du faux. En général, je n’achète que du vrai, donc personne ne me dira rien. Celle-la je ne la porterai pas souvent, donc ça ne me dérange pas. »

 

 

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 David Vs Goliath

 

L’ennemi est repéré. La guerre entre produits authentiques et contrefaits a commencé depuis bien longtemps. Mais il semble que le camp de Yao et Aziz perde beaucoup de batailles ces temps-ci. Dans les quatre lieux des puces qui ne sont pas dédiés aux antiquaires (marché du Plateau, marché Malik, rue Jean-Henri-Fabre et avenue Michelet), la contrefaçon est depuis bien longtemps implantée sur les différents stands. Selon Aziz, aujourd’hui, plus de la moitié des points de vente de chaussures est gangrénée par le phénomène. Bien que cela ne soit pas nouveau, sa présence s’est accrue ces dernières années, et les prix de plus en plus abordables génèrent ainsi des différences importantes entre un modèle contrefait et un autre authentique. Une Converse All-Star peut alors varier selon le stand de 60€ jusqu’à…35€ en marchandant. Ce qui s’explique par les prix d’achat très abordables des modèles de faussaires, le plus souvent en provenance de Chine et des pays asiatiques. Ces «fakes» revendues à un prix dérisoire montrent que les vendeurs limitent leur marge au maximum pour vendre le plus de produits, le plus rapidement possible. Une concurrence déloyale qui fait de commerces comme Red Line les premières victimes de cette stratégie.Un sentiment d’impuissance renforcé par les conditions avantageuses des vendeurs de faux. Souvent non déclarés au registre du commerce, ils ne possèdent donc pas de K-bis ou de documents officiels, ce qui les exonère des charges patronales, salariales, d’impôts, d’URSSAF et de différentes taxes. La plupart de ces commerçants ne paient que la location de leur stand aux responsables des différentes circonscriptions qui composent les puces.

 


«Si tu amènes de la marchandise de merde, tu auras une clientèle de merde.» Aziz, Red Line


 

L’omniprésence de la contrefaçon a totalement transformé cet endroit, attirant une clientèle différente et renouvelée, moins regardante sur l’authenticité et la qualité du produit. Autrefois le faux était seulement l’apanage d’un petit nombre de personnes au portefeuille limité, dorénavant cela concerne des actifs à la recherche de modèles tendance mais bon marché, avec pour but de faire de véritables économies sur le produit. Un changement de fréquentation qu’Aziz explique par la logique suivante : «Si tu amènes de la marchandise de merde, tu auras une clientèle de merde. Mais si tu amènes de la bonne marchandise, tu auras la clientèle qui va avec aussi.» Aujourd’hui, l’idée qu’il ne se vendrait plus que de la contrefaçon s’est répandue dans l’opinion publique, ce qui a eu pour conséquence d’éloigner la clientèle d’origine qui venait auparavant pour acheter des produits authentiques. Cette cible, devenue trop méfiante et effrayée par l’idée d’avoir des pieds contrefaits, préfère acheter ses produits dans les circuits classiques de commerce. Dorénavant, s’il coexiste un marché du vrai et du faux à Saint-Ouen, il n’y a plus qu’une seule clientèle: celle du faux. Une tendance que l’entrepreneur regrette, peiné par la perte d’identité du lieu: «Ça a tué un lieu historique, parce que cet endroit marque le début du streetwear. Avant les puces et Châtelet, il y avait peu de streetwear à Paris : pas de Foot Locker, de boutiques Nike ou Adidas et tous ces magasins. Les marques ne nous calculaient pas et n’apportaient pas notre mode. Nous étions des marginaux. »

 

 

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Les délaissés de la périphérie

 

Certes, la concurrence du faux pénalise les boutiques « réglos » comme Red Line, mais il convient avant tout de mettre en relief le mal généralisé dont souffrent tous les commerçants des puces. Le manque d’affluence et la baisse du pouvoir d’achat sont des fléaux qui touchent, bon an mal an, toutes les entités du marché, sans exception. La scission ne se fait plus seulement autour de la contrefaçon, mais surtout autour de cette crise. Josie, vendeuse de cuirs présente depuis une trentaine d’années au marché Malik, a dû laisser partir une dizaine de ses employés pour pouvoir faire face à la difficile conjoncture économique. Contre vents et marées, la commerçante persiste à vendre des produits authentiques. Ce n’est pas le cas de Salim, jeune responsable d’un stand rue Michelet, qui a cédé à la tentation de la contrefaçon il y a trois ans, lui le fan de sneakers. Certains commerçants qui vendaient essentiellement des produits « legits » ont contre leur gré choisi de diversifier leurs stocks avec des modèles contrefaits, afin d’augmenter un tant soit peu leurs recettes.

Il est logique de se demander comment une institution parisienne comme les puces de Clignancourt, important site touristique, est complètement laissée pour compte. Le manque d’action de la municipalité de la ville de Paris et de celle de Saint-Ouen est surprenant et pose des questions sur l’intérêt qu’elles portent au devenir de cet endroit. Hormis le service de douanes, il n’existerait pas de cellule dédiée à la lutte contre la contrefaçon au sein des puces, et les très rares perquisitions seraient mandatées par des entités extérieures, comme les marques elles-mêmes. Aziz, lui, a son avis sur la question :


« Les actions mises en place sont inefficaces. Je me dis que ça arrange la société que «la France d’en bas» fasse ses courses ici. Ici, les vendeurs ne paient aucune charge et en plus ils vendent du faux, et tout ça à la limite de la capitale. Il y a un problème. Ils détournent forcément les yeux; demain, s’ils voulaient, ils pourraient raser le marché. »


L’histoire se répète et se ressemble. Les premiers occupants des puces, les chiffonniers, ont été chassés hors de Paris en 1885 pour ne pas incommoder les habitants et empêcher la dégradation des rues de la capitale. Le parallèle est frappant pour ceux qui ont pris leur place, tout aussi délaissés que leurs aînés: comme eux, ils sont peut-être considérés comme des commerçants de seconde zone. Témoin privilégié de l’évolution du marché du haut de sa trentaine d’années, Aziz raconte: «Ça va en se dégradant, on se dit chaque année qu’on a touché le fond et que ça ne peut que remonter. Mais l’année d’après c’est encore pire!» Le constat est amer mais sincère et épouse une vision pessimiste d’un avenir encore trop incertain pour la pérennité de leur commerce : « Là, on essaie de se maintenir la tête hors de l’eau, en attendant peut-être un jour meilleur. Je peux avoir une visibilité sur l’avenir, mais seule- ment quand je vois des actions se mettre en place. En ne voyant rien se passer, je ne peux pas avoir confiance. »

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Photos de Yannick Roudier et Yoann «Melo» Guérini

A retrouver sur le YARD PAPER 3.

Il était l’élu. L’enfant prodige de l’humour américain. Du doigt, il palpait déjà la célébrité, la reconnaissance et un sacré pactole. Il n’avait qu’à serrer le poing pour empocher le tout : être aimé, riche et immortel. Mais Dave Chappelle fit mieux, il disparut…

Crack a smile

Hollywood est une drôle de machine, capable un instant de faire régner un acteur sur le monde, et de lui faire embrasser le caniveau l’instant suivant. Rares sont ceux qui peuvent se vanter d’une maîtrise totale sur leur carrière. Car les opportunités vont et viennent : le refus est un luxe. Bien souvent c’est Hollywood qui vous refuse.

Dave Chappelle

Dave Chappelle lui, a fait ses preuves. Il commence le stand-up à 14 ans après avoir vu Bill Cosby en couverture du Time Magazine. « Funny, Famous, Fifty – and Really Rich ». La une racoleuse fait mouche chez le jeune noir de Washington DC. Elle tranche surtout avec le climat de la capitale. Très marquée par la ségrégation, la ville est ravagée depuis peu par le crack qui inonde les quartiers pauvres. Alors que ses parents sont divorcés et qu’il passe ses étés dans un Ohio plus rural, le rire semble être la seule échappatoire au racisme et à la drogue de Washington. Lentement mais sans dévier de sa trajectoire, Dave va grimper les échelons. Les cours de théâtre, les premiers shows, la montée sur New York, les premiers bides, les castings, les petits rôles au cinéma pour Mel Brooks ou avec Eddie Murphy, ses quelques pilotes de séries qui n’aboutissent pas… En 1998 il co-écrit son premier film avec son ami Neal Brennan : le film de stoner Half Baked est aujourd’hui culte. HBO produit également ses premiers stands-up dont le fameux Killing them Softly en 2000. A cette époque Dave Chappelle a déjà une petite notoriété. Excellent en stand-up, c’est un génie du timing doué d’un naturel stupéfiant. Sur scène, il semble se connecter avec le public avec autant d’aisance que s’il prenait une bière avec son meilleur ami. Le rire est sans effort. Il est à ce moment la star en puissance, le talent à exploiter. En 2004, la star fan de Hip-Hop organise un concert historique à Brooklyn. Il réunit les plus grands noms du rap pour une journée de live en pleine rue, un rêve de gosse comme il en a toujours rêvé. Michel Gondry filme les événements et signe Dave Chappelle’s Block Party, un excellent documentaire largement inspiré du Wattstax de 1973. Aujourd’hui le concert reste un des plus célèbre lives de l’histoire du Hip-Hop. Au même moment, la chaîne câblée Comedy Central sacralise le comédien en lui confiant le programme de la légende : le Chappelle’s Show.

Il faut du cran pour se volatiliser dans la nature. Disparaître du jour au lendemain, sans prévenir son boulot, ses collaborateurs, sa famille, ses proches… Du cran ou de très bonnes raisons. Surtout lorsque le boulot en question concerne un contrat pour une troisième saison du Chappelle’s Show à hauteur de 50 millions de dollars. Surtout quand les saisons précédentes ont explosé les records de ventes de DVDs et que les yeux de millions de téléspectateurs américains sont braqués sur vous. Du cran… ou de la lâcheté. « Je n’étais pas fou ! » déclare le comédien à Oprah quelques mois après avoir plaqué sa vie d’humoriste du jour au lendemain, « mais juste incroyablement stressé »…

I’m Rick James Bitch !

Son show en poche, Dave Chappelle est le roi du monde. Il écrit sans restriction, pour les vingt minutes de liberté que lui offre la chaîne chaque semaine. La caméra offre une nouvelle capacité de mise en scène. Déguisement, décors, narration, montage et effets spéciaux, le format qu’on lui connaissait en stand-up éclate dans toutes les directions, comme s’il s’amusait des potentiels de la pellicule.

Dave Chappelle

La formule est simple et efficace, mais jusqu’ici personne n’y avait pensé. Un présentateur, un public et des sketches pré-enregistrés. Le ton est très décomplexé, Chappelle souhaitant une ambiance très personnelle. Sur un générique des Dead Prez, il enchaîne les sujets raciaux, politiques, anecdotiques ou les blagues scatophiles (les meilleures selon lui, car elles sont impérissables). Le premier épisode donne le ton, il y incarne Clayton Bigsby, membre détestable et zélé du Ku Klux Klan. Aveugle de naissance, il apprend finalement qu’il est noir et que ses amis lui ont caché la vérité toute sa vie. Un autre personnage, Tyrone Biggums, est un toxico adepte des sandwiches au crack et peanut-butter. Souvent vulgaires et crus, ces sketches n’en sont pas moins géniaux. Avec une plume cynique, Dave Chappelle aborde les sujets les plus sérieux par les blagues les plus potaches, dissolvant le racisme et les préjugés dans l’humour. Il y a de ça dans le comique de Dave Chappelle, une capacité à faire rire avec le pire. Lucide, il enchaîne avec aisance les postures et les intentions. Il ponctuera toujours la confession la plus intime par la meilleure des vannes. Ses rares interviews sont pour cela passionnantes et hilarantes à la fois.

Cette ambivalence finit par le rattraper. S’il semble impossible de ne l’écouter qu’au premier degré, le public trouve toujours ce qu’il cherche, pour le meilleur et pour le pire. Les sketches les plus lourdingues deviennent les plus cultes. Impossible pour Chappelle de croiser un fan sans qu’il s’écrie « I’m Rick James bitch ! »… Il se sent enfermé, victimisé par son travail. Le dévouement du comédien – qui déclare se battre quotidiennement pour faire entendre à sa chaîne que son public n’est pas stupide – n’est pas reçu comme il l’espérait. Le jour où un jeune blanc rit très grossièrement à l’imitation d’un « bon nègre Banania » Chappelle comprend qu’il a désormais deux publics : un qui rigole avec lui, et un qui rigole de lui. Acerbe, il regrette après coup que ses sketches soient drôles mais “socialement irresponsables”.

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Vitamin Love

Dave Chappelle n’est pas le seul à avoir plaqué Hollywood au sommet de sa gloire, mais il est le seul à l’avoir fait en plein contrat, d’une façon aussi spectaculaire. Aujourd’hui c’est tout juste si l’expression n’est pas consacrée, on « fait une Chapelle » (« pull a Chappelle »), lorsqu’on plaque ses engagements pour partir au loin… Josh Hartnett a également fait une pause dans sa carrière alors qu’il venait d’enchaîner deux succès très jeune (Pearl Harbor et La Chute du Faucon Noir). Il l’explique par une volonté de mûrir dans un environnement qu’il contrôle mieux : un désir de se recentrer sur lui-même, et de faire primer sa construction identitaire sur sa carrière. Dave Chappelle évoque ce même besoin à différentes reprises, sur le très médiatique plateau d’Oprah mais aussi au micro plus intime de James Lipton. Au moment où il subit la pression du public, de ses producteurs, et qu’il est enfermé dans les sketches qu’il écrit…

Dave Chappelle

Tu sais, ils balançaient des chiffres, 50 millions de dollars… Mets ça à côté d’un nom dans les journaux tu peux être sûr que le gars va avoir des sérieux problèmes dans sa vie privée. Ça fait aucun doute. Je veux avoir une vie ouverte, pouvoir rencontrer des gens et ne pas avoir à me protéger en permanence. Mais c’est ce qui arrive quand tu deviens célèbre, ton humanité diminue et tu deviens autre chose aux yeux des gens. T’as déjà vu ces cartoons où un mec crève la dalle, il regarde son pote et son pote est devenu un énorme poulet rôti…”

Il dit ces mots à James Lipton et aux élèves de l’Actor Studio, quelques mois après avoir quitté ses engagements, en 2006. Sans honte, il explique – toujours avec humour et lucidité – ses angoisses et les déceptions qui l’ont mené à fuir le Chappelle’s Show. Alors que les médias partis à sa recherche évoquent une soudaine addiction au crack ou un internement en psychiatrie, il répond être simplement parti « en vacances », deux semaines en Afrique du Sud, là où personne ne le connaît, là où il a des amis fidèles. Les huit années qui suivent, loin du stand-up, loin de la télévision laissent l’Amérique en deuil de son meilleur humoriste. Aujourd’hui l’humour américain est constellé de ses successeurs et admirateurs, Key & Peele en tête.

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N’est pas forcément fou celui qui renonce aux millions, comme Hollywood s’efforce à le faire croire. « What is happening in Hollywood ? Nobody knows. […] Maybe the environment is a little sick » dit-il à James Lipton en allumant une cigarette, dans un euphémisme qui cache à peine son amertume. Dave Chappelle est un grand sensible, un gars timide qui aime profondément son public. Les retrouvailles avec ses fans viendront, il le sait : « Je n’ai jamais quitté mon job, j’ai juste pris sept ans de retard ». Alors on peut effectivement le trouver lâche et faible pour avoir craqué sous la pression en 2006, mais ceux qui sont penchés sur le personnage verront plutôt dans sa cavale un grand tour de force contre le show business. Son retour discret sur les planches en 2014 est la preuve qu’il a conservé sa liberté. Et il ne faut que s’en réjouir. Aujourd’hui il aimerait même être invité sur un maximum de plateaux télévisés, en fait Dave adore la célébrité.

Blagueur, l’humoriste confie à Oprah avoir manqué de « vitamine d’amour » pendant ses années à la télévision… On le sait maintenant, les vannes de Dave Chappelle masquent ses tristes démons.

Dave Chappelle

3,7 millions. C’est le nombre impressionnant de Français qui on marché dimanche 11 janvier dans toute la France contre le terrorisme et sous l’étendard de la République et de l’unité nationale. Un émouvant bout d’Histoire capturé en image par Thierry Ambraisse qui sera peut-être un tournant français.

Plusieurs jours après les attaques meurtrières qui visent une nouvelle fois la France comme une cible du terrorisme religieux, nous décidons de prendre la parole. Ce laps de silence nous était nécessaire pour prendre le temps de poser les éléments et surtout pour penser exactement à la singularité de nos mots en pleine saturation médiatique. En effet, chaque entité, qu’elle soit journalistique, politique ou individuelle avec l’émergence des réseaux sociaux s’expriment sur des sujets épineux comme : la laïcité, la liberté d’expression, les banlieues, le fondamentalisme… Des paroles qui se traduisent également en chiffres avec les 3,7 millions de manifestants qui ont décidé de rendre hommage aux Hommes morts par ces actes cruels, pour affirmer une résistance et promouvoir un idéal de société.

Ce n’est pas la première fois que les Français quittent leurs écrans (de portable, d’ordinateur, de télévision) pour descendre dans les rues de l’Hexagone. Nous nous souvenons tous de la victoire des Bleus en 1998 et du jour où des millions de personnes ont crié leur joie. La joie de voir leur équipe nationale sacrée championne du monde dans leur pays mais aussi la fierté de vivre à une époque illusoirement pacifiée. Un moment où on revendiquait une France tricolore, une France « Black Blanc Beur ». Alors qu’on pensait que la jeunesse et la fougue de cette génération allaient œuvrer pour contribuer à l’élaboration de cet idéal, « patatra ».

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Quatre ans plus tard, Zizou, celui qu’on remerciait sur les Champs-Élysées, ne peut rien faire contre le 11 septembre et une croissance qui s’infléchit. Jean-Marie Le Pen et ses 17% déboulent au second tour, les Français ont voulu s’opposer et lui dire « non » dans les rues. C’est 1,3 millions de manifestants qui se donnent rendez-vous, les médias parlent de foules « Black Blanc Beur ». Mais le concept s’effrite, en 2015, il apparaît comme une lointaine chimère inachevée. En effet, Marine Le Pen est maintenant au « top des charts » et devient une concurrente sérieuse aux autres partis ; certains lui prêtent déjà 25% d’intentions de vote pour les prochaines présidentielles. Peut-être plus, peut-être moins mais sa force est palpable. Pourtant le rassemblement de 2002 criait : « Plus jamais ça »…

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Hier, ce sont 3,7 millions d’individus de différentes convictions politiques et religieuses qui sont venues battre le pavé de France pour faire quelques mètres ensemble. Cette marée humaine est belle, et comme en 1998, comme en 2002 ; on a envie d’y croire. Mais pour préserver cette fameuse « unité nationale » chacun devra apprendre à lutter cette fois. Car rien ne se fera seul. Il s’agit d’apprendre à accepter nos divergences et de les exprimer sainement à une heure où l’agressivité et la violence ont pris le pas sur la communication et la réflexion. Pour que ce drame ne serve pas à rien, usons maintenant de notre salive, de notre encre pour faire avancer notre communauté humaine.

Chacun doit donc prendre sa part de ce défi et YARD – en tant que média et organisateur d’événements –, s’engage à faire vivre ce multiculturalisme coûte que coûte.

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Au tour de Rim’K de faire un passage au studio Davout et de ré-interpréter l’un de ces titres dans une version acoustique pour STUD’.

Le 1er décembre 2014, sortait Karma de Skreally Boy et venait ainsi ajouter un nouveau nom au paysage r’n’b français. Pourtant, si ce pseudonyme peut sembler celui d’un « newcomers », il est en fait l’alias d’un personnage notable sur la scène française. Il s’agit de Richie Beats, un producteur que vous avez sûrement dû croiser sur les crédits des projets de Joke ou encore Dinos Punchlinovic. Aujourd’hui, c’est au sujet de tous ses alias que Rytchi, de son vrai nom, répond à nos questions.

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Pour commencer, peux-tu te présenter, toi et tous tes alias ?

Moi c’est Rytchi aka RichieBeats aka MisterBeats aka TheGroovyMan aka Skreally Boy !

Comment s’est passé ton initiation à la musique ?

Par le biais de ma mère car elle est aussi artiste.

Tu fais principalement des prods pour le rap français. Comment cela a-t-il commencé ?

J’ai commencé par le dancehall ensuite je suis revenu au rap, la base. Les premiers artistes pour qui j’ai bossé dans le rap français sont Sefyu et Ol Kainry.

Quel est ton regard sur cette scène hip-hop en France ?

Je pense qu’il y a de bonnes découvertes, des artistes intéressants. Après c’est toujours la même chose en France, tu fais un truc qui marche tout le monde surfe sur la vague au lieu de créer son propre univers.

Pourquoi t’être finalement lancé dans le r’n’b ?

Car c’est la musique que j’aime, elle ramène une émotion particulière. Initialement, je suis un grand fan d’Usher.

Le passage au micro a été instinctif ?

Je rappe depuis que j’ai 16 ans, j’avais un « rhyme book », que je remplissais au fur et à mesure en traduisant des textes de rappeur comme Ludacris, Lil Wayne, The Clipse… Pour moi le chant est venu un peu plus tard, c’est lorsque j’ai entendu les premiers tracks de T-Pain comme « I’m in love with a stripper » que je me suis mis à l’autotune.

Quelles ont été tes principales inspirations pour Karma sur chacune des track?

Ma vie.

« Karma » est une période de ma vie ou la tentation a eu raison de ma conscience.
« Ebony » représente mon addiction aux femmes de couleur ébène.
« NVF » ce que je voulais faire avec ces femmes.
« My Bitch » le moment ou tu fréquente régulièrement un plan.
« TasP « l’homme et ses fantasmes.
« 0000 » l’heure du crime.
« Ma Belle » le contraste entre la Bitch et la Belle. Dans « Ma Belle » tu comprends que j’ai conscience de ce que je pourrais perdre.
« Karma » je me fous dans la merde la roue tourne.
Et « Solo » c’est lorsqu’on nous retire ce qu’on a de plus précieux dans les mains qu’on se rend compte de sa valeur.

Ce projet est autobiographique. C’est un concept que j’ai travaillé, et enregistré seul dans ma chambre. Je tiens à remercier ce qui m’ont donné de la force pendant cette période.

Pourquoi dissocier ces deux disciplines et leur attribué chacune un alias différent ?

En tant que beatmaker, j’ai voulu garder mon vrai prénom, Rytchi. SkreallyBoy, c’est une facette de ma personnalité que jai crée en m’essayant à l’autotune. Avant de m’appeler SkreallyBoy je m’appelais FrenchBoy, et  finalement j’ai gardé SkreallyBoy, je le trouve plus cool. Pour moi, nous avons tous deux facettes, le Ying et le Yang, donc j’ai voulu dissocier les deux en créant SkreallyBoy the Devil. Richiebeats est beatmaker tandis que Skreallyboy est mélomane. Et j’ai aussi voulu créer la confusion ! Certains me reconnaissent comme RichieBeats d’autres comme SkreallyBoy, je trouve ça marrant !

Quels sont tes projets pour 2015 ?

Mes projets pour 2015… Sortir les projets respectifs de mes artistes Elinass & Ribabe, finaliser 1985, puis sortir en septembre le second EP de Skreally.
En 2014, j’ai bossé sur pas mal de projets qui devrait sortir en 2015 comme Nekfeu, Deen Burbigo, Dinos, Joke, Dosseh, S.Pri Noir, Mr NOV, ainsi que quelques artistes américains.

Si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu là, tout de suite ?

Si je n’avais pas fait de musique, je me serai plus pencher dans le dessin ou le textile. Je pense que j’aurais déjà une petite famille, et je ne serais plus en France..

Téléchargez KARMA

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La photographe Croate, Tanja Deman, se sert du collage pour faire de chacune de ses images à l’aspect cinématographique, une « enquête sur la psychologie collective et l’espace ». Un travail à la dynamique socio-politique, qui en somme, mêle notre héritage architecture moderne à des assemblages plus naturels, qu’ils soient végétaux ou minéraux.

On en découvre ici quelques extraits de trois séries intitulées « Cradle », « Collective Narratives » et « Temples of Culture ».

« Consommons mieux, consommons Taylor Swift en 2015 ! » C’est le message que les États-Unis pourraient adopter cette année pour vanter les mérites de leur pays à l’étranger. Avec plus de 3,6 millions d’exemplaires écoulés de 1989, Taylor Swift est tout simplement l’artiste qui a vendu le plus d’albums en Amérique du Nord l’an passé. Délaissant la musique country de ses contrées natales pour démarrer son règne sur la pop mainstream, elle devrait poursuivre sa conquête du monde dans les mois à venir… Que reste-t-il de la jeune fille à la longue crinière dorée des débuts ? Est-elle vraiment celle que l’on veut bien montrer à ses fans ? C’est certain, beaucoup de choses semblent cachées sous ses bouclettes blondes de vierge effarouchée à qui les Américains donneraient le bon Dieu sans confession.

 

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Un parcours sans faute

Biberonnée à la musique country dans la ferme familiale jusqu’à ses neuf ans, tout prédestinait Taylor à être une gentille petite fille. Si elle peut dire « merci papa, merci maman » pour la bonne éducation qu’elle a reçu (écoles privées, leçon d’équitation, cours de catéchisme…), Taylor Alison Swift peut surtout les remercier d’avoir sacrifié leurs jobs respectifs pour déménager à Nashville, ville où l’artiste – alors âgée de 14 ans – a pressenti qu’elle pouvait se révéler grâce au country et suivre son rêve de devenir une chanteuse populaire. Pourtant, Taylor connaîtra quelques déceptions sur le dur chemin de l’adolescence : premiers amours désenchantés, moqueries de la part des pom-pom girls branchés de son école catho, la blondinette trouve refuge dans la composition et ses chansons telles que « Fifteen » et « Mean » qui la vengeront en quelque sorte.

En plus d’incarner à la perfection les valeurs morales d’une partie de la population des États-Unis, elle a toujours bénéficié d’un capital sympathie assez important. Celui-ci s’est accru le 13 septembre 2009, durant les MTV Video Music Awards, lorsque Kanye monte sur scène et interrompt la chanteuse en plein discours de remerciements après avoir remporté l’award du « Meilleur clip de l’année pour une artiste féminine ». Tout le monde connaît la petite histoire : Kanye, sévèrement éméché, a cru bon de déclarer que Beyoncé méritait le prix pour son clip « Single Ladies ». Après une huée unanime du public, Kanye fait un doigt d’honneur et laisse une Taylor bouche bée. Les médias ont raconté qu’elle a pleuré en coulisses, la hissant ainsi en gentille victime, et de façon manichéenne Mr. West en gros salopard. Même Barack Obama réagira après coup en traitant le rappeur d’ « idiot » qu’il refusera de rencontrer comme prévu initialement. Contrairement à ses semblables (Miley Cyrus, Selena Gomez, Demi Lovato, Britney Spears…), Taylor a suivi un parcours sans faute dans sa carrière : pas de rébellion soudaine, aucune cure de désintoxication, pas même une sextape… Taylor Swift semble être blanche comme neige.

 

 

L’empire Taylor Swift : femme de pouvoir

 

Loin d’être une lolita dépravée, Taylor Swift n’est pas qu’un physique attrayant et un peu trop angélique. Elle nous l’a prouvé en novembre dernier lors de la petite embrouille qu’elle a eu avec le géant du streaming : Spotify. Ne souhaitant pas que sa musique soit disponible à l’écoute gratuitement, la chanteuse et son label indépendant (Big Machine Records) ont décidé de ne pas autoriser la plate-forme suédoise à publier son album 1989. Par la même occasion, tous ses précédents morceaux ont été retirés de Spotify, au grand désarroi de l’entreprise qui perdait ainsi 16 millions d’écoutes par mois. Une perte non négligeable. La « lovestory » entre Taylor et Spotify semble bien terminée mais ça reste sans doute la seule qui aura duré aussi longtemps (parmi sa liste d’ex-boyfriends à voir plus bas).

La blonde n’est pas seulement balèze pour son pouvoir décisionnel face aux géants comme Spotify. Bien qu’elle était méconnue en dehors des États-Unis, elle pèse lourd dans l’industrie de la musique depuis ses débuts : Forbes estime sa fortune à 284 millions de dollars en 2014. Après le succès massif de son second opus aux USA, Taylor enchaîne les tournées gigantesques pour chaque nouvel album dans les différents États où toutes les dates affichent complet.

 

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Puis lorsqu’elle n’est pas d’accord avec un membre de sa team, c’est simple : elle le fait virer. Cela a été le cas pour plusieurs de ses managers (Dab Dymtrow, Rick Barker) ou encore son attachée de presse de longue date : Paula Erickson. Il semblerait qu’il ne vaut mieux pas se mettre en travers de son chemin. Taylor Swift a toujours affirmé qu’elle se fiait à son destin en interview et cela a l’air de le réussir.

Devenue une véritable femme d’affaires, elle est la seule artiste de l’histoire de la musique à vendre consécutivement trois albums à plus d’un million d’exemplaires aux USA, la semaine de leur sortie. Elle est également la première artiste, en 56 ans, à se détrôner elle-même de la première place du Billboard Hot 100 (« Blank Space » a remplacé « Shake It Off » en première position). Ce n’est pas pour rien que The New York Times la soutient depuis ses débuts et constate une évolution positive à chacun de ses nouveaux disques ou que le prestigieux TIME Magazine la hisse en couverture de son numéro l’année dernière (comme seulement six artistes musicaux avant elle depuis la création du journal). Les journalistes de Rolling Stone vont même affirmer en 2012 qu’il n’est pas « compliqué de l’imaginer se présenter aux élections un jour ». Voter Taylor Swift ? Cela ne serait pas surprenant si elle entamait une carrière politique.

 

Une longue liste d’exs mise à profit

 

Et si Taylor Swift n’était pas le fantasme que l’on rêve de présenter à ses parents ? Si elle cuisinait des cookies pour l’équipe de sa tournée, Taylor ne semble pas être si attentionnée avec ses petits copains. Comme elle le chante si bien dans son dernier tube « Blank Space » : « Je tiens une longue liste d’ex-petits amis, qui te diront que je suis folle ». C’est peut-être le cœur de l’énigme Taylor Swift. Habituée à raconter ses mésaventures sentimentales avec quatre accords de guitare, l’artiste américaine s’en est donné à cœur joie ces dernières années : Joe Jonas (juillet-octobre 2008), Taylor Lautner (octobre-décembre 2009), John Mayer – accessoirement l’ex de Katy Perry et de tout Hollywood – (fin 2009-début 2010), Jake Gyllenhaal (octobre-décembre 2010), Corner Kennedy (juillet-septembre 2012), Harry Styles des One Direction (octobre 2012-janvier 2013) et récemment le chanteur du groupe The 1975 : Matt Healy. Serait-elle une peste ou un brin maniaque pour que toutes ses relations sentimentales ne durent pas plus de quatre mois ? Elle préfère en rire dans ses clips en se faisant passer pour une croqueuse d’hommes. Ce qui serait intéressant c’est que tous ses exs écrivent un livre sur son comportement pour riposter à chaque chanson dont ils ont fait précisément l’objet.

 

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Taylor semble privilégier son travail humanitaire (enfants défavorisés, pauvreté) et ses excursions à cheval en dépit de ses relations amoureuses. Des histoires d’amour désastreuses qui lui garantissent un succès médiatique et financier à tous les coups ! À 25 ans seulement, elle a vendu plus d’albums que d’autres popstars au même âge dont Rihanna et Beyoncé (5 fois plus). En représentant l’Amérique du terroir aux vraies valeurs, à l’inverse de celles star-system, Taylor Swift a su séduire le cœur de milliers d’Américains et d’ados (certains attardés). En basculant de la musique country à la pop, Taylor n’a pas coupé le cordon avec ses origines – à l’inverse de Miley Cyrus – pour satisfaire une nouvelle audience. Il y a une continuité et un lien certain avec son background country qui lui a permis d’être reconnue; Taylor Swift est au même titre que le drapeau américain, un symbole rassurant pour les États-Unis, un visage réconfortant en cas de doute, un repère sur lequel on peut s’appuyer en cas de besoin. Tant qu’il y aura une Taylor Swift irréprochable pour rattraper une Miley Cyrus défoncée qui lèche un gâteau d’anniversaire en forme de pénis, alors tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

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Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Le duo Blkkout grandi dans la banlieue de Paris et cultive des influences aussi diverses que le hip-hop, la musique électronique et les musiques africaines et caribéennes. Des influence qui ressortent dans chacun de leur remix, qu’il s’agisse de Brigitte, Beyoncé ou Banks, ou lorsqu’ils travaillent avec LaGo De Feu. Aujourd’hui, ils intègrent le YARD LAB et ne dérogent pas à leur ligne de conduite !
> @blkkout

Kaaris – Charge (Mr Carmack remix)
Zelda – Song of Storms (Deon Custom Remix)
Nacey – I Own It feat. Angel Haze (Jauz Remix)
The Wizard – Like A Pro feat. Nyanda (Dubbel Dutch Remix)
MikeQ – The Ha Dub Rewerk’d (DJ Sliink remix)
Rody G – Test Me
Ape Drums & 2Deep – Move That Butt feat. DJ Funk (SMASHA Club Edit)
Rustie – Attak feat. Danny Brown (BLKKOUT Remix)
Wiley – On a Level (BLKKOUT Remix)
Os Detroia – Bela (BLKKOUT Remix)
LAGO – Bandit (BLKKOUT Remix)
Buraka Som Sistema – Vuvuzela (Carnaval)
Rae Sremmurd – No Type (PARTY FAVOR Remix)
LAGO – Le Taf (BLKKOUT Remix)
Yung Gud – My Guns
Azealia Banks – Miss Camaraderie

En 1988, Tupac Shakur expliquait comment il a été rejeté par une fille au lycée, parce qu’il était trop gentil. Ce qui pourtant le renforcera dans son attitude.

 

2015 sera une année riche musicalement. Et à ceux qui l’auront trop vite oublié, A$AP Rocky revient rafraîchir les mémoires :

« Lord Pretty Flacko, Jodye/ Tell these fuck niggas, how you been ?/ You can freshen our minds »
« Lord Pretty Flacko, Jodye/ Dis à ces enculés que je vais bien/ Tu peux nous rafraîchir la mémoire »

Le premier coup de pression était arrivé par le biais du titre « Multiply » lors du festival Coachella 2014. Le rappeur prenait alors tout le monde de court avec ce titre dans l’air du temps et complètement corrosif. Le second coup de sommation intervenait le 2 octobre 2014 lors de la sortie du clip, à 2mn46 pour être précis : A$AP Rocky profitait de l’attention de son auditoire pour glisser l’extrait du titre « Lord Pretty Flacko Jodye 2 ». Bien mal lui en a pris, l’opération fut un franc succès et tout le monde réclame aussitôt le titre dans son intégralité. Que nenni, le rappeur sait se faire désirer, il faudra donc patienter.

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Quelques semaines plus tard, nous sommes désormais le 31 décembre 2014, une poignée d’heures avant l’an 2015, Rakim de son vrai nom nous fait grâce du tant attendu morceau. Une manière donc de bien clôturer l’année, ou alors de bien embrayer sur la suivante… Deux visions, un même résultat.

Avant de rentrer dans de plus amples détails explicatifs, éclaircissons un point important qui semble profondément conditionner l’individu : A$AP Rocky est issu de Harlem à New York (seul borough faisant parti de l’île de Manhattan). Certains l’appellent Uptown en raison de sa localisation géographique (d’où le surnom des Air Force One car le modèle est d’abord porté par les natifs de Harlem avant de se retrouver dans tout NYC), pour d’autres il s’agit tout simplement d’un monde à part d’où la dénomination « Harlem World ».

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L’endroit est également réputé pour enfanter des individus à l’égo et à la condescendance enrichis à l’uranium tels que P.Diddy, Mase, Malcolm X, Franck Lucas, Big L, Azaelia Banks, Cam’ron, Damon Dash, Tupac pour ne citer qu’eux.

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Il s’inscrit donc dans cette lignée :

« I’m a Lord motherfucker, better greet him if you see him »
« Je suis un seigneur enculé, t’as intérêt à le saluer si tu le vois »

Oui, vous avez bien compris, à l’instar d’un Alain Delon, Rocky parle de lui à la troisième personne.
Harlem a toujours suscité l’admiration, si ce n’est la jalousie au sein de la Grosse Pomme, car elle génère trop strass & paillettes :

« Niggas talk down every now and then, on the style, gettin’ styled 9 times out of 10/ It was, Flacko, Jodye, Flacko, Jodye, Flacko, Jodye, Flacko jodye »
« Les gens méprisent de temps en temps sur le style, mais 9 fois sur 10 sont dépassés par celui de Flacko, Jodye, Flacko, Jodye, Flacko, Jodye, Flacko jodye »

 

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« Raf Simons, Stan Smith edition with my bands out »
« L’édition Stan Smith par Raf Simons avec les bandes visibles »

« Dirty like Adidas on my sneaker feature, uh » »
« C’est tellement sale (lourd) comme ma collaboration de sneakers avec Adidas, uh »

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Trop bruyant ou peut-être tout simplement trop en avance sur ses voisins de quartier :

« Who the jiggy nigga with the gold links ? Got me reminiscin’ ‘bout my old day » »
« Qui est ce négro bien sappé avec des chaines en or ? Ça me rappelle moi à l’ancienne »

« See they runnin’ with my old style / Grow foul, gold smile, you ho now, thuggin’ with my old style »
« Regarde, ils utilisent mon ancien style / Ils stagnent, dents en or, t’es une pute maintenant à faire le voyou avec mon ancien style »

A$AP Rocky grandi donc avec cet héritage culturel propre à Harlem, naviguant entre « angel dust » (autre nom désignant la drogue PCP), des house projects de Washington Heights, et d’un Spanish Harlem ou autre lieu suant une réalité pleine de béton :

« Boomin’ out the trap through the hallway / Tell me what you niggas know about it » »
« Son à fond, du squat jusqu’au hall d’entrée / Dites moi ce que vous y connaissez les gars »

« Auntie sayin’ turn it down, or she finna call the cops /
We be plottin’ on the ops, she the one who got the drop /
Just a free, quick fix, to the A and it’s okay /
They gon’ take me back to my old ways »
« Tata veut qu’on baisse le son, sinon elle appelle les flics/On fait nos plans pour trafiquer les pilules d’oxycodone (OP comme les lettres gravées sur les nouvelles pilules d’oxycodone qui ne peuvent être écrasées donc snifées ou fumées ; jusqu’alors on retrouvait les lettres OC), c’est elle (auntie) qui a l’oseille pour les acheter / Juste une petite dose gratuite et rapide, ligne A (train parcourant Harlem, Manhattan, Brooklyn et Queens), et c’est réglé / Ils vont me faire retourner à mon passé de dealer »

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« Find out where the fuck nigga live then we camp out »
« On va trouver où cet enculé habite et on attendra devant chez lui »

« If a nigga put his hands on me, that’s a man down »
« Si un mec pose ses mains sur moi, il se retrouve au sol »

« Trappin’ through the speaker, peep the beeper ringer, uh/ Turnin’ off phones, just to reach ‘em, gotta beep ‘em »
«
Dealant à travers le téléphone, check le beeper, uh / Éteins les téléphones portables, pour les contacter faudra les biper »« 

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A$AP se fond parmi les mannequins ou acteurs aux nez chargés de poudre blanche, arrivés par wagons grâce à la gentrification de Morningside Park ou d’un Manhattanville:

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« I was tryina chill, poppin’ seals ever since I got a deal / Kick it with my model chick »
« J’essayais de la jouer cool à ouvrir des bouteilles depuis que j’ai signé mon contrat / m’amuser avec ma petite amie top model »

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La société hérite de la jeunesse qu’elle mérite et Harlem ne déroge pas à cette règle, puisant sans cesse dans son passé et ce depuis très longtemps. Exit les défrisages de cheveux crépus pour rentrer par le backdoor du Coton Club pour se mélanger à la masse caucasienne dansante. De même pour les combinaisons aux couleurs criardes des clips de Mase et Puff Daddy ou plus récemment le style « All pink everything » puis purple de Cam’ron. Si le Harlemite n’a pas forcément bon goût, jamais personne ne pourra nier son manque de style. Religieusement étudié par le jeune écolier Rakim dans les mêmes rues que ses illustres prédécesseurs, le « swag » de Rocky est soigné au millimètre près, d’ailleurs oubliez ce terme désuet, depuis repris par notre cher La Fouine national pour sa marque de vêtements (n’est pas Américain qui veut). Désormais vous qualifierez ces éclats vestimentaires et vocaux à travers le terme « trill », combinaison des mots « true » et « real », qui s’est démocratisé puis stylisé (à la base le mot était orthographié « treal ») par le groupe UGK originaire de Port Arthur; qui le change en « Trill » avec leur premier projet (sur cassette audio) The Southern Way avec le titre « Trill Ass Nigga ».

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« Sip Cris, fuck niggas wanna diss/ Now I gotta let ‘em know who’s really trill » »
« Je sirote du Cristal, j’emmerde ceux qui veulent me clasher/ C’est l’heure de leur faire savoir qui est réellement vrai »

« I’m the trillest one to do it since Pimp, nigga hands down » »
« Je suis le plus vrai à rapper depuis Pimp C, mec, et de loin »

Pour les fortiches en géographie américaine ce mot est bien évidemment originaire du South, où A$AP Rocky puise son inspiration et son attrait pour la boisson médicinale pourpre à la codéine. Une boisson depuis détournée par une scène rap qui tourne au ralenti (dans le son seulement).

« Three 6 suck a nigga dick, no foreplay, all day » »
« Three 6 Mafia (mythique groupe de rap originaire de Memphis); suce ma bite, pas de préliminaires et ce toute la journée »

Outre la référence sudiste, le rappeur d’Harlem joue avec les mots et les chiffres de manière phonétique : three, six & four (play) sans oublier les autres allitérations et assonances d’usage. Mais qu’on se le dise, 2015 sera l’année de Rocky, ce self made man comme l’Amérique aime les fantasmer :

« I ain’t never lookin’ for no handouts / Broke ass niggas never helpin’ but they hands out »
« J’ai jamais demandé de l’aide / Ces enculés de mecs fauchés ne m’ont jamais aidé mais ils me filent des trucs »

Est-ce une référence aux marques Been Trill et HBA dont il était l’étendard il y a encore peu de temps, jusqu’à ce que ces dernières s’attirent le courroux du Fashion Killa ?

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« Screamin’ fuck the world, never catch me with my pants down » »
« En criant que j’emmerde le monde, tu ne me trouveras jamais dans une situation compromettante »

« Always been a stand up guy, I’d rather stand out »
« J’ai toujours été un mec droit, je préfèrerai me démarquer des autres»

En conclusion, si vous pensiez que Rocky n’était qu’un phénomène en perte de souffle, détrompez-vous, Lord Flacko revient réclamer ses terres et son droit de cuissage. Avec deux titres très forts, parions que son album mettra en exergue les différentes facettes de l’artiste : ce je ne sais quoi de précieux, cette touche de suffisance propre à Harlem, et cette capacité à mélanger différents univers qui ne se côtoyaient pas autant avant (la fashion industry et la crooked youth). Avec ce temps d’avance, toujours…

 

 

Il n’est jamais trop tard pour souhaiter bonne année. Nous sommes déjà le lundi 5 janvier. La vie, la vraie, celle du travail, du quotidien, des réveils matinaux et des couchers pas si tardifs reprend ses droits. Le sapin rend sa place aux meubles du salon, la galette des rois remplace la bûche, et Papa Noël est depuis longtemps parti pour une longue année de vacances. Dans ces moments, il est coutume de se lamenter et de se remémorer les souvenirs des fêtes passées ; mais nous avons plutôt choisi de voir le verre à moitié plein et de se projeter sur l’année qui arrive et ses accents culturels, musicaux, sportifs ou cinématographiques. Et bonne année 2015 à tous !

Musicalement parlant

Il faut l’avouer, à première vue, l’année 2014 a été relativement pauvre. Peu d’albums marquants à se mettre sous la dent, la faute à des têtes d’affiches en demi-teinte, trop timides ou carrément absentes ces douze derniers mois. Peut-être un mal pour un bien, car cette faiblesse des « gros » a permis de mettre en lumière la qualité de nombreux autres projets comme Oxymoron (Schoolboy Q), Pinata (Freddy Gibbs & Madlib), These Days… (Ab-Soul), Run The Jewels 2 (Killer Mike & El-P), My Krazy Life (YG), ou encore Cilvia Demo (Isaiah Rashad). En analysant les différentes sorties prévues en 2015, on peut déjà parier sur un agenda plus complet et plus hétérogène que le précédent. On aura d’une part les « big names », ces artistes qui vendent d’eux-mêmes, et qui auront à cœur de marquer l’année de leur empreinte. Drake sortira son 4ème album en mars prochain, Views From the 6, pendant que Kanye West travaillerait encore à la conception de son prochain opus qui compterait dans ses rangs Rick Rubin, Q-Tip, French Montana, ou encore Young Thug. Toujours parmi les artistes confirmés, on attend avec impatience et au tournant Kendrick Lamar après son single « i » qui à défaut de faire l’unanimité, aura eu le mérite de surprendre son monde ; et bien entendu, A$AP Rocky qui s’est fait un plaisir de rappeler au rap jeu qu’il est toujours de la partie avec l’efficace « Multiply ».

 

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En plus des stars habituelles un autre groupe se dégage, celui-ci est constitué de revanchards avides de reconnaissance après des échecs plus ou moins retentissants. Ainsi, on pourra compter sur le retour de Kid Cudi avec la troisième partie de la saga Man On The Moon, celui de Lupe Fiasco avec Tetsuo and Youth, mais aussi ceux de Wale, ou encore Pusha T. À côté d’eux se trouvent des artistes de légende comme Nas, Ludacris, DMX ou encore le probable projet issu de la reformation du Dipset, dont l’opus est prévus lors de la première partie de l’année. 2015 sera aussi décisif pour des artistes comme Nipsey Hussle, Chance The Rapper, Rich Homie Quan, qui sortiront chacun leur premier album, et devront éviter de décevoir les espoirs placés en eux depuis quelques temps déjà. Autrement, on peut aussi penser qu’avec la sortie de son deuxième album, Jay Rock pourra définitivement briller, à l’instar de ses autres compagnons de route de T.D.E.

En France aussi les gros ont été timides, et les coups d’éclats les plus bruyants – mais pas forcement tous brillants – ont été amorcés par des Joke, Lacrim, Niro, Jul ou encore Gradur. Une fois n’est pas coutume, cette année on attendra encore les sorties du diptyque Booba-Kaaris, qui, ne nous ne le cachons pas, reste l’attraction principale des hautes sphères d’un rap français beaucoup plus bouillonnant dans ses antres underground. En somme, on espère une année moins agitée en clash, et un peu plus en rap pur et dur.

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Cinématographiquement parlant

2015 sera une année de blockbusters. Revivals de vieux classiques (Terminator, Mad Max, Jurrasic World, Les Chevaliers du Zodiaque…), énièmes suites de franchises à gros budgets (Pirates des Caraïbes 5, Hunger Games, Ted 2…) ou encore les héros de l’empire comics ( X-Men, Les Quatre Fantastiques, Ant-Man, Amazing Spiderman 3, Captain America…), du blockbuster en veux-tu, en voilà. Dur pour l’instant de voir ce qu’il se passe en dehors de cet amas de « flicks » mais on retiendra néanmoins trois films qui pourraient être importants cette année. Tout d’abord Star Wars Episode VII : Le réveil de la Force qui constitue sans aucun doute l’évènement ciné majeur 2015 –  au moins pour la communauté geek –  et reprendra l’histoire où la première trilogie s’était arrêtée. L’occasion ou jamais pour les néophytes et ceux qui ne seraient pas encore convertis au phénomène de rattraper les six épisodes précédents avant le jour J. Après le succès de la trilogie Dark Knight et le retour réussi par la franchise Superman, on peut attendre de bonnes choses de Batman Vs Superman : Dawn of Justice. Enfin, rien que pour le fait que ce soit le supposé dernier film de Quentin Tarantino, on se doit de s’intéresser à The Hateful Eight.

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Sportivement parlant

Si les années paires sont celles des Jeux Olympiques hivernaux ou estivaux, et des grandes compétitions internationales de football (Euro, Coupe du Monde) ; les années impaires ne sont pas en reste puisqu’elles accueillent aussi leurs grandes compétitions. Cette année sera sous le signe du coq, puisque les Bleus seront en lice pour défendre ou reprendre leur titre dans trois compétitions. Tout d’abord au handball, où les Experts sont champions d’Europe et auront à cœur de retrouver la première place du championnat du monde organisé au Qatar. Les basketteurs, quant à eux, défieront les meilleures nations et constitueront l’équipe à battre lors du prochain championnat d’Europe qui se déroulera à domicile en septembre prochain. Puis du 22 au 30 août, ce seront les championnats du monde d’athlétisme qui prendront place, et donneront l’occasion de retrouver les exploits d’un Renaud Lavillenie ou des sprinteurs tricolores.

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Culturellement parlant

Concernant la culture, nous commencerons par l’exposition consacrée à l’univers d’Harry Potter qui prendra place à la Cité du Cinéma du 4 avril au 6 septembre. Après le succès de cette manifestation aux Etats-Unis, nous aurons nous aussi la chance de pouvoir découvrir les couloirs de Poudlard en grandeur nature, reproduits à partir des films. Puis à l’occasion des 30 ans de cinéma du réalisateur Tim Burton, une centaine de musiciens rejoueront les plus grands thèmes des films du réalisateur (Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d’argent…) dans la salle du Grand Rex le 10 octobre prochain. Une façon originale de s’immerger dans le monde farfelu du cinéaste. Last but not least, les performances parisiennes de Christine and the Queens, incontestablement une des artistes de l’année et accessoiremen l’un de nos coups de cœur de celle passée. La chanteuse et son band défendront l’album Chaleur Humaine à l’Olympia le 6 mars prochain, et le 25 septembre au Zéntih. À ne pas rater.

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STUD’ (Live Session) revient avec le titre inédit de Médine – Ali X, ode au rappeur du 94, Kery James, interprété avec les musiciens de the Hop, dans le mythique studio Davout à Paris.

Faites gaffe à votre peau quand vous utilisez le hashtag #R8. Raccourci trivial pour désigner le huitième album – à paraître – de Rihanna, il pourrait à lui seul déclencher des émeutes virtuelles parmi les fans de la chanteuse barbadienne. Quelques mystères et bon nombre de rumeurs ont alimenté l’actu de Rihanna depuis qu’elle a confirmé travailler sur ce dernier opus en janvier dernier. C’est la première fois dans l’histoire de sa carrière qu’elle passe plus d’un an sans sortir le moindre disque. Alors qu’elle devient directrice artistique pour la marque Puma et qu’elle est de retour sur toutes les couvertures de magazines (Lui, Vogue…) et sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines, on aurait pu croire que la promo de #R8 était enclenchée et qu’un nouveau single suivrait… Mais nous étions bien loin du compte. Si on ne comprend toujours pas cette promotion en demi-teinte et si l’album peut surgir à tout moment, Rihanna a tout de même semé quelques indices concernant son huitième essai. À quoi ressemblera l’objet si convoité une fois dans nos casques ?

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Un retour fracassant sur des bases solides

En seulement neuf ans, Rihanna s’est imposée comme une artiste indispensable dans le paysage musical international et ce n’est pas un hasard. Bien entourée par une armada de producteurs/compositeurs, Bad Gal RiRi s’assure un succès certain à chaque nouvelle sortie d’album. Quant à l’enregistrement de R8, plusieurs noms circulent et sont plus ou moins officialisés par la chanteuse : Darkchild, DJ Mustard, David Guetta, Nicky Romero, Natalia Kills… Impossible de savoir de quelles mains seront issus les titres définitifs mais d’après ces quelques noms, on miserait sur la sécurité et non l’innovation de la part de Rihanna. Ayant déjà travaillé avec certains de ces producteurs, on peut s’attendre à un album similaire à ses deux précédents (Unapologetic, Talk That Talk) et il ne serait pas étonnant qu’elle refasse appel à Sia – qui a écrit et composé « Diamonds » – ou Nicki Minaj – toujours en vogue avec son Anaconda » – pour être sûre d’avoir des tubes. La présence de featurings avec des rappeurs (Drake, Kanye West, Jay-Z, Future…) est très envisageable également, tout comme une énième chanson dédiée à son ex Chris Brown. Après avoir entendu les brefs extraits de deux nouveaux titres postés sur son compte Instagram, on suppose que RiRi ne prendra pas trop de risques et continuera à se trémousser sur des tracks efficaces entre r’n’b, trap, EDM et pop. Bien que cela ne soit pas totalement utile, on peut préciser – sans trop vouloir s’avancer – qu’au moins un de ses clips de cette nouvelle ère R8 sera un peu trop provocant et censuré par la moralisatrice Amérique. Les paris sont ouverts.

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Quelques surprises présumées : de Top Chef à un double album

En février, le directeur de DreamWorks a annoncé que Rihanna sortirait un album-concept d’une douzaine de pistes, basé sur le film d’animation Home (sortie en mars 2015 aux USA), où la chanteuse incarne le personnage de Tip. On peut supposer que ce projet sortirait en même temps que le fameux #R8, plus personnel, et qu’elle dévoilerait donc plusieurs singles issus des deux disques au même moment. Mais cela est peu probable. Peut-être alors sortira-t-elle un double album, ce qui expliquerait le temps passé en studio depuis deux ans. Ce que l’on peut attendre et espérer de Rihanna, c’est une sorte d’album-concept, avec une imagerie forte durant toute la promotion, comme elle a pu le faire pour Rated R et Loud (on souhaite le retour des cheveux rouges, merci).
Le 18 décembre dernier,  la chanteuse a été aperçue sur la place du Trocadéro à Paris, portée par des gardes du corps et entourée d’une horde de fans, avec en fond un mystérieux track qui se nommerait « Only If For A Night ». A-t-elle tourné son premier clip en douce à Paris et voulait-elle faire profiter ses fans avec un avant-goût de son single ? On reste sans réponse… Récemment, deux titres répondant aux doux noms de « Burritos » et « Eeh » ont été confirmés pour #R8. Rihanna se lancerait-elle dans un album concept sur la bouffe étrangère ? Tant de questions existentielles…

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Sauver le monde de la pop

Malgré ce manque crucial d’informations au sujet de #R8, plusieurs choses sont sûres à son propos. On attend de Rihanna un premier single féroce qui stagnera des semaines en pôle position du Billboard Hot 100. Avec un tube comme elle a l’habitude d’en sortir (« Diamonds », « We Found Love », « Only Girl », « Russian Roulette »…), on peut s’attendre à une domination des charts internationaux en 2015. L’expérience a démontré que Robyn (Rihanna) Fenty était très habile pour collectionner les #1 avec ses singles uniques en son genre. En ayant attendu deux ans pour sortir quelque chose de neuf, elle a créé un manque que son public ne connaissait pas jusque-là : il répondra forcément présent au moment venu. Même si les chances sont minces, on aimerait croire que ma Barbadienne sortira son nouvel album dans les jours qui viennent, avant le 31 décembre, comme le veut la tradition du Q4 : depuis Rated R, RiRi a toujours sorti ses albums durant le quatrième trimestre de l’année, généralement en novembre. Si elle brise la tradition, alors tous ses fans perdront leurs repères. Plus rien ne sera jamais comme avant.

Enfin, Rihanna, si tu lis ces quelques lignes, on te lance un SOS pour que tu te dépêches de revenir ! On ne veut pas vivre dans un monde où Taylor Swift vend des milliers d’albums et où Ariana Grande est considérée comme la nouvelle icône de la pop ! On sait ce que tu vaux et que tu vas toutes les mettre KO, alors ne nous laisse pas tomber hein. Il te reste 5 jours.

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Le soir du jeudi 6 novembre, l’Ateyaba tour de Joke faisait une escale à La Cigale à Paris. Une date attendue qui dont la première partie était assurée par Dinos Punchlinovic. Un concert à revivre avec les photos de HLenie.

A Electric le soir du 19 décembre, le hip-hop a surplombé Paris, avec une vue incroyable sur la Tour Eiffel. Vous avez été plus de 2000 ce soir-là et nous tenions à vous remercier pour votre énergie et pour avoir honoré comme il se doit les DJs Clems, Babaflex, Endrixx, Supa, Girls Girls Girls, Kyu Steed et Yannick Do. Merci aussi pour l’accueil réservé à Gradur, qui a bel et bien pu compter sur ses Shegueys.
Si cette soirée aura été pour nous la meilleures façon de terminer l’année 2014, une chose est certaine : pour la YARD PARTY ce n’était qu’un début…

Il y a des voyages qui marquent plus que d’autres.

La marque de vélo Haro nous (Dennis Enarson, Mike Gray, Ty Fernengel, Colin Mackay et moi) a envoyé en Malaisie pendant 10 jours pour filmer une web video et faire des photos pour le magazine Ride BMX. La Malaisie est vraiment un pays incroyable : tant au niveau culturel, que dans les paysages, les gens, la bouffe, le chaos organisé de Kuala Lumpur, la beauté sauvage de Monkey Island, les touristes de Penang, l’architecture musulmane… Bref, un trip inoubliable.

Voil) quelques photos pour vous faire une idée.

La video est là : https://www.youtube.com/watch?v=DjYerBpQNFo

L’ascension sociale est un concept qui regorge de nombreuses spécificités. En effet, pour grimper dans les hautes sphères, il faut savoir parler, s’habiller ou encore se tenir correctement. Mais ces réalités sont parfois bien plus complexes car dans certains cas, il faut adopter de nouveaux codes, soigner son image, voire même développer ses papilles gustatives : « supplément merguez, j’me suis embourgeoisé ». Pour la sortie de son troisième album Pinkprint, Nicki Minaj semble avoir changé de statut. De surcroît, elle aurait même gommé quelques traits qu’elle portait à son début. Plus large que le hip-hop, ses fesses lorgnent désormais un siège bien plus moelleux : la pop. Un changement progressif qui laisse Nicki entre deux chaises : plaire aux uns ou plaire aux autres ?

ONIKA OU NICKI ?


« Avant de plaire aux autres, il faut déjà se plaire à soi-même ».

Naît un jour de décembre 1982 à Saint James, une petite ville festive de Trinité-et-Tobago, Onika Tanya Maraj a mis plusieurs années avant de saisir pleinement cet adage. Issue d’une fratrie « réduite » – un frère aîné pendant la majorité de sa jeunesse – Onika passe les cinq premières années de sa vie sous le toit de sa grand-mère maternelle. Chez cette dernière, rien ne lui manque, hormis ses deux parents Carol et Robert Maraj partis en quête du rêve américain dans le quartier du Bronx de New York City.

Cependant, la réalité au pays de l’oncle Sam est bien plus morose. Après avoir occupé une série de petits boulots plus précaires les uns que les autres à Trinité – de l’autre côté de l’Atlantique – Carol Maraj se retrouve dans la même vulnérabilité qu’elle a pourtant cherchée à fuir à l’obtention de sa Green Card. Seulement, les causes ne sont plus « financières » mais plutôt sentimentales, elle et son conjoint Robert entretiennent une relation tumultueuse fondée sur une multitude de promesses non tenues. Débarqué six mois après sa dulcinée, monsieur Maraj lui promet de décrocher un boulot pour ensuite éduquer correctement ses deux progénitures. Dans un premier temps, il honore cet engagement. Les choses se déroulent merveilleusement bien, les deux tourtereaux emménagent à Jamaïca un quartier du Queens, et Carol confiera : « il était adorable, vraiment adorable. Il cuisinait pour moi et faisait un tas d’autres choses ». Pourtant, le père d’Onika perd soudainement son emploi … et la famille s’apprête à vivre un vrai calvaire.

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En 1987, Onika et son frère Jelani rejoignent leurs parents dans ce contexte. En effet, durant la période des Immigration and Nationality Act of 1965, 170 000 visas annuels sont délivrés dans l’hémisphère Est sans aucun quota pour le regroupement familiale, ce qui donne l’opportunité aux Maraj d’être enfin unis. Mais le bonheur est éphémère car la réalité rattrape tout le monde très vite quand le paternel, exclu de la vie active, sombre dans l’alcool et devient accro au crack. Cette époque, Nicki n’en parle quasiment jamais et elle évoque encore moins du jour où son père tenta d’assassiner sa mère en mettant le feu à sa maison. En revanche, à la différence de Carol Maraj qui fait de son mieux pour affronter les médisances – « Les voisins entendaient. Vous deviez cacher votre visage et baisser la tête » – Onika est hermétique à travers le monde imaginaire qu’elle se bâtit. Dans celui-ci, elle s’érige des alter-egos diamétralement opposés, comme Cookie, une facette introvertie créée pour s’éloigner des drames familiaux ou Nicki, un archétype féminin encore approximatif, enrichi par ses cours de théâtre. Cet espace de créativité synonyme de refuge, transpose les rêves d’Onika dans son quotidien angoissant. Appréhendée de cette manière, elle se levait chaque jour plus joyeusement que la veille. La vie est une fantaisie nourrie par l’évasion. En pleine promotion de Pinkprint, Onika confessera dans un magazine très tendance que « l’imagination était ma réalité ». En somme, tous ces personnages la couvent pour sortir sans heurt de son enfance. Et parmi tous ces masques, Nicki est le plus confortable à arborer, car ce modèle de femme l’aidera à construire sa vie d’adulte.

RAP…



Après une tentative de carrière ratée au cinéma, sans complexe, Onika se reconvertit dans la musique avec le quartet The Hood$tars et son compagnon Safaree Samuels. Mais très vite, Nicki ambitionne à plus. Dans son coin, ses feuilles blanches se noircissent et ses compositions personnelles sont mises en ligne sur Myspace. Par chance, le manager d’artistes Big Fendi traîne par-là, et la « rêverie » continue.

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Pour atteindre les oreilles de ses futurs auditeurs, quelques retouches sont suggérées par son nouveau manager. Dans un premier temps, son patronyme Nicki Maraj devient Nicki Minaj. Ensuite, son exposition s’élargit grâce à la série de son mentor The Come Up DVD. Cet outil promotionnel « sauvage » situé entre deux ères – la crise du disque et le développement des médias numériques – lui attire le regard bienveillant de Lil  Wayne. Pour finir, pragmatique dans sa stratégie, Big Fendi métamorphose l’image d’Onika. Jadis innocente, désormais son nom de scène incarne un idéal du fantasme masculin. L’un des faits révélateurs de ce changement se déroule entre 2007 et 2008. En pleine conception de sa seconde mixtape Sucka Free, Big Fendi organise une séance photo pour la promouvoir. Sournois, il calque celle-ci sur les clichés de Lil’ Kim à la position prête. Les jambes fléchies. Ecartées. Dans un deux pièces ultra-moulant. Une seule différence de taille est décelable. Sur cette pellicule, Nicki tient une sucette. La bouche grande ouverte, les yeux rivés sur l’observateur, Minaj est prête à la gober… Même si à vue d’œil, cette sucrerie est bien trop grosse pour cet orifice. Le malaise est palpable dans la petite communauté du hip-hop. Plagier dans un art qui prétend innover constamment pour survivre est un sacrilège. Logiquement, les interrogations sur sa verve artistique surgissent, et Nicki congédie Fendi pour y répondre.

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Par la suite, Onika collabore avec Debra Antney. Cette femme bienveillante, présidente d’une association pour les jeunes déshérités d’Atlanta, mais aussi CEO d’une compagnie de management d’artistes (Mizay Entertainment), va reconstruire la jeune femme point par point. Dans son association, Debra focalise son attention pour redonner l’estime de soi inhérente à tout artiste : « Elle traversait une période très difficile : à qui faire confiance, toutes ces choses-là. La première chose qu’elle souhaitait travailler était le chant. Alors, je l’ai inscrite avec Jan Smith pour qu’elle ait des cours de chant ». Auparavant, très perméable aux critiques, Nicki apprend à les gérer, à les dompter, et à les surpasser avec une éthique de travail intraitable : « Nicki m’a rendu la tâche compliquée pour travailler avec d’autres artistes féminines. Son dévouement était phénoménal […] Il n’y avait pas de soirée, pas de drogue, ni de petit ami, rien de tout ça […] Elle travaillait ». Petit à petit, Onika s’oublie face à Nicki la bête de travail. Une bête, superbement personnifié sur « Monster », un titre sur lequel elle se joint à Kanye West et JAY Z, sans une once de doute. Parsemant son couplet de voix angéliques et démoniaques, ses métaphores voleront la vedette à ses deux compères. Le plus important est là, sa présence dans le paysage « rapologique » est enfin légitime.

“So let me get this straight, wait, I’m the rookie?
But my features and my shows ten times your pay?
50K for a verse, no album out”

 



… OU POP ?



Dans son récent livre Pop Cuture, Richard Mèmeteau définit cette notion ainsi :

« La stratégie de la pop culture, c’est de dire qu’on va devoir à la fois garder un peu de cette authenticité mais la mélanger, l’hybrider, la métisser avec les formes plus majoritaires […] C’est à la fois une culture libératrice […] Et en même temps, on ne peut se départir de ça, c’est aussi une culture un peu de la trahison de sa propre communauté. Il faut en sortir, plaire à un public plus large et donc peut-être aussi se travestir, prostituer aussi sa propre culture originelle »*.

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Enhardie d’une confiance imperturbable, la Barbie Harajuku aspire conquérir ce nouveau territoire. Jan Smith – son coach vocal – lui donne la première opportunité d’élargir son public. En effet, débiter trente-six mesures par minute ne suffit plus, à présent, Nicki structure méthodiquement ses morceaux avec du chant, des refrains et des productions plus lentes pour digérer chaque vers. Cette polyvalence, le label Young Money l’affectionne et séduit Nicki pour faire partie intégrante de son équipe. Le projet est ambitieux – un jeune Canadien, ex-acteur de la série Degrassi y participe aussi – et Onika succombe pour la maison de disques de ses rêves. Ce pas de plus vers le grand public se traduit par une imagerie plus poussée. Les tenues excentriques, colorées voire féériques défilent car la demoiselle est avant tout visuelle. Les références sont aussi plus universelles. Dès maintenant, Nicki s’approprie la figurine Barbie, une poupée populaire, fédératrice au sein de toutes les couches sociales ; se compare à Jessica Parker l’actrice principale de la série Sex and the City ; enfile une perruque blonde platine pour un clin d’œil flagrant à Marilyn Monroe ; ou encore embauche Laurieann Gibson – la chorégraphe bien-aimée de Lady Gaga – pour donner vie à ses prestations. Tout semble aller pour le mieux mais la famille peut être un poids dans certains cas…

Comme Richard Mèmeteau le disait plus haut, faire partie de la Pop Culture implique aussi une « trahison de sa propre communauté ». Ce changement d’alliance, les auditeurs vont le ressentir brutalement dans leurs enceintes avec des productions plus consensuelles. A titre d’exemple, le producteur de pop/house RedOne sera le point culminant de la discorde. En produisant plusieurs titres pour son deuxième album dont le tant décrié « Starships », l’animateur de la station radio Hot 97, Peter Rosenberg, sortira de ses gonds pendant le festival prisé du Summer Jam :

« Je sais qu’il y a des filles ici qui n’attendent que de chanter ‘Starships’ tout à l’heure. Je ne leur parle pas maintenant, pas le temps pour ces conneries. Je suis là pour parler de vrai hip-hop : les gens venus pour voir A$AP Rocky aujourd’hui, les gens venus pour voir ScHoolboy Q sur cette scène. Voilà ce que je représente ».

Bien que la déclaration soit maladroite, Peter Rosenberg aura eu le mérite d’ouvrir le débat à l’échelle nationale.

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GLOIRE OU RECONNAISSANCE ?



Peu importe le nombre de ses détracteurs, à trente-et-un ans, Onika rêve toujours éveillé : « Plus de jugement de valeur. J’ai accompli quelque chose et je ne vais pas avoir honte de ce que j’ai réussi ». En effet, ce qu’elle est devenue, elle l’apprécie.

L’année dernière, elle passait en primetime sur la chaîne conservatrice Fox grâce à son rôle de juge dans American Idol. Cette année, elle donnait des interviews détendues dans le fauteuil du Ellen DeGeneres Show, une émission essentiellement visionnée par la ménagère blanche de classe moyenne. Nicki excelle à tel point que sa musique peut servir comme point d’accroche à la vente de produits dérivés, ou même à décrocher son premier rôle au cinéma – dans la comédie Triple Alliance (2014), Onika Maraj partage l’affiche avec Cameron Diaz, Leslie Mann et Kate Upton. De surcroît, pour faire rayonner son image, Nicki enrôle Rushka Bergman, une styliste mondialement reconnue, pour exprimer trait par trait chaque point de sa personne :

« J’aimerais montrer au monde entier qui elle est réellement. Son apparence et son caractère sont primordiaux, le choix des vêtements est secondaire. Ils doivent épouser ses courbes comme une sculpture […] Je sais qu’elle est une star dans le rap, mais c’est important d’équilibrer qui elle est réellement avec son image. C’est une artiste polyvalente, une actrice et une femme d’affaires ».

En somme, une ascension sociale pleinement apprivoisée grâce aux codes sociétaux.

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Dans l’industrie du disque, impossible de rater Nicki. Pour illustrer cela, la reine de la pop Beyoncé la sollicite pour le remix de « Flawless » avec en guise, une invitation au Stade de France pour interpréter leur duo. En coulisses aussi, la demoiselle est inévitable… Après une année surchargée de postérieurs, des chercheurs très sérieux se sont penchés sur la question suivante : « Qui détient le meilleur fessier du show-business ? ». Pour délibérer, ces derniers ont pris en compte le « waist-to-hip-ratio » – soit la différence entre la taille et les hanches. Décrochant la deuxième place derrière Coco – la compagne d’Ice T affiche un ratio de 1.74 – Nicki étale fièrement son ratio de 1.73.

Mais à trop affirmer sa différence, les risques d’être étiqueté à celle-ci deviennent plus grands. Du coup, lorsqu’elle dévoile la pochette et le clip de son titre « Anaconda », son art en pâtit et les critiques fusent. Cependant, plus rien n’atteint Nicki… ou presque.

Pour la promotion de Pinkprint, Nicki s’affiche sur son Instagram au naturel. Sans maquillage, avec ses vrais cheveux, à nue, elle donne la sensation que ces deux personnages Nicki et Onika se sont réconciliés. Une vulnérabilité contrôlée sciemment dans une stratégie de communication. De ce fait, jeudi dernier sur le plateau d’Angie Martinez, Nicki ouvre le chapitre de sa vie personnel, des pages qu’elle a toujours religieusement conservées. Mariée depuis 2006 à son conjoint Safaree, cette année Onika a dû gérer leur séparation qui a laissé des traces apparentes : « Je ne sais même pas comment je vais avancer sans lui dans ma vie. Je n’ai jamais vécu ma vie de femme sans sa présence […] Quelquefois, il m’arrive de discuter avec mes ami(e)s proches… Mais parfois, j’ai toujours envie de lui raconter mes histoires, avoir son avis parce que … ». A partir de ce moment, Onika ne terminera pas sa phrase. L’émotion est trop vive, et les larmes ont déjà perlé. Les caméras se coupent, puis Onika reprendra son interview avec une parole bien plus maitrisée, mais entremêler d’une sincérité rare. En effet, toujours concernant son ex-mari, elle avouera : « Tu veux savoir ce qui est réellement fou ? Si je n’étais rappeuse, nous serions … Nous aurions des enfants, nous serions mariés, et nous vivrions heureux à tout jamais ». Les mots sont précis, mais Nicki est très lucide. Elle considère même avoir été trop dépendante de sa personne et qu’une relation vécue de cette manière peut être « malsaine » … La rançon du succès.

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Onika est désormais dans les hautes sphères. Sur Pinkprint elle semble avoir trouvé sa voie entre pop et rap sans se dénigrer. Mais la gloire est une drogue sous un aspect différent. Quand Lauren Nostro, journaliste pour le média Complex lui posera la question « qu’elle est votre plus grande peur ? ». Onika rétorquera « que je devienne complètement absorbée par mon travail et que j’en n’oublie ma vie personnelle ». A méditer.

 

Thank God For Instagram ! Grâce à l’avènement du réseau social, on peut revoir la soirée du point de vue de vos smartphones à la seule condition du hashtag #yardparty. Performance de Gradur, jets de cocaïne farinée, combats de peluches, voici quelques uns des grands moments de cette soirée sur un format de 15 secondes. Une nouvelle manière de (re)vivre la YARD Party deuxième du nom, après le report photo et le report vidéo.

Gradur – « Terrasser », « Sheguey 10 / Traction »

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A$AP Ferg – « Work » Remix

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THIS MY TYPE OF PARTY #domkennedyvoice #yardpartyxmas #turnup

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Flosstradamus – « Mosh Pit » ft. Casino

Crazy party ! Well done @yoanprat @tombrunet @superbien_paris @_oneyard Best is still to come !#YARDPARTY #thisishowwedoit

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A$AP MOB – « Hella Hoes »

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OT Genasis – « Coco »

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I'm in love with the coco!! Turnt up! #otgenasis #coco #bakedsoda #yardparty #electric #trap #crazy

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Winnie L’Ourson VS Kung Fu Panda

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Wiz Khalifa – « Taylor Gang »

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Bobby Shmurda – « Hot N***a »

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Ce message s’adresse à vous mesdemoiselles. Vous qui les voyez si beaux, si forts, si talentueux et infaillibles. Bien aidés par une image publique flatteuse au plus haut point, ils ont bénéficié d’un profil de gendre idéal. A tort. Voici dix personnalités que vous regretterez d’avoir présentés à vos parents.

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10-Justin Bieber

Un démon à la gueule d’ange. Son premier single l’a intronisé petit enfant chéri de l’Amérique à ses débuts, un statut qu’il ne gardera pas longtemps sous l’influence d’un milieu hip hop auquel il veut ressembler. Il se couvre de tattoos, fait la misère à Selena Gomez, subit des troubles avec la justice et s’affiche avec des bombasses brésiliennes sur les réseaux sociaux. Triste évolution pour celui qui n’a pas encore atteint la majorité américaine.

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9- Michael Jordan

Elles ne sont certes pas sur le parquet, mais même « His Airness » a ses faiblesses. Si l’addiction au jeu en fait parti, c’est sur le terrain conjugal qu’il a eu le plus mal. Avoir trompé sa femme aura coûté à l’icône du basket-ball la somme record de 168 millions de dollars.

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8-Robin Thicke

« L’adultère n’est pas la raison pour laquelle nous ne sommes plus ensemble. » Une façon comme une autre de brouiller les pistes pour l’interprète de « Blurred Lines »… Le crooner & lover, tentera de récupérer sa bien-aimée par le biais d’un album au nom évocateur, Paula. Tentative qui reste pour l’instant, vaine.

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7- La Premier League ( Ryan Giggs, David Beckham, John Terry, Ashley Cole)

Quand on y regarde de plus près, le sport le plus pratiqué par les footballeurs de Premier League (Nom du championnat d’Angleterre de football), en fait, c’est l’adultère. Au contact des golden boys du football anglais, elles y passent toutes: la nounou (Beckham), la femme d’un coéquipier (Terry), celle de son frère (Giggs), ou encore toutes les chaudasses du Royaume-uni (Ashley Cole). Et ça, ce n’est que la partie visible de l’iceberg…

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6-Eric Benett

Le chanteur soul, sous prétexte d’une soi-disant addiction au sexe, restera celui qui aura réussi a trompé a de multiples reprises Halle Berry, pendant leur 3 ans. Tromper Halle Berry, qui fait ça?

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5-Tiger Woods

Il avait tout pour être heureux. Sa vie a basculé quand son ex-femme a découvert sa liaison extra-conjugale. L’arbre qui cache la fôret puisque c’est au moins une quinzaine de femmes que le Tigre aura « griffé » durant ces cinq années de mariage. L’ex numéro un du golf perdra sa femme et la garde de ses deux enfants, une grosse partie de sa fortune personnelle, et le soutien de ses nombreux sponsors.

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4-Hugh Grant

L’acteur anglais a l’habitude d’incarner l’homme parfait dans des films comme Quatre mariages et un enterrement, Coup de Foudre à Noting hill, ou Love Actually. Le mimétisme de ses rôles s’arrête dans la vie réelle, où le comédien montre une facette totalement différente, comme en 1995 quand il se fait arrêter pour exhibition sexuelle pour avoir eu une relation avec une prostituée. Plus loin encore dans la décadence, on lui prête aussi des relations intimes avec des travestis. Une fin terrible pour le séducteur.

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3- Dominique Strauss-Kahn

Il aurait pu être président, il a finit pestiféré de la République. L’homme politique, qui aura aussi baigné dans des sales histoires de proxénétisme, se verra accusé de tentative de viol, avant que l’affaire du Sofitel et Nafissatou finissent d’achever la réputation de l’ancien maire de Sarcelles.

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2- Sean Penn

Ne vous fiez pas aux apparences, derrière cette allure de gentleman se cache un véritable sheitan. En décembre 1983, alors en plein mariage avec Madonna et en proie à une forte addiction à l’alcool et à la pornographie, il la ligote sur une chaise et l’assène de coups, parfois de batte de baseball, l’obligeant ensuite à des pratiques sexuelles dégradantes pour obtenir sa libération. Une histoire qui restera peu médiatisée à l’époque, préservant l’image de l’acteur.

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1- Chris Brown

Justin Bieber puissance 10. Il est aujourd’hui impossible de faire le lien entre l’adolescent charmant de ses débuts, à celui qui a fait de son nom une expression synonyme d’assaut musclé sur la gent féminine.

A Electric le soir du 19 décembre, le hip-hop a surplombé Paris, avec une vue incroyable sur la Tour Eiffel. Vous avez été plus de 2000 ce soir-là et nous tenions à vous remercier pour votre énergie et pour avoir honoré comme il se doit les DJs Clems, Babaflex, Endrixx, Supa, Girls Girls Girls, Kyu Steed et Yannick Do. Merci aussi pour l’accueil réservé à Gradur, qui a bel et bien pu compter sur ses Shegueys.
Si cette soirée aura été pour nous la meilleures façon de terminer l’année 2014, une chose est certaine : pour la YARD PARTY ce n’était qu’un début…

A l’aube des fêtes de fin d’année, YARD s’apprête à retourner notre chère capitale au cours d’une YARD PARTY exceptionnelle qui aura lieu ce 1er avril. À cette occasion, le Showcase accueillera plus de 2000 personnes parmi lesquelles se trouveront probablement quelques spécimens rares déjà aperçus cet été au Wanderlust mais aussi au Grand Palais. Qu’ils soient drôles, dépravés ou franchement relous, ces profils atypiques contribueront chacun à leur manière à faire de cette soirée un moment mémorable et c’est pourquoi nous avons souhaité les répertorier en 5 catégories spécifiques.

Le prédateur

Il s’agit de ces nombreux types « tapis dans l’ombre » et adossés aux murs qui regardent la foule avec un œil qui transpire la testostérone. En général, ils sont venus à la soirée avec un seul objectif : frotter, frotter, frotter à en découvrir le feu. Ils ont déjà reluqué ta meuf de long en large mais une crainte dissimulée derrière un prétendu esprit « peace » t’incite à laisser couler. Cela dit, quand elle te demande d’aller chercher à boire, tu ne peux t’empêcher de checker systématiquement si elle n’est pas déjà tombée entre leurs griffes acérées.

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Le street dancer

Comme son nom l’indique, le Street Dancer est cette personne qui a été visiblement un peu trop marquée par le film de Chris Strokes, sorti en 2004. C’est au cours de cette même année qu’il a souhaité prendre des cours de breakdance mais – faute de talent – il a dû arrêter au bout de 2 petites semaines. Cela dit, il tient absolument à mettre en application tout ce qu’il a retenu de ces mêmes deux semaines et danse comme si sa vie en dépendait. Il fait mine de connaître les paroles de tous les sons alors que ses mouvements sont restés bloqués à l’époque des Chingy et autres J-Kwon. Toutefois, là où il intervient réellement dans le déroulement de votre soirée, c’est qu’il a nécessairement besoin de 15m² d’espace pour placer ses « Hand Glide » foireux.

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La stupid hoe

C’est cette fille dont la plastique voluptueuse et les danses lascives ont attirés ton regard dès ton arrivée à l’Electric Paris. Ton instinct de « prédateur » te poussera logiquement à l’aborder soit par le dialogue ou plus directement par le corps. Hélas, que ta tentative soit fructueuse ou non, tu vas vite déchanter quand tu vas la voir se frotter à un, puis deux… puis une quinzaine d’autres gars. À ce moment, tu ressentiras probablement une pointe d’humiliation et tu te fendras de quelques remarques haineuses du type « Pff ! Regarde-là ! Elle a vraiment aucune dignité… ».

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Le « P.I.M.P »

Un spécimen qui se complait dans l’ostentation et agit comme s’il sortait tout droit d’un clip de Birdman. Son style est calqué sur celui des rappeurs cainris les plus bling-bling à la différence que son grillz à l’air faux et que sa chaîne est en toc. À l’entendre et à le voir, tous les gens présents à Electric le connaissent, ce qui donne lieu à de légers malaises quand il essaye d’être reconnu par des V.I.P qu’il n’a qu’entrevu lors de précédentes soirées. Sur la piste, il ne danse que très peu, bouge la tête comme si c’était son titre que l’on jouait et se contente d’observer la foule avec un air de supériorité. Et pourtant : deux minutes auparavant, il suppliait le DJ de le laisser rester dans l’espace qui leur est dédié, « histoire de… ».

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L’ex-punk

Souvent sapé des marques les plus « hypes » telles Hood By Air ou Been Thrill, il est celui qui s’est approprié la culture hip-hop depuis seulement quelques mois et qui – de ce fait – ne sait absolument pas danser. Il est jeune et est venu accompagné de quelques-uns de ses confrères ex-punks qui semblent tous perdus au milieu de la foule alors même que tes morceaux préférés défilent les uns après les autres. Néanmoins, il trouve rapidement son salut avec les bangers… et les pogos. Dès qu’il entend les premières mesures de « Work », ses bras débroussaillent la foule pour créer de grands cercles qui te bousculent et te font même renverser ton verre sur la meuf que tu essayais de serrer depuis le début de la soirée. Foutu pour foutu, tu te retournes vers le cercle et les retrouve au centre, essayant tant bien que mal de poser un « dougie » des plus gênants.

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Bonus : le point d’interrogation

À la différence des autres profils précédemment cités, le point d’interrogation peut prendre différentes formes. En effet, qu’il s’agisse d’un cadre quarantenaire en costard égaré sur le chemin de son afterwork ou d’une kaïra tout juste sortie de son match de quartier, il est celui dont la présence t’intrigue au plus haut point. De ses pas de danse à ses réflexions, tout t’indique clairement qu’il n’est pas dans son élément. Et pourtant, tandis que lui profite tranquillement de sa soirée, la tienne est troublée par une multitudes d’interrogations qui surgissent de ton esprit, à tel point que tu te mets à remettre en question ta vie entière. C’est vrai après tout : comment le videur a t-il pu le laisser entrer alors que t’es au max et qu’il t’a fait galérer 45 minutes avant de t’accepter à Electric Paris ?

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Header : HLenie

17 mai 2006, Arsenal s’apprête à conquérir un titre qui lui échappe depuis exactement 50 ans, la très séduisante League des Champions. Mais pour amadouer cette coupe aux grandes oreilles, les Gunners doivent braver Puyol, Deco mais surtout Ronaldinho et ses 17 buts et 15 passes décisives lors de cette saison. Thierry Henry porte le brassard de l’équipe londonienne, il faut qu’il soit le héros de son équipe larguée en championnat, lui le meilleur buteur. Après sept saisons sous le maillot rouge et blanc, il doit être le sauveur même s’il se dit que Titi cherche à quitter son nid notamment pour l’adversaire du soir.

Lors de cette finale au stade de France, le goleador aura eu des occasions pour creuser l’écart au tableau d’affichage. Mais, les Barcelonais sont portés par un excellent Victor Valdés, et les joueurs d’Arsène Wenger n’auront pas réussi à tenir : les 72 minutes qui les séparaient de l’expulsion de leur gardien Lehmann et les 54 minutes qui les séparaient de l’ouverture du score de l’emblématique Sol Campbell.

Thierry Henry Samuel Eto'to

À la fin du match l’égalisateur barcelonais, Samuel Eto’o vient au près de Henry, et c’est à ce moment que différentes versions divergent. Pendant que certains disent que le joueur camerounais est seulement venu compatir avec son ami d’autres affirment, études labiales et langage corporel à l’appui, qu’il a incité Titi à venir en Catalogne, ce dernier étant déçu du niveau de ses coéquipiers.

L’année d’après, Samuel Eto’o déclarera : « Nous sommes prêts à l’accueillir les bras ouverts », alors que Thierry Henry est toujours avec les Gunners. Une phrase qui fait échos à une autre interview quelques semaines plus tôt lorsqu’un journaliste demande à Eto’o : « Quel attaquant aimes-tu ? », il répond « Thierry Henry, Thierry Henry et Thierry Henry. C’est un super joueur. C’est le numéro un des super joueurs. Un super joueur qui marque des buts qui font la différence. Pour moi, il est au dessus de tout le monde. » Quelques mois plus tard et pour la modique somme de 24 millions d’euros, l’ancien monégasque s’engagera pour le Barça avec son pote Eto’o mais aussi Ronaldinho et le jeune Messi.

Les Avengers version football.

C’est d’une ville perdue au coeur de la Pologne que l’artiste Chloé Martini émerge. Anna, de son vrai nom, a rapidement testé ses talents de compositrice sur Soundcloud où l’artiste passe l’étape de ses premières critiques avec ses impeccables ré-interprétations de Say My Name et Ride It mais aussi ses mélodies oniriques. Elle progresse jusqu’à se faire remarquer par l’équipe Soulection et débarque en France pour quelques soirées. L’occasion de lui poser quelques questions avant la sortie de son prochain EP.

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Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Anna, je compose et je produis sous le nom de Chloé Martini. Je suis née dans une petite ville polonaise qui s’appelle Ciechanów, mais aujourd’hui je vis à Varsovie.

Comment s’est passée ta « rencontre » avec la musique ?

J’ai encore quelques vidéos de moi à 2 ans qui danse sur le CD de Fleetwood Mac de mon père. Donc la musique est avec moi depuis mes premiers souvenirs.

Pourquoi t’es-tu tournée vers la production et pourquoi as-tu décidé d’ouvrir un compte Soundcloud ?

Juste avant le lycée, j’ai entendu un morceau génial de Ryuichi Sakamoto,« Merry Christmas Mr. Lawrence », c’est à ce moment précis que ça m’a frappée et que j’ai compris que je voulais composer. J’ai trouvé les partitions de cette chanson, j’ai appris à les jouer au piano et j’ai commencé à composer ma propre musique. Quelques temps après ça, j’ai expérimenté différents genres et je me suis décidée de créer un profil Soundcloud pour partager mes créations.

Quelle a été ta réaction quand tu as reçu les premiers avis positifs sur ta musique ?

C’était et c’est toujours un sentiment incroyable. J’apprécie chaque retour et ça m’a clairement motivée à faire plus de musique.

Qui a été ton plus grand soutien ?

Mon bon (sic) frère Trian Kayhatu. C’est mon mentor, mon sensei, mon ami, mon professeur. Je l’estime beaucoup.

Comment ton travail est perçu en Pologne ?

Ce n’est pas à moi d’en juger, mais j’ai quelques supporters ici c’est sûr. J’aime jouer dans ma ville, Varsovie, le public est toujours demandeur de good vibe.

Comment appréhendes la performance en club ?

J’aime jouer dans de petits clubs bondés, et que tu peux vraiment sentir l’énergie.

Tu es venue en France plusieurs fois et tu t’apprêtes à sortir un EP avec le label français Roche Musique. Quelle est ta relation avec la France ?

J’ai l’impression que Soundcloud est plein de Français, non ? (rires, ndlr) Je suis vraiment surprise et en même temps très contente de voir d’aussi bons retours en France. Chaque fois que je suis à Paris, je rencontre mes amis et mes fans et je ressens simplement leur amour. À chaque fois, je suis impatiente de revenir.

Tu es aussi proche du collectif Soulection. Comment votre relation a-t-elle débuté ?

Penthouse Penthouse et moi avions fait un morceau ensemble l’été dernier. Joe Kay (co-fondateur de Soulection) l’a aimé et nous a demandé s’il pouvait le partager sur le soundcloud de Soulection, comme un cadeau. Cette année-là, le crew Soulection était en tournée en Europe et ils ont aussi visité Varsovie. Je les ai rencontrés et  je les ai adorés; ce sont vraiment des gens biens et humbles.

Ton style évolue constamment. Pourquoi ? As-tu une idée de la direction que tu prendras dans le futur ?

Je pense que tout artiste cherche à évoluer et n’arrête jamais d’apprendre. Il me reste encore tellement de choses à découvrir concernant la production et la composition. C’est une bonne chose qu’on puisse entendre la progression en comparant mes vieux titres et ceux que je publie maintenant. Je ne veux pas non plus me limiter à un genre. Pour moi être original et fidèle à soi-même reste le plus important.

Quelles sont tes plus grandes influences aujourd’hui ?

En ce moment j’écoute surtout de la musique old school. J’ai toujours admiré Michael Jackson et Ryuichi Sakamoto. Mais il y a ce producteur extrêmement talentueux actuellement qui s’appelle J.Viewz. Sa musique est folle.

Que peux-tu nous dire de ton prochain EP ?

Il sera très influencé par la musique des années 80 et on y trouvera pas mal de collaborations avec des artistes très talentueux.

Et si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu ?

Je serais parfumeur, ou « le nez » comme on dit en français. Je travaillerais pour Tom Ford ou Guerlain.

 

CM Selfie

Pour la sortie du nouveau YARD Paper, qui de mieux que le visage du père Noël lui-même. En effet, l’acteur Tahar Rahim, actuellement à l’affiche de la comédie Le Père Noël, est notre couverture. L’occasion de revenir sur la vie de cet enfant du quartier des Résidences à Belfort qui a débarqué à Paris avec quelques pièces pour tenter sa chance dans le cinéma. Un entretien plein de fraîcheur d’un homme qui raconte son parcours avec sobriété et justesse.

Une autre a attendu cette période des fêtes pour offrir son troisième album, The Pinkprint, il s’agit de Nicki Minaj. Un personnage qui intrigue par l’ampleur de son postérieur ainsi que par celui de son pouvoir. Pour décrypter cet ensemble, nous nous sommes adressés au philosophe Vincent Cespedes et au sociologue Jean-Claude Kaufmann.

Si Nicki est actuellement entrain de laisser son empreinte sur le monde, Rim’K et son groupe le 113 ont marqué la France du sceau de la Mafia k’1 Fry. Un phénomène tout droit venu de Vitry et qui prend racine dans l’enfance de ces artistes. C’est dans celle de Karim que nous nous sommes immergés par la voie de ses proches notamment celle d’AP, son ami de toujours.

Un numéro où plusieurs sujets de société seront mis à l’honneur, toujours entre la France et les États-Unis. Le pays de l’Oncle Sam est actuellement bouleversé par les violences policières injustifiées à l’encontre des populations Afro-américaines. L’épicentre de cette onde de choc est à Ferguson, YARD s’est rendu dans le Missouri pour prendre la température des habitants.

À une dizaine de jours de Noël, les idées de cadeaux affluent de partout mais aucun d’entre vous s’est rendu à Clignancourt faire ses emplettes. En effet, le marché aux puces est devenu un endroit où la contrefaçon a pris le pouvoir venant ternir la réputation historique d’une place forte du streetwear. Nous avons passé un week-end dans l’un des derniers magasins vendant des produits authentiques, Red Line. Pour compléter cette triologie sociale, nous avons rencontré le « roi des forains » Marcel Campion, l’homme qui a braqué les Tuileries.

Un YARD Paper sans mode n’existerait pas, et notre série sera cette fois inspirée de l’univers champêtre. Nous avons également interrogé le créateur de l’une des paires incontournables pour les skateurs et les autres, la Janoski. C’est Stefan Janoski, lui-même, qui nous parlera de ce succès.

Enfin un petit mot sur la diffusion, au-delà de nos 250 points parisiens (Citadium, Colette, MK2, etc.), la distribution du YARD PAPER #2 s’étend en province, avec 100 nouveaux points dans toute la France.

POINTS DE DISTRIBUTION

Depuis sa création, Nike s’est donné comme objectif de créer et d’équiper l’athlète des meilleurs vêtements de l’épreuve, quelle qu’elle soit, où qu’elle soit. C’est dans cette optique qu’est née ACG (All Conditions Gear), une ligne destinée à apporter protection et performance, dans toutes les conditions comme son nom l’indique. Née en 1989, ACG fut une ligne à part entière pendant plusieurs années avant d’être progressivement mise de côté par Nike et n’être utilisée qu’occasionnellement, en tant que label apposé sur certains produits. Appréciée des aventuriers urbains, des hommes de la nature comme des acteurs de l’extrême (skieurs, snowboarders…), on doit à cette ligne quelques produits iconiques tels que la Nike Air Wildwood (1989) , la Nike Air Mowabb (1991), ou encore la Air Moc (1994).

Après plusieurs années d’absence, NikeLab a récemment fait l’annonce du retour d’une série ACG, qui sera disponible dès demain dans les boutiques NikeLab et sur le shop en ligne. « Define Sport Utility For The City« : amener la praticité du sport dans l’espace urbain, tel est le nouveau mantra de cette sorite qui ambitionne de combiner la mobilité et une protection avec un style que l’on peut qualifier de sportswear chic. Des coupes ajustées et dans l’ère du temps forgés par des matériaux solides portés par l’utilisation des nombreuses technologiques estampillés Nike telles que le Dri-Fit, le Tech Fleece ou le Flyknit, la transition entre l’univers urbain et la nature. D’un point de vue stratégique, la relance du label ACG offrira un peu de lumière à d’autres produits de la marque et une alternative à l’axe NSW et son triumvirat star Football-Basket-Running, ou encore au département skateboard, Nike SB.

L’histoire d’Adidas est, à ses débuts, intimement liée à celle de Puma. Après la création des deux enseignes, suite à l’explosion de la firme familiale abritant les deux frères Hassler, la marque aux trois bandes et celle du félin se livrent une guerre quasi sans merci pour devenir le numéro 1 du marché de la chaussure de sport. Une bataille qui divisera la ville d’origine de la famille en deux camps, chacun des partis fermement attachés à son entité. Une scission qui atteindra logiquement la sphère sportive locale, en opposant le club de football de l’ASV Herzogenaurach, supporté par Adidas, et le FC Herzogenaurach, pris sous l’aile de Puma. Le football, déjà à l’époque, par sa popularité et son universalité, représente un marché essentiel pour ceux qui ambitionnent de dominer le sport. À la fin de la seconde guerre mondiale, c’est Puma qui marquera les esprits en chaussant notamment multiples joueurs de l’équipe nationale allemande. Mais Adidas deviendra vite une référence sur le terrain, grâce a du sponsoring massif et des produits iconiques comme les crampons Copa Mundial, ou en dehors du terrain, avec la Adidas Trimm Trab.

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La Trimm Trab, que l’on peut traduire par l’expression « Keep Yourself Fit » (Reste en forme), est unique en son genre. Unique par sa silhouette mais aussi par sa construction faite de matériaux de qualité : comportant du suede pour la partie supérieure et d’une semelle en polyuthérane, matériau à longue durabilité. Crée à l’origine pour l’entrainement, le modèle se voit rapidement adopté en Angleterre par des groupes de jeunes, liés à l’univers du football. De fil en aiguille, la Trimm Trab, deviendra la paire favorite des fans de foot, et surtout des groupes de hooligans de toute la Grande-Bretagne. Même si son esthétique est contestée, elle est à l’époque utilisée comme un signe de singularité, de force et de ralliement culturel par ces groupes. La Trimm Trab, avec son style mi-casual mi-football, représente également une alternative plus personnelle à d’autres modèles comme la Puma Suede, beaucoup plus mainstream et populaire.

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Véritablement ancrée dans le monde du football et du hooliganisme au Royaume-Uni, elle est logiquement utilisée dans toutes sortes d’œuvres pour représenter une identité UK. On l’a retrouve au cœur du scénario et du casting du film The Firm, sorti en 2009, racontant l’histoire d’un jeune garçon voulant devenir footballer. Une intrigue sur fond de violence entrecoupée d’une visite en magasin pour s’octroye une paire de Trimm Trab. Dix ans avant cela, c’est le groupe Blur, qui chante son hommage dans un morceau simplement intitulé « Trimm Trab » sur leur album 13 (1999). Bien que les paroles de la chanson ne parlent en aucun cas de sneakers, le groupe confirmera que le titre est bien une référence à cette paire. La Trimm Trab inspirera ensuite d’autres modèles comme la Trimm II et III quelques années plus tard, ainsi que la Trimm Star, une version allégée de l’originale, ou encore la Munchen. L’originale s’est vu rééditée pour la dernière fois il y a quelques années, en collaboration avec le label anglais Size?, sous l’œil encore admiratif des ses fans britanniques.

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5 dates en 1977

31 janvier : Inauguration du Centre Georges Pompidou
7 Février : 1ère sélection de Diego Maradona en équipe d’Argentine
17 aout : Naissance de Thierry Henry
9 décembre : Naissance du Réseau Express Régional (RER)
15 décembre : Naissance de Rohff

YARD vous propose aujourd’hui un nouveau concept qui vous emmène au coeur des endroits où ont grandi les artistes que vous écoutez. Pour ce premier numéro, direction le XIIIème arondissement parisien où le groupe de la MZ s’est rencontré pour la première fois. Ils nous ont fait visiter et ils nous ont tout raconté.

Après le doux soleil californien d’OT Genasis nous voici du côté de la Manufacturing Belt et plus précisément dans la très célèbre ville de Detroit. Nous sommes début juillet et la rappeuse Dej Loaf nous lâche le titre « Try Me ». Les retours sont plutôt bons jusqu’à ce que la superstar Drake s’empare d’une phase issue du morceau pour l’apposer en légende sous une de ses photos Instagram.

Love wearing black you should see my closet
J’adore porter des vêtements noirs, vous devriez voir mon dressing

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Le morceau prend alors une dimension qui dépasse l’entendement, tout le monde veut savoir qui est cette jeune femme. Les remixes pleuvent de partout et chaque rappeur cherche à surfer sur la vague en rappant son petit couplet. Banco ! Il n’en fallait pas plus pour la jeune Deja Trimble qui signe dans la foulée (nous sommes au mois d’octobre) un contrat avec Columbia.

Elle qui disait pourtant dans le désormais célèbre titre :

And I ain’t signin’ to no label, bitch I’m independent
Et je ne signerai sur aucun label, salope, je suis indépendante

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Une phase symptomatique du personnage. Agressive et déterminée, car rien n’est simple lorsque votre père se fait assassiner alors que vous n’avez que 4 ans… et que votre cousin préféré (MereFace) se fait tuer à son tour durant votre adolescence :

I been out my mind since they killed my cousin
Je suis devenue folle depuis qu’ils ont tué mon cousin

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… et que vous grandissez dans l’East Side de Détroit :

48214 real niggas know me
48214 (code postal de son quartier à Détroit), les vrais négros me connaissent

… et que vous êtes un petit bout de femme essayant de faire son trou dans le monde hyper macho du rap game :

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Let a nigga try me, try me
Imma get his whole mothafuckin’ family
And I ain’t playin with nobody
Fuck around and Imma catch a body
Laisse un négro me tester, me tester
Je buterai toute sa famille
Et je ne joue avec personne
Faites les malins et je buterai quelqu’un

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Mind full of money, got a heart full of demons
La tête dans l’argent, j’ai un cœur rempli de démons

Fuck is y’all saying, bitch my hood love me
Qu’est-ce que vous racontez ? Bande d’enculés mon quartier m’aime

They be like you little, but got damn she spazzin’
Ils disent que je suis petite, mais putain comment elle est folle

See I gotta get this money, my palm itchin’
Tu vois, je me dois de palper de l’oseille parce que la paume de mes mains me gratte

Ayant fait trois semestres à la fac Dej Loaf ne manque pas de nous le rappeler avec tous les synonymes des armes à feu :

Bitch I got the mac or the .40
Turn a bitch to some macaroni
Salope j’ai le mac 10 ou le calibre 40
Je transforme n’importe quelle salope en macaroni

Give lil bro the choppa for all you actors
Leave a bitch nigga head in pasta
Je passe le flingue au petit frère pour vous démasquer bande d’acteurs
Il laissera la cervelle d’un bouffon dans le plat de pâtes qu’il était en train de manger

Put the burner to his tummy, and make it bubbly
J’colle le flingue contre son nombril, jusqu’à ce qu’il gargouille

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Bitch I got the Tommy no Hilfiger
Lil Dej ain’t bout it, bitch how you figure
Salope j’ai le Tommy (pistolet mitrailleur rendu célèbre durant les années de la prohibition), je ne parle pas du couturier Tommy Hilfiger

Y’en a qui disent que la petite Dej ne vit pas ce qu’elle rappe, sale pute, comment tu sais ça ?

Les artistes rap ont toujours fantasmé sur l’univers des mafias, et Dej Loaf nous prouve qu’elle n’échappe pas à la règle :

Mobbin’ like Italians, we really take yo fingas
Turn yo face into a pizza, no acne
Have you singin’ like Alicia, fuck wit my family
On se comporte comme des Italiens, on te coupe vraiment les doigts
Et on transformera ta tronche en pizza mais ce sera pas à cause de l’acné
Je te ferai tellement mal que tu pousseras des notes aiguës comme la chanteuse Alicia Keys

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Do the whole crew, my bitches freak nasty

Cette phrase est à double sens : elle peut soit signifier que les amies de la rappeuse sont tellement chaudes qu’elles peuvent se taper tous les gars d’une même bande ou, et cela est beaucoup plus probable, que ses amies sont tellement folles quelles pourraient tuer toute une équipe.

Enfin, Dej Loaf, si vous me le permettez, joue sur l’ambigüité de son attirance sexuelle. Bien entendu, pour me faire démentir, certains soulèveront le fait qu’elle soit mariée. Oui et après ?

Son look androgyne y est pour beaucoup mais ses textes et les références qu’elle emploie semblent conforter l’idée.

D’abord elle déteste les mythos car elle est, bien évidemment, authentique condition sine qua non pour tout rappeur qui se respecte :

I really mean it I’m just not recordin’
Je le pense vraiment, je ne le dis pas parce que je suis en train de poser sur un morceau

You are an impostor, ain’t go no money
T’es vraiment un imposteur, t’as pas d’oseille

Plus fort que ça elle hait les mecs, même si dans le morceau elle utilise le terme « niggas » :

I really hate niggas I’m a Nazi
Je suis un Nazi tellement je déteste les mecs

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All these niggas love me, can’t get ‘em off me
Tous ces mecs m’aiment mais je n’arrive pas à m’en débarrasser

Niggas gossip like hoes, most of ‘em bitches
Les mecs sont dans les potins comme les putes, la plupart d’entre eux sont d’ailleurs des salopes

Phase importante :

Love wearin’ all black, you should see my closet
J’adore m’habiller en noir, vous devriez checker mon armoire

Le terme « being in the closet » est souvent utilisé dans le langage anglais pour parler de quelqu’un qui dissimule son homosexualité. Néanmoins, la suite du texte ne permet pas de s’en assurer formellement, en tout cas une chose est sûre, Dej Loaf est une sapologue :

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Rock that all white, when I’m feelin’ Godly
Hope out like coke, I ain’t gotta park it
Je m’habille tout en blanc quand je me prends pour une déesse
Je sors de la voiture toute vêtue de blanc, j’ai même pas besoin de la garer (sous entendu qu’un voiturier s’en chargera)

Très intéressant également, le fait que tous les noms de femmes citées par Dej Loaf dans ce titres soient lesbiennes ou sont soupçonnées d’être ou d’avoir eu des aventures homosexuelles :

Got a bitch that set it off like Jada Pinkett, Queen Latifah
J’ai une pétasse prête à passer à l’action comme Jada Pinkett ou Queen Latifah (actrices du film Set It Off, – Le Prix à Payer en français – sorti en 1996)

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Have you singin’ like Alicia, fuck wit my family
Je te ferai tellement mal que tu pousseras des notes aiguës comme la chanteuse Alicia Keys

Clin d’œil céleste ou véritable « shout out » dans la chanson, Dej Loaf fait référence aux actrices du film Set It Off qui travaillent toutes dans une société de nettoyage. La rappeuse a effectué le même travail dans l’usine Chrysler de Détroit jusqu’à ce que son titre « Try Me » devienne un hit.

Pour finir, je vous dirais bien que l’artiste Dej Loaf se positionne sur un terrain qui diffère totalement de ce qu’une Iggy Azalea (plus fausse, plus mainstream) ou une Nicki Minaj (plus aguicheuse, mais qui sait réellement rapper) peuvent proposer en terme d’image. Exit la superficialité sexiste de ces parolières mais américanisme oblige, nous retrouvons très rapidement les même thèmes ressurgir (argent, armes à feux, authenticité, meurtre) chez la petite nouvelle. Formule qui par le passé a déjà fonctionner au grand dam d’un Mathias Cardet. Souhaitons donc à Dej Loaf une carrière beaucoup plus longue qu’un tube car l’alternative qu’elle propose ne ferait pas de mal à une scène hip-hop féminine jouant un peu trop sur le côté sexy de ses rappeuses.

Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

En 2002, R-ASH s’illustrait en devenant champion de France de DMC Scratch. Depuis, le DJ fait son chemin et anime plusieurs soirées avec pour leitmotiv de faire du DJing une véritable performance au service de son éclectisme et de son penchant pour le hip-hop et l’éléctro. Et avec ce mix, il ne dérogera pas à la règle.
> @r-ash

Le YARD LAB se déclinera bientôt au-delà des mix hebdomadaire, dans des évènements livestreamé. Plus d’infos arrivent bientôt.

#YARDLAB

www.oneyard.com
www.youtube.com/oneyardchannel


01. Travis Scott Ft. Big Sean & The 1975 – Don’t Play
02. TastyTreat x Red Milk – It’s You
03. Mylène Farmer – Maman a tort (R-ASH Edit)
04. Future – Monster
05. Jailo & Vices – Loving You (Long Time)
06. Young Thug & Rich Homie Quan – Lifestyle (DJ Cheesepizza Remix)
07. Makonnen ft. Drake – Tuesday
08. Tink Ft. Jeremih – Don’t Tell Nobody (Falcons Bootleg)
09. R-ASH – I Own You (Yung Wall Street Remix)
10. Drake – Best I Ever Had (Kappa Kavi Remix)
11. Kid Ink feat. Chris Brown – Show Me (Noï remix)
12. Principal Dean – Tropics
13. AbJo – Phased (Usher Vocal Cuts)
14. Geotheory – Futuristic Love (pt. 1)
15. DJ Karaoke – Lights On
16. Herzeloyde – KWYET
17. World Class Art Thieves – Love 4 You

Kwamie Liv est une véritable globe-trotteuse. Du Danemark à la Zambie, le Kenya et la Suède, l’Afrique du Sud et l’Irlande, la jeune femme déborde des richesses propres à ceux qui parcourent le monde. Cet héritage, elle le transpose dans la musique qu’elle découvre à huit ans pour un résultat qui ne donne jamais son genre, mais que l’on écoute comme transporté, embarqué par les vents à la découverte de toutes ses influences.

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Est-ce que tu peux te présenter ?

Mon nom est Kwamie Liv.

Comment est-ce que tu as commencé la musique ?

J’ai écrit ma première chanson à 8 ans. Elle m’est venu dans un rêve. Je me souviens m’être réveillée au milieu de la nuit et l’avoir enregistré sur une petite machine. Depuis ce moment et peut-être même avant cela, j’ai constamment inventé des histoires et je me les suis chantées pour moi-même ou à qui voulait bien les entendre. A 11 ans, j’ai commencé la guitare et même si je ne me considère pas comme une guitariste géniale, ça a tout changé pour moi, ma façon d’écrire des chansons et ma relation à la création de la musique.

Qui a été ton plus grand soutien ou ta plus belle rencontre dans le processus de création de l’EP « Lost In the Girl » ?

Pour être honnête, il est difficile pour moi de réduire ça au « meilleur soutien » ou « la plus belle rencontre ». Le projet a été et est toujours, porté par plusieurs mains. J’ai une équipe fantastique qui m’a aidé à porter ces chansons à la vie et au monde. Ca me surprend encore qu’il y ai des gens dehors qui écoutent ma musique et la trouve utile pour eux. Ca me rend vraiment humble.

Est-ce tu peux nous expliquer la conception de cet EP ?

D’un point de vue créatif, ça c’est passé entre moi et mes co-producteurs BABY DUKA et LHeering et on a créé « Lost In the Girl » avec peu de ressources. C’était vraiment brut, très libre, très Système D. Pas de règles.

C’est vraiment difficile de définir le genre de ta musique. Comment tu la décrirais ?

Je le prend comme un compliment, merci.

Quelles sont tes principales influences ?

Je suppose que beaucoup de mes inspirations viennent du mariage turbulent/passionné/calme/lunatique/infidèle/doux/imprévisible entre ce que j’expérimente et ce que j’imagine.

Tu as passé quelques temps à Paris. Qu’est-ce tu as pensé de la ville ?

J’aime ce que j’ai vu de Paris jusqu’ici. Je trouve la langue français et les français tellement beaux et j’espère visiter la ville un peu plus.

Tu as aussi beaucoup voyagé. Qu’est-ce que c’est différentes expériences t’ont apportées ?

La capacité de me sentir chez moi presque partout.

Pourquoi tu t’es finalement installé à Copenhague ?

Je ne dirais pas que je me suis installée.

Quel sont tes projets ?

J’écris et j’enregistre. J’espère sortir plus de musique dans un futur proche.

Et si tu ne faisais pas de musique, qu’est-ce que tu ferais aujourd’hui ?

Je ne peux pas vous raconter tous mes secrets.

 

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A la fin des années 90, trois rappeurs sont au top de leur carrière : Jay-Z chez Roc-A-Fella, DMX au sein de Ruff Ryders et Ja Rule, MC vedette d’Inc. Records. Et si cela semble aujourd’hui invraisemblable, le trio était annoncé en 1999 comme un groupe qui donnait déjà son nom : Murder Inc.

En mai 1998 sort le film The Street Is Watching. Si le film n’a pas marqué les esprits, sa bande-son aura le mérite de réunir tous les nouveaux talents du hip-hop du moment. Produit par Dame Dash ou encore M.O.P. , cet album recèle aussi une petite perle : « Murdergram »

Un titre partagé par Jay-Z, DMX et Ja Rule, produit par Ty Fyffe, comme une introduction, une profession de foi de ce que donnera la collaboration Murder Inc.

Niggas is dead, dead I tell you, can’t be serious
What you think is gonna happen
With three of the illest niggas together
Street music and so fourth on one track, huh?
Can’t be serious, it’s murda nigga, huh, it’s Murda

 

Murder Inc jay z ja rule dmx

Une annonce qui aura l’effet escompté et attirera toutes les rumeurs et attentes, jusqu’à s’emparer de la couverture de XXL qui leur consacre l’une de leurs Unes les plus frappantes. Sous la houlette du directeur artistique Donald E. Morris et du célèbre photographe Jonathan Mannion, le trio pose de face, vêtu de noir. A l’arrière de cette double couverture, on voit que chacun dans leur dos, les trois artistes cachent une arme, comme prêt à en découdre.

Porté par leurs triples forces et une bonne promotion, le trio annonce l’arrivée proche d’un album commun. Le travail est même entamé avec la collaboration de Mic Geronimo et du producteur Irv Gotti. Pourtant celui-ci ne verra jamais le jour. C’est Ja Rule qui s’exprimera le plus sur les raisons de cet abandon :

 

« Ca allait être le début de quelque chose de fou, mais ça n’a pas marché. C’était difficile de réunir Jay et X pour qu’ils travaillent ensemble. Leurs égos explosaient à l’époque. Il ne s’aimaient vraiment pas, même avant ça de toute façon. »

 

Murder Inc Ja Rule DMX Jay Z Beanie Seagle

Depuis, leurs carrières ont suivi le cours qu’on leur connait. Et le nom Murder Inc. ne se résume plus qu’à un label détenu par Ja Rule et Irv Gotti. Aujourd’hui, la reconstitution de ce trio paraît totalement improbable. Pourtant Ja Rule assure à MTV :

« Je pense qu’il doit y avoir un ou deux morceaux quelque part que vous n’avez encore jamais entendus. »

 

En attendant, on regroupe pour vous les titres qui auraient pu constituer l’album « Murder Inc. »

 

MURDER INC. | Listen for free at bop.fm

A l’occasion de la sortie de la seconde capsule de Mosaert, le collectif et label belge s’est rendu chez Colette pour présenter les pièces qui composent cette nouvelle collection. On en a profité pour les rencontrer, et poser quelques questions à l’instigateur du projet Stromae et la styliste Coralie Barbier.

Raconte-nous l’histoire du collectif ?

Stromae: On s’est rencontrés il y a deux ans, dans un cadre purement professionnel. Je connaissais de nom les graphistes du collectif, on s’était déjà croisés parce que Bruxelles est minuscule. Ils avaient déjà travaillé avec mon manager et mon frère auparavant, et je me suis rendu compte qu’il fallait faire confiance à des gens dont c’était le métier. Très égoïstement je voulais faire des vêtements pour moi, parce que je ne trouvais pas ce dont j’avais besoin. Je voulais aller vers la wax (type de pagne africain confectionné à l’aide de cire,ndlr), et à la suite de ma rencontre avec Coralie, qui m’a conseillé des techniques d’impressions numériques et d’autres choses que je ne connaissais pas, je me suis rendu compte qu’il fallait que je travaille avec des graphistes. C’est comme ça qu’on a fait mes premières pièces, qui ont aussi servies à mes clips en corrélation avec le projet Stromae, et on s’est dit pourquoi Mosaert n’existerait t’il pas à part entière ? C’est aussi pour cela qu’il porte le nom Mosaert. Que ce soit dans la musique, dans la vidéo, on essaye d’être le plus créatif possible.

Quelle est la ligne directrice, la philosophie du projet ?

Stromae: C’est le paradoxe et l’équilibre, même si c’est complètement subjectif, c’est de trouver un juste équilibre. Pour les vêtements par exemple, il y avait l’aspect wax qu’on voulait avoir, le coté européen anglais dandy et en même temps un surréalisme et des formes isométriques. Finalement, comme on se rapprochait trop du style anglais, notre équilibre on l’a trouvé un peu au milieu des deux. La volonté est de confronter des univers qui au premier abord ne pourraient pas cohabiter et d’essayer de donner quelque chose qui ressemble à un équilibre, que ce soit dans la musique, et dans tous les autres domaines du label.

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Entre Mosaert ou Stromae, quel univers a inspiré l’autre ?

Stromae: C’est la musique qui me « drive », personnellement. Mais tout ne tourne pas toujours autour de la musique, c’est pour cette raison que Mosaert existe. On veut détacher Mosaert dans le but de créer des choses qui existent en elles-mêmes. La première capsule avait fait que Stromae et Mosaert soient fortement liés, mais finalement que ce soit au niveau des convictions, des raisons du lieu de fabrication, l’absence de merchandising sauvage, toutes étaient des raisons qui explique que l’on voulait s’écarter de l‘aspect musical et trop tourné autour du succès Stromae, même si ce n’est pas comme si on ne l’avait pas usé non plus, mais on ne voulait pas trop tomber dans la facilité. Par exemple les pièces de cette capsule n’ont jamais été portées par l’entité Stromae. Donc l’égoïste que je suis est puni.

On dénote le coté assez Dandy, de par les pièces élégantes et les coupes propres, fittées, et en même temps ce rappel Africain, avec la wax, ces imprimés « boubou ». D’où viennent ses influences ?

Coralie: On a baigné dans le métissage et il y a cette idée de souligner le pourquoi. Et le fait de venir de nulle part aussi, nous pousse à créer une nouvelle identité, et pas simplement reprendre les vieux boubous des tantines qui nous ont marqués. L’idée de Coralie que j’ai aussi appréciée, était de faire notre propre wax. Et elle avait raison, il faut créer son identité et ne pas toujours refaire ce qui a déjà été fait, il faut se faire son petit chemin sans se dire qu’on a tout réinventé. On garde les codes mais on les déstructure, pour ensuite les réadapter. Les codes de la wax sont géniaux, la manière dont ils utilisent la couleur, l’impression etc… Après on est dans une époque digitale ou tout se fait de façon différemment, mais il y a des choses a garder dans le visuel et a réinterpréter, en essayant de s’amuser un peu.

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Dans vos visuels il existe une idée d’uniformité, qui va à l’encontre de la tendance qui loue la singularité et la personnalisation, est-ce un aspect que vous avez voulu développer ?

Stromae: C’est peut être inconscient de notre part, peut-être parce que c’est cela, être différent aujourd’hui. Nous, on le propose de cette façon, après les gens réadaptent et réinterprètent comme ils le veulent, donc je pense que ce coté un peu uniforme et très cartésien, est assez transparent. C’est aussi de manière logique qu’on arrive à la photo de classe, à ce truc un peu officiel parce qu’on trouve que c’est la façon la plus honnête de faire une photo, parce qu’on regarde l’objectif, il n’y pas de faux naturel et dans la mode cela manque souvent de sincérité. Sans vouloir critiquer qui que ce soit.

On sent également derrière ce projet, une envie et l’importance de mettre en avant un nouveau savoir-faire venu de Belgique, par l’inscription « Belgian Creative Label » notamment.

Nous avons nommé le label comme cela simplement car tous les membres de l’équipe Mosaert sont belges. C’est vrai que la notion de ‘savoir faire’ est importante pour nous car lorsque nous avons commencé à créer nos premières pièces uniques, nous avons travaillé avec des fabricants belges dans un premiers temps. C’était très intéressant pour nous de voir qu’il existe en Belgique des artisans passionnés par leur métier dans la maille, ou l’impression textile. Suite à cela il nous a paru logique de continuer à travailler avec eux pour la production. Cependant nous travaillons également au delà des frontières belges. En effet l’assemblage de nos pièces se fait au Portugal et nos chaussettes sont totalement réalisées en France… Notre envie en tout cas est de continuer à produire nos modèles en Europe

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Même si le mot « Capsule » implique cette idée, autant par le nombre de pièces, de produits différents, que par le nombre de coloris, la capsule est très limitée. Pourquoi cette décision de réduire autant le choix ? Est ce une stratégie liée à l’exclusivité du produit, une envie d’optimiser votre efficacité ou le résultat d’une contrainte économique?

Un peu pour toutes les raisons que vous citez et surtout parce que nous sommes une toute petite équipe. Nous sommes un peu multi-tâches, on s’occupe de la création des motifs et des modèles, du suivi de production, de la création des visuels, de la gestion des points de ventes et du stock, de la préparation et de l’envoi des colis, et du service client. Pour nous c’est un nouveau projet, c’est pourquoi nous avançons petit à petit. A chaque capsule nous espérons proposer un article différent. Pour notre capsule n°2, nous avons par exemple ajouté un pull et des cardigans aux polos et chaussettes…


Il semble également important pour vous de positionner votre label dans un carcan haute gamme, de par la fabrication en Europe, le prix assez onéreux des produits, et la distribution exclusive de vos produits (3 shops seulement), pourquoi ce choix?

Coralie: Nous ne voulons pas spécialement nous positionner dans le haut de gamme, c’est juste que ça nous tenait à cœur de produire un Europe c’est pourquoi nos prix sont plus élevés que chez H&M par exemple ou encore Zara, de plus nous n’avons pas les mêmes quantités. Nos produits sont distribués dans 3 boutiques actuellement car nous commençons, mais nous espérons avoir d’autres points de ventes dans le futur.

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Par conséquent à qui s’adresse vos produits?

C’est un peu difficile de répondre à cette question, car ce n’est pas à nous de faire ce choix. Nous faisons des modèles qui nous plaisent d’abord à nous, ensuite nous espérons qu’ils plairont à d’autres…

On sent un vrai un collectif uni derrière ce projet, néanmoins l’ombre de Stromae « pèse » énormément sur celui-ci. Si sa popularité aidera sans aucun doute le projet à se faire connaitre et ouvrira beaucoup de portes à Mosaert, n’avez vous pas peur que l’entité Stromae vampirise les attentions pour ne laisser finalement qu’un intérêt superficiel ou faussé au projet collectif?

C’est une remarque que nous nous sommes déjà faite, cependant lors de la sortie de notre première capsule nous avons été agréablement surpris par les retours de la presse et du monde de la mode. Il y a eu une bonne compréhension du travail réalisé derrière nos produits. Bien sûr, nous sommes bien conscients que le projet Stromae facilite notre visibilité. Les projets sont pour le moment intimement liés, cependant nous aimerions que nos capsules puissent également exister par elles-mêmes. Pour nous ça reste deux métiers différents. L’envie en tout cas est de continuer.


Mosaert, qu’est ce que cela signifie finalement ?

Coralie: C’est le nom du label de production créé par Paul (Paul Van Haver aka Stromae) lors de la sortie de son premier album (Cheese), Mosaert est un anagramme de Stromae et Maestro.

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La capsule n°2 est visible sur le site de MOSAERT.

Photos HLenie

Depuis l’un de leur unique titre en commun, Pucc Fiction en 1997 avec l’écurie Time Bomb, Booba et Oxmo ont assumé leur choix artistiques dans des directions totalement différentes : l’importation de l’Amérique sous stéroïdes pour l’un, l’appropriation et le détournement de l’héritage culturel classique bleu-blanc-rouge pour l’autre. Souvent à contre-courant, voire à l’avant-garde d’un rap français trop mimétique, Booba et Oxmo sont devenus des personnages atypiques et cohérents, qui s’assument entièrement en près de vingt ans de carrière. A la manière d’un polar, on s’est permis de vous conter leurs trajectoires croisées dans une saga où deux poètes gangsters, Elie et Abdoulaye, prennent d’assaut la musique française.

 

booba oxmo twitter

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Partie III : Marquer les esprits OKLM, c’est pas difficile


 

Mon royaume pour un retweet

 

“Paye ton restau Ox, v’là t’es une re-sta, carte Gold comme outil,
T’es mon pote vas-y prends c’est mon foulard Cerruti

 

Avant le troisième millénaire, les rappeurs se mesuraient les uns aux autres en comptant leurs bagnoles, leurs putes ou leurs chemises en soie. Aujourd’hui, ils comptent leurs fans. En effet les réseaux sociaux ont envahi l’espace, transformant les billets verts en pouces verts. Les “plus un” s’additionnent inexorablement car seuls, ils ne valent rien. Leur force de frappe est dans leur nombre, leur fonction est de fédérer. L’influence d’un artiste s’égrène donc de nos jours en une marée abyssale de chiffres : les likes et les retweets sont les témoins d’un contrat passé entre les internautes et la personnalité. Ce like est polysémique : de “Yes we can” au bijoutier de Nice, du ricanement à l’engagement profond et sincère, il change de sens. Mais quel qu’il soit, les quatre millions de fans Facebook de Booba se sont tous engagés à être avertis du prochain clip, de la prochaine interview ou de la prochaine pub Ünkut. L’art, la promotion, et le business se mêlent dans un discours confus où chacun vend son bout de gras.

 

Booba Unkut

 

Ces likes représentent autant une communauté qu’un espace : un fief dématérialisé qu’il convient d’entretenir et de protéger comme un gang protégerait son ter-ter. Dans son ego-trip virulent, Elie clashe à tour de bras. Il puise sa force dans ces escarmouches de punchlines. Echanges de tirs ou traces de pisse, il s’agit bel et bien de marquer son territoire. Et pour le coup, le rappeur est doué. Du haut de ses 4 millions de followers, il peut crâner. « Révolution de lover tu n’as que trois followers », son empire s’est étendu à Ünkut, sa marque de streetwear au succès retentissant qui se targue de partenariats clinquants avec Canal + ou DC Comics. Son secret ? Booba est un dieu à l’ancienne. « Si t’es sérieuse t’es ma meuf, sinon t’es ma pute ». On le suit ou on crève. Dogmatique, il impose un son, un vocabulaire, des vêtements, des muscles. Derrière lui, sa communauté imite. Ses concerts sont des pèlerinages ou chacun porte la casquette marquée du mystérieux Ü. Lui seul peut résumer la situation avec autant de tact : « parle à ma secrétaire, ou bien va niquer ta mère ». On ne s’adresse pas au gourou, on croit en lui. Et en cas de nécessité absolue, contactez sa secrétaire.

Le dernier miracle sorti du chapeau du prophète est cette étrange plateforme web participative nommée OKLM. Le média se veut découvreur de talents, et probablement producteur au long terme. Touche-à-tout, il s’adresse en réalité à la galaxie qui flotte autour du rappeur et capitalise sur celle-ci. Elie crée ainsi un label « Booba », et assure son rôle prescripteur au sein du rap français. Il assure également la pérennité de son gang en lui donnant un corps, un territoire. Celui dont la plus grande crainte est de faire l’album de trop – l’album qui le fera passer du statut de prophète à celui de vieux con – s’achète une place au panthéon pour continuer à vivre au delà de sa mort artistique. Grâce à OKLM, Elie se rend immortel en sacralisant ses fidèles.

 

Booba OKLM

 

Abdoulaye est un amoureux du verbe et des mystères qu’il recèle. Son rap est suggestif quand celui d’Elie est incisif. Les titres d’Abdoulaye laissent rêveur, les métaphores qu’il utilise sont des songes. Depuis Miami, Elie rappe plutôt des images qui frappent comme des vérités. A distance et autoritaire, sa stratégie d’influence n’a rien à voir avec celle du Black Mafioso. Les quelques 300.000 fans Facebook d’Abdoulaye ne font guère le poids face aux millions d’Elie, mais ce sont autant de graines qu’il arrose avec persévérance. Ses tweets sont des petits poèmes bichonnés d’amour et de sagesse. Un terreau fertile pour laisser germer les mots. Ce n’est pas un hasard si Abdoulaye appelle ses followers des « flowers ». Comme s’il susurrait à l’oreille d’un bonsaï, il leur tweete ces haïkus, saturés de sens et de couleurs en espérant faire mouche ici et là. Abdoulaye sait que le temps et l’expérience changent le visage des choses. Chacun vit dans la réalité qu’il s’est tissée, chacun vit dans son illusion. La force d’Abdoulaye est son altruisme, sa volonté d’offrir les mots à la subjectivité de chacun. « Occupez-vous du sens, les mots s’occupent d’eux-mêmes ». Sur Twitter, le rappeur s’amuse à créer cette magie, il profite du format court du réseau social pour travailler sa plume et mettre en scène le réel. Il publie d’ailleurs début 2014 un recueil de ses meilleurs poèmes numériques : 140 Piles. Dans ses inlassables tournées aux quatre coins de France, Abdoulaye tente du bout des lèvres de faire éclore ses flowers. Son territoire à lui est là : niché un peu n’importe où, dans un zénith ou une petite salle des fêtes municipale. Là où l’imaginaire est fertile…

Il fait trop beau pour pleurer maintenant.

— oxmO Puccino (@oxmopuccino) 1 Novembre 2014

Sans heurts, les deux rappeurs ont su absorber les réseaux sociaux dans leur art. Comme un nouveau jouet qui leur était tendu, ils l’ont saisi, compris et maîtrisé.

 

Déplacer les lignes ou crever

 

En voyant leur art grandir entre le défrichage d’un no man’s land quasi-illégal et l’arrivée violente des lois du marché, Elie et Abdoulaye ont pris de la bouteille bien avant les tumultes de la révolution numérique. Leur ADN hip-hop, véritable machine à détourner les formes, reste un atout précieux en ces eaux troubles où les nouveaux distributeurs de buzz imposent une actualité en continu, avec une valeur éphémère appelée “nouveauté”. Au sein de cet environnement en constante mutation, nos deux héros ne se détournent pas de l’état d’esprit qui les animent depuis deux décennies. Il a toujours fallu et il faudra toujours déplacer les lignes, sous peine de mourir artistiquement.

A l’instar de ses homologues 20syl ou Rocé, Abdoulaye ne sort désormais plus sans ses hommes de main musiciens. Armés de leurs instruments, ceux-ci lui permettent de perforer les cloisons érigées par les étiquettes de l’inconscient collectif. Rappeur ? Slameur ? Chanteur de variété ? Le Black Jacques Brel s’amuse de ces débats de façade. Il veut juste atteindre de nouveaux univers où il pourra continuer à exercer son travail de metteur en scène des mots, qui sont les interprètes de ses pensées. Le poète les décompose, assemble, interprète, le tout avec une maîtrise quasi-chirurgicale du moindre détail. Temps fort et temps faibles pour le rythme ; cadence élevée ou pause d’équilibriste pour la temporalité ; configuration en monologue, en chiasme ou anaphore pour les combinaisons ; allitération, métaphore et autres costumes pour la musicalité, tout y passe. L’Amour est mort, son deuxième coup, était un flop commercial. Mais de cet échec, Abdoulaye s’est immunisé du fardeau du succès lisse et attendu. Mieux encore, il a développé ce savoir-faire consistant à composer de tête, qui lui a apporté une autre perspective à son travail. Aujourd’hui l’exécution et la productivité de cet artisan du verbe sont désormais élevés à un niveau reconnu par nos élites, qui lui offrent des tribunes à l’Opéra, au théâtre, sur Canal+, et même récemment à Sciences Po, où il déclare refuser « que le rap soit le lieu de lutte des classes ». Avec ou sans stylo, il repousse ses limites techniques en s’imposant les codes de la littérature française comme contraintes mathématiques.

 

Oxmo puccino Europe1

 

De son côté, Elie prend un malin plaisir à les pulvériser, faisant de ceux-ci sa chose. Il shoote ce qu’il considère comme des fioritures grammaticales. Il désosse ainsi les phrases de notre langage soutenu pour ne garder que l’essentiel. Celui qu’on appelle “Le Démon des Images” à la Nouvelle Revue Française s’est exonéré de toutes charges artistiques imposées par le poids des traditions. Il offre une haie d’honneur à ses punchlines métaphoriques, véritable moelle épinière de sa patte artistique résolument plus visuelle que littéraire. Il injecte à cette moelle toutes sortes de matière brute lexicale à forte valeur esthétique ajoutée, arrachées de tout ce que la diversité culturelle de la ville peut offrir. A coup de greffes tranchantes d’anglicisme, d’argots divers, de pérégrinisme arabe ou gitan, et aujourd’hui de langage SMS et hashtag, l’enfant du Pont de Sèvres construit sa propre marque culturelle métissée. Les moins de 30 ans du monde francophone, populaire comme bourgeois, en BEP vente comme à HEC, s’identifient, adhèrent et absorbent. De fait, Elie joue un rôle déterminant dans le décloisonnement et la vulgarisation d’un langage de rue qui s’est progressivement incrusté dans la norme populaire. Plus impressionnant, ses divers assemblages, tels que “morray”, “OKLM”, “IZI”, sont importés de contrées totalement différentes. Aspirés par Elie à la puissance d’un trou noir, ils sont aiguisés par l’orfèvre du 92i pour prendre place dans son propre dictionnaire. Dénué de pouces verts ou autres flowers, le jeu d’influence est ici tangible et démontre qu’aujourd’hui, Elie l’ancien banni regarde l’ensemble de la scène musicale française de son hublot floridien.

Booba NRF

Justement la scène. Elle demeure cette zone de vérité sans filtre avec le public, un point de repère pour toute carrière qui ne ment pas. On est loin des postures, des clashs, montages des commentaires et autres esbroufes développées par le showbiz game 2.0. Si l’industrie du milieu peut proclamer le disque d’or une fois les stocks commandés par Carrefour et acheter des likes ou des followers aux internautes de Bangladesh, elle ne peut pas doper artificiellement l’engouement d’un public en live. Devenue une véritable rockstar des années 2010, Elie, son uniforme Ünkut et ses tatouages font vibrer Bercy et les Zéniths de France combles. Entre le Crime Paie à Caracas, en passant par Scarface, son ego-trip demeure mais sa manière de chanter n’a cessé d’évoluer, imposant au passage la machine à rêve qu’est l’auto-tune en provenance de l’autre côté de l’Atlantique. Le tour de force est sans appel : à chacun de ses concerts, on entend des légions de numéros 10 féminins de toutes les couleurs qui trustent le public, des premiers rangs de la fosse aux gradins, et qui récitent par cœur toutes les phases du messie torse-nu. Alors qu’Elie peut aussi braquer des discothèques à coups de showcases promotionnels, Abdoulaye préfère partir vers ces espaces à l’acoustique plus humaine. Moins obsédé par le nombre de tickets vendus que par l’émotion qu’il peut à procurer à tout un chacun. L’enfant du Danube est friand de ces ambiances villageoise où le temps s’arrête. En cohérence avec une trajectoire artistique atypique, il prend du recul sur la tendance pour ne pas la subir, quitte à partir à contre-courant. Son isolement est devenu sa force, et la quinzaine passée, l’un de ses plus beaux coups, “L’Enfant Seul”, est à l’image de son parcours. Après certaines récoltes difficiles, l’œuvre reste intemporelle et se bonifie avec l’âge. Sur scène, elle se construit désormais avec un batteur, un bassiste et un pianiste, devant un public envouté qui a su évoluer avec la musique de son artiste préféré.

Carrières d’exception, évolutions cohérentes, prises de risque artistiques payantes, et précurseurs de leur propre genre… Comme un long voyage, Elie et Abdoulaye continuent leur forfait, à savoir marquer les esprits. Les années passent, et la vision des poètes braqueurs diverge et évolue, artistiquement et philosophiquement. Pourront-ils continuer à faire bouger des nouvelles lignes encore longtemps ?  “OKLM, c’est pas difficile.” pourront-ils dire, avec le sourire.

 

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Co-écrit avec Manouté (collectif Noise)

La journée d’hier a été riche en contenu, notamment grâce à deux des des rappeurs les plus en vue -tant pour de bonnes que de mauvaises raisons- du moment, Booba et Kaaris. Un timing parfait, qui permet de prendre la température de ce que donneront leurs prochains albums respectifs, et un aperçu de ce qui se passe dans notre bon vieux rap français.

Booba – « Caracas »

Du haut de sa tour d’ivoire de South Beach, Booba balançait hier le troisième extrait de son prochain projet D.U.C. De Bakel City Gang à Caracas, même histoire,  avec ce morceau qui reste dans la lignée de ses trente précédents : egotrip forcené,de l’autotune et de la suffisance. Ceux qui attendaient d’éventuels attaques frontales du rappeur en réponse à Kaaris notamment resteront sur leur faim, et patienteront en se mettant sous la dent deux références, toutes deux dans le deuxième couplet, les plus équivoques du morceau:

« Je suis Maître Renard, t’es Belette, Belette »

« J’peux reprendre ton flow, c’est moi qui te l’ai donné. 2.7! 2.7! »

Allo le rap français?!? Allo allo…Je n’vous entend pas… #jaidupainsurlaplancheabillets #oklm #deafjam #92i #CARACAS pic.twitter.com/1lOS8W6CZh

Effectivement, pour pondre un album à la hauteur, il y’a encore du pain sur la planche…

— Booba (@booba) 9 Décembre 2014

 

Booba-Caracas

Ceux que l’audio ne suffit pas à contenter, ressentant un besoin pressant de voir l’ourson, peuvent satisfaire leur envie en visionnant le dernier clip de 40K Gang, que Booba chapeaute dans leur dernier morceau « Vrai ».

 

Kaaris – « 80 Zetrei »

Après le clip studio « Comme Gucci Mane », K2A retourne sur le terrain avec « 80 Zetrei », une tentative de rassemblement de son département d’origine. Fruit du hasard ou timing parfait, l’idée du morceau tombe en tout cas à pic, alors que le beef Booba/Kaaris prend une nouvelle tournure depuis la vidéo déjà culte de K2A. En effet, quoi de mieux que de rassembler tout un département derrière soi, qui plus est de la consistance du 9.3, pour crédibiliser ses propos. Justement, la crédibilité, est le maître mot de ce visuel, où l’artiste reprend tous les codes qui conforte sa réputation dans la street. Indispensable. Un art de la démonstration où l’auteur de « Zoo » confirme son savoir-faire : tournage au cœur du « ter-ter » de Seine St Denis, cailleras en fond, et exhibition des symboles de « hustlerisme » du ghetto (drogue, voitures, armes, pitbull…). Le grand moment du clip arrive à la fin du deuxième couplet, quand on découvre autour d’une table quelques grosses personnalités qui ont fait ou font encore la notoriété du rap sauce 93 tels que Joeystarr, Mac Tyer ou encore Despo Rutti. Mention spéciale aussi à l’ingéniosité du distributeur d’armes inventé pour les besoins du clip…

Mention à Booba pour le boost à Kaaris sur son nouveau site OKLM.

OKLM Kaaris Homepage Booba

Dosseh Ft. Joke & Gradur – « Le Coup Du Patron »

Peut-être la bonne satisfaction de la journée. A l’annonce de la collaboration entre ces trois rappeurs a priori très différents, on pouvait à juste titre se poser des questions sur la direction que prendrait le résultat final. Le morceau et le clip qui l’accompagne font plus que rassurer, les trois protagonistes ne travestissant à aucun moment leur styles respectifs, dans un track qui reste homogène. Sous la direction de Nicolas Noel, qui s’impose clip après clip comme une référence de la réalisation en rap français, Dosseh incarne la crapule, Joke le Pimp et Gradur le mercenaire, des rôles totalement en connivence avec leurs univers. Efficaces dans leurs couplets respectifs ; malgré un refrain très peu inspiré, on apprécie l’idée démettre les trois voix dedans, ainsi que les backs de Gradur. Et la encore, on a droit à un moment spécial, avec une chorégraphie mémorable des trois rappeurs à la fin du clip.

Mac Tyer ft. Maitre Gim’s – « Laisse Moi Te Dire »

Fort de sa signature sur le label Monstre Marins Corporation, c’est avec logique que Mac Tyer collabore avec Maitre Gim’s sur le premier single de son nouvel album « Je suis une légende ».

Après le Hot Nigga de Bobby Shmurda, nous revenons cette fois ci avec Coco du californien OT Genasis.

Passé l’hypnotisant refrain qui n’est rien d’autre qu’une déclaration d’amour à la cocaïne

I’m in love with the coco
I’m in love with the coco
I got it for the low, low
I’m in love with the coco
J’aime la cocaïne
J’aime la cocaïne
Je l’ai eu à un prix dérisoire, dérisoire
J’aime la cocaïne

All this coke, like I’m Nino
Tellement de coke que je ressemble à Nino (Nino Brown, le célèbre trafiquant de drogue du film New Jack City)

I’m in love, just like Ne-Yo
J’en suis amoureux comme si j’étais Ne-Yo (le chanteur)

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Ne faites pas les surpris, on se connait. Dans une ère où le super voyeurisme est devenu aussi naturel que respirer (Instagram, Twitter, Snapchat et autres Facebook), OT Genasis met les pieds dans le plat et ce de la meilleure des façons.
A ceux qui pensent qu’il s’agit là encore d’un énième fantasme de rappeur qui se prendrait pour un gros dealer, soyez rassurés (ou pas); OT Genasis est bel et bien un consommateur régulier de cette substance depuis 6/7 ans.

Substance qu’il semble consommer de manière assez lourde :

I’m blowin’ money fast, nigga
Je dilapide de l’oseille rapidement, négro

Néophytes du Dope game, voici pour vous quelques infos qui vous seront utiles (ou pas) afin de mieux comprendre le vocabulaire employé dans ce milieu :

36, that’s a kilo
Need a brick, miss my free throw
36 ounces égale à 1,02kg
J’ai besoin d’un kilo alors je rate mon lancer franc (Ici OT Genasis joue avec le double sens du terme « brick » souvent utilisé en basket pour désigner un shoot en direction du panier qui ne touche que la planche)

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Pour tous les apprentis Walter White, voici comment cuisiner de la cocaïne pour en faire du crack :

Bakin soda, I got bakin soda
Bakin soda, I got bakin soda
Whip it though the glass, nigga
Bicarbonate de soude, j’ai du bicarbonate de soude
Bicarbonate de soude, j’ai du bicarbonate de soude
Mélange le dans le verre négro

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Water whip, like I’m Nemo
Je fouette l’eau comme si j’étais Nemo (poisson du célèbre dessin animé)

OT-Genasis-CoCo3

Si vous ne savez pas où vous procurer de la coke, demandez au dealer d’OT :

Hit my plug, that’s my cholo
Cause he got it for the low low
Contacte mon fournisseur, c’est un bon pote
Parce qu’il a des très bons tarifs

OT-Genasis-CoCo1

Sachez aussi que le monde de la drogue n’est pas fait pour les Minimoys ou les Pokémons :

If you snitchin’ I go loco
Hit you with that treinta ocho
Niggas thinkin’ that I’m solo
50 deep, they’re like, « oh, no » (No, no, no, please, no)
Heard the feds takin’ photos
I know nothin’, fuck the polo
Si tu balances je deviendrai fou
Je te tirerai dessus avec un calibre 38
Les négros pensent que je marche seul
Mais on est plein et là ils se disent « Oh non » (non, non, non, s’il te plait, non)
J’ai cru comprendre que le FBI m’avait pris en photo
Je ne suis au courant de rien, nique la police

OT-Genasis-CoCo4

Bustin’ shots, now he Neo
Free my homies, fuck the C.O
Fuck the judge, fuck my P.O
Quand je lui tire dessus il esquive les balles comme s’il était Neo (dans Matrix)
Libérez mes potes, nique les gardiens de prison
Nique le juge, que mon agent de probation aille se faire enculer

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Voilà, maintenant vous savez. La consommation de drogue étant prohibée, nous vous invitons donc à vous satisfaire de cette musique non moins addictive.

En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 2009 à 2014 pour ce dernier volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

2009 : De Roc-A-Fella à Roc Nation

Le 25ème anniversaire du label a autant été l’occasion de fêter son quart de siècle d’existence, que d’offrir un joli pot de départ à l’un de ses membres phares. Car 2009 est effectivement l’année choisie par Jay-Z pour quitter le label, après 9 albums solos et 12 ans de bons et loyaux services, dont 5 à la présidence du groupe. Homme de défis, Hova ne resiste au désir ardent de se plonger dans une nouvelle aventure, fondant un nouveau label, appelé Roc Nation, auquel il offre le troisième volet de sa saga The Blueprint, après avoir pris le soin de racheter son contrat auprès de Def Jam. Par ailleurs, Hova justifie cette décision avec des mots pas si éloignés de ceux qu’il avait proclamé dès sa signature au sein du label : « Je suis un entrepreneur. C’est ce que j’ai été toute ma vie. Je ne peux pas simplement rester assis à faire des hits et rien d’autre ». La boucle est bouclée.

Jay-Z-rocnation-sign

2010 : Une publicité reste une publicité

« Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel c’est qu’on parle de moi ». La maxime nous vient de Léon Zitrone, mais elle aurait très bien pu sortir de la langue bien pendue de Kanye West. En 2010, ce dernier prépare en effet son retour à la musique après le douloureux épisode Taylor Swift qui aura largement contribué à la dégradation de son image publique au cours de l’année suivant l’évènement. Les choses prennent toutefois une tournure inattendue quand Kanye West affirme que certaines grandes surfaces – dont Walmart – refusent de commercialiser l’album à cause de sa cover, une accusation que la firme réfute formellement. Cette pochette en question est une peinture qui nous montre une femme-phoenix nue chevauchant un Yeezy ivre et défiguré. George Condo, l’artiste ayant réalisé l’artwork « polémique » de l’album s’est finalement confié à ce sujet quelques mois plus tard, avouant que Kanye souhaitait en réalité voir la jaquette de son album bannie.

Kanye-West-VMA

2011 : Une question d’audace

À une époque où la carte de la provocation ne cesse d’être jouée avec succès par les icônes de la pop telles que Lady Gaga. Rihanna, elle, met son tapis en jeu lorsqu’elle dévoile aux yeux du monde la vidéo de son titre « S&M », dont les initiales explicites ne laissent que peu de doutes sur son contenu. Arborant fouets & tenues de cuirs, tenant en laisse l’influent blogueur Perez Hilton ; la belle alors âgée de seulement 22 ans choque, au point de voir son clip censuré dans près de 11 pays. Tant et si bien qu’un autre habitué des œuvres osées, le photographe David LaChapelle, finit par retrouver dans le visuel de Rihanna quelques références un peu trop appuyées à certains de ses travaux. De ce fait, il décide de réclamer à la chanteuse ainsi que son label la modique somme d’un million d’euros, estimant que « s’il est normal que les musiciens soient payés lorsqu’on sample leur musique, alors [il] ne voit pas pourquoi ce serait différent lorsqu’il s’agit d’œuvre d’artistes ». Les deux protagonistes ne sont toutefois pas amenés à régler leur litige devant les tribunaux, puisqu’ils finissent par trouver un terrain d’entente dans la confidence la plus totale.

2012 : Cherry Wine

En 2011, le monde de la musique voit une autre de ses étoiles rejoindre le tristement célèbre « Club des 27 » en la personne d’Amy Winehouse, disparue à l’âge désormais « symbolique » de 27 ans. Une bouleversante nouvelle qui fait alors de nombreux émus, parmi lesquels le rappeur Nas. En effet, celui qui proclamait la mort du hip-hop en 2006 avait eu l’opportunité de rencontrer la jeune femme quelques années plus tard, par l’intermédiaire de leur producteur commun Salaam Remi. Suite à cette rencontre, les deux artistes avaient commencé à entretenir une solide amitié et travaillaient ensemble sur la suite du titre « Me & Mr. Jones » de la chanteuse, sur lequel Nas devait figurer. Hélas, le destin tragique de la chanteuse en aura décidé autrement, du moins jusqu’à ce que le rappeur n’utilise un enregistrement d’Amy Winehouse appelé « Cherry Wine » pour en faire en 2012 un titre du même nom. Un morceau qui fera fondre en larmes l’imposant manager de la défunte chanteuse, qui confiera à Nas que les paroles – parlant de la recherche de « l’âme sœur » – avaient été écrite pour lui.

2013: Les finitions de Yeezus

Il s’agit là d’une nouvelle rencontre entre le Def Jam contemporain et celui qui lui a permis d’acquérir ses premières lettres de noblesses. Préparant son 6ème album solo Yeezus, qui se veut plus « expérimental », Kanye West entend bénéficier de l’avis souvent avisé de l’emblématique fondateur Rick Rubin. Celui-ci, bien que s’apprêtant à prendre quelques semaines de vacances, accepte de l’aider et prend le temps nécessaire d’écouter l’opus. C’est alors que Kanye lui dévoile une version encore brouillonne, où les textes du Chicagoan ne sont même pas enregistrés sur la plupart des titres. Et pourtant, Yeezy est formel : l’album sortira dans cinq petites semaines. Une deadline apparaissant insurmontable pour Rick Rubin, et qui pousse finalement les deux hommes à travailler d’arrache-pied pendant près de deux semaines, permettant à Kanye de délivrer en temps et en heure un album qui restera comme l’un des plus grands succès critique de ces dernières années.

rick rubin kanye west

2014 : Happy Birthday

Quand Nas sortait en 1994 son classique Illmatic sur le label Columbia, il était probablement loin de se douter qu’il fêterait son vingtième anniversaire sous l’égide de Def Jam. Et pourtant, comme bien d’autres avant lui, il a été comme happé par ce poids lourd de l’industrie du disque, désormais trentenaire, qui véhicule depuis sa création les valeurs d’une culture dont il a été l’un des principaux moteurs artistique. Aujourd’hui porté tant par des jeunes loups aux dents acérées telles que celles de YG ou des piliers à l’inspiration illimitée tels Kanye West ou Rick Ross, le label semble encore en mesure d’écrire quelques belles pages d’une histoire que l’on espère encore bien longue, pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

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Plus un jour ne passe sans que le navire YMCMB ne soit confronté à de nouvelles vagues. Il y a quelques semaines déjà, Tyga dégainait le premier en se fendant d’une sortie sur la twittosphère aussi tranchante qu’impromptue. Le rappeur de 25 ans confiait en effet à ses quelques 5 millions de followers que sa liberté artistique était obstruée par les têtes-pensantes du label Cash Money Records. Pris dans son élan, T-Raw allait même plus loin en affirmant que, devant leur refus de sortir son Gold Album en temps et en heures, il songeait même à le laisser fuiter de son plein gré. Quelques jours plus tard, il surprenait à nouveau son monde dans une interview accordée à Vibe où il exprimait un certain mépris vis-à-vis de Nicki Minaj et surtout Drake.

Des déclarations enchainées qui ont étonné, voire même intriguées, mais qui n’auront finalement eu pour seules conséquences de remettre vaguement en question la stabilité prônée par Cash Money et de laisser Tyga en « homeless » de l’industrie musicale. Du moins, c’était avant que Lil Wayne ne lance à son tour un véritable raz-de-marée sur la maison de disques en adoptant un discours en tout point similaire à celui de Tyga. D’après lui, le public ne verra jamais venir son dernier effort Tha Carter V à cause d’un seul responsable tout désigné : Birdman.

To all my fans, I want u to know that my album won’t and hasn’t been released bekuz Baby & Cash Money Rec. refuse to release it.

— Lil Wayne WEEZY F (@LilTunechi) 4 Décembre 2014

This is not my fault. I am truly and deeply sorry to all my fans but most of all to myself and my family for putting us in this situation.

— Lil Wayne WEEZY F (@LilTunechi) 4 Décembre 2014

I want off this label and nothing to do with these people but unfortunately it ain’t that easy — Lil Wayne WEEZY F (@LilTunechi) 4 Décembre 2014

I am a prisoner and so is my creativity Again,I am truly sorry and I don’t blame ya if ya fed up with waiting 4 me & this album. But thk u — Lil Wayne WEEZY F (@LilTunechi) 4 Décembre 2014

Quand le Fils conteste le Père

Ainsi, ce qui devait être le cadeau d’adieu d’un des artistes les plus emblématiques de son temps se retrouve entaché par des querelles internes qui semblent arriver au moment le plus inopportun. Une situation d’autant plus déroutante qu’elle vient ternir la relation père-fils entretenue avec ostentation par les deux figures de proue du label. Depuis des années, daddy Baby et baby Dwayne s’efforcent de dresser le portrait de la parfaite famille fictive et ce qu’il s’agisse de la sphère artistique – avec l’album commun Like Father, Like Son sorti en 2005 – ou privée. Étrangement, le seul domaine où les deux hommes n’apparaissaient pas liés par une relation de supériorité semblait être le business. En effet, depuis 2005 et la mise en place de sa structure Young Money, Weezy donnait le sentiment d’avoir égalé son « père spirituel » en fournissant à Cash Money ses principaux moteurs artistiques et financiers avec les succès consécutifs de Drake, Nicki Minaj et Tyga.

Tous ont été révélés au monde par Lil Wayne et tous maintiennent à flot le label depuis près de 5 ans. Un constat que l’on imagine quelque peu amer pour Birdman qui de son côté peine depuis tout ce temps à amener du sang neuf au sein du groupe. L’ancien membre des Big Tymers semblait toutefois avoir trouvé son salut avec les rookies Young Thug et Rich Homie Quan. Deux jeunes pousses avec lesquelles il s’est souvent affiché durant ses dernières semaines, au point de visiblement négliger les artistes qui l’accompagnent depuis des années.

like father like son lil wayne birdman

Drake en Judas

Toutes ces péripéties nous amènent légitimement à nous interroger sur l’avenir des deux autres fers de lance de YMCMB, à commencer par Drake que l’on sait très proche de Lil Wayne. D’autant que depuis quelques semaines, le Canadien n’a cessé de s’éloigner progressivement de sa maison mère qui semble de moins en moins impliquée dans son évolution artistique. En effet, hormis le producteur Detail, aucun membre de Young Money/Cash Money ne figurait sur son dernier album Nothing Was The Same. De même, ses apparitions sur les autres projets du collectif se font de plus en plus épisodiques, en témoigne son absence quasi-totale sur les deux premières compilations Rich Gang.

Enfin, pendant qu’il dessinait son émancipation avec la création de son propre label OVO Sound, Drake a – à de nombreuses reprises – échangé les amabilités avec Kanye West, qu’il cite volontiers comme l’une de ses principales influences, au même titre que Lil Wayne. Comme une coïncidence, l’un des premiers artistes à publiquement réagir à l’annonce de Weezy n’a été nul autre que Pusha T, qui a, non sans une pointe d’ironie, invité son ancien adversaire à le rejoindre au sein de G.O.O.D Music. Mais comme nous l’a tout récemment rappelé J. Cole : « toutes les bonnes blagues détiennent leur part de vérité ».

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À la toute fin des années 90, le plus important « power couple » était incarné par Jennifer Lopez et Sean Combs mieux connus sous les pseudonymes de J-Lo et Puffy. La première, actrice et le second producteur, ils sont tous deux des millionnaires influents sur la scène hip-hop-r’n’b du moment. Là où la pop se mêle au hip-hop, le mélange deviendra finalement si explosif que la rupture se fera à la suite d’une fusillade.

Les évènements se déroulent le soir du 27 décembre 1999. À 3 heures du matin, le couple festoie dans un club new-yorkais avec quelques protégés de Puffy. Parmi eux, se trouve Jamal Barrow, plus connu sous le nom de Shyne, alors âgé de 21 ans, le rappeur est à l’aube d’une arrière que Diddy imagine prometteuse. Pourtant ce soir-là, tentant de quitter l’établissement, le petit groupe croise le chemin de l’obscur clubbeur Matthew « Scar » Allen. Après quelques échange d’insultes, Scar fait s’envoler une liasse de rappeur sur Diddy pour montrer son irrespect. Un geste qui mettra définitivement le feu au poudre. Au cour du procès qui suivra, différentes versions de la scène qui suit seront proposée par les témoins, mais ce qui reste certain c’est que des coups de feux ont retenti. Certains sont avec certitudes attribués à Shyne mais l’implication de Puffy dans cette fusillade reste mystérieuse, il aurait lui aussi utilisé son arme mais aurait acheter le silence des témoins pour la modique somme de 500 000 $. Au cours de cette altercation, trois personnes seront blessée : deux à l’épaules et une au visage.

Diddy, accompagné de ses gardes du corps, s’échappe ensuite avec sa belle en voiture et se lance dans une course poursuite avec la police, grillant au passage plusieurs feux et roulant sur les trottoirs pour mieux échapper à ses poursuivants. Mais le couple est rattrapé quelques quartiers plus loin et une arme volée est retrouvée dans leur SUV. Tous deux sont embarqués au poste de police : Sean Combs est inculpé pour possession illégale d’armes et pour tentative de corruption sur témoin, risquant ainsi 15 ans de priso ; quant à Jennifer, elle finira sa nuit dans une cellule et  subira un interrogatoire de 14 heures mais elle sort blanchie de toute cette histoire. Sean Combs s’en tire grâce à un accord financier établi avec les victimes. Quant à Shyne, il sera condamné à de la prison ferme, mettant définitivement fin à ses rêves de carrière.

Suite à cette affaire, Jennifer, qui ne témoignera pas lors du procès, se sépare de Puffy craignant pour son image mais aussi pour rassurer son entourage. Quand on lui demande lequel de ces exs, entre Ben Affleck et Diddy, elle sauverait lors d’un naufrage, son choix est vite fait : « I’d let both motherfuckers drown.« 

Jennifer Lopez P.Diddydiddy- jenniferlopez

Alors qu’elle se préparait pour entrer sur la scène de La Gaîté Lyrique, nous avons rencontré Doja Cat. Chanteuse, rappeuse, elle délivre dans son dernier EP Purrr! un aperçu de sa palette artistique avec le psychédélique « So High », l’entêtant « No Police » ou encore « Beautiful » produit par Iman Omari. À seulement 19 ans, elle développe sa propre identité musicale et visuelle : un son, une voix, une image et du talent… Juste ce qu’il faut attirer notre attention.

Photos : Pics_Afters_Pics 

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Doja Cat

Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Je suis Doja Cat. J’ai 19 ans et je suis une performeuse, chanteuse, parolière, originaire de Los Angeles et j’aime chanter et danser. J’ai la chance de pouvoir le faire pour les autres.

Comment décrirais-tu ta musique ?

Comme une combinaison de soul, r’n’b, un peu de pop. C’est une espèce de fusion.

Quelle est ta principale influence ?

Erykah Badu ! C’est sûr !

Tu te souviens de ta toute première chanson ?

Il se trouve que oui. C’était un freestyle, j’ai essayé de rapper. Le beat était super niais mais je l’ai posté et j’ai eu quelque chose comme trois likes. Je me suis dit « Oh mon dieu. Oh non », je l’ai retiré et puis j’ai ré-enregistré d’autres morceaux. Et j’imagine que les gens les ont aimé.

Finalement, tu te considères plus comme une rappeuse ou comme une chanteuse ?

Les deux je pense. Mais rapper c’est plus difficile parce que ça doit rimer, le chant est plus simple à écrire, mais j’aime rapper.

Parce que ça représente un plus gros challenge ?

Oui, je pense que c’est ça. C’est aussi plus impressionnant pour les gens, c’est plus spontané, plus authentique, plus sympa. Il y a tellement de choses à exprimer à travers le rap.

Tu as travaillé sur une production d’Iman Omari. Comment ça s’est passé ?

J’imagine que ça vient du fait qu’on vienne du même endroit. Il est une telle inspiration pour moi, je n’ai jamais entendu des beats comme ceux-là. La créativité à Los Angeles est juste impressionnante. Donc, j’ai téléchargé l’un des beats d’Iman Omari et j’ai commencé à écrire. J’aime beaucoup cette chanson, je l’ai laissée tourner en mode repeat.

Vos styles ne sont pas si éloignés. Penses-tu collaborer avec lui dans le futur ?

Oui. Je m’imagine bien collaborer une nouvelle fois avec lui car sa musique est toujours magnifique.

Tu as aussi travaillé avec des producteurs français : Dream Koala, Evil Needle. Comment s’est arrivé ?

Je surfais sur le net, YouTube en chercheuse d’or d’internet. Je cherchais des beats cools et je téléchargeais des trucs. Et j’ai vraiment accroché avec Needle, depuis longtemps maintenant, c’est le premier qui m’a vraiment plue. Mais c’était compliqué parce qu’il n’était pas aux Etats-Unis et parce qu’on ne parle pas la même langue. Le talent ici en France est incroyable.

Comment est-ce que tu conçois la performance sur scène ?

J’essaie de faire quelque chose d’actif de ma présence scénique. Les scènes sur lesquels j’ai joué étaient très petites et j’imagine que j’essaie de faire en sorte que le son soit aussi bon que la performance. C’est assez difficile de le mener à bien donc ma priorité reste de me concentrer sur ce que ça donne au niveau du son plutôt que de sauter dans tous les sens. Mes shows sont assez dansants maintenant, j’aimerais bien avoir des danseurs.

DojaCat

Tu montes sur scène pour la première fois à Paris demain. Comment te sens-tu ?

Excitée… J’étais nerveuse mais maintenant je suis excitée. Au départ je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre de cette ville, mais j’ai dépassé cette inquiétude. J’aime tout ici, je ne veux pas partir.

Et tes clips vidéo ?

Mon premier clip a été réalisé par Jesse Salto. Il vient de France je crois, il est très talentueux et surprenant. Il a eu une idée à laquelle j’ai vite pu m’identifier, ce qui est génial. J’ai étudié et pratiqué l’hindouisme quand j’étais petite, l’inspiration pour « So High » est vraiment connectée avec ce que j’étais..

Qu’imagines-tu pour les prochaines ?

Elles seront… je ne suis pas vraiment sûre. Je suis quelqu’un d’assez expérimental visuellement, ce ne sera pas comme la première vidéo. Ça c’est certain !

Quel sont tes projets pour 2015 ?

L’horizon est assez ouvert en ce moment. Je ne sais pas vraiment ce que je vais faire mais j’ai un album qui sortira au début de l’année.

Si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu aujourd’hui ?

Danseuse de hip-hop et j’essaierais la danse africaine. J’ai commencé par le ballet, donc ça m’a ouvert ouvert à beaucoup d’autres styles.

DojaCat

Dans un style édulcoré inspiré des comics, l’illustrateur espagnol Luis Quiles se joue du décalage entre ces images et le message qu’elles portent. Un contraste qui frappe et donne plus de poids à ses dénonciations, qu’elles concernent les enfants soldats, le capitalisme, le sexisme ou encore l’importante place prise par les réseaux sociaux dans notre société.

Depuis leur unique titre en commun, Pucc Fiction en 1997 avec l’écurie Time Bomb, Booba et Oxmo ont assumé leurs choix artistiques dans des directions totalement différentes : l’importation de l’Amérique sous stéroïdes pour l’un, l’appropriation et le détournement de l’héritage culturel classique bleu-blanc-rouge pour l’autre. Souvent à contre-courant, voire à l’avant-garde d’un rap français trop mimétique, Booba et Oxmo sont devenus des personnages atypiques et cohérents, qui s’assument entièrement en près de vingt ans de carrière.

À la manière d’un polar, on s’est permis de vous conter leurs trajectoires croisées dans une saga où deux poètes gangsters, Elie et Abdoulaye, prennent d’assaut la musique française.

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Booba-Unkut

Partie II : Décennie des égos

 

Ouest Side & Lipopette Bar : l’Affirmation

Nous sommes en 2006, les deux scarlas ont coupé les liens avec leur famille respective. Time Bomb ne produit plus Abdoulaye, et Elie a quitté Ali depuis déjà quelques années.

Le thug des Hauts-de-Seine, fort de ses deux premiers albums solo rêve de sa terre promise, il rêve Américain. Fini les petits braquages à la française, comme Mesrine il voit grand, alors il s’exporte. Avec son album Ouest Side, le Duc de Boulogne jette un pied au dessus de l’Atlantique. Jeu de jambe retentissant, il obtient son premier disque de platine. Enfin, Elie rencontre sa destinée. Il révèle le Scarface qui est en lui depuis toujours : “L’argent, le pouvoir, c’est le nerf de la guerre”. Un opportuniste qui avoue sans complexe qu’il continue le rap parce que ça paye. Si les ventes venaient un jour à chuter, il claquerait la porte sans se retourner guidé par un instinct animal pour le billet vert.

 

Oxmo-Puccino-the-jazzbastards-lipopette-bar-album

 

Retour en France, après deux beaux albums aux ventes laborieuses, Abdoulaye quitte l’association de malfaiteurs qui l’a rendu si grand. Il pénètre alors un club enfumé, remplis de cool cats au swing chaloupé. Un lieu où l’on refuse les rythmes binaires, où les rappeurs n’osent pas s’aventurer. Ici, le seul Dieu est l’improvisation, que des drôles de fanatiques prient chaque soir entre deux parties de poker.  Cet endroit, c’est le Lipopette Bar. Tout droit sorti des tréfonds de son imagination, le projet est un hommage passionné à Billie Holiday, aux films noirs, au jazz. Un album concept tout en jazzmen (signé chez Blue Note) pour faire renaître un polar de l’acabit de « Pucc Fiction ». Alors que les années 2000 semblent ne plus rien avoir à offrir au hip-hop français, Abdoulaye se fait faussaire. Il transfigure son rap mélancolique au service d’un jazz haletant et d’une narration millimétrée.

Mercenaire du rap, Elie œuvre seul, froidement et sans scrupule. Il a d’ailleurs toujours assumé son appétit pour le pèze. Le départ aux Etats-Unis semble en être la concrétisation. Il tourne ainsi le dos aux salamalecs cocoricos, aux Enfoirés, Skyrock et autres Taratata pour enfin vivre en adéquation avec lui-même. Ouest Side est ce premier pas qui le sépare de la France et qui le rapproche des USA. Deux ans plus tard, il achève la traversée et s’installe en Floride pour vivre le rêve Américain façon Tony Montana. Il faut dire qu’Elie est plus hormones-sapes-autotune que politique-Sacem-Naguy. Comme un gros glaviot revanchard, il crache “Paris n’est pas si magique” au visage de tous, se mettant à dos rappeurs et médias français. Exit la solidarité et la bonne conscience hexagonale. Elie a la gâchette facile, mais il tue toujours avec le bon mot, à la fois bouffon et bourreau. Automatique sur les genoux, bouteille de Jack sur la table, il ne craint personne. La terre brûlée est la seule ligne de conduite du rappeur cupide. Pour Abdoulaye, l’Eldorado est ailleurs. Lui qui au même moment opère son virage artistique majeur, lui qu’on surnomme déjà le “Black Jacques Brel” joue les Cyrano du XIXème. La France, c’est son fond de commerce. Lipopette est un coup de maître. Un tour de passe-passe génial entre le BEP chaudronnier et la belle France. Le risque est grand, le pactole aussi. Abdoulaye s’impose désormais comme un parolier hors-pair, musicien éclectique dont l’aura déborde progressivement du milieu hip-hop. « Pam Pa Nam ! » s’exclame-t-il quelques années plus tard, rejoignant en bon poulbot le panthéon de la chanson française.

 

Booba-Ouest-Side-Album

 

 

Les Voisins du Crime

 

Lorsque bedonnant, Cyrano s’entoure, le Duc bodybuildé s’isole. Aujourd’hui l’eau a coulé sous les ponts et les rôles des deux lascars ont bien changé. Eux qui voulaient « faire flipper la firme » ont fait bien plus en renouvelant l’horizon du hip-hop. Leurs deux personnages antinomiques ont réussi à tirer la créativité française dans des directions inédites et diamétralement opposées. En style  d’une part, mais aussi en attitude.

C’est à croire que plus Abdoulaye virevolte, moins Elie dévie de sa trajectoire de bad boy solitaire. D’ailleurs la mauvaise réputation de ce dernier le précède. Peu disert, il serait du genre à jeter des bouteilles sur son public. La galaxie rap se goinfre de ses différentes rivalités avec avidité. Pour tout dire, elle les alimente, consciente que le clash fait le beurre. Lui ne bronche pas ou très peu. Ses rares sorties sont des réponses brûlantes, qui claquent comme un coup de batte. Économe, il gère le temps médiatique à la perfection, toujours dans cette posture à la fois snob et terroriste.

À l’inverse, Abdoulaye est l’ami de tout le monde. Il plaît à tes potes, ta copine, tes parents et ton voisin rasta. Même ton plombier t’avoue entre deux coups de clé que s’il est plutôt rap US, « Ox, c’est la base« . Dans l’ombre du chauffe-eau ruisselant, on acquiesce. En même temps le Black mafioso est partout et pour tous les goûts : sur la scène d’Urban Peace, aux concerts RATP, en Colombie, dans la plume d’Alizée ou de Florent Pagny, avec Ibrahim Maalouf à l’inauguration de la Philharmonie de Paris… La force du personnage est sûrement dans cette mosaïque complexe. Mais la question est presque déontologique, un rappeur peut-il s’associer à la RATP sans dissoudre sa street credibility ?Oui c’est possible, le Black mafioso l’a fait. Désormais il peut même sauter les tourniquets serein, les agents embusqués lui clignent de l’œil l’air complice. Ce même clin d’œil Abdoulaye le rencontre partout où il va. C’est le genre de clin d’œil qui t’indique la porte dérobée d’un tripot : « Tout le monde est déjà là, ils t’attendent dans l’arrière salle »… Abdoulaye est le parrain.

Voisins du crime, ils forment un duo finalement classique : le cerveau et le tas de muscles. Par leur complémentarité, ils se justifient. Abdoulaye admet, sur la scène française « s’il n’y avait pas Booba on se ferait bien chier. » Ce dernier ne cède pas de tel compliment, mais n’en pense pas moins. Depuis ce casse de 1997 où ils ont tout raflé, ils n’ont cessé de s’éloigner, pas à pas. Mais nés le même jour, du même beat noir, du même sample lancinant, ils sont liés à jamais. Ils savent qu’ils n’appartiennent pas au même monde, mais comme Avon Barksdale et Stringer Bell, ils sont frères. Pas frères de sang ni d’armes, plutôt frères de micro. Ce sens du verbe, cette indépendance, cette liberté artistique, cette longévité, ils semblent marcher dans les pas l’un de l’autre, sans jamais se marcher dessus. Alors ils s’observent. Du coin de l’œil, toujours avec respect…

 

oxmo-puccino-rap-rappeur-hip-hop-france

 

Un autre détail les réunit pourtant et après réflexion, c’est peut-être même ce qui les soude le plus depuis leurs débuts. Ils refusent de commenter l’actualité et la politique. Or pour le rap conscient des années 1990, la posture est révolutionnaire. Désintérêt ? Posture artistique ? Elie ne vote pas, il le déclare sans honte sur le plateau de Ruquier. À aucun moment il n’envisage sa célébrité comme une opportunité de tribune. Sa voix est à lui, pas aux gamins qui l’écoutent en boucle. Abdoulaye lui, voit la politique comme une pièce de théâtre. Une fiction à laquelle il n’appartient pas. En mission, l’artiste n’est pas là pour montrer la réalité mais pour l’embellir.

 

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Co-écrit avec Manouté (collectif Noise)

Le laboratoire musical de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Notre deuxième invité est A-STRVYT. Le bordelais que vous avez pu croiser tout l’été au YARD SUMMER CLUB nous délivre un mix emprunt de ses influences soul futuristes. Lui qui soutient pleinement ce courant avec son collectif BMS, ne pouvait que nous fournir une sélection de qualité.
> @a-strayt

Le YARD LAB se déclinera bientôt au-delà des mix hebdomadaire, dans des évènements livestreamé. Plus d’infos arrivent bientôt.

#YARDLAB

www.oneyard.com
www.youtube.com/oneyardchannel

Falcons : Alicia Keys – Feelin U Feelin Me Remix
Twinztrack : Dunes
Kaytranada : Missy – Im Really Really Really Hot
Mr Carmack x Sango : Rare Grip
Dave Luxe : Dj Paul No Panties Freak U Mix
DVNGLEZ : I.W.I.A
Zuper : Hands Up (Pretty Flacko Flip)
B N J M N : Milk
Fortune & MisterMack : Work
Gizzle Beatz : Wiz Khalifa – We Dem Boyz Remix
Sango : Me De Amor Feat Gaiola Das Popozudas
Sango : Pra Nos
Kojack’s : Montagen Do Jodeci
Noï : All Out Feat Jay Prince
HXNS : Work
B Flat : Omarion – M.I.A Bootleg

Au terme d’une soixantaine de cyphers organisés dans une cinquantaine de pays et des 6 finales continentales qui ont eu lieu au cours de cette année, c’est le week-end dernier que 16 danseurs se sont donné rendez-vous à Paris pour la 11ème finale internationale du Red Bull BC One. C’est dans une antre de la Grande Halle de la Villette acquise à leur cause que les B-boys français Mounir, Lilou, Tonio ont tenté de reprendre la ceinture au tenant du titre, le sud-coréen Hong 10. Revivez quelques moments forts de la compétition vu par notre équipe, avec les commentaires de Hong 10, Tonio et Neguin et les interventions des jurys Yaman et Ken Swift.

Loin de nous l’envie de vous casser dans votre délire pendant la prochaine YARD Party, mais il nous semblait de plus en plus judicieux de présenter l’envers du décors de certains titres aux succès si fulgurants qu’il en devient presque impossible de ne pas marmonner quelques paroles (encore faut-il que ces dites paroles soient correctes). Voici donc une explication simple et didactique de la rédaction, permettant de mettre la lumière sur des titres qui en valent la peine.

Malgré une danse envoûtante et un son taillé pour faire hocher les têtes, le titre « Hot Nigga » est bien plus profond qu’il n’y paraît. Car c’est d’abord un morceau introspectif empreint d’un réalisme brutal porté par un name dropping d’amis tout juste sortis de leur puberté. C’est en ce sens que le rappeur lâche les noms de Shyste, Monte, Trigger, Tones, Jaja, Greezy, Phantom, Meeshie, Rasha, A-Raw, Mitch et son gang/label GS9, dont un certain nombre sont incarcérés, voire même morts. Originaire de Flatbush, quartier mal famé de New York, Chewy est très tôt confronté au monde impitoyable qui l’entoure. Rapidement il tombe dans les clichés rappologiques outre-Atlantique : père absent durant la jeunesse, vente de drogue, machisme, apologie des armes à feux et matérialisme yankee.

Ci dessous un florilège de passages issus du morceau :

Drogues:

Lyrics-Bobby-Shmurda-Hot-Nigga

« I been selling crack since like the fifth grade »
« Je vends du crack depuis la sixième »

« Jaja taught me flip them packs and how to maintain »
« Jaja m’a appris comment écouler la drogue et gérer ses stocks »

Famille :

Lyrics-Bobby-Shmurda-Hot-Nigga

« Momma said no pussy cats inside my doghouse »
« Maman m’a dit de ne pas ramener de mecs faibles chez elle »

« That’s what got my daddy locked up in the dog pound »
« C’est pour cela que mon père est incarcéré en prison »

Armes :

Concrètement « Hot Nigga » est une ode à la culture des armes à feu.

« And we keep them nine mills on my block, nigga »
« Et on porte tous des 9mm dans mon quartier »

« Try to run down and you can catch a shot, nigga »
« Essaye de nous voler et tu te feras tirer dessus »

« With M16s, we gon’ put some shots on ‘em »
« On va leur tirer dessus avec des M16 »

« But GS for my gun squad »
« GS c’est pour mon équipe qui portent des flingues »

Mort :

Lyrics-Bobby-Shmurda-Hot-Nigga

« Mitch caught a body ‘bout a week ago, week ago »
« Mitch a tué quelqu’un il y a une semaine environ »

Difficile de croire que la phase la plus emblématique du morceau soit au sujet d’un meurtre.

« Like I talk to Shyste when I shot niggas »
« C’est comme si je parle à Shyste (ami décédé de Bobby Shmurda) quand je tire sur des mecs »

Gang :

Jeux de mots avec l’acronyme G.S qui désigne d’abord l’équipe de Bobby Shmurda (Grimey Savage/Shooters originaires de Flatbush, Brooklyn)

« Grimey savage, that’s what we are / Grimey shooters dressed in G-Star »
« Des sales sauvages, c’est ce qu’on est / Des shooters sales habillés en G-Star »

Prison :

Lyrics-Bobby-Shmurda-Hot-Nigga

« Free Greezy though, let all of my dogs out »
« Libérez Greezy, libérez tous mes potes »

« Free Phantom though, let all of my dogs out »
« Libérez Phantom, libérez tous mes potes »

«That’s what got my daddy locked up in the dog pound »
« C’est pour cela que mon père est incarcéré en prison »

« Tell them niggas free Meeshie, hoe »
« Salope, dis leur de libérer Meeshie »

Lyrics-Bobby-Shmurda-Hot-Nigga

Et si vous vous demandez pourquoi cette chanson entre si facilement dans votre tête, peut-être est-ce parce que le rappeur utilise un procédé souvent employé par de grands orateurs appelé l’anaphore (rappelez-vous par exemple le texte de Martin Luther King où chaque phrase commençait par I have a dream ). Là où cela devient intéressant, c’est lorsque l’orateur est un rappeur et que son but est de faire rimer les fins de phrases entre elles. C’est ainsi que l’artiste double cet effet musical en mettant à la suite un mot (qui change à chaque phrase) et un autre qui ne varie pas avant la quatrième ou cinquième fois qu’il est usité, permettant donc d’augmenter l’effet sonore, par exemple :

And Chewy, I’m some hot nigga/
Like I talk to Shyste when I shot nigga/
Like you seen him twirl then he drop, nigga/
And we keep them nine mills on my block, nigga/

Et Chewy (surnom de Bobby Shmurda), j’suis grave chaud négro/
C’est comme si je parlais à Shyste quand je tire sur des négros/
C’est comme si tu les voyais pivoter avant de tomber, négro/
Et dans mon quartier on porte des 9mm, négro/

Shawty like the way that I ball out/
I be getting money ’til I fall out/
You talking cash, dog, I goes all out/
Shorty love the way that I floss out/
Free Greezy though, let all of my dogs out/

Bébé aime la façon dont je pèse/
Je vais gagner de l’argent jusqu’à ma chute/
Tu parles de d’oseille, de chiens, je pars en couille/
La petite aime ma façon de briller/
Libérez Greezy, libérez tous mes gars/

We gon’ pull up in that hooptie like we cops on ‘em/
With M16s, we gon’ put some shots on ‘em/
I send a little thot to send the drop on ‘em/
She gon’ call me up and I’mma sick the hots on ‘em/

On va faire foncer sur eux avec cette caisse de merde comme si on était des flics/
Avec des M16 on leur tirera dessus/
J’envoie une petite pute récolter des infos sur eux/
Elle m’appellera et j’enverrai des gars les terminer/

Tell them niggas free Meeshie, hoe/
Some way, free Greezy, hoe/
And tell my niggas, Shmurda teaming, hoe/
Mitch caught a body ‘bout a week ago, week ago/
Fuck with us and then we tweaking, hoe/
Run up on that nigga, get to squeezing, hoe/
Everybody catching bullet holes/
Niggas got me on my bully, yo/

Salope, dis leur de libérer Meeshie/
Salauds, d’une façon ou d’une autre libérez Greezy/
Salope, et dis à mes négros que Shmurda fait tout en équipe/
Mitch a buté quelqu’un il y a environ une semaine, une semaine/
Fais le fou avec nous et on te défoncera la gueule, salope/
On va attraper ce négro et lui tirer dessus/
Tout le monde finira avec des impacts de balles/
Yo, je suis en alerte à cause de ces négros/

En conclusion, si vous croyiez que le titre était simpliste en vérité il n’en est rien. En espérant aussi que vous compreniez pourquoi ces lyrics vous trottent autant dans la tête et que votre corps se démembre machinalement aux vibrations sonores de la production de Jahlil Beats.

Lyrics-Bobby-Shmurda-Hot-Nigga

En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 2004 à 2008 pour ce cinquième volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

2004 : J’aurais voulu être un artiste

Avant d’être perçu comme le génie artistique dépeint aujourd’hui dans la plupart des médias spécialisés, Kanye West a longtemps été sujet à de nombreux débats au sein de l’équipe Roc-A-Fella/Def Jam. Là où Yeezy bouillonne déjà à l’idée de devenir la prochaine star du rap de Def Jam, le label ne voit en lui qu’un simple producteur. Un domaine dans lequel il avait déjà fait ses preuves, étant notamment à créditer du hit de Jay-Z « Izzo (H.O.V.A) ». Sceptiques sur les qualités de rappeur de Kanye, le trio à la tête de Roc-A-Fella finit par donner sa chance au jeune chicagoan, qui leur rend de la plus belle des manières : son premier album, The College Dropout, reçoit 10 nominations aux Grammy Awards l’année suivante.

Kanye-West-Young

2005: Two ways out

Tout juste intronisé président du prestigieux label après le rachat définitif de Roc-A-Fella par celui-ci, Jay-Z se retrouve rapidement face à ses nouvelles responsabilités, devant assurer l’avenir d’un monstre de l’industrie pérenne depuis plus de 20 ans. Cela passe naturellement par la recherche et le développement de nouveaux talents, ce qui amène donc Jigga à se pencher sur les multiples démos reçues quotidiennement par le label. L’une d’elles retiendra tout particulièrement son attention. Celle d’une adolescente caribéenne, alors âgée d’à peine 17 ans répondant au doux nom de Robyn Rihanna Fenty. Sous le charme de la chanteuse barbadienne, il l’invitera jusqu’à New York pour lui faire passer des auditions durant lesquelles elle interprète 3 titres, parmi lesquels sont futur hit « Pon De Replay ». Il n’en faut pas plus pour que Hova scelle à double tour la porte de son bureau, refusant de laisser partir la jeune artiste : « Il y a deux moyens de sortir d’ici, soit par la porte après avoir signé ce contrat, soit par la fenêtre, et nous sommes au 29ème étage ».

Rihanna

2006 : 99 problems but a beef ain’t one.

Si les clashs font partie intégrante du rap, la lutte qui oppose au début des années 2000 les légendes new-yorkaises Nas et Jay-Z est l’une des plus emblématiques de l’histoire du genre. Fruit des aspirations de chacun des deux emcees au trône de NYC laissé vacant après le décès de Biggie, cette joute a poussé pendant 4 années les deux artistes à dépasser leurs limites artistiques, donnant naissance aux classiques que peuvent être « Takeover » ou « Ether ». Les relations tendues qu’entretiennent les deux hommes s’atténuent toutefois lorsque Nas apparaît à la surprise générale sur la scène du Madison Square Garden lors du concert de Jay-Z au nom pourtant équivoque, « I Declare War ». Un premier pas considérable qui aboutit finalement sur la signature de Nas chez un Def Jam présidé par son rival historique. La hache de guerre est alors définitivement enterrée.

Nas-and-JayZ-DefJam

2007 : Buy My Album

Un peu moins d’une décennie après la signature de Method Man, c’est une autre illustre figure du Wu-Tang Clan qui paraphe un contrat avec le label, Ghostface Killah. En effet, reprochant à Epic Records l’échec commercial de son album Bulletproof Wallets, Ghost s’imagine rencontrer chez Def Jam un succès similaire à celui de son compère. Hélas pour lui, le temps lui donnera tort, et ses premiers opus sortis sous la bannière de la fameuse maison de disques affichent des résultats de vente allant de « corrects » à « laborieux », en dépit de critiques pour le moins honorables. Une situation qui sera relativement mal vécue par Ghostface Killah, qui ira jusqu’à poster en 2007 sur son MySpace officiel une vidéo reprochant à ses fans de ne pas avoir suffisamment soutenu son album The Big Doe Rehab, privilégiant le téléchargement illégal à l’achat.

Ghostface-Killah-The-Big-Doe-Rehab

2008 : Mariah Carey Day

À force de façonner de toutes pièces des artistes inconnus du public en véritables rock stars, Def Jam a logiquement obtenu la crédibilité et la puissance nécessaire pour se permettre de signer des artistes ayant une forte notoriété. Ainsi, en parallèle de la signature du monument du rap Nas, c’est la grande Mariah Carey qui intègre le catalogue du groupe. Et c’est sous l’égide de Def Jam qu’elle s’inscrit un peu plus dans la légende, en signant en 2008 avec « Touch My Body » son 18ème single en tête des ventes, dépassant ainsi le record historique d’Elvis Presley. Une performance qui a visiblement mis en émoi Antonio Villaraigosa, alors maire de Los Angeles, qui proclame que le 15 avril (date de sortie de l’album E=MC2) serait dorénavant le « Mariah Carey Day ».

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Il y a maintenant deux ans que Disney a mis la main sur la société de production de George Lucas, Lucas Film, s’arrogeant par la même occasion tous les droits sur la saga. Depuis l’annonce de la sortie d’un septième volet, les rumeurs fusent sur le choix du producteur, des acteurs, ou même du titre de ce fameux épisode.

Finalement Star Wars VII, qui s’intitule The Force Awakens, sera réalisé par J.J. Abrams (Star Trek, Super 8, Lost, Alias) avec un consultant de luxe : George Lucas himself. L’épisode intègre dès le départ les acteurs phares de la série : Harrison Ford, Mark Hamill, Carrie Fisher, Peter Meyhew, Anthony Daniels et Kenny Baker qui reprendront leurs rôles respectifs à avoir dans l’ordre Han Solo, Luke Skywalker, Princesse Leia, Chewbacca, C-3PO et R2-D2. Du côté des nouveaux rôles, les fans découvrirons dans cet univers Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver (Girls), Andy Serkis (La Planète des Singes) mais aussi l’actrice oscarisée Lupita N’yongo.

Star-Wars-VII-Brainstorming

Le tournage s’est déroulé dans les studios hollywodiens de Pinewood, au coeur du désert d’Abu Dhabi et la forêt de Dean en Angleterre, une proposition variée. Alors que le tournage du film prenait fin au début de ce mois, un court trailer est déjà dévoilé. Des images d’ambiance sans grand intérêt. Mais c’était sans compter sur les fans invétérés qui scrutent le terrain et parcourent Internet à la recherche de quelques pistes. Si cerner le vrai du faux dans cet immense brouhaha s’avère encore difficile et prématuré, on peut tenter de faire ressortir les rumeurs qui semblent les plus probables, par leur occurrence à la lumière de ce très court trailer.

Le scénario se déroulerait 30 ans après la fin de l’épisode 6. Dark Vador est vaincu ce qui consacre Force et l’Alliance vainqueur d’une longue Guerre des Etoiles. La progéniture de Leia et Han Solo a grandi et ce dernier continue de parcourir l’univers avec Chewbacca, alors que Luke part en retraite, reclus dans une grotte. Dans cet épisode, une nouvelle génération de personnages entre en scène : Kira, interprétée par Daisy Ridley et une entité encore inconnue interprétée par l’acteur anglo-nigérien John Boyega. Originaire de Tatooine, ils auraient découvert le sabre laser de Luke. Tout deux se lancent alors dans la quête du Jedi jusque dans une grotte où selon plusieurs rumeurs, le fils de Dark Vador vacillerait presque du côté obscur de la Force. Dans cette grotte, ils rencontreraient aussi une marionnette, dont le visage serait animé par Lupita N’yongo. Autre hypothèse récurrente, le rôle du méchant pourrait être tenu par Adam Driver ou encore par Mark Hamil lui-même, qui suivrait alors jusqu’au bout, les traces laissées par son père.

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Mais tout ceci ne reste encore que supposition, et la communication virale lancée par Disney n’en est qu’à son point de départ. Les réactions des fans quant à elles, font rages qu’elle soient positives ou négatives. Si Oscar Isaac, l’un des acteurs de la nouvelle génération, en fan de Star Wars avoue ne pas vouloir de suite à la saga, l’interprète originel de C-3PO est formel :

« No movie sequel is better than The Empire Strikes Back. » You might eat those words for Xmas dinner in 2015. Joy & Indigestion to the world!

— Anthony Daniels (@ADaniels3PO) 3 Novembre 2014

« Aucune suite n’est meilleur que L’Empire contre-Attaque. » Vous pourrez ravaler ces mots pour le repas de Noël 2015. « 

Si l’on vous dit « Con los terroristas… », vous répondez ? « Harlem Shake » évidemment. Le tube du DJ américain Baauer a engendré en février 2013 un véritable meme internet où le principe était de se filmer en gigotant sur « Harlem Shake » pendant quelques secondes, mais ce titre a surtout permis de faire connaître la trap music à une large échelle mondiale. La musique dite mainstream a toujours su récupérer d’autres genres musicaux, les édulcorer en enlevant les parties trop rugueuses, pour les transformer en quelque chose de digeste et les servir à la masse. Mais avant d’arriver sous le feu des projecteurs de la culture populaire, la trap music a connu bien des histoires, en quittant pas à pas la ville qui l’a vue naître avant même de pouvoir la nommer : Atlanta (Géorgie, Etats-Unis).

ORIGINES : DIRTY SOUTH ET DROGUES A GOGO


Une partie de l’ADN de la trap music va puiser dans les ressources du hip-hop et du Miami Bass de la fin des 80’s et début des 90’s, qui utilisent énormément le son classique de la boîte à rythmes de Roland : la TR-808. Mais avant même de devenir le genre musical que l’on connaît, dérivé du hip-hop, « trap » a une toute autre signification. Un mot de vocabulaire comptant déjà parmi les sales gosses Sud-Américains, « trap » est le terme utilisé pour désigner les zones où se pratiquaient les trafics de drogue à Atlanta : les dealers, arpentant les rues de la ville, s’occupaient de livrer leurs marchandises par le biais de petites trappes d’aérations dissimulées au niveau des trottoirs. Ce n’est que quelques années plus tard, que l’on emploie le mot pour décrire la musique issue de ces endroits peu fréquentables du Dirty South. Dès ses prémices, le genre musical se veut facilement identifiable avec pour caractéristiques : une sub-basse proéminente, des boucles de synthétiseur et un rythme puissant, similaire à celui d’une grosse caisse, tout droit sorti de la mythique TR-808 de Roland. Niveau lyrics, des artistes tels que Three 6 Mafia, considérés comme les pionniers du genre, abordent les mêmes thèmes que dans le rap.

Three_6_Mafia

PREMIÈRE VAGUE : PREMIÈRE APPARITION DANS LE HIP-HOP


Le trafic de drogues, la pauvreté, la violence, la lutte pour arriver au succès… Il n’est pas facile de vivre dans le « trap » au quotidien. Les rappeurs comme T.I., Young Jeezy et Gucci Mane, tous originaires du Sud des États-Unis, ont largement contribué à la popularisation de la trap music et ont créé ses bases au début des années 2000. Tandis que T.I. sort son deuxième opus Trap Musik en 2003, les albums Let’s Get It: Thug Motivation 101 de Young Jeezy ainsi que Trap House de Gucci Mane vont suivre le mouvement deux ans plus tard. C’est la première vague qui fera connaître la trap à un public averti et qui permettra de démocratiser le genre à l’intérieur du hip-hop. D’ailleurs Young Jeezy se fait rapidement entendre et exprime le souhait de ne plus être défini comme un rappeur mais comme un trappeur, terme qui pour lui est plus authentique dans sa démarche de décrire ce qui se passe dans la rue. Le son trap continue « tranquillement » à se développer chez les rappeurs, à coup de grosses chaînes en or, de grosses voix, de beats de plus en plus costauds, jusqu’à l’arrivée des années 2010.

DEUXIÈME VAGUE : MUTATIONS ET RÉCUPÉRATION MAINSTREAM


Une seconde vague surgit au début des années 2010 avec un producteur en tête : Lex Luger. Il produit plusieurs dizaines de titres (260 entre 2010 et 2011) dont un certain nombre rencontre un franc succès tels que « H•A•M » pour Kanye West et Jay-Z, « Hard in da Paint » pour Waka Flocka Flame ou encore « MC Hammer » pour Rick Ross. C’est l’ère de la trap music moderne. Si l’on peut retenir un tube contemporain regroupant les éléments du trap « originel » au cœur d’un hip-hop aux sonorités renouvelés cela serait « Mercy » de Kanye West ou bien « Birthday Song » de 2 Chainz. Ces morceaux représentent parfaitement le nouvel esthétisme de la trap music : toujours minimaliste, avec une dimension club nouvelle, munie de boucles de synthé agressives et hypnotiques, avec une facette sombre.

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Des artistes issus des musiques électroniques participent également à son évolution : Diplo, Baauer, Flosstradamus, TNGHT, tous amènent une nouvelle dimension au genre en intégrant des segments électroniques et vice versa dans leurs tracks. En appropriant ces éléments à leur musique, les DJs séduisent et captent l’intérêt de leurs fans, ils amènent ces derniers à une initiation indirecte à la trap music. Entre temps le dubstep est passé par là et fait de nombreux ravages, notamment Skrillex. L’apparition de « nouveaux » genre dans ces musiques électroniques est la bienvenue.

Les popstars, en pleine overdose d’EDM, veulent elles aussi leur part du gâteau. Et le trap qui a déjà mis un pied dans les musiques mainstream ne compte pas s’arrêter, étant donné que sa nouveauté intrigue les masses et que le genre fait désormais partie de la culture populaire avec l’épisode du « Harlem Shake ». Après que le milieu electro ait adopté ce son particulier, plusieurs chanteuses vont chercher à renouveler leur répertoire musical par ce nouveau biais artistique. Comme Britney Spears a vulgarisé en premier le dubstep dans la pop avec « Hold It Against Me », des popstars comme J-Lo, Rihanna, Grimes vont récupérer le trap pour faire des expériences – plus ou moins réussies – avec leur musique pop. Cela donne une chanson sans âme comme « Booty » pour Jennifer Lopez et Iggy Azalea, ou une cacophonie magistrale pour Lady Gaga avec « Jewels n’ Drugs », avec T.I., Too Short et Twista, mais aussi des tubes planétaires comme « Pour It Up » pour Rihanna et surtout « Dark Horse » pour Katy Perry, accompagnée de Juicy J initialement de Three 6 Mafia, qui a vendu plus de 8 millions du single. Cette dernière a d’ailleurs révélé dans une récente interview qu’elle souhaitait plus de trap dans son prochain album… Quelle surprise.

 

À PRÉVOIR : UNE EXPLOSION DE LA TRAP EN 2015 ?


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Si le temps de Trap Musik semble très loin, cette récupération et mutation actuelle dans le mainstream ne semble pas forcément être une mauvaise chose. Tout dépend de l’artiste qui tient les rênes d’un morceau et de sa production, comme dans chaque type de musique en somme. En 2014, tout le monde a entendu de la trap au moins une fois, même sans savoir ce qu’elle est vraiment. Elle est devenue un phénomène, une tendance, sans doute de passage dans le mainstream, mais tout de même incontournable. Ayant déjà atteint des sommets dans les clubs les plus branchés des capitales, le genre est parti de la rue pour passer par l’oreille attentive de spécialistes et amateurs de hip-hop, puis finalement retourne à la rue, mais aux yeux de tous cette fois. Avec l’arrivée imminente du nouvel album de Rihanna, on peut facilement imaginer retrouver les intonations trap dans ses nouveaux titres, tout comme son armada de producteurs en avait saupoudré sur Unapologetic. Mais finalement, le genre n’est pas encore totalement usé et ne s’est pas encore assez implanté et propagé dans la pop à l’inverse du dubstep il y a trois ans. On peut donc prévoir une explosion dans les mois à venir, et quand le mainstream se lassera du genre, comme beaucoup d’autres avant lui il en trouvera un nouveau pour qui s’amouracher et vivre une passion intense de quelques mois, jusqu’à la rupture inévitable. Et ainsi de suite tant que la musique existera…

C’est outre-Rhin que Lary exprime pour le moment son talent. On la repère, il y a quelques mois avec la sortie de son album #FutureDeutscheWelle qui lui vaudra un véritable succès en Allemagne. Littéralement traduit par la « future vague allemande », cet album fait d’elle la figure de proue germanique d’un courant Neo Soul moderne. Sa signature ? Des mélodies suaves et chaudes transposées en images autour d’un road trip dans le désert californien. Au-delà de la barrière de la langue sa musique est universelle et mérite d’être découverte.

Est-ce que tu peux te présenter ?

Salut. Je suis Lary !

Comment as-tu commencé la musique ?

Je ne suis pas sûre. J’ai toujours aimé écrire et il s’est avéré que je pouvais chanter, alors je m’y suis mise par le biais de mes écrits.

Comment tu décrirais ta musique ?

Un pote m’a dit l’autre jour que j’était une poétesse sexuelle, je dirais que ma musique est en quelque sorte de la mélancolie sur laquelle on peut danser.

Tu as sorti l’album #FutureDeutscheWelle. Quel était a été le processus créatif ?

Pour faire cet album, le processus a été assez libre. J’ai travaillé avec deux producteurs du collectif Beatgees, basé à Berlin. J’ai commencé par débarquer en disant : « J’ai cette idée, est-ce qu’on peut travailler sur un beat ? » C’est arrivé plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il devienne évident qu’on était en train de travailler sur un album. La méthode est restée la même : on se rejoignait et on commençait chaque chanson ensemble, à partir de rien. J’écrivais dans le studio pendant que Phil ou Hannes travaillait sur la musique, pour que tout s’assemble assez naturellement. J’avais une vision musicale assez puissante du son et de l’esprit de l’album et on a travaillé ensemble jusqu’à ce que tout soit aligné et que l’on puisse prendre un point de départ pour ajouter chacun quelque chose. Tout le processus était naturel et libre, on a essayé de rester aussi authentique que possible… Comme, si Lary était une chanson, comment sonnerait-elle ?

Quel est le message derrière l’album ?

Je n’ai pas vraiment essayé d’envoyer un message, mais de donner du sens à mon propre univers, mes émotions et mes pensées. Si ça parle aux gens, alors c’est génial, mais ce n’était pas intentionnel. J’imagine que le message est le médium mais ça se résume probablement à ça : laissez-vous aller si vous voulez vous trouver vous-même.

Tu as aussi tourné deux vidéos en Californie. Comment ça c’est passé ?

C’était définitivement intense, on a travaillé sans script. Nous avons tout simplement suivi le flow et l’énergie. J’ai bossé avec mes amis, Joey Elgersma et Stephen Wever, qui se trouvent être une équipe impressionnante en terme de réalisation et de direction artistique, ainsi que Paul Wair qui saisit toujours le moment parfait avec sa caméra. Toutes les personnes engagées étaient des amis et des membres de mon crew berlinois. On était donc quatre amis créatifs dans un roadtrip sans budget, ni équipe, pas de script ou d’acteurs formés et on n’avait aucun permis pour faire ce qu’on a fait. On essayait juste de tourner quelque chose de cool et de s’amuser en le faisant. À la fin, c’était une grande aventure avec une caméra qui film 24h/24h et 7 jours 7. C’était très authentique.

Tu as eu pas mal de succès en Allemagne avec cet album. Est-ce que tu penses poursuivre ta carrière en dehors de ces frontières ?

Tout de suite, je me concentre sur ce qu’il se passe maintenant. J’ai tout juste commencé et il y a tellement plus à faire, à voir, à expérimenter et à conquérir. Je vais sûrement tenter de voir jusqu’où je peux aller avec les Allemands, et peut-être essayer de brûler quelques frontières. Dans le même temps j’écris aussi en Anglais de temps en temps et je trouve lentement ma voix et mon son dans une langue différente. Mais il n’y a pas de pression, il se passera ce qu’il se passera.

Tout le monde a envie d’être à Berlin en ce moment. Comment tu l’expliques ?

Il n’y a pas vraiment de hustle. Tu peux te permettre de vivre, ressentir, expérimenter sans être complètement fauché tout le temps. Le manque d’activité et de dynamisme est la meilleure et la pire chose en ce qui concerne Berlin. Ce que j’apprécie personnellement le plus, c’est que tout le monde se fout de savoir qui tu es et qui tu connais. Berlin est très authentique de ce point de vue là.

Quels sont tes prochains projets ?

Je pars en tournée, je suis assez excitée. Et j’ai commencé à travailler sur de nouvelles choses juste après. J’ai envie de monter d’un cran.

Pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore, quels sont les trois morceaux qu’ils doivent absolument écouter ?

« Sirenen »« System »« Revolver »

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Lary Pic

Depuis l’un de leur seul titre en commun, « Pucc Fiction » en 1997 avec l’écurie Time Bomb, Booba et Oxmo ont assumé leurs choix artistiques dans des directions totalement différentes : l’importation de l’Amérique sous stéroïdes pour l’un, l’appropriation et le détournement de l’héritage culturel classique bleu-blanc-rouge pour l’autre. Souvent à contre-courant, voire à l’avant-garde d’un rap français trop mimétique, ils sont devenus des personnages atypiques et cohérents, qui s’assument entièrement en près de vingt ans de carrière. À la manière d’un polar, on s’est permis de vous conter leurs trajectoires croisées dans une saga où deux poètes gangsters, Elie et Abdoulaye, prennent d’assaut la musique française.

PARTIE I  | PARTIE II | PARTIE III

Les-X-Men-Jeunes-Coupables-et-libres-album

Partie I : Echauffement de charisme / Faire flipper la firme

 

« Pucc Fiction », leur unique gros coup commun dans le Time Bomb Clan

Au cœur des années 90, le milieu est tenu par les ténors pionniers de Saint-Denis, dont la suprématie nationale est souvent contestée par la planète Mars. A côté, une bande de Sarcelles, pilotée par cette tête brulée de Kenzy, effraie le pays en appelant au sacrifice du poulet. Dans ce contexte, un jeune gang, qui à l’origine était l’assemblage hétéroclite d’une équipe d’un seul coup, détonne dans le milieu avec une myriade de personnalités aussi diverses que talentueuses. Ce gang indépendant, nommé Time Bomb, propose un univers terre-à-terre tout en voulant “faire danser le rap français”. Dans l’ombre des têtes de gondole que sont les X-Men, trio prometteur de Menilmontant qui se paye un nom avec leur Retour aux Pyramides et leur plan avec ces nababs du sud bien établis que sont IAM, Abdoulaye et Elie affûtent leurs canines en guettant la bonne fenêtre de tir.

Si le premier, originaire du quartier du Danube dans le XIXe, est d’une froideur distante au phrasé chirurgical qui communique une névrose perfectionniste, le second, gamin prodige de Boulogne-Billancourt au grain de voix rocailleux, sent déjà le souffre. À ce moment, Elie opère sous la bannière de Lunatic, groupe qu’il forme avec son compère Ali. Le duo est alors fraîchement arrivé chez Time Bomb en provenance de Beat de Boul, où une embrouille interne avec l’artificier-en-chef local Zoxea précipite leur transfuge. Finalement quelques mois après leur rencontre, les deux prodiges enregistrent leur premier et seul gros coup en commun. Nous sommes en 1997 et l’opération “Pucc Fiction” planifiée par Dj Mars – l’un des co-fondateurs de Time Bomb – est un triomphe. La rafale musicale sur fond de narco-trafic fait mouche au sein du plan L-432 – un projet qui marque encore les esprits pour son portfolio dense de franc-tireurs dont les flows mitraillent les mesures liberticides et arbitraires de l’appareil d’Etat.

Rétrospectivement, Pucc Fiction les propulse loin, jusqu’à atteindre un point de non-retour : tandis qu’Abdoulaye assoit sa crédibilité au milieu d’autres tauliers du micro présents sur le projet comme Casey, Ärsenik ou encore Expression Direkt, Elie démontre déjà qu’il peut faire oublier Ali, pourtant présent dans l’opération pour backer la lead d’Abdoulaye au refrain.

 

Oxmo-Booba-Pucc-Fiction

 

 

Si l’on se focalise bien sur cette unique virée commune à hauts risques où, “parés au top”, ils déversent de manière décomplexée leurs ambitions et leurs talents sans limites, leur complémentarité va mettre en exergue des modes opératoires bien distincts. Abdoulaye est un débrouillard cérébral qui n’a pas peur de tester plusieurs types d’armes pour se constituer un large éventail de ressources à long-terme, que ce soit pour attaquer, se défendre, ou rebondir, il les teste, les reteste, encaisse s’il le faut, et repart au charbon. Elie est davantage instinctif : il arrive, observe vite, anticipe pour mieux surprendre. Il frappe fort avec une bonne punchline là où ça fait mal pour mettre rapidement K.O. et marquer les esprits pendant longtemps. Sur un ring de boxe, Abdoulaye est un Muhammad Ali tandis qu’Elie serait évidemment Mike Tyson. Dans le jeu de séduction avec une demoiselle, les deux mènent la danse, seulement le premier utiliserait davantage son bagou et sa prose travaillée, alors que le second, qui n’a pas le temps pour les regrets, la jouerait cash avec ses pectoraux tatoués.

 

Premiers magots et velléités de départ

 

La complémentarité affichée dans « Pucc Fiction » a révélé au grand jour les visions totalement opposées entre Abdoulaye l’endurant et Elie le puncheur, et cela va se ressentir immédiatement lorsqu’il s’agira de passer un palier.

Avec les bénéfices de son coup estampillé “Black Mafia”, Abdoulaye décide d’investir à long-terme et sans calcul dans de la pierre, celle du patrimoine culturel français, avec ce risque d’un taux de rendement interne variable, pour ne pas dire faible. En 1998, la valeur sûre du milieu reste la street-credibility version baggy et du-rag, posture importée de New York qui voit son public exploser en France, d’autant plus que depuis deux ans, l’arrivée en fanfare du puissant distributeur Skyrock autoproclamé “PREMIER SUR LE RAP” est en train de changer les règles du jeu. Mais Abdoulaye, qui semble déjà s’en foutre royalement, avait annoncé la couleur dans « Pucc Fiction » avec un cinglant “Je finirai pas comme Scarface percé de partout, blaze dans la coke et criant “Fuck you motherfucker ”. C’est pourtant la direction dans laquelle Elie va prendre de façon unilatérale, son attrait pour l’argent et la réussite décomplexée étant assumé dans “Le Crime Paie”, premier coup d’éclat avec Ali, qui fout au passage une belle droite cynique aux discours engagés des anciens.

Pour son premier gros casse, Abdoulaye reste fidèle au Time Bomb Clan, avec lequel il sort l’Opéra Puccino, affichant son ambition froide d’un “Black Jacques Brel King de Paris” qui veut faire de l’héritage culturel français sa chose. Elie, personnalité clivante incompatible aux seconds rôles, largue les amarres avec Ali pour fonder et diriger son propre clan, le 45 Scientific, aux côtés de leurs armuriers personnels que sont Geraldo et Animalsons. Et si Lunatic exécute son premier gros coup – intitulé Mauvais Oeil – deux ans après Opéra Puccino, le succès sera aussi violent qu’immédiat pour les jeunes fougueux des Hauts-de-Seine. Bien que boudé par Skyrock, ce fameux distributeur au monopole national, avec lequel Elie cultivera toujours une relation des plus tumulteuses, Mauvais Oeil devient le projet indépendant converti en disque d’Or, et ce en vingt-cinq mois, soit quatre ans avant le premier chef-d’œuvre d’Abdoulaye.

 

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Mais ces premiers succès laissent place à des lendemains moins heureux. Pendant qu’Opéra Puccino acquiert lentement mais surement ses lettres de noblesses aux yeux de la France, Abdoulaye tâtonne, ses projets labélisés Time Bomb sont moins percutants, et il connait un premier échec commercial avec son deuxième coup, l’Amour est mort.  La mélancolie ne séduit plus, et au sein du collectif qui l’a propulsé, la magie des premiers jours n’est plus là. L’enfant du XIXe arrondissement hésite de plus en plus à quitter sa famille d’origine, elle qui reste un accident heureux du rap français devenu ce bateau ivre qui n’a pas réussi à convertir ses belles promesses. De son côté, Elie, avec ses dents qui rayent le bitume, en veut toujours plus. Lui l’ambitieux obnubilé par l’oseille, voit sa complémentarité avec Ali l’intègre spirituel, se transformer en divergences de vision de plus en plus insurmontables.

Alors que de nombreuses carrières attendent le bon deal, le bon fournisseur, le bon distributeur ou la bonne demande au bon moment, lui veut forcer son destin seul. Conforté par son Temps Mort, échappée solitaire qu’il entreprend en 2002 et dans laquelle il s’affiche au grand public, Booba consume sa rupture avec Ali et son propre clan 45 Scientific, pour aller se poser ses fesses d’ourson, désormais libres de toute attache, sur les collines de Tallac.

 

PARTIE I  | PARTIE II | PARTIE III

Co-écrit avec Manouté (collectif Noise)

Malgré la centaine de personnes mobilisées pour mettre en œuvre les trois mois de YARD SUMMER CLUB, Loom reste certainement le visage le plus connu du public. Premier contact d’un lieu de fête, le physionomiste – ou physio – est chargé de laisser passer les (bons) fêtards, de les protéger et devient le garant de l’esprit de la clientèle qui doit coïncider à celle recherchée par les organisateurs. En définitif, une mission indispensable et difficile qui incombe à celui qui l’occupe. Comme le disait l’oncle de Peter Parker, « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », on a donc laissé à Loom le soin de nous présenter son aventure.

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Comment définirais-tu ton style en tant que physio ?

Je suis humain et cool. Je ne suis pas le genre de mec qui se déguise en fait. Tu vois, beaucoup de physios changent et s’habillent d’une certaine manière, ils jouent un rôle et en font trop. Cette catégorie finit toujours à un moment par se cacher derrière le videur.
Les soirées YARD sont des soirées hip-hop ouvertes à tous, pas seulement pour les « blacks », les hipsters ou telle et telle clientèle. On voulait vraiment qu’il y’ait un melting-pot, donc j’ai bossé de cette manière.

Qu’est-ce qu’il te pousse à dire non à certains et oui à d’autres ?

L’état d’esprit des personnes. C’est difficile de jauger, mais quand t’es bon tu sais le faire. À force de travailler dans différents endroits, tu commences à voir les mêmes choses, c’est souvent répétitif. Être physionomiste, c’est se souvenir des visages mais aussi déceler dans le regard et dans l’attitude le mec cool. Je cherche avant tout le bon esprit, la bonne énergie mais pas spécifiquement des gars qui ont de l’argent ou qui sont ultra-lookés. Donc celui qui est dans un mauvais délire, je le capte et c’est non.

Arrives-tu à déceler la dangerosité d’une personne car ton travail est aussi d’assurer la sécurité de tout le monde ?

Clairement. C’est la particularité de notre métier, c’est la où nous devons être compétents et vigilants car l’ambiance qui va régner dépend de nous. Il suffit d’un branleur, d’un fouteur de merde et c’est foutu. Quand tu fais des soirées à quatre mille personnes, tu as peu de marge d’erreur. C’est pour ça que tu as une équipe de sécurité à l’intérieur pour gérer ces situations.

Est-ce que tu comprends la frustration des personnes refoulées ?

Tout à fait. Tu sais, je dis souvent à mes gars : « Mets-toi dans la tête que tu as été client et que tu l’es encore. » Et quand tu es amené à dire non, il faut essayer de le faire avec le plus de précaution possible.
Les gens viennent pour s’amuser dans un endroit où la musique jouée représente leur culture, mais parfois on les refuse. C’est dur ! Je suis humain, j’ai un cœur comme tout le monde et ça ne me fait jamais plaisir de dire non. Excepté aux branleurs qui me sortent une American Express noire et une Gold lorsque je lui demande s’il est accompagné. Ah ouais ? Alors prends tes deux copines et va voir ailleurs!

Justement quelles sont les phrases les plus insolites que tu aies entendu ?

À part celle-là, un mec m’a dit en arrivant vers moi, « Bonsoir, ça ne va pas être possible », puis il continue en me répétant : « Non ça ne va pas être possible. » Moi je suis bon joueur, et même si le mec n’a pas le look, le fait qu’il m’ait fait une blague drôle me pousse à le laisser entrer.
Les gars à l’entrée deviennent créatifs. Un jour quelqu’un vient me voir à l’entrée et m’interpelle : « Bonsoir, on est les cousins de Loum et il nous a dit qu’on pouvait venir – Mais vous êtes quel genre de cousins, parce que je le connais bien Loum ? –Nos mères sont sœurs c’est tout – Les gars vous avez entendu ? C’est des cousins de Loum ! Mais c’est bizarre car Loum, c’est moi ! » Ces mecs-là, je ne les ai pas laissés entrer par contre. C’était trop, tu parles de la famille quoi ! Mais cette phase nous a fait rire toute la soirée.
Un jour un mec arrive en Ferrari, me passe les clés en me disant : « Va me la garer ! » Je lui ai répondu : « Je ne vais pas la garer, je vais la garder en fait. »

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Quand quelqu’un te propose de l’argent pour entrer, comment tu réagis ?

Les premières fois où l’on m’a fait ce genre de propositions, ça m’a fait réfléchir. Je me dis que si je prends l’argent, ça signifie que je suis un vendu. J’ai de l’égo, de la fierté et puis ce n’est pas juste pour les mecs qui me paient et qui m’ont engagé. Les gens de chez YARD, ce sont des potes avant d’être des gars avec qui je bosse. C’est une relation de confiance, c’est comme si je volais mes potes. Et la deuxième chose, c’est que si tu acceptes et que la personne que tu as laissé entrer fout le bordel et te balance, tu es définitivement cramé et décrédibilisé. Parfois, ça peut aller jusqu’à 500€ mais personne ne me mettra un prix sur la tête.

La première soirée a été particulièrement agitée à différents niveaux avec la release party de l’album de Joke. Comment l’as-tu vécu personnellement ?

C’est la première fois que j’ai vu autant de monde se présenter devant une boîte. À l’intérieur c’était noir de monde, il devait y avoir deux mille cinq cent personnes ; et dehors, la queue allait jusqu’à la gare d’Austerlitz. Surréaliste ! J’avais un sentiment de fierté car quelque part tu te dis que tu as fait du chemin depuis les petits bars. Après vient une impression de peur, car si tout le monde décide de rentrer, personne ne pourra les empêcher. Là tu commences à flipper et plein de choses rentrent dans ta tête.

Dans ton expérience de physio à Paris, as-tu connu d’autres événements comparables à celui-là ?

Pour moi, c’est la plus grosse soirée hip-hop de France, voire d’Europe. Je n’ai jamais eu a géré ça car même au Zénith, lors de concerts, tu as beaucoup de monde mais c’est différent car c’est une configuration simple pas comme celle du clubbing. Je n’ai jamais vu ça, je pense même que je peux rentrer dans le livre Guinness des records en étant le mec qui a recalé le plus de monde en une soirée.

Es-tu déjà allé trop loin dans ta manière de recaler ?

Ça m’est arrivé au début de carrière, mais plus maintenant. Comme je le dis souvent, il ne faut jamais s’habituer à une porte. Puis quand tu montes une échelle, fais bien gaffe à dire bonjour à tous les étages car un jour tu vas la redescendre. Et quand ce sera le cas, tu reverras les mêmes personnes et elles ne t’oublieront pas.
Quand tu tiens une porte à la mode, beaucoup veulent être ton ami, mais c’est souvent de l’hypocrisie, parce qu’ils savent que t’as du pouvoir. Le jour où tu n’as plus de porte, fais gaffe, tu peux vite te retrouver seul. Donc c’est essentiel de respecter tout le monde et de ne jamais avoir de sentiment de supériorité.

Quel est le truc le plus fou que tu aies vécu dans la YARD SUMMER CLUB ?

Il y en a eu plusieurs. Mais quand tu rentres à l’intérieur et que tu vois deux mille personnes danser, c’est fou. La release party de Joke et la CLOSING BLOCK PARTY avec tous les rappeurs, c’était du délire. Voilà, c’est plein de bons moments.
J’ai vraiment senti que les gens attendaient cette soirée tous les mardis, c’est devenu l’incontournable de l’été. Ce fut vraiment une expérience de fou. Je suis content parce que j’ai fait l’entrée d’un lieu qui prenait quatre mille personnes. La soirée avait lieu qu’un jour dans la semaine, mais j’en mettais deux ou trois à m’en remettre à chaque fois. Mais ce fut mortel, un pur délire ! Merci !

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ONE YEAR ONE SHOE CONVERSE PRO LEATHER 1976

 

106 ans. Avec plus d’un centenaire sur le compteur, Converse est certainement la marque de chaussures de sport la plus ancienne. Un siècle d’histoire qui débute en 1908 quand un manager d’une manufacture de chaussures d’une trentaine d’années, Marquis Mills Converse, décide de lancer sa propre société, Converse Rubber Shoe Company, qui comme son nom l’indique, est spécialisée dans des modèles aux semelles en gomme avant de se consacrer à la tennis. La compagnie connaît un développement honorable pendant quelques années, avant de prendre un véritable tournant en 1917, lorsque la All-Star voit le jour.

 

La petite annecodote veut que la célèbre paire de basket prenne le nom de Chuck Taylor en 1932, après que le joueur professionnel du même nom se soit plaint de douleurs aux pieds auprès de la compagnie après avoir porté cette paire. Plutôt que de lui offrir une quelconque réparation financière, Converse l’engage en tant qu’ambassadeur. Une mission qui l’envoie au quatre coins des Etats-Unis pour promouvoir la All-Star. Une mission largement remplie puisqu’il contribuera au succès massif de la chaussure, le sportif sera récompensé de la plus belle des façons, par le rajout de son nom sur le logo. Une rétribution à l’époque qui prend la forme d’un hommage quasi éternel étant donné la longévité de la paire et de la marque emblématique qui a traversé les époques et les modes pour faire d’elle la chaussure la plus vendue de l’histoire.

 

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One Star, All-Star, Jack Purcell, Weapon… les modèles stars de la marque sont nombreux ; si la Chuck Taylor est historiquement la première paire à être véritablement introduite dans le monde du basket, la Pro Leather est celle qui amènera un facteur esthétique dans la ligue. Bénéficiant d’un aspect simple et propre, elle fait toute la différence grâce à son revêtement en cuir à une époque où le tissu est encore de mise sur la plupart des modèles en vigueur sur les parquets. Un modèle qui en inspirera beaucoup d’autres dans le futur comme la Pro Model (1983) du concurrent Adidas, qui ressemble à s’y méprendre aux traits de la Pro Leather.

 

« It’s flattering that the Converse Pro Leather shoe, one that has preceded so many other signature shoes, is so widely recognized as the ‘Dr. J’. I have so many memories wearing this shoe and am honored that it has stood the test of time and continues to live on. » (« C’est flatteur que la Converse Pro Leather, un modèle qui a inspiré bon nombre d’autres chaussures de joueurs, soit reconnue comme les « Dr.J » J’ai tellement de souvenirs avec ses paires et je suis honoré qu’elles aient résisté à l’épreuve du temps et qu’elles continuent à vivre encore aujourd’hui » ). Ces mots sont ceux de Julius Erving, aussi connu sous le nom de Dr. J, l’un des plus grands joueurs que la NBA ait connu à ce jour. Une quarantaine d’années après Chuck Taylor, c’est lui qui trainera son talent et sa classe sur les parquets, avec un modèle à son nom aux pieds. C’est sans doute le statut de celui-ci qui popularisera la chaussure en dehors des parquets et en fait la paire la plus prisée dans les playgrounds new-yorkais au début des années 80. Dr.J jouera la plus grande partie de sa carrière avec des Converse Pro Leather, avec lesquelles il remportera la seule bague de champion NBA de sa carrière en 1983, sous le maillot des Philadelphia Sixers.

 

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5 dates en 1976

21 janvier : L’avion supersonique français Concorde effectue ses deux premiers vols.

3 avril : Première cérémonie des Césars au Palais des Congrès

12 mai : Les verts s’inclinent face au Bayern en finale de Coupe des Champions

9 septembre : Mort de Mao Tsé-Toung à l’âge de 82 ans

9 décembre : Naissance du rappeur Booba

 

Le laboratoire musicale de YARD, est un rendez-vous hebdomadaire, un lieu d’expérimentation musicale, où nous invitons différents artistes à se lâcher totalement.
DJ, producteurs, compositeurs et beatmakeurs, s’y retrouvent sous différentes expériences.

Pour se premier rendez-vous, nous invitons Hologram Lo’, beatmaker parisien membre du groupe 1995. L’artiste oeuvre aussi en solo avec des membres du collectif l’Entourage, mais aussi Fixpen Sill, Georgio, Lomepal ou encore Caballero.

En solo, il a sorti deux projets: 925 en 2012 et Deeplodocus en octobre 2014.
> soundcloud.com/hologramlo

Le YARD LAB se déclinera bientôt au-delà des mix hebdomadaire, dans des évènements livestreamé. Plus d’infos arrivent bientôt.

www.soundcloud.com/oneyard
www.youtube.com/oneyardchannel

En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 1999 à 2003 pour ce quatrième volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

1999: L’ère Island Def Jam Music Group

Après une décennie sinueuse faite de hauts et de bas, le faste de l’année 1998 a eu comme principal effet de remettre le label sur les bons rails. Alors même que Russell Simmons et surtout Lyor Cohen luttaient quelques temps auparavant pour s’assurer de conserver leur poste, ceux-ci font fortune lorsqu’ils cèdent en avril 1999 leurs parts restantes de Def Jam à Universal pour la somme colossale de 135 millions de dollars. Un deal qui donne également lieu à une fusion entre Def Jam & Island Records devenus désormais The Island Def Jam Music Group, dont Lyor Cohen est intronisé CEO.

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2000 : Le sud le fait mieux

Au fur et à mesure des années, le son du sud des États-Unis réussit à se faire une place de choix sur la carte du rap, étalant peu à peu son ampleur à travers les multiples courants qu’ont été le crunk – à la fin des années 90 – ou la trap, qui s’est démocratisée au point d’être aujourd’hui adoptée par une grande partie de la nouvelle scène montante. En précurseur, Def Jam avait prévenu son expansion, avec l’œil avisé de Scarface, qui suggéra à Lyor Cohen de monter dans cette région une structure similaire à celle qui avait été mise en place sur la côte Ouest quelques années auparavant. C’est naturellement ce même Scarface qui est placé à la tête de la filière Def Jam South, dont les principales signatures ne sont nul autre que Ludacris et Young Jeezy, qui continuent de faire les beaux jours du label.

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2001 : Des racines américaines aux branches internationales

Il aura fallu attendre l’année 2012 pour voir finalement Def Jam s’implanter sur le sol français, engrangeant dès son arrivée les signatures de quelques poids lourd de la discipline en France, à l’image d’IAM, ou de jeunes pousses pleines de promesses telles que Joke. Mais bien avant de débarquer sur notre beau pays, c’était l’Allemagne que Lyor Cohen avait choisi pour créer, en 2001, la première filière internationale du label avec Def Jam Germany. Une première aventure outre-Atlantique qui est immédiatement suivie par une implantation sur l’autre grand pôle consommateur de hip-hop : le Japon.

2002 : Ashanti vs Tweet

Nous sommes en 2002, et Ashanti, la dernière perle issue de l’écurie Def Jam, voit son single « Foolish » se retrouver au coude à coude avec « Oops (Oh My) » de la chanteuse Tweet, signée chez Elektra Records. Def Jam recevant des coups de fil de Sylvia Rhone – la patronne d’Elektra – les dissuadant de sortir l’album de la jeune chanteuse simultanément que celui de sa concurrente, sous peine de subir l’humiliation d’un échec commercial, Lyor Cohen y trouve au contraire une motivation supplémentaire. Souhaitant terrasser sa rivale d’un jour, le patron de Def Jam réuni et motive l’ensemble de ses troupes, annonçant clairement la couleur : « Si je vois Ashanti en dessous de Tweet, vous êtes tous virés ». Des mots forts qui ne seront pas tombés dans l’oreille de sourds, au regard des ventes du premier album éponyme de l’artiste, qui s’élèvent à 500 000 exemplaires, un record historique pour une nouvelle artiste féminine.

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2003 : No Vanity

Si l’on dit que les histoires d’amour finissent mal, Def Jam demeure l’exception qui confirme la règle. En effet, qu’il s’agisse de Rick Rubin, premier à avoir quitté le navire en 1988, de Russell Simmons, qui s’est éloigné dans l’intérêt du label, tout les départs se sont déroulés sans turbulences notables. De ce fait, les dirigeants continuent à entretenir de bonnes relations entre eux, là où les ruptures ont souvent tendance à se faire dans la douleur, qui plus est dans l’industrie musicale. C’est assurément ce qui permet au magazine Vanity Fair de réunir les membres pionniers du label parmi lesquels les trois têtes pensantes précédemment cités, LL Cool J, Chuck D, Flavor Flav ou encore Run-DMC dans un shooting de 2003 honorant le mythique label.

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READY TO WEAR
Harmony Paris
Pour le lancement de notre rubrique « RTW » nous nous penchons sur un mouvement, une tendance, une marque… On s’est ici emparé de la nouvelle marque parisienne Harmony, pour vous faire découvrir l’univers de la marque en photos.

Disponible en ligne:
Harmony-Paris.com

Photographe : Mathieu Vilasco
Styliste : Audrey Michaud Missègue
Modèles : Louise Follain & Yassine Doublali

Jeudi soir au Café A, Nike Football conviait quelques invités à un tournoi Nike Elastico Superfly. C’est autour de leurs dernière paires que plusieurs équipes ont pu s’affronter lors d’un tournoi, quand d’autres pouvaient découvrir la paire ou encore assister à des cours de football freestyle. Point d’orgue de cet évènement, un showcase de Kaaris !

Dans la soirée, suite à un leak, Beyoncé a dévoilé deux titres extraits de la réédition de son album éponyme : un morceau club, « 711« , et une ballade, « Ring Off« . Dans cette dernière elle évoque sa mère, Tina Knowles ainsi que sa situation maritale avec son père Matthew Knowles :

« Jusqu’à ce que tu n’en puisses plus, tu as retiré cette bague. Épuisée par les mensonges, les essais, les disputes et les pleurs, tu as retiré cette bague […] Tu t’es reprise et tu aimes à nouveau, tu as trouvé un nouvel homme et tu irradies. Et tu me souris comme si c’était mon tour de retirer cette bague. »

Une petite phrase qui peut-être interprétée de plusieurs façons, mais qui relancera inévitablement les rumeurs de rupture entre Beyoncé et son époux. Ce n’est pas la première fois que Queen B  jette en pâture des éléments pour alimenter ces rumeurs. Le couple devient un véritable enjeux marketing dans la stratégie de Beyoncé Knowles.

Vivons heureux, vivons cachés


Longtemps la relation entre Shawn Carter et Beyoncé Knowles est restée secrète. Dès ses débuts en 2002, leur couple est un véritable secret même s’il est de Polichinelle.  Quant à leur mariage en 2008, à New York, il se déroule dans le plus grand mystère, en présence d’un cercle très fermé. Mais entre cette discrétion et ce récit trop parfait, beaucoup cherchent à trouver la faille. Et les rumeurs circulent, font parler le public et font vendre quelques papiers aux magazines à scandales. Un contre-coup bien connu des célébrités qui jouent parfois le jeu en faisant part de leurs démentis. Beyoncé et Jay-Z ne se sont que rarement exprimés sur ses ragots, conservant depuis ses débuts le goût de la confidentialité.

À ce moment de leur relation, Beyoncé poursuit une carrière solo totalement détachée de celle de son mari. Si ce n’est quelques featurings, leurs vies professionnelles ne font alors que s’entrecroiser. Jamais le couple n’est mis en avant sur le plan professionnel et marketing et ils ne doivent leurs succès qu’à leur talent et leur carrière antérieure.

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Knowles-Carter : le power couple


Mais depuis quelques années, la stratégie de Beyoncé vis-à-vis de sa vie privée a changé.  La date la plus importante de ce revirement reste l’annonce de sa grossesse en pleine cérémonie des MTV Video Music Awards, alors qu’elle présente le morceau « Love on Top  » dévoilant son ventre arrondi. Depuis, la chanteuse ne cesse de faire partager sa vie de famille sous son meilleur jour sur deux plateformes consacrées, Instagram, et son site web, véritable Tumblr. Elle parle alors avec Oprah de son tout nouveau quotidien, se raconte dans un documentaire auto-produit et scande son bonheur dans tous ses titres. Le tout reste parfaitement sous contrôle et jamais rien ne lui échappe.

Depuis Beyoncé se revendique entièrement comme Beyoncé Knowles-Carter, entamant une tournée intitulée « The Mrs. Carter Show » elle exploite à fond son nom d’épouse. Le duo devient alors une valeur sûre,  un véritable power couple. Après un featuring sur Magna Carta Holy Grail de Jay-Z,  « Drunk In Love » sur Beyoncé, le couple se prépare à une tournée commune. Le « On The Run » Tour sacre les deux noms comme un tout. Seul le couple est mis en avant, dans un story-telling inspiré du mythique duo Bonnie & Clyde. Leur force marketing remplie des stades et leur relation est scrutée par tous. Les rumeurs circulaient déjà et alimentent les pages de la presse à scandale. Mais elles n’ont jamais fait l’objet de réaction de la part des protagonistes.

D’abord le fameux « Solange Gate » relancera la rumeur. Une vidéo de sécurité qui échappa à la vigilance du clan Carter-Knowles, où l’on aperçoit une confrontation violente entre Solange et Jay-Z, où Beyoncé ne réagit pas. Dans ce contexte hors de contrôle, le couple fait appel à la meilleur stratégie de crise. Il diffuse quelques photos de la famille réunie dans des situations de la vie quotidienne, le tout suivi par un communiqué de presse :

« À la fin de la journée, les familles ont des problèmes et nous ne sommes pas différents. Nous nous aimons et nous mettons la famille au-dessus de tout. Nous mettons ça en arrière et espérons que vous ferez de même.« 

Pourtant cette année, c’est Beyoncé elle-même qui a plusieurs fois allumé la mèche. En septembre, la date parisienne du On The Run Tour est remise en question. Le bruit courait alors, que le couple ne se supporterait plus, et remplissait déjà les papiers du divorce avant l’ultime date de leur tournée commune. Si le public acquiesce affirmant ne plus sentir l’alchimie de « Drunk In Love » à la cérémonie des Grammys, c’est loin des vagues impressions et des pressentiments, que Beyoncé va attiser la braise des débats en interprétant une reprise du titre « Resentment« . Elle change ainsi le « J’ai été avec toi pendant 6 ans… / J’ai dû la regarder dans les yeux et voir qu’elle m’arrivait à la cheville », en « J’ai été avec toi pendant 12 ans… J’ai dû la regarder dans les yeux et voir qu’elle m’arrivait à la cheville / Elle ne m’arrive même pas à la cheville / Cette pute ne le sera jamais »

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Si certains y voient un appel à l’aide, d’autres sentent le coup de communication. Et si leur alchimie n’était toujours pas au point, les deux dates de leur concert commun ont bel et bien été assurées.

Cet automne, le couple renouvelle ses voeux et entame un tour d’Europe en famille faisant ainsi taire une bonne fois pour toute leurs « détracteurs ». Et pourtant Beyoncé lance ici avec « Ring Off« , un nouveau point de départ aux spéculations. Dans ce titre, elle évoque l’histoire de sa mère, décrivant clairement un parallèle entre elles : « I understand those sleepless nights« . Dans le morceau, elle reprend également un passage du discours donné par Tina Knowles il y a quelques jours pour la fondation Texas Woman’s Empowerment où elle évoque la prise d’indépendance des femmes. Un thème récurrent dans la famille.

Encore une fois, le titre reste sujet à interprétations : le message pourrait tout à la fois être personnel et universel. Mais dans tous les cas, la « polémique » aura de quoi attirer les fans. Faire parler de son couple aura été ces dernières années, l’un des points phares de sa stratégie marketing. Si elle se fait sans doute en réponse aux multiples questions qui ont toujours suscité son côté secret, elle contraste énormément avec ses premières prérogatives. Chacun des messages envoyés par Beyoncé est contradictoire et entretien le mystère sur la vie privée mais comme le veut l’un des slogan du On The Run Tour : « Le pardon est la plus grande preuve d’amour. »

Brodinski ft. SD – Can’t Help Myself

Brodinski dévoilait cette semaine un titre et un clip extrait d’un album attendu pour le début de l’année 2015. Un visuel ésotérique réalisé par Megaforce, entre voyage dans le temps et allégorie du vice, qui vous fera réfléchir.

A$AP Twelvyy – Glock Rivers

A l’approche de son projet solo, A$AP Twelvyy délivrait cette semaine un extrait en son et image. Dans « Glock Rivers », on découvre un bout de son univers, entre les blocks de New York et les backstages d’A$AP Mob.

Giorgio Moroder – 74 Is the New 24

Le pionnier de la musique électronique, idole des Daft Punk, annonce son grand retour. Giorgio Moroder partageait cette semaine le premier extrait de son album prévu pour l’année prochaine. Le premier depuis plus de trente ans.

Snoh Aalegra ft. Common – Bad Things

La protégée de No I.D, travaille depuis bien longtemps dans l’ombre. Elle en sort à présent l’EP There Will Be Sunshine, dont elle met finalement en image l’extrait « Bad Things » avec Common.

Akhenaton ft. Veust Lyricist – Highlanders

Alors qu’il sort son dernier album, la promo se poursuit pour AKH qui dévoile une nouvelle vidéo minimaliste pour son titre « Highlanders » accompagné de son invité : Veust Lyricist.

Il y a quelques semaines, nous faisions l’inventaire des relations les plus tumultueuses de l’industrie du hip-hop,  Lisa « Left-Eye » Lopes et André « Bad Moon » Rison auraient pu décrocher une belle place dans ce classement mais malgré les rebondissement leur histoire a perduré.

Nos deux protagonistes se rencontrent en mars 1993. Ce soir-là, on célèbre l’anniversaire d’André Rison, footballeur professionnel de NFL, il fait déjà des étincelles et jouit alors d’une certain notoriété. Quant à Left-Eye, elle est une star montante de l’industrie musicale, qui brille dans le girlsband TLC, par ses talents de rappeuse et sa créativité. Ce soir-là, Rison demande déjà Lisa en mariage. Le début d’une histoire passionnelle.
Moins de six mois plus tard, Rison est arrêté dans un parking souterrain. Il aurait supposément porté la main sur l’artiste, et tiré en l’air avec une arme pour empêcher les passants d’intervenir ; et même si les charges ont été abandonnées, ce n’était qu’un avant-goût du différend qui les opposera quelques mois plus tard.

 

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La nuit du 8 juin 1994, Rison passe la soirée dans un club avec quelques amis, et lorsqu’il retourne chez lui, à 5 heures du matin, il est accueilli par une Left-Eye agitée. On raconte qu’André se serait payé plusieurs paires de sneakers et que Lisa aurait été contratriée de n’en trouver aucune pour elle. Rison racontera plus tard au People Magazine : « Je savais qu’elle avait bu mais je ne savais pas pourquoi elle était énervée. J’ai commencé à me prendre des coups au visage. À la fin, je l’ai attrapée et je lui ai demandée ce qui n’allait pas mais elle n’arrêtait pas de frapper. »

Il raconte que pour se défendre, il aurait gifler Lisa Lopez pour la calmer, ce qui fut sans effet. Il la transporta alors jusque dans leur lit, s’asseyant sur elle pour tenter de la contrôler. Toutes ses tentatives restant vaines, il finit par quitter son domicile. C’est à ce moment là que l’affaire tourne au drame.

« J’étais sous l’effet de l’alcool. Il s’est barré et j’ai décidé de faire un barbecue avec ses paires. Je les ai jetées dans la baignoire parce que j’ai pensé que le feu pourrait être contenu de cette façon. »  Left-Eye

Mais le feu n’a pas été contenu. Alors qu’elle casse le pare-brise des deux voitures de luxe de Rison, elle se rend compte que toute la maison, d’une valeur d’un million de dollars, a entièrement été consumée par les flammes. Selon le frère de Rison, Reggie, la rappeuse serait restée devant le jacuzzi à regarder le feux s’étendre.  Le temps que Rison n’arrive, il ne restait déjà plus grand chose de sa maison.

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Le lendemain, Lisa Lopes se rend à la police et sera ensuite libérée contre une caution de 75 000 $, avant son procès. Elle écopera de 5 ans de liberté conditionnelle et d’une amende de 10 000$. Entre temps, l’artiste décida d’intégrer un centre de désintoxication. Leur relation ne prend pas fin pour autant. Et après la prononciation de la sentence, Rison déclare lui avoir pardonnée envisageant même toujours de se marier. C’est la fin tragique de Left-Eye qui mettra fin à leur histoire, un accident de voiture lors de sa retraite spirituelle au Honduras.

Depuis quelques mois déjà, la scène est inévitable : quel que soit la soirée dans laquelle on se trouve, à mesure que Jahlil Beats sonne l’alarme, les corps ne peuvent s’empêcher de se mouvoir au rythme des déhanchés désarticulés de la « Shmoney Dance ». Le phénomène est énorme, et l’engouement qu’il a pu susciter l’est aussi. En effet, avec plus de 60 millions de vues comptabilisées sur les deux publications officielles de son street hit « Hot Nigga » (avant et après VEVO), il est devenu pour ainsi dire impossible de se passer de Bobby Shmurda. Entre les rappeurs qui s’emparent chacun leur tour de son hymne à tel point que les remix pullulent, et même que le grand Jimmy Fallon le convie à performer dans son émission The Tonight Show, il a été un centre d’attention omniprésent médiatiquement, sans toutefois empêcher son personnage de susciter l’interrogation. D’autant que lorsque retombe peu à peu l’allégresse de notre « Shmoney Dance », le discours tenu par le jeune emcee dans son titre phare finit par se faire entendre, et aurait presque de quoi nous faire froid dans le dos.

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Hard as a motherfucker

« I’ve been selling crack since like the 5th grade »/« J’’ai vendu du crack depuis le CM2 ». La phrase est lâchée, violemment, et parait tellement invraisemblable qu’on pourrait douter de sa véracité. Et pourtant, le Bobby Shmurda est formel : il était bel et bien impliqué dans quelques histoires de trafic à cet âge d’apparence si innocent. Privé d’une figure paternelle, incarcéré alors qu’il est encore tout jeune, la famille d’Ackquille Pollard – son vrai nom – quitte sa Floride natale pour emménager vers la Grosse Pomme, à Brooklyn plus précisément. Là-bas, il ride sa ville avec ses frères ainés et leurs amis, tous plus âgés, en étant de tous les coups, les bons mais surtout les mauvais. A leur contact, le jeune Pollard développe une inquiétante précocité, vivant à seulement 10 ans d’aventureuses péripéties d’ados dans un environnement précaire : « J’ai grandi difficilement, parce que [mes frères et leurs amis] me disaient toujours de dégager, de ne pas rester avec eux, sauf que dès qu’il y avait de l’animosité avec d’autres jeunes, c’était moi qu’ils envoyaient combattre. Et je ne me défilais pas, j’ai combattu tout le monde, toujours des mecs plus âgés que moi. Je me suis endurci comme ça ».

C’est à ce même âge que commencent ses histoires de deal donc, mais également sa romance avec le rap, ce qui nous ramène à 2014 et « Hot Nigga ». Un titre qui transpire cette brutale précocité, laissant fleurir de la bouche d’un gamin ayant tout juste la vingtaine une forme d’apologie de la violence. La jeunesse et la violence, deux caractéristiques qui ont récemment contribué à faire le succès de la scène Drill de Chicago, et qui forcent logiquement la comparaison. D’autant que le tube de Bobby Shmurda a également en commun avec le mouvement chicagoan des sonorités sudistes parfaitement assumées. Mais là, le rappeur se défend : « Je ne dirais pas que mon son est du même type que la Drill, puisque j’ai commencé à rapper ainsi bien avant d’entendre parler de Chief Keef et des autres rappeurs de Chicago. De plus, je voyageais sans cesse vers le Sud pour voir mon père qui était incarcéré à Miami. Du coup, à chaque fois que je revenais à New York, je mettais les gens au courant de ce qui était chaud là-bas, et c’est comme ça qu’on a commencé à mélanger le style du Sud avec le nôtre ».

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Avec Chief Keef, l’initiateur de la « Shmoney Dance » partage aussi une spontanéité commune qui, depuis quelques années, semble réussir à tous ceux qui agissent ainsi. En ce sens, le visuel de « Hot Nigga », tourné à même les rues de Flatbush sans le moindre artifice, n’est pas sans rappeler les vidéos de « Love Sosa » ou « I Don’t Like » dont la démarche semblait similaire. Au regard de tous ces éléments, on constate que Bobby Shmurda a su en peu de temps dompter quelques-uns des paramètres favorables à son éclosion – volontairement ou malgré lui – au point d’être adoubé par bon nombre d’icônes du genre (Jay-Z, Raekwon, Beyoncé, etc.) et d’être rapidement amené à parapher un juteux contrat avec la maison de disques Epic Records.

Être entendu, être écouté

Et pourtant, jusqu’à ce qu’un second titre phare et un projet solide ne viennent nous prouver le contraire, Bobby Shmurda ne demeure ni plus ni moins qu’un simple phénomène viral. Et lorsque qu’on se penche sur les derniers artistes ayant eu à porter ce statut, le constat n’a pas de quoi éclaircir l’avenir du new-yorkais. Trinidad Jame$, Kreayshawn, Cash Out, YC, ou plus récemment OG Maco ; tous ont en commun d’avoir vu l’un de leurs titres agiter les réseaux sociaux au point d’agir en accélérateur dans leur ascension. Sauf que depuis leur heure de gloire, le premier a été largué par Def Jam et les suivants se sont éclipsés aussi soudainement qu’ils sont arrivés. De ce marasme collectif, seul YG a su réellement mettre à profit cette exposition aussi grande qu’éphémère, à la différence que lui pouvait se targuer de disposer d’une solide crédibilité bien avant que Vine ne s’empare de son single « My Nigga ».

Dès lors, on peut se demander ce qu’il en sera de Bobby Shmurda. Surtout quand l’on sait que l’accueil qu’a reçu son second single « Bobby Bitch » n’a pas tout à fait été à la hauteur d’un « Hot Nigga », et ce bien que la qualité du titre ne soit pas nécessairement à remettre en cause. Saura-t-il concrétiser l’effervescence qui s’est développée autour de sa personne en une sérieuse carrière ? Parviendra-t-il à se séparer de son étiquette de phénomène viral pour devenir un personnage respecté de sa discipline ? Là où l’histoire ne se souvient des premiers que comme de simples bourdonnements que l’on a vaguement entendus, elle glorifie les seconds en de véritables artistes dont les morceaux sont littéralement écoutés.

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Qu’à cela ne tienne, le rappeur quant à lui, affirme avec fermeté ne pas être un « one-hit wonder » : « J’ai entendu que certaines personnes disaient que j’allais être un one-hit wonder. A chaque fois je me dis, « Si tu penses que « Hot Nigga » était chaud, alors il faut que tu saches que j’étais encore en train de m’amuser là ». Donc si tu veux que je m’y mette sérieusement… Dieu m’a envoyé un signe. D’où je viens, les gens n’arrivent pas jusqu’où j’en suis ». Désormais confronté à de nouveaux défis qui ne sont que la suite logique sa fulgurante progression, le new-yorkais semble décidé à saisir l’opportunité qui lui est offerte aujourd’hui, et qu’il sait exceptionnelle. Reste maintenant à savoir si cela suffira.

Le producteur VANDERKUSH se montre très productif ces derniers temps. Cette fois-ci le co-fondateur de Tealer s’attaque au morceau « Manage Hustle feat. Spence » du collectif allemand Image Ctrl, une réunion de plusieurs producteurs et d’un mc Berlinois.
Textes et beats s’y entremêle, pour donner une nouvelle dimension au morceau original tout en respectant l’empreinte des artistes. Vous pourrez entendre son titre à la prochaine soirée de Tealer au Showcase le 20 décembre où le Tealer Gang sera accompagné de Dj PONE.

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A l’occasion de la sortie hier de GTA V sur les consoles « next-gen » Xbox One et Playstation 4, Rockstar Games a annoncé l’ajout de 162 nouveaux titres sur les différentes stations de radios comprises dans le célèbre jeu. La bande originale, un élément habituellement plutôt futile lorsque l’on parle de jeu vidéo, est devenu une marque de fabrique de la saga, au point d’en devenir l’un des atouts principaux. Explication du phénomène.

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Chaque année de sortie de GTA, c’est toujours la même folie. Les gamers du monde entier abandonnent le jeu qui faisait office de passe-temps, quel qu’il soit, pour se consacrer à ce qui est toujours la sortie de l’année. Depuis sa création et son premier épisode en 1997, Grand Theft Auto, s’est imposé comme une véritable institution, un jeu vidéo qui dépasse son simple cadre d’origine, pour devenir un phénomène de mode réel et palpable. Rockstar Games, éditeur du jeu, a réussi le tour de force de créer un produit représentatif de la culture américaine, d’une part par le contexte de l’intrigue, retraçant des périodes et des communautés caractéristiques comme l’univers mafieux de Miami ou la violence des gangs en Californie ; et d’autre part en étant l’un des symboles de l’ « entertainment » vidéo-ludique, notion essentielle au pays de l’Oncle Sam.
Une belle revanche pour un jeu qui aura connu de nombreuses controverses et de détracteurs lors de ses premières années notamment pour son extrême violence. Il est devenu aujourd’hui une référence et un best-seller absolu. 1 milliard de dollars américains. C’est ce qu’a rapporté GTA IV seulement trois jours après sa sortie, faisant de ce nouvel épisode, le produit de divertissement qui s’est vendu le plus rapidement de l’histoire ainsi que la meilleure vente de jeu pour la PlayStation 3. En plus de ce large- succès commercial, GTA bénéficie d’un unanimisme constant de la part des critiques, de la presse spécialisée et autres, comme en témoignent les nombreuses nominations et awards remportés par le jeu depuis son lancement.

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Si l’annonce de la sortie du jeu représente un événement mondial, GTA peut se targuer d’avoir comme second atout promotionnel l’annonce de sa bande originale. En quelques années, les studios Rockstar ont réussi à faire de la bande son un élément à part entière du jeu, un événement en lui-même, autant apprécié par les fans que par les mélomanes. Du simple autoradio gadget, la bande originale a évolué d’année en année pour devenir une sélection de plus en plus pointue. Les plus anciens se rappelleront de la dizaine de stations radios disponibles dans les deux premières versions, contenant chacune un ensemble de 4 à 5 titres inconnus et crées spécialement pour le jeu. Ces stations, que l’on peut écouter lorsque l’on est à l’intérieur d’une voiture, sont construites de telles sortes qu’elles correspondent toutes à l’univers et l’époque que traverse chaque édition du jeu. C’est ainsi que l’on retrouve par exemple dans les premières versions une fréquence dédiée à chacun des gangs présents dans le jeu.

Le premier indice de cette évolution de la bande viendra au moment de la sortie du GTA II sur PC, qui donnera lieu à la réalisation d’un coffret comprenant le CD du jeu ainsi qu’un disque compilant tous les sons qu’on pouvait y retrouver. Mais c’est véritablement à partir du troisième volet qui impulse les grands changements au niveau de la direction musicale, avec l’instauration d’un système de playlists composées de « vraies » chansons choisies par un DJ ou une personnalité, répartis par genre musicaux : classique, pop, reggae, world, dancehall, house, italo fisco, rock…Une palette diversifiée. En ce qui concerne le hip-hop, on peut trouver DJ Strech Armstrong et Lord Sear dans GTA III , DJ Clue dans Liberty City, Forth Right MC et Chuck D pour San Andreas, et Mr. Magic pour l’épisode se déroulant à Vice City. Si les noms ne sont pas tous très clinquants, les sélections sont déjà pointues, démontrant une envie d’accentuer l’expérience de jeu et sa crédibilité sur un créneau urbain qui constitue l’environnement de l’intrigue.
Le niveau montera définitivement d’un cran avec le quatrième épisode de la saga, qui fait appel à Mister Cee, Green Lantern, Funkmaster Flex, DJ Premier au rayon hip-hop, mais également à des pointures comme Crookers pour l’électro, Femi Kuti en Afrobeat, Iggy Pop pour le rock et se paye même le privilège d’avoir une sélection choisie par…Karl Lagerfeld ! Une tendance exacerbée qui se confirme dans le cinquième épisode de la saga, qui invite l’actrice Pam Grier et le modèle Cara Delevingne, parmi Bootsy Collins, Flying Lotus ou encore l’animateur Big Boy. Le choix est clair. Il s’agit de faire appel à des célébrités, en lien plus ou moins étroit avec la musique. Un casting de leaders d’opinions et de cautions musicales dans leur genre respectif, pour asseoir encore plus la légitimité du jeu et de sa B.O. Un échange gagnant-gagnant : le prestige de l’artiste et son expertise sont consacrés et Rockstar Games s’offre encore un peu plus de promotion à un moment où les artistes deviennent leur propre média.

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L’actrice Pam Grier

Lorsque l’on demande à ces DJ’s ou célébrités d’établir des playlists, c’est aussi un accès direct à leur univers musical qui nous est ouvert. À la vue des différentes playlists hip-hop du dernier jeu, on peut tirer des tendances certaines sur les mouvements et les artistes dominants du moment. À l’exception de la sélection de Flying Lotus, extrêmement « spé », fortement imprégnée de son univers musical et de ses propres sons, les autres playlists, plus particulièrement celle concoctée par le DJ Big Boy, sont dominés par les artistes West Coast, notamment les incontournables du Black Hippy (Kendrick Lamar, Schoolboy Q, Ab-Soul et Jay Rock), The Game, Nipsey Hussle, YG ou encore Iamsu!. L’autre tendance qui se dégage vient d’Atlanta, bien représentée par T.I, Gucci Mane, et encore Future. À coté de ceux la, on retrouve des artistes plus classiques comme les membres d’A$AP Mob (Rocky, Ferg…), Freddie Gibbs, Rick Ross, Danny Brown mais qui témoignent de leur importance actuelle sur la scène hip-hop.

Cette compilation de titres qui évolue à chaque sortie d’un nouveau jeu forme peu à peu une encyclopédie sonore, une sorte de témoin figé collant à l’actualité musicale de son époque. Par cela, GTA a peut-être lancé un nouveau medium et pérennise le hip-hop dans l’un des médias les plus important à nos jours, les jeux vidéos.

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C’est au collège que Bankal et Miscellaneous se sont rencontrés. Depuis, leurs chemins ont longtemps divergé mais ils ne ne se sont jamais vraiment séparés et ont toujours pris le temps d’entretenir leur projet commun : Chill Bump. Aujourd’hui, ils sont, tous les deux, pleinement concentrés sur cet objectif. Depuis 2012, ils délivrent une série d’EP incarnée par une identité musicale forte d’influences hybrides et portées par un hip-hop anglophone. Après quelques dates aux côtés de Wax Taylor et C2C, le duo dévoile son premier album Ego Trip. L’occasion de leurs poser quelques questions.

Pouvez-vous vous présenter ?

Bankal : On s’appelle Chill Bump. On est une entité rappologique bicéphale tourangelle qui s’exprime dans la langue de Shakespeare. Miscellaneous est le vocaliste, et je suis le tapeur de pads/platiniste. Bonjour.

Comment vous-êtes vous rencontrés ?

Miscellaneous : Ça fait un bail qu’on se connaît, depuis le collège. C’est le basket, le rap et un proche qui nous ont réunis. On a fait nos premiers concerts ensemble sur des scènes locales en tant que collectif de rap français. Et oui, Bankal rappait à l’époque.

Vous avez chacun suivi des chemins différents avant de finalement vous réunir. Quels ont été vos parcours respectifs ?

Bankal : Après quelques années à rapper pour le plaisir, je me suis tourné vers les platines. Le son du scratch m’intriguait. Après des heures et des heures d’entraînements, j’ai participé à divers championnats, avec plus ou moins de réussite.

Miscellaneous : J’ai abandonné le français pour m’exprimer dans ma langue maternelle : l’anglais. Je me suis ouvert à d’autres genres musicaux, tout en y apportant mon flow et ma culture rap. J’ai intégré plusieurs groupes : Rytmetix (afrobeat) et Fumuj (rock fusion). J’ai acquis une expérience de la scène et de la vie en tournée au fil des années.

Qu’est-ce qui vous a finalement réunis ?

Bankal : L’amour du rap et la volonté de revenir aux sources. Je voulais réaliser mes propres compositions et Miscellaneous avait envie de s’investir dans un projet plus personnel. Le timing était parfait. On avait déjà tenté de créer ensemble quelques années auparavant mais ce n’était pas encore le bon moment.

Cette réunion ne vous a pas empêché de poursuivre une multitude d’autres projets. Comment avez-vous géré cela ?

Miscellaneous : Mal… Ce n’est pas facile de gérer plusieurs projets en même temps. Chill Bump est rapidement devenu la priorité, ce qui a freiné mes autres formations. C’est une des raisons pour laquelle Fumuj s’est arrêté.

Bankal : Chill Bump est un travail à plein temps. J’ai d’autres envies et idées de projets personnels mais chaque chose en son temps.

Vous êtes plus concentrés sur Chill Bump aujourd’hui ?

Bankal : A fond ! Toute notre énergie est engagée dans l’élaboration du live, la création et la tournée. On a de la chance de pouvoir vivre d’un seul projet et d’aimer notre « travail », tout simplement.

Cover Ego Trip - HD ©BenoitDogniez

Vous avez commencé par une série d’EP aux couleurs musicales différentes. Pourquoi ?

Miscellaneous : On ressentait le besoin d’explorer différents thèmes et ambiances. C’était une bonne façon de se découvrir en tant que duo, tout en construisant un répertoire scénique progressivement. Le format court nous a permis d’approfondir la cohérence de notre travail et d’envisager chaque EP comme un tout. C’est quelque chose qui nous tient à cœur, que l’on continue de développer aujourd’hui.

Vous avez ensuite fait les premières parties de C2C et Wax Tailor. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

Bankal : C’était une expérience très enrichissante et encourageante. Voir évoluer des artistes de ce calibre ne peut que te faire progresser et te donner des idées pour développer l’aspect scénique de ton projet. Ça a été aussi l’occasion de se confronter à un public plus conséquent qui ne découvrait qu’une simple première partie. Le challenge et le stress ont du bon. Un grand merci à C2C et Wax Tailor de nous avoir fait confiance.

Comment s’est passé la conception de l’album ?

Miscellaneous : Nous aimons entamer chaque projet de manière spontanée. Vient ensuite une phase d’analyse, ou nous prenons du recul sur la matière que nous avons. Ce recul nous permet de voir plus clair et de pouvoir écarter certains titres qui ne sont pas en accord avec la direction souhaitée. Cela nous permet de nous recentrer sur un tout et de l’approfondir en y ajoutant les pièces manquantes. Cet album, Ego Trip (voyage de l’ego), est un récit à la première personne, un voyage initiatique.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, quel sont les trois titres qu’ils doivent absolument écouter ?

Bankal : « Just a Sample », « Five Minute Breather » et « It´s Alive ». Sinon, allez plutôt écouter l’album en son intégralité.

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EGO TRIP

Chill Bump_Yard

 

Cela fait plusieurs mois que le #normcore flotte avec plus ou moins d’insistance le long des ondes tendancielles propagées par les prédicateurs de mode. Légitimé par les médias et repris par les réseaux sociaux, ce buzzword est censé faire l’apologie de la simplicité en opposition aux autres styles qui, individualistes et déconnectés du réel, sont tournés en dérision. Seulement, conceptualisé par une élite urbaine qui au final méprise profondément le monsieur-tout-monde, le terme s’avère être un détournement culturel pervers entre classes sociales, symbole d’une époque où l’obsession pour l’originalité est devenue plus importante que l’originalité elle-même.

 

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Communisme du style à la cool vs Authenticité snob et compétitive

 

L’histoire du normcore ressemble à un cas d’école de buzzword. À l’origine ce mot a vu ses lettres de noblesse assemblées par l’agence de prédiction de tendances new-yorkaise, K-Hole, et ce via son rapport intitulé Youth Mode : The death of age, paru en octobre 2013. Ce rapport, censé anticiper les futurs mouvements de mode chez les jeunes, fait l’analyse d’un ras-le-bol générationnel face à la recherche frénétique et compétitive d’authenticité stylistique individuelle, pulvérisée par cette machine à standardiser sans frontière qu’est Internet, devenue un rocher de Sisyphe beaucoup trop lourd. Pour s’en extirper, la libération de ces jeunes se situerait dans l’exaltation du banal, et avec une batterie de qualificatifs balancée sans sommation sur sa page 30, tels que « situationnel, non-déterministe, adaptable, indifférent vis-à-vis de l’authenticité, l’empathie sur la tolérance, non-ambitieux », le rapport de K-Hole fait du « normcore » le terme pour qualifier un communisme du style à la cool des années 2010.

 

 

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(extrait du rapport YOUTH MODE de l’agence K-Hole – Octobre 2013)

Après quelques mois de flottement dans les cercles de mode new-yorkais, le terme prend son envol médiatique avec un article intitulé Normcore: Fashion for those who realize they’re one in 7 billion paru le 26 février dernier dans The Cut, la branche lifestyle du Nymag dédiée aux femmes. L’auteure de l’article, Fiona Duncan, impressionnée par l’aplomb séduisant du rapport, commence par connecter les théories de K-Hole à sa perception d’un retour esthétique des années 90 qui n’épargne pas le style vestimentaire des jeunes New-yorkais, quitte à focaliser le normcore du lifestyle à la mode. Ce n’est qu’a posteriori que la journaliste aura reconnu son essentialisation maladroite, mais ses conséquences ont atteint un point de non-retour : le buzz s’est propagé sur la toile, en bien comme en mal, entre NYC et Londres en passant évidemment par Paris, les relais les plus notables étant GQ, le New York Times, le Guardian ou encore ELLE. Propulsé phénomène de mode révolutionnaire avec des égéries par défaut telles que Steve Jobs et l’humoriste star des 90’s Jerry Seinfeld, le normcore inonde les réseaux sociaux, utilisé plus ou moins avec dérision dès qu’il faut commenter l’absence de style.

 

« Si on se déguisait en Tati ? » ou la perversion du détournement culturel

 

En France, pays qui deux ans auparavant avait élu pour président un candidat « normal » ayant axé sa campagne contre le bling-bling de son prédécesseur, le mot passe comme une lettre à la poste. Si certains médias, comme GQ France ou Slate, prennent un peu de recul sur ce phénomène mode en 2014, d’autres comme le Figaro Madame se fendent carrément d’un mode d’emploi sur comment passer l’été en mode normcore en juillet dernier. Récemment, dans les soirées organisées des médias de mode et d’art contemporain ou autres collectifs prédicteurs de tendances, les jeunes qui composent la fine fleur parisienne avant-gardiste, se déhanchent sur de la trap futuriste avec leurs pulls Quechua et autres baskets New Balance. Du jour au lendemain, se déguiser chez Tati était devenu in.

 

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L’article du NYMAG de Fiona Duncan, déclencheur du buzzword, se conclut en définissant le normcore comme « a blank slate and open mind—it’s a look designed to play well with others. ». Mais à y regarder de plus près, cette ouverture d’esprit ressemble davantage à un jeu de complaisance malsaine d’une élite urbaine dans sa bulle envers une classe sociale inférieure qui n’a pas ni le capital culturel nécessaire pour développer son goût et son style, ni le budget pour s’acheter la dernière tendance de la saison. Un passage de l’article du Figaro Madame, où il est écrit que « Les clients de Decathlon ont sans doute énormément apprécié d’être ainsi adoubés par l’internationale de la hype », résume bien ce sentiment cette condescendance, déguisée en « empathie envers ses semblables » prônée par le rapport de l’agence K-Hole. À vrai dire, au même titre que ceux qui vont chez Tati, au vide-grenier du dimanche ou aux fripes bien avant que le terme hipster n’ait été pondu, les clients de Décathlon n’en n’ont pas grand chose à faire d’être adoubé par la hype ou d’être étiquetés normcore, et ils continueront à se fringuer de la sorte une fois que le normcore sera remplacé par une autre mode.

En définitive, le normcore est ni plus ni moins qu’une nouvelle fantaisie d’un microcosme « avant-gardiste » qui, d’une suffisance intellectuelle douée d’une perversité plus ou moins consciente, se permet de détourner le style de vie de personnes dont la banalité leur inspirait, leur inspire et leur inspireront toujours un profond mépris. Que la mode soit dictée par ce microcosme n’est pas un problème en soi, mais il serait opportun que celle-ci évite cette hypocrisie qui consiste à donner l’illusion qu’elle est accessible à tous, et ce au détriment de la dignité de certains, qui au passage n’ont jamais rien demandé à personne.

Manouté (Collectif Noise)

« Not your average wedding ». Ce pourrait être le titre d’un film qui mettrait en scène le mariage de Solange Knowles. La chanteuse de 28 ans s’est unie hier sur fond de célébrité, de danse, et de blanc.

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Tout le monde ou presque en parle aujourd’hui. Depuis hier soir, tous les blogs et mastodontes de la presse people y vont de leur article sur le mariage de la petite sœur de Beyoncé, Solange, qui s’est mariée hier en Nouvelle-Orléans avec son compagnon de longue date, Alan Ferguson.

Une dizaine de femmes alignées irrégulièrement à la manière d’un girls-band et tout de blanc vêtues dans un arrière plan arty, photographiées par Rog Walker, c’est l’image qui a inondé nos réseaux sociaux ce matin. Naturellement placée au centre de ce cliché, Solange est entourée des femmes de son clan dans une mise en scène quasi christique : la sœur Beyoncé, la matriarche Tina, ou encore l’amie chère Janelle Monae sont présentes sur le cliché. La pose – dos droit et bras placés le long du corps – est réglée, et le sourire est absent de quasi toutes les bouches, Janelle, on te voit . Une photo qui pourrait relancer les débats sur l’appartenance des protagonistes à des groupes occultes tant elle fait penser à celle qu’aurait pu prendre la secte du mouvement raélien pour faire la couverture d’un Paris-Match. En somme, la photo atypique parfaite pour illustrer un mariage qui ne l’est pas moins, atypique.

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Quand on est la sœur de Beyoncé, la notion du « Flawless », comprenez du sans défaut, n’est jamais loin, et s’il faut faire dans le too much, il en sera ainsi. Quand le cauchemar de toute mariée est de se voir voler la vedette en ayant ses guests habillés de couleur ivoire, Solange se contrefout de la norme et instaure la tenue blanche exigée. Mais si la couleur est uniforme pour tout le monde, il n’en est pas autant de la teneur du vêtement : quand Solange a pour robe de mariée une création de son ami designer chez Kenzo, Humberto Leon, sa grande sœur porte elle une robe « accessible », dont la valeur n’excéderait pas 400 dollars, un chiffon quoi. Il ne manquerait qu’elle éclipse aussi sa sœur le jour de son mariage, elle lui a pris une vie, elle pouvait bien lui laisser 24 heures… Pour célébrer l’union, le couple a privatisé un cinéma, pour y organiser une séance de films vintages suivie d’un pot, avant de monter à bord d’un bus pour y faire la tournée des bars de la ville. Très vite, des scènes de vie issues de la cérémonie filtrent, comme cette danse chorégraphiée entre Solange et son fils.

Bien entendu, il était certain que cet évènement subirait son lot de polémiques plus ou moins farfelues, qu’il soit question de la présence tardive de Jay-Z lors de la soirée de célébration quelques mois après la fameuse histoire de l’ascenseur, des boutons présents sur le visage de Solange ou encore du pneu crevé sur le vélo de l’époux. Si l’on est sûr de la sincérité de ce mariage, on ne peut s’empêcher de penser à une opération de communication, la cérémonie du mariage étant (re)devenue une nouvelle façon de vendre et célébrer son image, à l’instar du couple Kim-Kanye, dont la photo de mariage est la plus « likée » de l’histoire d’Instagram.

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En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 1988 à 1994 pour ce troisième volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

1994 : Redman, le salut de Def Jam

Au cours de la dernière décennie la séparant du XXIème siècle, Def Jam vit l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Accumulant les pertes d’argents, à force de dépenses trop conséquentes pour des artistes ne parvenant pas toujours à justifier les sommes investies, le label est alors dans une situation de grande précarité, devant près de 17 millions de dollars à Sony. « Vous avez déjà vu un boxeur se prendre une raclée ? L’arbitre fait le décompte, et tout le public se dit qu’il ne se relèvera plus. C’est ce qui est arrivé à Def Jam » expliquera Lyor Cohen des années plus tard. Le groupe finit toutefois par trouver son salut en Redman, et le titre « Time 4 Sum Aksion » arrive à point nommé pour sauver le label. C’est le moins que l’on puisse dire, puisque quelques mois plus tard, en 1994 Def Jam est vendu à Polygram pour 33 millions de dollars, soit près du double des dettes dues à Sony.

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1995 : Pour une poignée de dollars

Venu soutenir la promotion de l’album Tical quelques mois après sa sortie, « All I Need » prend à l’origine des allures d’OVNI dans le sombre premier opus solo de Method Man, membre du Wu-Tang Clan signé sur Def Jam depuis 1994. Un titre plus personnel que le rappeur ne souhaitait initialement pas sortir en tant que single, au contraire du grand boss Lyor Cohen qui imaginait déjà le succès que pouvait rencontrer cette reprise du classique de Marvin Gaye « You’re All I Need To Get By ». Ce dernier parvient néanmoins à trouver le juste montant nécessaire pour le faire changer d’avis, près de 50 000€, somme à partir de laquelle l’aspect « personnel » du titre passa visiblement au second plan dans l’esprit de Mr. Meth. Un forcing une nouvelle fois payant, le million de ventes écoulées du single en attestant.

1996 : The Ghostwriter

Lorsque que Def Jam croise la route de Foxy Brown, elle n’est qu’une jeune femme égarée, errant aux alentours des studios Chung King dans l’attente d’une chance de montrer ses talents de rappeuse. Hélas, bien que disposant d’une voix atypique et d’une allure truculente, ses ambitions artistiques sont alors freinées par son absence de talents d’écriture, au grand dam de Lyor Cohen. Mais Chris Lighty, à l’origine de sa signature au sein du groupe Def Jam, a de la suite dans les idées et tente de pallier ce manque en proposant à Jay-Z d’écrire les textes de Foxy. Une proposition qui convient à Hova et qui contribue à faire de la rappeuse l’égérie féminine de Def Jam et la principale concurrente de Lil Kim à la course au titre glorieux de « queen » du rap.

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1997 : I’m the business, man

Jay-Z devait être le nouvel artiste estampillé Def Jam. C’était en tout cas ce que souhaitait Kevin Liles lorsqu’il a eu l’occasion d’écouter les premières mesures de « Feelin’ It ». Hélas pour lui, ce n’est pas comme cela que Jigga entend tracer son avenir. Dirigeant d’ores et déjà son propre label, Roc-A-Fella Records, sur lequel est sorti son premier album Reasonable Doubt, Jay-Z ne voit en Def Jam qu’un moyen pour lui de développer son propre business. C’est ce qu’il affirmera fermement à Kevin Liles lors de leur rencontre : « Je ne rappe pas pour une maison de disques. Je possède une maison de disques ». Un message bien reçu par les dirigeants du label qui se contentent finalement d’un deal de distribution avec Roc-A-Fella, avant de finir par le racheter définitivement, quelques années plus tard.

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1998 : DMX dans l’histoire

À l’instar de TDE en cette année 2014, Def Jam entame l’année 1998 avec la volonté affirmée de tout terrasser sur son passage. Une envie symbolisée par la franche réussite de DMX, dont le premier album It’s Dark and Hell Is Hot s’écoule à plus de 800 000 ventes dès la première semaine. Un succès colossal qui pousse Lyor Cohen à sortir un second opus du rappeur en décembre de la même année, afin d’éviter les traditionnelles taxes de publicité coopératives qui sont appliquées durant la période des fêtes de fin d’année, et qui incitent les labels à payer pour voir leurs albums en première ligne des magasins. Un pari fou, mais qui se révèle plus que payant, puisque c’est près de 700 000 copies de Flesh of My Flesh, Blood Of My Blood qui sont écoulés dès la première semaine, contribuant ainsi à inscrire le nom de DMX dans l’histoire, en tant que premier artiste à avoir placé deux albums en tête des charts au cours de la même année.

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Le photographe Sasha Goldberger aime revisiter la pop culture dans des cadres anachroniques et décalés et les super-héros restent son sujet de prédilection. Après une grand-mère super-héros, ou encore Mario et Batman en pleine fête juive de Pourim, il représente maintenant nos héros dans un cadre flamand de l’ère élisabéthaine.

Le LABO’ est notre nouvelle rubrique consacrée à l’essai par notre équipe de nouveaux produits de toutes sortes, qu’ils soient technologiques, vestimentaires, ou encore culinaires. Le premier produit à passer le test de notre laboratoire est la nouvelle gamme Smart, citadine issue de la collaboration entre Mercedes et Renault.

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C’est sur les routes barcelonaises et sous le soleil catalan que l’on a eu le privilège de tester la ForTwo et la ForFour, derniers produits de la gamme Smart, citadines qu’on ne présente plus de la filiale de Mercedes. Sur invitation de l’équipe de Smart, nous nous sommes rendus le temps d’un week-end à Barcelone pour essayer en exclusivité les deux nouveautés. Le premier jour est consacré à la plus petite des deux, la ForTwo, produit-star et modèle emblématique de la marque depuis sa création en 1998.

Au premier coup d’œil, on reconnait sa silhouette singulière, caractérisée par sa petite taille et sa longueur (2,69m) qui font d’elle la voiture la plus compacte du marché. Par rapport à ses versions précédentes, la ForTwo bénéficie d’un capot plus proéminent et moins plongeant, un changement qui donne à la voiture des lignes plus rondes et y ajoute du relief à l’engin. Si l’aspect de compacité domine vu de l’extérieur, c’est paradoxalement la sensation d’espace qui marque immédiatement. Une agréable surprise qui en est rapidement suivi par d’autres quand on découvre le tableau de bord et son écran aux multiples emplois ( multimédia, le GPS, Radar anti collision…). Mais là où la ForTwo nous a vraiment impressionné, c’est lors de la session de conduite, faite aux quatre coins de Barcelone du centre-ville à la Barceloneta, en passant par la Sagrada Familia.

Agréable, la ForTwo impressionne par sa conduite fluide et sans accroc, parfaitement adaptée à la vie en ville. Si l’on connaissait déjà la Smart reine du stationnement, bien aidée par ses mensurations qui permettent un créneau facile dans tous les recoins, et même un stationnement perpendiculaire ; on découvre aujourd’hui la Smart reine du braquage, par sa capacité au demi-tour accrue et son agilité exceptionnelle. Des caractéristiques qui permettent à la ForTwo d’effectuer un demi-tour sur très peu d’espace (Environ 7m). Encore un avantage qui la conforte dans le rôle de meilleur ami du citadin, de ce véhicule qui encore aujourd’hui, ne connait aucune concurrence sur son « créneau ».

La deuxième journée du séjour sera consacrée à la ForFour, la Smart version 4 places. Si il est un beau véhicule qui bénéficie quasiment des mêmes améliorations que la ForTwo, additionné d’un bel espace modulable à l’arrière, on regrette sa relative absence d’espace à l’avant comme à l’arrière, qui s’oppose à la sensation ressentie sur la version deux places. Notre coup de cœur restera définitivement la ForTwo, qui nous a véritablement marquée par son confort de conduite, son agilité ainsi que son l’espace offert par son intérieur. De là à ce que l’on décide de se l’offrir, il n’y a qu’un pas.

 

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 PLUS

+AGILITÉ

Un système de rotation amélioré permettant de braquer efficacement dans tous types d’espaces. Même si les banques restent quand même déconseillés.

+TOIT PANORAMIQUE

Une vue permanente sur le ciel, nuit et jour. « Leeeet the sunshine in… »

+SON

Ridez comme il se doit au son des enceintes intégrés JBL, spécialiste des équipements audio grand public et du secteur automobile.

+PERSONNALISATION

Personnaliser ses sneakers, c’est « out ». Le must maintenant, c’est de customiser sa voiture, chose possible avec le choix des deux couleurs ornant la Smart.

MOINS

FORFOUR : 4 places, certes. Mais ne songez pas à mettre vos potes basketteurs sur la banquette arrière. Ils ne rentreront pas.

FORTWO : 2 places, certes. Mais ne songez pas à rouler en célibataire, c’est tristounet. Déjà que conduire une deux places, ça fait radin…

 

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Février 1998. C’est l’heure du bilan et du classement de l’année 1997 de la rédaction du magazine VIBE. Une année faste pour le hip-hop qui affirme et signe sa place d’incontournable dans l’industrie musicale, en inscrivant notamment un total de 8 albums en disque de platine. Parmi eux, 2Pac, Notorious B.I.G, le Wu-Tang Clan, Bone Thugs-n-Harmony, Master P, MASE, Puff Daddy ou encore Will Smith.

Pour son dossier de quatre page, le sujet de VIBE est alors trouvé et part d’un constat : le hip-hop est devenu mainstream.

Today, airwave-rulling hip pop has eclipsed the local phenomenon that was once hip-hop. Whose world is this ?
Aujourd’hui, les artistes hip-pop qui gouvernent les ondes ont eclipsé les phénomènes locaux qui faisaient autrefois le hip-hop. A qui appartient ce monde ?

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Mais pour autant, le hip-hop n’est pas mort et VIBE le confirme en apportant une réponse à sa dernière question. Dans une Une qui restera dans les annales du feu périodique, le magazine intronise 8 personnalités du hip-hop et les élève en seigneurs du genre.

VIBE’s cover collective – Foxy Brown, Missy Elliott, Lauryn Hill, Lil’Kim, LL Cool J, Master P, Method Man, Busta Rhymes heretofore known as the Great Eight – truly expended rap’s sonic parameters, the Great Eight weren’t just stars, they were pop music’s creative power brokers – brothers and sisters with truly distinctive voices ; icons whose images teased Nikon, authors on song that broke, hearts, that you broke bread, and broke wind to. Love’em or loathe’em, the world was and theirs.

Le collectif qui fait la couverture de Vibe – Foxy Brown, Missy Elliott, Lauryn Hill, Lil’Kim, LL Cool J, Master P, Method Man, Busta Rhymes jusqu’ici connu sous le nom de Great Eight – ont véritablement étendu les paramètres soniques du rap. The Great Eights n’étaient pas seulement des stars, ils étaient des personnalités de pouvoir dans la pop music – des frères et des soeurs ayant chacun une voix distincte ; des icônes dont l’apparence a allumée le Nikon, auteur de titres qui ont brisé des coeurs, sur lesquels on a partagé le pain et lâché des vents. Aimez-les ou détestez-les, ce monde a été et reste le leur.

En 1998, Busta Rhymes sortait son deuxième album When Disaster Strikes, sur le thème de l’apocalypse. Un LP qui deviendra platine 6 semaines après sa sortie. Vient ensuite Method Man, qui prépare cette année-là la sortie de T2 : Judgment Day, un projet encensé par VIBE pour sa technique exceptionnelle. LL Cool J mettait déjà en place la diversification de ses activités, avec un show TV et quelques publicités, tout en réussissant à suscité l’attente de sa musique auprès de ses fans de la première heure et des autres. Master P lui aussi opérait sur plusieurs plans, en réalisant en 1997 le film à petit budget I’m Bout It, un succès  autobiographique sur fond de trafic de drogue.

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Foxy Brown et Lil’Kim ont déjà sortie leurs premiers albums respectifs, Ill Na Na et Hard Core, chacun d’entre eux ayant atteint également la certification de disque de platine. Quant à Missy Elliott, son travail avec Timbaland la propulse déjà parmi les artistes les plus vendeurs de l’année. Enfin, Lauryn Hill est le seul véritable pari fait par la rédaction de VIBE. Alors qu’elle est sur le point de dévoiler son premier album solo The Miseducation of Lauryn Hill, l’artiste n’a pas encore eu l’occasion de faire ses preuves en solo, en dehors de son trio d’origine les Fugees. Un choix qui s’avèrera prémonitoire, car ce premier album se vendra à plus de 7 millions d’exemplaires aux Etats-Unis.

Là-dessus à Vibe de conclure :

Though sales figures justify our love of […] the Great Eight, the artist’s individual bomm-baps don’t pump in our systems just because they pump in everyone else’s. No. We respect/woship Method, LL, Lauryn, Kim, and the rest for their exceptional talents, shrewd business savvy, and overflowing personality. It’s their strident quest for platinium-coated immortality that inspires us all. […] Be the pro-black, pro-crack, pro-peace or « Fuck Tha Police » Hip-Hop, much like her weathered cousin Rock’n’Roll, is a proven commodity- socially, economically, spiritually. And as long as human have the inclination to tell a good story, teach the unteachable, or just plain talk shit, the sound that first oozed from the housing projects of New York City will continue to reign like stormy weather. You know, you may even say that it’s something like a phenomenon. 

Bien que les chiffres de vente justifient notre amour du Great Eight, le boom-bap de chaque individu ne circule pas dans notre système simplement parce qu’il passe de celui de tous les autres. On respecte / vénère Method, LL, Laryn, Kim et le reste pour leurs talents exceptionnels, leur sens aiguë du business, leur personnalité débordante. C’est leur quête véhémente de l’immortalité habillée de platine qui nous inspire tous. […] Qu’ils fassent du hip-hop pro-black, pro-crack, pro-paix ou « Nique La Police », comme son cousin le rock’n’roll buriné est un bien-fait établi – socialement, économiquement, spirituellement. Et tant que les être humains auront une inclination à raconter de belles histoires, enseigner ce qui ne s’apprend pas ou simplement dire de la merde, le son qui a vu le jour dans la ville de New York continuera de régner comme un ciel nuageux.

 

Quand on débarque chez Tealer ce qui frappe ce n’est pas l’odeur de weed non, l’équipe ayant instauré récemment la règle de ne plus fumer au travail, mais plutôt que l’endroit pue la vie. Le bureau est constamment en mouvement, le bordel y est méticuleusement organisée, c’est agréable et ça se sent. Pour vous nous nous sommes glissés dans les locaux de Tealer afin de vous faire pénétrer dans leur univers, nous avons pris quelques photos et Jeff, Alex et Feli nous ont décrypté l’esprit du crew.

Comment a commencé Tealer ?

Alex : En 2011 avec Jeff, on habite tous dans une colloc et on cherche à faire des trucs : des potes tiennent un bar, le Workshop, d’autres lancent une boîte de prod qui ont fait En Passant Pécho, Get A Way. Feli habitait à 500 mètres. On a un peu d’argent de côté et on achète notre première machine à impression.

C’est cette machine qui vous a lancé ?

 Alex : C’est avec elle qu’on a fait le premier t-shirt. C’était le Steve Urkel avec écrit « Wesh », et on a commencé à faire des t-shirts basiques : une photo qui te rappelle quelque chose, une phrase qui te donne la punchline. Puis on l’a écoulé pas mal mais main à main. On avait affiché tous les t-shirts dans le bar La Droguerie Moderne.

Jeff : Les gens demandaient, « Où est-ce que je peux avoir ça », et le gars du bar répondaient : « Attends, j’appelle le mec. » Et nous on venait le soir boire un coup et ils attendaient leur t-shirt.

Alex : Après, on nous a passé ce local (l’adresse de leur magasin actuel, 11 rue Alexandrie 75002 ndlr) et à la base on avait la cave, ceux qui ont commencé au début connaissent la cave. Tu rentrais par le magasin d’à-côté, tu descendais et là tu avais un bout de cave.

Jeff : On n’avait pas pignon sur rue, on n’avait pas d’enseigne. Il fallait nous connaître.

Alex : Et on avait des petits qui prenaient dix pièces et qui nous ramenaient l’argent après. On mettait un système en place où les petits qui vendaient, ils géraient nos Twitter et du coup, ça twittait et ça livrait aux sortie de métros. Les petits gars qui nous aidaient, ils prenaient leur pièce sur chaque t-shirt. De vrais dealers de t-shirts.

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Jeff : En soit, tu gagnais beaucoup plus d’argent en vendant nos t-shirts qu’en vendant des barrettes. Sur chaque tee, les petites prenaient 10€, ils étaient contents.

À quel moment, vous êtes passés de cet esprit de dealer de t-shirt à quelque chose de structuré ?

 Alex : Viralement, ça a fait son effet jusqu’au moment où ça à dû être déclaré parce qu’on commençait à faire un peu trop d’argent.

Jeff : Ouais et il y a eu la vidéo au carnaval Colette, on se baladait dans la queue et on vendait les tees. C’est ça qui nous a fait connaître au grand jour, on a été rebloggé partout et là c’est vraiment parti.

Alex : Il a fallu officialiser tout ça. En janvier 2012, on a monté la société.

Quand êtes-vous entrés dans le magasin ?

 Alex : En septembre 2011, on entre au sous-sol en on a mis l’enseigne la 1er janvier. On est parti de 1 000€ de capital et une machine à six mois après : la boutique, les gens qui travaillaient, des machines et la reprise complète de tout le lieu car on avait juste la cave prêtée gratuitement. On ne payait même pas, c’était gratos !

Jeff : Quand on l’a repris, on s’est vraiment demandé comment on allait payer le loyer. On faisait des calculs au t-shirt près pour savoir.

Alex : Quand on a pris la boutique, on n’avait que 10 000 balles sur le compte en banque. Mais quand on a mis l’enseigne et qu’on a annoncé qu’on ouvrait la boutique officiellement. On aurait pu payer dix fois la boutique. On fait un premier mois de folie.

Quand avez-vous lancé l’e-shop ?

 Alex : Le 23 janvier. Quand on a lancé le site c’était la deuxième vague. On s’est dit qu’on avait touché notre potentiel. Ça faisait des mois qu’on jouait avec 10 000 balles de trésorerie, on habitait dans la boutique, on n’avait vraiment pas de sous. Quand on a ouvert le site, la première journée on a fait 10 000 €.

Jeff : Ça nous a changé la vie. Alex allait aux toilettes et il me faisait : « On a fait combien pendant que je suis partie pisser. » C’était la folie le premier jour.

Alex : Les premiers moments sont historiques… J’en ai la chair de poule. Sur les trois premiers mois, on a atteint notre objectif à l’année ; au bout de six mois on a atteint notre objectif des trois ans, un an après on était à notre objectif maximal sur le territoire français.

 Quel est l’état d’esprit chez Tealer ?

 Feli : L’amitié gros, d’abord ! Ça concerne une grosse partie de la team et forcément ça transpire sur les autres.

Jeff : Quand je t’ai dit qu’au départ, on était deux, en vrai on n’a jamais été deux. Depuis, le début de Tealer, le projet a été supporté et tout le monde y a cru.

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Alex : Déjà quand ça touche tous tes potes, t’es content, mais là tout notre entourage se sentait concerné.

Feli : Je suis arrivé sur le projet après par des liens d’amitié mais que ce soit moi ou d’autres gens de l’équipe, on se sent tous investi de ce projet. C’est plus qu’une entreprise. Moi j’avais une bête de carrière qui m’attendait mais c’était autre chose. C’est pour ça que tout le monde met la main à la patte et que tout le monde fait tout. C’est une start-up donc on est obligé mais ça nous fait plaisir parce que ça fait avancer la machine.

Quelles sont les étapes qui vous ont fait prendre conscience que vous franchissiez un cap ?

Jeff : Quand on a décidé de mettre l’enseigne et d’officialiser le truc, ça a changé beaucoup de choses. On est devenu une sorte de MJC avec plein de gens, plein de rencontres, plein de rappeurs sont passés pour tourner des clips… C’est un lieu d’échange.

Aujourd’hui, quelle est la prochaine étape pour vous ?

 Alex : On manque cruellement de place, on est de Paris et on a grandi dans la boutique mais avec nos bureaux on arrive à saturation. Mais c’est dur de partir d’ici, même si la boutique resterait.

Avez-vous peur en partant de quitter cette ambiance ?

 Alex : C’est ça qui est difficile et c’est ça le choix à prendre et ça fait chier. T’as peur de perdre quelque chose.

Jeff : Ouais mais ce qui est vraiment mythique pour nous c’est la boutique. La boutique, on la garde quoi qu’il arrive et c’est là où tout a commencé.

Que signifie cette boutique pour vous ?

 Feli : Hier en réssoi, on m’en a parlé. C’était ouf cette boutique qui était en chantier sa mère, tu avais trois mecs qui frappaient le sol dont moi qui était directeur commercial. La « tiquebou » était en bas donc les gens entraient dans un chantier avant d’arriver au comptoir.

Alex : Pendant quatre mois, on n’avait aucun t-shirts sur les portants.

Jeff : Les gens faisaient la queue, ils arrivaient à la caisse et ils disaient ce qu’ils voulaient. Mais des queues de oufs. Ils arrivent et ils savent ce qu’ils veulent, le jour où on a retiré tous les t-shirts de la boutique, c’est le jour où on a fait le plus d’argent.

Alex : Ici, on est chez nous, dans notre quartier, on connaît tout le monde.

Jeff : Même les keufs ! Ils ont fait une descente récemment, ils ont tout visité et on leur a tout montré. À la base, ils venaient pour les « Kush Box » et ils nous ont dit : « On arrête beaucoup de jeunes avec ça ». On leur a expliqué le délire de Tealer et ils nous ont dit : « J’aime pas le contenu mais j’aime bien l’énergie. »

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Alex : Au départ, il y avait un canapé-lit, un bureau, un frigo, une petite machine. C’était vraiment un appart.

Jeff : Tu rentrais, tu étais chez quelqu’un avec un gros squat de 5-6 potes et un mec qui fait des t-shirts au fond.

Alex : C’est aussi ça qui fait de ce lieu-là, un lieu connu.

Jeff : On allait en boîte, on invitait toute la boîte.

Alex : On a arrêté le jour où on a dépassé 200 personnes dans la boutique.

Feli : Je flippais ma mère, il y avait 200 personnes dans le magasin mon frère. On a vu des kalashs, des acteurs qui se planquaient au fond, c’était ouf…

Sentez-vous que vous avez capitalisé pleinement sur cet état d’esprit ainsi que tout votre univers ?

 Jeff : Franchement, on l’a fait sans arrière-pensée, on est arrivé comme ça, on a fait notre truc. On s’est fait kiffer et on a fait kiffer les gens.

Alex : Forcément, on aura marqué une année du t-shirt. La 2013-2014 dans l’histoire du t-shirt en France, elle est pour nous et je la prends.

 Jeff : Dans des années, il y aura des t-shirts Tealer qui vont traîner dans des armoires. On en a fait partir énormément et il y aura des traces de ce qu’on a fait.

Comment expliquez-vous ce succès ?

 Feli : Je pense qu’il y a un truc qu’ils ne veulent pas te dire car ils sont humbles parce que c’est eux qu’ils l’ont crées. Je pense que ce qu’ils ont fait, ça ne s’est jamais vu en France. Le concept de groupe et de fumette en mode social, personne n’avait fait ça. Ils sont les premiers.

Jeff : Quand tu as 17-18 ans, ton dealer c’est ton meilleur pote : t’as envie qu’il te réponde, qu’il arrive vite chez toi… Je voulais avoir ce même relationnel avec les gens, avec une histoire à raconter. On est pote avec notre public. On est « weed friendly », on partage un joint et c’est à la cool. Si tu as un projet et qu’on t’aime bien, on le fait.

Est-ce que c’est une fierté d’avoir fait de votre délire une entreprise qui fonctionne ?

Alex : On va voir si la réalité ne nous rattrape pas trop vite.

Jeff : Dans 5 ans, je te dirai si on est fiers d’être restés des gamins. Si ça marche ouais et si on se plante, on se dira que c’était une belle aventure. Alex, moi et toutes les personnes qui travaillent à Tealer auront tout donné pour réussir.

Le créateur brésilien Pedro Lourenço c’est récemment associé à Nike pour réaliser une collection capsule exclusivement consacrée au sportswear. Le résultat : une ligne alliant parfaitement féminité, luxe et technique. Pour la tester, nous avons eu la chance de rencontrer Elodie Clouvel, championne de France de pentathlon moderne (natation, course, escrime, équitation et tir au pistolet). L’occasion pour YARD de la rencontrer, de recueillir ses impressions et le témoignage de son parcours avant la préparation des qualifications aux Jeux Olympique de Rio en 2015.

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Collection Pedro Lourenço x Nike disponible sur nike.com/lab. Mais aussi en boutique au NikeLab du Marais (12 rue de l’Hospitalière Saint-Gervais, Paris 75004), au Broken Arm (12 Rue Perrée, 75003 Paris) et chez Colette (213 Rue Saint-Honoré, 75001 Paris)

Qu’as-tu pensé de la collection ?

J’ai trouvé que c’était très beau, très féminin et très fonctionnel. Les matériaux sont supers.

As-tu une pièce préférée ?

J’aime le short rose avec les chaussettes. Ils étaient très confortable. Les manchettes, sont super biens, elle maintiennent bien le bras. On a l’impression qu’elles font de la contention. J’aime bien les chaussures. Et les vêtements taillent bien : comme je suis grande, les leggings sont assez longs, à la bonne longueur. C’est vraiment une belle collection.

En ce qui concerne ta carrière, tu as des parents athlètes, comment cela a forgé ton caractère d’athlète ?

Depuis toute petite, j’ai pu suivre mes parents qui étaient sportifs de haut niveau. C’est sûr que ça aide, ça m’a inculqué l’esprit de compétition. Et les accompagner parfois sur des compétitions, simplement de voir leur rythme de vie, m’a inspirée.

Est-ce que ta vocation vient de tes parents ?

Non c’est en moi. J’aime vraiment le sport, la compétition. Je prends énormément de plaisir à pratiquer mon sport mais je voudrais être comédienne plus tard. C’est aussi une vocation. J’ai déjà fais du théâtre quand j’étais petite, et là j’en fait un petit peu mais je privilégie mon sport. Je suis au cours Simon, mais je n’ai passé aucun casing parce que ce n’est pas compatible avec le sport de haut niveau. Ce sera pour plus tard, après ma carrière.

Tes parents ont fait de la course. Pourquoi t’es-tu d’abord lancé dans la natation ?

Mes parents m’ont mise à la natation pour m’apprendre à nager tout simplement. Et puis finalement c’est un sport qui m’a beaucoup plue. Je me suis épanouie dans ce milieu et j’ai commencé à performer en compétition. Du coup j’ai été repérée en natation et je me suis inscrite en sport-étude natation.

Pourquoi as-tu arrêté ?

Je me suis entraînée un an et demi avec Philippe Lucas. Ça se passait bien, c’était très dur, il était très exigeant, mais bon ça me plaisait. Malgré ça je ne me suis pas qualifiée aux Jeux Olympique en 2008 en natation. Après je pense que j’étais jeune et je me suis dit « Oh, j’arrête la natation » sur un coup de tête. Et le pentathlon m’a repérée.

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Comment cela s’est-il passé ?

J’étais championne de France de cross en athlétisme et ils connaissaient mes « perfs » en natation, du coup ils m’ont repérée.

Connaissais-tu déjà la course à ce moment-là ?

Mes parents étaient sportifs en athlé et j’avais déjà fait de la « compet » en course, donc du coup je connaissais. C’était un sport que j’aimais et puis qui me semblait assez facile à apprendre.

Donc tu n’avais jamais fait ni d’équitation, ni de tir, ni d’escrime. Comment ça s’est passé ?

En fait, je suis arrivée et ils m’ont fait découvrir un peu tous les sports et j’ai adhéré tout de suite aux cinq disciplines. Ça a été un nouveau challenge en fait, ça m’a aussi plue parce qu’il y avait toujours la natation, ce milieu aquatique.

J’ai lu que tu avais peur des chevaux.

Au début quand j’ai commencé, j’avais peur des chevaux mais maintenant ça va mieux. J’avais fait une petite chute à cheval quand j’étais petite, du coup je n’étais jamais remontée depuis et j’appréhendais un petit peu.

Comment s’est passé ton apprentissage de l’escrime.

Non, mais c’est venu assez rapidement, assez naturellement. Déjà parce que je suis grande, et que je suis gauchère, c’est déjà un avantage en escrime. Puis j’ai vraiment l’esprit de combativité, donc tout de suite j’ai réussi à m’adapter à ce sport.

Et le tir ?

Ça a été plus dur le tir. C’est un sport très difficile finalement, même si ce n’est pas du tout physique. C’est très mental et très technique. Du coup il a fallu acquérir les bases du tir et c’est assez complexe finalement.

Ta progression a été très rapide, tu as commencé à remporter des médailles seulement trois ans après avoir commencé le pentathlon.

J’ai réussi assez vite parce que j’avais aussi un passé de sportive de haut niveau en natation. Ça m’a quand même forgée pour me lancer dans le pentathlon. Donc tout de suite, j’ai réussi à bien m’adapter sans avoir d’appréhension quand je partais en compétition. Je ne me posais aucune question et c’est pour ça que j’ai gagné aussi vite. Après, il y a une période un peu plus difficile où on stagne. Le sport ce n’est jamais comme on veut.

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Tu parles Amélie Cazé (pentathlète triple Championne du Monde et double Championne d’Europe) comme d’une « locomotive », est-ce une source de motivation ?

Oui c’était la meilleure concrètement. Et c’est vrai que je me suis dit, que moi aussi j’aimerais réussir à avoir son palmarès, ça m’a motivé. Elle a une grande place dans ma performance.

Qu’est-ce que son départ en février a changé pour toi ?

Tout de suite j’ai senti que du coup, j’étais devenu la leader du groupe. Au début c’était un peu difficile à assumer, je n’avais pas forcément l’habitude. Mais maintenant, ça me correspond bien.

Que va-t-il se passer prochainement au niveau des compétitions ?

Là, ça débute en 2015. On va commencer à entrer dans le vif du sujet pour les Jeux Olympiques. La saison des compétitions commence en février mais la réelle compétition qualificative pour les Jeux, c’est juin 2015 avec la finale de la Coupe du Monde, les championnats du Monde et les championnats d’Europe.

Comment appréhendes-tu tous ça ?

Très bien. Je ne me prends pas la tête, après c’est sûr que je suis très motivée et que je vais me donner à fond pour d’une part me qualifier et pouvoir vraiment aborder les Jeux sereinement.

« Le Parisien » t’a surnommé la « James Bond Girl », comment as-tu reçu ça ?

C’est vrai que ça me plaît. J’aimerais bien être la nouvelle James Bond Girl ! Non, mais c’est vrai que mon sport est un sport de guerrier à la base, et il y a aussi une part d’agressivité où il faut aussi être froid à l’intérieur comme une James Bond Girl. Je peux très bien être sportive et féminine à la fois.

L’article était accompagné d‘une photo de toi qui avait beaucoup circulé sur Internet il y a quelques années.

C’était avant les Jeux. L’agence Reuters était venue faire des photos, c’était avec le pistolet, j’étais en tenu de sport et un peu apprêtée et ça a fait parler. Ça m’a fait plaisir qu’on parle de moi et de mon sport, parce que c’est vrai qu’il n’est pas vraiment médiatisé. Ce qui nous manque c’est vraiment une médaille olympique et j’espère que je vais pouvoir aller la chercher à Rio.

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Photo : Thomas Babeau
Stylisme : Audrey Michaud Missègue
Propos recueilli par Raïda Hamadi

Assistant Photo : Martin Lagadère
Hair Stylist : Mayu Morimoto
MUA : Meyloo

« Say My Name ». Trois mots qu’on a tous fredonnés avec plus ou moins de justesse pour tenter de reproduire le son du tube des Destiny’s Child. Depuis sa sortie en 1999, le troisième single issu de leur deuxième album The Writing’s on the Wall est passé de hit interplanétaire à classique du r’n’b moderne. Plusieurs années aprés la séparation du groupe, elle reste incontestablement la chanson la plus emblématique du répertoire des filles de Houston, comme le prouve les innombrables remix et reprises que le morceau continue de susciter. Un cas sur lequel on s’est penché pour pondre une sélection variée de 10 variantes du titre montrant la popularité ainsi que l’étendue des possibilités qu’offre le tube des Destiny’s Child.

Plateforme privilégiée des remix en tous genre, Soundcloud est devenu depuis quelques années le terrain de jeu favori des jeunes créateurs, et la scène appropriée pour exhiber les expérimentations en tout genre. Sans conteste le lieu hébergeant le plus de « Say My Name » électroniquement modifiés. Si trouver LE morceau révolutionnaire reste assez compliqué, il est aisé de faire de bonnes trouvailles. Petite sélection.

Versions Smooth

Versions Up-Tempo

Cyril Hanh, docteur des réinterprétations, est certainement celui qui a impulsé la vague du remix « électronique » sur la chanson de Beyonce & co. Un hit appréciable pour le travail des refrains des « enfants de la destinée » par les voix humanoïdes caractéristiques de son style.

L’original

Si il est dans la norme de pouvoir reconnaître le titre original, certains remix ne ressemblent en rien au morceau de base n’empruntant qu’une boucle instrumentale ou de voix.

L’officiel

Il faut remonter à l’année 2000 pour retrouver la trace d’un remix officiel du morceau. Cette version, produite par Timbaland s’installe dans la pure tradition des remix hip-hop à l’ancienne. On change l’instrumental, on change le refrain, on change d’ambiance, mais le résultat est tout aussi excellent.

LE TEA TIME

Issu de la même époque que le remix précédent, celui-ci est réalisé par un trio de producteurs anglais surnommé la Dreem Teem. On reconnait dans ce remix version 2-Step l’influence UK des trois DJ, pour ce qui restera l’un des principal fait d’arme de leur courte carrière.

Les covers

Impossible d’aborder le cas « Say My Name » sans évoquer les covers qu’elle a suscité. Ses reprises, plus ou moins fidèles, sont un moyen pour l’artiste en question de rendre un hommage assumé à une chanson qu’il apprécie, et d’adapter à leur manière le hit qu’ils auraient aimé recevoir. Si l’une des plus connus reste celle de Drake « Girls Love Beyonce » ; d’autres univers comme le rock se sont aussi essayés à l’exercice de la reprise, parfois avec réussite comme celle de Superchunk, ou encore celle de The Neighbourhood.

BONUS

Comme dans beaucoup de titres qui ont été l’objet d’une forte réappropriation, il existe forcément aussi un côté obscur. Cette partie de la force est merveilleusement bien illustrée par cette dernière version, seulement différenciée de l’original par un couplet de… Kobe Bryant. À l’instar de son ancien partenaire des Lakers, Shaquille O’Neal, auteur de 4 albums entre 1993 et 1998, c’est un Kobe à l’aube de sa carrière qui pose son flow sur un des tubes r’n’b incontournables de l’époque. Désolé Kobe, mais on ne pouvait terminer cette sélection autrement.

En pleine polémique avec Voici pour avoir détourné ses propos sur le rap français et son opinion du rappeur Booba, Akhenaton revient sur l’évolution d’un genre qu’il a véritablement impulsé en France. Le leader d’IAM évoque avec nous les heures sombres du groupe avec les polémiques autour de Freeman et de l’École du Micro d’Argent.

En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 1988 à 1994 pour ce deuxième volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

1989 : The Anthem

Quand Spike Lee réalise Do The Right Thing et imagine le personnage de Radio Raheem, qui se distingue par son bruyant Ghetto-Blaster, il comprend que le film se doit d’être porté par un titre phare, « l’hymne » de toute une communauté. Une volonté qui correspond au profil de Public Enemy, le groupe vedette de Def Jam dont la plume engagée parle aux jeunes des ghettos. Mais lorsque Spike Lee contacte son leader Chuck D, il lui propose d’enregistrer une version hip-hop de « Lift Every Voice and Sing » du poète James Weldon Johnson. Une idée qui ne convainc pas le rappeur, qui n’y voit pas là un titre susceptible de marquer les esprits de la jeunesse afro-américaine. Il revient finalement auprès de Spike Lee avec la bombe « Fight The Power » qui reste encore aujourd’hui l’un des morceaux phares de la carrière du groupe, avec notamment la ligne culte « Elvis was a hero to most but he never meant shit to me ».

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1990 : Carmen Ashhurst, une salvatrice first lady

Sony a beau scruter avec une attention toute particulière le label en plein essor, Def Jam, en vue d’un nouveau deal de distribution, le numéro deux mondial de la musique n’en est pas moins refroidi par le manque d’organisation régnant au sein de l’écurie fondée par Rick Rubin. Refusant de voir cet arrangement fructueux lui passer sous le nez, Russell Simmons promeut alors sa fidèle confidente Carmen Ashhurst, au poste de présidente de Def Jam, avec pour objectif majeur de restructurer un label dont les contours organisationnels sont bien trop flous à l’époque. Une mission accomplie avec succès par la « first lady » qui redessine l’agencement du label, créant de nouveaux départements spécifiques et nommant des personnes à la tête de chacun de ces départements, et de ce fait, rendant possible la reconfiguration du deal entre Def Jam et Sony.

1991 : Rock Hard

À l’image de la culture qu’il glorifie à travers son activité, Def Jam a toujours été le fruit d’un large métissage musical, orchestré dès sa fondation par la réunion entre l’enfant du métal, Rubin, et celui baignant dans le hip-hop, Simmons. Un mélange perceptible dès les premières productions Def Jam, qu’il s’agisse des Beastie Boys ou même de Run-DMC qui, accompagné de Rubin, avaient franchi les limites de leur discipline en collaborant avec le groupe Aerosmith. Un pas qu’emprunte également le groupe Public Enemy en intégrant à leur troisième album Apocalypse 91… The Enemy Strikes Back un remix détonnant de leur hit « Bring The Noise » en collaboration avec le groupe de thrash metal Anthrax. Une collaboration que Chuck D avoue pourtant « n’avoir pas pris au sérieux » lorsqu’elle est initialement proposée – en dépit des bons rapports qu’entretiennent alors les deux groupes – mais qui les amena toutefois à partir en tournée ensemble.

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1992 : Def Comedy Jam, une nouvelle plateforme d’expression

Quatre années se sont écoulées depuis le départ de Rick Rubin, et Russell Simmons, soucieux de se séparer peu à peu de l’ombre pesante de son illustre collaborateur, est à la recherche de nouveaux moyens originaux pour développer la marque Def Jam dans des domaines encore inédits. C’est de cette volonté que naît en 1992 le show TV Def Comedy Jam diffusé sur la chaîne satellite HBO. Subissant des reproches quant à son prétendu communautarisme, l’émission a, durant 8 années d’existence, contribué à mettre en lumière de nombreux comédiens afro-américains, de Martin Lawrence à Chris Tucker en passant par Mo’Nique. Cette dernière a d’ailleurs rendu un vibrant hommage à Simmons en 2014 lors de l’Arsenio Hall Show, estimant que celui-ci a offert une « liberté que peu d’autres était en mesure d’accorder » aux comédiens noirs à travers le Def Comedy Jam.

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1993 : L’entrée fracassante d’Onyx

En 1993, une nouvelle force de frappe fait son entrée dans le catalogue Def Jam. Signés chez Jam Master Jay Records, l’un des nombreux labels affilié à Rush Communications – et par extension à Def Jam, le trio Onyx mise sur une agressivité débordante que les membres tirent des bas fond de Jamaïca, quartier parmi les plus précaires du Queens : « Tout ce qu’on fait vient du côté sombre et sinistre de la réalité, c’est là on vit. On a l’air menaçant parce qu’on hurle de toute la force de nos poumons et notre musique est aussi puissante que possible ». Ce qui aurait pu être un frein à leur carrière en est donc le principal moteur, puisque leur premier album Bacdafucup et son single phare « Slam » seront tous deux certifiés disque de platine.

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PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

Michael Jackson et Freddie Mercury sont irrémédiablement ancrés dans l’histoire de l’industrie musicale comme de véritables showmen et faiseurs de tubes intemporels. Le premier est, après une longue carrière, intronisé « Roi de la pop », tandis que le second règne en maître sur la musique, dans un genre rock inclassable mais terriblement populaire avec son groupe Queen.
Evoluant à la même époque, ces deux montagnes se sont un jour croisées. Une rencontre de choc qui aurait pu générer des morceaux à la hauteur du statut de ces monuments. Mais…

Durant les années 70, le groupe anglais Queen se rend aux États-Unis. C’est à ce moment que son leader, Freddie Mercury, se passionne pour les clubs et l’ambiance follement hédoniste qui atteint son apogée à l’époque. De ce nouvel intérêt, il conserve les influences du disco et de la musique noire en les imposant à son groupe dans la conception de l’album Hot Space, sorti en 1982. Bien que cet opus soit reconnu comme le plus faible de la carrière du groupe, il lui attirera au moins un nouveau fan : Michael Jackson. Le jeune roitelet de la pop assiste alors à quelques concerts du groupe jusqu’à finir par accéder aux coulisses. Très vite, Freddie et Michael s’entendent et se comprennent. MJ, en pleine préparation du futur Thriller, propose alors une collaboration.

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L’enregistrement se passe en 1983 dans le studio de Michael, à Neverland, son ranch. Le travail avance mais est interrompu au bout de quelques jours par la présence incongrue du lama domestique du chanteur, Louie. Le manager de Queen, Jim Beach, confie à ce sujet : « Ils s’entendaient bien. Et j’ai soudainement reçu un appel de Freddie me disant : « Mon cher, tu peux venir me chercher parce que je dois absolument quitter ce studio. » Je lui ai demandé quel était le problème, et il m’a répondu : « J’enregistre avec un lama. Michael l’emmène tous les jours et je n’ai vraiment pas envie d’enregistrer avec un lama. J’en ai assez, je veux partir. »

Freddie quitte alors Neverland, un départ qui se traduit par l’inachèvement de trois morceaux : Victory, There Must Be More In Life Than This et State of Shock. Après la sortie de Thriller, l’album le plus vendu de l’histoire de la musique, Freddie Mercury exprime quelques regrets lors d’une interview au micro de Lisa Robinson : « Je pense que l’une des chansons aurait été sur l’album si je l’avais finie. Mais j’ai manqué mon coup. »

Pourtant, même si l’anecdote du lama reste amusante, elle n’explique pas tout. Après la sortie de Thriller, Freddie s’attelle, lui aussi, à la réalisation de son premier solo. Un véritable défi qu’il s’impose pour prouver sa valeur sans son groupe, afin d’évaluer seul son talent et sa popularité. Le succès de Thriller devient pour lui un objectif à atteindre, voire à dépasser. D’autant plus que les deux albums sont produits par le même label, celui qui lui donnera sa première chance aux États-Unis : CBS.

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Mais l’artiste sous-estime l’importance du travail nécessaire pour produire un projet au moins équivalent à Thriller. Derrière ce nom se cache un budget de 750 000 dollars, 300 chansons élaborées pour seulement 7 retenues, des musiciens renommés et toute une équipe au service de la créativité de Michael. Quant à Freddie, il travaille seul, pour la première fois. À sa sortie, Mr. Bad Guy ne rencontre pas le succès escompté et sera même un échec commercial aux États-Unis. Des résultats qui jetteront un froid sur ses relations avec CBS et de facto sur sa collaboration avec Michael.
Leurs duos sont pourtant conservés et certains sont réadaptés : There Must Be More In Life Than This apparaît dans sa version solo sur Mr. Bad Guy, State of Shock est repris sur l’album des Jacksons Victory, mais le titre est enregistré avec Mick Jagger. MJ lui-même aurait contacté Freddie Mercury pour l’en avertir. À ce sujet, le leader des Queen explique à Rudi Dolezal, réalisateur de Freddie Mercury, The Untold Story : « Une chanson est une chanson. Tant que notre amitié continue, nous pouvons écrire tous les genres de chansons. » Une note d’amertume dans une partition magistrale. Comme l’explique un autre lama appelé « dalaï » : « Plus nous aurons donné de sens à notre vie, moins nous éprouverons de regrets à l’instant de la mort. » Parfois, malheureusement, ça ne suffit pas.

 

Retrouvez cet article dans le dernier numéro du YARD PAPER.
DISPONIBLE ICI

Theophilus London ft. Jesse Boykins III – Tribe

Theophilus London aura beaucoup fait parler de lui cette semaine, avec la sortie attendue de son album « Vibe » produit par Kanye West et illustré par Karl Lagarfeld et son concert prévu ce week-end dans le cadre du Howl Music Festival. La suite logique étant la sortie d’un clip vidéo, c’est le titre « Tribe » qu’il choisi pour rendre hommage à son amour de la danse.

DIE ANTWOORD – UGLY BOY

Après une longue absence, le duo le Sud-africain revient avec la vidéo d' »Ugly Boy » et se paie pour l’occasion une belle liste de guest : Dita Von Teese, Marylin Manson, le mannequin Cara Delavingne ou encore Jack Black. Mais c’est bientôt sur le grand écran qu’on retrouvera le duo dans le film de science-fiction « Chappie«  aux côtés de Dev Patel et Hugh Jackman.

Big Sean ft. E-40 – I Don’t Fuck With You

Big Sean est lui aussi bien entouré dans sa dernière vidéo. Mettant en scène un match de football américain, il endosse le rôle de quaterback, quand Kanye West joue le coach, E-40 le commentateur sportif et Teyana Taylor la cheerleader.

Lorde – Yellow Flicker Beat

La sortie du troisième volet de Hunger Game approchant, la communication s’accélère. Ce qui concerne aussi la bande-son dont la jeune Lorde est la curatrice. Elle dévoile cette semaine la vidéo qui accompagne le titre qu’elle a composé pour l’occasion : « Yellow Flicker Beat« .

Kendrick Lamar – i

Les choses s’accélèrent aussi pour Kendrick Lamar, dont les extraits de l’album en préparation font déjà frémir d’impatiente ses plus grand fan. Cette semaine, c’est la sortie du clip fortement engagé du titre « i » qui a suscité leur enthousiasme.

« Les liens du sang ont une force étrange, et dans les malheurs il n’y a rien qui vaille l’affection d’un parent. » De la Grèce Antique et son Athènes classique au Radio City Music Hall de New York en 1995, cette belle citation du dramaturge Euripide trouve sa place à toutes les époques. Dans la salle qui sert de décor à la cérémonie des MTV Awards, il est temps de remettre le prix qui récompense la meilleure chorégraphie de l’année dans un clip. Dans cette catégorie s’affrontent Paula Abdul (« My Love Is For Real »), Brandy (« Baby »), Madonna (« Human Nature »), le groupe Salt-n-Pepa (« None Of Your Business ») et une partie de la fratrie Jackson, représentée à cette occasion par Michael et sa petite sœur Janet, nommés pour leur performance dans le vidéoclip « Scream ».

En 1995, MJ traverse une période mitigée qui le voit en même temps dominer les charts depuis la sortie de son double album HIStory, et traverser une période trouble à cause d’accusations d’abus sexuel supposé sur mineur qui croulent sur lui depuis son premier procès en 1993. Si aucune preuve de ces accusations ne sont ressorties lors de l’enquête et que l’affaire s’est réglée hors des tribunaux – en échange de la « modique » somme de 22 millions de dollars – c’est un Michael changé et traumatisé qui ressort de cette affaire, même un an après la fin du procès.

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Après l’énonciation des différents clips nominés, c’est la voix de Biggie qui appelle sur scène le duo pour leur remettre le fameux trophée. Au coté d’un Michael vêtu de noir de la tête aux pieds, on découvre une Janet portant un t-shirt blanc avec une inscription au dos, à la manière d’un nom de joueur et de son numéro sur un maillot de baseball : « PERVERT 2 ». Le message est clair, facilement déchiffrable. Le vêtement que porte la chanteuse est un soutien à son frère, « Pervert » faisant référence aux accusations dont il est victime, et le « 2 » faisant office de signe de ralliement, quand il prend la forme écrite en anglais, « too ».

Un t-shirt que la chanteuse exhibera fièrement sur le tapis rouge de la cérémonie et justifiera ainsi : « The charges are ridiculous. If Michael is a pervert, then so am I. »(« Les charges contre lui sont ridicules. Si Michael est un pervers, alors j’en suis une aussi »). Si le geste aura été plus ou moins bien interprété, entre ceux qui ne comprennent pas la dimension sarcastique et qui prennent le message au premier degré, ou ceux qui accusent l’artiste de légèreté face à une situation tragique ; le geste de Janet Jackson reste une belle preuve de fraternité et fait parti des grands moments insolites – et fashion – de l’histoire de la cérémonie des MTV Awards.

Derrière le succès de Grey’s Anatomy et Scandal se cache une seule et unique personne : la scénariste, productrice et réalisatrice, Shonda Rhimes, aujourd’hui maîtresse indiscutée de la boîte de production Shondaland. C’est sous ce nom que débarque la série How To Get Away With A Murder, scénarisée par Peter Nowalk, l’un de ses plus proches collaborateurs. Avant même la diffusion du premier épisode, ABC prend les paris et inscrit la série dans une trilogie hebdomadaire consacrée à Shondaland, le Thank God It’s Friday. Une première dans l’histoire des séries et un challgenge qui semble rélevé avec un lancement à près de 15 millions de téléspectateurs pour le pilote de HTGAWM diffusé en dernière partie de soirée. Le meilleur démarrage de la chaîne depuis 2007 !

Tout ce que touche Shonda semble se transformer en or et le Hollywood Reporter l’érige déjà en “Sauveur de la Télévision”. Mais qui est Shonda Rhimes ?

 

Le don de Midas…

En moins de dix ans, Shonda Rhimes, qui figure, selon le magazine Time, dans la liste des 100 personnes les plus influentes du monde, a réussi à trus­ter un secteur de l’industrie culturelle où seuls 10 % des scénaristes sont issus des communautés minoritaires aux États-Unis . Son secret ? Avoir réussi à bousculer les codes ultra­nor­més et aseptisés des soaps diffu­sés en prime time. Sa recette ? Augmen­ter la repré­sen­ta­tion des homo­sexuels et des minorités raciales sur le petit écran et mettre des femmes fortes en avant. Oprah Winfrey, papesse de la télé améri­caine, confiait récem­ment au Time : « J’ai grandi à une époque où il était anor­mal de voir des gens qui me ressem­blaient à la télé. Rhimes nous a tous pris, tous ! Nous avons tous à notre place autour de la table de Shonda ! ».

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« J’es­pé­rais juste montrer un monde qui ressem­ble­rait au nôtre » explique la réalisatrice. Grande téléphage à l’époque où elle pouponne son premier enfant, Shonda se lasse des séries qui passent sous ses yeux. L’hégémonie de l’homme blanc hétéro et la sous-représentation des autres couches de la population l’agace. Elle se lance alors dans l’écriture du scénario de Grey’s Anatomy, son premier grand succès en tant que scénariste et showrunner. Une série qui entamait en septembre sa 11ème saison surfant toujours sur son succès des premières heures, grâce à une fanbase encore solide. Une longévité d’autant plus remarquable que la série aura survécu à son spin-of  Private Practice et à l’éphémère Off The Maps.

En 2012, Shonda Rhimes lance Scandal, portée par le personnage d’Olivia Pope, véritable symbole de la femme forte et indépendante. Un personnage controversé, qui se perd entre son rôle d’experte en gestion de crise et celui de maîtresse du président des Etats-Unis. Un cocktail explosif dont le dosage des ingrédients permet l’équilibre de la série. Un équilibre qui est aujourd’hui de plus en plus précaire. Un symbole charismatique qui ouvre sur une véritable révolution dans le monde des séries TV en installant son personnage principal, une femme Noire, au coeur d’une diversité raciale. Une image qui tranche avec celle du nombre important de shows où chaque communauté reste dans un entre-soi cloisonné et ne font que se croiser au fil des épisodes.  Si ce choix est avant tout motivé par le mentor de Rhimes, véritable source d’inspiration pour le personnage d’Olivia Pope, il ouvre le débat sur la question de la représentation à la télévision.

Une révolution qui se poursuit dans la dernière série qu’elle produit,  How To Get Away With A Murder, lorsque Peter Nowalk choisit d’opter pour une représentation plus réaliste des homosexuels et de leurs relations. Cette volonté de changement de la vision télévisée de la société se prolonge avec le choix de Viola Davis dans le rôle principale : “Je suis heureuse que Shonda Rhimes m’ait vu. Elle m’a remarqué lors d’une interview avec Ophrah où je disais : “Personne ne me choisira pour un rôle sexy” et  elle s’est dit : “Pourquoi pas ?” Je pense que cela fait d’elle une visionnaire, c’est pour ça qu’elle est spéciale, c’est ce qui la rend iconique.” Au delà de leurs couleurs de peaux, Shonda démontre que ses héroïnes réussissent à fidéliser un public multiculturel qui s’identifie à des individus complexes et profonds, ni tout noir, ni tout blanc. Des personnalités nuancées, qui, au fil des épisodes, traversent des épreuves qui réussissent à toucher un large public.

 

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Et sa malédiction

La formule “Shondaland” n’est pas magique. Deux ans après le succès de Grey’s Anatomy, en plein renouvellement du genre de la série médicale (NIP/TUCK, Scrubs, Dr. House, NIH : Alerte médicale), ABC émet l’idée d’un spin-off qui surferait sur la vague du show. Pour s’assurer du même succès, rien de plus simple que d’en récupérer quelques personnages qui se chargeront de faire vivre les deux séries en parallèle, laissant par la même occasion la porte ouverte à quelques crossovers. Si Private Practice revisitait point par point la série Grey’s Anatomy dans une ville différente, Off The Map : Urgences au bout du monde, poussera le genre de la série médicale encore plus loin et conduira ses nouveaux protagonistes dans une île inhabitée. Mais ce filon s’épuise de plus en plus rapidement. Private Practice prend fin en 2013 et Off The Map ne durera pas plus d’une saison.  Encore aujourd’hui, la série Grey’s Anatomy connaît les mêmes faiblesses. Un scénario qui prend l’eau et qui tente de reprendre quelques bouffées d’oxygène à coup de fusillades sensationnelles, retournements de situations inattendues  ou de disparitions subites des personnages les plus attachants témoignent. Le fameux Jumping The Shark de Happy Days juste pour donner de la matière pour animer le fandom et lui offrir de quoi débattre, rire et pleurer.

Une théorie qui s’étaye grâce aux derniers chiffres d’audience de la soirée Shondaland. Même si Grey’s Anatomy profite du TGIF et fait son meilleur démarrage depuis deux ans, elle réunit depuis 8,43 millions de télespectateurs, soit 2,4% des parts d’audience, des chiffres en baisse. Quant à Scandal, le show rassemble 9,90 millions de téléspectateurs, et pour How To Get Away With A Murder ce sont 9,79 millions de téléspectateurs qui se donnent rendez-vous ; des chiffres en constante baisse.

 

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Le cinéma est aussi un domaine qui semble résister à l’emprise du Shondaland. À sa décharge, le cinéma ne constitue pour elle qu’un court passage au début de sa carrière qui l’amènera vers le statut d’impératrice de la série télé. Au total, sa filmographie ne compte que deux films : Crossroad, l’infâme road trip de Britney Spears vers “l’âge adulte” ( I’m not a girl, not yet a woman ), mais aussi le deuxième opus du Journal d’une Princesse, avec Anna Hathaway. Un autre film qui ne connaîtra qu’un succès relatif.

Lorsque The Hollywood Reporter encense Rhimes et la sacre sauveuse de la télévision, ou tu du moins de CBS, ils récompensent le travail fait par la productrice et sa méthode de construction des personnages. Mais les séries de Shonda Rhimes sont comme ses personnages. Forts et convainquants en surface, plus tard on découvre en eux des défauts de conceptions qui lasseront très vite les spectateurs les plus exigeants. À cela s’ajoute une vulgarisation des principes de la médecine, de la loi et de la communication de crise, qui finiront bien vite par agacer le public et même les néophytes. L’empire de Shonda Rhimes a aujourd’hui plus de 10 ans et semble encore résister à l’usure du temps avec une trilogie qui concentrent l’attention de million de téléspectateurs. Mais malgré la relance en terme d’audience qu’aura apporté le concept « Thank God It’s Thursday », l’enjeu de Shondaland sera de savoir se renouveler, au-delà de l’avancée apporté dans la représentation des minorités.

 

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Dans ce nouvel épisode de #YARDWASTHERE, c’est la Grande Halle de la Villette que nous avons investi le week-end dernier, où se déroulait la quatrième édition du Festival Pitchfork. A cette occasion, nous somme allé à la rencontre des acteurs de cet événement, comme les artistes MO, Jessy Lanza, le groupe Perfect Pussy et les australiens de MOVEMENT, ainsi que le public, qui était venu en nombre pour apprécier la trentaine de concerts répartie sur les 3 jours du festival, dont vous pouvez revivre les meilleurs moments.

Quelques heures avant leur premier show français à La Flèche D’Or, nous avons rencontré le trio Brooklynite Wet. Un groupe découvert il y a près d’un an avec le catchy « Don’t Wanna Be Your Girlfriend », morceau pop mélancolique, qui frappe par sa simplicité et son minimalisme. Un titre mainte fois remixé, qui menera Wet en tournée aux Etats-Unis et en Europe, après la sortie d’un  EP éponyme. L’occasion pour nous de les rencontrer et d’évoquer leur début et la préparation de leur premier album.

Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Kelly Zutrau : Je suis Kelly.
Joe Valle : Je suis Joe.
Marty Sulkow : Je suis Marty.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

K : On était ensemble à l’école à New York.

Et comment avez-vous commencé à faire de la musique ensemble ?

M : C’était après une assez longue période. On avait pas mal d’amis qui s’étaient lancés dans la musique avant Wet.
K : Au départ c’était pour s’amuser et on a pris des chemins différents après l’école. On a commencé à s’échanger des e-mails, à s’envoyer des démos, vraiment sans pression. Puis Joe et moi sommes rentrés à New York et on s’est retrouvés pour réfléchir à ce qu’on pouvait faire.

Quel était votre processus créatif à l’époque ?

K : Je commence toujours par poser ma voix et j’envoie ça à Joe qui ajoute le beat ; Marty s’occupe de l’instrumental. Et on se renvoie nos démos jusqu’à finir le morceau.

Quelles sont vos influences à chacun ?

K : On écoute tous des choses assez différentes. Beaucoup d’artistes que j’apprécie en ce moment viennent du Royaume-Uni et font de l’électro :  Twigs, SBTRKT, Sampha, Art Nouveau à New York, et Adele !
J : J’ajouterais qu’on écoutait beaucoup plus la radio au moment où on a commencé à faire de la musique. Maintenant que je travaille assez intensément sur Wet, j’ai l’impression d’en écouter beaucoup moins. Quand j’ai fini de travailler, je me sens fatigué.
M : Je trouve un certain refuge dans la non-pop-music. J’écoute plus de musique classique.
K : Je continue à beaucoup écouter la radio : les radios pop, hip-hop, rap.

Qu’est-ce qui fait évoluer votre musique ?

K : Tout ça ! Tout ce qu’on écoute fini par nous influencer.
M : C’est dur de ne pas être influencé par des choses qu’on écoute beaucoup.
J : Je pense qu’il y a des parties spécifiques de ces influences qu’on récupère. Les sons à la radio sont intéressants pour la structure, ceux plus expérimentaux nous permettent de découvrir différentes productions et techniques, la musique classique est fascinante pour les arrangements instrumentaux… On retire différents éléments de chacune de ces musiques, et on essaye de faire quelque chose de différent.

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Pourquoi choisir de faire de la musique minimaliste ?

M : Ce sont des circonstances. Kelly et moi étions dans un groupe et on avait un batteur… Quand on a commencé à échanger des mails, Kelly a suggéré qu’on ne prenne pas de batteur pour le moment, de rester simples pour pouvoir se déplacer car à New York, c’est dur de trouver de la place pour ce genre de chose. Et puis on a continué comme ça.

Et comment cela a influencé votre façon de travailler ? Avez-vous tendance à retravailler vos morceaux pour en retirer le superflu ?

K : Oui ! Je pense qu’on a tendance à empiler, de continuer encore et encore. Mais à un certain moment on ressent que c’est trop et on enlève tout… Autant qu’on peut.

Qu’est-ce que cela apporte ?

J : Plus de clarté je pense. Je pense qu’on parle de musique plus centrée sur le chant. On donne à chaque partie assez de place pour briller, rien ne prend le dessus.
K : Je pense que ça rend la musique plus puissante parce que c’est direct, plus brut.
M : Si des gens avaient entendu les versions précédentes, ils ne trouveraient pas que le son soit si minimale. Ce n’est pas si minimal.
K : Ça l’est moins aujourd’hui.

Kelly, comment est-ce que tu écris ?

K : J’écris sur mes expériences. J’écris le plus souvent quand je suis dans une mauvaise passe ou lorsque je suis contrariée. C’est cathartique, je ressens plus le besoin d’écrire quand je suis dans cet état que quand je me sens bien.

Et comment votre travail se transpose sur scène ?

K : Il est moins minimal. On aborde le show différemment, on veut en donner plus.
J : C’est plus difficile

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Vous avez fait beaucoup de modifications depuis vos débuts sur vos concerts ?

Tous : Tellement !
M : Au début on jouait de la guitare Joe et moi. Et on avait juste ce qu’on avait enregistré sur nos ordis et avec le temps, c’est devenu de plus en plus de beats qu’on joue en live.
K : C’est une question assez existentielle pour beaucoup de musiciens contemporains aujourd’hui. Qu’est ce que tu gardes pour le track ? Qu’est-ce que tu joues sur scène ? On n’est pas tellement concernés par cette question mais beaucoup de gens autour de nous se posent la question.
J : Avec six mains, on fait le plus de choses possibles.

D’où vient le surnom KanyeWet ?

J : Au début, on avait besoin d’un nom pour Twitter
K : Alors on a choisi Kanye Wet.
J : On pensait que c’était marrant et les gens on eu d’assez bonnes réactions. Alors on l’a gardé.
K : Mais on aime Kanye. On aime sa musique.
J : C’est pas du tout pour se moquer de lui. On se moque plus de nous-mêmes.

Quels sont vos projets ?

K : On travaille sur un album, c’est notre principal objectif. On fait des shows et on finit l’album.
J : Il est bientôt terminé !

Avec qui vous rêveriez de travailler ?

J : Définitivement Sampha. Il a une très belle voix.
K : Et il est très bon au piano.

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En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 1984 à 1988 pour ce premier volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

1984 : Un prophète nommé Russell Simmons

Repéré par Ad-Rock des Beastie Boys, qui se plaisait à écouter les nombreuses cassettes reçues par Rick Rubin dans sa petite chambre universitaire, LL Cool J aura été la première étoile de la constellation Def Jam. Appréciant le style affirmé du jeune rappeur, tant musical que vestimentaire, le fondateur du label l’accompagne dans ses premières aventures artistiques, lui faisant rapidement enregistrer la démo du titre « I Need a Beat ». Une fois finalisée, nos deux compères la partagent ensuite avec Russell Simmons qui, dès la première écoute du morceau, lance tel un prophète : « Lui c’est LL, et il va se faire une fortune ». En bon visionnaire, le destin prouvera des années plus tard qu’en affirmant cela, Simmons n’était pas bien loin de la vérité. Mais « I Need A Beat » aura surtout marqué le lancement officiel de la structure Def Jam.

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1985 : Le produit et l’emballage

Au-delà de sa faculté à produire de bons disques, Def Jam aura également su s’implanter solidement dans le paysage musical à travers ses idées marketing fortes. Entre des visuels toujours soignés, la pochette de l’album Licensed To Ill est encore aujourd’hui considérée comme l’une des plus réussies du rock – et ses logos inventifs, à commencer par celui du label Def Jam, a toujours su comment mettre en valeur ses productions.
En ce sens, la première publicité du label se veut tout aussi significative. Parue en 1985 dans le magazine Billboard, celle-ci affichait en grand le logo du groupe avec en-dessous le slogan quelque peu ironique, mais fort de sens : « Our artists speak for themselves (‘Cause they can’t sing.) » / « Nos artistes parlent d’eux-même (Vu qu’ils ne savent pas chanter) ». Tout l’art d’offrir un packaging efficace et attrayant à un produit que l’on sait savoureux.

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1986 : John « Chung » King

« L’Abbey Road du hip-hop » tel était l’élogieux surnom dont étaient affublés les studios Chung King durant leur âge d’or traversé par les légendes : les Run-DMC, les Beastie Boys ou encore Notorious B.I.G. Et pourtant, quand son fondateur John King donne naissance à cet endroit symbolique en tant que « Secret Society Records », c’est une simple erreur de prononciation des commerçants de Chinatown – quartier dans lequel les studios étaient situés – qui finit par déformer le nom de ce-même fondateur en « Chung King ». Un titre officieux qui plait à Rick Rubin, à tel point qu’il mentionna « Chung King, House Of Metal » au verso de l’album Raising Hell de Run-DMC. Une publicité énorme qui incite John King à adopter définitivement ce nom en 1986.

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1987 : Le médaillon Volkswagen

En parallèle des succès de LL Cool J, les Beastie Boys ont été l’autre grande réussite des débuts de Def Jam. Un premier album Licensed To Ill, premier du genre hip-hop à se classer en tête des ventes dès la première semaine et une tournée avec Madonna, alors que les trois membres du groupes ne sont encore que de simples adolescents. Ils disposent déjà d’un background enviable, qui leur permet de se faire peu à peu un nom dans un style musical pourtant éloigné de leur culture originelle, eux qui exerçaient initialement dans le punk-rock. Une réussite bien aidée par quelques singles efficaces, tel que « No Sleep Till Brooklyn » ou encore « Fight For You Right », clip dans lequel Mike D, l’un de membres du groupe, voit son cou orné d’une large chaîne en or sur laquelle pend un médaillon de la marque Volkswagen. Un accoutrement qui lance immédiatement une mode telle qu’elle inquiète alors les possesseurs de voitures de la compagnie allemande, qui craignent de voir leur véhicule amputé de son logo.

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1988 : Rick Rubin, une page se tourne

Avant même que Def Jam ne prenne une forme juridique en 1984 à travers son premier single officiel « I Need A Beat », le label existe déjà par la démarche de son fondateur qui avait fait imprimé son imposant logo sur la pochette du disque de T-La Rock « It’s Yours ». Alors qu’il n’est qu’un simple étudiant à l’époque, Rick Rubin aura été le véritable pionner de Def Jam, l’élan artistique du label et le designer de ce logo identifiable entre milles. Un statut qui ne l’a toutefois pas empêché d’être le premier à claquer la porte du label, de son plein gré, laissant paradoxalement son bébé entre les mains bienveillantes de ceux dont il ne partage alors plus le point de vue. Si Rick Rubin interprète son départ comme une succession de non-dits et de problèmes que lui et Russell n’avaient la maturité pour régler ; ce-dernier le perçoit comme un mal pour un bien, lassé d’être cantonné à son image de businessman quand son compère est vu comme le génie du duo.

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Halloween, comme Noël ou le nouvel an, est toujours un prétexte pour les délires en tout genre. Les artistes n’y échappent pas, et jouent souvent le jeu de belle façon et par différents biais : simple photo, illustration, ou par une mixtape dédiée. Petite sélection autour de cette journée de la mort.

L’ALBUM

Chief Keef & Gucci Mane – BIG GUCCI SOSA

Au premier regard sur cette pochette tout est dit, Big Gucci Sosa est l’alliance de Freddy et Jason. Les deux parias de l’industrie musicale et du système carcéral s’unissent et proposent un projet en commun fait de morceaux produits plus ou moins récemment. Découvrez « Paper », le premier extrait.

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LA MIXTAPE

Chief Keef – BACK FROM THE DEAD 2

Journée magique pour les fans de Chief Keef, avec cette mixtape au nom évocateur. Un jour après Big Gucci Sosa, le rappeur de Chicago revient avec Back From The Dead 2,un projet de 20 morceaux entièrement produit par Chief Keef. En observant la direction artistique de la pochette, ça commence à se voir que le rappeur n’est plus signé en major.

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LA PAIRE DE SNEAKERS

Nike Air Max 90 « Halloween » ICE QS

Plus que dans toute autre fête populaire, la tenue vestimentaire est essentielle à la réussite d’Halloween. Avec la Air Max 90 « Halloween », qui reprend la chromatique de la citrouille en arborant les couleurs rouge, orange et marron, ainsi que sa texture sur certaines parties de la chaussures, on est sûr de ne pas se tromper. Cerise sur le gâteau, la semelle phosphorescente de type « glow in the dark » permet briller dans le noir. De quoi effrayer -ou du moins essayer- quelques âmes sensibles.

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LE CLIP

MZ – VOLDEMORT

C’est logiquement en ce jour que la Mafia Zeutrei choisit de dévoiler « Voldemort », le troisième extrait de leur EP MZ Music Vol 3.5, disponible le 3 novembre. La MZ revisite les codes de la fête des morts à leur manière dans ce clip : têtes coupées, fantômes, insectes, ou encore un Voldemort chancelant dans une atmosphère suspecte.

L’OBJET QUI NE SERT A RIEN

L’accessoire parfait pour rendre votre petit déjeuner classique un peu plus morbide en ce jour de fête des morts mais aussi un moyen d »égayer » votre table en même temps. À vous de lui  trouver une utilité pour le reste de l’année.

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Le soir du 29 octobre, A$AP Mob investissait la scène du Zénith de Paris. Une date attendue à laquelle YARD participait en assurant la première partie. Au programme un battle au sommet entre les DJ Supa! et Endrixx. Une mini « YARD Party » qui aura permis d’accueillir A$AP Mob dans les meilleurs conditions.
Le micro de YARD a accompagné la file d’attente du Zénith jusqu’au coeur même de cet évènement tant attendu.

Kaaris – Comme Gucci Mane

Le rythme des sorties s’accélère pour Kaaris, qui dévoilait cette semaine le son et le clip de « Comme Gucci Mane » réalisé par Julien Leclercq, le réalisateur de Gibralatar, s’essaie pour la première fois à la music video. Ici le maire honoraire de Sevran nous donne de quoi attendre la sortie de son prochain album.

FKA Twigs – Video Girl

FKA Twigs dévoile cette fois-ci la vidéo officielle de « Video Girl », un track qu’elle utilisait la semaine dernière dans sa collaboration avec Google Glass. Cette fois-ci, le réalisateur Kahlil Joseph nous raconte l’histoire d’un criminel, de son inculpation à son exécution. On y retrouve même un invité assez spécial : Travis Scott.

Future – Hardly

Le 31 octobre est aussi la veille de la Toussaint. Future rend alors cette semaine hommage à OG Double D décédé l’an dernier lors d’une fusillade. Dans cette vidéo qu’il réalise lui-même, il assemble quelques images d’archives et apparaît avec un maillot de l’équipe de France. Quand au titre « Hardly », il est d’ors et déjà disponible sur la mixtape Monster sortie aujourd’hui.

Jean Deaux – Motel 6

Jean Deaux dévoile cette semaine la vidéo de « Motel 6 », extrait de sa mixtape à venir Soul System, Part 1. Dans le clip qu’elle réalise, elle décrit quelques extraits de vie ayant pour point commun un lieu : le Motel 6.

August Alsina – Grindin’

August Alsina dévoile comme promis la vidéo du titre « Grindin » sur lequel il revient sur son récent coma, avant de prendre la route avec Usher sur la tournée UR Experience Tour.

Hier soir se déroulait le date française de la tournée d’A$AP Mob, un show unique où le groupe a pu témoigner de la force du phénomène qui les entoure. Mais, l’introduction à cette belle soirée fut tout aussi forte avec la « Mini YARD Party » où DJ Endrixx et Supa ! se sont affrontés à coup de sets enflammés. À l’heure où les premières parties passent inaperçus, nous avons tachés de vous tenir chaud avant le clou du spectacle. Inutile d’en écrire plus, voyez plutôt.

Alors que nous célébrons aujourd’hui le 40ème anniversaire du « Rumble in the Jungle » qui opposait Muhammad « The Greatest » Ali et « Big » George Foreman, c’est toute l’histoire de la boxe qui nous revient.

Dans les années 70, Muhammad Ali est l’un des protagonistes des deux combats les plus importants de la décennie. Chacun d’entre eux se déroule dans un contexte socio-politique tendu qui ajoute une dose de prestige à l’événement. Le premier l’oppose à « Smokin’ » Joe Frazier et se termine par une défaite au point d’Ali. Ce soir du 8 mars 1971 reste le point culminant d’une crispation sociale après les déclarations d’Ali contre la guerre du Vietnam (« Jamais un Viêt ne m’a traité de Nègre« ), alors opposées aux positions de Joe Frazier sur le conflit.
Quant au second combat, il se déroule en 1974, le 30 octobre au Zaïre. Le « Rumble In The Jungle », qui l’oppose à George Foreman, se joue dans un environnement favorable à Ali qui bénéficie du soutient de tout un pays. À grands renforts de communication et de rebondissements, le combat fait l’évènement et c’est l’ancien Cassius Clay qui remporte le combat par K.O

Ces deux matchs ont construit la légende de trois grands poids lourds de l’histoire de la boxe, mais ils ont aussi forgé trois grandes amitiés. Encore aujourd’hui, les liens créés entre Ali et Foreman sont indéfectibles, comme ce dernier raconte dans un hommage rendu au Greatest. « Par le passé, il était de ceux que je n’aimais vraiment pas. Je le détestais. [Aujourd’hui] on s’intéresse aux mêmes choses, on parle de nos enfants, de nos petits enfants et il continue de faire des blagues. Il me dit :  » Hey Georges, tu as combien de petits-enfants. » Je lui dis six. « Bien, j’en ai huit, George. Tu vois, je t’ai encore battu. » Il veut toujours être « The Greatest ». » Foreman rapporte aussi l’affection qui liait Frazier et Ali. « Muhammad Ali et Joe Frazier étaient comme deux frères. Ils s’aimaient sincèrement. »

Le 10 octobre 1989, le trio est réuni à l’autre bout de l’océan Atlantique, à la London Arena, pour promouvoir le documentaire Champions Forever qui réunit les témoignages des meilleurs boxeurs de l’époque : Ali, Foreman, Frazier, mais aussi Ken Horton et Larry Holmes. En visite dans le gymnase, ils font la promotion du documentaire, posent pour les photographes, signent quelques autographes et laissent une trace indélébile de leur passage historique dans une plaque de ciment.
La promotion se poursuit sur un plateau de la BBC, où chacun est invité à s’exprimer sur leur combats et leurs relations aujourd’hui. Cette année là, Joe Frazier est finalement entraîneur après un court come-back sur le ring, Foreman revient sur le ring et deviendra en 1994, le plus âgé des champions du monde poids-lourd, et on voit déjà apparaître les premiers signes de la maladie de Parkinson chez Muhammad Ali.

À l’issue de ce reportage, on comprend que leurs différents combats est loin de nourrir l’adversité entre ses personnages. Au contraire, il aura finalement établit un véritable respect mutuel et une belle histoire d’amitié, un trio affectif. Tout au long de cette journée promotionnelle, les trois semblent très proche en se complimentant les uns les autres, vantant chacun les qualités de boxeurs de leurs anciens adversaires.  Une histoire d’amitié qui ressemblera à toutes les autres, entre haut et bas, mais ces deux combats auront eu le mérite de rapprocher trois figures qu’on voulait opposé.

Les unions se font et se défont. Les mœurs sont de plus en plus légères et l’industrie du disque épouse cette évolution, encore plus celle du hip-hop. Dans le même instant, Mac Miller signe l’un des contrats les plus lucratifs de l’histoire du hip-hop pour un artiste aussi jeune ; alors que Chief Keef retourne aux méandres de l’indépendance avec la perte de son juteux deal avec Interscope. Ces acquisitions artistiques à gros coups de chéquiers donnent souvent lieux à de véritables accidents industriels. Les maisons de disques sont-elles devenues irresponsables ou le hip-hop est-il la nouvelle machine à lait dont il faut téter les mamelles avant même que son produit ne soit vraiment prêt à être délivré ?

Le nouveau fer de lance culturel mainstream

Depuis quelques années, une nouvelle race d’artistes prolifère dans les milieux autorisés, ils sont appelés les « one-hit wonder » ; dans les autres, ils sont catégorisés parmi les « stars d’un jour ». Le rap en compte une véritable armée, ils additionnent plusieurs millions de vues sur You Tube et lancent avec eux de véritables mouvements culturels. Le dernier en date, la « Shmoney Dance » impulsée par l’intrépide Bobby Shmurda. Son « Hot Nigga » culmine à 30 millions de vues et ses pas de danse ont été répété par autant d’anonymes que de célébrités. Jermaine Dupri, Chris Brown s’y sont essayés et le déhanché du Brooklynite a même fini au Stade de France avec Beyoncé pendant l’attendu remix de « Flawless ».

Forcément ce type de frémissements émoustille les maisons de disques qui sont prêtes à payer le prix fort pour ces jeunes artistes sortis de nulle part. Ce titre phare est leur porte d’entrée dans le monde de l’industrie et avoir un crew derrière eux leur permet de mettre un peu plus de beurre dans leurs épinards. Une recette simpliste : pour A$AP Rocky, il s’agissait de « Purple Swagg » et d’A$AP Worldwide (3 millions de dollars) ; pour Trinidad James, c’était « All Gold Everything » et Gold Gang Records (2 millions de dollars) ; puis pour Chief Keef nous étions sur « I Don’t Like » et Glory Boyz Entertainment (6 millions de dollars). Quant à Bobby Shmurda, il n’hésitera pas à affirmer au micro de Jenny Boom Boom que le montant de son contrat avec EPIC « was over a mili ».

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Forcément autant de signatures impliquent un taux de déchet proportionnel et en moins d’un mois Trinidad James et Chief Keef ont vu leur contrat être rompu. Alors que le premier préserve une certaine élégance dans ses déclarations, le second mélange bouleversements au sein de l’équipe d’Interscope et racisme sur Twitter. Ingérable ou surestimé à tous les niveaux, ces investissements débouchent sur de lourdes pertes financières pour les majors. Mais pourquoi risquent elles autant d’investissements avant d’avoir tous les éléments sur la texture artistique réelle du produit ?

Un chéquier illimité mais des risques limités

La beauté du hip-hop a longtemps été celle de la rue, c’est elle qui adoubait l’artiste qui se voyait récompensé seulement dans un second temps par les maisons disques. Une vision aujourd’hui obsolète au temps où Internet est devenu le véritable faiseur de roi. Les phénomènes appartiennent à la Terre entière grâce au décloisonnement culturel opéré à la vitesse des kilobits. L’exposition de ces artistes est virale et toutes les maisons de disques craignent de passer à côté du nouveau Drake, A$AP Rocky ou Kendrick Lamar. C’est à ce niveau que se positionnent les enjeux, le risque de rater un produit commercial bénéficiaire est plus grave que de se tromper sur l’un d’entre eux. Donc les maisons de disques signent sans se poser de questions en espérant voir tomber le gros lot.

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Cependant, malgré leur expérience et l’optimisation des techniques de marketing, les majors ne peuvent prévoir le renouvellement du succès du premier single qui les a fait connaître. De cette incertitude Richard Caves en tire une règle, celle du « nobody knows ».

Économiquement, un doute irrationnel ne peut être tôleré dans une industrie culturelle aussi puissante. C’est donc pour y palier que la dialectique du catalogue se met en place comme la théorise Bernard Miège. Il s’agit d’étaler les risques sur un éventail de dix titres en partant du principe que le succès de l’un d’entre eux épongera les pertes des neufs autres et dégagera même des profits. C’est cette réflexion globalisée qui pousse finalement les maisons de disques à signer des artistes exagérément. Une folie rationnalisée.

En effet, Drake a largement rentabilisé les deux millions investis par Young Money (et donc Universal), une belle affaire. De plus ces investissements témoignent de l’excellente santé financière des maisons de disques qui ont su encaisser la crise du disque (depuis 2010 le chiffre d’affaire d’Universal ne cesse d’augmenter) malgré les discours médiatiques victimaires sur Internet. Un merveilleux cercle vertueux entre les artistes et leurs employeurs. All Gold Everything.

Hier, les bombers de Schott ont envahi tous les sites mode, une pièce classique qui nous renvoie à nos belle années 90. Pour revisiter ce morceau de nostalgie, la marque new-yorkaise s’est appuyé du typographe français Tyrsa. C’est avec que nous avons discuté de l’importance de cette veste en France et il nous a conduit dans la conception ce cette belle collaboration.

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Comment s’est faite la connexion entre toi et Schott ?

J’ai eu un coup de fil de la directrice artistique de Schott qui voulait qu’on se rencontre. Elle avait évoqué brièvement l’envie de faire des t-shirts ensemble. Moi, je n’étais pas très intéressé par le fait de faire des tees, parce que j’en avais fait beaucoup pour plein de marques et je voulais évoluer un peu. Mais surtout, Schott est, pour moi, une marque que j’apprécie pour le travail qu’ils ont fait sur le bombers et ce genre de pièces. Donc je suis allé au rendez-vous avec ma petite idée en tête, et pendant l’entretien je lui ai fait comprendre que je n’étais pas forcément partant, donc je lui ai proposé l’idée de bosser sur un bombers. J’ai sorti cette idée spontanément, ainsi que celle de faire 5 patchs très différents.
Ensuite, ce fut un processus un peu long, car je les ai un peu pris à contre-pied. On en a parlé avec le directeur de Schott Europe, et j’ai reçu un mail de sa part quelques jours plus tard me disant qu’il trouvait l’idée très cool et qu’il voulait qu’on se revoie. On s’est revu pour confirmer le projet et c’est parti.

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Pourquoi le choix du bombers ?

Je suis un gamin des années 80 et j’ai grandi dans les années 90 où on avait tous envie d’en avoir un. C’est un objet culturellement très fort pour notre génération comme la Nike Cortez, la Air Max ou le jean 501. Je n’ai jamais eu de jacket alors que je voulais en avoir une. Et beaucoup de mes potes en avaient, ils se faisaient coudre les patchs parce qu’ils avaient peur de se les faire voler ; les autres ne le faisaient pas et se les faisait voler.
Il y a vraiment toute une histoire autour de cet objet que je trouve assez forte pour notre génération. Pour moi, elle garde une identité tellement forte que c’était sur cette pièce et rien d’autre que je voulais travailler. Ils m’ont donné la chance de pouvoir le faire, et c’est cool de leur part.

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Quelle est ton histoire avec cette pièce ?

J’ai toujours rêvé d’avoir le bomber car pour moi c’était un truc de caïd, et ça me faisait vraiment rêver. Je le trouvais « chan-mé » au niveau de la forme, avec le coté court et les grosses manches. Il a été un peu « re-fitté » depuis car l’ancienne version est difficilement portable, notamment à cause de ses manches très épaisses. Mais c’est vrai qu’à l’époque, j’avais envie de faire partie de ce mouvement. C’est pour cette raison que quand vient le rendez-vous avec Schott, le premier truc qui me vient à l’esprit c’est de faire une collaboration sur cette veste en particulier. Donc pouvoir mettre ma pierre à l’édifice dans l’histoire de Schott est un vrai honneur.

Qu’est ce que Schott cherche en appelant Tyrsa ?

À la base, ils m’appelaient pour faire des tee-shirts et voulaient de la typographie à consonance très américaine, car c ‘est une marque new-yorkaise. Ils sont venus à moi pour mon travail sur la typographie faite main, agencée de manière très américaine, donc une identité qui s’approche de celle de leur marque. Cela s’explique beaucoup par mes références, très proches de la culture US.

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De quoi est composé ce pack ?

Il s’agit d’une veste, accompagnée d’une pochette qui contient 5 patchs. Ce qui te permet de pouvoir en changer un peu tous les jours, et de faire du matching avec tes chaussures, ou les choisir par affinité esthétique ou visuelle. C’est ce qui est intéressant de changer de patch au gré de ses envies au quotidien.

Comment s’est fait le choix de la direction artistique de ses cinq patchs ?

Après avoir discuté avec la marque, je me suis rendu compte que Schott avait une identité très forte et très ancrée dans le passé. Et en fouillant dans leur passé, on trouve plein de choses très différentes : comme des perfectos, des varsity jackets, plein de choses qui correspondent à une époque.
On en a sorti 5 identités propres à la marque, une sorte d’ADN sur laquelle sera basée les 5 patchs. Ces 5 identités sont : Army, Navy, Biker, Ranger et College. Chacun des patchs correspondant à un de ces thèmes, dans un souci de cohérence avec l’histoire de la marque. C’est aussi la raison pour laquelle on a appelée ce bombers « The Legacy of Schott ».

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Pourquoi limiter cette collaboration à seulement 100 exemplaires ?

Pour nous c’est avant tout un plaisir, on s’est fait un « kiff » autant la marque que moi. Le but n’était pas forcément d’en vendre des milliers, mais de rester sur une petite cible. Au delà de ça, on s’est dit qu’on voulait y donner un aspect assez exclusif.
La collaboration est cool et assez intéressante, il y a une idée derrière donc on s’est dit autant la garder pour les aficionados de la marque. On préférait faire ça plutôt que de regarder les chiffres et avoir les yeux rivés dessus. Là au moins, on est sereins et on s’est tous fait plaisir du début à la fin. L’équipe de Schott a été à mon écoute, c’est le genre de projet qui m’arrive assez rarement.

Quelle est ta pièce préférée parmi les 5 patchs?

C’est assez compliqué pour moi de choisir car quand je fais ce genre de projet j’ai difficilement du recul sur celui que je préfère. Mais il y en a un en tout cas avec lequel j’ai le plus d’affinité, c’est le College.
Pourquoi ? Parce qu’on a fait un patch en jersey, que j’ai proposé. Mais elle trouvait bizarre l’idée d’utiliser cette matière car cela ne s’était jamais fait auparavant. On l’a tenté et ça a fonctionné.
Le patch College correspond à une identité très seventies et à l’imaginaire universitaire US qui me parle beaucoup. Je le trouve pas mal, j’ai essayé de ne pas trop en faire, je suis resté sur la lettre S avec ce parchemin très léger au dessus avec le gris et le bleu « navy » qui sont deux couleurs que l’on voit beaucoup dans mon travail et mon identité visuelle. Je me sens plus proche de celui-ci.

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Tyrsa: – www.tyrsa.fr
– https://www.facebook.com/tyrsamisu
Schott: http://www.schott-nyc.fr

Christophe Guichet, alias Monsieur Plant reprend à son compte le fameux « Just Do It » de Nike, dans une série savamment intitulée « Just Grow It ». Un leitmotiv qui confère une dimension florale et naturelle à ces paires.

On ne présente plus Kyu Steed qu’on retrouvais déjà derrière les platines de nos soirées YARD SUMMER CLUB, ou lors des soirées de son crew F*A*L*D. Il dévoile aujourd’hui un remix inédit de « No Type », le banger du duo Rae Sremmurd, à découvrir et à télécharger gratuitement.

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La vie de Drake n’est sûrement pas commune, et la semaine dernière en a encore été la preuve pour le rappeur qui fêtait vendredi ses 28 printemps. En additionnant quelques unes des dernières news concernant le rappeur, on peut dessiner le récit des dernières heures d’Aubrey Drake Graham. 24h chrono et un peu plus.

Résumé des jours précédents

La semaine commence aves ses premières joyeusetés. L’artiste ILoveMakonnen, récemment signé sur le label de Drake, s’est fait attaquer par un « fan » lors d’un concert déroulé ironiquement « on a tuesday ». Un événement prémonitoire pour la fin de semaine de notre Drizzy, et une belle façon de souhaiter la bienvenue au chanteur d’OVO !

Tensions dans le camp Young Money. Après des années de vie commune au sein du label, Tyga jette un pavé dans la mare de la Nouvelle Orléans. Dans une interview donnée au magazine VIBE, le rappeur fait part de son envie d’indépendance et de sa relation avec Drake. Morceaux choisis : « Je n’aime pas Drake. Il est fake pour moi. J’aime sa musique, mais nous sommes différents. Notre relation a été forcée par le fait que nous sommes sur le même label. » Ambiance.

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Dans la cover de son édition US de novembre, GQ nous fait découvrir une chose que les moins de 10 ans ne peuvent pas connaître : le visage de Nicki Minaj au naturel. À côté d’un photoshoot où l’on revoit la plastique voluptueuse de la Trinidienne, la muse et le fantasme de longue date de Dreezy explique les raisons de ce retour au naturel :

« J’ai toujours pensé qu’au moment du troisième album, je voudrais revenir aux cheveux naturels et à un maquillage classique. J’ai pensé que ce serait plus choquant d’apparaître de cette façon que de refaire ce que les gens ont déjà vu. »

Quelques heures avant son anniversaire, Drake, toujours aussi altruiste, vient prêter main forte à son autre poulain, PartyNextDoor. Le team spirit, toujours :

« Même si c’est mon anniversaire à minuit, je voulais juste que vous sachiez que je suis fier d’être ici avec ce mec, parce que c’est ta nuit ce soir, mon gars »

Vendredi 24 Octobre

Happy Anniversaire Dreezou!

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Samedi 25 Octobre

Sous la pression de certains hackers en possession de ces sons, et peut-être avec un peu de bon coeur, le Canadien lâche trois morceaux censés figurés sur son prochain projet, Views from the 6. Avec un up-tempo, un mid-tempo et une ballade, il y’en a pour tout le monde, en attendant l’album en 2015.

That wasn’t an EP. Just 3 songs that I knew some hackers had. But enjoy! Back to this album.

— Drizzy (@Drake) 25 Octobre 2014

Cela devait être le main event de sa semaine. Malheureusement, la soirée anniversaire du rappeur va vite tourner à la foire lorsque Dreezy apprend que son DJ, DJ Future, serait en train de se faire cogner par une personne affiliée à Tyga. Ni plus ni moins, c’est en courant que le Canadien se rue vers l’entrée de la boîte, poussant au passage un vigile et en laissant tomber de belles liasses de billets. Quelques milliers de dollars que ces hommes de main n’oublieront évidemment pas de récupérer. Avec cette vidéo, Drake continue de se forger une réputation de gangster de clubs après son altercation en 2012 avec Chris Brown et les lancers de bouteilles de champagne qui s’en suivirent. RIP Tony P.

Dimanche 26 Octobre

Nicki Minaj dévoile la cover du second single de son prochain album. Après celle d’« Anaconda », ceux qui attendaient une surenchère de la fesse seront déçus. On découvre une jaquette sous forme d’illustration représentant Nicki en combinaison de cuir, accompagné d’un Lil’Wayne en costard ainsi que Drake dans une tenue de pape. À vrai dire, la grosse surprise de ce single se trouve dans le casting, et dans la présence de Chris Brown sur le morceau. Un jour après l’incident de Washington, l’heure est à la paix pour Dreezy et Breezy depuis leur conflit en 2012.

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Après la sortie de deux mixtapes , le succès qu’il connaît sur internet attire vite l’attention des labels. Alors qu’il laisse une fanbase dans l’attente, il signe chez Universal et prépare dans l’ombre la sortie de ce qu’il appelle de son premier « projet ». Puis la machine repart avec les sorties controversées du clip « Autiste » et du morceau « Shoot Un Ministre« . On le retrouve également au Wanderlust à la Closing Block Party du YARD SUMMER CLUB où il débarque sur scène et tourne le clip de « Par Toutatis » déguisé en officier de police. Alors que son « projet » est enfin disponible, VALD nous raconte son parcours : de la découverte du rap jusqu’à l’aboutissement de cette dernière actualité artistique.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Valentin, je viens du 93, Aulnay-sous-Bois. Je sors un EP, le 27 octobre : NQNT. J’ai déjà à mon actif deux mixtapes NQNTMQMQMB et Cours de Rattrapage que j’ai lâché au cours des années précédentes. D’ailleurs je suis en train de remasteriser ces deux mixtapes et je vais essayer de les sortir le jour de la sortie de l’EP.

Tu t’es mis au rap sur le tard. Comment as-tu commencé, et avec quoi ?

J’ai découvert le rap avec « Deux issues » de Kery James, je l’ai trouvé sur un sombre site de rap abandonné 4-5 ans après que ce titre soit sorti. De là, j’ai appris tous ses albums par coeur puis j’ai écouté Tandem, la Sexion d’Assaut et Alkpote. Depuis plus rien.

Comment t’es-tu finalement lancé dans la musique ?

Je me suis filmé en train de faire un freestyle pour rigoler et  finalement j’ai aimé. Donc,  j’ai recommencé encore et encore jusqu’à ce qu’on vienne me chercher dans ma chambre.

À partir de quel moment as-tu commencé à prendre la chose au sérieux ?

Quand j’ai du arrêter les cours pour vraiment m’y mettre. Quitte à être dans une grosse équipe, dans un gros studio autant faire les choses à fond, mais je ne me prends pas vraiment au sérieux. Je fais les choses sérieusement mais j’ai conscience que cela reste un art très divertissant, presque abrutissant. Donc pas trop de sérieux.

Comment s’est passé la conception de  NQNT ?

J’ai enregistré des morceaux, quand on en a eu assez on a appelé ça un projet.

Qu’est-ce qui fait que tu es satisfait d’un morceau ?

Quand j’ai l’impression que c’est orignal. Quand j’ai le sentiment que je fais quelque chose de nouveau je suis satisfait.

Tu es quand même assez suivi sur Internet et il y a une véritable attente sur ce projet. Comment appréhendes-tu cette attente ? Est-ce que tu ressens une pression ?

Je suis heureux que des gens m’attendent, ça donne l’impression de ne pas être seul au monde. Sinon, non pas de pression.

Quel sont tes prochains projets ?

Continuer à enregistrer des morceaux, les rassembler et appeler ça des « projets ». Gagner en musicalité, en groove.

Si tu ne faisais pas de musique, que ferais-tu ?

Je gagnerai en savoir, je m’attarderai sur les détails.

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RIM’K – Mafiosi

Rim’K dévoilait cette semaine le visuel de son dernier Hors Série. Pour « Mafiosi », il incarne un parrain de la drogue dans une situation délicate.

ILOVEMAKONNEN & Drake – Tuesday

ILOVEMAKONNEN, la toute dernière signature OVO Sound originaire d’Atlanta, dévoile la vidéo du titre « Tuesday »remixé par son tout nouveau mentor, Drake. Une vidéo qui implique bien évidemment d’interminable festivité à travers le monde.

Mary J. Blige – Right Now

Le 2 décembre sortira enfin le 13ème album de Mary J. Blige. Dans The London Session,  elle s’accompagne des meilleurs jeunes talents de l’île : entre autres Sam Smith, Emilie Sandé et le duo Disclosure. Ces derniers produisent le titre « Right Now » dont on découvrait le clip cette semaine.

FKA Twigs – #throughglass

L’artiste FKA Twigs nous démontre une nouvelle fois son penchant touche à tout en collaboration. Cette fois c’est avec la Google Glass dans une vidéo qu’elle réalise, où elle danse sur ses morceaux « Video Girl » et « Glass & Patron »

$afia Bahmed-Schwartz – Vaseline

Safia Bahmed-Schwartz développe ses champs d’activité et se lance dans la musique. Découvrez le morceau « Vaseline » produit par TEZ et le clip qu’elle a elle-même réalisé. Une artiste que vous pouvez retrouver dans les pages du YARD Paper #2.

Comme chaque année le Grand Palais ouvre ses portes à la FIAC, la Foire Internationale d’Art Contemporain, un endroit où galeristes et collectionneurs débarquent avec leurs plus belles pièces pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Nous nous y sommes rendus et nous vous partageons aujourd’hui les clichés des oeuvres les plus spectaculaires de cette édition.

Bien avant de devenir la superstar que l’on connaît tous, il fut un temps où Madonna Louise Ciccone était une jeune femme de 24 ans à la poursuite du rêve américain. Quelques mois avant de sortir son premier album, cette course à la célébrité pousse Madonna à passer un casting pour jouer le rôle de la Vierge Marie dans le prochain film du réalisateur Martin Scorcese, The Last Temptation Of Christ, qui sortira en 1988. Un casting auquel la jeune artiste ne sera pas retenue, mais dont elle sortira en tapant dans l’œil de Cis Corman, directrice du casting du film. Absolument éblouie par la personnalité de Madonna, qu’elle décrit comme une femme d’une « originalité absolue », elle conseille à son fils, photographe en début de carrière, d’en faire un de ses modèles, le temps d’un shooting.

 

C’est ainsi que Richard Corman accepte de se rendre dans le quartier new-yorkais d’East Village, ou vit encore Madonna, sans savoir qu’il fera déjà ce jour là l’un des shooting les plus marquants de sa carrière. Sur recommandation de la « Ciccone » et pour des raisons de sécurité, le jeune photographe prend le soin d’appeler Madonna d’une cabine téléphonique près de chez elle avant de se permettre de rentrer dans le block de la chanteuse. C’est grâce à cette précaution que Richard Corman pourra ensuite braver la marée humaine composée des gangs du quartier et passer le seuil de l’entrée. À l’époque, la Madonne est parfaitement intégrée dans la vie du quartier et constitue même une source d’inspiration pour les communautés de celui-ci. Après quelques photos dans son appartement, elle propose photographe de continuer à shooter sur le toit du bâtiment. Elle en profite pour inviter quelques enfants du neighborhood à les rejoindre, comme elle en a l’habitude, pour des sessions danse et chant sur le son de sa boombox. S’en suit une série de clichés assez poignants, très réaliste et témoin de l’amitié qui illustre de belle manière le lien qui unit alors Madonna et les enfants et par extension, les habitants du quartier.

 

Richard Corman, lui, aura tout de suite senti en Madonna une personne charismatique et spéciale. Plus de trente ans après, si Richard Corman n’a jamais revu Madonna, il aura toujours gardé le contact avec les enfants présents sur la photo. La quarantaine aujourd’hui, certains sont malheureusement morts ou en prison depuis. Pour Richard Corman, la rencontre avec la future superstar Madonna restera tout de même, de ses propres mots, un événement qui aura fait de lui un meilleur photographe, et un témoin privilégié d’une époque mémorable de la vie de ce monument.

 

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Bishop Nehru, Markell Scott de son vrai nom, est l’archétype du talent précoce.  À 14 ans, il se prend de passion pour la musique et finit par sortir, sous le nom de Keiz Scott, une mixtape instrumentale entre hip-hop et jazz.  En 2012, le New-Yorkais a 16 ans et sort le projet Nehruvia, une sonorité old school qui fait revivre les 90’s, pour lequel il est au four et au moulin, des productions aux textes en passant par les clips. Une mixtape encensée par la critique qui l’élève au rang d’artiste à suivre. Depuis, il attire des noms tels que Disclosure, le Wu-Tang Clan, Kendrick Lamar et bien sûr  Nas. Ce dernier le compte parmi les premières signatures de son label Mass Appeal, aux côtés de Boldy James et Fashawn.

Mais 2014 restera pour lui une année riche et prolifique. En juin, il sort l’EP Brilliant Youth en duo avec un autre jeune talent Dizzy Wright et en collaboration avec la marque LRG Clothing. Cependant, son plus bel accomplissement est la sortie de son premier album en duo avec le légendaire MF Doom. NehruvianDoom, une ode au hip-hop où le rapport mentor-élève entretenu par les deux protagonistes témoigne du glissement générationnel entre rappeurs confirmés et jeunes premiers toujours dans l’attente d’un succès fulgurant. Puis, il y a quelques semaines, Nas annonce qu’il sera le producteur du premier album solo de son protégé mais avant ça, Bishop Nehru nous raconte la genèse de sa vocation jusqu’à son premier album.

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Que signifie ton nom de scène ?

Bishop (l’évêque ndlr) est un guide spirituel. C’est aussi le nom du personnage de Tupac dans Juice, un film sorti dans les années 90. Et Nehru est le tout premier Premier Ministre indien, c’était un proche de Gandhi qui croyait en beaucoup de choses que je trouve cools. Je m’intéresse beaucoup à toutes ces choses : la méditation, le subconscient… comme Gandhi. Je me suis dit que reprendre le nom de Nehru était une bonne façon d’intégrer tout ça.

Tu fais de la musique depuis que tu es très jeune. Comment as-tu commencé ?

J’ai commencé à faire de la musique au collège, je devais avoir 14 ans. J’ai commencé par travailler sur l’installation d’un studio chez moi et aujourd’hui, j’ai réussi à en faire ce que je voulais. J’ai encore envie d’ajouter des choses, mais maintenant c’est faisable financièrement.

Tu te souviens de ton premier morceau ?

Je crois que j’ai d’abord rappé sur un beat de Raekwon. En fait je m’en souviens encore par coeur (il commence à rapper son premier couplet en direct ndlr), je l’avais posté sur Facebook mais je ne l’ai jamais mis sur une mixtape. La jaquette que j’ai utilisé, c’était moi avec un mohawk et une veste en cuir noire, je ressemblais à une rockstar. C’est ce que je veux encore devenir. C’était « dope », il faut que je retrouve ça.

De la production à la vidéo, tu as toujours tout fait seul. Comment est-ce que tu appréhendes les deux sphères?

Quand je fais un morceau, je pense déjà à la vidéo. Je sais ce que je veux faire, je l’ai déjà en tête. Mais la musique ne vient pas toujours en premier, je ne pense pas qu’un artiste doit avoir une véritable formule pour exprimer sa façon de faire. Je pense que c’est naturel, ça dépend de ce que tu produis. Parfois, tu peux penser à un visuel et te dire : « Comment est-ce que je peux faire une chanson un titre autour de ce visuel. » Donc ça varie.

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Qui a été ton plus grand soutien ?

Ma mère. Elle a payé pour à peu près tout mon studio. J’ai dû la supplier pendant un petit moment, parce qu’elle ne voulait pas gaspiller de l’argent, tu vois ce que je veux dire. Elle pensait que c’était encore une nouvelle phase. J’avais commencé le karaté et c’est devenu chiant, alors j’ai abandonné. J’ai fait du basket et j’ai du arrêter. Elle ne voulait pas dépenser d’argent là-dedans, alors j’ai fait des économies avec les sous qu’elle me donnait au déjeuner. J’en avais juste assez pour m’acheter un micro USB. Mais ma mère m’a forcé à retourner au basket et elle a donné mon micro à des gamins, j’ai vu qu’il l’avait gardé. J’ai continué à tout faire pour avoir mon propre studio et elle a compris que c’était plus qu’une phase quand j’ai commencé à vendre mes propres affaires pour investir dans des enceintes, un nouveau clavier…

Quelle place occupe la musique dans ta famille ?

Mon oncle jouait de la guitare. Mais ma famille était plutôt active au sein de l’église, dans la chorale, des choses comme ça.
Tout le membres de ma famille écoutent des choses différentes : l’un de mes oncles est plutôt AC/DC, Jimi Hendrix, rock, métal des trucs comme ça ; ma grand-mère écoute Al Green et Luther Vandross, plus de la musique soul ; ma mère adore neo-soul, le r’n’b ; mes cousins sont très hip-hop.

Quelle a été ta rencontre la plus importante dans l’industrie musicale ? Quels conseils as-tu reçu ?

Je ne sais pas Nas, Doom… Ils ne m’ont pas vraiment donné de conseils, Nas m’a juste dit de continuer d’être et d’irradier tu vois : « Tu peux faire tout ce que tu veux, donc fais-le.  »

Tu as sorti un album avec MF Doom. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?

Ça représentait tout pour moi, il est l’une de mes inspirations et c’était génial de pouvoir travailler avec lui. Je l’ai rencontré sur un show, je faisais sa première partie à Londres au 100 Club. On s’est rencontrés et ça s’est fait à peu près tout seul.

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Comment avez-vous travaillé tous les deux ?

Je ne sais pas on l’a simplement fait (rires ndlr)

Quel est le message de l’album ?

En quelque sorte, il s’agit d’aider à élargir la prise de conscience de l’univers. Ouais, c’est à peu près ça.

Quels seront tes prochains projets ?

Je ne veux pas encore donner de garantie, mais ce sera un projet solo. Mon premier projet, mon premier album solo ; seulement moi, mon son que je vais produire. C’est vers ça que je me dirige.

Tu as déjà commencé ?

Je fais toujours de la musique donc…

Tu sais déjà quelle direction tu vas prendre ?

Oui, j’ai déjà un concept. Je l’ai gardé pour mon premier véritable album. Je suis prêt, je suis au-dessus,  je suis en dehors de mon corps, de l’univers, je sais déjà ce qu’il va arriver.

Comment tu vois le futur ?

J’attends seulement, je reste patient. Mais je ne sais pas. Je pense que je perçois ce qui m’attends, mais on ne sais jamais vraiment ce qui va arriver. Je sais ce que je vois, je l’ai imaginé il y a un moment et c’est déjà arrivé. Alors, je ne pense pas que ça va s’arrêter maintenant.

« Il était une fois en Amérique… » L’histoire d’Ariana Grande-Butera pourrait s’écrire à la plume et en lettres dorées, comme chaque conte féérique relatant les aventures des princesses pop américaines. Née une nuit de juin 1993 à Boca Raton – ville paisible dans le sud de la Floride – Ariana (ou ses parents) s’aperçoit très tôt qu’elle possède un don pour le chant et la comédie.

De « la croisière s’amuse » à Nickelodeon

Loin de l’image lisse de la petite fille modèle, Ariana a révélé lors d’une interview accordée à Billboard Magazine en août dernier, qu’elle avait des penchants étranges étant enfant : « Je voulais toujours avoir mon visage peint en squelette ou porter le masque de Freddy Krueger ». Après avoir fêté ses cinq ans sous le thème du film Les Dents de la Mer, il faut croire que la période « sombre » d’Ariana s’est dissipée. À l’âge de 8 ans, elle chante pour la première fois en public sur un navire de croisière, puis dans plusieurs orchestres locaux, avant de décrocher des petits rôles dans des comédies musicales. Après une brève apparition dans la comédie musicale 13 à Broadway en 2008 – où elle joue une pom-pom girl – elle décroche, un an plus tard, le rôle décisif pour lancer sa carrière : celui de la potache Cat Valentine dans la série américaine à succès de Nickelodeon : Victorious. La machine est lancée.

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La nouvelle petite fiancée de l’Amérique

Devenue rapidement la nouvelle idole des adolescentes américaines, Ariana se fait repérer et signe chez Republic Records en 2011. Deux ans plus tard, elle sort son premier album intitulé Yours Truly qui entrera à sa sortie en première position du classement sacré : le Billboard Hot 200. Porté par le single « The Way » avec Mac Miller en featuring, l’album est un véritable succès outre-Atlantique et séduit tout de suite un large public avec ses douze pistes efficaces, inspirées par la soul, le r’n’b des 90’s et la pop US des années 2000. Il faut dire qu’après les frasques d’une certaine Miley Cyrus, les Américains ne sont pas mécontents d’avoir une nouvelle protégée, plus sage. La nouvelle génération de popstars (Taylor Swift, Selena Gomez, Miley Cyrus…) doit faire face à cette nouvelle recrue inattendue. Chez les anciennes, Ariana est bien accueillie… sauf peut-être par celle à qui on la compare le plus : Mariah Carey.

Duel de divas : Ariana VS Mariah

À l’écoute des titres qui figurent sur son premier album, tels que « The Way » ou « Baby I », la comparaison avec la diva Mariah Carey est évidente. Voix approchante à un octave près, même attitude, parcours analogique, les similitudes se frayent un chemin facile entre les deux artistes. Ariana a d’ailleurs repris deux classiques de son aînée : « Emotions » et « All I Want For Christmas Is You ». La liste des ressemblances est assez longues : avoir de nombreux rappeurs sur leurs disques, avoir le même geste de diva avec leur doigt en chantant, avoir le même son r’n’b des 90’s, avoir les exigences absurdes et le comportement de divas, avoir sorti son premier tube à l’âge de 20 ans (« Vision of Love » pour Mariah, « The Way » pour Ariana)… Récemment, plusieurs témoignages de fans et de l’entourage de la chanteuse de 21 ans créent la polémique aux Etats-Unis car ils se sont plaints de son comportement soi-disant exécrable. Typiquement diva.

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Vers le règne d’Ariana Grande ?

La pop music américaine actuelle va mal. Depuis que Lady Gaga a ramené l’electro-pop dance à la mode en 2008, le genre s’est essoufflé à force de digérer les restes de producteurs en mal d’inspirations. Sauf quelques exceptions qui innovent ou savent se renouveler musicalement (Rihanna, Beyoncé, Lana Del Rey…), une majorité de popstars n’apporte plus de changements majeurs dans le paysage musical américain contrairement à la pop britannique, scandinave ou encore coréenne qui ne cesse d’évoluer. Avec son deuxième album sorti en août 2014, My Everything, Ariana Grande revient avec des morceaux plus matures et une image plus sexualisée. L’un des rares tubes de l’été « Problem » featuring la rappeuse du moment Iggy Azalea et le club banger « Break Free » ont cartonné et font encore vendre aux quatre coins du monde.

Véritable phénomène de ces derniers mois, Ariana Grande a définitivement séduit le grand public mais aussi des publics avertis tel que les journalistes du site Pitchfork qui se sont intéressés à l’artiste et au produit marketing qu’elle représente. Encore plus surprenant : ils donnent la note de 7,7/10 à son deuxième album. Produit par une armada d’artistes reconnus, nommés dans le milieu « les prêtres de la pop »  tels que Max Martin, Rodney  »Darkchild » Jerkins, Key Wane et Ryan Tedder, My Everything comporte également de nombreuses collaborations assez surprenantes et qualitatives avec des artistes plus pointus : The Weeknd (sur « Love Me Harder » meilleur titre de l’album et troisième single), Cashmere Cat, A$AP Ferg ou encore Childish Gambino. Poupée insipide, artiste en devenir, pur produit de consommation jetable, future princesse de la pop, que réserve l’avenir à Ariana Grande ? Rien que pour avoir osé sortir un titre (« Break Free ») dans la pure tradition de l’EDM plutôt boudée ces derniers mois, au milieu d’une flopée de titres pop/r’n’b insignifiants, on l’a remercie mille fois (nos fesses aussi).

L’histoire de Nike est teintée de légende et de rêve américain, si ce n’en est pas l’incarnation symbolique parfaite. Lorsqu’ils lancent Blue Ribbon Sports en 1968 – avec 1000 dollars de capital – qui pouvait s’imaginer que Bruce Bowermann, coach d’athlétisme de l’université de l’Oregon, et Phil Knight, jeune entrepreneur, deviendraient les propriétaires de la marque la plus iconique de l’histoire du sport?

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Certainement pas les deux protagonistes, de simples amoureux du sport et plus particulièrement de la course à pied, lassés par la médiocrité de leurs équipements sportifs et désireux d’améliorer les performances des athlètes. Une croisade merveilleusement illustrée par l’identité prise par le magasin qui devient une véritable marque en prenant le nom de Nike, tirée du nom de la déesse grecque de la victoire, et la création du Swoosh symbolisant une des ailes de cette divinité, payé 35$ à une graphiste. Après avoir commercialisé en grande partie des produits importés, Knight et Bowermann dévoueront leur temps hors des pistes à améliorer le confort, le poids et les performances des chaussures, sous la bannière Nike. C’est dans cet esprit, qu’ils imagineront une parie déterminante pour l’histoire de Nike, la Waffle Trainer.

Waffle Trainer, un nom équivoque qui trahit assez bien l’aspect de la chaussure. Trainer, où l’appellation anglaise pour « chaussure de sport » et waffle comme « gaufre » dont la semelle emprunte la forme. En effet, c’est un dimanche matin que Bill Bowerman, en voyant simplement une gaufre sortir de son gaufrier, imagine une semelle composée de la même manière. Son objectif est d’améliorer la traction de l’athlète et de reprendre le concept des chaussures à pointes… sans les pointes. Obsédé par cette idée, il place de l’uréthane liquide dans le gaufrier pour en sortir une semelle d’un nouveau genre. C’est seulement au bout de 4 à 6 essais qu’il en ressort son produit final. Cette innovation apporte une véritable plus-value à une époque où les chaussures sont lourdes et assez rigides, la Waffle Trainer se démarque alors par son pouvoir d’absorption et de flexibilité. Pour cela elle bénéficie aussi de nouveautés comme une semelle intermédiaire absorbante, d’un talon surélevé, ainsi que l’utilisation du nylon sur la partie supérieure qui font de la Waffle Trainer une chaussure toutes surfaces (route, herbe, sable, piste).

Sa création est un tournant dans ce qui est encore la petite histoire de Nike en marquant la fin de l’ère des chaussures running à semelle plate. Peu de temps après sa sortie, la Waffle Trainer devient la paire la plus vendue aux USA et acquière le statut de référence de l’athlétisme en se faisant adopter par un grand nombre de sportifs comme Jimmy Connors, qui remporte Wimbledon l’année de sa mise en vente.

Dans le répertoire des chaussures Nike, on peut sentir l’influence de la Waffle Trainer sur de nombreux domaines comme celui la course à pied avec la Tailwind, la Mariah, la American Eagle ; ou par le biais de la semelle surélevée qui inspirera des modèles comme la Air Max ou la Shox. Si aujourd’hui, elle est obsolète d’un point de vue technologique, elle reste toujours appréciée les nostalgiques ou les amateurs de simplicité et de minimalisme.

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L’anecdote

« Just do It ». L’origine du célèbre slogan de Nike a longtemps été cachée par la firme de l’Oregon. Ce n’est que depuis quelques années que l’on a pu découvrir que c’était une variante d’une phrase de Garry Gilmore, criminel condamné à la peine de mort en 1977 pour deux meurtres commis dans l’Utah. Lorsqu’on lui demanda sa dernière parole avant son exécution, il répondit : « Let’s Do It ». Un bon mot dont s’inspirera plus tard Daniel Wieden, publicitaire américain et cofondateur de l’agence Wieden+Kennedy, pour créer la célèbre « tagline » de la marque à la virgule.

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5 Dates en 1974

8 mars : Inauguration de l’aéroport Charles de Gaulle
7 juillet : Naissance du Doc Gynéco
16 juillet : La majorité passe de 21 à 18 ans en France
30 novembre : Découverte de Lucy en Éthiopie
30 octobre : Ali bat Foreman à Kinshasa

La place des véritables icônes se trouvent sur ces bien publics que chacun s’échangent, les pièces, les billets et les timbres. C’est ce dernier support que Mark Culmer choisi pour rendre hommage aux grands noms du hip-hop. Ces timbres sont des à présent disponible sur le site Madina Design.

Il y a bien longtemps, un jour de juillet, en l’an 1054, l’Église de Rome et l’Église de Constantinople décidèrent de se séparer après de légers différends. Par la suite, cette scission balisa l’inimitié de deux civilisations en plein essor, mais aussi le début d’une série de batailles sans précédent entre les mondes latin et grec. Cependant, il existe des exemples de schismes beaucoup plus contemporains à étudier. Déliquescence d’un art pour les uns, prophète pour les autres, Gucci Mane est le genre d’individu à avoir le dos assez musclé pour incarner ce point de rupture. Mais discutons avant qu’il ne soit trop tard.

 

Une famille désunie

 
Jeune fille, Sylvia Vanderpool arpenta les scènes à peine âgée de quatorze ans en tant que vocaliste. De cette expérience, un amour indéfectible pour la musique naquit. Mais l’industrie du disque n’a que faire des sentiments et la demoiselle connut une carrière teintée de frustrations. Dans l’ombre de la lumière, Little Sylvia, devenue femme, assouvit ses fantasmes d’adolescente avec son mari en créant sa compagnie, All Platinum Records, en 1969. Dix ans plus tard, en signant trois pseudo-rappeurs surnommés The Sugarhill Gang, la réalité dépassa son imagination grâce au hit Rapper’s Delight. Par la suite, rien ne fut plus pareil. Les labels fleurirent à New York, dictant les tendances de la décennie suivante. Quant à Sylvia, l’histoire retiendra son nom comme celui de la mère du hip-hop.

 
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Malheureusement, Gucci Mane, ou plutôt Radric Davis, vu son jeune âge, naît dans le Sud, sous la ligne Mason-Dixon, une frontière autrefois érigée pour séparer les États abolitionnistes des États esclavagistes. Installé à Birmingham, dans l’Alabama, il grandit sans père mais avec une mère professeure d’école, s’efforçant péniblement de maintenir les revenus du foyer. Dépourvu des dernières baskets à la mode et privé d’un langage bien châtié, il connaît une vie scolaire ponctuée à la fois des railleries de ses camarades et des critiques du corps pédagogique envers son patois sudiste. Les bagarres et les premiers larcins commencent et, à seulement neuf ans, Gucci évacue la pression en sirotant du sizzurp. Cependant, sa vie change dramatiquement quand il déménage dans la Zone 6 d’Atlanta…

Coïncidence, à ce moment-là, en 1989, l’industrie musicale commence à s’intéresser au marché « vierge » du Sud à travers la ville d’Atlanta. Les premiers gros investissements sont réalisés par deux migrants, Antonio « L.A. » Reid et Kenneth Edmonds, qui établissent LaFace Records et signent OutKast, le premier visage du « South » à l’échelle nationale. Or, ce snobisme exacerbé a décuplé un esprit de débrouillardise dans cette région. Du coup, les premiers grands labels indépendants se fondent ici, avec Master P (No Limit Records), les frères Williams (Cash Money Records) ou encore James Prince (Rap-A-Lot Records), et le Sud peaufine ses normes en dehors des codes traditionnels du Nord. Néanmoins, un soir d’été 1995, au Source Awards, le Madison Square Garden ̶ temple sacré de New York City ̶ réserva des sifflets au moment où OutKast reçut sa récompense de « meilleur nouvel artiste ». Un choc culturel au sein d’une même famille, auquel André 3000 répondra : « Le Sud a quelque chose à dire. »

 

Bienvenu dans la Zone 6

 

« A-Town » est une ville divisée en six zones disparates correspondant aux patrouilles de la police d’Atlanta. Dans les quartiers les plus pauvres, les décrets de l’US Housing Authority, mis en place par le représentant démocrate Henry B. Steagall et son collègue sénateur Robert F. Wagner en 1937, étaient censés favoriser la mixité en facilitant la location d’appartements pour les faibles revenus. Malheureusement, les classes moyennes ̶ majoritairement blanches ̶ fuiront et ces lotissements deviendront infréquentables.

 
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Gucci se retrouve précisément parqué à Sun Valley. Jugé comme l’une des zones les plus pauvres, ce dernier confesse ne voir aucun habitant avec un travail régulier. Qui plus est, à onze ans, son cartable n’est pas rempli de livres, mais plutôt d’une arme blanche pour éviter les désagréments à la récré. Pragmatique, deux ans plus tard, un 9 mm vient se loger autour de sa taille, un avantage non négligeable dans son quartier.

Toutefois, l’apparition subite de son beau-père entraîne des changements majeurs dans sa vie. En premier lieu, un sentiment d’équilibre le borde, celui d’une famille « nucléaire » assurant amour et tendresse pour son fils. Mais cet homme dont la réputation rayonne au-delà des limites d’East Altanta 6, est connu et craint pour ses activités illicites et son goût prononcé pour les couturiers italiens : « Mon père est arrivé, le vrai Gucci Man ; c’est ainsi que les gens l’appelaient dans le voisinage et c’est de là que je tiens mon nom. À partir de ce moment, j’ai grandi avec un père hustler et une mère enseignante ; le meilleur des deux mondes, car j’étais doublement instruit. » Dès lors, fini les moqueries sur ses chaussures, Radric aura les dernières Nike. Son patois sudiste n’est plus un problème puisqu’il reconnaît être le seul à l’école avec une « dopeman rope » ̶ une chaîne en or de dealer ̶ le plus grand signe possible de considération.

Cependant, le temps de l’assistanat touche bientôt à sa fin, et Guwop prend conscience qu’un jour lui seul subviendra à ses besoins. Du coup, à quatorze ans, le bonhomme connaît sa première arrestation pour possession de stupéfiants. L’âge de l’innocence s’achève en même temps que la scène d’Atlanta entame sa révolution.

 

Passe à la trap

 

Par tradition, le son de la « Black Mecca » puise dans la Miami bass, un mélange d’électronique couplé aux boîtes à rythmes de la Roland TR-808, dont les DJs jouent fréquemment en soirée. Fatalement, cette affinité pour la musique de club fabrique de nombreux « one-hit wonders », à l’image de Kris Kross qui, en 1992, vendra plus de deux millions de singles du tube Jump.

Or, pendant que l’âme de New York City s’éteint progressivement, « Hotlanta » manifeste toujours son engouement pour le hip-hop au milieu des années 2000. Les clubs ̶ voire les strip-clubs ̶ sont témoins de l’émergence d’une multitude de sous-genres, tels le crunk, le snap ou l’auto-tune. Ces styles enjoués, contradictoires aux bases posées à NYC, séduisent désormais les majors du Nord, et Def Jam, pourtant indissociable de Big Apple, ouvre sa filiale Def Jam South en enrôlant Ludacris puis Young Jeezy.

 
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En revanche, la discorde s’accentue un peu plus avec l’émergence de la « trap music ». Dérivé de l’argot, le mot « trap » désigne les coins où la drogue est vendue. Le mot « music », lui, englobe des basses lourdes agrémentées d’histoires de cocaïne coupée au bicarbonate de soude. Réappropriée massivement par toute l’industrie, la hiérarchie supposée entre le Nord et le Sud se fragilise, et Radric trouve enfin la plateforme pour conter ses histoires.

 

De l’icône au cône ?

 

Pour ne pas finir comme son beau-père, harassé par la pression journalière de ses affaires, Radric aperçoit une porte de sortie licite grâce à sa mère. Reconvertie dans le domaine du social, Vicky Davis a fait la connaissance de Debra Antney, une femme omniprésente dans le tissu associatif d’Atlanta, notamment par le biais de son association Rah Rah’s Village of Hope qui se charge d’assurer tendresse et présents pour chaque enfant dans le besoin durant les jours de fête. Ce côté bienveillant, Deb le doit à son enfance désastreuse ̶ mère battue, père accro aux narcotiques, overdose d’héroïne à neuf ans par manque d’attention de son pater ̶ et souhaite offrir ce qu’elle n’a pas eu. Du coup, sa firme de management d’artistes Mizay Entertainment est un prolongement de ce trait de personnalité, car « Miss A » assiste chacun dans ses démarches quotidiennes.

Initialement, Gucci rencontre Mrs. Antney pour participer à ses œuvres de charité. Néanmoins, ce dernier joue la carte de la sensibilité et réussit à l’amadouer pour apprendre une grande partie du business. Alors, quand il crée sa première compagnie, So Icey Ent., cela lui permet de garder le contrôle sur ses œuvres. Puis Radric abrite de nombreux artistes biberonnés par Debra depuis le berceau ̶ ses fils Nyquan et Juaquin font partie de l’agence. À la manière de Machiavel, Big Gucci Mane choisit ses sujets méticuleusement pour se mettre en valeur. Il se met à traîner avec les deux garçons, leur cousin de cœur Frenchie et le rappeur OJ Da Juiceman. Au-delà de la complicité sincère qui s’installe, « Mr. Zone 6 » façonne une équipe selon ses goûts : il baptise Juaquin en Waka Flocka Flame, puis évince OJ ̶ rappeur le plus expérimenté de la troupe ̶ pour devenir le leader des Icey Boyz.

 
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Atypique ̶ si l’on s’attarde sur l’apparence ̶ cette bande pourrait avoir des traits folkloriques du pianiste Liberace. De surcroît, leurs styles vestimentaires fantasques et leurs paroles entrecoupées d’onomatopées les positionnent en rupture complète avec les normes morales ou techniques généralisées par le New York traditionnel. Malgré ça, Radric mène sa formation en haut des marches grâce à un nombre incalculable de mixtapes, une manière d’inonder le marché ̶ peut-être emprunté à la vente maximum de dope ̶ qui polarise les regards sur sa personne. Dès lors, 2009 concrétise ses ambitions avec son deuxième album solo en major, The State Vs Radric Davis, une première place au Billboard Top Rap Albums, un single, Lemonade, double disque de platine, mais surtout le gotha de l’industrie de Rick Ross à Lil Wayne, en passant par Usher pour changer son statut de phénomène marginal à icône nationale.

Or, un mois avant la mise en rayons de son disque, Radric file en prison pour un an. À sa libération, il se sépare de Debra pour développer son propre label, 1017 Brick Squad. Mais seul sur la route, Guwop se trompe de voie pour arriver dans un cul-de-sac le 14 janvier 2011. Ce jour-là, Radric sort tout juste de l’hôpital psychiatrique ̶ son avocat plaide l’incompétence mentale pour justifier le non-respect de ses périodes de probation ̶ et ne cesse de remplir les colonnes de faits divers à cause de ses déboires judiciaires. Cependant, pour démontrer toute sa lucidité, il décide de se faire tatouer. À sa sortie, Gucci a la joue droite entièrement tatouée d’un cornet de glace avec trois boules. Une marque symbolisant un geste absurde pour les uns, ou audacieux et provocateur pour les autres. Mais, plus que cela, ce geste interprétable de mille et une façons scellera à jamais la plus grande scission de notre période contemporaine.

 

Un article à retrouver sur la YARD Paper #2

Childish Gambino – Telegraph Ave.

Childish Gambino aka Danny Glover sortait il y a quelques semaines la mixtape « STN MTN » dont l’autre moitié « KAUAI » est un EP disponible sur iTunes. Pourtant, c’est un extrait de son album « because the internet » qu’il met en image cette semaine. Une échappé romantique avec Jhené Aiko qui se termine d’une façon des plus étranges.

Jack Hart – That Touch

Adepte du minimalisme, le producteur londonien Jake Hart donne ici un visuel pour son second titre. Un danseur se promène dans les rues de Las Vegas, cherchant à chaque pas, un contact physique avec les passant qu’il croise. Un concept approprié pour un track intitulé « That Touch ».

Tala – Alchemy

D’abord remarquée par les trois titres que composent son premier EP « The Duchess », la londonienne TALA se fait de plus en plus productive. Alors qu’elle dévoilait il y a quelques semaine l’ensorcellant « Alchemist », la réalisatrice Kate Moross y ajoute un clipboard saturé du désert de Merzouga au Maroc.

Ryan Hemsworth ft. Down Golden – Snow In Newark

Dans une tentative de « sortir des club et de trouver quelque chose de différent », Ryan Hemsworth a entrepris un voyage spirituel d’une semaine au Népal. Le tout suivi par le réalisateur Martin C. Pariseau pour illustré le morceau « Snow In Newark » extrait de l’album « Alone For The First Time » attendu pour le 4 novembre.

MZ – Embrasse-moi

Après le banger « Brrr », la Mafia Zeutrei sort le deuxième single extrait de l’EP MZ Vol 3.5. « Embrasse moi », ou l’anti-déclaration d’amour de Jok’air, Hache-P et Dehmo, mis en image par Kevin El Amrani, déjà à la réalisation pour « Brrr ».

1973 : une bande-annonce horrifie les spectateurs de toutes les salles obscures des Etats-Unis. « Une chose, au-delà de la compréhension, arrive à une petite fille dans cette rue, dans cette maison. Un homme lui a été envoyé comme dernier recours pour essayer de la sauver. » Cette introduction suivie par un enchaînement saccadé d’image d’un jeune visage démoniaque en noir et blanc sera considérée par beaucoup comme trop terrifiante. La bande-annonce de L’Exorciste sera vite retirée des cinémas.

La réception de cette bande-annonce ne fait qu’entrevoir l’importance des réactions qu’allait entraîner les premières séances du premier volet de L’Exorciste réalisé par William Friedkin. Quand le film sort, un jour après Noël, en plein Boxing Day, c’est déjà une véritable foule qui s’amasse devant les cinémas, curieuse de découvrir les horreurs cachées derrière cette bande-annonce interdite. Ce public encore néophyte en matière de film d’horreur ne s’attend pas à ce qu’il s’apprête à découvrir.

Dans la salle obscure, une jeune fille est possédé par un démon qui se manifeste à travers des actions stupéfiantes : voix désincarnée, contorsion improbable, lévitation, masturbation avec un crucifix, vomissement… Des agissements aussi violents qui engendrent de véritables réactions physiques violentes des spectateurs, de simples tremblements à l’évanouissement, certains vont jusqu’à quitter la salle . Le public est tout simplement terrifié et sur les nerfs.

Des épisodes qui font enfler la rumeur et la curiosité autour du film, les salles deviennent littéralement assaillies par des spectateurs quête de sensations. Certains cinémas prévoient pour ces projections des sacs de vomi, voire même une assistance médicale réservée aux spectateurs en état de choc. Un spectateur se brise même la mâchoire après s’être évanoui et porte plainte contre Warner Bros contre l’usage présumé d’image subliminale. Les effets du film se prolongent même dans la durée pour certains qui restent passablement tourmentés

Très vite, l’entrée est interdite pour les moins de 16 ans. Le film ne pourra pas être diffusé dans deux villes anglaises où seront vite organisées des « Exorcist Tour », des voyages en car pour visionner le long-métrage dans une ville voisine. En effet, le bouche à oreille et la médiatisation en font un véritable succès commercial,  et à sa sortie, le film engrange 193 000 000 $ aux USA et au Canada. Il devient alors la sortie la plus lucrative de tous les temps avant Les Dents de la Mer. Une réussite économique mais aussi artistique car L’Exorciste devient le premier film d’horreur à recevoir l’Oscar de la Meilleur Adaptation et du Meilleur Film. Son impact sur la culture populaire est quant à lui indéniable, tout comme son efficacité encore aujourd’hui.

Sorti sur les grands écrans cette semaine, Samba constitue la quatrième collaboration entre Omar Sy, Olivier Nakache et Eric Toledano. Trois ans après l’immense succès d’Intouchables, ce trio d’autodidactes, perçu comme un vent de fraîcheur incontournable de notre cinéma populaire national, confirme son tournant assumé vers la comédie sociale. Mais à mesure que leur approche solaire sensibilise le grand public à des thèmes société de plus en plus délicats comme l’immigration, les banlieues ou l’exclusion ; la probabilité de voir leur idéal de mixité culturelle aboutir à un consensus bancal s’agrandit, avec ce risque inhérent de conforter la France dans sa posture bienpensante et ses propres contradictions.

Animer la société française comme en colo

Bien avant l’explosion d’Intouchables, la pâte d’Olivier Nakache et Eric Toledano était déjà palpable. Les deux amis l’ont toujours répété et assumé : ils ne sont pas réalisateurs à l’origine, ce qui s’est avéré être une force d’insouciance et de fraîcheur quand il a fallu s’affranchir des canons classiques des films de comédie à la française pour proposer un regard différent et éclectique dans le divertissement et la création d’émotions.

Si l’on cherche à savoir d’où vient leur fraîcheur et leur énergie compensant leur absence de formation cinématographique, l’habillage musical de leurs créations reste souvent une bonne piste. Que ce soit MJ époque Jackson Five, The Braxtons, Earth, Wind and Fire ou encore Stevie Wonder, les bandes-originales de leurs films, très souvent connotées soul-funk et r’n’b, pourraient très bien faire office de playlist de mariage ou de booms de collégiens. Et c’est là qu’on se remémore que l’identité très pêchue et familiale de leurs créations découle principalement de l’endroit où leur histoire commune avait commencé : les colos. Avant de devenir réalisateurs, Nakache et Toledano se sont d’abord rencontrés en tant qu’animateurs de colonie de vacances, activité qui se révèle être une école de vie en communauté indélébile, et qui peut forger autant la capacité de mener une aventure humaine collective comme la réalisation d’un long-métrage qu’une vision résolument optimiste du vivre-ensemble de nos sociétés.

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Cette vie de « monos » les a tellement marqués que ce fut l’objet de leur premier court-métrage et de leur premier succès au grand écran, Nos Jours Heureux. De la création d’animations telles que les sketchs ou les veillées, à la gestion de jeunes turbulents et de conflits, en passant par l’organisation logistique de plusieurs jours de camp de vacances, les deux réalisateurs ont su cultiver une empathie et des qualités humaines qui leurs ont servi pour gérer une équipe de tournage, aider les acteurs à trouver la bonne réplique et le ton juste pour toucher les Français à grande échelle. En somme, le tour de force entrepris par Olivier Nakache et Eric Toledano reste d’insuffler à la société française ces bonnes ondes cultivées par leurs expériences passées en séjours de vacances, lieux où les soucis personnels doivent s’effacer et où des rencontres improbables peuvent se créer.

S’arranger avec la réalité, ou les écueils de la comédie sociale

En proposant des relations d’amitié et/ou sentimentales entre les différents rôles d’Omar Sy avec des personnages – aussi bien celui de Charlotte Gainsbourg dans Samba ou François Cluzet dans Intouchables – qui ne sont pas issus de leurs milieux sociaux et qui ne partagent pas les mêmes origines culturelles, les réalisateurs affichent leur volonté de faire bouger des lignes.

En analysant le succès d’Intouchables, Eric Toledano s’était réjouit que parmi ses 19,4 millions de spectateurs, deux Frances distinctes avaient regardé son film et s’étaient émues de ce conte de fées à la française. Seulement si ce projet fédérateur semble bienvenu à une époque où notre société est en proie au doute et au repli sur soi, son impact dans l’imaginaire collectif français, en dépit du ras-de-marrée médiatique qu’il a produit, reste à nuancer, chose que le réalisateur Spike Lee ne s’est pas privé de faire avec un saillant « Intouchables ? L’homme noir qui montre la lumière au blanc ? Déjà vu.  » Au même titre qu’une colonie de vacances neutre et éphémère où l’on promet de se revoir à la fin, l’élan d’ouverture commun de ces deux Frances – décrites par Eric Toledano et qui le temps d’un film se sont reconnues et  acceptés l’une et l’autre – se dissipe dans les méandres de leurs réalités respectives.

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Pour préserver cet élan commun précaire, les deux réalisateurs adoptent un ton qui  ne se veut en aucun cas satirique, et encore moins militant, à l’inverse de leurs modèles, que ce soit les comédies sociales italiennes ou encore les réalisateurs britanniques Ken Loach et Stephen Frears. Ainsi, la force narratrice des films d’Olivier Nakache et Eric Toledano dépend davantage de la rencontre improbable de personnages très différents que du contexte en lui-même, reléguant les problématiques sociales dans un rôle bien secondaire. Dès lors, dans cette volonté cinématographique de vouloir interpeler certains dysfonctionnements de notre société que les réalisateurs n’ont pas toujours vécus, l’exercice qui consiste à s’arranger avec la réalité peut facilement se bâcler, provoquant davantage des réactions de complaisance gênantes que de prises de conscience substantielles. Et si elle permet d’apporter un angle frais au tout début, la formation autodidacte d’Olivier Nakache et Eric Toledano offre également de nombreux risques quand il s’agit d’évoluer juste après : l’absence de recul, le manque de cohérence, ou des répétitions hasardeuses. Après le succès de Nos Jours Heureux, on avait notamment reproché à leur troisième long-métrage Tellement Proches où les réalisateurs ont commencé à injecter par-ci par-là davantage de problématiques de société comme les banlieues, la délinquance ou le mélange des cultures – une dernière partie maladroite et excessivement dégoulinante, comme si les deux réalisateurs avaient du mal à avancer et conclure une fois les rencontres originales créées et les problématiques soulevées. Même si le trait s’est affiné par expérience, et ce notamment avec l’histoire vraie qui a inspiré Intouchables, on peut se demander si Samba pourra éviter ces écueils.

 L’étiquette « caution diversité » de la discrimination positive

Avec leur insouciance originelle, le duo de réalisateurs pourrait être perçu comme un nouveau type de Don Quichotte dans une quête d’un rêve multiculturel, et qui serait tombé sur le meilleur cheval de bataille qui soit en la personne d’Omar Sy.

Avec une douzaine d’années de collaboration depuis leur premier court-métrage de Ces jours heureux, l’humoriste cultive peu à peu le profil parfait pour devenir leur comédien favori : simplicité, bonhommie et surtout un apprentissage du jeu d’acteur sur le tas. Repéré sur Radio Nova en 1997, boosté par Le Cinéma de Jamel sur Canal+, son duo avec Fred Testot finit par s’installer dans le showbiz humoristique français avec le SAV des émissions qui concluait le Grand Journal de Denisot pendant six saisons. Malgré son humour potache à souhait qui faisait office de fil rouge, la série a permis à cet humoriste généreux de s’adapter à des rôles comiques différents avec une légèreté déconcertante, démontrant sa capacité à ne pas vraiment se prendre trop au sérieux.

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Partout où il passe, que ce soit au cinéma, avec des rôles de moins en moins secondaires, à la télévision ou sur scène, Omar transmet naturellement des bonnes vibes dont le duo Toledano-Nakache est friand. D’autant que son « pédigrée », Français d’origine sénégalo-mauritanienne de Trappes à la personnalité solaire et fédératrice (ou consensuelle, c’est selon), s’avère être parfait pour construire une évolution commune et promouvoir leur idéal métissé. À cet égard, jusqu’au succès retentissant et inespéré d’Intouchables, Omar Sy avouait a posteriori cultiver un réel complexe de légitimité dans la profession de comédien, jusqu’à ce que son César de meilleur acteur vienne valider ce qu’il appelle le « bac en cinéma ».

Pour autant, peut-on réellement affirmer que le succès et les récompenses sous-jacentes de ce film ont fait dissiper les relents de discrimination positive à l’égard de son parcours digne d’un rêve à la française ? Avec la déferlante Intouchables, qui les a par ailleurs tous complètement dépassés, Omar est devenu Monsieur Sy, a pu enfin s’essayer à des rôles non-burlesques dans l’Ecume des Jours de Michel Gondry, et surtout est devenu le comédien français le plus bankable d’Hollywood, passant d’un rôle d’ambassadeur des banlieues à celui d’une France qui devrait être à l’aise avec sa pluralité culturelle et sociale aux yeux du monde entier. Le signal est fort et l’histoire est belle, lui le banlieusard noir en haut de l’affiche d’un cinéma français souvent décrié comme un milieu de « fils de », mais le prix à payer sera cette étiquette de « caution diversité » dans l’imaginaire collectif français, qui risque de masquer ses performances pendant un bon bout de temps.

Nous voici de retour pour une nouvelle édition de « Body of Work« , une rubrique qui refait l’histoire d’albums classiques, aussi bien sur le fond que sur la forme. Cette fois-ci, nous célébrons un anniversaire : les 25 ans de l’album Rhythm Nation 1814 de Janet Jackson. Retour sur un album clé dans l’histoire de la pop music, une oeuvre de tous les records, qui, bien qu’encore sous-estimée, laisse encore des traces aujourd’hui.

En 1989, Janet Jackson a 23 ans et se repose encore sur les lauriers qu’elle a remporté grâce à Control, son premier véritable album solo, son premier succès en tant qu’artiste émancipée du père Jackson. Alors qu’elle reprend le chemin du studio, la cadette de la famille rappelle le duo de producteurs Jimmy Jam et Terry Lewis. S’il lui aura été fortement suggéré d’embrayer sur un Control II, c’est un autre chemin que va prendre la direction artistique de l’album.

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Dès les premières sessions d’enregistrement, l’équipe s’attelle au titre « Miss You Much« , une ballade dans la lignée des tubes pop de Control. En studio, la télévision reste allumée en toile de fond. Quand l’équipe ne regarde pas MTV, elle zappe sur BET et CNN : succession de Reagan par George Bush père, fusillade dans la cour de récréation d’une école maternelle en Californie, tremblement de terre de San Francisco qui provoqua l’effondrement du « Bay Bridge » entraînant la mort de 63 personnes… Des images terribles au goût d’apocalypse, auxquelles s’ajoutent le constat d’une situation sociale loin d’être idéale. La noirceur de cette actualité influence Janet Jackson, qui en tant qu’artiste tient à faire porter un message optimiste dans un avenir qui semble délicat. Une volonté foncièrement idéaliste et délibérément naïve ; un appel à la paix et à l’union d’une nouvelle génération instruite et positive, appelée à changer le monde.

C’est ainsi que prend racine Rhythm Nation 1814. 20 titres dont 8 interludes, mais 4 morceaux véhiculant sa vision du monde qui l’entoure : « State of the World« , « The Knowledge« , « Livin’ in the World (They Didn’t Make) » et l’hymne « Rhythm Nation« . Pour compléter ce projet musical, Janet insiste pour obtenir la réalisation d’un véritable court-métrage mettant en scène quelques titres. Réalisé par Dominic Sena , cette vidéo de 15 minutes, qui remportera un Grammy, est une incursion dans un monde obscur entre deux époques. Dans une ambiance « black and white » aux aspirations militaires ironiques, l’image de ces soldats de la paix et leurs chorégraphies millimétrées restent encore aujourd’hui iconiques. Tout comme son architecture sonore, le new jack swing, ce son hybride entre pop et hip-hop façonné par des productions edgy rythmées par des beats puissants et sourds, comme des tambours de fanfare. Depuis ces codes ont été repris par des pop stars auxquelles Janet a ouvert la voie. Sur la liste : Lady Gaga, Beyoncé, Britney Spears, Rihanna, feu Selena, les Coréennes de Girls’ Generation, mais aussi Jessie Ware, Sleigh Bell ou encore Michael Jackson lui-même.

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C’est 1816 qui sera finalement l’album qui l’amènera à un autre niveau : avec 7 singles qui ont intégré le TOP 5 de Billboard, et des « hits n°1 » répartis sur trois années successives. Miss Jackson signe là un record encore inégalé. Rhythm Nation 1816, sera aussi le ticket de sa première tournée mondiale, qui reste encore aujourd’hui la plus importante en terme de recette. Les billets de sa première date, annoncée la veille, ce sont vendus en seulement trois heures : 7600 places dont 1000 distribuées par une oeuvre de charité. Ce n’est d’ailleurs pas le seul geste fait par Janet dans la lignée du message porté par 1814, elle ouvrira en effet une bourse de scolarité au nom de son album.

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À l’heure d’un féminisme revendiqué dans la pop music par plusieurs chanteuses, Janet Jackson se situe à l’origine de ce mouvement et posait en 1989 les bases de la construction d’une image artistique féminine forte et multidimensionnelle. Si son absence au Rock & Roll Hall Of Fame fait encore polémique, la soeur Jackson est indéniablement l’une des icônes pop les plus influentes de la décennie 1990. Quant à Rhythm Nation 1814, il restera comme l’album de tous les records, l’album phare de toute une nouvelle génération d’artistes.

1 TITRE
Black Cat

« Black Cat » est le seul morceau de l’album clairement orienté rock. Un engagement artistique total car il est le tout premier titre écrit par Janet. Une performance qui lui vaudra d’ailleurs un Grammy Award de la meilleure prestation vocale rock féminine.

1 CLIP
Rhythm Nation

1 LYRICS

Spreading vise don’t believe the hype
You don’t find the knowledge in a pipe
Too many lives go up in smoke
It’s nice to laugh but don’t be the joke

Elargissez l’étau, ne croit pas ce qui se dit
La connaissance ne se trouve pas dans un tuyau
Trop de vies partent en fumée
Il est bon de rire, mais ne devenez pas la blague

The Knowledge

1 DUO
Jimmy Jam et Terry Lewis

Ce duo de producteur n’aura jamais autant connu le succès que lorsqu’ils sont ensembles. En effet, c’est avec Janet qu’ils ont obtenu le plus de titres classéss au sommet des charts. Ce sont les véritables initiateurs d’un son new jack swing et d’une mouvance militant funk.

1 CHIFFRE CLÉ
1816

Si 1816 est l’année de la création de The Star-Bangled Banner par Francis Scott Key, qui deviendra plus tard l’hymne national des États-Unis, ce chiffre prend une autre dimension lorsqu’on le décompose autrement. 18 et 16 correspondent au placement des lettres R et N de l’alphabet et forment les initiales de Rhythm Nation.

Aujourd’hui coach en sexualité, Angell Summers s’est d’abord fait un nom dans le porno. Une carrière qui lui vaut rapidement un Hot d’Or et qui la marque de manière indélébile surtout depuis l’arrivée d’Internet : insultes, jugements, mépris… Des agressions qui l’ont fait souffrir mais nettement moins que les traces laissées sur sa vie amoureuse. Un constat de fierté et d’amertume. 

Qu’est-ce qui t’a amené à t’engager dans le porno ?

Tout est venu d’un calendrier que j’ai voulu offrir à mon copain avec des photos sexy selon les mois : en mère Noël pour décembre, en maillot de bain pour l’été. C’est la première fois que je faisais des photos et c’est surtout la première fois que je me sentais mise en valeur.
À partir de là, j’ai commencé à faire des photos de lingerie voire nue mais ça restait du soft. Puis, une fille avec qui j’étais en relation m’a proposé de faire un salon de l’érotisme. Je suis partie en tant que visiteuse et au bout de deux heures, j’étais sur un stand à moitié à poil ; et quatre heures après je montais sur le bar champagne à faire un show alors que je n’avais jamais fait de strip avant. C’était plutôt drôle et bonne ambiance.
À l’époque, j’étais dans la vente et mon taf devenait vraiment merdique donc je me suis lancée là-dedans. Au départ c’était juste de strips et des photos puis j’en suis arrivée à faire de la figuration pour Dorcel et Hot Vidéo qui sont les deux grandes institutions françaises du porno. Ça m’a donné une image sérieuse et carrée. J’ai mis un an à me lancer car je voulais faire ça bien, à 21 ans j’étais dedans.

Quand tu étais adolescente comment tu voyais ce milieu ?

Je n’en avais aucune idée car je n’étais pas consommatrice. Pour moi c’était juste des filles hyper-belles de ouf, qui avaient une sexualité de malade et qui n’étaient pas les plus intelligentes de la Terre. Finalement c’est parce qu’on ne les entend pas sur d’autres médias que ceux liés au porno genre : « Quelle est ta position préférée ? »
Mais le milieu, je ne l’imaginais pas pire qu’un autre et c’est le cas.

À quel moment t’es-tu posée la question du regard des autres ?

Au début avec les photos pas du tout, car cela reste discret, beaucoup de photographes cherchent des modèles. Personne ne le sait, ça ne se dit pas dans la famille et dans la rue. Ça vient surtout avec le commencement au salon de l’érotisme et après mes premiers tournages dans le porno.
Mais avant ça, j’ai rencontré des actrices qui en faisaient et qui me disaient : « Tu sais ça marque et même si tu arrêtes, on te reconnaîtra ! » Ça fait un an que j’ai arrêté et toutes les semaines on m’interpelle dans la rue. À la sortie de l’école, des mères de famille me cadreront donc ça pèse forcément. Une scène ou cent, c’est pareil ! Il faut assumer jusqu’au bout.

Quelle a été la réaction de tes proches ?

 Je sais que beaucoup de filles ont galéré avec leur famille, je suis un contre-exemple. J’ai toujours tout dit au fur et à mesure  à ma famille : quand je faisais des photos, quand je faisais des strips, quand je faisais des salons.

Dès que j’ai fait ma première scène, j’ai écrit : une lettre à mon père, une lettre à ma mère et une lettre à mes frères. À l’écrit, je pouvais tout expliquer et prendre mon temps après j’ai pu répondre aux questions de ma mère de vive voix.

Mes frères m’ont dit : « Fais ce que tu veux avec ton cul. » Mon père regardait du porno avant et ça ne l’a pas choqué. Ma mère m’a dit : « Écoute, il y a des choses plus graves. » Même si elle n’était pas super heureuse, elle m’a promis qu’elle me suivrait jusqu’au bout. Ils ont tous compris que ce n’était pas à cause de l’argent, c’était un vrai choix assumé.

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Comment ton copain a vécu ta progression dans le porno ?

Très bien. Il était là dès le début, il m’a connu avant et avait une image juste de moi. Il ne m’accompagnait jamais sur les tournages, car c’est un travail, demain tu ne vas pas dire à ta meuf de t’accompagner au bureau. Il savait ce que je faisais mais je ne rentrais pas dans les détails des scènes. C’est un juste milieu qu’il fallait trouver. Il était plutôt fier de moi.

Est-ce que ça lui est arrivé de croiser des acteurs avec qui tu as tourné ?

Quelques uns. Il savait faire la part des choses même si je pouvais prendre du plaisir. Car heureusement, il y a des scènes où c’est galère et d’autres où tu prends du plaisir. Sur un porno, tu travailles avec ton corps alors que quand tu es avec ton mec, c’est le corps et la tête.

Ça ne te gêne pas de prendre du plaisir avec un autre gars ?

Des filles font croire qu’elles arrivent à se contrôler mais c’est impossible. À un moment c’est ton corps et si tes scènes c’est de la merde, il vaut mieux ne pas être actrice. C’est comme si un gars me disait qu’il était cuistot et qu’il ne pouvait pas goûter les aliments qu’il cuisine. Mon mec ça ne le gênait pas au contraire quand il s’agissait de grosses scènes avec de gros acteurs, il me disait : « Vas-y t’es la meilleure ! Lâche-toi ! Ne te mets pas la pression. »

Donc tu n’as eu aucun problème à vivre ton métier avec ton entourage ?

Si, au niveau de mes amies. Ça c’est mal passé avec ma meilleure amie, son mec n’acceptait pas qu’elle traîne avec une actrice. Pour le reste, il n’y a pas eu de jugement profond de leur part, mes potes se mariaient et faisaient des enfants pendant que je menais une vie totalement différente.

Il n’y a que ma grand-mère qui ne l’a pas su. Quand j’ai commencé, elle avait 80 ans et ça aurait été difficile de lui expliquer les réalités du métier. Déjà les piercings, c’était compliqué alors le porno… C’est la seule qui pensait encore que j’étais encore dans le commerce.

À quel moment t’es-tu dit que ça allait devenir ta profession ?

Dès le début. Quand je fais un truc je décide de le faire bien, dès que je me suis mise au porno, j’ai choisi un gros film car je ne voulais pas du côté amateur et glauque. J’avais envie de réussir et je voulais être reconnue par les fans mais aussi par le milieu. Je voulais me faire un nom dès le départ, j’ai protégé mon nom, j’avais payé mon site.

Quand j’étais petite, je me suis toujours dit que je m’imaginais faire de la télé mais je n’aurais pas eu le courage car je manquais de confiance en moi. Le porno, c’était plus simple. Finalement, c’est un métier pas comme les autres et j’aime bien ne pas être dans le cadre.

D’ailleurs ta progression est impressionnante avec l’obtention d’un Hot d’Or ou bout d’à peine deux ans. Qu’est-ce que tu as ressenti lorsque tu l’as obtenu ?

Les gens trouvent ça ridicule et se disent que c’est un truc pour du cul. Mais c’est pour ton taf et pour mon cas précis être élue meilleure starlette, ça signifie qu’on croit en toi. En France, ce n’est pas des prix ridicules comme aux Etats-Unis genre « meilleure pipe ». J’avais taffé pendant un an et demi, j’avais été sérieuse et l’avoir c’est une reconnaissance de ton taf.

Au final, c’est plus drôle que les Victoires de la Musique mais pour les femmes, c’est l’occasion d’être en belle robe de soirée car nous n’en avons pas l’occasion d’habitude. Même si tu as toujours la meuf hyper sexe qui arrive à moitié à poils, pour moi c’était un bonheur d’acheter une robe, de me faire coiffer et maquiller.

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Avec cette notoriété comment as-tu géré le regard des gens dans la rue ?

J’ai de la chance car jusque-là, on ne m’insulte pas. Je pense que c’est parce que malgré le fait que je sois actrice, je n’ai jamais tenu un discours super hardcore.

Par contre, quand je suis en terrasse entrain de bouffer un burger et qu’il y a un mec qui reste scotché à te regarder, tu te dis : « En fait j’aimerais manger mon burger et c’est déjà une galère donc si tu me mates en plus… »

Une fois, j’étais avec ma famille et un gars vient me voir : « T’es Angell Summers, mon frère est trop fan. Est-ce que je peux prendre une photo ? Ouais t’as tourné dans La Vérité Si Je Bande. » Heureusement que ma famille le sait.

Mais généralement c’est plutôt drôle car les gens n’arrivent pas à resituer qui je suis. Récemment, j’étais à La Poste du coin où je vais tous les jours, le mec me demande si c’est possible qu’il m’ait vu à la télé et il me sort : « Dans quel programme je vous ai vu ? » Je lui réponds que c’est dans un programme pour adulte, je suis gentille, je choisis les mots. Il est devenu tout rouge et il s’est barré, le gars était plus gêné que moi.

Avec l’arrivée d’Internet, est-ce que le regard des gens est plus violent ?

Oui, c’est dur. Il y a des jours où ça passe mais d’autres où il suffit que tu sois fatiguée ou que tu aies d’autres soucis, c’est difficile.

Ce sont des trucs forts, on m’a quand même dit : « C’est des gens comme toi qui doivent mourir » ou « Tu vas finir en enfer », on m’a même balancé « Un jour je vais te trouver et je vais te buter parce que tu n’es qu’une pute. » Ce sont quand même des mots durs.

Je ne les ai pas forcés à regarder mes films, je leur demande juste de me respecter.

Finalement, tu as moins bien vécu l’interaction générée par Internet que celle de la rue ?

Oui car les gens se cachent beaucoup derrière leur ordinateur. Certains me suivent sur Twitter ou aiment ma page Facebook, et dès que je poste quelque chose, ils me mettent des réflexions dans la gueule. Mais qu’est-ce que tu fais là alors ?

Comment catégorises-tu les personnes qui t’insultent ?

Alors il y a d’abord les gens frustrés, ils me contactent et si je ne leurs réponds pas, ça passe en insulte : « De toute façon t’es qu’une sale pute. » C’est un peu comme dans la rue quand on t’accoste et que tu n’as pas envie de répondre parce que tu n’es pas dans le « mouv » et on te fait : « De toute façon, t’es qu’une sale pute ! »Tu ne lui as pas prêté d’attention donc il t’insulte. Après, tu as les gens qui sont vraiment fermés et qui considèrent que c’est mal. Pour eux, tu n’es qu’une moins que rien, tu n’as aucune valeur.

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Des internautes t’ont souhaitée d’aller en enfer, est-ce que tu as beaucoup de personnes qui évoquent la religion à ton égard ?

Je reçois beaucoup de : « Lis la Bible ou le Coran, tu devrais te mettre dans la religion car Dieu pardonne tout. » Mais je ne veux pas qu’Il me pardonne moi, laissez-moi tranquille. Certains m’envoient même des versets complets de la Bible ou du Coran.

Attends, on m’a même dit que j’irais en enfer parce que j’ai tourné avec des Noirs. On est donc bien en face de gens ouverts et modernes, j’aime mieux mon cerveau que le leur.

On est quand même face à des religieux qui sont censés être dans la religion mais qui arrivent à trouver ma page et qui m’insultent. Mais pour aller sur mon blog, il faut trouver mon nom et me connaître ou faut taper des mots-clés et ce n’est pas « bisounours ».

À quel moment as-tu décidé d’arrêter le porno ?

Je suis une fille qui a toujours besoin de bouger et d’avoir de nouveaux défis. Je commençais à avoir l’impression, de tourner en rond : j’ai travaillé en France, en Hongrie, aux Etats-Unis ; j’ai fait des DVD, des interviews et des couvertures de magazine. Au bout d’un moment, plus grand-chose ne pouvait m’arriver en tant qu’actrice.

Puis j’ai vu beaucoup de filles qui ont continué tant que ça marche pour avoir de l’argent, elles bossent jusqu’au moment où elles sont dégoûtées. Mais tu travailles avec ton corps et si tu pousses trop loin ça peut être très dur. J’ai aimé ce travail et je l’assume pleinement, je n’ai jamais eu envie que ça devienne une honte et un poids.

Donc quand j’ai commencé à sentir que je fatiguais, j’ai décidé d’arrêter pour un vrai réal, un vrai film, un tournage Canal +. J’étais rentrée par la grande porte, par un beau film, je voulais bien finir.

Comment ta vie sentimentale a évolué depuis tes débuts ?

C’est compliqué pour plein de choses. Heureusement que j’ai des copines, car les meufs ont peur que je pique leur mec certainement parce qu’elles pensent que je vais me mettre à poil tout le temps. Amicalement c’est dur mais aussi amoureusement.

J’ai été actrice donc forcément j’ai eu beaucoup de partenaires et ils se disent : « Comment je fais pour passer après ça ? » Ils ont peur de ne pas être au niveau, mais mes meilleures expériences sont plutôt dans ma vie privée que dans mes scènes. C’est aussi une image à assumer auprès de sa famille et de ses amis car je ne peux pas me cacher. Je ne peux pas mentir à un mec car on me reconnaît dans la rue et il y a des chances pour que ton père, ton frère ou ton pote m’aient vue. Puis je comprends que ça puisse être difficile de me présenter à sa mère.

Plus je vieillis, plus je rencontre des mecs qui ont déjà eu une vie et qui ont des gosses. Va dire à ton ex-femme : « Alors ça c’est la personne qui va partager la moitié de la vie de ta fille. Elle a fait du porno mais c’est rien ».

C’est compliqué, je le comprends mais parfois c’est vexant. Pourquoi je ne pourrais pas être une fille qui a fait du porno et être une femme ?

As-tu des regrets ?

Je pars du principe que dans la vie, il ne faut pas avoir de regrets. Si je n’avais pas fait de porno : je n’aurais pas autant voyagé, je n’aurais pas rencontré des gens qui ont changé ma vie… Je vais le payer et pendant longtemps, je le sais.

Je sais qu’à la sortie de l’école, on risque de me reconnaître. Je sais que je serais obligé de travailler trois fois plus. Je sais que je vais galérer pour trouver un mec. Parfois c’est dur, j’aimerais bien avoir un peu de soutien, des bras qui m’attendent, prévoir des week-ends en amoureux. Mais j’arrive à vivre seule.

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Alors que Badr Hari et Patrice Quarteron sont sur le point de s’opposer lors du combat le plus attendu de l’année en France, ce dernier s’exprime. Fort de son arrogance caractéristique, il présente avec truculence sa carrière ainsi que cette opposition face au boxeur marocain. Un reportage au plus proche de la préparation de l’athlète grignois à quelques heures du combat.

Le photographe Simon Davidson immortalise pour cette série, un concours de « burnout » : une technique de dérapage qui par la chaleur et la friction appliquée aux roues de ces véhicules vintages, laisse échapper de grands amas de vapeur. De véritables nuages dans lequel se perdent ces voitures munies de pneus chimiquement traités qui produisent ces couleurs surréalistes.

Du détail à l’ensemble, Michael Murphy a pris l’habitude de créer des oeuvres en relief qui prennent tous leur sens quand on réunis leur différents niveaux de lecture. Après une sculpture noire représentant les Etats-Unis, exclusivement composée d’AK-47, l’artiste s’approprie cette fois-ci un lieu, le NikeTown de Chicago. Là, on retrouve un magnifique Jumpman doré, qui se révèle être un assemblage de baskets en aluminium plaquées-or.

Vendredi 3 octobre, le crew F*A*L*D (SUPA!, BAMBZ, KYU STEED), accompagné de RUSTIE, était de retour au Social Club pour la première fois de la saison pour ambiancer le public de la Hip Hop Friday de ses sets Hip-Hop, Trap, Future Bass. Un retour capturé en image et en vidéo par HLenie.

Pharrell Williams ft. Daft Punk – Gust Of Wind

Avec un nouveau clip réalisé par Edgar Wright, Pharrell boucle bientôt la mise en image de son album « GIRL ». Skateboard P se balade encore une fois dans un paysage pittoresque entouré de ses emblématique « Girls ».

LARY – Kryptonit

La berlinoise LARY dévoile cette semaine la deuxième partie des vidéos réalisées lors de son voyage en Californie. Deux vidéos « low budget » pour mettre en image un « road trip » mouvementé.

Son Lux – Easy

Son Lux se ré-approprie le morceau chipé par Lorde, dans un visuel noir et blanc légèrement flippant, entre poésie et bondage réalisé par David Terry Fine.

FUTURE – Monster

Future est encore très prolifique. À seulement quelques semaines de la sortie de sa mixtape Monster, il dévoile le visuel de son titre phare.

TEYANA TAYLOR – Business

On voit enfin se profiler le premier album de Teyana Taylor ! Intitulé VII, il est attendu pour le 4 novembre. D’ici là, elle en dévoilera chaque mardi un nouvel extrait. Cette semaine elle joue la carte de la courte introspection devant le miroir pour le titre « Business ».

ODJEE – King O

Pour le visuel de King O, extrait de DopeVol2, le Rouennais prend la route de Los Angeles, pour nous livrer une vidéo en bord de mer, qui respire bon l’iode et le soleil.

L’histoire de la Slip-On, c’est avant tout celle d’une « success story » à l’américaine. Celle d’une petite affaire familiale et amicale sans grande ambition qui deviendra une véritable histoire de légende. Lorsque Paul Von Doren, accompagné de trois associés fans de sports de glisse, ouvre sa boutique à Anaheim (Californie) en 1966, il est loin de se douter qu’il va écrire un (gros) morceau du patrimoine de la culture skate. Déjà à l’époque, la Van Doren Rubber Company se démarque par sa faculté à fabriquer directement ses produits dans sa boutique. Le premier jour d’activité du shop, 12 personnes ont pu récupéré  l’après-midi même leur modèle #44 (depuis renommé Authentic) qu’ils avaient commandé quelques heures plus tôt. Fait par des amateurs de skate pour des skateurs, la marque se crée logiquement une réputation auprès de cette communauté et s’associe à des pionniers de la discipline tels que Tony Alva ou Stacy Peralta pour parfaire le design de leurs chaussures. Des porte-drapeaux qui permettront d’assurer une crédibilité à la marque et de faire des modèles Vans une référence skate, et une marque présente dans la street culture depuis presque 50 ans.

La Slip-On tient son nom de sa forme, qui désigne une chaussure basse et sans lacets, à la construction similaire à un mocassin. Comme beaucoup de modèles de la marque, la forme n’aura jamais évolué depuis sa création. Un modèle composé d’une partie supérieure en canvas et une semelle intérieure renforcée pour amortir les chocs, mais la principale « technologie » réside dans sa semelle en gomme renforcée et son revêtement « Waffle » (gaufre), véritable signature de la marque Vans. Appuyé par les futures légendes de la discipline comme Steve Caballero, à une époque où le skate se développe de plus en plus, la Slip-On devient populaire dans le sud de la Californie. Elle envahit ensuite le pays entier en quelques années et finit par être vendue dans plus de 70 stores aux Etats-Unis à la fin des années 70. Tête de gondole du footwear de la marque, au même titre que la Era ou la Authentic, la Slip-On est appréciée des skateurs pour son confort, sa solidité, mais surtout son style classique qui permet de passer du skatepark à la rue sans problème. Aujourd’hui encore, si elle ne convient plus exactement à la pratique régulière du skate, la Slip-On sied parfaitement à un style casual.

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Dans l’histoire de la marque, la Slip-On reste le modèle qui a permis à Vans de gagner une visibilité internationale, notamment grâce au film Fast Times at Ridgemont High réalisé en 1982. Dans ce long-métrage qui raconte les aventures d’un groupe d’ados californiens fans de rock, c’est un jeune Sean Penn qui, dans la peau d’un surfeur fumeur de marijuana, arbore les fameuses Slip-On. Cette apparition permet à la marque de booster ses ventes et de s’ouvrir au marché internationale ; mais cela ne l’empêchera malheureusement pas de tomber en faillite en 1983, criblée de dettes creusées par la production de leurs nombreuses gammes moins prospères. Après le rachat de la société par une banque d’investissement en 1988, le développement de la marque reprend de plus belle pour en faire une entreprise reconnue mondialement, notamment par le magazine Forbes qui nomme Vans parmi les meilleures petites compagnies américaines en 2000. La Slip-On, elle, reste encore un produit incontournable de la collection de la marque et un best seller qui se vendait encore en 2002 à prés de 5 dollars aux Etats-Unis. Si les prix ont quelque peu augmentés depuis, on peut toujours apercevoir le modèle sur de nombreux acteurs du monde de la glisse (skateurs, riders, surfers, snowboarders) et déclinée dans des centaines de couleurs et imprimés grâce au programme Vans Id lancé en 2004, qui permet de customiser sa chaussure à son goût. En toute discrétion, la Slip-On continue de vivre et d’écrire sa légende parmi les grandes chaussures de skate, au grand bonheur de la famille Van Doren.

L’actu

Star Wars X Vans « Dark Side »
Une fois de plus Vans collabore avec la franchise Star Wars sur plusieurs modèles de la marque, notamment la Slip-On qui arbore un coté obscur en empruntant les traits de Dark Vador. Une collection disponible dès maintenant, et le 15 octobre sur le Vans Customs.
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5 Dates en 1973

4 avril – Inauguration du World Trade Center
25 avril – Baptême du périphérique de Paris
20 juillet– Mort de Bruce Lee
14 Septembre – Naissance du rappeur Nas
17 octobre – IBM invente le disque dur

Mike Tyson est l’un des personnages les plus légendaires que la boxe ait connu. Iron Mike, The Baddest Man On The Planet ; des surnoms qui reflètent ses qualités de combattant agressif et carnassier. Un tempérament de feu qui s’exprimait inévitablement sur le ring, mais parfois même en dehors.

Le 23 août 1988 se rappellera de cela. Ce soir-là, encore une fois, le New York de Sinatra et Jay-Z ne dort pas mais nos protagonistes non plus. Il est alors 4h00 du matin et Mike Tyson, rencontrant quelques problèmes conjugaux, ne tient pas particulièrement à rentrer à son domicile. Il erre sur Time Square puis décide finalement de se faire faire un manteau pour 850$ chez l’illustre Dapper Dan, ouvert 24h/24h. Au dos, il fera inscrire « Don’t Believe The Hype » en référence au morceau de Public Enemy. Le temps que la conception s’achève, Tyson, légèrement éméché, s’échauffe devant la boutique, prêt à en découdre avec qui le voudra.

 

C’est à ce moment que passe un autre insomniaque : le boxeur Mitch « Blood » Green. Deux poids lourds qui se sont affrontés deux ans plus tôt, lors d’un combat extrêmement serré mais que Tyson avait fini par remporter aux poings. Mais Green en garde un souvenir amer et estime avoir droit à sa revanche. Le récit de cette soirée et de cette nouvelle opposition varie selon les version des différents partis présents.

C’est à l’intérieur de la boutique que Mitch Green s’attaque verbalement à Mike Tyson dans un premier temps : « Tu sais très bien que je ne t’ai jamais vraiment combattu. Tu ne m’as pas vaincu, parce que Don King a pris tout mon argent. Toi et Don King, vous me devez tous les deux de l’argent. » Un affront pour Tyson qui lui répondra sèchement : « Tu vas me dire que je ne t’ai pas battu ? J’ai gagné ce combat. Je t’ai mis par terre. On peut refaire le combat tout de suite. »

Et là, les différentes versions deviennent assez troubles. Certains disent que Tyson étaient prêt à se battre; d’autres qu’il se dirigeait simplement vers sa voiture quand Green l’a pris en chasse. Ce qui est clair, c’est qu’ils on finalement poursuivi leur échange en dehors de la boutique, Green a ensuite déchiré le t-shirt d’Iron Mike qui aurait contre-attaqué en le frappant au visage. Tyson expliquera plus tard : « J’étais vraiment contrarié à cette époque qu’il déchire mon t-shirt. Je n’avais pas fait de combat de rue depuis sept ans. J’étais paranoïaque et effrayé, il m’a frappé à la poitrine, je l’ai frappé à l’oeil ou quelque chose comme ça. Il est revenu et je n’avais pas d’autres choix que de me défendre. Il n’était pas dans un bon état d’esprit. « 

Les coups pleuvent jusqu’à ce que Mike Tyson rejoigne finalement sa Rolls Royce pour reprendre la route, sans la manteau qu’il attendait mais non sans que Green, au passage, ne brise l’un de ses rétroviseurs. À ce sujet, ce dernier raconte : « Il s’est enfuit cette tapette comme une poule mouillée. Il remuait son petit doigt – « oh, il s’est blessé le petit doigt » – et il a couru.«  En effet, The Baddest Man On The Planet sera conduit ce soir-là jusqu’à l’hôpital Mont Sinai, où une radio révélera bien une fracture du doigt. Quant à Green, il repartira avec un oeil gauche enflé et cinq points de sutures sur le nez. Toujours sur sa faim, il finira par porter plainte contre Mike Tyson et en retirera 45 000$, tout juste de quoi couvrir les frais du procès. Quant au manteau « Don’t Believe The Hype », Mike Tyson le récupérera un peu plus tard, et le dévoilera lors d’une conférence de presse.

 

Nous vous proposons aujourd’hui, l’inauguration d’une nouvelle rubrique, Somewhere in… Un voyage photographique entre une ville et un artiste qui vous invite à découvrir des petits bouts de notre planète avec un œil différent de ceux des clichés des cartes postales. Pour ce premier périple nous embarquons avec HLenie à San Francisco, un travail qu’elle nous explique avec ses mots.

Photos : HLenie

Je pose le pied en Californie. First stop : San Francisco. Sans idée aucune de ce qui m’attend, simplement armée de mes envies et de mon appareil, je pars à la découverte de cette ville. Architectures, climats, odeurs, gastronomies, cultures, j’ai envie de faire son portrait. Tirer le portrait d’un tout, inconnu d’abord, pour s’en servir de témoin : constater, comprendre, regarder, déduire, apprivoiser. Mais très vite, trop vite, et surtout naturellement, San Francisco s’offre à vous plus rapidement et plus simplement que la pudeur parisienne le permet. J’ai l’impression, déjà, de faire partie intégrante de ce nouveau foyer. Je fais un essai, je tire son portrait. Dès lors que tu la regardes, tu la connais, riche de tout, douce et pleine de tolérance.

Alors je pose mon regard.

« Careful now. We’re dealing here with a myth. This city is a point upon a map of fog » – Ambrose Bierce

#clic

On peut tout faire ou presque avec un téléphone aujourd’hui : photographier, mailer, surfer – seulement sur Internet bien sûr -, prendre des notes, planifier son emploi du temps, écouter de la musique, regarder la TV, enregistrer du son, se localiser en ville, jouer, payer , draguer, reconnaître une chanson… Mais dans un passé pas si lointain, connaître l’heure ou même téléphoner étaient compliqués. Depuis la fin des années 90, des tas de mobiles, plus ou moins innovants, ont traversé le temps avec nous de la cour au récréation au bureau . Histoire de se souvenir de ses objets qui ont fait notre enfance, nous vous présentons notre classement des 10 téléphones vintages les plus marquants. On vous parle ici de téléphones que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…

Repairability

1- Nokia 3310 (2000)

L’indestructible.
Le symbole de l’hégémonie de la marque Nokia au début des années 2000. Compact, ergonomique, il fut apprécié pour sa praticité et sa solidité. Véritable machine à texto, le 3310 – tout comme son grand frère le 3210- a fortement contribué a popularisé le jeu sur mobile grâce au légendaire « snake ». Il est, encore aujourd’hui, sollicité par de nombreux nostalgiques.

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2- D500 (2004)

Le classieux
Aujourd’hui peu de choses nous paraissent nouvelles et innovantes lorsqu’il s’agit de téléphonie. Pourtant à une certaine époque, chaque nouveau mobile amenait une nouveauté, même insignifiance. Rappelez-vous de la première fois où vous avez manipuler le D500, à faire et refaire coulisser cinquante fois l’écran juste parce que c’était fun. Le D500, tout de noir vêtu, avait la classe. Impossible de ne pas avoir croisé ce fameux sésame à la popularité impressionnante en milieu scolaire, un modèle inévitable.

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3- T28 (1999)

Le léger
À l’époque, choisir le T28, c’était ne pas se tromper. 81 grammes, compact, léger et fin, le T28 a une dégaine affirmée. Avec son antenne épaisse et inamovible ou son élégant clapet, l’appareil d’Ericsson faisait son effet partout où il passait. Un fait étonnant à y repenser aujourd’hui, surtout pour un téléphone qui ne comportait pas plus de cinq lignes sur son écran.

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4- Iphone 1 (2007)

Le ludique
La sortie de l’iPhone première génération en 2007 sonne le glas d’une nouvelle ère. Pour la concurrence, la fête s’est terminée à ce moment. Le premier téléphone de la marque Apple aura marqué les esprits par son écran tactile hyper fluide, un confort d’utilisation inégalé et a amené une nouvelle dimension au smartphone avec la démocratisation du concept d’applications. Presque dix ans après sa sortie, difficile d’imaginer ce que serait notre vie sans l’Pphone.

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5- Sony W800 (2005)

Le Musical
Inventeur du walkman cassette et du walkman disque, Sony a logiquement dû créer l’extension téléphonique de son concept. Un téléphone mobile spécialisé dans la musique qui permet à son utilisateur de se débarrasser de son mp3 et augure ainsi les premiers smartphones substituant à d’autres appareils. Après l’accueil du W800, une série de « w » (comme walkman) suivra avec plus ou moins de succès.

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6- Startac (1996)

L’ancêtre
« Startac », rien que le nom en jette. Encore aujourd’hui, cette appellation est synonyme de référence notamment lorsqu’il s’agit de l’évocation de téléphone coquillage, un nom utilisé pour qualifier la manière dont s’ouvre l’appareil, à l’image d’un crustacé. Ce Motorola a été l’un des premiers best sellers téléphonique, se vendant à soixante millions d’exemplaires au total. Le Startac avait un réel attrait esthétique qui lui a permis d’apparaître dans plusieurs oeuvres cinématographiques notamment.

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7- X600 (2002)

Le Précurseur
Soyons honnêtes, certains téléphones relèvent parfois plus du gadget que du prix Nobel de physique. C’est le cas du SGH-X600. La GSM de Samsung, à l’écran porté par 65 000 couleurs, doit sa durée de vie à sa seule innovation : l’objectif coulissant. Un apport qui permet de pouvoir se prendre en photo en voyant l’écran. C’est en réalité, l’intégration de la fonction selfie, une décennie avant sa popularisation.

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8- GD55 (2002)

Le minimaliste
Panasonic n’a jamais vraiment pesé dans le « phone game », c’est une certitude. Néanmoins, la marque a réussi quelques coups d’éclat notamment avec le GD55. Sa principale force? Indéniable sa taille réduite, de l’antenne jusqu’aux boutons, qui permettent de tenir dans une main, une poche ou un sac à main… Un détail qui devient un atout dans les cours de récré, le GD55 devient un téléphone adopté par beaucoup de filles, et quelques garçons qui n’oseront peut-être plus l’avouer aujourd’hui.

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9- N95 (2007)

Le technologique
Nokia fut le boss de l’industrie de la téléphonie mobile pendant les années 2000, notamment grâce au concentré de technologie incarné par le N95 qui est l’un des premiers à intégrer le réseau HSDPA (3.5G). Il comprend également MMS, e-mail, bluetooth, 8 gigaoctets de mémoire interne, une optique Carl Zeiss, et les technologies JAVA et Symbian permettant la pratique des jeux mobiles en 3D. Mais il présente également la particularité de pouvoir coulisser dans les deux sens, pour laisser découvrir le clavier ou les boutons multimédias. Si le N95 a sûrement vu sa durée de vie écourter par la sortie de l’iPhone 1, il est encore considéré aujourd’hui par la presse spécialisée comme un des meilleurs smartphones de l’histoire.

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10- LG Viewty (2007)

Le « Styleté »
Le Viewty n’aura pas marqué les esprits par ses performances, c’est certain. Mais il gardera au moins un mérite, celui d’être le mobile qui a popularisé l’utilisation du stylet autrement dit du tactile. Une innovation qui devient accessible financièrement pour le grand public, à la différence du iPhone 1 qui nécessitait un budget conséquent. Un facteur important dans le succès de ce téléphone qui restera l’un des seuls à avoir imposé l’usage du stylet.

Après un premier numéro avec Schoolboy Q en couverture, YARD Paper se devait de taper fort pour cette nouvelle édition. Pour cela, nous avons choisi logiquement le boxeur français Patrice Quarteron, champion du monde de muay-thaï, qui s’apprête à combattre l’une des icônes du K-1, Badr Hari, le 16 octobre prochain à Dubaï. Arrogant et déterminé, le Grignois enflamme actuellement le Web par ses frasques animées en vidéo afin de pimenter ce combat qui s’annonce être « un vrai bordel » selon ses dires. Nous l’avons donc suivi pendant d’impressionnantes séances d’entraînement et interviewé pour mieux cerner ce personnage atypique du sport français.

Un contenu musclé comme notre plongée dans l’adolescence de Luc Abalo avant qu’il ne cumule les titres de champion olympique, du monde et d’Europe. Afin de compléter cette trinité sportive, c’est Daniel Riolo, journaliste et polémiste sur le football, qui nous livrera son analyse sur la dernière Coupe du Monde de notre équipe de France.

Un support où le hip-hop sera à l’honneur en écho à la Closing Block Party de nos YARD Summer Club, qui a eu lieu le 14 septembre dernier réunissant une vingtaine de rappeurs. Ainsi, nous vous proposons dans ce numéro un large portrait sur le truculent Gucci Mane et le décryptage de l’hymne « Viva Street » par Niro lui-même. Enfin, la mode apportera la touche de raffinement nécessaire à tout YARD Paper avec une série mode inspirée de l’univers de la boxe shootée par Thomas Babeau et la violente « grillz designer » Dolly Cohen qui a explosé les bouches d’A$AP Rocky, M.I.A et Rihanna.

Enfin un petit mot sur la diffusion, au delà de nos 250 points parisiens (Citadium, Colette, MK2, etc.), la distribution du YARD PAPER #2 s’étend en province, avec 100 nouveaux points à venir dans toute la France.


Points de distributions:

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Avant de devenir un fournisseur de clichés reconnu dans la mode, Tony Kelly a roulé sa bosse comme photographe dans la presse irlandaise et britannique, couvrant même des conflits au Rwanda ou en Afghanistan. Après avoir fait ses gammes dans le photojournalisme, c’est au sein de plusieurs magazines tels que Vanity Fair, Vogue, Playboy ou encore GQ que Tony Kelly laisse enfin parler son esprit fantasque et sa créativité, et s’affirme comme un photographe mode majeur. Aujourd’hui, son tableau de chasse compte des stars telles que Justin Bieber, Adam Levine, Emily Ratajkowski, Emmy Rossum, ou encore Russell Brand.

L’univers photographique de Tony Kelly est reconnaissable par l’abondance de couleurs vives et une imagerie ouvertement sexuelle. Dans son premier livre « Tonys Toys », le photographe présente, toujours avec beaucoup d’humour et de spontanéité, la femme comme un élément central sous son plus simple appareil, en opposition que l’homme est toujours représenté sous la forme d’un jouet, métaphore du toy-boy musclé et soumis. Le livre, édité en 1000 exemplaires, est disponible sur le site du photographe www.tonykellyphotography.com.

En pleine fashion week parisienne, le Faust a acueilli l’after-party du (capsule) Show organisée par Red Bull Music Academy. Une soirée où le duo BLKKOUT, Kyu Steed (F*A*L*D), Benji B et Onra (RBMA) ont pu exprimer leurs talents aux platines et faire bouger la foule, sous l’objectif affuté de la photographe HLenie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La douceur de la pop de Jessie Ware a traversé la Manche pour se retrouver à Paris au Trabendo. Un instant que YARD se devait d’immortaliser grâce à l’oeil et l’objectif de HLenie, voici le reportage photos de cette belle soirée.

 

 

 

Beaucoup l’attendaient, ils ne seront sûrement pas déçus. Presque deux ans après son premier album Long.Live.A$AP, A$AP Rocky revient avec le morceau « Multiply », un morceau brutal ou l’on redécouvre Lord Flacko comme on ne l’avait plus vu depuis un moment.

Back To Basics

Violent et déterminé, c’est ainsi qu’A$AP Rocky apparaît dans la dernière bombe lâchée hier. Le mot « bombe » n’est pas galvaudé, tant on en ressent une hargne et une envie de revanche du Harlemite tout au long du track. C’est par une marquante introduction parlée du rappeur Juicy J que la chanson débute, pour laisser place à un Rocky au flow aiguisé et pointu rappelant l’époque de sa découverte avec Live.Love.A$AP  en 2011. Comme si le rappeur avait été rafraichi  par ses deux ans d’absence.

« Not a single… That’s just a warm up jumper ». Le tweet sous forme de déclaration signée A$AP Yams prend là tout son sens lorsqu’on écoute le morceau qui sonne comme un avertissement, un avant-goût de ce qui arrivera au moment de la sortie de Flacko Jodye Season, nom du prochain album de l’artiste. Après avoir laissé briller ses frères d’armes, notamment ASAP Ferg qui a parfaitement tenu le flambeau pendant son hiatus, le leader du A$AP Mob revient pour prouver qu’il est toujours dans le jeu. Il revient aux bases, celles de ses premiers succès, pour ensuite passer une nouvelle étape. Même si pour l’instant tout n’est que supposition étant donné le peu d’informations ayant filtrées.

Une croisade contre l’ingratitude

« We Ain’t No Fashion Killas Niggas, We Fashionable Killas ». S’il fallait retenir un message, ce serait celui là. « Multiply » nous montre un A$AP gonflé à bloc, prêt à remettre certaines pendules à l’heure, et rappeler au monde qu’il est l’instigateur et le créateur de plusieurs tendances, quelles soient artistiques – par le biais de son flow innovateur et de sa musicalité particulière-, ou esthétiques – lorsque l’on parle de son look- qui a inspiré de nouveaux codes. Si l’on a l’habitude d’entendre les rappeurs s’acharner contre les haters ou autres « broke ass n*##&$ »; dans « Multiply », ce sont des marques de vêtements qui sont les cibles principales. Sans détour, Rocky y identifie ses deux cibles : Hood By Air (HBA) et Been Trill, deux marques connues pour avoir capitalisé sur le style « hip-hop goth » et  qu’il a largement contribué a populariser. Ras-le bol du rappeur ? Clairement. Passablement énervé par l’idée d’avoir été à l’origine du succès de ces deux marques sans en avoir reçu la reconnaissance, et peut-être mené par une lassitude de voir des clones se multiplier autour de lui. Des états-d’âmes qui l’ont poussé a écrire cette chanson virulente qui fait office de véritable déclaration de guerre dans une des tracks les plus « gangsta » et « hardcore » de la discographie du rappeur. Par ce clip et cette chanson, A$AP se désolidarise de façon franche d’un mouvement qu’il a ironiquement crée pour revenir à un état d’esprit plus street et moins sophistiqué, bien illustré par le clip brut coréalisé par A$AP lui-même.

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A$AP vs. Kanye

En s’attaquant à Been Trill et HBA, A$AP Rocky s’écarte de l’univers high-fashion, mais s’attaque aussi irrémédiablement aux hommes qui dirigent ces deux sociétés. Le directeur artistique de Been Trill, par exemple, n’est autre que le cousin de Kanye West, Virgil Abloh. Facile d’en tirer la conclusion, sûrement hâtive, d’un shot subliminal à celui qui est l’autre grand trendsetter actuel du hip-hop. De la même manière qu’il veut s’écarter des deux marques, il trace avec cette chanson une frontière entre lui et le rappeur de Chicago, peut-être pour accentuer une singularité, et cultiver sa différence avec celui auquel il est constamment comparé. Si Kanye et Rocky n’ont jusqu’à maintenant jamais  travaillé ensemble, il est évident que cet incident n’aidera pas à une future collaboration dans un futur proche.

HBA1

De ce morceau prometteur, on espère une suite dans le même esprit, et non un coup de promo ou un de feu de paille pour un album qui serait décevant. Pour l’instant, on peut considérer ce morceau comme un retour gagnant, et ce n’est pas les fans de la première heure (loin de la Fashion Week) qui seront mécontents de ce retour. Comme un homme averti, un rappeur concentré en vaut deux. Un A$AP Rocky concentré sur le rap, et rien que le rap, en vaut peut être plus que ça.

VV

A$AP Rocky – Multiply

A défaut de voir un jour sortir l’album « L.O.R.D » du crew A$AP MOB, on se réjouira cette semaine du retour de Flacko qui lance avec « Multiply » la course jusqu’à la sortie de son propre album. Mais on retrouvera quand même A$AP Mob au grand complet à Paris, le 29 octobre.
INFOS

Flying Lotus ft. Kendrick Lamar – Never Catch Me

Quant à Kendrick Lamar, il continue de paver de perles le chemin qui mène à son prochain album. Cette semaine, un featuring avec Flying Lotus, sublimé par une vidéo réalisée par Hito Murai. Une allégorie de la mort pour un titre extrait de l’album à venir « You’re Dead! »

Pharrell Williams – It Girl

On connaît l’attrait de Pharrell Williams pour la culture nippone. Il fait ici appel à Takashi Murakami ( cover de Graduation et vidéo de « Good Morning » de Kanye West ) pour un résultat à mi-chemin entre le rétro-gaming et l’anime.

YUNG LEAN – Sandman

Blague ou non, force est de constater que Yung Lean à les bonnes cartes en main : une grande capacité de progression, les productions signées Yung Sherman, et disons, une véritable signature visuelle.

Electric Youth – Runaway

Le réalisateur Noel Paul met en image le thème de la fuite en suivant un couple en marge à Beyrouth au Liban. Des personnages échevelés, écorchés et touchants.

Rencontrer des légendes pour une interview reste toujours une épreuve traumatisante d’un point de vue journalistique. Même après plusieurs années d’expérience dans l’exercice, il reste difficile, voire impossible de condenser toutes nos questions dans le peu de temps mis a disposition face à des artistes qui ont inspiré nos goûts, notre adolescence et parfois même nos choix de carrière. L’interview doit-elle coller à leur actualité? Doit-on la faire de façon décalée pour éviter la redondance? Pouvons-nous nous permettre une rétrospective du groupe en si peu de temps? C’est en quelque sorte un petit mélange des trois que nous avons soumis pendant une dizaine de minutes au groupe, Prodigy et Havoc, en visite parisienne la semaine dernière.

Dans le nouvel album, vous restez fidèles au son brut qui est votre marque de fabrique, ce qui est plutôt risqué dans le contexte actuel où le son original new yorkais n’est plus à l’honneur et ne vend plus vraiment. Certains vous reprocheront une sorte d’immobilisme, les autres se réjouiront de votre loyauté. Vous êtes conscients de ça?

Prodigy : On essaye vraiment de rester fidèle à ce qu’on fait, à notre son original, peu importe ce qui marche. On se tient à ce qu’on a toujours fait. C’est notre son qu’on amène dans le hip-hop, et ce qu’on a de mieux à offrir au monde. On a toujours fonctionné ainsi c’est aussi pour ça que les gens continuent à aimer notre musique. On a créé notre fanbase à partir de ce style, donc pourquoi changer ?

Comment s’est opéré le choix des producteurs additionnels du nouvel album comme !llmind, Boi-1da et surtout Kaytranada?

Prodigy : Habituellement, on aime prendre de nouveaux producteurs dans nos morceaux. Dans certains projets, on trouvera des beatmakers comme The Alchemist, Lil’Jon… Ce n’est pas quelque chose qui sort de l’ordinaire que l’on fasse appel à de nouveaux producteurs en dehors de Havoc ou moi. Ça ne nous gêne de bosser avec d’autres producteurs.

Vous avez fait un CD2 avec des chutes de l’album The Infamous, certains tracks sont des joyaux. Qu’est-ce que ça vous a fait de réécouter ça?

Prodigy : C’est le 20ème anniversaire de la sortie de l’album « The Infamous », donc on a logiquement décidé de faire un saut dans le passé, et de retrouver les inédits de l’album. On a été saisis par ce qu’on a trouvé, c’était surprenant. Cette écoute a été comme un vovage dans le temps, ça a été incroyable de réécouter tout ce son créé il y a si longtemps. Sortir ces morceaux que personne n’a jamais écouté pour cet anniversaire était vraiment une bonne idée.

Est-ce que vous êtes parfois surpris de la teneur de vos lyrics de l’époque? Havoc tu disais par exemple « No matter how much loot I get I’m staying in the projects forever » (peu importe l’oseille que j’aurais je resterai dans la cité pour toujours) dans « Survival Of The Fittest »…

Havoc : Non, je ne suis pas du tout surpris par ce que j’ai écrit. Quand je disais ça, je parlais métaphoriquement, dans le sens où peu importe l’argent que j’amasserai, je ne quitterai jamais vraiment le ghetto. Ça ne voulait pas dire que je vivrai toute ma vie au sein de mon quartier, mais que j’y serai perpétuellement mentalement et émotionnellement, c’est là que mon état d’esprit sera toute ma vie.

D’ailleurs vous avez dit dans une interview que vous aviez autant de chutes pour chaque album, allez-vous sortir une édition anniversaire avec des morceaux unreleased de Hell On Earth?

Havoc : On en parlait il y a deux semaines avec P. Puisqu’on a sorti les « unreleased » pour The Infamous, on pensait aussi le faire pour Hell On Earth. Réécouter les inédits de l’album et les sortir tels quels, de la même manière.

VV

Sans revenir en détails sur votre altercation sur Twitter, vous vous êtes déjà expliqués en long et en large sur ce « beef », est-ce qu’il y a un moment où vous avez envisagé, chacun de votre côté, d’arrêter Mobb Deep ? Sans langue de bois, vous avez forcément dû y penser.

Havoc : P et moi sommes frères depuis plus de 20 ans, on peut dire que nous sommes frères de mères différentes ; et les frères rencontrent souvent des problèmes. Mais ça n’entrave en rien leur lien de fraternité. Dans une famille il existe souvent des distensions, des différences, mais on n’a jamais pensé à la séparation. Le lien est trop fort.

Quel est l’avenir de Mobb Deep ? Des projets solos après la tournée ou un autre projet Mobb Deep?

Prodigy : On travaille constamment sur de nouveaux projets du groupe, ainsi que sur nos projets solos. J’ai moi même un solo qui arrive dans lequel Havoc fait toute la production, et d’autres choses qui arriveront par la suite. On sort tout le temps de la musique, et ce sera toujours comme ça. C’est notre vie, on fait des shows, on fait des albums, et on ne compte pas arrêter de sitôt.

Havoc tu as produit le dernier single de G-Unit (« Watch Me »), est-ce que tu as placé d’autres sons sur des projets externes à venir?

Havoc : J’envoie souvent des sons à d’autres artistes quand ils m’en demandent. Je n’aime pas trop parler de choses avant qu’elles ne soient concrètes, mais quand ça arrivera, vous le saurez. Je bosse en ce moment avec pas mal de gros noms, il y’a de fortes chances que mes tracks finissent dans pas mal de prochains albums. On verra.

Pour finir, nous avons vu une interview de Buckshot de Black Moon où il raconte comment il appelait chez Havoc et qu’il faisait enrager sa mère en demandant « Est-ce que Havoc est là? » sans l’appeler par son prénom. Pouvez-vous nous raconter une anecdote de cette époque quand vous étiez tous en studio avec Wu-Tang, Nas ou d’autres?…

Prodigy : À une certaine époque, nos sessions d’enregistrement se situaient dans un studio hors du Queensbridge. Pendant ces sessions, on avait l’habitude d’avoir des centaines de bouteilles de 40oz (bière américainen ndlr) réparties dans toute la pièce. On était dans un sous-sol, donc on buvait et fumait de la weed en bas et on laissait nos bouteilles sur le sol pour aller bosser. Et souvent, pris par le travail, on ne prenait pas le temps d’aller aux toilettes et on pissait dans les bouteilles vides. Donc quand tu posais ta bouteille un petit moment, tu devais faire attention à ne pas récupérer celle ou l’on a pissé. C’est arrivé une fois qu’un de nos potes présents au studio récupère une des bouteilles remplies de pisse et la boive par accident. Merde, tu dois faire attention à ce que tu bois !

Très jeune, Whitney Houston est bercée dans le monde de la musique. Sa mère, chanteuse de gospel, l’initiera au chant et fera de Darlene Love et d’Aretha Franklin ses marraines, alors que ses cousines ne sont autres que Dionne et Dee Dee Warwick. Dès le départs, c’est sa beauté qui la détachera du lot et qui la mènera à apparaître dans les magazines Seventeen, Cosmopolitain, Glamour ou encore Young Miss. Ce n’est qu’à la fin du lycée qu’elle signera finalement sur le label Arista Records. Après un premier duo avec Teddy Pendergrass « Hold Me », elle prépare son tout premier album éponyme qui rencontrera très vite un véritable succès, avec des singles tel que « All At Once« , « Saving All My Love For You« , « Thinking About You » et « Greatest Love Of All« .

Le 25 février 1986, lors de la 28ème cérémonie des Grammy Awards, elle repart avec le titre de meilleure performance vocale et remportera par la suite sept American Music Award et un MTV Music Video Award. Ce tout premier album restera dans le classement des meilleurs albums de tous les temps pour le magazine Rolling Stones et le Rock And Roll Hall Of Fame. A 23 ans, son succès et son image propre et lisse de chanteuse de gospel l’élèvent au rang de nouvel enfant chérie des Etats-Unis.

Cette année-là Ronald Reagan est président. Il reprend alors le flambeau d’une Guerre Contre La Drogue initiée deux mandats plus tôt par Richard Nixon. Les médias participent alors à la transmission de ce message anti-drogue et développent chacun leurs campagnes. C’est dans ce cadre qu’est lancé la campagne « Say ‘No’ To Drugs » du quotidien Boston Herald Tribune et que le 1er août 1986, à l’occasion d’un concert dans la ville, le photo-journaliste Arthur Pollock immortalise Whitney Houston en nouvelle égérie de la lutte contre la drogue.

Un cliché tragiquement ironique pour celle qui traverse les années 80-90 sans écorcher son image. Ce n’est qu’en 2000, que son attitude fait naître les soupçons auprès de ses proches et de ses collaborateurs, faisant ainsi enfler les rumeurs sur sa consommation de drogues dures avec son époux Bobby Brown. Des rumeurs qu’elle confirme lors d’une interview avec Diane Sawyer. A la veille des Grammy Awards de 2102, elle est retrouvée noyée dans la baignoire de sa chambre d’hôtel à Los Angeles. Une noyade provoquée par un coeur fragilisé et l’usage de cocaïne. Un hommage lui sera rendu lors de la cérémonie, qui laissant de côté sa triste fin, commémora la voix incroyable et le talent d’une grande interprète qui ouvrit la voie à de nombreuse artistes en conquérant un public mainstream en tant que chanteuse noire-américaine.

Les nouveaux rappeurs sont légion, c’est une certitude. Internet et autres réseaux sociaux ont accéléré le nombre des révélations musicales, et chaque semaine, chaque mois nous apparaît une nouvelle sensation, un nouveau visage. Une abondance parfois difficile à vivre pour les artistes en quête de singularité, mais aussi pour nous amateurs de hip-hop, perdus dans pléthore de sons.
Certaines fois, il suffit simplement d’une rencontre pour percevoir cette petite chose qui fait que l’on suivra un artiste plus qu’un autre. C’est un peu ce qui nous est arrivé avec Aaron Cohen, rappeur originaire de Seattle, vivant depuis plusieurs années à New York. A l’occasion de leur dernière soirée au Social, le collectif Tealer lui a fait traverser l’Atlantique pour donner un show en live. C’est par ce biais que nous l’avons soumis à l’exercice de l’interview.

Photos de Pics After Pics

Peux-tu te présenter à ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis Aaron Cohen, je viens de Seattle. J’ai bougé à New York il y’a quelques années et j’y ai commencé à faire de la musique, les choses se sont assez bien passées depuis. Et aujourd’hui, me voici à Paris. C’est la deuxième fois que je viens ici, j’aime beaucoup cette ville car elle a une vraie histoire.

À partir de quel moment as-tu vu le rap comme un métier ?

J’ai commencé à rapper à 12 ans, c’est l’âge où j’ai commencé à m’intéresser à certains artistes qui m’ont poussé à me lancer. Je me souviens quand j’étais sous la douche, en train de taper sur les murs pour créer des beats. Il y’a trois ans, j’ai décidé de le faire sérieusement. Je voyais tous ces jeunes rapper et devenir célèbres et je me suis dit : « Merde, je suis meilleur qu’eux, je vais me lancer ». Et depuis ce jour, je n’ai pas arrêté une seule seconde.

Quel a été le déclic qui t’a aidé à prendre cette décision ?

Avant que je commence à enregistrer, j’avais un ami de longue date qui rappait et qui avait son propre studio, je lui ai demandé si je pouvais y enregistrer ma mixtape. Il a accepté, et j’ai enregistré trois chansons dès la première nuit. J’ai pu être productif grâce aux lyrics que j’avais emmagasiné depuis que j’avais commencé à écrire. Et là tout a commencé…

Comment décrirais-tu ton style ?

Mon style est assez sombre, plutôt morne, car je vienne de Seattle où il pleut constamment. Je ne fais pas de choses très joyeuses, mais j’ai aussi cette influence eastcoast, assez brute et agressive. Ma musique vient donc vraiment du fait que je vienne de Seattle et que je vive à New York donc j’écoute beaucoup d’artistes de ces endroits. Je pense que les deux villes m’inspirent à dimension égale, je passe du temps avec pas mal d’artistes new-yorkais mais je suis né et élevé à Seattle. Donc je ne peux pas te dire à quel point Seattle m’inspire, je suis Seattle, tout naturellement.

Quelles sont tes influences musicales ?

Kanye est une énorme influence, College Dropout fut un tournant pour moi étant jeune. Nas, Wu-Tang, Mac Dre, Andre Nickatina… Rien de spécial. Les classiques de mon enfance resurgissent beaucoup dans ce je que fais aujourd’hui.

Tu as écrit dans un morceau « Being fired is the best thing that ever happen to me », expliques-nous cette phrase ?

Elle est tirée du titre « Unemployment » où j’explique que je n’ai jamais pris de congé depuis que l’on m’a licencé. J’avais un métier assez classique où je faisais de la bureautique, et quand j’ai été viré, j’ai pu me concentrer sur le rap. Ce fut la meilleure chose qui me soit arrivée. Je n’étais plus dans un bureau toute la journée et la musique passait en premier.

Tu es assez productif à tous les niveaux (vidéo, studio, live) penses-tu que ce soit nécessaire pour un artiste aujourd’hui d’être complet ?

Je pense que l’on se doit de l’être aujourd’hui parce que le public a besoin de contenu tout le temps. Les vidéos sont utiles pour moi dans la mesure où les gens en sont accrocs et elles correspondent bien aux habitudes de consommation des internautes. Ils ne prêtent plus attention aux albums qui sortent mais sont attentifs à toutes les vidéos. Et je suis aussi une personne très visuelle, avant même d’écrire, quand j’entends un beat  j’imagine à quoi le clip peut ressembler. La scène est aussi importante pour moi car c’est à ce moment la que tu te fais des vrais fans.

En est-il de même pour les réseaux sociaux ?

J’aime interagir avec mes fans, j’aime connaître ceux qui me supportent. Mais je peux comprendre que pour les artistes exclusivement concentrés sur leur musique, cela peut être une plaie : tweeter ci, « facebook-er » ça, être sûr de prendre une photo partout… C’est avantageux mais c’est aussi lourd en même temps, comme lorsque que tu reçois des commentaires négatifs constamment. Mais je pense que c’est une bonne chose, car si personne ne te dit que tu es nul, tu n’innoves plus. Si tout le monde t’aime, c’est que tu es dans le faux et que tu fais de la musique populaire.

Tu connais des artistes français ?

Je connais Booba, Assassin, et celui qui a fait une chanson avec Guru… (MC Solaar ndlr). Mais je ne m’y connais pas vraiment en rap français. Par contre je connais aussi celui qui a essayé de coucher avec Whitney Houston (Serge Gainsbourg)… Comment ? Parce qu’il a essayé de coucher avec Whitney Houston !

Quels sont les artistes avec qui tu rêverais de collaborer ?

Kanye ! En production et en rap. Schoolboy Q est définitivement frais, j’adore ce qu’il fait et j’aime beaucoup  TDE en général. J’aimerais avoir Kid Cudi dans un refrain, il est excellent là-dessus.

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Es-tu heureux de l’accueil reçu par ta précédente mixtape Potential Fans ?

Je ne suis jamais vraiment heureux, ou satisfait. Je suis content que ça ait atteint autant de monde, j’essaie de construire une vraie fanbase, faire ce que j’aime et j’espère que ça grossira par la suite. Avec ma mixtape précédente, les gens ont commencé à me connaître mais j’ai aussi reçu beaucoup de mauvaises réactions. Potentials Fans est une formule pour dire qu’il se peut que tu ne m’aimes pas encore, mais tu m’aimeras sûrement dans un futur proche, que tu le veuilles ou non. Avant, les gens ne me connaissaient pas, alors je leur proposais de me connaître ; et maintenant qu’ils me connaissent, je leur propose de m’apprécier.

As-tu l’ambition de signer en major prochainement ?

Je ne sais pas trop, car tous ceux que je vois signer en major échouent. Une mauvaise major ferait de moi une artiste pour coller aux goûts du grand public. Mais qui sait, s’ils m’offrent un million de dollars, peut-être que je signerais, mais pour le moment je préfère rester indépendant. Dans l’idéal, je voudrais être dans un label en qui j’ai confiance, qui supporte réellement ses artistes, et qui a une image en adéquation avec la mienne.

Raconte-nous une anecdote qui a marqué ta carrière, positivement ou négativement ?

La premier clip que j’ai tourné m’a coûté énormément d’argent. Je l’avais préparé pendant des semaines, et quand on m’a envoyé la version finale, le résultat était une merde incroyable ! Ce n’est pas vraiment une anecdote mais pour moi ce fut un moment important car j’ai réalisé que je devais persévérer, peu importe ce qu’il arrive. Bref, ce n’est pas la meilleure histoire au monde mais bon… (Rires)

Quel serait ton top des meilleurs emcees, de tous les temps ?

Nas, Kanye, Biggie… J’adore Max B, je sais qu’il ne rappe pas comme un emcee classique, mais sa musique est incroyable. Mac Dre, car je trouve que les mecs de la Bay Area (Californie du Nord) sont vraiment créatifs. Je préfère le son de New York mais au niveau du slang, des nouveaux mots, la Bat Area est au dessus et n’ont pas le crédit qu’ils méritent.

Quels sont tes prochains projets ?

Après la sortie de l’EP You Wouldn’t Know, je vais sortir la vidéo de « Aint Shit » et celle du titre « Dreams Money Can’t Buy ». Ensuite je sortirai un autre EP, puis un projet en collaboration avec un autre artiste, ainsi qu’un album avec mon crew Inner City Kids. Donc continuez à chercher mes sons, il y aura encore de la nouveauté, et ça sera de plus en plus lourd.

Les histoires d’amour finissent mal en général ; l’amour dure trois ans ; un coeur a souvent deux portes : l’une pour vous faire entrer, l’autre pour vous faire sortir… Les adages concernant les ruptures sont nombreux mais souvent justifiés. Dans le show business, plus encore que dans la « vraie vie », l’éxperience montre qu’il est difficile de faire durer un couple « star-system ». Alors que les tabloïds ne cessent d’alimenter les rumeurs de ruptures entre stars, parfois à tort, souvent à raison, nous faisons un travail de mémoire. Voici ce classement des dix ruptures les plus difficiles, autrement dit des couples hip-hop que l’on aurait bien vu passer à l’épreuve du temps, juste pour le swagg.

NAS – KELIS
« Bye Baby»

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Le stéréotype parfait du couple que l’on pensait voir durer. Elle vient d’Harlem, il vient du Queens, autrement dit le meilleur de New York… Marié en 2005, le couple se sépare en 2009, après avoir donné naissance à un garçon, Knight, et collaboré sur plusieurs morceaux. Ils resteront dans l’imaginaire collectif, une version moins clinquante du couple maître du game, Jayoncé.

DIDDY – J.LO

« I’ll Be Missing You»

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Il s’appelait alors Puff Daddy et elle était encore « Jenny From The Block ». Ils étaient beaux, s’aimaient à la folie, ou alors faisaient bien semblant. Leur quotidien était fait d’élégance et d’opulence, jusqu’au jour où Shyne signe sur Bad Boy. Lors de la soirée célébrant sa signature, des coups de feu sont tirés dans le club. Jenny n’a pas été inculpé, Puff Daddy a payé son innocence et Shyne a passé 10 ans au placard. Résultat : « Jenni From The Block » s’en est allée et Diddy s’est refait la santé, avec Cassie notamment. Merci Shyne !

LIL WAYNE – TRINA
« Every Girl In The World»

3

Le loup dans la bergerie. Une véritable boucherie de la part du rappeur aux locks qui bénéficie d’une réputation –justifiée- de prédateur sexuel du star system ; mais la plus gangsta d’entre elles restera sa relation avec Katrina Laverne Taylor, plus connu sous le nom de Trina a.k.a Da Baddest Bitch. Un couple made in Dirty South qui n’aura duré que deux ans sous le soleil floridien. Une relation qui s’oppose totalement aux femmes a priori plus lisses du r’n’b et de télévision que Weezy accumule : de Tonya à Christina Milian, en passant par Nivea et Lauren London.

RIHANNA – CHRIS BROWN

« Man Down »

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Rihanna et CB, une belle histoire qui n’en est pas une. Un coup de foudre entre deux jeunes stars montantes du r’n’b, qui finit littéralement dans un bain de sang le soir précédant une performance lors de la cérémonie des Grammy Awards. Après ce tragique épisode, les deux protagonistes essayeront tout de même de se rabibocher, avant de se séparer une fois pour toutes. Ou pas… .

JERMAINE DUPRI – JANET JACKSON
« That’s The way Love Goes »

5

Ces deux-la auront vécue ensemble 8 ans. Une performance non négligeable qui leur a fait passé du studio au foyer conjugale. Mais la vie d’une star est pleine de péripéties, et des soupçons d’infidélité qui pèsent sur JD auront eu raison de leur relation.

NELLY – ASHANTI

« Dilemma »

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Vivons heureux, vivons cachés. Le secret de leur longévité a surtout résidé dans le secret de leur relation justement. La chanteuse du Murder Inc. et le natif de St Louis démentiront pendant plusieurs années la réalité de leur relation avant que l’on ne découvre la vérité.

ERYKAH BADU – ANDRE 3000

« Elevators (Me & You) »

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Tout était fait pour les rassembler, de leur statut de paria de la musique à leur charisme en passant par l’excentricité de  leur style. Des points communs qui créent une belle alchimie entre les deux artistes. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et il restera de cette relation un fils et une célèbre chanson inspirée de cette rupture, « Ms. Jackson ».

LIL BOW WOW – CIARA
« Puppy Love»

8

C’est après leur single commun, « Like You » que les deux artistes s’amourachent l’un pour l’autre. Malgré leur différence de taille, Petit Bow Wow n’hésite pas un instant à s’afficher avec celle qui le dépasse d’une petite dizaine de centimètres. Mais les problèmes sont  immenses pour ce couple adolescent qui se separe quelques mois plus tard. Depuis, Ciara se consacre aux vrais hommes comme 50 Cent ou Future, dernier en date, avec qui elle connaîtra un heureux événement.

WIZ KHALIFA – AMBER ROSE

« Fly Solo »

9

La nouvelle vient juste de tomber, après a peine une année de mariage, Amber Rose demande le divorce. Une issue attendue tant cette union renvoyait une image d’excès, entre la rencontre cocasse du rappeur maigrichon et l’ex de Kanye. Amber Rose est aujourd’hui accusée d’avoir trompé son mari à son tour. Triste sort pour le Calife.

COMMON ERYKAH BADU
« I Used To Love H.E.R »

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Le représentant de Chi-city est le second amour rappologique de sa vie. À l’image d’Andre 3000, Common est le type de rappeur conscient qui fait chavirer le coeur de la chanteuse. Si cette histoire ne durera pas, Erykah Badu montrera après qu’elle a définitivement un faible pour les rappeurs en fricotant sérieusement avec The DOC ainsi que Jay Electronica, des relations qui donneront à la chanteuse deux fils.

Une ride tumultueuse et une fréquentation inégale : les taxis collectifs à l’assaut du Cap et de ses contradictions. Je lui ai couru après pendant des années. Chaque matin en dégainant un pass navigo d’un portefeuille usé, chaque soir en regardant défiler un paysage noir figé. J’étais lui, elle, moi, un numéro sur un compte en banque, une série de chiffres sur un registre clients. Je me confondais dans les recoins des couloirs ombragés, divaguant, la solitude en main. J’étais unique mais je ne le savais pas. J’ai fait des kilomètres. Il était là. « Town ! ». Une voix qui ne me parle qu’à moi, un son qui ne grésille pas. Le contact ; l’échange. Celui qui manquait. Au bout des doigts. Une porte s’ouvre, on me tend une main. Je me faufile sur un siège au rembourrage incertain, laissant traîner mon regard. La solitude en moins.

Attrape-moi si tu peux

Appelés « Dourouni » au Mali, « Monit-sheirut » à Tel-Aviv ou encore « Gbaka » en Côte d’Ivoire, les taxis collectifs représentent le mode de transport en commun numéro 1 des pays en voie de développement. Le concept est simple : acheminer le plus grand nombre de personnes pour le prix le plus bas. Dans les grandes villes sud-africaines, surnommés « Blaxis » (comprendre littéralement « taxis pour les blacks »), ces taxis collectifs s’imposent comme le meilleur moyen de se déplacer rapidement d’un point à un autre. Les rues du Cap sont ainsi constamment inondées d’un flot de minibus blancs aux traînées arc-en-ciel. Sur les principaux axes, la durée d’attente est d’environ cinq secondes. Pour être pris au vol, il suffit d’un lever de bras en direction du conducteur, d’un sifflement, ou simplement d’un clignement d’oeil si on est assez sûr de son coup. Lorsque la porte coulissante du minibus s’ouvre, la règle d’or est la suivante : si tous les sièges sont déjà pris, on trouvera quand même une place pour toi. Alignés comme des petits oignons sur des banquettes, caissons, ou autres supports de fesses, le voyage commence. Le maître d’orchestre, c’est ce gaatjie, ce gars qui passe sa tête à travers la petite fenêtre du minibus pour siffler les potentiels clients et crier la destination du taxi. C’est lui qui court vers les femmes aux bagages encombrants, lui qui t’aménage une place et récolte les pièces que tu fais passer de main en main jusqu’à sa poche. L’intérieur du minibus est aménagé au goût du conducteur : photos d’enfants, drapeau palestinien, arbres magiques désodorisants… Des petits riens qui racontent une histoire. De tes yeux, tu tentes de suivre sa conduite chahutée, les règles de la circulation ne semblant pas avoir d’impact sur ses choix de direction. Si tu suis bien et que tu penses être le prochain, lorsque le gaatjie lance un « next stop ? », c’est à ton tour d’entrer en piste. Du fond du bus il s’agit de faire entendre ta destination, matérialisée entre tes lèvres par un repère précis : souvent « Shoprite », « KFC » (ou « Police station » si tu ne te sens pas très sûr de toi). Ejecté entre la route et le trottoir, tu n’as souvent pas le temps de te retourner que le bus magique a déjà disparu dans un brouillard de poussière et de musique assourdissante.

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Particulièrement pratique et excessivement abordable (environ dix centimes d’euro pour aller de la périphérie du Cap jusqu’au centre-ville), l’industrie des minibus taxis est née sous le régime d’apartheid, en 1987. En facilitant les modalités d’obtention des licences de chauffeurs de taxis, le gouvernement a permis : d’une part pour la première fois l’accès de ces licences à des conducteurs noirs ; d’autre part que l’utilisation des minibus en tant que taxis soit légalisée. Aujourd’hui, les blaxis capetonians transportent chaque jour presque autant de passagers que le métro londonien. Au-delà de l’engouement pour cette aventure triviale, le monopole des blaxis sur le marché des transports publics est toutefois préoccupant. Cape Town, capitale parlementaire de l’Afrique du Sud, est également le deuxième centre économique le plus important du pays. Située au coeur d’une des plus belles baies du monde, on dit aussi que c’est la capitale sud-africaine des arts et des cultures. Au regard des nombreux atouts et de l’importance des mobilités urbaines journalières de cette grande ville africaine, on peut s’étonner de l’absence d’un système viable de transports en commun. Comment une ville peut-elle prétendre au développement si ses échanges économiques, scolaires ou touristiques sont limités par la défaillance de ses services publics ? On peut ainsi affirmer que le principal mérite de l’industrie des blaxis est d’avoir comblé ce manque par le biais d’une solution from people to people. Les conducteurs et les gaatjie, appartenant généralement à la population des « coloured people », offrent aux populations noires défavorisées des banlieues de la ville la possibilité d’aller travailler chaque jour en ville pour un faible coût. Ce mode de transport comporte cependant des risques non négligeables car les accidents de la route et les histoires d’agression se font écho avec une fréquence souvent alarmante. La réputation des blaxis est si sulfureuse que l’on assiste chaque matin à la scène tragique et inévitable de minibus remplis d’hommes et femmes noirs roulant aux côtés de voitures vides aux conducteurs blancs.

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Un futur à composer

Une réaction des services publics était donc indispensable. Profitant du courageux dynamisme engendré par l’organisation de la Coupe du Monde de 2010, la mairie du Cap tente depuis quelques années d’améliorer son système de transports en commun. En mai 2011, la première étape du plan Integrated Rapid Transit est lancée avec la mise en place d’une ligne de bus MyCiti. Chaque année depuis 2011 est marquée par l’ouverture de nouvelles lignes qui relient les différents quartiers entre eux afin de garantir un accès équitable à toutes les parties de la ville. Les bus de ces réseaux sont en général appréciés par les Capetonians : fiabilité, présence de MyCiti sur les réseaux sociaux, équipement confortable, conduite sans danger, aménagements spéciaux pour les personnes à mobilité réduite ou les vélos, etc. Il est même prévu pour l’année prochaine une ligne de bus reliant les townships de Khayelitsha et de Langa au coeur de la ville.

Le développement du réseau de transport urbain est donc en bonne voie. Mais que fera-t-on des taxis collectifs une fois ce réseau achevé ? Que restera-t-il de cette culture et de ce mode de fonctionnement qui font de leur usage une aventure humaine ? C’est là toute la problématique soulevée par le développement d’un pays: comment lire, relier, relire tradition et progrès ? S’inspirer du modèle occidental de modernité est aliénant dès lors qu’on considère les éléments étrangers comme supérieurs. Or le système des blaxis n’est pas forcément moins pertinent ; les Capetonians rechignent d’ailleurs à prendre un bus qu’il faut attendre parfois quinze minutes et qui les dépose à une station loin de leur destination. Le principal défi des pays africains en développement est ainsi de mener à bien l’équation entre une jeunesse avide de modernité et une histoire et des traditions uniques et à protéger. Dans sa poésie, la Nigériane Imoukhwede exprime parfaitement la dualisme induit par cette superstition du nouveau: « Nous voici, nous voici ballotés entre deux civilisations. Je suis lasse, je suis lasse d’être suspendue entre deux mondes. Mais où irais-je ? ».

Avant le début de sa tournée qui débutera le 2 octobre à Lausanne et qui le verra passer en Belgique, à Marseille, Lille ou encore dans la salle parisienne de La Cigale, c’est à l’EMB Sannois (95) que Joke prépare son show. Vous pouvez découvrir les coulisses de cette répétition sur les clichés ci dessous, brillamment capturées par la photographe Hlenie.

Hlenie.

Si vous ne connaissez pas encore Chynna Rogers, cela ne devrait plus tarder. Celle qui affolait la toile il y a encore quelques mois avec son titre « Glen Coco » et sa mixtape « Chinois » a toutes les clés en main pour devenir la prochaine « it-girl ». Rappeuse talentueuse,  elle faisait il y a quelques jours ses premiers pas sur scène aux côtés d’A$AP Twelvy, A$AP Ant et Lil UZI VERT. Mannequin indépendant, d’abord repéré par l’agence Ford, elle défilait aussi pour la marque DKNY lors de la dernière Fashion Week new-yorkaise. Entre Philadelphie, Londres et New York, Chynna prépare la sortie d’un nouveau projet prévu pour cet automne, dont nous découvrirons bientôt un extrait conçu en collaboration avec Hudson Mohawke. En attendant, elle répond à quelques-unes de nos questions.

D’abord, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Chynna, j’ai 20 ans, et je viens de Philly Ouest.

Comment as-tu commencé à rapper ?

J’ai commencé par m’amuser sur notepad, wordpad, la section brouillon de Tumblr. Puis, j’ai trouvé des instrus sur YouTube ou sur hipstrumentals mais j’étais encore trop prudente pour partager.

Quand as-tu décidé de finalement sortir ta mixtape Chinois ?

J’ai sorti quelques singles pour prendre la température, les gens en ont voulu plus. Je voulais les combler et me prouver à moi-même que je pouvais vraiment finir un projet.

Quel sont tes plus grandes influences, musicalement ?

Je commence à penser qu’influence n’est pas le mot approprié, je parlerai plutôt d’inspiration. Pour moi ce serait, musicalement : Mobb Deep, Meshell Nedegeocello, Gucci Mane, Cam’Ron, Incubus, Melissa Ethridge, Nipsey et la liste continue. La grande musique est inspirante en elle-même.

Tu es à Londres en ce moment. Pourquoi ?

Et bien, je fais des aller-retours pour enregistrer, faire du mannequinat, prendre une énergie différente.

Qu’est-ce qui te manque à Philadelphie ?

Mes gens me manquent. Parfois, une certaine énergie qu’on retrouve seulement à Philly me fait défaut. Cette ville est un d’endroit qui vous construit et vous laisse partir, comme vos parents. Elle est aussi critique et sévère comme vos parents je vous dis (rires ndlr)

Quels seront tes prochains projets ?

Travailler sur une mixtape complète pour vraiment vous montrer ce dont je suis capable. Elle verra le jour en automne sûrement.

Tu es aussi mannequin. Comment as-tu commencé ?

J’ai été repéré par la directrice de Ford Models quand j’avais 14 ans à Six Flags (parc de loisir). Le reste est un mélange flou d’appareils dentaires et de castings.

Qu’est-ce que cette expérience t’as apporté ?

J’ai appris le fonctionnement de l’industrie, le rapport de forces entre ce qui importe aux autre et ce qui m’importe. J’ai aussi plus de connaissances sur l’ensemble de la mode que je devrais sûrement appliquer plus fréquemment dans ma propre vie.

Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, quel sont les trois morceaux qu’ils doivent écouter ?

« Selfie », « Glen Coco » et « Free Crack ». Définitivement !

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En hommage à Hervé Gourdel, tué en Algérie, YARD était présent devant la mosquée de Paris à l’occasion du rassemblement des Musulmans de France en extension à l’opération #NOTINYOURNAME. Notre micro s’est baladé dans la foule et a pris la température pendant cet après-midi.

Kaaris – Se-vrak

Le nouvelle signature de Def Jam Recordings France fait fusionner Chicago et Sevran dans un titre inédit. De quoi faire patienter les fans avant la sorite de son prochain album, actuellement en préparation.

Yelle – Complètement fou

Le groupe Yelle est de retour ! Et avant la sortie de l’album le 30 septembre, ils nous dévoilent le clip de « Complétement fou ». Une vidéo chic, où Julie Budet s’entoure de vogueurs.

The Flexican & Sef – Mother’s Day

Ce sont aussi des vogueurs que l’on retrouve dans le clip du producteur The Flexicans et de son acolyte Sef. Un hommage au voguing, 25 ans après la sortie de « Paris Is Burning », réalisé par Yue Wu et produit par Thibaut de Longeville.

Elliphant ft. MØ – One More

La Suédoise, Elliphant et la Danoise, MØ, se retrouvent dans un taxi londonien pour une ride nocturne. Dress code : survêtement Adidas et maquillage de Geisha.

Ichon – Pulsion

Cette semaine, dans la maison Bon Gamin, Ichon se laisse aller à l’ego trip sur la prod de ‘Hot Nigga » de Bobby Schmurda et nous délivre une vidéo à la hauteur du son.

Après une première partie axer sur son parcours avant la musique, cette seconde séquence évoquera le parcours artistique du rappeur. Une réflexion qu’il anime par des convictions fortes parfois en opposition à ses détracteurs, une preuve d’une véritable intégrité artistique.

Le rôle de Ray Charles est majeur dans la carrière d’acteur de Jamie Foxx. C’est cette incarnation qui lui permettra d’accéder à l’Oscar du meilleur rôle masculin, et d’ajouter une nouvelle nuance à sa palette artistique. Mais pour y arriver, il a dû faire ses preuves.

Pendant la conception du biopic Ray, réalisé par Taylor Hackford, le père de la soul possède un droit de regard mais il a surtout la mainmise sur le choix de l’acteur qui jouera son personnage. Passé l’étape du casting, Jamie Foxx doit alors se soumettre au jugement de l’artiste et c’est bien évidemment devant un piano à queue que son destin se joue. L’acteur se souvient des premiers mots que lui adressent Ray Charles : « Let me check these fingers out. Oh you got strong finger. Oh yeah. » « Laisse moi vérifier tes doigts. Tu as des doigts forts. Oh yeah. » Mais cela n’a rien d’étonnant quand on sait que Jamie Foxx a longtemps voulu être pianiste. Une profession qu’il exercera pendant quelques temps au lycée lors quelques soirées et chœur à l’église.

Mais il en faudra plus pour impressionner  The Genius qui l’invite  à le rejoindre au piano : « Si tu peux jouer le blues, Jamie, tu peux jouer n’importe quoi ! » Le musicien teste l’acteur sur quelques séquences de blues que ce dernier arrive à suivre,  puis Ray Charles le relance avec un riff bebop du grand Thelonious Monk sur lequel Jamie Foxx finit par bloquer.

Ray, connu pour son perfectionnisme et son intransigeance, ne mâche pas ses mots. Quand l’acteur frappe la mauvaise touche,  il lui aboie “Now, why the hell would you do that? The notes are right there under your fingers, Jamie. You just have to take the time out to find them, young man. » « Mais pourquoi fais-tu ça ? Les notes sont sous tes doigts, Jamie. Tu dois prendre le temps de les trouver jeune homme. »

Une prise de conscience pour le comédien :  “I understood that Ray’s whole life is sound. When his sound is out of whack, his life is out of whack.” « J’ai compris que le son était toute la vie de Ray. Quand le son était hors-temps, sa vie était hors-temps. »

Il aura fallu un quart d’heure à Jamie pour finalement saisir les subtilités de la séquence de Monk. Quand il réussit, Charles saute de son banc, il se prend lui-même dans ses bras, comme on l’a vu le aire tant de fois, en se balançant de gauche à droite puis il répète : « This is it. This is the kid. He’s got it!” « Le voilà ! C’est lui. Il a le truc ! »

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Pour l’inauguration du tout nouvel univers du flagship de Citadium rue Caumartin, c’est un mois entier de célébration qui a été organisé. Son point culminant a été atteint le soir du 24 septembre lors d’une « Soirée #PasQue Blanche« .

Vous avez été nombreux à répondre présent et à apprécier la surprise annoncée : un show exceptionnel du duo Mobb Deep. Une soirée, que les absents peuvent encore vivre en images.

À l’occasion de sa venue en France et de la sortie de sa mixtape « $ign Language », YARD a rencontré le Californien Ty Dolla $ign. L’occasion de laisser l’artiste s’exprimer sur l’origine de son amour pour la musique, ses inspirations et influences, son style ou sur la couleur de son futur album « Free TC ». Une belle occasion de découvrir ou d’en apprendre un peu plus sur cet artiste qui monte.

Quelques heures après la sortie du premier single de son prochain album, la sphère hip-hop est focalisée autour de la figure de Kendrick Lamar. À juste titre, car l’enjeu est de taille, est-ce que l’un des artistes les plus talentueux du moment va confirmer le succès de son précédent opus ?

La suite de Good Kid M.A .A.D City sera-t-elle à la hauteur des espoirs des amoureux de hip-hop ? C’est la question que beaucoup se posent aujourd’hui à la suite de l’écoute du premier extrait de son prochain album. Une tâche compliquée qui a vu de nombreux artistes se planter auparavant. Après le succès d’estime de son projet indépendant Section.80, le rappeur a parfaitement su gérer la suite de sa discographie en livrant un solide premier album qui se verra acclamé par le public (certifié disque de platine), la presse ainsi que la profession (quatre nominations au Grammy Awards, dont celle de l’album de l’année). Un opus porté par des producteurs de renom (Dr. Dre, Tha Bizness, Hit-Boy, Scoop DeVille, Just Blaze,…) et surtout cinq singles efficaces : « The Recipe », « Swimming Pools (Drank) », « Backseat Freestyle », « Poetic Justice » et « Bitch Don’t Kill My Vibe » qui résonnent encore dans nos oreilles, même deux ans après leurs sorties.

Deux hommes face à face, l’un en rouge, l’autre en bleu. Les deux protagonistes forment chacun un cœur avec leurs mains, et entre les deux la lettre « i ». Un visuel du single évocateur, et une énième façon de s’affirmer comme une force unique du rap, et ce même au sein de son propre crew, où Schoolboy Q (Crips symbolisé la couleur bleue) et Jay Rock (Bloods symbolisé par la couleur rouge) affichent fièrement leurs appartenances aux gangs. Une recherche perpétuelle de singularité que le emcee assume totalement, comme l’atteste le titre complet du morceau « I Love Myself ».
Un titre qui sample le morceau « Lady » des Isley Brothers, groupe auquel le rappeur a été élevé et qu’il a massivement écouté ces derniers mois pendant la conception de son prochain album. En somme, très peu d’informations ont été dévoilées pour le moment sur ce projet qui serait un mélange de morceaux non retenus dans Good Kid M.A.A.D City et de nouvelles créations du emcee de Top Dawg Entertainment.

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Seul parmi les autres, parfois même seul contre tous. Voilà comment on pourrait décrire la position du natif de Compton, tant il cultive la différence face à ses contemporains. On ne compte plus les futures stars annoncées du hip-hop qui sont rentrées dans le rang de la normalité ces dernières années après d’excellents débuts. Des stars parmi lesquelles on peut compter Kid Cudi, Big Sean, Wale , Lupe Fiasco, Meek Mill, Nipsey Hussle ou encore J.Cole. Sûrement un lien de cause à effet, lorsqu’il n’hésite pas à secouer une concurrence trop laxiste sur son couplet du morceau « Control » de Big Sean.
L’échec du deuxième album, le « sophomore », est ironiquement un classique du hip-hop. Peu de rappeurs de la nouvelle vague peuvent se targuer de pouvoir contredire cet adage. Si l’on peut nommer Drake, Kendrick fait assurément parti de cette trempe-là. Toujours en recherche d’originalité, K.Dot aura sans cesse exploré de nouveaux univers à chaque sortie, une tendance qui se confirme à l’écoute de ce nouveau titre. On peut faire confiance au rappeur pour nous surprendre positivement, car il sera encore une fois la où on ne l’attend pas.

Dimanche 14 septembre se déroulait la Closing Block Party venant célébrer trois mois de #YARDSUMMERCLUB au Wanderlust. Afin de faire honneur aux milliers de personnes qui s’y sont déplacer, YARD a concocté une journée unique avec une vingtaine de DJs et de rappeurs. Ces derniers retracent en images la force de ce moment et l’hystérie du public qui a pu profité de cet événement.

« She got a big booty so i call her big booty« . Cette phase est de 2 Chainz, mais il en existe des milliers d’autres références au fameux « booty« , ce postérieur que l’on aime tant et qui s’affiche partout depuis quelques années. Une culture de la fesse venue du hip-hop, qui s’est peu à peu déployée dans la pop music jusqu’à devenir omniprésente aujourd’hui. Le dernier exemple en date est le clip  de J.Lo et Iggy Azalea, où les deux « fesses-symbols » nous offrent un très beau spectacle. Quelques jours après le visuel du morceau « Anaconda » de Nicki Minaj, on a de nouveau la preuve que les derrières ne se cachent désormais plus. Pour marquer le coup, on a concocté un top 10 des artistes féminines de l’industrie musicale qui se sont le mieux servi de leur fessier pour faire avancer leur carrières, autrement dit celles qui ont le mieux capitaliser sur leur patrimoine physique.

1-Nicki Minaj :

 

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Souvent opposée à la seconde du classement, la Trinidienne de 31 ans est l’indiscutable numéro un. Depuis sa signature sur le label Cash Money et la sortie de Pink Friday en 2010, la rappeuse s’est imposée comme la star majeure de la scène du booty, en délaissant peu à peu le hip-hop pour installer un univers pop et coloré où l’artiste aime jouer de son postérieur. Au grand plaisir de son public masculin.

2-Lil Kim :

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La Queen B a été la première artiste à hyper-sexualiser son image dans le rap, avant de jouer la carte de la gangsta-bitch pour tenter de rivaliser avec une gent masculine dominante. Si l’ancienne maîtresse de Biggie n’est aujourd’hui que l’ombre physique et rappologique de ce qu’elle fut, elle peut se targuer d’avoir inspiré un bon nombre de filles présentes sur ce classement.

3-JENNIFER LOPEZ :

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45 ans et tout son croupion, Jennifer est éternelle. Une chose est sure, « she’s still Jenny from the block », et elle le prouve encore aux sceptiques aujourd’hui avec sa prestation sur clip de « Booty » avec Iggy Azalea. Elle est également pionnière dans le « booty game » comme l’explique Booba : « J’aime les gros derrières, c’est la faute à J-Lo. »

4-Iggy Azalea :

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Dans la nouvelle génération de rappeuses (Rhapsody, Azalea Banks, Angel Haze, etc), Iggy n’est de toute évidence pas la plus douée. Mais ce qui fait la différence avec ses collègues de profession est son fessier ! La où les autres jouent la simplicité, l’Australienne a vite compris que pour s’imposer, l’exploitation de son postérieur serait une étape obligée. Les faits lui donnent raisons car elle est en train de devenir le second poids lourd du rap féminin derrière Nicki Minaj.

5-Rihanna :

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Personnage atypique et controversé , Rihanna ne laisse personne indifférent, encore moins sa plastique que la chanteuse n’hésite jamais à afficher dans ses clips, sur son feu Instagram, en Une des magazines ou encore dans des photos volées. On peine a trouver une partie de son corps encore non dévoilée. Personne ne s’en plaindra.

6-Teyana Taylor :

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Une arnaque ! Teyana Taylor divise les avis sur la toile : ami des stars, actrice ou chanteuse en devenir ? Peu de gens savent qui elle est vraiment mais tout le monde sait de quelle manière elle le montre aux gens. Accroc aux réseaux sociaux, la New-Yorkaise de 23 ans passe plus de temps à partager sa plastique avec ses followers qu’à leur donner du son.

7-Foxy Brown :

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The Girl Foxy représente avec sa meilleure ennemie Lil Kim, le sex symbol du rap hardcore sauce 90´s. Experte comme sa compère new yorkaise dans l’art d’exciter les rappeurs, dans une époque où le vidéoclip et le papier glacé étaient encore les canaux de communications dominants. Les mauvaises langues diront sûrement que la fin de sa carrière coïncide avec la perte de fraicheur physique de la rappeuse.

8-Shakira :

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Pour sa longévité ainsi que pour ses légendaires déhanchés, la bomba latina mérite amplement sa place dans ce top. Depuis qu’on la découverte en 2001 sur son titre « Whenever, Wherever », Shakira n’aura cessé de se trémousser sur toutes les scènes du monde. Que l’on aime sa musique ou non, elle reste une artiste majeure du booty.

 

9-Beyoncé :

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Comment ne pas nommer la numéro une de l’industrie musicale du moment, celle qui, il y’a une quinzaine d’années, popularise le terme  « bootylicious » (inventé par Snoop Dogg dans les 90’s) qualifiant une femme au fessier obnubilant. Depuis cette époque, la diva s’est efforcée de respecter sa formule en ne négligeant jamais ses autres talents

10-Miley Cyrus :

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Soyons clairs, Miley Cyrus n’a pas de fesses, mais elle a des idées. À grands coups de booty shake sur scène et de clips bien sentis, Miley s’est imposée, assez ironiquement, comme l’étendard du twerk. Une performance non négligeable pour un si petit postérieur.

Mentions spéciales à celles qui n’ont pas eu leur place dans ce classement mais qui n’auraient pas démérité : les rappeuses Trina, Jackie-O, K-Michelle ou Lola Monroe, qui payent leur manque de notoriété principalement.

Bonus hors industrie musicale

Jen Selter (aka Vida Guerra 2.0)

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Vida Guerra (aka Jen Selter 1.0)

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Kim Kardashian (aka femme de rappeur numéro 1)

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Amber Rose (aka femme de rappeur numéro 2)

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Coco Austin (aka femme de rappeur numéro 3)

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Rick Ross ft. Project Pat – Elvis Presley BLVD

Premier extrait de l’album Hood Millionaire, Rick Ross dévoile cette semaine « Elvis Presley BLVD ». Un titre et un clip dans la foulée, pour rendre hommage à Memphis, berceau de Project Pat.

 

Jennifer Lopez ft. Iggy Azalea – Booty

Quelques semaines après « Anaconda », Jennifer Lopez s’associe à Iggy Azalea pour aporter sa réponse dans cette impitoyable compétition pour le titre de « booty queen ». On vous laisse juge.

 

August Alsina ft. Nicki Minaj – No Love

Pendant ce temps Nicki Minaj est passée à autre chose et joue les « main chick » aux côtés d’August Alsina.

 

SBTRKT ft. Caroline Polachek – Look Away

Pour le clip de « Look Away », le producteur masqué SBTRKT opte pour une vidéo qui intéragirait avec votre caméra, pour un résultat quelque peu perturbant. A découvrir ici.

 

BASSIROU ft. Dosseh – Le Score

Après Yong-C, Def Jam Recordings France, met le projecteur sur Bassirou. Le rappeur originiaire de Nanterre, dévoilait la vidéo du 2ème single extrait du Def Jam EP qui lui est consacré.

De sa conception à sa réalisation, le film Taxi Driver est le fruit d’expérience vécue.

La première étant celle du scénariste Paul Schrader qui écrit son scénario en cinq jours après un passage à vide. En pleine procédure de divorce, il se sépare de sa petite amie et vit quelques semaines reclus. Alors qu’il passe de plus de plus de temps dans les cinémas pornos et qu’il développe une obsession pour les armes à feu, il est constamment en voiture pour son travail de livreur. Il y vit, y boit beaucoup, et lit L’Etranger de Camus, La Nausée de Sartre ou encore Souvenirs de la Maison des Morts de Dostoievski. C’est finalement un ulcère qui le conduit à l’hôpital, où il réalise qu’au cours des trois semaines écoulées, il n’avait parlé à personne. C’est là que né le script de Taxi Driver.

Quant à l’acteur qui jouera le rôle principal de Travis Bickle, chauffeur de taxi misanthrope, entraîné dans un délire paranoïaque, il lui fallait lui aussi saisir les nuances de son personnage en faisant l’expérience de sa vie. C’est évidemment un élève émérite de la Méthode de Stanislavski qui saura y parvenir et son nom : Robert de Niro. De manière assez classique , il se renseigne sur la maladie mentale et sur les armes à feu. Puis il pousse l’expérience plus loin, en décrochant sa propre licence de taxi en 1976. Un véritable document qu’il exploite en parcourant les rues de New York tel Travis Bickle.

Tout juste auréolé d’un Oscar pour son interprétation de Vito Corleone dans le Parrain II, il passera pourtant inaperçu et ne sera reconnu que par une seule personne. Il réussira même à conserver son anonymat face à celle qu’il rencontre lors de l’une de ses tournées et qui deviendra plus tard sa femme : Diahnne Abbott.

Life’s a bitch and then you die ? Pas si sûr.

1994 est décidément une année sympa pour le hip-hop. Le genre de cru qu’on regarde aujourd’hui avec un petit sourire aux lèvres, le sentiment d’avoir bien bouffé et un petit reflet de nostalgie dans les yeux. La décennie 1980 s’est refermée en beauté, avec Eric B and Rakim, NWA ou l’explosion de Public Enemy. Les 90’s font alors naître les Wu Tang, ATCQ et autres Chronic de Dr Dre. L’année 1994 ? C’est l’éclate. Alors que le conflit entre Bad Boy et Death Row s’envenime, Biggie lâche un Ready to Die prophétique qui relègue Thug Life, le groupe éphémère de Tupac aux oubliettes. Dans l’ombre du conflit et des médias, les gars du sud relèvent fièrement la tête. Outkast et UGK enregistrent un nouveau son, rutilant et qui suinte le Dirty South. On pourrait citer aussi Gang Starr, The Roots ou encore Method Man en solo, la liste est longue… On peut même placer une petite dédicace chauvine à notre cher Claude MC qui, au sommet de son art, pond l’illustre Prose Combat, et efface un instant le duo NTM-IAM de l’hexagone.

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La dream team de gauche à droite : DJ Premier, Nas, Pete Rock, Q-Tip, L.E.S

Mais le 19 avril 1994, le game change. C’est la sortie d’Illmatic de Nas. Dans ce capharnaüm d’egos et de rivalités, l’album met soudain tout le monde d’accord. Pas la peine de décrire le génie lyrique de Nas, son flow inimitable (ou presque), la production anthologique (Q-Tip, DJ Premier, Large Professor, L.E.S. et Pete Rock), ni la sublime pochette avec le jeune Nasir et Queensbridge en surimpression. Pas la peine de préciser que Nas enregistre les premiers titres à 18 ans et qu’il compose alors de véritables contes urbains dans lesquels il capture toute une génération… Non pas la peine, tout ça a déjà été dit en long et en large. D’ailleurs aujourd’hui en 2014, vingt ans après, le nom de l’artiste est sur toutes les bouches, et dans toutes les oreilles. En avril, le très prisé festival Coachella accueille l’enfant prodige. Le show est grandiose, Illmatic y est intégralement rejoué et en bons potes Jay-Z et P Diddy font de gros featurings. À cela s’ajoute le festival Paris Hip-Hop en juillet, puis la sortie d’un clip inédit pour « Represent » en juillet également. Le point d’orgue de cette année de buzz Illmatic sera probablement la sortie le 1er octobre du documentaire Time is Illmatic réalisé par One9 et Erik Parker. Encensant le rappeur et son chef-d’œuvre, le long métrage brosse un portrait du New-York post-Reagan, s’attarde sur les origines de Nas et de son père jazzman, pour enfin raconter la production de l’album. Regardez plutôt :

Rares sont les rappeurs qui monopolisent aujourd’hui autant l’attention. Et à plus forte raison, rares sont les rappeurs des 90’s qui monopolisent autant l’attention sans sortir de nouveaux titres. Dans ces conditions, on ne peut s’empêcher de regarder l’énorme armada marketing déployée cette année d’un œil suspicieux. Car si Illmatic est reconnu comme une pierre angulaire du rap américain, le succès commercial n’a pas été au rendez-vous. Il faut attendre 1996 pour que l’album soit disque d’or et 2001 pour qu’il soit disque de platine avec un million de cds vendus. A titre comparatif, Chronic de Dr. Dre sorti en 1992, est triple disque de platine au bout d’un an seulement.
On soupçonne alors Nas de vouloir encaisser quelques chèques de plus sur Illmatic, tout en écrivant la légende de son propre album. Le beurre et l’argent du beurre diront certains. Comme si les dollars et l’authenticité étaient inconciliables…

« Represent » était l’hymne ghetto de Nas, une perle d’authenticité. Le clip réalisé en 2014 en a fait un beau bébé marketing. En 2013, Nas rejoint l’équipe du magazine street Mass Appeal en tant qu’éditeur associé. Il participe rapidement au lancement du label indépendant Mass Appeal Records et c’est ainsi armé qu’il lance un appel à participation. Il demande à ses fans de l’aider à réaliser un clip. Il lui faut une vidéo qui puisse réconcilier le présent et le passé : plaire aux inconditionnels de la première heure tout comme aux nouveaux fans hypnotisés par cette campagne de communication. Car c’est indubitable, aujourd’hui son public a changé. Le jeune réalisateur sélectionné, Brian Katz, collabore donc avec Nas et Mass Appeal pour mettre en image l’hymne du ghetto. Un job délicat. Il propose de tisser une métaphore entre la vie de Nas et Le voleur de Bagdad, un film sorti en 1924 d’où DJ Premier – ce génie – tire le fameux sample pour produire la chanson. Le résultat est un déroutant mélange d’images d’archives, de plans de Nas dans un canapé, Cohiba aux lèvres, et de Douglas Fairbank (héros du film) grimaçant et gesticulant. La métaphore est maladroite et on se retrouve vite à imaginer Nas combattant des types enturbannés et des dinosaures pour sauver une princesse irakienne. Fâcheux.

Cet échec, c’est l’incompatibilité du passé de Nas avec son présent. En fait, ce qu’on reproche à Nasir Jones, c’est d’être encore vivant. Il faut dire, peu des rappeurs cités plus haut sont encore debout pour fêter leur vingtenaire. En cette année 2014, qui, de l’ancienne génération, aurait pu prendre sa place à Coachella ? Un hologramme de Notorious Big ? Pimp C est mort, Guru est mort.
La reformation d’Outkast ? Big Boi assène implacablement : « On va faire une tournée, juste pour les fans. Il n’y aura rien de plus qu’une tournée ». Des mots qui font froid dans le dos, des mots qui clouent le cercueil d’Outkast et de toute cette génération perdue. Face à eux, Nas incarne l’unité d’un homme, et de son album parfait. Celle d’un enfant de Queensbridge entouré de mystère, qui se tourne vers le passé et l’embrasse sans complexe. Son timing est d’ailleurs excellent, il suit de près la génération vieillissante des Kurtis Blow ou des Run DMC, mais précède une génération solide de têtes d’affiche comme Jay-Z ou Eminem qui savent travailler avec la télévision et les images. À ce titre, la performance de One Love sur le plateau de Jimmy Fallon dégage un jouissif sentiment d’anachronisme. Il faut voir Nas, emmitouflé de ses lyrics et de sobriété, à la fois suspendu et enfoncé dans son tabouret, aux côtés d’un Q-Tip éternellement efficace et attentif. La légendaire production aux influences jazzy de l’ancien du Tribe Called Quest, est reproduite ici en live par les Roots, tout en contrebasse profonde et kalimba céleste. La réunion de ces piliers du hip-hop dans ce temple du marketing qu’est le Tonight Show est naturelle et spontanée, comme si l’album était sorti la veille. Malgré les spots et les écrans plats du plateau NBC, malgré les vestes immaculées et les Timberland trop neuves, on croit à ce moment comme on croit à John Wayne dans un western trop propre. C’est la légende Illmatic qui se joue sous nos yeux.

Rappelons tout de même que Nas en 2006 sort un album mortuaire, l’épitaphe du rap : Hip Hop is Dead. Et le messie d’expliquer dans une interview :

« Hip-hop is dead because we as artists no longer have the power […] basically America is dead.
There is no political voice. Music is dead ».
— « Le hip-hop est mort parce que nous les artistes n’avons plus le dernier mot […] d’une certaine
façon l’Amérique est morte. Il n’y a plus de discours politique. La musique est morte
».

La déclaration brûlante et désespérée provoque le tumulte à l’époque. Le débat s’est aujourd’hui calmé mais à voir la pochette du Illmatic XX – la réédition anniversaire enrichie en remixes et en titres inédits – on ne peut s’empêcher d’y repenser. La jaquette de 1994 est détournée, les deux X majuscules des vingt ans écoulés sont placés sur chaque œil. Le jeune Nasir est mort. « If hip-hop should die, we die together ».

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Bonus :

Throwback Thursday: 94 minutes of 1994 hip hop by Dazed on Mixcloud

Texte par : David (collectif Noise)

Il fait bon être sneakerhead en ce moment. Après le premier Sneakerness organisé à Paris la semaine dernière, les amoureux de basket étaient encore à la fête, cette fois à Madrid, à l’occasion du Sneakerball de Nike. Organisé dans le majestueux Palacio del Cibeles, l’événement a débuté de belle manière par le Basketball’s Baddest, un tournoi de pick-up où se sont affrontés plusieurs équipes venues de toute l’Europe, dont celle de notre Héxagone menée par Kevin Couliau.
La soirée s’est ensuite achevée par un immense dancefloor, où les nombreuses Air Max, Jordan et autres Blazer présentes dans la salle ont pu s’animer sur les sets de Dj Clark Kent et Boyz Noize.

Seinabo Sey s’ajoute aujourd’hui à la liste des artistes qui confirment que les meilleurs talents Pop de ces dernières années viennent des terres scandinaves. Et plus précisément de Suède. Fief de toute une nouvelle génération, le pays accueillait il y a quelques années, une toute jeune fille arrivée de Gambie. Plus tard sa voix profonde, puissante et reconnaissable entre toutes, devient naturellement un instrument pour cette passionnée de musique qui commence a composer ses chansons en écoutant en boucle Lauryn Hill et les Destiny’s Child.
Et c’est en poursuivant son rêve qu’elle finira par vivre sa passion grâce, notamment, à sa rencontre avec le producteur Magnus Lidehäll (Mapei, Veronica Maggio, etc..). Avec lui elle travaille sur son premier single « Younger » où chacun s’envoyait tour à tour  paroles et fragments de musique pour finalement se retrouver en studio pour enregistrer. Le refrain de « Younger » est l’un de ces fragments-là, enregistré par Seinabo sur son téléphone portable, assise dans sa cuisine.

« Dans « Younger », je parle de l’importance d’oser être soi-même », explique Seinabo Sey, « de réclamer ce qui nous revient de droit, mais de ne pas s’abaisser en essayant de réaliser ses rêves. Il s’agit de comprendre que ceux qui nous oppressent ne sont que des humains, de simples mortels comme nous. La plupart de mes chansons préférées sont celles qui m’ont remonté le moral, qui m’ont redonné de l’estime personnel et de la force ; d’une certaine façon c’est ce que j’essaie de faire aussi avec ma musique. Les paroles de « Younger » s’adressent à moi autant qu’à ceux qui m’écoutent. »
Une vision qui la conduira à la réalisation de son premier album qui nous sera donné de découvrir dès l’automne.

Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Je suis une grande romantique, une chanteuse originaire de Suède qui sur-analyse tout, éternellement.

Comment as-tu commencé la musique ?

J’ai obtenu mon diplôme à la fin du lycée et je me suis dit qu’il fallait que je gagne ma vie en faisant la seule chose que j’appréciais vraiment. Alors j’ai commencé à enregistrer des morceaux et à chanter derrière des artistes bien installés en Suède. J’ai rencontré des personnes géniales dans un label et vous connaissez la suite.

Depuis que tu as commencé la musique, quel est le moment le plus important que tu as vécu ?

Ma rencontre avec Magnus et le fait d’avoir eu la chance d’apprendre avec lui. Mais aussi celle avec Vincent Pontare et Salem Al Fakir, avec qui il partage un studio, ont été déterminante. J’ai beaucoup appris avec eux.

Tu as donc travaillé avec Magnus Lidehäll. Comment vous êtes-vous rencontré ?

Nous avons été présentés par un ami en commun qui pensait que nos styles musicaux pourraient bien s’accorder. Il m’a joué quelques beats que j’ai beaucoup aimé et on a commencé par là.

Comment décrirais-tu ta musique ?

Je ne suis pas douée en ce qui concerne les genres. Beaucoup de personnes appelleront ça de la soul-pop. J’imagine que c’est une description assez pertinente.

Quelle est ta plus grande influence ?

Cee-Lo Green, Destiny’s Child, Sufi Psalms … et la liste continue encore et encore.

Tu es sur le point de sortir ton première album. Que peut-on en attendre ?

Peu de craintes en ce qui concerne le mélange des genres. J’ai fait de mon mieux pour résumer ce qui, je pense, est important de se rappeler dans la vie.

Qui a travaillé avec toi ?

Magnus Lidehäll , Oskar Linnros, Vincent Pontare et Salem Al Fakir, que des musiciens et des producteurs suédois brillants.

Qui sont tes artistes favoris sur la scène suédoise en ce moment ?

Oskar Linnros m’a fait écouter ce gars brillant qui s’appelle Alexander Juneblad, que j’aime beaucoup en ce moment.

Et si tu ne faisais pas de musique, qu’est-ce que tu ferais ?

J’étudierais probablement l’histoire de l’art, dans une ville romantique… Paris peut-être !


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SEINABOSELFIE

YG est incontestablement la valeur montante du hip-hop en 2014 avec son premier album, My Krazy Life, et des titres comme « My Nigga », « Who Do You Love  ? » et « Bicken Back Being Bool ».  Un projet introspectif teinté de la vie du jeune rappeur avec, en toile de fond, Los Angeles et le contexte des gangs. Une démarche artistique que nous avons cherché à comprendre avec lui.

Qu’est-ce qui t’as poussé à concevoir ton album comme une véritable histoire romancée ?

Je voulais juste faire un classique et c’est pour ça qu’on l’a fait. La plupart des rappeurs de mon entourage, ceux avec qui j’ai grandi, parlent de leurs expériences de vie, ce qu’ils ont vécu et j’ai voulu partir sur la même chose.

L’intro et l’outro de My Krazy Life parlent de ta mère. Quelle relation entretiens-tu avec elle au vu de ton passé au sein des Bloods ?

Ma mère et moi sommes très proches. En ce qui concerne cet album, je l’ai construit autour des galères que j’ai vécues avec elle. Quand mon père est parti en prison pendant 3 ans, c’était elle qui devait prendre le relais et s’occuper de toutes les merdes. Ce projet vient de cette période là et en même temps je traînais avec le gang mais cela n’a jamais affecté ma relation avec elle.

Sur le morceau « I Just Wanna Party », on retrouve des couplets de Schoolboy Q & Jay Rock qui appartenaient à des gangs rivaux au tien. Pourquoi les avoir invités ?

Ce ne sont pas mes rivaux, on n’est pas en embrouille. Schoolboy Q fait partie des Crips mais avec « I Just Want To Party » je voulais faire un morceau 100% L.A en mélangeant tous les rappeurs, peu importe le quartier. Ce titre c’est quelque chose auquel les gens ne s’attendaient pas, personne ne s’attendait à ce que je fasse un titre avec Schoolboy Q et Jay Rock, c’est pour ça que je l’ai fait.

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Quels sont tes centres d’intérêt outre cette culture gang ?

Vous avez eu le premier album, vous devrez attendre le second pour voir si je change de sujet. Peut-être que j’explorerais d’autres horizons sur le prochain. Je pense avoir posé les bases avec ce premier projet ?

Comment expliques-tu ce « revival » de la scène West Coast ?

C’est grand ! On a énormément d’artistes et chacun fait des choses différentes maintenant. Avant t’avais le « G-Funk movement » et c’est tout quoi ! Aujourd’hui t’as Mustard et moi, t’as Nipsey, TDE, Kid Ink, Ty Dolla $ign, ce sont des sons différents, des délires différents. C’est puissant ! On va clairement dominer le rap durant les 20 prochaines années, c’est sûr.

Si tu devais garder un titre qui résumerait ton mode de vie ?

« Bicken Back Bein Bool »

Hier soir se déroulait la Closing Block Party qui a clôturé trois mois de mixes endiablés et de lives imprévus au Wanderlust. Afin de célébrer les milliers de fidèles qui ont apporté leur énergie chaque mardi, YARD a concocté une journée riche d’une vingtaine de DJs et d’artistes.

Plus de 5 000 personnes sont venues backer, soutenir et applaudir un casting constitué à la fois de rappeurs avec une dizaine de titres à leur actif aussi bien que d’autres portés par une carrière d’une dizaine d’années. Une volonté d’afficher la puissance générationnelle du genre par cette communion.

Cette force de rap s’est dessinée au fur et à mesure et à débuter avec le Lillois Pink Tee qui a passé le micro à ses compères parisiens : la MZ, Spri Noir ou encore Take a Mic. Mais la surprise est bien venue du Nord avec l’arrivée inattendue de Gradur sur le titre « SMS » avec Black Brut. Un moment unique qui a déclenché l’hystérie de la foule face au nouveau phénomène montant du hip-hop français.

Pour conclure cette nuit, ce sont de véritables monuments du genre qui ont rendu les clés de la Closing Block Party avec : Rim’K (113), Lino et Arsenik et Mac Tyer (Tandem). Trois performances où se sont mélangées classiques et nouveautés, l’ensemble restant lié par l’amour porté par le public.

 « Le mot de la fin ? Ce n’est que le début. »

 À l’année prochaine.

Merci à : 

Ichon
Odjee
Tuerie Balboa
Luidji
Dandyguel
Take A Mic
Yong C
Lonely Band
Espiiem
Vald
Spri Noir
3010
Dinos Punchlinovic
Zekwe Ramos
Black Brut
Pink Tee
MZ
Tito Prince
40 000 Gang
Mac Tyer
Rim’K
Lino/Ärsenik

Jessie Ware – Say You Love Me

Jessie Ware n’a jamais eu besoin de grand chose pour retranscrire toutes les émotions que véhiculent sa musique. Elle le prouve encore une fois avec le clip de Say You Love Me, extrait de son prochain album « Tough Love » attendu le 23 octobre.

Boots – Mercy

Sorti de l’ombre après la sortie de « Beyoncé », on le présente comme l’arme secrète de Queen B. Une arme secrète qui n’en est plus vraiment une, depuis qu’il apparaît dans la vidéo de son titre « Mercy ».

100s – 10 Freaky Hoes

Le plus mystique des Pimp offre enfin un visuel à son titre phare « 10 Freky Hoes » et place le curseur de son univers pile entre secte et maison close.

LARY – Problem

La Berlinoise Lary a pris la direction de la Californie pour tourner le clip de « Problem » extrait de son album « FutureDeutscheWelle », disponible dès aujourd’hui.

Kwabs – Walk

Pour illustrer « Walk », Kwabs aura donc opté pour la solution de facilité puisqu’on le retrouve déambulant dans les rues de sa ville natale : Londres.

Lacrim est actuellement le phénomène de rap français avec plus de 30 000 ventes dès la première semaine. Un artiste mais avant tout un homme que nous vous proposons de découvrir lors d’une interview en deux parties. Première séquence sur la jeunesse de l’artiste.

Ce mardi 9 septembre, le dernier poulain du Taylor Gang foulait pour la première fois la scène française de la Maroquinerie. Après des concerts partagées avec son mentor Wiz Khalifa et  Jeezy dans le cadre du « Under The Influence Tour », l’artiste fait ses armes seul face à un public qui l’attendait notamment sur les succès de l’EP « Beach House » : « Oh Nah » et « Revolution ». Retour en images.

Après une édition en avril dernier à Zurich, le Sneakerness a pris ses quartiers pour la première fois à Paris le 6 et 7 septembre dernier. Fondé en 2008, le Sneakerness s’est vite imposé comme l’une des conventions de référence sur la sneaker en Europe ( Zurich, Varsovie, Amsterdam, Cologne, Vienne…) au même titre que Solemart ou SneakerCon. À l’occasion de cette première édition parisienne, YARD est parti à la rencontre des acteurs de cet événement : Francky B, l’organisateur, le collectionneur Kish Kash, l’illustratrice Caroll Lynn, Pascal Prehn de Sneaker Freaker ou encore le réalisateur Romain Levy.
C’est toute une communauté composée d’experts, de collectionneurs, de sneakerheads ou de simples amateurs et passionnés de la basket qui s’est retrouvé au sein du 104, pour appliquer à la lettre le credo de la convention : « Exhibit. Buy. Sell. »

Le 10 juillet dernier, A$AP Ferg a.k.a The Trap Lord, tout de Pigalle vêtu, enflammait la scène du Trabendo. Une première en France et un souvenir encore bouillant pour les participants, comme un premier échauffement avant la date du 29 octobre au Zénith, où le rappeur sera rejoint par l’A$AP Mob, pour la première fois en France au complet.

CONCERT A$AP MOB http://on.fb.me/1s3ZUDW
BILLETERIE >  http://bit.ly/1smNNnm 

Action Bronson – Easy Rider

Dans cette nouvelle aventure du Bronsolino, on retrouve notre héros sur un lit d’hôpital, surgissant du coma avec pour seul désir, retrouver sa guitare. Une quête qu’il poursuit dans le désert, dans une ambiance à sa mesure entre Kill Bill, Las Vegas Parano et Easy Rider. Un véritable bouillon de références à une contre-culture américaine saupoudrée d’acide.

Nicki Minaj – Anaconda

Indéniablement le clip auquel on ne pouvait échapper cette semaine. Depuis la pochette du single détournée sous toutes les formes et sur tous les supports, jusqu’à la référence au classique « Baby Got Back » de Sir Mix A Lot, il fallait s’attendre qu’à un clip mettant à l’honneur les courbes de Nicki Minaj.

Travi$ Scott ft. Big Sean & The 1975 – Don’t Play

A la suite de la sortie de la mixtape Days Before Rodeo, Travi$ Scott dévoile la vidéo qui illustre son titre phare : « Don’t Play ». C’est dans son Texas natal que Travis parcoure le désert à cheval bien accompagné et que Big Sean compte les billets sur le parking sombre d’un bar isolé. Que ce soit dans la mixtape ou dans le clip, nous avons là un bon avant goût de ce que devrait donner le très attendu premier album de Travis Scott : Rodeo.

The Weeknd – Often

Au début de cet été, The Weeknd dévoilait le titre « Often », aujourd’hui c’est aussi son visuel que nous découvrons. Ici, rien de bien novateur. Comme souvent, le clip se passe dans une chambre d’hôtel où des filles défilent encore et encore. Quant au Canadien, son regard lointain se perd dans les lumières de la ville et dans la fumée, sans qu’il n’accorde jamais un regard à ses multiples présences.

HAIM ft. A$AP Ferg – My Song 5

Dans un remake du Jerry Springer Show, les trois soeurs de HAIM, rejointes par A$AP Ferg, dévoilent le morceau qui débarque comme un ovni dans leur album Days Or Gone : « Song 5 ». Sur le plateau de télévision s’enchaîne les histoires grotesques aux issues explosives qui font le succès de ces émissions. Le clip intègre aussi de nombreux cameos : Ke$ha, Artemis Pebdani, Big Sean, Ezra Koening ou encore Grimes.

Alors que sa suite est en préparation pour 2015, la première œuvre cinématographique d’Éric et Ramzy reste, treize ans après sa sortie, un film culte pour toute une génération. Avec un talentueux mélange d’insouciance parodique des classiques générationnels et d’humour sitcom cheap peaufiné dans leur série H, le duo de comédiens surfe sur l’euphorie black-blanc-beur régnante. Avec ses deux millions d’entrées, La Tour Montparnasse Infernale incarne une époque révolue où la société française avait l’illusion de planer sur le toit du monde, abordant le tournant des années 2000 avec un détachement décontracté. Seulement la décennie qui s’en suit sera synonyme d’une violente chute vers un pessimisme généralisé le tout accéléré par la domination d’un Internet de plus en plus instantané et voyeuriste.

L’esprit lose décontracté de branleurs magnifiques

La Haine s’introduisait avec la maxime culte « L’important ce n’est pas la chute, mais l’atterrissage. » Pour Éric et Ramzy, cette chute est celle d’un molard atterrissant sur un landau, craché depuis le 50e étage de la Tour Montparnasse, l’un des monuments les plus laids du patrimoine français, mais magnifié pour l’occasion. Dès le début, le duo de comédiens pose les bases de leur marque de fabrique : un humour potache animé par un esprit de loser relax souvent incompris. Les deux personnages principaux du film sont des laveurs de vitres, profession qui leur permet non seulement d’atteindre littéralement le sommet de Paris, et donc de la France, mais grâce à un scénario aussi absurde qu’homérique, de se retrouver au cœur d’un braquage hollywoodien. Devenus héros malgré eux de l’intrigue, ils vont surmonter toutes les épreuves dans l’immeuble, parodiant tour à tour certains blockbusters générationnels du cinéma : les 90’s et leur Matrix, les 80’s de Die Hard, et surtout des 70’s célébrés par le Jeu de la mort et son mythique combat de légendes entre Bruce Lee et Kareem Abdul-Jabbar. Plus on avance dans l’histoire, plus la bêtise gagne tous les protagonistes de cette comédie, en particulier le génial Michel « Machin » Vignault, caricature du chef de gang de la french connexion, aussi violent que con. En survivant grâce à un enchaînement de conneries guidées par une intelligence bien limitée, les deux laveurs de carreaux, branleurs magnifiques insouciants, sont finalement nos Jeffrey Lebowski ou Derek Zoolander à nous, avec cette pointe de hip-hop, culture de détournement des formes que la France apprend enfin à apprécier.

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François Pignon version black-blanc-beur

Film sorti en mars 2001, La Tour Montparnasse Infernale et ses deux millions d’entrées nationales achèvent de propulser Éric et Ramzy parmi les étoiles montantes du showbiz français. Le duo d’humoristes est révélé au grand public trois ans plus tôt avec H, la sitcom de Canal+ créée entre autres par l’incontournable scénariste et metteur en scène Abd-el-Kader Aoun et dont ils partagent l’affiche avec Jamel Debbouze. À l’instar de ce dernier, les deux comédiens surfent sur une euphorie black-blanc-beur dans laquelle les Bleus dominent la planète foot – avec selon Jamel « les deux buts de Zidane (qui) ont aboli le racisme » pendant quelques mois – une croissance économique qui oscille autour des 3% et une cohabitation politique Jospin-Chirac qui se déroule sans trop de heurts. En somme, la France, dans sa bulle, ne se prend pas trop la tête, et les deux humoristes en profitent pour s’enfoncer dans la brèche avec des vannes gratuites dénuées de justification politique et morale, en opposition de leurs aînés Desproges ou Bedos. Finalement, les deux laveurs de vitres débiles mentaux se rapprochent d’un François Pignon, à la différence près que le personnage de Francis Weber interprété par Jacques Villeret dans Le Dîner de Cons se passionne pour les allumettes, Ramzy, lui, est obsédé par la force pure du culturiste américain Peter MacCallaway et Éric choppe un accent chinois désespéré pour sauver la vie de son ami. Comme si notre franchouillardise culturelle s’exposait davantage à une mondialisation de plus en plus oppressante.

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Le désenchantement 2.0 de la dernière décennie

Avec du recul, La Tour Montparnasse Infernale reste un hommage à un humour sitcom cheap sans justification qui aura connu son apogée à la fin des années 90 – début 2000. Outre Éric et Ramzy, ses têtes de gondoles étaient Michael Youn ou encore Brice de Nice, idolâtrés par une génération métissée de jeunes qui aura vécu une partie de son adolescence avec l’insouciance de l’Internet 56k. Car après cette période de grâce sur laquelle elle aura bien plané, cette bande va se prendre successivement plusieurs rockets en pleine tronche : le 11 septembre et la peur généralisée de l’islam qui en découle, le 21 avril 2002 et la chute de la bande à Zizou en Corée la même année, le début de l’engrenage Dieudonné, les émeutes de 2005 ou encore le thème de l’identité nationale imposé dans l’agenda politique pendant les années Sarkozy. Alors qu’elle a le don de renforcer des replis communautaires de tous les côtés, cette accumulation d’évènements à dimension tragique se retrouve amplifiée par de nouveaux médias émergents. En effet, l’instantanéité d’Internet, la télé-réalité et son voyeurisme sous-jacent ou encore le culte du buzz des réseaux sociaux achèvent l’opération désenchantement de la dernière décennie. Se marrer sur des répliques absurdes comme « La pizza 4 chaussures », « T’as une tâche… piscine », « Ta main, elle fait du nudisme ? » ou « Racaille de Shanghai » dans une salle de ciné à 52 Francs la place n’est certes pas plus noble que sur un « Nan mais allô quoi » labellisé NRJ 12. Mais quand l’autodérision volontaire d’une comédie laisse place à l’hyper ego éphémère de personnalités paumées faisant désormais rire malgré elles, le problème est moins le contenu que son origine contextuelle révélatrice de notre état de santé médiatique et socioculturel. Pour l’anecdote, Éric et Ramzy évoquaient non sans ironie l’envie de travailler avec le casting d’Hollywood Girls et Christopher des Ch’tis pour la suite de la Tour.

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« Faire la même chose en autre chose »

L’idée n’est donc pas de tomber dans le « c’était mieux avant » car les dix dernières années ont bien vu émerger de nouveaux profils d’humoristes en France, que ce soit le stand-up banlieusard du Jamel Comedy Club lancé juste après les émeutes de 2005, ou la vague des Youtubers qui a créé un nouvel espace aux rires sur la toile. Dans les deux cas, l’humour est devenu plus générique sur des formats courts prédominants, consommés comme des chewing-gums par les moins de trente ans. L’accès à la notoriété devient plus facile via Internet, mais transformer l’essai de son buzz numérique au grand écran reste beaucoup moins évident, et les récents échecs commerciaux de Norman et Rémi Gaillard au box-office français le démontrent très bien. Il y a treize ans, Éric et Ramzy avaient réussi leur premier pari cinématographique avec l’aide d’un contexte socialement plus favorable et artistiquement moins concurrentiel. Mais ils se sont surtout donnés un temps médiatique plus long pour expérimenter et maîtriser leur propre univers humoristique, que ce soit dans la série H ou sur scène, qui restent aussi des terrains d’entraînement marketings et promotionnels plus solides que la webcam. Comme Dumb & Dumber qui revient deux décennies après son succès initial, l’enjeu de La Tour Montparnasse Infernale 2 sera, selon les propres mots d’Éric Judor, « de faire la même chose en autre chose… pour en tirer la substantifique moelle burlesque ». Car l’important n’est pas la chute du public, mais bien l’atterrissage du duo… aussi absurde soit-il.

La saga Star Wars est la série de films dont le succès est le plus massif. Il figure comme le premier véritable blockbuster et le précurseur d’un cinéma science-fiction tout public, une manne marketing inépuisable. Pourtant, à la sortie du premier volet de la saga, sobrement intitulé Star Wars, qui deviendra Star Wars : Episode IV – Un nouvel espoir, personne n’aurait parié sur son succès. Surtout pas George Lucas.

C’est à l’âge de 30 ans que George Lucas commence à démarcher les studios pour produire son scénario de guerre des étoiles : 100 pages de science-fiction pour un film estimé à près de six longues heures. Peu convaincant à une époque où les plus grands succès du cinéma sont Le Parrain, Taxi Driver ou encore Annie Hall. Mais un homme lui donnera sa chance : Allan Ladd, nouveau directeur artistique de la 20th Century Fox. Dès le départ, le réalisateur se montre conciliant sur son salaire et le budget alloué et fera de son long scénario une trilogie. Sa principale requête est de toucher l’intégralité des revenus des produits dérivés. Un souhait atypique qui lui sera facilement accordé. Malin.

En 1976, le tournage qui se met en place entre la Tunisie, l’Angleterre, les Etats-Unis et le Guatemala est ponctué de mésaventures  : tournage sous 45°, décors détruits par un déluge exceptionnel… Sur le plateau, les difficultés s’accumulent notamment à cause du budget limité de la production, des acteurs déplorant la pauvreté des dialogues et l’insatisfaction de George Lucas face aux effets spéciaux. Quand il boucle le film après un ultimatum de la Fox, il estime le résultat final catastrophique.

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Persuadé que le film sera un flop, il n’assiste pas à l’avant-première avec son équipe préférant prendre quelques vacances à Hawaï avec Steven Spielberg. Ce sera d’ailleurs là qu’ils auront l’idée du scénario du premier Indiana Jones, Les aventuriers de l’arche perdue.

C’est donc en faisant des châteaux de sables, qu’il apprend soulagé que La Guerre des Étoiles est une réussite. Le film de l’année, selon le Time, attire les foules et fait déjà de nombreux adeptes. Son impact sur l’industrie du cinéma est lui aussi considérable et avec le film Les Dents de la Mer de Steven Spielberg, ils seront les premiers blockbusters et ouvrent la porte aux spectacles sur le grand écran. Ce succès s’explique aussi par la place prise par les produits dérivés qui feront l’essentiel de la fortune de George Lucas à l’avenir.

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En 2012, George Lucas revend sa société LucasFilm au groupe Disney qui s’attelle aujourd’hui à offrir un septième épisode à la saga. Aux manettes de ce projet J.J Abrams (Lost, Cloverfield et Star Trek au cinéma). Après de nombreuses rumeurs, le trio initial composé par Harrison Ford, Carrie Fisher et Mark Hamill est confirmé. Ils seront accompagnés à l’écran par Peter Meyhey, Kenye Baker et Anthony Daniels qui reprendront leurs rôles respectifs de Chewbacca, R2D2 et C3PO, mais aussi de Lupita Nyong’o (12 Years a Slave), Adam Driver (Girls), Andy Serkis (Gollum dans Le Seigneur des Anneaux) ou encore Domhnall Gleeson (Harry Potter). Prévu pour le 18 décembre 2015, le film devrait satisfaire les attentes élevées des nombreux fans plus exigeants les uns que les autres.

 

Nous sommes à l’aube de l’année 2007 quand le jeune Aubrey « Drake » Graham, alors essentiellement connu pour son rôle de Jimmy Brooks dans la série pour ado Degrassi, signe sa véritable entrée dans le paysage musical avec sa seconde mixtape Comeback Season. 23 titres qui ne feront qu’accroître l’effervescence gravitant à l’époque autour de Drake, allant jusqu’à attiser la curiosité d’un certain Lil Wayne. Bien que faisant alors office de simple néophyte, c’est cette période qu’il choisira pour poser, plein de confiance, la première pierre de sa future entité October’s Very Own. En effet, cette mixtape, au même titre que sa successeuse So Far Gone, sortiront toutes deux sous l’égide de ce label qui ne compte à cet instant que Drake pour seul artiste.

Idoles d’hier, rivaux d’aujourd’hui

7 années se sont depuis écoulées. So Far Gone aura porté le coup de grâce nécessaire à son éclosion, et résoudra Lil Wayne à lui faire parapher un contrat sur son label Young Money. De 2009 à 2013, il ne sortira pas moins de trois albums sous la bannière YMCMB : Thank Me Later, Take Care & Nothing Was The Same. Trois opus qui, au-delà de rencontrer un succès remarquable dans les charts US, recevront chacun un accueil plus que favorable de la part de la critique, et viendront chacun à leur tour consolider la position artistique du Canadien. D’autant qu’en parallèle, Drake accumule les collaborations, parvenant à se hisser à la hauteur des plus grands dans les rendez-vous au sommet qu’ont pu être « Forever » ou encore « Stay Schemin ».

En quelques mots : Drake est aujourd’hui un artiste accompli. Celui qui idolâtrait autrefois les Jay-Z, Kanye West et autres Lil Wayne, joue désormais dans la même cour que ses héros d’antan, qui lui font désormais office de rivaux, comme il l’exprimait déjà dans « Thank me Now ». Depuis son arrivée dans le jeu, Weezy a été contraint de partager l’affiche de l’écurie Cash Money avec les noms de Drake et Nicki Minaj. Puis, le record de 9 hits classés en têtes des ventes longtemps détenu par Jigga s’est écroulé sous le poids de l’incessante productivité du Champagne Papi.

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Mais malgré tout, le nom de Drake ne semble pas s’être gravé aussi profondément que celui de ses glorieux prédécesseurs, comme si un élément lui bloquait l’entrée au panthéon du rap. Là où ses trois modèles ont su briller plus que les autres, c’est qu’ils ont été à même de bâtir leur propre empire, tant artisitque que médiatique, révélant et mettant en exergue les talents de demain. Jay-Z avait fondé Roc-A-Fella avant même de sortir son classique Reasonable Doubt, alors que le label G.O.O.D Music de Kanye West comptait déjà en son rang Common et John Legend alors même que Yeezy n’en était qu’à son premier album. Quant à Weezy, il aura grandement contribué à l’émergence des carrières de Nicki Minaj, Tyga et bien évidemment Drake lui-même.

Pourtant, Drake fait bel et bien partie de ces rappeurs ayant « l’oreille », celle capable de cerner le potentiel aussi bien d’un simple morceau que de l’univers d’un artiste. Cette même oreille qui fait que « sur 7 sons qu’il écoutera, [Drake] choisira le meilleur titre et sera à coup sûr dans le vrai » lui confiait son ami et fidèle producteur Noah « 40 » Shebib. Cette même oreille qui l’aura incité à désigner Kendrick Lamar et A$AP Rocky pour se produire en première partie de son Club Paradise Tour en 2012, alors même qu’ils étaient encore dans l’antichambre du succès ; à mettre en lumière le talent de son compatriote The Weeknd ou encore à populariser le « Migos Flow » via son couplet remarqué sur le remix de leur hit « Versace ». Toutes ces raisons le pousseront finalement à concrétiser le projet October’s Very Own, jusque-là soigneusement rangé dans un coin de son esprit.

Briller et faire briller

C’est ici que naîtra le label OVO Sound, où se rejoignent immédiatement tous les membres de l’équipe de production, majoritairement locale, qui accompagne la progression de Drake depuis ses débuts, qu’il s’agisse de 40, Boi-1da ou T-Minus. Tous ont bénéficié de l’aura de Drizzy au moins autant qu’ils y ont contribué, et c’est ainsi fort logiquement qu’ils l’aident à monter cette structure, à un moment où son style musical s’affine, trouvant le juste milieu entre un rap soigné et un R&B fleuve.

En ce sens, les deux premières signatures du label, les auteurs-compositeurs PartyNextDoor et Majid Jordan, détiennent chacun en eux un élément clé de la récente mutation artistique du Torontois. En effet, à la manière de son mentor, le premier joue avec les frontières des deux genres dans un R&B sensuel, paradoxalement planté dans un décor pourtant propre au rap, tant dans les productions, les références, et l’interprétation. Quant au duo Majid Jordan, les sonorités pop que l’on perçoit dans leur musique sont comparables à celle que l’on a pu retrouver dans les récents tubes de Drake que sont « Take Care » ou encore « Hold On, We’re Going Home », qu’ils ont en l’occurrence coproduits.

Au-delà de leur cohérence avec l’univers artistique de Drake, ces deux signatures sont d’autant plus pertinentes qu’elles semblent être en adéquation totale avec leur contexte temporel. A l’heure où le R&B renait de ses cendres à travers de multiples courants alternatifs, le pari de Drake pourrait bien s’avérer payant tant ses deux pépites apparaissent en mesure de rivaliser avec les nouveaux maîtres de la discipline que sont The Weeknd ou Frank Ocean.

En passant le roster OVO au crible, on constate finalement que la seule facette de Drake dont on ne décèle pas de profil correspondant, c’est celle du rappeur, celui maniant aussi bien la punchline incisive et censée que le flow. Un poste qui demeure vacant malgré les efforts d’OB O’Brien pour combler ce vide. Longtemps perçu comme la mascotte d’OVO au vu de ses drôle de caméos dans « Worst Behaviour » ou « Started From The Bottom », le fidèle compagnon de Drake s’est en effet montré à son avantage lorsqu’il a dévoilé son premier solo, appelé « Steve Nash » en l’honneur du meneur des Lakers. Néanmoins, si la qualité du titre n’est pas à remettre en cause, on doute encore sur le fait qu’il ait l’étoffe nécessaire pour devenir l’as du micro que l’on aimerait voir Drake nous dégoter.

Cette absence de concurrence dans son domaine de prédilection au sein même de son label, Drake se l’explique assez simplement : « Je passe chacune de mes nuits à réfléchir sur la manière via laquelle je vais devenir le meilleur rappeur, donc je ne pense pas être prêt à signer un autre rappeur aujourd’hui ». Peut-on y voir là le signe d’une certaine frilosité ?

Briller en faisant briller semble en effet être l’une des conditions nécessaires à la pérennité artistique dans le hip-hop. Toutefois, celle-ci implique aussi une certaine prise de risque, puisqu’il s’agit bel et bien de donner naissance à ses propres challengers. Cette audace peut cependant s’avérer bénéfique, pouvant aussi bien redorer le nom du mentor qu’aboutir sur un processus de « concurrence positive », incitant chacun des protagonistes à dépasser ses limites artistiques. Jay-Z avait par exemple eu l’aplomb de lancer dans le grand bain un Kanye West avec qui il finira par partager le trône sur lequel il était confortablement installé.

Tout le paradoxe d’un artiste réunissant l’ensemble des critères essentiels à la fondation d’une entité bâtie pour durer, mais qui se retrouve jusqu’à présent freiné par ses ambitions personnelles, alors même que les deux apparaissent comme intimement liés.

Etrange changement de sexe que celui auquel nous avons assisté ces derniers jours dans le monde des Comic books. Thor, le héros viril inspiré de la mythologie nordique devient une femme. De son côté, Captain America apparaîtra sous les traits de Sam Wilson, un afro-américain. Cette étonnante passation de pouvoir atteste de la stratégie de diversification de la maison d’édition Marvel, mais souligne aussi les faiblesses de son pendant cinématographique.

Qu’on se le dise, le temps où les écoliers s’achetaient une barre chocolatée et un Comics en sortant de classe est révolu. D’ailleurs le temps où le nouveau numéro de Superman atteignait le million d’exemplaires vendus est aussi révolu. Oui, c’est dur à avaler, mais les années 1950 sont loin dernière nous. Aujourd’hui, le business est clairement sur grand écran, et il surplombe Los Angeles d’un air narquois : à hauteur de 1,5 milliard au box office pour Avengers en 2012. Robert Downey Jr. en témoignera volontiers, sur les douze derniers mois il est l’acteur le mieux payé d’Hollywood. Chris Hemsworth, qui incarne Thor au cinéma depuis 2011, est cinquième du même classement Forbes, juste derrière Leonardo DiCaprio et juste devant Liam Neeson…

En effet les affaires tournent bien pour Marvel Studios depuis qu’ils adaptent l’univers des comics au cinéma. Pour bien comprendre : Marvel Comics et Marvel Studios sont deux filiales de Marvel Entertainment, détenues par Walt Disney Company. L’une est maison d’édition, et l’autre maison de production. Cette seconde détient une franchise média qui lui permet d’exploiter la propriété intellectuelle de la maison d’édition, et donc de l’adapter librement et indépendamment au cinéma. A l’inverse, après 70 ans d’existence, la maison d’édition cherche avidement de nouvelles solutions pour continuer à plaire, quitte à tuer ses héros, les ressusciter, les métamorphoser… On peut sans conteste affirmer que l’écriture des comics s’est spécialisée dans le spin off, tissant sans limite les thèmes de ses principaux héros, devenus de vrais symboles.

Thor est mort, Vive Thor !

Thor en femme, cela peut paraître inattendu, mais après tout le géant blond bodybuildé et maître de la foudre tient ses pouvoirs de son marteau Mjöllnir, il suffit donc d’en changer le propriétaire.

Thor est déjà apparu sous d’autres formes. En grenouille (Throg), il participe à une guerre épique qui oppose les rats et les batraciens de Central Park ; également incarné par Jane Foster dans un épisode de la série « What If », ses créateurs imaginent l’histoire si Mjöllnir avait été trouvé par une femme en premier. Thor en femme, c’est donc possible, c’est déjà arrivé, et elle s’appelait Thordis. Oui mais là, c’est différent, pinaille Jason Aaron, l’auteur :

« This is not the Thor we knew transformed into a woman. This is a new character ; someone else picking up the hammer […] She’s not She-Thor or Lady Thor. She’s not Thorika. She is Thor. This is the new Thor. » / « Ce n’est pas le Thor que nous connaissions qui s’est transformé en femme. C’est un nouveau personnage, quelqu’un d’autre qui ramasse le marteau. Elle n’est pas la femme Thor. Elle n’est pas Thorika. Elle est Thors. C’est la nouvelle Thor. »

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Autrement dit, il y a des transformations bidons, et des sérieuses. Cette fois-ci, c’est du sérieux. Si les soubresauts narratifs des comics sont parfois peu crédibles, les fans s’en accommodent bien, tant le superhéros s’est construit en symbole : une institution à la fois permanente et versatile.

La raison invoquée par Marvel est d’ailleurs – comme souvent – purement mercantile. Il s’agit ici de séduire un public féminin plus large. Pourquoi pas ? Après tout, s’il existe des personnages féminins chez Marvel, aucun n’est au devant de l’affiche. On pourrait reprocher à Marvel de ne pas créer une nouvelle entité, et de lancer ainsi une véritable dynastie féminine ; ils répondront que changer un personnage comme Thor en femme est un symbole beaucoup plus fort ; on insistera sur le fait que l’aventure est vouée à être de courte durée, elle sera rapidement suivie d’un nouveau revirement ; ils diront que rien n’est moins sûr, et qu’au moins une première pierre aura été posée…

Le procès d’intention est trop facile ici. Mieux vaut féliciter l’initiative qui ouvre les comics à plus de diversité. Tous (excepté peut-être Chris Hemsworth) devraient s’en réjouir.

Captain Black America

Cherchant sans cesse de nouveaux récits, et profitant pleinement de leur liberté d’écriture, Marvel et DC Comics ont effectivement entrepris depuis plusieurs années d’introduire de la diversité dans leurs bataillons de superhéros. Fini les WASP, fini les caucasiens hétérosexuels musclés, c’était vraiment über has been. Après tout, la lutte des minorités pour l’acception de leur identité est une problématique au fondement même des comics. C’est ainsi que, le 6 novembre 2013, le nouveau personnage de Miss Marvel était Kamela Khan, une jeune Américaine d’origine pakistanaise et de confession musulmane. De même dans la série « Ultimate Spider-man », Peter Parker fut remplacé par un adolescent à moitié latino et afro-américain. Parallèlement, DC Comics donnait naissance à un nouveau sidekick pour Batman appelé Nightrunner (un musulman d’origine algérienne vivant à Clichy sous Bois) ; et faisait le coming out de Batwoman et de Green Lantern.

Il est louable pour de telles œuvres à grand public de s’efforcer de représenter la société. Et on ne peut s’empêcher de comparer ce nouveau Captain America noir à Barack Obama. La réactivité des comics face à l’air du temps est d’autant plus appréciable qu’elle est catastrophique dans ses adaptations au grand écran. Entre les Batman, Spiderman, Iron Man, X-men, Avengers… aucun des rôles principaux n’est tenu par une femme, un noir, un homosexuel…

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Pour Abraham Riesman du New York Magazine, « Marvel’s printed superhero books are more ethnically diverse, feminist, and queer-positive than they’ve ever been” / “Les livres de superhéros prennent en compte la diversité ethnique, féministe, le mouvement homosexuel qu’ils ne l’ont jamais fait”. Mais ce mouvement progressiste est entaché par le conservatisme des productions cinématographiques. Ce décalage crée une grande frustration pour les fans. Pour le journaliste, les studios ne veulent pas se risquer financièrement à placer une minorité en tête d’affiche.

« Big-budget action movies and shows simply don’t get made without straight, male, (usually) white protagonists ». Code Hays, sors de mon Marvel !

Peut-être faut-il voir de l’opportunisme et de la complaisance dans la ligne éditoriale de Marvel Comics, mais pas sans reconnaître et montrer du doigt la frilosité maladive des Marvel Studios. La culture est un miroir. C’est à elle (et à plus forte raison à la culture de masse) de représenter la société et de désamorcer toutes formes d’exclusion.

Texte : David Attié de Noise

Quelques semaines avant la première Coupe du Monde africaine, la marque Louis Vuitton lance sa campagne Three exceptional journeys, one historic game (Trois parcours exceptionnels, un jeu historique) qui met en scène ni plus ni moins que Diego Maradona, Pelé et Zinedine Zidane.

Peu avant l’été 2010, un rendez-vous est pris entre les trois légendes du football, dans le décor chaud et authentique du Café Maravillas à Madrid. Un endroit dans lequel doit se jouer un match mythique, qui mettra fin à des années de débats houleux entre passionnés de foot. Loin du gazon, Pelé et Zidane s’affronteront au baby-foot, sous le regard d’un arbitre prestigieux, l’Argentin Diego Maradona. À travers l’objectif de la photographe Annie Leibovitz, c’est un cliché d’exception qui se crée, au service de la marque Louis Vuitton.

Cette campagne publicitaire met en scène l’image d’une grande complicité entre les trois joueurs, réunis par leurs exploits et leur amour du beau jeu. Un instant immortalisé, où trois hommes ont saisi le prétexte d’une partie de babyfoot, pour échanger chaleureusement sur leurs carrières respectives et leurs souvenirs communs.

Pourtant derrière les sourires éclatants et le papier glacé, la réalité aura été quelque peu différente. Si Pelé et Zidane se sont bien rencontrés ce jour-là pour jouer le match, Maradona sera quant à lui arrivé avec plus de quatre heures de retard, se retrouvant seul pour les photos et le tournage. Ce dernier sera incrusté bien plus tard sur ces images et vidéos. Si la marque explique que cette non-rencontre est due aux méthodes de travail d’Annie Leibovitz, il reste difficile de croire que les différents entre Pelé et Maradona n’en soient pas la cause. Leur rivalité historique, entretenues par d’ardents supporters, n’aurait peut-être pas trouvé de trêve en cette journée.

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Charles Aznavour a 90 balais aujourd’hui. Il dépasse péniblement du mètre à hauteur de 64 centimètres. Et c’est un géant. Il a exporté le romantisme à la française à travers le globe au cours de tournées triomphales. Il est dans le top 3 des chanteurs de ta grand-mère. Même la prof de chant milfeuse de la starac Raphaëlle Ricci l’a dit : « C’est le meilleur interprète du monde. » Je suis d’accord, même si Jacques Brel traîne dans les parages. Charles Aznavour peut adoucir le coeur en adamantium de Tywin Lannister grâce aux harmonies de ses musiques, à la puissance de son interprétation et à la précision de ses textes. Evidemment, se manger l’intégralité de la discographie vous liquéfie immédiatement en flaque de guimauve fondue incapable de bander, les violons tartinent la partition à la louche, les pianos gobent du Lexomil et la plume ne cache rien des vacheries de l’existence. Il suffit de réduire l’écoute à une trentaine de titres pour que l’absorption devienne digeste et que l’évidence s’impose : le petit arménien est le boss indéboulonnable quand il s’agit de circonscrire en trois ou quatre minutes la sublime violence du sentiment amoureux, la douleur du souvenir, la mélancolie du temps qui passe et les bonheurs simples de la vie.

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Sa bio est celle d’une star planétaire : débuts précoces (9 piges), rencontres déterminantes (Edith Piaf et le pianiste Pierre Roche), premiers succès (Sur Ma Vie, J’me Voyais Déjà), tournées mondiales, participation à des films en tant que comédien (avec Truffaut, Chabrol, entre autres), oeuvres caritatives, évasion fiscale en Suisse, une chanson avec 2pac (je déconne), un feat avec Kery James (ça c’est vrai), une collaboration avec Dorothée (malheureusement authentique) et une annonce erronée de décès en 2011.

J’ai découvert ses chansons en 2000 lors d’un voyage en Espagne. Mon pote Nicolas avait glissé le CD dans la voiture et ce fut un choc sans précédent. J’étais déjà sensibilisé aux grands paroliers francophones mais une sorte de mépris informe et inexpliqué m’animait vis-à-vis d’Aznavour. Ce que je supputait être de la mièvrerie était en fait un lyrisme éclatant. J’ai emmerdé mon entourage toutes les vacances car il m’était impossible d’allumer un barbec sans que La Bohème ne plane au dessus des merguez. Au retour je déclamais certains vers (« tu n’as pas changé/ la coiffure peut-êêêêêêtre ») de la chanson Non, Je N’ai Rien Oublié devant mes grands parents hilares.

Après de longues années d’écoute j’ai échafaudé une théorie sur les superpouvoirs de Charles. Il est l’auteur interprète ultime car il réunit, et ce dans un équilibre parfait, les deux mamelles que tout artiste suçote en rêvant de gloire : la qualité et la popularité. La qualité est ici une maison solide de trois niveaux:

– RDC : Son écriture est très simple et élégante, elle est empreinte de douceur et d’une constante bienveillance.

– 1er étage : Les musiques qui l’accompagnent sont vibrantes d’émotion et dans une veine mélodramatique au bord de l’excessif.

– 2ème étage : Son interprétation est parfaite. Chacune de ses inflexions vocales épouse les subtilités du texte et le magnifie.

Sa popularité découle des skillz susdites mais également d’un tendre positionnement face au public. Il parle à l’auditeur comme à un vieil ami et il n’est pas engoncé dans une posture d’artiste qui le mettrait à distance. Brel, Brassens et Ferré, que je divinise par ailleurs, sont quelque peu prisonniers de leur talent, ils nous surplombent par leur élitisme débonnaire. Aznavour ne juge pas. Certains se plaindront d’un manque de radicalité… grand bien leur fasse.

Détailler son oeuvre est passablement inutile et fastidieux. Le petit bonhomme n’échappe pas non plus au piège tendu à tous les créateurs, la redondance. Charles, à ce titre, n’est pas le dernier à se rouler dedans comme un jeune chien fou dans la paille mais en bon fan du type je ne peux m’empêcher de mettre un coup de projo sur quelques tracks et quelques thématiques :

Les Chansons D’Amour :

Alors là, heureusement qu’on n’a pas découvert l’élixir d’immortalité parce que le gars nous en pondrait des milliards, et avec le sourire. Toute son oeuvre s’articule autour du sentiment amoureux.

Non, Je N’ai Rien Oublié est marquante à bien des égards. Qui d’entre nous n’a pas connu un histoire qui s’est finie en eau de boudin alors que l’amour n’avait pas vraiment disparu ? Ici Aznavour s’adonne à un flow mi-Usher mi-Grand Corps Malade au lyrisme avéré et soutenu par une orchestration larmoyante au possible.

Il Te Suffisait Que Je T’Aime. À chaque fois qu’elle passe par mes enceintes j’ai envie de chialer. La passion qui s’écaille avec les années, les émotions les plus pures qui s’émoussent sans un bruit…

Pause lyrics parce que là y’a du niveau:

« Si je le pouvais mon amour
Pour toi j’arrêterais le cours
Des heures qui vont et s’éteignent
Mais je ne peux rien y changer
Car je suis comme toi logé
Tu le sais à la même enseigne

(…)

Le printemps passe, et puis l’été
Mais l´automne a des joies cachées
Qu’il te faut découvrir toi-même
Oublie la cruauté du temps
Et rappelle-toi qu’à vingt ans
Il te suffisait que je t’aime. »

Je propose qu’on change de thématique. Le côté hypersensible et quasi gay de la section risque de causer du tort à ma street credibility déjà famélique.

Le Temps Qui Passe :

Dans l’univers de Charles il est impossible de louper les tocantes accrochées aux murs. Notre mortalité d’être vivant revient comme un leitmotiv funeste et le vieux sage nous met en garde à chaque coin de parole : « Jamais plus le temps perdu ne nous fait face » (in Sa Jeunesse).

Comment passer à côté de La Bohème. Cette chanson co-écrite avec Jacques Plante est sans doute la plus populaire du répertoire de Charlie. Il parvient à nous faire enfiler le slip sale d’un Picasso raté qui n’aurait jamais connu la gloire : « Si l’humble garni qui nous servait de nid ne payait pas de mine/ c’est là qu’on s’est connu moi qui criait famine et toi qui posait nue ». Je ne saurais trop vous recommander de l’apprendre par coeur au plus vite car elle est invariablement présente dans le répertoire des karaokés noich. Vous pourrez ainsi la choisir et donc vous attirer la sympathie de l’assistance qui pensait furieusement au suicide après La Danse Des Canards.

Bon Anniversaire traite de l’érosion du quotidien sur un couple qui fête son anniversaire de mariage. La robe de soirée craque et il est trop tard… le théâtre où se joue la pièce « d’Anouilh ou bien de Sartre » n’accepte plus les entrées telle une soirée Yard à minuit passé. Les cuivres et violons sont émus et tentent d’aider cet amour qui n’est pas mort mais affaibli par l’usure des jours.

Hier Encore figure easy dans mon top 3 et rappelle avec raffinement que les freluquets prétentieux sont des sales races : « Ignorant le passé, conjuguant au futur, je précédais de moi toutes conversations / et donnait mon avis que je voulais le bon pour critiquer le monde avec désinvolture. »

En Vrac :

Il arrive que, parfois, le sujet abordé sorte des sentiers battus de la discographie du papy génial. La Mamma, par exemple, qui narre les derniers hommages d’une famille italienne à la figure matriarcale canée de la veille. Carlito ne l’a pas écrite mais son interprétation force le respect. Il nous immerge dans la chambre funéraire, puis derrière les petits vieux qui accompagnent la mamma jusqu’à sa dernière demeure. On croirait même voir débarquer de ses propres yeux « Georgio le fils maudit avec des présents plein les bras. » Pour le coup je me le suis toujours figuré comme un vénéneux beau gosse le Georgio, un prototype à la Alain Delon bronzé qui ferait beaucoup d’oseille et des allers retours en cabane.

La légèreté est présente aussi, il sait rigoler Charlie quand il nous régale du bilinguisme fantaisiste de For Me, Formidable, ou encore quand il sort la punchline à sa compagne qui s’empâte et qui ne lui provoque plus que de timides mimolettes : « Tu ressembles à ta mère/ qu’a rien pour inspirer l’amour » (in Tu T’Laisses Aller).  Les Comédiens et J’Me Voyais Déjà sont ses hits façon Just Blaze d’époque, enlevés et swinguant. Dans Mes Emmerdes il évoque « les pétards » et « les orgies » avec une belle insouciance. Quel beau tableau: Edith Piaf, Pierre Roche et Charlie en train de bédave des gros oinjs à oilpé . C’est sûr que comparé à Kaaris on frise ici la comptine mais il a quand même grimpé jusqu’au sulfureux dans son morceau de pointeur Donne Tes Seize Ans (« pour que ton corps d’enfant peu à peu se transforme »). Emile Louis likes this.

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Et puis… la quintessence de la chanson couillue : Comme Ils Disent. Aznavour se met dans la peau d’un homosexuel et raconte une vie modelée par les frustrations, l’ostracisme, la grâce et l’humanité (il s’inspira de son chauffeur et néanmoins ami). En 1970, on imagine aisément qu’il fit preuve d’un certain panache et d’une prise de risque inédite jusqu’alors dans la sphère du music hall de renom. Pour tester la chanson, cette tarlouze fallacieuse de Charles Aznavour se produisit devant le cercle privé de quelques amis homosexuels. Il raconte : « Ça a jeté un froid. Puis on m’a demandé qui allait chanter ça. J’ai répondu : « moi ». Nouveau silence. Puis quelqu’un s’est inquiété de savoir si je ferais une annonce. Vous m’imaginez annonçant sur scène que je vais me mettre à la place d’un homosexuel, alors que je ne le suis pas ? Il n’était pas question de reculer. » Pour mesurer le niveau du bonhomme, imaginez Booba en train de faire une performance équivalente devant Magloire et Laurent Ruquier…

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet artiste inoxydable mais comme souvent dans ces « mini bio » parcellaires et partiales le mieux est encore de tendre l’oreille. C’est le meilleur skeud sur la route des vacances, un monument d’histoire musicale française et la mélopée la plus indiquée pour calmer les volailles récalcitrantes. Oui oui messieurs dames… Je laisse le soin à Alphonse Boudard et à sa gouailleuse poésie de nous conter cette anecdote où il rend visite à son pote Canaque qui élève poules et autres tumultueuses gallinacés : « Notre arrivée les met en transe, surtout les canards (…). Pas mèche de s’entendre. Canaque a pourtant un truc pour obtenir le silence. Il cherche un disque. Un grand. Là, il déclenche le bras. C’est Aznavour, sa laryngite… prodige ! Les cris cessent soudain. Les oies, les canards dressent la tête, l’oeil rond. Les dindes se recroquevillent, on dirait qu’elles ont peur. « Je veux vivre avec toi oua… oua!… » Même les pintades picorent maintenant en silence… respectent l’artiste. »

(in La Cerise p.81)

Ce texte est tout particulièrement dédicacé à mon gars sûr Samir Le Babtou.

Illustration: Lazy Youg

Nike et Adidas, c’est l’histoire de deux géants dont l’éternel combat recouvre chaque jour un terrain supplémentaire. Les écuries sportives, les porte-drapeaux respectifs : l’un ne peut se balader dans un domaine sans voir y voir surgir la concurrence de l’autre et, tel deux véritables équipes, un changement de camp peut être vécu comme une haute trahison, en témoigne la récente signature de Kanye West vers Adidas. Mais cette lutte est avant tout médiatique, avec une abondance de campagnes rivales qui viennent chaque année inonder nos écrans pour le meilleur et pour le pire. YARD choisit de s’attarder sur le meilleur, en vous proposant un Top 20 confondant la crème des publicités de Nike et d’Adidas.

1- Nike « Take It To The Next Level » – 2008

Rarement dans l’histoire des publicités sportives une campagne aura pu se targuer d’avoir été aussi bien concrétisée. « Take it To The Next Level » c’est un concept simple, mais qui concentre en 2 minutes toutes les étapes et rebondissements que comporte une carrière de footballeur, des terrains amateurs à la sélection internationale, en passant par les heures de travail et toute la starification qui s’en suit. Une impeccable réalisation en vue subjective et un fil conducteur aisément perceptible (la publicté s’ouvrant et s’achevant sur ce même coup franc frappé avec justesse) sont autant d’éléments qui contribuent à nous immerger efficacement dans cette sinueuse course à la gloire.

2- Adidas « Laila Ali » – 2006

En parvenant à construire de toute pièce l’un des combats de boxe les plus symboliques qu’il soit, entre la légende Muhammad Ali et sa fille Laila, Adidas a fait fort. Mais là où la performance est d’autant plus grandiose, c’est que les images d’archives du père sont en parfaite synchronisation avec les coups portés par sa progéniture. De même, les réalisateurs ont également su créer une complicité artificielle entre les deux combattants, qui s’adressent un clin d’œil malicieux à la toute fin du film.

3- Nike « Airport » – 1998

À l’approche de la Coupe du Monde 98, Nike fait le choix de mettre en scène son équipe phare du moment, le Brésil, dans sa dernière campagne publicitaire. On y voit donc les stars de la Selecao improviser une partie de foot dans un aéroport (sous l’oeil discret d’un certain Éric Cantona) entre les célèbres frappes incurvées de Roberto Carlos et les courses chaloupées d’un Denilson aujourd’hui complètement perdu de vue. Cette rencontre improbable verra finalement l’ultime frappe de Ronaldo s’achever sur le poteau, devant un public désabusé, tel une représentation prémonitoire du parcours des brésiliens en France.

4- Adidas « Jose +10 » – 2006

Il s’agit probablement de la publicité Adidas qui viendrait spontanément à l’esprit de 80% des téléspectateurs, s’il ne devait y en avoir qu’une. En effet, ce petit match de rue organisé par le jeune José et son tout aussi jeune compagnon est devenu culte notamment par la déferlante d’étoiles (contemporaines ou non) qui s’y présente au moment de la composition des équipes. Car oui, il fut un temps où Djibril Cissé était élevé au rang de star dans les pubs, au point de voir son nom cité avant celui Zidane, Kakà ou encore Beckham.

5- Adidas « Adidas is all in » – 2011

Quand la patte de Romain Gavras est appelée en 2011 à mettre en image le nouveau mantra d’Adidas, cela donne le spot « Adidas is all in ». Dépeignant l’union fédératrice pouvant se fonder autour du sport sur un morceau de Justice alors inédit, cette réalisation explosive et haute en couleur parvient toutefois à en dépasser les frontières, bien aidé par les apparitions d’artistes et autres icônes de la mode.

6- Nike « Write The Future » – 2010

La carrière d’un footballeur est sans cesse tiraillée entre la reconnaissance ultime et l’oubli général, et chacun des gestes effectués tend à la faire basculer d’un côté comme de l’autre. C’est ce caractère imprévisible que Nike a souhaité mettre en valeur dans une campagne pré-Coupe du Monde 2010 blindé de références culturelles, permettant entre autre de voir un Ronaldo porté sur grand écran par Gael Garcia Bernal  ou encore un Rooney tantôt miséreux, tantôt anobli par la reine.

7- Nike « Joga Bonito Ronaldinho » – 2006

Tandis que son éternel rival cartonne avec la campagne « José+10  » , Nike prend en 2006 le pari de se (re)tourner vers le spectaculaire « football samba » qui fait aujourd’hui cruellement défaut à l’équipe du Brésil. De ce pari naitra la campagne « Joga Bonito » et ses multiples spots minimalistes qui apparaîtront peu à peu sur nos écrans. L’un d’entre eux, mettant en scène le prodige brésilien Ronaldinho, parviendra toutefois à s’inscrire plus profondément dans l’esprit des spectateurs. Hostée par l’accent franchouillard d’Eric Cantona, la vidéo y présente l’ancien parisien dans ses grandes oeuvres, éliminant un à un ses adversaires par d’imprévisibles gestes techniques, le tout entrecoupé d’images d’archives présentant un jeune Ronnie réalisant les même exploits. Son périple sera conclu par un geste culte, une tête à ras du sol poussant le ballon derrière les filets, encore imitée cette saison par le rennais Paul-Georges Ntep sur les terrains de Ligue 1.

8- Adidas « Basketball is Everything » – 2013

Les chanceux qui ont pu se procurer le YARD Paper auront eu le loisir de constater à quel point le hip-hop et le basket font bon ménage. Adidas l’a aussi compris en provoquant la rencontre de ses icônes des deux entités respectives dans une publicité léchée faisant figurer entres autre Derrick Rose, 2 Chainz, Big Sean & Common.

9- Nike « Match in Hell » – 1996

La pionnière. Bien que ses défauts soient aujourd’hui outrageusement visibles, parmi lesquels la présence à l’écran de marques concurrentes telles que Kappa ou Umbro, le « match en enfer » mis en scène par Nike en 1996 fait office de référence pour toute une génération. L’affrontement d’une pléiade de footballeurs de légende face à une armée de colosses démoniaques, dans un Colisée littéralement en feu. D’abord malmenée physiquement, l’équipe emmenée par Eric Cantona, parvient à retourner la situation grâce à un tacle rageur de Paolo Maldini qui amorce dès lors une attaque clôturée par une frappe perçante du français de Manchester, précédée d’un mythique « Au revoir » qui recevra un bel écho dans les cours d’écoles de l’époque, au même titre que la mode des cols relevés.

10- Nike « Possibilites » – 2013

Si l’on devait désigner un film publicitaire pour illustrer le célèbre slogan de la marque au swoosh, ce serait assurément « Possibilities », qui véhicule cette idée de toujours aller plus loin, de pousser chacun de ses efforts à son paroxysme. Entre une voix-off qui implique le spectateur en donnant l’impression de découvrir les images en même temps que lui, et une réalisation plus que soignée, cette campagne se devait de figurer en bonne place dans notre classement. D’autant que l’œil avisé aura noté l’habile clin d’œil qui y est fait à la non-participation de LeBron James au Slam Dunk Contest.

11- Adidas « I am Brazuca » – 2014

Elle fait partie des publicités qui sont passées inaperçues lors du mondial et cela s’explique notamment par rapport à son objectif peu reluisant : la présentation du ballon de la Coupe du Monde. Pourtant, Adidas a réussi à trouver l’idée la plus efficace pour le faire en enchaînant des transitions intelligentes et des vues subjectives du brazuca, le fameux ballon.

12- Adidas « House Party » – 2009

La figure de Russell Simmons, en organisateur d’une « house party » au casting étincelant, marque le passage d’Adidas vers une stratégie aux penchants plus lifestyle que sportswear. C’est ce qu’on retrouvera plus tard notamment lors de leur campagne Star Wars ainsi que pour Derrick Rose.

13- Adidas « Hello Tomorrow» – 2005

Michael Jackson illuminait le bitume de ses pas dans « Billie Jean » ; l’acteur David Douglas éclairait sa nuit de sa paire d’Adidas, dans un film publicitaire réalisé en 2005 par Spike Jonze pour la marque aux trois bandes. Un travail de famille pour l’auteur de bon nombre de clips mythiques, puisque la musique titre de ce spot a été composée par le frère de Jonze avant d’être interprétée par Karen O, qui était alors sa compagne.

14- Nike « The Black Mamba » – 2011

Qui dit « basket » dit « USA » et qui dit « USA » dit « Hollywood ». Certes, le raisonnement est quelque peu tiré par les cheveux, mais il parvient à expliquer la démarche presque cinématographique qui est derrière « The Black Mamba », mise en abyme dans laquelle le réalisateur Robert Rodriguez explique à Kobe Bryant le scénario de son film du même nom. Reprenant des éléments de « Match In Hell » (puisqu’on vous dit qu’il s’agit d’une référence), entre les basketteurs monstrueux et les terrains enflammés, ce film publicitaire comprend également des apparitions remarquées de Bruce Willis, Danny Trejo ou encore Kanye West, qui endosse ici le rôle du grand méchant « Boss ».

15- Nike « No Cup is Safe » – 2013

Le golf à beau être l’un des sports les plus nobles, sa mise en avant médiatique demeure relativement moindre par rapport à celle dont bénéficient des disciplines comme le basketball ou le football. Qu’à cela ne tienne, quand nos golfeurs sont honorés, ils le sont d’une fort belle manière, en témoigne cette délirante partie disputée par Tiger Woods et Rory McIllroy, dans laquelle les deux têtes d’affiche font parler leur précision en comblant le moindre trou qui apparaît (ou non) dans leur champ de vision par une de leurs balles.

16- Nike « Freestyle » – 2001

Une idée simple vaut mille artifices futiles lorsqu’elle est bien mise en œuvre. La campagne « Freestyle » en est la preuve la plus significative, avec ce rythme entêtant provoqué par les simples rebondissements des balles et les couinement des sneakers sur le parquet, qui restera gravé dans la tête des amateurs de la balle orange. Au point d’entrainer dans son sillage de multiples parodies, la plus marquante demeurant cependant celle figurant dans le second volet de Scary Movie.

17- Adidas « Total Football War » – 2005

L’expression « mettre le pied sur le ballon » prend ici tout son sens dans cette campagne scénarisant une véritable ruée de footeux vers le cuir. Toutes les icônes de la marque allemande font acte de présence, y compris les blessés à l’image de Cissé, alors touché par une double fracture tibia-péroné, qui trouve tout de même le temps de figurer dans ce film, bien qu’étant là encore sur civière.

18- Nike « Play Russian » – 2013

La force d’un événement comme les Jeux Olympiques contraint les marques à être créatives. C’est cette image autour de Sotchi et de la Russie qu’a commencé à développer Nike pour la campagne « Play Russian » 5 mois avant la cérémonie d’ouverture. Une ambiance glaciale et délicieusement bourrine qui forgera l’identité marketing de la Russie selon Nike.

19- Adidas « Road to Lisbon » – 2004

« Savoir titrer », l’une des bases du marketing et comme son nom l’indique cette publicité montre Zidane, Ballack, Raul, Beckham, Del Piero et consorts en direction de Lisbonne pour participer à l’Euro 2004. De beaux losers puisqu’aucun d’entre eux ne prendra part aux quarts de finales.

20- Adidas « Do What Light Does » – 2012

Les collaborations entre athlètes et marques pour créer et promouvoir une paire de chaussure est chose courante, preuve étant que les basketteurs Kevin Durant, LeBron James ou Kobe Bryant ont tous déjà eu l’occasion de prêter leur nom à un modèle de Nike. Le rival allemand a lui opté pour le football US, avec le joueur phare des Washingston Redskins Robert Griffin III, dont les initiales ont été utilisées pour des crampons destinés à la pratique de sa discipline. Lesdits crampons ont également eu l’honneur d’arriver jusqu’aux écrans américains, avec une vidéo publicitaire où le joueur devient l’obsession de son adversaire, avant de finalement le terrasser le terrain.

La construction de TDE s’est bâtie sur l’histoire de Los Angeles et de ses quartiers, chacun de ses membres incarne un petit bout de cette vie et de cette ville. L’une des figures qui exprime le mieux cette image «gangsta» est incontestablement ScHoolboy Q; nous sommes partis à sa rencontre afin qu’il nous en dise plus sur le regard qu’il porte sur ses différentes familles: ses potes, son gang, sa fille et TDE. Un article issu du premier numéro du YARD Paper.

Quand tu étais enfant à Figueroa Street, quelles étaient tes journées types  ?

J’étais chez mes gars, soit chez mon poto Floyd, chez Corry ou Chris. Sinon, nous squattions    juste en bas de la rue, à la laverie. C’était les quatre spots où nous étions tout le temps. En gros, on se levait, on traînait et on achetait des bonbons. C’était une ambiance très calme, je buvais déjà quand j’étais gosse mais j’ai commencé à fumer en grandissant.

Avec le recul, que penses-tu de cette guerre entre Bloods et Crips?

Je n’ai jamais été dans cette guerre, mais I was gang-banging. La guerre entre Bloods et Crips est finie depuis bien longtemps, genre dans les années 70. Pour ma part, j’ai grandi avec les Crips contre Crips, et non avec les Crips vs Bloods. Mais c’était déjà gravé dans le marbre. Ce contexte de gangs, tu grandis dedans, tu y es naturellement intégré. Le premier jour où tu sors et que tu rencontres un ami, c’est là où tout commence. Tu vois ce que je veux dire? Dès que je suis entré en maternelle et que j’ai mis un pied dehors pour jouer avec mes potes, c’était le premier jour. Tu sais que le frère de ton gars est de tel endroit et qu’il était membre de tel gang, donc, que son oncle y était aussi ou son père, ou peu importe qui. Dès le plus jeune âge, tu es déjà identifié. Mais ça devient sérieux à partir du moment où tu vieillis… Et là tu arrives at that fucking point.

Dirais-tu qu’il y a une vraie fraternité dans le monde des gangs

Tout ce délire de gangs est en lien avec la solidarité et on doit être là les uns pour les autres. Il s’agit de protéger les gens de ton quartier de personnes extérieures qui essayent de détruire ton environnement.

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Que tires-tu de cette expérience

Je peux rapper. J’ai des choses à dire! Quand je dis ça, je ne parle pas seulement de juste faire des rimes entre deux phases. Je peux vraiment rapper: rapper des choses vraies, des choses que je connais, que j’ai vues, que j’ai vécues.

Kendrick Lamar, Jay Rock et Ab-Soul, vous venez tous les trois de Los Angelesles connaissais-tu avant

Non. Je ne les ai pas rencontrés tout de suite, ils sont tous de la banlieue de L.A. Je suis le seul qui vient du L.A. traditionnel, du centre. Kendrick est de Compton, Ab-Soul est de Carson et Jay Rock de Watts.

Tu t’es mis sérieusement au rap tardivement, comment y es-tu arrivé

Ce n’était pas vraiment une chose à faire lorsque je grandissais. Les rappeurs n’étaient pas ce qu’ils prétendaient être. Enfin, ceux autour de moi ne l’étaient pas et j’ai compris que les personnes authentiques ne rappaient pas. Pour moi, c’était pour des gars un peu niais. Mais apès avoir dépassé tout ça, j’ai réalisé qu’il y avait des personnes vraies qui rappaient. Et là, je me suis dit: allons-y.

Contrairement à Kendrick Lamar, qui est un rappeur très technique, beaucoup disent que tu es plus instinctif, plus naturel. Tu es d’accord?

Je pense que Kendrick est beaucoup plus naturel que moi; pour lui, le rap c’est simple. Pour ma part, je suis plus un homme de la musique, je fais ce qui sonne le mieux. Kendrick est le meilleur rappeur que je connaisse. Je ne dis pas ça parce qu’il est dans mon groupe, je le pense sincèrement. Moi, je ne sais pas rapper. Je vais juste au studio et je sors des mots de ma bouche. Tout ce que je dis est vrai, même mes sons par rapport aux soirées, c’est la réalité.

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Est-ce que le rap pour toi est une distraction, une passion, un métier?

Une passion, mon gars! La plupart du temps je le fais contre mon gré, je n’aime pas rapper, mais il le faut, c’est en moi. Tu vois ce que je veux dire? Dans la vie, il y a des choses que tu n’aimes pas faire, mais tu as beau lutter, tu ne peux pas t’en empêcher. Je suis sûr que lorsque tu vas interviewer quelqu’un, tu as horreur de poser les micros ou régler les caméras, mais quelque chose te pousse à continuer quand même. Ta passion finit par prendre le dessus sur les contraintes. C’est comme ça que je le ressens.

TDE semble très différent des autres crews dans le rap. Qu’est-ce qui vous différencie des autres?

L’insouciance, on s’en fout du reste. On est tous des amis proches avant d’être des collègues de label. C’est ce qui nous différencie.

Depuis la signature d’Isaiah Rashad et SZA, TDE n’est plus seulement un label local. Est-ce qu’il y a pour toi un changement d’état d’esprit dû à ce développement?

Non, ils s’intègrent très bien. Au départ j’étais un peu réticent, mais je n’ai rien dit. C’est le business, tu dois t’agrandir, et si tu trouves les bonnes personnes, il faut le faire. Pourquoi devrait-on les rejeter? Moi, j’ai bien intégré le crew après sa fondation, j’étais même le dernier à rejoindre les Black Hippy. Donc, en réalité, c’était un peu égoïste de ma part de penser de cette manière. Je n’avais pas encore entendu leur musique, je ne savais pas ce qu’ils avaient fait ou ce qu’ils comptaient apporter au crew. Et par la suite ils m’ont fait fermer ma gueule. Ils ont sorti leurs projets et c’était incroyable, je n’avais plus rien à dire. Parfois, nous nous devons de fermer notre gueule (rires). Là, nous pouvons parler de talent brut, ils ont clairement surpassé mes attentes. 

Mettons de côté TDE et parlons un peu de ta famille, surtout de ta fille.

Oui, mon bébé. C’est ma fille, il n’y a rien à ajouter. Elle m’a inspiré tellement de choses, tellement de titres, tu n’as pas idée. Elle est souvent au studio avec moi, il faudrait que je commence à mettre ça en vidéo. Habituellement, je n’aime pas avoir des gens autour de moi quand je travaille mes morceaux, et les caméras perturbent mes vibes lorsque je rappe. Tu sais que quelqu’un t’observe, et c’est désagréable. En tout cas, ma fille est dans le studio avec moi lorsque je travaille, ça lui permet de me suivre artistiquement. Parfois, elle reste même douze heures d’affilée avec moi. Elle est là à balancer la tête, à chanter, elle comprend le délire. Quand je l’appelle, elle sait que je ne rentrerai pas à la maison. Au moins, même si elle ne me voit pas pendant un moment, elle sait où je suis et ce que je fais. Elle a automatiquement conscience qu’une fois que j’ai fini mon travail en studio je vais partir faire plein de shows. Dès que j’aurai fini cette tournée, je devrais commencer à travailler sur mon deuxième album, faire des featurings, capter différents artistes avec qui je suis supposé travailler… Donc, quand je vais en studio, c’est comme si c’était les vacances, et j’y amène ma famille. Je la mets dans une pièce à côté, où elle peut être à l’aise: regarder la télé, jouer au billard. De cette façon, je peux me détendre avec elle, repartir travailler mes morceaux et venir la voir à nouveau. C’est ma maison (rires).

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L’industrie musicale est pleine d’artistes au succès fulgurant et autres « one hit wonder », qui ,du jour au lendemain, disparaissent. Ils nous ont finalement touché le temps d’un single ou d’un album dont on se souvient encore aujourd’hui. Parmi eux se trouvent Sully Sefil, qui brillait au début des années 2000 avec le titre « J’voulais », et sa marque Royal Wear. Il nous raconte aujourd’hui son périple et nous donne de ses nouvelles.

YARD : Retour en 2001 à la sortie de « J’voulais ». Quand tu y repenses quel souvenir en gardes-tu ?

Sully Sefil : J’en garde un bon souvenir. « J’voulais » était vraiment une espèce de cri vers la liberté, qui s’est transformé à travers les images du clip en l’histoire d’un type qui braque une banque, parce qu’il en a marre de cette vie où il tourne en rond. C’était mon cas. Je faisais des petits boulots de gauche à droite et ça me saoulait. C’est ce qui a donné naissance à ce morceau quelque part, un sentiment d’enfermement. « J’voulais » m’a permis de sortir de cet enfermement grâce à la musique et tout ce que ça a pu générer.

Ce titre et l’album Sullysefilistic étaient aussi un moyen pour toi de passer de l’ombre à la lumière. Comment as-tu vécu ça ?

À l’époque, j’avais ma tranquillité. Cette explosion était quelque chose de positif car les gens venaient me témoigner de l’amour par rapport à ce qu’ils avaient perçu. Au départ je n’étais pas forcément trop chaud avec ça donc il a fallu du temps pour s’adapter à cette vie particulière. Quand tu vas au magasin et que tout le monde s’attroupe autour de toi et que ta fille se met à pleurer parce qu’elle se demande ce qu’il se passe, c’est une situation particulière. Mais quoi qu’il arrive c’est du bon. J’ai décrit cela dans un morceau qui s’appelle « Ça fait bizarre » qui illustre parfaitement ce que j’ai ressenti à ce moment là.

Et pour continuer sur les souvenirs, un des grands moments de cette période a été le concert Urban Peace au Stade de France. Quelles images te viennent à l’esprit ?

Quand j’y pense ce qui me revient à l’esprit reste que je n’étais pas en forme ce jour là, je sortais de l’hôpital. C’est vrai que j’avais énormément bossé sur Royal Wear et je courais partout tout le temps. Et au bout d’un moment, ce surrégime de travail m’a balancé à l’hosto. Et quand j’ai fait le Stade de France, personne ne le savait, mais j’étais vraiment très mal en point. Donc c’est ce que ça me rappelle malheureusement. (rires ndlr)
Après ce que les gens ignorent aussi, c’est que le mec à la console a coupé la musique avant la fin du morceau. Je me suis retrouvé dans une situation où  je me suis dis  : « Qu’est-ce que je dois faire ? » Le moment où je demande au violoniste de continuer le morceau, tout ça c’est de l’improvisation, ce n’était carrément pas prévu.
Mais en dehors de ça, se retrouver avec les plus grands de la scène rap française à l’époque, NTM et d’autres, c’était aussi une belle récompense, et de pouvoir jouer devant 40 000 personnes c’est de la bombe. Beaucoup de gens ont aimé ce live, avec les violonistes, 10-15 ans après les gens m’en parlent encore.

On peut dire qu’à partir de ce concert-là, il y a eu un passage à vide, où on a beaucoup moins entendu parler de toi. Que s’est-t-il passé ?

C’est simple. J’ai monté la marque Royal Wear qui était pour moi comme mon enfant artistiquement parlant et j’avais des partenaires. Un certain partenaire, mal intentionné, a tout fait pour me prendre la propriété de ma marque. C’est une aventure, que connaissent beaucoup d’artistes. Ils se font avoir dans la vie, le temps de vraiment connaître le business et de savoir bien s’entourer. Donc j’avais perdu ma marque à ce moment-là et je n’ai plus eu l’envie de m’exprimer musicalement. Donc je me suis un peu écarté du business. J’ai attendu le moment d’avoir une nouvelle idée qui allait me donner envie de redémarrer.

Comment as-tu vécu le fait de repasser dans l’anonymat ?

Ça ne me dérange pas vraiment, d’être anonyme. Mais quand tu es dans une locomotive, que tu y vas à fond et que tu es coupé net, c’est vrai que ta vie est beaucoup plus difficile. Tu n’as plus d’oseille et tu commences à devoir survivre. Quand tu as une petite famille et qu’on te nique dans ton élan, ce n’est pas évident de traverser ça. Ce qui m’anime c’est vraiment de m’éclater artistiquement avec les gens que j’aime et d’atteindre des objectifs. Plus il y a du succès, plus on peut générer des emplois pour les potes. On peut créer des choses, on peut être indépendant aussi. Parce que gagner de l’oseille c’est aussi une part de liberté : donc ça a son importance.

Qu’est-ce qui t’as donné l’envie de reprendre ?

C’est Rock The Street. Tout simplement parce que c’est un projet qui est bien monté : niveau musique ça a explosé et niveau création textile aussi. Je pense être le premier rappeur qui a créé une marque de fringue en France, en même temps que Jay-Z créait Rocawear. Mais malheureusement on n’a pas touché les étoiles comme lui, même si on a été bien haut dans cette aventure.

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Quel a été le processus qui t’as mené jusqu’au développement de cette nouvelle marque ?

J’aime qu’un artiste puisse vraiment t’emmener dans un monde et que ce ne soit pas juste sa musique et point à la ligne, même si ça peut être très appréciable comme ça aussi. Mais c’est vrai que plus l’univers est riche, plus tu peux faire voyager les gens qui t’écoutent, ces gens qui adhèrent à ton délire. C’est pour ça que j’avais crée Royal Wear à l’époque et c’est ce que j’essaie de faire aujourd’hui, différemment.

Il y a un mouvement derrière Rock The Street ?

C’est une chose que je n’aurais pas dit au départ parce que c’est un peu ambitieux. Mais en fin de compte, on réalise que c’est ce qui est en train de se passer. On fédère beaucoup de gens : différents les uns des autres, dans plusieurs sports extrêmes mais tout en intégrant une mode pointue. On est à une époque où tout se mélange. Je trouve ça intéressant.

Le fait que tu ne te sois pas reconstruit sur ce que tu avais déjà avec « J’voulais » et Royal Wear, c’était important pour toi ?

Oui, pour moi c’était hyper important. Sinon, je m’ennuie. L’idée n’était pas de servir du réchauffé aux gens juste pour faire de l’oseille mais plutôt d’aller chercher au fond de moi qui je suis vraiment, de quoi je suis capable. C’est ce qui m’intéresse quoi qu’il arrive. Même si effectivement, c’est très très risqué, parce que parmi les gens qui aiment le rap, il y en a beaucoup qui n’aiment pas le rock. Il y a différentes façons de travailler le rock mais je ne me ferme pas juste  à ça, même si c’est Rock The Street.
D’ailleurs ça s’appelle Rock The Street, c’est aussi car j’estime avoir ambiancé la rue : en habillant les gens en Royal Wear, en faisant de la musique pour NTM et pour d’autres, en peignant dans la rue, en dansant partout et en faisant des défilés aussi dans la street.

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Quels retours reçois-tu de la part des personnes qui te suivaient déjà en 2000 ?

J’ai plusieurs facettes. Quand on écoute l’hymne de Rock The Street, c’est un morceau complètement bourrin. Les gens peuvent se dire que j’ai changé, mais finalement non. C’est simplement une autre facette. Donc l’idée, c’est aussi de pouvoir extérioriser ce que je suis de A à Z.
Les gens ont l’air de me faire confiance. Peut-être qu’au départ ils se disent : « Il est parti en couille ». Mais très rapidement tu vois que tout est réfléchi.

Comment prévois-tu ton retour à la musique ?

Je pense sortir un album en septembre. Je prévois aussi un concert à la Cigale en janvier 2015. Je dois aussi faire un deuxième album pour les États-Unis et ça va évoluer, je vais essayer de surprendre le plus possible.

Quelles leçons tires-tu de ton expérience ?

La leçon que j’en ai tiré, c’est de vraiment bien s’entourer. Dans le business il faut éviter de faire confiance, ne pas faire confiance même. En même temps ce qui est intéressant dans l’échec, c’est la matière que ça te donne pour écrire sur ce qui t’as fait mal. Quand tu t’écorches à la vie, ça te remplit de plein de choses qui font naître de beaux textes et de beaux morceaux. Donc pour moi l’aventure continue, mon parcours a du relief.

Dimanche 17 juillet 1955 – Sur l’ancien site d’une orangeraie de Californie, le producteur Walt Disney érige un nouveau pan de son empire et matérialise ses rêves sous une nouvelle forme. Il s’agit d’un parc d’attraction qu’il concevra comme l’ « endroit le plus heureux au monde ». Une magie idéalisée qui rencontrera pourtant quelques malheurs dès le jour de son inauguration. Le terrible Black Sunday (le Dimanche Noir).

En 1948, l’empire Disney est déjà fort de ses succès cinématographiques. Depuis 1937, il a déjà produit et réalisé les incontournables Blanche-Neige et les Septs Nains, Fantasia, Pinocchio, Dumbo et Bambi parmi d’autres oeuvres. Cette année-là, une idée germe dans l’esprit de Walt Disney, qui étendra encore plus son empire et sa vision. Il esquisse les plans d’un parc d’attraction au pied de son studio, destiné à ses employés et à leurs enfants ; un endroit où enfants comme adultes, pourraient s’amuser.

L’idée grandissant, les limites du terrain disponible aux alentours des studios Disney ne suffisent plus. Walt Disney déplace alors son projet dans une orangeraie située dans l’état d’Anaheim en Californie. En 1954, il rassemble 17 millions de dollars, en vendant entre autres son assurance vie, sa maison de campagne et en s’engageant auprès de la chaîne ABC à fournir quelques shows télévisés. Un an après le début des travaux, Disneyland peut déjà ouvrir ses portes et dévoiler aux visiteurs ses multiples attractions réparties sur 730 000 m² divisées en cinq quartiers : Main Street USA, Adventureland, Frontierland, Fantasyland et Tomorrowland.

L’inauguration aura lieu le 17 juillet 1955, la presse est invitée et l’événement est retransmis en direct sur la chaîne ABC. Dans son discours, Walt Disney déclarera :

« À tous ceux qui pénètrent dans cet endroit enchanté, bienvenue. Disneyland est votre pays. Ici, les anciens revivent les souvenirs plaisants du passé et ici, les jeunes peuvent goûter aux défis et aux promesses du futur. Disneyland est dédié aux idéaux, aux rêves et aux événements indiscutables qui ont créé l’Amérique… avec l’espoir d’être une source de joie et d’inspiration pour le monde entier. »

Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Alors que plus de 11 000 invités étaient attendus ce jour-là, ce sont près de 28 000 personnes qui se sont présentées et certaines avec des billets contrefaits. La foule bloquera la route sur 11km et prendra au dépourvu les organisateurs du parc. La nourriture manque et certains manèges surchargés tombent en pannes. Le Mark Twain Riverboat tangue alors dangereusement avant de s’enliser dans la boue sous le poids de ses passagers. Autre imprévu : la forte chaleur qui ramollit l’asphalte fraîchement posée emprisonne au passage quelques paires de talons. Des conditions climatiques rendues encore plus difficile par une grève des plombiers qui prive tous les visiteurs de fontaines et de toilettes.

L’inauguration sera fortement critiquée par les visiteurs ainsi que par la presse qui ne donnera pas cher de l’avenir de Disneyland. Un jour qui entrera, dans les mémoires de Disney, comme The Blackest Sunday.

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Dans un microcosme rap truffé de paradoxes, où un ex-gardien de prison jouer les barons de la drogue sans que cela ne surprenne qui que ce soit ; l’être et le paraître se révèlent indissociable, le premier venant sans cesse justifier le propos du second dans un cadre établit de « street credibility ». C’est cette aura, reposant sur les actes de l’homme au détriment des paroles de l’entertainer, qui amène un certain public à admirer l’artiste « honnête », rejetant au passage tous ceux qui s’imagineraient un vécu fictif, faisant fi de toute qualité artistique.

A la fois si loin et si proche de cette course effrénée à l’authenticité, Torrence Hatch est depuis sa tendre enfance plongé dans un quotidien que beaucoup seraient tentés d’affabuler dans leurs écrits. Entre un père décédé au cœur de son adolescence et une éducation faite au milieu d’un univers gangrené par le banditisme, le petit Torrence emprunte comme beaucoup d’autres avant lui la voie du rap pour relater sa propre expérience de la vie et de son milieu, sous le pseudonyme de Lil Boosie. Par la sincérité qui en transparait au fil de chaque rime, cette expérience permet rapidement au emcee à la voix criarde de se forger une solide réputation dans le sud des États-Unis et plus particulièrement dans sa Louisiane natale. Et dans le même temps, d’entretenir le fantasme naissant qui plane peu à peu autour de ce personnage faisant partie intégrante de la dure réalité qu’il retranscrit telle quelle dans ses morceaux.

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D’autant que des démêlés judiciaires viennent sans tarder rythmer la progression vertigineuse du petit Boosie, et légitimer un peu plus son statut. Ses soucis avec la justice sont tout d’abord mineurs : en 2008, il écope de deux ans de prison pour possession d’arme et de marijuana, puis voit sa sentence doubler pour avoir violé sa conditionnelle. Incarcéré dans le pénitencier d’Angola, il se retrouve à nouveau nez-à-nez avec le juge après avoir tenté d’y amener en contrebande de la codéine, ingrédient clé du « sizzurp » dont tant de rappeurs sont friands, et de l’herbe, à nouveau. Dès lors, ce n’est plus 4 mais 8 ans que Boosie devra passer derrière les barreaux.

Néanmoins, les choses prennent une tournure plus grave lorsque Boosie est accusé d’avoir commandité le meurtre de Terry Boyd… par le meurtrier lui-même. Un témoignage qui demeurera toutefois le seul « indice » culpabilisant Lil Boosie. Qu’à cela ne tienne, le rappeur risque alors la peine de mort et le procureur entend fermement démontrer qu’il est bel et bien coupable en s’appuyant sur ses propres textes. Plusieurs de ses titres sont donc écoutés par le jury au cours de l’affaire. Parmi eux, on retrouve « Bodybag » ou encore « 187 », dont l’intitulé, bien que faisant effectivement référence au meurtre, apparaitrait presque comme « banal » dans un milieu où le terme est employé relativement naturellement.

3 ans se dérouleront avant que le jury ne déclare finalement Torrence Hatch non coupable. Il effectuera 5 des 8 années de prison pour lesquelles il était condamné, avant d’être libéré en mars 2014. Boosie, endurcit par une demi-décennie d’emprisonnement et plus respecté que jamais, reprend alors la direction de son fief natal, Bâton-Rouge. Une ville dans laquelle il faisait déjà figure d’emblème par son statut de porte-drapeau de la rue, mais pas seulement.

Le bon samaritain de Bâton-Rouge

Car il ne faut pas s’y tromper, dans les allées de la capitale louisianaise, Boosie demeure Torrence Hatch et ferait presque office de citoyen modèle. Adopté par la quasi-totalité de la ville, des plus jeunes aux plus anciens, Hatch y est tantôt le grand frère des enfants des quartiers, tantôt l’habitant s’investissant corps et âme dans la vie de la communauté ; le tout en étant un père de famille veillant tendrement sur ses 7 enfants.

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Ainsi, lorsque Boosie se présente devant le juge pour répondre de ces accusations, son combat n’est en aucun cas lié à la rue. Le ghetto, Boosie y est né, Boosie y a grandit, Boosie le respire. Jamais il n’a été question pour lui d’en jouer pour le simple besoin de l’image. Non, si Torrence Hatch vient à la barre, c’est pour y défendre ses valeurs et son intégrité, tant humaines qu’artistiques, au-delà même de ses jours, qui sont alors clairement mis en danger, juridiquement parlant.

À l’heure où nombreux sont les rappeurs qui ne manquent jamais une occasion de glorifier leur casier judiciaire, certains prenant même la peine de l’exhiber dans leurs clips, Lil Boosie est catégorique : la prison n’est et ne doit en aucun cas être utilisée en tant que faire-valoir. Du coup, voir l’admiration de ses fans décuplée par son séjour carcéral relève à ses yeux du délire pur et simple : « Personne ne veut aller en prison et traverser les épreuves que j’ai eu à traverser. La prison n’est pas un endroit pour les humains ; c’est une animalerie, rien de plus. Tu ne veux pas infliger une telle souffrance à ta famille. »

Quant à sa musique, il estime qu’elle a été diabolisée par la justice de l’État de Louisiane. D’après lui, la violence qui en ressort n’est ni gratuite, ni vaine : « Certaines de mes musiques sont violentes, mais pas toutes. J’ai des morceaux à propos de Dieu, de mes enfants, ou disant aux autres gamins d’aller à l’école et de rester sur le droit chemin. Mes titres violents aident les jeunes à s’éloigner de la rue parce que ça les effraie ».

Si l’on dit souvent que la prison change un homme, l’adage prend tout son sens quand il s’agit de Boosie. Bien qu’il ne soit pas question d’une transformation radicale, le rappeur désormais âgé de 31 ans semble bel et bien s’être assagit. Fini désormais les « Fuck The Police » aboyés au milieu d’un titre, ou encore les armes exposées à outrance dans ses clips. Bien conscient de l’influence de sa voix sur la jeunesse de Bâton-Rouge, l’artiste entend désormais mettre sa récente expérience à profit. Dans un premier temps en allant faire part de son histoire auprès de lycéens, puis en entreprenant en parallèle la rédaction prochaine de son autobiographie. Et bien évidemment, en se reconcentrant enfin sur son art.

Le « reality rap » comme exutoire

Toutes les péripéties rencontrées par le Louisianais venant systématiquement reléguer sa musique au second plan, on en oublierait presque que Boosie fut, avant ses ennuis judiciaires, l’une des valeurs montantes du hip-hop du milieu des années 2000. Alors adoubé par des anciens tels que Pimp C, il constitue à cette époque l’un des plus dignes représentants de la « bounce music », un style musical pourtant originaire de la Nouvelle-Orléans. Bun B les perçoit même, lui et son fidèle acolyte Webbie, comme les dignes successeurs d’UGK.

Suivant les traces de Tupac, dont il parvient à tenir l’élogieuse comparaison, l’artiste détonne par son « reality rap » pouvant aussi bien faire bouger les têtes qu’émouvoir l’auditeur. Et d’après lui, c’est cette caractéristique qui le différencie du restant de la scène rap, et qui justifie son désintérêt de celle-ci : « Je n’écoute personne à part Boosie. Je pars juste m’enfermer dans mon studio et je bosse. Si j’écoutais quoique ce soit d’autre, je rentrerais dans la même catégorie de ce que l’on peut entendre en radio. Dans toutes les musiques que tu peux entendre, tout le monde est riche, tout le monde est dans les toutes les soirées. Plus personne ne parle de cette douleur, de cette lutte quotidienne qui précède le succès. Et c’est là-dedans que je suis bon. Je parle de ce qui se passe dans la vraie vie. »

Comme une preuve de sa côte restée presque intacte dans la tête des autres artistes, dès qu’il fut libéré de son établissement pénitencier, Lil Boosie fut directement convié par 2 Chainz, sur l’un des morceaux de son EP Freebase. Entre les noms pourtant très en vogue que peuvent être A$AP Rocky ou Ty Dolla $ign, c’est celui de Boosie qui retient l’attention d’un public pressé de pouvoir constater ce qu’il reste de lui après tout ce temps. Sur le titre « Wuda Cuda Shuda », produit par Mike Will Made It, il signe un couplet sans fioritures, évoquant essentiellement la prison et les quelques « haters » qui voulaient l’y voir rester.

Mais peu importe la qualité de ce couplet, le moment est symbolique puisque qu’il vient officiellement marquer son retour dans le paysage musical. Un retour directement prolongé par le double-album Touchdown 2 Cause Hell, son premier véritable projet depuis 4 ans, initialement prévu pour le 15 juillet, mais finalement repoussé au 23 septembre. Toutes les heures passées seul dans sa cellule auront donc eu le mérite d’accroître sa créativité, comme il le confiait déjà en janvier 2013 : « J’ai déjà écrit près de 500 morceaux pour le moment. Je me sens prêt à retourner en studio avec les meilleurs producteurs. Je sens que je suis en train réaliser la meilleure musique que je n’ai jamais faite. Plus j’avance dans ma vie, plus ma musique s’améliore. Et ça a été assez fou au cours des 3 dernières années. » Cela sera t-il suffisant pour lui permettre de retrouver une place de choix dans le roster US actuel ? Les premiers éléments de réponse se dessinent dès maintenant.

Les paroles dans le hip-hop constituent la sève – de la force ou des carences –  du message d’un artiste ; la musique jouant, elle, le rôle de son embellissement et de sa digestion par les auditeurs. Afin de mieux saisir toutes les subtilités de cette écriture chaque numéro de YARD reviendra sur l’un des morceaux les plus marquants de ces derniers mois décrypté par son auteur lui-même.

Joke se voyait déjà comme « le jeune héritier du trône de France » alors qu’il n’avait pas encore sorti  son premier album. Voici maintenant chose faite avec Ateyaba et différents titres qui inondent les ondes et la toile : « Miley », « Majeur en l’air » ou encore « Venus ». Cependant c’est un autre morceau qui a attiré notre attention, le redoutable banger « Amistad » dont l’egotrip mélange intimité et de véritables engagements politiques et historiques.

Réécrire l’histoire sert à masquer les tâches de sang

« Cette punchline s’inscrit dans la continuité du message qu’on retrouve dans l’album, elle fait notamment écho à « Le prof d’histoire m’a menti » dans « Majeur en l’air ».
Ce que je veux dire c’est qu’il y a du sale qui a été fait notamment en Afrique mais ce sont les vainqueurs qui réécrivent systématiquement l’histoire. Tu vois quand j’étais en cours et qu’on abordait ce genre de sujet, j’étais souvent à poser des questions et à ne pas être d’accord avec le prof. Dans son esprit, il y avait toujours un point de vue positif à la colonisation. »

Tout mes mots sont à méditer, la vérité tu veux que j’partage l’oseille, nique ta mère, j’partage qu’les idées

« Tout le monde ne comprend pas la profondeur de mes lyrics et se base seulement sur la première écoute. Je fais beaucoup d’egotrip et souvent les gens ne voient que ça alors que dans mon rap il y a plusieurs niveaux de compréhension autant dans le style que sur le fond. Donc cette punchline veut dire : « Écoute bien ce que je te dis  »

J’suis trop fort parce que dans ma tête y’a un garçon qui parle

« Tu vois quand je travaille je suis un peu possédé, j’ai l’impression qu’on me dicte ce que j’écris. Quand je suis dans un processus de taf forcé, je vais réfléchir et au bout d’un moment je rentre dans une espèce de transe. Parfois cela se passe dès que j’entends l’instru, pour « On est sur les nerfs » c’était de la dictée. J’ai écrit l’intro et le premier couplet en 25 minutes, l’ingé son me regardait en se demandant ce qui était en     train de se passer.»

Mon père portait des cairons ma mère torchait des vieux / Elle m’a élevé seule le bon Dieu l’a vu de ses yeux

« Ce passage est une réponse à des rumeurs bizarres qui disaient que j’étais pistonné ou un « fils de ». Tu vois ma mère est toujours aide-soignante, mon père est maçon et je n’ai pas grandi avec. En faisant courir ce genre d’histoires, c’est comme s’ils m’empêchaient de profiter du fruit de mon travail car j’ai cravaché dur pour être là où je suis aujourd’hui. 

Puis pour la suite je voulais écrire « Elle m’a élevé seul le bon Dieu l’a vu de mes yeux » mais je me suis dit que les gens allaient prendre ça comme un propos blasphématoire. Alors que ce n’est pas le cas du tout, je suis très croyant.»

« Amistad » est a retrouvé exclusivement sur la version digitale d’Ateyaba quant à Joke, il sera dans une tournée française et sûrement près de chez vous.

« Nous avons contrôlé 2013 sans même avoir lâché un album. Je me demande ce qu’il arrivera en 2014 quand six albums sortiront. Ils ne sont pas prêts #TDE #HiiiPoWeR. Prise de contrôle. » Comment en sommes-nous arrivés à ce tweet plein d’insolence d’Anthony Tiffith, fondateur de TDE ? Pour mieux comprendre, retour là où tout à commencé : Los Angeles.

La cité des anges

Survolant Los Angeles, William H. Whyte Jr.urbaniste américaindécide de laisser ses fiches un court instant pour regarder à travers son hublot. Aux meilleures loges pour apprécier la vue, il déclare que «l’être humain [a] une aptitude déconcertante pour foutre en l’air son environnement.» Étirée à l’extrême, Los Angeles s’étale sur plus de 150 kilomètres sans séparation entre ville et banlieue, avec peu de centres culturels à visiter. Du coup, il est préférable de visiter L.A. en mini-van plutôt qu’à pied.

Mais sans chercher à savoir s’il y a une corrélation entre les «drive-by» et l’aménagement du territoire, chaque communauté de Los Santos se regroupe selon des critères précis. Le salaire, la race et surtout la valeur foncière sont les éléments primordiaux pour fédérer un quartier. Les promoteurs immobiliers vendront brillamment cet espace grâce à l’argument: «le jardin pour tous.» Dès lors, cherchant à fuir la misère de Chicago, la famille de Kendrick Lamar pose ses bagages à Compton, espérant donner une éducation sans heurts à son fils Kenny.

En réalité, les quartiers de L.A. sont coupés du monde. Un sentiment parfaitement illustré par le rappeur King Tee qui s’immortalisa en train de déambuler paisiblement dans les rues de C-P-T avec un canon scié «long tah Clin Eastwood», pour décrire l’atmosphère d’une ville et l’état d’esprit d’un jeune Afro-Américain qui va avec.

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Mais ce canon scié est aussi une réponse âpre à huit années de restrictions. Ronald Reagan à la tête du pays, les coupes budgétaires, les délocalisations, les baisses d’impôts mènent le cap de sa politique  et, comme par «magie», le crack fait son apparition. Évidemment, les quartiers défavorisés étant livrés à eux-mêmes, l’économie sous-terraine semble la seule issue. Les immenses «public housing», où la précarité domine, se transforment en véritables «pistes de ski» due à la «dope» à chaque coin de rue, et Jay Rock, qui naît et grandit dans le «project» de Nickerson Gardens, ne connaîtra jamais de boulot ordinaire.

À neuf minutes du Staples Center, la mère de ScHoolboy Q atterrit dans la 51e Rue de Figueroa, à côté de l’intersection de Hoover, pour élever son fils seule. Lorsque le film South Central sort, le malheureux Q, âgé de six ans, n’est pas en mesure de tout comprendre. Dans ce long métrage, Stephen Milburn Anderson relate la vie d’un jeune Noir allant en prison après s’être acoquiné avec les Hoover Street Deuces. Séjournant en cellule pour dix ans, O.G. Bobby Johnson laisse derrière lui son fils avec une mère camée  et, forcément, son gosse rejoint les Deuces. Avec plus de maturité, ScHoolboy Q aurait certainement compris les sermons de sa mère et l’importance d’un père à la maison. Mais Q se serait aussi aperçu que les rues de Los Angeles sont régies par des territoires colorés. Rouges pour les Bloods. Bleus pour les Crips.

Une famille avant tout

Dans cet univers sociétal éclaté, rien ne prédestinait quatre gamins de quatre coins différents à se rapprocher. Au contraire, les chances de les voir s’affronter étaient bien plus probables. En 1997, Anthony Tiffith fonde Top Dawg Entertainment avec l’unique but de faire briller ses talents de producteur. À force de discuter avec son cousin Terrence Henderson, les deux s’associent pour transformer le petit home-studio en un label indépendant. Grandissant à Watts, et plus précisément à Nickerson Gardens, les compères connaissent le terrain, mais c’est le succès de l’un des oncles de Tiffithmanager du musicien Romequi pousse le binôme à se lancer.

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Les bases sont posées à Watts. Occupé à y faire de la lugemétaphore filéeJay Rock a aussi pris la mauvaise habitude de traîner avec le gang afro-américain le plus populaire de Watts: les Bounty Hunter Bloods. De quinze ans son aîné, Tiffith trouve les mots justes pour lui faire entendre que, selon CNN, l’espérance de vie d’un jeune Noir dans le ghetto est estimée à 21ans. Ironiquement, c’est à 21ans que Jay Rock signe chez TDE. Un mois plus tard, un gamin de Compton surnommé K-Dot rejoint le groupe. Mais, très vite, le contact entre les deux artistes est tendu, résultat des rivalités de leurs quartiers respectifs. 

Anthony Tiffith endosse son rôle de figure paternelle et trouve une fois de plus les mots pour dissiper les égos mal placés: «Vous pouvez combler ce trou entre les différents quartiers, car maintenant vous pouvez parler au monde.» La route continue et, six mois plus tard, les ambitions s’exportent à Carson, une municipalité plus tranquille. Ici, Ab-Soul passe son temps dans le disquaire que ses parents devront fermer, car plus rien ne s’y vend. Malgré ces avertissements, Soulo souhaite poursuivre une vie d’artiste et peaufine déjà ses métaphores avec son groupe Area 51. Dès lors, quand Tiffith lui soumet un contrat en 2006, l’intégration à sa nouvelle famille concrétise son rêve.

Tiffith et Punch forment leur équipe de production, Digi+Phonics, et dénichent leur ingénieur son, Ali, mais un chaînon manque à la machine. De son côté, ScHoolboy Q, n’ayant toujours pas regardé le film South Central, mène une vie de «gangsta, gangsta, gangsta» avec les 52 Hoover Crips. En bon produit de son environnement, à 21 ans, il file en prison. Son ami d’enfance Alil’ingénieur sonse charge de sa «réinsertion» en lui priant de s’arrêter au studio de TDE. Comme ses futurs camarades, Q se met à rapper et les détails glissés entre ses vers interpellent Punch, qui lui dit simplement: «Continue de venir, continue de rapper.» De fil en aiguille, Q se prend au jeu, devient le «hype man» de K-Dot, mais ses émoluments n’étant pas assez élevés, il se remet à vendre de l’oxycodone. Excédée, sa mère le met dehors et, sans chez soi, TDE aménage le canapé du studio en un lit pendant près de deux années. Mais avec la naissance de sa fille, les responsabilités le rattrapent. En 2010, Q intègre complètement la famille en signant son contrat, sans même le faire vérifier par un avocat.

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#NewRules

Comme toute famille est régie par des règles, lorsque l’on pousse la porte de la maisoncomprenez le studiocinq principes capitaux sont affichés sur le mur: «charisma, substance, lyrics, authenticity, work ethic». Entre ces murs tout se crée. Anthony Tiffith avoue les avoir «enfermés dans le studio pour qu’ils puissent y travailler ensemble […] ils ne pouvaient rien faire d’autre que se lier d’amitié.» Tous issus de L.A., leurs anecdotes se ressemblent. Quand K-Dot se faisait voler sa Mega Drive par sa tante accro au crack, ScHoolboy Q, lui, se faisait dérober son vélo par son oncle. La besogne remise au goût du jour, les sessions studio se muent en échappatoire à la névrose d’une ville et les quatre bousculent les conventions dogmatiques en choisissant le nom de Black Hippy.

Jay Rock capte le premier l’attention des labels. Naturellement, Top Dawg Ent. signe son artiste chez Warner Bros. Records, espérant avoir trouvé la solution pour atteindre le grand public. Le titre « All My Life (Ghetto) » est catapulté sur les ondes hertziennes avec un couplet de Lil Wayne, peut-être pendant sa période la plus crédible dans le «game». Mais alors que tous les feux sont aux verts pour sortir l’album Follow Me Home, Warner s’y oppose. Coincé dans l’antichambre du succès, la dix-septième fortune des «Hip Hop Cash Kings» de Forbes se porte garant pour débloquer la situation. Cet homme, Tech N9ne, a monté l’un des labels les plus lucratifs dans un coin oublié du rap: le Missouri. Du coup, Follow Me Home est mis en rayons grâce au label Strange Music et, au passage, les deux cerveaux derrière TDE gardent en tête qu’il est possible d’être rentable et indépendant sans baisser son pantalon. 

Par la suite, TDE redéfinit sa stratégie et décide de ne plus courir derrière les radios. Internet court-circuite les intermédiaires inutiles et, désormais, TDE cible les cœurs. De ces mots Punch dit faire de la «human music ». Une musique qui touche et à laquelle on peut s’identifier. À partir de ce moment, K-Dot oublie son pseudonyme pour son vrai nom, Kendrick Lamar, et incarne à la perfection la nouvelle vision du label.

Contrôlant à présent le merchandising et ses tournées, Top Dawg Ent. garde habilement son intégrité et sa verve. Là où dans la «Cité des anges» ils ont déjoué les trames imposées par un environnement difficile, dans l’industrie du disque ils procèdent de la même façon en dépassant ses diktats. À partir de 2011, le label choisit de sortir du marché de la mixtape pour remettre au premier plan le travail artistique, quitte à faire payer ses auditeurs. 

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Les critiques s’emballent, les couvertures XXL se débloquent et TDE se construit un public. En 2012, la machine Interscope ajoute ses experts du marketing pour faire basculer l’équipe à l’échelle internationale. Mais la création artistique étant entre ses mains, le label joue le jeu selon ses règles. Pour son premier album, placé en major, TDE adopte un premier single, « Swimming Pools (Drank) », qui aborde les thèmes de l’alcool, de la pression sociale qui en résulte et des dégâts qu’il cause sur une génération.

T.D.EAT

Jean-Paul Sartre écrivait: «Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’Occupation allemande.» Dans cette phrase, il soulignait que chaque individu pouvait construire sa vie à travers ses actes. TDE s’est constitué dans des quartiers où le déterminisme est une réalité. Des endroits dans lesquels l’État s’est désengagé et dans lesquels une génération s’entretue dans l’indifférence totale. Or, Anthony Tiffith et Punch Henderson ont altéré les statistiques de CNN et ajouté un nouveau nom au classement annuel des Cash Kings 2013 de Forbes en inculquant une rigueur exemplaire. Par la même occasion, ils ont aussi fondé une famille.

Anthony Tiffith avait raison, TDE pouvait donc «parler au monde» en intégrant toute cette musique à nos baladeurs numériques. Mais avec sa première place décrochée au Billboard cette année avec Oxymoron, de ScHoolboy Q, ses 135 caractères emplis d’impertinence étaient vrais. «TD.EAT.» Autrement dit, dans leur jargon, «TDE se fait des sous.» Le label part à présent lorgner hors de ses terres avec Isaiah Rashad, recruté dans le Tennessee. Pour couronner le tout, la famille est à présent complète avec sa première dame, SZA.

1988, un album attire l’attention du F.B.I : Straight Outta Compton premier opus du groupe Niggaz Wit Attitude. Retour sur l’histoire d’un groupe qui marquera celle du hip-hop pour devenir un véritable pivot de la pop culture. Un hommage rendu avant la sortie d’un biopic prévu pour le 16 septembre 2015.

Le groupe Niggaz Wit Attitude, plus connu sous l’acronyme N.W.A, a été formé par l’ancien dealer Eric « Easy-E » Wright, qui co-fondera le label Ruthless Records. Le groupe est composé d’O’Shea « Ice Cube » Jackson et d’Andre « Dr. Dre » Young qui se sont rencontrés en 1986 et ont écrit pour Easy-E. Trois membres auxquels s’ajoutent DJ Yella et MC Ren.

Dès sa sortie en 1988 l’album Straight Outta Compton connaît un véritable succès : 750 000 exemplaires vendus avant même que le groupe ne commence sa tournée. Un projet, aujourd’hui double-platine, qualifié par les artistes de « reality rap« , dénonçant la violence et les abus d’autorité de la police. Le groupe devient le « reporter » d’une autre réalité, selon les termes d’Ice Cube, et il donne une voix explosive à une génération encore dans l’ombre et révolutionnant par la même occasion le hip-hop.

Aujourd’hui, le groupe est largement crédité comme géniteur du gangsta rap. C’est ce nouveau genre mais surtout le fameux « Fuck The Police » qui attirent l’attention du F.B.I et avertissent le distributeur de N.W.A. L’institution y déplore l’encouragement à la violence et à l’irrespect des forces de police. Loin d’être intimidé, le groupe saisi l’occasion pour sa propre publicité et pour apporter la preuve de la véracité de l’oppression policière qu’ils racontaient déjà. Une confrontation qui alimente le caractère subversif de ces artistes et augmente leur notoriété.

 

 

Un an plus tard, Ice Cube quittera la bande  pour un conflit de royalties notamment. Le groupe sortira en 1990 le titre « 100 Miles And Runnin » et l’album Niggaz4Life en 1991. Un dernier effort avant le départ de Dr. Dre qui soldera la fin de N.W.A. Aujourd’hui, Easy-E est mort, emporté par une complication du SIDA. MC Ren sort son dernier album « Redemption » en 2009. DJ Yella, resté fidèle à Easy-E, fait toujours partie du label Ruthless Record où il délivre son utlime projet West Coastin’. Ice-Cube poursuit sa carrière après son départ et multiplie les métiers : rappeur, acteur, producteurs ou encore réalisateur. Quant à Dr. Dre, il devient l’un des plus grands producteurs hip-hop, père de la G-Funk, mais aussi un gigantesque businessman. Après le rachat cette année de son entreprise Beats by Dre, il devient le premier « rappeur milliardaire ».

Aujourd’hui, Ice Cube et Dr. Dre se retrouvent sur un nouveau projet : le très attendu biopic consacré à la sortie de l’album Straight Outta Compton. Prévu pour le 14 août 2015, le biopic sera le fruit du travail des producteurs que sont Cube, Dre et Tomica Woods-Wright, veuve de Easy-E et du réalisateur F. Gary Gray. À l’issue d’un casting ouvert pour tous, la distribution se précise. Le rôle d’Ice Cube sera endossé par son propre fils, O’Shea Jackson Jr, c’est Jason Mitchell qui sera Easy-E et Corey Hawkins, Dr. Dre. Des noms qui ne vous disent probablement rien et qui traduisent la volonté de l’équipe de mettre en avant de nouveaux visages. En attendant  le film, Ice Cube et Dr. Dre dévoilaient le mois dernier cette image.

 

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UPDATE : Le film « Straight Outta Compton » sortira le 16 septembre en France.

Vous l’avez peut-être découverte lors de l’une des dernières soirées du YARD SUMMER CLUB ; LaGo De Feu s’est produite en live accompagnée du duo de DJ Blkkout auteur du remix de son titre « Le Taf ». Puis sur YouTube, on découvre son flow technique et atypique posé sur des productions grasses toujours appuyé de visuels compilant des images frappantes qui illustrent tout son univers. Avec quelques titres et freestyles disponibles sur son Soundcloud, LaGo de Feu intrigue par son talent. Elle accepte de répondre à nos questions et de nous parler de son premier EP, doublé d’un véritable projet vidéo, à paraître à la rentrée.

YARD : Est-ce que tu peux te présenter ?

LaGo de Feu : Je suis LaGo de Feu, je rappe.  Je suis un couteau suisse, j’ai plein de métiers différents.

Comment est-ce qu tu as commencé le rap ?

J’ai toujours écris sur du son. Après je ne me sentais pas à ma place donc je faisais ça dans mon coin. Et puis mon petit frère m’a offert  la base d’un home studio et il m’a dit :  » Ça y est c’est fini. Tu essaies au moins. » C’était il y a deux ans.

J’ai fait des maquettes que je faisais écouter à mon entourage. Et tout le monde a commencé à me dire : « Fais le vraiment quoi. Ne le fais pas à moitié. Il n’y a pas beaucoup de filles dans ce milieu. » Je savais aussi qu’il y avait une place de libre pour une meuf. Mais je me posais vraiment cette question de savoir si j’avais envie d’être cette femme là : celle qui y va et qui représente les meufs. Et puis en fait l’histoire s’est construite toute seule et je me suis dis : « Vas-y , il faut le faire ; que tu représentes les meufs ou pas, il faut le faire. » Je me suis donc mise en tête de sortir des sons propres, pas un truc « fait maison » dans mon salon.

Quel est le déclic qui a fait que tu t’es mise à publier des morceaux ?

Je travaille avec un dude, Jordan, c’est mon directeur artistique. Après 5 mois de taf ensemble, on avait pas mal de titres déjà. Un soir je suis rentrée du studio et j’ai fait un espèce de petit montage/clip avec des photos pour habiller un des sons. Je lui ai envoyé, puis on a ri dessus. Et je lui ai dit : « Vas-y on le sort en fait. On essaie. C’est le moment. »  Il n’y a pas vraiment de stratégie derrière tout ça, c’est assez calme. On fait des trucs et puis naturellement, les choses s’imposent comme une évidence. On a sorti quelques sons/clips et puis après j’ai dit :  » Bon, viens on fait un EP, c’est comme ça qu’il faut faire non ? »

Qu’est-ce que tu peux nous dire sur ces visuels ?

Je n’aime pas trop les clips de rap avec des playbacks, je trouve ça un peu cheap; en général je trouve que les rappeurs sont un peu cheap. C’est pour ça que j’ai fait ces clips avec des vidéos au début. Les gens ne me connaissent pas, ils n’en ont rien à foutre de me connaître. Un playback ne montre pas ce qui se passe dans ma tête quand j’écris. Donc on s’est dit, on va faire des montages photos qui font référence à des choses qui nous ont marquées. Je voulais que ce soit déjà conceptuel, qu’on se dise : « Ah tiens, elle s’est donné un peu de mal ».  Et puis je trouve aussi qu’aujourd’hui le son est composé énormément d’images. Donc je ne pouvais pas concevoir de sortir des titres sans qu’il y ait des images qui les accompagnent.

Tu nous as parlé de ta crainte d’être la femme qui manque au rap actuellement mais quand on écoute tes sons, on se dit que ça parle autant aux filles qu’aux garçons.

Je ne suis pas du tout féministe. En fait, je suis exactement l’archétype de ce qu’est une femme aujourd’hui : ambitieuse, déterminée, sûre de ses droits et qui tient sa vie comme une entreprise. Je suis exactement cette go là mais pleine de paradoxes. Garçon ou fille, quand on écoute mes sons j’ai juste envie qu’on se dise : « C’est une personne indépendante, autonome et qui croit en ce qu’elle fait. » La seule chose que j’ai trouvé réellement fiable, dans ma vie, est de faire des choses  qui me plaisent et qui me poussent à me dépasser. C’est le message que j’ai envie de faire passer : « Je ne suis pas censée faire du rap, bah je fais du rap tu vois. » On se mouille et on prend des risques, c’est ça la femme d’aujourd’hui.
Et je me suis toujours dit que les mecs qui m’écoutaient peuvent m’écouter aussi avec leurs meufs. Car ce n’est pas du rap thugger français, même si aujourd’hui c’est très à la mode d’écouter Kaaris. Pendant des années, les meufs n’écoutaient pas trop de rap avec leur gars, c’était un truc très masculin. Je voulais toucher un peu tous les univers en recherchant ce côté bow down à la Beyoncé. Pas trop non plus car je ne suis pas non plus dans la morale. Je donne juste mon point de vue.  Si tu te sens connecté bah tant mieux et si ce n’est pas le cas tant pis. T’auras écouté au moins.

D’ailleurs quelles sont tes influences ?

C’est vrai que je suis assez répétitive là dessus, mais j’écoute exclusivement Gucci Mane. Là il a sorti Trap House 4 et je suis en sang ! Je trouve que Gucci est le meilleur rappeur producteur et ne met pas son égo dans le truc, il s’en fout de la compet’. C’est un dénicheur de talent de feu et en même temps, il reste toujours le meilleur parce qu’il a cette espèce de nonchalance face à son talent. J’adore ce mec : « Gucci for life, for sure ». En plus ses beats sont toujours dingues : que ce soit Zaytoven, DrummaBoy ou tous les autres mecs qui lui font des prods. Je trouve que ces mecs là sont trop loin. J’écoute ça depuis des années et on m’a toujours dit : « Ouai c’est relou ta musique quoi ». Maintenant c’est à la mode.
Et un autre groupe avec qui je faisais chier tout le monde, c’est Three 6 Mafia où  il y a bien sûr Gangsta Boo et de façon plus épisodique La Chat aussi. Je trouve que ces deux meufs sont complètement tarées et j’aime ça. Gangsta Boo doit avoir 40 piges et sort toujours des albums. J’aime beaucoup cette femme. Mon duo : Gucci et Gangsta Boo.

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Et niveau français ?

Ah, je n’écoute pas de rap français. Enfin, je ne vais pas te mytho mais ce n’est pas moi qui appuie sur le bouton. Quand Booba sort un son et qu’on est en studio, mes dudes me font : « Eh il faut que t’écoutes. » Je trouve qu’il y a des choses de qualité et d’autres totalement nulles.
Après là récemment, j’ai bien aimé  quelques sons de Lacrim. J’ai toujours respecté un rappeur qui s’appelle Hayce Lemsi , il est très technique et indépendant jusqu’à la mort.
Et bien sûr le patron… le vrai patron, ce n’est pas Booba. Le vrai patron reste Alpha 5.20.  Mais il a arrêté le rap, je suis très triste car je rêvais de rapper avec lui. Je l’aime beaucoup parce que c’est le seul qui rappe réel, ce n’est pas de la fable. Il est comme Gucci Mane. Quand il sortait des mixtapes, il te racontait son quotidien et du coup tu étais informé de ce qui se passait dans la rue, pour de vrai.

Ton rap aussi est assez technique. Comment tu travailles ça ?

C’est gentil déjà merci ! Je pense que c’est parce que je suis une meuf et je me suis toujours trouvée à rapper, à freestyler devant des mecs. Et il faut quand même être assez technique pour ne pas te faire manger donc je m’entraînais beaucoup là-dessus. Mais après je ne voulais pas non plus tomber dans le cliché des blancs qui rappent de manière trop technique et qui ne respirent pas. C’est fini les années 90 et tout ça. Je m’inspire vraiment de Gucci en fait.
Ce qui est sympa c’est qu’une fois que j’ai écrit en étant inspiré par la mélodie,  je vais changer mon flow cent fois avant de trouver le flow qui me plaît vraiment, qui est un peu différent.

Tu t’es produite en live au YARD SUMMER CLUB : comment tu l’as vécu ?

Ah c’était le feu ! J’ai trop kiffé et j’ai trop hâte d’en refaire d’autres. On travaille depuis quelques mois avec les Blkkout, un binôme de DJ. Deux semaines avant, ils avaient joué au Wanderlust et je suis venue. Ils avaient passé mon son et des gens dansaient. J’était choquée. Ils m’ont dit que pour leur prochaine date, ils voulaient que je fasse deux titres. Donc j’ai rappé leur titre et un autre qui va sortir dans mon EP à la rentrée. Les gens étaient chauds alors que le truc n’est même pas sorti, j’avais même droit à des « bang bang ». J’était trop contente.
C’est pour ça que je fais de la musique, pour la scène. Tout ce qui se passe en studio, je trouve ça hyper intéressant : la création et tout. Mais ce qui m’excite vraiment, c’est de donner et de recevoir. Voir la réaction du public quand une grande blanche d’1m80 kicker salement, je trouve ça super excitant !

Tu sors donc un projet à la rentrée. Que peux-tu nous en dire ?

C’est un petit projet dans la continuité de ce qu’on a commencé à faire,  sans label et d’équipe à mes côté : c’est Jordan et oim, c’est tout. Il y a quatre titres avec une intro, c’est ultra simple. Par contre, j’avais vraiment la volonté de faire des clips chanmés. Du coup, je travaille avec trois réalisateurs différents, qui ne se connaissent pas les uns les autres et qui n’ont rien à voir avec le rap. Chacun fait son truc à sa sauce et évidemment, pas de playback !

L’esprit restera le même que ceux de tes précédentes vidéos ?

Exactement ! Et je voulais que l’EP sorte et qu’on ait quatre clips. On a trois réal’ pour l’instant et on réfléchit pour le quatrième son. Je voulais quatre titres, quatre clips pour plonger à chaque fois dans le son. Je trouve que c’est un peu chiant le rap qui s’écoute.
Les beatmakers ne sont pas au courant de qui a fait les autres prods. Je voulais qu’on puisse voir que je peux fédérer des gens d’univers complètement différents, juste parce qu’ils ont trouvé que le concept était intéressant et qu’ils ont envie de se mouiller. C’est le début et je trouve ça hyper agréable d’être libre et de ne pas avoir de contraintes.

Tu parles de rassembler un public assez large. Es-tu d’accord avec le fait que le rap est mieux admis mais aussi plus accessible ?

Oui carrément ! C’est un le même principe que dans une fraterie, t’as le frère aîné qui va faire tellement de conneries que le plus jeune aura plus de facilités. Les parents lâchent un peu plus de leste. J’ai l’impression que tous ceux qui sont passés avant ont ouvert les portes pour des mecs comme Joke ou Kaaris. Il y a plus de place.
Du coup en tant que femme, tu peux arriver et dire : « la go, la cuisse, le bif » et ça marche. En tout cas c’est toléré. Je ne suis pas obligée de faire le mec, de cracher par terre. Je peux rester moi-même. C’est devenu très à la mode d’écouter du rap de toute façon. Et avec tous les réseaux sociaux, que ce soit Instagram ou Twitter, on est à l’ère de la punchline. Alors même le mec qui ne rappe pas, il est dans la punchline. Il cherche à faire la phrase de bon ton, de bonne image… Et donc forcément, les rappeurs sont très inspirants pour la société. Ce sont de bons porte-paroles.

Enfin, j’ai vu aussi que tu faisais beaucoup de sport ?

En fait j’ai un Gang2Go ! Depuis pas mal d’années, je m’entraîne beaucoup, tous les jours, et j’ai ouvert mes entraînements à qui voulait venir et qui avait la motivation de faire gonfler sa cuisse. En fait j’ai horreur de cette ère dans laquelle nous sommes, les meufs doivent être rachos ou avoir des boules énormes. Je veux dire, on a toutes des morphologies différentes : il faut s’accepter tel qu’on est.
En plus à Paris, les gens se regardent de ouf. Moi je ne sors pas si ce n’est pas pour travailler. Du coup, je trouvais ça sympa de rencontrer des meufs et des mecs dans un cadre sportif, parce qu’on est dénué de tous ces types de comportements. Tu transpires et tu ne peux pas faire semblant. J’ai rencontré plein de gens assez fous et intéressants en faisant ça.
Du coup là je suis assez contente parce que j’ai signé avec Adidas pour représenter mon quartier. Ils ont monté un concept qui s’appelle le Boost Battle Run : dix quartiers de Paris qui s’entraînent toutes les semaines et s’affrontent une fois par mois, pendant huit mois à peu près. J’ai été choisie pour représenter mon quartier et être leader de ma team. Ça me fait plaisir car ça me permet de développer mon concept du « Gang2Go » et de « LaCuisse ». Parce que je pense aussi que ça colle avec ce que je cherche à véhiculer dans le rap. Evidemment que j’ai des vices, évidemment qu’il m’arrive de faire des conneries, mais je prône un truc healthy où tu es ton propre patron.

 

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Le rap français connaît des révolutions et logiquement Niro et sa trilogie musicale, Paraplégique – Rééducation et le dernier Miraculé, prend toute son importance dans cette nouvelle ère. YARD est parti à sa rencontre pour qu’il nous guide à travers son parcours, le milieu du rap ainsi que dans ses conflits internes. Une interview fleuve qui dissèque autant l’artiste que l’homme.

Nous l’avions annoncé à l’aube du Quai 54 : le premier numéro du YARD Paper est désormais disponible. Lancé au Trocadéro devant plus de 16 000 personnes venues assister à la douzième édition du fameux tournoi de streetball, ce magazine vient extraire la substantifique moelle du phénomène trend urbain en se fondant sur les piliers fondateurs que sont : la musique, le sport, la mode et le cinéma.
L’éphémère temps de l’exclusivité étant désormais écoulé, il vous est aujourd’hui possible de vous procurer un précieux exemplaire de cette revue gratuite, et ce dans plus de 250 points de distribution de la capitale. Les parisiens ne seront toutefois pas les seuls à pouvoir mettre la main sur le YARD Paper #1, puisque nos amis lyonnais auront également la chance de le retrouver dans leur ville. Retrouvez une liste non-exhaustive des points de distribution ci-dessous.

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Le 2 juillet 2014 signait le 50ème anniversaire des Droits Civiques aux Etats-Unis. Cette année-là est aussi marquée par un autre évènement dans l’Histoire des « Civil Rights » ; deux importants personnages de la lutte pour ces droits se sont brièvement rencontrés pour la première et dernière fois : le pasteur Martin Luhter King Jr. et Malcolm X.

Cette rencontre intervient le 26 mars 1964. À l’issue d’une conférence de presse, Martin Luther King se retrouve face à Malcolm X venu spécialement à sa rencontre. Ce dernier lui tend la main et MLK le salut : « Bien, Malcolm, c’est un plaisir de vous rencontrer. » Malcolm lui répond également. La presse est présente et immortalise ce moment furtif dans un cliché qui illustrera la lutte contre la ségrégation dans les livres d’Histoire.

Si sur ce cliché, les deux hommes semblent s’entendre à merveille, longtemps leurs visions de la lutte pour les droits civiques, leurs idéaux pour la communauté Noire-Américaine et les moyens d’obtenir l’égalité, ont souvent divergés. Dès ses débuts en tant que militant, Malcolm X se fixe pour mission de « décoloniser » l’esprit des Afro-Américains, rappelant la violence des crimes commis par les Blancs à l’encontre de son peuple. Dans ces conditions, il est alors inenvisageable pour lui de vivre en parfaite harmonie avec ses oppresseurs au sein des États-Unis. Il prônera l’auto-défense, le Nationalisme Noir alors poussé jusqu’au séparatisme.

Dans le même temps, MLK lutte pour les droits civiques, la paix et contre la ségrégation raciale. Chacune de ses protestations sont pacifiques : du boycott des bus à Montgomery, jusqu’à la Marche pour l’Emploi et la Liberté qu’il mènera jusqu’au Lincoln Memorial à Washington où il prononcera le 28 août 1963 son fameux discours « I have a Dream« . Il deviendra l’icône de ce mouvement anti-ségrégationniste et trouvera dans John Fitzgerald Kennedy un allié enfin prêt à abolir la loi raciste Jim Crow.

Le 8 mars 1963, Malcolm X quitte le mouvement de la Nation of Islam à la suite de conflits et divergences, considérant aussi que le groupe avait atteint les limites de ce qu’il pouvait faire. Il entame alors un pèlerinage à La Mecque et ne retournera aux États-Unis qu’après quelques étapes en Afrique (Égypte, Ethiopie, l’ancien Tanganyika, Nigeria, Ghana, Guinée, Soudan, Sénégal, Liberia, Algérie et Maroc.) ainsi qu’en France et en Angleterre. À son retour, il renforce une opinion qu’il avait déjà peu avant de quitter la NOI. Ses positions sont différentes, moins radicales et se sentant plus plus proche des idées des MLK, il cherchera plusieurs fois à le rencontrer. Il y parviendra enfin en cet après-midi de mars 1964.  Sans son assassinat en 1965, Malcolm X aurait peut-être fait de celui qu’il traitait de « poule mouillée« , un allié.

Les deux hommes meurent chacun à l’âge de 39 ans. Et à la fin de leurs vies respectives, la vision de l’un avait fini par toucher l’autre. Vers la fin de sa lutte, elle aussi écourtée par un assassinat en 1968, les idées de MLK se sont quelque peu radicalisée. James Cone, auteur de l’ouvrage « Martin & Malcolm & America » raconte :  « Martin Luther King a dit une fois que lorsqu’il écoutait parler Malcolm, même lui était en colère. »

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Il y a chez Thomas Ngijol, l’image d’un personnage désenchanté mais totalement fasciné par la vie et passionné par la manière de la raconter. C’est à la fois ce qui fait sa principale force comique sur scène mais aussi la spécificité cinématographique de FastLife. Il se sert de l’humour pour décrypter des phénomènes de société et, dans le cadre de ce premier long-métrage, la superficialité de la fameuse « vie rapide » des réseaux sociaux. Un œil juste porté par son éternelle attraction pour la rue mais surtout par sa nouvelle paternité, une étape qui force à appréhender le sens de la vie de manière différente. Enchanté le désenchantement,  serait-ce donc ça la patte Ngijol ? Réflexion autour de la FastLife avec son plus fin analyste.

YARD : Tu as été co-réalisateur sur Case départ mais pour Fast Life tu es vraiment seul. Comment tu expliques ce processus qui t’a amené à la réalisation ?

THOMAS NGIJOL :  C’est assez simple dans le sens où je suis autodidacte. Quand tu commences à faire la démarche de monter sur scène, tu écris déjà un petit peu. Donc de fil en aiguille, plus tu écris, plus tes projets se diversifient et plus tu te diriges inconsciemment vers le cinéma. C’est pas un truc où tu te dis « Ah, j’ai envie de faire du cinéma », mais tu formules l’envie de raconter une histoire dans le cadre d’un film. Dans Case Départ c’était une démarche commune, là je suis parti sur un cheminement perso. Après je suis un peu réalisateur par accident, maintenant que j’ai fait un film, j’ai encore plus de respect pour les réalisateurs de formation. Donc c’est assez naturel en définitif.

YARD : Pourquoi avoir choisi d’être à la fois réalisateur et acteur principal  ?

T.N : Je n’ai pas choisi (rires). J’ai juste écrit et plus j’écrivais, plus je me marrais à raconter l’histoire de ce gars là. Il y a aussi une part d’inconscience car je ne suis pas réalisateur de formation mais je me suis marré à décrire son parcours, de voir un peu sa trajectoire. Le truc à la fois rigolo et d’une extrême violence, c’est à la fin, quand tu te rends compte que tu es sur tous les plans. Tu dois t’occuper de tout, ça te rend ultra fragile. C’est l’inconscience du mec qui n’a jamais réalisé : on te dit « Ouais, mais t’es quand même présent » et toi t’es la « Ouais, ouais t’inquiètes ça va aller. »

On est du 94, il y a cette naïveté, cette espèce d’audace, on pense : « Oh t’inquiètes j’ai grandi a Maisons-Alfort, tu vas voir ». Puis tu as beau avoir grandi où tu veux, à un moment l’équipe te demande « On fait quoi ? », tu réponds « Bah… attendez j’arrive. » Je pense que si je réalise à nouveau, je ne serai pas du tout omniprésent, enfin, beaucoup moins présent.

YARD : Est-ce que tu peux expliquer le concept de FastLife  ?

T.N : Il n’y a pas vraiment de concept, la définition est abstraite. C’est un peu l’envie d’en être et de briller, tu vois, de rester « in » et dans le « mouv’.» C’est ce truc un peu plat, un peu « fake. » Le meilleur révélateur reste les réseaux sociaux, tu te rends compte que t’as un peu envie d’être la star de ton petit monde : tu racontes tes vacances, tu mets une photo sous le soleil de Cuba. Mais on s’en bat les couilles en fait de ta life, si tu kiffes bah kiffe pour de vrai, pas besoin de le montrer.

YARD : T’essaies de prouver que tu es heureux à qui  ?

T.N : En définitif c’est un peu ça, le côté FastLife n’a même pas vraiment de rapport avec la célébrité. Mon personnage dans le film a vécu une ascension fulgurante et n’a eu qu’un petit moment médiatique, ce n’est pas une star et c’est ce qui m’a intéressé. C’est monsieur tout le monde.

Il y a des gens qui se trompent un peu. Quand tu vois des saloperies comme les selfies, là tu sais qu’on a touché le fond du fond… Des gens qui se prennent en photo tu vois. Il y a une détresse là-dedans car le but reste de se montrer, c’est vraiment de dire : « Regardez avec qui j’étais en photo  ! » C’est de la branlette ultime. J’en ai déjà fait hein, je ne me place pas au-dessus. Je me permettrais pas d’être critique, et d’insulter les gens : « Vous êtes des merdes ! » Je suis parfois moi-même dans la merde. Quand j’ai croisé Dr. Dre dernièrement j’aurais pu faire comme Franklin c’était genre : « Euh… Yes, Dr. Dre » tu sais je bougeais comme un golio, « Oh yeah, Detox ! » un couillon quoi. J’ai eu honte, je me voyais au dessus mais je me suis rendu compte : « Oh putain là t’es pas vaillant mon grand. »

YARD : Fast Life est une réflexion sur des personnes qui sont dans le faux combat, et qui passent à coté du vrai sens de la vie ?

T.N : Ouais c’est un peu ça, après je ne dirais pas « faux combat. » Mais c’est des gens qui vivent un peu dans leurs chimères quoi. Le côté un peu « bling-bling », un peu « on veut en être », tu vois. Le danger après, en tout cas dans le film, c’est la réalisation de soi-même, de devenir un homme. Parce que tous autant qu’on est, on fait partie de la même génération, et on évolue un peu dans la même mouvance.

Maintenant t’as le droit de t’amuser dans la vie, mais je dis simplement : si c’est que ça ta vie, t’es entrain de tomber dur. Maintenant, si tu te dis je prends le temps de faire ça, et quand tu rentres chez toi, tu prends conscience que tu t’es bien amusé mais qu’il y a la vraie vie qui t’attends, c’est bon tu as compris. T’es tranquille, tu restes quand même connecté aux vraies choses.

YARD : Trouves-tu qu’il y a une perte des valeurs ?

T.N : Je ne sais pas, je ne veux pas passer pour un réac’ (rires). Peut-être pas une perte de valeurs, j’en sais rien. Je dis simplement qu’il ne faut pas perdre de vue les vraies choses de la vie. Je ne peux pas dire le contraire, aujourd’hui je viens d’avoir ma première fille. À un moment, je crois que quand tu viens sur Terre t’as un passage où tu vis, tu comprends des choses, et puis t’as envie d’avoir une famille, c’est tout.

Après chacun sa trajectoire, ce n’est pas parce que j’ai une fille que je vais m’arrêter d’écouter Kaaris, tu vois. Au contraire, elle écoutera avec moi et elle fera la part des choses et puis tout va bien. Je ne vais pas m’arrêter de porter des Vans et mettre un pull à col roulé et devenir méprisant : « Les jeunes vous êtes des cons. » J’ai horreur de ça, je dis simplement qu’il y a un vrai travail éducatif à faire. Il ne faut pas perdre le nord.

YARD : Dans FastLife, il y a l’envie de tomber juste dans les codes de la rue, de ne pas se tromper, non ?

T.N : Merci, c’est gentil de me dire ça. Je ne peux pas crier que je viens de la rue, parce que ce serait un mensonge. Je suis issu d’un quartier populaire, mais effectivement il y a des codes que je connais et qui me font rire. FastLife, c’est une comédie, c’est vrai qu’on parle très gravement depuis tout à l’heure et ça commence à bien faire. Il va falloir qu’on se détende un peu.

C’est vrai que moi j’ai toujours le plaisir de me faire arrêter dans la rue par des gens qui aiment mon travail. Ils sentent qu’on a une volonté un peu commune. Cette culture, ce patrimoine, je n’ai pas envie de les trahir, je n’ai pas envie de leurs faire honte. Donc forcément s’il y a des codes que je connais, je vais essayer de les retranscrire avec justesse.

YARD : Dans le travail sur les personnages, il y a une véritable admiration pour chacun d’entre eux.

T.N : C’est un peu l’univers dans lequel je baigne. C’est ce qui est ouf car même quand on a accès à de grands trucs tu restes toujours connecté à la rue : « Putain… Ouais t’as vu ce serait pas mal que tu mettes mon T-shirt en promo », « Bah laisse-moi ton numéro je t’appelle » (rires). Des trucs embarrassants quoi. Mais en même temps j’ai beaucoup de respect pour ça car être auto-entrepreneur c’est une démarche où tu mets tes couilles sur la table hein. Ce n’est pas évident.

Moi je suis plus animé par un esprit de revanche, après je pense que j’ai un feu intérieur. Ce sont mes origines, ma mère pourrait mieux t’expliquer que moi, on a une folie chez nous. On est suicidaire, mais ce n’est pas très grave (rires).

Le truc, c’est que si des mecs comme moi cultivent le stéréotype alors que t’as la chance de faire du cinéma, de faire un film, bah j’ai envie de te dire : « Reste chez toi. » Moi je suis de Maisons-Alfort, ce serait horrible de faire ça et de voir le regard des gens qui se disent : « C’est quoi ton délire ? Pourquoi tu fais ca ? Je comprends pas. ». Ce n’est pas une revanche, c’est juste l’idée de faire les choses bien. Tu peux faire des comédies, tu peux faire tout un tas de film, mais ne déshonore pas les gens.

Il vous accompagne aux YARD Party, YARD Summer Club ou encore aux soirées F.A.L.D. mais cette fois Supa ! vient parfumer tout votre été avec la mixtape Waiting For The Sun avec Red Bull.
Pour chaque saison, le DJ vous proposera un set composé de titres originaux ainsi que des remix qu’il vous a spécialement concocté pour l’occasion. Attention : Autumn is coming.

« En Ride » un peu spécial ce mois-ci puisque j’ai la jambe dans le plâtre depuis 4 semaines… Je me suis cassé la cheville en faisant du street à Montpellier juste avant le FISE (Festival International des Sports Extrêmes). J’ai sorti mon pied de la pédale en faisant un mauvais 180 sur une marche pas bien haut et j’ai mis le pied sur un antidérapant au sol… Ce qui a bloqué ma cheville et l’a cassée. On se blesse systématiquement en faisant des trucs anodins, voici l’illustration parfaite.

Je suis donc sur la touche pendant un petit bout de temps, mais pas question de rester mourir chez moi. Je continue de bouger à droite à gauche pour filmer mes potes ou faire des photos. Quelques clichés qui résument mes dernières semaines : entre Paris, Barcelone, Lyon, Marseille…

Ah oui au faite… Allez les Bleus !

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Avant de me blesser, je suis parti à Naples en Italie pour Vans pour faire des démos sur une base de la Marine américaine. Comme vous pouvez le voir il n’a pas fait super beau mais on a quand même bien rigolé !

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Noël en été ! J’adore recevoir des colis surtout comme ça…. #VANS

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Alex Jumelin en train d’essayer de sécher mon spot dans mon jardin… au sèche cheveux. Il a réussi le con

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Gros selfie au FISE ma gueule !

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J’ai pris cette photo juste après être plâtré. J’ai été gâté avec le pantalon à l’hôpital…

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 Gros chilling à Wake City sur la Seine à regarder les copains faire du wake surf !

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Radio de contrôle à l’hôpital

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Très bonne blague des gars de chez Vans 

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Red Bull Caisses à Savon à Paris ! Événement bien fou !

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Pumptrack de Lyon avec Maxime Charveron et Mathias Augris

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Gros Bunny Hop Barspin de Remy Dunoyer au Bros Bike store de Lyon

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Maxime Charveron : Table one hand sur le Ghetto Park « Tetanos » à côté de Manosque

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Alice Arutkin à la Sosh Freestyle Cup

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Tournage d’une émission TV pour MCS avec Karine Lima et Alice Arutkin (windsurf)

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Fin de journée à Barcelone 

 

La sexualité est une thématique inépuisable. Même en demeurant connement hétéro la pratique sexuelle est toujours inédite pour peu qu’on y mette du sien, et ce sans qu’il faille s’aventurer en tongs sur les rochers escarpés de la zoophilie (relation sexuelle avec des animaux genre épagneul), de la nécrophilie (relation sexuelle avec un cadavre genre Geneviève De Fontenay), de la gérontophilie (relation sexuelle avec des seniors genre Jean-Pierre Marielle) ou encore de la podophilie (relations sexuelle entre podologues). La forme la plus narcissique reste l’autosexualité qui est une sublime conversation entre soi et son plaisir. J’en suis évidemment un grand amateur. Le nombre de mes branlettes excèdent, de l’ordre du simple au quintuple, les relations sexuelles que j’ai eu avec une partenaire. L’orgasme que je ressens à chaque fois n’est évidemment pas mieux qu’avec une amie un peu chipie, mais il a le mérite de la constance et de la régularité, et surtout il n’est jamais gâché par une main malhabile qui tire trop violemment sur la plaquette de frein, jamais endolori par la canine malheureuse d’une fellation dentaire et jamais appauvri par la tristesse d’une capote. C’est tout bonnement l’assurance d’un bonheur sensoriel au milieu d’un maëlstrom d’impôts, de rhumatismes, de centres de Bacary Sagna et de belle-mères.

Dans un élan de journalisme gonzo j’ai décidé d’emprunter un sex toy masculin qu’un ami du foot a en sa possession depuis un anniversaire de mauvais goût. Lorsqu’il m’a passé l’engin de plaisir dans un banal sac plastique, il m’a précisé qu’il y avait un petit fascicule explicatif… Ce qui m’a rassuré. En rentrant chez moi je déballai l’objet. En lieu et place du mode d’emploi je trouvai un descriptif Habitat de la lampe « Louie » ainsi qu’un ticket de caisse Franprix de grande classe puisqu’il comprenait des nectarines, du jambon, des tomates grappe, de la glace Carte D’Or à la framboise et du papier toilette pour effacer le reliquat de la digestion disgracieuse qui ne manquerait pas d’arriver. Je me résignai donc à appréhender le sex toy intuitivement mais je ne regrette pas ces deux documents qui m’ont arraché un sourire par l’incongruité de leur présence.

L’objet qui nous intéresse ici, le « Flip Hole », avait une forme impressionnante: une sorte d’ogive nucléaire de poche qu’un agent secret iranien aurait sauvé des contrôles de l’ONU. Tel un feu de signalisation coquin, trois boutons se suivaient sur la façade et chacun permettait d’accentuer la pression sur le sexe à trois endroits différents. Un trou étroit permettait la pénétration. Le sex toy s’ouvrait en deux. Je découvris une technologie rebutante faite de formes étranges dans une texture gélatineuse censée donner du plaisir à mon génitoire. Pour ma part j’y voyais plutôt les entrailles d’un bébé alien. Je refermai l’abdomen et laissai passer une semaine.

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C’est un dimanche soir que je décidai de le tester, dans des circonstances que j’admets originales. Je regardai distraitement le match Portugal/Etats-Unis et avais mis de l’eau à chauffer pour quelques pâtes à venir quand, sans crier gare, l’envie d’un plaisir solitaire m’anima. Prenant mon courage à deux mains et ma bite à une, je décidai de tester l’infâme objet. J’ai oublié de préciser plus haut que le package incluait 2 tubes de lubrifiants, des « hole lotion », dont l’un était libellé « real » et l’autre « wild ». J’optai pour le « real », refusant clairement de baiser ce truc avec de la harissa sur la teub, et badigeonnai les viscères du monstre.

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L’eau commençait son ébullition, Christiano Ronaldo galérait au Brésil… Autrement dit il me fallait un vrai stimulus de bonhomme. Je surfais jusqu’à Youjizz et sélectionnai deux vidéos aux titres prometteurs: Latina Ass Action et Young Housewife Asstomouth. Je lançai la première et découvrais une jeune femme plutôt dégourdie avec un tarpé replet et un anus hospitalier. Cela fit rapidement effet sur mon psychisme de pervers consommé. Je pénétrai alors le « Flip Hole » avec une vague inquiétude. La vraisemblance de l’insertion était bluffante. Mais cette petite surprise heureuse ne dura qu’un temps et la réalité de la situation reprit ses droits. La sensation à proprement parlé était étrange et je peux affirmer sans trop de risque que le vagin de la femme a encore de beaux jours sur le trône de notre désir. Je me senti subitement gay et ridicule avec cette capsule sur le sexe.

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J’enlevai rapidement le « Flip Hole », mis les pâtes dans la casserole frémissante et retournai me finir à la main dans la plus pure tradition séculaire de l’onanisme. D’ailleurs il paraît que des pâtes chaudes dans un gant de toilette sont ce qui se rapproche le plus des vrais sensations. L’appétit eut raison de mes velléités journalistiques et je dévouai naturellement mes farfalle à la noblesse de l’alimentation.

Ah oui, au fait, mesdames, information périphérique à cette chronique mais d’importance, si vos keumés vous racontent qu’ils ne se branlent pas, ce sont des putains de mythos. On se saisit le manche dès que vous avez le dos tourné, et ça n’a absolument aucun rapport avec le taux de satisfaction que vous nous procurez. On file sur Youjizz aussi rapidement qu’un campagnol quitte le terrier une fois la buse partie, on clique sur des vidéos avec des grosse putes siliconées et on se masturbe avec une fierté déraisonnable. Et qui plus est en cette période de coupe du monde où nous troquons votre canapé utérin contre le canapé du salon.
Dont acte.

Illustration: Lazy Youg

Il y a quelques mois une surprise nous est arrivée, venue de là où ne l’attendait pas encore. Un groupe de cinq garçons, basé à Abidjan dévoile le titre « Tu es dans Pain » au gimmick tenace. Un titre hip-hop efficace, au visuel tout aussi léché, que vous avez pu redécouvrir lors des dernières soirées du YARD SUMMER CLUB. Après la sortie de leur album « Pétards d’Ados » il était temps d’en savoir plus sur Kiff No Beat, qui a répondu aux questions de YARD.

Pour commencer, quelle est la signification derrière votre nom : Kiff No Beat ?
KIFF NO BEAT est un nom assez transparent. Il signifie “Aime notre musique” ou encore “Prête attention à ce qu’on produit”. Nous souhaitions avoir un nom de groupe qui suscite l’intérêt et en même temps, qui couvre les différents styles musicaux que nous avons.

Vous avez sortie, fin mars, votre deuxième album studio : Pétard d’ado. Sur les 13 titres se croisent des genres assez éclectiques. Quelles sont vos influences à chacun ?
Puisque nous sommes cinq dans le groupe, chacun a sa propre identité et ses propres influences, c’est effectivement cela qui rend notre album éclectique. Eljay est branché pop et r’n’b, Black K est plutôt porté sur la world music et les percussions de manière générale, Didi B. est plus focalisé sur le rap et l’afrobeats, Joochar est moins éloigné du hip-hop et touche au dancehall et ragga. Et enfin, Elown est influencé par tout ça à la fois !

Vous êtes tous un peu polyvalent. Qui fait quoi ?
Dans le groupe, il y a ceux qui rappent (Didi B., Black K et Elown) et ceux qui sont plus sur les mélodies et le chant (Eljay et Joochar). Mais nous n’avons pas vraiment défini qui fait quoi de manière systématique, tout dépend des chansons et de l’inspiration de chacun. Niveau danse et chorégraphie c’est à peu près pareil, même si Eljay et Didi B. sont souvent ceux qui y travaillent le plus.

Dans éclectisme, dans vos différentes personnalités on retrouve un peu de ce qui a fait la recette de la Sexion d’Assaut. Est-ce que vous vous trouvez des points communs avec eux ?
Nous avons été inspirés à nos debuts (2010) par la Sexion d’Assaut et nous respectons leur travail, bien sûr. Mais au fil du temps, nous avons réalisé qu’il n’y avait aucun intérêt à essayer de reproduire ce qu’ils font. Nous avons trouvé notre propre voie et chacun d’entre nous a ses influences personnelles. Nous pensons également qu’à l’heure actuelle, nos productions ont des sonorités très différentes de ce que fait la Sexion.

En plus de la musique, vous maîtrisez aussi la danse. A quoi ressemblent vos shows ?
La chorégraphie est un point essentiel de notre travail. Au niveau de nos performances scéniques, c’est cette particularité qui nous a permis notamment de remporter “FAYA FLOW”, le plus grand concours de rap ivoirien. Selon qu’on se produise dans un club ou lors d’un concert ; on s’applique à être synchronisés, d’avoir des chorégraphies qui mélangent un peu de tout (hip-hop, break, coupé décalé etc.) et à proposer de nouvelles choses qui plairont au public.

On parlait de l’album, mais le titre qui nous est arrivé « Tu es dans Pain » n’y figure pas. Comment vous expliquez son succès ?
Le single « Tu es dans pain » a été conçu dans le but de brancher le public sur la sortie de l’album Pétards d’ados.
Cela faisait partie de notre campagne de promo, au même titre que les petits web-épisodes que nous avons posté sur notre chaîne YouTube. Sans se lancer des fleurs, on était tout à fait conscients du potentiel de ce titre. On doit d’ailleurs une partie de son succès au producteur Shado Cris, qui a conçu le beat. Bien évidémment, on espère que nos prochains singles (qui seront tirés de l’album) auront tout autant voire plus de succès !

Au delà du morceau, on retrouve pas mal de clin d’oeil au hip-hop US dans le clip. Comment a-t-il été réalisé ?
On a travaillé avec l’équipe Blue Magic pour la réalisation. On souhaitait effectivement faire quelque chose qui tranche avec ce à quoi le public ivoirien est déjà habitué. Sur le plan visuel, on a fait quelques recherches et on en a discuté entre nous, pour voir ce qu’on souhaitait mettre en avant. On est satisfait du résultat parce qu’il a plu à notre public, mais il nous a aussi permis de toucher beaucoup plus de personnes qu’on ne l’espérait à l’international.

La Côte d’Ivoire a toujours eu une place importante dans la musique en Afrique et ailleurs. Qu’en est-il du hip-hop ivoirien en Afrique ?
Le hip-hop ivoirien a été dignement représenté par beaucoup de pionniers qui, en quelque sorte, nous ont ouvert les portes. Malheureusement, faute de moyens et d’une médiatisation suffisante, la flamme s’est peu à peu éteinte… C’est justement un des défis que nous nous sommes lancés : reprendre le flambeau du rap en Côte d’Ivoire et faire en sorte que cette musique ait le succès qu’elle mérite dans notre pays.

Quelle comparaison feriez-vous avec le hip-hop des pays africains francophones et anglophones ?
Le hip-hop anglophone est en avance par rapport à son équivalent francophone, et cela se constate partout dans le monde, pas seulement en Afrique. Mais pour répondre plus précisément à la question, nous pensons que c’est encore une affaire de moyens et de médiatisation. Les artistes hip-hop d’Afrique du Sud, du Kenya ou du Nigéria ont aujourd’hui une qualité de production et plusieurs outils ou plateformes qui leur permettent de promouvoir ce qu’ils font. Cela n’est pas forcément le cas du côté de l’Afrique francophone… C’est en ce sens justement que notre groupe KIFF NO BEAT travaille, pour surpasser toutes ces difficultés et réaliser des projets qui ont la dimension de nos collègues anglophones.

Quels sont vos prochains projets ? A l’heure actuelle, nous préparons la sortie du clip « Anita » dans les prochain jours, nos fans nous l’ont beaucoup réclamé. On a également quelques featurings en cours, une mixtape en vue ainsi que une tournée nationale et sous-régionale pour la promotion de l’album.

Enfin, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, quels sont les  cinq titres qu’ils doivent absolument découvrir ?
Il nous est difficile de sélectionner cinq titres parce que les treize qui composent l’album sont nos coups de coeur sur près d’une trentaine de titres que nous avions enregistré pour Pétards d’ados. Tout ce qu’on peut recommander, c’est d’écouter l’album dans son intégralité, ce sera le meilleur moyen pour nous découvrir !

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« Pétards d’ados »

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Après une année 2013 qui la consacre comme l’un des personnages les plus influents dans l’industrie musicale et quelques heures après le lancement de la tournée mondiale « On The Run » qui met son power couple une nouvelle fois sous le feu des projecteurs, ce #TBT revient sur les premiers pas de la carrière de Beyoncé Knowles

Sur ce cliché vous reconnaîtrez au moins deux visages, ceux de Beyoncé Knowles et de Kelly Rowland alors âgée respectivement de 10 et 11 ans. Elles sont entourées des membres de leur tout premier girls band : Girl’s Tyme.

Le groupe se forme en 1990 à Houston, Texas, à la suite d’un casting, ce sont cinq filles qui sont sélectionnées : Tamar Davis, Beyoncé Knowles, LaTavia Roberson et les soeurs Taylor, Nikki et Nina. En 1991,  Kelly Rowland rejoint le groupe. Sous le management d’Andretta Tillman le groupe répète leurs morceaux, un mélange de rap, de pop et de r’n’b portés par des mises en scènes chorégraphiées au millimètre.

Très vite le groupe connaît un succès remarquable dans la ville de Houston où elles se produiront dans plusieurs lieux, comme le Bimbo’s Club (cf. photo). Quand le Houston Chronicle leur dédie un article, leur prédisant un avenir radieux, il est temps pour elles de passer à l’étape supérieure.

Cette année là, elles sont repérées par le producteur r’n’b Arne Frager, qui les fait enregistrer en studio. Dès le départ, il repère Beyoncé et la met déjà en avant. Le groupe enregistre plusieurs titres, toujours dans un esprit rap et r’n’b. Et là se présente leur tout premier défi : passer de la célébrité locale au phénomène national en présentant un de ces titres dans l’émission Star Search.

Si vous avez écoutez l’album éponyme de Beyoncé, vous connaissez la suite, malgré un bon score les jeunes filles sont défaite par les métalleux de Skeleton Crew. À cette défaite s’en ajoute d’autres. Matthew Knowles, le père de Beyoncé, reprend alors le management du groupe, se démenant pour leur obtenir un contrat auprès d’un label. Les soeurs Taylor et Tamar Davis quittent le groupe et en 1993, LaToya Luckett le rejoint.

Le petit groupe qu’était alors Girl’s Tyme n’est plus et d’un travail acharné est né les Destiny’s Child.

 

 

La douzième édition du Quai 54 s’est achevée en apothéose dimanche dernier sur la victoire du « Hood Mix » face à « La Relève ». La fin d’un week-end de festivités, emplit de surprises et d’invités de marque, parmi lesquels Scottie Pippen, Carmelo Anthony, ou French Montana, mais aussi et surtout le dénouement d’une compétition plus relevée que jamais.

Des milliers de personnes se sont rendues au Trocadéro pour assister à cet événement qui ne cesse de remuer chaque année la capitale. Si vous n’avez pas eu la chance d’être de la partie, où si vous souhaitez simplement vous en remémorer les temps forts, YARD vous fait revivre le Quai 54 à travers les clichés de HLenie.

Il y a des évènements qui façonnent une ville et d’autant plus une capitale. C’est le cas du Quai 54 depuis plus de 10 ans et désormais au coeur de Paris.

Ce samedi 21 juin marque le départ de l’édition 2014 et comme chaque année l’évènement fini en apothéose avec notamment la fameuse finale qui opposait cette année « La Relève » à « Hoodmix ».

Retour sur cette seconde journée avec : les quarts de finale, le concours de dunk, la légende des Chicago Bull Scottie Pippen, la star de la NBA Carmelo Anthony, le rappeur Tyga et une grande surprise venue clôturer cette cuvée 2014.

Il y a des évènements qui façonnent une ville et d’autant plus une capitale. C’est le cas du Quai 54 depuis plus de 10 ans et désormais au coeur de Paris.

Ce samedi 21 juin marque le départ de l’édition 2014 et comme chaque année les petits plats sont mis dans les grands à tous les niveaux : basket, invités et entertainment.

Retour sur cette première journée avec : le concours de 3 points, l’élimination de l’équipe américaine, la légende des Chicago Bull Scottie Pippen, la star de la NBA Carmelo Anthony, le rappeur Kaaris puis la surprise YARD Paper.

Dans l’imaginaire collectif, Al Capone est la représentation parfaite du gangster, le premier nom qui vient à l’esprit lorsqu’on pense à un criminel appartenant à l’univers mafieux. Une image que l’homme s’est forgé grâce à un tempérament de feu et un goût immodéré pour la violence, un style impeccable et des activités criminelles qui font de lui un des bandits les plus connus du XXème siècle. Gangster aux multiples facettes, il a construit sa fortune sur la fabrication et la distribution d’alcool pendant la période de prohibition aux États-Unis entre 1920 et 1933. Redoutable stratège, il s’est fait un nom en mettant au point des ruses pour isoler et éliminer ses rivaux lorsqu’ils devenaient trop puissants, n’hésitant pas à les tuer de ses propres mains. Un de ses faits d’armes les plus sanglants restent le Valentine’s Day Massacre, un jour où deux hommes de main d’Al Capone déguisés en policiers tueront sept hommes de son rival George Clarence « Bugs » Moran.

Outre cette vie de criminel, il est aussi décrit comme un homme loyal et attaché au code de l’honneur et à des valeurs familiales. Enfin, Al Capone aura définitivement façonné le stéréotype du gangster grâce à son style classe et élégant : caractérisé par un costard noir, parfois à rayures, et un chapeau de type fedora. Il deviendra longtemps après sa mort une source d’inspiration pour de nombreuses œuvres littéraires ou cinématographiques.

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Gangster redoutable, Capone n’en reste pas moins un grand philanthrope. Héritant d’un sens prononcé de la famille propre aux immigrants italiens des métropoles américaines, il est de ceux qui envoient des fleurs aux funérailles de ses ennemis en guise de politesse. Très sensible à son image et voulant rester proche du peuple, Capone décide de créer une Soup Kitchen à Chicago, 935 South State Street, pour accueillir et nourrir les victimes de la crise de 1929, dont l’issue deviendra The Great Depression outre-Atlantique. Plus ou moins admiré pour certaines de ses activités criminelles – le transport illégal d’alcool est vu comme une activité brave dans un contexte anti-gouvernementaliste – le criminel gagne l’empathie et se voit adoubé par la population de Chicago. Une sorte de Robin Hood des temps modernes.

Lors de l’hiver 1930, le Soup Kitchen d’Al Capone distribue 3 repas par jour (petit déjeuner, déjeuner et dîner) aux nombreux sans-abris et chômeurs de la ville. Devant le local servant de cantine, de longues files d’attentes se mettent en place trois fois par jour, sous l’œil des habitants de la ville et de ses médias. Il faut comprendre que les Soup Kitchen sont rares dans le pays à cette époque et surtout organisés par des églises et de petites associations. C’est donc un événement assez notable de voir une soupe populaire aussi importante autant au niveau des personnes accueillis que des repas servis, dans un pays qui compte alors 12 millions de sans-emplois, soit un quart de la main d’œuvre du pays. Le Soup Kitchen d’Al Capone fera même la couverture du journal local Herald Chicago Tribune, lui offrant une bonne publicité auprès des Chicagoan ainsi que des médias diffusant l’idée d’un gangster bienfaiteur : un mafieux philanthrope soucieux du prolétariat et Robin des Bois en guerre face à un gouvernement impuissant. Si en 1950, trois ans après la mort d’Al Capone, le Soup Kitchen est démoli, il restera l’un des premiers à être crée et contribuera à développer beaucoup d’autres hospices dans tout le pays entre la Great Depression et le début de la seconde Guerre Mondiale. Al Capone quant à lui, écrira un peu plus sa légende, mais autrement que par des frasques carabinées.

Après s’être occupé du développement de Tealer avec son accolyte Alex, Jeff décide de lancer la divsion musicale de la marque de vêtements : Welcome Tealer Records.

Apparaissant aujourd’hui sous le pseudonyme de Van Der Kush, il joue désormais la carte de la production et, en attendant les premiers morceaux originaux, il vous dévoile son remix du titre phare de Joke « Majeur en l’Air », à découvrir ci-dessous.

Certains lives permettent aux spectateurs de toucher du doigt la musique de demain. C’est ce qu’il s’est passé jeudi 12 juin avec lors du concert de G-Eazy à la Maroquinerie. Un moment immortalisé par YARD qui commence ainsi un nouveau rendez-vous qui mélange photographie et performance live.

Photos: Marie Brisse

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En ce jour de lancement de la Coupe du Monde dans le pays du football, revenons sur l’un de ses moments les plus tristement célèbres. La Main de Dieu ou l’objet de la discorde, qui fût l’une des étapes clés de l’accession de l’Argentine au sacre de Champion du Monde au Mexique en 1986.

22 juin 1986, Stade Azteca (Mexique). L’Argentine affronte l’Anglettere en quart de finale de la Coupe du Monde. Tout au long de la première mi-temps aucune équipe ne se démarque, aucun but n’est inscrit. Un départ assez plat qui ne laissait pas présager l’arrivée de deux actions qui s’inscriront dans toutes les mémoires et inscriront le nom de Diego Maradona dans le marbre.

Dès la 6ème minute de la seconde mi-temps, Maradona traverse le terrain, balle au pied, passe le ballon à Jorge Valdano et poursuit sa course vers le but adverse, dans l’attente d’un une-deux. Mais la balle n’atteint pas Valdano et est interceptée par Steve Hodge qui manque sa frappe vers la zone de penalty. Alors que Maradona poursuit sa course, le gardien anglais Peter Shilton sors de ses cages pour rattraper le ballon. A ce moment crucial, les deux joueurs se rencontrent. Dos aux 1,85m de Shilton, Maradona et ses 1,65m ne font pas le poids. L’argentin ne pourra pas atteindre la balle de la tête. Et dans un geste désespéré mais volontaire, il tend le bras. Sa main frappe la balle, lobe le gardien et fini dans les cages. L’instant est immortalisé, fait le tour du monde, mais l’arbitre tunisien, Ali Ben Nasser, ne le voit pas. Les réactions de ses coéquipiers face à un tel but ne sont pas chaleureuses. Mais Maradona, alors capitaine, insiste : « Venez m’embrasser, ou l’arbitre ne le validera pas. »

Plus tard, en conférence de presse, Maradona expliquera son geste en ces termes : « Un poco con la cabeza de Maradona, y un otro poco con la mano de Dios »/ »C’est un peu de la tête de Maradona et un peu de la Main de Dieu. » L’infâme légende était née.

Mais seulement quatre minutes après ce geste, Maradona rachète sa réputation en marquant ce qui sera plus tard qualifié de « but du siècle ». Seul, Maradona traverse le camp adverse laissant derrière lui quatre joueurs anglais. Il finit par dribbler le gardien et envoie le ballon dans les filets.

Une victoire 2-1 contre l’Angleterre qui mènera l’Albiceleste en demi-finale, contre la Belgique. Un match remporté 2-0 avec un nouveau doublé de Maradona. Enfin, en finale, l’Argentine affronte l’Allemagne de l’Ouest. Avec un score de 3-2, l’équipe remporte son second et dernier titre de Championne du Monde.

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A tout juste 28 ans, Rafael Nadal remporte le tournoi de Roland Garros pour la cinquième fois d’affilée (record). Il emporte sous le bras un nouveau Grand Chelem à ajouter à son palmarès, une neuvième réplique de la Coupe des Mousquetaires à ajouter à son tableau de chasse (record bis).

Si on a voulu croire jusqu’au bout à une victoire française de Gaël Monfils, l »issue de Roland Garros a finalement pris des airs de déjà vu. Le n°1 mondial affronte le n°2. Une affiche Nadal/Djokovic qui nous rappelle 2012. Quand le premier a déjà plusieurs fois remporté le tournoi, le second peine à ajouter cet ultime titre manquant à son palmarès.

A la veille de cette finale, tous les doutes sont encore permis. A la faveur de Nadal, un classement mondial qui fait du Serbe son dauphin. A la faveur de Djokovic, une série de cinq matchs remporté face à Nadal, à la veille de cette ultime confrontation.

Si le match débute de manière assez équitable, l’espagnol fini par prendre l’avantage, quand Novak Djokovik souffre d’une baisse de forme qui lui sera fatale. Après cinq sets et 3h30 de jeu, Djokovic voit son rêve lui échapper sur une double-faute. De l’autre côté du filet, Nadal s’effondre dans la douleur, ému comme aux jours de sa première victoire.

Des images qui résonnent encore chaque années pour nous rappeler la valeur du jeu agressif  du numéro 1 mondial. Un alliage puissant de force et de mental qui lui permettent d’égaler aujourd’hui le palmarès de Pete Sampras. Plus que quelques titres avant d’égaler Roger Federer

 

 

YARD s’associe à Def Jam Recordings France pour vous présenter sa playlist 100% hip-hop, via Digster. De « War Ready » de Rick Ross à « Drop It Like Its Hot » de Snoop Dog et Pharrell, de « S.E.V.R.A.N » de Kaaris à « The Language » de Drake, ce sont quelques 50 titres à découvrir dans cette playlist disponible sur Deezer et Spotify.  Rejouez-vous les hits du moment comme les classiques et revivez l’ambiance du YARD SUMMER CLUB !

La playlist sera mise à jour, alors, abonnez-vous !


#YARDSTAFF

Pour Al Pacino comme pour Robert De Niro, le rôle du Parrain a été un véritable tremplin qui les fera entrer dans la légende du cinéma hollywoodien. Pourtant ces acteurs aux profils, aux parcours et aux succès quasi similaires, ne partagent sur le tournage aucune scène. Récit de deux carrières parallèles.

« Le Parrain est potentiellement le plus grand film jamais fait et sans aucun doute, le meilleur casting.«  Dixit Stanley Kubrick.

Chargé par la Paramount d’adapter l’oeuvre de Mario Puzo au cinéma, Francis Ford Coppola fait des choix audacieux pour son casting. D’abord en imposant Marlon Brando en qui plus personne ne croyait ; puis en misant sur deux jeunes acteurs : Robert De Niro et Al Pacino. Ce dernier intègre le casting dès le premier volet, dans le rôle du jeune Michael Corleone, le second le rejoint dans le deuxième partie. Du Parrain II, Al Pacino et Robert De Niro ne garde pourtant que quelques  images en commun. Des clichés behind the scene.

À droite, Robert De Niro prend les traits du jeune Vito Corleone. À gauche, Al Pacino, incarne le fils, Michael Corleone, déjà installé dans son nouveau rôle de Parrain. Dans ce cliché tient toute la ligne conductrice du Parrain II. Deux personnages à la croisée des chemins, deux hommes idéalistes qui s’imposent en leader. Deux membres d’une même famille, évoluant dans la même direction, tenaillés par les contradictions : entre l’idéal et la morale, la paix de leur famille et la guerre menée à leurs ennemis, le rôle de Père et celui de Parrain.

Quant aux deux acteurs, ils partagent aussi cet instant décisif dans leurs carrières, qui débute de la même manière. Les deux italo-américains se croisent une première fois dans les cours de l’Actor Studio. Enfants de la Méthode de Stanislavski, ils sont les dignes héritiers de Marlon Brando. Avec le succès du Parrain II, leur talent est consacré. Un Oscar pour De Niro, un BAFTA pour Pacino. Ils deviennent les deux monstres sacrés du cinéma hollywoodien et les rois du Mob Film (film de gangster).

Chacun de leur côté, ils forgent leurs réputations et écrivent leurs histoires. Robert de Niro s’illustre dans Taxi Driver, un an avant Le Parrain II, puis avec, entre autres, Il Était une Fois en Amérique, Les Incorruptibles et Les Affranchis. Pour Al Pacino, qui brillera aussi loin des contes de gangsters, on retiendra Scarface, Donnie Brasco ou encore L’Impasse.

Leurs chemins ne se croiseront que deux fois à l’écran. En 1996 avec Heat de Michael Mane, ou Pacino, en Lieutenant, court après la bande de braqueurs menée par De Niro. Si les deux acteurs échangent quelques lignes, ils ne partagent jamais l’écran. La confrontation intervient enfin, en 2008 dans La Loi et l’Ordre, où ils interprètent un duo de flics new-yorkais. Un événement pour les fans de ces deux grands esprits qui auront mis plus de trente ans pour enfin se rencontrer à l’écran.

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Pour l’inauguration de la YARD Summer Club au Wanderlust nous avons voulu offrir à tous la sensation rap du moment, Joke, en organisant la release party de son premier album Ateyaba.

L’excitation généralisée autour de cet événement, conjuguée à sa gratuité, ont donné lieu à une file d’attente qui a bloqué la route à l’extérieur et nous a contraint à écourter le showcase de Joke ainsi que la soirée ; cela pour la sécurité de tout le monde.

Ni Joke, ni YARD, ni le Wanderlust ne souhaitions que cela se finisse ainsi mais la situation ne nous a pas laissé d’autres options.

Toutes les rumeurs autour de l’événement sont infondées et fausses : aucune bagarre, aucune ambulance et aucun camion de pompier sur les lieux. Mais nous apprenons aussi de nos erreurs et nous travaillons pour que les prochaines soirées se passent avec plus de sérénité.

Nous vous remercions tous pour votre présence et pour l’exemplarité de votre attitude qui prouve, encore une fois, que notre génération « hip-hop » est loin des stéréotypes médiatiques.

Nous vous tenons informés le plus rapidement possible de la suite et des prochaines soirées.

#YARDSTAFF
Pics by : HLenie

L’héritage de Nike est attachée au sport, et plus particulièrement à la course à pied. Rien de plus surprenant puisque la marque est la création de Bill Bowerman, coach olympique d’athlétisme, et d’un de ses athlètes, Phil Knight. Un héritage dont les premières créations de la marque sont les garants perpétuels. Si la Waffle Racer est une de ces chaussures qui a contribué à lancer Nike et faire apparaître le swoosh sur les pistes, c’est la Cortez qui a véritablement catapulté la marque aux Swoosh vers un avenir radieux. La Cortez, première chaussure de la marque, et aussi la première paire qui deviendra un succès commercial pour les non-initiés au sport de haut niveau. Une démocratisation telle que la paire apparaîtra finalement dans les rues en seulement quelques années.

A sa création, la compagnie Blue Ribbon Sports importe des chaussures de la marque Onitsuka Tiger aux Etats-Unis pour équiper ses coureurs. Toujours avide de progrès, Bill Bowermann imagine un nouveau modèle qui aiderait encore plus les performances de ses athlètes, qui selon lui méritaient mieux et plus. A la fin de années 60, après plusieurs années de travail et d’essais, nait de l’imagination de Bowermann et de Knight la Cortez, qui sera mise en production en 1972. Une chaussure crée pour résister à un usage intensif  à savoir 100 miles de courses par semaines selon son créateur. La Cortez est une running à la shape simple et aux courbes épousant bien le pied dont la principale innovation est l’intégration d’une semelle intermédiaire (mid-sole) qui améliore le confort et augmente la capacité d’absorption des chocs de la chaussure. Une mid-sole que Bowermann a l’idée d’apposer entre la partie supérieure et la semelle de la chaussure pour recréer le confort des tongs. Succès pour la chaussure qui sera révélé au monde lors des jeux olympiques de Mexico en 1972, et crée un impact immédiat sur les athlètes qui non seulement les usent pendant les compétitions mais les gardent également aux pieds après, motivés par le confort et le style qu’offrent les Cortez. C’est le point de départ de l’aventure Nike, nouveau nom de la firme Blue Ribbon Sports, et du fameux Swoosh.

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Initialement programmée pour porter le nom d’Aztec, en l’honneur des JO mexicains, elle prendra le nom de Cortez quand Adidas dévoile un modèle du meme nom avant Nike. A cela, Bowermann répondra par une pirouette pleine d’humour : « Cortez, cet espagnol qui bottera tous ces Aztecs ! ». Largement inspiré, voire même copié, d’un modèle de la marque Onitsuka Tiger, la sortie de la Cortez marquera la fin de la collaboration entre l’américain Bowerman et le japonais Onitsuka, qui de son coté commercialise son modèle sous un nom assez ressemblant, la « Corsair ». Originellement faite de cuir, la Cortez arborera aussi du suede –qui offre de la solidité et de la stabilité aux doigts de pieds-, avant d’être décliné en Nylon, pour gagner en légèreté et offrir une chaussure moins propice à garder l’humidité.

Au fil des années, la Cortez fait l’unanimité aux quatre coins des USA, comme aux quatre coins du monde. La paire de running de la marque au swoosh devient, comme beaucoup de ses prédécesseurs, une chaussure lifestyle. L’exemple le plus marquant est l’aura qu’acquiert la Cortez en Californie, où elle se voit adopter par la communauté chicano et devient une paire affilié aux gangs caractéristiques de la coté ouest. Une appropriation à son paroxysme dans les années 90 quand les différents gangs reconnaissent leurs membres à la couleur de leur virgule. Dans l’imaginaire collectif du fan de hip-hop, les Dopeman – surnom donné aux Cortez  aux US- est représenté à merveille par les rappeurs issus de LA, arborant les Cortez avec des ensemble Dickies, longues chaussettes blanches, bandana sur la tête et roulant en low-rider ou posant à coté de leurs Cadillac à suspensions. Un imaginaire construit et alimenté depuis des années par des artistes comme Eazy-E, 2Pac, Cypress Hill, Westside Connection ou aujourd’hui Kendrick Lamar, pour citer les plus connus.

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L’histoire de la Cortez est aussi un symbole populaire de la réussite américaine et du dépassement de soi depuis son apparition dans le film culte « Forrest Gump », dans une séquence de six minutes où le héros joué par Tom Hanks parcours les USA en courant pendant trois ans et deux mois, après s’être vu offert une paire de Cortez. Enfin, les enfants et ados des années 90 se rappelleront toujours de la Cortez comme de la paire « officielle » du duo de flics Starsky & Hutch. Paire mythique, après plus de 40 ans d’histoire, l’exploit le plus incroyable de la Cortez est d’arriver à toujours à se renouveler par le biais de collaborations, de réeditions ou de réinventions comme a pu l’etre l’intronisation de la Cortez Fly Motion en 2009, mais aussi de participer à la construction des modèles futures et d’avoir inspiré, directement ou indirectement, les innovations qui la suivront. De la Cortez, naitra la Sock Racer, la Huarache, la Air Rift, la Presto, faisant d’elle une paire solidement ancrée dans l’histoire de Nike.

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4 janvier : Première de l’émission « Des Chiffres et des lettres », record de longévité de la TV française
30 janvier : Bloody Sunday en Irlande du Nord
27 juin : Création d’Atari par Nolan Bushnell
5 octobre : Création du FN
17 octobre : Naissance d’Eminem et Wyclef Jean

Dans de nombreux domaines culturels propices à la création, comme l’art, la musique ou la télévision, il est coutume de convenir de ce que l’on appelle « l’âge d’or ». Une expression usée pour décrire une période riche en innovations aussi bien techniques qu’esthétiques, qui posera de nouvelles fondations dans le domaine en question et inspirera les futures réalisations. On peut considérer qu’en 1971, la chaussure de sport, ou plus précisément la marque Adidas, se trouve dans cette fameuse période. Une période ou chaque réalisation est une preuve d’imagination, ou chaque création est singulière et distincte des autres de la marque, en dépit de leur succès commercial immédiat ou à retardement. Preuves en sont les multiples essais transformés par la marque au trefoil auparavant : la Stan Smith en 1964, la Gazelle en 1968, la Superstar en 69, la Campus ou encore la Rod Laver en 70. Que de succès pour des paires faites à l’origine pour la pratique du sport mais qui deviendront des icones culturelles et s’identifieront à des disciplines comme la danse, la mode ou le skate. Si on ne lui reconnaît aujourd’hui peut-être pas autant d’histoire urbaine que certaines des chaussures précédemment citées, l’histoire de la Adidas Americana diffère pourtant peu de celles de ses grandes sœurs.

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La Americana c’est avant tout un nom. Un nom inspiré par la ligue de basket American Basketball Association, pour laquelle la chaussure a été crée. L’ABA est en 1971 une des ligues professionnelles de basketball aux États-Unis qui se compose de 11 franchises originales (Houston Mavericks, Dallas Chapparals, Anaheim Amigos, Indiana Pacers, Kansas City, Minnesota Muskies, New Orleans Buccaneers, New York Americans, Oakland Americans, Pittsburgh Pipers) jusqu’en 1976, année de son absorption par la National Basketball Association, plus connue sous l’appellation NBA. Adidas conçoit donc la Americana pour équiper les joueurs de cette ligue et reprennent les couleurs de l’ABA –bleu et rouge, aussi couleurs du drapeau américain- pour recouvrir les bandes de la chaussure. Des couleurs vives qui ajoutent de la fantaisie et de la vie à cette chaussure montante qui arbore du cuir sur sa languette et au niveau de la cheville, du nylon sur sa tige et du suede sur sa toebox. Des matériaux qui accentuent la souplesse et la légèreté de la chaussure, caractéristiques qui sied parfaitement les besoins des joueurs de basket de l’époque, en  plus de la capacité de ventilation que procure le mesh ainsi que son prix de production moindre. Plutôt apprécié par les joueurs, l’Americana vivra un de ses moments de gloire sportif dans le pieds de l’intérieur des Detroit Pistons Bob Lanier, MVP du All-Star Game en 1974, avec une ligne de 24 points et 10 rebonds en 26 minutes, sur un terrain rempli de futurs « Hall-of-Famers ».

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Si la carrière de l’Americana en ABA est fatalement relativement brève, elle quitte les parquets pour mieux s’installer dans la rue et se voir adopter par de nombreux jeunes. Appréciée pour son confort autant que pour son esthétique et ses couleurs flashy, elle peut aussi bien aller avec un pantalon qu’une jupe, un legging ou un short. Un caractère caméléon qui fera de l ‘Americana une paire portée autant par des « fashions victims » fans de hard-rock, comme de hip-hop dans les années 80. Parmi les autres « early adopters » de ce modèle, les B-boys et les skateurs ; ces derniers qui pousseront Adidas à créer plus tard une version « skateboarding » de l’Americana. Qu’elle plaise ou pas, l’Americana peut se targuer d’être une chaussure pionnière et inspiratrice d’une longue lignée de sneakers légendaires du catalogue Adidas. En effet on retrouve dans la Centennial (1985), la Top Ten (1979), la Forum (1984), la Rebound (1980), la Metro Attitude (1986), la Decade (1985) ou encore la Superskate (1989) les vestiges visuels de l’Americana. Après avoir vu sa production arrêtée en 1979, l’Americana s’est vu rééditée plusieurs fois, créant à chaque fois une sensation et un événement spécial, comme en  2008 lorsqu’une version »France » de la chaussure est réalisée en 100 exemplaires, ou encore l’an dernier quand Adidas Originals met au point une expérience mobile avec l’Americana Foot Truck, un camion dans inspiré des « food trucks » et habillé par l’artiste Tyrsa, qui relia plusieurs coins branchés de la capitale pour faire (re)découvrir l’Americana aux sneakers addicts. Une Americana qui est et restera, l’un des plus grands classiques jamais créés par la marque aux trois bandes.

5 dates en 1971
5 Janvier : Création du réseau radiophonique France Inter Paris
7 Janvier : Création du premier ministère de l’environnement
6 juillet : Décès du trompettiste Louis Armstrong
15 Septembre : Première action de l’association Greenpeace, en Alaska.
14 Novembre : Mariner 9, le premier satellite autour de Mars

by : @rickrence

Red Bull a envoyé une bonne partie de sa team BMX street à Séoul en Corée du Sud pour tourner une vidéo et faire des photos. Une team qui se compose de Brian Kachinsky (USA), Corey Martinez (USA), Bruno Hoffmann (Allemagne), Anthony Perrin (France), le filmeur Rich Forne (UK), le photographe Georges Marshall (UK) et moi-même.
J’étais déjà parti en Corée pour faire des contests mais je n’avais pas trop aimé : les gens sont plutôt fermés à la culture occidentale (refus total de parler Anglais), la bouffe y est dégueulasse et je n’avais pas trouvé le pays forcément super intéressant culturellement.
Mon avis a bien changé pendant ce trip notamment avec la visite de Séoul en vélo. La ville est en pleine expansion et il y’a des spots partout pour rider. La vie nocturne est incroyable (c’est la fête de ouf tous les soirs à Hongdae et Itaewon), et les filles sont jolies.
Du coup c’était vraiment une semaine mortelle : à faire du vélo avec les copains et à découvror une culture incroyable/weird, à bouffer des plats trop épicés et rider avec les locaux.

Voila quelques photos du trip :

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Arrivée à Séoul

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Montée des vélos sur le rooftop de l’hôtel

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BBQ Coréen à Hongdae

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Arc-en-ciel de parapluies

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Antho Perrin en full loop ?

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Street food à Itaewon

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Les Coréens se déplacent beaucoup en scooter, et ils ont tous des machines de folies…

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 Départ de bon matin à la recherche de spot dans Séoul

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Vue de Séoul depuis la rive Ouest de la Han river

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Pour ne rien vous cacher, la bouffe en Corée est vraiment dégueulasse, souvent trop épicée. Ce restaurant était une exception à la règle.

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La consommation de Marijuana est vraiment prohibée en Corée du Sud, genre si tu te fais choper avec un peu de weed tu pars en taule direct pour un bon paquet d’années. Pourtant tous les gens là-bas vouent un culte à cette plante, et ils essayent par tous les moyens de détourner le système. Ici une bière au goût de weed, vraiment pas bon…

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Corey Martinez en maître nageur sauveteur inutile

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Toujours Corey en Table au skatepark de Séoul

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Ce local tenait vraiment à essayer de rider mon vélo… mais il tenait vraiment aussi a garder ses rollers. Je n’ai pas pris de photo de la chute malheureusement.

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Brian Kachinsky ne s’est pas loupé, la main écorchée sur son essai de gap to double peg…

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Big Brother is watching you

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Brian et Georges en train de prendre une photo de l’adresse de l’hôtel avant de partir en soirée. Personne ne parle anglais en Corée, c’est le meilleur moyen de rentrer chez soi en temps et en heure. Tu montres la photo au taxi et tout le monde est content.

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Après le boulot, les business men se retrouvent tous pour l’after work qui se transforme vite en dorage sur le pavé. Pauvres loulous…

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Oui oui, vous avez bien compris, tu peux payer un mec dans la rue pour lui taper dessus. Niveau 1 : Tu lui tapes dessus et il a rien le droit de faire. Niveau 2 : Il a le droit d’utiliser sa main gauche. Niveau 3 : Il a le droit d’utiliser ses deux mains. Bravo les gars !

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Nouveau tatouage à Séoul. Rich s’était ouvert le doigt salement (8 points de suture) en faisant le con avec Bruno Hoffman, d’où le doigt coupé entre les baguettes

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Séoul est une ville en plein boom, on retrouve parfois des coins un peu pourraves au milieu du CBD

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Petit selfie sur le pont de la rivière Han avec le bon Bruno Hoffman

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Une photo parle plus que 1000 mots. Brian a essayé de faire un gros gap to wall (littéralement sauter et atterrir sur un mur) sauf que le mur n’a pas tenu. Résultat une grosse frayeur et un bel hématome au genou pour le pote américain.

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Petite faute d’orthographe là non ? Hahaha

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Un chien et sa maîtresse assorsi à coté du stade de la coupe du monde

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Les mauvais tattoos du Georges Marshall, photographe du trip. Le vélo a été fait par the only Matt Hoffman.

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Je me suis fait le talon le dernier jour du trip. L’hématome a bougé sous le pied avec le trajet en avion. Good times !

 

 

Dans le patrimoine sportif français, le tennis occupe une place de choix. D’une part par ses origines, le tennis étant une discipline descendante du jeu de paume, jeu ancestrale français qui inspirera les jeux de raquettes quelques siècles plus tard ; et d’autre part pour ses joueurs talentueux qui ont fait l’histoire de ce sport et qui ont été les premiers athlètes a dévoiler au monde cette idée de la grâce, d’élégance, d’une touche française incarnée par Suzanne Lenglen ou encore par les Mousquetaires René Lacoste, Henri Cochet, Jacques Brugnon et Jean Borotra qui aident à la promotion de ce sport,  deuxième sport national aujourd’hui en France. Ces légendes aideront à créer le Stade Roland Garros qui deviendra la terre d’accueil des internationaux de France, tournoi du Grand Chelem sur terre battue et vitrine mondiale du tennis français et en filigrane, le rêve de tous les tennismen tricolores.

Un rêve qu’aura pu réaliser Yannick Noah, vainqueur du fameux Graal il y’a de cela 31 ans. Le joueur français, fils d’un footballeur camerounais et d’une enseignante ardennaise, connaît le pic de sa carrière à 23 ans lorsqu’il vient à bout de son adversaire de son adversaire Mats Wilander le 5 juin 1983 en finale du tournoi. Un dénouement heureux pour celui qui devient alors le nouvel héros d’une nation et d’un tennis français qui gagne à nouveau, après des décennies de vache maigre. Impossible de ne pas avoir vu au moins une fois les images de joie du sportif lorsque sur sa deuxième balle de match, Wilander renvoi le service de Noah au delà des limites du court. Une joie caractéristique de Noah, et un souvenir fort qui survient quelques secondes après, et qui reste plus de trente ans après, le plus gros souvenir de cette aventure pour son protagoniste. « Ce qui reste et ce qui restera toujours, c’est l’étreinte avec mon père. C’est ce moment partagé avec lui. C’est rare de pleurer de joie dans les bras de son père, et c’est un moment gravé à jamais dans mon cœur. Ce fut une belle histoire avant, pendant et après ce tournoi mais si je ne dois retenir qu’un instant, ce serait celui la. »

Cette finale est presque inattendue pour le tennisman, qui ne pense à aucun moment à la victoire finale au début du tournoi. Prenant  simplement chaque match l’un après l’autre, ce n’est qu’après sa victoire en quart face à Ivan Lendl que Noah se met dans la peau d’un potentiel vainqueur. Pour la finale, Yannick Noah enfile sa tenue favorite, blanche et jaune, celles des « gros matchs » et en entrant sur le court, fera un signe de croix, pour la première et seule fois de sa carrière. Des signes de détermination, que le sportif confirmera en traversant la finale avec rage en expédiant la finale en trois sets (6-2, 7-5, 7-6) et en 2h09. Après cette finale, Yannick Noah remportera de nombreux titres ATP mais plus aucun Grand Chelem. Qu’a cela ne tienne, il reste assurément encore aujourd’hui l’un des meilleurs tennisman français de l’histoire du tennis, et le seul français de l’ère Open à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem.

By : @rickrence

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L’histoire d’Adidas est marquée par des chaussures classiques, des modèles de légende que l’on porte depuis plus de 50 ans. Déjà « coupable » de la création de la Stan Smith, la Superstar, la Gazelle ou encore de  la Rod Laver, 1970 sera l’année de création de la Campus. Originellement appelé The Tournament, surement pour souligner son usage de compétition, la Campus est destiné aux joueurs de basket-ball. Inspiré de la Superstar crée l’année précédente, elle est imaginé pour contrer et concurrencer le succès de la Puma Suede en NBA. Au niveau de sa forme, la Campus est quasi identique à la Superstar… mais en Suede et aux autres tennis crées par la marque à la même époque. Trefoil au niveau du talon, trois bandes sur les cotés et points de perforation –déjà vues sur la Stan Smith- tous les signes reconnaissables de l’époque y sont. La seule différence majeure étant la souplesse de sa partie supérieure et sa semelle plus renforcée.

 

La légende de la Campus se construit lorsqu’elle est embrassée par la communauté hip hop. Paire lifestyle au style simple mais toujours efficace, elle pullule dans les rues et aux pieds de différents artistes. La consécration de l’imagerie visuelle de la Campus arrive quand le groupe Beastie Boys se l’approprie et s’affiche avec en permanence. Une exposition de la chaussure qui atteint son paroxysme lors de la sortie de l’album Check Your Head en 1992 ou un des membres pose Campus aux pieds. L’influence du groupe à l’époque sur la jeunesse aidera la chaussure à se faire une place dans la rue, qui est déjà un marché concurrentiel. Par la suite d’autres figures porteront la Campus hors du hip hop, qui passera tour a tour dans le rock, le mouvement hippie ou même la pop. On se rappelle notamment de Jamiroquai, sa pavanant en Campus et Gazelle dans ses clips et représentations, ou encore des frères Hanson.

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Comme beaucoup de paires iconiques de l’époque, au delà de son background basketball, c’est sa récupération par la culture populaire et la culture de la rue qui fera sa légende quelques décennies plus tard. En effet, dans les années 80, la Campus est adopté par la jeune communauté de skateurs, pour son confort, sa souplesse,  et sa solidité. Dans une activité propice aux chocs et à l’usure rapide, les skateurs trouvent en la Campus une chaussure qui dure, et qui permet un excellent contact avec la planche, primordiale pour la pratique de tricks. Une association qui poussera Adidas à l’améliorer et créer un modèle « Skateboarding »  nommée Campus Vulc, qui a la particularité d’arborer une semelle moins massive et un rembourrage au niveau de la cheville. Issu d’une famille de modèles rassemblant la Samba, la Beckenbauer, la Gazelle ou sa grande soeur directe, la Campus a réussi a se faire un nom et a sortir de son usage d’origine pour se créer une identité et une histoire propre a elle même, ce qui reste un exploit pour une paire censé être une simple « version de ». 

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5 dates en 1970

13 avril Retour sur Terre des trois astronautes d’Apollo 13

21 juin Le Brésil devient champion du monde pour la troisième fois

18 septembre Mort de Jimi Hendrix

9 novembre Mort de Charles de Gaulle

12 novembre Eugène Ionesco est élu à l’Académie française

 

 

On ne le sait que trop bien, les meilleures photos sont souvent celles qui capturent un instant, une action spontanée. Parfois, le contexte autour rend le cliché encore plus spécial : pour le photographe, celui soumis à son objectif, et aussi pour tous les spectateurs de demain. Notre photo est singulière à différents niveaux : son contexte et ses conditions de prise, son impact sur le photographe puis le sens qu’elle revêt par rapport au protagoniste, Jacques Mesrine.

Après des années de cavale entrecoupées d’aller-retours en prison,  Jacques René Mesrine se voit condamné d’une peine de 20 ans d’incarcération le 19 mai 1977 pour attaques à main armée, recel et port d’arme par la cour d’assises de Paris. Il ne purgera même pas une année de sa peine puisqu’il réussit à s’échapper de la prison haute sécurité de la Santé le 8 mai de l’année suivante. Accompagné de François Besse, ils deviennent les premiers à réussir une évasion du pénitencier située dans le quartier de Montparnasse. Les deux complices ne perdent pas de temps et reprennent les « bonnes habitudes » en braquant le casino de Deauville, deux semaines après leur fuite. Si le braquage tourne mal, les deux complices parviennent tout de même à s’enfuir, et sous la pression du dispositif policier mis en place pour les rechercher dans la région, ils reviennent à Paris.

Jacques Mesrine est un homme aux multiples facettes,  comme peut l’indiquer son surnom « l’homme aux milles visages ». Une appellation en rapport avec son goût pour les déguisements en tout genre, l’aidant à échapper à la méfiance des forces de l’ordre. Toute sa vie, il aura été l’objet de rumeurs et des suppositions les plus folles : sur ses origines sociales, son parcours, son appartenance politique, ses véritables motivations ou même sur sa personnalité.
Personnage charismatique et grandiloquent, l’un des souhaits les plus chers du criminel est de marquer l’histoire en y laissant une marque indélébile. Un besoin de reconnaissance qui le pousse à régulièrement contacter des journalistes, organiser des entrevues et même à écrire deux livres sur son histoire. C’est également dans cette optique qu’il contacte Gilles Millet, journaliste à Libération, spécialiste des sujets sur la prison.

Militant contre l’existence des prisons de haute sécurité depuis son passage à la Santé, Jacques Mesrine admire le travail de Gilles Millet, seul journaliste à l’époque qui dénonce les conditions de vie de ces établissements. A l’issue de leur rencontre, le feeling passe parfaitement, les deux hommes décident de transposer l’article de départ en un livre sur la vie de Mesrine. Pour crédibiliser le livre, Millet propose à « l’ennemi public numéro un » de réaliser une séance photo avec un de ses amis photographe, Alain Bizos.

Après leur rencontre et de multiples rendez-vous, une complicité naît entre Alain Bizos et Jacques Mesrine. C’est de cette complicité que découlera une série de photos qu’ils réaliseront ensemble un soir de juin 79. Ce soir là, le bandit révolté fait ressortir son côté showman mégalo ; une facette qui transpire sur les 36 poses de la pellicule du photographe, qui réalise par la même occasion des clichés qui deviendront légendes. Au fur et à mesure de la séance, Mesrine se prend au jeu de l’objectif, se plaît à poser et propose multiples mises en scène. Tour à tour, il joue de ses mains pour dévoiler son visage, puis pose avec son revolver en faisant mine de shooter l’objectif, ou encore en il signe un bras d’honneur avec un air narguant.

Le moment le plus inattendu de cette séance, qui touche bientôt à sa fin, arrive sans aucun doute quand un Mesrine introspectif, taquin et peut-être aussi visionnaire demande au photographe : « Tiens, tu veux voir comment je serai quand on me guillotinera ? ». De là, le bandit se retrouve la tête dans un carton qui contient des bouteilles de champagne et mime un mort. Sur sa première prise,  l’homme est hilare ce qui rend la photo humoristique mais moins impactante. Ensuite, Mesrine se met à révulser ses yeux, comme pour rendre encore plus réaliste sa composition. C’est le moment que choisit Alain Bizot pour déclencher. C’est la photo parfaite… et la dernière de son unique pellicule.

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Si l’on devait représenter vulgairement la street culture, la sneaker culture ou le breakdance par une seule icône ce serait instinctivement la Superstar. Un choix légitimé par sa silhouette singulière et son histoire unique.
La Superstar, c’est avant tout une paire reconnaissable et facilement identifiable : sa forme ronde, ses trois bandes sur les côtés, sa languette prédominante, la présence du Trefoil au niveau du talon et surtout sa « Shelltoe », nom donné à la partie avant de la chaussure (la toebox) pour sa ressemblance avec un coquillage (shell en anglais) ; c’est cet ensemble qui constitue la force du modèle.

Lancée en 1969, cette chaussure est crée à partir de la Pro-Model pour en faire une version basse, destinée aux joueurs de basket-ball. Elle connaît dès son arrivée un grand succès car elle chausse des vedettes comme Kareem Abdul Jabaar ou « Pistol » Pete Maravich et devient la première chaussure basse en cuir à fouler les parquets de la NBA. « Fouler »  est un euphémisme, car la Superstar s’établit partout dans la ligue au point d’être portée par 3/4 des joueurs au milieu des années 70.
Puis, il est impossible de parler de la Superstar sans évoquer Run-D.M.C. Le trio du Queens formé en 1983 a fait entrer la paire au panthéon des sneakers avec leur image basée sur un style et une esthétique travaillée dans une époque où le hip-hop véhicule encore les codes vestimentaires du disco. La Superstar est alors la pièce maîtresse du « street style » qu’amène les membres du groupe, elle est portée la plupart du temps sans lacets et souvent accompagnée d’un survêtement Adidas et d’un Kangol ou d’un Fedora sur la tête.

L’histoire de la Superstar prend son envol un soir de 86 lors d’un concert au Madison Square Garden où un représentant de la marque Adidas est témoin d’une scène folle : le public entier brandit chacun une paire d’Adidas à la demande du groupe avant d’entonner l’hymne glorifiant la marque, « My Adidas ». Ensuite, le groupe signe un contrat avec la marque allemande à hauteur d’un million de dollars en promotion et pour créer une collection capsule Run-D.M.C. Ce contrat fait d’eux les premiers non-athlètes à signer un contrat avec une marque sportswear, ouvrant la voie à d’autres artistes et montrant le potentiel marketing du hip-hop. Le succès de la Superstar grandit à mesure que l’exposition du groupe augmente, Run-D.M.C étant le premier groupe de rap à être diffusé sur MTV, à apparaître en couverture du magazine Rolling Stones, ou a collaborer avec un groupe de rock (Aerosmith sur « Walk This Way »). Le trio a mis le style au cœur de son image, lance une mode et voit « leur Adidas » adoptée par tout le pays. Ils aident ainsi un peu plus à l’intégration de la marque Adidas aux USA dans les années 80.

45 ans après sa création et près de 30 ans après le concert au Madison Square Garden, la légende de la Superstar est toujours intacte et voit se multiplier les sorties hommages, comme pour rappeler – si besoin en est – son histoire et son lien avec le hip-hop. 25ème anniversaire de Def Jam, 25ème anniversaire du titre « My Adidas », hommage à Jam Master Jay, la Superstar est ressortie pour la dernière fois en septembre dernier, arborant les mentions « Run DMC » et « 1986 ». Une autre réédition mémorable a été celle du 35ème anniversaire de la paire qui l’a vue être déclinée en 35 versions différentes, toutes ayant des caractéristiques bien distinctes. Le 35ème est un modèle unique en or et reste à ce jour la basket la plus chère au monde.

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En outre, la Superstar est devenue un objet privilégié de la customisation, un terrain de jeu attirant pour de nombreux artistes allant de l’accessoire au graff en passant par la collaboration ( BAPE, UNDFTD, ATMOS, PORTER, CLOT, NBA, X LARGE, MOTOWN,FRESH IMP, DEF JAM…). Tout au long de son histoire, la Superstar aura véhiculé l’image du cool et du « stylé », son adoption par les crews de b-boys dans les années 80-90  et par les danseurs hip-hop en général ( Popping, Locking, New Style…) en sont la preuve. Des groupes comme Korn et Limp Bizkit amèneront la Superstar dans l’univers rock, et comme beaucoup de paires iconiques elle inspirera son lot d’inspirations. C’est le cas de la Superstar Skate, ou la Campus, version suede de la Superstar qui est crée pour concurrencer la Clyde de Puma.

Aujourd’hui, on peut retrouver la « Shelltoe » autant dans les pieds de pionniers tels que Jay Z, Nas ou Missy Elliott ou de façon virtuelle chaussée par Scott Pilgrim qui révèle son cachet de « must have ». Cette shoe contribuera à créer en 2001 la division Adidas Originals, collection qui réinterprète de façon moderne les pièces historiques de la marque.

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5 dates en 1969

5 mars : Naissance de MC Solaar
16 juin : Georges Pompidou est élu président de la république
21 juillet : Neil Armstrong est le premier homme a marcher sur la lune
15 aout : Ouverture du festival hippie Woodstock
19 novembre : Pelé marque le 1000 ème de sa carrière but face au Vasco de Gama, au Maracana.

 

Voici la liste des joueurs convoqués par Nike  pour constituer le Nike F.C. Paris Crew. Les deux points communs essentiels pour unir toute cette équipe sont la passion pour le football et un amour débordant pour Paris. Ils viennent tous de milieux différents mais leur énergie représente la force de la capitale.

Après avoir shooté tout ce beau monde sous l’objectif de Fifou, le crew s’est dirigé vers le Stade de France pour vivre le premier titre du PSG. Un moment fort en émotion, nécessaire pour solidifier les liens d’un groupe destiné à faire de belles choses ensemble. Ils animeront ensemble la Nike FC Radio du 7 au 10 mai au Carreau du Temple baptisé Nike Phenomenal House pour l’occasion.

Pics by Lenie | Flickr

AF1 x Pigalle est sans conteste l’une des collaboration les plus attendues de l’année. Au-delà des produits, c’est une expérience globale que les deux entités ont proposés. L’exposition The Time Out, qui a eu lieu à Paris le week-end dernière, était à la croisée des deux mondes, rassemblant basket-ball, mode et art. Pour être au coeur de cette expérience, Stéphane Ashpool (fondateur de Pigalle) nous parle de cette collaboration.

Il y a des rencontres naturelles, des rencontres inévitables, celles qui se font obligatoirement pour diverses raisons. Et il y a des rencontres inattendues, celles qu’on n’aurait jamais imaginé se réaliser, avant qu’elles ne se produisent réellement. C’est le cas de la rencontre entre Bruce Lee et Kareem Abdul-Jabbar, deux géants dans leurs disciplines respectives : les arts martiaux et le basket-ball. Une rencontre a priori incongrue immortalisée par le film Game Of Death et la scène de combat entre les deux hommes devenue culte depuis la sortie du film en 1978.

La réunion de ces deux protagonistes ne se fait néanmoins pas au sein des plateaux de tournages mais antérieurement lorsque Kareem, de retour à Los Angeles pour continuer son cursus scolaire, demande à Bruce Lee de lui enseigner son art martial. Un art martial dont il n’est pas totalement étranger puisque le basketteur a étudié l’aïkido lors de son passage à New York. De cet aïkido japonais, il est donc contraint de repartir de zéro pour apprendre les préceptes de Lee, inspirés du kung-fu et de la boxe chinoise. Une situation effrayante dans un premier temps pour le basketteur, vite rassuré par son futur maître : « Je l’ai appelé et il m’a invité chez lui. On a parlé et on s’est rapidement lié d’amitié. Il a aimé le fait que je passe sa porte en étant déjà un athlète entraîné, ce n’est pas comme si je devais regagner une forme athlétique. Et moi j’ai été immédiatement convaincu par sa logique et son style. Depuis ce jour on a été amis.».

Aidés par le nombre d’entraînements effectués ensemble, les deux amis développent une complicité qui leur permettra de maîtriser les séquences chorégraphiées lors du tournage du film. « Je connaissais ses mouvements et lui les miens. Concrètement, la seule chose que nous avions à faire était d’essayer d’être fidèle à ce que le script nous demandait » assure Kareem. Hormis le caractère incongru d’un combat entre un basketteur et un maître des arts martiaux, l’autre détail étonnant de cette rencontre est la différence de taille entre les deux hommes. Bruce Lee peine à atteindre les 1,70 mètres (1,68m) au côté d’un Kareem Abdul-Jabbar qui fait figure de géant face à lui avec ses 2, 18 mètres. Une différence assez frappante dans le film qui donne au combat une saveur particulière et participe à lui conférer, au même titre que la tenue jaune Kill Bill portée par Bruce Lee, un statut légendaire.

Pendant le tournage, Bruce Lee est sollicité pour un rôle dans Enter The Dragon, premier film de kung-fu à être produit à Hollywood et au budget de 850 000 dollars, colossal pour l’époque. Il quitte alors le tournage pour  jouer ce qui sera le dernier rôle de sa vie, avant de succomber d’un œdème cérébral plus tard la même année. Game Of Death sort en 1978, cinq ans après sa mort, devient un des films de kung-fu les plus cultes et participe grandement à faire la légende de Bruce Lee aux USA et dans le monde. Une légende à laquelle Kareem Abdul-Jabaar aura participé malgré lui, bien qu’il ait une autre idée de ce qu’aurait du être le destin du Hongkongais : « J’attendais de lui qu’il vive longtemps et qu’il joue dans de nombreux films. Jouer était sa vie, et tout était fait pour qu’il fasse de très grands films. S’il était vivant aujourd’hui, il se consacrerait au cinéma, à enseigner aux gens son art et jouerais avec ses petits-enfants, je suis sûr de ça. ». Certainement la meilleure image que l’on puisse garder du maître Lee.

by : @RickRence

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Le nouveau classique, nom de baptême arrogant qui sonne comme l’intronisation autoproclamée d’un album au panthéon du rap. Une logique qui suggère que le  premier opus d’Iggy Azalea côtoiera Reasonable Doubt, Illmatic ou encore Straight Outta Compton parmi les œuvres qui ont marqué le hip-hop et la musique plus largement. Une arrogance qui semble caractériser la rappeuse dès ses premiers pas. C’est par cette facette qu’elle est apparue avec doigté pour taper à la porte du monde par le clip « Pussy » explorant les limites de la provocation avec une véritable attitude.
Arrivées au même moment que Kreayshawn, elles ont installé toutes les deux cette nouvelle figure dans le rap féminin : la white trash. Dans ce type de phénomène, il est difficile de distinguer l’éphémère de ce qui passera l’épreuve du temps. Iggy Azalea semble maintenant avoir bravé les vices du buzz pour présenter sa démarche artistique. Un parti pris qui s’installe dans un genre dont elle ne maîtrise ni les tenants ni les aboutissants et où il est encore difficile de savoir ce qui va rester de la rappeuse dans le futur.

Chatte de gouttière du hip-hop

Même s’il tend progressivement à casser les carcans de virilité qui ont posé ses bases, le hip-hop peine encore à trouver l’équilibre paritaire d’un genre qui reste encore écrasé par la masculinité. Les Salt N Peppa avaient pourtant rapidement posée la pierre fondatrice du rap féminin dès la fin des années 1980 mais depuis ces figures importantes se comptent sur les doigts d’une main. Au tournant des années 2000, Foxy Brown mais surtout Lil Kim poussent la vulgarité à un niveau jamais atteint et deviennent les deux véritables mères contemporaines des « female rappers ». Un sillon amplifié par Missy Eliott pendant plus de 10 ans qui a popularisé, démocratisé et étendu le genre. Missy a rayonné à l’international comme aucune autre avant elle. Bien sûr, il y en a eu d’autres des rappeuses mais dans d’autres styles, celles citées précédemment ont permis de faire exister un autre rapport à la féminité mais surtout d’élever la conscience sexuelle des femmes dans un milieu artistique écrasé par le machisme.

Mais au-delà des circonstances culturelles et sociologiques actuelles, elles s’intègrent dans un contexte de réhabilitation du corps de la femme noire longtemps perçue comme une curiosité sexuelle au temps de l’esclavage et du mouvement des droits civiques. Symbolisé au XIXème siècle  par le traitement réservé en France et en Angleterre à la Vénus hottentote perçue comme une véritable bête de foire notamment à cause de la taille de son postérieur. Un postérieur qui devient le canon de beauté des années 2010 symbolisé notamment par Nicki Minaj qui se caractérise entre autre par l’opulence d’un fessier crée de toute pièce par la rappeuse. La boucle est bouclée.

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Une particularité incarnée aussi par Iggy Azalea qui fera parler d’elle dans un environnement où le « fat ass » est roi comme le rappe Big Sean dans « Dance (Ass) » : « You deserve a crown bitch ». Alors Iggy joue de cet atout en l’affichant sous toutes ses coutures dans ses différents clips ce qui attire inévitablement la lumière sur elle. Mais peut-elle récupérer les codes d’un des combats majeurs afro-américains simplement pour le divertissement musical ?

Les bases de la polémique sont jetées et à celles-ci s’ajoute l’usage par l’australienne de l’accent pratiqué dans certains ghettos américains dans son rap, ce que Complex appelle le « speaking black » lors de son entretien avec l’artiste. Les reproches fusent, Iggy Azalea n’a aucune légitimité pour se représenter comme une rappeuse afro-américaine d’Harlem. Une accusation à laquelle la rappeuse répond sereinement : « Si t’es énervé à ce propos et que t’es Noir, commence une carrière de rappeur et fais en un succès. Ou peut-être que tu es Noir et que tu veux commencer à chanter comme un chanteur de country dans ce cas deviens un Blanc ».

Peu importe, c’est cette ambivalence qui soulève la controverse ainsi que la maladresse de l’artiste. « Tire marks, tire marks, finish line with the fire marks / When the relay starts I’m a runaway slave-master », c’est en détournant la punchline d’origine de Kendrick Lamar en faisant du « runaway slave » un « runaway slave-master » sur « D.R.U.G.S. » qu’Iggy crée frontalement la polémique. Son éternelle rivale, Azealia Banks saute sur l’occasion et dès qu’Iggy Azalea est confirmée dans la liste XXL Freshmen 2012, elle l’attaque sur Twitter : « Comment pouvez-vous soutenir une femme blanche qui s’appelle elle-même maître des esclaves en fuite ? » puis enchaîne par « Je ne suis pas contre les filles blanches mais je ne suis pas ici pour que quelqu’un d’extérieur à ma culture essaie de banaliser des aspects très sérieux de celle-ci » et conclut par un cinglant « Désolé les gars mais je suis une pro-black ». Azealia Banks représente une partie des contestations qui entourent la rappeuse, l’idée conductrice : Iggy est une blanche dans un univers crée, construit et démocratisé par des Afro-Américains.
Elle ajoute à ce constat une bonne dose de provocation qui a fait d’elle un buzz avant d’être une artiste. Maintenant mère de plusieurs mixtapes et d’un album, au service de quel message la rappeuse met-elle à profit son personnage ?

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Un minou parmi les maine coons

Loin des problématiques communautaires, le combat d’Iggy Azalea est d’abord universaliste et coïncide en tout point à la philosophie d’illustres artistes comme Lorie : « On a le droit d’échouer, pas de ne pas essayer / Et pas d’horizon trop grand à qui veut vraiment ». Sauf que la rappeuse apparaît plus crédible que l’ancienne concurrente de Danse avec les stars, elle doit cette authenticité à un histoire singulière qu’elle revendique fièrement, c’est sa street credibility. Elle la rappe dans ce premier album notamment dans « Work » lorsqu’à 16 ans elle décide de quitter sa province de Mullumbimby en Australie et débarque à Miami pour mener sa carrière artistique aux États-Unis. Son mantra : « Sixteen in the middle of Miami ».

Mais si sa musique a pour vocation de toucher à l’universel, un autre de ces combats est quant à lui clairement communautaire et ressemble étrangement à celui de Salt N Peppa et consorts : le féminisme. Logiquement, il ne peut pas être dédié exclusivement à la communauté noire ou Afro-américaine et concerne toutes les femmes. Le cœur du message réside dans l’opposition face à la société occidentale patriarcale, la femme doit se réapproprier son corps et sa sexualité. Elle peut le montrer, l’exhiber ou le cacher si elle le souhaite.

À la tête de cette lutte dans le champ de l’ « entertainment », la reine Beyoncé chante (« Flawless », « Partition »…), danse (« Run The World ») et met en scène (seule des musiciennes l’accompagnent sur scènes) ce combat.  Ce qui fait d’Iggy Azalea un simple soldat dans cette guerre mais un soldat plein de vaillance et de bravoure. Dans ces morceaux l’Australienne n’hésite pas à être le plus crue possible pour parler de sexualité, c’est de cette manière qu’elle s’était introduite au monde : « Iggy Iggy, pussy illy. Wetter than the Amazon taste this kitty / Iggy Iggy, la meilleure des chattes / Plus humide que l’Amazone goûte ce minou » tiré du bien nommé « Pussy ». Dans ses clips, elle dévoile l’opulence de son fessier lors d’un lap dance dans « Work », elle apparaît seins nus et se fait prendre sur un capot de voiture dans « Change Your Life ». Des représentations qu’elle n’hésite pas elle-même à qualifier de vulgaire mais une vulgarité qu’elle estime nécessaire : « C’est une façon de parler de notre société. J’aime provoquer des réactions. Quand c’est tiède ça ne m’intéresse pas […] J’aime le sexe parce que je suis une femme et en voyageant, je vois que certaines femmes sont enfermées dans des clichés sexuels et ça ne me plaît pas… ». Iggy met la main sur sa sexualité et sur son corps qu’elle n’exhibe que lorsque cela s’intègre dans une démarche artistique qu’elle a définie.

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Cette dernière est globale, on la retrouve dans ses visuels et chacun de ses clips font référence à des films qui ont marqué la rappeuse : l’ambiance désertique de « Work » vient de Prescillia, Queen of the Desert, dans « Change Your Life » toute l’imagerie du music-hall est  tirée de Showgirls et enfin c’est Clueless qu’inspire l’esprit du dernier clip de la rappeuse « Fancy ». La force de son message associée à un packaging attrayant et malin, c’est cette base qui a construit le personnage d’Iggy Azalea.

Une question se pose : Iggy est-elle légitime pour incarner ce mouvement féministe artistique et populaire ou cela est-il seulement un habile positionnement marketing ? Même si elle en a l’odeur et les gestes, difficile de savoir si elle en a vraiment l’étoffe. Beyoncé et Nicki Minaj, chefs de cette « pussy army » incarnent des figures fortes dont la puissance insuffle le respect dans un premier temps puis l’admiration ensuite. Cette posture elles la doivent notamment à l’impression de domination face aux hommes, un sexe fort avec qui elles jouent et qu’elles maltraitent. En jouant de leur puissance sexuelle, elles ont su opérer un intelligent glissement de la femme objet à l’homme objet. Une attitude qui ne colle pas à Iggy dont les déboires amoureux se trouvent en Une des journaux people, on se rappelle de ce tatouage barré affichant le diminutif de son ex-copain : A$AP Rocky. Celle qui s’était présentée au monde avec « Pussy » a récemment déclaré qu’elle allait arrêter de se jeter dans la foule parce qu’elle ne supporte plus que son public essaie de doigter sa « pussy » justement. La boucle est bouclée, le minou s’est fait châtrer.

Culte. On touche là à un monument sacré de la sneaker culture, de la street culture mais aussi d’un peu de notre histoire contemporaine. Flashback. En 1920, deux frères originaires de Herzogenaurach en Allemagne, Adolf et Rudolf Dassler, se mettent à la fabrication de chaussures de sport. En 1948,  à force de mésententes et de suspicions le tout sur fond de régime nazi, les frères se séparent pour fonder leurs  sociétés respectives. Adolf  crée Adidas – combinaison de son surnom Adi et du début de son nom – et Rudolf crée Ruda qui deviendra Puma. Une situation qui crée une tension insoutenable qui va jusqu’à diviser la ville en deux, en montant les employés des deux marques l’une contre l’autre.

Jusque là plutôt concentrée à créer des chaussures destinées au football ou à l’athlétisme, c’est en 1968 que Puma met au point la Suede. Elle tient son nom de la matière qu’elle arbore sur sa partie supérieure et se caractérise par sa semelle blanche très épaisse. Depuis le départ cette paire est appréciée par tous pour sa simplicité, son confort et son adaptabilité en toutes circonstances. Robes, short, jogging, jeans, c’est simple la Suede va avec tout, s’affranchit des modes et garde son originalité même après plus de  40 années d’existence. À l’origine de nombreuses déclinaisons comme la Clyde, la Basket, ou la States, elle est sans aucun doute la meilleure incarnation de la sneaker lifestyle. Son iconographie reste plus forte et plus charismatique que  ses concurrentes comme la Stan Smith, la Superstar ou la Cortez.

Née en 68, elle connait ses premières heures de gloire la même année aux Jeux Olympiques de Mexico lorsqu’elle apparaît sur l’une des séquences les plus marquantes du sport au XXème siècle : placée sur le haut du podium olympique aux cotés d’un Tommie C. Smith poing levé et tête baissée en signe de contestation face à la situation des Afro-Américains aux États-Unis. Son logo rappelle l’animal représentant le mouvement Black Panther, la Suede n’est plus seulement une chaussure mais devient un symbole de rébellion et de radicalisme.

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Dans les années 70, elle est popularisée par le meneur des New-York Knicks, Walter « Clyde » Frazier, ancien All-Star et icône fashion hors des terrains. Il signe en 1973 un contrat qui fera de lui le premier basketteur à bénéficier d’une chaussure à son nom, ou plutôt son surnom, une décennie avant Michael Jordan. C’est dans les années 80 et 90 que la Suede acquiert définitivement son statut  légendaire lorsqu’elle sera adoptée dans les rues New-Yorkaise, notamment dans le Bronx où se construisent les bases du hip-hop et d’une de ces disciplines : le breakdance. Grâce à Walter Frazier, la Suede a déjà un pied dans les playgrounds et un autre dans les « block party ». De là, les b-boys se l’approprient pour leur confort et surtout l’adhérence de la semelle. Les breakers, dans leur besoin constant d’être toujours parfaitement habillés, deviennent friands du style que procure la shoe qui permet tout comme la danse de s’exprimer par la multiplicité des couleurs disponibles, la possibilité d’utiliser des lacets classiques ou les fat laces,  la concordance avec les vêtements etc. Souvent alliée à un survêtement Puma par ces mêmes danseurs, qui la considère comme la meilleure shoe de danse, la Suede gagne ses lettres de noblesse et se voit exposer mondialement, en même temps que le breakdance. Elle se retrouve portée par des crews légendaires comme le Rock Steady Crew ou les NYC Breakers et dans des œuvres mythiques de la street culture comme le film Beat Street ou dans les livres du photographe Jamel Shabazz, preuve qu’elle est témoin et actrice de l’émergence du hip-hop dans les années 70 et 80.

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L’an dernier la Suede fête ses 45 ans, un anniversaire célébré par la sortie d’un livre rassemblant 45 témoignages d’acteurs et d’ambassadeurs de la marque à travers le monde. Le tout accompagné d’une Suede couleur saphir limitée à 450 exemplaires. Un moindre mal pour un modèle unique, remplit d’histoire et dont il est difficile de trouver concurrence dans l’histoire de la chaussure de sport. La shoe s’en rapprochant le plus serait sûrement la Superstar, paradoxalement produite par son frère ennemi.

La principale performance de la Suede réside dans sa force à résister au temps, et elle s’est imposée depuis longtemps comme un classique. Pendant toute son histoire, Puma a fait le choix de garder la Suede proche du peuple et de la rue, lui donnant une street credibility encore présente aujourd’hui par des rappeurs de la nouvelle vague tels que Meek Mill, Vic Mensa ou encore Casey Veggies qui l’arborent quotidiennement. À cela s’ajoute toute la nouvelle génération de b-boys qui l’use encore dans toutes les salles de danse du monde. Intemporelle et universelle, elle est et restera indiscutablement la meilleure chaussure Puma de tous les temps.

 

 

5 dates en 1968

17 février : Jean Claude Killy remporte  3 médailles d’or olympiques en ski alpin
4 avril : Assassinat de Martin Luther King
9 avril : Premier lancement d’une fusée à Kourou
10 mai :  « La nuit des barricades » point culminant de la révolte des étudiants de 68
17 octobre :  Tommie Smith lève son poing en haut du podium aux JO de Mexico

by : @rickrence

C’est ce week-end qu’a eu lieu la sortie de la très attendue collaboration entre Air Force 1 et Pigalle. Pour fêter cela, la marque française a mis les petits plats dans les grands avec l’impressionnante exposition Time Out mais aussi en accueillant plusieurs personnalités influentes du monde de la mode.
Vashtie (New-York), Marcelo Burlon (Milan), Gee de Patta (Amsterdam), Sharmadean Reid (Londres), Grace Ladoja (Londres), Yue Wu (Paris), Jean-Paul Paula (Paris), Hadnet Tesfai (Berlin). Tel était le casting, ensemble ils ont passé une nuit à l’Hôtel Amour puis se sont affrontés sur le playground de Pigalle avant de se rendre à l’exposition. No Time Out !

 

The collaboration between Air Force 1 and Pigalle finally came out this weekend. To celebrate this, the French brand put on a great spread with the impressive exhibition Time Out by welcoming many influential personalities from the fashion world.
Vashtie (New-York), Marcelo Burlon (Milan), Gee from Patta (Amsterdam), Shermadean Reid (Londres), Grace Ladoja (Londres), Yue Wu (Paris), Jean-Paul Paula (Paris), Hadnet Tesfai (Berlin). These were the ones selected. Together they spent the night at l’Hotel Amour then faced each other on the Pigalle basketball playground before they went to the exhibition. No Time Out !

 Pics by Hlenie | Flickr

Nous y sommes. La collaboration tant attendue entre Pigalle et Air Force prend enfin forme et en exclusivité nous vous proposons les premières images de l’exposition Time Out qui se tient aujourd’hui et demain au 37, rue Turenne dans le quatrième arrondissement.

Le phénomène Doin’it in the Park ne cesse de s’accroître à travers le monde, l’un des symboles a été la projection parisienne avec plus de 600 personnes présentes. Pour en savoir plus, nous avons interviewé le co-réalisateur du documentaire Kevin Couliau, qui nous a mené dans les coulisses de cette production : des playgrounds new-yorkais à celui de la prision de Rikers Island.

24 août 2003, Paris. Le public du Stade de France ne sait pas qu’il s’apprête a vivre le 100 mètres le plus long de l’histoire. Sur la ligne de départ d’un des quatre quarts de finale du 100 mètres des championnats du monde d’athlétisme se préparent à s’affronter l’australien Patrick Johnson, le trinidien Ato Boldon, le jamaïcain Asafa Powell, le français Ronald Pognon, et celui qui deviendra le héros malheureux de cette course, Jon Drummond.

Un casting alléchant pour un quart qui sera troublé par  l’élimination de ce dernier, coupable du second faux départ de la course après celui de Dwight Thomas, synonyme d’élimination. Stupeur dans le stade et surtout pour l’athlète américain, considéré comme l’un des favoris de sa série, lorsqu’il se voit signifier la fin de sa compétition par les commissaires de course.  L’américain a été jugé trop rapide au départ et les données de la course confirment que le sprinteur, ainsi qu’Asafa Powell, ont anticipé le coup de feu du starter. Une décision qui signe le commencement d’une scène hors du commun lorsque Jon Drummond s’en va vers les commissaires de courses en répétant « I Did Not Move » à des officiels qui restent impassible devant l’entêtement de l’athlète.  La réponse à cette impassibilité n’en sera que plus surprenante, Drummond refuse de quitter la piste, harangue le public pour plaider sa cause et va même jusqu’à s’allonger dans son couloir, jambes écartées et bras derrière la tête. Une  position symbolisant explicitement son refus de quitter une course pour laquelle il s’était préparé pendant des mois.

L’image de l’athlète confrontant son vis-à-vis tenant un carton rouge restera d’ailleurs l’une des images les plus marquantes de ces championnats du monde. Après plusieurs minutes de résistance, on croit l’affaire terminée lorsqu’il quitte la piste pour se rendre dans le couloir menant au vestiaire, mais Drummond fait alors soudainement volte-face pour revenir sur la piste et tenter de reprendre sa place dans les starting blocks, sous les applaudissements des spectateurs,  manifestement acquis à sa cause.  Ce revirement crée un moment de flottement de l’organisation faisant croire à un possible retour des deux bannis dans la course mais aboutira finalement au report de la course. Plus de 50 minutes après le premier faux départ, c’est Ato Boldon, partenaire d’entraînement et grand ami de Jon Drummond, qui remporte cette course qui n’aura finalement compté que six participants. Quelques mètres plus loin, au centre du stade, on retiendra une autre image forte : celle de Jon Drummond en sanglots dans les bras de son entraîneur, John Smith.

Cette course au scénario digne d’un film sera l’un des évènements qui forceront la fédération internationale d’athlétisme à modifier la règle en 2010 et d’instaurer l’élimination directe au premier faux départ. Une nouvelle règle qui sera d’ailleurs fatale à Usain Bolt, coupable d’un faux départ en finale des championnats du monde de 2011 en Corée du Sud. Considéré comme mauvais perdant par certains ou comme une figure empathique victime d’une justice inadaptée et parfois cruelle pour d’autres, Jon Drummond restera assurément l’auteur de l’un des pétages de plombs les plus surprenants de l’histoire du sport télévisé.

YARD vous propose de découvrir ce que vous ne pouvez pas voir habituellement. Pour notre premier numéro, nous vous proposons de vous emmener en immersion à l’intérieur du clip « Majeur en l’air » de Joke. Ce dernier sortira d’ailleurs son premier album, Ateyaba, le 2 juin.

La paternité de la sneaker telle qu’on la connaît  est souvent matière à débat,  certains l’attribuent à Converse et à sa Chuck Taylor, première chaussure sportive à être sortie des parquets pour devenir une icône lifestyle. D’autres considèrent qu’elle revient à des marques comme Adidas et Puma avec des modèles comme la Stan Smith ou la Suede plus propice à obtenir cette reconnaissance. Si les deux partis ont chacun de bonnes raisons, une chose est certaine, la marque américaine Keds a aussi son mot à dire. En 1916, c’est-à-dire un an avant la sortie de la All Star de Converse, l’entreprise crée la même année leur premier modèle, la Champion. Cette chaussure au style décontracté, composée d’un upper en canvas et d’une semelle en gomme en version haute comme basse, est surnommée la « Original Sneaker » par Keds qui souhaite en faire « the first-feel-like-everyday’s-a-Saturday-shoe ». En français, la première chaussure qui te fait sentir chaque jour comme un samedi.

Un crédo ambitieux pour une marque qui ne cesse de s’affirmer et d’innover durant les décennies suivantes : ils sont les premiers à penser la sneaker comme une chaussure branchée dans les années 20,  à créer une ligne pour femme avec des modèles confortables à talons compensées (toujours en gomme), ou encore à décliner leur production dans de multiples couleurs.

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C’est dans les années 60, que les Keds sont définitivement considérées comme des sneakers pour leur alliage du canvas et de la semelle en gomme. C’est à ce moment que Keds développe de nouveaux modèles et de nouvelles formes avec la Pointer, déclinaison féminine de la Champion au bout pointu, ou encore la Chukka  Knockarounds en 1967.  Ce modèle prend la forme d’une Chukka Boot, inspiré des chaussures portées par les soldats british pendant la seconde Guerre Mondiale. Cette paire semi-montante ne déroge pas à la règle et arbore la fameuse semelle en gomme, avec cette fois une différence pour le upper (le haut de la chaussure) puisqu’il est fait de suède. Knockarounds signifie ici à la fois taper à l’œil et flâner, un nom parfait pour illustrer le confort et l’usage du modèle.

Si la Chukka Knockarounds et les autres  modèles Keds ne sont pas les premiers noms qui sortiront de la bouche d’un sneaker addict, personne ne peut nier l’influence qu’a eu la marque sur les autres. En plus de la tennis shoe, Keds aura popularisé l’usage de différentes formes telles que la Chukka ou la Slip-On, reprises ensuite par Vans notamment. Elle sera aussi une des premières marques à jouer de la dualité entre sport et casual, et a maîtriser cette ambivalence par la création de la ligne Pro-Keds en 1949 dédiée au footwear sportif . Une marque à part entière qui gagnera ses lettres de noblesses dans les années 70 sur les parquets – par de nombreuses stars du basket-ball Lou Hudson, Nate Archibald ou Kareem Abdul-Jabbar – et dans les rues d’un New York par DJ Kool Herc, Afrika Bambaata ou le Rock Steady Crew, pères du hip-hop . Entièrement consacrée au footwear jusqu’en 2011 et la création d’une ligne de vêtement, Keds est ancrée aujourd’hui au lifestyle et au patrimoine US et conserve sa place de chausseur privilégié des Américains, au même titre que Vans ou Converse.

5 dates en 1967 :

9 février : Naissance du Rappeur Français Kool Shen
13 juillet : Création de l’A.N.P.E (Agence nationale pour l’emploi) par Jacques Chirac
1er octobre : Lancement de la télévision en couleurs en France
8 octobre : Décès de Che Guevara
27 octobre : Naissance de Joey Starr

 

Cristiano Ronaldo – Lionel Messi est l’un des duels sportifs les plus excitants depuis l’arrivée du Portugais en Liga en 2009. Depuis, chaque année, ils se battent à coup de titres et de performances, ainsi lorsque le Madrilène enquille 46 buts en championnat en 2011/2012 l’enfant de la Masia en plante 50.

Il faut dire que depuis le début l’avantage est à tous les niveaux pour le Barcelonais. Celui du palmarès d’abord, depuis la saison 2009/2010, Barcelone fini en tête du championnat à trois reprises, soulevé une C1 et une coupe d’Espagne pendant que le Real ne s’est mis sous la dent qu’un maigre titre de champion et une copa del Rey. Cela se répète sur le plan individuel pendant que Messi est trois fois Pichichi, Ronaldo ne l’est qu’à une seule reprise. Encore plus symbolique de 2010 à 2012, Messi rafle tous les ballons d’or. La domination est écrasante.

Mais cette année, les rapports de forces semblent être totalement chamboulés notamment depuis la blessure de « la pulga ». Deux mois sans Messi, ce n’était jamais arrivé auparavant. Depuis son retour, il alterne d’excellentes performances qui lui permettent de recoller au total de buts de Cristiano Ronaldo et Diego Costa et d’autres où il est méconnaissable. Moins percutant, moins décisif, moins Messi finalement.  Et lors de la finale de la coupe du Roi face à l’ennemi madrilène, l’Argentin passe au travers de son match, presque transparent. Depuis l’élimination face à l’Atlético, rien ne va plus. Tous les regards sont braqués sur lui, la presse parle de sa délicate prolongation de contrat et de l’hébergement d’un physiothérapeute de la fédération argentine chez lui étayant ainsi l’idée que le joueur soit totalement concentré sur le mondial. L’enfant prodigue n’est plus omniprésent en Catalogne et l’alerte enlèvement est déjà dans tous les médias.

Cette année le Barça pleure et Messi peine à essuyer ses larmes. Forcément, le duel entre les deux monstres de la Liga devient moins sucré. Et Cristiano Ronaldo qui s’est nourrit de cette rivalité en ayant l’Argentin dans son viseur depuis son arrivée rend lui-même les armes et son sniper. Absent lors de cette finale, à la fin du match il s’en va prendre dans ses bras le Barcelonais. CR7 qui s’est fait battre sur tous les plans pendant plusieurs années devrait enfin célébrer sa suprématie et pourtant. Seul un champion comprend un autre champion et Ronaldo sait que la victoire sera belle lorsqu’ils seront tous les deux sur le terrain et en pleine possession de leurs moyens.

by : @julien_bihan

La vie a cette particularité de faire de simples moments ordinaires des légendes après quelques instants, jours ou années. Le genre de moment que l’on souhaite vivre pleinement, avec plus d’entrain et moins d’innocence, pour pouvoir en saisir toutes les subtilités qui aideront à résoudre ces mystères qui se mueront en obsessions pour certains. C’est peut-être avec ce ressentiment que le photographe Youri Lenquette se remémore un de ces instants historiques ; lui qui deviendra un soir de février 1994, le dernier à immortaliser le leader du groupe Nirvana, Kurt Cobain, sur une série photographique avant son suicide quelques semaines plus tard.

C’est au cours d’une tournée du groupe en Australie que le photographe, alors journaliste pour la presse rock, rencontre ses membres et se lie d’amitié avec le meneur du groupe. Un homme qu’il qualifie d’ « une personnalité très attachante, pleine de raffinement et d’une douceur presque féminine ou enfantine. Mais c’était aussi quelqu’un d’extrêmement perturbé et fragile, même si j’aurais jamais pensé qu’il ferait ce qu’il a fait ». Impossible évidemment pour Youri Lenquette de prévoir ce suicide qui a surpris le monde entier, même s’il est à cette époque conscient de l’état mental de l’artiste. Une mort qui éveillera des interrogations notamment sur les signes annonciateurs de cet acte lors de cette séance photo.
Revolver 22 long rifle pointé à bout de bras, doigts contractés sur la détente, un œil fermé et l’autre dans le viseur ; telle est la posture qu’arbore le chanteur sur la photo la plus marquante du shooting. Lui qui évite toute sa vie les caméras et les appareils photos, refusant tout shooting habituellement, sollicite cette fois lui-même le photographe, devenu son ami, pour une séance improvisée. Kurt y est habillé d’un pull vert déchiré sur le torse, comme s’il venait d’achever un combat, une guerre, peut-être contre lui, et qu’il s’apprête à mettre un terme à cette souffrance à l’aide d’une arme à feu. Une arme à feu, comme le fusil qui mettra fin à ses jours dans sa maison à Seattle, le 5 avril. Si la mise en scène du shooting est propice aux multiples hypothèses et supputations les plus fantaisistes, on peut quand même s’interroger sur la signification et l’importance que ces photos ont pu avoir pour Kurt Cobain, lui qui a insisté pour poser avec son –faux- pistolet. Une simple envie, un appel à l’aide, ou un testament ? On ne le saura peut-être jamais et c’est ce qui tend à rendre cette photo et cet instant légendaires.

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Le 19 avril 1994, Illmatic s’assoit dans les bacs à disque comme un délinquant sur les fauteuils d’une première classe. Le début d’une ère où les beats crades posent le canon de leurs calibres sur les tempes des charts. Moi, j’avais quinze ans. Je n’ai pas vraiment de souvenir distinct de ce que je faisais en ce jour historique… je me suis masturbé sans doute, comme n’importe quel adolescent qui doit expulser tous les jours son trop plein d’amour pour ne pas devenir tueur en série. Quelques certitudes cependant : c’est une des oeuvres discographiques qui m’a le plus frappé et une de celles qui a le plus sculpté mon goût musical.

Le début d’année 1994 est charnière en terme de rap américain. Depuis la sortie de The Chronic de Dr. Dre en 1992 puis de Doggystyle de Snoop Doggy Dogg fin 93, la west coast dame le pion à une big apple qui cherche son second souffle. Les EPMD, Kool G Rap et autre Rakim cherchent tous leur abonnement au gymnase club pour taffer le cardio. Heureusement les mois d’automne 93 accouchent de trois albums majeurs: Enta Da Stage (Black Moon), Enter The 36 Chambers (Wu-Tang Clan) et Midnight Marauders (A Tribe Called Quest). Autant dire que les pontes Californiens se font pincer les tétons au beau milieu de la fête.

C’est sous ces auspices de saine compétition musicale que le plus beau bourgeon des Queensbridge Projects, Nasir Jones, décide, avec Illmatic, de foutre son grain de sel de Guérande dans cette sublime marmite rapologique. D’une part, et c’est une évidence, en raison de sa performance à proprement parlé et d’autre part parce que la liste des producteurs qui officient sur Illmatic rendrait sexy un album de Matt Pokora.

Un petit détour s’impose vers le poste de producteur exécutif. Derrière la surbrillance du génie qui emporte tout, les hommes de l’ombre oeuvrent sans bruit. Ils lavent les chiottes, pensent à prendre la glacière pour les pique-niques, retournent chez eux chercher la crème solaire… on les oublie prestement, à tort. Aussi moche que visionnaire, MC Serch, le rappeur du groupe 3rd Bass, invite Nas sur le morceau « Back To The Grill »… un morceau qui serait sans doute tombé dans les oubliettes sans le couplet du castor junior. Serch prend le rappeur sous son aile poisseuse mais protectrice et s’efforce de lui trouver un deal. Avec difficulté (oui oui vous avez bien lu) il finit par le caser chez Columbia (pour la petite histoire Russell Simmons, alors tout puissant boss de Def Jam, refusa Nas car « son style ressemblait trop à Kool G Rap ». Producteur exécutif de l’album, MC Serch doit mener un dernière mission à bien: mobiliser les architectes sonores qui feront du talentueux morveux une légende du rap. Allons-y pour un délicieux tour de table.

Le DJ/Producteur est à l’aube de sa domination dictatoriale sur l’underground new-yorkais. Son implication dans Illmatic (« NY State Of Mind », « Memory Lane », « Represent »), ses prods sur le premier Jeru The Damaja (Sun Rises In The East) et le troisième album de son groupe Gang Starr (Hard To Earn) le propulsent en Ligue des Champions du boom bap. C’est un peu comme si une équipe de foot alignait Ronaldo, Messi et Ibrahimovic pour entamer la saison (Jérémy Morel et Christophe Jallet n’ont pas été retenu pour la métaphore). DJ Premier, au vu et su du potentiel messianique de Nas, consent, comme les autres beatmakers sur lesquels je vais m’attarder, à réviser ses cachets très à la baisse.

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L’histoire du rap ne passe pas deux fois (quoique si, puisque Premier fit preuve de la même mansuétude avec un jeune gars enthousiasmant, Jay-Z, qui enregistrait son Reasonable Doubt avec trois francs six sous en 96). Pour l’heure Premo pond trois beats vindicatifs pour le joyau du Queens dont le ténébreux « NY State Of Mind ». Les premiers balbutiements de Nas sur le morceau sont restés dans la légende. Il scande deux vers d’intro sanguinolents (Straight out the fuckin’ dungeons of rap/  Where fake niggas don’t make it back) puis, suspendu au dessus du beat, lâche un aveu (I don’t know how to start this shit) qui normalement reste dans les coulisses d’un enregistrement. Premier se réveille et tape sur la vitre de la cabine en lui criant « maintenant » (sans doute le fit-il en anglais NDR). Nas s’exécute et commence son couplet pile sur la petite note de piano dépressive qui achève les quelques mesures d’intro. A la finalisation du track ils décident de concert de garder la phrase, un peu comme De Palma conserva le plan de Pacino qui se brûle la main sur le canon du M16 à la fin de Scarface. Comme dirait un poto devant un fessier rebondi, « trop réel ».

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Pete Rock… écrire le nom de ce producteur impose des points de suspension de déférence. Avant la sortie de Illmatic il est devenu une des divinités du milieu avec le mythique album Mecca And The Soul Brother sorti en 1992. Au moment de réunir l’équipe des zikos, Pete Rock est convoqué en grande pompe. Et le mec nous balance « The World Is Yours », tranquille. Je me pose toujours la question de savoir comment ça se passe quand un rappeur légendaire écoute pour la première fois un son légendaire. J’imagine bien Pete Rock en train d’insérer sa disquette ou sa DAT dans une bécane du studio, puis de s’asseoir gentiment en buvant son thé au jasmin pendant que la prod fracasse les cloisons du studio et que Nas se prosterne en slip devant lui. La qualité du son a en tout cas bien tourneboulé DJ Premier qui retourna illico chez lui après l’écoute pour faire une nouvelle prod. Ce fut « Represent ». #beethoven&mozartquisenjaillent

Nas est déjà depuis quelques années dans la roue de Large Pro qui l’invite sur le morceau « Live At The Barbeque » de son groupe Main Source. Le couplet est par ailleurs la toute première apparition discographique de Nas, et la planète hip-hop de constater que le jeune fils de pute sait déjà plier un beat pour le ranger dans l’armoire. Large Pro produit ensuite « Halftime » en 92 que l’on retrouve à juste titre dans Illmatic en 94. C’eut été comme retirer Passe Partout de Fort Boyard, ça marche sans, mais c’est légendaire avec. Le beatmaker est d’ores et déjà une sommité avec Main Source mais ses productions dans Illmatic (« Halftime », « One Time For Your Mind », « It Ain’t Hard To Tell ») lui offrent des charentaises rembourrées pour traîner dans la salle d’honneur du Hall Of Fame hip-hop.

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Tout comme les autres compositeurs, Q-Tip est au début de son règne et a délivré trois albums qui vont compter avec A Tribe Called Quest. Midnight Marauders sorti en 93 est encore considéré comme le meilleur par moult puristes. Coton-Tige (Q-Tip en français) est donc légitimement courtisé pour lustrer le shine émergeant de Nas. A quoi doit-on vraiment le chef d’oeuvre avec lequel les deux loustics vont nous tartiner la gueule? Alignements des astres, Nostradamus, Jesus-Christ… ce One Love reçut sans aucun doute un petit coup de pouce mystique. Poignant, brillamment interprété, musique élégante et dépouillée, on y est grave. Q-Tip remixera ensuite « The World Is Yours » sans toutefois dépasser l’original de Pete Rock.

L.E.S. :

Il ne se fend que d’une seule oeuvre sonore mais elle n’en est pas moins légendaire: « Life’s A Bitch », avec AZ en featuring. Le track est bien jazzy avec un sax qui chiale sa mère à la fin. Les deux artificiers rimologues déclament leur désillusion existentielle. On croirait entendre des grabataires vétérans de guerre sauf qu’ils ont la vingtaine et tous leurs chicots. L.E.S. est le seul beatmaker du disque sorti de l’oeuf puisque « Life’s A Bitch » est sa première apparition discographique. AZ lâche aussi sa première verse. Le premier travaillera avec plusieurs entités du rap game, le second obtiendra un deal sur un seul couplet. Ils auront tous deux des carrières un poil chaotiques mais elles auront le mérite d’exister.

Il serait de bon ton d’évoquer Nas malgré tout. Au début de l’année 94 il a 20 ans, il habite la plus grande cité de NY et la misère qui l’environne l’enquiquine beaucoup donc il décide de faire un des meilleurs disques de tous les temps. Illmatic est un fidèle reflet du New -York folklorique du début des années 90: poisseux, menaçant, clivé, dur sur l’homme. C’est d’ailleurs assez stupéfiant de constater que l’injustice et l’insécurité qui régnaient dans la mégalopole à l’époque ont conditionné une période hip-hop d’une qualité inégalée jusqu’à aujourd’hui. « L’art vit de contrainte et meurt de liberté » disait Paul Valéry, MC sètois d’un autre style.

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Chez Nas tout commence avec son flow, sublime robinetterie lyricale dont les canalisations transforment la tourbe new-yorkaise en miel auditif. La syntaxe, les images et les assonances du rappeur dégagent une poésie abrasive difficilement traduisible. Nas est instantanément classé dans la catégorie où ne figure pas Patrick Sebastien : les lyricistes. L’album n’excède pas les 40 mn mais ce n’est pas fondamentalement grave puisque que les double CDs comme Boulevard Des Hits avoisinent les 2h40 de pénibilité. Illmatic est court et maitrisé, concis et légendaire, rapide et éternel.

Ce disque unique est aussi une malédiction. 20 ans et 10 albums solo plus tard, Illmatic est toujours un paradis perdu dont Nas n’a jamais vraiment pu se relever. It Was Written, le deuxième, a perdu en rugosité ce qu’il a gagné en vente (à savoir le double, 2 millions de copies). Beaucoup de fans ont grincé des molaires même si c’est plutôt par la suite que la qualité artistique a pris un coup dans le buffet. Une conclusion évidente se dégage de la carrière de Nas : elle n’est pas du tout à la hauteur des promesses qu’esquissait Illmatic.

Pour cette réédition d’anniversaire, un second CD offre quelques plages supplémentaires de freestyles et autres morceaux rares ou inédits. En toute honnêteté, on s’en bat les reins. Le disque original n’a besoin d’aucun complément et surtout pas de cette vilaine pochette qu’un sombre stagiaire incompétent a dû bâcler juste avant de faire signer sa convention.

Les années passent mais je le remets régulièrement et précautionneusement dans mon iPhone car il souffle le vent de l’excellence et du souvenir. Illmatic ne doit souffrir d’aucune faute de frappe ou de prononciation, son écoute doit se faire avec un respect religieux et si possible dans une chapelle romane du XIIe siècle pour une acoustique solennelle, il est recommandé dans un cadre thérapeutique en cas de visionnage d’un clip de Swagg Man, il est crucial, radical, définitif.

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Illustration : Lazy Youg

Des marques n’appartiennent qu’à un seul modèle et n’existe quasiment que par celui-ci. On peut sans aucun doute dire que K-Swiss, avec la Classic, en fait partie. La compagnie a été créée aux États-Unis en 1966 par les Suisses Art et Ernie Brunner. C’est en immigrant aux US que les deux frères tombent amoureux du tennis et décident de concevoir des chaussures de sport exclusivement dédiées à cette discipline. Et alors que la majorité des paires sont faites d’un canvas de mauvaise qualité,  les frères Brunner rendent leur produit unique en utilisant du cuir qu’ils seront les premiers à introduire au grand public. Capitalisant sur cette propriété, la K-Swiss Classic connaîtra un franc succès les années qui suivent.

Les années 80 sont plus délicates pour la marque face à l’omniprésence des géants Reebok et Nike et l’absence de promotion de K-Swiss, ces créateurs préférant miser sur le bouche à oreille et leur notoriété. Les Brunner ne sont pas des businessmen nés et bien que la marque ait un énorme potentiel, notamment à l’étranger, les ventes ne décollent pas et la firme frôle la banqueroute. Une situation qui sera évitée grâce à un groupe d’investisseurs formés par Steven Nichols. Nichols croit au potentiel de la compagnie et surtout de la K-Swiss Classic qu’il appelle modestement « a 50-year shoe » : une chaussure capable de garder un public pendant les années à venir et donc de durer.
Nouveaux propriétaires, nouvelles ambitions, nouvelles règles. Sous la direction de Steven Nichols, la marque rompt avec la politique de non-marketing des frères Brunner et met en place une stratégie pub pluri-média pour atteindre les jeunes – la cible « MTV » – et développe la marque à l’international.  Une stratégie qui fonctionne puisque le groupe accumule jusqu’a 500 millions de dollars de ventes aux  États-Unis en 2005.

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A l’aide de campagnes télé et papier dans des publications bien ciblées ( XXL magazine, The Source …), K-Swiss se voit adopter par le monde du hip-hop. L’association du baggy et de la Classic fait de nombreux adeptes et inspire surement d’autres modèles iconiques de la fin des années 90 comme la Phat Farm de Russell Simmons.
Malgré la perte d’une partie de son marché européen et son rachat en 2013 par une société coréenne suite à d’énormes pertes subies entre 2009 et 2012, K-Swiss reste encore inscrit dans le lifestyle américain comme le prouve les multiples références faites à la paire. Dernière en date : un morceau dédié à la paire interprétée par le chanteur Alex Wiley accompagné de Chance The Rapper et Vic Mensa. Autre référence, linguistique cette fois puisqu’au pays de l’oncle Sam le terme K-Swiss est un acronyme en argot utilisé le plus souvent par des membres du gang Crips signifiant Kill Slob When I See Slob. (Slob étant un mot pour désigner les membres des Bloods). De façon plus ironique, l’appellation « K-Swiss » est aussi utilisée pour décrire une personne tentant d’être cool sans y arriver et qui, malgré elle, reste misérable. Reste à savoir si cette définition a été créée en rapport à l’histoire de la chaussure…

Dans sa dernière grande campagne télé et net en 2011, la marque mettait en scène son rachat par le personnage Kenny Powers, l’odieux et irrévérencieux joueur de baseball issu de la série Eastbound and Down et interprété par Kenny Mc Bride. Dans les cinq volets du film publicitaire, il recrute des sportifs reconnus pour jouer ses dirigeants et débarrasser le monde du sport de ses « pussies ». C’est ainsi que l’on retrouve le QB Matt Cassel en responsable marketing, le combattant Jon « Bones » Jones aux ressources humaines, ou encore le catcheur Rey Mysterio garde du corps de Kenny Powers. Une campagne grandement controversée à l’époque par son ton insultant et ses piques glissées aux  géants Nike et Jordan Brand. Si K-Swiss n’aura certainement le rayonnement d’un Nike ou d’un Puma, elle a le mérite de s’être consacrée uniquement au footwear et d’être restée attaché  –peut être un peu trop- à son modèle emblématique et son background tennis.

Une caractéristique tendance aujourd’hui comme le montre le retour de la Stan Smith et proposant une alternative intéressante face au sempiternel duo basket/running que nous portons de façon lifestyle sans relâche depuis plus d’une vingtaine d’années. À l’instar de marques comme KangaROOS, Saucony ou dans une moindre mesure Le Coq Sportif, K-Swiss peut profiter de la vulgarisation de la culture basket pour remettre au goût du jour sa Classic, qui reste un modèle mythique et reconnaissable par tout sneaker addict qui se respecte.

1966 en 5 dates :

8 mars  : Sortie Française du film Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone
24 mai : Naissance du footballeur Eric Cantona
30 juillet : Victoire de l’Angleterre en Coupe du monde face à la RFA 4-2 en prolongations.
Octobre : Création du mouvement Black Panthers
15 Décembre : Mort du dessinateur Walt Disney

Dans l’imaginaire collectif New Jersey est immédiatement associé à Tony Soprano. Et ce n’est que justice rien que pour la scène dans laquelle il vient laver l’honneur de sa fille en pétant les chicots d’un mafiosi new-yorkais et discourtois. Mais au cœur des florissantes années 90, la scène hip-hop locale était d’une vitalité étonnante et a accouché d’artistes du calibre de Redman, Lords Of The Underground, Outsidaz et Artifacts.

Le groupe Artifacts est composé de trois membres, deux découpeurs de sushis lyricaux (El Da Sensei, Tame One) et un DJ qui ne sert à rien (Kaos). C’est à l’automne 1994 qu’ils sortent un joyau de boom bap east coast; Between A Rock And A Hard Place. Pas de pot pour sa pérennité, l’album atterrit dans les bacs pile entre Ready To Die de Biggie et Tical de Method Man. Dur d’exister au milieu de terrain entre Xavi et Iniesta.

Les beats de l’album sont autant d’écrins rembourrés qui accueillent les marsupilamis de la rime que sont Tame et El. Pas de noms grandiloquents à la zik si ce n’est Buckwild (trois tracks) et Rockwilder (un track). L’essentiel du squelette musicale est assuré par T-Ray, membre plutôt discret du pôle de production Soul Assassins de DJ Muggs, le compositeur de Cypress Hill. Ce T-Ray fait partie d’une longue lignée de producteurs de talent que l’histoire du hip-hop a laissé à l’abandon sur une aire d’autoroute. Et pourtant… ses beats virtuoses ont l’odeur des chaussettes qu’on a trop longtemps laissé macérer dans des Timberland.

Quant à Tame One et El Da Sensei, ils rivalisent d’excellence. Le premier est une sorte de balle rebondissante qui s’enjaille sur la batterie, le second a fait de la fluidité son violon d’Ingres. Cela n’a pas suffit à étiqueter le disque de « classique ». Between A Rock And A Hard Place est donc étrangement sur le bas côté, tombant en désuétude à tort. Il mérite néanmoins qu’on extirpe le vinyl de l’armoire, que l’on souffle tendrement sur la pochette pour enlever la poussière disgracieuse et qu’on le dépose respectueusement sur la platine. Public, tu peux également cliquer sur les pistes mp3 que tu as au préalable téléchargées comme une salope sur un site de pirate.

 1 titre :

 « Whayback » (produit par T-Ray)

Ce morceau apparaît à la moitié de l’album et lui offre une belle respiration. Ici les deux artificiers nostalgiques témoignent de leur rencontre avec le hip-hop dans les années 80, « back when steppin on kicks in eighty-six got your ass kicked » (« tu te faisais botter le cul quand tu marchais sur les baskets en 86 »). Les drums rythmés et les samples cuivrés enveloppent les flows des deux MC’s comme on borde des jumeaux sur des lits superposés.

1 clip :

« C’Mon Wit Da Get Down » (produit par Buckwild)

Du pur jus nineties : clip minimaliste dans les pavillons moches du New Jersey, une équipe de potes pas commodes… rien de bien novateur pour l’époque mais aujourd’hui le charme opère comme jamais. La prod de Buckwild est bien crasseuse et la ligne basse grasse et paresseuse.

1 lyrics :

 « I’m flexible like every female Huxtable was fuckable /
Impeccable, despicable, on point like a decimal »

 « Je suis aussi flexible que les femmes Huxtable sont baisables /
Impeccable, méprisable, au point comme une décimale »

Ce lyrics de Tame One trahit bien sa folie, il joue habilement avec les sonorités comme l’aurait fait un Ill des X-Men à la belle époque. Les chiffres décimaux sont placés derrière le point ou la virgule, normal donc d’être « au point » si l’on se compare à une décimale. Génial et timbré ce type.

1 feat :

Busta Rhymes sur le titre « C’Mon Wit Da Get Down (Remix) ».

Le remix de T-Ray est sublime et Busta se pose dessus avec la vigueur débridée d’un forcené de l’hôpital psychiatrique.

Les Artifacts sortent un nouvel album 3 ans plus tard, That’s Them, plus poli mais impeccable. Le succès commercial n’est toujours pas au rendez-vous et Tame et El se séparent. Le premier rejoint l’équipe de Eastern Conference et commence à prendre des ecsta comme des smarties, le second poursuit une carrière plus jazzy auquel les puristes accordent une oreille respectueuse mais disparate… Comme tous les groupes de cette époque, la réunion est évoquée et quelques morceaux et concerts voient le jour sans beaucoup de conviction. Leur temps est passé mais ils l’auront marqué, indéniablement.

by : #bardamu

L’histoire s’écrit seulement à la force des années, c’est pour ça qu’encore aujourd’hui le hip-hop reste dénigré par les élites ; mais parfois des symboles témoignent de la popularisation du genre et la réunion d’OutKast à Coachella en est un. Vendredi dernier ce moment n’était pas célébré par une communauté mais par une génération qui a grandi avec le groupe depuis 20 ans et au rythme de ses hits : « Player’s Ball », « Elevators (Me & You) », « Rosa Parks »« Ms Jackson » et « Hey Ya ».

Eric Zemmour qui prônait la hiérarchisation culturelle et qui n’hésitait pas à déclarer que « le rap était une sous-culture d’analphabète » devrait très rapidement revoir ce postulat. Le rap s’institutionnalise année après année et s’apprête à entrer dans le cercle des « grandes cultures » si chères à celui qui a fait de la polémique son fond de commerce. L’une des raisons évidentes semble être la longévité d’un genre auquel on promettait un avenir aussi radieux que la tecktonik ; mais le fondement essentiel de cette nouvelle considération vient du public.

En effet, ceux qui ont découvert le hip-hop dans les années 1990 ne sont naturellement plus les gamins insouciants méprisés qu’ils étaient à l’époque . L’évolution de leur situation économique et leur position sociale est maintenant valorisée aux yeux de la société et leurs goûts musicaux eux demeurent ceux de leur enfance. On vit avec la musique de notre jeunesse, c’est comme cela que Ray Charles, Elvis et les Beatles sont devenus éternels. Et c’est de la même manière que Notorious BIG, le Wu-Tang et  Kanye West installeront leurs noms et leurs musiques dans une culture institutionnalisée et populaire.

Bientôt les médias généralistes mais surtout le cercle des « experts » arrêteront de circonscrire le hip-hop à un genre caricatural et restrictif. Car si Pink Floyd et George Clinton n’ont pas révolutionné respectivement le rock et la funk mais la musique, il en est autant pour OutKast.

Août 2013. L’ouverture commence chez TDE avec la signature de la première dame du label ainsi que de la première artiste hors-rap, SZA. Avec trois EPs, dont Z sorti cette semaine, à son actif elle est surtout armée d’une véritable identité créative : ses morceaux intriguent, ses clips fascinent. Cette profondeur artistique s’explique par une construction singulière forgée notamment par une éducation religieuse islamique conjuguée à une vision culturelle éloignée de l’américanisme qu’elle a rejeté puis adopté. Une force paradoxale qui l’amènera un temps à porter le voile et à un autre d’être barmaid dans un stripclub.

Une culture mais plusieurs facettes

Si proche de New-York mais si loin de sa frénésie, Solana Rowe a grandi à Maplewood dans le New Jersey. L’une de ces calmes banlieues américaines avec des maisons identiques et des jardins qui sont à la brindille près similaires à celui du voisin. C’est dans cet éloignement qu’elle se construit.
Une distance à la fois géographique et symbolique, SZA définit elle même son éducation comme conservatrice : « Mon père est musulman et ma mère est la femme la plus conservatrice que tu n’aies jamais rencontré. Ils sont très aristocrates de la manière la plus charmante et suburbaine qu’il soit ». C’est cet isolement au conformisme culturel qu’elle revendique aujourd’hui comme la base de sa créativité. Une base qui l’éloigne des autres artistes qui ont grandi, à l’inverse, avec des représentations culturelles populaires. C’est avec cela que sa singularité s’enracine.

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C’est l’Islam qui façonnera la jeunesse de Solana, elle porte voile et baggys jusqu’à ses 16 ans. L’âge où elle deviendra une femme aux yeux de son père, l’âge où elle voudra rattraper le temps qui l’a séparée de l’Amérique. Cette Amérique qui l’a insultée de terroriste lors du 11 septembre au pied de sa porte par la voix de ses camarades de classe. Elle découvre alors tous les artifices qui permettent à une jeune fille de devenir une femme : vêtements, cheveux, sourcils, ongles. Mais cette initiation ne s’arrête pas là car à la marge de cette jeunesse qui se veut branchée, elle est totalement captivée par ce qu’elle dégage. Alors Solana commence par se faire une fausse carte d’identité pour boire de l’alcool et avoir ses droits d’entrées dans les soirées les plus électrisantes de sa ville. Cette phase de sa vie aujourd’hui enterée, elle porte encore en elle l’Islam qu’elle pratique dans l’intimité, « dans son propre espace ». C’est d’ailleurs dans cette culture qu’elle puise l’inspiration qui construira son nom de scène SZA. En effet, il est tiré du Supreme Alphabet inventé par le Five Percent Nation, une organisation dissidente de la Nation of Islam.
SZA s’est d’abord forgée dans l’éloignement en privilégiant l’esprit et l’imagination prodigués par sa famille puis elle affirmera ensuite son goût pour l’esthétisme et l’image de soi.

Les goûts et les couleurs

Même si la musique est arrivée accidentellement lors d’une session studio avec Emile Haynes et que la chanson n’est jamais venue naturellement, SZA se revendique d’abord artiste. Elle a cultivé un amour pour la lecture dès le lycée en s’inscrivant aux cours supplémentaires de littérature afin de nourrir sa fascination pour la poésie. Une passion qu’elle met au service de l’écriture : « J’étais écrivaine avant de chanter ou quoi que ce soit d’autre pendant très longtemps…». Logiquement, ses lyrics prennent une importance essentielle dans son travail, elle les habille d’un visuel soigné des clips aux pochettes.
Une esthétique qui l’érige comme la Déméter de la pop music qui met en avant la nature et plus particulièrement une fascination pour les fleurs. Un bouquet garni qu’on retrouve sur les jaquettes de ses trois EPs  (See.SZA.Run et S et Z) ainsi que dans ses clips : « Ice Moon » et « Time Travel Undone » en sont l’illustration. Cette fascination elle la doit à une mère botaniste, un père passionné de plantes et ses études en biologie.

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C’est ce type d’influence qui construit SZA et qui font d’elle une artiste avant tout, ce qui l’intéresse c’est de créer quel que soit le moyen. C’est cette fibre artistique qu’elle décrit lorsqu’elle parle de la conception du titre « Teen Spirit » : « Nous n’avons pas mixé ce morceau, je crois qu’on m’entend même me racler la gorge. Il n’y avait pas d’ingénieur et on l’a enregistré en deux heures. Il y avait tellement de passion dans le processus d’enregistrement, les choses volées naturellement de ma bouche… ». Sa création passe par la musique, son art prend forme par sa voix ; une puissance abstraite qu’elle refuse de catégoriser : « Je m’amuse à faire des choses différentes sur chaque morceau, pour moi jouer de la musique c’est comme s’habiller . Donc pour « Julia » produit par Felix Snow je deviens Cindy Lauper et lorsque je suis avec Emile Haynes je me transforme en Johnny Cash…» .

TDE, la famille avant tout

SZA n’est définitivement pas comme tout le monde. Lorsqu’elle a signé chez TDE, il n’y a eu aucune célébration et l’annonce s’est faite en douceur. Une sobriété qui dénote dans un milieu où le clinquant est devenu culturel. Cette discrétion est autant due à son caractère qu’à la crainte de ne pas être à la hauteur des figures monstrueuses incarnées par Kendrick Lamar, Schoolboy Q et consorts. C’est naturellement que SZA a pris ses marques, elle se révèle au fur et à mesure et son introversion épouse les valeurs de sa nouvelle famille : « Ce sont les gens les plus honnêtes. Ils ne se foutent pas de toi mais personne ne te tient la main. La manière dont ils te montrent leur respect c’est en valorisant ton talent. Ils se battent pout toi pour que tu ais ce que tu veux. Ils nourrissent ta créativité, c’est comme ça qu’ils travaillent. Ils ne sont pas du genre à faire péter des bouteilles dans des restos ou soirées et d’ailleurs la moitié d’entre eux ne boivent même pas. C’est vraiment ma famille… ».
Musicalement, elle offre à TDE une sensibilité qui respire l’authenticité et propose la possibilité d’une nouvelle texture, d’une nouvelle exploration musicale pour le crew et certains de ses membres. Mais la force de son art reste sa faculté à s’adapter à une ambiance et à un artiste. La simplicité de l’association de sa voix au rap d’Isaiah Rashad dans « Ronnie Drake » est d’une mélancolie rafraîchissante ; mais elle sait aussi se muer en souffle aérien pour « His and Her Fiend » dans Oxymoron, dernier album de Schoolboy Q.

Cette nouvelle corde vocale semble être dans les meilleures dispositions pour prendre une place qu’elle se crée sereinement. Son talent naturel et son entourage artistique permettent une belle mise en valeur des différentes facettes de sa personnalité artistique et de son histoire. SZA se révèle autant qu’elle révèle les autres, un ricochet qui devrait rejaillir sur le prestige de TDE et faire briller encore plus le label.

Les américains appellent ce genre d’opus « a body of work », le dernier en date selon l’opinion général serait indéniablement Good Kid, MaAd City de Kendrick Lamar. Traduisez par là qu’il s’agit d’un album complet tant dans le fond que dans sur la forme, porté par un univers cohérent et une qualité qui ne se dévaluera pas – ou très peu – avec le temps. Chez YARD, nous n’avons pas choisi de nous attarder sur ces albums qui ont fait l’unanimité, mais sur ceux qui ont traversé les filets musicaux de la masse populaire. À tort ou par mégarde, ces pépites n’ont pas eu le succès qu’elles méritaient et se sont perdues dans les limbes abyssales de la musique contemporaine.

Aujourd’hui nous vous (re-)présentons A Gangster and a Gentleman du rappeur Styles P (tiers du groupe The Lox). Flashback sur l’année 2002 – le 9 juillet pour être pointilleux – date à laquelle l’album du MC engendré par les rues du Yonkers sort dans les bacs.

Pour contextualiser, il s’agit du 1er album du Ghost (un de ces multiples alias). Quand on sait à quel point une première galette est importante dans la carrière d’un rappeur, qui plus est d’un membre important du collectif Ruff Ryders (excusez du peu), on se dit que toutes les chances sont mises du côté de l’artiste : par son label (Ruff Ryders/Interscope) mais aussi par le bonhomme lui-même.
Bien mal lui en a pris, l’album entre honorablement à la seconde place au Top R&B/Hip-Hop Album et 6ème au Billboard 200. Certifié disque d’or par la R.I.A.A le 11 octobre 2002 (soit 3 mois après sa sortie), sans réel single hormis « Good Times » (6ème au Hot R&B/Hip-Hop Songs ; 8ème au Hot Rap Singles et 22ème au Billboard Hot 100), The Hardest Out a du mal à défendre l’album devant un public habitué à plus de tubes provenant d’un membre des Ruff Ryders.
Nous sommes en 2002, en pleine période estivale ; au 3ème trimestre (notion chère aux bureaucrates de labels musicaux outre-Atlantique) et face à lui, Paniro doit lutter contre : The Eminem Show d’Eminem, sorti le 26 mai – Nellyville du rappeur Nelly – God’s Favorite de N.O.R.E tous les deux le 25 juin ou encore Scarface et son album The Fix le 6 août. Ah, dear summer !

Pour ceux et celles qui puent de la chatte et des aisselles comme dirait notre Housni national (#joke), voici quelques points que nous avons jugé représentatifs de l’album A Gangster and a Gentleman. Car conscients qu’une grande partie de notre auditoire n’ira pas forcément écouter le LP dans son intégralité, nous avons décidé de vous simplifier ce bourbier.

1 titre :

« The Life » feat. Pharoahe Monch (produit par Ayatollah et contenant un sample de The Long and Winding Road interprété par Aretha Franklin).

Un refrain entrainant plein de soul, une instru maitrisée de bout en bout par un producteur trop souvent oublié et un texte qui peint une réalité froide et pleine de lucidité à travers l’âme torturée du rappeur. Le flow est continu, la voix calme délivre une vérité brutale et sans concessions.

1 clip :

« Good Times » 

On retrouve ici les codes d’un clip studio, simple et efficace. Les scènes où le rappeur porte des lentilles de contact fluorescentes – clin d’œil à Sisqo et son tube « Thong Song ? » (#joke) – et la séquence en général nous rappellent aux plus belles heures d’un Hype Williams.
Une vidéo qui ne casse pas des briques mais qui ne vient pas ternir le titre non plus. Cependant une question nous turlupine un peu l’encéphale : pourquoi diable Styles P passe t-il le tiers du clip aux chiottes alors que la fête semble battre son plein sur le dancefloor ?!

1 lyrics :

If I could got my miracle on/
Listen to me, I would bring my brother back in the physical form/
Cause the spirit still here, but the visual gone.
Si je pouvais bénéficier d’un miracle/
Soyez bien attentifs, je ressusciterais physiquement mon frère/
Car son esprit est toujours présent, mais son image s’en est allée.

Où quand fond et forme sont en symbiose.

1 feat :

M.O.P sur le titre « Y’all Don’t Wanna Fuck ».

Le 18ème titre de l’album nous présente le duo de Brownsville. Fidèles à eux-mêmes les deux compères nous livrent une partition sans fioritures. Lil’ Fame et Billy Danze font le taff sur un refrain dont eux seuls ont le secret, nous servant une prestation très énergique. La base pour ce binôme explosif.

1 chiffre clé :

24

Le nombre de pistes (dont une intro, cinq skits, une outro et un morceau bonus) dont regorgent l’album. C’est beaucoup, peut-être trop pour une première salve discographique personnelle. Une abondance de titres qui certainement, a du mettre à l’épreuve les auditeurs les plus chevronnés et fait fuir un public qui ne demandait pas tant pour une introduction au style de David.

En conclusion, cet album est à écouter sans pression mais avec une oreille avertie. Public, si tu as une heure à perdre et que tu souhaites compléter ta discographie avec un album qui aurait mérité meilleur sort, nous t’ invitons à vous pencher sur A Gangster and a Gentleman. Nous te promettons que tu ne seras pas déçu.

À l’occasion de la sortie de la compilation Bonjour colette – 7 Japanese bands vs 7 French bands, l’incontournable shop parisien s’est délocalisé au Parc de Sceaux . Une programmation musicale et des activités autour du Japon sont venues accompagner les cerisiers du parc.

Onitsuka Tiger. Si ce nom n’évoque rien a beaucoup, nombreux sont ceux qui connaissent  cette marque sous une autre appellation, plus porteuse : Asics. Crée par Kihachiro Onitsuka dans les années 50 pour encourager la pratique du sport et redorer le blason de la nation après la fin de la seconde guerre mondiale,  la première Onitsuka Tiger est une chaussure de basket-ball au succès mitigé. Retravaillée et améliorée, elle devient le premier succès de la marque et le point de départ de l’aventure.

A partir de là, OT s’ouvre aux autres sports et produit des chaussures pour le running, le football ou les arts martiaux notamment. C’est dans ce contexte qu’est née la OT Tai-Chi.  À l’époque, le succès d’estime de la marque dépasse les frontières et Kihachiro se fait contacter par un certain Phil Knight, un athlète universitaire, à la recherche de chaussures plus légères et avec une meilleure absorption. L’américain convainc Kihachiro Onitsuka de l’existence d’un marché aux USA et devient le premier commerçant à les vendre sur le territoire américain. L’histoire ne nous dit pas si Onitsuka Tiger lui a servi d’influence pour créer quelques années plus tard sa propre marque, Nike.
Quoiqu’il en soit, OT continue son développement par l’exportation et l’appellation Asics (acronyme latin pour  « esprit sain dans un corps sain »). Et pour la première fois en 1966 les bandes caractéristiques font leur apparition  à l’occasion des épreuves de qualifications pour les Jeux Olympiques de Mexico. Aujourd’hui on distingue Asics comme étant le pendant moderne et technologique de la marque, alors que Onitsuka Tiger représente la gamme vintage et le garant de l’héritage de l’entité japonaise.

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La Tai-Chi est sans conteste un des premiers modèles iconiques de la marque.  Elle a été conçue à l’origine pour les arts martiaux où la finesse de son cuir,  la souplesse de sa semelle et sa légèreté s’adapte à merveille à ces besoins sous toutes ces formes : du yoga à la capoeira en passant par l’aikido ou le taekwondo. Louée pour son look simple, la Tai-Chi est aujourd’hui reconnaissable de tous grâce à son modèle jaune à bandes noires. Un modèle « abeille » immortalisé par son cameo dans le film Game Of Death, l’un des derniers films de Bruce Lee sorti en 1978, 5 ans après sa mort. Le charisme du Petit Dragon, l’incongru mais pas moins épique face-à-face final avec Kareem Abdul-Jabbar et surtout la combinaison noire et jaune devenue signature de son style donnent à la Tai-Chi une dimension légendaire. Elle acquiert maintenant une certaine aura et fait office de symbole et de représentation du combat.
Grand amateur de films d’arts martiaux, Quentin Tarantino ne s’y trompe pas et lorsqu’il rend hommage à cette époque avec Kill Bill ; l’héroïne Black Mamba, interprétée par Uma Thurman, arbore la même combinaison et les mêmes OT Tai-Chi lors de sa quête de vengeance débutée en 2003.  Une seconde apparition qui finit d’achever la légende du modèle et grave la Tai-Chi dans notre imaginaire relatif aux arts martiaux et dans la culture pop. Bien sûr d’autres références ou inspirations suivront au cinéma, dans la BD ou dans des jeux vidéo, qu’elles soient relatives au modèle Tai-Chi (Vincent Lacoste sur l’affiche du film De l’huile sur le feu),  aux codes couleurs (Bumblebee dans Transformers),  à la marque (le manga GTO,  signifiant Great Teacher Onitsuka, GTO étant le nom d’un autre modèle de marque) ou à l’esprit (Brice De Nice reconnaissable à son tee-shirt jaune et noire et ses running Asics de la même couleur).  Une chaussure qui aurait pu tout aussi bien aller à la fratrie composée d’Averell, Jack, William et Joe…

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La Tai-Chi a sans doute inspiré plusieurs modèles iconiques après sa sortie. Notamment la Nike Cortez qui s’est vu donner un second souffle grâce au cinéma et qui multiplie les hommages à son passé à l’aide de rééditions. Pour les 10 ans de la sortie de Kill Bill en 2013  la Gel Lyte Saga II ou encore la Mexico 68 se sont vues habiller de noir et jaune pour l’occasion.
Si beaucoup de sneakers ont une histoire particulière, peu bénéficient du caractère tri-dimensionnel de la Tai-Chi. En effet la plupart des chaussures de sport sorties entre les années 70 et 90 deviennent aujourd’hui des chaussures lifestyle. La Tai-Chi reste utilisée par les pratiquants d’art martiaux encore aujourd’hui, elle est devenue en même temps une icône du cinéma puis reste portée comme une sneaker lifestyle dans la rue. Allant tout aussi bien aux femmes qu’aux hommes, elle reste appréciée pour son confort, son élégance et le dynamisme de ses couleurs. Là est peut-être l’exploit accompli par la Tai-Chi et d’un point de vue plus global par Onitsuka Tiger et Asics : avoir réussi à conserver son  ADN sportive et son identité tout en s’ouvrant à d’autres univers.

1965 en 5 dates :

18 février : Naissance de Dr. Dre
21 février : Assassinat du militant noir de Malcolm X à Harlem, New York.
20 mars : France Gall remporte l’Eurovision
19 novembre : Naissance de Laurent Blanc, ancien footballeur français.
19 decembre : Charles De Gaulle devient le premier président de la République élu au suffrage universel.

Certains disent que nous sommes en plein dedans pendant que d’autres assurent qu’au contraire nous en sortons, mais une chose est sûre c’est que la crise a touché l’industrie du disque a touché directement les majors au portefeuille. Et ça continue ! En mars dernier l’IFPI (Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique) annonce des chiffres en baisse pour l’année 2013 avec un recul de 4%.

C’est donc dans cette relative concomitance que nous apprenons la sortie d’un nouvel album posthume de Michael Jackson, le second en moins de quatre ans, Xscape. Après les polémiques soulevées lors du précédent opus, Michael, notamment concernant l’authenticité de la voix du King sur certains morceaux et la commercialisation de son travail sans aucun consentement ; forcément la construction de ce nouveau projet interroge.
À ce sujet, dès l’annonce, les justifications s’empilent. Les titres auraient été travaillés dans un esprit de « contemporisation » de l’œuvre de MJ. Un néologisme qui cherche à induire l’idée d’un travail qui reste dans l’esprit de l’artiste, grossièrement : « C’est ce que Michael aurait voulu ». Les enregistrements ont été sélectionnés puis mis dans les mains des producteurs avec lesquels le chanteur avait travaillé à l’origine : Timbaland, Rodney Jerkins, John McClain… Une fois de plus, on exhume les pensées de MJ et on les fait parler. Le premier round est pour EPIC, nul doute que le second sera celui de la famille et enfin se seront les fans qui après écoute rendront le verdict définitif.

Loin de nous l’idée de juger l’utilité artistique et éthique d’Xscape, ce nouveau projet symbolise la logique mécanique des majors et cela prend une ampleur considérable avec une figure aussi populaire que celle de Michael Jackson. Les labels restent dans une logique de faire fructifier leur catalogue qu’il soit déjà exploité – avec une multitude de « best of » (The Definitive Collection), coffrets (The Indispensable Collection), rééditions d’albums (le 25ème anniversaire de l’album Bad) – ou avec des inédits compilés dans des albums posthumes. Depuis la mort du roi le 25 juin 2009, douze projets de ce type l’ont amené à côtoyer les bacs soit deux de plus que ce qu’il a fait de son vivant en solo.

Il s’agit de capitaliser sur des catalogues dont la puissance de frappe est connue, nous pénétrons sereinement dans l’économie macabre. Le fan milking qui consistait à extraire des fans le maximum de deniers en multipliant les recettes possibles (albums, concerts, produits dérivés…) existe encore plus dès la mort de l’artiste. Ceux qui ont vendu, vendront !

Une loi simple qui minimise la prise de risque dans un secteur où les succès ne peuvent ni se prévoir, ni se quantifier. Les majors se cantonnent trop souvent à faire de la resucée de leur tête d’affiche plutôt que de chercher les artistes de demain. Pour la survie du disque, refaçonner le modèle économique n’est plus suffisant. Il est maintenant temps de renouveler la proposition artistique.

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Tua – Keiner Sonst

Jeune Berlinois dont le nom commence à circuler outre-Rhin, Tua nous a livré un EP il y a quelques jours : Stevia. Dansant et/ou aérien, ce projet semble augurer d’une belle promesse d’avenir tant l’univers de l’artiste semble déjà établi. En témoigne, ce clip épuré et ingénieux où Tua nous coupe le souffle.

P. Diddy – Big Homie (feat. Rick Ross & French Montana)

Après P. Diddy et Diddy, retour aux origines pour Sean Combs qui a repris le pseudo de ses débuts : Puff Daddy. Entouré de ses « partners in crime » Rick Ross et French Montana, c’est assez naturellement que ce morceau est titré « Big Homie ». Dans la férocité de ce qu’on aime appeler le « rap game », il est rare de trouver des clips aussi fédérateurs. 2 Chainz, A$AP Rocky, Meek Mill, Snoop Dogg, Jermaine Dupri, Nelly et consorts articulent la vidéo par différents caméos, une espèce d’Avengers hip-hop.

Joke – Majeur en l’air

Le 2 juin 2014, Joke jouera définitivement dans la cour des grands avec la sortie de son premier album, Ateyaba. Après deux mixtapes où le rappeur de Montpellier a témoigné de la fraîcheur qu’il apportait déjà au rap français, cet opus génère forcément une belle attente. Le second extrait, « Majeur en l’air » donne le ton. Les lyrics aiguisées de Joke se conjuguent parfaitement à la férocité de la production de Therapy et l’ensemble est habillé par Nathalie Canguilhem. Une combinaison qui fonctionne comme le retour du « survêt’ » Lacoste.

Raury – God’s Whisper

La puissance de la musique réside en sa capacité à générer des émotions que vous soyez un artiste dont le génie est respecté de tous ou un parfait inconnu. C’est le cas de Raury, du haut de ses 17 ans, la puissance divine de son chuchotement et son clip tranchent à un moment où les beats énervés sont omniprésents. Relayé par Noisey, Hypetrak, Pigeons and Planes, l’artiste pour un premier clip rassemble déjà.

Rim’K – Avec du Recul

Peu d’artistes en France peuvent se vanter d’avoir 20 ans de carrière au plus haut niveau, Rim’K fait partie de ce cercle très restreint. Après un cinquième album solo Chef de Famille, le Vitriot reprend de l’activité avec une succession d’inédits baptisés « Hors Série». « Avec du recul » marque le retour sur nos écrans du 113 au complet… De bons souvenirs.

Il y avait un avant et il y aura très certainement un post True Detective tant la révolution créative qu’a entrainé la série dans le milieu audiovisuel américain est importante. Notamment ou directement par son créateur Nic Pizzolatto qui a magistralement imaginé le drama et qui officie en tant que scénariste et showrunner (celui qui, en amont donne les directions à suivre dans une série). Il est également executive producer (faux ami), autant dire que la multiplication de casquettes ne lui a pas fait perdre la tête. Mais aussi par son réalisateur Cary Joji Fukunaga, également executive producer. Ce dernier est issu du cinéma et a notamment mis en image le très réussi Sin Nombre» sorti en salles lors de l’année 2009.

Rendez-vous compte, là où une majorité des séries embauchent un réalisateur tous les 3 épisodes (Breaking Bad a employé 25 réalisateurs différents pour 62 épisodes) et ont recours à une multitude de scénaristes, True Detective réussi le tour de force de maximiser l’apport de deux personnes. CHAPEAU messieurs. Sans plus attendre, voici quelques chiffres qui vous donneront plus d’informations (no spoilers).

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Cinq artistes à un tournant déterminant de leur carrière, les uns sont chanteurs et l’autre est boxeur mais les deux entités sont en quête de cogner l’histoire.

Les Beatles débarquent outre-Atlantique avec leur Beatlemania pour confirmer la frénésie déjà installée en Angleterre. Si la Grande-Bretagne est conquise en 1963, le groupe souffre d’un déficit d’exposition aux États-Unis notamment dû au distributeur Vee-Jay qui se matérialise par le faible retentissement de leurs deux premiers albums. Face à cet échec, EMI, la maison de disque du groupe, fait monter la pression sur Capitol afin qu’ils promeuvent le groupe aux USA. Une enveloppe de 40 000 $ est avancée pour livrer les Beatles à New-York, Washington et Miami.

Quant à Cassius Clay, après son titre de champion olympique, il enchaîne des performances fracassantes sur le ring et des envolées lyriques arrogantes sur les ondes. Son objectif est d’amener au combat Sonny Liston, champion du monde en titre, et enfin se battre pour la ceinture. Pour cela, Clay mène une campagne truculente d’harcèlement notamment en louant un bus et un porte-voix pour provoquer Liston en pleine nuit au pied de chez lui.
En février 1964, ils sont tous les cinq à Miami et pendant que les Beatles enchaînent un deuxième live pour le Ed Sullivan Show, Ali s’entraîne à dominer son adversaire. Les British fascinent les masses mais rendent dubitatifs les journalistes. Le New York Herald Tribune écrira : « En fait de talent, les Beatles semblent être 75 % de publicité, 20 % de cosmétique et 5% de jérémiade mélodieuse ». La presse est quasi unanime.

Quant à Cassius, les bookmakers en font un outsider peu crédible face à Sony Liston qui tient son titre depuis 1962, notamment après avoir explosé Floyd Patterson au premier round d’une série destructrice de six crochets du gauche et un du droit qui fissura les esprits. Malgré sa côte de 8 contre 1, partout où il passe Clay dégage une véritable sympathie, celle que l’on a pour un gamin à la langue un peu trop pendue en attendant que la vie le fasse taire, que Sonny le fasse taire.

Deux jours après le concert pour Ed Sullivan et sept avant le combat au Convention Hall, le 18 février 1964 boxeurs et rockeurs montent par hasard sur le même ring. À l’instar d’un public frileux, les quatre garçons dans le vent, préfèrent le champion en titre, convaincus, comme le disait John Lennon, « que la grande gueule allait perdre », même Ringo Starr a parié sur le poids lourd. Le groupe aux États-Unis, pour étendre sa notoriété, préfère s’afficher avec Liston plutôt que l’arrogant Clay. Harry James Benson, photographe de la tournée américaine du quatuor, essaie d’organiser cette opération, en vain. « Qui sont ces gays ? » a élégamment demandé le tenant du titre au micro d’un journaliste du New-York Times. Il fallait  donc trouver une solution de secours. Benson décide d’organiser cette séance photo avec Cassius face à des Beatles plus que réticents, mais c’est toujours mieux que rien. En retard le futur Muhammad Ali et sa bonne humeur caractéristique ont rendu ce moment unique. Il ouvre la porte et crie : « Hey les Beatles, on va faire des tournées sur les routes ensembles, on deviendra riches ». Le ton est donné, le personnage est placé.

Ils s’amusent et se mettent dans toutes les situations, Cassius Clay les renverse comme des dominos puis il évite les assauts du groupe et finit par les terrasser. Un instant suspendu dans le temps pour ceux qui y ont assisté. Ali déclarera : « Quand Liston lira que les Beatles sont venus me voir, il deviendra tellement fou que je le mettrai KO au troisième round ». Sept jours plus tard et quatre reprises en plus, Cassius Clay deviendra champion du monde.

Les six artistes se sont croisés à un carrefour qui allait marquer leur avenir, l’Amérique aurait pu enterrer les Beatles, Sonny Liston aurait dû défigurer Clay. Mais ce mois de février les a intronisés comme des icônes populaires qui marqueront leurs domaines respectifs mais aussi l’histoire.

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Arrivé par la voie sinueuse de l’underground en 1993, la semaine dernière et plus de vingt ans plus tard le Wu-Tang Clan propose un double album inattendu mais cette fois, ils passent directement par la case musée. The Wu – Once Upon A Time In Shaolin deviendra donc le sixième opus de la bande à RZA six ans après 8 Diagrams, leur dernier effort collectif.

Pour célébrer, le Clan a fait appel à l’artiste Yahya qui a conçu un coffret en argent magistral pour accueillir ce disque, une pièce unique. Cette œuvre partira en tournée mondiale dans différents musées, galeries et fondations puis sera vendue aux enchères pour « quelques millions de dollars » espère RZA.

Hip-hop et art : mariage arrangé

Cette collaboration symbolise une évolution du hip-hop, genre qui imbriquait par nature les différentes disciplines qu’il abritait : rappeurs, danseurs, DJs, breakeurs, graffeurs pratiquaient joyeusement leurs passions dans la même cours. Mais depuis quelques années, les rappeurs s’éloignent de la street et naturellement ils tendent vers un art plus huppé et recherché même si les liens restent parfois très étroits.
En témoigne, l’amitié entre Pharrell et Kaws qui, pendant un moment a habillé le lifestyle et la démarche artistique de la moitié des Neptunes : Kaws a inscrit sa griffe sur la pochette du dernier album des Clipse, même chose sur la couverture dédiée au N.E.R.D. d’un numéro de Complex, dans le clip « Hot-n-Fun » il apparaît au volant d’une Rolls-Royce customisée par l’artiste et enfin lors d’un shooting photo de son penthouse à Miami, il exhibe sculptures, tableaux ou autres produits dérivés…

Pharrell Kaws

Une connexion qui se fait également avec Kanye West et qu’il multiplie avec d’autres acteurs comme Takashi Murakami et George Condo. Jay Z, leader parmi les leaders, entérine ce revirement notamment avec l’événement « Picasso Baby » où il s’est produit comme une œuvre d’art pendant six heures au Moma à New-York. Hova accumule dans ses textes les références à un art plus proche des galeries que de la rue, Drake n’hésitera pas à déclarer qu’il regrette l’importance que cela a pris dans ses lyrics.
Ce coffret de Yahya témoigne de la gentrification d’un genre dont les codes évoluent les années passants. Le hip-hop garde un pied dans la rue mais glisse un orteil de plus en plus gros dans la porte de l’ouverture et touche à d’autres styles, d’autres univers.

Cash Rules Everything Around Me

Ce double album événement du Wu-Tang semble être le point d’ancrage de la communication du très attendu A Better Tomorrow, sixième album du groupe sept ans après 8 Diagrams. Cette opération apporte un éclairage considérable à une époque où les réunions des anciennes gloires du hip-hop sont devenues peu excitantes. L’ampleur du projet offre une lumière valorisante qui laisse dans l’ombre l’amertume du goût laissé par 8 Diagrams et cette alchimie perdue.
À une période où le marché physique continue de dégringoler et que les ventes numériques peinent à combler ce manque, le hip-hop est le moteur de l’innovation au niveau marketing. En 2010, pour préparer son retour avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy, Kanye West offre chaque vendredi un inédit dont certains d’entre eux figureront dans l’album (« Power », « Devil in a New Dress », « Monster »…) et d’autres passeront à la trappe (« Christian Denim Flow », « Don’t Stop », « Chain Heavy »…). Une nouvelle manière de communiquer loin des sillons de la promotion médiatiques.

Kanye West - GOOD Friday

Jay Z se servira de la publicité et de la marque Samsung pour annoncer son dernier album qui donnera lieu à un spot digne d’un Avengers hip-hop avec au casting : Swizz Beatz, Pharrell, Rick Rubin et Timbaland. Un teasing concomitant avec une opération marketing unique où le premier million d’acquéreurs de différents modèles Samsung. Le Brooklynite n’hésite pas à associer son travail artistique à une entité commerciale à des fins clairement mercantiles. Une nouvelle force de frappe inexploitée à ce niveau. Enfin, dernier fait d’arme, l’album éponyme de Beyoncé sortie exclusivement en digital et sans aucune communication. Trois jours plus tard et plus de 800 000 opus vendus sur iTunes, elle casse tous les records et détrône Justin Timberlake et son 20/20 Experience de la première marche du podium. Une leçon qui montre qu’on peut faire plus que domestiquer cette jungle du numérique en l’utilisant à profit.

Même si le débat de la dénaturation du hip-hop est sur toutes les lèvres, le genre semble avoir trouvé son équilibre entre crédibilité, ouverture et économie. Promis à l’éphémère, cette stabilité a permis au hip-hop d’obtenir une pérennité commerciale et artistique. C’est grâce à ça qu’encore aujourd’hui « hip-hop is not dead ».

En février 2013, nous étions en studio avec Kim Chapiron en plein mixage de son nouveau long métrage, La Crème de la crème. Alors en total immersion dans la post-production, le cinéaste a pris quelques instants pour répondre à nos questions. Une interview qui explore l’histoire cinématographique du cofondateur de Kourtrajmé, de ses débuts à son dernier film, en entrouvrant la porte de l’avenir.

Quels ont été les éléments déclencheurs qui t’ont amené au cinéma ?

C’est la BD, mon père faisait pas mal de BD et donc, par mimétisme, conscient ou inconscient, j’ai voulu faire la même chose. J’ai commencé à écrire des histoires et à penser découpage, car la BD c’est du découpage et de petites histoires. C’était des histoires très courtes qui faisaient quatre ou six pages et c’est ce qui m’a amené au court métrage. Le déclencheur, c’est qu’à l’époque où je dessinais beaucoup, j’ai eu la chance de vivre la montée en puissance de l’équipe Vincent Cassel, Mathieu Kassovitz, Assassin, que je voyais depuis pas mal de temps faire leurs choses dans leur coin. Et du jour au lendemain Métisse a vraiment révélé toute cette clique. C’est Métisse qui m’a donné envie de transformer la BD en court métrage. Mathieu Kassovitz a commencé à jouer dans nos vidéos, puis Vincent Cassel qui a eu une grosse implication et avec qui on est devenus très proches. C’était le début de tous les courts métrages qu’on a fait avec Romain Gavras, Sheitan y compris.

Koutrajmé a-t-il influencé ton cinéma, qui peut sembler un peu différent?

Kourtrajmé a été un incroyable laboratoire où tout était permis, donc forcément ça a influencé la suite quand on est arrivés au bout de cette expérience de groupe. C’était une expérience de meute, on faisait tout ensemble, on sortait ensemble, on dormait ensemble. Ça a forcément influencé la dynamique de travail des films qui ont suivi, des longs métrages, en tout cas. Tout vient de ce moment. C’est là qu’ont pris naissance les amitiés et les collaborations qu’on a d’ailleurs conservées avec tous les membres de Koutrajmé.

Les réalisateurs et vidéastes d’aujourd’hui ont-ils été influencés par Kourtrajmé, selon toi ?

Je pense que le fait que nous ayons pratiqué cette liberté est lié à cette chance d’être arrivé au tout début d’Internet. On a atterri sur les premiers réseaux de diffusion Internet qui nous ont permis à l’époque d’être mis en avant par une multitudes de sites, car il fallait du contenu. Je pense que nous aussi, nous avons bossé avec l’idée de profiter de tous les réseaux de diffusion possibles.
Je pense que Kourtrajmé a contribué à nous décomplexer au niveau de la vidéo, où avant on se disait que c’était seulement l’affaire des grosses équipes, des grosses lumières… Nous, on avait une vraie liberté de ton qui faisait qu’on se permettait tout, car il n’y avait aucun enjeu. On n’avait aucun compte à rendre à aucun producteur, à aucun diffuseur. On était extrêmement sauvages. Tout se faisait de manière extrêmement décomplexée et si Kourtrajmé a montré un chemin, c’est bien celui-là.

Avec Romain Gavras, vous avez été les deux têtes pensantes de Kourtrajmé. Que penses-tu de son évolution et de ses projets ?

Moi, je suis un fan absolu de Romain et je trouve parfait l’enchaînement du clip de M.I.A. et de « No Church In The Wild ». Se retrouver deux fois nominé aux Grammy Awards, c’est quand même assez dingue. Quand tu penses qu’il a mis des costumes à des flics grecs en train de faire une guerre civile en se servant de la puissance médiatique de Jay Z et Kanye West, c’est vraiment génial ! Je trouve que ce que fait Romain en termes de propagation d’idées folles est vraiment incroyable.

Est-ce que vous envisagez de faire une nouvelle coréalisation ?

Pour « No Church In The Wild », j’étais en seconde équipe et, sur La Crème de la crème, Romain était aussi en seconde équipe. C’est systématique. Mais une collaboration officielle sur laquelle on coréaliserait tous les deux, on a différents projets qu’on est en train de mettre sur papier, oui. Plutôt du long métrage.

Comment expliques-tu le succès international de Sheitan ?

Vincent a été une pièce maitresse dans l’exposition internationale. Je sais par exemple qu’en Russie, à l’époque où on est sorti, ils adoraient Vincent Cassel.
Le long métrage a été classé film d’horreur, mais je ne pense pas que ce soit spécialement le cas, je suis toujours incapable de dire quel est le style de Sheitan. La carte « horreur » entre dans le film de genre, c’est ce qui s’exporte le mieux.

Peux-tu nous parler de la Crème de la crème, ton dernier film ?

C’est un groupe d’étudiants à HEC qui monte un réseau de prostitution. Ils vont mettre en pratique toutes leurs connaissances et leur savoir-faire, car ce sont des jeunes gens plutôt brillants et leur association va très bien marcher. C’est l’histoire d’une expérience qui va se transformer en grande entreprise qui va cartonner dans le campus.

Comment t’est venue l’idée du scénario ?

C’est la rencontre avec Noé Debré (le scénariste) et Benjamin Elalouf (le producteur) qui a fait naître le projet. Quand je les ai rencontrés, j’ai vraiment flashé sur cet univers. Ensuite, avec toute l’équipe de production et Alexandre Syrota  (le coproducteur), on s’est promenés sur le campus d’HEC, on a fait les élections des futurs BDE (NDLR : bureau des étudiants). On a exploré l’univers des grosses fêtes et le fantasme qu’on a des écoles de commerce, on s’est baladés un peu partout : Grenoble, La Rochelle, l’ESCP (École supérieure de Commerce de Paris). On s’est un peu infiltrés dans ce monde où il y a un folklore incroyable, c’est surtout ça qui m’a donné envie. De là, en pêchant des petits bouts de réalité et en mélangeant ça avec la plume de Noé, on a écrit La Crème de la crème.

Kim Chapiron ARTICLE 3

Comment fais-tu pour tourner des sujets très simples (scolarité, prison…) avec des angles toujours originaux ?

Ce qui m’intéresse, c’est de clore une trilogie autour de l’adolescence. Les thématiques générales qui m’intéressent dans les trois films sont aussi bien le jeune âge, donc le passage de l’enfance à l’âge adulte, que les personnages que l’on n’aime pas.
Dans Sheitan, a priori on n’aime pas les trois gars qui sont en boîte de nuit et qui font chier. Ces mêmes types qui se font péter une bouteille sur le coin de la gueule et qui se retrouvent en dérive. Dans Dog Pound, ce sont de jeunes délinquants et, dans la Crème, ce sont les premiers de la classe depuis le primaire.
Pour se retrouver dans ces écoles il faut être premier de la classe dès le début, on n’aime pas les premiers de la classe. On parlait avec un jeune étudiant d’HEC qui nous disait que la seule et unique question qu’il s’était posée depuis le début de sa scolarité était : « Comment je vais réussir à rentrer à HEC ? ». On est avec des gens qui ont un but et qui l’atteignent, des gens extrêmement déterminés.
Ce que j’aime bien, c’est présenter des personnages a priori antipathiques et de les rendre touchants. Puis d’observer ces contradictions, qu’il s’agisse de mecs du dernier ou du premier rang. Les personnages de Dan, Jaffar, Louis et Kelly sont quatre protagonistes qui apparaissent détestables au vu de leurs actions et de leurs statuts : le premier réflexe est de les détester et, pendant toute leur trajectoire, on apprend à les aimer. Moi, l’exercice qui m’amuse, c’est de jouer avec cette contradiction : comment on peut être touché et attendri par quelqu’un que l’on déteste a priori.

Vas-tu passer à autre chose que l’adolescence dans tes futurs projets ?

Je pense que oui, car ce n’était pas stratégique de me retrouver là encore à bosser sur un film avec de très jeunes gens qui envoient vraiment de la grosse prestation. Continuer à travailler avec de jeunes acteurs, c’est aussi un vrai confort car il y a un lâché prise que je retrouve systématiquement. Partir dans un autre univers me donne envie aussi, mais c’est surtout par rapport à ce que je vis. Avec Kourtrjamé, on était constamment dans une même direction avec cet effet de meute, on a toujours bossé avec l’environnement. Étant père de famille et changeant d’univers, je pense que naturellement je vais avoir des acteurs plus âgés. L’idée est d’être en accord avec ce que l’on vit

Comment expliques-tu le laps de temps assez long que tu laisses entre chacun de tes films?

Je ne suis pas pressé. Chaque moment dans la construction d’un film me nourrit énormément : que ce soit l’écriture où on partage des choses beaucoup plus intimes, ou le tournage où on se retrouve avec toute une équipe. C’est encore extrêmement différent. Et maintenant, la postproduction qui est un moment que j’adore. Moi, j’ai commencé par ça, où justement je passais mes journées dans des salles noires à trafiquer des petits boutons et à regarder des écrans. Je prends autant de plaisir dans les trois étapes de la construction d’un film, donc j’en profite, je prends du bon temps.

Quelles sont tes attentes par rapport au film ?

Passer un bon moment et faire de belles projections. De mes trois films, c’est celui qui tend le plus vers la comédie, donc ça va être nouveau d’avoir des salles qui rigolent. Car il y a des scènes où officiellement on est là pour vraiment se marrer. D’un autre côté, comme tout ce qui touche aux extrêmes, l’objectif est de mêler ça aux contradictions. On va avoir le cul entre deux chaises, ce qui est mon mood préféré.

Comment vois-tu ta progression et ton évolution en tant que réalisateur ?

Je n’utiliserais ni le mot progression, ni celui d’évolution, mais je pense que ce qui est important pour moi dans la mise en scène, c’est de m’adapter au sujet. À l’époque de Kourtrajmé, on travaillait avec de petits caméscopes. Sheitan était dans une image nerveuse, avec des courtes focales, et Dog Pound dans un rapport très froid, distant et neutre. La Crème est plus chaleureux, ce n’est pas une évolution, mais une adaptation de la mise en scène au service d’une histoire et de personnages.

Respectes-tu toujours le dogme de Kourtrajmé : « Ne jamais écrire un scénario digne de ce nom » ?

À la base, ce dogme, on se l’était donné avec Romain Gavras. Nous étions justement de jeunes fans du Dogme 95 de Lars von Trier et de Thomas Vinterberg qui, à l’époque, avaient fait ça pour justifier Festen (film de Vinterberg) et les Idiots (film de Lars von Trier). On était totalement en admiration devant cette branche de réalisateurs et, d’ailleurs, on l’est toujours. Ils s’imposaient ce qu’ils appelaient un vœu de chasteté. Nous, pour rebondir sur cette vision du cinéma, on avait fait le nôtre, qui en était quand même fortement inspiré. Au début c’était surtout de l’imagerie : on nourrissait notre univers en trouvant des échos dans d’autres cliques de réalisateurs.
« Je jure de ne pas écrire un scénario digne de ce nom », je pense qu’on est toujours assez fidèles à ce dogme-là car on essaie toujours d’avoir un regard un peu sur le côté et de rester toujours ambigus. Nos débuts, nos fins et nos personnages ont toujours des trajectoires assez étranges et on essaie d’affirmer le moins de choses possible. Le dogme est très flou, comme nos histoires, je pense.

« Mes amis de Kourtrajmé sont la nouvelle nouvelle vague », tels étaient les mots de Chris Marker, l’un des pionniers de l’essai cinématographique. Vingt ans après leur premier court métrage, Paradoxe perdu, et l’espoir d’un renouveau dans le cinéma français, Romain Gavras et Kim Chapiron ne sont plus les adolescents de quinze ans armés simplement d’une caméra familiale. Le premier est maintenant à la réalisation d’une dizaine de clips et d’un long métrage ; quant au second, il sort son troisième film, la Crème de la crème, aujourd’hui. Loin du raffut des premiers buzz hexagonaux produits par Internet et de la sensation « Pour ceux », que reste-t-il de Kourtrajmé ? Ce label qui a fait vendre, fantasmer et qui a été parfois mythifié, est toujours sollicité à chacune des actualités du tandem. Un poncif journalistique à écarteler pour savoir ce qu’il est bon de garder mais aussi de jeter.

Une histoire de famille

« La famille n’est jamais loin », tels étaient les mots de Kim Chapiron pour décrire l’état de Kourtrajmé, alors en pleine promotion pour Dog Pound. Même si les années ont passé depuis le lancement du collectif, en 1994, les liens tissés semblent toujours intacts et permettent surtout à chacun d’avancer artistiquement. Mais dans chaque famille le point le plus structurant reste la figure du père. Celui de Kourtrajmé demeurera incontestablement Vincent Cassel. Après avoir essayé de faire produire les deux fondateurs du collectif en jouant de ses connexions, l’acteur s’est retrouvé par défaut à occuper le rôle de producteur sur leurs deux premiers longs métrages. Mais au-delà de son implication financière, il incarne surtout l’image internationale de Kourtrajmé à un moment où la dimension du collectif reste locale. Lors du tournage d’Ocean’s Twelve, l’acteur distribuera des courts métrages à tout le casting et notamment au réalisateur Steven Soderbergh, qui tomba sous le charme de la musique du générique de Tarubi L’Arabe Strait, une des productions Kourtrajmé, Thé à la menthe. Ni une ni deux, le réalisateur appelle le compositeur du morceau, Nikkfurie de La Caution, pour la scène de la danse des lasers avec François Toulour. Une exposition inattendue.

C’est dans cette même logique de mise en avant de leurs premières œuvres au cinéma que la présence de Vincent Cassel assure une puissance artistique mais aussi commerciale. En effet, l’acteur à la renommée internationale offre des garanties au box-office que deux réalisateurs débutants sur le grand écran ne peuvent assurer malgré le prestige de l’appellation  Kourtrajmé. Mais ce choix peut être lu en dehors de toute perspective économique pour devenir la simple suite d’une logique fraternelle. En effet, il permet la recomposition à l’écran du duo Vinz (Vincent Cassel) et Bart (Olivier Barthélemy), l’axe fort des Frères Wanted. Car, à la ville comme à l’écran, le travail se fait en famille.

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C’est en cela que dans chacun de leurs films les deux réalisateurs gardent une place pour l’autre, pour son avis, pour ses compétences. Que ce soit par des caméos (Romain Gavras joue le rôle d’un brancardier dans Sheitan et Kim Chapiron celui de Youg Goth dans Notre jour viendra) ou par un travail plus technique. Pendant que Gavras prend la direction de seconde équipe dans Dog Pound et dans la Crème de la crème, Chapiron occupe le même poste dans « No Church In The Wild », le clip de Jay Z et Kanye West. Avoir un œil et une pensée pour l’autre, c’est ça la survie de l’esprit Kourtrajmé aujourd’hui. Si le collectif a longtemps été une famille recomposée en intégrant en son sein de nouveaux membres et adeptes pendant plusieurs années, depuis Sheitan, cette famille s’est décomposée.

Koutrajmé est mort, vive Romain et Kim

Le point d’orgue de Kourtrajmé restera Sheitan, qui reprend les codes, les thèmes mais aussi le rôle du personnage de Bart. D’ailleurs, on peut voir en ce premier film de Kim Chapiron une fin alternative au court métrage coréalisé avec Romain Gavras en 2003, Désir dans l’espace. Même sortie foireuse pour Bart, même embrouille avec le même couple, mais cette fois au lieu d’agresser sa victime d’un coup de bouteille et d’emballer une jeune femme dans son propre vomis, il finit la queue entre les jambes et l’arcade explosée. D’ailleurs, tout au long du film on croise une partie des protagonistes qui ont contribué à façonner l’histoire Kourtrajmé : Oxmo Puccino, Mouloud Achour, Mokobé, Tarubi, Nicolas Le Phat Tan et l’incontournable Joël le Gorille. Primate qui fait l’objet d’un des cinq piliers du Manifeste insurrectionnel de Kourtrajmé : « Je jure que Joël le Gorille apparaîtra dans chacune des productions Kourtrajmé. » Un respect global de cet institution qui fait de Sheitan un feu d’artifice parachevant dix ans de clips, courts métrages et autres bizarreries audiovisuelles. Un point d’orgue, mais surtout un point tout court.

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Car, depuis, Romain et Kim ont entamé un travail plus intime autant sur le fond que sur la forme, la patte Kourtrajmé s’est progressivement effacée et les deux frères se sont retrouvés face à la proposition cinématographique dans tout son éclatement et son immensité. La puissance du collectif qui résidait dans l’alternative proposée d’une esthétique de la rue ainsi qu’à l’effet de groupe s’est donc atomisée. Ils ont dû faire leurs preuves à nouveau. Kim Chapiron a privilégié les longs métrages et propose une approche plus épurée, ainsi que la force d’un travail scénaristique extrêmement dynamique. Quant à Romain Gavras, il impose son style, quelle que soit la forme audiovisuelle, son image tranche, son grain s’identifie. C’est cela qui fait du premier un réalisateur montant et apprécié et du second un vidéaste remarqué et réclamé. Mais entre les deux subsistent des liens qui constituent le ciment de leur relation cinématographique, un credo artistique.

Mettre la caméra dans la plaie

Ceux qui ont toujours revendiqué  « de ne pas justifier la gratuité des scènes gratuites », puis « de ne pas donner un sens à leur film mais de faire un film pour les sens » (respectivement deuxième et quatrième commandements du Manifeste insurrectionnel de Kourtrajmé), se tiennent à ces ferments idéologiques. C’est en ce sens que Gavras et Chapiron ont su rester Kourtrajmé. Tous deux n’hésitent pas à aborder des sujets touchant frontalement à l’humain et plus précisément à l’adolescence. Ils déclinent tous les deux le thème de la jeunesse sous différents angles : celle de la rue de Kourtrajmé à Sheitan, celle en quête d’identité sexuelle dans Notre jour viendra, celle des prisons juvéniles dans Dog Pound et, enfin, celle des dérives estudiantines d’HEC dans la Crème de la crème. En montrant la jeunesse dans tous ses doutes et sa violence, ils nous interrogent sur la société et son évolution, nous mettent face à nos responsabilités.

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Malgré cette (im)pertinence dans le traitement des sujets, les deux cinéastes mettent l’accent sur l’art, sur la caméra. Elle doit exalter les sens du spectateur, quitte à le mettre dans une position inconfortable, intenable même. C’est cette posture qui est déclencheuse de polémiques, on se souvient notamment des retours virulents face aux clips « Stress » et « Born Free ». À l’époque, la gêne était double, la violence des images mais aussi le silence de Romain Gavras refusant d’expliquer le sens de cette dureté. Un refus qui est le fruit d’un militantisme artistique pour ne pas influer sur l’interprétation des spectateurs. Une foi « kourtrajméesque ».

Le troisième long métrage de Kim Chapiron, La Crème de la crème, semble persister dans cette voie. La jeunesse, une autre jeunesse, y est scrutée pour aborder des thèmes qui feront encore frémir les parents d’aujourd’hui. Le réalisateur y observe la même rigueur dans l’appréhension du sujet, tout comme dans Dog Pound pour lequel il avait visité les prisons juvéniles du Midwest américain. Cette fois, c’est la matrice des hautes écoles de commerce à laquelle il s’est initié.

L’éducation artistique apportée par Kourtrajmé s’est associée à une approche plus personnelle du cinéma, mais toujours évolutive selon le sujet abordé. C’est en faisant l’addition de tous ces cheminements que le tandem Chapiron-Gavras conserve cette saveur singulière. Leur devise était : « Seigneur, ne leur pardonnez pas car ils savent ce qu’ils font. » Heureusement, car ce sont eux qui font bouger les lignes du cinéma français.

Chaque semaine, nous vous faisons découvrir une chaussure ayant marqué son année de sortie. Quoi de mieux pour inaugurer cette rubrique sur les sneakers iconiques que la Adidas Stan Smith, modèle emblématique de la marque allemande qui a fait son retour en ce début d’année après près de 3 ans d’absence.

Comme beaucoup de belles histoires, celle de la Stan Smith commence de façon cocasse, puisqu’au début de sa vie elle ne porte pas encore son nom mais celui du tennisman français Robert Haillet. Ce dernier est chargé par Adidas d’aider à la création d’une chaussure de sport adaptée à la pratique du tennis. En 1964, la Robert Haillet voit le jour.
Ce n’est qu’en 1971 que la paire prendra en partie le nom de Stan Smith, du nom de Stanley Roger « Stan » Smith, jeune tennisman américain alors numéro un mondial. Adidas signe un contrat d’exclusivité avec le joueur en 1973, et la chaussure est définitivement rebaptisée Adidas Stan Smith en 1978. Si le tennisman a brillé lors de sa carrière et reste l’un des plus grands sportifs de sa discipline (37 victoires en tournoi en simple, 54 en double), le grand public se rappellera surtout de cette paire.

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Pour beaucoup, la Stan Smith est synonyme de classe, style et distinction dans l’univers de la basket. En effet, ce modèle est déjà particulier par ses caractéristiques de départ qui font sa singularité dans la grande collection des modèles Adidas. Première chaussure de tennis entièrement conçue en cuir, elle a la particularité d’avoir des perforations sur les flancs à la place des traditionnelles trois bandes, encore aujourd’hui présentes sur la plupart des productions de la marque allemande. Ces perforations, censées améliorer l’aération, sont accompagnées d’une protection au tendon d’Achille, de couleur verte, qui constitue l’identité visuelle cette paire. La Stan Smith plaît par la simplicité de sa conception et son apparence immaculée, classy et moderne qui la rende indémodable.

La Stan Smith deviendra la première véritable chaussure de sport à sortir des terrains, courts et autres parquets pour s’installer dans la rue, pour devenir une paire « casual », portée dans la vie quotidienne. Elle sera définitivement consacrée à partir des années 80 lorsqu’elle sera portée au sein des mouvements punk, hip-hop ou reggae. Si son succès est mondial, elle acquiert une aura particulière en France où la paire deviendra l’un des témoins d’une génération portée par l’influence hip-hop. La Stan Smith symbolise parfaitement les années 90 et cette jeunesse souvent associée à la banlieue, une imagerie bien aidée par les apparitions de la chaussure dans des œuvres devenues mythiques comme le film  La Haine Vincent Cassel arbore ses baskets blanches tout au long du film, ou encore dans le clip du groupe IAM « Je danse le MIA »  réalisé par Michel Gondry en 1993.
La Stan Smith fait partie des quelques exceptions françaises, ces modèles au succès international parfois mitigé mais incarnant chez nous l’essence d’un mode de vie et d’une culture street à l’instar de :  la Reebok Classic, la Air Max BW, ou encore les Air Max Plus et Air Rift, plus vulgairement appelés respectivement, « Requins » et « Ninjas ».

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Suite à son succès,  la Stan Smith se verra déclinée sous différentes formes, entre collaborations et customisations diverses. De la couleur verte originale, on a vu apparaître d’autres teintes (bleue, rouge) d’autres matières (suède), des collaborations avec des artistes tels que Mark Gonsales ou Raf Simons. Elle subit aussi de nombreuses transformations où tour à tour elle intègre un scratch, des talons compensés, des personnages tels que Mr. Happy, Piggy ou Kermit dans la collection Adicolor ou même une version skate.
Après un hiatus de trois ans suite à l’arrêt de sa production en 2011, la Stan Smith revient fort et signe un come back en fanfare en ce début d’année. Adidas a su mettre en place une campagne promo parfaitement articulée notamment sur les réseaux sociaux et s’appuyer sur le poids médiatique de Pharrell Williams, fraichement intronisé collaborateur de la marque, pour un partenariat qui augure de belles choses à venir pour les aficionados des trois bandes. Aujourd’hui autant présente dans la rue que dans les cercles plus fermés des fashion week mondiales, la Stan Smith a réussi à grandir et a s’émanciper des courts de tennis pour devenir une icône culte incontournable.

1964 EN 5 DATES

24 février : Cassius Clay décroche son premier titre de champion du monde.
17 avril : Les Rolling Stones sortent leur premier album, The Rolling Stones.
12 juin: L’ancien vice-président de l’African National Congress, Nelson Mandela est condamné à la détention à perpétuité.
14 octobre : Martin Luther King reçoit le prix Nobel de la paix.
10 décembre : Jean-Paul Sartre refuse le prix Nobel de littérature, par souci d’éthique.

Et Stan Smith débute sa carrière…

@rickrence

À la mi-février, au creux d’un hiver dénaturé fait de caprices d’une saison irrationnelle, nous réanimions cette chronique dont les capacités nous semblaient encore exploitables. Même formule pour une nouvelle plateforme, qui accueillera une fois le mois notre récit de fiction à la première personne « dans la tête de » ces personnalités qui font l’actualité de ce monde.

Un seul homme, « le plus puissant de la planète » selon le magazine Forbes en 2013 motivait alors la reprise de nos écrits et de nos réflexes moqueurs. Ancien espion du Service Fédéral de Sécurité (le FSB successeur du KGB), Poutine débuta sa carrière dans les rangs des services secrets avant d’infiltrer le gouvernement.
Se montrant fiable et impliqué, il fut propulsé en quelques années à la plus haute fonction de l’État d’où il forgera sa torride réputation.
Dans cette bureaucratie qui lui sied à merveille, ou l’inverse, il nomme ses hommes de confiance à tous les postes clés et leur délègue le pouvoir. La société se plie aux exigences du numéro un et les médias, l’industrie ou l’appareil judiciaire tombent tour à tour entre ses mains ou entre celles de son entourage proche, la Nomenklatura, sa petite mafia à lui.

Poutine ne s’encombre de rien ni de personne, pas même de la Tchétchénie dont il s’est engagé à éradiquer la population et déclara un jour vouloir « les buter jusque dans les chiottes ».
Le non-droit et l’absence quasi-totale de liberté d’expression se banalisent, les récalcitrants sont au fait, son système est à prendre ou à se blesser. L’effronterie fait d’eux les prisonniers psychiatriques, les journalistes assassinés, empoisonnés, tabassés, les oligarques poursuivis et condamnés de la Russie où on retrouve les exilés politiques aux quatre coins du globe.

Conjugué au pouvoir infini dont il jouit depuis la première heure, Vlad dispose des ressources financières abyssales du gaz et du pétrole avec lesquelles il musèle l’opinion publique et fait pression sur l’Occident. Dernier coup en date, la Crimée que le sexagénaire a annexé à la Russie aux dépens de l’Ukraine, sous les regards impuissants des « grands » de ce monde.
On ne compte malheureusement plus les scandales dans lesquels « Volodia » est aujourd’hui impliqué et il est difficile de prédire quand et où il s’arrêtera.

Boule à facettes, homme aux mille visages, il entretient le mystère autour de sa République, une jungle de l’information et de la désinformation où s’entremêlent les adeptes du Kremlin et ses dissidents, la censure et la propagande, les faits réels et les méfaits mafieux.

Face à tout ce cirque nous devons l’admettre, il est bon de relativiser. Le chômage, notre gouvernement, la viande hallal ou pas, broutilles. Il fait bon vivre en France tout de même. Permettons-nous donc de ce pas un voyage à Moscou pour une introspection dans la tête de Vladimir Vladimirovitch Poutine, real hustler 4 life :

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« 5h30 du matin : et pas une minute de plus, je sors de mon cercueil. L’allégorie est légitime car chaque matin au réveil, c’est une partie de mon être divin qui ressuscite. Jambes tendues, yeux qui piquent je me lance dans une série de pompes, le tout sur une main et en chantant l’hymne nationale Russe pour la motivation, c’est très important. »

À 6 heures : nu, coiffé et rasé de près je sors dans mon jardin pour prendre la température, pas de doutes je suis chez moi. Moment de grâce pendant lequel les pieds dans la neige encore givrée, j’invoque les dieux. Béni, je les renvoie à leurs occupations. Je suis très pratiquant, j’ai foi en moi, mon peuple aussi.

Avant 7 heures : toujours dans mon jardin, pendu à une barre de traction cette fois j’avale mon café noir. Sans sucre et sans eau, c’est à cela que l’on reconnait un homme, un vrai. Tandis que j’engloutis d’une bouchée mon paquet de graines j’enchaine les exercices jusqu’au lever du soleil.

 À 8 heures : je m’habille car je reçois le ministre de l’Intérieur à la maison. Ensemble nous combattons l’illettrisme, le tchétchénisme et la pauvreté. Les Russes doivent être dignes, aussi, nous nous démenons pour venir à bout de ces trois fléaux. Grenades et fusils mitrailleurs sont employés dans les régions où ces « animaux » sont présents en trop grand nombre. Les résultats sont quantifiables d’Est en Ouest : moins de clodos, moins d’idiots et le boieviki se fait tout petit.
L’Occident devrait prendre exemple sur nous… enfin sur moi.

 11 heures : je remercie mon ministre et l’invite à quitter les lieux, avant midi j’accueille la télévision. Chaque jour des équipes sont dépêchées chez moi afin que je puisse m’adresser au peuple. Ambiance télé-réalité pour plus de proximité, je donne de mon temps et de ma personne. Je suis le père, le Dieu, le sauveur, le mari, l’amant et le frère. Pour me voir et m’entendre il n’y a qu’à allumer son poste.

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 À midi : enfin seul j’avale mon repas et profite de ce répit pour passer quelques coups de fil.

On parle affaires et gros sous avec les uns, tribunaux et législation avec les autres. Les plus téméraires y voient de la corruption, mais pour moi il ne s’agit que d’orchestrer le business et de rétribuer les principaux concernés pour les services rendus. Soudoyer les magistrats ? Qui est assez fou pour le croire? Insinuez-vous que mon peuple n’est pas assez éclairé pour agir délibérément? Me traitez-vous de menteur?

 À la fin de mon déjeuner, je change de costume et monte dans la voiture en direction du Kremlin. Pas de musique, je n’aime pas les distractions du genre. Je préfère la mélodie des kalashs ou le sérieux des radios d’information. À ma grande satisfaction plusieurs ondes me consacrent leurs émissions et font le récit de mon combat pour la nation.
Mon chauffeur est un homme avisé car tous les jours depuis trente ans il me conduit sur les routes du succès avec le pétrole de son pays. Je l’ai décoré à plusieurs reprises pour l’extrême dévotion dont il a toujours fait preuve.

 13h30 : une minute de silence nationale pour l’U.R.S.S.

 Sur les coups de deux heures nous atteignons le cœur de Moscou. Devant le Kremlin je rencontre une poignée de partisans attroupés pour voir le président de son vivant, certains ont traversé tout le pays pour prendre une photo avec moi ou me dire combien j’ai changé leur vie. Avant que cela ne tourne à l’émeute, je file.

 14h30 : R.A.S.

 15 heures : meeting avec mon gouvernement. On passe l’actualité internationale en revue. C’est sans doute le meilleur moment de la journée et l’on se marre franchement devant l’incapacité de certains pays. Angela Merguez, François Hollande ou encore le noir là, oui Obama, tous se plaignent de moi. Mon argent, mon gaz, mon autorité sont les sujets récurrents, tiens que vois-je ? De la jalousie ! D’aucuns ne sont jamais venus me trouver ici. La peur peut-être, mais de quoi?

 17 heures : secret défense.

 18 heures : je m’accorde un peu de repos, souvent je rejoins ma femme avec qui nous allons diner. Nous échangeons.

 20h15 : de retour à la maison, pris d’un violent sentiment de culpabilité, je ne peux m’empêcher de cogiter. Suis-je l’homme dont la Russie a besoin ? Ai-je tué ma mère? Vais-je étrangler ma femme? Combien de missiles faut-il pour armer un sous marin ? De l’eau dans mon café ? Combien de comptes en banque ai-je en ma possession? La mort ou la prison ? La vie est-ce un cul-de-sac à boire cul sec ?

Entre 22 heures et 23 heures: tiraillé par le questionnement, je me glisse dans le marbre froid de mon imposant mausolée. Demain je ne me réveillerais peut-être pas, mais la Russie, elle, continuera à vivre. Mon peuple est éternel, grand et fier. Et puis…. Il n’y a pas que les Africains qui ont de gros sexes. »

Texte : JVJ
Illustrations : Reds

« Taking back the Yard »

Telle était l’audacieuse devise de la YARD PARTY ZERO de vendredi soir. Poupées gonflables, billets One Yard et tortue géante ont accompagnés les sets déchainés de : Clems, Piu Piu, Bambz, Twinsmatic, Supa!, Yannick Do & Kyu Steed.

Nous étions 2000 à casser le Yoyo et célébrer ensemble le lancement de nos soirées et de notre média.

2000 ? Plutôt 2001 car nos avons pu compter en nos rangs le barbu le plus gracieux (gras ?) du hip-hop, Rick Ross.

À la manière de Nanard de La Villardière, chaque mois j’infiltre un crew, un lieu ou un évenement. L’objectif : ne pas se faire cramer et tout expérimenter en soum-soum. Je suis ton indic bro…

L’idée c ‘était quand même de commencer la soirée par quelques boissons énergisantes, histoire de ne pas finir dans le ruisseau avant la fin des hostilités. Une vieille technique de gringo dressé à la taurine. On prend les pronostiques sur le début des festivités. Qui sera le premier à lâcher sa galette des kheys ? Qui va serrer l’une des effeuilleuses au gros tarpé ? Serge est-il plutôt slibard ou calbut ?

Il suffit de faire un tour sur Twitter, Instagram et pour les plus téméraires Facebook pour constater que les kids sont aussi bouillants que les entrailles de notre Johnny tah la nation. La légende urbaine raconte même que des écervelés sont lancés dans la bicrave de Digitick à Porte de Clicli et que d’autres désoeuvrés étaient prêts à troquer un billet de quart de Ligue des Champions contre un pass all access : « Paraît qu’il y a de la zouzette de bonne qualité en backstage… ». Personnellement, j’y ai vu que des gars de qualité et j’ai surtout inhalé (à mon insu) des vapeurs de Mary Jeanne.

Il faut avouer que depuis l’annonce de la Yard Party au YOYO (salle annexe du Palais de Tokyo) tout le monde cherche à en être. Et là bah il se pose comme un petit problème d’arithmétique. Sachant que le YOYO a une capacité d’accueil de 1 300 profanes, que l’on attend environ 2 000 démons, combien de hipsters se sont fait recaler ? Seul Dieu et Jaffar (boss du physio game) étaient en mesures de juger ce soir là.

Pour celles et ceux qui ont réussi à franchir le portique avec le précieux sésame l’excitation est au summum. Clems Blackrainbow enchaine les skeuds et électrise la foule déjà bien compacte. Les bootys se trémoussent et les premiers verres se vident. L’oiseau de nuit Piu Piu prend alors les commandes du navire Yard. On entend même un timal sentimental glisser à l’oreille de sa douce entre deux secousses « tu sautes, je saute ». Romantisme du ghetto quand tu nous tiens… Mais pas question de sombrer ce soir.

Les Djs se suivent mais ne se ressemblent pas. C’est au tour de Bambz, membre actif du collectif parisien F*A*L*D de galvaniser les troupes. En backstage, on s’applique à gonfler des gos en plastiques. Chez Yard, on pense même aux frérots qui rentreront seuls ce soir…

Pluie de champagne dans la fosse qui est devenue une véritable fournaise. L’humidité et le mousseux ont eu raison des brushings des sœurs. La jnounerie (rest in peace Bernard Pivot) bat son plein quand les Twinsmatic prennent les platines. Le duo embrase le YOYO en enchainant les tracks. Il a presque autant de monde sur scène que dans l’arène. Ca chuchote qu’un gros rappeur cainri est dans le bulding. Au balcon vip, entouré de son clan Rick Ross harangue le commun des mortels avec son magnum de champagne. Les Twins lui rendent hommage. Summum de l’amour cosmique sur B .M.F (Blowin’ Money Fast). Même Rozay à l’air de s’enjailler.

SUPA ! Dj connue pour son degré élevé de sheitanisation lance le pogo le plus meurtrier de ces dix dernières années avec un morceau classique bien connu des aficionados des soirées Moon Gang du Wanderlust.

Ross apprécie le joyeux bordel et le public survolté le lui rend bien. Tout le monde reprend les paroles en choeur, les kids et les moins kids se déchainent. Certains ont dû y perdre des dents, des cheveux ou même se briser les reins. Big up à toi jeune novice qui ne t’es pas échauffé avant l’entrée sur la piste. Surtout que le grand final promet d’être tropical. 97% africain. Yannick Do lance ses afrobeats. Soukouss et azonto, les sapeurs sont de sortie. Il est déjà très tard mais personne n’a envie de quitter le Palais de Tokyo. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas ressenti autant d’euphorie dans une soirée parisienne. Une pluie de confettis clôt le show. En se dirigeant béat vers la sortie certains demande déjà « c’est quand la prochaine ? ».
SOON. VERY SOON.

Karimasutra

« Taking Back The Yard », telle était l’audacieuse devise de la YARD PARTY ZERO de vendredi soir. Poupées gonflables, billets One Yard et tortue géante ont accompagné les sets déchainés de : Clems, Piu Piu, Bambz, Twinsmatic, Supa!, Yannick Do et Kyu Steed. Nous étions 2 000 à casser le Yoyo et nous avons célébré ensemble le lancement de nos soirées et de notre média. 2 000 ? Plutôt 2 001 car nous avons compté dans nos rangs la présence du barbu le plus gracieux (gras ?) du hip-hop, Rick Ross.

Jusqu’à hier soir, nous étions encore plus discrets que le scooter de François Hollande mais il est maintenant temps de fissurer le mur du silence à la vitesse d’un coup franc zlatanesque. Et pour paraphraser l’indescriptible suédois : « Icici… YARD ». Mais, comme un défenseur ajaccien face au regard déterminé de l’ancienne caille-ra de Malmö, tu tremblotes et pendant un instant tu envisages les différents scénarios : un gros tir plein de prétention dans les tribunes, une frappe puissante en lucarne ou un traumatisme crânien qui transforme un peu ta façon d’envisager la vie.

Si on poursuit cette analogie au créneau de la culture urbaine et alternative, la question est la suivante : YARD est-il un énième média à l’effet d’annonce ronflant mais aux contenus décevants ou enfin la promesse d’un changement ?

YARD n’est pas une promesse mais un engagement, cet engagement consiste à proposer une véritable alternative aux médias qui abondent des différentes plateformes : télévision, radio, presse papier mais surtout Internet. En effet, les blogs et webzines présentent l’avantage du quantitatif, leur nombre et leur réactivité deviennent un formidable outil d’information et de communication. Mais cette abondance se conjugue avec une franche érosion de la qualité, c’est à ce titre que YARD tranche.
Pour proposer une véritable extension à la proposition médiatique sur la culture alternative, souvent cantonnée au simple relai d’actualités, nous proposons des contenus exclusivement originaux sur nos différentes plateformes : vidéos, audios, photos et éditoriaux.

Une Web TV, un magazine papier et en ligne seront les outils à votre disposition, ils constitueront notre mur pour nous préserver des dérives du numérique. Maintenant, donnons ensemble à ce coup franc une autre force, une autre trajectoire.

@julienbihan
Illustration : Bendo

YARD & BELIEVE DIGITAL STUDIOS présentent : STUD’ (Live Session)
La nouvelle émission live Hip-Hop de KassDED.
Un mercredi sur deux, découvrez des live session Rap 100% inédites.

Des MC’s ont réinterprété un de leur morceau avec des musiciens dans le mythique studio Davout à Paris.

 

Matthias Dandois est le freestyler BMX le plus brillant de France et l’un des tout meilleurs au monde. Il est plusieurs fois champion du monde de flatland et ne cesse de repousser les limites de ses performances. Sa passion qui est devenue son métier l’a conduit aux quatre coins du globe. Chaque mois Matthias vous partagera les plus beaux clichés de ses différents périples et toutes ses impressions.

En août dernier, j’annonçais à tous mes potes que j’allais arrêter un peu de voyager, globalement parce que j’étais physiquement abattu. J’arrivais à la limite d’un corps humain qui bouffe du décalage horaire trop souvent. Et à cela s’ajoutait aussi l’envie de me poser un peu.

Six mois plus tard, je ne me suis toujours pas arrêté. Je ne sais pas pourquoi, je ne peux pas… C’est vraiment devenu un problème mental, si je reste au même endroit plus de dix jours, j’ai envie de me pendre. Le besoin de voir du pays, rencontrer des gens, faire du bike mais surtout de ne pas bloquer dans les soirées parisiennes à répétition… C’est dangereux Paris.

Bref, depuis le début 2014, mon vélo vingt pouces m’a emmené en Nouvelle-Orléans, à Malaga, Cape Town, Tallinn et en Californie. Voilà une série de photos que je n’ai jamais postée :

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TV couleur dans toutes les chambres, vive 2014! (San Francisco, USA)

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Ces skaters locaux ont construit un park en béton au milieu de la pampa californienne, vraiment des bons gars ! (Santa Cruz, USA)

Image 3

Limonade, contient zéro pour cent de jus. Yes ! (San Francisco, USA)

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Trip Couch Riding par Sosh (Aéroport Charles de Gaulle, Paris)

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La compagnie aérienne avait perdu le vélo du poto Paul Ryan en arrivant au plus gros contest de l’année. Son vélo est arrivé en miette à destination, du coup : remontage de roue express a l’hôtel juste avant le contest. Le pire… (Tallinn, Estonie)

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« Je te paye une pinte si tu fais le grand écart ». (Tallinn, Estonie)

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Attente à l’aéroport, l’histoire de ma vie. (Aéroport d’Helsinki, Finlande)

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Pingouin sous 40 degrés à la plage de Cape Town (Cape Town, Afrique du Sud)

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Travail d’équipe pour que Paul puisse faire son 180 au dessus du ledge (Cape Town, Afrique du Sud)

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Soirée floue (Cape Town, Afrique du Sud)

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Cul-de-sac (Cape Town, Afrique du Sud)

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Session tattoo à Malaga (Malaga, Espagne)

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Nettoyage de spot à la bouteille d’eau, un classique (Malaga, ESP)

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Rampe dans le jardin de Nikita, une jeune rideuse californienne, elle a mis les moyens. (Glen Ellen, USA)

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C’est ça qu’est la vérité ! (Santa Cruz, USA)

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Maxime Charveron, footplant dans un full pipe. (Winters, USA)

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Sorry but not sorry ! (USA)

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Sale histoire (Milieu de nulle part, USA)

YARD & BELIEVE DIGITAL STUDIOS présentent : STUD’ (Live Session)
La nouvelle émission live Hip-Hop de KassDED.
Un mercredi sur deux, découvrez des live session Rap 100% inédites.

Des MC’s ont réinterprété un de leur morceau avec des musiciens dans le mythique studio Davout à Paris.

Voici le 1er épisode avec Joke.

YARD & BELIEVE DIGITAL STUDIOS présentent : STUD’ (Live Session)
La nouvelle émission live Hip-Hop de KassDED.
Un mercredi sur deux, découvrez des live session Rap 100% inédites.

Des MC’s ont réinterprété un de leur morceau avec des musiciens dans le mythique studio Davout à Paris.

C’était les 8 et 9 juillet que le Quai 54, aka le plus grand tournoi de Streetball prenait place dans la capitale. Si l’événement était très attendu comme tous les ans, il n’a malheureusement pas pu tenir toutes ses promesses.

Le premier jour se déroulait les huitième de finales, l’occasion de voir les deux plus grosses équipes en action: La Fusion avec Georgi Joseph et Yard La Relève, qui comptait dans ses rangs Evan Fournier, joueur du Magic d’Orlando. Les deux favoris du tournoi se sont, comme prévu, qualifiés pour les demi-finales, sous le soleil et la présence d’invités prestigieux. Entre les matchs, le public a pu assister aux show de Keblack et également de Tory Lanez, qui a enflammé le terrain du Quai 54. En plus de ça, les stars NBA Jabari Parker, Victor Oladipo et Kemba Walker étaient présent et ont fait un tour du stade avant que Oladipo ne réussisse, sans trop de difficulté, un tir du milieu de terrain.

Si la première journée s’était déroulée sous un soleil éclatant, la deuxième, elle, a laissé place à une pluie diluvienne. Les demi-finales opposaient d’un côté la Fusion à Hood Mix et de l’autre, Yard la relève aux Midnight Madness All-Stars. Si la Fusion s’est imposée sur un score historique de 69 à 33, c’était un peu plus serré pour les tenants du titre qui éliminent les Midnight Madness 50-41. La finale opposait donc Yard La Relève à la Fusion, mais après le coup d’envoi de la deuxième mi-temps, la pluie a malheureusement mis fin aux festivités et le vainqueur du tournoi 2017 n’a pas été couronné alors que les tenants du titre étaient menés 33 à 26.

Le Quai 54 n’aura pas trouvé son vainqueur cette année, mais Miller remporte le trophée du Dunk Contest en détrônant le Polonais Rafal “Liptek” Lipinski, sous les yeux du jury composé de Parker, Oladipo et Walker. L’orage aura non seulement écarté la finale du tournoi, mais également le showcase de Young Thug, prévu sur le lineup. Mais ce n’est que partie remise, puisque le Quai 54 reviendra l’année prochaine et cette fois-ci, on espère que la météo ne viendra pas jouer les troubles-fête.

Photos : @lebougmelo

Avec un peu d’optimisme, on peut se dire que le printemps est à nos portes. Vos doudounes vont enfin pouvoir retourner au placard.

Juste avant que vous ne pensiez à faire évoluer votre vestiaire, Uniqlo U présente sa collection U. La marque japonaise imagine cette collection avec son équipe parisienne, et joint aussi une nouvelle fois ses forces avec le créateur Christophe Lemaire.

Dans un esprit toujours minimaliste et moderne, la marque réinvente les basiques pour s’inviter dans toutes les gardes-robes. Les coupes sont oversized, les silhouettes décontractées et les coloris s’inspirent directement de la nature. Des oranges et des bruns solaires, des verts sapins, des blancs frais et des rayures graphiques qui font aussi la signature de cette collection.

Au niveau des matières, Uniqlo ne déçoit pas avec ses manteaux en BLOCKTECH, un chambray sergé déperlant, coupe-vent et respirant et une maille sans couture HOLEGARMENT, une technologie japonaise qui optimise la coupe et le confort et se fait l’élément principale de l’une des pièces les plus fortes de cette collection : un pull 3D U-Knit avec quelques détails délicats aux poignets et à la taille. Quant au swimwear, il mise aussi sur le confort en minimisant les coutures.

 

La collection Uniqlo U sera disponible en boutique et sur le site d’Uniqlo dès le 26 janvier.

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