Black Hippy (Kendrick Lamar, Jay Rock, Ab-Soul, Schoolboy Q) – Vice City

Le 11 septembre 2015 sortait l’album 90059 de Jay Rock. L’occasion pour nous de découvrir le titre « Vice City » réunissant le super groupe Black Hippy, composé de Kendrick Lamar, Jay Rock, Ab-Soul et Schoolboy Q. 

Si le titre laissait présager d’une ambiance sombre et inquiétante, le refrain entonné par un Kendrick Lamar toujours inspiré au niveau du flow, remet vite les pendules à l’heure et ses acolytes au diapason. Le « kid » nous promet dès lors une ode aux vices inhérents à la vie des artistes rap à succès :

« Big money, big booty bitches
Man, that shit gon’ be death of me
Big problems, I must admit it
Man, that shit gon’ be death of me
I pray to a C-Note, my mama gave up hope
I can’t stand myself
I just bought a new coat, I might go broke
I can’t stand myself
Big money, big booty bitches
Man, that shit… »

« Un max de thunes, des putes à gros cul
Mec, cette merde aura ma peau
De gros problèmes, je dois l’admettre
Mec, cette merde aura ma peau
Je pris à la gloire d’un billet de 100 dollars, ma mère a perdu tout espoir en moi
Je ne me supporte plus
Je viens juste d’acheter un nouveau manteau, je risque d’être fauché
Je ne me supporte plus
Un max de thunes, des putes à gros cul
Mec, ce bordel… »

Kendrick-Big-Booty

Le matérialisme monopolise l’attention de l’artiste et celui-ci ne semble, outre mesure pas si inquiet de s’adonner aux clichés, même réalistes, issus de la vie de star. Le couplet ne déroge pas à la règle fixée quelques secondes plus tôt :

« Big money, big booty bitches
Tell the truth, nigga, I’m lost without it
7 figures for a headline
You want some stage time, we can talk about it
Niggas actin’ like they be rappin’
Like nice on the mic, truly doubt it
Go against the kid, y’all don’t wanna live
That decision is hella childish
Rose gold for my old hoes
They ain’t satisfied then I sit ‘em down
10th grade, I gave her all shade
But now she got some ass, I wanna hit it now
I don’t lease, I just all out feast
I put a blue Caprice on Gary Coleman
Bomb head and some cheese eggs
That’s a new raise and a signing bonus »

« Un max de thunes, des putes à gros cul
Pour être honnête négro, sans ça je suis perdu
Cachet à 7 chiffres pour être la tête d’affiche
Tu veux que je sois sur scène, on peut en parler
Les négros se comportent comme s’ils savaient rapper
Du genre ils contrôlent le micro, mais j’en doute sincèrement
Ceux qui sont contre moi ne souhaitent pas vivre
C’est une décision vraiment immature
De l’or rose pour mes anciennes salopes
Cela ne les contente pas alors je m’en sépare
Il y a une fille que je négligeais lorsque j’étais en Seconde
Maintenant elle a un cul, j’aimerai bien me la faire
Je ne fais pas de leasing, je me goinfre
J’ai mis des gentes de la taille de Gary Coleman (Arnold & Willy) sur ma Chevy Caprice bleue
Fellation de dingue et omelette au fromage
C’est une nouvelle augmentation et une prime à la signature »

Kendrick-Blue-Caprice

Plusieurs éléments intéressants et typiques caractérisent le rap de Kendrick Lamar : des références imbriquées tout au long de son couplet. Ainsi depuis quelques temps, le rappeur envoie plusieurs allusions textuelles de façon subliminales à son « rival » Drake, une réelle joute verbale. Sa prestation dans Vice City est sans doute l’une des « attaques » les moins maquillées qu’il aura eu à écrire :

« 7 figures for a headline »

En 2011 Drake sort l’album Take Care avec son titre « Headlines ».

Kendrick-Headlines

« You want some stage time, we can talk about it »

Cela laisse à penser qu’ici Kendrick Lamar s’adresse directement à Drake en lui faisant comprendre que le natif de Compton monopolise toute l’attention et surtout qu’il décide, tel un parrain, qui fait quoi dans ce rap game.

« Niggas actin’ like they be rappin’
Like nice on the mic, truly doubt it »

Drake-Degrassi

Encore une fois il s’agit d’une attaque en règle adressée au rappeur de Toronto que Kendrick trouve trop imbu de sa personne. Mais ce pique de K.Dot prend toute sa dimension lorsqu’on analyse la phrase « Niggas actin’ like they be rappin’ ». Il joue donc avec le double sens du verbe « to act » signifiant tantôt se comporter, tantôt jouer la comédie. Avant d’atteindre une notoriété mondiale dans la musique, Drake a fait ses gammes en tant qu’acteur en jouant dans la série Degrassi au début des années 2000. Pas forcément un atout dans le monde du rap.

« Go against the kid, y’all don’t wanna live »

Kendrick se surnomme souvent « the kid » tandis que Drake fait souvent référence à sa personne sous le nom de « the boy ». Depuis son couplet meurtrier sur le titre « Control », beaucoup de rappeurs se sont essayés de répondre au emcee, mais très peu de réponses (voire aucune) n’a eu l’effet produit par la bombe angelinos. Et ce, même si le rappeur les a personnellement nommés :

« But this is hip-hop, and them niggas should know what time it is
And that goes for Jermaine Cole, Big K.R.I.T., Wale
Pusha T, Meek Mill, Asap Rocky, Drake
Big Sean, Jay Electron’, Tyler, Mac Miller
I got love for you all but I’m tryna murder you niggas »

« C’est ça le hip-hop, et ces négros devraient savoir ce qu’il en est
Et cela vaut pour J.Cole, Big K.R.I.T., Wale
Pusha T, Meek Mill, A$AP Rocky, Drake
Big Sean, Jay Electron’, Tyler, Mac Miller
Je vous porte dans mon cœur mais j’essaie de vous tuer les mecs »

Revenons à « Vice City » et ses phases à sens multiples :

« Bomb head and some cheese eggs
That’s a new raise and a signing bonus »

La première interprétation, la plus simple serait d’y comprendre qu’après une fellation, la fille lui concocte une omelette au fromage (notre Doc Gynéco national avait en son temps une phase similaire : « qu’après l’amour elle m’fasse chauffer des pâtes »); et que cela mérite une augmentation et une prime à la signature, tellement elle a été performante.
La seconde interprétation, plus crue, serait d’y voir une métaphore filée de l’acte sexuel, de ce fait la fellation (bomb head) mènerait à une partie de jambes en l’air non protégée qui se conclurait par une éjaculation (cheese) interne car, le terme eggs désignant les ovaires de la jeune demoiselle.
Le fait que l’action s’ensuive de l’expression « that’s a new raise » qu’on pourrait interpréter par « j’ai à nouveau la trique » en plus de « signing bonus » qui est une expression désignant la fellation ; montre que l’artiste est un homme insatiable.

Kendrick-Egg-cheese

Le couplet de Jay Rock garde le même ton humoristique :

« Fall in this bitch
Like some good pussy, can’t stand myself
So good, she so hood
She a cheesehead, patty melt
GED with EBTs, and some DVDs
That shit was happening
She reel me in with some chicken wings
And some collard greens, that shit was brackin’
Just cracked me a new bitch
Bust a new nut on her nigga’s jersey
My bitch get off at 9 o’clock
So I had to shake her ‘round 7:30
105, I’m stomping fast
With these big guns, I’m hella dirty
Get caught with this shit
I ain’t comin’ home ’til like 2030 »

« Je suis rentré dans cette pute
Comme dans une chatte, je ne peux pas me supporter
C’est tellement bon, elle est tellement ghetto
Elle est vénale, je me suis fini sur son visage
Elle a un diplôme niveau lycée, reçoit des aides de l’état et a quelques DVD
Le bordel s’est déroulé de la façon suivante
Elle m’a eu avec quelques ailes de poulet
Et un peu de chou vert, c’était tellement bon
Je viens juste de me taper une nouvelle salope
J’ai éjaculé de nouveau sur le maillot de son mec
Ma go quitte le boulot à 21h
Donc j’ai dû me barrer aux alentours de 19h30
Sur la route 105 je roule à toute allure
Avec toutes ces armes, je ne suis pas du tout blanc comme neige
Si je me fais sauter avec tout ça
Je ne serais pas sorti avant genre 2030 »

Jay-rock--Collard-Green

Sans la dimension pécuniaire et toujours en rapport à son statut, plus street que Kendrick Lamar désormais millionnaire et internationalement reconnu, Jay Rock, malgré son ascension progressive, conserve les caractéristiques d’un habitant de Nickerson Gardens (Watts, Los Angeles).
On sait donc qu’il aime ces femmes très ghetto, « she so hood », avec un minimum d’éducation et à la limite de la pauvreté « GED with EBTs », en couple « bust a new nut on her nigga’s jersey » et sachant cuisiner « chicken wings and some collard greens ». De surcroît, on en sait un peu plus sur l’artiste lui-même, on comprend qu’il ne supporte plus d’être une proie si facile au sexe, « Like some good pussy, I can’t stand myself », qu’il (a) fait parti d’un gang (Bounty Hunter Bloods) du fait de la transformation du mot crackin’ en brackin’. Il est coutume que les personnes initiées à la culture Blood rejettent systématiquement la lettre C (qui fait allusion au gang rival des Crips) pour la remplacer par la lettre B. Enfin, la référence à l’artillerie lourde, « with these big guns », pouvant l’envoyer derrière les barreaux pour une longue durée (15 ans), sous-entend que Jay Rock a déjà connu l’univers carcéral à plusieurs reprises (3 fois selon la loi) pour des faits ayant impliqué trafic de drogue et crimes violents (The Armed Career Criminal Act).

Jay-Rock-105-Interstate

Le second hook de Kendrick Lamar, même si porté par le même esprit, nuance plus avec son couplet :

« I got big money, big booty bitches
Man, this shit gon’ be death of me (death of me)
Big problems, I must admit it
Man, that shit gon’ be death of me (death of me)
Big dreams, no superstition
Man, that shit gon’ be death of me (death of me)
I pray to a C-Note, my mama gave up hope
I can’t stand stand myself
I just bought a new coat, I might go broke
I can’t stand myself
I just might ban myself
I just might… GOD ! »

« J’ai beaucoup d’argent, beaucoup de putes
Mec, cette merde aura ma peau (ma peau)
Gros soucis, je dois l’admettre
Mec, cette merde aura ma peau (ma peau)
De gros rêves, pas de superstition
Mec, cette merde aura ma peau (ma peau)
Je prie à la gloire d’un billet de 100 dollars, ma mère a perdu tout espoir en moi
Je ne me supporte plus
Je viens juste de m’offrir un nouveau manteau, je risque d’être fauché
Je ne me supporte plus
Je devrais me bannir
Je devrais…SEIGNEUR ! »

Cette fois Kendrick est plus mesuré que précédemment. La répétition de la phrase, « Man, that shit gon’ be death of me », renforce le mépris qu’il éprouve envers lui-même, tandis que dans sa décadence il n’hésite pas à prendre l’auditeur à témoin. Son adoration pour l’argent, « I pray to a C-Note », le sexe « big booty bitches », son manque de superstition, « big dreams, no superstition » (induit qu’il travaille dans le but d’accomplir ses rêves, et que la chance n’a rien à voir avoir son succès) et les biens matériaux « I just bought a new coat » ; met en porte-à-faux sa situation envers la figure divine qu’il interpelle : « I just might… GOD! ». Au risque de se compromettre définitivement, l’artiste a comme ultime recours la censure, voire le bannissement :« I just might ban myself ».

« I’m focused feeling blessed
Cause my eyes be the truth
I’m focused feeling blessed
Cause my eyes be the truth »

« Je suis focalisé sur ma vie qui a été bénie
Parce que mes yeux voient la réalité
Je suis focalisé sur ma vie qui a été bénie »

My eyes be the truth 2

Ici, pivot très important (amorcé par la fin du couplet de Kendrick), l’aspect spirituel qui caractérise Black Hippy à travers le mot « eye », comprenez third eye ou troisième œil (perception allant au-delà de la vision ordinaire). Un moyen très efficace d’introniser Ab-Soul, membre du collectif que l’on pourrait qualifier de dépositaire de la conscience du posse :

« Mental window blurry as a bitch
Still lookin’ out it
So much money off the fuckin’ books
Could write a book about it
Took a minute, no, wait a minute…
Let me think about it
Bout 10 years, Crips, Bloods
Sweat and tears, and we still counting
Had a real thick bitch named Brooklyn
She fucked the whole squad
Now every time I land in Brooklyn
They fuck with the whole squad
I’m more spiritual than lyrical
I’m similar to Eli… Why ?
Cause I’m wearin’ black shades
And I’m headed west with the word of God
I think I’m finally ready to talk about it
Homie you don’t play me for no fool
Poppin’ bottles like enemigos
Ay dios mio, I’m so cold
Get so deep in that water, water
They should call my johnson a harpoon »

« La fenêtre mentale est floue comme une pute
Je regarde toujours à travers elle
J’ai fait tellement d’argent non déclaré
Que je pourrais écrire un livre à ce sujet
Ça a mit son temps, non, attends un peu…
Laisse-moi y réfléchir
Environ 10 ans, Crips, Bloods
Des sueurs et des larmes, et ça continue
J’avais pécho une salope super bonne du nom de Brooklyn
Elle a baisé toute la team
Maintenant à chaque fois que je vais à Brooklyn
Tout le monde nous kiffe
Je suis plus spirituel que lyrical
Je suis comparable à Eli… Pourquoi ?
Parce que je porte des lunettes noires
Et que je me dirige vers l’ouest avec la parole de Dieu
Je pense que je suis enfin disposé à en parler
Ces négros en parlent juste
Poto, tu ne m’auras pas
Tu pètes le champagne comme tes ennemis
Oh mon Dieu, je suis si placide
Je suis si profond dans cette eau, eau
Que ma bite devrait être renommée un harpon »

Dans ce couplet, Ab-Soul justifie amplement son statut de membre le plus sous-estimé de Black Hippy, voire même de la vague West Coast. Tout simplement parce qu’en un couplet il parcourt les maux tiraillant chaque artiste et par extension chaque individu.

Sa posture est simple et sans concession : l’argent, « so much money off the fuckin’ books », le sexe, « had a real thick bitch named Brooklyn, she fucked the whole squad (…) they should call my johnson a harpoon», la foi, « I’m more spiritual than lyrical (…) and I’m headed west with the word of God ».Comme pour chaque croyant, la finalité reste de trouver la paix intérieure (et ce malgré l’environnement qui vous entoure), du coup le rappeur parle d’unité au sein des deux gangs rivaux les plus sanglants et ce durant une longue période : « ‘bout 10 years, Crips, Bloods / sweat and tears, and we still counting ». Schoolboy Q étant affilié aux Crips, Jay Rock aux Bloods, malgré cela les rappeurs ont réussi à passer outre ces différences.

schoolboy-jay-rock-

Subtilement, Ab-Soul nous rappelle qu’il est sûrement la personne la plus clairvoyante et ce malgré la maladie qui l’a frappé plus jeune et qui ne l’a plus quitté depuis. En effet Ab Soul souffre du syndrome Steven-Johson, affectant les yeux en les rendant hyper-sensibles à la lumière. D’où ces références à Eli, personnage cinématographique joué par Denzel Washington, qui était aveugle et portait des lunettes, mais pas que. Inspiré de la figure biblique, Eli portait aussi la parole de Dieu :
« I’m similar to Eli… Why ? Cause I’m wearin’ black shades And I’m headed west with the word of God ». Comme lui, Ab Soul porte un discours conscient, se bat avec ses armes (ses lyrics) et vit à Los Angeles (Eli dans le film se dirige vers l’ouest).

Ab-Soul-Eli

À noter le petit tacle du rappeur envers ces artistes porteurs d’une bonne conscience qui ne font que survoler la morale dans leur texte afin de se faire bien voir :

« These niggas just talk about it / Homie you don’t play me for no fool »

Comme le disait très récemment Kanye West dans le titre « Made in America » : « This ain’t no fashion show motherfucka, we live it ». The Black Lip Pastor ne joue pas, il se sent vraiment investi d’une mission consistant à ouvrir les yeux par des paroles mûrement réfléchies : « Wait a minute…Let me think about it (…) I think I’m finally ready to talk about it ». Il pourrait également s’agir d’une figure de style se voulant l’annonce d’une prochaine sortie d’album pour le rappeur.

Enfin pour conclure cet excellent couplet frappé du sceau liturgique, Ab-Soul joue avec le sens des mots.

« Get so deep in that water, water / They should call my johnson a harpoon »

De prime abord, on comprend que le rappeur est si empêtré dans le sexe féminin qu’on devrait appeler sa verge un harpon. Malgré cela, il est permis de penser qu’il a une autre idée en tête, compte tenu du sens de son couplet. En effet, nous avons mentionné un peu plus haut que l’homme souffrait de la maladie Steven-Johnson, sa phase d’ouverture étant « Mental window blurry as a bitch/ Still lookin’ out it » indique que le fait qu’Ab-Soul souffre d’une insuffisance visuelle l’ai contraint à développer une capacité d’extra-lucide, sa maladie devenant alors une arme permettant d’accrocher qui veut bien se laisser « transpercer » par son savoir.
De plus, il est commun que dans certaines parties des États-Unis et du monde, les personnes souhaitant se faire baptiser et donc accepter la parole du Seigneur doivent s’immerger dans une source d’eau. Avant de recevoir ce sacrement, les fidèles doivent reconnaître qu’ils sont pêcheurs ainsi que leur besoin d’accéder à la rédemption. L’immersion symbolise l’enterrement tandis que l’émersion symbolise la résurrection, l’eau ayant lavé les pêchés (Épître de Saint Paul aux Romains, chapitre 3). Ab-Soul lui a atteint une telle profondeur « Gets so deep, in that water, water » qu’il en a froid « I’m so cold ». Pour clôturer ce sujet, le logo de l’artiste reprend exactement le cryptogramme que les premiers chrétiens utilisaient pour s’identifier à Jésus-Christ. Ce dernier représentant un poisson car en grec (langue internationale de l’époque) le mot poisson se disait ICHTHUS, et ces lettres étaient les initiales de Iesous (Jésus) CHristos (Christ) THeou (Dieu) Uios (Fils) Sôter (Sauveur).

 

Jesus-cryptogramme

 

Ab-Soul-logo

S’ensuit le deuxième pont de Jay Rock :

« Feed the needy, don’t know graffiti
Paint her walls like a cartoon
Beat the pussy up so bad
Send her home with some war wounds
Loaded off the ‘gnac, hit her from the back
Goin’ ‘cross her head… bar stool
Touch her soul ’til I curl her toes
Then it’s time to reload, then it’s part two »

« Je la baise car elle en redemande, on ne fait pas de graffiti ici
J’ai repeint sa cavité vaginale comme dans un dessin animé
J’ai tellement défoncé sa chatte
Je l’ai renvoyé chez elle avec des blessures de guerre
Défoncé au cognac, je l’ai prise par derrière
Ma bite dans sa bouche lui a fait l’effet d’un tabouret
Je vais la faire jouir
Ensuite il faudra que je me recharge, puis seconde mi-temps »

Clairement axé sur le sexe, comme une bonne partie de son couplet, le rappeur décrit une scène de coït particulièrement virulente.

Dernier couplet et non le moindre, Schoolboy Q :

« Damn near 30, still set trippin’ cuz
Where you from, I’mma see about it
Last year I made 10 millions
That’s where I’ve been yeah, a private island
Smoking something, on autopilot
Got too many cars, I might crash a whip
New ‘Rari pedal barely tapping
Nigga, vroom-vroom, yeah I’m ritch bitch
Got two Rollies but one missing
Think my daughter flossing, she in kindergarten
Got one crib worth two cribs
And my front lawn, yeah that’s water fountain
You be talking boss, saying big words
Like philosophies, man you weird homie
What it sounds to me that you broke as fuck
And your bitch gon’ leave and that’s real homie
A dashiki on, with a fedora on
And my round glasses, trying to fool the cops
I’m with you Dot, on that sneak dissing
When you penny bitchin’ nigga, shoot the fade
Ugly nigga, but I’m fine as wine
Did you check your time, I get good with age
Shoot the nine like, fourth grade
Black Hippy droppin’, eyebrows raised »

« Presque 30 ans, toujours à représenter mon gang poto
D’où je viens, pour que je sache
L’année dernière j’ai généré 10 millions de dollars
C’est ce sur quoi j’ai passé mon temps ouais, une île privée
En train de fumer un truc, en mode pilote automatique
J’ai tellement de bagnoles que je pourrais défoncer un gros gamos
Nouvelle Ferrari, je freine très rarement
Negro, vroom-vroom, ouais je suis riche sale pute
J’ai deux Rolex, mais il y en a une qui manque à l’appel
J’pense que c’est ma gosse qui la parade à la maternelle
J’ai une baraque qui en vaut le prix de deux
Et sur ma pelouse, ouais c’est bien une fontaine
Vous parlez comme des mecs qui pèsent, avec de grands mots
Du style philosophique, mec t’es chelou
Ça donne juste l’impression que t’es aussi fauché qu’un clochard
Et ta meuf va te larguer sois en sûr poto

Je porte un dashiki avec un fedora
Mes lunettes sont rondes, j’essaye de tromper la police
Je suis de ton côté Kendrick sur ces rappeurs qui lancent des subliminaux
Pendant que vous bandes de putes inutiles vous vous disputez
J’suis moche mais je suis aussi bon que le vin
T’as regardé quand est ce qu’on était ? Je me bonifie
Je tire au 9mm comme un écolier en CM1/CM2
L’album de Black Hippy est sur le point de sortir, les sourcils se froncent »

Daughter-Schoolboy-Q

Style reconnaissable entre mille, les deux couplets de Schoolboy Q se décomposent en trois sujets distincts. Le premier étant que le rappeur représente toujours avec fierté son affiliation au gang des Crips :

«Still set trippin’ cuz »

Argot de gang, le terme « set » signifiant le quartier, la zone.

Même si le rappeur ne ressemble plus aux stéréotypes des gang bangers et a quitté la rue :

« A dashiki on, with a fedora on/ And my round glasses »

Schoolboy-Q-Dashiki

Comme s’il avait quelque chose à se reprocher, Q essaye de fausser la piste des policiers :

« Trying to fool the cops »

Question typique des membres de gangs, « Where you from ? » , lorsqu’ils rencontre d’autres membres afin de savoir s’ils doivent se battre (dans le cas où la réponse de l’interlocuteur n’est pas la bonne). À partir du moment où la question est posée, l’interrogé doit représenter son gang en énonçant à voix haute ses couleurs. S’il ne le fait pas, il en risque la répudiation voire pire.

« I’mma see about it »

Phrase à double sens. D’abord au sens littéral, le rappeur signifie qu’il est prêt à se battre si la personne en face de lui est un membre d’un gang rival. L’autre sens plus subtil joue sur la phonétique du mot « see ». En effet en tant que Crip, Schoolboy réduit ce mot à la simple lettre C qui s’entend de la même façon que le mot « see » dans la langue anglaise.

Schoolboy-Q-Island

Le second sujet nous plonge sans détours dans l’opulence qui caractérise sa nouvelle vie depuis qu’il a rencontré le succès grâce à son album Oxymoron « Last year I made 10 millions (…) a private island (…) got too many cars (…) New ‘Rari (…) yeah I’m rich bitch/ Got two Rollies (…) got one crib worth two cribs/ And my front lawn, yeah that’s water fountain ».

Abondance pécuniaire qui semble avoir déteint sur lui de la meilleure des manières :

« Ugly nigga, but I’m fine as wine/ Did you check your time, I get good with age »

Enfin le dernier sujet, plus frontal que les deux premiers, nous rappelle que le rappeur n’est pas du tout impressionné par certains artistes « you talking boss, saying big words/ Like philosophies (…) I’m with you Dot, on that sneak dissing/ When you penny bitchin’ nigga, shoot the fade.» Ici, il fait sans doute référence aux différents piques que Kendrick Lamar « K.Dot » a reçu (et a envoyé) depuis son couplet sur « Control ». En écho au couplet du Kid, Groovy Q sous-entend qu’il est de la partie lorsqu’il s’agit de balancer des subliminaux. Contrairement aux rappeurs qu’il semble avoir pris en grippe un peu plus haut dans le texte, il possède un rap basé sur des figures de style plutôt simples telles que les onomatopées « vroom-vroom », de l’analogie « whip » (terme issu du fait qu’au tout début de l’ère industrielle les volants ressemblaient au logo Mercedes, par extension cela devient une référence pour tout véhicule onéreux) ou encore à mi-parcours entre l’élision « trippin’ (…) I’mma (…) gon’ » et l’apocope « ‘Rari (…) Rollies (…) ». C’est donc un artiste adepte de néologie (création, voire modification de mots), qui pour se faire comprendre passe par des canaux simplifiés. Rien de surprenant quand on parle de rap ou de hip-hop en général du fait de l’évolution constante d’expressions issues ou reprises par la rue.

Schoolboy-Q-vice-city

En conclusion, le titre « Vice City » fait magistralement miroiter la quintessence des clichés rap US comme pour se moquer des stéréotypes attachés au mouvement. Non pas que ce constat soit alarmant et encore moins péjoratif, ce morceau dénonce habilement la défectuosité d’une culture ultra riche et libérale. Mais n’est-ce pas ces propres dérèglements qui offrent à ce style musical une richesse hors du commun ?
Que les néophytes se détrompent, tandis que les plus avertis se verront rassurés : le titre ressemble plus à un pamphlet (ou du moins à une satire) qu’à une confession. « Vice City » transpire le réalisme mêlé à un désenchantement criant émanant d’individus recherchant leur salut.
Nul par ailleurs nous n’aurions pu imaginer entendre poser 4 artistes si différents sur le papier, traiter d’un sujet si intéressant de façon si ingénieuse. Et que dire du traitement visuel qui apporte de nouvelles pistes, étayant ça et là les phases des membres de Black Hippy ?

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