Dehmo, dorénavant seul

La MZ est morte, certes, mais ses anciens membres, eux, sont bien vivants. Dehmo est là pour le rappeler. Ne perdant pas pied après cette séparation soudaine. Il s’est mobilisé pour prolonger sa musique. Dorénavant seul. Sans perdre de temps. Six mois après leur séparation, Éthologie, son premier album, débarque. 14 morceaux dont trois collaborations avec Niska, Marlo Flexxx et Hache-P. Sur le Rooftop d’un hôtel place Colonel Fabien, il s’est confié. De la division du groupe, à la préparation de son projet, Mohamed Ligue Gnaore a dû s’adapter. Tel un caméléon.

Photos : @alextrescool

Pour commencer, dans quel état d’esprit es-tu à une semaine de la sortie de ce premier projet solo ?

Aujourd’hui j’ai la tête dans le cul, mais sinon ça va. La plupart du temps je suis en forme. Je suis super cool, super content, super pressé. On est en marche.

Tu en es complètement content ? Je m’explique, tu as pu faire tout ce dont tu avais envie ? Les sonorités, les prods, les flows…

Oui j’ai fait ce que je voulais. J’ai choisi les prods que je voulais. Je me suis amusé comme un gamin. J’ai invité mes deux potos Hache-P et Marlo [Flexxx, ndlr]. Je me suis ouvert. Niska a parfaitement fait son taff. Tous les sons, je les kiffe. Je kiffe les écouter, tu vois. Je suis vraiment satisfait du boulot. Donc là, oui, je suis vraiment content.

On va évoquer tout de suite les choses qui fâchent, comme ça on pourra ensuite se focaliser sur ton album…

[Il coupe] Quelles choses qui fâchent ? Y a pas grand chose qui me fâche à part la disparition des dauphins. À part ça, tout est cool ! [rires]

De ton point de vue, pourquoi la MZ s’est séparée ?

J’avais fait une vidéo au début. Dans laquelle j’expliquais mon point de vue… Et je ne sais même pas en vrai. Je dormais, je me suis réveillé : « Oh c’est la fin de la MZ ! C’est relou ! Les dauphins, tout ça ! » [rires]. Le monde, la nature, faut pas jeter les déchets par terre !

Pour être un peu plus sérieux, ça s’est fait naturellement. On n’a pas grandi avec la même mentalité, chacun a pris un chemin différent. Et franchement, la séparation ne nous a même pas étonné. Ça a été de bons souvenirs, tu vois. On garde les bons côtés mais comme je t’ai dit, ça s’est fait naturellement. Ça n’a pas été une embrouille qui a éclaté un jour et on a cassé comme un vieux couple. Non. Juste, même entre nous on le sentait. Y avait plus cette relation initiale.

Y a t-il eu des signes annonciateurs, quelque chose qui aurait pu te mettre la puce à l’oreille sur la fin du groupe ?

Peut-être un an avant la véritable séparation. Pendant la tournée. On ne partageait plus les mêmes loges. Enfin y avait deux loges, tu vois. Il y avait deux équipes différentes. Mais on se parlait toujours. Seulement à force, on est devenu plus collègue qu’autre chose. On n’était plus les potos d’enfance qui avaient commencé ensemble.

Toi dans le groupe, comment tu te sentais ? Comment a évolué ta situation au fur et à mesure ?

Je te l’ai dit ! Je dormais, et je me suis réveillé… [rires] Moi j’étais un peu le mec neutre. Y a eu des tensions qui ont éclaté et moi j’allais parler à tout le monde. J’étais un peu entre les deux. Le médiateur. Après, je sais pas vraiment. Je suis quelqu’un de cool, quelqu’un de peace.

As-tu eu assez tôt des envies de te lancer en solo ou te voyais-tu continuer encore un bon moment avec la MZ – si tout s’était bien passé ?

Je n’y pensais pas au solo, vraiment. Je savais qu’on aurait pu sortir des projets solos après l’album Mafia Zeutrei, prévu pour le 16 février dernier, mais moi je n’y pensais pas. J’étais en groupe, je kiffais, donc je m’en foutais. Du moment que je peux faire ma musique, tout va bien. À deux, à trois, n’importe. C’est aussi simple que ça.

Tu as gardé de bonnes relations avec Hache-P, puisque une collaboration est présente sur le projet. Quel est le problème avec Jok’air ?

[rires] Il n’y aucun problème avec Jok’air. C’est peace. Nous n’avons plus les mêmes centres d’intérêts, c’est tout. Mais sinon je n’ai plus vraiment de problème avec quelqu’un. Je n’en veux à personne. Je n’ai pas de rancoeur. Chacun a pris son propre chemin, et je leur souhaite le meilleur.

Selon toi, quels sont les ingrédients pour qu’un groupe perdure ?

[Il réfléchit] Je ne suis pas cuisinier mon sos. Je n’ai pas les ingrédients pour qu’un groupe perdure. Tout dépend d’eux. Ils peuvent rester ensemble jusqu’à leur mort comme se séparer après trois jours. Tout dépend de leur mentalité et de leurs actions. Peut-être qu’ils s’entendront encore mieux en ayant de l’argent alors qu’au départ des conflits existaient… Mais sinon je n’ai pas la recette secrète pour qu’un groupe subsiste.

Qu’ils kiffent ! Qu’ils ne pensent même pas à perdurer. Qu’ils profitent de l’instant présent, de ce qu’ils font et là, peut-être qu’ils auront des chances de perdurer ensemble. Il faut demander ce genre de choses à NTM, IAM. Eux, ont eu le temps de réfléchir à tout cela, moi je n’ai pas eu le temps ! [rires] 

L’album s’intitule Éthologie, ce qui signifie, globalement, l’étude du comportement des espèces animales, incluant l’être-humain. Avec quel animal partages-tu le plus de similitudes ? Le dauphin ?

[rires] Non, même pas. Il est beau et je ne veux pas qu’il disparaisse, c’est tout. Le panda non plus ! Mais peut être un chien, je ne sais pas du tout. Sûrement avec un chien. On s’insulte souvent de chiens au quartier donc ça doit être ça. Si je dois te sortir un animal pour la classe et faire le mytho, je te dirais le lion, en tant que roi de la jungle ! [rires] Mais même pas. Je me demande aussi. Donc je laisse à YARD l’exercice. Étudier mon comportement par rapport à mon album et s’essayer à une comparaison. Je pense que les autres sont mieux placés pour nous comparer et nous définir. Moi je ne suis pas trop objectif sur moi-même. Je n’arrive pas à savoir si je suis un bon gars ou non. Juste faut que je kiffe comment je suis.

Ce qui est étonnant en écoutant le projet c’est qu’il sonne vraiment comme un premier projet, surtout dans les lyrics, on a l’impression que tu repars vraiment de zéro, comme si l’épisode MZ, musicalement en tout cas, était mis de côté.

Tant mieux que tu aies cette impression-là ! Ça me fait plaisir. C’est sûrement parce que, cette fois, je suis le héros de l’histoire. Pourtant moi, de mon point de vue, j’ai trouvé que ça restait dans la continuité de ce que je faisais avec la MZ. Dès le début j’aimais bien parler de choses profondes. J’ai toujours essayé de faire de la musique de qualité. Juste, avec ce premier album, j’ai pu proposer toute ma palette. J’espère que beaucoup de personnes vont me découvrir.

Quelles ont été les principales différences entre la préparation d’un album avec la MZ et celle de cet album ?

Déjà tu n’as plus un seul couplet ou refrain à écrire. C’est beaucoup plus de travail. Tu participes pleinement à la conception de ton album. T’écris tout seul. Tu choisis tous les morceaux. Tu penses tout le temps au morceau alors qu’en groupe, y a des idées qui viennent de partout. Là ce sont tes propres idées. Si tu kiffes la musique, tu la conçois naturellement. La principale différence se situe par rapport aux idées qui peuvent intervenir. Quand t’es tout seul, c’est ton bijou à toi. Que tu peux formater et emmener dans la direction que tu veux. Tu peux te permettre d’être vraiment égoïste à ce niveau-là. De n’être que toi. Mais ça n’empêche pas d’écouter les avis extérieurs. Finalement c’est toi. Le morceau c’est toi. L’album te représente.

Dans « Ça va pas très fort » un passage a retenu mon attention, « Je cherche une solution sur la route de l’hôpital, mais mon phone affiche ‘batterie faible' », c’est une dédicace à Damso ?

Non je l’avais écrit avant en fait. Ça va pas très fort est un titre qui était dans les dix ans de Mafia Zeutrei et je l’ai repris. C’était en lien avec une histoire que j’ai vécue. Le poto est à l’hôpital. Je dois y aller. J’ai envie de savoir ce qu’il se passe. Je bombarde. Je suis en manque d’essence. J’ai cassé mon fil pour recharger mon téléphone. Je peux appeler nulle part. Cette situation était carrément merdique ! À ce moment, rien n’allait. Mais oui, si ça permet de faire un big up, c’est cool ! Parce que je pense que l’iPhone déchargé au mauvais moment, Damso a dû le connaître aussi. Et il s’en est bien servi.

Sur certains morceaux tu es lucide sur ta situation actuelle, mature concernant ta relation avec les femmes, (“Désolé”, “Ethologie”, “Peace”, “Tomi”) et à l’inverse sur d’autres, t’es plus incisif, davantage dans la spontanéité (“Ma salope”, “Bloc”, “Bibi”). Comment expliquerais-tu ce double-visage ?

Ça fait partie de moi. Les gens qui me connaissent, savent que je rigole tout le temps. Je déconne très souvent. Mais quelquefois, je prends une frappe dans la tête. Tout seul dans mon coin. Et là mes potes me disent « Mais t’es chelou ! » [rires] Parfois on dirait que je suis ailleurs. Je ne sais pas si c’est une double personnalité. Quand j’écoute certains sons, je me fais la réflexion : ils sont sombres par rapport à ce que je reflète. J’aurais pu écrire des sons bien plus joyeux. Avec des instrus bien plus entraînantes. Pourtant non, c’est venu comme ça. C’est moi. Tout le mot « Éthologie » englobe ce contraste-là. Mais je ne peux pas te l’expliquer.

Tu collabores également avec Niska pour le titre « Bloc », comment s’est faite la connection ?

Avec Niska, on a de très bons amis en commun. On se connaissait sans vraiment se connaître. On se parlait de temps en temps. Quand il y avait des anniversaires, des soirées, on se voyait. Et moi j’ai toujours kiffé sa musique. J’ai voulu « m’ouvrir » un peu. Entre guillemets, puisque nos univers ne sont pas si éloignés. Au final je ne suis pas allé chercher trop loin non plus. C’est vraiment quelqu’un qui fait partie de l’entourage. Je me suis dit « pourquoi pas le faire ? ». Ça peut surprendre. Et j’avais envie de collaborer avec lui. J’avais déjà un peu posé le morceau, je lui ai fait écouter et il a aimé donc il a rappé dessus aussi. Il a fait le taff et c’est lourd. Je suis vraiment content de la touche personnelle qu’ont apporté les invités sur le projet, dont Niska. Je suis pressé de le faire écouter.

Tu dis dans “Abidjan est doux” : « Ton rayon de soleil je le vois pas, mais l’oseille oui, et l’oseille ça remonte le moral ». L’argent fait le bonheur alors ?

L’argent ne fait pas le malheur en tout cas. Et c’est devenu tellement important aujourd’hui. En vérité j’ai pas besoin d’énormément d’argent. Je ne suis pas quelqu’un qui ait beaucoup d’envies. Je veux juste vivre de ma musique et pouvoir prendre soin des gens que j’aime. Sinon je ne suis pas extravagant, je demande peu de choses. Tu me laisses une chicha et faire ma musique. Parfait ! Je ne demande rien d’autre ! [rires] Sans mentir je n’ai besoin de rien d’autre. Mais pour moi l’argent est super important parce que je kiffe faire plaisir, prendre soin de ceux que j’estime, et l’argent est primordial pour en avoir la possibilité. Il ne fait pas forcément le bonheur mais peut y contribuer. Faut juste bien le maîtriser. L’argent ne fait pas changer. C’est la personne qui change.

L’argent c’est matériel, ça te permet d’arriver à un autre niveau, de voir la vie autrement. Mais n’influence pas ton comportement, c’est l’inverse. Que ce soit la musique, le succès ou l’argent, c’est toi qui change. C’est ta nature. Peut-être que tu te comportais ainsi parce que tu n’avais pas cet argent. Quand tu l’as eu, tu t’es dévoilé. Faut savoir le gérer en fait. Moi personnellement, je n’ai pas besoin de beaucoup mais il me faut de l’oseille pour subvenir aux besoins de mes proches. Me permettre de quitter le quartier, me permettre d’emmener ma mère en vacances, acheter à manger, pouvoir organiser des petits trucs avec mes potes… Qu’on profite de la vie, et rien n’est gratuit. À part quand tu demandes du feu dans la rue et une clope. Mais au bout d’un moment t’en as marre d’être un gratteur. Je déteste gratter. J’aime pas trop quémander. Je préfère me débrouiller par moi-même et à partir de là, il me faut cette oseille. C’est très important.

Tu fais de nombreuses références à la recherche, légale ou non, de l’argent, coûte que coûte, et les dérives qui l’accompagnent. Tu penses qu’à trop en vouloir, on perd le sens des priorités ?

Oui mais comme je t’ai dit, faut gérer. Tu peux être quelqu’un de très très déterminé qui veut de l’argent, mais le plus important c’est où tu veux aller avec. Certaines personnes font de l’argent juste pour faire de l’argent. Juste pour pouvoir être riche mais ne savent pas pourquoi. Peut-être qu’ils veulent acheter une voiture ou autre chose, mais ils ne voient pas loin. Il faut savoir où tu veux aller avec cet argent, quoi faire. De quelle manière tu veux le faire, dans un bureau, sur le terrain, ou si tu veux monter un projet. Essaie d’entreprendre, il ne suffit pas de dire « je veux faire de l’argent », c’est plutôt « comment je vais en faire », « par quels moyens je pourrais en faire tout en me sentant vivant ». Il faut avoir une ambition derrière l’argent. Si tu construis quelque chose, l’argent arrivera automatiquement. Mais il est important de savoir ce que l’on veut dans la vie avant de se focaliser à devenir riche.

Après, il y a des jeunes qui habitent en Inde ou au Brésil dans des bidonvilles, des favelas. Eux, n’ont pas le choix. Il faut qu’ils fassent de l’argent parce que c’est essentiel. Les équations de la société les poussent à agir ainsi. Ils sont nés dans la véritable misère, confrontés très vite à la violence. Et pour affronter cette vie-là ils sont obligés de prendre les armes très tôt, d’être violents très tôt. Ils n’ont donc pas le temps de construire quelque chose. Ils peuvent juste se défendre et s’amuser du mieux qu’ils peuvent. Mais ici, ce n’est pas la même. Tu peux habiter dans des ghettos pourris dans le 93, dans le 94, ou dans le 91, ce n’est pas comparable. En France, tu peux entreprendre. Après oui, t’auras deux fois plus d’efforts à fournir mais en même temps quand t’arrivera à surmonter tout ça, tu seras beaucoup plus fort. Tu vaudras bien mieux que ceux qui ont grandi dedans. Toi tu seras prêt, à l’affût, vif. Mais faut s’y mettre, trouver cette motivation. L’argent seul ne suffit pas. Moi ça passe par la musique.

À travers ce premier projet, on sent que t’as des envies d’ailleurs, et peut-être d’aller vivre en Afrique, quelles sont les raisons de ces envies ?  

Je n’ai pas vraiment envie d’aller vivre en Afrique. J’aimerais bien y partir en vacances. Et que ça se limite pas à l’Afrique. J’aimerais visiter le monde. À la base je suis quelqu’un de très sectaire mais dernièrement je me découvre autrement. Quand je voyage, je kiffe, les paysages, l’Histoire. J’aime savoir ce qui s’est passé à tel endroit. Aller en Asie ou en Alaska. Ce sont des voyages assez complexes mais j’adorerais y aller. J’aime découvrir des couleurs, des modes de vie que j’ai jamais vus. Le seul truc qui me bloquerait ce serait leur bouffe parce que je suis très compliqué. J’aimerais bien bouger, rencontrer le monde. Plutôt que de le regarder à travers la télé.

Avant je regardais toutes ces choses-là à la télé mais dès que tu te déplaces, tu te rends compte que c’est très différent. Mais il faut le vivre pour comprendre. Et on a qu’une vie et j’ai envie de la vivre à fond. Quand je serai vieux j’aimerais pouvoir me dire : « Ah j’en ai fait du chemin, c’était cool ». Pouvoir raconter plein d’histoires à mes petits-enfants, si j’en ai. Ce serait kiffant.

Quel est ton avis sur la situation du continent ? D’abord socio-économiquement puis musicalement ? Le contraste est de plus en plus visible.

Je n’en ai pas vraiment. Je n’y ai pas réfléchi. Tu vois, moi j’ai grandi sous cette tradition « L’Afrique est pauvre, les États-Unis ce sont les rois du monde, la France on est entre les deux, l’Inde (l’Asie), ils sont un peu décalés ». À Paris tout est réuni, y a beaucoup de mélanges, de mixité. Donc franchement je ne pourrai pas te donner une réponse claire, j’ai grandi avec cette mentalité et je n’ai pas vraiment creusé. Après je suis comme tout le monde. Je vois ce qui se passe grâce à la télé. Des choses terribles. Nous de notre côté, ça va. En ce moment on est en guerre, mais on ne le ressent pas vraiment sur le territoire. Comparé à la seconde guerre mondiale. On peut aller au cinéma, il y a le dernier Wonder Woman qui est sorti. Si je veux, je peux aller le voir. Moi je peux aller à la piscine, descendre dans le sud avec des copines. Donc tu te dis « ouais pour une guerre, on a connu pire, par rapport à l’Histoire ». Nous, nous attendons juste qu’ils arrangent tout. Mais c’est le monde, il n’y a pas d’utopie. Je n’ai pas le pouvoir de changer le monde donc je me tais. J’essaie pas de faire l’intéressant en déballant tout mon savoir alors que je ne vais rien faire bouger du tout.

L’art africain en général est très influent pourtant en France (et en Europe) on a du mal à le dire, à l’avouer, d’après toi quelles sont les causes de ce phénomène – qui est un héritage du colonialisme ?

Pour moi, le pouvoir de l’achat et de l’exposition jouent un rôle important dans cette situation. Quand un artiste de cette envergure [Drake, évoqué en off] sort un CD, des milliers, voire des millions de personnes l’achètent. À l’inverse, un artiste africain peut avoir beaucoup plus de talent, mais si sa popularité est restreinte, au niveau du poids, l’écart est flagrant. Faut se l’avouer. Si un grand artiste africain vend des millions d’albums, il aura un poids bien plus conséquent dans le monde. Je pense, que c’est principalement ça le problème. En vendant énormément, la visibilité est automatique. Donc c’est aussi aux Africains, aux Européens qui aiment ce genre de musique, à tous ceux y qui y adhèrent, de l’acheter d’abord. Si tu as cette force populaire derrière toi, tu peux aller où tu veux. Il n’y a plus de limite. Aux États-Unis, ils l’ont. Non pas parce qu’ils sont plus forts, mais plutôt parce qu’ils ont compris comment fonctionne le système artistique. Comment gérer leur entertainment, leur visibilité.

Par exemple, d’un point de vue cinématographique, sur TF1 ce sont majoritairement des films américains qui passent le soir. Ils concurrencent des films français, en France. Incomparable avec le poids de l’art africain. Il n’y pas le même poids économique et la même force d’exposition. Pour changer cela, il faut que les gens les soutiennent. Pas seulement les écouter en cachette. En parler sur les réseaux sociaux, partager leurs vidéos, c’est important. Drake il sort un son, presque tout le monde reprend l’information. Les médias font des articles, les gens font des vidéos avec le morceau en fond. Ceux qui aiment la musique africaine en France (et en Europe), doivent faire exactement pareil. Avant de reprocher aux médias de ne pas les exposer, qu’est-ce que nous faisons, nous, pour ces artistes africains ?

Donc il faut davantage promouvoir, de notre côté, l’art africain, en général, avant de s’en prendre aux médias. Que ce soit la télévision, la radio ou la presse. Offrons-leur, nous, de l’exposition et ce sera déjà bien. Puisque pour leur forcer la main, ils doivent voir cet engouement. La popularité force la visibilité médiatique. C’est aux fans de mettre en avant leurs artistes. Parce qu’au final, je ne pense pas que les Américains soient plus forts que les africains. Ils vont même piocher en Afrique désormais. C’est dire.

Globalement l’album est assez mélancolique, assez sombre. Ton contexte personnel est à l’origine de cette direction musicale ?

Oui c’est mon contexte personnel, et même plus, ma personnalité. Je me suis découvert en réalisant ce projet. Globalement il est sombre mais il reste de la lumière. Je parle de ma vie de façon très sérieuse en fait. Enfin, sur la plupart des sons, parce que “Ma salope”, non pas vraiment.

Ce sera justement la question suivante.

J’ai évoqué mon quotidien sérieusement. Après il y a une certaine envie de s’en sortir. L’album reflète comment j’ai grandi. J’ai voulu être sérieux la plupart du temps, parce qu’il parle de moi. C’est ma carte d’identité.

Sur tout le projet tu sembles plutôt vulnérable face au sexe féminin, “Ma salope” est une sorte d’exutoire ?

Oui c’est vrai, mais en fait il a été réalisé sous le signe de l’auto-dérision. Ce morceau est plus ironique qu’autre chose. Je me suis servi de cette auto-dérision pour évoquer certaines situations. Mais je ne parle pas de moi, je ne suis pas comme ça avec la Femme. Ce n’est pas ma vie de tous les jours. Moi, je suis très détaché : je ne me vois pas courir après une fille. Je ne peux pas être constamment avec ma copine. Mais le morceau est ciblé, parce que j’en ai rencontré des gens, pour qui le contenu de “Ma Salope” pourrait être « dédié » [rires]. Il y a un peu de vérité mais c’est globalement de l’auto-dérision, j’ai simplement kiffé avec mon bro’ Marlo. On aime s’amuser sur ce genre de délires.

À l’avenir, un retour de la MZ est envisageable ?

Exclusivité pour YARD. Je vous donne la date. Normalement je n’ai pas le droit de la divulguer… En 2035 ! Entre juillet et août ! J’espère que je serai mort d’ici-là [rires].

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