Emeli Sandé : « En Zambie, j’ai vraiment compris mes racines. »

Après quatre ans de silence radio, l’anglaise Emeli Sandé est de retour avec un nouvel album : « Long Live the Angel ». Plus forte, plus engagée, l’artiste à l’irréductible crinière blonde platine, revient enfin à l’assaut avec dans ses couplets un message spirituel, à la fois pugnace et apaisé. De passage à Paris il y a quelques semaines Emeli nous a raconté comment l’album a été modelé, entre un voyage formateur en Gambie et quelques épreuves personnelles.

 

 

 

Tu es en tournée en ce moment. Comment ça se passe ?

Génial ! J’adore ça, parce que ça fait tellement longtemps que je n’ai pas pu me produire sur scène avec de nouveaux titres et m’exprimer à un tel niveau d’authenticité. Et juste reprendre contact avec la foule, rencontrer de nouvelles personnes, je pense que c’est la partie la plus importante dans le travail de musicien. Je vis un moment incroyable.

 

Et tu joues surtout des titres du nouvel album ?

Oui, principalement du nouvel album. Peut-être trois ou quatre sons du premier album. Ces nouvelles chansons sont incroyables.

 

Pourquoi avoir pris une pause avec la scène ?

Je n’ai jamais vraiment pensé à cette période comme à un stop. Je voulais simplement être certaine que l’album soit vraiment bon, meilleur d’un point de vue artistique. J’ai donc dû prendre du temps pour écrire et traverser pas mal de trucs personnels pour pouvoir grandir. J’ai mis deux ans à concevoir cet album et c’était tellement cool. J’avais besoin de temps pour le faire.

 

Ce qui est beaucoup revenu dans tes précédentes interviews, c’est que tu étais épuisée par la surexposition que tu as vécue à la sortie de ton premier album. Comment tu revois ça aujourd’hui ?

On a fait beaucoup de choses. Avec toute mon équipe, on voulait simplement mener la musique aussi loin que possible. À chaque fois que j’avais du temps, j’allais au studio et je continuais de bosser… Il n’y a rien que je regrette vraiment avoir fait, je n’étais simplement pas préparée.  Je me suis dis que si je m’apaisais un peu, le résultat serait meilleur. Donc j’ai pris une pause.

 

 

À cette époque personne ne t’as conseillé de prendre du temps ?

Si, j’ai reçu des conseils ! Mais comme j’étais encore nouvelle dans le business, je me disais « ouais… » Par exemple Alicia Keys me disait « Tu sais, il faut que tu t’assures d’arranger du temps pour ta famille, tes amis… » Je me disais, « Ouais c’est cool, pour Alicia Keys. C’est un bon conseil pour un hustler. » Mais j’aurais du prendre son conseil au sérieux.

 

Pendant que tu préparais l’album, quelle était ta première idée ?

Je voulais qu’il soit soul, qu’il soit très authentique. Je voulais être complètement honnête et prendre du temps pour faire de la musique, qui je l’espère, plairait aux gens. C’était l’idée principale. Et je voulais que ce soit quelque chose dont je sois fière lyricalement. Je me disais que si jamais je ne faisais pas un autre album, je serais tout de même fière de celui-là quand j’aurais 50 ans. C’était un peu ça l’idée.

 


Je me suis toujours demandé pourquoi moi, qui vivait en Ecosse, je chantais tout le temps et pourquoi j’avais une foi aussi forte. Et là-bas, j’ai vraiment compris mes racines.


 

Et qu’est-ce qui c’est passé pendant ces deux ans ?

La vie, beaucoup de vie. Je suis allée en Zambie et ma rencontre avec ma famille a été un point majeur de ces deux dernières années.

La première semaine, j’ai voyagé avec Oxfam pour combattre les injustices envers les femmes dans une campagne qui s’appelait « I Care About Her ». Le but était de montrer comment la musique pouvait changer l’attitude des hommes et de la communauté sur leur façon de traiter les femmes. Après ça, on est allé dans le village de ma grand-mère. Et je ne l’avais jamais rencontrée avant.

 

Tu y étais seule ou avec le reste de ta famille ?

Oui j’y suis allée avec ma mère, mon père, ma soeur. C’était la première fois que je voyais mon père dans son environnement d’origine. Et je me suis dit « Wow, c’est ce qui m’a manqué toute ma vie. » Ça a été un bouleversement dans ma vie.

 

 

Qu’est-ce qui t’as le plus frappé ? Qu’est-ce que tu as découvert là-bas ?

J’ai l’impression que j’ai pu me comprendre moi-même de façon plus profonde. Là-bas, tout le monde était musicien, tout le monde a une grande foi en Dieu. Je me suis toujours demandé pourquoi moi, qui vivait en Ecosse, je chantais tout le temps et pourquoi j’avais une foi aussi forte. Et là-bas, j’ai vraiment compris mes racines. Ça m’a donné confiance.

 

La spiritualité prend d’ailleurs une grande place dans cet album, et même dans le précédent. 

J’ai réalisé que c’est incroyable d’apprendre de plusieurs religions, votre foi est quelque chose que vous ne pouvez pas vraiment comprendre. C’est quand j’ai écris le titre Sweet Architect, que j’ai vraiment commencé à comprendre que Dieu et que tout ce qui nous entoure est vraiment un miracle. C’est ce que j’ai voulu dire avec cet album. Que c’est quelque chose de réel.

 

 

J’ai aussi l’impression que cet opus est plus fort, plus agressif. Est-ce que tu es d’accord ?

Oui, clairement. J’ai l’impression que dans mon premier album, ou même en tant que personne, j’ai toujours exprimé mon côté gentil. J’ai toujours voulu rendre fier mes parents et ma famille, en étant une bonne élève, une femme bien, une gentille fille. Cette fois-ci je voulais être un être humain accompli. Et c’est sain d’exprimer de la colère parfois, de la frustration aussi. D’autres facettes de soi qui font de vous quelqu’un de meilleur. C’est la chose la plus importante que j’ai apprise en tant que personne.

 

Avec qui tu as travaillé ?

J’ai écris beaucoup de chansons avec un homme qui s’appelle Philip Leigh, c’est un très bon ami et un musicien brillant.  Happen, est la première chanson qu’on a écrite ensemble, alors qu’on venait de se rencontrer. Il joue et je le suis en faisant lalalala et quelques heures plus tard, la chanson est là. J’ai fait quelques chansons avec Naughty Boy encore une fois. Jonny Coffer aussi qui est un excellent pianiste… Pas mal de bons musiciens qui sont aussi mes amis. Des gens avec qui je traîne naturellement et avec qui je fais de la musique.

 


Pour moi cet album est comme une prise de position : c’est là que je me situe et je suis prête à me battre pour ça. Ça ne va pas tout simplement arriver tout seul.


 

Et à propos du titre « Long Live the Angels » ?

Il y a tellement de raisons pour lesquels je l’ai choisi. J’essaie d’en formuler une plus précise… Pour moi c’est intéressant que tu relèves que l’album a plus de force, plus de colère. Parce que j’ai toujours cru que le bien surpasserait le mal et toutes ces choses, mais on ne peut pas être passif. Il faut se battre pour ce qui est bon et il faut devenir un soldat. Pour moi cet album est comme une prise de position : c’est là que je me situe et je suis prête à me battre pour ça. Ça ne va pas tout simplement arriver tout seul.

 

Je voulais aussi parler d’un autre projet auquel tu as participé entre ces deux albums : celui du duo Krept & Konan.

On travaille avec le même label et ils m’ont envoyé une chanson avec un couplet déjà écris. Une semaine avant que je le reçoive, ma cousine est décédé. C’était vraiment douloureux, très inattendu. On était à l’hôpital et ma mère m’a dit : « Je vais planter des roses pour Nina. » Quand j’ai reçu cette chanson, ça m’a rappelé tout ça, et toutes les émotions par lesquelles je suis passé. J’ai donc écris cette chanson, Roses, sur ma mère qui plantait ces fleurs dans son jardin.

 

Tu continues aussi à écrire pour les autres. avec qui tu apprécies le plus de travailler ?

Il y a peu de gens avec qui je me suis vraiment posé pour écrire. Mais Alicia Keys fait partie de ceux-là. Ça a été très naturel. On s’est juste retrouvé, on a bu un verre de vin et joué du piano. Pour moi c’est la meilleure façon de travailler, quand l’artiste a la même façon d’écrire des chansons.

 

Tu parlais d’elle tout à l’heure. Elle a l’air d’être assez protectrice avec toi.

Oui, elle est vraiment devenue une grande soeur pour moi. Elle me donne beaucoup de conseils, parce qu’elle a tout traversé. Et on aime le même genre de musique. À chaque fois que je vais à New York, je sais que j’ai une grande soeur là-bas. S’il y a une urgence, je sais que je peux appeler quelqu’un.

 

 

Est-ce qu’il y a un conseil qu’elle t’as donné pour ce moment précis dans ta carrière ?

Pas vraiment.

 

Tu n’en a plus besoin ?

Non, j’en ai définitivement besoin. [rire, ndlr] Mais je ne sais pas. Je ne lui ai pas parlé récemment. Mais je vais à New York demain donc…

 

À l’heure où on parle, l’album n’est pas encore sortie. Comment est-ce que tu appréhendes sa réception par ton public ?

En ce qui concerne les shows où je joue déjà quelques titres, tout le monde a l’air d’apprécier les titres. Donc c’est bon signe. Mais j’espère qu’on sera vraiment connecté. J’ai l’impression que là, c’est le vrai moi qui s’exprime. S’ils l’apprécient alors, on se comprendra à un niveau plus profond.

 

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Album « Long Live the Angels »

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