Hurley, surfin’ Hossegor

C’est l’histoire de Bob, son crédo est de faire toujours mieux en restant dans un bon esprit. Bob c’est Bob Hurley, après avoir amené Billabong à un niveau plus que confortable financièrement, il a décidé en 1999 de créer sa propre marque de surf et cette fois-ci d’après son nom. Hurley est donc arrivé bien après Rip Curl, QuickSilver et Billabong. Malgré ses 16 ans d’existence la marque garde l’image du petit nouveau malin et volontaire qui s’est associé au géant de l’industrie du sport, Nike.
Toujours en phase d’expansion, le 20 juin dernier l’entité a inauguré l’ouverture d’une première boutique en France dans un de ses hauts lieux du surf, Hossegor.
YARD a été témoin de l’événement dignement fêté et a croisé la route de Bob, son fils et designer de la marque, Ryan, ainsi que Nic Von Rupp athlète reconnu de l’équipe.

 

bob hurley interview

 

La culture du surf est une niche pourtant Hurley tend vers l’ouverture à une cible plus large. Seulement en France tout reste à construire, considérée comme n’importe quelle autre filiale de Nike, Hurley est la solution donnée à ses clients pour tout ce qui concerne l’eau. Mais lorsque l’on cherche Hurley sur nike.com une belle image d’océan avec un surfeur porte l’inscription « We do not currently ship products directly to your région. ». On nous invite à se rendre sur un autre site qui le fera.
On sent pourtant en arrivant à Hossegor qu’il suffit juste de lancer la machine. David Berthet acteur dynamique de la culture surf dans sa ville nous explique que l’on voit déjà depuis quelques étés les dernières combinaisons Hurley sur le dos de tous les surfeurs en herbe : « Quand Hurley est arrivé ils ont habillé la région, sur la plage tous les petits veulent leur combinaison avec les deux bandes. Les marques se sont souvent cassées la gueule Quicksilver, Billabong… Là ça a l’air de durer. » Un must have et une légitimité acquise sans même avoir ouvert une boutique.

Cette aura naturelle s’explique lorsque l’on écoute le big boss Bob parler de la vision qu’il a de son bébé et de la genèse du projet :

« Billabong c’était une licence donc les 5 dernières années avec eux on faisait à peu près ce qu’on voulait et ce n’était plus complètement en phase avec l’idéologie de la marque. C’était devenu évident qu’il fallait faire autre chose sauf si nous voulions uniquement faire de l’argent ce qui n’est pas très amusant. On a décidé de nous retirer de la marque et on l’a remise en en bon état. Quand ça a été officialisé je suis retourné voir les 150 personnes qui constituaient ma team et je leur ai dit qu’on avait une très bonne nouvelle : ‘Nous allons rendre Billabong à l’Australie et nous allons créer Hurley.’ Ils étaient un peu effrayés. Nous gagnions beaucoup d’argent avec Billabong, tout allait bien donc ça pouvait faire peur de tout laisser tomber. Mais j’ai eu assez de personnes qui ont soutenu l’idée et au final je n’ai pas eu à me séparer d’une seule personne. On a créé une nouvelle marque avec des idées différentes et ça a marché, on a beaucoup de chance. »

 

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D’une longue et solide expérience à Billabong est donc né Hurley. Pas vraiment novice l’équipe construit « une nouvelle marque avec de l’expérience » comme l’affirme avec implication le jeune athlète de la marque Nick Von Rupp.
Cependant Bob comprend vite qu’il vaut mieux s’associer avec un plus gros que soi pour obtenir la liberté de faire ce qu’il veut. Ce n’est pas contradictoire car il choisit le rouleau compresseur Nike qui n’a pourtant rien de castrateur ou tyrannique, au contraire :

« Nike c’est comme le « space shuttle », une énorme fusée, et Hurley c’est un Gulfstream Jet, un petit avion privé. Donc quand tu es le Gulfstream tu ne peux pas expliquer à la fusée comment voler. Mais le Gulftream peut prendre des conseils. On a de très bons échanges d’idées, nous sommes constamment dans le dialogue.
Nike avait pris le pari que dans 10 ans le skate serait un sport beaucoup plus populaire, le surf aussi donc ils ont choisi d’avoir une position par rapport à ça. S’ils n’avaient pas eu cette vision ils ne mériteraient pas d’être la marque la plus importante du monde aujourd’hui. Mark Parker, le CEO, et Trevor Edwards, le président de la marque, croyaient profondément qu’ils avaient besoin de se positionner par rapport à ces jeunes sports. Nous faisions partie de leur projet donc nous avons pu faire ce que nous voulions, nous avons beaucoup de chance, cela fait 16 ans que la marque est là. Normalement dans cette situation un gars comme moi aurait dû se faire virer au bout de deux ou trois ans parce qu’une fois la marque associée à Nike ils peuvent se dire facilement ‘On n’a plus besoin de ce gars maintenant.’ Mais dans notre cas c’est une relation très spéciale que nous entretenons. Nike est très intéressé par ce que nous pouvons leur apporter en terme de consommateurs par exemple. Et à l’inverse si Nike reconnaît le surf comme un sport important, les retombées sont incroyables pour nous. »

 

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Ryan de son point de vue de designer explique les bienfaits de la collaboration jusque dans la conception des lignes de vêtements :

« Nous avons un processus de création similaire à n’importe quelle catégorie de Nike. Nous nous plaçons sur le même calendrier. Nous devons partager la même direction créative. Nous nous connectons très bien ensemble. C’est juste une équipe beaucoup plus grande avec laquelle tu dois bosser. C’est super pour moi car ça me fait travailler sur des choses que je n’aurais jamais pu expérimenter sinon. Beaucoup d’éléments passent par la pipeline Nike. On est tout le temps en contact et ce sont des gens géniaux. On apprend beaucoup. »

 

Si Nike les a choisis c’est effectivement qu’ils avaient quelque chose à offrir. La culture du surf ils la connaissent sur le bout des doigts, ils savent donc comment la faire évoluer.

« Nous ne disons pas que nous sommes meilleurs que les autres mais nous sommes différents. Nous sommes en phase avec les jeunes autour de 16 ans dans le monde entier. L’industrie du surf est une vieille industrie qui tourne depuis plus de 20 ans avec très peu de changements. Les vêtements eux ont beaucoup évolués et pourtant l’industrie du surf s’enfonce. Ça m’a fait prendre consceince qu’il y avait une grosse opportunité pour reconsidérer tout ça différemment. Nous sommes dans beaucoup de stores Nike et nos produits marchent très bien dans ce contexte plus large. Je pense qu’amener l’idée d’inspiration et d’innovation c’est ce que le consommateur recherche.
L’industrie du surf n’essayait pas d’être moderne mais de se protéger. Et nous savons pourtant tous que tout ce qui essaye de se protéger tend vers l’échec. Il faut embrasser la technologie. On le voit avec la musique et le téléchargement gratuit par exemple. Je suis désolé mais si tu le combats tu te retrouves hors du business. C’est excitant parce que dans tous les domaines les consommateurs ont tellement plus de pouvoir maintenant.
Nous nous retrouvons beaucoup sur la façon de voir le business avec Mark Parker. C’est un designer donc toute la marque le suit. Son but n’est pas de rendre l’entreprise plus grosse mais de designer un monde meilleur. Il faut se recentrer faire moins de choses mais des choses beaucoup plus intéressantes, plus extraordinaires. C’est vraiment une bénédiction de travailler avec quelqu’un comme ça, nous sommes encouragés à faire de l’extraordinaire tous les jours et faire des produits à notre manière. C’est comme un rêve devenu réalité. Il y a des entreprises où on te dit constamment ‘Il faut devenir plus grand, plus gros, il faut ouvrir de nouveaux shop, allez, allez allez !’ Chez nous c’est ‘Aime tes consommateurs, sers les, soit humble, écoute ce que disent les athlètes, soit une source d’inspiration, soit innovant…’ C’est vraiment unique. Quand tu écoutes Mark parler, c’est fou. Et ce n’est pas pour faire semblant, ça vient du cœur, il n’a pas besoin de faire ça. »

 

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Alors quand on dit à Bob que sa vision des choses semble un peu utopique et qu’avec le fonctionnement du capitalisme vouloir faire passer le profit après n’est pas réaliste voire réalisable, il nous remercie de poser cette question et enchaîne :

« Je le dis très rarement mais avant Hurley j’ai eu un cancer très sévère, j’ai cru que j’allais mourir. Ce n’était pas un problème j’étais heureux mais ça m’a fait réfléchir à beaucoup de choses sur ma vie, sur la façon dont j’avais d’appréhender mon travail, qu’est-ce que je voulais accomplir. Ça a été une grande et forte partie de ce qui nous a fait commencer Hurley. L’objectif était d’être sûrs de faire ce que l’on veut et le réaliser sans faire de compromis. C’est un gros challenge parce que malgré tout tu te développes et à un moment tu es contraint à faire des compromis. Mais je pense que c’est possible, je ne fais pas de sacrifices sur mes idées. Nike est un très bon exemple de cet état d’esprit. Quand on est arrivés c’était une entreprise de 10 millions de dollars, aujourd’hui c’est 30 millions et ce sera bientôt 50 millions. Tout cela en étant encore plus génial.
Mais attention on ne partait pas de rien. Je pense que quand tu pars de zéro ne pas faire de compromis sur tes convictions c’est beaucoup plus difficile. Personnellement j’avais non seulement la guérison de ma maladie qui a été une grande source de force pour commencer et j’ai eu en plus l’énorme soutien de Nike. C’est certain qu’avec tout ça, ça a été plus facile. Mais ça reste quelque chose qui présente un défi sans aucun doute. Le monde veut te rendre commun, normal, te faire faire des choses mauvaises si tu veux faire plus d’argent. C’est terriblement triste quand ça arrive aux gens parce que très tôt tu deviens vieux et qu’est-ce que tu as ? Strictement rien à part l’argent. »

 

L’argent lui permettrait d’atteindre plus de monde mais ne l’intéresse a priori pas en soi. L’homme qui explique en conférence de presse pour présenter sa marque qu’il veut changer le monde décide de le faire avec une entreprise. Bob Hurley a l’attitude d’une personne qui a remis les idées et une certaine forme de foi en l’humanité au centre de ses préoccupations. Lors de la fête qui célébrait l’ouverture de son magasin il passe pour le type sympathique qui va discuter avec tous les Hossegoriens et remercie les gens de porter intérêt à ce qu’il essaye de faire. Son fils Ryan suit son père pas à pas.

 

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« En ce qui concerne la direction, on est passés par pas mal de phases avec la marque, je pense qu’on est sur le point d’entrer dans le prochain chapitre. Hurley c’est frais et moderne, à la fois classique mais très nouveau, très présent sur l’innovation.
Pour la direction esthétique nous avons beaucoup d’amis artistes qui nous entourent qui nous inspirent. Je dois apprendre de ces gars, c’est important de garder des amis, des gens autour de soi pour rester inspiré.
Il faut être spécifique en matière de cible mais c’est difficile parce que j’aime que l’on reste ouvert, c’est ce sur quoi la marque a été fondée. Nous sommes dans l’esprit de l’inclusion, laisse les gens entrer, au siège il y a beaucoup de choses qui ont été installées pour accueillir les artistes, comme Craig Stecyk, leur permettre de créer, il y a un skatepark, il y a un studio de musique. C’est très ouvert. »

 

« Bien-pensance » comme stratégie marketing ou réelle volonté d’offrir au monde de beaux produits réalisés dans un bon esprit il est impossible de le savoir vraiment. En tout cas Hurley s’implante en France et va renforcer une culture très communautaire qui tend, en partie grâce à eux, vers l’ouverture.

 

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