L’Encrerie, là où la peau n’est qu’un support
À vue de nez, L’Encrerie aurait pu être un énième prestataire appelé à presser les quelques milliers de copies du feu YARD Paper. Mais non, loin de là. Sous cette enseigne au nom plutôt énigmatique, située au coeur du XIe arrondissement de Paris, se cache un salon de tatouage un studio de création réunissant toutes sortes d’artistes qui opèrent sur des supports variés, à commencer par la peau.
Ne parler que de tatouage serait hautement réducteur, quand on sait que certains d’entre eux ne manient pas l’aiguille, et que leurs inspirations s’étendent de l’architecture à la bande dessinée. Ce n’est pas là qu’on vous laissera piocher hasardeusement une esquisse de rose issue d’un catalogue aux pages écornées. Ici, votre chair n’est que la toile sur laquelle s’exprimera la « sensibilité visuelle » de Léo Gavaggio a.k.a Walter Hego, le maître des lieux. Ce-dernier nous a donné rendez-vous avec son associé Jey – dont la sobriété du style contraste avec son immanquable barbe rousse – pour évoquer avec nous son art.
Vous pourrez retrouver les virtuoses de L’Encrerie les 16 et 17 décembre à la House of Vans, qui s’installe pour la première fois à Paris. Pour plus d’infos, suivre ce lien.
Photos : @mamadoulele
Jey : « Ce que j’aime dans le tatouage, c’est ce processus de concrétisation. Les gens viennent nous voir avec des images qui sont souvent très floues, et nous fait en sorte de les concrétiser. Il y a quelque chose d’hyper-intéressant là-dedans. »
Léo : « On a toujours cette logique de prendre rendez-vous avec les gens et développer leur projet avec eux, mais ça reste selon une vision précise de ce qu’on a envie de faire. Dans le sens où on ne va pas te proposer une planche avec des roses, des têtes de morts… On a écouté tellement de musiques, vu tellement de films, bossé avec des tellement de personnes venant de milieux qui n’ont rien à voir les uns des autres, que ça nous apporte une manière différente de voir les choses. »
Léo : « Le nom ‘L’Encrerie’, déjà c’est très français. Jey, il est à fond sur tout ce qui est boulangerie, charcuterie… [rires] Depuis toujours il défend ça et moi j’ai tout de suite adhéré au côté authentique de la chose. De ne pas se faire bouffer par le côté ‘américanisé’, genre écrire ‘tattoo’ avec deux ‘t’ et deux ‘o’. »
Léo : « C’est aux autres de dire si on apporte quelque chose de neuf. Personnellement, je m’en moque un peu dans le sens où, en vrai, on n’invente plus rien aujourd’hui. Ce qui est vraiment cool, c’est le plaisir que tu peux prendre à revisiter des choses qui existent depuis toujours. »
Jey : « Avant, t’avais ceux qui montraient leurs tatouages, et ceux qui ne le montraient pas. Mais il n’y avait pas plus de tatoués chez les punks que chez les flics par exemple. C’est juste que les punks étaient en t-shirt quand les policiers étaient en chemise. Et tu ne voyais pas ce qu’il y avait en-dessous. Aujourd’hui, ça se démocratise… Quoiqu’en France, pas tellement. Je me rappelle de mes tout premiers trips à Londres, quand j’étais môme, il fallait que j’aille faire du change et le caissier de la banque était là avec une coupe de ouf, des piercings de partout… Mais il était en uniforme. Alors qu’à l’inverse, en France, il n’y a pas d’uniforme, mais il faut que tu rentres quand même dans un moule. »
Léo : « On en arrive au point où il y a tellement de gens qui sont tatoués, que ça m’arrive d’avoir des retours du genre : ‘T’as vu, je ne suis pas tatoué, c’est moi l’original aujourd’hui !’ Mais dès que j’entend ce genre de choses, je me dis surtout que ces gens ont de base un besoin de reconnaisse, s’ils en viennent à faire de genre de constats. »
Léo : « Le tatouage, ça a 30 000 piges. Et malgré ça, ceux qui en ont ont toujours été des parias. Aujourd’hui, je suis content parce qu’on s’est rendu compte que ce n’était pas ça le souci. Ce n’est pas là pour être dérangeant, et au contraire : ceux que ça dérange, c’est eux-mêmes qui sont dérangés. En vrai, c’est plus un instrument d’amour, de compréhension et d’expression de sa personne. »