DJ Pone : « En ce moment je me sens à l’aise dans la zic que je fais, dans la zic que je joue, dans mes lives. «
« Bardamu ! Putain j’ai relu notre papier ça défonce ! » C’est avec cette apostrophe courtoise que m’accueille DJ Pone. En début d’année nous avions associé nos forces pour écrire un article légèrement fabulé sur notre tendre bagarre lors de ses sets hip-hop. N’hésitez pas à le lire, c’est effectivement pas mal. Ce matin je suis devant lui pour en savoir plus sur son élégant disque électro-pop, Radiant (sortie le 21 octobre), et aussi pour lui faire déclamer des dialogues de films français des années 80. Il ne s’est pas fait prier.
Photos : @lebougmelo
Je crois que je ne sais pas pourquoi « Pone » ? Juste un pseudo qui sonne bien?
Mon tag tout simplement. En fait je vois une vidéo de graffiti des ELC qui défoncent un RER avec un mec qui tague Phone, et moi je suis persuadé que c’est marqué Pone. Je me dis « putain ce nom défonce ». Paris Tonkar sort en 91 (livre référence sur le graffiti parisien, ndlr) et je vois la liste des crews avec tous les « gueur-tas » et je vois marqué « Phone ». Je me dis : « Putain c’est bon, Pone est libre je prends ! » Après voilà je tague et tu sais comment ça se passe, tout le monde t’appelle par ton tag, et le jour où tu es DJ le nom est déjà tout trouvé.
Comme tu le sais j’ai écouté ton disque avec beaucoup de plaisir (sourire de fouine de Pone qui ne manque pas de relever la dimension sexuelle du mot « plaisir »), j’ai même des termes de journalistes, je l’ai trouvé très « racé » et très « intelligent ». Comment s’est fait le choix de Superpoze (compositeur de musique électronique) à la réalisation de l’album ?
Quand je l’ai rencontré je ne savais pas vraiment la « zic » qu’il faisait. On a discuté de musique et je me suis dit : « Quand tu parles de musique de cette façon tu es forcément bon ». Je lui ai fait écouter des morceaux à mon studio de manière complètement détachée, on en a discuté en allant boire un coup après, je l’ai regardé : « Est-ce que tu serais chaud pour réaliser mon album ? » Il m’a répondu : « Banco ! On le fait ». Ce choix de Superpoze c’est aussi pour sortir de ma zone de confort. J’aurais pu me tourner vers plein de producteurs plus expérimentés, plus âgés, que je connais, très proches, comme Para One ou d’autres, ils n’auraient peut-être pas accepté, je ne sais pas… Je me suis dit que j’allais bosser avec quelqu’un que je connais moins, plus jeune que moi, qui a une autre culture, d’autres codes, un autre rythme… Et tu te mets à bosser avec un mec qui à 22 ans, il est là à 9 heures, il a juste besoin de bouffer du Crunch et c’est parti (rires).
« J’ai toujours cette image dans Le Bon La Brute Et Le Truand ou tu vois Tuco qui est devant plein de flingues, et il prend le canon d’un, le barillet d’un autre et il se fait un gun de feu. C’est ce que je voulais faire avec ce disque, je voulais avoir un flingue pas possible. »
Ce qui change de tes fréquentations (rires)…
Mes fréquentations rentrent à 9 heures du matin (rires) ! Je pense que c’est un choix judicieux, il m’a apporté beaucoup de choses, on s’est entendu très très vite. Tu parlais de disque « intelligent », il y a la mienne je suppose, et la sienne. C’est un disque qui s’est fait sans douleur, sans césarienne.
Il y a aussi le choix de Boogie Vice (arrangeur et producteur), qui a mixé le disque et qui a fait les arrangements avec moi. J’ai toujours cette image dans Le Bon, la Brute et le Truand ou tu vois Tuco qui est devant plein de flingues, et il prend le canon d’un, le barillet d’un autre et il se fait un gun de feu. C’est ce que je voulais faire avec ce disque, je voulais avoir un flingue pas possible. Superpoze n’a rien à voir avec Boogie Vice, on ne se connaît pas tous les trois mais les ingrédients ont fonctionné ensemble. J’avais besoin de douceur et d’un truc un peu solaire et Superpoze pouvait m’apporter ça. Moi j’avais un truc rugueux, hip-hop, un peu sale dans les rythmiques… Et puis j’aime bien les petits jeunes (rires).
D’ailleurs tu fais des voyages avec Frédéric Mitterrand (rires)… Comment s’est faite la répartition du travail ? Tu composes un ours du morceau et Superpoze fignole derrière ?
Il était plus sur les compo et moi j’ai fait toutes les rythmiques, les arrangements, les structures derrière. En gros c’est du 50/50. Après il y a un gros travail de mix. C’est de l’orfèvrerie le bordel !
Bah ça s’entend.
C’est arrivé aussi que Superpoze me dise : « Va faire un tour d’une demi-heure j’ai une idée en tête, j’ai besoin d’être seul pour aller au bout et savoir si c’est bien ou pas ». Il ne faut pas sclérosé les gens parce qu’il arrive qu’une idée de merde t’amène à un truc cool… Et vice-versa.
Dans le disque, surtout dans la première partie, il y a une mélancolie heureuse.
C’est juste.
Je me suis dit que les invités vocaux épousaient grave ce truc là. L’aspect solaire, lumineux…
Ouais… Le disque se fait à un moment difficile de ma vie comme tu le sais. Cet album est une espèce de thérapie qui me sort d’un moment extrêmement sombre, et que le disque soit teinté de mélancolie c’est obligatoire. Mais comme tu le dis il y a un espoir, une lumière. La mélancolie c’est quelque chose que j’aime bien, j’adore la nostalgie. Quand je vais voir ma mère à Meaux (ville d’où Pone est originaire,) je prends sa caisse et je passe devant mon ancien bahut, c’est un peu naze mais j’adore faire ça… Donc oui, il y a un truc qui va mieux dans ce disque. C’est exactement ça, une mélancolie heureuse.
Pour les « feats », déjà j’adore (Il prend une voix de crooner un brin tapette) les voix d’hommes (rires). Une voix d’homme sensible, qui te prend aux tripes ça me touche. Thom Yorke a fait des chansons qui m’ont bouleversé. J’aime aussi les voix de femmes, mais les mecs ont une espèce de sensibilité vocale, comme avec José pour Sarh (Sarh est un album de Pone et José Reis Fontao du groupe Stuck In The Sound). Quand il enregistrait je m’accrochais au siège. Pour Radiant : Jaw, Sage, Isles c’était parfait. Isles c’était sa première fois en studio c’était impressionnant.
Tu parlais du moment difficile dans ta vie avant que tu fasses l’album, à ce titre la première partie du disque est une sorte de renaissance en douceur, et dans la seconde partie tu repars au combat avec des titres comme « Discontinuity » ou « Mad boys ».
En plus « Mad boys » n’était pas prévu, c’était un vieux morceau que j’avais fait. Avec Superpoze on n’était pas d’accord. Il me disait : « C’est super véner, mais c’est quand même ultra véner ! Est-ce que ça le fait dans l’album ? » Et au final ce que j’adore dans ce track ce sont les accords de la fin où tu te dis : « Tiens il y a Superpoze qui vient d’arriver » (rires). C’est un morceau qu’on a rajouté un mois et demi avant le mastering.
Oui sur la fin de l’album je suis sorti d’un truc, je vais mieux, et je voulais mettre de l’énergie.
Comment s’est passée l’écriture des textes ? Tu donnais une thématique ou tu laissais les invités écrire ce que la musique leur inspirait ?
Quand Jaw a écrit « Heart swing » j’étais avec lui. Bon je ne lui ai pas dit d’écrire ces lyrics là précisément mais le texte ressemble pas mal au moment difficile que je vivais à ce moment-là. Sage a écrit tout seul mais évidemment je validais. Louisahhh !!! c’est un peu plus vener, c’est « Domina » (il mime le bruit et le geste d’un coup de fouet SM, ce qui nous fait rire de bon cœur tous les deux).
« Les Ripoux c’est notre film culte commun avec Kavinsky. »
Est-ce que ce disque a été pensé pour la scène ? Je sais que tu es accompagné d’un live band. Et tu es un mec de scène aussi…
Ouais… Ma fille m’a demandé l’autre jour combien il y avait de brins d’herbe dans le monde (sourires attendris). C’est un peu la même question avec le nombre de scènes que j’ai faites. La scène c’est quelque chose qui m’anime et quand tu fais un album c’est toujours un prétexte pour y retourner. Bon j’ai quand même eu ma dose avec Casseurs Flowters (Pone accompagne Orelsan et Gringe sur scène). Mais j’ai surtout envie de défendre mon projet. Pour Sarh on a très peu tourné, le projet a été avorté assez vite parce que José avait d’autres trucs perso à faire, j’étais resté sur ma faim. Là je ne suis pas encore satisfait à 200% de mon live, j’ai besoin de tourner, de faire une vraie « V2 » et ça prend du temps. Quelqu’un qui fait un album sans penser à la scène ça peut peut-être se faire en 2016 mais moi en temps que vieux (Pone a 38 ans) : « album égal tournée ». Mais au moment de faire l’album je n’ai pas vraiment pensé à la scène. En plus Pone sur scène ça suppose une certaine énergie, entre Birdy ou la Boiler Room que tu connais bien ( Pone avait fait un set hip hop années 90 de toute beauté qui avait déclenché une joyeuse émeute ) en général ça saute de partout.
Ouais et justement la première partie de l’album est plutôt contemplative.
Oui mais on a réussi à la dynamiser. Et puis un moment mon album c’est mon album, si tu l’écoutes en attendant forcément un truc qui tabasse et bah non… Ce n’est pas prévu. Et puis la musique électronique dancefloor c’est un truc dans lequel je me sens moins à l’aise, qui me parle moins. Je vais plus vers mes 40 piges que vers mes 25, je ne serais pas choqué non plus de faire un concert dans une salle avec des gens assis. Avec Sarh on aurait pu jouer devant des salles assises ça ne m’aurait pas bouleversé. Mais j’essaye de dynamiser toujours, faut pas déconner non plus.
Tu as 20 ans de carrière, tu as collaboré de façon étroite avec beaucoup de groupe parmi lesquels Svinkels, Double H avec Cut Killer, Scred Connexion, Triptik, Birdy Nam Nam, Sarh, Casseurs Flowters, toi qui a ce background impressionnant quel regard poses-tu sur toute cette génération de DJ iTunes qui ne savent pas vraiment mixer?
Bah après ce n’est pas de leur faute… S’il y a des gens qui les payent pour mettre juste une sélection pourquoi ils s’arrêteraient ? Tu ne peux pas te plaindre en disant : « Ouais ce mec prend plein d’argent. » À un moment, il y a un mec qui lui donne… Évidemment ça me désole un peu la supercherie de certains mais je ne vais pas non plus monter un collectif genre « vous êtes des salauds » et manifester. Mon avis on s’en fout. Et le truc de vieux schnock (il prend une voix de grincheux octogénaire), « ouais je fais ça sur vinyle », franchement… Je regarde ça d’un œil amusé mais j’ai autre chose à foutre. Cela dit je ne vais pas citer le nom de la radio (nous oui : il parle de Mouv) où je joue avec Dirty Swift et R-Ash mais de faire mixer des DJs en live sur platines, et filmés, je trouve que c’est une vraie démarche.
Il y a un peu le même phénomène avec des bidouilleurs électro ou rap qui s’autoproclament « producteurs » alors qu’ils ont fait deux sons à la va-vite.
Je me dis que les imposteurs sont toujours démasqués. Aujourd’hui c’est difficile de faire le tri mais tu peux quand même le faire.
Il y a 4 ou 5 ans tu étais moins dans le rap dans tes DJ set, tu te sentais moins concernés ?
Oui, c’était un peu l’euphorie de la techno et de l’électro, avec Birdy Nam Nam les gens nous attendaient là dessus. À cette époque je tournais très peu solo.
Qu’est-ce qui t’a remotivé à faire des sets très orientés rap ? Mis à part moi (rires).
Oui déjà toi (rires). D’ailleurs depuis la Boiler Room je dis à mon tourneur « tu précises bien que je ne vais pas jouer d’électro ». À part si on est dans un bar à Val Thorens et que je suis ré-bou (rires). À un moment donné j’arrivais plus trop à savoir ce que les gens voulaient dans un DJ set. C’est un peu cette période, vers 2008, où beaucoup de gens se sont mis à mixer. Ça a « switché » hyper rapidement de vinyles à serato à clé USB. Il a fallu s’adapter rapidement. Et je me suis remis dans le peu-ra petit à petit. Les sons un peu à l’ancienne qu’on aime tous les deux sont revenus à la mode et en plus c’est un sujet que je maîtrise.
« J’ai un pote de 40 piges qui s’est mis à imiter PNL l’autre jour, et bah tout d’un coup il s’est arrêté et il a dit : « Ça y est je suis un vieux con. » »
Petite dédicace au passage à Emmanuel Forlani avec les soirées Free Your Funk qui tiennent le pavé sur ce genre là depuis un moment.
Carrément. Et je m’aperçois que les gens sont contents de me voir faire ça.
Il y a eu des moments incroyables sur d’obscurs Big Noyd (rires).
Ouais il s’est passé des trucs de ouf. Après je sais aussi m’adapter aux nouveautés, à la trap, il y a des trucs qui défoncent, je suis fan de Drake et d’autres mecs récents. En ce moment je me sens à l’aise dans la « zic » que je fais, dans la « zic » que je joue, dans mes lives. Et d’être revenu à mes racines « nineties » ça me plaît.
Une facette qu’on connaît moins c’est ta passion pour le cinéma français des années 80. Tu kiffes des vrais nanar de l’époque genre les Ripoux avec Noiret et Lhermitte (il se marre comme un gosse pris la main dans le sac). Ton top 3 des films du genre?
T’as cité Les Ripoux, pour moi c’est un gros gros classique. Ripoux 1, Ripoux 2 et Ripoux contre Ripoux… (il réfléchit). Je pense que Marche à l’ombre reste très chaud encore aujourd’hui. Les phases font quand même très très mal. Bon je suis obligé de citer un Coluche (rires), Inspecteur La Bavure reste un film qui m’a marqué, je l’ai vu petit. On parlait de nostalgie tout à l’heure mais ces films sont parfaits un petit dimanche un peu pluvieux, une bonne tasse de café, je me fous au plumard et je mets l’Inspecteur La Bavure et je suis au top. Quand ils bouffent du saumon avec du Sancerre, je suis avec eux. On peut citer Calmos aussi (de Bertrand Blier) et Mes meilleurs copains (de Jean-Marie Poiré). Le point commun de tous ces films, ce sont des histoires d’amitié.
Et il y aussi un truc, je pense que tu seras d’accord, c’est qu’il y a un côté franchouillard et patriotique dans le bon sens du terme. C’est la côte de bœuf, le verre de vin, la bonne répartie, un style de vie épicurien…
Ouais et comme tu dis dans le bon sens du terme, pas l’aspect français nationaliste bourrin. Ce que j’aime aussi dans ces films c’est que tu y vois un Paris qui n’existe plus. Comme dans L627 de Bertrand Tavernier, ou Tchao Pantin qui est assez incroyable pour ça. Les voitures, le pavé, les métros… Et c’est vraiment des films où les dialogues font « boom ».
C’est ma question suivante, tu n’as pas quelques répliques cultes que tu peux balancer ?
Dans Les Ripoux, il y a Thierry Lhermitte (qui joue un jeune inspecteur de police face au vieux keuf Philippe Noiret) qui dit à Noiret, « Je veux honnêtement faire un métier honnête », et Noiret lui répond « Ah ? Tu veux quitter la police ? » (rires)
C’est quoi déjà la phase de Michel Blanc au début de Marche à l’ombre ? Quand Michel Blanc dit à Gérard Lanvin « au moins en Grèce on avait du boulot »…
(Pone reprend du tac au tac la réponse de Lanvin dans le film) « Ah tu préférais lequel ? Quand on lavait les chiottes ou quand on jouait du bouzouki habillés en berger ? » (rires qui durent) Les Ripoux c’est notre film culte commun avec Kavinsky. Avec lui il y a Les dents de la mer aussi mais là c’est cainri.
« Les Doors quand ils arrivent c’est la guerre au Viet Nam et ils disent : « Non mais attends viens on prend des extas, viens on baise, viens on chill, laisse-les… Ils sont trop énervés pour nous. »
Ta rencontre avec Gérard Lanvin a été un grand moment je crois… C’est comme si un chrétien rencontrait Jésus (rires) !
Ouais ! En fait j’ai rencontré Olivier Marchal en Martinique, on avait bien rigolé, il est super cool et il savait que j’étais ultra fan de Gérard Lanvin dans Les Spécialistes, Les Frères Pétards, enfin tout quoi. C’était mon Dieu vivant quand j’étais petit ! Et bref Olivier Marchal avait invité Orelsan à une émission pour qu’on fasse un morceau, et après l’émission il me passe un coup de fil en me disant : « Je ne sais pas si tu es encore avec Orelsan mais venez au resto je suis avec Gérard Lanvin, vas-y viens je te le présente. » Et je me suis retrouvé à côté de Gégé. Le mec hyper ouvert, hyper cool, on a discuté. Quand je lui parlais des Frères Pétards il me disait, « Quand on a lu le scénario on s’est dit c’est n’importe quoi mais on le fait on s’en branle », et il n’imaginait pas l’impact qu’aurait le film. Evidemment pour plein de gens c’est un nanar, mais pour toute une génération de mecs comme moi c’est un film que tout le monde connaît par cœur, qui a marqué. En plus quand tu commences à fumer des oinjs et que tu le vois…
Pour finir, toi qui est un grand fan des Beastie Boys, quels seraient tes arguments pour inciter un kid d’une vingtaine d’années, fan de rap, à écouter ce groupe ? Est-ce que les jeunes peuvent encaisser ce type de son aujourd’hui? C’est à la fois légendaire et daté.
Pfff (il souffle face à la difficulté de la question)… Déjà je choisirais le bon track. Sur Paul’s Boutique (deuxième album des Beastie Boys), il y a un titre qui s’appelle « B-Boy Bouillabaisse » où ils enchaînent plein de morceaux et il y en a un qui commence par « Hello Brooklyn » et là mec ça part, gros sub-bass mais ultra moderne, sauf que le truc c’est 1989. Jay Z et Lil Wayne l’ont repris je crois (dans l’album American Gangster de Jay Z). Voilà je ferais écouter ce passage là parce que dans sa modernité il aurait pu être fait cette année. Bon dans le premier album, License To Ill, tu as les grosses guitares de Van Halen qui peuvent un peu freiner. Mais de toute façon tu n’as pas besoin de connaître les Beastie Boys pour kiffer le son. C’est extrêmement difficile de rentrer dans Beastie Boys quand ce n’est pas ton école du rap, leur façon de rapper reste quand même très « old school », si tu compares Capone N Noriega et Beastie Boys il y a quand même un monde.
Entre JR Ewing (membre du collectif La Cliqua et « graffiti artist » légendaire, JR Ewing est connu pour la qualité de ses mixtapes des années 2000 truffées de pépites de rap new-yorkais. Pone et lui ont fait une tape intitulée Narcotics Brothers) et moi s’il y avait bien un point sur lequel on n’était pas d’accord, c’est bien les Beastie. Quand j’étais avec La Scred Connexion et que j’écoutais les Beastie, Haroun me disait : « Mais qu’est-ce que tu fais ? » (rires). C’est comme les films, un mec qui a 20 ans tu lui montres les Ripoux il te dit « c’est naze ». J’ai un pote de 40 piges qui s’est mis à imiter PNL l’autre jour… Bah tout d’un coup, il s’est arrêté et il a dit : « Ça y est je suis un vieux con, j’ai l’impression d’être Lagaf qui se fout de la gueule du rap en faisant « yoyo » comme un débile ».
Comme les vieux gardiens du temple hip-hop qui crachent sur la trap, avant nos parents se foutaient de la gueule de NTM.
Exactement c’est ça. La trap ça défonce, PNL ça défonce, enfin moi c’est ce que je pense. J’ai encore la lucidité de me dire j’ai passé l’âge de certains trucs mais quand je les entends je comprends pourquoi les jeunes kiffent. Les Beastie Boys quand je me les mange à 11 ans j’étais vierge…
(… je le coupe) Tu étais vierge à 11 ans ? (rires)
J’étais vierge de musique, j’avais aucune référence. Aujourd’hui tout de suite j’analyse.
On a peut-être perdu une certaine innocence face à la musique.
Ouais. Je pense aussi que les très gros succès arrivent par rapport à une attente précise des gens et à une époque donnée. On m’a demandé « pourquoi PNL ça marche ? ». Parce que c’est bien, déjà, il y a un truc nouveau, et je pense qu’il y a une douceur, une évasion dans leur « zic » et aujourd’hui, clairement, tu as plutôt envie de faire des câlins aux gens que de faire le « véner », on vit quand même dans une époque extrêmement violente. D’autant plus quand tu habites à Paris, il s’est quand même passé des trucs de dingue ! Et partout dans le monde. Bah voilà PNL ça fait du bien, tu n’as pas envie de sauter partout en criant, ce n’est pas M.O.P…. (il marque un temps) Bon M.O.P. c’est bien aussi (rires). Mon album c’est pareil, c’est normal d’avoir envie de calmer le jeu. Les Doors quand ils arrivent c’est la guerre au Viêt Nam et ils disent : « Non mais attends viens on prend des extas, viens on baise, viens on chill, laisse-les… Ils sont trop énervés pour nous. » Normal que les gens foncent là-dedans, ça fait du bien. Moi je ne peux pas arriver avec de la violence au moment où tu as envie de douceur. Aujourd’hui le mec de 20 ans et le mec de 40 ans ont envie de calme et de s’amuser. Enfin je pense…