Explication de texte Only One – Kanye West
                                                            S’il y a bien un artiste qui a le mérite de se livrer corps et âme dans ce qu’il fait, au risque d’écorner son image et d’attirer les critiques c’est bien Kanye West. Nous sommes le 31 décembre 2014 – date symbolique entre une période sur le point de s’achever et une autre sur le point de débuter -, Kanye Omari West nous livre le titre « Only One » en compagnie de la légende Paul McCartney.
La réalisation du titre reste somme toute assez simple : le Beatles s’attellera au Rhodes (piano au son électrique), Mr. West lui s’occupera des lyrics en compagnie de Kirby Lauryen, nouvelle signature de Roc Nation, quant à Mike Dean, lui officiera dans l’ombre pour arranger le titre en lui donnant une cohésion générale, et enfin, Ty Dolla Sign fera les vibes musicales du background.
Du beau monde donc.
Pour beaucoup, le titre « Only One » est l’ode d’un père à sa fille et le clip réalisé par Spike Jones accentue cette idée. Or il n’en est rien, la chanson qui s’apparente plus à une berceuse serait en réalité les paroles d’une mère à son enfant : Donda West parle à son fils Kanye
As I lay me down to sleep
 I hear her speak to me
 Hell ‘Mari, how ya doin’ ?
À mesure que je m’allonge pour m’endormir
 Je l’entends me parler
 « Salut ‘Mari (diminutif d’Omari, 2ème prénom de Kanye West), comment ça va ? »
Ce qui saute aux yeux sur « Only One » est cette collaboration avec Sir James Paul McCartney. Pourquoi ? Et bien parce qu’il y a de cela 44 ans, l’homme écrit le titre « Let It Be » des Beatles (sur une production de Phil Spector). Morceau dans lequel lui aussi reçoit les conseils de sa mère
When I find myself in times of troubles, Mother Mary comes to me
 Speaking words of wisdom: let it be
Quand je me retrouve dans des moments troubles, ma mère Mary vient à moi
 Me délivrant des mots pleins de sagesse : lâche prise
Comme un passage de flambeau entre deux générations, deux courants musicaux, Kanye reprend et s’approprie les codes de la structure du classique « Let It Be ».
Ainsi, le rappeur navigue entre les songes de la nuit et ceux du réveil, lui permettant d’entendre sa mère défunte. Donda West est décédée le 10 novembre 2007 à 58 ans, suite à des complications cardiaques résultant de plusieurs opérations chirurgicales. À travers ses paroles, elle rassure et réconforte son fils tout au long du premier couplet :
I think the storm ran out of rain, the clouds are movin’
 I know you’re happy, ‘cause I can see it
 So tell the voice inside ya head to believe it
 I talked to God about you, he said he sent you an angel
 And look at all that he gave you
 You asked for one and you got two
 You know I never left you
 ‘Cause every road that leads to heaven’s right inside you
Je pense que l’orage se calme, les nuages se dispersent
 Je sais que tu es heureux parce que je peux le voir
 Donc dis aux voix dans ta tête d’y croire
 J’ai parlé de toi à Dieu, il m’a dit qu’il t’avait envoyé un ange
 Et regarde tout ce qu’il t’a donné
 Tu en as demandé un, il t’en a donné deux
 Tu sais que je ne t’ai jamais laissé
 Car toutes les voies qui mènent au paradis sont en toi
Mélodiquement, la chanson rappelle certaines comptines que l’on chante aux enfants afin que ces derniers s’endorment. Tous ces éléments additionnés nous plongent dans un espace onirique, coupé du temps. La répétition de phrases de façon très douce et calme peut entraîner un état de léthargie comme si les paroles de Donda West résonnaient dans la tête de son fils:
Hey, hey, hey, hey
 Tell Nori about me, tell Nori ab-
 I just want you to do me a favor
 Tell Nori about me, tell Nori about me
 Tell Nori about me, tell Nori about me
 Tell Nori about me, tell Nori about me
 Tell Nori about me, tell Nori about me
 Tell Nori about me…
Hey, hey, hey, hey
 Parle de moi à Nori (petit nom de la fille de Kanye, North), dis à Nori qu-
 Je veux juste que tu me fasses une faveur
 Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
 Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
 Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
 Parle de moi à Nori, parle de moi à Nori
 Parle de moi à Nori…
Il en va de même lorsqu’elle dit :
So hear me out, hear me out
 I won’t go, I won’t go
 No goodbyes, no goodbyes
 Just hello, just hello
 And when you cry, I will cry
 And when you smile, I will smile
Donc écoutes moi, écoute moi
 Je ne partirai pas, je ne partirai pas
 Pas d’au revoirs, pas d’au devoirs
 Juste des bonjours, juste des bonjours
 Et quand tu pleureras, je pleurerai
 Et quand tu souriras, je sourirai
Même si cette fois-ci, il s’agit plus d’un tentative de persuasion, comme lorsque l’on se répète quelque chose plusieurs fois afin de se convaincre que cela se réalisera (les hindouistes appellent cela un mantra).
Le refrain, lui, témoigne de l’amour inconditionnel d’une mère à son enfant chéri :
Hello my only one, just like the mornin’ sun
 You’ll keep on risin’ ’til the sky knows your name
 Hello my only one, remember who you are
 No you’re not perfect but you’re not your mistakes
Bonjour mon seul et unique, juste comme le soleil du matin
 Tu ne cesseras de t’élever jusqu’à ce que le ciel connaisse ton nom
 Bonjour mon seul et unique, rappelle-toi de qui tu es
 Non tu n’es pas parfait mais tes erreurs ne te définissent pas
À noter qu’en swahili, dialecte qu’on retrouve souvent dans la région des Grands Lacs en Afrique, Kanye signifie « seul et unique » ; tandis qu’en igbo, il se traduit par « donnons », « rendons hommage à ».
Le second couplet reprend le principe du premier, les paroles sont apaisantes voire encourageantes :
Hey, hey, hey, hey
 Oh the good outweighs the bad even on your worst day
 Remember how I’d say
 Hey hey one day, you’ll be the man you always knew you could be
 And if you knew how proud I was
 You’d never shed a tear, have a fear, no you wouldn’t do that
 And though I didn’t pick the day to to turn the page
 I know it’s not the end every time I see her face, and I hear you say (…)
Hey, hey, hey, hey
 Oh, le bien l’emportera toujours sur le mal même lors de ton jour le plus compliqué
 Souviens-toi quand je disais
 Hey hey un jour, tu seras l’homme que tu as toujours su que tu pourrais être
 Et si tu savais à quel point j’étais fière
 Tu ne verserais pas la moindre larme, n’aurais aucune crainte, non tu n’aurais rien de tout ça
 Et bien que j’e n’ai pas choisi le jour de ma mort
 Je sais que ce n’est pas fini chaque fois que je vois son visage et que je t’entends dire (…)
La fin du couplet, pleine d’émotions, nous entraine une fois de plus dans une zone floue. Lorsque Donda parle de « son visage », elle fait bien sûr référence à Nori et à l’effet visuel de la mise en abîme ou l’effet « Vache qui rit ». À travers Kanye, Donda regarderait dans les yeux de sa petite fille et s’y verrait.
Jean-Jacques Rousseau disait : « L’homme naît bon, c’est la société qui le transforme. » Partant sur la base de ce postulat, il est intéressant de penser que Donda voit seulement le « Kanye enfant » comme l’être pur et bon qu’elle a élevé loin de toutes les polémiques et coups d’éclat que le « Kanye adulte » engendrera dans le futur. En effet, le 8 juin 1977 à Atlanta, Donda West met au monde son « only one » child, Kanye Omari West. Dès lors, le jeune homme ne cessera de nous éblouir tantôt par son génie musical, tantôt par ses allocutions ou prises de positions très auto centrées. Nec Pluribus Impar, tel était la devise de Louis XIV le roi Soleil, comprenez « Supérieur à tous ».
Tout au long de sa carrière, Ô(mari) Kanye ne cessera de nous rappeler qu’il ne se soucie guère voire pas du tout de l’avis d’autrui, car quoi qu’il fasse, il est dans le vrai. Ou plutôt, il est la vérité. Alors rien de plus normal pour lui de s’entendre dire ces mots par la femme qui lui aura donné naissance :
Hello my only one, remember who you are
 You got the world ‘cause you got love in your hands
 And you’re still my chosen one
 So can you understand ? One day you’ll understand
Bonjour mon seul et unique, rappelle-toi qui tu es
 Le monde est à toi car tu as l’amour dans tes mains
 Et tu es toujours mon précieux
 Alors le comprends tu ? Un jour tu comprendras
Et loin d’un rendez vous morbide, Donda promet à son fils que la prochaine fois qu’ils se verront, ce sera au paradis :
And next time when I look in your eyes
 We’ll have wings and we’ll fly
Et la prochaine fois que je regarderai dans tes yeux
 On aura des ailes et on volera
En conclusion, il n’est pas rare d’entendre de Kanye West des textes gorgés d’émotions, de références et surtout de concepts. Le titre « Only One » en est le parfait exemple et qui de mieux que sa mère pour en être le sujet le plus pertinent. La légende voudrait qu’après avoir enregistré ses paroles en studio, lors d’une réécoute, le Chicagoan ne se souvint même pas avoir chanté ces paroles. À mi-chemin entre l’épitaphe, l’oraison funèbre et un Kanye West possédé, ces paroles sont l’écho d’un amour indéfectible d’une mère à son fils unique et d’un père à sa fille. Le rappeur que l’on dit égocentrique aura pour mission de perpétuer la mémoire de sa mère intacte à travers l’amour qu’il porte à sa propre progéniture.






