Sully Sefil
L’industrie musicale est pleine d’artistes au succès fulgurant et autres « one hit wonder », qui ,du jour au lendemain, disparaissent. Ils nous ont finalement touché le temps d’un single ou d’un album dont on se souvient encore aujourd’hui. Parmi eux se trouvent Sully Sefil, qui brillait au début des années 2000 avec le titre « J’voulais », et sa marque Royal Wear. Il nous raconte aujourd’hui son périple et nous donne de ses nouvelles.
YARD : Retour en 2001 à la sortie de « J’voulais ». Quand tu y repenses quel souvenir en gardes-tu ?
Sully Sefil : J’en garde un bon souvenir. « J’voulais » était vraiment une espèce de cri vers la liberté, qui s’est transformé à travers les images du clip en l’histoire d’un type qui braque une banque, parce qu’il en a marre de cette vie où il tourne en rond. C’était mon cas. Je faisais des petits boulots de gauche à droite et ça me saoulait. C’est ce qui a donné naissance à ce morceau quelque part, un sentiment d’enfermement. « J’voulais » m’a permis de sortir de cet enfermement grâce à la musique et tout ce que ça a pu générer.
Ce titre et l’album Sullysefilistic étaient aussi un moyen pour toi de passer de l’ombre à la lumière. Comment as-tu vécu ça ?
À l’époque, j’avais ma tranquillité. Cette explosion était quelque chose de positif car les gens venaient me témoigner de l’amour par rapport à ce qu’ils avaient perçu. Au départ je n’étais pas forcément trop chaud avec ça donc il a fallu du temps pour s’adapter à cette vie particulière. Quand tu vas au magasin et que tout le monde s’attroupe autour de toi et que ta fille se met à pleurer parce qu’elle se demande ce qu’il se passe, c’est une situation particulière. Mais quoi qu’il arrive c’est du bon. J’ai décrit cela dans un morceau qui s’appelle « Ça fait bizarre » qui illustre parfaitement ce que j’ai ressenti à ce moment là.
Et pour continuer sur les souvenirs, un des grands moments de cette période a été le concert Urban Peace au Stade de France. Quelles images te viennent à l’esprit ?
Quand j’y pense ce qui me revient à l’esprit reste que je n’étais pas en forme ce jour là, je sortais de l’hôpital. C’est vrai que j’avais énormément bossé sur Royal Wear et je courais partout tout le temps. Et au bout d’un moment, ce surrégime de travail m’a balancé à l’hosto. Et quand j’ai fait le Stade de France, personne ne le savait, mais j’étais vraiment très mal en point. Donc c’est ce que ça me rappelle malheureusement. (rires ndlr)
Après ce que les gens ignorent aussi, c’est que le mec à la console a coupé la musique avant la fin du morceau. Je me suis retrouvé dans une situation où je me suis dis : « Qu’est-ce que je dois faire ? » Le moment où je demande au violoniste de continuer le morceau, tout ça c’est de l’improvisation, ce n’était carrément pas prévu.
Mais en dehors de ça, se retrouver avec les plus grands de la scène rap française à l’époque, NTM et d’autres, c’était aussi une belle récompense, et de pouvoir jouer devant 40 000 personnes c’est de la bombe. Beaucoup de gens ont aimé ce live, avec les violonistes, 10-15 ans après les gens m’en parlent encore.
On peut dire qu’à partir de ce concert-là, il y a eu un passage à vide, où on a beaucoup moins entendu parler de toi. Que s’est-t-il passé ?
C’est simple. J’ai monté la marque Royal Wear qui était pour moi comme mon enfant artistiquement parlant et j’avais des partenaires. Un certain partenaire, mal intentionné, a tout fait pour me prendre la propriété de ma marque. C’est une aventure, que connaissent beaucoup d’artistes. Ils se font avoir dans la vie, le temps de vraiment connaître le business et de savoir bien s’entourer. Donc j’avais perdu ma marque à ce moment-là et je n’ai plus eu l’envie de m’exprimer musicalement. Donc je me suis un peu écarté du business. J’ai attendu le moment d’avoir une nouvelle idée qui allait me donner envie de redémarrer.
Comment as-tu vécu le fait de repasser dans l’anonymat ?
Ça ne me dérange pas vraiment, d’être anonyme. Mais quand tu es dans une locomotive, que tu y vas à fond et que tu es coupé net, c’est vrai que ta vie est beaucoup plus difficile. Tu n’as plus d’oseille et tu commences à devoir survivre. Quand tu as une petite famille et qu’on te nique dans ton élan, ce n’est pas évident de traverser ça. Ce qui m’anime c’est vraiment de m’éclater artistiquement avec les gens que j’aime et d’atteindre des objectifs. Plus il y a du succès, plus on peut générer des emplois pour les potes. On peut créer des choses, on peut être indépendant aussi. Parce que gagner de l’oseille c’est aussi une part de liberté : donc ça a son importance.
Qu’est-ce qui t’as donné l’envie de reprendre ?
C’est Rock The Street. Tout simplement parce que c’est un projet qui est bien monté : niveau musique ça a explosé et niveau création textile aussi. Je pense être le premier rappeur qui a créé une marque de fringue en France, en même temps que Jay-Z créait Rocawear. Mais malheureusement on n’a pas touché les étoiles comme lui, même si on a été bien haut dans cette aventure.
Quel a été le processus qui t’as mené jusqu’au développement de cette nouvelle marque ?
J’aime qu’un artiste puisse vraiment t’emmener dans un monde et que ce ne soit pas juste sa musique et point à la ligne, même si ça peut être très appréciable comme ça aussi. Mais c’est vrai que plus l’univers est riche, plus tu peux faire voyager les gens qui t’écoutent, ces gens qui adhèrent à ton délire. C’est pour ça que j’avais crée Royal Wear à l’époque et c’est ce que j’essaie de faire aujourd’hui, différemment.
Il y a un mouvement derrière Rock The Street ?
C’est une chose que je n’aurais pas dit au départ parce que c’est un peu ambitieux. Mais en fin de compte, on réalise que c’est ce qui est en train de se passer. On fédère beaucoup de gens : différents les uns des autres, dans plusieurs sports extrêmes mais tout en intégrant une mode pointue. On est à une époque où tout se mélange. Je trouve ça intéressant.
Le fait que tu ne te sois pas reconstruit sur ce que tu avais déjà avec « J’voulais » et Royal Wear, c’était important pour toi ?
Oui, pour moi c’était hyper important. Sinon, je m’ennuie. L’idée n’était pas de servir du réchauffé aux gens juste pour faire de l’oseille mais plutôt d’aller chercher au fond de moi qui je suis vraiment, de quoi je suis capable. C’est ce qui m’intéresse quoi qu’il arrive. Même si effectivement, c’est très très risqué, parce que parmi les gens qui aiment le rap, il y en a beaucoup qui n’aiment pas le rock. Il y a différentes façons de travailler le rock mais je ne me ferme pas juste à ça, même si c’est Rock The Street.
D’ailleurs ça s’appelle Rock The Street, c’est aussi car j’estime avoir ambiancé la rue : en habillant les gens en Royal Wear, en faisant de la musique pour NTM et pour d’autres, en peignant dans la rue, en dansant partout et en faisant des défilés aussi dans la street.
Quels retours reçois-tu de la part des personnes qui te suivaient déjà en 2000 ?
J’ai plusieurs facettes. Quand on écoute l’hymne de Rock The Street, c’est un morceau complètement bourrin. Les gens peuvent se dire que j’ai changé, mais finalement non. C’est simplement une autre facette. Donc l’idée, c’est aussi de pouvoir extérioriser ce que je suis de A à Z.
Les gens ont l’air de me faire confiance. Peut-être qu’au départ ils se disent : « Il est parti en couille ». Mais très rapidement tu vois que tout est réfléchi.
Comment prévois-tu ton retour à la musique ?
Je pense sortir un album en septembre. Je prévois aussi un concert à la Cigale en janvier 2015. Je dois aussi faire un deuxième album pour les États-Unis et ça va évoluer, je vais essayer de surprendre le plus possible.
Quelles leçons tires-tu de ton expérience ?
La leçon que j’en ai tiré, c’est de vraiment bien s’entourer. Dans le business il faut éviter de faire confiance, ne pas faire confiance même. En même temps ce qui est intéressant dans l’échec, c’est la matière que ça te donne pour écrire sur ce qui t’as fait mal. Quand tu t’écorches à la vie, ça te remplit de plein de choses qui font naître de beaux textes et de beaux morceaux. Donc pour moi l’aventure continue, mon parcours a du relief.