Kanye West vs. tout le monde : Les 12 Commandements
Kanye Omari West n’a jamais caché l’intérêt qu’il portait à sa propre personne. Propriétaire d’un égo hyper dimensionné, l’homme lutte depuis plus d’une décennie contre un mal invisible semblant être tour à tour moteur et frein de sa carrière artistique mais aussi de sa vie personnelle. Le Chicagoan en plein raz-de-marée provoqué par ses tweets, nous avons décidé de décrypter l’origine de ses frasques et de ses turpitudes et pourquoi se sent-il résolument seul contre tous.
La genèse
Le grand public le découvre une poignée de jours avant le début du mois d’octobre 2003 à travers le magnifique titre « Through The Wire ». Ce jour-là, plus que n’importe quel autre marque le début de la légende Kanye West. Victime d’un accident de voiture qui aurait pu le tuer, l’homme en sort presque indemne. Sa mâchoire brisée nécessitera une intervention chirurgicale consistant à passer des fils de fer dans sa bouche. D’où le titre du morceau « À travers les fils ». L’artiste n’hésite pas à rapper cette histoire juste quelques temps après ce traumatisme alors que sa blessure gêne la diction de certains mots. Aucune légende ne s’est écrite sans douleur jeune padawan.
Avant ça, les plus avertis l’ont connu grâce à ses productions teintées de samples soul, de claviers organiques et de voix pitchées, qui deviennent sa marque de fabrique. Cette touche, si particulière, lui apportera les faveurs du tout puissant Jay Z et de son label Roc-A-Fella. Pour lui, il produira le titre « This Can’t Be Life » dans l’album The Dynasty : Roc La Familia, puis prend plus de poids dans The Blueprint en 2001. Cantonné à son seul rôle de producteur, Kanye n’est pourtant pas qu’un simple compositeur et le clame à qui veut l’entendre : c’est un artiste. Il sait rapper, participe même à des battles dans l’intimité des studios d’enregistrement mais personne ne le prend au sérieux… Le Chicagoan tape à la porte d’un nombre incalculable de maison disque, même Damon Dash qui l’a signé chez Roc-A-Fella comprend que son poulain s’impatiente sans avoir saisi encore la pleine mesure de son talent. Kanye, lui, continue de distiller productions sur productions aux divers membres du crew et à d’autres rappeurs et artistes de l’industrie. Cette première étape façonne véritablement la construction de l’artiste Kanye West, qui, malgré l’adversité se fraye un chemin vers son objectif. Cet état d’esprit ne le quittera jamais.
Enfant Soleil
Kanye West est l’unique rejeton du couple que forme Donda (professeur à l’université) et Ray (ancien Black Panther et reporter-photographe). Lorsqu’ils se séparent, l’enfant part avec sa mère qu’il idolâtre et cette dernière centralise toute son attention sur sa progéniture. Leur relation est fusionnelle et la mère encourage son fils à exploiter tout son potentiel artistique. Des années plus tard lorsqu’il devient une méga star, elle devient alors son manager, déménage à Los Angeles et en profite pour subir une opération de chirurgie esthétique. Cette dernière décèdera malheureusement des suites d’une complication. Le monde de Kanye s’écroule complètement. Le fils chéri n’a plus son interlocuteur privilégié avec qui échanger ou partager ses émotions. Il lui rendra hommage par le biais de plusieurs références distillées dans diverses chansons comme « Only One« , la dernière en date.
Cette fierté qu’il recherchait chez sa mère, Kanye la retrouvera en Jay Z. Jigga aura un impact considérable sur l’éthique et le business du beatmaker devenu rappeur et ce depuis longtemps. Rappelez-vous lorsque Kanye sort son premier album, College Dropout, Sean Carter est en featuring sur le titre « Never Let Me Down ». Une aubaine pour celui qui n’est encore qu’un rookie dans le monde du rap. Du coup, l’idée de celui qui se fait surnommer à l’époque « The Louis Vuitton Don » est simple : un jour il fera un opus avec son mentor, comme pour lui prouver qu’il est son égal (ce qui arrivera 7 ans plus tard avec la sortie du projet Watch The Throne). Un complexe de Napoléon que l’on retrouve un peu dans chaque choix artistique que le bougre choisit. D’abord compositeur, il n’hésite pas à défier ses contemporains pour devenir rappeur. Quand il devient un rappeur de renom il fonce tête baissée dans le milieu de la mode. Honnêtement, il est possible de reprocher beaucoup de choses à l’artiste mais son refus d’appartenir à une catégorie n’en fait pas partie.
Personnage omnipotent
Forgé par la conviction qu’il doit aller chercher ce qu’il veut, son amour pour lui est immense, très tôt le public raffole de son égo et Kanye West en joue. Déjà en 2006, au Europe Music Awards, quand le clip de Justice et Simian, « We Are Your Friends » est préféré à « Touch The Sky », il grimpe sur scène devant une foule hilare et crie : « Bordel de merde ! Cette vidéo m’a coûté un million de dollars ! J’avais Pamela Anderson en plus, et j’ai sauté dans les canyons. » Sûr de ses forces, quand vient le moment de créer, l’artiste a un mode opératoire qui ne laisse place à aucune approximation : il écrit, compose, réalise ses clips et quand vient le moment de gérer la direction artistique il crée sa société de design. DONDA se constitue d’un pôle créatif ouvert à des collaborateurs triés sur le volet qui permettront à l’artiste d’exprimer de la manière la plus fidèle ses idées ou celles de ses clients. Il refuse de se laisser dicter une vision par les maisons de disques et ses enjeux économiques mais l’impose de force ou de gré. L’entièreté de son implication s’illustre lors d’une séquence amusante pour l’émission Punk’d où sur le tournage d’une des versions du clip « Jesus Walks », le rappeur se fait piéger. Un acteur revêtant l’apparence d’un homme des forces de l’ordre, demande si l’artiste a les autorisations, quelques minutes plus tard l’artiste s’enfuit avec les bandes de la vidéo criant : « J’ai payé pour ça ! » Quelques années plus tard lors de la tournée Watch The Throne, Kanye prendra en main sur la direction artistique des concerts, n’hésitant pas à dépenser beaucoup d’argent. 48,3 millions de dollars et l’une des tournées les plus onéreuses de 2011 après celle de Sade (48,6) et avant celle de notre trésor de la francophonie, Céline Dion (41,2).
En constante évolution, celui qui se fera bientôt appelé Yeezus a besoin de contrôler tous les paramètres, rendant ainsi son implication nécessaire voire vitale. Bien entendu, cela n’est pas vu d’un bon oeil par l’entre-soi du milieu de la mode où il souhaite maintenant s’imposer. C’est ce qu’il explique sur le plateau de Jimmy Kimmel en 2013 :« Beaucoup de personnes me disent, tu devrais te cantonner à faire de la musique. Mais qui je serais devenu si je m’étais arrêter au moment où on m’a dit « tu ne peux pas rapper » ou « tu ne peux pas performer »… J’ai seulement 36 ans et j’ai d’autres objectifs dans ma vie, j’utiliserais tous les moyens possibles pour clamer : « Je veux créer le prochain Ralph Lauren. »»
Ne se sentant pas assez respecté (rémunéré ?) par la firme Nike, il décide de passer chez l’ennemi juré Adidas emportant avec lui tous les soldats de la hype qui fait aujourd’hui sa renommé et la popularité de ses Yeezy. La marque au trèfle a consenti tout ce que celle à la virgule avait refusé de lui octroyer : plus d’argent, plus de liberté mais surtout plus de reconnaissance.
Marginalisation assumée
Si Kanye West n’est jamais vraiment là où on l’attend, c’est avant tout parce que l’homme semble partagé par deux sentiments qui le tiraillent : l’orgueil que nous avons décrypté plus haut dans le texte mais aussi l’amour. Deux moteurs qui le poussent à se dépasser un peu plus. Malheureusement lorsque le processus créatif d’une personne est trop complexe, trop poussé, l’artiste devient difficile à suivre ou à comprendre pour le grand public. Certains artistes ont besoin de voir leur égo boosté, d’autres ont besoin d’un égo capable de booster leur art et Kanye West fait partie de cette catégorie.
Il n’y a rien de pire que de vouloir expliquer un sentiment ou une idée à un individu non-initié aux rouages d’un art, du coup Kanye West passe souvent pour un hurluberlu et commence à se marginaliser. C’est ce qui se passe au micro du Sway où il compare sa démarche à celle de Walt Disney, Warhol, Shakespeare, Nike, Google… Une manière d’exprimer son envie de révolutionner tous les champs de l’expression artistiques. Quelques instants plus tard, les blogs outre-Atlantique comme les très cérébraux Celeb Buzz, Hollywood Repporter, Daily Toast reprennent la citation et qualifient une fois de plus l’artiste comme « arrogant ».
Cette marginalisation, souvent provoquée et parfois subie, se retrouve à tous les niveaux de sa vie : ses réseaux sociaux, la direction musicale de ses albums (les controversés 808’s & Heartbreak et Yeezus), sa famille.
Pour le premier aspect, Kanye s’est coupé de tous moyens de communication directe avec son public, notamment des géants Facebook et Instagram. Tous, sauf Twitter. Un choix qui lui confère à ce niveau un contrôle total de son image, une manière de centraliser l’information et d’attirer un peu plus l’attention à sa manière. Le seul moyen de savoir ce que Yeezy a à dire c’est tout simplement de le suivre sur ce réseau de micro blogging. Avec parcimonie, l’artiste partage sa vie, ses projets, ses coups de coeur et chaque tweet est accueilli par des milliers de retweets ou de likes puis repris par différents médias web ou print qui scrutent, épient, décryptent chacune de ses productions écrites.
Une utilisation du réseau social calculé, naturellement à cause de la limitation de signes mais aussi stratégiquement. Oubliez les phrases enjolivées, les émoticônes aguicheurs, le phrasé du personnage est simple, parfois énigmatique, souvent bien senti (une démarche qui respire l’influence Steeve Jobs, autre référence pour l’artiste).
My idol. pic.twitter.com/YGFrPhQmDP
— KANYE WEST (@kanyewest) January 10, 2016
Contrairement à Jay Z, d’une Beyoncé ou d’un Kendrick Lamar qui tweetent très peu et semblent complètement détachés de ce monde virtuel, Kanye West a choisi de faire de Twitter sa principale tribune. Pour le meilleur ou pour le pire…
L’armageddon
Si ce terme désigne dans la conscience collective le blockbuster mettant en scène Bruce Willis et Ben Affleck, ici il s’agit de la référence religieuse mettant en scène le lieu de la bataille finale opposant le bien et le mal. C’est ce que semble cultiver Kanye tant dans sa vie personnelle que sur Twitter, comme en atteste son intervention dans la soirée du 27 janvier 2016.
Afin de remettre les choses dans leur contexte, il a été décidé de refaire un bref historique de cette histoire et de présenter les antécédents ainsi que les principaux intervenants. Tout démarre lorsque le rappeur de Chicago décide de prendre comme compagne Amber Rose. Des années plus tard, en 2010, le couple se sépare et la bimbo aux formes plantureuse trouve réfuge dans les bras maigrichons du rappeur Wiz Khalifa. Le couple perdure contre toutes attentes et finalement la native de Philadelphie donne naissance à Sebastian le 21 février 2013.
Le couple marié entre temps finit par se séparer sur fond de tweets assassins, ne manquant pas par la même occasion de déballer son linge en public. Durant leur période matrimoniale Wiz/Amber, Kanye West se montre plus que correct voire même respectueux envers les deux tourtereaux. Puis patatra ! Amber, qui n’a pas la langue dans sa poche balance pourtant quelques piques à la fratrie Kardashian qui n’hésite pas a répliquer prenant une fois de plus Internet à témoin.
Finalement, la tension retombe et on entend même les principales protagonistes (Amber d’un côte, Khloe de l’autre) se complimenter à travers médias interposés. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes… Cela est sans compter sur l’égo surdimensionné du bien nommé Yeezus, le fils de dieu. Ce dernier qui entre temps a fondé une douce et heureuse famille avec la naissance de leur fille North suivi quelques années plus tard du bien nommé Saint. L’image et la notoriété de l’artiste redorent le blason et la réputation de Kim Kardashian qui a connu la gloire et le succès grâce a sa fameuse sextape avec Ray J, petit frère de la chanteuse Brandy. En effet, avant cela Kim était plutôt habitué a jouer la pourrie gâtée dans L’Incroyable Famille Kardashian et les seconds rôles comme l’illustrent ses brèves apparitions dans la télé réalité consacrée à Paris Hilton, son rôle : tête de turc de la riche héritière. Oui mais voila, au pays où l’argent est roi et l’image de marque une qualité requise pour réussir, Kim décide de se refaire faire la tronche et le cul. Hollywood…
Avant hier soir sur le fuseau horaire parisien… Kanye décide de changer le titre de son prochain très attendu album Swich en Waves.
#Waves pic.twitter.com/Azig7aNYOu
— KANYE WEST (@kanyewest) January 27, 2016
Le terme « waves » est depuis longtemps, une marque déposée du rappeur harlemite Max B, légende urbaine croupissant en prison pour meurtre et accessoirement une des plus grandes inspirations dans le monde cruel du rap. Wiz n’a jamais caché son admiration pour Cam’ron, son idole, et membre du cercle de Max B. Comprenez alors son état lorsque, prenant contrôle de son Twitter, il vomit son spleen en plein sur la toile.
Please don't take the wave.
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Max B is the wavy one. He created the wave. There is no wave without him.
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Im a wavy baby for sure and I'm not having it. https://t.co/M7hhKo5TlP
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
He's the reason I sing on all my songs. That's the wave. If theres nothing wit that sound ITS NOT WAVY.
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Wavy. https://t.co/b8xvypVZBY
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Just so you know what true waves are. https://t.co/Mot3ab1Kuu
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Max B number one trending. FREE THE WAVE.
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Yea aight. https://t.co/z1syUIGo4G
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
Les heures passent, le silence émanant du compte Twitter de Kanye se fait de plus en plus bourdonnant. Quelque chose se trame… Que va-t-il se passer et surtout comment l’homme certainement touché dans son égo prendra l’attaque ? Les deux individus ne sont pas ennemis, loin de là, ils ont partagé la même chair et se disputent depuis quelques temps le titre du jean le plus serré du rap jeu. Le tout dans un esprit Coubertin. Dans le titre « Cold », Kanye admettra le respect qu’il porte à l’égard de Wiz Khalifa :
« And the whole industry want to fuck your old chick/ Only nigga I got respect for is Wiz »
« Et toute l’industrie musicale veut baiser ton ancienne meuf/ Le seul mec pour que j’estime s’appelle Wiz »
Nous sommes à J+1 et, coup de tonnerre ! La foudre de Ye-Zeus s’abat sur Wiz comme un ivoirien sur son poulet DG : fort et sans détail. Égrainant méthodiquement chaque point soulevé par Wiz Khalifa, du style vestimentaire au style musical en passant par la case Amber et Sebastian.
#PLF on avait dit… Pas la famille !
Téméraire mais pas fou, après les millions de feedbacks sur le réseau et après que les médias faisant la pluie et le beau ton sur Internet aient repris son « rant » (traduisez par enchaînement en forme de défouloir), Omari décide de retirer sa série de tweets à l’encontre de Wiz Khalifa et de sa famille. Prônant même qu’il milite pour la paix et la bonne énergie. Sans blague ?
Le mal est fait, la machine binaire qu’est Internet s’emballe, décidant de clouer Cameron au pilori sans même attendre une quelconque riposte. Kanye est déclaré vainqueur par contumace et tant pis pour les autres. Cependant, certaines voix s’élèvent afin de montrer leur indignation. Comment une personnalité de la stature de Kanye se rabaisse t-elle à ce genre de chamailleries ? S’attaquer à Amber et a Sebastian est pour beaucoup la goutte qui a fait déborder le vase. L’homme, coutumier du fait fait encore un peu moins l’unanimité. Bien entendu, Wiz Khalifa pas touché pour un sou publiera quelques tweets bien sentis et tentera de désamorcer le cataclysme Ye.
KK is weed fool. Reason's why your not wavy. Go bacc to Swish. https://t.co/7OT4xiQa5V
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
I been smashed the idea of that album even existing. I got joints to roll @kanyewest
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
@TheRealBeeBoi ya'll crazy.
— Wiz Khalifa (@wizkhalifa) January 27, 2016
En conclusion, il n’y aura pas de conclusion, chacun se forgera l’opinion qu’il voudra au vu des informations et arguments présentés. Soyez malgré tout confortés dans le fait qu’aucun des protagonistes n’a souffert d’aucun sévice sexuel ou d’un quelconque préjudice moral…
Awww @kanyewest are u mad I'm not around to play in ur asshole anymore? #FingersInTheBootyAssBitch☝
— Amber Rose (@DaRealAmberRose) January 27, 2016
« Vae, puto, deus fio ! », à bon entendeur.