LaGo De Feu
Vous l’avez peut-être découverte lors de l’une des dernières soirées du YARD SUMMER CLUB ; LaGo De Feu s’est produite en live accompagnée du duo de DJ Blkkout auteur du remix de son titre « Le Taf ». Puis sur YouTube, on découvre son flow technique et atypique posé sur des productions grasses toujours appuyé de visuels compilant des images frappantes qui illustrent tout son univers. Avec quelques titres et freestyles disponibles sur son Soundcloud, LaGo de Feu intrigue par son talent. Elle accepte de répondre à nos questions et de nous parler de son premier EP, doublé d’un véritable projet vidéo, à paraître à la rentrée.
YARD : Est-ce que tu peux te présenter ?
LaGo de Feu : Je suis LaGo de Feu, je rappe. Je suis un couteau suisse, j’ai plein de métiers différents.
Comment est-ce qu tu as commencé le rap ?
J’ai toujours écris sur du son. Après je ne me sentais pas à ma place donc je faisais ça dans mon coin. Et puis mon petit frère m’a offert la base d’un home studio et il m’a dit : » Ça y est c’est fini. Tu essaies au moins. » C’était il y a deux ans.
J’ai fait des maquettes que je faisais écouter à mon entourage. Et tout le monde a commencé à me dire : « Fais le vraiment quoi. Ne le fais pas à moitié. Il n’y a pas beaucoup de filles dans ce milieu. » Je savais aussi qu’il y avait une place de libre pour une meuf. Mais je me posais vraiment cette question de savoir si j’avais envie d’être cette femme là : celle qui y va et qui représente les meufs. Et puis en fait l’histoire s’est construite toute seule et je me suis dis : « Vas-y , il faut le faire ; que tu représentes les meufs ou pas, il faut le faire. » Je me suis donc mise en tête de sortir des sons propres, pas un truc « fait maison » dans mon salon.
Quel est le déclic qui a fait que tu t’es mise à publier des morceaux ?
Je travaille avec un dude, Jordan, c’est mon directeur artistique. Après 5 mois de taf ensemble, on avait pas mal de titres déjà. Un soir je suis rentrée du studio et j’ai fait un espèce de petit montage/clip avec des photos pour habiller un des sons. Je lui ai envoyé, puis on a ri dessus. Et je lui ai dit : « Vas-y on le sort en fait. On essaie. C’est le moment. » Il n’y a pas vraiment de stratégie derrière tout ça, c’est assez calme. On fait des trucs et puis naturellement, les choses s’imposent comme une évidence. On a sorti quelques sons/clips et puis après j’ai dit : » Bon, viens on fait un EP, c’est comme ça qu’il faut faire non ? »
Qu’est-ce que tu peux nous dire sur ces visuels ?
Je n’aime pas trop les clips de rap avec des playbacks, je trouve ça un peu cheap; en général je trouve que les rappeurs sont un peu cheap. C’est pour ça que j’ai fait ces clips avec des vidéos au début. Les gens ne me connaissent pas, ils n’en ont rien à foutre de me connaître. Un playback ne montre pas ce qui se passe dans ma tête quand j’écris. Donc on s’est dit, on va faire des montages photos qui font référence à des choses qui nous ont marquées. Je voulais que ce soit déjà conceptuel, qu’on se dise : « Ah tiens, elle s’est donné un peu de mal ». Et puis je trouve aussi qu’aujourd’hui le son est composé énormément d’images. Donc je ne pouvais pas concevoir de sortir des titres sans qu’il y ait des images qui les accompagnent.
Tu nous as parlé de ta crainte d’être la femme qui manque au rap actuellement mais quand on écoute tes sons, on se dit que ça parle autant aux filles qu’aux garçons.
Je ne suis pas du tout féministe. En fait, je suis exactement l’archétype de ce qu’est une femme aujourd’hui : ambitieuse, déterminée, sûre de ses droits et qui tient sa vie comme une entreprise. Je suis exactement cette go là mais pleine de paradoxes. Garçon ou fille, quand on écoute mes sons j’ai juste envie qu’on se dise : « C’est une personne indépendante, autonome et qui croit en ce qu’elle fait. » La seule chose que j’ai trouvé réellement fiable, dans ma vie, est de faire des choses qui me plaisent et qui me poussent à me dépasser. C’est le message que j’ai envie de faire passer : « Je ne suis pas censée faire du rap, bah je fais du rap tu vois. » On se mouille et on prend des risques, c’est ça la femme d’aujourd’hui.
Et je me suis toujours dit que les mecs qui m’écoutaient peuvent m’écouter aussi avec leurs meufs. Car ce n’est pas du rap thugger français, même si aujourd’hui c’est très à la mode d’écouter Kaaris. Pendant des années, les meufs n’écoutaient pas trop de rap avec leur gars, c’était un truc très masculin. Je voulais toucher un peu tous les univers en recherchant ce côté bow down à la Beyoncé. Pas trop non plus car je ne suis pas non plus dans la morale. Je donne juste mon point de vue. Si tu te sens connecté bah tant mieux et si ce n’est pas le cas tant pis. T’auras écouté au moins.
D’ailleurs quelles sont tes influences ?
C’est vrai que je suis assez répétitive là dessus, mais j’écoute exclusivement Gucci Mane. Là il a sorti Trap House 4 et je suis en sang ! Je trouve que Gucci est le meilleur rappeur producteur et ne met pas son égo dans le truc, il s’en fout de la compet’. C’est un dénicheur de talent de feu et en même temps, il reste toujours le meilleur parce qu’il a cette espèce de nonchalance face à son talent. J’adore ce mec : « Gucci for life, for sure ». En plus ses beats sont toujours dingues : que ce soit Zaytoven, DrummaBoy ou tous les autres mecs qui lui font des prods. Je trouve que ces mecs là sont trop loin. J’écoute ça depuis des années et on m’a toujours dit : « Ouai c’est relou ta musique quoi ». Maintenant c’est à la mode.
Et un autre groupe avec qui je faisais chier tout le monde, c’est Three 6 Mafia où il y a bien sûr Gangsta Boo et de façon plus épisodique La Chat aussi. Je trouve que ces deux meufs sont complètement tarées et j’aime ça. Gangsta Boo doit avoir 40 piges et sort toujours des albums. J’aime beaucoup cette femme. Mon duo : Gucci et Gangsta Boo.
Et niveau français ?
Ah, je n’écoute pas de rap français. Enfin, je ne vais pas te mytho mais ce n’est pas moi qui appuie sur le bouton. Quand Booba sort un son et qu’on est en studio, mes dudes me font : « Eh il faut que t’écoutes. » Je trouve qu’il y a des choses de qualité et d’autres totalement nulles.
Après là récemment, j’ai bien aimé quelques sons de Lacrim. J’ai toujours respecté un rappeur qui s’appelle Hayce Lemsi , il est très technique et indépendant jusqu’à la mort.
Et bien sûr le patron… le vrai patron, ce n’est pas Booba. Le vrai patron reste Alpha 5.20. Mais il a arrêté le rap, je suis très triste car je rêvais de rapper avec lui. Je l’aime beaucoup parce que c’est le seul qui rappe réel, ce n’est pas de la fable. Il est comme Gucci Mane. Quand il sortait des mixtapes, il te racontait son quotidien et du coup tu étais informé de ce qui se passait dans la rue, pour de vrai.
Ton rap aussi est assez technique. Comment tu travailles ça ?
C’est gentil déjà merci ! Je pense que c’est parce que je suis une meuf et je me suis toujours trouvée à rapper, à freestyler devant des mecs. Et il faut quand même être assez technique pour ne pas te faire manger donc je m’entraînais beaucoup là-dessus. Mais après je ne voulais pas non plus tomber dans le cliché des blancs qui rappent de manière trop technique et qui ne respirent pas. C’est fini les années 90 et tout ça. Je m’inspire vraiment de Gucci en fait.
Ce qui est sympa c’est qu’une fois que j’ai écrit en étant inspiré par la mélodie, je vais changer mon flow cent fois avant de trouver le flow qui me plaît vraiment, qui est un peu différent.
Tu t’es produite en live au YARD SUMMER CLUB : comment tu l’as vécu ?
Ah c’était le feu ! J’ai trop kiffé et j’ai trop hâte d’en refaire d’autres. On travaille depuis quelques mois avec les Blkkout, un binôme de DJ. Deux semaines avant, ils avaient joué au Wanderlust et je suis venue. Ils avaient passé mon son et des gens dansaient. J’était choquée. Ils m’ont dit que pour leur prochaine date, ils voulaient que je fasse deux titres. Donc j’ai rappé leur titre et un autre qui va sortir dans mon EP à la rentrée. Les gens étaient chauds alors que le truc n’est même pas sorti, j’avais même droit à des « bang bang ». J’était trop contente.
C’est pour ça que je fais de la musique, pour la scène. Tout ce qui se passe en studio, je trouve ça hyper intéressant : la création et tout. Mais ce qui m’excite vraiment, c’est de donner et de recevoir. Voir la réaction du public quand une grande blanche d’1m80 kicker salement, je trouve ça super excitant !
Tu sors donc un projet à la rentrée. Que peux-tu nous en dire ?
C’est un petit projet dans la continuité de ce qu’on a commencé à faire, sans label et d’équipe à mes côté : c’est Jordan et oim, c’est tout. Il y a quatre titres avec une intro, c’est ultra simple. Par contre, j’avais vraiment la volonté de faire des clips chanmés. Du coup, je travaille avec trois réalisateurs différents, qui ne se connaissent pas les uns les autres et qui n’ont rien à voir avec le rap. Chacun fait son truc à sa sauce et évidemment, pas de playback !
L’esprit restera le même que ceux de tes précédentes vidéos ?
Exactement ! Et je voulais que l’EP sorte et qu’on ait quatre clips. On a trois réal’ pour l’instant et on réfléchit pour le quatrième son. Je voulais quatre titres, quatre clips pour plonger à chaque fois dans le son. Je trouve que c’est un peu chiant le rap qui s’écoute.
Les beatmakers ne sont pas au courant de qui a fait les autres prods. Je voulais qu’on puisse voir que je peux fédérer des gens d’univers complètement différents, juste parce qu’ils ont trouvé que le concept était intéressant et qu’ils ont envie de se mouiller. C’est le début et je trouve ça hyper agréable d’être libre et de ne pas avoir de contraintes.
Tu parles de rassembler un public assez large. Es-tu d’accord avec le fait que le rap est mieux admis mais aussi plus accessible ?
Oui carrément ! C’est un le même principe que dans une fraterie, t’as le frère aîné qui va faire tellement de conneries que le plus jeune aura plus de facilités. Les parents lâchent un peu plus de leste. J’ai l’impression que tous ceux qui sont passés avant ont ouvert les portes pour des mecs comme Joke ou Kaaris. Il y a plus de place.
Du coup en tant que femme, tu peux arriver et dire : « la go, la cuisse, le bif » et ça marche. En tout cas c’est toléré. Je ne suis pas obligée de faire le mec, de cracher par terre. Je peux rester moi-même. C’est devenu très à la mode d’écouter du rap de toute façon. Et avec tous les réseaux sociaux, que ce soit Instagram ou Twitter, on est à l’ère de la punchline. Alors même le mec qui ne rappe pas, il est dans la punchline. Il cherche à faire la phrase de bon ton, de bonne image… Et donc forcément, les rappeurs sont très inspirants pour la société. Ce sont de bons porte-paroles.
Enfin, j’ai vu aussi que tu faisais beaucoup de sport ?
En fait j’ai un Gang2Go ! Depuis pas mal d’années, je m’entraîne beaucoup, tous les jours, et j’ai ouvert mes entraînements à qui voulait venir et qui avait la motivation de faire gonfler sa cuisse. En fait j’ai horreur de cette ère dans laquelle nous sommes, les meufs doivent être rachos ou avoir des boules énormes. Je veux dire, on a toutes des morphologies différentes : il faut s’accepter tel qu’on est.
En plus à Paris, les gens se regardent de ouf. Moi je ne sors pas si ce n’est pas pour travailler. Du coup, je trouvais ça sympa de rencontrer des meufs et des mecs dans un cadre sportif, parce qu’on est dénué de tous ces types de comportements. Tu transpires et tu ne peux pas faire semblant. J’ai rencontré plein de gens assez fous et intéressants en faisant ça.
Du coup là je suis assez contente parce que j’ai signé avec Adidas pour représenter mon quartier. Ils ont monté un concept qui s’appelle le Boost Battle Run : dix quartiers de Paris qui s’entraînent toutes les semaines et s’affrontent une fois par mois, pendant huit mois à peu près. J’ai été choisie pour représenter mon quartier et être leader de ma team. Ça me fait plaisir car ça me permet de développer mon concept du « Gang2Go » et de « LaCuisse ». Parce que je pense aussi que ça colle avec ce que je cherche à véhiculer dans le rap. Evidemment que j’ai des vices, évidemment qu’il m’arrive de faire des conneries, mais je prône un truc healthy où tu es ton propre patron.
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