Qui est S a r a s a r a, femme solaire et maitresse de ses éléments ?

Signée sur le prestigieux label One Little Indian aux côtés de la mythique Björk, l’artiste française nous a donné rendez-vous à Lille, son bastion. Sur le trajet reliant la capitale française à celle des Flandres, je réécoute son album « A m o r F a t i » sorti le 14 octobre dernier. Aérien, chamanesque et très certainement mystique, je ne sais à quoi m’attendre de cet entretien. Pourtant, en plein Mercure retrograde (merci Sarka !), l’issue de ce face à face ne pouvait que s’annoncer sous le signe de l’analyse et de la réflexion. Arrivés à bon port, S a r a s a r a nous attend tout sourire dans un cadre magnifique. Suis-je prêt à initier un des dialogues les plus abstraits (et pourtant si enrichissant), à ce moment T je ne le sais guère. Et pourtant, je me lance.

 

Photos : @samirlebabtou

 

Comment en es-tu arrivé à te créer un tel univers ?

Je n’ai pas du tout fait un cursus d’art mais plutôt dans le business. À la fin de mes études de commerce je n’ai pas spécialement pu trouver de boulot alors je me suis intéressé à tout ce qui était codage. L’informatique m’a toujours intéressé, j’y ai même trouvé un poste de chef de projet mobile pendant cinq ans. À coté de ça, la musique aussi m’intéressait depuis toute petite et plus tard j’ai donc commencé à acheter des platines, des disques et sortir en boite. Dans la région de Lille, nous avons beaucoup de clubs assez réputés et j’ai donc commencé à suivre la scène house ou encore la scène techno. Je n’étais pas forcément attirée par la pratique d’un instrument spécifique et finalement tout s’est goupillé d’une façon assez étrange : j’ai appris à coder, je me suis intéressé aux logiciels de codage de musique et j’ai commencé à coder comme ça.

Au fur et à mesure je me suis rendu compte que de plus en plus de personnes venaient se greffer au projet et que ce sont eux qui m’ont aussi aidé à découvrir qui j’étais et ce que je voulais faire. Par exemple la partie visuelle avec tous les ornements, c’est un ami artiste qui aimait bien mon univers qui me proposait pas mal d’idées. On décide alors de bosser ensemble sur tous les gros shoots que je fais et voilà… Toutes ces personnes autour de moi m’ont aidé à développer mon énergie.

 

De quelle façon parvient-on à partager un univers aussi complexe ?

J’essaie de continuer de faire les choses que j’aime vraiment. En marge du travail, de ma musique et du reste, je me suis toujours intéressé à la philosophie et j’ai donc pris des cours du soir. Cela fait maintenant quatre ans et je suis en préparation d’un doctorat, je ne sais pas si j’aurais le temps de finir mais en tout cas j’essaie. Grâce à la philosophie j’apprends plein de choses car cela traite de tous les sujets : l’art, la musique, ta façon d’être et de penser, ta façon de manger, etc. Toutes ces petites choses auxquelles tu crois et grâce à quoi tu te sens bien, par exemple par le biais de la philosophie j’ai commencé à méditer et je suis devenu végétarienne. J’ai découvert certains livres et certains artistes et au fur et à mesure tu prends le meilleur de tout ce que tu trouves. Avec tout cela tu essaies de te créer un personnage, une image, des sons, un univers…
Et pour moi ça passe forcément que par la musique même si l’aspect visuel est très important aussi. J’attrape plein d’influences, d’infos un peu partout et je ne suis pas forcément influencée par des gens qui ne font que de la musique.

 

Pour rebondir sur la philosophie, qui est donc le philosophe t’ayant le plus marqué ?

Euh…(elle hésite quelques instants, ndlr) En fait j’ai commencé les cours et on y parlait des philosophes présocratiques de la Grèce Antique, etc. Moi je suis à fond pour l’épicurisme et l’hédonisme, cette mouvance de  recherche du bonheur à travers les sens. Te dire que tu fais des choses car elles te procurent du bonheur et laisser de côté la partie envahissante que sont les médias et la société de consommation pour revenir à des choses comme le corps et l’attention qu’il faut y porter. Il y a aussi le vitalisme aussi quand on parle de Nietzsche un peu plus tard dans l’Histoire. Le fait de faire très attention à ton corps, le fait de l’écouter et de suivre ses intuitions, le concept de « volonté de puissance » comme dit Nietzche.

 

C’est drôle parce qu’en écoutant l’album et en te parlant j’aurai plutôt pensé que tu te rapprochais de la pensée stoïcienne, l’acceptation de choses qui ne dépendent pas de nous.

C’est beaucoup lié tout ça. Le stoïcisme c’est accepter les choses telles qu’elles sont pour être heureux, ne pas s’inquiéter des choses qui ne dépendent pas de soi…et en fait l’épicurisme est une part du stoïcisme, rechercher le bonheur à travers certaines choses. Et puis il y a cette image que la société a collé aux épicuriens en les dépeignant comme des gens incultes, sales, mais lorsque tu lis les textes d’Épicure c’est tout le contraire. L’idée reçu veut qu’ils n’obtiennent le bonheur qu’à travers la possession, par la nourriture et l’alcool à profusion…alors qu’Épicure ne se contentait que d’une tranche de pain et d’un verre d’eau. L’épicurisme c’est l’absence de trouble et c’est très important pour moi lorsque j’écris un texte ou tout simplement quand je pense les choses.  Trouver le bonheur immédiat dans quelque chose qui te plait, c’est exactement ça.

 


« Matthew Herbert avait pris un petit risque vu que je n’avais pas de label ni de projet bouclé »


 

 

Comme lorsque tu décides de partir à la rencontre d’un producteur pour qu’il te confectionne des morceaux. Tu cherches ton bonheur immédiat.

Un jour je me suis acheté un micro, j’ai commencé à chanter et au bout d’un an je me suis rendu compte que je ne voyais plus du tout mes amis et je faisais tout ça le soir et les week-ends. J’ai fini avec pas mal de matériel, la question s’est alors posée de savoir ce que j’allais en faire. J’ai finalement décidé de tout envoyer en démo et comme je n’arrivais pas vraiment à donner une forme à mes morceaux, il a fallu que je m’entoure d’un producteur. J’ai appelé plusieurs personnes mais cela ne marchait pas forcément. Puis un jour je pense à Matthew Herbert (célèbre producteur de musique anglais, ndlr), je lui envoie ma musique et il me répond dans la foulée en me disant qu’il aimait ce que je faisais. On a donc décidé de faire un test de quatre morceaux ensemble là bas dans son studio au bord de la mer dans le Kent (un comté d’Angleterre au sud-est de Londres, ndlr). Une semaine plus tard, nos quatre morceaux étaient pondus, tout cela de manière naturelle. On était assez content, surtout lui, car il avait pris un petit risque vu que je n’avais pas de label ni de projet bouclé. Au bout de dix jours je rentre et j’envoie tout ce qu’on a fait à une liste de labels que je m’étais constitué selon mes envies. Tout en haut de cette liste figurait One Little Indian Records car j’ai toujours été fan de l’artiste Bjork et d’univers assez différents. Ce qui est étrange, c’est que le quart d’heure suivant l’envoi de mon mail, je reçois un coup de fil de Matthew me disant que Derek Birkett – le boss du label qui manage Björk – vient de l’appeler, il trouve ma musique géniale, souhaite me signer et qu’il faut que je l’appelle vite. Ce que j’ai fait. Quelques heures plus tard je partais pour Londres, je l’ai rencontré et nous avons discuté. Il me propose alors un album deal que j’accepte, le temps que tout soit paraphé – en une semaine -, que je repars déjà en studio avec Matthew pour continuer de travailler sur le reste de mes morceaux. On finira avec onze titres et l’album sort en novembre. Pour tout ce qui est « création artistique », je me suis jamais vraiment posé de questions. J’essaie juste de faire ce qui me plait et lorsque que je le sens bien j’y vais et si c’est l’effet inverse, je stoppe tout.

 

Qu’est ce qui influence et nourrit ton art et par extension ton univers ?

Je dirais que ce sont les relations humaines qui ont inspiré le premier album. Je trouve assez fascinant ce rapport que tu peux avoir avec les gens, que ce soit un étranger, ton ami ou autre. J’aime beaucoup la nature aussi, notamment les animaux qui ont une grande place dans ma vie. La philosophie comme je disais tout à l’heure ou encore le cinéma que j’aime beaucoup, qu’il soit indépendant ou que ce soit un gros blockbuster. J’essaie de m’inspirer de tout ça.

 

Et au contraire, qu’est ce qui te répugne et pollue ton art ?

Honnêtement, tout ce qui est réseaux sociaux, médias, etc. Aujourd’hui ils en font tellement trop…je me suis coupée de ça il y a peu de temps, j’essaie de m’en détacher, que ce soit l’actualité ou le reste. Il y a beaucoup trop d’informations et cela va trop vite, quel est le sens de tout ça ? Je ne comprends plus trop la société d’aujourd’hui.

 

Du coup, à quel moment le personnage « S A R A S A R A » prend le pas sur ta personne ?

Bonne question (elle marque un temps d’arrêt et semble perdue dans ses pensées, ndlr). Je dirai que même en studio il subsiste une partie de moi, par contre sur scène ce n’est plus la même chose. Tu rentres dans tes costumes, tu mets le pied sur scène et là…tu plonges dans le personnage de la même manière qu’un comédien rentre dans son personnage au théâtre. Au studio c’est différent, tu es assez terre à terre, il y a plein de paramètres techniques…alors que sur scène, il n’y a plus rien autour de toi.

 

Il y a quelque chose qui m’a marqué au niveau de ta musique, c’est qu’il y a un rapport de distance qui opère. On n’entend plus mais on écoute, sans vraiment réussir à saisir la chose. Est-ce qu’au même titre que ton personnage, tu fais exprès de mettre de la distance entre l’auditeur et toi ? Est ce que le recul est important ?

Ce n’est pas quelque chose que j’ai pensé, par contre ça s’est imposé un peu par la force des choses. Quand tu parles des paroles, il y a ce côté poésie, j’aime bien les mots et j’apprécie quand ces choses ne sont pas forcément directes. Dans l’album, il y a une cohérence parmi les douze morceaux mais je n’ai pas cherché à créer de distance, à ce moment T cela m’est apparu comme logique.

 

C’est assez paradoxal parce que malgré la barrière de la langue, on parvient à être sur la même longueur d’onde en t’écoutant. Je pense notamment au titre « Saphir ».

En fait, je crois que je n’ai pas du tout pensé au public lorsque j’ai composé cet album. D’abord parce que je ne m’attendais à signer quelque part et ensuite parce que je l’ai fait pour moi. C’est peut être ça qui fait que cela fonctionne, ne pas calculer la façon dont on pense que les gens vont interpréter les morceaux, les paroles…les gens semblent capter le message. Honnêtement je ne me suis pas posé de questions.

 


« L’énergie de la planète, l’électricité, l’intuition…voilà, on en revient encore au vitalisme et à l’épicurisme. J’y crois vraiment..en gros, toute ma vie est basée dessus »


 

 

C’est intéressant parce que cela me rappelle une phrase qu’un artiste avait dit : « chers amis artistes, ne vous souciez jamais de savoir si les gens vous comprennent ou non. Être compris ne doit pas être votre objectif, l’expression est votre but ».

C’est tout à fait ça. Quand j’ai fait cet album, j’étais seule. Enfin, avec Matthew…mais il n’y avait pas autant de gens autour de moi et je me dis que si je devais le refaire aujourd’hui’ en écoutant l’opinion du public je le ferai très certainement différemment. C’est très important pour moi, ce besoin de m’enfermer dans une bulle imperméable aux conseils et avis des gens. Pour savoir si je suis sur la bonne voie, il suffit juste que ça résonne bien en mon for intérieur et voilà.

 

Les fréquences, les ondes, faire passer des messages à travers ces canaux là…est-ce que c’est quelque chose auquel tu crois ?

Beaucoup oui ! L’énergie de la planète, l’électricité, l’intuition…voilà, on en revient encore au vitalisme et à l’épicurisme. J’y crois vraiment..en gros, toute ma vie est basée dessus. Tu as besoin d’un déclic, mais lorsque tu commences la méditation tu te rends compte que ces choses là sont présentes. Plus tu t’inquiètes pour les choses, moins elles se produiront car tu crées de l’énergie négative autour de toi et vice versa, plus tu crois aux choses et plus tu auras de chances qu’elles se produisent. Tu crées ton univers et ce qui s’y produit…
Au niveau musique, tu sais quand quelque chose sonne bien et si tu en as la conviction…c’est hyper bizarre d’écouter un discours comme ça. Ce n’est pas quelque chose de concret, c’est un feeling.

 

C’est intéressant comme approche et pas mal d’artistes l’évoque dans leur musique. Andre 3000 d’Outkast en parle dans le titre « Slum Beautiful » en disant : They don’t know, but I do though. Baby my darling you make me lose composure/ Fragments of a million me scattered across the floor to a certain degree/ Where I had to give your mama a call and thank her for spending time with your daddy/ For all its worth, girl what’s your frequency ? And can I come there frequently ? (Ils ne savent pas, mais moi si. Bébé ma chérie, tu me fais perdre tous mes moyens/ Des millions de fragments de moi éparpillés au sol à un certain degré/ À tel point que je me suis senti obligé d’appeler ta mère pour la remercier d’avoir passé du temps avec ton père/ Pour tout ce que ça vaut, à quelle fréquence vibres-tu ? Et puis-je y venir souvent ?). Tout ça pour dire, que cette philosophie s’applique aux initiés. Mais toi du coup, à quel degré crois-tu en l’Homme ?

Je crois que l’Homme a été aliéné et tant que les hommes ne se recentreront pas sur eux-mêmes et donc à leur propre source d’énergie, alors ils n’iront pas mieux. Dans le monde on voit des choses assez terribles…tu n’as plus envie d’aller voter, tu n’as plus envie de croire que les choses iront mieux, il n’y a qu’à voir ce qui se passe en Syrie ou avec les Américains. Quand tu vois le traitement infligé aux réfugiés et qu’à côté de ça il y a des gens qui se gavent de pognon parce qu’ils font 1 milliard de vues sur YouTube en très peu de temps…tu te demandes dans quel monde on vit. Tant que les gens ne se réveilleront pas, on continuera sur cette voie. C’est un véritable travail sur soi-même qu’il faut entreprendre.

 

 

Est-ce mauvais de croire en cet idéal ?

Moi je pense qu’ils sont faussés sur l’importance des choses de la vie : le pouvoir, l’argent, la possession matérielle, l’accumulation de biens ne sont pas une source de bonheur selon moi. Le bonheur se trouve dans les gens qui t’entourent et avec lesquels tu te sens bien, les gens avec qui tu partages de petites choses à la con. Boire un verre avec mes potes me suffit largement à me rendre heureuse. Après, c’est vrai qu’il te faut un minimum d’argent pour vivre mais je trouve qu’aujourd’hui, la course à la possession est une manière de penser qui me dépasse complètement. Je n’ai plus envie de vivre de cette manière là et c’est en commençant à méditer que tu te rends compte de ces choses là. Cela te permet de revenir aux choses qui comptent, réellement.

 

Alors, renoncer permettrait de vivre un peu plus ?

Oui, voilà. C’est la base. Épicure l’explique en disant que nous recherchons le bonheur à travers des choses extérieures alors qu’en fait, le bonheur c’est apprendre à vivre avec ce que tu as et que tu l’atteins avec le minimum de possession. Renoncer à certaines choses, c’est ça la clé.

 

Cette idée de se dire qu’il y a quelque chose de plus grand que soi, c’est un peu l’idée que l’album me procure. Au même titre qu’un Bernard Werber (auteur de paralittérature), ton personnage prend de la hauteur pour contempler ses contemporains. Ton personnage navigue entre l’imaginaire et le réel ou du moins le conscient. Ma question est la suivante, d’où vient S A R A S A R A ?

Ce sont des amis qui m’ont affublé de ce nom. Nous étions deux Sarah dans le groupe et c’était une manière drôle de nous identifier alors ce prénom est resté à travers le temps.
Au final je trouvais que sur le papier ça rendait bien, j’ai mis un peu de temps à me décider à l’utiliser comme nom d’artiste et au final je trouve que ça marche bien, les gens le retiennent bien. J’avais pas forcément envie d’utiliser mon vrai prénom parce que ce n’était pas très « vendeur ».

 

Crois-tu au pouvoir des noms et par extension au conditionnement d’une identité par le choix d’un prénom ?

Carrément. Je trouve que c’est vachement révélateur un prénom.

 

Parce qu’en faisant une petite recherche sur le tien, je suis tombé sur pas mal de choses intéressantes. Comme le volcan Sara Sara au Pérou découvert en 1583 par un prêtre espagnol qui lui même a découvert que ce lieu était un des endroits sacrés les plus importants dans le sud du pays. 400 ans plus tard, deux archéologistes : un américain et un péruvien, mènent une expédition résultant à la découverte d’une douzaine de statues. Parmi elles, une femme Inca momifiée, qu’ils surnommeront plus tard « Sarita » (la petite Sara).
Il  y a aussi ce côté Egypte antique avec « Ra » ou « Re » qui désignent le soleil donc un dieu. Sa-Rê quant à lui, renvoie au roi Khépren et veut littéralement dire « fils de dieu ».
Je trouve qu’en soi, au vu de la première image de ton clip « Sun » qui montre une icône chrétienne, on tombe dans une magnifique mise en abime de ton personnage, mais aussi de toi. Enfin, j’ai aimé cette idée qu’on retrouve dans la mythologie égyptienne qui voulait que chaque jour, Ra voyage à travers le ciel à bord de sa barque sacrée (parcours du soleil) et chaque nuit au travers des mondes souterrains (les enfers). Chaque lever de soleil devient donc une victoire remportée sur les forces des ténèbres.
Étais-tu consciente de tout cela et si oui, t’es tu appuyée sur ces mythes afin de construire ton personnage ?

C’est vrai qu’avant de décider de garder ce nom j’ai fait quelques recherches. Finalement, après avoir découvert tout ça, j’ai trouvé que cela fonctionnait bien. On peut dire que cela m’a influencé.

 


« Je pense qu’aujourd’hui tout le monde n’est pas enclin à comprendre ce qui se rattache à l’énergie de la Terre »


 

 

Les titres de l’album vont également dans ce sens. Le titre « Juju » par exemple.

« Juju » c’est du français très ancien. Du français créole du temps de la colonisation pour être précis. Il s’agit d’un sortilège amoureux.

 

Le titre « Supernova » cristallise un peu tout ce qu’on vient de se dire. Par définition une supernova est un phénomène résultant à l’explosion d’une étoile – dans ton cas on pourrait penser au soleil – et se produit une augmentation brève et fantastiquement grande de sa luminosité. Vu de la Terre, une supernova apparait comme une étoile nouvelle, alors qu’en réalité il s’agit de sa disparition. Excuse moi, mais je ne peux m’empêcher de penser à l’analogie (peut-être trop simple) que l’on se fait de la lumière et du savoir, de la connaissance. Après tout, est-ce que ton personnage ne détiendrait pas un savoir, mais qu’il est encore trop tôt pour le commun des mortels de s’en imprégner ?

Ça serait prétentieux de penser ça (rires) ! Par contre, je pense qu’aujourd’hui tout le monde n’est pas enclin à comprendre ce qui se rattache à l’énergie de la Terre. Ce n’est pas quelque chose qu’on nous enseigne, on ne nous apprend pas à vivre à travers cette philosophie de vie là. On vit dans un monde où avoir des oeillères est la norme mais je pense qu’à un certain moment de nos vies arrive une phase où tu peux être initié à ces choses là et c’est ce qui m’est arrivé. Cela s’est produit suite à certains évènements dans ma vie (sa voix devient plus fragile, ndlr)…aujourd’hui il m’arrive de parler avec certaines personnes et je sais qu’elles ne sont pas encore arrivés à cette étape de leur vie.

 

Étant d’origine africaine, je retrouve certaines choses que j’ai entendu dans ce que tu racontes, ce qui m’amène au titre « Succubus ». En gros, il s’agit de personnages de légende, des démons pour être précis, qui prennent la forme de femmes pour séduire les hommes durant leur sommeil et plus précisément, leur rêves. Ces « esprits » sont à la fois redoutés et désirés. En partant du principe que ton personnage use de sa voix pour envouter et possiblement mener à un état de torpeur ou de sommeil, j’en reviens à me dire qu’il y a ce côté hypnotique propre au dieu Hypnos (dieu du sommeil). Considères-tu ton personnage comme quelqu’un ayant des prédispositions de l’ordre du mystique, voire chamanesque ?

Je pense, oui. Il faut le vouloir et déjà être conscient de cette chose. Ce qu’on dégage crée une réponse chez les gens, moi j’en suis consciente pour moi même et j’essaie de vivre avec ça au jour le jour et j’essaie de répondre à certaines personnes en fonction de ça. Les interactions avec les autres sont vraiment basées à partir de cette conscience là. Est-ce que c’est frustrant de ne pas profiter de ça avec tout le monde ? En fait, tu te rends comptes que les gens qui gravitent autour de toi et que tu côtoies fréquemment sont là pour une raison et ceux qui ne sont plus vraiment dans ta vie ne le sont pas pour la même raison. D’autres personnes rentrent dans ta vie et tu te rends compte qu’ils ont ce truc. Donc non, je le vis bien. Ce n’est pas quelque chose qui « détruit », il y a pas mal d’informations à prendre en compte et à analyser, pas mal de choses à comprendre tout seul face à toi même.

 

Ce qui me fait rebondir sur le titre « Fire », donc le feu. Zeus donne le feu aux hommes pour qu’ils soient autonomes. Le feu encore une fois peut renvoyer au savoir et à la connaissance.

Si on me donnait des canaux de transmissions, j’aimerai bien parler de ces choses là, je trouve que c’est quelque chose qu’on ne fait pas assez.

 

On finit cette conversation comme on l’a commencé, c’est à dire avec la philosophie stoïcienne. Je veux parler du dernier titre du projet « Pneuma ». Par définition il s’agit du souffle ou de l’esprit aérien auquel dans l’antiquité, certains médecins attribuaient la cause de la vie et par la suite, des maladies. Les stoïciens pensaient que le pneuma » était un principe de nature spirituelle qu’ils considéraient comme être le cinquième élément.
Est-ce voulu de finir l’album sur une note…(elle me coupe).

Oui. En grec ils disent qu’il s’agit du souffle de la vie, ce qui anime tes cellules. Et de se dire « ok, aujourd’hui je vais écouter cette musique et on verra où cela me mènera ». C’est pour cette raison que je voulais finir là dessus.

 

 

Pour les initiés et ceux qui aimeraient découvrir l’artiste, vous pourrez la voir se produire au Coke Private Hotel ce mercredi 21 juin. Ainsi qu’au Palais des Beaux-Arts de Lille le 22 et 23 juin.

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