93 Days of Summer : Luchino
Le 21 juin annonce le début de l’été, l’amorce de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles.
Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.
Le dernier épisode de 93 Days Of Summer nous présente un jeune réalisateur, Luchino Gatti, déjà à l’origine de plusieurs courts-métrages sur la banlieue. Avec beaucoup de sincérité, il nous raconte son histoire pleine de créativité et de détermination.
T’as grandi où ?
J’ai grandi à Soisy, une petite ville tranquille de banlieue. s/o les Noëls, les crapauds, la centrale.
C’était comment de grandir là-bas ?
Ben moi j’ai fait de la boxe jusqu’à devenir sportif de haut niveau donc je passais tout mon temps au sport. Je sortais du collège et je ne trainais jamais avec mes potes, j’allais direct à l’entraînement. J’ai fait Champion de France en 2009 et après j’ai été sélectionné en équipe de France. J’ai beaucoup voyagé grâce à ça, Championnats d’Europe en Pologne, tournois internationaux en Allemagne, en Sibérie, en Pologne ou à Cuba…
Tu as pris ce qu’il y avait à prendre ?
En vrai il n’y avait rien à prendre ahah! Une fois j’ai gagné une prime pour un combat en Allemagne, j’ai gagné 80 euros… Je m’entrainais deux fois par jour, je passais toutes mes vacances scolaires à l’INSEP, j’étais formé pour le charbon.
J’écris avec mes sentiments, c’est que du vrai, du réel, c’est sincère, c’est énervé. Et au sens large, je pense que dans tout ce qu’on entreprend, il faut être sincère sinon ça ne marche pas.
Du coup, comment t’es tombé dans le cinéma ?
Au début on m’appelait souvent pour faire le boxeur dans des courts métrages et moi je kiffais ça, s/o a mes frérots Aswed et Miro. À un moment où je commençais à comprendre que j’allais nulle part avec la boxe, j’étais en STAPS et je n’étais pas heureux donc j’ai décidé de passer un concours pour rentrer à la Cité du Cinéma. Ils ne demandaient pas de diplôme, il fallait surtout être passionné et débrouillard. J’ai réussi les 3 épreuves d’admission et j’ai été accepté dans l’école. DETER.
Donc là tu en es où ?
Là j’ai fini mes études et c’est pendant ma première année que j’ai réalisé Dead Boy et Bois d’Argent. Le dernier, PE$0, qui est toujours en post-production, c’est mon film de fin d’étude. Il était censé faire 10 minutes. Il y avait pleins de règles et moi j’avais déjà fait des projets plus long donc je n’en ai fait qu’à ma tête, j’ai fait 35 minutes. Le jour de la projection, j’ai coupé à 10 minutes puisqu’ils voulaient 10 minutes et les gens dans la salle ils n’ont pas compris, ils étaient choqués et ils voulaient la suite.
Est-ce que tu écris et quelles sont tes inspirations ?
Oui, j’écris et quand je le fais je parle de ce que je ressens, de mes sentiments. Ce n’est pas forcément ce que j’ai vécu, mais le sentiment que le film véhicule, c’est ce que j’ai dans le bide. J’écris avec mes sentiments, c’est que du vrai, du réel, c’est sincère, c’est énervé. Et au sens large, je pense que dans tout ce qu’on entreprend, il faut être sincère sinon ça ne marche pas.
Comment est-ce que t’arrives à être créatif ?
Pour moi, le processus créatif c’est une vraie introspection. C’est un voyage à l’intérieur de soi-même. Pour aller chercher tout ça et comprendre mes émotions, je médite pas mal, ça m’aide à comprendre dans quelle direction je dois aller. Ça m’aide aussi à comprendre pourquoi j’suis aussi paro ahah.
J’ai fréquenté des voyous, des sportifs, des mecs de cité, des pauvres, des riches, des gitans en caravane, des rebeus, des renois, des chinois, et ce sont des gens que je ne vois pas au cinéma et ça me rend fou. Et des fois quand je cherche un film énervé, le genre de film qui met tout le monde d’accord, et ben il n’y en a pas assez, voire pas du tout.
Est-ce que tu te sers de ce que tu as appris dans le sport ?
Franchement la boxe ça a construit ma vie. C’est difficile de trouver une boite de production, moi j’en ai trouvé une et c’est parce que je suis déterminé. Le sport c’était très dur et ça m’a forgé pour la suite. La boxe m’a aidé à devenir ce que je suis. Charbon vie. On lâche rien.
La banlieue c’est un thème récurrent dans tes projets, pourquoi ?
Parce que j’ai grandi là-bas. J’ai fréquenté des voyous, des sportifs, des mecs de cité, des pauvres, des riches, des gitans en caravane, des rebeus, des renois, des chinois, et ce sont des gens que je ne vois pas au cinéma et ça me rend fou. Des fois quand je regarde le cinéma français et que je cherche un film énervé, il n’y a rien qui m’intéresse. Tu vois, le genre de film qui met tout le monde d’accord, et ben il n’y en a pas assez, voire pas du tout. Mais t’inquiète, on a la recette, on attend dans l’ombre, prêt à tout niquer.
Franchement la boxe ça a construit ma vie. Le sport c’était très dur et ça m’a forgé pour la suite. Ça m’a aidé à devenir ce que je suis. Charbon vie. On ne lâche rien.
À ton avis, pourquoi les films charnières sur la banlieue, on parle de La Haine ou Ma 6-T Va Crack-Er par exemple, datent des années 90 ?
Ben il y a Divines qui a bien abordé le sujet récemment mais sinon il n’y a rien. Mais je pense que la nouvelle génération va apporter du changement. Aussi, maintenant que je suis un peu dans le monde du cinéma, je me rends compte que c’est très fermé. J’ai l’impression que c’est comme le système, si tu ne mets pas un kameha dedans, rien ne va changer.
C’est plus difficile de réussir dans le cinéma que dans d’autres disciplines ?
Dans le cinéma, pour faire un film par exemple, il faut de l’argent. Le dernier que j’ai fait, PE$0, il m’a coûté 10.000 euros, mais si tu fais un devis officiel, il coûte 150.000 euros. Même si tu bikraves c’est mort ahah! Pour faire ce film, j’ai demandé à toute ma famille, à tous mes frères, j’ai mis mes tripes et toutes mes économies! Tout est vrai, dans le fond et dans la forme. Dans PE$0 c’est mon frère Fabio, qui est aussi acteur, qui a le rôle principal. Le second rôle c’est un bon pote à moi, Sandor, et tous les autres ce sont des frères. On a tourné dans des cités où t’es obligé de connaître des gens pour rentrer, il n’y a que du vrai.
Tu l’as montré à tes proches ce film ?
Oui et il fout mal à l’aise, il rend paro à fond. C’est bon signe, ça veut dire qu’il est bien fait. Mais quand je le montre, mon coeur il bat à 100 à l’heure, parce que même s’ils ne le savent pas, ce sont des morceaux de ma vie que j’ai mis dedans, et c’est aussi ça qui lui donne du caractère. Les gens ne vont pas forcément faire le lien mais pour moi c’est très fort.
D’ailleurs, pendant le montage c’était compliqué parce que je voyais des scènes jouées par des acteurs s’étant approprié des sentiments que j’ai ressenti et ce sont des émotions violentes qui me font mal. C’est comme si tu écris une histoire en pensant à un proche qui est mort et à chaque fois que tu revois cette scène, tu repenses à lui, ça fait très mal.
Quelles sont les prochaines étapes pour toi ?
Là je vais boucler PE$0. Ensuite j’ai un autre scénario en pré-production. Mais maintenant c’est plus simple parce que j’ai une boite de prod, les budgets seront différents et je pourrais payer mes acteurs ahah ! Ekip a fond. Ça va tout changer.
T’as quel âge ?
J’ai 26 ans. Je me revois encore à 20 ans en train de rouler dans ma twingo, la musique à fond dans le rues de ma ville hahaha s/o Scurfy. Et maintenant j’écris ce que je vivais à cet âge là, c’est bizarre.
Enfin, je voudrais faire un grand grand s/o au Sachet2Thé, à Steven, Tidjan, 667, Norsace Berlusconi, le Freeze, le Shak, et à tous les gens qui me boostent, s/o a tous les quartiers de Soisy. EKIP À FOND.
JAMAIS PERDU MES COUILLES DEPUIS 91, C'EST PAS AUJOURD'HUI QUE CA VA CHANGER. POUR LA FAMILLE, POUR LES VRAIS. BENEF, BENEF.LE RESTE JE M'EN BAT LES COUILLES.BOIS D'ARGENTAVRIL 2016.SOISY/ASNIERE.VOICI MON ÉKIP FILS.LUCHINO GATTI.
Publié par Bois d'Argent sur mercredi 20 septembre 2017
Instagram: @luchinogatti