Meet The Architect : Wealstarr

La musique, et plus particulièrement le hip-hop hexagonal, est la chasse gardée des rappeurs qui s’accaparent l’attention artistique du public et des médias. Avec Meet The Architect, YARD vous propose de rencontrer ceux qui font la musique. Premier épisode, le producteur français Wealstarr.

 

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D’où te vient ton nom et comment tu définis ton travail?

À la base j’étais rappeur, j’ai commencé à 13 ans. On m’appelait Willstarr et au lycée j’ai changé pour mon nom actuel Wealstarr parce que c’était moins commun.
Plutôt que beatmaker, je préfère le mot « compositeur » ou « producteur ». Même si le terme est toujours et encore largement utilisé je le trouve limite péjoratif.

Quels sont les artistes avec qui tu as collaboré ?

J’ai produit pour Booba, Kaaris, Joke, La Fouine, Rohff, Kery James, Niro, Lino, Rim’K, 113… Le rap français de manière général et plein de petits jeunes!

Comment es-tu devenu producteur ?

Je rappais avec un pote et on avait pas de mecs pour nous faire des « prods », du coup je m’y suis mis. Des membres de ma famille composaient déjà. Mes grands frères avaient produit un des premiers titres de new jack en France. Il y en a un qui était dans la drum’n’bass et dans les breakbeats, un peu comme ce que faisait The Prodigy. Du coup on avait un peu de matos, juste le strict minimum, une boîte à rythme et un synthé. Donc je m’y suis mis doucement. C’est au lycée que c’est devenu sérieux, vers 18 ans. Aujourd’hui on continue en explorant d’autres univers avec plein de styles différents. On s’amuse tout en étant conscient que c’est un travail et un business avant tout.

Avec quoi as-tu commencé à travailler?

Mes premières compositions je les ai commencées avec Fruity Loops. C’est un surveillant de mon lycée qui m’a appris à maîtriser le logiciel. Puis je me suis rendu compte que le moteur et le son qui en sortait n’étaient pas terribles. Alors je suis passé à Cubase, que j’utilise encore aujourd’hui d’ailleurs.

Souvent on parle des gens travaillant sur MPC, c’est une sorte de cliché du producteur de rap. Honnêtement je n’ai jamais été dans ce délire de machines. Je m’y suis mis plus tard en achetant quelques synthés, mais même à cette époque j’ai vu qu’il y avait des softwares plus simples et de meilleures qualités. Du coup j’ai tout revendu. Je m’éclate plus avec les softwares qu’avec les hardwares. Après, pour tout ce qui concerne le mix, deux-trois machines à avoir sous le coude c’est pas mal.

En terme de composition, quel est l’aspect que tu maîtrises le mieux ?

Je pense maîtriser la façon dont je séquence les drums (caisse claire, ndlr) et les charlay (charleston), leur groove. J’essaie de ne pas les faire sonner comme si ça avait la mécanique et la rigidité de quelque chose fait sur ordinateur. Je veux qu’il y ait ce truc qui te fasse bouger. Je vais te donner une astuce qui permet de réussir cet effet : il suffit de ne pas systématiquement tout quantizer (espace entre les sons) ou pas de la même manière. Ça permet de donner à tout ça un groove différent. Attention, je parle plus des compositions trap et plus généralement de rap. Tout ce qui est électro, c’est un autre délire.

Sinon au niveau de la mélodie je pense que je ne me débrouille pas trop mal non plus.

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Quels sont les producteurs qui t’ont influencés ?

Je kiffe Timbo (Timbaland), les Neptunes et toute la vibe de Virginie plutôt que celle de Dr. Dre ou des sons dit « East Coast ». À l’époque Pharrell et Chad ont vraiment apporté de l’originalité dans le rap. Je me rappelle d’une période où le Wu-Tang et tout NYC utilisaient des samples et les Neptunes par exemple ne le faisaient pas. Ils sont arrivés avec de la composition au synthé, des beats syncopés pas forcément « quantizés ». Tout ça a créé leur marque.

Du coup, je me retrouve plus dans un Timbo que dans un Dre parce qu’il a plus ce côté créateur où il va chercher des voix hindous et les mélanger avec d’autres trucs. Attention, je respecte Dr Dre mais pour moi il excelle plus dans le mix. Les sons sont lourds, il n’y a rien à dire, mais en vrai Dre a les mêmes beats binaires depuis des années.

Pharrell c’est un créateur, ce qu’il a fait pour Gwen Stephani, les sons de cornemuse qu’il utilise dans ses titres… C’est fou et original ! Dans un même délire : moi avec SINTROPEZ, lui avec N*E*R*D, on se fout de ce que les gens peuvent dire, on fait ce qu’on kiffe, point. C’est ça la recherche de l’originalité. Voilà pourquoi je me retrouve plus dans la mouvance de Virginie. Et même si je les trouve très forts et que j’ai un grand respect pour ce qu’ils ont achevé, des types comme Havoc, RZA ou Dre sont finalement plus classiques.

Si tu étais aujourd’hui un autre producteur, ce serait qui ?

Si on était en 2002, je t’aurais directement dit Swizz Beatz. Lui, en terme de groove, c’est mon gars sûr. Je me suis grave inspiré de lui. Moins maintenant, mais à une époque c’était le producteur que je suivais vraiment. Si on était en 2007, je t’aurais dit Danja car son groove est ouf et sa sonorité aussi en général. Un titre comme « We Takin’ Over » est complètement dingue. Mais depuis qu’on a dépassé 2010, je n’ai plus de producteurs fétiches. Il n’y en a aucun dont je kiffe totalement le taff. Tous les nouveaux sont bons mais je trouve que le niveau s’est abaissé ces dernières années. Quand tu compares à des gars de l’époque comme The Runners ou Danja… Le niveau a baissé car on s’est dirigé vers un son minimaliste, c’est autant un problème de niveau musical qu’un problème de tendance. Aujourd’hui les rappeurs aiment poser sur des morceaux où il n’y a presque rien : un beat, un synthé et c’est terminé.

Mon gars en ce moment c’est Chedda Da Connect et le producteur de son tube « Flicka Dat Wrist », Fred On Em. Tout ça c’est cool, j’aime vraiment bien le délire. Mais pour moi ce ne sont pas des références.

Si tu pouvais te faufiler dans les studios de quelqu’un pour voir sa façon de travailler, de qui s’agirait-il ?

J’aurais kiffé être dans les studios de Kate Bush à l’époque pour voir la réalisation de ses titres. J’ai écouté ses bootlegs où il n’y a ni les basses ni les batteries. Il n’y a que les pianos qu’elle a elle-même joués. Le tout est mal enregistré mais ce qu’ils ont réussi à en extraire est magnifique… J’aurais vraiment aimé être présent parce qu’ils ont fourni un gros travail de réalisation.

J’aurais également aimé voir comment bossaient les Daft Punk à l’époque, la façon dont ils utilisaient leurs compresseurs et avec quel matos ils travaillaient.

Sinon, carrément, j’aurais voulu pouvoir voler les drums de Timbaland, ses caisses claires et ses kicks. Je sais aussi qu’il a plein de samples en stock, je les aurais bien pris avec moi eux aussi. Même pas besoin de regarder sa façon de travailler parce que je vois à peu près.

Kanye West aussi. Parce que j’aime son côté innovateur et le fait qu’il ne s’arrête pas à un style de musique. S’il fait de la trap il va essayer de ramener quelque chose d’autre au titre et lui donner une dimension complètement différente de ce que l’on a l’habitude d’entendre.

Dans quel domaine tu voudrais te perfectionner?

J’aimerais perfectionner mes « skills » en sampling. Je bosse actuellement sur des trucs à ce sujet. Je pense que c’est un domaine vaste où on peut encore dépasser les limites actuelles au niveau du développement du sample, de l’originalité et de la créativité qu’il y a autour. Il y a beaucoup de choses à faire… Aujourd’hui il y a des outils, dont je tairai le nom, qui permettent de vraiment pouvoir s’amuser et de faire des trucs exceptionnels. Mes projets en lien avec cela ne sont pas encore sortis mais lorsque ça arrivera vous en serrez les premiers témoins.

Afin de pouvoir s’y retrouver financièrement avec les samples et éviter de se faire attaquer en justice, il y a des moyens qui permettent de les utiliser sans que les gens remarquent qu’il s’agisse d’un sample. Je l’ai moi-même fait sur des morceaux sortis et personne n’a rien remarqué, que Dieu nous en préserve. Tu peux même appeler une société qui s’occupera de rejouer une partie de la chanson. Par exemple« Call On Me » d’Eric Prydz ou « Barbara Streisand » de Duck Sauce ont été rejoué même si ce processus est assez onéreux. Sinon, si tu n’attends pas de profits économiques de ton track mais juste une visibilité, tu peux aussi uploader ton morceau « inclearable » sur Soundcloud et montrer à toute une audience ce dont tu es capable. Ça peut entraîner un buzz sans dépenser le moindre centime, par exemple le remix de Bill Withers « Ain’t No Sunshine » de Lido.

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Quel a été le conseil qui t’a le plus aidé lors de ta carrière ?

Il y a un conseil qu’un producteur m’a donné, je le considère comme mon mentor, qui a changé ma vie. Je me tire peut-être une balle dans le pied en l’avouant d’ailleurs, mais bref : on m’a rencardé sur la façon d’obtenir des packs de plugins et de samples via Internet. Le fait d’avoir eu accès aux sites permettant de tout récupérer, ça a changé ma vie jusqu’à maintenant. J’ai tout ce que je veux : des discographies d’Elvis Presley en passant par des acapellas. Tout est à ma disposition. Le Web m’a permis d’avoir toute une base de données et ça change tout. Le fait d’installer un nouveau plugin, un nouveau synthé me donne de nouvelles inspirations, une nouvelle dynamique. Quand tu te casses la tête à écouter et à disséquer un sample de jazz, ça génère forcément une vague de créativité. J’ai donc à ma portée des milliers de titres et donc des possibilités créatives et récréatives à l’infini.

Comment démarres-tu une nouvelle composition ?

Ça dépend, souvent on me demande un style de morceau donc pas besoin de proposer autre chose. Par exemple Booba, je ne vois pas l’intérêt de lui soumettre des instrus à la Neptunes alors qu’il a une ambiance sonore bien marquée.

Quand je n’ai pas à cibler les instrus par rapport à l’artiste, alors je ne me pose pas de questions. J’ai remarqué qu’à partir du moment où je suis dans le calcul ça ne fonctionne pas. En général, je commence par choisir un « preset » (trame sonore) que j’entends ou parfois je trifouille les synthés pour avoir un son, lorsque j’ai trouvé ce que je voulais, j’y vais direct. Honnêtement j’arrive à boucler les bases d’un morceau en 5-10 minutes. Attention, ça peut prendre une heure aussi quand je cherche à être hyper pointilleux, mais en général j’essaie d’aller le plus vite possible.
Pour le style trap, je prends un son et je tente de trouver un gimmick ; ensuite je vais directement aux drums puis je passe aux effets. Et en 15 minutes si j’y suis allé à la cool le son est plié mais pour le fignoler je mets une heure voire deux heures maximum. Si ça me prends plus de deux heures c’est que c’est mauvais signe, ça ne sent pas bon. Au total, j’ai mis 1h30 à composer et finir le titre « Billet violet » de Booba. En réalité, je termine la partie de 8 mesures qui va se répéter tout au long du morceau en 15 minutes. C’est ce qui fait la différence avec mon travail de composition d’un titre house qui me prend toute une journée.

Je déteste rester trop longtemps sur une composition, pour moi c’est hors de question. Ça doit aller vite. Honnêtement aujourd’hui ce que l’on fait en France c’est de la musique fast food. Pas dans le sens péjoratif du terme, mais on fait ça vite, la manière de consommer aussi va vite. D’un côté, les artistes sont tellement conditionnés et ne cherchent qu’un seul type de son. Ça ne sert à rien de se casser la tête à faire une instru qui prend grave du temps. Un artiste comme Jul, avec tout le mérite qui lui est dû, a des productions simples et ça marche. Le mec est disque d’or ! Il passe sur NRJ, Skyrock… Du coup, pourquoi se prendre la tête ?

À l’époque quand j’ai commencé, je faisais ce travail d’arrangement super pointu, j’essayais d’utiliser des samples pas communs, des rythmiques différentes… Au final les rappeurs trouvaient ça cool mais bizarre, les prods ne partaient pas ; du coup ça entravait aussi mon business. Donc la conclusion que j’en tire, c’est qu’en France, faire des choses un peu différentes de ce que l’on entend reste risquées. Mon métier est aussi une entreprise donc il vaut mieux s’adapter à ce qu’ils veulent et garder l’originalité pour les États-Unis si l’occasion se présente.

Par contre, quand je balance mes sons sur Soundcloud pour le coup, je me fais plaisir, je prends mon temps et je pousse le plus loin possible le mix. Cette plateforme me permet de m’amuser et d’oublier un peu une frustration.

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Quelle est la démarche pour un artiste qui souhaite collaborer avec toi ?

Pour faire appel à mes services le procédé varie. Quand il s’agit de quelqu’un qui jouit déjà d’une certaine notoriété, vu que tout le monde se connaît, la connexion se fait soit par téléphone, par mail, Facebook ou Twitter. C’est aussi simple que ça. Pour ceux qui sont moins côtés, s’ils me contactent j’essaie d’écouter ce qu’ils font ou je check leurs clips. Si je kiffe leur vibe et leur délire, je produis sans aucun soucis. Je suis toujours à la recherche d’artistes à produire ou à développer mais la réalité c’est que je n’en ai pas encore trouvé.

Financièrement, quels sont les prix pour une composition signée Wealstarr ?

Mes émoluments varient selon l’artiste avec qui je collabore. Pour les artistes qui émergent et qui n’ont pas les mêmes facilités, j’essaie de ne pas trop poursuivre la conversation s’ils n’ont pas prévu au moins un budget. Pour ceux qui sont plus côtés ou en maison de disques, logiquement, on part sur des sommes à quatre chiffres minimum, parfois à cinq si t’as un bon avocat.

Si on parle de « Billet violet » par exemple, je pense que l’album de Booba va très bien se vendre. Donc c’est très bien au niveau de la SDRM (Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs, éditeurs, réalisateurs et doubleurs sous-titreurs, ndlr) je ne pourrais pas chiffrer ce que cela va me rapporter mais ça va être très intéressant. Tu as l’argent des droits d’auteurs qui tombe et tu as le flat (prix de la production).

Comment s’est faite la connexion avec la chanteuse Anggun en 2008 ?

Travailler avec une artiste comme Anggun c’était particulier car il fallait vraiment apporter autre chose que ce que j’avais l’habitude de faire. Elle venait d’un milieu très pop, très variété à la base. Il fallait donc faire un crossover. Dans tous les cas j’apporte toujours des indications dans la direction que devrait prendre un titre. À l’époque on était toute une équipe à travailler dessus : il y avait Stromae, Tefa et Masta. C’est elle je crois qui les a contactés pour bosser sur son album et du coup je me suis retrouvé a produire la moitié des titres.

Tu as collaboré avec Rohff et Booba. As-tu remarqué une vraie différence dans leur façon d’aborder une instru ?

La différence entre Booba et Rohff… Je dirais qu’ils ont plutôt beaucoup de points communs. Ce sont des bosseurs, ils sont tous les deux très exigeants sur le choix des prods. L’un (Booba) prendra une instrumentale plutôt aérée qui laisse la place aux textes, l’autre (Rohff) une instrumentale plus riche au niveau de la compo et qui se fond mieux avec sa voix. Mais la plus grande différence entre les deux rappeurs ne se fait pas sur les prods, elle se fait plus sur les choix artistiques, ou de carrière et d’image. Et dans ce secteur les producteurs n’interviennent pas en général. Tu peux avoir les meilleures instrus du monde avec les meilleurs producteurs du monde, si tu ne sais pas gérer ton image, tu es mort dans le film.

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Comment t’es tu retrouvé à collaborer avec Booba ?

J’ai envoyé pas mal d’instrus à Booba. Je crois qu’on approche de la centaine de titres soumis sur une période d’un an et demi. Il est très exigeant à ce niveau-là, comme je le disais tout à l’heure. Beaucoup de personnes à travers le monde lui envoient des sons, il a donc le choix de sélectionner ce qui lui correspond vraiment. J’ai remarqué qu’il laisse la place à ses textes et son flow, tandis que moi je suis plus le genre de producteur qui va remplir d’instruments mes compositions. J’ai donc dû m’adapter en lui laissant de la place pour qu’il se sente plus à l’aise. Tu peux lui faire écouter du lourd, qui ressemble à du « Booba » ou du « 92I », il peut ne pas la prendre.  La preuve sur D.U.C, personne ne s’attendait à ce qu’il prenne une instru reggaeton ou dubstep. Au final, tu ne peux jamais vraiment prédire ce qu’il va prendre.

Quelles sont les productions dont tu es le plus fier ?

En urbain français, il y a trois productions dont je suis vraiment fier et qui ont eu un rayonnement important, il s’agit de « Benthi » de Mélissa M avec Cheb Khaled. Ce titre a touché toutes les classes de la population, parents comme enfants. Puis en mode trap/rap il y a « Dirty Hous’ » de Rohff. Il l’avait fait à « L’année du hip-hop » (cérémonie française décernant des prix de reconnaissance), du coup la répercussion a été directe. Les gens croyaient qu’ un producteur américain avait fait l’instru. Dernièrement « La mort leur va si bien » de Booba.

Avec « La mort leur va si bien », tu le vois dans les commentaires sur les réseaux sociaux qu’il y a eu une effervescence au niveau de l’instrumentale, je n’ai eu que de bons retours. Il y avait un truc original dans la production, le gimmick récurent en plus d’une vibe qu’on n’entendait pas ailleurs. Je pense que c’est ce qui a fait le succès du titre.

Il y a eu un vrai hiatus entre la période où tu étais sur tous les fronts et ta réapparition. Que s’est-il passé ?

À un moment j’avais produit pour tout le monde, la plupart des instrus que je lâchais devenaient des singles ou étaient « clipées ». C’était vraiment quelque chose que je recherchais, je voulais marquer de mon empreinte le rap français. Puis tu te demandes ce qu’il te reste à faire. Du coup comme tu as tout fait, tu te dis : « Qu’est ce qui me motivera encore plus ? ». J’ai voulu passer à autre chose.

Ça a été un peu compliqué, mais si on voulait retenir un projet de cette phase ce serait SINTROPEZ avec le titre « Berlin Girl » qu’on peut retrouver sur les « Inrocks Lab volume 1 ». On va dire que c’est une petite fierté même si c’est un tout petit truc. Je suis passé du rap français à de la pop new wave et je pense que ça a fait son petit buzz. Aujourd’hui je suis revenu au rap mais je continue de jongler entre les deux genres et si tout se passe bien d’ailleurs j’espère sortir un album ou un gros EP l’année prochaine avec SINTROPEZ.

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Peux-tu nous en dire plus sur SINTROPEZ ?

SINTROPEZ est un projet perso où je chante et compose. Avec ce projet je m’écarte un peu de ce que j’ai l’habitude de faire. Le dernier titre s’appelle « Take Me On ». Plusieurs artistes nous ont bien boosté en publiant le morceau sur leurs réseaux sociaux. On doit d’ailleurs bientôt en faire le clip.

Enfant je n’ai pas grandi qu’avec du rap, j’ai aussi écouté du métal, du hard rock, beaucoup de new wave. Quand je me suis mis au hip-hop je kiffais mais ce n’était pas vraiment mon délire. Grâce à SINTROPEZ je recommence à goûter à ces joies procurées par la musique de mon enfance.

Y a-t-il un titre en particulier que tu aurais aimé avoir produit ?

J’aurais aimé composer « Born to be alive » de Patrick Hernandez pour les droits d’auteurs (rires). De façon plus générale j’aurais rêvé d’être à l’origine de titres qui marquent une génération ou bouleversent une période musicale précise : par exemple « Billie Jean » de Michael Jackson, ou « Good times » de Chic. J’aurais aimé tout simplement avoir la discographie de Nile Rodgers. Pour moi c’est le meilleur producteur, il a propulsé des carrières. Je suis en admiration devant ses œuvres sauf son dernier travail avec Daft Punk.

Côté hip-hop, il y a « Ruff Ryders’ Anthem » de DMX produit par Swizz Beatz. À sa sortie ça a vraiment été un hymne et c’était le titre de l’arrivée d’un nouveau rappeur inconnu, DMX. Puis « Sippin On Some Syrup » de Three 6 Mafia produit par DJ Paul. C’est mon morceau fétiche. Ils sont arrivés avec leur propre son de Memphis, différent de celui de New York, d’Atlanta ou LA. À l’époque, ils étaient beaucoup critiqués et trop en avance. On était une petite communauté de petits jeunes à kiffer toute cette vibe dirty dans les années 2000. Les rappeurs français les critiquaient mais au final aujourd’hui tout le monde fait du Three 6 Mafia. Tout ce qu’on appelle trap c’est parti d’eux. C’est pour ça que ce titre restera ma référence ultime. Il y a aussi « In Da Club » de 50 Cent parce que c’est un classique de Dr Dre et ça a réellement marqué une génération. Enfin « Big Pimpin » de Jay Z parce que le son reste intemporel, jusqu’a présent le titre tourne toujours en boîte et ne vieillit pas depuis 15 ans.

As-tu une anecdote sur des rappeurs ?

J’ai beaucoup d’anecdotes mais qui ne se racontent pas lors d’interviews. Sinon j’ai eu 2-3 soirées de studio avec Salif qui te pose un morceau entier en 30 minutes chrono sans avoir touché une feuille, le tout dans sa tête avec juste une seule prise parfois. C’est un mec grave intelligent, il a signé en maison de disques je crois qu’il n’était même pas encore majeur. Aujourd’hui il fait d’autres choses. Dans ce rap game j’ai rencontré beaucoup de gens faux mais lui c’est différent, c’est un bon et quelqu’un de vrai. Je ne lui souhaite que de la réussite!

Selon toi, y a-t-il un titre que tu as produit mais qui n’a pas rencontré le succès qu’il méritait ?

« Dubaï » de 113. Il n’ont pas fait le clip de ce morceau et c’est dommage parce qu’il avait un vrai potentiel. Encore aujourd’hui on me le rappelle et apparemment il est toujours joué dans des clubs.

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C’est quoi la différence entre un bon producteur et un gros producteur ?

Aujourd’hui, ça ne se joue pas sur la qualité de son travail musical mais plutôt dans la façon dont il va être communiqué. Mine de rien en 2015 la majorité des gens ne regardent plus la qualité mais tout ce qu’il y a autour. Maintenant un producteur pété – désolé de le dire mais il y en a beaucoup – va te faire croire qu’il est lourd parce qu’il est très fort dans sa communication et ça c’est un truc de fou. Les mecs vont être partout sur les réseaux sociaux : ils vont être là où il faut être, se prendre en photo avec des artistes qui buzzent… Toi, tu vas croire que c’est un truc de malade et au final il aura des retombés que d’autres producteurs plus doués n’auront pas.

C’est pour ça que les DJs sont devenus des stars, la plupart font croire qu’ils sont aussi des producteurs alors qu’en fait ils ont des gars de l’ombre qui leur font tout leur travail. Comme ils sont sur le devant de la scène ils récoltent tous les lauriers. Ce constat est malheureux mais c’est comme ça.

Raconte nous les origines du titre « Dirty Hous’ » de Rohff ?

J’habitais dans la même ville qu’Alain de l’ombre de TLF. On se connaissait bien, donc plus tard quand il s’est mis à rapper je lui ai filé des sons. Au même moment, Housni cherchait aussi des instrus et il avait kiffé ce que j’avais donné à TLF. Il m’a appelé en me demandant de lui envoyer une palette, ce que j’ai fait et il a gardé « Dirty Hous’ » et quelques autres.

J’ai composé ce morceau sur Cubase, mais à la base ce n’était pas pour Rohff. J’ai l’habitude de faire des morceaux sans avoir d’artistes en tête, par contre la première personne à l’avoir écouté c’était bien lui.

Je ne me souviens plus trop de la session mais je n’avais pas mis plus de 2 heures pour faire ce titre. À cette période j’enchaînais grave et j’étais souvent sollicité, je n’avais pas le temps de rester longtemps sur un titre.

Une anecdote sur ce titre ?

À l’époque où « Dirty Hous’ » est sorti, mon équipe et nous étions bien à fond dans le délire « dirty ». Pour remettre les choses dans leur contexte, à ce moment-là il n’y avait pas de « trap » en France. Et lorsque je suis parti au studio pendant le mixage du titre pour voir si tout se déroulait bien, je suis tombé sur la partie de Big Ali et franchement j’ai été surpris. Je n’ai pas saisi pourquoi Big Ali était présent sur le morceau. Pourquoi ? Parce que ça faisait partir le morceau dans un autre délire, on avait une autre approche. En écoutant les parties de Rohff, je ne comprenais pas sa façon de rapper non plus. Pour moi ce n’était pas « cainri » tu vois. Au-delà de Rohff, je me suis vite aperçu que cela arrivait avec toutes les productions que je plaçais à l’époque. J’étais tellement habitué au délire américain que la version française me paraissait hors de propos. N’ayant pas ou très peu écouté de rap français à part X-men, Lino et Booba, j’étais déphasé. Avec « Dirty Hous’ » je me suis rendu compte que ça prenait quand le titre est sorti, les Français aiment profondément ce qui sonne français et le rap français avec ses codes. Donc toi en tant que producteur tu t’habitues.

Selon toi, les artistes veulent tes services parce qu’ils savent que t’es une valeur sûre ?

Je pense qu’ils savent qu’ils auront un certain succès à travers ce que je vais leur proposer. Pourquoi je collabore avec les artistes que je viens d’énumérer ? Ils savent quand un son est bon tandis que t’as d’autres artistes qui s’en battent les couilles, ils veulent un son trap sur lequel ils vont rapper et c’est tout.

Ils me font confiance et il y a aussi ce facteur humain. Par exemple Lino, c’est peut être une des premières fois qu’on a nos noms associés sur un projet alors qu’on a déjà bossé ensemble sur d’autres trucs qui ne sont pas encore sortis. On se croise tous en studio. On s’apprécie mutuellement et on sait ce qu’on peut apporter à l’autre.

Des projets à venir ?

En plus de SINTROPEZ, je sors un EP avec toutes les « instrus » que j’ai faites en 2014 : Niro, Rim-K, Booba, Lino… Il y aura des inédits que je vais clipper, mais il n’y aura pas de rap dessus. Je planche aussi sur un EP avec seulement des inédits où je vais mélanger trap et électro. Sinon je bosse actuellement avec Booba, Joke, Rim-K. Je collabore aussi avec Hayce Lemsi, LECK, Dosseh et PNL pour ne citer qu’eux.

Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?

D’abord de sortir tout ce que j’ai en tête. Avant j’étais du style à ne pas sortir un titre si je ne le jugeais pas parfait et au final je me dis que cela m’a fait louper pas mal de choses. J’ai envie de faire davantage de DJ sets, c’est un aspect qu’on ne connaît pas trop de moi mais je kiffe réellement mixer.

Je n’ai pas encore la possibilité de me produire partout mais mon set ideal serait un mélange de trap et de deep house : écouter Young Thug rapper sur un beat binaire de House remixé en live. Sans me comparer, la trajectoire d’un Just Blaze est assez intéressante et j’avais d’ailleurs accroché sur son petit virage électro et sa facette DJ en 2009, mais aussi lorsqu’il balance sur Soundcloud des grosses instrus sans rappeur dessus alors que ça aurait pu atterrir sur n’importe quel projet d’un gros artiste.

En tant que producteur, on a plus forcément besoin d’artistes pour promouvoir nos sons. À la limite un clip pour booster un peu mais pas plus.

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