YesJulz : « Je ne suis pas encore au niveau de Diddy, mais je vais y arriver »
Ce qui motive Julienna Goddard, a.k.a YesJulz, c’est de joindre l’utile à l’agréable et de se réaliser dans son travail. Un principe en phase avec la nouvelle génération et qui s’illustre parfaitement par sa devise sous forme de hashtag : #NEVERNOTWORKING. À la tête d’une agence marketing spécialisée notamment dans l’organisation de soirées, la jeune femme de 25 ans s’est surtout distinguée sur Snapchat où elle parle quotidiennement à une audience de 100 000 personnes, et s’affiche avec quelques stars de cette culture : Wiz Khalifa, Lebron James, Travis Scott… On a profité de son passage à Paris lors de la Fashion Week pour faire connaissance à l’hôtel Le Pigalle, avec un phénomène des réseaux sociaux, dont on n’a pas encore mesurer l’ampleur en Europe. Mais ça ne saurait tarder, c’est sûr.
Photos : HLenie
Peux-tu te présenter à ceux qui ne te connaissent pas ou peu ?
Je suis née à Miami mais j’ai vécu dans différentes villes du sud de la Floride jusqu’à mes 9 ans. Avec ma famille, on a ensuite déménagé à Boston où on est resté plusieurs années pour revenir ensuite en Floride. Je suis donc une fille de Floride et de Boston. Maintenant, je suis à Miami où j’ai une agence de marketing. Nous faisons beaucoup d’organisation d’événements, j’adore organiser des soirées, nous travaillons aussi autour du marketing sur les réseaux sociaux. Je devrais sûrement ajouter Snapchat à tout ça. Je « snappe » beaucoup, je documente ma vie via ce réseau social et c’est ce qui m’a permis de me créer une audience et de faire connaître l’agence.
Comment es-tu venue à faire de l’organisation de soirées ton gagne-pain ?
J’ai organisé ma première soirée au lycée pour la fête de fin d’année. Je me suis fait plusieurs centaines de dollars à vendre des tickets et ça a été le déclic. J’ai compris que si j’organisais plusieurs soirées dans l’année je pourrais me faire de l’argent, c’est comme ça que ça a débuté. J’ai donc commencé à le faire à l’université et des propriétaires de club sont venus demander mes services. Ils voulaient que je devienne leur promoteur en échange de bouteilles gratuites mais je n’allais pas les laisser me donner quelques bouteilles alors que je leur ramenais beaucoup de clients. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ça devenait un business. Je me suis vraiment investie au maximum lorsque j’étais à Tampa, au nord de la Floride. Puis, j’ai réalisé qu’il était temps que je m’installe dans une plus grosse ville donc je suis retournée à Miami et tout a recommencé à zéro, parce que tout est différent là-bas.
À quoi ressemble une journée type de travail pour toi ?
Il n’y a pas de journée type, c’est toujours différent. Aucune de mes journées ne se ressemblent. La plupart des gens ont des routines, ils se réveillent, font de l’exercice, vont au travail… Je ne fais pas ça. Je me réveille toujours à un endroit différent mais dès que je suis debout, je regarde toujours mes mails. Après je continue ma journée soit en faisant des interviews avec des artistes, soit en organisant un événement ou une campagne publicitaire pour une marque. On a plusieurs manifestations par mois donc on est systématiquement occupé. On adore la musique, la mode et faire de nouvelles expériences, l’objectif est de toujours de proposer de nouvelles idées.
Comment les réseaux sociaux Snapchat et Instagram ont propulsé ta carrière ?
J’exercerais mon métier aujourd’hui même sans les réseaux sociaux, sans aucun doute. J’organisais déjà des soirées à 18 ans alors Twitter, Facebook et Instagram n’existaient pas. Mais ce sont des outils gratuits qui permettent aux gens de se mettre en avant et de communiquer : publier quelque chose, faire de la pub autour d’une activité, la faire atterrir entre les mains de personnes influentes et toucher leurs audiences. Par cette nouvelle branche, de nouveaux emplois ont été crées. Regardez le nombre d’entreprises qui ont débloqué des postes de community manager ou de responsable marketing sur les réseaux sociaux ! Ce sont des jeunes de notre génération qui décrochent ces postes, juste en sachant utiliser un iPhone.
Aujourd’hui, on doit se concentrer sur d’autres façons de faire de la pub et ces outils nous donnent l’opportunité de tous devenir des directeurs artistiques. Pour ma part, je ne l’aurais jamais été dans un laps de temps si court. Ça demande du temps et de l’expérience. Mais les réseaux sociaux permettent d’exposer son travail aux yeux de tous en nous exprimant d’un point de vue créatif. Cela peut déboucher sur des prises de contact avec des gens cools et on peut finalement se retrouver dans des endroits où l’on ne se serait jamais imaginé.
« Je veux que ça arrive, que de nouvelles personnes fassent parler d’elle et de cette ville. J’adore ce que je fais mais je ne le ferai peut-être pas toujours là-bas. »
Comment juges-tu l’importance des réseaux sociaux dans le développement de personnalités publiques ?
En tant qu’humain, on est très attaché à ce qui est glamour. Pendant un moment, les utilisateurs étaient vraiment attirés par le style de vie des personnes riches et célèbres. Les gens ont ensuite commencé à se lasser de regarder des choses auxquelles ils ne peuvent pas s’identifier À l’heure actuelle, avec tout ce qui se passe dans le monde, toutes ces tragédies, toutes ces choses terrifiantes auxquelles nous sommes confrontés dans la vie de tous les jours, les gens cherchent juste à savoir s’ils peuvent s’identifier à quelqu’un qui leur ressemble. Regardez P. Diddy, quand j’étais plus petite et que je le regardais, je me sentais tellement loin de lui… Il était dans toutes les vidéos, on le voyait partout. Mais aujourd’hui les jeunes peuvent regarder des personnes comme vous et se reconnaître beaucoup plus facilement que quelqu’un en couverture de Vogue. Ils se disent : « Nous aussi on peut faire ça ! » C’est pour ça que mes followers aiment regarder ce que je fais parce que je ne suis pas encore au niveau de Diddy, mais je vais y arriver. Ils peuvent donc voir la progression et l’évolution de mes idées. Certains peuvent même m’aider à concrétiser des projets en me faisant des suggestions après avoir vu ma story sur Snapchat. Par exemple un jour j’ai raté un vol pour me rendre au mariage d’un de mes meilleurs amis, des fans m’ont envoyé cinq itinéraires différents pour m’y rendre quand même.
Tu réponds à tous tes followers sur les réseaux ?
Nan je ne prend pas toujours le temps de regarder toutes mes notifications, mon téléphone vibre tout le temps. Quand j’ai du temps de libre, j’essaye de le faire. Je fais de mon mieux pour répondre au plus grand nombre et aux personnes qui méritent une réponse. Il y a des aspects positifs et des aspects négatifs avec les réseaux sociaux.
Autre sujet, quelles sont les qualités essentielles pour organiser de bonnes soirées ?
Pour être bon dans ce que tu fais, il faut être motivé et faire de ton mieux pour que ça marche : te réveiller tôt le matin, te coucher tard le soir, être passionné, savoir ce que tu veux et rester investit… Sinon tu es condamné à être un simple spectateur. C’est la base du succès. Après si tu veux être bon dans l’organisation de soirées, tu dois être quelqu’un de relationnel et aimer faire la fête. Peut-être qu’il y a des promoteurs qui n’aiment pas faire la fête, mais dans mon cas je sais que j’aime donner de nouvelles expériences aux gens et il n’y a rien qui me rende plus heureuse.
Comment fais-tu pour te maintenir parmi les meilleures du business dans une ville aussi concurrentielle que Miami ?
Je ne me pose pas vraiment la question, je fais juste ce que j’aime. Je pense que ce que je fais est plutôt, par contre il est possible que je me découvre une passion pour quelque chose d’autre bientôt. Aujourd’hui, je fais ce que j’aime faire à Miami mais peut-être que je ferais quelque chose de différent l’an prochain. Du coup, il y aurait quelqu’un d’autre qui viendrait prendre ma place dans cette ville en organisant des soirées hip-hop qui déchireront tout. J’espère que ça arrivera, il faut que de nouvelles personnes fassent parler d’elles et de Miami.
J’ai des tas de plans pour le futur. Je trouve que ce que YARD propose est cool, j’aurais peut-être un magazine un jour, qui sait ? Ça commence avec l’organisation de soirées, puis tu deviens pote avec des artistes, du coup les gens s’intéressent à tes amis et voudront sûrement savoir de quoi on parle quand on dîne ensemble. Ce serait l’occasion de faire des podcasts, des articles… Je connais un bon photographe qui pourrait également apporter sa vision, laissons-lui une chance… Et après tout ça, tu te retrouves avec un magazine. C’est comme ça que ça commence.
Quel est ton business model ?
Je bolosse les gens (rires, ndlr). J’essaie de me démerder par tous les moyens, tu dois savoir être un hustler dans ce métier. Bien sûr, tu te feras des sous en vendant des tickets, en te faisant sponsoriser par des marques mais si tu es vraiment un hustler tu trouveras un moyen de te faire de l’argent plus facilement. Il faut constamment rester en réflexion : comment entrer en contact avec des médias, comment décrocher un contrat de sponsoring… Pour les soirées, il ne s’agit même plus de l’aspect économique. Aujourd’hui, je me fais plus d’argent avec un tweet qu’en organisant une soirée que je mets trois mois à mettre en place. Pourtant c’est par ce biais que j’intègre des artistes, des nouveaux titres, des talents méconnus et c’est cet ensemble qui me permette d’être payée en tweetant. Les soirées resteront toujours importantes pour moi.
« Miami ! On y trouve des filles, des bikinis, la météo est top, encore des filles. Les filles sont essentielles aux soirées piscines. »
De toutes les villes où tu as organisé des soirées, quel est l’endroit où tu préfères donner des soirées en intérieur…
Pour les soirées en intérieur, je dirais Los Angeles. J’y ai organisé ma première indoor et c’était incroyable. Le potentiel qu’a cette ville est dingue.
… Des pool parties ?
Miami ! On y trouve des filles, des bikinis, la météo est parfaite et il y a aussi… Des filles. Elles sont essentielles aux soirées piscines. Tu dois avoir de jolies femmes en bikini qui aiment danser. C’est important.
Où le public répond le mieux ?
Je ne sais pas trop, le public est toujours très content de nos soirées. Je n’ai pas vraiment eu de mauvaises expériences. Je suis allée à Orlando et c’était incroyable, je suis allé à LA et c’était incroyable, j’ai organisé des événements de dingues à New-York. Question difficile.
Y’a-t-il de nouveaux artistes ou DJs avec lesquels tu aimerais bosser ?
On fait des « music mondays » depuis plusieurs mois maintenant et on a pris d’assaut internet. Le concept est le suivant : on trouve des artistes basés à cinq endroits différents et si on aime leur musique on la poste sur notre Soundcloud. On ne juge que par rapport à la qualité. Je pense que c’est la bonne période pour proposer ça. N’importe qui peut faire un son et le balancer sur Soundcloud, mais tu dois toujours travailler dur pour arriver au sommet.
J’adore Shake du New Jersey… Mais aussi Lil Uzi Vert pour son côté enjaillant, il a une bonne énergie… Il y a également Amir Obè… Il y en a tellement… Je vais travailler avec beaucoup d’artistes cette année. Par exemple, Uzi et moi allons faire une mini-tournée avant qu’il ne se mette à bosser sur son album. Il y a d’autres choses qui arrivent, attendez et vous allez voir.
C’est vrai que tu es très impliquée dans l’humanitaire ?
J’ai commencé à me sentir concerné car je trouvais que j’habitais dans une ville où tellement de personnes sont prisonnières de leur style de vie sans être heureuses. J’essayais de comprendre pourquoi… Et j’ai saisi que ces gens n’avaient pas un métier qui les rendait heureux. J’ai toujours aidé mon entourage à se réaliser complètement sans en avoir fait réellement une activité complète. C’est quelque chose que je fais de moi-même parce que ma mère m’a éduquée avec ces principes quand j’étais plus jeune. Elle était vraiment investie pour aider les nécessiteux. Du coup, ma plateforme est devenue une opportunité d’organiser des événements caritatifs. J’ai entendu parler du hashtag « lunchbag » et j’ai trouvé ça super intéressant. J’ai proposé de distribuer des repas dans une galerie au lieu d’une simple cafétéria ; plus largement dans des endroits cools avec des DJs, des grosses voitures, de l’art. Je me suis dit que je réunirais des volontaires pour réaliser et distribuer des repas, puis on irait à la rencontre de ceux dans le besoin. Des jeunes qui me suivent sur Instagram venaient m’aider alors qu’ils n’habitaient pas forcément tout près. Puis de nouveaux artistes ont voulu, eux aussi, se rendre utiles donc on a rajouté des performances lives. Ça ne cesse d’évoluer. Tout ça seulement parce que j’ai été inspiré par ce hashtag « lunchbag ». Si j’en parle, combien de personnes vont vouloir lancer leur propre initiative ? J’adore regarder ce genre de projet naître et évoluer.
« Si ce n’était pas pour ma mère, je ne serai certainement pas ici aujourd’hui. »
D’où te vient ce besoin d’aider les gens ?
Je ne sais pas, j’ai moi-même parfois eu besoin d’aide dans ma vie. C’est important, on devrait tous s’entraider. J’aime croire que tous les êtres humains à un moment donné de leur vie ont cette envie d’aider. Je pense qu’on a besoin de gens qui nous inspirent à faire des choses comme ça. Ma mère et ma famille font partie de cette catégorie-là. Si ce n’était pas pour eux, je ne serais certainement pas ici aujourd’hui. J’ai toujours voulu ressembler à ma mère… Finalement, la réponse est ma mère.
Est-ce un challenge d’être une femme dans ton environnement de travail ?
Oui c’est un challenge. Dans chaque secteur où les hommes dominent c’est compliqué, c’est comme ça que le monde fonctionne. Je demande juste à ce qu’on me respecte, que je puisse avoir des responsabilités, qu’on me prenne au sérieux lors de réunions ou rendez-vous.
Je suis aussi mignonne, je me sens sexy, et je me sens bien dans mon corps. La femme qui va réussir est celle qui se sent bien dans sa peau et qui trouve le juste milieu entre sexy et sérieuse. C’est celle qui va se dire : « Quand je me sens un peu sexy, je vais être cette personne et quand c’est l’heure du business je vais être au point, je ne serais pas intimidé, je vais dire ce que je pense. » Je pense que l’instinct féminin cherche constamment à ce que tout se passe bien, quitte à ne pas dire à haute voix ce qu’on pense. On a aussi cet instinct maternel qui veut qu’on protège les autres. Fuck tout ça ! On est en 2016. On ne devrait même plus y penser, on doit juste se confronté aux réalités et faire ce qu’on sait faire, en restant prudentes. Si tu veux du respect, tu dois prouver aux hommes que tu es capable de faire les mêmes choses qu’eux.
Un dernier mot ?
J’adore Paris et mes followers parisiens et j’ai vraiment envie de revenir ici et d’organiser plus d’événements. J’espère que plus de gens sur place voudront entrer en contact avec nous et organiser une soirée avec YARD (rires, ndlr).