Asher Roth : « On m’a demandé de me couper les cheveux pour plaire aux adolescentes »
« Si tu es quelqu’un de bien, je ne te souhaite que le meilleur » Asher Roth prend à contre-pied l’individualisme ambiant. Un personnage énigmatique. D’abord jeune étudiant qui faisait l’apologie de la vie sur les campus, puis rappeur hippie aux cheveux longs qui chantonnait sur des airs smooth, on l’a récemment découvert avec Rawther, dans un nouvel univers. Plus rock, plus brut qui dénote totalement avec l’image de sensei qu’il dégage. Difficile d’en être autrement quand on est entouré de Nottz et Travis Barker.
Le jour de son concert au Petit Bain en plein entretien, Asher Roth impose un calme déstabilisant, une simplicité et une authenticité déconcertante. Autour d’une corbeille de fruits, de Snickers, Mars et autres friandises, on lui a posé quelques questions.
Tu as commencé à rapper à l’université, comment as-tu déboulé dans le monde du rap ?
En fait, j’ai commencé comme un peu tout le monde. Je m’intéressais au hip-hop, j’aimais le rap et je m’y suis mis. Tu sais quand tu mets un pied dedans, tu te dis : « J’adore ça c’est cool, je vais essayer de faire pareil. » Donc j’ai essayé d’imiter les trucs qui me plaisaient. Au lycée, je jouais au baseball puis j’ai arrêté, il fallait que je trouve quelque chose pour combler mon temps libre [rires, ndlr]. Avec des potes on s’est dit que la musique ce serait cool et qu’on pourrait s’amuser. J’ai toujours pris des décisions en me demandant dans quel domaine je prendrais le plus de plaisir.
Et aujourd’hui, tu ne joues plus au baseball ?
Non, non, je n’y joue plus, j’en regarde seulement.
En 2009 tu sors ton premier album Asleep in the bread aisle, tu connais un succès fou avec « I Love College ». Comment as-tu vécu cette célébrité soudaine?
Mon intention de base n’était pas de devenir riche et célèbre, ça n’a jamais été mon but dans la vie. Tout a explosé, les gens ont commencé à me reconnaître dans la rue et beaucoup de choses me sont devenues accessibles. Je ne me rendais pas compte de ce qui se passait au début car tout allait super vite. J’ai commencé à faire des tournées, j’avais mon tour bus. Je n’avais jamais vécu une chose pareille. Quand j’ai appris que j’allais tourner avec Kid Cudi et B.O.B, c’était incroyable. Puis je suis parti à New York, c’est là que j’ai commencé à réaliser que je voulais vraiment faire carrière. Il y a eu une évolution super rapide entre les petits concerts que je faisais au début et ceux que je me suis retrouvé à donner quelques temps après. C’est allé vite mais j’ai réussi à réaliser ce qui se passait et j’ai pris les bonnes décisions.
Après cet album, tu étais vraiment le mec à suivre, tu as notamment été Freshmen XXL. Mais on a le sentiment que tu as essayé de t’éloigner de tout ça en changeant autant ton apparence que ta musique. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je ne me suis pas dit : « Ah non, je ne veux pas être ce type de mecs connus. » C’était plus une progression naturelle, on était dans le Top 5 album Billboard, et quand tu commences à jouer dans cette cours, tu te rends compte que c’est un autre monde. Tu as des gardes du corps, pendant les interviews j’étais entouré de 6 personnes, j’avais vraiment l’impression de ne plus vivre ma propre vie. Du coup, je me suis rendu compte assez vite que ce n’était pas ce que je voulais au fond de moi. Une fois on m’a même dit : « Asher, il faudrait que tu te coupes les cheveux pour plaire aux adolescentes. » Donc j’étais là : « Euh non, laissez-moi tranquille, je veux garder mes cheveux longs » [rires]. C’était important pour moi d’être totalement libre.
On a essayé de te brider artistiquement ?
J’étais plus ou moins libre mais on me disait : « Fais quand même ces deux ou trois sons dans ce style ». Ils me demandaient un compromis car les trois sons populaires qu’ils me poussaient à faire c’était à ces titres que les gens allaient le plus m’affilier bizarrement. Finalement, je faisais des choses qui ne me correspondaient pas vraiment. Ça te fait gagner en passage radio, en fanbase… Mais les gens ne savent plus ce que tu proposes réellement au final.
Si tu avais choisi de t’écarter du milieu de la musique, tu aurais pris quelle voie ?
Je faisais des études pour être professeur en école primaire. On m’a donné la chance de bouger à Atlanta pour travailler avec Scooter [Scott Braun] qui manage Justin Bieber et Kanye West depuis peu, donc j’ai mis les études de côté. Mais j’aurais pu donner des cours [rires].
Tu as aujourd’hui 30 ans et au fil de ta carrière tu es passé par différents univers : de l’étudiant au rappeur hippie, mais aujourd’hui on te redécouvre avec Rawther, un projet bien plus rock. Explique-nous pourquoi tu n’as de cesse de traverser différentes ambiances ?
Exact [rires] ! Tu vois, j’adore avoir la possibilité d’essayer de nouvelles choses. Je n’ai pas envie de me sentir enchaîner à un style de musique. En te restreignant tu ne grandis plus, tant sur le plan humain que sur le plan artistique.
J’ai toujours été fan de jazz mais j’ai aussi grandi avec les Rolling Stones et ce genre de groupe. J’ai toujours aimé m’inspirer de ces différents genres en essayant de les mélanger. Grâce à ça, chaque jour qui passe, je me sens grandir en tant qu’artiste et en tant que personne.
Chaque projet correspond à une période un peu spéciale de ta vie non ?
Oui, chaque projet est une sorte de capsule temporelle. Chaque album correspond à l’état d’esprit que j’avais au moment où je l’ai fait, mon histoire à ce moment précis.
Et dans ce dernier projet, tu étais dans quel état d’esprit du coup?
Avec Travis et Nottz, on a presque tout enregistré en Virginie. C’est un projet assez rebelle et agressif, une nouvelle énergie. Sur RetroHash, on retrouvait quelque chose de plus mélodique et mélancolique, un truc à la californienne. Mais ce n’est pas que ça le rap. Parfois, tu as simplement envie de mettre des baffes et de casser des portes ! C’est ce qu’on voulait faire, ramener ce type d’énergie et mixer les genres. Je veux surprendre à chaque projet.
Comment tu te sens dans le milieu de rap qui véhicule encore souvent les stéréotypes du bling-bling ?
Ce qui est fou c’est qu’on les voit encore ces stéréotypes, je pense que c’est surtout dû à Internet. On donne beaucoup de visibilité à ce genre de rappeurs et ce qu’ils font, mais il ne faut pas oublier que la musique c’est du spectacle avant tout, les gens ont besoin de se distraire. Personnellement je n’ai jamais voulu jouer de rôle. Pour moi et pour beaucoup de mes fans aussi, je pense que l’authenticité est quelque chose d’important.
D’ailleurs dans le clip de « Fast Life » tu rappelles un peu aux gens ces valeurs de simplicité avec la fameuse « message box ». Comment t’es venue cette idée ?
Un de mes amis revenait du festival Burning Man. Il m’a dit : « Mec ils ont fait ça au festival et je pense que ça pourrait être une bonne idée pour ton clip. » Le concept m’a séduit et on l’a fait. Los Angeles est vraiment la ville parfaite pour faire ce type de chose. Il y a tellement de distraction, de gens matérialistes… On voulait leur faire une petite piqûre de rappel sur le confort de nos vies comparé à celui d’autres sur cette Terre.
En écoutant Rawther, on a l’impression de redécouvrir ton écriture. Tu as vraiment voulu faire ressortir ta plume sur ce projet?
C’est vrai. C’est ce que j’ai choisi pour que les gens soient plus connectés au projet, je ne voulais plus faire simplement rimer des mots.
Tu as bossé différemment sur ce projet ?
La plupart du temps je travaille main dans la main avec le producteur. Pour Rawther du coup je suis allé en Virginie chez Nottz et on a travaillé ensemble. C’est en faisant de vraies collaborations qu’on obtient la meilleure musique je pense.
Parles-nous de tes vidéos Rap Life. C’est une manière d’être plus proche de tes fans ou elles ont une visée plus promotionnelle ?
Comme je t’ai dit l’authenticité est quelque chose d’important pour moi. Je veux permettre aux gens de voir comment les choses se passent de l’intérieur. Je veux me montrer avec mes imperfections. Quand le public voit comment tu es vraiment, une vraie connexion humaine s’instaure. Je ne prétends pas être meilleur qu’un autre et vouloir me mettre en avant avec ces vidéos, c’est plutôt une façon d’embarquer ceux qui me suivent dans ma vie de tous les jours. Quand des gens viennent te voir pour te dire que tu as changé leur vie et que ta musique les a aidés, en faisant ces vidéos tu rééquilibres la balance. C’est aussi une manière de dire : « Regardez, je suis comme vous ».
Dans l’épisode 5 de Rap Life, quelqu’un te dit « Tu commences à rapper en français ! » Tu t’es déjà essayé au rap français donc ?
J’ai essayé récemment [rires]. J’étais venu à Paris pour travailler avec Étienne de Crécy sur un projet orienté dance. J’ai juste dû dire quelques trucs comme : « Tu es jolie ». Je revenais juste de mon voyage en France sur cet épisode, c’est pour ça qu’il a dit ça.
Tu as une bonne connexion avec 1995. Comment les as-tu rencontrés?
Hologram Lo’ connaît une amie à moi, Zoe, je les ai rencontrés à LA quand il shootait un clip. Moi je travaillais avec Chuk Inglish à ce moment-là. On s’est rencontrés et on a accroché. Je ne savais pas du tout qui ils étaient et je pense qu’eux non plus ne savaient pas qui j’étais [rires]. On s’est connus en tant que personne pas en tant qu’artiste. Après quand je suis revenu à Paris, Zoe nous a remis en contact, on rodait ensemble et j’ai découvert leur monde. C’était vraiment une super expérience d’être à la fois fan de ce qu’ils faisaient et ami avec ces mecs.
Tu penses quoi du succès de Nekfeu?
C’est vraiment cool. Il le mérite. Je ne comprends pas ce qu’il dit mais sur le plan humain en tout cas, c’est un mec en or. Donc je suis heureux pour tout ce qui lui arrive. Toute leur équipe est géniale et si tu es quelqu’un de bien je ne peux te souhaiter que le meilleur.
Photo live : Damien Paillard
Portrait : Booxs