93 Days of Summer : Steven
Le 21 juin annonce le début de l’été, l’amorce de son rythme si caractéristique. Là, les compteurs repartent souvent à zéro, les projets prennent une pause ou, au contraire, un nouvel élan d’énergie accélère les choses. Plus loin des contraintes, pendant 93 jours, l’été ouvre son champs des possibles.
Sur cette période, @le_s2t, s’est donné la mission d’interroger 13 jeunes créatifs, sur leur passion, leur avenir et leur projet cet été.
Débrouillard par essence, Steven a des idées plein la tête et se donne les moyens pour qu’elles deviennent plus que de simples idées. Co-fondateur de la marque Applecore, qui bouscule la mode parisienne depuis plus d’un an, entre travail acharné et créativité, c’est la trajectoire atypique d’un jeune entrepreneur qu’il nous raconte.
T’as grandi où ?
Steven. J’suis originaire des Antilles, de la Martinique et j’ai grandi à Poitiers. J’ai fait mes années collège et lycée là-bas.
C’est comment Poitiers ?
Poitiers c’est un peu comme une ville de banlieue avec un coeur presque « parisien » au niveau de l’architecture. Concernant l’école, j’aimais pas ça, j’ai eu mon BAC mais en trichant, j’peux le dire maintenant [rires, ndlr]. Un poto m’avait passé une clé usb et dedans il y avait tous les sujets de ma matière principale, coefficient 9, et le sujet était propre à mon lycée. J’ai charbonné et je l’ai eu ahah! Je voulais mon BAC et je l’ai eu. Je savais déjà ce que je voulais faire et j’avais pas besoin du BAC. L’obtention du BAC pour ma part ça à été plus pour rassurer la famille qu’autre chose, dans ce que j’avais prévu j’en n’avais pas besoin. Et je n’en ai toujours pas eu besoin ahah!
Tu voulais faire quoi ?
Je suis d’une famille d’ouvrier et le travail avec les mains était quelque chose de très commun. Quand j’étais petit aux Antilles, tous les matins j’allais aider « Jean » un deuxième père pour moi, qui lui, était sculpteur de bois. Puis un jour j’ai été marqué par un film dans lequel Morgan Freeman incarnait un personnage dont le métier était ébéniste. Du coup le premier métier que je voulais faire était ébéniste.
En grandissant, j’ai pensé à travailler dans la musique, et puis je voulais être architecte, je voulais être designer, je voulais travailler dans l’humanitaire. Mais c’était que des envies.
On m’a envoyé voir la conseillère d’orientation, je lui ai dit que je ne savais pas ce que je voulais faire et je lui ai fait part de mes envies. Elle s’est mise à bégayer et elle a rigolé. A partir de ce moment là j’ai compris que j’avais pas ma place ici. L’éducation nationale est vraiment nulle. En province c’est pas comme à Paris, t’as moins d’opportunités pour faire des rencontres ou pour t’ouvrir à d’autres choses. Là-bas on t’oriente toujours vers les mêmes métiers.
Au final à 17 ans je suis parti de chez moi, j’ai fait un prêt étudiant, intégré une école d’architecture, et fait un an dans cette école. Ensuite j’ai changé pour une école un peu plus « moderne », dans le graphisme. A la fin de cette année j’ai décroché un stage sur Paris dans l’agence BlackRainbow et c’est comme ça que je me suis installé ici.
“Je veux mettre à l’abris ma famille, pouvoir partir vacances au bled quand je veux. Ce sont des choses simples mais c’est ce que me motive. Ma politique c’est que je ne partirais pas en vacances, tant que ma darone ne partira pas.”
Et ensuite qu’est ce qui s’est passé ?
Ensuite j’ai fait quelques projets persos. J’avais lancé des facemasks en m’inspirant de la culture japonaise. C’était un projet engagé, il y avait marqué jeunesse à l’intérieur, le message c’était pour dire qu’on ne donne pas la parole aux jeunes, j’ai fait 30 exemplaires et contre toute attente ça s’est vendu direct, c’était cool j’ai eu de bons retours. C’était pas pour faire de l’argent mais c’était cool.
Puis en juin 2015, Applecore est né. Avec mon associé Moriba-Maurice Koné, on a commencé à en parler début 2015, on a taffé le concept, l’histoire qu’on voulait raconter, mais j’étais encore à l’école et loin de moi l’idée de lancer une marque. Tout s’est fait organiquement. Applecore est une marque contemporaine, fonctionnelle et masculine avec des accents streetwear. C’est une marque fédératrice et multiculturelle. Notre association a étonné pas mal de monde, mais aujourd’hui tout ça a bien avancé, avec beaucoup de presse comme Vogue, I-D voir Antidote. Aujourd’hui nous sommes une équipe de 5 et tout se passe bien. On fait beaucoup de travail de fond afin de structurer l’entreprise. Nous allons doucement mais surement. Applecore n’est pas une marque de passage.
Est-ce qu’il y a des gens, des choses qui t’inspirent ?
Ouais il y a pleins de gens et de choses qui m’inspirent. Je suis quelqu’un de très curieux et engagé et je m’intéresse à pleins de choses. Je suis fan d’histoire principalement l’histoire sur l’esclavagisme, comme mon père. Le design, le cinéma aussi. L’humanitaire ça m’intéresse, ce qu’a fait Jérôme Jarre récemment c’est une grosse inspiration.
La musique aussi, depuis pas mal de temps je partage beaucoup d’heures dans le milieu de la musique avec le groupe ETMG. Dans mon processus de création j’aime bien mettre en parallèle la musique avec la mode ou le design. Je suis entouré de plein de personnes talentueuses qui font du son et qui sont très inspirantes.
Sinon, des gens comme Nelson Mandela, Mohamed Ali, Martin Luther King, Steve Jobs, Elon Musk.. sont des inspirations depuis toujours.
Après, quelque chose de plus actuel, j’ai beaucoup de respect pour un mec comme Mouloud Achour et son équipe. Les seules fois que j’allume ma télé c’est pour le Gros journal, rien d’autre. Ce qu’il fait ça me parle vraiment. C’est un média pour une France ouverte d’esprit, ma France.
T’as dit que t’étais quelqu’un d’assez engagé, comment est-ce que tu le retranscris dans ton travail ?
Un exemple avec Applecore, notre dernier projet sur notre « Nouvelle France ». C’est un projet qui fait suite aux tensions sociales en France, on avait un désir d’explorer et de fausser l’idée de nation. On a fait appel à la jeunesse de Paris, de la banlieue et de la province. Tu peux retrouver ça sur notre site : applecoreweb.com.
T’as quel âge ?
23 ans.
“Nouvelle France c’est un projet qui fait suite aux tensions sociales en France, on avait un désir d’explorer et de fausser l’idée de nation. On a fait appel à la jeunesse de Paris, de la banlieue et de la province.”
Pour entreprendre à cet âge là, il faut apprendre plus vite que les autres ?
Je sais pas si il faut apprendre plus vite que les autres, chacun va à son rythme. Le plus important c’est d’être déterminé et être un bosseur, il n’y a que ça qui paye. Mais il ne faut pas se perdre et savoir où tu vas. Regarde, en 2015 j’ai investi dans une voiture pour faire Heetch. Du coup je travaillais sur Applecore la journée, et la nuit je faisais le taxi dans Paris. Je ne dis pas ça pour me plaindre, car je l’ai voulu tout ça. En vrai, ce qui peut être perçu de l’extérieur comme des sacrifices, ça n’en est pas en réalité. T’en as besoin pour avancer, donc tu le fais, c’est tout. En ce qui concerne la création je pense qu’il faut bien se connaître avant d’entamer un projet, afin de rester vrai.
Pour ma part, j’suis motivé donc voila. Je veux mettre à l’abris ma famille, pouvoir partir vacances au bled quand je veux. Ce sont des choses simples mais c’est ce que me motive.
D’ailleurs c’est quoi les prochaines étapes pour toi et Applecore ?
Déjà pour la marque, on a bossé pas mal ces 6 derniers mois, de l’extérieur on pourrait croire qu’on était calme mais on a vraiment fait un travail de fond, il y a du lourd qui arrive. On va montrer ce qu’on sait faire et qu’on est un marque importante à Paris.
Sinon personnellement, ce sera de continuer à kiffer, faire de l’oseille et d’arriver à mener mes projets persos à bien.
Tu vas faire quoi cet été ?
Je vais charbonner et descendre passer du temps en famille. Ma politique c’est que je ne partirais pas en vacances, tant que ma darone ne partira pas. C’est ça aussi qui est bien avec l’été, je peux me ressourcer pour entamer une nouvelle année de la bonne manière.
IG: @stevenalxs
applecoreweb.com
stevenalexis.com