BAPE raconté par cinq acteurs franciliens du streetwear
Le 15 février 2014, Bape libérait ses quartiers londoniens et laissait ainsi l’Europe orpheline d’une des principales institutions du streetwear mondial. Un peu plus de trois ans plus tard, voici que la maison nipponne se décide à regagner l’Occident, au plus près de nous autres franciliens, avec une première adresse dans notre capitale. Fini les heures passées à scruter les profondeurs du net à la recherche de pièces à l’authenticité douteuse. Assez de se ruiner en frais de ports et de douanes. Plus besoin de traverser le globe pour mettre la main sur un Shark hoodie. Josman, Ugly Mely, Pedro Winter, Jérémy Goaziou et Francky B. en savent quelque chose. S’ils l’ont pour la plupart portée, tous ont assurément observé l’ascension et l’influence de la marque fondée par Nigo en 1993. Ils la racontent pour YARD.
Francky B., manager de l’évènement Sneakerness
« Si on repart quelques années en arrière, c’est vrai que BAPE était vraiment la première marque qui est venu se distinguer dans la culture streetwear. Ne serait-ce que par ses racines japonaises, la marque a apporté quelque chose de nouveau, parce qu’on avait plus tendance à associer le streetwear aux États-Unis. Quand Nigo était à la tête de la marque, il y avait un côté super urbain, avec le camouflage et toutes sortes de choses jamais vues, jamais faites. Puis après, ce sont surtout les ambassadeurs de la marque dans la musique ou le sport, qui étaient en eux-mêmes street, qui ont fait de BAPE une référence du prêt-à-porter streetwear. »
Un BAPE à Paris ? « On est content, parce que ça prouve une fois de plus que la scène parisienne streetwear est en pleine effervescence. C’est cool, on a vu d’autres marques arriver il y a quelques années, BAPE suit dans la foulée, donc il y a une certaine joie. Mais d’un autre côté, pour ma génération qui a entre 30 et 40 piges, il y a une certaine frustration, parce qu’on aurait tellement aimé voir BAPE arriver à Paris plus tôt histoire de moins galérer à se procurer leurs produits. [rires] Il y avait une époque où on était plus fervents dans notre consommation. On consomme toujours, mais différemment. Ça reste une très bonne chose, ça nous remet une fois de plus sur la scène internationale de la culture street. Maintenant on attend de voir ce que ça va donner, qui vont être les consommateurs et que vont-ils en penser. »
Son histoire avec BAPE : « Ça doit être la réponse de pas mal de gens, mais évidemment que le shark hoodie, pièce iconique et intemporelle de la marque, a été le premier item sur lequel j’ai pu mettre la main. C’était grâce à eBay à l’époque, parce que c’était véritablement la seule plateforme dans le début des années 2000 qui nous permettait de se procurer du BAPE avec une certaine tranquillité au niveau de l’authenticité des produits. Autrement, ma première expérience shopping BAPE, c’est New York, parce que je me suis rendu au Japon il n’y a que quelques années. Et c’est vrai que la boutique BAPE était ma première destination dès que je posais le pied aux États-Unis. À l’époque, j’étais très fan de sneakers, donc je consommais plus de Bapesta que de textile, mais BAPE a aussi cette envergure qui fait qu’il y a toujours des accessoires fun et ludiques. Aujourd’hui, c’est plus sur ça que je suis focus d’ailleurs, parce que c’est plus facile à consommer. À 35 ans, je ne me vois pas forcément porter du camo de la tête aux pieds comme quand j’en avais 25. Mais ça reste une marque que j’affectionne particulièrement parce qu’elle a une histoire, et qu’elle a contribué fortement à la culture. »
Pedro Winter, artiste et
co-fondateur de Club 75
« La rareté, l’originalité et la vision de Nigo, sont certains des facteurs qui mettent BAPE au niveau des autres marques emblématiques de ces 20 dernières années comme Supreme et Stüssy. Ces marques sont les bases sur lesquelles se fonde la street culture actuelle. La magie du ‘démarrer de rien pour arriver à un empire’ donne aussi un aspect particulier à BAPE. C’est une marque qui fait fantasmer. »
Un BAPE à Paris ? « C’est assez logique, Paris est la ville du luxe, toutes les grandes marques sont rue Saint Honoré ou sur les Champs. Le street wear révolutionne, renverse les codes et influence ces marques. Il est normal que BAPE profite de cette énergie aussi. »
Son histoire avec BAPE : « Fan des Beastie Boys et de Mo’Wax, j’ai découvert l’univers Bape via la musique finalement. Mike D et James Lavelle portaient ce tee-shirt avec cette tête de singe emblématique. Je crois que j’ai dû acheter mon premier tee-shirt Bape chez colette en 1997. [Il sourit] Puis j’ai eu la chance de rencontrer Nigo, Matt et Sk8thing à Tokyo lors d’un voyage avec Daft Punk en 2000. Quatre ans plus tard, on a sorti une collab dont je suis assez fier : BAPE x DAFT PUNK, éditée à 100 paires. C’était aussi l’époque où Pharrell passait pas mal de temps à Tokyo. Il était le visage de la marque, et c’est grâce à lui qu’elle a pu prendre un tel envol aux USA. »
Ugly Mely, blogueuse
« Bape a contribué depuis les années 90 au développement de la street culture, tant par son créateur Nigo que par les célébrités précurseurs sur la mode lifestyle comme N*E*R*D, Verbal ou encore Kanye West, qui ont été les premiers à porter fièrement les t-shirts de la marque. Sans parler des différentes collabs avec Medicom Toy, Adidas, Puma ou encore Reebok. Je conseille le livre A Bathing Ape (2008) pour en savoir plus sur la marque et l’étendue des collaboration qui sont sorties. »
Un BAPE à Paris ? « Quand je vois ce genre de marques s’installer ici, je me dis qu’on est quand même bien loti à Paris, et que nous n’avons plus rien à envier aux autres villes comme New York, Londres ou Tokyo. Je me souviens avoir passé du temps à chopper du Bape sur eBay ou devoir partir à NYC pour trouver ce que je voulais. Aujourd’hui, nous avons de belles boutiques et une très belle sélection sneakers et clothes à Paris. L’arrivée de Sneakersnstuff, Size? ou encore Supreme est venue compléter l’offre proposée par des shops indépendants comme Shinzo, Opium ou Colette. Hâte de découvrir la boutique et la sélection ! »
Son histoire avec BAPE : « Je suis #TeamCamo : j’ai une grande histoire d’amour avec Bape et le camouflage. Ça commence par mon fond d’écran jusqu’à ma coque d’iPhone, plus une dizaine de sneakers ou encore quelques Bearbricks et sacs qui trônent à la maison. Mon premier item était un t-shirt Baby Milo que j’avais acheté lors de mon premier voyage à New York en 2007 avec ma soeur. »
Jérémy Goaziou, responsable éditorial de Sneakers Addict™
« Je pense que BAPE a été la première marque – avec Supreme – à avoir cette culture de l’ultra-limité. Ça a fait partie des stratégies de Nigo, dès le départ. Il s’est vite rendu compte qu’en ayant un seul point de vente avec des produits limités, ça générait de la frustration, donc de l’envie et c’est ce qui lui permettait de générer des ventes. Dans cette stratégie marketing du streetwear, BAPE ont été parmi les premiers à appliquer la recette qu’on connaît aujourd’hui, que tout le monde reprend aujourd’hui, même Vuitton ou n’importe qui. Nigo a été un pionnier dans ce domaine-là. »
Un BAPE à Paris ? « Je pense que la boucle est bouclée. Tu as un japonais, qui s’inspire de la culture américaine pour faire du streetwear qui aujourd’hui arrive à Paris avec des kids qui se l’arrachent. On est global. C’est une culture qui était marginale et qui aujourd’hui est en train de devenir petit à petit la culture principale. C’est assez marquant de les voir arriver à Paris aujourd’hui. »
Son histoire avec BAPE : « Pour être transparent, au début des années 2000, quand j’ai commencé à découvrir la marque à travers Pharrell ou Lil Wayne, je n’étais pas forcément fan. C’était un peu trop coloré pour moi, à l’époque j’étais plus en Lacoste-Requins. [rires] J’ai commencé à m’y intéresser réellement vers 2011, au moment où Nigo a revendu la marque, bizarrement. Là, ils ont commencé à faire des pièces un peu plus sobres, des designs plus simplistes, moins colorés, c’était propre. Il y avait aussi une qualité de production qui était assez au-dessus de ce qui pouvait se faire ailleurs, donc j’ai bien kiffé. »
Josman – artiste
« BAPE a eu une influence importante dans ce tout qui mélangeait le hip-hop et la culture streetwear, c’est une marque à forte identité urbaine. Les collections en quantité limitée, le fait de voir les acteurs du mouvement hip-hop porter la marque dans leurs apparitions… Ça a fait de chaque vêtements un must-have, une pièce phare, et donc de collection. Je pense que c’est ce qui donne à BAPE ce côté si prestigieux. »
Un BAPE à Paris ? « Il n’y a pas de store partout dans le monde, c’est une marque rare, du coup les français peuvent se sentir privilégiés. J’espère que la marque gardera sa valeur ici, ça va faire un peu bouger Paris ! »
Son histoire avec BAPE : « J’ai découvert BAPE via la musique et la culture hip-hop, la marque s’était implantée dans le milieu grâce à Pharrell et beaucoup d’autres gens influents. Moi j’avais treize ou quatorze ans à l’époque. Mais au début, tu connais : c’est cher, puis tu ne sais pas trop où en trouver. En seconde, j’ai fini par mettre la main sur un Full Zip Baby Milo rouge. Je devais avoir seize ans, je m’étais ruiné là-dessus, mais je tenais ma première pièce de BAPE. Ensuite j’ai chopé des sneakers Bapesta et à partir de là, je suis un peu tombé dedans. »