Shadia, dans l’industrie des modèles plus-size

En une dizaine d’année, la place du plus-size a considérablement évolué dans l’industrie de la mode. De la haute couture au prêt-à-porter, en passant par les couvertures de magazines et les campagnes de marques, le choix d’un modèle plus-size chez les femmes ne fait plus l’évènement, il se normalise. Ajoutez à ça Internet, qui diffuse des images d’une incroyable diversité et met en lumière des personnalités aux morphologies variées. Mais tout n’est pas encore acquis et il reste encore du chemin à poursuivre. Notamment en France.

C’est dans ce contexte qu’on a rencontré Shadia. La franco-ghanéenne a fait le choix de poursuivre une carrière de mannequin de l’autre côté de l’Atlantique. Là les possibilités sont déjà plus nombreuses et l’emmènent même sur les podiums de la Fashion Week new-yorkaise pour présenter la collection de la marque de lingerie Addition Elle, d’Ashley Graham.

De passage à Paris, elle a accepté de prendre quelques poses pour nous et de nous donner son regard sur son métier et l’industrie qui la régit. Après la séance photo, sur le chemin menant au lieu de l’interview, elle se remémore son quartier parisien, nous parle de sa passion pour la cuisine, pour les jeux vidéos, la culture pop japonaise et de la fierté de pouvoir représenter ses origines sur les podiums, avant de finalement arriver et d’entrer dans le vif du sujet.

Photos : David Maurel
Assistant photo : Philippe Millet
Stylisme : Rachael Hoogkamer
MUA : Hannah Nathalie

Et finalement, qu’est-ce qui a motivé ton départ au Canada ?

Être mannequin n’a pas toujours été mon unique travail. En France j’enchaînais plusieurs CDD et missions d’intérim en plus du mannequinat. Ça n’était pas toujours facile de trouver du travail ! J’ai toujours eu de bons retours sur le Canada; qu’il est facile d’y trouver du travail ou encore un appart, contrairement à Paris. J’avais des amis qui vivaient à Montréal et qui me l’ont vendu comme personne! [rires, ndlr] 

Comme un eldorado ?

C’est ça, l’eldorado. Il y avait aussi beaucoup de reportages à l’époque sur le Canada et apparemment il y en a encore. On s’est dit avec mon copain qui est devenu mon mari : « Et pourquoi pas? Et si on y allait!« . On a mis notre appartement en vente et on est parti.

Ce n’est pas le mannequinat qui t’as mené vers le Canada alors ?

Le mannequinat aussi, bien sûr.  Tout a été pris en compte. Pour changer de travail, de routine, de mentalité. Découvrir une culture différente ! Et c’est aussi parce qu’il n’y avait pas encore d’engouement pour les mannequins grandes tailles en France. Il y avait quelques marques qui ciblaient plus la tranche d’âge 50 et plus, et rien pour les plus jeunes qui souhaitaient suivre les tendances. Je me suis dis que c’était maintenant ou jamais.  Donc je me suis plus focalisée sur ma carrière, en me disant qu’en même temps j’allais découvrir le marché canadien puis me rapprocher des États-Unis et que ça allait forcément m’ouvrir des portes. Même si je ne savais pas exactement à quoi m’attendre.

Quand j’ai commencé à voir qu’il y avait des personnes avec les mêmes attraits que moi qui réussissaient, je me suis dit « Wow, ça y est ça commence! Si c’est arrivé c’est que ça peut arriver encore« 

Quand tu es arrivée, qu’est-ce qui t’a le plus surprise ? Quelles étaient les différences les plus flagrantes avec la France ?

C’est plus New York qui m’a surprise niveau mode. Je l’étais un peu moins avec le Canada, car je m’attendais à voir beaucoup de marques pour les grandes tailles. Au début, j’ai retrouvé les mêmes problèmes qu’en France. Hormis les grandes chaînes de prêt-à-porter américaines telles que Forever 21 et H&M, j’ai tout de suite vu la différence de mentalité. Tu peux voir tous types de modèles, avec différentes tailles et morphologies, travailler pour plusieurs marques. Ça faisait du bien de voir plein de pubs avec des noirs, maghrébines, asiatiques, des albinos… Il y avait de tout. Ça m’a mis une claque!

Et qu’est-ce que tu penses de l’importance de la diversité dans ces représentations ?

C’est très important que tout le monde puisse se sentir représenté. Je pense qu’on a toujours eu besoin de modèles, indirectement ou non, quand on grandit et qu’on voit qu’on est – je ne sais pas – le seul à être noir et roux, ou la seule à avoir une touffe de cheveux comme moi. On veut toujours être dans la « normalité » qui nous a été imposé dans les médias. Le fameux diktat de la beauté… Ce n’est pas normal, mais c’était comme ça. Je trouve que ça change depuis quelques années heureusement! Pour ma part, quand j’ai commencé à voir qu’il y avait des personnes avec les mêmes attraits que moi qui réussissaient, je me suis dit « Wow, ça y est ça commence! Si c’est arrivé c’est que ça peut arriver encore. Moi aussi j’ai toutes mes chances. »

Tu penses que c’est important à tout âge ? J’ai l’impression que quand on en parle, on l’imagine surtout pour les petites filles, les petits garçons.

Je pense que oui, ça compte pour tous les âges. J’entends le même discours chez des adolescentes qui commencent à avoir un peu de hanche, qui prennent un peu de poids avec leurs corps qui sont en train de se développer, tout comme chez les femmes qui ont pris du poids après avoir eu des enfants ou d’autres qui ont extrêmement maigri suite à une opération. C’est toujours un repère à avoir pour toutes les tranches d’âges je trouve! Et cela ne concerne pas que les femmes d’ailleurs.

Est-ce que tu as eu ce genre de modèle ou est-ce que tu as eu un manque à ce niveau-là ?

Il y a eu un manque au début. Je n’ai pas toujours eu confiance en moi en étant plus jeune. Par exemple j’ai toujours été la plus grande en classe. On me prenait pour une surveillante ou, voire, pour une prof. Je ne comprenais pas pourquoi surtout avec ma babyface! [rires] Mais j’ai toujours été la plus grande donc plus impressionnante pour certaines personnes. Mes formes se sont développées assez tôt, on va dire vers 13/14ans. Je ne me sentais pas comme les autres et ça me complexait. J’ai la chance d’avoir eu ma famille qui m’a toujours rassurée sur le fait que c’était tout à fait normal et que j’étais loin d’être là seule! J’ai même un oncle qui me disait toujours que j’allais être mannequin plus tard. Ça me faisait rire à l’époque. Aussi, on trouve souvent des modèles à travers les stars: les actrices, les chanteuses, les belles femmes dans les clips qui nous ont marqués… À l’époque c’était fréquent de voir de belles femmes naturelles, qu’elles soient très fines ou avec quelques rondeurs, sans préciser d’étiquettes. Une des femmes qui m’a le plus marquée dans le cinéma était Monica Bellucci. Pulpeuse avec de très très belles courbes! 

Il n’y avait pas de noms particuliers, ou il n’y a pas un moment où tu t’es dis, « Ah ! cette personne me ressemble.« 

On m’a toujours comparé à Alicia Keys. [rires]

C’est ce qu’on s’est tous dit pendant le shooting.

Ah oui? Je pensais que ça c’était calmé depuis que j’ai arrêté de me faire tresser. J’en faisais énormément avant. Ce sera toujours un compliment pour moi, je l’ai toujours trouvé super jolie. Elle s’est toujours assumée avec son timbre de voix et ses belles courbes.

Quand tu vois des personnes avec la même morphologie que toi, qui savent se mettre en valeur, tu te dis « Ah ça, ça lui va bien donc ça devrait sûrement m’aller« 

Comment est-ce que tu t’es débrouillée pour construire ou renforcer cette confiance en toi ?

La confiance en soi, par exemple, tu la forges en créant ton propre style, tu te forges une assurance à travers tes propres goûts. En s’habillant, on veut toujours suivre une mode, surtout en étant plus jeune on «se cherche». Lorsque que tout le monde avait une veste bomber Schott avec le scratch [rires] ou encore des jeans taille basse, il nous le fallait tout de suite! Il y avait des tendances qui n’allaient pas forcément avec mes rondeurs donc ça créait de la frustration. C’était dur dans les cabines d’essayages. Il faut connaitre ses atouts et les mettre en valeur. Nous en avons tous! 

Donc il a fallu que toi tu comprennes ce qui t’allait et ce qui ne t’allait pas.

Oui, je pense qu’on s’inspire de ce qu’il y a autour de nous. Quand tu vois des personnes avec la même morphologie que toi, qui savent se mettre en valeur, tu te dis «Ah ça, ça lui va bien donc ça devrait sûrement m’aller». Aussi, du fait que j’ai toujours été très grande, tout était trop court pour la longueur de mes jambes. Je me suis vite tournée vers les États-Unis où je trouvais facilement des jeans hyper longs, des matières plus souples. Après c’est vrai que je suis soit souvent en tenue décontractée, voire dans un style assez sportif comme je prends beaucoup l’avion, soit en tenue plus classe et sexy mais toujours dans des matières agréables et moulantes. Je trouve toujours le moyen d’additionner style et confort.

Et ça nous ramène à ce qu’on disait tout à l’heure sur l’industrie du textile, du prêt-à-porter, et au fait qu’ils ne s’adaptent pas du tout, tandis qu’aux Etats-Unis, il y a une offre plus diversifiée.

Depuis 2015/2016, il y a eu une explosion du marché «plus-size». J’ai croisé énormément de personnes qui ont décidé de créer leur propre marque. Beaucoup spécialisés en grande taille mais aussi des marques visant toutes les morphologies.

D’ailleurs il faut qu’on parle du terme « plus ».

Oui c’est assez flou maintenant. Au début de ma carrière ça commençait à la taille 10 donc 38. Après c’est sûr que ça dépendait de plusieurs critères, si tu fais 1m85 en faisant du 38 tu n’as pas forcément de rondeurs alors que si tu fais 1m60 là ça change tout. Ça a toujours été tiré pas les cheveux de savoir à quelle taille commence réellement la mannequin plus-sizePuis c’est en voyageant que je me suis rendue compte que les tailles diffèrent selon les pays. Ici je mets du XL chez Zara, mon legging va être serré. Et chez d’autres détaillants aux États-Unis c’est limite trop grand.

Pour la lingerie, par exemple, si tu dépasses le bonnet C tu ne trouves rien de très sexy. Toujours très banal et démodé…Il n’y a rien, on dirait qu’on n’a pas le droit d’être sexy!

Par contre ce que je ne comprends pas c’est qu’en connaissant la moyenne de taille en France, il y a quelque chose qui ne s’accorde pas.

Ça ne s’accorde pas réellement à la moyenne.

Qu’est-ce qu’il manque pour qu’il y ait le déclic de leur côté, une réalisation du fait qu’il y a un marché à exploiter, sans trop de risques.

Je pense qu’il manque de créateurs qui prennent des risques en tentant quelque chose de différent. Beaucoup préfèrent prendre exemple sur des marques qui ne font pas assez de tailles adaptées à tous. Même sans parler de grandes tailles, cela peut être un problème pour une personne très mince et très grande ou à l’inverse assez petite et ronde. Je pense que c’est important de proposer une gamme élargie qui prend en compte tous les types de silhouettes. Maintenant, si un jour j’en ai l’occasion, j’essaierai de créer quelque chose dans cette idée-là. Ça a toujours trotté dans un coin de ma tête. Pour la lingerie, par exemple, si tu dépasses le bonnet C tu ne trouves rien de très sexy. Toujours très banal et démodé…Il n’y a rien, on dirait qu’on n’a pas le droit d’être sexy! J’ai une amie qui fait du E et qui était toujours déçue et désespérée lorsqu’on faisait du shopping de lingerie en France.

Est-ce qu’Internet a changé quelque chose dans ta vision du prêt-à-porter ?

Oui j’ai eu une période où j’achetais presque tout sur Internet. J’ai eu des déceptions au niveau de la texture des vêtements donc je me suis calmée. Mais une fois que tu trouves le site où tout te va tu ne le lâches plus. Ça a d’ailleurs pas mal pris la relève et même entrainé la fermeture de certains magasins. Maintenant nous avons accès à plus de choix, de tailles et de matières différentes. Tu peux commander dans le monde entier, c’est facile et rapide. Nous sommes dans une bonne ère pour ça.

Et ça joue aussi dans la variété des mannequins qu’on peut trouver. Prenons l’exemple d’Instagram, où on trouve de toutes les morphologies, de toutes les ethnies… Est-ce que ça a changé quelque chose dans l’industrie ? Quel rôle ça a joué là-dedans ?

Oui Internet en général. Dans mon domaine ça a tout bousculé. Mais j’ai l’impression que c’est le cas dans tous les domaines. Il y a beaucoup plus de visibilité, donc plus de repérage de personnes, de nouvelles tendances. Que ce soit dans la mode, dans la musique ou même dans la comédie. Chacun tente sa chance et ce n’est pas forcément le plus talentueux mis en avant mais celui qui a le plus de visibilité. C’est plus difficile d’avoir un contenu avec de la qualité maintenant…

Vu que tout ça s’est globalisé, c’est quoi la définition de plus-size aujourd’hui ? Est-ce qu’elle est pertinente ? Est-ce qu’elle ne l’est pas ? Qu’est-ce que ça veut dire en fait ?

Plus-size, grande taille, oui c’est pertinent. Quand on me demande quel est mon métier, je réponds que je suis mannequin. Souvent les réactions sont; «Ah! Ah oui mannequin? Mannequin de? C’est à dire?» Comme si j’allais répondre «des mains» Bah non «je suis mannequin, mannequin tout court!». Après je vais préciser plus-size si j’ai une personne en face de moi vraiment confuse. Parce qu’il y en a qui ne sont toujours pas au courant que ça existe [rires]. Il y a aussi beaucoup de regards jugeurs. D’autres modèles me disent qu’elles vivent la même situation. C’est ridicule, que tu sois mannequin mince ou ronde, il y a des standards à respecter. Nous devons avoir une bonne hygiène de vie, toujours être clean et prête à travailler, c’est à dire conserver un bon teint, se maintenir en forme et ne pas perdre ou gagner trop de poids. Si tu as été signée en agence c’est pour ce que tu es donc si tu changes drastiquement tu prends de gros risques. Il m’est arrivé, en France, que l’on me demande de prendre du poids, 8kg pour être exacte, «pour que je sois une vraie plus-size». C’était pour le concours de Miss Ronde… il y a plus de 7 ans maintenant. Ce concours ne m’a jamais fait rêver de toute façon! [rires]  Si on ne m’accepte pas tel que je suis, je passe!

Du coup, tout en partant d’une démarche inclusive, les mannequins plus-size sont aussi soumises à des critères de tailles.

Oui la plupart du temps les marques vont rechercher une modèle qui fait du 44 ou 46. C’est simple, lors des essayages, si les vêtements te vont bien tu auras toutes tes chances. Si ça baille sur les fesses, que tu as trop de ventre par exemple ou que ça ne te va pas du tout selon eux, tu ne seras pas prise. Il y a aussi des critères de beauté mais ça varie selon les goûts de chacun et selon la clientèle visée.

Si on ne m’accepte pas tel que je suis, je passe!

C’est ce qu’il se passe en France, ou c’est le cas partout ?

Je pense que c’est partout comme ça. En tout cas en France, au Canada et aux État-Unis, là où je travaille beaucoup, c’est ce que j’ai pu constater.

Ça me ramène à quelque chose qui s’éloigne un peu du sujet, mais qui y touche quand même, encore une fois par rapport à Instagram. Ce n’est pas la même chose parce qu’on va plus parler de chirurgie et de ce modèle qui existe, curvy, avec une taille hyper-cintrée, un ventre hyper plat, qui n’est pas forcément réaliste… Ça a quelle place dans le mannequinat ?

C’est un fléau.

Mais ça a un impact tu crois ?

Ça a un réel impact. On va sûrement me dire que ça a toujours existé, avec celles qui se refaisaient la poitrine pour ressembler à Pamela Anderson. Mais non, je trouve que cela va trop loin! Ça reflète un mal être, une société qui pousse à te sentir mal dans ta peau car tu n’as pas assez de lèvres ou de fesses. Vouloir ressembler à une Barbie… je trouve que ça se voit tout de suite, c’est flagrant. Et ce ne sera jamais plus beau qu’un beau corps naturel. Pour moi c’est un fléau. Maintenant les filles à 15 ans se font tout refaire alors que leurs corps ne sont même pas encore développés. Elles n’ont pas le temps d’apprendre à s’aimer, s’accepter telles qu’elles sont. Après chacun à ses raisons et chacun fait ce qu’il veut de son corps, mais je ne dirais pas à l’une de mes soeurs «Ah mais oui si tu n’es pas bien, vas-y refait toi la bouche et les seins » à 16 ans ou même à 26 ans! Je pense encore une fois qu‘il faut communiquer avec ses proches et se poser les bonnes questions sans suivre les autres aveuglément. Il y aura forcément des regrets après de telles décisions. 

Parlons du futur. Est-ce que tu penses que les mentalités vont évoluer, ça te paraît utopiste ou c’est encore réalisable ?

Ça parait réaliste oui parce qu’il y a toujours une rotation des tendances. À l’époque de Marilyn Monroe c’était les courbes ensuite c’était les mannequins très fines avec Kate Moss, Naomi Campbell… En ce moment c’est plus de rondeurs au niveau des fesses et de la poitrine mais tout en étant mince. Ça évolue petit à petit! On avance! Je trouve que le monde de la musique influence beaucoup la mode. Il y a eu Jlo puis Beyoncé, Nicky Minaj… Tout le monde veut avoir des fesses comme leur idole.

À l’époque de Kate Moss, tu avais aussi des clips avec des vixens hyper pulpeuses.

Oui c’est vrai mais pas ronde quoi. J’ai grandi en voyant des clips où il y avait tout type de femmes. Certaines avaient des petites formes à l’époque des clips comme dans «Big Pimpin» de Jay-Z par exemple.

Il y avait de tout au final.

C’est ça. Chaque fille était mise en avant, en étant très minces, athlétiques ou encore pulpeuses. C’était beau à voir. Maintenant ce n’est plus vraiment le cas…

Souvent les réactions sont: « Ah! Ah oui mannequin? Mannequin de? C’est à dire? » Comme si j’allais répondre « des mains »

Est-ce que le fait d’être un modèle plus-size, ça ferme aussi des portes dans ton métier ? Peut-être certaines marques ? Après, du défilé, tu en fais. 

Ça ferme des portes lorsque les marques ne veulent pas avoir de modèles plus-size, mais il y en a d’autres qui s’ouvrent heureusement. J’ai vraiment été heureuse de défiler à la Fashion Week de New York pour Addition Elle. De voir pleins de belles femmes en formes, mais de tailles différentes. C’était vraiment fou parce que je n’avais jamais vu ça auparavant. [rires] J’ai toujours rêvé de voir ça en France en fait. Pour moi, c’est ce qu’il manque.

J’essaie de me souvenir d’un défilé haute couture qui aurait engagé des mannequins plus-size

Je sais qu’il y avait Jean-Paul Gauthier qui avait fait défiler Crystal Renn, modèle de Miami. On a l’impression qu’on est sur une bonne lancée en ce moment donc croisons les doigts!

Donc ça reste positif, dans le sens où il y a des avancées ?

Oui, partout ça avance, donc à un moment la France va aussi se rendre compte qu’il faut y aller. Qu’il ne faut pas hésiter.

Quel conseil tu donnerais à une jeune fille qui veut se lancer dans le mannequinat ?

Le conseil c’est de démarcher à fond. Moi je cherchais vraiment tous les petits castings au début. C’est important de pratiquer puis de rencontrer du monde. Tu vas finir par croiser un photographe, styliste ou maquilleur qui aura besoin de telle personne pour tel projet. Puis lorsqu’elle se sentira prête d’aller contacter des agences.

Toi, tu travailles avec une agence ?

À Paris j’étais avec l’agence PLUS, qui faisait partie de « Contrebande ». Ça a peut-être changé. Au Canada, je suis avec Next Canada. Quand je suis arrivée au Canada, j’ai visité toutes les agences, et l’important c’est le feeling. Il faut poser toutes les questions en lien avec le métier et savoir comment ça se passe. Voir si on est à l’aise avec les clauses. Donc oui il faut bien se renseigner. Je trouve que c’est un milieu où il faut avoir la tête sur les épaules, quitte à y aller avec un parent en commençant. Mais il faut démarcher, il faut contacter les gens, il faut s’ouvrir et il y a des opportunités qui viendront à toi. Il faut montrer qu’on est là, qu’on existe. Surtout ici, s’il en manque, il faut aller taper aux portes.

 Il m’est arrivé, en France, que l’on me demande de prendre du poids, 8kg pour être exacte, «pour que je sois une vraie plus-size»

Et quel conseil tu aurais aimé recevoir toi ?

En étant plus jeune ? Ce sont les conseils que j’ai reçu peut-être trop tard sur l’acceptation de soi en fait. Ne pas suivre forcément ce qui se dit dans les médias. C’est ce que je dis toujours à mes proches ainsi qu’à mes petites soeurs. On ne doit pas se sentir mal parce qu’on a une poignée d’amour. Il n’y a rien de grave là-dedans, bien au contraire. Toutes les choses pour lesquelles on complexe en étant plus jeune deviennent souvent un atout par la suite. Il y aura toujours des hommes et des femmes qui aiment ça et qui juste n’osaient pas te le dire. J’ai été surprise, très surprise. [rires] En étant complexée pendant longtemps et au final apprendre que mon crush de l’époque n’osait pas m’aborder. Il n’y avait aucune raison de se renfermer sur ce genre de complexes.

Je veux vraiment apprendre à tout cerner – même si on ne peut jamais vraiment tout cerner – pour pouvoir peut-être, oui, faire quelque chose de pertinent par la suite

C’était une perte de temps.

C’est frustrant. Et forcément tu te renfermes car tu ne vois que des aspects négatifs en toi. Alors que si tu t’acceptes, que tu assumes ta personnalité et le corps dans lequel tu es, tu seras radieuse et les gens te percevront différemment. C’est très important.

Dans le mouvement plus-size, est-ce que c’est tu es activiste, est-ce que tu portes cette parole à d’autres personnes, ou est-ce que c’est quelque chose que tu fais plutôt via ton travail ?

Pour l’instant, c’est plus indirectement par mon travail, en travaillant avec de nouvelles marques. Je veux vraiment apprendre à tout cerner – même si on ne peut jamais vraiment tout cerner – pour pouvoir peut-être oui faire quelque chose de pertinent par la suite.

 

C’est quoi l’avenir pour toi ?

Dans l’immédiat, je suis très axée sur New York. J’ai un contrat là-bas, et il y a énormément de travail et j’en apprends beaucoup. Je travaille aussi beaucoup au Canada, mais je me renseigne sur l’Europe, pour pouvoir me rapprocher plus tard.

Il y a ville plus en avance qu’une autre en Europe ?

J’entends beaucoup parler de Londres. Ça avance pas mal en ce moment. Je vois beaucoup de modèles qui viennent de Londres, ou qui y vont. On m’a aussi parlé de l’Allemagne, de l’Espagne et l’Italie. Je n’en sais pas encore assez, mais je me renseigne sur le sujet.

La France est loin derrière ?

Franchement oui. Selon ce que j’entends de mes amies blogueuses et travaillant dans ce domaine ça n’a pas vraiment bougé depuis. Je ne sens pas vraiment de réelles avancées. Mais j’espère que ça va changer, parce qu’on a de très belles femmes en France, on a aussi de très beaux métissages avec les pays d’Europe, les îles françaises d’outre-mer et de l’Afrique. On a Paris, la capitale de la mode avec de bons produits et du textile de qualité. Nous avons tout pour réussir.

 

Vous pouvez retrouver Shadia sur Instagram (@shadia_model) et sur Facebook.

 

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