Mahalia, phénomène d’hier et d’aujourd’hui
Avec la sortie du titre « Sober », Malahia a ajouté son nom à la liste phénoménal des nouveaux talents UK. Quelques heures avant son premier concert parisien, au Pop-Up, nous avons rencontré la pétillante anglaise pour retracer son parcours dans la musique, elle qui y baigne depuis ses 12 ans.
Photos : @alextrescool
Ce soir-là, la petite salle du Pop-Up à Paris est pleine à craquer. Le public attend dans une chaleur déjà étouffante pour enfin voir de face celle qu’ils ont sûrement découvert au détour d’une playlist de vidéos “COLORS”. Sur scène, Mahalia délivre une interprétation impeccable de ses titres, qu’elle entrecoupe d’interventions où elle se rappelle des situations qui ont donné naissance à ses couplets. Seulement deux jours avant son concert, on rencontrait l’artiste de Leicester qui nous parlait déjà de son rapport à la scène : “J’aime être sur scène. Je n’ai pas l’impression que c’est ‘eux’ et moi. J’ai l’impression que dans cette salle c’est ‘nous’, on est tous là ensemble. Je leur parle, ils rient et ils me répondent et c’est ce qui donne de la vie à tous ça.” Et quand sur “Back-Up Plan”, le public entonne avec elle le refrain – “They have nothing on me, soon I’ll be on TV…” –, on sent bien que le lien est établi.
De l’affluence pour son premier concert parisien, aux 8 millions de vues auquel culmine le titre “Sober”, on comprend l’engouement autour de Mahalia qui, après une période de doute, est finalement décidée à faire de 2018 son année. Il y a encore un an, Mahalia quittait Londres pour retourner à Leicester. “Je vivais seul à Leicester, j’avais un copain et c’était ma façon de remplir quelque chose. Ce que j’ai ressenti quand j’étais à Londres, le sentiment d’être perdu. J’ai donc pris un copain, un chat et j’ai emménagé dans une maison. J’ai pensé que je me sentirais bien à nouveau. C’était bien pendant six mois et puis plus du tout. Parce que c’était trop confortable. J’étais trop stable. C’était trop facile. Et le truc avec la musique, c’est que j’écris quand je suis vulnérable.” Pensant s’être retrouvé, elle s’est à nouveau perdue. Jusqu’à ce qu’un signe la remette dans la bonne direction. “Quand ‘Sober’ est sorti, c’était un peu comme un coup de poing dans la figure, comme quelqu’un qui me disait : ‘Voilà ton opportunité. Prends-là.’”
À seulement 19 ans, Mahalia n’est pas novice dans la musique. C’est à 13 ans qu’elle signe sur le label Asylum Records d’Atlantic. Le fruit accidentel d’une course-poursuite avec son idole de l’époque, Ed Sheeran. “J’ai commencé à écrire à 12 ans, parce que j’avais un crush sur un garçon et la musique était pour moi la façon d’extérioriser ces émotions. Il y avait cette émission qui s’appelait ‘It Must Be Music’ et j’avais dis à ma mère que je voulais y participer l’année suivante. Mais l’année qui suivait, le show a été annulé. Et ma mère m’a demandé : ‘Qu’est-ce que tu veux faire ?’, et je lui ai dis que je voulais rencontrer Ed Sheeran. Et c’est là que ça a commencé. ‘Je vais faire en sorte que ça arrive’, m’a dit ma mère. À l’époque, Ed Sheeran n’était pas aussi énorme qu’aujourd’hui. Il avait tellement d’influence dans ce que j’écrivais, que je voulais le rencontrer, lui serrer la main. Je voulais lui dire que je le trouvais génial.” Mahalia et sa mère suivent alors l’artiste sur ses dates anglaises, tentent de rentrer en coulisses.
Dans leur quête un peu folle, elle rencontre plusieurs personnes : des personnalités de la musique, des musiciens, des auteurs, des RP… Jusqu’à tomber sur Amy Wedge, parolière, qui travaille notamment avec Ed Sheeran. Avec elle, Mahalia fait quelques sessions d’écriture qui semble convaincre Amy, puisque quelques jours plus tard, celles-ci se retrouvent à Birmingham dans les coulisses d’un concert avec le chanteur. “Tout ça après une année entière. Donc à l’époque j’avais 13 ans. Elle m’a emmené à un concert un peu en dehors de Birmingham. J’y suis allé et à la fin elle m’a dit ‘allons-y’. On est donc monté et je n’avais aucune idée de ce qui se trouvait dans cette pièce et il était là.” Alors qu’elle rêvait ce moment depuis plusieurs mois, la jeune fille ne trouve pas les mots. “En tout cas j’ai pu serrer sa main. […] Donc je l’ai rencontré et il m’a dit… Je ne sais même plus. Mais je me souviens être sortie de la heureuse. Et on a pris une photo, et sur le chemin de la maison, j’ai vu qu’il avait twitté ‘allez tous voir cette fille de 13 ans, elle est géniale’, avec un lien vers mon Soundcloud. Et mon compte Twitter s’est emballé. Et quelques mois plus tard, j’ai signé chez Asylum Atlantic. J’avais 13 ans donc j’étais encore un bébé. Tu sais, plein de gens pourraient se demander : ‘Mais pourquoi ses parents l’ont-ils laissé signer ci jeune?’ Mais mes parents sont incroyables. Et je pense qu’ils savaient que s’ils me l’avaient interdit, je leur en aurait voulu pour toujours.” Une décision prise sagement, puisque malgré sa signature, Mahalia fait le choix de continuer l’école tout en se consacrant à sa musique. “J’ai vécu deux vies. À Londres, j’étais cette chanteuse, qui écrit des chansons et ensuite j’étais à la maison, et j’étais cette fille qui se mettait en difficulté à l’école, qui avait des petits-copains, des amis… Je vivais cette vie et c’est comme ça que mes chansons ont pu se faire.”
De cette époque, Mahalia garde le souvenir nostalgique d’une manne intarissable d’inspiration. “Mais maintenant que je suis là, cette prise quotidienne d’émotions me manque parce que maintenant je dois aller chercher l’inspiration. Alors que quand j’étais à l’école, il se passait toujours des choses. Il y avait de l’inspiration partout.” Aujourd’hui, c’est à Londres qu’elle doit construire cet environnement propice à l’écriture. “L’énergie à Londres est tellement rapide. Alors que le rythme à Leicester est plus tempéré. Mais Londres est génial. Je ne détonne pas à Londres, alors que j’ai toujours été à part à Leicester, j’avais l’impression d’être la seule dans mon genre.” Quand on lui demande si elle a l’impression de mieux trouver sa place à Londres, elle répond : “Oui. Quand il s’agit de mes amis, ma place est à Leicester. Mais ma vie, ce n’est plus que ça. Et l’accepter a été difficile. J’ai vécu à Londres quand j’avais 18 ans et j’ai détesté ça.”
Après sa tournée en Europe, elle espère enfin retourner en studio et commencer à travailler sur son deuxième album après Diary of Me : “Je peux parler d’un album, oui ! Je n’ai pas été au studio depuis Janvier ce qui me stresse un peu.“ Elle sait déjà ce qu’elle veut faire et surtout ce qu’elle ne veut pas faire sur ce nouvel opus. “Je pense qu’en tant qu’artiste, il faut se rappeler que tu es essentiellement une marque. Même si je déteste parler comme ça, parce que ça fait très ‘industrie’ mais c’est le cas. Je pense qu’il y a une connotation négative autour du mot ‘marque’, mais la marque correspond aussi à l’identité d’un artiste. Cette marque ce n’est pas forcément la personne que tu es chez toi, et je pense que c’est mieux si tu peux déconnecter l’artistique et qui tu es. Sinon tu en donnes trop.” Passez le moment où l’on décide où se trouve la limite entre son art et sa vie privée, viens la question de la construction de son ethos d’artiste. “Pour moi, quand j’écris une chanson qui ne correspond pas à ma marque, je la passe à quelqu’un d’autre. Et ce n’est pas une mauvaise chose. C’est moi qui me dit : ‘Tu sais quoi ? Non. Je ne veux pas parler de ça. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour Mahalia à ce moment précis.’ C’est juste un choix artistique qui doit être fait. Tant que c’est toi qui le fait… Par exemple, si je veux chanter une chanson sur combien je déteste les hommes et que mon label me dit que je ne peux pas le faire, je dirais que si. C’est à moi de décider de ce que je ne devrais pas faire. L’important pour moi c’est de toujours être au volant de mon propre véhicule. Et c’est ce que j’essaie de faire.”
Aujourd’hui confiante et sur les rails, elle regarde de loin l’époque où devenir chanteuse n’était encore qu’un rêve, l’époque où elle écrit le titre “Back-Up Plan”. “Ma prof m’a dit qu’il me fallait un plan de secours, alors je lui ai dit que je voulais devenir chanteuse et elle a ri en disant que ce n’était pas un vrai boulot. Mais c’est hilarant parce que six ans plus tard, me voilà. Je me souviens avoir été tellement blessée. Je me suis dis : ‘Oh mon dieu, elle vient de me dire que ce n’était pas un vrai travail.’ Et je l’ai crue. J’avais douze ans, et j’ai signé en maison de disques l’année suivante.”