L’incroyable histoire du featuring entre Mariah Carey et Ol’Dirty Bastard
Avant que les rappeurs ne deviennent les nouvelles popstars à qui on ne peut plus tout pardonner, il était une époque sombre et ancestrale où le hip-hop se dessinait encore comme une contre-culture où tout était permis. Ol’Dirty Bastard, connu pour être un malade mental de son vivant, était l’un des empereurs de ce royaume sans foi ni loi. Pauvre Mariah Carey.
« C’est du Hip-Hop mec, on s’en fout on fait ce qu’on veut. » Il fut un temps où cette excuse semblait légitimer n’importe quel écart ou excès de conduite venus des néo-punks des nineties. L’important était de flex, de finesse, comme disent les djeuns. Ça, ODB du Wu-Tang l’avait très, très bien compris. En témoigne l’anecdote délirante de la conception du featuring-clip entre le rappeur et Mariah Carey, raconté par Cory Rooney, proche et producteur de la star internationale, et déterrée il y a peu par Andrew Barber – fondateur du site Fake Shore Drive – sur son compte Twitter. On vous a fait le plaisir de traduire l’ensemble, histoire de mâcher le travail pour ceux qui seraient passé à côté. Prenez exemple les jeunes, c’est comme ça qu’on faisait à l’époque des jeans trop larges tombant sur les Timbs.
« J’ai contacté ODB et il voulait 15,000$ pour rapper sur le morceau. À l’époque, c’était beaucoup d’argent, mais pas pour Mariah Carey – donc, aucun problème. Il est venu, trois heures en retard, vers 22h30. Quand il est rentré dans la pièce, il avait bu et était au téléphone avec une femme. Furieux, il lui criait qu’il allait la tuer et la tabasser… puis il lui chuchotait « Je t’aime ». Et il criait encore. Ça a duré une heure.
Il raccrocha enfin et nous dit : « Yo, je suis désolé, cette pute me rend fou. J’ai besoin de Moët et de Newports avant de faire le morceau. » Je lui ai répondu, « Il est minuit et demi frère, je ne vois pas du tout où est-ce qu’on peut aller choper du Moët. » Il a commencé à hurler sur les assistants, les appelant des démons blancs : « Vous les démons blancs, vous ne voulez jamais que les noirs aient le moindre truc. » Ils partent dehors pendant une heure, et la seule chose qu’ils trouvent c’est des Heineken. Il était tellement dégoûté qu’il a lancé une canette sur le sol.
À ce moment-là Mariah appelait toutes les heures, elle voulait écouter quelque chose au bout du téléphone. Tommy était énervé parce que Mariah le retenait, donc finalement il appela ODB au téléphone – après ça, on a enfin commencé le morceau. Il a dit une phrase – « Me and Mariah, go back like babies with pacifiers » – puis s’est stoppé, a dit « Yo, faut que je prenne une pause », et est parti dormir pendant 45 minutes. Il s’est réveillé et nous a demandé « Yo, faites moi entendre ce que j’ai fait pour l’instant. »
On a joué la seule phrase qu’on avait, il a chanté une autre rime ou deux, et a dormi une autre heure. En fait, il venait avec une rime, l’enregistrait, et allait dormir. Il est parti se coucher trois fois en essayant de terminer son unique couplet. Si vous écoutez le morceau maintenant, pendant son couplet, vous pouvez entendre que c’est rappé en plusieurs bouts. Il a quand même dit à l’ingé son : « Vous avez intérêt à faire ça bien et enregistrer ça correctement, parce que je le ferai pas deux fois. »
Je suis resté au studio jusqu’à ce qu’on finisse le morceau. Donc je dormais là-bas quand Tommy et Mariah m’ont appelé pour me dire qu’ils adoraient le son. Mais Tommy avait une autre idée : ramenons ODB au studio, et au lieu de se contenter de : « New-York in the house », il fera la même chose pour chaque ville. Je lui ai dis : « Tu te fous de ma gueule ? » Bien sûr, ODB voulait de nouveau 15,000$. Il est revenu au studio, un peu plus cool mais mort de fatigue. Il est assis là, retirant des restes de nourriture de ses dents – il a sorti un bout tellement gros de sa bouche, c’était effrayant. Je lui ai demandé : « Combien de temps t’as marché avec ça dans ta bouche ? » C’était incroyable.
Il me dit : « Je n’ai aucun habit, comment je peux faire un clip si j’ai rien à porter ? » J’ai commencé à lui crier dessus.
Puis il s’est endormi sur le canapé, en retirant une de ses chaussures. Son pied puait tellement… on a dû le laisser dormir et quitter le studio. Finalement, on a eu toutes les parties désirées et c’était fini, enfin, je pensais que l’histoire était terminée.
Une semaine plus tard, il était temps de réaliser le clip. On l’a contacté, et il voulait encore 15,000$. Pas de problème. J’ai donc envoyé une voiture chez lui et il a bu tout ce qu’il y avait dans la limousine avant d’arriver à Rye Playland (à New-York), puis il est rentré dans sa caravane. Je lui ai demandé : « Est-ce que tu as besoin du styliste pour qu’il achète des vêtements pour toi ? » Il m’a répondu « Nah, là c’est du Hip-Hop – je porte juste une paire de jeans et des Timbs. » Ce même jour, il était dans sa caravane, à demi conscient, je lui ai dit : “On se prépare à faire une scène.” Il me dit : « Je n’ai aucun habit, comment je peux faire un clip si j’ai rien à porter ? » J’ai commencé à lui crier dessus.
Tommy nous dit d’aller faire les magasins avec sa carte de crédit d’entreprise. ODB a disparu pendant une minute, et on l’a trouvé dans un shop en train d’essayer d’acheter un sac Louis Vuitton. Il a dit « Je vais l’utiliser pour faire une scène. » Il est revenu sur le tournage avec plein de sacs remplis de fringues Tommy Hilfiger et Timberlands.
C’était enfin le moment pour lui de faire sa scène, et je vous promets, il a mis une paire de jeans et des Timbs, avant de dire « Je ne vais pas porter une chemise, je n’ai pas besoin de vêtements. » Je voulais lui tirer dessus. Il dit : « J’ai une idée – i want to tie up the clown » Le pire, c’est que Mariah l’avait chauffé avec des Schnapps à la pêche. Elle avait l’habitude de tout le temps en boire. Il en a bu genre deux bouteilles. Donc entre la chaleur et lui qui buvait deux bouteilles, cette journée était un désastre. Le clip a été un miracle, un réel miracle. »