Throwback : le « I Did Not Move » de Drummond
24 août 2003, Paris. Le public du Stade de France ne sait pas qu’il s’apprête a vivre le 100 mètres le plus long de l’histoire. Sur la ligne de départ d’un des quatre quarts de finale du 100 mètres des championnats du monde d’athlétisme se préparent à s’affronter l’australien Patrick Johnson, le trinidien Ato Boldon, le jamaïcain Asafa Powell, le français Ronald Pognon, et celui qui deviendra le héros malheureux de cette course, Jon Drummond.
Un casting alléchant pour un quart qui sera troublé par l’élimination de ce dernier, coupable du second faux départ de la course après celui de Dwight Thomas, synonyme d’élimination. Stupeur dans le stade et surtout pour l’athlète américain, considéré comme l’un des favoris de sa série, lorsqu’il se voit signifier la fin de sa compétition par les commissaires de course. L’américain a été jugé trop rapide au départ et les données de la course confirment que le sprinteur, ainsi qu’Asafa Powell, ont anticipé le coup de feu du starter. Une décision qui signe le commencement d’une scène hors du commun lorsque Jon Drummond s’en va vers les commissaires de courses en répétant « I Did Not Move » à des officiels qui restent impassible devant l’entêtement de l’athlète. La réponse à cette impassibilité n’en sera que plus surprenante, Drummond refuse de quitter la piste, harangue le public pour plaider sa cause et va même jusqu’à s’allonger dans son couloir, jambes écartées et bras derrière la tête. Une position symbolisant explicitement son refus de quitter une course pour laquelle il s’était préparé pendant des mois.
L’image de l’athlète confrontant son vis-à-vis tenant un carton rouge restera d’ailleurs l’une des images les plus marquantes de ces championnats du monde. Après plusieurs minutes de résistance, on croit l’affaire terminée lorsqu’il quitte la piste pour se rendre dans le couloir menant au vestiaire, mais Drummond fait alors soudainement volte-face pour revenir sur la piste et tenter de reprendre sa place dans les starting blocks, sous les applaudissements des spectateurs, manifestement acquis à sa cause. Ce revirement crée un moment de flottement de l’organisation faisant croire à un possible retour des deux bannis dans la course mais aboutira finalement au report de la course. Plus de 50 minutes après le premier faux départ, c’est Ato Boldon, partenaire d’entraînement et grand ami de Jon Drummond, qui remporte cette course qui n’aura finalement compté que six participants. Quelques mètres plus loin, au centre du stade, on retiendra une autre image forte : celle de Jon Drummond en sanglots dans les bras de son entraîneur, John Smith.
Cette course au scénario digne d’un film sera l’un des évènements qui forceront la fédération internationale d’athlétisme à modifier la règle en 2010 et d’instaurer l’élimination directe au premier faux départ. Une nouvelle règle qui sera d’ailleurs fatale à Usain Bolt, coupable d’un faux départ en finale des championnats du monde de 2011 en Corée du Sud. Considéré comme mauvais perdant par certains ou comme une figure empathique victime d’une justice inadaptée et parfois cruelle pour d’autres, Jon Drummond restera assurément l’auteur de l’un des pétages de plombs les plus surprenants de l’histoire du sport télévisé.