In 2019, A.CHAL’s addictive mix of trap and latin music has no limits

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Des attentes aussi hautes que les sommets de la Cordillère des Andes. Le chanteur, compositeur et producteur natif du Pérou, A.CHAL, a un style très distinct. Celui qui vient tout juste de signer sur Epic Records mélange espagnol et anglais, mélodies pop et lyrics inspirants, dans une musique à la fois entraînante et profonde. À l’aube de son 30e anniversaire, quelques mois avant la sortie d’un album très attendu, son premier avec le soutien d’un label majeur, nous l’avons rencontré dans un château à la sortie de Paris, sur le tournage du clip « 000000 ». Interview.

Photos : @adrelanine

« This a fast life, mami, things gon’ change. » Alejandro Chal, plus connu sous le nom de A.CHAL, pourrait s’élever très haut dans les prochains mois. Né au Pérou et élevé dans le Queens, l’artiste a la capacité rare d’insuffler ses racines dans un mélange de r&b, de trap et de pop. Son dernier EP, EXOTIGAZ, fait office d’apéritif avant son prochain album. Six titres en guise d’impressionnante démonstration de ses talents, mettant en lumière sa capacité à composer des chansons pour tous les goûts tout en honorant son héritage et son désir de créer un art puissant et significatif. La récente signature en major de celui qui a appris à fabriquer des tubes en travaillant pour Jennifer Lopez en 2014 nous autorise à croire que, plus que jamais, tout est possible pour lui : 2019 pourrait être l’année où le musicien aux multiples talents plantera son drapeau au sommet des charts. Nous avons passé la journée avec lui dans un château juste en dehors de Paris, à l’occasion du tournage du clip de l’ultra-addictif « 000000 » — un titre qui serait diffusé à toutes les stations de radio si Justin Bieber en avait été l’interprète.

Ça veut dire quoi être un artiste en 2019 ?

Pour moi, pour A.CHAL, je peux dire que la boucle est bouclée. J’ai pris tout ce que j’avais fait sur le plan artistique, tout ce que j’ai ingéré, tout ce que j’ai appris dans ma vie depuis trois ans, et je fais au mieux pour inclure tout ça dans ma musique.

En dehors de sa musique, considères-tu qu’un artiste a un rôle en particulier ?

C’est une opinion personnelle. Moi, je veux défendre certaines choses. Je suis né au Pérou : il y a des latinos dans l’industrie, mais pas des latinos qui viennent vraiment du Pérou ou d’Amérique du Sud. Pas des latinos noirs. Pour moi, le fait d’être à Paris en ce moment même, l’idée que certaines personnes savent qui je suis et me connaissent même en tant qu’Américain… C’est nouveau pour moi. Je me sens responsable de représenter ces gens-là. Représenter les immigrés qui ont grandi aux États-Unis. Et pas seulement ceux-là : il y a des immigrés à Paris, en Russie, en Afrique, etc. Cette hybridation culturelle est devenue tellement commune, surtout en 2019, et principalement grâce à Internet : les gens mélangent les cultures constamment. Et c’est ça que je veux représenter.

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En 2017, tu as dit : « La musique est une industrie : il faut être conscient que tout a à voir avec le business et le commerce, ce n’est pas une question de savoir-faire, mais plutôt de chiffres. » Être un artiste en 2019, c’est comprendre son propre positionnement et ce que l’on doit faire pour réussir, ça ne consiste pas seulement à créer de la musique. Qu’est-ce qu’il faut faire pour devenir artiste ?

Ça dépend du genre d’artiste que tu es. Pour être « artiste », il ne faut pas spécialement être dans le business ou faire de l’argent. Mais pour être artiste et vivre de son art, vivre de sa musique… Je crois que c’est différent avec Internet maintenant. Il faut l’utiliser comme un outil. Il y a de nouveaux trucs : avant c’était juste des bonnes chansons, de la bonne musique et des bons concerts. Aujourd’hui, les gens doivent s’intéresser à toi aussi, en dehors de ta musique, et le tout sur Internet. Donc j’imagine qu’il y a de nouvelles responsabilités, même si c’est normal puisque tout le monde est sur les réseaux sociaux. Pour moi, dans la mesure où je n’y suis pas non plus tant que ça, je dois trouver d’autres moyens pour faire mon bonhomme de chemin en me basant seulement sur mon talent. D’un point de vue business, je suis propriétaire de GAZI, mon label, via lequel j’ai négocié un partenariat avec Sony. J’ai énormément appris pendant mes dernières années passées en tant qu’artiste indépendant : pourquoi une maison de disque comme Sony investit dans ceci ou dans cela, pourquoi ils attendent tels ou tels résultats. Je ne comprends pas tout non plus, mais j’arrive à faire la part des choses avec ce que ça dit de mon art.

Tu as aussi dit : « De mon point de vue, les labels sont en quelque sorte une banque d’argent et une banque de ressources. Tout dépend des ressources dont tu as besoin. » Quelles étaient les ressources dont tu avais besoin en mars 2018 quand tu as signé avec Epic Records ? Quelles étaient tes limites ?

Je dirais, la promotion… Et aussi…  (il réfléchit) Ce n’est pas juste ça, en définitive, ce qui compte le plus, ce sont les relations. Silvia Rhone, qui m’a signé, a été là dans ce milieu depuis si longtemps… Elle est dans le jeu depuis les débuts de la Motown [Silvia Rhone a été présidente de Motown de 2004 à 2011, ndlr]. Elle est dans le jeu plus longtemps que presque n’importe quel cadre. Ses connaissances, son intuition, sa vision, ses relations : ce sont des choses qui n’ont pas de prix, mais qui compte dans au moment de se serrer la main. Je pense qu’il est très important de bosser avec des professionnels avec qui tu peux avoir une vraie relation de confiance, des pros que tu respectes et qui peuvent utiliser leur expérience et leurs relations pour t’aider. C’est la raison ultime d’un partenariat avec un label. C’est pourquoi moi, je l’ai fait.

Il y a un vrai engouement pour les artistes latino-américains en ce moment, en particulier pour ceux qui sont capables de mélanger les langues et les genres. Tu le ressens ?

C’est une bonne période pour mélanger les langues et les genres. J’ai l’impression que maintenant, il n’y a plus que les hispanophones qui écoutent cette musique-là : tout le monde en écoute, grâce aux vibes, aux rythmes… Et si tu parviens à rajouter à ça des mots que tout le monde comprend aussi, c’est génial.

Tu vas sur tes 30 ans, et tu bosses sur ta musique depuis une dizaine d’années. Tu as pas mal charbonné : qu’est-ce qui fonctionne pour toi aujourd’hui qui ne fonctionnait pas hier ?

Tout fonctionne pour moi maintenant. Mais je pense pouvoir répondre ceci : être un artiste un peu aguerri, être un artiste qui a eu des expériences et qui a pris son temps, non seulement avec sa musique mais aussi avec sa carrière, m’a permis d’acquérir une sagesse qui manque à beaucoup d’artistes qui montent, qui sont très jeunes, qui explosent aussi vite qu’ils sortent du paysage. J’ai l’impression que je peux voir dix ans dans le futur, grâce à mon expérience. C’est vraiment ça : ce qui fonctionne pour moi maintenant, c’est l’utilisation de mon expérience comme outil pour avoir un vrai impact. On a parlé un peu plus tôt de mon rôle en tant qu’artiste : je sens que je suis en mesure d’offrir aux jeunes une perspective différente du traditionnel argent, drogue, faites ceci et cela. Je veux leur transmettre ce genre de lumière. Un peu comme Bob Marley, un peu comme Prince. C’est en tout cas ce à quoi j’aspire.

« Je veux faire un album qui sera encore écouté dans 100 ans »

Il y a deux ans, tu disais te considérer toujours un outsider. Est-ce  toujours le cas aujourd’hui ?

Évidemment, je n’ai pas sorti de musique depuis un an et demi. D’album, je veux dire.

EXOTIGAZ, sorti il ​​y a moins de six mois, est un projet très solide…

Clairement. Mais ce n’est pas comme… (il réfléchit) Tu verras quand mon album tombera. EXOTIGAZ, c’est déjà derrière moi. Ce n’est plus ce sur quoi je travaille. Je travaille sur quelque chose qui changera ma vie. Quand je pense à mon album, j’ai en tête des disques comme Legend de Bob Marley, 25 d’Adele, Paranoid de Black Sabbath, n’importe quel album des Beatles, où chaque chanson est excellente tout en te transmettant quelque chose. Je ne me focalise plus sur ce qui est chaud sur le moment, sur ce qui fonctionne l’espace d’un temps. Je veux faire un album qui sera encore écouté dans 100 ans. C’est ce que je recherche, c’est mon but, c’est pourquoi je prends des risques ici et là, c’est pourquoi je prends mon temps. Je me fiche de la gloire, je me fiche d’être celui qui aura le plus d’argent. Je cherche à produire une œuvre éternelle, qui marque notre époque. Beaucoup de choses se passent dans le monde. Il s’est toujours passé beaucoup de choses, mais aujourd’hui Internet te le balance en pleine gueule… Je dois utiliser la sagesse que j’ai acquise comme ressource principale de mon travail. Et je crois que c’est le bon moment que mon timing ne pourrait pas être mieux. Je suis heureux d’en être là où je suis, je suis heureux que cela ne soit pas arrivé plus tôt dans ma vie, au moment de mes débuts, car j’aurais commis beaucoup d’erreurs.

Quand tu as écrit et produit « Never Satisfied » pour Jennifer Lopez en 2014, tu dis avoir reçu une note pour Max Martin, que tu décris comme « le plus grand producteur pop de tous les temps ». L’un des enseignements « les plus percutants » que tu n’aies jamais eus, via lequel tu as appris les « mathématiques suédoises », à savoir la formule pour créer des tubes. C’est fini pour toi la période où tu as été à la recherche constante de hits ?

En 2014, j’ai appris à fabriquer des hits sur le plan « mathématique », mélodique. Mais aujourd’hui, je pense que pour qu’un morceau soit un hit, il doit toucher le cœur de l’auditeur autant qu’il lui reste en tête. Pour moi, ça ne peut plus marcher l’un sans l’autre. Tout est lié à ce qui se passe dans ma vie, à mon histoire : je suis né au Pérou, mon père était dans un camp de réfugiés, il a beaucoup bourlingué. Tout ce qu’il m’a transmis, sa faculté à toujours me pousser à faire mieux… Je n’aurais jamais pu être quelqu’un d’autre que l’homme que je suis maintenant, par rapport à ce que j’ai vu et ce que j’ai vécu.

Tu suis le football ?

Je suis obligé, ma famille en regarde en permanence à la télévision.

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Certains matches de foot au Pérou sont joués dans des stades situés en haute altitude, où les étrangers ont du mal à trouver leur souffle alors que les Péruviens sont à l’aise. L’endurance péruvienne est légendaire : tu penses que c’est quelque chose qui te définit en tant qu’artiste ?

Absolument. Tous les jours je grimpe. C’est dans mes gènes : je dois me lever chaque matin et partir courir sur les reliefs que j’ai autour de chez moi. Mais tu as raison, je n’avais jamais considéré cela de façon métaphorique, c’est fou. C’est vrai que ça fait sens. Oui, je suis sur le point d’avoir 30 ans et mon timing n’a jamais été meilleur alors qu’on pourrait penser que c’est le contraire.

Quand les autres seront à bout de souffle, tu continueras d’avancer.

J’écoute la même merde que tout le monde. J’écoutais Gunna juste avant qu’on démarre cette interview. Mais je pense néanmoins qu’il y a la place pour une voix de la raison autour de laquelle les gens se reconnaissent. Je déteste la musique qui prêche, mais quand un artiste partage avec toi son expérience et que cela peut avoir une influence sur toi, je trouve ça magnifique. Et je pense qu’aujourd’hui, c’est quelque chose dont on a besoin.

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