Arnaud Samson

 À quel moment et pourquoi as-tu commencé à supporter le PSG ?

Ça fait à peu près 30 ans que je vais au Parc. L’événement fondateur on va dire, c’est un Metz-PSG où Fernandez [au PSG de 1978 à 1986 ndlr] se retrouve dans les buts et il claque une parade sur une frappe à 20 mètres. Ça m’a procuré un truc assez dingue et je me suis dit « Ouais, ça va être mon équipe ». J’ai eu la chance d’en parler avec lui, il y a un mois ou deux, parce que je l’ai interviewé pour un magazine. C’était assez dingue de pouvoir faire ça.

Ton premier souvenir marquant concernant le PSG ?

Ma première fois au Parc quand j’étais petit, ça faisait beaucoup de bruit. C’est un peu ce que tu en gardes quand t’es gamin. En terme de foot, oui c’est cette parade de Luis.

Tu peux nous raconter un peu le contexte justement ?

Alors en fait, c’est lui qui m’a expliqué ça, il était en renégociation de contrat avec le club, ça ne se passait pas bien. Il démarre le match sur le banc, on perd notre gardien et on n’a pas de gardien remplaçant, et Fernandez se retrouve à aller dans les buts. On perd 2-1 je crois, il prend un péno, une frappe de merde, mais il sort ce truc qui était en pleine lucarne. Et là c’est sûr, ça fout les poils sur les bras, enfin j’étais petit mais j’avais un peu de poils déjà quand même [rires]. C’est une émotion assez dingue de voir quelque chose qui sort de l’ordinaire : un joueur de champ dans les buts, tu te dis qu’il va en prendre 15 et puis finalement il te sort ce geste fou.

Comment tu définirais ton lien avec le PSG ?

C’est ma plus longue histoire d’amour on va dire. C’est quelque chose qui ne s’éteint jamais, même quand c’est dur. C’est même plus qu’une histoire d’amour, quand ça ne va plus avec une nana, tu pars ou elle part. Tu ne peux pas quitter Paris, c’est impossible. Donc tu souffres avec eux quand c’est dur et tu es heureux avec eux quand c’est chanmé. On a beaucoup souffert quand même [rires] pendant très longtemps, donc là on kiffe ce qu’on vit.

 

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Quelle place occupe le PSG dans tes journées, dans ta vie au quotidien ?

C’est compliqué à dire. Quand tu aimes le foot, quand tu aimes le sport, tu en parles un peu tous les jours. Tu refais les matchs tous les jours, ceux qui sont passés, ceux qui arrivent. C’est toujours un sujet de discussion. Donc tu défends toujours ta chapelle.

Quelle est ta réaction après une défaite ou après une victoire du PSG ?

Ça dépend de la manière dont ça s’est passé. Moi je ne leur reproche jamais de perdre si je ne me sens pas trahi. S’ils se sont battus, s’ils ont tout donné, ça fait juste partie du sport de perdre. Quand tu sens qu’ils n’ont pas été au bout, t’es un peu fâché. Et les victoires, elles te rendent les journées un peu plus chouettes. Les potes qui supportent les autres clubs te laissent un peu tranquille.

Est-ce qu’il y a un objet ou un symbole qui représente un peu ton lien avec le PSG ?

Oui, un tatouage qui représente la devise de la ville de Paris que j’ai sur le bras.

J’imagine que ton entourage, ta famille et au courant de cette histoire d’amour comme tu dis.

J’en ai eu très longtemps honte, mais j’a fini par l’avouer [rires]. J’ai un fils qui a 11 ans qui est dingue de Paris. On se demande pourquoi… On se mate tous les matchs en famille on va dire.

Ça fait 30 ans que tu es supporter du PSG. Est-ce qu’il y a un moment où ils l’ont mal vécu ? Est-ce que c’est toi qui les a un peu mis dedans ?

Mon fils oui, un peu malgré moi, il a fait comme papa. Je regardais les matchs à la maison et puis c’est un moment de partage aussi. Que tu sois avec tes potes ou avec tes gamins c’est un truc génial à vivre. Mais, non ce n’est pas non plus envahissant dans la déco.

Quelle est la plus belle ambiance de stade que tu aies vécue ?

C’était à Madrid. Le Real ça faisait du bruit quand même. C’était pour le quart de final en 1993, le match retour. J’y étais, je suis un peu vieux. Ça faisait beaucoup de bruit, mais le Parc en général fait du bruit. Il a été conçu pour faire tourner les sons en fait, c’est un stade qui a une ambiance assez unique. Et c’est vrai que ce jour-là ça tremblait, c’était fou.
Le match contre Chelsea l’année dernière aussi c’était quelque chose. Sur le but de Pastore dans les arrêts de jeu j’ai retrouvé un truc assez dingue. J’avais un vieux monsieur à côté de moi et en fait quand Javier est rentré je lui ai dit : « On lui crache tellement dessus, vous allez voir il va faire un truc de dingue ». Ce vieux monsieur s’est jeté sur moi, on s’est fait un gros câlin, alors que je ne l’avais jamais vu de ma vie [rires]. C’était assez émouvant.

Quel est le champ parisien qui te fait le plus frissonner ?

« Ville Lumière » et non je ne chanterai pas. Pourquoi ? Parce que c’est un chant qui nous unit un peu, c’est un truc qui nous porte, qui est sensé porter les joueurs aussi. C’est un moment de communion.

Est-ce qu’il y a une anecdote insolite que tu as vécu dans le stade ou dans une ambiance de match, pendant ces 30 années de Parc ?

Alors c’est paradoxal parce que c’est un chouette souvenir sportif. C’était Arsenal-PSG en 1994, on les affronte en quart de final et on fait un partout. Je découvre une équipe absolument dingue sur le terrain, qu’était Arsenal ; et dehors, avant et après le match, c’était ultra violent. Donc je kiffais un moment de foot et en même temps je me disais : « Putain comment ça va se passer quand on va sortir ? » C’était quelqu’un qui venait me chercher en voiture, j’avais dû appeler d’une cabine pour dire « Viens me chercher plus tard parce que ça craint un peu. » Je m’étais et je regardais les mecs se taper dans le square et j’attendais patiemment qu’on vienne me chercher. C’était paradoxal, parce que c’était un vrai kiff de foot, mais ultra violent, avant et après.

Comment est-ce qu’on devient un 300 ?

Il faut être amoureux du club déjà. Moi ce que j’aime dans ce groupe, c’est que c’est une manière un peu plus intelligente de parler de foot. J’étais lassé de tous ces sites où les mecs s’insultent en fonction de leur club, tu as finalement zéro discussion et tu n’es pas plus malin une fois que tu as fermé Internet. Là on est entre mecs plutôt cools, plutôt intelligents, qui essaient de se raconter des vrais trucs. On n’est pas toujours d’accord, mais on se le dit en y mettant les formes et on apprend de chacun. Et pour entrer dans le groupe, il faut un parrain ou quelqu’un qui t’intronise.

En quoi te sens-tu légitime dans ce groupe ?

À partir du moment où tu supportes Paris, tu es légitime. Il y a des mecs qui disent : « Le Parc c’était mieux avant, vous êtes des Footix… » Personnellement je vais au Parc depuis 30 ans, je n’ai jamais cassé la gueule de personne… enfin dans un stade. [rires] Et finalement je t’emmerde quoi, Paris ce n’est pas plus à toi qu’à moi. À partir du moment où tu aimes le club, il y a toujours une première fois. Canal + a fait arriver des mecs qu’on traitait de Footix, enfin pas de Footix à l’époque, mais de… voilà. Le Qatar, c’est pareil. C’est la même chose pour tous les clubs. T’as des mecs qui ont aimé Lyon pour la première fois, qui ont aimé Bordeaux pour la première fois. Tout le monde est légitime. À partir du moment où tu es sincère dans l’amour que tu portes pour ce club, il n’y a pas de jugement à avoir.

Quelle est ta personnalité dans les 300 ?

J’aime bien faire marrer. J’aime bien mettre la petite punchline qui va soit désamorcer un truc, ou au contraire provoquer une discussion. C’est le côté amoureux des mots.

On va parler de la rivalité Marseille-Paris ?

De quel club tu parles [rires] ?

Qu’est-ce que l’Olympique de Marseille représente pour toi ?

Très honnêtement pas grand chose. Sportivement, ils ne m’ont jamais fait rêver, même s’ils ont eu de belles épopées et ça tu ne peux pas l’enlever. Mais, j’ai plein de potes de mon âge qui supportent Marseille parce qu’il y a eu les années Tapie, la Ligue des Champions. Mais moi, ça ne l’a jamais fait, parce que je l’avais déjà vécu avec Paris. Tu ne tombes pas amoureux deux fois.

 

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Que représente pour toi cette opposition OM – PSG ?

Même si elle a été un peu fabriquée, on aime bien la nourrir tu vois. Moi je ne les aime pas. C’est-à-dire que je ne les supporte jamais, c’est impossible. Mon plus beau moment de supporter anti-Marseillais, c’était la finale de Bari en 1991 qu’ils perdent aux pénos. C’était magique ! J’avais l’impression d’avoir gagné un truc.

Quelle est ta plus grande joie lors d’un OM-PSG ?

Il y a la Coupe de France en 2006. On les tape 2-1 au Stade de France avec deux buts un peu dingues. Un but de Kalou sous la barre à 100 à l’heure et le deuxième est encore plus dingue, c’est une passe de 25m de Dhorasoo qui est cadrée et qui fait but. C’est-à-dire que c’est impossible que ce mec mette une frappe comme ça. C’était assez génial de leur mettre ça.
Il y aussi celle de 1999 au Parc, où ils prétendent avoir perdu le titre. Ils mènent 1-0 et on marque avec Simone et Rodriguez. C’était assez jouissif parce qu’on était à la rue : offrir le titre à Bordeaux, c’était assez cool.

Quelle est la plus grande victoire face à l’OM ?

On est sur une belle série là quand même. Ils ne montrent pas grand chose, on maîtrise le truc depuis un moment. Il y avait une belle série de huit victoires début 2000 avec Pedro, ce n’était pas la même chose, on était souvent à la rue pendant le championnat mais on arrivait toujours à les taper. Là on maîtrise vraiment le truc, mais je dirais le 3-0 au Vélodrome avec Roni’ et Leroy. C’était assez fou ! Voir LeBoeuf à quatre pattes, regarder passer Ronaldinho c’était cool. Je pense souvent à ça quand je le vois se la raconter dans Téléfoot. Je me dis : « Mais toi je t’ai vu à quatre pattes. Et t’as regardé un mec passer. »

Quelle est ta plus grande peine lors d’un PSG-OM ?

Il y a quelques saisons, on prend un 3-0 au Parc. Et pareil, ça avait été assez violent à l’extérieur entre supporters parisiens. Je me demandais un peu ce que je faisais-là. C’était une année où je ne pouvais pas emmener mon gamin au Parc. Et tu te sens un peu con, tu te dis : « Tout ça pour ça, quoi. » C’était la soirée de merde.

Est-ce qu’il y a un geste technique qui t’as transporté ?

Pedro Pauleta leur a mis des misères quand même,  il a mis deux-trois buts d’anthologie à Barthez. Mais pour moi il y a aussi un dribble d’Okocha sur Blondeau, il réussit à lui rentrer une roulette. Au Parc, il y a une stelle pour le short de Blondeau qui a été enterré à cet endroit. C’est le match qu’on gagne 2-1, ils perdent le titre. C’était la cerise. Okocha était un mec qui nous a fait rêver. Bergeroo avait fait un truc dingue en le remettant au milieu de terrain et en le faisant descendre un peu. Il était capable de nous rendre complètement fous quoi, tellement fou. Il était trop irrégulier, c’est dommage parce qu’il était exceptionnel ce joueur.

Le match le plus incroyable que tu as vécu de ton point de vue ?

J’avais bien aimé, celui où on va gagner 4-2 avec Rothen et Hoarau . C’était Villeneuve le président et le PSG n’était pas forcément favori. Villeneuve se fait insulter par tout le monde au début du match parce qu’il est sur la pelouse et aussi à la fin parce qu’il dit « C’est rigolo parce que les supporters marseillais m’avaient promis un truc, et finalement c’est le contraire qui s’est passé. » C’était des « Villeneuve on t’encule » pendant tout le début du match et le fait qu’il dise finalement à la fin « c’est le contraire qu’il s’est passé » avec un petit sourire, c’était assez cool [rires].

Est-ce qu’il y a un duel de dirigeant qui t’a marqué ?

Non. Je n’aimais pas Tapie, pour plein de raisons qui s’avéraient assez justes ma foi. Wenger qui était à l’époque entraîneur de Monaco disait que pendant les années Tapie, c’était absolument impossible de gagner le Championnat de France. Voilà, tout est dit. J’aimais bien Pape Diouf, je trouvais que c’était un mec plutôt intelligent qui avait de la verve, qui ne se laissait pas faire, c’était cool. Et j’aimais bien Villeneuve. Je pense qu’il est pour beaucoup dans le renouveau de Paname avec quelques idées assez malignes qu’il a pu avoir dans le recrutement, avec Makelele, Giuly, on avait même loupé Thuram à cause de ses problèmes de santé. Et déjà, il voulait reprendre le club.

 

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Il y a eu des histoires sur des accords entre Borelli et Tapis à un moment, il y a eu aussi l’ère Denisot qui était en activité en même temps que Tapie.

On dit que c’est Tapie qui a poussé Canal à reprendre Paris. Donc, peut-être, oui, que cette rivalité a été un peu fabriquée, mais je m’en fous je ne les aime pas quand même les marseillais. C’est pas grave.

Comment vois-tu l’évolution des Classico ?

Depuis que les Qataris sont là il n’y a pas vraiment match. Et oui, c’est dommage. Il ne perdra jamais de sa valeur. Même quand ils étaient en Ligue 2, parce que c’étaient des vilains tricheurs, j’étais quand même content de les taper quand on les jouait en Coupe de France. Je suis toujours ravi par une défaite de Marseille telle qu’elle soit. Contre Sochaux, n’importe qui, je suis content. Donc comment ça va évoluer, je ne sais pas… Ça dépend beaucoup d’eux je pense. Ils vont vivre des années un peu compliquées, financièrement, donc sportivement. C’est quand même cool d’avoir ces deux équipes au plus haut dans le foot français, n’en déplaise à Aulas. D’ailleurs le drame d’Aulas c’est que tout le monde s’en fout de Lyon. Il aurait pu gagner 15 titres, tous le monde s’en fout. Et ça je pense que ça le rend dingue. Les gens aiment Paris ou Marseille ou détestent Paris ou Marseille. Lyon on s’en cogne quoi.

Ton pronostic pour le 5 avril ?

2 ou 3-1 pour Paris. But de Lucas s’il est revenu, j’aimerai beaucoup parce que je pense qu’il va être déterminant pour cette fin de saison. Et Ibra pour le 100ème but, puis le 101ème, le 102ème, le 103ème. On ne sait pas. Il va peut-être leur faire un truc très sale. Ils mériteraient en tous cas de prendre un truc très sale [rires].

Quelle serait la vie d’un supporter parisien et du PSG sans l’OM ?

On l’a déjà vécu, quand ils étaient en Ligue 2… Et ça ne nous empêche pas de dormir. Mais ça reste quand même cool qu’ils soient là, c’est cool d’avoir des gens à détester en fait. Ils nous le rendent bien. Parfois je me dis c’est marrant, ces mecs ont sûrement la même passion que j’ai moi pour mon club et ils vibrent de la même manière pour des trucs qui me paraissent impossible. Finalement on vit le même truc, c’est ça qui est assez drôle.

 

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