Body of Work Artifacts – Between A Rock And A Hard Place

Dans l’imaginaire collectif New Jersey est immédiatement associé à Tony Soprano. Et ce n’est que justice rien que pour la scène dans laquelle il vient laver l’honneur de sa fille en pétant les chicots d’un mafiosi new-yorkais et discourtois. Mais au cœur des florissantes années 90, la scène hip-hop locale était d’une vitalité étonnante et a accouché d’artistes du calibre de Redman, Lords Of The Underground, Outsidaz et Artifacts.

Le groupe Artifacts est composé de trois membres, deux découpeurs de sushis lyricaux (El Da Sensei, Tame One) et un DJ qui ne sert à rien (Kaos). C’est à l’automne 1994 qu’ils sortent un joyau de boom bap east coast; Between A Rock And A Hard Place. Pas de pot pour sa pérennité, l’album atterrit dans les bacs pile entre Ready To Die de Biggie et Tical de Method Man. Dur d’exister au milieu de terrain entre Xavi et Iniesta.

Les beats de l’album sont autant d’écrins rembourrés qui accueillent les marsupilamis de la rime que sont Tame et El. Pas de noms grandiloquents à la zik si ce n’est Buckwild (trois tracks) et Rockwilder (un track). L’essentiel du squelette musicale est assuré par T-Ray, membre plutôt discret du pôle de production Soul Assassins de DJ Muggs, le compositeur de Cypress Hill. Ce T-Ray fait partie d’une longue lignée de producteurs de talent que l’histoire du hip-hop a laissé à l’abandon sur une aire d’autoroute. Et pourtant… ses beats virtuoses ont l’odeur des chaussettes qu’on a trop longtemps laissé macérer dans des Timberland.

Quant à Tame One et El Da Sensei, ils rivalisent d’excellence. Le premier est une sorte de balle rebondissante qui s’enjaille sur la batterie, le second a fait de la fluidité son violon d’Ingres. Cela n’a pas suffit à étiqueter le disque de « classique ». Between A Rock And A Hard Place est donc étrangement sur le bas côté, tombant en désuétude à tort. Il mérite néanmoins qu’on extirpe le vinyl de l’armoire, que l’on souffle tendrement sur la pochette pour enlever la poussière disgracieuse et qu’on le dépose respectueusement sur la platine. Public, tu peux également cliquer sur les pistes mp3 que tu as au préalable téléchargées comme une salope sur un site de pirate.

 1 titre :

 « Whayback » (produit par T-Ray)

Ce morceau apparaît à la moitié de l’album et lui offre une belle respiration. Ici les deux artificiers nostalgiques témoignent de leur rencontre avec le hip-hop dans les années 80, « back when steppin on kicks in eighty-six got your ass kicked » (« tu te faisais botter le cul quand tu marchais sur les baskets en 86 »). Les drums rythmés et les samples cuivrés enveloppent les flows des deux MC’s comme on borde des jumeaux sur des lits superposés.

1 clip :

« C’Mon Wit Da Get Down » (produit par Buckwild)

Du pur jus nineties : clip minimaliste dans les pavillons moches du New Jersey, une équipe de potes pas commodes… rien de bien novateur pour l’époque mais aujourd’hui le charme opère comme jamais. La prod de Buckwild est bien crasseuse et la ligne basse grasse et paresseuse.

1 lyrics :

 « I’m flexible like every female Huxtable was fuckable /
Impeccable, despicable, on point like a decimal »

 « Je suis aussi flexible que les femmes Huxtable sont baisables /
Impeccable, méprisable, au point comme une décimale »

Ce lyrics de Tame One trahit bien sa folie, il joue habilement avec les sonorités comme l’aurait fait un Ill des X-Men à la belle époque. Les chiffres décimaux sont placés derrière le point ou la virgule, normal donc d’être « au point » si l’on se compare à une décimale. Génial et timbré ce type.

1 feat :

Busta Rhymes sur le titre « C’Mon Wit Da Get Down (Remix) ».

Le remix de T-Ray est sublime et Busta se pose dessus avec la vigueur débridée d’un forcené de l’hôpital psychiatrique.

Les Artifacts sortent un nouvel album 3 ans plus tard, That’s Them, plus poli mais impeccable. Le succès commercial n’est toujours pas au rendez-vous et Tame et El se séparent. Le premier rejoint l’équipe de Eastern Conference et commence à prendre des ecsta comme des smarties, le second poursuit une carrière plus jazzy auquel les puristes accordent une oreille respectueuse mais disparate… Comme tous les groupes de cette époque, la réunion est évoquée et quelques morceaux et concerts voient le jour sans beaucoup de conviction. Leur temps est passé mais ils l’auront marqué, indéniablement.

by : #bardamu

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