Buddy, simple & funky
Il a été le protégé de Pharrell Williams au début de la décennie, signé sur son label i am OTHER. Si de nombreux rappeurs ont pu s’illustrer grâce à la véritable renaissance artistique du hip-hop en 2011, tels que A$AP Rocky, Kendrick Lamar ou Tyler, the Creator, Buddy n’a pas su transformer le buzz naissant en début de carrière fulgurant. Après une première mixtape en 2013, Idle Time, passée relativement inaperçue, Buddy a pris son temps pour trouver son propre son. Émancipé, avec deux EP sortis en 2017 (Ocean & Montana intégralement produit par Kaytranada, et Magnolia intégralement produit par Mike & Keys), Buddy est peut-être enfin en train de trouver également son propre public. Rencontre juste avant sa toute première date française au YARD Summer Club
C’est la première fois que tu viens à Paris ?
Ouais, première fois. C’est génial. Je viens pour 4 shows en Europe : Londres, Amsterdam, Berlin, et Paris.
Ça fait maintenant quelques années que ta carrière est lancée. Il y a eu ce premier single avec Pharrell, “Awesome Awesome”, en 2011, puis cette mixtapeIdle Time en 2013. Sur celle-ci, il y a un morceau qui s’appelle “Staircases”, avec Kendrick Lamar, sur lequel tu parles d’un escalier qui t’emmène plus haut. Jusqu’où t’a t-il emmené ?
Pas si haut ! Mais je n’ai sauté aucune marche pour l’instant. Chaque marche est le chemin d’une année entière. Cette chanson c’était quoi, il y a 5 ans ? Donc je dirai que je suis 5 marches plus haut aujourd’hui.
C’est positif ou négatif ?
Oh, positif, super positif. Ces 5 marches étaient super dures à monter ! Chaque étape est difficile à passer, chaque avancée est une évolution majeure que tu ne peux pas te permettre de manquer.
Tu viens de mettre en ligne un EP de 5 titres, Magnolia, qui suit la sortie plus tôt dans l’année d’un autre EP 5 titres, Ocean & Montana. Pourquoi deux EP, et pas plutôt un seul album de 10 morceaux ?
Déjà, j’avais juste des tonnes de chansons que je n’avais pas sorti, j’avais besoin de les sortir. Je n’avais pas la sensation d’avoir le contenu approprié pour ce qui aurait été un premier album. Je pense que les gens avaient besoin d’entendre de la musique venant de moi. J’avais quelques titres de Magnolia terminés bien avant la sortie d’Ocean & Montana. Ça va faire 4, 5 ans que je travaille avec les producteurs Mike & Keys. Kaytranada, on s’est rencontrés à Los Angeles par hasard, et il m’a envoyé des beats. J’ai rappé dessus, et on a fini par avoir ces 5 morceaux ensemble. On avait ce son, ça faisait totalement sens de sortir un projet tous les deux. Alors, j’ai sorti ça, tout en continuant à bosser avec Mike & Keys, avec qui j’ai dû enregistrer au moins 200 sons. On a décidé d’en choisir 5 qui fonctionnaient bien ensemble, et le son de ce projet est complètement différent de celui avec Kaytra. Je ne voulais pas m’enfermer dans un seul son, aller un peu dans tous les sens. Maintenant, je bosse avec Mike & Keys et d’autres mecs cool sur un premier album.
Tu penses vraiment que les albums ont toujours de la valeur avec l’impact du streaming ?
Oui, ça compte pour moi. C’est pour ça que j’ai voulu sortir les EP. Les gens ont une durée d’attention qui s’est réduite et nombreux sont ceux qui ne prennent plus le temps d’écouter des albums en entier. J’ai vraiment voulu prendre mon temps, parce que je n’ai pas envie de sortir n’importe quoi. Je veux pas raconter des conneries et suivre une mode, être comme quelqu’un d’autre. Je prends le temps qu’il faut pour perfectionner mon son, suivre ma vision, montrer ma personnalité sur de la musique. C’est une bénédiction de pouvoir le faire en ayant mes amis avec moi. On est là, on traîne, on fume, et on fait des trucs cool. Ma famille aussi est impliquée – j’ai mon père sur l’album, ma mère, mon neveu. Il a 5 ans !
5 ans ! Il fait quoi sur l’album ?
C’est une surprise…
https://www.instagram.com/p/BZQRC1ijZEh
La famille & les amis c’est important pour toi. Mais il y a aussi l’endroit d’où tu viens, Compton. Qu’est ce qu’il y a dans l’eau là-bas pour qu’autant d’artistes talentueux viennent de cet endroit du monde ?
Et bien… Je sais pas ! Moi je bois de l’Evian ! Et de l’eau Fiji [rires, ndlr]. Je pense que c’est juste l’énergie, et d’avoir grandi dans cette ville. Les gens y vont à fond et ils s’en foutent. C’est ça la magie. Moi, j’en ai rien à foutre. J’ai juste l’impression qu’il faut que je donne mon maximum pour pouvoir me barrer d’ici d’une façon ou d’une autre.
Comment s’est passé la connection avec Boogie, autre rappeur de Compton invité sur Ocean & Montana ?
Boogie c’était mon pote au collège. Ensuite il a été au lycée Lake Wire et moi à Hoover. On s’est juste dit qu’il fallait faire un son ensemble. Quand j’étais jeune, je le regardais avec beaucoup d’intérêt, il traînait dans le coin et il faisait des trucs cool. On a toujours été potes. C’est mon gars. Il avait un crush sur ma soeur pendant un moment [rires] je lui ai dit de se détendre.
[Son manager] Boogie ? Sérieux ?
Ouais!… C’est mon gars.
Est-ce que Mike & Keys sont de Compton aussi ?
Non – Mike vient de la Louisiane, et Keys est de… D’où il vient Keys ? San Diego ?
[Son manager] Virginie.
Virginie? Nan, mec, je crois qu’il vient de San Diego.
Comment vous vous êtes rencontrés ?
Euh… Ce vendeur de weed. Son nom c’est Wonder Bread. Non – en fait, c’est Mars du groupe de production 1500 or Nothing. Je bossais avec lui, et je lui ai dit “Mars, j’ai pas de weed !”. Alors il m’a dit “Oh, je connais ce vendeur, il file de la weed gratos en échange de posts Instagram”. Du coup, j’étais là genre, OK, allons-y. Wonder Bread s’est pointé au studio avec un petit carton rempli de différents assortiments de parfums de weed, comme un putain de camion de glace – mais avec de la weed. Donc on est devenu potes. Un jour, je lui dit, “Bread, j’essaye d’aller à Hawaii pour mon anniversaire”. Il me répond, OK, pas de soucis. “Rejoins moi sur Hollywood Nord”. Je le retrouve en studio, il était en train de vendre de la weed à Domo Genesis. Donc, Domo et moi on est en train de fumer, avec genre, Left Brain ou quelqu’un comme ça. J’ai tout ce qu’il faut pour mon trip à Hawaii. Et Bread se dirige vers ces producteurs à qui il doit vendre de la weed, et il me dit qu’ils sont super bons. Il savait que je faisais du son, alors il m’a demandé de l’accompagner. Moi, j’étais dans une frénésie de weed, alors bon, j’étais en mode suivons Wonder Bread dans ce nuage. On a fini au studio avec Mike & Keys, à fumer encore plus de weed. Ils avaient des type beats sur lesquels ils m’ont laissé rapper. Alors, j’ai commencé à revenir les voir, chaque jour. Et on continue à faire du son ensemble aujourd’hui. Parce que leurs beats sont chauds !
La magie de la weed !
Oui.
Ta tournée européenne fait quatre arrêts, après Paris, ce sera Berlin, puis Londres, puis Amsterdam. Est-ce que tu comptes te connecter avec des rappeurs là-bas ? Ou tu comptes plutôt profiter du lieu pour tester la weed ?
Et bien, déjà, toutes mes chansons ne parlent pas de weed. C’est surtout celles avec Mike & Keys. Ceci dit, quand je serai à Amsterdam, je vais me mettre bien, c’est sûr.
Ça t’arrive d’écouter de la musique non-américaine?
D’où elle vient, Jorja Smith? Je connais Jorja Smith.
Elle vient de Londres.
J’aime bien Skepta aussi. Pablo [Attal] m’a montré quelques rappeurs français… mais je me souviens plus de leurs noms.
Être un artiste, c’est un job difficile. C’est surtout compliqué de parvenir à rester concentré et de continuer à croire en ses rêves sans perdre foi. Qu’est ce qui te maintient motivé, et t’aides à continuer à briller ?
Les gens autour de moi. J’ai tellement de chance de pouvoir compter sur ma famille et mes amis, les gens avec qui je travaille sont vraiment passionnés. Ils ne prennent pas les choses pour acquises et ils font en sorte que je continue à rester sur le droit chemin. Les rappels incessants des gens qui m’entourent. C’est bien plus grand que juste moi.
J’aimerai te poser une question concernant Pharrell Williams. Le fait qu’il te signe et te supporte t’a permis d’être rapidement identifié et t’as mis sur la carte, mais du coup tu t’es retrouvé à être, pour les médias et sans doute de nombreux auditeurs, rien de mieux que le protégé de la grande star. Est-ce qu’en sortant ces projets loin de lui, avec d’autres producteurs, tu ne cherches pas à t’émanciper et t’éloigner de cette étiquette ?
Oui. Et je suis très content de ça, c’est génial. J’aime Pharrell – c’est la meilleure étiquette que j’aurai jamais pu avoir. Être le protégé de Pharrell ? Ça défonce. Mais mon nom, c’est Buddy. Ma mère m’a nommé Simmie Sims, ma soeur m’a surnommé Buddy. Et c’est ce nom là que j’essaie de faire exister aux yeux du monde.
Avec le recul, est-ce que cette étiquette de Pharrell, c’était trop tôt pour toi, ou tu n’y changerais rien si tu revenais dans le passé ?
Non, je n’y changerai rien. Le timing était parfait.