Chaze : « En studio avec Mobb Deep, tu vois un mec armé. Ce gars a pris 20 ans »

Pur produit de la métropole parisienne, Chaze s’est forgé au rythme des voyages et de l’art, qu’il a écumé de fond en comble par le biais de plusieurs disciplines. Le graffiti dans un premier temps, qu’il marquera de son empreinte en vandalisant la station de métro du Louvre dans les années 90, ou collectivement, en cofondant la Grim Team, qui deviendra l’un des crews les plus mythiques du graffiti français. Le cours naturel de la vie emmènera ensuite le graffeur vers la musique, hip-hop, de son travail au sein du label Chronowax à producteur investissant la Big Apple au contact des Mobb Deep ; avant de virer vers le son électronique. Une polyvalence qu’il pousse encore plus loin quand il se met derrière la caméra de temps à autre. Personnage discret et peu enclin à se mettre en lumière, Ulysse, de son vrai nom, se montre au grand jour pour nous. Textuellement parlant.

 

chaze

 

Quand tu rencontres une personne qui ne te connaît ni d’Ève ni d’Adam, comment te présentes-tu ?

En général pour quelqu’un qui ne me connaît ni d’Ève ni d’Adam, je ne me présente pas trop (rires). En fait, je me présente en disant que mon passé, c’est le graffiti. J’ai commencé en 1986/1987, j’estime que je suis la deuxième génération du graffiti en France. Avant moi il y avait les pionniers comme les BBC, les NTM, les CTK…

 

Tu t’appelles Ulysse, un prénom plutôt atypique. Tu n’as jamais eu envie de garder ce nom comme alias ?

Si, j’y ai pensé, quand j’ai commencé à faire de la musique électronique. Je me suis demandé si j’utilisais mon vrai nom. Finalement, j’ai estimé avoir accompli pas mal de choses avec ce surnom, il faut continuer, aller jusqu’au bout… Il y a des gens qui ne connaissent pas Ulysse, pour eux je suis Chaze.

 

Pourquoi as-tu décidé de te mettre au graffiti ?

C’est quelque chose de visuel, j’ai kiffé. J’ai halluciné quand j’ai vu des peintures sur les métros. Petit à petit, on s’est mis à taguer sur les tables du collège, les chiottes étaient défoncées… Puis tu y prends goût et tu rencontres d’autres mecs qui font la même chose que toi sur Paris. J’ai plus pris un chemin de vandale, on faisait les métros, les tunnels, les rues. C’était ce qui nous intéressait. Quand tu fais un dépôt dans le métro il y a l’adrénaline, le risque qui entrent en jeu.

 

CHAZE-Metro-YARD

 

Pourquoi le métro particulièrement ?

Parce que c’est un lieu où ça circule. Pour faire voir ton nom c’est un des moyens les plus pratiques dans Paris et, encore une fois, il y a l’adrénaline. Si tu fais un tag dans la rue c’est assez facile, tu peux aussi faire une fresque autorisée sur un terrain vague, mais c’est un peu chiant. Dans le métro, tu es tout de suite au cœur du sujet. C’était une opération commando, on avait les clefs des trappes dans les entrepôts, les clefs des portes. Par exemple à la station Charles de Gaulle, il y avait des portes fermées qui donnaient tout de suite sur des métros. Petit à petit la collection se fait, les mecs ont des clefs, tu connais les horaires des maîtres chiens.

 

Tu peux me raconter l’anecdote sur le Louvre où vous vous êtes fait arrêter.

Ce n’est pas a priori, c’est sûr même (rires) ! C’était en 91, on avait fait déjà pas mal de stations à l’époque et c’est mon collègue, qui taguait OENO, qui avait décidé qu’il fallait faire la station Louvre parce que c’était une figure de proue de la RATP, leur plus belle station. Ils avaient déclaré la guerre aux graffitis et on s’est dit qu’il fallait marquer le coup. À l’époque, il y avait une des premières raves qui se passait à ce moment là à la Défense. On était une vingtaine, on avait tous nos bombes, on allait tous à la rave. Et quand on arrive sur le quai de la station de métro Louvre, ça s’est décidé. GARY, OENO et moi on descend. Il y avait encore le métro qui tournait, on attend, pour engrainer les autres. Personne n’est venu : « Nous on s’en bat les couilles on va en soirée, on fera ça plus tard.» Bref, on est descendus tous les trois, on a attendu 3h du mat’. On avait les clefs et on a pété la station. Le lendemain on était dans les journaux, on faisait toutes les unes des magazines… On ne s’attendait pas du tout à ce que ça fasse du bruit comme ça. C’était le Parisien, Antenne 2, on était partout. C’était la station Louvre du coup les gens étaient choqués. Il y avait des répliques de statues, c’était vraiment une belle station à l’époque. On avait vraiment vandalisé le truc. Après ça, la mairie de Paris et la RATP ont décidé de frapper un grand coup et de nous retrouver. Un mois plus tard, on a été perquisitionnés tous les trois à la même heure, un truc synchronisé (rires). Ils nous suivaient, le graffiti c’était facile pour nous retrouver. Comme dans tous les milieux, il y a beaucoup de balances, donc on a vite été identifiés, ça a été rapide pour eux. Ils nous ont suivi quand on faisait d’autres métros, on arrivait en entrepôt on se disait : «  C’est bizarre, il y a plein de maîtres-chiens aujourd’hui, on ne peut pas le faire. » Puis ils nous empêchaient de faire les trucs et un beau matin, ils nous on serré.

 

Et du coup l’expérience de la prison qui vient après…

… Pour des graffitis il me dit : « Voilà, monsieur vous allez partir en préventive, tant pis pour vous.» Donc on a fait 3 semaines de préventive, GARY était mineur encore, nous on venait tout juste d’être majeurs. Donc GARY a payé, il est sorti sous caution et nous, nous sommes restés à Fleury pendant 3 semaines. C’était rapide mais on hallucinait. Tu te retrouves devant les miradors en prison… Être là pour des tagueurs c’est un peu ouf et même les mecs dans la prison ils hallucinaient qu’on soit là pour de la peinture. Après on est sortis et on a été jugés 6 mois ou 1 an plus tard. On a eu une grosse amende et du sursis.

 

Chaze-ITW-YARD

 

Et quand tu sors de prison, ça ne te coupe pas un peu l’envie de graffer ?

Quand tu sors de prison tu es calmé, mais tu n’arrêtes pas du tout parce que tu as 18 ans et ce n’est pas ça qui va t’arrêter. Donc on a changé de noms. À cette époque, je taguais STEM ensuite j’ai changé de nom pour CHAZE. J’avais vu une couverture de bouquin qui s’appelait Charlie Chase, c’est un truc américain de détective et il y avait une belle typo sur la cover, j’avais kiffé ça. On est partis à Amsterdam pour défoncer pendant 1 mois et demi avec un stock de bombes. On avait 100 bombes chacun, on dormait dans des bed & breakfast, on faisait les coffee shop et on fumait, on faisait les entrepôts et la rue. Toujours dans l’idée de « chicoter », comme on disait à l’époque, le plus possible et c’est tout. Il fallait tout niquer, c’est ouf comme concept mais on volait la journée, le soir on peignait. On ne faisait que ça .On avait arrêté l’école. Je devais avoir 19 ans je pense.

 

Et la Grim Team ça arrive quand dans tout ça ?

La Grim Team arrive en 1995/1996, quand ça s’est calmé. Quand on a arrêté de faire des métros, on commençait à peindre avec des mecs comme JAY ou PSY qui étaient la génération d’après mais qui nous avaient influencé au début. Pour débuter c’était juste GT, tu vois un autocollant où il y a une meuf avec une bouteille de champagne dans le cul : c’est notre état d’esprit a l’époque, rien de très intellectuel (rires). C’était n’importe quoi. On kiffait le BMX, on kiffait les vélos GT, donc on a pris ces lettres et un jour, on nous a dit : « Vous devriez vous appeler Grim Team. » Grim dans le dictionnaire américain c’est tout ce qui est un peu sombre. On était un peu antisocial et c’est Stephen de Kick Back, un groupe français de hardcore, qui a trouvé le nom de Grim Team fin 1995. Et c’est resté.

 

En 1995, quelle était votre philosophie ?

La philosophie c’était le style. On n’avait pas de philosophie mais plus tard avec du recul, on s’est rendu compte que notre philosophie c’était d’avoir le plus de style possible, que ce soit sur les métros, sur les terrains ou dans les rues. Il y a beaucoup de gens dans le tag en France où il n’y a pas vraiment de style, mais en fait c’est un style français, européen. Notre école, c’est New York. C’est la Mecque du graffiti, c’est là d’où tout vient. Ça s’est fait naturellement dès le début en regardant des magazines, des vidéos. New York c’est comme un mec qui fait du rap français. Maintenant les nouvelles générations sont plus portées par Miami et par le South, avec Atlanta, mais à l’époque quand tu écoutais du rap comme La Cliqua, avec qui j’ai travaillé, c’était New York la référence. Ils voyageaient. Rocca et les autres étaient fans de Black Moon, de Mobb Deep, et nous c’était pareil pour le graffiti, on tenait nos inspirations de New York.

 

CHAZE-YARD-2

 

Même pour ceux qui ne sont pas familiers avec le graffiti le logo GT est très reconnaissable. Aviez-vous imaginé une telle renommée au moment de sa création ?

C’est venu après quand on a commencé à vouloir faire nos propres t-shirts. On achetait des tees de marques, certains mecs faisaient des logos, de la photo, ça commençait à évoluer professionnellement et on s’est dit qu’on allait faire les notres. On avait besoin d’un logo à l’époque, ce n’était pas très évolué et encore un peu basique, mais il nous fallait quelque chose parce qu’on aimait être identifiable. J’ai fait appel à Jay des BBC, un ancien du graffiti français qui graphiquement est un des meilleurs. Il nous a sorti la tête, l’icône qui est devenue un logo classique. Même si les gens ne le connaissent pas forcément, c’est possible qu’ils l’aient vu dans la rue, dans les magazines. Une fois qu’on a eu notre logo on a fait nos premières étiquettes, nos premiers t-shirts. C’était en 1998/1999. Après je suis parti vivre à New York en 2001, j’en avais marre de Paris.

 

C’est à ce moment que tu as arrêté le graff?

J’ai arrêté quand je suis parti à New York. J’y suis resté un an illégalement, après j’y suis reparti pour faire mes papiers parce qu’on voulait lancer la marque Grim Team aux États-Unis. J’ai donc arrêté de faire du graffiti parce que si tu te faisais serrer là-bas, tu avais des chances d’être renvoyé dans ton pays d’origine. Le jeu n’en valait pas la chandelle, je voulais y rester.
Je suis parti parce que je saturais à Paname. On avait des contacts à New York, alors on est partis. J’y suis allé avec un pote, Greg qui faisait le marketing chez Carhartt, qui en avait marre de Paris. Pendant trois ans on s’est dit qu’avec ces thunes on irait à New York créer une marque. Sir place on a rencontré Mobb Deep, Greg essayait de nous trouver un deal pour les vêtements et eux avaient plein de connexions.

 

C’est à ce moment là que tu as eu envie de te mettre à la musique ?

J’ai commencé à toucher à la musique à la fin des années 90. Je bossais avec Gallegos qui était le dj/producteur de la Cliqua, qui m’a montré comment utiliser une MPC. Apres c’est en travaillant chez Chronowax que j’ai rencontré Mehdi (DJ Mehdi), il était souvent au bureau parce qu’on distribuait son label, on a sorti ses premiers vinyles. À l’époque j’ai fait le logo pour son label « espionnage ». Et c’est un peu comme ça que je suis rentré dans la musique. Distribuer des disques et rencontrer des producteurs m’ont donné envie de faire du son et j’ai produit un track sur le deuxième album de Rocca (« Sang Pitié »). J’ai aussi co-produit un son avec Gallegos et à partir de là je commençais à faire des prods. Après en partant à New York, j’ai continué.

 

Chaze-graffiti

 

Ce sont ces deux-là qui t’ont donné la marche à suivre?

Mehdi m’a dit que le plus simple était d’acheter une MPC, qu’il avait commencé à apprendre tout seul comme ça. Gallegos m’a montré comment sampler. Au début, tu es complètement perdu quand tu te retrouves devant une machine, même ave les DPM, prendre le rythme du truc c’est particulier quand tu viens du graffiti. À ce moment-là j’étais vraiment hip-hop… On a écouté de la house, de la techno au début des années 90 parce qu’on avait fait les premières raves. Par exemple, on écoutait beaucoup de techno et de house avec Joey Beltram, un ancien graffeur du Queens. C’était un peu bizarre cette période parce qu’à côté de ça on écoutait Utramagnetic MCs et après avec le temps on n’écoutait plus que du rap.

 

Et le rêve américain se passe comment ?

Tu penses que tu vas vivre de la musique mais en fait pas du tout (rires). Alors il faut bosser, faire des petits jobs dans des hôtels. En plus au départ tu n’es pas forcément autorisé à travailler, on avait des visas d’artistes car à l’époque où on est partis, on avait un gros pressbook avec Grim Team. On s’était loués un appart à Spanish Harlem et petit à petit on s’est connectés avec Noreaga parce qu’il kiffait notre logo. Il mettait nos t-shirts dans ses clips, on avait des parutions dans un gros magazine de l’époque et on a fait du son pour Mobb Deep, pour les gars du Queens d’Infamous Mobb… Après j’ai rencontré des gars de DITC avec mon pote le Français Eric Blaze (producteur à New York), et Lord Finesse qui m’a vraiment inspiré et montré pas mal de « tricks » pour produire des disques, sampler… C’est un maître du genre.

 

Je suis arrivé en juin 2001, j’y suis resté l’été. Il y a eu le 11 septembre alors on est restés bloqués en France. Le 11 septembre j’étais en train de me faire tatouer un Grim Team sur les avant-bras. On est repartis une fois que c’était possible avec mon pote Greg en novembre 2001. Ensuite tu es obligé de trouver un endroit où vivre, on avait squatté chez des gars pendant 2/3 mois avant de se trouver un petit appart. Ensuite tu essaies de trouver des plans. On avait des économies, on a vécu dessus. Greg était commercial pour Com-8 donc il faisait des allers-retours pour la France. On ne voulait plus rentrer.

 

On est arrivés au mauvais moment parce qu’après le 11 septembre l’énergie était morte évidemment. Aujourd’hui elle est de retour, mais ce n’est plus pareil, ce ne sera jamais comme avant les attentats. Tout se passait dans la rue. Certains étés à New York, il y avait des vibes incroyables, de la musique partout : salsa, house, du rap… Maintenant tout est beaucoup plus épuré, tout est construit, tout est neuf et tout fonctionne sur l’oseille. New York dans les années 80 c’était une ville abandonnée à elle-même, c’était chaud, il y avait des quartiers dans lesquels tu ne mettais pas les pieds. Petit à petit, cela a changé et New York, comme Paris, comme Londres sont des villes qui ont été récupérées par de gros investissements immobiliers. Maintenant c’est super clean, il n’y a presque plus de graffitis. La rap maintenant vient de Miami, Detroit, Atlanta… New York c’est fini pour l’instant…

 

 

C’est la raison pour laquelle tu es revenu ?

C’est dur de réussir à New York, on ne va pas se le cacher, on s’est cassés les dents là-bas. Tu kiffes, mais tu ne gagnes pas vraiment de thunes. On ne peut pas dire que c’était une réussite sauf pour les connaissances, il y a une espèce de savoir-faire sur place. On n’a pas vraiment vécu le rêve américain (rires). J’ai fait 12 ans à New York, c’est très stressant, il y a beaucoup de monde, c’est de plus en plus cher du coup je suis rentré pour mieux repartir.

 

Comment t’es perçu à New York en tant que jeune producteur blanc et français ?

Ils sont étonnés parce que ton son est bon alors que tu es un petit « babtou », ils hallucinent les gars parce que c’est quand même « renoi » à mort l’industrie du rap aux States. Il y a quelques « latinos » mais c’est les « renois » qui contrôlent. Au dessus tu as les « feuj » et après tu as des gars comme Jay Z et Nas maintenant qui ne sont même plus des rappeurs mais des entrepreneurs. Quand tu es blanc et que tu fais du bon son, ça les intrigue, ils se disent qu’ils vont t’utiliser. J’ai conscience de ça, le mec ne va pas te payer, mais tu kiffes. Quand plus tard, les gars de Mobb Deep t’appellent et que tu réalises, tu dis non. C’est bon les gars, ça fait 5 ans ils t’ont jamais donné 1 dollar et aujourd’hui ça continue avec d’autres qui ont pris mon relais. Des Allemands, des Français les ont même payés pour faire des albums avec eux ! Mais ça marche que dans un sens, les thunes. Quand tu viens de là-bas c’est différent mais quand tu es Européen, ils te voient toujours comme un fan. C’est un peu retombé avec la réussite de certains Européens, mais à l’époque c’était ça.

 

Quand tu rentres à Paris, comment tu rebondis ?

Quand je suis parti de New York, je commençais à être dégoûté du rap et de son évolution et je me suis dit que j’allais revenir à des choses que j’écoutais dans les années 90, c’est à dire de la house. En cherchant des disques pour sampler à New York, j’écoutais beaucoup de soul, de funk, de la vieille électro ; et je me suis dit que j’allais commencer à sampler ce genre de sons pour faire de la musique électronique. J’avais kiffer les premiers projets de Daft Punk, l’ambiance French Touch où ils samplaient, ça m’avait bien fait kiffer. Souvent quand j’écoutais un son de rap, je cherchais un sample et je me disais ça en électro ou en house ce serait « chanmé ». Aujourd’hui je suis revenu à ça même si je ne sample pas beaucoup.
Paris c’est une ville magnifique, il y a des bons et des mauvais côtés, comme partout en fait. À Paris, c’est surtout la mentalité qui est relou, il y a de la créativité mais les gens ne sont pas ouverts d’esprit. Par exemple dans le métro, tu ne peux pas t’habiller comme tu veux. A New York on voit des trucs de ouf, les gens s’en battent les couilles ils ne te regardent même pas, chacun fait ce qu’il veut. En France tu es catégorisé. Londres, Berlin sont des villes plus ouvertes. La France c’est particulier.

 

Qu’est-ce qui t’a dégoûté du rap ?

Quand tu commences à parler anglais couramment et que tu comprends tout ce qu’ils disent, tu as vite fait le tour au bout d’un moment. Les mecs parlent de meufs, d’oseille, de voiture, ça y est le tour est fait. Il y a certains trucs que je kiffe mais la créativité n’est pas la même que dans les années 90. C’est beaucoup plus dur d’être créatif en 2015. Au niveau des paroles tout ce qui était Jungle Brothers, De La Soul, A Tribe Called Quest ; y’a jamais eu de violence, y’a jamais eu d’oseille. C’était assez ouvert d’esprit. Aujourd’hui tu entends Kaaris a la radio et tu te dit wow…ca a régressé en fait. Un mec comme Booba arrive encore a sortir des gros sons, Il n’y a pas un mec qui a fait mieux au niveau de la provocation et des punchlines.

 

 

Comment as-tu suivi le parcours de DJ Mehdi, alors que tu l’as connu quand il faisait du rap avec le 113 et ensuite il était du côté d’Ed Banger ? Une trajectoire musicale un peu semblable à la tienne.

Je me suis dit que c’était assez logique parce qu’il commençait à sampler « Les princes de la ville », il y avait une évolution. Mehdi était un gars ouvert d’esprit, il ne pensait pas que « pe-ra » et ça se sentait quand on était à Chronowax qu’il allait quitter de rap. Je pense qu’il en avait un peu marre aussi de ce qui se passait dans le rap en France, il commençait à se dire qu’il fallait faire évoluer le son, les paroles… Il l’a très bien fait, ce qu’il a sorti était mortel et il est parti vraiment trop tôt. C’est du vrai gâchis. Je l’ai croisé 2/3 fois quand j’étais à Miami, il venait souvent faire la Winter Music Conference, il mixait là-bas. DJ Mehdi, c’est un ensemble de classiques du rap français à l’électro. Le deuxième album d’Idéal J pour moi est un des meilleurs albums de rap français.

 

As-tu une anecdote de studio dans ta période new-yorkaise?

On était avec Infamous Mobb, ils faisaient leur deuxième album et c’est une des fois où il y a eu un blackout à New York, donc plus d’électricité pendant 48h. On était dans le studio dans le Queens et… Bzzzz ! Tu n’as plus de lumière ! Tu étais en train d’écouter du son et tu te demandes ce qu’il se passe. Tu sors, il fait nuit, tout le monde est dans la rue.
Une fois, j’étais avec Mobb Deep en studio, il y en a un qui a un mac 10 dans la ceinture et joue avec…Tu vois le truc et tu te dis : « Les gars sont dingues. » Deux ans plus tard tu apprends que le gars a pris 20 ans. C’est une autre planète ! Les mecs fument de la weed depuis qu’ils ont 10 ans, leurs cerveaux sont fumés.

 

 

Quand tu te remémores dans ce New York des années 90 est-ce que tu as d’autres souvenirs en relation avec certaines grosses têtes de la scène hip-hop?

Mes quatre dernières années à New York j’ai travaillé dans l’industrie du film, dans la production. Je faisais de la musique mais à côté il fallait bosser alors j’ai travaillé pour des boîtes qui produisaient des clips. J’ai bossé sur un clip de Nas en 2010/2011, un de ses derniers dans le Queens. Je faisais de la régie. C’était la fin du clip, il était dans une Rolls Phantom. Le tournage était un peu parti en couille pour moi, on avait picolé. On tournait dans un quartier dominicain du Queens et le mec avec qui je bossais était Dominicain ; du coup on lui offrait des flashs de whisky, et flash après flash… On conduisait un camion et comme on avait oublié de fermer les portes, et on a perdu des trucs, le matos était tombé du camion. Heureusement un taxi est arrivé pour nous prévenir qu’on était en train de tout perdre (rires).

 

C’était un premier contact avec la caméra, c’est ça qui t’a plus ou moins donné envie de bosser de faire de la vidéo et du cinéma ?

En fait j’ai travaillé dans la régie de film à New York, c’est comme ça que j’ai eu ma première expérience avec le monde du film. Mon pote Armen m’a connecté avec des boîtes de prod sur place, la musique ne me faisait pas vivre il fallait bosser. À paris c’est un autre des mes amis, Orel aka Marc Aurele Vecchione avec qui je bosse sur des projets de films et je produis aussi du soundtrack pour ses documentaires. Il y a des trucs sympas qui arrivent…

 

CHAZE-YARD-ITW

 

Que penses-tu de l’implantation du graffiti dans les salles d’exposition ?

C’est une bonne chose parce que ca veut dire que le graffiti est finalement reconnu comme un art, pas seulement comme du vandalisme. Le problème c’est qu’il y a beaucoup d’imposteurs et de galeristes qui ont senti le truc venir et qui en font un business, ils ont même appelé ça le « street art ». Quelle horreur ce nom qui englobe tout, le graffiti, les pochoirs, les mecs qui sortent d’école de dessin et qui commencent a peindre des motifs en tout genre sur les murs… C’est devenu une vraie foire, mais tous ne survivront pas cette mode, il y en a des légitimes et d’autres qui n’ont rien a faire là, c’est un long débat !

 

Aujourd’hui ça t’arrive de refaire des murs ?

Je fais du graff dans les rues et le reste pour l’adrénaline, quand j’ai bu un coup et que je suis avec des potes. Tu pars en Italie pour tourner un film et tu fais un métro. J’ai arrêté longtemps et j’ai repris il y a 3 ans environ. J’ai fait quelques toiles, des ventes aux enchères mais je n’ai jamais insisté. C’est un milieu assez horrible, je peins des murs de temps en temps mais comme je le disait ca m’emmerde pas mal.

 

 

Dans le même genre