Def Jam, 30 ans d’Histoire(s) | Partie I (1984-1988)

En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 1984 à 1988 pour ce premier volet d’une saga en six parties.

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1984 : Un prophète nommé Russell Simmons

Repéré par Ad-Rock des Beastie Boys, qui se plaisait à écouter les nombreuses cassettes reçues par Rick Rubin dans sa petite chambre universitaire, LL Cool J aura été la première étoile de la constellation Def Jam. Appréciant le style affirmé du jeune rappeur, tant musical que vestimentaire, le fondateur du label l’accompagne dans ses premières aventures artistiques, lui faisant rapidement enregistrer la démo du titre « I Need a Beat ». Une fois finalisée, nos deux compères la partagent ensuite avec Russell Simmons qui, dès la première écoute du morceau, lance tel un prophète : « Lui c’est LL, et il va se faire une fortune ». En bon visionnaire, le destin prouvera des années plus tard qu’en affirmant cela, Simmons n’était pas bien loin de la vérité. Mais « I Need A Beat » aura surtout marqué le lancement officiel de la structure Def Jam.

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1985 : Le produit et l’emballage

Au-delà de sa faculté à produire de bons disques, Def Jam aura également su s’implanter solidement dans le paysage musical à travers ses idées marketing fortes. Entre des visuels toujours soignés, la pochette de l’album Licensed To Ill est encore aujourd’hui considérée comme l’une des plus réussies du rock – et ses logos inventifs, à commencer par celui du label Def Jam, a toujours su comment mettre en valeur ses productions.
En ce sens, la première publicité du label se veut tout aussi significative. Parue en 1985 dans le magazine Billboard, celle-ci affichait en grand le logo du groupe avec en-dessous le slogan quelque peu ironique, mais fort de sens : « Our artists speak for themselves (‘Cause they can’t sing.) » / « Nos artistes parlent d’eux-même (Vu qu’ils ne savent pas chanter) ». Tout l’art d’offrir un packaging efficace et attrayant à un produit que l’on sait savoureux.

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1986 : John « Chung » King

« L’Abbey Road du hip-hop » tel était l’élogieux surnom dont étaient affublés les studios Chung King durant leur âge d’or traversé par les légendes : les Run-DMC, les Beastie Boys ou encore Notorious B.I.G. Et pourtant, quand son fondateur John King donne naissance à cet endroit symbolique en tant que « Secret Society Records », c’est une simple erreur de prononciation des commerçants de Chinatown – quartier dans lequel les studios étaient situés – qui finit par déformer le nom de ce-même fondateur en « Chung King ». Un titre officieux qui plait à Rick Rubin, à tel point qu’il mentionna « Chung King, House Of Metal » au verso de l’album Raising Hell de Run-DMC. Une publicité énorme qui incite John King à adopter définitivement ce nom en 1986.

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1987 : Le médaillon Volkswagen

En parallèle des succès de LL Cool J, les Beastie Boys ont été l’autre grande réussite des débuts de Def Jam. Un premier album Licensed To Ill, premier du genre hip-hop à se classer en tête des ventes dès la première semaine et une tournée avec Madonna, alors que les trois membres du groupes ne sont encore que de simples adolescents. Ils disposent déjà d’un background enviable, qui leur permet de se faire peu à peu un nom dans un style musical pourtant éloigné de leur culture originelle, eux qui exerçaient initialement dans le punk-rock. Une réussite bien aidée par quelques singles efficaces, tel que « No Sleep Till Brooklyn » ou encore « Fight For You Right », clip dans lequel Mike D, l’un de membres du groupe, voit son cou orné d’une large chaîne en or sur laquelle pend un médaillon de la marque Volkswagen. Un accoutrement qui lance immédiatement une mode telle qu’elle inquiète alors les possesseurs de voitures de la compagnie allemande, qui craignent de voir leur véhicule amputé de son logo.

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1988 : Rick Rubin, une page se tourne

Avant même que Def Jam ne prenne une forme juridique en 1984 à travers son premier single officiel « I Need A Beat », le label existe déjà par la démarche de son fondateur qui avait fait imprimé son imposant logo sur la pochette du disque de T-La Rock « It’s Yours ». Alors qu’il n’est qu’un simple étudiant à l’époque, Rick Rubin aura été le véritable pionner de Def Jam, l’élan artistique du label et le designer de ce logo identifiable entre milles. Un statut qui ne l’a toutefois pas empêché d’être le premier à claquer la porte du label, de son plein gré, laissant paradoxalement son bébé entre les mains bienveillantes de ceux dont il ne partage alors plus le point de vue. Si Rick Rubin interprète son départ comme une succession de non-dits et de problèmes que lui et Russell n’avaient la maturité pour régler ; ce-dernier le perçoit comme un mal pour un bien, lassé d’être cantonné à son image de businessman quand son compère est vu comme le génie du duo.

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