Def Jam, 30 ans d’Histoire(s) | Partie II (1989-1993)

En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.

Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.

Cette semaine, retour sur les années 1988 à 1994 pour ce deuxième volet d’une saga en six parties.

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

1989 : The Anthem

Quand Spike Lee réalise Do The Right Thing et imagine le personnage de Radio Raheem, qui se distingue par son bruyant Ghetto-Blaster, il comprend que le film se doit d’être porté par un titre phare, « l’hymne » de toute une communauté. Une volonté qui correspond au profil de Public Enemy, le groupe vedette de Def Jam dont la plume engagée parle aux jeunes des ghettos. Mais lorsque Spike Lee contacte son leader Chuck D, il lui propose d’enregistrer une version hip-hop de « Lift Every Voice and Sing » du poète James Weldon Johnson. Une idée qui ne convainc pas le rappeur, qui n’y voit pas là un titre susceptible de marquer les esprits de la jeunesse afro-américaine. Il revient finalement auprès de Spike Lee avec la bombe « Fight The Power » qui reste encore aujourd’hui l’un des morceaux phares de la carrière du groupe, avec notamment la ligne culte « Elvis was a hero to most but he never meant shit to me ».

ve

1990 : Carmen Ashhurst, une salvatrice first lady

Sony a beau scruter avec une attention toute particulière le label en plein essor, Def Jam, en vue d’un nouveau deal de distribution, le numéro deux mondial de la musique n’en est pas moins refroidi par le manque d’organisation régnant au sein de l’écurie fondée par Rick Rubin. Refusant de voir cet arrangement fructueux lui passer sous le nez, Russell Simmons promeut alors sa fidèle confidente Carmen Ashhurst, au poste de présidente de Def Jam, avec pour objectif majeur de restructurer un label dont les contours organisationnels sont bien trop flous à l’époque. Une mission accomplie avec succès par la « first lady » qui redessine l’agencement du label, créant de nouveaux départements spécifiques et nommant des personnes à la tête de chacun de ces départements, et de ce fait, rendant possible la reconfiguration du deal entre Def Jam et Sony.

1991 : Rock Hard

À l’image de la culture qu’il glorifie à travers son activité, Def Jam a toujours été le fruit d’un large métissage musical, orchestré dès sa fondation par la réunion entre l’enfant du métal, Rubin, et celui baignant dans le hip-hop, Simmons. Un mélange perceptible dès les premières productions Def Jam, qu’il s’agisse des Beastie Boys ou même de Run-DMC qui, accompagné de Rubin, avaient franchi les limites de leur discipline en collaborant avec le groupe Aerosmith. Un pas qu’emprunte également le groupe Public Enemy en intégrant à leur troisième album Apocalypse 91… The Enemy Strikes Back un remix détonnant de leur hit « Bring The Noise » en collaboration avec le groupe de thrash metal Anthrax. Une collaboration que Chuck D avoue pourtant « n’avoir pas pris au sérieux » lorsqu’elle est initialement proposée – en dépit des bons rapports qu’entretiennent alors les deux groupes – mais qui les amena toutefois à partir en tournée ensemble.

run-dmc-and-aerosmith

1992 : Def Comedy Jam, une nouvelle plateforme d’expression

Quatre années se sont écoulées depuis le départ de Rick Rubin, et Russell Simmons, soucieux de se séparer peu à peu de l’ombre pesante de son illustre collaborateur, est à la recherche de nouveaux moyens originaux pour développer la marque Def Jam dans des domaines encore inédits. C’est de cette volonté que naît en 1992 le show TV Def Comedy Jam diffusé sur la chaîne satellite HBO. Subissant des reproches quant à son prétendu communautarisme, l’émission a, durant 8 années d’existence, contribué à mettre en lumière de nombreux comédiens afro-américains, de Martin Lawrence à Chris Tucker en passant par Mo’Nique. Cette dernière a d’ailleurs rendu un vibrant hommage à Simmons en 2014 lors de l’Arsenio Hall Show, estimant que celui-ci a offert une « liberté que peu d’autres était en mesure d’accorder » aux comédiens noirs à travers le Def Comedy Jam.

CSO920726-PO

1993 : L’entrée fracassante d’Onyx

En 1993, une nouvelle force de frappe fait son entrée dans le catalogue Def Jam. Signés chez Jam Master Jay Records, l’un des nombreux labels affilié à Rush Communications – et par extension à Def Jam, le trio Onyx mise sur une agressivité débordante que les membres tirent des bas fond de Jamaïca, quartier parmi les plus précaires du Queens : « Tout ce qu’on fait vient du côté sombre et sinistre de la réalité, c’est là on vit. On a l’air menaçant parce qu’on hurle de toute la force de nos poumons et notre musique est aussi puissante que possible ». Ce qui aurait pu être un frein à leur carrière en est donc le principal moteur, puisque leur premier album Bacdafucup et son single phare « Slam » seront tous deux certifiés disque de platine.

5233

PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI

Dans le même genre