Def Jam, 30 ans d’Histoire(s) | Partie III (1994-1998)
En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.
Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.
Cette semaine, retour sur les années 1988 à 1994 pour ce troisième volet d’une saga en six parties.
PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI
1994 : Redman, le salut de Def Jam
Au cours de la dernière décennie la séparant du XXIème siècle, Def Jam vit l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Accumulant les pertes d’argents, à force de dépenses trop conséquentes pour des artistes ne parvenant pas toujours à justifier les sommes investies, le label est alors dans une situation de grande précarité, devant près de 17 millions de dollars à Sony. « Vous avez déjà vu un boxeur se prendre une raclée ? L’arbitre fait le décompte, et tout le public se dit qu’il ne se relèvera plus. C’est ce qui est arrivé à Def Jam » expliquera Lyor Cohen des années plus tard. Le groupe finit toutefois par trouver son salut en Redman, et le titre « Time 4 Sum Aksion » arrive à point nommé pour sauver le label. C’est le moins que l’on puisse dire, puisque quelques mois plus tard, en 1994 Def Jam est vendu à Polygram pour 33 millions de dollars, soit près du double des dettes dues à Sony.
1995 : Pour une poignée de dollars
Venu soutenir la promotion de l’album Tical quelques mois après sa sortie, « All I Need » prend à l’origine des allures d’OVNI dans le sombre premier opus solo de Method Man, membre du Wu-Tang Clan signé sur Def Jam depuis 1994. Un titre plus personnel que le rappeur ne souhaitait initialement pas sortir en tant que single, au contraire du grand boss Lyor Cohen qui imaginait déjà le succès que pouvait rencontrer cette reprise du classique de Marvin Gaye « You’re All I Need To Get By ». Ce dernier parvient néanmoins à trouver le juste montant nécessaire pour le faire changer d’avis, près de 50 000€, somme à partir de laquelle l’aspect « personnel » du titre passa visiblement au second plan dans l’esprit de Mr. Meth. Un forcing une nouvelle fois payant, le million de ventes écoulées du single en attestant.
1996 : The Ghostwriter
Lorsque que Def Jam croise la route de Foxy Brown, elle n’est qu’une jeune femme égarée, errant aux alentours des studios Chung King dans l’attente d’une chance de montrer ses talents de rappeuse. Hélas, bien que disposant d’une voix atypique et d’une allure truculente, ses ambitions artistiques sont alors freinées par son absence de talents d’écriture, au grand dam de Lyor Cohen. Mais Chris Lighty, à l’origine de sa signature au sein du groupe Def Jam, a de la suite dans les idées et tente de pallier ce manque en proposant à Jay-Z d’écrire les textes de Foxy. Une proposition qui convient à Hova et qui contribue à faire de la rappeuse l’égérie féminine de Def Jam et la principale concurrente de Lil Kim à la course au titre glorieux de « queen » du rap.
1997 : I’m the business, man
Jay-Z devait être le nouvel artiste estampillé Def Jam. C’était en tout cas ce que souhaitait Kevin Liles lorsqu’il a eu l’occasion d’écouter les premières mesures de « Feelin’ It ». Hélas pour lui, ce n’est pas comme cela que Jigga entend tracer son avenir. Dirigeant d’ores et déjà son propre label, Roc-A-Fella Records, sur lequel est sorti son premier album Reasonable Doubt, Jay-Z ne voit en Def Jam qu’un moyen pour lui de développer son propre business. C’est ce qu’il affirmera fermement à Kevin Liles lors de leur rencontre : « Je ne rappe pas pour une maison de disques. Je possède une maison de disques ». Un message bien reçu par les dirigeants du label qui se contentent finalement d’un deal de distribution avec Roc-A-Fella, avant de finir par le racheter définitivement, quelques années plus tard.
1998 : DMX dans l’histoire
À l’instar de TDE en cette année 2014, Def Jam entame l’année 1998 avec la volonté affirmée de tout terrasser sur son passage. Une envie symbolisée par la franche réussite de DMX, dont le premier album It’s Dark and Hell Is Hot s’écoule à plus de 800 000 ventes dès la première semaine. Un succès colossal qui pousse Lyor Cohen à sortir un second opus du rappeur en décembre de la même année, afin d’éviter les traditionnelles taxes de publicité coopératives qui sont appliquées durant la période des fêtes de fin d’année, et qui incitent les labels à payer pour voir leurs albums en première ligne des magasins. Un pari fou, mais qui se révèle plus que payant, puisque c’est près de 700 000 copies de Flesh of My Flesh, Blood Of My Blood qui sont écoulés dès la première semaine, contribuant ainsi à inscrire le nom de DMX dans l’histoire, en tant que premier artiste à avoir placé deux albums en tête des charts au cours de la même année.
PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI