Def Jam, 30 ans d’Histoire(s) : Partie VI (2009-2014)
En 1984, il était assurément difficile de s’imaginer que la rencontre entre Rick Rubin, étudiant en art et amateur de métal, et Russell Simmons, frère et manager de Run-DMC, serait l’épicentre d’un séisme dans le mouvement hip-hop, et plus largement dans l’industrie du disque. 30 ans plus tard, il suffit de prononcer le nom de Def Jam pour évoquer instantanément mille et unes images et moments forts de la culture urbaine.
Par sa longévité, ses disques phares ou ses positions marketing, la maison de disques aura en effet su s’imposer comme une véritable référence dans son domaine, traversant les années et les générations sans prendre la moindre ride. Pour honorer le trentenaire d’un tel monument, nous avons souhaité retracer sa longue histoire à travers 30 anecdotes, parfois tristes, souvent drôles mais avant tout symboliques de la volonté du label de sans cesse côtoyer les sommets.
Cette semaine, retour sur les années 2009 à 2014 pour ce dernier volet d’une saga en six parties.
PARTIE I | PARTIE II | PARTIE III | PARTIE IV | PARTIE V | PARTIE VI
2009 : De Roc-A-Fella à Roc Nation
Le 25ème anniversaire du label a autant été l’occasion de fêter son quart de siècle d’existence, que d’offrir un joli pot de départ à l’un de ses membres phares. Car 2009 est effectivement l’année choisie par Jay-Z pour quitter le label, après 9 albums solos et 12 ans de bons et loyaux services, dont 5 à la présidence du groupe. Homme de défis, Hova ne resiste au désir ardent de se plonger dans une nouvelle aventure, fondant un nouveau label, appelé Roc Nation, auquel il offre le troisième volet de sa saga The Blueprint, après avoir pris le soin de racheter son contrat auprès de Def Jam. Par ailleurs, Hova justifie cette décision avec des mots pas si éloignés de ceux qu’il avait proclamé dès sa signature au sein du label : « Je suis un entrepreneur. C’est ce que j’ai été toute ma vie. Je ne peux pas simplement rester assis à faire des hits et rien d’autre ». La boucle est bouclée.
2010 : Une publicité reste une publicité
« Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel c’est qu’on parle de moi ». La maxime nous vient de Léon Zitrone, mais elle aurait très bien pu sortir de la langue bien pendue de Kanye West. En 2010, ce dernier prépare en effet son retour à la musique après le douloureux épisode Taylor Swift qui aura largement contribué à la dégradation de son image publique au cours de l’année suivant l’évènement. Les choses prennent toutefois une tournure inattendue quand Kanye West affirme que certaines grandes surfaces – dont Walmart – refusent de commercialiser l’album à cause de sa cover, une accusation que la firme réfute formellement. Cette pochette en question est une peinture qui nous montre une femme-phoenix nue chevauchant un Yeezy ivre et défiguré. George Condo, l’artiste ayant réalisé l’artwork « polémique » de l’album s’est finalement confié à ce sujet quelques mois plus tard, avouant que Kanye souhaitait en réalité voir la jaquette de son album bannie.
2011 : Une question d’audace
À une époque où la carte de la provocation ne cesse d’être jouée avec succès par les icônes de la pop telles que Lady Gaga. Rihanna, elle, met son tapis en jeu lorsqu’elle dévoile aux yeux du monde la vidéo de son titre « S&M », dont les initiales explicites ne laissent que peu de doutes sur son contenu. Arborant fouets & tenues de cuirs, tenant en laisse l’influent blogueur Perez Hilton ; la belle alors âgée de seulement 22 ans choque, au point de voir son clip censuré dans près de 11 pays. Tant et si bien qu’un autre habitué des œuvres osées, le photographe David LaChapelle, finit par retrouver dans le visuel de Rihanna quelques références un peu trop appuyées à certains de ses travaux. De ce fait, il décide de réclamer à la chanteuse ainsi que son label la modique somme d’un million d’euros, estimant que « s’il est normal que les musiciens soient payés lorsqu’on sample leur musique, alors [il] ne voit pas pourquoi ce serait différent lorsqu’il s’agit d’œuvre d’artistes ». Les deux protagonistes ne sont toutefois pas amenés à régler leur litige devant les tribunaux, puisqu’ils finissent par trouver un terrain d’entente dans la confidence la plus totale.
2012 : Cherry Wine
En 2011, le monde de la musique voit une autre de ses étoiles rejoindre le tristement célèbre « Club des 27 » en la personne d’Amy Winehouse, disparue à l’âge désormais « symbolique » de 27 ans. Une bouleversante nouvelle qui fait alors de nombreux émus, parmi lesquels le rappeur Nas. En effet, celui qui proclamait la mort du hip-hop en 2006 avait eu l’opportunité de rencontrer la jeune femme quelques années plus tard, par l’intermédiaire de leur producteur commun Salaam Remi. Suite à cette rencontre, les deux artistes avaient commencé à entretenir une solide amitié et travaillaient ensemble sur la suite du titre « Me & Mr. Jones » de la chanteuse, sur lequel Nas devait figurer. Hélas, le destin tragique de la chanteuse en aura décidé autrement, du moins jusqu’à ce que le rappeur n’utilise un enregistrement d’Amy Winehouse appelé « Cherry Wine » pour en faire en 2012 un titre du même nom. Un morceau qui fera fondre en larmes l’imposant manager de la défunte chanteuse, qui confiera à Nas que les paroles – parlant de la recherche de « l’âme sœur » – avaient été écrite pour lui.
2013: Les finitions de Yeezus
Il s’agit là d’une nouvelle rencontre entre le Def Jam contemporain et celui qui lui a permis d’acquérir ses premières lettres de noblesses. Préparant son 6ème album solo Yeezus, qui se veut plus « expérimental », Kanye West entend bénéficier de l’avis souvent avisé de l’emblématique fondateur Rick Rubin. Celui-ci, bien que s’apprêtant à prendre quelques semaines de vacances, accepte de l’aider et prend le temps nécessaire d’écouter l’opus. C’est alors que Kanye lui dévoile une version encore brouillonne, où les textes du Chicagoan ne sont même pas enregistrés sur la plupart des titres. Et pourtant, Yeezy est formel : l’album sortira dans cinq petites semaines. Une deadline apparaissant insurmontable pour Rick Rubin, et qui pousse finalement les deux hommes à travailler d’arrache-pied pendant près de deux semaines, permettant à Kanye de délivrer en temps et en heure un album qui restera comme l’un des plus grands succès critique de ces dernières années.
2014 : Happy Birthday
Quand Nas sortait en 1994 son classique Illmatic sur le label Columbia, il était probablement loin de se douter qu’il fêterait son vingtième anniversaire sous l’égide de Def Jam. Et pourtant, comme bien d’autres avant lui, il a été comme happé par ce poids lourd de l’industrie du disque, désormais trentenaire, qui véhicule depuis sa création les valeurs d’une culture dont il a été l’un des principaux moteurs artistique. Aujourd’hui porté tant par des jeunes loups aux dents acérées telles que celles de YG ou des piliers à l’inspiration illimitée tels Kanye West ou Rick Ross, le label semble encore en mesure d’écrire quelques belles pages d’une histoire que l’on espère encore bien longue, pour le plus grand bonheur de nos oreilles.
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