En cuisine, Diadié Diombana a trouvé ses couleurs
Il se rêvait pilote de chasse, mais se présente aujourd’hui comme un artiste des fourneaux, et l’une des plus excitantes promesses de la gastronomie à Paris. Récit de la trajectoire en constant mouvement du chef Diadié Diombana, a.k.a Freddy’s Kitchen.
« Viens manger ! Viens winer ! » C’est ce qu’on lit sur l’affiche colorée de la Coco Block Party, largement relayée sur les réseaux. Au sortir d’un troisième confinement, et à l’heure où les mesures sanitaires se relâchent enfin, l’appel est largement entendu. Le 29 mai dernier, des centaines de gens se rassemblent à Pantin pour danser sur les sets de OG.D, Kirou Kirou ou Bamao Yendé, et déguster les spécialités afro-véganes issues de la nouvelle carte estivale du restaurant Chéri Coco, imaginée par un chef dont le nom circule dans Paris et ses alentours. Ils sont si nombreux que la police est forcée d’interrompre les festivités. C’est pas rien.
Diadié Diombana ne tient pas en place. Aîné d’une famille de cinq enfants, ce natif du 20e arrondissement a passé sa jeunesse à bouger d’un quartier à l’autre de la capitale, de la rue de la Roquette à Bibliothèque François Mitterrand. Toujours en mouvement, il n’est pas rare de l’apercevoir sur son vélo, casquette ou béret sur le crâne, à pédaler entre Pantin et le 10e. C’est d’ailleurs dans un studio photo de ce même arrondissement que nous le retrouvons. Et si son mètre 92 et ses traits droits suggèrent qu’il pourrait bel et bien être modèle, celui qu’on surnomme Freddy’s Kitchen se présente surtout comme l’une des plus excitantes promesses de la gastronomie à Paris.
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La cuisine n’était pourtant pas sa première vocation, quand bien même les arômes des plats préparés par ses aïeules ont vite alerté ses sens. « C’était quelque chose de si instinctif chez moi que je me disais que c’était juste “un truc que je savais faire” et non pas un métier dans lequel je pourrais évoluer », concède-t-il aujourd’hui. Comme bon nombre de jeunes garçons issus des quartiers populaires, Diadié s’imagine d’abord en footballeur. Puis, de manière plus concrète, il caresse le rêve de devenir pilote de chasse. « J’étais à la recherche du voyage, surtout. Je voulais faire quelque chose qui allait me faire voir le monde. » Entre 2010 et 2012, il effectue deux périodes militaires découvertes qui lui inculquent rigueur, ténacité et savoir-vivre en équipe… mais lui révèlent aussi son rapport conflictuel à l’autorité bête et méchante. Il rebrousse alors chemin, sans regret, d’autant que son daltonisme aurait de toutes façons constitué un obstacle insurmontable.
J’avais l’impression de faire peur, de ne pas être légitime.
L’heure est alors venue pour lui de suivre ses instincts. À l’époque, Top Chef reprend l’antenne pour une troisième saison, et les émissions de cuisine en général ont le vent en poupe. Une « énergie nouvelle » autour de la profession de chef qui – de son aveu – incite le malien d’origine à s’adonner à sa passion jusqu’à présent réfrénée. Il se lance alors dans un CAP de mise à niveau en apprentissage, cursus au cours duquel il intègre la brigade du Café Bibliothèque, dans le 13e. Avec une cheffe qui le laisse s’exprimer, lui donnant notamment la responsabilité de confectionner les plats du jour, Diadié s’épanouit et se conforte dans cette voie.
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Le CAP en poche, notre apprenti chef embraye sur un BTS Hôtellerie-Restauration, option « Arts de la table ». Il intègre cette fois les équipes de RECH, le restaurant de la Maison de l’Amérique latine, plus gastronomique cette fois. Une expérience qui le ramène à sa réalité. « Je suis tombé sur une brigade où j’étais en infériorité numérique de part ma couleur de peau, et il y avait pas mal de manques de considérations. On ne me faisait pas me sentir à ma place, tout simplement' », assure-t-il. En cours, ce n’est pas beaucoup mieux : c’est trop scolaire, trop théorique, trop strict pour celui qui n’aspire qu’à aller en cuisine et laisser libre court à ses savoureuses pulsions créatrices. Viré de son BTS après un an d’absences à répétition, Diadié se décide à aller bosser. Le point de départ d’un marathon de petits boulots qui le verra exercer ses talents dans une quarantaine d’établissements en tous genres. Une manière de toucher un peu à tout, de faire le plein de techniques et savoir-faire. Mais surtout : une manière de chercher – et pourquoi pas trouver – véritablement sa place dans le milieu. Ce qui n’est pas chose aisée. « Soit je me faisais virer, soit je partais de moi-même parce que ça ne rentrait pas dans mes codes ou que je pensais avoir fait le tour », se rappelle-t-il. Il y a encore du conflit, et des esprits trop étriqués qui le redoutent, le freinent, le relèguent à des tâches secondaires. « J’avais l’impression de faire peur, de ne pas être légitime », affirme le cuisto. Peut-être valait-il donc mieux se créer soi-même un espace pour exprimer sa vision de la cuisine.
Je m’attendais absolument pas à être chef à 24 ans à la base.
Et quelle est donc cette vision ? Sur Instagram, le profil de Freddy’s Kitchen est délibérément répertorié dans la catégorie « Art ». Car pour Diadié Diombana, la cuisine, ce n’est pas juste « faire à manger » : c’est une manière d’exprimer sa sensibilité, de procurer des émotions, de réunir les gens… un peu comme la musique, le cinéma ou la peinture. Tout un art. « Si je n’avais pas fait de la cuisine, j’aurais été soit dans la photo, la mode ou dans la musique », souffle-t-il. Constamment entouré de créatifs, le chef entend mettre en évidence les liens entre la cuisine et les autres domaines artistiques. Pour ce faire, il lui a fallu s’émanciper du circuit traditionnel des restos et ainsi opérer sur des pop-up, des festivals… jusqu’à donner son propre événement. En juin 2019, avec quatre amis artistes, il organise une « exposition gastronomique » intitulée ArTABLE. Le concept ? Un thème, autour duquel sont conçues des œuvres d’arts dont Diadié livre son interprétation culinaire. L’évènement se déroule sur cinq jours et s’avère être une franche réussite.
Diadié n’a même pas le temps de le réitérer que deux établissements le sollicitent coup sur coup pour occuper le poste de chef : La Chope des Artistes, un troquet historique de la rue du Faubourg Saint-Martin, et donc Chéri Coco, le premier restaurant végétal de Pantin, qui sert une cuisine fusion d’inspiration afro-caribéenne et coréenne. Diadié cherchait à se faire une place dans un resto, désormais ce sont des restos qui lui font une place. « Je m’attendais absolument pas à être chef à 24 ans à la base », reconnaît-il. De quoi lui donner des ailes, et l’envie – à terme – de posséder son propre établissement ? Pas nécessairement, si l’on en croit ses dires. Car le jeune parisien n’a pas perdu de vue ce qui, au final, l’anime depuis le début : le voyage. « Je sais que je suis amené, dans mes désirs, à voyager. Je ne pense pas rester sédentaire. Je vais peut-être ouvrir un restaurant à un moment donné, mais ce n’est pas forcément mon objectif. » À croire que Diadié Diombana n’est pas prêt de tenir en place.
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