Dix fois où Childish Gambino nous a prouvé qu’on ne le méritait pas

childish_gambino_zenith_paris_1

Le retour d’Atlanta est prévu pour ce jeudi 1er mars, et il pourrait bien être accompagné d’un nouvel album de son showrunner de génie. Oui, 2018 pourrait bien être (encore) l’année de Donald Glover, alias Childish Gambino. Son talent sera-t-il pour autant/enfin reconnu à sa juste valeur ? Difficile à dire. Remémorons-nous tout de même ces dix occasions où Donald Glover nous a éclaboussé de sa classe.

Childish Gambino est en concert à l’AccorHotels Arena, avec H.E.R. en première partie, ce mercredi 27 mars

Après une première saison unanimement saluée, Atlanta revient enfin sur nos écrans, pour notre plus grand plaisir. Il ne s’agit cependant pas là de la seule actualité à travers laquelle Donald Glover fait aujourd’hui parler de lui. Ce-dernier vient en effet d’annoncer la tenue d’un nouvel événement Pharos en Nouvelle-Zélande, où ses fans pourront « expérimenter de nouvelles musiques », comme il l’avait déjà fait il y a deux ans. Il avait alors dévoilé pour la première fois au monde l’excellent Awaken, My Love! – ni plus, ni moins. Toutes ces nouvelles ont le mérite d’être clair : l’artiste multi-casquettes est de retour, sur tous les plans.

Le simple fait d’avoir à préciser « sur tous les plans » en dit déjà long sur l’ampleur du talent de Donald Glover. À l’image de Kanye West ou Drake, le public a tendance à glorifier les artistes qui semblent être dotés du toucher de Midas, et qui excellent quelque soit le domaine auquel ils s’essayent. Alors pourquoi le nom de Donald Glover n’est-il jamais cité au moment d’évoquer les grands génies de notre temps ? Peut-être n’a t-il pas encore su balancer le projet qui lui ouvrira à grands coups de pied les portes de mainstream. Peut-être n’est-ce qu’une question de temps. En attendant, il nous semblait important de se rappeler de toutes ces fois où l’artiste polyvalent nous a rappelé qu’il était juste meilleur que les autres.

Octobre 2011 : l’apogée de Troy, dans l’épisode « Remedial Chaos Theory » de Community

Avant d’emprunter son alter-ego musical, Childish Gambino n’était alors « que » Donald Glover. Un comédien/humoriste rangé sous la tutelle de l’immense Tina Fey, avec ses allures chétives de jeune étudiant. Son fait d’arme le plus mémorable dans ces heures de sa carrière, reste son passage par la série Community. L’histoire d’un groupe d’adultes qui étudient ensemble au sein d’une université communautaire. Là, il incarne le rôle de Troy ; la moitié d’un duo fusionnel de geeks obsédés de cinéma qu’il forme avec Abed. Entre scénario fous et tours de chants, on se souviendra aussi de cette scène qu’on croise encore parfois au détour d’une session dans la page Explorer d’Instagram. Alors que Troy s’en va chercher des pizzas, il claque la porte et entraîne une réaction en chaîne dont résulte une blessure par balle et un incendie. À son retour, face à l’horreur de cette scène, il pointe comme coupable une figurine de troll sur le lieu du crime, et pour la détruire, l’avale alors qu’elle est en feu. Et perd sa voix. Des événements qui entraînent la naissance du personnage d’Evil Troy dans la « Darkest Timeline ». L’absurde et le grotesque de Community en quelques lignes.

Juillet 2012 : sa surréaliste interview croisée avec Chief Keef

Quatre minutes de génance ultime. Face à un Chief Keef muet, complètement dans son personnage, Gambino ne perd pas ses nerfs et évite de faire une Joe Budden, cinq ans avant l’épisode « Leftoffbadandboujee ». Mieux, il finit par troller le trolleur en rentrant complètement dans son jeu, d’où le mythique : « I heard you like belts. » Âmes sensibles s’abstenir.

Octobre 2013 : son épique freestyle chez Sway in the Morning

À l’inverse d’un Drake pour qui la transition de comédien à rappeur s’est faite très facilement, les choses ont été moins faciles pour Childish Gambino. L’image nerd et sans assurance du personnage de Troy Barnes de la série Community a eu du mal à quitter Donald Glover. Pendant longtemps, Donald Glover n’était pas forcément reconnu en tant que véritable rappeur ; son passage chez Sway in the Morning change vraiment la donne. C’est sur l’instru de “Pound Cake” de Drake, justement, et de Jay-Z que le Gambino s’illustre et tape tranquillement la discute avec Sway en plein freestyle, avant de reprendre en improvisation totale. Flegme et charisme. Un moment de grâce qui a été vu plus de 15 millions de fois sur la chaîne YouTube de la radio américaine et qui a mis l’ami Donald dans une position très confortable avant la sortie de son album, Because The Internet.

Décembre 2013 : la pépite because the internet

Après avoir sorti Camp en 2011, un premier album qui a servi de mise en bouche, c’est en 2013 que Childish Gambino nous offre le véritable plat de résistance : because the internet. Un sucré-salé bourré de saveurs sans date de péremption – regoûtez-y aujourd’hui, vous ne serez pas déçu. Du frénétique “Worldstar” au lénifiant “Pink Toes”, Donald Glover réussit, avec des sonorités très différentes, à construire un album harmonieux. En plus de repousser les frontières du rap en proposant, pour 2013, un album en avance sur son temps, Donald Glover accompagne tous les morceaux de because the internet d’un scénario qui aide à comprendre le sens du projet. Ses efforts lui ont valu une nomination aux Grammy Awards 2013 dans la catégorie “Meilleur album rap”, ainsi qu’un disque d’or. Les multiples casquettes de Donald Glover lui permettent de mettre chacun de ses talents au service de sa musique, et plus largement au service de son art – cet LP en est la parfaite illustration.

Octobre 2015 : son incroyable cover de « So Into You » de Tamia

C’est près de deux ans après la sortie de l’album because the internet qu’on retrouve Childish Gambino au micro de la radio Triple J. La formule de l’émission : un titre original et une reprise pour le segment « Like A Version ». Comme pour nous prouver, encore une fois, qu’il était capable d’exceller là où on ne l’attendait pas, Donald s’attaque à un classique du R&B: « So Into You » de Tamia, chef d’oeuvre de 1998.  « Je suis sortie avec quelques filles qui m’ont dit que c’était leur chanson préférée, et j’étais genre ‘Moi aussi !' », justifie-t-il avant de se lancer. Quelques arrangements acoustiques minimalistes rythmés par ses claquements de doigts, et une voix smooth qui monte impeccablement dans les aigus. Un résultat viral et validé par Tamia elle-même. Champion.

Juin 2016 : Pharos, avant-goût de l’avenir

Juste avant l’été 2016, par l’intermédiaire de Twitter, Donald Glover lance un nouveau mystère des Internets. « Pharos.earth« , tweete-t-il. Un simple lien vers une page permettant aux visiteurs de télécharger une application, le tout dans une atmosphère astrale au milieu de laquelle se démarque une petite planète bleue. Un compte à retour complète l’intrigue. La Twittosphère s’enflamme, les speculations vont bon train. Dans la foulée, l’ami Donald brise les théories les plus folles en annonçant une série de trois concerts en septembre de la même année au milieu du Parc national Joshua Tree, en Californie.

« Concerts ». Le mot ne fait pas honneur à ce que Gambino a offert à son audience pendant les trois jours de « Pharos ». Cinq performances présentant Awaken, My Love!, album qui ne sera révélé au reste du monde que trois mois plus tard, via une présentation sonore et visuelle hautement sensorielle, le tout au milieu du désert. Une série de shows futuristes, véritable aperçu de ce que les mélomanes peuvent attendre de demain : Childish Gambino s’est efforcé de retranscrire physiquement toutes les images et idées qui accompagnent son album, au moins dans son cerveau. Les shows, entièrement organiques au niveau instrumental, étaient pensés comme de véritables expériences sensitives en étant accompagnés de créations en réalités virtuelles. L’aventure Pharos étant une no-phone zone, peu d’images de l’événements ont fuité, rendant l’ensemble d’autant plus mystique. Autant de raisons qui donnent fichtrement envie de se lancer tenter par l’édition 2018 de cette belle féerie.

Octobre 2016 : l’épisode « B.A.N. » d’Atlanta

Pour illustrer l’ingéniosité de son showrunner, on aurait pu désigner à peu près n’importe quel épisode d’Atlanta, tant la série est brillamment maîtrisée de bout en bout. Mais c’est sur le seul épisode où Glover n’apparaît pas que notre choix s’arrête, ce qui – dans le fond – est peut-être d’autant plus significatif. « B.A.N. » est une parenthèse hilarante dans la chronologie du récit. Il n’est alors plus question du struggle permanent d’Earn Marks, mais d’une apparition de Paper Boi sur la chaîne fictive Black American Network, parodie de BET. Le rappeur s’y confronte à Montague, un présentateur dans une recherche constante de drama, ainsi qu’au Dr. Debra Holt, qui lui reproche sa prétendue transphobie. Le tout est entrecoupé de fausses publicités et de reportages tous plus absurdes les uns que les autres, pour nous offrir une belle satire de ce que la télévision afro-américaine peut proposer de pire (ou de meilleur, selon votre goût pour les échanges musclés). Mention spéciale à la participation de RetroSpectro, humoriste bien connu des réseaux sociaux, qui campe ici le rôle d’un ado en profonde crise d’identité.

Janvier 2017 : « I really wanna thank the Migos »

Succès critique et populaire, la série Atlanta a bien heureusement fait son chemin jusqu’à la cérémonie de la 74ème cérémonie des Golden Globes. Plusieurs fois nominé dans la catégorie comédie télé, Donald Glover emporte avec lui deux trophées : celui de meilleur réalisation pour l’épisode « B.A.N. » et celui de meilleur acteur principal dans l’épisode « Ernest ‘Earn’ Marks ». Dans son discours de remerciement, c’est à la ville d’Atlanta qu’il rend hommage; sans oublier de faire une passe à Migos qui faisait une apparition dans l’épisode « Go For Broke » dans le rôle de dealers armés jusqu’aux dents : « Je veux remercier Migos, pas parce qu’ils sont dans la série, mais pour avoir fait ‘Bad & Boujee’. » Pour finir par adouber le trio au rang de Beatles de notre génération. Une déclaration qui a, à l’époque, valeur de prophétie et qui se vérifie quelques mois plus tard, lorsque « Bad & Boujee » est sacré disque de platine.

Juin 2017 : « Redbone » en live du Tonight Show

Le titre était déjà une surprise en soi – le dire relève presque de l’euphémisme. Avec « Redbone », celui que l’on avait étiqueté (à tord ?) « rappeur » se lance corps et âme dans une balade enivrante et groovy, prouvant à son monde qu’il s’aventure rarement là où on l’attend. Imprévisible. Mais plus encore que la couleur musicale du morceau, c’est la performance vocale de Childish Gambino qui étonne. Son timbre y est si perché que bon nombre d’auditeurs spéculent sur l’utilisation d’effets vocaux. Certains prennent même la peine de ralentir le tempo original, rendant ainsi la voix de l’artiste plus grave – et donc plus fidèle à sa « nature » présumée. Le point de départ du meme « What Redbone would sound like » où les internatutes imaginaient ce que pourrait donner le morceau dans toutes sortes de contextes saugrenus. Plus aucun doute n’est cependant permis quand Gambino se présente sur la scène du Tonight Show de Jimmy Fallon, sans le moindre artifice. La réussite de « Redbone », il ne la doit qu’à son seul talent.

Demain : Star Wars et Le Roi Lion

Un grand d’aujourd’hui, un gigantesque de demain. Dans le futur long-métrage centré sur la jeunesse d’Han Solo, Solo (sortie mai 2018), Donald Glover succède à Billy Dee Williams pour interpréter le contrebandier Lando. Un rôle de choix, et l’honneur d’intégrer l’épopée Star Wars. Rien que ça. Mais Donald est aussi talentueux qu’ambitieux, et il ne compte absolument pas en rester là : après le succès de son remake du Livre de la jungle, le réalisateur Jon Favreau a décidé de s’attaquer à l’un des plus grands succès de l’histoire des films d’animation, Le Roi Lion. Et qui a été choisi pour jouer Simba et ronronner à côté de Nala, jouée par Beyoncé ? Notre ami Donald. Est-on seulement prêt pour leur version de « Can You Feel the Love Tonight » chantée par toutes les futures gamines du monde entier ? Assurément, oui.

Dans le même genre