Espiiem : « La provocation n’a plus la même valeur qu’avant »

Deux ans après le très réussi Haute-Voltige, ascension vertigineuse vers les « hautes sphères du Kilimandjaro », Espiiem revenait poser début novembre dans les bacs Noblesse oblige, son dernier effort, avec toujours la discrétion en guise de signature. Un personnage atypique et distant, qui s’efforce de rester sobre dans un rap où l’ostentation devient progressivement une norme. À l’occasion de la sortie ce premier véritable album, le jeune noble s’est installé à nos côtés, et a notamment évoqué avec nous la genèse de ce projet, ses ambitions de sommets, ses envies d’ailleurs ainsi que beaucoup d’autres sujets.

PhotosSteeve Cute/@steevecute

Tu as fait successivement partie des groupes Cas de Conscience et The Hop. Que t’ont apporté ces expériences ?

Pour ce qui est de Cas de Conscience, c’était un groupe composé uniquement de 4 emcees, donc c’est une structure qui m’a stimulé essentiellement au niveau de l’écriture, ca m’a permis de me trouver en tant que rappeur. À côté de ca, The Hop c’était quelque chose de plus acoustique qui m’a vachement aidé sur la dimension artistique des morceaux. Ça m’a appris à ne plus uniquement me cantonner à des couplets basés sur des techniques de rap, mais à voir le morceau dans sa globalité.

The Hop est justement un véritable « live band » plus qu’un traditionnel groupe de rap, et l’on retrouve encore dans ta musique une grande place laissée aux instruments. En quoi est-ce important pour toi de conserver cette dimension instrumentale ?

C’est important pour moi parce qu’avant d’être un rappeur, j’étais un auditeur de rap et principalement de rap américain. Et quand j’étais plus jeune, je ne comprenais pas forcément toutes les paroles qui étaient dites, du coup j’étais vachement attentif aux instrus. En évoluant j’ai gardé ça et c’est ce qui explique aujourd’hui que je mets vraiment un point d’honneur à ce que mes instrus soient à la hauteur.

Quant à l’utilisation d’instruments, c’est effectivement quelque chose que j’ai depuis The Hop. Je continue de travailler cet aspect parce que je trouve que ca apporte une touche supplémentaire au morceau. J’essaye de considérer ma voix elle-même comme un instrument et parfois j’aime bien le faire en duo avec un autre instrument, je trouve que ça apporte quelque chose en plus.

En 2013, tu avais expérimenté des sonorités proches de la trap et du cloud-rap avec le projet Haute-Voltige. Qu’est-ce que ça t’inspire de voir à quel point ces registres se sont depuis démocratisés et popularisés en France ?

D’abord je suis content parce que ca veut dire que je me suis orienté dans une direction qui était plutôt bonne, en France en tout cas. Je n’étais pas complètement à l’Ouest en faisant ce projet. Après, maintenant que ca s’est établi, ca ne m’intéresse pas d’être uniquement cantonné à ça. L’idée c’est d’aller toujours un peu plus loin. Du coup je voulais garder un peu de ce côté électronique et le faire rentrer dans une dimension plus acoustique. C’est là qu’il y a une brèche à creuser selon moi, et c’est l’étape vers laquelle que je voulais tendre avec Noblesse oblige.

Bien que tu sois très jeune, ta personnalité et le respect que t’accordent d’autres rappeurs de la nouvelle génération te feraient presque passer pour un vétéran. Comment expliques-tu ce paradoxe ?

C’est trop bizarre. Je pense que c’est lié à mon tempérament, je suis assez calme comme personne. C’est peut-être aussi lié au son que je fais, je ne suis pas trop vulgaire dans mes textes, que je ne sois pas dans un truc « hardcore ». On ne dirait pas que j’ai la « fougue » du jeune, c’est quelque chose que je garde pour moi. Peut-être aussi que je fais un peu plus âgé physiquement. Après il faut dire que j’ai 26 ans, ce n’est pas très jeune non plus. Je pense que tout cela joue là-dedans mais pour être honnête je ne me l’explique pas vraiment. Ça peut aussi se comprendre par le fait que musicalement j’arrive à voir vers où le son va se diriger, à identifier des artistes qui vont émerger. Peut-être que ce genre de choses me place un peu en précurseur… Je n’en sais rien à vrai dire. Mais c’est vrai que moi-même je me suis déjà posé la question.

Tu as toujours dit vouloir effectuer une gradation dans tes projets : d’abord un EP, puis un mini-album et enfin un album. Maintenant que Noblesse oblige est dans les bacs, as-tu le sentiment d’achever une sorte de premier cycle dans ton parcours musical ?

Clairement. Après la musique va tellement vite que parfois il y a des gens qui écoutent un moment, puis s’éloignent de ton univers, reviennent… Peut-être qu’en écoutant l’album, le public va trouver des jonctions avec les autres projets et trouver ça redondant, ce que je peux comprendre. Mais je voulais vraiment finir par un projet plus dense, un album avec un seul et même producteur, qui viendrait sceller quelque chose. De cette manière, si j’étais amené à arrêter demain, je me dirais que je suis allé au bout de ce que je voulais faire.

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Quel bilan tires-tu de ce premier cycle de ta carrière ?

J’en tire que du positif, évidemment. Sur le plan musical, j’ai le sentiment de m’être épanoui au fil des années. J’ai découvert beaucoup de choses, beaucoup d’influences et de références. Je reste passionné par la musique hip-hop, c’est vraiment quelque chose que je vis au quotidien. Sur le plan humain, c’est assez dingue parce que tous les proches avec lesquels je suis sont toujours avec moi dans la musique, on avance tous ensemble à des rythmes différents. Au-delà de ça, ça me permet de voyager et je gagne correctement ma vie grâce à ça. Ce n’était pas gagné d’avance. On est tellement nombreux à pratiquer cette discipline où j’ai souhaité rester dans un truc « underground », que je me considère comme un privilégié. Le simple fait de pouvoir faire des interviews, que certaines personnes s’intéressent à la musique que je fais, ça me suffit amplement. Beaucoup d’autres pratiquent ça avec autant d’amour que moi et n’ont pas cette chance. Avec ce que j’ai déjà accompli, je me dis que je peux déjà partir fier.

Sur l’album, tu évoques de manière récurrente la discrétion dont tu fais preuve malgré tes aspirations de grandeur. Ne penses-tu pas que l’un puisse constituer un frein à l’autre ?

Complètement. Ça peut l’être mais en même temps c’est ce qui me correspond. Je ne me force pas à en faire davantage, j’essaye vraiment d’être intègre avec moi-même. Après quand je parle d’aspiration de grandeur, je ne suis pas forcément focalisé sur l’aspect musical, c’est aussi par rapport à la vie de tous les jours. Mais pour revenir à la musique, j’ai eu l’opportunité d’aller beaucoup plus haut, que ce soit par des collaborations qui m’ont été proposées ou des demandes venant de majors que j’ai reçues et que j’ai refusées parce qu’elles ne me convenaient pas. Je me considère encore comme un artiste « en développement » et souvent ce ne sont pas des propositions avantageuses pour moi. Si je veux monter d’un cran médiatiquement, j’ai les rouages qu’il me faut pour le faire. Donc ce n’est pas quelque chose que je vis mal dans la mesure où c’est moi qui fait le choix d’être dans cette situation. C’est déjà un bonheur d’être dans mon statut actuel d’indépendant. Si j’arrive à aller plus haut tout en restant fidèle à ce que je suis, c’est d’autant plus réjouissant.

Un homme qui semble avoir joué un rôle essentiel sur cet album, c’est le producteur Astronote. Comment l’as-tu découvert et choisi pour encadrer ce projet ?

La connexion s’est faite grâce à un autre producteur qui s’appelle AAyhasis, qui est orléanais comme Astronote et qui avait produit deux morceaux sur mon premier EP L’Été à Paris. J’étais en discussion constante avec lui parce que humainement on s’entend très bien et il m’a parlé du travail d’Astronote. De là, je suis parti plusieurs fois à Orléans pour les voir et j’ai accroché directement. On partage les mêmes valeurs ; c’est quelqu’un de très discret, c’est un travailleur passionné tout comme moi, il écoute tout ce qui se fait en hip-hop… D’une certaine manière, je pense que si j’étais producteur, je serais un peu comme lui et lui – sans parler à sa place – se rapprocherait de ce que je fais s’il était emcee. On se complète vachement bien du coup. La musique a également motivé mon choix parce que j’ai vu qu’il était éclectique et qu’il pouvait s’adapter à mes requêtes. Quand je lui indiquais des directions pour mes morceaux, il ne faisait pas que les copier, il incorporait sa propre science dedans. C’est aussi ce que j’essaye de faire en tant que rappeur : rester en phase avec mon temps tout en y ajoutant ma propre touche, donc on s’est retrouvés là-dessus. En plus il est aussi ingénieur du son et arrangeur, donc il était en mesure fournir un travail complet.

Espiiem - Noblesse Oblige (Orfevre LabelMusicast)

C’est quelque chose qui te tenait vraiment à cœur de faire cet album avec un seul et même producteur ?

Franchement oui. Pour moi c’est quelque chose qui se perdait vachement, que ce soit en France ou aux États-Unis. Aujourd’hui les albums sont souvent – souvent, pas tout le temps – des patchworks de différents producteurs. Là je voulais vraiment un projet avec une vraie ligne directrice bien définie. Un peu comme les premiers groupe, où il y avait le emcee et un beatmaker qui fixaient la colonne vertébrale du projet. C’était une idée que j’avais en tête depuis longtemps et vu qu’Astronote était un peu tout terrain comme moi, il y a directement eu une alchimie qui s’est créée. Après j’ai conscience que c’est un parti-pris « violent » pour l’auditeur dans la mesure où il y a seulement deux options : soit il accroche et il se prend tout d’une traite, soit il n’aime pas et il passe totalement à côté du projet.

Quelles sonorités t’ont influencé dans le processus de création de l’album ?

J’ai beaucoup écouté des artistes qui mêlent du rap et du chant, mais sans se cantonner à faire un couplet rappé puis un refrain chanté. Comme j’ai commencé à travailler l’album au Canada, j’ai beaucoup écouté des artistes locaux tels que Tory Lanez, Derek Wise ou Drew Howard. Le point commun entre tous ces artistes-là c’est que leur musique s’oriente presque vers le R&B et ca me plaît beaucoup quand c’est bien réalisé. C’est des sonorités électroniques mais pas dures comme ce qui peut se faire à Chicago ou Atlanta par exemple. La scène canadienne me plaît parce que c’est un son puissant et lourd mais qui est très mélodique à côté.

Cette dimension chantée, tu penses qu’elle va prendre de plus en plus de place dans ton œuvre ?

Je pense que oui. Après comme souvent ca marche par phases, un rien peut t’influencer dans un sens comme dans un autre. Je suis un amoureux du hip-hop et là par exemple, il y a Shadow of a Doubt, l’album de Freddie Gibbs qui vient de sortir, lui il rappe dur et quand tu l’entends ça te donne envie de rapper. Mais d’un autre côté j’aspire à essayer des choses nouvelles et le chant peut en faire partie. Beaucoup d’auditeurs ne seront pas forcément d’accord avec ça, mais ce n’est pas forcément de leur ressort. L’idée c’est de rester soi-même et de faire ce qui me plaît. Certains arrivent à suivre chaque étape de ton évolution artistique, d’autres vont arrêter d’écouter parce qu’un projet ne leur aura pas plu, d’autres vont découvrir en cours de route. Je ne me pose demande pas à qui je vais plaire, parce que je pense que c’est le début de la fin. Quand tu cherches à t’adapter au public, tu as un temps de retard parce que tu es dans l’attente de quelque chose. Si je commence à voir la musique comme un calcul, j’ai perdu.

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Plusieurs fois dans cet album tu te montres critique envers le monde du rap et notamment les rappeurs. Pourtant, ton discours semble dénué de tout jugement de valeur. Comment parviens-tu à tenir de tels propos sans avoir l’air d’être moralisateur ?

Déjà, je suis content que tu ne l’aies pas ressenti comme ça parce que je ne veux pas du tout avoir l’air moralisateur. Je ne pense pas l’être parce que je m’inclus aussi dans les failles du milieu. Du coup, je n’agis pas comme si j’étais perché et que je disais aux autres : « Regardez-vous, vous faites les trucs comme ça, c’est cheum, faut faire ça. » Au contraire, je dis qu’on n’est dans la même galère et que chacun doit puiser en lui-même pour se transcender. Je suis en plein dans ce combat.

Pourtant dans « Sombre & Sobre », il y a une ligne où tu dis « Pour percer y’a deux façons quand j’observe les autres rappeurs, c’est d’être très consensuel ou très provocateur. » Tu te places en dehors de tout ça ?

C’est un constat global. Et puis ça m’amusait de le dire tel quel parce que c’est ce que je pense. On est dans une époque où soit tu fais quelque chose de très policé, soit tu rentres dans un délire de provocation qui est devenu paradoxalement « classique ». Jouer la carte de la provocation, ça n’a plus la même valeur qu’avant. Chacun est à la course au buzz et à l’événement, du coup ça m’amusait de retourner le truc en disant : « Puisque vous êtes tous venus pour mettre le hella, bah moi je vais rester sobre et c’est là que ca va trancher ».

La ville de Paris constitue un décor omniprésent sur tes trois projets, ainsi qu’un élément notable de la pochette de Noblesse oblige. Dans quelle mesure ton environnement influence ton œuvre ?

Je suis né à Paris et j’y ai vécu toute ma vie hormis deux ans que j’ai passé dans le sud-ouest. Je suis vachement attaché à cette ville d’autant que je vis en plein centre de Paris. Tu vois un quartier comme Châtelet par exemple, c’est là où tout se passe, le centre c’est vraiment le point vital de la ville. Je baigne dedans, j’y ai passé des journées et des nuits entières, surtout quand j’étais plus jeune. Du coup je suis comme habité par cette ville, c’est mon univers et mon atmosphère et ça se retranscrit dans mes morceaux.

Tu sembles te plaire à souligner tous les paradoxes de cette grande ville.

Carrément. D’un quartier à un autre, tu vas voir une population totalement différente, c’est le genre de choses qui témoigne de la richesse d’une ville. C’est fou, tu vas voir des buildings incroyables avec des gens super aisés et au bas du bâtiment tu as des clochards qui sont là à mendier. Tu vois des grandes disparités qui sont encore plus flagrantes qu’à la campagne. Il y a un melting-pot de plusieurs choses qui se croisent : des cultures, des religions ou des milieux sociaux. C’est le genre d’éléments hyper intéressants pour quelqu’un de curieux comme moi.

Dans tes textes on a le sentiment que c’est un peu une « ville du vice », comment fais-tu ta place dans un tel décor ?

Ma place je me la fais difficilement mais c’est précisément ce qui me plaît. Ça me plaît d’être au cœur d’un mouvement super diffus, parce que je pense que c’est plus facile d’être sain quand tu vis dans le désert ou à la montagne. Là, en étant dans la jungle, je trouve ça beaucoup plus fort de s’astreindre une rigueur, parce que je suis soumis à plein de tentations, plein de vices. Mais c’est ce qui rend le truc palpitant d’une certaine manière. J’ai des périodes où je suis totalement déphasé, d’autres où je suis en harmonie avec moi-même. Quand je suis en dehors de Paris la ville me manque, quand j’y suis je me dis parfois que l’énergie est mauvaise par rapport à d’autres grandes villes où c’est moins « chacun pour soi ».

Tu as le sentiment d’en avoir fait le tour ?

Oui parce que c’est une vie harassante que je mène ici et puis j’aspire toujours à aller ailleurs. Paris c’est un cap dans ma vie mais je pense à voyager, à partir dans d’autres pays. J’ai fait un peu le tour, j’ai fréquenté des classes sociales beaucoup plus élevées, d’autres beaucoup plus modestes. Même d’un point de vue culturel, j’ai visité tous les musées, j’ai fait toutes les sorties qu’il y a à faire ici. J’ai besoin de nouveaux défis, je n’aime pas m’ennuyer ou me reposer sur mes lauriers. J’aime cette ville mais c’est un amour « haineux » parce que j’ai aussi envie de me casser.

Là où d’autres optent pour des destinations « bling-bling » ou un dépaysement radical, tu pars te ressourcer à « Biarritz ».

Comme j’ai vécu deux ans dans un petit village dans le sud-ouest, on allait souvent à Biarritz et c’est un peu devenu ma ville de cœur, mon refuge. Et ça m’amusait de parler de Biarritz comme j’aurais pu parler de Long Beach. Je voulais parler de cette ville dans l’album, en faire un morceau ensoleillé mais pas forcément exotique. On ne s’en rend pas forcément compte mais la France c’est un pays magnifique. Tout est à faire ici. Là je reviens de Marseille et rien qu’en faisant Paris-Marseille en train, tu vois des paysages incroyable, c’est dire.

La sortie de Noblesse Oblige t’a également donné l’opportunité d’effectuer ta première télé. En sachant l’accueil qui est généralement réservé aux rappeurs sur le petit écran, n’as-tu pas eu une certaine appréhension ?

J’avais une appréhension seulement parce qu’il s’agissait de quelque chose de plus officiel, je savais qu’une partie de ma famille allait pouvoir le voir, c’est plus institutionnalisé donc ça les rassure. En réalité, j’ai le sentiment d’avoir été bien accueilli, il ne m’ont pas dit de dingueries et quoiqu’il arrive je pense être suffisamment armé pour répondre à des choses plus complexes. Ma seule crainte c’était qu’on veuille me piéger sur de l’actualité alors que je viens essentiellement pour de la musique. Ça m’aurait un peu agacé, mais en l’occurrence ca n’a pas été le cas. Quand tu es en télé, tu sais aussi que c’est destiné à un public qui n’est pas averti. C’est une sorte de vulgarisation de la musique et du rap car ça ne s’adresse pas à des passionnés comme nous. Je sais que le sujet ne va être que survolé.

Quel est ton ressenti personnel sur l’image du rap qui est véhiculée dans les médias, notamment télévisés ?

Il y a toujours un décalage en France, parce qu’on est assez conservateur et que les gens ne se rendent pas compte que ca fait vingt ans que le hip-hop est là au final. À la télé, ils ont toujours cette image du rap qui doit nécessairement être politique, sans se rendre compte que c’est un champ large avec différentes branches. Sauf qu’à chaque fois on va vouloir te ramener à cette même branche politique et si tu n’es pas dedans, on va vouloir absolument que tu prennes parti pour telle ou telle chose. Je pense que c’est le fruit d’une longue tradition dans la musique française, mais le rap c’est plus subtil que ça. Après, contrairement à d’autres, je suis plutôt optimiste à ce sujet, parce que ceux qui détiennent les médias vont changer au fil du temps, ce sera des gens qui auront intégré cette culture en eux et qui ne la verront plus comme un OVNI.

Tout le long de l’album, on retrouve des hommages rendus à l’Homme de l’Est. As-tu l’impression de porter avec toi la carrière qu’il n’a pas eue ?

Vraiment. C’était archi important pour moi de le citer sur cet album, quitte à paraître redondant. Il fallait qu’il soit présent car c’est un peu son album aussi. À partir de maintenant, je vais garder ça pour moi et je ne le distillerai plus. Je parlerai d’autres choses ou j’arrêterai carrément. Mais c’est vrai que j’ai un peu le sentiment de porter notre carrière, d’achever quelque chose qui ne l’était pas. Au moins maintenant, je sais qu’il y a une trace concrète.

Pour conclure, j’ai pu apprendre que tu participais régulièrement à des ateliers d’écriture. En quoi est-ce important pour toi de transmettre ton savoir aux plus jeunes ?

Ils sont d’une autre ville, ils ont entre 17 et 18 ans et ils ont la rage, c’est ce que j’avais aussi à une époque. Ils veulent vraiment écrire et ils sont à fond dedans. Du coup je fais le déplacement une fois par semaine à Villiers-le-Bel – ce qui n’est pas tout près de chez moi – simplement parce qu’ils ont en eux le feu sacré. Et puis au-delà de ca, ca créé un véritable échange. Je ne place pas en tant qu’ancien, parce qu’on est dans le même bateau, mais ils sont en demande. Je leurs transmets des techniques, un savoir-faire. Après ils se l’approprient ou pas, mais au moins ils savent un peu tout ca. C’est important de partager ce truc là, parce qu’on l’a fait pour moi. L’Étrange, qui rappait un peu avant moi, a fait ce travail de canevas auprès de moi. Je n’en fais pas état parce que c’est vraiment que du plaisir. Je fais une heure de trajet juste parce que de l’autre côté, il y a des mecs qui ont la dalle.

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