Everybody, le périple activiste de Logic

Habitué à fournir un projet par an, Logic lâchait vendredi dernier « Everybody ». Un troisième album généreux et militant, universel et contestataire. Fortement inspiré du Wu Tang Clan, l’artiste prolonge un activisme musical nécessaire, poursuit un combat porté avec courage par Public Enemy, N.W.A ou Rage Against The Machine. Logic se livre et prend appui sur son expérience de jeune métis grandissant aux États-Unis. Il apparaît alors – comme ses ainés – concerné, déterminé, à impacter et révolutionner son époque.

Une philanthropie engagée

Premier constat : Logic est aimant de tous. Il aime ses semblables, sans compter, sans retenue, sans se soucier de leur couleur, origine, religion, orientation sexuelle ou autre différence. De cet amour inconsidéré, il tire sa force militante. L’envie de s’engager, de combattre pour rendre le monde, dans lequel nous vivons, meilleur. Plus agréable. Psychological est un philanthrope assumé, bienveillant et l’arbore dès le titre de son opus, Everybody, – comprenez « tout le monde ». Néanmoins, pour parvenir à cette société tolérante et égalitaire, à cette société si hardiment voulue et attendue par le rappeur du Maryland, il faut purger celle actuellement en place de ses maux, de ses défaillances. La conjurer de ses vieux démons qui refont régulièrement surface. Par conséquent, Logic pointe avec justesse du doigt ses dérives à réduire, voire à éliminer. Notamment dans l’âpre Killing Sprue : il remet en cause le fonctionnement de la société de consommation, du paraître, qui asservit les individus. Les codifie, jusqu’à les transformer en clones crédules et insensibles. Le refrain « Ass, titties, pussy, money, weed / Everywhere I look a killing spree / All the things they wanted me to be / Is all the things that I turned out to be » / « C**, seins, chat***, argent, weed / Je ne vois que l’harcèlement / Toutes les choses qu’ils veulent que je sois / Ce sont toutes celles que j’ai évitées d’être » résonne comme un signal d’alarme. Urgent.

Cet engagement honorable, cette volonté de revenir sur les règles et normes pré-établies, de soutenir – ou révoquer – une idéologie humaniste, s’explique par son vécu. D’un père noir et d’une mère blanche, Logic est métis, cependant, sa peau est très claire, presque blanche, et sa revendication d’être un afro-américain a longtemps gêné, encore aujourd’hui. Que ce soit chez la communauté blanche ou la communauté noire. Il est passé par ce stade d’incertitude, de déséquilibre. Sans repère, il a dû redoubler d’effort pour trouver sa place. Prouver doublement afin d’être accepté comme il est. Une situation injuste traitée dans les tracks Everybody, Take It Back, Mos Definitely et AfricAryan. Une situation difficile à vivre qui s’ajoute à la pression quotidienne d’une société américaine raciste, toujours ségrégationniste. « Black man screaming, trying to convince me I’m not black / So why the white man wanna lynch me ? » / « L’homme noir crie, essayant de me convaincre que je ne suis pas noir / Alors pourquoi l’homme blanc veut me lyncher ? ».

Incessamment dos au mur, Logic en souffre et l’évoque lors de l’introspectif Anziety. Pourtant, l’artiste ne se décourage pas, gagne même en combativité. Assimilable aux discours de Joey Bada$$ et Kendrick Lamar, il se rapproche davantage de ce dernier en plaçant la religion au coeur de sa réflexion.

La religion comme arme militante

À l’image des figures emblématiques Martin Luther King et Malcolm X, Logic s’appuie sur sa croyance dans l’optique de défendre sa vision de l’être humain et de son existence. La religion
plus spécifiquement le christianisme – par ses valeurs et son idéal prédominant, renforce les propos du rappeur. Tel un porte-parole. La dimension religieuse élève ses lyrics, les sacralisant, quelque peu. Une sacralisation introduite par le spirituel Hallelujah. Psychological nous prépare pour la suite « Open your mind, open your mind, open your mind » / « Ouvre ton esprit, ouvre ton esprit, ouvre ton esprit ». À l’issue de ce morceau, la conversation parallèle – qui survole l’album – entre Adam, renommé Atom, et Dieu, débute. Atom est incarné par un jeune afro-américain, alter-ego fictif de Logic, qui meurt lors d’un accident de la route et rencontre, de ce fait, Dieu.

L’interlude Waiting Room est la suite de cet échange imaginaire et surnaturel, se concluant avec l’ultime track AfricAryan. Sorte de catharsis, le rappeur use de cette subtile discussion comme d’une retranscription de ce que lui, dirait à son créateur. Elle lui permet également de communiquer, avec originalité et spiritualité, son opinion sur le sens de la vie et le but de notre présence sur Terre. La religion – chrétienne en l’occurrence, mais envisageable pour toute autre croyance – offre un argument de taille. De la pochette aux dernières paroles de l’opus, Logic s’emploie à lier les références religieuses. Emplies de sens. Évidentes et applicables au réel.
« Hey mothafucka I’m real as shit / Everything I’m talkin bout real as, real as shit » / « Eh fils de p*** je suis put**** de réel / Tout ce que je dis est réel, put**** de réel ».
Malgré sa foi, il ne se soumet pas au précepte de tendre l’autre joue et se laisser battre. Non, l’enfant du Maryland a trop souffert pour ne pas se rebeller, ne pas se battre pour ce qui lui revient de droit. « Black people: to just fight, fight for ya right fight, for ya life » / « Afro-américains : juste, battez-vous, battez-vous pour vos droits, pour votre vie » clame-t-il dans Mos Definitely. De même pour America : « Fight the power, fight the power / Fight for the right to get up and say fuck white power » / « Combat le pouvoir, combat le pouvoir / Combat pour le droit de pouvoir te lever et dire “j’emm*****“ le pouvoir blanc. ». Logic ne révèle pas seulement les problématiques de notre civilisation, il indique aussi le chemin à prendre pour les résoudre.

Alors qu’à la première écoute nous pourrions penser à un énième projet alarmiste, Everybody est bien plus. Psychological puise dans l’optimisme et le peu d’humanisme qu’il reste sur Terre afin de rappeler, qu’espoir, il reste. À travers une approche personnelle et humaine, Logic se bat – avec ses armes, de toutes ses forces – pour un futur meilleur. Un futur commun.

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