Explication de texte Gradur & Chief Keef – Bang Bang

Un vent de paranoïa souffle sur Internet. Nous sommes mardi 3 mars et depuis quelques jours les réseaux sociaux bouillonnent avec le titre « Bang Bang », tiré du premier album de Gradur en featuring avec Chief Keef. Un morceau où le rappeur de Chicago se moquerait ouvertement de celui de Roubaix pour lui avoir soutirer 10 000 $ pour un couplet minable. Le ramdam est tel que Millenium Barclay, le label de Gradur, s’est depuis fendu d’un communiqué :

Communiqué Millenium Barclay

Au vu du débat qui agite la toile nous avons choisi de décortiquer le fameux couplet de l’artiste de Chicago :

« Heat on my lap, passenger seat
Box of Swishers Sweets »

« Flingue sur les genoux, je suis sur le siège passager
Boite de Swishers Sweets (cigare désossé pour n’en gardé que la feuille et en faire un blunt) »

« Fuck a body a week ago, boy get killed this week
You a killer yeah yeah yeah yeah you be killing me »

« T’as buté quelqu’un la semaine dernière et le mec s’est fait sauté cette semaine
T’es un tueur ouais ouais ouais ouais ouais tu me fais tapper des barres »

chiefkeef-bobbyschmurda

 

Instagram 2

Flashback. Il y a quelques mois, une embrouille « Instagram » éclate entre Chief Keef et Bobby Shmurda qui depuis croupit en prison pour une sombre affaire de gang et d’armes. Sosa n’hésite pas à taquiner une première fois le rappeur dans le titre « BeetleJuice » sorti au mois de septembre :

« You know you ain’t catch no body bout a week ago »
« Tu sais que t’as tué personne la semaine dernière »

Ainsi la réadaptation de la fameuse phrase de « Hot Nigga » du rappeur new yorkais : « Fuck a body a week ago (…) » par le rappeur de Chicago est une allusion accentuée par la moquerie : « boy get killed this week », signifiant « le mec s’est fait arrêté cette semaine ». En effet, Bobby Shmurda s’est fait arrêter aux alentours du 19 décembre 2014, tandis que Chief Keef aurait enregistré durant la même période lorsque Gradur se rend à Chicago. Lorsque l’arrestation intervient, il lui rit au nez avec « You a killer yeah yeah yeah yeah you be killing me ».

Il continue :

« He got 10 bands for 8 bars, yeah I’m Tennessee »
« Il a 10 000 dollars pour 8 barres, ouais j’suis Tennessee »

Chief Keef évoque simplement le prix qu’aurait coûté sa collaboration avec Gradur. Nous savons que les Américains n’ont pas le même rapport à l’argent que nous Européens. Nicki Minaj symbolise cette relation décomplexée sur le titre Monster de Kanye West :

« 50k for a verse, no album out
Yeah my money’s so tall that my Barbiez got to climb it »

« 50 000 $ pour un couplet alors que je n’ai même pas encore sorti d’album
Ouais ma pile d’argent est tellement haute que mes supportrices doivent escalader ma fortune »

Alors, Nicki Minaj se foutrait-elle ouvertement de la gueule de Kanye West ? Difficile à croire…

Quant à la mention de l’État du Tennessee, il est employé car l’abréviation du mot, soit TN est aussi la même que l’expression « Trippin’ Nuts » qui en argot signifie « complètement défoncé ». De plus, Chief Keef continue un peu plus loin en incorporant le nom des artistes Juicy J et 8Ball & MJG tous les trois originaires de Memphis dans le Tennessee. Si Chief Keef avait fait référence à son couplet il n’aurait pas dit « 8 bars » mais 9 voir 10 (taille réelle de son couplet, une « bar » autrement dit une mesure est une ligne de texte se terminant idéalement par une rime).

« Knock knock on my door, who that ? Grab the pole and finna see »
« On frappe à ma porte, qui est-ce ? J’attrape mon flingue et je vais voir »

« Got the juice like Juicy J, got 8 balls like MJG
Got 30 up in my Nina baby, show a nigga how a Nina feelin’ maybe
Like « why you be plottin’ on killin’ baby ?
Where I come from lot of killing, maybe »

« J’ai des stéroïdes comme Juicy J, j’ai ma coke comme MJG
Mon 9mm (Nina = Nine) est chargé, peut être que je canarderais un négro
Et on me dit : « pourquoi tu complotes à vouloir tuer bébé ? »
Peut être parce que d’où je viens il y a tellement de meurtre »

Il file donc ici la métaphore de la drogue qui commence avec « 8 bars » (xanax) puis « juice » (stéroïdes mais le terme peut aussi désigner de l’alcool mélangé à de la codéine), et enfin « 8 balls » (3,5 grammes de cocaïne), aussi un jeu de mot avec le duo de rap 8 Ball & MJG.

Finalement, même s’il est compréhensible que la plupart des internautes soient induits en erreur, il s’agit avant tout de constater une incompréhension du langage américain, et de ses dérives linguistiques. Ces éclaircissements espèrent être quelques goûtes de pluie pour doucher l’embrasement du Web sur cette petite polémique. Mais que personne ne s’inquiète, le grand barnum rap game trouvera sûrement quelque chose à se mettre sous la dent bientôt. Le titre « Bang Bang » n’a pas à tellement à rougir face à une longue liste de collaboration franco-américaine pas toujours réussies. Fidèle à sa ligne de conduite, Grady n’aura à aucun moment caché que le montant payé par son label était important.

Quasi-systématiquement pour faire participer un artiste américain d’une certaine envergure sur son projet, il est coutume de payer. Et si aujourd’hui les aficionados semblent surpris voire outrés par les chiffres mis en avant (on parle de 10 000 $ soit 9 000 €), c’est parce que ces montants sont tenus secrets par les maisons de disques. Mais ils sont dans la lignée de ceux pratiqués normalement. Un investissement global qui, aujourd’hui semble porter ses fruits au vu des chiffres réalisés par le premier album du nordiste Gradur et son Bataclan affichant complet.

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