Explication de texte : Kendrick Lamar – The Blacker The Berry
Le morceau est arrivé dans les oreilles des auditeurs sans crier gare alors qu’une grande partie d’entre eux se remémoraient encore les différentes performances des Grammys de la veille. Ce même soir où Kendrick Lamar, grand perdant de l’édition précédente, reçoit le prix de la « Meilleure chanson rap » de 2015 pour « i ». Compensation pour certains (le rappeur était en lice pour le meilleur album rap de l’année dernière), attribution méritée pour d’autres, l’essentiel est que cette récompense n’est pas volée. Loin de là…Dans un contexte où cette cérémonie n’aura jamais autant été décriée, le titre « The Blacker The Berry » tombe dans un timing parfait.
Une année auparavant. Nous sommes le 26 janvier 2014, l’artiste Macklemore (et son comparse Ryan Lewis) raffle 4 récompenses, dont celle de la « Meilleure chanson rap » avec le titre « Thrift Shop » et surtout du « Meilleur album rap » avec « The Heist » (ironiquement « The Heist » signifie « Le Vol » en anglais). Le rappeur est blanc, alors il ne faudra pas attendre longtemps pour que les Internets se déchainent sur l’homme originaire de Seattle. Sur fond d’arguments raciaux et économiques, la twittosphère se déchire et beaucoup l’ont mauvaise. D’autant plus qu’un an plus tard (le 8 février 2015 pour être précis) les dents grincent de nouveau car Iggy Azaela, artiste rap originaire d’Australie, est nominée dans 4 catégories dont celle de la « Chanson de l’année » et surtout celle du « Meilleur Album Rap » pour The New Classic (qui n’a de classique que le nom).Heureusement, la rappeuse repartira bredouille. Comme quoi…
Alors « The Blacker The Berry » est-il un ultime pied de nez de K.Dot, avant d’oublier à jamais l’affront qu’il aura subit un an auparavant, le titre étant dévoilé au lendemain des Grammys ? Ne faut-il y voir qu’un simple concours de circonstances car nous sommes au mois de février plus communément connu outre Atlantique comme le « Black History Month » ? Quand le jeune homme décide de nous pondre un son dont le titre est « The Blacker The Berry », notre curiosité l’emporte. L’introduction sonne comme une incantation qui nous plonge directement dans l’atmosphère oppressante du morceau :
Everything black, I don’t want black
I want everything black, I ain’t need black
Some white some black, I ain’t mean black
I want everything black
Tout est noir mais je ne veux pas de noir
Je veux tout en noir mais je n’ai pas besoin de noir
Un peu de blanc et un peu de noir, je ne parle pas de noir
Je veux que tout soit noir
Ici Kendrick fait part de cette dualité qui définit tout être, souhaitant les avantages de cette vie sans être prêt à assumer les aspects négatifs qui vont avec. Comme un dialogue interne, l’homme est tiraillé par ce qui le caractérise mais aussi ce qui ne le définit pas :
Six in the mornin’, fire in the street
Burn, baby, burn, that’s all I wanna see
And sometimes I get off watchin’ you die in vain
It’s such a shame they may call me crazy
They may say I suffer from schizophrenia or somethin’
But homie you made me
Black don’t crack my nigga
Six heures du mat’, c’est le feu dans la rue
Brûle, bébé, brûle, c’est tout ce qu’on veut voir
Et parfois je sors pour te voir mourir en vain
C’est tellement honteux qu’ils puissent dire que je suis fou
Ils doivent dire que je souffre de schizophrénie ou quoi
Mais mec, tu m’as créé
Le noir ne casse pas mon négro
Le rappeur personnifie la rue, il la féminise même avec le terme « baby », évoquant le fait que l’homme noir aime voir ses rues s’embraser. En effet l’expression « burn baby burn » était le slogan repris par tous les manifestants descendus dans la rue lors des émeutes raciales du quartier de Watts à Los Angeles en 1965. Quant au « they » et au « you », ils marquent une opposition (accentuée par le « mais ») et réfèrent aux institutions américaines et plus largement à ceux qui rendent fou les Noirs-américains. À noter que le terme « schizophrénie » provient du grec et signifie « fractionnement de l’esprit », une mention qui reprend en écho le slogan « Black don’t crack » / « Le noir ne casse pas ».
Nous avons ici les deux grandes lignes directrices du texte de Kendrick Lamar. Construit méthodiquement, « The Blacker The Berry » fonctionne de la manière suivante : d’un côté, l’homme noir est confronté à tous ses démons aussi bien internes qu’externes ; de l’autre, sa confrontation avec cette Amérique raciste, qui persécute un peuple et tente de le ramener à sa condition d’esclave sans se l’avouer. D’où la répétition de la question rhétorique tout au long du morceau : « You hate me don’t you ? » / « Tu me détestes n’est-ce pas ? »
I’m the biggest hypocrite of 2015
Once I finish this, witnesses wil convey just what I mean
Been feeling this way since I was 16, came to my senses
You never liked us anyway, fuck your friendship, I mean it
I’m African-American, I’m African
I’m black as the moon, heritage of a small village
Pardon my residence
Came from the bottom of mankind
My hair is nappy, my dick is big, my nose is round and wide
You hate me don’t you ?
You hate my people, your plan is to terminate my culture
You’re fuckin’ evil I want you to recognize that I’m a proud monkey
You vandalize my perception but can’t take style from me
And this is more than confession
I mean I might press the button just so you know my discretion
I’m guardin’ my feelins, I know that you feel it
You sabotage my community, makin’ a killin’
You made me a killer, emancipation of a real nigga
Je suis le plus grand hypocrite de 2015
Une fois que j’aurai fini ça, les témoins seront d’accord sur ce que je dis
Je ressens ça depuis que j’ai 16 ans, je suis revenu à la raison
Vous ne nous avez jamais apprécié de toutes manières, nique votre amitié, je le pense
Je suis Africain-Américain, je suis Africain
Je suis aussi Noir que la lune, l’héritage d’un petit village
Veuillez me pardonner là où je vis
Mes racines remontent à l’origine de l’espèce humaine
Mes cheveux sont crépus, j’ai une grosse bite, mon nez est rond et épaté
Vous me détestez n’est-ce pas ?
Vous n’aimez pas mes semblables, votre dessein est d’annihiler ma culture
Vous êtes le putain de diable, je veux que vous me reconnaissiez le droit d’être un singe fier
Vous vandalisez ma perception mais vous ne pourrez pas m’enlever ce style
Et c’est plus qu’une confession
Comprenez, je pourrais appuyer sur le bouton juste pour que vous réalisiez que j’ai une liberté d’agir
Je contrôle mes émotions, je sais que vous le sentez
Vous sabotez ma communauté, orchestrez des meurtres
Vous avez fait de moi un tueur, l’émancipation d’un vrai nègre
Dans ce couplet, le rappeur n’y va pas de main morte et plus qu’un simple défouloir, il s’agit avant tout d’un cri du cœur. Kendrick met en avant ses racines, ses origines… Puis prend conscience qu’il n’est ni aimé ni souhaité dans cette Amérique qui ne le reconnaît qu’au travers de clichés « Mes cheveux sont crépus, j’ai une grosse bite, mon nez est rond et épaté », au risque de faire de lui une bombe humaine : « Je pourrai appuyer sur le bouton ». Kendrick conclue ce couplet sur « nigga », terme si souvent décrié ces dernières années, il se réapproprie le mot en le justifiant à travers son texte. La tête d’affiche de T.D.E fait de lui plus qu’un simple « nigga », il est un « real nigga ».
The blacker the berry, the sweeter the juice
Plus la baie est noire, plus le jus est doux
Cette expression pourrait être remplacée par le fameux « Black is beautiful », une phrase répétée qui renforce son sens. Le point d’orgue se situant lors de la quatrième répétition portée par une alternative, permettant au passage d’insérer un énième cliché:
The blacker the berry, the bigger I shoot
Plus la baie est noire, plus je tire
Le refrain est l’œuvre d’Assassin (pas le groupe de rap français), raggaman jamaïcain. Reprenant le fil du morceau là où Kendrick le laisse, l’homme joue sur son terrain :
I say they treat me like a slave, cah’ me black
Woi, we feel a whole heap of pain, cah’ we black
And man a say they put me in a chain, cah’ we black
Imagine now, big gold chain full of rocks
How you no see the whip, left scars pon’ me back
But now we have a big whip, parked pon’ the block
All them say we doomed from the start, cah’ we black
Remember this, every race start from the block
Je dis qu’ils me traitent comme un esclave, car je suis Noir
On sent tout un tas de peine, car nous sommes Noirs
Et mec, j’ai dit qu’ils m’ont enchaîné, car nous sommes Noirs
Imagine maintenant, des grosses chaînes en or pleine de diamants
Comment ne pouvez-vous pas voir le fouet qui m’a laissé des cicatrices dans le dos
Mais maintenant on a des grosses voitures garées dans le quartier
Tout ce qu’ils disent c’est que nous étions maudits dès le départ, car nous sommes Noirs
Rappelez vous de ça, chaque course part des starting blocks
Nous retrouvons ici le même « ils » qui ne fait référence à personne précisément mais qui englobe tout une communauté, tout un État. Il poursuit la mention à l’esclavage pour appuyer ses propos, Asssassin met en perspective la condition des hommes de cette période avec celle d’aujourd’hui.
Un passage suivi du second couplet de Kendrick, repartant sur les mêmes bases que le premier. Cette confrontation prend des allures de règlement de compte :
I’m the biggest hypocrite of 2015
Once I finish this, witnesses will convey just what I mean
I mean, it’s evident that I’m irrelevant to society
That’s what you’re telling me, penitentiary would only hire me
Curse me till I’m dead
Church me with your fake prophesizing that I’mma be just another slave in my head
Institutionalize manipulation and lies
Reciprocation of freedom only live in your eyes
You hate me don’t you?
I know you hate me just as much as you hate yourself
Jealous of my wisdom and cards I dealt
Watchin’ me as I pull up, fill up my tank, then peel out
Muscle cars like pull ups, show you what these big wheels ’bout, ah
Black and successful, this black man meant to be special
CAT scans on my radar bitch, how can I help you?
How can I tell you I’m making a killin’?
You made me a killer, emancipation of a real nigga
Je suis le plus grand hypocrite de 2015
Quand j’aurai fini, les témoins seront d’accord sur ce que je dis
Comprenez, c’est évident que je suis sans importance pour la société
C’est ce que vous dites, seules les prisons nous embaucheraient
Insultez-moi jusqu’à ma mort
Éduquez-moi à travers votre Bible sur votre fausse prophétie selon laquelle je serai un autre esclave dans ma tête
Vous institutionnalisez manipulations et mensonges
La même liberté n’existe que dans vos yeux
Vous me haïssez n’est-ce pas ?
Je sais que vous me détestiez autant que vous vous haïssez vous mêmes
Jaloux de ma sagesse et des cartes que j’ai distribué
Vous me regardez tandis que je me gare, que je remplis mon réservoir et démarre en trombe
Des voitures tellement grosses qu’on dirait qu’elles font des tractions, on vous explique le concept des grosses roues
Noir et plein de réussite, cet homme noir était destiné à être spécial
Ils veulent me faire un scanner du cerveau mais je vois ces putes, comment puis-je vous aider ?
Comment vous dire que je déchire tout ?
Vous avez fait de moi un tueur, l’émancipation d’un vrai négro
Petite référence du rappeur à l’Histoire :
Church me with your fake prophesizing that I’mma be just another slave in my head
Éduquez-moi à travers votre Bible sur votre fausse prophétie selon laquelle je serai un autre esclave dans ma tête
En effet les propriétaires confédérés d’esclaves justifiaient leur subordination par le biais du Nouveau Testament et L’Épître de Saint Paul aux Éphésiens 6:5 :
Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair avec respect et crainte et dans la simplicité de votre cœur, comme au Christ, ne faisant pas seulement le service sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais en serviteurs du Christ, qui font de bon cœur la volonté de Dieu.
Servez-les avec affection, comme servant le Seigneur, et non des hommes, assurés que chacun, soit esclave, soit libre, sera récompensé par le Seigneur de ce qu’il aura fait de bien.
Puis l’ultime couplet :
I’m the biggest hypocrite of 2015
When I finish this if you listenin’ sure you will agree
This plot is bigger than me, it’s generational hatred
It’s genocism, it’s grimy, little justification
I’m African-American, I’m African
I’m black as the heart of a fuckin’ Aryan
I’m black as the name of Tyrone and Darius
Excuse my French but fuck you — no, fuck y’all
That’s as blunt as it gets, I know you hate me, don’t you?
You hate my people, I can tell cause it’s threats when I see you
I can tell cause your ways deceitful
Know I can tell because you’re in love with that Desert Eagle
Thinkin’ maliciously, he get a chain then you gone bleed him
It’s funny how Zulu and Xhosa might go to war
Two tribal armies that want to build and destroy
Remind me of these Compton Crip gangs that live next door
Beefin’ with Piru’s, only death settle the score
So don’t matter how much I say I like to preach with the Panthers
Or tell Georgia State « Marcus Garvey got all the answers »
Or try to celebrate February like it’s my B-Day
Or eat watermelon, chicken, and Kool-Aid on weekdays
Or jump high enough to get Michael Jordan endorsements
Or watch BET cause urban support is important
So why did I weep when Trayvon Martin was in the street?
When gang banging make me kill a nigga blacker than me?
Hypocrite!
Je suis le plus grand hypocrite de 2015
Quand j’aurai fini avec ça, si vous écoutez je suis sûr que vous serez d’accord
Cette conspiration est plus grande que moi, c’est une haine générationnelle
C’est un génocide, c’est salace, petite justification
Je suis Africain-Américain, je suis Africain
Je suis aussi noir que le cœur d’un Aryen
Je suis aussi noir que les prénoms Tyrone et Darius (noms à consonance afro-américaine)
Pardonne mon langage mais vas te faire foutre, non va t’faire enculer (la figure de style de l’apocope renvoie souvent à quelque chose de négatif or Baudelaire ou Céline l’utilisaient aussi)
La vérité brute, je sais que vous nous haïssez n’est-ce pas ?
Vous détestez mon peuple, ça se voit car plein de menaces quand je vous vois
Ça se voit parce que vos méthodes sont trompeuses
Sachez que ça se voit car vous êtes amoureux du Desert Eagle
Pensant malicieusement « il a une chaîne donc je dois le saigner »
C’est drôle la façon dont les Zoulous et les Xhosas se font la guerre
Deux armées tribales qui veulent construire et détruire
Me rappelant ces gangs Crip de Compton qui vivent juste à côté
Et s’embrouillent avec les Pirus, seul la mort remet les compteurs à zéro
Alors peu importe le nombre de fois où je dis que j’aime prêcher avec les Black Panthers
Ou dire à l’État de Géorgie (État sudiste américain réputé pour son racisme, c’est l’un des berceaux de l’esclavage américain) : « Marcus Garvey (grand activiste jamaïcain du Panafricanisme) détenait toutes les réponses »
Ou d’essayer de célébrer le mois de février (Black History Month) comme si c’était mon anniversaire
Ou de manger des pastèques, du poulet et boire du Kool Aid durant la semaine (mets stéréotypement attribués et plébiscités par la Communauté noire Américaine)
Ou sauter assez haut pour avoir des sponsors comme Michael Jordan
Ou regarder BET (acronyme de la chaîne de télé Black Entertainment Television) parce que c’est important le soutien de la rue
Alors pourquoi ai-je pleuré quand Trayvon Martin (jeune noir tué à l’arme à feu par un homme blanc en Floride en 2014) s’est fait tué dans la rue ?
Quand les histoires de gang me font tuer un nègre plus noir que moi ?
Hypocrite !
La construction de cet ultime couplet ne déroge pas à la règle, on retrouve donc un Kendrick qui se définit en tant qu’individu suivi d’accusations envers la machine oppressive américaine puis les idées reçues :
Or jump high enough to get Michael Jordan endorsements
Or watch BET cause urban support is important
Ou sauter assez haut pour avoir des sponsors comme Michael Jordan
Ou regarder BET parce que c’est important le soutien de la rue
Une phase assez similaire que celle de Notorious BIG dans « Things Done Changed » (1994) même si les contextes diffèrent :
Because the streets is a short stop
Either you’re slingin’ crack rock or you got a wicked jumpshot
Parce que la rue peut te la mettre à l’envers
C’est soit tu vends du crack ou soit t’as un putain de tir en suspension
Élément repris plus tard par Booba dans le titre « Indépendants » sorti en 2002 sur l’album Temps Mort :
Pour eux, si t’es black, d’une cité ou d’une baraque
T’iras pas loin, c’est vends du crack ou tir à 3 points
Finalement le twist interviendra à la moitié du couplet et nous comprenons enfin ses ouvertures «I’m the biggest hypocrite of 2015 ». Après avoir déversé sa haine envers « l’ennemi », le rappeur se retourne contre les siens :
Know I can tell because you’re in love with that Desert Eagle
Sachez que ça se voit car vous êtes amoureux du Desert Eagle
L’artiste parle de la propension qu’ont les Noirs-Américains à utiliser les armes à feu (le Desert Eagle est un pistolet semi-automatique américain)
Thinkin’ maliciously, he get a chain then you gone bleed him
Pensant malicieusement « il a une chaine donc je dois le saigner »
L’artiste les pointe à nouveau du doigt car ils se dépouillent entre eux en allant jusqu’au meurtre pour parvenir à leurs fins. Le rappeur 50 Cent avait d’ailleurs réussi à se faire connaitre du grand public grâce à son titre « How To Rob » :
The bottom line is I’m a crook with a deal
If my record don’t sell I’mma rob and steal
You better recognize, nigga, I’m straight from the streets
These industry niggas is starting to look like something to eat
Au final je suis un escroc avec un contrat d’artiste
Si mon album ne se vend pas, je vais piller et voler
T’as intérêt à le reconnaître, négro, je viens tout droit de la rue
Ces renois de l’industrie musicale commencent à ressembler à de la bouffe
Kendrick enchaîne :
It’s funny how Zulu and Xhosa might go to war
Two tribal armies that want to build and destroy
C’est drôle la façon dont les Zoulous et Xhosas se font la guerre
Deux armées tribales qui veulent construire et détruire
Le mal dont souffre la communauté noire-américaine est sociologiquement plus ancré qu’il n’y paraît et le rappeur y trouve même un parallèle avec la guerre fratricide opposant les ethnies sud-africaines que sont les Zoulous et les Xhosas.
Remind me of these Compton Crip gangs that live next door
Beefin’ with Piru’s, only death settle the score
Me rappelant ces gangs Crip de Compton qui vivent à juste à côté
Et s’embrouillent avec les Pirus, seul la mort remet les compteurs à zéro
Encore une analogie faite par Kendrick, cette fois-ci l’exemple se situe sous son nez à Los Angeles. Les Crips (représentés par la couleur bleue) dont les célèbres rivaux sont les Bloods (arborant la couleur rouge) se livrent une guerre dans les rues de la ville.
Comprenant qu’un travail de fond devra s’opérer au sein de sa communauté souffrant d’un mal plus profond et viscéral qu’il n’y paraît ; avant qu’un changement extérieur ne se dessine, K.Dot met les Noirs-Américains face à leurs propres démons et responsabilités. Un Kendrick Lamar critique avec lui même (ici l’artiste incarne la communauté noire), hypocrite dans sa critique de l’oppresseur avec une diatribe justifiée et pleine de sens ; car parallèlement des Noirs s’entretuent et véhiculent des valeurs néfastes. « The Blacker The Berry » suit la lignée de titres forts et revendicateurs tels que « Fight The Power » de Public Enemy (1989), ou d’un « Changes » de Tupac (enregistré en 1992 mais sorti en 1998).
Aucun autre artiste de sa génération et de son calibre n’aurait eu autant de légitimité pour nous offrir un titre avec tant de passion. Ceux qui pensent que le rappeur s’est vu développer une conscience activiste opportuniste, rappelez-vous que Kendrick Lamar n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2011 sortait la galette Section.80, parmi les très bons morceaux que composent l’album figure le titre « HiiiPoWer ». Pépite qui, déjà à l’époque posait les bases d’une réflexion destinée à de grandes choses. Et qu’importe si « i » le premier extrait de son prochain opus n’a pas été accueilli comme il se devait, peut-être trop en avance ; on commence à comprendre où le bougre veut en venir :
We got a young brother that stands for something ! We got a young brother that believes in the all of us ! Brother Kendrick Lamar ! He’s not a rapper, he’s a writer, he’s an author ! And if you read between the lines, we’ll learn how to love one another ! But you can’t do that – right on ! – I said, you can’t do that without love yourself first.
Nous avons un jeune frère qui s’érige pour quelque chose ! Nous avons un jeune frère qui croit en nous tous ! Frère Kendrick Lamar ! Ce n’est pas un rappeur, il est écrivain, c’est un auteur ! Et si vous lisez entre les lignes alors nous apprendrons comment nous aimer les uns les autres ! Mais vous ne pouvez pas y arriver – Clairement ! – J’ai dit, vous ne pourrez pas y arriver sans vous aimer d’abord.
Et à ceux qui n’ont pas encore saisi la portée de ce morceau : faites place maintenant vous comprendrez plus tard, Kendrick Lamar est en mission.