Faut-il condamner la saison cinq de Game Of Thrones ?

Il y a 41 épisodes mourrait Eddard Stark « King of Winterfell ». C’est là que tout a vraiment commencé. Les opportunistes de la culture pop, que la plupart d’entre nous sommes, découvraient ce que les véritables geek avant-gardistes savaient déjà depuis 1996. M. George R.R. Martin tue sans scrupules des personnages nobles, courageux, prêts à se sacrifier pour ramener le bien dans leur environnement naturel. S’il n’y avait eu que lui, Frodon Sacquet, Luke Skywalker, Bruce Wayne ou encore Pocahontas ne seraient que de vagues souvenirs en forme de cadavres.

L’auteur a donc réussi à défier de nombreuses lois traditionnelles du récit et de l’industrie de la télévision en partenariat avec l’audacieuse HBO. Dans la maison Game Of Thrones les acteurs bankables sont virés non pas parce qu’ils sont relous sur un tournage mais parce que leur personnage est important et que leur mort bouleverse le récit conventionnel.

Après 5 saisons de chocs et de traumatismes sur des millions de canapés à travers le monde, les questions symptomatiques d’un essoufflement commencent à se poser. Le rythme devient-il trop lent ? L’adaptation du livre en série est-elle vraiment l’option la plus pertinente ? Les intrigues ne sont-elles pas trop nombreuses ? Vont-ils trop loin dans la maltraitance des personnages ? Faisons le bilan rapidement, sans recul quelques jours après la diffusion du 50ème épisode « Mother’s Mercy ». N’allez pas plus loin si vous n’êtes pas à jour : Yes spoil.

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« Shame ! Shame ! Shame ! »

 

Depuis l’ère « réseaux sociaux », le spectateur a plus largement son mot à dire au sujet des divertissements qu’il consomme. Plein de spontanéité, il utilise les 140 caractères sans trop doser ni l’amour ni la haine. Si l’on prenait le temps de faire des statistiques c’est certainement l’animosité qui prévaudrait pour cette cinquième saison de Game Of Thrones et plus particulièrement son dernier épisode. Suite à la mort du bellâtre charismatique Jon Snow : on compte à la pelle des promesses enflammées de ne plus jamais regarder un épisode de la série. Des serments qui seront aussi vite oubliés que le vœu de chasteté de Sam quand seront leakés dans quelques mois les premiers épisodes de la saison 6.

La foudre viendrait donc plutôt de ceux qui tentent de réfléchir à l’évolution de la série. Journalistes, blogueurs ou statuts Facebook un peu développés, à la moindre brèche ouverte beaucoup s’engouffrent de plein pied dans un « GOT bashing ». La brèche en question cette saison, c’est George R.R. Martin lui-même. Contrairement aux quatre saisons précédentes, l’auteur des livres A Song of ice and fire n’a pas été co-scénariste aux côtés de D&D (David Benioff et David B. Weiss), les célèbres showrunners. Victime de son succès la série se retrouve dans une situation délicate. Avec cinq livres écrits par G. Martin depuis 1996 les cinq saisons télévisées ont déjà épuisé leur capital adaptation. L’auteur n’a donc plus le temps de s’attarder sur l’écriture des scénarios alors qu’il doit sortir le prochain ouvrage qui servira de matière première pour la saison 6. L’écrivain et les showrunners restent en très bon terme malgré cette « séparation ». Une relation qui aboutit à des faits aussi inédits qu’étranges : ce sont les lecteurs des livres qui se font spoiler par la série. Le bûcher traumatisant, érigé par Stannis dans l’épisode 9 où sa propre fille devient un allume-feu, est un élément communiqué par l’auteur directement aux scénaristes que les fans ont découvert à la télévision avant de le lire sur le papier.

 

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Ce qui manque c’est du temps et G. Martin s’est vu contraint d’annuler de nombreuses conférences prévues dans les mois à venir pour achever son œuvre littéraire selon les calendriers d’HBO. Une pointe d’agacement se fait même sentir quand il s’adresse directement aux fans sur son blog pour leur demander d’arrêter de l’apostropher quant au déroulement de la série télévisée. Cette ambiance presque stressante révèle une forme de faiblesse, synonyme pour certains de perte de qualité voire de foutage de gueule.

 

« For The Watch »

 

Tous les défauts de la saison sont alors justifiés à travers ce changement dans l’organisation de l’écriture. « L’adaptation télévisée de Game of Thrones devait dérailler. Cela était inscrit dans son ADN parce que l’œuvre est toujours en cours d’écriture et que la série n’avait pas d’autre choix que de progresser à marche forcée. » lit-on sur lemonde.fr. Comme si ce petit contretemps démontrait que les scénaristes manquaient de respect à l’esprit de la série qu’ils ont pourtant porté à bout de bras depuis 2011. Tom Fontana, ex showrunner d’Oz qui a fait la gloire d’HBO à ses débuts, rappelle (pour So Film) l’essentiel : « Vous savez ce qu’HBO a inventé de révolutionnaire ? Donner tous les pouvoirs à l’écrivain, l’auteur. Leur discours c’était : ‘Ce n’est pas l’acteur ni le réalisateur, et certainement pas la chaîne de télé, qui décident. Le contrôle total est pour l’auteur.’ Pour eux si tu sais raconter une histoire tu es le patron. » Comment penser alors qu’en 10 épisodes la diffuseur ait renié son crédo d’origine, revendiqué fièrement depuis plus d’une vingtaine d’années ?

 

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Des faiblesses sont pourtant bien présentes de l’épisode 41 à 50. Game of Thrones a changé. La fluidité entre les événements qui lie la saison est moins limpide. Avant on passait d’un mariage promis entre Sansa et Joffrey à la mort de Tywin Lannister sans même s’en rendre compte grâce à l’arrivée de Margaery, à l’empoisonnement du jeune roi, au procès de Tyron puis son désir de vengeance. Un liant invisible mais palpitant tenait en haleine le spectateur sans qu’il ait le temps de réfléchir à ce qu’il était en train de voir. Pour la saison 5, même si Cersei leur donne au départ du pouvoir, il est difficile de trouver une logique au fanatisme soudain et acharné de la secte des Moineaux. Les chemins des personnages se sont éloignés les uns des autres. Le tissu qui connectait les nombreuses histoires devient de moins en moins dense. Pour l’instant, ce qui se passe à Meereen n’a aucune conséquence sur ce qui se passe à King’s Landing, ce qui se passe à King’s Landing n’a aucune conséquence sur ce qui se passe à Winterfell, ce qui se passe à Winterfell n’a aucune conséquence sur ce qui se passe à CastleBlack… Et qu’en est-il de l’isolement d’Arya Starck à Bravos ? Les neuf premiers épisodes de cette cinquième saison ont donc plus suscité d’ennui et de frustration que d’habitude. Peu d’avancées jusqu’à des résolutions soudaines et simultanées lors du dernier acte de la saison.

La mort de Jon Snow reste le fait le plus marquant de l’épisode mouvementé. L’avenir du personnage pourra trahir la direction adoptée par tout ceux qui fabriquent la série. Kit Harrington, incarnant le bâtard de Ned Starck, véhicule un sex-appeal qui fournit à la série la fanbase de jeunes femmes de 15 à 35 ans. Le vainqueur du bras de fer entre la toute puissance des scénaristes et le pouvoir commercial de millions de groupies qui voudraient voir ressusciter le « Lord Commander » sera indubitablement un symbole fort pour la suite.

 

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Avant de renier complètement les mêmes personnes qui nous ont fait vibrer pendant 40 heures attendons les 10 prochaines pour juger les 10 dernières. Qui peut de toute façon se targuer à la vue de « Mother’s Mercy » ne pas vouloir savoir ce qu’il va advenir de Westeros ? L’erreur serait de sous-estimer scénaristes et écrivains qui nous ont toujours tant surpris. Malgré ses défauts la saison 5 reste en parfait accord avec l’état d’esprit global de cette course au trône de fer. Lors de la saison 1 on nous annonçait la fatalité d’un hiver menaçant. Pendant les 4 premières saisons on se demandait si cette épée de Damoclès n’était pas une coquetterie pour nous appâter tant le froid semblait encore lointain. On préférait nous montrer des familles se disputer le pouvoir en se détruisant les unes les autres. Quand beaucoup voient en la saison 5 un échec on peut plutôt y déceler un tournant. Discrètement mais clairement on nous apporte la concrétisation de la vraie problématique du monde crée par George R.R Martin : la tension entre la menace extérieure d’un hiver destructeur et l’affaiblissement grandissant des forces en présence qui aurait permis aux hommes d’y survivre. À la fin de la saison avec la rencontre du chef des « White Walkers », la menace de l’hiver n’a jamais été aussi pressante. Pourtant avec la mort de Jon Snow, de Stannis, la capture probable de Daenerys, la fuite de Sansa et l’humiliation de Cersei tous les leaders potentiels sont neutralisés. Ce n’est pas l’essoufflement de la série qu’il faut craindre mais ce qu’elle nous réserve.

 

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