Georgio : « Le premier album est le coup de poing d’un gamin sur la table pour s’affirmer »

Introduit au milieu d’1995 et de L’Entourage, Georgio n’est pourtant pas le side-kick des deux collectifs parisiens. Avec un projet par an réalisé depuis près de cinq années, la productivité du jeune rappeur est le signe d’une application singulière et d’un processus l’amenant au premier album mûrement travaillé. Entre états d’âme familiaux, ruptures, et faits divers parisiens, Bleu Noir est la production d’un artiste complexe qui veut s’affranchir des codes actuels de son genre et exporter son art vers d’autres univers musicaux.

On connaît ton affiliation avec 1995 et L’Entourage mais c’est un peu brouillon, peux-tu nous éclairer sur cette relation ?

On s’est rencontrés grâce au rap, et on a toujours roulé ensemble. Avec Lo’ on a sorti en 2013 le projet Soleil d’hiver dans lequel il a fait la totalité des productions. Grâce à ça j’ai fait la première partie du Palais des Sports de 1995, et (Fonky, ndlr) Flav’ m’a toujours plus ou moins managé. Donc ils ont toujours été là.

On sent une inspiration qui ressemble à celle de Nekfeu, surtout au niveau de ton parcours.

On vient de la même école des open-mics et  on a les mêmes influences pour une bonne partie. Après, sur le parcours c’est celui de presque tous les mecs qui vont péter aujourd’hui : énormément de clips, Internet, des EP… Un premier album c’est assez fort, il faut attendre le bon moment.

Tu as pris ton temps avant de le sortir cet album.

Je ne sais pas si c’est une chance ou pas, mais les personnes qui m’écoutent me découvrent petit à petit. Je n’ai jamais eu un clip ou un projet avec un énorme buzz en million de vues et que tout le monde connaît. Ça c’est l’autoroute, moi j’emprunte des vrais chemins de forêt. Mais on monte. Dans le fait de sortir tard il y’a aussi le parti-pris d’être mûr artistiquement pour mon premier album, d’avoir des choses à dire et d’être capable de les assumer, même dans 10 ans. Au moment de l’EP À L’abri, je me suis posé la question de l’album, mais j’avais envie d’attendre le bon moment pour qu’il soit écouté par le plus grand nombre. Si j’avais eu plus de buzz, est ce que je l’aurais sorti avant ? Je ne sais pas, mais je ne regrette pas, je crois que je l’ai fait au bon moment.

Le temps que tu as mis pour faire ce premier album renforce l’estime que tu portes à ce  premier album.

Je crois que c’est assez instinctif comme sensation. Après l’EP, je savais que le prochain projet serait mon premier album. Avant, j’écrivais tout le temps parce que je savais que je progressais, je ne jetais pas beaucoup. Aujourd’hui, je jette énormément, plus de la moitié de ce que je fais. Quand ça me plaît, je garde, et je fais mes morceaux comme ça. C’est très instinctif. Une fois que j’ai fini un morceau je le modifie très rarement mais en amont je fais en sorte de peser chaque mot, chaque virgule, chaque prise de voix, chaque intonation. Je veux que ce soit bien taffé, ne rien regretter. Mais pour moi le premier album est comme un coup de poing sur la table que donnerait un gamin pour s’affirmer. Un premier album quand ça sort, c’est tamponné à tout jamais. Donc il fallait que j’en sois fier à 100%.

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Dans Bleu Noir tu disais « ne pas vouloir être oublié », c’est la raison pour laquelle tu as été si productif avant cet album ?

C’est dur aujourd’hui : si tu ne sors rien pendant deux ans les gens te zappent.  Dans mon esprit, il fallait « battre le fer tant qu’il est chaud », mais comme j’étais dans un processus d’écriture et de concert avec notre tournée de 20 dates et pas mal de festivals cet été, forcément ça donne envie d’aboutir de nouveaux projets pour faire de la scène, rencontrer ceux qui t’écoutent…
Forcément, cette crainte existe, mais je n’y pense pas trop, et ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai enregistré l’album de suite.

Tu joues beaucoup sur l’interaction avec les réseaux sociaux, ton album est financé par un concept participatif… Être « connecté » constitue une étape indispensable pour toi aujourd’hui ?

J’avais laissé le choix des instrus sur le projet Nouveau Souffle, ça me permettait de voir qui me soutenait et ce qu’ils avaient envie d’entendre de moi. Pour l’album, je ne voulais pas trop que le public s’immisce dans l’artistique. Je ne sais pas si c’est une généralité, mais beaucoup de mes projets se sont construits sur Internet après Nouveau Souffle. Les personnes qui m’écoutent font tourner à d’autres personnes, qui ensuite font tourner, et ça fonctionne comme ça. Je ne suis pas dupe, si j’en suis là c’est en grande partie grâce à Internet. C’est pour ça que je trouve important de faire des projets gratuits ou d’essayer de répondre un maximum aux personnes sur Twitter, ou même de tenir un journal de bord, comme des making-of sur ce qu’il se passe en tournée ou en studio. Finalement, on a la chance d’avoir ces outils à notre disposition donc pourquoi s’en priver?

« C’est dur aujourd’hui : si tu ne sors rien pendant deux ans les gens te zappent. »

Cette facette d’indépendant, c’est celle qui te convient le mieux ?

On a fait plein de rendez-vous avec les labels. Un premier où ils veulent voir seulement ton manager, dans celui d’après ils veulent te voir, puis te revoir dans le troisième, et ils te sortent un contrat. Le truc c’est que tu as l’impression que personne ne veut sortir de contrat en premier, ils attendent de voir la proposition d’un autre label. Au final, ils te font attendre et tu te rends compte qu’ils ne te feraient pas ça si tu étais vraiment leur priorité. Et là ils nous faisaient galérer. Pendant la promo de l’EP, j’ai rencontré le créateur de Kiss Kiss Bank Bank, et on s’est dit qu’on allait financer l’album comme ça. On a aussi lancé une opération sur Instagram avec un hashtag et récupéré 70 photos de fans qu’on a intégré dans le CD. On fonctionne depuis longtemps avec ceux qui me supportent et on a continué sur l’album. L’histoire est plus forte, on reste indépendant, et on reste impliqué à 100%.

Pour le deuxième album,  tu comptes procéder de la même façon ?

Non, c’est trop éprouvant de tout gérer, avec Laura, mon attaché de presse et Flav’, mon manager. On est une petite équipe et mis à part la distribution, on a fait tous les corps de métier que tu peux avoir dans un gros label. Il faudrait avoir plus de moyens, plus de temps… Donc pour le deuxième album, on fera différemment, je ne sais pas encore comment.

 

« Les labels veulent un premier rendez-vous avec ton manager, puis veulent te voir et te revoir dans le second et le troisième, et disent qu’ils te sortent un contrat. Le truc c’est que tu as l’impression que personne ne veut sortir de contrat en premier, parce que l’autre label fera mieux. »

Peut-on percevoir Bleu Noir comme un album varié voire de variété dans tes thèmes, tes instrus et l’atmosphère générale ?

Le but n’était pas de classer ma musique, mais oui, dans  « Dépression » ce n’est pas vraiment du chant, ce n’est pas du rap non plus, c’est un style entre les deux. Je trouve que ce morceau représente vraiment Georgio, ce n’est pas un type prédéfini. Dans une interview on me demandait si dans certains refrains j’avais chanté parce qu’aujourd’hui le rappeur doit chanter pour que ça marche et j’ai répondu que c’était l’inverse. Si je chante c’est pour sortir totalement du rap car j’avais envie de m’ouvrir à plus de musicalité, plus de mélodie. C’est pour ça qu’il y a des instrus comme celle de « Malik » ou des refrains comme dans « Rêveur », mais ça n’empêche pas d’avoir des couplets très rap, comme sur « 6 Avril 93 ». J’ai déjà écrit des chansons qui n’ont rien à voir, genre variété ou chanson française mais ce qui me plaît le plus quand j’écris, c’est le flow. Pouvoir lancer des grandes phrases avec beaucoup de mots, beaucoup de rimes tout en exprimant ce que j’ai envie de faire. Du coup le rap, c’est ce qui me plaît le plus, c’est des cris de rage, des cris du cœur, il n’y a que le rap qui te permet de faire ça. Le prochain album sera un album très rap, dans ce sens-là, mais ce sera aussi ouvert à d’autres styles.

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Tu disais récemment ne plus écouter de rap. Est-ce une manière de ne pas être influencé pendant ta phase de création ?

Je ne pense pas, j’ai toujours écouté plus que du rap français. J’ai dit que j’écoutais peu de rap mais par exemple l’album de Nekfeu je l’ai beaucoup écouté, mais le projet que j’ai le plus écouté l’année dernière était une tape de Sadek qui est vachement trap, mais où je kiffe vraiment comment il rappe. J’écoute pleins de trucs qui m’influencent, pas du tout dans mon style de rap, le dernier truc que j’ai écouté c’est l’album d’SCH, nos musiques ne se croisent pas du tout. Il n’y a pas beaucoup de trucs qui sortent du lot qui m’ont mis des grosses claques en rap.

Toute cette partie après « 6 avril 93 », est une chanson très entraînante. On est dans du rap « entertainement » avec des sujets toujours profonds. Et le début et la fin de l’album sont très sombres, c’est plus toi, celui qu’on avait l’habitude de voir. Est-ce que c’est une couleur que tu as voulu ajouter pour plaire un peu plus, ou t’ouvrir à d’autres univers ?

Oui. Mais en plus il ne fallait pas que ce soit trop sombre. C’est dans les moments les plus noirs que j’écris le plus et que j’ai le plus de facilité à le faire. Mais c’est un peu étouffant, donc il ne fallait pas que de ça. Il fallait de l’espoir, il fallait d’autres couleurs. C’était important pour respirer et puis sinon, ça n’aurait pas été honnête pour moi-même de faire un truc trop sombre. Aussi parce que j’avais envie de pouvoir chanter, raconter d’autres choses… Mon premier album, c’est aussi le moment de parler aux miens, d’écrire certains morceaux sous forme de lettres, comme « Rêveur » pour mon petit frère, ou « La Celle Saint-Cloud » pour ma grand-mère. Même si « Rêveur » partait d’une frustration et d’un sentiment de colère, parce qu’il n’avait pas été pris à un match. Finalement la chanson est positive parce que, quand je parle à mon frère, j’en ai rien à foutre de lui dire « Je suis en colère contre ton entraîneur ». J’avais juste envie de lui dire « Continue de te battre, joue à fond et crois en toi. »

 

« Il y a aussi cette phrase : ‘La police nous protège, mais qui nous protège de la police ?’ Elle résume l’insécurité à l’état pur et le problème de Makomé, qui pour des histoires de cigarettes se retrouve en garde à vue avec un flic un peu bourré qui joue avec son flingue et qui lui met une balle dans la tête. »

Sur « Malik » et « 6 avril 93 », tu pars d’un fait d’actualité, et tu l’intègres dans une histoire personnelle. « Malik » est un fait divers arrivé dans le 18ème, où tu te mets en scène en tant qu’observateur en intégrant des scènes de ta propre vie.

C’est parce que ce fait divers moi je ne l’ai pas vécu, on me l’a raconté. Après je me suis mis dedans et j’en ai fait une chanson, parce que quand j’écris, je le fais souvent à la première personne. Donc c’était beaucoup plus facile pour moi de rentrer dans l’histoire pour la raconter justement. Même si du coup, c’est une fausse histoire. Et je trouvais ça intéressant d’ajouter des faits de ma vie d’ado à ce fait divers pour en faire un vrai morceau. En faisant « Malik » et « 6 avril 93 » je n’avais pas calculé le fait d’additionner deux réalités qui en faisaient une nouvelle. Je n’avais pas perçu ce point de vue. A la base « 6 avril 93 » était un morceau sur l’insécurité. Le truc était de raconter comment je perçois l’insécurité et pour le refrain et pour le titre du morceau, je voulais un fait marquant qui démontre toute l’insécurité qu’il pouvait y avoir, ce qu’on considère comme un fait divers mais qu’on peut aussi considérer, mine de rien, comme un fait marquant, parce que ça a inspiré le film « La Haine » et que ça a créé de vrais émeutes à l’époque.

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Ce fait m’avait vachement touché parce que je m’étais retrouvé dans le 18ème, sur le lieu des faits. J’avais sans doute voulu écrire un truc dessus à l’époque et puis j’avais zappé. Et j’ai regardé un documentaire qui était sorti pour les dix ans en 2015 et que j’ai chopé sur YouTube, avec des interviews de Kassovitz et de Cassel. Ils reparlaient de cette histoire. Il y a aussi cette phrase : « La police nous protège, mais qui nous protège de la police. » Et finalement celle résume l’insécurité à l’état pur et le problème de Makomé, qui pour des histoires de cigarettes se retrouve en garde à vue avec un flic un peu bourré qui joue avec son flingue et qui lui met une balle dans la tête. Du coup je trouvais que c’était un fait intéressant pour marquer l’insécurité et puis en même temps c’était lié au 18ème, mon arrondissement. C’était aussi lié au film « La Haine » qui est aussi relié au hip-hop avec sa B.O. En fait tout mes mondes se rejoignaient avec ce fait de vie. Une fois que j’avais ce morceau sur l’insécurité, je voulais que la base du refrain, ce soit Makomé. Et puis finalement, pour moi qui écoute énormément de rap, ce n’est pas une personne dont on a beaucoup parlé. Il a été totalement oublié alors que, putain, ça représente quelque chose. Après, il n’y a pas à en faire des héros, des oubliés ou quoi que ce soit, mais en comparaison à Zyed et Bouna dont tout le monde a énormément parlé dans le rap français, ce mec-là a été totalement oublié alors qu’il a souffert et que son histoire est aussi un témoignage d’une certaine violence de la police dans les quartiers à une époque. C’était aussi le moment d’avoir une petite pensée.

Dans les morceaux « La Celle Saint­ Cloud » et  « Des mots durs sur des bouts de papier », il n’y a plus de pudeur, on retrouve une forme de fragilité, tu exposes ta vie privée sans filtre et avec des mots brutaux. Ce sont des faits réels ?

Oui je ne raconte que des choses vraies. Rien n’est faux dans ce morceau. Au moment où je l’ai enregistré j’étais avec des potes, je faisais des blagues à la con… Si j’enregistre ce morceau c’est que j’ai déjà fait le deuil de tous ce dont je vais parler. C’est du passé et ça ne me touche plus. Je ne suis plus à fleur de peau sur ces histoires. C’est un morceau qui a d’ailleurs été écrit en plusieurs étapes. C’est plusieurs grosses souffrances qui y sont retranscrites. Au moment où je l’ai écrit, ça me soulageait tellement d’écrire que c’est comme si je faisais abstraction de tout ce qui m’entoure. Mais en même temps j’étais super en colère parce que le fait d’écrire m’a fait repenser à toutes ces souffrances. Écrire te permet de te vider la tête. C’est un peu comme une méditation. Une fois que tu as écrit un titre comme ça, tu souffles un grand coup et tu retrouves la vie. Ça m’a fait tellement de bien d’écrire ce texte-là que j’ai voulu tout de suite l’enregistrer. Je savais que ce titre allait être l’outro de l’album. Je ne pouvais plus rapper de morceaux forts comme « La Celle Saint Cloud » après lui. J’aime beaucoup parler des gens qui m’entourent dans mes morceaux donc j’ai voulu parler de ma copine avec qui je suis depuis des années dans « Des mots durs sur des bouts de papier ». Ce morceau est fort. C’est un titre qui donne de l’espoir. A mon avis je ne l’aurais pas enregistré si je ne me sentais pas mieux et que je n’avais pas plus d’espoir qu’au moment où je l’ai écrit. Le fait qu’il y ait de l’espoir signifie que j’ai foi en la morale, en la vie et donc du coup ça m’a permis de me libérer.

« Dans une interview on me demandait si dans certains refrains j’avais chanté parce qu’aujourd’hui le rappeur doit chanter pour que ça marche. J’ai répondu que c’était l’inverse :  si je chante c’est pour sortir totalement du rap et parce que j’avais envie de m’ouvrir à plus de musicalité, plus de mélodies. »

Tu te rends compte que pour un jeune homme de 22 ans, ça fait beaucoup de douleur, de souffrance.

C’est vraiment dans les moments où je ne me sens pas bien que j’arrive à écrire. Je trouve que l’album me ressemble beaucoup mais il aurait pu avoir beaucoup plus de morceaux “joyeux”. Finalement quand je suis bien je n’arrive pas forcément à écrire. Le contraste ne me représente pas forcément entièrement. C’est vrai que je suis très mélancolique, je ne vais pas m’en cacher. Il y a une phase de je ne sais plus quel rappeur qui dit « t’es vide comme un ciel bleu ». Pour moi ça veut tout dire. Quand t’es trop heureux qu’est ce que t’as à raconter ? Je pourrai faire un story­telling un peu golri mais bon…

Être positif n’est pas forcement être vide de sens.

Bien sûr ! Je crois que Bleu Noir comporte beaucoup de tristesse mais reste un album positif. « La Celle Saint Cloud » est une lettre d’amour à ma grand mère, « Des mots durs sur des bouts de papier » c’est finalement dire à ma copine que je crois en la vie, « Rêveur » c’est un morceau sur les rêves, « Appelle à la révolte » c’est du kickage et un hymne à la révolution. Il y a quand même de l’espoir, même les « Anges déchus » c’est un morceau qui touche les miens.

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Sur cet album il y a beaucoup de dépression, d’amour violent, de solitude… Pourquoi tu t’attardes autant sur ces mauvais sentiments ?

Ça fait longtemps que je baigne dans la dépression. J’étais déjà en début de dépression à 16 piges mais je m’en suit rendu compte bien plus tard. A l’époque, je ne savais pas ce que c’était. Je ne voulais plus aller en cours, j’étais vachement seul mais je me plaît dans cette solitude. Ça fait partie de moi. Je n’aime pas sortir tous les soirs, je n’ai pas forcément envie de voir du monde. Depuis que j’ai 16 ans j’ai des vagues de dépressions que je ne contrôle pas et où j’ai plus envie de m’isoler. Ça me représente et en même temps ça me bouffe tellement que j’avais envie de faire un morceau seulement là-dessus et c’est pour ça qu’il y a des morceaux comme « Dépressions » ou « Rose Noire ». « Rose Noire » c’était une manière de parler d’amour mais d’une autre façon, d’une manière un peu moins stupide que « ah je t’aime, la vie est belle ». Les ruptures amoureuses ça existent et quand tu es amoureux tu en chies grave. Je l’ai déjà vécu avec ma copine et j’avais envie d’en faire un morceau. Quand tu te sépares de ta meuf, tes potes ont toujours un tas de conseil à te donner pour aller mieux et tu te dis  » je sais mais ta gueule ça marche pas ». Une fois que tout va mieux et que tu dis à ton pote les mêmes trucs qu’il t’a dit parce que tu sais que c’est la solution, c’est lui qui ne le vit pas comme ça. Ce morceau je l’ai écrit pour exprimer ça, ce moment où tu penses que rien ne va t’aider.

Finalement l’album est plus noir que bleu…

Même sur la pochette le bleu est assez sombre (rires).

 

« Ça fait longtemps que je baigne dans la dépression. J’étais déjà en début de dépression à 16 piges mais je m’en suis rendu compte bien plus tard. A l’époque, je ne savais pas ce que c’était. Je ne voulais plus aller en cours, j’étais vachement seul. Mais je me plaît dans cette solitude. Ça fait partie de moi. »

Dans « Héros » tu dis que tu as peur de l’échec du premier album. Si cela arrive qu’est­ ce que ça changerait pour toi  ?

Je ne suis plus dans ce cas-là vu que l’album a bien marché. J’ai toujours dit sur les premières interviews que sur 1 an j’aurai aimé vendre 10 000 albums et là on va y arriver donc l’objectif est rempli. Si ça n’avait pas marché, j’aurais tout donné sur le deuxième album. J’aurai fait mon album comme je le sens en me disant que de toute façon il fallait que je m’investisse à fond en espérant que ça marche. Mais si après le deuxième album ça n’avait toujours toujours pas décollé, j’aurai peut-être commencé à penser à autre chose. J’ai fait plein de boulots en intérim, des boulots de merdes… Je n’ai pas peur de repasser mon bac en candidat libre, de reprendre des études ou d’aller trouver un boulot. Ça ne me fait pas peur mais je n’en ai pas envie du tout. Si à un moment ça ne marche pas, il faudra se faire à l’évidence. Du coup j’avais peur de ça. Mais avec cet album, je pars un peu plus confiant pour en faire un deuxième avec l’objectif d’en vendre encore plus. Je vais faire une grosse tournée bientôt donc pas de soucis niveau argent. En même temps c’est dur quand tu travaille un an sur ton projet en espérant que ça marche et que tu te casses la gueule c’est pas facile de se regarder dans un miroir après ça et de se dire t’as foiré. J’avais un peu peur de ça.

Inconsciemment il y a peut-être une reconversion qui pourrait te convenir. Tu as récemment dit que tu souhaitais écrire pour les autres…

Aujourd’hui c’est très rare les ghostwriters dans le rap français. Et c’est dur d’écrire pour quelqu’un d’autres parce qu’ils ont déjà leur cercle de paroliers et rentrer dedans n’est pas facile. C’est une situation un peu bâtarde parce que si ta musique ne marche pas, tes textes ne vont intéresser personne. Alors que si demain tu as un disque d’or et que tu vas voir un éditeur en lui disant “J’ai une chanson qui pourrait plaire à untel », ce sera forcément plus facile. C’est un cercle vicieux dans lequel je n’ai pas eu beaucoup d’expérience. Mais ça reste quelque chose qui m’intéresse.

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Tu es un peu dans la lignée d’un Oxmo dans le sens où tu arrives à créer des passerelles entre différents genres musicaux.

Mon but c’est que le plus de personnes me connaissent et aiment ce que je fais. Je pense que ça peut marcher. Je crois vraiment en ma musique, sinon j’aurai déjà arrêté. Je pense que même un public purement rap, s’il prend le temps de vraiment écouter le projet, peut s’y retrouver. Le problème c’est qu’avec la scène actuelle, un petit de 15 ans qui commence vraiment à découvrir le rap risque de ne pas aimer parce que ça ne correspond pas à la vibe actuelle, mais moi je crois que si tu pousses et que tu cherche à mieux me connaître, ça peut te plaire.

Photos : Melo

Photos concert : Kevin Jordan

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