Grace Carter, les émotions en première ligne
Issue de la même génération de chanteuses londoniennes que Jorja Smith, Grace Carter brille par ses interprétations imprégnées d’émotions et de sentiments. Rencontre avec une artiste pour qui la musique est plus qu’une thérapie.
Photos : @alextrescool
Fraîchement sortie de l’Eurostar, Grace Carter traverse la Manche pour la troisième fois. Malgré ses 21 ans, la jeune chanteuse n’en est pas à son premier coup d’essai dans la capitale française, après une tournée avec sa consoeur Dua Lipa. Propulsée sous les projecteurs grâce au track « Silence », notamment utilisée dans la saison 4 de la série Grey’s Anatomy, Grace Carter offre des chansons criantes d’émotions et laissent la Londonienne vulnérable. Un style ultra personnel, qui fait écho auprès de ses fans. Quelques jours avant sa nomination aux Grammys Nous avons rencontré l’auteur-interprète à Paris, juste avant son concert aux Étoiles.
Quel a été ton premier contact avec la musique ?
La musique est arrivée très tôt pour moi, grâce à ma mère. Je n’en faisais pas encore mais j’en écoutais beaucoup. J’adorais la musique quand j’étais enfant, c’était notre petit moment mère-fille. Quand j’ai eu 13 ans, ma mère a rencontré mon beau père, c’était un musicien et c’est lui qui m’a encouragée à en faire. J’aimais déjà chanter parce que j’étais dans une chorale mais quand je l’ai rencontré, je me suis mise à chanter des morceaux que j’ai écrits. C’est à ce moment là que je suis tombée amoureuse de la musique parce que je chantais des choses qui avaient vraiment un sens pour moi, au lieu de faire des covers.
Quels artistes tu écoutais plus jeune ?
J’écoutais vraiment des artistes divers et variés. Mais celles qui m’attiraient étaient des artistes féminines. Même maintenant finalement, la majorité des voix que j’écoute sont féminines, je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais plus jeune j’écoutais Nina Simone ou Alicia Keys qui étaient une énorme inspiration pour moi, parce que je suis métisse et que j’ai grandi sans la partie noire de ma famille. Du coup je m’identifiais beaucoup à elle, physiquement et musicalement. Quand je l’ai vue assise sur son piano jouer un morceau qu’elle avait écrit, j’ai su que c’est ce que je voulais faire.
Tu as toujours voulu être chanteuse ?
Non pas du tout, je faisais du tennis quand j’étais plus jeune ! Il y avait beaucoup de choses que je ne comprenais pas étant enfant, comme par exemple la raison pour laquelle ma mère était célibataire ou pourquoi je n’avais pas de père. J’avais juste beaucoup de questions auxquelles je n’avais pas de réponses et c’était forcément frustrant. Mais dès que j’ai rencontré mon beau-père, il a été le premier homme avec lequel j’ai vécu et il m’a encouragée à parler de toutes les choses que je ressentais. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que je voulais être chanteuse, parce que j’écrivais des chansons qui avaient vraiment du sens, des morceaux m’ont fait comprendre des choses sur moi et mes émotions. C’est ce qui m’a donné envie d’en faire mon métier.
Donc ton univers tourne autour de tes émotions ?
C’est la base pour moi. Je n’ai écrit que des chansons qui parlent de mes émotions, c’est de cette façon que j’établis des liens avec les gens, en écrivant des chansons tristes. C’est totalement une thérapie pour moi. C’est plus facile de me poser, d’écrire et de chanter les choses plutôt que d’en parler juste comme ça.
Et c’est de cette façon que tu crées un lien avec ton public.
Je fais de la musique pour faire écho avec les gens qui m’écoutent. Je veux leur faire ressentir l’émotion que je met dans ma musique. J’ai mes propres histoires et mes chansons parlent de choses qui me sont arrivées à moi, mais en même temps, la majorité d’entre elles décrivent des situations ou des émotions associées à ces situations. Et les émotions constituent un langage universel qui parle à tout le monde. Il s’agit avant tout d’émotions et de sentiments et je pense qu’on ressent tous les mêmes choses de manières différentes.
Aujourd’hui, les paroles passent parfois au second plan au profit des vibes qu’offrent un son. Qu’est ce que tu en penses, toi qui mise tout sur les paroles ?
C’est assez difficile. Je suis quelqu’un qui aime réfléchir à ce que j’écris et parler de ce que je traverse. J’aime écouter des sons pour la vibe, mais ce n’est juste pas la manière dont j’écris. Je pense que ça vient du fait que j’ai grandi en écoutant des personnes comme Adèle, Alicia Keys ou Amy Whinehouse. Leurs chansons parlaient de leur vie. Tu écoutes les paroles et c’est comme ça que la connexion se fait avec l’artiste, au lieu de vouloir danser sur la musique. Là, Tu veux t’asseoir dans une pièce sombre et pleurer.
Tu fais partie d’une nouvelle vague de chanteuses anglaises talentueuses qui inclut Jorja Smith, Ama Lou ou encore Amber Olivier. Que penses-tu de cette génération ?
Je pense que c’est hyper cool, on a le même âge et on fait de la musique différente. C’est vraiment génial d’en faire partie parce que c’est vraiment un cercle de personnes qui se soutiennent entre elles. J’ai fait un concert avec Jorja il y a quelques mois et elle est vraiment gentille et encourageante. Ça a été la même chose avec tellement de gens que j’ai rencontré.
Comment est-ce que tu te distingues d’elles ?
Je ne sais pas vraiment. Quand j’étais plus jeune et que j’ai écrit ma première chanson, on ne se connaissait pas, on a juste fait ce qui semblait naturel pour nous. J’imagine que les sonorités ne sont pas les mêmes, les productions sont différentes. Je dirais que mon style est plus dirigé, orienté par un piano.
Comment tu décrirais ta musique ?
Je dirais que c’est de la pop, mais plus de la soulful pop. C’est un style vraiment important pour moi et qui m’a influencée. Les artistes que j’écoute sont plus soul que pop.
Du coup, quels sont les artistes que tu écoutes en ce moment ?
En ce moment, Nina Simone, Erykah Badu etc. Pour les artistes plus actuels, j’aime beaucoup Daniel Caesar, je l’écoutais hier. Il est vraiment bon et il y a quelque chose de vraiment intéressant dans ce qu’il fait. Il met beaucoup de coeur dans sa musique.
Tu étais en tournée avec Dua Lipa récemment, comment c’était ?
C’était incroyable, j’ai chanté à Paris pour la première fois avec elle. Depuis que je suis allé en tournée avec elle, elle m’encourage vraiment sur tout ce que je fais. Je n’avais qu’une chanson à l’époque et c’était la première fois que je chantais devant des gens. Voir le public réagir à ma musique, c’était totalement fou.
Dans les commentaires de tes clips sur YouTube, les gens expriment leur désir d’un album. Des infos par rapport à ça ?
Quand j’aurai le temps ! Non en réalité j’ai fini de l’écrire. Il ne me reste plus qu’à enregistrer et en faire quelque chose de vraiment bien. Pour l’instant je suis en tournée donc je n’ai pas le temps pour du studio. Tous les artistes qui m’ont inspirée sont des “album artists” donc pour moi c’est un but ultime dans ma carrière et je ne veux pas me presser. Je veux en faire une oeuvre qui raconte mon histoire. Donc je veux prendre mon temps et vraiment donner un partie de moi quand je sortirai un album.
Dans le clip de « Silence », tu pleures. Cela semble très authentique : ça l’était vraiment ?
Cette partie était vraiment difficile, je n’étais pas censée pleurer, ce n’était pas prévu. J’ai filmé avec une photographe qui s’appelle Nicole Nodland, elle est incroyable. On s’était rencontrées plusieurs fois et on est devenues assez proches. Cette chanson parle d’une personne et le jour où on a filmé on s’est assises et elle m’a dit: “La caméra c’est cette personne. Chante à la caméra comme si c’était cette personne.” C’était vraiment dure, je voulait qu’elle arrête de filmer mais elle m’a encouragé à continuer et je la remercie encore pour ça parce que je pense que ça a vraiment aidé les gens à comprendre le niveau d’émotion et à emmener la chanson à un tout autre niveau. C’était vraiment éprouvant mais je suis contente d’avoir pleuré.
Quelle est la chose dont tu es la plus fière jusqu’à maintenant ?
Je pense que la video de “Why Her Not Me” est quelque chose dont je suis vraiment fière. Juste parce que je n’ai que 21 ans et ça fait vraiment peur de donner tant de soi aux gens alors qu’en même temps tu es encore en train de te trouver. Le fait que partager mes histoires ait pu réunir des gens et les aider à se sentir mieux, je trouve ça vraiment très fort. Et c’est exactement ce à quoi j’aspire dans ma carrière.
Comment tu sens ton concert de ce soir ?
Je suis vraiment excitée ! J’adore Paris. Même arriver en Eurostar, ça donne une certaine vibe. Et la salle de concert est vraiment cool, je ne savais pas à quoi m’attendre.
Tes plans pour les mois à venir ?
Pour le moment je suis en tournée et j’espère sortir plus de chansons dans les mois à venir. J’ai sorti le clip de “Why Her Not Me” récemment donc on fait patienter les gens avec ça. Mais oui, sortir plus de musique, partir en tournée et s’amuser !