Hamza « Le style d’Atlanta est un mouvement qui parle aux jeunes. »
À l’heure où la déferlante trap s’abat sur le paysage rap francophone, insufflant autant d’énergie que de redondances, Hamza présente bon nombre d’atouts qui pourraient lui permettre de se distinguer de ses confrères tout droit sortis du « bando ». Auteur, compositeur et interprète, le jeune belge fait parler sa maîtrise et son sens de la mélodie sur son dernier projet, intitulé H-24. Il a évoqué avec nous sa conception de la musique, son parcours et son regard sur le mouvement trap.
Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter ?
Moi c’est Hamza, je suis un artiste belge originaire de Bruxelles. Ca fait maintenant 5-6 ans que je fais de la musique et j’ai sorti deux projets pour l’instant : Recto-Verso & H-24.
Comment en es-tu venu au rap ?
Comme beaucoup, le rap est venu quand j’étais gamin. J’avais genre 12 ans, j’étais à l’école et avec mes potes on écoutait du rap. Forcément, j’ai eu moi-même envie de commencer à écrire.
J’ai pu noter que tu composais également la plupart de tes morceaux, quand as-tu commencé à travailler la production ?
Tu as peut-être pu le constater dans ma dernière mixtape, je suis quelqu’un de très « mélodieux ». Quand je travaille, quasiment tout se passe dans ma tête : je fais les mélodies dans ma tête, je vais imaginer un refrain dans ma tête, etc. Du coup quand j’ai commencé à me mettre sérieusement à la musique, j’ai ressenti le besoin de composer. De là, je me suis informé un peu partout où je pouvais puis j’ai téléchargé Fruity Loops, j’ai commencé à composer et c’était parti. Honnêtement, ca m’a donné un vrai plus.
Tu ne trouvais pas ton bonheur dans ce que proposaient les autres beatmakers ?
Non, j’aime bien travailler avec d’autres beatmakers. Quand la vibe me parle, je suis toujours chaud de travailler. Après à l’époque je n’étais pas forcément connu et je ne recevais pas forcément des prods de tout le monde. Et d’un autre côté, je ne trouvais pas forcément intéressant de rapper sur des faces B. C’est un peu comme ça que je me suis mis à composer.
Quelles ont été tes principales influences ?
Le premier artiste qui m’a vraiment parlé, c’était 50 Cent. Quand j’étais très jeune c’est lui qui m’a donné envie de rapper. Tout ce qui était G-Unit, East Coast, j’écoutais ça à fond. Après au fur et à mesure des années, j’ai quelque peu switché et depuis peu ma principale source d’inspiration c’est Atlanta. J’aime beaucoup ce qui se fait là-bas, il y a des grosses stars comme Young Thug, Future, Rich Homie Quan, ainsi que beaucoup d’autres artistes et producteurs très chauds. J’aime beaucoup ce qu’ils font.
Il y a quelques années encore, le style d’Atlanta ne parlait qu’à quelques initiés. Qu’est-ce qui t’as plu dans ce mouvement ?
Atlanta ça m’est venu tout seul, j’ai directement accroché parce que je viens d’avoir 21 ans et que c’est un mouvement qui est très jeune. Ce n’est pas un mouvement qui est là depuis 50 ans, ça parle aux jeunes. Après je ne suis pas pour autant de ceux qui considèrent que tout ce qui est old school est mort ou quoique ce soit. Selon moi il n’y a pas de mouvement qui meurt tant qu’il y a encore de la bonne musique qui se fait dans le domaine. Que ce soit de la trap ou autre chose, tant que c’est bon ça passe.
Toi qui revendiques ouvertement ton influence « trap », comment perçois-tu les critiques dont fait l’objet toute la nouvelle génération de rappeurs issus de ce mouvement ?
Déjà, il y a différents types de critiques. Il y a celles qui ne sont pas objectives et celles qui sont vraiment constructives. Par exemple, quand certains disent que c’est un peu toujours la même chose, je suis assez d’accord d’une certaine manière. Parce qu’en vrai, il y a beaucoup d’artistes qui font vraiment la même chose : les timbres de voix, les gestuelles, les clips, etc. À la fin, je comprends que ça saoule un peu. Mon avis, c’est que tu peux t’inspirer de quelque chose, mais derrière faut quand même apporter un peu de créativité. À partir du moment où tu fais de la musique, tu es un artiste et tu te dois de montrer que tu l’es vraiment. Que ce soit dans tes visuels ou dans ta musique. Malheureusement en France ce n’est pas tout le temps comme ça. Je peux comprendre pourquoi il y a ce genre de critiques. De mon côté, c’est quelque chose que j’essaye vraiment de travailler. Même quand je fais un visuel simple, j’essaye de faire en sorte qu’il y ait une cohérence avec la musique.
Quel a été ton parcours dans le monde du rap ?
Quand j’ai commencé, j’étais dans un groupe qui s’appelait Kilogrammes Gang. Avec ce groupe, on a sorti une mixtape qui n’a pas forcément fait beaucoup de téléchargements parce qu’à l’époque c’était plus un délire qu’autre chose, on était jeune et notre musique était encore assez immature. Après ce projet, on a un peu continué à rapper en groupe puis ça s’est arrêté. Mes gars MK et Triton – les deux artistes qui étaient avec moi dans ce groupe – ont arrêté la musique. Du coup je me suis retrouvé tout seul. Pendant un moment, je me suis isolé pour travailler ma musique, je sortais pas forcément de trucs mais je restais chez moi à perfectionner mon produit : je composais, j’apprenais. Après j’ai rencontré de nouvelles personnes et on a fondé une nouvelle équipe qui m’aide à travailler sur mes projets, en indépendant.
On retrouve toujours le sigle « Kilogrammes Gang », sur tes réseaux sociaux notamment…
Le groupe n’existe plus vraiment mais je représente toujours le nom, parce qu’il me tient à cœur et j’ai toujours envie de le représenter. D’autant que c’était aussi un délire de quartier. La plupart de nos potes au quartier connaissent le truc donc je représente ça, c’est normal.
Comment décrirais-tu ta musique ?
Je dirais que c’est une musique « thug » mais quelque chose d’assez dansant quand même, j’essaye de faire danser tout le monde. Je rappe pas forcément pour un public, j’essaie de faire de la musique qui peut parler à tout le monde. Moi-même, je suis curieux de voir comment ma musique va évoluer, finalement.
Là où beaucoup de rappeurs décrivent le milieu du rap comme un milieu « de rapaces », tu as eu la chance de recevoir pas mal de soutien dans la profession. Qu’est-ce que tu as ressenti en voyant ça ?
Sans mentir ca m’a fait plaisir de voir d’autres artistes partager ma musique, ca donne de la force. À Bruxelles, c’est un peu plus difficile que quand tu es sur Paris ou même dans d’autres région de la France. Ca fait plaisir de voir qu’en France il y a des artistes qui soutiennent et relaient le son des autres. Jusqu’à présent, on avait vraiment l’impression qu’être en Belgique était un inconvénient. Là-bas, il n’y a jamais vraiment eu de marché musical, dans le hip-hop en tout cas. Aujourd’hui avec Internet il y a une vraie force, tu peux être dans le trou du cul du monde et réussir à te faire connaître avec une vidéo. Avant, il y avait bien plus de démarches à faire.
Quant à ceux qui disent que le rap est un milieu « égoiste », en général ils sont établis et connaissent beaucoup plus de personnes que moi. Je ne peux pas confirmer ça, je suis jeune et je ne connais pas encore beaucoup de monde. Et avec les gens que j’ai rencontré jusqu’à présent, ca s’est bien passé. J’ai conscience que des fois les gens peuvent te donner de la force alors qu’en vrai c’est de l’hypocrisie. Mais personnellement, je ne me préoccupe pas de ça, moi je suis là pour faire de la musique, des amis j’en ai et je suis pas spécialement là pour m’en faire.
Il y a quelques mois, tu as sorti une mixtape intitulée H-24. Peux-tu nous expliquer la genèse de ce projet ?
Ce projet je l’ai appelé H-24 parce que j’y explique un peu nos vies au quotidien, ce qu’on fait et ce qu’on voit tous les jours. Et en clin d’oeil au « 24 » je me suis dit qu’on allait y mettre 24 morceaux, mais des vrais morceaux pas quelque chose qu’on a fait « histoire de… ».
Et puis concernant le format, j’ai opté pour une mixtape parce qu’en France, il commence à y avoir une certaine culture de la mixtape qui s’installe peu à peu. Avant ce n’était pas trop le cas, il n’y avait pas de délire à la DatPiff comme il peut y avoir aujourd’hui avec Haute Culture. C’est quelque chose de très cool car ça permet à des artistes de sortir des tapes librement. Et en même temps, l’idée était aussi d’envoyer un message aux autres artistes, de faire comprendre qu’en 2015 tu n’es pas forcé de sortir un album. Aux Etats-Unis, c’est quelque chose qui est déjà bien assimilé, des gros artistes sortent des tapes gratuites juste histoire de tourner en radio, d’aller en boîte et de prendre leur cachet. L’essentiel c’est que ton son tourne, que des gens puissent l’écouter.
Quels sont tes projets à venir ?
D’abord, je compte encore sortir quelques visuels extraits d’H-24. Après il y a un prochain projet d’une quinzaine de titre qui est déjà dans la boîte et qui arrive en principe pour 2016. Je ne peux pas encore donner de noms mais il y aura quand même un ou deux featurings avec des artistes français. Je ne sais pas encore si je vais également le mettre sur Haute Culture, mais je sais déjà qu’il sera gratuit et que je vais le mettre sur les différentes plateformes de streaming. Là encore, ce sera un projet très inspiré par ce qui se fait à Atlanta, quelque chose de très dansant, un projet qui bouge bien. J’ai également commencé à travailler un projet à part avec le producteur Myth Syzer, qui sera entièrement composé par lui.
Si tu ne faisais pas de musique aujourd’hui, qu’est-ce que tu ferais ?
Si je ne faisais pas de musique… (Il hésite) Je pense que j’aurais fini mes études et que je serai en train de chercher du travail, comme tout bon citoyen (rires).