Heskis : un rappeur sans croquis ni ratures
Il y a des artistes qui traversent les époques, s’adaptent, se réinventant au prix d’une long travail sur eux-mêmes. À l’instar d’un Duncan MacLeod dans la mythique série TV « Highlander » et s’il ne devait en rester qu’un, YARD placerait quelques billes sur le tête d’Heskis, artiste pas forcément connu du grand public mais qui roule sa bosse depuis une dizaine d’année dans l’antichambre du rap game. On ne saurait expliquer pourquoi une carrière décolle à tel moment et pas à un autre. Tout comme l’alignement des astres, la mise en examen de François Fillon, la tartine qui s’écrase irrémédiablement du côté beurré ou encore le Paradoxe des jumeaux…par contre, tous les évènements précédemment cités ont deux points en commun : le timing et la distance.
Photos : @mamadoulele
« J’ai eu d’autres envies, d’autres idées et puis le fait de rencontrer Sheldon qui est producteur, ça a ouvert d’autres portes, d’autres univers que je n’avais pas encore exploré. »
Heskis ? Au départ je dessinais énormément quand j’étais gamin, alors je me suis mis à chercher un blaze. J’ai mis des lettres les unes à coté des autres pour que ça fasse une signature un peu stylé. J’ai toujours été porté sur le côté esthétique et visuel des choses et je dois encore avoir un gros classeur de dessins chez moi. C’était une période où j’étais beaucoup reclus dans mon coin, dans ma bulle…puis à l’âge de 12/13 ans j’ai commencé à écrire. Finalement, après un petit moment sans écrire, j’ai décidé de reprendre à l’âge de 16/17 ans lors de ma rencontre avec les mecs de Nostar qui venaient de chez moi.
Mon ressenti sur la scène rap actuel ? J’en pense plein de choses, il y a du bon comme il y a du mauvais. À un moment il y avait un courant nostalgique…nous on vient d’un rap qui disait « Le rap c’était mieux avant », même si au final on ne l’a jamais vraiment pensé. Moi je trouve qu’il se passe plein de trucs de ouf en 2017, il y a énormément de styles différents et je me dis peu importe ta voie, il y a de la place pour toi. Moi personnellement je suis très difficile en rap, encore plus en rap français.
J’écoute beaucoup de rap américain, là dernièrement je suis beaucoup sur le dernier Big Sean que j’ai trouvé vraiment chaud. Sinon j’écoute beaucoup de rap québécois, il y a un groupe là bas qui s’appelle Loud Lary Ajust et ces mecs sont dans un trip assez « rockstar » qui me plait pas mal. Sinon, je suis influencé par une foule de trucs mais surtout par les rappeurs avec lesquels je fais de la musique : les gars de Fixpen Sill et tout le 5 Majeur, il y a aussi les mecs du Dojo [studio à Saint Denis dans lequel Heskis a enregistré son EP, ndlr]. Là bas il y a tout une foule de rappeurs qui trainent dans le coin : Népal, Sopico, Limsa et les autres. Je sais que quand je suis arrivé là bas, j’ai eu comme un second souffle. Ça m’a sorti de Nantes, des habitudes qu’on avait comme faire de la musique avec les mecs de Fixpen Sill. J’ai eu d’autres envies, d’autres idées et puis le fait de rencontrer Sheldon qui est producteur, ça a ouvert d’autres portes, d’autres univers que je n’avais pas encore exploré.
En dehors de ça, niveau rap français j’ai beaucoup écouté Fabe, Rocca, La Rumeur, Anfalsh, Nubi…un de mes rappeurs préférés. Dans mon collectif, on peut dire que tous ces noms nous ont beaucoup influencé.
« On se met tous à rapper dans la voiture et là il se passe un truc un peu mystique. […] il n’y pas encore cette effervescence sur le rap à l’ancienne. Ça n’existait pas. »
Le 5 Majeur s’est crée de manière complètement spontanée. À la base je connaissais Hunam via internet. On s’était rencontré en 2007 à l’époque de Skyblog, de Myspace, etc. Quant à Keroue, je l’avais rencontré à la rue de la Soif à Rennes car on avait rappé ensemble pour les Trans Musicales, on avait vraiment bien accroché. Un jour je suis tombé sur des vidéos de Nekfeu sur Youtube, c’était à la même période, donc c’était aux environs d’octobre/novembre 2010.
Il n’avait que quelques centaines de vues sur ses vidéos qui étaient principalement des freestyles un peu improvisés. Je me suis pris une gifle alors je lui ai envoyé un message en lui disant que je kiffais bien ce qu’il faisait, il m’a répondu direct en me renvoyant le compliment. Nekfeu m’a alors proposé de le rencontrer sur Rennes pour qu’on fasse un morceau ensemble mais le jour où il est arrivé j’ai reçu un coup de fil de Keroue qui m’annonce qu’il a un groupe s’appelant Fixpen Sill et qu’ils allaient faire la première partie de La Rumeur à Rennes. Il continue en disant que si cela nous chauffe Nekfeu et moi, ils ont la possibilité de nous embarquer en voiture pour rapper avec eux. On a dit oui direct, eux n’avaient pas préparé leur show, ils étaient à peine en train de choisir les instrus sur lesquelles ils allaient kicker lors du concert qui avait lieu 2h plus tard.
Du coup les intrus tournent en boucle, on se met tous à rapper dans la voiture et là il se passe un truc un peu mystique. Faut savoir qu’au moment de notre rencontre il n’y pas encore cette effervescence sur le rap à l’ancienne. Ça n’existait pas. Moi j’étais tout seul dans mon coin avec mes gars et on se disait que ce style de rap ne marchait pas et qu’il fallait arrêter. Et avec le 5 Maj, non seulement on a grave kiffé le style de chacun mais en plus c’était ouf de tomber sur des mecs à ce moment précis et dans cette voiture qui kiffaient la même chose à une époque où on croyait être les seuls à kiffer ça ! Il y a une énergie, un truc qui s’est dégagé de cette ride en voiture. Puis Hunam est arrivé le lendemain et on a officiellement formé ce collectif. Dans la foulée on a enchainé en studio à Nantes chez Vidji, trois jours durant on a rappé et on a fini l’EP 5 Majeur dans ce laps de temps puis on l’a sorti dans la foulée. Un an et demi plus tard, on a décidé de remettre les couverts exactement de la même manière, c’est à dire en s’enfermant dix jours cette fois ci.
« Ce que je kiffe chez Le Rat Luciano c’est sa science de l’instinct, tu ne sais jamais où sa rime va tomber mais à chaque fois qu’elle y parvient, tu trouves ça stylé. »
Je pense que tout le monde te dira la même chose, mais dès qu’on a rencontré Nekfeu, on a su. Le niveau de rap qu’il avait était complètement affolant. Aujourd’hui encore, je pense que c’est l’un des gars les plus chauds et en plus de ça c’est un bosseur. La plupart des gens qui ont un don dans ce milieu ont tendance à s’endormir dessus, lui à l’inverse a décidé de beaucoup travailler. Donc ce qui lui arrive aujourd’hui ne nous surprend absolument pas. C’est quelque chose de mérité, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne pète au niveau où il est aujourd’hui. Perso, ça fait des années que je vois des gamins l’idolâtrer, rapper voire même parler comme lui. Je trouve qu’il mérite son succès.
Une collaboration ? Je me suis juré au fil des interviews que je répondrais la même chose à chaque fois, donc je dirais Nubi. Pour moi c’est le meilleur rappeur, lui ou Salif. Les deux meilleurs rappeurs…de loin. Donc ouais si je devais faire un featuring ça serait l’un des deux…mais légère priorité à Nubi.
C’est le rappeur le plus technique…même en placement de rimes. Il y avait lui, Sherio et Hifi…sur la forme c’est les trois gars qui m’ont le plus retourné le cerveau. Nubi c’est un rappeur très spontané, il peut rapper n’importe quoi que ça serait stylé. Pas besoin de faire douze syllabes ou quoi… il est trop chaud. Je trouve que c’est un scientifique…un scientifique incompris.
C’est bizarre que tu me compares au Rat Luciano parce que j’ai vu un commentaire sur Youtube l’autre jour d’un mec qui disait ça. Et puis je me suis demandé s’il le pensait vraiment ou alors il l’a dit parce que j’en parle dans un texte [dans le titre « Akira »]. En tout cas c’est un concours de circonstance cette comparaison. Luciano, c’est un des seuls rappeurs, même si tu l’étudies à mort, tu ne pourras jamais rapper comme lui. C’est pas un rappeur technique avec des rimes multi-syllabiques, lui ce qu’il fait c’est à l’instinct comme Ill des X-Men…c’est difficilement imitable. Ce que je kiffe chez Le Rat Luciano c’est sa science de l’instinct, tu ne sais jamais où sa rime va tomber mais à chaque fois qu’elle y parvient, tu trouves ça stylé. Si lui rappe plus sur une ou deux syllabes, moi je suis plutôt sur du trois voir quatre syllabes. Donc non, je ne rappe pas comme lui mais s’il y a des points communs aussi éloignés soit-ils, moi je le prends bien.
« Aujourd’hui on est plus éclectiques et donc forcément la musique que tu as envie de créer évolue aussi. »
Je n’arrive plus vraiment à savoir si le fait de venir de province change quelque chose dans tes chances de percer dans le rap. J’ai l’impression que le monopole des grandes villes n’est plus et qu’internet y est pour quelque chose. Moi je viens d’un bled de campagne perdu au milieu de nul part et au début je me suis forgé une grosse culture rap grâce au net, tout seul derrière mon écran d’ordinateur. Ensuite, je suis sorti de cette zone de confort, chez moi, pour rencontrer d’autres rappeurs.
Je ne suis vraiment pas persuadé que venir de province quand tu es rappeur est un handicap. Surtout quand tu vois les Belges : Hamza, Damso…
Il y avait l’axe Paris/Marseille et puis maintenant il y a France/Belgique et n’oublions pas la Suisse. Moi je te disais que j’écoutais du rap québécois, même si peu de gens s’y intéressent, il se développe beaucoup. Internet a vraiment changé la donne. Au final, je me dis qu’il y a tellement de monde à Paris…tu sais, quand tu commences à vraiment te mettre dans ton délire de rap, les gens t’encouragent à monter sur la capitale. Moi je trouve que c’est un peu saturé et donc je préfère rester à Nantes, travailler à mon rythme et venir sur Paris lorsque j’ai besoin de bosser. Je pense que tu peux émerger en province, dans ta ville d’abord; ça commence par là aussi…tout niquer chez toi avant tout puis passer à l’étape suivante.
Ma fan-base ? Bonne question. Je pense qu’il y a pas mal de gens qui m’ont découvert avec le 5 Majeur, donc une partie non négligeable de ceux qui me suivent ont commencé à le faire à travers ce collectif. Ils kiffent sûrement le délire « rap à l’ancienne » et « old school » qu’il y avait avec le 5 Maj.
Justement, je crois que je me suis grave posé la question avant de sortir mon EP « GG Allin ». Par rapport à ce que je faisais avec le 5 Majeur, ce EP est complètement différent…à tel point que quand nous étions en train de le faire, Sheldon et moi, on s’est posé la question s’il ne fallait pas faire un ou deux morceaux aux sonorités similaires de ce que je faisais avant. Ou alors faire quelque chose de complètement tranché et on verrait plus tard ce que les gens en pensent. Du coup on a opté pour la seconde idée car les derniers projets du 5 Majeur datent de 2010/2011 et qu’entre temps je me suis mis à écouter d’autres choses. À l’époque on était très rap New-yorkais, aujourd’hui on est plus éclectiques et donc forcément la musique que tu as envie de créer évolue aussi.
Donc, qui est mon public ? Je ne sais pas mais je découvre en ce moment ! C’est tout nouveau mais jusqu’à présent les retours sont très positifs. Même sur Youtube, moi qui m’attendait à recevoir mon lot d’insultes ou autres, et bah non, ce n’est que de l’amour. Ça fait plaisir, même si je me dis que pour l’instant ce ne sont que des gens qui me connaissent déjà qui m’écoutent. J’en suis qu’à mes débuts, le truc est en train de se lancer. Même les médias que j’ai pu faire au final sont bienveillants, j’aurai pu me dire qu’étant donné que je viens de Nantes cela allait être plus difficile mais la vérité c’est que j’ai une superbe attachée de presse qui fait le taff.
« Si je devais faire un parallèle avec l’évolution d’un être humain, dans quelle phase je pense me situer ? Ahahah, bonne question. »
Est-ce le bon timing ? Pffff…moi tu sais en vrai, ça fait quasiment dix ans que je rappe et ça faisait quatre ou cinq ans que l’on m’attendait sur un solo. Donc pour moi, il n’y a pas de truc calculé d’avoir sorti le projet maintenant. Si j’avais pu le sortir avant je l’aurais fait, mais je ne m’estimais pas prêt. Je voulais d’abord trouver mon truc, la voie que j’emprunterais et c’est maintenant. Au final, cela relève plus du concours de circonstances qu’autre chose car j’ai pris le temps de faire mon projet et quand j’ai senti que c’était le bon moment je me suis lancé.
Si je devais faire un parallèle avec l’évolution d’un être humain, dans quelle phase je pense me situer ? Ahahah, bonne question. On va dire que je sors de l’adolescence et que je commence à acquérir un peu plus de maturité, que ce soit dans ma façon de rapper ou la manière dont j’aborde les thèmes. J’essaie de dégrossir les traits qui avant, étaient peut être trop nets. Je suis en train de me trouver et cet EP m’a aidé à réaliser cela. Artistiquement et humainement, ce projet m’a beaucoup aidé. Où est-ce que je veux aller ? J’aimerai bien proposer quelque chose de différent, j’ai envie de proposer une musique qui prend du temps à s’écouter. Je trouve qu’on est dans un truc très « fast food » où les gens consomment du single non stop. Moi-même, je réalise que je vais m’écouter un son pendant une semaine non stop puis passer à autre chose. Pour ma part c’est triste…te dire que tu passes du temps à confectionner un projet pour voir les gens le consommer de cette façon-là. Je veux proposer quelque chose de…je voulais dire « de qualité » mais je pense que c’est une fausse prétention. En tout cas, je veux faire une musique qui s’écoute avec le cerveau et faire passer du temps aux gens sur la musique que je fais.
Comment je me suis construit mon univers visuel ? Tout cela s’est imbriqué par le fait que je sois un gros consommateur de vidéos : interviews de rappeurs, clips, films. Donc l’image a toujours été un truc qui m’intéressait. J’ai aussi pris conscience que pour un artiste d’aujourd’hui, sortir un clip est sa meilleure arme de promo. Personnellement, je n’ai pas forcément de parti pris dans l’image et son esthétisme, on va dire que l’orientation s’est plutôt fait à travers les textes qui étaient sombres. Dans ma tête je voyais aussi des néons au moment de créer « GG Allin »…un truc très sombre éclairé par des néons. Alors, quand est venu la phase de faire des clips, on a matérialisé ces idées. Avec celui d’Akira par exemple, on a inséré des images du manga. Sur « Gas Station » je voulais plutôt avoir quelque chose qui choque un peu, quelque chose qui attire l’attention.
On a tous compris comment ça marche au final, si tu veux retenir l’attention des gens : tu mets des gros culs. Mais si ce n’est pas ta came comme c’est mon cas, alors tu dois trouver autre chose. Alors on est parti sur un kidnapping qui fini mal…très mal.
« Moi je m’adresse à des gens qui en ont chié un peu…des personnes qui se sont sentis à l’écart à un moment ou à un autre de leur vie. »
GG Allin était un punk des années 80/90, connu pour être un personnage extrême. Moi j’ai toujours bien aimé les mecs rugueux, les mecs fous qui sortent du lot et qui choquent le monde. C’est donc un truc qui m’a fait kiffé, comme quand j’étais petit et que j’aimais bien Joey Starr. Je pense que je l’appréciais parce que justement, les darons le détestaient. J’ai toujours bien aimé les idoles scandaleuses qui choquent les générations antérieures. Je pense que c’est un mécanisme nécessaire, chaque génération devrait rompre avec la génération précédente. Ce concept, GG Allin l’incarne pas mal. Le type est mort après un concert au Gas Station, petite salle de concert à New York. J’incorpore plusieurs petites références, clins d’oeil à cet artiste dans le projet dont le fameux titre « Gas Station ».
Avoir appelé le projet de cette manière-là c’était pas mal aussi car il était l’inverse de quelqu’un de lisse. Pas d’attaque ni quoi que ce soit de personnel mais je trouve que nous sommes actuellement dans une période où beaucoup d’artistes manquent de caractère. Que ce soit dans leurs morceaux ou en interview, j’ai l’impression que personne n’a envie de soulever la merde de peur de ne plus être assez cool. Et justement moi, être hype, être cool, c’est quelque chose dont je me branle totalement. GG Allin incarne parfaitement cet état d’esprit en vivant pour lui et non pas à travers le regard des autres.
« GG Allin », je le considère plus comme un mini album que comme un EP car les gens s’imaginent plus un projet de présentation lorsqu’il s’agit d’un 1er EP. C’est toujours un peu le cas en même temps… Je veux que les gens prennent vraiment le temps de rentrer dedans car j’ai l’impression que ce que je fais est à plusieurs degrés de lecture. Il y a beaucoup d’égotrip mais il y aussi son inverse. Dans certains morceaux je me mets beaucoup à poil, j’aborde divers sujets personnels…On retrouve beaucoup le thème de l’humain, et l’humain dans son contexte. Alors j’espère que les gens percevront ces différents niveaux et qu’ils ne se prennent pas uniquement la partie égotrip. Je n’attends que ça : qu’ils prennent le temps de l’écouter et qu’ils captent les différents niveaux de lecture.
De base j’ai toujours pris le rap comme un défouloir, comme un sac de frappe dans lequel tu mets tout ce que tu as en trop. Mon trop plein je voulais le foutre quelque part et il se trouve que c’est dans la musique que je l’ai fait.
Quand j’écris, je m’adresse à moi. Pour « GG Allin », c’était un processus auto-centré. Si moi j’écrivais un truc à référence et qui me parlait à moi, cela m’importait peu de savoir si les auditeurs, eux comprendraient. J’en avais un peu rien à foutre. Personnellement c’est un truc que j’aime bien chez les rappeurs, le fait d’écrire pour soi-même, d’avoir des phases encodées. Lorsqu’il faut checker à gauche et à droite pour comprendre pourquoi le mec a sorti telle ou telle phase. J’aime bien ça.
Il n’y a pas trop de fiction dans ce que je raconte, il n’y pas pas trop d’histoires et d’ailleurs je vois ça comme un défaut de ma part. Avoir des textes qui tourne autour de soi assez souvent. Pas tout le temps, par exemple il y a le titre « Cluedo » qui parle de ce que je vois, mon environnement. Dedans je dis « J’ai trainé partout, la ride est partout la même », je ne me pense pas unique et différent. Au contraire je pense que nous sommes plein à être touchés par les mêmes choses.
Moi je m’adresse à des gens qui en ont chié un peu…des personnes qui se sont sentis à l’écart à un moment ou à un autre de leur vie. Je parle à ces individus qui se sont sentis différents. Tout cela a été mon cas et je pense que GG Allin suinte pas mal ces choses-là. Observer les autres de loin en restant à l’écart, je pense que ce projet parle pas mal de tout ça. Pour en revenir au process d’écriture, lorsque je gratte, c’est pour moi. Pour me soulager et pour que ces choses écrites me plaisent. Tant que je valide ma rime, tant que je valide le placement…pour le moment j’en suis à cette étape, je ne pars pas encore dans la fiction. Nous n’en sommes qu’au premier projet, je n’ai pas envie de faire des morceaux super tristes toute ma vie. Beaucoup de rappeurs que j’aime bien ne font qu’un seul truc à croire qu’il ne possède qu’une seule émotion, alors qu’un être humain est forcément traversé par une quantité non négligeable de sentiments. Je n’ai pas envie de m’enfermer dans un seul truc.
« Je trouve que souvent dans le rap on a ce mécanisme de mimétisme un peu chiant qui consiste à vouloir faire la même chose parce que tu as kiffé sur un morceau ou sur un artiste. »
Les Punk et les rockeurs ont compris bien avant les rappeurs, parce que ces styles musicaux étaient là bien avant, ce qu’était le marketing, ce à quoi pouvait servir le scandale. Eux ont toujours fait leur buzz sur les à coté de la musique avec l’image qu’ils se donnaient et les personnages qu’ils incarnaient. Donc oui, en effet quand tu pars sur l’idée d’être complètement nature tu peux malencontreusement en grossir le trait et finir en caricature. Après, moi j’ai l’impression que les mecs qui sont dans ce milieu, que j’aime ou que j’aime pas, vont se différencier des autres et ils n’iront pas chercher à faire la même chose que les mecs qui les entourent. Je trouve que souvent dans le rap on a ce mécanisme de mimétisme un peu chiant qui consiste à vouloir faire la même chose parce que tu as kiffé sur un morceau ou sur un artiste.
Indirectement, je pense que le projet « GG Allin » c’était une manière de leur dire « soyez vous même »…alors que c’est vrai que je n’ai pas de leçons à donner. Disons juste que c’est une invitation à se chercher et à être soi-même. Je sais qu’aujourd’hui il y a des petits qui rappent avec qui je traine un peu et à qui j’essaie de donner des conseils. La première chose que je leur ai dit c’est « parlez de ce qui vous rend unique, n’essayez pas de parler ce dont vos rappeurs préférés parlent ».
Le premier texte du projet que j’ai écris a été « Cluedo », je l’ai vraiment fait à part…c’était à Nantes dans un studio avec Vidji du 5 Majeur. On a fait ce titre là puis j’ai mis du temps pour les autres parce que je voulais trouver une direction pour la suite des morceaux, puis je me suis dit que je m’appuierais sur ce titre. Il a fallu 6 mois avant que j’enchaine sur la suite, c’était lors de ma première rencontre avec le Dojo et ma rencontre avec Sheldon. Finalement, « GG Allin » s’est fait en 3 sessions étalées sur 3 mois. Si tu rajoutes les clips et le reste, au total le projet bout à bout aura mis un an. Je suis assez exigent niveau musique et de base, je voulais que le projet sorte en novembre ou décembre de l’année dernière car il était déjà enregistré, mixé et masterisé à cette période.
Niveau rap, j’espère que 2017 sera une année avec un peu plus de textes. Souvent je me fais ce constat là, les textes de manière générale sont assez pauvres. Alors quand moi j’écris j’essaie vraiment de faire le taff là dessus. Je pense pas être le seul rappeur à « fond » mais en tout cas j’en ai un. J’essaie d’amener de la finesse car je trouve que souvent on retrouve partout ce truc « bourrin » peu importe le style. Je trouve que le rap est trop souvent caricatural du coup j’essaie d’apporter le contraire : une finesse, du fond et je veux toucher les gens. Pas forcément les faire réfléchir, mais au moins dire des trucs humains qui peuvent les toucher. La prétention que j’ai, si on peut dire ça comme ça c’est d’apporter ces choses là.