Pièce par Pièce : Jeanne Faucher
Petit à petit, de haut en bas, Pièce par Pièce. C’est de cette façon qu’un(e) styliste construit un outfit, dans une démarche artistique qui lui est propre. Au cœur d’une capitale qui regorge de ces architectes de mode, nous sommes allés à la rencontre de ceux pour qui l’habit fait le moine. Aujourd’hui, on entre dans le monde coloré de Jeanne Faucher.
Photos : @alextrescool
Que ce soit grâce à des accessoires, des fruits ou les vêtements eux-même, l’univers de Jeanne Faucher est comme elle le dit: “all about colors“. Rencontre avec une styliste qui apporte sa touche arc-en-ciel à ses clients comme Nike, Sarenza ou encore Roger Vivier.
Bucket: Asos, top: Daily Paper, bijoux: Aurore Havenne Make Up: @malory_simon
Qui es-tu ?
Je suis Jeanne Faucher, j’ai 32 ans. Je vis à Paris pour l’instant et je suis un couteau suisse : styliste, directeur artistique, consultante, designer, conseillère en image et bien plus à venir ! Plus j’entreprends, mieux je me porte.
Qu’est-ce qui a éveillé ton intérêt pour la mode ?
J’ai toujours aimé les vêtements mais je n’ai pas tout de suite compris que j’en ferais mon métier et que ça deviendrait toute ma vie. J’ai étudié l’histoire de l’art à la Sorbonne, puis le marché de l’art à l’IESA pour devenir commissaire priseur. C’est ma passion pour le chinage qui m’y a poussée, je tiens ça de mes parents.
Ensuite, j’ai eu l’opportunité de faire un stage de fin d’études dans un petit magazine et mes profs m’ont soutenue et m’ont encouragée à quitter le marché de l’art pour faire une école de couture. J’avais 23 ans à ce moment là. J’ai alors intégré le studio Berçot où j’ai fait deux années de design, mais j’ai vite vu que je portais plus d’importance à la composition d’une silhouette qu’au vêtement en lui-même. Je suis entrée au magazine Vogue Homme International pour quatre mois, puis j’ai fait six mois au Vogue Paris pour apprendre le métier de styliste photo. J’ai tout de suite été freelance après ça, je savais que j’avais besoin d’autonomie et de liberté.
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Est-ce que tu peux nous décrire ton style ?
J’aime ce qui est simple, les coupes et matières lisibles et claires. J’écoute mes intuitions et j’essaye de ne pas m’inspirer de ce que je vois: on a tellement d’informations et d’images avec les réseaux sociaux que tout se ressemble. En me fiant à ce que je ressens et pas à ce que je vois je tente de me créer un univers propre.
Quelles sont tes inspirations ?
J’aime la couleur, les pastels, et les contrastes qu’on peut apporter en les associant. J’aime aussi tout ce qui est végétal. Enfin je suis inspirée par le modèle que je shoot, je pars du principe que c’est la personne qui porte le vêtement et pas le vêtement qui habille la personne.
De quel taf es-tu la plus fière pour le moment ?
Les missions sont toutes différentes, et j’ai appris à être fière de moi, quoi qu’il arrive. Cela m’a pris du temps, le temps amène l’expérience, et avoir de l’expérience demande du temps. Je dirais donc que je suis globalement fière de mon parcours avec ces bas qui ont amené les hauts.
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Quel serait ton dream job et avec qui aimerais-tu travailler ?
Je pense que j’aimerais beaucoup travailler pour une marque comme GLOSSIER par exemple, ou sinon j’aime beaucoup Jacquemus, ou Reformation. J’aime l’image et la simplicité de ces marques. J’admire beaucoup les personnes qui ont su atteindre leur rêve, tout en restant elles-mêmes et en s’éclatant. Les produits GLOSSIER sont addictifs pour moi, c’est une histoire de gamme de couleur, de produit, de packaging et d’identité visuelle à fois. La désirabilité du produit est très forte.
Reformation c’est vraiment une démarche que j’adore : recycler, créer un produit de manière instantanée sans créer d’évènement: pas de défilé. Je suis un peu contre le calendrier de la mode, c’est une sorte de dictature commerciale. J’aime l’idée de consommer différemment et intelligemment, celle d’être libre de ressentir les choses et de les faire sans se mettre de contrainte.
Qu’est ce que tu aimes le plus dans ton métier de styliste ?
J’aime la liberté que ce métier offre: je suis mon moteur, mon patron, mon employée, mon stagiaire, mon banquier. C’est un métier à multiple casquettes et c’est une opportunité de dingue, j’ai énormément appris.
La pièce de ta garde-robe dont tu ne te sépareras jamais ?
Alors là, je change tout le temps, rien n’est constant et je me lasse vite. Je revends et je donne à des associations ce que je ne porte plus.
Qu’est-ce qui t’énerve le plus dans la mode ?
La mode. Sans surprise, le milieu de la mode comme tous les milieux similaires est une dictature, et particulièrement à Paris. J’ai su immédiatement que ce milieu pouvait me détruire si je partais dans la mauvaise direction: il y a des branches du métier qui n’étaient pas faites pour moi. Je pense qu’il faut réussir à s’imposer de travailler pour vivre, et ne pas vivre pour son travail, car la mode te demande toutes tes ressources mentales et physiques en permanence. Tu peux oublier ta vie personnelle très vite et te sentir satisfait alors que tu n’as rien construit de solide.
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Je n’aime pas “la mode“ donc, mais j’aime le vêtement, ce qu’il raconte, et ce qu’on peut faire avec. J’aime la personne qui le porte, l’humain, et la manière dont ils se complètent l’un l’autre. Pour moi c’est la personne qui porte le vêtement, et pas le vêtement qui habille la personne. Je me focalise sur l’humain avant de me focaliser sur la mode. À mon sens, cela fait une grosse différence et définit autrement la relation que j’ai avec ce milieu. J’aime aussi étudier les tendances, les déceler un peu comme si je chinais une pièce ou que je voyais la fin d’une série culte avant tout le monde, et j’aime voir le comportement social qui en découle.
Présente nous le look que tu as fait aujourd’hui.
Thalila, le mannequin, a une attitude très androgyne, elle est volontaire et féminine. Je voulais retranscrire ça dans une image, un maquillage et un look naturel et frais. J’avais vu ce top de chez Daily Paper, et j’ai eu un coup de coeur sur le côté technique/utile car il est inspiré des hauts de cyclistes, et également sur le dégradé de couleurs. J’ai ajouté les mules en zèbre, comme un caprice, je n’explique pas trop cet élément mais j’aimais le contraste du noir blanc sur les couleurs pastel.
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Le sac en plastique Prada est un dust bag, je ne jette pas le plastique donc je le recycle souvent en shopping bag en créant une ouverture. Les oranges, c’est joli, et c’est orange. Puis j’ai réfléchi aux marques de make up que je souhaitais utiliser, j’adore personnellement GLOSSIER pour son rendu frais et naturel, et Malory qui a réalisé le make up a proposé les produits Dior backstage qui font de super palettes ainsi que des produits de chez Oh my cream.
J’ai ajouté les bagues et bracelet créés par Aurore Havenne, je ne mets que rarement des bijoux sur mes looks, mais j’aime particulièrement son travail que je trouve fin et minimaliste, unisexe, et qui apporte beaucoup de lumière. Je voulais un rendu lumineux, mais surtout pas chargé. Pour la touche finale, j’ai vu qu’Alex le photographe shootait beaucoup de bucket hat, alors j’ai eu une grande envie d’en prendre. J’en ai trouvé un jaune et un transparent puis je les ai empilés comme un double bucket hat. Ça fait comme un soleil , j’adore !
Quelle est ta vision du style de 2019 ?
Je n’ai pas vraiment de vision de style 2019, mais il y a un retour au beau et ça fait du bien. Je suis rassurée de voir que le bon goût existe toujours, en tous cas comme je le définis, et j’ai plaisir a faire des silhouettes plus posées. Avec l’arrivée du normcore on assiste depuis quelques années a des compositions de looks super étranges et qui ne parlent qu’aux concernés, pour les autres c’est juste… moche.
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Ça me tient vraiment à coeur qu’on recentre un peu tout ça et qu’on distingue a nouveau le beau du laid, le bon goût du mauvais. Je pense que d’ici fin 2019 on évoluera dans ce sens. Il y a aussi un grand retour de la couleur, on en voit partout: fluo, bold, pastel et c’est très cool et positif. Enfin je pense que plein de choses se débloquent en ce moment et en 2019 on ressent cette vague de liberté dans l’expression du style de chacun. C’est très cool aussi !
Quel styliste aimerais-tu challenger ?
Je m’inspire peu des autres pour respecter l’univers de chacun donc je dirais personne, mais il y a des stylistes dont j’admire le travail comme Ibrahim Kamara (@ibkamara) et qui ont pour moi un niveau tel qu’on s’approche de l’art, je n’aimerais ni faire pareil, ni les challenger mais j’ai beaucoup de respect pour ce qu’ils ont produit.