Aaron Cohen : « Kanye est une énorme influence, College Dropout fut un tournant pour moi étant jeune »

Les nouveaux rappeurs sont légion, c’est une certitude. Internet et autres réseaux sociaux ont accéléré le nombre des révélations musicales, et chaque semaine, chaque mois nous apparaît une nouvelle sensation, un nouveau visage. Une abondance parfois difficile à vivre pour les artistes en quête de singularité, mais aussi pour nous amateurs de hip-hop, perdus dans pléthore de sons.
Certaines fois, il suffit simplement d’une rencontre pour percevoir cette petite chose qui fait que l’on suivra un artiste plus qu’un autre. C’est un peu ce qui nous est arrivé avec Aaron Cohen, rappeur originaire de Seattle, vivant depuis plusieurs années à New York. A l’occasion de leur dernière soirée au Social, le collectif Tealer lui a fait traverser l’Atlantique pour donner un show en live. C’est par ce biais que nous l’avons soumis à l’exercice de l’interview.

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Peux-tu te présenter à ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis Aaron Cohen, je viens de Seattle. J’ai bougé à New York il y’a quelques années et j’y ai commencé à faire de la musique, les choses se sont assez bien passées depuis. Et aujourd’hui, me voici à Paris. C’est la deuxième fois que je viens ici, j’aime beaucoup cette ville car elle a une vraie histoire.

À partir de quel moment as-tu vu le rap comme un métier ?

J’ai commencé à rapper à 12 ans, c’est l’âge où j’ai commencé à m’intéresser à certains artistes qui m’ont poussé à me lancer. Je me souviens quand j’étais sous la douche, en train de taper sur les murs pour créer des beats. Il y’a trois ans, j’ai décidé de le faire sérieusement. Je voyais tous ces jeunes rapper et devenir célèbres et je me suis dit : « Merde, je suis meilleur qu’eux, je vais me lancer ». Et depuis ce jour, je n’ai pas arrêté une seule seconde.

Quel a été le déclic qui t’a aidé à prendre cette décision ?

Avant que je commence à enregistrer, j’avais un ami de longue date qui rappait et qui avait son propre studio, je lui ai demandé si je pouvais y enregistrer ma mixtape. Il a accepté, et j’ai enregistré trois chansons dès la première nuit. J’ai pu être productif grâce aux lyrics que j’avais emmagasiné depuis que j’avais commencé à écrire. Et là tout a commencé…

Comment décrirais-tu ton style ?

Mon style est assez sombre, plutôt morne, car je vienne de Seattle où il pleut constamment. Je ne fais pas de choses très joyeuses, mais j’ai aussi cette influence eastcoast, assez brute et agressive. Ma musique vient donc vraiment du fait que je vienne de Seattle et que je vive à New York donc j’écoute beaucoup d’artistes de ces endroits. Je pense que les deux villes m’inspirent à dimension égale, je passe du temps avec pas mal d’artistes new-yorkais mais je suis né et élevé à Seattle. Donc je ne peux pas te dire à quel point Seattle m’inspire, je suis Seattle, tout naturellement.

Quelles sont tes influences musicales ?

Kanye est une énorme influence, College Dropout fut un tournant pour moi étant jeune. Nas, Wu-Tang, Mac Dre, Andre Nickatina… Rien de spécial. Les classiques de mon enfance resurgissent beaucoup dans ce je que fais aujourd’hui.

Tu as écrit dans un morceau « Being fired is the best thing that ever happen to me », expliques-nous cette phrase ?

Elle est tirée du titre « Unemployment » où j’explique que je n’ai jamais pris de congé depuis que l’on m’a licencé. J’avais un métier assez classique où je faisais de la bureautique, et quand j’ai été viré, j’ai pu me concentrer sur le rap. Ce fut la meilleure chose qui me soit arrivée. Je n’étais plus dans un bureau toute la journée et la musique passait en premier.

Tu es assez productif à tous les niveaux (vidéo, studio, live) penses-tu que ce soit nécessaire pour un artiste aujourd’hui d’être complet ?

Je pense que l’on se doit de l’être aujourd’hui parce que le public a besoin de contenu tout le temps. Les vidéos sont utiles pour moi dans la mesure où les gens en sont accrocs et elles correspondent bien aux habitudes de consommation des internautes. Ils ne prêtent plus attention aux albums qui sortent mais sont attentifs à toutes les vidéos. Et je suis aussi une personne très visuelle, avant même d’écrire, quand j’entends un beat  j’imagine à quoi le clip peut ressembler. La scène est aussi importante pour moi car c’est à ce moment la que tu te fais des vrais fans.

En est-il de même pour les réseaux sociaux ?

J’aime interagir avec mes fans, j’aime connaître ceux qui me supportent. Mais je peux comprendre que pour les artistes exclusivement concentrés sur leur musique, cela peut être une plaie : tweeter ci, « facebook-er » ça, être sûr de prendre une photo partout… C’est avantageux mais c’est aussi lourd en même temps, comme lorsque que tu reçois des commentaires négatifs constamment. Mais je pense que c’est une bonne chose, car si personne ne te dit que tu es nul, tu n’innoves plus. Si tout le monde t’aime, c’est que tu es dans le faux et que tu fais de la musique populaire.

Tu connais des artistes français ?

Je connais Booba, Assassin, et celui qui a fait une chanson avec Guru… (MC Solaar ndlr). Mais je ne m’y connais pas vraiment en rap français. Par contre je connais aussi celui qui a essayé de coucher avec Whitney Houston (Serge Gainsbourg)… Comment ? Parce qu’il a essayé de coucher avec Whitney Houston !

Quels sont les artistes avec qui tu rêverais de collaborer ?

Kanye ! En production et en rap. Schoolboy Q est définitivement frais, j’adore ce qu’il fait et j’aime beaucoup  TDE en général. J’aimerais avoir Kid Cudi dans un refrain, il est excellent là-dessus.

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Es-tu heureux de l’accueil reçu par ta précédente mixtape Potential Fans ?

Je ne suis jamais vraiment heureux, ou satisfait. Je suis content que ça ait atteint autant de monde, j’essaie de construire une vraie fanbase, faire ce que j’aime et j’espère que ça grossira par la suite. Avec ma mixtape précédente, les gens ont commencé à me connaître mais j’ai aussi reçu beaucoup de mauvaises réactions. Potentials Fans est une formule pour dire qu’il se peut que tu ne m’aimes pas encore, mais tu m’aimeras sûrement dans un futur proche, que tu le veuilles ou non. Avant, les gens ne me connaissaient pas, alors je leur proposais de me connaître ; et maintenant qu’ils me connaissent, je leur propose de m’apprécier.

As-tu l’ambition de signer en major prochainement ?

Je ne sais pas trop, car tous ceux que je vois signer en major échouent. Une mauvaise major ferait de moi une artiste pour coller aux goûts du grand public. Mais qui sait, s’ils m’offrent un million de dollars, peut-être que je signerais, mais pour le moment je préfère rester indépendant. Dans l’idéal, je voudrais être dans un label en qui j’ai confiance, qui supporte réellement ses artistes, et qui a une image en adéquation avec la mienne.

Raconte-nous une anecdote qui a marqué ta carrière, positivement ou négativement ?

La premier clip que j’ai tourné m’a coûté énormément d’argent. Je l’avais préparé pendant des semaines, et quand on m’a envoyé la version finale, le résultat était une merde incroyable ! Ce n’est pas vraiment une anecdote mais pour moi ce fut un moment important car j’ai réalisé que je devais persévérer, peu importe ce qu’il arrive. Bref, ce n’est pas la meilleure histoire au monde mais bon… (Rires)

Quel serait ton top des meilleurs emcees, de tous les temps ?

Nas, Kanye, Biggie… J’adore Max B, je sais qu’il ne rappe pas comme un emcee classique, mais sa musique est incroyable. Mac Dre, car je trouve que les mecs de la Bay Area (Californie du Nord) sont vraiment créatifs. Je préfère le son de New York mais au niveau du slang, des nouveaux mots, la Bat Area est au dessus et n’ont pas le crédit qu’ils méritent.

Quels sont tes prochains projets ?

Après la sortie de l’EP You Wouldn’t Know, je vais sortir la vidéo de « Aint Shit » et celle du titre « Dreams Money Can’t Buy ». Ensuite je sortirai un autre EP, puis un projet en collaboration avec un autre artiste, ainsi qu’un album avec mon crew Inner City Kids. Donc continuez à chercher mes sons, il y aura encore de la nouveauté, et ça sera de plus en plus lourd.

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