Angell Summers : « On m’a même dit que j’irais en enfer parce que j’ai tourné avec des Noirs »

Aujourd’hui coach en sexualité, Angell Summers s’est d’abord fait un nom dans le porno. Une carrière qui lui vaut rapidement un Hot d’Or et qui la marque de manière indélébile surtout depuis l’arrivée d’Internet : insultes, jugements, mépris… Des agressions qui l’ont fait souffrir mais nettement moins que les traces laissées sur sa vie amoureuse. Un constat de fierté et d’amertume. 

Qu’est-ce qui t’a amené à t’engager dans le porno ?

Tout est venu d’un calendrier que j’ai voulu offrir à mon copain avec des photos sexy selon les mois : en mère Noël pour décembre, en maillot de bain pour l’été. C’est la première fois que je faisais des photos et c’est surtout la première fois que je me sentais mise en valeur.
À partir de là, j’ai commencé à faire des photos de lingerie voire nue mais ça restait du soft. Puis, une fille avec qui j’étais en relation m’a proposé de faire un salon de l’érotisme. Je suis partie en tant que visiteuse et au bout de deux heures, j’étais sur un stand à moitié à poil ; et quatre heures après je montais sur le bar champagne à faire un show alors que je n’avais jamais fait de strip avant. C’était plutôt drôle et bonne ambiance.
À l’époque, j’étais dans la vente et mon taf devenait vraiment merdique donc je me suis lancée là-dedans. Au départ c’était juste de strips et des photos puis j’en suis arrivée à faire de la figuration pour Dorcel et Hot Vidéo qui sont les deux grandes institutions françaises du porno. Ça m’a donné une image sérieuse et carrée. J’ai mis un an à me lancer car je voulais faire ça bien, à 21 ans j’étais dedans.

Quand tu étais adolescente comment tu voyais ce milieu ?

Je n’en avais aucune idée car je n’étais pas consommatrice. Pour moi c’était juste des filles hyper-belles de ouf, qui avaient une sexualité de malade et qui n’étaient pas les plus intelligentes de la Terre. Finalement c’est parce qu’on ne les entend pas sur d’autres médias que ceux liés au porno genre : « Quelle est ta position préférée ? »
Mais le milieu, je ne l’imaginais pas pire qu’un autre et c’est le cas.

À quel moment t’es-tu posée la question du regard des autres ?

Au début avec les photos pas du tout, car cela reste discret, beaucoup de photographes cherchent des modèles. Personne ne le sait, ça ne se dit pas dans la famille et dans la rue. Ça vient surtout avec le commencement au salon de l’érotisme et après mes premiers tournages dans le porno.
Mais avant ça, j’ai rencontré des actrices qui en faisaient et qui me disaient : « Tu sais ça marque et même si tu arrêtes, on te reconnaîtra ! » Ça fait un an que j’ai arrêté et toutes les semaines on m’interpelle dans la rue. À la sortie de l’école, des mères de famille me cadreront donc ça pèse forcément. Une scène ou cent, c’est pareil ! Il faut assumer jusqu’au bout.

Quelle a été la réaction de tes proches ?

 Je sais que beaucoup de filles ont galéré avec leur famille, je suis un contre-exemple. J’ai toujours tout dit au fur et à mesure  à ma famille : quand je faisais des photos, quand je faisais des strips, quand je faisais des salons.

Dès que j’ai fait ma première scène, j’ai écrit : une lettre à mon père, une lettre à ma mère et une lettre à mes frères. À l’écrit, je pouvais tout expliquer et prendre mon temps après j’ai pu répondre aux questions de ma mère de vive voix.

Mes frères m’ont dit : « Fais ce que tu veux avec ton cul. » Mon père regardait du porno avant et ça ne l’a pas choqué. Ma mère m’a dit : « Écoute, il y a des choses plus graves. » Même si elle n’était pas super heureuse, elle m’a promis qu’elle me suivrait jusqu’au bout. Ils ont tous compris que ce n’était pas à cause de l’argent, c’était un vrai choix assumé.

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Comment ton copain a vécu ta progression dans le porno ?

Très bien. Il était là dès le début, il m’a connu avant et avait une image juste de moi. Il ne m’accompagnait jamais sur les tournages, car c’est un travail, demain tu ne vas pas dire à ta meuf de t’accompagner au bureau. Il savait ce que je faisais mais je ne rentrais pas dans les détails des scènes. C’est un juste milieu qu’il fallait trouver. Il était plutôt fier de moi.

Est-ce que ça lui est arrivé de croiser des acteurs avec qui tu as tourné ?

Quelques uns. Il savait faire la part des choses même si je pouvais prendre du plaisir. Car heureusement, il y a des scènes où c’est galère et d’autres où tu prends du plaisir. Sur un porno, tu travailles avec ton corps alors que quand tu es avec ton mec, c’est le corps et la tête.

Ça ne te gêne pas de prendre du plaisir avec un autre gars ?

Des filles font croire qu’elles arrivent à se contrôler mais c’est impossible. À un moment c’est ton corps et si tes scènes c’est de la merde, il vaut mieux ne pas être actrice. C’est comme si un gars me disait qu’il était cuistot et qu’il ne pouvait pas goûter les aliments qu’il cuisine. Mon mec ça ne le gênait pas au contraire quand il s’agissait de grosses scènes avec de gros acteurs, il me disait : « Vas-y t’es la meilleure ! Lâche-toi ! Ne te mets pas la pression. »

Donc tu n’as eu aucun problème à vivre ton métier avec ton entourage ?

Si, au niveau de mes amies. Ça c’est mal passé avec ma meilleure amie, son mec n’acceptait pas qu’elle traîne avec une actrice. Pour le reste, il n’y a pas eu de jugement profond de leur part, mes potes se mariaient et faisaient des enfants pendant que je menais une vie totalement différente.

Il n’y a que ma grand-mère qui ne l’a pas su. Quand j’ai commencé, elle avait 80 ans et ça aurait été difficile de lui expliquer les réalités du métier. Déjà les piercings, c’était compliqué alors le porno… C’est la seule qui pensait encore que j’étais encore dans le commerce.

À quel moment t’es-tu dit que ça allait devenir ta profession ?

Dès le début. Quand je fais un truc je décide de le faire bien, dès que je me suis mise au porno, j’ai choisi un gros film car je ne voulais pas du côté amateur et glauque. J’avais envie de réussir et je voulais être reconnue par les fans mais aussi par le milieu. Je voulais me faire un nom dès le départ, j’ai protégé mon nom, j’avais payé mon site.

Quand j’étais petite, je me suis toujours dit que je m’imaginais faire de la télé mais je n’aurais pas eu le courage car je manquais de confiance en moi. Le porno, c’était plus simple. Finalement, c’est un métier pas comme les autres et j’aime bien ne pas être dans le cadre.

D’ailleurs ta progression est impressionnante avec l’obtention d’un Hot d’Or ou bout d’à peine deux ans. Qu’est-ce que tu as ressenti lorsque tu l’as obtenu ?

Les gens trouvent ça ridicule et se disent que c’est un truc pour du cul. Mais c’est pour ton taf et pour mon cas précis être élue meilleure starlette, ça signifie qu’on croit en toi. En France, ce n’est pas des prix ridicules comme aux Etats-Unis genre « meilleure pipe ». J’avais taffé pendant un an et demi, j’avais été sérieuse et l’avoir c’est une reconnaissance de ton taf.

Au final, c’est plus drôle que les Victoires de la Musique mais pour les femmes, c’est l’occasion d’être en belle robe de soirée car nous n’en avons pas l’occasion d’habitude. Même si tu as toujours la meuf hyper sexe qui arrive à moitié à poils, pour moi c’était un bonheur d’acheter une robe, de me faire coiffer et maquiller.

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Avec cette notoriété comment as-tu géré le regard des gens dans la rue ?

J’ai de la chance car jusque-là, on ne m’insulte pas. Je pense que c’est parce que malgré le fait que je sois actrice, je n’ai jamais tenu un discours super hardcore.

Par contre, quand je suis en terrasse entrain de bouffer un burger et qu’il y a un mec qui reste scotché à te regarder, tu te dis : « En fait j’aimerais manger mon burger et c’est déjà une galère donc si tu me mates en plus… »

Une fois, j’étais avec ma famille et un gars vient me voir : « T’es Angell Summers, mon frère est trop fan. Est-ce que je peux prendre une photo ? Ouais t’as tourné dans La Vérité Si Je Bande. » Heureusement que ma famille le sait.

Mais généralement c’est plutôt drôle car les gens n’arrivent pas à resituer qui je suis. Récemment, j’étais à La Poste du coin où je vais tous les jours, le mec me demande si c’est possible qu’il m’ait vu à la télé et il me sort : « Dans quel programme je vous ai vu ? » Je lui réponds que c’est dans un programme pour adulte, je suis gentille, je choisis les mots. Il est devenu tout rouge et il s’est barré, le gars était plus gêné que moi.

Avec l’arrivée d’Internet, est-ce que le regard des gens est plus violent ?

Oui, c’est dur. Il y a des jours où ça passe mais d’autres où il suffit que tu sois fatiguée ou que tu aies d’autres soucis, c’est difficile.

Ce sont des trucs forts, on m’a quand même dit : « C’est des gens comme toi qui doivent mourir » ou « Tu vas finir en enfer », on m’a même balancé « Un jour je vais te trouver et je vais te buter parce que tu n’es qu’une pute. » Ce sont quand même des mots durs.

Je ne les ai pas forcés à regarder mes films, je leur demande juste de me respecter.

Finalement, tu as moins bien vécu l’interaction générée par Internet que celle de la rue ?

Oui car les gens se cachent beaucoup derrière leur ordinateur. Certains me suivent sur Twitter ou aiment ma page Facebook, et dès que je poste quelque chose, ils me mettent des réflexions dans la gueule. Mais qu’est-ce que tu fais là alors ?

Comment catégorises-tu les personnes qui t’insultent ?

Alors il y a d’abord les gens frustrés, ils me contactent et si je ne leurs réponds pas, ça passe en insulte : « De toute façon t’es qu’une sale pute. » C’est un peu comme dans la rue quand on t’accoste et que tu n’as pas envie de répondre parce que tu n’es pas dans le « mouv » et on te fait : « De toute façon, t’es qu’une sale pute ! »Tu ne lui as pas prêté d’attention donc il t’insulte. Après, tu as les gens qui sont vraiment fermés et qui considèrent que c’est mal. Pour eux, tu n’es qu’une moins que rien, tu n’as aucune valeur.

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Des internautes t’ont souhaitée d’aller en enfer, est-ce que tu as beaucoup de personnes qui évoquent la religion à ton égard ?

Je reçois beaucoup de : « Lis la Bible ou le Coran, tu devrais te mettre dans la religion car Dieu pardonne tout. » Mais je ne veux pas qu’Il me pardonne moi, laissez-moi tranquille. Certains m’envoient même des versets complets de la Bible ou du Coran.

Attends, on m’a même dit que j’irais en enfer parce que j’ai tourné avec des Noirs. On est donc bien en face de gens ouverts et modernes, j’aime mieux mon cerveau que le leur.

On est quand même face à des religieux qui sont censés être dans la religion mais qui arrivent à trouver ma page et qui m’insultent. Mais pour aller sur mon blog, il faut trouver mon nom et me connaître ou faut taper des mots-clés et ce n’est pas « bisounours ».

À quel moment as-tu décidé d’arrêter le porno ?

Je suis une fille qui a toujours besoin de bouger et d’avoir de nouveaux défis. Je commençais à avoir l’impression, de tourner en rond : j’ai travaillé en France, en Hongrie, aux Etats-Unis ; j’ai fait des DVD, des interviews et des couvertures de magazine. Au bout d’un moment, plus grand-chose ne pouvait m’arriver en tant qu’actrice.

Puis j’ai vu beaucoup de filles qui ont continué tant que ça marche pour avoir de l’argent, elles bossent jusqu’au moment où elles sont dégoûtées. Mais tu travailles avec ton corps et si tu pousses trop loin ça peut être très dur. J’ai aimé ce travail et je l’assume pleinement, je n’ai jamais eu envie que ça devienne une honte et un poids.

Donc quand j’ai commencé à sentir que je fatiguais, j’ai décidé d’arrêter pour un vrai réal, un vrai film, un tournage Canal +. J’étais rentrée par la grande porte, par un beau film, je voulais bien finir.

Comment ta vie sentimentale a évolué depuis tes débuts ?

C’est compliqué pour plein de choses. Heureusement que j’ai des copines, car les meufs ont peur que je pique leur mec certainement parce qu’elles pensent que je vais me mettre à poil tout le temps. Amicalement c’est dur mais aussi amoureusement.

J’ai été actrice donc forcément j’ai eu beaucoup de partenaires et ils se disent : « Comment je fais pour passer après ça ? » Ils ont peur de ne pas être au niveau, mais mes meilleures expériences sont plutôt dans ma vie privée que dans mes scènes. C’est aussi une image à assumer auprès de sa famille et de ses amis car je ne peux pas me cacher. Je ne peux pas mentir à un mec car on me reconnaît dans la rue et il y a des chances pour que ton père, ton frère ou ton pote m’aient vue. Puis je comprends que ça puisse être difficile de me présenter à sa mère.

Plus je vieillis, plus je rencontre des mecs qui ont déjà eu une vie et qui ont des gosses. Va dire à ton ex-femme : « Alors ça c’est la personne qui va partager la moitié de la vie de ta fille. Elle a fait du porno mais c’est rien ».

C’est compliqué, je le comprends mais parfois c’est vexant. Pourquoi je ne pourrais pas être une fille qui a fait du porno et être une femme ?

As-tu des regrets ?

Je pars du principe que dans la vie, il ne faut pas avoir de regrets. Si je n’avais pas fait de porno : je n’aurais pas autant voyagé, je n’aurais pas rencontré des gens qui ont changé ma vie… Je vais le payer et pendant longtemps, je le sais.

Je sais qu’à la sortie de l’école, on risque de me reconnaître. Je sais que je serais obligé de travailler trois fois plus. Je sais que je vais galérer pour trouver un mec. Parfois c’est dur, j’aimerais bien avoir un peu de soutien, des bras qui m’attendent, prévoir des week-ends en amoureux. Mais j’arrive à vivre seule.

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