Mobb Deep : » Nous sommes deux frères de mères différentes et les frères rencontrent souvent des problèmes »
Rencontrer des légendes pour une interview reste toujours une épreuve traumatisante d’un point de vue journalistique. Même après plusieurs années d’expérience dans l’exercice, il reste difficile, voire impossible de condenser toutes nos questions dans le peu de temps mis a disposition face à des artistes qui ont inspiré nos goûts, notre adolescence et parfois même nos choix de carrière. L’interview doit-elle coller à leur actualité? Doit-on la faire de façon décalée pour éviter la redondance? Pouvons-nous nous permettre une rétrospective du groupe en si peu de temps? C’est en quelque sorte un petit mélange des trois que nous avons soumis pendant une dizaine de minutes au groupe, Prodigy et Havoc, en visite parisienne la semaine dernière.
Dans le nouvel album, vous restez fidèles au son brut qui est votre marque de fabrique, ce qui est plutôt risqué dans le contexte actuel où le son original new yorkais n’est plus à l’honneur et ne vend plus vraiment. Certains vous reprocheront une sorte d’immobilisme, les autres se réjouiront de votre loyauté. Vous êtes conscients de ça?
Prodigy : On essaye vraiment de rester fidèle à ce qu’on fait, à notre son original, peu importe ce qui marche. On se tient à ce qu’on a toujours fait. C’est notre son qu’on amène dans le hip-hop, et ce qu’on a de mieux à offrir au monde. On a toujours fonctionné ainsi c’est aussi pour ça que les gens continuent à aimer notre musique. On a créé notre fanbase à partir de ce style, donc pourquoi changer ?
Comment s’est opéré le choix des producteurs additionnels du nouvel album comme !llmind, Boi-1da et surtout Kaytranada?
Prodigy : Habituellement, on aime prendre de nouveaux producteurs dans nos morceaux. Dans certains projets, on trouvera des beatmakers comme The Alchemist, Lil’Jon… Ce n’est pas quelque chose qui sort de l’ordinaire que l’on fasse appel à de nouveaux producteurs en dehors de Havoc ou moi. Ça ne nous gêne de bosser avec d’autres producteurs.
Vous avez fait un CD2 avec des chutes de l’album The Infamous, certains tracks sont des joyaux. Qu’est-ce que ça vous a fait de réécouter ça?
Prodigy : C’est le 20ème anniversaire de la sortie de l’album « The Infamous », donc on a logiquement décidé de faire un saut dans le passé, et de retrouver les inédits de l’album. On a été saisis par ce qu’on a trouvé, c’était surprenant. Cette écoute a été comme un vovage dans le temps, ça a été incroyable de réécouter tout ce son créé il y a si longtemps. Sortir ces morceaux que personne n’a jamais écouté pour cet anniversaire était vraiment une bonne idée.
Est-ce que vous êtes parfois surpris de la teneur de vos lyrics de l’époque? Havoc tu disais par exemple « No matter how much loot I get I’m staying in the projects forever » (peu importe l’oseille que j’aurais je resterai dans la cité pour toujours) dans « Survival Of The Fittest »…
Havoc : Non, je ne suis pas du tout surpris par ce que j’ai écrit. Quand je disais ça, je parlais métaphoriquement, dans le sens où peu importe l’argent que j’amasserai, je ne quitterai jamais vraiment le ghetto. Ça ne voulait pas dire que je vivrai toute ma vie au sein de mon quartier, mais que j’y serai perpétuellement mentalement et émotionnellement, c’est là que mon état d’esprit sera toute ma vie.
D’ailleurs vous avez dit dans une interview que vous aviez autant de chutes pour chaque album, allez-vous sortir une édition anniversaire avec des morceaux unreleased de Hell On Earth?
Havoc : On en parlait il y a deux semaines avec P. Puisqu’on a sorti les « unreleased » pour The Infamous, on pensait aussi le faire pour Hell On Earth. Réécouter les inédits de l’album et les sortir tels quels, de la même manière.
Sans revenir en détails sur votre altercation sur Twitter, vous vous êtes déjà expliqués en long et en large sur ce « beef », est-ce qu’il y a un moment où vous avez envisagé, chacun de votre côté, d’arrêter Mobb Deep ? Sans langue de bois, vous avez forcément dû y penser.
Havoc : P et moi sommes frères depuis plus de 20 ans, on peut dire que nous sommes frères de mères différentes ; et les frères rencontrent souvent des problèmes. Mais ça n’entrave en rien leur lien de fraternité. Dans une famille il existe souvent des distensions, des différences, mais on n’a jamais pensé à la séparation. Le lien est trop fort.
Quel est l’avenir de Mobb Deep ? Des projets solos après la tournée ou un autre projet Mobb Deep?
Prodigy : On travaille constamment sur de nouveaux projets du groupe, ainsi que sur nos projets solos. J’ai moi même un solo qui arrive dans lequel Havoc fait toute la production, et d’autres choses qui arriveront par la suite. On sort tout le temps de la musique, et ce sera toujours comme ça. C’est notre vie, on fait des shows, on fait des albums, et on ne compte pas arrêter de sitôt.
Havoc tu as produit le dernier single de G-Unit (« Watch Me »), est-ce que tu as placé d’autres sons sur des projets externes à venir?
Havoc : J’envoie souvent des sons à d’autres artistes quand ils m’en demandent. Je n’aime pas trop parler de choses avant qu’elles ne soient concrètes, mais quand ça arrivera, vous le saurez. Je bosse en ce moment avec pas mal de gros noms, il y’a de fortes chances que mes tracks finissent dans pas mal de prochains albums. On verra.
Pour finir, nous avons vu une interview de Buckshot de Black Moon où il raconte comment il appelait chez Havoc et qu’il faisait enrager sa mère en demandant « Est-ce que Havoc est là? » sans l’appeler par son prénom. Pouvez-vous nous raconter une anecdote de cette époque quand vous étiez tous en studio avec Wu-Tang, Nas ou d’autres?…
Prodigy : À une certaine époque, nos sessions d’enregistrement se situaient dans un studio hors du Queensbridge. Pendant ces sessions, on avait l’habitude d’avoir des centaines de bouteilles de 40oz (bière américainen ndlr) réparties dans toute la pièce. On était dans un sous-sol, donc on buvait et fumait de la weed en bas et on laissait nos bouteilles sur le sol pour aller bosser. Et souvent, pris par le travail, on ne prenait pas le temps d’aller aux toilettes et on pissait dans les bouteilles vides. Donc quand tu posais ta bouteille un petit moment, tu devais faire attention à ne pas récupérer celle ou l’on a pissé. C’est arrivé une fois qu’un de nos potes présents au studio récupère une des bouteilles remplies de pisse et la boive par accident. Merde, tu dois faire attention à ce que tu bois !