J.Lo, l’audacieuse

Dans l’enceinte vitrée du Microsoft Theater de Los Angeles le 22 novembre dernier, plus que l’hommage de Céline Dion aux victimes des attentats de Paris, le medley de Justin Bieber ou le triomphe de Taylor Swift, c’est bien la maîtresse de cérémonie des American Music Awards 2015 qui a braqué l’attention médiatique. Avec ses robes ultra échancrées, ses courbes affolantes, sa patate d’enfer et sa performance de danse bluffante, Jennifer Lopez a embrasé la soirée. La quarantaine fringante, la cougar la plus sexy du microcosme people s’échine et s’acharne à être à la page. Son âge d’or, c’était au début des années 2000. À son top, la bombe latine a chahuté les lignes de la pop culture.

 

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Jenny from the block

 

Jennifer Lynn Lopez est un pur produit du Bronx, le district hispanique de New York. Tout au long de sa carrière, elle jouera sur sa double-culture ghetto et latino. Son premier album, baptisé On the 6 en référence à la ligne de métro traversant son quartier de Castle Hill, amorce son orientation urbaine avec le morceau « Feelin’ So Good » en featuring avec Big Pun et Fat Joe, produit par Puff Daddy, et le single « If You Had My Love » aux sonorités r’n’b. Dans le même temps, la chanteuse ancre son identité latine via le titre « No me Ames » en duo avec Marc Anthony et une édition de l’opus en espagnol. À l’époque, elle définit son style comme « Latin soul ». Des mois et des poussières plus tard, avec ses tubes « I’m Real » et « Ain’t It Funny » remixés par Inc. Records, auxquels Ja Rule prête son flow, elle assoit davantage sa street credibility. Sur « I’m real », J.Lo ose même le « n word », ce qui lui vaudra une giclée de critiques.

 

jennifer lopez diddy

 

Dans ses clips, Jenny popularise un look ghetto-chic copié par une génération entière d’ados en quête de style. Ses rejetons ont les cheveux tirés en arrière, des créoles aux oreilles, portent des Timberland à talons, un blouson de fourrure, un pantalon taille archi basse ou un survêtement peau de pêche. Précurseur, Miss Lopez mâtine le hip-hop de pop, atomise les barrières entre deux genres musicaux originellement cloisonnés. Elle est la première, avant Ashanti ou Mariah Carey, à enquiller les featurings avec des emcees. Un combo gagnant-gagnant ; la chanteuse s’encanaille et le rappeur s’emmielle. Après les massifs « Jenny from the block » avec Styles P et Jadakiss et « All I have » avec LL Cool J, s’ensuivront des collaborations avec P. Diddy et G. Dep, Fabolous, Nas ou Fat Joe, puis plus récemment Flo Rida, Lil Jon, Ludacris, T.I, Pitbull, French Montana, Rick Ross, Iggy Azalea, Tyga ou Lil Wayne. 6 de ses 10 plus gros hits convoquent des artistes hip-hop.

 

 

Comme l’industrie cinématographique use et abuse des suites de films les plus bankables, Jennifer Lopez revisite quasi-systématiquement ses best-sellers, dans des versions hip-hop ou espagnoles. J To Tha L-O! The Remixes est ainsi le premier album de remixes à se hisser dès sa sortie au sommet des charts. The Reel Me, livré l’année suivante, ne décollera en revanche pas vraiment, signe avant-coureur d’une carrière qui dégringolera presque aussi vite qu’elle a monté en orbite. Les succès d’ « On the Floor » et « We Are One (Ole Ola) » (l’hymne officiel de la Coupe du monde de football 2014) mis à part, avec trois derniers albums et un best-of foireux, une chute sur la scène des American Music Awards et une éviction d’Epic Records, Lopez est poussée vers la sortie du game musical. La bronxoise n’innove plus tellement, se cramponne à sa place en recyclant et reproduisant ce qui marche et ce qu’elle entend. Ses disques, façonnés par les grands noms du moment comme Hit-Boy, RedOne, Tricky Stewart ou DJ Mustard, manquent d’âme. Des fourre-tout sans identité singulière. En annonçant une série de concerts à Las Vegas, terre d’accueil des chanteurs déchus, en 2016, J.Lo a elle-même reconnu à demi-mot qu’elle arrivait en fin de course.

Malgré tout, en eaux troubles, la communauté hispanique soutient bec et ongles la plus influente de ses ambassadrices ; Como Ama una Mujer est l’un des rares opus entièrement chanté en espagnol à intégrer le top 10 du Billboard 200 et sa tournée avec son ex-mari Marc Anthony engrangera plus de 15 millions de dollars. Omniprésente et hyper populaire, Jennifer Lopez, qui brandit ses racines portoricaines comme un étendard et incarne l’American Dream à la sauce hispanique, a grandement contribué à propulser les Latinos sur la scène du divertissement mainstream. En 2012, Jenny et Marc Anthony pondaient même « Q’Viva: The Chosen », un programme de télé-réalité visant à promouvoir la culture musicale latino-américaine en recrutant aux quatre coins de l’Amérique latine des talents pour leur spectacle « The greatest Latin show ever » à Las Vegas. Avant elle, la minorité ethnique la plus importante des Etats-Unis ne perçait que trop rarement l’écran.

 

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Gros derrière et multi-carrière

 

Le 23 février 2000, Jennifer Lopez se pointe aux Grammy Awards au bras de son rappeur de mec, Puff Daddy, sanglée dans une robe verte transparente au décolleté profond, signée Versace. Non seulement la tenue précipitera la création de la fonction « images » de Google pour répondre à l’avalanche de requêtes des internautes, mais elle participera aussi grassement de la popularisation et démocratisation des popotins charnus et rebondis. « Après qu’ils l’aient vue (Jennifer Lopez aux Grammy Awards, ndlr) les gens ont commencé à nous demander : « Hey, comment est-ce que je peux obtenir un postérieur comme le sien ? », témoigne le Dr. Constantino G. Mendieta, chirurgien plastique à Miami, spécialiste de l’augmentation fessière. L’icône pop est en réalité l’une des premières à saisir l’atout et la valeur de son arrière-train. Elle l’aurait même fait assurer pour 10 millions de dollars. Très vite, elle ne pose plus que de dos ou de profil devant l’objectif des photographes. Dans le clip de « My love don’t cost a thing », Jennifer est longuement filmée de derrière, déambulant en jean moulant, tandis qu’elle jette ses bijoux à terre. Dans celui de « Jenny from the block », elle se délasse en bikini rose, allongée sur le ventre. « J’aime les gros derrières, c’est la faute à J.Lo », dit l’autre. Aujourd’hui, à 46 ans et deux enfants, la belle portoricaine s’accroche à son statut de sex symbol. Porte-drapeau des MILF, elle truste régulièrement la tête des classements des femmes les plus hots. Sur tapis rouge, elle apparaît toujours gainée et déshabillée, souvent dans des tissus translucides. Il y a deux ans, elle tenta même de recréer l’émoi soulevé par sa robe culte des Grammys 2000 en la faisant décliner en body, pour les soins d’un concert à Orchard Beach. Mais avec les Kim Kardashian, Amber Rose, Nicki Minaj et consorts, J.Lo a de la concurrence. Les gros boules ont plus que jamais la côte. Alors, pour rester dans le coup et sur son trône, la chanteuse se frotte à Iggy Azalea dans un clip sulfureux en clamant « you got a big booty ». Elle frise le pathétique mais ça marche. Plus de 15 millions de vues en deux jours.

 

JLO

 

Sa chute de reins compense en vérité une voix limitée. Ses pas de danse aussi. Ses premiers, elle les exécutera dans des clips (« That’s the way love goes » de Janet Jackson, notamment), aux côtés des New Kids on the Block (lors des American Music Awards 1991) ou encore dans l’émission In Living Color, dans lequel elle dansera régulièrement avec son groupe The Fly Girls jusqu’en 1993. Au départ, Jennifer Lopez était plus danseuse que chanteuse, ce qui fera d’elle une vraie performeuse, mais son rêve, le vrai, c’était de devenir actrice. Dès 1986, la jeune pousse obtient un petit rôle dans le film My Little Girl, réalisé par Connie Kaiserman. Sa première super-production s’appellera Blood and Wine, en 1997 ; elle y donne la réplique à Jack Nicholson et Stephen Dorff. Au total, Lopez jouera dans une trentaine de films et séries. Et c’est seulement après avoir interprété le rôle principal dans le biopic Selena, que J.Lo prendra le chemin des studios de musique. En 2001, elle deviendra la première chanteuse-actrice à revendiquer à la fois un album, J.Lo, et un film, Un mariage trop parfait, numéros un dans la même semaine. Elle cumula avant tout le monde les deux métiers, enchaînant des va-et-vient permanents sans que l’un n’impacte l’autre. Une double-carrière menée d’une main de fer. Après le flop d’Amours Troubles avec Ben Affleck, elle empilera cependant les nanars de seconde zone, mais restera malgré tout l’actrice latina la mieux payée de la planète. Futée, au-delà de la musique et du septième art, J.Lo a su bâtir un empire, une marque autour de son nom. Pionnière, elle amorça la célébrité 2.0, qui se déploie sur tous les fronts, s’essaie à tout et ne se limite à rien. Son premier projet, son parfum Glow by J. Lo révélé en 2001, se tailla très vite la part du lion en se classant parmi les fragrances les mieux vendues au monde, toutes catégories confondues. La business women a depuis décliné près de vingt senteurs. J.Lo joue aux stylistes avec feu ses lignes de prêt-à-porter J.Lo by Jennifer Lopez et Sweetface, sa collection de bijoux pour Endless et sa gamme textile et maison pour le grand magasin Kohl’s. Elle a créé un programme minceur, « BodyLab », une société de production, Nuyorican Productions, et une compagnie de téléphonie mobile dédiée aux latinos, Viva Móvil. Jen est aussi jurée d’American Idol, ambassadrice de l’ONU et DG de NuvoTV. Elle est partout. Une ubiquiste forcenée. Elue personnalité la plus influente sur terre par Forbes en 2012, sa fortune avoisine les 400 millions de dollars. En 2013, la Chambre de commerce de Los Angeles la gratifiait même d’une étoile sur Hollywood Boulevard.

 

 

Jennifer Lopez n’est ni chanteuse, ni danseuse, ni actrice, c’est une reine de l’entertainment, une diva du spectacle. Accroc aux projecteurs, caméras et foules chauffées à blanc, elle ne raccrochera ni ne vieillira jamais, à l’instar de Madonna, Kylie Minogue ou Mariah Carey. Le vrai rôle de sa vie, finalement, c’est celui de Dorian Gray.

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