Karol Conka : « Au Brésil, on ne voit pas souvent de femmes noires sur les pochettes des albums, dans les médias… »

Au Brésil les artistes issus de la culture hip-hop se popularisent et certains rappeurs comme Racionais MC’s ou encore Sabotage comptabilisent des millions de vues sur YouTube. Pourtant parmi cette armada, les femmes se font rares et jusqu’à l’émergence de Karol Conka en 2011, elles n’étaient presque pas représentées. Son flow énergique associé à son excentricité lui ont permis de se hisser au devant de la scène rap brésilienne avec des titres comme « Gandaia » ou encore « Boa Noite ». De passage à Paris pour la seconde édition du festival Afropunk, la jeune femme originaire de Curitiba nous a rendu visite au Yard Summer Club pour discuter de sa carrière, de sa relation avec le producteur Nave ainsi que de la culture hip-hop au Brésil.


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Pourquoi t’es-tu lancée dans le monde du hip-hop ?

Je me rappelle avoir vu Lauryn Hill sur la pochette de l’album de Fugees et elle m’a intriguée. Je trouvais ça vraiment cool de voir une femme noire sur le « cover » d’un album donc je l’ai acheté en espérant être inspiré. Plus tard j’ai découvert Erykah Badu, Beyoncé, Rihanna, Missy Elliott et toutes ces figures féminines du hip-hop.

 

Toutes ces influences peuvent s’entendre dans ton premier album Batuk Freak

Oui je pense, cet album est ce qu’il manquait au rap brésilien. Le projet rassemble différents styles et aborde une multitude de sujets. S’il sonne comme ça, c’est aussi grâce à Nave qui l’a produit.

 

Quelle est ta relation avec Nave ?

Nave a toujours été un de mes bons amis. Je le connaissais avant de me lancer dans le rap mais ce n’est que quand on a commencé à vraiment travailler ensemble et à s’entendre d’un point de vue musical qu’il a réussi à tirer ce qu’il y avait de mieux en moi.

 

Si vous vous entendiez si bien avec Nave, pourquoi avoir fait appel à Tropkillaz pour ton second album ?

J’aime le challenge, cette collaboration était une façon pour moi de me mettre au défi de proposer quelque chose de nouveau. Je cherchais à ce que les gens soient étonnés par la musique que j’allais proposer, c’est pour cette raison que j’ai pensé à Tropkillaz. Ça ne veut pas dire qu’il sera le seul producteur avec qui je vais travailler dans le futur, je compte collaborer à nouveau avec Nave.

 

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En écoutant Tombei, le premier single issu de ton second album, j’ai l’impression que ce projet va sonner plus pop que rap. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Je continue le rap mais je trouve juste que la musique brésilienne manque de femmes noires. On ne voit pas souvent de femmes noires sur les pochettes des albums, dans les médias… Le choix de me tourner vers la pop est un moyen pour moi d’élargir mon audience et d’affirmer mon statut d’artiste noir aux yeux du grand public. Ça ne veut pas pour autant dire que j’arrête le rap et mon nouvel album contiendra encore beaucoup de morceaux  du genre. La pop me permet de toucher plus de monde, une fois que ce nouveau public sera fidélisé l’introduirai au rap. Mon premier album était destiné aux fans de rap alors qu’avec ce nouveau projet, je veux faire en sorte que les gens qui n’écoutent habituellement pas de rap se sensibilisent à ce style. J’aime les deux styles… J’ai écouté de la pop avant d’écouter du rap.

 

Au Brésil tu es la rappeuse la plus populaire pourtant le rap est un milieu assez machiste. Quelles difficultés as-tu traversées en tant que rappeuse ?

Souvent des DJ’s ou des promoteurs franchissaient la limite en ne faisant pas de distinction entre une relation professionnelle et une relation sexuelle, les gens du milieu pensaient que si je travaillais avec un producteur c’est parce que j’avais couché avec lui mais ce n’est pas du tout le cas. Si j’en suis arrivée jusqu’ici c’est en restant fidèle à mes valeurs et que j’ai travaillé avec acharnement pour devenir une artiste complète.

 


« Au Brésil tout le monde veut ressembler à Young Thug et Travis Scott mais j’essaye de garder des éléments propres à notre musique »


 

L’industrie musicale brésilienne est en plein développement avec l’émergence d’artistes comme Metà Metà, Siba et bien d’autres. Comment peux-tu expliquer le rayonnement international de la scène rap brésilienne ?

C’est notre culture, notre joie de vivre, la touche brésilienne… Les Européens aiment beaucoup le Brésil, c’est donc plus facile pour nous de s’exporter Outre-Atlantique. Il y a pourtant beaucoup de rappeurs brésiliens qui essaient d’imiter la musique américaine mais en faisant ça ils perdent de leur identité. Les seuls d’entre nous qui traversons l’Atlantique sont ceux qui restent fidèle à leurs origines.

 

Ces derniers temps, le rap est en quête de sonorité caribéenne et sud-américaine avec des morceaux comme « Work », ou « One Dance » de Drake ou encore « Ngatie Abedi » de MHD. Ne penses-tu pas que c’est plutôt les artistes occidentaux qui cherchent à imiter ce courant?

Oui c’est vrai que des artistes comme Rihanna ou Drake font de la musique qui se rapproche de ce que l’on peut faire aux Caraïbes et en Amérique du Sud… Pourtant la plupart de nos rappeurs cherchent à les imiter.  C’est peut-être pour ça que je me sens parfois plus proche de la pop car ma musique ne ressemble pas à celle que font les autres rappeurs brésiliens. Au Brésil tout le monde veut ressembler à Young Thug et Travis Scott mais j’essaye de garder des éléments propres à notre musique.

 

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Comment décrirais-tu ta musique du coup ?

Je ne sais pas trop, ce n’est pas facile comme question… C’est comme une bonne grosse salade de fruits, très colorée avec beaucoup d’aliments.

 

Tu va donner un concert au festival Afropunk. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?

J’ai découvert Afropunk il y a environ deux ans en allant sur leur site. J’ai trouvé ça très inspirant et j’ai essayé de tenir le même message au Brésil. Je me suis toujours dit qu’un jour je ferai un live à l’Afropunk donc forcément je suis très heureuse d’avoir l’opportunité de faire partie de ce festival.

 

Photos : @booxsfilms

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